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ON WINGS OF BLOOD [40K]

Bonjour et bienvenue dans cette chronique du recueil de nouvelles On Wings of Blood, consacré à l’exploration et à la description d’une facette des guerres cauchemardesques du lointain futur que Games Workshop a particulièrement développé ces dernières années : le combat aérien. Si la date de publication de cet opus a été pensée pour accompagner la sortie d’Aronautica Imperialis, le nouveau stand alone de la maison permettant aux joueurs de s’initier aux joies de la chasse atmosphérique, l’introduction de véhicules aéroportés dans les règles de Warhammer 40.000 a également permis à ces derniers de gagner en visibilité auprès de la communauté, alors que les précédentes décennies les avaient vu plutôt relégués à l’arrière-plan du Hobby1, et cantonnés à de brèves mentions dans les textes de background et quelques modèles résineux et ruineux sortis par Forge World de temps à autres (remember le tout premier Thunderhawk ? ). Aujourd’hui incontournables, ou en tout cas bien établis, sur les tables de jeu, il n’était pas illogique que la BL participe à l’effort de guerre propagande en faveur de ces machines volantes, nous laissant avec ce pesant opus (400 pages tout de même) que nous allons tenter de désosser avec rigueur, méthode et bonne humeur.

Sommaire On Wings of Blood (40K)

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Pour être honnête, de tous les recueils de nouvelles publiés par la BL au cours des derniers mois, ce On Wings of Blood était celui qui m’intéressait le moins. Le thème choisi faisait en effet planer (haha) le risque d’une succession insipide de dogfights entre les différentes factions de 40K, niche ultra pointue nécessitant un certain talent littéraire, et même un talent littéraire certain pour se révéler intéressante pour le lecteur après les premières itérations. Pour sa défense, cet opus présentait le triple avantage d’un rapport qualité prix vraiment intéressant2, d’un casting varié incluant quelques auteurs faisant leurs premiers pas pour la Black Library (E. J. Davies, Nicholas Alexander3, J. C. Stearns, Cavan Scott), et de la republication de certaines nouvelles accusant une bonne quinzaine, voire vingtaine, d’années au compteur (Acceptable Losses, Raptor Down, Ancient History et Wings of Bone), menant à un intéressant panaché de soumissions classiques et modernes. Voilà pour la check-list de contrôle. Les moteurs étant chaud et le tarmac libre, il est plus que temps que prendre notre envol et de nous attaquer à cet OLNI. Tally-ho !

1 : Par souci d’exhaustivité, on signalera que la sortie de Battlefleet Galactica en 1999 avait indirectement permis une mise en avant des Maraudeurs impériaux, capables de vols spatiaux. Les deux nouvelles de Gav Thorpe datent directement de cette époque héroïque.

2 : La simple inclusion de la novella ‘Medusan Wings’ de Matt Westbrook, vendue 13,99€ sur le site de la Black Library, rend l’achat de cette anthologie (11,99€ en format e-book) rentable.

3 : En fait, non. Notre homme a écrit The Trophy avant ça, mais comme la BL a le privilège d’avoir une barre de recherche très particulière, cette nouvelle n’apparaît pas lorsqu’on cherche ‘Nicholas Alexander’ sur le site. Well done guys.

On Wings of Blood

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Medusan Wings – M. Westbrook :

INTRIGUE:

Revenu sur Medusa après avoir complété sa formation de Techmarine (trente ans d’études, tout de même1), l’Iron Hands Atraxii a à peine le temps de reprendre contact avec ses anciens camarades que l’arrivée d’un vaisseau du Mechanicus en orbite de la planète de la Gorgone entraîne le revenant dans sa première campagne en tant que Frater Astrotechnicus. L’Adepte Wyn du monde forge Halitus IV sollicite en effet l’aide de ses anciens alliés contre les déprédations d’une Waaagh ! Ork, ayant jeté son verdâtre dévolu sur la planète de l’Omnimessie. Bien que le gentleironmen’s agreement établi entre les Clans de Medusa oblige le clan Kaargul à assurer une permanence planétaire pendant encore quelque mois2 avant que la relève n’arrive, et que le Capitaine Rumann ait déjà promis le soutien de ses hommes à la Garde Impériale dans le Voile de Yandi, la requête du Mechanicus ne peut être ignorée, et Rumann permet donc à l’Iron Father Oblexus, le mentor d’Atraxii, d’emmener une petite force d’Astartes régler le problème d’infestation d’Halitus IV en attendant la quille.

Une fois arrivés sur place, et convenablement briefés grâce à une présentation PowerPoint en réalité augmentée qui n’aurait pas déplu à Morpheus dans Matrix, les Iron Hands commencent les choses sérieuses, et se déploient dans la capitale assiégée par Drop Pod et Stormraven, permettant à Atraxii de commencer sa noble carrière de chauffeur Kaptein au service de ses frères. Trois décennies de bachotage pour ça, l’inflation des diplômes est vraiment hors de contrôle en ce 41ème millénaire. Joignant leurs forces avec les défenseurs impériaux, un régiment recomposé et customisé de Vostroyens mené par le Colonel Dialina Dionaki, les Space Marines se mettent à pied d’œuvre avec leur efficacité caractéristique, lorsque le désastre les frappe brutalement. L’as des as Oblexus, pilote de chasse extraordinaire et maître du légendaire Stormtalon Stormhawk, s’est fait descendre comme un bleu par un random Dakkajet. Bien que l’Iron Father comme sa monture puissent encore être retapés, ce coup du sort force le reste de la force Iron Hands à mener une opération de dépannage en terrain hostile, qui n’est pas sans prélever la vie et la carte mère de quelques-uns de ces impavides guerriers.

La suite de la nouvelle verra Atraxii progresser dans la hiérarchie de l’Aile de Medusa à laquelle il a été rattaché, puisqu’Oblexus lui passera les clés de Stormhawk, se jugeant indigne de reprendre le volant (?) du mythique appareil après l’avoir crashé contre le mobilier urbain d’Halitus IV. La promotion n’est cependant pas facile pour notre Techmarine, qui découvrira avec stupeur que l’Esprit de la Machine du Stormraven n’est autre que Taz, soit une intelligence rudimentaire, belliqueuse et indisciplinée, à qui il devra imposer sa marque pour ne serait-ce que voler droit (ce qui est attendu de la part d’un pilote d’escadrille). Alors que les Orks se massent pour l’ultime offensive, que les valeureux efforts de la team augmétiques n’ont fait que retarder, il faudra également aux Iron Hands percer le mystère tapi au cœur d’Halitus IV, expliquant le manque total de coopération et d’assistance apporté par les Skitarii de l’Adepte Wyn à l’effort de guerre. Comme toutes les sidequests, cette mission d’assistance périphérique se verra toutefois récompensée par une relique des plus sympathiques, ici rien de moins que la braguette de guerre de Ferrus Manus, où la légendaire Carapace de Medusa, armure portée par le Primarque au moment de son tragique décès3. On peut donc dire que le jeu en valait la bougie (d’allumage, bien sûr).

AVIS:

Novella intéressante, principalement du fait de sa haute teneur en fluff Iron Hands, ce Medusan Wings permet à Matt Westbrook de réussir ses débuts dans le 41ème millénaire. Au-delà des nombreux éléments de background apportés par l’auteur aux farouches et impavides fils de Medusa, ce récit présente l’intérêt de décrire de manière plausible et efficace une campagne « limitée » menée par l’Adeptus Astartes, ce qui, à l’époque du déploiement de demi-Compagnies et autres forces de frappe Gladius, fait tout à fait sens. Largués sur une zone de guerre mettant aux prises des dizaines de milliers d’Orks (au bas mot) et de Gardes Impériaux, Oblexus, Atraxii et (quart de) Cie sont trop peu nombreux pour engager l’ennemi de manière conventionnelle, et doivent donc s’en remettre à des tactiques de frappes éclair et redéploiements rapides dans lesquelles ils excellent, mais qui ne sont pas sans danger pour autant. La campagne d’Halitus IV permet donc de remettre le Space Marines (pas forcément Primaris d’ailleurs) sur son piédestal de super soldat du lointain futur, ce qui est toujours utile au vu de la tendance à l’hyperbole des auteurs de la Black Library.

Si on veut aller plus loin dans l’analyse en matière de combats aériens, qui constituent la raison principale de l’inclusion de cette nouvelle dans le recueil On Wings of Blood, on peut reconnaître à Westbrook une capacité certaine à mettre en scène ces affrontements brutaux, létaux et ultra-rapides, les difficultés de cohabitation entre Atraxii et Stormhawk dans la deuxième moitié de l’histoire ajoutant un peu de sel à des séquences qui auraient sans cela été assez répétitives. Je regrette simplement que l’auteur n’ait pas choisi de creuser davantage la personnalité de l’as Ork prenant un malin plaisir à mettre du plomb dans l’Aile de Medusa, ce qui aurait permis d’ajouter un peu de tension narrative aux combats livrés par les Iron Hands à l’incommensurable armada Xenos. Bref, un bon début pour qui lit On Wings of Blood, et un solide stand alone pour les autres. Pouce de fer vert (de gris, du coup).

1 : C’est peut-être dû aux troubles de l’attention dont souffre manifestement notre héros, qui a du mal à rester concentré sur de longues périodes de temps, et ressent toujours des émotions telles que la fierté ou la joie. Honteux.

2 : Ce qui consiste principalement à tenir le guichet d’un musée de Ferrus Manus (qui abrite notamment le crâne du Primarque) et à envoyer un représentant siéger au Conseil de Fer, où il tient compagnie au trio de Techno-Prêtres placardisés par leur hiérarchie, qui représentent l’Omnimessie auprès des descendants de la Xème Légion depuis la création de l’institution. Bref, c’est pépouze.

: Je ne dis pas que Ferrus Manus ne portait qu’une braguette d’adamantium au moment de son duel avec Fulgrim, je fais simplement remarquer qu’une armure qui ne protège pas son porteur de la décapitation a sans doute quelques problèmes de design…2 : Appelons ça le syndrome de l’Etoile de la Mort.

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Acceptable Losses – G. Thorpe :

40K_Acceptable LossesINTRIGUE:

Nommé à la tête du tristement célèbre escadron de Maraudeurs Raptor, le commandant Jaeger a l’occasion de prouver la valeur de ses hommes au cours d’une mission aussi vitale que périlleuse : la destruction des réacteurs d’un Space Hulk grouillant d’orks. Livrés à eux-mêmes dans l’immensité hostile de l’espace, les Raptors se rendront rapidement compte qu’il n’y a pas d’ennemi plus mortel que l’ami dans lequel on a placé (à tort) sa confiance.

AVIS:

Après les Nains et les Hauts Elfes, Battlefleet Gothic est l’une des lubies du bon Gav Thorpe, qui ne manque jamais une occasion de mettre en scène une petite bataille spatiale dans ses écrits futuristes. Sachant qu’Into the Maelstrom (et donc Acceptable Losses, par la même occasion) a été publié en 1999, soit l’année de sortie du livre de règles BFG, il était inévitable que cette nouvelle fasse la part belle à des héros maîtrisant l’art subtil de la guerre dans l’espace.

Cette nouvelle conséquente (33 pages, ce qui en fait la plus longue du recueil) se divise ainsi en deux parties distinctes. La première (un tiers) voit Jaeger et ses hommes faire connaissance, les premières impressions mitigées faisant rapidement place à une véritable camaraderie entre un commandant sévère-mais-humain et des équipages indisciplinés-mais-courageux-et-loyaux (et l’Oscar du meilleur scénario original est attribué à…). Thorpe sait qu’il doit en passer par là pour que la suite de son récit tienne la route et s’exécute de bonne grâce, son style passe-partout lui permettant d’expédier cette introduction sans trop lasser le lecteur (en partie grâce à la partie « contes et légendes de l’Imperium »).

La deuxième partie (deux tiers) est une description minutieuse de la mission plus ou moins suicide de l’escadron Raptor, sur lequel s’acharne bien entendu un sort contraire : escorte de Thunderbolts retirée au dernier moment, Rok en maraude à négocier en solo, rencontre inopinée avec une escadrille de chassa-bombas, cible protégée par une hénôrme batterie de lance-plasma… autant de petits riens qui font que la vie d’un pilote de Maraudeur vaut d’être vécue (et se termine de manière prématurée). Fort de son expertise dans le sujet, Thorpe réussit à faire de ce compte rendu une expérience plaisante, tant par son originalité que par son enthousiasme perceptible pour cette forme de combat, dont les règles diffèrent considérablement de la classique bataille rangée de fantassins et de véhicules à laquelle l’amateur de 40K a droit d’habitude.

Bon, ça reste du Thorpe, et du Thorpe « primitif » qui plus est, ce qui signifie que l’histoire en elle-même ne vole pas beaucoup plus haut qu’un plongeur de la mort ayant fait un six sur son jet d’incident de tir (ouais, j’ai pas peur des mélanges). En même temps, difficile de révolutionner l’art de la nouvelle de science-fiction avec un pitch aussi ingrat qu’une bataille spatiale vue depuis l’intérieur d’un cockpit de Maraudeur. On a donc le droit à une triple dose d’héroïsme désintéressé et de sacrifice pour la bonne cause, généreusement saupoudrés de « bon sang, c’était moins une »1 et de « mais où est notre écran de chasseurs ? » : une fois de temps en temps, pourquoi pas.

Bref, Thorpe réussit assez bien son coup avec Acceptable Losses, un de ses meilleurs courts formats pour la BL à date, et fait mieux que tenir la comparaison avec beaucoup des nouvelles plus récentes intégrées à On Wings of Blood.

1 : Appelons ça le syndrome de l’Etoile de la Mort.

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Sturmhex – E. J. Davies :

SturmhexINTRIGUE:

Sur le monde pas franchement riant de Sturmhex Prime, le Seigneur de la Peste Rugo organise un projet W (comme Warp) sans avoir pris soin d’alerter les voisins en postant des affichettes dans le hall d’entrée et les ascenseurs. Rude. Excédés par la nuisance sonore (7 jours ininterrompus de – Plague – drone music, ça vient à bout des meilleures intentions) et sans doute olfactive causée par ces kékés de Lords of Decay, les braves Sturmhexois ont fini par appeler la police, qui leur a envoyé rien de moins que la brigade montée, dont les membres se nomment les Chevals Aigris. Oui, on dit Chevaux, je sais. Rencardés par un indic’ bien irrigué, les psykers démonifuges ont opté pour un déploiement en force, et dépêchés la 1ère Confrérie, menée par le Frère-Capitaine Pelenas dans son ensemble mettre fin aux festivités. Affecté au transport du peloton d’intervention, le Techmarine Aegir pilote un Stormraven chargé jusqu’au bec de paladins en palladium jusqu’à la ZAP (Zone À Purger), profitant de l’égrégore – sorte de Messenger psychique reliant tous les Chevaliers Gris entre eux – pour tailler le bout de gras avec ses collègues chauffeurs sur la route.

Une fois sur place, après avoir expertement évité les poubelles renversées par ces punks de Plague Marines, les Grey Knights doivent toutefois se rendre à l’évidence : ils sont arrivés trop tard pour empêcher Rugo et ses groupies d’invoquer… Germaine de Monstres et Cie. Bon, ok, c’est en fait un Prince Démon du nom d’Anahk’hir qui a fait son apparition dans la surboom des Lords of Decay, et il a une grosse dent (sûrement une molaire) envers le Grand Maître Vardan Kai (appelez Loup Solitaire !), qui l’a envoyé dans le Warp voir s’il y était il y a de cela quelques temps1. Manque de pot, et sûrement de peau, pour notre limace de choc, Vardan n’a pas daigné se joindre aux réjouissances, et c’est Pelenas qui emmène ses frères castagner du cultiste, de l’Astartraître et du démon dans l’ordre et la discipline. Ayant déchargé sa cargaison chromée, Aegir met les warnings et volète de droite et de gauche dans la caverne squattée par les chaotiques en dégommant de la grosse mouche et du piéton hérétique, jusqu’à ce qu’une nichée de Helldrakes vienne lui voler dans les plumes et lui souffler dans les bronches. Traumatisé par la disparition soudaine de quelques-uns de ses comparses (réellement traumatisé hein, il n’arrive même plus à bouger le petit doigt), Aegir se retrouve en bien mauvaise posture, mais son… passage vers le côté obscur de la Force lui donnera la motivation nécessaire pour sortir de son apathie (assez dangereuse quand on pilote un aéronef), et une idée géniale(ment cartoonesque) pour venir à bout des dragons métalliques.

Sur le plancher des bêtes de Nurgle, la mêlée générale tourne lentement mais sûrement en faveur des séides du Grand-Père, malgré l’énergie avec laquelle les Maurice Chevaliers Gris enchaînent leurs tubes et récitent leurs cantiques. Déçu par le lapin que lui a posé Kai, Anahk’hir se console comme il peut en défouraillant les Grey Knights, se rapprochant assez près pour que le Grand Maître, qui s’était déguisé en planton de base pour… des raisons qui continuent à m’échapper (puisque lui et le démon voulaient tous deux en venir aux mains depuis le début), tombe le masque et engage le gastéropode démoniaque au corps à corps. D’abord confiant dans l’issue du combat du fait de la connaissance du nom véritable de son adversaire, aimablement transmis par l’Inquisiteur Quixos, Vardan Kai doit rapidement déchanter (un comble), le tuyau s’avérant passablement percé2. Sa tentative de Spirit Hate Bomb ne donnant rien non plus, le Gland Maître doit se résoudre à utiliser le pokécube que Quiqui lui a remis au cas où, avec des résultats plus probants (il faut dire qu’Anahk’hir venait de se prendre le Stormraven d’Aegir dans le coin du pneumostone, le laissant à pile 1PV), même s’il en coûte à notre intègre Astartes d’emprisonner le démon au lieu de le bannir. Cela ne l’empêche pas d’aller apporter sa prise à son commanditaire une fois la bataille terminée (et dans le confort de ses tongs et peignoir), tandis qu’Aegir, rescapé de sa collision avec la faune sauvage, commence sa convalescence à l’infirmerie quelques étages plus bas. On apprendra en conclusion de la nouvelle que l’Inquisiteur Quixos fut excommunié pour errements radicaux quelques années plus tard, laissant planer un vieux doute et une sale odeur sur toute l’opération. Ça nous fait une belle jambe me direz-vous. Je suis bien d’accord avec vous, amis lecteurs.

AVIS:

Cette première soumission d’E. J. Davies, pour distrayante qu’elle soit, s’avère l’être majoritairement à l’insu de son plein gré, ce qui n’est pas un début que je souhaite aux nouveaux contributeurs de la Black Library. Présentant des lacunes, ou à tout le moins, des zones d’ombres, à tout niveau, depuis la simple péripétie mal négociée jusqu’à la révélation à fort impact sur l’intrigue qui tombe à plat par manque de clarté, Sturmhex ne s’avère même pas particulièrement intéressant en matière de combats aériens, l’affrontement entre Stormravens et Helldrakes n’étant pas spécialement détaillé (en tout cas, pas plus que la baston au sol qui se déroule au même moment), et sa conclusion clownesque venant faire partir les ambitions littéraires de Davies en piqué. Dommage pour l’un des inédits d’On Wings of Blood, dont on aurait pu attendre une forte valeur ajoutée à ce titre. Y a-t-il un pilote dans l’avion ?

1 : Ce qui sous-entend soit une longévité exceptionnelle de la part du Grand Maître, soit l’existence de coupe-files pour les démons envoyés au coin, soit une mauvaise relecture de la part de l’auteur.

2 : Il aurait dû se méfier aussi. Un démon qui s’appelle Anahk’hir Terrigassimal Yarnick (Jadot), ça ne fait pas très sérieux.

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Wraithbound – J. C. Stearns :

INTRIGUE:

Mobilisé avec la levée de Lugganath, complétée pour l’occasion par les troupes des seigneurs Corsaires Eidaear et Isbeil, le Crimson Hunter Seoci patiente en double file sur le périph’ de la Toile, l’Autarque menant l’armée Eldar ayant sans doute égaré sa carte bleue au moment de payer le péage. Accompagné de ses collègues de Temple, le novice Padruic – ayant récemment abandonné ses activités de proctologue1 pour devenir pilote de Mirage – et l’Exarque Lioda, notre héros n’a heureusement pas à se tourner les pouces très longtemps, et le portail menant sur – insert random planet name – s’ouvre, permettant aux Chasseurs sachant chasser sans chiens de débarquer à toute berzingue dans une cité ruche récemment envahie par les hordes du Big Mek Gorkog Chrometeef. Alors que les Eldars commencent un prompt carnage des peaux vertes très surpris de cette intrusion à l’improviste de leur espace de vie, nous apprenons que l’assaut du Vaisseau Monde constitue une frappe préemptive contre le par trop prometteur Chrometeef, qui finirait par s’attirer les foudres xénophobes indiscriminées de l’Imperium à force de sanglants massacres, scénario dans lequel Lugganath ne pourrait échapper à la destruction. Violence étant mère de sûreté, les Zoneilles se la jouent donc Terminator (d’assaut) et se lancent à la recherche de Sarah Connork pour s’assurer de lendemains qui chantent. Logique implacable.

Alors que les Crimson Hunters assurent les arrières dessus de leurs petits copains, Seoci a la surprise de croiser son ex, Ailios, dans les cieux de – 404 : planet name not found – ce qui lui provoque une montée de mélancol-èr-ie (masque tout vénère de Khaine oblige), et lui fait se souvenir du temps de leur rencontre, lorsqu’il était encore un poète anarcho-communiste et Ailios femme de chambre à l’Ibis Budget de Lugganath2. Aaah, folle jeunesse… Séparés par les hasards de la vie et les caprices des tout puissants conseillers d’orientation professionnelle Aeldari, nos tourtereaux se retrouvent donc quelques siècles plus tard, ce qui permet à Seoci de réaliser que sa dulcinée est devenue medium en EHPAD, ou quelque chose comme ça. Chargée d’encadrer les âmes des pilotes des Hemlock lors de leurs excursions culturelles, Ailios ne semble pas être contre prendre une tisane à la fin de la bataille, mais le flux des combats sépare rapidement les anciens amants. Assaillis par une nuée de Dakkajets, les Hunters perdent rapidement l’un des leurs (ce bon à rien de Padruic), ce qui rend Lioda d’humeur massacrante. Pour ne rien arranger, Chrometeef choisit ce moment pour mettre en marche les milliers de moteurs anti-gravitiques (ou les millions de ventilateurs, ce serait marrant) qu’il a fait installer sous la cité envahie, qui commence à s’élever dans les airs dans le plus grands des calmes, et se révèle être un terror ship bourré de chasseurs Orks.

Seul survivant de son escadre après que sa sanguine Exarque soit tombé dans le piège tendu par des Orks brutaux mais rusés, Seoci mène la charge jusqu’au cœur du château dans le ciel, et parvient à faire suffisamment de dégâts aux centrales énergétiques qui alimentent la répulsion urbaine pour que la ZUS de Chrometeef regagne le plancher des squigs, et plutôt plus rapidement que ce que son constructeur ne le souhaiterait. Tragiquement, Seoci ne vivra pas pour raconter l’histoire, comme on le dit chez les glaouiches, son biplan étant pris dans une explosion plasmique alors qu’il se frayait un chemin vers le bercail. Ayant oublié de boucler sa ceinture de sécurité, le pré-retraité (il s’était juré de tomber le masque pour de bon après ce dernier tour de piste) finit polytraumatisé dans son cockpit, et se console en songeant que son concassage fatal lui permettra sans doute de passer plus de temps avec sa sorrowrose. Un crash pour un crush, c’est pas si pire au final.

AVIS:

Débuts sérieux, même si un peu trop scolaires, de la part de J. C. Stearns, dont l’amour pour les Eldars ne s’est pas démenti à ce jour. En prenant soin de dépeindre une opération Eldar typique, tant dans sa forme (attaque soudaine par une force aussi mortelle que mobile) que dans son objectif (supprimer une cible de façon préventive, afin d’empêcher la réalisation d’une funeste prophétie), l’auteur démontre sa bonne compréhension des fondements du background de 40K. Même constat sur le plan purement narratif, sur lequel Stearns boucle la boucle en condamnant son héros, que le destin des co-pilotes des Hemlock Wraithfighters horrifie au plus haut point, à devenir l’un d’eux après son accident. Cette conclusion cruelle, mais attendue, s’inscrit tout à fait dans l’ambiance générale de la littérature BL, où, comme le disait Chirac (hommage !), les emmerdes volent en escadrilles, même – surtout ? – pour les pilotes de chasse. Si ces éléments positifs préfigurent un potentiel certain, on pourra regretter l’intrusion mal négociée du passif amoureux entre Seoci et Ailios dans l’intrigue, que Stearns traite à demi-mots et qui ne fait donc pas vraiment pas sens pour le lecteur, jusqu’aux dernières lignes de la nouvelle, où l’intérêt scénaristique de cette idylle est enfin révélé. Bref, une œuvre de jeunesse, prometteuse et perfectible, et en tout cas parfaitement lisible.

1 : La nouvelle dit qu’il suivait jusque-là la Voie du Soigneur, so why not. 

: La nouvelle dit qu’elle suivait la Voie du Service, donc vous ne pouvez pas me prouver que j’ai tort.

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In Service Eternal – M. Smith :

INTRIGUE:

Sur la planète minière autant que gazeuse d’Antropia, la vie suit son train-train quotidien. Il serait cependant plus juste de parler d’avion-avion, ce monde industriel contribuant à l’effort de guerre de l’Imperium en produisant des aéroplanes de combat pour la Garde Impériale, en particulier des Valkyries et des Vendettas, qui sont testés dans l’atmosphère chargée d’Antropia par un régiment de vétérans rangés des hélicoptères, avant d’être expédiés sur le front. Tout pourrait aller aussi raisonnablement que possible dans la dystopie fachisante et bigote dans laquelle il eu l’heur de naître, pour notre héros, le Commandant Arden Graves, en mission de routine en compagnie de quelques uns de ses hommes, lorsque leurs exercices de dégommage de cibles sont interrompus par le Magos Dominus Omicron-231, que son statut de dirigeant de la plus grande cité flottante de la planète, Gamma One, désigne comme le gouverneur de facto d’Antropia. Bref, pas question de le mettre sur répondeur.

MagDo vient de s’apercevoir de la disparition SMS (soudaine, massive et surprise) d’une cohorte de serviteurs miniers, chargés d’exploiter le riche sous-sol de la planète, et envoie donc les pioupious de Graves sur zone pour tenter de tirer les choses au clair1. Rendus sur place, les pilotes du 41ème AATD ne constatent rien de suspect, et s’apprêtent à faire demi-tour, quant une pluie de membres et d’organes s’abat brutalement sur leurs cockpits. Chose étrange, ces précipitations d’un genre particulier, qui s’avèrent être constituées des pièces détachées arrachées des serviteurs disparus, « tombent vers le haut », comme le fait remarquer l’observateur Caporal Ryker Ness, co-pilote de Graves, dont les savantes supputations sont interrompues par l’arrivée d’une escadrille de chasseurs au bellicisme aussi croissant que la forme. Pris au dépourvu et dans un feu croisé meurtrier, les appareils impériaux doivent bientôt battre en retraite, malgré les savantes formations que Graves leur fait prendre (Gryphonne Aquila Two, Gryphonne Omega Five, Sky Wolf, Alpha Two… j’en passe et des pas piqués des vers). Poursuivis par leurs mystérieux assaillants, Graves et ses survivants ont toutefois la joie d’être rejoints par l’intégralité de la flotte de Gamma One2, gracieusement mise à disposition par Omicron pour contrer la menace croissante que représente l’armada Necrontyr qui vient de décoller de son tombeau, sans doute réveillée par le tapage des foreuses impériales.

La bataille qui s’engage, si elle fera date par la taille des forces en présence, s’avère toutefois assez déséquilibrée, les impériaux se faisant dégommer avec une déprimante constante par les agiles chasseurs Xenos, la technologie Necron s’avérant par trop avancée pour que la bravoure indéniable des humains fasse une grande différence. Même l’emploi de mesures aussi radicales que le tir d’un barrage de missiles Deathstrike sur le vaisseau amiral des hommes de fer, une monstruosité aussi grande que Gamma One au cœur de laquelle brille un cristal vert de 14367I834 carats, ne donne que de piteux résultats. Graves, réalisant que l’heure l’était, tente de son côté le tout pour le tout avec les formations Pied de Poule au Pot et Corgi Alcoolique Zoulou, sans guère plus de succès. Bien que les autres cités flottantes d’Antropia soient en approche pour secourir Gamma One, la vitesse à laquelle cette dernière perd ses défenseurs laisse à penser qu’une fin tragique attend la capitale planétaire dans les plus courts délais, et sa perforation soudaine par un tir giga-laser du vaisseau mère Necron ne vient qu’appuyer cette prédiction pessimiste. Les Xenos ont cependant sous-estimé la mesquinerie morbide de leurs adversaires, qui parviennent à envoyer une deuxième salve de Deathstrikes, cette fois-ci en direction de la macro-émeraude ennemie, qu’Omicron-231 suppute être la source énergétique des assaillants. Seul petit problème, son système de visée a été endommagé par le coup fourré des Necrons, et il ne peut que verrouiller les missiles sur le vaisseau de ce brave Graves, qui accepte de mener une mission suicide avec les derniers pilotes impériaux de Gamma One pour guider les obus jusqu’à bon port. La suite et la fin de la nouvelle sont une adaptation assez fidèle du grand finale de Russell Casse dans Independence Day, soit un grand bol d’héroïsme désintéressé et suicidaire, permettant aux gentils organiques d’arracher une égalité, les deux porte-avions finissant à la casse à quelques minutes d’intervalle. Pas de chance pour Antropia, on apprend finalement que les Orks sont sur le point de débarquer. À quoi cela sert-il dans l’intrigue, me demanderez-vous ? Eh bien, je n’en ai aucune espèce d’idée. N’allez juste pas en vacances sur Antropia les enfants, cette planète a l’air bien mal fréquentée…

AVIS:

Après des débuts assez prometteurs, In Service Eternal sombre malheureusement dans le conformisme BLesque le plus navrant, ce qui traduit fatalement, au vu des standards de la maison, par une bonne grosse bataille bien bourrine. La seule surprise qui attend le lecteur, dont on pourra excuser les quelques bâillements étouffés à partir de ce moment, consistera dans le rapport de force déséquilibré décrit par Smith, qui fait tomber ses impériaux comme des mouches. Si ce parti pris peut se comprendre d’un point de vue littéraire, il s’agit d’un contre-pied tellement marqué par rapport aux autres nouvelles du recueil On Wings of Blood, où les protagonistes (et leurs appareils, que GW a bien envie de vous faire acheter de façon subliminale) s’en sortent généralement très bien face à leurs ennemis, que je ne pouvais pas ne pas le mentionner. Si vous êtes un joueur de la Garde Impériale, pas sûr que la lecture de In Service Eternal vous convainque de commander un trio de Valkyries (ou même un lanceur de missile Deathstrike, si on y réfléchit), que Smith présente comme étant tout juste bon à servir de poisson pilote pour une fusée à tête chercheuse passablement myope. Voilà, c’est à peu près tout ce que j’ai à dire sur cette nouvelle, ce qui vous donnera une bonne idée de l’appréciation que j’en ai. Attention, éditeurs de la Black Library : si l’abus de désabusement (?) n’est certes pas dangereux pour la santé, il peut conduire même les natures les plus enthousiastes à se lasser de la soupe littéraire qu’on leur sert.

: Ou au moins au marron dessaturé, si l’atmosphère d’Antropia sert de base.

2 : C’est l’avantage d’être affecté sur un monde qui produit des avions de chasse. Ca aurait été des ventouses à toilette, ils n’auraient pas fait les malins longtemps.

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Stormseeker – A. Worley :

INTRIGUE:

Rattaché à une expédition punitive menée par les Deathwolves envers une cabale de pillards Drukhari, le Prêtre de Fer Anvarr Rustmane se retrouve contraint et forcé de participer à une frappe éclair contre les insaisissables Xenos à la surface du monde désolé et désolant de Vityris, où ces derniers ont capturé les résidents d’une station de recherche. Piégés sur place par les manigances d’une faction rivale, les Drukhari constituent une cible rêvée pour les Space Wolves avides de revanche, à condition que ces derniers ne traînent pas en route. Cette fenêtre de tir réduite ne fait cependant pas le bonheur de Rustmane, dont la récente communion avec l’Esprit de la Machine de son Stormwolf lui a appris que ce dernier ne se contenterait plus de la pelisse puante et pleine de vermine qui lui servait jusqu’à présent de pare-givre. N’ayant pas pu trouver de relique convenable pour apaiser ce caprice imprévu, le Prêtre de Fer doit donc braver le déplaisir de sa monture et emmener sa cargaison de Griffes Sanglantes chanteurs jusqu’à la surface de Vityris, quoi qu’il en coûte.

La mission de notre héros se voit davantage compliquée par l’arrivée soudaine sur les lieux de l’empoignade d’un trio de Razorwings, mené par la sœur de l’Archonte en rade, forçant Rustmane à mener sa propre escadrille de Stormwolfs et Stormfangs à l’assaut des invités surprises. Jongler entre le déplaisir de son vaisseau, les appels en absence du Garde Loup Skaldr Frostbiter, en charge de la mission1, et les intentions meurtrières des Tom-Tom et Nana Drukhari ne sera pas une partie de plaisir, mais Rustie a suffisamment de bouteille et de bouteilles (boire ou conduire, pourquoi choisir ?) pour mener à bien cette mission…

AVIS:

Drôle de soumission de la part d’Alec Worley, qui prend avec Stormseeker le contrepied d’un certain nombre d’éléments établis du fluff, pour un résultat qui, s’il ne peut pas être qualifié de désagréable, et se révèle même être assez distrayant par son parti pris assez léger, ne s’inscrit pas vraiment dans l’atmosphère générale du 41ème millénaire. Personnage haut en couleurs, Anvarr Rustmane n’est pas le moindre des éléments perturbateurs de cette histoire, sa tendance à l’alcoolisme et à l’accumulation compulsive de reliques plus ou moins ragoutantes, tranchant fortement avec l’image classique du Techmarine tel que le lecteur se le représente. Accompagné de son loup mécanique Cogfang (disposant de l’option « tonnelet de mjod intégré », en bon Saint Bernard grimdark), Rustmane ne se départit jamais de sa bonne humeur, mis à part lorsque les Griffes Sanglantes qu’il transporte dans son Stormclaw se mettent à chanter un peu trop fort, ce qui ne doit pas arranger sa gueule de bois fer persistante. Cette approche décomplexée de la guerre est émulée par Frostbite, jamais avare en petites blagues alors même qu’il emmène ses guerriers au front2, tandis que de l’autre côté du champ de bataille, le véritable amour fraternel qui semble unir Iruthyr et Izabella Xynariis est assez surprenant de la part de ressortissants de Commoragh.

Difficile d’en vouloir à Worley cela dit, quand on considère ce que la Black Library lui a demandé, c’est à dire une nouvelle dithyrambique sur les Stormwolf et Stormfang, probablement les aéronefs 1) les moins aérodynamiques de la gamme 40K, et 2) équipés de l’arme la plus cartoonesque de l’arsenal impérial (je veux bien sûr parler du mirifique canon Helfrost, tout droit tiré du Batman & Robin de 1997). C’est dans ce genre de situation que l’on comprend mieux pourquoi on parle de l’humour comme la politesse du désespoir…

1 : Harald a dû emmener Icetooth chez le vétérinaire pour lui tailler les griffes.

2 : D’ailleurs, sa harangue héroïque se trouvera brutalement interrompue par une fléchette empoisonnée Drukhari en pleine gorge, sans autre effet indésirable qu’une sévère crise d’épilepsie et une blessure mortelle de son amour-propre. Pour citer le sage Tuco : « When you have to shoot, shoot. Don’t talk ».

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The Emperor’s Grace – N. Alexander :

INTRIGUE:

First day on the job pour les jeunes diplômés du 1167ème régiment de Vordrost, chargé par le haut commandement impérial de mener un raid audacieux contre une position capturée par les Orks sur la planète de Balle Prime. Menés par leur irascible et acnéique commandant Mikal, l’équipage du Maraudeur EMGR2243, plus élégamment appelé Emperor’s Grace, termine ses préparatifs de mission dans une ambiance studieuse. Leur objectif consister à bombarder la capitale planétaire, tombée entre les griffes des peaux vertes de la Waaagh ! Ugskraga, et d’abattre en sus une tour, aux proportions aussi gigantesques que sa fonction est mal définie, dans l’espoir de gagner la bouteille d’amasec millésimée mise en jeu par le commandant d’escadre Aaron Ryll. Les new kids on the tarmac se nomment Bernd Hawlek (bombardier affable), Aleksander Jeronim (navigateur rachitique), Artur Dudak (canonnier laser), Maciej Krol (beau gosse de tourelle) et Fyodor Jaworski (bolteriste lourdingue), et ils ont à cœur de prouver qu’ils méritent leur place dans les glorieuses armées de l’Empereur.

Bien évidemment, la mission ne se passera pas tout à fait comme prévue (encore que, l’arrivée d’une horde de Dakkajets Orks à mi-chemin de l’objectif ne constitue pas vraiment une surprise), et les aléas de la guerre mettront à rude épreuve l’Emperor’s Grace et son crew, qui, bien qu’il puisse légitimement revendiquer l’honneur d’avoir retiré le jenga ayant fait s’écrouler la tour Xenos, paiera assez chèrement son exploit retentissant, tant au niveau physique (Krol perd la tête et Bernd est écœuré), que mental (Aleksander fait une crise de panique et Dudak tombe en syncope d’avoir frôlé la tour Ork de si près) et mécanique (l’Emperor’s Grace finit la nouvelle comme un avion -presque – sans aile, sans doute en hommage à Charlélie Couture). Malgré ces multiples coups du sort, l’imperturbable Mikal parvient à ramener son coucou au nid, ce qui… n’est déjà pas mal j’imagine. Car oui, la conclusion de The Emperor’s Grace est assez particulière dans son genre, platitude paroxysmique (et un oxymore, un !) qui laissera sans doute le lecteur songeur quant au but recherché par Alexander1 d’un point de vue littéraire. Mais je vous laisse seuls juges.

AVIS:

Hommage à l’antique Acceptable Losses (et de l’ancien Wings of Bone, tous deux inclus dans le recueil On Wings of Blood) avec lequel il partage 90% de son intrigue, The Emperor’s Grace s’avère être un succédané assez fade de la nouvelle de Thorpe, qui avait bénéficié de la maîtrise du Gav en matière de « logistique aéronautique » et de son inspiration assez sympathique en matière de contes et légendes impériaux. Sans vraiment démériter, Alexander peine à convaincre avec son raid de Maraudeurs, se voulant sans doute être une exploration de la psyché humaine lors d’un huis clos stressant et mortifère, mais ne s’avérant être qu’un enchaînement de péripéties aériennes assez peu prenantes. Ne parvenant ni à intéresser au sort de ses héros, ni à surprendre le lecteur par un retournement de situation bien pensé, et pêchant par manque de clarté tant au début (à quoi sert cette tour ?) qu’à la fin (que faut-il comprendre de cette conclusion ?) de son propos, l’auteur nous sert l’archétype de la nouvelle BL « industrielle », porridge littéraire dans lequel flottent quelques morceaux de grimdark atrophiés. En cela, il s’agit presque d’une mise en abyme intéressante du 41ème millénaire, ère aussi morbide que désincarnée, et nul doute que si les geeks du lointain futur lisent de la pulp fiction agréée par l’Adeptus Terra, elle doit ressembler à ça. Pas sûr que ça suffise à réhabiliter The Emperor’s Grace, ceci dit.

: Qui s’est peut-être amusé à se mettre en scène dans sa propre nouvelle, au vu de la quasi-homonymie entre son patronyme et celui du navigateur de l’Emperor’s Grace. Au moins, et comme dans la chanson de Jean-Pierre François, il s’est survécu (même s’il est dans un sale état).

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Wraithflight – G. Haley :

INTRIGUE:

Heureuse et avancée race que celle des Eldars, qui a perfectionné le concept de télétravail jusqu’à aller à la guerre depuis le confort de son lit. Prenons l’exemple de la spiritseer Iyanna Arienal, du Vaisseau Monde d’Iyanden. Eh bien, notre héroïne s’en va décimer des essaims de Tyranides les pieds devant et les yeux fermés, ce qu’on appelle chasser le (Grand) Dragon dans la terminologie eldar. Engagés à leur corps défendant dans la campagne de Cryptus aux côtés des grossiers Mon’keigh de l’Imperium, les Iyandeni participent à l’effort de guerre xenocide à leur manière, et mettent à profit leur maîtrise de la nécromoellie pour s’opposer à l’insatiable appétit de la flotte ruche Leviathan. À bord de l’Ynnead’s Herald, Iyanna et ses collègues de canapé dirigent mentalement les escadrilles de Hemlocks du Vaisseau Monde alors que le reste de la flotte se tient prudemment hors de portée de l’ombre dans le Warp. Leur but est de désemparer l’assaut massif, mais indiscriminé du Dragon Affamé (le petit nom Eldar de Leviathan) en mettant hors de combat les vaisseaux synapses de la vrille, tactique bien plus ingénieuse que la simple défense de zone mise en place par l’armada impériale du Commandant Hortense, chargé de la sauvegarde de la planète Krokengard, que l’Esprit de la Ruche convoite (c’est normal, ça commence comme « croquette »).

Ayant accepté l’offre d’alliance désespérée soumise par son vis à vis humain, malgré le dégoût que ce dernier lui inspire, l’Angèle dit-Hiandenne entame son masterclass de micro-gestion, dirigeant ses chasseurs et bombardiers lobotomisés avec toute la maîtrise d’un joueur professionnel de Starcraft coréen, pour des résultats probants. Cerise sur le gâteau, ses pouvoirs de prescience psychique lui permettent d’admirer la vue peu banale que présente la conscience collective de la race Tyranide, qui ressemble réellement à un Dragon, mais d’une taille proprement monstrueuse (la galaxie a littéralement la taille d’une assiette par rapport à son gabarit, ce qui doit être un peu flippant tout de même). Tout va donc pour le mieux dans le meilleur seul des univers, et la team Zoneille se prépare déjà à fêter la victoire, et l’inévitable trahison de ses « alliés » – Iyanden ayant envoyé un Fireheart en recommandé à la surface de Krokengard en application rigoureuse et littérale de la tactique de la Terre brûlée1 – en faisant des faisant des folies comme, au hasard, commander des pizzas à domicile (l’important étant de ne surtout pas se lever) lorsque soudain, la catastrophe frappe. Peu satisfait de la tournure prise par les évènements, le Grand Dragon en personne adresse un regard louuuuuuurd de reproches à Iyanna et ses sous-fifres, ce qui a des effets délétères sur cette bande de fragiles. L’expérience n’est toutefois pas létale pour les couch potatoes du 41ème millénaire (enfin, par pour tous en tout cas), et lorsqu’Angèle sort de son coma spirituel, elle prend la décision de reprendre le combat au côté de ce brave Hortense, qu’elle comptait auparavant laisser tomber comme une vieille chaussette. Bien sûr, cela ne changera rien au fait qu’elle ait carbonisé sa planète pour des raisons nébuleuses, mais je suis sûr qu’un beau mail d’excuses règlera le problème de façon satisfaisante. 1 de perdue, 999.999 de préservées… pour le moment.

AVIS:

On l’aurait presque oublié avec l’avènement du Dark Imperium, mais avant le retour de Guilliman, il se passait déjà des choses au niveau du fluff du 41ème millénaire, et les publications centrées sur la campagne Shield of Baal valent leur pesant de cacahouètes à ce niveau. Le Wraithflight de Guy Haley nous livre le récit de l’affrontement spatial en orbite de Krokengard, qui, s’il n’a pas eu l’envergure ni l’enjeu de la bataille de Dûriel, reste toutefois intéressant pour l’amateur. L’auteur livre une copie sérieuse et inspirée, qui permet de mettre en regard les approches de la guerre spatiale de trois factions majeures de Warhammer 40.000 : tandis que l’Imperium (pas vraiment à la fête dans cette nouvelle il faut le reconnaître) cherche à tenir la ligne grâce à sa discipline et sa puissance de feu phénoménale, les Eldars la jouent plus fine et frappent depuis les ombres les vaisseaux cruciaux de l’ennemi dans le but de désorganiser sa chaîne de commandement. En face, les Tyranides font jouer leur écrasante supériorité numérique, mais sans pour autant agir comme des organismes décérébrés. On peut d’ailleurs mettre au crédit de Haley la vision « draconique » qu’il fait de l’Esprit de la Ruche, incarnation intéressante et terrifiante d’un ennemi jusque-là trop désincarné pour que le lecteur le prenne en compte. Imaginez-vous l’œil de Sauron élevé à la puissance yotta et vous aurez une petite idée de ce qui attend sur le palier galactique, et comprendrez sans mal qu’attirer son attention n’est certes pas conseillé. Si l’intrigue de Wraithflight ne brille pas par sa complexité, ni ses personnages par leur intérêt, la lecture de ce petit bout de Shield of Baal n’est pas désagréable, et ce même sans avoir lu ce qui vient avant ni compter lire ce qui vient après. Un teaser (se) satisfaisant (à lui-même) donc.

1 : Comme le dit l’Esprit de la Ruche : « Je me suis encore fait braiser ! »

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Doom Flight – C. Scott :

INTRIGUE:

Sur la planète industrielle de Quadcana, les dieux de la guerre ne favorisent pas les défenseurs impériaux, bien malmenés par les assauts de la Waaagh ! Ork qui a décidé de faire sienne les vastes complexes de production d’armes locaux. Envoyés à la rescousse des forces de défense planétaires, le Sergent Kerikus et ses confrères de la 7ème Compagnie des Doom Eagles ne peuvent pas revendiquer d’avoir fait une grosse différence dans le déroulement de la campagne, leur tentative d’assaut aérien sur la capitale locale, très originalement nommée Quadcana Prime, s’étant soldée par une déroute à peu près complète, ne laissant que notre inflexible héros représenter l’Astartes auprès des peaux vertes. Nullement découragé par ce tour du destin, Kerikus, qui, s’il n’est pas grand, est vaillant, grappille des points faciles à prendre çà et là, son Stormtalon répandant la mort parmi les véhicules et piétons Orks, au prix d’acrobaties que l’on pourrait poliment qualifier de suicidaires. Kerikus sait cependant très bien ce qu’il fait, et utilise avec à-propos son super pouvoir de Doom Eagle, le « même-pas-peur-isme », qui lui permet de réaliser les acrobaties les plus osées sans se départi de son calme olympien airien. Las, toutes les bonnes choses ont une fin, et à force de tenter le diable, notre Space Marine finit par se retrouver en fâcheuse posture. Poursuivi par un duo de dakkajets particulièrement collants, et ayant trouvé le moyen de pirater sa fréquence de transmission (ce qui l’énerve au point qu’il fracasse à main nue son récepteur pour… pouvoir mieux s’écouter parler je suppose), les doom carottes semblent cuites pour l’impavide pilote. Fort heureusement, c’est le moment que choisissent deux de ses collègues, Malika (qui est bien un individu de sexe masculin, je précise) et le Techmarine Tyrus, pour faire leur apparition, équilibrant prestement le rapport de forces et permettant à Kerikus de s’en tirer à bon compte.

Ragaillardi par ces renforts inespérés, le Sergent commence à élaborer des plans sur la planète, et propose à ses camarades de tenter un baroud d’honneur en direction de la centrale à plasma de Quadcana Prime. Nos chasseurs reprennent les cieux après que Tyrus ait réparé les dégâts subis par le vaisseau de Kerikus1 (dont une bonne partie ont été infligés par ce dernier, c’est l’Esprit de la Machine qui doit être chafouin) et se rapprochent de leur cible lorsque, semblant crever le ciel et venant de nulle part, surgit, non pas un aigle noir, mais le Death Deela, un chasseur Ork plus gros, plus armé et plus méchant que la moyenne. Si nos vaillants pilotes se montrent tout à fait capables de repousser les assauts de l’escorte de Dédé, ce dernier se révèle être trop coriace pour les Space Marines, et descend successivement Tyrus, Malika, et pour finir Kerikus, qui a tout de même le temps de s’éjecter avant impact. Malheureusement, tout à ses acrobaties nihilistes, Lefuneste n’a pas réalisé que son cockpit pointait vers le sol au moment de son évacuation, ce qui rend cette dernière passablement douloureuse. Il en faut toutefois plus pour abattre notre coriace héros, qui se sent pousser des ailes (mouahaha) à la vue de son objectif, qu’il espère faire sauter afin de réduire une bonne partie de la capitale en cendres et priver ainsi les Xenos des manufactures d’armes de Quadcana. Serrant les dents le bec, Kerikus réussit son jet d’insensible à la douleur et part en petites foulées en direction de l’EPR tout proche, qu’il parvient à atteindre malgré les tentatives enthousiastes d’une poignée de grunts de lui barrer la route2. Une fois sur place, il n’a besoin que de quelques tirs bien placés en direction du Death Deela, qui rôdait toujours dans le coin, pour convaincre le pilote de ce dernier de… faire une attaque kamikaze sur sa position, déclenchant la réaction en chaîne catastrophique synonyme de victoire mineure pour l’Imperium. Un peu extrême comme parti pris de la part du pilote Ork, qui n’avait qu’à faire quelques passages en rase motte pour régler son compte à l’oiseau de malheur. Mais après tout, quand on aime, on dakka.

AVIS:

Après Simon Spurrier, James Alexander, James Swallow et Ben Counter c’est au tour de Cavan Scott de prendre les commandes des Doom Eagles, sans doute l’un des Chapitres les moins connus les plus utilisés (je me comprends) du lore de 40K. Dans ce qui est probablement l’un de ses premiers travaux pour la Black Library (cette nouvelle a été initialement publiée en 2013), l’auteur met en scène une mission à hauts risques entre une poignée de Stormtalons et une nuée de dakkajets, la supériorité intrinsèque des Space Marines et de leurs appareils sur leurs adversaires leur permettant de compenser l’avantage numérique dont disposent les Orks… jusqu’à un certain point. Prise à part, Doom Flight ne pourrait guère prétendre à la palme de l’originalité, et sa position en milieu d’un recueil consacré aux combats aériens au 41ème millénaire ne fait que renforcer le sentiment de déjà lu, relu et re-relu de l’objet3. Si la prose de Scott ne s’avère pas particulièrement désagréable à lire, même si certains de ses choix pourraient être discutés (les monologues du Sergent Kerikus en premier lieu, qui aime un peu trop le son de sa propre voix pour un moine soldat endoctriné et surentraîné), elle se révèle par contre être d’une platitude assez totale, le – fin – vernis de fatalisme apporté par la culture chapitrale des Doom Eagles ne teintant que de façon très légère le récit, voire étant carrément passé en perte et profit par l’auteur (lorsque Kerikus décide de dissimuler à ses compagnons qu’il les mène sur une mission suicide), alors qu’il s’agissait probablement de la piste la plus évidente et intéressante à exploiter pour singulariser ce récit. De l’autre côté du ciel, les Orks se contentent, comme à leur habitude, de vrombir de droite et de gauche, compensant par leur enthousiasme effréné (et parfois passablement crétin) la qualité toute relative de leurs aéroplanes. Bref, rien de nouveau sous le soleil, et pas grand-chose à retenir de cette nouvelle, pour peu que vous soyez déjà familier du genre (ce qui sera le cas si vous avez lu On Wings of Blood dans l’ordre).

1 : Qui aura cette phrase immortelle. Cocasse, de la part d’un Chapitre dont l’animal totemique en est rigoureusement dépourvu.

2 : Et la perte de son bras gauche, dont il ne se rend compte que lorsqu’il essaie de grimper à l’échelle et réalise qu’il a – littéralement – perdu la main. That’s pretty brutal.

3 : À ce stade, le lecteur en sera en effet à sa 4ème nouvelle mettant aux prises des escadrons impériaux à des Orks, et sa 4ème nouvelle où le héros pilote un Stormtalon, Stormraven ou Stormwolf. Comme un petit goût de reviens-y.

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Ancient History – A. Chambers :

40K_Ancient HistoryINTRIGUE:

Recruté contre son gré comme équipier polyvalent du Retribution, fier vaisseau de la flotte impériale à rade de personnel, à l’issue d’une opération porte fermée (traduction : une fois qu’on est rentré, on ne peut plus sortir), Nathan, notre héros, découvre progressivement les joies et les peines de la vie de canonnier de marine, noble et utile occupation qu’il projette toutefois d’abandonner dès qu’une occasion de déserter se présentera à lui. Cette frilosité à s’engager sur le long terme dans une institution impériale pourtant aussi respectable que la Navy1 s’explique en partie par la présence d’un nuisible connu de Nathan, Kendrikson, dans l’équipage de Balthasar (le nom du macrocanon auquel notre homme a été affecté). Les deux forçats se sont quittés fâchés au cours d’une précédente collaboration, et bien que Nath’ ne serait pas contre une petite vendetta pour régler ses comptes avec son ex-nouveau collègue, il préférerait à tout prendre mettre quelques années lumières entre eux, un « accident » du travail étant si vite arrivé… En plus de ces problèmes relationnels, le Warp ne s’avère pas être un long fleuve tranquille, et sa traversée pèse lourdement sur l’estomac et la psyché des rats de cale. En témoigne le coup de sang passager d’un passager, Fetchin, qui succombe à une crise de claustrophobie démoniaque, puis à une décharge de fusil à pompe à bout portant, non sans avoir envoyé quelques badauds à l’hôpital et à la morgue auparavant.

Nathan a toutefois la chance de pouvoir compter sur le patronage bienveillant de Kron, canonnier vétéran dont l’accent chantant, les histoires passionnantes, les relations privilégiées avec le management et la connaissance intime des coursives du Retribution permettent au bizut d’acquérir des connaissances et compétences précieuses, monter dans la hiérarchie balthasaresque et, accessoirement, échapper à la tentative d’assassinat dont il fait les frais de la part de ce mauvais sujet de Kendrikson, qui se révèle être un Luminen2 infiltré.

Cette prise de fonction mouvementée culmine avec la toute première bataille spatiale à laquelle Nathan participe, baptême du feu à plus d’un titre au cours duquel il aura l’occasion de se frotter à l’ennemi de plus près que prévu sur sa fiche de poste, le crash d’une torpille d’abordage à proximité de son espace de co-working le forçant à prendre les armes pour défendre la vertu et l’intégrité de Balthasar contre les assauts païens de vils cultistes chaotiques, dont l’encadrant se trouve être un Space Marine renégat. Il faudra une nouvelle fois l’intervention décisive de Kron, qui sous ses abords décatis, se révèle être un individu décidément plein de ressources et d’énergie (il se relève d’un tir de pistolet bolter à bout portant et tase l’Astartes à mains nues), pour permettre à notre héros de se sortir de ce coup de Trafalgar. Les mystères de l’origine et des motivations du mentor de Nathan ne seront pas levés par Chambers avant la conclusion de cet Ancient History3, mais une chose est sûre, quand on est Kron, on est Kron.

AVIS:

Nouvelle protéiforme et un peu foutraque, Ancient History est une soumission plutôt hétérodoxe, mais loin d’être inintéressante de la part d’Andy Chambers. En multipliant les partis pris narratifs (cela commence comme un récit d’évasion, avant d’intégrer un passage « mythes et légendes », puis d’embrayer sur une révélation plutôt étrange sur un des personnages principaux, et de tourner à l’action pure et dure, pour se terminer sur un mystère vraiment mystérieux) et les péripéties, le grand méchant joueur n’a pas choisi la facilité, et son propos en paraît en conséquence décousu et incertain dans sa finalité. Pour autant, le simple fait de mettre sur le devant de la scène des personnages très peu abordés par la BL mais au moins aussi caractéristiques du grimdark de 40K que les Space Marines ou l’Inquisition (les « marins » de la Flotte Impériale) ne manquera pas d’attirer la curiosité bienveillante des lecteurs avides d’en apprendre plus sur la vie des travailleurs de la mer l’espace, ce en quoi Chambers se montre plutôt généreux. En outre, l’inclusion de la Complainte du Vieux Marin à la sauce 40K dans le récit s’avère être un interlude des plus intéressants entre deux scènes d’action, et ne manquera pas de susciter les hypothèses les plus radicales de la part des exégètes de tout poil qui constituent une part non négligeable du lectorat de la Black Library. La balance est donc plus que positive pour Ancient History dont les apports fluff et l’originalité compensent largement les tâtonnements et… l’originalité (aussi).

1 : Sécurité de l’emploi, gîte et couvert offerts, destinations variées, activités physiques régulières… Ça c’est un job de rêve.

2 : Plus de quinze ans avant la sortie du Codex Adeptus Mechanicus, Chambers convoquait déjà des électro-prêtres dans ses nouvelles.

3 : Qui a peut-être été suivi d’une autre nouvelle, et aurait dû l’être ? Je suis sur le coup les aminches.

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Raptor Down – G. Thorpe :

40K_Raptor DownINTRIGUE:

Nous retrouvons le Commandant Jacques Jaeger de l’escadron Raptor, après les évènements couverts dans Acceptable Losses, et la prise de fonction compliquée et sanglante de notre héros à l’occasion d’une bataille spatiale contre un Rok Ork. 18 mois plus tard, le Divine Justice, croiseur impérial auquel les Raptors sont rattachés, est passé à autre chose, et fait partie de la flotte d’invasion du système de Mearopyis, que l’Imperium cherche à reprendre aux Noctal après quelques millénaires d’atermoiements (saleté de bureaucratie). Ayant eu largement le temps de se familiariser avec son nouveau poste, de se faire accepter par ses hommes et de terroriser les nouvelles recrues venues remplacer les pertes subies au cours de  la campagne précédente, Jacques le Fataliste1 supervise les opérations de soutien du déploiement de la Garde Impériale au sol, qui consistent surtout à aller bombarder les cibles les plus juteuses à la surface de la planète capitale du système, tâche grandement facilitée par l’absence de chasseurs à capacité de projection spatiale dans le camp d’en face, ce qui permet aux Maraudeurs de frapper avec une impunité assez totale.

Chargés d’une nouvelle mission de démolition de l’infrastructure militaire locale, les escadrons Raptor et Storm, accompagnés  de leurs écrans de chasseurs (pour une fois qu’ils sont là, ces vole au flanc) quittent leur vaisseau mère pour ce qui ne semble être qu’une formalité pour ces pilotes aguerris. Malgré la tentative malheureuse d’interception de la part des Noctal, prestement contrecarrée par le professionnalisme et les gros flingues impériaux, tout semble baigner dans l’huile de moteur pour Jaeger et ses hommes, jusqu’à ce que ce dernier ait la malheureuse et déplorable idée de… prendre une initiative. Ahlàlà. Pour sa défense, son projet d’attaque d’une colonne blindée Noctal, repérée par l’esprit de la machine d’un missile2, et dont l’utilisation fourbe de la géographie locale avait permis d’échapper aux scanners de la flotte jusqu’ici, partait d’une bonne intention : protéger l’avance des bidasses de la Garde et les empêcher d’être pris en tenaille par les défenseurs. Malheureusement, les grands projets de canyoning de Jaeger, pour prometteurs qu’ils aient semblé sur le papier (en voilà une activité de team building qu’elle est bonne !), se trouvent rapidement et violemment contrariés par la puissance de feu des assaillis. Et même si Thorpe ne se donne pas vraiment la peine de décrire la manière dont les Noctal parviennent à dégommer l’invincible armada de manière aussi brutale, le résultat de l’accrochage n’est pas franchement en faveur des Impériaux. Bien que ces derniers aient pu larguer quelques missiles sur zone, le bilan est très lourd, et même Jaeger ne s’en sort pas indemne, son appareil étant lui aussi abattu en plein vol, forçant l’impulsif et inconstant Commandant3 à évacuer la carlingue en compagnie de ses hommes. Se réveillant avec une jambe cassée dans le désert de Mearopyis, Jacquou le Croqueur de feuille de match doit maintenant digérer les conséquences humaines et matérielles de son coup de sang : avec deux tiers de ses Maraudeurs et la moitié des Thunderhawks passés en perte et profit, le bilan est lourd pour Herr Jaeger. Cela en valait-il la peine ? C’est sur cette question lourde de sens que nous quittons notre héros, qui pourra attendre d’être secouru en dessinant des faucons. C’est ça d’être une buse.

AVIS:

Suite de l’acceptable Acceptable Losses, Raptor Down donne l’occasion à Gav Thorpe de nous tenir au courant de l’évolution de carrière ce bon vieux commandant Jaeger, et met l’escadron de ce dernier aux prises avec un nouvel ennemi et sur un nouveau théâtre d’opérations. Après l’espace froid et mortel qui a vu les Raptors aller au casse-pipe contre un Rok, nous sommes donc témoins d’une excursion atmosphérique dans les déserts de Mearopyis, ce qui illustre bien la versatilité des Maraudeurs impériaux. Sur la forme, la nouvelle de Thorpe se révèle être d’un niveau sensiblement égal à ses œuvres « spatiales » précédentes, c’est-à-dire très correct. Si on peut critiquer la prose de notre homme à bien des égards, il faut lui reconnaître une capacité à dépeindre un engagement aéronautique/spatial de manière convaincante et intéressante, beaucoup mieux que la plupart de ses collègues en tout cas. Sa maîtrise des unités (tant spatiales4 que temporelles5) et des facteurs propres à ce type de combat, comme la vitesse et la direction du vent, ou le niveau de carburant et des munitions embarqués rendent la lecture des péripéties aériennes de l’escadron Raptor plutôt prenante. Thorpe fait même du zèle en intégrant en début de récit une retransmission d’un affrontement spatial entre la flotte impériale et son homologue Noctal, que le supérieur de Jaeger se  repasse en boucle comme d’autres matent un top 10 NBA. Petit plaisir coupable, que nous lui pardonnons sans mal puisque le résultat est là aussi assez qualitatif.

L’intrigue et la construction de Raptor Down, en revanche, s’avèrent être moins satisfaisantes. La première est une variation sans originalité du scenario d’Acceptable Losses (un escadron de Maraudeurs chargé d’une mission où rien ne se passe comme prévu), ce qui n’est en soit pas un gros problème puisque la possibilité de Thorpe d’innover sur le sujet est passablement limitée (un Maraudeur, ça maraude, poingue). Ce qui est moins acceptable à mes yeux est la manière dont l’auteur fait passer Jaeger de Mr Baillezeubouque à Dr Folamour en l’espace de deux paragraphes, le chef d’escadre précautionneux se muant en tête brûlée sans qu’aucun élément préalablement établi par Thorpe sur le caractère de son personnage ne puisse laisser augurer ce changement radical de tempérament. Autre point plutôt mal géré par le Gav, le raid des Maraudeurs sur la colonne blindée, torché en même pas une page, et qui tient plus du tir au pigeon que de l’attaque en rase-motte. Le fait qu’on ne voit même pas à qui les impériaux sont confrontés, ce qui ne permet pas de comprendre pourquoi ils se font ainsi décimer par un adversaire totalement à leur merci sur le papier (à moins que les Raptors aient eu la malchance de tomber sur un convoi DCA Noctal), annihile toute tension narrative, les (bol)os des as se faisant canarder (un comble pour des raptors6) en l’espace de quelques secondes. Finalement, la conclusion même de la nouvelle ne m’est pas apparue comme particulièrement maîtrisée, les états d’âme douloureux de Jaeger alors qu’il se retrouve isolé avec ses hommes en territoire ennemi, ne suscitant qu’un distrait « so what ? » chez votre serviteur. À titre personnel, je pense que Thorpe a laissé ainsi la porte ouverte à un nouvel épisode (à ma connaissance jamais écrit), et que cette fin n’en était en fait pas vraiment une. Pas de chance, cela n’a débouché sur rien, et la dernière image que le lecteur emportera du commandant Jaeger sera celle du matelot du radeau de la Méduse fixant l’horizon d’un œil torve, le menton dans la main. Ce qui n’est pas commun, avouons-le.

1 : Il reconnaît lui-même qu’il n’est jamais heureux. Sauf quand il vole. Et encore, il stresse tellement que j’ai du mal à voir quel plaisir il tire de l’expérience. Pauvre bonhomme.

2 : On peut remercier le Techno-Adepte Ferrix, l’homme qui murmurait à l’oreille des (AGM-119) Pingouins.

3 : Pour un gars qui avait passé la nouvelle à ressasser son amour des plans qui se déroulent sans accrocs et la nécessité de se conformer aux règles établies, surtout quand elles touchent à la Santé & Sécurité, décider de se la jouer berzerk à la première colonne blindée, c’est assez surprenant.

4 : Quand on est un pilote de Maraudeur, 150 kilomètres, c’est proche.

5 : Quand on est un pilote de Maraudeur, 3 minutes, c’est long.

6 :Rapace’ en anglais. Rien à voir avec les dinosaures donc.

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Wings of Bone – J. Swallow :

40K_Wings of BoneINTRIGUE:

Technicien de surface au sein du 404ème (error : origin of the regiment not found), la recrue de 3ème classe Aves vit sa passion pour les avions de guerre par procuration en astiquant le manche (et les autres parties charnues) du Maraudeur Griffon, malgré les railleries, mauvais traitements et passages à tabac réguliers dont il est victime de la part de l’équipage de ce dernier. Assigné au support aérien de la Garde Impériale sur le théâtre de Rocene, planète en proie à une insurrection chaotique de grande ampleur, le Griffon mène des actions d’arrière-garde pour couvrir l’héroïque retraite stratégique actée par le haut commandement depuis quelques semaines. Sur l’aérodrome du Point Novembre1, Aves termine de faire briller les cadrans et cirer les sièges en cuir en chuchotant des mots tendres à la carlingue de son gros ami de fer lorsqu’il est témoin de l’arrivée furtive d’un chasseur ennemi, volant en rase mottes en direction de l’installation impériale avec la probable intention d’aller se kamikazer dans les hangars loyalistes. Réagissant avec promptitude et sang-froid, notre héros saisit les joysticks du poste de tir du Maraudeur, et cartonne l’impudent en plein ciel avant qu’il n’ait pu commettre l’irréparable. Malheureusement, si son intervention salutaire a certainement permis de sauver des vies (mouais…) et du matériel (mieux !), elle n’est que moyennement appréciée par la team Gryffondor, et en particulier par cette brute épaisse de Nilner, qui refait le portrait du héros, coupable d’avoir osé prendre sa place dans le cockpit pour accomplir sa BA. Comme quoi, il vaut mieux ne jamais prendre d’initiative.

Parti chercher un Ibuprofen à l’infirmerie sur sa pause-café, Aves revient à temps pour surprendre la discussion entre le Capitaine Vought et son bras droit, le Bombardier Sorda, seul à prendre la défense du larbin méritant, à la grande surprise de ce dernier. Marqué par des poings mais ayant tout de même marqué des points, Aves commence à nourrir des ambitions aériennes, que les aléas de la guerre ne vont pas tarder à favoriser. La suite de la nouvelle permet en effet de suivre une opération conjointe entre le Griffon et le Basilisk à l’encontre du QG mobile des renégats, une monstruosité sur chenilles au blindage tellement épais que les honnêtes bombes classiques larguées par les Maraudeurs (200 kilos d’explosifs par ogive, tout de même) ricochent avec un klong grotesque sur l’épiderme ferreux du béhémoth. Pour ne rien arranger, le commandant de ce dernier, sans doute grand fan du Commissaire Yarrick, a fait monter un mauvais œil d’une taille titanesque sur la coque de son Panzer, qui a tôt fait de rôtir le Basilisk2. La sortie tourne définitivement au vinaigre lorsqu’un trio quatuor de chasseurs ennemis prend chasse le Griffon sur le chemin du retour, perforant l’opérateur de tourelle au passage et amputant Nilner de sa jambe gauche d’une rafale bien placée. Bien que Vought parvienne à ramener son coucou au nid, ce dernier est en piteux état à son arrivée, et il revient à Aves d’emmener Nilner en toute hâte jusqu’à l’infirmerie avant que le gâchettier ne se vide de son sang. Dilemme éthique de la part de notre héros, qui a la possibilité de rendre la monnaie de sa pièce à son tortionnaire simplement en levant le pied de l’accélérateur et en regardant à droite, à gauche, puis à droite, puis à gauche, à chaque intersection. Que va-t-il décider ?

Ayant réussi son test de compassion désintéressée, Aves livre son colis aux urgences avant que sa date de péremption n’expire, ce qui lui attire l’incrédulité respectueuse de Sorda. Cette bonne action se retrouve récompensée lorsque, quelques jours plus tard, et le Griffon remis en état, Aves réussit à convaincre3 Vought de prendre les manettes des flingues du Maraudeur afin de permettre à ce dernier de finir le boulot en larguant un Little Boy sur le nez du Baneblade ennemi. Cette mission à hauts risques, la dernière que le Griffon mènera avant que la Garde passe la main aux Space Marines des Doom Eagles, permettra-t-elle à notre fanboy enthousiaste de prouver sa valeur et de mériter le fameux pin’s à ailes d’os sur lequel il bave depuis si longtemps ?

AVIS:

Soumission assez honnête de la part de James Swallow, Wings of Bone a la bonne idée de ne pas se passer exclusivement dans une carlingue de Maraudeur en mission, théâtre de drames assez répétitifs dans l’absolu. Bien que l’auteur remplisse son quota de scènes d’engagements aériens (exercice dans lequel, sans véritablement exceller4, il fait le job de façon correcte pour la BL), c’est ce qui se passe sur le tarmac qui fait le sel de cette nouvelle, les désirs de promotion et de gloire martiale d’Aves, héros larmoyant mais exemplaire (des caractéristiques rares à 40K), constituant une respiration bienvenue entre deux séquences d’action. Rien n’est bien original, ni très développé (Aves le vaillant petit tailleur souffre-douleur, Nilner la grosse brute, Sorda le vétéran protecteur, Vought le commandant hautain mais qui a un bon fond…), dans ce que raconte Swallow, mais son texte ne comporte pas non plus de défauts rédhibitoires. Une nouvelle véritablement et littéralement passable, donc.

1 : Si la campagne a commencé avec Janvier, ça donne une idée du terrain perdu par les troupes de Pépé depuis le début des combats.

2 : Ce qui est normal après tout, un coq vole moins bien et moins haut qu’un griffon.

3 : Vought : « Je suis désolé messieurs mais le haut commandement est formel. Nous ne serons autorisés à mener cette mission suicide consistant à larguer une bombe nucléaire sur le Baneblade ennemi que si l’équipage dispose d’un opérateur qualifié pour nos bolters lourds de coque. Avec la blessure de Nilner, ce n’est pas le cas, et nous allons donc malheureusement devoir nous contenter de faire le taxi brousse en attendant l’évacuation de la base. Ne me remerciez p- »

Aves : « Eh M’sieur ! Moi je peux remplacer Nilner M’sieur ! »

Vought : « Et qu’est-ce qui te fait penser que tu as l’étoffe d’un équipier du Griffon, moustique ? Je suis tombé sur tes fan-fictions aéroticonautiques, et j’ai connu des cultistes de Slaanesh qui avaient plus de décence. Il va en falloir plus que ça pour me convaincre de te laisser nous rejoindre ! »

Tous : « DUEL ! DUEL ! DUEL ! »

Aves : « Euh, c’est quoi cette histoire de duel là les gars ? J’avais préparé une lettre de motivation et j’ai amené une recommandation de la part de Riton de la cantine (si ça vous intéresse), mais je ne pensais pas qu’on en arriv- »

Vought : « Regarde-moi dans les yeux, petite fiotte ! Le premier qui cille a perdu ! »

Aves : « Ah. Ok. C’est dans mes cordes je pense. » – souffle dans le nez de Vought –

Vought : « Aaaaargh, il est fort l’animal ! C’est limite mais c’est réglo. Bien venu à bord, petit gars. »

4 : En témoigne la dernière mission du Griffon, qui verra la totalité de l’équipage à l’exception d’Aves, mourir ou être gravement blessé hors champ et en mode silence, ce qui n’aide pas à construire et maintenir une tension narrative digne de ce nom. Consacrer quelques page de plus au grand final de l’Hindenburg n’aurait pas été une mauvaise idée.

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Au final, que conclure de cette anthologie thématique obligeamment concoctée par la Black Library ? Comme toujours, il y a du bon et du moins bon à faire remonter, mais il me semble malheureusement que le négatif l’emporte sur le positif cette fois-ci.

Pour commencer par les aspects les plus intéressants d’On Wings of Blood, on commencera par souligner (à nouveau, et c’est un bon marqueur du peu de choses que je trouve à dire à décharge de ce recueil) que son rapport quantité/prix est plutôt intéressant. Ainsi, si j’avais voulu acquérir les quatre seules nouvelles qui m’ont vraiment intéressé à la lecture de cet opus, Medusan Wings, Acceptable Losses, Wraithflight et Ancient History, il m’en aurait coûté largement plus cher que l’achat de ce bundle1, et ce sans prendre en considération le fait que deux de ces quatre textes ne sont pas/plus disponibles à l’unité. Cela me permet de faire le lien avec une autre caractéristique positive d’On Wings of Blood, la republication de nouvelles datant de la fin du dernier millénaire (cela ne nous rajeunit pas), que l’amateur contemporain aurait eu du mal à dénicher sans cela, même si the internet provides, comme dit le proverbe. Passés ces deux constats, je n’ai pas grand-chose d’autre à ajouter au crédit de ce bouquin, qui s’avère être l’un des recueils les moins inspirés de la BL, à mon humble avis.

Le premier défaut manifeste dont souffre On Wings of Blood est malheureusement structurel. Le choix de la Black Library de se focaliser sur un thème aussi précis, et à franchement parler, pauvre, que les batailles aéronautiques du 41ème millénaire, conduit fort logiquement à lire des soumissions qui se ressemblent toutes, à quelques exceptions près. Là où des ouvrages comme Fear the Alien, Planetkill, ou Sabbat World permettaient à leurs contributeurs d’exploiter une multitude d’angles d’approche tout en inscrivant leur récit dans une trame commune, le cahier des charges très spécifique d’On Wings of Blood a bridé l’imagination des auteurs sollicités, les menant à répéter les mêmes schémas narratifs et péripéties, à leur insu certes, mais de façon rapidement lassante pour le lecteur. Si ce dernier s’avère être d’une humeur mutine, il pourrait même de façon réaliste envisager de se lancer dans un bingo « aéroplanes de guerre de 40K », et cocher des cases à chaque fois que le wingman du héros se fait descendre par surprise ou que ce dernier se retrouve écrasé par une force-G menaçant de le plonger dans l’inconscience. Outre cela, les protagonistes (et donc les appareils) mis en scène dans l’anthologie ne sont pas des plus variés, les Stormtalons et Stormravens Space Marines bénéficiant d’une couverture très fournie, suivis par les Maraudeurs de la Garde et Flotte Impériales, et dans une moindre mesure par les Dakkajets Orks2. Si les Eldars ont une paire de nouvelles à se mettre sous la dent, le Chaos, les Tyranides et les Necrons ne font qu’un discret cameo, ce qui est déjà mieux que les T’au, grands absents de cette anthologie inégale. C’est d’autant plus dommage que le Bien Suprême avait de sérieux arguments à faire valoir en la matière, et aurait amplement mérité de croiser le fer avec les autres factions du lointain futur pour la maîtrise des cieux et des pages d’On Wings of Blood.

Deuxième problème constaté et déploré par votre serviteur, la faible qualité intrinsèque qui caractérise la plupart des travaux inclus dans ce recueil. S’il est assez évident que la majorité de ces derniers sont des bouts de fluff romancés commandités par la Black Library pour accompagner la sortie de kits plastiques, le caractère basique et insipide de ces travaux de commande n’aurait en revanche pas dû aller de soi (call me a dreamer). Un auteur inspiré aurait pu sublimer les spécifications imposées par son éditeur3 pour obtenir un résultat potable, voire prenant. Certains ont d’ailleurs réussi ces figures imposées (Westbrook, Haley, Thorpe), livrant des textes à même d’embarquer le lecteur quel que soit son niveau d’amour « natif » pour les avions qui tirent/canons qui volent, soit en développant les aspects techniques (et donc intéressants, c’est le nerd qui écrit) de ce type de bataille, soit en développant largement d’autres aspects (souvent d’un intérêt fluffique un peu plus évident pour le fan de 40K) de leur récit n’ayant rien à voir avec la guerre aéronautique. Pour le reste, préparez-vous à de la publicité romancée détaillant l’infinie coolitude du dernier aéroplane mis sur le marché par la maison mère, du même niveau que les dessins animés américains des années 80 qui n’étaient qu’un prétexte pour faire vendre du jouet. Certes, si on y réfléchit, c’est à ça que sert la Black Library. Mais un peu de talent littéraire aurait aidé à faire passer la pilule.

L’ajout d’un extrait du Double Eagle de Dan Abnett, réédité lui aussi en guise d’accompagnement du nouveau jeu de GW, vient à ce titre apporter un salutaire, mais cruel, contrepoint aux Blackburn Botha de papier qui constituent le gros de l’escadron d’On Wings of Blood. En l’espace de quelques pages, l’auteur parvient à donner de la profondeur et de l’intérêt au casting, déjà bien étoffé, de son roman, et à intéresser le lecteur à la nature du conflit opposant l’Imperium au Chaos sur le monde d’Enothis (ce que ses petits camarades de jeu ne prennent souvent pas la peine de faire). Nous avons également droit à un accrochage entre une patrouille de Cadets de la Flotte Impériale et le sinistre  Khrel Kas Obarkon, l’as des as des forces chaotiques, qui, parce qu’il s’attarde sur le ressenti des deux pilotes qu’il oppose, s’avère plus prenant que l’intégralité des dogfights du reste de l’anthologie. Bref, si vous voulez vous hyper sur la guerre aéronautique, prenez plutôt un billet sur l’Air Abnett plutôt que de passer par l’OWOB (vous allez trouver).

Vous l’aurez compris, je ne recommande pas vraiment cet opus, à part aux passionnés du sous-sous-sous-sous-genre qu’il couvre, et aux amateurs de vieilleries cherchant à enrichir leur collection et leurs connaissances à peu de frais. Il y a de meilleurs recueils de nouvelles 40K sur le marché à des prix similaires, et vous serez bien mieux servis avec ces derniers si vous ne cherchez « qu’à » vous détendre en lisant l’incomparable prose de la BL.

1 : Pour les amateurs de maths et d’exactitude, nous arrivons à un total cumulé de 17,48€.

2 : Ceci dit, l’utilisation des peaux vertes uniquement en tant qu’antagonistes m’a surpris. La boîte de base d’Aeronautica Imperialis mettant aux prises la Flotte Impériale aux Orks, il aurait été logique qu’au moins quelques unes des nouvelles soient narrées depuis le point de vue, sans doute très particulier, d’un pilote de Dakkajet. Et puisque l’escadron Raptor a été convoqué, il aurait été de bon temps d’inviter également le Def Skwadron.

3 : « Coco, j’ai besoin de 20 pages promotionnelles sur le Stormwolf qui vient de sortir. Et n’oublie pas de parler des canons Hellfrost qui sont trop cool ! »

INFERNABULUM! #1

Bonjour à tous et bienvenue dans le premier épisode d’Infernabulum!, le hors-série de ce sujet consacré à la revue critique du magazine Inferno ! de la Black Library. Vous vous demandez certainement à ce stade ce « qu’Infernabulum » veut dire, et peut-être si on peut le cuisiner avec de l’huile d’olive, pour les plus perchés d’entre vous. Il est vrai que le terme est peu banal, car il s’agit d’un mot-valise associant Inferno !, que je ne vous ferai pas l’affront de définir, à « Incunabulum » (« Incunable », en français), nom désignant tout livre imprimé avant 1501, et par conséquent d’une rareté extrême1. Détourné de son sens premier par quelques esprits fâcheux mais néanmoins inspirés, le terme peut également, par extension, s’appliquer à des ouvrages difficiles à obtenir du fait de leur ancienneté et/ou de leur faible diffusion originelle… ce qui correspond parfaitement à certaines des nouvelles publiées dans la première série des Inferno!.   En effet, bien que la majorité d’entre elles ait eu droit à une sortie postérieure dans un recueil ou une anthologie quelconque, voire plusieurs, il n’aura pas échappé au lecteur sagace et attentif que certains textes ne sont apparus que dans le magazine (pour une raison ou pour une autre), et sont donc d’une lecture assez rétive.

C’est là où votre dévoué chroniqueur entre en scène. Ayant mis la main sur tous les numéros d’Inferno ! publiés au cours de l’Âge du Mythe2, et établi qu’il ne servait pas à grand-chose d’en commencer la critique du fait de la redondance de contenu avec les anthologies et recueils que je prévois d’ores et déjà de disséquer, il ne me restait donc à considérer que la portion congrue de ces textes fondateurs. Il aurait été très dommage de passer ces derniers sous silence, malgré le fait que leur difficulté d’accès et leur absence de traduction en français s’érigent comme autant de barrières entre le quidam intéressé et l’objet de son désir. Qu’importe, l’entreprise me paraît suffisamment noble (et réalisable, ce qui ne gâche rien) pour l’entreprendre céans. Je vous propose donc, selon le modus operandi habituel, de partir à la découverte de ces petits amuse-bouche des temps jadis, si le cœur vous en dit. Bonus appréciable #1, cela nous permettra de replonger dans du vrai, du bon, du classique Warhammer Fantasy Battle, et je sais que vous en avez autant envie que moi, sauf si vous êtes très jeune dans le Hobby ou que vous êtes d’une absolue mauvaise foi (l’un se soigne, l’autre non). Bonus appréciable #2, j’inclurai, le cas échéant, les illustrations noir et blanc qui accompagnaient les textes en question dans les pages d’Inferno !, tradition des plus chics qui sera je l’espère un jour reprise par son successeur.

Cette introduction, faisant presque figure de manifeste en faveur de l’antiquité de la BL, débutons sans attendre notre plongée dans le passé avec l’Infernabulum! #1.

1 : De cette façon, même si vous n’allez pas plus loin dans ce post, vous aurez peut-être appris quelque chose qui vous donnera l’air très instruit à la prochaine pause-café au bureau. Tout ça grâce au Hobby et à la BL en particulier. Qui a dit qu’il s’agissait de littérature de gare ?

: On peut d’ailleurs filer la métaphore en comparant la période allant de la fin de la publication de la première série des ‘Inferno!’ au lancement de la seconde (ou à celui de de feu ‘Hammer & Bolter’, si on veut) à un Âge du Chaos (pour qui aime les courts formats de la BL, s’entend).

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Infernabulum!_#1

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Last Chance (Inferno! #5) – Thorpe [40K] :

INTRIGUE:

La tranchée tenue par les Gardes de Fer (sur le point de se transformer en Gardes de Rouille du fait de conditions climatiques peu favorables) du Lieutenant Martinez reçoit la visite d’un hôte de marque, en la personne de cette tête brûlée de Kage, tout juste revenu de sa balade quotidienne dans le no man’s land entourant la cité rebelle de Coritanorum. Esquivant balles, lasers, grenades, obus et quolibets avec la grâce qu’on lui connaît, notre héros se crashe comme une bouse aux pieds de l’officier, et s’en fait immédiatement un ennemi en aspergeant ses bottes de boue dans la foulée. Plus doué pour survivre à une purge de Space Hulk armé seulement d’une fourchette en plastique et d’un caleçon troué que pour se faire passer pour un Mordian discipliné et méticuleux (et peu aidé par le fait qu’il n’a même pas pris le temps de mémoriser le nom du soldat mort auquel il a dérobé son uniforme), Kage se fait immédiatement gauler par le Commissaire régimentaire qui passait dans le coin, mais arrive à gagner un sursis en révélant qu’il est membre d’une force d’infiltration impériale en mission top secrète derrière les lignes ennemies. Ce qui est précisément ce que dirait un soldat rebelle cherchant à infiltrer les lignes impériales s’il était fait prisonnier. Peut-être convaincu par le charisme naturel exsudé par le Last Chancer (ou conscient que l’armure de scénarium de ce dernier est trop épaisse pour leurs armes), les officiers Mordian se contentent de faire garder à vue notre héros par une poignée de Boucliers Blancs, qui tombent immédiatement sous le charme viril du vétéran balafré.

N’ayant rien d’autre à faire pour le moment, Kage commence à leur raconter sa vie, et notamment la manière dont il a atterri dans la Légion Pénale, suite à une rivalité amoureuse s’étant réglée dans le sang et les tripes entre lui et son Sergent de l’époque. Le récit du Père Kagetor est toutefois écourté par le déclenchement d’un bombardement orbital de Coritanorum, accompagné par un assaut généralisé sur les positions ennemies, juste pour être sûr de la mortitude définitive des défenseurs I guess, ou parce que ça coûtait trop cher en prométheum de rapatrier en orbite tous les régiments participants au siège. Après tout, et comme le dit le proverbe, la Garde meurt. L’occasion rêvée pour Kage de fausser compagnie à sa couvée de pioupious et mettre en exécution son projet d’évasion… si les choses s’étaient passées comme prévues. Malheureusement pour notre pénaliste expert, son fan club s’avérera trop fourni et trop collant pour lui permettre de filer à la Tanith, la perte de toute la chaîne de commandement Mordian au cours des premières minutes de l’assaut conduisant les Cadets à se tourner vers le torse velu et les mâles accents de Kage pour les guider vers une hypothétique survie. À toute chose, malheur est bon car les enfants-soldats de Mordian sauveront notre héros d’une mort prématurée lorsqu’il retombera, comme à la fin de chaque épisode, sur cette vieille baderne de Schaeffer. Tout prêt à exécuter son sous-fifre pris en flagrant délit de fuite, l’imperturbable Colonel est finalement convaincu de faire preuve de clémence par la dizaine de fusils laser braqués dans sa direction par la Kage Army. Ce n’est toutefois qu’un pis-aller pour Last Chance (qui mérite encore une fois son surnom) car Schaeffer a réservé une table pour deux dans un petit resto sympathique de Coritanorum, et il ne serait pas correct de faire attendre leurs hôtes…

AVIS:

Figures emblématiques du Thorpiverse, les Légionnaires Pénaux du Colonel Schaeffer, aussi connus sous le nom de Last Chancers, ont bénéficié d’une trilogie (chroniquée ici) et de quelques nouvelles de la part de Gav Thorpe entre la fin des années 90 et le milieu des années 2000. Ce Last Chance est probablement le coup d’essai de notre homme avec ces anti-héros hauts en couleurs, et sert d’introduction au duo central de la 13ème Légion Pénale, l’increvable Schaeffer et sa (tout aussi increvable) âme damnée Kage. Nouvelle de guerre de tranchée typique du style BL dans sa deuxième partie, c’est le début de la soumission qui présente le plus d’intérêt à mes yeux, puisqu’y est détaillé le parcours de Kage jusqu’à sa rencontre fatidique avec celui qui deviendra son bien-aimé supérieur pour les années à venir, éléments intéressants pour les fans des Last Chancers ne se retrouvant pas dans les autres écrits consacrés par Thorpe à son équipe de bras cassés casseurs de bras. On appréciera également la narration gouailleuse de Kage lors des passages racontés depuis son point de vue, qui s’avère être vraiment réussie. Les puristes noteront que les événements couverts par la nouvelle ne sont pas cohérents avec la conclusion de 13th Legion, le premier roman de la trilogie Last Chancers, qui voit les derniers survivants de la première levée de Schaeffer infiltrer Coritanorum pour surcharger les réacteurs de la cité rebelle. Mais y a-t-il vraiment des puristes Last Chancers?

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The Gifts of Tal Dur (Inferno!#20) – McIntosh [WFB] :

INTRIGUE:

Art: Des Hanley

Fraîchement revenus de leurs aventures à Erengrad (couvertes dans le roman Star of Erengrad), les aventuriers Stefan Kumansky et Bruno Hausmann font halte dans la petite ville de Mielstadt, où convergent les traces de leur ancien compagnon d’armes Alexei Zucharov, ayant eu la mauvaise idée de ramasser une babiole chaotique sur le champ de bataille. L’objet en question, sans doute un tract de la campagne présidentielle de François Hollande de 2012, l’a tellement convaincu que le changement, c’était maintenant, qu’il en a renié son allégeance ‘chaotique bonne’ pour rejoindre le camp de Tzeentch. Jugeant qu’il est de leur devoir d’empêcher leur comparse renégat de nuire, Stefan et Bruno ont poursuivi ce dernier à travers le Nord de l’Empire, confiants en leurs capacités de traqueurs pour mettre la main au collet de Zucharov avant que l’addition de ses déprédations ne soit trop salée.

À Mielstadt, nos héros n’ont rien de plus pressé que d’empêcher la pendaison arbitraire de l’infirmière de garde locale, soupçonnée, non sans raisons, par les locaux de bénéficier de pouvoirs surnaturels de guérison. N’ayant ni le temps, ni l’envie d’expliquer à une bande de rednecks agressifs les bienfaits reconnus de la balnéothérapie pour les patients en convalescence (la pauvresse, Katarina von Lucht de son nom, tenant un centre de cure thermale dans la forêt voisine, au lieu-dit de la source de Tal Dur), Stefan et Bruno se contentent de faire parler l’acier, sauvant Katarina d’un destin funeste mais s’attirant du même coup la neutralité malveillante du Graf de la ville, un certain Augustus Sierck (sans doute un parent éloigné de Detlef). La soirée passée à l’auberge locale en compagnie de ses sauveurs permet à Miss van Lucht de leur faire la pub de son établissement et des ses compétences de thérapeute, Tal Dur pouvant en effet accélérer la guérison de celui qui s’y baigne, mais seulement si ses pieds sont propres son âme est pure et qu’elle-même est présente pour superviser le procédé. Il n’y a pas à dire, elle sait comment verrouiller un business et préserver un gagne-pain. Enfreindre ces deux règles a généralement des conséquences fâcheuses, comme l’intervention d’un maître-nageur furibard armé d’une zweihander, ou quelque chose comme ça.

De leur côté, Stefan et Bruno ne perdent non plus pas de temps, le premier à briefer leur hôte sur la présence probable de Zucharov dans les parages et son souhait, tout aussi probable, d’utiliser le pouvoir de Tal Dur pour… se faire enlever le tatouage chaotique qui recouvre petit à petit sa peau (ce tract de François Hollande devait être très mal imprimé pour dégorger de la sorte). Eh, pourquoi pas après tout, le délit de faciès est une réalité même dans le Vieux Monde apparemment. Le second, quant à lui, chauffe suffisamment la serveuse de l’estaminet pour qu’elle lui laisse son adresse sur un bout de parchemin à la fin de son service, ce qui est une Victoire Majeure pour l’Empire, comme tous le reconnaîtront. Malheureusement, ou heureusement, en l’absence de Google Maps, et malgré le fait que la ville ne doit pas être si grande que ça, Bruno erre comme un gland toute la nuit sans arriver à bon port. Grand bien lui fasse car, à son insu, la serveuse était déjà maqué avec Zucharov, et cherchait donc à le faire tomber dans un piège (ou avait accepté de réaliser le fantasme de son nouveau petit copain en participant un plan à 3, même si l’esprit est plus Slaaneshi que Tzeentchien). La perfide aubergiste paiera toutefois cher son double jeu, son désir irrépressible d’allumer la lumière malgré les réticences de son coup d’un soir débouchant sur une crise de terreur nocturne aux conséquences fatales.

Le lendemain matin, Stefan est cueilli au creux du lit par le Graf et ses soldats, trop contents de mettre sur le dos des voyageurs le meurtre de la serveuse. Pas du genre à se laisser molester par une bande de bouseux après avoir sauvé l’Empire à quasi lui tout seul, Kumansky a vite fait d’apprendre aux forces de l’ordre la politesse en retournant leurs armes contre eux, et emmenant le Graf en balade à Tal Dur en compagnie de son sidekick lubrique. Là-bas, et après avoir libéré son otage (parce qu’il le vaut bien), Kumansky fait enfin face à sa Némésis, qui a capturé Katarina et se tient prêt à commettre l’irréparable. Le duel héroïque qui s’en suit verra le bien triompher de justesse, Stefan trouvant la rage de vaincre (ou plutôt, de péter le petit pont en bois sur lequel se trouve Zucharov à grands coups de latte) malgré ses graves blessures dans la réalisation soudaine que s’il meurt maintenant, il n’aura pas la possibilité d’aller se pinter la gueule avec son frère à Altdorf dans une semaine. À chacun ses motivations, il y a des Nains qui sont devenus berzerk pour moins que ça. Plouf font Stefy et Zuky en tombant dans le grand bain, qui ne leur réservera pas le même destin. Aidé à sortir de l’eau par Katarina, Kumansky émerge de l’onde amère frais comme un gardon et totalement guéri, tandis que son adversaire refait surface ridé comme un pruneau, avant d’être définitivement aspiré au fond de la piscine par… le poids de sa conscience coupable, j’imagine. Au moins, il meurt propre, l’encre chaotique ayant été lessivée par les eaux purificatrices de Tal Dur, décidément très efficaces.

Vient alors l’heure pour nos deux héros de repartir vers de nouvelles aventures (incluant donc une nuit de beuverie au Helmsman, qui a l’air de valoir vraiment le coup s’il parvient à ranimer les mourants), forts du sentiment du devoir accompli. Peut-être un peu déçu par le refus de Katarina de l’accompagner jusqu’à Altdorf – les affaires sont les affaires – Stefan peut toutefois se consoler par le chaste baiser que la belle lui accorde avant de le laisser repartir. Ce ne sera peut-être (sûrement même, my it-s-bloody-obvious-the-way-the-author-wrote-it sense is tingling) que partie remise…

AVIS:

Ayant lu il y a fooooooooort longtemps le roman Star of Erengrad, premier tome de la trilogie consacrée par Neil McIntosh au personnage de Stefan Kumansky, qui se terminait sur la victoire des gentils et la corruption d’Alexei Zucharov, je n’ai pas eu de difficulté à me plonger (haha) dans cette nouvelle, qui n’est autre que la suite logique du roman mentionné plus haut. Ceci dit, le bon travail de contextualisation qu’effectue McIntosh en introduction de son propos aurait permis à n’importe qui de comprendre facilement les tenants et aboutissants de l’intrigue déroulée dans ce The Gifts of Tal Dur, soumission simple mais pas simpliste, et d’honnête et robuste facture. Sur un canevas certes peu original dans l’absolu (le héros sauvant sa belle des griffes du méchant, l’épée à la main), mais relativement peu utilisé dans les écrits de la BL, où les protagonistes ont généralement autre chose à faire que secourir des damoiselles en détresse, l’auteur place un vernis légèrement grimdark mais totalement WFB, avec le Chaos venant jouer son rôle de force corruptrice et destructrice, retournant les frères d’armes l’un contre l’autre et laissant à son hôte malheureux quelques secondes pour réaliser l’étendue de sa folie avant que le voile de la mort ne tombe. So cinematic. Bref, un honnête filler dans les rayonnages bien achalandés de la Black Library, qui permettra au lecteur de se faire une bonne idée du style et des capacités de Neil McIntosh.

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Debt of Blood (Inferno!#23) – McIntosh [WFB] :

INTRIGUE:

WFB_Debt of Blood

Art: Paul Jeacock

Finalement de retour à Altdorf après son road trip à Erengrad et dans le nord de l’Empire, l’aventurier Stefan Kumansky jouit d’un repos bien mérité et récolte les dividendes de ses actions héroïques en se faisant payer des coups à boire à l’occasion de l’Heldenstag, comme c’est la tradition. Soucieux de ne pas voir apparaître son frère, qui apparemment constitue son compagnon de beuverie favori1, Kumansky décide de se rendre directement chez ce dernier, et se retrouve fissa mis en garde à vue en compagnie de son frérot, trempé jusqu’au cou dans une sombre affaire de haute trahison, qui pourrait conduire à son incarcération à vie. Seul échappatoire pour les frangins Kumansky, le marché que leur propose Rheinhardt Kessler, l’autoritaire Prévôt du Conseil des Anciens d’Altdorf. Il s’agit pour Stefan de servir de chaperon à Heinrich von Diehl, scion d’une famille décadente ayant donné à l’Empire un sorcier du Chaos (Lothar) et un guerrier de Khorne (Kurt), rien que ça. Heinrich, lui, semble ok pour témoigner dans un procès d’importance devant se tenir dans quelques jours à Altdorf, et auquel sa chère famille souhaiterait vivement qu’il ne participe pas. La corruption légendaire des grandes cités ne rendant pas possible la mise en place d’un système de protection des témoins classique, Kessler décide donc de placer son mouchard #1 sous la protection d’un reître dont il ne sait pas grand-chose, et dont l’obéissance est acquise via un chantage familial. Je m’avance peut-être mais il me semble que nous sommes un tout petit peu hors procédure sur ce coup-là.

Toujours est-il que Stefan ne peut décemment pas refuser, et passe donc une semaine morne et tendue à s’assurer du bon état de santé de sa charge. Convoqué à une entrevue urgente avec Kessler dans une taverne à la veille de l’ouverture du procès, HvD est escorté par Kumansky et un poignée de gardes jusqu’au lieu du rendez-vous, qui se trouve être comme de juste rapidement assailli par une bande de… méchants (par manque de description des motivations des attaquants), menés par un mutant particulièrement véhément, que notre héros parviendra à vaincre grâce à l’usage ingénieux du traditionnel lustre en fer forgé que tout lieu de duel à l’épée se doit de comporter (c’est dans le cahier des charges des écrits med-fan Sword & Sorcery, j’ai vérifié). Manque de bol pour la petite bande, von Diehl se mange un carreau (d’arbalète, sinon ce serait moins grave) au moment de sortir de l’estaminet, résultant en une blessure non mortelle mais suffisamment grave pour que le passage à l’hospice de Shallya le plus proche devienne obligatoire. Ce dernier, tenu par la brave Sœur Agnetha, que des années de coupes budgétaires ont laissé toute seule pour tenir la permanence de quartier, permet à l’aristo décadent de reprendre quelques forces, mais ne sera pas en mesure de soutenir le siège en règle qui ne manquera pas d’être mis à la bâtisse incessamment sous peu. Très héroïquement, Kumansky ordonne à son dernier PNJ garde d’exfiltrer la street medic et reste seul avec son témoin, confiant dans sa capacité à le défendre contre toute nouvelle tentative d’homicide (kelhôme).

L’attente anxieuse de notre héros n’est que de courte durée, un discret bruissement derrière lui annonçant l’arrivée d’une tierce personne, armée d’une arbalète et d’intentions bien peu charitables envers le garde du corps de von Diehl. La nouvelle venue se révèle être Natalia Zucharov, sœur d’Alexei Zucharov, ancien compagnon d’armes de Kumansky ayant accompagné ce dernier jusqu’à Erengrad puis sombré dans l’adoration des Dieux Sombres sur un malentendu (Star of Erengrad), et ayant été finalement exécuté par ses anciens alliés sur le chemin du retour (The Gifts of Tal Dur). Comme on peut s’y attendre, Natalia a un râtelier contre Stefan, qu’elle accuse d’avoir assassiné son frère de sang-froid.  C’est elle qui a ouvert le feu sur les survivants de l’embuscade à la sortie de la taverne, et fiché un carreau dans le buffet de von Diehl du fait de sa maîtrise toute relative de l’arbalète. Elle a une excuse cependant, étant d’abord une apprentie du Collège Gris, ce qui explique sa capacité à apparaître derrière les gens sans crier gare. Sentant qu’un affreux malentendu est sur le point de se produire, Kumansky arrive à convaincre Zucharov d’escorter von Diehl en lieu sûr, arguant qu’elle lui doit bien ça après avoir manqué de le tuer deux heures plus tôt. Natalia accepte et emmène Heinrich jusqu’à la maison de Bruno Hausmann, le comparse de Stefan, jurant de revenir un peu plus tard pour terminer son affaire.

Cette fois-ci totalement seul, Kumansky est enfin libre de faire son héros, en repoussant des hordes de… méchants (là encore, la description est succincte) sortant du sol de l’hospice. Vaincu par la multitude après un combat épique, il a la surprise 1) de se réveiller et 2) de faire face à Kessler, apparemment très pressé de savoir où se trouve von Diehl. Il ne faut pas longtemps à  Stefan pour se rendre compte que son commanditaire est passé de l’autre bord, et cherche le noble pour lui faire la peau. Résolu à endurer stoïquement toutes les tortures que son ravisseur ne manquera pas de lui faire subir, Stefan refuse crânement d’obtempérer, mais se fait sauver des poucettes par l’arrivée de von Diehl, qui s’est rendu aux hommes de Kessler sans soupçonner l’entourloupe. Tout est-il perdu pour la team Gentil ? Non ! Car von Diehl était en fait Natalia Zucharov dissimulé par un sort d’illusion, et dans la cohue qui suit son coming out, la paire réussit à se libérer, régler son compte à Kessler (qui malgré ses rodomontades de boss de fin de niveau, s’écroule à la première touche de sa hitbox) et s’échapper par la fenêtre et jusqu’à la sécurité de la maison de Bruno, malgré le vertige handicapant de la donzelle, rattrapé in extremis par un Kumansky toujours chevaleresque.

Ayant réussi à déjouer les manigances de Kessler, et confiant dans la protection apportée par un de leurs amis hauts placés pour mener à bien leur mission, nos héros se quittent presque bons amis, la promesse de Natalia de revenir honorer la dette de sang contractée par Stefan suite au meurtre de son frère apparaissant comme bien hypothétique (encore cinq pages et elle finissait dans son lit). Mais ceci est une autre histoire…

1 : Voir The Gifts of Tal Dur, et les trésors de motivation tirés par notre héros de la soirée picole promise par son frangin lors du combat final.

AVIS:

Se déroulant (probablement) après les événements couverts dans Taint of Evil, cette nouvelle s’avère être assez complexe dans son intrigue, aux manigances politiques de la haute société d’Altdorf venant se mêler la vengeance personnelle de cette brave Natalia, que McIntosh fait apparaître comme une cruche d’un bout à l’autre de son récit. Tireuse à l’arbalète médiocre, arcaniste peu sûre d’elle (de son propre aveu, le sort qui a sauvé Kumansky aurait pu tout aussi bien le tuer, et le sceau magique laissé sur la porte de la maison de Bruno a été brisé à son retour), combattante pathétique, sujette au vertige et aux phrases absconses, la sœur Zucharov tient plus de la damoiselle en détresse que de la traqueuse mortelle qu’elle était censée être. Il semble qu’il s’agisse d’une constante chez McIntosh (voir le rôle de faire-valoir de Katarina von Lucht dans The Gifts of Tal Dur), qui pour sa défense écrivait à une époque où le Women’s empowerment n’était pas encore un concept à la mode dans le monde de la fiction med-fan. De son côté, l’héroïquement héroïque Stefan Kumansky s’en tire comme d’habitude avec les honneurs, seul son manque absolu de personnalité et d’intérêt venant rebuter le lecteur.

La réalisation de McIntosh s’avère par moment assez fébrile, les scènes de combat par exemple souffrant de leur caractère générique, l’intrépide jeune premier faisant face à des rangées de goons assez mal définis, ce qui empêche de vraiment s’impliquer dans ses péripéties. La palme est remise aux… choses qui sortent des sous-sols de l’hospice de Shallya, dont on ne sait pas s’il s’agit de mutants, de démons ou de morts-vivants, qui les a convoqués et pourquoi elles n’ont pas mis Kumansky en pièces après que ce dernier ait perdu son dernier point de vie. Non pas qu’une autre issue eut été possible, mais comme Kessler n’est jamais vraiment présenté comme capable de s’attacher les services de ce genre de gros bras (sinon, il n’aurait pas été mis en échec par un sort de niveau 1, je gage) et que le fourbe Prévôt est le seul antagoniste présenté dans la nouvelle, il aurait été logique qu’il soit l’orchestrateur direct de l’attaque. Bref, l’exécution de ce Debt of Blood pêche sérieusement, et comme les personnages mis en scène par McIntosh ne présentent en eux-mêmes pas grand intérêt, on se rabattra de guerre lasse sur les quelques éléments fluff mis à disposition par l’auteur pour se convaincre de finir la lecture de ce nouvel épisode de Kumansky & Hausmann, les Starsky & Hutch du Vieux Monde.

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The Ambassador (Inferno!#25) – McNeill [WFB] :

INTRIGUE:

WFB_The Ambassador

Art: Andrew Hepworth

Fraîchement nommé ambassadeur impérial à la cour de la Tsarine de Kislev, le général à la retraite Kaspar von Velten enchaîne les déconvenues à peine arrivé sur le lieu de son affectation. Accompagné d’un vieux serviteur manchot un peu trop familier (Stefan) et d’une escorte de Chevaliers Panthères frileux (à croire que ces pelisses ne sont pas de bons isolants thermiques), l’apprenti diplomate commence par déloger son prédécesseur, l’incompétent et corrompu Andreas Teugenheim (ça veut littéralement dire « taverne » en reikspiel, faut pas s’étonner que le type soit un jouisseur) de l’ambassade saccagée que ce dernier occupait, s’attirant du même coup l’hostilité goguenarde du parrain de la Bratva locale, un colosse bedonnant répondant au nom de Vassily Chekatilo, très occupé à fumer des cigares avec son bon ami Teugenheim dans le boudoir de ce dernier à l’arrivée de la relève.

Réalisant qu’il est bon pour quelques jours de ménage et de chinage intensifs s’il souhaite redonner à son nouveau chez-lui le faste et le cachet qu’on est en droit d’attendre d’une ambassade impériale (sans compter la formation du service d’ordre local, qui aurait fort à faire à repousser les assauts de  Gnoblars hémiplégiques), von Velten est sauvé de la corvée de mob par l’arrivée impromptue d’une de ses anciennes connaissances, l’ex-Lancier Ailé Pavel Korovic, compagnon d’armes fidèle et alcoolique notoire, qui insiste bruyamment pour que les retrouvailles soient célébrée à grand renfort de kvas. Acceptant l’invitation, Kaspar se rend au domicile de son comparse et s’embarque dans une soirée arrosée suivie d’une nuit enfumée, son repos réparateur se trouvant interrompu par le début d’incendie allumé par un trio de brutes pyromanes, auxquelles von Velten règle leurs comptes sans penser qu’il aurait été pertinent de garder un séide en vie pour pouvoir lui soutirer des informations sur son commanditaire. Erreur de débutant.

C’est donc à une prise de fonction des plus mouvementées qu’a droit celui qui passera à la postérité sous le nom d’Ambassadeur, ses premières heures kislevites lui ayant en outre permis de se familiariser avec le sinistre parcours du tueur en série cannibale local, simplement nommé le Boucher (les Kislevites sont des gens pratiques et peu imaginatifs), et avec lequel on devine que Kaspar aura rapidement maille à partir. Ajoutez à cela une ambiance plutôt morose du fait de la tenue prochaine de la traditionnelle invasion chaotique, le froid, la neige et le mal du pays, et vous avez le début d’un séjour qui s’annonce mémorable pour notre pré-retraité. Everrrrytting fill bi olrrrraïtt, da ?

AVIS:

Mes souvenirs nébuleux de la duologie (L’Ambassadeur//The Ambassador et Les Dents d’Ursun//Ursun’s Teeth) consacrée par Graham McNeill aux jeux complexes de la realpolitik entre l’Empire et le Kislev1 me font écrire avec une certitude assez grande que cette nouvelle est en fait le chapitre introductif du premier de ces deux romans, avec lequel elle partage son nom. Nous sommes clairement en face d’une introduction à une intrigue destinée à être traitée sur des centaines de pages, et les douze que constituent ce The Ambassador sont toutes entières consacrées à l’exposition de la situation dans laquelle Kaspar von Velten trouve Kislev à son arrivée et la présentation des protagonistes et antagonistes principaux du roman. En cela, il serait petit bras de critiquer le caractère inachevé de ce texte, qui n’est pas, comme annoncé par Inferno ! une nouvelle en tant que tel, mais l’extrait d’un ouvrage que McNeill n’avait pas encore finalisé à l’époque. La vraie question est donc de savoir si ces quelques pages donnent envie d’en savoir plus sur le long format qu’elles introduisent, et la réponse est plutôt positive. Graham McNeill brasse suffisamment large pour que la grande majorité de ses lecteurs trouve au moins une raison de suivre les aventures de son héros grisonnant au pays de l’alcoolisme morbide et des moustaches en fer à cheval. Thriller gore, péripéties med-fan, intrigues politiciennes, pourvoyeur de fluff, The Ambassador coche toutes ces cases, et probablement d’autres (il faudrait que je relise les bouquins), et est une lecture conseillée2 pour tous les hobbyistes s’intéressant au traitement réservé au Monde qui Fut par la Black Library. Je sais qu’il en reste.

1 : Et à la pratique du jogging par les chevaliers impériaux. Les vieux s’en souviendront.

: Ce n’est pas pour rien que l’ouvrage a été élevé au Black Library Hall of Fame en 2016. Une distinction d’assez peu de poids, je vous l’accorde, mais méritée quoi qu’il en soit.

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A Fool’s Bargain (Inferno!#25) – Maycock [WFB] :

INTRIGUE:

WFB_A Fool's Bargain

Art: Des Hanley

Alfredo Landi Naddeo est un marchand de curiosités prospère, son vaste achalandage de biens merveilleux autant qu’utiles (et parfois efficaces), sa science du négoce et le trio de gardes du corps mutants qui empêchent les clients potentiels de sortir de son échoppe avant d’avoir acheté un petit quelque chose lui ayant permis de vivre confortablement depuis la regrettable mise à sac de son précédent commerce. Lorsqu’un mercenaire ayant connu de meilleurs jours pousse la porte de sa boutique à la recherche d’une arme magique qui lui permettrait de se tailler un chemin sanglant dans la hiérarchie des condottiere tiléens, Alfredo se fait une joie de proposer à sa nouvelle victime connaissance d’acquérir la légendaire épée du Seigneur Mobach, une lame enchantée qu’il vient justement d’intégrer à sa collection…

AVIS:

À la question, des plus légitimes ici, de savoir combien de pages sont nécessaires à l’écriture d’une nouvelle à twist (la catégorie reine du genre) se déroulant dans l’une des franchises de la Black Library, Brian Maycock répond posément « 5 », et délivre une véritable masterclass de construction narrative avec A Fool’s Bargain. Ne négligeant aucun aspect de sa prose, qu’il s’agisse de l’instillation d’une atmosphère distinctive ou le développement du caractère de ses personnages, Maycock agence avec talent les multiples éléments nécessaires au récit d’une histoire digne de ce nom, pour un résultat simplement satisfaisant. Cela peut paraître peu, mais, je vous l’assure, c’est une des plus hautes distinctions que je puisse accorder à une nouvelle.

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The Deep (Inferno!#25) – Davidson [WFB] :

INTRIGUE:

WFB_The Deep

Art: Tiernen Trevallion

Alors qu’ils venaient de quitter le port de Luccini à bord d’un sous-marin de leur conception afin d’explorer les légendaires ruines de Thantis Tor, Hundri et ses compagnons de la Guilde des Ingénieurs sont envoyés par le fond à la suite de l’explosion de la chaudière du submersible. Échoué par grand fond à proximité d’une fosse océanique et à moitié enseveli par les rochers qui ont freiné sa chute, le vaisseau des Dawi est en piteux état, mais pourrait tout de même les ramener à la surface s’il est convenablement dégagé et réparé. Alors que les survivants s’activent pour se tirer de ce mauvais pas et qu’une ambiance délétère s’installe dans l’équipage1, les disparitions suspectes et les incidents malheureux s’enchaînent à un rythme inquiétant. Hundri en est convaincu, un saboteur est présent à bord, mais qui est-il, et quels objectifs poursuit-il ? Se pourrait-il vraiment que les mystérieux gardiens de Thantis Tor soient responsables des déboires de l’équipage du Beardy McBeardface ?

1 : Davidson propose une version grimdark des 7 Nains (on ne sait pas qui est Blanche-Neige par contre), avec un casting du tonnerre : Hundri, Cramé, Noyé, Suicidé, Tabassé, Fou à Lier et… Thon. Oui, Thon. Pour un sous-marinier, avouez qu’il a le nom de l’emploi. 

AVIS:

Un thriller mâtiné d’horreur se déroulant dans l’environnement claustrophobique à souhait d’un sous-marin nain échoué au fond de l’océan à proximité d’un temple englouti ? Relisez cette phrase lentement et essayez de trouver un seul élément qui ne soit pas super cool. Franchement, les contributeurs de la BL savaient pitcher des idées géniales à l’époque, et on ne peut que s’interroger sur le choix de cette dernière de ne pas inclure The Deep dans un des nombreux recueils ou anthologies de nouvelles publiés au fil des ans, où il aurait eu tout à fait sa place. En plus de proposer au lecteur une plongée (wink wink) des plus originales dans le background, voire carrément l’underground de WFB, Davidson tient le lecteur en haleine en mettant en scène avec brio la descente aux enfers des passagers du sous-marin, alors que la suspicion, la dépression et l’aliénation s’abattent sur eux au fur et à mesure que leur nombre décroît. Thantis Tor et ses mystérieux gardiens ajoutent une couche de surnaturel très bienvenue aux tribulations désespérées de l’équipage du sous-marin, dans une adaptation libre et réussie des 10 Petits Nègres (ou peut-être devrait-on parler des 7 Petits Nains ?) à la sauce Abyss. Seule la conclusion de l’histoire laisse un peu à désirer, les motivations du coupable n’étant jamais vraiment explicitées, ni suggérées. Il serait toutefois dommage de bouder son plaisir devant cette authentique pépite du corpus de la Black Library, une de celles qui vous motive à persévérer dans cette occupation, qui peut se révéler assez frustrante à la longue. Seven little dwarves playing hide-and-seek. One was never found and then there were…

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Voilà qui conclut cette première livraison de raretés historiques de la Black Library. J’espère que sa lecture vous en a été agréable, voire, qui sait, vous a motivé à investiguer vous-même l’imposant corpus de la maison (d’édition), à la recherche de vos propres pépites. Et il y en a, je peux vous l’assurer. Quant à moi, je vous dis à bientôt et vous donne rendez-vous dans pas trop longtemps (probablement après la sortie du prochain – nouveau – numéro d’Inferno!, à la fin du mois d’Octobre) pour une nouvelle revue critique de quelques incunables.

SECRETS OF THE T’AU [WAD]

Chose promise, chose due ! Comme je m’y étais engagé, j’ai fait l’acquisition du dernier épisode de la série Warped Galaxies, lancée par la Black Library en 2019 à destination d’un public beaucoup plus jeune que son cœur de cible habituel. Même si je n’ai pas prévu de suivre dans le détail les publications à venir de cette collection (qui s’est avérée être gérée de manière plutôt dynamique par la BL, avec 3 tomes déjà sortis en moins d’un an pour chaque franchise phare, et un 4ème d’ores et déjà prévu en Novembre prochain), cette incursion de l’organe de propagande de GW dans des eaux peu familières m’a suffisamment intrigué pour que je me penche sur le sujet de manière un peu plus approfondie. J’espère que ce retour vous sera utile, et peut-être agréable, et qu’il vous permettra de vous faire une meilleure idée de ce que cette série d’un nouveau genre peut apporter à l’offre déjà pléthorique de la sombre bibliothèque.

Cover Art

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I. PERSONNAGES

À tout seigneur teenager, tout honneur, commençons notre exercice par une présentation du casting à l’affiche de ce Secrets of the T’au1. N’ayant pas lu les tomes précédents, je ne couvrirai ici que les personnages croisés dans cet opus, bien que d’autres figures d’importance (comme la mère de l’héroïne) soient mentionnées au fil des pages.

Zelia Lor (1) : Probablement l’héroïne principale de la série. Zelia est la fille d’une archéologue voyageant de planète en en planète pour réaliser des fouilles et exhumer les trésors de civilisations perdues. Séparée de sa mère lors de la catastrophe de Targian, elle mène sa petite bande de sidekicks en direction du mystérieux Siège de l’Empereur, où cette dernière lui a donné rendez-vous. Elle a un caractère que je qualifierai poliment d’affirmé, et possède un omniscope, sorte de télescope mais en ‘plussmieux’, auquel elle est très attachée.

Talen Storweaver(2) : Ancien ganger juvénile de Targian, qui a fui sa famille et rejoint une bande de zonards de sa cité ruche pour éviter la carrière dans la Garde Impériale qui lui était promise. C’est la grande gueule au cœur d’or de l’équipe, et même s’il lui arrive d’être de mauvais poil, il rend de fier service à ses amis grâce à son sens de la débrouille et son goût de la castagne.

Mekki (3) : Le nerd du groupe. Il s’est enfui de Mars, où il était esclave (si j’ai bien compris) et a été engagé par la mère de Zelia comme auxiliaire avant les événements de Targian. Il ne semble avoir aucun humour, mais est très attaché au Jokaero Fleapit, qu’il est le seul à appeler de son nom officiel (Flegalan-Pala). D’ailleurs, il appelle tout le monde par son nom complet. C’est un style. Evidemment, il est très fort en science appliquée, ce qui est toujours pratique. Il a bricolé son Filament personnel, baptisé Meshwing (a).

Fleapit (4) : Flegalan Pala de son vrai nom, rebaptisé « Sac à Puces » par sa famille d’adoption. Jokaero qui combine l’utile (un personnage capable de convoquer des deus ex machina à volonté, c’est pratique) et l’agréable (ilétromeûûûûnion). Aucune idée de comment les Kids United ont dégoté une mascotte aussi balaise, mais cette dernière se montre indispensable à intervalles réguliers.

Jeremias : Inquisiteur lancé à la poursuite de Zelia et sa bande pour des raisons mystérieuses. Convenablement hautain et impitoyable, il est accompagné d’un Servocrâne (Corlak) et d’un cyber-mastiff, et dispose de pouvoirs psychiques. Ami dangereux ou ennemi implacable ? On ne sait pas pour le moment.

Harleen Amity (5) : Capitaine du Rogue Trader Profiteer, qui a répondu à l’appel de détresse des jeunes naufragés et les a tirés des griffes des génovores. Malgré sa cupidité et sa froideur apparentes, il ne faut pas grand-chose pour fendre sa carapace de bourlingueuse de l’espace, et elle accepte rapidement (et gratuitement) d’aider les teens dans leur périple galactique. Son passé trouble lui colle à la peau, et la grande indépendance dont elle fait preuve est sans doute le moyen qu’elle a trouvé pour faire face à l’ostracisme dont elle est victime de la part de ses pairs, pour des raisons passées sous silence par l’auteur.

1 : Vous m’autoriserez l’usage de l’apostrophe, il me semble que c’est l’orthographe exacte du terme. Pour des raisons non explicitées, Warped Galaxies a opté pour la version simplifiée, mais nous valons mieux que ça, pas vrai ?

Galerie Personnages

Les personnages pris sur le vif, dans ce qu’ils font de mieux (oui pour Zelia, c’est prendre la tête de ses potes)

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II. INTRIGUE

Notre histoire ne commence pas, mais se poursuit sur une planète non nommée, où nos héros achèvent d’échapper aux griffes prédatrices des génovores1 qui constituaient les antagonistes du deuxième tome de la série Warped Galaxies (Les Galaxies Distordues en VF – le traducteur n’a pas voulu ou pu saisir la référence au Warp faite dans ce sous-titre –). Leur billet de sortie de la galère dans laquelle ils se sont fourrés leur est gracieusement (ou presque, comme on le verra plus tard) offert par le vaisseau de la Capitaine Harleen Amity, Rogue Trader de son état, qui a répondu à la balise de détresse déclenchée par les teens peu de temps auparavant. Ça a marché pour Garro, alors pourquoi pas pour Gavroche, hein ?

Tout ce petit monde (Zelia Lor, Talen Stormweaver, Mekki et Fleapit) embarque donc en moins de temps qu’il ne faut à un Ultramarines pour citer le Codex Astartes, et le Profiteur (Profiteer en VO, je traduirai à ma sauce les noms propres utilisés dans le roman) met les gaz vers la sécurité de l’orbite haute, envoyant bouler les Xenos ayant eu la mauvaise idée de s’agripper à sa coque en espérant profiter d’une balade dans les étoiles. Ce petit incident clos, il est grand temps de faire les présentations, et on se rend rapidement compte que la mère Zelia, il ne faut pas lui baver sur les rouleaux. Elle serait même du genre malpolie et passablement insupportable, conséquence sans doute de l’éducation laxiste à tendance baba cool dispensée par sa mère l’archéologue au cours des pérégrinations spatiales qui ont été le lot de la famille avant que la catastrophe de Targian (L’Attaque des Necrons) ne se produise. Peu consciente, ou en tout cas reconnaissante, de devoir la vie à l’intervention opportune d’Amity, la voici qui essaie de convaincre cette dernière de la ramener au bercail (qui se trouve probablement à l’autre bout de la galaxie), sans bourse délier. Ça marche moyennement, mais tout de même assez pour que la Rogue Trader accepte d’emmener ses passagers jusqu’au comptoir le plus proche, pour qu’ils puissent tenter de trouver une épaule charitable sur laquelle pleurer et une belle âme qui accepterait de les prendre en stop jusqu’au fameux Siège de l’Empereur, là où la mère de Zelia lui a donné rendez-vous.

Nous arrivons sur ces belles paroles en vue de l’Hinterland Outpost (celui je le laisse en VO, parce que ‘l’avant poste de l’arrière-pays’, ça me semble un peu capillotracté), station spatiale mal famée située dans l’espace impérial, mais suffisamment proche de l’Empire T’au pour que les ressortissants du Bien Suprême forment une communauté importante sur place. L’arrivée sur ce qui peut être décrit comme le Mos Eisley de l’Ultima Segmentum permet à nos jeunots de comprendre que leur ange gardienne traîne son lot de casseroles, mais l’investigation du passé douteux du Capitaine Harleen Amity attendra. La petite équipe débarque dans l’atmosphère colorée et interlope de l’Hinterland, où Amity promet de faire jouer ses relations pour tenter d’obtenir plus d’informations sur la Chaise de l’Empereur. Ceci dit, se rendre jusqu’à l’échoppe de son contact local ne s’avère pas être une simple affaire. D’abord car ce péquenaud de Talen, qui comme 99,99999% des sujets impériaux, n’a jamais mis les pieds hors de sa ruche (le plouc, comme le fait élégamment remarquer Zelia, qui, elle a voyagé), trouve malin de dévisager un honnête abhumain qui mangeait tranquillement ses ramens à proximité, et de souligner en des termes non incertains sa ressemblance physique avec un caprin. L’incident diplomatique évité de justesse, voilà qu’un Kroot cleptomane dérobe le précieux omniscope de notre héroïne, le seul lien qu’il lui restait avec sa chère maman. Tragédie. Heureusement, Talen, n’écoutant que son courage et conscient qu’il a toutes les chances de finir par chopper la fille s’il joue ses cartes correctement (ce serait bath qu’il se fasse griller la place par un geek tout chauve tout de même), se lance à la poursuite de la pie voleuse, qu’il finit par neutraliser après une cavalcade effrénée dans les couloirs de la station, d’un jet de bolas bien placé. Oui, de bolas. Tout ne se règle pas encore à coup de combi-bolter au 41ème millénaire, l’Empereur soit loué.

Ce haut fait balistique manque toutefois de s’avérer fatal à notre tireur d’élite, lorsque sa cible réalise avec à propos qu’elle dispose de stats bien supérieures à celles de Talen, et décide donc de lui apprendre la vie à grands coups de beignes2. La confrontation tourne logiquement en faveur du Xenos, et fait réaliser à Talen que son paternel avait peut-être raison de considérer les autres races de la galaxie comme des nuisibles à exterminer. Tout à ses sombres et xénophobes pensées, Talen ne voit pas arriver le salut sous la forme de Fleapit, qui tombe sur le râble du Kroot et semble bien décider à en faire de la pâtée (pâté en Kroot, mouahaha). Parce que les stats, au final, ça ne sert à rien. L’échauffourée finit par se conclure lorsqu’un homme sort de la foule et châtie l’impudent gallinacée en lui décochant quelques tirs de son pistolet rayonneur laser, évidemment non létal, qui met le pickpocket en fuite pour de bon. Coup de chance, le sauveur de Talen se révèle être le fameux contact d’Amity, un certain Karter, marchand d’antiquités et de bizarreries, dont des cartes galactiques qui pourraient permettre aux djeuns de trouver leur chemin.

Accueillis dans la boutique du marchand, les kids united et la Rogue Trader tentent de convaincre leur interlocuteur de les aider à l’œil, mais ça ne marche malheureusement pas. Ayant repéré le Jokaero de la petite troupe, Karter se montre intraitable et rompt les négociations lorsque ces dernières semblent ne mener nulle part, dans l’espoir que le club des Cinq (Mekki ayant construit un petit robot volant, dénommé Méchoui – Meshwing en VO – entre deux apparitions à l’écran) accepte de se séparer de Dagobert pour obtenir l’information qu’ils recherchent. Tout vient à point à qui sait attendre. La team PEGI 12 prend toutefois assez mal ce revirement de situation, Zelia trouvant le moyen de gonfler d’abord Amity, puis Talen, en moins de 30 secondes, ce qui mène les deux fortes têtes à laisser l’insupportable gamine en plan. En plein délire conspirationniste, Talen est à deux doigts de provoquer une baston avec une bande de T’au qui faisait les boutiques (il a raison, c’est au corps à corps qu’il a le plus de chances de l’emporter), avant de prendre la poudre d’escampette, suivi à bonne distance par Méchoui, que Mekki a chargé de prendre l’impétueux ganger en filature.

De retour sur le Profiteur, Zelia et Mekki tuent le temps en faisant une partie de Space Invaders, jusqu’à ce que le reste de la bande revienne au bercail. Tous sauf Fleapit, qui s’est fait vendre par Talen à Karter en l’échange de la localisation du Tabouret de l’Empereur (qu’est-ce qu’il ne faut pas faire pour serrer dans les ténèbres du lointain futur). Tout pourrait aller pour le mieux dans le meilleur des univers s’il ne s’avérait que l’orang-outan docteur en physique appliqué détenait un diadème Necron, découvert par la mère de Zelia au cours des fouilles de Targian, et que cette dernière a juré de lui remettre. L’imbécillité heureuse de ses petits protégés commence sérieusement à peser sur les nerfs du Capitaine Amity, qui est à deux doigts de mettre ces derniers à la porte de son navire, mais finit par accepter que Zelia retourne chez Karter pour lui demander gentiment de lui rendre le Jokaero, avant qu’elle n’envoie son serviteur Grunt lui casser les rotules pour le convaincre d’obtempérer. N’oublions pas que c’est un livre pour jeunes lecteurs, et qu’il ne faut pas faire l’apologie de la violence gratuite (ce n’est pas l’esprit de 40.000 d’ailleurs… wait…).

Ailleurs dans la galaxie, nous faisons la connaissance de l’Inquisiteur Jeremias, qui pour une raison qui n’appartient qu’à lui et que nous n’aurons pas l’heur de connaître, s’est lancé à la poursuite de nos jeunes héros. Accompagné d’un Servocrâne et d’un cyber-mastiff, notre agent de la Sainte Inquisition débarque sur la planète à génovores du début de l’histoire, et, après avoir ordonné son Exterminatus sur la foi d’une marque de griffe (ce qui est aller un peu vite en besogne, mais on n’a pas besoin de se justifier quand on porte rosette), trouve une sacoche ayant appartenu à Talen dans les décombres du camp de base des naufragés. Grâce à ses merveilleux pouvoirs psychiques, notre homme arrive à obtenir une image des enfants en manipulant le soldat en plomb trouvé dans la besace (le pouvoir des figurines !). Il n’en faut pas plus pour que Jeremias reparte à la chasse de ses proies, qu’il supplie l’Empereur d’aider à trouver « avant qu’il soit trop tard ». Pour quoi ? Mystère.

De retour sur Hinterland, nous suivons Zelia, Mekki et Méchoui jusqu’à la boutique de Karter, qu’ils trouvent fermée. Ils décident donc naturellement d’attendre que le marchand rev- entrer par effraction. OK. Quelle éducation. Malheureusement, l’honnête homme avait laissé son drone tenir la caisse en son absence, et l’IA se révèle assez peu coopérative, menaçant même de désintégrer les hooligans s’ils ne décampent pas vite fait bien fait. Devant de tels arguments, Zelia et Cie ne peuvent que s’exécuter, pour éviter de l’être. De retour au vaisseau (cette histoire tourne en rond, vraiment), les négociateurs éconduits ont la mauvaise surprise d’être embusqués par un duo de Kroots à chien, secondé par l’Homme-Bête que Talen avait regardé de travers un peu plus tôt, qui ont bien envie de profiter du Profiteur à la place de sa propriétaire légitime. Le malentendu ne dure toutefois que peu de temps, le retour d’Amity et l’intervention musclée de Grunt, son serviteur à tout faire, repoussant sans mal l’assaut des ruffians. À peine le temps pour la Capitaine de laisser les jeunes se servir dans son armurerie personnelle, au cas où, et la voilà repartie mener ses affaires, laissant ses charges aux bons soins de l’affable Grunt. Enhardis par la présence rassurante d’une brute décérébrée et la possession d’armes (même non létales), le jeunes voyous décident de rendre (à nouveau !) une petite visite à Karter, pour « discuter » du retour de Fleapit.

Une fois de plus de retour devant l’échoppe (ils en auront fait des kilomètres en une journée), Zelia et Mekki entrent à nouveau, et ne sont accueillis par personne, même le drone ayant pris sa pause vapoteuse. Ils sont rejoints peu de temps après par Amity, qui avait la même idée qu’eux derrière la tête, et les aide à ouvrir un tonneau pris de secousses, et qui pourrait bien contenir le Jokaero. Mal leur en prend toutefois, car ce n’est pas le génial macaque qui s’extrait du fût, mais un kraken juvénile placé en stase, et qui se réveille passablement grognon et affamé de son dernier voyage. Créature spatiale pas vraiment amicale, et ayant la capacité de grandir très rapidement, le kraken est une espèce protégée par la Cites, et son commerce est donc – en théorie – interdit, ce qui n’a pas empêché Karter d’acquérir quelques spécimens à la revente. Le combat qui s’en suit donne l’occasion à nos héros de faire preuve de leurs capacités martiales, qui viennent à grand-peine à bout de Paul le Poulpe. C’est le moment que choisit Karter pour revenir, et la discussion qui s’engage entre les cambrioleurs et le receleur s’éternise suffisamment pour que la pieuvre de l’espace se réveille de son KO, et avale goulûment son propriétaire légitime pour se remettre de ses émotions. Il faut l’intervention ionisée d’un trio d’Exo armures T’au qui patrouillait à proximité pour mettre un terme aux déprédations du céphalopode, et tant pis pour la biodiversité. Emmenés au poste par leurs sauveurs pour qu’ils s’expliquent de cette voie de fait, Zelia, Mekki et Amity se retrouvent confrontés à la gouverneure de fait (aussi) de l’Hinterland, Mme Lightbringer3 en personne.

Lightbringer se trouve être une trafiquante T’au, engagée dans de lucratifs échanges avec les visiteurs de la station, auxquels elle propose d’acquérir des technologies du Bien Suprême sous le manteau, y compris des exo-armures spécialement reformatées et modifiées pour pouvoir être pilotées par des humains. Effroi chez Zelia, qui fait remarquer que c’est interdit. Certes. On ne sait pas comment elle sait que la pratique est illégale, à moins qu’elle ait un master en droit T’au dont l’auteur aurait oublié de nous parler, mais toujours est-il que ses interventions stridentes finissent par agacer Mme Lightbringer, qui avait de plus racheté Fleapit à feu Karter immédiatement après qu’il en fait l’acquisition, ce qui ne manque pas de susciter des hauts cris chez l’insupportable gamine. Ayant ordonné à ses gardes de désintégrer les fâcheux, Mme Lightbringer voit la situation lui échapper lorsqu’une des Exo-Armures de son cadre privé commence à ouvrir le feu sur ses camarades. Et pour cause, c’est ce bon vieux Talen qui est aux commandes. Le répit n’est toutefois que de courte durée, et l’affrontement entre gundams aurait sans doute fini par tourner en faveur des bleus, si Amity n’avait pas abattu son joker et révélé être un agent double au service des Ethérés de Dal’yth, chargé par ces derniers de découvrir l’identité du renégat écoulant des biens sensibles sur le marché noir. Ayant alerté ses commanditaires par l’intermédiaire d’un anneau clignotant, ce n’est l’affaire que de quelques secondes4 avant que le Bien Suprême ne vienne frapper à la porte d’Hinterland, pour une annexion aussi pacifiste que pas sollicitée.

Tout aurait été bien qui finirait bien si le commandant Tau en charge de la purge, un certain Général Firebrand, n’avait pas essayé de la faire à l’envers à Amity et ses pioupious, et exigé qu’ils restent cantonnés sur Hinterpost pour le restant de leurs jours, et ce afin de préserver la réputation du Bien Suprême. Evidemment, ce n’est pas une proposition qui agrée fort à nos héros, qui se font la malle en libérant le reste de la cargaison de Karter pour couvrir leur fuite, condamnant par là même des dizaines de soldats Tau et de civils à une mort horrible dans les tentacules de krakens affamés, mais on s’en fout, pas vrai ? Ce n’est pas comme s’il s’agissait de personnages nommés. Le Profiteur doit toutefois trouver un moyen de franchir le blocus de la flotte T’au en un seul morceau, et c’est Mekki qui s’en charge, en détournant l’anneau espion d’Amity pour le transformer en pop-up ingérable et infermable, qui fait lagguer l’unité centrale des T’au avec une telle violence que le Rogue Trader n’a aucun mal à échapper à sa surveillance. Comme quoi, la technologie soi-disant avancée des T’au n’est pas si merveilleuse que ça. Ils auraient dû installer un pare-feu, ou même un simple bouton mute sur leurs terminaux, moi je dis. En tout cas, voilà qui termine notre histoire, notre petite bande d’aventuriers étant libre de repartir à l’assaut de la galaxie, et disposant des informations nécessaires pour se rendre au fameux Pouf de l’Empereur…

: Oui, le grand retour des génovores. Parce qu’on doit traduire ce terme pour les lecteurs francophones, alors que Fleapit le Joakearo, ça passe crème. Allez comprendre.

2 : On notera que pas une fois ne sera mentionnée la pratique du cannibalisme des Kroots. Ce n’était peut-être pas assez user friendly.

3 : Dont le vrai nom est Por-Vre Tolku Paxis, ce à quoi cette mijaurée de Zelia répond « poil aux cuisses ». Il y a vraiment des baffes qui se perdent.

4 : Littéralement. On peut se foutre de la gueule des T’au parce qu’ils ne maîtrisent pas la technologie Warp, mais ils savent intervenir rapidement quand le scénario le demande.

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AVIS:

Alors, que penser de ce Secrets of the T’au, et plus globalement, de la série Warped Galaxies/Warhammer Adventures ? Clairement, j’ai trouvé qu’il y avait des choses à dire, tant à charge qu’à décharge de cette entreprise de la Black Library. Tâchons de progresser avec méthode et d’organiser convenablement nos pensées.

Premier point fort de cet ouvrage, j’ai trouvé, pour autant que je sois légitime à me prononcer sur le sujet vu mon âge, qu’il était écrit de façon adaptée au public qu’il visait, et, qu’après lecture, je situe entre 8 et 12 ans. Le style est simple et direct, les dialogues nombreux, les péripéties s’enchaînent sans trêve (il suffit de voir la longueur relative de la partie ci-dessus pour un livre d’une petite centaine de pages) dans des chapitres courts : tout est fait pour que les jeunes accrochent à l’histoire, ce qui est à mettre au crédit de Cavan Scott. Notre homme dispose d’une solide expérience dans ce type de littérature spécialisée, puisqu’il fait à peu près la même chose que Warped Galaxies pour les franchises Star Wars, Dr Who et Angry Birds, entre autres piges littéraires. Mine de rien, écrire pour ce type de lecteurs n’est pas aussi facile qu’il y paraît, et en confiant sa nouvelle gamme à un « professionnel », la BL a fait un choix raisonnable.

Deuxième bon point, le traitement de l’univers et des factions de 40K m’est apparu comme assez satisfaisant, au moins d’un point de vue quantitatif. L’immersion proposée par Scott est complète, et pour qui est familier avec le background de la franchise, sans fausse note particulièrement grossière (nous y reviendrons). Rogue Trader, Adeptus Mechanicus, Jokaero, cité ruche, serviteurs, génovores, Inquisition, T’au et Empereur: les références marquées à Warhammer 40.000 ne manquent pas, et l’auteur prend soin de les introduire de manière simple et efficace à son public. Pour une série qui a pour objectif de faire découvrir « en douceur » les joies de la science-fiction grimdark, l’équilibre aurait pu être difficile à trouver. Tout n’est pas parfait, et j’y reviendrai, mais les bases posées par Warped Galaxies m’ont semblé être solides et variées, ce qui est une autre source de satisfaction. Il faut aussi garder en tête que nous autres wargamers pouvons nous immerger sans problème dans des bouquins ne parlant que de guerre, d’armes et de massacres, ce qui n’est peut-être pas la tasse de thé des 8-12 ans (j’espère pour eux). Il ne faut donc pas être surpris de voir Cavan braquer la caméra sur des sujets qui peuvent sembler triviaux pour les habitués de la littérature BL. À petite dose1, ça peut même être rafraîchissant.

Troisièmement, et dans la continuité du point précédent, Secrets of the T’au est parvenu à aborder de façon assez didactique et user-friendly certaines des réalités les moins légères et enjouées du 41ème millénaire, ce qui était un autre sujet, peut-être pas d’inquiétude, mais d’interrogations de mon côté. Trouver le juste milieu entre un angélisme commercial mais mensonger (on ne va pas se mentir, la vie à 40K n’envoie pas du rêve, à moins d’être un Exodite dans un coin tranquille de la galaxie) et une transposition sans filtre des horreurs d’une galaxie déchirée par la guerre dans un packaging coloré, me semblait être le défi le plus compliqué à relever pour l’auteur. Il a réussi… partiellement. On comprend bien en lisant son livre que l’Imperium est un endroit qui regorge de dangers et d’injustices (Zelia s’en fait la réflexion à un moment d’ailleurs), mais que la panacée n’existe pas par ailleurs. Les races extraterrestres ne sont pas particulièrement mieux loties, qu’il s’agisse des bestiaux génovores du tome précédent, ou des civilisés mais impérialistes T’au qui servent d’antagonistes dans cet épisode. Comme nous sommes dans un livre pour enfants et qu’il faut tout de même faire passer un message positif (il n’y a que les 16+ qui peuvent encaisser le nihilisme pur du grimdark), Scott s’en sort en opposant à l’oppression de l’ordre établi et la sauvagerie de l’univers les valeurs d’entraide et de solidarité unissant notre groupe de héros. Hors de la camaraderie, point de salut au 41ème millénaire2. Je ne m’explique par contre pas pourquoi Scott a choisi de ne pas rentrer dans les détails sur certains sujets (exemple : les génovores, sur lesquels Amity ne s’attarde pas, bien qu’elle informe les enfants qu’elle les a sauvé d’un sort pire que la mort), alors qu’il « démine » le terrain pour d’autres (Zelia semble horrifiée par le fait que certains Serviteurs puissent être des repris de justice condamnés à être reconditionnés pour leurs crimes), et laisse de temps passer de temps à autre un détail un peu rude (Karter, et plus tard probablement Firebrand, qui se font dévorer par des Krakens).

Quatrièmement et pour finir sur les bons points, les illustrations et le compendium final (illustré lui aussi) qui ornent et complètent le livre sont des ajouts de grande qualité, permettant d’enrichir son contenu et de passer un peu plus de temps sur des concepts qui ne peuvent pas être traités à fond dans le cours d’un récit. J’ai particulièrement apprécié l’intégration d’un alphabet T’au, ainsi que la rubrique « 10 choses à savoir sur l’Inquisition », qui s’est avérée tout à fait exacte d’un point de vue factuel. Cela fait le lien avec les tous premiers livres de fiction sortis par Games Workshop, bien avant la création de la Black Library, qui étaient eux aussi richement illustrés, ce qui faisait tout leur charme.

Entrons maintenant dans les sujets qui fâchent pour compléter notre tour d’horizon. Pour commencer, et d’un point de vue purement pratique, j’ai regretté que Scott n’ait pas fait d’effort particulier pour permettre à ses lecteurs de prendre sa série en vol. Même si un brin de bon sens permet de s’y retrouver sans trop de difficulté, nous sommes en effet directement propulsés dans l’action, sans présentation des héros, de leurs motivations et des événements ayant pris place précédemment. La transition avec Claws of the Genestealer est ainsi négligée, Secrets of the T’au commençant littéralement à la seconde après que le tome précédent se soit terminé, sans explication particulière du pétrin dans lequel les héros se trouvent à l’arrivée d’Amity. On reprend vite le fil, mais il subsistera tout de même des points d’ombre dans le récit (à quoi sert l’omniscope ? quelles sont les motivations de Jeremias ?), qui ont sans doute été éclairés au cours des tomes précédents, sans que Scott ne juge bon de faire un petit récapitulatif pour les retardataires. Bref, si vous voulez initier vos jeunes connaissances au Zhobby via Warped Galaxies, commandez le premier tome (Attack of the Necron), ça vaut mieux.

Deuxièmement, Secrets of the T’au contient des imprécisions assez embêtantes sur certains sujets. Le principal point problématique à mes yeux est le traitement du Warp par Cavan Scott, ce qui est infortuné étant donné l’importance du concept pour 40K. Pour faire simple, le Warp n’a aucun impact sur l’univers que dépeint l’auteur. Evidemment, il n’est pas question de Dieux du Chaos ou de démons ici (ce sont les T’au les méchants de l’épisode), mais permettre au Profiteur d’être piloté uniquement par un Capitaine et un Serviteur, sans Navigateur pour réaliser les sauts Warp, c’est faire une grosse entorse à du fluff « porteur »3. Pareillement, Scott explique que le module de sauvetage qui transportait les héros à la fin du tome un a été séparé de son vaisseau mère alors qu’il s’apprêtait à sauter dans le Warp, ce qui a conduit le caisson de survie à être expulsé dans le Materium à l’autre bout de la galaxie. Pas de problème ici, nous savons tous que dans le Warp, le temps et la distance ne veulent rien dire. Ce qui est plus difficile à avaler, c’est qu’un module ne disposant pas de champs de Geller n’ait pas été mis en pièces par les entités démoniaques qui vivent dans cette dimension parallèle. Au final, le lecteur aura forcément une vision fausse du sujet, et risque de se représenter le voyage spatial dans 40K comme le pendant de la vitesse lumière de Star Wars, un coup de turbo bien pratique et sans dangers particuliers. Il réalisera plus tard sa méprise, mais je trouve dommage que la BL n’ait pas insisté auprès de Scott pour qu’il corrige le tir, ou à limite, n’aborde pas du tout le sujet, plutôt que de répandre une information erronée.

Troisièmement, pour compléter mon retour précédent sur l’immersion « quantitative » réussie par l’auteur, je dois avouer que l’immersion « qualitative » est, elle, moins convaincante. Cela rejoint également ma remarque sur les réalités peu ragoutantes de 40K : certains sujets sont traités de façon simpliste, voire biaisée. Exemple le plus à propos, eut égard au titre du roman, et qui m’a personnellement déçu, moi qui avait acheté ce livre précisément pour constater la manière dont le sujet serait traité par l’auteur : l’empire T’au est présenté comme « pas mieux que l’Imperium ». Pourquoi ? Parce que le Bien Suprême est « représenté » par une trafiquante cupide et pas franchement sympathique, dont les actions conduisent les Ethérés à annexer l’Hinterland. Et là, crimes impardonnables aux yeux de l’égalitariste et libérale Zelia, les guerriers de feu saisissent les biens d’autrui (!) et veulent les empêcher de partir librement (!). Voilà qui suffit pour que l’héroïne catalogue les sans-nez d’affreux méchants. Pour ma part, j’espérais que Scott donnerait des éléments de comparaison entre les philosophies impériales et T’au, quitte à rééquilibrer les débats en montrant que malgré ses préceptes tolérants, le Bien Suprême peut se montrer aussi dur et cruel que l’Imperium quand il le juge nécessaire. Bref, quelques bases permettant au lecteur de se faire une opinion sur le sujet, et qui le conduirait naturellement à réaliser une des réalités fondamentales de 40K : l’Imperium est peut-être le pire régime imaginable, mais tous ses aspects inhumains et impitoyables sont soit justifiés, soit logiques. Autre exemple : Talen et Mekki sont tous les deux des fuyards et des déserteurs, qui ont tout quitté dans l’espoir d’une vie meilleure. Pour un roman jeune public, ce comportement est justifié. Pour un roman 40K « classique », ce sursaut d’égoïsme serait impardonnable de la part de héros. Quand on est sujet d’un Imperium qui doit lutter chaque seconde pour sa survie, un choix de carrière, et le libre arbitre de façon générale, sont des concepts très théoriques, et ne penser « qu’à » soi, c’est trahir ses congénères et l’Empereur en personne. Bon, cette vision est certes sans doute trop extrême pour apparaître telle quelle dans un roman de jeunesse, mais il est dommage que Scott n’ait pas cherché à faire comprendre à ses héros pourquoi l’Imperium pouvait être si impitoyable et inhumain sur certains sujets (ok, sur tous les sujets). L’Inquisiteur Jeremias, qui était le personnage parfait pour incarner ce côté dura lex sed lex est trop peu employé dans le roman pour servir de héraut de la vérité impériale dans Secrets of the T’au. J’espère que Cavan Scott optera pour une approche un peu plus nuancée par la suite, c’est aussi son rôle en tant qu’initiateur.

Pour terminer, deux petits points purement subjectifs (tant qu’on y est). Premièrement, pour un roman qui s’appelle Secrets of the T’au, et avec une énorme tête de T’au qui apparaît au centre de la couverture, j’ai trouvé que l’intrigue n’incluait que marginalement cette faction. Le gros de l’action du livre tourne autour des négociations compliquées entre la bande à Zelia et ce coquin de Karter, et la fameuse Mme Lightbringer, dont la trogne apparaît en 4*3 sur le cover art, ne daigne faire son apparition qu’au chapitre 14 (sur 17). C’en est presque de la publicité mensongère ! Ce bouquin aurait pu légitimement s’appeler Theft of the Kroot ou Snacks of the Kraken au regard de ce qui s’y passe. Deuxièmement, je dois reconnaître que je ne peux pas blairer le personnage de Zelia. Je dois être vieux jeu, mais cette gamine m’horripile profondément avec son mélange d’impudence, d’impertinence, d’ingratitude et de snobisme. Heureusement pour elle, elle bénéficie d’une armure de scenarium feuilleté, mais je ne donnerais pas cher dans sa peau dans une « vraie » fiction de 40K. Malheureusement pour moi, c’est le personnage principal de la série, et il faudra donc faire avec.

1 : Il ne faut pas abuser non plus, n’oublions pas que dans les ténèbres d’un lointain futur, il n’y que… Exactement.

2 : D’ailleurs, c’est le même concept qui permet aux puissants Space Marines de tenir le coup malgré la perte de leur humanité. Comme quoi, le pouvoir de la fraternité est universel.

3 : Le plus étrange est que Mekki demande à Amity comment elle arrive à voyager sans Navigateur, suite à quoi elle botte en touche. Peut-être que Scott révélera qu’elle utilise une technologie interdite pour arriver à ses fins dans un tome suivant, mais en attendant, nous en sommes quitte par un TGCM de toute beauté.

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Pour conclure, si Secrets of the T’au, et par extension le reste des séries Warhammer Adventures, s’avère être une bonne introduction aux univers de Games Workshop, je reste convaincu que des améliorations, plus de fond que de forme, pourraient y être apportées afin d’enrichir cette première expérience et, sur certains aspects, la rendre plus fidèle à la franchise à laquelle elle se rapporte.