Archives Mensuelles: septembre 2022

WARHAMMER CRIME WEEK 2022 [40K]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue de la Warhammer Crime Week 2022, annoncée (presque – je commence à me méfier) par surprise par la BL en cette fin de Septembre froide et humide. C’est tout à fait approprié pour ce dont nous allons parler ici, laissez moi vous le dire.

Warhammer Crime Week 2022

Si le concept « NCD 5/4 » (new content daily, cinq nouvelles pour le prix de quatre) n’est pas nouveau, il me semble que c’est la première fois que Warhammer Crime, la franchise la plus récente de la GW-Fiction, bénéficie de ce traitement. Il s’agit très certainement pour la BL de battre le crimifer tant qu’il est crimichaud, l’anthologie ‘The Vorbis Conspirancy’, se déroulant elle aussi dans le cadre primesautier de Varanguata, étant sortie en cours de mois. On peut toutefois remarquer que ces deux regroupements de courts formats ne partagent aucun auteur, même si la WCW peut compter sur quelques noms bien établis, à l’instar de Mike Brooks et de Denny Flowers. Plus surprenant, le vétéran revenu des limbes Mitchel Scanlon nous gratifie d’une nouvelle en deux parties, traitement jusqu’ici réservé à certains audio dramas, ou à des publications récurrentes du type Inferno !. La paperasse ayant été évacuée, il est temps de partir sur le terrain à la recherche d’indices sur la qualité de cette cuvée automnale.

Crime Week 2022

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Chains – J. D. Beer :

INTRIGUE:

ChainsMelita Voronova a toujours été une grande professionnelle, mais l’affaire sur laquelle elle travaille depuis deux mois lui tient particulièrement, profondément et viscéralement à cœur. Employée par le cartel Valtteri comme consultante spéciale en sécurité, ou quelque chose du même tonneau, notre héroïne a enquêté sur une série d’attaques ciblant les convois de ses patrons, et perpétrées en partie grâce aux pouvoirs d’un Psyker du nom d’Alim. Ce dernier, loin de coopérer de son plein gré à cette entreprise criminelle, avait été asservi, torturé et exploité par un baron du crime local, l’ex-Sanctioner Jorg Rakove. Localisé et libéré par Melita, Alim a eu recours à une procédure de suicide assisté pour mettre fin à son existence de malheur, en déversant sans consentement libre, informé et préalable tous ses souvenirs douloureux dans l’esprit de sa libératrice, forçant cette dernière à lui coller une balle dans la tête pour stopper le déluge mémoriel. Hantée par le calvaire d’Alim, qu’elle revit à intervalles réguliers dès qu’elle entend ou voit des choses qui lui rappellent les conditions terribles dans lesquelles le mutant a été retenu, Melita est déterminée comme jamais à localiser Rakove et le remettre à ses employeurs, voire plus si affinités.

En cette soirée pluvieuse à Varanguata, et après une nouvelle séance d’hallucinations assez éprouvante déclenchée par le bruit de la ventilation, Melita part avec son partenaire et garde du corps Edi Kamensk en direction du Spoil, une des nombreuses Zones Urbaines Sensibles d’Alecto. Le duo a été rencardé sur le fait que le tout-puissant Anderti Sorokin, chef du gang Har Dhrol, retenait Rakove dans un endroit de sa connaissance, et a reçu carte blanche de la part des Valtteri pour négocier une remise en mains propres. Bien que rompue à l’art délicat des négociations avec des partenaires louches, et à la dangereuse, si colorée, vie nocturne du Spoil, Melita aborde la soirée et le club défraichi où Sorokin a installé son QG de manière circonspecte. Elle sait en effet qu’elle devra jouer finement pour obtenir un deal avec le fantasque mais impitoyable boss mafieux, et ne tient absolument pas à ce que sa cible lui file entre les doigts.

Si la conversation entre nos deux larrons s’engage sur des bases aimables, il ne faut pas longtemps avant que Sorokin ne teste la résolution et la ténacité de son interlocutrice, en lui proposant de parier sur le vainqueur du combat de gladiateurs qui se déroule en contrebas de sa loge. Flairant le piège, Melita ne répond rien avant que le duel se termine par une amputation en bonne et due forme, et annonce qu’elle aurait choisi le gagnant. THAT’S NOT HOW YOU DO IT GURL. Peu amusé par la proposition, Sorokin propose un nouveau mini-jeu à ses invités : si Edi descend dans l’arène et remporte son combat, ils auront Rakove. Alors que le chevaleresque garde du corps est prêt à relever le défi, au grand dam de sa partenaire, déchirée entre son désir de coincer Rakove et la sécurité de la seule personne qui compte pour elle, Sorokin se ravise à nouveau (quel Dhrol de farceur alors), et accepte de négocier de façon civilisée. Après quelques propositions poliment refusées, Melita finit par toucher une corde sensible chez le gangster au grand cœur, dont le rêve est de développer le Spoil afin d’offrir une vie meilleure à ses habitants (c’est beau). Plutôt qu’une grosse pile de crédits impériaux ou un traitement rejuvenat chez les meilleurs spécialistes, ce sont des camions poubelle et des stations d’épuration made in Mechanicus qui permettent de sceller le marché. Tope là mon gars, et pumbagor qui s’en dédit.

Le lendemain, Melita et Edi accompagnent les mercenaires des Valtteri à l’adresse convenue, afin d’assister à l’arrestation tant attendue de cet ignoble ordure de Rakove. BIEN ÉVIDEMMENT, tout ne se passe pas comme prévu, le colis parvenant à se saisir de l’arme d’un de ses surveillants au moment de l’échange, et forçant les mercenaires à l’abattre sur place. Vous parlez d’une boulette alors. Cela énerve au plus haut point Melita, qui avait prévu de faire le sale boulot elle-même dès qu’elle en aurait eu l’occasion (oups mon doigt a glissé sur la détente de mon flingue, comme c’est cocasse), mais notre héroïne tourmentée finit par se convaincre, avec l’aide du perspicace et psychologue Edi, qu’il est temps de tourner la page et que Rakove n’a eu que ce qu’il méritait. Générique.

AVIS:

Jonathan D. Beer donne une suite (et probablement une fin, en tout cas à cet arc) à la nouvelle ‘Service’ (‘Sanction & Sin’), qui relatait les premiers temps de la traque de Jorg Rakove par Melita Voronova. Si l’intrigue en elle-même n’est pas tellement mémorable, et se conclut par un ersatz de twist final, l’auteur parvient à distiller au fil des pages une authentique atmosphère de thriller glauque et moite, tout à fait adaptée à la ligne éditoriale de Warhammer Crime. Beer prouve ici qu’il est capable de créer et de faire évoluer des personnages assez fouillés (mention spéciale à Andreti Sorokin, qui est le véritable héros de ‘Chains’) et maîtrise superbement les codes et clés du background impérial de 40K, deux indéniables points forts pour un contributeur de la Black Library. Je suis donc très intéressé de lire la suite, si suite il y a.  

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Slate Run – M. Brooks :

INTRIGUE:

Slate RunForcée à faire basse figure après avoir été impliquée dans une vendetta sanglante contre un gang rancunier, Sorena Varlon ex-Garde Impériale ayant déserté l’institution pour tenter sa chance sur Alecto, a désespérément besoin de se trouver un job alimentaire pour joindre les deux bouts. Aussi, lorsque son acolyte Mirea Scairns la branche sur une mission d’intérim au service d’une des rupines de Varanguata, la Comtesse Taverlinn, elle n’hésite pas longtemps avant d’accepter. D’autant plus que la mission se présente comme simple et sans danger : servir de garde du corps honorifique à cette gente dame lors d’une des nombreuses soirées mondaines fréquentées par les gens de la haute.

Les choses prennent cependant un tour assez déplaisant pour Sorena lorsqu’elle est introduite auprès de son employeuse après avoir revêtu son uniforme de fonction. La Comtesse est en effet une connaissance, et pas des plus plaisantes : il s’agit de la tristement célèbre Imora Tarsh, fille et héritière du chef de gang Cratton Tarsh, et sœur de feu Piotr Tarsh, que Sorena a elle-même envoyée ad patres au cours de son règlement de comptes avec le gang des Targus. A sa grande surprise, cette rencontre inattendue se passe de manière tout à fait civile, Imora n’en voulant pas le moins du monde à son invitée d’avoir refroidi son frangin (qu’elle n’aimait guère et qui passait avant elle dans la ligne de succession), et réitérant son offre d’emploi de façon tout à fait sincère. Après mûre réflexion et consultation de son compte en banque, Sorona finit par accepter la mission pour se renflouer.

Elle accompagne donc sa nouvelle patronne dans le domaine de l’Izkhana Surumir Fareltan, d’une richesse peu commune puisqu’elle peut se permettre d’avoir d’authentiques arbres en bois dans le parc de sa propriété. Pour l’opportuniste Imora, qui a profité de la ruine de la véritable Comtesse pour lui arracher son titre en échange de devises sonnantes et trébuchantes, cette petite sauterie est l’occasion rêvée de networker avec les grands de ce monde, et ainsi développer des relations influentes et fructueuses inatteignables pour de simples gangers. Cependant, infiltrer le gratin n’est pas chose aisée, les aristocrates ayant la fâcheuse tendance de mépriser les parvenus, surtout quand ces derniers ont évincé d’authentiques nobliaux pour se faire une place au soleil. Bilan des courses : à peine quelques minutes se sont écoulées qu’Imora est rudement interpellée par une ancienne connaissance de l’ancienne Comtesse, et défiée en duel d’honneur. Comme la bienséance interdit aux invités de l’Izkhana de se crêper le chignon en direct, c’est à leurs gardes du corps qu’il revient de se tataner la goule pour vider cette gravissime querelle. Noblesse oblige, hein.

Embarquée à son corps défendant dans cette lutte des classes, Sorena échange quelques bourre pifs avec le gorille de Big Moustache, mais le duel n’arrive pas à sa conclusion. En cause, l’arrivée subite et souterraine d’une équipe de Vorozny (encore un autre gang, ça commence à faire beaucoup), attirée par l’opulence des nantis et décidée à arrondir ses fins de mois grâce à un peu de kidnapping (beaucoup plus rentable que le babysitting). Dans la cohue, Sorena et Imora se retrouvent sur le chemin de la paire de voyous qui tente d’exfiltrer en douce la maîtresse des lieux, anesthésiée sans sommation au début du raid, et le duo infernal use de ses compétences de street fighters à bon escient pour faire leur affaire à ces gougnafiers, libérer et réanimer leur hôte, et la protéger contre une rafale de plomb envoyée par Vorozny paniqué juste avant que les Sanctioners n’arrivent remettre un peu d’ordre.

Cette intervention salutaire vaut à Imora la gratitude de l’Izkhana, ce qui est de bon augure pour cette débutante. Pour Sorena en revanche, il est temps de passer à autre chose et se trouver un job moins exposé, et notre héroïne met donc fin à sa période d’essai malgré la proposition de son employeuse de la passer directement en CDI. La grande démission n’est donc pas un mythe.

AVIS:

Mike Brooks poursuit sa série mondaine après ‘Serpents of Ardemis’ et ‘The Serpent’s Dance’ avec une nouvelle prenant place dans un bal de la haute société (pas de serpent dans le titre cette fois). L’intrigue est d’une simplicité consommée et laisse une grande place aux dialogues, caustiques par moments mais loin d’être drolatiques, et à l’action dans le dernier tiers du récit. Comme Sorena Varlon était déjà présente dans ‘Up in Arms’ (‘Sanction & Sin’), on peut considérer que Brooks a des projets de long terme pour ce personnage, et que ‘Slate Run’ n’est qu’un épisode d’une série en cours, ce qui peut excuser sa platitude. Mais comme notre homme a prouvé qu’il était capable de faire mieux que ça, je reste un peu déçu de cette lecture.

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Clear as Glass – D. Flowers :

INTRIGUE:

Clear as GlassForcé de faire équipe avec un Sanctioner bien plus expérimenté que lui à la suite d’une mobilité interne dans son service, le Probator Raemis vit un choc de culture et d’éthique assez intense lors de la première mission réalisée avec son nouveau binôme (Stann). La paire a rendez-vous avec un informateur dans un bar louche de Varanguata, et l’intègre Raemis voit d’un mauvais œil son partenaire prendre ses aises avec l’esprit de la loi du Lex pour mieux parvenir à ses fins.

L’indic en question est une jeune femme qui se présente sous le nom de Nateo, et se révèle être une servante d’un des chefs de clan Khaadi, un gang influent de la cité. En tant que H’ownd, elle bénéficie de la confiance totale de son employeur, et l’a entendu parler d’un raid s’étant mal passé, au cours duquel ses hommes de main se sont fait embusquer par les Sanctioners malgré un graissage de patte en règle, et massacrés – pour les quelques survivants de cette débâcle – par un monstre Xenos sorti de nulle part.

Cette histoire abracadabrantesque et le risque énorme que Nateo prend à balancer les confidences de son patron aux forces de l’ordre font douter Raemis et Stann de l’honnêteté de sa démarche. Pendant qu’il envoie son collègue faire quelques contrôles avec le service support, Raemis continue de cuisiner son interlocutrice afin de lui faire cracher le morceau et dévoiler ses véritables intentions. A ce petit jeu cependant, le rookie ne se montre pas très efficace, Nateo ne changeant pas le fond de son histoire mais sous-entendant que Stann est fortement impliqué dans le raid infructueux des Khaadi, du fait de sa corruption totale. Elle profite également du fait que ce dernier soit occupé à faire des recoupements dans l’arrière-salle du bar pour révéler au Probator que les gangers étaient à la recherche de drogues de combat bien particulières lors de leur expédition malheureuse, et qu’ils ont réussi à mettre la main sur quelques fioles avant de se faire exterminer. Bien qu’il ait ses propres doutes sur la droiture de son partenaire, Raemis lui laisse le bénéfice du doute mais commence à soupçonner que quelque chose de pas net est en branle lorsque deux autres Sanctioners débarquent tous flingues et matraques télescopiques dehors pour alpaguer la balance catapultée suspecte, à la demande expresse et non concertée de Stann…

Début spoiler…Le rapport de force entre flics et voyous ne reste cependant que peu de temps en faveur de la maréchaussée, Nateo ayant le temps de planter le cristal sertissant la bague qu’elle porte au doigt dans la jugulaire d’un pilier de comptoir avant que les Sanctioners ne lui passent les menottes, ce qui multiplie la Force et l’Endurance de Bébert la Boutanche par 10 mais divise son intelligence par 0. S’en suit un joyeux massacre pendant lequel la plupart des occupants du rade finissent en viande froide, y compris Stann, qui au final était bien un agent des Khaadi (mais les a tout de même trahis beacause it’s complicated), et comptait mettre la mort de son fouineur de collègue sur le compte d’une bête querelle d’ivrognes. Fort heureusement pour Raemis, l’increvable Bébert, que l’on croyait mort après avoir reçu plus de pruneaux dans la bidoche qu’un agneau dans un tajine, sort un feel no pain de sa musette et saute à l’improviste sur le râble du traître avant d’être à son tour définitivement calmé par l’intervention de Nateo.

La nouvelle se termine sur le pacte que concluent les deux survivants de coopérer pour empêcher que la drogue de combat dont Nateo (qui se rebaptise Glas avant de faire sa sortie) vient de démontrer l’épouvantable efficacité de manière spectaculaire, ne tombe entre de mauvaises mains et ne coule dans de mauvaises veines. Ne pouvant compter ni sur les Khaadi ni sur l’Arbites pour mener à bien cette mission d’utilité publique, le duo de choc va devoir apprendre à travailler ensemble…Fin spoiler

AVIS:

Le buddy movie est l’un des thèmes les plus populaires de la littérature et filmographie policière, et il n’est donc pas surprenant que le concept soit adapté à la sauce Warhammer Crime. Denny Flowers livre une copie sérieuse, même si un peu tarabiscotée parfois, sur la forme mais c’est surtout le fond qui intéresse dans ‘Clear as Glass’. C’est en effet une des rares nouvelles qui fait monter les enjeux dans le petit « monde » de Varanguata, et met les protagonistes aux prises avec une menace d’une réelle ampleur. Même s’il est à peu près certain que le pire n’arrivera pas au final, il est toujours plus engageant et prenant pour le lecteur de suivre une intrigue à enjeux plutôt qu’un micro-événement qui n’aura aucun impact notable sur son environnement. Pari réussi en ce qui me concerne pour Flowers donc, qui m’a donné envie de connaître la suite et la fin de cette sombre histoire.

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Once a Killer… – M. Scanlon :

INTRIGUE:

Once a Killer...Sanctioner dur sur l’homme mais droit dans ses bottes renforcées, Kirian Malenko vit un début de journée compliqué. Ce n’est pas tant la prise d’otage perpétrée par un junkie trumpiste dans une supérette de sa zone de patrouille qui vient lui poser problème (rien qu’un peu de parlotte suivie d’une bonne décharge de matraque électrique dans la tempe ne puisse régler en quelques minutes), mais plutôt l’affaire suivante sur laquelle son impitoyable hiérarchie le place tout de suite après. Mis sur un cas d’homicide a priori banal, Malenko tombe sur une scène de crime à haute teneur en hémoglobine, et dont la victime principale, un expert-comptable du nom d’Erek Zorn, a été proprement tronçonné. Cette arme n’étant pas des plus courantes, ni des plus accessibles, pour la racaille qui hante le Dredge, notre héros commence à faire des connexions mentales avec une ancienne connaissance personnelle, le gladiateur Orvo Revnik l’Eventreur, dont le signe distinctif était d’avoir le bras droit remplacé par une épée tronçonneuse.

Si Malenko est tellement au fait de la scène gladiatoriale de Varanguata, c’est qu’il était lui-même de la partie il n’y a pas si longtemps que ça. Les hasards de la vie l’ont en effet bringuebalé de mines en arènes, pour finir contraint à signer un CDI avec la Lex après avoir été pincé dans une descente de Sanctioners au cours d’une soirée à laquelle il participait. Les problèmes de recrutement dans la fonction publique n’ayant qu’empiré depuis le M3, il est possible pour un suspect disposant d’un potentiel de flic d’être intégré dans les rangs sous probation. Depuis lors, Malenko le Tueur est devenu Malenko le gendarme, et fait appliquer la Lex en sachant qu’à la moindre boulette ou bavure, il finira dans la première Légion Pénale venue.

Ce n’est toutefois pas tout ce qui lie notre héros au probable massacreur à la tronçonneuse : Malenko et Revnik ont grandi, travaillé et combattu ensemble, jusqu’à ce que leur chemin se sépare après la reconversion professionnelle involontaire du premier. L’amitié fidèle entre les deux lascars s’en est trouvée mise entre parenthèses, Malenko ayant suivi de loin la fin de la carrière de son comparse, qui fut libéré avec honneur il y a quelques années après avoir remporté une battle royale autrement plus sanglante que celles de la WWE. Revnik, devenu une célébrité locale, s’était fait discret suite à son départ de l’arène, mais il faut croire qu’il s’est levé de mauvais poil ce matin là car la piste de cadavres ne s’arrête pas au cabinet de Zorn : à quelques centaines de mètres, c’est le bookmaker Argus Hadenzach qui est retrouvé en filet mignon, entouré des restes d’une de ses connaissances et de quelques filles du bordel où il était venu fêter un contrat juteux. Formellement identifié par la seule survivante de la boucherie comme son perpétrateur, Revnik est maintenant un homme traqué, mais son ancien poto veut tout de même comprendre ce qui a poussé un type aussi équilibré (autant qu’un gladiateur avec une tronçonneuse au bout du bras peut l’être) que lui à commettre neuf homicides en l’espace de quelques heures. Une seule chose est sûre, la série n’est pas encore terminée.

Une alerte du QG central remet rapidement Malenko sur la piste de son gros copain barjo. C’est à l’hôpital de la Main Divine de Bonté (translation is my own) que Revnik s’est rendu, honorer un rdv Doctolib avec le chirurgien Dimitry Berisov. Le Sanctioner manque de peu d’alpaguer sa cible au détour d’un couloir maculé de sang et de d’organes déchiquetés, mais une fuite de gaz causée par ce roué Revnik et un début d’incendie explosif l’empêchent de conclure. Il n’a toutefois pas perdu sa matinée car il apprend de la bouche d’une des survivantes de cet épisode un peu spécial de Grey’s Berisov’s Anatomy que la victime et le tueur avaient une relation particulière, la première ayant échoué à sauver la femme très malade du second, mais n’ayant pas oublié de faire un beau dépassement d’honoraire dans l’opération. C’était il y a un an, et si Revnik avait réussi à l’époque à calmer son courroux (sa femme n’aimait pas qu’il tape les gens, c’est mignon), il faut croire qu’il est revenu sur sa décision.

Cette révélation, combinée aux infos communiquées par l’indispensable collègue nerd qui fait des recherches Google ++ pendant que le héros roule des mécaniques, permet à Malenko de faire émerger une piste. Les trois victimes principales de Revnik, qui n’hésite pas à mettre des baffes aux quidams avec sa main mécanique pour accélérer les choses, ce qui est assez salissant, lui ont en effet toutes volées de l’argent de façon éhontée. Hadenzach le book et Zorn le comptable étaient même de mèche pour faire les poches du gladiateur, qui a réussi à accumuler un petit pécule par l’intermédiaire de paris faits sur ses combats par des agents de Hadenzach, sommes remises à Zorn pour blanchiment. Comme on peut l’imaginer, Revnik n’a pas touché la part qui lui était normalement due, et s’est de plus retrouvé purement et simplement spolié par Zorn lorsque ce dernier a puisé dans ses comptes pour rembourser d’autres clients après avoir faits de mauvais placements. Persuadé que davantage d’argent aurait pu permettre de trouver un meilleur traitement pour sa femme, Revnik s’est donc un chouilla énervé lorsqu’il a découvert le pot aux roses. Il lui reste toutefois une dernière cible à rayer de sa kill list, comme l’apprend l’ex associé de Zorn à Malenko après une petite visite de courtoisie égayée par une séance de roulette russe ukrainienne : Adrik Kuznetski, l’ancien propriétaire de Revnik avant que ce dernier s’affranchisse.

Kuznetski a joué quelques tours pendables à son poulain avant et après que ce dernier ait racheté sa liberté à prix d’or, ce qui est assez pour que Malenko se rue dans son manoir à toute berzingue et avec un très mauvais pressentiment dans le creux du ventre. Il arrive cependant trop tard pour sauver le laniste des attentions de son ex-employé, mais à temps pour offrir à Revnik un ultime combat contre un frère d’armes qu’il a aimé et respecté. Moins costaud mais plus malin que son ancien camarade, notre héros parvient à lui loger une balle en plein cœur avant de se faire éviscérer à son tour, ce qui met fin au parcours sanguinaire de Revnik l’Eventreur, mais fait plonger Malenko dans la nostalgie et l’alcool. Les méfaits cachés de Copains d’Avant

AVIS:

En choisissant le format novella pour relater une enquête de Warhammer Crime, Mitchel Scanlon a eu une heureuse idée. Les pages supplémentaires lui ont ainsi permis de soigner tous les paramètres nécessaires à l’instigation d’une atmosphère de polar digne de ce nom (personnages complexes et fouillés, contextualisation de l’affaire), sans avoir besoin de faire des économies de bouts de chandelle pour atteindre un nombre de scènes d’action convenable pour une publication Black Library. On se laisse embarquer dans cette histoire de gladiateur homicidaire traqué par un ancien camarade, et même si l’intrigue en elle-même n’a rien de spectaculaire (un auteur plus doué aurait pu ménager un petit twist final de derrière les fagots je pense), il n’y a rien à redire sur la qualité de cette soumission, qui se place parmi les plus intéressantes de la gamme à ce jour. Il paraît que la longueur ne fait pas tout, mais dans le cas de Warhammer Crime, je commence à me dire que ça jour tout de même pas mal.

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Voilà qui termine cette semaine criminelle, qui s’est ma foi révélée de fort bonne tenue. Si la novella de Scanlon remporte, assez logiquement je dois dire, le prix de l’excellence, les autres soumissions ne sont pas en reste (même si celle de Mike Brooks m’a laissé un peu plus froid que celles de Beer et Flowers). Je dois aussi souligner que, pour une fois, l’acquéreur en a plutôt pour son argent – pour ce type d’offre, hein, c’est toujours plus rentable d’acheter une anthologie – grâce à la longueur des nouvelles proposées par la BL. Bref, une réussite en ce qui me concerne, et qui me donnerait presque envie de me lancer dans l’un des trois recueils de courts formats Warhammer Crime que je n’ai pas encore chroniqué. Presque…

 

BLACK LIBRARY 2017 ADVENT CALENDAR [40K – AoS – HH]

Bonjour à tous et bienvenue dans une chronique franchement opportuniste, mais qui n’est tout de même pas totalement gratuite. Il sera ici question des nouvelles intégrées par la Black Library à son calendrier de l’avent…2017. Soumission de première fraîcheur donc, mais j’avais plusieurs raisons de consacrer un post à ce cru particulier.

Black Library 2017 Advent Calendar

La première d’entre elle était, je l’avoue sans mal, franchement prosaïque. Je me suis aperçu en mettant à jour mes fichiers de suivi (#IAmAFunGuy) qu’il ne me manquait que la revue de ‘The Tainted Axe’ de Josh Reynolds pour avoir chroniqué toutes les nouvelles de cette sélection (les audio dramas étant naturellement sortis de l’équation, car je n’ai jamais pu me faire à ce format). Si vous avez suivi mes publications sur le Warfo, je vous conseille donc de vous concentrer sur cette section de l’article, et de passer à autre chose, car le reste n’est pas inédit. En revanche (et c’est la deuxième raison), si vous ne connaissez que ce blog, j’ai le bonheur et l’avantage de vous annoncer que les nouveautés sont un peu plus fournies, car les nouvelles de l’Hérésie d’Horus ‘Duty Waits‘ (Guy Haley), ‘Magisterium‘ (Chris Wraight), ‘Now Peals Midnight‘ (John French) et ‘Dreams of Unity‘ (Nick Kyme) n’avaient pas été couvertes dans de précédents posts. C’est votre jour de chance!

Ce sujet de nouveau contenu évacué, il est enfin intéressant de revenir cinq ans en arrière – une période de temps importante pour la Black Library, pensez donc: c’était avant Warhammer Crime, Warhammer Horror et la série L’Aube de Feu – afin de juger de la qualité de cette sélection hivernale. 2017, grand cru ou récolte famélique? On va bien voir.

Black Library Advent Calendar 2017

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Endurance – C. Wraight [40K] :

INTRIGUE :

EnduranceSur le monde ruche de Lystra, l’escouade du frère Sarrien des Imperial Talons livre un combat d’arrière-garde aussi noble que vain contre les hordes innombrables des Zombies de la Peste ayant plus ou moins remplacées la population locale. Envoyés au casse-pipe pour permettre à un fonctionnaire de l’Adeptus Administratum obèse et tire au flanc (du moins, c’est comme ça que Sarrien se le représente) de maintenir son quota de dîme mensuel, ou autre raison purement technocratique, les braves Space Marines tiennent la ligne du mieux qu’ils peuvent, mais même leur constitution suprahumaine commence à donner d’inquiétants signes de fatigue. Pour ne rien arranger, les lignes de ravitaillement avec le reste de l’Imperium sont totalement coupées, ne laissant à nos fiers héros que la bonne vieille énergie cinétique pour défendre le domaine de l’immortel Empereur contre la corruption galopante titubante représentée par les Stumblers. Isolé de ses frères pour maximiser l’efficacité du soutien martial et moral que les Astartes représentent pour leurs alliés de la Garde, Sarrien débute la soirée comme toutes les autres auparavant : il chante chante chante ce rythme qui lui plaît (Endure ! For the Emperor ! Stand Fast ! Chihuahua !) et il tape tape tape (c’est sa façon d’aimer). On comprend cependant assez clairement que notre héros en a gros, et qu’il n’y a que son exemplaire éthique qui le pousse à suivre des ordres qui lui semblent totalement débiles.

À quelques encablures de cette planète condamnée, nous faisons la connaissance de notre deuxième protagoniste, le réfléchi (il ne court jamais) et hédoniste Dragan, Death Guard appartenant à la faction des Lords of Silence. Bénéficiant d’un quartier libre entre deux opérations de grande ampleur, Dragan a embarqué sa coterie sur son vaisseau personnel, l’Incaligant, et vogue là où le Warp le mène, massacrant tous les Impériaux qui lui tombent sous le moignon au passage. Les petits plaisirs de la vie, il n’y a que ça de vrai. Ayant fondu (dans tous les sens du terme) sur un transporteur de troupes de la Garde Impériale dépêché sans escorte en renforts de Lystra, Dragan décide sur un coup de tête, une fois le carnage expédié, d’emmener ses ouailles sur le monde en question, où il suppute (en même temps qu’il supure) qu’une distraction peut être trouvée.

Nous retrouvons ensuite Sarrien, toujours plus amer et toujours plus crevé, qui décide d’aller rôder derrière les lignes ennemies pour… le fun ? (étant donné que les défenseurs sont au bout du rouleau et s’attendent tous à crever, et que l’adversaire n’a aucune chaîne de commandement à décapiter ni de cibles stratégiques à prendre, l’utilité de la manœuvre me semble obscure). Bien que durement éprouvé par des semaines de combat sans répit, notre surhomme se révèle malgré tout capable de faire mordre la poussière à son poids en Stumblers, voire plus, jusqu’à ce qu’il tombe sur un Fatty dont l’odeur corporelle, ou l’aura de zenitude, c’est selon, est telle qu’il a bien du mal à lever la main sur lui. Malgré l’attitude résolument peace man du gros lard, Sarrien parvient à le décoller proprement, non sans que sa victime n’ait eu le temps de le prévenir 1) des dangers physiques et mentaux du surmenage (il devait être élu au CHSCT dans sa première vie), 2) de l’arrivée prochaine du Potencier (Gallowsman). Bien en peine de faire quelque chose de cette information, et sappé comme jamais, l’Imperial Talon décide de se rentrer, avec l’espoir futile de trouver un McDo encore ouvert sur le chemin pour s’envoyer un bon Coca bien frais.

De son côté, Dragan a fini par arriver en orbite autour de Lystra, et emmène sa bande sur les lieux du dernier conflit agitant encore la planète, dans l’espoir de trouver un adversaire de valeur. Escortés par quelques cohortes de die hard fans, les Lords of Silence progressent pondéreusement vers la ligne de front, où les attendent…

Spoiler Des Iron Warriors. Eh oui. Car en fait, Sarrien et Dragan ont visité Lystra à deux moments distincts, petite surprise savamment préparée par Wraight. Il est d’ailleurs fortement suggéré que Sarrien est devenu Glask (le second de Dragan, qui passe son temps à l’appeler Potencier – au grand ennui de son boss – et dont la jambe torse pourrait être la conséquence de la blessure subie par Sarrien au même endroit à la fin de la campagne) peu de temps après sa rencontre avec le gros plein de pus, lorsque, finalement submergé par le nombre de ses ennemis et l’amertume envers l’Imperium, il a décidé que sa survie était plus importante que son devoir. Ceci dit, le récit se termine sur un flou artistique et un amoncellement de Zombies affamés sur Sarrien, dont le salut final n’est pas garanti, ralliement à papa Nurgle bien acté par ce dernier ou pas. Quelques dizaines/centaines/milliers d’années plus tard, Dragan est quant à lui saisi d’une impression de déjà vu alors qu’il corrode les armures chromées de ces frimeurs de la IVème, ce qui ne fait que renforcer l’hypothèse de la défection de Mr Talon. Fin du spoiler

AVIS :

Mis à part le manque de clarté de sa conclusion (voir la partie spoiler ci-dessus), Endurance est une soumission solide de la part de l’ami Wraight, sans doute rédigée en accompagnement de son roman The Lords of Silence pour un galop d’essai littéraire. En quelques pages, Chris arrive ainsi à donner une véritable profondeur à ses répugnants héros, dont l’attitude chill, thrill & kill les distingue clairement des autres factions d’Astartes chaotiques et renégats de notre sombre galaxie, en plus de s’accorder parfaitement avec la philosophie débonnaire de Papa Nurgle, ce qui ne gâche rien. Sans rien galvauder de leur nature éminemment mauvaise, Wraight réussit également à rendre attachant (sans mauvais jeu de mots) le personnage de Dragan, dont le caractère égal et l’approche désinvolte de sa pestilentielle vocation le font apparaître comme éminemment plus sympathique que le Seigneur du Chaos lambda de la BL. De l’autre côté du ring, Sarrien s’avère moins mémorable, mais le récit que fait l’auteur de la lutte désespérée du loyaliste pour retarder l’inévitable, de part son caractère assez original (il combat en solo, et pas avec le reste de son escouade) et la bonne prise en compte des effets débilitants de la fatigue et des blessures sur la constitution d’un Space Marine – qui reste une machine de guerre insurpassable, mais peut se mettre dans le rouge s’il tire trop sur la corde – s’avère prenant et plaisant, sur les quelques pages qu’il dure. Une nouvelle SM comme je les aime donc : courte dans son propos, précise dans son dessein, efficace dans sa réalisation et à twist dans sa conclusion. Prenez-en de la graine, les rookies.

Gardant une nouvelle en fois en tête le but premier d’un recueil tel que celui dans lequel elle a été incluse, j’ajouterai pour conclure qu’Endurance fait un beau boulot de présentation d’une faction amenée à jouer un rôle important dans l’univers 40K (la Death Guard), en plus de donner assez envie de lire le long format mettant en vedette les Lords of Silence. Que l’exploration d’un concept central du fluff, le ralliement d’un Space Marine loyaliste au Chaos, soit également présente pour l’instruction des lecteurs novices ajoute encore a l’intérêt du propos, qui mérite donc largement sa place dans le Black Library Celebration 2019.

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Duty Waits – G. Haley [HH] :

INTRIGUE :

Duty WaitsSur Terra, les loyaux défenseurs de l’Empereur ne savent plus quoi inventer pour tuer le temps. Nous suivons ainsi le quotidien à la fois morne et stressant de deux Astartes de la VIIème Légion, le Capitaine Maximus Thane de la 22ème Compagnie, et le poussin Kolo, fraîchement diplômé de la promotion Eltaune Jaune, alors qu’Horus n’en finit plus de faire traîner son quart d’heure d’impolitesse. Alors que Max’ a au moins le loisir de faire un peu d’exercice à la tête de ses hommes, qu’il emmène régulièrement faire des joggings sur le mur d’enceinte du Palais1, Kolo est assigné au support informatique de ce dernier, et, entre deux appels d’un certain M. Alcador, qui éprouve toutes les peines du monde à envoyer un mail ou à ouvrir une pièce jointe (et qui oublie une fois sur deux d’allumer son écran), doit gérer une bien pesante inactivité. Car, il faut bien le reconnaître : il ne se passe pas grand-chose d’intéressant sur Terra d’un point de vue strictement apocalyptique. Bref, les journées sont longues2.

À défaut de s’améliorer franchement, les choses évoluent un peu pour nos protagonistes après le départ de la flotte en destination de Beta-Garmon. Bien qu’ils n’aient pas eu la « chance » de faire partie des heureux élus envoyés au casse-pipe contre les renégats, Thane et Kolo ont en effet reçu de nouvelles affectations. Le Capitaine a ainsi la chance, la joie et l’avantage de faire le planton à 300 mètres au dessus d’un square fréquenté par les civils du Palais, afin de rassurer et d’inspirer ces derniers. Malheureusement, les cadences infernales de travail auxquelles sont soumises les masses laborieuses de Terra, les conditions météorologiques détestables de la région, et le manque d’intérêt du spectacle (les gars restent vraiment plantés comme des piquets pendant des heures, à tel point que son Lieutenant manque de déclencher une alerte jaune quand il voit Thane lever les yeux vers le ciel) viennent contrarier cette noble initiative de propagande. Ils auraient jonglé avec leurs bolters, ça aurait eu plus de gueule, moi je dis. Pour se distraire, Maximus imagine ce qu’il se passerait s’il se laissait tomber depuis le mur, et calcule les probabilités jusqu’à la 15ème décimale de sa survie en fonction de paramètres divers, comme l’écartement de ses bras pendant la chute, l’atterrissage sur un quidam, ou encore la vitesse de croisière d’un Stormbird (africain) non chargé. Il soupçonne que le développement d’un passe-temps tel que le suicide mental pourrait peut-être trahir un léger début de névrose, mais cela ne l’empêche évidemment pas de faire son devoir.

De son côté, Kolo participe à l’opération Sentinelle II (la première ayant pris place 28.000 ans plus tôt, même si personne ne s’en souvient), ce qui lui donne l’occasion d’interagir avec les civils que Thane ne voit que de loin. Entre deux contrôles d’identité et palpations aléatoires, le voilà sommé avec son escouade d’intervenir en support des forces de l’ordre, débordées par une foule hostile car affamée. La distribution du pain quotidien ayant en effet annulée sans prévenir, une poignée d’Arbites doivent calmer les velléités meurtrières de quelques milliers de mal-contents. L’arrivée des gilets plastrons jaunes n’a pas l’effet escompté, pas plus que les talents oratoires et diplomatiques, assez limités il faut bien le reconnaître, du Sergent Benedict ne permettent de désamorcer le conflit latent. Ce qui doit arriver arrive, et les manifestants commettent l’erreur de charger leurs protecteurs, qui répondent par une rafale de bolter dans le plus grand des calmes. 80 douilles très exactement plus tard, l’incident est clos, au prix d’un petit millier de morts seulement. Voilà qui mérite bien un honneur balistique, il me semble. Bref, sur Terra il n’y a pas que le temps qu’on tue.

1 : En revanche, pas question de traverser la route avant que le petit bonhomme ne passe au vert jaune. Sous peine de mort.
: Il est d’ailleurs murmuré dans les cercles autorisés que c’est la surutilisation de leur membrane cataleptique pour faire passer le temps plus vite pendant leur interminable garnison sur Terra qui a entraîné la dysfonction de cette dernière chez les Imperial Fists et leurs successeurs.

AVIS :

Dans la série des nouvelles de C.A.L.T.H.1 constituant une partie non négligeable du recueil Heralds of the Siege, Duty Waits se place en tête de peloton par ses importants apports en termes de fluff, ainsi que par la réussite de Haley à faire ressortir la torture mentale que représente cette attente interminable pour les défenseurs, fussent-ils des transhumains conditionnés et entraînés pour faire face à toute situation. Et les Space Marines ont beau ne pas connaître la peur, l’Empereur n’a rien dit ni prévu en ce qui concerne l’ennui, ce qui peut mener même les soldats les plus disciplinés à commettre quelques regrettables boulettes. Dans cette ambiance de Désert des Tartares, Thane et Kolo vivent chacun leur propre enfer, et se retrouvent, sans le savoir, complices d’une exaction qui ne manquera pas de venir les hanter après l’Hérésie. Sur le thème, déjà couvert de nombreuses fois mais tellement central pour la série qu’on pardonnera aisément cette nouvelle itération, du sacrifice des fins en faveur des moyens, Haley parvient à brosser un portrait singulier et sinistre du Monde Trône avant que l’apocalypse ne s’y déchaîne, et préfigurant sans le savoir la dictature brutale, liberticide et usine-à-gazesque que deviendra l’Imperium, autrefois « simple » despotisme éclairé et progressiste, une fois la guerre civile terminée. Et si la question du « mais comment en est-on arrivés là ? » est la plus importante à laquelle l’Hérésie d’Horus doit répondre, alors on peut considérer Duty Waits comme une vraie réussite.

1 : Calme Avant La Tempête Horusienne.

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Gods’ Gift – D. Guymer [AoS] :

INTRIGUE :

Gods' GiftPrenant place après les évènements narrés dans Great Red et The Beasts of Cartha, pour ne citer que deux des précédentes aventures de notre fougueux héros, Gods’ Gift voit Hamilcar et quelques uns de ses potes des Astral Templars accomplir une mission d’intérêt général, sans doute pour avoir commis quelque tour pendable à une chambre rivale lors d’une permission à Hammerhall. Il s’agit en l’état de punir et faire stopper les exactions d’une bête monstrueuse s’amusant à disposer des hardis bûcherons d’un camp de colons récemment implanté dans les terres farouches de Ghur, tâche récréative pour des Stormcast Eternals de la trempe de nos gais lurons. Guidés par un local – Fage – qui malgré son âge vénérable semble tout émoustillé par la seule présence des Elus de Sigmar, Hamilcar & Cie s’embarquent donc dans une épopée aussi directe et rapide qu’une quête de zone de didacticiel de World of Warcraft.

Depuis le relevé de empreintes jusqu’à la constatation de l’heure du décès, ou plutôt, de l’abattage, il ne se passera ainsi qu’une petite journée, soit une vingtaine de pages pour le lecteur, juste le temps pour Ham’ de piquer un roupillon qui lui apportera un rêve plus ou moins prophétique, dans lequel un chêne vient lui chanter Je suis malade (ce qui est ‘achement dur pour un végétal, et mérite le respect), ce qui lui permettra de prendre une décision des plus inspirées quelques heures plus tard. La nouvelle se terminant pour un petit cliffhanger pas vraiment haletant, mais sans doute important pour la suite de la saga d’Hamilcar (Mark de son prénom), le lecteur en est quitte pour embrayer sur directement sur la première, ou plutôt le premier roman dédié à Guymer à sa coqueluche hirsute (Champion of the Gods), dans lequel il est presque certain que des réponses seront apportées aux questions laissées en suspens à la fin de Gods’ Gift.

: L’Homme Arbre qui s’était chargé de la besogne de déshumanisation – c’est comme la désinsectisation, mais avec des primates – servant de pied à terre racine à humus à une sylvaneth passablement enrhumée.

AVIS :

Malgré les dizaines de titres que compte sa bibliographie BL à l’heure actuelle, ce n’était que la deuxième soumission de Mr Guymer m’étant tombée sous la main depuis l’inaugural The Tilean Talisman, initialement publié en 2011. Et je dois dire que mon appréciation de l’œuvre du bonhomme est resté scrupuleusement identique, huit ans plus tard : des aptitudes certaines en terme de narration, avec des personnages au minimum distrayants, à défaut d’être immédiatement attachants (mention spéciale à Brouddican, l’Hillarion Lefuneste personnel de cette grande gueule d’Hamilcar), relevé par quelques notes boisées – c’est le cas de le dire – de fluff, plombées par une vacuité de l’intrigue assez rédhibitoire. C’est bien simple, celle de Gods’ Gift (d’ailleurs, on ne comprend pas vraiment quel est le don auquel Guymer fait référence dans le titre de sa nouvelle1) s’articule en deux temps trois mouvements, sans qu’on ait l’impression d’une quelconque progression entre le début et la fin de la nouvelle. Hamilcar traque un monstre. Hamilcar rêve d’un chêne. Hamilcar tombe dans une embuscade d’Hommes Bêtes (il faut bien qu’il montre qu’il est un cador du corps à corps). Hamilcar débouche sur un bosquet de chênes sacrés, gardé par… le monstre qu’il traquait. Coup de bol. Baston. Victoire. Fin.

Bref, rien de bien challengeant pour l’intellect du lecteur, qui aurait pu s’attendre à quelques liens de causalité entre les différents éléments constitutifs du propos de Guymer. Rien de tel ici, ou de manière tellement évidente et peu fine que les relever n’a pas grand intérêt. Comme dit plus haut, cela peut sans doute se justifier par le fait que Gods’ Gift est un rehaut littéraire à un travail plus conséquent, avec lequel l’auteur prend bien soin de faire la liaison. Telle la rondelle de tomate venant décorer une entrecôte frites, cette nouvelle peut être consommée si on a vraiment faim, mais ne remplira pas l’estomac pour autant. Et comme dit plus tôt (Décembre 2014, pour être précis), c’est plutôt cher payé pour ce que c’est. On me souffle dans l’oreillette que c’est fois ci, c’est gratuit. Bon. Mais avant cela, cela ne valait certes pas les 2,99€ demandés. Rem-bour-sez nos in-vi-tat-tions !

1 : Soit ce sont les visions vagues envoyées par Sigmar, soit c’est le photophore magique remis par icelui, et qui permettra à notre fier héros de venir à bout de Marylise Lebranchu. Au lecteur de décider s’il prend le messie ou la lanterne.

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Magisterium – C. Wraight [HH] :

INTRIGUE :

MagisteriumSortis très éprouvés de la Guerre dans la Toile, la première défaite qu’ils aient connu depuis leur fondation, et qui a réduit drastiquement leur nombre, les Custodes doivent à présent panser1 leurs plaies et se préparer pour l’arrivée prochaine d’Horus et ses Légions renégates. Nous suivons donc le Vestarios (soit littéralement, le préposé au vestiaire de la boîte de nuit, en grec ancien) Samonas, fidèle bras droit de imperturbable Constantin Valdor alors qu’il supervise la réhabilitation des gardes suisses de l’Empereur, qui, en plus d’avoir été nonagimés (mais si, mais si, c’est du haut gothique) par les hordes démoniaques, ont cabossé et égaré leur matériel dans des proportions abominables, ce qui force les services généraux de la custoderie à enquiller les heures sup’ sans compter. Au moins, le temps d’attente à la cantine et à la photocopieuse s’en trouve fortement réduit, et il n’y a plus de problème de place au parking des trottinettes électriques. C’est déjà ça.

Ayant obtenu une audience auprès de (son demi-frère ?) Rogal Dorn, avec lequel il entretient des relations aussi fraîches que le bloc Harpic qui orne ses toilettes personnelles, Valdor se rend dans les appartements du Seigneur Commandeur de l’Imperium, toujours escorté de son fidèle Samonas. Comme on peut s’y attendre, l’entrevue se passe assez mal, les deux surhommes se balançant des amabilités au visage sans prendre de gants, énergétiques ou pas. Tandis que le maître des Imperial Fists reproche à son interlocuteur sa roideur confinant parfois à l’autisme, dès lors qu’une directive lui ait été donnée par l’Empereur, ce qui a conduit les Custodiens à contenir seuls les brèches dans les niveaux inférieurs du Palais, alors qu’un retrait stratégique aurait permis d’épargner de nombreuses vies, Valdoche nous joue son air favori du « Oh-mais-vous-les-Primarques-vous-n-êtes-que-des-sales-gosses-pourris-gâtés-et-on-était-bien-mieux-avec-Pépé-avant-votre-naissance2 ». Le sentiment de supériorité de Darth Valdor est toutefois tout ce qui lui reste, Dorn soulignant avec à propos que les pertes subies par les 10.000 ont de facto condamnés ces derniers à jouer les seconds rôles dans le futur siège de Terra, et que le sort de l’Hérésie repose maintenant entre les gantelets des Legiones Astartes, qu’ils soient traîtres ou loyalistes. Bref, la garde aurique n’est plus bonne qu’à assurer le service d’ordre autour de la chaise d’affaires impériale, et doit laisser aux Space Marines la gestion des vrais dossiers.

La virulence des échanges entre la main droite et le poing gauche de l’Empereur n’est pas sans rappeler à Samonas, qui s’ennuie ferme pendant ce crêpage de chignon3, une conversation du même ordre qui avait pris place quelques années plus tôt sur Prospero, lorsque que les Custodiens étaient venus donner un coup de main aux Space Wolves dans le châtiment, que d’aucuns jugent mérités, de Magnus et ses Thousand Sons à la suite du poke un peu trop accentué que ce dernier avait envoyé à son paternel pour lui signaler le comportement déviant d’Horus. Bien que Leman Russ se soit révélé un tout autre animal (autant comparer un malamut à un poisson pierre), le zèle sanguinaire avec lequel le Fenrissien mena l’assaut sur Tizca, et sa volonté sans équivoque de ne pas faire de prisonnier, au mépris des instructions remises par l’Empereur au Capitaine-Général, ne furent pas sans générer des frictions entre les deux envoyés impériaux. Dans ce cas, comme plus tard avec Dorn, Valdor, en tant que Magisterium, disposait d’une autorité théoriquement absolue sur son vis à vis Primarque, mais cela n’a pas empêché ce dernier de n’en faire qu’à sa tête, avec des résultats spectaculaires, à défaut d’être satisfaisants. Et Constantin d’y aller de son petit « Primarque… » méprisant en voyant Russ hurler à la lune sur la grand-place de Tizca après la volatilisation du Cyclope. Décidément, ils n’ont pas les mêmes valeurs.

La nouvelle se termine sur une scène de remparts (comme beaucoup des histoires de Heralds of the Siege d’ailleurs), Valdor enjoignant son sous-fifre porte-cravate de ne pas désespérer que l’Empereur reprenne enfin contact avec ses Custodiens, malgré tous les travaux d’isolation des fondations du palais à terminer avant l’arrivée d’Horus, et qui l’occupent à plein temps depuis maintenant des mois. D’une manière ou d’une autre, la fin approche à grands pas…

1 : Et penser, ils ont tous passé l’agreg’ de philosophie après tout.
2 : Funfact : Sur les 1932 mots titres et qualificatifs gravés à l’intérieur de la cuirasse de Valdor, 93% sont des critiques adressées aux fistons du Patron.
3 : Dorn s’étant laissé pousser les tifs pendant ses sept années de permanence au domicile paternel, il y a largement de quoi faire un manbun.

AVIS :

Pure nouvelle de fluffiste, en ce qu’elle s’avère être beaucoup plus riche en petites révélations et lourdes insinuations de background qu’en action pure et dure, Magisterium est une soumission de qualité de la part de Chris Wraight. Son principal intérêt, et non des moindres pour les amateurs de grandes figures de l’Hérésie (c’est à dire la plupart des lecteurs de la série, soyons honnêtes), est d’apporter quelques os à ronger sur le discret mais crucial Constantin Valdor, et de le faire interagir avec d’autres VIP impériaux. Les bisbilles qui s’ensuivent permettent à Wraight de soumettre quelques concepts intéressants, et de soulever des questions l’étant tout autant, comme celles de l’origine de Valdor et du rôle que lui a attribué l’Empereur, qui semble dépasser celui de simple garde du corps et porte parole officiel de Son Altesse Suprêmissime (bien que la fonction de Magisterium, et les prérogatives qui vont avec, soient déjà une belle source de discussion). La rivalité latente entre l’aîné des surhommes de Pépé et la fratrie primarquielle, qui est venue après, ne sera pas sans susciter quelques folles hypothèses de la part du lecteur, et j’espère bien que l’auteur continuera sur cette prometteuse lancée dans le roman dédié à l’énigmatique Capitaine-Général. En sus, l’état des lieux dressé par Wraight du piteux état dans lequel la Guerre dans la Toile a laissé les Custodiens permet de faire le lien entre cet épisode bien couvert dans les dernières publications de l’Hérésie d’Horus et le Siège de Terra, ce qui est toujours bon à prendre. Bref, une lecture tout ce qu’il y a de plus conseillée pour celles et ceux qui prennent l’Hérésie à coeur.

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Now Peals Midnight – J. French [HH] :

INTRIGUE :

Now Peals MidnightAlors que l’horloge de l’ApocalypseTM se rapproche furieusement de l’heure fatidique du début de la plus grande bataille de Warhammer 40K de l’histoire de la galaxie, le capitaine de l’équipe loyaliste décide de passer le temps avant le lancement de la clock en se dégourdissant les jambes sur le chemin de ronde qu’il a passé le dernier lustre à bâtir. Rogal Dorn, Prétorien de Terra, a beau se répéter que lui et ses gars (et filles) sont aussi prêts qu’ils puissent l’être, il est difficile d’être certain de rien alors que l’express d’Isstvan V est sur le point d’entrer en gare système, rempli jusqu’à la gueule de félons et de traîtres. Un calme de mauvais augure est d’ailleurs tombé sur Terra, comme si la planète tout entière retenait son souffle dans l’attente de l’arrivée d’Horus et de ses ruffians.

Alors que le Primarque des Imperial Fists boucle son parcours en écoutant le podcast des meilleures prédictions pessimistes et autres maximes déprimantes de l’Hérésie, depuis Malcador dans The Lightning Tower1 jusqu’à Solomon Voss dans The Last Remembrancer2, en passant par… lui-même (il le vaut bien) dans The Crimson Fist3, il fait plusieurs rencontres aussi vides de sens que lourdes d’intérêt, ou peut-être est-ce le contraire. Après avoir demandé à l’astropathe et secrétaire de direction Armina Fel d’organiser un dîner de travail avec ses frangins, il passe une tête au PC Sécurité jauger des conditions de circulation sur le périphérique solaire. Vison Buté voit noir foncé. Zut. Juste le temps de donner sa soirée à l’Amiral Su-Kassen (qui ferait bien d’en profiter pour bingewatcher la saison IV de Stranger Things, elle n’aura plus le temps après), et Jauni est déjà reparti.

Un petit aparté littéraire nous permet de faire la connaissance de Seplin Tu et de son paternel (Tur-Lu’tu), banlieusards impériaux enrôlés de force dans la milice terrane, et qui feront peut-être/sûrement une apparition dans une des prochaines soumissions de French dans cette franchise. Hello Yellow. Retour sur les remparts, où Archamus-3 et Andromeda-17 attendent l’arrivée du taulier en discutant anthropologie et philosophie. On s’occupe comme on peut. Dorn finissant par pointer ses guêtres, le Huscarl et la Devineresse lui emboîtent le pas jusqu’au lieu de rendez-vous avec Sanguinius et le Khan… qui savent déjà ce qu’il avait à leur annoncer, à savoir que la flotte du Maître de Guerre vient de se matérialiser aux confins du système solaire, prélude à la guerre du même nom. La prochaine fois, utilisez Whatsapp les gars, ça ira plus vite.

Enfin, en orbite, dans l’assiette de guerre sur laquelle il est posté, le Capitaine Katafalque reçoit un message privé signé d’un « RD » très peu protocolaire, mais qui n’en contient pas moins une information de (pierre de) taille : l’ennemi vient d’arriver. Corporate jusqu’au bout, Dorn insiste toutefois pour que l’ordre de mobilisation générale ne soit passé dans un premier temps qu’à la 7ème Légion, les White Scars et les Blood Angels bénéficiant d’un léger sursis avant d’être mis au parfum. Pourquoi ? Mystère. Mais comme on le disait chez les tribus Franc à la fin de M2 : « Avant l’heure, c’est pas l’heure… »

1 : ‘He saw this Heresy coming in his visions. That is the truth you fear. You wish you had listened…’
2 : ‘The future is dead, Rogal Dorn. It is ashes running through our hands…’ C’est moche l’auto-citation, John.
3 : ‘You’re no son, you’re no son of maïïïïïne !’ Bon c’est Genesis (We Can’t Dance), mais vous saisissez l’idée.

AVIS :

Je pense que l’apprécation de cette nouvellinette de French variera fortement selon le contexte dans lequel elle sera lue. Prise individuellement, il serait facile (et exact) de souligner qu’il ne se passe vraiment pas grand-chose dans Now Peals Midnight, Dorn se contentant de faire ce qu’il fait depuis les prémices de l’Hérésie d’Horus (The Lightning Tower, 2007) : regarder le ciel d’un air pénétré en fronçant très fort les sourcils. Cette fois-ci, c’est vréééééééééément la bonne, Rogal ! Bien sûr, il a gagné quelques souvenirs et connaissances dans l’intervalle, certains d’entre elles convoquées pour quelques lignes de dialogue, mais dans l’ensemble, rien de nouveau sous la plateforme de défense orbitale. D’un autre côté, si Now Peals Midnight est la culmination du corpus (entier ou partiel) de l’Hérésie, et que le lecteur sait que la prochaine fois qu’il recroisera la route des personnages de la nouvelle (qu’il a appris à connaître au cours de ses précédentes lectures), l’acte final de cette tragédie galactique aura débuté, il y a de bonnes chances qu’il éprouve quelques trépidations de bon aloi en parcourant ces quelques pages. Bref, comme souvent avec ce genre de production purement atmosphérique, time is the essence. J’appose donc la mention « à conserver dans un endroit frais et sec, à l’abri de la lumière, de la chaleur et de la précipitation » sur cette soumission. On connaissait la slow food, nous voilà avec du slow reading. Ce siècle est décidément étrange.

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The Witch Takers – C. L. Werner [AoS] :

INTRIGUE :

The Witch TakersMis sur une sale histoire de meurtre dans la ruralité profonde du Khanat d’Arkl, en Chamon, les chasseurs de sorcières Esselt et Talorcan, unis à la scène comme à la ville, remontent une piste, forcément chaude, à travers les dunes du désert de Droost. De villages martyrs en tombes profanées et cadavres possédés il ne faut pas longtemps à notre fine équipe pour subodorer que quelque chose de pas sigmarite se cache au fond de ce dossier. Il semblerait que quelqu’un hante Droost avec pour seule mission de massacrer tout ceux ayant le malheur de croiser sa route. Quelqu’un… ou quelque chose, qui asservirait ses hôtes les uns après les autres, passant de main en main et ne laissant que les dépouilles de ses victimes et de ses porteurs derrière lui. Alors que les deux Répurgateurs approchent l’oasis de Tora Grae, miraculeusement épargnée par la folie environnante, il leur faudra agir rapidement et intelligemment pour empêcher le Tournetueur (pun intended) de commettre un nouveau carnage…

AVIS :

C.L. Werner qui met en scène un duo de Répurgateurs embarqués dans une quête qui les conduira dans quelque sinistre recoin de leur « circonscription » : du tout cuit pour l’auteur de la (plutôt bonne) série des Mathias Thulmann me direz-vous. C’est aussi ce que je pensais avant de commencer la lecture de ces Tueurs de Sorcières, et me suis donc surpris à reconsidérer légèrement ce postulat une fois passé le point final. Comme quoi, rien n’est gravé dans le marbre dans ce bas monde. La première divergence notable qui m’est apparue est la relation amoureuse unissant Esselt et Talorcan, ce qui n’a rien de rédhibitoire en soi (et est même suffisamment rare dans une publication de la Black Library pour qu’on puisse au contraire saluer l’audace de l’auteur), mais m’a semblé tellement éloignée des conventions usuelles de ce genre de littérature que mon expérience de lecture s’en est trouvée, pas polluée, le terme serait un peu fort, mais au moins perturbée par les roucoulades échangées par nos héros1. Passées ces considérations romantiques, l’intrigue que nous propose Werner ne s’avère pas être très haletante, la course poursuite par hôte interposé à laquelle se livrent Buffy, Xander et le bracelet perdu de Valkia la Sanglante suivant son cours avec une linéarité décevante, alors que la méconnaissance par nos héros de la nature et de la forme du mal qu’ils ont à combattre ouvrait la porte au développement de fausses pistes. Quant au binôme de choc proposé par l’auteur, il se révèle être d’une décevante platitude, Esselt et Talcoran ne s’écartant pas d’un pouce de leur stéréotype respectif (la paladine zélée et le rôdeur débrouillard), ce qui ne donne pas vraiment envie d’embrayer sur le roman que Werner leur a consacré (Le Cœur Corrompu//The Tainted Heart). Pour terminer, les apports fluff de cette nouvelle se comptent sur les doigts d’une main d’un Zombie de la Peste, le fait qu’elle se déroule dans un bout de désert perdu au milieu de nulle part ne jouant évidemment pas en la faveur d’inclusions significatives (même si ce genre de théâtre d’opérations n’est en rien rédhibitoire pour peu qu’on veuille s’en donner la peine, comme Guy Haley l’a prouvé avec Les Sables du Chagrin//The Sands of Grief). En conclusion, il ne reste guère que le métier de C. L. Werner pour faire tenir ces Tueurs de Sorcières debout, ce qui est suffisant pour une lecture rapide de l’ouvrage, mais à peine.

1 : Quand bien même ces dernières sont restées d’une sobriété bienvenue. C’est ainsi, j’ai du mal à voir des « Mon amour » apparaître dans une nouvelle de la Black Library.

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Dreams of Unity – N. Kyme [HH] :

INTRIGUE :

Dreams of Unity« Démobilisé » comme ses camarades à la fin des Guerres d’Unification, l’ancien (dans tous les sens du terme) Légionnaire Tonnerre Dahren Heruk s’est reconverti dans le gladiatorat avec une poignée de comparses afin de joindre les deux bouts. L’Empereur n’ayant visiblement pas prévu de plan épargne retraite digne de ce nom en faveur de ses premiers prototypes de post-humains, la joyeuse bande vivote sur les maigres bénéfices des combats auxquels elle participe dans le Swathe, bidonville Terran s’étendant en périphérie du Palais de leur ancien patron. Pour ne rien arranger, les vétérans sont affligés de divers troubles physiques et psychologiques, dont une forme particulièrement vivace et handicapante de PTSD, poétiquement nommée les Rêves d’Unité, qui les mène à revivre leurs souvenirs de bataille comme s’ils y étaient, avec des conséquences généralement fâcheuses pour les quidams évoluant à proximité. Les Blood Angels n’ont vraiment rien inventés.

Ayant été témoin de la mort d’un de ses comparses (Kabe) sur le sable de l’arène, des mains d’un chrono-gladiateur au final desservi par son propre sadisme, Heruk commence sa journée par un peu de manutention, ramenant les restes mortels de son défunt collègue jusqu’au domicile de son dominus et imprésario (Tarrigata), afin de procéder au recyclage, puis à l’incinération de ces derniers. Il part ensuite à la recherche d’un autre gladiateur de l’écurie (Gairok) aux abonnés absents depuis quelques heures, ce qui n’augure rien de bon. Pris en chemin d’une crise de somnambulisme aiguë, il revient à lui dans un bar dévasté du Swathe, où Gairok1 semble avoir organisé une reconstitution hyper réaliste du siège d’Abyssna, avec les piliers de comptoir comme figurants (involontaires). Jugeant son camarade trop atteint pour qu’une autre issue soit possible, Heruk l’euthanasie la mort dans l’âme, et poursuit sa mission de porteur d’os en charriant le cadavre jusqu’au QG de la bande.

Ailleurs dans le Swathe, le SWAT impérial (see what I did there ?) se déploie à grand renfort de gadgets, sous les traits aquilins mais masqués du Custodien Tagiomalchian. Ce dernier a été chargé de trouver et de neutraliser des éléments séditieux opérant depuis les dédales mal famés du bidonville, et se montre très intéressé par le carnage commis par Gairok au café PMU du coin. Alors qu’il est occupé à faire quelques relevés en mode les Experts : Terra, il est violemment attaqué par un agresseur non identifié, ce qui coupe la transmission envers la Tour de l’Hegemon. Sus-pense.

Nous retrouvons Heruk et son poids mort alors qu’ils arrivent enfin en vue de la bicoque de Tarrigata, qui se trouve être en proie des flammes. Décidément, ce n’est pas la journée de notre heruk. Réussissant à extraire son patron des décombres au péril de sa vie, le Guerrier Tonnerre n’arrive pas à lui sous-tirer d’informations vraiment utiles quant à l’identité des petits gougnafiers responsables de cette destruction de propriété privée avant que Papy Tarri’ n’aille rejoindre la droite de l’Empereur. Supputant que l’incident ait pu être causé par une autre crise de delirium tremens du dernier de ses corelégionnaires vivants (Vezulah Vult), Heruk se met à nouveau en chasse, et parvient à débusquer Vivi dans les égouts du Swathe. Ce dernier, également à l’article de la mort, et aveuglé par un Bitch Betcher move réalisé par son assassin, refait le coup du « je meurs avant d’avoir donné la bonne info à mon pote pour préserver le suspens de l’histoire mouahaha- couic » à Heruk. Au moins, l’honneur des Guerriers Tonnerre est sauf, car ce n’est pas Vult qui a foutu le feu aux pénates de son patron. C’est déjà ça. Résolu à tirer ce mystère au clair, et désormais libre de toute obligation professionnelle du fait du décès de tous ses collègues, Heruk poursuit son avancée dans les niveaux inférieurs du Swathe…

Début spoiler…et arrive à temps pour filer un salutaire coup de main à Tagiomalchian, fort occupé à maîtriser un Alpha Légionnaire possédé et son culte de groupies, que l’on devine être responsables du saccage du Balto pendant que Gairok s’en jetait un petit, ce qui lui a fait péter les plombs, et de l’attaque des locaux de Tarrigata… parce qu’il leur devait de l’argent, peut-être ? Toujours est-il que ce sont les méchants de la nouvelle, les vrais, en plus d’avoir été impliqués dans la tentative d’infiltration du Palais Impérial quelque temps auparavant, bien sûr. Prudence étant mère de sûreté, Heruk commence par s’occuper des goons chaotiques pendant que Tag’ et Alpharius (car c’était lui… c’est toujours lui) se roulent par terre en bonne intelligence, écopant de quelques légères blessures mais se montrant si convaincant dans son approche qu’il arrive même à convaincre la meneuse adverse de se suicider plutôt que de l’affronter2. Ceci fait, il ne reste plus à notre increvable vétéran qu’à régler son compte au bossédé de fin, en partenariat avec l’Adeptus Custodes, et en écopant d’une déchirure mortelle au passage (si seulement il s’était souvenu qu’il avait piqué le pistolet à radiations de Tarrigata avant que d’engager le renégat au corps à corps… les ravages de la grande vieillesse). Herruïque jusqu’au bout, notre briscard peut ainsi tirer sa révérence la tête haute, ayant bien mérité un honorable coup de grâce de la part de son camarade de jeu. Dreams are my reality… (air connu).Fin spoiler

1 : Pour être honnête, on ne sait pas trop qui blâmer pour ces troubles de voisinage, Heruk ayant été tout aussi parti que son poto à son arrivée sur les lieux. Dans ces cas là, mieux vaut reporter le problème sur le type d’en face c’est vrai.
2 : Il faut dire que voir un colosse écumant perforer la cage thoracique de Roger de la compta’ à coup de pied ne donne pas en vie d’engager le dialogue.

AVIS :

Cette nouvelle de Kyme s’avère être assez satisfaisante, et plus qualitative que nombre de ses travaux précédents, ce qui est appréciable pour le lecteur et peut laisser à penser que notre homme s’améliore au fil du temps. Tant qu’il y a de la vie… En plus de la généreuse dose de fluff relative aux Guerriers Tonnerre dont nous bénéficions ici, le petit thriller mis en scène par Kyme quant à l’identité des proies traquées par Tagiomalchian tient plutôt bien la route, dès lors qu’on ne le regarde pas de trop près. À titre personnel, j’ai trouvé que l’auteur s’inspirait lourdement des travaux de certains collègues (le Custodes est un clone Kymesque du Tauromachian d’Abnett dans Blood Games, le crachat venimeux un emprunt au Talos d’ADB), ce qui peut peut-être expliquer pourquoi cette soumission est de meilleure facture que d’ordinaire. La tendance de Kyme à saboter l’exécution d’idées pourtant intéressantes par la non prise en compte de détails mineurs (affliction baptisée annandalisme par votre serviteur) vient toutefois fragiliser l’édifice1, ce qui est dommage mais pas surprenant. Mais on progresse, on progresse…

1 : Exemple gratuit, le chrono-gladiateur du début de la nouvelle est d’abord décrit d’une telle manière à ce que le lecteur croit qu’il s’agit d’un Custodien (ce qui ferait sens car ce sont eux qui ont massacrés les Guerriers Tonnerre sur l’ordre de l’Empereur). Ce quiproquo assez malin est affaibli par le choix de Kyme de faire de son antagoniste un tueur sadique, qui prend son temps pour tuer sa victime au lieu de l’achever efficacement. Pour un guerrier vivant littéralement sur du temps emprunté, une telle procrastination est en effet très improbable.

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The Old Ways – N. Horth [AoS] :

INTRIGUE :

Callis and Toll_The Old WaysAffecté à la surveillance de la cité d’Excelsis, dans le royaume de Ghur, le répurgateur de l’Ordre d’Azyr Halliver Toll, escorté de son sidekick Armand Callis, est envoyé par ses supérieurs tirer au clair une sombre histoire de disparition à Marshpoint, une ville agricole située en périphérie de la Cité des Secrets. Le fils aîné de la puissante famille Junica n’a en effet plus donné signe de vie après avoir eu maille à partir avec quelques soldats de l’autre grande famille locale, les Dezraed, qui l’ont poursuivi jusque dans les profondeurs de la forêt d’Ulwhyr. L’entente entre Junica et Dezraed n’ayant jamais été cordiale, c’est une vendetta en bonne et due forme qui menace d’éclater entre les Capulet et les Montaigu de Ghur, gueguerre qui mettrait en péril l’approvisionnement des régiments d’Excelsis en précieuse soie d’acier, ressource collectée depuis les fermes arachnides de Marshpoint. Il va donc de l’interêt général que cette triste affaire soit réglée dans les meilleurs délais, et qui de plus qualifié qu’un répurgateur pour traiter ce problème ?

Nous suivons donc Thalys et Colle au cours de l’enquête à laquelle ils se livrent à leur arrivée dans le bourg miteux et boueux de Marshpoint. Après un interrogatoire croisé des patriciens des deux familles, l’énorme et suintant Fenrol var Dezraed, autoproclamé Gardien de Marshpoint du fait de sa capacité de bloquer à lui seul l’entrée de la ville s’il lui prenait l’envie de s’asseoir en travers du portail, et le sec et irritable Kiervaan Junica, nos experts se rendent sur les lieux de la disparition à proprement parler, escortés par l’homme de confiance du patricien Junica, un natif du nom de Ghedren, et par un trio de gardes Dezraed. Et s’il se pourrait bien que la rivalité larvée entre familles nobles ait bien fait couler le sang, les enquêteurs feraient bien de prendre au sérieux les rumeurs entourant la Sorcière Blanche d’Ulwyhr. Après tout, ils ont pénétré sur son domaine…

AVIS :

C’est avec enthousiasme que j’avais vu revenir la figure iconique du chasseur de sorcières/répurgateur dans le lore d’Age of Sigmar, que son inclinaison high fantasy aurait pu « immuniser » à l’introduction de ce type de personnage, très grimdark par nature. La lutte contre les cultes chaotiques gangrénant le nouvel ordre rutilant de Sigmar constitue en effet à mes yeux un axe de développement des plus intéressants, et une prise de recul bienvenue sur le manichéisme caractéristique des premières années d’AoS. Encore fallait-il que l’image d’Epinal Hammerhal de l’inquisiteur traquant le vice et la trahison parmi les sujets obéissants de l’autorité centrale (préférablement divine, c’est plus classe) soit convenablement adaptée dans cette nouvelle franchise, la profession en question exigeant une rigueur morale confinant à la psychose, ce qui n’est pas franchement la norme parmi la soldatesque sigmarite (ces martel-sans-rire de Celestial Vindicators mis à part), dépeinte à de nombreuses reprises comme adepte du compromis et de la tempérance. Qu’en est-il avec la paire Callis & Toll, promise à un bel avenir au sein de la BL à en juger de la façon dont leurs noms ressortent dans tous les ouvrages auxquels ils ont été inclus ? Eh bien, c’est plutôt pas mal, encore que pas spécialement pour les raisons détaillées ci-dessus. Je m’explique.

Si le fanatisme (dans le bon sens du terme, car, si si, dans la littérature med-fan, cela existe) de nos héros laisse à désirer, la retenue dont fait preuve Toll, sensé être le vrai bad guy du duo, dans le jugement qu’il délivre au coupable, le plaçant à un petit 2 sur l’échelle de Mathias Thulmann (le référentiel absolu de la maison à cet égard), Horth se rattrape néanmoins en glissant quelques remarques de bon aloi à propos d’un certain White Reaper (Cerrus Sentanus sur son état civil), Stormcast Eternal pas vraiment Charlie, à tel point que son nom est utilisé pour effrayer les enfants d’Excelsis. Voilà un type qui mérite que l’on suive, et j’espère bien que ça sera le cas dans un futur pas trop lointain. Celà étant dit, The Old Ways a d’autres qualités, la première étant de proposer une petite enquête policière pas trop mal troussée au vu du nombre de pages limité avec lequel elle doit composer1, l’atmosphère horrifique du passage « sylvestre » du récit étant une autre source de satisfaction. D’autre part, cette nouvelle présente également l’intérêt de creuser le background de la cité libre d’Excelsis, qui devrait normalement ne pas disparaître corps et bien dans les annales du fluff, au vu du nombre d’apparitions qu’elle a faite dans divers écrits depuis son introduction dans le background. En apprendre plus sur cette bourgade présente donc un intérêt pour le fluffiste, tellement bombardé d’informations géographiques par ailleurs qu’on ne peut lui reprocher de ne pas prendre note de tout ce qu’on lui soumet.

Enfin, de façon plus large, elle fait ressortir un concept intéressant : le fossé existant entre natifs d’Azyr et populations locales au sein des cités libres, les seconds étant généralement mal considérés, voire méprisés par les premiers, qui les qualifient « d’Amendés » (traduction personnelle de Reclaimed, qui peut aussi s’entendre comme « Récupéré ») ou de « Sang Maudit » (curseblood), ce qui n’est pas très sympathique, mais ajoute de la profondeur à la société sigmarite. Quand on lit que même un personnage « égalitariste » comme Toll n’aurait pas de problème à raser toutes les forêts de Ghur pour pouvoir accélérer la colonisation de ce Royaume, au grand désarroi des locaux qui ont appris à vivre dans les étendues sauvages et à les respecter, on se dit que la possibilité d’un soulèvement des indigènes contre la métropole et ses représentants est une possibilité réelle… et c’est tant mieux en termes de potentiel narratif ! Bref, une plongée satisfaisante dans l’arrière-pays d’Excelsis, et une nouvelle qui vaut le coup d’être lue pour qui s’intéresse au fluff des cités libres.

: On saluera également le twist proprement « meta » de Horth, qui fait dire à Toll qu’il avait identifié le coupable depuis belle lurette et attendait juste de voir combien de temps il faudrait à Callis (et donc au lecteur) pour faire de même. On ne me l’avait jamais faite celle-là.

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The Battle for Markgraaf Hive – J. D. Hill [40K] :

INTRIGUE :

The Battle of Markgraaf HiveComme les plus sagaces des lecteurs de cette chronique l’auront certainement deviné, la nouvelle du sieur Hill traite donc de la bataille pour la ruche Markgraaf1, opération de reconquête et pacification à laquelle l’unité de Minka Lensk, héroïne récurrente de l’auteur, à le plaisir et l’avantage de participer, en compagnie du \[|{™#{ème Cadien (comprendre qu’entre les pertes au combat non remplacées et les fusions régimentaires qui s’en suivent, les numéros défilent plus rapidement que lors d’une soirée bingo à l’Ehpad de Bois-Robert-sur-Veule).

Au menu de ce qui peut sans doute être considéré comme un séminaire annuel pour les derniers des Targaryen – cette manie de coller des yeux violets aux protagonistes pour les distinguer de la masse… –, une activité de team building dans les ténèbres des niveaux inférieurs de la ruche en question, avec les habituels cultistes hargneux-mais-bon-ça-va-on-a-vu-pire en lieu et place des assiettes en céramique à décorer, qui étaient à la mode en ce genre d’occasions quelques millénaires plus tôt. Une fois la séance initiale de laser game terminée, on enchaîne avec une découverte de la faune locale, qui consiste en des rats de la taille d’un rat et des asticots de la taille d’un chien (appelons-les maxticots), suivie par une session d’aqua-relax dans un bassin naturel, sous les ordres d’un Commissaire-Nageur un brin autoritaire.

À peine le temps de réaliser que les maxticots ne font pas de bons candidats au fish pédicure, à moins d’être un Ogryn peu chatouilleux, qu’il faut enchaîner avec une initiation à l’escrime médiévale/escape game sous la houlette de Philippe Chaos-therine (il coupe sa hache… et il rallume sa hache…), Space Marine renégat reconverti en coach de vie. Cette journée intense se termine par quelques longueurs de brasse coulée, un temps calme de 10 minutes devant une œuvre d’art moderne convenablement moche, et un ultime passage au hammam (mais habillé, ce qui est concept). Ce n’est pas tout le monde qui a la chance de vivre des séminaires aussi riches. Merci qui ? Merci Abby !

À ne pas confondre avec la ruche Steffigraaf, qui malgré quelques revers, est toujours au service de l’Empereur.

AVIS :

Propulsé directement dans le feu de l’action dès les premières lignes de The Battle… (au moins, le titre n’est pas mensonger), le lecteur aura sans doute quelques difficultés à comprendre les tenants et les aboutissants de cette successions de péripéties aussi guerrières que brouillonnes, expédiées sans tact, ni finesse, ni connecteurs logiques (ce qui surprend au début, irrite au milieu, et fait marrer à la fin) par un Justin Hill aussi maître de son propos qu’un élève de CM1 couchant par écrit le récit de ses vacances de printemps.

Si le début de la nouvelle fait illusion, tout se corse à l’arrivée sur la mare aux maxticots, théâtre d’une empoignade confuse, suivi de l’arrivée d’un groupe de survivants – dont un Valhallan, qui passait dans le coin – mené par un Commissaire, suivi de l’exécution d’un Garde qui trouvait l’eau trop froide, suivi de l’arrivée du random Chaotic Space Marine de base, suivi d’une ré-empoignade confuse, suivie d’une fuite éperdue de l’héroïne jusqu’au fond du bassin, suivi d’un questionnement philosophique sur la destinée des Cadiens survivants, suivi d’un séchage express, inexpliqué et interprété comme miraculeux par une Minka à laquelle il ne faut pas grand chose, des vêtements de nos héros, suivi de la fin du récit, qui s’achève donc davantage comme un chapitre de roman qu’un court format digne de ce nom, faute d’un dénouement digne de ce nom (sauf si être coincé à deux sans matos dans une caverne inondée peuplée de vers carnivores géants et squattée par des hordes d’hérétiques peu aimables et un Space Marine du Chaos altéré de sang constitue un explicit satisfaisant, bien sûr1).

Pauvre en termes de fluff, d’informations sur le passif de Mina Lensk, et d’une assez grande banalité dans son propos, The Battle… lorgnait peut-être du côté de la saga Gaunt’s Ghosts, et notamment du siège de Vervunhive couvert dans Necropolis, pour son inspiration, mais le fruit (plein d’asticots, donc) est tombé trèèèès loin de l’arbre. Pour laisser le mot de la fin, en même temps que du début, car j’aime bien boucler des boucles sur mon temps libre, à Hill en personne : « What the hell is happening ? »

1 : Si c’est le cas, vous êtes bizarre.

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A Brother’s Confession – R. MacNiven [40K] :

INTRIGUE :

A Brother's ConfessionSur la barge de bataille Ultramarines Spear of Macragge, l’Apothicaire Primaris Polixis se rend à confesse pour expier le crime qui lui pèse sur la conscience depuis le dernier engagement auquel il a participé aux côtés de ses comparses de la Fulminata, contingent de Necmarines1 rattaché au Chapitre natal de ce bon Roboute. Et quel crime ! Rien de moins que le meurtre d’un de ses frères de bataille, l’infortuné Artimeus Tulio. Avant que le sévère Chapelain Kastor, qui se trouve être le véritable frère de Popol (d’où la subtile référence mythologique que le lecteur sagace n’aura pas manqué d’identifier) et auquel pleins pouvoirs sont laissés pour traiter cette affaire, ne délivre son jugement, un petit flashback explicatif des familles (et pour cause) s’impose…

Nous voilà donc sur Atari, planète renommée dans tout l’Ultima Segmentum pour la rectitude de ses arcades et la qualité de ses bornes, et plus précisément dans le manoir du gouverneur local, où les Fulminata sont engagés dans une furieuse partie de FPS contre des hordes de cultistes de Tzeentch. Le monde est en effet la proie à une rébellion caractérisée contre la sainte autorité de l’Empereur, et la situation est suffisamment mal engagée pour que les grands bleus se retrouvent engagés dans une course contre la montre pour mettre le gouverneur De La Sario en sécurité, ou a défaut, lui coller un bolt dans le caisson, afin d’empêcher les dissidents chaotiques d’activer les plateformes orbitales de la planète, verrouillées génétiquement sur le profil du dirigeant légitime d’Atari.

Accompagnant une escouade d’Intercessors sur place, Polixis se trouve confronté à un choix difficile : voler à la rescousse de ses frères, dont certains ont été grièvement blessés par un assaut de cultistes à la férocité imprévue, à l’autre bout du palais, ou battre en retraite en compagnie des hommes du Sergent Nerva, comme ce dernier, le bon sens, et jusqu’au Codex Astartes le préconisent. Confiant en l’épaisseur de son armure en scenarium renforcé, l’intrépide Apothicaire décide de taper un sprint jusqu’à la position des surhommes à terre, ce qu’il parvient à faire sans trop de difficultés. Il est cependant déjà trop tard pour le pauvre Scaevola, plus perforé qu’une copie double à la sortie de la presse, et dans un état trop désespéré pour que Polixis ne puisse lui accorder autre chose que la Paix de l’Emper- ah, non, visiblement il n’y a même pas le temps pour ça, et c’est donc à une ablation de ses glandes progénoïdes pre-mortem (en atteste le fait que Polixis ait besoin de clamper l’incision cervicale pour éviter que la plaie se referme trop vite) à laquelle le doublement malchanceux Scav’ a droit. Il y a des jours comme ça…

L’affaire réglée en moins d’une minute, qui a dû tout de même paraître très longue au patient opéré2, Polixis, décidément très joueur, opte pour une action d’arrière garde afin de s’enquérir de la santé du dernier membre de l’escouade, qui se trouve être le fameux Tulio. Pendant que ses petits copains, qui ne connaissent ni la peur, ni la témérité, se replient sagement vers le point d’extraction, notre héroïque Apothicaire se glisse jusqu’à la position de Tutu, qui git dans une mare de sang et un monceau de cultistes du mauvais côté d’un pas de tir chaotique. Pas de quoi arrêter Polixis, que son statut de personnage principal racontant un flashback rend confiant quant à sa capacité de braver la mort, n’eut été la présence im- ou o- pportune de la fille du gouverneur de l’autre côté de la pièce. Cette dernière pouvant tout autant que son pôpa donner aux Ultramarines l’accès à la plateforme orbitale, c’est à un nouveau dilemme que Polixis doit faire face. Il ne peut en effet secourir qu’un des deux individus susnommés, et c’est peu dire que ses cœurs balancent. Optant finalement pour la fille (chez les Ultras, c’est pas « bros before hoes » donc), il récupère le précieux colis et repart enfin vers la sécurité du Thunderhawk garé en double file à l’extérieur du palais, les quelques blessures qu’il récolte au passage n’étant pas assez graves pour l’empêcher de mener sa mission à bien.

Et nous voilà de retour sur le Spear of Macragge, où l’inflexible Kastor doit bien se demander ce qu’il a fait pour avoir un tel Mary Sue comme frangin. Car non, Polixis n’a pas tué Tulio. Son « crime » est d’avoir sciemment abandonné le patrimoine génétique d’un frère tombé au combat, pour accomplir une mission qui lui semblait plus importante sur le moment. Oh mon Empereur, mais c’est absolument terribleuh ! Et Kastor de broder une jolie parabole sur le sauvetage d’un chiot tombé dans la rivière quand lui et Polixis étaient gamins, afin de convaincre son fragile de frère qu’il n’a rien fait de rédhibitoire. À se demander comment il a réussi à gagner sa carapace noire avec cette sensibilité malvenue. Je te l’enverrais vers un stage d’endurcissement chez les Iron Hands ou les Marines Malevolent, moi. MauviBleuette, va.

1 : Car comme le dit l’expression : « Nec plus ultra ».
2 : D’autant plus que le Sergent décide une fois les glandes extraites de repartir avec le corps de Scaevola. Sauf perissabilité extrême des progénoïdes, ce qui serait étonnant vu la résilience généralisée d’un Space Marine, on peut donc plaider la cause de l’acharnement thérapeutique sur le pauvre bougre.

AVIS :

Malgré une introduction prometteuse, augurant d’un fratricide en bonne et due forme commis par le plus insoupçonnable des coupables (un Primaris Ultramarine : plus droit dans ses bottes que ça, c’est un chausse-pied), cette courte nouvelle de McNiven se révèle être au final composée à 50% de bolter porn, et à 50% de publicité pour les organes supplémentaires des Primaris. À croire que le déclenchement de la Fournaise Belisarienne du frère Posthumus constitue une information cruciale à transmettre lorsqu’on est sous le feu ennemi. L’occasion pour les fans de Bonnet Bleu et Bleu Bonnet, héros du roman Blood of Iax/Le Sang d’Iax de retrouver les frangins dans un contexte un peu différent, mais qui ne devrait, sauf erreur de ma part, pas fondamentalement changer la vision que le lecteur a de nos deux larrons. Pas désagréable, mais très loin d’être indispensable.

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The Tainted Axe – J. Reynolds [AoS] :

INTRIGUE :

The Tainted AxePeu de temps après les événements relatés dans ‘Spear of Shadows’, nous retrouvons le chevalier – ou plutôt, demigryphier – Roggen de Ghyrwood March, de retour en Ghyran avec une main en moins et des souvenirs en plus. Ayant refusé l’offre de Grugni de remplacer son membre manquant par une réplique mécanique, au profit d’une solution plus naturelle, notre héros n’a toutefois pas trouvé chaussure à son pied ni prothèse à son moignon. Sa convalescence prend un tour particulier lorsqu’il se sent appelé une nuit dans le bosquet de ferbois consacré de son ordre, où l’attend une Branchwraith mutine, avec une nouvelle quête divine à lui confier.

Loin au Sud se trouve le Gaut Tors1, une forêt qui a cruellement souffert des déprédations de Nurgle et des ses séides au cours des dernières années. Un champion du Dieu des maladies y a jadis mené une expédition corruptrice, dont il n’est jamais revenu mais qui a résulté en l’abandon de sa hache maudite sous un tas de feuilles. Depuis lors, cette arme maléfique corrompt les bois aux alentours, comme une pile au mercure enterrée dans l’humus. La mission de Roggen consistera donc à localiser cette relique impie et à la ramener à sa commanditrice, qui en échange de ses bons et loyaux ordonnés services lui fera pousser une nouvelle menotte. Bien que notre héros ne soit pas né de la dernière pluie, et se méfie à juste titre des fantasques Sylvaneth, le serment d’allégeance à Alarielle qu’il a prêté en devenant chevalier, et l’attrait de retrouver la main, le convainquent rapidement d’accepter cette quête. Avant de retourner écouter pousser les fleurs, la Branchwraith a l’amabilité de lui adjoindre les services d’un sherpa forestier, en la personne compacte mais grincheuse d’un esprit de la forêt.

Nous suivons alors Roggen, son guide mal-luné (il passe son temps à appeler le chevalier « viande », ce qui n’est guère aimable) et sa farouche monture (Harrow) jusque dans les profondeurs mal famées du Gaut Tors. Bien que sa patronne lui a promis qu’il aurait un droit de passage auprès des Sylvaneth du cru, le fait que ces derniers soient perturbés par les émanations toxiques de la hache perdue d’une part, et leur allégeance à nulle autre que Drycha Hamadreth d’autre part (un petit détail que la Branchwraith avait omis de préciser à son prestataire pendant le briefing), n’incitent pas Roggen à la détente de son slip (en bois, comme le reste de sa garde-robe). Le trio finit toutefois par arriver dans une clairière, où un petit groupe de Rotbringers est à pied (gangréné) d’œuvre, et vient d’exhumer une sorte de cocon de racines calcifiées, qui ne peut être que le réceptacle de cette fameuse hache.

Confiant dans ses capacités de bretteur et l’effet de surprise, Roggen fonce dans le tas avec abandon, mais se retrouve rapidement en difficulté, notamment du fait que ses adversaires ont apporté avec eux des arbalètes, ce qui n’est pas très fluff tout de même. Avant que l’impétueux chevalier n’ait été transformé en hérisson manchot (ce qui vaut mieux qu’un échidné pingouin, qu’on se le dise), une voix tonitruante vient intimer aux Nurgoons de cesser le feu. Il s’agit du Blight Knight qui commande l’expédition des prouteux, et qui, en véritable chevalier de l’ordre de la mouche, propose à Roggen de régler l’affaire par un duel tout ce qu’il y a de plus honorable, et au gagnant le loot. N’ayant pas de meilleure option sous la main, notre héros accepte la proposition de son adversaire (Feculus), et les deux champions se mettent sans tarder à l’ouvrage.

Si sa monture parvient sans mal à vaincre le destrier démoniaque de sa Némésis, Roggen éprouve quant à lui les pires difficultés à tenir tête à cette dernière, qui est à la fois plus forte et plus résistante que lui. Au bout du compte, il faudra l’intervention, pas vraiment fair play mais très secourable, de son sidekick végétal (qui utilise l’attaque airbark) pour que Roggen parvienne à vaincre l’ignoble Feculus. La mort de leur patron libère toutefois les Rotbringers de leur serment de non-intervention, et le chevalier Dubois n’aurait pas fait long feu sans l’arrivée à point nommée des Sylvaneth du Gaut Tors, qui se font un plaisir d’offrir une démonstration de bio compostage express à leurs ennemis honnis. Cela laisse le temps à Roggen de repartir avec sa relique rouillée, et de se retrouver en bout du compte avec une greffe maniable. C’est tout le mal qu’on lui souhaite.    

1 : Je ne sais pas si cette nouvelle a été traduite en français, mais je suis hyper fier de ma proposition (Writhing Weald en VO).

AVIS :

On ne le savait pas encore à l’époque de sa publication, mais ‘The Tainted Axe’ constituait la dernière apparition du chevalier Roggen de de Ghyrwood March, l’un des personnages attachants1 créés par Josh Reynolds dans le cadre de sa saga – laissée inachevée – des Lamentations de Khorne. Si cette péripétie mineure ne se place pas parmi les meilleures soumissions de notre homme, on y retrouve toutefois les points forts habituels de sa prose, à savoir des personnages intéressants (mention spéciale au jovial Feculus, que l’on retrouve cité dans les écrits consacrés par Reynolds à l’ordre de la mouche), une intrigue et un développement qui tiennent la route, et une généreuse dose de fluff pour napper le tout. Des nouvelles comme ça, je pourrais en lire 10 par jour sans me lasser. A mettre entre toutes les mains (haha).

1 : Notamment parce qu’il a pas mal de traits communs avec Erkhart Dubnitz, du très saint et très violent ordre de Manann, un des héros les plus hauts en couleurs de la Black Library.

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Fireheart – G. Thorpe [40K] :

INTRIGUE :

FireheartEnvoyée par Yvraine comme émissaire auprès des Eldars du Saim Hann afin d’obtenir de l’aide dans la quête des mondes de Morai-Heg, la Céraste Druthkala Shadowspite (Drudru pour les intimes) a bien du mal à convaincre ses hôtes de prêter une oreille pointue attentive à ses doléances. Car étonnamment, les Zoneilles sont égoïstes et mesquins. Qui l’eut pensé, vraiment ? Alors que les Clans réunis en assemblés dans le bois de Vincennes du Vaisseau Monde n’en finissent plus de se crêper le chignon, et que Druthkala tue le temps, faute de mieux, en imaginant les sévices qu’elle pourrait infliger à ses lointains cousins, Nuadhu du Clan Fireheart fait son apparition, en retard comme à son habitude. Bien que seulement héritier putatif du Clan, l’état végétatif de son père lui donne le pouvoir de décider à sa place, et un seul regard sur les courbes généreuses et l’armure minimaliste de la diplomate Ynnari convainquent notre dalleux de héros qu’il doit lui venir en aide pour s’en faire bien voir, et plus si affinités. Le choix d’Yvraine d’envoyer une bombasse plutôt qu’un érudit fait tout d’un coup plus de sens…

La mission de Shadowspite et de ses nouveaux amis est assez simple : mener une reconnaissance sur le monde vierge d’Agarimethea, où un vaisseau Exodite patiente en double file orbitale depuis quelques semaines, ce qui indique que quelque chose ne tourne pas rond à la surface. Après un petit go fast dans la Toile, dans la plus pure tradition des Wild Riders, les bikers au serpent arrive sur place, où ils ne mettent pas longtemps à repérer un complexe Necron défigurant le paysage champêtre, comme un magasin Bricodépôt construit au milieu d’un parc naturel. La présence de l’ennemi primordial des Eldars sur une planète qui devrait pourtant être exempte de toute souillure provoque des réactions mitigées dans la compagnie. Ceux qui réfléchissent avec le cerveau (Caelledhin, la demi-sœur du héros) sont pour une retraite prudente, ceux qui réfléchissent avec un autre organe (Nuadhu, qui n’en finit plus de baver sur les jambes de Shadowspite) insistent pour aller jeter un œil sur site, afin de peut-être trouver une arme qui pourrait aider les Eldars dans leur lutte contre les Necrontyr. Nuadhu étant techniquement aux commandes (même si cet incapable a laissé le pilotage de sa Vyper à son chauffeur de fonction), l’expédition fait fi de toute prudence et va se garer devant la pyramide principale. Bien évidemment, le calme qui baigne les lieux n’est qu’apparent, et lorsque Nuadhu pose la main sur la surface inerte du monument aux des morts, une alarme se déclenche et le ciel se remplit bientôt de tirs de désintégrateurs et d’aéronefs Necrons.

La fuite éperdue qui s’en suit voit la disparition tragique d’un certain nombre de cousins Fireheart, victimes des tirs ennemis, du relief ou du troupeau de dinosaures local (obligatoire sur un monde vierge). J’imagine qu’il en reste encore plein de là où ils viennent, et on ne pleurera donc pas trop sur leur sort. Les Eldars, bien diminués par la tournure qu’ont pris les événements, et la stupidité crasse de leur chef, jurent toutefois de revenir pour rendre aux Necrons la monnaie de leur pièce, ce qui sera fait dans ‘Wild Rider’/’Le Cavalier Rebelle’, le deuxième bouquin consacré aux suivants d’Ynnead par Gav Thorpe.

AVIS :

Je dois avouer tout de suite que je n’ai pour le moment pas réussi à m’intéresser aux Ynnari, ce qui est un handicap pour qui veut effectuer une chronique impartiale d’une nouvelle consacrée à cette nouvelle faction de 40K. Toutefois, même si les cultistes d’Ynnead avaient bénéficié de ma légendaire bienveillante neutralité, je pense que mon jugement de ce ‘Fireheart’ serait resté sévère. Il n’y en a en effet pas grand-chose à tirer de cette histoire, mis à part quelques fragments de fluff sur l’organisation et la culture de Saim Hann, et le nom du canasson de Khaine, ce qui n’est pas lourd. Pour le reste, on assiste à un festival de gaffes, puis de baffes, provoqué par l’incompétence notoire de Nuadhu, dont la concupiscence irréfléchie mettra Saim Hann en danger, et, surtout, donnera à peu de frais à Thorpe le pitch d’un de ses bouquins. C’est à une nouvelle purement et crânement utilitaire que nous avons affaire ici, qu’il convient de lire à l’extrême limite en prologue de ‘Wild Rider’ et c’est bien tout.

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The Dance of the Skulls – D. Annandale [AoS] :

INTRIGUE :

The Dance of the SkullsInvitée à honorer de sa présence un bal donné par la reine Ahalaset et le seigneur Nagen dans la cité de Mortannis, Nefarata se doute bien que cet évènement mondain n’est qu’un prétexte commode pour permettre à ces deux grandes lignées d’agir à ses dépends, ce qui ne l’empêche pas d’accepter gracieusement de se rendre sur place, n’ayant de toute façon rien d’autre de prévu ce soir là. Voyant d’un mauvais oeil le rapprochement s’étant récemment opéré entre Ahalaset et Nagen, la Mortarque de Sang suppute avec raison qu’un piège va lui être tendu, et se réjouit d’avance de cette (més)aventure, le quotidien de Nulahmia devant apparemment être assez terne.

Après avoir été accueillie avec tout le faste et la pompe liés à son r/sang (et infligé rateau sur rateau à ce pauvre Nagen, auquel elle promet toutefois une danse plus tard dans la soirée1), Neffie se voit proposer par son hôte une dégustation privée de crus tirés de l’hématothèque personnelle d’Ahalaset, ce qui ne se refuse pas. Guidée jusqu’à un salon lounge où l’attendent une dizaine d’esclaves qui s’appellent tous Mathusalem ou Réhoboam, notre rusée vampire à tôt fait d’identifier l’aiguille d’argent se terrant sous la roche, en l’occurrence un assassin assermenté doté d’une fourchette à escargot à la place du bras (c’est la mode à Hammerhal). Ayant raté son test d’Initiative, le faquin est toutefois aisément neutralisé par sa victime supposée, qui l’attache à son service d’un langoureux battement de cils. Satisfaite de la tournure prise par les évènements, et comme toute quinqua-millénaire de la bonne société après une dure journée de labeur, Neferata s’accorde un petit verre (et fracasse au passage toutes les « bouteilles », qui espéraient peut-être qu’on les laisse tranquille le temps qu’elles refassent le plein) aux frais de ses hôtes avant de revenir se joindre à la fête.

Là, il est temps pour la Lahmiane de porter l’estocade aux traîtres débusqués, et en musique s’il vous plaît, la danse des crânes consentie à ce benêt de Nagen donnant amplement le temps à notre héroïne de cimenter sa victoire en enchantant légèrement son cavalier, qui ne trouvera rien de plus malin lorsque l’assassin d’Ahalaset viendra sonner les douze coups de minuit à son ancienne patronne à l’aide de son argenterie intégrée, de lancer sa devise dans le silence de mort (héhé) qui s’ensuit. Cette dernière tombera à plat comme la totalité de ses blagues, et, mal comprise par la garde de la reine défunte, aura des conséquences tragiques pour notre pauvre Nagen. Un verre ça va, trois verres…

1 : En même temps, cette coquetterie de laisser dépasser une canine par dessus sa lèvre inférieure ne doit pas aider à lui donner un air très intelligent.

AVIS :

C’est peu de chose de dire que la prose de Herr Annandale n’était pas tenue en haute estime de ce côté du clavier, depuis la chronique de ses débuts pour la BL (The Carrion AnthemHammer & Bolter #11) jusqu’à aujourd’hui. Les choses ont légèrement évolué avec cette Danse des Crânes, qui s’affirme facilement comme la meilleure soumission de notre homme que j’ai pu lire à ce jour. Certes, on parle ici en progrès relatif plutôt qu’en performance absolue, cette courte nouvelle ne se comparant guère aux travaux d’auteurs que je considère être plus méritants que David Annandale, Abnett, Dembski-Bowden, Farrer et Fehervari en tête, pour n’en citer que quelques uns (la liste serait assez longue sinon), mais j’aurais trop beau jeu de ne pointer que les trous dans la cuirasse ou les défauts dans la raquette des travaux de ce régulier de la BL, si je ne soulignais pas également les sources de satisfaction à la lecture de ces derniers. L’Empereur sait qu’ils sont encore rares à cette heure.

Alors, quels sont les éléments positifs de La Danse des Crânes ? Pour commencer, une absence de ce que l’on peut presque appeler une « annandalerie », terme forgé par votre serviteur et désignant une mauvaise, grossière ou grotesque exploitation d’une idée de départ pourtant assez sympathique, pour des résultats évidemment décevants. Le huis-clos victorien qui nous est proposé ici ne pêche ainsi pas par excès de zèle ou manque de structuration, les péripéties s’enchaînant de façon tout à fait convenable et crédible, ce qui pourrait sembler aller de soi mais n’était pas gagné d’avance au vu du pedigree de l’auteur. On sent que ce dernier a réfléchi à la manière dont il devait dérouler son récit pour que le plan alambiqué de Nefarata puisse se dérouler sans (trop) d’accroc, et même si l’usage d’un petit TGCM en fin de nouvelle pour parfaire le triomphe de Mama Lahmia peut être noté, c’est finalement peu de chose comparé aux problèmes structurels émaillant quelques unes des précédentes soumissions de David Annandale.

Autre source de contentement, la description intéressante qui nous est faite de la haute société mort-vivante, nid de vipères aux crocs acérés et n’hésitant pas un instant à comploter pour précipiter la chute de leurs prochains, alors même que les ennemis extérieurs se comptent par milliers, et qu’un brin de solidarité entre macchabées ne serait pas de trop pour défendre le pré carré de Nagash. Le fait que cette société, mêlant vampires et humains à tous les échelons, apparaisse comme fonctionnelle et pérenne (en même temps, c’est bien le minimum quand on est immortel) est une autre réussite d’Annandale, qui parvient à donner un volume fort bienvenu à une faction qui jusque là se réduisait à des légions de squelettes traînant leur mélancolie dans des déserts violacés. On peut s’amuser aussi en Shyish, telle est la morale de cette petite histoire.

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The Board is Set – G. Thorpe [HH] :

INTRIGUE :

The Board is SetSur le sol de cette bonne vieille Terra, les armées loyalistes se préparent à recevoir comme il se doit le retour du fils indigne et de sa bande de potes, dont on entend déjà les « boum boum boum » crachés par les enceintes de leurs Clio tunées résonner depuis le parking de la copropriété, brisant le calme légendaire du quartier1. Comme le petit vieux acariâtre qu’il est, Macaldor, après avoir balancé une ou deux références que les moins de 20.000 ans ne peuvent ni connaître, ni comprendre, s’en va en grommelant dans sa barbe psychique que Dorn est définitivement une grande et jaune godiche, et que son obsession pour les briquettes et les portails électriques n’est qu’une lubie de jeune crétin. Ca tombe bien, notez, c’est l’heure de la coinche à l’EHPAD Bon Séjour, et le Mac’ ne raterait pour rien au monde ce moment de la journée.

À peine a-t-il fini d’installer la table que son acolyte de jeu révèle (you see what I did there…) sa présence et engage sans plus tarder les hostilités. Dans les ténèbres mi-obscures du 31ème millénaire, l’antique jeu de belote se joue en effet à deux plutôt qu’à quatre, et sur un plateau de jeu avec figurines en plus du traditionnel paquet de cartes. En fait, ça ressemble furieusement à une version Shadespirée des échecs, et ça a l’air donc vachement cool, d’autant plus que toutes les pièces se trouvent être des représentations des Primarques engagés dans l’Hérésie d’Horus2. Comme à chaque partie depuis leur internement respectif, Pépé et… Mémé ? rejouent la bataille finale de l’Hérésie, avec l’Empereur dans son propre rôle et Malcador dans celui de ce fripon d’Horus. Et comme à chaque fois depuis le début de ces amicales sessions, le Sigillite constate que son adversaire passe son temps à tricher. Manipulation de la pioche, duplication de cartes, ajout de pièces non WYSIWYG en cours de jeu… s’il y avait un arbitre, celà ferait longtemps que le Maître de l’Humanité aurait mangé son ban. Malheureusement pour lui, Malky ne peut compter que sur lui même pour se faire justice, ce à quoi il s’emploie avec toute la rouerie et la malice qu’on lui connaît.

En face de lui, l’Empereur semble peu intéressé par le déroulé de la partie, et joue franchement comme une savate, seulement sauvé par sa capacité à top decker comme un porcasse avec une régularité des plus suspectes. Ajoutant l’insulte à l’outrage, il se permet même de tancer son partenaire sur son faible niveau de jeu, alors que Horus, lui, était un opposant digne de ce nom. Sans doute très fatigué par l’enchaînement des nuits blanches à pousser sur son trône (la constipation psychique est un problème commun chez les démiurges millénaires, tous les auxiliaires de vie vous le diront), Big E va même jusqu’à utiliser des mots très durs à l’encontre de son vieux comparse, au point d’arracher à ce dernier des larmes de collyre. Qu’à cela ne tienne, Malcador en a vu d’autres, et met à profit sa rogne pour sortir un enchaînement digne de Magnus Carlsen le Rouge, le laissant en position de remporter la partie au coup suivant. « Ha ha, tu l’avais pas vu venir celui-ci, bouffi » exulte notre vieillard échevelé, pas peu fier de tenir sa première victoire en 1.834.427 confrontations. Sauf que, sauf que… Sauf que l’Empereur est décidément un mauvais joueur à la main leste, et trouve le moyen de substituer à son Roi Empereur lui-même une nouvelle pièce, le Fou, qui va héroïquement se sacrifier pour lui permettre de gagner la partie. Comble de la bassesse, le Fou a la tête de Malcador, à qui il prend l’envie folle de fracasser l’échiquier sur le crâne de son suzerain.

Sur ces entrefaites, une estafette se présente à la porte, et vient apporter la nouvelle tant redoutée au Premier Seigneur de l’Impérium : la flotte d’Horus vient de se matérialiser dans le système solaire, et la plus grande bataille de l’Humanité est sur le point de s’engager. Cherchant du regard son boss, Malcador a la surprise de s’apercevoir qu’il est seul dans la pièce, et l’a apparemment toujours été, d’après le retour un peu honteux du messager, qui n’a pas osé déranger tout de suite l’aïeul vociférant qui faisait une tournante autour du plateau de jeu à son arrivée. Conclusion de l’histoire : la grande vieillesse est un naufrage, mais au moins, on ne s’ennuie pas.

1 : Et je ne rigole même pas, la nouvelle commence par un constat par Macaldor et le chef de l’Adeptus Astra Telepathica du tapage nocturne diurne warpurne généré par l’approche de la flotte traîtresse.
2 : On comprend mieux du coup pourquoi l’Empereur tenait absolument à avoir un nombre pair de rejetons. C’est mieux pour équilibrer les parties.

AVIS :

The Board is Set est une nouvelle intéressante, mais dont l’inclusion dans un BLC ne tombait pas, de mon point de vue, sous le sens. Parmi les qualités notables de cette soumission, on peut mettre en avant l’art consommé avec lequel Thorpe distille à la foi clins d’oeil aux évènements passés et à venir de l’Hérésie, à coups de manœuvres lourdes de sens des pièces sur l’échiquier et de remarques sibyllines soufflées par un Empereur plus que jamais omniscient au bras droit/fusible qu’il s’apprête à griller, mais également allusions fluffiques subtiles, sur lesquelles les fans hardlore passeront des pages et des pages à s’étriper, par les mêmes biais que ceux donnés ci-dessus. Même sans être un amateur transi du style du Gav, on peut lui reconnaître un certain talent de mise en scène de ces passages prophétiques, ce qui n’était pas gagné d’avance au vu du casting de monstres sacrés qu’il convoque.

À titre personnel, j’ai également apprécié la tirade que MoM (Master of Mankind) balance à son larbin dans le but de le mettre en rogne et de le forcer à la jouer comme Lupercal, qui est un condensé de remarques blessantes mettant en évidence que Malcador n’a été qu’un outil utilisé par l’Empereur pour arriver à ses fins, et qu’il n’aura absolument aucun scrupule à s’en débarrasser une fois qu’il n’en n’aura plus l’usage. Ce discours des plus cash trouve une résonnance particulière depuis Dark Imperium, où il est clairement indiqué la dualité de l’Empereur dans ses « sentiments » envers ses congénères : incapable d’aimer l’homme, mais absolument dévoué à l’Humanité. On peut alors se demander si les piques envoyées par Pépé ne sont pas simplement le fond de sa pensée, qu’il livre à un Malcador qui reste persuadé qu’il ne s’agit que de la manoeuvre d’un monarque bienveillant et attentionné pour lui faire donner le meilleur de lui-même. Chacun se fera sa religion sur le sujet, mais cette dualité d’interprétation est assez intéressante.

D’un autre côté, The Board is Set s’avère être l’antithèse absolue de la nouvelle à mettre dans les pattes d’un novice de la BL ! Regorgeant de sous-entendus et d’Easter eggs qui feront les gorges chaudes des lecteurs vétérans, pour peu qu’ils soient des fluffistes un minimum intéressés, cette soumission possède en effet une valeur ajoutée littéraire qui passera à 31.014 pieds au dessus de la tête du newbie. Il est plutôt probable que ce dernier ressorte du propos de Thorpe ou perplexe ou soulé par l’accumulation de mentions et notions « members only » qui lambrissent les pages d’un bout à l’autre du récit. D’une manière plus large, on peut considérer l’Hérésie d’Horus comme étant, de manière générale, une franchise trop spécialisée pour être incluse dans des ouvrages de « propagande » de la Black Library. Sans mettre en question l’intelligence et les capacités de déduction du novice moyen, je doute en effet qu’il ait la patience ou l’intérêt pour percer à jour les tenants et aboutissants de cette absconse partie de Cards against Humanity. Bref, la définition même de l’acquired taste, et en tant que tel, aussi surprenant qu’une douzaine d’huitres au fond d’un Happy Meal.

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Au final, je dois reconnaître que la cuvée 2017 envoyait plutôt du bois, surtout du côté de l’Hérésie d’Horus, avec des soumissions assez mémorables (et kudos à la BL pour avoir placé ‘The Board is Set‘ en dernière position pour impact maximal). Age of Sigmar a également bien tenu son rang, et seul 40K s’est montré globalement décevant, avec uniquement ‘Endurance’ d’intéressant dans le lot (as far as I am concerned). Comme la plupart de ces nouvelles ont trouvé leur chemin dans des recueils et anthologies (certains gratuits) depuis leur première sortie, j’espère que cette revue tardive aura été tout de même utile, et je vous donne rendez-vous bientôt pour de nouvelles aventures.

THE ACCURSED [Recueil]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue de ‘The Accursed’, cinquième volume de nouvelles Warhammer Horror publié par la Black Library depuis le lancement de cette franchise en 2019. Pour les lecteurs qui ne seraient pas familiers avec le concept de cette gamme, le principe est simple : proposer des histoires plus effrayantes/glauques/sinistres que la moyenne, et généralement mettant l’accent sur le côté « civil » du 41ème millénaire et des Royaumes Mortels, quand les publications classiques de la BL se concentrent sur les choses militaires. Comme sous-entendu par la double mention ci-dessus, les recueils Warhammer Horror regroupent des nouvelles appartenant indifféremment à 40K et à Age of Sigmar, une variété qu’on ne retrouve que dans les numéros d’Inferno ! et l’omnibus tout public ‘The Hammer and the Eagle’ (chroniqué ici). Voilà pour les grandes lignes.

The Accursed

Au moment où ‘The Accursed’ a été publié (Novembre 2021), je m’étais mis en retrait de la Black Library et ai donc dû me livrer à un petit travail d’investigation au moment d’analyser le sommaire de cette anthologie, dont plus de la moitié est constitué de nouvelles ayant déjà été sorties par la Black Library sur la période 2019-2021. Si la pratique est très commune, on peut toutefois noter que les éditeurs de Nottingham ont procédé à des arbitrages particuliers, puisque certaines des histoires ayant fait partie de la Warhammer Horror Halloween Week 2020 ont été intégrées au recueil ‘The Harrowed Paths’ (chroniqué ici), alors que d’autres se retrouvent dans le présent recueil.

Au niveau des contributeurs de ‘The Accursed’, on retrouve des têtes bien connues de l’amateur de la BL (Kelly, Hill, Hinks), dont certains spécialistes du genre horrifique (Annandale, Ozga, Strachan). La seule nouvelle venue est Jude Reid, qui fait ici ses débuts avec ‘The Way of All Flesh’, même si on peut également remarquer que Peter Fehervari (‘Nightbleed’) peut également être considéré comme un débutant, puisqu’il s’agit de sa première nouvelle pour Warhammer Horror. Les termes du problème étant posés, passons maintenant à la dissection du sujet <fait claquer ses gants en latex et met en marche la scie circulaire>. Tchhhhh, ça va bien se passer…

The Accursed

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Skull Throne – J. Ozga [AoS] :

INTRIGUE :

Skull ThronePrésence discrète dans le Royaume de Shyish, la narratrice de notre histoire, que nous appellerons Ninon faute de mieux (Ozga ne lui donnant pas de nom) évolue dans un univers cotonneux et incertain, où les choses ne semblent pas être ce qu’elles sont vraiment. Troublée par des rêves persistants dans lesquels elle se voit et se revoit être faite prisonnière, puis décapitée, par un trio de maraudeurs chaotiques adeptes de la prise de tête, Ninon ne sait plus très bien si elle est vivante ou morte, et consomme des quantités importantes de thé psychotrope pour tenter de chasser son mal-être existentiel. Cette routine macabre prend fin lorsque débarque un nouvel arrivant, se révélant être également un barbare assoiffé de sang, et tout aussi intéressé par le crâne de Ninon que les trois affreux précédemment évoqués. Son sinistre dessein, qu’il souhaitait mettre à exécution en chantant et dans la maison en ruines de notre héroïne – trop shootée pour prendre soin de son chez-elle – est toutefois contrarié par une traversée de plancher inopinée, permettant à Ninon d’échapper à une décollation sommaire. Prouvant qu’elle a bien gardé la tête sur les épaules, cette dernière ébouillante le rustre en lui déversant le contenu d’un chaudron d’eau bouillante sur le râble, avant de décider de partir en mission spéciale avec la tête du malotru sous le bras. Il s’avère en effet que le barbare était l’un des trois gredins l’ayant peut-être (it’s complicated) décapitée il y a quelque temps, et Ninon souhaite récupérer ce qui lui appartient de plein droit. On suppose à ce stade qu’elle considère un échange de caboches avec les envahisseurs de Shyish.

Après avoir un peu marché, et atteint une plage évoquant fortement le front de mer dunkerquois, Ninon finit par localiser les pillards, qui font bombance à côté du cadavre d’un léviathan à moitié dévoré par un banc d’anguilles1. Saisissant sa chance, elle se glisse jusqu’à la marmite dans laquelle les joyeux cannibales préparent leur rata, et y déverse ses réserves de racines de mhurghast. Le résultat ne se fait pas attendre, les maraudeurs sombrant dans ou succombant à la paralysie apportée par ce charmant condiment, ce qui permet à Ninon de chiller tranquillement dans le camp à son réveil. Identifiant son pseudo tueur parmi les cataleptiques à la hache monstrueuse qu’il porte à son côté, Ninon est frappée par l’inspiration : si elle veut récupérer la tête qu’on lui a prise, il lui faudra offrir un sacrifice digne de ce nom à la divinité compétente en la matière, cet entrôné de Khorne…

Début spoiler…Profitant du lag persistant de ses hôtes, qui ne peuvent que contempler leur fin arriver lorsqu’elle se présente avec la hache empruntée à leur champion pour leur offrir une coupe gratuite, Ninon passe sa journée à la plage à faire un château de crânes, n’oubliant pas au passage d’embrocher le meneur des maraudeurs avant que les effets débilitants de la racine de mhurghast ne s’estompent pour de bon. Ceci fait, elle propose un deal au Dieu du Sang, offrant le fruit de sa récolte en échange… de la tête de sa sœur jumelle. Ce qui explique pourquoi et comment Ninon a pu se voir se faire tuer en début de nouvelle. Seulement, Khorne est dur en affaires, et bien qu’il ne prononce pas un mot, la négociation finit par déboucher sur l’accord du Dieu pour que les sœurs se retrouvent dans l’au-delà, conduisant Ninon au suicide. Tout le monde n’a pas l’étoffe d’une Valkia.Fin spoiler

1 : Qui ne jouent aucun rôle dans l’intrigue à part ajouter un peu plus de glauque à une histoire qui n’en manquait pas. Un clin d’œil à A Cure for Wellness, peut-être ?

AVIS :

Soumission très atmosphérique de la part de Jake Ozga, ce Skull Throne joue habilement des caractéristiques uniques de Shyish pour dérouter le lecteur sur la condition de son héroïne, jusqu’à ce que sonne l’heure du dénouement, qui, s’il se révèle plus triste1 qu’horrifique, s’avère néanmoins réussi. Le choix de l’auteur de faire du Royaume de la Mort un endroit à la fois onirique, apaisé et sinistre, frappe l’imagination du lecteur, tout comme les zones d’ombre laissée à dessein par Ozga sur ce qu’il s’est vraiment passé lors de la rencontre entre blanche neige et les trois balourds. Ce manque orchestré de certitudes donne à Skull Throne un cachet particulier, très différent du standard habituel de la Black Library, mais aussi appréciable qu’intrigant. La première moitié de la nouvelle m’a ainsi faite penser à A Ghost Story, film dans lequel le personnage principal revient hanter (de manière plutôt passive) la maison qu’il habitait après son décès dans un accident de voiture. Ce film a reçu un accueil polarisé, et je pense que cette nouvelle pourra également dérouter le lecteur, mais pour ma part, je salue la prise de risque et l’exécution de Jake Ozga dans ce Skull Throne, qui se révèle au final bien moins sanglant que ce que son titre laissait envisager.

1 : C’est un peu la petite fille aux allumettes à la sauce Age of Sigmar.

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The Child Foretold – N. Kaufmann [40K] :

INTRIGUE :

The Child ForetoldFermier alcoolique, misanthrope et passablement instable, du fait de la méchante prothèse remplaçant sa jambe droite perdue à la guerre, Kavel Trake survit péniblement de ses récoltes de nafar, occupant ses journées à trimer dans les champs et à parler à son épouvantail de compagnie, et ses nuits à picoler et à espérer ne pas se réveiller le lendemain. Bref, l’archétype du joyeux drille. À ses malheurs habituels est venu s’ajouter une invasion de warrior weed, sorte de chiendent Xenos qu’une politique de contrôle laxiste a permis de prendre pied, ou plutôt racine, sur la planète de Ballard’s Run. Cet excès de biodiversité n’occupe cependant pas longtemps notre héros, qui reçoit le soir même la visite d’une voyageuse passablement esquintée et mortellement poignardée, tenant dans ses bras un poupon qu’elle supplie Kavel de protéger de la vindicte populaire, avant de fatalement décéder. Notre péquenot, qui a servi dans la milice locale avant que son amputation ne le force à lever le pied (le gauche, évidemment), n’est pas un péquenot totalement rustre, et comprend assez vite que sa petite protégée, Oshi, a quelque chose de différent. Ou plusieurs choses, pour être exact : quelques petites bosses sur le front pour commencer1, et la capacité assez intrigante d’attirer des feuilles de nafar dans sa menotte pour s’auto-chatouiller lorsqu’elle en a envie, ce qui est pratique mais suspect.

La journée de bonheur paternel qu’il expérimente avec le poupon se termine toutefois brutalement avec l’arrivée d’un quintette hostile, menée par le capitaine de la milice et souhaitant ardemment que le bébé leur soit remis. La défense, assez minable, il faut le reconnaître2, convoquée par Kavel ne convaincant pas les ruffians de faire demi-tour, notre fermier n’a d’autre choix que de prendre les armes contre les intrus, qui, heureusement pour lui, s’avèrent avoir claqué tous leurs points de profil en impavidité, laissant peu de place à l’intelligence et à la compétence (comprendre qu’ils n’ont aucun problème à se laisser consumer par les flammes du cocktail molotov improvisé par Kavel, sans même pousser un cri, ni chercher à éteindre le brasier). Vainqueur de l’affrontement, José Bovin décide de tenter sa chance jusqu’à l’astroport tout proche, afin d’emmener Oshi dans la sécurité – toute relative – de l’espace. Malheureusement pour cette âme bien intentionnée, un comité d’accueil aussi déterminé et silencieux que les sbires qu’il a enflammés un peu plus tôt, l’intercepte sur la route, et lui enlève sa précieuse charge, non sans qu’il ait eu le temps de presque – son fusil lui étant mystérieusement arraché des mains par une force inconnue – vider son chargeur sur les marauds…

Début spoiler…À sa grande surprise et son soulagement non feint, les villageois, menés par un certain Drameon exhibant, lui aussi, une construction cranienne particulière, ne se montrent pas menaçants envers Oshi, et semblent au contraire l’accueillir comme unes des leurs. Préférant emmener leur prisonnier avec eux dans la caverne où ils se sont installés, les membres du culte Genestealer de Ballard’s Run (car j’espère que vous aviez compris de quoi il en retournait à ce stade) récompensent les bons et loyaux services de babysitting de Kavel en l’introduisant dans la famille, grand papa Mordephus roulant une galoche de bienvenue à sa nouvelle ouaille, sous les gazouillis approbateurs d’Oshi, dont la destinée est de devenir la Magus et porte-parole du clan. Tout est donc bien qui finit bien, ou en tout cas, mieux, pour notre héros déprimé, qui pourra jouir d’une vie sociale beaucoup plus riche jusqu’à la fin de ses jours, dans l’environnement préservé d’un agrimonde impérial. Pas loin d’être la meilleure chose qui puisse arriver à un citoyen impérial, quand on y réfléchit.Fin spoiler

1 : La réponse est oui. Ne dîtes rien aux autres.
2 : Jugez plutôt. Comme argument, c’est aussi convaincant que « cet hérétique n’a pas tout à fait tort », ou « cet Ork n’a encore rien fait de mal ».

AVIS :

Pour ses débuts au sein de la Black Library, Kaufmann choisit de livrer sa version d’un classique de la maison, pour un résultat assez honnête. On peut d’ailleurs saluer la bonne maîtrise générale que l’auteur démontre du background de 40K, ce dont d’autres contributeurs « extérieurs » recrutés par la BL pour Warhammer Horror ne peuvent pas se targuer. L’appropriation n’est toutefois pas totale, comme le montre la réaction très meh de Kavel devant la mutation apparente de sa protégée (qui peut à la limite s’expliquer par les pouvoirs psychiques de cette dernière), mais surtout, et c’est plus embêtant, l’absence de justification apportée à l’élément de déclencheur de la nouvelle, c’est à dire la remise du bébé à Kavel par une inconnue blessée… par qui ? Le fluff indique en effet que les membres vulnérables/trop moches des cultes Genestealers, comme les mères porteuses, les jeunes et papi/mamie Mougeot, sont gardés à l’abri des regards par le reste des membres. Partant, on voit mal comment la mère et la tante d’Oshi ont pu se faire embusquer par des villageois lambda de façon réaliste. De plus, le fait que Kaufmann décrive les cinq miliciens venus menacer Kavel comme faisant également partie du culte ne permet pas d’identifier une quelconque faction « hostile » dans la nouvelle (à moins que Ballard’s Run compte deux cultes Genestealers ennemis, ce qui serait vraiment pas de bol pour une planète aussi peuplée que Figeac). Pour terminer, on peut aussi s’interroger sur le choix de la BL d’incorporer cette nouvelle dans son segment horrifique, l’histoire présentée ici étant finalement assez gentillette et convenue pour un lecteur familier des « joyeusetés » de 40K.

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Tithemarked – S. Sheil [AoS] :

INTRIGUE :

TithemarkedTout le monde n’a pas la chance d’être fils unique, ni orphelin. Ainsi songe sombrement Petras, notre héros, tandis qu’il essaie de se soustraire au grand projet que nourrissent pour lui ses chers frères (Grandon et Bron) et père (Gaston? Napoléon? Hachilthalon?), qui consiste à le mettre à contribution pour atteindre le quota d’os demandé par le collecteur Ossiarch Reaper venu démarcher leur village. Ayant déterré tous les cadavres du cimetière, et abréger les souffrances des vieillards, agonisants et enrhumés, sans pour autant remplir l’attaché case du patibulaire revenant, les bouseux se résolvent donc à sacrifier leurs éléments les moins utiles pour le bien de la communauté, et au petit jeu du hachoir musical, Petras se retrouve rapidement shortlisté. Ses vigoureuses dénégations n’y font rien: c’est bien à lui que revient l’honneur de mettre la dernière main, ou plus exactement, le dernier bras, à la collecte de déchets organiques organisée par le Nag’. Au moment où le couperet tombe, il se révèle brutalement, amputé certes, mais depuis un bail: cela fait douze ans que le bras lui en est tombé, et l’enfant mal aimé et chétif est devenu…un jeune homme mal aimé et chétif1.

Les relations avec sa famille ne s’étant guère arrangées depuis ce jour fatidique, Petras a depuis quitté le foyer paternel pour voler de sa propre aile, n’écopant malheureusement pas d’une grande sympathie de la part des ses concitoyens de Shyish. Et pour cause, ces derniers le considèrent comme un porte-malheur, lié à jamais aux terribles Ossiarch Reapers par sa manche vide, et ne lui réserve donc pas le meilleur accueil. Malgré cela, Petras tient le coup car il a un but et un rêve: se faire poser une prothèse. Il connaît même l’artisan idéal pour cette opération, un forgeron prodige nommé Helstane, vers l’atelier duquel il se dirige avec toutes ses économies. Croisant sur la route un marchand, qui a lui aussi bénéficié de la science du prothésiste (il a pris sa jambe à son coût), il apprend toutefois de la bouche du colporteur qu’Helstane est loin d’être conventionné, et que ses services ne sont pas donnés. Souhaitant malgré tout tenter sa chance, Petras arrive enfin jusqu’à la forge de son potentiel sauveur… qui lui sort un gros doigt2 pour sa peine. Flûtcke. Le désespoir de notre héros arrive toutefois à émouvoir quelque peu le bourru et pingre Helstane, qui promet à son visiteur d’accéder  sa requête et de lui forger un membre – en tout bien tout honneur -, s’il se met à son service sans rechigner, et pour une durée indéterminée. Ce que Petras accepte.

Après un an, un mois et une semaine de durs labeurs, de bastonnades régulières et de café dégueulasse (c’est le pire), Petras demande gentiment à son boss quand est-ce qu’il prévoit de lui passer la main (et le reste, tant qu’à faire), provoquant une nouveau geste mal élevé impliquant un doigt de la part du maître artisan. Ce dernier informe en effet sa bonniche qu’il n’a cotisé que pour l’équivalent d’un doigt, ce qui revient  dire qu’il a travaillé à l’œil. Mondes cruels que ces Royaumes Mortels, où le fléau de l’esclavage moderne est tout aussi présent que dans le nôtre. Sauf qu’au lieu de confisquer les papiers des travailleurs, on leur refuse leur ferraille. Inacceptable. Bref, Petras en a gros, et commence à désespérer d’être jamais appareillé, ce qui explique en partie pourquoi, lorsque son patron envoie paître un ferrailleur de grands chemins lui ayant proposé d’acheter un bras d’Ossiarch Reaper, après avoir échoué à lui refourguer un plastron bosselé, l’infirme suit discrètement le vendeur éconduit, et lui subtilise son bien à la faveur de la nuit…

Début spoilerFasciné par l’objet, qu’il garde en secret dans sa paillasse, Petras finit par réaliser son fantasme en « essayant » la camelote, ce qui fonctionne… mais surtout pour le reste d’animus complètement dément prisonnier à l’intérieur du triquetrum (dont on ne parle pas assez à mon goût) enchanté. Cette greffe instantanée a des conséquences fâcheuses pour Petras, dont le nouveau bras gauche, pour habile et fort qu’il soit, n’en fait qu’à sa tête – ce qui est conceptuellement compliqué pour un bras -, mais plus encore pour Helstane, dont l’imposante carrure tape dans l’œil dudit bras (restez concentrés), et qui finit donc sa carrière sous les coups de son propre marteau, confisqué par son boy possédé. Il l’avait un peu cherché tout de même. Ce n’est que le début d’un parcours sanglant et psychotique pour Petras, qui retourne à son village pour régler ses comptes avec ses proches, sous l’emprise du membre maudit. En plus de commettre de massacrer et de désosser les malheureux croisant sa route (ses frères, leurs familles, les voisins, la boulangère…), puis d’aller déterrer le cadavre de son père pour se faire un bonnet avec son crâne, Petras, devenu complètement barge, se cloue les meilleurs morceaux de ses victimes sur le corps, dans une tentative valeureuse mais malheureuse de cosplay Ossiarch Reaper. Malheureuse car, au moment de se présenter devant ses pairs, dans la forteresse hantée la plus proche, l’apprenti Squelettor se fait déposséder de son calcium par les factotums de garde, qui ne laissent que ses corps mous et son âme devant l’entrée. C’est ce qui s’appelle tomber sur un os.Fin spoiler

1En fait cette histoire, c’est ‘Cendrillon’ qui rencontre ‘Saw’. Moignillon.  
2En anglais on dit ‘he gave him the finger’, ce qui marche tout aussi bien.

AVIS :

Sheil signe une nouvelle très convaincante avec ce Tithemarked, qui parvient à marier efficacement deux types d’horreur: celle, psychologique, provoquée par la mise en scène de la déchéance morale inévitable d’un héros pathétique, qui finit par commettre l’irréparable dans la poursuite d’un objectif justifié, mais inatteignable (un peu comme Carrie dans le film du même nom), et une bonne dose de gore allant crescendo dans le sanguinolent et le macabre, ce qui fait toujours plaisir aux amateurs du genre. En outre, sa vision et description des Ossiarch Reapers, la nouvelle faction des Royaumes Mortels, sont plutôt réussies, et parviennent à donner de la profondeur (pas totalement négative, qui plus est) aux petits soldats de Nagash. Bref, une franche réussite à mettre à l’actif de ce rookie, qui je l’espère aura l’occasion de remettre le couvert dans les mois à venir.

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Imperator Gladio – R. Strachan [40K] :

INTRIGUE :

Sur Valgaast, la ligne de front impériale se fait sérieusement bousculer par un assaut massif de l’Archennemi. L’un des régiments mobilisés au cours de cette campagne est le 77ème Dragon Blindé de Zentrale, qui a la chance de compter parmi ses châssis le Baneblade Imperator Gladio, une arme de destruction massive à même de renverser le cours de la bataille. En tous cas, c’est ce que l’état-major du régiment voudrait vous faire croire. Parmi les Zentraliens (qui doivent tous avoir un diplôme d’ingénieur avec un nom pareil), l’histoire est différente : le Gladio jouit d’une terrible réputation de tueur d’équipage, et c’est déjà la septième fois qu’il est remis en service après que tous ses servants aient trouvé la mort dans des conditions inexpliquées. Cette fois-ci, c’est au tour du Capitaine Becherovka et de son ramassis de bidasses (Kovar, Stijn, Palivo, Jezek, Zaj et Musil) de tenter leur chance.

Becherovka est un candidat tout trouvé pour ce poste de chef de tank maudit, car il a lui-même un lourd passif en la matière. Sa dernière affectation était un Shadowsword, dont tout l’équipage s’est noyé dans les eaux saumâtres qui recouvrent la surface de Valgaast (une sorte de Dagobah grimdark), tandis que lui a été secouru après 4 jours à respirer une bulle d’air coincée par la coque. Pas le temps pour lui de digérer ce traumatisme, il lui faut donc déjà reprendre du service pour faire son devoir de soldat de l’Imperium. Il peut cependant compter sur le bonus de Commandement que lui apporte la décoration intérieure du Gladio, constituée des 73 crânes des précédents membres d’équipage du Baneblade acariâtre. Un peu Khorny comme choix, mais l’ossement reste une valeur refuge au 41ème millénaire, tout le monde est d’accord sur ce point.

Alors que le vaillant petit tank prend le chemin du front, des événements variant du bizarre à l’inquiétant ne tardent pas à se produire, sans que personne à bord ne puisse en donner une explication claire, bien évidemment. Lorsque l’unité centrale du Gladio tombe soudainement en rade au milieu de la pampa du marais, les choses sérieuses peuvent commencer.

Comme son grade le demande, Becherovka court dans tous les sens pour tenter de comprendre ce qui arrive et établir un plan de contingence, mais ses vaillants efforts ne donnent pas grand-chose. Il faut dire qu’ils sont parasités par des manifestations frôlant le démoniaque (on ne verra rien, mais c’est tout comme), qui font perdre leur sang-froid, puis carrément la vie, à l’équipage du Gladio. Se retrouvant dans la position peu enviable de dernier défenseur Garde, et se sachant enfermé dans l’habitacle par des forces contre lesquelles il ne peut pas lutter, Bebert prend une décision radicale pour retrouver l’air libre…

Début spoiler…Tenter de ramper le long du canon Baneblade. Seulement, tout le monde n’est pas aussi souple qu’Ace Ventura, et sans doute que notre héros a eu tort de reprendre des frites à la cantine, car il se coince purement et simplement dans l’affût, et connaît une mort aussi atroce et ironique (sa plus grande hantise depuis son accident étant de mourir noyé… la suffocation c’est assez proche finalement) que singulière.

Cela n’empêchera évidemment pas les petites mains de la Garde Impériale de récupérer et de remettre en état l’Imperator Gladio après avoir localisé son emplacement. On peut même dire que le tank se bonifie avec le temps puisqu’il compte maintenant 80 crânes de décoration…Fin spoiler

AVIS :

Pour sa première soumission siglée 40K, Richard Strachan nous emmène sur Valgaast avec une histoire de vaisseau fantôme adapté pour notre univers futuriste en tank hanté. L’auteur arrive bien à marier deux sources d’angoisse distinctes (la claustrophobie d’une part, et les manifestations psychiques d’autre part) pour un résultat prenant et assez sordide pour mériter l’AOC Warhammer Horror. Le seul petit reproche que l’on pourrait être amené à lui faire est de ne pas avoir chercher à lever le voile sur la force maléfique qui hante l’Imperator Gladio : si ce dernier a été corrompu par le terrain particulier sur lequel il opère1, il faudrait expliquer pourquoi il est (apparemment) le seul tank affecté. À l’inverse, si c’est le Baneblade lui-même qui est mauvais (un clin d’œil à ‘Christine’ de Steven King ?), les adeptes du Mechanicus chargés des réparations auraient dû détecter que quelque chose clochait – si ce n’est la première fois, au moins la sixième…

Mis à part ce détail, qui n’enlève pas grand-chose au plaisir de lecture, ‘Imperator Gladio’ est une nouvelle d’ambiance des plus solides, à ranger aux côtés de ‘The Deep’, et qui démontre qu’on peut écrire une bonne histoire se déroulant exclusivement à l’intérieur d’un tank – ahem ‘Sarcophagus’ ahem -…

1 : Valgaast est la planète à laquelle toutes les soumissions Warhammer Horror de 40K font référence, souvent de manière anodine et détournée, comme Mhurgast pour Age of Sigmar.

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The Terminus – D. Annandale [40K] :

INTRIGUE :

Notre histoire se déroule dans la cité de Carchera, sur la planète Ossorian, par une nuit sans lune (ça ne sert à rien dans l’histoire mais ça met l’ambiance). Un frère (Bakhin) et une sœur (Vazya) progressent en direction d’une gare abandonnée, dans le but de vérifier la véracité d’un mythe tenace : le train de Valgaast (wink wink). D’après la légende, ce convoi circule la nuit dans les gares désaffectées, et les passagers qui osent monter à son bord sont amenés jusqu’à l’emplacement d’un somptueux trésor. Si Vazya tient juste à fact checker ce racontar, son frère est lui beaucoup plus intéressé par les proverbiales richesses récompensant les audacieux voyageurs, ayant contracté de très lourdes dettes auprès de créditeurs pas franchement compréhensifs.

Ayant pris position dans l’une des nombreuses gares en ruines de la périphérie de Carchera, nos deux héros en sont quitte pour quelques heures d’attente1 avant que l’improbable se produise : un authentique train entre en station, et ouvre ses portes pour leur permettre de rentrer. Après les trois secondes d’hésitation contractuelles, Vazya et Bakhin sautent le pas (please mind the gap between the train and the station) et prennent place à bord, avant que la rame ne reprenne sa course. Ils ne tardent pas à découvrir qu’ils sont loin d’être seuls dans le train, et font ainsi la connaissance d’un trio de concitoyens (Darra, Krent et Nevi), eux aussi à la recherche du légendaire trésor du train de Valgaast, qui les aiderait à se sortir de leur situation difficile.

Pendant que leur Ouigo file à toute berzingue vers une destination inconnue, mais en tout cas hors de Carchera, le petit groupe décide d’explorer son environnement, et de remonter vers la tête du train à la recherche du chef de bord, qui pourrait peut-être leur donner plus d’informations sur les prochaines étapes du périple. Cette initiative louable est toutefois abandonnée à l’unanimité après que nos héros aient jeté un œil au wagon de tête, rempli à ras bord d’individus très louches (des chauves blafard en robe : sans doute des cosplayeurs de Matthieu Ricard). La première classe n’est plus ce qu’elle était…

Les options du club des cinq sont toutefois très limitées : après avoir essayé d’ouvrir les portes, et réalisé que sauter d’un train en marche sans voir en contrebas n’était pas une riche idée, ils conviennent de rejoindre les autres passagers « normaux » du Valgaast Express, et d’aviser à l’arrivée. Lorsque la rame s’arrête enfin, Vazya, Bakhin et compagnie descendent donc sans faire d’histoire, et décident de suivre à distance raisonnable le groupe de tête(s chauves), qui part en direction d’un complexe abandonné, en chantant d’étranges cantiques. Assez inquiétant, certes, mais pas menaçant à proprement parler, donc pourquoi pas. Et puis, pas question de rentrer à pied à Carchera…

Début spoiler…Ce comportement moutonnier se révèlera toutefois rapidement néfaste, car les arrivants se retrouvent encerclés par des centaines d’alopécistes en transe, et dirigés vers le centre de la congrégation, où les attend… un gros tyranide. J’aurais bien aimé dire que c’était un Patriarche Genestealer, comme les indices égrenés par Annandale le laissaient penser, mais la description qui en est faite par l’auteur me pousse plutôt à conclure à un Prince, ce qui n’est absolument pas logique, fluff wise. Quoiqu’il en soit, les malheureux chasseurs de trésor amateurs sont soit boulottés par le Xenos affamé, soit converti au culte de ce dernier, ce qui est le cas de Vazya. Après avoir subi la tonsure réglementaire, elle est donc renvoyée à Carchera pour répandre la rumeur d’Orléans de Valgaast dans la cité, et assurer ainsi un flux de snacks réguliers à son nouveau boss.Fin spoiler 

1 : Il faut croire que même les trains fantômes peuvent être victimes d’incidents de circulation de types « régulation du trafic » ou « mouvement de grève du personnel ».  

AVIS :

David Annandale adapte le thème du train fantôme à la sauce 40K, pour des résultats un peu décevants. Comme souvent avec notre homme, les débuts prometteurs débouchent sur une conclusion pas vraiment satisfaisante, ici à deux niveaux. Premièrement, j’ai trouvé que la révélation finale relevait de la faute de goût, en cela qu’une histoire exploitant les codes du surnaturel doit rester sur cette voie (haha) et ne pas bifurquer dans un autre type d’horreur (ici bien plus prosaïque) en fin de course. La suspension d’incrédulité en prend un grand coup dans les gencives, car tout ce qui aurait pu être accepté par le lecteur comme causé/expliqué par le Warp doit maintenant trouver une justification réaliste… ce que l’auteur se garde bien de faire ! Deuxièmement, le flou artistique laissé par Annandale, pourtant contributeur vétéran de la GW-Fiction, sur l’identité de son antagoniste est regrettable car elle a toutes les chances de blaser le lecteur un peu au fait du background de la faction convoquée. Il aurait suffi d’une petite rectification de la part du relecteur pour corriger ce défaut, mais cela n’a pas été le cas et je dois dire que cela m’ennuie profondément. OU EST LE RESPECT HEIN ? Verdict final : guère entraînant.

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Nightbleed – P. Fehervari [40K] :

INTRIGUE :

NightbleedLes journées de Chel Jarrow, medicae disgraciée et névrosée de Sarastus, sont hantées par un cauchemar récurrent dans lequel elle se revoit faire l’erreur qui lui a coûté sa carrière, ainsi que la vie d’une de ses patientes. Epuisée par un enchaînement de gardes, elle a en effet confondu un Death Guard « XIV » avec un Son of Horus « XVI » et injecté de l’eau de javel à une malade du COVID-19K, ou une joyeuseté de cet ordre, ce qui ne pouvait pas bien se terminer. Renvoyée par son employeur, elle enchaîne depuis les petits boulots minables, le dernier en date consistant à servir de technicienne de laboratoire dans une usine agroalimentaire. Affectée à des cycles nocturnes pour ne pas entraver la production, Chel passe ses journées à dormir et ses soirées à éviter son mari Lyle, dont elle ne supporte plus la petitesse et la servilité1. Une bonne crise de la quarantaine comme on les aime, en somme.

Alors qu’elle prend le chemin du turbin, elle remarque en attendant que l’ascenseur monte (131ème étage, tout de même) que de nouveaux tags ont fait leur apparition sur les murs de son couloir. L’un d’eux représente l’homme aiguille (Needleman), une sorte de croquemitaine local vivant dans les ténèbres et cherchant sans relâche à saboter les dômes abritant les cités ruches de Sarastus pour permettre à la Nuit Véritable de régner sans partage sur la planète. Le trouillomètre commence à s’affoler lorsque Chel entend des bruits suspects dans l’obscurité du couloir, hors de portée de sa fidèle lampe torche. Ou plutôt, aurait dû s’affoler car notre héroïne n’éprouve pas le moindre émoi à la pensée qu’un prédateur la guette peut-être depuis les ténèbres. C’est l’avantage d’avoir une vie vraiment pourrie : on voit toujours le bon côté des choses. Ceci dit, il ne se passera rien de bien méchant avant que l’ascenseur ne finisse enfin par arriver, et emmène Chel jusqu’au rez de chaussée de la tour Barka.

Il est temps pour nous de faire la connaissance de notre second personnage principal, un jeune à problème s’étant rebaptisé Screech (cri perçant en français) après avoir entendu sa mère pousser un hurlement inhumain lorsqu’il lui a crevé les yeux à l’aide d’une fourchette. Il venait de tuer son père de la même façon, et avait 14 ans à l’époque des faits. Voilà voilà. Obsédé par le mythe de l’homme aiguille, qui l’a fait basculer dans la folie homicidaire, Screech est devenu un grapheur marginal, laissant des messages aussi inquiétants que mal orthographiés2 sur les murs de la cité. En plus de cela, il lui arrive d’enfiler son cosplay de Needleman pour aller trucider du prolo au gré de ses envies. Cette nuit lui semble d’ailleurs propice à un nouveau crime, et alors qu’il erre dans la cité à la recherche de la bonne cible, son chemin finit par croiser celui de Chel, qui a pris place dans son TER habituel pour aller bosser. Pas de doute possible pour Screech, c’est elle que le destin a choisi pour rapprocher Sarastus de la Nuit Véritable, un meurtre sanguinaire à la fois.

De son côté, Chel, qui en a vu d’autres et se balade avec un taser dans la poche, sent bien que l’ado tatoué et crasseux qui s’est assis par terre en tête de wagon et l’épie sans en avoir l’air n’est pas animé d’intentions charitables envers sa personne. Une poussée de mauvaise humeur manque de la faire aller au clash contre son stalker (pas vraiment discret) à la sortie du train, mais ce dernier est trop perdu dans ses pensées (il a dû sniffer le reste de sa bombe de rose pour passer le temps) pour prendre la mouche. Laissant à sa victime un peu d’avance, il finit par la suivre jusqu’à l’usine où elle travaille, après avoir enfilé son habit de non-lumière : un masque de métal et les griffes de Freddie. Ainsi paré, il se sent possédé par l’esprit de Noël du Needleman, que l’on devine être un peu plus qu’un simple fantasme d’achluophobe. Et en effet, lorsque Screech se retrouve attaqué par un cyber molosse après être entré par effraction dans le périmètre de l’usine de Potton Vitapax, il ne doit son salut qu’à sa possession temporaire par son esprit totem, dont l’un des pouvoirs consiste à pouvoir tordre ses bras dans tous les sens, ce qui est pratique pour venir à bout d’un mastiff énergétique qui vous cloué au sol après vous avoir déchiqueté la cuisse. Mal en point mais toujours opérationnel, notre héraut reprend sa traque en traînant la jambe.

Pendant ce temps, Chel s’est remise à travailler sur le dernier échantillon qui lui a été remis, et dont elle suspecte la nature maléfique, ou en tout cas néfaste, sans pouvoir le prouver. Les tests du VLG-01 n’ont en effet rien détecté de suspect, mais la consistance de goudron pervers de la substance rend son utilisation dans des produits cuisinés, même pour des travailleurs de la caste Delta, impensable. En désespoir de cause, et prise d’une inspiration subite, Chel a résolu la veille d’ingérer un peu de cette mixture, ce qui a semble-t-il renforcé ses cauchemars. N’y tenant plus, et sans doute en manque, la technicienne décide d’aller visiter le lieu de stockage du VLG-01, convainquant pour ce faire un des gardes de nuit de la conduire jusqu’à l’entrepôt (forcément abandonné jusqu’il y a peu car il avait mauvaise réputation). Là, deux choses horribles se produisent coup sur coup. Premièrement, Chel sombre dans la folie et se sert une grande rasade d’élixir de noirceur à même la cuve (pochtronne !), ce qui ne lui fait pas du bien comme on peut s’en douter. Deuxièmement, Screech finit par la rattraper, après avoir égorgé le garde au passage, et s’apprête à lui jouer son grand classique : le concerto d’Edouard aux Mains d’Argent en Scie Mineure…

Début spoiler…Seulement voilà, le Needleman s’est trouvé un avatar plus méritant que ce petit péteux de taggeur, et Chel se fait un plaisir de corriger son agresseur d’un grand coup de taser dans la glotte, ce qui lui fait fondre la mâchoire et couler les yeux sur les joues, entre autres effets secondaires sympathiques. Ayant récupéré le masque de fonction de Screech sur son presque cadavre, Chel retourne à son laboratoire pour valider définitivement l’échantillon de VLG-01, qui pourra donc être distribué largement à la populace de Sarastus, avant d’embrasser définitivement son nouveau statut de femme de l’ombre. Première étape : son appartement de la tour Barka, où elle aura une petite discussion avec ce butor de Lyle à propos des radiateurs…Fin spoiler

1 : Et également sa froideur coupable, car monsieur refuse obstinément de monter le chauffage, quand bien même la température de leur HLM se rapproche sensiblement de zéro.
2 : Dernier chef d’œuvre en date de notre Banksy sociopathe « C 1 MENSSONJE » au Hello Kitty Pink. Sans point d’exclamation à la fin, car ce n’était pas nécessaire.

AVIS :

Comme on pouvait s’en doute, Peter Fehervari réussit sans problème son entrée dans la gamme Warhammer Horror avec ‘Nightbleed’, un petit concentré de noirceur (haha) à la sauce Dark Coil. Notons à ce propos que les références aux autres textes et arcs narratifs du Fehervariverse ne sont pas légions dans cette nouvelle (à moins qu’elles soient trop subtiles pour votre serviteur, ce qui est tout à fait possible), ce qui facilite sa compréhension pour le lecteur non familier de l’approche de l’auteur. Ceci dit, il n’est guère besoin de pousser loin l’analyse pour comprendre que ‘Nightbleed’ n’est pas un stand-alone, mais contient des éléments qui s(er)ont explicités ailleurs, à commencer par le sens des lettres « VLG », sur lequel Fehervari fait plancher son lecteur de façon très explicite1. Parmi les autres réussites indéniables de cette soumission, on peut citer la facilité déconcertante avec laquelle l’auteur arrive à « planter » son décor en quelques phrases, et à faire de Sarastus un monde impérial plus tangible et réel que bien des planètes auxquelles GW et la BL ont consacré des dizaines de pages (Necromunda ? Armaggedon ? Cadia ?), ce qui est la marque des vrais conteurs. De la même manière, Fehervari instille à son récit un véritable malaise (angoisse serait un peu fort), amplifié par les bribes de comptines qu’il met dans la bouche et dans l’esprit de Screech. Will you won’t you meet the Needleman ?

1 : À titre personnel, je penche pour un acronyme en haut gothique (latin donc) glorifiant les ténèbres/le Chaos, mais cela peut être chose. Je suis simplement à peu près sûr qu’il est possible pour un lecteur attentif de percer ce mystère à jour avec les indices que Fehervari a laissé ici et là…

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A Moment of Cruelty – P. Kelly [AoS] :

INTRIGUE :

A Moment of CrueltyHéritier jouisseur, couard et infect d’une lignée de notables Azyrites venus s’établir en Shyish à la suite de la reconquista initiée par Sigmar, Alabastian Valenth use son indolente jeunesse et de son statut de golden boy pour collectionner les conquêtes, les excès et les gueules de bois. La dernière en date, lorsqu’elle finit par le laisser émerger, le laisse cependant en mauvaise posture car notre héros réalise avec horreur qu’il a trois heures de retard au rendez-vous avec son costumier. Et quand votre vie ne tourne qu’autour du prochain bal masqué de la noblesse, et que votre influent et richissime meilleur ami a également été invité à l’essayage, c’est une tuile de premier ordre, croyez-moi.

Une clepsydre hors de prix fracassée au sol, une paire de gardes (Maltratt et Xarantine) rabrouées, et une galerie de clochards et d’infirmes rembarrés sur le chemin du tailleur plus tard, Alabastian arrive enfin présenter ses plus plates confuses à l’illustre Harratio d’Asbe (son BFF), qui l’a patiemment attendu en parfait gentleman. Quelques heures et verres de vin plus tard, les deux amis finissent par se séparer, et pendant que Bastian doit repasser rive droite (ou gauche d’ailleurs) de Mhurghast pour regagner son domicile, Harratio part contempler son gros pif dans un miroir un peu spécial, qui lui renvoie un reflet encore moins flatteur que ce que la prise au vent de son appendice nasal laisse à supposer…

Alabastian, qui a fait un détour par le pont des Ahres pour éviter de recroiser la route de la cour des miracles qui l’a tant importuné à l’aller, joue de malchance car il tombe sur à nouveau sur un lépreux particulièrement lacunaire, qui le supplie de lui donner une petite goutte. Pas de pinard, notez, mais d’aqua ghyranis, l’hydroxychloroquine/eau de javel des Royaumes Mortels, capable de remettre sur pied même un cul de jatte. Bien évidemment, notre snob de héros refuse, et pousse la petitesse jusqu’à cracher dans le dos du miséreux, avant de partir en courant dans un grand élan de bravoure. De retour dans son hôtel particulier, il narre sa mésaventure à des deux gardes du corps (Maltratt et Xarantine, si vous suivez), avant d’aller se passer les nerfs en montant au grenier pour vaquer à son occupation d’intérieur favorite : lorgner les passants de la place que surplombe son manoir. Mais même cet innocent plaisir lui est refusé car qui sort des brumes pour lui rendre son regard indiscret dès qu’il a pris place dans son fauteuil de mateur ? Le lépreux susmentionné, évidemment.

La paranoïa naturelle d’Alabastian atteint des niveaux cosmiques, et il envoie ses deux chiennes de garde régler son compte à Jo le Clodo sur le champ… sans qu’elles parviennent à lui mettre la main dessus, bien évidemment. Après une nuit agitée, la vue de l’empreinte d’une main amputée de trois doigts dégu*ulassant sa fenêtre, pourtant située à 10 mètres au dessus du sol, manque de faire tomber le nobliau en syncope, et Maltratt et Xarantine en sont quitte pour repartir traquer l’insaisissable estropié dans les ruelles brumeuses de Mhurghast…

Début spoiler…Leur rencontre avec Sally-du-Château, l’aliénée cryptique du quartier (il en faut bien une), permet toutefois aux deux comparses de comprendre que cette sortie était probablement ce que voulait le stalker d’Alabastian, qu’elles ont laissé en train des claquer des miches sous son lit à baldaquin. La carrure de Maltratt l’ayant taillée pour le lancer de Duardin plutôt que pour le sprint, Xarantine parvient à destination avec une avance confortable sur sa collègue, et a donc l’insigne honneur de mourir sous les coups et les crocs du lépreux le plus vivace de Shyish, après une une mauvaise chute dans l’escalier menant à la chambre du patron. Ce dernier ayant bravement laissé le personnel gérer l’intrus sans filer de coup de main, il se retrouve à devoir affronter le roide pelé en un contre un, avec des résultats prévisibles. Mis au tapis par son adversaire, qui lui plante les ratiches dans le coup pour lui apprendre à se moquer du malheur des autres, Alabastian a de la poisse dans son malheur car il constate bientôt que son assaillant lui refile ses plaies et ses bosses en même temps qu’il lui vole littéralement son look. Aussi, lorsque l’inexorable Maltratt finit enfin par pointer le bout de son nez, elle ne réalise pas que l’avorton scrofuleux qu’elle s’en va jeter dans la rivière Hisset pour venger sa camarade et à la demande expresse de son patron, est l’authentique Alabastian. Allez savoir, elle a peut-être gagné au change au final.Fin spoiler

AVIS :

Phil Kelly en dit trop ou pas assez dans ce ‘A Moment of Cruelty’, dont les pièces semblent former un tout cohérent mais sans s’emboîter parfaitement. En effet, si l’idée principale développée et révélée par l’auteur en conclusion de sa nouvelle fait écho à quelques indices égrénés plus tôt dans la narration, bien des questions demeurent, trop pour faire de cette soumission une réussite. Le rôle de Harratio d’Asbe dans l’intrigue, les pouvoirs du miroir qu’il utilise, la raison de sa visite chez Alabastian plus tôt dans la semaine, ou encore le sens à donner au rêve (prémonitoire ?) de ce dernier, sont autant de points laissés à la libre interprétation du lecteur. Et que penser de la motivation qui anime le persécuteur de notre froussard de héros ? Poursuit-il des desseins inconnus ou déteste-t-il simplement les gens qui ne font pas preuve de ponctualité ? Dommage pour Kelly, qui avait sinon exposé des idées intéressantes, comme ce jeu d’interprétation, difficilement traduisible en français, autour des sens de « Sally » (un prénom mais également un verbe, qui veut dire « faire route »), en plus de nous avoir offert une première visite de la fameuse Mhurghast. Je ne serais pas contre un peu de rab, afin de prendre totalement la mesure de la carrure AoSesque et horrifique de notre homme.

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The Reaper’s Gift – R. Cluley [AoS] :

INTRIGUE :

Le milicien Rutger, confronté à une trop forte opposition lors de la dernière bataille livrée par sa compagnie franche à une bande d’Hommes Bêtes en maraude, a prudemment décidé de se faire porter pâle et quitté le champ de bataille pour le champ de maïs, laissant les copains se débrouiller sans lui. A sa décharge, notre héros courageux mais pas téméraire venait d’hériter d’une méchante estafilade sur le bedon, réduisant fortement son utilité au combat en même temps que son espérance de vie. Dans son malheur, Rutger a toutefois la chance de tomber sur une étable décrépite où il peut s’abriter de la pluie battante de Shyish, et recouvrer quelques forces avant de reprendre sa fuite éperdue. Dans cet abri de fortune, il fait la connaissance de Poll, le jeune fils d’une fermière du cru qui essaie tant bien que mal de survivre avec ses trois enfants et en l’absence de son mari, réquisitionné de force par l’armée locale il y a plusieurs mois. Ayant gagné la confiance du gamin grâce à ses talents de montreur d’ombres, Rutger parvient aussi à se mettre la mère (Maudeline) dans la poche, et est invité par cette dernière à dîner avec sa famille.

Pendant que le soldat se fait recoudre la bidoche et se gave de brouet, ses hôtes lui racontent la légende du Faucheur (Reaperman), un croquemitaine ayant l’apparence d’un épouvantail géant et venant punir les membres égoïstes de la communauté à grands coups de faux dans les gencives. Originellement, le Faucheur était un guérisseur dont le fils unique mourut écrasé par sa propre charrue, tragédie qui fit mourir sa femme de chagrin quelques semaines plus tard. Ses voisins n’ayant pas fait preuve d’une grande solidarité envers le pauvre homme dans ces moments difficiles, le désespoir et le ressentiment (et l’intervention de Nagash, aussi) le changèrent en spectre vengeur, que les paysans du coin tentent d’apaiser en se faisant des cadeaux entre eux, démontrant ainsi leur camaraderie. Il se trouve que Maudeline et Cie offrent des épouvantails, ce qui explique pourquoi l’étable où s’était réfugié Rutger était pleine de silhouettes tout à fait creepy. On est à Shyish, aussi.

Raccompagné par Maudeline jusqu’à la grange où elle accepte qu’il passe la nuit, Rutger réalise que la brave fermière dissimule en fait une ogresse en puissance, qui n’a pas hésité à tuer et découper les autres déserteurs amochés qui sont venus demander assistance au cours des derniers mois. Cela explique comment elle a pu confectionner autant d’épouvantails dans un endroit aussi reculé, où les fripes d’homme adulte sont rares. Pragmatique jusqu’au bout, Maudeline avoue que c’est l’infection qui commence à gagner sa plaie qui l’a convaincue de ne pas transformer Rutger en jambon, et qu’elle ne lui fera donc aucun mal. Cet échange de civilités est interrompu par l’arrivée d’un Ungor inquisiteur, qui se fait prestement occire par notre coriace agricultrice #LaMortEstDansLePré.

Il ne s’agit toutefois que d’un sursis pour la petite troupe, car il est certain que la disparition de l’éclaireur va donner l’idée au reste de la harde de passer une tête cornue dans le coin dans les prochaines heures. N’ayant aucun espoir de prendre de vitesse l’ennemi, Rutger propose de gagner du temps en utilisant la ruse…

Début spoiler 1…C’est-à-dire mettre à profit le stock d’épouvantails de ses hôtes pour donner l’impression à ces bêtes de Bêtes que la ferme est fortement gardée. Cela ne les trompera ni ralentira très longtemps, mais devrait permettre aux fuyards une chance d’atteindre les voisins les plus proches de Maudeline et sa marmaille. La journée qui s’en suit est donc tout entière consacrée à la préparation de ce musée Grévin hors les murs, mais alors l’après-midi avance, Rutger a une idée encore meilleure pour duper les Hommes-Bêtes en maraude…

Début spoiler 2…Laisser les femmes et les enfants derrière. Comme il se doute que Maudeline a peu de chance d’accepter, il lui colle un coup de hachette dans le crâne pour avoir les mains libres, et attache les orphelins avec les épouvantails pour donner l’illusion que son régiment de paille est bien vivant. A la guerre comme à la guerre, tout de même. C’est le culte de l’huître bleue qui avait raison, une fois de plus : don’t fear the reaper (fear the deserter).Fin spoiler

AVIS :

Pour sa deuxième contribution à la GW-Fiction (après ‘Flesh and Blood’), Ray Cluley corrige la mire et signe une histoire bien noire, et méritant tout à fait sa catégorisation dans la gamme Warhammer Horror. En distillant à petites touches les détails troublants, puis inquiétants, puis révoltants, l’auteur parvient à instiller une pure atmosphère de film de genre, où l’on comprend qu’il peut se passer quelque chose d’horrible à tout moment, et où tous les personnages, même (surtout) les protagonistes, peuvent partir en vrille sans crier gare. Il fait également preuve d’une maîtrise consommée de raconteur d’histoire en entraînant le lecteur sur la piste de l’épouvantail, figure horrifique s’il en est, pour au final donner à son récit un twist final bien plus prosaïque, mais d’autant plus marquant et efficace. Une vraie bonne soumission pour le sieur Cluley, qui remonte sensiblement dans mon estime.

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The Way of All Flesh – J. Reid [40K] :

INTRIGUE :

Alors qu’il se réjouissait d’épouser prochainement la belle et riche Aurelie Langenbruik, Niklaas van Riedvelt reçoit une visite nocturne et imprévue de la part de son futur beau-frère, Konrad. Ce dernier est loin d’être enthousiasmé par le mariage de sa sœur avec un parti aussi minable et désargenté que le bon Nik, qui n’a que pour lui le fait de posséder le titre de Graaf. Ayant appris par des tiers que l’ascendance de Niklaas était soumise à caution (sa mère ayant eu tendance à faire beaucoup la fête avant sa naissance), Konrad vient donc intimider le futur marié dans son manoir décrépit dans l’espoir qu’il rompe ses fiançailles et laisse partir Aurelie. La proposition n’agrée guère notre héros, qui dans un mouvement d’humeur regrettable plante une dague dans la gorge du maître chanteur, avec des effets rapides et définitifs sur la santé de Konrad. D’abord totalement dépassé par la situation, Niklaas finit par faire jouer ses relations auprès d’une marraine du crime (Hanna Ullman) dont il tient les comptes, et qui lui envoie un duo de nettoyeurs pour faire disparaître l’encombrant cadavre.

Les choses semblant se tasser après ce regrettable incident, et malgré la détresse d’Aurelie devant la disparition inexpliquée de son petit frère, Niklaas a tout loisir de finir la préparation de son mariage, prévu dans quelques semaines. Cependant, la réception d’un faire-part signé de la main de Konrad, et annonçant que le macchabée assistera à la noce, plonge notre héros dans une psychose de plus en plus marquée. D’abord persuadé que Hanna Ullman cherche à le faire chanter, il décide d’aller lui rendre une visite de courtoisie pour tirer l’affaire au clair, mais découvre que le quartier général de la patronne de la pègre a été récemment dévasté par les flammes. Sur le chemin du retour, il est suivi puis rattrapé par un individu capuchonné portant à l’index l’anneau distinctif de Konrad, mais qui ne fait rien d’autre que pointer un doigt aussi pourri qu’accusateur sur le meurtrier avant de disparaître dans la nuit. Ambiance, ambiance.

Lorsque le jour des noces arrive, Niklaas est au bout du rouleau et commet quelques impairs pendant la cérémonie, comme arracher la capuche d’un adepte du Mechanicus qui assistait à l’office, pensant qu’il s’agissait encore une fois du fantôme de Konrad. Les formalités terminées et les invités repartis, il est temps pour nos tourtereaux de regagner leur nid d’amour pour leur première nuit comme mari et femme. Tout est bien qui finit bien… Sauf que non, bien sûr. Le manoir familial des van Riedvelt n’est pas épargné par les apparitions morbides, et Niklaas est à nouveau surpris par son stalker sépulcral, et cette fois avoue à haute voix que tout ça n’était qu’un accident, et qu’il n’a jamais voulu tuer Konrad. Cette confession fait disparaître l’invité mystère sans laisser de trace, laissant enfin loisir à notre héros d’aller retrouver sa femme au lit… et de s’endormir aussi sec. Ouf, moi qui pensais que la BL allait donner dans le torride, me voilà rassuré.

Le lendemain matin, tout semble aller pour le mieux pour Niklaas, qui pense innocemment avoir été libéré de sa culpabilité par sa confession d’hier. Alors qu’il sirote son premier recaff d’homme marié en attendant que sa femme vienne le rejoindre, il ferme brièvement les yeux pour savourer son bonheur retrouvé…

Début spoiler…Et se rend compte quand il les rouvre que rien n’est oublié ni pardonné. Aurelie a en effet invité Konrad, ou plutôt le Serviteur qu’elle a fait faire à partir du cadavre putréfié de son frère, après qu’elle l’ait repêché dans le canal où les hommes de main de Hanna Ullman l’avait jeté, à passer à la maison. Toutes les apparitions funestes faites à Niklaas n’avaient pour but que de le faire avouer sa culpabilité, afin d’obtenir sa condamnation par la justice, ce qui sera bientôt chose faite. La seule consolation que notre pauvre héros peut avoir est que son cadavre ne sera pas perdu pour tout le monde, et qu’il devrait rester proche de la femme qu’il aime même après son décès… sous une forme ou une autre.Fin spoiler

AVIS :

Ce n’était qu’une question de temps avant que le Fantôme du Commandeur ne soit adapté à la sauce Warhammer Horror, et la nouvelle venue Jude Reid se tire plutôt bien de cet exercice de style. On peut mettre à son crédit une narration efficace et atmosphérique, qui permet de suivre les tribulations du Graaf Niklaas van Riedvelt sans forcer son intérêt pour une histoire autrement assez classique. J’ai également apprécié ses efforts pour donner de l’épaisseur et de la consistance à la société dans laquelle se passe sa nouvelle (Etterdam), ce qui facilite l’immersion dans l’histoire. Pour finir, et à la différence d’autres histoires de Warhammer Horror (et du recueil ‘The Accursed’), le twist final est bien préparé et ne tombe pas à plat, ce qui est toujours agréable. Une nouvelle contributrice à suivre de près, donc.

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Elloth IX – J. D. Hill [40K] :

INTRIGUE :

Lorsque l’équipe de mineurs d’astéroïde qu’il dirige prend possession de la base stationnée sur Elloth IX, Alun ne tarde pas à remarquer que quelque chose cloche. Il faut dire que la disparition mystérieuse de la totalité de leurs prédécesseurs, sans que ces derniers se soient donné la peine de laisser un post it explicatif sur le comptoir, ou même de faire la vaisselle, n’a rien de rassurant. Mais il y a des choses plus urgentes à faire et des quotas d’extraction à atteindre pour obtenir la paie promise, ce qui fait passer ces débuts inquiétants au second plan. Toujours est-il que notre héros à crête (il porte un mohawk, ce qui est très approprié lorsqu’on passe toute la journée dans une combinaison spatiale) ramasse par pure curiosité une représentation de l’Empereur dont les yeux ont été crevés. Une décision lourde de conséquence, comme vous pouvez vous en douter, et que même le principal intéressé semble trouver louche. Il faut ce qu’il faut pour faire avancer l’intrigue.

Bien évidemment, la situation ne va aller que de mal en pis sur la station, et en particulier pour Alun, qui se met à attendre des battements inexpliqués, que les autres membres de son équipe ne perçoivent pas. La découverte d’un corps desséché dans un coin d’entrepôt par Alun et son second (Toyn) vient épaissir le mystère, d’autant plus que le macchabée semble avoir été victime d’une exécution rituelle. Afin de préserver le moral des troupes, Alun décide de balancer le corps dans l’espace sans ébruiter la nouvelle, ce qui ne met pas fin au problème car l’obstiné cadavre s’amuse à popper de manière régulière dans la station, malgré les efforts désespérés de notre héros pour se débarrasser de cette tache tenace.

Logiquement sur les nerfs à cause de ces manifestations inexplicables, Alun doit également composer avec un Serviteur suicidaire (death by s’éclater le pif sur une console toutes les cinq secondes – c’est assez salissant), puis sur la mort de Toyn dans un accident d’exploitation à la surface d’Elloth IX. En bonus, le cadavre récursif se met à prendre la forme de Toyn après son décès, ce qui en fait beaucoup pour un seul homme, vous le reconnaîtrez facilement. Finalement, Alun fait un burn out et décide d’aller voir si l’espace est plus profond chez le voisin après une nouvelle apparition macabre. Sans combinaison spatiale. Comme n’est pas Guilliman qui veut, l’expérience est fatale à notre héros surmené, qui a toutefois pris soin de laisser derrière lui le leaflet de Œdipe Roi Pépé Aveugle, ramassé aussi sec par un random dude, qui commence à son tour à entendre un battement en provenance du cœur de la station. Comme un petit air de déjà-vu…

AVIS :

Vouloir faire c’est bien, rester compréhensible d’un bout à l’autre de son propos, c’est mieux. Justin D. Hill sacrifie la cohérence de son intrigue pour nous donner une triple ration de scènes spooky, qui suffiraient peut-être à le sauver s’il avait tourné un film et pas écrit une nouvelle. On sort de ‘Elloth IX’ avec le sentiment d’avoir raté la page où l’auteur aurait expliqué, au moins en partie, la cause et la propagation du maléfice qui frappe la station, ce qui n’est jamais agréable, et ce n’est pas la mention de Valgaast au détour d’un paragraphe qui viendra sauver cette tambouille indigeste. A oublier.

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The Cache – J. Brogden [40K] :

INTRIGUE :

The CacheLa vie de Lyse Urretzi, première fille du chef du clan du même nom, consiste à s’enduire de graisse pour aller récupérer de la tech perdue dans les niveaux souterrains du Spike, le dédale de coursives et de galeries qui constitue le seul monde qu’elle a jamais connu. C’est en effet aux Urretzi que revient la mission sacrée d’entretenir la barrière de Saint Geller, qui protège le Spike de l’Extérieur et des ses dangers innommables. En mission d’exploration dans le plus simple appareil, ou presque, Lyse manque de se faire alpaguer par un Crawler, charmante petite bestiole carnassière peuplant les bas fonds du Spike, et ne doit la vie sauve qu’à ses réflexes affutés et son fidèle pisto-grappin, qui arrête sa chute après que ses mains glissantes lui aient fait échapper quelques prises1.

Remise de ses émotions, et en quête d’un chemin vers les hauts, à défauts de beaux, quartiers où vivent ses congénères, elle tombe sur une sorte de petit théâtre de l’horreur où un épouvantail fait de barbaque humaine se trouve seul en scène, avec un médaillon brillant autour du cou. Bien que cette performance d’art post-contemporain ne lui évoque qu’un malaise des plus profonds, Lyse est trop excitée par l’idée de rapporter une authentique babiole technologique à son clan pour faire la fine louche, et récupère donc le colifichet. Après avoir un détour malheureux en coulisses, où elle se retrouve nez à nez avec une vision démente de l’Extérieur, peint avec de la bouse de vache et de la bave d’escargot, elle trouve enfin le chemin vers le haut du Spike, mais finit par déboucher dans le territoire des Jaax, les ennemis jurés des Urretzi. Urretzut.

On apprend alors que Lyse devait servir de monnaie d’échange et de mère porteuse au patriarche Jaax, Hadzor, afin de mettre un terme à la vendetta opposant leurs deux clans depuis des générations. Un mariage avait été négocié par la Prime Adjutant Galla Domitia, plus haute autorité du Spike, avec la bénédiction du père de Lyse, Sutomore. Il semblerait que les tourtereaux n’aient pu finalement convoler en justes noces, pour des raisons non précisées mais dont Lyse est sans doute (au moins un peu) responsable. Toujours est-il que notre héroïne ne tient guère à se faire pincer en territoire ennemi, surtout depuis qu’elle détient des preuves que les Jaax accueillent des adeptes de l’Extérieur parmi eux. Après une petite course poursuite rondement menée, elle parvient à regagner le bercail, mais le répit n’est que de courte durée. Hadzor Jaax vient en effet sonner à la porte en compagnie de Galla Domitia et de ses Arbites pour tirer au clair cette histoire d’empiètement de propriété privée. Sachant que c’est une discussion qu’elle ne pourra pas remporter, et peu emballée à l’idée de devoir remettre son nouveau médaillon à Hadzor en dédommagement, Lyse file à l’anglaise pour aller retrouver Cracius l’Er(e)mite, un dangereux hérétique selon la sagesse populaire, mais également un expert en matière de technologie oubliée…

Début spoiler 1…Après un voyage hallucinatoire jusqu’au rade de l’anachorète, qui se révèle être une sorte de techno-prêtre pas encore assez détaché des choses de la chair pour refuser de faire bonne chère (Lyse lui ramené des croûtes de lépreux, un mets raffiné), première révélation. Le médaillon qu’elle a récupéré n’est autre que le sceau du Cambusier, et indique l’emplacement des caches de nourritures du Spike, ou, comme il était précédemment appelé, du Spira Tenebris. Car Lyse et ses compaings ne sont pas des gangers d’une cité-ruche mal tenue, mais les descendants de l’équipage d’un vaisseau impérial qui s’est retrouvé encalminé dans le Warp il y a foooort longtemps. D’où l’importance de maintenir opérationnel la barrière de Saint Geller, et tout un tas d’autres détails qui font finalement plus de sens.

Le sceau indique l’emplacement d’une cache encore intacte, qui se trouve dans les niveaux inférieurs/arrière du Spike, en plein territoire des Crawlers. Ce n’est pas ça qui décourage Lyse de tenter le coup, les vivres commençant à se faire rare par chez elle. Avant que la cavalerie (Hadzor, Domitia et consorts) ne débarque, elle se met donc en route pour le frigo, grâce à l’auspex de fortune que lui a bricolé Cracius en échange de trois paquets de chips.

Au bout d’une longue descente qui se passe suspicieusement bien, Lyse arrive devant la porte blindée de la cache, qu’elle parvient à ouvrir sans encombre. Elle n’a cependant que le temps de s’enfiler une paire de Mars bien mérités que les Crawlers, qui n’attendaient que ça, prennent possession des lieux. Cela faisait en effet des plombes qu’ils attendaient que quelqu’un leur passe le code secret du garde manger, ce que Lyse a fait de façon purement involontaire. Tout cela aurait pu mal finir pour elle sans l’intervention à point nommé de la cavalerie (voir plus haut), qui met les faquins en fuite à grandes rafales de fusil laser. Ce n’est toutefois pas la fin des ennuis pour Lyse, car Hadzor se met soudainement en tête de la trucider, malgré les appels au calme de Domitia. Ces chamailleries se terminent lorsque le perfide Jaax se prend la porte, qui est suffisamment lourde et blindée pour avoir raison d’un être humain normal…

Début spoiler 2…Sauf que Hadzor n’est pas un simple pervers cannibale et polygame, mais bien possédé par un esprit de l’Extérieur, a.k.a. le Warp. Il n’a donc aucun mal à se dépétrer de ce menu embarras, puis de massacrer les Arbites jusqu’au dernier dans de grands hurlements de rire. Ce court laps de temps permet à Lyse de prendre une longueur d’avance sur son prétendant, qui rêve toujours de l’emmener en lune de miel sur Valgaast, et de l’attirer jusqu’en salle des générateurs. Là, une petite feinte de la pisto-moustache à grapin, enseignée dans toutes les écoles de rugby urbain, permet de faire basculer le gros lourd dans le brasier, ce qui met fin à ses déprédations.

Notre histoire se termine avec l’émancipation de Lyse, qui part squatter chez Cracius après que son clan ait commencé à la regarder de travers pour s’être trop approchée des feux djinns (les générateurs), qui sont, comme chacun sait, môôôôôdits. Au moment où le rideau tombe, elle part à la rencontre des Crawlers pour leur proposer un deal qu’ils ne pourront pas refuser. Comme dit le proverbe, plus il y a du riz à partager avec les fous, il y a de l’espoir.Fin spoiler

1 : Comme quoi le gras est peut-être la vie, mais la graisse est sûrement la mort. Médite là-dessus le jeune.

AVIS :

James Brogden soigne assez son entrée dans la BL avec ‘The Cache’, qui révèle quelques surprises bien senties à son lecteur… jusqu’à un certain point. Si les révélations amenées par Cracius font ainsi effet, et dénotent de la bonne vision qu’à l’auteur du background de 40K1 (et la petite mention de Valgaast, la planète « signature » des histoires futuristes de Warhammer Horror vient appuyer ce constat), tout comme l’ambiance à la ‘The Descent’ instillée dans les passages d’exploration des bas fonds du Spire se révèle être prenante, le grand final de la nouvelle n’est malheureusement pas au niveau des pages précédentes. Brogden laisse ainsi certaines questions importantes sans réponse satisfaisante, comme le passif de Hazdor Jaax (pourquoi et comment est-il devenu ce qu’il est ?) et le « statut » des Crawlers, que l’on devine être apparentés de façon inconfortablement proche aux humains du Spike, mais qui tiennent parfois de la faction peu fréquentable mais raisonnable, et parfois de la bande de prédateurs dégénérés. Malgré cette petite déception finale, James Brogden fait mieux ici que pas mal de nouveaux auteurs de la BL, et mérite donc à mon humble avis d’être suivi avec une bienveillante neutralité dans la suite de son parcours.

1 : Jouer de la similitude entre une cité ruche et un vaisseau impérial est plutôt malin.

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The Bloody Kiss – D. Hinks [AoS] :

INTRIGUE :

Le trappeur Raziv se languit d’amour pour la belle Marya, et fait le mur de sa ville natale, Dravko, pour aller la rejoindre dans les ruines d’une ancienne forteresse perdue au milieu de la forêt. So romantic. Comme nous sommes dans les Royaumes Mortels, et plus précisément à Shyish, cette entreprise est très loin d’être sans risques, car la région est infestée de choses non-mortes et pas vraiment amicales, à commencer par les hag-kin, ou les petits-petits-petits-petits enfants de Belladamma Volga, la matriarche de la dynastie Vyrkos. Ces vampires mâtinés de loups-garous rôdent dans les halliers obscurs à la recherche de sang frais, et sont une menace à prendre très au sérieux même par un survivaliste aussi expérimenté que Raziv. Ce dernier a toutefois une botte secrète pour ne pas faire de mauvaises rencontres sur le chemin le menant à sa dulcinée : il connaît les voies secrètes qui traversent la forêt, dont la connaissance est transmise de génération en génération par les lignées de trappeurs de Shyish. Jusqu’à présent, aucun d’entre eux n’a mis Volga et sa clique au parfum, ce qui permet à notre héros de voyager sans se faire trop de soucis pour sa sécurité personnelle.

Les choses prennent cependant un tour funeste lorsque l’ardent Raziv, qui bout littéralement de rejoindre sa bien-aimée pour qu’elle lui parle poésie, peinture et voyages (ce que sa propre femme, la gentille et timide mais assez rustre Sanja est bien incapable de faire), se rend compte qu’il est épié, alors même qu’il a emprunté un des chemins secrets que ces lourdauds de hag-kin sont censés ignorer. Croyant d’abord à la présence d’un autre trappeur noctambule, il doit vite déchanter lorsque le collègue qu’il suspectait (Velizar) est retrouvé étripé et à moitié dévoré quelques centaines de mètre plus loin. Le doute n’est plus permis : un Vyrkos plus cultivé que la moyenne est de sortie, ce qui est une complication désagréable, mais pas rédhibitoire pour notre héros, qui a vraiment envie de voir Marya. Après quelques astuces de Castor Junior, comme remonter une rivière à pied pour dissimuler son odeur à ses poursuivants, et une rencontre assez glaciale avec un hag-kin plus chien fou que loup alpha, Raziv croit avoir semé ses poursuivants, et arrive enfin à l’endroit où sa belle l’attend…

Début spoiler…Seulement, quelqu’un est venu pour tenir la chandelle, et comme la troisième roue du carrosse est un gros buveur de rouge, notre Roméo en culotte de peau est horrifié de constater que sa chère et tendre a été goulument siphonnée par cet invité surprise. Ou plutôt, cette invitée, car le vampire responsable du worst Tinder date ever de Raziv n’est autre que sa femme, Sanja, qu’il reconnaît à sa ceinture plutôt qu’à son visage (assez logique, vu les circonstances de la rencontre). Non contente de l’avoir cockblocké sans pitié, Sanja la revancharde lui jette un maléfice de récursion, qui le condamne à revivre éternellement cette soirée dramatique. Notre malheureux héros se rend d’ailleurs compte pendant les cinq secondes de chargement du niveau qu’il n’est pas le fringant jeune homme plein de sève qu’il pensait être, mais un vieux croulant blanchi sous le harnais, preuve que cette mesquine vengeance se perpétue depuis déjà quelques décennies. Mais pas le temps pour ces considérations terre à terre, il faut aller rejoindre la belle Marya, qui attend au cœur de la forêt…Fin spoiler

AVIS :

Darius Hinks s’empare d’un classique de la littérature horrifique, le « vampire anonyme » (on sait qu’un des personnages est secrètement un vampire qui a réussi à camoufler son identité) et parvient à nous proposer une histoire avec des twists finaux tout à fait réussie, ce qui est une performance à part entière. Pour ne rien vous cacher, je m’attendais vraiment à ce que le résultat final soit totalement prévisible dès la lecture du titre et des premières pages, où tout suggère le vampire mais Hinks prend bien soin de ne pas mettre les pieds dans le plat, comme s’il essayait de ménager du suspens. Compte tenu de la tendance de la Black Library à vendre la mèche de la conclusion de ses histoires par pure négligence, et du fait que le sieur Hinks a déjà signé des nouvelles d’un tout petit niveau, je craignais le (vam)pire et fais donc amende honorable ici. ‘The Bloody Kiss’ est une soumission très solide pour Warhammer Horror, et sans doute le meilleur court-format de cet auteur dans le genre horrifique. Je commence à croire que Hinks est fait pour écrire pour Age of Sigmar plutôt que pour 40K…

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Et voilà qui conclut cette revue de ‘The Accursed, qui comme les autres recueils Warhammer Horror publiés avant lui (et les recueils de nouvelles de la Black Library en général) contient du bon et du moins bon. Malheureusement pour cette anthologie, le fait que l’une de ses meilleures histoires (‘Nightbleed’) soit disponible gratuitement dans la Black Library Celebration Week 2022 fait baisser d’autant sa valeur marchande, même si elle contient quelques bonnes nouvelles que l’ont ne peut – pour le moment – pas trouver ailleurs. Avec « seulement » 250 pages et 12 courts-formats au compteur, ‘The Accursed’ n’est pas l’anthologie horrifique à choisir en priorité, si vous voulez mon avis, mais reste une addition tout à fait respectable à la collection d’un amateur de cette franchise. 

BLACK LIBRARY CELEBRATION WEEK 2019 [Recueil]

Bonjour à tous, et bienvenue dans cette revue totalement à contre-temps des cinq nouvelles ayant formé la Black Library Celebration Week 2019. Après avoir traité le millésime 2022 (ici), l’envie m’a pris de boucler la boucle en remontant aux origines du concept, mis en place par la BL il y a quatre ans. Si le nombre de nouvelles proposées a décru au cours de éditions (de 6 en 2019 et 2020 à 5 en 2021 et 2022), le principe de base est resté le même: un inédit mis à disposition chaque jour pendant une – petite – semaine à l’occasion de la Black Library Celebration annuelle, avec un effort consenti de la part des éditeurs de Nottingham pour offrir un panorama assez complet des différentes franchises de la GW-Fiction.

Black Library Celebration Week 2019

Le printemps 2019 ayant vu le lancement de la dernière phase de l’Hérésie d’Horus avec la publication de ‘The Solar War‘ en Mars, il était assez logique que la BL mette le paquet sur cette série au cours du millésime festif qui nous intéresse ici: pas moins de trois nouvelles y sont consacrées, dont une signée de la main d’un des Seigneurs de Terra, Aaron Dembski-Bowden. L’absence totale d’histoires siglées Age of Sigmar constitue à l’inverse un choix incompréhensible de la part de Games Workshop, qui sera heureusement corrigé dès l’année suivante. Restent donc trois nouvelles pour 40K, rédigées par un trio d’auteurs ayant déjà ou étant amené à faire leurs preuves : John French, Rachel Harrison et Guy Haley. Les quatre années écoulées depuis cette semaine fatidique, et la republication de certains de ces courts formats dans d’autres anthologies aura certainement un impact sur la critique de ces travaux, mais comme a pensé Pépé en voyant arriver Rob’ et Lionel en orbite de Terra alors qu’on le mettait sur le trône ++Mieux vaut tard que jamais++

Black Library Celebration Week 2019

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Bringer of Sorrow – A. Dembski-Bowden [HH] :

INTRIGUE :

Bringer of SorrowAlors que sur Terra, tout le monde se prépare à l’arrivée des horribles hordes horusiennes (Ho ho ho), nous retrouvons un couple de personnages des plus singuliers, coincés sur le Monde Trône par la force des choses. À ma droite, le génial mais asocial au plus haut point Arkhan Land, techo-archéologue de renom et polymathe à ses heures perdues, en plus d’être très certainement l’idole absolue de cet arriviste de Cawl. À ma gauche, le Capitaine Blood Angels Zephon (peut-être nommé ainsi à cause de sa tendance aux flatulences), victime d’une maladie auto-immune ayant conduit son organisme à rejeter ses implants de Space Marines, et assigné à l’inauguration des chrysanthèmes par sa hiérarchie en conséquence depuis quelques années. Une bien triste mise au placard pour le fameux Porteur de Tourments de la Grande Croisade!

Ayant fraternisé à l’occasion de la Guerre dans la Toile, à laquelle ils ont participé dans la mesure de leurs moyens (‘Le Maître de l’Humanité‘), les deux méta-hommes contemplent l’arrivée de la Légion de Sanguinius, qui n’est pas sans arracher quelques larmes de joie à ce fragile de Zephon. Land, qui est un être rationnel, lui, ne comprend pas bien la cause de ces épanchements hormonaux, démonstration imparable à l’appui. Qu’importe, Zephon est la patience et la bienveillance incarnées, et le techo-archéologue n’est pas loin de considérer le grabataire en armure rouge qui sert de perchoir à son psyber-macaque (les Jokaero, ça fait vraiment peuple) comme un ami, ce qui l’amène à lui proposer – à trois reprises car Zeph’ n’écoutait pas les deux premières – une séance de chirurgie réparatrice, ce que l’Astartes accepte de grand cœur.

Un peu plus tard, dans le laboratoire de Land, ce dernier débute une opération de grande ampleur visant à remplacer les ressorts de sommier, tringles à rideau et autres rustines en chewing-gum qu’il a mis à profit pour remettre sur pied son comparse lorsque les démons sont venus toquer à la porte pendant que Pépé était sur le trône. Pour efficace que se soit avéré ce bricolage, en effet, les conséquences de long terme pour Zephon ne se sont pas avérées plaisantes. Mettant à profit ses connaissances scientifiques poussées, son approche radicalement hétérodoxe (pour ne pas dire hérétique) du problème, et sa réserve personnelle de gadgets récupérés de ci de là au cours de ses fouilles précédentes (dont un implant cérébral très probablement piqué à un homme de fer), Land parvient à retaper à neuf le Blood Angel, qui déborde donc de gratitude à sa sortie de catalepsie. La pureté du moment est toutefois battue en brèche lorsque Zephon se rend compte que l’intervention du Martien en exil a été motivée, non pas par son sens de l’amitié, mais par son désir d’obtenir une entrevue avec Sanguinius pour le convaincre d’aller botter le joint de culasse du séditieux de Kelbor-Hal, ce que ce jean et jaune foutre de Dorn s’est montré incapable de faire. Blessé dans son for intérieur par la froideur de Land, Zephon promet toutefois de faire ce qu’il peut pour organiser la rencontre.

Quelques jours après cette opération à corps ouvert, Big Nose et son ouistiti attendent dans l’antichambre de la suite Aphelion, réquisitionnée par l’Ange pour la durée de son séjour sur Terra. Lorsqu’un membre de la Garde Sanguinienne se pose à ses côtés pour lui signifier que le Primarque attend son bon plaisir entre l’EAP de Raldoron et son Skype avec le Khan, Land ne met pas longtemps à comprendre que derrière l’armure clinquante et le masque doré du Rocket Man se cache Zephon, réintégré dans ses fonctions actives à la suite d’une visite médicale apparemment concluante. Ce qui fait chaud à son petit cœur de Martien, tout de même.

AVIS :

Exercice de style plus drolatique que dramatique de la part d’ADB, cette petite nouvelle remet en scène deux personnages déjà utilisés par l’auteur dans des travaux précédents, et permet à ce dernier de souligner un peu plus l’opposition/complémentarité fondamentale entre le noble, droit et émotif Zephon, et l’acariâtre, rationnel mais néanmoins génial Arkhan Land. Parfait en mouche du coche protégé par ses relations hauts placées (il a causé à l’Empereur, tout de même) et totalement étranger à la moindre notion de savoir-être et d’entregent, le Arkhan le Martien révèle un côté un peu plus sombre de sa personnalité sous la plume de Dembski-Bowden. De son côté, Zephon a bien du mal à sécuriser sa place d’autre personnage principal, concurrencé bassement par le singe adoptif de son comparse et la mention de Diocletian. C’est dire s’il est charismatique. Bref, un petit extra littéraire sans grandes conséquences pour l’Hérésie avec un grand H, mais qui bénéficie du savoir-faire d’ADB pour faire passer un bon moment au lecteur. 

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The Mistress of Threads – J. French [40K] :

INTRIGUE :

The Mistress of ThreadsChez les libres marchands, les liens du sang sont, si ce n’est sacrés, au moins très importants, particulièrement lors d’un coup dur. C’est donc tout naturellement que Cressida Syr Morio contacte sa cousine Viola von Castellan afin de solliciter son aide dans une affaire louche qu’elle a récemment mis au grand jour. Tête pensante de la dynastie décadente des Morio après son mariage arrangé avec Osric Morio, Cressida croyait avoir réussi à se faire une place aux soleils1, une destinée peu évidente pour celle qui n’avait été jusqu’ici que la « Cousine Cress’ » dans l’arbre généalogique des illustres van Castellan. L’ouverture de la Cicatrix Maledictum plongea cependant la petite affaire familiale des Morio dans la tourmente, le fret intra galactique étant difficile à déplacer lorsque l’Imperium est coupé en deux par des tempêtes Warp et que la lumière de l’Astronomicon est montée sur courant alternatif. Une solution tombée du ciel se présenta cependant en cette heure dramatique, sous la forme du cartel Cytos, une organisation commerciale et religieuse à la réputation impeccable (les Quakers de 40K), et toute prête à secourir la maison Morio en son heure de déboire, en échange de la possibilité d’utiliser les flottes et installations de cette dernière.

Cet arrangement permit aux Morio d’encaisser cette période de troubles, mais au hasard d’une découverte fortuite dans son manoir de Mithras, Cressida réalisa que les sympathiques et propres sur eux Cytos faisaient circuler des spécimens un peu trop funky à son goût sous couvert de colissimos siglés Morio. Soupçonnant que les Cytos ont déjà mis en place une surveillance de ses faits et gestes, elle ne peut que se tourner vers sa chère cousine Viola, qu’elle sait être de mèche avec l’Inquisiteur Catogan Covenant, et peut-être en mesure de l’aider à régler cet épineux problème…

Début spoiler…Seulement voilà, on ne peut pas compter que les Saints Ordos pour agir dans l’intérêt bien compris de ceux qui les sollicitent (on n’est pas dans Ca Peut Vous Arriver ici) mais seulement dans celui de la pérennité de l’Imperium. Si Viola prend la missive de Cressida très au sérieux, et organise une collecte d’informations/préparation d’intervention en un temps record, grâce à son carnet d’adresses des plus fournis et ses talents consumés de stratégiste – qui lui ont valu le surnom de Maîtresse des Fils – le résultat final n’est guère du goût de la principale intéressée. Ayant acquis la certitude, autopsie à l’appui, que le cartel Cytos n’est qu’une couverture d’un Culte Genestealers, Viola obtient le feu vert de son illustre patron pour purger ces affreux Xenos. L’opération Chauve Qui Peut est lancée sans tarder, et voit une escouade de la Deathwatch prendre d’assaut le manoir de Viran où Cressida était placée en résidence très surveillée par ses partenaires commerciaux, ce qui se solde par sa « libération » mais également et surtout par l’élimination d’un des Magus de Cytos, venu questionner lui-même Cressida après avoir eu vent de ses dernières manigances.

La nouvelle se termine avec un dernier échange, beaucoup plus froid, entre les deux cousines : Cressida reprochant à Viola d’avoir déclenché l’annihilation préventive de la maison Morio par pure bitcherie, ne lui laissant d’autre choix de carrière que pèlerine en route vers Terra en classe économique. La vilenie. Magnanime, Viola se contente de répondre qu’elle n’a pas le temps pour les gens négatifs, en tant que business women overbookée H24, mais qu’elle prendra un pumpkin latte avec Cress’ dès que cette dernière sera de retour de son petit périple tantrique dans le Segmentum Solar. Enjoy your holidays, guuuuuuurl !!! XOXOFin spoiler

1 : Avec un million de mondes dans l’Imperium, le pluriel est toléré.

AVIS :

John French enrichit son corpus de nouvelles dédiées aux nombreux et variés acolytes de l’Inquisiteur Covenant avec ce ‘The Mistress of Threads’, qui suit de plus près Viola von Castellan (et un peu son frère Cleander), libre marchande mais pas vraiment en fait puisque sa maison a été mise sous tutelle de l’Inquisition en punition des errements de quelques-uns de ses membres les moins inspirés. En plus de nous gratifier d’une enquête inquisitoriale en bonne et due forme, pleine d’éléments fluff qui feront plaisir aux amateurs, comme à la belle époque où Dan Abnett publiait des nouvelles du bon Gregouze Cornedeglace dans Inferno !, French démontre que sous ses abords respectables, il est capable de faire preuve de plus d’inventivité formelle dans ses soumissions que 95% des autres contributeurs de la BL. La nouvelle est en effet constituée de pas moins de 30 sections successives, qui permettent de suivre le déroulé de l’intrigue à travers des échanges épistolaires, des mails professionnels (ou l’équivalent 40K), des échanges de SMS (idem), ou encore des retranscriptions de conversations ou d’interrogatoires. Tout cela marche ma foi fort bien, et est très rafraîchissant à lire, ce qui fait de ‘The Mistress of Threads’ la meilleure nouvelle du cycle ‘The Horusian Wars’, et peut-être même la meilleure nouvelle de John French pour la BL à ce jour.

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Lantern’s Light – J. Swallow [HH] :

INTRIGUE :

Lantern's LightDepuis une année, Mortarion se morfond dans le système de Barbarus, après que ce dernier ait été intégré à l’Imperium par la volonté de son divin souverain, Pépé 1er. Bien que cette période ait permis au Primarque d’apprendre beaucoup sur le royaume galactique de son Père, la Grande Croisade et la place qu’il devra bientôt prendre dans cette dernière, Morty et son esprit rebelle (il a une petite voix dans la tête qui prend un malin plaisir à poser toutes les questions malaisantes) ne se satisfont pas de la situation. Pour faire simple, la seule chose qu’il trouve vraiment cool est le lien qu’il a réussi à tisser avec ses Dusk Raiders, bientôt renommés en Death Guard en l’honneur des compagnons de lutte qui l’ont soutenu sur Barbarus. Pour le reste, c’est la soupe à la grimace, comme si dans le corps gigantesque de notre héros se cachait un collégien complexé (ce qui est peut-être le cas, vu la vitesse à laquelle les Primarques grandissent).

Aujourd’hui est un jour spécial, cependant, puisque son Pôpa l’a invité à le rejoindre sur son vaisseau amiral, afin d’avoir une discussion avec son plus jeune rejeton. Ne pouvant pas s’enfermer dans sa chambre en écoutant The Cure, comme tout bon ado emo qui se respecte, Mortarion se rend sur le Bucephelus comme convenu, mais prend un malin plaisir à crash the party en piétinant le protocole de ses grosses bottes cloutées. Hôte gracieux s’il en est, l’Empereur ne s’en formalise pas et propose à son fiston une petite balade en tête, loin des petits fours et orchestres de chambre qui semblent taper sur les nerfs de son nihiliste de fils. Seulement, à vouloir en mettre plein la vue à ce dernier1, Papy gâteau ne parvient qu’à faire croître le ressentiment de Morty à son égard. Ce dernier n’a en effet toujours pas digéré la manière dont la campagne de Barbarus s’est terminée : lui crachant ses poumons et suintant du pus par tous les pores, et l’Empereur se téléportant par magie devant Necare (seigneur suprême de Barbarus et père adoptif de Mo’) pour lui voler son kill. On sent donc que les relations ne seront jamais au beau fixe entre ces deux là, mais que pouvait attendre donc de la part d’un Primarque ayant grandi sur une planète perpétuellement recouverte de nuages verdâtres ?

Un peu plus tard, l’Empereur tente une autre avancée, en amenant Son fils dans le « modeste » atelier où il se délasse l’esprit et les doigts lorsqu’il a un peu de temps libre. Comme Il le révèle à Morty, Il offre à chacun de Ses Primarques un cadeau fait de Son auguste et blanche main avant que ces derniers ne partent rejoindre la Grande Croisade, et c’est ainsi que Mortarion hérite d’un magnifique cimeter-. En fait non. Le goujat refuse tout net de se séparer de sa faux énergétique, ce qui crispe légèrement l’Empereur. Pour ne pas avoir l’air de refuser le cadeau paternel, Mortarion s’empare d’une autre relique qui traînait dans le coin, le pistolet Lanterne que Pépé a gardé comme souvenir de sa conquête de la planète Shenlong. Et voilà comment une bouderie puérile a fait de Morty le Primarque pistolero. The more you know…

La nouvelle se termine avec un Empereur sensiblement agacé par les caprices de Son Fils, et qui fait ce qu’il a l’habitude de faire depuis cinquante ans quand quelque chose Le gonfle : refiler la patate chaude à ce brave Horus. Comme Lulu la Percale tenait à rencontrer au plus tôt son nouveau frérot, il attendait patiemment dans une antichambre du Bucephelus, ce qui donne l’occasion à Pépé d’aller martyriser un sac de frappe à la salle de gym pendant que Ses fistons font connaissance. Pas tous les jours faciles d’être un père célibataire de famille nombreuse…

1 : La discussion dans la coursive avait pour but principal de montrer à Mortarion le véhicule de fonction gracieusement offert par l’Empereur, l’Endurance. On raconte que les derniers arbres de la forêt amazonienne ont été coupés pour produire le papier cadeau nécessaire à l’emballage.

AVIS :

James Swallow signe peut-être sa meilleure soumission consacrée à Mortarion avec Lantern’s Light, nouvelle qui explore de manière assez fine la psyché torturée du Primarque de Barbarus, et la relation complexe qu’il a toujours entretenue avec l’Empereur. Tout l’intérêt de ces quelques pages repose dans la dualité des sentiments ressentis par le nouveau patron des Dusk Raiders : a-t-il raison de considérer Pépé comme un tyran égoïste et incapable de considérer les autres que comme des expédients à utiliser comme bon lui semble, ou est il juste sujet à une paranoïa aigüe, sans doute renforcée par l’enfance traumatisante qu’il a subi avec son père adoptif ? Ce sera au lecteur de décider, et c’est bien mieux ainsi. En bonus, on a le droit à pas mal de détails fluff, ce qui est toujours appréciable, et à un Empereur pas totalement à côté de Ses pompes (ce qui est malheureusement souvent le cas lorsqu’Il intervient personnellement dans un récit de la BL). Je recommande donc une nouvelle de James Swallow, et c’est assez rare pour le souligner.

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Trials – R. Harrison [40K] :

INTRIGUE :

TrialsLa guerre sur Atraxis s’est littéralement embourbée, forçant les défenseurs impériaux à patienter dans leurs tunnels pendant que les cultistes chaotiques (Sighted) bombardent leurs positions sans merci. Pour tuer le temps à défaut des soldats de son régiment d’adoption, la Commissaire Severina Raine fait des rondes régulières le long de la tranchée souterraine où le 11ème Fusilier d’Antari attend des jours si ce n’est meilleurs, au moins plus actifs. Ses devoirs lui laissent cependant suffisamment de temps pour aller taper la discute avec son acolyte Andren Fel, Capitaine Storm Trooper et armurier émérite. Unis par le fait d’être tous deux passés par l’école d’excellence qu’est la Schola Progeniam, les deux officiers échangent quelques anecdotes sur leurs parcours respectifs, tout en sirotant un peu d’eau gazeuse huileuse et grignotant des barres de grox soufflé. Aujourd’hui, la discussion tourne autour du délicat sujet de l’épreuve pratique de dernière année, redoutée de tous les étudiants depuis des temps immémoriaux.

Pour Andren Fel, le test a consisté en une épreuve d’orientation en mode hardcore, s’étant déroulée dans les bois ténébreux d’Antari. Abandonné en pyjama et en crocs, drogué, menotté et seulement équipé d’un couteau à beurre émoussé, le jeune Fel a eu trois jours pour retrouver le chemin de son école, sous peine de… redoublement j’imagine ? A côté de ça, les marathons de Barkley c’est pour les mioches et leurs grand-mères. Bien entendu, le Capitaine a réussi à boucler ce petit trek primesautier dans les temps, écopant au passage d’une belle cicatrice après avoir dû repousser les assauts d’un couple de wyldwolves en maraude.

Severina Raine, quant à elle, a eu droit à une épreuve en intérieur, mais pas moins dangereuse et difficile que celle de son acolyte. Ayant constaté que les élèves de dernière année de sa promotion disparaissait régulièrement dans les semaines précédant la diplomation, la méfiante Severina avait pris le parti de ne plus dormir que d’un œil, et avec une arme à portée de main, au cas où l’épreuve consistait à survivre à un mariage traditionnel kirghize. Bien lui en a pris car cela lui a permis de contrecarrer les desseins feminicides d’un de ses camarades de promotion, Yuzoh, qui se présenta une nuit avec un pistolet et des intentions peu charitables au pied de sa couchette. Mis en fuite par une attaque Gros Yeux bien exécutée par la déjà pas commode Severina, Yuzoh disparut à son tour. Quelques jours plus tard, l’élève Raine reçut une convocation de la part des intraitables abbés de la Schola, l’invitant à se rendre sans délai en salle 504, où son épreuve finale prendrait place…

Début spoiler…Comme on pouvait s’y attendre, Severina retrouva sur place Yuzoh, enchaîné à la cellule, ainsi que le pistolet que ce dernier aurait dû utiliser pour réussir sa propre épreuve, qui était de supprimer sa camarade. Un peu rude comme travaux pratiques, mais quand on forme des Commissaires, il faut bien mettre les étudiants en conditions réelles à un moment donné. Malgré les larmes et supplications de Yuzoh, Severina n’hésita pas longtemps avant de prendre le shoot, gagnant ses galons d’officier et éliminant du même coup un candidat indigne de la casquette commissariale. Un win-win en quelque sorte.Fin spoiler

AVIS :

Petite nouvelle explorant le passé mystérieux et le passif meurtrier de Severina Raine (et celui d’un des personnages secondaires de la saga, pour faire bonne mesure), ‘Trials’ est une variation tout à fait satisfaisante sur le thème du ‘there is only war’. Rachel Harrison compense le manque de suspens de son propos (il est évident que les deux protagonistes vont survivre à leur épreuve, quelque soit la difficulté de cette dernière) en dépeignant les institutions impériales dans toute leur inhumaine rigueur, et montre au passage que même les humbles Gardes Impériaux disposent dans leurs rangs d’individus absolument exceptionnels, tant sur le plan physique que mental. Rien qui ne nécessite le détour si vous êtes un vétéran de la GW-Fiction, mais une soumission robuste de la part de Harrison quoi qu’il en soit.

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Ghost of Nuceria – I. St. Martin [HH] :

INTRIGUE :

Ghost of NuceriaLa fin approche sur Nuceria pour Grongron et sa petite bande de gladiateurs rebelles. Après avoir ravagé l’arrière-pays au cours d’une révolte sanglante, qui a permis au Primarque aux dreadlocks de gagner le titre de Mangeur de Cités (we see what you did here), les derniers myrmidons grimdark ont été repoussés dans les montagnes par les armées des high riders. Comme personne n’avait pensé à prendre des pyjamas en pilou au cours du sac de la dernière ville (Hozzean) et que le fond de l’air est franchement frais en cette saison, le nombre de nos intrépides mais courts vêtus guerriers fond comme neige au soleil, malgré le recours à des techniques de conservation de chaleur éprouvées1. Seul Angron semble ne pas souffrir de ces conditions météorologiques peu clémentes, mais en tant que surhomme génétiquement modifié et constamment énervé, le contraire eut été étonnant. Pendant que ses camarades font des pogos thermiques dans une caverne, il patrouille donc aux alentours, et surprend un éclaireur ennemi qui perd rapidement la tête. La baston finale est pour bientôt.

De retour au camp de base, l’altruiste Primarque donne un peu de son sang à boire à ses troupes pour leur donner du cœur au ventre, et tout ce petit monde se prépare à vendre chèrement sa peau contre les hordes innombrables des high riders, qui viennent sonner à la porte quelques heures plus tard. Les dirigeants de Nuceria sont prêts à passer l’éponge sur les dernières excentricités d’Angron si ce dernier accepte de rentrer au bercail sans faire d’histoires, mais Gladiator refuse tout net de faire le jeu du système, et préfère mourir aux côtés de ses frères et sœurs d’armes avec honneur. La bataille qui s’engage après ces négociations infructueuses est aussi sanglante que déséquilibrée, mais alors qu’il vient de découper à main nue sa Némésis du jour (l’énorme commentateur vedette des combats de gladiateurs sur Nuceria, appelons-le Mierre Penez), il se retrouve soudainement figé sur place par une force inconnue, qui lui souffle à l’oreillette quelque chose du style +Viens dire bonjour à ton Pépé+. Angie n’est pas très chaud, mais on ne lui laisse pas le choix, et il se retrouve téléporté sans sommation sur le vaisseau de son Illustre Géniteur, qui commet l’erreur de libérer Son fiston de la clé de cerveau qui le tenait en respect. Bilan des courses : un Adeptus Custodes un peu trop faraud réduit en compression de Cesar, ce qui tend légèrement les relations entre le Père et le fils.

D’habitude un peu plus à l’écoute des états d’âme de ses rejetons, Pépé se montre particulièrement obtus et péremptoire, et informe Angron qu’il prendra la tête de sa Légion et l’aidera à conquérir la galaxie, que ça lui plaise ou non. A nouveau enfermé dans une camisole de force psychique, Grongron ne peut pas faire grand-chose à part penser à des gros mots particulièrement osés comme « gros pif » ou « vieux beau2 », ce qui fait déborder le vase de la patience infinie mais pas trop de l’Empereur. Ce dernier balance donc Son impertinent de fils sur le pont du vaisseau amiral des War Hounds et repart aussi sec vaquer à d’autres tâches, laissant aux pauvres Space Marines qui se faisaient une joie de rencontrer leur père génétique le soin de gérer la GROSSE colère d’Angron. La suite va vous surprendre…

1 : Je suis sûr que c’est cela qui a attiré l’attention de Pépé. Après tout, on ne s’inspire pas du manchot Empereur impunément.
2 : Plus sérieusement, on a l’explication du titre de la nouvelle lorsque qu’Angron informe l’Empereur que celui qui combattra pour lui ne sera qu’un fantôme, car lui-même est mort sur Nuceria au côté de ses compagnons. Ce à quoi Pépé répond « K ». RUDE.

AVIS :

Ian St. Martin boucle la boucle (ou tresse la corde, ce serait plus fluff) de l’origin story du plus colérique des Primarques avec ce court mais satisfaisant ‘Ghost of Nuceria’, qui se termine une demi-seconde avant le début de la nouvelle ‘After Desh’ea’ de Matthew Farrer, publiée dix ans plus tôt dans le tout premier recueil dédié à l’Hérésie d’Horus. Ça ne nous rajeunit pas. Etant un amateur impénitent de l’enrichissement du background par épisodes romancés interposés, ce parti pris ne pouvait que me convenir, à condition que la réalisation n’en fut pas indigente, ce qui est le cas ici. St. Martin a semble-t-il pris le temps de réviser le travail de ses prédécesseurs et de se pencher sur la psyché de son personnage principal avant de prendre la plume, ce qui se ressent bien dans ses écrits.

Angron n’avait pas besoin d’une raison particulière pour haïr l’Empereur par rapport à ce que le fluff établi nous indiquait d’ores et déjà (ce n’est pas très dur de détester le type qui sacrifie vos frères et sœurs d’armes pour ses propres motifs mégalomaniaques, d’autant plus qu’il n’avait qu’à lever le petit doigt pour sauver tout le monde), mais le parallèle fait entre les détestables high riders et l’intraitable Pépé, qui ont tous besoin d’Angron et se contrefichent de ce que ce dernier en pense, est bien trouvé. Ça ne nous donne pas plus d’informations sur les raisons profondes du dick move de Big E, mais ce n’est pas à mon sens le but de cette nouvelle, donc tout va bien de ce côté. Bref, une nouvelle incontournable pour les amateurs de fluff primarquiel, ce qui est encourageant pour un contributeur aussi nouveau que Ian St. Martin, et une date de publication aussi avancée dans le déroulement de l’Hérésie.

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Redeemer – G. Haley [40K] :

INTRIGUE :

RedeemerOn a tous déjà été confronté à ce moment, plus ou moins long, pendant lequel une chanson – souvent débile, comme La Danse des CanardsT’Es Si Mignon ou Despacito – nous restait collée dans la tête malgré tous nos efforts pour forcer notre cerveau de passer à autre chose. Eh bien cette expérience abominable, c’est le quotidien d’Astorath l’Inflexible, Grand Chapelain des Blood Angels et Rédempteur des Égarés, dont il entend les fredaines pathétiques lui rabâcher les oreilles dès que l’un d’entre eux sombre totalement dans la Rage Noire. Il est alors de son devoir de rappliquer dare dare pour abréger les souffrances (les leurs et les siennes) à grands coups de hache, ce qui le conduit à passer sa vie dans l’espace, voyageant de zones de guerres en théâtres d’opérations dans son véhicule de fonction (l’Eminence Sanguis), accompagné de quelques fidèles acolytes. Aujourd’hui, direction Asque, d’où proviennent les échos lointains de Djadja joués à la flûte à bec par un Snotling asthmatique, ce qui est passablement désagréable, vous en conviendrez.

Laissant le fidèle Sergent Dolomen garder le vaisseau, comme il en a l’habitude1, Astorath part à la rencontre de l’escouade de Blood Angels affectés par le mâââl, escorté par le Prêtre Sanguinien Artemos et guidé par un trio de locaux, fortement impressionnés par la panoplie macabre de leur visiteur (qui fait moins le malin lorsque les ailes factices de son jet pack se prennent dans les branches sur le chemin, ceci dit). En chemin, les bouseux apprennent au Grand Chapelain que leur monde est victime depuis plusieurs décennies des attaques d’une race de Xenos peu sympathiques, baptisés les Silencieux par les pragmatiques Asquiens, et qui ont forcé ces derniers à abandonner leur cité ensoleillée pour se réfugier dans les forêts de champignons insalubres et humides recouvrant la majeure partie de la planète. Leurs appels à l’aide étant resté lettre morte pendant des décennies, l’ouverture de la Cicatrix n’aidant certainement pas, il leur a fallu prendre leur mal en patience et apprendre à vivre comme Yoda sur Dagobah, la Force en moins, le temps qu’une demi-escouade de Blood Angels soit dépêchée sur place pour botter le train aux Silencieux. Tout se passait très bien jusqu’à ce qu’un des Astartes ne pique une colère noire pour un motif indéterminé, et fausse compagnie à ses camarades pour aller baguenauder dans les sous-bois d’Asque.

Cette version est confirmée par le trio de Primaris qu’Astorath et Artemos rencontrent à leur retour de patrouille, et encore traumatisés par le pétage de plomb de leur mentor, le Sergent Erasmus, après que leurs hôtes leur aient apportés un steak d’ordes bien cuit au lieu de saignant. Détail important, Erasmus était un Space Marine de la vieille école, et pas un Primaris, dont la résistance à la Soif Rouge et à la Rage Noire relève encore de la théorie et des boniments de Belisarius Cawl. Ayant recueilli assez d’indices pour procéder à la traque et à la rédemption d’Erasmus, dont le séjour sur Asque sera le dernier échange culturel, Astorath se prépare à apporter la paix à la brebis énergétique égarée, siphonant un peu de rouge à la veine d’Artemos pour se donner du cœur à l’ouvrage, mais refusant catégoriquement que son acolyte vienne lui porter main forte dans sa mission sacrée. La confidentialité de la relation patient-thérapeute/confesseur/bourreau doit être respectée, que diable.

Après une petite partie de beat ‘em all sur le chemin de la ville abandonnée par les Asquais (les Silencieux trouvant malin de s’attaquer à Astorath à son passage, malgré leur corps de lâche et leur équipement rudimentaire), notre héros parvient enfin à localiser Erasmus, complètement enragé et donc persuadé de purger le Vengeful Spirit en lieu et place de son Primarque, alors qu’il massacre en fait la colonie de Silencieux ayant investi les habitations des colons après le départ de ces derniers. L’arrivée du Grand Chapelain fait définitivement pencher la balance en faveur de l’Imperium, et après que les derniers mobs aient été farmés, il est temps pour l’ultime séance de psychiatrie du Sergent Erasmus, administrée de main et de hache énergétique de maître par Astorath. Guidé par son amour fraternel et sa miséricorde absolue, le Rédempteur rédemptionne avec retenue, se contentant de saigner son patient pour saper sa force plutôt que de le décapiter sans sommation. Ah, il lui coupe une jambe aussi, mais seulement pour qu’Erasmus se tienne enfin tranquille, et qu’il puisse lui adresser une imposition des mains salutaire, permettant à l’égaré d’enfin refaire surface, et de mourir dans la lumière de Sanguinius et de l’Empereur. C’est presque une happy end, en fait. Ce problème résolu, et les glandes d’Erasmus récoltées, il est temps pour Astorath et Artemos de repartir sur les routes, la version de Bella exécutée au mirliton et à la scie musicale venant lui trotter dans la tête lui indiquant qu’un autre frère a besoin de ses bons offices…

1 : La planque ultime pour un Blood Angels tout de même. M’est avis que Dolomen a dû faire une remarque désobligeante lors du dernier vernissage de Dante pour avoir été affecté à une mission aussi chiante.

AVIS :

Guy Haley s’empare du personnage d’Astorath l’Inflexible (possiblement le Blood Angels doté du background au plus fort potentiel narratif) et nous sert une petite mise en situation dont il a le secret, soulignant à la fois les caractéristiques saillantes de son héros et levant le voile sur des aspects de sa personnalité et de son passé non abordés par les quelques paragraphes qui lui sont dédiés dans le Codex Blood Angels. Sur cette base éprouvée, Haley trouve également le moyen de faire le lien avec le lore avec un grand L (ce qui est approprié pour un personnage avec des grande ailes), en mentionnant l’ouverture de la Cicatrix et la dévastation de Baal, ainsi qu’en abordant la question fondamentale de la vulnérabilité potentielle des Primaris Blood Angels aux tares du matériel génétique de leur Primarque. Le résultat est très solide, à défaut d’être particulièrement original, et on se prend à espérer que la BL commissionne Haley pour d’autres travaux mettant l’Inspection Générale faite (sur)homme en vedette.

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Au final, ce coup d’essai se rapproche plus du coup de maître que du coup dans l’eau, toutes les nouvelles proposées au cours de cette semaine s’avérant au minimum solide, et parfois plus que cela. Il aurait fallu seulement prendre soin d’intégrer Age of Sigmar dans le programme des réjouissances pour que le sans faute soit considéré, mais cela sera pour une autre fois. Un bon millésime pour les amateurs de GW-Fiction, heureusement republié en partie dans d’autres recueils pour en faciliter l’acquisition.

BLACK LIBRARY CELEBRATION WEEK 2022 [Recueil]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue de l’autre recueil de nouvelles publié par la BL à l’occasion de sa célébration annuelle, et que nous appellerons ici la Black Library Celebration Week 2022, pour la différencier de la Black Library Celebration 2022 (chroniquée ici). Le principe, éprouvé depuis plusieurs années, est le classique NCD (New Content Daily), c’est à dire la sortie d’une nouvelle nouvelle (lolilol) par jour pendant une semaine. Comme de juste, les cinq formats proposés ici couvrent les deux franchises majeures de la GW-Fiction, et une fois n’est pas coutume, c’est Age of Sigmar qui se taille la part du gryph-hound avec trois histoires au compteur contre deux pour Warhammer 40K.

Black Library Celebration Week 2022

La Black Library Celebration étant en général l’occasion pour la maison d’édition de Nottingham de révéler quelques sorties majeures, souvent centrées autour de personnages iconiques du background, les nouvelles de la Celebration Week sont souvent des produits d’appel pour les romans ou recueils consacrés à ces figures bien connues du grand public fluffiste qui se respecte. La cuvée 2022 ne fait pas exception, puisqu’elle fait la part belle à l’habitué des lieux Ciaphas Cain (‘The Only Good Ork‘) ainsi qu’au plus discret, mais positivement ancien1 Huron Sombrecoeur (‘Fool’s Ruin’) pour 40K. Du côté des Royaumes Mortels, on joue plutôt la carte de la nouveauté puisqu’aussi bien Drekki Flynt (‘Krenkha Gorogna‘), que Cado Ezechiar (‘Tower of Empty Mirrors‘) et Doralia van Denst (‘The Interrogator’) font leur entrée dans la GW-Fiction. Voyons maintenant comment cette bande hétéroclite de (anti)héros caustiques et de tyrans mal-lunés se débrouille sur le papier…

1 : Notre ami a en effet eu le privilège de figurer en couverture du tout premier recueil de nouvelles 40K sorti par la Black Library, ‘Into the Maelstrom’, en 1999 (chroniqué ici). Il jouait le rôle de l’antagoniste dans l’histoire éponyme de Chris Pramas. Notons également qu’il a fait un retour sur les planches au début des années 2010, sous la plume de Sarah Cawkwell, comme faire valoir des brillants Silver Skulls (‘The Gildar Rift’).

Black Library Celebration Week 2022

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Fool’s Ruin – M. Brooks [40K] :

INTRIGUE :

Fool's RuinAprès avoir reçu un DM de la part des Hauts Seigneurs de Terra, le Chapitre des Minotaurs a envoyé une demi-compagnie sous les ordres du Capitaine Catallus Naxon prendre des nouvelles du Monde Trône, dont l’état est proprement schrödingerien en fonction des nouvelles que l’on prend en compte. Le voyage Warp se passait aussi bien que possible en cette époque troublée, lorsque le croiseur d’attaque Bronze Catechist fut pris dans des perturbations si féroces que le capitaine du navire n’eut d’autres choix que d’ordonner un retour en catastrophe dans le Materium. Bilan des courses : un moteur Warp bien abîmé, condamnant notre fine équipe à se trouver une âme de MacGyver ou à espérer qu’un vaisseau charitable capte leur SOS et se détourne de son cap pour leur venir en aide. Vu le coin paumé dans lequel le Bronze Catechist s’est encalminé, la deuxième option tiendrait du miracle mineur, mais l’espoir fait v… Ah non pardon, c’est vrai.

De manière tout à fait inopinée, et donc franchement suspecte, le BC capte un appel de détresse provenant d’un autre vaisseau situé à quelques encablures spatiales de son point de chute. Pragmatique devant l’éternel, Catallus décide d’emmener la moitié de ses hommes explorer ce bâtiment, répondant au nom de Fool’s Ruin, afin de piquer quelques pièces détachées utiles aux réparations. On comprend assez rapidement que notre Astartes n’a pas une fibre humanitaire très développée, et qu’il vaudrait mieux pour les éventuels survivants du Fool’s Ruin de ne pas venir lui souffler dans les naseaux énergétiques, ou bien1… Mais les premiers moments des Minotaurs sur ce qui semble être une épave abandonnée depuis des lustres se passent dans le plus grand des calmes, malgré quelques indices détectés ça et là d’une présence vivante dans les coursives.

Les choses se décantent lorsque les Space Marines arrivent au niveau de l’Enginarium, où nos héros trouvent des dizaines de membres d’équipage du Fool’s Ruin littéralement cloués au sol, en train de se lamenter (psychiquement) sur leur sort. L’Archiviste ayant accompagné Catallus confirmant que cette mise en scène s’apparente à un rituel chaotique, les Minotaurs ont tôt fait de piétiner les pauvres bougres jusqu’à ce que mort (et silence) s’en suive. L’installateur avait toutefois laissé une alarme en place, puisque cette intervention déclenche un cri psychique qui fait rappliquer le reste de l’équipage du Fool’s Ruin, totalement dévoué au Chaos (et donc assez hostile envers nos braves bovins), ainsi qu’un invité de marque qui rôdait à proximité dans le Warp…

Début spoiler…Huron Sombrecoeur. NON ?? SI !! Le renégat rapiécé a fait installer le leurre dans lequel les Minotaurs ont donné tête baissée, et se présente au volant de son Spectre of Ruin pour relever les compteurs. Il a la joie perverse de constater que sa proie n’est autre qu’un des vaisseaux ayant participé à l’écrasement de l’insurrection de Badab, et prend donc un plaisir particulier à réduire le Bronze Catechist à l’état d’épave, quand bien même investir un croiseur d’attaque serait plus avantageux pour un pirate tel que lui. Notre homme a des valeurs, c’est tout à son honneur. Il a de plus la grande satisfaction d’échanger quelques amabilités avec Catallus, qui a repoussé les assauts des cultistes sans aucune difficulté, mais se trouve désormais isolé sur le Fool’s Ruin, sans aucun moyen de repartir…

Début spoiler 2…Plutôt que d’accorder à son adversaire une mort rapide et honorable, ce fieffé coquin de Huron repart comme il est venu, laissant les Minotaurs succomber à la soif, la faim et la folie (ou tenter de battre le record de sommeil cataleptique détenu par Silas Err des Dark Angels), ce qui n’est qu’un juste retour de bâton si on y réfléchit bien. Karma is a bitch hamadrya…Fin spoiler

1 : C’est de là que vient la fameuse expression (incomplète) « I pity the fool(‘s ruin crew) ».

AVIS :

Mike Brooks a repris en main la figure de Huron Sombrecoeur, et ce ‘Fool’s Ruin’ fait office d’amuse-gueule narratif au roman ‘Master of the Maelstrom’ dédié au Tyran de Badab. Malgré le fait que le suspens sur l’identité du piégeur des Minotaurs est totalement annihilé dès le premier coup d’œil à la couverture de cette nouvelle, cette dernière s’avère être assez sympathique à lire, dans ce qu’elle révèle de la mentalité des Minotaurs et de leur persécuteur, principalement. Après avoir surtout écrit pour des personnages/factions assez humoristiques (‘Rites of Passage’, ‘Brutal Kunnin’), Brooks démontre ici qu’il est aussi capable de faire preuve de sérieux et de noirceur, ce qui le place parmi les contributeurs les plus versatiles de la Black Library. Pas incontournable mais tout à fait solide.

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Krenkha Gorogna – G. Haley [AoS] :

INTRIGUE :

Krenkha GorognaLa journée a mal commencé pour l’équipage de l’Aelsling, capturé par une tribu de Gloomspite Gits ne dédaignant pas de mettre de la chair naine au menu. Saucissonné comme ses hommes, l’optimiste capitaine Drekki Flynt garde toutefois espoir de se tirer de ce mauvais pas avant que les carottes soient cuites, et lui avec. Ses options sont toutefois limitées : les Grobis l’ont fermement attaché dans quelques hectomètres de soie d’araignée, et le seul membre d’équipage ayant échappé à la capture est le Mangeur d’Hommes Gord, dont la loyauté est mise en question par les arkaunautes les plus défaitistes, à commencer par Adrimm Adrimmsson. Sorti presque major de sa promo à Barak-Mhornar, comme il aime le répéter à tout bout de champ, Adrimm regrette amèrement d’avoir choisi Flynt comme premier employeur, et ne se fait pas prier pour le seriner sur tous les tons. Il en faut bien sûr plus pour entamer la bonhommie naturelle de notre héros, qui échafaude même un plan audacieux qui capitalise sur le mal-être de ce chouineur d’Adrimm, ainsi que sur son caractère soupe au lait. Estimant avec justesse que l’échafaudage brinquebalant sur lequel l’arkaunaute est ligoté ne résistera pas à quelques secousses bien senties, Flynt use de son art consommé du persiflage pour excéder son matelot, dont les soubresauts indignés finissent par avoir l’effet escompté.

Ayant trouvé un couteau sur la dépouille du malheureux Git sentinelle qu’il a twerké à mort pendant l’effondrement de la plateforme, Flynt a tôt fait de se libérer, puis de rendre la pareille à son équipage… sauf à Adrimm, qui dans sa fureur a osé remettre en cause son capitanat en invoquant (heureusement sans succès) le krenkha gorogna, que l’on peut traduire comme « mention de censure » en khazalide. C’est le moment que choisit le fidèle Gord pour lancer un groupé-pénétrant dans l’antre des Grobis, qui se font tailler en pièce en l’espace de quelques secondes, après que les Kharadrons aient rejoint la mêlée une fois leurs armes et armure récupérées. Magnanime, Drekki Flynt accepte de passer l’éponge sur l’insubordination de son matelot (qu’il avait sciemment provoqué, il faut le reconnaître), et notre histoire se termine autour du frichti de Gits que ce gourmet de Gord prépare dans le chaudron destiné à l’équipage de l’Aelsling. Ça aurait été dommage de gâcher la soupelette…

AVIS :

Petite nouvelle sympathique, où la forme l’emporte franchement sur le fond (il n’y a qu’à voir la taille du résumé ci-dessus, et pourtant ‘Krenkha Gorogna’ fait 14 pages, ce qui est dans la moyenne des nouvelles de la Black Library), cette péripétie mineure mais drolatique de la carrière de Drekki Flynt permet surtout d’en apprendre plus sur la manière dont le Kharadron roublard s’est attaché les services de son Ogor de choc, ainsi que sur la culture de cette faction et son fameux KhCode. Mis à part ça, on se contentera de profiter des saillies bien senties de ce boute en train de Duardin, qui cabotine ici outrageusement pour notre plus grand plaisir. En tout cas, moi, j’aime bien.

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The Interrogator – R. Strachan [AoS] :

INTRIGUE :

The InterrogatorPriez pour le pauvre Gaspar Helding. Scribe sans envergure travaillant depuis 20 ans au service de sa guilde pour un salaire de misère à Hammerhal, notre homme a eu la malchance d’attirer l’attention des zélotes de l’Ordre d’Azyr alors qu’il sortait de son office, comme tous les soirs. Arrêté sans ménagement et jeté dans une cellule humide et sombre, Gaspar se fait bientôt cuisiner, et à feu très vif, par la peu souriante Doralia van Denst, agente assermentée de l’Ordre, qui nourrit des soupçons tenaces sur son implication dans une série d’attentats commis par des cultistes du Chaos au cours des dernières semaines. Le dossier a beau reposer sur des éléments aussi solides qu’une anse de choppe tournée vers une fenêtre, une banalité sur la météo proférée à un vendeur de fruits, ou encore des typos même pas cocasses retrouvées dans les montagnes de pages que Gaspar recopie tous les jours, rien de ce que peut avancer notre héros ne réussit à convaincre sa tortionnaire de son erreur. Entre deux coups de bottin et séances de waterboarding, Dora l’Excavatrice passe le temps (un peu) et se reprend son souffle (surtout) en racontant à son nouveau meilleur ami la fois où elle traquait un Horrorghast un peu trop persistant à Excelsis. Il s’était avéré que ce n’était pas un sort en fuite, mais une projection de la détresse des orphelins des miliciens de la ville, placés dans un hospice après la mort de leurs parents. Confrontée à ce problème épineux, l’avenante Doralia avait favorisé l’option la plus définitive et la plus rapide (et sans doute la plus économique : un carreau d’arbalète coûte bien moins cher que 10 ans de psychothérapie), ce qui révèle bien les trésors d’altruisme qu’elle porte en elle.

Ayant laissé Gaspar quelques jours mariner dans son jus et dans ses doutes, elle revient terminer leur petite discussion en lui posant un ultimatum assez tranché. La seule manière qu’il a de la convaincre de son innocence est d’utiliser le couteau qu’elle lui remet pour se trancher la main gauche. Gaspar ne comprend pas vraiment le rapport avec la choucroute, mais sa situation désespérée finit par lui faire commettre l’impensable…

Début spoiler…Ce qui le condamne plus sûrement qu’un aveu circonstancié, puisque sa main tranchée décide d’aller se réfugier dans un coin de la cellule. Ce qui n’est pas la réaction normale et attendue d’un membre sectionné quand ce dernier appartenait à un mammifère (c’est différent pour les céphalopodes, bien sûr). Avant de le remettre à ses collègues de la BAC (Brigade Anti Chaos), Doralia explique au cultiste que le simple fait de se trancher la main aurait suffi à établir sa culpabilité, car « les innocents ne font pas ça ». Ce qui reste à démontrer quand on est à la merci de l’Ordre d’Azyr et soumis à plusieurs jours de tortures physiques et psychologiques, mais on en restera là. En attendant que l’infâme Gaspar ne se mette réellement à table, Dodo peut retourner chez elle s’en jeter un petit bien mérité : grâce à elle, les rues de Hammerhal sont un peu plus sûres ce soir.Fin spoiler

AVIS :

Richard Strachan met à profit sa maîtrise des canons de la littérature horrifique (il a commencé pour la Black Library avec plusieurs nouvelles siglées Warhammer Horror) pour signer une nouvelle viscéralement sombre mettant en lumière – haha – la charmante Doralia ven Denst, moitié féminine du duo de chasseurs de sorcières qu’elle forme avec son paternel. Le suspens ménagé quant à la culpabilité de Gaspar Helding, beaucoup plus sympathique pour le lecteur que la véritable (anti)héroïne de la nouvelle, et qui repose en grande partie sur le caractère fallacieux des accusations qui pèsent sur lui, donne à cette histoire un ressenti de thriller psychologique pas très éloigné d’un Saw, surtout lorsque le hachoir fait son apparition. On pourrait trouver que la conclusion est comparativement faible, mais le rendu global est tout à fait satisfaisant, et donne envie de se plonger dans le roman (‘Hallowed Ground’) que le même Richard Strachan a consacré van Denst & Fille. La GW-Fiction peut s’enorgueillir de quelques figures de Chasseurs de Sorcières/Inquisiteurs magnifiquement antipathiques, et il semblerait que les nouveaux-venus soient à la hauteur de leurs honorables aïeuls. Tant mieux !

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The Only Good Ork – S. Mitchell [40K] :

INTRIGUE :

The Only Good OrkBien qu’officiellement à la retraite, l’héroïque (ex) Commissaire Ciaphas Cain a été rattrapé par sa réputation mensongère alors qu’il passait à proximité de la planète de Frumenta, secouée par une double infestation d’Orks et de cultistes Genestealers. Invité par l’état-major de la Garde Impériale à venir soutenir le moral des troupes en rencontrant quelques bidasses en chemin vers/de retour du front, Cain n’a pas pu refuser de participer à l’effort de guerre, mais son job d’influenceur de luxe ne s’avère pas de tout repos. Alors qu’il rentrait d’un photo-op organisé dans une zone montagneuse, sa Salamander s’est retrouvée embusquée par un groupe de cultistes, et a versé dans la pente malgré les meilleurs efforts de Jurgen, au volant du véhicule. Un malheur n’arrivant jamais seul, Cain tombe nez à nez avec un Ork tout ce qu’il y a de plus belliqueux au sortir de l’épave1, plus intéressé par la bagarre que par la réalisation des gestes de premiers secours.

Usant de sa maîtrise rudimentaire de la langue des peaux vertes, le rusé Cain parvient cependant à convaincre le brutal Xenos de conclure une trêve momentanée, le temps de régler leur compte à la douzaine de cultistes qui s’approche d’un air patibulaire. Son jet de charisme ayant donné un beau 20 naturel, l’Ork accepte de marcher dans la combine, ramasse le bolter lourd de la Salamander, et s’en va vivre sa vie hors champ, laissant à Cain et à Jurgen la vedette pendant les quelques pages consacrées par Mitchell à la défense de leur position face aux hybrides aux grands fronts. Comme on peut s’en douter, rien de bien sérieux n’arrive à nos deux héros, malgré la précarité de leur situation et le peu de couverture offert par les cadavres d’Orks derrière lesquels ils ont trouvé refuge. Quand le scenarium est de la partie, même une feuille de sopalin déchirée peut arrêter un tir de macrocanon !

« Et l’Ork ? », me demanderez-vous. Eh bien, l’Ork (appelons le Willy) finit par revenir après avoir réglé leur compte à son quota d’affreux, toujours fermement agrippé à son dernier point de vie malgré des blessures assez sérieuses. Willy est semble-t-il un intellectuel, puisqu’il n’a pas oublié le deal conclus avec Cain il y a pourtant au moins cinq minutes, et tient mordicus à ce que les opérations procèdent comme convenues. Seulement, même la meilleure volonté de la galaxie et une constitution des plus robustes sont impuissantes face au statut de héros-nommé-venant-participer-à-une-random-nouvelle-de-la-Black-Library de l’illustre Commissaire, qui a tôt fait de faire regretter son audace à notre pauvre Willy. The end.

1 : On appréciera le fait qu’il ne lui a pas fallu trois jours pour réaliser cet « exploit », à la différence de certains de ses camarades du Commissariat…

AVIS :

Une nouvelle de Ciaphas Cain résolument portée sur l’action, ce qui n’est pas le point fort de l’écriture de Sandy Mitchell, si vous voulez mon avis. Quand le point central de l’intrigue est de convaincre un Ork de suivre des instructions, on peut se demander si l’auteur n’est pas à court d’idées : après tous les romans et courts formats consacrés par Mitchell à son héros cabotin, ce ne serait finalement pas si étonnant. A zapper sauf si vous êtes un fan inconditionnel des notes de bas de page d’Amberley Vail, qui sont ici particulièrement nombreuses (un moyen de gratter une page de plus, peut-être).

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Tower of Empty Mirrors – J. French [AoS] :

INTRIGUE :

Tower of Empty MirrorsDans un remake AoSesque de Piège de Cristal, Cado Ezechiar aka le Roi Vide, vampire disgracié mais trotro balèze de son état, se démène comme un beau diable pour atteindre le dernier niveau de la tour habitée par un sorcier de Tzeentch, en dépit de toutes les surprises confusantes, déplaisantes et hallucinantes dont l’occupant des lieux a tapissé son antre (pensez à du papier peint des années 70, puissance 9). Si sa creuse majesté se donne autant de mal, c’est parce qu’un de ses informateurs de la cité de Glimmerheart (Byrazan, yes man de Neferata, que l’on retrouve également dans ‘Blood Bound’) lui a soufflé que le Magus solitaire détenait des informations sur la Main Enflammée, une puissante sorcière de Tzeentch responsable de la destruction du royaume dont Cado était autrefois le souverain. Comme notre homme a consacré sa non vie à traquer cette vile bougresse, il n’en fallait pas plus pour le convaincre de partir en reconnaissance dans l’arrière-pays de Glimmerheart, où la tour est sensée se trouver. Les indications n’étant pas des plus précises (position : sur la ligne de démarcation pluie-neige) et l’édifice en lui-même étant évidemment dissimulé aux yeux des badauds – même les sorciers de Tzeentch préfèrent éviter les vendeurs qui font du porte à porte – il faut quelques savante réflexions et observation à notre héros, aidé pour l’occasion par son mentor fantomatique Solia, dont l’essence est conservée dans l’un des neuf anneaux qu’il porte aux doigts, pour trouver l’entrée du donjon.

A l’intérieur, c’est bien sûr la fête du slip arcanique en matière de continuité spatio-temporelle, et Cado erre/court/nage/tombe/vole/twerke de salle en salle, expédiant quelques sbires de Tzeentch de temps à autres, sous le regard inquisiteur mais pas franchement hostile de son hôte. En effet, ce dernier a été emprisonné dans la tour par son ancienne maîtresse, la Main Enflammée en personne, après avoir conspiré contre elle et s’être planté dans les grandes largeurs. Condamné à la perpétuité incompressible, qui peut être extrêmement longue quand on est un disciple de Tzeentch, le Magus a vu ses pouvoirs décliner au fil des siècles, et n’est plus qu’une carcasse animée à l’arrivée du Roi Vide. Lorsque ce dernier finit par arriver au dernier niveau de la tour, une offre lui est faite : apprendre tout ce que le sorcier grabataire sait sur la Main Enflammée en échange d’une réponse honnête à la question qui définit l’identité de Cado Ezechiar : pourquoi est-il si méchaaaaaaant ??? pourquoi déteste-t-il les disciples de Tzeentch ? Une fois n’est pas coutume, le taiseux vampire accepte de se prêter au jeu de la psychanalyse, et révèle à son interlocuteur que la cause de sa haine vient du fait que la Main Enflammée et ses sbires l’ont confronté à qui il était vraiment, ce qui n’a pas dû lui faire plaisir, I guess. La nouvelle se termine avec la destruction de la tour, après que son occupant ait été soumis à une euthanasie de bien-être (#RIPFreya) par Cado le miséricordieux. Les informations récoltées, si elles peuvent être crues, mèneront notre héros vers le Sud. Pas très précis, mais on fait avec ce qu’on a.

AVIS :

Le trope du héros solitaire qui explore une tour de sorcier et se retrouve confronté à des dangers mortels aussi bien physiques que psychologiques est un des fondements de l’heroic fantasy, depuis la création du genre en littérature1, et la GW-Fiction compte son lot de travaux appartenant à cette catégorie2. Il était somme toute normal qu’un pilier de la Black Library comme John French se frotte à son tour à cet exercice de style, et je dois dire qu’il s’en sort plus qu’honorablement, peut-être aidé dans sa tâche par son passif d’auteur affilié au Dieu du Changement et ses disciples flamboyants (série ‘Ahriman’). En l’espace de 11 pages, il parvient à la fois à nous embarquer pleinement dans l’exotique Absurdistan que constitue la tour d’un sorcier de Tzeentch, à l’aide de quelques situations et visions convenablement fantasmagoriques, à nous en apprendre plus sur l’histoire de son héros creux (et sans abuser de scènes d’expositions, ce qui est appréciable), et à faire avancer – légèrement – la quête de ce dernier. Le tout de façon plaisante et, il faut aussi le souligner, rafraîchissante, du fait de « l’humanité » que témoigne le résident de la Tour de Miroirs au bout du compte. Pour une fois qu’un Elu du Chaos ne s’arqueboute pas sur sa vilénie nihiliste pour la beauté du geste, mais cède à des sentiments bien humains de désir de repos (même éternel) et de revanche contre ses ennemis, quand bien même ces derniers sont techniquement dans son camp, on peut apprécier le fair play du Magi en fin de vie. Bref, une soumission de qualité de la part de John French, que je conseille au-delà du cercle des amateurs de Cado Ezechiar.

: ‘La Tour de l’Éléphant’, de Robert Howard, une des nouvelles iconiques du non moins célèbre Conan le Cimmérien, date de 1933.
2 : On peut citer ‘The Fist of an Angry God’ (W. King) pour Age of Sigmar, mais il y a également des exemples rattachés à 40K, comme ‘Journey of the Magi’ (J. Green), ou encore certains passages de la série ‘Eisenhorn’ (D. Abnett) ainsi que le final de ‘Requiem Infernal’ (P. Fehervari).

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Et voilà qui termine cette revue hebdomadaire et festivalière, édition 2022. Mis à part Sandy Mitchell, qui devrait peut-être laisser Ciaphas Cain profiter de la retraite heureuse dont il a si souvent parlé dans ses écrits consacrés au personnage, les autres contributeurs de cette semaine littéraire ont sorti leur épingle du jeu, si j’en suis seul juge, et ont même signé des textes qui mériteraient d’être réédités dans des ouvrages plus facilement accessibles au grand public (Richard Strachan et John French, en particulier). Pour l’heure, on serait encore une fois justifié de considérer que payer ces cinq courtes nouvelles au prix facturé par la BL, et ce même en prenant en compte la réduction pour un achat groupé, n’est pas vraiment une affaire. C’est aussi à ça que ce genre de revue sert!

BLACK LIBRARY CELEBRATION 2022 [Recueil]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue, un peu tardive je vous l’accorde, du recueil Black Library Celebration 2022. Véritable institution de la BL, cette petite anthologie a pour elle d’être gratuite, ce qui est bien, et désormais disponible dans les trois langages principaux de la GW-Fiction (celui de Shakespeare, de Molière et de Goethe). Diffusé comme chaque année en Février, à l’occasion des mirifiques festivités littéraires que la Black Library offre à ses hordes de disciples, le millésime 2022 comporte 5 nouvelles, représentatives de la fabuleuse diversité des franchises de Games Workshop.

Black Library Celebration 2022_EN

Black Library Celebration 2022_FR

Il est assez fréquent que les éditeurs de Nottingham, en bons hommes et femmes d’affaires qu’ils sont, bourrent ces produits d’appel de nouvelles déjà publiées, ce qui est de bonne guerre il faut le reconnaître. C’est une fois de plus le cas ici, puisque seule la soumission de C. L. Werner est un inédit, mais à grox donné, on ne regarde pas les crocs. Plus important que la fraîcheur du produit, c’est sa pertinence, c’est-à-dire sa capacité à donner envie aux primo-lecteurs de devenir des rats de bibliothèque Prophètes Gris, qui fera office de juge de paix Arbites ici. Alors, l’édition 2022 a-t-elle été à la hauteur de cette lourde tâche, aussi bien en anglais que in French ? Voyons cela sans tarder.  

Black Library Celebration 2022

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The Serpent’s Dance – M. Brooks [HH] :

INTRIGUE:

Désormais rattachée au service exclusif du Régent rageux de Terra, Malcador le Sigilite, l’ex Sœur du Silence Amendera Kendel participe à l’effort de guerre en menant à bien des missions de contre-espionnage pour identifier les traîtres à l’œuvre dans le système solaire. Une vraie mission de l’inspection générale comme on les aime. Son devoir la mène jusqu’à Jupiter, où elle infiltre incognito un événement mondain organisé pour l’élite locale, à la recherche de… n’importe quoi en fait, car on ne dirait pas qu’elle tient une piste très sérieuse au moment de faire son entrée sur le dancefloor jovien. Cette approche au pur talent verse de maigres dividendes, malgré les conseils avisés que lui glisse son associé, chaperon mondain et consultant en jet set Ruvier Dall, et la soirée progresse sans que sa patronne n’arrive à coincer le moindre petit hérétique. Kendel a beau dissimuler son aquila frontale sous un masque, son physique de tueuse sous des froufrous1 et son aura de Paria avec un torque de suppression, on ne s’improvise pas femme du monde. La spécialité de la maison serait plutôt de les détruire, d’ailleurs (remember Proxima Majoris).

Après une heure à échanger des platitudes avec le gratin jupitérien en pure perte, Kendel en a ras la queue de cheval et opte pour une tactique différente. Rencardée en douce sur les agissements suspects d’un convive, qui est le seul à se balader librement de groupes en groupes sans gardes du corps, notre héroïne fonce sur sa cible comme un missile à tête chercheuse (et à la grande horreur de Dall, offusqué par ce manque flagrant de savoir vivre), avec la ferme attention de… l’inviter à danser. Si si. Ma foi, pourquoi pas: peut-être que le DJ local avait eu la mauvaise idée de mettre ‘Cotton Eye Joe‘ pile à ce moment. Quoiqu’il en soit, la tentative de Kendel se heurte, non pas à un mur, mais au refus poli de l’assistante du nobliau en roue libre (Durian Jarandille), une jeunette timide du nom de Kristanna Moristat, qui fait remarquer à cette virago d’Amendera qu’on ne peut pas macarener les gens sans sommation et sans leur demander leur avis d’abord. Ne pouvant pas décemment lui mettre une manchette sans créer un scandale, la sista improvise et entraîne l’impétrante dans une carioca fougueuse. Faute de merles… Cette proximité lui permet de détecter que Kristanna est elle-même une Paria, constat dont va découler tout un tas de déductions qui, pour la faire courte, mène à la neutralisation de Jurandille, un affreux Psyker sous couverture dont les discussions avec l’élite jovienne ne pouvaient qu’avoir pour but de préparer subrepticement l’arrivée d’Horus dans le système solaire.

Alors qu’elle s’apprêtait à se mettre une claque dans le dos pour se féliciter d’une mission rondement menée (difficile de compter sur des marques de franche camaraderie de ce genre de la part d’autrui quand on donne la nausée aux gens à 10 mètres à la ronde), on souffle dans l’oreillette de Kendel que le deuxième compagnon de Jurandille, Jorud Gevaz, a filé à l’anglaise pendant qu’elle remportait sa battle de tektonik contre le Psyker infiltré. Comme l’homme en question est parti dans la direction générale des appartements du Haut Thane de Jupiter et qu’il laisse des cadavres de gardes derrière lui, il s’agit de le rattraper en vitesse afin d’éviter une gueulante de Sire Gilles l’Huître. Beaucoup plus à l’aise maintenant qu’elle a le droit de mettre des gros taquets dans les nougats, Kendel finit par confronter sa proie avant qu’elle ne pose ses sales pattes sur le nabab local, et parvient à la retarder suffisamment longtemps pour que l’indispensable Helig Gallor (Death Guard en disponibilité) arrive disperser l’importun d’une rafale de bolter bien placée. Pas assez vite cependant pour empêcher Gevaz, un agent de l’Alpha Legion, d’appuyer sur le détonateur caché dans la boucle de sa ceinture avant de passer de vice à trépas. Être lent et méthodique est parfois handicapant. Bilan des courses: deux tiers des invités du bal (ainsi que Ruvier Dall) finissent en carpaccio, victimes des bombinettes cachées par les cultistes dans les automates de service, ce qui n’est pas un superbe résultat pour notre espionne en herbe. Elle fera sans doute mieux la prochaine fois, si prochaine fois il y a.

1Notons au passage qu’elle a réussi à convaincre ce vieux pingre de Malcador de lui adjoindre les services de deux couturier.e.s. Deux fois le nombre de Space Marines de son équipe: on voit où vont ses priorités. 

AVIS:

Dans la série des « Que sont-ils devenus? » de l’Hérésie d’Horus, le cas d’Amendera Kendel méritait-il qu’on s’y attarde? Personnage récurrent de James Swallow, ses apparitions dans la série se sont logiquement espacées au fur et à mesure que celles de son auteur faisaient de même. À titre personnel, je vivais et lisais très bien sans mademoiselle Kendel, et je m’interroge sur les raisons qui ont poussées Mike Brooks à la choisir pour ses débuts dans l’Hérésie. Amendera ne m’apparaît en effet pas comme une figure brooksienne classique, n’étant ni trop sarcastique pour son propre bien, ni le détournement d’un archétype de 40K, ni particulièrement originale au niveau de ses pronoms1, ni un Ork. L’intrigue et la mise en scène, sans être indigentes, ne sont pas non plus mémorables, et, à moins d’un fantastique coup de théâtre, l’intégralité des événements narrés dans The Serpent’ Dance aura autant d’impact sur le reste de l’Hérésie d’Horus que la couleur des papiers peints du boudoir d’Eidolon, voire qu’Eidolon lui-même (c’est dire). Bref, c’est un double gâchis à mes yeux: des compétences et de l’originalité de l’auteur en premier lieu, et des possibilités scénaristiques (que ce soit en termes de développement ou de conclusion d’arcs narratifs) offertes par une saga aussi étoffée en second lieu. On appréciera tout de même le sérieux dont Brooks a fait preuve dans sa préparation, qui transparaît dans les références aux travaux de ses prédécesseurs (battlemark et thoughtmark, Lucifer Black…), mais également dans des clins d’œil un peu plus subtils, comme le choix de Kendel de prétendre être une aristocrate d’une certaine planète Mollita pour accéder au bal. En conclusion, je ne voue pas cette nouvelle aux gémonies mais j’affirme sans détour qu’il y a beaucoup mieux à lire de la part de Mike Brooks et de l’Hérésie d’Horus que cette danse serpentine.

1La danse entre Kendel et Kristanna est toutefois une péripétie que l’on n’aurait à mon avis pas pu trouver ailleurs que chez Brooks parmi les auteurs de la Black Library. Et on a bien un personnage non-genré dans l’histoire, mais c’est un garde tué hors champ dont Krendel récupère le fusil, donc ça ne compte pas vraiment.

ET POUR LES NOUVEAUX?

L’Hérésie d’Horus est la franchise “Experts” de la GW-Fiction, peu accessible par nature aux débutants du fait de la nécessité de maîtriser les bases du background de 40K et de 30K pour en tirer la substantifique moelle spectrale. Intégrer une nouvelle hérétique dans un recueil destiné aux nouveaux venus représente donc une gageure, et si la décision m’avait été confiée, ‘The Serpent’s Dance’ et ses personnages ultra niches embarqués dans une aventure pas du tout représentative du corpus de l’Hérésie (des Space Marines qui se tapent sur le coin du museau par paquets de mille, pour simplifier), aurait été mon avant-dernier choix, ou peu s’en faut. Jugement de valeur mis à part, il s’agit ici d’une histoire pour « faux-débutants », qui n’a donc rien à faire dans ce type d’anthologie.

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The Shapers of Scars – M. Collins [40K] :

INTRIGUE:

Dans l’infirmerie du Wyrmslayer Queen, la Reine Guerrière de Fenris (surtout) et Capitaine Libre Marchand (un peu) Katla Helvintr passe un sale moment. Ayant fait l’erreur de tendre l’autre joue dans un concours de crachat d’acide, notre héroïne donne du fil à retordre et des points de suture à poser à son équipe médicale, qui s’affaire pour sauver ce qui peut l’être de sa carnation délicate et de sa chevelure luxuriante. La situation est tellement grave que la vieille Bodil (à ne pas confondre avec sa sœur, Bursul), gothi fenrissienne tout ce qu’il y a de moins scientifique, a été appelée à la rescousse. Entre deux jets de runes en os (non désinfectées, j’en suis sûr) et prophéties mystiques sur le destin de Katla, qui finira soit dévorée par les Tyranides, soit étranglée par un ver de terre – c’est écrit –, Bodil trouve le temps de sortir son matériel de tatouage et commence à gribouiller sur le visage de sa Jarl, soit disant pour lui donner la force de vaincre le mal qui la hante, mais plus sûrement pour se venger de la dernière demande d’augmentation refusée par cette pingre de Katla. On se console comme on peut.

Pendant que la Tin-Tin du 41ème millénaire dessine des élans sur le front de sa patiente, nous remontons le temps pour comprendre comment cette dernière s’est retrouvée dans cette position peu enviable. La série de flashbacks que Marc Collins intègre dans son récit nous permet de suivre Katla dans ses œuvres, qui consistent principalement à sillonner le vide à la recherche d’adversaires de valeur à combattre. Drôle d’activité pour un Libre Marchand, mais après tout, certains tiennent visiblement à jouir de leur liberté plus que de leurs marchandises, et comme ils ont un mot d’excuse signé par Pépé en personne, nous ne sommes pas en droit de leur demander des comptes sur l’usage qu’ils font des ressources de l’Imperium. La cible du Wyrmslayer Queen se trouve être un vaisseau tyranide esseulé par la dispersion de sa flotte ruche, mais que sa soudaine solitude ne dissuade pas le moins du monde d’attaquer son traqueur bil(l)e en tête. Bien aidée par le désir manifeste et palpable de la Jarl de Fenris de régler l’affaire au corps à corps plutôt que par salves de missiles interposées, la bioconstruction Xenos arrive à portée de tentacules, et envoie quelques nuées de cafards enragés à l’abordage de son tourmenteur. Voilà une situation bien engagée et tout à fait optimale pour les impériaux, comme chacun peut en juger.

Short story shorter, Katla emmène sa bande joyeux huscarls à la rencontre de l’infestation tyranide qui s’oublie sur la moquette du troisième pont, et finit par croiser le fer avec un Prince particulièrement caustique et affligé d’un gros problème d’acné. À trop faire la maline avec ses hachettes viking, elle finit par percer le bouton de trop, et se fait asperger d’un acide autrement plus corsé que celui qu’elle a pris avant de se ruer à la bataille. Cela ne l’empêche pas de finir l’impudente bestiole proprement avant de faire une petite pause coma bien méritée, et la suite nous est connue. L’histoire se termine par le réveil de Katla, qui trouve le tatouage tribal que la fidèle Bodil lui a fait sur la moitié de la tronche méchamment bath. C’est ce qui s’appelle faire contre mauvais profil bon cœur.

AVIS:

Petite histoire très simple (j’aurais pu résumer le propos en trois phrases sans omettre grand-chose d’important) au nom très compliqué, ce ‘The Shapers of Scars’ intrigue et déçoit à égales mesures. Pour commencer par les reproches, je me désespère de lire encore des affrontements spatiaux complètement stupides car physiquement abscons après 30 ans de publications 40K. Ici, nous rencontrons le cas d’école de l’auteur n’ayant pas intégré qu’une bataille spatiale se déroule à une échelle de centaines de milliers de kilomètres, et pas à portée de jet de chaussure (ou ici, de tentacules pour les Tyranides et de harpons pour les impériaux1), ce qui est à mon avis un héritage néfaste des derniers Star Wars. Reconnaissons au moins à Collins d’avoir de la suite dans les idées, car mettre en scène une héroïne tellement obnubilée par le pugilat qu’elle abandonne son rôle de commandante en pleine bataille pour aller jeter des javelots à la gu*ule de pauvres Gaunts dans les coursives de son propre navire, accompagnés d’hommes de main équipés comme des Burgondes du haut Moyen Âge, est d’une originalité rafraichissante par rapport au reste du corpus de la Black Library. Il faut de tout pour faire un Imperium, même des Fenrissiens bas du front et des auteurs en roue libre.

Si on est d’humeur plus charitable, on peut s’interroger sur les raisons qui ont poussées Collins à être si spécifique dans le choix de ses protagonistes, la rencontre entre « cultures » Rogue Trader et Space Wolves dans une nouvelle de quelques pages ne se justifiant à mes yeux que si ‘The Shapers of Scars’ est le prélude à une œuvre plus conséquente. Certains auteurs de la BL, Dan Abnett et Aaron Dembski Bowden en tête, ont déjà prouvé qu’il était possible de réaliser des fusions plus improbables que celle-là de façon convaincante, et au final à donner plus de substance et de saveur au gigantesque patchwork socio-culturo-politique qu’est l’Imperium. Il se pourrait donc que nous recroisions Katla Helvintr et la bonne Bodil dans un futur proche, hypothèse d’autant plus plausible que Marc Collins est toujours dans l’attente d’un premier roman pour la BL, et que les créneaux Rogue Trader et Space Wolves ne sont pris par personne en ce moment. Faîtes vos jeux.

1 : Imaginez un peu la longueur, donc la place et le poids, de la chaîne nécessaire pour qu’une telle arme puisse « ferrer » une cible et la ramener à bon port. Déjà que sur un Titan, c’est limite, mais sur une frégate…

ET POUR LES NOUVEAUX?

Si on étudie la liste des cinq nouvelles sélectionnées par la Black Library pour constituer ce petit recueil introductif, on se rend compte que ‘The Shapers of Scars’ a la très lourde tâche de représenter la littérature 40K « classique » (c’est-à-dire hors franchises à part comme l’Hérésie d’Horus, Necromunda ou Warhammer Crime), qui constitue à l’heure actuelle et sans doute pour toujours le plus large corpus de la BL, soit des centaines de nouvelles publiées au cours des trois dernières décennies. Il aurait donc été logique, si ce n’est obligatoire, de choisir une Space Marinade – possiblement de bonne qualité car, oui, cela existe – en lieu et place du court format totalement random de Marc Collins. Imaginez un peu que cette lecture soit votre porte d’entrée dans le 41ème millénaire : vous penseriez sans doute que le puissant Imperium est une civilisation steampunkbarbarian ayant conquis les étoiles en jetant des javelines même pas énergétiques sur des cafards géants. Ce qui n’est pas l’image d’Epinal du grimdark, vous le reconnaîtrez. Bref, je ne valide absolument pas ce parti pris.  

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No Use for Good Men – G. Haley [40K] :

INTRIGUE:

Notre récit commence par un petit mail envoyé par l’humble et fidèle Probator Fyedor Blovast à l’honorable et exalté Chef Justicius Maksell Resk, annonçant des progrès notables dans le décryptage du journal intime d’un certain Symeon Dymaxion-Noctis, placé sous bonne garde pour une raison indéterminée par la maréchaussée du district de Nearsteel. La nouvelle qui suit est l’extrait traduit par le stagiaire Linguee du probatoriat, ce qui indique clairement qu’il ne faut pas s’attendre à un compte-rendu complet et exhaustif de la vie et de l’œuvre de Sym’. Et pour cause…

Les quelques pages que nous sert Guy Haley sont consacrées à la description d’une matinée assez banale de notre héros, un Probator plutôt nanti et qui ne s’en cache ni ne s’en plaint pas (il a eu sa phase « solidarité prolétaire », mais ça lui est passé), vivant dans un duplex en haut de spire, avec un felid et un bras augmétique. Il enquête posément sur la disparition de Xuliana Marchentska, fille idéaliste d’un notable local, supposée enlevée et probablement morte à l’heure qu’il est. Un suspect ayant été localisé dans une cité sensible toute proche, Symeon décide d’y faire un saut pour tenter de le cueillir, malgré le fait qu’une émeute de la faim est en train de couver dans le district, et que la riposte des gardiens de la paix l’épée se prépare de concert. Usant de son statut spécial pour négocier le cordon de Sanctioners qui s’apprête à casser du contestataire, le super flic arrive en vue du dernier domicile connu de sa proie (Yerzy Demedoi)… et se fait griller par ce dernier sur le pas de la porte. Pas de chance.

S’en suit une course poursuite haletante et mauvaise pour les rotules, alors qu’en arrière-plan les CRS de Varangantua commencent à bavurer dans les brancards, au terme de laquelle le bien portant Symeon (Haley insiste là dessus, alors moi aussi) rattrape presque Demedoi, mais décide finalement de lui coller une bastos dans la cuisse au lieu de couvrir les 10 derniers mètres et de tenter le placage cathédrale. Sa fainéantise lui jouera un sale tour, et plus encore au fugitif, car son tir au jugé perce l’artère fémorale du présumé coupable, qui décide de finir en beauté d’un saut de l’ange renversé plutôt que de se vider tranquillement de son sang en répondant aux questions de son meurtrier. C’est bien une ingratitude de pauvre, ça. Ce faisant, il passe de l’autre côté du voile de chaînes métalliques qui sépare le district civil de Nearsteel de l’enclave du Mechanicum de Steelmound, ce qui place son cadavre hors de la juridiction et de la portée de Symeon, qui n’a plus qu’à rentrer chez lui ouvrir une boîte de Ronron à son matou d’appartement. Et c’est tout. La suite dans ‘Flesh & Steel’, j’imagine…

AVIS:

Haley fait sa propre pub pour le roman ‘Flesh & Steel’, écrit également pour Warhammer Crime, et mettant en vedette l’Hercule Poivrot de Varangantua, Symeon Noctis. Je ne lui en aurais pas tenu rigueur si le message publicitaire en question (‘No Use for Good Men’) avait été une véritable nouvelle, avec une intrigue, un développement et une conclusion, ce qui n’est malheureusement pas le cas. À la place, on a le droit à vingt quatre heures dans la vie d’un fât, dans un récit mêlant description de la géopolitique de Nearsteel, considérations philosophiques du héros, course poursuite peu concluante et références appuyées à un passé/futur mystérieux qui seront explicitées dans le bouquin qui prendra la suite de ce teaser littéraire. Haley sachant tenir une plume, l’ensemble est très lisible, mais ça sent la grosse démotivation de sa part, ce qui se solde par une expérience décevante pour le lecteur. J’espère vraiment pour lui que la lecture de ce ‘No Use for Good Men’ jettera un éclairage nouveau sur ‘Flesh and Steel’ (ce qui pourrait à la rigueur justifier sa lecture), mais j’en doute assez fortement.

ET POUR LES NOUVEAUX?

Je n’ai pas grand-chose à ajouter au retour fait plus haut sur l’intérêt de cette courte nouvelle, dont le seul but est d’hameçonner le lecteur et de lui faire acheter ‘Flesh & Steel’. Même si je comprends l’approche, le fait qu’il soit possible de télécharger gratuitement un extrait de ce roman sur le site de la Black Library me fait me questionner sur la nécessité pour cette dernière de commander ce genre de publication, à l’âge du post-papier. Comme ‘No Use for Good Men’ est assez sympathique à parcourir, on peut défendre son utilisation comme produit d’appel pour Warhammer Crime, mais il y avait mieux et plus respectueux à proposer au lecteur, à commencer par un véritable stand alone. Ça fait que ce soit gratuit, mais…

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The Reaper’s Gift – R. Cluley [AoS] :

INTRIGUE:

Le milicien Rutger, confronté à une trop forte opposition lors de la dernière bataille livrée par sa compagnie franche à une bande d’Hommes Bêtes en maraude, a prudemment décidé de se faire porter pâle et quitté le champ de bataille pour le champ de maïs, laissant les copains se débrouiller sans lui. A sa décharge, notre héros courageux mais pas téméraire venait d’hériter d’une méchante estafilade sur le bedon, réduisant fortement son utilité au combat en même temps que son espérance de vie. Dans son malheur, Rutger a toutefois la chance de tomber sur une étable décrépite où il peut s’abriter de la pluie battante de Shyish, et recouvrer quelques forces avant de reprendre sa fuite éperdue. Dans cet abri de fortune, il fait la connaissance de Poll, le jeune fils d’une fermière du cru qui essaie tant bien que mal de survivre avec ses trois enfants et en l’absence de son mari, réquisitionné de force par l’armée locale il y a plusieurs mois. Ayant gagné la confiance du gamin grâce à ses talents de montreur d’ombres, Rutger parvient aussi à se mettre la mère (Maudeline) dans la poche, et est invité par cette dernière à dîner avec sa famille.

Pendant que le soldat se fait recoudre la bidoche et se gave de brouet, ses hôtes lui racontent la légende du Faucheur (Reaperman), un croquemitaine ayant l’apparence d’un épouvantail géant et venant punir les membres égoïstes de la communauté à grands coups de faux dans les gencives. Originellement, le Faucheur était un guérisseur dont le fils unique mourut écrasé par sa propre charrue, tragédie qui fit mourir sa femme de chagrin quelques semaines plus tard. Ses voisins n’ayant pas fait preuve d’une grande solidarité envers le pauvre homme dans ces moments difficiles, le désespoir et le ressentiment (et l’intervention de Nagash, aussi) le changèrent en spectre vengeur, que les paysans du coin tentent d’apaiser en se faisant des cadeaux entre eux, démontrant ainsi leur camaraderie. Il se trouve que Maudeline et Cie offrent des épouvantails, ce qui explique pourquoi l’étable où s’était réfugié Rutger était pleine de silhouettes tout à fait creepy. On est à Shyish, aussi.

Raccompagné par Maudeline jusqu’à la grange où elle accepte qu’il passe la nuit, Rutger réalise que la brave fermière dissimule en fait une ogresse en puissance, qui n’a pas hésité à tuer et découper les autres déserteurs amochés qui sont venus demander assistance au cours des derniers mois. Cela explique comment elle a pu confectionner autant d’épouvantails dans un endroit aussi reculé, où les fripes d’homme adulte sont rares. Pragmatique jusqu’au bout, Maudeline avoue que c’est l’infection qui commence à gagner sa plaie qui l’a convaincue de ne pas transformer Rutger en jambon, et qu’elle ne lui fera donc aucun mal. Cet échange de civilités est interrompu par l’arrivée d’un Ungor inquisiteur, qui se fait prestement occire par notre coriace agricultrice #LaMortEstDansLePré.

Il ne s’agit toutefois que d’un sursis pour la petite troupe, car il est certain que la disparition de l’éclaireur va donner l’idée au reste de la harde de passer une tête cornue dans le coin dans les prochaines heures. N’ayant aucun espoir de prendre de vitesse l’ennemi, Rutger propose de gagner du temps en utilisant la ruse…

Début spoiler 1…C’est-à-dire mettre à profit le stock d’épouvantails de ses hôtes pour donner l’impression à ces bêtes de Bêtes que la ferme est fortement gardée. Cela ne les trompera ni ralentira très longtemps, mais devrait permettre aux fuyards une chance d’atteindre les voisins les plus proches de Maudeline et sa marmaille. La journée qui s’en suit est donc tout entière consacrée à la préparation de ce musée Grévin hors les murs, mais alors l’après-midi avance, Rutger a une idée encore meilleure pour duper les Hommes-Bêtes en maraude…

Début spoiler 2…Laisser les femmes et les enfants derrière. Comme il se doute que Maudeline a peu de chance d’accepter, il lui colle un coup de hachette dans le crâne pour avoir les mains libres, et attache les orphelins avec les épouvantails pour donner l’illusion que son régiment de paille est bien vivant. A la guerre comme à la guerre, tout de même. C’est le culte de l’huître bleue qui avait raison, une fois de plus : don’t fear the reaper (fear the deserter).Fin spoiler

AVIS:

Pour sa deuxième contribution à la GW-Fiction (après ‘Flesh and Blood’), Ray Cluley corrige la mire et signe une histoire bien noire, et méritant tout à fait sa catégorisation dans la gamme Warhammer Horror. En distillant à petites touches les détails troublants, puis inquiétants, puis révoltants, l’auteur parvient à instiller une pure atmosphère de film de genre, où l’on comprend qu’il peut se passer quelque chose d’horrible à tout moment, et où tous les personnages, même (surtout) les protagonistes, peuvent partir en vrille sans crier gare. Il fait également preuve d’une maîtrise consommée de raconteur d’histoire en entraînant le lecteur sur la piste de l’épouvantail, figure horrifique s’il en est, pour au final donner à son récit un twist final bien plus prosaïque, mais d’autant plus marquant et efficace. Une vraie bonne soumission pour le sieur Cluley, qui remonte sensiblement dans mon estime.

ET POUR LES NOUVEAUX?

Ecrire une bonne nouvelle est difficile, et écrire une bonne nouvelle d’horreur l’est encore plus. Pour avoir lu quelques recueils siglés Warhammer Horror dans mon jeune temps, je peux témoigner du fait que ‘The Reaper’s Gift’ se place dans le haut du panier de ce que la BL peut proposer, et il est donc heureux que le choix des pontes de Nottingham se soit porté sur cette nouvelle comme représentante de la franchise horrifique de la GW-Fiction. Si cela ne donne pas envie aux nouveaux lecteurs d’explorer plus en détail cette collection de niche, c’est que cette dernière n’est pas faite pour eux. Il est aussi à mon sens approprié que ‘The Reaper’s Gift’ soit assez « dur » en termes de narration, là aussi pour permettre aux curieux d’acheter un recueil en toute connaissance de cause.

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The Wolf and the Rat – C. L. Werner [AoS] :

INTRIGUE:

The Wolf and the RatScandale à la cour de Radukar le Loup, sanguinaire car vampirique maître de la cité d’Ulfenkarn, en Shyish. Une précieuse relique a été dérobée dans la crypte où elle sommeillait depuis des lustres, plongeant notre atrabilaire héros dans une colère noire (logique) : on lui a volé son doudou !!! Ah, on me dit dans l’oreillette qu’il s’agit en fait de la pelisse du vampire qui lui donné le Baiser de Sang, ce qui est un peu plus classe, mais beaucoup moins drôle, que ma version des faits. Je m’incline de bonne grâce et reprends le cours de mon récit.

On apprend rapidement que le crime à peine commis est déjà revendiqué par une coterie de suceurs de sang ne goûtant pas au règne sans partage de Radukar sur son fief, et souhaitant, d’après les mots bredouillants de leur émissaire, le froussard Valac Chrobak, seulement remettre au goût du jour le conseil municipal, où Loulou aurait bien sûr un siège. Le messager ayant raté son test de charisme de façon critique, il est expédié dans la post non-vie par les gardes du corps Ogors de Radukar, qui décide de prendre les choses en main. Sachant que les ravisseurs de courtepointe lui ont donné rendez-vous dans le quartier des docks pour procéder à l’échange, il en prend le chemin sans tarder, confiant dans le fait que sa Sénéchale, l’ex-pirate tournée vampiresse (vive les reconversions professionnelles, franchement) Natasyia, sécurisera discrètement le périmètre avec les squelettes de la garde municipale, au cas où l’affaire s’envenimerait.

Sur place, il retrouve une vieille et funeste connaissance, le Prince des Rats Kritza, un noble dévoyé (vampire lui aussi, évidemment) qui a pris la tête de la cabale lupophobe après que Radukar l’ait laissé pour mort suite à un petit accrochage autour de la machine à café. Kritza et son corps de lâche ne sont évidemment pas venus seuls : une petite bande de petites frappes à canines pointues a fait le déplacement, afin d’équilibrer un peu les choses entre Rad’ the Chad et Kritza le Rat. Sans surprise, l’entrevue se passe moyennement, chacun campant sur ses positions, jusqu’à ce que Natasyia arrive avec les renforts promis pour précipiter la résolution du litige…

Début spoiler 1…Seulement, cette fourbe de flibustière repentie jouait en fait du côté de Kritza. C’est d’ailleurs elle qui a dérobé la peau du père de Radukar, et l’a remise aux conjurés. Les griefs de Nat’ sont simples : elle en veut à son boss de ne lui avoir pas dit qu’être un vampire créait un grand vide spirituel, ce qui était pourtant assez facile à prévoir en réfléchissant deux secondes au concept de non-vie. Heureusement qu’il n’y a pas de termes et conditions dans les Royaumes Mortels, ce serait un véritable carnage. Quoiqu’il en soit, Radukar se retrouve finalement isolé et encerclé au milieu des épaves pourries (je ne parle pas des vampires) du port, ce qui n’est pas une situation enviable. Le plan de Kritza est simple : mettre le feu à l’une d’entre elles et faire pousser le seigneur d’Ulfenkarn dans le brasier par le cordon de sécurité squelettique rameuté par Natasyia. Aussitôt dit, aussitôt fait. A moins que…

Début spoiler 2…A moins que ce rusé de Radukar ait flairé la combine à des kilomètre grâce à sa truffe de loup, et ait pris des mesures de contingence pour piéger les piégeurs. Il désactive ainsi les squelettes d’une simple commande vocale1, et fait signe à ses fidèles Ogors zombies de sortir des coulisses avec leurs pieux de fonction pour châtier les trublions. Ce retournement de situation pousse la clique de Kritza à tenter de rusher Radukar, avec des résultats… médiocres. Un peu plus réfléchie, Natasyia se saisit de la pelisse convoitée par son ex-patron, et fait mine de la jeter dans les flammes de l’épave s’il ne la laisse pas partir. Manque de bol, en tant que « fille » de Radukar, elle découvre bientôt que braver la volonté paternelle n’est pas une sinécure, et finit par apporter gentiment la fourrure au brasier, et elle avec par la même occasion, lorsque le pater familias lui ordonne. Reste Kritza, qui en tant que personnage nommé avec une figurine dispose d’une sauvegarde invulnérable en sigmarite, et se tire donc d’affaire avec son special move, l’effervescence murine. La nouvelle se termine sur ce tableau théâtral, Radukar jurant sur ses grands morts d’éradiquer la menace surmulote sans aucune merci. Prend des notes, Anne Hidalgo.Fin spoiler

1 : J’imagine que chacun squelette avait une dent bleue au fond de la mâchoire.

AVIS:

Nouvelle d’accompagnement du livre qu’il a consacré à la dynastie Vyrkos (‘Cursed City’), qui n’était lui-même qu’un produit dérivé de la boîte de jeu éponyme, ‘The Wolf and the Rat’ sent franchement le réchauffé. Les fortes contraintes scénaristiques avec lesquelles il a dû composer pour écrire cette nouvelle, dont tous les personnages nommés devaient réchapper, ont amené le vétéran Werner à nous servir de la soupe littéraire, qui n’intéressera à la rigueur que les lecteurs souhaitant creuser le lore d’Ulfenkarn, bourgade mineure de Shyish et bac(kground) à sable patenté. Mêmes les surprises que l’auteur souhaitait ménager en guise de twists finaux tombent à plat, faute d’alternatives crédibles à l’inénarrable trahison-du-bras-droit-secrètement-insatisfait, contrée aussi sec par la toute aussi fameuse prévoyance-de-vieux-briscard-qui-ne-faisait-que-donner-le-change-mais-qui-avait-tout-pigé-depuis-longtemps. C. L. Werner fait généralement beaucoup mieux quand on le laisse s’amuser avec des ratons, et on peut donc classer cette nouvelle parmi ses moins réussies pour le compte d’Age of Sigmar.

ET POUR LES NOUVEAUX?

En faisant porter son choix sur une nouvelle illustrant les bisbilles d’une micro-faction d’Age of Sigmar récemment mis à l’honneur dans une boîte de jeu, la BL fait passer le promotionnel avant le didactique, et c’est pour moi une faute grave au vu de la mission première des anthologies Black Library Celebration. Cela me brûle les doigts de l’écrire, mais dans ces circonstances, c’est la nouvelle de Stormcast Eternals basique(s) qui était à privilégier, afin de permettre aux primo-lecteurs la découverte des Royaumes Mortels à travers sa faction la plus iconique. Bien sûr, C. L. Werner a suffisamment de bouteille pour nous proposer un résultat acceptable, mais il y avait beaucoup plus évident (et mieux aussi). Hors sujet.

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L’Enfant du Chaos (Child of Chaos) – C. Wraight [HH] :

INTRIGUE:

Le Siège de Terra approche méchamment et quelque part en orbite du Monde Trône, un Astartes en arrêt maladie contemple la planète de Pépé avec un œil torve et un visage couvert de biafine. Notre protagoniste est, vous l’aurez deviné, Erebus. Sauf que en fait, non, mais nous y viendrons un peu plus tard. Passé à la râpe à fromage par Horus et slam dunk-é dans le bac à ordures dangereuses par Lorgar, le surhomme par qui le scandale éclata n’a pas vraiment d’épaule sur laquelle suinter, mais il s’en fout royalement car son auguste compagnie lui suffit. Et comme dit son deuxième proverbe favori (on parlera de son premier un peu plus loin): « plus on est de fous, plus on rit, moi je suis tout seul parce que personne ne m’aime alors je compense en étant complétement ravagé du bulbe et pouvoir rigoler un bon coup ». Quel dommage que seule la version abrégée de cette maxime si profonde nous soit parvenue. Toujours est-il qu’Erebus est décidé à se parler à lui-même pour passer le temps, et il embarque donc le lecteur dans le récit de son origin story, qu’il considère comme étant édifiante. Voyons cela.

Première confession: Bubus a toujours été mauvais. Et surtout en dictée. Il ne s’en cache ni ne s’en excuse, et il n’y a pas d’élément déclencheur à chercher pour explique sa chute, à part peut-être le fait qu’il ne supporte pas la chaleur. Mais bon, se dire que l’Hérésie aurait été évitée par un malheureux climatiseur, ce n’est pas très glamour, donc restons sur l’hypothèse de la malignité incarnée. Déjà tout môme, son passetemps favori était d’arracher les pattes de scorpion de Colchis, ce qui n’est guère charitable. Issu d’une famille miséreuse, il se mit à lorgner du côté des khôl gris du Covenant après avoir constaté que les prêtres menaient une vie de patachon. Après quelques mois à apprendre par cœur des cantiques et à apprendre à lire sur des bouquins piqués en douce dans le temple local, notre zéro accomplit ses premières armes en garrotant de sang froid un jeune dévôt de son quartier, auquel sa mufle de mère le comparait à longueur de journée pour le rabaisser. L’individu en question témoignait de sa foi envers les Puissances en se peignant des mots sacrés sur le visage, habitude que son assassin reprit, tout comme il lui emprunta son nom: Erebus. MIND BLOWN. On est passé à ça d’avoir l’Hérésie manigancée par un gonze appelé Post Malone ou Tekashi69, ça fait froid dans le dos tout de même. Heureusement que Môman Bubus n’aimait pas le rap.

Ce premier assassinat permit toutefois à l’usurpateur d’entrer dans les ordres sans coup férir, et de commencer à tailler son chemin vers le pire, soit le Pouvoir, l’Influence, la Richesse et l’Efferalgan. Car Erebus n’est pas vraiment croyant à la base, et avoue volontiers s’être piqué d’intérêt pour la chose religieuse de la même manière que tu as pris goût aux endives au jambon: à l’usure. BLIND MOWN. Pendant qu’il faisait ses classes, un certain Prophète commençait à faire parler de lui dans l’arrière pays colchitique, et il ne fallut pas longtemps avant qu’Erebus ne pose les yeux sur celui qui allait devenir son père adoptif (Lorgar), accompagné par sa future marâtre (Kor Phaeron). Ce ne fut pas le coup de foudre mais le jeunot comprit qu’il fallait qu’il se rapproche de Mr Tête d’Œuf pour son propre bien, ce qu’il fit.

Une arrivée impériale et une transformation en Space Marine plus tard, notre désormais fringant héros part sillonner la galaxie à la recherche des Dieux du Chaos, envers qui il sent une attirance particulière. Rien de très intéressant ne se produit jusqu’à l’arrivée sur Davin, et la visite qu’Erebus rend à un temple décati que lui ont révélé ses visions. Sur place, il rencontra un vieux prêtre ridé et impoli, ce qui n’est pas très malin quand on s’adresse à un type qui fait deux fois sa taille et trois fois son poids. Parmi les tags effacés et les inscriptions désobligeantes, les sens de sorceleur du surhomme firent clignoter en rouge un dessin de l’Anathame (qui ne se trouvait pas sur place, ce serait trop simple) ce qui fut apparemment suffisant pour son bonheur immédiat. Il repartit donc avec une envie folle de farmer du Wither squelette1, en ordonnant au vioque de faction de retaper un peu la bicoque, et en donnant rendez-vous dans quelques décennies à une très jeune Akshub (qui ironie de l’histoire, lui donnera des cours en chaotique appliqué lorsqu’il reviendra… quel fumiste tu fais Bubus alors). La suite de l’histoire, sans être parfaitement connue, l’est toutefois suffisamment pour pouvoir laisser Erebus à ses divagations fiévreuses et purulentes. Mais tel est le destin de ceux qui manquent de peau.

1Mais sans accès au Nether, il dut se contenter de piller les collections permanentes du musée de la vie rurale de l’Interex, comme chacun sait.

AVIS:

Chris Wraight lève le voile sur l’origine d’un des personnages les plus importants de l’Hérésie n’étant pas Pépé ou un Primarque : bonne idée dans l’absolu, et assez bien réalisée même si ‘Child of Chaos’ tient plus de la lecture complémentaire intéressante que du must read définitif. Il y a certes quelques révélations bien senties de la part d’un auteur qui a trop de métier pour ne pas jeter quelques bouts de fluff anecdotiques (au sens littéral) en pâture à son public de fanboys dans une nouvelle telle que celle-ci, mais rien qui changera la face du lore. On apprend par exemple que c’est à Erebus que l’on doit la maxime « béni soit l’esprit trop étroit pour le doute », ce qui est utile à savoir pour briller dans un centre GW mais relève de la trivia hérétique au final. Notons également que Wraight se retrouve piégé par cet ennemi acharné de l’auteur de l’Hérésie d’Horus qu’est la continuité temporelle (à égalité avec la bonne vieille logique cartésienne): si Erebus a pu devenir un Word Bearers, c’est qu’il était très jeune à l’arrivée de l’Empereur. Or on sait (‘Lorgar: Bearer of the Word’) que Kor Phaeron avait déjà mis des pensées non euclidiennes dans la tête de son pupille bien avant que Bubus soit en mesure de susurrer des salaceries à l’oreille de son Primarque : l’image d’Epinal d’instigateur de l’Hérésie qui accompagne le Chapel-Un depuis quelques années en prend donc un sacré coup dans les ratiches.

Bref, on tient ici une lecture sympathique et qui permet à Wraight de mettre un peu d’ordre1 dans, et de faire quelques clins d’œil à la suite de, l’histoire d’Erebus, ce qui peut, ou non, justifier les 3,49€ demandés par la Black Library pour tuyauter le lecteur/fluffiste sur ce VIP chaotique.

1J’ai bien aimé le fait qu’il cherche à couvrir les traces de Thorpe en indiquant au détour d’une phrase que, oui, les Dieux du Chaos avaient bien un œil (mais juste un œil) sur Colchis et le Covenant, respectivement élus « Planète chaotique la plus calme du Materium » et « Secte chaotique hégémonique la moins efficace de la galaxie » 10.000 ans de suite. Il ne pouvait guère faire plus que cela sans réécrire l’histoire.

ET POUR LES NOUVEAUX?

Comme pour ‘The Serpent’s Dance‘, on peut considérer que ‘L’Enfant du Chaos‘ n’est pas assez grand public dans son propos pour mériter sans contestation sa place dans une anthologie introductive. Ceci dit, comme Erebus est une figure incontournable de l’Hérésie, permettre à un nouveau lecteur de s’initier à cette dernière à travers cette nouvelle retraçant ses origines se défend, surtout quand le résultat est de bonne qualité (comme c’est le cas ici). De manière plus large, donner la vedette à un anti-héros tel que ce bon Chapelain est également un bon moyen d’illustrer l’approche grimdark de la GW-Fiction, univers impitoyable où la pureté de la cause et la noublesse des sentiments ne servent absolument à rien. Un choix pas évident, mais qui se défend, donc.

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Mort sur la Route de Svardheim (Death on the Road to Svardheim) – D. Hinks [AoS] :

INTRIGUE:

En route vers la cité de Svardheim pour une raison sans doute logique mais inconnue de l’auteur de ces lignes au moment de l’écriture de cette chronique, le duo le plus mal assorti des Royaumes Mortels1 passe le temps et les kilomètres sur la route 88 (c’est tout plat, désertique et décoré avec des monceaux de crânes) en discutant théologie, comme à leur habitude. Bien évidemment, la situation finit par gentiment dégénérer, l’anticléricalisme blasphématoire d’un Gotrek toujours chafouin de s’être fait rouler dans la farine par les Dieux du Monde Qui Fut mettant sur les dents, qu’elle a éclatante, la dévote Maleneth. À force d’enquiller les bornes, elle finit même par les dépasser, allant jusqu’à accuser son rusé et runé camarade de servir le Chaos, à l’aide de l’argument, bien connu de George W. Bush, du « si tu n’es pas avec moi (et Ziggie) tu es contre moi ». Avant que la situation ne dégénère trop franchement, et que le Tueur vétéran ne doive se trouver encore un nouveau sidekick, les comparses tombent sur le théâtre d’une embuscade ayant été fatale à une bande de prêtres sigmarites, dont les corps décapités jonchent les alentours d’une carriole incendiée.

Après une rapide enquête, il s’avère que les assaillants n’ont pas réussi le perfect en matière d’élimination de témoins, une pauvre nonne répondant au nom de Carmina se présentant à nos héros et leur expliquant que sa congrégation s’est fait dérober une relique irremplaçable, le Poing Incorruptible, dont elle avait la charge et promenait de ville en ville pour ranimer la foi des locaux. Avant que Gotrek n’ait pu marquer de nouveaux points d’athéisme hardcore en demandant à Carmina en quoi un poing pouvait être corrompu, pour commencer (il en serait capable le bougre), Maleneth se fait embringuer dans une mission de récupération du saint gantelet, qu’il s’agit simplement de reprendre des mains malpropres d’une petite vingtaine de bandits, retranchés dans une forteresse abandonnée à quelque distance de la route. Rien que de très banal pour notre Tueur, qui accepte toutefois de mettre les formes et de suivre un plan un minimum intelligent (attendre que Maleneth se soit mise en position derrière le bastion pour intercepter d’éventuels fuyards) avant d’aller toquer à la porte le plus naturellement du monde.

La prévoyance de l’Aelf paie rapidement car il se fait bientôt jour (enfin, nuit, mais je me comprends) que les brigands sont un peu plus qu’une bande de maraudeurs sanguinaires, mais bien une authentique secte de Khorne, en train d’invoquer un démon de fort belle taille à l’aide de leur collection bien mal acquise de grigris et talismans. Maleneth n’a pas le temps de signaler qu’il y a une courge dans le potage que Gotrek est cependant déjà en train de défoncer la porte et de se tailler un chemin à travers les mobs de bas niveau, jusqu’à poser l’œil sur une Némésis digne de lui, qu’il engage évidemment en combat singulier dans la plus pure tradition du genre. Etant un VIP incontournable du multivers, Gogo est reconnu par son adversaire, qui a la mauvaise idée d’insinuer que le Tueur a fui son monde au moment de la Fin des Temps au lieu de rester et de se battre pour le défendre. Cela met notre nabot en rogne, et les deux adversaires se balancent quelques baffes amicales, sans trop d’effet de part et d’autre, jusqu’à ce que Meleneth ait l’idée géniale de confisquer les reliques ayant été mise à profit pour invoquer le démon, et dont ce dernier a encore besoin pour maintenir sa présence dans les Royaumes Mortels. Au fur et à mesure que les héros shootent dans les breloques, leur adversaire perd en taille et en carrure, jusqu’à finir rachitique et malingre, et se faire décapiter sans cérémonie par un Gotrek enfin à la bonne taille pour jouer de la hache.

Ceci fait, le duo infernal n’a plus qu’à remettre le Poing Incorruptible à la brave (en fait pas trop) et reconnaissante Carmina, qui s’en va à cheval remettre le précieux héritage en sécurité, pendant que nos héros continuent à pied leur périple. Poing/t final de notre histoire ?

Début spoilerEh bien non (comme la balise spoiler ne le laissait pas du tout envisager), car lorsque nos voyageurs, fourbus (surtout pour Maleneth) et assoiffés (surtout pour Gotrek) tentent d’obtenir le gîte et le couvert d’un monastère sigmarite croisé un peu plus loin sur la route, se disant à juste titre que tous les culs bénis à la ronde leur sont redevables de leurs récents exploits, c’est pour entendre un son de cloche bien différent. Carmina était en fait une voleuse ayant mené sa bande, déguisée en prêtres, dérober le fameux Poing Incorruptible (mais pas Inatteignable) de la garde des vrais fidèles de Sigmar, en tuant quelques uns au passage. L’abbé outré qui fait ce récit aux voyageurs est persuadé que l’iconoclaste va briser la relique en mille morceaux pour revendre la Pierre de Royaume dont elle est faite au plus offrant, au mépris de tous les commandements de Sigmar. C’est donc une grosse boulette, sur laquelle Maleneth manque de s’étouffer, mais qui ne déclenche chez ce philosophe de Gotrek qu’un rire tonitruant. Il en a certes vu d’autres…Fin spoiler 

1 : Gotrek est un Nain (et pas un Duardin) roux exhibitionniste, et Maleneth est une Aelf brune gothique.

AVIS:

Eh bien ça y est : après avoir laissé Gotrek (et le regretté Felix) à leurs aventures dans le Monde Qui Fut, je renoue enfin avec ce héros mythique sous sa nouvelle incarnation, à travers ce court format signé du père adoptif #3 du Tueur de… trucs, Darius Hinks. Ce qui m’intéressait particulièrement dans ces retrouvailles était de voir ce qui avait changé, et ce qui était resté, des précédentes aventures de M. Gurnisson, qui constituaient un sous-genre de la littérature BL à elles seules. L’équilibre n’était pas facile à trouver entre respect servile du cahier des charges, forcément un peu obsolète, établi par King et Long en la matière, et innovations radicales, qui auraient enlevé tout le sel de ce come-back improbable. Et je dois dire que Darius Hinks s’en est plutôt bien sorti, tant sur le fond que sur la forme. On est bien en présence d’une aventure de Gotrek & Cie, avec notre petit rouquin teigneux, grincheux et pince sans rire s’embarquant dans un combat à haut risque contre un adversaire très balèze (sur le papier en tout cas), au grand désespoir de son partenaire attitré. Ce qui change ici est que Gotrek est devenu un mécréant militant, gardant sa dernière dent contre tout le panthéon divin (à commencer par Sigmar, qui s’en prend plein les tresses), alors que Maleneth est, sous ses abords de tueuse froide, une zélote du grand barbu, ce qui est à la fois surprenant (c’est le type qui la voyait comme une pseudo Assassin druchii qui parle) et intéressant. Notons également que Hinks ne se gêne pas pour glisser quelques références au passé proprement légendaire de son héros et donc à feu Warhammer Fantasy Battle, ce qui devrait faire plaisir autant qu’intriguer le lecteur historique de la saga. Bref, le contrat est bien rempli dans ce ‘Death on the Road to Svardheim’, qui tient son rang parmi les cohortes de nouvelles Gotrekesques publiées par la BL depuis des temps immémoriaux. Reste à savoir ce que cette dernière compte faire de son increvable héros sur le long terme, maintenant qu’il ne peut absolument plus mourir (ce serait un énorme fail), mais ceci est une autre histoire.

ET POUR LES NOUVEAUX?

On ne fait pas vraiment plus iconique que Gotrek parmi les personnages de la Black Library, aussi sa présence dans un recueil tel qu’un Black Library Celebration fait tout à fait sens. Cette nouvelle permet à la fois au lecteur de se familiariser avec cette figure tutélaire de la GW-Fiction, à travers une petite aventure représentative de l’esprit de la saga, et à la BL de faire le lien avec l’imposant catalogue de courts et longs formats qu’elle est toute prête à nous vendre en cas d’intérêt pour le petit rouquin teigneux. Tout le monde est content.

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Secteur 13 (Sector 13) – S. Mitchell [40K] :

INTRIGUE:

Après les événements de Desolatia (‘Fight or Flight’), le Commissaire Cain profite enfin de la vie et d’un théâtre d’opérations beaucoup plus calme sur l’agrimonde de Keffia, où une coalition de régiments impériaux est à pied d’œuvre pour purger une infestation de Genestealers. Son rattachement à une compagnie d’artilleurs et sa popularité naissante donnent en effet à notre héros beaucoup d’occasions de faire son devoir de façon plaisante : à des kilomètres de la ligne de front et/ou à proximité des hors d’œuvre du Gouverneur local. Une vraie sinécure en quelque sorte, que le talent de Cain pour se mettre tout seul dans de sales draps va bien sûr interrompre de la plus brutale des façons.

Au début de la nouvelle, le Commissaire pensait pourtant avoir finement joué en trouvant un prétexte en plasbéton de décliner l’invitation du Colonel Mostrue de participer à un briefing de haut niveau, honneur lui ayant certainement valu de finir en première ligne sur une quelconque offensive décisive. Très peu pour Cain, qui a donc fait remarquer à l’officier qu’il était de son devoir d’aller superviser le rapatriement d’une poignée de Gardes des Glaces mis au trou par l’Arbites local, à la suite de troubles du voisinage dans la ville de Pagus Parva. Une tâche ingrate, mais qu’il faut bien faire, surtout quand cela permet de passer du temps avec la plastique Sergent Wynetha Phu. L’Empereur le veut, toussa toussa.

Rendu sur place avec son fidèle Jurgen, Cain badine un peu avec l’accorte Arbites, tout en sortant son numéro de Commissaire c’est juste mais vert (et inversement) aux cinq pochtrons bagarreurs qui ont causé du grabuge la nuit dernière. Bien que peu intéressé par les accusations de ses charges envers les locaux, qui auraient mis des roofies dans leurs verres pour leur faire les poches en douce, Cain accepte d’aller faire une enquête de voisinage (avec Wynetha bien sûr) pour tirer les choses au clair. Ses pas le conduisent alors jusqu’au bar du Crescent Moon, où travaille la sculpturale Kamella, escort girl rurale et ultime souvenir que gardent les Gardes de leur dernière soirée. Confrontés à la méfiance du propriétaire, qui ne consent à ouvrir la porte que devant le risque élevé de se la faire enfoncer par les enforcers – un comble –, Cain, Wynetha et le planton qu’elle a amené avec elle pour faire le nombre et grimper le bodycount à peu de frais1 sont forcés de prendre leur grosse voix impériale pour convaincre l’habitant de les laisser accéder à la chambre de Kamella. Et c’est là que les choses se corsent pour nos héros, car les paumes de Cain se mettent à le chatouiller, super pouvoir indiquant de façon indubitable que quelque diablerie est à l’œuvre…

Début spoiler…Et en effet, Kamella se trahit en demandant au Commissaire s’il aime ce qu’il voit (elle était nue sous ses vêtements à ce moment là) en utilisant son patronyme, qu’elle n’avait aucun moyen de connaître. La seule explication logique (mises à part celles basées sur la relative célébrité de Cain ou une ouïe un peu plus fine que la moyenne) est que la donzelle est capable de communiquer par télépathie avec le barman, comme deux hybrides Genestealers peuvent le faire. C’est le début des ennuis pour nos héros, qui se retrouvent vite assaillis par un essaim entier de cultistes plus ou moins présentables. Laissant l’Arbites inconnu mourir au champ d’horreur, comme convenu, Cain et Wynetha parviennent à s’échapper de ce guêpier et à rejoindre le commissariat (pas le sien, le nôtre, enfin je me comprends), où les attendent Jurgen et les cinq Gardes biturés. Bien que la bâtisse soit solidement construite et capable de soutenir un siège, la situation des impériaux ne va pas en s’améliorant car il s’avère bientôt que deux des bidasses ont chopés une MST tyrannique à trop fricoter avec l’habitant.e, et sont tombés sous la coupe de l’essaim. Contraints de se replier sur le toit du bâtiment après que leurs collègues aient fait défection et ouverts la porte aux hordes baveuses et chitineuses de Pagus Parva, Cain et Cie ne doivent leur salut qu’à l’arrivée propice et totalement inespérée d’un régiment de Cadiens, qui venait sans doute prendre un peu de bon temps après une campagne éprouvante sur le front, le vrai, le dur, le velu. Pas de chance pour les troupes de choc, il faudra passer sur le corps des filles de joie locales avant de leur passer… C’est peu conseillé de toute façon.

L’histoire se termine triplement bien pour Cain, qui écope d’une médaille, d’une réputation héroïque encore grandie (alors qu’il a simplement et bêtement pété les plombs en plein combat), et d’un regard lascif de Wynetha lors de la soirée de remise des honneurs. Vu comme ça, on aurait presque envie de s’engager.Fin spoiler

1 : Mitchell ne se donne même pas la peine de le baptiser, c’est dire s’il était mal barré le garçon.

AVIS:

Comme l’illustration d’époque qui accompagne cette chronique le fait subtilement remarquer, ‘Sector 13’ (le nom de la zone autour de Pagus Parva) est une nouvelle collector, remontant aux tout premiers chapitres de la longue, troublée et caustique histoire de Ciaphas Cain. 2003, pour être précis. La recette est la même que pour toutes les autres soumissions de Sandy Mitchell pour cette série : une approche décomplexée (les Anglais ont la jolie formule de tongue-in-cheek) du background de Warhammer 40.000 avec un gros B, permettant au personnage de sitcom qu’est Cain de vivre des aventures palpitantes à son corps défendant. Après avoir enquillé de nombreuses itérations de cette formule consacrée, qui a offert une carrière respectable à Mitchell au sein de la Black Library, je dois reconnaître que certains épisodes sont plus réussis que d’autres, et ‘Sector 13’ fait partie du haut du panier. Il m’est difficile de quantifier précisément ce qui fait de cette nouvelle un succès, mais il me semble que le rythme est plus enjoué, et les blagues plus efficaces que pour d’autres courts formats de Sandy Mitchell. Bref, c’est une des (més)aventures les plus satisfaisantes de l’incorrigible et incorrigé Ciaphas Cain que nous tenons là, et un point d’entrée idéal pour tout novice cherchant à se frotter à cette légende de la Black Library.

ET POUR LES NOUVEAUX?

Comme Gotrek, Ciaphas Cain est un incontournable de la Black Library. Mon jugement sur l’intégration de ‘Secteur 13‘ dans cette anthologie introductive sera donc aligné sur celui donné plus haut: c’est un grand oui. Le fait que nous bénéficions ici d’une « bonne » nouvelle du Commissaire le plus cool du 41ème millénaire ne gâche évidemment rien.

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Les Réprouvés (Nightbleed) – P. Fehervari [40K] :

INTRIGUE:

Les journées de Chel Jarrow, medicae disgraciée et névrosée de Sarastus, sont hantées par un cauchemar récurrent dans lequel elle se revoit faire l’erreur qui lui a coûté sa carrière, ainsi que la vie d’une de ses patientes. Epuisée par un enchaînement de gardes, elle a en effet confondu un Death Guard « XIV » avec un Son of Horus « XVI » et injecté de l’eau de javel à une malade du COVID-19K, ou une joyeuseté de cet ordre, ce qui ne pouvait pas bien se terminer. Renvoyée par son employeur, elle enchaîne depuis les petits boulots minables, le dernier en date consistant à servir de technicienne de laboratoire dans une usine agroalimentaire. Affectée à des cycles nocturnes pour ne pas entraver la production, Chel passe ses journées à dormir et ses soirées à éviter son mari Lyle, dont elle ne supporte plus la petitesse et la servilité1. Une bonne crise de la quarantaine comme on les aime, en somme.

Alors qu’elle prend le chemin du turbin, elle remarque en attendant que l’ascenseur monte (131ème étage, tout de même) que de nouveaux tags ont fait leur apparition sur les murs de son couloir. L’un d’eux représente l’homme aiguille (Needleman), une sorte de croquemitaine local vivant dans les ténèbres et cherchant sans relâche à saboter les dômes abritant les cités ruches de Sarastus pour permettre à la Nuit Véritable de régner sans partage sur la planète. Le trouillomètre commence à s’affoler lorsque Chel entend des bruits suspects dans l’obscurité du couloir, hors de portée de sa fidèle lampe torche. Ou plutôt, aurait dû s’affoler car notre héroïne n’éprouve pas le moindre émoi à la pensée qu’un prédateur la guette peut-être depuis les ténèbres. C’est l’avantage d’avoir une vie vraiment pourrie : on voit toujours le bon côté des choses. Ceci dit, il ne se passera rien de bien méchant avant que l’ascenseur ne finisse enfin par arriver, et emmène Chel jusqu’au rez de chaussée de la tour Barka.

Il est temps pour nous de faire la connaissance de notre second personnage principal, un jeune à problème s’étant rebaptisé Screech (cri perçant en français) après avoir entendu sa mère pousser un hurlement inhumain lorsqu’il lui a crevé les yeux à l’aide d’une fourchette. Il venait de tuer son père de la même façon, et avait 14 ans à l’époque des faits. Voilà voilà. Obsédé par le mythe de l’homme aiguille, qui l’a fait basculer dans la folie homicidaire, Screech est devenu un grapheur marginal, laissant des messages aussi inquiétants que mal orthographiés2 sur les murs de la cité. En plus de cela, il lui arrive d’enfiler son cosplay de Needleman pour aller trucider du prolo au gré de ses envies. Cette nuit lui semble d’ailleurs propice à un nouveau crime, et alors qu’il erre dans la cité à la recherche de la bonne cible, son chemin finit par croiser celui de Chel, qui a pris place dans son TER habituel pour aller bosser. Pas de doute possible pour Screech, c’est elle que le destin a choisi pour rapprocher Sarastus de la Nuit Véritable, un meurtre sanguinaire à la fois.

De son côté, Chel, qui en a vu d’autres et se balade avec un taser dans la poche, sent bien que l’ado tatoué et crasseux qui s’est assis par terre en tête de wagon et l’épie sans en avoir l’air n’est pas animé d’intentions charitables envers sa personne. Une poussée de mauvaise humeur manque de la faire aller au clash contre son stalker (pas vraiment discret) à la sortie du train, mais ce dernier est trop perdu dans ses pensées (il a dû sniffer le reste de sa bombe de rose pour passer le temps) pour prendre la mouche. Laissant à sa victime un peu d’avance, il finit par la suivre jusqu’à l’usine où elle travaille, après avoir enfilé son habit de non-lumière : un masque de métal et les griffes de Freddie. Ainsi paré, il se sent possédé par l’esprit de Noël du Needleman, que l’on devine être un peu plus qu’un simple fantasme d’achluophobe. Et en effet, lorsque Screech se retrouve attaqué par un cyber molosse après être entré par effraction dans le périmètre de l’usine de Potton Vitapax, il ne doit son salut qu’à sa possession temporaire par son esprit totem, dont l’un des pouvoirs consiste à pouvoir tordre ses bras dans tous les sens, ce qui est pratique pour venir à bout d’un mastiff énergétique qui vous cloué au sol après vous avoir déchiqueté la cuisse. Mal en point mais toujours opérationnel, notre héraut reprend sa traque en traînant la jambe.

Pendant ce temps, Chel s’est remise à travailler sur le dernier échantillon qui lui a été remis, et dont elle suspecte la nature maléfique, ou en tout cas néfaste, sans pouvoir le prouver. Les tests du VLG-01 n’ont en effet rien détecté de suspect, mais la consistance de goudron pervers de la substance rend son utilisation dans des produits cuisinés, même pour des travailleurs de la caste Delta, impensable. En désespoir de cause, et prise d’une inspiration subite, Chel a résolu la veille d’ingérer un peu de cette mixture, ce qui a semble-t-il renforcé ses cauchemars. N’y tenant plus, et sans doute en manque, la technicienne décide d’aller visiter le lieu de stockage du VLG-01, convainquant pour ce faire un des gardes de nuit de la conduire jusqu’à l’entrepôt (forcément abandonné jusqu’il y a peu car il avait mauvaise réputation). Là, deux choses horribles se produisent coup sur coup. Premièrement, Chel sombre dans la folie et se sert une grande rasade d’élixir de noirceur à même la cuve (pochtronne !), ce qui ne lui fait pas du bien comme on peut s’en douter. Deuxièmement, Screech finit par la rattraper, après avoir égorgé le garde au passage, et s’apprête à lui jouer son grand classique : le concerto d’Edouard aux Mains d’Argent en Scie Mineure…

Début spoiler…Seulement voilà, le Needleman s’est trouvé un avatar plus méritant que ce petit péteux de taggeur, et Chel se fait un plaisir de corriger son agresseur d’un grand coup de taser dans la glotte, ce qui lui fait fondre la mâchoire et couler les yeux sur les joues, entre autres effets secondaires sympathiques. Ayant récupéré le masque de fonction de Screech sur son presque cadavre, Chel retourne à son laboratoire pour valider définitivement l’échantillon de VLG-01, qui pourra donc être distribué largement à la populace de Sarastus, avant d’embrasser définitivement son nouveau statut de femme de l’ombre. Première étape : son appartement de la tour Barka, où elle aura une petite discussion avec ce butor de Lyle à propos des radiateurs…Fin spoiler

1 : Et également sa froideur coupable, car monsieur refuse obstinément de monter le chauffage, quand bien même la température de leur HLM se rapproche sensiblement de zéro.
2 : Dernier chef d’œuvre en date de notre Banksy sociopathe « C 1 MENSSONJE » au Hello Kitty Pink. Sans point d’exclamation à la fin, car ce n’était pas nécessaire.

AVIS:

Comme on pouvait s’en doute, Peter Fehervari réussit sans problème son entrée dans la gamme Warhammer Horror avec ‘Nightbleed’, un petit concentré de noirceur (haha) à la sauce Dark Coil. Notons à ce propos que les références aux autres textes et arcs narratifs du Fehervariverse ne sont pas légions dans cette nouvelle (à moins qu’elles soient trop subtiles pour votre serviteur, ce qui est tout à fait possible), ce qui facilite sa compréhension pour le lecteur non familier de l’approche de l’auteur. Ceci dit, il n’est guère besoin de pousser loin l’analyse pour comprendre que ‘Nightbleed’ n’est pas un stand-alone, mais contient des éléments qui s(er)ont explicités ailleurs, à commencer par le sens des lettres « VLG », sur lequel Fehervari fait plancher son lecteur de façon très explicite1. Parmi les autres réussites indéniables de cette soumission, on peut citer la facilité déconcertante avec laquelle l’auteur arrive à « planter » son décor en quelques phrases, et à faire de Sarastus un monde impérial plus tangible et réel que bien des planètes auxquelles GW et la BL ont consacré des dizaines de pages (Necromunda ? Armaggedon ? Cadia ?), ce qui est la marque des vrais conteurs. De la même manière, Fehervari instille à son récit un véritable malaise (angoisse serait un peu fort), amplifié par les bribes de comptines qu’il met dans la bouche et dans l’esprit de Screech. Will you won’t you meet the Needleman ?

1 : À titre personnel, je penche pour un acronyme en haut gothique (latin donc) glorifiant les ténèbres/le Chaos, mais cela peut être chose. Je suis simplement à peu près sûr qu’il est possible pour un lecteur attentif de percer ce mystère à jour avec les indices que Fehervari a laissé ici et là…

ET POUR LES NOUVEAUX?

Si vous êtes familiers de mes retours, vous savez que je porte à la prose de Peter Fehervari une affection toute particulière parmi les contributeurs de la Black Library. Aussi, permettre aux lecteurs francophones de s’initier aux joies glauques de Warhammer Horror à travers une (bonne, évidemment) histoire écrite par mon chouchou est évidemment un choix que je valide, et plutôt 41.000 fois qu’une. Le seul risque pour les nouveaux venus serait de considérer que toute la gamme est au niveau de ce ‘Les Réprouvés‘, ce qui n’est malheureusement pas le cas. Too much of a good thing…

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Aberrations (Aberrant) – C. Wraigth [40K] :

INTRIGUE:

Agusto Zidarov, Probator gras du bide, marié, un enfant, est mis sur un sale coup par un prêtre aussi influent qu’extrémiste, Yvgen Asparev. L’Ecclésiaste a en effet eut vent par son réseau de fidèles de la présence d’individus peu amènes, et probablement un peu mutés sur les bords, dans une zone industrielle d’Urgeyena. Bien que moins chaud que son indic’, qui lui brûle littéralement d’impatience, d’aller à la chasse aux mutants dans les bas-fonds de Varangantua, Zidarov se rend sur place pour faire sa contre-enquête, obtenant la confirmation de la part des témoins identifiés par Asparev que quelque chose de pas très impérial se trame dans l’entrepôt proche de la gare locale. À la nuit tombée, notre héros se glisse discrètement à l’intérieur du bâtiment en question, et ne met pas longtemps à tomber sur le « dortoir » de travailleurs détachés d’un genre un peu particulier. Très grands, très costauds, avec une peau diaphane, des yeux noirs et trois slips à se partager pour deux cents individus, les humanoïdes enchaînés dans le sous sol du site industriel répondent parfaitement au cahier des charges de l’abhumain de contrebande, venant voler les emplois et le slab des honnêtes Alectiens.

Cette découverte ethnologique majeure ne peut toutefois être reportée aux autorités compétentes et/ou incandescentes, car Zidarov se fait surprendre par une bande de gorilles bourrés de stimms, qui se montrent assez peu impressionnés par son badge d’office. Il faut l’intervention salvatrice de la directrice de l’usine, Alissya Gordova, pour empêcher que le Probator n’aille rejoindre le panier à salade de l’Empereur. Cette dernière explique posément à son « invité » que les opérations du site sont placées sous la protection et la direction du vladar Aista Fyodor Meleta, qui, en sa qualité de sous-gouverneur planétaire, se contrefiche royalement de l’avis et des principes d’un flicaillon comme Zidarov. Reconduit sans ménagement à l’entrée, avec ordre de ne pas revenir de sitôt, notre héros s’exécute de bonne grâce, et parvient à poser un mouchard sur un véhicule de transport qu’il devine justement servir à l’acheminement de la main d’œuvre spécialisée qui trime dans les profondeurs.

Cette intuition le mène jusque dans la juridiction voisine de Korsk, sur les traces du semi-remorque en question, qui se gare au milieu de la pampa pour réceptionner une cargaison livrée par une navette spatiale banalisée. Le doute n’est à ce stade plus permis, mais Zidarov fait du zèle en rendant une visite de courtoisie au gros lard ayant supervisé l’opération dans la cabane minable qu’il occupe à proximité du site d’atterrissage clandestin, une fois le convoi reparti. Ayant menotté et bâillonné son hôte pour pouvoir explorer sa piaule en paix, Zidarov a la surprise et l’horreur de découvrir une femelle de la race des abhumains entraperçus dans l’usine d’Urgeyena attachée sur un lit. Gras double est en effet un petit pervers, qui aime jouer du fouet pour se sentir puissant (ce qui est somme toute moins dégoûtant que d’autres explications à cette situation particulière). Dilemme profond pour notre héros, qui ne sait pas trop s’il doit tuer la mutante de sang-froid, ou la libérer de son tortionnaire. Pris de doute, il commence à dialoguer avec la grande godiche, et se rend vite compte qu’elle est plutôt à plaindre qu’à exterminer. En définitive, il décide de la remettre en liberté, scellant du même coup le sort de l’Indiana Jones en surpoids qui se dandine sur la moquette de la pièce d’à côté, et donnant à la rescapée les informations nécessaires pour qu’elle puisse tenter d’aller libérer ses congénères de leur camp de travail.

La nouvelle se termine par la confrontation entre Zidarov et Asparev, durant laquelle on apprend qu’un regrettable accident s’est déclaré récemment dans l’usine du vladar, la réduisant en cendres et provoquant la mort d’une bonne partie de ses ouvriers. On n’a par contre pas trouvé trace du moindre mutant sur les lieux du drame, et d’ailleurs les Probators n’ont même pas été mandatés pour enquêter sur l’origine du sinistre, ce qui est assez bizarre quand on y réfléchit… Voire même aberrant.

AVIS:

Chris Wraight nous sert une nouvelle bien pensée (et mettant en scène son héros de Warhammer Crime, Agusto Zidarov, également au sommaire de ‘Bloodlines’), explorant le thème du rapport à la mutation – et donc à la différence – d’un Imperium dont la diversité intrinsèque devrait pousser à la tolérance sur le sujet, mais qui se complaît au contraire dans son obscurantisme. Dans les ténèbres d’un lointain futur, on n’est pas à un paradoxe près. S’il n’a pas été le premier à exploiter cette ficelle (je pense en particulier à Barrington J. Bayley et à son ‘Children of the Emperor’ et à Gav Thorpe avec ‘Suffer Not the Unclean to Live’), Wraight est un des rares auteurs contemporains de la BL à remettre l’idée au goût du jour, y ajoutant de façon (à mon avis) délibérée et pertinente des similitudes avec la situation des migrants fuyant la misère et la guerre de leurs pays pour finir exploités en Europe ou aux Etats-Unis. La réalisation de Zidarov que les êtres qu’il considère comme des animaux sont en fait des humains, au même titre, voire davantage, que lui et ses concitoyens de Varangantua, pourrait amener le lecteur à réfléchir à son tour sur la gestion actuelle de la crise migratoire, si le cœur lui en dit. C’est en tout cas l’un des textes les plus actuels et « réalistes » publiés par la Black Library depuis un bout de temps, et il mérite à ce titre largement la lecture.

Autre point fort de cet ‘Aberrant’, la réussite de Wraight au moment de dépeindre son héros comme un individu moralement ambigu, et loin d’être exemplaire. Les protagonistes de l’anthologie ‘No Good Men’ ont en effet tendance à avoir plutôt un bon fond, malgré leurs tendances auto-destructrices/associales, alors que Zidarov est, lui, objectivement compromis. La difficile décision qu’il prend de libérer celle qui est, selon toute évidence, une victime d’une exploitation sans vergogne de la part de Varangantua au sens strict, et de l’Imperium au sens large, fait de ce personnage une véritable incarnation des « types pas bien » que nous promet le titre du recueil. À côté de cela, le fait que Zidarov ne soit pas le flic/détective privé solitaire et alcoolique qui revient avec d’infimes variantes dans les autres nouvelles de l’ouvrage, mais un citoyen assez normal, intégré, rationnel et avec une famille, renforce encore la ligne de faille entre ce qu’il apparaît être et ce qu’il faillit devenir. Bref, si le suspens n’est ici pas au rendez-vous, cette nouvelle a bien d’autres qualités à mettre en avant, et est sans doute l’un des premiers classiques de Warhammer Crime.

ET POUR LES NOUVEAUX?

Une très bonne introduction à Warhammer Crime et à la réjouissante et complexe noirceur de la société civile impériale, ‘Aberrations‘ remplit sa mission didactique aussi proprement que Zidarov son enquête. Un choix tout à fait approprié de la part de la Black Library donc, qui aura réussi à très bien mettre en valeur ses nouvelles franchises dans cette anthologie francophone 2022, si vous voulez mon avis.

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Au final, et c’est assez rare pour le souligner, je peux affirmer sans détour que le recueil français du Black Library Celebration 2022 est supérieur à celui proposé en version originale, et ce malgré l’absence totale d’inédites dans le premier (par rapport au second). Si cela est dû en grande partie aux choix hasardeux de la BL en matière de sélection des nouvelles figurant au sommaire de ces ouvrages, je me permets de souligner en outre que la cuvée francophone de cette année est très solide ceteris paribus, et devrait à mon sens être privilégiée par les lecteurs débutants par rapport aux autres anthologies du même tonneau (comme elles sont toutes proposées en vrac en bas de la page My Download du site de la Black Library, cela vaut peut-être la peine de le préciser ici). Le mot de la fin consistera tout de même et avant tout à remercier Nottingham pour avoir reconduit une fois encore cette louable initiative, afin de permettre au tout venant de s’initier aux plaisirs (plus ou moins coupables) de la GW-Fiction à vil prix. Pourvu que ça dure!