Archives Mensuelles: mars 2016

HAMMER & BOLTER [N°18]

Bonjour à tous, et bienvenue dans la chronique du 18ème numéro de Hammer & Bolter ! Une fois n’est pas coutume, l’illustration de la couverture se trouve être tout à fait en rapport avec le contenu de cette publication (jusqu’à présent, la tendance était plutôt à la pertinence rétroactive, quand pertinence il y avait), puisque les deux buddies les plus célèbres de la Black Library, j’ai nommé Gelix et Fotrek, tiennent la vedette dans pas moins de deux nouvelles de ce numéro. En complément, Thorpe poursuit son long format consacré aux pérégrinations du Lion dans le système de Perditus, et Abnett & Vincent font un retour remarqué avec un nouveau chapitre de leur roman feuilleton psychédélique. En selle.

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The Oberwald Ripper – L. Goulding [WFB] :

Première, et pour autant que je sache seule, incursion de Laurie Goulding (qui occupait aux dernières nouvelles le poste d’éditeur au sein de la Black Library) dans l’univers de Warhammer Fantasy Battle, The Oberwald Ripper voit notre newbie se frotter au duo tragi-comique le plus célèbre de la franchise, alors que ce dernier cherche à se faire oublier pendant quelque temps (sans que l’on sache trop pourquoi d’ailleurs). Troisième nouvelle de Hammer & Bolter mettant en scène Gotrek et Felix1, ce court format était l’occasion de juger le travail de Mr (car oui, c’est un Mr) Goulding sur ce que l’on peut considérer comme l’exercice de style par excellence pour un auteur Battle (tout comme l’histoire de marounes constitue le bizutage des rookies de 40K).

Logiquement centré sur la charmante, même si passablement terrifiée, ville d’Oberwald, bien connue pour son domaine de ski de fond et son joueur vedette de Blood Bowl (Griff Oberwald), notre propos débute dans une taverne, en compagnie de la moitié blonde et geignarde du célèbre tandem. Et si Oberwald est terrifiée, comme Felix l’apprend rapidement, c’est à cause des ravages commis par un mystérieux tueur, surnommé l’Éventreur d’Oberwald à cause de son mode d’opération privilégié. Hantant la ville depuis plusieurs semaines et frappant sans prévenir, l’Éventreur est devenu la hantise des Oberwalders, dont les efforts pour se débarrasser de ce nuisible n’ont pas été couronnés d’un franc succès jusqu’ici. Comble de malheur, la réputation sulfureuse de la bourgade a commencé à filtrer dans le reste de la province, avec un impact désastreux (mais logique) sur les activités commerciales de la ville. Malgré l’ambiance assez lourde régnant dans la taverne, Felix réussit malgré tout à finir la soirée en bonne compagnie, l’entreprenante fille d’un marchand de passage l’ayant subrepticement matché sur Tinder alors que son père tentait tant bien que mal d’éviter le lynchage après une remarque malheureuse sur les compétences de la milice locale.

Malheureusement pour nos tourtereaux, la nuit ne se terminera pas aussi bien que prévu, Mademoiselle se faisant prestement étriper dans une ruelle sombre, sans que Monsieur, passable éméché et à mi-chemin du coma éthylique, n’ait eu l’occasion de concrétiser ou de s’interposer. Pour ne rien arranger, la fameuse milice d’Oberwald dont l’efficacité avait été remise en question quelques pages plus tôt trouve en Felix un coupable idéal pour le meurtre sauvage de sa dulcinée (il faut dire qu’il a été trouvé en train de barboter entre la rate et l’intestin grêle de la belle), et pour tous ceux d’avant tant qu’à faire. Notre bellâtre est donc envoyé en prison malgré ses vigoureuses dénégations, avec pour seul horizon une pendaison expéditive d’ici à la fin de la journée, et pour seule compagnie un clodo sociopathe, dont on comprend assez vite (en même temps, la nouvelle ne fait que 23 pages, c’est pas lourd pour mener une enquête digne de ce nom) qu’il s’agit du véritable Éventreur, dont le comportement bizarre aux abords de la scène du crime lui a également attiré les faveurs des forces de l’ordre.

Et Gotrek, me direz-vous ? Eh bien Gotrek avait choisi d’abandonner son binôme pour la soirée afin de s’initier aux subtilités du contre-sirop Stirlandais dans un cercle de jeu local, avant de décider de refaire le portrait de ses petits camarades à coup de tabouret dans les gencives, après qu’il les eut surpris à tricher. Témoin de l’arrestation de Felix, il opte (pour une fois) pour la méthode douce et se lance dans une (très courte) investigation afin de faire blanchir son commémorateur. Armé de son fidèle tabouret et de son proverbial sens de la négociation, il parvient lui aussi à identifier le véritable coupable en moins d’une demi-heure, ce en dit vraiment long sur le niveau de la PJ locale, mais je m’égare.

Pendant ce temps, Felix doit subir la logorrhée assez confuse de l’Éventreur, qui comme tout bon méchant de série B, ne peut résister à la tentation de révéler ses motivations aux héros au cours d’un monologue à l’issue généralement funeste.  Nous avons ici droit à un mélange détonnant d’analyses rousseauistes (l’homme est bon dans l’état de nature, c’est la société qui le corrompt), de critique de la division du travail (du chasseur cueilleur polyvalent à la prostituée spécialisée, il n’y a qu’un pas) et de plaidoyer communiste. Malheureusement pour lui, celui qui se rêvait en Night Haunter impérial finira empalé sur son propre couteau après un combat assez quelconque (pour une fois que c’est Felix qui se tape le « boss de fin »…). La nouvelle s’achève sur la fuite hors d’Oberwald de nos compères, vers de nouvelles, et on l’espère plus excitantes, aventures.

Sans être mauvaise, la performance de Goulding pêche selon moi par un parti pris scénaristique hasardeux, à savoir écrire une aventure de Gotrek et Felix en ne reprenant qu’une partie des codes de ce type de littérature, en particulier la présence (et dans ce cas précis, l’absence) d’une Nemesis suffisamment costaude pour permettre au Tueur nain de se mettre en valeur dans un combat final digne de ce nom. Cela avait déjà été le cas dans la soumission de Guymer, dans laquelle le rouquin psychopathe n’avait eu qu’une poignée de skavens pas vraiment dégourdis à se mettre sous la hache. Ceci dit, le choix de l’auteur de raconter l’histoire depuis le point de vue d’un raton lui avait permis d’éviter l’écueil dans lequel Goulding s’est malheureusement échoué. (John) Brunner avait lui choisi de respecter le cahier des charges dans son A Place of Quiet Assembly, narré par un personnage tiers, mais conclu par une baston entre Gotrek et une coterie d’adorateurs de Tzeentch de bas niveau. Rien de tout ça dans The Oberwald Ripper, qui se révèle être une sorte de thriller bâclé (faute de place pour instiller l’atmosphère adéquate) utilisant notre duo fétiche à contre-emploi. Quitte à caster des têtes connues de la Black Library, Goulding aurait sans doute gagné à aller voir ailleurs, d’autres personnages (Zavant Konniger en tête2) répondant à mon sens bien mieux à son approche « non-violente » (ou plus exactement, pas assez violente) que Gotrek et son sidekick.

Ce problème de fond évacué, on peut toutefois apprécier l’aisance avec laquelle l’auteur met en scène ses protagonistes, dans la continuité du style défini par King et Long dans les tomes précédents de la saga. Le flirt assez largement couvert entre Herr Jaeger et l’ultime victime de l’Éventreur constitue d’ailleurs une preuve indiscutable de la connaissance de Goulding de l’esprit Gotrek et Felix, seule série (pour autant que je le sache) de la Black Library où la vie amoureuse (et même sexuelle de temps à autre) des personnages est un tant soit peu couverte. En revanche, j’aurais apprécié une meilleure mise en contexte de cette aventure, que j’ai deviné prendre lieu peu de temps après une rencontre riche en évènements avec Ulrika, sans que Goulding ne donne plus de précisions sur les raisons ayant poussé le duo à faire profil bas. Même si cela ne nuit pas à la compréhension de la nouvelle, je considère cet effort de « raccrochage de wagons » comme une marque de politesse de l’auteur envers son lectorat, et n’ai pu donc que déplorer son absence. Enfin, on ne m’enlèvera pas de l’esprit que Long reste bien meilleur en matière de « logistique narrative » (ça fait beaucoup d’expressions à guillemets, je vous l’accorde) que son padawan, dont la tendance à passer rapidement sur, ou à carrément éluder, les péripéties pouvant potentiellement ralentir l’intrigue dénote selon moi d’une certaine paresse intellectuelle3.

Au final, The Oberwald Ripper est un épisode assez anecdotique de la fresque des Gotrek et Felix, et n’intéressera que les fans les plus hardcore de cette dernière (et encore). Si vous êtes à la recherche d’une introduction digne de ce nom à cette franchise fondatrice de l’univers de Warhammer Fantasy Battle, je ne saurais trop vous recommander de vous tourner vers l’autre nouvelle siglée G&F de ce numéro de Hammer & Bolter (Slayer of the Storm God), dont la lecture s’avère bien plus intéressante.

1 : Auparavant il y eut A Place of Quiet Assembly de John Brunner – H&B #1 – et The Tilean Talisman de David Guymer –  H&B #14.

2 : Josh Reynolds organisera d’ailleurs un cross over assez sympathique entre ces deux franchises dans The Problem of Three-Toll Bridge (H&B #25), dans lequel Zavant disculpe un jeune Felix Jaeger de sa responsabilité dans la mort d’un autre étudiant au cours d’un duel.

3 : Exemple représentatif : une fois l’Éventreur refroidi, Felix est toujours menotté, enfermé dans une cellule, et devra normalement répondre de son acte devant la milice d’Oberwald, qui vient d’être alertée par les cris de feu l’Éventreur que Jaeger est un homme recherché dans tout l’Empire. Mettre en scène une évasion crédible à partir de ce postulat aurait nécessité au moins quelques pages de développement, au lieu de quoi Goulding matérialise Gotrek devant la porte du cachot et lui fait cracher un laconique « Let’s get out of here. » avant d’enchaîner sur la conclusion de la nouvelle, bien loin de la cité. Un peu trop facile à mon goût.

The Lion (part II) – G. Thorpe [HH] :

The LionRetour sur le pont de l’Invincible Reason, victime d’une tentative de squat (aucun rapport avec les nains-génieurs bouffés par les ‘nides dans le fluff) en bonne et due forme par une cohorte démoniaque, suite à un bitch move effectué par des Night Lords ne supportant visiblement pas de perdre à cache cache. Réalisant que ses sous-fifres sont incapables d’expulser les indésirables sans un petit coup de main de sa part, Lionel part s’équiper dans ses quartiers pendant que son fidèle Corswain réorganise la riposte des Anges (dit comme ça, on dirait un teaser pour une émission de la TNT). Malgré l’urgence de la situation, le Primarque réfléchit longuement aux options s’offrant à lui1 en matière de stuff (le bougre a une pièce entière remplie d’armes de corps à corps), et finit par opter pour une paire d’épées bâtardes, choix certes kikoolol dans l’absolu mais assez dévastateur dans la pratique, comme on le verra plus tard.

À la tête de ses légionnaires, Lionel s’enfonce donc dans les entrailles de son vaisseau en direction du réacteur Warp, qu’il sait être la cible principale des vils résidents de l’Immaterium ! Les premiers mobs ayant le malheur de spawner sur son chemin sont rapidement réduits à l’état de protoplasme, pour un gain d’expérience assez minime pour notre héros, tant la différence de niveau est criante. Bien décidé à rattraper son retard sur Sanguinius et Fulgrim, qui eux ont passé le niveau 105, le Lion enclenche la vitesse supérieure et initie un raid de la base adverse… en solo. Dommage pour les PNJ qui constituaient son « escorte », et doivent maintenant se débrouiller tout seuls contre des ennemis dont ils ne soupçonnaient même pas l’existence une heure plus tôt. Big brother is not watching you any longer, suckers.

De leur côté, Corswain et sa garde rapprochée finissent par pénétrer dans la salle du réacteur, où les attend un Duc du Changement bicéphale (qui n’est pas Kairos, sauf erreur de ma part) qui insiste lourdement pour avoir une discussion avec le shift manager. Son sénéchal ayant perdu une guerre mentale contre Super Poulet et se trouvant par conséquent sous la domination de ce dernier, Lionel n’a d’autre choix que de la jouer fine et échange donc quelques banalités avec sa Nemesis avant de profiter de la nuque roide de ce dernier pour lui tomber sur le râble gésier et lui faire avaler son bâton. L’Angry Bird Alpha ayant été mis hors d’état de nuire, les autres démons sont rapidement bannis par l’équipage de l’Invincible Reason, qui peut alors reprendre sa route vers le système de Perditus et rallie bon port sans plus d’incidents.

La deuxième partie de cette deuxième partie met sur le devant de la scène les forces en présence à la surface de la planète, en particulier les Iron Hands du capitain Lasko Midoa et la Death Guard de ce bon vieux Calas Typhon. L’arrivée en orbite de la flotte des Dark Angels venant mettre fin au statu quo atteint par les belligérants depuis plusieurs jours, les poings nickelés saisissent l’occasion se présentant à eux pour attaquer les positions des prouteux. On ne peut plus suspicieux, le Lion décide toutefois d’envoyer un ultimatum indiscriminé par le biais de ses Archivistes2 aux factions présentes sur Perditus, que l’on peut résumer en cinq mots : « Cassez-vous de ma planète ». Et si les Iron Hands trouvent plus prudents d’obtempérer, Typhon ne l’entend pas de cette oreille et profite du désarroi de ses adversaires pour monter une contre-attaque. L’épisode se termine avec un Lionel passablement énervé de voir son autorité bafouée par ses neveux, et tout près d’envoyer quelques mégatonnes de glaçons sur la station de recherche afin que tout le monde puisse en mettre dans son slip. Zut à la fin.

Chapitre de transition entre deux arcs narratifs distincts, ce deuxième volet de The Lion ne diffère pas vraiment du premier d’un point de vue qualitatif, même si les nombreux passages d’action laissent logiquement moins de place à Thorpe pour continuer sa description du Primarque (ce que je trouvais être l’aspect le plus intéressant de cette nouvelle), bien qu’il réussisse tout de même à compléter le tableau, décidément ambigu, du caractère de Lion El’Jonson en mettant à profit les quelques passages plus posés de l’épisode.

À titre personnel, j’ai trouvé la baston de l’Invincible Reason assez dommageable du point de vue du character development mis en place par Gav depuis le début de la nouvelle, Jonson apparaissant certes à cette occasion comme un guerrier insurpassable (et suffisant), mais également (et surtout) comme un stratège très limité et un meneur d’hommes abominable. De la part du frère ennemi de Leman Russ, je m’attendais à une approche moins rentre dedans de la chose militaire, même s’il est somme toute assez logique qu’un Primarque aussi renfermé et méfiant que Lionel choisisse d’agir comme la one man army qu’il est en définitive, sans prendre le temps de coordonner ses actions avec ses alliés.

La partie consacrée à l’affrontement entre Iron Hands et Death Guard est quant à elle tout à fait lisible, même si, détails fluff mis à part, il n’a pas grand-chose à tirer de cette n-ième empoignade SM. L’inclusion de Typhon au casting de The Lion est toutefois une vraie bonne nouvelle, l’iconique premier capitaine DG promettant d’être, en l’absence d’un Primarque renégat, une Nemesis convenable à Lionel lors du dernier volet de ce triptyque hérétique.

1 : On me signale dans l’oreillette que cet épisode de la geste d’El’Jonson est entré dans la postérité au point de se retrouver dans une comptine bien connue des bambins de l’Imperium quelques dix mille ans plus tard :

« Promenons-nous dans le vaisseau

Pendant que le Lion s’fait beau

Si le Lion y était

Il nous défoncerait

Mais comme il n’y est pas

Il nous butera pas

Lion y es-tu ? Que fais-tu ? M’entends-tu ? »

Lionel : « Je mets mon armure d’artificier »

(au refrain)

Lionel : « Je ceins ma pelisse en peau de panthère de Caliban »

(au refrain)

Lionel : « Ah merde, j’ai oublié de mettre mes chaussettes, du coup il faut que j’enl-« 

(au refrain)

Lionel : « C’est bon, je suis prêt ! Maintenant, il faut que je choisisse une arme. »

(au refrain)

Lionel : « Hmmm… »

(au refrain)

Lionel : « J’hésite. »

(au refrain)

Lionel : « … »

(87 refrains plus tard)

Lionel : « Ok pour la paire d’épées longues. ME VOILAAAAAAA !!! »

2 : On notera au passage que Lionel n’a pas suspendu l’Edit de Nikea de manière temporaire, comme on aurait pu s’y attendre de la part d’un fiston loyaliste. Il aurait été logique que le commandement de Pépé redevienne loi une fois l’Invincible Reason débarrassé de ses parasites démoniaques, l’utilité de psykers de bataille une fois cette crise surmontée n’étant plus que marginale. Reste que le Primarque de la première Légion avait visiblement un autre avis sur la question.

Gilead’s Curse (ch. 5) – D. Abnett & N. Vincent [WFB] :

Gilead's CurseAprès un court hiatus, voici donc que nous revient le roman feuilleton de cette deuxième année, le très aptement nommé Gilead’s Curse. Pour rappel, le chapitre 4 s’était terminé par un poggo géant dont notre héros était l’épicentre, technique de combat contre laquelle il s’était trouvé totalement dépourvu malgré toute sa badasserie et sa shadowfasttitude. Isolé, ligoté et désarmé au plus profond d’un antre skaven, c’est peu dire qu’affirmer que Gilead ne commence pas ce chapitre 5 (dont Vincent nous prévient d’emblée qu’il changera la vie de ses lecteurs) dans les meilleures conditions. Cette situation ne semble toutefois pas le gêner outre mesure, la première décision prise par l’elfe flegmatique à son réveil étant de… piquer un roupillon, et cela alors même que le roi des rats lui susurre sa litanie au creux de l’oreille. Dans le genre cause toujours, tu m’intéresses, on doit reconnaître que Gilead se pose là, même si cette poussé de jemenfoutisme aigu aurait pu très mal se finir pour notre héros.

Émergeant frais et dispos de sa petite sieste, et découvrant que son geôlier lui a faussé compagnie, Gilead décide fort logiquement de trouver un moyen de se libérer d’inspecter les appartements privés du roi des rats tout en faisant quelques exercices de musculation afin d’éviter les courbatures. Car, oui, pourquoi saisir l’opportunité de fausser compagnie à un tyran dont l’intention est de siphonner votre immortalité quand on a l’occasion d’estimer la valeur de sa collection de bibelots ? C’est dans ces moments que l’on se dit que la psyché elfique (ou celle de Nik Vincent, j’hésite encore) est radicalement différente de la nôtre. Persuadé d’être Emmanuel Layan dans Un Trésor dans votre Maison, Gilead va donc passer plusieurs heures à expertiser le contenu des six niches creusées dans le mur de l’antre de son tortionnaire. Résultat des courses : un scarabée de Khemri dans un bocal, la mèche de cheveux d’une finaliste de Toddlers & Tiaras, une bouture d’un arbre magique, un miroir, rien1, et une représentation du yin et du yang en caillou.

Cet examen (qui occupe tout de même 7 pages sur les 18 que compte le chapitre), extrêmement poussé et entrecoupé d’hallucinations mettant en scène chaque relique au moment de sa capture par les skavens, prend fin au retour du roi des rats, qui a la surprise de découvrir que son précieux prisonnier s’est (finalement) libéré de ses liens et l’attend de pied ferme2. Enfin, quand je parle de surprise… Ce qui aurait été une réaction normale de la part d’un personnage skaven (race pas franchement réputée pour sa bravoure) dans n’importe quelle nouvelle de la Black Library ne pouvait évidemment pas être repris par une Nik Vincent n’en étant plus à un highkick dans les dents du fluff canon près. Le nabab raton arrive donc posément dans ses quartiers et constate, tout aussi posément, que le saucisson elfique préparé par ses séides quelques heures/jours/semaines (entre Gilead qui peut passer des heures à se préparer à regarder le contenu d’une niche et Ratatouille qui devait reprendre en main l’organigramme de toute la race skaven suite au massacre provoqué par Super Valium et Captain Bêche au chapitre précédent, on est plus à trois minutes près) est sorti de sa camisole de force3, sans se dépareiller ni de son calme olympien, ni de son sempiternel gimmick (rien que pour ça, il mérite de se faire buter). Gilead, de son côté, bien qu’ayant récupéré ses armes et disposant d’une palanquée de raisons pour faire la peau à son vis-à-vis (à commencer par le fait qu’il est personnellement responsable de la mort de ton sidekick, espèce de jambon !), ne semble pas non plus animé d’intentions très belliqueuses envers ce dernier, et se contente de contempler son ennemi mortel d’un regard que l’on devine être torve. Le suspense est à son comble…

Décidément, les chapitres de Gilead’s Curse se suivent et se ressemblent, et le bilan que je fais de ce cinquième épisode n’est pas différent de celui que j’avais fait pour les quatre précédents : style très/trop différent de celui des autres contributeurs de la BL, tournures tarabiscotées, phrases à ne surtout pas sortir de leur contexte, descriptions fastidieuses mais souvent peu claires, connexions logiques lacunaires ou mal introduites, et surtout, absence d’un schéma narratif apparent (mais où est-ce que Vincent veut aller avec ce salmigondis halluciné ?), font de la lecture des aventures de Gilead une expérience très particulière. Je crois que l’on peut définitivement considérer que Nik Vincent n’est pas (ou plus) faite pour écrire pour des franchises med-fan, et prier pour que Dan Abnett vienne un jour se pencher sur le berceau de ce roman feuilleton autre avant qu’il ne soit trop tard. L’espoir fait vivre…

1 : Je trouve cette absence caractéristique du style déroutant de Nik Vincent. Quitte à reprendre les codes des contes de fées en consacrant des pages entières à décrire des objets que l’on devine être magiques et amenés à jouer un rôle important dans la suite de l’histoire (ce qui ne sera pas le cas pour la majorité d’entre eux soit dit au passage), autant définir tout de suite le nombre exact d’artefacts et ne pas décider en cours de route qu’il n’y en a que cinq au lieu des six anticipés.

2 : J’aurais été à la place de Gilead, j’aurais commencé par me libérer avant d’aller inspecter la penderie du mec qui veut me buter. Ça lui aurait de plus permis de mieux voir les objets du roi des rats, au lieu de devoir rouler de droite à gauche pour se mettre en face de chaque niche. M’enfin, ce n’est que mon avis de non-Elfe…

3 : Vincent, jamais la dernière quand il s’agit d’entrer dans le détail de choses dont le lecteur n’a absolument rien à faire, dépeint un Gilead utilisant son shadowfast pour provoquer l’usure des cordes qui l’entravent, en contractant ses muscles de manière très rapide. Appelons ça la méthode Sport Elec.

Slayer of the Storm God – N. Long [WFB] :

Slayer of the Storm GodAprès l’élève, place au maître. Difficile de trouver accroche plus appropriée à la critique de ce Slayer of the Storm God signé de la main de Nathan Long, auteur en charge de la destinée de l’increvable duo depuis la passation initiée par William King en 2003. Initialement sortie sous la forme d’un audio book, cette nouvelle se déroule juste après les évènements relatés dans Elfslayer, et débute avec le retour de nos héros au domicile du pirate Hans Euler, afin de récupérer la lettre que ce dernier menaçait d’utiliser afin de faire chanter le père de Felix. Laissant à son comparse le soin de mettre en sécurité le précieux document, Gotrek décide pour sa part de joindre l’utile à l’agréable en faisant main basse sur le reste du contenu du coffre du contrebandier. Cette rapine innocente (car comme notre Nain le dit lui-même, ce n’est pas un crime de voler un voleur) est l’élément déclencheur d’une aventure aussi rapidement expédiée (il ne s’agissait pas de rater le bateau pour Altdorf le lendemain matin) que riche en rebondissements, au cours de laquelle les deux compères se retrouveront – bien involontairement – opposés à des sectateurs de Stromfels ni vraiment commodes, ni vraiment humains.

Dans la droite ligne du sans-faute réalisé sur le Red Snow de 2010, Long confirme avec ce nouvel épisode de l’interminable saga de Gotrek Gurnisson qu’il est toujours ce qui se fait de mieux à la Black Library en matière de hack’n’slash divertissant. A contrario des contributeurs de Hammer & Bolter s’étant précédemment frottés à la légende orange, Long respecte scrupuleusement le cahier des charges du genre (qu’il a contribué à établir, il est vrai) et donne au nabot patibulaire un adversaire digne de ce nom, en la personne d’un avatar de Stromfels aussi squaliforme que tentaculaire (le dieu des tempêtes est du genre fromage et dessert dans ses attentions). Cette confrontation finale sur les docks de Marienburg conclut une série de péripéties au cours desquelles nos héros visiteront un hôtel particulier, deux tavernes et les marais de l’estuaire du Reik, et affronteront une armée de SSS (sbires squameux de Stromfels), le tout en moins de 30 pages.

Concise, précise et jamais avare en matière de détails fluff, l’écriture de Nathan Long rend totalement justice au légendaire binôme de la BL, sans jamais donner dans la facilité ni dans la répétition (ce qui, au vu du schéma narratif monolithique caractérisant les aventures du meilleur/pire Tueur du monde de Warhammer, relève de la gageure). Bref, Slayer of the Storm God est sans conteste la meilleure nouvelle de Gotrek et Felix publiée dans Hammer & Bolter, loin devant la concurrence.

Après un 17ème numéro superlatif, cette 18ème publication sonne comme un retour à l’ordinaire pour le webzine de la Black Library. La masterclass donnée par Nathan Long se trouve en effet un peu seule dans la catégorie des contenus excitants (remarquez, un esprit taquin pourrait très bien y faire également figurer le 5ème chapitre de Gilead’s Curse, mais pas pour les mêmes raisons), le 2ème volet de The Lion du Gav et les débuts de Laurie Goulding dans Hammer & Bolter n’évoluant clairement pas dans la même catégorie. Ceci dit, on peut saluer l’effort de la BL d’avoir édité un véritable numéro thématique, et regretter que ce genre d’initiatives n’ait pas été pris plus souvent. À la prochaine !

HAMMER & BOLTER [N°17]

Bonjour et bienvenue dans la chronique du numéro 17 de Hammer & Bolter! Au menu aujourd’hui, un hors d’œuvre de Counter, une entrée de McNeill, un plat de résistance signé Josh Reynolds, et une petite Thorperie en guise de dessert (c’est fin, c’est très fin, ça se mange sans fin). Les plus observateurs parmi vous auront noté que le tandem infernal Vincent/Abnett n’a pas contribué à cette publication (tout le monde a le droit à ses vacances après tout), ce qui, très honnêtement, ne me semble pas augurer du pire pour la qualité générale de l’ouvrage. Mais je m’avance…

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Vermilion – B. Counter [40K] :

VermilionToujours engagé dans sa période (Imperial) Fists & Fils, Ben Counter livre avec Vermilion un petit stand alone assez surprenant. Si le style du créateur des immortels (mais néanmoins disparus) Soul Drinkers imprègne sans hésitation possible les 15 pages de ce récit, l’objectif poursuivi par l’auteur dans cette courte nouvelle ne saute pas aux yeux, ce qui étonne de la part d’un contributeur (habituellement) aussi « carré » que Counter1.

Notre histoire débute dans les ruines fumantes d’une station de recherche de l’Ordo Xenos, quelque part dans le Nord Est galactique. Prévenu d’une attaque du complexe scientifique par l’Inquisitrice Carmillas, l’Archiviste Deiphobus débarque avec quelques copains pour apprendre les bonnes manières aux xenos responsables de ces troubles du voisinage. Manque de bol, comme les carabiniers d’Offenbach, les jaunards arrivent trop tard pour interrompre la baston, et ne peuvent que constater l’extermination de tous les occupants de la station (Carmillas comprise). Seul survivant de cette empoignade, un unique xenos est ramené sur le vaisseau des Imperial Fists pour y subir des interrogatoires psychiques de la part de Deiphobus.

La suite de la nouvelle est principalement consacrée à l’exploration de la psyché du prisonnier des Fists par un Deiphobus assez imaginatif dans ses méthodes. Chaque « plongée » dans l’esprit de l’homme-pruneau (car c’en était un) donne ainsi l’occasion à notre héros de prendre une forme différente, afin de percer les défenses mentales du xenos. Barge de bataille, scout Space Marine ou missionnaire impérial, Barba-phobus ne rechigne pas à donner dans le transformisme lors de ses séances de trekking à l’intérieur du cerveau de son captif. Chaque expédition lui révèle de nouvelles pièces du puzzle, jusqu’à ce que la lumière se fasse sur les causes de l’attaque de la station.

Ayant obtenu le fin mot de l’histoire, Deiphobus fait son rapport au Seigneur Inquisiteur Vortz, lui laisse le xenos pour qu’il puisse faire mumuse avec, et s’en va en jouant de l’harmonica dans le soleil couchant, juché sur les épaules du fidèle sergent Ctesiphon. La nouvelle se termine par une signature de bail psychique entre Deiphy et Carmillas, la première (ou ce qu’il en reste, tout du moins) acceptant de mettre un peu d’ordre dans les souvenirs de l’Imperial Fist2. Le lecteur est laissé seul juge de la manière d’interpréter cette bien étrange conclusion, que l’on peut mettre au crédit soit d’un soudain penchant de Counter pour la métaphore larmoyante, soit de la volonté du même Counter de présenter à son lectorat un pouvoir psychique jusque-là inconnu des psykers impériaux. You choose.

Au final, Vermilion se révèle être assez différent du reste de la bibliographie SM-esque (essaimesque ?) de Ben Counter, cette nouvelle manquant à mes yeux de l’axe directeur fort présent dans tous les autres travaux de l’auteur. Le huis clos entre Deiphobus, son prisonnier et le fantôme de Carmillas, qui occupe la majeure partie du récit, ne semble ainsi avoir d’autre fonction narrative que de permettre à Counter de décrire avec l’imagination qu’on lui connaît les tribulations mentales d’un psyker en terrain hostile. Le fait que le psyker en question soit un Space Marine mène le lecteur à penser que ces séances d’interrogatoire déboucheront forcément sur un final musclé, au cours duquel Deiphobus et ses sous-fifres casseront du xenos afin de venger le trépas de l’Inquisitrice, développement archétypique de l’histoire de marounes de la BL (genre dont Counter est l’un des fers de lance). La direction différente que Ben choisit d’emprunter en conclusion de son récit constitue donc une surprise, qui, si elle ne peut pas être qualifiée de mauvaise (une nouvelle de SM qui se termine sans effusion de sang ? J’achète !), n’est pas superlative non plus, le final manquant de maîtrise comme d’intérêt.

Vermilion, étude littéraire plutôt que nouvelle totalement finie ? Et pourquoi pas ? Ce ne serait pas la première fois (ni la dernière, je gage) qu’un texte assez peu travaillé a été publié dans Hammer & Bolter.

 1 : Nik Vincent et Dan Abnett ayant fait un break dans l’écriture de leur feuilleton halluciné, et la nature ayant, comme chacun sait, horreur du vide, je me plais à penser que les errements rougeâtres de Counter ont été causés par l’impérieuse nécessité de proposer au lecteur de Hammer & Bolter sa dose de prose cryptique mensuelle.

2 : Ce faisant, l’Inqusitrice devient l’archiviste d’un Archiviste. Mind blown.

The Iron Without – G. McNeill [40K] :

The Iron WithoutAuteur Iron Warriors par excellence, Graham McNeill donne avec The Iron Without un nouveau chapitre à la tentaculaire saga du Warsmith Honsou, Nemesis autoproclamée de l’autre personnage majeur du Grahamivers, j’ai nommé le Capitaine Uriel Ventris des Ultramarines. Les meilleures choses finissant toutefois par lasser, la présente nouvelle ne met au premier plan ni le diabolique sang de bourbe rouille de la IVème Légion (bien que ce dernier y apparaisse néanmoins, accompagné de sa clique de side-freaks), ni le vertueux Schtroumpf Paladin (cette vieille baderne psychorigide de Learchus viendra tout de même faire le coup de feu en fin de récit), mais le brave Soltarn Vull Bronn, alias The Stonewrougth, Mozart de la géologie militaire et prodige de la conduite de siège en environnement pierreux. Pour des raisons de simplicité, nous l’appellerons désormais Yves (pour Yves Rocher1).

The Iron Without commence bien mal pour Yves, enseveli qu’il est sous quelques tonnes de gravats. Passablement amoché par toute cette caillasse, et bien incapable de bouger, notre malheureux héros a tout le temps de se demander ce qu’il a fait pour mériter un si triste destin, lui le légionnaire modèle, la coqueluche de Perturabo ! Et à la réflexion, Yves finit par mettre le doigt (façon de parler, il ne lui en reste plus guère) sur le nœud du problème : cette enflure de Honsou, dont les directives semblent n’avoir pas pris en considération la survie de l’armée que ce dernier a amené sur Calth (après l’avoir gagnée chez la Mamie Loto du Maelström, j’ai nommé ce vieux Huron Blackheart2).

La suite, et le gros, de la nouvelle, est l’occasion pour McNeill de dérouler un petit flashback des familles, destiné à mettre en lumière les évènements ayant mené Yves au triste état qui est le sien. Arrivé sur Calth dans les bagages de Honsou, notre héros s’est vu confier par son boss l’insigne honneur de commander l’armée Iron Warriors à la victoire contre ces planqués d’Ultramarines, pendant que le Warsmith et sa garde mystérieuse partaient looter en lousdé quelque artefact mystique loin du front (ne m’en demandez pas davantage à ce sujet, je n’ai pas lu Invasion of Ultramar, qui relate en détail les péripéties non couvertes dans The Iron Without). Malgré sa science de la fortification, les hordes de mercenaires assoiffés de sang qu’il a à sa solde et les innombrables machines sur lesquelles il peut compter, Yves et ses grouillots finissent éclatés dans les grandes largeurs, victimes de la supériorité stratégique de l’alliance Ultramarines – Raven Guard leur étant opposé. Seule consolation pour notre malchanceux protagoniste, il croit apercevoir l’increvable Honsou s’éclipser dans le chaos de la bataille juste avant que Learchus ne vienne transformer le Stonewrought en Splashedbrain. Vae Victis !

Même s’il est préférable de lire cette nouvelle à la suite du roman Invasion of Ultramar, auquel elle donne un nouvel éclairage que je devine être intéressant, McNeill mène sa plume avec suffisamment de brio pour permettre à tous ses lecteurs de retirer quelque chose de The Iron Without. Les non-initiés à l’épopée Honsou-enne y trouveront une histoire de Space Marines contenant assez d’éléments fluffiques et d’action musclée pour satisfaire leurs coupables penchants, les autres pourront y retrouver quelques têtes connues, et bénéficier d’une vision plus macroscopique de l’anéantissement de l’armée chaotique sur Calth. Tout bénef’.

The Iron Without s’avère donc être une contribution solide, à la fois à la bibliographie de McNeill, mais également à la littérature 40K-esque en général. Pour ma part, la seule ombre au tableau serait les nébuleuses explications avancées par McNeill pour justifier la montée en première ligne de Honsou, tout prêt à mener une charge suicide en compagnie d’esclaves terrassiers pour prouver à ses hommes qu’il possède bien les douilles3 en acier trempé faisant de lui un digne (beau) fils de Perturabo4. À quand le sans-faute, Graham ?

1 : C’était ça ou Roch Voisine, je vous ai évité le pire.

2 : Pour plus d’information sur ce passage mémorable de la geste de Honsou, se reporter à la nouvelle Skull Harvest.

: Oui, les douilles. C’est un Iron Warrior après tout.

4 : « Bon, je vais aller m’exposer inutilement en première ligne afin de montrer aux gars que j’en ai dans le falzar, et que c’est moi le boss. Ceci dit, je sais pertinemment que rien de ce que ne pourrais faire ou dire ne pourra jamais les convaincre que je suis autre chose qu’un parvenu. Il est donc nécessaire que j’aille montrer ma lune à l’artillerie des Ultramarrants, même si cela ne servira absolument à rien. »
« C’est brillant maître. »

« N’est-ce pas ? »

« Je parlais de votre jeu de douilles, pas de cette idée complètement débile. »

« … »

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Stromfel’s Teeth – J. Reynolds [WFB] :

Deuxième volet de la série de nouvelles consacrée à Erkhart Dubnitz, et à travers lui au très humble et très violent Ordre de Manann, Stromfel’s Teeth permet à Josh Reynolds de poursuivre sa visite guidée de la plus célèbre, la plus riche, la plus corrompue et la plus humide cité-Etat du Vieux Monde. Et au petit jeu du « et si Marienburg m’était contée », force est de constater que Herr Reynolds fait tranquillement la course en tête, sa plume donnant vie aux quartiers et aux habitants du cru avec une aisance et une justesse fluffique dignes d’être notées (et appréciées).

Marienburg, l’après-midi de la veille de Mitterfruhl (l’équinoxe du printemps du monde de Warhammer). Alors que les citadins vaquent tranquillement à leurs occupations, deux évènements sont sur le point de pourrir le groove de l’empereur. Le premier est l’arrivée d’une tempête assez costaude depuis la Mer des Griffes (ce qui n’est jamais une bonne nouvelle quand on a du linge étendu à sécher dehors). Soit. Le deuxième est l’arrivée de Street Sharks assez affamés dans la place, qui se solde immédiatement par une panique monstre et des morts en pagaille. Pas glop.

Sommés d’agir par les autorités compétentes, Dubnitz et ses condisciples, menés par l’inénarrable Dietrich Ogg (Grand Maître manchot, brutal et obséquieux – car non ces trois termes ne sont pas antinomiques – de l’Ordre de Manann), se lancent à la poursuite des quatre fils du docteur Bolton1, avec des résultats concluants malgré quelques pertes du côté des templiers. Dépêché en renfort de la garnison du temple de Manann, assiégé par une foule aussi bienveillante et ouverte d’esprit qu’un bataillon de partisans de Donald Trump défoncés à la bière en goguette dans un Chipotle, Dubnitz croise la route d’une ancienne connaissance (Esme Goodweather, prêtresse de l’Ordre de l’Albatros, déjà croisée dans Dead Calm), dont les tours de passe-passe et l’intuition salutaire2 permettront à l’enquête menée par notre jovial héros d’être bouclée rapidement et (presque) proprement. On ne change pas une équipe qui gagne.

Stromfel’s Teeth est la confirmation des débuts prometteurs du moins australien des Reynolds de la Black Library dans le sous genre, assez délicat à manier (demandez à Sarah Cawkwell), de la nouvelle sérialisée. Dans la droite ligne de ce que C. L. Werner avait réussi à faire avec son personnage de Brunner, Josh parvient à faire vivre à ses personnages récurrents des aventures rythmées, prenantes et bien construites, en n’oubliant ni de faire évoluer ces derniers d’un opus à l’autre (on apprend ainsi en cours de récit que Dubnitz et Goodweather ont eu une liaison qui s’est mal terminée entre Dead Calm et Stomfel’s Teeth), ni d’incorporer de nombreuses informations fluffiques plus ou moins importantes mais toujours à propos et en cohérence avec le background canonique. Le petit plus de Reynolds par rapport à son illustre aîné est qu’il parvient même à franchement tirer sur la veine humoristique, la truculence de son héros débouchant sur quelques dialogues particulièrement savoureux (1/2). Ca aura pris plus d’un an, mais les « Hot New Talents » promis en ouverture du premier numéro de Hammer & Bolter ont enfin trouvé leur chef de file.

: Le plus drôle étant que le personnage se révélant le plus efficace dans la traque des hommes requins est un look-alike du Dr Paradigm.

2 : Détective en chef de Marienburg : « Hmmm, une affaire compliquée c’est certain. Nous n’avons pas la moindre piste pour remonter à l’origine de cette soudaine épidémie squalide. »

Dubnitz : « J’aurais dit carcharodienne. »

Détective en chef de Marienburg : « Les deux sont tolérés, mais venons-en au fait. – inspecte le cadavre de Ripster – L’individu ne portait rien d’autre qu’un pantalon rapiécé et une sorte d’amulette taillée dans une dent de requin et portant le symbole de Stromfels autour du cou. Fascinant… »

Dubnitz : « Quoi donc ? »

Détective en chef de Marienburg : « Je viens de réaliser à l’instant que la somme des chiffres composant les nombres divisibles par neuf est elle-même divisible par neuf. C’est extraordinaire… mais malheureusement sans la moindre utilité pour le cas qui nous intéresse. Je crains fort qu’il ne nous faille classer ce dossier. »

Dubnitz : « C’est regrettable mais puisque l’enquête se retrouve dans un cul de sac… Ça nous laissera plus de temps pour essayer de la mettre la main sur cet individu louche qui a été vu en train de distribuer des colifichets tout à fait similaires à celui que le suspect avait sur lui au moment où il s’est transformé en requin. Deux affaires tout à fait distinctes, bien sûr. « 

Goodweather : « Vous allez rire, mais j’ai peut-être une idée… »

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Knight of the Blazing Sun – J. Reynolds [WFB] :

Knight of the Blazing SunOn ne se lasse pas des bonnes choses. C’est ce qu’ont dû se dire les éditeurs de Hammer & Bolter en choisissant de faire suivre une nouvelle de Josh Reynolds… par un extrait de Knight of the Blazing Sun, roman signé par le même gaillard.

Là encore, nous nous retrouvons en terrain connu, puisque le personnage de la première partie du chapitre livré en pâture aux insatiables lecteurs de la BL n’est autre qu’Hector Goetz, déjà mis en avant dans The First Duty (Hammer & Bolter #6). Et si l’autre héros templier de Josh n’a pas la faconde ni l’expérience de sa contrepartie Manannite1, Herr Goetz ne manque certes pas de ressources, à commencer par un talent certain au maniement des armes, qui lui permet de se farcir un Chef de Guerre Orque Noir en (quasi) solo, quand Erkhart Dubnitz est bien en peine de gourmander un pauvre petit homme requin de rien du tout sans manquer de se faire arracher la tête. Ajoutez à cela un pédigrée certes mystérieux mais apparemment de haute volée (selon les dires de son propre Hochmeister, Goetz serait l’héritier de la province perdue du Solland/Suddenland), et pour finir une volée de flèches décochée par des gobelins revanchards, et vous obtiendrez un portrait assez fidèle du protagoniste de Knight of the Blazing Sun, personnage pas vraiment mémorable mais pas désagréable non plus, ce qui constitue un point de départ honorable pour un roman de la BL.

Plus intéressant est le parti pris choisi par Reynolds de relater une bataille mettant aux prises l’armée de Wolfram Hertwig, comte électeur de l’Ostermark, à une Waaagh ! quelconque mais très remontée, depuis le point de vue d’un escadron de chevaliers impériaux2. Qu’il s’agisse de décrire l’attente tendue en réserve du gros des forces impériales, la transmission – loin d’être évidente – des ordres du commandement à cet escadron excentré de la ligne de bataille, l’impact d’une charge de cavalerie (en insistant bien sur le fait que, comme sur la table, ce sont les chevaux qui font le gros du boulot), ou encore la situation précaire d’une unité de cavalerie d’élite de cinquante hommes encerclée de toutes part par de l’infanterie, même basique, une fois l’élan de sa charge dissipé, Josh Reynolds réussit à donner à son récit une patine de crédibilité, sans oublier de donner à ses lecteurs quelques scènes de combat distrayantes à défaut d’être mémorables.

La deuxième partie du chapitre, qui débute après que Goetz ait été initié aux joies de l’acuponcture gobeline par les archers de compagnie du Big Boss qu’il venait juste d’étendre, transporte le lecteur sur les rivages de la Mer des Griffes, où un n-ième Hochmeister de l’Ordre recueille une prophétie à part égale funeste et difficile à interpréter de la bouche de l’oracle de Myrmida du cru. Nul doute que cette conclusion sibylline fait parfaitement sens un peu plus tard dans le roman, et le procédé du « tu comprendras plus tard » utilisé par Reynolds n’est pas vraiment rédhibitoire au plaisir de lecture, pour peu qu’il soit étayé par une mise en contexte postérieure suffisamment bien faite pour ne pas laisser le lecteur sur sa faim. Abnett fait ça très bien (voir l’extrait de Prospero Burns de Hammer & Bolter #1), et il n’y a aucune raison de penser que Josh Reynolds ne soit pas capable d’en faire de même. Ce teaser de Knight of the Blazing Sun remplit donc sa fonction, et ne manquera pas je gage de faire gagner quelques nouveaux fidèles à Reynolds. De ce que l’ai pu lire du bonhomme jusqu’ici, c’est tout à fait mérité.

1 : Ca fait mieux que Manannaine, non ?

2 : Le fluffiste impérial ne manquera pas de noter l’ironie que constitue l’inclusion d’une force de chevaliers dans l’armée d’Hertwig, dont le principal fait d’arme consistait (avant la Fin des Temps) à avoir mené son ost au massacre du fait de son inexpérience et de sa farouche volonté de ne pas laisser le commandement des forces impériales au Grand Maître Kessler.

The Lion (part I) – G. Thorpe [HH] :

The LionÀ la suite de la première (et peu concluante) tentative des éditeurs de Hammer & Bolter d’aborder le format de la longue nouvelle (une cinquantaine de pages au lieu de la vingtaine constituant le mètre étalon de la maison) via la soumission par Andy Smillie de son assez quelconque Beneath the Flesh (Hammer & Bolter #15/16), c’est au tour du Gav de se frotter à la novella, cet entre-deux indéfinissable entre la nouvelle et le roman. Et avant même de débuter la lecture de ce The Lion, force était de constater que Thorpe abordait l’obstacle dans des conditions bien plus favorables que son prédécesseur, tant au niveau de l’expérience (plus de 20 ans de maison) que du sujet (Lion El’Jonson, sa vie, son œuvre) et de l’univers (l’Hérésie d’Horus). Cela étant dit, la tendance de Gavin à se contenter du strict minimum en matière de storytelling incitait également à la circonspection, et c’est ainsi que j’abordais cette première partie sans a priori d’aucune sorte.

Prenant la suite de l’affrontement entre les deux self-made Primarques sur Tsagualsa (épisode narré dans le Savage Weapons d’ADB), dans le cadre de l’affrontement larvé entre Dark Angels et Night Lords, Thorpe centre logiquement son propos sur la Première Légion et sur Lion El’Jonson, tout à la fois frustré par l’impossibilité de mettre un terme à la croisade de Thramas et de se porter au secours de Terra, et travaillé par la déclaration du Night Haunter à propos de la loyauté vacillante des Dark Angels restés sur Caliban.

La réception d’une demande d’assistance émise par la garnison d’un complexe isolé de l’Adeptus Mechanicum (eh oui, encore un!) localisé dans le système de Perditus vient tirer le Lion de la bouderie contemplative dans laquelle il s’était plongé depuis la tentative de strangulation dont il avait fait les frais de la part de ce coquin de Kurze. Ni une ni deux, Jonson décide de se rendre sur place à la tête d’un contingent d’une taille plus que respectable (30.000 légionnaires tout de même), afin de s’assurer que le secret détenu sur Perditus ne tombe pas entre de mauvaises mains, Iron Warriors, Iron Hands et Death Guard ayant été repérés en train de rôder dans les environs.

Le gros de la première partie de The Lion décrit donc le voyage de l’Invincible Reason et de son escorte vers le système de Perditus, odyssée pimentée par la prise en filature du vaisseau amiral des Dark Angels par un mystérieux poursuivant, phénomène normalement impossible du fait de la nature particulière du Warp. Soucieux de préserver la confidentialité de son arrivée, Lionel parvient à attirer son poisson pilote dans l’univers réel pour une petite explication de texte, qui se solde au final par l’invasion de l’Invincible Reason par une flopée de démons pas vraiment concernés par les désirs d’intimité des DA. Too bad. Le rideau retombe au moment où Jonsy (à ne pas confondre avec Jónsi, bien que les deux partagent la même coquetterie à l’œil droit) s’apprête à aller coller quelques baffes aux séides des Dieux Sombres afin de leur apprendre à respecter la propriété d’autrui. Non mais.

Malgré quelques longueurs dans son déroulement, The Lion s’est révélée être une lecture assez agréable, même si Gav ne parvient pas à rendre une copie du même niveau que Dembski Bowden, dont les nouvelles Savage Weapons et Prince of Crows restent à mes yeux les deux must read pour tous les amateurs de l’Horésie d’Hérus (j’invertis des lettres si je veux) intéressés par la guéguerre entre paloufs et rogues. On peut d’ailleurs tout à fait considérer que la soumission de Thorpe comme un side event de la croisade de Thramas, El’Jonson prenant un break bien mérité après trois années de cache-cache avec les Night Lords pour accomplir une quête annexe, sans que la VIIIème Légion n’intervienne de manière significative dans l’intrigue.

En choisissant de faire d’un Primarque le personnage principal de son propos (même si le Sénéchal Corswain tente également d’exister aux côtés de son père génétique), Gawin prenait le risque de ne pas rendre justice à cette figure surhumaine, trop souvent décrite comme un simple super Space Marine dans les œuvres romancées de la Black Library. Je dois reconnaître qu’il s’en est plutôt bien tiré, en grande partie grâce à la description en clair-obscur qu’il fait de son héros, dont les motivations comme l’allégeance finissent par apparaître bien plus floues que ce que son image de loyaliste radical laissait à penser. Méfiant jusqu’à la paranoïa, faisant preuve d’un goût prononcé pour l’isolation (certains diront pour la bouderie), ne supportant pas la contestation de la part de ses subalternes (au point de décapiter à main nue un Chapelain ayant refusé de révoquer l’édit de Nikea), et éprouvant un indéniable, même si coupable, plaisir à imposer son point de vue par la force, le Lion de Thorpe n’est pas le parfait chevalier décrit par la propagande impériale, ce qui rajoute une profondeur intéressante à un personnage autrement ennuyeux de surpuissance. En complément, et comme souvent dans les publications relatives à l’Hérésie d’Horus, les détails de fluff (d’un intérêt plus ou moins grand) abondent, ce qui justifie amplement la lecture de cette nouvelle par tous les fans des Dark Angels.

Si l’utilisation de Lion El’Jonson comme protagoniste est donc assez réussie, les autres personnages de Thorpe, à commencer par Corswain, aka le Loken de la Première Légion (il en faut bien un), se révèlent malheureusement bien fades, tout comme la plupart des péripéties mises en scène au cours de cette première partie. Jamais avare en matière d’affrontement entre vaisseaux spatiaux, le Gav sert une nouvelle fois la soupe en consacrant une part non négligeable de sa nouvelle à la description de la « poursuite » entre l’Invincible Reason et son admirateur secret, à la fois dans, hors et entre (je me comprends) le Warp. Comme le bonhomme maîtrise son sujet, la pilule passe sans douleur, mais sans plaisir non plus. En fin de course, les points positifs l’emportent tout de même sur les points négatifs, et c’est avec une bienveillante neutralité que j’aborderai la deuxième partie de The Lion dans le prochain numéro de Hammer & Bolter.

Au final, ce 17ème numéro de Hammer & Bolter constitue l’une des livraisons les plus consistantes de cette deuxième année, en grande partie grâce au doublé de Josh Reynolds, honorablement complété par les nouvelles des grands anciens McNeill et Thorpe, un ton en dessous mais toujours dans la tranche haute du lisible et du divertissant. Counter ferme la marche avec son Vermilion, plus incongru que réellement indigeste, pour un solde largement positif. C’est suffisamment rare pour être souligné !