Archives Mensuelles: août 2019

CRUSADE & OTHER STORIES [40K-HH]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue critique de Croisade & Autres Récits, l’anthologie de nouvelles dédiée par la Black Library aux nouveaux arrivants dans le 41ème millénaire (mais pas que, comme nous le verrons plus tard). Comme cela avait été le cas pour Sacrosaint & Autres Récits, le pendant AoSesque du présent ouvrage, je tâcherai dans cette chronique de vous éclairer sur la valeur et l’intérêt que la lecture de Croisade… présente pour le hobbyiste, fut-il au début de son noviciat ou vétéran couturé de cicatrices et bardé d’augmétiques1.

À première vue, nous avons droit à un bien beau pavé de plus de 400 pages, disposant lui aussi d’une traduction française et allemande, et proposé à un tarif très concurrentiel (7 €). Derrière le cliché héroïque du frère Lieutenant Cassian, du temps où il tenait encore debout et pouvait passer les portes (no spoil), nous apprenons que ce ne sont pas moins de 12 contributeurs qui auront le plaisir et l’avantage autant que la délicate mission de nous faire découvrir les profondeurs sauvages de la galaxie telle qu’elle sera dans notre lointain futur. Si certains noms apparaîtront comme familiers à l’habitué de la BL (ou le deviendront bientôt pour celui qui persistera sur la voie du fanboy), tels que les Thorpe, Dembski-Bowden, Swallow ou encore Abnett, d’autres ont davantage de chance de n’évoquer qu’un froncement d’épaule ou un haussement de sourcil (ou l’inverse) chez l’impétrant. Clark, Fehervari, Parker et Goulding font souvent cet effet, mais cela ne doit pas nous empêcher d’aborder leurs soumissions avec un esprit ouvert et une plume acerbe, comme pour leurs petits camarades d’écritoire.

Sommaire Crusade & Other Stories (40K)

Depuis la liquidation (encore qu’émiettement serait sans doute un terme plus adapté, au vu de ce qui s’est passé) de la franchise Warhammer Fantasy Battle, Warhammer 40.000 est la doyenne de Games Workshop, et peut convoquer une trentaine d’années de fluff et à peine moins en termes d’œuvres de fiction pour l’instruction et la distraction du lecteur. Si vous lisez ces lignes, vous faîtes sans doute partie des convaincus/convertis du Hobby, et je n’aurais donc que peu de mal à vous persuader de l’intérêt de ce dernier. Mais si vous étiez un honnête et enthousiaste newbie, à la foi (et la dépendance au plastique) pas encore solidement ancrée, Croisade… serait-il l’ouvrage adéquat pour vous faire basculer pour de bon dans l’étreinte chaleureuse et amicale du grimdark ? La réponse dans 3… 2… π… 1…

1 : Pas de chance si vous êtes un Dreadnought par contre, la maison ne fait pas encore de podcast.

Croisade & Autres Récits

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Crusade – A. Clark :

INTRIGUE :

Alors que la Croisade Indomitus bat son plein, nous partons à la rencontre d’une force de Primaris Ultramarines, que les aléas de la guerre et les caprices du Warp a détourné de sa destination initiale. Ayant récemment ramené Knassos dans le rang (impérial), le Lieutenant Cassian et ses hommes émergent de l’Immaterium1 dans le système de Kalides, contraints et forcés d’y faire étape à la suite des avaries provoquées par la tempête Warp essuyée par le Primarch’s Sword, leur croiseur d’attaque de fonction. Leur propulseur Warp étant pour le moment hors service, les Ultramarines espèrent trouver sur le monde de Kalides Prime, coupé de l’Imperium depuis l’ouverture de la Cicatrix Maledictum, de quoi réparer leur joint de culasse (c’est toujours le joint de culasse), ou au moins envoyer un SMS d’excuse à Guilliman en utilisant le relai astropathique local. Par manque d’informations fraîches sur la situation de la planète, Cassian et ses lieutenants adjoints, l’Archiviste Keritraeus et le Chapelain Dematris optent pour une approche gardée, qui se révèlera sage car Kalides est assiégé par une bande de guerre de la Death Guard, ayant réduit la capitale planétaire, Dustrious, en ruines, et mis le siège à l’ultime forteresse de la cité, où se terre le collège des Astropathes. Bien que surclassés en nombre, les Primaris n’hésitent pas une seconde à voler, ou plutôt tomber, au secours des locaux, et engagent les troupes purulentes du Seigneur de la Peste Gurloch.

La campagne qui s’en suit verra les derniers nés de la famille Astartes exhiber leurs spécificités et matériel flambant neuf (mention spéciale aux Inceptors, qui partiront faire du flyboard au-dessus de Dustrious en préparation de l’arrivée du gros des troupes), épaulés quand le besoin s’en fait sentir par les restes d’un régiment de Cadiens bien éprouvés et totalement grippés, et une petite bande d’Eldars des Vaisseaux Mondes, dont la Prophétesse a vu en Cassian un futur allié d’importance pour la survie d’Yme’Loc, et n’hésite donc pas à crâmer une relique millionnaire2 pour tirer ce dernier et ses séides d’un bien mauvais pas. De l’autre côté du ring, les prouteux de Gurloch, un brave type très jovial mais tellement sale que même sa voix dégouline de sueur (ce qui n’est pas donné à tout le monde) encaissent et rendent les coups avec toute la fortitude caractéristique des fils de Mortarion, et continuent à préparer l’apothéose pesteuse que leur Seigneur fomente pour s’attirer les bonnes grâces du Grand-Père. Et comme toutes les bonnes choses dans la vie, ce bouquet (de germes) final doit mijoter un certain temps pour révéler toute sa saveur et son onctuosité. L’intervention des Guilliboys doit donc être supportée et contenue assez longtemps pour permettre au chef d’œuvre de Gurloch d’arriver à maturité, mais les loyalistes ont bien évidemment un tout autre avis sur la question…

AVIS :

Ayant été un brin échaudé par ma première expérience de novella « d’initiation » aux franchises de Games Workshop à la suite de la lecture du décevant Sacrosaint // Sacrosanct de C. L. Werner, j’abordai cette Croisade avec un sombre pressentiment. Après tout, si un auteur confirmé comme l’homme au chapeau n’était pas capable de rendre une copie intéressante en mettant en scène des Stormcast Eternals, quel espoir y avait-il qu’un petit nouveau comme Andy Clark fasse mieux avec des Ultramarines Primaris, sans doute la faction la plus lisse de tout Warhammer 40.000 ? Eh bien, qu’il soit écrit ici que j’avais tort de douter de Mr Clark, qui s’est sorti haut la main de cet exercice imposé des plus périlleux.

Croisade étant d’abord un récit destiné à faire vivre les figurines d’une boîte de jeu 40K (Dark Imperium) et d’introduire le background de cet univers aux nouveaux hobbyistes, la première satisfaction que l’on peut tirer de cette novella tient au fait qu’elle réalise cette mission de façon sérieuse mais non ennuyeuse, ce qui était ma crainte principale. Certes, Clark passe en revue avec un détail qui pourrait sembler excessif dans une soumission classique de la BL toutes les escouades et personnages de son casting, précisant à chaque fois son rôle et ses missions au sein de sa faction. Mais il réussit le tour de force de le faire sans trop forcer le trait, ce qui rend la lecture de sa prose supportable pour le vétéran. L’intrigue de son récit, pour simple qu’elle est, offre un cadre robuste à l’empoignade entre Ultramarines et Death Guard, et, si le déroulé de Croisade se concentre majoritairement sur des scènes de combat (ce qui est, encore une fois, logique au vu du cahier des charges de cette publication), Clark parvient à aller au-delà de l’escarmouche bête et méchante, en faisant le lien avec le « macro-fluff » que constitue la Croisade Indomitus, et au travers de cette dernière, le retour de Guilliman et l’avènement des Space Marines Primaris. Enfin, la conclusion de la novella réussit à équilibrer de façon intéressante les côtés grimdark (Cassian, grièvement blessé lors de son combat contre Gulroch, atterri dans un caisson de Dreadnought) et épique (caméo de Guilliman, qui félicite son fils3 de ses actions sur Kalides et rebooste roboute le moral de toute l’équipe en leur promettant une belle bagarre à ses côtés dans quelques jours) de 40K, ce qui donne au newbie une bonne idée de la tonalité des franchises de GW en général.

Au-delà de ces premières considérations, j’ai également apprécié le souci apporté par l’auteur à mettre en avant de façon positive toutes les forces en présence, y compris les antagonistes, ce que Werner n’avait pu ou voulu faire dans Sacrosaint. S’il n’y avait guère à s’employer pour les Primaris, dont la totalité du background hurle « onélégenti », les Cadiens et les Eldars ne sont pas en reste, les premiers étant dépeints comme des parangons de bravoure et de dévotion, se sachant surclassés et condamnés mais accomplissant leur devoir sans faillir jusqu’au bout4, les seconds comme les gardiens du destin de la galaxie et des psykers incomparables. La Death Guard n’est pas desservie non plus, et ne se contente pas de jouer les faire valoir pour la bleusaille de Guilliman. Dotés par Clark de qualités littéralement appréciables, dont une bonne humeur généralisée mais également une solidarité entre Légionnaires (ce qui nous change des méchants sociopathes qui détestent tout le monde), ainsi que d’une stratégie compréhensible et valable5, Gurloch et ses affreux font jeu égal avec Cassian et ses vertueux en termes d’investissement du lecteur, ce qui est suffisamment rare pour être souligné.

Enfin, je dois reconnaître à Andy Clark une réelle capacité à intégrer à son propos des éléments clairement calibrés pour le lecteur BL confirmé, ce qui révèle une maîtrise et un intérêt pour le fluff qui sont évidemment des éléments positifs. Parmi les bonnes idées ou Easter Eggs parsemant Croisade, citons la joie incrédule du Capitaine Dzansk lorsque Cassian lui apprend que Guilliman a ressuscité (on a tendance à oublier que l’information ne circule pas aisément à l’échelle galactique, surtout avec le brouilleur géant que représente la Cicatrix), le petit clin d’œil théorique/pratique tiré du Codex Astartes, ou encore la vision comateuse de Cassian après sa victoire contre Gulroch, qui laisse sous-entendre que c’est Sanguinius en personne qui vient proposer au héros meurtri de déposer les armes. Au final, ce que j’aurais pensé n’être qu’une introduction passable au recueil de nouvelles Croisade et Autres Récits s’est révélé comme une des bonnes surprises de cet ouvrage, et l’un des textes les plus intéressants de ce dernier. Bravo Mr Clark, bravo.

1 : La scène est assez drôle car on la suit depuis les yeux (?) d’une sonde de détection située à proximité du point de Mandeville du système, qui finit tel un moucheron sur le parechoc du fier vaisseau de l’Astartes. Il faudra rembourser messieurs.

2 : C’est encore plus vieux que millénaire, ce qui pour un Eldar, n’a pas grande valeur. Cependant, comme Cassian le fait justement remarquer, ce n’est pas parce qu’on lui balance un bout de bois carbonisé dans les bottes en prétendant qu’iI s’agit de la Canne du Rêveur (jamais entendu parler) qu’il va se mettre à genoux devant le premier Zoneille venu.

3 : Il aurait bien séché ses larmes aussi, mais sur un Dreadnought, c’est compliqué.

4 : À l’image du Capitaine Dzansk, dont le sacrifice altruiste et explosif ne fut pas pour rien dans l’issue heureuse du combat entre Cassian et Gurloch.

5 : La lecture de la novella permet ainsi de comprendre pourquoi Gurloch, qui en avait pourtant la capacité, n’a pas envahi la forteresse de Dustrious avant l’arrivée des Ultramarines. La raison donnée par Clark est à la fois crédible et fluff, ce qui à mettre à son crédit.

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The Lost King – R. McNiven :

INTRIGUE :

The Lost KingSur Fenris et sa grande banlieue, les choses vont plutôt mal pour les farouches fils de Russ. Bien que les manigances démoniaques d’une quelconque entité warpienne1 visant à détruire la street credibility des Space Wolves en diffusant sur les fréquences AM/FM du Segmentum un montage frauduleux et malhonnête (dîtes non aux fake news) mettant en scène une bande de loulous défouraillant du civil impérial sans retenue aient été contrecarrés, l’invasion du système par les résidents de l’Immaterium bat toujours son plein, forçant ses légitimes propriétaires à une purge systémique autant que systématique des planètes, lunes et stations spatiales touchées par le fléau. C’est l’occasion pour nous de faire la connaissance avec quelques sommités chapitrales, dont les Seigneurs Loups Sven Bloodhowl, Egil Ironwolf et Krom Dragongaze, chacun engagé avec sa Grande Compagnie sur un théâtre différent.

Ainsi, tandis que Sven fait trempette avec ses Firehowlers sur le littoral de Svellgard, dont les bancs de méduses ont pris des teintes, formes et intentions sinistres, Dragongaze se relève (il était à genoux, je n’invente rien) péniblement de son combat sur la station astropathique de Longhowl contre ce qu’on suppose être le cerveau de l’invasion démoniaque, vaincu et banni à grand mal et grands frais par les Drakeslayers, épaulés par une petite force de Chevaliers Gris (comme quoi, ils se sont rabibochés) menés par le Capitaine Stern. Mais le plus à plaindre est sans nul doute Ironwolf, qui rouille sur patte dans l’enfer putride qu’est devenu Midgardia, et se fait un sang d’encre pour son Maître de Chapitre, que tous les démons du système proclament comme étant mort. Bien sûr, on ne peut pas faire confiance à un être du Warp, mais l’absence de communication de la part des Champions de Fenris depuis qu’ils sont descendus dans les niveaux souterrains de la planète à la recherche du cœur de l’infection est troublante, pour ne pas dire inquiétante. Soucieux de ne pas laisser les sièges en cuir de grox de sa flotte de véhicules prendre l’humidité plus que de raison, Ironwolf renvoie tout son petit monde en orbite et part seul à la quête de son patron. Enfin, sur Frostheim, c’est ce bon vieux Canis Wolfborn qui prend le micro (sans doute pour le manger, étant donné qu’il ne sait pas parler) pour les Deathwolves2, occupés à nettoyer la Forteresse de Morkai des dernières poches chaotiques qui squattent les couloirs. Bien que l’ennemi soit repoussé, il n’en reste pas moins dangereux, comme les cadavres de Space Wolves que Canis trouve sur sa route en témoigne.

Tout celà serait bel et bien bon, si une Croisade impériale, menée par nul autre qu’Azrael et ses Dark Angels depuis le Roc, ne venait de se matérialiser dans le système de Fenris, pour enquêter sur la cause des récentes agitations et turbulences émanant du territoire des fils de Russ. On le sait, la Première Légion et la Vlka Fenryka ne s’entendent guère, et les fils proprets de Lion El’Jonson se réjouissent d’avance de mettre leur nez aquilin dans le panier à linge sale de la marmaille de Russ. Ce qui est assez hypocrite quand on y pense de la part de types qui s’appellent les Impardonnés et ont passé les 10 derniers millénaires à protéger leurs propres petits secrets honteux. Mais bon, comme toujours avec les Dark Angels, la mauvaise foi n’est jamais loin. Réunis pour un premier conseil de guerre sur le pont du Roc, les officiers supérieurs de la Croisade écoutent le jeune et prometteur Chapelain Elezar, pupille préférée d’Asmodai, les briefer sur la conjoncture géopolitique de Fenris, qui peut se résumer en trois mots : « c’est la m*rde ».

Aux grands mots et maux les grands remèdes, l’intraitable Chapelure propose tout naturellement un Exterminatus de Midgardia, bien qu’il sache pertinemment que le Loup Suprême est toujours en train d’y patauger. Ça lui ferait même plaisir, au fond. Malgré les réticences, rapidement écrasées, des autres commandants Space Marines présents, tout semble parti pour un lavage à grandes eaux de la pollution démoniaque de la planète, mais le triomphe annoncé d’Azrael se voit menacé par l’arrivée, non pas du Grand Schtroumpf, mais d’un Inquisiteur particulièrement collant et suspicieux, et pas le moins du monde impressionné par l’hostilité latente et les menaces à peine voilées que le Grand Maître Suprême émet à son égard. Après une entrevue aussi courte que glaciale, l’importun est raccompagné manu militari à son vaisseau, sans se douter un instant qu’il est épié du coin de l’œil par un doppelganger démoniaque ayant usurpé l’identité d’un officier Dark Angels. Par chance pour l’impavide Inquisiteur, the thing se montre plus intéressé par un tête à tête avec Elezar qu’avec lui, mais ce n’est sans doute que partie remise…

AVIS :

Il y a sans doute erreur sur le produit si l’on considère The Lost King comme une nouvelle, ainsi que cette soumission est présentée dans l’anthologie Crusade & Other Tales. De par sa structure même, il est plus judicieux de qualifier ce texte de chapitre introductif d’un roman, ce qui est en effet le cas si on considère Warzone Fenris comme tel. Cela n’aurait en soi pas été un problème, la BL ayant l’habitude d’inclure de tels extraits dans ses publications, mais cette méprise au niveau de la nomenclature est regrettable, surtout dans un ouvrage destiné aux nouveaux lecteurs, pas forcément au fait des errements réguliers de la maison d’édition en matière de communication. Ce premier constat évacué, nous nous retrouvons avec un court format présentant l’intérêt de passer en revue une bonne partie des cadres du Chapitre emblématique des Space Wolves, ainsi que leurs grands rivaux Dark Angels, tous deux dans une position délicate vis à vis de l’Inquisition, ce qui constitue une bonne introduction au lore de 40K. L’intrigue, pour autant qu’on puisse en juger, promet des choses intéressantes, la disparition (évidemment momentanée) d’un personnage connu du background de 40K et la promesse d’une confrontation (évidemment évitée) entre deux des Chapitres Space Marines les plus illustres, le tout sur fond d’invasion démoniaque, promettant quelques péripéties distrayantes. Pour peu que l’on soit familier avec les noms des personnages convoqués ici, dont la majorité sont assez célèbres pour disposer de leur propre page sur le Lexicanum, on aura droit à l’équivalent d’Avengers Endgame dans les ténèbres d’un lointain futur, et sans doute une des plus grosses productions en termes de casting de la BL de ces dernières années, juste derrière la 13ème Croisade Noire d’Abaddon pour le nombre de people qu’elle convoque. Ceci dit, le choix de McNiven de se coller au train d’Annandale et son Curse of the Wulfen, sans fournir au lecteur une introduction à son propos, ce qui n’aurait pas été du luxe à mon avis, vient compliquer l’immersion dans cette saga épique, dont le suivi en multiplexe se fait aux dépends de l’intensité narrative. Certes, nous n’en sommes qu’au début, mais qu’importe si ce dernier paraît petit, comme l’a dit Sebastien Thoreau. À vouloir offrir à son lectorat une super production littéraire dès les premières pages, l’auteur prend le risque de ne pas accrocher sa cible, qui aurait peut-être préféré un commencement plus fouillé et plus intime. Menfin, c’est mon avis.

1 : Comprendre que la transition avec l’ouvrage dont The Lost King prend la suite n’est pas clairement faite, et que le lecteur aurait pu bénéficier d’un ‘Previously, in the Fang’ pour savoir de quoi il en retourne.

2 : Harald étant occupé à donner ses croquettes à Icetooth.

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Honour of the Third G. Thorpe :

INTRIGUE :

Honour of the ThirdAlors qu’il n’était encore qu’un humble (et relativement) jeune à capuche traînant son spleen et sa calvitie naissante à la cantina du (Hard) Roc(k) (Café), Belial participa à la campagne de Durga Principe en qualité de Sergent Vétéran au sein de la 3ème Compagnie des Dark Angels. Menée par le Maître Nadael1, cette dernière se fit forte de mettre un point d’arrêt aux déprédations sanglantes des Skull-scythes du champion du Chaos Furion. Mais voilà, Furion était un furieux, et il eut tôt fait de plumer l’ange sombre à leur première entrevue, laissant les fils de Lion El’Jonson dans l’embarras et la galère. Désigné chef par interim malgré l’absence de désinence en -el de son nom, ce qui permet de juger à quel point notre homme était un cador, Belial ordonna à ses frères de se replier sur les pentes du mont Dawon, pendant que lui et une escouade de meatshields se chargeraient de leur gagner assez de temps pour permettre leur retraite.

Après avoir taillé des croupières à l’avant-garde antifa’, Belial et Cie se retrouvèrent toutefois confrontés à la mauvaise humeur massacrante et aux haches tronçonneuses du meneur adverse, qui eurent tôt fait de transformer une poignée d’Impardonnés en petit salé. Ceci n’arrangea certes pas le profil du Frère Lederon, qui était déjà peu gâté par la nature pour commencer, comme son nom l’indique. Brutalisé à son tour, mais mettant à profit sa science du combat et son épée tronçonneuse pour survivre au premier round, Belial était sur le point de manger sa chasuble lorsqu’il se souvint brutalement qu’il était également l’heureux possesseur d’un magnifique pistolet bolter, et colla donc un headshot des plus propres à ce pauvre Furion, qui en perdit littéralement la tête. Il aurait fallu claquer des points dans un gorgerin digne de ce nom mon petit père, au lieu de mettre toute sa faveur divine dans des hachoirs à gigot. Ahlala, ces jeunes alors. La décollation de son adversaire lui assurant un retour sans encombre jusqu’à ses frères, nous refermons ici le livre, ou plutôt, le fascicule, de la passionnante histoire de ce bure à cuir de Belial.

AVIS :

Cinq petites pages et puis s’en va : cet Honour of the Third fait partie des ultra-courts formats que la Black Library commandite de temps à autres, pour des raisons qui m’apparaissent encore comme bien mystérieuses à l’heure actuelle. On connaissait l’amour de Gav Thorpe pour les Impardonnés, qu’il a assaisonné à toutes les sauces au cours de la dernière décennie, et le voir s’emparer de la figure relativement connue de Belial pour lui donner un peu d’épaisseur fluffique n’est donc pas une surprise de taille. Reste que cette micro-péripétie n’apporte pas grand éclairage sur le caractère de notre héros cagoulé, mis à part qu’il arrive à s’épater lui-même de son talent au tir à 10 mètres. Pour le reste, ces cinq pages auraient pu tenir en un paragraphe dans une frise chronologique de Codex, pour toute la « valeur utile » qu’elles apportent au fluffiste. Bref, un format 1.000 mots qui ne vaut certes pas les 3.49 € que la BL en demande sur son site, si j’en suis seul juge, et qui ne mérite guère mieux qu’un statut de bouche-trou dans une anthologie ou un omnibus un peu maigrichon.

1 : Craint dans tout l’Imperium pour son rendement au bolter, d’où son surnom de Nadael ‘Rafale’.

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The Word of the Silent King – L. Goulding :

INTRIGUE :

The Word of the Silent KingSur le monde de Gehenna, le conflit opposant locataires impériaux et propriétaires Nécrons suit son petit bonhomme de chemin. Ayant reçu le précieux soutien de la 3ème Compagnie des Blood Angels, menée par le grimaçant Capitaine Tycho, et chaperonnée pour l’occasion par nul autre que Papy Dante, qui avait sans doute envie de se dérouiller les guiboles entre deux ateliers de sculpture sur glaise et dessin au fusain, les loyaux sujets de l’Empereur se montrent relativement confiants dans l’issue heureuse de cette algarade, malgré les légions de robots homicidaires que le sous-sol de Gehenna dégorge avec une belle constance. Le début de la nouvelle voit d’ailleurs le Sergent Vétéran Machiavi (c’est toujours mieux que Machiatto) mener son escouade de Marines à l’assaut des cohortes métalliques qui gambadent dans la pampa, pour des résultats d’une frustrante inutilité et des pertes sans cesse plus importantes pour les surhommes en rouge1. Il en faut toutefois plus pour calmer les ardeurs luddites de Mach’, qui se dirige tout droit vers une honorable noyade sous la masse en hurlant des obscénités, jusqu’à ce que, dans le plus grand des calmes, ses assaillants tournent leurs talons chromés et s’en aillent rejoindre leurs pénates, en répétant en boucle…recalcul…recalcul… En vertu de sa règle spéciale « et ils ne connaîtront pas la courtoisie », notre héros s’autorise la satisfaction de flinguer une poignée supplémentaire de cyborgs pendant leur pénible retraite, mais doit se rendre à l’évidence : quelque chose ne tourne pas rond.

Alors qu’il débriefe de cet étrange revirement de situation avec ses supérieurs dans le Strategium autour d’un petit pichet de rouge, Machiavi apprend que le conflit immobilier sur lequel il est engagé est sur le point de se doubler d’un léger problème de dévermination, une flotte ruche Tyranide ayant été détectée à proximité de Gehenna, qui n’aura décidément pas volé son nom. Pour ne rien arranger, la base avancée des Blood Angels se fait hacker par un certain Judicator-Prime, QUI NE SAIT PAS PARLER SANS GUE*LER, se présente comme le porte-parole du Roi Silencieux en personne, et vient interrompre le Baal masqué2. L’émissaire propose à ses valeureux adversaires de convenir de pourparlers pour établir une stratégie commune contre les cafards de l’espace. Malgré la grossièreté de l’intrusion, les fils de Sanguinius décident d’accepter l’invitation, et Dante, Tycho et Machiavi se rendent fissa au Devil’s Crag rencontrer leur homologue…

Début spoiler…Seulement, bien conscients de la chance unique qu’ils ont de pouvoir approcher de l’idole des petites bielles, ils ne font pas le déplacement sans prendre avec eux leur matos de fanboy, autrement dit une torpille cyclonique (eh oui, on est grimdark ou on ne l’est pas). Planquée dans la boîte à gants de leur Rhino de fonction, nos trois larrons n’ont qu’à fermer le poing pour réduire en cendres l’hémisphère où ils se trouvent. Fort heureusement pour eux, Szarekh, venu en toute simplicité, seulement accompagné de quelques milliers des Prétoriens, n’insiste pas pour serrer la main des ambassadeurs impériaux, sans quoi la notion d’incident diplomatique aurait trouvé son exemple le plus lamentable ever. Le Roi Silencieux a lui aussi préparé une surprise à ses invités, et ces derniers ont la désagréable surprise de constater que le Necron en chef porte un masque à l’effigie de Sanguinius. Affront. Et que ce masque de Sanguinius est plus réussi que celui de Dante. Affront mortel. Le vénérable Maître de Chapitre est tellement chafouin que son Parkinson manque d’avoir raison de lui. Il réussit toutefois à ne pas serrer le poing de colère, ce qui aurait eu des conséquences fâcheuses, et parvient à engager la discussion sans susciter la suspicion des Nécrons, qui cherchaient juste à faire plaisir à leurs hôtes (et mettre sur la table une proposition d’alliance qui traînait depuis 10.000 ans dans les cartons, soit une petite semaine pour les métalleux). Mais l’appropriation culturelle, c’est moche.

Après quelques échanges de banalités, les deux camps finissent par tomber d’accord sur la nécessité de coopérer pour se débarrasser des punaises galactiques, au grand contentement de Szarekh, qui glisse au passage un petit mot sympa à l’oreille de son nouveau pote, au mépris de l’étiquette. La coopération interraciale, voilà un concept qu’il est beau. Bien entendu, cette belle alliance n’est pas aussi bien intentionnée qu’il n’y paraît, chaque camp comptant bien exploiter ce qu’il prend pour de la bêtise crasse de la part de son vis à vis. Et à ce petit jeu, ce sont les Necrons qui sortent gagnants, laissant leurs frères d’armes encaisser le gros de l’assaut Tyranide et exfiltrant discrètement leur souverain aphone en plein cœur des combats, mettant par là même un point final aux rêves pieux de reformatage sauvage à l’encontre de ce dernier entretenus par les Blood Angels. 38.000 ans après Deep Blue et Kasparov, la machine s’est donc à nouveau jouée de l’humain. Rien d’étonnant celà dit : les seniors et l’informatique, ça fait deux, c’est connu.Fin Spoiler

AVIS :

Il est une règle informelle et malheureuse au sein de la BL voulant que les écrits mettant en scène des Necrons soient généralement assez peu qualitatifs. Outre le fait que le mutisme généralisé et les motivations minimalistes de cette faction la rendent assez ennuyeuse pour le lecteur, la tendance des contributeurs de la Black Library à utiliser l’exploration du tombeau mystérieux comme intrigue est assez assommante, la « chute » de ce genre de récit étant connue des pages à l’avance. On n’est cependant jamais à l’abri d’une bonne surprise, et The Word of the Silent King fait définitivement partie de ce type de soumission. Goulding fait en effet bon usage du fluff remanié des Croncrons, dont la parole s’est libérée et les ambitions pour la galaxie complexifiées un chouilla, ce qui n’est pas plus mal (d’un point de vue purement littéraire). Le parti pris de raconter son histoire en intercalant les interventions et points de vue d’un cyborg et d’un androïde permet de se familiariser avec chaque faction, et de dérouler le récit de façon somme toute assez neutre, même si les Necrons apparaissent à la lecture comme bien plus civilisés, intelligents et rusés que les brutasses psychotiques, ombrageuses et malhonnêtes qui leur font face… ce qui est d’autant plus savoureux compte tenu du pedigree des Blood Angels et leur réputation d’honorables esthètes.

Si on peut à la rigueur regretter le « sous-emploi » de l’imposant casting de célébrités rameutées par Goulding pour tenir les premiers et seconds rôles de sa nouvelle, en particulier du futur défunt Tycho, qui, fidèle à son titre de Maître du Sacrifice, passera le gros de l’histoire à tenir la chandelle à Dante, sans que sa propre légende funeste ne gagne en profondeur au passage, il faut aussi reconnaître à Goulding l’inclusion d’éléments fluff, pas forcément très impactants en termes d’implications, mais qui ne manqueront pas d’intérêt pour l’amateur, comme tout détail touchant à la Grande Croisade et aux Primarques d’ailleurs. Bref, une offrande des plus solides de la part de notre homme, qui prouve ainsi qu’il sait faire autre chose que manier la faux lorsqu’il tient le stylo. Mais si, c’est possible.

1 : Qui peuvent pourtant compter sur le script buggé des automates d’en face pour éviter l’écorchage. Le fonctionnaire Necron doit en effet viser avant de tirer, apparemment. Overwatch, vous dîtes ? 

2 : Avec Tycho et Dante dans la même pièce, il ne manque plus que le Sanguinator, Vanus Hammerhand et Wurzzag Ud Ura Zahubu pour que le carnaval débute.

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Extinction – A. Dembski-Bowden:

INTRIGUE :

ExtinctionOn ne le sait que trop, les lendemains de cuite sont difficiles. Quand la tournée des bars en question a duré sept ans, impliqué des centaines de milliards de participants sur des milliers de planètes, dont quelques dizaines ont brûlé au passage, et s’est terminée par un projet X débridé dans la maison familiale avec le capitaine de soirée qui s’étouffe dans son vomi sur la banquette arrière de sa Kangoo défoncée, il est somme toute logique d’avoir, très, mais alors trèèèèèèèèèèèèèèès mal aux cheveux pendant quelques temps. Surtout quand on s’appelle Ezekyle Abaddon, et qu’on a un goût immodéré pour les manbuns en palmier1. Nous reviendrons sur le cas de ce mauvais sujet un peu plus tard.

Extinction place donc son propos dans la période trouble qui succède à l’Hérésie d’Horus, qui, si elle n’a pas été une partie de plaisir pour l’Imperium, n’a pas été de tout repos non plus pour les Astartes rebelles, réfugiés dans l’Œil de la Terreur et en proie à de bien compréhensibles dissensions internes en l’absence d’un grand chauve costaud pour claquer le beignet aux éléments perturbateurs. Mais, comme l’éructe Borge Grassens, Prince Démon poète à la moustache remplie de Nurglings : « Or sous les cieux sous vergogne//C’est un usage bien établi//Dès qu’il s’agit de rosser des Sons of Horus//Tout le monde se réconcilie2 ». Tel le chouchou de la maîtresse ayant rappelé à cette dernière qu’elle avait oublié de ramasser les expressions écrites de la classe deux minutes avant la sonnerie, les guerriers de feu le Maître de Guerre se retrouvent en butte à l’hostilité non dissimulée de leurs petits camarades de jeu, qui leur reprochent, non sans raison, d’être responsables de la galère dans laquelle ils se trouvent désormais.

Nous faisons donc la rencontre, pour beaucoup d’entre eux juste avant une capture infamante, un décès prématuré, ou pire, de quelques fistons d’importance, alors qu’ils se retrouvent entraînés dans des explications de texte sans fin avec leurs cousins issus de germain. Le Sergent Kallen Garax peine à trouver les mots justes (pas facile quand on parle Chtonien et le gonze d’en face Nostraman) pour apaiser un gang de bikers Night Lords. Le Techmarine Sovan Khayral insiste impuissant à l’incendie de son véhicule de fonction des mains huileuses d’une bande de Death Guard désœuvrés. Le Capitaine Nebuchar Desh finit par rendre l’âme après une séance un peu trop soutenue avec son/sa Dominatrice Emperor’s Children, qui devra se trouver d’autres chats à fouetter. L’humble frère Zarien Sharak, coursé par une meute de World Eaters souhaitant lui voler son goûter (quand on n’a pas de monde à manger, il faut bien compenser), signe un bail de sous-location mal avisé avec un Démon mal élevé qui le met fissa à la porte de son âme à son corps défendant (ou le contraire). Erekan Juric, Capitaine Reaver, se fait incendier par la bande à Kahotep sur le chemin de la maison. Même la fameuse Kangoo d’Horus traîne son mal-être depuis la disparition du patron, remisée qu’elle a été dans un quelconque parking sous-terrain de l’Œil par ce galopin d’Abaddon.

C’est par un aparté dévolu à ce diable d’Ezekyle que se termine Extinction. Ayant tout bonnement pris un congé proprement sabbatique pour se ressourcer et faire le point sur sa vie, et voyageant de planète en planète pour visiter les attractions touristiques qu’elles ont à proposer (une pyramide ici, un mausolée là, un temple plus loin… c’est une sortie culturelle), Abby regarde de loin ses anciens frères se faire mettre la tête dans la cuvette des toilettes chimiques de leurs Rhinos, guère intéressé par les déboires de sa Légion. Quelque chose me dit toutefois que cela ne durera pas éternellement…

AVIS :

Prologue à sa saga consacrée aux origines de la Black Legion, cette Extinction permet à Dembski-Bowden d’afficher sa maîtrise de la nouvelle d’ambiance. Il ne se passe en effet pas grand-chose dans ce court format, la succession de vignettes illustrant les déboires de la marmaille horusienne permettant seulement de prendre la mesure de la mauvaise passe que cette dernière traverse, orpheline de Primarque, traumatisée par sa défaite sur Terra, n’ayant plus d’objectif autre que la survie et ciblée à outrance par ses partenaires de crime. Pour autant, Extinction reste l’une des lectures les plus agréables de Croisade & Autres Récits, la patte d’ADB rendant chaque passage intéressant, chaque personnage attachant, et préparant parfaitement le terrain pour le début de la geste Abaddonienne, que le lecteur aura envie d’approfondir après en avoir terminé avec cet amuse-gueule, je gage. Il est fort l’animal, il est fort.

1 : Ca irrite le cuir chevelu comme pas possible et c’est très mauvais pour le bulbe.

2 : La rime est pauvre mais l’argent ne fait pas le bonheur.

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Sarcophagus – D. Annandale :

INTRIGUE :

SarcophagusDu temps où Armageddon était encore la priorité de l’Imperium en termes de conflit, et bien avant que cette feignasse de Guilliman se tire enfin de dessous sa couette après sa grasse matinée plurimillénaire, nous retrouvons un héros impérial, un vrai, en la personne de cette vieille baderne de Commissaire Yarrick. Guéri de sa lubie offensive après la péripétie de Golgotha, Seb la Pince est tiré de sa pré-retraite par le retour de son vieux copain Ghazghkull, déterminé à fêter comme il se doit ses noces d’azalée avec Armageddon, qui débarque en forme et en force sur la planète, 57 ans plus tard. Notre propos traite d’une anecdote mineure ayant pris place durant la 3ème guerre planétaire (les guerres mondiales, c’est connoté), alors que Yarrick s’était octroyé un week-end de repos1 dans l’arrière rucher Armageddonesque.

Ayant pris un AirBnB dans la petite bourgade d’Anaon (3 milliards d’habitants à peine), notre stoïque senior accepte de jouer le jeu de la propagande en passant en revue les troupes, serrant quelques paluches et pinçant les joues des bébés (avec sa bonne main j’espère, sinon les parents risquent d’être un peu surpris), afin de soutenir le moral des assiégés. Ces formalités effectuées, il faut penser à retourner au front, le vrai, mais cela ne pourra pas se faire par voie aérienne pour cause de bataille entre Marauders impériaux et chassa-bombas orks dans la zone. Qu’à cela ne tienne, Yarrick use de son charme légendaire, de son regard de braise et de son haleine parfumée pour convaincre un convoi blindé en partance pour Tartarus de le prendre à son bord. C’est avec grand plaisir que le Capitaine Veit Morena de la Légion d’Acier accepte de prendre sous son aile et blindage renforcé le héros de tout un peuple, même si je me demande bien comment Yarrick arrive à rentrer son énorme engin dans un habitacle de tank fort exigu. Les voies de l’Empereur sont décidément impénétrables (mais les écoutilles de Leman Russ, non).

Malheureusement pour nos easy riders, la route n’est pas de tout repos. L’arrivée d’une paire de Gargants sur la ligne d’horizon force la colonne blindée à faire un large détour pour éviter cette fâcheuse rencontre, ce qui, en plus de mettre Yarrick en retard pour son épisode d’Inspecteur Morse du dimanche soir, met son escorte sur le chemin d’une escadrille Ork. Pris à découvert par un ennemi tout aussi mortel et invulnérable que les gundams peaux-vertes, les impériaux prennent une drache des plus sévères, qui retourne le tank du Commissaire priseur (plus facile que de fumer la pipe avec une seule main) comme une crêpe, et met ce dernier KO pendant un petit moment.

À son réveil, et constatant rapidement qu’il est probablement le seul survivant du véhicule grâce à son statut de personnage nommé et renommé, Yarrick se retrouve confronté à des problèmes pratiques d’un genre un peu spécial. Plongé dans le noir, sans possibilité de s’orienter et piégé par l’épaisseur même du blindage après que ce dernier lui ait probablement sauvé la vie, Seb se résout finalement, après une longue discussion avec lui-même (c’est moche la vieillesse tout de même) à pianoter la carlingue de son petit studio avec sa pince métallique, dans l’espoir d’attirer l’attention de quelque bon samaritain.  Après de longues heures de We Will Rok You qui durent sans aucun doute donner à notre héros une migraine carabinée, la délivrance pointe enfin le bout de son nez… qu’elle a court et camus, puisque c’est une bande d’Orks en maraude qui décide d’investiguer ce cas de tapage diurne/nocturne.

Dans son malheur, Yarrick a toutefois de la chance car les peaux vertes qui assaillent son bunker sont à peu près aussi bien équipés qu’un élève de Segpa à la fin du deuxième trimestre. Venus avec leurs fling’, leur kikoup’ et leur irrépressible bonne humeur, les Orks tombent comme des mouches devant l’intraitable grand-père, dont le regard sévère, le pistolet bolter et le direct du droit de super welter repoussent leurs assauts désordonnés. La situation reste toutefois précaire pour notre ami manchot, conscient que le poids du nombre, ou même une simple grenade bien placée, finiront fatalement par venir à bout de sa volonté farouche. C’est donc avec un soulagement non feint qu’il accueille l’arrivée à propos d’un Thunderhawk des Black Dragons, dont les occupants ont tôt fait de mettre la vermine verte en déroute. Sauvé par le (dra)gong, Yarrick est libre de retourner à ses pénates, mais réalise avec stupeur qu’il doit très probablement son sauvetage à son admirateur secret, qui a pris soin d’envoyer une bande de tire au flanc équipés de pistolets à bouchons sur la zone du raid aérien, plus pour attirer l’attention des impériaux que pour régler son compte au Commissaire. Quand on aime, on ne compte pas (la vie de ses boyz), c’est bien connu.

AVIS :

Première nouvelle consacrée par Annandale à sa figure fétiche lue par votre serviteur, Sarcophagus  ne m’a pas vraiment impressionnée. Si ni l’intrigue, ni le déroulé de cette histoire ne se sont révélés être objectivement mauvais, je ne peux m’empêcher de penser, après avoir terminé la lecture de cette dernière, que l’idée que l’auteur souhaitait exploiter ici (la relation d’amour-haine nouée entre Yarrick et Ghazghkull au fil des années et des affrontements) aurait pu être développée d’une façon plus convaincante. L’internement forcé du Commissaire donne certes l’occasion à Annandale d’explorer un registre assez peu usité en règle générale par la Black Library (le survivalisme), mais comme on sait pertinemment que le héros s’en sortira sans trop de casse, la tension narrative reste assez lâche. Autre déception, la pauvreté des apports fluff de ce Sarcophagus, qui jouait pourtant sur du velours en mettant en scène un des personnages les plus connus, au cours d’une des batailles les plus connues, sur une des planètes les plus connues, du background de Warhammer 40.000. Eh bien, malgré ces circonstances très favorables, il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent, tant sur Yarrick que sur Armageddon. Bref, une assez grosse impression de gâchis pour ma part, et un cachetonnage sans gloire pour der Kommissar. Schaden.

1 : Et encore, ce n’est pas dit. De son propre aveu, la dernière fois qu’il s’est autorisé un break remonte à sa croisière sur le Space Hulk de Ghazghkull, et plus précisément aux quelques secondes de chute libre qui ont suivi sa projection dans une dorade par ce farceur de Big Boss. Depuis, plus rien. Ça c’est de l’économie d’énergie.

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The Purity of Ignorance – J. French :

INTRIGUE :

The Purity of ignoranceNotre nouvelle commence par l’interrogatoire serré mais décousu subi par le Lieutenant Ianthe du Régiment des Agathian Sky Sharks. En face de l’officier, un prêcheur impérial s’étant introduit comme Josef, se montre très intéressé par les états de service de son interlocutrice, qui peine à comprendre pourquoi il tient tant à ce qu’elle les passe en revue en boucle1. Il s’agit toutefois de la première fois qu’Ianthe collabore avec l’Inquisition à laquelle Josef appartient, et notre héroïne se dit que cela doit faire partie de la procédure de recrutement classique des saints Ordos, et se plie donc sans broncher au petit jeu du déroulé de CV. Il n’y a de toutes façons pas grand-chose à gagner à mettre un rogne un représentant d’une institution qui peut vitrifier votre monde natal sans avoir à se justifier, n’est-ce pas ?

Ailleurs, sur le monde de Tularlen, la Gouverneure Sul Nereid s’éveille dans le luxe de ses quartiers privés. La pauvresse a fait un horrible cauchemar, mais rien qui ne puisse être oublié par un bon petit déjeuner et une représentation privée du dernier ballet donné à l’opéra de la spire. En cela, Nereid a la chance de pouvoir compter sur la dévotion et le professionnalisme de son majordome Saliktris, qui semble toujours deviner ce qui lui ferait plaisir et se met en quatre pour satisfaire les envies et appétits de sa maîtresse. Et cette dernière a bien besoin de se détendre de temps à autres, les soucis posés par la gestion d’un monde impérial étant bien lourds à supporter.

Le premier acte du Lac des Razorwings est toutefois brutalement interrompu par l’arrivée de l’Inquisiteur Covenant et de sa suite, qui plutôt que de se faire annoncer au rez-de-chaussée de la ruche, ont opté pour une entrée fracassante par la baie vitrée, vérifiant une nouvelle fois le dicton que personne ne s’attend à ce que l’Inquisition passe par les velux. Coco et Cie sont confrontés à une vision d’horreur de 4.3 sur l’échelle du Nighthaunter2, musiciens et danseurs se révélant être des cultistes lourdement pimpés selon les goûts pointus, acérés même, du Prince du Chaos. Saliktris, quant à lui, est un authentique Héraut de Slaanesh, trop heureux d’obtempérer lorsque sa maîtresse lui ordonne de chasser les importuns, et par la force s’il le faut. Dans la bagarre qui s’en suit, Ianthe bénéficie d’une introduction approfondie aux us et coutumes chaotiques, la mélée confuse mais colorée qui engloutit les quartiers gouverneuriaux prélevant un lourd tribut sur les membres de son escouade ainsi que sur sa santé mentale.  À ses côtés, Covenant et ses sidekicks réguliers (Josef et Severita), plus aguerris que leur nouvelle recrue, s’illustrent de sanglante façon, jusqu’à ce que Salikris soit banni dans le Warp, et que cette fieffée profiteuse de Nereid écope d’un blâme, pardon d’un blam !, lorsque Ianthe parvient à la mettre face à ses responsabilités et au canon de sa carabine laser.

Début spoilerLe cœur de l’infection ayant été purgé, il ne reste plus au représentant de l’Ordo Malleus de donner quelques directives à son personnel pour que les quelques milliers de personnes ayant eu le malheur de fréquenter la défunte au cours des dernières années soient rapidement mises hors service. Dura lex sed lex. Se pose également la question du devenir d’Ianthe, qui, au cours de l’opération, a retrouvé la mémoire, et compris qu’elle servait en fait Covenant depuis de nombreuses années, mais avait été consciencieusement reformatée à la suite de chaque mission pendant laquelle elle avait été exposée au Chaos (ce qui doit arriver assez souvent dans ce type de profession), pour le salut de son âme et la sécurité de tous. Il lui appartient donc de faire le choix auquel elle est soumise à chaque réunion retex : un lavage de cerveau ou un bolt dans la tête. Présenté comme ça, c’est assez facile de trancher. Mais cette fois, à la surprise générale, Covenant adouci un peu le deal proposé à son sous-fifre, en lui proposant de continuer à le servir avec toute sa tête, jugeant, pour des raisons qui ne seront pas partagées avec l’humble lecteur, qu’elle est prête à vivre avec le poids de la connaissance de la réalité fondamentale de l’univers3. La conclusion de la nouvelle nous apprend qu’Ianthe a choisi de renoncer à la fameuse pureté de l’ignorance, et donc progressé au sein du cénacle d’acolytes de son boss, puisque c’est désormais elle qui remplace Josef pour les entretiens préliminaires. Si cela ne fait pas d’elle une interrogatrice, je ne sais plus à quel saint me vouer.Fin spoiler

AVIS :

Connaissant les capacités de French, je m’attendais à ce que son The Purity of Ignorance soit d’un niveau un peu supérieur à ce qui a été présenté ici. Reposant sur une série de révélations, sa nouvelle souffre à mes yeux de ne pas suffisamment « préparer le terrain » à ces dernières, qui arrivent donc sans jouer à plein. Si la corruption de la Gouverneure est cousue de fil blanc, bien que les passages introductifs narrés de son point de vue laissent à penser que tout va parfaitement bien sur Tularlen, c’est l’amnésie induite de son héroïne qui aurait vraiment gagné à être davantage exploitée. Point de flashbacks fugaces, de sensations de déjà vu inexplicables ou de réminiscences troublantes pour Ianthe en effet, qui est confrontée, et le lecteur avec elle, au constat de ses nombreux brainwashing de façon brutale, alors que la suture psychique qui lui avait été faite tenait jusqu’à ce moment parfaitement bien. Au lieu d’une nouvelle à twist final, nous nous retrouvons donc « seulement » avec une illustration romancée d’une dure réalité (encore une) de l’Inquisition, qui n’hésitera pas à se débarrasser des éléments ou des individus pouvant poser un problème à l’accomplissement de sa mission sacrée. Cela est certes éducateur (n’oublions pas que la nouvelle a été incluse dans l’anthologie Croisade et Autres Récits), mais cela aurait pu être intéressant d’un point de vue littéraire en sus. Petite déception donc.

1 : N’oublions pas que le bon Josef est sourd comme un pot. Il avait peut-être seulement oublié de brancher son sonotone aujourd’hui.

2 : Un des héritages peu connus mais essentiels que ce brave Curze a laissé à l’Imperium.

3 : Ou peut-être qu’il en avait marre de lui expliquer comment fonctionnait l’imprimante tous les quatre matins.

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Red & Black – J. Swallow :

INTRIGUE :

Red and BlackLa vie dans l’Adepta Sororitas n’est pas un long fleuve tranquille, contrairement à ce que les rapports officiels et le journal de 13h peuvent faire croire. Bien que le gros de l’activité consiste bien à aller purger des infidèles par le feu et la fureur d’un bout à l’autre de la galaxie, certaines missions un peu particulières peuvent échoir aux représentantes du Ministorum. Prenez la Céleste Mirya par exemple : convoquée par sa manager, la Prieure Lydia, alors qu’elle vaquait à ses occupations sur la station orbitale de Zhodon, la bonne Sœur apprend qu’elle et ses filles sont dépéchées sur la planète de Hollos, avec laquelle des contacts viennent d’être repris après une isolation plurimillénaire causée par des tempêtes Warp impénétrables. Si Lydia insiste lourdement pour que le bras ganté et armé de l’Ecclésiarchie soit du voyage, c’est parce que l’émissaire envoyée par Hollos pour poker l’Imperium se trouve être un clone, ou Replicae en anglatin du 41ème millénaire, ce qui est rigoureusement interdit par le culte impérial, comme les chaussettes sandales et les pizzas hawaïennes. Ce qui a sauvé l’ingénue diplomate hollosienne d’une mort rapide après sa prise de contact est justement la dévotion dont elle fait preuve envers l’Empereur, ce qui lui a gagné le bénéfice du doute auprès des autorités compétentes. Bref, Lydia instruit sa grouillotte de mener son enquête sur la situation de Hollos, et d’agir en conséquence si la planète se révèle particulièrement « inculte ». Mirya ne se fait pas prier (c’est le job de Lydia), et part sans tarder vers le monde prodigue, accompagnée de son escouade, d’un Magos Questor nommé Genus Nohlan, et de la fameuse Replicae, Rho.

Une fois arrivés sur place, les envoyés impériaux découvrent une planète prospère, pacifiée et pacifiste, mais, et c’est fâcheux, peuplée d’une forte minorité de Replicae, ce qui fait grincer les dents des fifilles de l’Empereur. Pire, les clones bénéficient d’un statut égal à celui des « vrais » gens, et forment même la classe dirigeante de Hollos, comme le prouve la composition du Conseil Suprême planétaire, dont six des huit membres (dont Rho, qui devait être la Jeanne Lassalle locale, pour partir en pèlerinage malgré son mandat électif) sont des Replicae. Bien que Rho fasse tout son possible pour arrondir les angles, Mirya ne se montre guère encline à la conciliation avec les sans nombrils, et sa méfiance instinctive se retrouve rapidement confirmée par l’attentat impromptu déclenché par de Rep’ sanguinaires (simplement appelés « les Rouges » par les citoyens respectables de Hollos, comme quoi, la lutte des classes ne s’est pas pacifiée dans le lointain futur). Ces derniers sont, repoussés à grand peine par les rafales disciplinées, puis, en dernier recours, les jets de prometheum embrasé, des Sororitas, guère aidées par la non-violence militante de leurs hôtes. Alors que Mirya fait mine de retourner à son vaisseau après avoir exprimé en termes non incertains à Rho et autres onomatopées qu’ils n’ont pas fini d’entendre parler d’elle, elle tombe dans l’embuscade montée par une des conseillères humaines d’Hollos (Ahven), dont les compétences relationnelles sont tellement limitées qu’elle trouve plus pratique d’envoyer de seringues hypodermiques que des mails d’invitation à son interlocutrice pour obtenir un rendez-vous discret.

Se réveillant péniblement dans les quartiers d’Ahven, Mirya est sur le point de donner à Hollos ses premiers martyrs lorsque son hôte parvient à apaiser sa furie vengeresse en révélant que beaucoup des humains de la planète ne supportent plus le joug des Replicae, qui ont pris les rênes du pouvoir il y a des siècles à la suite d’une guerre civile pendant laquelle ils avaient été utilisés comme soldats privés de volonté. Ayant réussi à évoluer et à développer leur libre arbitre, les Replicae, supérieurs à leurs maîtres sur tous les plans, ont fini par devenir la classe dirigeant de Hollos, et bien que leur règne soit assez bienveillant, les humains leur en veulent de leur avoir piqué leur place. Ahven implore donc Mirya d’aider les vrais sujets de l’Empereur à prendre en main leur destin, ce que Mirya semble plutôt disposée à faire, bien qu’elle reparte (pour de bon cette fois) sans avoir pris d’engagement ferme sur le sujet.

Le lendemain, les négociations sont définitivement interrompues par un nouveau coup de force des Rouges, qui sont utilisés comme armes de terreur par les humains rebelles contre les Replicae « Roses ». Le nombre des assaillant est tel que les Sororitas n’ont aucun espoir d’avoir gain de cause, d’autant plus que les cerveaux de l’insurrection, Ahven et sa clique, se sont révélés être des cultistes de Tzeentch, et ont écopé de quelques bolts correctifs pour leur peine lorsqu’ils ont tenté (sans succès) de rallier les filles de l’Empereur à leur petite révolution. Face à l’inaction défaitiste des Replicae, Mirya décide de prendre les choses en main, et ordonne à Nohlan, qui fricotait de son côté depuis le début de la mission, de libérer le virus egophage qu’il a mis au point en autopsiant un cadavre de Rouge la veille. Ce dernier réactivera le mode no brain des Replicae tel qu’il existait à la base chez les premiers modèles produits, avant que les clones ne développent une personnalité. Evidemment, Rho et consorts ne sont pas emballés par le projet, mais quand on est non violent à 40K, on n’a pas son mot au chapitre, et le reformatage massif de la population de Hollos est initié sans délai, permettant de repousser les assauts des Rouges grâce à la lobotomisation des Roses, envoyés au front comme de bons petits soldats.

La situation rétablie et l’ordre naturel restauré, Mirya et consœurs sont libres de retourner vaquer à leurs tâches usuelles dans le reste de l’Imperium, alors que les fonctionnaires des différentes institutions impériales débarquent par croiseurs entiers pour mettre la planète sous coupe réglée. Moralité : mieux vaut être seul (dans l’espace) que mal accompagné (d’osier).

AVIS :

Swallow et les Space Dévotes, c’est une affaire au moins aussi débattue que Swallow et les Space Vampires, et le consensus ne semble pas, là encore, pencher en faveur de notre amie l’hirondelle. Pour ma part, Red & Black m’a fait l’effet d’une soumission correcte sur sa forme, pas spécialement mémorable ni divertissante à lire, mais très loin d’être horrible. Pour qui n’a jamais pratiqué l’Adepta Sororitas (de façon littéraire, hein, bande de petits Slaaneshi dévergondés), cette nouvelle, qui est en fait l’adaptation d’un audio book, peut servir d’introduction convenable aux meilleuses de l’Empereur, même si on peut reprocher à Swallow de n’avoir fait ressortir que les caractéristiques les plus caricaturales de la faction (la coupe au bol, le mauvais caractère et les tendances pyromanes). Il aurait été à mon avis plus intéressant d’explorer les attributs les plus singuliers des ordres militants de l’Ecclésiarchie, surtout par rapport aux autres forces armées de l’Imperium que sont la Garde Impériale et les Space Marines. Pour moi, cela aurait pu se faire par une mise en avant du fanatisme des sœurettes (assez mal illustré par l’approche plutôt conciliante de Mirya, malgré ses bougonnements) et du lien particulier qu’elles entretiennent avec l’Empereur, miracles à l’appui. Au lieu de ça, la Céleste et ses tourterelles de combat se contentent de jouer aux gros bras, d’une façon tout à fait « classique », ce qui est dommage pour une nouvelle faisant partie d’un recueil introductif.

L’autre idée intéressante de Red & Black, les Replicae et la manière dont ils sont considérés par l’Imperium, aurait pu prendre une toute autre ampleur si Swallow avait poussé un peu plus le curseur de sa nouvelle vers la réflexion philosophique engendrée par cette cohabitation entre humains et clones. McNeill avait choisi cette approche dans The Last Church, sur un autre sujet certes, ce qui avait permis un échange abouti d’arguments entre les tenants de deux points de vue tranchés et inconciliables, mais raisonnables l’un comme l’autre. Ici, le lecteur n’a pas vraiment d’alternative à la synthesophobie ancrée des héroïnes (qui n’est guère explicitée d’ailleurs, l’Empereur ayant interdit les intelligences artificielles mais pas les expériences biologiques1 poussées, à ma connaissance), la non belligérance de Rho lui interdisant visiblement d’aller au clash avec ses invitées sur le sujet. Bon, c’est vrai que fâcher quelqu’un qui transporte des torpilles cycloniques, c’est pas franchement une bonne idée, mais tout de même, le débat d’idées aurait été intéressant, même si, au final, il était couru d’avance que l’histoire se terminerait mal pour les Replicae. S’il y a une constante dans l’Imperium de Pépé, c’est que l’Homo Normalis doit régner en maître…

: Il est d’ailleurs drôle de lire que les Soeurs considèrent un être n’étant pas né d’une matrice naturelle comme dépourvu d’âme… Ce sont les Primarques qui seraient ravis de l’apprendre.

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The Zheng Cipher – J. Reynolds :

INTRIGUE :

The Zheng CipherEnvoyée à la rescousse des habitants du monde minier Kotir-8, convoité par une flotte ruche souhaitant remédier à sa carence en fer sans manger d’épinards (on la comprend), l’escouade de Skitarii d’Alpha 6-Friest, vétérane dure à cuire et édentée de l’Omnimessie, se fraie un chemin à travers les hordes chitineuses jusqu’à l’ultime bastion impérial de la planète. Si les cafards de l’espace ne font pas long feu face aux carabines à radium de la soldatesque martienne, cette dernière n’est pas venue pour faire de l’humanitaire. Son seul objectif est de récupérer le testament du Magos Explorer Arcturus Zheng, porté disparu dans les Astres Fantômes et canonisé depuis par l’Omnimessie. La découverte fortuite sur Kotir-8 de ce qui serait l’ultime billet d’humeur de Zheng avant sa sortie des radars a fait de cette insignifiante planète une cible prioritaire pour les supérieurs d’Alpha, et cette dernière compte bien mener la mission qui lui a été confiée à son terme. Mais alors que les derniers défenseurs de Kotir se réjouissent à l’idée d’être évacués de leur monde condamné, il faudra bien que quelqu’un informe ces pauvres âmes que seule la mort met fin au devoir…

AVIS :

On a connu Josh Reynolds plus inspiré dans ses soumissions pour la BL. Le récit de la mission de sauvetage (ou plutôt de sauvegarde, vu que la cible est un paquet de bits) menée à fond l’irradiation par Alpha Blondie et ses Becquerel Boys se révèle être un shoot ‘em all des plus basiques, à peine relevé d’un fond de grimdark par le sacrifice, consenti de plus ou moins bon gré, des défenseurs impériaux afin de permettre aux dernières volontés de Zheng1 d’être récupérées par le notaire patientant en orbite. Si voir des Skitarii maniant des armes vraiment sales en action est plutôt sympathique, le manque d’originalité de ce Zheng Cipher s’avère rédhibitoire, et font de sa lecture une opération dispensable, pour le nouveau venu comme pour le vétéran. Circulez, il n’y a pas grand-chose à lire…

1 : Qui ne seront même pas communiquées au lecteur, qui attendait pourtant une petite révélation fluff pour sa peine… quelle cruauté, Mr Reynolds.

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A Sanctuary of Wyrms – P. Fehervari :

INTRIGUE :

A Sanctuary of WyrmsSortie minor, pour ne pas dire minable, de la promotion Pierre Bellemare de l’IEP (Institut des Etudes Potables) de T’au, la jeune Por’ui Vior’la Asharil de la Caste de l’Eau écope fort logiquement d’une première affectation loin d’être glamour au sein de l’empire. La voilà donc rendue sur Fi’draah (dont les trois premières lettres sont silencieuses), monde aussi attirant et salubre qu’une vieille éponge moisie à moitié immergée dans de l’eau croupie. Prétendant à qui veut l’entendre que c’était tout à fait ce qu’elle voulait faire, et qu’elle est très reconnaissante envers l’administration éthérée de ce poste valorisant (ce qui ne manque pas de susciter l’incompréhension, puis la défiance du sous-préfet placardisé – encore que pour la Caste de l’Eau, on pourrait dire bidetisé – auquel elle vient se présenter à son arrivée), Asharil peut toutefois maudire intérieurement sa mauvaise fortune lorsque son parcours d’intégration la mène à accompagner une expédition scientifique au cour des jungles impénétrables qui recouvrent le continent le plus sauvage de la planète, toujours contestée au Bien Suprême par les troupes de l’Imperium.

En compagnie de notre enthousiaste pipoteuse, nous retrouvons le cartographe Mutekh et son alternant Xanti, tous deux Terrestres jusqu’au bout des sabots, et la Shas’ui Jhi’Kaara, guerrière de feu intraitable et balafrée, escortée de sa fidèle bande de gue’las. Tout ce petit monde embarque pour une croisière au long cours dans les méandres marécageux du Coil, la zone de Fi’draah que Mutekh tient à reconnaître, malgré la très mauvaise réputation qu’elle a aux yeux des tribus d’humains dégénérés qui y vivent. Après quelques semaines à regarder la dengue et la dysenterie dans les yeux, nos intrépides explorateurs ont vent d’un lieudit pittoresque de la bouche des farouches Nirrhoda, les Sentinelles (les nôtres, pas les leurs, hein) locales, qui l’ont baptisé le Sanctuaire des Vers, en partie à cause des nombreux arbrémones (à la piqûre mortelle, sinon c’est pas drôle) qui ont colonisé l’île sur laquelle ce qui semble à nos héros être un complexe impérial abandonné a été construit. Mutekh tenant bien évidemment à investiguer cette trouvaille, la petite troupe débarque donc, essuie son premier mort (un humain ayant raté un test d’Initiative), et se retrouve victime de la nullité crasse d’Asharil, qui n’est pas foutue d’identifier le gros « I » barré de trois lignes horizontales embossé sur la porte d’entrée, ce qui me semble pourtant être le B.A.BA pour une diplomate diplômée. Il y a vraiment des Masters qui ne valent pas tripette.

Les aventuriers progressent dans les ténèbres moites du lieu, rencontrant sur leur passage des indices inquiétants sur la nature de la catastrophe qui a poussé les occupants de la station à prendre la poudre d’escampette, depuis les verrous placés à l’extérieur des portes pour empêcher quelque chose de sortir, jusqu’au cadavre isolé d’un techadepte qui a avalé son pistolet laser plutôt que de se laisser prendre par quelque chose. Evidemment, ça n’empêche pas le Tryphon Tournesol de l’expédition de pousser toujours plus en avant et profondément dans les ruines, et nos héros finissent par déboucher dans les niveaux inférieurs du complexe, où les choses prennent un tour beaucoup plus précis et sinistre…

Début spoiler…En effet, les T’aus directeurs exhument un charnier de cultistes Genestealers à l’humanité des plus douteuses, tandis qu’un peu plus loin, c’est le cadavre d’un Marine de la Deathwatch qui les attend (bien que personne dans le groupe ne soit foutu d’identifier l’allégeance du défunt1). Il en faut toutefois plus pour décourager Mutekh, qui entraîne ses baby-sitters jusqu’au cœur du réacteur, en croisant ça et là les restes du reste de l’escouade de la Chambre Militante de l’Ordo Xenos. Le malaise est à son comble lorsque les touristes débarquent dans le laboratoire central de la station, où un cadavre d’Iron Fist Deathwatch les attend, ainsi qu’une sorte de trompette de la mort géante. Ayant plus ou moins compris que l’endroit avait servi de base de recherche à l’Imperium sur les Genestealers, avant que quelque chose ne se passe, les détectives en herbe sont tirés de leur savante supputation par la bourde de Mutekh, qui fait exploser le champignon en essayant d’en prélever un morceau, avec des conséquences tragiques.

Les spores libérées par ce coup de scalpel mal avisé induisent en effet des changements rapides et douloureux chez les malheureux qui ont la malchance de les inhaler, les transformant en hybrides Genestealers en quelques secondes. Qui a dit que les trips aux champignons étaient sans danger ? Dans la bagarre qui s’en suit, la plupart des imprudents finissent en omelette, à l’exception de la coriace Jhi’Kaara et d’Asharil, piquée par un assaillant mais sauvée par le réveil inopiné de l’Iron Hand, qui puise dans ses derniers 1% de batterie pour pistonner un hybride un peu trop insistant, avant de se remettre en stase non sans avoir demandé le pouvoir un chargeur i-Phone à son obligée.

La suite et la fin de la fin de la nouvelle verra les trois rescapés décider de la marche à suivre, Jhi’Kaara remontant à la surface pour passer le message aux autorités locales, tandis que le cyborg, une fois dûment rechargé, et l’ondine, se sachant condamnée par le venin du Genestealer, décident d’aller purger le reste de la station, pour le Trône Suprême et le Bien de Terra, ou quelque chose comme ça. Sortez le fongicide, ça va charcler dans les chaumières.Fin spoiler

AVIS :

Peter Fehervari livre une adaptation à sa sauce du classique scénario de l’exploration d’un lieu qu’il aurait mieux valu laisser en paix, et parvient à sublimer son sujet en l’estampillant fortement 40K et « Dark Coil » (son coin de galaxie personnel), pour un résultat des plus dépaysants (T’au obligent), atmosphériques (intrigue oblige) et intéressants (une constante chez notre homme). On savait Fehervari très à l’aise avec les serviteurs du Bien Suprême, qui trouvent sous sa plume une profondeur et une complexité rare parmi les contributeurs de la BL, mais il ne démérite pas non plus avec la Deathwatch, qui, bien qu’elle soit ici représentée par un individu peu loquace (mais qui a de bonnes raisons pour cela), est utilisée tout à fait à propos. Par ailleurs, l’auteur fait progresser un peu le fluff des cultes Genestealers en démontrant que les prodigieuses capacités d’adaptation de l’espèce rend très dangereux le développement d’armes bactériologiques contre cette dernière, qui a toutes les chances de vaincre, puis de mettre à profit les toxines à laquelle elle est confrontée pour évoluer en une variante encore plus mortelle. De là à se retrouver confronter à des Genestealers solubles qui infecteraient les cours d’eau à la Prometheus, il n’y a qu’une ou deux expériences ratées de la part d’un Inquisiteur de l’Ordo Xenos un peu trop zélé. Bref, le danger que représente la Grande Dévoreuse pour la galaxie en ressort grandi, et c’est précisément ce qu’on aime lire sur les Tyranides, non ? Mention Bien (Suprême) pour Peter Fehervari, comme d’habitude j’ai envie de dire.

1 : Asharil prouvant son inutilité en faisant juste remarquer que le sens esthétique de l’Astartes laissait franchement à désirer (il faut dire qu’un Imperial Fists avec un bras argenté, c’est moche).

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Howl of the Banshee – G. Thorpe :

INTRIGUE :

Howl of the BansheeDans un Temple Aspect de Biel-Tan, un groupe de thérapie primale très porté sur la vocalisation du ça se réunit sous la houlette de l’Exarque Clyona. Les sœurs Banshees ont entendu l’appel de ce bâtard de Khaine (c’est elles qui le disent, pas moi), qui déteste utiliser des SMS, et se préparent à revêtir leurs masques de guerre et aller accomplir la volonté divine. Après un petit rituel d’auto-motivation à base de positive thinking shouting et de quelques gouttes de sang, les crieuses partent en effet sur le Vaisseau Monde abandonné de Lanimayesh, que la Christine Haas locale a vu entrer dans le deuxième décan de Jupiter, avec des conséquences funestes pour les verts et blancs.

Une fois sur place, et chargées de la protection rapprochée du Prophète de garde en compagnie de quelques Dragons de Feu et Gardiens, les pitchouns sont rapidement confrontées aux démons qui squattent les lieux depuis le départ des anciens proprios. Très motivées et vindicatives, mais pas disciplinées pour un caillou esprit, les Banshees foncent dans le tas avec abandon, ce qui finit par se payer cash lorsque la petite dernière de la bande, une nerveuse dénommée Kailleach, décide de se payer un Héraut de Khorne en solo, ce qui dépasse légèrement ses capacités et probabilités statistiques. Si la jeunette s’en sort avec quelques bleus, sa témérité coûte cher à ses collègues, l’Exarque et une autre pleureuse professionnelle finissant chargées sur leur pierre externe pour leur peine.

Confrontées au même problème qu’un Apothicaire Space Marines devant récupérer les glandes d’un frère de bataille tombé du mauvais côté de la barrière, les survivantes se retrouvent face à un dilemme éthico-logistique : que faire de la dépouille de Clyona, dont l’âme a rejoint celles de ses prédécesseurs dans la douzaine de pierres esprits que compte l’armure de l’Exarque ? Comme toutes les Eldars, les frangines sont bien trop fashion pour avoir des vraies poches (et les sacs à main sont restés au QG), ce qui rend la récupération problématique. Pressées par le temps, la sororité décide de finir la mission et de revenir looter le cadavre sur le chemin du retour, ce qui semble être une solution convenable.

Ayant permis au Prophète d’éteindre l’ordinateur de bord, resté en veille depuis des millénaires, en toute sécurité, les Banshees tournent les talons aiguilles pour aller chercher les restes mortels de leur infortunée patronne. C’est évidemment le moment que choisissent les démons pour lancer une attaque en force, ce qui complique considérablement l’opération, d’autant plus qu’un Prince Démon a décidé de se joindre aux réjouissances. Quelques chassés fouettés et triples axels plus tard, le colis est pourtant sécurisé par les survivantes, qui peuvent s’extraire de Lanimayesh à la faveur d’un portail conjuré par leur sherpa. C’était moins une. De retour dans le temple, nos héroïnes font ce qu’elles font le mieux, c’est à dire causer et se chamailler, et rendent un hommage assez tiède à l’impavide Clyona, dont la dévotion à Khaine avait pris le pas sur sa cordialité et sa sociabilité. Elle ne sera donc pas tellement regrettée (quelles pestes tout de même ces Zoneilles). La perte est d’autant moins grande que lors du pot de départ donné en l’honneur de la défunte, on comprend aisément que sa place va être briguée par Fiyanna (même si Fiygertrude et Fiyalberte étaient sur les rangs également). The showl must go on, comme on dit chez les Mon’keigh.

AVIS :

Pour pourvoyeur régulier de contenus Eldar qu’il soit pour le compte de la Black Library, Gav Thorpe a bien du mal à faire transparaître son enthousiasme pour cette ignoble race dans ses écrits. Howl of the Banshee est ainsi d’une triste banalité, qui s’avère d’autant plus décevante qu’il semble que l’auteur voulait traiter d’aspects « avancés » de la culture des Banshees, rituel de préparation à la bataille, nombreux échanges entre les guerrières masquées et retour d’expérience de ces dernières après la fin de la mission à l’appui. Mais au final, je suis au regret de vous apprendre que l’on n’apprend pas grand-chose de concret, ni ne ressortons avec une meilleure compréhension de la mentalité de cette secte de mégères vociférantes, de cette nouvelle. L’auteur dégaine son shuriken porn pour meubler les pages, et les babannes bannissent leur content de démons à grands coups d’espadons et de remarques mesquines, mais cela ne s’avère guère passionnant. Si vous ne saviez pas que les voies Eldars sont comme des toboggans aquatiques débouchant sur une piscine remplie de piranhas (comprendre que la pente est glissante mais qu’il y a tout intérêt à sortir de piste avant qu’il soit trop tard), maintenant c’est le cas. Sinon, vous venez sans doute de perdre 10 minutes de votre vie.

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Culling the Horde – S. Parker :

INTRIGUE :

Culling the HordeBien que la Waaagh ! Snagrod se soit retirée du monde de Rynn le squig entre les jambes à la suite de l’héroïque défense des Crimson Fists de leur fief (comme quoi, it’s not over until the fat astropath screech), la situation n’est pas encore revenue à la normale sur la planète. Des bandes de pillards Orks rôdent toujours dans l’arrière-pays rynnois, abandonnées par leurs congénères lors du reflux de la marée verte, et il revient aux Space Marines de Pedro Kantor de remettre un peu d’ordre dans la ruralité profonde du domaine du patron, des fois qu’il voudrait aller passer un petit week-end tranquille en province. Cette tâche ardue et ingrate occupe l’escouade de Fists qui nous sert de protagonistes, pas très codicielle dans sa composition du fait de la présence d’un Scout (Riallo) dans le lot, les compagnons d’armes (Mandell, Corella, Veristan et le Sergent Grimm) du Néophyte étant tous des frères de bataille confirmés.

Nos Marines de proximité sont sur la piste d’une bande de nuisibles, que son errance a conduit dans une ferme isolée, avec des résultats tragiques pour les habitants du patelin, retrouvés massacrés, ainsi que leurs animaux, par les peaux vertes en maraude. Alors que ses aînés fouillent les bâtiments à la recherche d’éventuels survivants ou d’ennemis en discutant le bout de gras, Riallo, en bon Scout, fait le guet dans le jardin. Cette sage précaution se retrouve soudainement justifiée lorsque les Orks, pas aussi épais que les Crimson Fists les considèrent, lancent une embuscade sur leurs poursuivants. Cachés sous les cadavres des aurochs qu’ils avaient abattus pour le feune, les Xenos peuvent attaquer les Astartes avec l’effet de surprise de leur côté, même si Riallo a le temps d’en reformer et déformer trois avant qu’ils n’envahissent (à nouveau) la ferme, laissant ses grands copains gérer le reste de la troupe.

L’émoi des mouflets pourpres retombant rapidement, Grimm et ses vétérans se mettent à pied d’œuvre avec le zèle et l’efficacité caractéristiques de leur Chapitre, et corrigent les faquins verdâtres sans guère tarder ni trop transpirer, bien aidés en cela par leur assistance balistique intégrée, qui permet de renvoyer les grenades à l’envoyeur avec une efficacité diabolique. Un petit gadget bien utile. L’assaut repoussé et les proies de l’escouade définitivement mises hors d’état de nuire, il ne reste plus qu’à la patrouille de mettre le feu aux ruines pour empêcher le développement de sporques. Le feu de joie manque toutefois de prendre un tour malheureux lorsqu’un cri perçant vient couvrir les craquements du brasier, révélateur de la présence de civils non identifiés dans les décombres1. Premier à réagir, l’indispensable Riallo, qui aura bien mérité la distinction de combattif de l’étape, se rue à l’intérieur, et parvient à extraire deux fillettes de l’incendie. C’est sur cette image d’espoir, et la promesse d’une promotion rapide pour le Scout, que s’achève la nouvelle. Et ils vécurent heureux servirent l’Empereur jusqu’à la fin de leurs jours…

AVIS :

Que voici une petite nouvelle sympathique de la part de Parker, qui met avec ce Culling the Horde un point final (à ce jour) à ses travaux Crimson Fists, après le roman consacré par notre homme au récit de la bataille pour le monde de Rynn. Bien que l’intrigue proposée ne soit guère originale, l’auteur parvient à intéresser le lecteur aux tribulations, somme toute assez routinières, de sa bande de Space Marines. Un zeste de character development, une pincée de fluff, une once d’optimisme (un vrai happy end dans une soumission de la BL, ça n’arrive pas tous les jours) pour relever un cœur de baston, et ça passe ma foi sans forcer. À le lire, écrire une histoire de Space Marines potable semblerait presque facile. Presque. La marque d’un talent certain.

: Et pourtant, les Space Marines sont censés avoir une ouïe très fine, non ? À croire que les Crimson Fists ont une oreille de Lyman enkystée.

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The Lightning Tower – D. Abnett :

INTRIGUE :

The Lightning TowerSur la Terra impériale du 31ème millénaire, la trahison d’Horus, Primarque, Maître de Guerre et fils favori de l’Empereur, est encore fraîche que ce dernier, jamais à repousser à la décennie suivante ce qui peut être fait cette année, ordonne à son manœuvre portugais inwittien de fiston de fortifier son Palais, en préparation d’un siège qu’il voit déjà se profiler à l’horizon, bien que ce qui deviendra l’Hérésie d’Horus n’en soit encore qu’à ses prémisses. S’exécutant sans broncher, Rogal Dorn, car c’était lui (quelle surprise), se met au travail avec ardeur, bien qu’il lui en coûte de devoir construire des casemates et des miradors sur un site classé au patrimoine galactique de l’humanité. Les considérations esthétiques du Primaçon, habituellement aveugle à toute beauté, ne manquent pas de surprendre ses collègues de truelle (Vadok Singh, le Contremaître de Guerre) et proches collaborateurs (Sigismund, pas encore disgracié, et Archamus, pas encore empalé) parmi lesquels on compte heureusement un psychiatre homologué en la personne de Malcador le Sigilite.

Ayant surpris Rogal traîner sur les remparts du Palais dans le pyjama en pilou qu’il tient de son grand-père1 (un signe manifeste de déprime), le Premier Seigneur de Terra comprend qu’il est de son devoir d’intervenir, et invite donc le rejeton de son boss à une consultation privée dans ses appartements. Ne pouvant décemment pas partir sur le complexe d’Oedipe avec la moitié des Primarques déjà décidés à tuer le père, Malcador opte pour une approche un peu différente, et demande à son interlocuteur ce qui l’effraie, afin de comprendre d’où vient le spleen persistant du Prétorien. Fort à propos, la question avait déjà été soumise à Dorn quelque temps auparavant, lui laissant le temps de considérer le sujet. Ayant décrété qu’il ne craignait personne, le Primarque tente de se donner l’air profond en répondant qu’il avait peur de ce qu’il ne comprenait pas, comme les règles de la belote, la communication de la Black Library ou encore les causes ayant poussé la moitié des Légions impériales à rejoindre la cause d’Horus. Malheureusement pour lui, il en faut plus pour berner le Sigilite, qui sort de ses tiroirs un jeu de cartes ayant appartenu à Konrad Curze, frère ennemi ayant failli tuer Dorn sur Cheraut après une dispute. Voyant son patient tourner au flave2, Malcador enchaîne sur une thérapie accélérée et tire les cartes à ce dernier, avec des résultats plutôt inquiétants. Mais évidemment, ce n’est qu’un jeu, haha. Ça fera 83 €.

La nouvelle se termine sur un Rogal Dorn un peu plus gaillard depuis sa discussion cathartique avec son prof principal, qui se prépare à repousser les assauts des traîtres avec un petit jeu de tower defence. Surpris par son Père en train de niaiser au lieu de faire ses devoirs, le Primarque dissipé jure toutefois qu’il ne laissera pas tomber son Pôpa, qui repart donc sur le Trône l’esprit tranquille mais le colon obstrué (la constipation, quel fléau). Rendez-vous dans sept ans pour que ça commence à vraiment chier sur Terra.

AVIS :

À l’heure où cette chronique est écrite, The Lightning Tower affiche plus d’une décennie au compteur, faisant partie des premiers textes écrits pour l’Hérésie d’Horus lorsque le projet fut initié par la Black Library en 2007, ce qui ne nous rajeunit pas. Pour ceux qui ont vécu l’épopée littéraire que constitue cette saga, cette nouvelle occupe sans doute une place particulière, le témoin d’une époque où le lecteur, probablement enthousiaste, mais peut-être dubitatif, devant cet OLNI, se demandait à quelle sauce il allait être mangé. Ayant sans doute voulu assurer le coup, la BL avait fait le sage choix de confier le début de la série à des contributeurs expérimentés, l’incontournable Dan Abnett en tête. Et force est de constater que, comme son Horus Rising pour les romans de l’Hérésie, The Lightning Tower a parfaitement accompli sa mission, c’est à dire fournir des fondations solides et inspirantes aux publications qui suivirent (qui se comptent aujourd’hui en centaines pour les nouvelles). Bénéficiant de la maîtrise narrative et de la patte littéraire du Wordmaster, cette soumission demeure à mes yeux l’une des meilleures introductions disponibles à cette franchise dans la franchise qu’est l’Hérésie d’Horus. En une vingtaine de pages, elle parvient ainsi à poser les bases de l’intrigue (une trahison monumentale mettant en péril le règne du bon Roy Empereur), présenter quelques personnages cruciaux, donner un aperçu satisfaisant de l’univers et de l’atmosphère de cette fin de 31ème millénaire, et esquisser la perte d’innocence que se révèlera être ce conflit galactique. Si, en plus, le lecteur connaît ses classiques, il aura droit en sus à quelques détails fluff assez sympathiques, variant du cool-à-savoir-mais-pas-vraiment-important (la barboteuse de Rogal) au cryptique-mais-probablement-lourd-de-sens (le tirage de Malcador). Bref, véritablement la pierre sur laquelle la Black Library a construit sa cathédrale, et une « relique » de l’Hérésie à laquelle il convient de rendre hommage.

1 : Qui devait s’appeler Hodor pour que sa robe de chambre aille à son petit fils naturel. Je ne veux pas penser à l’alternative.

2 : C’est un jaune pâle. Non, je ne connaissais pas ce terme avant d’écrire cette chronique. Oui, je vais dès à présent tenter de le placer discrètement dans autant de conversations que possible.

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Alors, que retenir au final de Croisade & Autres Récits ? Et comment cet ouvrage se compare-t-il à son cousin d’Age of Sigmar ? Comme pour la critique de ce dernier bouquin, commençons par nous mettre dans la peau d’un nouveau venu au sein du hobby, pour qui Croisade… a des chances d’être le premier livre de la Black Library qu’il consulte.

Premièrement, en termes d’introduction pure et dure au background du 41ème millénaire, avec le contenu fluff du livre de règles en maître étalon des sujets incontournables à couvrir, notre anthologie fait un travail plutôt correct. Toutes les factions de la franchise sont ainsi abordées, de plus ou moins près, à travers l’une ou l’autre des nouvelles, les Space Marines se taillant, comme de juste, la part du lion (6 apparitions). Quoi, qu’entends-je de ta part le nouveau ? Tu trouves ça « déséquilibré » et « injuste pour les autres armées » ? Ha ! Bienvenue dans les ténèbres du lointain futur, bleu-bite, une époque merveilleuse où une seule chose est sûre : ton nom sera oublié l’Adeptus Astartes est omniprésent. Les autres factions n’ont pas vraiment lieu de se plaindre, note bien, voire peuvent être carrément reconnaissantes aux éditeurs de la Black Library de leur inclusion sur la feuille de match, leur statut de second couteau (Adeptus Mechanicus, Deathwatch, Cultes Genestealers) aurait pu en effet les priver de sortie sans qu’on n’eût de raison de crier au scandale. Il n’y a que les malheureux Eldars Noirs qui peuvent s’estimer lésés par la composition du recueil, aucun Drukhari ne venant traîner son cafard, son sadisme et son sens particulier de la fête dans les pages de Croisade… Comme les Filles de Khaine avaient également été privées de participation à Sacrosaint & Autres Récits, on peut commencer à murmurer que quelqu’un à Nottingham a une dent contre les elfidés de couleur. Encore un coup comme ça et je saisis le CRAN, sans blague. Enfin, on notera que l’inclusion en fin d’ouvrage d’une nouvelle traitant de l’Hérésie d’Horus (écrite par Abnett, qui plus est) est un ajout des plus pertinents de la part de la BL, et s’avère tout à fait légitime pour un ouvrage introductif tel que Croisade… Faire la même chose pour Necromunda, voire Blackstone Fortress, n’aurait pas été déplacé non plus, même si la place aurait sans doute commencé à manquer.

Deuxièmement, et peut-être de façon plus importante, le lecteur est également quitte pour une plongée dans les eaux troubles du grimdark, ce qui est d’une importance cruciale pour celui qui s’intéresse à 40K. Ce qui est d’autant plus appréciable, c’est que le concept est décliné en plusieurs « saveurs » au fil des différentes nouvelles : entre le nihilisme désespéré/ant de la conclusion de Rouge & Noir et du Testament de Zheng et la touche de sacrifice héroïque de Croisade et du Sanctuaire des Vers, on a droit à une palette variée d’histoires se finissant généralement mal, mais, de temps en temps, en permettant tout de même au protagoniste de sortir la tête haute de son (més)aventure1. Chose assez rare pour le souligner, nous sommes même en présence d’un authentique happy ending dans un des cas, le sauvetage d’une paire de frêles enfançons2 par les Crimson Fists de Décimer la Horde relevant presque de la mièvrerie guimauvesque selon les standards rugueux de la BL (je ne prends pas en compte Warhammer Adventures pour le moment). Quoi, que dis-tu le newbie ? « Elles ont tout de même perdu toute leur famille, torturée à mort par les Orks ? » Pfff, c’est le quotidien de tout un chacun ici petit. Ca forge le caractère, ce genre de péripétie. Bref, tiens-le-toi pour dit : le vrai malheur est de mourir sans avoir accompli son devoir.

Troisièmement, on était également en droit d’attendre quelques éléments de néo-fluff (post Cicatrix Malleficum pour simplifier) de la part de Croisade… Etrangement, ce n’est pas vraiment le cas, novella titre mise à part. Les désormais incontournables Primaris se sont faits relativement discrets dans cette anthologie passée l’empoignade de Kalides Prime, Guilliman ne fait qu’un petit caméo, Abaddon apparaît avant même d’avoir lancé sa première Croisade Noire, sans parler de la 13ème (il devait penser que l’affaire serait pliée en deux temps, trois mouvements à l’époque), les Blood Angels reçoivent un petit teaser de la dévastation de Baal, et Ynnead est aussi endormi que Biel’Tan est en pleine forme. Il n’y a que les Necrons et les Space Wolves qui bénéficient d’une approche « contemporaine », évènements de Croisade mis à part. Bref, si vous êtes un fan de fluff frais, ne cherchez pas longtemps de fontaine à la source de ce recueil et allez remplir votre seau au Lexicanum.

Quatrièmement, et pour faire le lien avec le point ci-dessus, le casting convoqué est par contre assez riche, avec une tripotée de têtes connues (surtout impériales il est vrai) présentes dans ces pages. Depuis les presque célèbres Capitaines Krom Dragongaze et Egil Iron Wolf des Space Wolves jusqu’aux quasi-frères ennemis Guilliman et Abaddon, c’est le (Gol)gotha du 41ème millénaire qui nous fait l’honneur de sa présence. Utile pour commencer à cerner les noms qui comptent à l’échelle de la galaxie.

Cinquièmement, le panel de contributeurs rassemblé pour cette anthologie est des plus intéressants, puisqu’il mélange, comme dit en introduction de cette chronique, noms établis, membres de la « nouvelle vague » (ou Waaagh! ?) de la BL et nouveaux venus. Ayant mon avis, plus ou moins tranché et favorable, sur chacun des auteurs qui ont participé à la mise sur pied de Croisade…, j’invite le lecteur intéressé par ce dernier à se reporter à mes autres chroniques pour connaître le fond de ma pensée sur cette cohorte. Je dirai simplement que les différences de niveau – somme toute subjective, car à chacun son sale goût – qui ont de grandes chances de sauter aux yeux de notre brave newbie sont tout à fait normales, et représentatives de la prose publiée par la Black Library. Eh oui, mon pôv’ Timmy, il va falloir t’y faire : la BL peut publier des OLNI, objets littéraires non identifiés, et parfois, non comestibles. Apprendre chez qui s’approvisionner pour éviter les mauvaises surprises – après tout, l’argent ne pousse pas sur les arbres3 – fait partie du parcours initiatique du bibliothécaire stagiaire, et c’est tant mieux que Croisade… ne soit ni outrageusement bon, ni honteusement nul, dans son contenu. Et au cas où tu te le demandes, candide impétrant, oui, la Black Library pourra chercher à te refourguer des nouvelles de moins de 10 pages au prix fort sur son site internet. Honour of the Third n’est donc pas un accident de parcours, mais un appel à la vigilance.

En complément du point ci-dessus, je regrette en revanche que la BL n’ait pas jugé bon d’initier les nouveaux lecteurs à ses « classiques », tels que les séries Les Fantômes de Gaunt, les trilogies Eisenhorn et Ravenor, ou encore les sagas Uriel Ventris, Ciaphas Cain ou Night Lords, pour n’en citer que quelques-unes. Toutes disposent en effet d’un corpus de nouvelles pouvant servir de bonnes introductions aux romans les constituant, et sont suffisamment qualitatives pour mériter le coup de pub. Je comprends que la Black Library ait souhaité mettre en avant ses nouvelles publications, mais parfois les « next reads » proposés sont loin d’être intuitifs4, en plus de proposer des ouvrages d’une qualité incertaine.

Cette revue « newbie-friendly » effectuée, regagnons nos pénates et jetons sur l’objet du délit un regard de lecteur confirmé. Comme cela a été le cas pour son siamois med-fan Sacrosaint & Autres Récits, Croisade… a pour lui un prix (macro)canon et une traduction française5, qui en font un incontournable pour les amateurs de nouvelles 40K anglophobes et les quidams intéressés par ce format et cette franchise ne souhaitant pas investir plus que de raison dans leur initiation. Le contenu en lui-même est assez satisfaisant, même si je n’ai pas eu de coup de cœur aussi marqué pour l’une des nouvelles au sommaire de Croisade… que cela avait été le cas pour Sacrosaint… De manière générale, tous les contributeurs se sont révélés égaux à eux-mêmes, en bien (Dembski-Bowden, Fehervari, Parker, Abnett) comme en moins bien/kind-of-ok/passable (le reste). Une différence majeure par rapport à l’ouvrage consacré à Age of Sigmar réside cependant dans la qualité de la novella introductive et éponyme de ces deux bouquins. Là où C. L. Werner (m’)avait franchement déçu avec ses tribulations stormcastées, Andy Clark livre un travail très robuste et plaisant à lire, parvenant à sublimer une bête boîte de base en affrontement bien mis en scène et contextualisé, utile pour le newbie, intéressant pour le vétéran, digeste pour les deux. Une vraie bonne surprise pour ma part donc, et la preuve que les Primaris peuvent choisir la filière L s’ils sont bien encadrés. Bref, un recueil assez honnête par rapport aux standards de la maison, et qui vaut largement Lords & Tyrants (l’autre anthologie 40K récente), tant en rapport quantité que qualité prix.

Eh bien, je crois que nous en sommes venus à bout, amis lecteurs ! Voici qui termine cette chronique de Croisade & Autres Récits, et le dyptique consacré aux recueils de nouvelles introductifs publiés récemment par la Black Library. J’espère que ces revues critiques vous auront été utiles et/ou agréables, et vous donne rendez-vous prochainement pour de nouveaux retours brutalement honnêtes (ou honnêtement brutaux, en fonction de mon humeur) sur les ouvrages de la BL. Pour la série « didactique » en cours, ce sera sûrement à Warhammer Adventures de passer à la moulinette. Après tout, on ne peut pas mettre n’importe quoi entre les mains de nos chères têtes blondes. À bientôt !

1 : Quand il est capable de lever cette dernière, pas vrai Cassian ?

2 : C’est d’autant plus gentillet que les fillettes ne pourront pas devenir des aspirants Crimson Fists pour une bête histoire de chromosome Y manquant. C’est une vie de patachon qui les attend à la Schola Progeniam, oui.  

3 : Sauf sur Beta-Küyllnh’Thet, mais depuis son invasion par la Death Guard à la suite de l’ouverture de la Cicatrix, elle ne produit plus que des liquidités.

4 : Si vous avez aimé Yarrick qui tape sur des peaux-vertes (et c’est numéro 1), vous aimerez sans doute le récit des dernières heures de Cadia, pas vrai ? Un peu rude pour notre pauvre Annandale, qui a consacré les plus belles années de sa vie à étoffer la biographie du vieux schnock le plus acariâtre du Segmentum.

5 : Sauf ‘The Word of the Silent King’, remplacée en VF par ‘Les Seigneurs de Borsis’, et ‘Honour of the Third’, purement et simplement retirée du line-up français. Et pourtant, ce n’était pas la plus longue à traduire. 

 

 

 

SUMMER OF READING 2019 [40K-AoS]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette critique des nouvelles proposées par la Black Library dans le cadre de son annuel Summer of Reading, à la fin du mois d’Août. L’occasion pour moi de me lancer dans un exercice de speed chronicking (si ce terme existe vraiment), en traitant chaque soumission dans la journée suivant sa sortie. Ce fut parfois assez éprouvant, et je ne ferai pas ça tous les jours, mais nous voilà rendus en ce dimanche 25 Août avec 7 nouvelles chroniques. Alors, ces 17,45€ ont ils été bien investis? Voyons ça de plus près.

Summer of Reading 2019

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Fangs of the Rustwood – E. Dicken [AoS]:

INTRIGUE:

Fangs of the RustwoodChargé d’escorter les trois suspects de l’assassinat du Gouverneur Bettrum de la cité d’Uliashtai, en Chamon, le Répurgateur Kantus Val(l)o de l’Ordre d’Azyr décide de couper à travers bois pour rallier au plus vite la cité d’Eshunna, où les geôles spacieuses et les tortionnaires attentionnés de l’Inquisition sigmarite auront tôt fait de délier – ou d’arracher, à défaut – les langues des gardés à vue. Ces derniers, mis à part un bon motif d’en vouloir à feu Bettrum, n’ont pas grand-chose en commun. Notre triumvirat de crapules se compose en effet du mage geignard et prophétique (un vrai Nighthaunter d’Age of Sigmar) Elabrin, de l’empoisonneuse patentée Garrula Heko, et de la Capitaine édentée de la garde d’Uliashtai, simplement nommée Lim.

Le choix de Kantus d’emprunter la route traversant le Bois de Rouille ne s’avère guère brillant (ce qui est normal, car l’oxydation du fer corrode le métal), mais plutôt tranchant, la flore acérée de Chamon forçant la petite troupe à jouer de la hache pour se frayer un chemin sous les frondaisons métallisées. Ayant profité d’une halte pour cuisiner ses prisonniers, le Répurgateur doit mettre en pause son interrogatoire lorsqu’une de ses gardes se prend les pieds dans le tapis et choit lourdement dans une fosse tapissée de pieux empoisonnés (piejâkon#1). N’écoutant que son courage, Kantus… accepte qu’un des collègues de la malheureuse aille la repêcher au fond de son trou. Il donne cependant de sa personne en faisant contrepoids au bout de la corde, mais une autre fausse manœuvre des plus ballotes déclenche prestement la détente d’une tige épineuse… empoisonnée (piejâkon#2), qui met le bon samaritain en PLS, juste avant que Kantus ne le laisse carrément aller se pieuter en sous-sol lorsqu’un Gobelin des Forêts juché sur une araignée géante décide de s’inviter à la fête en hurlant « I am Groot! ». L’invité mystère ayant intoxiqué l’un des deux gardes restants de notre héros, ce dernier est colère et règle leur compte aux nuisibles de quelques moulinets bien sentis, avant d’aller s’enquérir du bien-être de ses charges (une enquête de l’IGPN est si vite arrivée).

Le dialogue qui s’engage a vite fait de convaincre Kantus de l’impératif catégorique de laisser les gredins lui prêter main forte afin d’avoir une chance de se sortir du guêpier arachnéen dans lequel il s’est jeté. Rendant à ses prisonniers leurs armes et équipements en échange d’une vague promesse de bien se comporter (quel laxisme), Kantus les entraîne vers l’orée du bois, dans l’espoir un peu vain de distancer les Grots dont les tambours commencent à résonner dans les fougères. Ce qui devait arriver arrive lorsque notre petite troupe, au casting digne du JDR Age of Sigmar s’il était sorti (un Chasseur de Sorcières, un Mage, un Guerrier, un Rôdeur et un PNJ à DLC courte), débouche dans une clairière où l’embuscade des peaux vertes se déclenche. Bien aidé par le sort de pointeur laser inversé et préemptif d’Elabrin1, les humains ne s’en sortent pas trop mal dans un premier temps, les carreaux empoisonnés de Garrula et les coups d’épée de Kantus et Lim prélevant un lourd tribu dans la biodiversité du Bois de Rouille. Hélas, comme il l’avait prédit, le mage se fait capturer au lasso, et si son noble – et pas du tout consenti – sacrifice permet de gagner un peu de temps à ses comparses pendant qu’il se fait torturer à mort dans un bosquet, la situation n’est pas brillante pour ces derniers…

Début spoiler…réduits au nombre de deux après que Kantus ait constaté le décès inopiné de la dame de carreau(x). Fichtre. Enjoint par la vétérane Lim de quitter les lieux le plus rapidement possible, notre héros décide de faire du zèle en collectant les armes de Garrula, qui pourront peut-être permettre d’identifier le tueur du Gouverneur Bettrum, si on venait à retrouver une trace d’un poison similaire à celui utilisé pour pourrir (littéralement) l’édile sur les lames de l’empoisonneuse. Une bonne action ne restant jamais impunie, le Répurgateur se fait prestement attaquer par Brienne de Tarth (dans ta gu*ule), après avoir constaté que Garrula a connu la même fin que l’infortuné Gouverneur, révélant Lim comme la coupable des deux meurtres. Cette dernière trouvait en effet que cette grosse bête de Bettrum utilisait bien mal les forces de l’Ordre, et que son incapacité notoire à s’occuper de l’infestation Grot couvant dans le Bois de Rouille condamnerait à terme Uliashtai à la Destruction. Ca se tient, ça se tient, y a pas à dire. 

Insensible aux arguments de la soldate, Kantus l’est beaucoup moins à ses bottes vachardes, et l’idée de son trépas prochain lui travers l’esprit en même temps que l’épée de Lim fait de même avec sa panse. Abandonné à son triste sort par l’intraitable Capitaine Marlim, Kantus devrait se dépêcher de mourir s’il ne veut pas goûter à l’hospitalité légendaire des tribus Spiderfang…Fin spoiler

1 : En gros, on voit une petite lumière s’allume à l’endroit où un projectile va finir sa course une seconde avant que le coup parte, très pratique pour la balle au prisonnier et l’esquive de flash ball).

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AVIS:

Evan Dicken nous revient après ses débuts très convaincants (The Path to Glory), toujours à Chamon mais cette fois à l’époque contemporaine1, avec une histoire se voulant un match-up d’enquête policière (Mais qui a tué le Gouverneur Bettrum?) et de sword & sorcery. Si la brièveté de son propos ne lui donne pas la possibilité  d’exceller dans l’un ou l’autre de ces exercices, le meurtre de Bettrum se résolvant sans grande révélation, et la baston finale, pour honnête qu’elle soit, n’étant en rien mémorable, Dicken déroule cependant son récit avec sérieux, ce qui rend la lecture de The Fangs of the Rustwood plaisante. L’auteur réussit assez bien à faire ressortir la nature sauvage et dangereuse des Grots des Forêts, qui n’ont pas grand-chose de marrant lorsqu’on se retrouve nez à chitine avec leurs araignées géantes. Il parvient aussi à maintenir une tension narrative digne de ce nom, d’abord en jouant sur l’identité secrète du tueur, puis sur le destin attendant le héros. Venin sur le crochet, le fluff n’est pas absent de ces quelques pages, ce qui est tout bénef. Bref, ce (plus) court format permet à Dicken de cimenter son statut de Hot New Talent de la BL, et l’une des plumes à suivre d’Age of Sigmar dans les mois à venir.

1 : Même si des références à son cher empire Lantique et à la cité d’Uliashtai, qui avaient été mis à l’honneur dans cette première nouvelle, se retrouvent tout au long du texte.

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Forsaken – D. Ware [40K]:

INTRIGUE:

ForsakenNous retrouvons la Sœur de Bataille favorite et sans doute alter ego de Danie Ware, Augusta Santorus, quelques années avant les évènements couverts dans Mercy et The Bloodied Rose, alors qu’elle termine sa formation de jihadiste par une mission d’exploration du Santa Xenia, un navire de l’Ecclesiarchie dérivant tranquillement dans l’espace tous feux éteints et le moteur coupé, ce qui est pour le moins suspect. Sous le commandement sévère mais dur de la Sœur Supérieure Veradis, les intrépides Jeannettes parcourent les coursives sombres et glacées du vaisseau fantôme, la foi au cœur et le chant aux lèvres, comme les gentilles filles de Schola Progeniam qu’elles sont. Au bout du 18.457ème kilomètre à pied (qui use les souliers, même en céramite), c’est toutefois l’embuscade au détour d’un couloir. Fort heureusement menée par la porteuse de bolter lourd, aux nerfs d’acier et aux réflexes acérés, l’escouade réussit à se tirer de ce mauvais pas avec sang-froid et autorité, sourde aux ricanements bêtes des Orks qu’un rien1 amuse, vraiment. Cet obstacle bien négocié monte toutefois à la tête de notre héroïne, en même temps qu’un Gretchin yamakasi et hargneux, et la pauvre Augusta choit lamentablement de la passerelle qu’elle empruntait en compagnie de sa pote Lucienne (que je me devais de citer, même si elle ne sert à rien à part balancer des jurons – avec un nom pareil, ça se comprend -), et tombe, tel Gandalf avec la coupe de Mireille Mathieu, dans les profondeurs stygiennes de la soute du Santa Xenia, où elle atterrit avec un grand splash.

Ayant malgré tout réussi sa sauvegarde d’armure, Augusta reprend rapidement ses esprits, mais doit se rendre à l’évidence: son précieux bolter est tombé très loin d’elle, et dans les ténèbres absolues et humides qui règnent dans le pédiluve où elle évolue désormais, il lui sera impossible de remettre la main dessus. Shame! Shame! Shame! Faisant contre mauvais atterrissage bonne figure, elle dégaine sa dague de poche et s’enfonce dans l’immensité noire et (doublement) vague du 28ème sous-sol du vaisseau, à la recherche d’un mur et d’une échelle pour rejoindre le point de ralliement défini en début de mission. La solitude, le silence, le manque de repères et d’expérience dont souffre la novice se combinent toutefois rapidement pour menacer, d’abord le moral, puis la santé mentale, d’Augusta, qui a de surcroît la déveine de tomber sur des poteaux tagués de slogans aussi inquiétants que défaitistes. Lorsqu’un mystérieux rôdeur se décide à la prendre en chasse de loin, tel un frotteur de la ligne 4 repérant sa proie dans le dédale de Châtelet Les Halles, il faut à notre stagiaire toute la force de sa foi pour ne pas virer hystérique, et ce n’est pas la découverte d’une pyramide de cadavres (l’équipage du Santa Xantia) qui vient calmer sa crise d’angoisse. À toute chose, malheur est bon car le tas de macchabées se situe juste sous une coursive légèrement éclairée, qui sera sa porte de salut vers la civilisation. Il faudra cependant avant cela négocier le passage auprès de l’aubergine géante et savante2 qui se trouve là en… thalassothérapie, j’imagine? et qui se met en tête de feminicider Augusta. Il faut dire qu’elle venait de lui crever un œil sans sommation, ce qui n’est jamais agréable.

Le combat qui s’engage ne tourne logiquement pas en faveur de l’adolescente, même énergisée, et Gusta voit sa dernière heure arriver lorsque, miracle (c’est le cas de le dire), l’Empereur ou Ste Mina lui balance un point de foi qu’ils avaient dans la poche, ce qui permet à notre vierge farouche de renverser d’une seule main l’Ork qui l’écrasait de tout son poids en lui tordant le bras. Balèze Thérèse. Ayant littéralement pris le dessus sur son adversaire, Augusta finit proprement le travail, et parvient par des moyens détournés, et sans doute un peu de varappe post mortem, à rejoindre son point de chute (haha), où l’attend le reste de son escouade. Les Sœurs ont beau être contentes et soulagées de voir revenir leur camarade, cette peau de vache de Veradis sermonne la survivante, un peu sur la perte de son bolter et beaucoup sur la rupture de la cohésion d’unité, crime capital pour un personnage de fiction évoluant dans un univers découlant d’un wargame, comme chacun le comprendra aisément. C’est toutefois peu de chose pour Augusta, que la perspective de finir d’explorer un vaisseau grouillant d’Orks armée de son seul couteau à beurre effraie moins que sa séance de spéléologie improvisée. Et puis, l’important, c’est la rose, n’est-ce pas?

1 : Lire « bolt – ou ‘carbide fusion matrix’, parce que c’est quelque chose qui existe et qu’on peut tirer sur l’ennemi au 41ème millénaire, apparemment – en pleine tête ». 

2 : Pensez donc, un Ork violet et familier du culte de l’Empereur, ça n’existe pas voyons. 

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AVIS:

Ca partait plutôt pas mal pour Danie Ware avec ce Forsaken, dont l’ambiance anxiogène et l’affrontement « conventionnel » (comprendre, pas de prises de catch) contre les Orks en début de nouvelle positionnaient d’emblée comme (légèrement) supérieur à Mercy. Le pic était atteint lors du passage des errements métaphysiques et géographiques d’Augusta, et sa découverte des messages creepy à souhait (dont le Forsakendereliquit en haut gothique – éponyme) dans les ténèbres absolues du Santa Xantia… pour au final déboucher sur un amoncèlement d’incongruités et bizarreries venant parasiter le propos à tel point que la tension narrative n’y résista pas. Quel dommage. Sur le fond, on peut ainsi se poser la question, légitime, de savoir ce qui a bien pu pousser l’équipage du vaisseau à venir faire un Twister géant et léthal à la cave. Je veux bien croire qu’ils aient tous voulu profiter de la piscine sans penser à prendre les clés de l’escalier de service avec eux, et ont payé le prix de leur étourderie en mourant lentement de faim dans leur propre vaisseau (mon explication en vaut une autre, honnêtement), mais cela n’engage que moi. Quant à savoir ce que l’Ork pourpre faisait dans le coin alors que tous ses potes s’amusent dans les étages, c’est un autre et grand mystère, tout comme sa connaissance du credo impérial. Sur la forme, Ware donne encore dans l’invraisemblable en permettant à sa crevette d’héroïne de terrasser au corps à corps un adversaire beaucoup plus costaud, résistant et sauvage qu’elle sans autre forme de justification que le pouvoir de la foi. Certes, c’est une des caractéristiques de la faction. Mais cela mériterait une meilleure mise en scène et écriture pour être crédible, la bagarre finale semblant se terminer par l’ingestion par Augusta d’une rasade de potion magique plutôt que par un miracle en bonne et due forme. Bref, si Forsaken me semble un peu meilleur que Mercy, le progrès est des plus timides et l’amélioration pas vraiment franche. Essayons tout de même de garder la foi…

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Dead Drop M. Brooks [NDA]:

INTRIGUE:

Dead DropLa libre circulation des biens et des personnes n’étant pas un concept très familier aux autorités impériales, il est parfois nécessaire de recourir à des expédients un brin hasardeux, pour ne pas dire folkloriques, pour acheminer des marchandises à la légalité douteuse jusqu’à leur acquéreur. Sur ce sujet, Necromunda n’est guère mieux lotie que les autres planètes de l’Imperium, les zélés douaniers du Gouverneur Helmawr prenant un malin plaisir à inspecter les cargaisons qui auraient gagné à rester secrètes. Conséquence de cette absence scandaleuse de libre échange, il arrive que des colis d’un genre particulier soient expédiés directement dans les Désolations de Cendres qui entourent la Ruche Primus, dans l’attente du passage d’un gang coursier qui se chargera de la livraison à domicile contre espèces sonnantes et trébuchantes. C’est moins précis, mais parfois plus rapide, que Mondial Relay, notez. Le hic est que la profession est totalement dérégulée, et qu’il arrive souvent que plusieurs bandes convergent vers le même paquet, avec des résultats généralement sanglants. C’est précisément ce qui se passe ici, les Road Dogs du leader1 Danner Grimjack tendant une embuscade aux Steel Crescents de la Maison Van Saar afin de subtiliser aux geeks du sous-monde, la précieuse cargaison qu’ils avaient looté dans le désert.

Ayant révisé leur enchaînement accélération/embrayage et maté en boucle Mad Max: Fury Road pendant le week-end précédent, les Road Dogs s’abattent sur leurs proies comme un Ambull affamé sur un Crawler grassouillet, et harponnent sans coup férir l’utilitaire contenant le colis, dont ils se rendent maîtres après quelques échanges de tirs. L’opération, déjà endeuillée par la disparition tragique du fameux Sideswipe Eddy (mais si, Sideswipe Eddy quoi), manque cependant de tourner au fiasco lorsque la camionnette de location des Steel Crescents file droit vers la falaise la plus proche, la hampe de harpon ayant traversé et le volant, et le conducteur, venant prendre en défaut la robuste direction assistée des véhicules de Necromunda. Resté sur place plus longtemps qu’il n’aurait dû pour récupérer les restes mortels de son camarade (on n’abandonne pas Sideswipe Eddy, jamais) et mettre en marche son sécateur tronçonneur, le Juve Mungles se retrouve en mauvaise posture, pendu à bout de bras à un affleurement rocheux dépassant de la paroi de la falaise. Et il a beau hurler « j’veux pas des cendres » (on est dans les Désolations Cendreuses après tout), il semble que les Road Dogs sont bons pour une deuxième perte malgré l’intervention altruiste de Grimjack et sa cordelette moisie, jusqu’à ce que le reste du gang arrive et aide le boss à hisser le stagiaire sur le plancher des groxs. Chez les Orlocks, on est solidaires.

Cette menue péripétie évacuée, il est temps pour les Doges d’aller écouler leur bien mal acquis. Ayant récupéré un jeton portant la marque de Caradog Huws, un receleur de quelque renom dans le sous-monde, dans le food truck de leurs rivaux, les pirates décident fort logiquement d’aller proposer au trafiquant de leur racheter sa cargaison. Il leur faut pour cela affronter l’heure de pointe sur les Voies Arachnéennes, le périf de Necromunda, pour atteindre la Porte de la Chapelle Cendreuse, et plus précisément le charmant patelin de Port Mad Dog (ça commence à faire beaucoup de -dog), où ils disposent d’une planque pratique chez Deeno, méchano amateur et ancien membre du gang avant que la perte de sa jambe ne le force à se ranger des voitures. Rendant un hommage ému à Sideswipe Eddy et promettant de lui offrir très prochainement les funérailles nationales qu’il a amplement méritées, Grimjack et ses mastiffs empruntent les tunnels clandestins sillonnant le sous-sol poreux de Necromunda pour émerger à Dust Falls, où ils espèrent pouvoir une bonne âme qui leur indiquera la localisation de l’échoppe de Huws. Même si Grimjack fait chou blanc2, Mungles revient avec l’information nécessaire, et les Road Dogs se rendent prestement devant la porte supposée de l’Outlaw’s Deep…

Début spoiler 1…L’endroit a beau sembler parfaitement abandonné, ça ne décourage pas les Orlocks de tenter leur chance, ce qui au final ne paie pas. Mungles était en fait un indic bossant sous couverture pour les Enforcers, et a mené ses comparses droit dans un piège. Sommé par la maréchaussée de coopérer sous peine de se voir offrir une démonstration gratuite de fusil à pompe anti-émeute, Grimjack est contraint de remettre aux Arbites son magot. Aussi impatients que le lecteur de savoir enfin ce qui se cache dans la caisse trimballée de droite et de gauche depuis le début de la nouvelle, les flics dégainent leur pied de biche et en font sauter le couvercle, et là, ô surprise, ils se retrouvent nez à nez avec…Début spoiler 2…une boîte de tarama éventrée. Non, sans déconner. Bon, ok, ce sont des grappes d’œufs Xenos, mais vu l’absence très probable de morues3 sur Necromunda, ça revient au même. Déception (surtout pour le Spirien qui devra manger ses toasts tout secs, m’est avis). Il semble toutefois que quelques uns des pensionnaires de la caisse aient éclos avant terme et se soient faits la malle (ce qui est une douce ironie), à en croire les traînées de bave qui s’éloignent dans le sous-monde. Ca ne change pas grand-chose pour les Road Dogs toutefois, dont la complicité dans l’importation d’espèces Xenos rend passible de la peine de mort. Necromunda, c’est vraiment l’Australie post-apocalyptique en fait. Réalisant qu’il ne pourra pas tenir la promesse faite à SideswipeEddy, Grimjack décide de partir sur un coup d’éclat et réalise au débotté une trachéotomie assez grossière de cette balance de Mungles à l’aide du pied de biche subtilisé à un Enforcer hébété. Le rideau tombe sur nos protagonistes alors que gendarmes et voleurs règlent leurs comptes par pétoires interposées, affrontement dont les Road Dogs ont peu de chances de sortir vainqueurs malgré toute leur bonne volonté. Qu’importe, tant que chez les Orlocks, on reste solidaires.Fin spoilers

1 : L’usage de ce terme neutre n’est pas anodin. Brooks utilise en effet le pronom « they » à l’encontre de son héros, ce qui indique sa non-binarité. À noter que l’antagoniste de sa nouvelle A Common Ground était également genderqueer. 

2 : Quand un être patibulaire vous aborde dans la rue pour demander son chemin et que vous ne savez même pas si vous devez l’appeler Monsieur ou Madame – et supputez qu’il prendrait mal d’être misgenré -, il est plutôt normal de répondre que l’on ne sait pas.

3 : Et pas de blagues sur les Escher, hein. On reste classe dans une nouvelle où apparaît Sideway Eddy.

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AVIS:

Offrant au lecteur une excursion en plein air le temps d’une attaque de diligence, ou ce qui s’en rapproche le plus à Necromunda, Dead Drop est une variation appréciable de la nouvelle classique de ce sous-genre, permettant à Brooks d’explorer un peu de l’arrière-pays de la ruche Primus. Si les amateurs de suspens risquent de ressortir un peu déçus de cette lecture, le contenu de la caisse mystérieuse ne cassant pas trois pattes à un Van Saar, cette soumission brille en revanche par l’illustration qu’elle fait de la mentalité particulière des Orlocks, sans doute la Maison la plus sympathique du sous-monde en raison de la profonde solidarité qui unit ses membres. Dans les ténèbres d’un lointain futur, il semble que les concepts d’amitié, de sincérité et de confiance désintéressées ne soient pas totalement morts, ce qui offre une respiration bienvenue entre deux doses de grimdark vraiment sombre. Enfin, et c’est assez rare pour que je le souligne, j’ai trouvé la lecture de cette nouvelle sensiblement plus ardue que la publication moyenne de la BL, l’utilisation du pronom « they » (qui n’évoquera rien au lecteur francophone de but en blanc) et de tournures familières/argotiques par Mike Brooks compliquant l’entreprise. Rien d’insurmontable ceci dit.

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Heart of the Fallen – S. Cawkwell [WCY]:

INTRIGUE:

The Heart of the FallenDans les grandes plaines du Bloodwind Spoil, une double traque est en cours. Pendant qu’un mystérieux chasseur poursuit sa proie dans les étendues sauvages, trois jeunes guerriers Untamed Beasts, le sensible Dhyer et les frère et sœur Open Skies et Fleet-Foot, sont à la recherche du frère ainé du premier, un pisteur bravache du nom de Sharp Tongue. Ayant juré de traquer l’une des grandes bêtes qui hantent le territoire de la tribu afin de prouver sa valeur et de gagner en prestige, Langue de P*te est parti en solitaire il y a quelques jours, et son frangin s’inquiète de ne pas le voir revenir. Comme quoi, on peut vénérer une divinité chaotique assoiffée de sang1 et avoir le sens de la famille.

Les deux pistes finissent par converger à l’entrée d’une caverne d’un genre un peu particulier. Non pas qu’elle semble être un organisme géant, avec mur fourré (et probablement moquette du même acabit), ventilation pulmonaire et œils-de-bœuf plus vrais que nature. C’est finalement assez commun dans la région. C’est plutôt qu’elle possède des caractéristiques hydrographiques a priori inconciliables, la marque d’une véritable bénédiction des Dieux Sombres si vous voulez mon avis. Les Castueurs Juniors relèvent des indices de lutte, dont une dent humaine traînant dans la poussière, révélant que leur cher disparu n’est sûrement pas loin (et en effet, il a dû négocier un pétunia un peu envahissant à son arrivée dans la grotte, qui lui a prélevé quelques PV au passage). Redoublant de prudence, ils finissent par arriver dans une salle occupée par un lac de boue, au milieu duquel, unis dans la mort, se trouvent les cadavres d’un chasseur Untamed Beast et du monstre qu’il a tué avant de périr. Et quel monstre! Il s’agit rien de moins que d’un fort beau spécimen de Raptoryx2. On ne rigole pas dans le fond! Les ornithorynques du Chaos peuvent être dangereux quand ils sont acculés, et ce n’est pas Sharp Tongue qui soutiendra le contraire, raide mort qu’il est.

Bien qu’un peu tristes de cette conclusion tragique, US Open, Flip Flop et D’ailleurs décident de rendre au défunt l’hommage qu’il mérite, en dévorant rituellement son cœur afin de bénéficier de la force du macchabée. Le buffet froid est toutefois brutalement interrompu par le réveil du Raptoryx, qui, malgré la lance lui traversant le gésier de part en part, était loin d’avoir dit son dernier coin. La triplette de ploucville n’a guère le choix: il faut finir le boulot que ce peine-à-occire de Sharpie a salopé pour espérer sortir de l’antre de la bête. Malgré leur habileté à la sagaie en os, la hachette en silex et la dague en onyx, les Untamed Beasts ne s’en sortent pas indemnes, et Open Skies change rapidement son nom en Open Guts. Son sacrifice n’est toutefois pas vain, sa sœur et son (probablement futur) beauf combinant leurs forces pour euthanasier l’impossible palmipède. La nouvelle se termine sur un nouveau gueuleton, obligeamment offert par Open Skies, qui dans la mort comme dans la vie, avait le cœur dans la main (même si, ironiquement, c’est du coup aussi vrai de Dhyer et Fleet-Foot). Mais alors que nos tourtereaux se préparent à prélever le foie gras proprement monstrueux de leur proie, les eaux du pédiluve boueux se mettent de nouveau à trembler3

1 : D’ailleurs Cawkwell insiste pour appeler le Grand Dévoreur ‘Eater of Worlds’. Ca ne vous rappelle rien? Peut-être qu’Angron vient chiller dans les Huit Pointes lorsqu’il se fait expulser du Materium par les Chevaliers Gris. 

2 : Sachant que l’individu moyen arrive à l’épaule d’un être humain, celui-ci devait être aussi grand qu’un homme. Bon, ce n’est pas Thornwinder contre Harrow (voir The Devourer’s Demand), mais tout le monde ne peut pas se battre contre des vraies créatures semi-divines. 

3 : Et? Eh bien rien du tout. Ca se termine vraiment comme ça. Etrange.

AVIS:

Je suis un peu partagé au sujet de ce Heart of the Fallen. D’un côté, il m’est agréable de constater que Sarah Cawkwell ne semble pas partie pour retomber dans ses travers Hammer & Bolteresque, sa nouvelle étant solidement construite et, mises à part quelques incongruités (comme la caverne à la sécheresse humide) et erreurs de fluff (le Raptoryx présenté comme un prédateur solitaire alors qu’il a littéralement une règle qui indique qu’il chasse en meute – oui, je suis chiant -), somme toute assez mineures, plutôt agréable à lire. De plus, l’effet de nouveauté de Warcry joue encore à plein, justifiant d’autant plus la lecture de ce genre de soumissions, intrinsèquement originales (ce que ne peuvent pas dire les nouvelles de Space Marines et Stormcast Eternals qui constituent l’ordinaire de l’habitué de la BL). De l’autre, je suis assez déçu de la platitude de l’intrigue, alors que tout semblait indiquer qu’un twist final viendrait récompenser le quidam à la fin de la nouvelle. Jugez plutôt: et si le mystérieux chasseur, qui se révèle au final n’être que ce fier-à-bras-cassé de Sharp Tongue, avait été un guerrier d’un autre tribu que celle de nos héros, et que la bête qu’il traquait avait été Sharp Tongue, horriblement muté par le Chaos? J’avoue que je m’étais drôlement hypé sur cette hypothèse, que le refus catégorique de Cawkwell de nommer son premier protagoniste m’avait fait soupçonner, puis espérer, jusqu’à ce que le pot aux roses soit découvert. On ne me retirera pas de l’esprit que Heart of the Fallen aurait eu plus d’allure avec ce petit retournement de situation final, tout à fait grimdark dans l’esprit. Et puisqu’on parle de conclusion, ce qu’a voulu faire Cawkwell en achevant son propos sur ce que j’interprète comme l’arrivée d’un nouveau monstre dans la mare au canard (mais quel canard), sans plus de précisions ni d’indications sur son origine, m’échappe encore à l’heure actuelle. La nuit porte conseil paraît-il, alors…

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Born of the Storm – E. Albert [40K]:

INTRIGUE:

Born of the StormNotre histoire débute sur une scène peu commune pour une publication de la Black Library: un père lisant une histoire à son fils pour l’aider à s’endormir. Trop choupinet. Chose encore plus rare, l’histoire en question provient d’un vrai livre (avec des pages en plastique tout de même, il ne faut pas déconner), et non pas d’une liseuse, omniprésente dans les ténèbres du lointain futur. Le bouquin est une relique familiale1, et, bien qu’il ne le sache pas encore au moment où le sommeil l’emporte, le jeune Gus va vivre des aventures encore plus extraordinaires que celles contenues dans cet ouvrage à cause de ce dernier.

Quelques années plus tard, nous retrouvons le Cadet Augustin dans un camion de la Garde Impériale, en compagnie de quelques bidasses et d’un Sergent Instructeur convenablement feigneux (un mélange de feignasse et hargneux). Sur le chemin de la caserne, le convoi de conscrits s’arrête brusquement dans une zone urbaine prioritaire, qui se trouve être la banlieue craignos où notre héros a grandi. Jamais au-dessus d’un petit délit de faciès, le Sergent envoie donc le local de l’étape aller lui prendre un kébab au Grec du coin s’enquérir de la cause de cette pause non prévue à l’agenda. Augustin s’exécute, et constate avec horreur que son ancien quartier est en feu, ce qui augure du pire pour son vieux papa, toujours logé dans son petit HLM du 734ème étage (sans ascenseur). Soupçonnant que quelque chose de pas très net se trame, Gus commence à faire évacuer le transport de troupes, mais pas assez vite: une mine explose, puis une autre, et c’est bientôt Bagdad comme en M3 dans té-ci2. La raison de ce remue-ménage est révélée avec l’arrivée d’une troupe de gangers, en ayant après les armes et les munitions transportées par le convoi. Dans leur empressement, les crapules font toutefois l’erreur de ne pas méfier de l’ado hébété qui s’approche d’eux, et balance négligemment une grenade dans l’attroupement, avec des résultats spectaculaires. La Garde meurt mais ne prête pas ses affaires. Cette distraction évacuée, notre héros se précipite vers l’immeuble familial, cherchant sans doute à s’enquérir de l’état de santé de son paternel. On peut déduire de sa tentative, peu concluante, d’aller s’enrôler « pour de vrai » dans la Garde Impériale quelque temps plus tard, serrant seulement un livre roussi dans ses bras, que Papa Gus s’est fait fumer, un destin malheureusement trop commun dans les cités sensibles. Et si Augustin ne parvient pas à passer le stade du premier entretien, c’est parce que l’officier recruteur commet l’erreur de lui confisquer son précieux bouquin et de le balancer dans l’incinérateur en guise de bizutage, ce qui est mal pris par le volontaire, qui à défaut de se faire engager se fait enragé. Résultats: 72g de CO2 émis, 149 jours d’ITT cumulés pour le personnel de la station, et un Gus en attente d’exécution. Sa performance remarquable attire toutefois l’œil et la sympathie d’un officier de l’Astra Militarum (car oui, on parle aussi du Militarum dans cette nouvelle), qui redirige le jeune caïd vers une autre destination…

Envoyé sur Mars avec d’autres fortes têtes, Augustin a l’insigne privilège de se faire transformer en Space Marine Primaris, processus flou et douloureux, au cours duquel il perd progressivement tous ses souvenirs de sa vie terrane, et jusqu’à l’image de son propre père3. Nous reprenons contact avec notre héros à la toute fin de son parcours d’initiation, alors que lui et les cinq autres recrues ayant survécu aux rigueurs de leur entraînement (un peu) et aux plantages successifs de Parcoursup (surtout) sont emmenés dans le désert de la planète rouge pour passer leur dernier test. Il s’agit pour les Novices de rejoindre leur point de rendez-vous armés seulement d’un couteau et équipés d’un respirateur d’une autonomie de deux jours. Entre la faune biomécanique des grandes plaines ocres et les orages électriques qui tournent dans le ciel, les dangers ne manquent pas, mais Augustin réussit brillamment son épreuve d’EPS, en arrivant dans les temps pour la cérémonie de diplomation, qui plus est en portant un camarade attaqué par un Myr grincheux puis par un défibrillateur sur le chemin. Si avec ça, il n’a pas décroché la mention Assez Bien et les 20 euros qui vont avec, c’est à ne rien y comprendre. Bref, notre littéraire hardcore devient officiellement un Fulminator, juste à temps pour… être mis en stase. Il y a de quoi fulminer, pour sûr.

Suite et fin (provisoire) de l’auguste épopée, en vallée sur la planète de Chevreuse, où Gus, désormais Sergent d’une escouade de Reivers, a reçu l’ordre de sécuriser les reliques d’un saint local avant que le cantonnier municipal ne les verse à l’ossuaire, ou quelque autre infâme hérésie. Ayant un rendez-vous à honorer à 6H pétantes dans le cimetière local avec la résistance chevrotine, Augustin voit d’un mauvais œil un maquisard du cru se lancer dans une séance de tir au pigeon chaotique dans les environs immédiats de sa position. Il intervient donc rapidement et fermement pour faire cesser cette nuisance… et nous n’en saurons pas plus. Voilà une bien abrupte conclusion.

1 : Vu les sujets traités par ce recueil, on pourrait même imaginer qu’il s’agit d’une anthologie de la BL ayant traversé les millénaires. Ca ce serait un bel Easter Egg.

2 : D’ailleurs, ça pourrait très bien se passer à Bagdad, la suite de la nouvelle nous permettant d’affirmer qu’Augustin vient de Terra. 

3 : Par contre, je suis prêt à parier qu’il se rappelle toujours du nom de sa maîtresse de CE1. Ca c’est un souvenir inoubliable. 

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AVIS:

Soumission assez intéressante de par son parti pris de suivre la jeunesse et la genèse d’un Space Marine Primaris « historique » (dont la stase millénaire alors que l’Imperium pissait le sang à l’arrière plan me sort toujours par les augmétiques), et faisant montre d’un style plutôt agréable, ce Born of the Storm aurait toutefois gagné à disposer d’une contextualisation plus importante. Ne précisant formellement ni le lieu où (Terra?), ni l’époque à laquelle (M32 ?) elle débute, cette première nouvelle du rookie Albert peut parfois s’avérer obscure pour le lecteur non averti, et je dois confesser que j’ai dû me rendre sur le Lexicanum après avoir terminé cette histoire pour être certain d’avoir tous les éléments de background nécessaires à sa bonne compréhension en ma possession. Exemple gratuit: lorsque l’auteur met en scène le moment où les Fulminators apprennent qu’ils vont être mis en veille prolongée, l’auteur choisit de décrire l’officier qui leur fait passer le mémo comme portant une armure d’un bleu Ultramarine. N’étant précisé nulle part avant cela que le Chapitre d’adoption d’Augustin a une livrée de cette couleur (le nuancier était apparemment trop limité pour la Fondation Ultima), je m’étais imaginé que c’était un Maître de Chapitre Ultramarines, voire Guilliman en personne, qui était venu prêcher la bonne parole et faire passer la pilule parmi les Primaris. Ce qui est au final n’est sans doute pas le cas. Bref, Messieurs/dames les auteurs, merci de penser à vos lecteurs n’ayant pas le fluff infus dans vos écrits, cela évitera de bien fâcheux malentendus. Enfin, et comme dit plus haut, la conclusion-qui-n’en-est-pas-une de la nouvelle fait sérieusement penser qu’Albert a soumis les premières pages de sa novella à venir (Lords of the Storm1), qui traite justement de la sauvegarde des reliques de St Blaise sur Chevreuse par les Fulminators, plutôt que de se donner la peine d’achever proprement ce court format. Pour un auteur et une maison d’édition professionnels, ce n’est pas vraiment acceptable, et vient ternir inutilement une prestation autrement plus qu’encourageante.

1 : En bonus, dans la petite biographie de l’auteur à la fin de l’e-book, on apprend qu’il a écrit pour la BL une nouvelle encore ni annoncée ni publiée, Green & Grey

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Miracles – N. Wolf [HOR-40K]:

INTRIGUE:

MiraclesOuvrier dans une usine fabriquant des chargeurs de fusils laser sur le monde ruche d’Entorum, Jacen Hertz vit le rêve américain impérial dans son petit appartement de fonction, en compagnie de sa femme aimante (Myra) et de ses trois enfants (les jumeaux Markus et Arden et la petite Sophya). N’eut été son amour légèrement immodéré pour la dive bouteille, héritage d’une enfance traumatique qui le laissa orphelin de mère (évanouie dans la nature à la suite de visions psychotiques) et de père (mort de chagrin après le départ de cette dernière), et la fatigue chronique résultant de ses journées de travail de 16 heures, Jacen serait parfaitement heureux. Certes, les rumeurs insistantes de disparitions mystérieuses de citoyens de Praxis (la ruche où habite la famille Hertz) ont créé un climat de suspicion et de paranoïa parmi la population locale, en plus de multiplier les patrouilles – et donc les bavures – d’Enforcers, mais Entorum n’est pas sans connaître son lot de bonnes nouvelles, comme la guérison miraculeuse du mendiant et ex Garde Impérial Guryn Mansk, ayant retrouvé la vue un beau matin après qu’un ange lui ait rendu visite dans son sommeil. Loués soient Saint Jude et l’Empereur.

Un peu plus tard, nous retrouvons notre héros, un peu fatigué par le rythme de travail éreintant que nécessite la réalisation (où la limitation de la non-réalisation) des quotas de production fixés par l’Adeptus Terra, surtout depuis que les disparitions se sont multipliées, et ont forcé l’institution d’heures supplémentaires obligatoires pour compenser l’absentéisme galopant qui touche les forces vives de Praxis. Bref, Jacen a beau faire de son mieux pour produire ses batteries, il est lui-même presque à plat. Ces soucis de productivité deviennent cependant soudainement secondaires lorsqu’une surcharge critique du réacteur à plasma de l’usine se déclare, avec des conséquences catastrophiques pour cette dernière et ses milliers d’ouvriers. Pris dans le souffle de la conflagration, Jacen est visité par une vision, où un ange ayant pris les traits de sa mère lui annonce que l’Empereur l’a choisi pour mener à bien son dessein sur Entorum, et que sa vie sera donc préservée. En échange de cette protection divine, Jacen devra prouver sa dévotion à son Sauveur en sacrifiant sa petite dernière à la cause, seul moyen d’empêcher la planète de sombrer dans l’apocalypse. Les voies de l’Empereur sont décidément des plus impénétrables.

À son réveil dans les décombres de son lieu de travail, Jacen découvre que l’ange a tenu parole, lui seul ayant été épargné par l’explosion qui a réduit l’usine en ruines et ses collègues de chaîne d’assemblage en chiche-kebab. Cette exception statistique lui attire toutefois la suspicion des forces de l’ordre, qui l’interrogent sans ménagement afin de comprendre comment il a pu échapper au funeste destin de ses camarades. Peu convaincu par son explication angélique, l’Enforcer en chef laisse toutefois le bénéfice du doute au témoin assisté, et, au lieu de l’exécuter séance tenante comme son mandat impérial le lui permet (voilà qui doit désengorger les tribunaux et les prisons d’Entorum), le laisse partir avec la vie sauve. Notre héros se trouve toutefois en proie à un dilemme insoluble: exécuter la mission que lui a donné l’ange, dont les chuchotis motivateurs le suivent désormais où qu’il aille, ou prendre le risque de voir sa planète réduite en cendres, comme révélé dans le teaser visionnaire auquel il a assisté?

Début spoilerDe retour chez lui, Jacen prend la décision d’agir pour le bien commun, et, après avoir englouti une bouteille d’amasec pour se donner du courage, va border Sophya pour la dernière fois. Manque de pot, les protestations – fort légitimes – de cette dernière attirent l’attention de Myra, contraignant l’Abraham du 41ème millénaire à faire un tir, ou plutôt un prélèvement (l’ange ayant spécifiquement demandé s’il avait du cœur), groupé. Son sombre forfait accompli, Jacen demande un accusé de réception à son commanditaire, et la preuve qu’il a véritablement préservé Entorum de la catastrophe. À cela, l’ange répond qu’elle a une bonne et une mauvaise nouvelle. La mauvaise est qu’elle s’est jouée de la crédulité de notre héros, et que les meurtres commis par ce dernier, comme ceux perpétrés par les autres citoyens de Praxis auxquels elle a offert ses « services » (dont l’aveugle Guryn Mansk, qui s’est jeté sous un car scolaire, dévoré par le remords devant son acte monstrueux) ont au contraire servi les desseins génocidaires de l’entité démoniaque que l’ange se révèle être au final. Mais la bonne nouvelle est que Jacen a pu enfin reprendre contact avec sa chère maman, qui n’est autre que la psyker que le démon en question a possédé après que ses visions apocalyptiques l’aient mené à tuer son mari et à quitter le domicile familial. C’est sur ce triptyque Travail – Famille – Batterie (de fusil laser) que se termine l’histoire (et probablement la vie) de Jacen Hertz, l’homme qui en avait trop vu et bu.Fin spoiler

AVIS:

Fort belle soumission de la part de Nicholas Wolf que ce Miracles, qui parvient, à la différence de beaucoup d’autres histoires estampillées Warhammer Horror, à distiller une atmosphère réellement oppressante et angoissante, en exploitant quelques tropes du genre (la vision angélique dévoyée, les chuchotements/apparitions que seul le héros perçoit, le dilemme insoluble dont la résolution fait sombrer dans la folie…) de façon très efficace. De la même façon, le choix de l’auteur de choisir un citoyen lambda de l’Imperium comme protagoniste, et de le confronter à toute l’horreur gothique de Warhammer 40.000, donne des résultats convaincants. Cerise sur le gâteau, la petite révélation finale sur l’identité de l’entité qui a pris Jacen sous son aile permet de clôturer le récit de fort dérangeante manière, en plus de souligner l’un des concepts forts du fluff de la franchise, que Wolf maîtrise assez pour exploiter avec talent ses caractéristiques les plus dérangeantes et morbides. Bref, une vraie réussite que cette seconde nouvelle (la première étant Reborn1) du nouveau venu Wolf, qui mérite d’être suivi au cours des mois à venir.

1 : Et la troisième, encore une fois fuitée par la biographie de l’auteur à la fin de l’e-short, Negavolt.

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To Speak as One – G. Haley [40K]:

INTRIGUE:

To Speak as OneAlors qu’il attend l’arrivée prochaine d’un collègue de l’Ordo Xenos sur une station prison inquisitoriale abandonnée orbitant autour de la planète Otranti, l’Inquisiteur Cehen-qui reçoit une missive émanant de Belisarius Cawl en personne, lui intimant l’ordre de remettre le Xenos retenu prisonnier dans la station de correction investie par lui et son équipe. Peu habitué à recevoir des ordres, quand bien même ils proviendraient d’une sommité galactique telle que l’Archimagos Dominus, et aient été contresignés par Guilliman en personne, Cehen-qui informe sa fine équipe d’acolytes (l’être à tout faire Callow, le porte-flingues livre1 Valeneez, le Magos hipster – Frenk – Gamma et la serpentiforme et mal réveillée psyker ShoShonai) qu’il n’a aucune intention de coopérer, et qu’il défendra son bien jusqu’à la mort… de tous ses suivants, et même la sienne si on en arrive jusque là. L’arrivée soudaine d’un vaisseau de l’Adeptus Mechanicus va lui donner l’occasion de mettre à l’épreuve sa résolution farouche.

À bord du croiseur de l’Omnimessie, élégamment nommé 0-101-0, nous faisons la connaissance du reste du casting de la nouvelle, constitué de l’Archiviste Primaris Alpha Primus, qui déteste tout et tout le monde (mais a un faible pour la confiture d’albaricoque) et d’un clone de Cawl, Qvo-87. Chargés par leur patron de lui ramener le sujet de ses désirs afin qu’il puisse continuer ses expériences, les deux larrons cohabitent difficilement du fait de leur différence de caractère. Si Primus est gai comme une porte de prison qui viendrait de perdre sa famille dans un accident de voiture, Qvo-87 est gai comme un pinson (Cawl a dû intégrer le coffret collector des Grosses Têtes dans sa banque de données internes), et même si ses boutades tombent systématiquement à plat, il ne se départit jamais de sa bonne humeur, qui énerve Primus au plus haut point. Comme tout le reste d’ailleurs. Confiant dans la capacité de son vaisseau à sortir vainqueur d’un échange de tirs avec la station où est retranchée la suite inquisitoriale, mais souhaitant laisser un chance à son interlocuteur de régler l’affaire à l’amiable avant de passer aux choses sérieuses, Qvo opte pour une approche diplomatique, mais envoie tout de même son stoïque collègue aborder discrètement le complexe, ce qu’il fait à la Roboute (comprendre qu’il se jette dans le vide depuis son vaisseau et rejoint sa cible à la nage). Grand bien lui en fait car les négociations avec Cehen-qui se révèlent rapidement infructueuses, et l’inévitable bataille spatiale s’engage après que les deux camps aient conclu à un accord sur leur désaccord…

Début spoilerL’affrontement tourne, comme prévu par ce dernier, rapidement en faveur de Qvo, qui décide de pimenter les choses en percutant la station afin d’accélérer sa chute vers la surface d’Otranti. Surpris et condamné par cette manœuvre, Cehen-qui n’a d’autres choix que d’ordonner l’évacuation de sa planque, non sans avoir récupérer le psyker Aeldari qu’il pense être la cible du Mechanicus… Sauf qu’il y a eu un malentendu fâcheux au niveau du communiqué envoyé par Cawl: l’Archmagos n’est pas le moins du monde intéressé par les capacités cognitives des Zoneilles, mais convoite la crête d’un Cryptek, oublié dans une des cellules du complexe inquisitorial au moment de sa première évacuation. Cela n’empêche évidemment pas Primus de faire le coup de feu au bénéfice des malheureuses troupes de choc qui croisent sa route, mais facilite grandement le travail de collecte de l’inflexible Archiviste, jusqu’à ce qu’il se retrouve nez à nez avec ShoShonai, la psyker de compagnie de Cehen-qui. Alors que le Primaris se prépare à une partie sans pitié de Mastermind, il a la surprise d’entendre son vis à vis solliciter son aide, qui consisterait en une euthanasie rapide. Et pour cause, sous son grand chapeau, Tata Shosho ne cache pas un grelot, mais un symbiote tentaculaire fermement accroché à son occiput. Et là où ça devient intéressant, même pour le suprêmement blasé Primus, c’est que c’est le Xenos qui demande à ce que l’on mette fin à ses services (probablement de disque dur externe), car c’est lui qui a été réduit en esclavage par ce radical de Cehen-qui, malgré des apparences trompeuses. Toujours prêt à rendre service à son prochain, surtout si cela implique un peu de xenocide, Primus met à profit son Magnificat et ses tendons d’acier pour broyer à main nue le parasite exploité, avant de finir le travail d’une rafale de bolts lorsque ShoShonai fait mine de lui chercher des noises. Ceci fait, il se téléporte sur 0-101-0, et repart avec son crispant sidekick pour de nouvelles aventures, laissant Cehen-qui et ses sbires réaliser avec effroi et outrage qu’ils se sont faits balader comme des cadets par les envoyés spéciaux de Cawl. Y a plus de respect, que voulez-vous.Fin spoiler

1 : J’en aurais bien dit plus à son sujet, mais il ne fait littéralement que ça d’utile au cours de la nouvelle.  

AVIS:

Nouvelle intéressante de la part du vétéran Haley, non pas par son intrigue, mais bien par son ton, qui, à ma grande surprise, s’est révélé flirter sans complexe du côté de la pastiche. Qu’il s’agisse de l’Inquisiteur Cehen-qui, éminence grise foncée aussi hautaine que précieuse, et qui n’aurait pas détonné comme méchant dans un sous James Bond philippin, ou du binôme de choc Alpha Primus (Bourriquet dans un corps de psyker Primaris) et Qvo-87 (Kev Adams dans un corps d’Archimagos), les personnages de To Speak as One manient la petite blague aussi facilement que le bolter, ce qui place cette nouvelle à part de l’écrasante majorité du corpus de la Black Library. Le résultat final, s’il est assez plaisant, n’est donc pas à mettre entre toutes les mains. Passée cette remarque introductive, cette soumission de Guy Haley gagnerait peut-être à être mise en relation avec les autres écrits que notre homme a consacré au Dark Imperium, afin de pouvoir établir si les personnages présentés ici se retrouvent ailleurs. Si c’est le cas, cela pourrait expliquer pourquoi l’auteur ne se donne pas la peine d’introduire convenablement Primus et Qvo, que le lecteur ne pourra identifier comme mari et femme Primaris et Replicae qu’au bout de quelques paragraphes. Primus reste malgré tout assez mystérieux, ni son Chapitre d’appartenance, ni les raisons qui expliquent son rattachement au service de Cawl, n’étant abordés au cours du récit. Enfin, on peut (en tout cas, je le fais) reprocher à Haley la légèreté avec laquelle il met en scène son twist final « principal », qui est à mes yeux celui d’après lequel la nouvelle a été baptisée, ou en tout cas qui aurait dû l’être compte tenu de ce choix. Quand le lecteur apprendra le fin mot de l’histoire à propos de cette double parole (To speak as one: parler d’une seule voix), il sera en droit d’être un peu déçu par la micro révélation apportée par ce développement, le « vrai » retournement de situation étant tout autre. Pinaillage peut-être, mais on ne bâcle pas un choix de titre, Mr Haley.

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Au final, ce Summer of Reading 2019 aura été plutôt qualitatif, et aura permis de vérifier que la jeune garde de la Black Library avait du répondant. D’un point de vue personnel, mes favoris sont ainsi les soumissions de Wolf et Dicken, podium complété par la mignardise à l’Imperium noir commise par Guy Haley. Bien que le rapport qualité-prix de ce genre de package reste inférieur à ce que le lecteur peut obtenir en attendant la sortie d’une anthologie, je ne regrette donc pas mon achat et aurai sans doute plaisir à retenter l’aventure dans un an, ou pourquoi pour le Black Library Advent Calendar, qui propose rien de moins que 24 (ou peut-être 25) nouvelles et audio short pour attendre Noël. Nous verrons bien.

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WARCRY: THE ANTHOLOGY [AoS]

Bonjour et bienvenue dans la revue critique de Warcry : the Anthology, un recueil de nouvelles dédié, de manière trèèèès originale, au jeu d’escarmouche chaotique récemment sorti par Games Workshop. Se déroulant en périphérie de la Varanspire, dans ce qui peut être considéré comme les Désolations Nordiques du Vieux Monde pour Age of Sigmar, Warcry remet au goût du jour de vieux (Mordheim), voire très vieux (Path to Glory), voire carrément anciens (Chaos Marauders1) concepts de GW, qui, s’il a souvent insisté sur la nature belliqueuse et autodestructrice du Chaos, a généralement préféré donner à ce dernier des adversaires appartenant à d’autres factions plutôt que d’explorer les guerres intestines et incessantes opposant ses fidèles les uns aux autres.

Comme beaucoup de vétérans nostalgiques (pléonasme ?) je pense, j’ai accueilli l’annonce de la sortie de Warcry avec une curiosité bienveillante, le parti pris de GW de développer un pan entier du fluff des Royaumes Mortels en mettant le projecteur sur des bandes d’adorateurs de l’octogramme, et personne d’autre (du moins dans un premier temps), apparaissant à la fois comme une décision un peu osée et une déclaration d’intention envers les plus vieux fans de la maison, sans doute plus sensibles à cet appel du pied venant flatter leur attachement au background du Chaos (l’une des rares constantes fluff ayant survécu à la disparition du Monde qui Fut) que les nouveaux venus biberonnés aux Stormcast Eternals, Sylvaneth et autres Idoneth Deepkin. Maintenant que le produit est entre nos mains fébriles, et alors que les premières parties sont jouées et les premières campagnes organisées, je n’avais guère le choix que de donner sa chance à l’anthologie accompagnant la première vague de plastique siglé Warcry afin d’ajouter ma petite pierre au cairn du retour d’expérience, plutôt positif à ce qu’il m’a semblé, de la communauté.

Warcry_The Anthology (AoS)

Comme d’habitude, il s’agira pour moi de vous faire découvrir le contenu des six nouvelles (une pour chacune des bandes d’adorateurs du Chaos que compte le jeu à son lancement) de ce recueil, autant au niveau de leur intrigue que de leurs apports en termes de background (ce qui est particulièrement intéressant pour Warcry, dû au fait que le jeu ne dispose que d’un livret de règles pour poser les bases de son « univers »). Vous aurez également la chance ou le déplaisir de connaître mon avis sur ces courts formats, rédigés par six auteurs que les habitués de la BL connaissent bien, mais qui ont fait pour certains d’entre eux leurs premiers pas sous les soleils des Royaumes Mortels avec cet omnibus. Gardant ce contexte en tête, je m’efforcerai d’établir pour chaque soumission si elle répond de manière convenable aux attentes que le hobbyiste est en droit de nourrir à son égard, à savoir : communication d’éléments sur le background de la faction mise en avant, éclairage sur ses motivations à se rendre dans le Bloodwind Spoil, relations avec les autres bandes baguenaudant dans le bac à sable d’Archaon, ou encore rapports entretenus avec le concept de Chaos, sensé être le dénominateur commun entre culturistes en scaphandre de combat, barbares zoophiles, artistes martiaux masqués ou encore ornithologues ravagés du bulbe. Prenez donc place, le direct pour Carngrad est sur le point de partir…

: Bon, ok, c’était un jeu sur un Warboss Orc essayant de montrer au monde qu’il avait la plus grosse… armée. Mais le nom est tout à fait dans l’esprit.

Warcry_The Anthology

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The Harrower – D. Annandale :

INTRIGUE:

Nous suivons Gravskein, Bienheureuse Unmade menant sa petite bande de cannibales écorchés dans les désolations du Bloodwind Spoil à la recherche de la mythique Tour Festive (Tower of Revels). Si Gravskein tient tant à mettre la main faucille sur ce bâtiment en particulier, c’est que ce dernier occupe une place centrale dans les croyances de sa faction, ayant été conquis il y a de cela fort longtemps par le légendaire Roi Ecorché, qui initia son peuple de bobos intellos coincés aux joies de l’automutilation après une virée sauvage dans les Eightpoints. Ayant malheureusement omis de prendre une carte avec eux dans ces temps héroïques, les Unmade ne connaissent plus l’emplacement de cet HLM mythique et chargent donc leurs guerriers les plus prometteurs d’en retrouver le chemin. Persuadée qu’elle sera celle qui parviendra à ramener la Tour dans le giron des résidents de Tzlid, Gravskein suit donc les visions qu’elle reçoit de temps à autre lorsqu’elle passe en mode veille (difficile de dormir quand on n’a plus de paupières), accueillant chaque nouvelle déconvenue et rencontre mortelle avec fatalisme et bonne humeur. Voilà pour le cadre de notre histoire.

Après avoir bénéficié d’un flashback inaugural, permettant au lecteur de découvrir la façon dont l’héroïne a gagné ses galons et ses moignons1, suite à un accrochage sanguinolent avec une bande de morts vivants menés par un Dragon de Sang et son loup funeste de compagnie, nous accompagnons nos joyeux masochistes dans leurs tribulations désertiques, leur goût pour la chair humaine leur permettant de se sustenter en toutes occasions dès lors que l’un d’entre eux éprouve un petit coup de mou. Guidée par une précédente vision, l’enjoignant à rechercher le poison, Gravskein décide d’interpréter cet augure en remontant le cours aride d’une rivière polluée, malgré les soupirs défaitistes de son second, le (finalement pas très) Joyeux Bulsurrus. Etant parvenu à tracer l’origine de l’onde amère, les Unmade s’engagent dans une prairie herbeuse et très inhospitalière, du fait de la nature carnivore de sa végétation. Fort heureusement, la formation et l’équipement de derviche tondeuse de leur meneuse, qui se met à tourner sur elle même en fauchant la verdure comme une moissonneuse batteuse de Khorne, permettent aux survivants de se sortir de ce gazon maudit, et d’arriver dans les ruines d’une cité, où ils trouvent les cadavres d’une autre bande Unmade. Après un petit buffet froid pour se remettre de leurs émotions, Gravie (qui a looté un cor relique sur la dépouille du chef des défunts2) et ses sidekicks poursuivent leur route, la rasade prise par cette grande folle de Bienheureuse à la fontaine empoisonnée de la ville lui ayant apporté une nouvelle vision des plus encourageantes.

Leur chemin les mène à travers une sorte d’arène jonchée de cadavres et d’armes abandonnées, où ils tombent bien évidemment dans une embuscade. Ce sont ces fourbes de Splintered Fang qui leur tombent sur la couenne, et l’usage pas vraiment fair play de lames empoisonnées prélève un lourd tribut dans les rangs des Unmade. Encore sous l’effet de sa potion magique, lui ayant donné une immunité à toutes les substances toxiques moins agressives que le Novitchok, Gravskein aux mains d’argent prend ses responsabilités et démarre l’enchaînement de Flashdance jusqu’à rester seule maîtresse du dance floor (ce qui prend assez peu de temps quand on a des lames et pas des pattes d’ef au bout des jambes). Réduite à un trio, la bande de guerre finit cependant par (enfin) arriver en vue de son objectif. Léger problème, la Tour Festive est occupée par une garnison Splintered Fang, et les Unmade plus assez nombreux pour pouvoir espérer les déloger.

Gravskein est toutefois allée trop loin pour faire demi-tour maintenant, et se lance donc à l’assaut en hurlant comme une banshee. Zigzagant entre les flèches, elle finit par se jeter dans la rivière qui coule jusqu’au pied de la tour, Bulsurrus à sa suite, et parvient à retenir sa respiration assez longtemps pour déboucher jusqu’au niveau inférieur de cette dernière, malgré le pH non euclidien et les substances innommables du cours d’eau. S’étant sans doute insensibilisée en nageant dans la Seine étant petite, Gravskein s’extrait du bassin intérieur, et réalise que la mythique Tour Festive est en fait une vulgaire station de traitement des eaux, qui fonctionne assez mal maintenant qu’elle est squattée par les cultistes du Splintered Fang. Comme quoi, la réalité est toujours enjolivée. Mais maintenant qu’elle est là, autant finir le boulot. Laissant cette petite nature de Bulsurrus cracher ses poumons près du pédiluve, la Bienheureuse se fraie un chemin sanglant jusqu’au sommet de la Tour, en prenant le soin d’initier les cultistes qu’elle croise aux joies du toboggan hématique (c’est comme un toboggan aquatique, mais avec du sang, généralement le vôtre), non sans avoir effectué quelques réglages de bon aloi dans la salle des machines auparavant. Pas pour rendre aux eaux de la rivière leur pureté originelle, bien sûr (on n’est pas chez les Sylvaneth ici, baby), mais pour diminuer la léthalité du poison qui y coule, afin que ceux qui en boivent puissent expérimenter la glorieuse souffrance qui est le lot des Unmade. Bref, diarrhée pour tout le monde !

Ceci fait, Gravskein redescend ramasser Bulsurrus, qui a bien mérité de passer sa retraite (2 jours) avec un panorama digne de ce nom sur le Bloodwind Spoil. C’est un bonheur bien fugace cependant, une nouvelle bande de guerre se présentant rapidement à la porte de la Tour pour en prendre possession, sûrement pas content de l’état dans lequel les bidouillages de Gravskein ont mis leurs pantalons. Qu’importe, la Bienheureuse a accompli sa destinée, et accueille les challengers avec la fameuse Horn Intro de Modest Mouse avant de lancer Dancing Queen sur sa boom box. Let’s jive, boys & girls.

: La philosophie Unmade se rapprochant assez de celle de l’Adeptus Mechanicus, en délestant ses adeptes de leurs parties charnues au fur et à mesure qu’ils progressent dans la hiérarchie. La différence principale étant le refus catégorique du recours à l’anesthésie des Unmade.

2 : Dont on se demande bien comment elle arrivera à en sonner. À côté de ça, jouer du violon avec des gants de boxe, c’est easy peasy.

AVIS:

Sur la lancée de sa Danse des Crânes, Annandale continue de progresser et d’impressionner le lecteur dubitatif envers sa prose que j’étais. Je n’ai en effet pas pu prendre en défaut The Harrower par rapport au cahier des charges que je m’étais défini pour cette première anthologie Warcry. Du fluff sur les Unmade ? On en a, et plutôt deux fois qu’une. Sont abordés les sujets de la philosophie particulière de cette faction de masochistes cannibales (et comme vous vous en doutez, il y a des choses à dire) ainsi que leurs motivations à déambuler paisiblement dans les étendues du Bloodwind Spoil. En bonus, et contrairement à la majorité de ses camarades, David Annandale fournit quelques éléments sur l’histoire de ses petits favoris, menés sur le chemin de la déchéance et du don d’organes par la figure tutélaire du Roi Ecorché. De l’action « chaotique » (à ne pas confondre avec de l’action chaotique, la spécialité de notre ami Andy Smillie) ? Là aussi, la maison Annandale régale, les tribulations de Gravskein et consorts portant la marque – sans doute gravée au fer rouge, vu les penchants coupables des Unmade pour la simulation synaptique – des Dieux Sombres, cocktail entêtant de sang, de fanatisme et de folie. La petite bande d’écorchés vifs s’en prend plein la poire du début à la fin de sa quête, ce qui leur donne pleinement l’occasion de mettre en pratique les tenants de leur foi douloureuse.

En outre, dans sa construction elle-même, The Harrower tient bien la route, la quête mystique de Gravie & Cie bénéficiant de la dizaine de pages additionnelles par rapport à la longueur classique d’une nouvelle BL pour gagner en profondeur (flashback à l’appui) en intensité et en variété. Le grand final dans la Tour Festive ne vole ainsi pas son nom, le lecteur ayant été convenablement préparé par l’auteur à cette ultime épreuve attendant les survivants Unmade, et n’a donc pas l’impression que la quête de ces derniers a duré 2h35, ce qui arrive assez souvent lorsque les lignes viennent à manquer. Finalement, l’ouverture qui vient terminer le récit, parce qu’elle souligne toute la vacuité des agissements des suivants des Dieux Sombres, achève sur une touche grimdark tout à fait bienvenue cette soumission fort solide.

On passera avec indulgence sur certains aspects pratico-pratiques (certains diront secondaires) non explicités par Annandale, comme la mobilité et la dextérité merveilleuse de son héroïne, dont l’absence de mains et de pieds devrait pourtant compliquer bien des choses, comme le simple fait de se mettre debout et manger, sans parler de jouer du cor (allez jeter un œil sur la figurine de Blissful One pour vous en convaincre). C’est cette même Gravskein qui a soloté un Vampire à cloche-pied cela dit, ce qui en dit long sur sa motivation et son acharnement. Ces quelques incohérences sont toutefois très mineures par rapport au reste de la soumission de David Annandale, qui fixe avec The Harrower son record personnel de lisibilité. Vous pouvez fav.

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The Method of Madness – P. McLean :

INTRIGUE:

The Method of MadnessQuittant le confort de ses quartiers de Nochseed, le Thrallmaster Vignus Daneggia entraîne ses Hands of Darkness (qui ne sont pas un groupe de doom metal) jusque dans les bas-fonds de Carngrad, afin de mettre en œuvre le plan subtil que son esprit malade a concocté pour attirer l’attention d’Archaon. Désireux d’obtenir le poste convoité de maître espion et chef des assassins de l’Elu des Dieux, Daneggia a grand besoin de gagner en visibilité auprès de ce dernier, ses innombrables envois de candidatures spontanées (on est civilisé à Nochseed) étant restées sans réponses à ce jour. C’est ainsi que le Thrallmaster et son staff entrent dans la cité pillarde, et se fraient (difficilement, les rues étant trop étroites pour la limousine du boss) un chemin jusqu’à une forge du district de la chair, où ils sont accueillis à bras ouverts crucifiés par le maître des lieux, qui accepte rapidement de leur laisser la pleine jouissance de ses locaux. Las, la réception n’est pas partout aussi chaleureuse pour les exilés d’Hysh, une bande de coureurs de toits ne trouvant rien de plus malin que d’arroser la petite troupe de carreaux alors qu’elle explore les environs, ce qui donne l’occasion à la Mirrorblade de Vignus, Calcis, et à ses apprentis, de s’illustrer de bien sanglante façon. Ce petit interlude permet également au Thrallmaster de commencer à réseauter, et à identifier les puissants de Carngrad, qui pourront l’aider à se mettre en relation avec le Haut Courtisan Claudius Malleficus, pour lequel il a un cadeau un peu particulier…

Au fil des jours qui suivent, les séides de Vignus lui taillent un empire dans son district d’adoption, à coups de glaive et de chakrams pour le trio de Mirrorblades, et à grand renfort de bombinettes à fumée hallucinogène pour sa Luminate (Palania). De son côté, le Thrallmaster déballe son matériel d’alchimie et s’emploie à concocter un cocktail des plus relevés, à destination de ce cher, mais pour le moment inatteignable, Mauvais Ficcus. Ce n’est qu’après avoir atteint la barre des trois chiffres sur le compteur de massacre que Calcis et ses padawans finissent par mettre la main sur un individu digne d’intérêt, extrait manu militari d’une maison de jeu au bec et au jabot de la Cabale Corvus. Notre homme, un digne marchand d’esclaves du nom de Nasharian, est invité à une dégustation privée des dernières concoctions de Vignus, pour lesquelles il ne peut que fondre (littéralement). Le but de la manœuvre, pour notre intrigant Thrallmaster, est de récupérer la peau du visage de son hôte, dont le malheur était d’avoir ses entrées au Palais des Serres, afin d’usurper sa place et d’introduire le Cypher Lord à ses amis hauts placés. Ceci fait, Vignus retourne prestement dans son QG, où il doit préparer le baril de vin de feu de Nochseed qu’il a promis au minordome de Malleficus pour le soir même.

Un peu plus tard, et ayant troqué son masque de chair par son, beaucoup plus seyant, masque d’argent, Vignus retourne au Palais avec son précieux chargement de sangria, qu’il présente à la majordome (il a gagné en importance) du Haut Courtisan. Advient alors une cocasse mésaventure, lorsqu’Alfreda exige qu’il goûte devant elle le cru afin qu’elle puisse s’assurer qu’il n’est pas empoisonné (comme dit le proverbe, il faut le boire pour le croire). Vignus, qui pensait que la recommandation de feu Nafarian suffirait pour que son présent soit accepté, commence à suer sous son argenterie, n’ayant pas prévu d’ingérer sa propre création, dont il connaît trop bien les effets secondaires indésirables. Sans autre échappatoire, il siffle donc un petit verre et s’en retourne fissa à son laboratoire, où il passe la plus longue nuit de sa vie à concocter un antidote au poison, luttant contre la folie qui menace de l’engloutir à tout instant. Saleté de delirium tremens.

Ce menu désagrément valait toutefois la peine pour Vignus, puisqu’il reçoit quelque jour plus tard la visite de la majordome de Malleficus, qui l’implore de lui fournir un nouveau baril afin de satisfaire l’addiction que son maître a développé pour le nectar de Nochseed. Le Thrallmaster accepte, encaissant quelques espèces sonnantes et trébuchantes au passage, et finit par obtenir l’audience qu’il convoite auprès du Haut Courtisan lors du deuxième passage de réapprovisionnement du staff de ce dernier, dont la dépendance envers le vin de feu va croissante. Introduit en tant qu’hôte de marque dans la cour de Malleficus, à présent épave avinée, hallucinée et incontinente grâce à la potion magique du Thrallmaster, Vignus n’a plus qu’à tendre la main pour que lui soit remis le bâton de général des armées du Courtisan. Sa première action est de rendre une visite de courtoisie au squat de ces pestes de cabalistes, responsables entre autres maux de la mort de l’un des apprentis Mirrorblades des Hands of Darkness, en compagnie de ses nouveaux copains. Une fois les corbeaux plumés, Vignus accomplit à Carngrad ce que Ra’s al Ghul n’a pas pu faire à Gottham : empoisonner le réseau d’eau courante avec son poison hallucinogène, pour des résultats sans doute spectaculaires (la nouvelle s’arrête à ce moment, sur une petite comptine récitée par le Thrallmaster, qui avait sans doute besoin de repos), mais peut-être pas. On est à Carngrad après tout, tout le monde est déjà fou…

AVIS:

Des six nouvelles que compte l’anthologie Warcry, je dois reconnaître que The Method of Madness s’est avérée être ma préférée. Comme pour les autres soumissions de cet ouvrage, la présentation détaillée de la bande confiée à McLean par ce dernier a évidemment joué dans mon ressenti, et je ne pourrais trop conseiller au hobbyiste souhaitant en savoir plus sur les mystérieux Cypher Lords de s’atteler à la lecture de cette nouvelle. Du misérable Mindbound au majestueux Thrallmaster, en passant par les Mirrorblades et les Luminates, McLean décrit en détail le rôle que chacun joue dans l’écosystème bien réglé qu’est une bande de guerre de Nochseed. L’agenda poursuivi par les envoyés d’Hysh est également explicité, et la quête entreprise par ce vieux brigand de Daneggia n’en apparaît que plus capitale. Au fil des victoires et des obstacles que rencontrent les Hands of Darkness à leurs grands projets d’ascension sociale, McLean réussit en outre à nous les rendre plutôt sympathiques, la fibre familiale de Calcis et le coup de folie passager de Daneggia humanisant quelque peu des individus par ailleurs totalement abjects. On peut également noter que les fameuses méthodes utilisées par la cabale masquée (ohé ohé), parce qu’elles diffèrent profondément de ce qu’on a l’habitude de voir et de lire de la part de séides des Fab Four, risquent fort de piquer l’intérêt du lecteur même le plus blasé. On savait de longue date que Jean-Kévin Chaos cartonne en EPS (surtout en boxe française en escrime médiévale), on sait maintenant qu’il se débrouille aussi en physique-chimie, et que ses ateliers œnologie et rhétorique sur l’heure du midi ont également porté leurs fruits.

En plus de cela, la bonne idée de Peter McLean aura été d’offrir au lecteur une visite guidée de la cité de Carngrad, métropole chaotique placée sur la carte à l’occasion de la sortie de Warcry (à ma connaissance), et reflet perverti des Hammerhal, Greywater Fastness et Excelsis sigmarites. Pour qui s’intéresse au fluff d’Age of Sigmar, l’existence de Carngrad est une information capitale, et une des clés à la réponse de nombreuses questions « pratiques » se posant pour les hordes du Chaos, dont l’existence même n’était pas sans poser d’épineux problèmes démographiques, économiques et logistiques depuis les temps reculés de Warhammer Fantasy Battle. Savoir qu’il existe des agglomérations affiliées aux Dieux Sombres permet ainsi de limiter le recours au TGCM, ce qui est toujours appréciable. Les nombreux éléments de fluff donnés par McLean sur la cité pillarde permettent en outre de se faire une image assez précise et colorée de cette dernière, qui sera je l’espère complétée et enrichie par les publications des GW et de la BL dans les années à venir.

En conclusion, The Method of Madness est une vraie bonne nouvelle (haha), qui justifierait à elle seule l’achat de cette anthologie. McLean ne rate décidément pas ses débuts dans Age of Sigmar, et démontre qu’il est un des nouveaux auteurs sur lesquels on peut et devra compter pour porter haut les couleurs de la BL. Affaire à suivre…

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The Devourer’s Demand – B. Counter :

INTRIGUE:

Fraîchement débarqués depuis leur savane natale dans le Bloodwind Spoil, les guerriers Untamed Beasts de la tribu du Venom Fang livrent bataille à une cohorte d’Unmade dont le tort aura été d’ériger des murets autour de leur camp de base. Car les murets, comme toutes les constructions en dur d’ailleurs, C’EST PAS CHAOTIQUE. C’est en tout cas le credo des Beasts, qui vénèrent le Chaos sous la forme du Dévoreur, une sorte de Taz haïssant les tours, les murs et les couronnes. Chacun son trip. Parmi les combattants Venom Fang, la caméra se braque sur notre héros, le jeune gringalet Thornwinder, toléré dans l’expédition car il fallait bien que quelqu’un meure en premier, et quitte à tout prendre, autant que ça soit lui (grosse ambiance chez les Untamed Beasts). Bien décidé à prouver sa valeur, Thornwinder se rue à l’assaut des écorchés vifs, et parvient à terrasser leur meneur en lui grignotant la trachée, ce qui lui vaut le respect du reste de la tribu et lui permet d’obtenir son pins de blood courser, décerné par l’Ancien (28 ans) Speartongue en personne.

Quelques mois plus tard, nous retrouvons Thorny en pleine chasse d’une proie un peu particulière, le drac de sang Harrow. Cette créature mythique autant qu’hémophile est considérée par les Untamed Beast comme une incarnation du Dévoreur, et c’est donc tout naturellement que notre héros, toujours poursuivi par son complexe d’infériorité, souhaite la buter pour prouver ses talents de chasseur. Si la traque en elle-même n’est pas compliquée, les flaques de sang et les arbres renversés par le gros lézard permettant de suivre sa trace sans difficultés, Thornwinder sait bien que Harrow est plus malin qu’il n’y paraît, et qu’il lui faudra une stratégie imparable pour espérer triompher. Ayant rattrapé sa proie et pris une position idéale pour lui balancer sa sagaie dans les branchies, le blood courser a toutefois la désagréable surprise de voir son gibier réussir son test d’Initiative (et au vu des conséquences de ce dernier, il a du faire -39 au dé), attraper sa lance au vol et la recracher avec une moue dédaigneuse. Gloups. Les rôles étant inversés, Thornwinder réussit in extremis à échapper à son destin de poche à sang pour Harrow en plongeant dans une cascade scintillante, dont le glitter le rend à moitié aveugle.

Littéralement repêché par ses comparses alors qu’il flottait le ventre à l’air dans son bassin, Thornwinder se requinque doucement au campement du Venom Fang, mais ses problèmes de d’énervement lui jouent un vilain tour lorsque, vexé de se faire gourmander par l’Ancien (28 ans et 4 mois) Speartongue, qui voit d’un mauvais œil la chasse d’une espèce protégée, Thornwinder pique une crise et lui fait une tête au carré. Je précise bien au carré, et pas au cube, car quand il en eut finit avec Papy Mougeot, le contenu de la boîte crânienne de l’ancêtre était étalé en deux dimensions. Banni par sa tribu en punition de ce méfait, Thorny erre dans les étendues sauvages du Bloodwind Spoil jusqu’à ce que ses visions enfiévrées le ramènent à l’endroit de la bataille contre les Unmade, et à la tête du champion qu’il a vaincu, laissée à pourrir sur une pique. De façon tout à fait naturelle, cette dernière commence à lui parler, ranimant la flamme de sa motivation, et faisant même office de potion de vie (un peu galère à ouvrir, ceci dit), permettant à notre héros, complètement aliéné à ce stade, de reprendre la chasse de Harrow, et, cette fois, d’en venir à bout (d’une façon particulièrement peu subtile et gore).

Fort de ce haut fait, et bénéficiant manifestement du patronage d’une quelconque entité démoniaque, Thornwinder retourne frapper à la porte (façon de parler, ce n’est pas une technologie qu’ils maîtrisent) des Venom Fang, et s’impose rapidement comme le chef de la tribu, massacrant tout ceux qui osent se mettre sur son chemin (et allant jusqu’à déterrer le cadavre de l’Ancien – 28 ans, 4 mois, 2 jours, 12 heures, 23 minutes et 8 secondes – Speartongue pour se faire une ceinture avec sa peau). Son règne sanguinaire s’achève toutefois brutalement lorsqu’au cours d’un accrochage avec une bande d’Iron Golems ayant eu le malheur de vouloir bâtir une résidence secondaire dans le Bloodwind Spoil, il réalise brusquement que le simple concept de tribu est déjà trop organisé pour le Dévoreur, et qu’il est de son devoir d’y remédier. Ce qui le conduit à massacrer aussi bien ses alliés que ses ennemis, qui finissent par faire front commun pour mettre hors d’état de nuire ce psychopathe, même du point de vue, pourtant assez tolérant, de suivants des Dieux Sombres. Ce n’est toutefois pas tout à fait la fin pour Thornwinder. À son tour reconditionné en tête parlante fichée sur une lance, il reçoit en effet la visite d’une chef de tribu Untamed Beasts engagée dans la traque d’une autre bête légendaire du coin… Apéro !

AVIS:

Je commence à sérieusement penser que la prise de recul de Counter par rapport à son activité d’auteur pour la Black Library a eu des répercussions positives sur la qualité de son travail. Non pas que je fisse parti des détracteurs les plus véhéments de notre homme à l’origine, notez, mais j’avais comme tout un chacun je pense, expérimenté quelques lectures peu mémorables (ou trop, à l’inverse) de son fait, et considérait donc ses soumissions avec les précautions d’usage. Cette réserve est en train de fondre au fur et à mesure que je parcoure les derniers travaux BLesques de Mr Counter, qui s’avèrent d’une robustesse enviable, surtout quand ils sont comparés à ceux de certains ses successeurs, dont on pourrait dire bien des choses (et c’est d’ailleurs ce que je fais assez souvent). Cette introduction évacuée, passons aux choses sérieuses : pourquoi que c’est bien ?

Premièrement, Counter, comme la plupart de ses camarades de cri de guerre, parvient à rendre justice à la mentalité et à la culture de la bande qu’il traite, ici les farouches Untamed Beasts, chasseurs des grandes plaines de Ghur aux tendances anarchistes développées. Si vous cherchiez les héritiers du défunt parti Chasse Pêche Nature et Traditions, n’allez pas plus loin, vous avez trouvé à qui parler, ou feuler, avec ces ours mal léchés. La tentation pour l’auteur non inspiré aurait ici été de dépeindre ces survivalistes ossus en vulgaires barbares assoiffés de sang et de pillages, dans la droite ligne des maraudeurs du Chaos de feu WFB, auxquels je dois bien admettre qu’ils ressemblent fortement. Cette solution de facilité, Counter ne l’a heureusement pas choisie, et ses Venom Fang en sortent renforcés et crédibilisés. En insistant dès le départ sur le paradoxe auquel les Untamed Beasts sont confrontées (chercher la faveur du type dont le job est d’unifier les factions du Chaos et qui vit dans la plus grande forteresse des Royaumes Mortels, est-ce raccord avec la position nihiliste du Dévoreur ?), et amenant son héros à réaliser que ce dernier est impossible à résoudre, avec des conséquences sanglantes et définitives, l’auteur parvient, à mon sens mieux que les autres contributeurs de l’anthologie, à illustrer la fondamentale inhumanité du Chaos. Thornwinder a beau se plier aux exigences draconiennes de sa ligne philosophique (un mot qu’il ne connaît sans doute pas, et qu’il aurait du mal à prononcer à cause de son grand nombre de syllabes) avec diligence et application, force-lui est de constater que seule la folie et la mort l’attendent au bout du chemin, comme ce sera probablement le cas de la pauvresse qui termine la nouvelle en lui prenant la tête. Telle est la nature du Chaos, qui n’a que faire du devenir de ses suivants, et dont les dons ne pourront que retarder l’inévitable descente aux enfers qui attend ceux qui empruntent le sentier octuple. Ce message, peut-être le plus fondamental du lore des univers GW, Counter l’a parfaitement compris, et arrive à le transmettre de bien belle manière dans son The Devourer’s Demand1.

Passée cette réflexion de fond, on peut également souligner que cette nouvelle, de par son approche exhaustive de la saga funeste de Thornwinder, depuis ses débuts prometteurs dans le Bloodwind Spoil lorsqu’il n’était qu’un gringalet chétif mais énervé, jusqu’à son apothéose sanglante quelques années plus tard, alors qu’il n’avait toujours pas résolu ses problèmes d’emportement mais avait fréquenté la salle de muscu’ de façon assidue dans l’intervalle, possède un souffle épique, digne (à sa petite échelle) des sagas de Beowulf ou de Siegfried, avec lesquelles il partage la présence d’un gros monstre pas beau en guise de Némésis du héros. Sur cette trame assez peu commune pour un court format de la BL, Counter déroule son propos avec compétence et sérieux, faisant de la lecture de The Devourer’s Demand une expérience à la fois intéressante et gratifiante. Counter, le conteur de la Black Library ? Ca commence à prendre forme…

1 : En prenant en compte le tout aussi excellent The Gods’ Demand de Josh Reynolds, je commence à me dire que les nouvelles contiennent ce terme sont naturellement bonnes. La loi de l’offre et de la demande, sans doute.

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Proving Ground – S. Cawkwell :

INTRIGUE:

Il est temps pour Lock, Spire Stalker de la Cabale Corvus, de voler de ses propres ailes. Ayant reçu la bénédiction de sa chef de volée de lancer sa Grande Chasse, qui lui permettra de faire ses preuves aux yeux du Grand Amasseur, l’impétrant décide que sa Bar Mitzvah se fera aux dépends de ces serpents de cultistes du Splintered Fang. Il vient justement de régler leur compte à trois des leurs, plus à leur aise à ramper dans les rues de Carngrad qu’à poursuivre l’agile rôdeur sur les toits de la cité. Pour attirer les reptiles au sang froid hors de leur trou, Lock a un plan infaillible : faire courir le bruit que la Lance de Nagendra, une relique sacrée aux yeux fendus de ses adorateurs, a été retrouvée, et se trouve en possession d’une caravane esclavagiste de la Cabale, de retour vers Carngrad. Ayant reçu la confirmation que le Fang, mené par l’ambitieuse Prêtresse Ophidia, est tombé dans le panneau1, Lock invite quelques amis à le seconder dans son expédition initiatique.

Malheureusement pour nos Spring Breakers, leur virée dans la banlieue bucolique de la cité pillarde tourne rapidement au fiasco. Sous prétexte de gagner du temps en empruntant un raccourci, Lock et ses comparses débouchent dans un quartier très mal famé, et reçoivent un accueil acerbe de la part des Furies qui squattent les lieux. Bien que réussissant au final à se dépêtrer de ce mauvais pas, les cabalistes sortent de l’altercation très affaiblis, avant même d’avoir trouvé la piste de leurs proies. C’est ballot. La prochaine fois, il faudra suivre scrupuleusement les indications du GPS, hein. Déterminé à mener sa mission à terme, Lock entraîne les survivants dans un mortel jeu de cache-cache aux dépends des cultistes du Splintered Fang, qui disparaissent les uns après les autres au grand énervement d’Ophidia. La confrontation finale prendra place dans le bosquet de la Mère, lieu sacré pour la Cabale où Lock aura l’avantage du terrain…

1 : Se faire pigeonner par des corbeaux, c’est navrant.

AVIS:

Le retour de Sarah Cawkwell en tant que contributrice de la Black Library et ses débuts dans les nouveaux mondes d’Age of Sigmar ne pouvaient sans doute pas mieux se passer (enfin, si, mais on ne va pas exiger la perfection à tous les coups). La Hot New Talent de la BL, révélée par les Hammer & Bolter de l’année I, m’avait laissé une impression assez peu favorable, ses histoires de Space Marines s’étant avérées être d’une systématique incongruité. Il avait fallu attendre sa dernière soumission (Born of BloodHammer & Bolter #21), cette fois ci rattachée à WFB, pour constater une progression dans sa prose. Depuis, plus rien… jusqu’à ce Proving Ground, qui est donc la bonne surprise de l’anthologie.

Au titre des satisfactions que je tire de la lecture de cette longue nouvelle, on peut d’abord citer l’absence d’éléments abscons dans le déroulé de cette dernière. Vous me direz que cela devrait aller de soit. Je vous inviterais à jeter un œil à mes chroniques consacrées à la série Silver Skulls de notre autrice (il paraît que ce mot existe) pour réaliser le chemin parcouru depuis 2012. À aucun moment, Proving Ground n’a provoqué de face palm chez votre serviteur, ni ne lui a donné envie de jeter sa tablette par la fenêtre. Victory, sweet victory. Deuxième amélioration notable par rapport à l’historique Cawkwellien, un rapport apaisé et normalisé envers le background. Un problème récurrent des écrits de Sarah Cawkwell était en effet son utilisation malhabile des concepts sous tendant le fluff de 40K, comme ce terrible The Pact où la race Eldar a failli. Born of Blood dénotait déjà des signes d’amélioration sur ce sujet, ce qui m’avait amené à conclure que Cawkwell était plus une contributrice WFB que 40K, ce qui aurait pu s’entendre. Proving Ground poursuit sur cette lancée, en livrant une vision intéressante, et, de ce qu’il m’a semblé, juste, des deux factions qu’elle met en scène. On pourrait rétorquer que Warcry est tellement neuf qu’il aurait été difficile de violer son lore, à l’inverse des innombrables textes écrits pour 40K depuis trente ans, et on aurait raison. On pourrait également arguer que Cawkwell, comme les autres contributeurs à Warcry : The Anthology, a probablement été briefé en détail par les concepteurs du jeu sur l’ancrage de ce dernier dans Age of Sigmar, et a sans doute brodé quelques détails de son cru sur cette base plutôt que de se lancer dans une création totale de fluff. On aurait probablement encore raison. Reste que le résultat est plutôt satisfaisant (même si en deçà de ce que les autres auteurs du recueil ont pu faire, l’historique et les motivations de la Cabale restant assez flous), et que je me devais de le souligner.

Enfin, on peut certainement attribuer le plein mérite de la construction et du déroulé de l’intrigue à Cawkwell, qui signe quelques passages intéressants, comme cette introduction en traveling, depuis Varanspire jusqu’à Carngrad. Ca pêche par contre à certains endroits, comme durant l’accrochage avec les Furies en dehors de la ville, qui n’apporte pas grand chose au récit et bénéficie d’une ellipse commode pour justifier la victoire des cabalistes contre leurs ennemis ailés (à moins que le mot Avenge les ait fait passer en god mode). Au final, vous l’aurez compris, c’est une soumission plutôt qualitative que nous recevons de la part de Sarah Cawkwell, et la meilleure qui m’ait été donnée de lire de sa part à ce jour. Ce qui veut tout dire.

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Eight-Tailed Naga – D. Guymer :

INTRIGUE:

Réveillé par le contact déplaisant d’un serpent lui rampant sur le visage, Malik à la désagréable surprise de découvrir qu’il a été jeté au fond d’un puits rempli de rampants, ce qui ne colle pas du tout avec le souvenir qu’il avait de sa journée précédente. Par chance, il n’est pas le seul dans cette galère, les cris stridents de sa femme le menant très logiquement à… chercher où il a mis son couteau. Malik semble en effet avoir un petit problème avec la gent féminine, comme nous le verrons plus tard. En attendant, et toujours au fond du trou, Malik voit sa chère et sèche (on n’est pas tendre dans le Deepsplinter) se faire mordre par une des bestioles avec lesquelles ils partagent la fosse, avec des conséquences définitives pour la pauvre fermière. De son côté, il s’en sort mieux, non pas qu’il réussisse à passer entre les gouttes de venin des serpents avec lesquels il cohabite, mais en survivant à leur morsure, et en étant gratifié en sus d’une vision prophétique, l’enjoignant à se rendre dans les Collines de Cuivre à la recherche du Naga aux Huit Queues.

À son (deuxième) réveil, Malik apprend de la bouche de son nouveau sidekick, Klitalash, qu’il fait maintenant parti du Splintered Fang, sa résistance au poison du serpent sacré Blan Loa l’ayant désigné comme un disciple de Nagendra. Il a aussi gagné un nouveau nom dans l’opération, et se fera désormais appeler Ma’asi (Ma’anon étant un prénom féminin). Après avoir grignoté un bout de Khaga pour se remettre de ses émotions, Ma’asi emboîte le pas de son guide et traverse le campement du Fang, qui a squatté sans gêne le hameau de Malik après s’être débarrassé de ses occupants, jusqu’à la tente du chef de la bande, Yaga Kushmer, affectueusement nommé Papa Yaga par ses ouailles. Yaga, en tant qu’émissaire des Coiling Ones, a pour charge de guider le culte en suivant les visions envoyées par Nagendra, mais son accoutumance aux diverses drogues ingérées, inhalées, étalées ou absorbées de façon quotidienne par les adeptes du Splintered Fang a eu des effets néfastes sur sa « réceptivité » aux signaux de sa divinité, et il se montre donc très intéressé par le potentiel chamanique de sa dernière recrue. Cette dernière, après avoir un peu râlé pour la forme, accepte de coopérer avec Papa Yaga, bien aidée en cela par la correction infligée par le Pureblood de la bande en punition de sa mauvaise volonté.

Ma’asi guide donc ses nouveaux amis jusque dans les Collines de Cuivre, malgré les conditions climatiques épouvantables s’abattant sur la petite troupe pendant le voyage1. Problème, la zone est vaste, et la vision peu précise. Heureusement, une embuscade d’Untamed Beasts, eux aussi sur la piste d’un gros gibier, permettra au Splintered Fang, après avoir repoussé les belliqueux naturistes (et massacré une Femen vindicative dans le cas de Ma’asi – quand je vous disais qu’il n’aimait pas les femmes –), de s’attacher le service d’un guide compétent, en la personne de Thruka, Heart-Eater et ultime survivant des malheureux assaillants. La bande arrive donc en périphérie d’un campement Grotkins, très occupés à miner les riches filons de cuivre dont les Collines tirent leur nom, qu’ils parviennent à valoriser grâce au venin corrosif d’une grande bête parquée dans un enclos non loin2. Persuadés d’avoir trouvé le fameux Naga de la prophétie, Papa Yage entraîne ses guerriers à l’attaque de la colonie peau-verte…

Début spoiler…Et doit vite déchanter, quant, à l’ouverture de l’enclos, ce n’est pas un serpent qui s’en extrait, mais une Arachnarok copieusement mutée (elle pue tellement des pieds que ses pattes sont venimeuses, c’est dire) et de très méchante humeur. Spécialisé dans les bêtes squameuses et pas chitineuses, le Splintered Fang paie très cher sa méprise, et perd nombre de guerriers dans la bataille qui s’en suit. Finalement, c’est Ma’asi qui s’en sort le mieux, le venin de l’Arachnarok lui permettant d’atteindre le grade de Trueblood en trois battements de cœur, et la disgrâce de Papa Yaga de rallier à lui les survivants du Fang pour débuter sa propre bande. Le malheur des uns…Fin spoiler

1 : Quand il pleut des hallebardes sur le Bloodwind Spoil, vous pouvez être certains que ce n’est pas au sens figuré.

2 : On remarquera aussi qu’ils font un grand usage d’éoliennes, ce qui est au fond logique. Qui mieux qu’un Grot pour utiliser de l’énergie verte ?

AVIS:

La vision (un concept important ici, comme vous l’aurez compris) que David Guymer a du Splintered Fang s’avère être à part égale déroutante et satisfaisante. Je ne m’attendais en effet pas à l’inspiration Les Cavaliers de la Mort qu’on trouve dans la nouvelle, avec un protagoniste s’initiant et s’intégrant progressivement à la culture de ses ennemis, jusqu’à devenir un champion de ces derniers. Si le roman d’Abnett était bon, la nouvelle de Guymer, faute d’espace, parvient moins à entraîner son monde, mais réussit toutefois à singulariser les cultistes du Fang par rapport aux autres factions chaotiques du Bloodwind Spoil, beaucoup plus restrictives en termes d’admission. La mentalité assez inclusive des scions de Nagendra est un bon révélateur de la diversité des sociétés chaotiques, pas forcément « mauvaises » au dernier degré dans leur rapport au monde, ou en tout cas pas sur tous les sujets. Tant qu’on discute (ou en tout cas, que je parle) de l’approche choisie par l’auteur, notez qu’il est également le seul à avoir joué la carte de l’humour dans son récit, encore que légèrement (et c’est tant mieux, ayant tendance à penser que les Chaoteux se fendent la tronche de façon littérale plutôt que figurée la plupart du temps). En témoigne le personnage de ce roué de Papa Yaga1, fidèle dévoué mais pragmatique, qui fait confiance à son Dieu surtout quand ça l’arrange. De même, la mention de l’art délicat du silans, ou le talent de ne pas faire de bruit, me semble être un petit clin d’œil de Guymer à son lectorat à travers le quatrième mur.

L’histoire en tant que telle est assez convaincante, l’intégration d’antagonistes un peu exotiques, par l’intermédiaire d’une tribu de Grots très loin de chez elle, mais assez bien accompagnée, permettant de varier un peu des affrontements fratricides qui sont la norme dans l’anthologie (à raison, ceci dit, et Eight-Tailed Naga ne fait d’ailleurs pas exception). On pourra toutefois reprocher à Guymer son manque de clarté en ce qui concerne la prophétie éructée par son héros après que son épreuve de Fort Boyard se soit mal terminée. En ce qui me concerne, je n’ai pas compris qui faisait figure de naga à huit queues, ni pourquoi. Peut-être ai-je mal lu un paragraphe important, mais si la clarté n’est pas la qualité première de toute vision prophétique qui se respecte, il est en revanche important que le lecteur puisse saisir sans équivoque possible le fin mot de l’histoire, sans quoi l’auteur passera pour un jambon. Si quelqu’un à une interprétation définitive des élucubrations de Ma’asi, c’est volontiers que je prendrais connaissance de cette dernière.

Enfin, Guymer fait le job au niveau de l’éclairage du background du Splintered Fang, avec un soin particulier apporté à la description de la société qu’entretiennent les cultistes, sorte de Woodstock perpétuel à la fois sanglant et tolérant. En plus de quelques notions culinaires, on en apprend également plus sur Nagendra et les Coiling Ones, ce qui est toujours bon à prendre. En revanche, les motivations du Fang envers Archaon restent assez floues, et je vois mal le Maréchal de l’Apocalypse tolérer qu’une caravane de drogués viennent squatter devant la Varanspire s’ils n’ont pas de solides arguments à faire valoir2. Il va falloir bosser votre présentation les gars.

1 : Dont le nom seul est suspect. Lorsqu’une nouvelle commence par « papayagapapayagapapayaga », on est en droit de se demander si la Reine de la Nuit ne va pas pointer le bout de son nez quelques pages plus loin.

2 : Et « t’en veux ? » n’en fait à mon avis pas partie.

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The Iron Promise – J. Reynolds :

INTRIGUE:

Vos Stalis, Dominar démotivé1, est envoyé avec sa bande de guerre par son cousin germain Mithraxes, s’enquérir de la raison de l’arrêt du versement de la dîme due aux Iron Golems par leurs alliés Duardin du Chaos. Traversant à pied les dangereuses Skullpike Mountains, territoire de chasse de Harpies affamées et de Polypes cristallins… déterminés, les Légionnaires finissent par arriver devant les portes du bastion de Khoragh Ar-Nadras Has’ut (à vos souhaits), où, devant l’absence de réponse à leurs coups de sonnettes, ils décident de camper en attendant qu’on vienne leur ouvrir. Parce que oui, on peut ressembler à une bouche d’incendie adepte de black metal, et avoir des manières. D’ailleurs, nos bidasses étaient en train de se livrer à leur activité favorite, le bivouac-philo, quand la grille de la forteresse s’est ouverte, invitant les hommes de main du parrain de Chamon à entrer.

Là, Vos et ses sous-fifres doivent d’abord faire face aux assauts patauds des nains de jardin d’un genre un peu spécial que leur hôte a disposé dans sa cour pour décourager les démarcheurs à domicile. Membre historique du FLNJ2, le fier Dominar n’a aucun mal à calmer les ardeurs tiédasses des Fyreslayers zombifiés de Droghar, qui finit par se présenter devant ses racketteurs protecteurs, escortés de deux Ocorps en guise de gardes du gors. Ou l’inverse. Bref. Droghar explique à l’envoyé de Mithraxes qu’il est tout à fait prêt à honorer sa parole et délivrer le chargement de minerai de fer dû aux Iron Golems, si ces derniers voulaient bien l’aider à venir à bout d’une nuisance étant venue nicher dans les niveaux inférieurs de sa forge. Malgré l’énergie employée, et les cohortes de sbires envoyées sur place, pour régler le problème, le monstre en question n’a pu être vaincu, ne laissant pas d’autres choix au maître des lieux que de condamner les issues de son propre bastion, et d’attendre l’arrivée de la Légion pour venir à bout de l’intrus. Poussé à agir par les piques envoyées par le roué nabot, Vos accepte de ramener la tête de l’empêcheur de forger en rond et entraîne sa fine équipe dans les ténèbres de la forteresse de Droghar, sans trop savoir ce qui les attend à l’intérieur…

Début spoiler…La surprise sera donc (presque) totale lorsque la bête en question se révélera être un Prosecutor (je pense, mais je ne suis pas expert en Stormcast Eternals) bien amoché, s’étant matérialisé dans la place à la suite de l’excavation par Dragoth d’une relique sigmarite dans les niveaux inférieurs de sa forteresse, autrefois siège d’une Loge Fyreslayers. Bloqué sur place, mais pas découragé pour autant de propager le message de Sigmar en ce lieu de ténèbres, Prozy s’est livré à une guérilla sanglante contre les contremaîtres et mercenaires de Droghar, libérant les esclaves de ce dernier au passage, et foutant suffisamment le boxon pour que ce dernier décide de boucler le périmètre pour arrêter les frais. Confronté aux Iron Golems, il repart vaillamment à l’assaut, mais finira par rendre l’âme sous les horions de la Légion, non sans avoir prélevé un lourd tribut parmi ses adversaires.

Cette sale besogne accomplie, Vos boitille jusqu’à la sortie, où le vil chipotage de Droghar, qui lui fait remarquer que comme le Stormcast s’est évanoui dans la nature et que le Dominar n’a pas de tête à rapporter pour prouver ses dires, il n’a pas tenu sa parole et l’arrangement conclus avec les Iron Golems ne tient donc plus (nananèr-reuh), ne trouve pas une oreille compréhensive chez les Légionnaires éprouvés. Puisant dans ses dernières réserves, Vos concasse les gros bras du fourbe Duardin, avant de balancer ce dernier dans sa propre rivière de lave pour lui apprendre à chercher à entourlouper son monde. Ceci fait, il prend officiellement possession de la forteresse au nom de Mithraxes, car après tout, on n’est jamais mieux serti que par soi-même.Fin spoiler

1 : Il commence la nouvelle en poussant littéralement un soupir d’ennui.

: Front de Lamination des Nains de Jardin. La Libération, ce sera pour plus tard.

AVIS:

Comme à son habitude, Reynolds rend une copie propre et plutôt qualitative, permettant au lecteur de se familiariser avec les éléments saillants du fluff des Iron Golems. Occupant le créneau de la faction des gros balèzes en armure de l’écosystème de Warcry, un archétype chaotique des plus connus, le travail de contextualisation à réaliser pour cette bande était sans doute moins important que pour d’autres, mais si Josh Reynolds l’a joué relativement sobre et classique ici (à supposer qu’il ait eu son mot à dire), il a aussi pris le soin de ne pas laisser le lecteur en terrain totalement familier. Apprendre que les Golems, malgré leur apparence frustre et leur organisation militariste, philosophent de concert le soir au coin du feu, permet de leur donner un début d’originalité dans l’esprit du lecteur, ce dont ils ont sans doute plus besoin que les Unmade ou la Cabale Corvus.

La véritable de trouvaille de Reynolds repose toutefois dans son choix d’antagoniste, et dans la manière dont ce dernier est introduit dans le récit. Si le lecteur devine assez rapidement que le briefing lapidaire, laconique et lacunaire d’Hatshoum cache quelque chose de pas très net, et que les indices parsemés en cours de récit permettent de cerner l’identité du coupable, l’arrivée finale de ce dernier fait tout de même son effet, et place l’observateur dans une situation aussi paradoxale que savoureuse, en remettant en cause son « allégeance » à Vos et ses Légionnaires, suffisamment dépeints comme des braves types au cours des pages précédentes pour que leur décès ne nous soit pas agréable, mais restant au demeurant des servants des Dieux Sombres, et ne pouvant donc revendiquer une supériorité morale sur leur adversaire (c’est même plutôt l’inverse). De là, l’installation d’une tension narrative certaine, quand les autres nouvelles du recueil en étaient plutôt dénuées (crevez tous, chiens du Chaos !). Contributeur prodigue de la littérature d’Age of Sigmar, on peut vraiment dire avec The Iron Promise que Reynolds boucle la boucle, en ayant trouvé le moyen de faire endosser au héros la pelisse du méchant, et de façon assez réussie je dois dire.

Pour le reste, on n’est pas sur un travail remarquable en termes de parti pris narratif ou d’exécution littéraire, Josh Reynolds se reposant sur ses très solides acquis pour dérouler son histoire d’enquête de voisinage dans l’environnement bigarré du Bloodwind Spoil. Comme toujours, ça se lit très bien, et on sort de The Iron Promise sans avoir l’impression d’avoir perdu son temps. C’est déjà ça.

***

Alors, que retenir de cette anthologie Warcry au final ? De mon côté, beaucoup de bien, et la certitude que la Black Library devrait définitivement publier davantage de ce genre d’ouvrage thématique1, et si possible, en privilégiant le format des « longues nouvelles » (une trentaine de pages minimum), qui permet aux auteurs de proposer des récits bien plus détaillés et ambitieux que la soumission classique de la maison. En parlant de ces derniers, le fait que les contributeurs choisis pour Warcry : The Anthology soient tous des vétérans (Peter McLean mis à part, mais la qualité de sa nouvelle démontre amplement qu’il a plus que pris la mesure de son sujet) de la collaboration avec GW a certainement aidé à hausser le niveau et l’intérêt de cet opuscule. Il aurait été étonnant que la BL mette des rookies sur ce genre de projet, notez, le niveau de connaissance relatif au background d’Age of Sigmar d’une part, et au concept du Chaos d’autre part, nécessaire à la réalisation d’un travail correct étant significativement plus élevé qu’à l’ordinaire. Mais s’il y a une chose qu’on ne peut pas enlever à la maison d’édition de Nottingham, c’est sa capacité à sortir des sentiers battus et à faire des choix que d’aucuns pourraient considérer comme curieux, voire stupides dans certains cas. Ici, la BL a joué la carte de la sécurité, et la qualité du livrable s’en ressent fortement.

Variant du très solide au franchement excellent, les six nouvelles de ce recueil remplissent pleinement leur office, et introduisent avec succès le lecteur au background des factions de Warcry. Je peux révéler ici que lorsque la liste des auteurs sélectionnés pour ce livre a été révélée, l’intégration de certaines de mes têtes d’Orruk au casting m’a fait craindre le pire. En cela, j’avais tort, Annadale et Cawkwell (pour les citer) réussissant à tenir leur rang, et à livrer ce que je considère comme étant leurs meilleurs travaux à ce jour et à ma connaissance. Doit-on y voir la preuve de la puissance des Dieux du Chaos ? Je vous laisse seuls juges, mais sors en tout cas content de cette lecture, qui n’a pas révélé de mauvaises surprises, à la grande mienne. La question est ouverte de savoir si ce succès n’est pas à mettre au crédit, au moins en partie, des concepteurs du lore de Warcry, qui ont défini les caractéristiques de chacune des bandes chaotiques et ont fait un travail absolument remarquable en cela. Un simple regard aux figurines suffit à s’en convaincre, et un auteur professionnel un minimum compétent n’aura aucun mal à faire fructifier ces bases d’une excellente qualité pour en tirer un récit digne d’intérêt. Je n’ai pour ma part aucun problème à partager le mérite entre créateurs et rédacteurs, auxquels je tire donc mon chapeau.

Comme toujours dans un ouvrage collectif, certaines pièces sont plus abouties que d’autres, les travaux les plus réussis à mes yeux parvenant, en plus de mettre en exergue la culture et l’histoire de la bande traitée, à faire comprendre les motivations de cette dernière à s’aventurer dans les terres internationales du Chaos et la manière dont elle compte s’y prendre pour gagner les faveurs d’Archaon, qui est bien souvent révélatrice de la « philosophie » chaotique qu’elle entretient. À ce petit jeu, The Method of Madness et The Devourer’s Demand sortent clairement du lot, la première en offrant une visite détaillée de Carngrad et de sa gouvernance complexe, tout en déroulant une histoire à rebondissements sur les desseins de grandeur d’un Cypher Lord et de sa clique, la seconde en poussant jusqu’à son terme la réflexion sur la nature destructrice, voire nihiliste et donc fondamentalement inhumaine, du Chaos.

Pour conclure, je recommande donc la lecture de ce Warcry : The Anthology, à tous les lecteurs (anglophones seulement à ce jour) amateurs d’Age of Sigmar, qu’ils viennent pour l’intrigue ou pour le fluff. J’irai même plus loin en étendant cette recommandation aux enthousiastes chaotiques, quelle que soit leur franchise favorite. Même les mordus du lointain futur pourront trouver leur bonheur dans cet ouvrage, qui, parce qu’il met le Chaos au centre des débats, leur parlera sans doute plus que les aventures de Stormcast Eternals. Enfin, je place cette anthologie au sommet de la liste de lecture de tous ceux qui souhaiteraient débuter dans le monde, parfois merveilleux, parfois ingrat, mais toujours distrayant, des courts formats de la Black Library. Quitte à se lancer dans l’aventure, autant commencer par une valeur sûre, et vous tenez entre vos mains un futur classique du (sous-sous-sous-sous) genre. Il n’y a plus qu’à espérer que le jeu fonctionne assez bien en termes de ventes pour que GW commissionne une suite à cet ouvrage. Après tout, deux des Royaumes Mortels n’ont toujours pas « leur » faction chaotique résidente connue à ce jour2, sans compter les Skavens, les Hommes-Bêtes et les Guerriers du Chaos (les factions non chaotiques étant à mes yeux moins intéressantes à couvrir). Bref, il y a largement de quoi faire. All praise the Dark Lords !

1 : J’ai donc hâte de voir ce que ‘Vaults of Obsidian’, le recueil consacré à Blackstone Fortress, va donner. Rendez-vous en Novembre pour le savoir !

2 : Aqshy et, d’un potentiel fluffique beaucoup plus important, Azyr. On ne me fera pas croire que Sigmarland est totalement imperméable au Chaos, les gens n’étant, après tout, jamais contents de leur sort, même quand ils ont la chance de vivre dans des dictatures militaristes éclairées.

SACROSAINT & AUTRES RECITS [AoS]

 

Bonjour à tous et bienvenue dans cette chronique du recueil Sacrosaint & Autres Récits (Sacrosanct & Other Stories en VO), premier épisode d’une – courte – série de deux billets, dédiée à l’analyse des anthologies introductives développées par la Black Library à destination des nouveaux arrivants dans le Hobby. Bénéficiant d’un prix de vente des plus attractifs (7€) et d’une traduction française et allemande (on ne sait jamais, ça peut vous intéresser), ces ouvrages proposent, en plus de la novella qui leur donne leur titre, une dizaine de nouvelles et un extrait de roman, soit quelques centaines de pages à se mettre sous la dent pour le lecteur. Le rapport quantité/prix étant très favorable, il nous faut maintenant nous frotter à la qualité des soumissions amoureusement regroupées par les éditeurs de la BL, afin de déterminer si ces recueils sont bien les portes d’entrées dans le monde merveilleux des franchises GW qui nous ont été promises, ou un projet inabouti ne méritant ni le détour ni l’investissement.

Sommaire Sacrosanct & Other Stories (AoS)

Sacrosaint… propose des textes de huit auteurs plus ou moins établis de la BL, dont l’intrigue prend place dans les Royaumes Mortels. Parmi les têtes d’affiche du line-up proposé, on retrouve C. L. Werner, en charge de la novella Sacrosaint et de deux autres courts formats, Josh Reynolds (3 soumissions), Guy Haley (2) et l’éternel Gav Thorpe (1). Les deux David de la Black Library (Annandale et Guymer), et les petits nouveaux Nick Horth et Andy Clark complètent ce panel, assez représentatif du catalogue actuel d’Age of Sigmar je dois dire.

Les wordful eight parviendront-ils à convaincre le lecteur de partir explorer les mystères des Royaumes Mortels, franchise sans cesse comparée – et assez peu souvent à son avantage – à sa glorieuse aînée Warhammer Fantasy Battle ? Pourquoi ne pas demander à un vieux de la vieille (au moins d’un point de vue littéraire) ce qu’il en pense ? Ca tombe bien, je m’avais justement sous la main ces temps-ci…

Sacrosaint & Autres Récits

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Sacrosaint // Sacrosanct – C. L. Werner :

INTRIGUE:

Sacrosaint & Autres RécitsDans ce morceau de bravoure (107 pages tout de même), C. L. Werner prend les commandes d’une force de Stormcast Eternals appartenant à la Chambre Sacrosainte, spécialisée dans l’intervention contre les ennemis faisant joujou avec la magie1, et envoyée par le standard sigmarite régler le problème, non pas de connexion mais de possession, affligeant la ville de Wyrmsditt en Ghur. Mené par le Knight Invocator Arnhault, secondé par un duo de fidèles lieutenants opposés-mais-complémentaires (le psychorigide Penthius, qui attend avec une impatience non dissimulée que Sigmar finisse d’écrire le Codex Stormcastes, et l’instinctif Nerio, qui tire d’abord et se pose des questions après), nos armures ambulantes s’écrasent (littéralement) dans le bois de Gyr, rasant la forêt sur un rayon d’une centaine de mètres, mais arrivant au moins dans le bon Royaume, comme Arnhault le confirme après un bon sniff de la terre du point de chute2 et pas trop loin de leur théâtre d’opérations.

Notre héroïque compagnie n’est pas là depuis une minute qu’une première initiative malheureuse manque d’avoir des conséquences fâcheuses. Ayant sans doute repéré une souche particulièrement pittoresque, Nerio entraîne ses Castigators pour un squad selfie au delà du cordon de protection mis en place par les Sequitors de Penthius. Surgit alors un Mammochon sauvage corrompu par Khorne (c’est la version Rubis Oméga dirons-nous), pas vraiment content de l’arrivée fracassante et biocidaire des Stormcast, et qui décide de régler le problème à sa manière, c’est à dire en fonçant dans le tas. L’occasion pour les Sacrosaints de montrer qu’ils ne sont pas enfants de choeur, et que malgré les conneries de Nerio, ils sont largement capables de se sortir de cette cocasse situation sans problème. Comme notre irrascible pachyderme ne tarde pas à l’apprendre, à son corps défendant, le bien-être animal ne fait pas partie des centres d’intérêt d’Arnhault et consorts, qui, bien que sensibles au calvaire vécu par l’autrefois placide herbivore, ne font pas grand chose pour abréger ses souffrances. Brûlé au 8ème degré par les munitions ésotériques des Castigators, écorché vif par les sig-rafales et les sig-éclairs invoqués par le mage de guerre, la trompe arrachée par un sig-carreau bien placé, les pattes brisées à coup de sig-masse, les défenses fracassées… Babar passe un sale quart d’heure avant de livrer son dernier souffle et de voir son esprit capturé par Arnhault à l’aide de la Sigmar-Ball qu’il gardait en réserve pour une occasion de ce type.

Cette péripétie évacuée, la colonne prend le chemin de Wyrmsditt, rencontrant en chemin une fillette se livrant à de sombres mais innocents rituels dans un temple de Nagash en ruines, dans l’espoir d’empêcher son frère d’être emmené par le Roi-Voilé, précisément l’esprit frappeur que les Stormcast ont été chargés de bannir. Et puisque nous avons mentionné le vilain de l’histoire, passons quelques paragraphes en sa compagnie pour apprendre à le connaître. Notre ectoplasme alpha s’appelle en vérité Sabrodt, et est le dernier Prêtre-Roi du royaume de Kharza, qui occupait la région avant la venue du Chaos. Malgré le confort dont il jouit dans son tumulus et en particulier le magnifique Trône Dragon qu’il occupe, notre homme âme a des ambitions plus élevées. Il s’est donc mis à demander des tributs aux communuautés environnantes, qui, si elles sont pour le moment très modérées par rapport à son pouvoir de nuisance (une victime toutes les nouvelles lunes, c’est pas la mort non plus), ont suffi à générer suffisamment de prière à Sigmar pour que ce dernier consente à lancer une enquête. Et comme, justement, nous sommes au moment d’un changement de lune, nous voyons Sabrodt faire ses préparatifs pour sa tournée mensuelle à Wyrmsditt, sans savoir qu’un comité d’accueil un peu particulier l’attend sur place.

À quelque distance du squat du Roi-Voilé, Arnhault et ses ouailles ont atteint leur destination, et s’étonnent du manque d’entrain que suscite leur arrivée. C’est vrai quoi, d’habitude les péquenauds, ça aime les défilés militaires. Il faudra l’intervention extatique du prêtre de Sigmar local (Frère Mueller), un vieil aveugle pouvant repérer un Stormcast à son odeur3… de sainteté, et apparemment responsable à lui seul de la saturation du standard sigmarite, pour convaincre les Wyrmsdittois de faire bon accueil à leurs libérateurs. Celà donne l’occasion à Arnhault, Penthius et Nerio de remettre les pendules à l’heure auprès des autorités compétentes, et de faire preuve de l’intolérance religieuse que l’on est en droit d’attendre de la Muttawa de Sigmar en brutalisant l’honnête prêtre de Nagash (Mathias) qui avait eu l’idée d’apaiser les rêves de grandeur de Sabrodt en lui livrant une victime expiatoire à intervalles réguliers. Il aurait bien évidemment dû combattre le faquin les armes à la main au lieu de chercher à l’agréer, fulminent les Stormcast Eternals, un peu oublieux du fait que tout le monde n’est pas un guerrier immortel larger than life disposant d’arme et d’armure divines. Les villageois convenablement gourmandés, Arnhault décide de tendre un piège à son adversaire, en positionnant ses forces dans les maisons entourant le temple de Nagash et autorisant le Frère Mueller à endosser la chasuble de son collègue pour convaincre le Roi-Voilé que tout est en ordre. Ce savant stratagème est toutefois compromis par l’oubli regrettable d’Arnhault d’empêcher le fourbe Mathias de nuire, le prêtre défroqué ne trouvant rien de plus malin que d’aller prévenir Sabrodt du danger qu’il court alors qu’il approchait pépouze juché sur son destrier éthéré.

Fort heureusement pour les Sigmarines, leur ennemi est aussi caractériel qu’arrogant, et se contente donc d’exécuter son seul loyal serviteur pour sa peine et de continuer sa route vers le temple, où l’attend toujours le brave Mueller, inconscient du danger. Pas totalement stupide non plus, Sabrodt invoque quelques esprits pour aller reconnaître les lieux, déclenchant le feu et la fureur des Stormcast. L’arrivée d’Arnhault dans la bagarre semble toutefois avoir un effet particulier sur le Roi-Voilé, qui se met à gueuler « Volkhard ! » sur tous les toits, avec des effets dévastateurs sur l’équilibre mental de sa Némésis, frappée de plein fouet par un flashback aussi indistinct que massif. Il faudra le sacrifice de Mueller, dont le « Vous ne passerez pas ! » se termine à peu près bien pour lui que pour Gandalf le Gris et l’intervention musclée de ses troupes pour que le Knight Incantor se remette de ses émotions, et se mette lui aussi à braire un nom, celui de son adversaire.

Après un dialogue primé aux Oscars entre Nanar et RV, les nighthaunts finissent par déposer les armes, et le Roi-Voilé opte pour une prudente retraite, ayant lui aussi goûté aux sortilèges barbelés éructés par le capitaine de l’équipe adverse. La logique poursuite à laquelle Nerio voulait se lancer est toutefois réfrenée par son boss, qui trouve plus urgent de « trouver la source de la malédiction de la non-vie et s’assurer de sa purge ». Quand Arnhault réalise que cela passe bien par suivre à la trace Sabrodt jusqu’à sa planque, l’ectoplasme est déjà bien loin. Pas de bol. Heureusement, le Roi-Voilé a pris soin de laisser des traces manifestes de son passage pour permettre à ses poursuivants de le retrouver sans trop de difficulté, dans le but de pouvoir leur rendre la pareille et les attirer à son tour dans un traquenard. La marche d’approche des Stormcast les amène jusqu’au site d’une ancienne bataille, qu’Arnhault identifie comme le lieu du dernier carré des forces de Zharka contre les hordes du Chaos, du temps où il était aux affaires. Car, oui, les dernières heures ont permis à notre héros de recouvrer en partie la mémoire et de se souvenir qu’avant de balancer des éclairs pour le compte de Ziggy, il avait été le Prêtre Roi Volkhard de Zharka. Il se souvient également que la traîtrise de Sabrodt l’Usurpeur avait condamné ses loyaux sujets à la mort, ce qui lui donne une raison supplémentaire d’aller arracher la burka du Roi-Voilé. Avisant l’unique carré de verdure sur la plaine désolée où est situé le tumulus funéraire de Sabrodt, Arnhault/Volkhard ordonne à ses hommes de mettre le cap sur ce point de ralliement, sans savoir (encore) qu’il s’agit de l’endroit précis où son ancien lui est tombé il y a fort longtemps.

Parvenus à bon port grâce au recours à l’ingénieuse formation du Dragon et malgré quelques pertes consenties à la marée spectrale que Sabrodt n’a pas manqué d’invoquer pour défendre ses biens mal acquis, les Stormcast voient leur chef adoré virer berserk à peine arrivé sur son petit gazon (à moins qu’il ne s’agît d’un carré de chanvre, dur à dire d’aussi loin), et se ruer dans le tumulus de son ennemi en hurlant de façon incohérente. Confiant à Nerio le commandement, le brave Penthius emboîte prestement le pas à son commandant, jugeant avec sagesse que son intervention sera nécessaire d’ici à la fin de l’histoire. Laissé à la bonne gestion des affaires courantes, Nerio s’illustre par un duel de sidekicks l’opposant à un Dreadwarden mal luné, tandis que dans les ténèbres de l’antre du Roi-Voilé, Arnhault finit par remettre toutes les pièces à leur place. Sabrodt n’est pas seulement le traître qui a entraîné la chute du Royaume de Zharka, mais il est également son frère jumeau. Gasp. Cette révélation, finalement de peu d’impact sur l’histoire, encaissée, il faut bien terminer la confrontation, ce qu’Arnhault fait de façon professionnelle malgré la survenue d’un Lord-Executioner tranchant dans ses interventions (qui se prendra le Mammochon soigneusement stocké dans les tibias pour sa peine – de mort –). Secondé par Penthius, le Knight Incantor balance ensuite une punchline tellement vacharde à son frangin que ce dernier quitte l’invulnérabilité accordée par le Trône Dragon pour aller se faire justice lui-même. C’était bien entendu ce qu’attendait Arnhault, qui lui lance un come(t) at me, bro ainsi qu’un éclair arcanique fatal, trop lentement cela dit pour empêcher son frérot de le suriner à mort lui aussi.

Au final, les Stormcast Eternal sortent éprouvés mais vainqueurs de cette bataille, Penthius escortant son supérieur jusqu’au point de sauvegarde précedémment identifié afin qu’il puisse retourner en Azyrheim pour y être reforgé (et oublier à nouveau tous ses souvenirs si chèrement glanés). Les grouillots rentreront à pinces, eux.

1 : Les ghostbusters d’Azyrheim en quelque sorte. On peut même substituer les deux termes dans le générique des films et s’en sortir honorablement, c’est dire. Who you gonna call ?

: Apparemment, ce n’est pas toujours le cas, ce qui fait un peu peur tout de même.

: Malgré toutes les merveilleuses qualités de la sigmarite, on ne me fera pas croire qu’une armure de plates intégrale complétée par un masque de guerre, intégral lui aussi, sont des atours particulièrement respirants. Ca doit sentir le demi-gryff après une journée de marche.

AVIS:

Imaginez être un auteur régulier d’une franchise med-fan, pour laquelle vous écrivez depuis une bonne vingtaine d’années, avec quelques belles soumissions à votre actif. Imaginez être contacté pour écrire la novella introductive d’un recueil destiné aux nouveaux-venus, se déroulant dans l’univers de cette fameuse franchise. Imaginez recevoir un cahier des charges beaucoup plus restrictif qu’à l’habitude, et dont la principale exigence serait, en filigrane, de susciter l’envie du lecteur de se lancer dans la collection d’une armée de figurines. Imaginez que votre éditeur vous glisse de manière appuyée des références à la prochaine boîte de base qui sortira pour la franchise en question, et vous fasse comprendre sans équivoque qu’il serait de bon ton d’utiliser ce produit comme base de réflexion pour votre récit. Imaginez faire cela, et le faire de façon tellement scolaire, pataude et évidente que le lecteur/chroniqueur (hi Mom !) tombant sur votre soumission finisse par nourrir de sérieux doute sur votre démarche littéraire, et commence son retour critique sur votre novella par l’exposition d’une telle hypothèse. La question est : devez-vous être fier, ou honteux de ce résultat ? Vous avez quatre heures.

Au cas où cette introduction « picturesque » n’ait pas vendu la mèche, Sacrosaint n’est pas tenu en odeur de sainteté par l’auteur de ces lignes, qui en est le premier attristé. C. L. Werner est en effet à mes yeux l’un des contributeurs les plus robustes de la BL, et l’une des plumes derrière l’affirmation du style de la maison en termes d’approche et de narration, et plutôt dans ses aspects positifs que dans les gimmicks assomants qui caractérisent la prose des free lance de Nottingham dans certains cas. Au delà de l’histoire d’Arnhault et de ses sous-fifres, enchaînement de péripéties martiales d’un intérêt très moyen pour le consommateur acerbe et averti que je dois bien reconnaître être1, j’ai en effet décelé dans le style de Werner des lacunes et lourdeurs qui n’avaient pas lieu d’être dans un travail rédigé par ce bon vieux C. L. La maîtrise narrative dont il a fait la preuve dans les très nombreux romans et nouvelles publiés pour le compte de la Black Library, et en particulier lorsque ces derniers s’inscrivaient dans une série au long cours (appellant donc à un vrai travail de contextualisation à chaque nouvel « épisode » afin de permettre aux nouveaux lecteurs de ne pas être irrémédiablement perdus s’ils commençaient la saga par le mauvais bout2), ne transparaît nullement dans Sacrosaint, qui pêche plutôt par excès de « au-cas-où-vouv-l-auriez-oublié-isme ». On peut considérer ça comme une mise en abyme spirituelle de personnages maniant des armes contondantes de fort beau gabarit, mais se voir marteler toutes les 10 pages que la mission des Stormcast Eternals est de libérer Wyrmditt du mââââl, ça devient rapidement assez usant, et à la limite de l’insultant pour le lecteur. Il n’aura pas oublié, je vous l’assure, d’autant plus que les forces en présence sont suffisamment manichéennes (trop d’ailleurs, Werner sait d’habitude comment noircir convenablement ses gentils, encore une déception) pour que même le plus étourdi des newbies se rappelle qui est du bon côté de l’histoire.

De manière annexe – et j’y vois là encore la patte, ou au moins le souhait manifeste, de la BL de faire passer quelque message mercantile, à défaut d’être subliminal, à ses nouveaux fans – je vous invite à relever le nombre de fois où Werner énumère fastidieusement les noms des unités Stormcast Eternals, afin de ne laisser aucun flotter aucune espèce de doute sur qui manie les masses et qui décoche les carreaux3, histoire de pouvoir bien identifier les boîtes en boutique. Et on peut reconnaître que le respect de la nomenclature sigmarite, dans toute sa grandeur ampoulée et ses assonnances en -or, est pour le coup assuré. Il ne m’a ainsi fallu que trois minutes sur le site de GW pour retrouver le matériel sur lequel Werner s’est basé pour Sacrosaint, et le recul apporté par cette confirmation ne rend que plus évident le mal que l’auteur s’est donné pour que chaque type de troupe, chaque héros, ait ses quelques lignes de gloire dans la novella.

Le dessein de la BL percé à jour, on est en droit de se demander si cette approche low level était la plus pertinente, eut égard à l’objectif poursuivi (convertir le tout venant au Hobby). À vouloir prémacher tout le background et tenir en permanence la main du lecteur, Sacrosaint souffre d’une lourdeur qui risque de rebuter ce dernier, et lui donner une image peu flatteuse de l’univers d’Age of Sigmar, dépeint dans la novella comme tournant autour de l’affrontement entre surhommes4 aussi dévoués qu’amnésiques et esprits maléfiques à la solde d’éminences grises consumées par la rancoeur et la jalousie, avec d’innocents, et parfois malavisés, péons humains au milieu de tout ça. Je ne sais pas pour vous, mais ça ne me donnerait certainement pas envie d’aller plus loin si je découvrais AoS, en cette époque de surabondance d’univers med-fan. Et si Werner tente bien d’apporter un peu de complexité à son propos en évoquant les effets délétères de la reforge, il se contente de rappeler le Σ-Ω σω du concept dans ses écrits, bien qu’il emprunte à ce dernier le ressort narratif (assez mollasson d’ailleurs) de sa soumission. Dommage, j’aurais bien aimé qu’il partage plus de ses idées sur le sujet5.

Bref, une grosse centaine de pages qui vous donneront peut-être envie d’acheter Tempête d’Âmes, sous quelque forme que ce soit, en fonction de votre degré de fanboyisme. Pour ma part, une triste et décevante introduction à Age of Sigmar et au Hobby en général, indigne des standards habituels de son auteur. Thank you, next.

1 : Et sur lequel je ne m’étendrai pas, n’étant pas le public cible de ce « produit », qui, en tant qu’unique oeuvre originale du recueil, a vraiment été commissionné par la BL dans le but de faire découvrir Age of Sigmar de la façon la plus pédagogique aux nouveaux arrivants.

2 : Se référer à la série ‘Brunner, Bounty Hunter’, ou à défaut, à sa chronique par votre serviteur. Si vous n’avez vraiment pas le temps, allez faire un tour sur la chronique des nouvelles ‘Sickhouse’ et ‘Wolfshead’ pour voir l’homme au chapeau dans ses oeuvres.

3 : Jeu annexe pour les plus motivés : compter le nombre de fois où Werner précise que les têtes des carreaux des Sequitors contiennent le souffle d’un Dracoth (il doit y avoir de l’élevage industriel quelque part en Azyr pour répondre à la demande, c’est pas possible autrement), à même de dissoudre la matière aussi bien que la magie. Croyez-moi, le résultat est non nul. Enfin, si, mais on se comprend.

: Etonnant d’ailleurs pour un livre sorti en 2018 que les gentils ne comptent aucune femme parmi eux. D’autant plus que dans la boîte Tempête d’Âmes, le Knight Invocator est une donzelle. Werner serait-il meniniste ?

5 : Le plus intéressant reste le fait qu’Arnhault est persuadé que Sigmar voudrait que ses Stormcast gardent leurs souvenirs pendant leur reforge, et qu’il s’est fixé comme objectif de corriger le processus. Mais à bien y réfléchir, c’est tout bonus pour Sigmar que ses super-guerriers renaissent en n’ayant qu’une absolue loyauté envers lui à l’esprit. La vérité serait-elle ailleurs ?

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Un Hymne Funèbre de Poussière et d’Acier // A Dirge of Dust and Steel – J. Reynolds :

INTRIGUE:

A Dirge of Dust and SteelÀ la recherche de la légendaire cité corbeau de Caddow et de son Portail des Royaumes reliant à Shyish à Azyr, une petite force de Stormcast Eternals de la Chambre Vanguard des Hallowed Knights (soyons précis) a conclu un pacte avec les Duardin de Gazul-Zagaz, seuls à connaître l’emplacement de cette ville mystérieuse1. En échange de leur aide contre les hordes du Gardien des Secrets Amin’Hrith, connu sous le nom d’Ecorchâme, les nabots dépressifs (leur royaume est en ruines, leur Dieu s’est fait bouffer par Nagash et l’âme de leur dernier prince sert de skin au démon de Slaanesh) mèneront les guerriers du Lord Aquilor Sathphren Swiftblade jusqu’à bon port. Jamais le dernier à rendre service à son prochain, notre héros accepte bien entendu cette généreuse proposition, et se fait fort d’entraîner ce fât d’Amin’Hrith dans un piège ingénieux.

Ayant réussi à capter l’attention des Hédonistes, probablement en leur faisant remarquer que leurs soieries avaient fait fureur à Ghur il y a trois saisons de celà (ce qui, pour une fashionista des Royaumes Mortels, est une insulte mortelle), les prestes cavaliers de Sigmar emmènent leur nouveaux amis dans une course éperdue à travers les dunes, jusque dans les ruines de Gazul-Zagaz, où les attendent de pied ferme (et depuis un petit moment apparemment, à en juger par l’épaisse couche de poussière qui les recouvre) les guerriers Duardin. S’en suit une bataille des plus classiques, illustrant de fort belle manière l’intérêt de se rendre au combat avec une armure de plates et non une combinaison en viscose, dont le point culminant sera le duel entre Swiftblade et Amin’Hrith dans le temple de Zagaz, où le rusé Stormcast s’emploiera à faire un boucan à réveiller les morts…

1 : On peut donc dire qu’ils ont une carte Caddow. Mouahahaha.

AVIS:

À l’heure où cette chronique est écrite, Josh Reynolds est probablement le contributeur principal de la BL en matière de contenus siglés Age of Sigmar. Une telle prodigalité ne pouvant évidemment pas être synonyme de qualité exceptionnelle à chaque soumission, il est en somme tout à fait logique que certaines des nouvelles rédigées par notre homme ne s’avèrent pas être d’une lecture des plus passionnantes. C’est le cas de ce A Dirge of Dust and Steel (on me passera l’usage du titre original, à la fois plus poétique et plus élégant que le monstre qu’il est devenu en VF), qui se trouve être une nième variation du topos le plus employé de cette nouvelle franchise : la baston de Stormcast Eternals contre les forces du Chaos1. On pourra certes m’opposer que cet épisode particulier se distingue des dizaines qui l’ont précédé par l’emploi d’une Chambre relativement nouvelle (Vanguard), d’un héros inédit (Sathphren Swiftblade) et d’un environnement exotique en diable (l’Oasis de Gazul, en Shyish). Ce à quoi je répondrai que les Vanguard ne sont « que » des Stormcast sur demi-gryffs, et ne conservent de fait que très peu de temps l’attrait de la nouveauté. Swiftblade a quant à lui l’originalité d’une boîte Barbie et son Cheval, même son côté grande gueule n’étant plus vraiment novateur depuis l’arrivée d’Hamilcar Bear-Eater sur le créneau « humoristique » des SE. Pour terminer, Gazul a depuis lors sans doute rejoint l’interminable liste des lieux des Royaumes Mortels dans lesquels plus personne ne reviendra jamais, et ne mérite donc pas que l’on s’yn interesse plus que de mesure.

Non, pour ma part, la seule vraie valeur ajoutée de ce Dirge… tient en l’inclusion d’une faction Duardin sortant franchement du lot par sa vénération d’un Dieu de la Mort mort (combo !) et sa capacité à invoquer des esprits, ce qui constitue des variations intéressantes par rapport au stéréotype du guerrier nain que tout lecteur connaissant ses classiques se représente de façon plus ou moins inconsciente. Pour le reste, c’est de la qualité Reynolds (Josh), donc un récit bien structuré et rythmé, s’intégrant parfaitement dans les conventions définies pour Age of Sigmar en termes de fluff et d’atmosphère, et s’avérant dans l’ensemble plaisant à lire. Ne lui retirons pas ça.

1 : Comme les dernières années ont vu apparaître d’autres types d’adversaires, comme les morts-vivants de Nagash pendant la Tempête des Âmes ou les Orruks Ironjaws de manière collatérale à la traque de Mannfred von Carstein, j’attends avec impatience le moment où les vertueux Sigmarines commenceront à taper sur d’autres factions de l’Ordre, en attendant l’inévitable guerre civile que le passif de GW en la matière nous promet depuis que le premier Stormcast a dévoilé le bout de son masque de guerre. ‘La Vilainie de Vanus’, ça c’est un titre qui claque !

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Callis & Toll : Les Vieux Us // Callis & Toll : The Old Ways – N. Horth :

INTRIGUE:

Callis and Toll_The Old WaysAffecté à la surveillance de la cité d’Excelsis, dans le royaume de Ghur, le répurgateur de l’Ordre d’Azyr Halliver Toll, escorté de son sidekick Armand Callis, est envoyé par ses supérieurs tirer au clair une sombre histoire de disparition à Marshpoint, une ville agricole située en périphérie de la Cité des Secrets. Le fils aîné de la puissante famille Junica n’a en effet plus donné signe de vie après avoir eu maille à partir avec quelques soldats de l’autre grande famille locale, les Dezraed, qui l’ont poursuivi jusque dans les profondeurs de la forêt d’Ulwhyr. L’entente entre Junica et Dezraed n’ayant jamais été cordiale, c’est une vendetta en bonne et due forme qui menace d’éclater entre les Capulet et les Montaigu de Ghur, gueguerre qui mettrait en péril l’approvisionnement des régiments d’Excelsis en précieuse soie d’acier, ressource collectée depuis les fermes arachnides de Marshpoint. Il va donc de l’interêt général que cette triste affaire soit réglée dans les meilleurs délais, et qui de plus qualifié qu’un répurgateur pour traiter ce problème ?

Nous suivons donc Thalys et Colle au cours de l’enquête à laquelle ils se livrent à leur arrivée dans le bourg miteux et boueux de Marshpoint. Après un interrogatoire croisé des patriciens des deux familles, l’énorme et suintant Fenrol var Dezraed, autoproclamé Gardien de Marshpoint du fait de sa capacité de bloquer à lui seul l’entrée de la ville s’il lui prenait l’envie de s’asseoir en travers du portail, et le sec et irritable Kiervaan Junica, nos experts se rendent sur les lieux de la disparition à proprement parler, escortés par l’homme de confiance du patricien Junica, un natif du nom de Ghedren, et par un trio de gardes Dezraed. Et s’il se pourrait bien que la rivalité larvée entre familles nobles ait bien fait couler le sang, les enquêteurs feraient bien de prendre au sérieux les rumeurs entourant la Sorcière Blanche d’Ulwyhr. Après tout, ils ont pénétré sur son domaine…

AVIS:

C’est avec enthousiasme que j’avais vu revenir la figure iconique du chasseur de sorcières/répurgateur dans le lore d’Age of Sigmar, que son inclinaison high fantasy aurait pu « immuniser » à l’introduction de ce type de personnage, très grimdark par nature. La lutte contre les cultes chaotiques gangrénant le nouvel ordre rutilant de Sigmar constitue en effet à mes yeux un axe de développement des plus intéressants, et une prise de recul bienvenue sur le manichéisme caractéristique des premières années d’AoS. Encore fallait-il que l’image d’Epinal Hammerhal de l’inquisiteur traquant le vice et la trahison parmi les sujets obéissants de l’autorité centrale (préférablement divine, c’est plus classe) soit convenablement adaptée dans cette nouvelle franchise, la profession en question exigeant une rigueur morale confinant à la psychose, ce qui n’est pas franchement la norme parmi la soldatesque sigmarite (ces martel-sans-rire de Celestial Vindicators mis à part), dépeinte à de nombreuses reprises comme adepte du compromis et de la tempérance. Qu’en est-il avec la paire Callis & Toll, promise à un bel avenir au sein de la BL à en juger de la façon dont leurs noms ressortent dans tous les ouvrages auxquels ils ont été inclus ? Eh bien, c’est plutôt pas mal, encore que pas spécialement pour les raisons détaillées ci-dessus. Je m’explique.

Si le fanatisme (dans le bon sens du terme, car, si si, dans la littérature med-fan, cela existe) de nos héros laisse à désirer, la retenue dont fait preuve Toll, sensé être le vrai bad guy du duo, dans le jugement qu’il délivre au coupable, le plaçant à un petit 2 sur l’échelle de Mathias Thulmann (le référentiel absolu de la maison à cet égard), Horth se rattrape néanmoins en glissant quelques remarques de bon aloi à propos d’un certain White Reaper (Cerrus Sentanus sur son état civil), Stormcast Eternal pas vraiment Charlie, à tel point que son nom est utilisé pour effrayer les enfants d’Excelsis. Voilà un type qui mérite que l’on suive, et j’espère bien que ça sera le cas dans un futur pas trop lointain. Celà étant dit, The Old Ways a d’autres qualités, la première étant de proposer une petite enquête policière pas trop mal troussée au vu du nombre de pages limité avec lequel elle doit composer1, l’atmosphère horrifique du passage « sylvestre » du récit étant une autre source de satisfaction. D’autre part, cette nouvelle présente également l’intérêt de creuser le background de la cité libre d’Excelsis, qui devrait normalement ne pas disparaître corps et bien dans les annales du fluff, au vu du nombre d’apparitions qu’elle a faite dans divers écrits depuis son introduction dans le background. En apprendre plus sur cette bourgade présente donc un intérêt pour le fluffiste, tellement bombardé d’informations géographiques par ailleurs qu’on ne peut lui reprocher de ne pas prendre note de tout ce qu’on lui soumet.

Enfin, de façon plus large, elle fait ressortir un concept intéressant : le fossé existant entre natifs d’Azyr et populations locales au sein des cités libres, les seconds étant généralement mal considérés, voire méprisés par les premiers, qui les qualifient « d’Amendés » (traduction personnelle de Reclaimed, qui peut aussi s’entendre comme « Récupéré ») ou de « Sang Maudit » (curseblood), ce qui n’est pas très sympathique, mais ajoute de la profondeur à la société sigmarite. Quand on lit que même un personnage « égalitariste » comme Toll n’aurait pas de problème à raser toutes les forêts de Ghur pour pouvoir accélérer la colonisation de ce Royaume, au grand désarroi des locaux qui ont appris à vivre dans les étendues sauvages et à les respecter, on se dit que la possibilité d’un soulèvement des indigènes contre la métropole et ses représentants est une possibilité réelle… et c’est tant mieux en termes de potentiel narratif ! Bref, une plongée satisfaisante dans l’arrière-pays d’Excelsis, et une nouvelle qui vaut le coup d’être lue pour qui s’intéresse au fluff des cités libres.

: On saluera également le twist proprement « meta » de Horth, qui fait dire à Toll qu’il avait identifié le coupable depuis belle lurette et attendait juste de voir combien de temps il faudrait à Callis (et donc au lecteur) pour faire de même. On ne me l’avait jamais faite celle-là.

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La Danse des Crânes // The Dance of the Skulls – D. Annandale :

INTRIGUE:

The Dance of the SkullsInvitée à honorer de sa présence un bal donné par la reine Ahalaset et le seigneur Nagen dans la cité de Mortannis, Nefarata se doute bien que cet évènement mondain n’est qu’un prétexte commode pour permettre à ces deux grandes lignées d’agir à ses dépends, ce qui ne l’empêche pas d’accepter gracieusement de se rendre sur place, n’ayant de toute façon rien d’autre de prévu ce soir là. Voyant d’un mauvais oeil le rapprochement s’étant récemment opéré entre Ahalaset et Nagen, la Mortarque de Sang suppute avec raison qu’un piège va lui être tendu, et se réjouit d’avance de cette (més)aventure, le quotidien de Nulahmia devant apparemment être assez terne.

Après avoir été accueillie avec tout le faste et la pompe liés à son r/sang (et infligé rateau sur rateau à ce pauvre Nagen, auquel elle promet toutefois une danse plus tard dans la soirée1), Neffie se voit proposer par son hôte une dégustation privée de crus tirés de l’hématothèque personnelle d’Ahalaset, ce qui ne se refuse pas. Guidée jusqu’à un salon lounge où l’attendent une dizaine d’esclaves qui s’appellent tous Mathusalem ou Réhoboam, notre rusée vampire à tôt fait d’identifier l’aiguille d’argent se terrant sous la roche, en l’occurrence un assassin assermenté doté d’une fourchette à escargot à la place du bras (c’est la mode à Hammerhal). Ayant raté son test d’Initiative, le faquin est toutefois aisément neutralisé par sa victime supposée, qui l’attache à son service d’un langoureux battement de cils. Satisfaite de la tournure prise par les évènements, et comme toute quinqua-millénaire de la bonne société après une dure journée de labeur, Neferata s’accorde un petit verre (et fracasse au passage toutes les « bouteilles », qui espéraient peut-être qu’on les laisse tranquille le temps qu’elles refassent le plein) aux frais de ses hôtes avant de revenir se joindre à la fête.

Là, il est temps pour la Lahmiane de porter l’estocade aux traîtres débusqués, et en musique s’il vous plaît, la danse des crânes consentie à ce benêt de Nagen donnant amplement le temps à notre héroïne de cimenter sa victoire en enchantant légèrement son cavalier, qui ne trouvera rien de plus malin lorsque l’assassin d’Ahalaset viendra sonner les douze coups de minuit à son ancienne patronne à l’aide de son argenterie intégrée, de lancer sa devise dans le silence de mort (héhé) qui s’ensuit. Cette dernière tombera à plat comme la totalité de ses blagues, et, mal comprise par la garde de la reine défunte, aura des conséquences tragiques pour notre pauvre Nagen. Un verre ça va, trois verres…

1 : En même temps, cette coquetterie de laisser dépasser une canine par dessus sa lèvre inférieure ne doit pas aider à lui donner un air très intelligent.

AVIS:

C’est peu de chose de dire que la prose de Herr Annandale n’était pas tenue en haute estime de ce côté du clavier, depuis la chronique de ses débuts pour la BL (The Carrion Anthem, Hammer & Bolter #11) jusqu’à aujourd’hui. Les choses ont légèrement évolué avec cette Danse des Crânes, qui s’affirme facilement comme la meilleure soumission de notre homme que j’ai pu lire à ce jour. Certes, on parle ici en progrès relatif plutôt qu’en performance absolue, cette courte nouvelle ne se comparant guère aux travaux d’auteurs que je considère être plus méritants que David Annandale, Abnett, Dembski-Bowden, Farrer et Fehervari en tête, pour n’en citer que quelques uns (la liste serait assez longue sinon), mais j’aurais trop beau jeu de ne pointer que les trous dans la cuirasse ou les défauts dans la raquette des travaux de ce régulier de la BL, si je ne soulignais pas également les sources de satisfaction à la lecture de ces derniers. L’Empereur sait qu’ils sont encore rares à cette heure.

Alors, quels sont les éléments positifs de La Danse des Crânes ? Pour commencer, une absence de ce que l’on peut presque appeler une « annandalerie », terme forgé par votre serviteur et désignant une mauvaise, grossière ou grotesque exploitation d’une idée de départ pourtant assez sympathique, pour des résultats évidemment décevants. Le huis-clos victorien qui nous est proposé ici ne pêche ainsi pas par excès de zèle ou manque de structuration, les péripéties s’enchaînant de façon tout à fait convenable et crédible, ce qui pourrait sembler aller de soi mais n’était pas gagné d’avance au vu du pedigree de l’auteur. On sent que ce dernier a réfléchi à la manière dont il devait dérouler son récit pour que le plan alambiqué de Nefarata puisse se dérouler sans (trop) d’accroc, et même si l’usage d’un petit TGCM en fin de nouvelle pour parfaire le triomphe de Mama Lahmia peut être noté, c’est finalement peu de chose comparé aux problèmes structurels émaillant quelques unes des précédentes soumissions de David Annandale.

Autre source de contentement, la description intéressante qui nous est faite de la haute société mort-vivante, nid de vipères aux crocs acérés et n’hésitant pas un instant à comploter pour précipiter la chute de leurs prochains, alors même que les ennemis extérieurs se comptent par milliers, et qu’un brin de solidarité entre macchabées ne serait pas de trop pour défendre le pré carré de Nagash. Le fait que cette société, mêlant vampires et humains à tous les échelons, apparaisse comme fonctionnelle et pérenne (en même temps, c’est bien le minimum quand on est immortel) est une autre réussite d’Annandale, qui parvient à donner un volume fort bienvenu à une faction qui jusque là se réduisait à des légions de squelettes traînant leur mélancolie dans des déserts violacés. On peut s’amuser aussi en Shyish, telle est la morale de cette petite histoire.

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Rats de Cale // Shiprats – C. L. Werner :

INTRIGUE:

ShipratsLa malchance légendaire qui colle à la carène du Dragon de Fer et la peau de son capitaine, le Kharadron Brokrin Ullisson s’abat une nouvelle fois sur le fier navire et son équipage. N’ayant pas trouvé de filon d’aether-or au cours de sa dernière campagne, le navire Duardin s’est résigné à se faire cargo de grain pour au moins rentrer dans ses frais, et a chargé une cargaison de blé dans la ville de Greypeak, qu’il espère vendre à bon prix de retour à Barak-Zilfin. Ce beau projet est toutefois menacé par la présence de passagers clandestins dans la cale du Dragon, une colonie de rats bien décidée à faire bombance sur les stocks des Arkanautes. Entre les petits barbus et les encore plus petits moustachus, il ne saurait y avoir de terrain d’entente, mais que faire pour débarrasser le vaisseau de l’infestation de vermine sans endommager ce dernier ? Alors que Brokrin et ses hommes se trouvent réduits à chasser les importuns à coups de pelle, avec des résultats peu concluants, comme on peut se l’imaginer, une bonne et potentiellement riche idée est soumise : pourquoi ne pas faire un détour par la Lamaserie de Kheitar, dont les moines ont par le passé rendu un fier service aux Kharadrons en débarassant le Dragon de la nuée de crapauds célestes (car apparemment, c’est un aléa climatique assez courant dans les Royaumes Mortels) qui avait élu domicile sur le navire à l’aide d’une fumigation un peu spéciale ? Aussi dit, aussitôt acté, la possibilité de soutirer aux bonzes une de leurs fameuses tapisseries pouvant même permettre d’espérer un profit au trésorier de la petite bande, passablement dépité par le tour pris par les évènements. Après tout, quoi de mieux qu’un lama pour venir à bout d’un rat1 ?

Arrivé sur place, Brokrin emmène une poignée de ses gars à la rencontre des paisibles habitants de Kheitar, dont les ancêtres étaient tellement zens qu’ils ont réussi à apprendre à un démon les bienfaits de la méditation. Brokrin, qui connaît personnellement le grand Lama (Serge), est bien étonné de voir apparaître à la place de son vieux pote un nouveau père supérieur (Bernard), qui a la peine de lui apprendre que Serge n’est pas simplement malade (comme on pouvait s’y attendre), mais a carrément atteint l’illumination en commettant le suicide rituel du tulku, un lent empoisonnement débouchant sur une momification graduelle de l’ascète. Malgré cette triste nouvelle, Bernard se montre particulièrement conciliant avec ses hôtes, acceptant non seulement de procéder à la dératisation demandée (sous réserve que les Duardins permettent aux rats de quitter le navire, car telle est le niveau d’antispécisme des bonzes), mais offrant même à leurs hôtes non pas une, mais cinq de leurs précieuses tapisseries, pour une contribution laissée à la discrétion des bénéficiaires. En celà, Bernard fait une grave erreur car cette générosité excessive ne manque de déclencher l’alerte piège à khon que tous les Kharadrons possèdent dans un coin de leur esprit. Suspectant une entourloupe, Brokrin charge donc un de ses matelots d’escorter les moines tapissiers jusqu’à bon port, tandis que lui et le reste de son khrew acceptent l’offre de Bernard de rendre visite à Serge, qui serait, contre toute évidence, encore vivant. Bernard commet alors sa deuxième boulette (pas aussi grave que celle du Bordeaux – Paris de 93, mais pas loin) : soucieux de faire respecter les traditions non-violentes de Kheitar (où même les démons fument du chichon), il somme ses visiteurs de déposer leurs lames avant d’entrer dans le saint des saints. Toujours un à lire les petites lignes du contrat et à trouver les failles dans les termes et conditions qui lui sont proposés, Brokrin fait remarquer à ses hommes que l’injonction du grand Lama ne couvre pas les armes à feu, et emboîte donc le pas à Bernard toujours armé de sa pétoire.

Un peu plus loin, les mirrifiques carpettes de Kheitar sont entreposées sans heurts dans la cale du Dragon de Fer, sous l’oeil attentif et circonspect d’un rattophobe déclaré, le sergent arquebusier Drumark, dont le paternel a été fauché dans la fleur de l’âge lors d’une bataille contre les Skavens. Souhaitant s’assurer que la vermine qui grignote son grain ne s’attaque pas aux précieux tapis, il laisse remonter ses comparses et attend dans la pénombre de voir comment les choses vont évoluer. Quelle n’est pas sa surprise de voir s’extraire des rouleaux apportés par les bonzes une demi-douzaine d’hommes-rats, qui comptaient sans doute s’infiltrer discrètement dans le navire en attendant de jouer un tour pendable à ses occupants légitimes ! Les plaisanteries les plus courtes étant les moins longues, Drumark a tôt fait de sonner la fin de la rat-cré, l’arsenal Kharadron ayant rapidement raison des manigances skavens. Tout celà n’augure toutefois rien de bon pour Brokrin et ses suivants, qui ne tardent pas non plus à découvrir le pot au rat, à la suite d’une performance misérable du Jeff Panacluc Skaven, un dénommé Kilvolt ayant « jeanmarquisé » le cadavre de Serge. Sommé de révéler au véritable maître de Kheitar les secrets de l’ingénierie Kharadron, Brokrin refuse avec noblesse, et met à profit la bévue de Bernard pour arroser les hommes rats venus à la rescousse de Kilvolt avec du Kharaplomb. L’algarade ne dure cependant pas longtemps, l’arrivée de Drumark et de ses arquebusiers convainquant définitivement les Skavens de la futilité de leur approche. Profitant de l’accalmie, Brokrin et Cie repartent ventre à terre sur le Dragon, non sans avoir pris soin de looter quelques tapisseries supplémentaires en guise de dédommagement. De voleur à vendeur de tapis, il n’y a que peu de choses au fond.

1 : Si vous répondez : un chat, sachez que le félin apporté à bord par les Duardins a fait acte de mutinerie peu de temps après sa prise de fonction. C’est ce qu s’appelle avoir un poil dans la patte.

AVIS:

Accompagnement au roman qu’il a consacré aux plus blindés des Duardins (Corsaires du Dragon de Fer//Overlords of the Iron Dragon), ce Rats de Cale de Werner s’avère être d’une lecture globalement satisfaisante. Notre homme retrouve avec bonheur ses victimes favorites (les Skavens), qu’il gratifie comme à son habitude d’une inventivité et d’une ambition proportionnellement inverse à leur compétence, pour un résultat aussi spectaculaire que dérangeant1. S’il y a un contributeur de la BL qui sait s’y prendre pour donner aux hommes rats leurs lettres de bassesse, c’est bien l’homme au chapeau, et on ne peut que souhaiter que Nottingham lui confie davantage de commandes portant sur les funestes et fumistes machinations des rejetons du Rat Cornu. On appréciera également l’exotisme du propos, la visite guidée de la Lamaserie de Kheitar permettant au lecteur de se remémorer l’immensité des Royaumes Mortels, où la présence d’une communauté de bonzes vénérant un démon du Chaos ayant trouvé la paix intérieure en téléchargeant Petit Bambou sur son portable est tout à fait possible. On peut regretter que l’accent ne soit pas davantage mis sur la culture des protagonistes, abordée assez succinctement à travers la mention des différentes fonctions des membres de l’équipage de l’Ang Drak et du fameux Code des Kharadron (qui sanctuarise les partenaires de commerce équitable, ce qui doit indiquer que les bananes et le chocolat sont tenus en haute estime par le Geldraad), mais que voulez-vous, on ne peut pas tout avoir dans une nouvelle de 25 pages. Le casting très développé des Arkanautes, conséquence logique de leur inclusion dans le roman cité plus haut, est un autre facteur pouvant diminuer (légèrement) le plaisir de lecture, mais, rassurez-vous, savoir qui est qui n’a que peu d’intérêt au final. Le plus important restant bien sûr de souquer les artimuses.

1 : Sérieusement, imaginer la transformation d’un cadavre de bonze en marionnette animée, c’est un coup à faire des cauchemars.

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Enchères de Sang // Auction of Blood – J. Reynolds :

INTRIGUE:

Auction of BloodLes plans pour une soirée de bouquinage tranquille de Palem Bo(o)k, libraire d’incunables à Eauxgrises et accessoirement espion à la solde de Nefarata, sont brutalement et définitivement balayés lorsque notre fin lettré reçoit l’ordre de représenter sa généreuse patronne à une session d’enchères privées, se tenant le soir même au Nid de Pie, une institution bien connue par les habitués de la vie secrète de la métropole Ghyranite. Bien forcé d’accéder à la gracieuse et impérieuse requête de sa bienfaitrice s’il tient à conserver sa jugulaire intacte, Bok se rend sur place, et réussit à négocier son entrée, malgré une absence d’invitation (les grandes de ce monde ne prennent pas en compte des détails aussi triviaux) et une vigile elfique vraiment patibulaire du tout. Même pas briefé sur l’objet qu’il devra acquérir pour le compte de sa maîtresse, il a peine le temps de jeter un regard sur le reste de l’assistance, où se pressent pêle-mêle un mage lumineux et son dragonnet de compagnie, un Nain du Chaos essayant de camoufler son appartenance à une franchise défunte sous une épaisse capuche, et la Femme en Rouge locale (il en faut une dans tous les univers med-fan dignes de ce nom apparemment), beauté ténébreuse et balafrée au sourire qui aurait pu être avenant s’il ne dévoilait pas des dents taillées en pointe.

Attendant patiemment que son heure vienne pendant que les premiers lots trouvent preneurs, Bok finit par comprendre que la babiole que Nefarata veut ajouter à sa collection est l’étrange fouet à huit lannières que le commissaire priseur révèle être Charu, le Fouette-Âme, rien de moins que l’une des huit Lamentations de Khorne ! Pressentant que cette acquisition va le mettre sur la paille, à condition qu’il arrive à remporter l’enchère avec ses moyens somme toute limités (l’industrie du livre est en crise partout), Bok est sauvé de la faillite par l’intervention inattendue de Melissandre, qui se trouve être une activiste de Khorne et ne goutte pas du tout à ce que cette sainte relique soit vendue comme un vulgaire bibelot lantique. Preuve que la malabar de l’entrée n’a pas fait son job de façon correcte, une demi-douzaine de comparses de la Lady in Red (Kesh de son prénom), se lèvent pour appuyer la revendication de leur meneuse, et la situation dégénère tranquillement lorsque le préposé à la vente tente de prévenir le service d’ordre et se prend une hache de jet entre les deux yeux pour sa peine.

Dans la mêlée générale qui s’en suit, Bok a l’occasion d’assister aux premières loges à une démonstration de fouet que n’auraient renié ni Corax ni Indiana Jones, Kesh ayant réussi à mettre la main sur l’arme du crime, dont le deuxième effet kiss cool est de voler l’âme des malheureux qu’elle lacère. D’abord contraint de régler leur compte à quelques cultistes mugissants tout prêts à l’enkhorner, Bok est rapidement convaincu par le talent meurtrier de Kesh de mettre le Charu avant les boeufs. Malheureusement pour notre héros, this girl is on fire et sa pétoire, bien que de fabrication Duardin, ne suffit pas à mettre fin au tohu-bohu. Animée de mauvaises intentions, malgré la perte d’un hémisphère cervical consécutif à un headshot proprement exécuté, Kesh l’est également par la magie impie de son arme, et il faudra que quelqu’un se dévoue à lui prendre littéralement la main pour que l’ambiance, finalement, retombe. La seule autre survivante de la soirée étant l’Aelf de garde, à présent chômeuse et à laquelle il s’empresse de proposer un job, Bok n’a aucun mal à faire main basse sur la vieille Charu, dont on se doute que Nefarata fera un usage raisonné…

AVIS:

Voilà une nouvelle de Josh Reynolds telle qu’on les aime. Loin du fracas des combats de première ligne entre Stormcasts et indigènes, Enchères de Sang s’attache à dépeindre la vie dans une cité libre de Sigmar, où, si l’ordre règne, tous les citoyens n’épousent pas forcément les vues progressistes et altruistes du Dieu céleste. Comme le Monde qui Fut avant lui, les Royaumes Mortels sont gangrenés par les agissements souterrains d’individus peu recommandables, ce qui est dans l’ordre naturel des choses à mon avis, mais méritait quand même d’être couvert par une nouvelle ou deux afin que le lecteur, surtout novice, ne s’y trompe pas1. Les amateurs de la série Malus Darkblade apprécieront sans doute le récit de la soirée très compliquée de Bok, contraint comme son lointain et illustre prédécesseur de prendre tous les risques pour récupérer une relique impie pour le compte d’un employeur pas vraiment compréhensif. Les nostalgiques du Vieux Monde et de l’archéo-fluff souriront à la rencontre des quelques easter eggs que l’auteur a glissé au fil des pages2. Tous reconnaîtront que Reynolds sait s’y prendre pour dépeindre les côtés peu reluisants d’une métropole med-fan, quadrillée par les sociétés secrètes en tout genre, les cultes chaotiques de quartier et les exécuteurs des basses œuvres d’éminences d’un gris souvent très foncé. Une chose est sûre, cela donne plutôt envie de découvrir quelles sont les sept autres lamentations que ce distrait de Khorne a égaré dans les Royaumes Mortels, dans ce qui pourrait bien être la série la plus intéressante des premières années d’Age of Sigmar. Les paris (et les enchères) sont ouverts…

1 : À quand la sortie du supplément ‘Quelque chose de pourri à Hammerhal’ ?

2 : On peut d’ailleurs s’étonner que la BL ait laissé passer la mention faite à Necoho, divinité chaotique désavouée par GW depuis des lustres. Ne boudons pas notre plaisir, ce n’est sans doute pas demain la veille que nous recroiserons ce Dieu renégat.

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Les Sables du Chagrin // The Sands of Grief – G. Haley :

INTRIGUE:

The Sands of GriefNous retrouvons la trace du Prince Maesa, toujours accompagné de sa mascotte de poche Shattercap, dans la cité de Glymmsforge, métropole sigmarite sise dans le Royaume de Shyish, alors que Sa Hautesse Sublissime termine les emplettes nécessaires à la prochaine étape de son voyage orphique. Toujours fermement décidé à résusciter sa bien-aîmée Ellamar, qui est morte avant de lui dire où elle avait rangé les piles pour la télécommande, le noble Wanderer s’apprête à braver les étendues sauvages du Royaume de la Mort à la recherche d’un sable bien particulier. La sagesse populaire veut en effet que toute vie des Royaumes Mortels trouve un écho dans le désert de Zircona et se cristallise sous la forme de grains de sable colorés. Celui qui parvient à collecter tout le sable de vie d’un individu et à l’enfermer dans un sablier arcanique aura le pouvoir de rendre l’être en question immortel, tant que le sable ne se sera pas totalement écoulé (il faut juste penser à retourner l’engin souvent, encore une raison pour laquelle Maesa a kidnappé Shattercap à mon avis). Ainsi équipé d’un minuteur ésotérique et d’un compas à âme, Maesa quitte Glymmsforge juché sur son Grand Cerf et trace sa route en direction du filon de l’être aimé1.

Le chemin est toutefois long et semé d’embûches, à l’aridité naturelle du lieu se conjugant son caractère délétère, qui sappe la vitalité des explorateurs (et les contraint à des bains de bouche fréquents avec du Ghyxtril, solution brevetée made in Ghyran), la nécessité de laisser traverser les légions de mineurs de Nagash, les prospecteurs rivaux pas toujours aimables, sans compter les patrouilles de rangers Nightgaunts, à l’affaux de tout collecte non-autorisée de silice. Il en faudra cependant plus pour détourner Maesa de sa mission sacrée, sa détermination sans faille, son épée magique siphonneuse d’âmes, la diligence servile de Shattercap (dont le syndrome de Stockholm a tellement enflé qu’il atteint désormais Oslo), et la vitesse de pointe de son destrier cornu, lui permettant de triompher d’une épreuve qu’aucun mortel n’aurait pu réaliser. Mais alors qu’il retourne vers son point de départ, sifflotant sans doute du Deep Purple (Might Just Take You Life, probablement), notre Aelf nécrophile ne se doute pas que son familier a gardé à son insu un grain du sable de vie de sa dulcinée2. Les conséquences de ce vol seront sans doute terribles…

1 : Dont il trimballe le crâne partout avec lui : utile quand on justement besoin d’un échantillon organique pour amorcer la recherche GPS, mais un rien creepy tout de même. Je ne veux pas savoir ce qu’il a fait du reste du corps au décès de sa dulcinée, qui pourra, si elle revient à la vie, déclarer de façon définitive qu’elle a une dent contre son mari.

2 : Ce qui explique l’excentricité du farfadet : il a un grain.

AVIS:

Figure montante du panthéon de héros d’Age of Sigmar, le Prince Maesa gagne avec ces Sables du Chagrin une profondeur appréciable, surtout pour les lecteurs ne le connaissant qu’à travers la session d’Action ou Vérité relatée dans la nouvelle mouture d’Inferno ! Apprendre la nature de la quête du noble Wanderer permet de prendre la mesure du projet littéraire entrepris par Guy Haley, et justifie pleinement l’approche « contes et légendes » choisie par l’auteur pour narrer l’épopée de Maesa, veuf éploré cherchant un moyen de faire revenir à lui sa bien-aimée mortelle. Si la connotation grimdark de WFB aurait fatalement mené notre héros à sombrer dans les abysses de la nécromancie pour atteindre son objectif, la tonalité plus high fantasy d’Age of Sigmar ouvre la porte à une issue moins sinistre, même si nombreux seront les dangers qui guettent l’intrépide Aelf et son très trépide (et kleptomane) familier. Mine de rien, peu nombreux sont les contributeurs de la BL à proposer un style s’éloignant des canons habituels de la maison, et pour AoS, Haley est à ma connaissance le seul à le faire. Rien que pour cette raison, la lecture des Sables du Chagrin présente un intérêt, cette nouvelle positionnant son auteur en héritier putatif (et encore incertain à l’heure actuelle) de Brian Craig, chef de file historique de l’approche « contemplative » de la Black Library. Au-delà de ce parti pris narratif, que l’on peut aimer ou non, on peut apprécier l’exotisme de cette nouvelle, dont le théâtre n’a pas grand-chose à envier en termes d’étrangeté aussi onirique que léthale aux Désolations Nordiques du Monde qui Fut. Les visions convoquées par Haley au cours du périple de son héros, comme ces processions éternelles de squelettes rapportant grain à grain de la Pierre des Royaumes jusqu’au trône de Nagash, frappent l’imaginaire du lecteur et viennent enrichir la palette du fantastique de la BL, trop souvent confinée à sa portion congrue (sword & sorcery, pour faire court) afin, sans doute, de faire le lien avec le wargaming que cette dernière est sensée servir. On peut enfin mettre au crédit de Haley un souci d’apporter du grain à moudre au mordu de background, en livrant une description concise mais riche d’une cité libre de Shyish, d’instruments arcaniques au potentiel fluffique des plus évidents (Who wants… to live… foreveeeeeer ?) ou encore des bigarrés sables de vie, concept aussi sympathique que poétique. Bref, une lecture obligatoire pour qui s’intéresse la geste de Maesa (la Gaeste quoi), et pas loin de l’être pour ceux qui souhaitent découvrir Age of Sigmar à travers les publications de la Black Library (que je félicite au passage d’avoir intégré cette nouvelle dans le recueil Sacrosaint & Autres Récits, où il a tout à fait sa place).

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Les Tueurs de Sorcières // The Witch Takers – C. L. Werner :

INTRIGUE:

The Witch TakersMis sur une sale histoire de meurtre dans la ruralité profonde du Khanat d’Arkl, en Chamon, les chasseurs de sorcières Esselt et Talorcan, unis à la scène comme à la ville, remontent une piste, forcément chaude, à travers les dunes du désert de Droost. De villages martyrs en tombes profanées et cadavres possédés il ne faut pas longtemps à notre fine équipe pour subodorer que quelque chose de pas sigmarite se cache au fond de ce dossier. Il semblerait que quelqu’un hante Droost avec pour seule mission de massacrer tout ceux ayant le malheur de croiser sa route. Quelqu’un… ou quelque chose, qui asservirait ses hôtes les uns après les autres, passant de main en main et ne laissant que les dépouilles de ses victimes et de ses porteurs derrière lui. Alors que les deux Répurgateurs approchent l’oasis de Tora Grae, miraculeusement épargnée par la folie environnante, il leur faudra agir rapidement et intelligemment pour empêcher le Tournetueur (pun intended) de commettre un nouveau carnage…

AVIS:

C.L. Werner qui met en scène un duo de Répurgateurs embarqués dans une quête qui les conduira dans quelque sinistre recoin de leur « circonscription » : du tout cuit pour l’auteur de la (plutôt bonne) série des Mathias Thulmann me direz-vous. C’est aussi ce que je pensais avant de commencer la lecture de ces Tueurs de Sorcières, et me suis donc surpris à reconsidérer légèrement ce postulat une fois passé le point final. Comme quoi, rien n’est gravé dans le marbre dans ce bas monde. La première divergence notable qui m’est apparue est la relation amoureuse unissant Esselt et Talorcan, ce qui n’a rien de rédhibitoire en soi (et est même suffisamment rare dans une publication de la Black Library pour qu’on puisse au contraire saluer l’audace de l’auteur), mais m’a semblé tellement éloignée des conventions usuelles de ce genre de littérature que mon expérience de lecture s’en est trouvée, pas polluée, le terme serait un peu fort, mais au moins perturbée par les roucoulades échangées par nos héros1. Passées ces considérations romantiques, l’intrigue que nous propose Werner ne s’avère pas être très haletante, la course poursuite par hôte interposé à laquelle se livrent Buffy, Xander et le bracelet perdu de Valkia la Sanglante suivant son cours avec une linéarité décevante, alors que la méconnaissance par nos héros de la nature et de la forme du mal qu’ils ont à combattre ouvrait la porte au développement de fausses pistes. Quant au binôme de choc proposé par l’auteur, il se révèle être d’une décevante platitude, Esselt et Talcoran ne s’écartant pas d’un pouce de leur stéréotype respectif (la paladine zélée et le rôdeur débrouillard), ce qui ne donne pas vraiment envie d’embrayer sur le roman que Werner leur a consacré (Le Cœur Corrompu//The Tainted Heart). Pour terminer, les apports fluff de cette nouvelle se comptent sur les doigts d’une main d’un Zombie de la Peste, le fait qu’elle se déroule dans un bout de désert perdu au milieu de nulle part ne jouant évidemment pas en la faveur d’inclusions significatives (même si ce genre de théâtre d’opérations n’est en rien rédhibitoire pour peu qu’on veuille s’en donner la peine, comme Guy Haley l’a prouvé avec Les Sables du Chagrin//The Sands of Grief). En conclusion, il ne reste guère que le métier de C. L. Werner pour faire tenir ces Tueurs de Sorcières debout, ce qui est suffisant pour une lecture rapide de l’ouvrage, mais à peine.

1 : Quand bien même ces dernières sont restées d’une sobriété bienvenue. C’est ainsi, j’ai du mal à voir des « Mon amour » apparaître dans une nouvelle de la Black Library.

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Le Prisonnier du Soleil Noir // The Prisoner of the Black Sun – J. Reynolds :

INTRIGUE:

The Prisoner of the Black SunOn se bat méchamment dans le Val des Tourments, région montagneuse de Shyish où sont sensées être dissimulées les entrées vers le Stygxx, le sous-monde servant de repaire à Nagash d’après les sources de Sigmar. Le Dieu du Marteau souhaite organiser une réunion avec le Dieu de la Faucille afin de tenter de recoller les morceaux et de recréer l’Interdivine Communiste, qui a volé en éclats lorsque le camarade S. s’est mis à entretenir son culte de la personnalité de façon un peu trop visible. Logique pour une divinité, me direz-vous. Bref. Sigmar a chargé les Hallowed Knights sous le commandement du Lord-Celestant Tarsus de caler ce fameux meeting, et il ne sera pas dit que les Stormcast Eternals ont laissé tomber leur patron. L’exploration des contreforts du Val est toutefois ralentie par le grand nombre de cultistes de Khorne présents sur place à l’occasion d’une semaine sport divers1 dans le cadre du séminaire de team bruising annuel, et les Hallowed Knights doivent donner de la voix pour se faire respecter par les Khorneux en goguette. Ca tombe bien, c’est leur spécialité2.

Ayant arraché de haute lutte l’accès à une forteresse abandonnée après un nouvel accrochage avec les chaoteux, Tarsus, le Lord Relictor Remus de l’Âme Ombragée et leurs petits camarades de casse décrètent une pause syndicale. Profitant de l’accalmie, les deux officiers partent explorer le bastion qu’ils viennent d’investir, afin de s’assurer qu’il ne s’y dissimule pas un accès vers le Stygxx. On n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise. Tarsus est alors assailli par une forte sensation de déjà vu alors qu’il traverse les pièces désertes, ce qui pour un Stormcast n’a rien de surprenant, mais le plonge dans les affres d’une profonde réflexion, ce qui lui fait plutôt mal au crâne. Il n’a cependant pas le temps de s’apesantir sur cette remontée de souvenirs brumeux, car nos deux compaings débouchent dans une salle occupée par un planetarium géant, ce qui n’est déjà pas commun, mais qui l’est encore moins du fait de la présence d’un homme à l’intérieur de la sphère représentant le soleil, maintenu en place par des pieux de laiton fichés à travers ses poignets. How peculiar.

En se rapprochant un peu, Tarsus et Ramus doivent se rendre à l’évidence que l’homme est en fait un vampire, et assez affamé s’il faut en juger par sa tentative malheureuse de sauter au cou de ses visiteurs pour leur souhaiter la bienvenue. Peu impressionné par ces effusions, les Stormcast calment l’ardeur hémophile du suceur de sang à grands coups de marteaux, et commencent à l’interroger pour comprendre comment il a atterri ici. Il leur faut toutefois se rendre rapidement à l’évidence : le prisonnier du soleil noir est bien plus malin qu’eux, et ils n’arriveront pas à lui tirer les vers du nez sans lui tirer les pieux des poignets d’abord, ce qu’ils ne semblent pas pressés de faire. Ce badinage mondain permet au moins aux Stormcast d’apprendre qu’ils ont empiété sur le territoire d’un champion de Khorne nommé Tarka Porte-Malheur, qui ne devrait pas tarder à revenir de la supérette locale où il était parti acheter des croquettes pour ses nombreux animaux de compagnie. Et en effet, une sonnerie de cor retentit bientôt dans la vallée, annonciatrice du retour de Tarka et ses cathares.

Coincés comme des rats, mais des rats en armure de plate complète de sigmarite, les Hallowed Knights se préparent à faire ce qu’ils savent faire de mieux (à part brailler comme des putois en rut) : concasser du contestataire. Refusant de libérer leur nouvelle connaissance sur parole sous prétexte que les vampires sont rien que de menteurs, Tarsus et Ramus organisent la défense des bleus et blancs pendant que Tarka les harangue de loin sur l’illégalité du squattage des biens d’autrui, avant de lâcher sa meute de Khorgoraths, menée par son rottweiler Bloodswiller, sur les ZADistes. Dans la mêlée confuse qui s’ensuit, les Stormcast se retrouvent assez vite débordés, au point de reconsidérer la généreuse proposition du vampire, finalement dépunaisé en désespoir de cause par un Tarsus loin de prendre son pied (et pourtant, avec un nom pareil…), afin de sauver Ramus des papouilles frénétiques de Bloodswiller. Il faudra ensuite gérer les récriminations de Tarka et sa gueule de porte-bonheur en personne, venu avec le Dread Abyssal confisqué à son prisonnier en laisse, ce qui sera fait avec tact et courtoisie dans un premier temps (0,003 secondes pour être précis), puis avec une violence débridée, une horde de squelettes et un avaleur d’apathiques ne l’étant certes pas lui-même. Hallowed nan mais Hallowed quoi.

La nouvelle se termine sur la proposition de Mannfred von Carstein, car c’était bien lui, d’escorter ses nouveaux copains jusqu’au portail vers Stygxx le plus proche. Malgré le sombre pressentiment qui lui secoue les tripes, ou peut-être était-ce seulement la viande en sauce de la cantine du barraquement, Tarsus accepte le coup de main du Mortarque de la Nuit, et voilà les Stormcast partis vers d’autres aventures…

1 : Décapitation, démembrement, équarissage, duel à mort, lancer de hache, agility démoniaque, blood polo… Il y en a pour tous les goûts.

2 : On connait évidemment leur devise « Seuls les fidèles//Only the faithful », mais ce n’est pas le seul cri de ralliement de l’ost. Un autre très populaire est le classique « Liberators/Prosecutors/Judicators/Retributors/… on gueule, on gueule // … gueule le plus fort ».

AVIS:

Les histoires de Stormcast Eternals se suivent et se ressemblent, et malheureusement, pas en bien. Les bastons succèdent aux bastons, l’identité des malheureux tabassés et le lieu des exactions commises par les forces de l’Ordre (avec l’-O majuscule de rigueur) apportant seuls un peu de diversité dans ce corpus à l’intérêt de moins en moins évident pour le lecteur. En l’occurrence, le choix de Reynolds de mettre aux prises Hallowed Knights et Blades of Khorne pourrait même être considéré comme un retour aux sources de la fiction d’Age of Sigmar, au temps où la boîte de base opposant Sigmarines et Red Devils était l’alpha et l’omega de la nouvelle franchise de Games Workshop. Les esprits chagrins, dont je fais partie, ne manqueront pas de noter que ces prémices n’avaient rien de particulièrement mémorables, et ne méritaient pas spécialement qu’on leur rende hommage en recréant ce premier affrontement « mythique », mais on ne peut pas reprocher à Reynolds, qui s’embarquait avec ce Prisonnier du Soleil Noir dans une saga au long cours aux côtés des Hallowed Knights, de faire feu de tout bois (ou clou de toute ferraille, eut égard à la nature profonde de ses héros1).

Reste que cette nouvelle s’avère être aussi appétissante qu’un grand bol de protéines en poudre sans lait, ce qui constitue sans doute l’ordinaire des Stormcast Eternals et expliquerait pourquoi ils tirent généralement une tête de six pieds de long. On peut considérer cela comme l’incarnation « BLesque » des sempiternels et irritants au possible combats contre des mobs de bas niveau, que chaque RPG se fait un point d’honneur d’intégrer dans son gameplay, et qui, de vaguement intéressants en début d’aventure, finissent par devenir une véritable corvée après quelques temps. Reynolds a beau nous livrer en pâture quelques miettes de fluff sur les Hallowed Knights et bénéficier de la présence au casting d’une célébrité tout ce qu’il y a de plus legit, il faudra tout de même s’enquiller des pages de combats homériques entre Hallobots et Deceptikhornes, conclus en « beauté » par le duel (enfin, pas vraiment, les Stormcast Eternals n’étant pas vraiment grands joueurs sur le coup) entre capitaines des équipes bleu et rouge sur le mur des champions (le perdant repeignant le dit mur avec son sang). L’auteur a beau maîtriser son sujet et livrer une copie tout ce qu’il y a de plus propre, ce ne sera qu’une maigre consolation pour le lecteur n’étant que trop familier avec ce type de soumission. On pourra noter pour le fun que le seuil de résistance de Josh Reynolds envers les bibendums en sigmarite semble également s’amenuiser dangereusement, à en juger par la manière dont Mannfred arrive à faire passer Tarsus pour un abruti fini à chaque ligne de dialogue (ce même Mannfred qui gère en deux temps trois mouvement le Khorgorath de compagnie de Tarka la Crème, qui s’ébattait auparavant comme un chien dans un jeu de quilles). Maigre consolation pour nous, pauvres victimes collatérales de l’amour démesuré que GW porte à ses têtes d’affiche, mais tout est bon pour faire passer la sig-pilule.

1 : Après tout, quand on est con…tondant, on est c-

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Grand Rouge // Great Red – D. Guymer :

INTRIGUE:

Great RedDans la Mer des Os, les choses ne sont pas optimales pour Ramus de l’Âme Ombragée (c’est bien la seule chose qui l’est en ce moment), meneur de facto d’une coalition éprouvée d’Hallowed Knights et d’Astral Templars sous le commandement du bien nommé Vandalus, qui progresse péniblement en direction de la forteresse d’un chef de guerre Ironjaws connu sous le nom de Grand Rouge. Le but de la manoeuvre ? Convaincre cette grosse mais simple brute de s’allier avec les Stormcast Eternals et lancer un assaut décisif sur les positions de Mannfred von Carstein, qui s’est fait un ennemi (im)mortel en la personne de Ramus suite à sa trahison lors de la rencontre malheureuse des Hallowed Knights avec un Nagash imbuvable quelques mois plus tôt. Bilan des courses : une reforge supplémentaire pour tout le monde, sauf pour le malheureux Lord-Celestant Tarsus, dont l’âme s’est faite happée par le Dieu de la Mort avant d’avoir pu repasser par la case Sigmar. Depuis, Ramus poursuit le vampire félon à travers les Royaumes Mortels, bouclier magique en bandoulière et tête d’Ogor GPS1 au côté. Bref, it’s complicated.

Ce qui n’est pas compliqué, par contre, est le refus catégorique des Orruks locaux de se plier à l’exercice des pourparlers avec les Sigmarines, forçant ces derniers à massacrer tous les peaux vertes se plaçant en travers de leur route en gueulant (eh oui, ce sont les Hallowed Knights) « NOUS VENONS EN PAIX », ce qui est tout de même assez particulier. Ajoutez à cela les assauts réguliers de grindworms2 curieux, attirés par les coups sourds et réguliers des marteaux des Stormcasts sur les crânes épais des Ironjaws, et vous aurez tous les ingrédients d’un trek mémorable. Au four, au moulin et au reliquaire lance-éclairs, Ramus donne de sa personne pour accéler les négociations, jusque là peu fructueuses, avec les bandes de guerre nomades qui sillonnent le désert de Ghur, et finit par mener ses ouailles jusqu’au pied de la forteresse du Grand Rouge, où elles demandent à être reçues. Aux bataillons statutesques de Stormcast Eternals, les Orruks répondent par l’envoi d’un striker défoncé aux champignons et chantant l’intégrale de Crazy Frog en boucle, ce qui est perçu comme une offense délibérée de la part de locaux.

L’approche diplomatique ayant à nouveau échouée, Ramus, Vandalus et le reste de l’omnibus, dont ce bon vieux Cassos – que je tenais à citer car j’adore vraiment son patronyme – passent sur le corps de la garnison Ironjaws avec le professionnalisme qui les caractérise, et investissent les lieux dans l’attente du retour de leur propriétaire légitime. Sur place, Ramus a le temps de s’initier aux mystères insondables de l’écriture Orruk, où les mots veulent dire ce qu’ils disent (à sa grande perplexité), et Vandalus trouve même un Grot solitaire pour servir de guide du patrimoine à la troupaille pour passer le temps.

Fort heureusement pour tout le monde, à commencer par le lecteur, l’attente n’est pas longue, Grand Rouge et ses hordes qui… avaient oublié de couper le gaz avant de partir en migration vers le Portail du Royaume tenu par Mannfred, j’imagine, se présentant devant leur domicile de fonction en rangs serrés. Une nouvelle fois, Ramus invite courtoisement le chef adverse à venir discuter de leurs intérêts communs, et une nouvelle fois, il se retrouve à devoir défendre sa vie contre les assauts brutaux de son « partenaire3 ». Ca commence à être usant, même si Vandalus, en bon copain, prend rapidement la relève pour permettre à Delafon Dragée de souffler un peu. Les choses auraient pu suivre leur cours naturel n’eut été la manifestation soudaine et non sollicitée de ce vieux Skaggtuff, qui se révèle être une simple enceinte Bose depuis laquelle Mannfred en personne soufflait ses précieux conseils à Ramus. Consternation chez les Stormcast, hébétude chez Grand Rouge, hilarité chez le vampire, qui a la satisfaction de livrer un petit monologue de grand méchant victorieux à ses adversaires sidérés, avant de leur donner rendez-vous au Portail du Royaume pour une explication terminale. Comprenant enfin qu’il a été dupé, Grand Rouge repart en braillant à travers la Mer des Os à la tête de ses hordes, qui finalement se sont tapées un aller-retour pour rien. Honteux et contrit de s’être fait une nouvelle fois avoir, Ramus avale quant à lui le peu d’amour propre qui lui reste pour emboîter le pas du Megaboss et emmener ses troupes vers la bataille finale. Ca va zouker dans les chaumières.

1 : Ogor dont l’utilité est vraiment toute relative, puisque les indications qu’il donne sont de l’ordre du « Mannfred n’est pas loin. » La triangulation ne marche pas super bien on dirait.

2 : Population excessive de Shai-Hulud d’Arakis exportés vers une autre franchise fantastique pour dans le cadre d’un programme de préservation de l’espèce.

3 : En même temps, commencer les négociations en affirmant que le territoire de la partie adverse a été conquis au nom de Sigmar et balancer un éclair sur leur porte-parole ne doit pas aider à détendre l’ambiance autour de la table.

AVIS:

Commençons cette critique par le coup de clavier qui s’impose, portant envers la Black Library et ses éditeurs et non pas envers l’auteur de Grand Rouge (dont le tour viendra un peu plus tard, évidemment), dont je peine parfois à comprendre les fonctions et les missions. Il n’aura certes pas échappé au lecteur de Sacrosaint… que Le Prisonnier du Soleil Noir et Grand Rouge sont situés dans le même arc narratif, les similitudes en termes de personnages (Ramus et ses Hallowed Knights, Mannfred von Carstein) et d’intrigue (la traque du second par les premiers suite à quelque fourberie ourdie par le Mortarque de la Nuit) crevant littéralement les yeux. En outre, le positionnement de ces deux nouvelles l’une immédiatement après l’autre dans le recueil achève de lever le moindre doute qui pourrait exister quant aux liens qui les unissent. Les choses se gâtent toutefois après seulement quelques pages, lorsque les personnages se mettent à évoquer des évènements passés dont le lecteur n’est absolument pas familier. À ce stade, on se dit simplement qu’il s’agit d’une technique de narration de Guymer pour laisser planer un peu de mystère sur son propos, à la Abnett, mais que tout fera rapidement sens au fur et à mesure que l’auteur intègrera les éléments nécessaires à la bonne compréhension de son public au fil des pages. Sauf que. Non. Grand Rouge s’achève sur une espèce de révélation se voulant fracassante (Skraggtuff était Mannfred depuis le début – gasp ! –) mais qui finit plutôt fracassée sur l’ignorance relative, et bien légitime, du lecteur quant à l’importance de cette tête d’Ogor pour la quête de revanche des Hallowed Knights. Habité d’un sombre pressentiment devant l’accumulation de signes révélateurs d’une possible bourde de la BL, j’ai réalisé ma petite enquête… qui a conclu à l’existence de, non pas un, non pas deux, non pas trois, mais bien SIX épisodes entre Le Prisonnier… et Grand Rouge, laps de temps pendant lequel bien des choses se sont déroulées, dont la fameuse trahison de Mannfred envers ses libérateurs, qui eut pour conséquence le retour à la case reforge des Hallowed Knights mandatés par Sigmar pour arranger un déjeuner de travail avec Nagash, minus Tarsus, gardé en porte-clés souvenir par le Nag’. Il n’est donc guère étonnant que les pièces ne s’emboîtent pas bien pour le lecteur qui passerait innocemment d’une nouvelle à l’autre, de la même manière qu’un spectateur embrayant sur Le Réveil de la Force après La Menace Fantôme risquerait d’être un peu perdu. Passe encore que la BL ait choisi d’intégrer dans ce recueil une nouvelle « intermédiaire » (car il faudra attendre encore un épisode pour connaître le fin mot de l’histoire), avec tous les inconvénients que des soumissions de ce genre peuvent poser pour la compréhension et la satisfaction du lecteur, mais pourquoi, oui pourquoi, les insondables génies qui ont mis en forme Sacrosaint… n’ont-ils pas pris la peine de se fendre d’un petit paragraphe de re-contextualisation en ouverture de Grand Rouge (comme cela est fait au début de chaque film Star Wars, pour rester sur le même exemple) ? Cela aurait été tellement plus simple. Tellement. Trop peut-être. Vigilance permanente. Adesse reddat nullum tes sua, comme dit le poète. Cela étant dit, passons maintenant sur la nouvelle à proprement parler.

Grand Rouge est un travail difficile à évaluer de façon indépendante, son intégration dans un arc narratif s’étant considérablement complexifié depuis ses débuts (on parle du 7ème épisode d’une série en comptant 8) rendant l’entreprise assez peu aisée, surtout pour le lecteur non familier des épisodes précédents, ce qui est mon cas. On peut toutefois affirmer sans équivoque qu’il s’agit, encore une fois, d’une nouvelle où des Stormcast Eternals tapent sur des trucs, ici un échantillon représentatif du Battle Tome Ironjaws, avec des résultats toujours aussi con…cluants. Les puristes pourront mettre en avant le fait que les Orruks sont légèrement plus résistants, mais sensiblement moins vifs, que le guerrier du Chaos moyen, ce qui est perceptible dans la description du combat opposant Ramus à l’un des géants verts créchant dans la Mer des Os. Si on veut. Les amateurs de bataille rangée en auront également pour leur argent, la sortie effectuée par les Peaux Vertes après que les Stormcast Eternals aient frappé à la porte pour leur demander des friandises donnant lieu à un affrontement d’assez belle taille. Reste que si on enlève les parties belliqueuses de Grand Rouge, on se retrouve avec pas grand-chose de plus que des dialogues de meublage, qui paraitront assez abscons aux pauvres âmes n’ayant pas eu la chance et le privilège de lire les épisodes précédents de la geste des Hallowed Knights. Pareillement, le cliffhanger des familles venant terminer la nouvelle, et augurant d’une bataille finale proprement titanesque (j’en frétille d’avance…) risque fort de tomber à plat pour qui n’avait pas cotoyé Ramus de l’Âme Ombragée et de la Petite Tête pendant un laps de temps assez long pour être touché en plein cœur par la nouvelle fourberie de Mannfred. Cette connaissance des évènements précédents pourrait d’ailleurs peut-être expliquer de façon satisfaisante et logique pourquoi le grand méchant décide tout d’un coup de révéler sa présence, alors qu’il était bien parti pour obtenir que ses deux adversaires s’entretuent posément, ce qui aurait fait ses affaires, sans doute. Au lieu de ça, son désir d’être reconnu comme la personne la plus intelligente du Royaume a vraisemblablement conduit à l’établissement d’un cessez le feu entre Ramus et Grand Rouge, ce qui n’augure rien de bon pour notre taquin de Mortarque (je dirais même que ça lui Nuitget it ?). Bref, une nouvelle qui n’en est pas vraiment une au final, mais plutôt un chapitre de la saga compilée dans The Realmgate War : si vous n’avez pas lu le début de l’histoire, je vous dispense, dans mon infinie munificence, de vous infliger la lecture de la (presque) fin de cette dernière.

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La Source Courroucée // Wrathspring – G. Thorpe :

INTRIGUE:

WrathspringConfronté aux ravages de la pollution que les Skavens du Clan Pestilens déversent par bennes entières dans son domaine, le Vénérable Homme Arbre Diraceth, bien affaibli par des années de rejets de litière souillée directement dans les nappes phréatiques d’où sortent les eaux de la Source Courroucée, d’où la communauté Sylvaneth qu’il administre tire son nom, consent enfin à porter le combat aux infâmes hommes rats. Il est cependant sans doute déjà trop tard pour les militants de la Surf Rider Foundation, dont l’opération sous-bois propre se heurte rapidement à la mauvaise volonté des pollueurs-pilleurs, menés par un Verminarque grossier (il rote carrément à la face des défenseurs de la cause végétale, ce qui n’est pas très poli) et graisseux, bien décidé à hâter la biodégradation de Diraceth et de ses ouailles. Alors que notre létargique protagonniste est sur le point de se laisser abattre, un miracle se produit soudainement. Ce petit point dans le ciel, est-ce un oiseau, est-ce un avion Ironclad ? Mais non, c’est… le soleil. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour le bois ça veut dire beaucoup, cette légère éclaircie annonçant un retournement complet de la situation. Le Verminarque Pestilens étant sans doute un rat-taupe à la peau sensible à l’exposition, il décide de retourner se mettre à l’ombre à Vile-Ville, laissant ses ouailles fort dépourvues. Car ce soleil, ce n’est pas juste le soleil, c’est en fait Alarielle en mode super luciole, et la déesse n’est pas venue seule, les osts de guerre de sa cour royale ayant également fait le déplacement. Il ne faut pas longtemps avant que les ratons s’enfuient comme des dératés, laissant la Source Courroucée aux mains branches des Sylvaneth. Pas du genre à laisser traîner les détritus de façon indue, la déesse endosse ensuite son aspect ménager et se change en borne Rowenta géante afin de mieux purifier la forêt des déprédations de la vermine. C’est pas tout le monde qui sait faire ça.

La corvée terminée, un conseil de guerre est convoqué, où il doit être décidé du prochain objectif de l’arboretum ambulant qui sert de cour à Alarielle. Et là, c’est le drame. Tout le monde a une idée bien précise de l’endroit où l’intervention des huorns assarmentés est la plus nécessaire (c’est le problème quand 95% de votre Royaume est tenu par l’ennemi), on ne s’entend bientôt plus grincer. À ce petit jeu, c’est le Gardien de Dreadwood qui arrive à tirer sa brindille du fagot, rappelant à la déesse que son ost a combattu pour elle à la bataille des Landes d’Emeraude contre la promesse d’une assistance future. Soucieuse d’honorer sa parole, Alarielle ordonne à ses fidèles de se diriger vers le Val de Nuit d’Hiver, bastion d’un clan de Dreadwood investi par les fidèles de Nurgle. La bataille titanesque qui suit l’arrivée impromptue des Sylvaneth dans le terrain vague colonisé par les Rotbringers verra la Reine Eternelle monter au front en première ligne (enfin presque) pour jeter à bas l’oeuvre corruptrice des séides du Chaos. Gather round, children, et je vous raconterai l’histoire des Trois Petits Bubons et de la Grande Méchante Loupe des Bois1

1 : Confrontation inégale sur le papier qui faillit cependant se terminer comme dans le conte. Il se murmure dans les cernes autorisés murmurent qu’Alarielle avait, ce jour là, la gueule de bois.

AVIS:

Connu et craint à égales mesures pour son approche souvent grandiloquente du fluff de Warhammer Fantasy Battle et son amour immodéré pour les personnages nommés surpuissants, Gav Thorpe confirme avec cette Source Courroucée qu’il n’a rien appris ni rien oublié de cette glorieuse période. Après un petit échauffement de quelques pages consacré à la défense mollassonne de la Source Courroucée par cette vieille branche de Diraceth, plus vénérable que vénère dans sa lutte contre l’envahisseur skaven, l’arrivée dramatique d’Alarielle, plus efficace que Béatrice et Patricia de C’est du propre ! dans son genre, permet à notre homme de laisser court à ses coupables penchants pour la biographie romancée des grands de ce(s) monde(s). Exit le Yucca neurasthénique, qui fera tout de même acte de présence lors de l’assaut sur le Val de Nuit d’Hiver, et bonjour à la déesse de la Vie, que la plume élégiaque de Thorpe fait ressortir sous son meilleur j- ah non, pardon, qui apparaît comme une divinité passablement froussarde et – un comble – empotée, sauvée d’une fin honteuse des mains boudinées de trois petits sorciers de Nurgle par l’intervention altruiste d’un Homme Arbre de sa cour. Il n’y a pas à dire, il vaut mieux laisser les vrais bonhommesdieux, comme Sigmar et Grimnir, s’occuper de chasser les nuisibles et cantonner les déesses au ménage et aux compositions florales, activités bien plus adaptées à leurs capacités (#IronieInside). Blague à part, j’ai trouvé étonnant que Thorpe présente Alarielle si peu à son avantage, eut égard à son passif d’hagiographe superlatif. Peut-être a-t-il essayé d’illustrer la relative faiblesse de son héroïne à la sortie de sa cosse, au moment où Ghyran était encore largement aux mains des fidèles de Nurgle, et qu’Alarielle, bien que divine, n’était pas au top de sa forme et prenait donc des risques à mener le combat depuis sa quatre ailes1 ? Il est vrai que les Royaumes Mortels n’ont pas volé leur nom, et que même les divinités ne sont pas à l’abri d’une mauvaise surprise s’ils ne font pas attention où ils mettent les pieds/sabots/nageoires/tentacules, comme Kurnoth pourrait en témoigner s’il était encore parmi nous. La mise en œuvre de ce concept pêche cependant dans son exécution, Alarielle apparaissant comme une campeuse patentée préférant laisser monter ses fidèles en première ligne plutôt comme une incarnation de la nature vengeresse. C’est en tout cas mon ressenti à la lecture de cette nouvelle.

Autre constat regrettable, cette Source Courroucée ne s’avère être qu’un agrégat de rapports de bataille romancés, Thorpe consacrant le gros de son texte à narrer par le menu la levée du siège mis par les Skavens à la Source Courroucée, puis au retour des Berces du Caucase dans le Val de Nuit d’Hiver, tenu par les plus crades des locataires. Le mini conseil de guerre intercalé entre les deux épisodes de l’opération Mains Propres permet de grapiller quelques éléments de fluff sur la cour royale d’Alarielle, mais rien qui ne soit déjà disponible dans le Battle Tome correspondant, je gage. Nous nous retrouvons donc avec une « nouvelle de Stormcast Eternals » sans le moindre Sigmarine à l’intérieur, ce qui serait fort si ce n’était pas triste, au vu du peu d’intérêt de ce genre de publication. Thorpe oblige, la bataille prend des proportions épiques, avec l’intégralité du bois de Boulogne venant prêter branche forte à l’assaut final sur le Val (des dizaines d’Hommes Arbres, des centaines de Revenants, des milliers de Dryades…), mais en l’absence d’une véritable tension narrative, ces hordes végétales ne feront sans doute pas monter le cardio du fanboyeing transi qui sommeille en chacun de nous. Vivement qu’on permette au Gav de faire mumuse avec ses sujets de prédilection du Monde qui Fut (c’est-à-dire les personnages nommés elfiques de haut niveau), afin de voir si Mr Thorpe, à défaut ne pas l’avoir très verte, n’a pas perdu la main.

1 : Les coléoptères ayant, comme chacun sait, deux paires d’élytres.

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La Route de Volturung // The Volturung Road – G. Haley :

INTRIGUE:

The Volturung RoadAlors que l’anniversaire des cent-et-un ans du siège fait à la forteresse Fyreslayer de l’Ulmount par les hordes dépravées du Prince Démon Qualar Vo se rapproche, le Fils de Runes Ulgathern, descendant de l’auguste Père des Runes Karadrakk-Grimnir, est troublé par les similitudes perçues entre une ancienne prophétie déterrée par le Maître des Runes paria Drakki1 et la situation actuelle de l’entreprise familiale. Selon le poème en question, une place forte sera enlevée après un siège de 101 ans, mais pas avant que son seigneur ait été tué par ruse… ce qui ne manque pas de se produire au cours d’une sortie des plus anodines (après un siècle de combat, on ne s’alerte plus de grand-chose), précipitant du même coup l’élévation de notre héros au rang de Père des Runes de plein droit (mais sans attribution fixe, ce qui est tout de même moins bien). Attristé par la mort de son paternel, enchanté d’accéder au statut qui lui permettra d’obtenir la main2 de sa dulcinée, et tourmenté par les échos funestes de la prophétie que son fidèle sidekick lui rabache en boucle pour l’inciter à l’action, Ulgathern sait qu’il n’a pas le loisir d’attendre longtemps, et décide donc de tenter le tout pour le tout en entraînant sa poignée de fidèles sur la route du Volturung, forteresse mère, et même grand-mère des Loges de l’Ulmont.

Ayant informé ses oncles et frères de sa décision et échoué à convaincre quiconque de se joindre à son exode, Ulgathern prend le chemin des ruines de Gaenagrik, forteresse ancestrale de sa lignée ayant été abandonnée à la suite à une invasion encore une fois mal négociée par les petits rouquins il y a trois cents ans de celà. Si ce lieu intéresse particulièrement notre héros, malgré sa mauvaise réputation et les nombreux dangers qui y rôdent (on y aurait vu errer le fantôme de Valérie Damidot, sa raclette de marouflage à la main), c’est qu’il s’y cache un Portail des Royaumes reliant le bastion à Aqshy, où est situé le Volturung. Toujours fourré dans les bons coups, c’est encore une fois au zélé Drokki qu’il revient la tâche peu enviable de trouver un guide aux émigrés en partance, ce qu’il arrive à faire de justesse en recrutant les services d’un Grimwrath Berzerker plus cinglé que la moyenne, et traînant un lourd passif de duardicide, ce qui n’est guère rassurant. Ayant réussi à instaurer le dialogue avec cette perle rare de courtoisie et de savoir-vivre nommée Brokkengird avant que la perle en question ne le décapite et lui vole son ur-or, Drokki conclut un marché avec le crétin à crète, qui accepte de guider les partisans d’Ulgathern jusqu’au Portail en l’échange des décalcorunies apportées à dessein par le Maître des Runes.

Le voyage débute sans encombre mais prend rapidement un tour désagréable lorsque les Slaaneshi dépravés de Qualar Vo se lancent aux trousses des nabots, après avoir investi l’Ulmount à la suite de la trahison d’un des frères d’Ulgathern, n’ayant pas digéré d’être déshérité par son paternel dans son testament. La capacité de mouvement des Duardin étant ce qu’elle est, Ulga’ finit par opter pour une action d’arrière garde en compagnie d’une poignée de ses guerriers afin de laisser le temps aux civils de sa colonne d’atteindre le Portail, et à Drokki de l’ouvrir. Malgré l’avantage de la position et de la valeur, nos braves naturistes finissent par se retrouver en fâcheuse posture, surtout après l’arrivée de Qualar Vo en personne, qui ne trouve rien de plus malin que d’aller promener son pagne souillé sous le nez de notre héros. Respirant par la bouche, Ulgathern repart à l’assaut des Hédonistes, mais tombe rapidement en rade de runes, le pouvoir de ces dernières pouvant apparemment s’épuiser en cas de surconsommation (c’était mieux dans le Vieux Monde !). La saga du Père des Runes se serait sans doute arrêtée nette, sous le pagne de ce vicieux de Qualar Vo, sans l’intervention opportune de Brokkengird qui, s’il n’est pas capable d’aligner trois mots sans fumer du crâne, a suffisamment de piercings en ur-or pour transformer le Slaaneshi en sushi. Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, Ulgathern est également rejoint par les rescapés de l’Ulmount, menés par son frère punk à chien salamandre et un Maître des Runes au regard d’orve. Tout ce joli monde passe le Portail obigemment rebooté par Drokki et pénètre en Aqshy.

Ce n’est toutefois pas la fin des galères pour nos SFF : arrivé devant les portes de Volturung, ils se font sèchement éconduire par un Fils de Runes aussi ostentatoire que grossier (Trumpunnir Golgunnir), qui les informe en termes non incertains qu’ils ne sont pas les bienvenus chez leurs cousins (même si les femmes et les enfants peuvent être pris comme esclaves domestiques s’ils demandent poliment). Bon prince, l’agent aux frontières indique qu’une petite forteresse satellite, proprette mais sans lave courante installée, est disponible à l’emménagement à trois jours de marche d’ici, dans le mont Crètacier. Seul un léger problème de vermine viendrait compliquer l’installation de la loge d’Ulgathern, qui n’a cependant pas d’autre choix que d’accepter.

La dernière partie de la nouvelle est donc logiquement consacrée à l’opération de dératisation menée par notre bande de héros, qui se divise en trois groupes afin de mieux tromper la vigilance de l’ennemi. Pendant que Drokki et son vénérable maître emmènent une poignée de guerriers innonder les niveaux inférieurs de la forteresse (et pour les Fyreslayers, cela consiste à causer une éruption volcanique « contrôlée »), ce qui leur donne l’occasion de massacrer les mères porteuses des ratons au passage, Ulgathern et sa garde rapprochée se chargent d’occuper le gros de la garnison skaven, tandis que Brokkengird, Sala-man et le reste des Fyreslayers provoquent une sortie massive des hommes rats en montrant leurs fesses devant la porte (mais hors de portée des Jezzails tout de même, faut pas déconner). Malgré quelques pertes tragiques, et un gros coup de chaud pour Ulgathern, dont l’entraînement au sauna paye lorsqu’il se retrouve confronté à des lance-feu fonctionnels (tout arrive), la victoire sourit aux nabots, qui n’ont plus qu’à passer la mop et poser leurs affaires après toutes ces péripéties. Au menu du barbecue de la pendaison de cremaillère, auquel participe un Stormcast Eternal VRP qui volait dans le coin : grillade de Skaven !

1 : Représentez-vous Jamel Debbouze avec une barbe rousse et un casque à crète et vous aurez un portrait fidèle de notre Duardin, dont l’un des bras est atrophié et qui passe son temps à faire des remarques pseudo humoristiques qui tombent assez souvent à plat.

2 : Et encore mieux que ça, pouvoir lui voir les orteils. Car oui, ça a l’air d’être le summum de l’érotisme chez les Duardins, dont on devine que leurs femmes ne portent pas de tongs (une inégalité flagrante par rapport à leurs va nu pieds de maris).

AVIS:

Malgré le désir de considérer chaque nouvel ouvrage avec des yeux neufs, je dois avouer avoir parfois du mal à faire abstraction du passif que chaque auteur régulier de la BL accumule à mes yeux à force de lecture et d’analyse de sa prose. De là la conception, fausse et paresseuse, d’avoir pris définitivement l’aune de l’écrivain en question, et de cataloguer chacune de ses soumissions dans la case mentale qu’on lui a attribué, que cette dernière soit flatteuse ou non. Guy Haley faisait jusqu’à récemment les frais de cette politique que nous qualifierons poliment d’heuristique, ses travaux chroniqués au cours des mois et années précédents lui ayant valu une solide étiquette de contributeur moyen+ de la BL, n’ayant jamais été particulièrement impressionné, en bien comme en mal, par ses oeuvres. La Route du Volturung est venue sérieusement rebattre les cartes, et, j’ai plaisir à le dire, de façon très positive.

Pour faire simple, cette nouvelle est celle que j’attendais depuis maintenant un moment de la part de la Black Library, celle qui me convaincrait vraiment et totalement de l’intérêt et de la profondeur de ce nouvel univers, qui n’avait jusque là à mes yeux que l’honneur douteux d’avoir remplacé mon cher WFB sur le créneau med-fan de Games Workshop. Autrement dit : il faut bien faire avec1. Et avec l’hégémonie de fait des batailles de Stormcast Eternals vs léméshan dans la production littéraire de ces dernières années, généreusement complétée dans un second temps par les batailles des autres factions vs léméshanossi, force était de constater que l’amateur de récits n’étant pas du hammerporn n’avait pas grand-chose à retirer d’Age of Sigmar. Cerise sur le sig-gateau, ces productions annexes n’apportaient pas grand-chose de concret en termes de fluff, autre qu’une liste interminable de nouveaux lieux, villes et régions, n’étant pour la plupart jamais repris par la suite, et abolissant ainsi toute la tension narrative que nous avions connu lorsque le Vieux Monde (et surtout l’Empire) était le théâtre des aventures des héros et affreux de la BL. Pas d’approfondissement de l’historique, de la mentalité ou des objectifs des différentes factions d’Age of Sigmar à attendre dans ce premier corpus (ou alors j’ai mal cherché), rien que du concassage de crâne à tire larigot.

La Route du Volturung est je l’espère le révélateur qu’une nouvelle direction éditoriale a été actée à Nottingham, et que les lecteurs sont désormais en droit d’attendre autre chose des nouvelles qu’on leur propose. Des choses pas forcément simples (même si certaines le sont) mais essentielles au plaisir de lecture et au maintien de l’intérêt pour cette partie du catalogue de la Black Library : des histoires contextualisées, donnant à voir et à comprendre les tenants et les aboutissants des luttes qui secouent les Royaumes Mortels ; des intrigues originales2 tout en restant crédibles, auxquelles on donne le temps de se développer logiquement et d’aller jusqu’à leur terme (et tant pis – ou tant mieux – si cela nécessite plus de pages : la Fin de Temps ne s’est pas faite en un tweet) ; des apports réels sur le fluff des factions couvertes, afin de donner au lecteur une meilleure compréhension de ces dernières3 ; des personnages bien pensés, complexes et attachants/intéressants (le slash a été mis pour le Fils des Runes Golgunnir, une belle enflure mais qui mérite le détour) et, pour finir, moins de Stormcast Eternals, ou alors utilisé de manière adaptée, comme ce Knight-Azyros qui apparaît dans le dernier paragraphe pour proposer une alliance aux Fyreslayers. Croyez-le ou non, j’aurais aimé lire ce que ce rapprochement aurait donné, et n’aurais pas dit non à une petite bataille entre nouveaux potes. C’est suffisamment rare pour que je le précise.

En plus de ces nouveautés appréciables, Haley assure également sur les fondamentaux de la nouvelle med-fan, avec un rythme soutenu, des scènes de combats sympathiques et une bonne rasade d’héroïsme bien kioul (mention spéciale au berzerk allumé du bulbe et adepte du runing4 qui solote un Prince Démon et un régiment de Vermines de Choc dans la joie et la bonne humeur) en sus. Pourquoi s’arrêter en si bon chemin, après tout ? Bref, carton plein que cette La Route du Volturung, qui me servira désormais de mètre étalon pour toutes les nouvelles conséquentes d’Age of Sigmar, ainsi que pour les futures soumissions du sieur Haley, qui a prouvé de façon indéniable qu’il avait l’étoffe d’un cad(ur)or.

1 : Ou pour reprendre le titre de CS&N : If you can’t be with the one you love, love the one you’re with.

: C’est tout de même révélateur de la pauvreté actuelle des nouvelles Age of Sigmar qu’un classique des classiques comme la défense d’une forteresse naine assiégée par des hordes innombrables de bad guys apparaisse comme original !

3 : C’est d’autant plus crucial pour les Fyreslayers, qui sont encore largement vus dans l’imaginaire collectif du Hobby comme « les Tueurs de Troll d’Age of Sigmar », ce qu’ils ne sont pas du tout. Haley fait un super boulot à ce sujet, en décrivant une société riche et fonctionnelle, qui diffère en de nombreux points de ses illustres « ancêtres ».

4 : C’est comme le tuning, mais avec des runes.

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Blacktalon : First Mark (Extrait) – A. Clark :

INTRIGUE:

Black Talon_First MarkLe Code de Conduite de la Sigmar Corp. beau être très clair sur le refus absolu de toute discrimination, et la Direction Ressources Humaines d’Azyrheim mettre en avant la pratique très innovante de recrutement sans CV1 que le boss a mise en place pour constituer ses équipes, il ne reste pas moins que les rangs des Stormcast Eternals restent désespérément masculins à l’heure qu’il est (on ne parle même pas de l’intégration d’autres races dans les effectifs, c’est manifestement encore trop tôt). C’est donc avec un soulagement mêlé d’impatience que nous avons vu arriver les premières héroïnes reforgées dans les cohortes de colosses rutilants de Papy Ziggy. Jamais la dernière pour suivre les tendances insufflées par la maison-mère, la BL s’est même fendue d’un personnage à l’avenant, la Knight Zephyros Neave Blacktalon, qui a mené ses copains de chambrée contre les rednecks d’Horticulous Slimux à l’occasion de la Blightwar, lorsque Sigmar se lassa de faire du porte à porte.

C’est la même Blacktalon que nous retrouvons alors qu’elle tourne ses meurtrières attentions en direction du champion d’un autre Dieu du Chaos, en l’occurrence Xelkyn Xerkanos, champion de Scrabble, Elu de Tzeentch et renégat d’Azyrheim, qui organise un projet… X (c’était facile) avec une bande d’emplumés hauts en couleurs, comme tout maître de cabale qui se respecte. Ayant investi les ruines d’un village perdu dans la jungle d’Heironyme, bien au nord d’Hammerhal Aqsha, Xelkyn ne se doute pas un instant2 que sa fin est proche, en la personne de notre mystérieuse chasseresse, escortée pour l’occasion par un comparse Knight Venator (Tarion Arlor) et son piaf de fonction (Kerien).

À deux et quelques contre un culte entier, il faudra à nos traqueurs une stratégie des plus solides pour espérer l’emporter. Enfin, ça, c’est surtout vrai pour les péquenauds qui ne peuvent pas ressuciter, comme Neave le fait posément remarquer à son binôme circonspect. Prête à tout pour que justice soit rendue, Blacktalon tape donc un sprint digne Usaïn Bolt (of lightning), agrémenté d’un record de saut en hauteur (15 pieds de haut, soit environ 4,5 mètres, et ça de manière tout à fait posée s’il vous plaît), et commence à discuter féminisme avec les séides de Xelkyn, que sa venue laisse sans voix, sans bras, sans tête et sans vie (au choix). L’effet de surprise joue à plein, mais il faudra un peu plus pour que nos héros mènent à bien leur mission suicide…

AVIS:

Encore une histoire de Stormcast Eternals, encore un extrait centré sur épisode de baston pure, ou les caïds métallisés de la Hammer roulent copieusement sur tout ce qui a le malheur de se mettre en travers de leur route. C’était déjà moyennement intéressant en début de bouquin, alors en toute fin de recueil, on frôle le coma littéraire. Et le fait que le protagoniste n’ait pas de chromosomes Y n’apporte pas grand-chose à notre propos, j’en ai bien peur. Bref, cet extrait de First Mark fait office de biscuit chinois industriel à la fin d’une session débridée de buffet à volonté. On sait qu’on a la place nécessaire pour lui faire honneur, malgré l’impression de ne plus pouvoir ingérer quoi que ce soit, et on le consomme davantage par acquis de conscience que par intérêt ou appétit. Je serais bien en peine de vous dire ce que je pense de la prose du sieur Clark après avoir lu ces quelques pages, j’en ai peur.

1 : Dans ce cas de figure, ça veut dire Consentement Validé.

: Ou peut-être que si. C’est l’avantage avec l’Architecte du Changement, on peut toujours balancer un « comme je l’avais prédit… » dès qu’il se passe un truc louche, et compter sur la crédulité de son monde pour s’en sortir la tête haute.

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Alors, que retirer de cette anthologie introductive à la nouvelle franchise med-fan de GW ? Pour répondre à cette question, je commencerai par (essayer de) me placer dans la peau du public pour lequel cet ouvrage a été pensé en premier lieu : le nouveau-venu dans le Hobby, intéressé par une expérience complémentaire aux aspects de collection, modélisme et jeu de ce dernier. Faisons de plus l’hypothèse que notre honnête newbie ne soit pas encore très calé en termes de fluff, et ne connaisse que les très grandes lignes du background, glanées à la lecture des règles, suppléments de jeu et divers contenus numériques officiels. Une fois ce Sacrosaint… terminé, qu’aura-t-il vu et appris sur le background d’Age of Sigmar ?

Premièrement, il aura bénéficié d’un tour d’horizon assez complet des différentes factions qui se claquent le beignet dans les grands espaces des Royaumes Mortels. Bien que les Stormcast Eternals se taillent logiquement la part du Dracoth si l’on dénombre leurs apparitions au fil des pages (5 présences au casting, à chaque fois en tant que protagonistes), ils sont égalés par les Légions de Nagash, en grande partie grâce aux valeureux efforts des Mortarques de la Nuit et du Sang du Grand Nécromancien. Si on ajoute les Nighthaunts à l’addition (2), la grande alliance de la Mort peut se targuer de figurer dans plus de la moitié des nouvelles de Sacrosanct, devant les Playmobils de Sigmar. Ces derniers peuvent toutefois compter sur la contribution significative de l’Ordre d’Azyr (2 apparitions, à chaque fois avec une paire de Répurgateurs différente), qui sait se rendre indispensable à ses gros copains bronzés. Les Gens Libres, ramassis vague et hétéroclite de quidams majoritairement humains et d’allégeance « ordonnée », pèse enfin de son poids dans la balance des caméos (6 convocations), même s’il n’y a que Reynolds et ses Enchères de Sang qui fasse un autre usage de ces bons sigmaritains que celui de PNJ. Le reste de l’Ordre est moins bien servi, en particulier les Seraphons, les Filles de Khaine et les Idoneth Deepkin, tout bonnement absents de la grille de match. Surprenant pour les secondes, qui ont bénéficié de sorties spécifiques et d’un Battle Tome en bonne et due forme, preuve que GW ne les laissera pas tomber de sitôt. Pour les Deepkin, nous blamerons un timing trop serré pour une intégration à une anthologie ne contenant que du contenu « recyclé ». Quant aux Hommes Lézards de l’espace… Mystère et boule de Slann. Les Sylvaneth doivent se contenter de La Source Courroucée (consolation, Alarielle elle-même apparaît, encore que pas vraiment à son avantage), et les Duardin (Fyreslayers et Kharadron Overlords associés) de trois mises en avant. Notons tout de même qu’avec La Route de Volturung, les petits rouquins à crête bénéficient d’une superbe exposition, qui fait plus que compenser leur sous-utilisation préalable.

Finissons notre énumération avec les factions chaotiques et de la destruction. Ces dernières devront se contenter du Grand Rouge et de ses Ironjaws pour tenter de recruter notre Timmy. C’est peu, mais peu étonnant pour la plus petite des grandes alliances. Le Chaos est mieux servi, chacun des cinq dieux pouvant revendiquer au moins une apparition (même si dans le cas de Tzeentch, c’est via l’extrait de quelques pages du roman Blacktalon à la toute fin du livre). Khorne et le Rat Cornu se tirent la bourre en tête de peloton (3), suivis par Slaanesh (2). Bref, d’un point de vue diversité, le contrat est plutôt rempli.

Deuxièment, notre intrépide primo-lecteur aura eu la chance de côtoyer quelques grandes figures du fluff d’Age of Sigmar, certaines d’entre elles bénéficiant, comme c’est bizarre, de leur propre série de romans. Mannfred von Carstein, Neferata, Callis & Toll, Esselt & Talcoran, sans oublier le Prince Maesa : voilà des noms qui comptent dans les Royaumes Mortels. On notera tout de même qu’aucun Stormcast Eternal vraiment connu (Vandus Hammerhand, Gardus Steelsoul, Hamilcar Beareater…) n’a été placé en tête de gondole, ce qui est étonnant au vu du nombre incalculable d’ouvrages mettant en scène les osts de Sigmarines généré par la BL au cours des quatre premières années qui ont suivi le lancement de la nouvelle franchise. Certes, Naeve Blacktalon est, elle, présente, mais seulement dans un extrait de roman, alors qu’elle aurait pu bénéficier de l’inclusion d’une nouvelle (Hunting Shadows, When Cornered) pour briller davantage.

Troisièmement, Sacrosaint… convoque la plupart des plumes que la Black Library a chargé de donner corps et substance à Age of Sigmar de façon régulière. Reynolds, Werner, Annandale & Guymer, Haley, Clark, et dans une moindre mesure Horth et Thorpe : voilà les auteurs qui font vivre les Royaumes Mortels à ce jour, et si vous avez aimé ce que vous avez lu, il y a une floppée d’autres nouvelles, audio dramas et romans qui vous attendent pour tous ces larrons. On pourra jaser sur le choix des courts formats intégrés à ce recueil, qui ne font pas tous honneur au standing habituel de certains des contributeurs établis de la BL (Reynolds et Werner, en particulier), mais c’est une réflexion de vieux de la vieille qui n’a rien à faire dans cette partie du compte rendu. De plus, je laisse chacun juger de ce qu’il aime et aime moins dans le style des auteurs susnommés, et réserve mon avis bien tranché sur le sujet aux critiques des nouvelles en question. Encore une fois, force est de reconnaître que Sacrosaint… fait plutôt bien le taf.

Quatrièment, effleurons du doigt un sujet qui me tient particulièrement à coeur, sans doute parce que mon basculement (à ce jour) irrémédiable dans le Zhobby peut lui être en grande partie imputé : l’initiation au fluff. Je dirai que le constat est plus mitigé sur ce volet. Certaines nouvelles transportent le lecteur dans toute la richesse et la singularité des Royaumes Mortels, et permettent d’appréhender de façon satisfaisante les cultures, mentalités, technologies et objectif des factions qu’elles illustrent. Enchères de Sang et Les Vieux Us donnent ainsi vie à une cité de Sigmar, ce qui donne davantage de relief au combat des Stormcast Eternals dont on nous rabat les oreilles à longueur de fluff. La même chose peut être dite de La Danse des Crânes, qui dépeint de façon convaincante les délicats et mortels jeux de pouvoir auxquels s’adonnent les suivants de Nagash, à des lieux des champs de bataille dégorgeant de squelettes et de spectres. La Route de Volturung est une plongée très réussie dans une Loge de Fyreslayers, qui m’aura presque convaincu de me lancer dans cette armée (et c’est assez rare pour être souligné). Les Sables du Chagrin, dans un autre registre, démontre qu’Age of Sigmar n’a rien à envier à son illustre aîné en termes de lieux surnaturels et dérangeants. Et puis il y a le reste, et en particulier « les-histoires-de-Stormcast », qui ne sont que de la baston pure et simple dans la grande majorité des cas. Le sujet, pourtant tellement intéressant, de la reforge des Sigmalabars n’est que trop rapidement évoqué, ce qui est d’autant plus dommage que les auteurs sollicités avaient largement les épaules pour faire quelque chose de sympa sur le sujet. Grosse déception aussi pour La Source Courroucée, qui malgré un casting étincelant ne s’avère être qu’une resucée de la dernière marche des Ents, sans le conseil de Fangorn pour apporter un peu de contexte à la chose auparavant. Bref, il y a de chances non nulles pour que notre newbie ne soit pas accroché par le background des Royaumes Mortels à la lecture de Sacrosaint… (en particulier à cause du positionnement de la novella éponyme et d’Un Hymne Funèbre de Poussière et d’Acier en 1ère et 2nde position dans l’anthologie, soient près de 130 pages de Stormcasteries insipides avant d’accéder à quelque chose d’un peu plus intéressant), ce qui est un échec notable pour un ouvrage de ce type.

Cinquièmement, et pour conclure, Sacrosaint… permettra au tout venant de découvrir ce qu’est la Black Library. S’il lit en VF, il pourra s’initier aux standards de traduction de la maison (que je connais mal en toute honnêteté, lisant tout en VO), qui sont loin de faire l’unanimité. Autre baptême en perspective, les choix pas toujours compréhensibles des dévoués éditeurs de Nottingham au moment de mettre sur pied un recueil. Nous avons ici un magnifique exemple avec l’enchaînement entre Le Prisonnier du Soleil Noir et Grand Rouge, situés certes dans le même arc narratif, mais sans qu’il ne soit précisé à un quelconque moment que six nouvelles ont pris place entre les évènements relatés dans ces deux courts formats. Vous avez l’impression que certaines choses vous échappent ? C’est tout à fait normal car c’est le cas. Un travail de pro. Le bizut pourra également découvrir qu’il ne faut pas toujours grand-chose à la BL pour commissionner une nouvelle ou une novella, le contenu d’une boîte d’initiation faisant parfois l’affaire. Enfin, il aura la joie de découvrir l’inégale qualité des contenus de cette auguste maison, capable d’aligner le bon, le moyen, le médiocre et l’execrable avec un aplomb parfois déroutant. Quoi qu’on en pense, force est de constater que l’on s’ennuie rarement en lisant la BL, si l’on accepte de prendre un peu de recul sur cette activité. Entre le Goncourt et le Prix Nobel de Littérature, il faut bien se détendre. D’une certaine façon, je trouve salutaire et honnête que Sacrosaint… ne soit pas au delà de tout reproche sur cet aspect, car l’impétrant pourra ainsi décider sur pièce si cette ligne éditoriale le satisfait ou pas. Un ouvrage « trop » qualitatif aurait été trompeur, et aurait pu déboucher sur un achat malheureux dans un second temps…

Avant de terminer cette (interminable) chronique, j’aimerais faire un apparté en reprenant mon positionnement classique de lecteur vétéran de la BL, afin de faire un retour complémentaire à celui détaillé ci-dessus. Disons que vous êtes bien familier du Hobby, de GW et de l’univers d’Age of Sigmar : que peut vous apporter ce Sacrosaint… ? De mon point de vue, il s’agit d’un recueil des plus classiques, rendu intéressant par son vil prix et sa traduction en français. J’ai eu un coup de coeur pour les deux nouvelles de Guy Haley, un auteur que je connaissais sans particulièrement l’estimer, et que je suivrai désormais avec un peu plus d’intérêt. Même chose pour Annandale, qui se rachète un peu à mes yeux avec sa Danse des Crânes. Je suis cependant franchement déçu que les six contributions de Werner et Reynolds soient majoritairement à oublier, ces deux loustics m’ayant habitué à bien mieux que ça. Enfin, et de manière générale, j’ai appris tout de même beaucoup de chose sur l’univers d’Age of Sigmar, ce qui était une vraie lacune de mon côté, n’ayant acheté aucun Battle Tome ou supplément de jeu à ce jour. En un mot : je ne regrette pas cet achat, mais il ne rejoindra pas mon panthéon personnel de recueil de nouvelles GWesques, et trouve encore que les ouvrages 40K et WFB sont au dessus en termes d’intérêt pur.

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Et voilà qui termine cette revue de Sacrosaint & Autres Récits. J’espère pouvoir riposter dans pas trop longtemps avec le pendant grimdark du présent ouvrage, Croisade & Autres Récits, que je devine être plein de Primaris (brrrrrr…). Qui des deux est le meilleur, les paris sont ouverts !