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ON WINGS OF BLOOD [40K]

Bonjour et bienvenue dans cette chronique du recueil de nouvelles On Wings of Blood, consacré à l’exploration et à la description d’une facette des guerres cauchemardesques du lointain futur que Games Workshop a particulièrement développé ces dernières années : le combat aérien. Si la date de publication de cet opus a été pensée pour accompagner la sortie d’Aronautica Imperialis, le nouveau stand alone de la maison permettant aux joueurs de s’initier aux joies de la chasse atmosphérique, l’introduction de véhicules aéroportés dans les règles de Warhammer 40.000 a également permis à ces derniers de gagner en visibilité auprès de la communauté, alors que les précédentes décennies les avaient vu plutôt relégués à l’arrière-plan du Hobby1, et cantonnés à de brèves mentions dans les textes de background et quelques modèles résineux et ruineux sortis par Forge World de temps à autres (remember le tout premier Thunderhawk ? ). Aujourd’hui incontournables, ou en tout cas bien établis, sur les tables de jeu, il n’était pas illogique que la BL participe à l’effort de guerre propagande en faveur de ces machines volantes, nous laissant avec ce pesant opus (400 pages tout de même) que nous allons tenter de désosser avec rigueur, méthode et bonne humeur.

Sommaire On Wings of Blood (40K)

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Pour être honnête, de tous les recueils de nouvelles publiés par la BL au cours des derniers mois, ce On Wings of Blood était celui qui m’intéressait le moins. Le thème choisi faisait en effet planer (haha) le risque d’une succession insipide de dogfights entre les différentes factions de 40K, niche ultra pointue nécessitant un certain talent littéraire, et même un talent littéraire certain pour se révéler intéressante pour le lecteur après les premières itérations. Pour sa défense, cet opus présentait le triple avantage d’un rapport qualité prix vraiment intéressant2, d’un casting varié incluant quelques auteurs faisant leurs premiers pas pour la Black Library (E. J. Davies, Nicholas Alexander3, J. C. Stearns, Cavan Scott), et de la republication de certaines nouvelles accusant une bonne quinzaine, voire vingtaine, d’années au compteur (Acceptable Losses, Raptor Down, Ancient History et Wings of Bone), menant à un intéressant panaché de soumissions classiques et modernes. Voilà pour la check-list de contrôle. Les moteurs étant chaud et le tarmac libre, il est plus que temps que prendre notre envol et de nous attaquer à cet OLNI. Tally-ho !

1 : Par souci d’exhaustivité, on signalera que la sortie de Battlefleet Galactica en 1999 avait indirectement permis une mise en avant des Maraudeurs impériaux, capables de vols spatiaux. Les deux nouvelles de Gav Thorpe datent directement de cette époque héroïque.

2 : La simple inclusion de la novella ‘Medusan Wings’ de Matt Westbrook, vendue 13,99€ sur le site de la Black Library, rend l’achat de cette anthologie (11,99€ en format e-book) rentable.

3 : En fait, non. Notre homme a écrit The Trophy avant ça, mais comme la BL a le privilège d’avoir une barre de recherche très particulière, cette nouvelle n’apparaît pas lorsqu’on cherche ‘Nicholas Alexander’ sur le site. Well done guys.

On Wings of Blood

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Medusan Wings – M. Westbrook :

INTRIGUE:

Revenu sur Medusa après avoir complété sa formation de Techmarine (trente ans d’études, tout de même1), l’Iron Hands Atraxii a à peine le temps de reprendre contact avec ses anciens camarades que l’arrivée d’un vaisseau du Mechanicus en orbite de la planète de la Gorgone entraîne le revenant dans sa première campagne en tant que Frater Astrotechnicus. L’Adepte Wyn du monde forge Halitus IV sollicite en effet l’aide de ses anciens alliés contre les déprédations d’une Waaagh ! Ork, ayant jeté son verdâtre dévolu sur la planète de l’Omnimessie. Bien que le gentleironmen’s agreement établi entre les Clans de Medusa oblige le clan Kaargul à assurer une permanence planétaire pendant encore quelque mois2 avant que la relève n’arrive, et que le Capitaine Rumann ait déjà promis le soutien de ses hommes à la Garde Impériale dans le Voile de Yandi, la requête du Mechanicus ne peut être ignorée, et Rumann permet donc à l’Iron Father Oblexus, le mentor d’Atraxii, d’emmener une petite force d’Astartes régler le problème d’infestation d’Halitus IV en attendant la quille.

Une fois arrivés sur place, et convenablement briefés grâce à une présentation PowerPoint en réalité augmentée qui n’aurait pas déplu à Morpheus dans Matrix, les Iron Hands commencent les choses sérieuses, et se déploient dans la capitale assiégée par Drop Pod et Stormraven, permettant à Atraxii de commencer sa noble carrière de chauffeur Kaptein au service de ses frères. Trois décennies de bachotage pour ça, l’inflation des diplômes est vraiment hors de contrôle en ce 41ème millénaire. Joignant leurs forces avec les défenseurs impériaux, un régiment recomposé et customisé de Vostroyens mené par le Colonel Dialina Dionaki, les Space Marines se mettent à pied d’œuvre avec leur efficacité caractéristique, lorsque le désastre les frappe brutalement. L’as des as Oblexus, pilote de chasse extraordinaire et maître du légendaire Stormtalon Stormhawk, s’est fait descendre comme un bleu par un random Dakkajet. Bien que l’Iron Father comme sa monture puissent encore être retapés, ce coup du sort force le reste de la force Iron Hands à mener une opération de dépannage en terrain hostile, qui n’est pas sans prélever la vie et la carte mère de quelques-uns de ces impavides guerriers.

La suite de la nouvelle verra Atraxii progresser dans la hiérarchie de l’Aile de Medusa à laquelle il a été rattaché, puisqu’Oblexus lui passera les clés de Stormhawk, se jugeant indigne de reprendre le volant (?) du mythique appareil après l’avoir crashé contre le mobilier urbain d’Halitus IV. La promotion n’est cependant pas facile pour notre Techmarine, qui découvrira avec stupeur que l’Esprit de la Machine du Stormraven n’est autre que Taz, soit une intelligence rudimentaire, belliqueuse et indisciplinée, à qui il devra imposer sa marque pour ne serait-ce que voler droit (ce qui est attendu de la part d’un pilote d’escadrille). Alors que les Orks se massent pour l’ultime offensive, que les valeureux efforts de la team augmétiques n’ont fait que retarder, il faudra également aux Iron Hands percer le mystère tapi au cœur d’Halitus IV, expliquant le manque total de coopération et d’assistance apporté par les Skitarii de l’Adepte Wyn à l’effort de guerre. Comme toutes les sidequests, cette mission d’assistance périphérique se verra toutefois récompensée par une relique des plus sympathiques, ici rien de moins que la braguette de guerre de Ferrus Manus, où la légendaire Carapace de Medusa, armure portée par le Primarque au moment de son tragique décès3. On peut donc dire que le jeu en valait la bougie (d’allumage, bien sûr).

AVIS:

Novella intéressante, principalement du fait de sa haute teneur en fluff Iron Hands, ce Medusan Wings permet à Matt Westbrook de réussir ses débuts dans le 41ème millénaire. Au-delà des nombreux éléments de background apportés par l’auteur aux farouches et impavides fils de Medusa, ce récit présente l’intérêt de décrire de manière plausible et efficace une campagne « limitée » menée par l’Adeptus Astartes, ce qui, à l’époque du déploiement de demi-Compagnies et autres forces de frappe Gladius, fait tout à fait sens. Largués sur une zone de guerre mettant aux prises des dizaines de milliers d’Orks (au bas mot) et de Gardes Impériaux, Oblexus, Atraxii et (quart de) Cie sont trop peu nombreux pour engager l’ennemi de manière conventionnelle, et doivent donc s’en remettre à des tactiques de frappes éclair et redéploiements rapides dans lesquelles ils excellent, mais qui ne sont pas sans danger pour autant. La campagne d’Halitus IV permet donc de remettre le Space Marines (pas forcément Primaris d’ailleurs) sur son piédestal de super soldat du lointain futur, ce qui est toujours utile au vu de la tendance à l’hyperbole des auteurs de la Black Library.

Si on veut aller plus loin dans l’analyse en matière de combats aériens, qui constituent la raison principale de l’inclusion de cette nouvelle dans le recueil On Wings of Blood, on peut reconnaître à Westbrook une capacité certaine à mettre en scène ces affrontements brutaux, létaux et ultra-rapides, les difficultés de cohabitation entre Atraxii et Stormhawk dans la deuxième moitié de l’histoire ajoutant un peu de sel à des séquences qui auraient sans cela été assez répétitives. Je regrette simplement que l’auteur n’ait pas choisi de creuser davantage la personnalité de l’as Ork prenant un malin plaisir à mettre du plomb dans l’Aile de Medusa, ce qui aurait permis d’ajouter un peu de tension narrative aux combats livrés par les Iron Hands à l’incommensurable armada Xenos. Bref, un bon début pour qui lit On Wings of Blood, et un solide stand alone pour les autres. Pouce de fer vert (de gris, du coup).

1 : C’est peut-être dû aux troubles de l’attention dont souffre manifestement notre héros, qui a du mal à rester concentré sur de longues périodes de temps, et ressent toujours des émotions telles que la fierté ou la joie. Honteux.

2 : Ce qui consiste principalement à tenir le guichet d’un musée de Ferrus Manus (qui abrite notamment le crâne du Primarque) et à envoyer un représentant siéger au Conseil de Fer, où il tient compagnie au trio de Techno-Prêtres placardisés par leur hiérarchie, qui représentent l’Omnimessie auprès des descendants de la Xème Légion depuis la création de l’institution. Bref, c’est pépouze.

: Je ne dis pas que Ferrus Manus ne portait qu’une braguette d’adamantium au moment de son duel avec Fulgrim, je fais simplement remarquer qu’une armure qui ne protège pas son porteur de la décapitation a sans doute quelques problèmes de design…2 : Appelons ça le syndrome de l’Etoile de la Mort.

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Acceptable Losses – G. Thorpe :

40K_Acceptable LossesINTRIGUE:

Nommé à la tête du tristement célèbre escadron de Maraudeurs Raptor, le commandant Jaeger a l’occasion de prouver la valeur de ses hommes au cours d’une mission aussi vitale que périlleuse : la destruction des réacteurs d’un Space Hulk grouillant d’orks. Livrés à eux-mêmes dans l’immensité hostile de l’espace, les Raptors se rendront rapidement compte qu’il n’y a pas d’ennemi plus mortel que l’ami dans lequel on a placé (à tort) sa confiance.

AVIS:

Après les Nains et les Hauts Elfes, Battlefleet Gothic est l’une des lubies du bon Gav Thorpe, qui ne manque jamais une occasion de mettre en scène une petite bataille spatiale dans ses écrits futuristes. Sachant qu’Into the Maelstrom (et donc Acceptable Losses, par la même occasion) a été publié en 1999, soit l’année de sortie du livre de règles BFG, il était inévitable que cette nouvelle fasse la part belle à des héros maîtrisant l’art subtil de la guerre dans l’espace.

Cette nouvelle conséquente (33 pages, ce qui en fait la plus longue du recueil) se divise ainsi en deux parties distinctes. La première (un tiers) voit Jaeger et ses hommes faire connaissance, les premières impressions mitigées faisant rapidement place à une véritable camaraderie entre un commandant sévère-mais-humain et des équipages indisciplinés-mais-courageux-et-loyaux (et l’Oscar du meilleur scénario original est attribué à…). Thorpe sait qu’il doit en passer par là pour que la suite de son récit tienne la route et s’exécute de bonne grâce, son style passe-partout lui permettant d’expédier cette introduction sans trop lasser le lecteur (en partie grâce à la partie « contes et légendes de l’Imperium »).

La deuxième partie (deux tiers) est une description minutieuse de la mission plus ou moins suicide de l’escadron Raptor, sur lequel s’acharne bien entendu un sort contraire : escorte de Thunderbolts retirée au dernier moment, Rok en maraude à négocier en solo, rencontre inopinée avec une escadrille de chassa-bombas, cible protégée par une hénôrme batterie de lance-plasma… autant de petits riens qui font que la vie d’un pilote de Maraudeur vaut d’être vécue (et se termine de manière prématurée). Fort de son expertise dans le sujet, Thorpe réussit à faire de ce compte rendu une expérience plaisante, tant par son originalité que par son enthousiasme perceptible pour cette forme de combat, dont les règles diffèrent considérablement de la classique bataille rangée de fantassins et de véhicules à laquelle l’amateur de 40K a droit d’habitude.

Bon, ça reste du Thorpe, et du Thorpe « primitif » qui plus est, ce qui signifie que l’histoire en elle-même ne vole pas beaucoup plus haut qu’un plongeur de la mort ayant fait un six sur son jet d’incident de tir (ouais, j’ai pas peur des mélanges). En même temps, difficile de révolutionner l’art de la nouvelle de science-fiction avec un pitch aussi ingrat qu’une bataille spatiale vue depuis l’intérieur d’un cockpit de Maraudeur. On a donc le droit à une triple dose d’héroïsme désintéressé et de sacrifice pour la bonne cause, généreusement saupoudrés de « bon sang, c’était moins une »1 et de « mais où est notre écran de chasseurs ? » : une fois de temps en temps, pourquoi pas.

Bref, Thorpe réussit assez bien son coup avec Acceptable Losses, un de ses meilleurs courts formats pour la BL à date, et fait mieux que tenir la comparaison avec beaucoup des nouvelles plus récentes intégrées à On Wings of Blood.

1 : Appelons ça le syndrome de l’Etoile de la Mort.

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Sturmhex – E. J. Davies :

SturmhexINTRIGUE:

Sur le monde pas franchement riant de Sturmhex Prime, le Seigneur de la Peste Rugo organise un projet W (comme Warp) sans avoir pris soin d’alerter les voisins en postant des affichettes dans le hall d’entrée et les ascenseurs. Rude. Excédés par la nuisance sonore (7 jours ininterrompus de – Plague – drone music, ça vient à bout des meilleures intentions) et sans doute olfactive causée par ces kékés de Lords of Decay, les braves Sturmhexois ont fini par appeler la police, qui leur a envoyé rien de moins que la brigade montée, dont les membres se nomment les Chevals Aigris. Oui, on dit Chevaux, je sais. Rencardés par un indic’ bien irrigué, les psykers démonifuges ont opté pour un déploiement en force, et dépêchés la 1ère Confrérie, menée par le Frère-Capitaine Pelenas dans son ensemble mettre fin aux festivités. Affecté au transport du peloton d’intervention, le Techmarine Aegir pilote un Stormraven chargé jusqu’au bec de paladins en palladium jusqu’à la ZAP (Zone À Purger), profitant de l’égrégore – sorte de Messenger psychique reliant tous les Chevaliers Gris entre eux – pour tailler le bout de gras avec ses collègues chauffeurs sur la route.

Une fois sur place, après avoir expertement évité les poubelles renversées par ces punks de Plague Marines, les Grey Knights doivent toutefois se rendre à l’évidence : ils sont arrivés trop tard pour empêcher Rugo et ses groupies d’invoquer… Germaine de Monstres et Cie. Bon, ok, c’est en fait un Prince Démon du nom d’Anahk’hir qui a fait son apparition dans la surboom des Lords of Decay, et il a une grosse dent (sûrement une molaire) envers le Grand Maître Vardan Kai (appelez Loup Solitaire !), qui l’a envoyé dans le Warp voir s’il y était il y a de cela quelques temps1. Manque de pot, et sûrement de peau, pour notre limace de choc, Vardan n’a pas daigné se joindre aux réjouissances, et c’est Pelenas qui emmène ses frères castagner du cultiste, de l’Astartraître et du démon dans l’ordre et la discipline. Ayant déchargé sa cargaison chromée, Aegir met les warnings et volète de droite et de gauche dans la caverne squattée par les chaotiques en dégommant de la grosse mouche et du piéton hérétique, jusqu’à ce qu’une nichée de Helldrakes vienne lui voler dans les plumes et lui souffler dans les bronches. Traumatisé par la disparition soudaine de quelques-uns de ses comparses (réellement traumatisé hein, il n’arrive même plus à bouger le petit doigt), Aegir se retrouve en bien mauvaise posture, mais son… passage vers le côté obscur de la Force lui donnera la motivation nécessaire pour sortir de son apathie (assez dangereuse quand on pilote un aéronef), et une idée géniale(ment cartoonesque) pour venir à bout des dragons métalliques.

Sur le plancher des bêtes de Nurgle, la mêlée générale tourne lentement mais sûrement en faveur des séides du Grand-Père, malgré l’énergie avec laquelle les Maurice Chevaliers Gris enchaînent leurs tubes et récitent leurs cantiques. Déçu par le lapin que lui a posé Kai, Anahk’hir se console comme il peut en défouraillant les Grey Knights, se rapprochant assez près pour que le Grand Maître, qui s’était déguisé en planton de base pour… des raisons qui continuent à m’échapper (puisque lui et le démon voulaient tous deux en venir aux mains depuis le début), tombe le masque et engage le gastéropode démoniaque au corps à corps. D’abord confiant dans l’issue du combat du fait de la connaissance du nom véritable de son adversaire, aimablement transmis par l’Inquisiteur Quixos, Vardan Kai doit rapidement déchanter (un comble), le tuyau s’avérant passablement percé2. Sa tentative de Spirit Hate Bomb ne donnant rien non plus, le Gland Maître doit se résoudre à utiliser le pokécube que Quiqui lui a remis au cas où, avec des résultats plus probants (il faut dire qu’Anahk’hir venait de se prendre le Stormraven d’Aegir dans le coin du pneumostone, le laissant à pile 1PV), même s’il en coûte à notre intègre Astartes d’emprisonner le démon au lieu de le bannir. Cela ne l’empêche pas d’aller apporter sa prise à son commanditaire une fois la bataille terminée (et dans le confort de ses tongs et peignoir), tandis qu’Aegir, rescapé de sa collision avec la faune sauvage, commence sa convalescence à l’infirmerie quelques étages plus bas. On apprendra en conclusion de la nouvelle que l’Inquisiteur Quixos fut excommunié pour errements radicaux quelques années plus tard, laissant planer un vieux doute et une sale odeur sur toute l’opération. Ça nous fait une belle jambe me direz-vous. Je suis bien d’accord avec vous, amis lecteurs.

AVIS:

Cette première soumission d’E. J. Davies, pour distrayante qu’elle soit, s’avère l’être majoritairement à l’insu de son plein gré, ce qui n’est pas un début que je souhaite aux nouveaux contributeurs de la Black Library. Présentant des lacunes, ou à tout le moins, des zones d’ombres, à tout niveau, depuis la simple péripétie mal négociée jusqu’à la révélation à fort impact sur l’intrigue qui tombe à plat par manque de clarté, Sturmhex ne s’avère même pas particulièrement intéressant en matière de combats aériens, l’affrontement entre Stormravens et Helldrakes n’étant pas spécialement détaillé (en tout cas, pas plus que la baston au sol qui se déroule au même moment), et sa conclusion clownesque venant faire partir les ambitions littéraires de Davies en piqué. Dommage pour l’un des inédits d’On Wings of Blood, dont on aurait pu attendre une forte valeur ajoutée à ce titre. Y a-t-il un pilote dans l’avion ?

1 : Ce qui sous-entend soit une longévité exceptionnelle de la part du Grand Maître, soit l’existence de coupe-files pour les démons envoyés au coin, soit une mauvaise relecture de la part de l’auteur.

2 : Il aurait dû se méfier aussi. Un démon qui s’appelle Anahk’hir Terrigassimal Yarnick (Jadot), ça ne fait pas très sérieux.

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Wraithbound – J. C. Stearns :

INTRIGUE:

Mobilisé avec la levée de Lugganath, complétée pour l’occasion par les troupes des seigneurs Corsaires Eidaear et Isbeil, le Crimson Hunter Seoci patiente en double file sur le périph’ de la Toile, l’Autarque menant l’armée Eldar ayant sans doute égaré sa carte bleue au moment de payer le péage. Accompagné de ses collègues de Temple, le novice Padruic – ayant récemment abandonné ses activités de proctologue1 pour devenir pilote de Mirage – et l’Exarque Lioda, notre héros n’a heureusement pas à se tourner les pouces très longtemps, et le portail menant sur – insert random planet name – s’ouvre, permettant aux Chasseurs sachant chasser sans chiens de débarquer à toute berzingue dans une cité ruche récemment envahie par les hordes du Big Mek Gorkog Chrometeef. Alors que les Eldars commencent un prompt carnage des peaux vertes très surpris de cette intrusion à l’improviste de leur espace de vie, nous apprenons que l’assaut du Vaisseau Monde constitue une frappe préemptive contre le par trop prometteur Chrometeef, qui finirait par s’attirer les foudres xénophobes indiscriminées de l’Imperium à force de sanglants massacres, scénario dans lequel Lugganath ne pourrait échapper à la destruction. Violence étant mère de sûreté, les Zoneilles se la jouent donc Terminator (d’assaut) et se lancent à la recherche de Sarah Connork pour s’assurer de lendemains qui chantent. Logique implacable.

Alors que les Crimson Hunters assurent les arrières dessus de leurs petits copains, Seoci a la surprise de croiser son ex, Ailios, dans les cieux de – 404 : planet name not found – ce qui lui provoque une montée de mélancol-èr-ie (masque tout vénère de Khaine oblige), et lui fait se souvenir du temps de leur rencontre, lorsqu’il était encore un poète anarcho-communiste et Ailios femme de chambre à l’Ibis Budget de Lugganath2. Aaah, folle jeunesse… Séparés par les hasards de la vie et les caprices des tout puissants conseillers d’orientation professionnelle Aeldari, nos tourtereaux se retrouvent donc quelques siècles plus tard, ce qui permet à Seoci de réaliser que sa dulcinée est devenue medium en EHPAD, ou quelque chose comme ça. Chargée d’encadrer les âmes des pilotes des Hemlock lors de leurs excursions culturelles, Ailios ne semble pas être contre prendre une tisane à la fin de la bataille, mais le flux des combats sépare rapidement les anciens amants. Assaillis par une nuée de Dakkajets, les Hunters perdent rapidement l’un des leurs (ce bon à rien de Padruic), ce qui rend Lioda d’humeur massacrante. Pour ne rien arranger, Chrometeef choisit ce moment pour mettre en marche les milliers de moteurs anti-gravitiques (ou les millions de ventilateurs, ce serait marrant) qu’il a fait installer sous la cité envahie, qui commence à s’élever dans les airs dans le plus grands des calmes, et se révèle être un terror ship bourré de chasseurs Orks.

Seul survivant de son escadre après que sa sanguine Exarque soit tombé dans le piège tendu par des Orks brutaux mais rusés, Seoci mène la charge jusqu’au cœur du château dans le ciel, et parvient à faire suffisamment de dégâts aux centrales énergétiques qui alimentent la répulsion urbaine pour que la ZUS de Chrometeef regagne le plancher des squigs, et plutôt plus rapidement que ce que son constructeur ne le souhaiterait. Tragiquement, Seoci ne vivra pas pour raconter l’histoire, comme on le dit chez les glaouiches, son biplan étant pris dans une explosion plasmique alors qu’il se frayait un chemin vers le bercail. Ayant oublié de boucler sa ceinture de sécurité, le pré-retraité (il s’était juré de tomber le masque pour de bon après ce dernier tour de piste) finit polytraumatisé dans son cockpit, et se console en songeant que son concassage fatal lui permettra sans doute de passer plus de temps avec sa sorrowrose. Un crash pour un crush, c’est pas si pire au final.

AVIS:

Débuts sérieux, même si un peu trop scolaires, de la part de J. C. Stearns, dont l’amour pour les Eldars ne s’est pas démenti à ce jour. En prenant soin de dépeindre une opération Eldar typique, tant dans sa forme (attaque soudaine par une force aussi mortelle que mobile) que dans son objectif (supprimer une cible de façon préventive, afin d’empêcher la réalisation d’une funeste prophétie), l’auteur démontre sa bonne compréhension des fondements du background de 40K. Même constat sur le plan purement narratif, sur lequel Stearns boucle la boucle en condamnant son héros, que le destin des co-pilotes des Hemlock Wraithfighters horrifie au plus haut point, à devenir l’un d’eux après son accident. Cette conclusion cruelle, mais attendue, s’inscrit tout à fait dans l’ambiance générale de la littérature BL, où, comme le disait Chirac (hommage !), les emmerdes volent en escadrilles, même – surtout ? – pour les pilotes de chasse. Si ces éléments positifs préfigurent un potentiel certain, on pourra regretter l’intrusion mal négociée du passif amoureux entre Seoci et Ailios dans l’intrigue, que Stearns traite à demi-mots et qui ne fait donc pas vraiment pas sens pour le lecteur, jusqu’aux dernières lignes de la nouvelle, où l’intérêt scénaristique de cette idylle est enfin révélé. Bref, une œuvre de jeunesse, prometteuse et perfectible, et en tout cas parfaitement lisible.

1 : La nouvelle dit qu’il suivait jusque-là la Voie du Soigneur, so why not. 

: La nouvelle dit qu’elle suivait la Voie du Service, donc vous ne pouvez pas me prouver que j’ai tort.

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In Service Eternal – M. Smith :

INTRIGUE:

Sur la planète minière autant que gazeuse d’Antropia, la vie suit son train-train quotidien. Il serait cependant plus juste de parler d’avion-avion, ce monde industriel contribuant à l’effort de guerre de l’Imperium en produisant des aéroplanes de combat pour la Garde Impériale, en particulier des Valkyries et des Vendettas, qui sont testés dans l’atmosphère chargée d’Antropia par un régiment de vétérans rangés des hélicoptères, avant d’être expédiés sur le front. Tout pourrait aller aussi raisonnablement que possible dans la dystopie fachisante et bigote dans laquelle il eu l’heur de naître, pour notre héros, le Commandant Arden Graves, en mission de routine en compagnie de quelques uns de ses hommes, lorsque leurs exercices de dégommage de cibles sont interrompus par le Magos Dominus Omicron-231, que son statut de dirigeant de la plus grande cité flottante de la planète, Gamma One, désigne comme le gouverneur de facto d’Antropia. Bref, pas question de le mettre sur répondeur.

MagDo vient de s’apercevoir de la disparition SMS (soudaine, massive et surprise) d’une cohorte de serviteurs miniers, chargés d’exploiter le riche sous-sol de la planète, et envoie donc les pioupious de Graves sur zone pour tenter de tirer les choses au clair1. Rendus sur place, les pilotes du 41ème AATD ne constatent rien de suspect, et s’apprêtent à faire demi-tour, quant une pluie de membres et d’organes s’abat brutalement sur leurs cockpits. Chose étrange, ces précipitations d’un genre particulier, qui s’avèrent être constituées des pièces détachées arrachées des serviteurs disparus, « tombent vers le haut », comme le fait remarquer l’observateur Caporal Ryker Ness, co-pilote de Graves, dont les savantes supputations sont interrompues par l’arrivée d’une escadrille de chasseurs au bellicisme aussi croissant que la forme. Pris au dépourvu et dans un feu croisé meurtrier, les appareils impériaux doivent bientôt battre en retraite, malgré les savantes formations que Graves leur fait prendre (Gryphonne Aquila Two, Gryphonne Omega Five, Sky Wolf, Alpha Two… j’en passe et des pas piqués des vers). Poursuivis par leurs mystérieux assaillants, Graves et ses survivants ont toutefois la joie d’être rejoints par l’intégralité de la flotte de Gamma One2, gracieusement mise à disposition par Omicron pour contrer la menace croissante que représente l’armada Necrontyr qui vient de décoller de son tombeau, sans doute réveillée par le tapage des foreuses impériales.

La bataille qui s’engage, si elle fera date par la taille des forces en présence, s’avère toutefois assez déséquilibrée, les impériaux se faisant dégommer avec une déprimante constante par les agiles chasseurs Xenos, la technologie Necron s’avérant par trop avancée pour que la bravoure indéniable des humains fasse une grande différence. Même l’emploi de mesures aussi radicales que le tir d’un barrage de missiles Deathstrike sur le vaisseau amiral des hommes de fer, une monstruosité aussi grande que Gamma One au cœur de laquelle brille un cristal vert de 14367I834 carats, ne donne que de piteux résultats. Graves, réalisant que l’heure l’était, tente de son côté le tout pour le tout avec les formations Pied de Poule au Pot et Corgi Alcoolique Zoulou, sans guère plus de succès. Bien que les autres cités flottantes d’Antropia soient en approche pour secourir Gamma One, la vitesse à laquelle cette dernière perd ses défenseurs laisse à penser qu’une fin tragique attend la capitale planétaire dans les plus courts délais, et sa perforation soudaine par un tir giga-laser du vaisseau mère Necron ne vient qu’appuyer cette prédiction pessimiste. Les Xenos ont cependant sous-estimé la mesquinerie morbide de leurs adversaires, qui parviennent à envoyer une deuxième salve de Deathstrikes, cette fois-ci en direction de la macro-émeraude ennemie, qu’Omicron-231 suppute être la source énergétique des assaillants. Seul petit problème, son système de visée a été endommagé par le coup fourré des Necrons, et il ne peut que verrouiller les missiles sur le vaisseau de ce brave Graves, qui accepte de mener une mission suicide avec les derniers pilotes impériaux de Gamma One pour guider les obus jusqu’à bon port. La suite et la fin de la nouvelle sont une adaptation assez fidèle du grand finale de Russell Casse dans Independence Day, soit un grand bol d’héroïsme désintéressé et suicidaire, permettant aux gentils organiques d’arracher une égalité, les deux porte-avions finissant à la casse à quelques minutes d’intervalle. Pas de chance pour Antropia, on apprend finalement que les Orks sont sur le point de débarquer. À quoi cela sert-il dans l’intrigue, me demanderez-vous ? Eh bien, je n’en ai aucune espèce d’idée. N’allez juste pas en vacances sur Antropia les enfants, cette planète a l’air bien mal fréquentée…

AVIS:

Après des débuts assez prometteurs, In Service Eternal sombre malheureusement dans le conformisme BLesque le plus navrant, ce qui traduit fatalement, au vu des standards de la maison, par une bonne grosse bataille bien bourrine. La seule surprise qui attend le lecteur, dont on pourra excuser les quelques bâillements étouffés à partir de ce moment, consistera dans le rapport de force déséquilibré décrit par Smith, qui fait tomber ses impériaux comme des mouches. Si ce parti pris peut se comprendre d’un point de vue littéraire, il s’agit d’un contre-pied tellement marqué par rapport aux autres nouvelles du recueil On Wings of Blood, où les protagonistes (et leurs appareils, que GW a bien envie de vous faire acheter de façon subliminale) s’en sortent généralement très bien face à leurs ennemis, que je ne pouvais pas ne pas le mentionner. Si vous êtes un joueur de la Garde Impériale, pas sûr que la lecture de In Service Eternal vous convainque de commander un trio de Valkyries (ou même un lanceur de missile Deathstrike, si on y réfléchit), que Smith présente comme étant tout juste bon à servir de poisson pilote pour une fusée à tête chercheuse passablement myope. Voilà, c’est à peu près tout ce que j’ai à dire sur cette nouvelle, ce qui vous donnera une bonne idée de l’appréciation que j’en ai. Attention, éditeurs de la Black Library : si l’abus de désabusement (?) n’est certes pas dangereux pour la santé, il peut conduire même les natures les plus enthousiastes à se lasser de la soupe littéraire qu’on leur sert.

: Ou au moins au marron dessaturé, si l’atmosphère d’Antropia sert de base.

2 : C’est l’avantage d’être affecté sur un monde qui produit des avions de chasse. Ca aurait été des ventouses à toilette, ils n’auraient pas fait les malins longtemps.

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Stormseeker – A. Worley :

INTRIGUE:

Rattaché à une expédition punitive menée par les Deathwolves envers une cabale de pillards Drukhari, le Prêtre de Fer Anvarr Rustmane se retrouve contraint et forcé de participer à une frappe éclair contre les insaisissables Xenos à la surface du monde désolé et désolant de Vityris, où ces derniers ont capturé les résidents d’une station de recherche. Piégés sur place par les manigances d’une faction rivale, les Drukhari constituent une cible rêvée pour les Space Wolves avides de revanche, à condition que ces derniers ne traînent pas en route. Cette fenêtre de tir réduite ne fait cependant pas le bonheur de Rustmane, dont la récente communion avec l’Esprit de la Machine de son Stormwolf lui a appris que ce dernier ne se contenterait plus de la pelisse puante et pleine de vermine qui lui servait jusqu’à présent de pare-givre. N’ayant pas pu trouver de relique convenable pour apaiser ce caprice imprévu, le Prêtre de Fer doit donc braver le déplaisir de sa monture et emmener sa cargaison de Griffes Sanglantes chanteurs jusqu’à la surface de Vityris, quoi qu’il en coûte.

La mission de notre héros se voit davantage compliquée par l’arrivée soudaine sur les lieux de l’empoignade d’un trio de Razorwings, mené par la sœur de l’Archonte en rade, forçant Rustmane à mener sa propre escadrille de Stormwolfs et Stormfangs à l’assaut des invités surprises. Jongler entre le déplaisir de son vaisseau, les appels en absence du Garde Loup Skaldr Frostbiter, en charge de la mission1, et les intentions meurtrières des Tom-Tom et Nana Drukhari ne sera pas une partie de plaisir, mais Rustie a suffisamment de bouteille et de bouteilles (boire ou conduire, pourquoi choisir ?) pour mener à bien cette mission…

AVIS:

Drôle de soumission de la part d’Alec Worley, qui prend avec Stormseeker le contrepied d’un certain nombre d’éléments établis du fluff, pour un résultat qui, s’il ne peut pas être qualifié de désagréable, et se révèle même être assez distrayant par son parti pris assez léger, ne s’inscrit pas vraiment dans l’atmosphère générale du 41ème millénaire. Personnage haut en couleurs, Anvarr Rustmane n’est pas le moindre des éléments perturbateurs de cette histoire, sa tendance à l’alcoolisme et à l’accumulation compulsive de reliques plus ou moins ragoutantes, tranchant fortement avec l’image classique du Techmarine tel que le lecteur se le représente. Accompagné de son loup mécanique Cogfang (disposant de l’option « tonnelet de mjod intégré », en bon Saint Bernard grimdark), Rustmane ne se départit jamais de sa bonne humeur, mis à part lorsque les Griffes Sanglantes qu’il transporte dans son Stormclaw se mettent à chanter un peu trop fort, ce qui ne doit pas arranger sa gueule de bois fer persistante. Cette approche décomplexée de la guerre est émulée par Frostbite, jamais avare en petites blagues alors même qu’il emmène ses guerriers au front2, tandis que de l’autre côté du champ de bataille, le véritable amour fraternel qui semble unir Iruthyr et Izabella Xynariis est assez surprenant de la part de ressortissants de Commoragh.

Difficile d’en vouloir à Worley cela dit, quand on considère ce que la Black Library lui a demandé, c’est à dire une nouvelle dithyrambique sur les Stormwolf et Stormfang, probablement les aéronefs 1) les moins aérodynamiques de la gamme 40K, et 2) équipés de l’arme la plus cartoonesque de l’arsenal impérial (je veux bien sûr parler du mirifique canon Helfrost, tout droit tiré du Batman & Robin de 1997). C’est dans ce genre de situation que l’on comprend mieux pourquoi on parle de l’humour comme la politesse du désespoir…

1 : Harald a dû emmener Icetooth chez le vétérinaire pour lui tailler les griffes.

2 : D’ailleurs, sa harangue héroïque se trouvera brutalement interrompue par une fléchette empoisonnée Drukhari en pleine gorge, sans autre effet indésirable qu’une sévère crise d’épilepsie et une blessure mortelle de son amour-propre. Pour citer le sage Tuco : « When you have to shoot, shoot. Don’t talk ».

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The Emperor’s Grace – N. Alexander :

INTRIGUE:

First day on the job pour les jeunes diplômés du 1167ème régiment de Vordrost, chargé par le haut commandement impérial de mener un raid audacieux contre une position capturée par les Orks sur la planète de Balle Prime. Menés par leur irascible et acnéique commandant Mikal, l’équipage du Maraudeur EMGR2243, plus élégamment appelé Emperor’s Grace, termine ses préparatifs de mission dans une ambiance studieuse. Leur objectif consister à bombarder la capitale planétaire, tombée entre les griffes des peaux vertes de la Waaagh ! Ugskraga, et d’abattre en sus une tour, aux proportions aussi gigantesques que sa fonction est mal définie, dans l’espoir de gagner la bouteille d’amasec millésimée mise en jeu par le commandant d’escadre Aaron Ryll. Les new kids on the tarmac se nomment Bernd Hawlek (bombardier affable), Aleksander Jeronim (navigateur rachitique), Artur Dudak (canonnier laser), Maciej Krol (beau gosse de tourelle) et Fyodor Jaworski (bolteriste lourdingue), et ils ont à cœur de prouver qu’ils méritent leur place dans les glorieuses armées de l’Empereur.

Bien évidemment, la mission ne se passera pas tout à fait comme prévue (encore que, l’arrivée d’une horde de Dakkajets Orks à mi-chemin de l’objectif ne constitue pas vraiment une surprise), et les aléas de la guerre mettront à rude épreuve l’Emperor’s Grace et son crew, qui, bien qu’il puisse légitimement revendiquer l’honneur d’avoir retiré le jenga ayant fait s’écrouler la tour Xenos, paiera assez chèrement son exploit retentissant, tant au niveau physique (Krol perd la tête et Bernd est écœuré), que mental (Aleksander fait une crise de panique et Dudak tombe en syncope d’avoir frôlé la tour Ork de si près) et mécanique (l’Emperor’s Grace finit la nouvelle comme un avion -presque – sans aile, sans doute en hommage à Charlélie Couture). Malgré ces multiples coups du sort, l’imperturbable Mikal parvient à ramener son coucou au nid, ce qui… n’est déjà pas mal j’imagine. Car oui, la conclusion de The Emperor’s Grace est assez particulière dans son genre, platitude paroxysmique (et un oxymore, un !) qui laissera sans doute le lecteur songeur quant au but recherché par Alexander1 d’un point de vue littéraire. Mais je vous laisse seuls juges.

AVIS:

Hommage à l’antique Acceptable Losses (et de l’ancien Wings of Bone, tous deux inclus dans le recueil On Wings of Blood) avec lequel il partage 90% de son intrigue, The Emperor’s Grace s’avère être un succédané assez fade de la nouvelle de Thorpe, qui avait bénéficié de la maîtrise du Gav en matière de « logistique aéronautique » et de son inspiration assez sympathique en matière de contes et légendes impériaux. Sans vraiment démériter, Alexander peine à convaincre avec son raid de Maraudeurs, se voulant sans doute être une exploration de la psyché humaine lors d’un huis clos stressant et mortifère, mais ne s’avérant être qu’un enchaînement de péripéties aériennes assez peu prenantes. Ne parvenant ni à intéresser au sort de ses héros, ni à surprendre le lecteur par un retournement de situation bien pensé, et pêchant par manque de clarté tant au début (à quoi sert cette tour ?) qu’à la fin (que faut-il comprendre de cette conclusion ?) de son propos, l’auteur nous sert l’archétype de la nouvelle BL « industrielle », porridge littéraire dans lequel flottent quelques morceaux de grimdark atrophiés. En cela, il s’agit presque d’une mise en abyme intéressante du 41ème millénaire, ère aussi morbide que désincarnée, et nul doute que si les geeks du lointain futur lisent de la pulp fiction agréée par l’Adeptus Terra, elle doit ressembler à ça. Pas sûr que ça suffise à réhabiliter The Emperor’s Grace, ceci dit.

: Qui s’est peut-être amusé à se mettre en scène dans sa propre nouvelle, au vu de la quasi-homonymie entre son patronyme et celui du navigateur de l’Emperor’s Grace. Au moins, et comme dans la chanson de Jean-Pierre François, il s’est survécu (même s’il est dans un sale état).

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Wraithflight – G. Haley :

INTRIGUE:

Heureuse et avancée race que celle des Eldars, qui a perfectionné le concept de télétravail jusqu’à aller à la guerre depuis le confort de son lit. Prenons l’exemple de la spiritseer Iyanna Arienal, du Vaisseau Monde d’Iyanden. Eh bien, notre héroïne s’en va décimer des essaims de Tyranides les pieds devant et les yeux fermés, ce qu’on appelle chasser le (Grand) Dragon dans la terminologie eldar. Engagés à leur corps défendant dans la campagne de Cryptus aux côtés des grossiers Mon’keigh de l’Imperium, les Iyandeni participent à l’effort de guerre xenocide à leur manière, et mettent à profit leur maîtrise de la nécromoellie pour s’opposer à l’insatiable appétit de la flotte ruche Leviathan. À bord de l’Ynnead’s Herald, Iyanna et ses collègues de canapé dirigent mentalement les escadrilles de Hemlocks du Vaisseau Monde alors que le reste de la flotte se tient prudemment hors de portée de l’ombre dans le Warp. Leur but est de désemparer l’assaut massif, mais indiscriminé du Dragon Affamé (le petit nom Eldar de Leviathan) en mettant hors de combat les vaisseaux synapses de la vrille, tactique bien plus ingénieuse que la simple défense de zone mise en place par l’armada impériale du Commandant Hortense, chargé de la sauvegarde de la planète Krokengard, que l’Esprit de la Ruche convoite (c’est normal, ça commence comme « croquette »).

Ayant accepté l’offre d’alliance désespérée soumise par son vis à vis humain, malgré le dégoût que ce dernier lui inspire, l’Angèle dit-Hiandenne entame son masterclass de micro-gestion, dirigeant ses chasseurs et bombardiers lobotomisés avec toute la maîtrise d’un joueur professionnel de Starcraft coréen, pour des résultats probants. Cerise sur le gâteau, ses pouvoirs de prescience psychique lui permettent d’admirer la vue peu banale que présente la conscience collective de la race Tyranide, qui ressemble réellement à un Dragon, mais d’une taille proprement monstrueuse (la galaxie a littéralement la taille d’une assiette par rapport à son gabarit, ce qui doit être un peu flippant tout de même). Tout va donc pour le mieux dans le meilleur seul des univers, et la team Zoneille se prépare déjà à fêter la victoire, et l’inévitable trahison de ses « alliés » – Iyanden ayant envoyé un Fireheart en recommandé à la surface de Krokengard en application rigoureuse et littérale de la tactique de la Terre brûlée1 – en faisant des faisant des folies comme, au hasard, commander des pizzas à domicile (l’important étant de ne surtout pas se lever) lorsque soudain, la catastrophe frappe. Peu satisfait de la tournure prise par les évènements, le Grand Dragon en personne adresse un regard louuuuuuurd de reproches à Iyanna et ses sous-fifres, ce qui a des effets délétères sur cette bande de fragiles. L’expérience n’est toutefois pas létale pour les couch potatoes du 41ème millénaire (enfin, par pour tous en tout cas), et lorsqu’Angèle sort de son coma spirituel, elle prend la décision de reprendre le combat au côté de ce brave Hortense, qu’elle comptait auparavant laisser tomber comme une vieille chaussette. Bien sûr, cela ne changera rien au fait qu’elle ait carbonisé sa planète pour des raisons nébuleuses, mais je suis sûr qu’un beau mail d’excuses règlera le problème de façon satisfaisante. 1 de perdue, 999.999 de préservées… pour le moment.

AVIS:

On l’aurait presque oublié avec l’avènement du Dark Imperium, mais avant le retour de Guilliman, il se passait déjà des choses au niveau du fluff du 41ème millénaire, et les publications centrées sur la campagne Shield of Baal valent leur pesant de cacahouètes à ce niveau. Le Wraithflight de Guy Haley nous livre le récit de l’affrontement spatial en orbite de Krokengard, qui, s’il n’a pas eu l’envergure ni l’enjeu de la bataille de Dûriel, reste toutefois intéressant pour l’amateur. L’auteur livre une copie sérieuse et inspirée, qui permet de mettre en regard les approches de la guerre spatiale de trois factions majeures de Warhammer 40.000 : tandis que l’Imperium (pas vraiment à la fête dans cette nouvelle il faut le reconnaître) cherche à tenir la ligne grâce à sa discipline et sa puissance de feu phénoménale, les Eldars la jouent plus fine et frappent depuis les ombres les vaisseaux cruciaux de l’ennemi dans le but de désorganiser sa chaîne de commandement. En face, les Tyranides font jouer leur écrasante supériorité numérique, mais sans pour autant agir comme des organismes décérébrés. On peut d’ailleurs mettre au crédit de Haley la vision « draconique » qu’il fait de l’Esprit de la Ruche, incarnation intéressante et terrifiante d’un ennemi jusque-là trop désincarné pour que le lecteur le prenne en compte. Imaginez-vous l’œil de Sauron élevé à la puissance yotta et vous aurez une petite idée de ce qui attend sur le palier galactique, et comprendrez sans mal qu’attirer son attention n’est certes pas conseillé. Si l’intrigue de Wraithflight ne brille pas par sa complexité, ni ses personnages par leur intérêt, la lecture de ce petit bout de Shield of Baal n’est pas désagréable, et ce même sans avoir lu ce qui vient avant ni compter lire ce qui vient après. Un teaser (se) satisfaisant (à lui-même) donc.

1 : Comme le dit l’Esprit de la Ruche : « Je me suis encore fait braiser ! »

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Doom Flight – C. Scott :

INTRIGUE:

Sur la planète industrielle de Quadcana, les dieux de la guerre ne favorisent pas les défenseurs impériaux, bien malmenés par les assauts de la Waaagh ! Ork qui a décidé de faire sienne les vastes complexes de production d’armes locaux. Envoyés à la rescousse des forces de défense planétaires, le Sergent Kerikus et ses confrères de la 7ème Compagnie des Doom Eagles ne peuvent pas revendiquer d’avoir fait une grosse différence dans le déroulement de la campagne, leur tentative d’assaut aérien sur la capitale locale, très originalement nommée Quadcana Prime, s’étant soldée par une déroute à peu près complète, ne laissant que notre inflexible héros représenter l’Astartes auprès des peaux vertes. Nullement découragé par ce tour du destin, Kerikus, qui, s’il n’est pas grand, est vaillant, grappille des points faciles à prendre çà et là, son Stormtalon répandant la mort parmi les véhicules et piétons Orks, au prix d’acrobaties que l’on pourrait poliment qualifier de suicidaires. Kerikus sait cependant très bien ce qu’il fait, et utilise avec à-propos son super pouvoir de Doom Eagle, le « même-pas-peur-isme », qui lui permet de réaliser les acrobaties les plus osées sans se départi de son calme olympien airien. Las, toutes les bonnes choses ont une fin, et à force de tenter le diable, notre Space Marine finit par se retrouver en fâcheuse posture. Poursuivi par un duo de dakkajets particulièrement collants, et ayant trouvé le moyen de pirater sa fréquence de transmission (ce qui l’énerve au point qu’il fracasse à main nue son récepteur pour… pouvoir mieux s’écouter parler je suppose), les doom carottes semblent cuites pour l’impavide pilote. Fort heureusement, c’est le moment que choisissent deux de ses collègues, Malika (qui est bien un individu de sexe masculin, je précise) et le Techmarine Tyrus, pour faire leur apparition, équilibrant prestement le rapport de forces et permettant à Kerikus de s’en tirer à bon compte.

Ragaillardi par ces renforts inespérés, le Sergent commence à élaborer des plans sur la planète, et propose à ses camarades de tenter un baroud d’honneur en direction de la centrale à plasma de Quadcana Prime. Nos chasseurs reprennent les cieux après que Tyrus ait réparé les dégâts subis par le vaisseau de Kerikus1 (dont une bonne partie ont été infligés par ce dernier, c’est l’Esprit de la Machine qui doit être chafouin) et se rapprochent de leur cible lorsque, semblant crever le ciel et venant de nulle part, surgit, non pas un aigle noir, mais le Death Deela, un chasseur Ork plus gros, plus armé et plus méchant que la moyenne. Si nos vaillants pilotes se montrent tout à fait capables de repousser les assauts de l’escorte de Dédé, ce dernier se révèle être trop coriace pour les Space Marines, et descend successivement Tyrus, Malika, et pour finir Kerikus, qui a tout de même le temps de s’éjecter avant impact. Malheureusement, tout à ses acrobaties nihilistes, Lefuneste n’a pas réalisé que son cockpit pointait vers le sol au moment de son évacuation, ce qui rend cette dernière passablement douloureuse. Il en faut toutefois plus pour abattre notre coriace héros, qui se sent pousser des ailes (mouahaha) à la vue de son objectif, qu’il espère faire sauter afin de réduire une bonne partie de la capitale en cendres et priver ainsi les Xenos des manufactures d’armes de Quadcana. Serrant les dents le bec, Kerikus réussit son jet d’insensible à la douleur et part en petites foulées en direction de l’EPR tout proche, qu’il parvient à atteindre malgré les tentatives enthousiastes d’une poignée de grunts de lui barrer la route2. Une fois sur place, il n’a besoin que de quelques tirs bien placés en direction du Death Deela, qui rôdait toujours dans le coin, pour convaincre le pilote de ce dernier de… faire une attaque kamikaze sur sa position, déclenchant la réaction en chaîne catastrophique synonyme de victoire mineure pour l’Imperium. Un peu extrême comme parti pris de la part du pilote Ork, qui n’avait qu’à faire quelques passages en rase motte pour régler son compte à l’oiseau de malheur. Mais après tout, quand on aime, on dakka.

AVIS:

Après Simon Spurrier, James Alexander, James Swallow et Ben Counter c’est au tour de Cavan Scott de prendre les commandes des Doom Eagles, sans doute l’un des Chapitres les moins connus les plus utilisés (je me comprends) du lore de 40K. Dans ce qui est probablement l’un de ses premiers travaux pour la Black Library (cette nouvelle a été initialement publiée en 2013), l’auteur met en scène une mission à hauts risques entre une poignée de Stormtalons et une nuée de dakkajets, la supériorité intrinsèque des Space Marines et de leurs appareils sur leurs adversaires leur permettant de compenser l’avantage numérique dont disposent les Orks… jusqu’à un certain point. Prise à part, Doom Flight ne pourrait guère prétendre à la palme de l’originalité, et sa position en milieu d’un recueil consacré aux combats aériens au 41ème millénaire ne fait que renforcer le sentiment de déjà lu, relu et re-relu de l’objet3. Si la prose de Scott ne s’avère pas particulièrement désagréable à lire, même si certains de ses choix pourraient être discutés (les monologues du Sergent Kerikus en premier lieu, qui aime un peu trop le son de sa propre voix pour un moine soldat endoctriné et surentraîné), elle se révèle par contre être d’une platitude assez totale, le – fin – vernis de fatalisme apporté par la culture chapitrale des Doom Eagles ne teintant que de façon très légère le récit, voire étant carrément passé en perte et profit par l’auteur (lorsque Kerikus décide de dissimuler à ses compagnons qu’il les mène sur une mission suicide), alors qu’il s’agissait probablement de la piste la plus évidente et intéressante à exploiter pour singulariser ce récit. De l’autre côté du ciel, les Orks se contentent, comme à leur habitude, de vrombir de droite et de gauche, compensant par leur enthousiasme effréné (et parfois passablement crétin) la qualité toute relative de leurs aéroplanes. Bref, rien de nouveau sous le soleil, et pas grand-chose à retenir de cette nouvelle, pour peu que vous soyez déjà familier du genre (ce qui sera le cas si vous avez lu On Wings of Blood dans l’ordre).

1 : Qui aura cette phrase immortelle. Cocasse, de la part d’un Chapitre dont l’animal totemique en est rigoureusement dépourvu.

2 : Et la perte de son bras gauche, dont il ne se rend compte que lorsqu’il essaie de grimper à l’échelle et réalise qu’il a – littéralement – perdu la main. That’s pretty brutal.

3 : À ce stade, le lecteur en sera en effet à sa 4ème nouvelle mettant aux prises des escadrons impériaux à des Orks, et sa 4ème nouvelle où le héros pilote un Stormtalon, Stormraven ou Stormwolf. Comme un petit goût de reviens-y.

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Ancient History – A. Chambers :

40K_Ancient HistoryINTRIGUE:

Recruté contre son gré comme équipier polyvalent du Retribution, fier vaisseau de la flotte impériale à rade de personnel, à l’issue d’une opération porte fermée (traduction : une fois qu’on est rentré, on ne peut plus sortir), Nathan, notre héros, découvre progressivement les joies et les peines de la vie de canonnier de marine, noble et utile occupation qu’il projette toutefois d’abandonner dès qu’une occasion de déserter se présentera à lui. Cette frilosité à s’engager sur le long terme dans une institution impériale pourtant aussi respectable que la Navy1 s’explique en partie par la présence d’un nuisible connu de Nathan, Kendrikson, dans l’équipage de Balthasar (le nom du macrocanon auquel notre homme a été affecté). Les deux forçats se sont quittés fâchés au cours d’une précédente collaboration, et bien que Nath’ ne serait pas contre une petite vendetta pour régler ses comptes avec son ex-nouveau collègue, il préférerait à tout prendre mettre quelques années lumières entre eux, un « accident » du travail étant si vite arrivé… En plus de ces problèmes relationnels, le Warp ne s’avère pas être un long fleuve tranquille, et sa traversée pèse lourdement sur l’estomac et la psyché des rats de cale. En témoigne le coup de sang passager d’un passager, Fetchin, qui succombe à une crise de claustrophobie démoniaque, puis à une décharge de fusil à pompe à bout portant, non sans avoir envoyé quelques badauds à l’hôpital et à la morgue auparavant.

Nathan a toutefois la chance de pouvoir compter sur le patronage bienveillant de Kron, canonnier vétéran dont l’accent chantant, les histoires passionnantes, les relations privilégiées avec le management et la connaissance intime des coursives du Retribution permettent au bizut d’acquérir des connaissances et compétences précieuses, monter dans la hiérarchie balthasaresque et, accessoirement, échapper à la tentative d’assassinat dont il fait les frais de la part de ce mauvais sujet de Kendrikson, qui se révèle être un Luminen2 infiltré.

Cette prise de fonction mouvementée culmine avec la toute première bataille spatiale à laquelle Nathan participe, baptême du feu à plus d’un titre au cours duquel il aura l’occasion de se frotter à l’ennemi de plus près que prévu sur sa fiche de poste, le crash d’une torpille d’abordage à proximité de son espace de co-working le forçant à prendre les armes pour défendre la vertu et l’intégrité de Balthasar contre les assauts païens de vils cultistes chaotiques, dont l’encadrant se trouve être un Space Marine renégat. Il faudra une nouvelle fois l’intervention décisive de Kron, qui sous ses abords décatis, se révèle être un individu décidément plein de ressources et d’énergie (il se relève d’un tir de pistolet bolter à bout portant et tase l’Astartes à mains nues), pour permettre à notre héros de se sortir de ce coup de Trafalgar. Les mystères de l’origine et des motivations du mentor de Nathan ne seront pas levés par Chambers avant la conclusion de cet Ancient History3, mais une chose est sûre, quand on est Kron, on est Kron.

AVIS:

Nouvelle protéiforme et un peu foutraque, Ancient History est une soumission plutôt hétérodoxe, mais loin d’être inintéressante de la part d’Andy Chambers. En multipliant les partis pris narratifs (cela commence comme un récit d’évasion, avant d’intégrer un passage « mythes et légendes », puis d’embrayer sur une révélation plutôt étrange sur un des personnages principaux, et de tourner à l’action pure et dure, pour se terminer sur un mystère vraiment mystérieux) et les péripéties, le grand méchant joueur n’a pas choisi la facilité, et son propos en paraît en conséquence décousu et incertain dans sa finalité. Pour autant, le simple fait de mettre sur le devant de la scène des personnages très peu abordés par la BL mais au moins aussi caractéristiques du grimdark de 40K que les Space Marines ou l’Inquisition (les « marins » de la Flotte Impériale) ne manquera pas d’attirer la curiosité bienveillante des lecteurs avides d’en apprendre plus sur la vie des travailleurs de la mer l’espace, ce en quoi Chambers se montre plutôt généreux. En outre, l’inclusion de la Complainte du Vieux Marin à la sauce 40K dans le récit s’avère être un interlude des plus intéressants entre deux scènes d’action, et ne manquera pas de susciter les hypothèses les plus radicales de la part des exégètes de tout poil qui constituent une part non négligeable du lectorat de la Black Library. La balance est donc plus que positive pour Ancient History dont les apports fluff et l’originalité compensent largement les tâtonnements et… l’originalité (aussi).

1 : Sécurité de l’emploi, gîte et couvert offerts, destinations variées, activités physiques régulières… Ça c’est un job de rêve.

2 : Plus de quinze ans avant la sortie du Codex Adeptus Mechanicus, Chambers convoquait déjà des électro-prêtres dans ses nouvelles.

3 : Qui a peut-être été suivi d’une autre nouvelle, et aurait dû l’être ? Je suis sur le coup les aminches.

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Raptor Down – G. Thorpe :

40K_Raptor DownINTRIGUE:

Nous retrouvons le Commandant Jacques Jaeger de l’escadron Raptor, après les évènements couverts dans Acceptable Losses, et la prise de fonction compliquée et sanglante de notre héros à l’occasion d’une bataille spatiale contre un Rok Ork. 18 mois plus tard, le Divine Justice, croiseur impérial auquel les Raptors sont rattachés, est passé à autre chose, et fait partie de la flotte d’invasion du système de Mearopyis, que l’Imperium cherche à reprendre aux Noctal après quelques millénaires d’atermoiements (saleté de bureaucratie). Ayant eu largement le temps de se familiariser avec son nouveau poste, de se faire accepter par ses hommes et de terroriser les nouvelles recrues venues remplacer les pertes subies au cours de  la campagne précédente, Jacques le Fataliste1 supervise les opérations de soutien du déploiement de la Garde Impériale au sol, qui consistent surtout à aller bombarder les cibles les plus juteuses à la surface de la planète capitale du système, tâche grandement facilitée par l’absence de chasseurs à capacité de projection spatiale dans le camp d’en face, ce qui permet aux Maraudeurs de frapper avec une impunité assez totale.

Chargés d’une nouvelle mission de démolition de l’infrastructure militaire locale, les escadrons Raptor et Storm, accompagnés  de leurs écrans de chasseurs (pour une fois qu’ils sont là, ces vole au flanc) quittent leur vaisseau mère pour ce qui ne semble être qu’une formalité pour ces pilotes aguerris. Malgré la tentative malheureuse d’interception de la part des Noctal, prestement contrecarrée par le professionnalisme et les gros flingues impériaux, tout semble baigner dans l’huile de moteur pour Jaeger et ses hommes, jusqu’à ce que ce dernier ait la malheureuse et déplorable idée de… prendre une initiative. Ahlàlà. Pour sa défense, son projet d’attaque d’une colonne blindée Noctal, repérée par l’esprit de la machine d’un missile2, et dont l’utilisation fourbe de la géographie locale avait permis d’échapper aux scanners de la flotte jusqu’ici, partait d’une bonne intention : protéger l’avance des bidasses de la Garde et les empêcher d’être pris en tenaille par les défenseurs. Malheureusement, les grands projets de canyoning de Jaeger, pour prometteurs qu’ils aient semblé sur le papier (en voilà une activité de team building qu’elle est bonne !), se trouvent rapidement et violemment contrariés par la puissance de feu des assaillis. Et même si Thorpe ne se donne pas vraiment la peine de décrire la manière dont les Noctal parviennent à dégommer l’invincible armada de manière aussi brutale, le résultat de l’accrochage n’est pas franchement en faveur des Impériaux. Bien que ces derniers aient pu larguer quelques missiles sur zone, le bilan est très lourd, et même Jaeger ne s’en sort pas indemne, son appareil étant lui aussi abattu en plein vol, forçant l’impulsif et inconstant Commandant3 à évacuer la carlingue en compagnie de ses hommes. Se réveillant avec une jambe cassée dans le désert de Mearopyis, Jacquou le Croqueur de feuille de match doit maintenant digérer les conséquences humaines et matérielles de son coup de sang : avec deux tiers de ses Maraudeurs et la moitié des Thunderhawks passés en perte et profit, le bilan est lourd pour Herr Jaeger. Cela en valait-il la peine ? C’est sur cette question lourde de sens que nous quittons notre héros, qui pourra attendre d’être secouru en dessinant des faucons. C’est ça d’être une buse.

AVIS:

Suite de l’acceptable Acceptable Losses, Raptor Down donne l’occasion à Gav Thorpe de nous tenir au courant de l’évolution de carrière ce bon vieux commandant Jaeger, et met l’escadron de ce dernier aux prises avec un nouvel ennemi et sur un nouveau théâtre d’opérations. Après l’espace froid et mortel qui a vu les Raptors aller au casse-pipe contre un Rok, nous sommes donc témoins d’une excursion atmosphérique dans les déserts de Mearopyis, ce qui illustre bien la versatilité des Maraudeurs impériaux. Sur la forme, la nouvelle de Thorpe se révèle être d’un niveau sensiblement égal à ses œuvres « spatiales » précédentes, c’est-à-dire très correct. Si on peut critiquer la prose de notre homme à bien des égards, il faut lui reconnaître une capacité à dépeindre un engagement aéronautique/spatial de manière convaincante et intéressante, beaucoup mieux que la plupart de ses collègues en tout cas. Sa maîtrise des unités (tant spatiales4 que temporelles5) et des facteurs propres à ce type de combat, comme la vitesse et la direction du vent, ou le niveau de carburant et des munitions embarqués rendent la lecture des péripéties aériennes de l’escadron Raptor plutôt prenante. Thorpe fait même du zèle en intégrant en début de récit une retransmission d’un affrontement spatial entre la flotte impériale et son homologue Noctal, que le supérieur de Jaeger se  repasse en boucle comme d’autres matent un top 10 NBA. Petit plaisir coupable, que nous lui pardonnons sans mal puisque le résultat est là aussi assez qualitatif.

L’intrigue et la construction de Raptor Down, en revanche, s’avèrent être moins satisfaisantes. La première est une variation sans originalité du scenario d’Acceptable Losses (un escadron de Maraudeurs chargé d’une mission où rien ne se passe comme prévu), ce qui n’est en soit pas un gros problème puisque la possibilité de Thorpe d’innover sur le sujet est passablement limitée (un Maraudeur, ça maraude, poingue). Ce qui est moins acceptable à mes yeux est la manière dont l’auteur fait passer Jaeger de Mr Baillezeubouque à Dr Folamour en l’espace de deux paragraphes, le chef d’escadre précautionneux se muant en tête brûlée sans qu’aucun élément préalablement établi par Thorpe sur le caractère de son personnage ne puisse laisser augurer ce changement radical de tempérament. Autre point plutôt mal géré par le Gav, le raid des Maraudeurs sur la colonne blindée, torché en même pas une page, et qui tient plus du tir au pigeon que de l’attaque en rase-motte. Le fait qu’on ne voit même pas à qui les impériaux sont confrontés, ce qui ne permet pas de comprendre pourquoi ils se font ainsi décimer par un adversaire totalement à leur merci sur le papier (à moins que les Raptors aient eu la malchance de tomber sur un convoi DCA Noctal), annihile toute tension narrative, les (bol)os des as se faisant canarder (un comble pour des raptors6) en l’espace de quelques secondes. Finalement, la conclusion même de la nouvelle ne m’est pas apparue comme particulièrement maîtrisée, les états d’âme douloureux de Jaeger alors qu’il se retrouve isolé avec ses hommes en territoire ennemi, ne suscitant qu’un distrait « so what ? » chez votre serviteur. À titre personnel, je pense que Thorpe a laissé ainsi la porte ouverte à un nouvel épisode (à ma connaissance jamais écrit), et que cette fin n’en était en fait pas vraiment une. Pas de chance, cela n’a débouché sur rien, et la dernière image que le lecteur emportera du commandant Jaeger sera celle du matelot du radeau de la Méduse fixant l’horizon d’un œil torve, le menton dans la main. Ce qui n’est pas commun, avouons-le.

1 : Il reconnaît lui-même qu’il n’est jamais heureux. Sauf quand il vole. Et encore, il stresse tellement que j’ai du mal à voir quel plaisir il tire de l’expérience. Pauvre bonhomme.

2 : On peut remercier le Techno-Adepte Ferrix, l’homme qui murmurait à l’oreille des (AGM-119) Pingouins.

3 : Pour un gars qui avait passé la nouvelle à ressasser son amour des plans qui se déroulent sans accrocs et la nécessité de se conformer aux règles établies, surtout quand elles touchent à la Santé & Sécurité, décider de se la jouer berzerk à la première colonne blindée, c’est assez surprenant.

4 : Quand on est un pilote de Maraudeur, 150 kilomètres, c’est proche.

5 : Quand on est un pilote de Maraudeur, 3 minutes, c’est long.

6 :Rapace’ en anglais. Rien à voir avec les dinosaures donc.

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Wings of Bone – J. Swallow :

40K_Wings of BoneINTRIGUE:

Technicien de surface au sein du 404ème (error : origin of the regiment not found), la recrue de 3ème classe Aves vit sa passion pour les avions de guerre par procuration en astiquant le manche (et les autres parties charnues) du Maraudeur Griffon, malgré les railleries, mauvais traitements et passages à tabac réguliers dont il est victime de la part de l’équipage de ce dernier. Assigné au support aérien de la Garde Impériale sur le théâtre de Rocene, planète en proie à une insurrection chaotique de grande ampleur, le Griffon mène des actions d’arrière-garde pour couvrir l’héroïque retraite stratégique actée par le haut commandement depuis quelques semaines. Sur l’aérodrome du Point Novembre1, Aves termine de faire briller les cadrans et cirer les sièges en cuir en chuchotant des mots tendres à la carlingue de son gros ami de fer lorsqu’il est témoin de l’arrivée furtive d’un chasseur ennemi, volant en rase mottes en direction de l’installation impériale avec la probable intention d’aller se kamikazer dans les hangars loyalistes. Réagissant avec promptitude et sang-froid, notre héros saisit les joysticks du poste de tir du Maraudeur, et cartonne l’impudent en plein ciel avant qu’il n’ait pu commettre l’irréparable. Malheureusement, si son intervention salutaire a certainement permis de sauver des vies (mouais…) et du matériel (mieux !), elle n’est que moyennement appréciée par la team Gryffondor, et en particulier par cette brute épaisse de Nilner, qui refait le portrait du héros, coupable d’avoir osé prendre sa place dans le cockpit pour accomplir sa BA. Comme quoi, il vaut mieux ne jamais prendre d’initiative.

Parti chercher un Ibuprofen à l’infirmerie sur sa pause-café, Aves revient à temps pour surprendre la discussion entre le Capitaine Vought et son bras droit, le Bombardier Sorda, seul à prendre la défense du larbin méritant, à la grande surprise de ce dernier. Marqué par des poings mais ayant tout de même marqué des points, Aves commence à nourrir des ambitions aériennes, que les aléas de la guerre ne vont pas tarder à favoriser. La suite de la nouvelle permet en effet de suivre une opération conjointe entre le Griffon et le Basilisk à l’encontre du QG mobile des renégats, une monstruosité sur chenilles au blindage tellement épais que les honnêtes bombes classiques larguées par les Maraudeurs (200 kilos d’explosifs par ogive, tout de même) ricochent avec un klong grotesque sur l’épiderme ferreux du béhémoth. Pour ne rien arranger, le commandant de ce dernier, sans doute grand fan du Commissaire Yarrick, a fait monter un mauvais œil d’une taille titanesque sur la coque de son Panzer, qui a tôt fait de rôtir le Basilisk2. La sortie tourne définitivement au vinaigre lorsqu’un trio quatuor de chasseurs ennemis prend chasse le Griffon sur le chemin du retour, perforant l’opérateur de tourelle au passage et amputant Nilner de sa jambe gauche d’une rafale bien placée. Bien que Vought parvienne à ramener son coucou au nid, ce dernier est en piteux état à son arrivée, et il revient à Aves d’emmener Nilner en toute hâte jusqu’à l’infirmerie avant que le gâchettier ne se vide de son sang. Dilemme éthique de la part de notre héros, qui a la possibilité de rendre la monnaie de sa pièce à son tortionnaire simplement en levant le pied de l’accélérateur et en regardant à droite, à gauche, puis à droite, puis à gauche, à chaque intersection. Que va-t-il décider ?

Ayant réussi son test de compassion désintéressée, Aves livre son colis aux urgences avant que sa date de péremption n’expire, ce qui lui attire l’incrédulité respectueuse de Sorda. Cette bonne action se retrouve récompensée lorsque, quelques jours plus tard, et le Griffon remis en état, Aves réussit à convaincre3 Vought de prendre les manettes des flingues du Maraudeur afin de permettre à ce dernier de finir le boulot en larguant un Little Boy sur le nez du Baneblade ennemi. Cette mission à hauts risques, la dernière que le Griffon mènera avant que la Garde passe la main aux Space Marines des Doom Eagles, permettra-t-elle à notre fanboy enthousiaste de prouver sa valeur et de mériter le fameux pin’s à ailes d’os sur lequel il bave depuis si longtemps ?

AVIS:

Soumission assez honnête de la part de James Swallow, Wings of Bone a la bonne idée de ne pas se passer exclusivement dans une carlingue de Maraudeur en mission, théâtre de drames assez répétitifs dans l’absolu. Bien que l’auteur remplisse son quota de scènes d’engagements aériens (exercice dans lequel, sans véritablement exceller4, il fait le job de façon correcte pour la BL), c’est ce qui se passe sur le tarmac qui fait le sel de cette nouvelle, les désirs de promotion et de gloire martiale d’Aves, héros larmoyant mais exemplaire (des caractéristiques rares à 40K), constituant une respiration bienvenue entre deux séquences d’action. Rien n’est bien original, ni très développé (Aves le vaillant petit tailleur souffre-douleur, Nilner la grosse brute, Sorda le vétéran protecteur, Vought le commandant hautain mais qui a un bon fond…), dans ce que raconte Swallow, mais son texte ne comporte pas non plus de défauts rédhibitoires. Une nouvelle véritablement et littéralement passable, donc.

1 : Si la campagne a commencé avec Janvier, ça donne une idée du terrain perdu par les troupes de Pépé depuis le début des combats.

2 : Ce qui est normal après tout, un coq vole moins bien et moins haut qu’un griffon.

3 : Vought : « Je suis désolé messieurs mais le haut commandement est formel. Nous ne serons autorisés à mener cette mission suicide consistant à larguer une bombe nucléaire sur le Baneblade ennemi que si l’équipage dispose d’un opérateur qualifié pour nos bolters lourds de coque. Avec la blessure de Nilner, ce n’est pas le cas, et nous allons donc malheureusement devoir nous contenter de faire le taxi brousse en attendant l’évacuation de la base. Ne me remerciez p- »

Aves : « Eh M’sieur ! Moi je peux remplacer Nilner M’sieur ! »

Vought : « Et qu’est-ce qui te fait penser que tu as l’étoffe d’un équipier du Griffon, moustique ? Je suis tombé sur tes fan-fictions aéroticonautiques, et j’ai connu des cultistes de Slaanesh qui avaient plus de décence. Il va en falloir plus que ça pour me convaincre de te laisser nous rejoindre ! »

Tous : « DUEL ! DUEL ! DUEL ! »

Aves : « Euh, c’est quoi cette histoire de duel là les gars ? J’avais préparé une lettre de motivation et j’ai amené une recommandation de la part de Riton de la cantine (si ça vous intéresse), mais je ne pensais pas qu’on en arriv- »

Vought : « Regarde-moi dans les yeux, petite fiotte ! Le premier qui cille a perdu ! »

Aves : « Ah. Ok. C’est dans mes cordes je pense. » – souffle dans le nez de Vought –

Vought : « Aaaaargh, il est fort l’animal ! C’est limite mais c’est réglo. Bien venu à bord, petit gars. »

4 : En témoigne la dernière mission du Griffon, qui verra la totalité de l’équipage à l’exception d’Aves, mourir ou être gravement blessé hors champ et en mode silence, ce qui n’aide pas à construire et maintenir une tension narrative digne de ce nom. Consacrer quelques page de plus au grand final de l’Hindenburg n’aurait pas été une mauvaise idée.

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***

Au final, que conclure de cette anthologie thématique obligeamment concoctée par la Black Library ? Comme toujours, il y a du bon et du moins bon à faire remonter, mais il me semble malheureusement que le négatif l’emporte sur le positif cette fois-ci.

Pour commencer par les aspects les plus intéressants d’On Wings of Blood, on commencera par souligner (à nouveau, et c’est un bon marqueur du peu de choses que je trouve à dire à décharge de ce recueil) que son rapport quantité/prix est plutôt intéressant. Ainsi, si j’avais voulu acquérir les quatre seules nouvelles qui m’ont vraiment intéressé à la lecture de cet opus, Medusan Wings, Acceptable Losses, Wraithflight et Ancient History, il m’en aurait coûté largement plus cher que l’achat de ce bundle1, et ce sans prendre en considération le fait que deux de ces quatre textes ne sont pas/plus disponibles à l’unité. Cela me permet de faire le lien avec une autre caractéristique positive d’On Wings of Blood, la republication de nouvelles datant de la fin du dernier millénaire (cela ne nous rajeunit pas), que l’amateur contemporain aurait eu du mal à dénicher sans cela, même si the internet provides, comme dit le proverbe. Passés ces deux constats, je n’ai pas grand-chose d’autre à ajouter au crédit de ce bouquin, qui s’avère être l’un des recueils les moins inspirés de la BL, à mon humble avis.

Le premier défaut manifeste dont souffre On Wings of Blood est malheureusement structurel. Le choix de la Black Library de se focaliser sur un thème aussi précis, et à franchement parler, pauvre, que les batailles aéronautiques du 41ème millénaire, conduit fort logiquement à lire des soumissions qui se ressemblent toutes, à quelques exceptions près. Là où des ouvrages comme Fear the Alien, Planetkill, ou Sabbat World permettaient à leurs contributeurs d’exploiter une multitude d’angles d’approche tout en inscrivant leur récit dans une trame commune, le cahier des charges très spécifique d’On Wings of Blood a bridé l’imagination des auteurs sollicités, les menant à répéter les mêmes schémas narratifs et péripéties, à leur insu certes, mais de façon rapidement lassante pour le lecteur. Si ce dernier s’avère être d’une humeur mutine, il pourrait même de façon réaliste envisager de se lancer dans un bingo « aéroplanes de guerre de 40K », et cocher des cases à chaque fois que le wingman du héros se fait descendre par surprise ou que ce dernier se retrouve écrasé par une force-G menaçant de le plonger dans l’inconscience. Outre cela, les protagonistes (et donc les appareils) mis en scène dans l’anthologie ne sont pas des plus variés, les Stormtalons et Stormravens Space Marines bénéficiant d’une couverture très fournie, suivis par les Maraudeurs de la Garde et Flotte Impériales, et dans une moindre mesure par les Dakkajets Orks2. Si les Eldars ont une paire de nouvelles à se mettre sous la dent, le Chaos, les Tyranides et les Necrons ne font qu’un discret cameo, ce qui est déjà mieux que les T’au, grands absents de cette anthologie inégale. C’est d’autant plus dommage que le Bien Suprême avait de sérieux arguments à faire valoir en la matière, et aurait amplement mérité de croiser le fer avec les autres factions du lointain futur pour la maîtrise des cieux et des pages d’On Wings of Blood.

Deuxième problème constaté et déploré par votre serviteur, la faible qualité intrinsèque qui caractérise la plupart des travaux inclus dans ce recueil. S’il est assez évident que la majorité de ces derniers sont des bouts de fluff romancés commandités par la Black Library pour accompagner la sortie de kits plastiques, le caractère basique et insipide de ces travaux de commande n’aurait en revanche pas dû aller de soi (call me a dreamer). Un auteur inspiré aurait pu sublimer les spécifications imposées par son éditeur3 pour obtenir un résultat potable, voire prenant. Certains ont d’ailleurs réussi ces figures imposées (Westbrook, Haley, Thorpe), livrant des textes à même d’embarquer le lecteur quel que soit son niveau d’amour « natif » pour les avions qui tirent/canons qui volent, soit en développant les aspects techniques (et donc intéressants, c’est le nerd qui écrit) de ce type de bataille, soit en développant largement d’autres aspects (souvent d’un intérêt fluffique un peu plus évident pour le fan de 40K) de leur récit n’ayant rien à voir avec la guerre aéronautique. Pour le reste, préparez-vous à de la publicité romancée détaillant l’infinie coolitude du dernier aéroplane mis sur le marché par la maison mère, du même niveau que les dessins animés américains des années 80 qui n’étaient qu’un prétexte pour faire vendre du jouet. Certes, si on y réfléchit, c’est à ça que sert la Black Library. Mais un peu de talent littéraire aurait aidé à faire passer la pilule.

L’ajout d’un extrait du Double Eagle de Dan Abnett, réédité lui aussi en guise d’accompagnement du nouveau jeu de GW, vient à ce titre apporter un salutaire, mais cruel, contrepoint aux Blackburn Botha de papier qui constituent le gros de l’escadron d’On Wings of Blood. En l’espace de quelques pages, l’auteur parvient à donner de la profondeur et de l’intérêt au casting, déjà bien étoffé, de son roman, et à intéresser le lecteur à la nature du conflit opposant l’Imperium au Chaos sur le monde d’Enothis (ce que ses petits camarades de jeu ne prennent souvent pas la peine de faire). Nous avons également droit à un accrochage entre une patrouille de Cadets de la Flotte Impériale et le sinistre  Khrel Kas Obarkon, l’as des as des forces chaotiques, qui, parce qu’il s’attarde sur le ressenti des deux pilotes qu’il oppose, s’avère plus prenant que l’intégralité des dogfights du reste de l’anthologie. Bref, si vous voulez vous hyper sur la guerre aéronautique, prenez plutôt un billet sur l’Air Abnett plutôt que de passer par l’OWOB (vous allez trouver).

Vous l’aurez compris, je ne recommande pas vraiment cet opus, à part aux passionnés du sous-sous-sous-sous-genre qu’il couvre, et aux amateurs de vieilleries cherchant à enrichir leur collection et leurs connaissances à peu de frais. Il y a de meilleurs recueils de nouvelles 40K sur le marché à des prix similaires, et vous serez bien mieux servis avec ces derniers si vous ne cherchez « qu’à » vous détendre en lisant l’incomparable prose de la BL.

1 : Pour les amateurs de maths et d’exactitude, nous arrivons à un total cumulé de 17,48€.

2 : Ceci dit, l’utilisation des peaux vertes uniquement en tant qu’antagonistes m’a surpris. La boîte de base d’Aeronautica Imperialis mettant aux prises la Flotte Impériale aux Orks, il aurait été logique qu’au moins quelques unes des nouvelles soient narrées depuis le point de vue, sans doute très particulier, d’un pilote de Dakkajet. Et puisque l’escadron Raptor a été convoqué, il aurait été de bon temps d’inviter également le Def Skwadron.

3 : « Coco, j’ai besoin de 20 pages promotionnelles sur le Stormwolf qui vient de sortir. Et n’oublie pas de parler des canons Hellfrost qui sont trop cool ! »

Hypothèse

Nouvelle écrite pour un concours sur le Warhammer Forum. Je n’avais pas encore compris à l’époque qu’il ne fallait pas écrire un texte en rapport avec Warhammer… Je suis assez content du résultat et de la dynamique narrative. Version PDF: HYPOTHÈSE

Taar’Me’Ghydan contemplait sa création convulser sur le sol herbeux de la clairière. Le long des flancs, encore empoissés par le liquide de la cuve de croissance, les ventricules pulmonaires s’ouvraient et se refermaient avec l’énergie du désespoir, un ridicule petit bruit de succion accompagnant chacune des tentatives désespérées du sujet d »aspirer un peu d’air. Les six pattes terminées par des petites griffes noires et luisantes ruaient en tous sens en direction du ciel rouge de la planète, les spasmes de la bête l’ayant amenée à se retrouver sur le dos, mauvais pas dont elle n’arriverait sans doute pas à se tirer avant d’avoir épuisé ses dernières forces.

Mentalement, Taar’Me’Ghydan nota qu’il lui faudrait accentuer le saillant de la carapace, afin de permettre aux prochains sujets de se remettre plus facilement d’aplomb. Peut-être gagnerait-il également à allonger la taille de la queue, qui pour l’heure fouettait l’air avec une énergie admirable, consommant une quantité folle d’énergie sans aider d’aucune façon son propriétaire à retrouver son aplomb.

Perdu dans ses pensées, le créateur assista distraitement aux derniers soubresauts de l’être qu’il avait conçu, jusqu’à ce que la forme noire de ce dernier se recroqueville sur elle-même et se fige enfin dans la mort. Celui-ci avait résisté plus de deux cents battements de cœur, une amélioration nette, stupéfiante même, d’un point de vue scientifique. Aucune autre souche n’avait, à sa connaissance, dépassé les cinquante battements à ce stade d’expérimentation.

L‘atmosphère de Tre’Gdara’N, soigneusement reconfigurée pour attaquer les tissus vivants de tous les organismes ne portant pas le bon marqueur génétique, avait pourtant scellé le sort de dizaines de milliers de cobayes au cours des siècles. Toutes les nouvelles espèces qui peuplaient à l’heure actuelle la galaxie avaient payé un lourd tribut à cette planète, des dizaines de leurs ancêtres ayant été impitoyablement sacrifiés par les géniurges slanns dans leur recherche des meilleures souches possibles. Sous les cieux cramoisis de Tre’Gdara’N, des centaines de civilisations potentielles s’étaient étiolées en l’espace de quelques instants, leurs premiers, et derniers, représentants incapables de satisfaire aux exigences de leurs créateurs. Ici, le droit de bâtir des empires millénaires s’étendant sur des myriades de systèmes était accordé, le plus souvent à la seconde près. Il était de notoriété commune que les orgueilleux eldars, si certains de leur supériorité sur les autres races de la galaxie, avaient réussi ce test d’extrême justesse, et de nombreux géniurges, dont Taar’Me’Ghydan, étaient convaincus que Goan’Jivl avait modifié après coup les résultats pour que ses frêles protégés soient homologués par le Haut Conseil.

Vraiment, deux cent battements, c’était tout à fait remarquable. Bien sûr, cette souche n’avait qu’un intérêt récréatif, comme toutes les autres expérimentations volontairement hyper-spécialisées, et jamais les descendants du spécimen qui venait d’expirer aux pieds de Taar’Me’Ghydan n’auraient la chance de fouler un autre sol que celui de Tre’Gdara’N. En un sens, c’était plutôt heureux pour les autres races de l’univers, car qui savait ce qu’une espèce capable de survivre aussi longtemps à l’atmosphère létale de la planète laboratoire était capable d’accomplir dans des conditions plus favorables? Mais peu importait au slann Taar’Me’Ghydan. Sa création avait toutes les chances de remporter le concours de survie de ce soir, et par conséquent, d’asseoir une fois pour toute sa réputation de meilleur géniurge en activité. Il serait toujours temps après cela de se replonger dans des recherches plus sérieuses.

La note psychique de l’Ebral’An vint tirer Taar’Me’Ghydan. Il ne restait plus beaucoup de temps avant l’expiration du délai, mais il était persuadé de pouvoir encore améliorer sa création avant le début du concours. Quittant la clairière sans un regard pour son dernier spécimen, il se dirigea d’un pas rapide vers son laboratoire.

***

Sous les cieux rouges de Tre’Gdara’N, trois paires de pattes noires se déplièrent à l’unisson et se mirent à se balancer de droite à gauche, donnant assez d’élan à leur propriétaire pour qu’il puisse se remettre d’aplomb. L’élimination de la toxine présente dans l’air, et qui avait failli le tuer, l’avait laissé très faible, mais en vie. Et maintenant, il avait faim.

 

 

Perdita!

Business as usual dans les ténèbres d’un futur très lointain. Version PDF: PERDITA!

« –Haaa! J’ai mal!
-Back! Où es-tu mon vieux! Elles arrivent!
-Je suis là Wing! Aaah, j’ai une putain de caillasse qui me bloque la jambe! Ca brûle mon dieu, ça pisse le sang!
-T’affole pas Back! Tiens le coup et essaie de la boucler, il ne faut pas qu’elles t’entendent… J’arrive!
-Wing, je ne sens plus ma jambe… Wing? Qu’est-ce que c’est que… Oh non! Elles m’ont vu! Elles arrivent! Elles arrivent! Non, par l’Empereur non, je ne veux pas! Allez vous en, allez vous en, démons! Wing! WING!
-Back! Accroche toi mon vieux! J’arrive!
-WING! Lâchez-m… WING! A L’AIDE! ELLES SONT SUR MOI! WIN…AAAH! »

***

« – Mon commandant? Est-ce que ça va mon commandant? »

Une main toucha son épaule. Aussitôt, Wing s’éveilla. Agrippant le membre, il dégaina son pistolet-radian et le braqua droit vers la tête de la créature.

« – Mon commandant, reprit la voix d’un ton angoissé, c’est Navut. Lâchez ma main mon commandant. »

Wing écarquilla ses yeux bordés de cernes d’un noir de suie. La créature grimaçante s’estompa, laissant apparaître la mine fatiguée du garde impérial. Le ciel rouge cessa de tournoyer autour de sa tête, et se mua en toile de tente kaki; tandis que les voix sifflantes s’éloignaient dans le lointain, regagnant les sombres rêves de l’officier. Mais elles reviendraient, elles revenaient toujours. Wing s’apaisa peu à peu. Il avait dormi, et il ne fallait pas. Chaque fois que le sommeil le prenait, il les revoyait s’amuser avec ce pauvre Back, et les cris d’agonies de ce dernier résonner, toujours plus terribles. Non, il ne fallait pas dormir.
Wing desserra son étreinte et laissa retomba son bras douloureux. Le pistolet retrouva son étui de cuir, la main du commandant étreignit son front bouillant tandis qu’il s’asseyait sur sa couchette. Navut lui jeta un regard rempli d’une immense lassitude. Ce n’était pas la première fois que son supérieur s’éveillait avec des pulsions de meurtre, et il s’était dévoué pour le veiller et le ramener à la raison à chaque réveil. À chaque fois, c’était de plus en plus difficile, de plus en plus dangereux. Un jour viendrait, tout proche, où les mots seraient inutiles. À cette fin, Navut avait glissé un couteau dans sa ceinture, juste au cas où.

Wing avait encore fait ce rêve. Ce cauchemar qui le tourmentait depuis une semaine chaque nuit. À présent, les hallucinations mettaient plus de temps à se dissiper, voilà tout. C’était la raison pour laquelle il avait confondu Navut avec… Un déchirement lui traversa le crâne, comme une étoffe qui craque un peu plus quand on s’accroche à elle. Son esprit pareillement était de plus en plus empli des horreurs de ses nuits, et bientôt, elles viendraient danser dans sa tête. Elles.

Il ne se souvenait que de leurs yeux noirs, profonds et d’une innocence tellement cruelle, tellement inhumaine… Elles n’étaient pas humaines, elles étaient bien au delà et par trop en dessous. Elles étaient différentes. Leurs rires résonnèrent sourdement à ses oreilles, lui vrillant le cerveau. Fort, il se devait d’être fort. Pour lui, pour ses hommes.

Il se leva, endossa son treillis et enfila ses bottes. Navut rabattit le pan de toile qui barrait l’entrée, et la lumière vint frapper les yeux de Wing. Elle était plus crue, plus épuisante, depuis que les combats avaient commencé. Quand elles étaient arrivées. Wing fit quelques pas, soulevant une acre poussière brûlante qui s’insinua dans ses vêtements. Même les éléments étaient hostiles à présent.
Le camp impérial s’étendait à ses pieds, immense et morne. Il ne fallait pas s’y tromper, la majorité des tentes recouvertes de sable brun étaient vides depuis belle lurette. Les combats avaient dévoré les effectifs de la Garde, de sorte qu’aujourd’hui, il ne restait plus qu’une poignée de combattants hagards, et les fantômes innombrables.

Wing n’aurait jamais cru qu’il tomberait aussi bas. Quand il avait été envoyé ici avec son régiment, il était vif, joyeux, emporté. Un homme. À présent, c’était une ombre.
Navut à sa suite, il descendit le chemin, le sable crissant sur leurs bottes. Chemin faisant, ils passèrent devant les fosses. Autrefois, ils se seraient placés la main devant le visage et éloignés le plus vite possible. À présent, l’odeur du charnier ne les gênaient plus, ils ne la sentaient qu’à peine.
C’est dans ces fosses que reposait la majorité du régiment, dont Back. Back…

Quand elles en eurent fini avec lui, et que Wing, trouvé assez de haine et de courage pour sortir de son abri, Back avait depuis longtemps cessé de crier. Il ne l’avait même pas reconnu. Néanmoins, il l’avait porté sur son dos jusqu’au campement, l’esprit mortellement blessé, le sang imbibant lentement sa chemise et la planquant sur sa peau moite. Back avait été jeté dans une fosse. Pas le temps de pleurer, ils étaient revenus juste après son retour, peut-être même qu’ils l’avaient suivi, et elles les accompagnaient, évidemment. Il avait fallu se battre, les repousser pour un jour, pour une heure. Quand Wing était revenu après la bataille, il ne ressentait plus de tristesse. Plus de larmes, plus d’émotions. Juste la fatigue, écrasante. Mais Wing ne pouvait plus trouver la paix, même dans son sommeil.

Enfin, les deux hommes arrivèrent au centre du camp, où les attendaient déjà les autres rescapés. Les hommes aux yeux absents n’avaient plus usage de discipline ou d’ordre en dehors des combats. Ils étaient tous liés par les visions infernales qu’elles leur avaient insufflé, tous frères de nuits blanches.
Ce matin, Wing avait reçu un message du Haut Commandement. Des renforts Space Marines allaient être acheminé par Thunderhawks à midi précise. Pourquoi à cette heure? La lumière était si hostile à ce moment du jour…

***

Dans un sifflement, la navette traversa l’atmosphère pourpre du monde, et se posa au centre de l’assemblée, soulevant un nuage de sable qui fouetta visages et membres. La porte s’abattit avec fracas, et sortit de l’appareil une grande troupe de colosses aux armures argentées, dont l’éclat brûla les yeux du Commandant qui du les fermer un instant. Elles arrivèrent alors devant lui, riantes…
Wing rouvrit précipitament les paupières, et vit s’approcher un homme en habits ample et blancs. Le nouveau venu s’appuyait sur une canne immaculée au pommeau d’ivoire, et un masque mate lui recouvrait le visage.
« -Inquisiteur Sylimath, dit ce dernier en parvenant devant Wing, mandaté par l’Ordo Malleus pour vous assister au combat. Ces Chevaliers sont à mes ordres.
-Colonel Alacyne Wing, répondit le commandant, chef des forces au sol: le 22e léger d’Arabalek
-Je vous connais Wing, murmura chaleureusement Sylimath, je suis avec la plus grande attention l’évolution de vos batailles sur ce monde. Vous et vos hommes vous êtes montrés dignes de l’Empereur.
-Merci, fit simplement Wing, ces derniers temps, j’ai souvent imploré l’Empereur de me soulager.
-La foi en l’Empereur est le bouclier du vertueux, l’encouragea à continuer l’Inquisiteur, son masque reflétant insoutenablement la lumière blessante du soleil presque à son zénith. À quel mal Lui demandiez vous de remédier?
-Je le priais, dit Wing, soulagé de pouvoir en parler avec quelqu’un qui ne semblait pas les avoir vues, et le prie encore de chasser de mon esprit les terribles rêves où elles m’apparaissent.
Elles? le pressa Sylimath en resserrant sa main gantée sur le pommeau irisé. De qui parles-tu, fils de l’Empereur?
-De…de ces créatures, bégaya péniblement Wing, en les sentant approcher de son esprit, blanches comme des cadavres, belles comme des déesses, cruelles comme… Et leurs rires! Et leurs yeux, par l’Empereur, leurs yeux!« 

Wing tomba à genoux dans la poussière, des larmes roulant sur ses joues sèches. Il se sentait plus libre à présent. Il en avait parlé, et elles n’étaient pas venues. Il pouvait pleurer de tout son soul ses compagnons perdus. Il ne s’en priva pas.
Soudain, il entendit la voix de l’Inquisiteur s’élever, froide et dure comme la mort. « Perdita! » Wing ne comprit pas. Il n’était plus perdu, il venait de se retrouver et…
Il baissa les yeux vers son torse. De larges blessures saignaient abondamment, et son sang s’écoulait rapidement de ses plaies, venant gorger le sable le sable assoiffé. Autour de lui, les autre gardes s’effondraient lentement en râlant. Il vit Navut rouler au sol et se recroqueviller, puis ne plus bouger, à part un ou deux spasmes. L’Inquisiteur se tenait toujours devant Wing. Il ne put le regarder, le soleil faisant trop briller son masque rutilant. La crosse du bâton traversa l’air sec en sifflant et vint s’abattre sur son crâne.

Wing bascula dans le sable, le regard brouillé par un voile rouge. La dernière qu’il vit fut leurs visages moqueurs danser sur les dunes mouvantes…

Rhana Dandra

Petite digression sur la fin des temps… ou presque. Version PDF:RHANA DANDRA

Des coups sourds ébranlaient la massive porte dorée, faisant à chaque impact s’envoler un peu de poussière qui retombait en fines volutes tourbillonantes du jour nouveau. Devant les panneaux gravés des explotes des héros se tenait une ligne d’hommes en armures rutilantes. Les derniers Custodiens. À leur tête, des colosses émanant d’une antique et terrible majesté. Les Primarques tombés il y a bien longtemps s’étaient relevés pour défendre l’Humanité une ultime fois, regroupés pour soutenir le dernier assaut. Il y avait Rogal Dorn, dans sa livrée originelle des Imperial Fist, Lion El’Johnson, éveillé de son long sommeil de Caliban, où il avait pardonné à Luther, avant que ce dernier ne meure, et Leman Russ, dont les crocs effilés luisaient dans la lumière tamisée. Derrière cette assemblée des plus noble et plus extraordinaire réunie depuis dix mille ans, une vaste structure sphérique bourdonnait sourdement, battant tel un cœur qui se repose. Le cœur de l’Empereur.

C’était la fin, tous ici le savait. Au dehors, les Légions Renégates avaient écrasé toute résistance de la Garde encore loyale et des derniers Chapitres Space Marines. La résistance des défenseurs avait fait plus d’une fois reculé les assaillants, mais à chaque fois ils étaient revenus, plus nombreux et plus féroces. L’assaut qui était à présent mené avait à sa tête les Primarque Déchus atrocement pervertis, Abbadon le Fléau, dont la seule vision pouvait tuer disait on, et, pire que tout, les Quatre Dieux du Chaos, aiguillonnant leurs princes démons vers leur dernier et plus grand Ennemi.
Un nouveau coup de boutoir vint endommager la porte, et des rires inhumains et terribles frappèrent les oreilles des défenseurs.

Dorn se tourna alors vers un groupe d’hommes et de femmes aux visages d’une froide austérité. Senseis, ils étaient nés de l’Empereur-Dieu, et à présent, ils allaient rejoindre leur père. Dorn leur avait soumis hier le plan qui seul avait une chance de préserver l’humanité, anxieux à l’idée qu’ils s’y dérobent. À sa plus grande joie, il avait vu la lueur de l’espoir s’enflammer dans les prunelles des fils et filles de l’Empereur. Ils avaient immédiatement accepté, et toute peur et tout doute avait quitté le Primarque. Ce dernier fit un signe, et les Senseis enfilèrent des sortes de casques reliés par des câbles au Trône d’Or, avant de tirer un poignard d’obsidienne. Ils étaient prêts.
Le vieux guerrier se retourna vers ses frères Space Marines et sourit. Lion et Leman, oubliant leurs dissensions passées, se tenaient côte à côte au devant de la Garde de l’Empereur, dont Dorn avait été le commandant depuis tant d’années. Il saisit son marteau, récupéré après la mort de Lysander qui était tombé au cours du combat où il avait vaincu Ahriman et Magnus; et rejoignit ses deux frères. Les trois guerriers se saluèrent en pensée pour la dernière fois, puis se tinrent prêts à tomber en champions.

Dans un abominable fracas, la porte céda, et l’Ultime bataille commença. Les Senseisd’un même mouvement s’enfoncèrent leurs lames noires au plus profond du coeur et s’effondrèrent, un intense sentiment de paix se lisant sur leurs visages alors qu’ils se mêlaient au puissant esprit de l’Empereur. La sphère dorée se mit alors à luire, faiblement d’abord, puis de plus en plus intensément.
Dans la salle consacrée, les Custodiens tombaient un à un sous les griffes des démons, mais Rogal Dorn se tenait tel un roc, massacrant tous ceux qui tentaient de s’approcher du Trône de son père. De leur côté, Lion et Leman se battaient comme des dieux, chacun de leurs coups banissant un adversaire. Mais la haine du Chaos était inextinguible, et ses suivants étaient pléthores. Écartant ses servants, la terrible silhouette d’Abbadon vint se camper devant le Primarque. Dorn serra dans son poing son arme, et le lança dans un hurlement vers le reflet démoniaque de sa propre grandeur. Le Fléau para en riant et tendit son épée hurlante vers son ennemi. Dorn sentit une terrible souffrance le traverser, et il tomba à genoux. Un sourire cruel sourit sur le faciès de l’Archi-Hérétique lorsque sa lame plongea dans la poitrine du Primarque. Dorn glissa au sol, et son dernier regard fut pour El’Jonhson et Russ, déjà étendus sur le sol maculé d’ichor. Les ténèbres de l’oubli furent soudain supplantés par une douce et claire lumière. L’Empereur rappelait à lui son fils et ce dernier le rejoignit dans la joie.

Abbadon bondit alors sur le Trône d’Or, chaque coup de son épée corrodant l’adamantium pur. Ignorant la clarté de plus en forte et blanche, il parvint enfin jusqu’à l’Empereur. Forme desséchée et sans âge, mais rayonnant intensément de l’or le plus brillant, Il semblait être assoupi. Dans un cri de rage autant que de triomphe, Abbadon lui trancha la tête.

Tout se déroba soudain, tandis que l’âme du Dieu et de ses enfants rejoignait l’Empyrean, réduisant Terra en cendres incandescentes. Dans l’instant, les Eldars passèrent à l’attaque, se téléportant près du sombre champion.

C’était Ragnarok, Armaggedon, Rhana Dantra. C’était la fin des Temps.

***

L‘homme contemplait, abasourdi, la gigantesque tache de lumière qui venait d’apparaître au firmament étoilé de cette douce nuit d’été. Quelle force pouvait bien provoquer un tel bouleversement au cœur des astres, se demanda t-il, mais les cris d’un enfant, son enfant, le tirèrent de ses profondes interrogations.

Se ruant vers sa cabane, il se précipita vers sa femme en sueurs et sa sœur, qui tenait contre son sein le bébé à peine arrivé sur ce monde. Souriante, elle le lui donna. C’était un garçon magnifique, mais qui avait encore les yeux clos. Il ne vagissait pas comme les autres nourrissons, comme ses frères et sœurs avant lui, mais respirait calmement. On aurait dit qu’il semblait récupérer d’une longue course l’ayant épuisé. L’homme en fut impressionné. Son fils dans les bras, il sortit de sa hutte présenter l’enfant au soleil, comme le voulait la tradition. L’élevant au dessus de sa tête, il attendit que l’astre apparaisse derrière l’horizon. Quand la boule de feu embrasa le ciel, l’enfant ouvrit les yeux. Son regard si jeune et pourtant si vieux, unique mais peuplé par des millions d’êtres se promena sur les collines et les plaines qui s’étendaient devant lui. Il était l’Enfant Étoile, et son histoire se poursuivait.