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BLACK LIBRARY CELEBRATION WEEK 2024 [Recueil]

Bonjour et bienvenue dans cette revue de la Black Library Celebration Week 2024, publiée par la BL à la fin du mois de février 2024 (pas de surprise jusqu’ici), deux semaines après le lancement des festivités annuelles de la maison d’édition de Nottingham (voir par exemple la revue du recueil gratuit de la Black Celebration 2024, ici). Pas de surprise au niveau du contenu proposé ici : cinq nouvelles inédites de 40K et d’Age of Sigmar – il faudra s’habituer à ne plus avoir de soumission pour l’Hérésie d’Horus désormais – mettant en scène des héros et des auteurs amenés à prendre de l’importance dans les mois à venir… ou tellement connus qu’on ne les présente même plus, comme l’indéboulonnable Gotrek Gurnisson, qui nous fait l’honneur d’un petit caméo dans ‘The Beast of Grey Gardens’.

Black Library Celebration Week 2024

On retrouve ainsi Mike Brooks et ses boyz (‘Painboyz’), John French et son vampire itinérant (‘Cannibal Gate’), et deux associations plus nouvelles pour le lecteur : R. S. Wilt et les Tempestus Scions (‘Eradicant’) et Jude Reid et Morvenn Vahl (‘The Reskard Purgation’). Si on sait déjà à l’heure où ces lignes sont écrites que Brooks, French et Reid ont un roman en stock pour leurs héros (respectivement ‘Da Big Dakka’ et ‘ Dead Kingdom’ et ‘Spear of Faith’), rien n’a circulé pour l’instant sur ce que le futur réserve à Gotrek (on peut juste parier sur le fait qu’il ne va pas mourir de sitôt) et aux fiers fantassins de l’Astra Militarum. Rendez-vous dans quelques temps pour refaire le point sur la situation, et en bas de cette ligne pour commencer la revue de cette semaine festive.

Black Library Celebration 2024 - Eshorts Week

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Painboyz– M. Brooks [40K] :

INTRIGUE :

PainboyzLe Painboy attitré d’Ufthak Blackhawk, Doc Drozfang, a emmené ses élèves, larbins et tous les Orks désœuvrés qui zonaient dans le coin dans une excursion à but pédagogique : la visite d’un authentique laboratoire d’Haemonculus drukhari, découvert à l’occasion de l’invasion par notre Waaagh ! préférée d’un repaire d’Eldars Noirs. Comme le professe volontiers un Drozfang philozof à ses heures perdues, rien de tel que d’entrer au cœur des choses pour mieux les comprendre, qu’il s’agisse d’un abdomen d’Ork ou d’une infirmerie zoneille. Là-dessus, nous sommes bien d’accord.

Cependant, les précédents occupants des lieux n’ont pas encore mis à exécution l’obligation de quitter le territoire laboratoire qu’une marée de Boyz belliqueux emporte systématiquement avec elle, et les Spikies commence à faire de la résistance, embusquant les trainards peaux-vertes et renvoyant leurs restes mutilés sur leurs camarades… ce qui fait bien rire ces derniers. Il en faut plus que ça pour effrayer un Ork, c’est certain (pour les Grots, ça se discute par contre), d’autant plus si la perspective d’une bonne bagarre se concrétisera s’il parvient à mettre la pogne sur ses tourmenteurs.

Au bout de quelques menus accrochages, une bande de Grotesques accompagnés par un Talos dessiccat(u)eur finit par donner l’assaut aux intrus, qui ne demandaient pas mieux et répondent au sadisme clinique des Drukharis par une violence débridée. Au plus fort de la mêlée, Drozfang aperçoit son vis-à-vis, qui commande ses troupes pusillanimement depuis l’arrière, et lui décoche une rafale de fling’ qui, à la surprise générale, atteint sa cible et détruit le générateur d’anti-gravité de l’Eldar Noir. Statistiquement, ce genre de dinguerie devait bien se produire un jour, et c’est maintenant le cas grâce à Mike Brooks.

Ni une ni deux, Drozafang profite de la détresse de l’Haemonculus pour lui mettre la griffe dessus et le ramener avec lui dans sa retraite stratégique jusqu’au vaisseau des Orks, jugeant avec sagesse qu’il est préférable d’avoir un local sous (et dans) la main pour négocier le dédale crépusculaire d’une base drukhari sans se perdre. La patience du praticien a cependant ses limites, et après avoir assisté au gonflement fatal du Nob Grubsnik, victime d’une hypertrophie musculaire subite après avoir été méchamment griffé par un Grotesque quelques instants plus tôt, le bon Dok décide de faire goûter au Spiky captif sa propre médecine et lui perfore la cage thoracique d’un revers de griffe énergétique, après avoir tranché la main qui était sur le point de le palper sans son autorisation. On ne saura pas si l’opération a été fatale à l’Haemonculus (une espèce notoirement dure au mal), mais elle permet en tout cas à Drozfang d’avoir le mal et le mot de la fin, ce qui est bien la moindre des choses…

AVIS :

Mike Brooks continue sa revue des personnages secondaires entourant le Big Boss Ufthak Blackhawk dans ce ‘Painboyz’, qui met en vedette le Dok Drozfang, responsable de la greffe de la tête de notre héros sur le corps de son précédent patron (‘Where dere’s the Warp, dere’s a way’), transition qui a joué un rôle non négligeable dans l’élévation de cette buse de Blackhawk dans la hiérarchie de sa Waaagh. Nous avons donc droit à une petite escapade dans le laboratoire d’un Haemonculus, qui se déroule de manière tout à fait classique et se termine sans que Brooks ne se soit donné la peine de nous expliquer si cette péripétie sert à faire avancer l’intrigue globale de son arc orkoïde1 (appelons ça un ark), ou a juste servi à donner à Drozfang ses quinze pages/minutes de gloire devant le lectorat de la Black Library. À titre personnel, je penche pour la seconde option et regrette la « gratuité » de cette soumission, rendue d’autant plus triste par l’intrigue vraiment minimaliste que nous propose Mike Brooks. Tous les auteurs ne sont pas égaux lorsqu’il s’agit d’écrire l’histoire d’un aller-retour…

1 : Peut-être que la main de l’Haemonculus que Drozfang garde en souvenir aura une importance par la suite (ou a servi à quelque chose dans un des romans que Brooks a déjà écrits), mais je suis incapable de vous éclairer sur ce sujet à l’heure actuelle.
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Cannibal Gate – J. French [AoS] :

INTRIGUE :

Cannibal GateToujours en quête de l’insaisissable Main Enflammée responsable de la chute de son royaume lors de l’Âge du Chaos, il y a de cela des éons, Cado Ezechiar a.k.a. le Roi Vide a pris la route de Lethis a.k.a. la Cité de la Corneille après avoir été rencardé sur la présence de sa Némésis dans cette humble bourgade. Sachant fort bien que sa proie risque de lui filer entre les doigts (ce qui est ballot pour une Main, mais celle-ci est peut-être moite), comme lors des 708.259 épisodes précédents de sa traque, Cado s’est risqué à prendre le chemin le plus direct, qui l’emmène dans une contrée plus mal famée que la moyenne puisqu’occupée par une colonie de goules.

Alors qu’il se prépare à passer le portail marquant l’entrée de leur domaine pour poursuivre sa route (malgré les sages conseils de sa mentor Solia, l’une des neuf âmes sauvées par notre héros lors de la déchéance de son royaume, et stockées dans les anneaux que Cado porte aux doigts), il est arrêté par un courtisan Flesh-Eater et son escorte de nécrophages, qui lui indiquent que la loi locale demande à ce que le passage soit payé par un tribut au roi. N’ayant pas d’autre choix que d’obtempérer, Cado rend visite au monarque en question (Azoquor), qui exige que cet étranger « bestial et ignoble » (venant d’une goule, c’est savoureux) aille terrasser les monstres qui hantent ses terres depuis quelques semaines, et dont ses armées affaiblies ne parviennent pas à se débarrasser. Après avoir juré sur l’épée rouillée du souverain d’accomplir sa volonté, Cado se met en chasse.

Pas plus bête que le lecteur moyen de la Black Library, notre héros se doute bien qu’il y a une chance non nulle pour que les « monstres » en question se révèlent être des mortels tout ce qu’il y a de plus banal, sans doute l’expédition de croisés azyrites dont il a détecté le passage quelques jours plus tôt, d’ailleurs. Si ce cas de figure devait se vérifier, Cado jure à une Solia horrifiée par la promesse hâtive1 faite par son patron à cette grande goule d’Azoquor qu’il reniera sa parole et tâchera de trouver un autre moyen de gagner Lethis, et tant pis si ça lui rallonge un peu le chemin. Il ne sera pas dit que le Roi Vide soit devenu complice de la folie collective de ses cousins Flesh-Eaters, allons !

Sur ces entrefaites, la route du vampire et de son spectre de compagnie croise celle d’un groupe d’humains nimbés d’une aura étrange et d’une lumière stroboscopique trop violente pour les sens délicats de Cado, qui tombe en pâmoison avant de n’avoir pu faire plus ample connaissance avec les nouveaux venus. A son réveil, il se découvre enchaîné par des fers enchantés (alors que lui pas du tout, mais ça se comprend), et à la merci d’un Mage-Forgeron qui ne s’appelle pas Valentin – faîtes ce que vous voulez de cette information. La situation est critique, mais une honnête conversation entre gens éduqués devrait permettre de tout tirer au clair, pas vrai ?

Début spoiler…Il s’avère en fait que Valentino et ses comparses ne sont pas les vertueux croisés azyrites dont ils ont dérobés les habits et armures (ce qui a un temps abusé Cado lorsqu’il a émergé de son coltar), mais bien un Sorcier de Slaanesh et sa bande de joyeux et pervers sycophantes, ce qui est à la fois une mauvaise et une bonne nouvelle pour notre héros. Certes, il se trouve en bien mauvaise posture, avec un tison enflammé qui s’approche dangereusement près de son anatomie, mais au moins les monstres qu’Azoquor l’a envoyé occire sont bel et bien des sales types, et leur mort n’entachera pas son absence de conscience. Comme quoi on peut être creux et principiel en même temps.

Comme lors de son affrontement contre Voltekar et sa clique de squelettes (‘Blood Bound’), Cado dégaine son arme secrète et cheat code digital en matérialisant son dragon zombie Herezai, dont l’arrivée impromptue et les grands claquements de mâchoire suffisent à distraire les Slaaneshis suffisamment longtemps pour que le Roi Vide se débarrasse de ses chaînes et de Valentino, dûment jugularisé par notre vampire assoiffé. La suite n’est qu’une formalité, les cultistes et Gors accompagnant le Sorcier exsangue ne faisant pas le poids contre le vampire et son dragon.

Retour chez Azoquor pour terminer la nouvelle, et remise au souverain de quelques cadavres frais en signe de respect et d’amitié. Bien que le monarque s’offusque du refus de Cado de participer au festin qu’il donnera pour marquer la fin de l’incursion des monstres sur son paisible domaine, il lui permet malgré tout de poursuivre sa route sans plus de condition, et lui offre même un cadeau (un éclat de fémur pointu) marquant Cado Ezechiar comme un hôte distingué par le roi cannibale. Nul doute que cette babiole d’un goût douteux servira par la suite…Fin spoiler

1 : C’est donc ça qu’on appelle un serment de l’instant ?

AVIS :

La route de Cado Ezechiar se poursuit dans cette nouvelle, continuation logique de celles écrites antérieurement par John French (et probablement du roman ‘The Hollow King’) à propos de la quête vengeresse de son personnage tourmenté. Le résultat est égal aux épisodes précédents : assez agréable à lire et donnant à voir la noblesse contrariée – et les armes digitales complètement fumées, à croire qu’il y a des Jokaeros dans les Royaumes Mortels – du Roi Vide, aux prises avec des alliés de circonstance et des ennemis peu fréquentables… ou peut-être est-ce l’inverse. Pas mal.

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Eradicant – R. S. Wilt [40K] :

INTRIGUE :

EradicantNous suivons une bande de hardis, ardents et ardus Scions Tempestus déployés avec leur régiment sur la planète Tecerriot pour tenter d’y rétablir un semblant d’ordre, alors qu’ils se préparent à mener à bien une mission de sauvetage à haut risque. Leur cible n’est autre que le Gouverneur Planétaire Marschesik, assiégé dans son palais par des hordes de rebelles renforcés et motivés par la présence de World Eaters, sans doute attirés par le penchant coupable de Tecerriot pour les arènes gladiatoriales (sans rire, il y en a des centaines sur la planète, dixit le personnage-qui-nous-resoort-le-biefing-pour-faire-un-peu-d-exposition). Le hic, c’est que si Marschesik devait décéder dans l’exercice de ses fonctions, la puce que lui a implanté l’Adeptus Mechanicus dans le torse au moment de son élévation à cette charge exaltée provoquerait un black out complet sur Tecerriot. Apparemment, c’était le seul moyen de s’assurer que la personne du Gouverneur reste sacrée aux yeux de son indocile populace : on vous laisse imaginer le nombre et l’intensité de mouvements de gilets jaunes que ce monde a connu pour en arriver à cette extrémité. C’est d’ailleurs peut-être ce qui nous pend au nez à force de balancer des œufs, des gifles et des sacs de farine à la tronche de nos élus, dans le fond.

L’objectif des fringants lascars du Tempestor Traxel (le vétéran Norroll, la pieuse Bissot, le radio Actis, le spécialiste en démolition et en tour de passe passe Durlo, et la medic et nouvelle recrue Daviland) est donc aussi simple que délicat : infiltrer le palais du Gouverneur, récupérer ce dernier et l’exfiltrer en direction du QG de la Garde Impériale, afin que sa mort ne vienne pas compliquer la pacification de Tecerriot. Dit comme ça, c’est tout bête, mais évidemment les choses ne vont pas dérouler sans accroc.

Après une marche d’approche dans les ruines de la capitale planétaire et l’ascension des étages du palais par les escaliers (il faut bien s’échauffer), la fine équipe finit par accéder à l’aile résidentielle de l’édifice, où elle rencontre ses premiers adversaires en la personne de quelques Jakhals (Jakhaux ?) s’amusant à faire du porte à porte avec les survivants terrifiés de l’attaque sur le complexe gouvernemental. Rien que notre fine équipe ne soit en mesure de gérer haut la main, bien sûr, et les Scions repartent même avec une nouvelle mascotte en la personne du jeune Tormod, fils d’un couple de hauts fonctionnaires sauvagement massacrés par les cultistes, et que Traxel insiste pour secourir malgré les réticences du reste de son escouade.

Cette générosité est récompensée quelques minutes plus tard, lorsque leur nouvelle recrue leur indique comment pénétrer dans l’arène du palais sans attirer l’attention, et ainsi être témoin du supplice du pauvre Marschesik, ligoté sur son trône et forcé d’assister au Mortal Kombat opposant les membres de sa maisonnée, sous les quolibets d’une troupe de Jakhals goguenards et l’imposant patronage d’un Maître des Exécutions World Eaters.

N’étant pas venus pour empiler des merles, les Scions passent à l’attaque et parviennent de haute lutte à remporter la victoire grâce à leur matos de pointe et leur entraînement supérieur, non sans avoir perdu l’un des leurs (Actis) et un membre (la main de Traxel) dans la bagarre. Il ne reste cependant plus qu’à appeler la cavalerie et à quitter les lieux, et la mission sera accomplie…

Début spoiler…Seulement voilà, Marschesik en a malheureusement trop vu, et est à deux doigts de se faire posséder par le Démon Kha’Dragh Bloodhunger (parce que Blooddrinker, c’est déjà pris tu vois) au moment de sa libération. Le bon sens de Trael lui permet cependant de faire le bon choix et de coller un bolt dans le crâne du Gouverneur avant sa désincarnation, au grand horreur de Daviland qui révèle alors qu’elle a été missionnée par le Commissaire Fennech (que tout le monde à part elle semble cordialement détester, pour des raisons non-explicitées) afin de déterminer la fiabilité de l’escouade.

Tout cela est fort haletant, mais la priorité reste malgré tout d’évacuer les lieux avant d’être submergé par les vagues de cultistes attirés par le bruit des combats et la mort de leur chef, et au bout d’une nouvelle baston homérique, les survivants éprouvés parviennent à embarquer dans une Valkyrie et à repartir en direction de leurs pénates (avec Tormod, dont le rôle dans cette nouvelle reste un chouilla cryptique1). Sur le chemin du retour, Traxel parvient à se justifier auprès de Daviland, qui se résout à laisser au charismatique officier une nouvelle chance plutôt que d’aller le balancer à ce renard de Fennech. Un peu de souplesse n’a jamais tué personne.Fin spoiler

: Nul doute que ça se décantera dans le futur. Et, oui, je voulais faire cette blague.

AVIS :

R. S. Wilt se frotte à l’un des genres rois de la GW-Fiction, version 40K, dans cet ‘Eradicant’ qui nous embarque dans une mission de Gardes Impériaux d’élite, dans la lignée des travaux de Dan Abnett avec ses Fantômes de Gaunt, et plus récemment de ceux de Rachel Harrison et ses Fusiliers d’Antari. Bien que cette nouvelle ne soit pas mémorable (ce qui n’est guère étonnant), Wilt livre une copie très convenable, puisqu’il parvient à singulariser chacun de ses personnages, met en scène d’action tout à fait correctes, et conclut son propos d’une manière un tant soit peu surprenante : difficile de demander plus que ça à une première incursion dans l’univers ultra-compétitif de la GI-Fiction. Vu les indices laissés par Wilt (le personnage de Tormod, la mention du Commissaire Fennech), il est fort probable que ce ne soit pas la dernière fois qu’on entende parler des Scions Tempestus de l’Eradicant One, et je suis à ce stade plutôt intéressé pour connaître la suite de leur histoire.

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The Beast of Grey Gardens – D. Guymer [AoS] :

INTRIGUE:

The Beast of Grey GardensArrivé à Eaux Grises après un voyage relativement sans encombre, en tout cas pour lui (‘The One Road’), Gotrek Gurnisson s’est engagé dans le premier gang d’égoutiers venu – les Loose Cannons de Sorrol Tun – afin de gagner sa croûte et son eau de vie (mais pas celle à laquelle il pensait, et ça a dû le mettre en rogne). Au sein de cette noble autant qu’utile profession, chargée entre autres travaux d’intérêt public de débarrasser la mégalopole ghyranite de son infestation récurrente de Zombies, les Loose Cannons font figure de parias, et héritent donc des missions les plus ingrates et dangereuses qui soient. Pas de quoi faire frémir notre Tueur préféré cependant, qui n’a pas besoin de forcer son talent ni d’utiliser ses deux mains ou de faire descendre son taux d’alcoolémie sous les trois grammes pour débiter les hordes de morts vivants qui hantent les égouts d’Eaux Grises. Il a vu (et tué) bien pire, en son jeune temps.

Enhardi par la réalisation que sa nouvelle recrue est une véritable machine de guerre, Tun décide d’aller se frotter à un plus gros morceau, à savoir la légendaire Cockatrice des Jardins Gris, figure du folklore local que peu ont vu mais dont la sinistre réputation n’est plus à faire. Un tel spécimen valant son poids volume en Aqua Ghyranis, la joyeuse bande se met en chasse du serpent à plumes/poulet à écailles avec un enthousiasme inversement proportionnel à ses capacités martiales.

Fort heureusement pour les Loose Cannons (sauf pour la pauvre Greenhilde, dont la fierté l’a empêché de baisser les yeux au moment opportun), avoir un clutch slayer est parfois suffisant pour remporter une escarmouche contre un monstre nommé. Au terme d’un combat poussiéreux et ténébreux, Gotrek met ainsu un terme aux déprédations de Bruno Cockatrice1 en lui plantant sa hache ébréchée dans le bréchet, à peine aidé par la diversion faite par ses camarades alors que le dindon chaotique était en train de le chicoter. Tout est bien qui finit bien (et à la taverne la plus proche), même si les Loose Cannons devraient sans doute apprendre à se défendre par leurs propres moyens, car leur égoutier star ne restera sans doute pas très longtemps parmi eux….

1 : Ce qui est au fond assez malheureux car la bestiole ne se nourrissait que de Goules et de Skavens, et rendait donc un service écosystémique à la population d’Eaux Grises.

AVIS:

David Guymer renoue avec les fondamentaux de la nouvelle de Gotrek avec ce ‘The Beast of Grey Gardens’, qui permet à notre rouquin teigneux de compléter son tableau de chasse avec une Cockatrice, et à l’auteur de contextualiser les aventures de son héros à crète dans l’enfer urbain qu’est Eaux Grises. Je n’ai pas grand-chose d’autre à dire sur cette soumission, qui est très loin d’être mémorable.

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The Reskard Purgation – J. Reid :

INTRIGUE :

The Reskard PurgationAlors qu’elle revient péniblement au camp de base de l’Ordre du Suaire d’Argent après une folle journée à se castagner contre cultistes et hérétiques dans les ruines embrasées de la planète Reskard Secundus, la Céleste Morvenn Vahl se fait alpaguer par sa supérieure, la Chanoinesse Ligaea sur le chemin des douches, et est envoyée sans délai rencontrer la délégation ecclésiarchique qui a pris possession de la cathédrale locale. Il est en effet très important que notre héroïne éprouvée apprenne séance tenante le nom de la nouvelle Abbesse Sanctorum des Ordres Militants, et ce n’est pas une concussion sévère, la perte de deux litres de sang et probablement quelques côtes fêlées qui empêcheront une fière Sista de faire son devoir. Non mais.

Obéissant à sa cheffe bien aimée (mais pas vraiment bien aimante), Morvenn se rend dans le saint lieu et apprend, je vous le donne en mille, que la nouvelle Abbesse Sanctorum, c’est elle. Ou plutôt, ce sera elle si elle y consent, ce qu’elle ne fait pas immédiatement, au grand désarroi de la sainte délégation, qui l’avait pourtant choisie du fait de sa jeunesse et de sa (théorique) docilité. Ebranlée par les déboires vécus pendant les dernières heures, Momo demande à se recueillir quelque temps dans la chapelle de Sainte Silvana, en compagnie des dépouilles des Sœurs tombées au combat sur Reskard, afin d’être sûre de prendre la bonne décision. Bien embêtés par ce délai imprévu1, mais ne pouvant pas revenir les mains vides, les pontes acceptent le caprice de la Céleste, et nous en sommes en quitte pour un petit flashback de la journée de Morvenn Vahl. C’est parti pour ‘24 heures dans la vie d’une femme’, version grimdark.

La journée commence par une déception pour Morvenn et son escouade de Célestes, qui comptaient coiffer sur le poteau ces chipies de l’escouade Avriella dans leur course commune jusqu’à l’Apôtre Noir Word Bearers localisé avec quelques cultistes dans les ruines d’un temple impérial. Alors qu’elles étaient idéalement placées pour mettre le grappin que l’hérétique en chef, la Chanoinesse Ligaea informe Morvenn que ses Sœurs et elles sont attendues quelques kilomètres plus loin, afin de récupérer et d’amener en lieu sûr le Pontifex-Urba Evaristo, une des huiles de cette planète en déréliction. Laissant leurs copines à frange avoir tout le fun, les Célestes plient bagage et se relocalisent sans tarder.

La nouvelle mission qui les attend est toutefois loin d’être une partie de plaisir, comme le nombre important de Possédés et de Warp Talons errant à proximité d’Evaristo et de sa seule garde du corps survivante, la taciturne Sœur Alektra, le révèle. A cela s’ajoute la lubie du Pontifex : récupérer une sainte relique, un maillon de la Chaîne de Dévotion de la mobylette de Sigismund, gardé dans une chambre forte située en plein territoire ennemi. Malgré l’opposition de ses camarades Célestes, Morvenn décide d’aider Evaristo à mener à bien sa quête, et même si ce petit détour coûte la vie à la majorité de son escouade, elle est toutefois couronnée de succès et permet à nos furies de croiser à nouveau la route de l’Apôtre Noir précédemment aperçu, qui a visiblement esquivé la vindicte de cette empotée d’Avriella. Un petit bonus appréciable, pas vrai ?

Début spoiler…Malheureusement, c’est une chose de mener une mission d’assassinat avec 50 copines armées jusqu’au dent, et une autre d’affronter un cadre d’Astartes hérétiques à trois et demi (Evaristo n’étant pas très doué pour le close). Une retraite stratégique s’impose, pendant laquelle Morvenn va encore perdre des camarades, des points de vie et des points de foi, lorsqu’elle se rend compte que son protégé n’a pas ramené avec lui de relique, mais des bijoux et du cash, afin de pouvoir refaire sa vie sur une planète un peu plus calme que Reskard. Bien que l’envie de châtier ce parasite ne lui manque pas, Morvenn le laisse s’enfuir et se faire décapiter à main nue par l’Apôtre Noir, décidément très collant au marquage. Tout est prêt pour le combat final entre la Céleste désabusée et le Word Bearer permanenté, que la première remporte d’extrême justesse après avoir fait s’effondrer le plafond de la tour dans laquelle l’affrontement a pris place sur les adversaires, et grâce au coup de main donné par l’unique survivante de son escouade, Ignatia la sans-dent. Une grande victoire pour l’Imperium !

Retour à la chapelle de Sainte Silvia, ou après trois jours de veille, Morvenn Vahl prend la décision d’accepter le poste pour tenter d’apporter un peu de rectitude et de droiture à une Ecclésiarchie un peu trop décadente et dévoyée à ses yeux. On lui souhaite bien du courage…Fin spoiler

1 : En même temps, je ne pense pas que ça compte beaucoup quand on doit traverser la galaxie pour rejoindre Terra sur le chemin du retour.

AVIS :

Il y a une symétrie plaisante entre le parcours de Morvenn Vahl dans le fluff et dans la GW-Fiction, la jeune Sœur Céleste se retrouvant mise en avant d’une manière surprenante (et pas franchement innocente) par les grands pontes de l’Imperium et de Nottingham. ‘The Reskard Purgation’, nouvelle d’introduction par excellence, permet à Jude Reid de nous faire faire connaissance avec cette nouvelle héroïne impériale, qui prendra peut-être la place de la coriace Augusta Santorus d’ici quelques mois comme la figure de proue littéraire de sa faction1. Le travail est accompli de façon sérieuse et grimdark au possible, Morvenn Vahl et le lecteur en étant quitte pour une plongée dans la violence d’un champ de bataille urbain et le cynisme de l’Imperium et de l’Ecclesiarchie, dont ni le corps ni l’esprit ne peuvent sortir indemne. S’il est trop tôt pour dire à ce stade si le duo Reid/Vahl parviendra à laisser sa trace – de façon positive, j’entends – dans les annales de la Black Library, ‘The Reskard Purgation’ s’avère être un début assez prometteur.

1 : Je ne sais pas comment je vivrais ce grand remplacement, si jamais il se produit… Des sentiments contraires et violents m’habitent à ce sujet.
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Et voilà qui clôture cette revue de la Black Library Celebration Week 2024, qui a apporté comme souvent son lot de bonnes surprises et de désappointements, y compris de la part d’auteurs qui ont prouvé par le passé qu’ils étaient capables de faire mieux que ça (Brooks et Guymer). D’un autre côté, je suis assez content du niveau affiché par les nouveaux venus Wilt et Reid, qui nous ont proposé des courts formats assez qualitatifs, augurant de bonnes choses pour la suite de leur parcours au sein de la Black Library. Place aux jeunes, donc.

BLACK LIBRARY CELEBRATION 2024 [Recueil]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue de la Black Library Celebration 2024, le recueil de courts formats de GW-Fiction offert annuellement à tous les quidams curieux de découvrir, ou redécouvrir, les travaux des auteurs de la BL1. Déclinée en trois langues (anglais, allemand et français), cette mini anthologie propose à chaque fois cinq nouvelles tirées du vaste catalogue de la GW-Fiction, et « sensées » illustrer la diversité de ce dernier. Les guillemets sont ici de rigueur car si la BLC 2024 en version originale accomplit parfaitement cette mission en alignant des représentants de toutes les franchises majeures de la maison d’édition de Nottingham (40K, l’Hérésie d’Horus, Age of Sigmar, Warhammer Horror et Warhammer Crime), les ouvrages français et allemands se cantonnent eux à 40K et à l’Hérésie d’Horus, ce qui est encore plus restrictif que l’année précédente (chroniquée ici), où Age of Sigmar avait encore droit de cité, ou de citation. Les Royaumes Mortels n’auront jamais été plus inaccessibles aux non anglophones qu’en 2024, et c’est bien triste pour cet univers.

1 : Il faut tout de même acheter un petit quelque chose sur le site de Games Workshop pour recevoir une version papier, ou sur celui de la Black Library pour pouvoir télécharger toutes les versions numériques. Comme les contenus diffèrent en fonction de la langue, je ne saurais trop vous conseiller de passer par le site de la BL si vous voulez en avoir pour votre argent.

Black Library Celebration 2024

Si on s’attarde sur le sommaire de ces trois livrets, on remarque que c’est Mike Brooks qui fait figure de figure tutélaire de ce millésime, puisqu’une nouvelle mettant en scène l’ineffable Ufthak Blackhawk (‘Tant qu’y a le Warp, y a Moyen’ // ‘Wo da Warp is’, is’ auch ‘n Weg’) ou son ambitieux sidekick Snaggi Littletoof – représenté en couverture – (‘Packin’ Heat’) est présente dans toutes les versions2. Pour le reste, les contenus varient fortement et c’est sans surprise la VO qui s’en tire le mieux aussi bien en diversité (voir ci-dessus) qu’en nouveautés, aucune des nouvelles anglaises n’étant plus vieille que 2022. Les versions française et allemande se partagent quant à elles de plus antiques histoires, dont deux (‘La Tour Foudroyée’ // ‘Der vom Blitz getroffene Turm’ et ‘La Pureté de l’Ignorance’ // ‘Die Reinheit der Ignoranz’) en commun.

Comme tous les ans, je m’attarderai particulièrement sur le caractère « pédagogique » des nouvelles sélectionnées par la BL pour figurer dans ces recueils destinés à un public novice, afin de juger de la pertinence du choix des pontes de Nottingham, en plus des traditionnels retours sur l’intrigue et la qualité de ces histoires. Le cadre étant posé, il est temps de se mettre à l’ouvrage.

2 : Cette mise en avant n’a rien d’étonnant quand on sait qu’Ufthak Blackhawk bénéficie également de sa propre figurine à l’occasion de la Black Library Celebration 2024.

Black Library Celebration 2024

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Packin’ Heat – M. Brooks [40K] :

INTRIGUE :

Packin' HeatDans l’entourage fourni et bigarré du Big Boss Ufthak Blackhawk, il y a au moins un individu qui n’adule pas le colosse Blood Moon dont le ramage se mesure au plumage blindage : le Grot Snaggi Littletoof. Ayant rejoint à son corps défendant la TekWaaagh! après avoir traversé le portail dimensionnel de trop (‘Brutal Kunnin’’), Snaggi a trouvé en Ufthak sa Némésis absolue. Très ambitieux, il avait pour projet de devenir le Boss de sa propre bande, et comptait sur son intellect supérieur pour compenser un physique peu imposant. Manque de bol, Ufthak est au moins aussi malin que lui, et pourrait écraser l’avorton d’un seul doigt : face à ce qu’il considère comme une concurrence déloyale (depuis quand les Orks ont le droit d’être intelligents, hein ?), Snaggi est obligé de ronger son frein, et guetter une opportunité pour se débarrasser de son puissant rival.

Ayant gagné les bonnes grâces de Nizwick, le Grot personnel d’Ufthak, qu’il soupçonne de cacher un esprit retors derrière une apparente stupidité (et pire, un attachement à sa condition servile !), Snaggi croit tenir une chance lorsque son nouveau meilleur copain lui révèle qu’il a « un plan pour Ufthak », et l’entraîne en direction d’une caverne située à proximité du camp. Il s’agit d’un lieu que les Exodites Eldars ayant eu le malheur d’occuper la planète avant l’arrivée de la TekWaaagh ! ont défendu âprement, et dont ils ont fait s’effondrer l’entrée pour empêcher les peaux vertes de venir le profaner. Guère connus pour leur patience, surtout lorsqu’il reste des ennemis à castagner, les Orks ont eu tôt fait de se désintéresser de cette colline caillouteuse, mais les Grots sont d’une nature plus attentive, et Nizwick est persuadé qu’un trésor est caché dans les galeries souterraines. Profitant de leur petite taille pour se glisser dans une anfractuosité laissée ouverte par l’éboulement, les deux canailles partent donc à l’aventure.

Si pour Nizwick, il ne s’agit que d’une sympathique balade en compagnie d’un bon copain, le suspicieux Snaggi se fait des nœuds au cerveau à force de surinterpréter chaque action de son camarade, et de tirer des plans sur la comète au moindre changement de luminosité et de température (véridique). Ça doit être épuisant d’être lui. Les Grots parviennent finalement dans une caverne décorée de peintures rupestres, et surplombant un lac de lave du plus bel effet, puis poursuivent leur chemin jusqu’à une petite salle où, miracle, semble les attendre une ancienne relique. Il s’agit d’un fusil à fission, sans doute oublié sur place par un Dragon de Feu venu faire un EVG il y a quelques millénaires, et Snaggi LE VEUUUUUT. Il se voit déjà vaporiser tous les Orks sur son chemin pour saisir le pouvoir et mener la TekWaaagh! à la place d’Ufthak, mais encore lui faudra-t-il mettre les griffes sur cette arme miraculeuse. Elle est en effet défendue par un trèèèèèès vieux gardien (et peut-être Gardien) tellement hors de forme qu’il réussit l’exploit de se faire vaincre en combat singulier par un Grot. Cela ne l’empêche pas de rigoler lorsque le secourable Nizwick se saisit du fusil pour aider Snaggi à se défaire de lui, pressentant la catastrophe qui s’abat sur les peaux vertes après qu’ils aient fait feu (haha). L’onde de choc provoque en effet une réaction en chaîne qui réveille le volcan et commence à faire s’effondrer la caverne, forçant les Grots à se carapater en vitesse vers la sortie. Ils parviennent à se tirer de ce mauvais pas, mais au grand dam de Snaggi, c’est Nizwick qui monopolise la possession de leur trouvaille, ce qui le force à être spectateur de la surprise que ce dernier réserve à Ufthak à son retour…

Début spoiler…Au lieu de profiter de l’inattention du Boss pour le vaporiser depuis un coin sombre, comme LUI aurait fait, Snaggi à l’horreur de constater que son nigaud de comparse voulait simplement faire un cadeau à Ufthak, parce qu’il l’aime bien. Comble de malheur, l’Ork a tôt fait de réduire la précieuse arme en miettes, offensé qu’on ait pu penser qu’il ait besoin de matos Eldar pour briller en société. Une occasion en or gâchée par un authentique crétin que Snaggi voyait à tort comme un rival en manigances… le coup est rude pour Mini Molaire. Cette leçon valait bien un fromage fusil à fission, sans doute…Fin spoiler

AVIS :

Parmi tous les auteurs ayant contribué à la GW-Fiction, seule une fraction a eu l’occasion de mettre en scène un héros récurrent. Encore moins nombreux sont ceux qui ont consacré aux sidekicks de ce dernier leurs propres (mes)aventures1. Mike Brooks a un peu précipité les choses en propulsant sur le devant de la scène Snaggi Littletoof, Grot ayant eu son quart d’heure de gloire dans le roman ‘Brutal Kunin’’, alors que la mini-franchise qu’il a crée ne comptait qu’un long et deux courts formats. C’est en tout cas mon avis à la fin de la lecture de ce ‘Packin’ Heat’, qui ne m’a que très moyennement captivé, en grande partie parce que Brooks supposait son héros beaucoup plus intéressant qu’il ne l’était réellement. Alors qu’il avait réussi à contextualiser sa galerie de peaux vertes en goguette dans ‘Road Rage’, il n’a pas fait beaucoup d’efforts ici pour permettre au lecteur n’ayant jamais côtoyé le rusé Snaggi de s’investir dans ce personnage vraiment très caricatural (mais après tout, c’est un Grot). Premier point négatif.

L’autre défaut manifeste de conception de ‘Packin’ Heat’ est la fastidieuse tendance de Mike Brooks à faire commenter chaque action de l’intrigue par un Snaggi paranoïaque à l’extrême. Nos deux héros ne peuvent littéralement pas faire un pas sans qu’on ait droit à un paragraphe entier sur les états d’âmes de Littletoof, qui pense toujours qu’on essaie de lui nuire, ou qui réfléchit à comment nuire à autrui. Je reconnais que c’est sans doute comme ça qu’un Grot fonctionne, mais était-il nécessaire de répéter ce schéma ad nauseam ? A moins que cette nouvelle ait été écrite pour une audience de poissons rouges (très intelligents pour le coup), quelques mentions en début d’histoire auraient à mon sens largement suffit pour planter le décor, et leur absence par la suite aurait permis de fluidifier le déroulé de l’intrigue – qui est finalement assez simpliste, quand on la compare au nombre de pages qu’elle couvre.

Bref, je sors aussi déçu de cette nouvelle que son personnage principal, ce qui m’étonne pour une soumission de Brooks : le punk de la BL m’avait habitué à mieux que ça. Notons tout de même que ‘Packin’ Heat’ est la première publication de la Black Library dans laquelle les Squats Ligues de Votann apparaissent. C’est bien la seule raison de s’en souvenir.

1 : On peut songer aux nouvelles consacrées aux suivants de Gregor Eisenhorn (‘Playing Patience’) et Gideon Ravenor (‘Lepidopterophobia’), ou à ‘A Mug Recaf’ et ‘The Smallest Detail’, starring la légende Jurgen (l’assistant de Ciaphas Cain).  

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Maintenant que ‘Warboss’ est véritablement disponible (alors que l’ouvrage n’avait bénéficié que d’une sortie limitée au moment où cette nouvelle avait été initialement publiée), les critiques que j’avais formulées sur la difficulté pour le lecteur de resituer Snaggi Littletoof ne sont plus aussi valides qu’elles avaient pu l’être. Cela dit, il est permis de douter que le public non-initié auquel la Black Library Celebration 2024 est destinée soit particulièrement au fait des liens entre ce petit chenapan et son nouveau Boss, Ufthak Blackhawk. Comme ce dernier est à la fois plus intéressant en tant que personnage, et plus connu du grand public, j’aurais préféré que la Black Library porte son choix sur une des deux nouvelles que Brooks a dédié au personnage (‘Where Dere’s Da Warp Dere’s A Way’ ou ‘Road Rage’). Une fois n’est pas coutume, ce sont donc les versions française et allemande qui s’en sortent le mieux.

A COMPLETER PAR :

Les romans ‘Brutal Kunnin’ // ‘Ruze Brutale’, ‘Warboss’ // ‘Chef de Guerre’ et  ‘Da Big Dakka’ // ‘Eul’ Gros Dakka’, et les nouvelles ‘Where Dere’s Da Warp Dere’s A Way’ // ‘Tant qu’y a le Warp, y a moyen’ et ‘Road Rage’ (non traduite), tous signés de Mike Brooks.

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The Waste, the Worm, and the Witch – G. Kloster [AoS] :

INTRIGUE :

The Waste, the Worm and the WitchNous retrouvons la vampire Ruinemâne Nyssa Volari peu de temps après les événements de ‘Anger & Ash’ et la perte de sa mère de sang, Vasara, brûlée au dixième degré lors de l’embuscade tendue par les nomades de la bande du Poing. Au grand déplaisir de notre héroïne sanguine, Vasara a décidé d’occuper sa non non-vie à hanter ses pensées et à hurler des choses incohérentes dans sa tête, ce qui menace de faire tomber sa belle-fille dans la folie la plus profonde. Pour ne rien arranger, le petit royaume vampirique gouverné par le père de sang de Nyssa, Corsovo, est menacé par les incursions répétées des Chercheurs de Soleil, une faction humaine un peu trop vertueuse et éclairée au goût des buveurs de sang. La nouvelle s’ouvre ainsi par une escarmouche durant laquelle la schizophrénie galopante de Nyssa l’empêche de mener à bien l’attaque surprise qu’elle avait planifiée, permettant à sa proie, la Lieutenant Takora, d’échapper une nouvelle fois à ses crocs.

De retour au Palais Gris qui sert de capitale au domaine paternel, Nyssa apprend de la bouche de l’un de ses gardes du corps (Erant) qu’il connaît une sorcière ayant le pouvoir de parler avec les morts, et qui pourrait donc aider sa patronne à se débarrasser de sa squateuse mentale. N’ayant plus grand-chose à tuer et du temps à perdre (et l’inverse), Nyssa s’embarque dans cette quête Doctolibesque, accompagnée de ses fidèles gorilles (Erant, donc, et sa comparse Rill). Après un trekk sans histoire ni ravitaillement dans les plaines cendreuses qui entourent le volcan Temero, le trio finit par croiser la route de la sorcière de la décharge1, qui fait son office de PNJ et demande à ce que lui soit remis un croc de verre de boue d’une longueur respectable avant de consentir à aider Nyssa. Les Ruinemânes partent donc sur la zone de farmage de cette noble bestiole, un lac peu profond situé à quelque distance.

Comme on pouvait s’y attendre, la mission n’est pas aussi simple qu’il n’y paraissait sur le papier. Les vers de boue en question sont en effet très coriaces, et ont la sale tendance à faire repousser les extrémités dont les vampires les amputent à grands moulinets d’épée aussi vite qu’ils en sont privés. Cela ne serait pas un gros problème pour des bretteurs de la classe de Nyssa et compagnie si les crocs des individus tailladés n’étaient pas d’une taille insuffisante pour satisfaire à la demande de la sorcière, et ne se dissolvaient pas dans l’air une fois prélevés. Quand ça veut pas, ça veut pas.

Le rapport de force s’inverse lorsque the mother of all mudworms fait son apparition, tel un boss de fin de donjon après que ses minions aient été vaincus. D’une taille bien supérieure à celle de ses congénères, Lombricator a également les crocs, ce qui est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle pour les chasseurs de vampires. Il faudra une coopération sans faille entre Nyssa, Erant et Rill pour parvenir à tronçonner une longueur convenable du ténia géant, dont les dents plantées dans le bras de Miss Volari au cours de la bataille resteront heureusement en un seul morceau après que le trio ait pris la poudre d’escampette.

De retour devant la sorcière, Nyssa lui remet la quenotte demandée, et obtient en échange un conseil de psychiatre (« faîtes le deuil de votre perte ») en lieu et place du rite nécromantique trop stylé qu’elle espérait recevoir. Cela chagrine fortement notre héroïne, qui décide de faire goûter à cette charlatan sa propre médecine en lui enfonçant le croc dans la jugulaire, mais s’en trouve empêchée par la disparition soudaine (et salutaire) de cette dernière – la sorcière, pas la molaire. Nyssa se rend cependant compte peu après qu’il y avait de la logique dans la folie de l’enchanteresse, puisque la voix de sa mère semble désormais être consciente de son état, et consent à ne plus hurler « AU FEEEEEEEEEEEUUUUUUUUUU2 » à tout bout de champ, comme elle faisait auparavant. A la place, elle lui prodiguera ses sages conseils depuis l’outre-tombe, comme la mère attentionnée – mais insupportable – qu’elle était jusqu’à son regrettable accident. Pas l’idéal pour une esprit libre comme Nyssa, mais un progrès certain par rapport à sa précédente condition.

1 : Witch of the Waste en V.O., ce qui sonne mieux en plus d’être un clin d’œil au Magicien d’Oz.
2 : Vasara semble également détester cordialement une certaine Lira, qui l’aurait trahie et dont elle souhaite se venger. Il est probable que ce personnage apparaisse dans la suite de la série, je me permets donc de le mentionner ici.

AVIS :

Deuxième épisode des aventures de Nyssa Volari, ‘The Waste…’ se révèle être une side quest sans beaucoup d’intérêt, ce qui est dommage car Gary Kloster aurait pu utiliser cette nouvelle pour contextualiser un peu plus ses personnages, leurs relations et leurs histoires. L’avantage de son approche est qu’il n’y a pas besoin d’avoir lu ‘Anger & Ash’ pour faire sens de cette histoire, mais le résultat n’est pas spectaculaire, ni même très utile pour la suite de la série (à moins que la voix de mommy Vasara joue un rôle par la suite). Si Kloster veut concurrencer le Cado Ezechiar de John French, il va falloir qu’il se donne un peu plus de mal.

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Comme dit ci-dessus, ‘The Waste…’ a pour lui d’être accessible aux nouveaux venus, et contre lui d’être moins intéressant que ce que John French nous a donné avec ses nouvelles consacrées à Cado Ezechiar, autre vampire en vogue des Royaumes Mortels au moment où cette chronique est écrite. Je comprends très bien la stratégie de diversification opérée par la Black Library par la mise en avant d’une nouvelle héroïne (Cado Ezechiar ayant eu le droit au même traitement en 2022), mais c’est le lecteur qui en sort lésé, à mon humble avis.

A COMPLETER PAR :

Le roman ‘The Last Volari’ et la nouvelle ‘Anger and Ash’ (non traduits), par Gary Kloster.

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The Shel’tain Affair – J. Reid [HH] :

INTRIGUE :

The Shel'tain AffairComme pour Faramir longtemps avant elle, c’est au tour d’Amendera Kendel de prouver sa valeur. Fraîchement nommée Agentia Tertius par Malcador le Sigilite, sa première mission la place en effet loin de sa zone de confort (massacrer des démons et faire vomir des Psykers), car elle nécessite une approche subtile que l’ex-Sœur du Silence est bien loin de maîtriser. Envoyée enquêter sur les agissements du Haut Duc Ceithyr, dont la tête ne revenait pas à l’acariâtre Régent de Terra pour une raison qu’il n’a pas daigner lui expliquer, Amendera n’a pas la moindre idée de comment s’y prendre pour percer à jour le honteux petit secret de son hôte, qui se fait un plaisir de lui offrir une visite guidée de sa distillerie de whisky et de sa ferme de cyber-Highland (on suppose qu’il pousse le vice jusqu’à lui offrir du haggis, le monstre) pour montrer qu’il n’a rien à cacher à l’adjointe de Malcador. Après quelques heures infructueuses, Kendel décide de plier les gaules et d’aller confesser sa nullité auprès de son employeur – en espérant qu’il ne mettra pas fin à sa période d’essai – et accepte l’offre de Ceithyr d’être raccompagnée en voiture jusqu’à son Arvus.

Les choses prennent toutefois un tour aussi désagréable qu’intéressant lorsque le chauffeur du Duc tente de lui coller un pruneau dans le buffet, avant de déclencher la bombe cachée sous la carrosserie du véhicule (une option pratique quand on veut se débarrasser d’un invité indésirable… et c’est à peu près tout), qui, si elle épargne notre héroïne, pique toutefois son intérêt professionnel et la motive à retourner dans le manoir de son hôte indélicat. Considérant à juste titre qu’il vaut mieux faire profil bas vu les circonstances, Kendel passe par l’entrée de service et arrive dans le sous-sol du Duc, où elle ne met pas longtemps à liquider les quelques malheureux domestiques et gardes qui passent à sa portée. Lorsque Ceithyr finit par être informé que sa cible a survécu à la tentative d’assassinat, il panique et ordonne à ses hommes d’aller protéger les couveuses de toute urgence, ce qui ne manque pas d’intéresser notre héroïne, qui a entretemps subtilisé l’oreillette d’une de ses victimes pour se tenir informée des derniers potins. Direction les couveuses, donc.

Il s’avère que Ceithyr est un passionné de génétique appliquée, et a installé sous son manoir un laboratoire pour élever du Psyker, passe-temps très certainement prohibé par ce killjoy d’Empereur (faîtes ce que je dis, pas ce que je fais, tout ça…). Dérivés de son patrimoine génétique, les créations du Duc lui servaient à prédire l’avenir de sa lignée, ce qui lui avait été très utile pendant la période d’incertitude que furent les guerres d’unification. Grâce aux conseils de ses « enfants », Ceithyr put placer ses billes sur le bon canasson (JapPépéloup) et sortir son épingle du jeu alors que ses rivaux moins inspirés goûtaient à la colère des Guerriers Tonnerre. Cette histoire est racontée à Amendera par l’une des filles génétiques du Duc, qu’elle ne porte pas dans son cœur du fait des mauvais traitements qu’il inflige à ses bâtards (enfermés au garage ad vitam aeternam, c’est vraiment pas l’éclate). C’est elle qui a averti son papounet abhorré de la chute de sa dynastie s’il avait le malheur de laisser partir l’envoyée de Malcador, ce qui a conduit le superstitieux aristocrate à organiser l’attentat que l’on sait en catastrophe. Elle se rattrape à présent en conseillant à une Kendel à court d’options lorsque Ceithyr débarque avec ses sbires de viser le champ anti-psi maintenu par le prudent Duc autour des cuves amniotiques où la plupart de ses rejetons sont maintenus en stase plutôt que d’essayer de se faire justice directement en envoyant une bastos à son presque assassin.

Résultat des courses : l’un des Psykers en conserve qui flottait à l’arrière-plan décide qu’il est grand temps de tuer le père, comme lui avait conseillé son thérapeute, et réduit Ceithyr et ses gardes en bouillie à la seule force de son petit cerveau musclé, avant de mourir d’épuisement. Pas rancunière pour un sou, Kendel décide d’épargner la fille du défunt Duc et de la ramener avec elle chez Malcador, pensant qu’une voyante agréée pourrait être utile à son boss pour préparer le siège de Terra. Vu comment l’Hérésie se termine pour lui, on peut conclure qu’il a refusé qu’on lui tire les cartes…

AVIS :

L’Hérésie d’Horus a beau être d’abord l’histoire d’une guerre fratricide opposant des légions de surhommes génétiquement modifiés, il s’est passé autre chose qu’une interminable Space Marinade pendant les sept ans qu’a duré cet événement fondateur (et destructeur, aussi). La nouvelle que signe Jude Reid, qui relève plus du thriller policier que du bolt porn, a donc sa place dans cette saga tentaculaire, même si on peut être pardonné de considérer qu’il s’agit d’une péripétie mineure et périphérique par rapport à l’arc principal. Le fait qu’elle ait été publiée en 2022, au moment où le Siège de Terra vivait ses heures les plus intenses, n’aide pas non plus à s’enthousiasmer pour cette histoire que l’on pourrait qualifier de « basse intensité ».

Reid livre une copie sérieuse ici, qui pourra rappeler aux plus anciens la deuxième partie du ‘Blood Games’ de Dan Abnett (ça ne nous rajeunit pas), mais qui ne satisfera pas les lecteurs souhaitant voir l’intrigue globale de l’Hérésie progresser, même modestement, à travers les courts formats égrenés par la Black Library en cette fin d’Hérésie. Je trouve également dommage que Jude Reid n’ait pas cherché à prendre la suite de l’autre nouvelle récente consacrée à Amendera Kendel (‘The Serpent’s Dance’ de Mike Brooks), ce qui aurait pu créer un mini-arc sympathique sur la lutte des agents de Malcador contre l’Alpha Legion. On verra si l’Agentia Tertius refera parler d’elle avant que la poussière ne retombe définitivement sur cette franchise…

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Au risque de me répéter, je reste convaincu que le choix de la Black Library d’intégrer dans ses recueils pour néophytes des nouvelles destinées à des lecteurs bien au fait des derniers événements de l’Hérésie d’Horus et cherchant à se tenir informés de ces derniers (avec un an et demi de retard, c’est le prix de la gratuité) n’est pas le plus heureux qui soit. On atteint avec ‘The Shel’tain Affair’ des sommets (ou des abysses), car introduire l’Hérésie d’Horus, guerre galactique où le Space Marine est roi, via une nouvelle de huis clos se déroulant dans une île perdue du nord de l’Ecosse me semble relever du trollage le plus éhonté. Un hors sujet total.

A COMPLETER PAR :

Si c’est votre première incursion dans l’Hérésie d’Horus, allez sans plus tarder lire ‘Horus Rising’ // ‘L’Ascension d’Horus’ (Dan Abnett) pour avoir les bases. Si vous êtes un faux débutant ou que le personnage d’Amendera Kendel vous a passionné, vous pouvez la retrouver dans le roman ‘The Flight of the Eisenstein’ // ‘La Fuite de l’Eisenstein’ et les nouvelles ‘The Voice’ // ‘La Voix’, ‘Ghosts Speak Not’ // ‘Les Fantômes ne parlent pas’ (James Swallow) et ‘The Serpent’s Dance’ (Mike Brooks).

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Pain Engine – C. Thursten [WHR] :

INTRIGUE :

Pain EngineOù l’on suit la longue et – forcément – macabre quête d’un Haemonculus drukhari pour acquérir un modèle de Talos customisé, qui avait fureur/des ravages lors d’une olympiade à Commoragh où notre héros était présent. Nommée Steeve Seethe, cette belle bestiole ne se révèle pas d’une approche facile : après avoir sacrifié, comme il s’y attendait, tous ses suivants dans les divers pièges mortels protégeant le laboratoire du créateur d’Achille Talos, l’Haemonculus pénètre seul dans le repaire de son estimé mais insaisissable collègue.

Là, il se retrouve face à un prototype inachevé de Talos, et entouré par divers cadavres en état de décomposition plus ou moins avancé, à travers lesquels le constructeur de Seethe s’exprime. Notre héros, qui n’est pas né de la dernière pluie acide, comprend rapidement qu’il est soumis à un véritable entretien d’embauche, et doit ainsi répondre au grand classique « racontez-moi trois projets dont vous êtes particulièrement fier (et pourquoi) ». Jamais mal à l’aise quand il s’agit de parler de sa vie et de son œuvre, l’Haemonculus décrit par le menu les diverses tribulations et collaborations (s’étant toujours très mal finies pour ses partenaires, bizarrement) qui lui ont permis d’arriver jusqu’ici.

Il y a ainsi eu une joint-venture avec un Fleshcrafter du nom de Vyst, exécuté par le successeur de l’Archonte auquel nos compères avaient juré allégeance, et transformé en Grotesque après une éternité de résurrections débilitantes. Il y eut ensuite un M.O.U. avec la Boulangère Pain-Master Talec, vaporisée par un tir de destructeur bien placé après qu’elle se fut montrée plus intéressée par réaliser des tests de Rorschach dans des entrailles de Cabalites que de progresser dans la quête de Seethe. Enfin, notre Haemonculus trouva rigolo de contaminer un camarade (Sziadan) avec un parasite très spécialisé, qui fit fusionner son âme avec son squelette. Squelette qui demanda ensuite le divorce avec le reste du corps du malheureux Drukhari. Et l’obtint. Just a prank, bro. Impressionnant, certes, mais serait-ce suffisant pour gagner le respect d’un artisan aussi doué que Papa Steeve ?

Début spoiler…Et la réponse est oui. Mais comme les histoires d’Eldars Noirs ne peuvent pas bien se terminer (c’est contractuel), notre héros se rend bientôt compte qu’il ne va pas repartir avec Seethe. Plutôt, il va devenir Seethe, comme le modèle de Talos à moitié construit qui trônait au milieu du laboratoire depuis le début de la nouvelle le laissait à peine entrevoir. Appelez ça la poire d’angoisse de Tchekhov. Le rideau tombe sur le début de la transformation de l’Haemonculeur haemonculé, alors que le capot du Talos se referme sur la forme frêle de notre héros. Tel est pris qui croyait (ap)prendre…Fin spoiler

AVIS :

J’ai moyennement apprécié cette soumission de Chris Thursten, que j’ai trouvé très maniérée au niveau de son style (c’est rare pour des écrits de la Black Library, mais ça arrive, coucou Nik Vincent), et très lacunaire au niveau de son intrigue. Le fait que le twist final de la nouvelle soit éventé au cours des premières pages (la manière dont ‘Pain Engine’ est construit ne ménage aucun suspens sur sa conclusion) ne m’a pas non plus mis dans de très bonnes conditions, je dois avouer. Pour finir, l’aspect horrifique est assez limité, ce qui est un comble pour une histoire mettant en scène l’entrée la plus gore du Codex le plus dérangeant de Warhammer 40.000. Du potentiel, certainement, mais encore non réalisé pour autant que je puisse le dire.

ET POUR LES NOUVEAUX ?

C’est toujours bien d’avoir des représentants des franchises « mineures » de la Black Library dans des recueils d’initiation comme les Black Library Celebration, nous sommes d’accord. Ce qui serait encore mieux, c’est que les nouvelles « témoins » choisies pour représenter lesdites franchises soient suffisamment intéressantes pour donner aux néophytes l’envie de les découvrir plus avant. Malheureusement, ‘Pain Engine’ est une soumission trop moyenne pour accomplir cela (de mon point de vue tout du moins), et c’est d’autant plus dommage que la gamme Warhammer Horror ne manque pas de nouvelles plus abouties que celle-ci. 11/20 pour l’effort, mais pas au-delà.

A COMPLETER PAR :

Les recueils de nouvelles Warhammer Horror, dont les trois premiers (‘Maledictions’ // ‘Malédictions’, ‘Invocations’ // ‘Invocations’ et ‘The Wicked and the Damned’ // ‘Les Déments et les Damnés’) ont été traduits en français.

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Chains – J. D. Beer [WCR] :

INTRIGUE :

ChainsMelita Voronova a toujours été une grande professionnelle, mais l’affaire sur laquelle elle travaille depuis deux mois lui tient particulièrement, profondément et viscéralement à cœur. Employée par le cartel Valtteri comme consultante spéciale en sécurité, ou quelque chose du même tonneau, notre héroïne a enquêté sur une série d’attaques ciblant les convois de ses patrons, et perpétrées en partie grâce aux pouvoirs d’un Psyker du nom d’Alim. Ce dernier, loin de coopérer de son plein gré à cette entreprise criminelle, avait été asservi, torturé et exploité par un baron du crime local, l’ex-Sanctioner Jorg Rakove. Localisé et libéré par Melita, Alim a eu recours à une procédure de suicide assisté pour mettre fin à son existence de malheur, en déversant sans consentement libre, informé et préalable tous ses souvenirs douloureux dans l’esprit de sa libératrice, forçant cette dernière à lui coller une balle dans la tête pour stopper le déluge mémoriel. Hantée par le calvaire d’Alim, qu’elle revit à intervalles réguliers dès qu’elle entend ou voit des choses qui lui rappellent les conditions terribles dans lesquelles le mutant a été retenu, Melita est déterminée comme jamais à localiser Rakove et le remettre à ses employeurs, voire plus si affinités.

En cette soirée pluvieuse à Varangantua, et après une nouvelle séance d’hallucinations assez éprouvante déclenchée par le bruit de la ventilation, Melita part avec son partenaire et garde du corps Edi Kamensk en direction du Spoil, une des nombreuses Zones Urbaines Sensibles d’Alecto. Le duo a été rencardé sur le fait que le tout-puissant Anderti Sorokin, chef du gang Har Dhrol, retenait Rakove dans un endroit de sa connaissance, et a reçu carte blanche de la part des Valtteri pour négocier une remise en mains propres. Bien que rompue à l’art délicat des négociations avec des partenaires louches, et à la dangereuse, si colorée, vie nocturne du Spoil, Melita aborde la soirée et le club défraichi où Sorokin a installé son QG de manière circonspecte. Elle sait en effet qu’elle devra jouer finement pour obtenir un deal avec le fantasque mais impitoyable boss mafieux, et ne tient absolument pas à ce que sa cible lui file entre les doigts.

Si la conversation entre nos deux larrons s’engage sur des bases aimables, il ne faut pas longtemps avant que Sorokin ne teste la résolution et la ténacité de son interlocutrice, en lui proposant de parier sur le vainqueur du combat de gladiateurs qui se déroule en contrebas de sa loge. Flairant le piège, Melita ne répond rien avant que le duel se termine par une amputation en bonne et due forme, et annonce qu’elle aurait choisi le gagnant. THAT’S NOT HOW YOU DO IT GURL. Peu amusé par la proposition, Sorokin propose un nouveau mini-jeu à ses invités : si Edi descend dans l’arène et remporte son combat, ils auront Rakove. Alors que le chevaleresque garde du corps est prêt à relever le défi, au grand dam de sa partenaire, déchirée entre son désir de coincer Rakove et la sécurité de la seule personne qui compte pour elle, Sorokin se ravise à nouveau (quel Dhrol de farceur alors), et accepte de négocier de façon civilisée. Après quelques propositions poliment refusées, Melita finit par toucher une corde sensible chez le gangster au grand cœur, dont le rêve est de développer le Spoil afin d’offrir une vie meilleure à ses habitants (c’est beau). Plutôt qu’une grosse pile de crédits impériaux ou un traitement rejuvenat chez les meilleurs spécialistes, ce sont des camions poubelle et des stations d’épuration made in Mechanicus qui permettent de sceller le marché. Tope là mon gars, et pumbagor qui s’en dédit.

Le lendemain, Melita et Edi accompagnent les mercenaires des Valtteri à l’adresse convenue, afin d’assister à l’arrestation tant attendue de cet ignoble ordure de Rakove. BIEN ÉVIDEMMENT, tout ne se passe pas comme prévu, le colis parvenant à se saisir de l’arme d’un de ses surveillants au moment de l’échange, et forçant les mercenaires à l’abattre sur place. Vous parlez d’une boulette alors. Cela énerve au plus haut point Melita, qui avait prévu de faire le sale boulot elle-même dès qu’elle en aurait eu l’occasion (oups mon doigt a glissé sur la détente de mon flingue, comme c’est cocasse), mais notre héroïne tourmentée finit par se convaincre, avec l’aide du perspicace et psychologue Edi, qu’il est temps de tourner la page et que Rakove n’a eu que ce qu’il méritait. Générique.

AVIS :

Jonathan D. Beer donne une suite (et probablement une fin, en tout cas à cet arc) à la nouvelle ‘Service’ (‘Sanction & Sin’), qui relatait les premiers temps de la traque de Jorg Rakove par Melita Voronova. Si l’intrigue en elle-même n’est pas tellement mémorable, et se conclut par un ersatz de twist final, l’auteur parvient à distiller au fil des pages une authentique atmosphère de thriller glauque et moite, tout à fait adaptée à la ligne éditoriale de Warhammer Crime. Beer prouve ici qu’il est capable de créer et de faire évoluer des personnages assez fouillés (mention spéciale à Andreti Sorokin, qui est le véritable héros de ‘Chains’) et maîtrise superbement les codes et clés du background impérial de 40K, deux indéniables points forts pour un contributeur de la Black Library. Je suis donc très intéressé de lire la suite, si suite il y a.

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Contrairement à ‘Pain Engine’, ‘Chains’ se révèle d’une lecture intéressante, et constitue à ce titre une très bonne entrée dans sa franchise de rattachement, la glauque, poisseuse, cruelle et urbaine Warhammer Crime. Sa présence au sommaire de la Black Library Celebration 2024 est donc une bonne chose.

A COMPLETER PAR :

Le recueil ‘Sanction and Sin’ et le roman ‘The King of the Spoil’ (Jonathan D. Beer) où le personnage de Melita Voronova est introduit, et les romans ‘Bloodlines’ // ‘Lignées Sanglantes’ (Chris Wraight) et ‘Flesh and Steel’ // ‘La Chair et l’Acier’ (Guy Haley), et la nouvelle ‘Aberrants’ // ‘Aberrations’ (Chris Wraight), seules entrées de la gamme traduites en français pour le moment.

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Tant qu’y a le Warp, y’a Moyen – M. Brooks [40K] :

INTRIGUE :

Where dere's da warp dere's a wayAssistant de direction d’une bande de Pistol Boyz Bad Moon rattachée à la Waaagh ! de Da Meklord, Ufthak Blackhawk vit à fond le rêve américain Ork, fait de bagarres, d’abordages et de compétitions pour devenir le boss à la place du boss. Le o+1 de notre héros est Badgit Snazzhammer, charismatique, à défaut d’être cérébral, Nob et tirant son nom de son arme de prédilection, un combi marteau énergétique/lime à ongles, qu’il ne dédaigne pas utiliser pour motiver les troupes lorsque le besoin s’en fait sentir. Chargés par Da Meklord en personne de sécuriser la salle du réacteur Warp d’un vaisseau de l’Adeptus Mechanicus afin de permettre à un Mek inventif de jouer avec la tek’ des zoms, Ufthak, Badgit et consorks prennent le premier ‘Ullbreaker pour aller apporter leurs sentiments et bourre-pifs les meilleurs aux fidèles de l’Omnimessie.

Une fois sur place, et après avoir dérouillé une malheureuse patrouille qui tentait de faire son devoir, nos Orks se mettent à errer dans les coursives du croiseur martien, les indications du Mek à roulette1 leur servant de GPS manquant en précisions. Au petit jeu du porte/monstre/trésor, les peaux-vertes finissent par tomber sur plus fort et plus dur qu’eux, comme le malheureux Badgit en fait l’expérience lorsque lui prend la mauvaise idée de charger un Kastelan opérant comme physionomiste à l’entrée de la boite de Warp. Comme quoi, foncer tête baissée est le meilleur moyen pour la perdre. À toute chose malheur est bon, car le décès de son chef permet à Ufthak de s’improviser leader de la bande de Pistol Boyz, malgré les protestations de Mogrot Redtoof, l’autre bras droit de feu Snazzhammer. Ruzé mais brutal, Ufthak accouche d’une tactique de diversion qui lui permet d’arriver au contact de l’angry robot, récupérer l’arme de fonction de son boss, et terrasser l’ennuyeux androïde au cours d’un corps à corps épique et piquant, et même détonnant, l’usage malavisé d’une arme à contondante à champ de force sur le réacteur du Kastelan dispersant Ufthawk façon puzzle2.

Ce n’est toute fois pas la fin pour notre héros, les Orks étant, comme chacun sait, plutôt coriaces. Se réveillant très diminué, mais se réveillant tout de même (ce qui est déjà pas mal quand on n’est plus qu’une tête sur un demi-tronc), Ufthak se voit proposer par le Dok Drozfang, qui accompagnait la bande, un marché qu’il ne peut décemment pas refuser. En un tour de scie circulaire et quelques agrafes, voilà la tête du Boy greffée sur le corps de Badgit, sans trop d’effets secondaires. Ça c’est ce qu’on peut appeler de la chirurgie reconstructrice. Remis de ses émotions, bien qu’ayant – et c’est compréhensible – un peu mal aux cheveux qu’il n’a pas, Ufgit (Badthak ?) refait son retard sur le reste des Boyz, calme les ardeurs de ce parvenu de Mogrot et lui reprend le bâton marteau de parole, et invite le Mek à appuyer sur le gros bouton rouge qu’il a branché sur le moteur Warp du croiseur. Selon les savants calculs de l’ingéniork, cette machine devrait permettre au vaisseau de rebrousser chemin jusqu’à sa planète d’origine, monde forge plein de tek’ à piller…

Début spoiler Malheureusement, le buzzer magique a surtout pour effet de remplir le croiseur de démons, ce qui ne refroidit pas le légendaire enthousiasme peau-verte, bien au contraire. Ils commençaient justement à s’ennuyer…Fin spoiler

AVIS :

Nouvelle rigolork (c’est le dernier mot-valise à base d’Ork, je le jure) de Mike Brooks, et à laquelle je décerne la palme d’argent du titre le plus inventif (catégorie 5 mots et plus), derrière l’indétrônable Badlands Skelter’s Downhive Monster Show de Matthew Farrer, ‘Tant qu’y a le Warp…’ n’a pas grand-chose à offrir au lecteur à part une plongée humoristique dans le quotidien, forcément agité, d’un Boy. Les péripéties grand-guinorkesque (j’ai menti) s’enchaînent de manière plaisante, mais ne vous attendez pas à une conclusion édifiante, ou même intéressante, à cette nouvelle.

1 : Car oui, il n’y en a qu’une dans son cas, on peut parler de monorkwheel.
2 : Après l’Interrogatrice Spinoza dans ‘Argent’, c’est la deuxième nouvelle de la BL qui souligne les dangers des masses énergétiques pour leur porteur. Faut-il voir une ligne éditoriale de Nottingham ?

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Une nouvelle très drôle, à contre-courant de la chape grimdark qui pèse lourdement sur la littérature 40K, et qui vient démontrer que même dans les ténèbres du lointain futur, on peut parfois bien se marrer. Rien que pour cela, ‘Tant qu’y a le Warp…’ mérite la lecture, et notamment celle des néophytes qui peuvent peut-être se dire que les travaux de la Black Library sont un peu trop déprimants pour leur goût (pour être honnête, cette nouvelle est plutôt l’exception qui confirme la règle) : il faut toujours laisser sa chance au produit, surtout quand il est gratuit ! Ajoutons à cela le fait que cette nouvelle est la parfaite introduction au personnage d’Ufthak Blackhawk (Buzenoire en VF), et on tient un choix de casting parfait de la part des éditeurs de la BL.

A COMPLETER PAR :

Les romans ‘Brutal Kunnin’ // ‘Ruze Brutale’, ‘Warboss’ // ‘Chef de Guerre’ et  ‘Da Big Dakka’ // ‘Eul’ Gros Dakka’, et les nouvelles  et ‘Road Rage’ et ‘Packin’ Heat’ (non traduites), tous signés de Mike Brooks.

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La Tour Foudroyée – D. Abnett [HH] :

INTRIGUE :

The Lightning TowerSur la Terra impériale du 31ème millénaire, la trahison d’Horus, Primarque, Maître de Guerre et fils favori de l’Empereur, est encore fraîche que ce dernier, jamais à repousser à la décennie suivante ce qui peut être fait cette année, ordonne à son manœuvre portugais inwittien de fiston de fortifier son Palais, en préparation d’un siège qu’il voit déjà se profiler à l’horizon, bien que ce qui deviendra l’Hérésie d’Horus n’en soit encore qu’à ses prémisses. S’exécutant sans broncher, Rogal Dorn, car c’était lui (quelle surprise), se met au travail avec ardeur, bien qu’il lui en coûte de devoir construire des casemates et des miradors sur un site classé au patrimoine galactique de l’humanité. Les considérations esthétiques du Primaçon, habituellement aveugle à toute beauté, ne manquent pas de surprendre ses collègues de truelle (Vadok Singh, le Contremaître de Guerre) et proches collaborateurs (Sigismund, pas encore disgracié, et Archamus, pas encore empalé) parmi lesquels on compte heureusement un psychiatre homologué en la personne de Malcador le Sigilite.

Ayant surpris Rogal traîner sur les remparts du Palais dans le pyjama en pilou qu’il tient de son grand-père1 (un signe manifeste de déprime), le Premier Seigneur de Terra comprend qu’il est de son devoir d’intervenir, et invite donc le rejeton de son boss à une consultation privée dans ses appartements. Ne pouvant décemment pas partir sur le complexe d’Oedipe avec la moitié des Primarques déjà décidés à tuer le père, Malcador opte pour une approche un peu différente, et demande à son interlocuteur ce qui l’effraie, afin de comprendre d’où vient le spleen persistant du Prétorien. Fort à propos, la question avait déjà été soumise à Dorn quelque temps auparavant, lui laissant le temps de considérer le sujet. Ayant décrété qu’il ne craignait personne, le Primarque tente de se donner l’air profond en répondant qu’il avait peur de ce qu’il ne comprenait pas, comme les règles de la belote, la communication de la Black Library ou encore les causes ayant poussé la moitié des Légions impériales à rejoindre la cause d’Horus. Malheureusement pour lui, il en faut plus pour berner le Sigilite, qui sort de ses tiroirs un jeu de cartes ayant appartenu à Konrad Curze, frère ennemi ayant failli tuer Dorn sur Cheraut après une dispute. Voyant son patient tourner au flave2, Malcador enchaîne sur une thérapie accélérée et tire les cartes à ce dernier, avec des résultats plutôt inquiétants. Mais évidemment, ce n’est qu’un jeu, haha. Ça fera 83 €.

La nouvelle se termine sur un Rogal Dorn un peu plus gaillard depuis sa discussion cathartique avec son prof principal, qui se prépare à repousser les assauts des traîtres avec un petit jeu de tower defence. Surpris par son Père en train de niaiser au lieu de faire ses devoirs, le Primarque dissipé jure toutefois qu’il ne laissera pas tomber son Pôpa, qui repart donc sur le Trône l’esprit tranquille mais le colon obstrué (la constipation, quel fléau). Rendez-vous dans sept ans pour que ça commence à vraiment chier sur Terra.

1 : Qui devait s’appeler Hodor pour que sa robe de chambre aille à son petit fils naturel. Je ne veux pas penser à l’alternative.
2 : C’est un jaune pâle. Non, je ne connaissais pas ce terme avant d’écrire cette chronique. Oui, je vais dès à présent tenter de le placer discrètement dans autant de conversations que possible.

AVIS :

À l’heure où cette chronique est écrite, ‘La Tour Foudroyée’ affiche plus d’une décennie au compteur, faisant partie des premiers textes écrits pour l’Hérésie d’Horus lorsque le projet fut initié par la Black Library en 2007, ce qui ne nous rajeunit pas. Pour ceux qui ont vécu l’épopée littéraire que constitue cette saga, cette nouvelle occupe sans doute une place particulière, le témoin d’une époque où le lecteur, probablement enthousiaste, mais peut-être dubitatif, devant cet OLNI, se demandait à quelle sauce il allait être mangé. Ayant sans doute voulu assurer le coup, la BL avait fait le sage choix de confier le début de la série à des contributeurs expérimentés, l’incontournable Dan Abnett en tête. Et force est de constater que, comme son Horus Rising pour les romans de l’Hérésie, ‘La Tour Foudroyée’ a parfaitement accompli sa mission, c’est à dire fournir des fondations solides et inspirantes aux publications qui suivirent (qui se comptent aujourd’hui en centaines pour les nouvelles). Bénéficiant de la maîtrise narrative et de la patte littéraire du Wordmaster, cette soumission demeure à mes yeux l’une des meilleures introductions disponibles à cette franchise dans la franchise qu’est l’Hérésie d’Horus. En une vingtaine de pages, elle parvient ainsi à poser les bases de l’intrigue (une trahison monumentale mettant en péril le règne du bon Roy Empereur), présenter quelques personnages cruciaux, donner un aperçu satisfaisant de l’univers et de l’atmosphère de cette fin de 31ème millénaire, et esquisser la perte d’innocence que se révélera être ce conflit galactique. Si, en plus, le lecteur connaît ses classiques, il aura droit en sus à quelques détails fluff assez sympathiques, variant du cool-à-savoir-mais-pas-vraiment-important (la barboteuse de Rogal) au cryptique-mais-probablement-lourd-de-sens (le tirage de Malcador). Bref, véritablement la pierre sur laquelle la Black Library a construit sa cathédrale, et une « relique » de l’Hérésie à laquelle il convient de rendre hommage.

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Les habitués de mes chroniques (qu’ils en soient remerciés) vont certainement se dire à ce stade : « depuis le temps qu’il serine que le seul bon choix de nouvelle pour ce type de recueil introductif est ‘La Tour Foudroyée’ pour l’Hérésie d’Horus, il doit être aux anges ». Et ils auront raison. Pour les lecteurs non familiers de mes grommellements sur le sujet, j’ai souvent reproché à la Black Library de faire figurer dans ses ouvrages à destination d’un public non averti des nouvelles de l’Hérésie d’Horus tout simplement incompréhensibles pour ce dernier (cf mon retour sur ‘The Shel’tain Affair’ ci-dessus). Cette critique ne tient pas pour ‘La Tour Foudroyée’, qui est littéralement et littérairement la nouvelle introduisant cette gigantesque saga, un peu comme les textes défilants au début des films Star Wars. Il est assez drôle de remarquer que la BL est revenue à la raison après la conclusion de l’Hérésie, le troisième tome de ‘La Fin et la Mort’ étant sorti quelques jours avant la Black Library Celebration 2024. Mieux vaut tard que jamais, I guess…

A COMPLETER PAR :

Si c’est votre première incursion dans l’Hérésie d’Horus, allez sans plus tarder lire ‘Horus Rising’ // ‘L’Ascension d’Horus’ (Dan Abnett) pour avoir les bases.

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La Pureté de l’Ignorance – J. French [40K] :

INTRIGUE :

The Purity of ignoranceNotre nouvelle commence par l’interrogatoire serré mais décousu subi par le Lieutenant Ianthe du Régiment des Agathian Sky Sharks. En face de l’officier, un prêcheur impérial s’étant introduit comme Josef, se montre très intéressé par les états de service de son interlocutrice, qui peine à comprendre pourquoi il tient tant à ce qu’elle les passe en revue en boucle1. Il s’agit toutefois de la première fois qu’Ianthe collabore avec l’Inquisition à laquelle Josef appartient, et notre héroïne se dit que cela doit faire partie de la procédure de recrutement classique des saints Ordos, et se plie donc sans broncher au petit jeu du déroulé de CV. Il n’y a de toutes façons pas grand-chose à gagner à mettre un rogne un représentant d’une institution qui peut vitrifier votre monde natal sans avoir à se justifier, n’est-ce pas ?

Ailleurs, sur le monde de Tularlen, la Gouverneure Sul Nereid s’éveille dans le luxe de ses quartiers privés. La pauvresse a fait un horrible cauchemar, mais rien qui ne puisse être oublié par un bon petit déjeuner et une représentation privée du dernier ballet donné à l’opéra de la spire. En cela, Nereid a la chance de pouvoir compter sur la dévotion et le professionnalisme de son majordome Saliktris, qui semble toujours deviner ce qui lui ferait plaisir et se met en quatre pour satisfaire les envies et appétits de sa maîtresse. Et cette dernière a bien besoin de se détendre de temps à autres, les soucis posés par la gestion d’un monde impérial étant bien lourds à supporter.

Le premier acte du Lac des Razorwings est toutefois brutalement interrompu par l’arrivée de l’Inquisiteur Covenant et de sa suite, qui plutôt que de se faire annoncer au rez-de-chaussée de la ruche, ont opté pour une entrée fracassante par la baie vitrée, vérifiant une nouvelle fois le dicton que personne ne s’attend à ce que l’Inquisition passe par les velux. Coco et Cie sont confrontés à une vision d’horreur de 4.3 sur l’échelle du Nighthaunter2, musiciens et danseurs se révélant être des cultistes lourdement pimpés selon les goûts pointus, acérés même, du Prince du Chaos. Saliktris, quant à lui, est un authentique Héraut de Slaanesh, trop heureux d’obtempérer lorsque sa maîtresse lui ordonne de chasser les importuns, et par la force s’il le faut. Dans la bagarre qui s’en suit, Ianthe bénéficie d’une introduction approfondie aux us et coutumes chaotiques, la mélée confuse mais colorée qui engloutit les quartiers gouverneuriaux prélevant un lourd tribut sur les membres de son escouade ainsi que sur sa santé mentale.  À ses côtés, Covenant et ses sidekicks réguliers (Josef et Severita), plus aguerris que leur nouvelle recrue, s’illustrent de sanglante façon, jusqu’à ce que Salikris soit banni dans le Warp, et que cette fieffée profiteuse de Nereid écope d’un blâme, pardon d’un blam !, lorsque Ianthe parvient à la mettre face à ses responsabilités et au canon de sa carabine laser.

Début spoilerLe cœur de l’infection ayant été purgé, il ne reste plus au représentant de l’Ordo Malleus de donner quelques directives à son personnel pour que les quelques milliers de personnes ayant eu le malheur de fréquenter la défunte au cours des dernières années soient rapidement mises hors service. Dura lex sed lex. Se pose également la question du devenir d’Ianthe, qui, au cours de l’opération, a retrouvé la mémoire, et compris qu’elle servait en fait Covenant depuis de nombreuses années, mais avait été consciencieusement reformatée à la suite de chaque mission pendant laquelle elle avait été exposée au Chaos (ce qui doit arriver assez souvent dans ce type de profession), pour le salut de son âme et la sécurité de tous. Il lui appartient donc de faire le choix auquel elle est soumise à chaque réunion retex : un lavage de cerveau ou un bolt dans la tête. Présenté comme ça, c’est assez facile de trancher. Mais cette fois, à la surprise générale, Covenant adouci un peu le deal proposé à son sous-fifre, en lui proposant de continuer à le servir avec toute sa tête, jugeant, pour des raisons qui ne seront pas partagées avec l’humble lecteur, qu’elle est prête à vivre avec le poids de la connaissance de la réalité fondamentale de l’univers3. La conclusion de la nouvelle nous apprend qu’Ianthe a choisi de renoncer à la fameuse pureté de l’ignorance, et donc progressé au sein du cénacle d’acolytes de son boss, puisque c’est désormais elle qui remplace Josef pour les entretiens préliminaires. Si cela ne fait pas d’elle une interrogatrice, je ne sais plus à quel saint me vouer.Fin spoiler

AVIS :

Connaissant les capacités de French, je m’attendais à ce que ‘La Pureté de l’Ignorance’ soit d’un niveau un peu supérieur à ce qui a été présenté ici. Reposant sur une série de révélations, sa nouvelle souffre à mes yeux de ne pas suffisamment « préparer le terrain » à ces dernières, qui arrivent donc sans jouer à plein. Si la corruption de la Gouverneure est cousue de fil blanc, bien que les passages introductifs narrés de son point de vue laissent à penser que tout va parfaitement bien sur Tularlen, c’est l’amnésie induite de son héroïne qui aurait vraiment gagné à être davantage exploitée. Point de flashbacks fugaces, de sensations de déjà vu inexplicables ou de réminiscences troublantes pour Ianthe en effet, qui est confrontée, et le lecteur avec elle, au constat de ses nombreux brainwashing de façon brutale, alors que la suture psychique qui lui avait été faite tenait jusqu’à ce moment parfaitement bien. Au lieu d’une nouvelle à twist final, nous nous retrouvons donc « seulement » avec une illustration romancée d’une dure réalité (encore une) de l’Inquisition, qui n’hésitera pas à se débarrasser des éléments ou des individus pouvant poser un problème à l’accomplissement de sa mission sacrée. Cela est certes éducateur, mais cela aurait pu être intéressant d’un point de vue littéraire en sus. Petite déception donc.

1 : N’oublions pas que le bon Josef est sourd comme un pot. Il avait peut-être seulement oublié de brancher son sonotone aujourd’hui.
2 : Un des héritages peu connus mais essentiels que ce brave Curze a laissé à l’Imperium.
3 : Ou peut-être qu’il en avait marre de lui expliquer comment fonctionnait l’imprimante tous les quatre matins.

ET POUR LES NOUVEAUX ?

L’Inquisition et la GW-Fiction, c’est une histoire d’amour qui dure plus de trente ans et qui nous a donné quelques-unes des meilleures séries publiées par la Black Library : il est donc logique et approprié qu’un membre des Saints Ordos ait été invité à représenter son institution dans les pages de la Black Library Celebration 2024. Comme dit plus haut, ‘La Pureté de l’Ignorance’ n’est pas la meilleure nouvelle signée par French, ni même la meilleure nouvelle de son cycle Covenant, mais elle reste tout à fait lisible et « fait le job » de manière propre, même si peu inspirée.

A COMPLETER PAR :

Les romans ‘Resurrection’ // ‘Résurrection’ et ‘Incarnation’ (traduits en français) et l’anthologie de nouvelles ‘Divination’ (non traduite) que John French a consacré à l’Inquisiteur Covenant et à sa suite. Si vous aimez l’Inquisition, c’est votre chance car les séries ‘Eisenhorn’, ‘Ravenor’ et ‘Bequin’ (Dan Abnett) ont toutes été traduites en français par la Black Library.

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La Tentation de Cain – S. Mitchell [40K] :

INTRIGUE :

The BeguilingNous retrouvons le Commissaire préféré de ton Garde Impérial préféré peu de temps après la campagne de Keffia (‘Sector 13’), sur la planète de Slawkenberg et engagé, aux côtés du 12ème Régiment d’artillerie de campagne de Valhalla (Jurgen, Divas et Mostrue sont de la partie), dans la purge du culte chaotique ayant déclenché une insurrection sur ce monde autrement paisible. Ou plutôt, des cultes chaotiques, comme nous allons le voir. Après quelques mois de routine agréable, passés à bombarder les positions ennemies à 71,99 pouces de la ligne de front le matin, déjeuner dans des petits bistrots sympathiques, et déguster de l’amasec vintage en charmante compagnie l’après-midi, notre fringant mais prudent héros se rend compte qu’il s’ennuie quelque peu, et décide de suivre une patrouille d’observateurs avancés de son régiment, accompagné de son fidèle Jurgen, pour voir du paysage et soigner sa réputation d’officier héroïque et proche de ses hommes.

Ce qui ne devait être qu’une simple balade en Salamander va bien sûr mal tourner, d’abord en raison d’une météo capricieuse et de l’absence de capote (livrée en option sur ce type de véhicule), puis à cause d’une embuscade maladroitement commise par un groupe de Prouteux en vadrouille, forçant les Valhallans à s’enfoncer dans une forêt profonde sur un petit chemin au lieu de rester sur la route (détruite par leur botte secrète : l’appel à un ami qui a une batterie de Basilisks sous ses ordres). Au bout de quatre heures de rallye pluvieux, Cain et ses charges retournent enfin à la civilisation, représentée par un manoir isolé mais apparemment occupé, comme son illumination l’atteste.

Ayant garé leur Salamander à quelque distance de la bâtisse afin de pouvoir la reconnaître discrètement, les Gardes sont surpris par l’arrivée désespérée d’une jeune fille affolée et fort peu vêtue, poursuivie par un petit groupe de cultistes de Nurgle. Si les maraudeurs pestiférés sont rapidement mis hors d’état de nuire, à défaut de puire, par les bidasses en goguette, et que la demoiselle en détresse, rapidement rejointe par quelques accortes amies, tombe dans les bras de ses sauveurs, Cain éprouve un vague mal-être (et une démangeaison palmaire de mauvais augure) devant la tournure prise par les événements. Quelque chose ne sent pas bon dans cette affaire, et ce n’est pas Jurgen (pas que, en tous cas)…

Début spoiler…Et en effet, la petite soirée que nos quatre militaires passent à l’Académie pour jeunes filles du monde de St Trynia, si elle s’avère mémorable, ne l’est pas pour les bonnes raisons, et se révèle aussi être la dernière pour deux des camarades de Cain. Alors que ce dernier se retrouve dans les quartiers privés de la directrice pour une séance de tantrisme extra-curriculum, l’ambiance retombe brutalement lorsque la voluptueuse Mademoiselle Duboir confie à son coup d’un soir qu’elle l’a tout de suite identifié comme un fidèle de Slaanesh. Ce que Cain ne pense pas qu’il est (encore1), merci pour lui. Il prend d’ailleurs la mouche au point d’abattre sans sommation son hôte après cette petite confidence. Et à propos de mouche, voici les Nurgleux qui reviennent à la charge, et prennent d’assaut le manoir et ses habitantes, offrant à Cain et à Jurgen (mis très mal à l’aise par le rentre dedans qu’il a subi toute la soirée de la part des prêtresses du plaisir sous camouflage) la couverture parfaite pour s’éclipser discrètement, laissant les dépouilles de leurs camarades malheureux au milieu du champ de bataille. Un petit coup de fil au Colonel Mostrue et un bombardement de la Chaos Star Academy plus tard, tout est bien qui finit bien pour le Héros de l’Imperium, qui décide suite à cette aventure de reprendre en main son hygiène de vie afin de ne plus être pris pour sex addict par la première cultiste venue. Non mais.Fin spoiler

1 : D’ailleurs à l’époque, Cain ne sait même pas trop qui sont les Dieux du Chaos (il l’apprendra plus tard en traînant avec l’Inquisitrice Vail). Mais comme Mitchell est partisan de la théorie des signes chaotiques (les noms et symboles des Dieux du Chaos sont tellement horribles que les entendre ou les voir provoque une réaction épidermique même chez les profanes), la confidence sur l’oreiller de Miss Duboir suffit à convaincre notre héros qu’il y a slaanguille sous resh.

AVIS :

Mitchell livre une nouvelle Cainesque tout ce qu’il y a de plus classique avec ce ‘La Tentation de Cain’, qui mélange action, humour, grimdark et second degré avec un goût certain. Si l’expérience de lecture est assez plaisante, comme souvent avec les aventures du Commissaire le plus cool1 et coulant de tout le Segmentum, je regrette toutefois que Sandy Mitchell n’ait fait aucun effort pour ménager un peu de suspens sur l’opposition entre les deux factions antagonistes (Prout vs Meuh), qui nous est annoncée dès la première page, puis est mise en scène de façon très directe dès l’arrivée de Cain et ses hommes dans le manoir de Duboir. Etant certain de la capacité de Mitchell, en tant que scénariste et narrateur, à obtenir un résultat plus palpitant que ce très et trop convenu ‘La Tentation de Cain’ (comme il a pu le montrer dans ‘Last Night at the Resplendent’ par exemple) s’il avait voulu s’en donner la peine, je reste un peu sur ma faim avec cette nouvelle, et ne la place donc pas parmi les tout meilleurs épisodes de la saga de Ciaphas Cain. Peut mieux faire et a mieux fait.

1 : Logique pour un officier rattaché à un régime de Valhalla, vous me direz.

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Je parlais plus haut de l’amour de la Black Library pour l’Inquisition, eh bien il ne le cède qu’à celui pour les Commissaires de la Garde Impériale, sans doute la profession la plus représentée dans les pages de la GW-Fiction (si on met à part l’omniprésent Space Marine, bien sûr). Comparé à ses collègues, Ciaphas Cain détonne fortement et c’est tant mieux, car un peu de normalité et de second degré dans une galaxie au bord de l’explosion et de l’implosion n’est pas pour me déplaire. Je n’ai donc rien à redire à la présence de ‘La Tentation de Cain’ dans les pages de cette anthologie introductive, même si la BL aurait pu choisir un meilleur épisode de la tentaculaire carrière de CC.

A COMPLETER PAR :

Le premier tome des aventures de notre fringant héros, convenablement nommé ‘Hero of the Imperium’ // ‘Héros de l’Imperium’.

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Le Gouffre Abyssal – A. Dembski-Bowden [HH] :

INTRIGUE :

Gravement blessé dans le crash de son appareil au cours d’une glorieuse victoire impériale, le chef d’escadron Orthos Ulatal a été réaffecté au service des archives de la Grande Croisade, son corps étant trop endommagé pour lui permettre de s’envoyer en l’air comme autrefois. La réception par notre héros cabossé et amer d’un rapport d’un genre particulier va l’arracher à la monotonie pré-dépressive qui constituait son nouvel ordinaire : un certain Khayon des Khenetai, légionnaire Thousand Sons, a en effet proféré de graves accusations à l’encontre des Night Lords de Konrad Curze, alors que les deux Légions « coopéraient » au cours de la campagne de pacification de Zoah, plus connue sous le nom de « Dévastation de Zoah ». Après avoir cherché conseil – un peu – et échangé quelques remarques acerbes – surtout – avec son ancienne camarade et désormais remplaçante, Perdita, Lulu décide qu’il est de son devoir de faire toute la lumière sur cette bisbille inédite entre deux Légiones Astartes. La révélation de conflits larvés entre les champions de l’humanité risquerait en effet d’avoir un effet désastreux sur le moral des troupes, gavées de propagande impériale où tout le monde il est bô, tout le monde il est jenti (sauf le fourbe et puant ENNEMI, bien sûr).

Après un voyage mouvementé et donc vomitif à travers l’espace impérial, Ulatal parvient jusqu’au Nightfall, vaisseau amiral des Night Lords, et demande à être reçu par un des archivistes (et pas Archivistes) de la Légion, afin d’entendre la version des natifs de Nostramo sur les événements de Zoah. À sa grande, et pas franchement heureuse, surprise, c’est le Premier Capitaine de la VIIIème Légion, ce farceur de Sevatar, qui vient finalement toquer à sa porte, pour lui proposer un deal aux conséquences potentiellement funestes : enterrer le rapport de ce couillon de Khayon comme n’importe quel fonctionnaire sensé l’aurait fait depuis belle lurette, ou apprendre ce qu’il s’est réellement passé entre Night Lords et Thousand Sons sur Zoah…

Début spoiler…Comme la nouvelle aurait été beaucoup moins intéressante si Ulatal avait choisi la première option, nous embrayons donc sur un flash back des familles familial, durant lequel nous suivons Sevatar et son bodycam assister aux délibérations houleuses du camp impérial à propos de la Tour de la Sérénité, monument servant de bibliothèque et d’archives à la civilisation de Zoah, prestement incorporée à l’Imperium après un petit massacre pédagogique dont Curze à le secret. Ce même Curze serait d’avis de réduire la tour en poussière, comme le demande le manuel du parfait petit légionnaire, afin que les dangereuses connaissances qu’elle renferme ne viennent pas risquer de contredire la Vérité Impériale. Magnus (également présent) est bien sûr opposé à ce projet d’autodafé, et implore son frère de lui laisser le temps de contacter l’Empereur afin que ce dernier puisse trancher la question. Mais Konrad reste intraitable, et finit par ordonner à Sevatar de commencer le bombardement de la tour, malgré le fait que les Thousand Sons soient positionnés autour de cette dernière et la protègent grâce à leurs pouvoirs psychiques. Après avoir fait son Captain America pendant à peu près 12 secondes, Maggie finit par lâcher l’affaire, mais promet à Curze qu’il en parlera au manager (i. e. Pépé). Bilan des courses : la Tour de la Sérénité finit en gravats, son incommensurable et incommensuré savoir avec elle.

Ayant été témoin de ce clash frontal entre deux des fils de l’Empereur, Ulatal n’est guère surpris lorsque Sevatar prend son élan pour lui refaire le portrait à coup de glaive tronçonneur, cette information hautement sensible ne pouvant être ébruitée en dehors de la grande famille des Astartes. Notre héros est toutefois sauvé, non pas par le gong, mais par le Shang (un autre Capitaine des Night Lords), qui annonce à Sevatar que sa future victime a été nommée officier sur un des vaisseaux de la Légion, le Voidmaw. La nouvelle se termine sur le choix laissé à Ulatal : accepter son nouveau poste ou emporter son secret dans la tombe…Fin spoiler

AVIS :

Aaron Dembski-Bowden opère une fois encore sa magie narrative avec ce ‘The Abyssal Edge’, qui replonge le lecteur dans les savoureux paradoxes des Night Lords pré-Hérésie (un sujet de prédilection de cet auteur). On y retrouve bien sûr l’incontournable Sevatar, égal à lui-même en matière de killer one-liners, je m’en foutisme insolent1 et droiture morale bien cachée, mais le clou du spectacle est évidemment la joute verbale entre Konrad Curze et Magnus le Rouge au sujet de la Tour de la Sérénité. Dembski-Bowden prend soin de dépeindre les deux protagonistes de façon équilibrée, chacun ayant ses qualités (l’esprit critique de Magnus, qui lui donne la perspective nécessaire pour aller à l’encontre d’un édit impérial qu’il trouve stupide ; la « magnanimité » de Curze, qui a déterminé que l’utilisation de tactiques de terreur était la manière la plus efficace et la moins meurtrière pour conquérir Zoah) et ses défauts (l’indignation sélective de Magnus, qui a laissé les Night Lords mener la campagne comme ils le souhaitaient et ne s’oppose à eux que lorsqu’ils décident de raser la Tour de la Sérénité ; et ai-je vraiment besoin de souligner les problèmes de Curze2 ?), ce qui laisse au lecteur le soin de déterminer pour qui il prend fait et cause à la fin de la nouvelle.

Reste la partie consacrée à Ulatal, qui me paraît être trop développée pour un personnage à usage unique, et qui se conclut avec une indication assez nette que la gueule cassée se trouve un nouveau job parmi les auxiliaires humains de la Légion. Comme ADB a mis sous les feux des projecteurs les pilotes des escadrons de chasseurs de la flotte des Night Lords3 dans d’autres textes, je m’attendais à ce qu’Ulatal reparaisse à un moment ou à un autre dans le corpus nostramien de cet auteur, mais mes recherches n’ont rien donné à ce jour. Cela n’empêche pas de savourer cette nouvelle à son plein potentiel, mais pose la question de ce que voulait faire l’auteur avec ce personnage. À suivre ?

1 : La scène où Curze et Magnus lui disent en même temps de la fermer vaut son pesant de viande de grox.
2 : Le fait que l’on en apprenne plus sur Magnus dans ‘The Abyssal Edge’ que sur Konrad Curze me mène à considérer que cette nouvelle devrait être liée au premier plutôt qu’au second dans une optique ‘Primarques’.
3 : Particulièrement la pilote Taye Karenna, commandante de l’escadron des Voilés et chauffeur privé de Sevatar dans ‘Prince of Crows’.

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Comme on arrive en fin de chronique et que vous avez sans doute une bonne idée de ce que je pourrais dire dans cette section après avoir lu mes retours sur ‘The Shel’tain Affair’ et ‘La Tour Foudroyée’, je me contenterai de souligner que l’une des nombreuses qualités d’Aaron Dembski-Bowden en matière d’écriture est sa capacité à mettre en scène des personnages complexes, profonds et attachants. Il est donc possible d’apprécier ‘Le Gouffre Abyssal’ en raison de la simple présence de l’impayable Sevatar. Ce qui est assez heureux, car demander à un néophyte de comprendre toutes les implications de la presque guerre entre Night Lords et Thousand Sons dans le contexte d’une Grande Croisade pré-Edit de Nikaea est… comment dire… assez ambitieux ?

A COMPLETER PAR :

Si vous êtes plutôt Night Lords, allez lire ‘Savage Weapons’ // ‘Des Armes Brutales’ et ‘Prince of Crows’ // ‘Le Prince des Corbeaux’ (Aaron Dembski-Bowden) et ‘Konrad Curze : Nighthaunter’ // ‘Konrad Curze : Hante-la-Nuit’ (Guy Haley) pour en apprendre plus sur ces joyeux drilles. Si vous êtes plutôt Thousand Sons, faîtes vous un avis sur l’éventuelle responsabilité de Magnus le Rouge en lisant ‘A Thousand Sons’ // ‘Un Millier de Fils’ (Graham McNeill) et ‘Prospero Burns’ // ‘Prospero Brûle’ (Dan Abnett).

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Et voilà qui conclut cette revue de la Black Library Celebration 2024, dont je vous invite à vous faire votre propre opinion car après tout, elle est (presque) gratuite et (en partie) disponible en français. Pour ma part, je retiens du bien, du moyen et du mauvais pour les deux versions chroniquées plus haut, mais je ne peux conclure cette critique sans remercier la Black Library de continuer à jouer le jeu de l’accessibilité et de proposer pour la septième année consécutive cet échantillon représentatif de sa prose au plus grand nombre. Continuez comme ça.

TALES OF THE OLD WORLD [WFB]

Bonjour et bienvenue dans la revue de ‘Tales of the Old World’, anthologie pansue publiée en 2007 par la Black Library, et regroupant pas moins de 36 courts formats siglés Warhammer Fantasy Battle. Contrepartie de ‘Let the Galaxy Burn’ (chroniquée ici) pour la franchise med-fan de la GW-Fiction, ‘Tales of the Old World’ est constitué en grande partie de nouvelles initialement publiées dans le légendaire magazine Inferno!, et plus précisément de celles datant de la période 1997 – 2000 (compilées lors d’une première réédition dans les recueils ‘Realms of Chaos’ et ‘Lords of Valour’). Ce sommaire majoritairement recyclé dissimule toutefois cinq inédits, dont deux (‘Haute Cuisine’ et ‘Rat Trap’) signés de Robert Earl et un (‘Ill Met in Mordheim’) du tout aussi inédit Robert Waters. Graham McNeill (‘Freedom’s Home or Glory’s Grave’), Sandy Mitchell (‘The Man Who Stabbed Luther Van Groot‘) et Nathan Long (‘Rotten Fruit’) viennent également faire souffler un peu de fraicheur dans ces pages poussiéreuses, avec de nouvelles aventures pour leurs héros respectifs (Leofric Carrard et les Black Hearts).

Tales of the Old World [WFB]

Divisé en sept parties plus ou moins thématiques (les histoires de Warhammer Fantasy Battle ont tout de même tendance à se ressembler), ‘Tales of the Old World’ propose un panorama assez complet de ce que la Black Library avait en stock sur le Monde qui Fut/Monde des Légendes à cette époque fondatrice de la GW-Fiction. Comme dans ‘Let the Galaxy Burn’, on note l’absence de figures récurrentes de la franchise, comme Gotrek & Felix, Gilead ou Torben Badenov (bien que Stefan Kumansky passe une tête dans ‘Path of Warriors’ et Mathias Thulmann dans ‘A Choice of Hatreds’) au profit de one shots (ou two shots, dans le cas des maraudeurs de Grunsonn d’Andy Jones), ce qui fait de cet ouvrage une brique assez peu connue dans le foisonnant catalogue de la Black Library. Cela ne veut pas dire pour autant qu’elle mérite d’être délaissée par les lecteurs nostalgiques de l’univers si particulier qu’était WFB : comptez sur moi pour être votre guide dans cet endroit bucolique qu’est le Vieux Monde au cours des prochaines minutes.

Tales of the Old World

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Tales of Honour & Heroism

Freedom’s Home or Glory’s Grave – G. McNeill :

INTRIGUE :

Enfin sorti du bois après ses aventures forestières (‘Guardians of the Forest’), le chevalier bretonnien Leofric Carrard1 poursuit sa carrière martiale de la manière la plus classique qui soit pour un noble du Royaume : harceler la Dame du Lac pour essayer de lui piquer son eco cup, pratique aussi appelée quête du Graal pour se donner un vernis de respectabilité. Accompagné de l’écuyer Havelock, brandissant la Lame de Minuit et juché sur la croupe du destrier elfique Aeneor (tous deux lootés lors de ses précédentes aventures en Athel Loren), Leofric traverse les duchés à la recherche de hauts faits à accomplir et de monstres à trucider, ce qui l’amène à rendre service au Seigneur d’Epée, vieil original partageant sa forteresse dynastique avec un revenant peu amène : le/a Dereliche.

La mission de notre héros consiste à ramener à son commanditaire une précieuse relique abandonnée par d’Epée dans une section du château désormais squattée par ce mauvais voisin (il passe son temps à organiser des bals qui durent toute la nuit et font un vacarme de tous les diables, c’est affligeant) : une épée un bouclier une armure une amulette un pot à crayons une tête de cerf empaillée. Eh oui. Stort shory shorter, Leofric et Havelock parviennent à vaincre les maléfices du Dereliche, qui révèle dans son dernier souffle (?) au Graaleux que sa destinée est inextricablement liée à celle du fameux Duc Rouge d’Aquitaine, porté disparu depuis des lustres certes, mais dont le retour ne saurait désormais plus tarder. Ni une ni deux, Leo dépose la tête mitée sur le paillasson du Seigneur d’Epée et s’en va en direction de la forêt de Châlons, où les légendes bretonniennes situent le lieu de repos du Duc Rouge.

Sur le chemin qui mène les deux hommes jusqu’à leur destination, on apprend qu’un village d’Aquitaine du nom de Derevin s’est récemment révolté contre son seigneur légitime, et subsiste depuis quelques mois en totale autonomie grâce à l’appui qu’il a reçu d’une bande de Herrimaults (brigands principiels, pensez à Robin des Bois en Bretonnie) des environs… et au fait que les seigneurs du coin ont été pour le moment trop occupés à se foutre sur le coin du heaume pour monter une expédition militaire capable de reconquérir ce territoire perdu du féodalisme. Comme on peut s’en douter, le chevalier et l’écuyer ont des avis très différents sur le précédent que créé par le Derevin Libre (son petit nom), ce qui donne à McNeill une excuse parfaite pour un petit débat sur ce qu’est une société juste dans le contexte de la Bretonnie (vous avez quatre heures).

Quelques jours et pages plus tard, on repasse en mode action lorsque Leofric et Havelock arrivent à proximité d’une tour en ruines, au beau milieu de la forêt de Châlons. Entourée par les restes d’une bataille entre Elfes et peaux vertes s’étant déroulé il y a fort longtemps, la bâtisse est loin d’être aussi inoccupée qu’elle en a l’air, et une petite armée de Squelettes pointe bientôt le bout de son absence de nez pour signifier son mécontentement aux intrus. Menés par un Nécromancien anonyme et un Revenant elfique, tous deux au service du Duc Rouge – qui pionce encore à cette heure – les morts vivants encerclent nos hardis aventuriers, et c’est fort logiquement qu’un « duel »2 s’engage entre le chevalier et sa Némésis, duel finalement remporté par cette dernière au terme d’un combat assez relevé. Avant que l’Elfe décati n’ait eu le temps de porter le coup de grâce à son adversaire blessé, Havelock intervient cependant pour sauver les nobles miches de son patron et pique des deux pour quitter la clairière hantée. Grâce à la vigueur proverbiale des montures elfiques, les deux hommes parviennent à s’échapper, et viennent chercher refuge dans le premier village sur leur route, qui se trouve bien sûr être Derevin Libre. Sinon ça ne serait pas drôle, reconnaissez-le.

Tiré d’affaire par les soins de la guérisseuse locale, Leofric émerge du coltar après deux jours à comater sur sa paillasse, et fait la connaissance du charismatique Carlomax, chef des Herrimaults s’étant érigé en protecteurs du village rebelle. Très chill, Carlo n’empale pas le nobliau sur le premier pic venu, comme il en aurait pourtant le droit, mais se contente de lui démontrer que la révolte des Derevinois a d’abord et principalement été causée par la déchéance de leur suzerain, qui s’était voué à Nurgle dans ses vieux jours, comme le cadavre putréfié et marqué que les villageois ont gardé dans leur cellier communautaire en atteste sans l’ombre d’un doute. Cette réalisation chamboule Leofric, dont le monde manichéen se pare tout d’un coup de nuances de gris (moins de cinquante, espérons-le, sinon c’est Slaanesh qui va se ramener), et qui n’est plus si sûr qu’il faille raser le hameau et pendre ses habitants, comme il le pensait (secrètement, il n’est pas totalement débile non plus) jusqu’à présent.

Ces puissantes réflexions sont toutefois interrompues par l’arrivée de la horde de Squelettes de Nekro et Elfy, toujours aussi déterminés à recruter Leofric pour le compte de leur patron, en grand besoin de cadres dynamiques pour mener ses armées. Le siège est donc mis à Derevin, ce qui donne à chacun des protagonistes l’occasion de s’illustrer au combat, dans la mesure de ses capacités. Ainsi, tandis que Leofric concasse du Squelette à grands moulinets de Lame de Minuit, Havelock et Carlomax se contentent de flécher l’ennemi à bonne distance, combinaison efficace s’il en est puisqu’elle permettra aux Bretonniens de remporter la victoire après que le chevalier ait réussi à terrasser le Revenant lors de la revanche du duel de l’avant-veille, et que le Nécromancien se soit fait abattre à longue distance par les arcs des roturiers. La nouvelle se termine sur le départ de Leofric et de son écuyer, qui jurent à Carlomax qu’ils tenteront de plaider la cause du Derevin Libre auprès du Duc d’Aquitaine, sans se faire d’illusion sur le destin qui attend la ZAD bretonnienne à court ou moyen terme cependant. Parfois, c’est le combat qui importe plus que son issue. ¡Viva la Revolución!

1 : A ne pas confondre avec Calard, le chevaleresque héros d’Anthony Reynolds.
2 : Je mets des guillemets car Leofric se bat sur le dos d’Aeneor avec Havelock en croupe, ce qui compte comme un 3 vs 1 de mon point de vue.

AVIS :

Graham McNeill livre avec ‘Freedom’s…’ une nouvelle débordante d’idées, pas toutes exploitées de manière satisfaisante ou aboutie, mais dont la générosité nappée de sword and sorcery d’assez bon aloi suffit pour faire de la lecture de cette suite du roman ‘Guardians of the Forest’ un moment agréable. Parmi les points forts de cette histoire, on peut citer le prologue donné par McNeill à son propos principal (je dois avouer que je trouve ce procédé narratif assez élégant), la bonne dose de fluff que nous sert McNeill, ainsi que la réflexion portée sur la société bretonnienne par les discussions entre Leofric, Hevelock et Carlomax, et qui reste à ce jour l’approche la plus intéressante et nuancée que j’ai pu lire de ce sujet épineux dans la GW-Fiction1. J’aurais d’ailleurs apprécié que la bien nommée République Paysanne Autonome du Derevin Libre soit d’avantage mise en avant, voire que son histoire – qui se serait forcément conclue de façon tragique, je sais – soit complétée dans d’autres publications, ce qui n’a pas été le cas à ma connaissance.

En revanche, la partie « affrontement avec les morts vivants » de ‘Freedom’s…’ ne restera pas dans les annales de la Black Library, tant le motif que le déroulé et la conclusion de cette quête sans grand intérêt apparaissent comme bâclés par un Graham McNeill en panne d’inspiration. Mention spéciale au Nécromancien de service, qui n’a même pas le droit à un nom ou à une ligne de dialogue de toute la nouvelle (alors que c’est véritablement lui l’antagoniste principal), et qui se fait honteusement sniper par les side kicks du héros en arrière-plan de la revanche entre Leofric et le bretteur elfe, alors que son seul boulot était d’incanter hors de portée des arcs bretonniens… Heureusement que tout n’était pas de cet acabit dans ‘Freedom’s…’, ou mon jugement aurait été beaucoup plus salé.

1 : Bien loin devant les tentatives de Robert Earl (‘Faith’) et Anthony Reynolds (série Calard).

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Ancestral Honour – G. Thorpe :

INTRIGUE :

La vie de Grimli (oui oui, je sais… l’oliphant dans la pièce) ‘Blacktooth’ Skrundigor à Karaz A Karak est aussi sombre et désespérée que le surnom que notre nabot de héros se trimballe. Nain à tout faire dans une taverne fréquentée par des mineurs bruyants, ivrognes et rancuniers, Grimli a passé une décennie à se faire snober par la grande majorité des clients de son établissement, pour la simple et bonne raison qu’il descend d’une lignée maudite par le Haut Roi en personne il y a plusieurs millénaires de cela. Son arrière15 grand-père Okrinok a en effet commis la faute grave, lourde et impardonnable de fuir un combat contre les Grobis, laissant en plan la fille chérie du souverain se faire friser les tresses par les peaux vertes en furie. À défaut d’avoir pu être retrouvé pour passer en conseil de discipline à l’époque des faits, Okrinok a condamné sa famille sur dix-sept générations à devenir la lie, ou plutôt, le fond de fût, de la société naine, ce qui explique les problèmes de connexion dont Grimli souffre au quotidien1. Après un nouveau shift misérable, il décide cependant de rendre son tablier et de prêter le serment du Tueur, se disant qu’il aura au moins la chance de se faire quelques potes avant de probablement mourir dans de tragiques circonstances et un futur assez proche. Après tout, 200 ans à faire la plonge sans espérer le moindre pourboire, ça fait beaucoup.

Alors qu’il s’apprête à pénétrer dans le temple de Grimnir de la forteresse, il est arrêté par un Tueur blanchi sous le harnais et sa coloration au henné naturel, répondant au nom de Dammaz (rancune en Khazalide). Ce dernier semble lire dans les pensées du jeune Nain, et lui propose tout de go de partir avec lui visiter Karak Azgal, où il a quelque chose d’important à lui montrer, avant que Grimli ne devienne un rouquin assermenté. Cette destination n’est pas anodine, car c’est là qu’Okrinok s’est couvert d’opprobre en laissant ses employeurs (il était garde du corps physionomiste pour les Nains de la haute – un peu contradictoire, je sais) se faire découper en rondelles alors qu’ils visitaient les mines de la forteresse, juste avant la chute de cette dernière. N’ayant rien d’autre à faire et à l’abri du besoin pour quelques mois grâce à la rupture conventionnelle négociée avec son patron, Grimli accepte, et la paire part pour le Sud.

Cette randonnée sauvage en duo permet à notre héros, qui n’avait jamais tenu une arme auparavant, de s’aguerrir en chemin, jusqu’à être capable d’occire un Troll en solo, comme Dammaz lui apprend patiemment. Après des centaines de kilomètres avalés, et autant de Gobelins et de Skavens occis au passage, les compagnons de la baston finissent par arriver dans la place to be. Les mystérieux pouvoirs de la mémoire ancestrale des Nains se réveillent alors, permettant à Grimli de revivre en rêve le drame ayant sali le blason des Skrundigor il y a tant d’années…

Début spoiler…Et comme on pouvait s’y attendre, la réalité était un peu plus complexe que ce que le seul survivant de l’embuscade a raconté à son suzerain, lorsqu’il s’est réveillé parmi les cadavres mais n’a pas vu celui d’Okrinok dans le tas. La mort du Prince et de la Princesse qu’il avait juré de protéger a fait basculer l’acariâtre nabot dans une folie sanguinaire, le menant à charger droit devant lui pour tuer le plus de Grobis possible, sans se soucier du qu’en dira-t-on ni de la cohésion de son unité. Cette percée funèbre a été mal perçue par ses collègues, et en absence de VAR (la technologie ne sera inventée de que 379 ans plus tard), le mal était fait et la messe dite pour Okrinok.

Ce n’est toutefois pas la fin des révélations pour Grimli, car à son réveil, Dammaz l’entraîne jusque dans une caverne naturelle, où se trouve une stalagmite géante constituée des restes calcifiés et empilés de centaines de Gobelins. Au sommet, piétinant ses innombrables victimes, c’est le cadavre d’Okrinok, figé dans la mort et par la magie d’un Shamane commissionné par un Grand Chef sportif dans l’âme, qui attend depuis des siècles que la vérité éclate enfin à son sujet. Et ce n’est pas une pure spéculation de ma part, mais bien le dessein du défunt, qui s’est réincarné en Dammaz pour sauver les miches et les tifs de son ultime descendant. Il aurait certes pu le faire avant (les seize générations séparant Okrinok de Grimli doivent se retourner dans leurs tombes), mais un Nain ne se hâte pas, c’est bien connu. Avant de disparaître, et de laisser son petit fillot se dém*erder seul pour sortir d’une forteresse infestée de peaux vertes et d’hommes rats, Dammaz/Okrinrok indique à Grimli de ramener avec lui son marteau gravé de la rune majeure de Sur La Vie De Ma Mère, faisant que son porteur est automatiquement cru sur parole2, afin de prouver ses dires. L’honneur des Skrundigor est en enfin lavé, ce qui correspond au happy end ultime chez les Dawi à ce qu’il me semble. Grimli peut mourir tranquille, et on me souffle d’ailleurs dans l’oreillette qu’il y a de grandes chances pour que ça soit effectivement passé comme ça…Fin spoiler

1 : Il se serait appelé Bluetooth, ça aurait pas été la même, je gage.
2 : Je ne vois pas comment Grimli peut convaincre autrement ce vieux ronchon de Thorgrim de rayer une rancune de son bottin autrement.

AVIS :

Si on met de côté les petites maladresses d’un Thorpe encore novice dans l’écriture de nouvelles au moment de la publication de cet ‘Ancestral Honour’ (le clin d’œil tellement appuyé qu’il en devient pastiche au ‘Seigneur des Anneaux’, la décision arbitraire du héros de changer de vie deux minute après le début de l’histoire), cette soumission s’avère assez plaisante pour un amateur de background romancé nain. Thorpe est à son aise pour dépeindre cette société dans ses particularismes et ses paradoxes, et la description qu’il fait de la vie d’un paria déshonoré comme Grimli est particulièrement intéressante à mes yeux. On comprend ainsi tout le « jusqu’au boutisme » des Nains, dont la rigueur morale est telle qu’ils ne voient pas de problèmes à punir les leurs sur des générations pour le crime isolé d’un seul individu. L’auteur emploie également le mythe, très spécifique à cette faction, de l’ancêtre réincarné pour venger un affront à son honneur tellement grave qu’il ne peut pas trouver le repos dans l’au-delà. C’est une caractéristique fascinante en termes de lore et de potentiel narratif des Nains (on peut penser à Grombrindal et aux ancêtres de Belegar, mais cela apparaît également dans la nouvelle ‘The Dark Beneath the World’ de William King), qui n’a été que peu mise en avant dans le fluff des suppléments de jeu (pour autant que je le sache), et je suis content que Gav Thorpe l’ait intégré à son récit, même si de manière un peu téléphonée. Une soumission qui démontre surtout que Thorpe est capable de faire honneur à son statut quand il travaille sur un sujet qui lui plaît et l’inspire visiblement, alors qu’il peut à l’inverse sombrer dans la caricature la plus indéfendable si le cœur n’y est pas1. ‘Ancestral Honour’ n’est pas spectaculaire, mais très solide, comme les œuvres de la race qu’elle dépeint.

1 : Voir ‘Tybalt’s Quest’, également publié dans ‘Lords of Valour’ pour s’en convaincre.

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A Gentleman’s War – N. Rutledge :

INTRIGUE :

WFB_A Gentleman's WarLa première campagne militaire d’Otto von Eisenkopf, jeune noble impérial à la tête farcie de glorieuses batailles et d’affrontements chevaleresques, ne se passe pas comme il l’avait prévu. Assigné à un contingent de Pistoliers mercenaires, menés par un vétéran à la barbe douteuse et à l’accent suspect (Molders), Otto fait ses classes d’une manière un peu trop terre à terre (comprendre qu’il rampe beaucoup dans les broussailles) à son goût. Chargé par le Graf von Eisenkopf, père de notre héros, de repérer l’avance d’une colonne de Bretonniens en vadrouille au bord de la frontière entre les deux nations, les tireurs montés ont tendu une embuscade à leurs adversaires, mais Otto, faisant mentir son patronyme, n’arrive pas à garder la tête froide et se plante soudainement au milieu du chemin pour annoncer aux éclaireurs du Duc de Boncenne qu’ils sont en état d’arrestation. Plus honorable, certes, mais beaucoup moins efficace. Fort heureusement pour les impériaux, Molders et ses hommes ne sont pas nés de la dernière pluie et parviennent à refermer leur piège sans trop de mal, tandis qu’Otto a l’occasion de rayer une ligne de sa bucket list en vainquant le chevalier menant les troupes bretoniennes en duel honorable, après un affrontement épique d’au moins deux secondes. Faisant honneur au code de la guerre entre gens riches, von Eisenkopf traite son prisonnier, Guillaume de Montvert, avec tous les égards dus à son rang, allant même jusqu’à lui laisser sa tente et son écuyer lors de son retour au campement du Graf. Un vrai gentilhomme.

Cette prévenance lui joue toutefois des tours car elle l’empêche de faire son rapport à son père avant que le Pistolier lui servant de nounou, une brute dénommée Lutyens, le fasse, et bitche méchamment sur le comportement inadapté du nobliau. Otto n’a pas le temps de s’appesantir sur le sujet toutefois, ni de déguster quelques cuisses de grenouille avec de Montvert au dîner, comme il l’avait prévu, car le Graf renvoie aussi sec les Pistoliers reconnaître la voie probable de l’arrivée des troupes du Duc, dont les vues sur les mines de charbon impériales ne font de mystère pour personne. C’est une petite victoire pour Otto, qui soutenait contre l’avis de Molders que les nobles et honnêtes Bretonniens passeraient forcément par la grand-route, en jouant du luth et déclamant des quatrains à la gloire de la Dame, avec un béret et une baguette pas trop cuite sous le bras. Mais avant de crier victoire (pas trop fort pour ne pas se faire repérer, évidemment), il faut galoper pendant une nuit depuis le camp impérial, une expérience qui laisse Toto un peu déconfit.

La déconvenue ne s’arrête pas là toutefois, puisqu’il s’avère rapidement que les Bretonniens ne sont pas en dessous du recours à de basses manœuvres, comme le cosplay de chevaliers pour faire croire à leurs ennemis que leur force principale passe bien par la grand-route. Cette supercherie ne résiste cependant pas à la longue-vue de facture naine de Molders, qui repart aussi sec vers le camp pour prévenir le Graf de la combine, un Otto bien penaud et de plus en plus fatigué à la traîne. Pour ne rien arranger, ce dernier apprend à son retour que le fourbe de Montvert a abusé de son hospitalité en volant un cheval et (probablement) assassinant son écuyer au passage, contre toutes les règles de la chevalerie. Et il faut déjà se remettre en selle, car il reste une chance aux impériaux de contrecarrer les plans de de Boncenne en tendant une embuscade à ses troupes alors que ces dernières progressent vers l’Empire.

Quelques heures de canasson plus tard, l’avant-garde du Graf débusque un site parfait pour un guet apens, et en attendant que l’ennemi daigne pointer le bout de ses chausses, Otto peut enfin se reposer un peu et méditer sur la réalité de la guerre, qui diffère beaucoup de ce à quoi il s’attendait, et pas en bien. Notre héros est toutefois suffisamment lucide et intègre pour réaliser que cette remise en question lui a été salutaire, en lui permettant de réévaluer la piètre opinion qu’il avait de Molders, des Pistoliers, des mercenaires, des Pistoliers mercenaires, et des tactiques de son père (dans le désordre). Lorsque la bataille finit par éclater, le jeune premier a finalement l’occasion de s’illustrer, en sauvant la vie de son capitaine, puis en vainquant à nouveau le meneur ennemi (de Boncenne) en combat singulier, au terme d’un duel bien plus accroché (et plus mortel aussi, le Duc perdant la tête à la fin du troisième round) que celui contre ce poseur de Guillaume de Montvert. Tout est bien qui finit bien en Karlfrancie, et Otto von Eisenkopf aura appris une bonne leçon au cours de cette première campagne : mieux vaut éviter de s’allonger sur une fourmilière, quand on peut éviter.

AVIS :

Neil Rutledge nous sert une nouvelle de campagne militaire/initiation d’un blanc bec à la vie assez convaincante, dans la même veine que ce Dan Abnett avait fait dans ‘Les Cavaliers de la Mort’, en un peu plus léger toutefois. Je pense que j’aurais davantage aimé ce ‘A Gentleman’s War’ si l’auteur avait choisi d’être un peu plus grimdark dans son approche, les Bretonniens de Rutledge tenant plus du stéréotype de Français moyen-âgeux à la sauce Monty Python que d’authentiques fidèles de la Dame du Lac, même si l’ensemble est encore une fois très correct. Un autre petit regret porte sur le choix de Rutledge de laisser tomber le personnage de Guillaume de Montvert, traître en puissance dont la duplicité ne faisait pas de doute, après l’arrivée au camp impérial, c’est-à-dire avant qu’il ait pu exprimer son véritable potentiel dramatique. Quelques petits détails que Neil Rutledge, et/ou son éditeur au sein de la BL, auraient pu travailler davantage, mais rien de rédhibitoire non plus.

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The Doorway Between – R. Davidson :

INTRIGUE :

WFB_The Doorway BetweenFrantz Heidel, chasseur de sorcières agoraphobe, est engagé par le baron von Kleist pour retrouver le pendentif qui lui a été dérobé par une bande de mutants sur la route de Bechafen. Escorté par un pisteur à tête de fouine du nom de Karl Sassen, notre héros se lance à la poursuite des voleurs dans l’arrière-pays de la capitale de l’Ostermark, sans se douter que son employeur ne lui pas dit toute la vérité au sujet de l’artefact qu’il doit récupérer.

AVIS :

‘The Doorway Between’ est un récit très classique (la quête d’un objet magique qui se révèle être maléfique), conduit d’une manière tout aussi classique par Rjurik Davidson. Sans être mauvaise, cette nouvelle est toutefois loin d’être mémorable, et ne mérite au mieux qu’une lecture rapide, tant il est possible de trouver mieux ailleurs dans le catalogue de la Black Library (pour les amateurs de chasseurs de sorcières, la trilogie Mathias Thulmann de C.L. Werner est à mon goût bien supérieure).

Lorgnant sur la fin vers la buddy story, lorsque Heidel et son rival Immanuel Mendelsohn sont contraints de faire équipe pour contrecarrer les plans de leur ennemi commun, ‘The Doorway Between’ aurait sans doute gagné en intérêt si Davidson s’était davantage écarté des chemins battus de l’heroic-fantasy.

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Birth of a Legend – G. Thorpe :

INTRIGUE :

‘Birth of a Legend’ relate un épisode central du background de Warhammer, à savoir le sauvetage du Haut Roi Kurgan par une cohorte d’Unberogens en vadrouille.

Capturé par le Big Boss Vagraz Head Stomper alors qu’il se rendait dans les Montagnes Grises pour un tournoi de belote, notre pauvre nain est sur le point de finir dans la marmite des peaux vertes lorsque ses ravisseurs se font soudainement attaquer par une bande d’humains hirsutes menés par un adolescent très énervé. Ce dernier, bien aidé par le marteau que lui prête obligeamment son nouveau pote barbu, renverse le cours de la bataille en concassant le crâne de Vagraz d’un revers à une main (long de ligne)1. La nouvelle se termine par une présentation en règle des nouveaux BFF, le sauveur providentiel n’étant nul autre que Laurent Delahousse2.

1 : Punk jusqu’au bout, le Big Boss envoie un bon gros fuck des familles à Sigmar juste avant que ce dernier ne l’achève. That’s the spirit.
2 : Bon, ok, en fait c’était ΣR. Il n’y a que Gav pour ménager de telles « surprises » à ses lecteurs.

AVIS :

Dix ans avant le lancement de la collection Time of Legends, Gavin Thorpe se paie donc le luxe de mettre en scène un évènement qui n’était jusqu’alors couvert que dans la partie fluff des livres d’armées de Warhammer. Et force est de reconnaître qu’il s’en tire plutôt honorablement (bien mieux en tout cas que pour ‘Aenarion’, methinks), sa version de ce passage marquant de la geste Sigmarienne s’inscrivant dans la droite ligne de ce qu’on savait déjà du personnage, et permettant au fluffiste sommeillant dans chaque lecteur de la BL de grappiller quelques détails supplémentaires sur la vie du Musclor de GW. Je ne suis pas loin de penser que Gav n’est jamais aussi bon que lorsqu’il donne dans le background romancé (surtout quand il y a du nain dedans) plutôt que dans la pure fiction. En fait, je le pense vraiment.

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Tales of Adventure & Mystery

Haute Cuisine – R. Earl :

INTRIGUE :

Revenus de Lustrie avec quelques compagnons et une fortune dérobée aux Hommes Lézards de la cité temple qu’ils ont visité pendant leur périple mouvementé (‘The Burning Shore’), Florin d’Artaud et Lorenzo (tout court) ont utilisé leurs biens mal acquis pour ouvrir une taverne à Bordeleaux. Quelques mois après leur retour, ils reçoivent la visite pas vraiment amicale du Maître du Port et de sa garde : bien au courant de la réputation de « Héros de Lustrie » qui entoure Florin, le notable demande aux deux larrons de l’aider à tirer au clair le meurtre sauvage du marchand Flangei Neuf Panses, dévoré vif par ce qui est apparu aux témoins de ce regrettable accident comme une bande de lézards bipèdes ayant surgi du dessous des quais où le défunt avait son entrepôt. Ne pouvant pas refuser une faveur à cet influent officiel, nos héros se mettent en chasse dès le lendemain, de plus (Florin, qui aime juste tuer des choses) ou moins (Lorenzo, dont l’humeur naturelle est « too old for this shit ») bon gré.

Après avoir inspecté les restes décomposés par l’étouffante chaleur bordelaise du pauvre Flangei, comme tous bons limiers qui se respectent, Flo & Lo rendent une visite de courtoisie à la veuve éplorée du défunt, que ce Dom Juan de Florin ajoute à son tableau de chasse sous couvert d’un interrogatoire en tête à tête. Parfois, il faut donner de sa personne pour faire avancer les choses. Convaincu que les Skinks – car il ne fait plus l’ombre d’un doute à ce stade que ce sont eux qui ont fait le coup – qui ont embusqué Flangei se sont installés en dessous du ponton, Florin réquisitionne une barque, quelques arbalètes et une paire de coutelas, et entraîne son complice dans un tour de gondole underground se terminant fort logiquement par une mêlée confuse dans les ténèbres moites des bas-fonds de Bordeleaux.

Sortis tout aussi logiquement vainqueurs de cette empoignade contre une poignée de Skinks anonymes, les Bretonniens poursuivent les survivants jusqu’à une caverne creusée dans la roche par un être d’une stature bien plus imposante que celle des petits Hommes Lézards, et pour cause : les aventuriers sont accueillis par un Kroxigor territorial et affamé, probablement éclos de l’œuf rapporté par inadvertance par leur expédition l’année passée. Les espèces invasives finissent toujours par poser des problèmes, c’est la triste réalité. Ce combat inégal entre la brute écailleuse et deux humains maigrichons trouve toutefois une conclusion miraculeuse après un coup de stylet chi-rur-gi-cal de la part de Florin directement dans le cerveau du Kroxigor, laissant nos héros libres de nettoyer l’antre des sauriens (tapissés d’œufs que Kroxxie couvait sans doute comme une mère poule) et empocher la récompense placée par le Maître du Port sur chaque tête d’Homme Lézard lui étant rapporté. Il faut bien gagner sa croûte1

1 : Et la nouvelle se termine d’ailleurs par le service d’un filet mignon de Kroxigor aux invités de Monsieur Lafayette, toujours prêt à mettre la main au portefeuille pour épater la galerie. Il parait que ça ressemble à du chapon au goût…

AVIS :

Robert Earl nous propose une suite à ‘The Burning Shore’, premier roman de la trilogie consacrée à Florin et Lorenzo, le duo d’aventuriers du Vieux Monde ayant eu la mauvaise idée de tenter de concurrencer Gotrek et Felix (et assez lamentablement échoué), avec ce ‘Haute Cuisine’. Si l’intrigue qu’il déroule est d’une simplicité limpide, l’intérêt de la nouvelle réside dans ses personnages principaux, et plus particulièrement Florin d’Artaud, mélange de Detlef Sierck (pour son amour des beaux-arts) et de Sigvald le Magnifique (rapport à son goût pour les plaisirs charnels, dans tous les sens du terme), combinaison assez originale il faut le souligner.

Cependant, si le mal-nommé Héros de Lustrie n’est pas à votre goût, il ne reste pas grand-chose d’autre pour sauver cette histoire que les noms extravagants donnés par Robert Earl aux plats concoctés par le chef de Mr Lafayette (« vin et bile d’aigle » ou « os de poissons gellés », en français dans le texte), ce qui ne fait pas lourd. Plus ennuyeux, l’auteur ne se donne pas la peine d’expliquer comment ses antagonistes se sont retrouvés à squatter les quais de Bordeleaux1, ce qui est tout de même problématique du fait de l’incongruité de la situation. Un mélange littéraire et culinaire assez malheureux…

1 : L’histoire s’ouvre par une scène durant laquelle le capitaine du navire qui ramène les survivants de l’expédition lustrienne en Bretonnie balance un (1) œuf de Kroxigor par-dessus bord après que personne de l’équipage ne l’ait revendiqué comme sa part. On ne saura jamais comment les Skinks sont arrivés jusqu’à la métropole bretonienne.

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Paradise Lost – A. Jones :

INTRIGUE :

Nous retrouvons les maraudeurs de Grunsonn dans une bien mauvaise passe : à la dérive au milieu de l’océan sur une coquille de noix, sans eau ni nourriture, et délestés de la cargaison d’or qu’ils avaient soutirée de la cale d’un galion abandonné par un pirate indélicat. Heureusement pour notre quatuor de choc, le salut finit par poindre à l’horizon, sous la forme d’une île où accoster afin de se refaire une santé. Et lorsque les indigènes (une colonie de skinks) se mettent en tête que les maraudeurs ne sont autres que Losteriksson et ses guerriers, revenus après des siècles d’absence régner sur leurs adorateurs à sang froid, il ne fait plus de doute que le temps des vacances a sonné pour nos quatre aventuriers.

AVIS :

Deuxième et dernier épisode de la (courte) saga consacrée par Andy Jones à Grimcrag Grunsonn et ses maraudeurs, ‘Paradise Lost’ est une soumission sensiblement supérieure à ‘Grunsonn’s Maraudeurs’, et ce sur tous les plans. Fidèle à son approche décomplexée du monde de Warhammer, Jones continue en effet sur sa lancée de med-fan parodique, tout en dotant son récit d’une intrigue bien plus charpentée (appréciable attention), et en s’arrangeant pour combler – à sa manière – les blancs laissés dans le background officiel au lieu de chercher à réécrire ce dernier à sa sauce. Autre point positif, l’inclusion de véritables personnages secondaires (shout out à Froggo, le skink de compagnie de Johan Anstein, qui se rêvait méchant de James Bond), permettant à l’auteur de confronter ses héros à des antagonistes à leur hauteur, c’est-à-dire complètement barrés.

Au final, ‘Paradise Lost’ n’est rien de moins que la tentative la plus aboutie de la part d’un auteur de la Black Library de tourner en dérision l’univers de Battle, et rien que pour ça, cette nouvelle vaut le détour.

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Night Too Long – J. Wallis :

INTRIGUE :

WFB_Night too LongLa penultième soirée de l’année civile est une journée de boulot comme les autres pour Dirk Jenner (a.k.a. le Kardashian caché) et Karl Johanssen, agents des Lices d’Altdorf. Les Lices, c’est un peu la PJ de l’Empire, sauf que les effectifs sont très limités – surtout depuis que cet abruti de Schmidt s’est fait liquider par un gang de Bretonniens : en cette période festive pour le quidam moyen, et avec tous leurs csollègues partis fêter la fin de l’année à la campagne, Dirk et Karl sont au four et au moulin sur tous les dossiers chauds du moment. En plus d’enquêter sur les disparitions mystérieuses de jeunes femmes depuis plusieurs semaines, ils doivent à présent mettre leur traditionnel afterwork à la taverne de la Chèvre Noire en standby pour tenter d’élucider une nouvelle affaire… fumante. L’auberge des Septs Etoiles vient en effet d’exploser, faisant quelques victimes mais surtout manquant d’emporter avec elle un personnage de haut rang : rien de moins que le Comte Electeur Valmir von Raukov d’Ostland, venu s’encanailler avec sa dernière conquête à l’abri des regards inquisiteurs. Heureusement, Valoche s’est eclipsé quelques minutes avant la détonation, mais il semble clair à Hoffman (qui n’est pas conte mais qui aimerait bien1), le supérieur de nos héros, que c’est le noble qui a été visé. L’affaire étant politique, c’est aux Lices qu’elle revient, et même en sous-effectif et en carence de sommeil, il va falloir obtenir des résultats.

Après une enquête de voisinage qui ne donne rien, quelques suspicions portées sur un groupe de terrassiers s’activant sur la Königplatz pour réparer les alentours de l’auberge soufflée avant que les célébrations de la Hexensnacht (notre St Sylvestre) et sur un marchand de vin bretonnien essayant de vendre du beaujolais nouveau au prix d’un Château Petrus, et une discussion rapide avec von Raukov à propos de sa cocotte (Anastasia), Jenner et Johanssen finissent par trouver une piste solide. Ils trouvent chez Anastasia l’adresse d’un entrepôt, où ils trouvent 1) son cadavre, encore frais et 2) des empreintes de tonneaux récemment déplacés, et que Karl suppose être utilisés pour stocker la poudre qui a volatilisé les Septs Etoiles. Malaise : il y avait là beaucoup plus de tonneaux que nécessaire pour réaliser l’attentat de la veille, ce qui laisse à penser que les coupables vont commettre un nouveau forfait. Persuadé que le marchand de vin bretonnien, qui après tout, utilise des tonneaux et a une charrette, est impliqué dans cette conspiration des poudres, Dirk est à deux doigts de le coffrer préventivement lorsque leurs chemins se croisent à nouveau, mais Karl l’en empêche, pour la bonne et simple raison qu’une suspicion ne suffira pas à convaincre le proc’ (ou quelque chose comme ça). Une série de coïncidences remet toutefois nos deux limiers sur la bonne voie, lorsqu’ils réalisent que le chef des terrassiers aperçus le matin même n’est autre que le frère d’Anastasia, ce qui en fait un suspect de premier ordre…

Début spoiler…De retour à toute berzingue sur la Königplatz, à présent noire de badauds en goguette, Jenner et Johanssen arrivent à temps pour se castagner avec les maçons du cœur d’Altdorf, qui se révèlent être d’odieux fondamentalistes Ulricains n’ayant pas digéré que von Raukov devienne sigmarite sur ses vieux jours. Le nouvel objectif des talibans de Middenheim est de perpétre une attaque à la bombe pendant les festivités de la Hexensnacht afin de déstabiliser Karl Franz et encourager la sécession des provinces nordiques. Malgré leur talent à l’arbalète et au couteau de lancer, nos héros échouent à rattraper une bête torche enflammée lancée par un random goon sur la traditionnelle traînée d’huile courant jusqu’à la poudrière, et c’est la caca, c’est la cata, c’est la große Katastrophen. Bilan des courses : des dizaines de morts et de blessés, une Konigplatz ravagée et toutes les statues des empereurs et impératrices qui la bordaient (y compris celle de Sigmar) à concasser pour faire du gravier, ou à mettre à la décharge. Pas le meilleur résultat pour notre équipe de choc/choquée, mais au moins cela met fin à l’enquête, pas vrai ? PAS VRAI ???

Début spoiler 2…Eh bien non. Car il s’avère que ces fieffé coquins d’Ulricains ont encore de la poudre en stock, d’après les calculs de Johanssen. Et comme l’Empereur insiste pour donner une grande messe dans la cathédrale de Sigmar dès le lendemain, et en présence de tous les officiels présents à Altdorf, en l’honneur des victimes de l’attentat, Hoffman pressent que les barbus vont encore frapper. Il accorde donc royalement une heure de sommeil à ses sous-fifres avant d’aller inspecter les lieux à la recherche d’entourloupes… mais part sur place avant qu’ils ne se réveillent. Jenner et Johanssen se ruent donc à la recherche de leur supérieur, et repèrent sa cape rouge flottant à la fenêtre du dernier étage du bâtiment. Il est toutefois assez peu aisé de se frayer un chemin dans l’édifice le plus sécurisé de l’Empire, sauf si on a des amis bien placés (Valmir von Raukov, dans le cas présent, auquel J&J promettent d’apporter la tête des assassins de sa maîtresse). Une cavalcade échevelée plus tard, nos héros se retrouvent face à face avec une nouvelle sULRICide squad, qui a pris en otage l’imprudent Hoffman et menace de lui régler son compte si les officiers s’approchent trop près. Bien entendu, cela n’arrête pas le poing de la justice, qui s’abat sans coup férir sur les malotrus, et parvient cette fois-ci à éviter un son et lumière pirate, qui aurait fait s’effondrer le plafond de la cathédrale sur l’auguste assemblée réunie en ces lieux. Tout est bien qui finit bien. A moins que…

Début spoiler 3…À moins que la route de Jenner rencontre à nouveau celle de sa Némésis (le marchand de vin bretonnien), alors que cette dernière s’apprête à quitter la ville. Beau joueur, il présente ses excuses à l’honnête commerçant qu’il a rudoyé sans raison… et réalise qu’un marchand de vin qui retourne chez lui après avoir vendu sa cargaison mais en emportant ses tonneaux, ce n’est pas normal. Et en effet, à l’examen, les fûts suspects ne contiennent pas de pinard, mais des jeunes femmes baillonnées et ligotées, que ce môdit franssais essayait de trafiquer hors de la ville. Deux affaires résolues en quelques heures, tu parles d’un coup de chance. Mais parfois, c’est mérité.Fin spoiler 

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AVIS :

Si la nuit a été longue pour les J&J d’Altdorf, le rythme de cette nouvelle est quant à lui d’une rapidité fulgurante, ce qui est à mettre au crédit du sieur Wallis. Les 15 pages de ‘Night Too Long’ débordent en effet de fausses pistes, péripéties et autres rebondissements, et, chose assez rare pour le souligner, cette abondance ne se manifeste pas aux dépends de l’intrigue, qui reste logique d’un bout à l’autre du récit. Cette savante alchimie permet à la présente nouvelle de dépasser haut la main l’assez médiocre ‘Rest for the Wicked’ que James Wallis avait également consacré aux officiers Jenner et Johanssen. Autre caractéristique notable de ‘Night Too Long’, ce court format met en scène des événéments marquants d’un point de vue fluff (la destruction des statues de la Königplatz, y compris celle de Sigmar), ce qui est là encore l’exception plutôt que la règle. Certes, les dégâts causés par les fondamentalistes ulricains ne sont pas irréparables dans l’absolu, et la confidentialité qui a entouré les écrits de Wallis pendant sa période de contribution à la Black Library peut mener à penser que l’attentat de la Hexensnacht n’est pas vraiment (poudre à) canon, mais cela fait toujours plaisir de voir un auteur de la BL laisser une empreinte, même minime1, sur le fluff avec un grand F plutôt que de faire évoluer ses personnages dans une sorte de dimension parallèle où aucune action n’a de conséquence sur le background décrit dans les suppléments. Pour ces deux raisons, cette nouvelle vaut le détour, et si vous avez l’occasion de mettre la main dessus, laissez vous tenter.

1 : Hommage se doit d’être rendu ici à Simon Jowett, qui n’a pas hésité à nommer un Primarque dans une de ses nouvelles. A true legend.

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Grunsonn’s Marauders – A. Jones :

INTRIGUE :

Les maraudeurs de Grunsonn (un nain crado, un elfe libidineux, un barbare chermanik et un impérial benêt) sont engagés par un sorcier pour retrouver une relique enchantée, le « mythique » Doigt de Vie (Finger of Life), qui repose sous bonne garde dans une caverne oubliée des Montagnes Grises.

AVIS :

Attention, OVNI. S’il n’est pas rare pour le lecteur de la BL de rire un bon coup en parcourant les textes des contributeurs les moins doués de cette auguste maison d’édition, il est en revanche bien moins courant que cette hilarité ait été sciemment recherchée par l’auteur au moment de l’écriture de son texte.

C’est toutefois indéniablement le cas avec ce ‘Grunsonn’s Marauders’, première des deux nouvelles consacrées par Andy Jones (également co-éditeur du recueil ‘Realm of Chaos’ dans laquelle ce texte a été publié pour la première fois) au plus improbable quatuor de héros de l’histoire de la Black Library. Faisant feu de tout bois, Andy enchaîne dialogues absurdes, comportements parodiques, péripéties grotesques et calembours de comptoir (mention spéciale au barbare de la bande, le bien nommé Keanu the Reaver), pour un résultat dans la droite ligne de bouquins tels que ‘Lord of the Ringards’, ‘Bilbo the Postit’ ou encore ‘La Der des Etoiles’. Etant donnée la brièveté de l’opus et son caractère résolument novateur par rapport au med-fan premier degré qui caractérise la BL, la sauce prend toutefois mieux que pour les « chefs d’œuvre » précédemment cités, ce qui n’est pas plus mal.

Bref, ‘Grunsonn’s Marauders’ est une lecture indispensable pour tous les acharnés de la Black Library, une curiosité tout autant qu’une relique d’une époque où Games Workshop ne se prenait pas encore (trop) au sérieux. Un vrai collector1.

1: Pour la petite histoire, les maraudeurs de Grunsonn étaient les personnages de la bande Heroquest d’Andy Jones et de son cercle d’amis. Ce qui explique beaucoup de choses.

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The Man Who Stabbed Luther Van Groot – S. Mitchell :

INTRIGUE :

Le quotidien tranquille et roboratif du détective privé Halfling Sam Warble est légèrement dérangé un soir qu’il prenait son dîner dans sa gargote préférée de Marienbourg par le cas que lui apporte le boulanger Alfons de Wit, modeste artisan propulsé au rang de célébrité locale et homme politique en puissance après qu’il ait réglé son compte au chef de gang Luther Van Groot lorsque ce dernier tenta de le racketter à la sortie de son échoppe. Si cet acte héroïque fit de de Wit la coqueluche du quartier, et lui ouvrit les portes d’une prometteuse carrière de notable, elle attira aussi l’attention d’un maître chanteur, bien décidé à faire pression sur la nouvelle idole du Winkelmarkt pour son propre intérêt. Ayant reçu de vagues menaces faisant état d’ébruiter une vérité compromettante pour lui, de Wit fit ce que n’importe qui avec deux sous de jugeotte et un solide compte en banque aurait fait à sa place, et s’en alla trouver le fin limier qu’est Warble pour lui demander d’identifier son admirateur secret, contre espèces sonnantes et trébuchantes, bien sûr.

Après avoir accepté l’affaire et un premier acompte, notre limier de poche décide de se rendre chez lui pour se pieuter, car il ne sert à rien de commencer une enquête en soirée (c’est très mauvais pour la digestion). Le retour est cependant plus mouvementé qu’à l’accoutumée, Warble se faisant embusquer par un duo de malfrats bien décidés à lui faire la peau, pour une raison inconnue mais sans doute sérieuse pour les pousser à de telles extrémités dans l’impolitesse. Bien que l’un des assaillants soit un sorcier, comme ses contours crépitants le laissèrent apercevoir sans équivoque à notre héros, ce dernier, grâce à ses réflexes développés et la résistance passive à la magie dont bénéficie la noble race Halfling, parvient à échapper au maléfice que lui réservait le thug-maturge et lui plante sa dague dans la jugulaire pour règlement de tout compte. Rejoint par une patrouille de miliciens quelques instants après l’algarade, Warble évite de peu de terminer la nuit au poste pour se justifier de ses actions (merci le népotisme marienbourgeois), et s’en retourne dans ses pénates pour prendre un bon bain et quelques heures de repos bien mérité.

Le lendemain, Warble se met enfin en quête du maître chanteur de son commanditaire, tout en tentant d’élucider les raisons ayant mené à la tentative d’halficide dont il a fait les frais la veille. Au menu (au sens figuré, hélas), un entretien avec un mage freelance de sa connaissance (Kris) pour avis d’expert, et deux interrogatoires de lieutenants de feu Luther Van Groot (Jan Alten et Karin Van Meeren), s’étant divisé les restes de l’empire criminel de leur patron après la mort de celui-ci. Bien que les deux jurent solennellement ne rien savoir des déboires de l’honorable de Wit, un faisceau d’indices apparait bientôt devant les yeux aiguisés de Sam Warble, et il donne rendez-vous le soir même à Alfons devant une maison assez ordinaire du Winkelmarkt…

Début spoiler 1…La sagacité légendaire de l’Hercule Poirot de Marienbourg lui a en effet permis de découvrir que Luther Van Groot, en plus d’être une crapule consommée, fricotait également avec un culte chaotique à ses heures perdues. Ayant trouvé malin de sacrifier une des filles du bordel tenu par Karin Van Meeren à une quelconque déité néfaste pour épater la galerie, il aurait dû expliquer à cette dernière la disparition suspecte de sa protégée, mais fit sa rencontre fatale avec Alfons de Wit avant que la mère maquerelle ne puisse lui mettre le grapin dessus. Elle assista tout de même de loin au face à face mortel entre le boulanger sans le sou (seule raison pour laquelle il avait refusé de graisser la patte du truand) et le racketteur malchanceux, et put donc se rendre compte que contrairement à la rumeur populaire, de Wit n’était pour rien dans le trépas prématuré de Van Groot, poignardé par un mystérieux assaillant alors qu’il était sur le point de corriger le mitron téméraire.

C’est donc Van Meeren qui tentait de faire chanter de Wit (et l’attaque sur Sam Warble a été causé par la paranoïa des cultistes fréquentés par Van Groot, convaincus que le limier enquêtait sur eux et non sur le maître chanteur), mais Warble a tôt fait de rassurer son client. L’aura de vertu entourant le boulanger sera bientôt tellement grande qu’elle le mettra totalement à l’abri des médisances de la mère maquerelle, et pour cause : en plus d’avoir « liquidé » Van Groot, n’a-t-il pas mené les autorités de Marienbourg jusqu’à une dangereuse secte chaotique, hein ? C’est en effet la version de l’histoire que Sam Warble a donnée au régiment de miliciens et de Templiers qu’il convoqué pour nettoyer le repaire des cultistes, et tout est bien qui finit mieux pour les honnêtes gens de la cité état. Une question demeure, cependant : qui a vraiment suriné Luther Van Groot ?

Début spoiler 2…Et la réponse est Sam Warble, pour toucher la prime placée sur la tête de la fripouille par les autorités de Marienbourg après que Van Groot ait eu la mauvaise idée de tenter de trafiquer avec des marchands impériaux dans le dos de la municipalité, très attachée à son monopole sur l’import-export avec Ulthuan et le nouveau monde. Comme Luther l’a appris à ses dépens, ce n’est pas toujours la taille qui compte…Fin spoiler

AVIS :

Pour sa dernière apparence (à ce jour !) dans la littérature WFB, Sandy Mitchell fait vivre à son personnage de Sam Warble un whodunit très resserré (12 pages seulement), dont la conclusion m’a laissé un peu sur ma faim – un comble pour une histoire dont le héros est un Halfling. Bien que tout s’emboîte et s’enchaîne sans erreur ni lacune dans cette nouvelle assez tortueuse (ça s’est sans doute perçu à la lecture des paragraphes ci-dessus, et je m’en excuse), Mitchell ne propose pas au lecteur une véritable énigme policière « participative », ce qui fait tout l’intérêt du genre, mais se contente de démontrer que son héros est vraiment très sagace, sans laisser la possibilité à son public de se mesurer au Sherlock Holmes Zavant Konniger du Winkelmarkt. Pour être honnête, ça avait déjà été le cas pour les deux autres enquêtes de Warble publiées dans la GW-Fiction (‘The Tilean Rat’ et ‘The Song’), mais leur caractère ouvertement parodique les rendait plus intéressantes que ‘The Man…’, qui lorgne beaucoup plus franchement vers le polar premier degré. D’autre part, je trouve que l’identité du meurtrier de Luther Van Groot ne colle pas vraiment avec l’image que j’ai du personnage, que je ne m’imaginais pas comme le tueur de sang froid que Mitchell nous présente à la fin de son récit. Une assez triste affaire, en somme.

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Tales of Revenge & Betrayal

The Faithful Servant – G. Thorpe :

INTRIGUE :

WFB_The Faithful ServantAu sortir d’une bataille perdue par l’Empire contre une armée chaotique dans le nord du Kislev, le prêtre guerrier Markus revient à lui dans un champ de cadavres. Piégé sous la dépouille de sa monture, il ne peut se dérober lorsqu’un guerrier des puissances noires se présente devant lui. À sa grande surprise, son ennemi ne semble pas tant être intéressé par sa vie que son âme, ses sombres maîtres lui ayant promis l’immortalité en échange de la corruption d’un certain nombre d’individus vertueux. Markus pourrait être la dernière victime d’Estebar, le maître du massacre, dont l’ost se débanderait après l’élévation de son général au rang de Prince Démon, épargnant ainsi les vies de milliers d’innocents. Mais notre héros est-il prêt à consentir au sacrifice ultime pour préserver ses compatriotes des ravages des hordes du Chaos ?

AVIS :

La damnation et les chemins, souvent détournés et pavés de bonnes intentions, qui y mènent, font partie des thèmes de prédilection de Gav Thorpe, qui a consacré au sujet sa première trilogie en tant qu’auteur de la Black Library (‘Slaves to Darkness’). ‘The Faithful Servant’, publié quelques années avant ces romans, peut donc être considéré comme un galop d’essai de la part du Gav. On retrouve ainsi dans cette nouvelle un héros placé face à un choix cornélien, dont les répercussions ne manqueront pas d’ébranler le Vieux Monde (c’est du Thorpe après tout).

Construit exclusivement comme « écrin narratif » à sa question centrale, ‘The Faithful Servant’ tient davantage du conte philosophique (même si une telle appellation est un peu galvaudée par son enrobage med-fan) que de la nouvelle de sword and sorcery classique, et ce n’est pas plus mal. Sans s’avérer particulièrement mémorable ni éloquent, le débat opposant Markus à Estebar se révèle être assez plaisant à lire. En choisissant de conclure son propos avant que le prêtre guerrier n’ait fait son choix, Thorpe gratifie de plus sa nouvelle d’une conclusion, que dis-je, d’une ouverture, d’une élégante sobriété (pour changer).

Si elle s’adresse en premier chef aux lecteurs récemment initiés au background de Warhammer (les vétérans n’y trouvant rien que de déjà très connu d’eux), ‘The Faithful Servant’ est sans doute l’une des meilleures soumissions de Gavin Thorpe.

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The Sound Which Wakes You – B. Chessell :

INTRIGUE :

Le jeune Tomas, fils cadet du forgeron du petit village de Montreuil, perdu dans les contreforts bretonniens des Montagnes Grises, en a gros. Comme tous les adolescents de son âge, il éprouve de grandes difficultés à respecter l’autorité, mais la colère de notre héros n’est pas seulement dirigée contre son père (Pierro), mais également et surtout contre le Marquis Gilbert de la Roserie, seigneur de Montreuil, despote impénitent et surtout ordonnateur de l’exécution du frère aîné de Tomas, après que ce dernier ait tué un des Sergents d’armes du village pour venger la mort de sa bien-aimée. Dégoûté par l’attitude placide et servile des Montreuillois devant les exactions de leur suzerain, Tomas occupe ses journées à planifier la Révolution avec un grand -R et des grands airs, qui permettra à son bled de jeter à bas la tyrannie gilbertienne.

Après une cuite au brandy avec son pote Luc, le blanc bec se décide à passer à l’action, ce qui consiste en son cas à aller foutre le feu à la haie entourant le château de Gilbert, et dont le domaine tire son nom. Cet acte plus délinquant que criminel fait grand bruit au sein du village, mais la réputation de hooligan de notre héros est de notoriété tellement publique que c’est chez lui que le Marquis fait une descente de police gendarmerie le soir même. Si Tomas, prévenu par son père du risque qu’il court, parvient à s’échapper en passant par le toit de la forge, le brave Pierro ne survit pas à sa tentative d’arrestation par la maréchaussée, et meurt l’épée à la main pour couvrir la fuite de son fiston. Désormais hors la loi, notre héros se rend dans la forêt toute proche où son père lui a indiqué d’aller, sans trop d’idée précise sur la suite qu’il souhaite donner à sa carrière de repris de justice…

Début spoiler…Sur place, il est rejoint par une douzaine d’hommes de Montreuil, qui lui expliquent qu’il est vraiment trop c*n vilain. Son feu de joie et les conséquences macabres de ce dernier sont venus faire obstacle au patient projet d’insurrection qu’ils planifiaient depuis des années, sous la houlette de Pierro. Le forgeron n’avait en effet pas pardonné non plus au Marquis la mort de son fils aîné, mais plutôt que de s’en plaindre bruyamment et futilement comme ce trublion de Tomas, avait patiemment réuni autour de lui des partisans et des épées, forgées incognito avec ses vieux stocks de minerai.

Désemparés par la disparition de leur chef, les conjurés consanguins décident de mettre Tomas aux affaires, le management héréditaire apparaissant sans doute comme d’une familiarité rassurante pour ces âmes simples. Fidèle à son approche cavalière et opportuniste, qui lui a si bien réussie jusqu’ici il faut le dire (…), Toto décide que cette nuit est le moment idéal pour déposer le Marquis, et sans plus de préparation, entraîne ses guérilleros en sabots jusqu’au château de leur Némésis.

Ayant réussi à mettre hors de combat une poignée de gardes grâce à l’effet de surprise, les Jacques en furie finissent par se retrouver confrontés à une forte troupe (environ 12) de Sergents d’armes. Laissant ses troupes se débrouiller face à la maréchaussée, Tomas s’introduit dans les quartiers privés de l’horrible Gilbert avec un compagnon pour pétitioner son suzerain à coup de colichemarde dans les ratiches. Ce dernier, réveillé par le tumulte de l’insurrection, est toutefois frais et dispos pour un duel au saut du lit, et malgré toute leur bonne volonté, Tomas et son sidekick ne sont pas de taille à lutter contre un escrimeur aguerri comme la Roserie. L’erreur de son excellence sera toutefois de vouloir jouer avec ses adversaires au lieu de les coucher fissa, et de faire un peu trop confiance à la solidité de la rapière fashion que lui avait forgé Pierro. Cassée nette après avoir rencontré un os un peu trop calcifié, la lame du joujou de Gigi fait défaut à son porteur au pire moment, et permet à Tomas de remporter le combat d’un horion de gueux bien dégueu’, mais indéniablement efficace.

La mort de leur maître et, surtout, la perspective de ne plus recevoir de solde, ayant conduit les Sergents survivants à déposer les armes, la vie peut reprendre son court à Montreuil. Sentant que sa place n’est plus parmi les siens, Tomas part tenter sa chance sur les routes de Bretonnie, tandis que le château de la Roserie tombe à l’abandon. Pour le reste, c’est bonnet blanc et flanc de poney, comme on dit du côté de Montsoir en Barreuil. Au moins, les roses ont repoussé…Fin spoiler

AVIS :

Ben Chessell se positionne comme le chaînon manquant entre la prose contemplative de Brian Craig1 et les productions classiques de la Black Library avec ‘The Sound Which Wakes You’ et son histoire de jacquerie à la petite semaine dans un village perdu de Bretonnie. Le style neutre et détaché utilisé par l’auteur pour décrire l’insurrection de Montreuil contre son cruel suzerain détonne fortement avec ce que l’on a l’habitude de lire en matière de GW-Fiction (hors Craig, encore une fois), mais l’expérience n’en est pas désagréable pour autant. Cette approche dépassionnée de son sujet permet même à Chessell de terminer la nouvelle avec un des excipits les plus sinistrement percutants (et donc en quelque sorte, grimdark) que la BL ait connu. ‘The Sound Which Wakes You’ est la chronique sociale de Bretonnie que personne n’attendait et qui n’a (très bizarrement…) pas fait école, mais qui mérite le détour pour son originalité et pour son exécution, dans la pure veine des travaux précédents de Ben Chessell, qui termine ici son parcours au sein de la GW-Fiction.

1 : Un autre auteur dont la Bretonnie est plus médiévale que fantastique.

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The Sleep of the Dead – D. Hinks :

INTRIGUE :

WFB_The Sleep of the DeadAu cours d’une nuit de murge avec quelques gentilhommes de ses amis, le Comte Rothenburg met au défi son jeune cousin Gormont de régaler l’assistance, passablement éméchée à ce stade, d’une histoire d’horreur dont les bois sont tant friands. Après s’être fait longtemps désirer, arguant du caractère confidentiel et illicite du récit qu’il s’apprêtait à livrer, Gormont finit par sortir de sa redingotte un journal, écrit de la main de son médecin de famille, Gustav Insel. Ce dernier avait brusquement disparu après des années de bons et loyaux services, pour prendre part à l’expédition montée par le Baron Fallon von Kelspar, destinée à localiser la légendaire cité de Yin-Chi, sensée se trouver quelque part dans les étendues inhospitalières des Désolations du Chaos. Un super plan, donc. Récemment revenu de son périple nordique, encore que dans un état plus tertiaire que second, Insel fut repris par ses ancien employeurs, mais son comportement imprévisible et franchement pénible fit de sa nouvelle disparition soudaine, il y a deux jours de cela, un soulagement pour la maisonnée. C’est donc le journal du bon docteur dont il sera fait lecture ici.

Menée par l’enthousiaste von Kelspar, l’expédition partit sur le navire Heldenhammer du capitaine Hausenblas en direction des hautes latitudes… et ne tarda pas à s’égarer. Mais vraiment. On parle de « au lieu d’aller tout droit, je me suis retrouvé à vue de la côte de Clar Karond » en niveau de perdition. Vivement que les Skavens inventent le GPS, moi je dis. Bien évidemment, cette boulette ne fut pas sans conséquence pour nos hardis marins, qui durent essuyer un abordage en règle de la part de Corsaires Elfes Noirs ravis par cette aubaine. Les humains parvinrent cependant à repousser les Druchiis au prix de lourdes pertes, et les survivants de ce début de voyage mouvementé purent enfin poser le pied sur la toundra gelée, étape suivante de leur périple.

Les lecteurs avisés que vous êtes en matière de géographie du Vieux Monde ne seront guère surpris d’apprendre que ce trek de l’extrême ne tarda pas à rencontrer des difficultés, aussi bien causées par les conditions climatiques que par la faune indigène, rendue aussi sauvage que résistante par les rafales de vent chaotique soufflant en tempête dans le grand Nord. C’est ainsi qu’un shoggoth une bête de sang (sorte d’Enfant du Chaos, goût pastèque) tomba sur le groupe d’aventuriers et en réduisit une bonne partie en charpie, avant que l’implacable Baron ne la fasse décamper sans demander son reste. Ce ne fut cependant qu’un répit temporaire, Insel découvrant les cadavres atrocement mutilés et décapités des trois derniers participants non nommés (on ne compte pas les chiens de traineau) de l’expédition, quelques jours plus tard…

Début spoiler…A ce stade, le bon docteur n’avait plus qu’une envie : faire demi-tour pour retourner à l’Heldenhammer. Von Kelspar n’était cependant pas du tout de cet avis, convaincu que les montagnes vers lesquelles les deux hommes se dirigeaient marquaient l’entrée de la mythique Yin-Chi. En désespoir de cause, Insel attaqua par surprise son compagnon alors que ce dernier était en train de manipuler le coffre rempli d’explosifs dont l’expédition aurait besoin pour pénétrer dans la cité (Indiana Jones style). Au cours de l’empoignade, Insel réussit à casser la jambe de son patron, mais également à renverser le contenu du coffre, qui s’avéra être les têtes tranchées des trois aventuriers précédemment nommés mentionnés, et avec lesquelles von Kelspar avait l’intention de payer son passage dans le royaume du Dieu du Sang. Désormais convaincu de la folie homicidaire du Baron, Insel laissa ce dernier se dém*rder tout seul avec sa jambe en vrac et son couteau planté dans le torse pour faire bonne mesure, et reprit le chemin du Sud, où il finit par croiser la route de l’Heldenhammer qui le ramena à sa chère étude… Au moins temporairement.

Ce récit fait forte impression auprès des participants à la petite soirée de Rothenburg, au point que le narrateur entend au moment de prendre son congé le Comte demander discrètement à son cousin où trouver plus d’informations sur le mystérieux chamane Mansoul et la carte que ce dernier aurait remis à von Kelspar, déclenchant la fièvre exploratice de l’aristocrate. Quelque chose me dit que la course au pôle n’est pas près de s’arrêter…Fin spoiler

AVIS :

Après C. L. Werner dans ‘The Doom That Came To Sarnath’, c’est au tour de Darius Hinks de revisiter ses classiques lovecraftiens en signant un pastiche très convenable de ‘At the Mountains of Madness’ avec ‘The Sleep of the Dead1. Je dois dire que le parallèle fait par l’auteur entre l’horreur indicible des Grands Anciens (dans la mythologie originelle de Lovecraft) et celle du Chaos dans l’univers de Warhammer est tout à fait pertinent, et la copie qu’il rend est assez originale – notamment la narration autobiographique, rarement utilisée dans la GW-Fiction – et propre pour que sa lecture en soit intéressante. Mon seul (léger) reproche concerne l’intégration des Corsaires Elfes Noirs dans l’intrigue, qui n’avait à mes yeux pas lieu d’être, tant au niveau de son « utilité » narrative que dans l’établissement de l’atmosphère si particulière de l’horreur lovecraftienne (où les batailles rangées sont assez rares, reconnaissons-le). Une petite pépite du catalogue de la Black Library.

1 : Le titre est pour moi une référence claire à la fameuse phrase “That is not dead which can eternal lie, and with strange aeons even death may die”, issue de ‘The Nameless City’ (toujours Lovecraft).

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The Path of Warriors – N. McIntosh :

INTRIGUE :

WFB_The Path of WarriorsOn le sait, la vie en Kislev n’est pas de tout repos. En plus du rude climat et de l’isolement qui frappe la plupart des communautés éparpillées sur ces vastes steppes, la menace d’une visite de « courtoisie » rendue par des voisins nordiques avides de pillage plane en permanence au-dessus des chapkas des braves sujets du Tsar. C’est donc avec plus de fatalisme que d’appréhension que Fedor Kumansky, pêcheur buriné par ses années à taquiner la tanche dans l’estuaire du Lynsk, voit approcher une flotille de maraudeurs venus tout droit de la Mer des Griffes. Il a même reçu un songe prémonitoire de la tuile qui n’allait pas tarder à tomber sur le petit village d’Odensk la nuit passée, c’est dire s’il est au fait des événements.

Accompagné par son fils aîné, Stefan, il se hâte de porter la mauvaise nouvelle à ses concitoyens, et prend la tête de la milice de farouches péquenauds bien décidée à repousser les Norscans s’ils leur venaient l’idée de s’arrêter à Odensk avant de remonter jusqu’à Erengrad. Il laisse son autre fils, Mikhal, aux bons soins de l’aîné, et fait promettre à ce dernier de protéger son cadet comme il l’avait lui-même juré à sa défunte femme sur son lit de mort. À ce stade, vous devez sans doute vous dire qu’un tel comportement ne peut signifier qu’une chose pour le brave Fedor : une mort prématurée d’ici à la fin de la nouvelle. Et vous avez raison, futés que vous êtes. Sans beaucoup de surprise, mais tout de même hors champ (donc il s’est peut-être simplement empalé sur son épée en trébuchant sur un caillou, laissons le bénéfice du doute aux maraudeurs), Papa Kumansky ne passe pas la nuit, vaincu avec ses camarades par la furie sanguinaire des hommes du Nord.

De leur côté, les fistons Kumansky s’en sortent beaucoup mieux. Planqués dans la maison familiale, ils commettent l’erreur de quitter leur refuge au premier bruit de bottes venu, confondant en cela la démarche chaloupée des Kislevites avec celle, chaloupée aussi à leur décharge, des Norscans. Livrés à eux-mêmes dans la scène de chaos (c’est fluff) que constitue le pillage d’Odensk, les frérots parviennent à échapper aux sales pattes d’un duo de maraudeurs mal-intentionnés, dont un se fait éborgner par le petit couteau de Stefan au passage. S’étant tapis au fond d’une barrique remplie de tripes de poissons (on ne jette rien à Kislev), le temps que le jour se lève et que la poussière retombe, Stefan et Mikhal sortent de leur cachette une fois le calme revenu à Odensk, et se rendent compte qu’ils sont probablement les seuls survivants de cette terrible nuit. Sans autre recours, les orphelins prennent le chemin de la terrible et dangereuse civilisation (sans doute Erengrad, tbh), empruntant par là-même le chemin des guerriers (wink wink), qui les mènera des années plus tard à exercer leur VENGEANCE sur les méchants qui leur ont fait du tort et navré à mort leur pauvre papounet. Sans doute que les chemins des mages et des voleurs étaient en travaux, à ce moment.

AVIS :

Neil McIntosh lève le voile sur la tragic origin story des frères Kumansky, qui servent de héros à la trilogie ‘Star of Erengrad’/’Tainted Faith’/’Keeper of the Faith’ que cet auteur a signé pour la Black Library en des temps très anciens ; dans ce très honnête ‘The Path of Warriors’. Si le déroulé des événements ne surprendra pas grand-monde, et que le cameo du maraudeur éborgné (que l’on retrouve plus tard dans les bouquins, mais dont le nom m’échappe au moment d’écrire cette chronique) risque de ne résonner qu’auprès de la toute petite communauté des fans hardcore de cette série aujourd’hui tombée dans l’anonymat le plus complet, on peut apprécier d’être enfin en présence de personnages un minimum complexe et sympathique, ce qui n’est pas le cas dans la majeure partie des Kumanskynneries que j’ai pu lire avant. La meilleure nouvelle de la trilogie de courts formats que McIntosh a écrit pour accompagner les romans, à mon humble avis.

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Rat Trap – R. Earl :

INTRIGUE :

Les libations du mercenaire Hoffman dans une taverne de Nuln sont interrompues par l’arrivée d’un petit homme plaintif et hors de forme, qui se présente comme le tanneur Reinhard Bosse. Sur la recommandation d’un boulanger de sa connaissance (Schilburg), auquel Hoffman a donné un coup de main par le passé pour « régler » un problème avec un client indélicat, Bosse cherche à recruter les gros biscotos et le swag naturel du matamore afin de régler un problème réputationnel concernant le puits situé dans la cour de son atelier.

Entre deux chtis canons de gros rouge qui tâche et anecdotes sans intérêt, Bosse raconte à son interlocuteur, moyennement intéressé par l’histoire mais à l’affût de toute opportunité professionnelle pour pouvoir se payer une nouvelle veste à crevé Lagerfeld (un tailleur Ostlander très reconnu), les déboires qui le frappent depuis plusieurs semaines. Il s’est trouvé que sa sœur, Bertha, a  cru voir un rat bipède géant faire des longueurs au fond du puits un matin qu’elle était de corvée de flotte, et a tapé un tel scandale qu’un nombre croissant des domestiques et ouvriers des Bosse l’ont rejoint dans la psychose, créant une ambiance lourde au domicile et paralysant l’activité de la tannerie familiale. La solution pour le pragmatique Bosse serait d’envoyer Hoffman au trou, littéralement parlant, afin de démontrer par l’exemple à ses pleutres employés que le puits est parfaitement sain et sûr.

Après une nuit à négocier autour de la dive bouteille, les deux hommes tombent d’accord sur une compensation adéquate pour qu’Hoffman accepte de risquer sa tenue dans l’humidité des dépendances du tanneur, et dès le lendemain, on retrouve nos larrons à pied d’œuvre. Un peu surpris que son employeur lui demande de procéder à son audit sur site avant même que ses domestiques n’aient pris leur service, le pragmatique Hoffman, s’attendant à gagner facilement sa paie du jour, ne se fait pas prier pour commencer sa descente…

Début spoiler…Et s’il ne trouve pas de Skavens ou de ragondins dans le puits des Bosse, c’est que 1) il n’y en a jamais eu, et 2) il ne s’agit pas du puits des Bosse mais de celui des Klumper. Klumper, comme le nom du malheureux qu’il a occis il y a quelques semaines à la demande de Schilburg, auquel il ne faut apparemment pas baver sur les miches. Il se trouve que le macchabée en question était Klumper père, et que Reinhard Bosse est en fait Klumper fils, bien décidé à se venger de l’assassin de son paternel, mais incapable de se faire justice sans recourir à la ruse (et on le comprend). Une corde coupée plus tard, Hoffman dégringole au fond du puits et ne tarde pas à couler corps et bien, alourdi par sa quincaillerie professionnelle. La vengeance est un plat qui se boit froid…Fin spoiler

AVIS :

En six pages, Robert Earl trousse un petit conte d’Hoffman à la sauce Warhammer Fantasy Battle, convenablement construit et déroulé même si un peu prévisible quant à sa conclusion. Si on se doute bien que quelque chose va arriver au fier à bras recruté par le tanneur tanné, Earl parvient cependant à jouer sur la légendaire clandestinité de la race skaven pour laisser planer un doute sur ce qui attend Hoffman au fond de cette citerne. Un très court format très potable (à la différence de l’eau du puits de Herr Bosse), même si en deçà du ‘A Fool’s Bargain’ de Brian Maycock, le mètre étalon des « mignardises » med-fan de la Black Library.

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Tales of Deceit & Obsession

Rotten Fruit – N. Long :

INTRIGUE :

Bien qu’ils aient joué un rôle important dans la victoire contre une horde de Kurgans en incursion dans le Middenheim, en tuant un noble félon et détruisant la bannière enchantée lui ayant permis de retourner une partie du contingent impérial contre leur employeur, le comte Manfred Valdenheim (‘Valnir’s Bane’), la seule récompense accordée à Reiner Hetzau et à ses comparses (Giano, Franz/Franka, Hals et Pavel) est d’assister à « leur » exécution, ou plutôt celle des pauvres bougres choisis par Valdenheim pour laver son honneur familial meurtri – le traître n’étant autre que son propre frère – et faire disparaître ses agents très spéciaux des radars. Quand on est un noble influent à la cour impériale, avoir à sa solde des agents compétents prêts à exécuter le sale boulot en toute discrétion est en effet fort utile. De leur côté, Reiner et Cie, s’ils n’approuvent pas les manigances de leur patron, n’ont guère voix au chapitre : sous l’emprise d’un sortilège permettant à Manfred de les faire mourir à distance quand bon lui semble, ils sont contraints de se plier au bon vouloir de l’aristocrate, au moins jusqu’au moment où ils trouveront la combine pour se tirer de ce mauvais pas.

Accompagnant le comte et sa suite de chevaliers de Middenheim1 à Altdorf, les Black Hearts se retrouvent pris dans une nouvelle sale histoire lorsque le château isolé dans lequel ils passent la nuit se révèle être menacé par un culte de Slaanesh mené par une sorcière passionnée par le naturisme (ce qui est normal) et par l’horticulture (ce qui l’est moins). Ayant distribué des pommes d’amour parfumées au LSD à une bonne partie de la population locale, la bougresse est à la tête d’une petite armée de hippies aussi fanatiques que dévêtus, dont le fils (Udo) de l’hôte de Manfred et de ses gens. Totalement sous la coupe de Cerise de Groupama – appelons-la comme ça – le jouvenceau plein de fructose et de sève est prêt à tout pour la carpe diem, même à assassiner son paternel, ce qu’il n’arrive heureusement pas à faire grâce à l’intervention salutaire de Reiner et de Franka, dont les propres ébats sont interrompus, au grand désespoir de notre charo de héros, par les tentatives bruyantes et malhabiles d’Udo de serrer sa go.

La sorcière ayant cependant réussi à échapper à la capture, la tentative de Manfred de filer à l’anglaise en laissant son pote se débrouiller tout seul est contrecarrée par le mur de ronces empoisonnées et la pluie de flèches l’étant tout autant que l’enchanteresse conjure pour s’assurer que nul n’ira ébruiter le secret de sa présence aux autorités impériales. Contraints de se replier sur le château à moitié en ruines de son hôte pour y livrer un dernier carré à l’issue bien incertaine, Manfred et ses hommes n’en mènent pas large, mais peuvent heureusement compter sur l’esprit d’initiative et la langue bien pendue de Reiner, qui s’éclipse pendant la veillée d’armes pour parlementer avec la troupe de brigands locaux, et les convainc d’allier leurs forces à celles du comte en l’échange de la clémence, et peut-être même de la reconnaissance pécuniaire de celui-ci.

Renforcés par ce contingent de farouches hors la loi, les Black Hearts s’illustrent à nouveau dans le siège du manoir, parvenant à régler son compte à la sorcière exhibitionniste (et à Udo, toujours aussi épris de la Poison Ivy du Reikland, au passage) grâce à un moment Eowynien de Franka2, ce qui désorganise suffisamment les cultistes survivants pour permettre aux défenseurs de les mettre en fuite. Tout aussi fin politique que son boss, Reiner prend soin d’enjoliver le récit de la mort d’Udo à son père éploré pour sauver les apparences, et tout est bien qui peut bien finir…

Début spoiler…Sauf pour les bandits recrutés par les Black Hearts, traités avec la plus grande fermeté par Manfred malgré le fier service qu’ils lui ont rendu, et pendus aux murailles du château dès le lendemain matin pour leur apprendre à violer les lois impériales. Consterné par l’ingratitude de son employeur, et se sentant (à juste titre) responsable du sort tragique de ses compagnons d’armes, Reiner repart vers Altdorf avec le moral dans les chaussettes et une envie décuplée de fausser compagnie de ce triste sire, mais cela ne sera pas pour tout de suite…Fin spoiler

1 : Présentée dans l’histoire comme ayant repoussé l’assaut d’Archaon. C’est la version du multivers Battle que j’aime le mieux !
2 : Cerise (complètement nue et dégoulinante de patchouli) : « Je suis vraiment trop bonnasse, aucun homme ne peut me résister. »
Franka : « Eh bien ma vieille, figure-toi que… »

AVIS :

Après avoir présenté ses Black Hearts dans ‘Hetzau’s Follies’, Nathan Long nous livre une nouvelle de transition entre ‘Valnir’s Bane’ et ‘The Broken Lance’, les premier et second tome de sa sombre trilogie. Même s’il est préférable d’avoir lu le premier ouvrage, qui présente en détails le casting de cette histoire (Reiner Hetzau et ses acolytes, ainsi que le Comte Manfred Valdenheim), pour pleinement apprécier ‘Rotten Fruit’, Long est un auteur suffisamment compétent pour faire passer à son public un bon moment, quelque soit le niveau de connaissance de ce dernier à propos des Black Hearts.

On a ainsi droit à une vingtaine de pages rythmées en compagnie de personnages attachants (ou tout bonnement odieux dans le cas de Valdenheim, mais ce n’est pas une mauvaise chose pour capter l’attention du lecteur), embarqués dans une péripétie mineure mais bien conduite, et exposant parfaitement les enjeux principaux de la série : une très bonne (ré)introduction à cette dernière, en somme.

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Faith – R. Earl :

INTRIGUE :

WFB_FaithLe chevalier Gilles de Moreaux et son vieil écuyer perclus de rhumatismes, Claude Blanquette1, campent à la dure dans le massif d’Orquemont alors que l’automne est déjà bien avancé. Si les deux hommes s’obstinent à barouder hors saison, c’est que Gillou est à la recherche d’un trophée digne de ce nom pour l’armoire familiale. Notre héros l’a en effet un peu mauvaise que son frérot Léon ait bouclé sa quête du Graal et emballé la Dame du Lac en deux semaines chrono (on a connu la déesse plus minaudière), et soit revenu au château paternel avec une tête de Troll de fort beau gabarit. De son côté, il n’a eu que des bêtes Orques à se mettre sous la lame, et désespère de trouver un adversaire digne de lui attirer la bénédiction de la Dame. Claude, plus prosaïquement, désespère de ne pas être rentré se mettre au chaud alors que l’hiver approche à grands pas, mais doit se contenter pour le moment de siroter son thé au coin du feu, enroulé dans sa fidèle courtepointe. Dans son malheur, le gueux doit reconnaître qu’il a de la chance, car Gilles est le premier de Moreaux qu’il sert à entretenir lui-même ses armes, et il a même poussé la sollicitude jusqu’à réaliser des cataplasmes pour les articulations douloureuses de son serviteur. C’est Martrud de Monfort qui serait fier.

Lorsque le duo rencontre par hasard un paysan envoyé par l’ancien de son village (Celliers) trouver de l’aide pour débarrasser la communauté d’un monstre responsable de la disparition d’une dizaine d’habitants, Gilles se dit qu’il tient sa chance de prouver sa bretonnitude autrement qu’en vidant des bouteilles de chouchen et en jouant du biniou, ce qui est appréciable. Ayant terminé les trois Witchers en mode hardcore lorsqu’il était ado, le chevalier n’a aucun mal à identifier le fléau de Celliers après une entrevue avec l’ancien du village, François. Il s’agit bien sûr d’un Vampire, because of reasons, et il n’aura qu’à attendre la bête à proximité de la crypte locale pour lui faire sa fête et enfin taper dans l’œil de cette mijaurée de Dame. Ayant laissé comme instructions à ses hôtes de rester groupés et de ne pas se séparer, même pour aller aux latrines, le temps qu’il règle leur problème, Gilles s’installe pour une veillée sépulcrale à côté du cimetière local, toujours accompagné par son fidèle Claude. Ce dernier, qui n’est plus tout jeune, finit par s’endormir avec la bénédiction de son maître, qui dispose quant à lui de la vertu de mise en veille de longue durée pour rester alerte toute la nuit durant.

Lorsque Claude se réveille, il se découvre seul à côté des cendres du feu de la veille, et craint d’abord qu’il soit arrivé malheur à son maître pendant qu’il sciait des bûches. Cependant, Gilles était seulement parti constater le décès d’une nouvelle victime de la bête, mordillée à mort par des mâchoires humaines. Comme les bouseux ont respecté les consignes du noble noble, et que le compagnon qui escortait le pauvre Jules au petit coin a disparu sans laisser de traces, Gilles en conclut que c’est ce fieffé coquin de Jacques qui est responsable des morts de Celliers, et jure sur son honneur de traquer le maraud. C’était surtout une ruse pour s’en aller au plus vite du village, maintenant que l’affaire semble être tirée au clair. Bien que satisfait d’avoir accompli son devoir, Gilles n’a toujours pas trouvé d’adversaires à sa valeur, et pense sérieusement à hiverner à Orquemont pour accélérer sa quête. Dans son infinie mansuétude, il renvoie Claude à Celliers pour lui éviter des engelures qui pourraient lui être fatales… et se fait rappeler sur place par son serviteur, car quelque chose d’inattendu se passe au village.

En effet, les paysans sont sur le départ, car la découverte du corps mutilé de Jacques peu après que Gilles et Claude se soient mis en chasse de ce dernier ne laisse que peu de doutes sur le fait que le monstre est toujours dans les parages. Touché dans son honneur et dans son amour propre par la réalisation de sa propre nullité, Gilles supplie François et ses gens de rester encore une nuit sur place, afin qu’il ait une ultime chance de se rattraper. Ne pouvant pas décemment dire non à un psychopathe en armure lourde, l’ancien accepte de surseoir son départ, et le chevalier décide d’aller prier à une mare toute proche pour trouver l’inspi’ qui lui manque tant…

Début spoiler…Lorsque Claude rejoint son maître après avoir ordonné aux péquenauds de se constituer en milice civile et de ne se déplacer que par packs de douze, une vision peu commune vient s’offrir à ses yeux fatigués : la Dame du Lac en personne vient crever la surface de l’étang devant lequel Gilles s’est agenouillé en prière, et s’approche langoureusement du chevalier pour lui rouler un bon gros patin. Déesse ou pas déesse, ce sont toutefois des manières de prédateur/rice sexuel.le, et Gilles décapite l’entreprenante couguar en hurlant « Mitou, hache dague balance ta gorre ! ». Claude, beaucoup plus vieux jeu que son maître, est d’abord horrifié de ce qu’il considère comme une horrible méprise, mais la transformation rapide qui frappe le cadavre de la « Dame », et révèle qu’elle tenait plus de la guenaude aquatique que de la pucelle romantique, le convainc bientôt que Gilles était dans son bon droit. Le mystère de Celliers est résolu pour de bon, et les deux compagnons peuvent prendre la route de Moreaux pour ajouter ce nouveau trophée au mur de la salle de billard du château. Lorsque Claude demande à son boss ce qui lui a fait comprendre qu’il y avait anguille sous roche, le chevalier répond que cette Dame n’avait pas les yeux marrons qu’une pure beauté bretonienne se doit d’avoir, comme toutes les légendes et chansons l’attestent. Ce qui est une raison valable, jusqu’à ce que l’écuyer rappelle à son maître que la Dame qui est apparue à son frère Léon avait les yeux verts, d’après les dires de ce dernier. Bref, c’est pas demain la veille qu’edgy Gilles va rencontrer son idole, moi je vous le dis…Fin spoiler

1 : En fait il n’a pas de nom de famille comme tous les paysans qui se respectent, mais comme son kif ultime c’est de se faire des capes de superhéros avec des couvertures, je crois qu’on peut l’appeler Blanket Man.

AVIS :

Robert Earl revisite le mythe du chevalier de la Quête avec une petite nouvelle qui montre que tout ce brille n’est pas forcément or. Si l’auteur nous gratifie d’un twist final digne de ce nom, il aurait à mon sens été bien inspiré de chercher à l’intégrer de manière convaincante dans le reste de son histoire. En l’état, la rencontre entre Gilles et la Dame de la Mare tient plus de la péripétie accidentelle que de la conclusion logique d’une intrigue bien construite, et tout ce qu’il s’est passé avant ce moment fatidique n’a, scénaristiquement parlant, servi à rien, ou à pas grand-chose. Je reconnais que les Bretonniens ne sont pas les protagonistes les plus faciles à mettre en scène de façon intéressante, leur noblesse et droiture intrinsèques ne laissant que peu d’opportunités à un auteur pour complexifier un peu le tableau de façon cohérente avec le fluff de la faction. On en a ici un bon exemple avec good guy Gilles, qui fait un protagoniste aussi mémorable que le Moxostoma anisurum moyen. Comme pour la quête du Graal, beaucoup d’appelés, mais peu d’élus.

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Portrait of my Undying Lady – G. Rennie :

INTRIGUE :

WFB_Portrait of my Undying LadyLe génial Giovanni Gottio, portraitiste reconnu mais un peu trop attaché à la représentation de la vérité crue et sans fard chez ses modèles pour son propre bien, est approché dans une taverne de Trantio par un généreux mécène, cherchant à le convaincre d’accepter une commission d’un genre un peu particulier. Malgré les trois pichets de vinasse royalement avancés par son interlocuteur, l’incorrigible Gottio, blessé dans son orgueil par l’accueil glacial que sa représentation de la femme de Lorenzo Lupo a reçu de la part de son commanditaire, refuse avec emphase d’accepter cette commande et tire sa révérence avec toute l’élégance permise par une cuite au gros rouge. Il est cependant difficile de refuser la proposition d’un Vampire quand on fait un mètre cinquante, avec un petit bedon et 3 grammes d’alcool dans le sang, comme l’immense Gottio ne tarde pas à le découvrir à ses dépends. Ramené manu militari par son nouveau meilleur ami (Mariato) jusqu’à son véhicule de fonction, le peintre sombre dans l’inconscience avant que le fiacre n’arrive à destination.

Se réveillant à l’intérieur d’une villa de campagne des environs de Trantio passablement délabrée, l’illustre Gottio est conduit jusqu’à celle qui va devenir sa muse, de gré ou de force : Dame Khemalla de Lahmia. Comme son titre, sa pâleur morbide et les nombreux portraits d’elle peints par des artistes ayant vécus il y a des siècles l’indiquent, Khemalla est une Vampire, dont l’un des vices les plus innocents est de se faire peindre par les maîtres de chaque époque, afin de pallier à son incapacité d’utiliser un miroir. Cela l’aide à ne pas sombrer dans la folie sanguinaire qui guette les buveurs de sang les plus vénérables, comme elle révèle sans ambages à son hôte. N’ayant pas d’autres choix que de s’exécuter sous peine de l’être, l’incomparable Gottio se met au travail pour accoucher de sa meilleure ou de sa dernière œuvre, comme il le remarque sombrement.

Au cours des nuits suivantes, notre héros va peu à peu découvrir la réalité, pas forcément toujours glamour, d’une cour vampirique. En plus de devoir squatter une demeure abandonnée, et donc franchement insalubre sur les bords, il doit s’habituer au rythme décalé auquel vivent ses geôliers, les bruits de succion persistants qui résonnent près de sa cellule, les ballets de chauves souris géantes jusqu’à pas d’heure, ou encore les interruptions brutales de sessions pour cause de vendettas contre une autre lignée. Pire que tout, l’époustouflant Gottio se fait carrément menacer par cette fouine de Mariato, très jaloux de l’intérêt que sa maîtresse porte au scribouillard. Il aurait dû apprendre à dessiner au lieu de menacer gratuitement son prochain ceci dit, car peu de temps après que l’extraordinaire(ment effrayé) Gottio ait balancé son camarade à Khemalla, Mariato devient boursier (c’est-à-dire que l’insondable Gottio trouve ses cendres à l’intérieur d’une bourse glissée sous son lit). Le harcèlement professionnel, c’est un vrai sujet chez les Lahmianes apparemment.

Enfin, la toile est complétée et l’exténué Gottio peut la présenter à sa commanditaire, qui s’apprête à partir pour des cieux plus cléments. Satisfaite du travail de son invisonnier, elle lui remet une coquette somme en dédommagement de ses services, ainsi qu’un élixir de longue vie dans la dernière coupe qu’ils partagent avant le départ de l’une et le coma de l’autre. De retour dans son gourbi minable par l’opération du sang esprit, le miraculé Gottio se découvre une nouvelle jeunesse grâce au tonique à l’hémoglobine de Dame Khemalla, et entreprend de mettre un peu d’ordre dans sa vie pour permettre à son talent d’être reconnu comme il se doit. C’est ce qui s’appelle être en veine.

AVIS :

Gordon Rennie s’autorise une aventure extra Zavantale avec ‘Portrait of My Undying Lady’, mettant en scène la Némésis du sage détective d’Altdorf, Dame Khemalla, dans un huis clos où elle n’apparaît pas comme la maléfique éminence grise de service (pour changer). Cette petite nouvelle, si elle ne s’avère pas spécialement rythmée ou palpitante, et n’apporte rien à l’arc narratif de Zavant en tant que tel, se laisse toutefois lire sans problème, et a le bon goût de comporter quelques détails fluffiques qui pourront intéresser les plus curieux des lecteurs. Un amuse-gueule littéraire tout à fait convenable, en quelque sorte.

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The Seventh Boon – M. Scanlon :

INTRIGUE :

WFB_The Seventh BoonL’ambiance est pesante dans l’orphelinat Notre Dame Shallya du Cœur Béni de Marienburg, dont les petits pensionnaires sont amenés par douzaines devant un couple de riches notables, Herr et Frau Forst, à la recherche d’un petit animal de compagnie mignon pour bien paraître en société. C’est toutefois l’avis de la brave sœur Altruda après plusieurs heures de « casting » infructueuses, la jeune Madame Forst (Greta) se montrant aussi exigeante que vague sur les qualités recherchées de son futur héritier. Son mari étant un des bienfaiteurs principaux de l’établissement depuis de nombreuses années, Altruda est toutefois toute disposée à laisser Greta épuiser ses stocks d’enfants abandonnés, jusqu’à ce que, miracle, elle jette son dévolu sur un garçon de huit ans aussi mutique qu’innocent. L’affaire étant entendue, les époux Frost repartent en calèche avec leur acquisition artistiquement emballée dans une pochette cadeau, petit geste commercial réservé aux membres du club Platinum.

Il s’avère rapidement que cette adoption n’a pas grand-chose de désintéressée, et que si Gunther Forst a laissé sa femme jouer le premier rôle auprès de Sœur Altruda, c’est bien lui qui a planifié l’opération Marine1. Notre homme est en effet sous ses abords respectables un cultiste chaotique accompli, dont les activités interlopes nécessiteront dans un futur très proche un être à la pureté irréprochable, et certainement pas pour répondre à des questions de Steve Harvey, croyez-moi. Comme même à Marienburg, un homme célibataire de quarante ans ne peut pas adopter un gamin des rues sans que cela ne fasse jaser, et que Gunther tient absolument à ne pas attirer l’attention sur sa précieuse personne, il a embauché les services de Greta, prosti…sane de son état, pour jouer le rôle de sa tendre moitié et ainsi détourner les soupçons des nonnes. Cette mascarade tarifée prend brutalement fin lorsque le fiacre dans lequel le trio a pris place est arrêté par deux malfrats, dont l’un se révèle être le souteneur de Greta. Ayant compris que l’enfant soigneusement sélectionné par sa complice avait une valeur certaine sur le marché noir, le dénommé Ruprecht ne reculera pas devant un meurtre de sang froid pour s’emparer de la marchandise, mais c’est sans compter les talents de Gunther au couteau. Aussi efficace avec sa lame, tant au corps à corps qu’à distance, que Filthy Harald en personne, Herr Forst règle leur affaire aux malfrats, avant de repartir en petites foulées vers sa destination, son sidekick sur le dos. Une fin méritée pour ces trafiquants d’êtres humains en puissance, si vous voulez mon avis.

La caméra se braque ensuite sur les décombres des Six Couronnes, autrefois taverne fréquentée par les individus les plus louches de Marienburg et des environs, et désormais ruines abandonnées à la suite d’un malheureux incendie. Alors que Gunther se prépare à réaliser un rituel à l’importance cruciale tandis que son petit compagnon se gave de bonbons bourrés de somnifères (ça vaut mieux pour lui), on en apprend plus sur le passif et les motivations de notre héros.

Il y a de cela 150 ans, Gunther se rendit à un rencard très particulier à ce même endroit, et fit la rencontre de Samael, Prince Démon de Slaanesh undercover et collectionneur d’âmes patenté. Obsédé par l’atteinte de l’immortalité, Gunther était prêt à se séparer de son essence en échange de la vie éternelle que seul un puissant Démon tel que Samael était en mesure de lui accorder. Au bout d’une négociation serrée, les deux larrons tombèrent d’accord sur un deal satisfaisant tout le monde : à Gunther sept fois 25 ans de non-sénescence2, à Samael l’exaucement de sept faveurs pas trop compliquées par son associé mortel, et la pleine propriété de l’âme de ce dernier une fois le contrat terminé3. Ce petit arrangement tint pendant de nombreuses années, mais à l’approche de son septième et ultime rendez-vous intermédiaire avec son protecteur, le prudent Gunther se rendit compte que ce dernier allait probablement essayer de l’empapaouter dès la réalisation de sa septième requête, et récupérer ainsi son dû avant que les vingt-cinq dernières années prévues au contrat ne s’écoulent. Après tout, les Démons ne sont pas connus pour être les créatures les plus réglos qui soient (à l’exception de ceux de Solkan bien sûr).

Fort heureusement, un siècle et demi est plus que suffisant pour peaufiner ses connaissances ésotériques, et Gunther a eu tout loisir de dénicher dans d’antiques grimoires une solution à son problème existantiel (littéralement). Pour la faire simple, son plan consiste à piéger Samael entre deux cercles de conjuration, et à renvoyer le Démon patienter mille ans dans le Warp grâce à une balle enchantée et ointe du sang d’un être à la pureté absolue (pléonasme, vous me direz). Lorsque le ponctuel Samael se présente sur le lieu du rendez-vous à minuit précise, Gunther est prêt à le recevoir comme il se doit…

Début spoiler…Si la première partie de son stratagème se réalise sans anicroche, Sam se retrouvant coincé entre un graffiti magique et une mini douve d’eau bénite, le sacrifice du frêle enfançon ne se passe pas comme prévu. L’orphelin mutique était en effet une Démonette déguisée, un être à la pureté irréprochable si l’on se réfère au 2) de la définition du Petit Larousse, et pas au 3) comme Gunther l’a fait. Le tête à tête entre le cultiste dupé et le Démon mineur se termine de façon expéditive et définitive pour le pauvre M. Forst, qui aurait dû se douter qu’on n’arnaque pas si facilement une créature millénaire. Son grand œuvre ne reste toutefois pas inachevé, Samael utilisant le sang de sa créature pour terminer la réalisation de la balle dem-dem, car après tout, ce genre de munition peut s’avérer précieuse…Fin spoiler

1 : Comme Marine Lorphelin. J’espère que vous l’aviez.
2 : Comme le fait remarquer justement Samael, des cas de forces majeures peuvent s’appliquer.
3 : Je sais ce que vous vous dîtes : ça aurait été plus fluff pour un Prince Démon de Slaanesh de partir sur une base six plutôt qu’une base sept. Mais les temps sont durs, ma pauvre dame…

AVIS :

De toutes les nouvelles mettant en scène un pacte ou une invocation démoniaque (et les conséquences souvent hilarantes, salissantes et/ou catastrophiques qui en découlent) que la GW-Fiction nous a proposé au fil des années, ‘The Seventh Boon’ est sans doute l’une des plus réussies. Mitchel Scanlon met en scène de manière habile ce jeu de dupes entre un homme prêt à tout et un Démon faussement débonnaire, avec suffisamment de rebondissements (mention spéciale à cet échange, qui joue habilement avec les codes du pacte démoniaque) et de suspens1 pour garder l’intérêt du lecteur du début jusqu’à la fin. Chose appréciable, Scanlon se permet également quelques ajouts fluffiques qui, s’ils ne révolutionneront pas la face du Vieux Monde, méritent la lecture pour quiconque s’intéresse à ce genre de choses. A real boon.

1 : Et de mots savants pour enrichir le vocabulaire de son public. Je ne savais pas ce qu’était un trocart jusqu’à aujourd’hui, je le reconnais humblement.

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Rattenkrieg– R. Earl :

INTRIGUE :

WFB_RattenkriegUn vieux Prêtre de Morr fan de jardinage et ami des petits oiseaux voit sa paisible retraite interrompue en pleine nuit par l’arrivée d’un visiteur imprévu. Sous ses abords de clochard odoriférant et plus qu’à moitié fou, le nouveau venu se révèle être un Capitaine mercenaire du nom d’Otto van Delft, ayant fait de la dératisation sa spécialité et son gagne-pain. Ereinté par les épreuves qu’il a traversé au cours des derniers jours, le chien de guerre accepte volontiers la soirée boutanche et anecdotes que lui propose l’aimable ecclésiastique pour apaiser son âme troublée. Nous voilà donc plongés dans le Rattenkrieg, ou guerre contre les rats pour ceux qui n’ont ni fait allemand au collège, ni joué à Return to Castle Wolfenstein, menée par la cité impériale de Magdeburg contre ses voisins du dessous.

La casus belli était tout à fait respectable, reconnaissons-le, la jeune et blonde fille du Bourgmestre de la ville, Freda (son papa s’appelle Gottlieb, by the way) s’étant fait enlever par une bande de Coureurs d’Egouts ayant creusé un tunnel jusqu’à dans l’armoire de sa chambre, au nez et à la barbe moustache de son paternel, trop occupé à s’envoyer la jeune fille au pair pour prêter attention aux crises de terreur nocturne de sa chérubine. Déterminé à la retrouver, Gottlieb engagea un expert en dératisation pour aider sa milice à purger les terriers des envahissantes bestioles, ce qui se passa plutôt bien au début. Avec le recul, Otto réalise que cela aurait dû lui mettre la puce à l’oreille, mais pour une fois qu’une expédition dans les souterrains ne se termine pas en eau de boudin au bout de deux heures, pourquoi s’en plaindre, hein ?

D’autres indices incriminants a posteriori furent les cartes très détaillées des galeries Skaven que Gottlieb parvint on ne sait trop comment à fournir à ses hommes, leur permettant de nettoyer plusieurs colonies mineures avec une facilité insolente. Confrontés à rien de plus méchant qu’une meute d’Esclaves à moitié moribonds, Otto et ses miliciens remportèrent leurs premières escarmouches sans coup férir, mais ce n’était malheureusement qu’un gigantesque traquenard mis en place par un ennemi beaucoup trop sournois pour notre brave Capitaine. La bascule eut lieu lorsqu’un de ses lieutenants, Krinvaller, fut retrouvé seul et à l’agonie dans une galerie, serrant dans ses poings une des précieuses cartes utilisées par les impériaux. Le corps dévoré par les poisons utilisés par les Assassins lui ayant planté un surin entre les côtes quelques instants plus tôt, Krinvaller délivra un message incohérent à son supérieur, l’avertissant de l’échec de leur mini croisade et le suppliant d’empêcher Gottlieb de consulter ces fameuses cartes. Otto n’eut pas le temps de se creuser la tête sur ce message cryptique avant qu’une nouvelle attaque ne se produise, celle-ci menée par des Vermines de Choc. Malgré les ravages causés par le tromblon custom de notre héros (affectueusement surnommé Gudrun), l’affrontement se transforma rapidement en débandade échevelée, les humains étant canalisés par leurs adversaires jusqu’à une chambre souterraine afin de permettre l’utilisation de lance-feu dans des conditions optimales.

Fort heureusement, le joueur Skaven fit une série d’incidents de tir au moment de lancer les dés de touche, causant plus de dégâts parmi les Guerriers des Clans amassés pour le son et lumière promis par leur Technomage et à la structure de la caverne qu’aux quelques miliciens encore debout à ce stade avancé de la déroute impériale. L’éboulement qui s’en suivit força les deux camps à stopper les hostilités, au moins temporairement, et si Otto parvint à s’extirper par miracle des décombres et à regagner la surface, aucun de ses compagnons ne fut aussi chanceux.

Cela n’empêche pas le Capitaine déterré et déterminé de repartir aussi sec vers Magdeburg une fois son récit et la bouteille de gnôle du Prêtre terminés. Bien que sa réputation soit aussi ruinée que sa garde-robe, nous avons affaire à un professionnel, qui utilisera toutes ses ressources et ses dernières forces à mener à bien sa mission. C’est beau. La détestation qu’il voue à la noble race anthropomurine n’a en outre qu’été renforcée par la réalisation de la manipulation dont il a fait l’objet, les cartes lui ayant été remises ayant guidé ses forces vers trois clans mineurs, dont l’extermination a fait les affaires d’un quatrième clan, ayant probablement tout manigancé depuis le départ. Et à ce propos…

Début spoiler…Le vieux Prêtre ne tarde pas à comprendre pourquoi son hôte lui a laissé ses cartes au moment de partir. Un examen approfondi de ces dernières permet en effet d’établir sans l’ombre d’un doute qu’elles ont été faites avec de la peau humaine, et très probablement celle de la pauvre Freda, dont l’enlèvement a déclenché la malheureuse Rattenkrieg. Ou comment joindre l’utile à l’agréable, Skaven style…Fin spoiler

AVIS :

Robert Earl fait partie des auteurs de la BL maîtrisant particulièrement bien la mise en scène de l’insidieuse menace Skaven dans leurs écrits (je place C. L. Werner dans cette même catégorie), et il le démontre dans ce ‘Rattenkrieg’ efficace et atmosphérique. Plutôt que de nous abreuver d’une litanie de scènes d’actions sanguinolentes, il fait le choix de relater cette campagne condamnée dès sa première heure à travers une série de flashbacks, ce qui lui permet de couvrir tous les événements marquants de cet affrontement souterrain d’une manière concise et prenante. La petite révélation finale, si elle n’approche pas grand-chose à l’intrigue à ce stade, est une addition narrative bien trouvée, soulignant avec à propos à quel point les Skavens sont infréquentables. La seule chose que je peux reprocher à cette histoire est l’importance un peu trop grande accordée à des personnages qui finalement ne servent pas à grand-chose dans le déroulé du récit, qu’il s’agisse du Prêtre de Morr (qui bénéficie de sa petite scène d’introduction « au jardin », pas très utile à mes yeux) ou du lieutenant Gunter, qui disparait purement et simplement de la nouvelle à un certain moment.

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Tales of Tragedy & Darkness

Mormacar’s Lament – C. Pramas :

INTRIGUE :

WFB_Mormacar's LamentFait prisonnier par les Elfes Noirs au cours d’une mission d’infiltration à Naggaroth, le Guerrier Fantôme Mormacar profite de l’effondrement d’une galerie dans la mine où il était retenu comme esclave pour se faire la malle, accompagné d’un barbare de Norsca. Leur but est de rallier Arnheim, tête de pont des Hauts Elfes en territoire Druchii, en empruntant le dédale de souterrains s’étendant sous les fondations de Hag Graef. Il leur faudra pour cela se frayer un chemin dans les profondeurs glacées et hostiles de la terre du grand froid, en évitant les patrouilles elfes noires, les expéditions hommes-lézards (eh oui, ils ont dû prendre la mauvaise sortie sur l’autoroute) et les formes de vie les plus agressives de l’écosystème local. Bref, une véritable promenade de santé.

AVIS :

Chris Pramas nous sert un honnête récit d’évasion et d’aventure, dont l’intérêt vient autant du cadre exotique dans lequel il situe son propos que de la vision très sombre qu’à l’auteur du monde de Warhammer1, dans la droite ligne du background officiel. Sans être particulièrement mémorable le duo Mormacar – Einar (le nordique) fonctionne assez correctement, le « choc des cultures » des premières pages se transformant comme de juste en collaboration sincère, puis en amitié réelle.

On peut par contre regretter que les antagonistes, et en particulier le personnage de Lady Bela, sorcière ayant un gros faible pour le cuir et les cravaches, n’aient pas été plus développés, Pramas assurant le service minimum en matière de cruauté et de sadisme druchii. Il y avait sans doute moyen de faire mieux, et de relever du même coup le niveau général de la nouvelle, qui de sympathique aurait pu passer à remarquable.

En résumé, ‘Mormacar’s Lament’ est une soumission sérieuse et d’assez bonne facture, mais dont les « finitions » auraient gagné à être davantage travaillées par l’auteur.

1 : C’est une constante chez Pramas : les héros de ses nouvelles finissent toujours très mal.

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The Chaos Beneath – M. Brendan :

INTRIGUE :

WFB_The Chaos BeneathÀ la suite d’une cérémonie d’invocation quelque peu salopée par des cultistes amateurs, un Prince Démon de Tzeentch se retrouve coincé dans le corps d’un hôte mort. Assumant l’identité du cadavre qu’il habite, c’est-à-dire celle d’Obediah Cain, chasseur de sorcières un brin malchanceux, le démon convainc Michael de La Lune (si si), apprenti sorcier fraîchement renvoyé du Collège de Magie de Marienburg pour manque d’aptitudes à l’exercice des arts occultes, de lui rapporter une copie du 3ème Tome du Liber Nagash. Cette dernière repose en effet dans une bibliothèque du Collège, protégée par de puissants enchantements que le Prince Démon n’est pas en mesure de briser en son état actuel. Michael va-t-il s’apercevoir des noirs desseins poursuivis par son acolyte avant qu’il ne soit trop tard ?

AVIS :

Encore une déclinaison sur le thème de l’objet magique maléfique que le héros doit rapporter au méchant à son insu. ‘The Chaos Beneath’ n’est donc pas la nouvelle la plus originale de la Black Library, ni la mieux écrite d’ailleurs : que peut-on donc avancer afin de justifier sa lecture ? Pour être tout à fait honnête, pas grand-chose si ce n’est le ton assez léger employé par Brendan, transformant du même coup le Prince Démon en méchant de cartoon plutôt qu’en implacable antagoniste. Ajoutez une pincée de fluff, et vous aurez fait le tour de tous les points forts de ‘The Chaos Beneath‘. Ce qui ne fait pas lourd, je vous l’accorde.

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Wolf in the Fold – B. Chessell :

INTRIGUE :

WFB_Wolf in the FoldLe sommeil de l’Archidiacre Kaslain de Nuln est interrompu en pleine nuit par l’arrivée impromptue d’un visiteur de marque, venu chercher l’absolution que seul un haut prêtre de Sigmar peut conférer. Mortellement blessé, l’assassin légendaire connu comme la Guêpe Tiléenne (Tilean Wasp) se vide de son sang dans les appartements privés du prélat, dédiant ses derniers instants au récit du seul crime de sa longue carrière pour lequel il éprouve le besoin de se confesser : l’assassinat d’un prêtre.

AVIS :

Si l’histoire narrée par Ben Chessell dans ‘Wolf in the Fold’ n’est pas aussi aboutie que son ‘Hatred‘, et que la conclusion de cette courte nouvelle ne s’avère pas être une grande surprise, sa lecture n’en est pas moins agréable, et ce pour deux raisons principales.

La première, c’est l’audace manifestée par ce novice de la Black Library, qui pour sa deuxième soumission, s’offre le privilège de tuer un personnage nommé (l’archilecteur Kaslain, abordé dans les Livres Armées de l’Empire – c’est était un électeur impérial – et dans quelques suppléments du jeu de rôle). Bon, d’accord, il ne s’agissait pas vraiment d’une figure de premier plan du fluff, mais tout de même.

La seconde, et la plus importante à mes yeux, c’est le complet changement de style opéré par Chessell entre ‘Hatred’ et ‘Wolf in the Fold’, sans que ses talents de conteur ne pâtissent de cette transformation. La grande majorité des auteurs de la BL ayant une patte facilement identifiable (pour le meilleur ou le pire) et abordant toujours leur sujet avec le même angle d’attaque, il est remarquable qu’une plume de cette auguste maison soit d’une « agilité » littéraire suffisante pour proposer deux récits si différents l’un de l’autre que l’on aurait pu sans mal les attribuer à deux contributeurs distincts. Si ‘Hatred‘ possédait une ambiance mélancolique et désincarnée, ‘Wolf in the Fold’ se caractérise au contraire par un style riche et un goût prononcé pour le détail, assez proche dans l’esprit de celui de Brian Craig.

En conclusion, une autre excellente livraison de la part de Ben Chessell, dont la très courte carrière au sein de la Black Library apparaît décidément comme une de ces injustices dont la vie a le secret.

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The Blessed Ones – R. Kellock :

INTRIGUE :

Truand minable, Jurgen Kuhnslieb se voit forcer d’accepter une mission un peu particulière afin de pouvoir rembourser les nombreuses dettes de jeu qu’il a contractées. Chargé par un jeune noble décadent de voler un tableau dont son propriétaire ne souhaite pas se séparer, Jurgen va rapidement se rendre compte qu’il s’est empêtré dans une affaire aux proportions insoupçonnées, et que ses employeurs ne sont pas du genre à laisser un cambrioleur à la petite semaine se mettre en travers de leur chemin.

AVIS :

‘The Blessed Ones’ aurait sans doute gagné à être développé en « moyen format » (50 – 100 pages), plutôt que de se retrouver confiné à la vingtaine de pages de sa version définitive. La banalité de l’intrigue proposée par Rani Kellock, cousue de fil blanc et à la conclusion courue d’avance dès les premières lignes1, aurait pu ainsi être compensée par la mise en place d’une ambiance réellement oppressante, soulignant la traque impitoyable dont Jurgen fait l’objet de la part de ses clients. L’instillation d’une atmosphère de roman noir ne pouvant se faire que sur la durée, la relative brièveté de la nouvelle de Kellock ne lui a pas permis de parvenir à un résultat concluant, ce qui s’avère au final être assez dommageable.

1 : C’est bien simple, si un riche notable engage une petite frappe pour récupérer un artefact d’un genre un peu spécial, il y a environ 143,87% de chances que le commanditaire se révèle être un cultiste du Chaos/nécromancien/membre d’une organisation secrète.

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Dead Man’s Hand – N. Kyme :

INTRIGUE :

Dans une geôle humide et froide d’une forteresse du Stirland profond, un prisonnier patibulaire parvient à fausser compagnie à ses gardes en s’échappant par les égouts. Bien que se sachant recherché, notre homme prend le temps de marquer les cadavres des infortunés matons ayant croisé sa route avec un signe de scarabée, ce qui ne lui sert absolument à rien mais permettra à l’intrigue de tenir à peu près la route, donc merci bonhomme (Krieger de son patronyme), tu gères. Ce sinistre individu prend la route de la ville de Galstadt, où Kyme nous apprend qu’il va pouvoir mettre à exécution sa VENGEANCE vengeresse. Quel suspens mes aïeux.

On passe ensuite à l’introduction de nos héros, la bande de Templiers de Morr du Capitaine Reiner, déjà croisée dans ‘As Dead as Flesh’. Les chevaliers ont été chargés par leur hiérarchie de seconder un Chasseur de Sorcières sigmarite (Dieter Lenchard) dans une mission dont la teneur est restée secrète. On peut dire que le respect est Morr. Lenchard était chargé d’interroger puis d’exécuter Krieger pour hérésie, mais sa disparition prématurée vient plomber le mood de la journée. L’ambiance était de toute façon assez lourde chez les Men in Black, Reiner détestant tout le monde de base et soupçonnant sa plus jeune recrue, Mikael, de lui avoir caché les visions prophétiques que ce dernier a effectivement eu au précédent épisode. Après une petite séance de spiritisme menée par le prêtre guerrier de la bande (Sigson), qui fait office de légiste et medium, la troupe prend elle aussi le chemin de Galstadt sur l’ordre de Lenchard, qui semble avoir une idée précise de ce que recherche le fugitif, mais sans évidemment juger bon de s’en ouvrir à ses gardes du corps.

Dans la cité en question, deux événements majeurs prennent place en simultané : uno, le Comte local, Gunther Halstein, revient d’une expédition menée au Pays des Morts (aussi appelé Nehekhara) en compagnie des chevaliers du Cœur Ardent, d’où il a ramené une mystérieuse relique qu’il s’empresse de faire mettre sous clé, ainsi qu’une sale blessure non cicatrisée et probablement mortelle à moyen terme, héritée de ce gredin de Krieger. Deuzio, la rivière locale menace d’entrer en crue, ce qui ne sert pas à grand-chose au final à part permettre à Kyme de faire courir sa petite ménagerie de personnages entre la caserne et le lieu où les PNJ cherchent à endiguer l’impétueux torrent. Parler des risques physiques dès 2007, il fallait être précurseur. Bravo Nick Kyme.

Comme on pouvait s’en douter, les Templiers de Morr ne mettent pas longtemps à rencontrer Halstein et sa clique, et le résultat fait des étincelles. Non pas que cette assemblée d’augustes personnages parviennent à faire la lumière sur les agissements de Krieger, qui s’amuse à trucider des troufions pendant que les vrais héros vaquent à leurs occupations, mais plutôt que les deux factions manquent de se mettre sur le heaume dès qu’ils s’adressent la parole. Je ne savais pas que les ordres de chevalerie de l’Empire souffraient d’Animosité, mais on en apprend tous les jours.

Après quelques péripéties très dispensables, on finit par y voir un peu plus clair : la relique ramenée par Gunther Halstein n’est autre que Falken Halstein, son propre père, qui disparut dans le grand Sud il y a des années après avoir occis le Roi des Tombes Setti-Ra (rien à voir avec Settra, bien sûr). Le hic est que 7-I avait des fans, le culte des Scarabées (appelé ainsi parce que ses membres fondateurs se nomment John, Paul, George et Ringo), persuadés que leur idole peut être ressuscitée par un rituel qui nécessite le cœur du vainqueur du grand roi. Ou à défaut, celui de son héritier. Donc Gunther. Sauf que Setti-Ra a pris les devants, et possédé le cadavre de Falken Halstein. Et c’est en fait lui qui est responsable des morts suspectes qui s’accumulent depuis le retour de l’expédition, et pas ce gredin de Krieger (lui aussi un petit Scarabée), qui d’ailleurs se fait étrangler par son patron sur un affreux malentendu et sans que Kyme se donne la peine de mettre la mort de son personnage principal (jusqu’ici) en scène. Tout cela est d’une limpidité absolue.

Au final, et comme attendu, l’histoire se règle par une baston classique entre les Templiers de Morr, Lenchard et Halstein d’un côté, et Setti-Ra Halstein de l’autre. Pour équilibrer un peu les débats, Kyme donne à la momie 7 en Force et 8 en Endurance, ce qui permet de faire durer le match quelques pages, jusqu’à ce qu’une habile combinaison tapisserie enrouleuse + torche enflammée vienne à bout du revenant. Tout est bien qui finit bien ?

Début spoiler…EH NON. Je ne sais pas pourquoi j’utilise un spoiler pour ça, c’est faire trop d’honneur à cette histoire navrante, mais comme il s’agit techniquement d’un twist final, je vais jouer le jeu. Il s’avère donc que les Scarabées étaient venus au nombre démentiel de deux, dont un gus qui s’était déguisé en prêtre mendiant aveugle, et qui profite de la crédulité et de la dévotion du Comte Halstein pour lui tomber sur le râble et lui voler le cœur après s’être proposé de bénir les cendres paternelles. Ce qui veut dire que Setti-Ra va pouvoir être ressuscité <gasp>. Comme Lenchard ne veut absolument pas que cela se produise pour une raison qui ne sera jamais révélée ici, la nouvelle se termine sur le départ en trombe des Morrons de Galstadt, dans l’espoir de rattraper le dernier cultiste avant qu’il ne soit trop tard. C’est ce qui s’appelle prendre sa mission très à cœur. Mouarf.Fin spoiler

AVIS :

Dans la droite lignée de ‘As Dead as Flesh’, dont cette nouvelle prend la suite directe, Nick Kyme nous sert une nouvelle se voulant être un whodunit à la sauce impériale, mais qui se révèle être un enchaînement de péripéties oscillant entre le suranné et l’incohérence. Une fois encore, le propos pâtit d’un trop grand nombre de personnages, dont seuls quelques-uns parviennent à faire suffisamment impression au lecteur pour que ce dernier parvienne à les resituer dans le récit au fil de leur apparition, et souvent pour des mauvaises raisons. Entre Reiner et Lenchard qui se disputent le titre de Mister Connard, Mikael qui a toujours peur de son ombre et essaie de son mieux d’imiter Brin Milo1 sans susciter autre chose que de la crispation, Gunther et son armée de chevaliers interchangeables, ou les Templiers de Morr qui pourraient aussi bien s’appeler « Grokosto », « Jumeaux » et « Vieussage » sans perdre une once de personnalité, c’est un festival de têtes à claque auquel on a droit ici. Et quand l’intrigue part en roue libre (j’ai un antagoniste qui est le personnage le plus important de l’histoire… jusqu’à ce qu’il se fasse buter hors champ et qu’on en parle plus jamais) et que l’action devient confuse (baston dans la crypte où tout le monde sort/entre/tombe/court en même temps), difficile d’éprouver de la bienveillance pour la prose du (à l’époque) jeune Kyme. Comme notre homme a fait encore pire en son temps, et que ces travaux-là avaient au moins le bon goût d’être totalement nanaresques (et donc beaucoup plus drôle), on peut tout à fait s’épargner la lecture de ‘Dead Man’s Hand’ et se concentrer sur le meilleur du pire (ou l’inverse) de cet auteur. Ou lire des bons bouquins. Ça marche aussi ?

1 : Un personnage des ‘Fantômes de Gaunt’ (Dan Abnett, 40K), qui se découvre lui aussi des pouvoirs de divination bien utiles pour l’intrigue, mais dangereux pour sa survie.

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Tales of Death & Corruption

Shyi-Zar – D. Abnett :

INTRIGUE :

La Fin des Temps se prépare doucement mais sûrement dans le grand Nord du Vieux Monde, et les clans des tribus nomades se rassemblent dans la steppe au sortir de l’hiver afin de descendre souffler dans les bronches de Karlito France, sous la houlette du Haut Zar Surtha Lenk. Si participer à une invasion chaotique est déjà une chance et un privilège pour tous les Kurgans, Dolgans et autres Gospodars vivants à cette époque remarquable, certains visent encore plus haut, et tant pis pour l’adage de Pierre de Coubertin. C’est le cas du Zar Karthos, qui malgré son nombre limité de followers (dix guerriers, un sorcier et une chèvre), décide après avoir reçu le feu vert de son chaman, de déposer sa candidature au The Voice chaotique : l’élévation au rang de Shyi-Zar.

Sur le chemin de la cérémonie, présidée par Lenk en personne, Karthos croise la route de vieilles connaissances, certaines amicales et d’autres hostiles, comme le Zar Blayda et son tempérament de petite frappe. Ce blédard de Blayda a aussi mis son nom dans le Gobelet de Feu, ce qui en fait un rival officiel de notre héros. L’épreuve qui est proposée aux candidats est d’une simplicité élégante : Surtha Lenk sort une griffe de fort belle taille de sa boîte à rabiots, et promet le job à quiconque parviendra à lui ramener une copie conforme (sans doute pour terminer une conversion ambitieuse en vue du prochain Golden Demon). Sans plus d’indications sur quoi et où chercher, les impétrants s’égaient du campement principal dans toutes les directions, à la recherche d’indices ou d’inspiration.

Suivant les conseils de son sorcier (la chèvre était encore plus smart, mais elle n’est plus en état d’aider quiconque maintenant), Karthos entraîne sa bande de maraudeurs en direction du campement de Tehun Dudek, occupé par une communauté d’oracles. Ces derniers devraient être en mesure de donner aux baroudeurs de la pampa quelques tuyaux bien juteux et ainsi faciliter l’accomplissement de la quête de Surtha Lenk. Il s’avère rapidement que notre petite bande n’a pas été la seule à avoir cette idée, et comme elle a fait la grasse matinée au lieu de partir au petit jour, elle a été devancée par une partie de Dolgans dont le chef est un des candidats au titre de Shyi-Zar. Comme les Dolgans sont en train de massacrer les oracles au lieu de leur poser des questions, Karthos ordonne immédiatement la charge de la brigade légère, qui se solde par un 20 – 0 des familles. Si ce n’est pas un signe que Tzeentch favorise notre héros, je ne sais pas ce que c’est.

Après une longue et fumeuse discussion avec les oracles survivants, le mystère sur l’origine de la bête recherchée par les traqueurs est levé. Il s’agit d’une griffe de… griffon (ça donne mieux en anglais, faut le reconnaître). Le hic est que cette créature, aussi appelée annonciateur par les Kurgans, qui croient que sa venue présage de grands événements, est tenue pour sacrée par les tribus du grand Nord, ce qui fait d’abord craindre à Karthos que ses suivants crient au blasphème et refusent de l’épauler. Fort heureusement, le chef réussit son jet de charisme et aucun de ses guerriers ne fait défection, ce qui lui permet d’accéder au niveau final de sa quête avec une équipe complète.

Et ce support n’est pas de trop, car le spécimen sur lequel nos braves barbares tombent présente un fort beau gabarit ainsi qu’un caractère peu facile. Au terme d’un combat bien plus accroché que l’empoignade avec les Dolgans (quatre morts dans la Karteam tout de même), les maraudeurs terrassent l’acariâtre volatile, ce qui permet à Karthos de repartir en direction du campement tribal avec la griffe tant désirée. Les survivants croisent Blayda et ses loubards sur le chemin du retour, mais le rival de notre héros est suffisamment fair play pour ne pas tirer parti des plaies et des bosses de ses concurrents pour leur arracher le vif d’or. C’est tout à son honneur. Une fois rendu sur place, Karthos se présente devant Surtha Lenk et demande à ce que la récompense promise lui soit remise…

Début spoiler…Ce qui consiste à être sacrifié avec sa bande pour servir de wingmen au Haut Zar auprès des Dieux du Chaos, au cas où l’invasion de l’Empire se passerait mal pour lui. Et il paraît que c’est un grand honneur chez les Kurgan ? Très peu pour moi. La nouvelle se termine donc sur la vision du cadavre Karthos et de ses hommes, disposés comme s’ils partaient à cheval en direction de l’Est, afin de préparer l’arrivée de Surtha Lenk dans l’au-delà. J’espère qu’on leur paie les heures sup’.Fin spoiler

AVIS :

Vous reprendrez bien un peu de ‘Riders of the Dead’ ? ‘Shyi-Zar’ se présente en effet comme un complément et préquel (comme la présence de ce bon vieux Blayda, également présent dans le roman susnommé) du bouquin consacré par Dan Abnett aux prémisses de la Tempête du Chaos, et la magie de conteur de Papa Gaunt agit encore une fois. C’est tout à la fois prenant, exotique, violent, cruel et mystique, généreusement garni en fluff et très bien construit d’un point de vue narratif : bref une masterclass en bonne et due forme de la part d’Abnett, pour ce qui a été l’un des derniers textes qu’il ait écrit pour Warhammer Fantasy Battle. On peut s’accorder à dire qu’il a réussi sa sortie.

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Tybalt’s Quest – G. Thorpe :

INTRIGUE :

WFB_Tybalt's QuestDans le brouillard brumeux d’une nuit nocturne, le noble chevalier Tybalt se rend en direction d’un cimetière de tombes, accomplissant ainsi le désir de volonté d’un fantôme spectral lui étant apparu dans ses rêves oniriques… Hum. Je pourrais continuer longtemps comme ça, mais les plaisanteries les plus courtes étant les moins longues, nous allons repasser sur une narration un peu moins lourdement pesante. Merci Gav. Ayant passé plusieurs longues minutes, et autant de pages, à attacher son cheval à un piquet, ouvrir la grille du cimetière, trébucher sur un rat, et occire un pauvre sanglier innocent qui passait seulement dans le coin1, Tyty finit enfin par arriver jusqu’à la crypte où repose le Duc de Laroche, qui lui a demandé d’accourir en toute hâte pour combattre un terrible danger s’étant manifesté dans le cimetière de Moreux. Mais évidemment, ce gros troll de Laroche n’a pas pensé à se présenter ni à donner les coordonnées GPS de son mausolée au pauvre Tybalt, vous pensez bien. Un coup d’œil sur son blason a fait l’affaire, évidemment. Ce qui a conduit notre héros à perdre quatre mois à éplucher tous les registres d’héraldique à sa disposition pour finalement identifier les armes du brave (c’était un Graaleux, tout de même) Pierrot et localiser sa dernière demeure. Moi je dis que le fantôme aurait dû apparaître à un gueux livreur Deliveroo, l’affaire était pliée en 25 minutes. Menfin.

Une fois sur place, Tybalt est à nouveau visité par Laroche, posay comme jamay dans son petit pied à terre. Mis à part des tournures de phrases un peu rigolotes, le vioque se révèle être un hôte affable et charmant, qui avait juste besoin de trouver un champion de ce nom pour contrecarrer les plans d’un Nécromancien de bas niveau (puisqu’il n’a pas été foutu de lever une armée depuis l’envoi du SOS (du) fantôme…). Toujours cette histoire de quatre mois de latence, ça ne devrait pas mais ça m’énerve. Le cimetière de Moreux est en effet très spécial. En plus de servir d’ossuaire depuis des temps immémoriaux, il s’agit de l’endroit très précis où Gilles le Breton a reçu sa première vision de la Dame. On pouvait se demander ce qu’il faisait à camper dans un tel endroit pour commencer, mais ce serait une autre histoire. Toujours est-il que l’honneur de la Bretonnie impose que Tybalt empêche un pratiquant des arts noirs de souiller de sa présence et de sa nullité crasse ce monument historique classé au patrimoine imputrescible de l’humanité. Le jouvenceau n’est franchement pas chaud à l’idée de partir à la chasse d’un sorcier capable de relever les morts, seul dans un cimetière, mais Laroche ne lui laisse pas le choix. Il lui prête cependant son heaume enchanté et sa mirifique Résistance à la Magie (3) pour lui faciliter un peu la tâche.

La suite, cela ne vous surprendra guère, est consacrée à la « traque » du Nécromancien par Tybalt. Après une première rencontre pendant laquelle on a tout loisir d’admirer que la camelote de Laroche works just fine, et de réaliser que Tybalt est vraiment pathétique (il se fait sonner par un coup de bâton sur son heaume, donné par un vieillard boiteux d’un mètre cinquante), le preux chevalier erre un peu entre les tombes, repasse en mode facile avec une petite prière à la Dame (qui lui permet soudainement d’entendre les incantations du Nécromancien à 300 mètres), rencontre quatre squelettes animés dont il a le plus grand mal à se défaire, et finit par confronter enfin son affreuse Némésis, protégée par une puissante escorte de… six squelettes. Qui tombent en morceaux dès que Tybalt s’approche. On peut se demander pourquoi ça n’a pas fait la même chose pour les morts vivants précédents, mais la réponse est « on s’en fout ». S’en suit un dialogue relativement interminable (quand on le compare à la longueur de la nouvelle et à son intérêt intrinsèque), pendant lequel on apprend que si le Nécromancien était si méchant, c’est parce qu’il avait lui-même peur de la mort. On s’en fout là aussi, merci. Au bout du suspense, Tybalt finit par décapiter le maraud, ramener l’équilibre dans la Force et la paix dans le voisinage, et la nouvelle se termine avec l’ajout d’une nouvelle corvée d’utilité publique sur la to do list des vilains de Moreux : entretenir un peu mieux leur cimetière, décidément très mal fréquenté. Voilà qui ne va pas arranger le déficit des collectivités locales, c’est moi qui vous le dit.

1 : Il a aussi essayé de voir des sons. Sans succès.

AVIS :

Gav Thorpe se cherche comme auteur de nouvelles fantastiques dans ce ‘Tybalt’s Quest’, et malheureusement pour tout le monde, il ne se trouve pas. Le style est aussi pâteux et cartonné qu’un mauvais pudding, l’intrigue tient en une demi-ligne (police 54), les péripéties sont sont plus dignes d’un nanar fauché que d’une production littéraire libérée de la prosaïque contrainte d’un budget à respecter : si on veut être aussi miséricordieux que l’aimable Duc de Laroche, on accordera quelque point à Thorpe pour les bouts de fluff (pas vraiment reluisants) qu’il a glissé dans sa copie. Pour le reste, le seul point fort de ‘Tybalt’s Quest’ est de faire moins de vingt pages, ce qui rend sa lecture, à défaut d’agréable, courte. Un mauvais moment de et à passé/er.

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A Choice of Hatreds – C. L. Werner :

INTRIGUE :

Alors que le petit village Petitvillage (Kleinsdorf en Reikspiel) se prépare à fêter comme il se doit le Wilhemstag en dansant, buvant, flirtant, et tirant des enclumes d’artifice1, deux cavaliers entrent dans la ville sans se soucier de la joyeuse ambiance qui y règne. Il s’agit du Répurgateur et fashion victim Mathias Thulmann et de son associé et tortionnaire de fonction, Streng2, en route pour aller chasser la sorcière dans le Stirland. C’est la saison. Pendant que son homme de main est heureux de passer la nuit à s’envoyer des pintes en racontant ses meilleures anecdotes de brodequins, dans l’espoir de matcher avec une locale, Thulmann préfère aller sagement se pieuter pour pouvoir reprendre la route dès potron minet le lendemain. Avisant une auberge convenable, il va ruiner le groove de son propriétaire en s’installant dans la meilleure chambre (la sienne), pour un quart du prix habituel, et en se faisant servir un copieux dîner pour se remettre de sa chevauchée. C’est Volkmar qui paie, après tout. L’arrivée du Chasseur de Sorcières n’est cependant pas passée inaperçue, et deux individus aux motivations diverses vont agir en conséquence…

Le premier d’entre eux est un noble du nom de Reinhardt von Lichtberg, promis à un brillant avenir dans la Reiksguard jusqu’à peu, mais désormais déterminé à faire la peau à Thulmann depuis que ce dernier a condamné sa fiancée Mina au bûcher (il l’a aussi un peu torturée avant, pour ne rien arranger). Le second est un marchand local, Gerhardt Knauf, qui est devenu cultiste de Tzeentch et sorcier amateur pour arranger ses affaires, et qui est convaincu que si le Répurgateur est arrivé en ville, c’est pour lui régler son compte. Il paie donc grassement une bande de mercenaires pour se débarrasser de l’importun, et va se barricader chez lui en attendant que ses gros bras viennent lui annoncer la bonne nouvelle. Comme on peut s’y attendre, Reinhardt et les reîtres de Knauf arrivent dans la chambre de Thulmann à peu près au même moment, ce qui permet à notre héros de jouer de la surprise commune pour tuer ou blesser les brutes locales, et menotter l’aristocrate revanchard à son lit, non pas pour une mise en scène improvisée de Fifty Shades (grim)Darker, mais pour empêcher le nobliau de lui chercher des noises pendant qu’il va s’expliquer franchement avec l’Herr Knauf, honteusement balancé par l’un de ses nervis. Car, contrairement à ce que son image de zélote fanatique le laisse à penser, Thulmann n’est pas insensible à la pitié ou à la miséricorde, et ne se contente pas d’exécuter froidement Reinhardt malgré son assaut caractérisé sur personne détentrice de l’autorité. Il prend même le temps de donner sa version de l’affaire Mina à son ancien amant, et de lui révéler que la belle a en fait été corrompue par une pilule du lendemain à base de malepierre que son médecin de famille lui avait remis pour arrêter une grossesse non désirée et ainsi permettre à Reinhardt de poursuivre sa carrière militaire au lieu de devoir se marier tôt pour élever son gosse. Rien ne vaut les préservatifs en peau de squig, c’est moi qui vous le dit.

Un peu plus loin, Knauf se ronge les sangs en attendant le retour de ses tueurs, mais comprend lorsque sa porte est ouverte d’un coup de pistolet qu’il va lui falloir trouver un plan B. Ou plutôt, recourir au système D, comme démoniaque. Notre homme grimpe donc dans son grenier pour invoquer une Horreur Rose, dans l’espoir qu’elle le défende contre le Répurgateur. Seulement, dans sa hâte, il oublie de se placer dans un pentacle répulsif, et devient donc la première victime du démon, qui le pèle puis l’avale comme une banane. Ca nous fait déjà deux victimes de protections défectueuses dans cette histoire : plus que jamais, sortez couverts les jeunes. C’est sur ces entrefaites que le beau, le grand, le brave Mathias Thulmann arrive à l’étage, pistolet et rapière à la lame d’argent bénie par le Grand Théogoniste en personne à la main… et se fait misérablement bolosser par l’Horreur qui lui fait face. Mais vraiment bien. Du niveau du « poussé dans les escaliers » + « piétiné comme un paillasson ». Heureusement que Knauf n’était pas un cultiste de Nurgle ou de Slaanesh (et ne parlons pas de Khorne, mais c’est rare pour un marchand) hein. Et le plus drôle dans tout ça, c’est quand notre héros parvient enfin sur un vieux malentendu à empaler le démon sur âme consacrée… il prend encore plus cher des mains des Horreurs Bleues qui arrivent ensuite. On repassera plus tard pour tenter de vaincre un Vampire, hein.

Il faut l’arrivée providentielle de Reinhardt, qui a pu se libérer en piquant la hachette que Thulmann avait laissé traîner sur un cadavre de mercenaire dans sa chambre, pour mettre fin aux tourments de Répurgateur. En bien mauvais état, il fait remarquer au jeune premier qu’un duel à l’épée ne serait guère équitable, et lorsque Reinhardt lui propose de régler ça au pistolet à la place, il accepte et prête à son adversaire une de ses pétoires… celle qui est déchargée, évidemment. De son côté, il n’a pas de scrupules pour loger une balle dans l’épaule du Capitaine Fracassé, histoire de lui apprendre à faire confiance à des inconnus et surtout le mettre hors d’état de nuire assez longtemps pour passer une nuit sereine. La nouvelle se termine avec un Reinhardt qui jure à Thulmann de revenir pour se venger, mais ceci sera une autre histoire…

1 : Une spécialité bucolique mais bougrement dangereuse, en plus d’être assez peu spectaculaire lorsqu’elle a lieu de nuit.
2 : Qui a fait sien l’adage bien connu « le gras c’est la vue ».

AVIS :

Première nouvelle consacrée par C. L. Werner (qui fait ainsi ses débuts au sein de la BL) à son personnage de Mathias Thulmann, anti-héros taciturne, antipathique mais vertueux (un peu comme le chasseur de primes Brunner, un autre favori de Werner), ‘A Choice of Hatreds’ démontre déjà la science de l’homme au chapeau en termes de mise en scène de courts formats très rythmés. En l’espace de 25 pages, on a ainsi droit à une intrigue assez complexe, ponctuée par des rebondissements, confrontations et explications savamment séquencés par un Werner maître de son art et de ses effets de narration. Si Thulmann lui-même ne se révèle pas être particulièrement mémorable ou attachant, on prend plaisir à lire le récit de sa nuit agitée, grâce à laquelle C. L. Werner réussit son entrée dans le monde de la GW-Fiction.

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Who Mourns a Necromancer? – B. Craig :

INTRIGUE :

WFB_Who Mourns a NecromancerC’est jour d’enterrement à Gisoreux, mais le défunt qui est emporté jusqu’à sa tombe, dans le cimetière de Colaincourt, ne peut se targuer de laisser une foule éplorée derrière lui. Et pour cause, seul un homme est venu rendre un dernier hommage à Lanfranc Chazal, Magister au sein de l’université locale : son vieil ami et collègue (et accessoirement Haut Prêtre de Verena), Alpheus Kalispera. Si ce dernier se retrouve seul à souffler comme un phoque – il a pas de cardio – sur la colline, devant une tombe anonyme et un prêtre de Morr pas franchement ravi d’officier, c’est à cause de la détestable réputation que se traînait le clerc Chazal sur ses vieux jours, celle d’un Nécromancien. Bien qu’il tienne à faire bonne figure dans cette situation à la fois tragique et humiliante, Kalispera est désolé de constater que ces petites biatches de l’université, qui n’avaient pourtant rien à reprocher à Chazal de son vivant, se soient faites toutes porter pâles plutôt que de l’accompagner. Aussi est il sincèrement ému lorsque surgit au milieu de l’office un jeune cavalier, certes en retard, mais décidé lui aussi à assister à la mise en terre du macchabée.

Le nouveau venu, du nom de Cesar Barbier, a été l’élève des deux Magisters il y a quelques années, avant de repartir sur le domaine de son père se préparer à prendre la succession du noble. Il avoue à Kalispera avoir gardé contact avec Chazal après sa diplomation, considérant le professeur comme un mentor ainsi que comme le père qu’il aurait bien aimé avoir, son géniteur étant l’archétype de l’homme de guerre totalement insensible aux sentiments et à la notion de respect de ses inférieurs. N’ayant pas d’autres choses à faire une fois la tombe rebouchée, Barbier et Kalispera se rendent chez le second pour poursuivre leur deuil autour d’un petit verre et d’un bon feu. L’ancien étudiant en profite pour faire une révélation lourde de sens à son hôte : contrairement à ce qu’il pensait, Lanfranc Chazal était bien un Nécromancien (comme son teint macabre et ses yeux enfoncés le laissaient pourtant à deviner). Mais, attention, un gentil Nécromancien. Ce qui change tout, ou en tout cas ouvre le débat.

Barbier se lance alors dans une chronique de sa vie tumultueuse depuis son retour dans sa famille, et de son mariage clandestin avec une charmante roturière du nom de Siri. Qui évidemment tomba enceinte1. Les deux tourtereaux avaient pour projet de tout plaquer et d’aller passer quelques années en exil dans l’Empire, le temps que la colère de papa Barbier (Christophe, sans doute) retombe, mais mirent trop longtemps à faire leurs bagages. Ramené au château paternel sous bonne garde, Cesar ne put qu’assister au meurtre de sang froid de sa bien aimée par son salopard de père, qui ne voyait vraiment pas le problème. Fort heureusement, le nobliau éploré parvint à convaincre Chazal, qui lui avait confié travailler de façon tout à fait théorique sur la Nécromancie afin de prouver que cette forme de magie n’était pas naturellement mauvaise, de passer à la pratique pour dépanner un pote dans le mal. Résultat des courses : le fantôme de Siri accepta de venir hanter la petite maison dans laquelle les jeunes mariés s’étaient installés, grâce un rituel certes interdit, et qui laissa des stigmates visibles sur la tronche et la santé du pauvre Chazal, mais parfaitement exécuté (et avec des extras sympas).

Troublé par la réalisation que son bon ami était finalement un pratiquant des arts sombres, et peut-être aussi surtout qu’il a été le dindon de la farce pendant toutes ces années, Kalispera ne sait trop quoi penser de la situation décrite pas son invité, qui se fait un devoir de lui sortir un discours sur l’injustice du monde digne d’un tracteur Solidaires Etudiant-e-s pour le persuader que, en vrai, la nécrophilie, c’est pas si pire (#ngl #tmtc). Le vieux maître n’en est pas si convaincu, mais il n’est pas d’humeur à débattre pendant des plombes avec Barbier, à qui il souhaite simplement de rester éternellement amoureux de son fantôme de femme, et de commencer dès à présent à réfléchir à l’organisation de la succession de son père (maintenant qu’il n’a plus de Nécropoto pour installer sa petite famille dans un autre bled). Pour le reste, les deux comparses tombent d’accord que Chazal était un vrai type bien, et on peut supposer qu’ils finissent la soirée ronds comme des queues de pelle, ainsi que de vrais Bretonniens le doivent en cette occasion particulière.

1 : Et dire que si j’avais chroniqué ‘Tales of the Old World’ au moment de ma première lecture, je n’aurais pas pu sortir cette vanne. Je ne sais pas Dieu existe, mais Loec oui.

AVIS :

Nouvelle craigesque par excellence, ‘Who Mourns a Necromancer?’ apporte au lecteur une perspective neuve sur un aspect notable et éminemment fantastique du monde de Warhammer, d’une manière que l’on peut qualifier de posée ou de planplan, selon ses goûts personnels1. Après avoir traité du Chaos dans ses précédents courts formats, Brian Craig s’attaque ici à la non-vie, mais c’est surtout l’occasion pour lui de poser la question du respect des normes, et du caractère artificiel, voire inique, de ces dernières dès lors que l’on y réfléchit un peu. Lanfranc Chazal doit il être condamné parce qu’il a pratiqué la Nécromancie, même s’il l’a fait de la manière la plus éthique qui soit ? Et que dire du père de Cesar Barbier, qui était dans son droit d’assassiner sa bru d’après les lois de Bretonnie, mais n’en demeure pas moins un meurtrier et un sale type en puissance ? On peut regretter que Craig n’ait pas choisi de mettre un peu plus en avant ce qui à mes yeux rendait cette incitation à la réflexion plus palpitante qu’une version romancée d’une conf’ sur Kelsen : la présence dans le monde de Warhammer Fantasy Battle de divinités et de magie (ce qui est la même chose au final). Alors que dans notre bête monde aseptisé, la réponse restera purement théorique, Craig aurait pu conclure que le mal existe réellement et dans l’absolu dans le Monde Qui Fut, comme en témoigne le spectaculaire glow down du plus gentil Nécromancien ever (ou le développement de maladies honteuses chez Barbier ?). Il ne l’a pas fait, tant pis : à chacun de se faire une opinion.

1 : Apparemment, l’artiste engagé par Inferno ! pour faire l’illustration de la nouvelle (John Wigley) ne savait pas à qui il avait affaire, et/ou n’a pas jugé bon de lire autre chose que le titre. 

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The Hanging Tree – J. Green :

INTRIGUE :

WFB_The Hanging TreeeLe petit village de Viehdorf, situé à la frontière entre le Middenland et le Hochland, n’a pas la chance de bénéficier des voisins les plus conciliants qui soient. Isolé dans l’épaisse forêt qui recouvre le Nord de l’Empire, il doit composer avec les déprédations fréquentes des hardes d’Hommes Bêtes qui hantent les bosquets de la région. En cette situation, rien de tel que de pouvoir compter sur un protecteur tellement balèze que même un Wargor en rut hésiterait à deux fois avant de le défier, et, par chance, c’est justement le cas des Viehdorfer, qui paient tribut depuis des générations à… un arbre. Pas un bête chêne ou un simple frêne, bien sûr, mais un terrible frêche (Georges de son prénom), plus friand d’âmes de victimes sacrificielles que d’eau fraîche et de soleil1. Bien sûr, cette relation de symbiose interespèce est tenue secrète aux étrangers, les locaux considérant avec sagesse que leurs pratiques de répulsion des nuisibles, pour naturelles qu’elles soient, seraient mal perçues par les autorités. Hélas, cette harmonie ancestrale va être irrémédiablement perturbée par une funeste nuit de printemps.

Dans la salle commune de l’auberge du Veau Massacré (un nom poétique en diable), deux étrangers sont venus s’abriter des caprices de la météo locale. Le premier à s’être présenté est le patrouilleur Ludwig Hoffenbach, qui avait rencard avec un répurgateur de ses connaissances, un dénommé Sch(w)eitz (encore une fois, la relecture n’a pas été très attentive du côté de la BL). Le second est le Mage de Bataille disgracié Gerhart Brennend, du Collège Flamboyant. Pendant que Gégé se remet de ses émotions (il déteste la pluie, c’est lui qui le dit, et c’est compréhensible vu son choix de carrière) en se jetant un petit shot de luska sous le manteau, Hoffenbach demande et redemande au tavernier (Grolst) s’il n’a pas vu passer son comparse. Dénégation aussi formelle que gênée de la part de l’aubergiste, qui ne convainc ni le lecteur ni le patrouilleur, mais en l’absence d’autres éléments, Hoffenbach repart arpenter les chemins de traverse à la recherche de Brigands.

Si Grolst était si mal à l’aise, c’est que les Viehdorfer ont fait son affaire à Sch(w)eitz il y a quelques temps de cela, peu ravis qu’ils étaient de recevoir la visite d’un chasseur de sorcières. Livré en patûre bouture au terrible Georges, Sch(w)eitz pourrit maintenant au bout d’une branche, mais en cette époque troublée, il est nécessaire de nourrir l’arbre prédateur de façon régulière, et l’arrivée de Brennend donne une idée à Grolst. Plutôt que sacrifier la petite Gertrud, comme ils en avaient initialement le projet, les villageois n’ont qu’à livrer l’étranger en robe à leur protecteur branché. Un peu de jus de graine de coquelicot dans le verre de Brennend, et voilà le Sorcier plongé dans un profond sommeil, et emmené sans cérémonie jusqu’à la clairière où Georges a pris racine.

Dans son malheur, Brennend a toutefois la chance de pouvoir compter sur le professionnalisme de Hoffenbach, qui s’était caché à quelque distance de l’auberge pour observer les allées et venues des habitués, et n’a pas manqué la sortie furtive de Grolst et de ses complices. Lorsque ces derniers font mine de pendre le malheureux Mage à la première branche venue, le manque de coopération de Brennend, qui se réveille brutalement au moment où il sent la corde commencer à l’étrangler (un souvenir doux-amer de sa dernière rencontre avec une Démonette, sans doute), et la prise en revers de Hoffenbach et de son gros marteau, jettent une sacrée panique parmi les horticulteurs anonymes. Pris en tenaille entre les capacités martiales du patrouilleur et les talents arcaniques du Sorcier (un peu groggy certes, mais on n’oublie pas comment jeter une boule de feu), les villageois meurent ou s’enfuient, laissant nos héros faire connaissance devant un Georges affamé…

Début spoiler…Malheureusement pour lui, Hoffenbach finira donc comme son camarade Sch(w)eitz, réduit en terreau organique par et pour l’arbre chaotique, après s’être fait empaler puis écarteler par les branches de ce gourmand de Georges. Brennend aurait sans doute subi le même sort s’il n’avait pas pu compter sur ses flamboyants pouvoirs pour réduire le végétal carnassier en feu de joie. C’est pas Balthasar Gelt qui aurait pu faire ça, c’est moi qui vous le dit ! L’histoire se termine sur la promesse que se fait notre héros pyromane d’aller chaleureusement saluer les habitants de Viehdorf pour les remercier de leur grande hospitalité…Fin spoiler

1 : On pourrait se demander ce qui empêche les Hommes-Bêtes de raser un village placé sous la protection d’un arbre, qui part définition, est assez peu mobile. À cela, Green n’apporte pas de réponse, et on peut donc imaginer ce que l’on veut. Pour ma part, je choisis de penser que le pollen de Georges est très irritant pour les Gors et Ungors.

AVIS :

Une fois n’est pas coutume, Jonathan Green délaisse la bande de Torben Bad Enough et tourne ses talents de conteur vers d’autres personnages de l’Empire. Comme les occasions de voir un Sorcier de Bataille faire usage de ses pouvoirs ont été assez rares dans le catalogue de la Black Library (je pense à ‘The Judgement of Crows’ de Chris Wraight et au final de ‘Manslayer’ de Nathan Long), on peut tourner un œil charitable sur cette nouvelle très simple, qui vient compléter le ‘Magestorm’ écrit par le même Green en 2004, et au cours duquel on suit les exploits, forcément flamboyants, de Gerhart Brennend lors de la défense de Wolfenburg.

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Tales of Madness & Ruin

The Doom that Came to Wulfhafen – C. L. Werner :

INTRIGUE :

WFB_The Doom that Came to WulfhafenC’est une nuit particulière qui commence pour le jeune Karel, pêcheur comme son père (et la chaîne entière de ses aïeux) avant lui. Ayant atteint l’âge de la majorité dans le coin paumé de l’Empire où il habite, il lui est demandé de participer pour la première fois à un rituel très important dans la vie du village de Wulfhafen : la chasse à la galinette cendrée le naufrageage de navires passant le long du cap où le hameau a été fondé, il y a de cela bien des siècles, par le pirate Wulfaert. Pour Karel, conscient des activités illicites des hommes de Wulfhafen depuis sa prime enfance, mais dont le quotidien consistait jusqu’ici à ramener des casiers de homards (l’autre spécialité locale) à la surface, le changement est brutal. Accompagné par son vieux papa (Gastoen), il vient donc donner un coup de main à l’entretien du feu de joie géant que les villageois ont allumé sur la plage, sous le regard sévère de Vetyman, chef naufrageur en fonction du fait de son ascendance (il est le petit-petit-petit-fillot de Wulfaert) et de la rapière de belle facture qui pend à sa ceinture. Le stuff, c’est important.

Pour cette première nuit de la saison, les attentes de nos hardis pêcheurs sont assez faibles, mais Manann leur sourit toutefois en leur envoyant un navire au capitaine un peu trop naïf pour espérer triompher des eaux et des mœurs traitresses du coin. Attirée sur les brisants par ce qu’il croyait être la lumière et la corne de brume d’un phare, l’embarcation finit promptement éventrée par les récifs affleurants, et le vrai boulot des naufrageurs peut commencer. Par petits groupes, ils parcourent la grève à la recherche d’objets de valeur rejetés par les vagues, et n’hésitent pas à mettre fin aux souffrances des quelques survivants trempés jusqu’aux os qui ont la malchance d’arriver jusqu’à la plage avec un pouls. C’est ainsi que Karel est témoin du meurtre de sang froid d’un jeune homme échoué sur les galets en compagnie de son livre de croquis, commis par Gastoen et son vieux pote Emil à grand coups de hache et de gourdin. Ne pleurez pas trop sur son sort, car le bougre arborait un médaillon à la gloire de Tzeentch autour du cou. Le carnet contient des dessins de la faune et de la flore de ce qui semble être la Lustrie, et comme des specimens de plantes inconnues finissent par trouver leur chemin jusqu’au rivage, il ne faut pas longtemps au sagace mais traumatisé Karel pour établir que le navire coulé ce soir ramenait des specimens locaux à fin d’études sur le Vieux Monde.

La bonne humeur générale qui règne autour du brasier est toutefois mise à mal lorsque le dénommé Bernard arrive en hurlant auprès de ses comparses, et leur annonce que son frère Claeis, avec lequel il inspectait la ligne de marée, a été happé par un monstre sorti des vagues. Paranoïaque comme tout bon chef de bande de criminels se respectant, Vetyman ne croit pas un mot de ce récit et se convainc au contraire d’une magouille entre frangins afin de dérober une trouvaille digne de ce nom au partage collectif. Les patrouilles envoyées sur place pour vérifier la version de Bernard ne donnant rien, il décide d’aller interroger le lanceur d’alerte de manière serrée dans la maison commune du village, afin de lui faire cracher la vérité. Peine perdue, car Bernie n’en démord pas, même sous la torture : un démon est apparu à Wulfhafen…

Début spoiler…Sa version est corroborée par un autre témoin, hélas pas plus crédible que lui aux yeux de Vetyman : la femme alcoolique et mythomane du pêcheur (et philosophe) Enghel, Una. La vieille débarque comme une furie en plein interrogatoire pour annoncer à la cantonade que son mari a été attaqué et estourbi par un monstre de la taille d’une maison. Ses déboires avec de mystérieux Gobelins invisibles, une fois qu’elle avait forcé sur le rhum, étant encore dans toutes les mémoires, les hommes de Wulfhafen ne la prenne pas vraiment au sérieux, et seul un naufrageur consent à aller inspecter les lieux de la disparition d’Enghel pour établir la réalité des faits. Lorsqu’il revient, l’assistance ne peut manquer de remarquer les profondes entailles qui lui déchirent le dos, ainsi que son décès soudain après qu’il ait fait trois pas dans la salle commune. Il semblerait bien que les versions de Bernard et d’Una aient un fond de vérité, après tout.

C’est le branle bas de combat dans le village, et la petite armurerie constituée au fil des saisons de naufrage de navires est vidée pour l’occasion. Menée par Vetyman, la foule en colère retourne sur les lieux de la disparition présumée d’Enghel, et se retrouve confrontée à un authentique Kroxigor, que la météo locale, bien plus frisquette que la chaleur lustrienne, a rendu très soupe au lait. Il semblerait que le navire envoyé par le fond n’avait pas que des échantillons de plantes dans sa cale… Bien que les humains disposent de l’avantage du nombre et de l’intelligence, la force brute et la vitesse de pointe du gros lézard sont suffisantes pour remporter ce match d’une manière éclatante et passablement sanglante. Les survivants se replient en panique dans la salle commune, où est conservée l’huile utilisée pour allumer les brasiers naufrageurs : il s’agit sans doute de la dernière chance de terrasser ce monstre, insensible aux attaques perçantes et contendantes des locaux.

Malheureusement pour les Wulfhafenois, Kroxy vient toquer à la porte avant que les préparations ne soient terminées, et le massacre reprend de plus belle. Karel voit mourir son père sous ses yeux, rapidement suivi par Vetyman, éventré d’un coup de griffe après avoir aspergé le lézard d’huile. Dans la confusion, le jeunot a le temps de balancer une torche sur la bestiole enragée avant de s’eclipser en barricadant la porte de la salle, condamnant le Kroxigor à une combustion fatale. Cet épisode traumatisant a toutefois eu raison du poids de la tradition chez Karel, qui décide de partir dès le lendemain pour Marienburg afin de rejoindre le temple de Manann et d’expier les crimes de son village. Ou peut-être ne tenait-il pas à tout nettoyer (presque tout seul) après cette nuit de folie ? L’histoire reste silencieuse sur ce point…Fin spoiler

AVIS :

C. L. Werner nous offre une petite déclinaison med-fan du thème classique du village de naufrageurs, punis de leurs mauvaises actions par l’arrivée d’un monstre sanguinaire (ici Bob le Kroxigor). Si l’intrigue suit un chemin assez convenu, j’ai particulièrement apprécié la complexité que Werner a donné à ses personnages principaux, à commencer par Vetyman qui se révèle être un véritable anti-héros, à la fois détestable par ses actions (perpétuer la tradition de ses naufrageurs d’ancêtres, torturer un de ses camarades parce qu’il ne croit pas à ses histoires) et meneur courageux, charismatique et plein de ressources de sa bande de ruffians. On appréciera également les références faites par l’auteur à la geek culture dans son récit, depuis le nom de la nouvelle (un clin d’œil à ‘The Doom That Came To Sarnath’ de H. P. Lovecraft1) jusqu’aux dialogues entre personnages. Une soumission très solide de la part de l’homme au chapeau2.

1 : On peut d’ailleurs noter que le choix de Werner de faire d’un Kroxigor échoué la Némésis des villageois de Wulfhafen est en cohérence avec le « grand lézard d’eau », le qualificatif du dieu Bokrug qui détruit Sarnath dans la nouvelle de Lovecraft.
2 : Ma seule remarque négative portera sur la mention, inexpliquée pour autant que je puisse le dire, du médaillon marqué du symbole de Tzeentch que le dessinateur massacré par Gastoen et Emil arborait autour du cou. Un petit Easter egg destiné à souligner que de grands changements n’allaient pas tarder à se produire à Wulfhafen ?

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Hatred – B. Chessell :

INTRIGUE :

La vie tranquille de Kurtbad, un village en déréliction situé en plein cœur de l’Averland, est bouleversée par le meurtre de l’un de ses habitants, puis par l’arrivée soudaine d’un chasseur de sorcières mal en point. Alors que la traque du tueur s’organise, la destinée de quatre Kurtbader (-iens? -ois? -ais?) va être changée à jamais.

AVIS :

‘Hatred’ s’avère être un huis-clos à l’ambiance particulière et la construction soignée, deux caractéristiques faisant l’originalité et l’intérêt de cette nouvelle de Ben Chessell.

Le style purement factuel déployé par l’auteur pour raconter le drame se jouant à Kurtbad, les vérités énoncées à demi-mot et ne faisant sens que bien plus tard dans le récit, l’inclusion de passages écrits à la première personne depuis le point de vue de l’antagoniste (dont on ignore l’identité jusqu’aux dernières pages) entre le récit des péripéties, ou encore l’approche résolument anticonformiste qu’à Chessell du Chaos et de son effet sur les êtres vivants qu’il touche et transforme, sont autant de raisons de lire et d’apprécier ‘Hatred’, qui est assurément l’un des meilleurs « très courts formats » (15 pages) de la Black Library.

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Son and Heir – I. Winterton :

INTRIGUE :

WFB_Son &amp; HeirAlors qu’il patrouillait gentiment sur le domaine de son patron, le Baron Gregory de Chambourt, le Chevalier du Graal Gilles Ettringer surprend un groupe d’Hommes Bêtes traînant sans masque ni attestation ni respect des gestes barrières à proximité d’une chapelle de la Dame. N’écoutant que son devoir, il se rue sur les mutants l’épée au clair et les met à l’amende (135 horions par tête de pipe), avant d’aller investiguer sur la raison qui poussait les Gors à squatter à côté d’un lieu saint. Il ne tarde pas à découvrir, monceaux de déchets et de cadavres torturés et/ou putréfiés à l’appui, que la chapelle a été profanée par des adorateurs du Chaos, dont un grand costaud en tenu d’Adam doté d’une énorme… capacité de régénération, et d’un sens de l’humour un peu particulier. Maîtrisé sans coup férir par Gilles, qui veut faire les choses dans les règles et offrir une expérience de torture judiciaire avant exécution interminable complète à son prisonnier, l’anarcho-nudiste est ramené jusqu’au château de Chambourt, en compagnie d’une complice également alpaguée sur les lieux du crime, et qui se révèle être la jeune sœur (Juliette) du Baron…

Ce dernier, comme le veut la tradition locale, était en train de se pinter la gueule avec quelques copains pendant que sa femme, la Dame Isobella, donnait naissance au premier enfant du couple. Dégrisé par la nouvelle de la souillure de ses terres et, très probablement, de sa sœur, considérée jusqu’ici comme un modèle de pureté, Greg pète une durite et donne carte blanche à ses tortionnaires pour attendrir un peu le suspect, qui n’a même pas consenti à donner son nom au Baron. Une heure, une tonsure expresse, une dizaine de dents et deux doigts en moins et une flagellation en bonne et due forme plus tard, le cultiste impénitent est ramené devant son juge, mais continue à prendre la situation à la légère. Il va mène jusqu’à annoncer qu’il est la Némésis du noble, et qu’il lui prendra absolument tout ce qui lui est cher dans les années à venir, à commencer par sa femme (il félicite tout de même l’heureux papa pour la naissance de son fils, parce que c’est pas un monstre absolu). Et en effet, lorsque Gregory se rue au chevet de sa femme après qu’un serviteur lui ait porté la nouvelle de la fin de l’accouchement, il est impuissant à stopper la gingivite foudroyante qui emporte Isobella dans ses bras. Le lendemain, c’est la fourbe Juliette qui se fait décapiter par un garde en situation de légitime défense, après qu’elle ait fait exploser la tête de deux de ses camarades d’un simple mot lorsqu’ils étaient venus lui apporter son petit déjeuner en cellule. Ca devait pas être le mot magique auquel ils s’attendaient, pour sûr. Pour ne rien arranger, le cultiste parvient, lui, à disparaître sans laisser de traces, même s’il laisse sa langue dans la poche du Baron (de plus en plus énervé, et on le comprend) au passage.

Avec tout ça, il n’est pas difficile de comprendre la paranoïa exacerbée de Gregory envers la sécurité de son fils (également appelé Gregory), qu’il maintient enfermé dans son château jusqu’à ses douze ans révolus. Finalement convaincu par l’adolescent de l’emmener à la chasse pour célébrer son anniversaire, Old Greg regrette rapidement son choix lorsque la colonne bretonienne tombe dans une embuscade d’Homme Bêtes. Bien que les assaillants soient repoussés au prix de lourdes pertes, Young Greg et Gilles Ettringer font partie des disparus, présumés capturés par la harde du Chaos. Et en effet, lorsque Gillou se réveille, il découvre avec stupeur que toute l’opération a été montée par une vieille connaissance : le streaker cultiste, (re)venu avec son grand couteau et son énorme b…onhommie. Un peu handicapé par son absence de langue, il arrive tout de même à faire comprendre au chevalier qu’il a des grands plans pour ses prisonniers, dont Greg Junior, grâce à ses compétences de mime. En douze ans, on a le temps de s’améliorer au Time’s Up, c’est vrai. Mais c’est sans compter sur la détermination de Gilles, qui parvient à se libérer de ses liens et à perturber le rituel sacrificiel des hordes chaotiques armé seulement d’un couteau à pain Monoprix ébréché, mais aussi et surtout sur l’arrivée providentielle de Papou Greg et de ses hommes, qui ont trouvé la trace des Hommes Bêtes et leur tombent dessus with extreme prejudice. Bilan des courses, le cultiste en chef se fait refaire le portrait par Gilles avant d’avoir pu exécuter le fils prodigue, et est ramené manu militari au château pour enfin répondre de ses crimes…

Début spoiler…Dûment torturé pendant les quelques jours qui ont été nécessaires à monter le bûcher sur lequel il est conduit en grande cérémonie, la Némésis de Chambourt ne fait plus le malin lorsqu’il est attaché au poteau. Il semble même demander grâce au Baron, mais sans langue ni dents et avec une mâchoire démantibulée, c’est dur de se faire comprendre. Gilles, qui a été salement amoché au cours de son héroïque intervention, assiste à l’exécution depuis le balcon de sa chambre, accompagné de Baby Greg. Intrigué par le changement radical de comportement du cultiste depuis sa seconde arrestation, le vieux chevalier finit par réaliser que quelque chose ne tourne pas rond… mais n’aura pas le temps de partager son horrible réalisation avec quiconque, car son compagnon lui balance la mère de tous les « OK Boomers » dans la face, ce qui lui brise littéralement son petit cœur fragile. Pendant qu’il agonise, « Greg » lui confirme ce qu’il vient de comprendre : le rituel interrompu quelques jours plus tôt avait pour but d’échanger les corps du cultiste et du fils du Baron, et c’est donc ce dernier qui a été brûlé en place publique. Le mot qu’il essayait de faire comprendre à son bourreau était « Père », mais ce dernier n’a évidemment pas capté le message. Ce petit secret emporté dans sa tombe par Gilles, Gregory the Kid a maintenant toute latitude pour poursuivre sa vendetta personnelle contre son bien aimé paternel…Fin spoiler

AVIS :

Ian Winterton n’a peut-être pas laissé derrière lui un corpus aussi impressionnant que d’autres contributeurs de la Black Library, mais ce dont son œuvre manque en quantité, elle le rattrape en qualité. C’est bien simple, à chaque fois que je lis ‘Son and Heir’, je termine cette nouvelle en concluant qu’il s’agit d’une des toutes meilleures jamais publiées pour Warhammer Fantasy Battle, et pour la GW-Fiction en général. En l’espace de 20 pages, Winterton déroule une histoire captivante, surprenante, et d’une noirceur exemplaire, soit tout ce que l’on peut attendre d’une soumission de la BL. Ce résultat spectaculaire est en grande partie atteinte grâce à la maîtrise impressionnante que notre homme a du rythme de sa narration (ce qui lui permet d’amener des rebondissements de manière brusque, ce qui n’est pas donné à tout le monde en littérature), et son usage consommé des allusions, qui terminent de façon percutante bon nombre des courtes séquences qui découpent le récit. Cela fait totalement oublier les petites approximations fluffiques de l’auteur (sorcier masculin, « ordre » des chevaliers du Graal…), pas parfaitement au fait des us et coutume de la maison. C’est pas grave hein. Pas grave du tout. J’incite vivement tout ceux qu’ils le peuvent et le souhaitent à lire ‘Son and Heir’, car voir Winterton à l’œuvre est beaucoup plus gratifiant que de s’enquiller ma morne prose. Clairement, l’un des joyaux cachés et oubliés de la GW-Fiction, que j’estime être de mon devoir que de faire sortir de son anonymat1.

1 : Même l’illustration d’Adrian Smith dans Inferno ! pète la classe. Une réussite absolue.

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Ill Met in Mordheim – R. Waters :

INTRIGUE :

La bromance passionnée entre Heinrich Gogol (que nous appellerons Heinrich à partir de maintenant, pour des raisons faciles à comprendre) et son bras droit Broderick, respectivement Capitaine et second d’une bande de hardis et pieux Reiklanders, est brutalement interrompue par la mort au combat du second lors d’une escarmouche contre les Skavens. Ce sont des choses qui arrivent lorsqu’on gagne sa croûte à Mordheim au troisième millénaire après Sigmar, c’est vrai, mais l’expérience n’en est pas moins traumatisante pour Heinrich, qui perd son plus vieux pote et camarade de lutte (ils se sont connus sur les bancs de l’école les sables de l’arène) sur ce coup du sort/de pétoire à malepierre. Pour ajouter l’injure à la blessure (mortelle), comme on dit chez les glaouiches, les hommes rats se sauvent en emportant le précieux Cœur de Sigmar après lequel les Reiklanders en avaient, et qu’Heinrich s’est juré de ramener au Grand Théogoniste à Altdorf pour accomplir une prophétie annonçant la venue du second Reich – tant que c’est pas le troisième, ça va – et des lendemains qui chantent lorsqu’un élu au cœur pur et à la foi absolue en Sigmar entrera en possession de la relique. Tout un programme.

L’échec n’a toutefois pas été total pour Heinrich et ses survivants (le vieux Prêtre affectueusement Daddy Père, un Flagellant et deux molosses), car ils ont été rejoints lors de l’affrontement par un quatuor de Marienburgers apprêtés mais aguerris, qui les a aidés à mettre en fuite la vermine. Menés par le très stylé Bernardo Rojas (from Estalie, olé), les nouveaux venus en ont aussi après les Skavens, et bien que Heinrich voie ces bretteurs pomponnés d’un mauvais œil, il accepte de joindre ses forces aux leurs pour mener un raid sur le QG des ratons, dont Bernardo prétend avoir trouvé l’emplacement (grâce à sa demi-sœur, qui est apparemment éclaireuse aguerrie, mais qu’on ne verra pas de toute la nouvelle).

Après avoir rendu un dernier hommage à ses chers disparus, la bande unifiée taille donc la route en direction d’un mausolée situé à proximité de l’abbaye des Sœurs de Sigmar, et dont les fantômes sans repos confirment aux nouveaux arrivants que les lieux ont été squattés et profanés par les disciples du Rat Cornu. Comme on peut l’imaginer, le chemin de nos aventuriers est semé d’embûches (des pentes très pentues, des nids de rats agressifs, l’humeur exécrable de Heinrich…), et cela avant même que les Skavens lancent leur inévitable contre-attaque, qui finit par envoyer tout ce beau monde au troisième sous-sol après que les combats aient provoqué un glissement de terrain.

C’est à l’ombre d’une idole représentant El Raton Supremo et faite à partir des squelettes du mausolée que s’engage le combat final, durant lequel Heinrich et Bernardo parviennent à coincer le meneur de la bande adverse et porteur du fameux Cœur de Sigmar, et à lui faire son affaire à grand coup de rapière et de katana (quand je vous disais que Bernardo était stylé), perdant bien sûr quelques compagnons dans l’histoire. La mort la plus tragique revient sans l’ombre d’un doute à Père, doublement poignardé par les lames suintantes maniées par le chef Skaven après s’être interposé héroïquement pour sauver son bon à rien de Capitaine de la mort infâmante qu’il méritait pourtant. Et j’emploie le mot tragique au sens propre, car le même Père avait remis à Heinrich une fiole de Larmes de Shallya au début de la mission, ayant eu le pressentiment que ses jours étaient en danger. Tout à son chagrin (ou à sa pingrerie), Heinrich oublie qu’il est en possession d’une panacée pouvant neutraliser le poison des lames skavens, et le vieux Prêtre s’en va rejoindre sa divinité dans d’atroces souffrances. On n’est jamais mieux servi que par soi-même, ça ça ne bouge pas.

Notre propos s’achève sur le constat qu’une franche et virile amitié s’est instaurée entre nos deux héros (c’est toujours ça de pris), et que leur route les mène désormais vers Altdorf, où ils ont un petit colis à livrer au Grand Théogoniste. Ce ne sera cependant qu’un aller-retour express, tous ceux ayant goûté à la vie nocturne de Mordheim étant voué à y retourner vivre… et mourir, très probablement.

AVIS :

Aussi étrange que cela puisse paraître, le jeu d’escarmouche Mordheim n’a été que très sommairement couvert dans les publications de la Black Library, alors que l’on compte plusieurs dizaines de publications pour son pendant grimdark, Necromunda1. Si on met de côté le roman ‘City of the Damned’ de la série des Gotrek & Felix, et la nouvelle ‘Virtue’s Reward’ de Darius Hinks, ‘Ill Met in Mordheim’ est la seule histoire prenant place dans cette pittoresque cité que Nottingham nous ait accordé, et il semble peu probable que ces lacunes soient comblées à court, moyen ou long terme. Nous sommes donc en présence d’une authentique rareté de la GW-Fiction, et plutôt deux fois qu’une, car ‘Ill Met…’ se trouve également être l’unique contribution de Robert Waters pour le compte de la Black Library. Sa lecture en est donc tout à fait indispensable si vous voulez entrer dans la (toute) petite élite des amateurs de fiction de Games Workshop, au même titre que celle des ouvrages Dark Future.

L’argument de l’exotisme écarté, ‘Ill Met in Mordheim’ se révèle être une petite novella construite autour d’une quête assez simple, mais enrichie par Waters de scènes d’action bien développées et mettant en scène des personnages plus définis que la majorité des protagonistes de courts formats de la GW-Fiction, ce qui est toujours appréciable. A titre personnel, je n’ai pas vraiment accroché avec Heinrich Gogol et Bernardo Rojas, la-paire-mal-assortie-qui-finit-malgré-tout-par-nouer-une-solide-amitié, la cyclothymie2 du premier et l’absence d’aspérités du second m’empêchant de m’investir dans leurs tragiques aventures, mais je salue tout de même l’effort consenti par l’auteur pour prendre son temps dans le déroulé de son histoire, plutôt que de multiplier les péripéties de façon frénétique comme c’est malheureusement souvent le cas à la Black Library.

Au final, on se retrouve avec ce qui devait sans doute être le premier volet d’une série plus longue, comme les références non utilisées (la belle-sœur de Bernardo, les larmes de Shallya remises à Heinrich par Père…) de la nouvelle, ainsi que sa fin très ouverte, le laissent envisager. On ne saura sans doute jamais ce qui a poussé Nottingham à tirer une croix sur ce projet, dont ‘Ill Met in Mordheim’ demeure la seule trace visible à ce jour.

1 : Et déjà quelques-unes pour Warcry, l’adaptation du concept à Age of Sigmar.

2 : Le comble du cringe étant atteint lorsque Heinrich laisse son partenaire mettre le feu à un nid de rats en sachant pertinemment qu’il s’agit d’une très mauvaise idée, uniquement pour lui montrer qu’il n’est qu’un bleu dans l’univers cruel et sans pitié de Mordheim. Cette leçon coûtera la vie à un des membres de la bande, ce qui fait cher payé.

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Totentanz – B. Craig :

INTRIGUE :

WFB_TotentanzCapturé par le despote osseux mais éclairé Cimejez à l’issue d’une campagne en Arabie, l’émir Amaimon se retrouve entraîné dans un débat des plus étranges alors que son vainqueur lui fait l’honneur de sa collection personnelle d’antiquités (car Cimejez aime bien parler philosophie avec les vivants éduqués sur lesquels il peut poser la main) : qui des vivants ou des morts sont les meilleurs danseurs ? Chaque camp étant convaincu de la supériorité de sa race faction situation, un concours est organisé pour tirer les choses au clair une bonne fois pour toutes. Côté chair, Amaimon, qui s’y connaît un peu en magie, réanime la statue de la danseuse (Celome) dont la contemplation a mené à la dispute entre son hôte et lui. Côté os, Cimejez se fait représenter par un danseur macabre confirmé (mais anonyme).

Celome a l’honneur de commencer, et livre une interprétation flamboyante de la danse des sept voiles, représentation stylisée et burlesque de la lutte incessante de l’humanité contre les sept fléaux qui sont la faim, le froid, la maladie, la solitude, le deuil, la stérilité et Juul la mort. Bien que le public de Squelettes et de Zombies qui assiste à la représentation ne montre pas le moindre intérêt devant les contorsions dénudées de Celome, Amaimon reste confiant dans l’issue du duel. Après tout, c’est la danseuse elle-même qui fera office de jury, Cimejez lui ayant promis de prolonger sa vie (car le sort d’Amaimon ne marche qu’une seule heure) ou de la transformer en morte-vivante en fonction de son jugement final. Devant une telle alternative, il est évident que le choix est tout tracé, pas vrai ?

Début spoiler…Cependant, lorsque le champion du Roi des Tombes pénètre à son tour sur le dance floor, et malgré le caractère minimaliste de sa prestation (il fait le tour de la piste à tout petits pas pendant qu’un de ses potes joue une chamade au djembé), Amaimon réalise avec effroi que personne ne peut résister à ce tempo chaloupé. Tous les vivants assistant au concours, y compris Celome, se retrouvent bientôt engagés dans cette macarena macabre, et écopent d’un coup de faux fatal pour leur peine. Seul Amaimon, que Cimejez a maintenu de force sur son siège, survit à cette démonstration implacable de la supériorité chorégraphique des légions de Nagash, et sera donc condamné à servir ce nouveau maître dans cette vie et dans la suivante. Un pari est un pari.Fin spoiler

AVIS :

Pour son avant-dernière soumission à la GW-Fiction (à ce jour), Brian Craig marque définitivement sa sigularité par rapport au reste de ses co-auteurs en signant une courte nouvelle/fable/essai philosophique à la sauce med-fan, d’une violence stylistique absolue pour qui est habitué aux canons de la Black Library. Les premières pages en particulier, qui pourraient être tirées d’une dissertation dont le sujet serait « Existe-t-il une éthique de la mort ? », sont tellement différentes de ce à quoi on s’attend en lisant ce genre de prose qu’il est étonnant que les pontes de Nottingham n’aient pas tout bonnement refusé de publier cette nouvelle. Même si j’ai abordé ‘Totentanz’ en connaissance de cause, ce début sans concession m’a fait forte (si ce n’est bonne, car Craig a été plus « pédagogue » dans son approche par le passé, et je pense qu’il aurait pu faire plus d’efforts ici) impression.

La suite, si elle se révèle plus classique – encore que les concours de danse entre vivants et morts ne sont pas le sujet le plus fréquent de la GW-Fiction –, reste très marquée de la patte Craigesque, et permet à l’auteur d’illustrer avec son style si particulier l’opposition entre vivants ignorants et morts impassibles. Je ne suis pas sûr d’avoir compris la morale profonde de cette histoire (à part de ne jamais défier les Rois des Tombes à une battle), mais le déroulé du duel chorégraphique entre la pauvre Celome, qui aurait peut-être préférée rester statue, et Benjamin Milletarse est décrit avec suffisamment de détails par Craig pour que l’on sache de quoi il en retourne. À réserver aux fans les plus insatiables du vieux maître, et à (sans doute) laisser de côté pour les autres.

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The Ultimate Ritual – N. Jones & W. King :

INTRIGUE :

WFB_The Ultimate RitualSur le campus de l’université de Nuln, deux hommes s’apprêtent à tenter une expérience à haut risque pour faire progresser les connaissances arcaniques de l’Empire. L’enthousiasme n’est pas égal entre le jeune Lothar von Diehl, qui piaffe littéralement d’impatience, et son ancien professeur Gerhardt Kleinhoffer, dont le trouillomètre se rapproche dangereusement de zéro au fur et à mesure que les préparatifs s’achèvent. C’est pourtant lui qui a traduit ‘Le Livre des Changements’ d’où von Diehl a tiré la formule de l’ultime rituel, promettant rien de moins qu’un aller-retour jusqu’à la Mer des Âmes, cette dimension parallèle où se trouve le loft des Dieux du Chaos. Mais de la théorie à la pratique, il y a un monde, et il faut toute la force de persuasion (et la superbe éloquence) de son disciple pour que Kleinhoffer accepte de jouer son rôle dans la suite des événements.

Si von Diehl a autant insisté pour avoir un témoin, c’est que son billet pour le néant est un Pass Duo, et que le Disque de Tzeentch qu’il invoque pour partir en vadrouille ne consent à partir qu’à plein, c’est à dire avec deux personnes sur le dos. Je peux comprendre que lorsqu’on vient d’aussi loin que le Warp, on apprécie de ne pas faire le voyage à vide, ceci dit. Une fois les usagers installés et les ceintures bouclées, le sous-boc volant fend l’air et l’espace, et part en direction du pôle Nord pour passer sur le périphérique cosmique. Le go fast qui s’en suit n’est pas de tout repos, car le Démon se fait prendre en chasse par des congénères affamés et attirés par l’âme de ses passagers. Fort heureusement, le Disque s’avère être un as du volant, qui parvient à semer ses poursuivants en faisant des sauts de puce de l’Immaterium au Materium, visitant quelques planètes très 40K dans l’esprit au passage. Enfin, nos héros arrivent devant la chambre du Grand Architecte, qui, coup de chance, accepte de les recevoir sans tarder.

Tzeentch est toutefois une divinité surbookée, qui n’a pas le temps de donner dans les mondanités. Il demande donc à ses visiteurs ce qui les amène et ce qu’il peut faire pour eux, et le manque de préparation (et la terreur panique) de Kleinhoffer lui joue un vilain tour. Comptant sur son acolyte pour meubler le blanc malaisant qui s’installe après la demande divine, il se fait avoir dans les grandes largeurs lorsque von Diehl explique candidement que l’estimé professeur est à la recherche de savoir. « OK » répond Tzeentch, qui, un peu troll sur les bords, débute un transfert de 999 Eo en direction du cerveau du pauvre prof, dont le cerveau entre en surchauffe au 3,963,635,619ème meme de Pepe the Frog qu’il reçoit en l’espace d’une demi-seconde. Von Diehl, qui a lancé un sort de streaming en pirate de la base de données de son acolyte, peut quant à lui déguster cette dankness avec plus de confort, même s’il doit cependant jurer allégeance à Tzeentch pour pouvoir repartir jusque dans le Monde Qui Etait Encore. C’était son projet depuis le début toutefois, et il n’a aucune difficulté à se délester de son âme en échange d’un apport infini de contenu Reddit. Revenu dans sa piaule universitaire, avec un Kleinhoffer rempli jusqu’au lorgnon d’infos confidentielles, et à peu près aussi incontinent que Wikileaks, von Diehl peut désormais se consacrer à préparer la Fin des Temps… ou à devenir une légende de 9Gag. Au choix.

AVIS :

Petite nouvelle d’ambiance et de fluff écrite à quatre mains, ‘The Ultimate Ritual’ multiplie les clins d’œil (à l’œuvre de King1 mais également à Warhammer 40.000) et offre au lecteur une visite romancée inédite (à ma connaissance) de la Mer des Âmes, ainsi qu’un authentique dialogue entre de simples mortels et un Dieu du Chaos, ce qui n’est pas banal. Par contre en termes d’intrigue, c’est aussi terne et sans surprise qu’un tronçon d’autoroute hors heures de pointe et vacances scolaires : peu étonnant pour une nouvelle de seulement treize pages, mais certains contributeurs de la BL ont prouvé qu’ils étaient capables de faire plus rythmé que ça sur ce genre de format, donc on peut légitimement reprocher à messieurs Jones et King de ne pas s’être trop foulés sur ce coup là.

1 : Les von Diehl sont la lignée récurrente de l’auteur, puisqu’on croise Kurt dans ‘The Laughter of Dark Gods’ et Gottfried et Manfred dans ‘Wolf Riders’. Famille assez malchanceuse au final car tous ses membres ont connu une mort violente et souvent chaotique (pas nécessairement dans cet ordre).

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Et voilà qui conclut cette revue de ‘Tales of the Old World’, et avec elle celle des ouvrages infernaux (!) de la Black Library, au moins en ce qui concerne Warhammer Fantasy Battle. Comme souvent avec les recueils de nouvelles de cette maison d’édition, le constat est mitigé et les authentiques pépites côtoient les soumissions beaucoup moins abouties. Je note également quelques choix éditoriaux pas très heureux, comme celui d’avoir placé ‘Paradise Lost’ avant ‘Grunsonn’s Maraudeurs’ au sommaire, alors que la seconde histoire prend place avant la première, ou encore de ne pas avoir pensé à indiquer aux lecteurs souhaitant en apprendre plus sur les héros bénéficiant d’autres nouvelles et romans à leur nom l’existence et le nom de ces derniers. Malgré ces scories et étourderies, la lecture de ‘Tales of the Old World’ a suscité chez votre serviteur une telle nostalgie pour ce bon vieux Vieux Monde qu’il ne peut se résoudre à terminer cette chronique sur une note négative. Le Vieux Monde est mort, vive le Vieux Monde !