Archives Mensuelles: septembre 2020

NO GOOD MEN [WCR]

Bonjour et bienvenue dans cette chronique de la première anthologie de nouvelles dédiée à Warhammer Crime, le nouveau parc à thème ouvert par la Black Library dans l’univers de Warhammer 40.000. Comme le nom de cette nouvelle gamme le laisse percevoir, il sera ici question de meurtres, disparitions, rackets et autres joyeusetés. Adios donc à la violence légitime, dont l’Imperium a le monopole (comme aurait pu dire le Servo-Crâne de Max Weber), et bonjour aux chicanes en tous genres entre citoyens lambda, au mépris du Lex-Alecto/Imperialis. De tels crimes ne pourront bien évidemment pas restés impunis.

‘No Good Men’ marche sur les traces des recueils sortis pour Warhammer Horror (‘Maledictions’, ‘Invocations’ et ‘Anathemas’), mais contrairement à ces derniers, est centré sur un seul lieu, la cité ruche de Varangantua, sur le monde d’Alecto, qui nous est présentée comme un territoire sans foi ni loi, où les plus forts et les plus corrompus triomphent, et où l’altruisme et la droiture sont portés disparus depuis quelques millénaires. D’où le titre de l’ouvrage, très certainement. Pour en terminer en matière d’association d’idées, évoquons l’incontournable Necromunda, qui aurait pu sans problème candidater pour être ville-hôte de Warhammer Crime (vous ne me ferez pas croire que l’ordre règne dans la cité de l’araignée), mais également les travaux inquisitoriaux du tout aussi incontournable Dan Abnett, qui ont été les premiers à relater des enquêtes « policières » dans la « normalité » de l’Imperium, c’est à dire ailleurs que sur un théâtre d’affrontements. Il suffit de lire ou relire ‘Missing in Action’, ‘Backcloth for a Crown Additional’ ou ‘The Strange Demise of Titus Endor’ pour s’en convaincre1. Enfin, accordons une pensée au pionnier Matthew Farrer, dont la trilogie ‘Enforcer’ sur la dure à cuire Shira Calpurnia pourrait tout simplement être republiée sous la riante rosette de Warhammer Crime, comme les écrits de Jack Yeovil l’ont été pour Warhammer Horror.

Ayant suivi de loin les premières sorties de Warhammer Crime, je ne sais pas vraiment à quoi m’attendre au moment de m’atteler à la lecture de ces sept nouvelles, majoritairement écrites par des plumes éprouvées de la BL, à commencer par Chris Wraight et Guy Haley, tous deux recrutés pour un roman se déroulant dans ce nouveau décor et cette nouvelle ambiance. Avec des vétérans comme McNeill, Hinks et l’auteur-éditeur Nick Kyme également à la manœuvre, on peut raisonnablement penser que Nottingham sait de quoi il en retourne, et espérer en conséquence une expérience comparable à celle apportée par les recueils de Warhammer Horror (assez positive, pour ceux qui n’ont pas lu les compte-rendus de votre serviteur sur le sujet – ici, ici et -). Comme pour ces derniers, on constate également la présence de relatifs nouveaux-venus au casting, sans doute à cause de leur familiarité avec l’écriture de polar (car c’est bien de cela dont il s’agit ici): Marc Collins et Gareth Hanrahan. Souhaitons leur bonne chance pour leur participation à ce projet intrigant, et soulevons la rubalise des Arbites pour commencer à inspecter notre première scène de (Warhammer) crime…

1 : La série consacrée à Valentin Drusher est également riche en investigations à teneur biologique (‘The Curiosity’, ‘Gardens of Tycho’).

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Aberrant – C. Wright :

INTRIGUE :

Agusto Zidarov, Probator gras du bide, marié, un enfant, est mis sur un sale coup par un prêtre aussi influent qu’extrémiste, Yvgen Asparev. L’Ecclésiaste a en effet eut vent par son réseau de fidèles de la présence d’individus peu amènes, et probablement un peu mutés sur les bords, dans une zone industrielle d’Urgeyena. Bien que moins chaud que son indic’, qui lui brûle littéralement d’impatience, d’aller à la chasse aux mutants dans les bas-fonds de Varangantua, Zidarov se rend sur place pour faire sa contre-enquête, obtenant la confirmation de la part des témoins identifiés par Asparev que quelque chose de pas très impérial se trame dans l’entrepôt proche de la gare locale. À la nuit tombée, notre héros se glisse discrètement à l’intérieur du bâtiment en question, et ne met pas longtemps à tomber sur le « dortoir » de travailleurs détachés d’un genre un peu particulier. Très grands, très costauds, avec une peau diaphane, des yeux noirs et trois slips à se partager pour deux cents individus, les humanoïdes enchaînés dans le sous sol du site industriel répondent parfaitement au cahier des charges de l’abhumain de contrebande, venant voler les emplois et le slab des honnêtes Alectiens.

Cette découverte ethnologique majeure ne peut toutefois être reportée aux autorités compétentes et/ou incandescentes, car Zidarov se fait surprendre par une bande de gorilles bourrés de stimms, qui se montrent assez peu impressionnés par son badge d’office. Il faut l’intervention salvatrice de la directrice de l’usine, Alissya Gordova, pour empêcher que le Probator n’aille rejoindre le panier à salade de l’Empereur. Cette dernière explique posément à son « invité » que les opérations du site sont placées sous la protection et la direction du vladar Aista Fyodor Meleta, qui, en sa qualité de sous-gouverneur planétaire, se contrefiche royalement de l’avis et des principes d’un flicaillon comme Zidarov. Reconduit sans ménagement à l’entrée, avec ordre de ne pas revenir de sitôt, notre héros s’exécute de bonne grâce, et parvient à poser un mouchard sur un véhicule de transport qu’il devine justement servir à l’acheminement de la main d’œuvre spécialisée qui trime dans les profondeurs.

Cette intuition le mène jusque dans la juridiction voisine de Korsk, sur les traces du semi-remorque en question, qui se gare au milieu de la pampa pour réceptionner une cargaison livrée par une navette spatiale banalisée. Le doute n’est à ce stade plus permis, mais Zidarov fait du zèle en rendant une visite de courtoisie au gros lard ayant supervisé l’opération dans la cabane minable qu’il occupe à proximité du site d’atterrissage clandestin, une fois le convoi reparti. Ayant menotté et bâillonné son hôte pour pouvoir explorer sa piaule en paix, Zidarov a la surprise et l’horreur de découvrir une femelle de la race des abhumains entraperçus dans l’usine d’Urgeyena attachée sur un lit. Gras double est en effet un petit pervers, qui aime jouer du fouet pour se sentir puissant (ce qui est somme toute moins dégoûtant que d’autres explications à cette situation particulière). Dilemme profond pour notre héros, qui ne sait pas trop s’il doit tuer la mutante de sang-froid, ou la libérer de son tortionnaire. Pris de doute, il commence à dialoguer avec la grande godiche, et se rend vite compte qu’elle est plutôt à plaindre qu’à exterminer. En définitive, il décide de la remettre en liberté, scellant du même coup le sort de l’Indiana Jones en surpoids qui se dandine sur la moquette de la pièce d’à côté, et donnant à la rescapée les informations nécessaires pour qu’elle puisse tenter d’aller libérer ses congénères de leur camp de travail.

La nouvelle se termine par la confrontation entre Zidarov et Asparev, durant laquelle on apprend qu’un regrettable accident s’est déclaré récemment dans l’usine du vladar, la réduisant en cendres et provoquant la mort d’une bonne partie de ses ouvriers. On n’a par contre pas trouvé trace du moindre mutant sur les lieux du drame, et d’ailleurs les Probators n’ont même pas été mandatés pour enquêter sur l’origine du sinistre, ce qui est assez bizarre quand on y réfléchit… Voire même aberrant.

AVIS :

Chris Wraight nous sert une nouvelle bien pensée (et mettant en scène son héros de Warhammer Crime, Agusto Zidarov, également au sommaire de ‘Bloodlines’), explorant le thème du rapport à la mutation – et donc à la différence – d’un Imperium dont la diversité intrinsèque devrait pousser à la tolérance sur le sujet, mais qui se complaît au contraire dans son obscurantisme. Dans les ténèbres d’un lointain futur, on n’est pas à un paradoxe près. S’il n’a pas été le premier à exploiter cette ficelle (je pense en particulier à Barrington J. Bayley et à son ‘Children of the Emperor’ et à Gav Thorpe avec ‘Suffer Not the Unclean to Live’), Wraight est un des rares auteurs contemporains de la BL à remettre l’idée au goût du jour, y ajoutant de façon (à mon avis) délibérée et pertinente des similitudes avec la situation des migrants fuyant la misère et la guerre de leurs pays pour finir exploités en Europe ou aux Etats-Unis. La réalisation de Zidarov que les êtres qu’il considère comme des animaux sont en fait des humains, au même titre, voire davantage, que lui et ses concitoyens de Varangantua, pourrait amener le lecteur à réfléchir à son tour sur la gestion actuelle de la crise migratoire, si le cœur lui en dit. C’est en tout cas l’un des textes les plus actuels et « réalistes » publiés par la Black Library depuis un bout de temps, et il mérite à ce titre largement la lecture.

Autre point fort de cet ‘Aberrant’, la réussite de Wraight au moment de dépeindre son héros comme un individu moralement ambigu, et loin d’être exemplaire. Les protagonistes de l’anthologie ‘No Good Men’ ont en effet tendance à avoir plutôt un bon fond, malgré leurs tendances auto-destructrices/associales, alors que Zidarov est, lui, objectivement compromis. La difficile décision qu’il prend de libérer celle qui est, selon toute évidence, une victime d’une exploitation sans vergogne de la part de Varangantua au sens strict, et de l’Imperium au sens large, fait de ce personnage une véritable incarnation des « types pas bien » que nous promet le titre du recueil. À côté de cela, le fait que Zidarov ne soit pas le flic/détective privé solitaire et alcoolique qui revient avec d’infimes variantes dans les autres nouvelles de l’ouvrage, mais un citoyen assez normal, intégré, rationnel et avec une famille, renforce encore la ligne de faille entre ce qu’il apparaît être et ce qu’il faillit devenir. Bref, si le suspens n’est ici pas au rendez-vous, cette nouvelle a bien d’autres qualités à mettre en avant, et est sans doute l’un des premiers classiques de Warhammer Crime.

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Exit Wound – D. Hinks :

INTRIGUE :

Lorsque son colocataire fait une crise d’angoisse carabinée, persuadée qu’une certaine Ravin est sur le point de défoncer la porte pour venir lui faire sa fête, le premier réflexe de Judah est de… manger une poignée de criquets. Et de vomir tout ce qu’il sait quelques secondes plus tard, sous l’œil méprisant de son gyrinx de compagnie. Voilà un début original. Après vérification, il s’avère – comme d’habitude –, que Cyrus (le colocataire en question, paralysé des deux jambes après un tragique accident, ce qui ne limite en rien son potentiel de vacarme) a simplement fait un mauvais rêve, Judah lui annonçant en le bordant dans son lit que Ravin est morte il y a longtemps. Il devrait le savoir, car les deux larrons sont responsables de sa disparition. Après avoir administré un somnifère à l’invalide et lui avoir laissé une boîte à musique ouverte sur l’étagère (rien que pour le faire ch…, dans la grande tradition des blagues potaches de colocs), Judah quitte l’appartement pour aller à un rendez vous d’affaires important, dans le centre de Paavo.

Dans un bar louche, notre héros s’entretient rapidement avec l’impeccablement sapé baron du crime Vulchalo, que la coquetterie pousse à vivre la tête dans un bocal rempli de crème de jour et de soin detox, ce qui lui donne un look inégalable. Vulchalo a besoin des compétences uniques de Judah pour mettre sur la touche le futur vladar de Paavo, une sombre brute du nom de Skaalinger. La cérémonie de confirmation ayant lieu dans la journée, Juju n’a pas de temps à perdre, et se dirige sans tarder vers le palais municipal de l’Astragalus où se tiendra la petite fête. Il ne nous faut pas longtemps avant de découvrir la spécialité, assez originale de Judah, en matière d’opération discrète. Notre homme possède en effet une glande lacrymole implantée dans la paume de la main, ce qui lui permet, lorsque les toxines présentes dans les sauterelles boulottées quelques minutes plus tôt sont actives dans son organisme, de prendre l’apparence de quiconque a eu la gentillesse de lui souffler sur la main. Il faut voir ça comme une sorte d’alcootest perfectionné. Cette capacité à changer de forme, et le fait qu’il laisse derrière lui une aile de criquet pour signer ses actes, lui ont valu le nom d’Orthoptera sur Varangantua, un assassin mystérieux et doté d’un code d’honneur, ce qui est rare dans la profession.

Malgré ce talent pour l’imitation, qui rivalise avec celui d’Yves Lecoq, Judah se doit de procéder avec prudence, car la sherpa de Skaalinger, l’imposante impresario/coach de vie/garde du corps Talitha, n’est pas du genre à laisser le moindre détail au hasard, et tient absolument à ce que l’intronisation de son protégé se passe sans accroc. Aussi, lorsqu’elle trouve la forme inconsciente du serviteur que Judah a neutralisé pour commencer son infiltration, ainsi que l’élytre signature de l’Orthoptera à proximité, elle se met en chasse de l’assassin, sans être dans un premier temps informée de son informisme (gag). Lorsqu’elle finit par déduire qu’elle court après une ombre, Judah n’est plus qu’à quelques mètres de sa cible, mais les gardes de cette dernière ont reçu l’ordre de tirer à vue sur quiconque ferait mine de s’approcher du futur vladar, ne serait ce que pour faire un selfie. Comment mener à bien cette mission dans de telles circonstances ?

Début spoiler…La réponse est, bien sûr, en prenant l’apparence de Talitha, ce que Judah parvient à faire grâce à son entraînement irréprochable, sa poigne de fer et son matos de pointe. Lorsque la véritable protectrice de Skaalinger émerge du coltard, et se précipite vers la cérémonie pour tenter d’empêcher l’attentat, vêtue de la robe de clerc que l’Orthoptera lui a obligeamment laissé, elle se fait ainsi fusiller à bout portant par les gorilles de son employeur, qui ne l’ont pas reconnue sans son chignon et ses talons hauts. Libéré de cette présence encombrante, Judah peut finir l’opération sans gros problèmes, déclenchant une petite explosion pour masquer son tir de dard explosif dans la jugulaire de Skaalinger, le blédard qui se révait vladar.

La fin de la nouvelle voit Judah, un peu fatigué après toutes ces contorsions, encaisser son dû auprès de Vulchalo, et aller porter le cash dans un bordel abandonné, où un très vieux monsieur tient une pension pour mutants persécutés. Le Charles Xavier de Paavo a beau remercier platement Judah de sa sollicitude, ce dernier ne s’éternise pas ni n’explique son geste altruiste. On apprendra cependant en conclusion que notre héros est travaillé par son passé pas vraiment glorieux, du temps où il était l’homme de main et l’âme damnée d’une certaine Inquisitrice Ravin…Fin spoiler

AVIS :

Darius Hinks choisit de se démarquer de la concurrence en multipliant les inclusions intrigantes/saugrenues (dans le bon sens du terme) dans cet ‘Exit Wound’. Criquets toxiques, gyrinx d’appartement, grabataire irascible, dandy à bocal, glande lacrymole… Il y a ici de quoi piquer l’intérêt du plus blasé des lecteurs (catégorie dans laquelle vous me permettrez de me placer d’office), et comme Hinks ne sombre pas dans le ridicule ou la démesure par la suite, ces additions relèvent l’intérêt littéraire de cette nouvelle, autrement assez classique mais bien exécutée. En racontant l’histoire du point de vue du tueur au moment où il cherche à commettre son crime, l’auteur troque le suspens du polar (qui l’a fait ?) pour celui de l’action (va-t-il arriver à le faire ?), ce qui nécessite moins de savoir-faire narratif, mais reste efficace et distrayant pour le lecteur. J’avoue qu’il ne me déplairait pas d’en savoir un peu plus sur Judah l’Orthoptera dans une soumission prochaine, tant sur son passé douloureux que sur ses motivations rédemptrices. Une nouveauté pour un personnage de Hinks.

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The View from Olympus – G. Hanrahan :

INTRIGUE :

Pelorus Mons, patriarche de la famille du même nom, dont la fortune repose sur la fabrication d’armes laser, a été retrouvé mort dans son étude privée. Envoyé sur place pour conclure à un dramatique accident, le Probator Vorzhen ne peut toutefois s’empêcher de débuter une véritable enquête lorsque des éléments troublants se présentent à sa vue. Pelorus a en effet rédigé et fait certifier sous témoin un nouveau testament au cours de la soirée précédant son décès, faisant de sa fille Cecilia l’héritière de l’empire familial en lieu et place de son aîné, Jerik. À cela viennent s’ajouter les traces de strangulation relevées par Vorzhen sur le cadavre, victime selon la version officielle d’un pistolet laser chatouilleux, ayant fait feu alors que M. Mons se brossait les dents avec (ou quelque chose comme ça). Et pour couronner le tout, l’archiviste Doria Beshombe, qui a servi de témoin à son patron pour l’écriture du Nouveau Testament, et est la dernière personne à l’avoir vu en vie, n’est pas retournée à son poste le lendemain. Vous avez dit bizarre, comme c’est bizarre…

Ce ne sont pas les pistes qui manquent pour Vorzhen, chacun des trois enfants de Pelorus (le business man Jerik, la jetsetteuse Cecilia et le hobo Teratus) pouvant bénéficier d’une manière ou d’une autre de la disparition de leur paternel, ou ayant des motifs justifiant un passage à l’acte. Dans le cas de Jerik, héritier présomptif de longue date, ce sont ses relations poussées avec le Logis Artorius du Mechanicum qui lui ont valu l’ire de son père, qui voyait d’un mauvais œil les servants de l’Omnimessie mettre leurs méchadendrites dans la petite affaire familiale. Ce même Artorius qui a été le premier à pénétrer dans le bureau du défunt, fermé de l’intérieur, le lendemain de son décès, et que Doria Beshombe accuse de l’avoir agressée alors qu’elle prenait congé. D’interrogatoire en filature, de déductions en révélations, ce dossier va pousser l’affable et blasé Probator dans ses derniers retranchements…

Début spoiler…J’en veux pour preuve les deux passages à l’hôpital qui lui échoient en moins de 36 heures. La conclusion est toutefois aussi cryptique que décevante, puisque le coupable n’est autre que l’Alexia du 41ème millénaire, soit une intelligence artificielle domestique, résidant dans la tour Mons et pouvant contrôler aussi bien la température des pièces et la descente des stores que les centaines de Serviteurs rattachés au bâtiment. C’est l’un d’entre eux qui a tué Pelorus Mons, et c’est un autre qui envoie Artorius à travers la fenêtre sous les yeux de Vorzhen, afin de protéger « l’Abomination » de la reconfiguration qui l’attendrait si son existence venait à être ébruitée. Pour des raisons non expliquées, Abbie laisse toutefois en vie trois personnes connaissant/soupçonnant sa présence, dont notre héros, qui finit par devenir le chef de la sécurité de la nouvelle Dame Mons, Cecilia, en vertu du testament de son père. Certes.Fin spoiler

AVIS :

Gareth Hanrahan a manifestement les compétences nécessaires pour l’écriture de littérature policière, et, en tant que relatif nouveau venu au sein de la Black Library au moment de la publication de ‘The View from Olympus Mons’, a peut-être été recruté par cette dernière principalement en raison de cette spécialité. Je dois reconnaître que la narration et la progression de cette nouvelle sont d’une fluidité et d’une imprédictibilité (une bonne chose pour une histoire de meurtre à élucider) appréciables par rapport à la majorité des autres textes de la même veine publiés par la BL, et je m’attendais donc à un dénouement dans la grande tradition du genre, avec un coupable identifié sur base d’un indice faisant brutalement sens au héros. J’ai donc été déçu lorsqu’il s’est avéré que le tueur était une espèce d’entité mystico-technologique, dont ni les motivations, ni le mode opératoire, ne sont expliqués de façon convaincante par Hanrahan. Cette fin en demi-teinte est peut-être la caractéristique de sa prose qui dénote le plus de sa nouveauté dans la GW-Fiction, un univers où, certes, il n’y a que la guerre, mais qui a au moins la sollicitude d’apporter des réponses définitives et sans équivoque à son lectorat.

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Impurities – G. McNeill :

INTRIGUE :

La journée très classique de Jovian Colbrand, homme de main freelance dans le district de Saltstone, prend un tour tragique lorsqu’il est contacté par la Sœur Supérieure de l’Ordre d’Obsidienne, Marika. Sa soirée passée à négocier la remise de la fille d’un notable local, la délurée Moonrae-ska Faylona Nokanen, en échange d’une rançon auprès d’un gang de petites frappes alliant stupidité, crédulité et humour à deux balles1, est en effet irrémédiablement ruinée par l’annonce de la mort de sa chère Sœur Lyza, qui lui avait permis de se défaire d’une lourde dépendance au picon bière lors de son arrivée sur Alecto, et à laquelle il était donc profondément et éternellement redevable. Pire, Lyza a été retrouvée assassinée de deux balles dans la tête, malgré la très haute estime dans laquelle sont tenues les membres de l’Ordre, qui s’occupent d’un hôpital pour enfants situé au cœur du district déshérité de Saltstone (le Calais de Varangantua). Sur le chemin de la morgue où il va commencer son enquête, Colbrand fait la rencontre fortuite d’une Ratling (Roza Kovshova), ex-sniper (comme de juste), qui a amené son jeune fils Nanosh se faire soigner après que le bambin soit tombé méchamment malade, comme un nombre franchement inquiétant de résident de la té-ci. Tous deux étant des AWOL de la Garde Impériale, une certaine complicité se noue entre les déserteurs, ce qui aura son importance plus tard, comme nous le verrons.

Si l’autopsie de Lyza ne donne pas grand-chose à exploiter à Colbrand et Oletha, sa collègue désincarnée (qui communique avec le héros en piratant ses bioniques et/ou les Serviteurs et Servo-Crânes à proximité), elle les met toutefois sur la piste d’une poudre jaune retrouvée sous les ongles de la défunte. Après avoir rendu une visite de courtoisie au chef des Enforcers du district, le mielleux et corrompu Emil Zavadan, pour tenter de savoir si ses hommes ont repéré des indices exploitables sur les lieux du crime, Colbrand se rend sur place, et ne met pas longtemps à découvrir que la (quasi) increvable Lyza a eu le temps et l’énergie de dissimuler une clé USB dans une fissure d’un mur recouvert d’un tag d’Imperial Fist (d’où le coloris jaune poussin2) après avoir pris ses deux bastos dans le melon. Elle devait avoir la règle Feel No Pain, c’est pas possible autrement. Cette trouvaille fait progresser l’enquête à pas de géant Titan, Oletha décryptant en quelques minutes les informations contenues sur le support planqué par la bonne sœur une fois Colbrand retourné à son domicile. Parmi les dossiers et les documents qu’il peut alors consulter, l’ombre d’une conspiration de grande échelle commence alors à prendre forme…

Début spoiler…Pour faire simple, la bonne Zaza, inquiète de la recrudescence des pathologies parmi la population de Saltstone, avait découvert après enquête que l’eau « potable » alimentant le district avait récemment changé d’origine. Au lieu de puiser dans l’aquifère souterrain raisonnablement peu pollué, les citernes locales étaient désormais alimentées par de l’eau de mer désalinisée, bien plus cracra (les poisons baissent dedans, comme dirait Renaud, tarte tatin !). C’est sans doute en voulant faire son Erin Brockovich que Sœur Sourire a fait une mauvaise rencontre, et Colbrand a une idée très précise quant à l’identité du coupable. Avant de se faire justice, il lui faut cependant survivre à la tentative d’homicide exercée sur sa personne par son Servo-Crâne domestique, corrompu par les contre-mesures déclenchées par inadvertance et par Oletha lorsque cette dernière a hacké les bases de données du Mechanicus d’Alecto pour aider son associé dans son enquête. Je sais je sais, ça paraît ridicule, mais notre héros manque de se faire garotter par la mécadendrite de Skully, ce qui aurait été la mort la plus ridicule de toute la GW-Fiction. Mais comme tout bon protagoniste qui se respecte, Colbrand trouve les ressources nécessaires pour enfoncer un coton tige tout au fond du sinus de son assaillant, et touiller suffisamment fort pour transformer son restant de cerveau en porridge. C’était moins une.

Deux jours plus tard, Coco se rend dans le casino le plus huppé de Saltstone, construit dans les ruines d’un croiseur impérial décommissionné, et utilise ses liens privilégiés avec la fille Nokanen pour avoir accès à l’étage VIP de l’établissement, et à la table du plus gros poisson de cette mare polluée, le vladar Aedar Cullen. Menaçant de faire un scandale qui ruinerait la soirée de tout le monde, Colbrand réussit à convaincre ce dernier, la Fabricatus Primus du district, et l’inévitable Zavadan, de l’accompagner sur le balcon afin de mettre les choses au clair entre gens civilisés. Là, Cullen reconnaît sans ciller qu’il est responsable du changement d’approvisionnement en eau de Saltstone, détournement opéré au profit du Mechanicus afin de permettre aux usines locales de tenir leurs quotas de production, l’acidité de l’eau de mer utilisée auparavant étant source d’usure prématurée du matériel. Après avoir ignoré pendant des semaines les demandes d’entrevue de Lyza, qui, bonne âme, était persuadée qu’il s’agissait d’une regrettable erreur et pas d’un calcul politicien, Cullen a donné l’ordre à Zavadan de se débarrasser de la lanceuse d’alerte, ce qu’il a fait avec des résultats pas immédiatement définitifs, comme nous l’avons vu. Cet exposé terminé, et confirmé par les principaux intéressés, Colbrand force le vladar à rouvrir les vannes (bien aidé par la présence persuasive de Roza et de son fusil de précision dans le building d’en face), précipite Zavadan par-dessus la troisième corde, et laisse la Halfling revancharde dégommer Cullen et la Fabricatus, pour solde de tout compte. La nouvelle se termine avec l’enterrement de la brave Lyza, auquel tout Saltstone semble vouloir assister, en mémoire de la Sœur Tereza de Varangantua. Presque une happy end, finalement.Fin spoiler

1 : Leur chef a appelé son flingue Oracle car « il prédit toujours la mort ». Ce qui fait se gondoler – à juste titre – notre héros, mais manque de faire tourner l’opération au vinaigre, le truand n’appréciant pas que l’on remettre en cause sa fibre romanesque.   

2 : Coup de chance tout de même. Ça aurait été un Raven Guard, Colbrand en aurait simplement déduit qu’elle avait les ongles sales.

AVIS :

Graham McNeill replonge dans les eaux troubles de la nouvelle de polar à la sauce grimdark, qu’il avait déjà eu l’occasion de sonder il y a bien longtemps, au moment de la sortie du jeu Inquisitor (‘Payback’), avec ce drame aqueux compensant son manque de suspens (pas vraiment de twist final ici) par une exécution sérieuse et quelques bonnes idées, à commencer par le personnage d’Oletha, hackeuse de choc et adepte inconditionnelle du télétravail, ou encore la première scène de la nouvelle, plutôt drôle, où un Colbrand hilare s’amuse à faire tourner en bourrique la bande de gangers bas du front ayant kidnappé la fifille à son pôpa, puis le chef de la sécurité de ce dernier. Pas très original, mais bien réalisé en somme, comme McNeill est tout à fait capable de le faire quand il s’en donne les moyens.

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No Use for Good Men – G. Haley :

INTRIGUE :

Notre récit commence par un petit mail envoyé par l’humble et fidèle Probator Fyedor Blovast à l’honorable et exalté Chef Justicius Maksell Resk, annonçant des progrès notables dans le décryptage du journal intime d’un certain Symeon Dymaxion-Noctis, placé sous bonne garde pour une raison indéterminée par la maréchaussée du district de Nearsteel. La nouvelle qui suit est l’extrait traduit par le stagiaire Linguee du probatoriat, ce qui indique clairement qu’il ne faut pas s’attendre à un compte-rendu complet et exhaustif de la vie et de l’œuvre de Sym’. Et pour cause…

Les quelques pages que nous sert Guy Haley sont consacrées à la description d’une matinée assez banale de notre héros, un Probator plutôt nanti et qui ne s’en cache ni ne s’en plaint pas (il a eu sa phase « solidarité prolétaire », mais ça lui est passé), vivant dans un duplex en haut de spire, avec un felid et un bras augmétique. Il enquête posément sur la disparition de Xuliana Marchentska, fille idéaliste d’un notable local, supposée enlevée et probablement morte à l’heure qu’il est. Un suspect ayant été localisé dans une cité sensible toute proche, Symeon décide d’y faire un saut pour tenter de le cueillir, malgré le fait qu’une émeute de la faim est en train de couver dans le district, et que la riposte des gardiens de la paix l’épée se prépare de concert. Usant de son statut spécial pour négocier le cordon de Sanctioners qui s’apprête à casser du contestataire, le super flic arrive en vue du dernier domicile connu de sa proie (Yerzy Demedoi)… et se fait griller par ce dernier sur le pas de la porte. Pas de chance.

S’en suit une course poursuite haletante et mauvaise pour les rotules, alors qu’en arrière-plan les CRS de Varangantua commencent à bavurer dans les brancards, au terme de laquelle le bien portant Symeon (Haley insiste là dessus, alors moi aussi) rattrape presque Demedoi, mais décide finalement de lui coller une bastos dans la cuisse au lieu de couvrir les 10 derniers mètres et de tenter le placage cathédrale. Sa fainéantise lui jouera un sale tour, et plus encore au fugitif, car son tir au jugé perce l’artère fémorale du présumé coupable, qui décide de finir en beauté d’un saut de l’ange renversé plutôt que de se vider tranquillement de son sang en répondant aux questions de son meurtrier. C’est bien une ingratitude de pauvre, ça. Ce faisant, il passe de l’autre côté du voile de chaînes métalliques qui sépare le district civil de Nearsteel de l’enclave du Mechanicum de Steelmound, ce qui place son cadavre hors de la juridiction et de la portée de Symeon, qui n’a plus qu’à rentrer chez lui ouvrir une boîte de Ronron à son matou d’appartement. Et c’est tout. La suite dans ‘Flesh & Steel’, j’imagine…

AVIS :

Haley fait sa propre pub pour le roman ‘Flesh & Steel’, écrit également pour Warhammer Crime, et mettant en vedette l’Hercule Poivrot de Varangantua, Symeon Noctis. Je ne lui en aurais pas tenu rigueur si le message publicitaire en question (‘No Use for Good Men’) avait été une véritable nouvelle, avec une intrigue, un développement et une conclusion, ce qui n’est malheureusement pas le cas. À la place, on a le droit à vingt quatre heures dans la vie d’un fât, dans un récit mêlant description de la géopolitique de Nearsteel, considérations philosophiques du héros, course poursuite peu concluante et références appuyées à un passé/futur mystérieux qui seront explicitées dans le bouquin qui prendra la suite de ce teaser littéraire. Haley sachant tenir une plume, l’ensemble est très lisible, mais ça sent la grosse démotivation de sa part, ce qui se solde par une expérience décevante pour le lecteur. J’espère vraiment pour lui que la lecture de ce ‘No Use for Good Men’ jettera un éclairage nouveau sur ‘Flesh and Steel’ (ce qui pourrait à la rigueur justifier sa lecture), mais j’en doute assez fortement.

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Cold Cases – M. Collins :

INTRIGUE :

Quillon Drask n’a pas eu la carrière qu’il méritait, mais ce n’est pas vraiment de sa faute. Rattaché à l’excellentissime Senior Probator Alexius Voight pendant son stage de fin d’études, notre héros a été à bonne école mais la série de meurtres rituels commis par un insaisissable tueur surnommé la Pièce d’Argent, en rapport avec l’obole qu’il laissait sous la langue de ses victimes, a plongé Alex dans une folie obsessionnelle qui lui a coûté sa réputation, son job et son cercle d’amis. Marqué par la déchéance de son mentor, Drask a sombré à son tour dans l’excentricité et l’alcoolisme au cours des trente années qui ont suivi, devenant le flic honteux et débraillé de son commissariat (il en faut bien un). La découverte d’un cadavre atrocement mutilé, et dont l’estomac contient une pièce d’argent, comme à la belle époque, va toutefois donner une bonne raison à Kiki de se secouer les puces et de montrer à son entourage qu’il en a encore dans le cabochon.

Mis sur la piste du monde interlope de la jouvence clandestine par le tatouage arboré par la victime, Drask commence son enquête par l’interrogatoire de la patronne d’un salon d’esthétique très privé, qui lui apprend le nom du macchabée (Ephraïm), avant de le faire tabasser par ses gorilles sauver les apparences auprès des voisins (collaborer avec les Probators, c’est mal vu). Peu rancunier et assez dur au mal, notre héros enquille sur le débriefing de l’autopsie d’Ephraïm, qui semble avoir été victime d’un imitateur assez peu doué de la Pièce d’Argent, s’étant servi d’une pioche pour faire son affaire au jouvence-au au lieu du couteau favorisé par le tueur original. Les savante supputations de Drask devront cependant attendre car on l’informe dans l’oreillette qu’un autre corps a été trouvé, et qu’il porte également la marque de Bob la Ferraille.

Après avoir inspecté la nouvelle scène de crime, le Probator décide de se replonger dans les archives des meurtres de la Pièce d’Argent, en s’aidant du manuel des meilleures astuces pour attraper un assassin laissé par le vieux Voight avant sa disparition. À en croire ce bouquin, une des clés de la réussite est de ne pas choisir son suspect numéro 1 parmi la classe supérieure de Varangantua, afin d’éviter que ses relations et sa richesse ne le mettent hors de portée d’un simple flic de cité ruche. C’est ce qui est arrivé à Sargas Hylath, héritier d’une dynastie d’industriels miniers, qui avait le profil parfait du tueur sadique, mais a été soustrait aux regards inquisiteurs de la Lex-Alecto par son paternel avant que Voight n’ait pu agir. Un camouflet dont il ne s’est jamais remis.

Mais les miracles de la science, et les éléments de la nouvelle enquête, permettent à Drask de potentiellement réussir là où son vieux maître a échoué. Car les traces de minéraux trouvées dans les plaies d’Ephraïm correspondent à de l’adamantium, la spécialité des mines des Hylath. Quant aux trois décennies qui se sont passées depuis les derniers meurtres de la Pièce d’Argent, elles peuvent s’expliquer par la présence autoritaire du papa de Sargas (mort il y a trois semaines), et être effacées par la cure de jouvence administrée par Ephraïm, tué par l’héritier pour effacer ses traces. Drask court donc exposer ses conclusions à la Senior Probator qui a récupéré l’affaire, la convainc de la solidité de son raisonnement, et, pendant qu’elle convoque la presse pour aller arrêter Sargas dans son manoir, il se rend dans le pied à terre gardée par la dynastie au cœur de la cité, sur le coup d’un obscur pressentiment…

Début spoiler…Qui se révèle évidemment payant. Cependant, au lieu de Sargas, c’est Alexius Voight qui attend son ancien élève dans les ruines de la baraque. Le même Voight qui a décidé de devenir mineur pour se rapprocher de son suspect après l’échec de son enquête, et a attendu trente ans (!) pour enfin passer à l’attaque et confronter sa Némésis, décennies qu’il a pu supporter grâce aux traitements carabinés des jouvenceurs. La confession de Sargas (et sa mort à coup de pioche) obtenue, se sentant sans doute un peu désœuvré après tout ce temps, Voight s’est piqué de comprendre la mentalité du tueur en en devenant un, et a donc fait deux victimes (Ephraïm et Ephradeux) avant de se faire pincer à son tour. Blessé dans son amour propre par ces révélations, Drask l’ait également par son mentor pendant leur face à face, mais réussit finalement à mettre fin à sa démence et ses souffrances d’une bonne rafale de pistolet, qui est la solution a bien des problèmes sur Varangantua. On lui souhaite un prompt rétablissement, ainsi qu’une conclusion heureuse avec la légiste à lunettes optiques qui lui a fait du pied pendant toute la nouvelle.Fin spoiler

AVIS :

Un tueur en série flamboyant, des meurtres sanglants et non élucidés, une disparition mystérieuse, un héros désabusé mais capable de déductions inspirées, du pouvoir, de l’argent, la noirceur et l’inhumanité d’une grande ville en déréliction… Marc Collins avait réuni tous les ingrédients nécessaires pour réaliser une bonne nouvelle de polar grimdark, mais n’a au final pas réussi à les sublimer en quelque chose de plus convaincant que la somme de leurs parties. J’en suis le premier attristé, car la mise en place était pourtant prometteuse, mais le coup de théâtre final se voyait comme l’Astronomican au milieu du Warp, et les explications livrées par Voight/Collins se sont avérées aussi solides qu’une étagère IKEA montée par un Ork. Le vieux flic qui plaque tout pour se faire mineur pendant trente ans, juste pour pouvoir approcher sa cible ? Qui claque ses économies pour bénéficier d’une cure de jouvence pour pouvoir passer son entretien d’embauche ? Et qui devient finalement un meurtrier à son tour, trente ans (!!) après avoir de toute évidence, perdu la boule ? I’m not buying that. Et je vous épargne les ajouts de Collins sur la congélation des corps venant brouiller (un peu) la chronologie des meurtres, ce qui au final ne sert à rien dans l’intrigue, étant donné que les deux tueries sont séparées de trente ans (!!!). Bref, malgré une indéniable volonté de bien faire, le compte n’y est pas (encore).

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Against the Grain – N. Kyme :

INTRIGUE :

Détective privé (jaeger) de bas étage à Genovska, le district chaud – dans tous les sens du terme – de Varangantua, Thade Efrem surprend une armoire à glace peu amène dans son appartement à son retour du boulot. Comme tout citoyen d’Alecto digne de ce nom, la première réaction de notre héros, un vétéran de la Garde Impériale ayant perdu la foi dans l’institution ainsi que sa jambe gauche lors d’un bombardement « ami » orchestré par le haut commandement lors d’une campagne xenocide, est de tirer sur l’intrus, qui arrive à éviter de se faire trouer la peau, et aurait sans aucun doute fait bouffer sa prothèse à Efrem sans l’intervention de son employeuse, la diaphane Velhena Calicus. Cette dernière, qui a équipé son gros bras (Stave1) d’un baby-call et d’un rétroprojecteur pour éviter de venir en personne, expose rapidement son cas à Efrem sous forme holographique après que les deux hommes aient fini de se faire des papouilles : son mari, Byron, a disparu depuis dix jours sans laisser de nouvelles, et elle a besoin d’un spécialiste discret et vénal comme notre jaeger pour le retrouver. L’affaire est en effet rendu puante par la dernière communication envoyée par le mari à sa femme, indiquant qu’il a mis la main sur une information très sensible dans le cadre de son travail (il est fiscal-savant – autant dire contrôleur de gestion – au sein du tout-puissant conglomérat Karridinus Farms, gros fournisseur de rations nutritives au Ministorum), qu’il va essayer de monter un dossier solide avant de passer à l’action, et que dans l’intervalle, il serait préférable que Velhena reste à la maison, pour sa propre sécurité. Alléché par la somme promise par sa nouvelle cliente, et par la mise à disposition d’un véhicule de fonction haut de gamme par cette dernière, Efrem accepte l’affaire et se met à enquêter dès le lendemain.

Son investigation, qu’il serait très long et peu intéressant de relater ici en détail (une caractéristique intrinsèque au genre du polar), le mène à la rencontre de nombreux interlocuteurs reliés au disparu, comme le PDG de Karridinus, le baron Ohram Varr, ou encore une Arbites enquêtant en solo sur les agissements de ce dernier, et qui conseille en des termes non incertains au privé d’abandonner ses recherches pour son propre bien. Il a également la chance de retrouver sa vieille camarade Seraf Ciastro, connue à l’armée et devenue Lieutenant de police, ou l’équivalent, après avoir été cueilli (et assommé) par les flics locaux après un échange de tirs avec l’Arbites en question. Efrem visite également la garçonnière de Byron, le siège social de Karridinius Farms, une zone d’entrepôts située à proximité de ce dernier, et un bar minable gardé par une ogresse, amassant les indices (qu’est-ce que le « gedge » qui revient dans les notes de Byby ?), les menaces de mort et les KO techniques, jusqu’à ce qu’il commence à assembler les pièces du puzzle, augurant d’une réalité assez malsaine. Tout finit par se mettre en place lorsqu’il surprend le fugueur sous un lampadaire à deux pas du domicile conjugal, mais que ce dernier s’enfuit lorsque l’enquêteur le hèle, attirant Efrem dans un guets-apens tendu par trois mercenaires employés par la Maison Mermidian, une dynastie de Marchands Libres en relation plus qu’exclusive avec Karridinus…

Début spoiler…Sauvé par l’intervention opportune de Stave, qui met les assaillants hors d’état de nuire et de respirer, Efrem se rue à l’adresse indiquée sur le bout de badge à moitié mâchonné qu’il a récupéré dans la zone industrielle un peu plus tôt, et qui est tout ce qui reste de l’Arbites qui voulait se la jouer solo. Ses indications post mortem permettent toutefois à notre héros de mettre à jour les machinations de Varr, qui fait croître sa petite affaire en coupant la viande de grox de ses rations avec les dépouilles mortelles de Xenos (le fameux gedge) rapportés par la Maison Mermidian. Nul doute que notre Baron Marchand descend en droite ligne de la famille Spanghero, car de la lasagne de cheval au pâté aux champignons (ce que sont les Orks, techniquement), il n’y a que quelques millénaires. Deuxième découverte d’importance, Byron a été transformé par son employeur en cyborg mélancolique, ce qui explique pourquoi il allait traîner aux fenêtres conjugales le soir. Piégé par le rusé Varr, qui prévoyait son arrivée sur les lieux du crime de la valorisation alimentaire, Efrem est sur le point d’être livré aux Grox par sa Némésis, lorsque l’arrivée opportune de Velhena et de Stave lui donne l’opportunité de se libérer et de retourner la politesse à Varr, qui finira dévoré par ses bestioles, dans un remake grimdark de ‘Hannibal’. Roboco(m)p(table), qui s’est libéré de l’influence de Varr à l’arrivée de sa chère et tendre, meurt sous les balles des goons adverses en tentant de la protéger, et tout se termine dans l’incendie de l’usine afin d’éviter un scandale qui pourrait pénaliser l’approvisionnement de la Garde Impériale. Et personne ne veut ça, bien sûr.Fin spoiler

1 : Ce qui veut dire gourdin en français (ça veut aussi dire portée – le terme musical – mais je doute que ce soit le sens auquel Kyme a pensé au moment de baptiser son malabar).

AVIS :

Cette longue nouvelle terminant l’anthologie ‘No Good Men’ donne à Nick Kyme l’occasion de se tirer du bolter porn dans lequel il avait sombré corps et bien, pour un résultat assez convenable, dans la droite lignée de ses travaux horrifiques (‘Stiches’). Sans se montrer génialement inspiré par ce nouveau contexte1, Kyme livre une copie sérieuse et respectant les grands codes du genre, de l’anti-héros associal et torturé, mais tout de même animé par un profond sens de la justice, jusqu’à la conspiration de puissants très (trop) puissants, et donc a priori intouchables, en passant par la flic sous couverture, les bars louches, les mauvaises rencontres au fond de ruelles sombres, et les indices cryptiques qui font soudainement sens. On doit également mettre au crédit de Kyme les clarifications intéressantes qu’il apporte sur l’Adeptus Arbites, dont le mandat est de faire respecter la Lex Imperialis, et pas de s’occuper des crimes de bas étage propre à chaque planète de l’Imperium. C’est une distinction dont je n’étais pas au courant précédemment, et qui est potentiellement lourde de sens en termes de fluff, car la Lex Imperialis s’intéresse uniquement au respect des édits de Terra en matière de versement de la dîme, traque des Psykers, régulation des mutants, et persécutions des hérétiques et Xenos. Les Arbites empiètent donc en bonne partie sur les plates-bandes de l’Inquisition dans le Kymeverse, qui a de bonnes chances d’être canonisé, vu la position du bonhomme au sein de la Black Library. En bref, une lecture plutôt agréable, qui vous réconciliera (un peu, beaucoup…) avec la prose de Nick Kyme si, comme moi, vous associez cette dernière avec de l’action énergiquement stupide.

1 : Et en s’inspirant franchement d’autres auteurs à l’occasion. En plus du final très connoté Thomas Harris, Kyme commence son récit par une fixette sur le flingue de son héros, qui n’aurait pas dépareillé dans un des tomes de la trilogie ‘Eisenhorn’ de Dan Abnett.

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Et voilà qui termine cette revue de ‘No Good Men’, point de départ de la nouvelle de polar à la sauce 40K. Le message principal que je souhaite faire passer aux lecteurs potentiellement intéressés par cet ouvrage est de ne pas s’attendre à une collection de whodunits, car aucune des histoires présentées ici ne se positionne sur ce créneau. À la place, on a le droit à une plongée dans la réalité peu glorieuse d’une cité ruche, où les crimes sont finalement moins intéressants en eux-mêmes que ce qu’ils disent de la société cauchemardesque, et pourtant fonctionnelle, du 41ème millénaire. J’ai lu quelque part le terme de domestic grimdark, et cela correspond parfaitement au contenu et à la tonalité de ‘No Good Men’, qui s’inscrit de ce fait dans la lignée de certaines nouvelles Warhammer Horror se déroulant dans l’univers de Warhammer 40.000 (‘Miracles’, ‘The Nothings’, ‘Hab Fever Lockdown’…). Début pour début, je dois dire que j’ai été plus convaincu par Horror que Crime, mais ‘No Good Men’ reste une lecture divertissante tant qu’on ne place d’attentes démesurées sur cette anthologie. Elle permet notamment de découvrir une nouvelle facette de certains auteurs de la Black Library qu’on ne leur connaissait pas, ou peu, la salutaire absence de Space Marines et de guerre ouverte leur permettant de varier un peu leur écriture. Notons également qu’il s’agit du premier ouvrage grossier de la BL, les fuck et shit ne manquant pas au fil des pages1. À l’heure où nous arrivons à la fin de la première vague de sorties pour cette nouvelle gamme, je souhaite à cette dernière le même succès que celui rencontré par son horrifique grande sœur, et aurai plaisir à prendre quelques nouvelles enquêtes à mon compte ici même si l’occasion se présente.

1 : Pour les lecteurs non familiers de la Black Library, cette dernière utilisait jusqu’ici la grande variété culturelle de l’Imperium à son avantage, en demandant à ses auteurs de créer leurs propres jurons, comme le célèbre « feth » de Tanith.