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LEMAN RUSS: THE GREAT WOLF [HH]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette chronique du roman de la série Primarques consacré par Chris Wraight à l’infernal Fenrissien, loubard alpha, snowboarder de l’extrême, parrain galactique de la SPA, sabreur de magnu(m)s, saint patron des tankistes et caniche à son pépère, pour ne citer que quelques-uns de ses titres. Primogéniteur d’une des Légions, et plus tard, d’un des Chapitres les plus populaires de Warhammer 40.000, Leman des Russ, tel qu’il fut nommé par son père adoptif, est une figure marquante du backgound, qu’il hante de son imposante présente depuis des temps immémoriaux1. Il était donc logique que le Roi Loup de Fenris bénéficie parmi les premiers du traitement particulier que constitue un roman Primarques. Pour quel résultat, vous entends-je vous, et me, demander? Et bien, c’est votre veine, j’ai justement une critique détaillée de l’ouvrage à vous proposer. Quel heureux hasard, vraiment.

1 : À l’époque de Rogue Trader, il n’était toutefois qu’un humble Commandant Space Marines, tenant plus du Darth Vader sous progénoïdes que du Viking de l’Espace.

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INTRIGUE:

Notre histoire commence aux côtés d’Ove-Thost, jeune guerrier de Fenris totalement dans le mal après avoir pris une rasade du Canis Helix quelques heures plus tôt, dans le cadre de son week-end d’intégration au sein du Rout. Et à propos de route, il en a une belle devant lui, le retour vers le Croc passant par quelques pittoresques endroits, dont des pinèdes enneigées remplies de prédateurs affamés de chair fraîche, qu’O.T. négocie avec un sang-froid impérial. Ayant trucidé toute la biodiversité placée sur sa route par cette farceuse de Fenris, notre héros finit par tituber jusqu’au lieu de rendez-vous fixé par les Prêtres Loups, soit le Portail dans la Montagne1, où il est chaleureusement accueilli par ses tuteurs. L’un d’eux ayant remarqué le fort attachement manifesté par Ove-Toast pour les crocs bestiaux ramenés comme trophées de son trail sauvage dans le Gévaudan2, il accepte que le louveteau conserve ses colifichets, qui lui donneront son premier qualificatif : Twinfang (ce qui est plus classe que Twingo).

Remis de ses émotions, rebaptisé Haldor (c’était l’année des -H au LOF) et intégré à une meute de fringantes Griffes Sanglantes, l’impétrant réalise bientôt, et le lecteur avec lui, qu’il se distingue des rangs braillards et indisciplinés des louveteaux de l’espace. En plus de se faire dévisager – ce qui est plus cool que de se faire défigurer, et au Croc, tout peut arriver – par tous les vétérans qui croisent sa route, Haldor a de plus la surprise de recevoir en dotation, non pas la bonne vieille épée tronçonneuse classique qui est le lot de ses comparses, mais une francisque énergétique (puisque je vous dis que c’était l’année des haches) d’excellente et exotique facture, de la part de son maître instructeur, Brannak. Le légitime contentement que notre rookie éprouve devant ce cadeau de valeur vole toute fois en éclat, en même temps que quelques-unes de ses molaires, lorsque le Prêtre Loup lui allonge une mandale après qu’il ait échoué à nommer la relique placée sous sa garde. Sommé par son supérieur d’apprendre cette information, apparemment capitale because of reasons, Haldor se dépêche de ne rien faire de particulier à cet égard (fuck the rules), et nous le retrouvons après quelques années pendant sa cérémonie de diplomation.

Sous le regard torve du Seigneur Loup Aeska Brokenlip, Maître de la 3ème Grande Compagnie des Space Wolves, les guerriers du Rout accueillent avec leur enthousiasme habituel leurs nouveaux compagnons d’armes, jugés dignes d’aller combattre dans les étoiles. Ce banquet a toutefois une résonnance particulière, car il marque l’arrivée dans les rangs – passablement désorganisés – des surhommes de Fenris des premières recrues n’ayant pas connu la Légion, mais seulement le Chapitre. Le lecteur sagace en déduit donc que l’histoire se passe quelques années après la conclusion de l’Hérésie, au lendemain de la Seconde Fondation décrétée par cette bleusaille de Guilliman. Haldor, de son côté, n’en peut rapidement plus des oeillades suspectes que lui décoche son big boss, et décide d’aller prendre un peu l’air hors du hall de festin. L’avantage avec le Croc, c’est que les Wolves sont tellement radin et le climat tellement rude qu’il n’a pas loin à aller. Les couloirs de la forteresse sont en effet plongés dans le froid et les ténèbres (il fallait payer la redevance les gars !), et plus d’un Space Marine trop sûr de lui a glissé sur une plaque de glace ou s’est cogné la tête dans une porte en se rendant aux latrines. À côté de ça, les périls du Warp, c’est de la petite bière. Haldor ne tarde donc pas à se perdre, et finit par débouler dans une salle inconnue, où l’attend Jø le Clödø. Ah non, pardon, on me souffle dans l’oreillette que le type à dreadlocks rances engoncé dans un poncho informe et un amas de fourrures puantes, et la gueule tartinée de suie, n’est pas le SDF alcoolique et incontinent du coin, mais bel et bien le noble Primarque Leman Russ en personne. Et il était temps que diable ! On en aurait presque oublié que le sujet du bouquin n’est pas de suivre les premiers pas d’Haldor Twinfang, malamute de l’espace, mais d’apprendre le fin mot de l’histoire du duel mythique entre le Loup et le Lion pendant la campagne de Dulan. Et, coup de bol, c’est de la bouche même d’un des intéressés que nous allons plonger dans la légende de la Grande Croisade, Papy Russ acceptant de jouer au skjald pour l’instruction du novice après avoir, lui aussi, buggé sur l’arme que ce dernier porte à la ceinture.

Nous voilà donc plongés dans cette époque héroïque et insouciante, et faisons la connaissance d’un autre protagoniste lupin, le Jarl Jorin Bloodhowl du Dekk-Tra, c’est à dire la 13ème Grande Compagnie de la Légion. Le Dekk-Tra a pour particularité d’accueillir en son sein les Frères Loups (Wolf Brothers), soit le reliquat des guerriers jurés de Leman Russ du temps où il n’était « que » le maître de Fenris, et qui ont pris le risque de boire au calice du Canis Helix alors qu’ils avaient déjà du poil aux pattes. La concoction réussissant mieux, comme chacun sait, aux ados qu’aux hommes mûrs (ça doit être horriblement sucré, comme du lait concentré puissance 1.000), l’immense majorité de nos barbares bravaches est morte dans d’horribles souffrances3, laissant les pouillèmes restants prendre leur place aux côtés de leur suzerain bien aimé. Jorin est l’un de ces grands-pères à barbe, comme l’indiquent son teint blafard et ses cernes marquées, mais cela ne l’empêche pas de faire le coup de feu comme un vrai Astartes, la plupart du temps accompagné par son âme damnée, le tout aussi ancien Bulveye4.

Nous retrouvons notre paire aux prises avec l’équipage d’un Prédateur Faash, en fuite éperdue du système d’Ynniu après que les loulous aient ravagé la base orbitale Dulanite qui défendait l’endroit, et que ce rusé de Bloodhowl veut mettre à profit pour localiser les coordonnées spatiales de Dulan, qui échappe depuis trop longtemps au courroux des armées de l’Empereur. Fidèle à sa philosophie très tactile (comme on le verra plus tard) de la guerre, le Jarl a embouti l’arrière-train du vaisseau ennemi avec le sien, débarqué en force dans les coursives, et est parvenu, à un poil de moustache près, à interrompre la transition Warp des Faashistes (je n’en ai pas fait exprès mais ça rend plutôt pas mal). La suite ne semble être qu’une formalité, malgré la résistance acharnée des défenseurs, mais un petit problème, poilu, écumant et odorant, menace de gâcher la journée de notre héros : deux des guerriers de son escorte ont fait une poussée d’hypertrichose, et, coquets, ont foncé cacher leur honte dans le sang et les viscères de leurs ennemis. Ne reconnaissant plus la voix de leur maître, les molosses enragés ont commis un carnage sur le pont du Prédateur, empêchant Bloodie et Bulvie de faire des prisonniers auxquels ils auraient pu soutirer la précieuse information.

N’ayant d’autre choix que l’euthanasie pour ces spécimens déviants, Bloodhowl doit de plus composer avec l’arrivée impromptue de son Primarque, escorté par le Tra du Jarl Ogvai Ogvai Helmschrot. Redoutant une placardisation (ou plutôt une mise en chenil) de sa Compagnie si Leman Russ devait avoir vent du problème rencontré au cours de la bataille, Jorin décide de taire l’affliction dont ses guerriers souffrent, le temps de trouver un remède à cette dernière. De son côté, Russ apprend à son Jarl qu’il est arrivé pour accélérer la conduite de la campagne, certains personnages hauts placés (dont le nom commence par M. et finit par -acaldor) de Terra ayant émis des doutes sur la capacité de la VIème Légion de faire rendre gorge au Tyran de Dulan. Les chevaleresques et propres sur eux Dark Angels sont désormais également sur le coup, et ça, Russ ne peut pas l’avaler. Plutôt se faire poser une collerette que de se faire griller la politesse et voler les honneurs par Lionel et son club de philatélistes ! The race is on, et le Loup Suprême est mauvais perdant. Fort heureusement, le GPS du Prédateur Faash avait mémorisé l’itinéraire « Maison » dans son processeur (quelle erreur de débutant de la part des Dulanites… le mode incognito, il n’y a que ça de vrai), et l’armada du Rout peut bientôt la prendre (la route, pour ceux qui ne bénéficient pas d’un humour glacé et sophistique).

Après un périple sans embûches majeures d’une durée de deux semaines, soit largement le temps nécessaire pour permettre aux éclopés de la bataille d’Ynniu de reprendre du poil de la bête, nos fiers loulous passent le point de Mandeville de Dulan… et ont la désagréable surprise de constater que la 1ère Légion est déjà sur place5, et a engagé la flotte locale dans une bataille encore indécise. Car si les Dark Angels sont venus en force, et bénéficient de l’imposante présence de l’Invicible Reason, leur vaisseau amiral bien burné lancé, les Dulanites ont l’avantage du nombre et de l’appui d’un colossal anneau de défense qui entoure toute la planète. Que voilà des ressources bien utilisées, 95% des armes et équipages du hula hoop géant ceinturant Dulan faisant face au vide intersidéral pendant que leurs petits copains doivent garder à la porte les armures à glace prosélytes de Pépé. Menfin. Après avoir sans doute poussé un bon gros Fuuuuuuuuuuuuuuuu-nris des familles, Russ décide de passer à l’action, histoire de justifier son émargement sur la feuille de présence. Il lance donc ses vaisseaux à l’assaut de la flotte ennemie, avec des ordres d’une élégante simplicité : « butélétousse ». Grave erreur.

Car, alors que la caméra se braque à nouveau sur Bloodhowl et le Dekk-Tra, aux premières loges dans le croiseur Aesrumnir, nous assistons en spectateurs muets et horrifiés à une incompréhension aussi tragique que lourde de conséquences entre les deux Légions. L’Aesrumnir torpille en effet à bout portant (quand je vous disais que Bloodhowl était tactile… c’est le genre de type qui achève les blessés d’un bolt en pleine tête à bout touchant : un coup à perdre une main ça) un vaisseau Faash, sans que Jorin ne se donne la peine de prendre la communication émanant du tout proche Blade of Numarc au moment de porter le coup de grâce. La bordée que leur envoie le croiseur de la 1ère Légion une fois la grosse commission effectuée ne manque donc pas de surprendre et d’outrer les Space Wolves, en plus de laisser l’Aesrumnir dans un piteux état. Témoin de l’inconcevable, Russ use de ses supers pouvoirs de Primarque pour intercepter la volée fatale du Blade of Numarc avec son propre vaisseau en bougeant très vite les bras (même Magnus est jaloux de ce trick), et appelle le standard des DA pour passer une gueulante à son frérot. Mais ce dernier, malgré la froideur et l’arrogance qui transparaît d’un bout à l’autre de l’appel, est incontestablement dans son bon droit. L’Aesrumnir a en effet détruit un vaisseau sur lequel dix escouades de Dark Angels avaient pris pied, condamnant ces derniers à la mort. Les tirs du Blade of Numarc n’étaient donc que la manifestation d’énervement, bien légitime, des officiers Dark Angels devant la stupidité crasse et le filtrage téléphonique de leurs cousins velus. Russ doit bien reconnaître qu’il a merdé dans les grandes largeurs, et, chose assez rare pour être soulignée, il s’engage même à venir s’excuser en personne auprès de Lionel une fois la bataille remportée, à la grande consternation de ses Jarls, qui, en bon loup-bards qu’ils sont, l’incitaient plutôt à chercher la baston avec les groupies de Lion El’Jospin.

Mais avant d’aller faire amende honorable il faut tout de même régler le léger problème causé par la présence de l’armada de Dulan et de l’über Cheerios dans les environs immédiats de la flotte impériale. Qu’à cela ne tienne, Leman Russ prend la tête de son gang et réalise une percée dans l’anneau de défense en direction… d’un point important de la structure (car ces andouilles de Dulanites ont placé leur état-major en première ligne au lieu de l’abriter de l’autre côté de la planète). #BarkBarkGrrrWooofBarkGrrr. Les Space Wolves s’illustrent de belle façon, et l’on voit le Seigneur de l’Hiver et de la Guerre prouver qu’il n’a volé aucun de ses titres, l’utilisation de son mystérieux wyrd’s wind paralysant ses ennemis et enrageant ses fistons à 50 mètres à la ronde6 au meilleur moment pour les Wolves. Bref, le Rout casse la c-Roûte, réduisant la dernière défense de Dulan en épave avec toute la diligence due.

Fidèle à sa parole, Russ s’en va ensuite présenter ses plus plates confuses à son frère, qui l’attend avec une simple escorte de 30.000 Légionnaires (quel poseur ce Lion), et accepte en grand seigneur les excuses, pas vraiment sincères, de Leman. Nos deux Primarques en profitent pour se répartir le boulot en vue de la conclusion rapide et efficace de la campagne de Dulan, Russ insistant lourdement pour être celui qui fera manger son chapeau au Tyran, ce que Lionel accepte sans sourciller. Mieux, il permet aux Space Wolves de prendre le bastion ennemi, l’imposante Forteresse Ecarlate, en solo, lui-même et ses sbires se contentant d’empêcher les locaux de pourrir le groove du rottweiler de l’Empereur. Trop sympa, le palouf.

Un peu plus loin, l’ambiance est moins rose sur l’Aesrumnir, où Bloodhowl et ses posses réalisent, après avoir recompté trois fois… au moins, que tous les guerriers de Dekk Tra n’ont pas été rapatriés à bord, sur leurs deux jambes, à quatre pattes ou les pieds devant. Et le sagace Prêtre Loup Ulbrandr de soumettre à son Jarl une sinistre hypothèse : comme aucun Space Wolves digne de son collier antipuces ne se laisserait capturer vivant par l’ennemi, et que ce dernier a réussi à faire partir des navettes vers la surface de Dulan avant la destruction de l’anneau (qui n’est pas complète à cette heure, ça prend du temps de désosser un truc de cette taille), c’est donc que l’ennemi a capturé des Wulfens. Nonobstant les trilliards d’explications raisonnables et sensées que l’on peut mettre en avant pour contextualiser les deux faits sur lesquels Ulbrandr base son raisonnement, et vu tout ce qui vient avant cette péripétie, on se doute que papi a tapé dans le mille, et que le honteux petit secret du Dekk-Tra est tombé entre de mauvaises mains. Que faire ? Aller se confier à un Primarque qui vous considère comme son plus proche frère d’armes, qui a démontré à de maintes reprises sa solidarité avec ses hommes, s’est mis personnellement en danger pour vous sauver des conséquences d’une de vos conneries il n’y a pas deux heures et est actuellement en train de se rabaisser devant son frère imbuvable à votre place ? Ou continuer de la jouer solo, dans l’espoir de trouver une cure hypothétique à un mal dont on ignore tout, et se tenir prêt à faire faux bond à ce même Primarque par la suite si cela peut permettre de garder le Wulfen dans le placard ? Faut-il vraiment que je demande ?

Brefle, une fois la bataille finale pour Dulan initiée, et alors que Russ s’amuse comme un fou à faire des knock knock jokes en utilisant des brigades entières de Typhons et de Shadowswords, et tandis que les Dark Angels déversent leur fureur froide, clinique et silencieuse sur les alentours immédiats du bac à sable de la litière du Loup Suprême, Bloodhowl, briefé par Ulbrandr qui a repéré des signaux suspects dans un bâtiment à l’écart du front, s’embarque dans une side quest en loup-cedé, chargeant ses collègues de l’excuser auprès du boss le temps qu’il tire les choses au clair de son côté. Malheureusement pour lui, c’était aussi l’idée des défenseurs, qui diffusent bientôt un petit clip pas mal foutu à l’échelle planétaire, consistant en quelques gros plans suggestifs du Wulfen écumant qu’ils ont effectivement traficoté en douce à la surface de leur planète, et nourri exclusivement de rutabagas depuis pour le rendre furax. Pire que du outing, c’est du louping, et c’est l’estomac de Jorin qui fait loopings en réalisant que tout le monde est maintenant au courant du secret honteux de sa Grande Compagnie.

Il n’a cependant pas loisir de se lamenter longtemps sur son sort, l’assaut impromptu d’une vague de Scarabiniers, puis l’arrivée furibarde de Leman Russ, l’homme-loup qui n’aimait pas qu’on lui pose des lapins, coupant court à ses sombres réflexions. Après quelques échanges de vérités, Primarque et Jarl se tombent toutefois dans les bras, et s’entendent pour faire front de concert contre cette mystérieuse malédiction, qui vient s’ajouter à la liste d’emmerdes que la VIème Légion doit gérer. La hache tronçonneuse de guerre n’a toutefois pas le temps d’être totalement enterrée, que les Space Wolves reçoivent une terrible nouvelle : contrairement à la parole qu’il avait donnée, ce fieffé fripon de Lionel semble s’être téléporté dans les niveaux supérieurs de la Forteresse Ecarlate, profitant de la trêve dans l’assaut des loulous pour aller soloter le boss de fin de planète. C’est très petit ça.

Et, effectivement, nous retrouvons le Maître de la Première Légion en grande conversation avec le Tyran de Dulan, un vieux schnoque en bout de course passablement résigné à son sort, et faisant même mine d’engager un duel avec El’Jonson avec le couteau à fromage qu’il dissimulait dans ses robes pour la beauté du geste, et avec des résultats prévisibles. Avant cela, on avait appris que le grillage de priorité du Lion n’avait pas que pour but de foutre son frère en rogne (ce qui était un bonus appréciable, malgré tout), mais surtout de mettre fin aux hostilités le plus rapidement possible afin de préserver les forces Dark Angels chargées du maintien de l’ordre autour de la Forteresse Ecarlate, où se massaient des millions de soldats Dulanites en prévision de l’inévitable contre-attaque. Vu sous cet angle, ça se défend. Mais, bien évidemment, Russ n’en a catégoriquement rien à carrer, frustré et outré qu’il est d’avoir été une nouvelle fois devancé par sa sainte nitouche (de Force 6, tout de même) de frangin. Et cette fois, les roucoulades, accolades et persillades du Palouf en chef ne sont pas suffisantes pour évacuer la tension fraternelle. Dégainant son tetsubo tronçonneur, Leman ouvre les hostilités, et il ne faut pas grand-chose pour convaincre Lionel de lui rendre la pareille. Entre le Loup et le Lion, la bataille fait rage, sous les vivats enthousiastes de leurs groupies respectifs, et c’est le moment, où, estimé lecteur, je fais appel à tes capacités mémorielles, pour te référer à ce qu’on disait il y a exactement 2 869 mots. Tu y es ? Eh oui, quel est le nom de la hache de ce vieux jeune Haldor ? Nous y venons. Désarmé d’une botte magistrale d’El’Jonson, Russ gagne un peu de temps en balançant ce dernier à travers le hall (ce que nous avons tous rêvé de faire) et emprunte poliment l’arme du présomptueux Capitaine Dark Angels qui se tenait entre lui et sa fidèle Krakenmaw. Cette hache, avec laquelle il entreprend bientôt de débiter son frérot, n’est autre que l’arme remise à notre Griffe Sanglante, et fait donc partie de l’héritage de la Légion. Mais n’allons pas trop vite en besogne, nous avons toujours un duel à mort sur le feu.

Vous épargnant les péripéties usuelles de ce genre d’exercice, simplement portées au carré de l’hypoténuse par la nature primarquielle des combattants (ça ne rend pas grand-chose à l’écrit, ceci dit), je dirai simplement que nos deux sacripants, après avoir donné du boulot à leurs ostéopathes et artificiers respectifs pour des semaines, ne trouvent rien de mieux que de basculer du balcon de leur hôte, pour faire une chute de cinquante mètres, égarant au passage leur quincaillerie respective mais par leur mauvaise humeur. La baston reprend donc à grands coups de poings dans la neuro-glotte, jusqu’à ce que Russ, réalisant l’absurdité de la situation, se mette à rire. Le fait que Lionel lui demande de manière très sérieuse si son hilarité doit être interprétée comme une offre de reddition ne fait pas grand-chose pour calmer la crise du jovial loubard, qui se fend tellement la poire qu’il ne voit pas arriver le crochet vengeur de Jack Jo(h)nson, qui l’envoie définitivement au tapis. Ainsi se termine ce qui est sans doute l’un des premiers duels fratricides entre Primarques, prélude innocent à des affrontements autrement plus amers.

Est-ce pour autant la fin de notre histoire ? Non ! Wraight boucle la boucle, d’abord en nous amenant sur Terra après la fin du siège et de l’Hérésie, alors que Leman Russ et Lion El’Jonson, arrivés avec un gros quart d’heure de retard sur l’heure du RDV fixé par Horus pour la réunion de famille, ne peuvent que constater que tout est fini et qu’ils n’ont plus qu’à passer la mop pour leur peine. Trop snob pour s’abaisser à ce genre de tâche, Lionel tue le temps et noie son cafard en défiant à nouveau Russ en duel, histoire de régler une fois pour toutes leur contentieux. Après avoir sorti une réplique d’un niveau de mauvaise foi si élevé que Necoho se retrouva de façon provisoire à la tête du panthéon chaotique, Russ refusa tout net de croiser le frère, prétextant une migraine tenace, ou quelque chose comme ça. Pas du genre à prendre un non pour une réponse, ce mauvais joueur de Lionel transperça son frangin de sang-froid, blessure grave mais non mortelle, d’où s’écoula apparemment tout le mauvais sang entre nos deux lascars puisque leur relation, d’après Russ, s’apaisa après cet épisode.

Et nous voilà enfin de retour dans le Croc, où le Loup Suprême en termine avec son histoire. Guère renommé pour la rapidité de son intellect, il faut un moment à Haldor pour comprendre que son Primarque porte en fait le deuil d’El’Jonson, dont la nouvelle de la mort vient juste d’arriver sur Fenris. Comme quoi, sous ses abords de brute, deux petits cœurs sensibles battent dans la poitrine de Russ. La conclusion du récit voit Twinfang, à présent au clair à propos de son statut au sein du Chapitre, commencer sa carrière active en compagnie de ses camarades Griffes Sanglantes, et s’aguerrir jusqu’à devenir Chasseur Gris. Participant à l’effort de guerre de l’Imperium contre la première Croisade Noire d’Ah Bon Donc, Twin Peaks croise la route d’une force de Dark Angels, et ce qui doit arriver arrive… on le prend (à nouveau) pour un abruti. Le mérite-t-il ? À vous de juger. Personne ne peut en revanche mettre en doute son zèle à défendre l’honneur de son Chapitre et de son Primarque, comme son adversaire du jour l’a certainement appris à ses dépens…

1 : Car oui, il s’agit bien de leur nom exact, majuscules à l’appui. C’est cool d’avoir donné aux Space Wolves leur propre langage, mais il s’agirait d’en faire usage.

2 : Cela s’explique également par le fait que les canines en question servent à maintenir l’intégrité physique de l’épaule du noble barbare, amoureusement mastiquée par un campagnol entreprenant sur le chemin de l’école, et dont le retrait risque d’avoir des conséquences fatales pour notre héros.

3 : À côté de ça, les 40% de chance de réussite de primarisation des Space Marines, c’est le brevet des collèges.

4 : Qui était aux commandes de Dekk-Tra lorsque Mike Lee tenait la plume (Dans la Gueule du Loup/Wolf at the Door). On ne saura sans doute jamais ce qui lui a valu cette rétrogradation (mis à part une relecture hâtive des éléments de background établis par Wraight, s’entend).

5 : Les fourbes avaient pensé à consulter les archives impériales. C’est pas du jeu. Tout le monde ne sait pas lire, ni utiliser un moteur de recherche.

6 : Et, non, le fait qu’une bête flatulence de sa part aurait probablement eu les mêmes effets n’est pas une raison pour trivialiser ce moment de pure awesomeness.

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AVIS:

En choisissant de se frotter au crin hirsute de Leman Russ, Chris Wraight relevait un défi assez conséquent, ce Primarque parmi les plus populaires de la bande à Pépé ayant bénéficié d’un traitement assez contrasté de la part des auteurs de l’Hérésie d’Horus. Barbare beuglard et soiffard à un moment, bourreau inflexible et sanguinaire à un autre, vandale bestial et marginal aux yeux de la galaxie mais malgré tout dans le secret des du Dieux, Russ est et reste une énigme coriace pour le fluffiste. Wraight avait donc la lourde tâche de poursuivre sur cette lancée, et d’ajouter, plus que de la profondeur (car Leman n’en manque certes pas, comme vu ci-dessus), de la définition à son héros, afin de permettre au lecteur de comprendre un peu mieux qui était le Primarque du Rout. Et à ce petit jeu-là, même si la copie n’est pas parfaite, je dois dire que notre homme a plutôt bien fait le job.

Pour commencer sur les sources de satisfaction dûment listées par votre humble serviteur, je parlerai d’abord du choix de l’évènement couvert dans The Great Wolf. Mine de rien, le cahier des charges de la série Primarchs n’est pas si évident que ça, la nécessité de placer son propos dans le laps de temps compris entre la découverte de l’Übermensch en question et le début de l’Hérésie pouvant conduire l’auteur à se hasarder dans la mise en scène d’une péripétie de son cru, avec des résultats parfois décevants (Lord of Ultramar). En sa qualité de barbouze/bourreau officieux de son despote de paternel, Russ pouvait cependant faire l’objet de récits dépeignant la face cachée de l’Imperium même au moment de sa gloire la plus éclatante, le Graal (ou plutôt le Canis Helix, soit l’écuelle de Milou) ayant été de faire le lien entre la disparition des Primarques inconnus et la VIème Légion, que l’on soupçonne fortement dans les cercles autorisés d’avoir joué un rôle majeur dans l’effacement de #2 et #11. Rien de tout ça ici (le contraire eut été étonnant, très franchement), mais Wraight fit le next best choice à mon sens en choisissant de mettre en lumière l’élément le plus ancien du fluff de « croisé » de Leman Russ, à savoir la campagne de Dulan. Cela faisait en effet des années, voire des décennies que tous les petits Zhobbystes faisant leurs classes apprenaient que de ce funeste évènement provenait la rivalité entre Balto et Simba, sans avoir à se mettre autre chose sous la canine que trois lignes lapidaires expliquant que Lionel avait eu la mauvaise idée de voler un kill à son sanguin de frérot. Si ce survol depuis l’orbite haute de l’épisode, tel qu’il était relaté dans les Codex Space Wolves et Dark Angels, permettait de se faire une bonne idée du caractère de chaque Légion et Primarque, il n’empêche que tout fluffiste un brin curieux se posait sans doute la question de savoir comment cette rivalité pluri millénaire avait débuté. Le dévolu que Chris Wraight a jeté sur l’incident de Dulan m’apparaît donc comme tout à fait pertinent.

Deuxième effet kiss cool, Dulan a permis à Wraight de servir au lecteur une double ration de Primarques, ce qui est toujours bon à prendre. C’est fin, ça se lit sans faim. En plus de voir Leman Russ se secouer les puces, nous avons donc le droit à sa majesté Lionel, second rôle mâtiné d’antagoniste bien mis en avant par l’auteur, et c’est plutôt heureux. Le Primarque étant un être complexe à mettre en scène de par la nécessité de faire rejaillir sa supériorité totale sur des individus déjà intrinsèquement surhumains, les récits n’intégrant qu’un seul de ces spécimens ont la fâcheuse tendance à les dépeindre de façon ingrate, en particulier si l’auteur choisit pour protagoniste un simple Astartes. En mettant Russ face à ses responsabilités, nommées Lion E’Jonson, et réciproquement, Wraight a contourné cet écueil, les Primarqueries auxquelles les frères se livrent permettant de justifier pas mal de leurs actions par l’égo surdimensionné qui est le leur, et qui est attendu dans ce genre de situation. Rien de plus douloureux pour le fluffiste que de voir un D20 passer pour un abruti fini par suite d’actions stupides ou des réflexions oiseuses. Ce n’est pas le cas ici (ou en tout cas, ça peut se discuter), et c’est tant mieux. Ajoutez à cela que Wraight prend soin de ne pas accorder de traitement de faveur à Leman Russ, qui en tant que héros, aurait pu y avoir droit, par rapport à El Jonson, et vous obtenez une recette gagnante. Là où Russ est jovial, honnête et farouchement fidèle envers les siens, le Lion fait montre de noblesse, de droiture et d’équanimité. Et quand le Loup Suprême se fait violent, caractériel, borné et impulsif, le Roi Lion renchérit par le mépris, l’arrogance et la tromperie. Nos deux mâles alpha ne sont donc pas manichéens, et c’est très appréciable.

D’un point de vue un peu plus macro, pour continuer, j’ai apprécié le fait que Wraight se donne la peine de lier son roman avec le fluff pré-existant des Space Wolves, et tente à son tour d’apporter des éléments explicatifs à certains des points les plus saillants de ce dernier. La malédiction du Wulfen, caractéristique essentielle de la VIème Légion, est ainsi au cœur du Loup Suprême, et, même si l’origine de cette affliction n’est pas révélée dans ces pages, elle est au moins documentée de façon sérieuse par Chris Wraight. On apprend ainsi à quel moment Russ a découvert le fléau qui menaçait le Rout, les premières réponses apportées par les Space Wolves à cette situation inédite, et surtout, le rôle que la malédiction a joué dans le déroulé de la campagne de Dulan. Car si la solution de facilité aurait consisté à faire résulter le clash fraternel d’une simple incompatibilité d’humeur, Wraight ne mange pas de ce pain-là et transforme l’explication simpliste en simple facteur aggravant, ce qui est à mettre à son crédit. Entre le tempérament fougueux à tendance monomaniaque de Russ, qui permet à ses Jarls de foncer tête baissée dans les combats de dépit d’avoir été coiffé sur le poteau par Lionel, Bloodhowl qui met ses torpilles où il veut, et c’est souvent dans le réacteur des vaisseaux ennemis, sans prendre le temps de décrocher son téléphone avant de commettre l’irréparable, le désir déplacé, mais compréhensible, du même Bloodhowl de cacher son honteux petit secret à son patron, ce qui conduit in fine ce dernier à prendre du retard sur l’accomplissement de sa mission, et Lionel qui donne sa parole de ne pas y toucher, et qui finit par le faire… mais parce qu’il veut éviter des pertes inutiles parmi les guerriers de sa Légion, les causes expliquant l’empoignade virile autant qu’animale entre Primarques sont multiples et crédibles. Un autre bon point.

Autre élément favorable à verser au dossier, une quantité non négligeable d’éléments fluff à piocher au fil des pages, tant sur la campagne en question que sur les Légions et Primarques convoqués, ainsi que quelques informations intéressantes sur l’équilibre des forces dans le camp impérial pendant la Grande Croisade, ce qui est particulièrement intéressant. Reynolds avait fait de même dans son The Palatine Phoenix, et brossé un portrait saisissant des Emperor’s Children avant le début de la campagne de Byzas, à même d’expliquer en bonne partie la mentalité particulière de cette Légion. Wraight ne va pas aussi loin ni ne fait aussi bien avec The Great Wolf, mais soumet tout de même quelques idées intéressantes, notamment à propos des relations qu’entretiennent les Primarques avec l’Empereur et Malcador. L’utilisation de flashbacks et d’ellipses pour dérouler l’histoire permet en outre à Chris Wraight de donner un aperçu de ce à quoi ressemble le Chapitre des Space Wolves au moment de sa création, ainsi que, de façon plus tenue, d’approcher Leman Russ immédiatement après la fin du siège de Terra, deux moments qui ne manqueront pas d’intéresser le fluffiste aux aguets.

Dernier lourd branlement du chef en direction de la plume de Wraight, et de manière plus terre à terre, j’ai trouvé que son ouvrage était un bon mélange de description, d’action et de discussion, cochant toutes les cases attendues d’une campagne de la Grande Croisade menée par un Primarque. On a donc droit à de la baston Astartes vs the world, tant dans l’espace que sur le plancher des vaches, rehaussée d’interventions primarquielles forcement bad ass (à consommer avec modération mais une fois de temps en temps, ça ne fait pas de mal), et couronnée par le crépage de chignon attendu entre Loulou et Chouchou. À côté de ça, Russ, Bloodhowl et Cie tapent la discute sur des sujets sensibles tout en se remémorant le bon vieux temps et tirant de savantes conjonctures sur leur rôle au sein de la Grande Croisade et de l’Imperium, ce qui permet de souffler un peu. On a enfin droit à quelques passage descriptifs et/ou explicatifs de bon aloi, même si Wraight se prend les pieds dans sa pelisse de skjald sur un sujet bien précis (voir plus bas). Finissons par mentionner les quelques grammes d’humour que l’auteur a saupoudré sur son ouvrage, et qui se concentrent quasi exclusivement en la personne du Prêtre de Fer Kloja, un vrai Normand dans l’âme, en plus d’être un fan boy des Dark Angels pour des raisons… cosmétiques. Chacun son sale goût.

Passons maintenant de l’autre côté du miroir pour dresser la liste des points perfectibles de la prose d’Herr Wraight. Celle-ci sera plus courte, mais non moins importante, que la précédente, et est à mes yeux révélatrice du statut actuel de cet auteur de la BL, considéré par beaucoup (dont le Schattra ici présent) comme un contributeur qualitatif, mais pas superlatif, de cette dernière. La faute à quelques défauts ou manquements récurrents, illustrés ici par la présence de faux raccords narratifs, certes mineurs, mais révélateurs d’un manque de documentation et/ou de relecture n’ayant pas sa place dans un ouvrage de l’Hérésie d’Horus. Qu’il s’agisse de la couleur de Freki et Geri, dont l’un a blanchi et l’autre noirci au lavage si on prend comme référence Prospero Burn et A Thousand Sonds, de la triple mention du Xenos, du mutant et, surtout, de l’hérétique, comme ennemis d’une civilisation opposée à l’Imperium pendant la Grande Croisade (erreur compte double), ou de la confusion de grade entre Bloodhowl et Bulveye par rapport à Wolf at the Door de Mike Lee (pas de chance, c’était la seule nouvelle abordant le Dekk-Tra), Wraight prend quelques libertés avec les faits (pré) établis, et c’est dommage.

Pas critique non plus mais passablement irritant, la compréhension limitée qu’à l’auteur de tout ce qui touche à l’espace, et en particulier, des dimensions et distances à considérer sur ce théâtre, empêchent l’immersion au cours des scènes s’y déroulant. L’arrivée des Space Wolves dans le système de Dulan et la bataille spatiale qui s’ensuit accumulent ainsi les problèmes de réalisme. On peut relever l’hyper vitesse avec laquelle le Rout arrive en orbite autour de Dulan après l’extraction du point de Mandeville (de l’ordre de 10 minutes d’après la manière dont c’est raconté), la tendance de Bloodhowl à faire du pare choc à pare choc avec les vaisseaux ennemis, Russ qui arrive à intercepter une salve de rayons laser (qui se déplacent donc à la vitesse de la lumière) avant qu’elle ne frappe un croiseur ami, ou encore la taille inversement proportionnelle à l’utilité de l’anneau planétaire de défense de Dulan, et ses centaines de milliers de kilomètres de coursives nettoyées en quelques heures, pour se convaincre de la nécessité pour Wraight de potasser le sujet (ou de demander conseil à Thorpe, l’expert maison de l’engagement spatial) avant d’écrire des énormités.

Troisièmement, et c’est plus un regret qu’un grief, on ressort du Loup Suprême sans avoir rencontré une nouvelle facette de la personnalité de Leman Russ ou de Lion El’Jonson. C’était pourtant l’occasion d’innover et de surprendre un peu le lecteur à ce sujet. Il n’y a pas à dire, Chris Wraight réussit à panacher les éléments constitutifs du caractère du Primarque canin avec succès, ce dernier oscillant entre violence frustre, sauvagerie réelle et feinte, réalisme froid et constat las et désabusé quant à son rôle au sein de l’Imperium. Mais, tout ça, on le savait déjà ! J’aurais bien aimé que Wraight complexifie encore le portrait de notre surhomme, ou force un peu plus le trait sur une de ses caractéristiques en particulier, afin que son Leman Russ sorte du lot. Bizarrement, je trouve que c’est le Lion qui s’en sort le mieux à cet égard, l’alternance entre odieuseté objective et noblesse angélique lui donnant davantage de relief que son frangin.

Enfin, et c’est un constat qui sera sans doute à se répéter, ce qui ne m’empêchera certainement pas de le réitérer lors de prochaines chroniques, ça reste diablement cher pour ce que c’est. Une grosse centaine de pages pour 9,99 € en format numérique, ce n’est pas un rapport quantité ni qualité prix exceptionnel. J’ai bon espoir que la BL finisse par sortir des recueils des romans Primarques, possiblement une fois que tous auront été couverts, et peut-être sous la forme d’une trilogie (6 Primarques par bouquin), en attendant, c’est clairement un produit de luxe.

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Au final, The Great Wolf est une lecture des plus honnêtes, et qui a tout pour intéresser l’amateur de Space Wolves pas trop près de ses crédits impériaux. Chris Wraight n’a ni coupé son loup, ni loupé son coup, et c’est tant mieux. À parcourir si vous en avez l’occasion, et à ne pas regretter si vous ne l’avez pas.

Zombicide Black Plague : Galerie Zombies [Boîte de Base]

Nous continuons notre balade à Zombiland avec la partie décédée du casting. Qui a dit que les Nécromanciens portaient toujours du noir?

Nécromancien

Abomination

Fatties

Runners

Walkers

Diorama Boîte de Base

INFERNO! [N°3]

Bonjour à tous, et bienvenue dans cette revue critique du 3ème numéro d’Inferno!, le recueil de nouvelles trimestriel de la Black Library ! Comme pour les deux précédents opus, nous nous trouvons en présence d’un ouvrage regroupant une dizaine de courts formats, majoritairement écrits par des nouveaux contributeurs de la BL, et couvrant un grand nombre de franchises de cette dernière (dont, et c’est une nouveauté, Blood Bowl, preuve que le jeu de football fantastique de GW n’est pas retombé dans les limbes de la non-vie).

Au programme de ce #3, le récit émouvant de l’adoption par le Prince Maesa de son NAC (The Prince Tale), et celui, tout aussi touchant, de l’amitié liant un Goliath à son sumpkrok (Bonegrinder), une soirée « Magos, fais moi peur » entre acolytes de l’Inquisiteur Covenant (The Spirit of Cogs), la couverture de l’élection pap(ul)ale du Clan Morbidus (The Unlamented Archpestilent of Clan Morbidus), une version gothique d’Un Indien dans la Ville (Empra), ou encore le journal de bord d’un apothicaire en quête du clofazimine (The Book of Transformations). Bref, une fois encore, il y en aura pour tous les goûts.

#3 - Cover

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The Spirit of Cogs – French [40K] :

John French a fait du chemin depuis ses humbles (mais déjà prometteurs) débuts au sein de la BL en 2011. Désormais contributeur régulier et reconnu de cette dernière, il creuse un triple sillon dans la franchise 40K en plus des travaux engagés dans les autres univers de Games Workshop (dont l’Hérésie d’Horus, qu’il aura l’honneur de contribuer à conclure en sa qualité de High Lord of Terra). On peut ainsi retrouver le petit grand Frenchie en confident de l’amatophobe de service (Ahriman : Exile/L’Exilé, Sorcerer/Le Sorcier, Unchanged/L’Immuable, The Dead Oracle, Hounds of Wrath, All is Dust, Hand of Dust, King of Ashes…), docteur ès Guerres Horusiennes (Incarnation/Incarnation, Resurrection/Résurrection, The Mistress of Threads, The Absolution of Swords, The Purity of Ignorance…) et chroniqueur auprès des agents très spéciaux de son altesse impériale (Ashes and Oaths, Truth and Dreams, Blood and Lies).

INTRIGUE:

The Spirit of CogsComme tous les Inquisiteurs dignes de leur rosette, Covenant est à la tête d’une petite bande de loyaux suivants et serviteurs, apportant chacun leurs compétences uniques à l’éternelle bataille pour la sauvegarde de l’Imperium. Coco étant parti refaire sa permanente au moment où notre histoire débute, c’est vers deux de ses nervis que le projecteur se braque. L’occasion est ainsi offerte au Magos défroqué reformaté Glavius-4-Rho de narrer à sa comparse, l’ex Soeur de Bataille Severita, une petite anecdote pas piquée des voraces, illustrant selon lui l’existence de fantômes, et non d’esprits, dans la machine.

L’histoire nécessitant une légère contextualisation pour être bien comprise, nous commençons donc par entendre Glaviot raconter son enfance et son éducation en tant que pupille de l’Adeptus Mechanicus, les améliorations successives dont il a bénéficié au fur et à mesure qu’il s’élevait dans les rangs de l’Omnimessie, et enfin sa prise de fonction sur le monde forge de Zhao-Arkkad une fois diplômé Magos en bonne et due forme. Spécialiste de l’acheminement énergétique (un héritage du temps où il était stagiaire en charge de distribuer les cafés, ou ce que les tech-adeptes insèrent dans leur système pour libérer de la mémoire vive après un reboot mal négocié), notre héros a à peine le temps de commencer à se familiariser avec ses nouvelles attributions que le voilà sommé de se rendre à l’autre bout de la planète à bord d’une navette banalisée, accompagné d’un Princeps au physique et à la discussion digne de Buzz l’Eclair (comprendre qu’il connaît 3 phrases, répétées en boucle). Soupçonnant un bizutage d’un style un peu particulier, il a toutefois l’occasion de discuter de l’étrangeté de la situation avec l’autre passagère du vaisseau, une Magotte (?) dénommée Ishta-1-Gamma, spécialiste en transmission de données (à mon époque, on appelait ça le bavardage), tout aussi intriguée que Glavius quant aux causes ayant motivé leur hiérarchie à monter ce parcours d’intégration d’un genre un peu particulier.

Arrivés sur place, et toujours escorté du charmant Princeps (Zavius), notre binôme fait la connaissance de leur futur n+1, un Archmagos (Atropos) peu pimpant mais très pimpé, qui les entraîne jusqu’à leur lieu de travail, toujours sous le sceau du secret. C’est là, au cœur d’une caverne sise au plus profond d’une montagne isolée, que les attend une surprise de taille (et pour cause) : une Légion Titanesque entière repose dans les ténèbres. Chargés par leur nouveau boss de remettre les Gundams en état de marche, Glavius et Ishta s’attèlent sans tarder à la tâche, mais ne tardent pas à découvrir que l’équation qui leur a été soumise comporte plus d’une inconnue. Ainsi, au cours de la première visite réalisée dans leur Titan pilote en compagnie de la chef-ingénieure (Thamus-91) de l’opération, ils découvrent que quelque chose semble aspirer toute forme d’énergie à proximité, ce qui les force à charger à fond les accus avant de partir en vadrouille dans la salle du réacteur. Sur place, Glavius a la surprise de découvrir que des composants cristallins, d’une nature et d’une fonction inconnue, ont été intégrés dans les circuits de Dormeur, mais ses savantes supputations sont rapidement écourtées par 1) la nécessité de quitter les lieux avant de tomber en panne sèche et 2) le karoshi inopiné de Thamus-91, grillée comme un fusible de s’être branchée à tort et à travers à l’interface titanesque. C’est le CHSCT qui va gueuler.

Profitant de l’inhibition sentimentale qui est le lot des servants du Dieu Machine, nos experts ne perdent cependant guère de temps à gamberger sur les tragiques événements et menues bizarreries entourant l’opération, et sont bientôt en capacité de proposer un mode opératoire expérimental à même de relancer les batteries de leur Titan. Ishta a beau faire part à Glavius de ses doutes et ses scrupules à réveiller celui qui à jamais dormait, ce dernier, tout à sa rationalité masculine, balaie d’un revers de mécha-dendrite les atermoiements de sa collègue. Sa belle assurance vole toutefois en éclats lorsque le protocole « Wake Up Big Susie » ne se déroule pas vraiment comme prévu, l’afflux massif d’énergie dans le réacteur du Titan entraînant une réaction en chaîne1 à base de terminaux HS, d’hallucinations auditives et visuelles, glaciation de principe et combustion de Princeps (ciao Zavius), pour finir par la dissolution terminale de la pauvre Ishta, qui fait don de sa personne pour stopper l’escalade2.

Le titanesque roupillon n’ayant finalement pas été interrompu, au grand soulagement d’un Glavius finalement convaincu que toute l’entreprise dissimulait quelque chose de pas très cathodique, notre Magos rescapé est sommairement démissionné par Atropos, qui insiste pour que toutes les données relatives à l’opération soient soigneusement purgées des banques de données de son sous-fifre. Ce dernier est tout de même autorisé à partir entier et à garder ses souvenirs de la mésaventure qui a faillit l’envoyer à la casse (au prix de la lobotomie, franchement, c’est une économie de bout de diode), sans quoi il aurait été fort en peine de raconter cette dernière à la brave Severita. Et si nul ne sait à ce jour ce qu’il est advenu de la Légion perdue de Zhao-Arkkad, une chose est sûre… utilisez toujours un VPN les enfants.

AVIS:

Il y a du bon et du moins bon dans cette incursion de French aux limites du récit horrifique 2.0 (je m’étonne d’ailleurs que la nouvelle n’ait pas été incluse dans le premier recueil de Warhammer Horror, elle y aurait eu sa place). Parmi les sources de satisfaction, je place l’immersion convaincante du lecteur dans le fonctionnement quotidien d’un monde forge, milieu à part même dans le vaste Imperium, car régi par des codes et des conventions bien particuliers. Peu d’auteurs avaient jusque là réussi à transmettre le caractère d’étrangeté (dans tous les sens du terme) des disciples de l’Omnimessie, la représentation récurrente de ce type de personnage les changeant plutôt en geeks steam punks jurant en binaire. C’est à une étude de caractère un peu plus poussée, et donc satisfaisante, que le lecteur a droit ici, à grand renfort d’aura noosphérique et de règle sacrée des cinq secondes (qui a donc réussi à survivre, sous une autre forme, jusqu’au 41ème millénaire).

Autre bon point à décerner, la construction réussie d’un suspense morbide autour du mystérieux Titan que notre équipe de choc essaie de réveiller. On comprend tout de suite que la placardisation dont a fait les frais la Légion étrange(re) exhumée par Atropos tire son origine d’une tragédie quelconque, et que nos héros auraient tout à gagner à suivre leur instinct et prendre leurs chenilles à leur cou. Les révélations que distille French tout au long du récit attisent la curiosité et permettent échafauder quelques hypothèses sur la nature du mal en question… et c’est pourquoi j’ai trouvé plutôt frustrant de terminer la nouvelle sans connaître le fin mot de l’histoire. Car à part le crime contre le bon goût que représente la livrée orange et verte du premier équipage des Titans oubliés, on n’est guère éclairé sur ce qui ne processe pas rond chez ces derniers. Certes, cela a à voir avec la tentative, pas franchement concluante au final, de lier l’âme de victimes sacrificielles aux divines machines, apparemment via le truchement de cristaux spéciaux, mais comme French ne se donne pas la peine de clarifier sa vision des choses, on termine la lecture de The Spirit of Cogs avec un fort goût d’inachevé3.  C’est bien dommage car je ne doute pas de la capacité de l’auteur de conclure ses œuvres de façon satisfaisante, ce qu’il a déjà eu l’occasion de prouver dans de précédents travaux. Bref, dear John, à trop vouloir faire le flupster (le hipster du fluff), on perd les normyistes (les normies du Zhobby). Tiens-le-toi pour écrit.

: Personnellement, j’attribue ce fiasco à l’utilisation malavisée d’un trans-uranic adjuster, qui plus est par du personnel non-formé au maniement de cet appareil bien particulier. Personne n’aime être réveillé par une décharge de tazer dans le fondement.
Comme quoi, on peut mourir de crier « Ta G**** » trop fort. C’est dur de couper la parole à quelqu’un qui parle à 280 décibels, il faut dire.
Après quelques recherches, j’ai pu établir que French a repris l’historique de la Legio Xestobiax, « améliorée » au cours des années précédent l’Hérésie d’Horus par un dispositif expérimental s’inspirant de la moelle spectrale Eldar, et baptisé Noyaux de Fer Noir par l’Imperium. Evidemment, ça a fini par déconner, et le fait que la Legion ait choisi de combattre aux côtés des Thousand Sons après qu’ils aient été déclarés Astartes Non Grata par l’Empereur n’a pas joué en sa faveur, même si un petit nombre de machines ont réussi à survivre à cet âge troublé. Pour plus d’informations, se référer au Livre VII de Forge World consacré à l’Hérésie, appelé (faut-il y voir un clin d’œil ?) Inferno.

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At the Sign of the Brazen Claw – The Prince Tale – Haley [AoS] :

INTRIGUE:

Après avoir écouté l’honorable Horin et le stoïque Stonbrak raconter leurs histoires respectives, il est temps de laisser la parole à la star de la série du sieur Haley, le prince Aelf Maesa. Sommé par l’irritable Duardin de narrer la manière dont il s’est entiché de son farfadet de compagnie et side-nick (side-kick aurait été un peu démesuré pour un être devant péniblement atteindre les vingt centimètres de haut) Shattercap, l’affable Zoneille s’exécute avec sa grâce et son équanimité coutumière, parfaitement à l’aise dans l’exercice de l’alcoolisation mondaine (c’est surtout ça qu’on apprend dans la haute société elfique, en fait). Les convives ayant été ravitaillés en victuailles solides et liquides par l’aubergiste – je ne vois pas pourquoi Haley prend la peine de passer un paragraphe sur le sujet, quitte à refaire passer Horin, qui avait juré la main sur le cœur dans le premier épisode que l’hospitalité était sa valeur cardinale, pour un hypocrite patenté – et certains étant même passé aux toilettes dans l’intervalle (#WhatDoIDoWithThisInformation), Maesa commence son récit.

Nous apprenons donc qu’à l’origine de l’errance du bellâtre se trouve une tragique histoire d’amour entre ce dernier et une humaine (Ellamar), qui finit comme on peut se l’imaginer bien trop tôt au goût de notre Elfe, et le poussa à prendre la route pour surmonter son deuil. Ce qui prit un peu de temps, mais lui permit de parcourir les Royaumes Mortels en long, large, travers, à cloche-pied, en échasses et en trottinette électrique, mais toujours en solo, tel que Jean-Jacques Goldman l’aurait voulu. Et puis, un beau jour, la mise à jour inespérée du logiciel de sociabilité de Maesa se finalisa, provoquant chez lui une soudaine poussée d’empathie. Avisant un village humain construit au milieu des ruines d’une cite de l’Âge des Mythes, en plein cœur de Ghyran, notre voyageur résolut de passer la nuit sur la branche d’un arbre proche, afin de se réhabituer doucement à la civilisation. Réveillé par des pleurs amers quelques heures plus tard, il se surprit lui-même à descendre de son perchoir pour aller s’enquérir des raisons du désespoir de ses nouveaux voisins. Résistant à la tentation de planter sa dague dans le dos de la jeune femme effondrée l’ayant tiré de son sommeil (alerte psychopathe), Maesa se souvint qu’il était un héros en puissance et s’enquit donc des raisons du désarroi de la pauvresse, comme il était sensé le faire.

Malgré l’accueil musclé et peu amical que son intrusion dans l’enceinte du village ne manqua pas de lui valoir, le Prince au bel air, conduit devant le doyen du village, un ivrogne nommé Gurd (ça ne s’invente pas), accepta la mission proposée par ses hôtes, c’est à dire retrouver et ramener saine et sauve la nièce de la pleureuse précédemment aperçue, enlevée la veille par les Sylvaneth locaux comme une demi-douzaine de jeunes enfants avant elle. Passant l’éponge sur le délit de faciès dont les humains, tout à leur ignorance crasse, commirent à son égard (comme s’il suffisait d’être un Aelf pour être pote avec toute les Dryades de la terre… c’est du racisme ça Madame), Maesa se mit donc en route, et sur un coup de chance ou de pif assez heureux, mais logique du fait de son statut de protagoniste, partit dans la bonne direction1. Traversant une forêt visiblement frappée d’un mal profond, ou tout simplement une sapinière alors qu’un nuage passait devant les soleils, le Prince finit par trouver des traces fraîches à exploiter, et rattrapa bientôt la bande de Farfadets transportant le bébé dérobé à la garde maternelle, alors que ces derniers s’apprêtaient à amener leur prise à l’Homme arbre patibulaire qui les attendait sur une île au milieu d’un lac souterrain2.

La raison de ce kidnapping apparut rapidement dans toute son horreur à Maesa: gravement brûlé par des flammes chaotiques au cours d’une précédente bataille contre les hordes du Seigneur Fangmaw, l’Ent de service (Svarkelbud) avait depuis recours à un type de terreau enrichi en protéines pour écourter sa convalescence, et faisait feu de tout bois (expression peut-être malheureuse au vu de la situation) pour retrouver la santé. Passablement dérangé, au point d’avoir immolé ses propres Dryades après qu’elles lui aient fait part de leur réticence à le seconder dans son idée d’ouvrir son business de capsules funéraires, et récupéré leur soulpods pour s’en faire un collier, Svarkelbud refuse bien évidemment l’offre raisonnable du Vagabond de laisser ce dernier repartir avec l’enfant, ce qui force l’Aelf à prendre des mesures plus radicales. Révélant quelques compétences en magie guerrière et au tir à l’arc, le Prince décime la clique des Farfadets, épargnant seulement celui qui fit preuve d’une retenue salutaire au moment d’égorger l’enfançon, qu’il se contente d’assommer et d’embarquer en même temps que le précieux colis. L’Homme Arbre, quant à lui, hérite d’une flèche enflammée en plein dans l’œil, ce qui a rapidement de lui. Quel dommage qu’il ne soit pas souvenu qu’il était au milieu d’un lac.

Le reste de l’aventure n’est qu’une formalité pour notre héros, qui dépose la miraculée devant chez ses parents avec une carte de visite glissée dans ses langes (ce n’est pas la modestie qui étouffe Maesa, qui a souligné à de nombreuses reprises au cours de son récit à quel point il était le plus doué, le plus fort et le plus rapide3, et qu’il aurait pu tuer tout le monde en un clignement d’œil s’il l’avait voulu), et repart sur la route, non sans avoir planté les soulpods récupérées au passage dans un bosquet tout proche. Vive l’économie circulaire. Quant au Farfadet magnanime, ou simplement indécis, on aura compris qu’il s’agit du fameux Shattercap, que Maesa a choisi de garder auprès de lui afin de lui apprendre les bonnes manières. Il avait apparemment vraiment besoin de compagnie. Peut-être un peu trop d’ailleurs.

AVIS:

Les épisodes se suivent et se ressemblent, en style tout du moins, pour Haley. Encore de la high fantasy siglée Age of Sigmar, univers de tolérance où les unions libres entre individus de races différentes sont apparemment possibles (même si ces couples ne peuvent pas avoir d’enfants), et tolérées. Le Vieux Monde était un chouilla plus conservateur sur le sujet, ou avait tendance à tomber dans le glauque dès qu’il abordait le sujet (coucou les Fimirs!), l’idylle entre Maesa et Ellamar est donc un nouveau marqueur du changement de braquet “atmosphérique” entre le fluff de la franchise qui fut et celle qui a pris sa place. D’un autre côté, il s’agit également du récit le plus sombre  du lot pour le moment, incluant des détails assez morbides/dérangeants dans sa narration, comme l’enlèvement de nourrisson à fin de sacrifice (et de consommation, comme l’avoue inconsciemment ce boute en train de Shattercap), ou les parures en organes (végétaux certes, mais tout de même) de cet incompris de Svarkelbud. The Prince Tale présente également l’avantage sur ses prédécesseurs (et probablement sur ses successeurs, sauf si l’impayable Pludu Quasque se révèle être le nouvel Heinrich Kemmler) de mettre en scène une demie célébrité d’Age of Sigmar, ce qui peut intéresser les fans inconditionnels du Prince Maesa (qu’ils se dénoncent). Pour le reste, c’est du Haley, pur jus encre, donc tout à fait lisible, et même parfois assez bien tourné, à défaut d’être passionnant.

: On notera au passage qu’il possède également un super-pouvoir assez intriguant : la capacité de déterminer le moment du passage d’êtres vivants à un endroit précis en jaugeant de la température au sol. Soit il a une vision infrarouge vachement précise, soit Haley a oublié de préciser, sans doute pour préserver l’aura romanesque de son personnage, qu’il a besoin d’un étron frais de sa proie pour réaliser cette prouesse.
: Et, détail fendard, assis sur un trône façonné dans un arbre. Moi je vois ça de cette façon.
: Pas trop rapide espérons le, sinon c’est Ellamar qui a dû s’ennuyer.

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City of Blood – Smith [40K] :

Avec un nom tel que celui-ci, il est assez facile de prendre Matt Smith pour quelqu’un d’autre (spoiler, ce n’est pas le 11ème Docteur Who), ou de survoler sa sombre bibliographie. Même si cette dernière n’est pas aussi imposante que celles de certains de ses confrères, il compte tout de même à son actif quatre soumissions, toutes pour 40K : In Service Eternal, The Twisted Runes, City of Blood et The Price of Duty.

INTRIGUE:

Alors qu’elle sirote tranquillement un cocktail dans un bar louche de Scavtown, quartier classé ZUS de la ruche Obergard Secundus, Jesca Veil, héroïne au passé trouble et à la gâchette facile, se fait aborder par un malabar animé d’intentions peu charitables. Peu encline à accepter son invitation à poursuivre la soirée dans un endroit plus calme, Jesca règle prestement son compte au malotru, et s’éclipse discrètement vers l’endroit où doit l’attendre le passeur avec lequel elle a conclu un marché pour quitter la planète dans les plus brefs délais. Elle ne tarde cependant pas à réaliser que le butor dont elle a si définitivement refroidi les avances n’avait pas fait le déplacement seul, et se retrouve finalement acculée dans une ruelle obscure, à la merci du Commissaire Timur Iovac et de son équipe de chasseurs de déserteurs, ce que Jesca semble être. Faisant mine d’accepter sa mise en état d’arrestation, Veil réussit à tromper la vigilance de sa Némésis et de ses sbires, dérobant au passage à cette dernière une des grenades d’apparat qui pendent à sa ceinture, et fonce ventre à terre vers le lieu de son rendez-vous galant, poursuivie par les invectives outrées d’Iovac (it’s okay) ainsi que par le mastiff robotique de l’officier (it’s not okay).

Au prix d’un combo steeple – saut en longueur parfaitement négocié, et surtout, de salutaire du contact de Veil, une grande brute atteinte d’une forme sévère de psoriasis répondant au nom de Heizer, qui euthanasie le clebs du Commissaire sans autre forme de procès, Jesca se reprend à espérer une conclusion rapide et sans problème de son transfert vers l’orbite haute, ce qui ne se produira évidemment pas (la nouvelle aurait été un peu courte sinon). Emmenée par son Sherpa urbain à travers une zone à hauts risques, et pas seulement à cause des mauvaises relations que Heizer entretient avec le gang qui occupe le territoire suite à une opération ne s’étant pas bien terminée, notre AWOL d’héroïne ne tarde pas à faire la connaissance des Affligés, variante locale des Zombies de la Peste ayant tous choisis l’option 3*500 mètres au bac, ce qui rend leur gestion assez délicate même pour notre duo de vétérans endurcis. Fort heureusement, la grenade lootée par Veil se révèle être une authentique bombe de stase1, et laisse assez de temps aux fugitifs pour sortir de la zone infectée.

Leur rencontre fortuite avec une escouade de miliciens locaux, chargés par le gouverneur de pacifier Scavtown suite à de légers débordements et la disparition suspecte de quelques enfants de la haute société dont le tort a été de s’improviser Spyriens (erreur de jeunesse, comment leur en vouloir?), leur fait toutefois perdre aussi vite le temps gagné par le gadget d’Iovac, et l’émeute éclate rapidement lorsque les effets pacificateurs de la grenade finissent par se dissiper. Si la boucherie qui s’en suit permet à Veil de fausser compagnie aux pauvres forces de l’ordre, très rapidement débordées, puis disséquées, par les événements, elle voit également Heizer lui fausser compagnie à la recherche d’un shoot de cortisone suite à une crise urticante carabinée, et, plus embêtant, permet à Iovac et ses nervis de refaire leur retard sur la fugitive. Très déçu par le comportement égoïste de sa proie, le Commissaire parvient presque à mettre la main au collet à cette dernière (ce qui se serait mal terminé pour elle, gantelet énergétique oblige), mais doit finalement déposer les armes après avoir rate la sauvegarde d’armure de trop – en même temps, sur cinq blessures, le contraire eut été hors stats –. Ce moment de relâchement lui coûte cher, son Feel No Pain salvateur ne faisant pas le poids face au Got No Brain de la demi-douzaine d’Affligés qui lui tombent sur le râble pendant que Jesca repart en petites foulées.

Ramassée par un Heizer luisant sous la biaffine, mais de nouveau maître de lui-même, dans une ambulance militaire détournée pour la cause, Jesca croit arriver au bout de ses peines, mais une dernière épreuve l’attend néanmoins. Témoin de la bad assitude consommée de sa cliente, le passeur gratteur profite de l’inattention de cette dernière pour lui coller la tête sur le tableau de bord en vue de lui soutirer des réponses au sujet de son véritable passif. Réalisant que la coopération de son seul allié est nécessaire au succès de ses plans, notre héroïne obtempère et lui avoue qu’elle sert l’Inquisition en enquêtant sur la cause de l’Affliction, et que le mandat d’arrêt dont elle fait l’objet n’est qu’une manœuvre de la part des responsables de l’infestation qui frappe Obergard Secundus pour l’empêcher de nuire. Convaincu par la réponse qui lui a été faite, Heizer accepte d’honorer sa part du marché et escorte Jesca jusqu’au point de ramassage scolaire stellaire le plus proche, en échange d’un logiciel de credit skimming pas piqué des vers. Il faut croire que le monde de la finance fait également partie des ennemis de la Sainte Inquisition (l’Ordo Fiscalus, en particulier)…

AVIS:

Débuts plutôt réussis pour Matt Smith en tant qu’auteur de la Black Library avec ce City of Blood. Parmi les éléments favorables à verser au dossier du rookie, citons par exemple sa maîtrise du rythme et du séquençage de l’action, qui permettent à sa nouvelle de proposer en peu de pages un nombre conséquents de péripéties variées au lecteur (scène de baston dans le bar, 1ère confrontation avec Iovac, fuite et rencontre avec Heizer, confrontation avec les Affligés, Affligés vs miliciens, 2ème confrontation avec Iovac, taxi avec Heizer & conclusion). Notons également le bel aplomb avec lequel Smith intègre des éléments “Necromund-esques” dans son propos, sans pour autant placer ce dernier sur la planète araignée. Mine de rien, cela révèle une bonne maîtrise du fluff de 40K et de la sous franchise que Necromunda représente, ce qui est prometteur pour la suite. Enfin, les Affligés sont dépeints de manière fort honorable, notamment leur entrée en scène dans les ténèbres de Scavtown, convenablement flippante dans le genre “on ne les voit pas mais on les entend”. La seule remarque un tant soit peu négative que je ferai à Smith sur ce texte inaugural concerne la contextualisation, ou plutôt son absence, de la relation entre Jesca et Iovac. Si on comprend sans mal ce que le second reproche à la première au fil du récit, les révélations faites à la fin de la nouvelle quant à l’identité secrète de l’héroïne tombent un peu à plat, puisque le lecteur ne sait rien de la mission de Jesca, ni de la manière dont elle s’est retrouvée piégée par les “Afflicteurs”, qui ont dépêché l’inflexible Commissaire à ses trousses. City of Blood a donc un arrière-goût prononcé de “2ème épisode”, ce qu’il n’est à ma connaissance pas, et en est un peu frustrant de ce fait. Espérons que les zones d’ombre du passé de Miss Veil seront au moins partiellement levées au cours d’une prochaine soumission Smithienne.

: On se demande ce qu’un Commissaire lambda faisait avec un matériel aussi sophistiqué sur lui. En même temps, c’est pratique de pouvoir immobiliser un suspect de façon non léthale quant on a besoin d’une petite exécution pour l’exemple pour remonter le moral des troupes.

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Dismember the Titans – Lyon [BB] :

Après des débuts lapidaires (The Hunter et ses 4 pages) dans Hammer & Bolter, Graeme Lyon a petit à petit étoffé sa bibliographie BL-esque, avec une tendance notable et notée à se tourner vers le monde impitoyable du Blood Bowl (Mazlocke’s Cantrip of Superior Substitution, Dismember the Titans). Autre contribution à la grande histoire du Monde qui Fut, Bride of Khaine, ou les relations pas toujours simple d’un couple à forte différence d’âge (le fait qu’il s’agisse de la Fin de Temps ne facilitant rien non plus).

INTRIGUE:

La saison prometteuse des Talabheim Titans se retrouve perturbée par des événements extra-sportifs impactant fortement la vie de l’équipe : une série de meurtres passablement gore (éventrement et amputations, ça commence à sentir l’acharnement) décime les joueurs de la franchise, sans que les autorités locales ne s’en émeuvent1. Par chance pour les Titans, leur duo de choc, la blitzeu…se (?) Juliana Tainer et le receveur Johann Walsh, prennent sur eux de mener l’enquête, épaulé dans cette lourde tâche par le nouvel apothicaire de l’équipe, l’excentrique, vaguement inquiétant et passablement obsédé par la nécromancie Dr Werner von Blaustein (un brave type). Ce dernier, après avoir examiné la dépouille mortelle de la plus récente victime du DéventramembreurTM, aiguille nos héros sur la piste d’un spécialiste de l’anatomie (comme lui), maniant des instruments très tranchants (comme les siens). Percevant la sagesse du raisonnement du bon docteur, J&J épluchent le courrier des fans à la recherche de récriminations particulièrement véhémentes, qui pourraient indiquer l’identité du tueur. Et, coup de bol, ils trouvent effectivement un suspect intéressant en la personne d’un barbier atrabilaire et très remonté, pour des motifs nébuleux, contre les Titans.

Ayant décidé de la jouer discrètement, les détectives en herbe astrogranite passent la nuit en planque devant l’échoppe de leur détracteur, mais s’endorment comme des masses avant de n’avoir décelé quoi que ce soit de compromettant, non sans avoir mis au point un système de commandes par tapotage de casque interposé, ce qui est toujours utile dans ce type de profession. Le coach ne leur ayant pas laissé toute la journée, Juliana et Johann décident à leur réveil de précipiter les choses en rendant une visite de courtoisie à l’aimable praticien, pour découvrir que lui aussi s’est fait décarcasser par l’insaisissable assassin. Comble de déveine, ce dernier a laissé derrière lui un trio de Zombies patchwork, composé de membres cousus ensemble, ce qui permet à nos héros de comprendre pourquoi les victimes précédentes ont été retrouvées fortement diminuées (c’est du kit bashing organique, au final). Une course déterminée, une passe longue réussie, et une lanterne pleine d’huile fracassée plus tard, J&J sortent de la boutique en feu de feu leur principal suspect, et retournent au bercail pour débriefer le reste de l’équipe.

Sur place, ils ont le déplaisir d’être accueillis par la nouvelle d’un autre décès dans l’équipe, signe que leur persécuteur n’a pas chômé ces derniers temps. Invités par von Blaustein à une réunion de travail dans son bureau, ils finissent par comprendre, suite à une remarque compromettante glissée par leur médecin traitant au cours de la discussion, que ce dernier est derrière cette sanglante série. Ayant eu la mauvaise idée d’accepter le thé préparé par l’apothicaire, ils sombrent cependant dans une inconscience malvenue avant d’avoir pu agir. Nos héros reviennent à eux dans la cave de la maison familiale de von Blaustein, qui a la bonté d’expliquer ses motivations avant de commencer ses sinistres opérations : fan éperdu des Titans, le jeune vB ne voulait rien tant que de rejoindre l’équipe, ce que ses faibles capacités physiques l’ont empêché de faire. Humilié par cette mésaventure, il jura de provoquer la perte de la franchise, puis de remplacer cette dernière par une équipe de cadavres réanimés, composés à partir des meilleurs morceaux des Titans. Quelques années plus tard, après avoir été diplômé en nécromancie à l’université de Sylvanie, il revint dans sa ville natale pour mettre à exécution son plan machiavélique. Le plaisir coupable du monologue satisfait de grand méchant coûtera cependant cher – comme d’habitude – à Scalpelator, puisque Johann trouvera le moyen de se délivrer de l’étreinte ferme mais faillible du Zombie le maintenant au sol avant que sa laparotomie ne débute. Une fois de retour sur leurs appuis, la puissance et l’expérience supérieurs des titulaires viendra sans problème à bout des malhabiles gesticulations de leurs remplaçants, l’action se terminant de façon péremptoire par une inflammation généralisée de l’équipe zombie, coach compris. L’illustration même de l’importance de maîtriser les fondamentaux dans les sports collectifs.

AVIS:

Il m’est venu à l’esprit en écrivant cette chronique que la plupart, si ce n’est tous, des prochaines nouvelles publiées par la BL et se déroulant dans l’univers de Fantasy Battle auraient pour cadre un match de Blood Bowl, pour la simple et bonne raison qu’il s’agit de la dernière franchise vivante prenant place dans le Monde que Fut. Raison de plus pour espérer que la qualité soit au rendez-vous, ce qui est plutôt le cas de Dismember the Titans. En 17 pages, ce qui est court, Lyon trousse en effet une petite enquête policière dans le monde impitoyable du sport professionnel de WFB, répondant à toutes les exigences du cahier des charges de ce type de publication, (micro) twist final inclus. Certes, la nécessité de garder le propos dans les limites fixées n’a pas permis à notre homme de perdre le lecteur dans un dédale de fausses pistes, et l’identité du meurtrier n’est donc pas longtemps sujette à discussion, mais on ne peut enlever à Lyon qu’il a fait le job de manière tout à fait satisfaisante, et est même allé au delà de l’acceptable, en prenant le temps d’intégrer un set-up utile au dénouement de l’intrigue au détour d’un paragraphe. Ça n’a l’air de rien comme ça, mais nombre d’auteurs de la BL auraient donné dans le TGCM/WIJH pour justifier le revirement de situation final, et il convient donc de distribuer un bon point à Lyon pour son application sur ce sujet.

En revanche, et malgré le fait que je reconnaisse pleinement le caractère humoristique et fantaisiste de Blood Bowl, j’ai trouvé que l’auteur avait forcé le trait a bien des endroits, enterrant définitivement tout espoir de faire cohabiter BB et WFB de manière cohérente, ce qui aurait – à mon avis – pu se faire avec un peu plus d’attention. L’exemple de l’émission télé (ou Cabalvision) de Zavant Konniger (voir Fluff) est ainsi révélateur d’un parti pris parodique poussé à l’extrême, et qui creuse un fossé infranchissable entre Fantasy Battle et Blood Bowl, le second ne pouvant prendre place que dans un univers alternatif du premier. À titre personnel, j’aurais aimé que Lyon mette la pédale douce sur les clins d’œil entendus à notre propre monde (les chaussures Orcidas et les spamburgers McMurty’s en tête), et cherche à intégrer de façon crédible ce noble sport au monde de Warhammer, comme Sandy Mitchell a réussi à faire de Ciaphas Cain une figure originale, mais crédible, de 40K. Rendez-vous au prochain quart temps pour voir si ce vœu pieux a été entendu.

: À Blood Bowl comme dans la vraie vie, la lutte des classes entre sportifs professionnels grassement payés et classes laborieuses exploitées empoisonne les relations entre les uns et les autres.

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The Unlamented Archpustulent of Clan Morbidus – Guymer [AoS] :

INTRIGUE:

The Unlamented Archpustulent of Clan MorbidusC’est un jour spécial qui se lève commence (le soleil brille-t-il ici ?) à Vile Ville pour Rattagan Borkris, l’honorable Malfaisant Supérieur de l’Eglise de la Ruine Rongeuse. À la suite du décès brutal, mais pas totalement imprévu de l’Archipustulent Heerak Gungespittle, la charge occupée par ce dernier est vacante, et notre héros compte bien la faire sienne. S’il parvient à ses fins, il occupera une position de choix au sein du clan Morbidus, et pourra rêver à siéger un jour au sein du Conseil des Treize, si le représentant actuel de sa faction devait lui aussi avoir un accident malheureux. Pour cela, il lui faut remporter l’élection du Lycée des Lecteurs, dont les vingt-et-un membres doivent se réunir sous peu pour désigner le nouveau chef spirituel du clan. Pouvant compter sur le soutien de huit des cardinaux, Borkris est pleinement confiant dans la suite des événements, n’ayant besoin que de convaincre deux autres votants de la qualité de sa candidature pour accéder à la fonction à laquelle il aspire.

Cependant, l’ambitieux Supérieur doit compter avec deux rivaux, tout aussi déterminés que lui à prendre en patte la destinée du clan. Hascrible, un simple moine de la Peste, compensant sa cécité et ses origines serviles par un zèle implacable et une dévotion exubérante envers le Grand Corrupteur, a l’oreille des masses laborieuses et du bas clergé Morbidus, et constitue donc une force avec laquelle il faut compter. Le Verminable Dengue Cruor, 500 ans bien tassés et de fait doyen de l’assemblée, est un autre prétendant valide à l’élévation, et le seul disposant d’une influence à même de rivaliser avec celle de Borkris. Coup de chance pour ce dernier cependant, Nicodemus a eu une panne de rat-veil ce matin, et avec l’absence simultanée d’un autre Lecteur, Drassik, il n’a besoin que d’un vote supplémentaire pour devenir rat-life à la place du rat-life.

À quelque distance du Temple Fendillé, où se tiennent les débats, nous retrouvons les deux absents, occupés à d’importants préparatifs. Cruor, en sa qualité de Sage Bilieux de la Voie Extirpée et maître des potions, s’active à une concoction un peu spéciale en vue de faciliter sa future élection. Drassik, de son côté, le seconde de son mieux, en lui fournissant une moustache, puis son dernier rât-le, deux ingrédients nécessaires à la réussite du gaspacho mitonné avec application, plutôt qu’avec amour, par l’ancien maître. N’ayant pas vu passer l’heure, il se hâte ensuite vers le concile, où les choses ont avancé plus vite qu’il ne l’avait prévu. Le premier tour de vote n’a en effet rien donné, Borkris ratant l’élection à une voix près, secondé de plus loin par Hascrible, qui demande de manière véhémente un recomptage des voix (ce n’est pas parce qu’il est aveugle qu’on peut la lui faire à l’envers), et, à la surprise générale, y compris la sienne, par un troisième larron, Salvik Rakititch, joueur du FC Rat-rcelone, plénipotentiaire du clan sur Aqshy. Les débats ayant été levés pour la journée, Borkris s’empresse d’aller à la rencontre de Rakititch afin de lui proposer une offre qu’il ne pourra pas refuser, et cimenter ainsi son prochain succès.

Alors que nos deux larrons étaient sur le point de conclure un accord, l’intrusion soudaine de Hascrible et de ses zélotes, animés de mauvaises intentions (ce qui est mal) et armés de fléau à malepierre (ce qui est pire), vient sonner la fin des pourparlers, et force les intrigants à chercher la protection de leurs escortes respectives. Il faudra l’intervention musclée autant que solidaire des septons du Temple Fendillé pour stopper l’alga-rat-de, au cours de laquelle Rakititch essaiera de zigouiller Borisk, sans succès (c’est résistant, un rat de Nurgle), qui lui rendra la pareille de façon plus efficace. Un de moins.

Le deuxième tour de vote débute donc sous des auspices très différents du premier, avec un Borisk un peu amoché et en situation de faiblesse, un Harscrible renforcé par son coup de force et l’attribution – certes imméritée, mais les voies du Rat Cornu sont tortueuses – de la mort de Rakititch, et un Cruor gardant sa botte secrète en réserve. Profitant de son droit d’adresse avant que le vote ne débute, le Verminable enjoint fortement ses collègues à le choisir, pour la bonne et simple raison qu’ils ont tous été contaminés à leur insu par le splintergut, une infection aussi mortelle qu’horriblement douloureuse, dont seul Cruor possède l’antidote. Consternation dans l’auguste assemblée, sauf de la part de Hascrible, tellement certain de la bénédiction dont il bénéficie de la part de sa divinité tutélaire qu’il n’hésite pas à envoyer grignoter le vieux croûton croûteux. Interprétant mal la défiance de son rival, et suspectant une entente secrète de ses adversaires, Borkris a alors la mauvaise idée de décapiter Cruor, certain que ce dernier se contente de bluffer. Sauf queue (de rat) non. La nouvelle se termine donc sur le renouvellement complet du haut clergé du clan Morbidus, l’ignoble Lycée des Lecteurs ayant pris un aller simple pour la bedaine du Rat Cornu suite à la gaffe de Borkris. Place aux jeunes !

AVIS:

Carton plein pour Guymer, depuis le titre savamment sophistiqué de sa nouvelle jusqu’à la conclusion, convenablement tragi-comique (ce terme a été inventé pour les Skavens) de cette dernière. Ayant pu lire beaucoup de bien à propos des ouvrages de notre homme pour la Black Library, sans avoir été personnellement emballé par rien de ce que j’avais pu lire de sa prose jusqu’à présent, que ce soit dans le Monde qui Fut (The Tilean Talisman) ou les Royaumes Mortels (God’s Gift), j’étais plus qu’un peu dubitatif sur la hype entourant le sieur Guymer. The Unlamented… est la soumission qui a mis tout le monde (c’est à dire votre serviteur et le reste de l’univers) d’accord sur le sujet, et plutôt à l’avantage de notre auteur, ce qui est le meilleur scénario possible (croyez-le ou pas, mais je préfère lire des textes qualitatifs, même si, je l’avoue, chroniquer des scories littéraires est généralement une entreprise assez rigolote).

Pour aller un peu plus loin dans l’exposition de mes louanges, je distinguerai trois sources principales de satisfaction : le fond, la forme, et le parti pris de narration. Par ce dernier terme, j’entends le choix fait par Guymer de plonger directement dans le lecteur dans le cœur du lore d’Age of Sigmar, sans prendre le temps de lui présenter/prémâcher le background de base des factions mises en scène (ici les nobles Skavens). Je n’ai aucun problème à reconnaître que les premières pages, et la première lecture en général, de The Unlamented… ont été un peu ardues pour moi, même si je me considère comme raisonnablement calé en matière antropomurine. Mon bagage de connaissances, hérité quasi-exclusivement de mes lectures WFB, s’est en effet avéré insuffisant pour couvrir l’organisation ecclésiastique du clan Morbidus1, autour de laquelle Guymer construit l’intrigue de la nouvelle. Entre les noms, les titres et les relations de pouvoirs des membres du Lycée des Lecteurs du Clan, il est assez facile de s’emmêler les moustaches au sujet de qui veut faire quoi et tuer qui. Personnellement, cette approche « rentre dedans » me plaît davantage que la tendance inverse, consistant à tout expliquer, souvent de façon très scolaire – et donc assez ennuyeuse – pour être sûr de ne pas perdre le lecteur, surtout si ce dernier a des chances d’être neuf dans le Zhobby. Inferno! étant un produit plutôt destiné aux vétérans de la BL, le choix de Guymer m’apparaît tout à fait valide, et assez valorisant pour le public, qui appréciera sans doute qu’on ne le prenne pas pour le dernier des noobs (même si nous sommes tous passés par là).

Deuxièmement, la forme est donc également une source de satisfaction. On se trouve en présence d’une vraie nouvelle, dont l’intrigue se développe et mature au fur et à mesure que les motivations et les projets des trois personnages principaux sont présentés. Les péripéties s’enchaînent de façon convaincante, alternant entre intrigues et confrontations, parfois violentes, de nos cardinaux scrofuleux. Enfin, la conclusion vient illustrer de façon adéquate pourquoi les Skavens, malgré tous les avantages à leur disposition par rapport aux autres factions d’Age of Sigmar, n’ont pas réussi à conquérir les Royaumes Mortels (et n’y arriveront sans doute jamais). Cette tendance à l’auto-destruction, de manière spectaculaire, douloureuse et distrayante (vue de l’extérieur) est en effet une marque de fabrique de cette noble race, et il aurait été déplacé de ne pas y faire référence.

Enfin, le fond est lui aussi à l’honneur dans The Unlamented…, Guymer parvenant à retranscrire de belle manière le fonctionnement et les luttes intestines du Clan Morbidus, tout en nourrissant généreusement son lectorat d’éléments fluff sur l’organisation de ce dernier, sa place dans la société skaven et son territoire au sein de Vile Ville. Même si la nouvelle ne contient pas de révélations majeures sur le background raton, elle est suffisamment bien écrite pour satisfaire l’amateur, qui en retirera des éléments intéressants, et une meilleure compréhension de l’organisation (ou de son manque) des suivants du Rat Cornu. Bref, un très bon cru que The Unlamented Archpustulent of Clan Morbidus, et un mètre étalon raton à garder en tête pour les prochaines soumissions de David Guymer.

: Et pourtant, j’ai une copie des Uniformes et Héraldiques Skavens, dans lequel le Clan a été introduit.

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In the Mists of Chaos – Hoskin [AoS] :

Rik Hoksin fait son entrée au sein du cénacle des auteurs de la BL, et s’asseoit à la table fort d’une carrière bien établie en tant qu’auteur de comics (Superman, Star Wars, Doctor Who, Spiderman & Friends, Disney…) et d’ouvrages de science-fiction. Il a été récompensé du Dragon Award pour son ouvrage White Sand, et est le contributeur principal de la série Outlander, sous le nom de plume de James Axler.

INTRIGUE:

Le village d’Ironvale a la mauvaise fortune de se trouver sur la seule voie menant à un Portail des Royaumes reliant Aqshy à… ailleurs, ce qui a provoqué un afflux massif ruffians littéralement mal dégrossis au cours des dernières semaines. Outrés par le manque de savoir-vivre de ces visiteurs indésirés autant qu’indésirables, les locaux, menés par les intraitables frères Weisz (Uffo et Moryn), ont fini par les envoyer balader, à grands coups d’épée et de marteaux pour les plus insistants des punks à chiens disques. Si l’opération Main Propre (en hommage au membre sectionné du sorcier du Chaos qui menait les loubards chaotiques) engagée par les véhéments Ironvalois est un succès, elle a cependant coûté cher aux honnêtes citoyens, aux pertes subies pendant l’échauffourée ayant pris place sur le parking de la supérette locale s’ajoutant la grave blessure subie par Moryn à cette occasion. Laissé presque unijambiste par cette franche explication de texte, Mo’ peine à se remettre de ses émotions, et c’est le cœur lourd que son héros de frangin, le laisse sur son grabat pour mener sa petite bande de voisins vigilants à la rencontre des vandales qui menacent à nouveau la quiétude d’Ironvale.

Coup de chance pour nos honnêtes Aqshyssais, leur plus si paisible que ça bourgade est nichée au cœur d’une vallée escarpée, dont la topographie n’est pas sans rappeler les Thermopyles. Ils sont donc en capacité de bloquer complètement la route des maraudeurs, toujours menés par leur gorfou doré1 de leader, Ty’Gzar (un breton donc, ça explique des choses). Encore heureux, car les assaillants ont l’avantage du nombre2, ce qui pourrait jouer des tours à nos vigilantes. Les sommations préliminaires n’ayant rien donné, étonnamment, Uffo décide fort logiquement de tenir la ligne et de laisser l’ennemi se fracasser sur les boucliers de ses sold- ah non, finalement il ordonne une charge générale sur les rangs des cultistes de Tzeentch, où lui et ses collègues commencent par prélever un lourd tribut (car il faut une vignette crit air pour circuler dans la périphérie d’Ironvale, c’est connu). Malheureusement pour notre impétueux héros, son homologue chaotique exhale une latte monstrueuse, qui engloutit prestement le champ de bataille et fait perdre toute cohésion au bataillon sigmarite. Coupé de ses soldats, dont seuls les cris lointains lui parviennent, Uffo continue toutefois à corriger du cultiste, ses horions vengeurs venant à bout de toutes les horreurs et Horreurs que le nuage de fumée met sur sa route.

Après ce qui lui semble être une éternité de combat sauvage, Uffo tombe finalement à court d’adversaires… et se rend compte peu de temps après que le silence de mort qui est tombé sur le champ de bataille s’explique par le fait qu’il a massacré dans son enthousiasme guerrier, abusé qu’il était par l’insidieuse fumette de Ty’Gzar, une bonne partie de ses soldats, et la plupart des habitants d’Ironvale (dont, très probablement, son propre frère), le flux des combats l’ayant ramené jusqu’à son village. Voilà qui est ballot. Et notre héros de comprendre tout d’un coup pourquoi ses ennemis étaient si soudainement si bavards, bien qu’il n’ait pas compris sur le coup que leur salmigondis délirant était en fait un appel à ce qu’il retrouve ses sens. Annihilé par cette révélation, Uffo le louf voit s’approcher Mano Solo, qui se délecte bien évidemment du tour pendable qu’il a joué au vertueux champion des bonnes mœurs. Il a cependant le tort, impardonnable, de commencer à incanter sans respecter les distances de sécurité une fois son monologue satisfait achevé, et se fait fort logiquement châtier de son outrecuidance par un Uffo vengeur, qui ne se gêne pas pour lui reprendre la main. Voilà ce que c’est de la jouer petit bras, maraud !

AVIS:

Ce n’est pas passé loin pour Hoskin, mais ses débuts au sein de la Black Library ne peuvent être considérés comme au dessus de reproches. Malgré l’utilisation d’un ressort narratif guère original, mais toujours efficace, et le métier apparent de notre homme en matière de storytelling, son In the Mists of Chaos pêche légèrement, mais significativement, sur deux points. Le premier est l’assimilation incomplète, non pas du fluff, convenablement traité dans l’ensemble, d’Age of Sigmar, mais plutôt de son atmosphère. À lire cette nouvelle, on ne devinerait jamais que le Chaos est l’adversaire ultime des Gens Libres, et non pas une « simple » menace du même ordre qu’une bande d’Orruks en maraude, ou qu’un banc d’Idoneth Deepkin en quête de butin. Héritage important du Monde qui Fut, et de l’univers GWesque en général, le Chaos est en effet l’éternelle Némésis des peuples civilisés, au premier rang desquels on retrouve les communautés humaines adorant Sigmar, sans doute le Dieu du Panthéon de l’Ordre nourrissant la haine la plus farouche pour les adorateurs du Club des Cinq. Entendre cette bonne pâte d’Uffo interpeller le général adverse comme s’il agissait d’un bandit de grand chemin, et pas d’un champion des Dieux Sombres, imbu de pouvoirs mystiques et à la tête d’une horde de mutants et de démons, s’inscrit donc franchement en faux avec les conventions dont le lecteur vétéran de la BL a l’habitude. On va dire que je radote, et c’est sans doute vrai, mais la high fantasy d’Age of Sigmar, où plus rien n’est vraiment tout à fait glauque, nihiliste, absurde ou amoral, vient encore de gagner du terrain. Je le déplore. Ce n’est que mon avis cependant.

Deuxième point d’achoppement, la construction de la nouvelle autour de son twist final, que j’ai trouvé un peu faible. In the Mists of Chaos est typiquement le genre de publication que l’on se dépêche de relire une fois le fin mot de l’histoire connu3, afin de relever tous les indices et suggestions que l’auteur n’aura pas manqué d’intégrer discrètement à son propos, afin de laisser une chance au lecteur d’éventer sa surprise finale à l’avance. Je n’ai pas trouvé que Hoskin avait excellé dans l’exercice, aucun détail savamment dissimulé aux yeux du tout venant, mais absolument révélateur pour l’initié, ne m’étant apparu lorsque je suis revenu sur mes pa(ge)s. C’est d’autant plus dommage qu’un autre auteur de la BL avait exploité (quasiment) la même idée dans une nouvelle publiée il y a quelques années4, avec des résultats que j’avais trouvé bien plus probants. Bref, une entrée acceptable de Rick Hoskin dans la sombre bibliothèque, mais rien de très enthousiasmant.

1 : C’est une espèce de manchot. Qui a dit que le wargaming ne permettait pas d’accroître sa culture générale ?
: Ca ne se joue pas à grand chose, ceci dit.
: Ici, c’est « Jeu de mains, jeu de villains ». You know why.
: Son of the Empire de Robert Allan, publiée dans le recueil The Cold Hand of Betrayal.

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The Book of Transformations – Keefe [AoS] :

Parcours intéressant que celui de Matt Keefe au sein de la Black Library. Bien que le gros de ses contributions soient relativement récentes et prennent place à Necromunda, sa première nouvelle (Fate’s Masters, Destiny’s Servants) pour une franchise de GW a été publiée en 2006, dans le recueil thématique Tales from the Dark Millenium, qui a accompagné le TCG éponyme de Sabertooth Games. Plus de dix ans après, le voilà de retour, et dans un univers totalement différent qui plus est.

The Book of TransformationsINTRIGUE:

Matt Keefe choisit de narrer la vie et l’oeuvre de l’apothicaire Mehrigus, établi dans une ville des Gens Libres du Royaume de Chamon. Ayant appris son art auprès d’un alchimiste au sens de l’humour et de la décoration un peu particuliers1, notre homme exerce sa noble et utile profession au service de la communauté, mais rêve et travaille en secret à d’autres projets, bien plus ambitieux que la confection de cataplasmes ou la réduction des fractures. Passionné par le concept de transformation de la matière, une lubie qu’il tient sans doute de son mentor, Mehrigus est persuade que la médecine pourrait progresser de façon notable si elle arrivait à mettre à profit la puissance du changement et de la mutation. Je sais à quoi vous pensez en ce moment même, amis lecteurs, et pour répondre à votre question, non, Mehrigus ne réalise pas que cette philosophie mène tout droit à l’ornithologie démoniaque. Tout le monde n’a pas la chance d’avoir une copie du Battletome Disciples of Tzeentch (neuf, de préférence, c’est plus fluff) sur son étagère, ou peut-être que c’est le libezard de compagnie de notre héros qui l’a bouffé avant qu’il ait eu le temps de le feuilleter. Qui peut dire.

Ayant eu le malheur d’exposer un peu trop directement ses idées lors d’un colloque scientifique il y a quelques années, avec des résultats pas franchement probants, Mehrigus a fait depuis profil bas, tout en continuant ses expérimentations dans son laboratoire personnel entre deux purges de nourrissons et séances de podologie à l’EHPAD du coin. La visite d’un confrère à la retraite, répondant au nom de Trimegast et apparemment lui aussi intéressé par le sujet d’étude de Mary Grüss, constitue donc une surprise de taille pour notre apothicaire, mais une surprise des plus heureuses, puisque son nouvel meilleur ami lui laisse en prêt une copie annotée du Livre des Transformations, lui demandant seulement de le tenir au courant des avancées qu’il pourrait réaliser au cours des prochains mois.

Bien aidé par ce grimoire providentiel, et profitant des malheurs de ses concitoyens, tracassés par les déprédations d’une bande de maraudeurs de Nurgle ayant décidé de squatter les égouts de la ville, Mehrigus a bientôt l’occasion de délaisser la recherche fondamentale pour quelques cas concrets, dont il fait bénéficier de sa nouvelle forme de médecine. Cette dernière commence par donner des résultats probants, les pommades hydratées à défaut d’être hydratantes et les poses de sangsues fluos s’avérant redoutablement efficaces pour combattre l’infection, en plus d’apporter une plus-value certaine en matière de chirurgie reconstructrice. Las, comme vous vous en doutez, l’état de grâce ne dure pas, et la survenue d’un cas désespéré, traité tout de même par un Mehrigus à mi-chemin entre Hippocrate et Mengele à ce stade, fait naître d’affreux soupçons chez notre héros quant à de potentiels effets secondaires indésirables de ses traitements. Un petit tour en ville le lendemain de l’accident le convainc rapidement que son protocole gagnerait à être revu, ses anciens patients se plaignant tous de s’être fait pigeonner (comprendre qu’ils se transforment littéralement en pigeons, ce qui n’est pas agréable).

C’est le moment que choisit Trimegast, ou plutôt Trimegastraxi’attar-i-qash (à vos souhaits), pour refaire son apparition, sous sa forme fringante et pédagogue, puisqu’il annonce posément à Mehrigus qu’il le prend comme apprenti avec effets immédiats, pour la plus grande gloire de Monsanto Tzeentch. Ne pouvant se rabattre sur aucun autre vœu sur Parcoursup – un classique – et pas vraiment emballé à l’idée de tenter de raisonner la foule en colère qu’il contemple de loin mettre à sac son domicile, notre héros accepte la proposition qui lui est faite, et fait ses premiers pas sur la voie mystique et tortueuse du… transformisme. Hé, il faut bien commencer quelque part.

AVIS:

Matt Keefe se donne les moyens de ses ambitions avec The Book of Transformations, nouvelle “deluxe” par rapport aux standards habituels de la BL, tant en termes de longueur (33 pages, ce qui la place dans les travaux les plus conséquents de la maison d’édition pour ce type de publication), que de découpage (un prologue et sept “chapitres”, chacun disposant de leur propre titre) et de narration. C’est en effet, si ce n’est toute, mais au moins une grande partie de la vie de Mehrigus qui défile au gré des pages, depuis son placement en apprentissage chez l’alchimiste pétrophile jusqu’à sa reprise d’études, bien des années plus tard, auprès d’un maître d’un autre genre. Mine de rien, les chroniques de ce type sont assez rares de la part de la BL, qui ne fait pas mystère de son amour pour la règle des trois unités. À titre personnel, j’ai tendance à tenir à l’œil les auteurs capables de sortir des sentiers battus – qui le sont parfois tellement qu’ils en deviennent creux, comme les travaux de ceux qui les empruntent – même si les résultats ne sont pas toujours à la hauteur. Cette audace littéraire est en effet souvent révélatrice d’un véritable potentiel, voué à se révéler à court ou moyen terme (c’est l’idée en tout cas). Quand le résultat est tout à fait correct, ce qui est ici le cas, cela ne gâche évidemment rien.

Autre source de satisfaction, l’approche à la fois respectueuse et old school qu’a Keefe du Chaos et de la façon dont il parvient à corrompre même les âmes les plus vertueuses. Laissez-moi enfiler ma toge de docteur en littérature GWesque pour préciser ma pensée, amis lecteurs. Au fil des publications de la BL (et avant elle, car il y a eu un avant!), différents courants se sont en effet faits jour, auxquels il est possible d’affilier les auteurs et les travaux des franchises de GW. Alors qu’Age of Sigmar semble, pour le moment en tout cas, favoriser une approche de high fantasy, tandis que les dernières années de Warhammer Fantasy Battle penchaient fortement vers le grimdark sans filtre, je rangerais davantage ce The Book of Transformations dans l’école “réaliste”, que l’on retrouve par exemple dans la prose d’un Brian Craig (nom de plume de Brian Stableford), un grand nom de la littérature de genre qui a enfanté un corpus assez conséquent de travaux estampillés WFB dans les années 90. Qu’est ce que le “réalisme” chaotique, me direz-vous? C’est une excellente question et je vous remercie de l’avoir posée. Eh bien, j’y vois le parti pris de l’auteur de faire interagir ses personnages de façon rationnelle et réfléchie avec la notion du Chaos, qui, bien qu’étant une force corruptrice, perverse et immensément dangereuse, n’est pas le repoussoir ultime qu’elle est devenue par la suite. Exemple gratuit : alors que le grimdark fait pousser des tentacules au quidam qui aurait la déveine de contempler un peu trop longtemps une étoile à huit branches, le réalisme admet que le petit grand-père qui vit de l’autre côté de la rue possède quelques curieux grimoires dans sa bibliothèque, qu’il a acquis sous le manteau en sachant que c’était mal, mais dont la possession n’a pas jeté son âme en pâture aux Quatre Fantastiques pour autant… ou en tout cas, pas en un claquement de doigts.

C’est cette approche que l’on voit à l’oeuvre dans The Book of Transformations, Mehrigus restant égal à lui même du début à la fin de la nouvelle, malgré la possession pendant une grande partie de cette dernière d’un ouvrage des plus “idéologiquement connotés” qui soit. Et si sa damnation finale et complète ne fait pas grand doute (d’ailleurs Keefe conclut intelligemment son propos en faisant remarquer que si les disciples de Tzeetch sont des maîtres de la transformation, la seule chose qu’ils ne pourront jamais changer est leur allégeance au Chaos), notre héros termine l’histoire comme le “type bien” qu’il était au départ. Merci donc à Matt Keefe pour cette résurgence, sans doute isolée mais pas inintéressante pour autant, de cette conception chaotique. Ah, c’est moche beau la vieillesse…

1 : Installer un petrulus dans son vestibule, ce n’est pas forcément du meilleur goût, même si ça fait un porte chapeau des plus pratiques.

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The Weight of Silver – Fischer [40K] :

Steven B. Fischer poursuit la noble carrière de medic médecin, et trouve apparemment le temps entre les gardes et les revues du Lancet pour sonder les profondeurs stygiennes de 40K à coup de stylo. Pour le moment, Cadia et ses survivants semblent être son sujet de predilection (The Emperor’s Wrath, The Weight of Silver).

INTRIGUE:

Sur la planète d’Ourea, le Lieutenant Glaviot Errant, heu, non pardon, Glavia Aerend vit une prise de fonction des plus compliquées. Alors qu’elle mène son bataillon de Cadiens dans une patrouille tout ce qu’il y a de plus classique, la découverte d’un hameau incendié par les cultistes du Chaos qui mènent la vie dure aux serviteurs de l’Empereur sur ce monde montagne (si si, ça existe apparemment) provoque chez notre héroïne un bad trip aussi étrange qu’handicapant, car il a la mauvaise idée de prendre place au moment même où ces fripons de rebelles déclenchent une embuscade contre les impériaux. Et même si ces derniers corrigent les impudents en deux temps, trois mouvements, et quatre grenades à fragmentation, ils subissent tout de même quelques pertes dans la bagarre, ce dont la consciencieuse Aerend ne peut s’empêcher de se reprocher.

Convoquée par la Colonel Yarin à la suite de ces débuts hésitants, Glavia hérite d’une mission de surveillance pas vraiment glorieuse en récompense de ses premiers exploits, pendant que le reste du régiment part écraser l’armée ennemie repérée à quelques kilomètres, dans l’espoir de mettre un point final à cette campagne qui s’éternise. Menés par le masochiste et dépressif (il a un collier en fil de fer barbelé dont chaque maillon commémore une défaite de son Chapitre) Lord Tarvarius des Storm Wings, les Cadiens désertent donc la forteresse d’Apex Inruptus, sans savoir qu’ils s’embarquent dans une chasse au dahu. Ce n’est que quelques heures plus tard, et après avoir passé la zone au peigne fin, qu’ils finissent en effet par comprendre qu’ils se sont fait possédés (non, pas dans ce sens là, Robert), et rappliquent donc à toute berzingue en direction de leur point de départ. La capture de ce bastion constituerait en effet une victoire tactique d’importance pour les insurgés, ce que le Haut Commandement aimerait donc éviter (on le comprend).

Prévenue par Tarvarius de la feinte ourdie par ces môôôdits cultistes, Aerend essaie tant bien que mal de motiver ses troupes à prendre position sur les remparts de la forteresse, mais, pas de bol, il pleut, et les bidasses préfèrent rester au sec pour jouer aux cartes. Malgré l’échec critique de son test de charisme, Aerend décide de mener par l’exemple et sort donc affronter la pluie, et possiblement toute l’armée adverse, seule. Un vague reflux de conscience professionnelle poussera le reste de son bataillon à lui emboîter le pas au bout de quelques minutes, juste à temps pour accueillir comme il se doit l’arrivée de l’infâme ennemi, dont l’assaut n’est stoppé à grand peine qu’avec la destruction des ponts gardant l’entrée de la position impériale.

La suite, et la fin, de la nouvelle verra Aerend, Tarvarius (qui trouve le moyen de se matérialiser dans l’enceinte de la forteresse sans que cela soit expliqué1) et quelques potes, dont le vétéran grincheux-et-plein-de-morgue-envers-les-jeunes-recrues-mais-avec-un-bon-fond-tout-de-même Olemark, aller bastonner un psyker renégat (qui trouve le moyen de se matérialiser aussi – et lui avec huit batteries externes humaines dans les poches qui plus est – dans l’enceinte de la forteresse2), présumant fort heureusement un peu trop de ses forces, et auquel la team Pépé se fait un plaisir d’émettre un avis d’expulsion. La bataille gagnée, notre propos se conclut par le mini conseil martial de notre héroïne, à laquelle ses défaillances initiales n’ont pas été pardonnées. Fort heureusement pour notre glaviot méritant, la Commissaire (eh oui, c’est une nouvelle placée sous le signe du Women’s Empowerment) en charge de l’instruction du dossier reçoit une missive polie de la part des Storm Wings, l’enjoignant en des termes courtois mais fermes à prononcer un non-lieu si elle sait ce qui est bon pour elle. Ingérence, ingérence votre honneur! N’empêche que ça marche, et Aerend hérite même pour sa peine d’un shrapnel dédicacé de la part de Tarvarius, au cas où elle aussi souhaiterait réaliser son propre cilice custom. À chacun ses délires.

AVIS:

Fischer revient en meilleure forme dans Inferno! avec The Weight of Silver, poursuite de ses travaux Cadiens n’ayant pas grand chose à voir avec son initial The Emperor’s Wrath, la couleur des yeux des protagonistes mise à part. Si là encore, ce n’est pas l’originalité de l’intrigue qui prime, j’ai trouvé cette seconde soumission de meilleure facture, peut-être parce qu’elle se concentre sur les fondamentaux de la nouvelle martiale de Warhammer 40K: une baston rythmée et clairement mise en scène, présentant des éléments intéressants pour toutes les factions impliquées, et dans le respect général des conventions fluffiques. C’est grosso modo ce que propose Fischer dans la seconde moitié de sa nouvelle, pleine d’héroïques Cadiens, de Space Marine bad ass et de cultistes torturés, dans un remake de Fort Alamo avec Aerend dans le rôle de Davy Crockett et les hordes chaotiques dans celui de l’armée mexicaine (qui aurait moins fait la fière si les défenseurs avaient eu le support d’un Space Marine). Lisible, mais loin d’être mémorable.

Le début de l’histoire, pour “apaisé” qu’il soit, était lui porteur de prémisses intéressantes, notamment le mini scare jump du cadavre qui ouvre les yeux, sur lesquelles Fischer n’a pas su capitaliser, la part belle ayant été donnée aux errements psychiques, puis moraux, puis psychologiques, de l’héroïne. N’ayant pas été plus touché que cela par les malheurs de Glavie, j’aurais en revanche apprécié en savoir plus sur le passif du mystérieux autant que masochiste Seigneur Tarvarius et de son choker en fils barbelés. Fischer tenait là une piste intéressante, l’exorcisme de la piteuse performance de leur Légion primogénitrice durant l’Hérésie à travers une philosophie particulière s’avérant être une idée digne de considération, et qui ne demandait qu’à être développée plus avant3. Malheureusement, nous n’en saurons pas plus cette fois-ci. Ceci dit, s’il continue sa montée en puissance, la troisième publication de notre homme devrait envoyer de la céramite.

1 : TGC(S)M
2 : TGCC
3 : On peut noter la très grande ressemblance, tant en termes d’héraldique que de mentalité, entre les Doom Eagles et les Storm Wings. La différence majeure entre ces deux Chapitres est que le premier descend des Ultramarines, et le second de la Raven Guard.

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Bonegrinder – J. Reynolds [NDA] :

INTRIGUE:

Alors que son âme de poète l’enjoint d’aller regarder la pluie réfrigérante tomber sur les rivières de métal en fusion des fonderies de Necromunda, au lieu d’aller taper le carton (et possiblement, celui qui le tient) avec ses camarades Goliaths, le sensible – mais pas doux quand même, faut pas déconner non plus – Topek Greel est rejoint par le bien nommé Irontooth Korg, chef du gang des Steelgate Kings, auquel notre héros appartient. Dent de Fer l’informe que ces petits arrivistes de Scrap Lords, une bande rivale de Goliaths squattant la périphérie de Steelgate (le fief des Kings) a sollicité des pourparlers, pour tenter de désamorcer le conflit larvé qui envenime les relations entre grosse brutasses à crêtes depuis quelques jours. Korg ayant choisi de répondre positivement à l’invitation de son homologue, Grinder Jax1, il somme Greel de l’accompagner sur le lieu du rendez-vous, où il agira comme son second. Honneur manifeste pour le ganger, qui n’a cependant pas la conscience très tranquille, le regain de violences entre Kings et Lords étant en grande partie de son fait.

Arrivés sur place, et une fois le traditionnel concours de bittes (nous sommes dans un port, rien de plus normal) entre Gogo bouncers expédié, Korg et son lieutenant accèdent à la jetée où les attend Jax. Prévoyant, ce dernier a amené deux chaises, qu’il a lui même construites, ce qui donne à nos larrons l’occasion de débuter leur tête à tête sur des amabilités mondaines un peu surprenantes dans la bouche de montagnes de muscles génétiquement augmentées et dopées au frenzon. Comme quoi, le délit de faciès, c’est mal. L’entente cordiale ne dure cependant pas très longtemps, Jax lorgnant avec insistance sur le territoire de King Korg, et étant prêt à tenter crânement sa chance pour augmenter la taille de son fief. Entre dent de fer et chicots d’or, l’affrontement semble inévitable, à la grande joie secrète de Greel, qui compte bien faire survenir un malheureux accident impliquant les deux leaders afin de pouvoir continuer son ascension sociale dans les meilleurs délais. C’est toutefois sans compter sur la rouerie d’Irontooth, qui propose soudainement à son adversaire de régler le contentieux de façon civilisée par un duel de seconds. Jax a beau accepter cette médiation un peu trop empressement au goût de Greel, notre héros n’a cependant pas d’autre choix que de s’exécuter, sous peine de l’être.

Un coup de sifflet plus tard, le bras droit du Grinder fait son apparition, et ô surprise, ô ébahissement, il s’agit d’une fille, ce qui, dans un gang de Goliaths, n’est pas banal. Greel est cependant chagriné de constater, grâce à son intellect affûté, que la demoiselle est également un fort beau spécimen de sumpkrok adulte, soit un crocodile mutant à six yeux et mauvais caractère, ce qui n’augure rien de bon. Faisant contre mauvaise fortune bons stimms, notre héros tente de transformer l’acariâtre Bonegrinder (son petit nom) en sac à main, à grands coups de dérouilleuse, mais c’est plutôt lui qui se fait dérouiller par la BG de service, qui n’a décidément pas voler sa réputation de croqueuse d’hommes. Un éclair de génie lui permettra toutefois d’exploiter à bon escient la fragilité structurelle de la jetée sur laquelle le duel a lieu, afin de remporter le combat par (quasi) noyade. Magnanime, il permet en effet à la malheureuse bestiole de s’échapper de la prison métallique où elle s’était prise les écailles, avant qu’elle ne vienne à manquer d’air. Quelle noblesse.

Ayant sauvé sa peau en même temps que l’intégrité territoriale des Steelgate Kings, Greel n’écope au final que d’un rappel à l’ordre de la part de son manager, pédagogiquement expliqué à l’aide d’un massage cervical effectué avec les pieds (les semelles des rangers cloutées de Korg, pour être précis). On se doute bien que la rivalité latente entre le boss et son lieutenant ne fait que commencer, et ne pourra se terminer que par la mort malheureuse d’un des deux caïds. Mais ceci est une autre histoire…

AVIS:

Josh Reynolds fait jouer ses muscles littéraires (ça rend mieux en anglais, il est vrai), qu’il a aussi saillants, puissants et huilés que le premier Goliath venu, dans cette courte nouvelle Necromundesque – sa une de ses premières à ce qu’il semble2 –. Si ce Bonegrinder n’est pas à ranger dans le best of de notre homme, que l’on sait capable de beaucoup mieux, tant en termes d’intrigue que de mise en scène, ce court format passe comme une lettre à la poste un Caryatide dans un conduit. En choisissant de dépeindre tout autant les luttes entre gangs que les luttes de pouvoir mettant aux prises les membres d’une même bande, Reynolds livre une mise en abyme intéressante de la société de Necromunda, où solidarité et loyauté bien ordonnées commencent par soi-même, et où l’on aurait tort de faire confiance à son prochain plus loin que l’on puisse le lancer (encore une expression anglaise qui perd de son charme dans la langue de Stéphane Escher). Ce qui, pour un Goliath, n’est pas très loin, il est vrai.

Parmi les satisfactions mineures, mais appréciables à mettre au compte de JR, on peut également citer la présence au casting d’une authentique bestiole de Necromunda, ce qui, connaissant l’amour de Reynolds pour l’exhumation de bouts de fluff baroque, mais tout à fait canon, n’est pas étonnant, ainsi l’ambiance Sons of Anarchy (une série qu’elle est bien), avec Greel en Clay (saison 5), Korg en Jax, et Jax en Marcus Alvarez, soit un beau panier de crabes où tout le monde se voit déjà régner en maître absolu sur Charming Steelgate. Comme quoi, même les Goliaths peuvent comploter derrière le dos de leurs camarades (et vu la taille de ce dernier, ils auraient tort de ne pas le faire).

1  : Un nom décidément commun chez les Goliaths (voir ‘A Common Ground’), le nombre de -x à la fin permettant de distinguer, au moins à l’écrit, qui est qui. Quel dommage que les Goliaths ne sachent pas lire.
: C’est l’ennui avec Reynolds. À peine le temps de lire une nouvelle qu’il a écrit une décalogie sur chacun des personnages, principaux et secondaires, de cette dernière. Pour Necromunda, on peut donc retrouver Greel, le Goliath intello – Goliathello ?- dans Death’s Head. Et il y a du rab’ (Half-Horn, Red Salvage) après cela.

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Empra – Crowley [40K] :

Nate Crowley fait partie de la jeune cohorte des collaborateurs de la BL, adoubé pourvoyeur officiel de background romancé via ses contributions à la nouvelle incarnation d’Inferno!. À l’heure actuelle, on peut lui attribuer deux nouvelles 40K : The Enemy of my Enemy et Empra.

INTRIGUE:

EmpraToa, de la tribu des Shellmakers, voit sa vie basculer lorsqu’au cours d’une chasse au fivejaw dans les ruines de la cité des premiers hommes, elle fait la connaissance d’une masse de tentacules métalliques enrobés dans des haillons écarlates, qui se révèle être, après inspection approfondie, un ange blessé d’Empra, la divinité vénérée par les farouches peuplades de la planète. Ramené au campement-forge de la tribu, où cette dernière s’emploie à réaliser des obus de fort belle taille qui sont régulièrement embarqués par Two-Birds, l’émissaire envoyé par Empra à la rencontre de ses fidèles, l’Ange récupère lentement de ses blessures et se familiarise avec le dialecte de ses sauveteurs, jusqu’à être capacité de faire une révélation terrible aux pieux indigènes: on leur a menti. Two-Birds n’est pas le messager d’Empra, mais son ennemi mortel, qui l’a grièvement blessé et profite de la dévotion des Shellmakers, ainsi que des autres tribus locales, pour exploiter le fruit de leur travail. Pire, Two-Birds est le responsable de la pollution galopante qui rend chaque jour la vie plus difficile sur la planète, moyen commode pour l’usurpateur de rendre les rations alimentaires qu’il largue à chaque venue indispensables aux tribus, et s’assurer ainsi de leur obéissance aveugle.

Estomaquée par ces révélations, qui battent en brèche toutes les valeurs et croyances entretenues par la tribu depuis des temps immémoriaux (en même temps, quand l’espérance de vie ne dépasse pas 30 ans et que l’on ne maîtrise pas très bien l’écriture, l’immémorial arrive vite), Toa et sa chamane de mère acceptent de venir en aide à l’Ange déchu, dont le dessein consiste à implanter un skrapkoad dans le système du Corps Céleste (Body’s Above), afin de permettre à l’esprit d’Empra de s’incarner à nouveau et de chasser Two-Birds. Ne pouvant pas entreprendre lui même cette mission des plus périlleuses, l’Ange charge Toa de la mener à bien. Le prochain jour de collecte pourrait fournir à nos conspirateurs l’occasion dont ils ont besoin pour accéder jusqu’au Corps Céleste, même s’il faudra pour cela que Toa traverse l’immensité glacée du voyd

AVIS:

Crowley effectue un spectaculaire retour dans Inferno !, après les vaudevillesques débuts de The Enemy of my Enemy. Abandonnant le second degré, il embarque le lecteur dans une épopée intense et rythmée, depuis les forges chamaniques d’une tribu de dévots primitifs, jusqu’aux ténèbres des niveaux inférieurs d’un vaisseau de la flotte impériale. Les péripéties s’enchaînent avec brio et inventivité, maintenant le public aux aguets alors que l’intrépide Toa progresse dans sa quête initiatique. La BL ayant plutôt tendance à surprendre en mal qu’en bien, l’impeccable exécution de Crowley n’en est que plus remarquable, et incite à souhaiter que soit confiée à notre homme l’écriture d’un roman, afin de voir s’il est capable de réitérer ce succès à l’échelle supérieure.

Mais la principale trouvaille de Crowley reste d’avoir choisi d’exploiter un aspect fascinant, et sous-employé, du background de 40K : l’asymétrie d’information existant entre les sujets de l’Imperium, et la manière dont les quelques éléments communs à ces derniers (comme le culte de l’Empereur) s’en trouveront déformés, modifiés et ré-assemblés, pour finir par ne plus ressembler du tout à ce que nous, hobbyistes omniscients, savons être la réalité. En braquant son regard sur le peuple de Toa, de braves indigènes fabriquant des munitions de macro-canons (qu’ils pensent être les dents d’Empra) pour un vaisseau spatial déglingué dont ils ne soupçonnent même pas l’existence, l’auteur illustre parfaitement toute la diversité constitutive de l’Imperium, trop souvent sacrifiée au profit des mondes ruches, forges et chapitraux que la BL nous ressort à tour de bras. Sur le million de mondes du domaine de Pépé, des dizaines, voire des centaines de milliers doivent en effet être peuplés d’habitants aussi au fait de l’état de la galaxie que Toa et ses camarades, et contribuant à l’effort d’une guerre dont ils n’ont pas idée par le biais d’un endoctrinement adapté à la culture locale.

Autre source de satisfaction, l’inclusion d’un passage conséquent sur le Princeps Misericordiae (le nom du vaisseau abordé par Toa), et la bonne description de la vie des pauvres hères qui constituent l’équipage des ponts inférieurs du navire. Car, et c’est une autre injustice criante du fluff, on ne parle que trop rarement de cette population se dénombrant en milliards d’individus, et absolument essentielle au bon fonctionnement des béhémoths métalliques que sont les navires de la Flotte Impériale. Condamnés à une vie de servitude dans des conditions que l’on qualifiera pudiquement de difficiles, les matelots de la Flotte constituent à mes yeux l’une des populations incarnant le mieux le côté grimdark de 40K, plus que le Garde Impérial, le Tech-Adepte ou le fonctionnaire de l’Administratum qui sont légèrement moins à plaindre que les galériens galactiques. Empra permet au lecteur de s’imprégner du quotidien de ces derniers, et met bien en perspective les échelles inhumainement gigantesques (tant d’un point de vue physique que temporel1) dans lesquelles se déroule leur existence. C’est rare, donc on en profite.

Bref, une très bonne nouvelle que cet Empra de la part de Nat Crowley, qui démontre à la fois qu’il a un potentiel certain, et plusieurs cordes à son arc en matière d’approche littéraire. Une combinaison intéressante s’il en est.

Le Misericordiae est en orbite pour réparation depuis des dizaines, voire des centaines d’années, la mère de Toa étant la 42ème Grande Chamane de la tribu.

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The Emperor’s Light – Leahy [40K] :

Rob Leahy nous a malheureusement quitté avant de ne pouvoir écrire sa légende au sein de la BL, dont il était un des employés. Belle joueuse, cette dernière a publié son premier – et dernier – draft de nouvelle, The Emperor’s Light.

INTRIGUE:

Alors qu’ils approchent de la Station Mausolus, forteresse tenue par la Death Watch au milieu d’un champ d’astéroïdes, l’Inquisiteur Deavos et les membres de sa suite finalisent leurs préparatifs pour une mission s’annonçant des plus délicates: convaincre les revêches moines soldats gardant le lieu de leur remettre l’arme secrète qui dort dans les cryptes de Mausolus. La raison motivant le besoin impérieux qu’éprouve Daevos de mettre la main sur ce qui semble être…un Paria, n’étant pas clairement défini dans les six pages de The Emperor’s Light1, le lecteur en est quitte pour une rapide présentation des différents spécialistes opérant aux côtés de l’Inquisiteur, et plus particulièrement de la sestra Silvana. Cette dernière semble être en froid avec son employeur, ce qui ne l’empêche pas d’obéir à l’ordre qu’il lui donne d’aller préparer ses sœurs en vue du déroulement de la mission. Transformées en archo-flagellantes en expiation d’un crime lui aussi passé sous silence, mais dans lequel on devine l’implication de Daevos en personne, Solvana et Sulvana se sont éveillées de leur sommeil béat, et attendent les bons soins de leur aînée afin d’être les plus belles pour aller purger. Trouveront-elles un bon parti parmi les gentlemen célibataires de Mausolus? That, my friends, is the question.

AVIS:

Nous ne saurons peut-être jamais ce qui attend l’Inquisiteur Daevos et sa suite dans les ténèbres de la Station Mausolus. Notre fine équipe a-t-elle seulement réussi à rejoindre bon port, ou s’est elle faite désintégrer par la garnison Death Watch en chemin? Ce ne serait pas la première fois que les farouches Xenocidaires ont éconduit une visite de courtoisie, même initiée par la plus haute autorité qui soit, m’est avis. Après tout, personne n’aime qu’on lui ordonne de ranger sa chambre (militante de l’Ordo Xenos). La tragédie entourant les sœurs de Silvana restera également secrète, et c’est bien dommage car cette intrigue en particulier exsudait de capiteux relents de trucs pas jojo, et promettait de jouer un grand rôle dans la suite des événements. Bref, nous n’en saurons pas plus, et c’est regrettable, car ces débuts étaient prometteurs. Good night, sweet prince.

: Peut-être que notre Inquisiteur était simplement jaloux du fait que toutes les stars de la BL disposent de ce petit accessoire fashion, et lui non.

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Shadowbreaker (extrait) – Parker [40K] :

Steve Parker n’est pas un régulier de la BL, mais a tout de même signé un certain nombre de publications pour le compte de la Sombre Bibliothèque. Plus intéressé par la science-fiction grimdark que par le med-fan (qu’il soit également grimdark ou high fantasy), notre homme a principalement prêté sa plume aux bidasses de la Garde Impériale (Gunheads, Rebel Winter, The Citadel, Survivor) aux fils hispaniques de Dorn (Le Monde de Rynn/Rynn’s World, Pedro Kantor : The Vengeful Fist, Culling the Horde ) et aux chasseurs de Xenos de la Deathwatch (Exhumed, Headhunted, Deathwatch, Shadowbreaker). Il semble établi que notre homme déteste les Orks autant qu’il aime les cétacés.

INTRIGUE:

Cueilli comme un bleu par l’équipe d’un Inquisiteur rival, l’agent Lyndon, inféodé à l’Inquisitrice Epsilon, se fait cuisiner avec art et inventivité par ses nouveaux meilleurs amis, bien décidés à lui faire cracher où se cache sa patronne, portée disparue depuis plusieurs mois en périphérie de l’empire T’au. Refusant obstinément de sortir de son silence, malgré les offres amicales et raisonnables que lui soumet l’Interrogateur Bastogne, Lyndon encaisse sans sourciller les corrections physiques, tentatives d’intrusion psychiques et insinuations psychologiques dont ses geôliers l’abreuvent. Peu confiant quant à l’issue heureuse de la garde à vue clandestine dont il fait l’objet, notre coriace et dévoué héros ne demande plus qu’à emporter les secrets de sa boss dans la tombe, mais c’est sans compter sur le bio-arsenal de ses bourreaux, qui, en bons agents de l’Inquisition, ont toujours sous la main le gadget adéquat pour parvenir à leurs fins, ici un tenianosaurus-rex, à même de siphonner l’information gardée par ce cachottier de Lyndon à même son cerveau. L’extrait se termine au moment fatidique où Bastogne, tel le Ramsay Bolton du 41ème millénaire qu’il est, agite l’objet du délit sous le nez de son prisonnier dans une dernière tentative de le faire revenir à la raison. Les a-tenias s’atteignirent-ils? Lisez la suite de Shadowbreaker pour le savoir…

AVIS:

Parker nous revient en grande forme, et la Talon Squad du Codicier Achille Karras avec lui. J’ai eu l’occasion de critiquer les extraits de roman mis en avant par la Black Library, qui présentaient le fâcheux problème de ne pas exposer l’intrigue de façon satisfaisante, et, dans une moindre mesure, de ne pas placer le lecteur dans une situation où il aurait envie de connaître la suite de l’histoire, une fois leurs quelques pages de teaser terminées. Rien de tout ça avec cette mise en bouche de Shadowbreaker, qui aborde de façon satisfaisante le propos de ce second tome (la disparition mystérieuse d’une Inquisitrice de l’Ordo Xenos dans l’espace T’au), et se conclut sur un cliff hanger des plus honorable quant au destin qui attend notre pauvre Lyndon, que nous laissons sur le point de faire connaissance avec un yirk, ce qui n’est jamais agréable.

En plus de répondre brillamment à ces exigences basiques, Parker intrigue – dans le bon sens du terme – par son usage des codes du roman noir, déclinés avec succès dans le petit monde, pas vraiment amical et solidaire, de l’Inquisition. Entre les différentes factions et équipes servant l’Empereur, tous les coups sont permis, et tous les moyens sont bons pour obtenir des réponses aux questions importantes. Le cuisinage de Lyndon permet ainsi à l’auteur de livrer une vision (encore plus) sombre, cruelle et cynique de cette sainte institution, histoire de remettre la cathédrale au milieu de la cité-ruche et de bien faire comprendre au lecteur, peut-être biberonné aux récits d’Inquisiteurs-sévères-mais-justes, que la survie de l’Imperium ne s’encombre pas de principes ronflants comme l’honneur, la droiture ou la confiance. Enfin, les quelques éléments fluff dont Parker agrémente son récit, notamment son petit précis de matériel et procédures inquisitoriales, achèvent de piquer l’intérêt du badaud, qui ne pouvait honnêtement pas demander meilleur free trial à Shadowbreaker. Si tous les extraits gratuits, et tous les auteurs de la BL, étaient de ce calibre, la maison d’édition de Nottingham serait sans doute sortie de sa niche à l’heure actuelle.

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Au final, ce 3ème numéro est un excellent cru, tant en termes de diversité que de qualité. À titre personnel, je me réjouis de constater que la ligne éditoriale de la BL pour Inferno! semble désormais faire la part belle à la publications de nouvelles plus ambitieuses, de par leur taille, leur sujet et/ou le parti pris adopté par l’auteur. Si ce choix rend Inferno! un peu moins accessible au hobbyiste débutant (et encore, il n’y a rien de rédhibitoire pour le newbie volontaire), il piquera l’intérêt des vétérans de la Black Library, chez qui les sempiternelles nouvelles de Space Marines et de Stormcast Eternals ne suscitent plus que des grognements de dépit. Cette liberté de ton et d’exploration des différents univers de Games Workshop est précieuse, et permettre à la nouvelle mouture d’Inferno ! de renouer avec ce qui a fait la légende de son auguste prédécesseur est à mon sens un choix cohérent et salutaire de la part de la BL. Bref, je ne saurai trop recommander aux lecteurs curieux de prendre la température de ce brasier littéraire que de commencer avec ce numéro 3, le meilleur du lot par une marge confortable. Quant à moi, je vous donne rendez-vous en Novembre prochain pour l’analyse détaillée du 4ème numéro, qui bouclera la première année néo-infernale, en beauté si possible. Comme toujours, vous pourrez retrouver ces chroniques, complétées des informations fluff recueillies dans chacune, dans les sujets centraux dédiés (40K // Warhammer Fantasy Battle // Age of Sigmar). À bientôt !