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DAWNBRINGERS WEEK 2023 [AoS]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue de la Dawnbringers Week 2023, semaine thématique consacrée par la Black Library aux croisades sigmarites du même nom. Événements majeurs du fluff récent d’Age of Sigmar, ces saintes expéditions voient des colonnes de soldats et de civils des cités de Sigmar quitter la sûreté toute relative de leurs métropoles pour aller coloniser de nouvelles terres à travers les Royaumes Mortels. Des opérations à haut risque, comme on peut s’en douter, et qui font donc un sujet parfait pour les plumes de Nottingham. Après tout, personne n’aime lire des récits où rien de grave n’arrive et où tout se passe comme sur des roulettes (ça s’appelle un Document d’Enregistrement Universel).

Dawnbringers Week 2023

Au programme de cette petite série thématique, on retrouve une grande majorité de tout nouveaux auteurs faisant leurs débuts dans la GW-Fiction, seul Luke Scull ayant déjà publié (une seule nouvelle, en décembre 2022, donc pas vraiment un vétéran non plus) pour le compte de la Black Library auparavant. Comme la BL ne semble plus intéressée par la sortie de nouveaux numéros d’Inferno!, qui servaient entre autres choses de plateformes de lancement aux contributeurs néophytes, ces temps-ci, on peut voir dans ces semaines événementielles la nouvelle manière privilégiée par Nottingham pour lancer ses poulains dans le grand bain. Reste à voir s’ils savent tous nager (normalement, oui), et c’est ce à quoi nous allons nous attacher maintenant…

Dawnbringers Week 2023

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The Road to Helsmarch – L. Scull :

INTRIGUE :

The Road to HelsmarchVoleurs flamboyants (forcément) d’Hammerhal Aqsha, Darian Kage et Asha Darkeyes étaient sur le point de pouvoir laisser leur vie d’aventures et de rapines derrière eux lorsqu’un dernier coup ayant mal tourné (le cambriolage de la tour du mage Alazandrius) a forcé le couple de gredins à quitter précipitamment la métropole pour échapper au sort peu enviable que le Collegiate Arcane réserve à ceux qui agressent ses membres. Engagés dans une des nombreuses croisades Dawnbringers envoyées établir de nouvelles communautés fidèles à Sigmar dans l’immensité sauvage des Royaumes Mortels, Darian et Asha ne sont toutefois pas partis les mains vides : alors que Monsieur a mis la main sur un orbe ressemblant très fortement à un palantir, Madame est repartie de chez Alazandrius avec une dague au pommeau incrusté de six améthystes. Même si les chances de pouvoir refourguer ces reliques à un collectionneur fortuné dans le hameau misérable qu’ils contribueront à fonder, si tout se passe bien, sont assez maigres, le prix qu’ils ont payé pour s’emparer de ces babioles a été trop élevé pour qu’ils s’en débarrassent sur le chemin qui les amène à Helsmarch, leur destination finale.

Au fur et à mesure que les jours passent, apportant avec eux leur lot d’ampoules, de camarades bougons et corvées d’épluchage de patates, Darian remarque que sa compagne a développé une fascination aussi inexplicable qu’inquiétante pour la dague qu’elle a dérobée. Lui-même a eu l’impression de se faire posséder par une entité avide de plaisir et de souffrance la dernière fois qu’il l’a prise en main, ce qui lui a passé immédiatement l’envie de se couper un bout de fromage, comme il en avait l’occasion, et l’a à moitié convaincu qu’il serait plus sage de bazarder le surin sans tarder. Asha n’étant pas de cet avis, et Darian trop diplomate pour insister, on en restera là pour le moment, d’autant plus que la colonne de croisés a d’autres chats à fouetter.

Les éclaireurs du convoi ont en effet repéré une grande harde d’Hommes Bêtes convergeant vers la petite armée sigmarite, alors qu’elle se prépare à traverser le col des Pics Douloureux : si les Dawnbringers veulent avoir une chance de s’en sortir, il faut absolument que l’affrontement se produise dans un terrain plus favorable, où leur artillerie Ironweld pourra décimer l’adversaire. Une marche forcée est donc ordonnée par l’officier en charge, le cavalier (à plus d’un titre) Edmiland ven Tavarus, au cours de laquelle une avalanche de rochers s’abat sur le train arrière de la colonne. Sur place au moment du drame, Darian et Asha assistent à l’agonie d’un vieil homme coincé sous un moellon, que Miss Darkeyes achève par bonté d’âme (un peu) et pour tester sa nouvelle dague fashion (surtout), ce qui ne fait qu’accroître les soupçons de son concubin sur la dangereuse influence que le coupe chou exerce sur sa dulcinée.

Quelques heures plus tard, l’expédition atteint enfin le nexus où la nouvelle colonie peut être établie, et entame les opérations d’installation des menhirs idoles gardiennes qui seront à même de protéger la future bourgade de possibles déprédations démoniaques. C’est toutefois le moment que choisissent les Bêtes du Chaos pour attaquer leurs nouveaux voisins, précipitant Darian et Asha dans le terrifiant chaos d’une bataille rangée…

Début spoiler…Laissés par ven Tavarus comme cordon pour protéger l’antenne 5G en cours d’installation de Helsmarch les Gonesse, les deux voleurs repentis ont fort à faire lorsqu’une bande de Bestigors réalise une percée et se rue vers leur position. Interceptés in extremis par la Stormcast Eternal Jayna Trueheart et ses Liberators, les biquettes en furie ne parviennent pas dans les trois pas réglementaires et ne peuvent donc pas engager le petit couple, ce qui n’est pas le cas du Slaangor Blackmane, arrivé en douce en claquant des pinces. Il révèle à Darian ce que le lecteur, et lui-même sans doute, savaient déjà, à savoir que la dague d’Asha est une relique de Slaanesh, et qu’il tient donc fort à en prendre possession, de gré ou de force. Peu intéressée par cette offre, Asha tente de régler son affaire à la chèvre en bas résille qui lui fait du rentre dedans, mais ne réussit qu’à se faire littéralement casser la gu*ule par le Slaangor, tandis que Darian hérite de quelques côtes cassées pour faire bonne mesure.

C’est le moment que choisit l’héroïque Jayna Trueheart pour s’interposer une fois encore entre ses petits protégés et l’adversité bêlante, malgré un bras en vrac et beaucoup de sang perdu à la suite de son combat (victorieux) contre les Bestigors. Au terme d’un duel très équilibré, chaque combattant empale son adversaire, ce qui fait les affaires d’Asha, tout à fait possédée par le démon de la dague à ce stade, et qui achève froidement Trueheart d’un coup de canif dans la jugulaire (ce qui lui permet de bénéficier d’une rhinoplastie et d’un recollage d’orbite express). Horrifié par l’acte de sa bien-aimée, Darian comprend que son devoir est de neutraliser la menace qu’elle représente, mais n’aurait pas fait le poids face à la force et à la vitesse surnaturelle de new Asha sans l’aide apportée par son propre artefact (il faut croire qu’il était un seigneur de guerre, sous ses humbles abords). À l’usage, il apparaît en effet que la boule à neige piquée chez Alazandrius était en fait une Orbe de l’Hiver, ce qui est la mort du fun mais surtout la mort d’Asha, dont l’attaque vicieuse se retrouve ralentie, redirigée vers elle, puis réaccélérée à la suite d’un enchaînement fortuit. Bilan des courses : les deux tourtereaux n’ont plus qu’à se dire adieu avant que Miss Darkeyes les ferme pour de bon (ses yeux, pour ceux qui ne suivent pas), laissant son inconsolable assassin jurer de dédier sa vie à empêcher que la dague maudite ne tombe entre de mauvaises mains. En tout cas, on lui souhaite.Fin spoiler

AVIS :

Pour sa deuxième nouvelle pour la Black Library, Luke Scull remplit une nouvelle fois ses obligations contractuelles et nous livre une histoire assez prenante ayant comme décor les croisades Dawnbringers, ce qui était le cahier des charges qu’il devait respecter. Bien que le caractère néfaste des objets piqués chez le malheureux Alazandrius ne fasse rapidement plus aucun doute, ce qui enlève du suspens à la conclusion de ce récit, ‘The Road to Helsmarch’ peut compter sur ses personnages attachants (même si certains auraient pu disparaître sans problème, vu ce qu’ils apportent à l’intrigue, comme Tarn le vétéran cracheur), ses scènes d’action convenablement brutales, et sa petite touche romantique (une fois de temps en temps, ça ne fait pas de mal) pour emporter l’adhésion de son lectorat. De plus, Scull a le bon goût de se montrer assez didactique à propos des Dawnbringers, ce qui permet au public non familier de prime abord avec ce développement relativement récent du fluff d’Age of Sigmar de mieux comprendre ce dont il en retourne ici. Du bel ouvrage.

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Past Returns – H. Wilson :

INTRIGUE :

Past ReturnsC’est très bien de s’enrôler dans une croisade Dawnbringer et d’aller donner sa vie pour la plus grande gloire de Sigmar, mais cela n’est possible que si les fonds nécessaires au financement d’une entreprise aussi coûteuse sont levés auparavant. Pour cela, tous les moyens sont bons, mêmes les plus honteux : notre héros, le Colonel Kai Valgor, un vétéran ventripotent et alcoolique, a donc opté pour le démarchage des autres invités du bal auquel l’a convié la Dame Aslin, ce qui se passe… moyennement bien. Et je ne dis pas tant ça à cause de son incapacité à empocher le moindre centime (ça peut arriver à tout le monde), mais plutôt en raison du meurtre de sang-froid que Valgor se retrouve contraint de commettre sur la personne d’un serviteur du manoir. Pour sa défense, le bougre était en fait un cultiste de Slaanesh, comme son torse tatoué et piercé le révèle (gasp), surpris par le brave Colonel en train de danser de la tektonik dans une salle isolée que Valgor avait confondu avec les toilettes. Rejoint par son bras droit, la Capitaine Freya Gorrick, également conviée à ces réjouissances mondaines, les deux soldats établissent un plan de bataille : pendant que Gorrick camouflera le cadavre derrière une commode pour que sa disparition passe inaperçue (#CommeCestCommode), Valgor mènera son enquête parmi les convives, pour identifier d’autres hédonistes en puissance, et trouver si possible du renfort pour les mettre hors d’état de nuire.

Hélas, Valgoche n’est guère doué pour le relationnel (c’est un militaire après tout), et échoue royalement sur les deux tableaux, jusqu’à qu’il engage par hasard la conversation avec une femme en uniforme martial, qui se révèle être la Dame Aslin en personne. Rassuré par ses manières directes et franches, le Colonel ne met pas longtemps à lui souffler que son personnel laisse à désirer, et à l’emmener constater de ses propres yeux la preuve irréfutable(ment morte) que Gorrick lui a gardé au frais dans l’arrière-boutique…

Début spoiler…Seulement voilà, de cadavre à l’endroit convenu, il n’y a pas, ou plus. Très conscient de passer pour une poire auprès de la maîtresse de maison et mécène potentielle de son effort de crowdfunding, Valgor ne sait plus où se mettre, et accepte donc sans réfléchir le petit verre d’eau de vie que lui propose la charitable Aslin pour l’aider à surmonter sa gênance. Mal lui en prend toutefois, car le spiritueux contenait un puissant somnifère, et lorsque Valgor se réveille, c’est en fâcheuse posture : dans la galerie des portraits torturés de son hôtesse, attaché à une chaise et à la merci d’un dangereux peintre nudiste répondant au nom d’Arak, se présentant comme l’artiste en résidence du manoir et tout disposé à tirer un portrait sur le vif du petit curieux que sa patronne lui a ramené.

Laissé en tête à tête avec le Dali slaaneshi par Aslin, qui après tout a d’autres invités à divertir, Valgor puise dans ses réserves (un peu) et profite de la fragilité du mobilier (surtout) pour parvenir à se libérer de ses liens. Son duel avec un Arak pas vraiment jouasse que son sujet trouve malin de sauter partout aurait cependant pu se terminer très vilainement pour le Sergent Colonel Garcia, n’eut été l’incendie fortuit de l’atelier qui se déclare pendant le pugilat, une des bougies utilisées pour obtenir une atmosphère convenablement tamisée embrasant le contenu d’une bouteille de térébenthine brisée au cours de la lutte. En plus de transformer le Nin des Royaumes Mortels en torche humaine (c’est ça d’avoir les cheveux gras à l’excès), la conflagration attaque également la collection picturale d’Aslin, libérant les esprits tourmentés des ses précédentes victimes, piégées jusqu’alors dans les toiles.

Salement amoché pendant la lutte, Valgor se décide cependant à mener à bien ce qui sera sa dernière mission pour le compte de Sigmar : brûler le manoir impie jusqu’aux fondations, afin d’anéantir l’influence perverse d’Aslin et de son culte de débauchés. Pour cela, il peut compter sur les larges réserves de térébenthine de feu (mouahaha) Arak, et sur la rage bien compréhensible des gheists réanimés, qui ont la gentillesse de se concentrer sur les hédonistes plutôt que de venir lui chercher des noises. Avant que le rideau tombe sur notre histoire, Valgor finit enfin par recroiser la route de Gorrick, dont on se demandait bien ce qu’elle glandait depuis tout ce temps…

Début spoiler 2…À sa décharge, l’évanescente Capitaine était morte depuis des années, abandonnée par Valgor avec les autres soldats de son régiment lors de la débâcle de la Plaine des Esquilles, où les armées de Sigmar se firent massacrer par une horde slaaneshie. On comprend alors que le Colonel, toujours hanté par sa culpabilité, était saisi d’hallucinations récurrentes lors de situations stressantes, pendant lesquelles il conjurait l’image de son adjointe pour lui demander conseil. Comprenant que sa dernière heure est arrivée (une artère fémorale qui fuit, ça ne pardonne pas), Valgor fait enfin la paix avec son passé honteux, et s’en va déclarer sa flamme à cette garce de Dame Aslin. C’est vrai ça, qu’est-ce qu’on attend pour foutre le feu ?Fin spoiler

AVIS :

Pour ses débuts dans la GW-Fiction, Hal Wilson nous sert un huis clos psychologique et sensoriel (merci Slaanesh) plutôt bien exécuté, mais assez mal séquencé. Je m’explique : à la lecture de la nouvelle, il est clair que Wilson a le talent nécessaire pour conserver l’effet de surprise de sa révélation finale, mais il choisit de dévoiler le pot aux roses aux deux tiers de son récit, ce qui gâche quelque peu la fête, comme son balourd de héros d’ailleurs. On retrouve aussi ce décalage à la toute fin de ‘Past Returns’, qui se termine sur ce qui ressemble furieusement à l’enclenchement d’une péripétie. Je ne saurais dire à ce stade si cela fait partie du style de cet auteur, ou s’il peut encore progresser à ce niveau.

Cela dit, pour un nouvel arrivant au sein de la Black Library, Wilson s’en sort très bien sur les autres plans (et notamment en matière de maîtrise du fluff), ce qui est encourageant et donne envie de voir ce qu’il pourra nous proposer par la suite. Les plus anciens parmi vous verront enfin un hommage, peut-être involontaire mais en tout cas réussi, à une vieille nouvelle de Warhammer Fantasy Battle ayant également mis en scène un tableau slaaneshi (‘The Blessed Ones’). Ça ne nous rajeunit pas…

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Heir of Shadows – T. Roberts :

INTRIGUE :

Heir of ShadowsAnhil est une Fille de Khaine esquintée par la vie (son dos la fait souffrir, et c’est bien triste), s’étant retrouvée rattachée à une croisade Dawnbringer ayant eu la riche idée de vouloir s’établir en Ulgu1. Malheureusement, mais de façon guère surprenante, la tentative s’est soldée par un échec cuisant, ne laissant qu’une poignée de soldats mortels menés par un vieil homme à moitié gâteux du nom de Bade en état de combattre. Le contingent de Stormcast Eternals des croisés a quant à lui été exterminé au cours d’une bataille dont on ne saura rien. Notre histoire commence alors qu’Anhil retourne au campement de ses alliés après s’en être absenté de manière qu’il faut bien considérer comme suspecte. Et pour cause, elle a été chargée par deux de ses Sœurs, Lasil et Veris, d’envoyer les sigmarites sur le site d’une embuscade, où les Filles de Khaine pourront massacrer la pitoyable colonne pour leur plus grand bénéfice (ce Chaudron de Sang ne va pas se remplir tout seul), sans que ce voyeur de Sigmar ne puisse assister à ce honteux détournement de ressources (merci le brouillard d’Ulgu). Avec des allié(e)s pareilles, plus besoin d’avoir d’ennemis.

Bien qu’elle ait réussi sans mal à convaincre Bade de se détourner de la route préétablie pour se diriger vers le lieu où les Aelves se tiennent prêtes à tomber sur le râble des croisés en goguette, Anhil n’est pas certaine que Mistra, la fille et aide-soignante du général, ait avalé le mensonge qu’elle a servi à son paternel. La jeunette est en effet très perspicace, en plus de ressembler de manière troublante à une Aelf… et pour de bonnes raisons : sous ses abords de mortelle, elle est en fait Ulien, une Sorcière des Cercles Ténébreux. Exilée d’Ulgu en Azyr à l’arrivée des hordes du Chaos, Ulien cherche à reprendre possession du fief que sa famille occupait avant d’être forcée à l’émigration… ce qui nécessitait apparemment de prendre la place de la fille du général humain d’une croisade Dawnbringer, tout en s’assurant d’y intégrer un bataillon de Gardes Noirs loyaux à sa cause, utilisés pour se débarrasser des Stormcast Eternals rattachés à l’expédition (mais les deux forces se sont entretuées jusqu’au dernier guerrier). Brumeux, vous avez dit brumeux ? Comme c’est brumeux. En tout cas, c’est ce que Mistra/Ulien explique à Anhil après l’avoir surprise en pleine séance de méditation dans une clairière à l’extérieur du camp. Cette confidence est des plus intéressées : la Sorcière a vu clair dans le jeu de la Fille de Khaine invalide (elle s’est pris une lame de Skaven dans les lombaires lors d’une escarmouche verminicide, ce qui illustre bien l’intérêt d’aller se battre en armure plutôt qu’en string), et se doute que les croisés vont tomber dans un piège. Elle a cependant intérêt à ce que ses suivants ne soient pas tous massacrés avant qu’elle ait réussi à regagner ses terres, et demande donc à Anhil de lui révéler les plans de ses Sœurs, en échange d’une place attitrée dans sa future cour.

Traîtresse mais intègre (on n’est plus à un paradoxe près), Anhil refuse de jouer le jeu, provoquant la colère d’Ulien, qui lui jette un sort hallucinatoire dont elle a le secret. Et c’est à ce moment précis que j’ai perdu le fil de l’histoire… Il me semble que c’est également le moment où les Filles de Khaine lancent leur attaque sur le camp (ce qui indique qu’un moment s’est écoulé entre la première scène et celle-ci), car quelque chose ou quelqu’un tranche soudainement la main de la Sorcière (sans que ça lui fasse un grand effet d’ailleurs) alors qu’elle s’apprête à poignarder notre héroïne, complètement dans le coltar. S’en suit une série de flashbacks douloureux autant que pénibles, pendant lesquels Anhil revit la pire journée de sa vie (pendant laquelle elle est devenue invalide à 60%), et surprend les commentaires mesquins et pas vraiment charitables de Lasil et Veris à son égard, alors qu’elle récupérait de sa blessure. Au bout d’un moment, l’illusion se dissipe et Anhil reprend possession de ses moyens. Elle se rend alors compte que les croisés étaient également sous la coupe d’Ulien, et grâce à sa dague-magique-qui-coupe-les-sorts, elle les libère un par un de leur état catatonique (sauf ceux qui ont été tués par les mystérieux assaillants qui sont repartis aussi sec après avoir jeté trois javelines et amputé la Sorcière indélicate) avant de les envoyer dans la direction opposée de l’embuscade prévue (qui n’a donc pas encore eu lieu ? donc c’est une autre bande d’Aelves qui a frappé ? AAaARGH…). Ceci fait, elle égorge sans cruauté excessive – ce qui est assez sympa de sa part, il faut le reconnaître – Ulien, qui a sombré dans un glitch assez incompréhensible (elle fixe le brouillard en chantonnant), avant de repartir en direction du camp des Khainites… qu’elle a pourtant trahi aussi. Crazy, I know.

1 : Des Bretons, sans nul doute.

AVIS :

Comme vous l’aurez compris, je n’ai pas vraiment goûté à cet ‘Heir of Shadows’, un peu trop bizarrement construit à mes yeux. C’est dommage car Ulgu est un des Royaumes le moins visité par la GW-Fiction à ce jour, et l’idée de Taylor Roberts de jouer la carte des illusions confondant le protagoniste était intéressante dans l’absolu. Ironie de l’histoire, c’est l’auteur qui a fini par se perdre (et nous avec) dans le dédale narratif qu’elle cherchait à mettre en scène, pour un résultat très confus. Dommage.

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Grimnirsson – G. Thomas Wilcox :

INTRIGUE :

GrimnirssonLorsqu’une croisade Dawnbringer s’aventure dans les montagnes de Cathair Conaill, territoire du clan Fir Danu, à la recherche de vivres, d’eau et de guides pour pouvoir poursuivre son œuvre d’évangélisation sans mourir bêtement de faim et froid dans ce coin pittoresque mais isolé des Royaumes Mortels, la prise de contact avec les frustes indigènes génère quelques frictions. Au lieu de remercier leurs sauveurs de l’insigne honneur qu’ils leur font en vidant leur garde-manger et confisquant leur cheptel, les autochtones cherchent à négocier (gasp) avec les Sigmarites afin de ne pas finir aussi plumés que le proverbial dindon de la farce. C’est du moins la position adoptée par la fille du roi Aed, Aoife, dont l’assurance est renforcée par la présence à ses côtés d’un Fyreslayer du nom de Genseric, recueilli et adopté par les Fir Danu il y a de cela une dizaine d’années. Bardé de runes des pieds à la crête, Genseric (Gen pour les intimes) est un guerrier redoutable, mais passablement instable. Il a en effet des hallucinations récurrentes dans lesquelles il se pense être le dieu Grimnir, et tout entières consacrées à l’activité préférée de la bouillante divinité : le sudoku la baston (Rage Noire, vous avez dit Rage Noire ?). Pour le moment, cela n’a pas eu d’effets trop fâcheux, mais Genseric se sent perdre peu à peu pied, et redoute de commettre prochainement l’impardonnable lors d’une crise de somnambulisme sanguinaire.

Alors que nos deux héros se sont rendus dans le hall où un Aed blanchi sous le harnais tient sa cour, pour plaider une nouvelle fois leur cause (enfin, surtout Aoife, Genseric n’étant pas du genre causant), ils sont surpris par l’arrivée impromptue d’une délégation sigmarite, menée par une Prêtresse Guerrière dont le fanatisme ferait passer Torquemada pour un modéré. Après avoir salué ses hôtes en balançant la tête tranchée de son ambassadeur (auquel il est visiblement arrivé un accident sur le chemin du retour des précédentes tractations avec Aoife1) au pied du trône d’Aed, la zélote exige que ses demandes soient exaucées sans plus de délai, sans quoi elle sera au regret de considérer les Fir Danu comme des hérétiques patentés, avec toutes les douloureuses conséquences que cela pourrait entrainer. Aoife ne se dégonfle pas pour autant, et aurait peut-être réussi à éviter un bain de sang grâce à sa langue bien pendue, n’eut été la décision malheureuse de la Prêtresse de se moquer de Genseric, qu’elle traite (à juste titre d’ailleurs) de paria et de lunatique, exilé de sa Loge après avoir échoué à l’Epreuve du Courroux. Pas très malin de sa part de froisser l’amour-propre d’un être aussi zen et équilibré qu’un Fyreslayer à moitié dément, mais que voulez-vous, certaines personnes veulent toujours avoir raison.

Sans surprise aucune, Genseric/Grimnir ne prend pas l’affront à la légère, et colle sa hache dans le torse de la médisante créature, déclenchant une mêlée furieuse dans la salle du trône entre la garde d’Aed et l’escorte de la défunte Prêtresse. Malheureusement pour les locaux, les visiteurs peuvent compter sur la présence imposante d’un Stormcast Eternal, qui se révèle bien trop balèze pour les mortels lui faisant face (malgré les furieux coups de talon runique de Genseric). Aed ayant noblement choisi de rester se battre pour permettre à sa fille et à son nabot de compagnie de s’enfuir, ces derniers décampent dans la montagne sans demander leur reste, pendant que le village se fait passer par l’épée par les Sigmarites.

Après avoir semé leurs poursuivants, Genseric et Aoife interrompent leur course folle pour décider de la marche à suivre. Honteux d’avoir démarré les hostilités (même si on l’avait bien cherché), Gen remet à sa bonne amie une des ses runes et l’enjoint d’aller la convertir en coupons-rancune auprès de son ancienne Loge, qui se fera, si n’est un plaisir, au moins un devoir, d’aller punir les déprédations des croisés. De son côté, le Fyreslayer déchu partira trouver une noble mort au combat, comme ses lointains ancêtres du Monde qui Fut avant lui. Aoife n’est pas en phase avec ce plan mortifère, et souhaiterait plutôt aller se réfugier auprès d’un clan allié des Fir Danu, mais à nouveau, la discussion est interrompue par l’arrivée de visiteurs malpolis, ici le Stormcast Eternal qui servait de garde du corps à feu la Prêtresse Guerrière…

Début spoiler…Malgré l’aide apportée par ses piercings en ur-or, Genseric se fait rapidement mettre au tapis par l’Elu de Sigmar, mais c’est alors qu’une nouvelle vision de Grimnir s’impose à lui, décuplant ses forces et lui permettant de mettre une tôle à son adversaire. Plongé dans un état second, Genseric ne fait plus la différence entre alliés et ennemis (Grimnir déteste tout le monde, c’est connu2) et aurait fait goûter sa hache à Aoife, sans l’intervention opportune du Stormcast – lui non plus pas tout à fait mort – qui empale proprement le Fyreslayer sur son épée alors que ce dernier se recoiffait la crête. Une blessure mortelle, pour sûr, mais pas immédiatement mortelle, ce qui permet à notre increvable héros de remporter le match une bonne fois pour toutes, et à mains nues s’il vous plait. Une bonne mort, à tout le moins.Fin spoiler

1 : Accident dont on suppose que Genseric n’est pas étranger, s’étant réveillé couvert de sang après avoir rêvé d’avoir massacré quelques Skavens la nuit précédente.
2 : Et après on s’étonne que Valaya ait eu une aventure avec le Nain Blanc. Lui au moins ne critiquait pas sa cuisine.

AVIS :

Pour sa première incursion dans les Royaumes Mortels, Graham Thomas Wilcox (qui sera probablement renommé GTW s’il parvient à devenir un habitué des lieux) signe une nouvelle placée sous le signe du grimdark plutôt que de celui de la high fantasy, comme on pouvait s’y attendre pour une soumission se déroulant dans les mondes merveilleux d’Age of Sigmar. Exit les Sigmarites pleins de bons et nobles sentiments envers les peuples qu’ils sont venus libérés de l’emprise du Chaos, et bonjour aux fanatiques manichéens, considérant la moindre hésitation ou critique envers leur sainte entreprise comme une hérésie abominable, qu’il convient de châtier par le fer et le feu1. De la même manière, le Fyreslayer déchu Genseric (et à travers lui, sa faction toute entière, à commencer par sa divinité tutélaire, Grimnir) est dépeint comme un maniaque sanguinaire pour qui seule la guerre importe, et tant pis pour les conséquences. Cela permet de mettre en perspective la fragilité de l’entente entre les différentes factions de l’Ordre, et rend bien plus complexe, et donc crédible, la géopolitique des Royaumes Mortels.

Sur ces prémisses intéressantes, Wilcox développe une histoire assez classique de rédemption, avec Genseric dans le rôle du guerrier couturé hanté par un passé honteux, qu’il devra affronter pour de bon afin de s’en libérer définitivement (d’une manière ou d’une autre). Bien que l’intrigue ne se révèle guère surprenante, l’auteur compense le manque de rebondissements par une bonne caractérisation de son anti-héros, complétées par quelques ajouts fluff de bon aloi et des scènes de combat d’une violence graphique rafraichissante (#LaMontagneCaVousGagne). Les passages narrés du point de vue de Grimnir sont une autre bonne idée de Wilcox, permettant au lecteur de pénétrer la psyché particulière (pour ne pas dire complètement ravagée) du divin nabot. Au final, une histoire de bonne qualité, qui donne envie de suivre le parcours de Graham Thomas Wilcox pour la Black Library.

1 : Les Stormcast Eternals ont perdu leur pureté et leur innocence assez tôt dans la chronologie d’AoS, ce qui fait du personnage du « Chevalier Blanc » de ‘Grimnirsson’ un ajout sympathique plutôt qu’une pure nouveauté

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False Dawn – C. Allen :

INTRIGUE :

False DawnLa Croisade Dawnbringer emmenée par la Hiérophante Anaximandra en direction de la mystérieuse cité oubliée d’Elucidae fait face à quelques difficultés en cours de route, à commencer par le one shot 1 brutal de sa meneuse (qui l’avait tout de même bien cherché à se balader en peignoir dans un marigot grouillant d’hostiles), victime des terribles talents d’acupuncteurs de la tribu de Kruleboyz s’étant installée sur le territoire où la ville mystique a été localisée. Fort heureusement pour les Sigmarites, ils peuvent compter sur l’intervention décisive et on peut le dire, héroïque, de la Capitaine Ephrenna Brynn, qui rallie à elle les forces de l’Ordre pataugeant en pleine confusion (et dans de la gadoue lumineuse, Hysh oblige) après le décès d’Anaximandra, et parvient à convaincre la colonne de tenter une périlleuse marche forcée jusqu’à Elucidae, position beaucoup plus défendable que les marais dans lesquels les Croisés se sont embourbés. Si les motivations d’Ephrenna apparaissent comme purement désintéressées de prime abord, on ne tarde pas à comprendre que cette dernière est également persuadée qu’une grande destinée l’attend, et puisque son oracle personnel (Caustus) multiplie les prédictions pouvant être interprétées comme favorables après avoir tiré des lattes sur sa chichavenir – les ravages de la drogue… – elle n’hésite pas longtemps avant d’ordonner de doubler la cadence, laissant les membres les plus mal en point de son armée distraire les cruels Orruks pendant que le reste de sa force réalise une Ferocious Advance permettant de sécuriser l’objectif.

Le répit n’est cependant que de courte durée pour les Sigmarites, qui se font assaillir dans leur nouveau chez-eux par deux ennemis implacables : les Kruleboyz discos (ils incrustent des éclats de miroirs à leurs armures pour aveugler leurs ennemis, ce qui est assez funky il faut le reconnaître) précédemment mentionnés, et les terribles visions de désespoir qui s’abattent sur les malheureux ayant la mauvaise idée de contempler l’un des très nombreux miroirs laissés dans les ruines d’Elucidae par ses précédents propriétaires. Pour la petite histoire, ces derniers avaient eu l’excellente idée de tenter d’améliorer la nature humaine en confrontant leurs concitoyens à leurs plus grandes peurs grâce à ces miroirs enchantés; le raisonnement étant qu’il était nécessaire de triompher de ses démons intérieurs pour devenir une meilleure personne. Considérant la disparition de leur civilisation, il faut croire que ces méthodes de psychanalyse expérimentale étaient un peu trop en avance sur leur temps. Cela est toutefois le cadet des soucis d’Ephrenna, qui réalise rapidement qu’elle ne pourra pas remporter cette bataille avec la majeure partie de ses soldats affectés par des terreurs nocturnes diurnes, et décide donc d’aller s’expliquer avec Caustus pour avoir au moins la satisfaction de passer sa mauvaise humeur massacrante sur quelqu’un. Après tout, c’est un peu de sa faute si elle s’est lancée dans cette galère, pas vrai ?

Début spoilerEn bon voyant, Caustus refuse cependant de prendre toute responsabilité pour les interprétations fantasques que son employeuse a fait de ses prédictions (qui consistaient la plupart du temps à plisser les yeux très fort et à éructer un mot comme « lumière », « mort » ou « trombone à coulisse »). Il révèle toutefois à une Ephrenna, qui réalise un peu tard sa propre mégalomanie, que son rêve avait toujours été de marquer l’histoire, ou a défaut, de permettre à quelqu’un de le faire, et ce de manière positive ou négative. Et être responsable de la destruction d’une Croisade Dawnbringer est très certainement un moyen de parvenir à cette fin. Vous parlez d’un syndrome d’Érostrate. C’est sur cette infamante annonce que se termine notre propos, alors qu’une petite bande de Kruleboyz toque à la porte de la salle où Ephrenna et Caustus se sont réfugiés. Ça risque d’être assez dur de Stayin’ Aliiiiiiive, c’est moi qui vous le dit.Fin spoiler

1 : Bon en fait, il y a eu deux tirs séparés. Mais le résultat reste au final comparable à une perte de son général au tour 1 sur un jet de dé chanceux de l’adversaire.

AVIS :

Christopher Allen développe des idées intéressantes dans cette première aventure signée de sa main dans les Royaumes Mortels (en particulier le concept de « faux oracle », qui est une continuation habile du fluff établi pour Excelcis1) mais ne réussit malheureusement pas à ‘stick the landing‘, comme on dit à Nottingham. J’ai trouvé la conclusion de son histoire assez décevante, à la fois par son manque de surprise (au bout d’un moment, on comprend bien que la bonne Ephrenna a ferré un trop gros poisson et ne parviendra pas à conserver sa nouvelle conquête) et à cause des motivations très nébuleuses de Caustus – qui n’a même pas l’excuse d’être un cultiste de Tzeentch, dont les plans sont naturellement incompréhensibles à nous autres pauvres mortels. Sans doute qu’un dénouement plus simple et plus direct aurait mieux servi le propos, et j’espère qu’Allen rectifiera le tir pour ses prochaines soumissions : le mieux est toujours l’ennemi du bien, après tout.

1 : Le terme de « Dawners » pour désigner les croisés me fait également bien marrer. Je ne sais pas si Allen en est le créateur, mais cela ouvre le champ à une infinité de blagues « OK Dawner », et cela me comble de joie.

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Voilà qui termine cette revue de la Dawnbringers Week, série intéressante et assez variée, ce qui est à son avantage. Je dois avouer que je craignais d’être confronté à cinq nouvelles racontant peu ou prou la même chose (de courageux croisés bravent un environnement hostile et triomphent de circonstances adverses pour apporter la lumière de Sigmar à quelque coin mal famé des Royaumes Mortels), mais les auteurs mis à contribution ont eu la bonne idée d’explorer des pistes très différentes dans leurs histoires respectives. À titre personnel, ma préférence est allée au ‘Grimnirsson‘ de Graham Thomas Wilcox, qui va jusqu’à faire des croisés les antagonistes de la nouvelle (ce qui est dans le fond loin d’être surprenant), mais les autres contributeurs ne déméritent pas – trop -, particulièrement si on considère qu’il s’agit pour certains d’auteurs novices. Quelques entrées intéressantes dans le grimoire toujours plus dense de la GW-Fiction, et quelques noms à suivre dans les mois et années qui viennent.