Archives Mensuelles: février 2021

BLACK LIBRARY CELEBRATION 2021 [Recueil]

Bonjour et bienvenue dans cette revue critique des recueils de la Black Library Celebration 2021. Et le pluriel est définitivement de mise cette année car la BL has gone full trilingual (and full digital), et nous gratifie de versions anglaise et française (et allemande, mais je ne m’aventurerai pas si loin) aux sommaires radicalement différents, seul l’indéboulonnable Guy Haley (‘To Speak As One’/‘Parler d’une Seule Voix’/’Mit Einer Stimme‘) faisant office de dénominateur commun entre les trois langues pratiquées par la Black Library. Pour le reste, la VO fait preuve d’un peu plus de variété que ses contreparties traduites, en incluant à son sommaire une nouvelle siglée Warhammer Horror (‘Skull Throne’), tandis que la VF se concentre sur les grandes figures de 40K (‘Hiérarchie‘, ‘Les Echos de la Tombe’). Notons enfin que l’Hérésie d’Horus est aux abonnés absents du cru 2021, ce qui dénote peut-être de la volonté de la BL de commencer à tourner cette longue et riche page de son histoire, et préparer la transition vers de nouveaux projets. Your guess is as good as mine…

Sommaire du recueil VF :

Sommaire du recueil VO :

Comme c’est l’usage, toutes les nouvelles incluses dans ces anthologies ont déjà été publiées (mais pas forcément traduites) auparavant. Pour peu que vous soyez familiers du catalogue de la Black Library, il se peut que vous ne trouviez rien de neuf à vous mettre sous les yeux. Ceci dit, les vétérans couturés ne sont pas vraiment le coeur de cible de ces petits recueils introductifs, et la BL ne les a pas abandonnés pour autant (Black Library Celebration Week 2021), on ne les plaindra donc pas. En effet, il faut plutôt rapprocher ces opuscules des anthologies de nouvelles « Start Here » proposées par la maison d’édition de Nottingham depuis maintenant quelques années, et qui sont clairement destinées, autant par leur contenu que par leur (vil) prix, à introduire les franchises de la BL auprès de potentiels nouveaux lecteurs. Pour refléter cette vocation didactique, j’ajouterai aux habituelles rubriques « Intrigue » et « Avis » une troisième entrée, pour donner mon avis sur l’intérêt de faire figurer la nouvelle en question dans ce type d’ouvrage tout public. Le cadre étant posé, il est temps de nous attaquer sans plus tarder aux neufs nouvelles sélectionnées par les pontes des Midlands pour ce millésime 2021. Je passe devant.

Black Library Celebration 2021  

To Speak as One // Parler d’une Seule Voix – G. Haley [40K] :

To Speak as OneINTRIGUE :

Alors qu’il attend l’arrivée prochaine d’un collègue de l’Ordo Xenos sur une station prison inquisitoriale abandonnée orbitant autour de la planète Otranti, l’Inquisiteur Cehen-qui reçoit une missive émanant de Belisarius Cawl en personne, lui intimant l’ordre de remettre le Xenos retenu prisonnier dans la station de correction investie par lui et son équipe. Peu habitué à recevoir des ordres, quand bien même ils proviendraient d’une sommité galactique telle que l’Archimagos Dominus, et aient été contresignés par Guilliman en personne, Cehen-qui informe sa fine équipe d’acolytes (l’être à tout faire Callow, le porte-flingues livre1 Valeneez, le Magos hipster – Frenk – Gamma et la serpentiforme et mal réveillée psyker ShoShonai) qu’il n’a aucune intention de coopérer, et qu’il défendra son bien jusqu’à la mort… de tous ses suivants, et même la sienne si on en arrive jusque là. L’arrivée soudaine d’un vaisseau de l’Adeptus Mechanicus va lui donner l’occasion de mettre à l’épreuve sa résolution farouche.

À bord du croiseur de l’Omnimessie, élégamment nommé 0-101-0, nous faisons la connaissance du reste du casting de la nouvelle, constitué de l’Archiviste Primaris Alpha Primus, qui déteste tout et tout le monde (mais a un faible pour la confiture d’albaricoque) et d’un clone de Cawl, Qvo-87. Chargés par leur patron de lui ramener le sujet de ses désirs afin qu’il puisse continuer ses expériences, les deux larrons cohabitent difficilement du fait de leur différence de caractère. Si Primus est gai comme une porte de prison qui viendrait de perdre sa famille dans un accident de voiture, Qvo-87 est gai comme un pinson (Cawl a dû intégrer le coffret collector des Grosses Têtes dans sa banque de données internes), et même si ses boutades tombent systématiquement à plat, il ne se départit jamais de sa bonne humeur, qui énerve Primus au plus haut point. Comme tout le reste d’ailleurs. Confiant dans la capacité de son vaisseau à sortir vainqueur d’un échange de tirs avec la station où est retranchée la suite inquisitoriale, mais souhaitant laisser un chance à son interlocuteur de régler l’affaire à l’amiable avant de passer aux choses sérieuses, Qvo opte pour une approche diplomatique, mais envoie tout de même son stoïque collègue aborder discrètement le complexe, ce qu’il fait à la Roboute (comprendre qu’il se jette dans le vide depuis son vaisseau et rejoint sa cible à la nage). Grand bien lui en fait car les négociations avec Cehen-qui se révèlent rapidement infructueuses, et l’inévitable bataille spatiale s’engage après que les deux camps aient conclu à un accord sur leur désaccord…

Début spoilerL’affrontement tourne, comme prévu par ce dernier, rapidement en faveur de Qvo, qui décide de pimenter les choses en percutant la station afin d’accélérer sa chute vers la surface d’Otranti. Surpris et condamné par cette manœuvre, Cehen-qui n’a d’autres choix que d’ordonner l’évacuation de sa planque, non sans avoir récupérer le psyker Aeldari qu’il pense être la cible du Mechanicus… Sauf qu’il y a eu un malentendu fâcheux au niveau du communiqué envoyé par Cawl: l’Archmagos n’est pas le moins du monde intéressé par les capacités cognitives des Zoneilles, mais convoite la crête d’un Cryptek, oublié dans une des cellules du complexe inquisitorial au moment de sa première évacuation. Cela n’empêche évidemment pas Primus de faire le coup de feu au bénéfice des malheureuses troupes de choc qui croisent sa route, mais facilite grandement le travail de collecte de l’inflexible Archiviste, jusqu’à ce qu’il se retrouve nez à nez avec ShoShonai, la psyker de compagnie de Cehen-qui. Alors que le Primaris se prépare à une partie sans pitié de Mastermind, il a la surprise d’entendre son vis à vis solliciter son aide, qui consisterait en une euthanasie rapide. Et pour cause, sous son grand chapeau, Tata Shosho ne cache pas un grelot, mais un symbiote tentaculaire fermement accroché à son occiput. Et là où ça devient intéressant, même pour le suprêmement blasé Primus, c’est que c’est le Xenos qui demande à ce que l’on mette fin à ses services (probablement de disque dur externe), car c’est lui qui a été réduit en esclavage par ce radical de Cehen-qui, malgré des apparences trompeuses. Toujours prêt à rendre service à son prochain, surtout si cela implique un peu de xenocide, Primus met à profit son Magnificat et ses tendons d’acier pour broyer à main nue le parasite exploité, avant de finir le travail d’une rafale de bolts lorsque ShoShonai fait mine de lui chercher des noises. Ceci fait, il se téléporte sur 0-101-0, et repart avec son crispant sidekick pour de nouvelles aventures, laissant Cehen-qui et ses sbires réaliser avec effroi et outrage qu’ils se sont faits balader comme des cadets par les envoyés spéciaux de Cawl. Y a plus de respect, que voulez-vous.Fin spoiler

J’en aurais bien dit plus à son sujet, mais il ne fait littéralement que ça d’utile au cours de la nouvelle.

AVIS :

Nouvelle intéressante de la part du vétéran Haley, non pas par son intrigue, mais bien par son ton, qui, à ma grande surprise, s’est révélé flirter sans complexe du côté de la pastiche. Qu’il s’agisse de l’Inquisiteur Cehen-qui, éminence grise foncée aussi hautaine que précieuse, et qui n’aurait pas détonné comme méchant dans un sous James Bond philippin, ou du binôme de choc Alpha Primus (Bourriquet dans un corps de psyker Primaris) et Qvo-87 (Kev Adams dans un corps d’Archimagos), les personnages de To Speak as One manient la petite blague aussi facilement que le bolter, ce qui place cette nouvelle à part de l’écrasante majorité du corpus de la Black Library. Le résultat final, s’il est assez plaisant, n’est donc pas à mettre entre toutes les mains. Passée cette remarque introductive, cette soumission de Guy Haley gagnerait peut-être à être mise en relation avec les autres écrits que notre homme a consacré au Dark Imperium, afin de pouvoir établir si les personnages présentés ici se retrouvent ailleurs. Si c’est le cas, cela pourrait expliquer pourquoi l’auteur ne se donne pas la peine d’introduire convenablement Primus et Qvo, que le lecteur ne pourra identifier comme mari et femme Primaris et Replicae qu’au bout de quelques paragraphes. Primus reste malgré tout assez mystérieux, ni son Chapitre d’appartenance, ni les raisons qui expliquent son rattachement au service de Cawl, n’étant abordés au cours du récit. Enfin, on peut (en tout cas, je le fais) reprocher à Haley la légèreté avec laquelle il met en scène son twist final « principal », qui est à mes yeux celui d’après lequel la nouvelle a été baptisée, ou en tout cas qui aurait dû l’être compte tenu de ce choix. Quand le lecteur apprendra le fin mot de l’histoire à propos de cette double parole (To speak as one: parler d’une seule voix), il sera en droit d’être un peu déçu par la micro révélation apportée par ce développement, le « vrai » retournement de situation étant tout autre. Pinaillage peut-être, mais on ne bâcle pas un choix de titre, Mr Haley.

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Pour ceux qui ne le savent pas, Guy Haley est la plume principale de l’arc ‘Dark Imperium’, qui tente de faire avancer le fluff romancé de la BL au même rythme que celui détaillé dans les suppléments de jeu. Cette nouvelle est une bonne introduction à cette sous-franchise qui sera sans doute amenée à jouer un rôle central dans les années à venir, puisqu’elle met en scène quelques personnages récurrents et importants du grand oeuvre de Haley (Primus et Qvo-87). En plus de cela, ‘To Speak as One’ ne démérite pas d’un point de vue littéraire, puisqu’on y retrouve de l’action, de l’humour et un twist final digne de ce nom, ce qui est tout ce que l’on peut demander d’une nouvelle 40K. Une très bonne inclusion, donc.

.

Hiérarchie // Chains of Command – G. McNeill [40K] :

Chains of CommandINTRIGUE :

Engagé dans la campagne de pacification de Thracia avec un contingent d’Ultramarines placé sous le commandement du Capitaine Idaeus, le Sergent Uriel Ventris a été chargé de mener l’assaut sur le pont 2-4, tenu par les rebelles ayant eu l’audace de se soulever contre le bienveillant Empereur, et qu’il convient de faire sauter pour éviter que la contre-attaque de la Garde Impériale en direction de la capitale planétaire ne soit prise de flanc. Après quelques paragraphes de « mes sens sont vraiment trop développés lolilol » #ImTheBest #YouCantWriteAstartesWithoutStar, qui expliquent en grande partie pourquoi personne n’aime les Ultramarines, Ventris accomplit sa mission, déclenchant un assaut en règle de ses petits copains bleu pervenche et vert sapin sur la position adverse. Désespérément surclassés, les défenseurs se font hacher menu, et les meilleurs de l’Empereur s’organisent pour tenir le pont assez longtemps pour permettre au vénérable Techmarine Tomasin de placer les explosifs qui permettront de faire écrouler l’ouvrage d’art dans la gorge en contrebas.

Nous faisons la connaissance du Capitaine Idaeus, un officier vétéran et proche de ses hommes, connu pour son approche distanciée du saint Codex Astartes, ce qui n’en finit pas de sidérer le rigoriste Ventris. Ce même Idaeus a d’ailleurs fait montre de ses tendances libertaires en menant la charge contre un nid de bolters lourds, au lieu d’attendre le soutien du reste de ses hommes, comme ce planqué de Guilliman l’avait pourtant préconisé dans ses écrits. Depuis cinquante ans qu’ils combattent ensemble, Idaeus n’a pas réussi à convaincre son bras droit de l’avantage de s’écarter de temps en temps du manuel d’utilisation de la guerre écrit par le Primarque, et ce n’est pas aujourd’hui que ça va ch… Ah, on me dit dans l’oreillette que c’est précisément l’objet de cette nouvelle. Bigre.

Comme tous les vétérans dignes de leurs médailles, Idaeus fait confiance à son instinct, et ce dernier lui hurle (il est un peu sourd) que quelque chose en tourne pas rond, malgré le fait que la mission se déroule jusqu’ici parfaitement comme prévu. Ce malaise le conduit à mener une mission d’inspection de l’autre côté du pont, Ventris à ses côtés, pour juger du boulot effectué par les Scouts déployés par les Ultramarines en territoire ennemi. Et, évidemment, il s’avère qu’une importante colonne blindée progressait discrètement (c’est possible si on met des patins sur les chenilles) en direction du pont, ce qui va devoir forcer le vénérable Tomasin à se bouger les vénérables miches, ce qui n’est pas facile quand on est plus refait qu’un Iron Hands en fin de carrière (souvenir d’une rencontre torride avec un Carnifex entreprenant sur Ichar IV). Tout aussi évidemment, rien ne se passe comme prévu à partir de ce moment, les Scouts, le Thunderhawk qui devait évacuer les Ultramarines, et le vénérable Tomasin tombant tous sous le feu de l’ennemi, ce qui force Idaeus et ses compagnons à monter une défense désespérée du pont, le temps que 1) un autre transport arrive, et 2) quelqu’un trouve une idée brillante pour faire péter la passerelle, ce qui reste tout de même l’objet principal de la mission de nos marsouins énergétiques.

Je vous passe les longues scènes de baston dont nous gratifie McNeill, et qui permettent à Ventris de montrer qu’il en a dans le slibard, pour aller directement au moment où notre futur héros réalise qu’il suffit de déclencher une charge de démolition à proximité des explosifs posés par l’irrécupérable Tomasin pour déclencher une réaction en chaîne qui devrait provoquer les résultats escomptés. Petit problème, l’escouade de Space Marines d’Assaut envoyés réaliser cette mission se fait pincer en chemin par les Night Lords qui coordonnent la rébellion chaotique, et les incapables finissent crucifiés sur le pare chocs des Rhinos des fils de Curze pour leur apprendre la vie. Devant ce spectacle insoutenable, Idaeus et Ventris sont très colère, et cette rage leur permet de repousser l’assaut des renégats au prix de lourdes pertes. Alors que le deuxième Thunderhawk approche de la position intenable des Ultramarines, l’heure des choix arrive pour la bleusaille…

Début spoiler…Le noble Idaeus décide de partir faire exploser le pont à la mano, malgré ses chances de réussite quasi nulles, et ordonne à Ventris de mener les quatre rescapés de cette folle nuit, ainsi que son épée énergétique de maître, jusqu’au point d’extraction. Les cœurs gros, le Sergent s’exécute, et est témoin de l’héroïque sacrifice de son mentor dans les poutrelles et les travées du pont 2-4, la bande de Raptors laissée en garnison par les Night Lords ne parvenant pas à lui régler son compte avant que le Capitaine fasse feu avec un pistolet plasma dérobé à l’ennemi sur une charge de démolition laissée négligemment sur place1. C’est donc une victoire indéniable pour l’Imperium, et le début de la saga d’Uriel Ventris, qui héritera du commandement de la 4ème Compagnie à la suite de la campagne de Thracia.Fin spoiler

1 : On pourrait aussi se demander pourquoi les Night Lords n’ont pas détaché les explosifs laissés par le vénérable Tomasin sur les piliers du pont quand ils en avaient l’occasion. Encore une preuve que l’abus de Chaos est mauvais pour le cerveau.

AVIS :

Si l’idée de lire une nouvelle d’action dont le héros est un Ultramarines peut sembler intrinsèquement barbante à un lecteur de 2020, qui a sans doute pu pratiquer l’exercice à de nombreuses reprises grâce/à cause de l’obsession de la Black Library pour ce genre de productions, il faut être juste avec Graham McNeill et Uriel Ventris, et rappeler que ‘Chains of Command’ a été à sa sortie (2001) une des premières et plus abouties Space Marinades (saveur vanille) qui soient. Les innombrables ersatz et proxys publiés depuis ne l’ont pas aidé à bien vieillir, ni le style de l’auteur, ni les personnages mis en scènes, ni l’intrigue exposée n’étant particulièrement dignes d’éloges, mais le résultat n’est pas indigne pour autant. À l’époque où il est attendu d’un héros Space Marines un peu plus qu’un grade de Capitaine et une vague tendance à se poser des questions existentielles (ce qui était suffisant il y a 15-20 ans), je laisse le soin au lecteur de décider si une figure comme Uriel Ventris est toujours pertinente, ou bien s’il est temps d’accorder une retraite bien méritée à l’aïeul de tous les héros d’action énergétique de la Black Library.

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Il ne faut pas être Eldrad Ulthran pour comprendre que l’inclusion de cette nouvelle dans l’anthologie Black Library Celebration 2021 est due à la sortie du dernier roman de la série Uriel Ventris au cours du même événement. C’est de bonne guerre de la part de la BL que de chercher à intéresser des nouveaux lecteurs à une de ses séries phares, et au vu de la bibliographie « ventrisloque » du sieur McNeill, on aurait pu bien plus mal tomber. ‘Chains of Command’ a été pensée comme une nouvelle d’exposition du personnage de Ventris, et malgré son âge avancé, elle fait toujours le job aujourd’hui. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une Space Marinade des plus classiques, mais si c’est votre première, vous ne vous en sortez pas trop mal amis lecteurs (croyez moi sur parole).

.

Les Echos de la Tombe // Echoes of the Tomb – S. Mitchell [40K] :

40K_Echoes of the TombINTRIGUE :

Star montante du Commissariat après que les récits de ses premiers exploits se soient répandus dans le secteur, Ciaphas Cain a été muté contre son gré à l’échelon supérieur, et s’est retrouvé impliqué par ses admirateurs dans de nombreuses missions bien trop dangereuses et exposées à son goût. Appelez ça la rançon du succès. Aussi, lorsqu’il apprend que l’état-major a besoin d’un officier pour faire liaison avec la barge de bataille des Reclaimers, Chapitre Space Marines mobilisé dans une campagne de pacification dans le système de Veridia, il n’hésite pas à se porter bravement volontaire, jugeant l’entreprise moins périlleuse que de continuer à jouer les héros de service auprès de ses collègues de bureau.

Son taxi jusqu’au point de rendez-vous avec les meilleurs de l’Empereur sera un vaisseau du Mechanicus dirigé par le Magos Killian, qui a monté une expédition pour excaver des ruines prometteuses sur le monde mort d’Interitus Prime. Arrivés sur place avec quelques jours d’avance sur les Reclaimers, les tech-archéologues se mettent à pied d’œuvre avec enthousiasme, et Cain accepte de descendre à la surface, et même sous la surface, de la planète pour prodiguer ses conseils avisés au jeune et inexpérimenté Lieutenant Tarkus, en charge de la sécurité des cogboys. Je sais que cela va vous surprendre, mais Interitus Prime abritait une colonie de Necrons, qui se réveille sans tarder après que les envahissants humains aient cherché à recharger une innocente Mecarachnide qui s’était mise en veille prolongée après sa dernière mise à jour Windows. Bilan des courses : les Scarabées déferlent, les Spectres phasent et déphasent, les Guerriers se gaussent, et les Impériaux se font tailler en pièces, ne laissant que notre héros en un seul morceau après quelques pages de rencontre du 3ème type. Fort heureusement pour Cain, les Necrons d’Interitus Prime sont diablement woke car ils disposent d’un authentique et totalement legit… portail Warp, qui téléporte le Commissaire dans la soute d’un vaisseau spatial fraîchement abordé par ces lambins de Reclaimers. Et tout est bien qui finit bien.

AVIS :

Echoes of the Tomb’ n’est pas la meilleure nouvelle de Ciaphas Cain proposée par Sandy Mitchell, et la faute en revient principalement à un déroulé étrange (la première partie est consacrée aux diners fins et aux parties de solitaires de Cain, à l’exclusion du moindre élément vaguement 40Kesque) et à un dénouement tristement bâclé (en plus de ne pas respecter le fluff Necron tel qu’on le connaît). Cain reste un personnage sympathique et Mitchell un auteur compétent dans son style de prédilection, mais tous deux ont connu de meilleurs jours et pages.

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Ciaphas Cain est une institution de la Black Library, qui bénéficie depuis quelques mois d’un sérieux dépoussiérage de la part de cette dernière: on a vu ainsi quelques titres de la série être traduit en français après des années d’attente, ce qui est évidemment positif. Il n’est donc pas surprenant de voir le Commissaire le moins grimdark de 40K figurer au sommaire d’un recueil de ce type. On regrettera cependant que le choix de la BL se soit porté sur une des nouvelles les plus faibles du catalogue de Sandy Mitchell, et j’invite les lecteurs qui découvriront cette icône pince-sans-rire via ‘Les Echos de la Tombe’ à ne pas juger trop vite cette saga, qui a beaucoup mieux à offrir.

.

Un Hymne Funèbre de Poussière et d’Acier // A Dirge of Dust and Steel – J. Reynolds [AoS] :

A Dirge of Dust and SteelINTRIGUE :

À la recherche de la légendaire cité corbeau de Caddow et de son Portail des Royaumes reliant à Shyish à Azyr, une petite force de Stormcast Eternals de la Chambre Vanguard des Hallowed Knights (soyons précis) a conclu un pacte avec les Duardin de Gazul-Zagaz, seuls à connaître l’emplacement de cette ville mystérieuse1. En échange de leur aide contre les hordes du Gardien des Secrets Amin’Hrith, connu sous le nom d’Ecorchâme, les nabots dépressifs (leur royaume est en ruines, leur Dieu s’est fait bouffer par Nagash et l’âme de leur dernier prince sert de skin au démon de Slaanesh) mèneront les guerriers du Lord Aquilor Sathphren Swiftblade jusqu’à bon port. Jamais le dernier à rendre service à son prochain, notre héros accepte bien entendu cette généreuse proposition, et se fait fort d’entraîner ce fât d’Amin’Hrith dans un piège ingénieux.

Ayant réussi à capter l’attention des Hédonistes, probablement en leur faisant remarquer que leurs soieries avaient fait fureur à Ghur il y a trois saisons de celà (ce qui, pour une fashionista des Royaumes Mortels, est une insulte mortelle), les prestes cavaliers de Sigmar emmènent leur nouveaux amis dans une course éperdue à travers les dunes, jusque dans les ruines de Gazul-Zagaz, où les attendent de pied ferme (et depuis un petit moment apparemment, à en juger par l’épaisse couche de poussière qui les recouvre) les guerriers Duardin. S’en suit une bataille des plus classiques, illustrant de fort belle manière l’intérêt de se rendre au combat avec une armure de plates et non une combinaison en viscose, dont le point culminant sera le duel entre Swiftblade et Amin’Hrith dans le temple de Zagaz, où le rusé Stormcast s’emploiera à faire un boucan à réveiller les morts…

1 : On peut donc dire qu’ils ont une carte Caddow. Mouahahaha.

AVIS :

À l’heure où cette chronique est écrite, Josh Reynolds est probablement le contributeur principal de la BL en matière de contenus siglés Age of Sigmar. Une telle prodigalité ne pouvant évidemment pas être synonyme de qualité exceptionnelle à chaque soumission, il est en somme tout à fait logique que certaines des nouvelles rédigées par notre homme ne s’avèrent pas être d’une lecture des plus passionnantes. C’est le cas de ce A Dirge of Dust and Steel (on me passera l’usage du titre original, à la fois plus poétique et plus élégant que le monstre qu’il est devenu en VF), qui se trouve être une nième variation du topos le plus employé de cette nouvelle franchise : la baston de Stormcast Eternals contre les forces du Chaos1. On pourra certes m’opposer que cet épisode particulier se distingue des dizaines qui l’ont précédé par l’emploi d’une Chambre relativement nouvelle (Vanguard), d’un héros inédit (Sathphren Swiftblade) et d’un environnement exotique en diable (l’Oasis de Gazul, en Shyish). Ce à quoi je répondrai que les Vanguard ne sont « que » des Stormcast sur demi-gryffs, et ne conservent de fait que très peu de temps l’attrait de la nouveauté. Swiftblade a quant à lui l’originalité d’une boîte Barbie et son Cheval, même son côté grande gueule n’étant plus vraiment novateur depuis l’arrivée d’Hamilcar Bear-Eater sur le créneau « humoristique » des SE. Pour terminer, Gazul a depuis lors sans doute rejoint l’interminable liste des lieux des Royaumes Mortels dans lesquels plus personne ne reviendra jamais, et ne mérite donc pas que l’on s’y interesse plus que de mesure.

Non, pour ma part, la seule vraie valeur ajoutée de ce Dirge… tient en l’inclusion d’une faction Duardin sortant franchement du lot par sa vénération d’un Dieu de la Mort mort (combo !) et sa capacité à invoquer des esprits, ce qui constitue des variations intéressantes par rapport au stéréotype du guerrier nain que tout lecteur connaissant ses classiques se représente de façon plus ou moins inconsciente. Pour le reste, c’est de la qualité Reynolds (Josh), donc un récit bien structuré et rythmé, s’intégrant parfaitement dans les conventions définies pour Age of Sigmar en termes de fluff et d’atmosphère, et s’avérant dans l’ensemble plaisant à lire. Ne lui retirons pas ça.

1 : Comme les dernières années ont vu apparaître d’autres types d’adversaires, comme les morts-vivants de Nagash pendant la Tempête des Âmes ou les Orruks Ironjaws de manière collatérale à la traque de Mannfred von Carstein, j’attends avec impatience le moment où les vertueux Sigmarines commenceront à taper sur d’autres factions de l’Ordre, en attendant l’inévitable guerre civile que le passif de GW en la matière nous promet depuis que le premier Stormcast a dévoilé le bout de son masque de guerre. ‘La Vilainie de Vanus’, ça c’est un titre qui claque !

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Fut un temps, heureusement révolu, où le plus gros de la littérature Age of Sigmar consistait en des récits de Stormcast Eternals tapant sur tout ce qui avait le malheur de passer à porter de leurs marteaux. Comme on peut aisément le concevoir, le Stormporn n’était pas très intéressant à lire passer la deuxième nouvelle (si on est gentil), et la sortie d’autres factions des Royaumes Mortels a permis de salutairement diversifier les points de vue et les intrigues. ‘Un Hymne Funèbre…’ est une des reliques de ce premier âge littéraire, et l’est même à double titre puisque son auteur a depuis claqué la porte de la BL, au grand désespoir des fans. Très honnêtement, je ne vois pas qui peut être intéressé par ce genre d’histoire, et j’invite donc les lecteurs à considérer cette nouvelle comme un avertissement sans frais (c’est le cas de le dire) plutôt que comme un placement promotionel.

.

Les Vieux Us // The Old Ways – N. Horth [AoS] :

Callis and Toll_The Old WaysINTRIGUE :

Affecté à la surveillance de la cité d’Excelsis, dans le royaume de Ghur, le répurgateur de l’Ordre d’Azyr Halliver Toll, escorté de son sidekick Armand Callis, est envoyé par ses supérieurs tirer au clair une sombre histoire de disparition à Marshpoint, une ville agricole située en périphérie de la Cité des Secrets. Le fils aîné de la puissante famille Junica n’a en effet plus donné signe de vie après avoir eu maille à partir avec quelques soldats de l’autre grande famille locale, les Dezraed, qui l’ont poursuivi jusque dans les profondeurs de la forêt d’Ulwhyr. L’entente entre Junica et Dezraed n’ayant jamais été cordiale, c’est une vendetta en bonne et due forme qui menace d’éclater entre les Capulet et les Montaigu de Ghur, gueguerre qui mettrait en péril l’approvisionnement des régiments d’Excelsis en précieuse soie d’acier, ressource collectée depuis les fermes arachnides de Marshpoint. Il va donc de l’interêt général que cette triste affaire soit réglée dans les meilleurs délais, et qui de plus qualifié qu’un répurgateur pour traiter ce problème ?

Nous suivons donc Thalys et Colle au cours de l’enquête à laquelle ils se livrent à leur arrivée dans le bourg miteux et boueux de Marshpoint. Après un interrogatoire croisé des patriciens des deux familles, l’énorme et suintant Fenrol var Dezraed, autoproclamé Gardien de Marshpoint du fait de sa capacité de bloquer à lui seul l’entrée de la ville s’il lui prenait l’envie de s’asseoir en travers du portail, et le sec et irritable Kiervaan Junica, nos experts se rendent sur les lieux de la disparition à proprement parler, escortés par l’homme de confiance du patricien Junica, un natif du nom de Ghedren, et par un trio de gardes Dezraed. Et s’il se pourrait bien que la rivalité larvée entre familles nobles ait bien fait couler le sang, les enquêteurs feraient bien de prendre au sérieux les rumeurs entourant la Sorcière Blanche d’Ulwyhr. Après tout, ils ont pénétré sur son domaine…

AVIS :

C’est avec enthousiasme que j’avais vu revenir la figure iconique du chasseur de sorcières/répurgateur dans le lore d’Age of Sigmar, que son inclinaison high fantasy aurait pu « immuniser » à l’introduction de ce type de personnage, très grimdark par nature. La lutte contre les cultes chaotiques gangrénant le nouvel ordre rutilant de Sigmar constitue en effet à mes yeux un axe de développement des plus intéressants, et une prise de recul bienvenue sur le manichéisme caractéristique des premières années d’AoS. Encore fallait-il que l’image d’Epinal Hammerhal de l’inquisiteur traquant le vice et la trahison parmi les sujets obéissants de l’autorité centrale (préférablement divine, c’est plus classe) soit convenablement adaptée dans cette nouvelle franchise, la profession en question exigeant une rigueur morale confinant à la psychose, ce qui n’est pas franchement la norme parmi la soldatesque sigmarite (ces martel-sans-rire de Celestial Vindicators mis à part), dépeinte à de nombreuses reprises comme adepte du compromis et de la tempérance. Qu’en est-il avec la paire Callis & Toll, promise à un bel avenir au sein de la BL à en juger de la façon dont leurs noms ressortent dans tous les ouvrages auxquels ils ont été inclus ? Eh bien, c’est plutôt pas mal, encore que pas spécialement pour les raisons détaillées ci-dessus. Je m’explique.

Si le fanatisme (dans le bon sens du terme, car, si si, dans la littérature med-fan, cela existe) de nos héros laisse à désirer, la retenue dont fait preuve Toll, sensé être le vrai bad guy du duo, dans le jugement qu’il délivre au coupable, le plaçant à un petit 2 sur l’échelle de Mathias Thulmann (le référentiel absolu de la maison à cet égard), Horth se rattrape néanmoins en glissant quelques remarques de bon aloi à propos d’un certain White Reaper (Cerrus Sentanus sur son état civil), Stormcast Eternal pas vraiment Charlie, à tel point que son nom est utilisé pour effrayer les enfants d’Excelsis. Voilà un type qui mérite que l’on suive, et j’espère bien que ça sera le cas dans un futur pas trop lointain. Celà étant dit, The Old Ways a d’autres qualités, la première étant de proposer une petite enquête policière pas trop mal troussée au vu du nombre de pages limité avec lequel elle doit composer1, l’atmosphère horrifique du passage « sylvestre » du récit étant une autre source de satisfaction. D’autre part, cette nouvelle présente également l’intérêt de creuser le background de la cité libre d’Excelsis, qui devrait normalement ne pas disparaître corps et bien dans les annales du fluff, au vu du nombre d’apparitions qu’elle a faite dans divers écrits depuis son introduction dans le background. En apprendre plus sur cette bourgade présente donc un intérêt pour le fluffiste, tellement bombardé d’informations géographiques par ailleurs qu’on ne peut lui reprocher de ne pas prendre note de tout ce qu’on lui soumet.

Enfin, de façon plus large, elle fait ressortir un concept intéressant : le fossé existant entre natifs d’Azyr et populations locales au sein des cités libres, les seconds étant généralement mal considérés, voire méprisés par les premiers, qui les qualifient « d’Amendés » (traduction personnelle de Reclaimed, qui peut aussi s’entendre comme « Récupéré ») ou de « Sang Maudit » (curseblood), ce qui n’est pas très sympathique, mais ajoute de la profondeur à la société sigmarite. Quand on lit que même un personnage « égalitariste » comme Toll n’aurait pas de problème à raser toutes les forêts de Ghur pour pouvoir accélérer la colonisation de ce Royaume, au grand désarroi des locaux qui ont appris à vivre dans les étendues sauvages et à les respecter, on se dit que la possibilité d’un soulèvement des indigènes contre la métropole et ses représentants est une possibilité réelle… et c’est tant mieux en termes de potentiel narratif ! Bref, une plongée satisfaisante dans l’arrière-pays d’Excelsis, et une nouvelle qui vaut le coup d’être lue pour qui s’intéresse au fluff des cités libres.

On saluera également le twist proprement « meta » de Horth, qui fait dire à Toll qu’il avait identifié le coupable depuis belle lurette et attendait juste de voir combien de temps il faudrait à Callis (et donc au lecteur) pour faire de même. On ne me l’avait jamais faite celle-là.

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Comme dit plus haut, la littérature AoS s’est prgressivement diversifiée, et ‘Les Vieux Us’ en est un bon exemple. En tant que lecteur de med-fan, heroic fantasy ou SF, j’ai tendance à préférer les histoires qui décrivent l’ordinaire des habitants de l’univers abordé, et cette nouvelle de Nick Horth accomplit parfaitement cette mission. S’il est dommage que les éditeurs de la BL n’ait pas choisi d’inclure un court format siglé Warhammer Horror, comme c’est le cas dans la version originale, pour initier les lecteurs à ce genre particulier, ‘Les Vieux Us’ est un pis aller très acceptable, qui donne envie d’explorer plus amont les Royaumes Mortels.

.

Death on the Road to Svardheim – D. Hinks [AoS] :

Death on the Road to SvardheimINTRIGUE :

En route vers la cité de Svardheim pour une raison sans doute logique mais inconnue de l’auteur de ces lignes au moment de l’écriture de cette chronique, le duo le plus mal assorti des Royaumes Mortels1 passe le temps et les kilomètres sur la route 88 (c’est tout plat, désertique et décoré avec des monceaux de crânes) en discutant théologie, comme à leur habitude. Bien évidemment, la situation finit par gentiment dégénérer, l’anticléricalisme blasphématoire d’un Gotrek toujours chafouin de s’être fait rouler dans la farine par les Dieux du Monde Qui Fut mettant sur les dents, qu’elle a éclatante, la dévote Maleneth. À force d’enquiller les bornes, elle finit même par les dépasser, allant jusqu’à accuser son rusé et runé camarade de servir le Chaos, à l’aide de l’argument, bien connu de George W. Bush, du « si tu n’es pas avec moi (et Ziggie) tu es contre moi ». Avant que la situation ne dégénère trop franchement, et que le Tueur vétéran ne doive se trouver encore un nouveau sidekick, les comparses tombent sur le théâtre d’une embuscade ayant été fatale à une bande de prêtres sigmarites, dont les corps décapités jonchent les alentours d’une carriole incendiée.

Après une rapide enquête, il s’avère que les assaillants n’ont pas réussi le perfect en matière d’élimination de témoins, une pauvre nonne répondant au nom de Carmina se présentant à nos héros et leur expliquant que sa congrégation s’est fait dérober une relique irremplaçable, le Poing Incorruptible, dont elle avait la charge et promenait de ville en ville pour ranimer la foi des locaux. Avant que Gotrek n’ait pu marquer de nouveaux points d’athéisme hardcore en demandant à Carmina en quoi un poing pouvait être corrompu, pour commencer (il en serait capable le bougre), Maleneth se fait embringuer dans une mission de récupération du saint gantelet, qu’il s’agit simplement de reprendre des mains malpropres d’une petite vingtaine de bandits, retranchés dans une forteresse abandonnée à quelque distance de la route. Rien que de très banal pour notre Tueur, qui accepte toutefois de mettre les formes et de suivre un plan un minimum intelligent (attendre que Maleneth se soit mise en position derrière le bastion pour intercepter d’éventuels fuyards) avant d’aller toquer à la porte le plus naturellement du monde.

La prévoyance de l’Aelf paie rapidement car il se fait bientôt jour (enfin, nuit, mais je me comprends) que les brigands sont un peu plus qu’une bande de maraudeurs sanguinaires, mais bien une authentique secte de Khorne, en train d’invoquer un démon de fort belle taille à l’aide de leur collection bien mal acquise de grigris et talismans. Maleneth n’a pas le temps de signaler qu’il y a une courge dans le potage que Gotrek est cependant déjà en train de défoncer la porte et de se tailler un chemin à travers les mobs de bas niveau, jusqu’à poser l’œil sur une Némésis digne de lui, qu’il engage évidemment en combat singulier dans la plus pure tradition du genre. Etant un VIP incontournable du multivers, Gogo est reconnu par son adversaire, qui a la mauvaise idée d’insinuer que le Tueur a fui son monde au moment de la Fin des Temps au lieu de rester et de se battre pour le défendre. Cela met notre nabot en rogne, et les deux adversaires se balancent quelques baffes amicales, sans trop d’effet de part et d’autre, jusqu’à ce que Meleneth ait l’idée géniale de confisquer les reliques ayant été mise à profit pour invoquer le démon, et dont ce dernier a encore besoin pour maintenir sa présence dans les Royaumes Mortels. Au fur et à mesure que les héros shootent dans les breloques, leur adversaire perd en taille et en carrure, jusqu’à finir rachitique et malingre, et se faire décapiter sans cérémonie par un Gotrek enfin à la bonne taille pour jouer de la hache.

Ceci fait, le duo infernal n’a plus qu’à remettre le Poing Incorruptible à la brave (en fait pas trop) et reconnaissante Carmina, qui s’en va à cheval remettre le précieux héritage en sécurité, pendant que nos héros continuent à pied leur périple. Poing/t final de notre histoire ?

Début spoilerEh bien non (comme la balise spoiler ne le laissait pas du tout envisager), car lorsque nos voyageurs, fourbus (surtout pour Maleneth) et assoiffés (surtout pour Gotrek) tentent d’obtenir le gîte et le couvert d’un monastère sigmarite croisé un peu plus loin sur la route, se disant à juste titre que tous les culs bénis à la ronde leur sont redevables de leurs récents exploits, c’est pour entendre un son de cloche bien différent. Carmina était en fait une voleuse ayant mené sa bande, déguisée en prêtres, dérober le fameux Poing Incorruptible (mais pas Inatteignable) de la garde des vrais fidèles de Sigmar, en tuant quelques uns au passage. L’abbé outré qui fait ce récit aux voyageurs est persuadé que l’iconoclaste va briser la relique en mille morceaux pour revendre la Pierre de Royaume dont elle est faite au plus offrant, au mépris de tous les commandements de Sigmar. C’est donc une grosse boulette, sur laquelle Maleneth manque de s’étouffer, mais qui ne déclenche chez ce philosophe de Gotrek qu’un rire tonitruant. Il en a certes vu d’autres…Fin spoiler 

1 : Gotrek est un Nain (et pas un Duardin) roux exhibitionniste, et Maleneth est une Aelf brune gothique.

AVIS :

Eh bien ça y est : après avoir laissé Gotrek (et le regretté Felix) à leurs aventures dans le Monde Qui Fut, je renoue enfin avec ce héros mythique sous sa nouvelle incarnation, à travers ce court format signé du père adoptif #3 du Tueur de… trucs, Darius Hinks. Ce qui m’intéressait particulièrement dans ces retrouvailles était de voir ce qui avait changé, et ce qui était resté, des précédentes aventures de M. Gurnisson, qui constituaient un sous-genre de la littérature BL à elles seules. L’équilibre n’était pas facile à trouver entre respect servile du cahier des charges, forcément un peu obsolète, établi par King et Long en la matière, et innovations radicales, qui auraient enlevé tout le sel de ce come-back improbable. Et je dois dire que Darius Hinks s’en est plutôt bien sorti, tant sur le fond que sur la forme. On est bien en présence d’une aventure de Gotrek & Cie, avec notre petit rouquin teigneux, grincheux et pince sans rire s’embarquant dans un combat à haut risque contre un adversaire très balèze (sur le papier en tout cas), au grand désespoir de son partenaire attitré. Ce qui change ici est que Gotrek est devenu un mécréant militant, gardant sa dernière dent contre tout le panthéon divin (à commencer par Sigmar, qui s’en prend plein les tresses), alors que Maleneth est, sous ses abords de tueuse froide, une zélote du grand barbu, ce qui est à la fois surprenant (c’est le type qui la voyait comme une pseudo Assassin druchii qui parle) et intéressant. Notons également que Hinks ne se gêne pas pour glisser quelques références au passé proprement légendaire de son héros et donc à feu Warhammer Fantasy Battle, ce qui devrait faire plaisir autant qu’intriguer le lecteur historique de la saga. Bref, le contrat est bien rempli dans ce ‘Death on the Road to Svardheim’, qui tient son rang parmi les cohortes de nouvelles Gotrekesques publiées par la BL depuis des temps immémoriaux. Reste à savoir ce que cette dernière compte faire de son increvable héros sur le long terme, maintenant qu’il ne peut absolument plus mourir (ce serait un énorme fail), mais ceci est une autre histoire.

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Il me faudrait plus que quelques lignes pour parler du personnage de Gotrek Gurnisson et de l’importance qu’il a eu pour la Black Library (et même pour ses prédécésseurs!) depuis plus de trente ans. Je me contenterai de dire que sa résurrection dans les Royaumes Mortels a d’abord surpris tout le monde, tant il semblait logique que cet habitant du Monde qui Fut ait enfin rencontré son destin lors de la destruction de ce dernier. ‘Death…’ constitue une bonne introduction/(re)découverte du Gotrek à la sauce AoS, ainsi que du sous-genre à part entière que sont les nouvelles de Gotrek & Cie (autrefois Felix, désormais Maleneth). Si vous vous intéressez à la production de la BL, il y a de grandes chances pour que votre route finisse par croiser celle de ce petit rouquin teigneux, alors pourquoi ne pas commencer ici et maintenant (en plus, c’est gratuit)?

.

Champions, All – M. Collins [40K] :

Champions, AllINTRIGUE :

Alors que la Croisade d’Edioch approche gentiment de son cinquantenaire, nous faisons la connaissance de l’un des vertueux guerriers combattant en Son Nom depuis 47 ans : le Champion de l’Empereur Cenric. Déployé avec ses frères de bataille à la surface du monde de Daronch, récemment tombé aux mains des Orks, par le Maréchal Adelbert1, Cenric mène les forces impériales à l’assaut d’une cathédrale investie par les Xenos. Fort heureusement pour les infatigables, mais pas innombrables Space Marines, durement éprouvés par les dernières décennies de croisade, l’Ordre du Cœur Valeureux de la Chanoinesse Aurea est également de la partie, et son contingent de Soeurs Repentia se montre très utile dans la persécution des infâmes squatteurs de Sa Maison. Pendant que Cenrich peaufine ses stats, en utilisant le pouvoir divin d’identification des meneurs adverses que l’Empereur lui a accordé après son élévation, les Orks jouent un mauvais tour aux croisés, et font s’écrouler le champ de bataille dans les niveaux inférieurs des souterrains creusés en dessous de la cathédrale, séparant le Champ’ de ses bros.

Revenant à lui dans un obscur tunnel, Cenric résout de se laisser guider par la volonté de Big E (on suppose que son système de liaison radio n’était plus opérationnel), et part droit devant lui. Il ne lui faut pas longtemps avant de faire la connaissance d’une autre survivante, la Repentia Penance, qu’il aide à se défaire d’un trio de peaux vertes ayant du mal à considérer « non » comme une réponse #BalanceTonPork. Pour nos deux dévôts, c’est le début d’une ascension – littérale autant que spirituelle – vers le destin que leur a réservé l’Empereur, les signes identifiant Penance comme l’ange vengeur de sa dernière vision redoublant le zèle de son frère d’arme. Leur chemin a beau se révéler semé d’embûches, de Squigs difformes2 et de berger Ork (Bergork ? Bergeork ? Borkger ?) quasi-invulnérable, Cenric et Penance finissent par arriver – avec beaucoup de chance, mais les conseils de navigation GPS de l’Empereur sont infaillibles autant qu’impénétrables – dans le Strategium ennemi, où les attend se trouve le Big Boss Grashbakh…

Début spoiler…L’affrontement qui s’en suit permettra à Penance de se racheter une vertu, son sacrifice altruiste à la grenade permettant à Cenric de venir à bout du monstrueux Xenos, qui l’avait littéralement déchaîné au début du combat (un sacrilège impardonnable pour les Black Templars, qui ont la fâcheuse tendance à perdre toutes leurs affaires sinon). Ayant décapité la chaîne de commandement adverse, le Champion se met ensuite à pied d’oeuvre pour exterminer le reste des Orks, jusqu’à ce que fasse la jonction avec les autres survivants de l’assaut impérial. La victoire acquise, et apprenant la mort héroïque d’Adelbert au cours de la bataille, Cenric s’autoproclame Maréchal à la place du Maréchal, et jure de parachever l’oeuvre des morts victorieux en boutant les peaux vertes de Daronch une fois pour toutes… avant d’aller demander l’asile politique et la réintégration tactique au sein de la Croisade Helicos. L’homme sage connaît ses limites.Fin spoiler

1 : À ne pas confondre avec Aldebert un barde Franc de M2. Il n’aurait pas été convenable qu’un Black Templar ait peur du noir, après tout.
2 : Les bestioles de Collins ont des cous et des bras, ce qui n’est pas courant pour cette espèce.

AVIS :

Soumission assez classique de la part de Collins, ce Champions, All n’a pas grand-chose de plus à proposer au lecteur que le récit des prouesses martiales et de la foi inébranlable d’une paire de servants de l’Empereur, réunis par les aléas de la guerre et, peut-être, sa volonté omnipotente. Marc Collins fait le job sans faillir ni briller, et si ses héros font honneur à leurs entrées Codex respectives, ils s’avèrent aussi attachants et intéressants que les personnages créés à l’occasion des rapports de bataille du White Dwarf : il n’y a guère que leur nom qui les singularise des masses anonymes de leurs confrères (et sœurs), le reste de leur personnalité étant pour ainsi dire inexistante. Il va donc sans dire que votre degré d’appréciation de cette nouvelle risque de dépendre à un très haut point du nombre de travaux similaires que vous aurez lu avant celle-ci. Si ce nombre est supérieur à 1, je ne pourrai pas vous blâmer si vous choisissez de faire l’impasse sur les insipides exploits de frère Cenric.

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Une Space Marinade comme la BL en a écoulé des hectolitres, aussi qualitative que la moyenne des soumissions du genre (c’est à dire franchement passable) : c’est peut-être peu intéressant à lire, mais ça a le mérite d’initier à l’un des sous-genres rois (ou impériaux) de la maison. Vous voilà prévenus…

.

Skull Throne – J. Ozga [WHR-AoS] :

Skull ThroneINTRIGUE :

Présence discrète dans le Royaume de Shyish, la narratrice de notre histoire, que nous appellerons Ninon faute de mieux (Ozga ne lui donnant pas de nom) évolue dans un univers cotonneux et incertain, où les choses ne semblent pas être ce qu’elles sont vraiment. Troublée par des rêves persistants dans lesquels elle se voit et se revoit être faite prisonnière, puis décapitée, par un trio de maraudeurs chaotiques adeptes de la prise de tête, Ninon ne sait plus très bien si elle est vivante ou morte, et consomme des quantités importantes de thé psychotrope pour tenter de chasser son mal-être existentiel. Cette routine macabre prend fin lorsque débarque un nouvel arrivant, se révélant être également un barbare assoiffé de sang, et tout aussi intéressé par le crâne de Ninon que les trois affreux précédemment évoqués. Son sinistre dessein, qu’il souhaitait mettre à exécution en chantant et dans la maison en ruines de notre héroïne – trop shootée pour prendre soin de son chez-elle – est toutefois contrarié par une traversée de plancher inopinée, permettant à Ninon d’échapper à une décollation sommaire. Prouvant qu’elle a bien gardé la tête sur les épaules, cette dernière ébouillante le rustre en lui déversant le contenu d’un chaudron d’eau bouillante sur le râble, avant de décider de partir en mission spéciale avec la tête du malotru sous le bras. Il s’avère en effet que le barbare était l’un des trois gredins l’ayant peut-être (it’s complicated) décapitée il y a quelque temps, et Ninon souhaite récupérer ce qui lui appartient de plein droit. On suppose à ce stade qu’elle considère un échange de caboches avec les envahisseurs de Shyish.

Après avoir un peu marché, et atteint une plage évoquant fortement le front de mer dunkerquois, Ninon finit par localiser les pillards, qui font bombance à côté du cadavre d’un léviathan à moitié dévoré par un banc d’anguilles1. Saisissant sa chance, elle se glisse jusqu’à la marmite dans laquelle les joyeux cannibales préparent leur rata, et y déverse ses réserves de racines de mhurghast. Le résultat ne se fait pas attendre, les maraudeurs sombrant dans ou succombant à la paralysie apportée par ce charmant condiment, ce qui permet à Ninon de chiller tranquillement dans le camp à son réveil. Identifiant son pseudo tueur parmi les cataleptiques à la hache monstrueuse qu’il porte à son côté, Ninon est frappée par l’inspiration : si elle veut récupérer la tête qu’on lui a prise, il lui faudra offrir un sacrifice digne de ce nom à la divinité compétente en la matière, cet entrôné de Khorne…

Début spoiler…Profitant du lag persistant de ses hôtes, qui ne peuvent que contempler leur fin arriver lorsqu’elle se présente avec la hache empruntée à leur champion pour leur offrir une coupe gratuite, Ninon passe sa journée à la plage à faire un château de crânes, n’oubliant pas au passage d’embrocher le meneur des maraudeurs avant que les effets débilitants de la racine de mhurghast ne s’estompent pour de bon. Ceci fait, elle propose un deal au Dieu du Sang, offrant le fruit de sa récolte en échange… de la tête de sa sœur jumelle. Ce qui explique pourquoi et comment Ninon a pu se voir se faire tuer en début de nouvelle. Seulement, Khorne est dur en affaires, et bien qu’il ne prononce pas un mot, la négociation finit par déboucher sur l’accord du Dieu pour que les sœurs se retrouvent dans l’au-delà, conduisant Ninon au suicide. Tout le monde n’a pas l’étoffe d’une Valkia.Fin spoiler

1 : Qui ne jouent aucun rôle dans l’intrigue à part ajouter un peu plus de glauque à une histoire qui n’en manquait pas. Un clin d’œil à A Cure for Wellness, peut-être ?

AVIS :

Soumission très atmosphérique de la part de Jake Ozga, ce Skull Throne joue habilement des caractéristiques uniques de Shyish pour dérouter le lecteur sur la condition de son héroïne, jusqu’à ce que sonne l’heure du dénouement, qui, s’il se révèle plus triste1 qu’horrifique, s’avère néanmoins réussi. Le choix de l’auteur de faire du Royaume de la Mort un endroit à la fois onirique, apaisé et sinistre, frappe l’imagination du lecteur, tout comme les zones d’ombre laissée à dessein par Ozga sur ce qu’il s’est vraiment passé lors de la rencontre entre blanche neige et les trois balourds. Ce manque orchestré de certitudes donne à Skull Throne un cachet particulier, très différent du standard habituel de la Black Library, mais aussi appréciable qu’intrigant. La première moitié de la nouvelle m’a ainsi faite penser à A Ghost Story, film dans lequel le personnage principal revient hanter (de manière plutôt passive) la maison qu’il habitait après son décès dans un accident de voiture. Ce film a reçu un accueil polarisé, et je pense que cette nouvelle pourra également dérouter le lecteur, mais pour ma part, je salue la prise de risque et l’exécution de Jake Ozga dans ce Skull Throne, qui se révèle au final bien moins sanglant que ce que son titre laissait envisager.

1 : C’est un peu la petite fille aux allumettes à la sauce Age of Sigmar.

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Contrepoint idéal du terne et convenu ‘Champions, All’, ‘Skull Throne‘ démontre que la BL sait aussi innover quand elle le veut. En créant des franchises de niche, comme Warhammer Horror par exemple, mais également en collaborant avec des auteurs ayant le bon goût de s’écarter du BL-style, comme Jake Ozga. Cette nouvelle est inhabituellement atmosphérique/cryptique pour de la GW-Fiction, mais on ne va pas s’en plaindre car le résultat en vaut la peine. Sans doute l’inclusion la moins évidente à un recueil d’initiation, mais également la plus intéressante à mes yeux.

.

The Strong Among Us – S. Lyons [40K] :

INTRIGUE :

Tombé aux mains crochues et malpropres du Chaos, un monde forge spécialisé dans la production de matériel militaire pour la Garde Impériale est désormais assiégé par le Death Korps de Krieg, dont la réputation de spécialiste de ce genre d’affrontement n’est plus à faire. Piégé contre sa volonté du mauvais côté des murailles et de l’histoire, l’ouvrier non-spécialisé Jarrah tente tant bien que mal de survivre à cette épreuve, dissimulant sa loyauté en l’Empereur derrière une soumission de façade et un mutisme de circonstance. Assigné à l’opération d’un canon Trembleterre, Jarrah n’est pas vraiment heureux de contribuer à l’effort de guerre hérétique, mais la fin horrible rencontrée par les activistes impériaux dénoncés aux cultistes par leurs camarades ne l’incite pas vraiment à faire preuve d’héroïsme. Prudence étant mère de sûreté, il va même jusqu’à se scarifier une étoile à huit branches sur la joue pour convaincre ses nouveaux patrons de son enthousiasme pour la Chaose.

Fidèles à leur éthique professionnelle aussi impitoyable qu’efficace, les Krieg avancent toutefois de façon rapide à travers les lignes ennemies, incitant les hérétiques à envoyer des hordes d’ouvriers aussi peu armés que motivés en première ligne, afin d’enrayer la progression de la Garde. C’est ainsi que Jarrah se trouve pris dans un combat de hangar (une sous-spécialité du combat urbain) sans pitié, au cours duquel il frôle plusieurs fois la mort, des mains des DKK, de ses gardes chiourmes et suite à l’effondrement du bâtiment, et réalise surtout que l’Astra Militarum n’est pas venue ici pour rigoler, ou chercher à séparer le bon grain de l’ivraie. Les soldats de Krieg tiennent en effet autant de la machine à tuer sans état d’âme que le cultiste moyen, et notre héros doit même achever un Garde blessé après que ce dernier ait tenté de le tuer à la simple vue de son apparence débraillée1.

Début spoiler…Notre histoire se termine d’ailleurs par une reconversion idéologique totale et définitive de la part de Jarrah, qui épouse pleinement la cause chaotique et se met à haïr farouchement ceux qu’il considérait auparavant comme ses futurs sauveurs. Syndrome de Stockholm ou calcul rationnel sur ses chances de convaincre un Commissaire de Krieg que l’étoile tatouée sur son visage n’était qu’une habile couverture ? En tout cas, on ne prendra plus Jarrah à chanter les louanges de l’Empereur : en cette époque troublée, seuls les plus forts ont une chance de s’en sortir…Fin spoiler

1 : À la décharge du DKK, Jarrah s’est contenté de le regarder avec des yeux de merlan frit et un fusil laser pointé dans sa direction, ce qui n’est pas une attitude très constructive dans une zone de guerre.

AVIS :

Steve Lyons poursuit sa chronique en clair obscur des états de service et de l’idéologie particulière du Death Korps de Krieg, cette fois-ci en se plaçant du point de vue d’un de ses adversaires. Tout l’intérêt de cette nouvelle, plus psychologique que militaire, réside dans l’évolution que connaît le personnage de Jarrah, humble et insignifiant civil impérial contraint de naviguer en eaux troubles et à vue pour espérer survivre à un conflit qui le dépasse sans trahir (ou le moins possible) ses convictions, même dans des circonstances très difficiles. Grimdark oblige, on se doute bien que les louvoiements idéologiques du protagoniste risquent de mal finir pour lui, quelles que soient les intentions qu’il nourrit en son for intérieur, mais Lyons réussit à garder du suspens sur la destinée de son héros jusqu’à la fin de son récit, ce qui en fait une lecture intéressante à plus d’un titre, même si la mise en scène des prouesses martiales du DKK n’en fait pas vraiment partie (ce qui doit être précisé, au vu de la couverture).

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Une nouvelle de Gardes Impériaux où on ne parle finalement que peu de Gardes Impériaux, voilà un choix intéressant pour un recueil Black Library Celebration. C’est d’autant plus surprenant de la part de la BL que Steve Lyons et son Death Korps de Krieg ne sont pas des pièces majeures de la stratégie éditoriale de la maison d’édition de Nottingham (même si Lyons a écrit d’autres nouvelles et roman sur les Gardes les plus entêtés de l’Imperium) : les places étant chères, j’aurais pensé que d’autres régiments/factions plus populaires seraient mis en avant dans cette anthologie. Au final, je suis plutôt satisfait de cette inclusion car elle montre que même des nouvelles de guerre (le coeur de publication de la BL) peuvent sortir des sentiers battus et proposer autre chose que des fusillades et des démembrements à tout va.

.

***

Et voilà qui termine cette revue des recueils de l’édition 2021 de la Black Library Celebration. La conclusion étant l’endroit idéal pour émettre un jugement global, je dois souligner avant de vous laisser que le cru 2020 m’a paru un peu meilleur que celui-ci, notamment en termes de variété des franchises mises en avant. Ceci étant dit, il reste compliqué de se montrer critique d’un recueil proposé gratuitement (et en format numérique cette année), et je recommande donc sans réserve à tous les hobbyistes qui hésitent à passer le pas de la BL de se procurer cette ou ces anthologie(s), afin de se rendre compte par eux-mêmes de leur appétence pour ce type de littérature. Je ne sais pas si l’on peut dire qu’il y a forcément un genre ou une franchise de la GW-Fiction qui vous correspond, mais cette dernière est désormais plus riche qu’elle ne l’a jamais été. Le moment est donc idéal pour tenter sa chance et peut-être se découvrir une nouvelle passion (100% confinement compatible en plus)!

BLACK LIBRARY CELEBRATION WEEK 2021 [Recueil]

Bonjour et bienvenue dans cette revue de l’une des anthologies de nouvelles publiées par la Black Library en cette fin Février 2021 (la période est chargée1), que j’appellerai ici arbitrairement la Black Library Celebration Week 2021. Par rapport à ses concurrents, ce recueil présente l’avantage de ne contenir que des nouvelles inédites, et l’inconvénient de ne pas être donné (13,96€ les cinq nouvelles, ça pique toujours un peu le portefeuille… et encore, la maison offre une ristourne de 20% pour prix de groupe). On peut déjà évacuer la question du jeu et de la chandelle en répondant par un franc et massif « NON » à cette dernière : il sera beaucoup plus rentable d’attendre la republication des présentes histoires dans de futures anthologies, voire leur inclusion dans de futurs recueils gratuits. Heureusement qu’il y a des bonnes âmes aux poches larges qui se dévouent pour désosser les soumissions de la BL tout juste sorties de la presse. Heureusement oui.

Avant de nous jeter dans la mêlée, jetons un œil au programme des réjouissances, qui s’annonce très grimdark cette année, quatre nouvelles sur les cinq proposées se déroulant dans les ténèbres d’un lointain futur. On retrouve cependant une variété d’approches et de sous-franchise parmi ce court florilège, puisque Ciaphas Cain, la Blackstone Fortress et les Sœurs de Bataille de Danie Ware (un genre à lui seul) sont de la partie. Ainsi que Graham McNeill, qui fait ici ses grands retours dans le « 40K Vanille2 ». Le tableau est complété par deux nouveaux venus : Gary Kloster à l’écriture et Maleneth (la nouvelle +1 de Gotrek) à la dague de jet, qui auront la lourde tâche de défendre les couleurs de la high fantasy d’Age of Sigmar. Il n’y a plus qu’à.

1 : Jugez plutôt : en plus du quatrième recueil de Warhammer Horror, ‘The Harrowed Path’, et du présent ouvrage (virtuel), on a également droit aux versions anglaise, française et allemande du recueil gratuit ‘Black Library Celebration : 2021’. In short, lots of shorts.
2 : S’il y a de l’Ultramarines dans sa nouvelle, on corrigera en « Thon ».

Black Library Celebration Week 2021

.

The Labyrinth of Lost Souls – G. McNeill [40K] :

The Labyrinth of Lost SoulsINTRIGUE :

Un inconnu, peut-être illustre mais certainement pas lacustre, se réveille en sursaut d’un coma pas vraiment réparateur. Notre homme se retrouve en effet nu comme un ver, suturé comme la créature de Frankenstein, en proie à un féroce mal-être, et sans le moindre souvenir de qui il est et de comment il s’est retrouvé là. Seule consolation pour Jean Dupont, malgré l’impression tenace et désagréable que son pacemaker est en train de lui fondre dans la poitrine, il se découvre doté d’une force prodigieuse, ce qui lui sera sans aucun doute utile pour se tirer de ce mauvais pas…

Début spoiler 1…Je passe en mode spoiler ici pour épargner le suspense de cette soumission aux lecteurs de grande section de maternelle de cette chronique. Qui ne devraient pas être là, ni lire ce genre de contenu, mais d’une certaine manière, c’est grandement impressionnant. En tout cas, on ne m’accusera pas cette fois-ci de ruiner le dénouement d’une nouvelle, même si l’illustration de cette dernière devrait vous donne un énaurme indice sur qui est notre protagoniste. Deux si vous vous attachez également au fond de l’image et pas seulement à la Passion de Jean-Michel Blanquer au premier plan. Ajoutez à cela le nom de l’auteur et la date de sortie de cette nouvelle, et vous devriez être en mesure d’identifier le primate confus qui est en train de cavaler vers le « cœur du Labyrinthe1 », en fracassant tout ce qui a le malheur de se mettre sur sa route et/ou ne pas convenir à ses goûts esthétiques. Allez, je vous laisse une dernière chance de percer ce mystère par vous-même, en gentilhomme.e (je suis inclusif aussi) que je suis.

Début spoiler 2…Toujours là ? Bon, eh bien tranchons dans le vif de l’intrigue que Graham McNeill nous a amoureusement concocté et révélons sans plus tarder que l’énergumène qui vient juste de suspendre un Techmarine par les bretelles dans son propre atelier, parce qu’il avait une vague ressemblance avec l’homme taureau de la légende, n’est autre qu’Uriel Ventris. Le Capitaine de la 4ème Compagnie des Ultramarines, récemment primarisé (‘The Death of Uriel Ventris’), n’a donc pas passé le Rubicon avec la grâce et la fortitude des autre personnages nommés upgradés avant lui. D’ailleurs il a failli se noyer, ce con. Mais ce n’est pas vraiment de sa faute, notez. Comme l’Apothicaire Selenus le révèle à son supérieur (qui lui a fait une augmétique au beurre noir dans sa fuite éperdue) et au lecteur après que l’un comme l’autre aient digéré ce rebondissement digne de Hilfred Atchcock, c’est la fournaise bélisarienne implantée dans le thorax du néo-primarisé qui s’est mise en surchauffe et a provoqué son hyperactivité amnésique. Heureusement pour tout le monde, Ventris a retrouvé ses esprits avant de commettre l’irréparable (péter la vitre du réacteur plasmique du croiseur de bataille Vae Victus à coup de poing…because of reasons), et que l’irréparable soit commis sur sa précieuse personne (Petronius Nero était sur le point de lui donner le coup de grâce après avoir consulté la VAR pendant de longues minutes). Il aura fallu qu’on lui agite sous le nez le slip de Guilliman la bannière de sa Compagnie pour qu’il revienne à ses sens. La suite sera sans doute couverte dans ‘The Swords of Calth’, publié quelques jours après cette nouvelle. Trust me, I’m an expert.Fin spoiler

1 : Car la seule chose dont notre protagoniste se rappelle à ce stade, mis à part un goût immodéré pour la violence, est la légende de Thésée et du Minotaure, auquel il s’identifie totalement en sa qualité de gros bœuf ruminant de sombres pensées.

AVIS :

Graham McNeill joue au plus fin dans cette nouvelle à « « suspens » » (première fois que je mets des guillemets à mes guillemets), mais ne semble pas prendre au sérieux sa tentative, peu aidé il faut le dire par les choix iconographiques de la Black Library. Bref, la « « révélation » » que l’auteur prend temps de temps (à défaut de soin) à nous amener est tellement éculée que l’on pourrait s’en servir pour égoutter les pâtes. Dès l’instant où le caractère Primaris du protagoniste est fuité (d’une façon tellement subtile que c’est à peine si McNeill ne termine pas sa phrase avec un ;)), relativement tôt dans l’histoire, 99,9% du lectorat habituel de la BL aura identifié le Space Marine en goguette et en chaussette/claquette victime d’un very bad trip. Mais il faudra tout de même attendre les dernières pages pour que l’auteur ne nous donne le fin mot de l’histoire, de façon tellement ampoulée que l’on pourrait s’en servir pour égoutter les pâtes aussi. Vous n’avez jamais égoutté les pâtes avec une ampoule ? Dommage pour vous. Bref, le monde se divisera ici en deux catégories : ceux qui seront ravis d’avoir des nouvelles de Mister UV (comme le fait qu’il déteste son nom, ce qui corrobore une hypothèse longtemps partagée par les fans), et ceux qui trouveront que McNeill les prend un peu trop pour des neuneus. Si vous voulez une bonne histoire de 40K exploitant le trope du guerrier amnésique se réveillant en territoire hostile, je vous conseille ‘Hunted’ de John French, et surtout ‘Torment’ d’Anthony Reynolds, largement supérieur au gruau littéraire, à la limite du prétentieux (pourquoi ce titre ?) et bleuâtre que nous sert Graham McNeill.

.

Warsphere – D. Hinks [BSF] :

WarsphereINTRIGUE :

L’Archonte Jean-Michel1 a emmené sa côterie de mauvais garçons et de femmes fatales (dont l’empoisonneuse Zhain) dans un rade paumé : une sphère de guerre Kroot s’étant écrasée à la surface d’une surface. Si le Drukhari s’est donné la peine de quitter son triplex de Commoragh, c’est parce que ses recherches lui ont permis d’identifier dans ce tas de rouille une information de tout premier ordre : les coordonnées d’une Enclume de Vaul, ou Forteresse Noire pour les mon-keigh. S’il parvient à faire l’occasion de cette relique millénaire, il pense pouvoir ravir à Asdrubael Vect la mainmise sur la cité pirate, ce qui est cool. Prévoyant autant qu’instruit, Jean-Michel a renforcé son expédition en recrutant des traqueurs Kroots, jugeant avec sagesse que l’appui de ces oiseaux de mauvais augure lui serait utile pour négocier l’intérieur de la sphère de guerre et mettre le gantelet éclateur sur les érudits qui détiennent le tuyau qu’il convoite.

Notre histoire commence par un petit massacre des sentinelles qui gardent la sphère contre les visiteurs importuns, les Kroots se faisant un plaisir et un devoir d’honorer leur double réputation de tueurs sans pitié et de gourmets sanguinolents en abattant puis dévorant les gardes. Bien entendu, ceci offense le raffinement exquis de Jean-Mich’ Mich’ et de Zhain, qui meublent ce buffet froid en échangeant des idées sur la meilleure façon de trahir et de torturer un Kroot, une fois que la mission sera accomplie. Souhaitant tout de même montrer qu’il est aux commandes de l’expédition, Jean-Michel va interrompre le casse-Kroot en appuyant là où ça fait mal : la fierté mal-placée des autruches de l’espace envers l(‘absence d)e goût artistique de leurs anciens. Si le chef de la troupe, l’impavide Grekh, ne tombe pas dans le panneau, son sous-fifre Khebab ne montre pas autant de self-control et tente de molester Jean-Mi après que celui-ci ait mis un coup de pied dans une statue aussi sainte que moche. Résultat des courses : Khebab se fait flinguer par son employeur, ce qui rend Grekh chafouin. Mais le rapport de force est trop déséquilibré pour que le placide palmipède ne fasse autre chose que jeter un regard froid à l’Archonte. Poursuivons.

Grâce aux talents de traqueur de Grekh et à l’étonnante technologie Kroot, qui semble consister en des petits tas de mégots, prospectus, vieux pneus et restes de junk food placés à des endroits stratégiques, nos héros parviennent à se rapprocher de la salle où sont sensés attendre les érudits, sans trop de casse. Ceci dit, l’abondance de piejakon que les dits érudits ont placé autour de leur planque rend le périple franchement aventureux, et lorsque les derniers survivants arrivent devant la salle des bosses des maths de fin (après une ultime rencontre avec des goons peu aimables, ici des goélands métalliques), il est clair que sans les bons services de Grekh, ce tombereau d’ordures deviendra leur tombeau…

Début spoiler…Ce qui rend la défection du Kroot problématique pour Jean-Michel, Zhain et Cie. Rusé comme pie, l’homme poulet a en effet fait charger son groupe dans une salle vide, et a profité de la confusion pour prendre son envol. Un départ en traître peu surprenant devant le peu de soin que l’Archonte a pris pour dissimuler ses intentions xenocides envers son sherpa jusqu’ici, mais qui pose toutefois la question du « pourquoi maintenant » ? C’est la vision d’une vieille video de surveillance de la sphère de guerre, restaurée grâce à la compétence native des Drukhari en hacking, qui permet d’y répondre. Contrairement à ce que Jean-Michel et ses caballeros pensaient, les sentinelles bestiales massacrées et boulotées par les Kroots ne gardaient pas les érudits, elles étaient les érudits2. Epiphanie finale pour nos héros : pendant qu’ils taillaient la bavette à l’arrière-plan, Grekh récupérait la localisation de la Forteresse Noire en… taillant la bavette aussi. Mais différemment. Coincés dans une situation qu’ils ne maîtrisent pas et en danger de mort, les Eldars Noirs font ce qu’ils savent faire de mieux : s’entretuer. C’est donc une fin de partie pour Jean-Michel, poignardé dans le dos par Zhain, qui ne risque cependant pas de faire de vieux os elle non plus. Moralité : ce n’est pas parce que ton grand-père était un dodo que tu ne peux pas pigeonner ceux qui te prennent pour un dindon.Fin spoiler

1 : L’histoire étant racontée depuis son point de vue et son statut social étant visiblement trop élevé pour qu’il daigne nous donner son petit nom, j’applique ici la loi de Lucy en l’affublant d’un sobriquet venant de la pop culture.
2 : Les Drukari s’en rendent compte en voyant l’un des gros lézards susnommés faire ses lacets tout seul. Si ça c’est pas une preuve d’intellect supérieur, je ne sais pas ce qu’il vous faut.
AVIS :

Darius Hinks n’en finit pas d’achever son cycle Blackstone Fortress, avec une nouvelle retraçant l’origin story de l’un des protagonistes du jeu et des romans/nouvelles associés à cette franchise : le traqueur Kroot Grekh. Si vous voulez savoir comment le gallinacé le plus badass du Segmentum est venu traîner ses quilles dans la Forteresse Noire, n’allez pas plus loin.

Pour les autres types de lecteurs, ce ‘Warsphere’ est également intéressant du fait du twist final assez bien pensé et exécuté que Hinks a incorporé à son intrigue. Cela ajoute une petite valeur ajoutée à une nouvelle autrement très classique dans le genre « exploration d’une ruine mystérieuse contenant un grand trésor mais recelant de dangers », dans lequel on retrouve 90% des vieilles histoires de Necrons… ainsi que 99% des histoires siglées Blackstone Fortress. Même à l’extérieur, on n’est donc pas dépaysé.

.

The Perfect Assassin – G. Kloster [AoS] :

The Perfect AssassinINTRIGUE :

Coincée dans le bourg décati de Losten, en Ulgu, Maleneth Witchblade tourne en rond comme une lionne en cage pendant que Gotrek s’amuse à lentement drainer de sa bière une taverne qui croyait malin de proposer une offre « boisson à volonté » à celui qui battrait le champion local (un Ogor) au bras de fer. Les Nains ayant la constitution robuste et la rancune tenace, il ne fait aucun doute que le Tueur réformé arrivera à son objectif, une pinte à la fois, mais à son rythme de sénateur alcoolique, il s’en faudra d’encore quelques jours avant que le duo ne puisse quitter Losten. Aussi, lorsqu’une aristocrate du nom de Talm et se revendiquant comme l’une des notables de la ville se présente à elle et met un contrat sur la tête d’un mystérieux Seigneur des Ombres, accusé d’avoir assassiné deux aristocrates en autant de jours nuits pénombres (dur à dire en Ulgu), la cultiste de Khaine repentie se pique au jeu et se met à suivre son employeuse à bonne distance, laissant Gotrek chanter Les Lacs du Kone Mharag seul dans son bouge.

Plus intéressée par le challenge de se frotter à un collègue assassin semble-t-il compétent que par l’accomplissement scrupuleux de sa mission de protection de Talm, Maleneth laisse cette dernière et ses gardes se faire écharper par un assaillant mystérieux, semblant se matérialiser depuis les ombres, en plus d’être protégé des coups par une chappe d’obscurité. Elle note cependant que le reître porte autour du coup un pendentif orné d’une pierre pourpre, assez semblable à celui, vert, qu’arborait feu Talm au moment de sa mort. Comme elle ne tarde pas à l’apprendre en rendant une petite visite à l’Office de Tourisme local (l’Aethaneaum1), ces colliers sont l’apanage des sept grandes familles de Losten, et la lignée des Verska était celle qui avait choisie le magenta comme couleur. Les Verska étaient des maîtres assassins réputés, et de ce fait, les véritables maîtres de la cité, jusqu’à ce que leur patriarche, Novim, pousse le bouchon et le stylet un peu trop loin, et se mette à massacrer sans discrimination ennemis, critiques et mécontents. À sa mort, son héritier se révéla ne pas être aussi doué en ninjutsu que son prédécesseur, et se fit donc neutraliser par ses pairs de manière préemptive. Ce qui aurait dû mettre fin à la lignée des Verska. Mais rien n’est aussi simple qu’il n’y paraît.

Ainsi rencardée, Maleneth décide logiquement de se rendre dans l’ancien manoir des Verska, où elle trouve facilement le dernier rejeton de la famille, un avorton nommé Arvis, fort occupé à essayer de récupérer sa cape que le sang de sa dernière victime a malencontreusement taché. Si Arvis est un bretteur assez quelconque, la breloque qu’il a piquée dans le mausolée de son grand-père, l’illustre autant qu’obscur Novim, compense largement son jeu de jambes médiocre et sa synchronisation déficiente. Capable de se matérialiser depuis les ombres, qui parent à sa place les coups assenés par l’Aelf, le dernier Seigneur des Ombres donne du fil à retordre à Witchblade, jusqu’à ce qu’elle identifie le point faible de son adversaire : une aversion pour les liquides. Un jet de cire brûlante à la figure plus tard, voilà l’apprenti surineur en PLS sur le sol, paralysé par le poison dont Maleneth a enduit sa dague et délesté de son précieux colifichet. Malheureusement pour notre héroïne, la relique ne peut-être palpée que par un membre de la lignée des Verska, et lui glisse entre les doigts comme la savonnette que Gotrek n’a jamais utilisé depuis qu’il a prêté le serment du Tueur. Dommage. Elle rend toutefois son calme à Losten en exécutant sans état d’âmes le jouvenceau vengeur, dont la vendetta était motivée par le meurtre de ses parents par les autres familles nobles de la ville, comme vu plus haut. Ceci fait, elle peut retourner à l’auberge que le Duardin n’a toujours pas fini de tarir, et sonner la fin de la beuverie en mettant le feu au local comme elle l’avait pour le manoir des Verska. C’est un Gotrek bougon mais philosophe qui finit par émerger du brasier, un dernier tonneau de bière sous le bras pour solde de toute ardoise. Le déicide est une activité déshydratante, c’est bien connu.

1 : Où Gotrek était venu chercher quelques jours plus tôt des informations sur la meilleure façon de tuer un dieu. Sans grand succès d’ailleurs (une autre raison pour se saouler).

AVIS :

Depuis sa renaissance dans les Royaumes Mortels, Gotrek Gurnisson est passé sous la plume de nombre d’auteurs, perpétuant une tradition datant du Monde Qui Fut, où le petit rouquin a été mis en scène par un aéropage de collaborateurs de la Black Library, depuis King, Long et Reynolds jusqu’à Brunner, Guymer ou Goulding, pour n’en citer que six. Gary Kloster s’attaque avec ce ‘The Perfect Assassin2à un sous-sous-genre particulier : la nouvelle de Gotrek & Felix sans Gotrek (ni Felix, pour des raisons évidentes), qui permet de développer un peu plus le compagnon du nabot irascible sans que ce dernier ne vienne résoudre l’intrigue à grands coups de hache. Tout le monde n’a pas réussi à mener à bien ce genre de projet de façon convaincante (je pense en particulier à ‘The Oberwald Ripper’), mais Kloster s’en sort de manière honorable. Cette petite virée en tête à tête avec Maleneth Witchblade permet ainsi d’en apprendre plus sur le passif et les motivations de l’Aelf au couteau, tout en insistant sur ses points communs et ses différences par rapport à Gotrek. Ainsi, si les deux comparses peuvent être qualifiés de tueurs chevronnés, là où le Duardin est honorable (à sa manière) et frustre, l’agente de l’Ordre d’Azyr est sans pitié (comme le montre son exécution sans complexe d’un antagoniste pas foncièrement mauvais et qui ne lui avait rien fait) et raffinée. La dynamique intéressante que l’auteur souligne entre ces protagonistes mal assortis mais complémentaires fonctionne bien, et donne envie de voir ce que Kloster pourrait faire du duo le plus iconique d’Age of Sigmar si l’occasion se représente.

1 : Un homonyme presque parfait d’une autre nouvelle de la Black Library, ‘Perfect Assassin’ de Nick Kyme. Un hommage à l’éditeur senior de la part du nouveau-venu Kloster, ou une simple coïncidence ?

.

The Sisters of Death – D. Ware [40K] :

The Sisters of DeathINTRIGUE :

Augusta Santorus et ses Sistas de l’Ordre de la Rose Sanglante poursuivent leur mission de looting galactique1 en se rendant sur le monde cimetière de Letum, où le vaisseau Aeris s’est écrasé il y a quelques mois, victime de la tempête Warp qui isole la planète du reste de l’Imperium depuis une éternité. Si les dévotes tiennent tant à localiser l’épave, c’est que celle-ci contient, devinez quoi, une relique inestimable. Sans doute une liste de courses manuscrite de Sebastian Thor, ou une fan-fiction het A/B/O écrite par Sainte Mina, en tout cas un texte des plus précieux que Santorus doit absolument récupérer.

Cette œuvre littéralement littéraire est contrariée par l’étrange accueil que les Roses Sanglantes reçoivent de la part de l’Ordre mineur établit sur Letum, le Sépulcre Brisé a.k.a. les Sœurs de la Mort. Spécialisée dans l’entretien de pierres tombales, la conservation de grimoires anciens et la crémation par paratonnerre interposée, cette congrégation pacifiste est dirigée par une vieille Chanoinesse qui semble dissimuler un secret. Appelez ça de l’intuition féminine et/ou du commérage, mais toutes les Sororitas de Santorus se plaignent d’un mauvais pressentiment à propos de Letum et/ou de leurs hôtes pendant la première partie de la nouvelle, évidemment avec raison comme on le verra plus tard. Après une première tentative d’aller enquêter discrétos sur le site du crash, contrariée par l’intervention polie mais ferme d’un des Frateris au service des Sœurs de la Mort, les Roses sortent leurs épines et obtiennent la permission officielle de leur hôte de se rendre à l’endroit où l’auspex indique l’épave de l’Aeris.

Sur place, elles se rendent compte que le vaisseau a été méthodiquement désossé par les Frateris, sans que ces derniers jugent bon d’en informer leurs supérieures (qui ne savaient même pas que l’Aeris s’était écrasé à proximité de leur couvent2). « Pourquoi donc ? » me demanderez-vous. Eh bien cette question elle est vite mais confusément répondue par Danie Ware, et la solution se trouve être les Necrons. Qui ont réussi à se faire passer pour l’Empereur auprès du Frateris de garde en lui envoyant des visions, qui l’ont poussé à entasser du matériel informatique autour d’une gemme verte géante protégée par des Canopteks et des Scarabées, et à mettre triple dose de bêta-bloquants dans la camomille de toutes les Sœurs qui fouinaient un peu trop près de la crypte de ses protégés. Sans que ces dernières, qui ont fait également vœu d’aveuglement (à ne pas confondre avec la cécité) et de naïveté apparemment, ne s’en rendent compte. C’était vraiment pas de chance, ces arrêts cardiaques frappant des individus de moins de trente ans en parfaite condition physique, alors.

Après avoir fait le coup de feu réglementaire contre les Xenos, avec des résultats aussi incertains qu’indolores (Melia se fait un peu griffer par un Maraudeur Canoptek taquin), Santorus et ses sous-fifres retournent voir la Chanoinesse et lui dévoilent le pot aux Roses (Sanglantes). La vioque est colère de s’être faite embobiner par les Frateris, mais plutôt que de les condamner à mort, comme ils le désiraient – en accord avec leur tendance morbide développée – la gentille mémé les enferme à la cave sans goûter, jusqu’à ce qu’ils réalisent la méchanceté de leurs actions. Ce qui est soit la preuve d’une tolérance exceptionnelle, soit d’un sadisme exacerbé. La nouvelle se termine avec le choix de Santorus, qui n’a toujours pas trouver le saint post-it, de rester sur Lentum quelques temps encore, afin d’aider ses consœurs dans le besoin à mettre de l’ordre de leur ossuaire. Sisters Are Doin’ It For Themselves, comme on dit.

1 : Voir ‘Da Big Mouf’.
2 : On connaissait le vœu de silence, celui de surdité est moins connu.

AVIS :

Danie Ware change son trois fois béni bolter lourd d’épaule avec ‘The Sisters of Death’, qui s’éloigne heureusement de son genre de prédilection (le match de catch à la sauce 40K) pour donner dans le thriller horrifique. Si le dénouement de cette nouvelle ne brille pas par sa clarté et sa mise en scène, son absence de péripéties cartoonesques constitue une nette amélioration par rapport aux précédentes aventures d’Augusta Santorus et ses chipies de choc. Je n’irai pas jusqu’à dire que ‘The Sisters of Death’ mérite le détour et la lecture, car l’ensemble reste largement en deçà de la qualité minimum que je demande d’une nouvelle de la Black Library pour la considérer comme qualitative. À trop multiplier les pistes et les ébauches d’idées peu/pas développées par la suite, Danie Ware rend en effet une copie brouillonne et confuse, alors que le début de son propos était assez prometteur. Cependant, c’est la preuve irréfutable que Ware est capable de varier son approche – ce qui est toujours un point positif de la part d’un auteur – et une raison suffisante pour ne pas l’enfermer à jamais dans la catégorie des contributeurs parodiques (à dessein ou non) de la BL. J’attends donc sa prochaine soumission avec une curiosité non feinte et sans arrière pensée, ce que je n’aurais pas pensé écrire un jour.

.

The Bigger They Are – S. Mitchell [40K] :

The Bigger They AreINTRIGUE :

Cain, Jurgen et le reste du 597ème régiment de Valhalla ont été envoyé sécuriser le monde de Traego après que la Gouverneur locale, Kerin, ait été visée par une insurrection montée par un de ses cousins. Les traîtres n’étant ni particulièrement bien préparés ou équipés, l’affaire est vite expédiée, ce qui laisse tout le temps à notre héros d’assister à quelques matchs du sport star de Traego : le nullball. Contrairement à ce que le nom peut inspirer à un lecteur francophone, le jeu n’a pas été nommé ainsi en raison de son manque d’intérêt1, mais à cause de l’utilisation de générateur d’antigravité sur le terrain, faisant du nullball une sorte de Quidditch SF. Content de pouvoir siroter son amasec dans un environnement calme et intact, ce qui le change agréablement de son ordinaire, Cain est cependant obligé de quitter le stade pour se rendre au QG régimentaire après que le Major Broklaw ait détecté un OVNI de belle taille venant de pénétrer l’atmosphère de la planète. Sans plus d’indication sur la nature de cet astéroïde, qui devrait s’abimer en pleine mer à proximité d’un archipel peu peuplé, les zélés Gardes Impériaux décident logiquement qu’il est urgent d’attendre. Grave erreur, comme vous vous en doutez.

Car en effet, un appel à l’aide provenant de l’archipel en question arrive au palais gouverneurial quelques jours plus tard. Par un malheureux concours de circonstance, Cain était sur place au moment où la nouvelle est reçue par l’impulsive et responsable Kerin, qui décide tout de go d’aller enquêter en personne avec sa navette personnelle (qu’elle conduit elle-même, dans la grande tradition des souverains taxis remontant à Elisabeth II de Terra, à la fin de M2). Galant homme et soucieux de préserver sa réputation de héros intrépide, Cain accompagne la Gouverneur et nos compères ne tardent pas à découvrir que les Kerguelen de Traego ont été totalement dévasté par une force hostile, inconnue et de fort belle taille. Une triangulation couplée à une consultation des archives militaires du système plus tard, le facteur X est identifié : il s’agit d’un bio-titan tyranide, rescapé de l’invasion infructueuse initiée par la flotte ruche Behemoth il y a deux siècles, et qui progresse maintenant en brasse coulée vers la capitale planétaire pour s’offrir un gueuleton bien mérité.

La suite de la nouvelle ne surprendra pas le moins du monde les amateurs de films de Kaijū, le Xenos en goguette faisant un Godzilla convaincant, que les Valhallans et les Forces de Défense de Planétaire tentent tant bien que mal de stopper pour permettre aux civils de s’échapper. Aucune arme impériale n’étant assez puissante pour blesser sérieusement le golgoth, la lutte semble bien mal engagée pour les défenseurs, mais c’est évidemment sans compter sans l’éclair de génie de Cain (bien aidé par les problèmes de cafetière de Jurgen), qui reprend à son compte l’idée de Kerin de piéger la bestiole dans le stade de nullball grâce à l’apesanteur artificielle du lieu. Là où l’inflexible Gouverneur proposait de déverser le feu et la fureur plasmique sur le bio-titan, rasant au passage la capitale et tous ses habitants de la carte, Cain suggère de pousser les accus jusqu’à 11, et de faire flotter le gros criquet à quelques centaines de mètres du sol avant de lui nuker la goule. Quel puissant génie alors. Ce plan génial se déroule sans accroc, mettant un terme à la seconde invasion tyranide de Traego ainsi qu’à la saison régulière de nullball. Il faut bien qu’il y ait des victimes collatérales.

1 : Il se se serait appelé « billard anglais » sinon.

AVIS :

Est-il encore besoin de présenter le concept des nouvelles de Ciaphas Cain ici ? Non, sans doute. Nous évoluons ici en terre connue avec une histoire venant s’intégrer dans l’arc principal de la série (Cain + le 597ème Valhallan), et où chacun tient son rôle avec application. À Cain le rôle du héros-faussement-brave-qui-ne-pense-qu-à-sauver-sa-peau, à Jurgen celui de l’idiot-puant-autant-qu-utile, à Kasteen et Broklaw celui des gradés-efficaces-mais-incapables-de-gérer-le-problème-sans-l-intervention-géniale-de-Cain. Seules véritables nouveautés dans ce schéma narratif rôdé et huilé, les « personnages » de Kerin et du bio-titan n’apportent à mon goût que peu de chose à l’intrigue, et le tout manque du petit grain de folie ou de l’inspiration bien sentie qui distingue les excellentes histoires de Ciaphas Cain des simplement correctes. ‘The Bigger They Are’ se place plutôt dans la seconde catégorie en ce qui me concerne, et est donc à réserver aux grands fans de Jurgen plutôt qu’aux lecteurs curieux de découvrir la légende mitchellienne, qui peuvent trouver plus mieux et plus drôle ailleurs.

***

Et voilà qui conclut cette semaine de célébration de la Black Library à la sauce 2021. On peut dire avec le recul que ces 12 derniers moins ont été une belle mise en situation de ce que la vie sur une planète (pas trop autoritaire) de l’Imperium pouvait être, et j’espère sincèrement que l’édition de 2022 (comment ça, je me projette?) se fera sous de meilleurs auspices. Quoi qu’il en soit, ces cinq nouvelles inédites se sont révélées plutôt sympathiques, ce qui est toujours ça de pris, surtout au prix auquel on les paie. La comparaison avec 2020 est d’ailleurs assez douloureuse, financièrement parlant, puisque pour le même tarif, on avait eu droit à une nouvelle de plus, et à un sommaire à la fois plus équilibré (AoS*3, 40K*2, HH*1) et plus divers (avec une nouvelle Warhammer Horror). Mention spéciale tout de même à Gary Kloster, qui a réussi à m’intéresser un minimum au personnage de Maleneth Witchblade, le reste des soumissions oscillant du moyen au correct. Rendez-vous très bientôt pour l’autopsie d’un autre recueil de la BLC 2021, gratuit (ou presque) celui-là.

DEATH ON THE PITCH : EXTRA TIME [BB]

Bonjour et bienvenue dans cette revue critique de ‘Death on the Pitch : Extra Time’, entreprise littéraire extra ordinaire pour l’auteur de ces lignes. C’est en effet la première fois que je traite d’un ouvrage de la Black Library entièrement consacré au noble sport du Blood Bowl. Pour ma défense, ce type d’opuscule n’a jamais constitué le cœur des publications de la maison d’édition de Nottingham, tout comme ce jeu de ballon (à pointes) n’a jamais été celui de Games Workshop. Toutefois, s’il est une qualité que Blood Bowl peut revendiquer, c’est le peu commun engouement qu’il a réussi à créer et à soutenir parmi sa communauté de joueurs et d’enthousiastes, ce qui a permis à ce jeu de négocier avec succès plusieurs traversées du désert, notamment entre ses troisième et quatrième éditions, séparées par un véritable gouffre de 26 ans. Aujourd’hui, la franchise semble mieux se porter que jamais, avec un suivi régulier de la part de la maison mère, plusieurs jeux vidéos à son actif, et une nouvelle version publiée en novembre 2020, et qui a donné lieu à la (re)sortie du présent ouvrage1.

Sommaire Death on the Pitch_Extra Time (BB)

« Qu’est-ce que Blood Bowl? » me demanderez-vous peut-être pour commencer. Eh bien, pour schématiser grossièrement, c’est une adaptation du football américain dans l’univers de Warhammer Fantasy Battle. On doit cette pastiche, devenue culte, au vénérable Jarvis Johnson, qui coucha les premières règles de ce jeu de plateau d’un style particulier sur l’astrogranit en 1987. Il convient ici de souligner que si Blood Bowl reprend les références, les races, les lieux et l’histoire de WFB, il ne s’intègre pas vraiment dans ce que l’on peut appeler la réalité canonique du Monde Qui Fut. En effet, les relations entre les différentes factions représentées à Blood Bowl ne furent jamais si cordiales qu’elles purent conclure de faire une trêve le temps d’organiser une ligue ou un tournoi (sans compter les difficultés logistiques inhérentes à un match entre des Hommes Lézards et des Nains du Chaos, par exemple). Ce qui a permis à la dimension parallèle de Blood Bowl de continuer à vivre alors que le Vieux Monde mit le pied en touche en 2015, comme chacun sait. Pour vivre heureux longtemps, vivons cachés? 

Nous retrouvons sur la feuille de match de cette copieuse anthologie (14 nouvelles, plus de 250 pages) beaucoup de têtes et plumes connues de l’amateur éclairé de la prose BLesque (Josh Reynolds, Gav Thorpe, Guy Haley, David Guymer, David Annandale2), ainsi que quelques spécialistes de la littérature sportive de la GW Fiction : Matt Forbeck (auteur de la quadrilogie ‘Blood Bowl‘), Andy Hall, dont toute la carrière pour la BL se résume aux deux nouvelles incluses dans cette anthologie, et Graeme Lyon, également double contributeur d’icelle. Enfin un trio de nouveaux auteurs (McNiven, Rath et Worley) viennent compléter ce rooster hétéroclite, mais que l’on espère tout de même qualitatif. Sera-ce le cas? Eh bien, il n’y a qu’une seule manière de s’en assurer…

1 : Comme le titre le laisse un peu deviner, ‘Death on the Pitch : Extra Time’ est une réédition de ‘Death on the Pitch‘, agrémenté de deux nouvelles supplémentaires : ‘The Freelancer’ et ‘Dismember the Titans’. La seconde ayant été initialement publiée dans ‘Inferno #3’ en 2019, la soumission de Robert Rath est techniquement la seule pure nouveauté que cette prolongation apporte à l’aficionado. La BL n’ayant pas retiré de la vente le premier recueil, qui est vendu le même prix que son successeur, il faut faire preuve de vigilance pour éviter de faire une mauvaise affaire en ligne…
2 : Pour ce qui est, sauf erreur de ma part, sa seule nouvelle liée à Warhammer Fantasy Battle. 

.

Manglers Never Lose – J. Reynolds :

INTRIGUE :

Tyros Bundt, coach des Presque célèbres Middenplatz Manglers, et confronté à un problème de taille à quelques heures du début du match décisif de son équipe contre les Haakenstadt Screechers, dans les phases finales du Doom Bowl de Drachenstadt. Son joueur star, le Blitzer Marius Hertz, a en effet été retrouvé nu, violacé, en compagnie de deux pom-pom girls Elfes, et surtout, totalement et irrémédiablement mort, comme l’habile diagnostic du Doc Morgrim ne tarde pas à le confirmer. Après avoir passé quelques minutes à se bercer d’illusions sur une résurrection miraculeuse de son poulain, et constaté que beaucoup de personnes devaient lui en vouloir (4 types de poisons différents utilisés, tout de même1), Bundt passe en mode manager et charge Morgrim d’aller lui dégotter un Nécromancien raisonnablement capable et aux tarifs abordables, pendant que lui se chargera d’apporter le cadavre du Blitzer jusqu’au stade. En effet, l’effectif des Manglers a été sévèrement diminué au cours des premiers matchs du tournoi, et sans la présence de Marius au coup d’envoi, l’équipe devra déclarer forfait, ce qui est contre l’éthique sportive de Bundt et les traditions de l’institution. Après tout, Manglers never lose2 !

Après quelques péripéties (et un illustre caméo), le coach parvient à amener le cadavre flasque et plus vraiment étanche de Marius jusque dans les vestiaires gagnés de haute lutte par les Manglers contre l’adversité et les équipes rivales au début du Doom Bowl. Le temps que Morgrim arrive avec son spécialiste, Bundt a le temps de découvrir que son joueur a été soudoyé par le coach de l’équipe adverse, qui a de plus envoyé deux fans Orques rappeler au Blitzer qu’il compte sur lui pour ne pas opposer de résistance aux Screechers lors du prochain match. Résultat des courses : Marius écope d’une nouvelle blessure mortelle dans l’algarade, mais vu son état, cela ne s’avère guère dommageable. À toute chose, corruption est bonne ceci dit, car le pécule mal gagné du parjure permet à Bundt de s’attacher les services du Nécromancien de Morgrim3, qui ne paie pas de mine (les plumes de pigeon teintes en noir pour imiter le corbeau, ça fait cheap), mais parvient à transformer Marius en Zombie baveux mais docile à temps pour le début du match. Comme l’exige la tradition sportive, Bundt livre un discours enflammé à ses joueurs (vivants) avant qu’ils entrent sur l’astrogranit, ce qui permet de découvrir que Marius Hertz a été victime d’une véritable cabale de la part de ses coéquipiers, qui avaient (presque) tous une bonne raison de vouloir sa mort, pour des causes sportives (« il était trop perso »), morales (« il a déshonoré ma sœur, mes frères, mes cousins, leur chèvre… »), financières (« il m’a laissé son ardoise au bar ») ou personnelles (« il me fouettait avec sa serviette sous la douche »). Au moins, l’abcès est crevé. Dommage qu’il ait fallu que Marius le devienne également.

Il sera cependant temps plus tard de régler ses comptes et d’inculquer un peu d’éthique aux survivants (et de trouver un nouveau sponsor, le chevaleresque ‘Errance Magazine’ appréciant moyennement être représenté par un athlète mort vivant), car c’est désormais l’HEURE DU MAAAAAATCH ! Eh bien que la nouvelle se termine avant la fin du temps réglementaire, les choses semblent bien se passer pour les Manglers, qui peuvent compter sur la résistance écœurante de Marius pour scorer (touchdown sans bras et à cloche-pied, la grande classe), et sur les bons offices de Franco Fiducci pour relever les pertes à la mi-temps. Avec de tels atouts, ce serait malheureux que les Manglers ne fassent pas honneur à leur réputation de gagneurs !

1 : Sans compter le couteau retrouvé dans son estomac, que Morgrim n’a pas relevé dans son autopsie car, après tout, ce que font les humains avec la coutellerie et leur système digestif ne regarde qu’eux.
2 : Except when they do. Ce qui arrive finalement assez fréquemment.
3 : Un certain Franco Fiducci, déjà croisé par Erkhart Dubnitz dans la série de nouvelles consacrées par Reynolds au très saint et très violent Ordre de Manann.

AVIS :

Josh Reynolds nous sert une nouvelle comme il sait si bien les écrire et nous si bien les aimer : drolatique, érudite (les clins d’œil et easter eggs de vieux fluff parsèment le récit), bien construite et diablement rythmée. En plus de tout cela, on retrouve dans ce ‘Manglers Never Lose’ la figure familière et livide de Franco Fiducci, perdue de vue pour ma part au détour d’un ‘Hammer & Bolter’ il y a quelques années, ce qui fait de chouettes retrouvailles. Dans la droite ligne de l’impayable ‘Dead Man’s Party’, cette nouvelle est un carton plein qui vient rappeler à point nommé, et malheureusement à titre « posthume » (maintenant que Reynolds est parti voir ailleurs si l’encre était plus verte), que la BL a eu beaucoup de chance de compter Josh Reynolds parmi ses contributeurs.

.

Fixed – R. McNiven :

FixedINTRIGUE :

Bien qu’il ait mené son équipe à la victoire contre une opposition farouche d’Hommes Lézards, Garr Greyg des Nordland Rangers a écopé d’une sale blessure à la cuisse pendant le match, victime d’un contact rugueux avec le Kroxigor adverse. Opéré contre son gré par le médecin des Rangers, l’alcoolique mais efficace Frisk, le meilleur Blitzer que le Nordland ait connu (it’s something) se remet doucement dans le calme dépouillé de son manoir, en attendant de pouvoir 1) participer à la finale contre les East End Boyz, pour une place en ligue majeure la saison prochaine, 2) trouver un moyen de rembourser ses dettes au Vampire Grizmund, qui lui a fait comprendre en des termes non incertains qu’il attendait que son dû lui soit payé avec impatience.

Veillé par son ogre à tout faire Nor, Garr reprend du poil de la bête, mais finit par se rendre compte que le doc a outrepassé ses prérogatives en lui greffant une jambe de Saurus à la place de son membre esquinté, ce qui lui pose plus des problèmes de style que physiologie, à la décharge de Frisk. Cette découverte sinistre est interrompue par la matérialisation près du lit du patient d’un individu louche et puant (mais qui est Bretonnien, ce qui suffit à justifier son accent étrange et sa drôle d’odeur, apparemment), se présentant comme Mister Squimper. L’impétrant fait une offre non-refusable à Garr : une convalescence rapide et complète, assortie d’une belle bourse de reikmarks, en échange d’un menu service lors du prochain match…

Comme on s’en doute, ce service consiste à s’assurer que les Rangers s’inclinent contre les peaux vertes, ce que le Blitzer s’emploie à faire de manière pas trop évidente. Malgré la mauvaise volonté, les deux mains gauches et les pieds carrés de leur joueur star, les humains parviennent cependant à faire jeu égal avec les East End Boyz de Krapnugg, et la partie va se jouer sur une ultime possession, alors que les deux équipes sont à égalité au tableau d’affichage. Alors que la balle atterrit dans ses bras, Garr va devoir prendre la décision la plus importante de sa vie…

Début spoiler…Qui consiste à jouer pour la gloire et la gagne plutôt que pour la vie et l’argent. C’est noble de sa part. Malgré la douleur insidieuse de son greffon, parasité par la magie néfaste de Mister Squimper qui regarde le match depuis les gradins, le Blitzer se fraie un chemin parmi les lignes adverses, évite le plaquage de Krapnugg, lui crève un œil pour faire bonne mesure, et envoie la passe victorieuse à un receveur de son équipe. Alors que le stade explose dans tous les sens du terme (les adversaires précédents des East End Boys ont eu la défaite mauvaise), Garr a la satisfaction finale de voir du coin de l’œil son fidèle Nor mettre la main sur Squimper, qui était en fait deux Prophètes Gris sous une toge. Le Rat Cornu, jamais réputé pour être très sports, ne sauve pas ses élus de la poigne de fer de l’Ogre domestique, qui fracasse le crâne des rongeurs truqueurs. Tout est bien qui finit bien donc (Garr pourra payer ses dettes grâce à la prime de victoire), si la foule ne piétine pas les joueurs à mort, s’entend…Fin spoiler

AVIS :

Robbie McNiven nous sert ce que l’on peut appeler une histoire classique de Blood Bowl avec cet aptement nommé ‘Fixed’ (truqué en français) : un joueur charismatique mais borderline, qui doit gérer des magouilles extra-sportives tout en mouillant tout de même le maillot sur le terrain. C’est honnête à défaut d’être follement excitant, mais l’impression d’ensemble reste pour ma part gâchée par deux points faibles de la prose de McNiven : un manque de clarté dans la description des passages sportifs pour commencer (au point que j’ai cru à un moment que le match se jouait avec deux balles, une par équipe), et aucune explication donnée pour justifier pourquoi l’énigmatique Mister Squimper a senti le besoin de se faire passer pour un humain dans cette histoire. Après tout, Blood Bowl est beaucoup plus tolérant et cosmopolite que Warhammer Fantasy Battle par nature : un Skaven n’a donc aucune véritable raison de se déguiser pour interagir avec des individus plus fréquentables que lui. Dommage dommage.

.

Da Bank Job – A. Hall :

Da Bank JobINTRIGUE :

Les Kostos de Brobrag ont passé une première saison mémorable, mais pas pour les bonnes raisons. Incapables de remporter le moindre match, et généreux fournisseurs de séquences d’anthologie pour le bêtisier de la ligue, l’équipe ne semble pas promise à un grand avenir. Cependant, les mystérieux Ger et Bil, homme et gobelin d’affaires à l’air louche et aux intentions suspectes, ont des projets grandioses pour Brobrag et ses joueurs : une participation au Reikland Invitational pendant l’intersaison, avec à la clé un match d’anthologie contre les célèbres Reavers pour la meilleure équipe de la phase de poules. Non pas que les Kostos aient des chances de parvenir jusqu’à ce stade de la compétition, mais surtout pour couvrir le cambriolage de la salle des coffres de l’Oldbowl d’Altdorf par quelques complices pendant que le reste des peaux vertes fera de la figuration sur le terrain.

Si le plan avait l’air solide sur le papier, il ne tarde pas à devenir caduque, dans la plus pure tradition des stratégies taqueutiques et tequeuniques d’avant match. Bien que l’excentrique sorcier humain (Chanzeenmitt) que Ger & Bil ont intégré à l’équipe ait rempli sa part du marché en ouvrant un portail où se sont engouffrés Fingurs, le bloqueur Orque noir et solide bras droit de Brobrag, et une poignée de goons destinés à déclencher les pièges à congres qui jonchent le chemin de la salle des coffres, les Kostos ont la désagréable surprise de se retrouver opposés non pas aux inoffensifs Merrywald Chums, mais directement aux Reikland Reavers. C’est un match que les peaux vertes ne peuvent pas gagner, mais qu’ils peuvent au moins essayer de faire durer assez longtemps pour permettre à leurs complices de récupérer le butin.

Comme prévu, Fingurs finit par se retrouver seul après la mort tragique mais pas surprenante de ses sous fifres, et, guidé par la voix dans sa tête, fait main basse sur… un sifflet. Ce qui le lui coupe1. Lorsqu’il fait son retour sur le banc de l’Oldbowl, c’est la mi-temps et les Kostos sont menés 4-0, avec déjà quelques pertes à déplorer. Les quinze minutes de répit réglementaires sont cependant bien mis à profit par Andy Hall pour débrouiller son intrigue (Chanzeenmitt est en fait deux sorciers de Tzeentch fusionnés dans le même corps, et il(s) a/ont doublé Ger & Bil pour récupérer le mythique sifflet de Nuffle pour son compte), et par Brobrag pour retourner la situation à son avantage. Car il est dit que quiconque énonce un commandement de Nuffle et siffle dans son sifflet voit son énoncé réalisé. That’s the rules, stoopid. Un mage maigrelet et skizophrène ne faisant pas le poids contre un chef Orque en rogne, notre héros récupère facilement l’instrument convoité, et décrète que « c’est celui qui siffle qui gagne ». S’en suit une remontada digne de Barcelone en 2017, aussi inexplicable pour les commentateurs que pour les spectateurs et surtout les Reavers, et, surtout, la première victoire, certes volée mais pas imméritée, de Brobrag et de ses Boyz. Bien sûr, le sifflet attise les convoitises et déchaîne les passions, mais heureusement, le Boss a un endroit beaucoup plus sûr qu’un bête coffre pour conserver son bien mal acquis : l’estomac du Troll de l’équipe. Il fallait y panser.

1 : Le squeeg. Ceci est une blague de niche.

AVIS :

Andy Hall se disperse un peu trop à mon goût dans ce ‘Da Bank Job’, tant au niveau de l’intrigue (quel besoin d’impliquer un/deux sorcier.s de Tzeentch et un match de Blood Bowl dans une histoire de casse ?) que des personnages (à quoi servent Ger & Bil ?). Moins grave mais également handicapant pour sa nouvelle, il bâcle totalement la fin de cette dernière d’un point de vue stylistique, ce qui laisse une sale impression au lecteur au moment d’en terminer. On lui accordera tout de même quelques points pour le grand nombre de célébrités croisées dans ces quelques pages, depuis Jim Johnson et Bob Bifford jusqu’à Lord Borak, le Mighty Zug et Griff Oberwald, ainsi que pour un ajout fluffique notable à l’univers parallèle de Blood Bowl avec le surpuissant sifflet de Nuffle. Mais c’est à peu près tout et ça ne suffit pas pour faire de ‘Da Bank Job’ une réussite.

.

The Hack Attack – M. Forbeck :

The Hack AttackINTRIGUE :

Les Pascal et Fontaine de Warhammer Fantasy Battle, Jim Johnson et Bob Bifford, animent une émission live de ‘Que sont ils devenus ?’, consacré à la légende des Bad Bay Hackers, Dirk Heldmann. Ayant déchaussé les crampons pour devenir coach en binôme de son ancienne équipe, Dirk se plie de plus ou moins bonne grâce au petit jeu de la nostalgie (son frère Dunk, sa belle-sœur Spinne Schönheit, M’Grash K’Thragsh, Edgar l’Homme Arbre…) et de la commémoration de sa période active. Bien évidemment, il est question du match contre les Chaos All-Stars de Serby Triomphe, où le sort de l’Empire s’est joué. L’interview se termine de façon assez brutale par…

Début spoiler…Le meurtre de Bob Bifford par Dirk Heldmann, après que sa petite amie Lästiges Weibchen, journaliste de terrain virée par le duo infernal pour incompétence caractérisée, lui ait envoyé une balle de Blood Bowl contenant un pieux, qu’il plante dans le torse de l’ogre retraité. Apparemment pour lui piquer sa place de présentateur. La nouvelle s’arrête et la pub se déclenche alors que Jim Johnson semble sur le point de subir le même sort que son comparse. La fin d’une époque. FinFin spoiler

AVIS :

Il n’y a que deux choses à retenir de cette très courte nouvelle (9 pages) de Matt Forbeck. Primo, il s’agit de la conclusion de sa quadrilogie de romans Blood Bowl consacrés aux Bad Bay Hackers et aux frères Heldmann. Si certains auteurs plus doués que la moyenne parviennent sans mal à tourner leurs propos de telle manière que même un novice complet puisse comprendre et apprécier de quoi il en retourne lorsqu’il traite d’une série bien établie, avec de nombreux personnages ayant vécu des aventures variées et entretenant des rapports complexes les uns par rapport aux autres (Dan Abnett fait ça très bien dans ‘Les Fantômes de Gaunt’ par exemple), Forbeck ne s’est pas donné cette peine ici. Pour être honnête, n’ayant pas lu les romans en question, j’ai compris que quelque chose clochait à la moitié de l’histoire et à l’évocation du dixième personnage nommé en cinq pages, ce qui est un ratio peu commun. Et effectivement, une lecture du résumé de l’anthologie ‘Blood Bowl’ permet de comprendre que Matt Forbeck a un historique conséquent avec les frangins Dirk et Dunk. Dommage qu’il se montre si « exclusif » dans son approche de ‘The Hack Attack’ car reconnaissons-le : les souvenirs émus et les histoires de couple/fesse de Dirk Heldmann n’intéressent pas grand-monde  mis à part la poignée de fans transis de ce dernier.

Secundo, la fin de cette nouvelle, si elle a le mérite de surprendre le lecteur, m’a semblé relever du crime de lèse-majesté concernant deux personnalités aussi centrales et vénérables de Blood Bowl que le duo Bifford & Johnson. À moins que Forbeck ait créé ce dernier (ce qui est possible, mais me semble incertain au vu de l’ancienneté des illustrations du regretté Wayne England), quel droit avait-il de siffler la fin de leur match, et de manière si cavalière qui plus est ? Les personnages nommés de Warhammer Fantasy Battle eurent droit à un requiem digne de ce nom avec The End Times en 2015, ceux de Blood Bowl devront se contenter de ‘The Hack Attack’ deux ans plus tard. Assez indigne, tant sur le fond que sur la forme.

.

Mazlocke’s Cantrip of Superior Substitution – G. Lyon :

Mazlocke's Cantrip of Superior SubstitutionINTRIGUE :

Le Light’s Hope Stadium de Talabheim accueille un match de ligue mineure entre les presque redoutables Talabheim Titans et les positivement nuls Black Water Boyz. Tellement nuls d’ailleurs que leur coach, Borgut, a résolu de tenter le tout pour le tout pour arracher la victoire, et a placé ses dernières économies entre les mains d’un sorcier non homologué, Mazlocke. Ce dernier maîtrise en effet un sort au nom aussi compliqué (Cantrip of Superior Substitution) que ses effets sont spectaculaires : remplacer les plots verts de l’équipe visiteuse par des légendes de Blood Bowl, le temps d’un match. Sur le papier, le plan est brillant, mais comme vous vous en doutez, les choses ne vont pas se passer de manière optimale.

Il est temps pour nous de faire la connaissance des rivaux des Black Water Boyz, et en particulier du receveur Johann Walsh et du blitzer Kurt Grafstein. Ils partagent tous deux le statut de joueur vedette de leur équipe, mais là où Johann est gentil et serviable (il est même copain avec l’Ogre de l’équipe, Ghurg, c’est dire s’il est cool), Kurt se la pète méchamment et drague lourdement/harcèle sexuellement la pom pom girl Juliana, qui est également un personnage important. Pour le moment, contentons-nous de dire qu’elle préférerait pratiquer sa passion sur l’astrogranit plutôt que de se déhancher devant des hordes de fans mal dégrossis, mais la nature patriarcale de l’Empire l’a contrainte de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Enfin, dans les gradins du stade, le fan #1 de Kurt Grafstein, Gerhardt Mannheim, est venu assister à la rencontre comme à chacune de celles des Talabheim Titans. Gerhardt est l’incarnation du fan de sport aussi incollable en historique et statistiques qu’incapable de courir 50 mètres sans cracher ses poumons ni de monter un escalier sans passer au rouge vif. La passion qu’il voue à Grafstein, qui a son âge et vient du même village que lui, est une sorte d’amour jaloux flirtant avec le malsain, et totalement à sens unique, son idole n’ayant jugé bon de répondre aux douzaines de lettres enthousiastes qu’il lui a envoyées.

Si cette exposition détaillée de la galerie de personnages a été nécessaire, c’est que le sort de Mazlocke va se solder par un demi-échec, et permuter les personnalités et les corps de certains des individus présents au Light’s Hope Stadium. Ainsi, Johann se retrouve à devoir jouer du pom-pom le long du virage nord, tandis que Juliana réalise son rêve de jouer un match de Blood Bowl en étant propulsée receveur des Titans. Bien entendu, Kurt et Gerhardt forment un autre couple d’inversion, ce qui leur permet de découvrir que la vie d’un fan/blitzer n’est pas de tout repos. Enfin, le receveur Gobelin (c’est son vrai nom) des Black Water Boyz a la chance d’être catapulté aux manettes de l’imposant châssis de l’Ogre Ghurg (et vice-versa), ce qui va lui permettre de se venger dans le sang et la violence des brimades et mauvais traitements que lui ont fait subir le reste de l’équipe depuis des années. Un comportement presque normal de la part de Ghurg, si on réfléchit, et qui n’attire donc pas l’œil de Jim Bifford et Bob Johnson en tribunes (qui ont leur propres problèmes, comme le lecteur avisé l’aura reconnu).

Comme on peut s’en douter, les effets du cantrip de Mazlocke, qui a essayé de partir avec la caisse mais s’est téléporté dans les gradins du stade au lieu de partir en Bretonnie comme il l’escomptait (c’est ça aussi de s’auto-former), mettent un beau boxon sur le terrain. Lorsqu’un mage assermenté parvient enfin à remettre chaque chose et conscience à sa place, tous nos personnages en auront été quitte pour une expérience marquante, aussi bien au sens intellectuel que physique du terme. Ainsi, Juliana, qui a réussi à marquer un beau touchdown en solo, se fait signer par la coach d’une équipe Amazone, tandis que Johann devient un ally de la lutte contre le sexisme ordinaire. Kurt et Gerhardt finissent voisins de lit à l’hôpital, en grande partie à cause de Gobelin et Ghurg, le second ayant négligemment balancé le premier dans la foule, avec une retombée funeste sur le fan ventripotent (Kurt ayant pour sa part été projeté dans les gradins par un Orque taquin). La leçon du jour est la suivante : tant qu’à tricher, autant se faire épauler par des professionnels capables de garantir des résultats de qualité plutôt que de s’appuyer sur des amateurs incompétents. Non mais.

AVIS :

Graeme Lyon signe avec ‘Mazlocke’s Cantrip of Superior Substitution’ une nouvelle marquante, et pas seulement grâce à son titre extravagant (même s’il faut reconnaître que cela joue, et que le catalogue de la BL compte quelques challengers). L’intrigue mise en place par l’auteur nécessitait une construction rigoureuse, pour ne pas perdre le lecteur entre les péripéties vécues par les 3 « couples » (4 si on inclue le transfert entre Jim Johnson et Bob Bifford dans la loge des commentateurs), qui s’entremêlent les unes aux autres jusqu’au dénouement final, et Lyon s’en sort très bien je trouve. J’ai également apprécié l’intégration d’éléments additionnels à une nouvelle de Blood Bowl classique, comme les réflexions féministes de l’arc Johana, et la figure du fan transi/névrosé via Gerhardt Mannheim. Bref, le résultat est se montre à la hauteur des ambitions poursuivies par l’auteur de cette opérette sportive, et mérite certainement la lecture par les amateurs de littérature Blood Bowl.

.

Pride and Penitence – A. Worley :

Pride and PenitenceINTRIGUE :

Les Bright Crusaders, l’équipe la plus fair play qui soit (un cruel désavantage à Blood Bowl, il faut le reconnaître), disputent la finale de la Purity Cup contre les Doomtown Rats, et la mi-temps vient de sonner. De retour au vestiaire avec un avantage au tableau d’affichage, mais trois joueurs passés ad patres du fait du Rat Ogre de l’équipe adverse, les Crusaders doivent mettre au point une stratégie robuste pour espérer conserver leur avance jusqu’à la fin du match. Bien que techniquement plus doués que leurs adversaires du jour, la férocité de Skrut Manpeeler, la vitesse des coureurs d’égouts et la supériorité numérique des ratons sont autant de désavantages que le coach Dolph ‘Le Saint’ Gutmann essaie de gommer dans sa causerie de mi-match. Comme si cela ne suffisait pas, le joueur star de l’équipe, Gerhardt le Pénitent, est pris d’une nouvelle crise expiatoire, comme cela lui est arrivé à de nombreuses reprises au cours de la saison. Ex-flagellant puritain et masochiste, Gerhardt est un blitzer d’un talent et d’une endurance rares, quelque peu diminués par sa tendance à se punir de manière extrême dès que son sens aigu de la justice lui indique que son adversaire a souffert d’un handicap injuste. Cela l’a ainsi amené à s’immoler, s’enterrer, tenter de se casser les membres, ou encore vouloir jouer sans protection, comme il insiste pour le faire après avoir entendu Gutmann avancer que la supériorité technique des huit Crusaders survivants leur donnait un avantage sur les Skavens d’en face.

Fort heureusement pour ses coéquipiers, ils peuvent faire appel au sens moral hypertrophié de Gerhardt pour lui faire entendre raison, en lui rappelant qu’ils doivent à tout prix remporter la Purity Cup pour pouvoir éponger les dettes de Sœur Bertilda et de ses orphelins, qui ont écrit de nombreuses lettres touchantes et pathétiques au Pénitent au cours de la saison. Ce dernier accepte donc avec regret de se rhabiller pour cette fois, mais fait promettre aux Crusaders de l’accompagner dans une séance de pénitence de son choix une fois le match gagné, ce qu’ils acceptent sans rechigner.

Une fois les choses remises en ordre et la coquille de Gerhardt en place, la deuxième mi-temps peut commencer, et le lecteur voir le blitzer prodigue en action. Et il faut bien reconnaître qu’il fait honneur à sa réputation altruiste (en prenant un rocher envoyé par un fan taquin à la place d’un coéquipier) et sportive (en corrigeant bellement Skrut Manpeeler en un contre un), ce qui n’empêche pas les Crusaders d’encaisser le touchdown qui ramène les deux équipes à égalité. Dès lors, la tactique du coach Gutmann consiste à tenir la balle en espérant un miracle, schéma tactique dans lequel Gerhardt doit se contenter d’occuper le plus de joueurs adverses possibles, ce qu’il fait parfaitement en se colletinant trois trois quarts Skavens. C’est alors que deux Crusaders parviennent à passer la ligne d’avantage et à foncer vers l’en but adverse, où les attend toutefois un Skrut revanchard et très énervé. Dur dilemme moral pour Gerhardt, piétiné dans la boue par ses adversaires : s’en tenir au plan de jeu ou voler aux secours de ses partenaires ?

C’est finalement pour la deuxième option que se décide notre héros, qui échappe à ses tortionnaires en se glissant hors de son armure et finit donc par jouer à poil, comme il le souhaitait. Ce manque d’équipement ne réduit en rien son talent, puisqu’il parvient à décocher un coup de boule tellement parfait à Skrut que ce dernier finit dans les tribunes, sort peu enviable pour un joueur de Blood Bowl, comme chacun le sait. La partie se termine sur le score de 3 à 2, faisant des Bright Crusaders les récipiendaires de la Purity Cup, et permettant à l’orphelinat de Sœur Bertilda d’être sauvé de la destruction. D’ailleurs, la grâcieuse créature a fait le déplacement avec ses protégés, et c’est vers eux que Gerhardt se précipite lorsque le coup de sifflet final retentit dans le stade…

Début spoiler…Seulement pour découvrir que Bertilda était en fait l’assistant du coach déguisé en religieuse (paire de navets à l’appui), et les orphelins une troupe d’intermittents du spectacle Gobelins, qui profitent de l’occasion pour aller tabasser le pauvre Skrut à coups de béquille, obéissant à la nature profonde des enfants humains et des peaux vertes. Cette ruse, indigne des Crusaders, était le seul moyen trouvé par Dolph Gutmann pour canaliser son joueur, qui tombe des nues devant ce stratagème honteusement filou. Beau jeu jusqu’au bout, Gutmann et les Crusaders se tiennent prêts à abandonner la victoire au profit de leurs adversaires en contrition de leur péché de mensonge, mais Gerhardt ne l’entend pas de cette oreille : la Purity Cup a été remportée sans tricher et revient donc de droit aux Bright Crusaders. Il sera bien temps plus tard d’expier cette faute collective lors de la séance de pénitence à laquelle ses camarades ont accepté un peu vite de se plier…

Et en effet, la nouvelle se termine par l’interview de Gutmann par une journaliste Halfling, alors que le coach et son équipe (y compris Gerhardt) sont enterrés jusqu’au cou dans la pelouse du stade, pour une durée d’un mois. Un temps nécessaire pour songer à leur faute morale, et qui ne leur sera peut-être pas fatal à tous, car le Pénitent a permis à l’assistant du coach de venir nourrir et faire boire les joueurs pendant leur retraite spirituelle. Il faudra cependant se méfier du jardinier aveugle et alcoolique lorsqu’il passera la tondeuse…Fin spoiler

AVIS :

Alec Worley capte parfaitement l’ambiance délurée propre à Blood Bowl dans cette nouvelle posant une des questions les plus intéressantes de cette franchise en prémisse de son intrigue : « et si une équipe tenait absolument à jouer sans tricher ? ». Les Bright Crusaders et leur parangon de vertu mortificatrice Gerhardt le Pénitent, répondent à cette interrogation, sans doute purement rhétorique avant ‘Pride and Penitence’ de façon aussi convaincante que distrayante, faisant de cette nouvelle une vraie réussite et un must read pour les aficionados de Blood Bowl.

.

The Skeleton Key – D. Annandale :

The Skeleton KeyINTRIGUE :

Quittons un instant l’astrogranit pour nous intéresser à une variante populaire du Blood Bowl, le Dungeon Bowl. Si les règles sont à peu près les mêmes, et la violence tout aussi répandue que dans le jeu de base, le Dungeon Bowl a la particularité de se jouer, le croirez-vous, dans un donjon. Deux équipes de six joueurs doivent explorer ce terrain peu banal à la recherche de la balle, cachée dans un des coffres répartis dans les salles du labyrinthe, puis l’apporter dans l’en-but adverse, qui doit également être découvert. Variante oblige, la victoire appartient à la première équipe à marquer un touchdown, c’est donc un système à mort subite qui est utilisé ici. Voilà pour les présentations.

Le match que nous allons suivre oppose les honorables Bright Crusaders aux vénérables Champions of Death, menés par l’authentiquement réac Ramtut the Third (à ne pas confondre avec son avorton de frangin, Ramthit the Turd). C’est bien simple, rien de ce qui est moderne – c’est-à-dire à moins de deux mille ans – ne trouve grâce aux yeux desséchés du Fat des Tombes, et c’est d’ailleurs à se demander ce qui l’a convaincu de participer à cet événement, où lui et ses squelettes occupent le rôle des monstres opposés aux héroïques et vertueux Crusaders. Il ne s’en doute pas, mais il n’est pas le seul à désirer la défaite de ces derniers : une bande de Gobelins fans de Da Deff Skwad, la dernière équipe battue par nos paloufs, est bien décidée à venger ses idoles et à se faire un paquet de blé au passage, en forçant les Bright Crusaders à tricher contre leur gré, ce qui serait du jamais vu dans l’histoire de la franchise (et offre donc une côte intéressante chez les bookmakers). Comme toujours avec les Gobelins, le plan est aussi retors que vicieux, et consiste donc à installer des faux coffres explosifs à proximité de la zone de départ des Crusaders… pour les ralentir j’imagine ? Ayant graissé la patte d’un arbitre Halfling corruptible, les conspirateurs ont accès au donjon quelques minutes avant le coup d’envoi début des hostilités, et se mettent à pied d’œuvre sans traîner.

La partie en elle-même se déroule de façon assez confuse, principalement à travers les bandelettes de Ramtut. Ce dernier perd tous ses squelettes dans les premières minutes du match, victimes de collisions frontales avec les Crusaders ou de pièges explosifs, mais parvient tout de même à se saisir de la balle… plusieurs fois de suite. Car la fâcheuse tendance de cette dernière de tomber dans la lave hache un peu le jeu, même si les organisateurs ont la bonne idée de remettre un ballon sur le terrain dès que le besoin s’en fait sentir. De leur côté, les humains perdent également des joueurs à un rythme soutenu, et parfois de façon complètement ridicule1, jusqu’à ce que le match vire à la catastrophe à la suite d’un trop grand afflux de Squelettes dans les téléporteurs (la règle stipule que les équipes commencent avec six joueurs, pas qu’elles ne peuvent pas en recevoir davantage en cours de jeu). Pris dans un geyser de magie brute, Ramtut et Sternright, le capitaine des Crusaders, sont aspirés dans un autre monde, et surtout, dans une autre époque. Une époque futuriste et puissamment grimdark, if you see what I mean. Tellement grimdark d’ailleurs qu’ils emportent avec eux un Hormagaunt sur le chemin du retour, qui leur subtilise la balle et remonte tout le donjon pour aller marquer un touchdown. Pour qui ? Mystère…

Le cataclysme magique ayant fragilisé la structure du stade, le terrain commence à disparaître dans la lave, ce qui pose problème à tout le monde… sauf à Ramtut, qui saute dans le magma la balle en main pour aller marquer l’essai de la victoire au nez et à la barbe des deux derniers Bright Crusaders. Car dans la dimension parallèle de Blood Bowl, les momies ne sont pas inflammables, qu’on se le dise. Cette issue défavorable n’atteint toutefois pas à l’honneur des Crusaders, toutes les manigances gobelines pour les pousser à la faute et à la triche ayant échoué les unes après les autres. Victoire sportive pour les uns, victoire morale pour les autres : tout le monde est content !

1 : Mention spéciale à Guy Gallant, qui se fait berner par un Gobelin sur échasse déguisée en demoiselle en détresse (véridique), et qui tombe dans le magma de manière très Looney Tunesque.

AVIS :

David Annandale voulait indubitablement bien faire en mettant en scène une partie de Dungeon Bowl mettant aux prises deux équipes bien connues des fans, mais la mise en scène pêche malheureusement trop pour que l’on puisse qualifier ‘The Skeleton Key’ (titre qui m’échappe je dois le reconnaître, car il n’y a aucun passe-partout dans la nouvelle, et le jeu de mots avec « squelette » me semble tiré par les cheveux) de réussite. Dès lors que les choses sérieuses commencent, l’avalanche de règles spéciales propres à ce format, et davantage complexifiées par les manigances des Gobelins mauvais perdants, viennent brouiller l’intrigue jusqu’à ce qu’on ne distingue plus que des joueurs courant de salle en salle, parfois avec la balle, parfois non, en évitant les flaques de lave (et parfois non), sans aucune logique ni stratégie. Annandale convoque également une belle galerie de personnages, sans que la plupart ne joue vraiment un rôle important dans l’histoire, seul Ramtut faisant office de véritable protagoniste. Tout cela ajoute encore à l’impression de foire d’empoigne échevelée et par moment incohérente qui se dégage de ce récit, ce qui n’est pas un compliment, même pour une nouvelle de Blood Bowl. On peut noter au passage que David Annandale réussit à caser du 40K même dans sa seule (à ma connaissance) contribution à la BL se déroulant dans l’univers de WFB, ce que l’on peut considérer comme un clin d’œil appuyé ou une dépendance incurable, selon la perspective. En tout état de cause, ‘The Skeleton Key’ ne joue pas dans la première division du corpus de Blood Bowl. Triste, mais pas vraiment surprenant, si ?

.

Scrape to Glory – G. Thorpe :

Scrape to VictoryINTRIGUE :

Joueur du dimanche de Blood Bowl au sein des parfaitement nommés Crookback Cretins, le Skaven Kikkit a toutefois attiré l’œil des recruteurs des célèbres Skavenblight Scramblers, qui l’ont convié à une session d’essai de présaison à la condition qu’il batte le record du nombre d’adversaires blessés alors qu’ils étaient au sol de la ligue SCABB. Avec 42 unités au compteur et un match à jouer contre les redoutables Morglum’s Marauders, Kikkit n’a qu’un coup bas à assener pour rat-ffler la mise et s’ouvrir les portes d’une carrière professionnelle, loin de sa vie misérable et industrieuse de Rats des Clans passant ses journées à limer des engrenages pour les ateliers du clan Skryre. Un nouveau départ lui permettrait également de laisser derrière lui les dettes accumulées auprès de maîtres des bêtes peu commodes du clan Moulder, qui lui réclament la coquette somme de 50.000 couronnes d’or pour passer l’éponge. Bref, la motivation est à bloc pour cette ultime rencontre, et pas seulement parce qu’une défaite condamnerait les Cretins de l’Alpe à être sacrifiés au Rat Cornu, comme le trio de Prophètes Gris qui sponsorisent l’équipe le soulignent clairement dans leur causerie d’avant match.

La chance sourit aux ratons cependant, car ce ne sont pas les terribles Marauders Orques qui se présentent dans le stade de Crookback Mountain, mais leurs adversaires malheureux des demi-finales, les nettement moins impressionnants Tinklebrook Trotters, qui se trouvent être des Halflings. Tout à fait confiant dans l’issue de ce match, Kikkit s’explique avant les hymnes pour aller parier toutes ses économies chez un bookmaker Gobelin de sa connaissance, qui lui fait une cote pas encore mise à jour et donc diablement lucrative. Après tout, quand on ne peut pas investir dans le Bitcoin, on fait du profit comme on peut. Ceci fait, notre héros à moustaches retourne dare-dare au stade pour prendre sa place sur le pré. Il alors la mauvaise surprise de constater que les Halflings se sont fait accompagner par deux Hommes Arbres, qui fermaient la colonne des visiteurs du fait de leur train de sénateurs, et qu’il n’a donc pas vu avant de partir placer son magot. Voilà qui rat-joute un peu de suspense.

Le match s’engage et s’avère assez disputé, les grandes baffes épineuses distribuées les frères Tronc (Georges et Mega) et la consommation de substances énergisantes des petits gloutons empêchant les Cretins de prendre le large, et à Kikkit de faire une dernière victime. Au terme du temps réglementaire, le score est de trois partout, ce qui mène logiquement aux traditionnelles prolongations en mort subite. Par un curieux hasard dont Nuffle est sans aucun doute responsable, Kikkit se retrouve dans une position délicate, où il doit choisir de faire un bloc qui permettra sans aucun doute à son équipe de marquer le touchdown de la victoire, ou d’aller maraver la goule d’un Halfling sonné à proximité de la zone d’en but des Trotters. N’écoutant que son intérêt propre, en bon Skaven qu’il est, notre héros choisit évidemment la seconde option, et pique son meilleur sprint à travers la défense adverse pour aller jeanclaudevandamiser la mâchoire de l’avorton vulnérable. Un choix doublement récompensé, car en plus de porter son total de victimes à 43, Kikkit marque également le point décisif de la partie, s’étant débrouillé pour emporter avec lui la balle crevée sur une des piques de son épaulière, après qu’il « par mégarde » tacler son lanceur pour éviter que le match ne s’arrête trop tôt. Et c’est sur cette victoire sur tous les tableaux que se termine notre histoire, qui finit scandaleusement bien pour une nouvelle de Skavens, si vous voulez mon avis.

AVIS :

Gav Thorpe se frotte aux Hommes Rats de Warhammer Fantasy Battle (pas une de ses factions de cœur pour cette franchise) et signe une petite nouvelle qui se place dans la moyennement très légèrement haute du genre. C’est raisonnablement drôle, le fluff Skavens (et Halflings !) est respecté, et on retrouve l’ambiance propre au Blood Bowl, sans que l’intrigue soit particulièrement fouillée, la mise en scène impeccable ou le background significativement enrichi. Le seul petit reproche que je pourrais faire à ‘Scrape to Victory’ est, comme dit ci-dessus, son absence de ratage final, tant il est vrai que les séides du Rat Cornu sont célèbres pour arracher la catastrophe des griffes du triomphe avec une constance remarquable. Outre ce manquement de ca-rat-ctérisation, je n’ai rien à dire de cette histoire, qui se laisse tout à fait lire.

.

Doc Morgrim’s Vow – J. Reynolds :

Doc Morgrim's VowINTRIGUE :

Les Middenplatz Manglers ont accumulé les victoires depuis la mort tragique mais finalement bénéfique de leur Blitzer vedette (‘Manglers Never Lose’), et sont maintenant à la recherche de nouvelles opportunités de briller. Malgré les protestations répétées de leur apothicaire, le solide Morgrim Ironbane, le coach Tyros Bundt a accepté l’invitation qui lui a été faite de prendre part au Tournoi des Cent Malheurs, organisé dans la forteresse de Karaz Ankor. Gagner un match contre les redoutables, mais isolés, Dragon’s Hold Drakeslayers, permettrait aux Manglers de mettre la main sur l’Angry Dragon Cup, un trophée légendaire au sein de la communauté des fans. Dans le dirigeable Makaisson & Sons qui les emmène en Norsca, les Manglers discutent le bout de gras, Bundt et Franco Fiducci (le Nécromancien qui fait tenir en un morceau les deux tiers de l’équipe) essayant de découvrir pourquoi le Doc Morgrim se montre si récalcitrant à revenir dans sa cité natale, en vain.

La réponse se fait jour lorsque les visiteurs sont accueillis par une escouade d’Arquebusiers, et placés sous bonne garde le temps qu’un notable vienne leur rendre visite. Ce notable, c’est le Thane Thunor Thunorsson, figure importante de Karaz Ankor, coach des Drakeslayers, et accessoirement, père de Hrulda Thunorsdottir, capitaine de l’équipe, Tueuse de Trolls et… fiancée de Morgrim. On apprend ainsi que ce dernier s’est éclipsé sournoisement alors qu’il avait déjà échangé ses vœux avec Hrulda, préférant le deshonneur et l’errance au conservatisme rigide du Dragon’s Hold. En plus, c’était le seul moyen pour lui de jouer au Blood Bowl, sa passion, dans des conditions normales, l’équipe et le stade locaux étant très particuliers, comme nous allons le voir. Bien entendu, ce camouflet n’a pas été bien perçu par sa promise et sa lignée, et c’est donc assez naturellement que Morgrim se prend un bourre pif bien mérité de la part de Hrulda pour arriérés de paiement. Bien que Thunor souhaite enfin marier les deux tourtereaux, de force s’il le faut, pour restaurer son honneur, Morgrim parvient à négocier une échappatoire : si les Manglers gagnent le match, il sera libre de partir. Si les Drakeslayers restent invaincus, il épousera Hrulda. Les choses étant clarifiées et les parties en présence d’accord sur les termes, il est temps de passer aux choses sérieuses.

Le match se déroule selon les règles du Dungeon Bowl, un peu adaptées par les locaux. Foin de coffres explosifs ici, mais des monstres errants et des pièges mortels en tout genre, et un terrain en trois dimensions puisque placé à flanc de montagne. Morgrim apprend d’ailleurs à ses acolytes que la tactique préférée des Drakeslayers est de partir en PvE (tous leurs joueurs sont des Tueurs), et d’attendre que leurs adversaires se fassent tuer, plutôt que de chercher à jouer la balle. Une vraie approche naine, qui fait chaud au cœur. Fort heureusement, la forte teneur en morts vivants des Manglers leur donne une résistance accrue qui s’avère précieuse, et Marius Hertz, leur Blitzer vedette, est en grande forme. C’est d’ailleurs lui qui marque le touchdown de la victoire, après avoir arraché la balle de l’œsophage d’un Drake qui passait dans le coin, et s’était mis à harceler la pauvre Hrulda (galamment secourue par Morgrim, contre toutes les règles du Dungeon Bowl, ceci dit). Tout est bien qui finit bien donc, le Doc réalisant même que son ancienne fiancée ne lui en veut pas tant que ça, en fait. Ca aurait été des Elfes, on aurait eu le droit à un baiser langoureux en tomber de rideau, mais les Nains sont heureusement plus dignes, et Hrulda se contente de péter le pif de son sauveur pour intervention illicite, en tout bien tout honneur évidemment. Il y a des signes qui ne trompent pas…

AVIS :

Josh Reynolds poursuit sa saga Manglers avec la suite logique de ‘Manglers Never Lose’, qu’il n’est même pas nécessaire d’avoir lu pour comprendre de quoi il en retourne ici, l’auteur prenant la peine de bien contextualiser cette nouvelle, en vrai gentleman. L’accent a été ici mis sur l’intrigue plus que sur l’ambiance, ce qui fait de ‘Doc Morgrim’s Vow’ un bon contrepoint à l’épisode précédent : l’un est plus drôle, l’autre plus étoffé, mais les deux sont d’un très bon niveau, et Reynolds distille assez de punchlines (mention spéciale au dialogue portant sur la neige biologique et artisanale de Karaz Ankor) pour que le lecteur ne se sente pas dans une classique histoire de WFB… même si les ajouts fluffiques de cet incorrigible Josh Reynolds donnent vraiment envie de prendre cette historiette au sérieux. Encore un essai transformé pour l’auteur, qui honore ici sa réputation bien méritée de star writer de la BL.

.

A Last Sniff of Glory – D. Guymer :

A Last Sniff at GloryINTRIGUE :

Red Claw” Rurrk est une légende du Blood Bowl Skaven. Blitzer vedette des célèbres Skavenblight Scramblers, il a été de tous les succès notables de l’équipe, comme ce match de légende contre le Princedom of Pain, à Erengrad. La première défaite en trois siècles pour le Prince Amaranth l’Inviolé, un qualificatif pas vraiment mérité au vu du score final… Enfin, ça, c’était il y a sept ans, bien longtemps pour un Skaven. Rurrk se fait bien vieux aujourd’hui, et n’a plus la forme d’antan, comme son match catastrophique contre les Mootland Raiders en début de saison l’a démontré. Lent, ankylosé, courbaturé et à moitié aveugle, il ne lui reste plus guère que son vice naturel, son expérience prodigieuse et sa consommation effrénée de malepierre pour faire illusion. L’heure de la retraite, ou l’équivalent pour les Skavens, a sonné depuis longtemps pour le vénérable champion, mais ce dernier s’est fixé un dernier objectif avant de raccrocher (ou plutôt, d’enterrer) son iconique griffe rouge : participer à l’Eight Point Star Cup à Drakenhof, afin de pouvoir affronter une nouvelle fois Amaranth.

Il lui faut pour cela convaincre le nouveau coach des Scramblers, le Prophète Gris Razzel, de lui laisser une place sur la feuille de match, ce qui est loin d’être évident. Rurrk est cependant prêt à tous les sacrifices (y compris ceux des membres de son équipe) pour revenir dans les bonnes grâces du sélectionneur, et parvient à ses fins après avoir massacré deux coéquipiers au cours d’un match d’entraînement, et menacé de faire subir le même sort au Rat Ogre de l’équipe. Il n’y a guère que le Coureur d’Egout Silkpaw qui se trouve à l’abri de la rivalité « amicale » du vétéran, leurs styles de jeu étant diamétralement opposés, ce qui préserve le jeunot des tacles appuyés de Rurrk. Soucieux d’éviter une hécatombe pré-tournoi, Razzel finit donc par accepter la requête du Blitzer, ce qui promet des retrouvailles touchantes avec le Princedom of Pain…

Début spoiler…Et en effet, les fans en délire assistent à un match dans le match entre les deux rivaux, qui se tabassent avec entrain au milieu du terrain pendant que leurs équipes respectives tentent tant bien que mal de jouer la balle. Si Rurrk s’est dopé jusqu’au moustaches pour pouvoir tenir son rang, il ne fait cependant pas le poids face à Amaranth, dont la puissance a augmenté (merci la possession démoniaque) au cours des insignifiantes sept années qui se sont écoulées depuis leur première rencontre. Le duel de mandales finit donc par tourner en faveur du Prince possédé, qui empale son adversaire sur le bout de sa pince, bien aidé en cela par la discrète poussette que ce fourbe de Silkpaw inflige à son équipier au pire moment. Pour la défense du Coureur d’Egout, les deux capitaines monopolisaient la balle sans rien en faire, et son intervention décisive permet aux Scramblers de marquer un précieux touchdown. C’est avec le hurlement des fans en délire dans les oreilles, scandant son nom comme à la belle époque, que le vieux champion tire donc sa révérence, après avoir grignoté une dernière croûte de gloire comme il le souhaitait. J’en verserais presque une larme tiens.Fin spoiler

AVIS :

David Guymer prend le lecteur à contre pied comme un receveur feinte un trois-quart avec ‘A Last Sniff of Glory’, qui joue la carte de la nostalgie plutôt que de l’humour sadique et nihiliste, qu’on était doublement en droit d’attendre de la part d’une nouvelle de Skavens jouant au Blood Bowl. On ne lui en tiendra toutefois pas rigueur, car en plus d’être originale, cette histoire est bigrement réussie. Ce n’était pas un mince défi de rendre la figure de Rurrk sympathique, voire même pathétique, tant l’anti héros de cette soumission exemplifie tous les traits les plus vils et veules de son ignoble race, mais Guymer y parvient de manière probante. On termine ‘A Last Sniff of Glory’ dans le même état émotionnel que ‘The Wrestler’, Mickey Rourke ayant seulement été remplacé par une Vermine de Choc en armure lourde, et le ring de catch par un terrain de Blood Bowl. Cette nouvelle mérite la lecture par sa singularité autant que par sa qualité d’exécution (même le niveau d’anglais est plus recherché qu’à l’accoutumée, pour autant que je puisse en juger), ce qui font deux bonnes raisons d’assister au jubilé du Petit Tâcheron Rouge…

.

Foul Play – A. Hall :

Foul PlayINTRIGUE :

Rangé des voitures et des crampons après une sale blessure alors qu’il jouait trois quart pour les Marauders, Gulden von Sulkenhof, alias Sulk, s’est reconverti dans le crime organisé. Il sert désormais les frères Kobassi, gangsters Ogres bien établis dans le milieu d’Altdorf, et a été chargé par ces derniers de cambrioler le domicile de Gerald Frost-Thumbs, le présentateur météo vedette de CabalVision, à la recherche d’éléments compromettants pour le faire chanter. Quelle n’est pas sa surprise de voir ses employeurs débarquer sur les lieux de son forfait alors qu’il farfouille dans les caleçons du Louis Bodin du Vieux Monde, ce qui ne peut que signifier qu’ils ont compris qu’il était une balance et s’apprêtent à le châtier à leur manière, pas vrai ? Eh bien… non. Les Kobassi se sont déplacés pour faire à Sulk une proposition qu’il ne peut vraiment pas refuser, comme le dit l’expression consacrée. Les truands ont parié gros sur la prochaine victoire des Gouged Eyes sur les Dwarf Giants, malgré le statut de favoris de ces derniers. Ils comptent donc sur leur agent pour s’assurer de ce résultat, en sa qualité d’arbitre du match, reconversion tout à fait logique pour un ancien joueur il faut bien le reconnaître.

Le hic, c’est que l’autre patron de Sulk, le Lord Chamberlain d’Altdorf, souhaite au contraire que les Giants gagnent afin de fragiliser la position des Kobassi. Et comme notre héros a été recruté par le réseau d’espion du notable, ses Yeux, il n’est pas vraiment en position de refuser. Le Lord Chamberlain sait en effet qu’il a recueilli la chèvre mascotte (Janet) de son ancienne équipe, la pauvre bête étant sur le point d’être abattue après que des fans particulièrement obtus aient prétendu qu’il s’agissait d’un Gor marchant à quatre pattes. Un moyen de chantage comme un autre, Sulk étant un défenseur de la cause animale devant l’éternel. On devine donc le dilemme devant lequel l’ex-joueur, futur arbitre et agent double se trouve : quel que soit le résultat du match, l’un de ses employeurs sera très mécontent de lui, avec des résultats potentiellement mortels…

Ces considérations morbides ne reculent cependant pas le jour de la rencontre, qui finit par avoir lieu dans un Oldbowl rempli à bloc. Surveillé de près par les frères Kobassi en tribunes, et par un autre agent de Chamberlain, Hinter (qui s’est fait nommer arbitre assistant), sur le terrain, Sulk essaie de ménager la chèvre et le chou pour sauver la première sans se prendre le second. Enfin je me comprends. Craignant davantage la vengeance brutale et immédiate des Ogres, l’arbitre torturé commence par sanctionner sévèrement les Nains, notamment en refusant toute intrusion de matériel de guerre (dont les roulemorts) sur le terrain, mais se fait contrecarrer par Hinter, qui use des règles les plus triviales du Blood Bowl pour équilibrer les débats. À la mi-temps, les Giants mène 1-0, et Hinter vient menacer Sulk de remettre les preuves de sa duplicité, qu’il conserve dans le livret qu’il garde dans la poche, aux Kobassi s’il continue à faire sa tête de mule. Cette intimidation donne toutefois une idée à l’homme au sifflet, qui finit par autoriser les Nains à faire entrer leur roulemort à quelques minutes de la fin du match, et pousse négligemment son adjoint sous le rouleau de la machine lors de la remise en jeu, faisant disparaître le gêneur et les éléments à charge contre lui, avant de redonner la possession aux Gouged Eyes pour aggression caractérisée du corps arbitral par les Giants. CQFD. Ce retournement de situation permet aux peaux vertes de marquer le touchdown de la victoire au bout du suspense, ce qui fait les affaires des Kobassi. Bien sûr, le Lord Chamberlain n’est pas content, mais Sulk parvient à le convaincre de l’intérêt de pouvoir compter sur ses services maintenant qu’il est plus populaire que jamais auprès des gangsters pour l’empêcher de méchouiller la pauvre Janet. Au final, il s’avère même que les Kobassi étaient également au courant que Sulk travaillait dans leur dos, ce qu’ils ont toléré car cela leur permet de donner de fausses informations à leur rival. Notre héros en est quitte pour se fendre un beau statut « Situation professionnelle : it’s complicated » sur sa page FaceTome, avant d’aller secourir Rolf le terrier, mascotte des Dwarf Giants menacée de mort par les fans de Gouged Eyes. No rest for the wicked !

AVIS :

La Black Library a son lot de nouvelles et de romans mettant en scène des intrigues damned if I do and damned if I don’t1 et Andy Hall adapte ce classique à l’univers de Blood Bowl avec ‘Foul Play’. Tout l’enjeu de ce type de soumission, si on demande mon avis, est d’arriver à trouver une issue élégante à un dilemme a priori insoluble, et Hall ne casse pas la baraque ici. Sa soumission reste malgré tout convenable, et permet d’approcher des « fameux » frères Kobassi, qui ont eu l’honneur de figurer dans la campagne du jeu vidéo Blood Bowl II (et peut-être aussi le premier, I don’t know). C’est à peu près tout ce que je retiens de notable de cette nouvelle, qui n’est guère plus qu’un honnête filler, comme les équipes de Blood Bowl ont leurs ternes trois quarts. Tout le monde ne peut pas être une star.

1 : ‘The Assassin’s Dilemma’ (David Earle), mais aussi ‘Tainted Blood’, le 3ème tome de la série ‘Black Hearts’ (Nathan Long), par exemple.

.

Hoppo’s Pies – G. Haley :

Hoppo's PiesINTRIGUE :

Coach des positivement médiocres Grotty Stealers depuis que sa carrière de receveur s’est trouvée engloutie en même temps que son bras gauche par un Squig-ball affamé, Diglit doit gérer de multiples problèmes. Et, croyez-le ou non, la nullité crasse de ses joueurs, un ramassis de Gobelins amateurs complété par un Orque rigolard mais bas du front et un lanceur Troll ayant la sale manie de boulotter les Snotlings qui lui sont confiés, n’est que le cadet de ses soucis. Car son sponsor a perdu patience devant la série de défaites des Stealers et décidé de vendre leur stade à un promoteur immobilier (Nain, qui plus es), et que notre héros doit de l’argent à Boris le Pervers (un…Elfe noir), qui insiste lors d’un tête à tête rugueux pour être remboursé à l’issue du match de demain. Joué contre une équipe de Minotaures. Bref, la situation est très compliquée pour Diglit, qui erre dans les rues à trois heures du matin après avoir été jeté de la carriole de son créditeur par ses malabars Orques. Un mardi classique pour un Gobelin.

Son errance l’amène jusqu’à une ruelle d’où se dégage une irrésistible odeur de tourte, et comme rien ne vaut un petit gueuleton nocturne pour se remonter le moral, et qu’en plus il a presque de quoi payer, le coach éprouvé décide de faire un crochet sur le chemin du stade pour casser la croûte. Il est acceuilli par une roulotte colorée, un poney obèse et un Halfling jovial, qui se présente comme Hoppo Longfoot, tourtier itinérant et fournisseur régulier de snacks de premier choix aux fans de Blood Bowl. En préparation de la rencontre de la journée, il termine une fournée un peu spéciale, dont il accepte de céder une tourte à Diglit devant l’air déconfit et tuméfié du peau verte. Les Halfling ont bon cœur, c’est connu. Sans révéler l’ingrédient secret de sa préparation, qu’il prend tout de même soin de sortir du four avec des gantelets de plomb, il sert son client nocturne qui n’en croit pas ses papilles. La pâtisserie produit sur lui un effet prodigieux, et assez similaire à un rail de coke aromatisé à la morphine quand on y réfléchit. Ce boost soudain donne une idée à Diglit pour remporter le prochain match, et il kidnappe donc caravane, poney et Halfling, direction le stade.

La suite ne fait pas un pli, comme vous vous en doutez, sagaces lecteurs : les Grotty Stealers se gavent de tourtes et entrent sur le terrain pumpés comme jamais, ce qui leur permet de faire tourner en bourrique leurs imposants adversaires et de prendre le large au tableau d’affichage. Cependant, rien n’est gratuit dans le cruel monde de Warhammer, et la consommation irraisonnée de malepierre (car c’était évidemment ça l’ingrédient secret des tourtes de Hoppo, qui compte des Skavens parmi sa clientèle) de l’équipe locale finit par avoir des conséquences aussi visibles qu’handicapantes. Flairant une tricherie, les fans des Bovine Brawlers envahissent le terrain, et le match par à vau l’eau au grand désespoir de Diglit. Sa seule consolation consiste en la repousse miraculeuse de son bras (certes rose pétant désormais), ce qui entre autres mutations, lui permettra de reprendre une licence de joueur et peut-être d’intégrer une équipe du Chaos lors de la prochaine saison. S’il arrive à convaincre ce vieux Boris d’étaler une nouvelle fois ses traites, s’entend…

AVIS :

Guy Haley adapte le concept de la potion magique à l’univers tout aussi humoristique mais bien moins bon enfant de Blood Bowl avec ce ‘Hoppo’s Pies’. On l’a connu plus efficace et inspiré dans la réalisation (on pourrait enlever la première moitié de la nouvelle sans problème, ça fait un peu remplissage pour atteindre la vingtaine de pages), mais comme d’habitude avec cet auteur vétéran de la BL, une qualité minimale est assurée, ce qui fait de cette histoire une lecture pas essentielle mais tout à fait correcte.

.

The Freelancer – R. Rath :

INTRIGUE :

Arbitre de Blood Bowl disgracié après que sa corruption ait été mise à jour, et reconverti dans les tâches les moins glamour de l’industrie de ce noble sport, Mort d’Arthur a été chargé par le patron des Nuln Gunners de veiller à l’intégrité physique et physiologique du joueur star de l’équipe, le turbulent Kaspar Hoozier. Ce dernier dispose par contrat d’une nuit de bamboche hors du stade avant chaque match, et l’avisé Cherbourg (le propriétaire de la franchise) se doute bien que laissé sans surveillance, le lanceur vedette sombrera dans ses vieilles addictions, ce qui le disqualifiera d’office lors du test médical de pré-rencontre. Pour parer à ce fâcheux désagrément, qui risquerait de faire perdre aux Gunners leur demi-finale sur tapis vert et poudre blanche, mais mènerait également à l’exclusion à vie de Hoozier de la ligue (ce qui n’est pas top pour vendre des maillots à son effigie), Mort a été engagé pour baby sitter le colosse jusqu’au début du match, une mission qui frôle dangereusement l’impossible à cause du manque de coopération de sa charge.

Ainsi, alors qu’il croit avoir gagné quelques précieuses minutes en envoyant une serveuse du bar où le duo s’est réfugié monter quelques bières à Hoozier dans le salon VIP, Mort est accosté par sa Némésis murine, Skellig Queem. Reporter à Spike !, le Skaven a révélé au grand jour les petites combines de Mort lorsque ce dernier était encore appelé l’Incorruptible, ce qui a précipité sa déchéance. Queem cherche à présent un scoop impliquant Hoozier et une quantité non négligeable de bonnet de fou, ce que Mort cherche bien entendu à éviter… mais qu’il a provoqué par inadvertance en envoyant une barmaid dealeuse servir son protégé. Résultat des courses : Hoozier est désormais convaincu qu’il est un Prêtre Mage Slaan, et lorsque son garde du corps cherche à faire quitter les lieux à Queem avant qu’il ait eu le temps de prendre une photo compromettante, le colosse passe en mode berzerk devant l’outrage causé par l’intrusion d’un Skaven dans son temple. Un coup de sifflet enchanté et un assomage à coup de plastron d’acier plus tard, Mort a réussi à reprendre le dessus, en bon professionnel qu’il est. Il arrive même à convaincre le rat-porter de ne pas faire son papier en l’échange de la révélation d’une combine utilisée par le staff de joueurs dissipés pour nettoyer leur système avant le début d’un match important. Intrigué par cette offre, qui se double d’une interview de Cherbourg en personne, Skellig Queem accepte et le trio part dans les bas fonds de Nuln avant que la garde de nuit ne rapplique.

C’est chez le Docteur Piotr Klenblüd, alias Cleanblood (mais il deteste le sobriquet) que Mort amène ses acolytes. Piotr est un vampire, assez disgracieux et chétif certes, mais un vampire tout de même, et est donc en mesure de réaliser une dialyse expresse de Hoozier pendant que ce dernier est toujours dans les vapes. L’importante concentration de bonnet de fou dans l’hémoglobine du joueur a toutefois raison de la résistance naturelle et de la flegme professionnelle du bon docteur, qui sombre dans une frénésie sanguinaire digne de Konrad von Carstein. Il faudra l’intervention décisive de Queem, qui ne sort jamais sans une dague de secours, pour calmer la soif de sang hallucinée du praticien vampirique. Ceci dit, l’opération a été un succès, et Hoozier peut prendre le chemin du stade dans une forme étincelante pour sa visite médicale d’avant match, échappant juste à une embuscade tendue par les fans adverses en route. Ce qui commence à faire beaucoup de coïncidences malheureuses, tout de même…

Début spoiler…Et en effet, lorsque Mort va récupérer sa paie auprès de Cherbourg, il expose à ce dernier ses suspicions (renforcées par la présence de la barmaid de la veille parmi les pom pom girls des Nuln Gunners) : quelqu’un voulait véritablement empêcher Hoozier de disputer ce match, par tous les moyens possibles. Quelqu’un qui toucherait l’assurance placée sur ce joueur capital, par exemple, ce qui lui permettrait de se refaire une santé financière, et tant pis si un freelancer comme Mort se trouvait impliqué dans la magouille, pas vrai ? Se croyant à l’abri des regards et des oreilles indiscrets, Cherbourg confesse sans tarder son forfait, avant de dégainer un pistolet pour faire taire le fouineur. Mal lui en a pris car Mort, en bon professionnel, était entré dans le bureau du manager avec micro et camra discrète pour donner à Queem l’interview de Cherbourg qu’il avait promise, et qui a été retransmise en direct sur les écrans du stade. Pour skoop, c’est un skoop.Fin spoiler

AVIS :

Robert Rath vient braconner sur les terres rigolardes de Josh Reynolds avec ce ‘The Freelancer’, dont l’intrigue n’est pas si différente du ‘Dead Man’s Party’ de son confrère. Et il a très bien fait, aussi bien dans l’idée que dans la réalisation, ce qui est tout au bénéfice du lecteur. On a donc le droit à des scènes d’une absurdité rafraichissante (comme l’intreview que donne Hoozier, persuadé être un Slaan qui doit se faire passer pour lui-même, à Skellig Queem), de l’action nerveuse, des références en pagaille (et on voit la spécialisation de Rath – c’est un historien – ressortir dans le nom de son héros), et même, touchdown sur l’astrogranit, une petite enquête policière pour conclure cette nouvelle menée tambour battant. Il n’y a rien à jeter dans cette première, et pour le moment seule, contribution de Rath au corpus bloodballique, et j’espère que cet héritier putatif et stylistique du regretté Reynolds aura d’autres occasions de prouver ce qu’il sait faire dans un futur pas trop lointain1.

1 : Points de bonification accordés s’il trouve le moyen d’inviter Trazyn à la fête. Après tout, ce serait techniquement possible.

.

Dismember the Titans – G. Lyon :

INTRIGUE :

La saison prometteuse des Talabheim Titans se retrouve perturbée par des événements extra-sportifs impactant fortement la vie de l’équipe : une série de meurtres passablement gore (éventrement et amputations, ça commence à sentir l’acharnement) décime les joueurs de la franchise, sans que les autorités locales ne s’en émeuvent1. Par chance pour les Titans, leur duo de choc, la blitzeu…se (?) Juliana Tainer et le receveur Johann Walsh, prennent sur eux de mener l’enquête, épaulé dans cette lourde tâche par le nouvel apothicaire de l’équipe, l’excentrique, vaguement inquiétant et passablement obsédé par la nécromancie Dr Werner von Blaustein (un brave type). Ce dernier, après avoir examiné la dépouille mortelle de la plus récente victime du DéventramembreurTM, aiguille nos héros sur la piste d’un spécialiste de l’anatomie (comme lui), maniant des instruments très tranchants (comme les siens). Percevant la sagesse du raisonnement du bon docteur, J&J épluchent le courrier des fans à la recherche de récriminations particulièrement véhémentes, qui pourraient indiquer l’identité du tueur. Et, coup de bol, ils trouvent effectivement un suspect intéressant en la personne d’un barbier atrabilaire et très remonté, pour des motifs nébuleux, contre les Titans.

Ayant décidé de la jouer discrètement, les détectives en herbe astrogranite passent la nuit en planque devant l’échoppe de leur détracteur, mais s’endorment comme des masses avant de n’avoir décelé quoi que ce soit de compromettant, non sans avoir mis au point un système de commandes par tapotage de casque interposé, ce qui est toujours utile dans ce type de profession. Le coach ne leur ayant pas laissé toute la journée, Juliana et Johann décident à leur réveil de précipiter les choses en rendant une visite de courtoisie à l’aimable praticien, pour découvrir que lui aussi s’est fait décarcasser par l’insaisissable assassin. Comble de déveine, ce dernier a laissé derrière lui un trio de Zombies patchwork, composé de membres cousus ensemble, ce qui permet à nos héros de comprendre pourquoi les victimes précédentes ont été retrouvées fortement diminuées (c’est du kit bashing organique, au final). Une course déterminée, une passe longue réussie, et une lanterne pleine d’huile fracassée plus tard, J&J sortent de la boutique en feu de feu leur principal suspect, et retournent au bercail pour débriefer le reste de l’équipe.

Sur place, ils ont le déplaisir d’être accueillis par la nouvelle d’un autre décès dans l’équipe, signe que leur persécuteur n’a pas chômé ces derniers temps. Invités par von Blaustein à une réunion de travail dans son bureau, ils finissent par comprendre, suite à une remarque compromettante glissée par leur médecin traitant au cours de la discussion, que ce dernier est derrière cette sanglante série. Ayant eu la mauvaise idée d’accepter le thé préparé par l’apothicaire, ils sombrent cependant dans une inconscience malvenue avant d’avoir pu agir. Nos héros reviennent à eux dans la cave de la maison familiale de von Blaustein, qui a la bonté d’expliquer ses motivations avant de commencer ses sinistres opérations : fan éperdu des Titans, le jeune vB ne voulait rien tant que de rejoindre l’équipe, ce que ses faibles capacités physiques l’ont empêché de faire. Humilié par cette mésaventure, il jura de provoquer la perte de la franchise, puis de remplacer cette dernière par une équipe de cadavres réanimés, composés à partir des meilleurs morceaux des Titans. Quelques années plus tard, après avoir été diplômé en nécromancie à l’université de Sylvanie, il revint dans sa ville natale pour mettre à exécution son plan machiavélique. Le plaisir coupable du monologue satisfait de grand méchant coûtera cependant cher – comme d’habitude – à Scalpelator, puisque Johann trouvera le moyen de se délivrer de l’étreinte ferme mais faillible du Zombie le maintenant au sol avant que sa laparotomie ne débute. Une fois de retour sur leurs appuis, la puissance et l’expérience supérieurs des titulaires viendra sans problème à bout des malhabiles gesticulations de leurs remplaçants, l’action se terminant de façon péremptoire par une inflammation généralisée de l’équipe zombie, coach compris. L’illustration même de l’importance de maîtriser les fondamentaux dans les sports collectifs.

À Blood Bowl comme dans la vraie vie, la lutte des classes entre sportifs professionnels grassement payés et classes laborieuses exploitées empoisonne les relations entre les uns et les autres.

AVIS :

Il m’est venu à l’esprit en écrivant cette chronique que la plupart, si ce n’est tous, des prochaines nouvelles publiées par la BL et se déroulant dans l’univers de Fantasy Battle auraient pour cadre un match de Blood Bowl, pour la simple et bonne raison qu’il s’agit de la dernière franchise vivante prenant place dans le Monde que Fut. Raison de plus pour espérer que la qualité soit au rendez-vous, ce qui est plutôt le cas de ‘Dismember the Titans’. En 17 pages, ce qui est court, Lyon trousse en effet une petite enquête policière dans le monde impitoyable du sport professionnel de WFB, répondant à toutes les exigences du cahier des charges de ce type de publication, (micro) twist final inclus. Certes, la nécessité de garder le propos dans les limites fixées n’a pas permis à notre homme de perdre le lecteur dans un dédale de fausses pistes, et l’identité du meurtrier n’est donc pas longtemps sujette à discussion, mais on ne peut enlever à Lyon qu’il a fait le job de manière tout à fait satisfaisante, et est même allé au delà de l’acceptable, en prenant le temps d’intégrer un set-up utile au dénouement de l’intrigue au détour d’un paragraphe. Ça n’a l’air de rien comme ça, mais nombre d’auteurs de la BL auraient donné dans le TGCM/WIJH pour justifier le revirement de situation final, et il convient donc de distribuer un bon point à Lyon pour son application sur ce sujet1.

Lors de ma première chronique de cette nouvelle, à l’occasion de sa publication dans ‘Inferno!’ #3, j’avais poursuivi en regrettant l’humour un peu too much de ‘Dismember the Titans’. Mais je n’avais pas bien compris à l’époque que Blood Bowl était un univers parallèle et déconnecté de Warhammer Fantasy Battle, et que ce côté déluré et outrancier faisait partie de son ADN. Je retire donc cette critique, M. Lyon.

.

***

Et voilà qui termine cette revue de ‘Death on the Pitch : Extra Time’. À quelques jours près, j’aurais pu faire un parallèle facile avec les résultats du Super Bowl LV, mais je n’ai pas été assez prompt à la finition pour cela (comme les Kansas City Chiefs, d’ailleurs). Quoi qu’il en soit, ce recueil reste une réussite notable de la part de la Black Library, qui a produit suffisamment d’ouvrages collectifs moyens (plus ou mois) pour que l’on prenne le temps de souligner les tomes qui sortent du lot. On retrouve bien dans ces quatorze histoires toute l’atmosphère rigolarde, vicieuse et irrévérencieuse-envers-le-fluff-de-Warhammer-Fantasy-Battle-tout-en-respectant-ce-dernier propre au Blood Bowl, sans se retrouver, comme cela a été le cas pour d’autres anthologies de niche, confrontés à la même variation sur un thème commun, ce qui a tendance à décourager même les meilleures volontés. Ici, les auteurs se complémentent plutôt qu’ils ne rivalisent : Josh Reynolds et Robert Rath jouent la carte du comique et du second degré, tandis que Graeme Lyon préfère étoffer ses intrigues, David Guymer verser dans la nostalgie, Matt Forbeck conclure sa saga en faisant intervenir des célébrités, et Andy Hall utiliser le Blood Bowl comme prétexte pour raconter une toute autre histoire (entre autres exemples).

Cette variété contentera tant le nouvel arrivant (comme l’auteur de ces lignes) que l’aficionado acharné, et donnera je gage l’envie à plus d’un lecteur de se mettre au jeu (de figurines et/ou vidéo). Il est heureux que ce recueil, qui restera sans doute pendant un certain temps le seul proposé par la BL sur ce créneau, se soit avéré aussi qualitatif, car on aurait pu penser que cette franchise mineure de Games Workshop serait traitée de façon cavalière par la division littéraire de l’entreprise. Que celui ou celle qui n’a jamais lu une nouvelle ou un roman médiocre pour Warhammer 40,000, Age of Sigmar ou l’Hérésie d’Horus me jette la première pierre. Le tout puissant Nuffle devait cependant veiller sur la genèse de cet ouvrage, qui pourrait même convaincre certains nostalgiques du « véritable » Vieux Monde de lui donner une chance, en attendant que GW nous révèle enfin ses plans pour la franchise qui fut. C’est donc un touchdown propre, net et sans besoin de référer à la VAR que nous avons ici, et cela fait plaisir, tout simplement.

INFERNABULUM! #4

Bonjour à tous et bienvenue dans ce quatrième numéro d’Infernabulum!, l’entreprise intermittente de remise à l’honneur de textes rares publiés dans la première mouture d’Inferno! par la Black Library que votre serviteur vous propose. Bien des mois se sont écoulés depuis le dernier billet de ce type, mais en ce début d’année 2021, nous pouvons commencer cet Infernabulum! avec la bonne nouvelle qui faisait défaut à son prédécesseur : il y aura bien un prochain numéro d’Inferno!, qui devrait sortir vers la fin Avril, si Amazon peut être cru. En l’honneur de ce futur #6, je déclare donc un jour férié et ouvre grand mon grenier à vieilleries pour régaler le chaland de critiques pas piquées des vers1.

Ce numéro a ceci de spécial qu’il clôture la revue des textes véritablement introuvables d’Inferno!, c’est à dire ceux n’ayant jamais (à mon sens) fait l’objet d’une republication dans une autre anthologie. Les prochains Infernabulum!  seront donc consacrés à des nouvelles un peu plus accessibles, même si le grand âge de ces dernières et l’absence de traduction en français dans la plupart des cas rend leur lecture méritoire pour le fan français. Au programme, cinq histoires tirées des Inferno!  #43 et #45, en fin de vie de la première mouture de cette publication, à l’époque bimensuelle, puisqu’elle s’est interrompue après le numéro 46. Nous y retrouvons des noms connus tels que James Swallow, des plumes déjà croisées dans de précédents Infernabulum! comme James Peaty et Brian Maycock, et des nouveaux venus à l’instar de Lucian Soulban et Lee Lightner. Une bien belle manière de terminer ce premier cycle, n’est-il pas? NE REPONDEZ PAS TOUT DE SUITE.

1 : La maison décline par contre toute responsabilité quant à la qualité des nouvelles ayant servi de base à cette entreprise. Je suis un transformateur, pas un réparateur.

Infernabulum!_#4

.

Relics (Inferno! #43) – J. Swallow [40K] :

40K_RelicsINTRIGUE :

En mission d’entraînement sur le monde mort de Setrek, le Sergent Vétéran Tarikus et ses hommes sont confrontés à des phénomènes inquiétants autant qu’inédits, la planète bac à sable (de basalte) des Doom Eagles étant sensée être dépourvue de toute forme de vie depuis des millénaires. Témoin de la disparition brutale du Novice Doramaca1 au cours d’une patrouille de routine, son camarade de promotion Colius donne l’alerte, et opte pour attendre prudemment l’arrivée des renforts depuis un escarpement rocheux plutôt que de s’hasarder dans les sables qui ont aspiré le malheureux aspirant. Les doutes nourris par l’inflexible Tarikus quant à la possibilité que quelque chose puisse en avoir après les meilleurs de l’Empereur sont rapidement dissipés lorsque, arrivé sur place, il se rend compte en visitant le Rok Ork (à portière papillon, comme quoi les peaux vertes ne sont pas aussi nuls que l’on le dit souvent en termes de design) englouti par les sables qui a servi de refuge à son couard de Novice que quelque chose ne tourne effectivement par rond, les cadavres desséchés des occupants de l’astéroïde ayant tous été soigneusement dépouillés de leurs composants métalliques. L’arrivée honteuse du reste des Doom Doom Boys, menés par le flegmatique2 Vétéran Korica, délesté d’un bras après que la caverne utilisée comme base arrière par les Astartes se soit révélée être remplie de vermine ferrophage, apporte la confirmation que les Space Marines partagent la planète avec des voisins pas très compréhensifs. L’heure est grave et il faut agir sans tarder.

Plutôt que de tenter de contacter leur vaisseau pour regagner la sécurité de l’orbite, Tarikus entraîne les survivants dans une exploration des souterrains sur lesquels donne le Rok, ce qui permet aux Doom Eagles d’en apprendre plus sur l’histoire mouvementée de leur terrain d’entraînement favori. Le visionnage d’une vidéo datant de quelques milliers d’années (on utilisait du matos performant à l’époque) permet d’établir sans équivoque possible que Setrek a été victime du réveil de sa colonie de Necrons, incident géré de main de maître par les habitants de la planète, qui ont préféré s’auto-nuker la gueule plutôt que de laisser les goules de métal avoir le dernier mot. That’s the spirit, guys. Harcelés par un nombre croissant de scarabées et de Mecharachnides Canopteks, rejoints rapidement par un Seigneur Necron au corps upcyclé, les Doom Eagles réalisent que la situation est sur le point de leur échapper et décident donc de finir ce que leurs lointains prédécesseurs avaient commencé, en faisant détonner les ogives nucléaires enfouies à proximité des lignes tectoniques de la planète. Une fois le final countdown lancé, Tarikus sonne la retraite générale et téléporte tout son petit monde dans la Kangoo chapitrale, au nez (peut-être) et à la barbe (sans doute) de Junkyard Man et de ses nuisibles. Voilà encore un conflit de voisinage réglé avec professionnalisme et efficacité par la team Pépé.   

1 : Ce qui n’est pas une grosse perte, au vu de l’incapacité de ce dernier à se mettre à couvert sans ridiculiser son Primarque.
2 : Décider de piquer un roupillon alors qu’un camarade vient de disparaître dans des conditions suspectes, voilà bien une réaction impavide. Ou alors, la nuit précédente a été courte.

AVIS :

Avant de dédier sa plume aux Blood Angels, James Swallow s’est exercé à la littérature génétiquement modifiée en se frottant aux Doom Eagles, Chapitre dont la nature fataliste et résignée faisait une victime expiatoire parfaite pour ce genre d’ébauche1. Relics ne peut prétendre ni à une intrigue originale – comme la plupart des travaux mettant en scène des Necrons, d’ailleurs – ni à une exécution irréprochable, les tribulations de Tarikus et consorts suscitant leur lot de haussements et/ou de froncements de sourcils de la part du lecteur. Ces considérations évacuées, mon sentiment dominant à la suite de la lecture de Relics demeure un grand et massif so what ?, l’absence totale d’originalité de cette soumission de Swallow s’inscrivant en faux avec le cahier des charges de la Black Library, dont les publications sont censées étoffer et enrichir le fluff des franchises de GW. Rien de tel ici, et donc rien qui ne fasse de cette nouvelle une lecture obligatoire conseillée intéressante. Passez votre chemin, braves gens.

1 : Il semble d’ailleurs  que les Doom Eagles aient été « le » Chapitre d’Inferno !, un nombre important de nouvelles ayant été consacré aux natifs de Gathis II par les contributeurs du magazine, avec des résultats plus ou moins probants.

.

The Cuckoo of Hammerbildt (Inferno! #43) – J. Peaty [WFB] :

INTRIGUE :

La paisible ville d’Hammerbildt voit son quotidien bouleversé lorsqu’un matin, la fermière Gudrun trouve un homme blessé gisant dans la rivière communale. Ce dernier, Kahn, venait juste de dérober à un trio de soldats du Stirland les sacs d’or qu’ils transportaient en vue du paiement d’une rançon de guerre, et profite de l’hospitalité qui lui est généreusement offerte par les Hammerbildter pour se présenter comme une honnête estafette, dépouillée et blessée par des bandits de grand chemin portant l’uniforme du comte du Stirland (#ISeeWhatYouDidThere). Si les résidents de la ville acceptent la version de Kahn sans sourciller, le milicien Tobias, qui poursuit Gudrun de ses ardeurs tenaces et intrusives, prend le rescapé en grippe du seul fait qu’il se trouve hébergé par sa sauveuse le temps de reprendre des forces, ce qui ne manque pas d’exciter la jalousie du prétendant malheureux1. La popularité du nouveau-venu atteint cependant des sommets après qu’il ait contribué à repousser la (petite : 3 mutants seulement) attaque d’Hommes Bêtes sur Hammerbildt peu après son arrivée, ce qui est d’autant plus injuste que Tobias a également donné de sa personne dans l’escarmouche, et terrassé un des assaillants bestiaux à coups de lyre, ce qui aurait dû lui rapporter des points de style, tout de même. Le monde est vraiment injuste.

Le lendemain de cette nuit agitée, la ville reçoit la visite des trois Stirlanders précédemment entraperçus, qui demandent à ce que Kahn ainsi que ses biens mal-acquis leur soient remis, sous peine de représailles sanglantes. Hammerbildt tenant toutefois son héros local, le chef de la milice refuse catégoriquement d’obtempérer, et serait allé au clash avec les forces de l’ordre, n’eut été le départ précipité de Kahn (préférant aller écouler ses couronnes en toute quiétude plutôt que de refaire le coup de feu avec ses groupies), qui croise Tobias à la sortie de la ville. La grande gueule du ruffian lui joue alors un tour pendable, ce dernier se vantant d’avoir roulé son monde dans la farine, et avouant avoir levé la main sur Gudrun alors qu’elle cherchait à le convaincre de rester. Tremblant de rage dans son collier de barbe et sous son fedora qu’un rustre ait osé violenter m’lady, ‘Nice Guy’ Tobias tombe à bras raccourcis sur son rival, et les deux dégringolent la colline jusqu’à atterrir dans le jardin de la donzelle en question. Cette dernière, rancunière, embroche son ex d’un coup de fourche bien placé, permettant au final à Hammerbildt d’éviter le courroux de la soldatesque Stirlander, le corps du gredin et la quasi-totalité de l’or dérobé lui étant remis avec les plus plates confuses du conseil de la ville et la démission du chef de la milice en sus. La quasi-totalité, donc, Gudrun et Tobias détournant un petit sac de couronnes à leur profit, afin de financer leur déménagement dans la grande ville la plus proche. Une autre forme de prélèvement à la source, somme toute.   

1 : À raison d’ailleurs car Kahn ne mettra pas longtemps avant d’emballer son hôtesse. Le charme canaille du baroudeur, sans doute.

AVIS :

Avant de commencer à lire cette nouvelle, j’étais à peu près certain que cette dernière tournerait autour d’une horloge maudite, dont les maléfices scelleraient le sort de la malheureuse bourgade d’Hammerbildt. Ma surprise a donc été non feinte lorsque je me suis rendu compte que Peaty avait choisi l’autre sens de « cuckoo1 » comme ressort narratif de son histoire, qui s’en est avérée du même coup être bien plus terre-à-terre. Sans être dépourvu d’intérêt, ‘The Cuckoo of Hammerbildt’ tient plus de la fable sociale, la survenue d’un évènement extraordinaire dans le microcosme figé d’une petite ville impériale permettant à chaque protagoniste de révéler sa nature profonde, que du récit med-fan, seul le trio d’Hommes-Bêtes en maraude prestement euthanasié par les Hammerbildter en furie ancrant de façon indéniable le propos de James Peaty dans l’univers de WFB. À titre de comparaison, le ‘Hatred’ de Ben Chessell (‘Inferno!’ #2 ; ‘Realm of Chaos’), s’il partage un argument sensiblement similaire (un mystérieux étranger blessé arrive dans une communauté reculée et se fait passer pour quelqu’un d’autre auprès des villageois qui le recueillent) avec ‘The Cuckoo…’ intégrait à son intrigue une réflexion typiquement ‘Warhammeresque’ en abordant le thème du statut de mutant au sein des sociétés civilisées du Vieux Monde. La « banalité » du propos de la soumission de Peaty dessert donc fortement cette dernière, et même s’il est parfois bon de constater que les habitants de l’Empire ont une vie à peu près normale entre deux invasions chaotiques, Waaagh ! orque ou épidémie de pourriture de Nurgle, il y a fort à parier que le lecteur sorte blasé de cette historiette d’usurpation d’identité à fins bassement crapuleuses, sur fond d’idylle pastorale contrariée. Du sang pour le Dieu du Sang fanboy !

1 : Imposteur, comme dans l’expression ‘cuckoo in the nest’, qui tire son origine du comportement opportuniste de cet oiseau en période de nidification.  

.

To Guard the Dead (Inferno! #43) – B. Maycock [WFB] :

WFB_To Guard the DeadINTRIGUE :

Témoins du suicide de Lord Brecker, qui s’est jeté du haut de sa tour de manière dramatique, les paysans Max et Werner Karlin s’empressent de colporter la nouvelle jusqu’à la taverne du village voisin, où elle tombe dans des oreilles intéressées. Les premières sont celles de Marcus, un étranger arrivé récemment sur place et décidé à avoir une discussion privée avec Brecker, ou à défaut, son cadavre, pour des raisons non révélées. Les secondes appartiennent à Walther Balg et Kurt Halder, deux anciens miliciens s’étant établis dans le village où se passe notre récit après une vie de campagnes et de pillages dans les armées impériales. Lorsque le vieux servant de Brecker, Josef, vient s’enquérir de la disponibilité de gardes pour assurer la protection de la jeune veuve de son maître, Lady Margarethe, et la quiétude de son manoir, nos deux ruffians sont prompts à saisir l’opportunité qui s’offre à eux, et s’installent rapidement sur le domaine dont ils sont maintenant les protecteurs attitrés.

Leur vigilance est toutefois mise en défaut par Marcus, qui parvient à se glisser jusque dans le mausolée des Brecker et à soulever le couvercle du sarcophage renfermant la dépouille mortelle de l’homme glaviot (un oiseau, ça vole, tout le monde sait ça). Ce qu’il voit semble confirmer les soupçons qu’il entretenait avant son arrivée, mais cette découverte ne lui ait que peu d’utilité, un faux mouvement le conduisant à traverser le plancher vermoulu de la crypte, et à se retrouver coincé au sous-sol sous une poutre de fort beau gabarit. Un peu plus loin, les deux gros bras de Lady Margarethe reçoivent l’occasion de mettre ces derniers en action, une bande de paysans fins saouls progressant bruyamment vers le manoir seigneurial, et certainement pas pour présenter leurs condoléances à la châtelaine éplorée. Prompts à l’action, Walther et Kurt massacrent la majorité des bouseux, en laissant quelques-uns repartir pour transmettre leur message de fermeté au reste du village, et s’en vont collecter la récompense de leurs bons et loyaux services auprès de Josef.

Il ne faut cependant pas longtemps à nos deux compères, logés dehors comme de vulgaires molosses, pour décider d’aller jeter un œil dans les appartements de leur employeuse, beaucoup plus confortables et bien mieux chauffés que leur cabane au fond du jardin. Là, pendant que Kurt se contente de s’endormir devant la cheminée, comme l’honnête squatteur qu’il est, Walther se décide à rôder un peu dans les coursives, et aperçoit de loin passer la jeune et jolie châtelaine, pudiquement voilée par un crêpe de deuil, accompagné par son serviteur. Se décidant à tenter sa chance dans l’espoir de devenir à son tour seigneur, notre homme file en ville avec l’argent gagné par la paire quelques heures plus tôt afin de s’acheter une respectabilité et pouvoir demander sa main à Lady Margarethe…

Début spoiler 1De retour au manoir, il se prépare à devoir expliquer à Kurt pourquoi il a claqué en fringues et en alliance l’intégralité de leurs gages sans lui demander sa permission, lorsque des cris stridents attirent les comparses jusque dans le mausolée tout proche. C’est là qu’ils trouvent et libèrent Marcus, qui se révèle être un Chasseur de Sorcières, soupçonnant à l’origine Lord Brecker d’être de mèche avec les puissances de la ruine, mais convaincu à la vision du cadavre exsangue de ce dernier que l’ennemie #1 des bons sigmarites se trouve être Lady Margarethe, qui ne peut être qu’un Vampire ! Sollicitant l’aide de ses sauveurs pour mettre un terme au règne sanglant de la morte vivante, il a la surprise de voir ces derniers s’enfuir ventre à terre, la réalisation d’avoir assassiné des villageois pour le compte d’une goule les incitant à ne pas rester dans les parages d’un Répurgateur, espèce d’homme peu réputée pour sa compréhension et sa compassion.

Pendant que Marcus retourne au village et arrive à rameuter assez de partisans pour mener une expédition purificatrice dans le château des Brecker, qui se terminera de façon peu concluante en général, et assez douloureuse pour lui, les deux jambes broyées par les roues du carrosse qui parvient à s’échapper du domaine à l’arrivée des péquenauds, Walther et Kurt ont une franche explication de texte, qui se solde par la mort du premier de la main du second, peu convaincu par ses grands projets d’ascension sociale, et guère compréhensif quant à l’usage un peu trop cavalier fait par son ami des ressources communes. Déterminé à empocher son dû, Kurt emporte la main de son camarade contenant l’anneau d’or qu’il proposait d’offrir à Lady Margarethe, jusqu’au marchand le plus proche afin de l’échanger contre des espèces sonnantes et trébuchantes.

Début spoiler 2Quelle n’est pas la (mauvaise, croyez-moi) surprise de Kurt lorsqu’il croise le cadavre de son frère d’armes au détour d’une rue, alors qu’il était sur le point de laisser village et manoir derrière lui ! Trop surpris pour réagir aussi promptement que la situation l’exigeait, le fratricide est mis KO par une gauche (la droite n’étant plus disponible) de Walther, et se réveille dans le fameux fiacre des Brecker, où lui font face la belle endeuillée, son serviteur, et le champion continental des poids wealter, dont le regard noir et vide laisse peu de doute quant à son état de zombification avancé. Kurt s’attend à subir le même sort de la part de Lady Margarethe, mais lorsque Josef soulève son voile, c’est pour révéler un autre zombie, bien moins frais que Walther. Et le serviteur de révéler que Margarethe est sa femme, qu’il a surprise en train de se compromettre avec un autre homme, et accidentellement tuée dans la dispute qui s’en est suivi. Praticien des arts occultes, Lord Brecker, car c’était lui, a réussi à faire revenir d’entre les morts sa chère et tendre, et s’est débarrassé du servant qui l’avait trompé, mort sous la torture, en précipitant son cadavre habillé des  vêtements de son maître depuis la tour du manoir sous les yeux de ses paysans. Débusqué par les Répurgateurs, il n’a guère eu le choix que de prendre la fuite avec son épouse pour aller poursuivre ses études nécromantiques dans un environnement plus apaisé, mais n’aura pas trop de deux fidèles serviteurs pour l’aider à s’installer sous des cieux plus cléments…Fin spoiler

AVIS :

Deuxième et ultime contribution de Brian Maycock à la Black Library, ce ‘To Guard the Dead’ confirme les débuts prometteurs que constituait ‘A Fool’s Bargain’. Comme en témoigne la longueur inhabituelle de la section Intrigue ci-dessus, l’auteur délivre un récit complexe et palpitant, digne d’éloges tant dans la forme (une succession de vignettes, dont certaines en prolepse – ce que l’on comprendra plus tard -, endossant les points de vue des divers protagonistes, et volontairement schématisée pour l’établissement de ce résumé) que sur le fond, avec non pas un, mais deux retournements de situation artistement amenés, ce qui dénote d’une maîtrise consommée quand on se souvient que le récit ne fait que 12 pages ! Si elle apporte peu de choses en termes de background, cette nouvelle est une des plus aboutie qu’il m’ait été donné de lire au niveau de sa construction, et mérite de ce fait amplement le détour. Il est vraiment dommage que la BL n’ait pas jugé bon de republier un travail de cette qualité, qui aurait eu sa place dans toutes les anthologies WFB éditées au cours des 15 dernières années. J’espère que ces quelques lignes enthousiastes vous donneront l’envie de vous plonger dans cette courte mais satisfaisante histoire (sous réserve que vous n’ayez pas déjà appris le fin mot de cette dernière, ce qui serait dommage), c’est bien le moins que je puisse faire pour réparer l’injustice littéraire qui a été faite à l’intriguant1, mais fort doué, Mr Maycock.

1 : Dont je n’ai pas retrouvé la trace sur internet, mis à part en tant que contributeur du recueil ‘Visionary Tongue’, édité par Storm Constantine, une (très) ancienne contributrice de Warhammer Books – la proto BL – avec ‘Lacrymata’.

.

Altar of Cyrene (Inferno! #45) – L. Soulban [40K] :

40K_Altar of CyreneINTRIGUE :

Vous êtes-vous jamais demandé ce qui s’était passé juste avant les évènements de la campagne de Tartarus, relatée dans le premier jeu de la série Dawn of War ? C’est à cette question que répond ‘Alter of Cyrene’, et, croyez-moi, ça vaut plutôt le détour. Nous nous retrouvons donc à la surface de cette planète suppliciée, alors que son Exterminatus va bon train. Comme l’Inquisition n’aime rien laisser au hasard1, et que les crimes des citoyens de Cyrene étaient apparemment très très haineux (pensez-vous, ils ont voulu devenir indépendants, les monstres), une simple torpille cyclonique ne saurait faire l’affaire, et alors que les vaisseaux de l’Ordo Malleus font pleuvoir la mort sur le monde condamné, des forces issues des troupes de choc inquisitoriales, des Grey Knights et des Blood Ravens passent les cités de Cyrene au fil de l’épée tronçonneuse2. C’est toujours bon d’avoir un contrôle qualité pour s’assurer qu’on ne tue que des morts.

La caméra zoome sur deux personnages bien connus du hobbyiste, le Capitaine Gabriel Angelos et l’Archiviste Akios. Le premier est très colère (au point d’enfoncer des portes à coups de pied alors qu’il y a un trou dans le mur juste à côté, ce qui attire l’attention de Khorne en personne, vous pouvez en être certains), pour une raison mal définie mais qui porte le nom d’Esmond, et que l’officier Blood Ravens souhaite absolument trouver. Habitué aux coups de sang de son ami, Akios tente de calmer la fureur d’Angelos et de convaincre ce dernier d’évacuer sans tarder la zone, qui deviendra récipiendaire du feu et de la fureur impériaux dans quelques minutes. Rien à faire cependant, Gaby veut absolument mettre la main sur l’objet de son désir, et l’Archiviste accepte de lui servir de chauffeur privé (c’est pratique la prescience quand il y a du brouillard sur la route) pour faciliter sa quête, que l’on devine être de vengeance.

Suivent quelques péripéties martiales, qui verront Carlos et Kyrgios massacrer une bande de psykers mutants (avec toucher gracieux et subtil d’oreillette en prime – osef mais c’est dans le récit, alors profitons-en –), taper la discute avec une escouade de Chevaliers Gris entre deux exécutions sommaires de masse, perdre leur Land Speeder d’un tir de missile bien ajusté, décimer une foule de citoyens (loyaux à l’Empereur, je précise) en colère devant la destruction de leur monde, et finalement rallier à pied le lieu où le fameux Esmond a été localisé par un groupe de Blood Ravens (dont un 2ème Akios, parce que c’était visiblement trop compliqué de varier les noms quand on a un casting de plus de quatre Blood Ravens). Là, Angelos donne son après-midi à son chauffeur, et pénètre seul dans le mémorial de Saint Bellstus, où il trouve sa cible en train de prier3. Et là, mes amis, nous passons en mode psychanalyse car Esmond n’est autre que le père de Gabriel Angelos. Si si.

Nous assistons donc à un dialogue de sourds entre les deux vieillards (Angelos a déjà quelques siècles de service à son actif), le fils reprochant au père, que l’on comprend être le Gouverneur Planétaire de Cyrene, d’avoir mené son peuple à la catastrophe, tandis que de l’autre côté du filet, Papa tance son fiston d’avoir attiré l’attention de l’Inquisition sur l’entreprise familiale. Malgré l’apparente justesse de sa cause (on a vu que les insurgés comptaient quelques mutants bien chaotiques dans leurs rangs un peu plus tôt), Gab’ ressort perdant de cette joute verbale à cause de sa sale manie de ramener tout à lui-même, et de se lamenter en premier lieu de la honte que lui apporte la trahison de sa planète, avant de regretter le massacre de quelques milliards de ses ex-concitoyens. Se souvenant subitement que la zone est sur le point de se faire thermoformer depuis l’orbite, Angelos coupe court au débat et réalise un tour de magie qui serait génial s’il n’était pas nul. Saisissant son pistolet bolter, dans lequel il ne reste plus qu’un bolt, il le tend à son père en lui proposant de se suicider pour mettre fin à sa disgrâce. Ce dernier refuse. Angelos reprend alors son arme, y insère son dernier bolt (parce qu’il était en fait moyennement sûr que son pôpa ne cherche pas à le flinguer plutôt que de s’envoyer en l’air, pas folle la buse), et met fin à la réunion de famille d’une pression de l’index, non sans avoir eu la délicate attention de rappeler le bon souvenir de sa mère, qui, elle, a eu le bon goût de s’euthanasier avec l’arme de son fiston, comme il le lui avait intimé. Le truc jaune se roule par terre en bavant à l’arrière-plan, ça doit être le complexe d’Œdipe de la famille Angelos.

Une fois cette formalité accomplie, le bien nommé dernier fils de Cyrene rejoint son vaisseau, où il est rapidement lavé de toute suspicion par le Grand Maître Grey Knights qui supervisait l’opération. On apprend également que cette petite fouine d’Angelos, une fois le problème de sédition de sa planète connu, ne s’est pas contentée de demander un audit inquisitorial, mais a bel et bien requis la destruction de son monde. Avec des ressortissants pareils, pas besoin d’Arch-ennemi. Laissé un poil songeur par les derniers évènements, Gaby sans famille apprend enfin que l’aide de sa Compagnie a été sollicitée sur Tartarus, monde sanctuaire situé à proximité de l’Oeil de la Terreur et victime d’une invasion Ork en verte et pleine forme. La suite ne sera qu’un jeu d’enfant…

: Et a un goût tout à fait merveilleux. Les bombes qu’elle déverse sur Cyrene ont ainsi la forme de statues de l’Empereur (encore plus classe qu’un âne en béton !). Je suis sûr qu’ils ont dû apprécier en bas.
2 : Et laissez-moi vous dire que les pauvres Cyrenois dégustent plutôt salement. Entre les champs de crucifixion et les grenades à acide, ceux qui ont la chance de se prendre un bolt dans le crâne peuvent s’estimer heureux.
3 : Prier qui, on ne sait pas, car il s’est tout de même détourné de l’Empereur, le bougre.

AVIS :

Lucian Soulban est un personnage mystérieux au sein de la cosmogonie BL, qu’il n’a fréquenté que quelques mois vers le milieu des années 2000. Saoudien d’origine (ce qui ne tombe pas sous le sens avec un tel patronyme), notre homme est une figure du monde du jeu vidéo, qui lui doit quelques scripts de blockbusters tels que Far Cry 3 & 4 et Watch Dogs 2.

Les origin stories ont souvent tendance à être convenues et ennuyeuses, en se contentant de souligner les traits saillants d’un personnage connu et cherchant à les expliquer par quelque évènement traumatisant ayant pris place pendant leur enfance. Celle du Capitaine Gabriel Angelos ne rencontre pas ce type de problème, c’est le moins que l’on puisse dire. Et, dans le cas (peu probable je l’avoue) où le lecteur serait un fan transi de la tête de gondole de l’Adeptus Astartes en version PC, le nom de Lucian Soulban pourrait attirer quelques jurons et malédictions bien sentis, tant l’auteur parvient à faire de son héros un énaurme c*nnard, ce qu’il n’était certes pas dans la campagne de Tartarus. Tour à tour dépeint comme colérique, impulsif, sadique, fourbe et mesquin, Angelos est loin d’être un ange, ce qui en soit n’a rien de répréhensible (la compassion est une faiblesse mortelle à 40K), mais s’inscrit tellement en faux avec le personnage de la série Dawn of War que l’on peut légitiment crier au faux raccord. À côté de son supérieur et ami, Akios apparaît comme un sage et un saint, ce qui rend sa déchéance et l’abnégation de cette tête à claque de Gabriel, d’autant plus contre-intuitive. Le lecteur d’’Altar of Cyrene’ n’ayant pas joué la campagne de Tartarus et auquel on demanderait qui des deux larrons a le plus de chance de passer à l’ennemi pourrait légitimement opter pour le fiston d’Esmond, qu’on ne lui en tiendrait pas rigueur. Bref, la characterisation de Mr Soulban ne m’a pas semblé optimale.

Autre source de mécontentement, la maîtrise du fluff assez hasardeuse dont l’auteur fait preuve au cours de son récit. Qu’il s’agisse d’un Exterminatus lancé alors que des forces impériales (non sacrifiables) sont encore au sol, de la présence de Grey Knights en vulgaires Waffen SS inquisitoriaux alors qu’aucun démon ne pointe le bout de sa corne de toute la nouvelle, de la captation en live du massacre des citoyens de Cyrene1, ou encore la mémoire eidétique défectueuse de notre (anti) héros, le cadre d’Alter of Cyrene semble être un ersatz un peu grossier de Warhammer 40.000, résultant d’une vague familiarité de l’auteur avec le lore plutôt que d’une véritable appropriation du second par le premier. L’élément le plus problématique de la nouvelle reste toutefois la relation filiale entretenue par Esmond et Angelos, que le psycho-endoctrinement subi par toutes les recrues Space Marines devrait rendre impossible. Bref, si cette soumission s’avère être indéniablement distrayante pour le lecteur, elle l’est majoritairement pour des raisons peu recommandables, et ne présente donc pas un intérêt des plus marqués.

1 : Soit disant pour effet de propagande et instruction des populations d’autres mondes… Ce qui supposerait que l’Imperium reconnaisse que certaines de ses planètes sont tombées aux mains du Chaos et ont dû être intégralement purgées. Pas terrible pour le moral des troupes. Je pense que c’est un Inquisiteur un peu tordu qui souhaitait réaliser un Top 10 des meilleures hécatombes du Segmentum Terra pour animer le séminaire annuel de son Ordos.

.

Engage the Enemy (Inferno! #45) – L. Lightner [40K] :

40K_Engage the EnemyINTRIGUE :

Thokar, Prêtre Loup des Space Wolves, emmène une petite force de fils de Russ à la surface d’un monde jungle où l’Imperium livre bataille aux hordes chaotiques d’Abaddon. S’attendant à une forte résistance de la part des Iron Warriors auxquels il souhaite contester le champ de bataille, Toto s’étonne de ne trouver que des cadavres de renégats, autour desquels flotte une odeur fauve bien caractéristique. S’il apparaît rapidement que des Wulfens trempent dans ce mystère (c’est bien la seule chose dans laquelle ces chiens fous acceptent de s’immerger), un rapide décompte des Astartes présent sur le terrain permet d’établir sans doute possible qu’aucune des charges de Thokar n’a perdu les pédales. Après avoir relevé des éclats de peinture d’un gris très particulier (c’est Les Experts : Fenris, cette nouvelle), le Prêtre Loup finit par comprendre que c’est la légendaire 13ème Compagnie qui est responsable des malheurs des Irons Warriors. Et un petit coup de patte de la part de leurs lointains cousins ne sera pas de trop lorsque les Marines chaotiques lanceront leur contre-attaque…

AVIS :

Petite nouvelle sans prétention ayant presque plus sa place dans un encadré fluff du Codex Eye of Terror que dans un numéro d’Inferno !, ‘Engage the Enemy’ se révèle être un compte-rendu romancé d’un accrochage sans enjeu (ce qui est tolérable) ni tension narrative (ce qui l’est moins) entre une bande d’Iron Warriors totalement à côté de leurs augmétiques1 et une force de Space Wolves dont le meneur tient plus du chien renifleur que du loup alpha. De là à dire que Thokar est en un, il n’y a qu’un pas que je laisse à chacun le soin de franchir en son âme et conscience. Sur la forme, la première soumission de Lee Lightner (l’incarnation littéraire de Harry Heckel et Jeff Smith) n’est guère plus remarquable, ou alors pas à son avantage, le style parfois répétitif (Wolf lord, vous avez dit wolf lord ? Comme c’est wolf lord), parfois abrupt du duo ne contribuant guère à hameçonner le lecteur. Passe encore que ça ne dure que 8 pages, plus (et notamment ‘Sons of Fenris’ et ‘Wolf’s Honour’) aurait sans doute été déplacé. De l’habitude naît l’ennui, mais de l’hébétude naît l’inuit. Ce qui ne veut rien dire. Comme cette nouvelle.  

1 : Mentions spéciales jumelées aux Champions Dalloc et Kurnos, le premier pour s’être montré plus captivé par les jeux de lumière sur sa griffe énergétique que son environnement immédiat – ce qui lui fit perdre la tête –, le second pour avoir sagement attendu que la mort vienne le prendre dès l’instant où il a croisé la route des loubards du Warp.

.

***

Et voilà qui termine ce quatrième Infernabulum! Ca vous a plu? Vous en voulez encore? La maison will be happy to provide dans les prochains mois. Le prochain arrêt sur la route de l’enfer sera toutefois très probablement la revue de l’Inferno! #6, que j’attends de pied et de clavier ferme, car il fera comme ses prédécesseurs la part belle aux nouveaux arrivants, qu’il convient d’accueillir comme il se doit dans l’univers sombre et impitoyable de la critique de la GW Fiction. Initiating the countdown now… 40.000… 39.999… 39.998…