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FULGRIM: THE PALATINE PHOENIX [HH]

Bonjour et bienvenue dans cette critique du roman de la série Primarques dédié au Mister Intergalactic de l’Imperium, le Fabuleux, l’Unique, le Légendaire, le Gracieux, le Radieux, l’Irrésistible, le Minaudier Magnifique FULGRIM en personne. L’histoire tragique de la chute et de la déchéance absolue de l’une des plus belles créations de l’Empereur ayant déjà été largement traitée, et de manière assez précoce qui plus est, au cours de l’Hérésie d’Horus, revenait à Josh Reynolds la tâche – pas si évidente que ça – d’apporter un éclairage spécifique sur les premières années de Fufu en tant que Prince de l’Univers (no joke), à l’époque bénie où la loyauté de tous les fistons de Pépé coulait autant de source que celle miraculeusement créée par Christophe Lambert Raiden lors de son arrivée sur Chemos1. Pour quels résultats, vous entends-je demander à travers le dédale des internets ? Eh bien, voyons cela…

1 : Personnellement, j’ai une explication un peu plus terre à terre que celle donnée dans le canon impérial sur la manière dont le poupon Primarque a été retrouvé par ses parents adoptifs baignant dans l’eau. L’Inquisition n’a pas aimé.

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III. Fulgrim

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INTRIGUE:

Tout commence à bord du vaisseau amiral de la Légion des Destiny’s Child Emperor’s Children, où un Fulgrim en peignoir (les armures, c’est comme les escarpins Louboutin : c’est la classe mais c’est pénible à porter) contemple en même temps son destin de Primarque et la planète sur laquelle ce dernier va se jouer. C’est en effet à Byzas, paisible planète dont la localisation GPS a été perdue depuis, que l’enfant de Chemos compte commencer l’écriture de sa légende personnelle, et tirer sa Légion des affres de la figuration dans lesquels son absence et les ravages provoqués par le défaut génétique affligeant ses fils l’avaient plongé jusque-là. Désireux de frapper un grand coup dès le début pour envoyer un message clair à ses Père et frères (surtout à ce sac à puces puant de Leman Russ, qu’il ne peut pas blairer), Fulgrim ambitionne de rallier Byzas à l’Imperium en mode hardcore, c’est à dire en n’utilisant pour cela que sept de ses Astartes en plus de sa précieuse personne1. Et tant pis si ses chers frérots ont accueilli le projet de l’intrépide impétrant avec une incrédulité sincère ou dédaigneuse : Fulgrim est un esthète doublé d’un philanthrope, qui compte démontrer à la galaxie entière par ce coup d’éclat inaugural qu’un plan parfait parfaitement exécuté est incomparablement supérieur à la colonisation de mass(acr)e employée de façon libérale par les flottes impériales.

En même temps que Fulgrim se livre à quelques instructives réflexions sur sa place au sein de l’Imperium paternel et ressasse de vieux souvenirs chemosiens, nous faisons également la connaissance de sa garde prétorienne, composée de valeureux Légionnaires triés sur le volet et choisis spécifiquement par le Primarque en personne parmi les nouvelles recrues les plus prometteuses de la IIIème… et de Fabius Bile, que le Phénicien a tenu à faire participer à des activités de team building pour tenter de le rabibocher avec ses camarades de promo, guère charitables à son égard il faut le reconnaître. Surnommé l’araignée par ces derniers, et considéré avec un mélange de méfiance, de mépris et de haine, le pauvre Fab’ n’est guère récompensé des vaillants efforts déployés dans la lutte contre la maladie orpheline qui a décimé les Emperor’s Children depuis leur création jusqu’à aujourd’hui, au point de les conduire aux portes de l’extinction pure et simple. Reconnaissant la valeur de l’Apothicaire sociopathe, Fulgrim lui fait donc l’honneur de le convier à cette joyeuse colonie de vacances sur Byzas, au grand ennui de Bile qui préférerait qu’on le laisse disséquer des cadavres plus ou moins morts en paix dans son laboratoire. De leur côté, les rookies2 retenus par Phil Grume roulent des mécaniques et commencent déjà à se voler dans les plumes, sous le regard sévère mais fier du dernier Astartes convié à ces réjouissances, le Seigneur Commandant Abdemon, autre vétéran issu de la légendaire cohorte des 200. Aux sept sur-nains de Blanches Mèches, il convient d’ajouter une ultime protagoniste d’importance, l’Itératrice Golconda Pyke, diplomate extraordinaire et pilier de comptoir émérite, en plus d’être la moucharde officielle de Macaldor au sein de la 28ème Flotte d’Expédition impériale.

Tout ce beau monde a tôt fait de se retrouver à Nova-Basilos, siège du pouvoir temporel de Byzas, où le Gouverneur Héréditaire donne une fête en leur honneur, coup d’envoi des démarches d’intégration de la planète au vaste Imperium dont Fulgrim est l’ultra-bright VRP (Voyageur, Représentant & Primarque). Ayant bien compris qu’il était dans son intérêt de baisser son pantalon en faisant de grands sourires aux armoires à glaces transgéniques en armure énergétique sensées venir « en paix » apporter « un âge de progrès et de prospérité » avec le doigt sur la gâchette de leurs bolters, l’honorable Pandion jure ses grands dieux qu’il a la situation bien en main, et que la soumission de son monde sera une promenade de santé. Un avis que ne partage pas tout à fait son Chancelier, l’idéaliste Corynth, qui a tôt fait de laisser transpirer à Fulgrim que Byzas est un véritable panier de crabes, avec les familles prétoriennes dans le rôle des acariâtres crustacés. La tentative d’empoisonnement dont le Primarque fait les frais au cours de la soirée, immédiatement suivie par une session de tir au Pandion organisée de façon sauvage par une poignée d’officiers renégats (et heureusement interrompue en plein vol par la main ferme et les réflexes supra-soniques de Fufu) achèvent de pourrir l’ambiance de ce premier rencard, et décident notre héros, frustré de n’avoir pas pu mettre le feu au dancefloor, à imposer sans tarder sa marque sur cette planète décadente.

Il ne lui faut donc guère de temps pour se mettre à dos (qu’il a large, musclé et soyeux) le Parlement de Nova-Basilis, sa prise de parole décomplexée sur l’inévitabilité de l’assujettissement de Byzas à l’Empereur, et sa promesse de soumettre, par la force s’il le faut, les opposants à l’hégémonie impériale, provoquant les hauts cris des estimables sénateurs. C’est un savant coup de bluff de la part de Fulgrim, qui espère ainsi provoquer une réaction précipitée de la part de ses ennemis, ce dont il a besoin pour remonter leur piste (sa rapidité légendaire ne lui ayant pas permis de faire des prisonniers parmi les assaillants du bal tragique à Basiley, les Byzasiens se suicidant plus vite que leur ombre).

Pari gagnant du Phénicien, qui a la joie, le plaisir et l’avantage d’être à nouveau la cible d’une tentative de meurtre alors qu’il prenait le frais dans les ruelles typiques de la vieille ville en compagnie de Corynth. Un peu plus travaillée que le complot initial, cette action directe ne donne cependant rien ni dans un sens (dur de refroidir un Primarque qui peut trancher votre balle de sniper en deux d’un revers paresseux de sa rapière, et considère vos grenades comme des claque doigts) ni dans l’autre (dur d’interroger des survivants quand on fait des brochettes de sniper en mode perce-muraille). Fulgrim doit donc se résoudre à faire un peu de visites de terrain, pendant que ses sous fifres s’emploient à négocier, corrompre, intimider et/ou supprimer les Byzasiens les plus influents (sauf Fabius Bile, qui fait des prises de sang et des tests d’urine pour enrichir sa collection), et se rend chez le suspicieux autant que suspect Patricien Bucepholos, un des chefs désignés de l’opposition à Pandion, et donc à la cause du Primarque. Là encore, Fulgence repart sans avoir beaucoup avancé dans son enquête, alors que le temps joue contre lui. Histoire de corser un peu le défi, il s’est en effet engagé à mettre la planète rétive au pas en un mois, et pas un jour de plus. C’est ce qu’on appelle avoir confiance en soi.

Fort heureusement pour lui, pour Reynolds et pour le lecteur, la suite des évènements donne bientôt raison à l’impétueux Chemosien. De provocation en provocation, la dernière en date étant la dissolution du Sénat et la révocation du gouvernement de Byzas, les choses finissent par se décanter sérieusement sur le plancher des vaches, et les forces en présence passent à l’action sans tarder. D’un côté, les Patriciens tentent d’unir leurs forces pour marcher sur la Nova-Basilos, ce qu’ils n’arrivent pas vraiment à faire, ou en tout cas pas de manière assez prompte et efficace pour ne pas être mis en échec par les actions d’arrière-garde du Ful-crew. De l’autre, la mystérieuse société secrète de ninjas progressistes connue sous le nom de Fraternité Sabazienne, considérée comme éteinte par les autorités (in)compétentes, mais étant impliquée dans la plupart des tentatives d’assassinats dont ont fait les frais les impériaux depuis leur arrivée, contacte directement Fulgrim pour lui proposer une collab’. Fin de non-recevoir ferme mais polie de la part de Grulfim, qui n’a besoin de personne en Harley El’Jonson, et dont le réalisme froid, hérité de ses années de régence sur Chemos, se conjugue mal avec les principes larmoyants d’égalité et de fraternité portés par les hommes en noirs. Une fois la jacquerie patricienne noyée dans le sang, les Aphrodite’s Emperor’s Children se tournent donc vers leurs derniers adversaires, retranchés dans les montagnes de l’Anabas.

Spoiler Pour Fulgrim, qui rongeait son frein depuis quelques temps, c’est enfin l’occasion de se dégourdir les jambes, et de sortir quelques Primarch-moves que le Michael Bay du 31ème millénaire adaptera librement sur grand écran. Depuis son arrivée DBZ-esque dans la forteresse ennemie, jusqu’au désamorçage de la bombe nucléaire cachée dans le faux plafond par les pas tristes Sabaziens, en passant par son opération sang pour cent dans la salle de fin de niveau, le Phénix démontre sans contestation possible qu’il est le boss du game, bien qu’il lui en coûte plus que ce qu’il en laisse paraître, et passe à un cheveu permanenté de la catastrophe. Il réalise dans la foulée qu’il a été roulé dans la falgrime par ce fripon de Corynth, dont les généreux discours « cachaient » la sombre allégeance. À peine le temps de poster une petite story sur Instagrim qu’il faut retourner à Nova-Basilos, juste à temps pour sauver le brave Cyrius des horions transsoniques du Chancelier félon. Voyant la victoire morale qu’un meurtre d’Astartes aurait pu lui apporter lui échapper, ce mauvais joueur de Corynth se met lui même en PLS, refusant à Fulgrim le plaisir d’un combat totalement inégal entre un Primarque sur-stuffé et un quidam adepte de Pilates maniant un rasoir électrique. C’est très petit ça, monsieur. Fin du spoiler

Toujours est-il qu’à la fin du mois imparti, Byzas est devenu un monde impérial, uni comme jamais sous le règne pas-forcément-bienveillant-mais-bon-on-s’en-fout du Gouverneur Pandion (petite satisfaction pour les mécontents, le penchant coupable du Gouverneur pour les murges au vin irradié devraient avoir raison de lui dans un futur proche), et laissant Fulgrim et ses fistons libres d’aller faire du prosélytisme armé ailleurs dans la galaxie. Ecoutant d’une oreille distraite mais néanmoins attentive les remontrances de cette vieille rabat-joie de Pyke, quant aux risques inconsidérés qu’il a pris pour atteindre ses fins, notre héros a déjà la tête dans les étoiles et songe au prochain défi qui l’attend : pourquoi pas conquérir un monde ruche en solo-weel et calebute, et uniquement en parlant en alexandrins ?

L’excellence le guide, la perfection l’anime.

Nul oncques n’est plus cool que le divin Fulgrim.

1 : Et une itératrice vétéran et toute sa suite, et un régiment de l’Armée Impériale, et en gardant le reste de son expédition en orbite autour de la planète, parce qu’il ne faut pas déconner quand même, hein.

2 : Nommons-les une fois pour toutes, ce sera fait. Aux côtés de l’infortunée starlette Cyrius, qui finira en décalcomanie sur l’armure de l’increvable Lucius, on retrouve Narvo Quin – l’Eskimo – , Flavius Alkenex – le Kleenex – , Kasperos Telmar – le Fantôme – et l’épineux Grythan Thorn.

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AVIS:

Après des débuts en demi-teinte avec le Lord of Ultramar de David Annandale, mon appréciation générale de la série Primarques remonte sensiblement grâce au travail de qualité livré par Josh Reynolds avec ce Phoenix Palatin. Fidèle à sa réputation d’auteur impliqué et (généralement) inspiré, JR signe en effet une soumission qui satisfera largement le public cible de ce genre d’opus, quel que soit le contenu recherché par ce dernier.

Pour commencer par un sujet qui me tient à cœur, et sur lequel Reynolds a déjà pu prouver ses compétences, Le Phoenix Palatin regorge d’informations fluff sur Fulgrim et les Emperor’s Children, ce qui est toujours appréciable. Il s’agit donc d’une lecture obligée pour quiconque s’intéresse de près ou de loin à l’épopée de la IIIème Légion et de son infortuné Primarque avant que l’Hérésie ne les frappe. Sous la plume de Reynolds, le caractère propre de cette confrérie d’élite et de leur Primogenitor s’affirme de manière pleine et entière, faisant deviner en filigrane les causes qui les mèneront à leur perte quelques décennies plus tard1.

En prenant le soin de « crédibiliser » ces dernières, plutôt que de réduire Modeste Laviolette et Fils à une bande d’esthètes complètement snobs, ce que d’autres auteurs moins doués auraient sans doute faits, JR donne à Fulgrim et consorts une dimension tragique assez sympathique. Comme à son habitude, il exploite pour ce faire la (quasi) totalité des éléments fluff préexistant à son récit, qu’il parvient à agencer de bien experte façon afin d’apporter une perspective intéressante sur la renaissance des Emperor’s Children. Convoquant ainsi tant la chronologie de découverte des Primarques (Fulgrim a les boules de constater que certains de ses « cadets », Guilliman et Dorn en tête, ont déjà un palmarès plus important que lui, ce qui explique en partie son goût pour le coup d’éclat), que la régence de Chemos (conquis en cinquante ans par Fulgrim, et qu’il pensait être le pinacle de la création jusqu’à ce que Pépé vienne lui ouvrir les yeux sur le fait que sa précieuse planète n’était que le Vesoul de l’Imperium), ou encore le savoureux paradoxe de la noblesse des Emperor’s Children (Légion à l’origine composée uniquement de recrues issues de la noblesse Terrane et considérant le reste de la galaxie avec dédain… mais dont le sang si pur est contaminé par une tare génétique qui les a quasiment mené à l’extinction), Reynolds esquisse le chemin qui mènera les porteurs de l’Aquila Palatine à la plus abjecte des trahisons.

Comme sied à un fils de l’Empereur, c’est Fulgrim qui se taille la part du lion en termes de présence à l’écran la page et développement narratif. Là encore, Reynolds réussit plutôt bien son coup, en prenant soin d’équilibrer les éléments positifs (diplomate, affable, proche des humains et de ses fils, grand stratège et combattant) et négatifs (impulsif, arrogant, colérique, trop perfectionniste, doute de beaucoup de choses) du caractère du Primarque, qui n’en apparaît que plus attachant pour le lecteur en conséquence. Cette mise en valeur du grand blond palatin (à ne pas confondre avec le blond vénitien) se fait cependant aux dépends du reste du casting, qui, malgré les efforts de Reynolds pour donner à chacun son moment de gloire, ne parvient guère à exister à l’ombre imposante de Fulgrim.

Celà vaut particulièrement pour son escorte d’Astartes, tous plus ou moins substituables dans les faits, et cantonnés au rôle de mini-boss d’un bout à l’autre du roman. Seul ce bon (?) vieux Fabius Bile arrive à tirer son narthecium du jeu, ce qui n’est guère étonnant quand on connaît l’histoire commune entre le Mengele de 40K et son biographe officiel. Comme pour son seigneur et maître, même si de façon moins détaillée, le clone(ur) blanc apparaît comme un personnage contrasté, totalement dévoué à sa noble cause de sauvegarde du patrimoine génétique de ses frères, qui le lui rendent bien mal en l’affublant de sobriquet pas vraiment flatteur et en ne perdant jamais une occasion de lui chercher des noises. Fabius n’est cependant pas un enfant de chœur, l’intérêt malsain qu’il porte à la dissection de sujets pas toujours consentants n’étant que le moindre de ses défauts.

Autre source de satisfaction, le choix de Reynolds de dépeindre, non pas un évènement lambda de la vie de Fulgrim, comme Annandale l’avait fait avant lui pour Guilliman, mais un épisode véritablement charnière de l’existence du Primarque. La conquête de Byzas est en effet l’anabasis (terme obligeamment défini par l’auteur dans le récit) des Emperor’s Children, soit la première des campagnes commandées par Fulgrim, et menée en tant que force autonome, et non pas comme auxiliaires d’une autre Légion. Pour le Primarque et ses fils, c’est l’occasion de laisser derrière eux une histoire aussi glorieuse que tragique, et de se révéler les égaux (et même, comme Fulgrim l’espère, les supérieurs) des autres Legiones Astartes. On comprend assez vite que le Phénicien s’est mis une pression énorme afin de démontrer sa valeur de façon éclatante et définitive, et que l’enjeu de cette expédition dépasse de loin l’assujettissement d’une planète somme toute mineure telle que Byzas. De là à dire que le destin de la IIIème s’est joué durant ce mois fatidique, il y a une grande marge, mais Reynolds réussit toutefois à faire passer le message de l’importance de cet épisode dans l’épopée des Petits Enfants de Pépé.

Enfin, d’un point de vue strictement narratif, Josh Reynolds trousse un récit ma foi fort correct, qui voit Fulgrim et ses scions procéder à la mise sous tutelle d’un monde entier de façon somme toute crédible, malgré le déséquilibre évident des forces en leur défaveur. C’est l’occasion pour l’auteur de dépeindre le processus d’intégration d’une planète au sein de l’Imperium pendant la Grande Croisade, en mettant en exergue les réactions habituelles et attendues des « colonisés » face à cette invasion plus ou moins bienveillante, et qui vont de l’idéalisme béat à l’opposition frontale (écrasée dans le sang dans la plupart des cas), en passant par l’opportunisme froid et la coopération forcée. L’occasion pour le lecteur de se souvenir que derrière le grand et noble projet de l’Empereur se cache une réalité pas vraiment glorieuse, et que même au relatif âge d’or qu’a été sa création (comparé aux dix millénaires de totalitarisme fondamentaliste et obscurantiste qui ont suivi en tout cas), l’Imperium reposait sur la coercition et l’usage à peine modéré (« Pas de frappe nucléaire, petits sacripants. » – Pépé -) de la force.

C’est également l’occasion pour Reynolds de faire apparaître un Primarque et des Astartes dans leurs œuvres, c’est à dire outrageusement supérieurs en tous points de vue aux simples humains qui leur font face. Fulgrim semble ainsi toujours avoir trois coups d’avance sur ses opposants, ce qui, compte tenu des ses capacités intrinsèques et de son expérience de dirigeant, n’est pas le moins du monde surprenant, et apparaît en maîtrise totale de son sujet, même si son impatience et son arrogance finiront par lui jouer des tours. À ce masterclass politico-stratégique, Reynolds agrège quelques passages bien badass, qui voient Fufu faire des primarcheries de bon niveau, pour le plus grand et coupable plaisir du fanboy qui sommeille en nous. Les Légionnaires qu’il a amené en classe verte, quant à eux, brutalisent gentiment les pauvres Bysasiens ayant la mauvaise idée de se mettre sur leur route… jusqu’à un certain point. La nécessité de respecter l’adversaire sera ainsi l’une des leçons apprises – mais pas suffisamment retenue de toute évidence… – par les Emperor’s Children et leurs chevilles gonflées au cours de la campagne. Si on veut pinailler, on pourrait reprocher à Josh Reynolds la pauvreté du twist final proposé en conclusion de son propos, éventé par le lecteur un minimum attentif dès le quatrième chapitre. Ceci dit, il reste tout à son honneur d’en avoir proposé un pour commencer, charitable attention qui ne me paraissait pas obligatoire pour ce type de publication.

1 : Funfact : C’est quand il a réalisé que la contrepèterie de Chemos était « c’est moche » que Fulgrim a vendu son âme à Slaanesh.

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En définitive, c’est donc un ouvrage de fort honnête facture que ce Fulgrim : Le Phénix Palatin. Comme pour les autres tomes de la série Primarques, je ne reste cependant pas convaincu qu’il vaille les 10 à 14 € facturés par la Black Library pour son acquisition (et certainement pas les 55 € de l’édition collector, je ne le répèterai jamais assez), mais si vous avez l’inclinaison ou la possibilité de récupérer l’un des opus de cette dernière, ce bouquin de Reynolds est certainement à placer sur le haut du panier.

 

ROBOUTE GUILLIMAN: LORD OF ULTRAMAR [HH]

 

Bonjour et bienvenue à tous dans cette chronique d’un format un peu particulier, puisqu’il ne sera pour une fois pas question de nouvelles, mais d’un des ouvrages constitutifs de la saga Primarques (Primarchs), édités par la Black Library depuis 2016 en complément de sa série principale consacrée à l’Hérésie d’Horus. Comme ce titre d’une élégante simplicité le laisse à penser, nous avons ici droit à des récits se centrant sur un des Fils de l’Empereur, au cours d’un moment considéré par l’auteur du livre comme étant particulièrement important pour le personnage dont l’histoire est relatée. Précision supplémentaire, ces épisodes fondateurs prennent tous place au cours de la Grande Croisade, soit entre le moment où le Primarque a été retrouvé par son Pôpa (après une annonce micro à l’entrée de la galaxie) et le début de la crise d’adulescence de ce fripon d’Horus.

À tout seigneur, tout honneur, ce fut à Hergé en personne d’ouvrir le bal, et de prendre souffle et vie sous la plume de David Annandale. Le Grandissime Schtroumpf nous est présenté au cours de la campagne de Thoas, nom du monde siège d’un empire Xenos soigneusement desorké par les guerriers de la XIIIème Légion, et ultime bastion de la menace verte. Nous laissons donc la plume à David alors que la flotte du Grand Bleu arrive en orbite autour de Thoas pour faire un peu de green washing…

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XIII. Rogal Dorn

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INTRIGUE:

Nous suivons la progression de la bataille de Thoas à travers les yeux du Primarque en personne, mais également de plusieurs personnages rattachés au XXIIème Chapitre des Ultramarines, surnommé Némésis par les guerriers de la XIIIème Légion. Ayant subi de lourdes pertes dans sa chaîne de commandement au cours d’affrontements précédents1, Némésis attend le bon vouloir de Guilliman à lui désigner un nouvel officier supérieur, que tout le monde s’attend à être le Capitaine vétéran Hierax, en application de la tradition bien établie à l’intérieur du Chapitre. C’est d’ailleurs tout juste si notre homme n’a pas commencé à reprendre en main la décoration des quartiers personnels de feu Machon Phalaris, l’ancien boss du XXII, tant il est sûr du caractère inévitable de sa nomination prochaine. Bien lui a pris d’attendre cependant, car le choix de Rob’ se porte au final sur Eleon Iasus, un Macraggais pur jus (alors que Némésis est historiquement Terran), et même pas issu des rangs du Chapitre (lui vient du XVIème, c’est donc un bourge). Consternation et début de pensée à tendance légèrement séditieuse de la part des Nems, qui voient d’un mauvais oeil la décision paternelle. Et si Guilliman prend bien la peine d’introduire en personne l’impétrant, tout aussi gêné par la tournure prise par les évènements que ses nouveaux camarades de classe, et souffle en coulisse à son vieux poto Marius que cette petite révolution à beau lui fendre le cœur, il la mène pour le bien du XXII, qui file un mauvais coton depuis quelques temps ; on se dit malgré tout que l’intégration ne sera pas facile pour le bizut.

Le déploiement de la vague bleue à la surface de Thoas laisse cependant peu de temps à nos larrons pour cogiter sur l’insondable sagesse de leur inspiré Primarque. Dernier monde tenu par les Orks dans ce petit coin de la galaxie, la planète présente, entre autres intérêts, la particularité d’avoir abrité une civilisation humaine avancée dans un passé pas si lointain. Guilliman, dans une poussée d’archéophilie soudaine, décide donc de conquérir Thoas à la force du poignet, au lieu d’ordonner un bombardement en bonne et due forme de la horde Ork, qui se dénombre par millions d’individus tout de même. Peut-être est-ce le remords lié à Monarchia qui travaille Hergé pour qu’il choisisse cette approche assez particulière (en même temps, une frappe orbitale aurait réglé le propos en trois pages, ce qui est court pour roman), mais en tout cas, il a concocté un plan infaillible pour remporter une nouvelle victoire et garnir l’étagère à trophées de Pépé.

On suit donc la charge glorieuse des Ultramarines à travers les plateaux crépusculaire de Thoas, planète ne tournant littéralement pas rond, en direction du complexe de pyramides forteresses tenues par les Orks. Ces derniers n’ayant pas pris la peine d’installer d’interphones à l’entrée de leur pied à terre, ils se voient obligés de descendre pour accueillir comme il se doit leurs nouveaux locataires. Et là, coup de génie stratégique de la part de Guilli Guilli : au lieu d’un bête affrontement ligne à ligne, il tape une pointe de vitesse avec ses potes du 1er Chapitre pour percuter l’avancée Orks en avant-première. D’où la création d’une attaque en pointe (vous suivez-toujours ? C’est hyper avancé comme manœuvre je sais), qui permet de fixer les Orks sur place et de les prendre de flanc alors qu’ils s’acharnent à tabasser les sprinteurs de la XIIIème Légion. Malgré l’avantage certain apporté par sa brillance ta-que-tik et tai-ke-nik, Roboute doit tout de même s’employer pour calmer les ardeurs astarticidaires des peaux vertes, et donne donc de sa personne pour décapoter un chariot de guerre Ork qui passait dans le coin, entre autres rafales de son bolter et moulinets de son épée énergétique. Quel (sur)homme.

Dans le peloton des poursuivants, la situation n’est pas aussi rose Calgar Blue pour les bidasses de Guilliman, qui malgré les ravages perpétrés par leur supériorité aérienne, technologique et intrinsèque, doivent lutter pied à pied contre les vagues vertes qui s’abattent sur leurs positions avec une sauvagerie persistante. La profondeur du banc des peaux-vertes commence également à jouer, les millions de remplaçants attendant patiemment leur chance de se prendre un bolt en pleine poire épongeant facilement les milliers de pertes infligées par les Ultramarines à chaque instant (no joke). Chargés par Big Daddy de sécuriser la pyramide la plus septentrionale de zone de débarquement de la XIIIème Légion, Iasus et ses nouveaux collègues sont clairement à la peine, à tel point que le Capitane Sirras, vieux pote devant l’éternel du prétendant éconduit Hierax, en vient à désirer la participation de ce dernier et de ses copains Destroyers à l’effort de dévermination. L’arsenal nucléaire n’a en effet pas été déployé par un Guilliman cherchant à tout prix à conserver les précieuses ruines de Thoas intactes, pour des raisons philosophico-fumistes qui ont néanmoins force de loi. Malgré cela, les Némésis parviennent à sécuriser l’objectif et à explorer les niveaux inférieurs de cette mystérieuse construction. Leur visite d’estimation est cependant brutalement interrompue par un nouvel assaut Ork, venant cette fois-ci de l’intérieur de la pyramide et de toutes les directions imaginables. Piégés entre l’ennemi intérieur et l’ennemi extérieur, comme les autres contingents Ultra ayant investi leur Kheops personnel, la situation se corse singulièrement pour les vaillantes bleues-bites.

Mis au courant des déboires de ses ouailles, l’infaillible Guilliman réalise rapidement que son plan génial a été mis en échec sur les grandes largeurs. Mais comment pouvait-il prévoir, aussi, que les Orks qui squattaient les lieux depuis des dizaines, voire centaines d’années, auraient la présence d’esprit d’utiliser le réseau de souterrains de Thoas pour contrattaquer en masse et couper ainsi les forces Astartes les unes des autres ? Avouez que même l’Empereur et son don de prescience seraient tombés dans le panneau. Gui le Man est donc chagrin et colère, en plus d’être passablement vexé de constater que son génie stratégique a été contrecarré par une foule anarchique de Xenos au crâne épais. Voilà ce qu’on récolte à être trop intelligent, trop subtil, trop technique, Robbie : au XXIème siècle, des gilets jaunes, au XXXIème millénaire, des givrés verts. Faisant contre mauvaise fortune bons cœurs, le Primarque sonne la révolte et court à la rescousse de la pyramide la plus proche, espérant faire boule de neige et regagner l’initiative. Idée brillante s’il en est, mais dont l’exécution se trouve compliquée par la stupidité crasse du Capitaine Sirras, qui malgré l’ordre explicite qui lui a été donné, recourt à l’artillerie lourde de ses blindés pour maintenir l’ennemi à distance. Mal lui en prend car les parois en placoplâtre de la pyramide ne tardent pas à céder, provoquant l’effondrement de cette dernière et l’enfouissement de la totalité des Némésis. Gag.

Prenant un moment pour réfléchir sur la connerie des ses fistons, Guilliman a alors cette phrase immortelle : « On a chié dans la colle. » La catastrophe n’est toutefois pas totale pour les bleus, quelques survivants du XXIIème, dont le non-respecté Iasus, manifestant leur présence auprès des autorités compétentes. Abandonnant toute prétention de haute stratégie, Roboute commande un Kaptein pour aller sauver ce qu’il reste du Chapitre dont il a si artistement orchestré le changement de gouvernance. Il accepte également la requête de Hierax de venir prêter main forte à ses copains de chambrée, sur un vieux pressentiment tout moisi qu’il aura loisir de justifier par la suite dans le livre qu’il est déjà en train de rédiger dans sa tête sur comment il a vaincu l’empire Ork de Thoas. Ce même Hierax démontre son acuité intellectuelle (ou peut-être sa capacité à analyse une information tout ce qu’il y a de plus classique) en suggérant qu’il y a peut-être un lien entre les hauts niveaux de radiations détectées dans la pyramide de l’infortuné Némésis, et le fait que les Orks soient plus nombreux et plus féroces dans cette zone du champ de bataille. « Give this man a cookie !2 » gueule Guilliman, alors qu’il se note d’investiguer personnellement cette troublante corrélation.

La concentration d’awesomeness, de fureur vengeresse et de personnages principaux sur un petit périmètre a tôt fait de contraindre les Orks à la retraite, ce qui ne dissuade pas Guilli & Cie de s’enfoncer à leur suite dans les profondeurs de la Fuku-ramide, où les attendent…

Spoiler…l’arsenal nucléaire caché de la Corée du Nord, que les peaux vertes se sont mis à vénérer et à tenter de copier, sans succès pour le moment3. RG trouve également à parler en la personne d’un empereur Ork, que sa probable incontinence a tenu éloigné des combats depuis l’arrivée des Ultras sur sa planète, comportement très peu Waaaghesque s’il en est. Le gonze attend patiemment l’arrivée de son homologue, assis sur une montagne de dakkas que ni lui, ni Robbie ne parviennent miraculeusement à faire exploser au cours du duel homérique, mais sans grand enjeu, auquel ils se livrent sur ce terrain de jeu des plus explosifs (Guilliman dispose apparemment d’un interrupteur de flammes intégré à la poignée du Gladius Incandor). Une fois l’affaire pliée, notre principiel Primarque autorise ses Destroyers à faire mumuse avec les derniers Orks squattant la place, convaincu qu’un peu de radiations en plus ne feront de mal à personne. C’est ce massacre nucléaire qui permet à Némésis de repartir sur de bonnes et saines bases, les vétérans reconnaissant la valeur d’Iasus, tandis que lui et Guilliman s’avèrent être ok avec l’utilisation raisonnée et proportionnelle de l’arsenal particulier des Destroyers.

Annandale se rappelle alors brutalement que son histoire est sensée révéler des éléments intéressants en vue d’une Hérésie pas encore débutée, et fait donc un parallèle prophétique rapide et convenu entre le tragique destin des premiers habitants de Thoas, qui se sont copieusement entre-exterminés à coup de frappes nucléaires, sans aucune responsabilité des Orks, et la future guerre civile galactique que le monde nous envie. Car avec le recul apporté par l’expérience, Guilliman révèle dans son journal intime qu’il aurait dû venir voir l’Hérésie d’Horus et agir pour la prévenir. En l’état et pour l’heure, il se contente d’ordonner le loot des têtes nucléaires de l’endroit (on ne sait jamais, ça peut servir), et… roulement de tambours… un bombardement orbital des précieuses pyramides qu’il a conquis de si haute lutte, afin que personne ne sache à quel point les Thoasiens étaient stupides et mesquins. Comme disait l’Empereur du temps où Il s’appellait Groucho Marx : « Si vous n’aimez pas la vérité, j’en ai d’autres ».Fin du spoiler

1 : Un bête accrochage pare-brise contre pare-brise malheureux <à la sortie d’Agrigentum V. Le Maître de Chapitre était au volant, quatre Capitaines en passagers, et personne n’avait sa ceinture de sécurité. Les ravages de la vitesse tragiquement illustrés.

: Il était sur le point de promouvoir Hierax pour cette superbe idée, lorsque Gage lui a rappelé que c’est lui-même qui avait refusé que le Capitaine Vétéran reprenne la tête du Chapitre, afin de permettre à ce dernier d’adopter des mœurs plus ultra-urbaines sous le commandement d’un extérieur. Au final, il invite les Destroyers à tirer à vue sur les Orks avec leurs armes saaaaales et se fait souffler la solution par le type qu’il a recalé. Superb Management Skills.

3 : Quand on pas le Zimbabwe qui vous vend de l’uranium enrichi sous le manteau, c’est tout de suite plus compliqué hein.

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AVIS:

Commencer une nouvelle série n’est jamais chose facile, et c’est d’autant plus vrai lorsque le héros qu’on vous impose n’est autre qu’un Primarque, que sa sur-surhumanité rend difficile à décrire de manière crédible et adaptée. Comble d’infortune pour Annandale, Guilliman présente les difficultés supplémentaires d’être à peu près « parfait » en termes de caractère, sans défauts ni failles connues à exploiter pour lui donner un peu plus de singularité et de profondeur, et d’être connu comme l’un des plus géniaux stratèges de l’histoire de l’Humanité, Codex Astartes à l’appui, réputation que l’auteur n’avait d’autres choix que d’honorer dans ses écrits. Et j’ai le regret de vous apprendre qu’il s’est planté à peu près partout, ce qui, du haut de mes quelques lecture Annandalesques, était plus ou moins couru d’avance.

On a le donc droit à un Guilliman dépeint de manière tout à fait classique comme un demi-dieu à l’inégalable perfection et à la sagesse infinie. Problème, dès qu’il a le malheur d’ouvrir la bouche ou de prendre une décision, Roboute contribue à saborder sa propre légende de manière aussi caricaturale qu’absolue. Petit exemple gratuit mais parlant pour vous donner une idée de la profondeur du mal : la toute première intervention du Primarque au cours du roman consiste à se plaindre auprès de Gage du non-respect par Hierax des procédures en vigueur pour le contact d’officiers supérieurs. En effet, le Capitaine Némésis a envoyé un texto à son vieux pote de Légion, ce qu’il n’aurait pas dû faire du fait de leur différence de statut. Voilà comment faire passer RG pour le psychorigide, ascendant gros relou, qu’un certain nombre d’hobbyistes le considère comme étant, sans doute au corps défendant de GW.

Ce roman à la gloire du Seigneur d’Ultramar aurait pu et dû être l’occasion de remettre les pendules à l’heure et redorer cette image un peu écornée aux yeux des fans, mais il n’en sera rien, malheureusement. La plupart des actions du Grand Schtroumpf seront ainsi placées sous le sceau du cryptisme le plus abscons (nommer Iasus à la tête de Némésis, en sachant que ça allait causer des vagues, mais en n’expliquant à personne sauf à Gage – qui s’en fout mais ne peut pas le dire – quel est le but de la manœuvre) ou de la simplicité la plus benoîte (voir les « tactiques » mises en place contre les Orks, qui ne volent pas haut du tout pour un génie militaire de ce calibre).

À cela vient s’ajouter la désagréable impression que Guilliman s’épanouit pleinement dans la flagornerie la plus vile de la part de ses subordonnés, à cause de la tendance de ces derniers à citer les extraits des (nombreux) ouvrages écrits par leur boss, alors même qu’il se trouve dans la pièce, voire qu’ils discutent avec lui. Et puis cette manie assommante d’intégrer du « Théorique/Pratique » (une bonne cinquantaine de mentions pour chaque au final) dans tous les dialogues, franchement… Comme ficelle filin narratif pour faire comprendre aux lecteurs que les Ultramarines sont très organisés sur le sujet, ça se pose là. Plutôt que de donner l’impression d’une maîtrise de l’art de la guerre née de l’étude rigoureuse de ce dernier et de la prise en compte d’autant d’informations que possible dans le but de prendre la meilleure décision de manière rationnelle, c’est plutôt un ressenti d’annonement poussif de la FAQ pondue par Papa Rob’ qui a prédominé de mon côté.

De plus, et c’est assez dommage, Annandale ne révèle finalement qu’assez peu de choses sur son protagoniste, alors que c’est typiquement la prospective d’avoir accès à du fluff inédit sur un personnage majeur de l’univers 40K qui pousse – à mon sens – le lecteur de la BL moyen à acheter ce genre de publications. L’auteur dépeint Guilliman en super Space Marine d’action, évidemment inarrêtable sur le champ de bataille, capable de stopper un assaut blindé Ork à lui seul comme de massacrer un Giga Nob (de la taille d’un dreadnought tout de même) sans trop se fouler. Les deux tiers du roman verront ainsi Gui bondir d’une zone à l’autre du conflit pour sauver les fesses de ses fistons en compagnie de l’intraitable 1er Chapitre1, sans grande valeur ajoutée narrative si on n’est pas fan absolu de bolter porn. Bien que Papa Schtroumpf ne soit pas le Primarque dont l’histoire m’intéresse le plus, en apprendre davantage sur son éducation et sa prise de pouvoir sur Macragge, ou sur la manière dont il a pris en main le royaume d’Ultramar, ne m’aurait pas déplu. Au lieu de ça, on se retrouve avec une bibliographie conséquente (chaque chapitre commence avec un extrait d’un des bouquins du gonze) et quelques miettes de caractère à exploiter. C’est peu.

Pour enchaîner sur une vision plus large de l’objet du délit, j’ai également trouvé que la mise en scène de la campagne de Thoas n’était pas des plus heureuses. Sensée démontrer de manière irréfutable le génie stratégique du rédacteur du futur Codex Astartes, cette dernière n’apparaît que comme un monstrueux beat them all, où les Space Marines massacrent des hordes inépuisables d’Orks sans beaucoup de suite dans les idées. Cet ennemi particulier ayant le double avantage d’effectifs pléthoriques et d’un goût imodéré pour la castagne, le rythme de la bataille n’évoluera guère tout au long du récit, les braves Ultramarines endurant waaagues sur waaagues avec l’aplomb et le professionnalisme qu’on leur connaît. D’ailleurs, il est à noter qu’aucun protagoniste majeur ne tombe sous les coups des peaux-vertes au cours de l’histoire, malgré le fait qu’Annandale s’évertue à faire monter ses goons en gabarit au fur et à mesure des pages, sans doute afin de renforcer la menace qu’ils sont sensés représentés pour les humains. Mais à quoi sert de convoquer des colosses de 4 mètres de haut maniant des armes pesant une demi-tonne, si c’est pour les faire se faire ratatiner par le premier Capitaine venu ? Cela a beau renforcer le statut de l’Astartes comme guerrier suprême de l’Humanité, la pression narrative finit par retomber après une centaine de pages d’invulnérabilité avérée des gars en bleu (il n’y a que Sirras qui y passe, mais du fait de sa propre connerie plutôt qu’au fil d’un kikoup’). Victime collatérale de ce parti pris pas vraiment gagnant, l’idée sous-jacente d’Annandale – le risque réel d’autodestruction qui guette l’Humanité si elle se détourne de l’idéal de l’Empereur – est presque entièrement sacrifiée sur l’autel de la bourrinitude, et doit se contenter de quelques paragraphes de développement, alors qu’elle aurait pu avoir un tout autre impact avec un « soutien » plus étayé, tant au niveau de son installation2 que de son déroulé3 et de son ouverture4. Dommage.

De manière similaire, la deuxième intrigue de Lord of Ultramar (la lutte de pouvoir qui agite Némésis) souffre du développement anémique auquel la mise en vedette des exploits martiaux de Guilliman la condamne. Cela commençait plutôt pas mal, avec la mise en avant de l’incompréhension totale des officiers du XXIIème Chapitre suite à la nomination d’Ialus, suivie d’une sorte de gentlemen’s agreement entre les Capitaines survivants pour mettre des bâtons dans les chenilles de leur nouveau boss s’il avait la mauvaise idée de dévier des traditions établies (ce qui revient à désobéir à la volonté du Primarque, donc sédition autant théorique que pratique). Lorsque ce même Ialus va au clash avec Sirras en refusant de prendre en compte une idée pas trop bête qu’il lui soumet, on se dit que la révolte ouverte n’est pas loin, et que les Ultramarines vont connaître leur petite rébellion honteuse comme d’autres Légions avant eux. On se prend même à rêver d’un affrontement fratricide impliquant les armes sales des Destroyers, ce qui aurait eu de la gueule, je le reconnais. Eh bien non. Cet abruti de Sirras trouve le moyen de se suicider par montagne interposée, ce qui calme d’un coup toutes les velléités belliqueuses de Hierax. Notre vétéran couturé ravale l’amour-propre qui lui reste d’un grand coup de neuro-glotte et se change en employé modèle, qui dit merci et tend la patte. Il n’y a pas à dire, les Ultras sont vraiment corporate.

Dernier motif de grief, un peu plus léger celui-ci, l’absence de remise en contexte par Annandale des relations et jeux de pouvoir existants au moment où le récit prend place entre la XIIIème Légion et le reste de l’Imperium d’une part, et Hergé et ses frérots d’autre part. Pour avoir commencé depuis le Fulgrim de Josh Reynolds, je dois dire que ce genre de briefing politico-relationnel est particulièrement intéressant, voire permet (quand l’auteur est suffisamment doué et calé en fluff) de faire le lien entre des éléments de fluff pré-existants et la genèse de l’Hérésie. Ici, le choix d’Annandale de livrer un huis-clos ultramarin peut se comprendre, mais manque encore une fois cruellement de fluff un peu croustillant.

Enfin, et pour conclure, je dois dire que le prix de vente de ce type d’ouvrage m’a semblé prohibitif. À 13,49 € la version e-book (ou seulement 9,99 € pour la version française), se retrouver avec un « roman » de 145 pages (d’après l’affichage de ma fidèle Kobo), dont à peine 123 de contenu utile, ne m’apparaît pas comme l’affaire du siècle. Cela aurait pu être à la limite basse du tolérable si l’ouvrage avait été excellentissime – ce qu’il n’est pas, si vous avez raté les quelques paragraphes mitigés ci-dessus – mais aurait malgré tout constitué l’un des rapports quantité/prix les plus défavorables du catalogue BL. Et je ne parle même pas de l’édition limitée collector, qui à 55 € pièce, peut légitimement être considéré comme de l’extorsion pure et simple. À ce prix là, achetez vous un Roboute en plastique, il vous occupera plus longtemps et vous apportera plus de plaisir à l’usage que les dizaines de feuillets de l’ami Annandale. J’espère que les publications suivantes de la série Primarchs ont corrigé le tir en proposant davantage de contenu, car sinon, je ne risque pas à me hasarder à l’acquisition autrement que via un Humble Bundle.

1 : D’ailleurs, la sous-utilisation de Marius Gage dans l’histoire, alors qu’il est sans doute le personnage de la XIIIème Légion le plus connu après son Primogéniteur, est une autre source de regret. Mis à part son rôle de confident obséquieux et de porte-coussin du Gladius Incandor, l’utilité du tueur (à) Gage ne m’est pas apparue comme flagrante.

: Pourquoi diable le Primarque qui vient de raser la Notre-Dame-de-Colchis-dans-les-Prés du bien-heureux Lorgar sur ordre de Pépé priviliégériait-il la conservation de ruines au point de prendre d’assaut un monde Ork au lieu de tout raser depuis la sécurité de l’orbite haute ?

3 : Gage : « Oh, des fresques représentant les anciens habitants de Thoas. Ils n’avaient pas l’air commode. Je me demande bien pourquoi ils sont tous en uniforme rouge. »

Guilliman : « OSEF. Regarde-moi plutôt infliger la pichenette de la mort à cette bande de nobs de 18 mètres de haut. »

Gage : « Théorie : Voir ses meilleurs guerriers vaincus par un adversaire considéré comme moins fort a un effet dévastateur sur le moral ennemi (Roboute Guilliman, Du Repompage Ehonté de von Clauswitz – xviii-54) Pratique : GO-GO-GUI ! GO-GO-GUI ! »

973921 * 1041387 Orks tués plus tard…

Gage : « Oh, des fresques représentant d’autres anciens habitants de Thoas. Ils n’avaient pas l’air commode. Je me demande bien pourquoi ils sont tous en uniforme violet, et sont représentés en train de fouler au pied les cadavres de types en uniforme rou-»

Guilliman (en train de mettre le doigt dans l’œil d’un terra-boss Ork de 673,54 mètres de haut) : « WOHO, RECORD DE CROISADE ! ENFONCE HORUS ! »

Gage : « Théorie : Guilliman est trop un beau gosse (Roboute Guilliman, Tout Ce Que Vous Avez Toujours Voulu Savoir Sur Roboute Guilliman… Sans Oser Le Demander – xii-542). Pratique : Oui. Il faudra tout de même qu’on creuse cette histoire de rouge et de violet les enfants, ça veut sans doute dire quelque chose. »

4 : Guilliman : « Avec le recul, j’aurais dû comprendre que le véritable enseignement de la campagne de Thoas était que l’homme est un loup pour l’homme. J’aurais pu utiliser cette connaissance durement gagnée pour prévenir l’Hérésie ! »

Dorn : « Comment, en envoyant un exemplaire dédicacé de L’Empereur A Toujours Raison à Horus avec une boîte de chocolats après Isstvan ? »

Guilliman : « Pas de mauvais esprit, Rogal, hein ! Je dis juste que c’était une leçon que je n’ai pas su tirer à temps, et c’est bien dommage. »

Dorn : « C’est pas comme si l’Ere des Luttes de Terra avait vu des puissances humaines s’entre déchirer avec des armes nucléaires, qui ont mis la planète à genoux et ravagé la surface. Tu devais dormir en classe quand Pépé nous a fait la leçon. »

Guilliman : « Hmm, pas con. Je crois que j’étais en train d’écrire ma fan fiction 50 Nuances de Bleu. D’ailleurs, je peux te signer une copie si tu veux. »

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Au final, cette prime(arque) expérience fut loin d’être satisfaisante, une triste constante avec la prose de David Annandale je dois le reconnaître. Il est à espérer que des tentatives d’auteurs plus aboutis (à mon goût en tout cas) se montrent d’un meilleur niveau, mais même ces hypothétiques pépites demandent un investissement non négligeable de la part du lecteur, et ne sont donc à considérer qu’avec suspicion. Malgré cela, la série est aujourd’hui bien lancée, avec douze tomes publiés ou annoncés sur les dix-huit Primarques à couvrir. Il y a fort à parier que les génies de la BL aient coordonnés les sorties de manière à faire coïncider celles de Siege of Terra avec celles des Primarchs restants. Et comme par hasard, on retrouve parmi ces derniers quelques têtes d’affiche qui joueront un grand rôle dans le dénouement du conflit, Horus et Sanguinius et Rogal Dorn en tête. On a de la suite dans les idées à Nottingham, reconnaissons-le.

 

MALEDICTIONS [Recueil]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue critique du recueil Maledictions ! Cette anthologie de nouvelles de la Black Library présentant plusieurs caractéristiques la différenciant clairement des ouvrages de ce type précédemment publiés par la maison d’édition de Nottingham, l’occasion de chroniquer – pour une fois – une sortie récente, était trop belle pour être manquée.

La première de ces caractéristiques, et probablement la plus intéressante, est qu’il s’agit d’un des tomes fondateurs de la section nouvelle-née Warhammer Horror, dédiée comme son nom l’indique à ce genre littéraire dans les univers de Games Workshop. Les franchises en question n’étant naturellement ni étrangères, ni avares, en situations « cherchant à susciter chez le lecteur l’angoisse et l’effroi, ou à tout le moins à le mettre mal à l’aise » (définition de l’Horreur en littérature de Wikipedia), j’étais curieux de voir si, et comment, les contributeurs de ce recueil allaient réussir à se démarquer des textes de leurs prédécesseurs. L’horreur étant un genre régi par ses propres codes, topoïs et stéréotypes, j’étais également curieux de voir si la BL choisissait de leur rendre hommage ou bien de s’écarter des sentiers battus.

Deuxièmement, Maledictions présente la particularité de mélanger nouvelles prenant place dans les ténèbres d’un lointain futur et celles se déroulant dans l’obscurité des Royaumes Mortels (voire parfois dans la zone grise entre les deux, au moins jusqu’à ce que l’auteur décide de trancher, comme on le verra par la suite). Du 40K et de l’Age of Sigmar réunis dans un seul ouvrage thématique, cela ne s’était – à ma connaissance – jamais fait auparavant, et cela a donc piqué mon intérêt de lecteur.

Sommaire Maledictions

Enfin, la Black Library ayant pour l’occasion sollicitée un contingent de nouveaux auteurs, dont beaucoup présentés comme des spécialistes du genre (Khaw, Gray, Kane…), je voulais prendre la mesure de la jeune garde de l’horreur, moi qui n’avais jusqu’ici pratiqué que des grands maîtres anciens (Lovecraft) ou contemporains (King).

Alors, cette compilation de Maledictions le serait-elle davantage pour les personnages mis en scène dans cette dernière ou pour les lecteurs ayant pris le risque de placer un billet sur cette curiosité littéraire. Lisez, si vous l’osez…

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Maledictions

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Nepenthe – C. Khaw [40K]:

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INTRIGUE:

Le sommeil de Cornelius et Marcus, deux frères au service du Mechanicus et du Magos Explorator Veles Corvinus, a été troublé au cours des dernières semaines par les échos d’un chant qu’ils semblent être les seuls à entendre. Usant de la connexion 40G et de l’accès à Mechapedia dont ils disposent en tant que loyaux servants de l’Omnimessie, les frangins ont cependant réussi à localiser l’origine de leur émoi, qui se trouve être un Space Hulk répondant au nom de Nepenthe1, et dont la course l’amène hors du Warp pour une courte période de temps une fois tous les millénaires. Déterminés à percer à jour les secrets de ce mystérieux vaisseau, et celui de l’énigmatique cantatrice (sans doute chauve) qui leur roucoule dans le cortex depuis quelque temps, Coco et Markie réussissent à manipuler leur boss de manière qu’il décide d’envoyer une expédition aborder l’épave du Wild Wild Warp pendant sa brève transition de l’autre côté du périph’, vainquant au passage les protestations protocolaires de leur collègue de console, le procédurier Lupus.

Tout à leur excitation de rencontrer enfin leur Marsa Béranger personnelle, les Cog Brothers ferment les bioniques sur tout un tas de signes variant de l’étrange (le dock d’atterrissage qui a exactement la taille de leur vaisseau), au suspect (l’hologramme d’accueil qui leur conseille de décamper fissa), en passant par l’improbable (l’état de propreté clinique du Nepenthe, comme s’il avait été investi par les démons de Sheev’ha, la déesse du ménage à domicile – dans le Warp, tout est possible – ). L’arrivée soudaine d’une meute de Genestealers d’Ymgarl, astucieusement dissimulée aux yeux et senseurs des explorateurs par une technique de metachrosis diablement avancée, sonne toutefois le glas des espérances de Jules et Jim d’un premier rencard romantique, et c’est un sauve qui peut général qui est sonné après que les calculs de nos loustics aient établis de façon formelle que leur escorte de serviteurs et de skitarii n’auraient pas la méchadendrite haute dans l’algarade qui s’est engagée entre visiteurs et locaux.

Ayant choisi la fuite en avant au lieu de la fuite en arrière, nos héros parviennent néanmoins jusqu’au cœur du vaisseau, escortés par l’imperturbable hologramme de service, dont ils apprennent le nom au passage (MAUS), ainsi que celui de leur probable dulcinée (CAT). Et là, triple déception. Non seulement la DLC de la donzelle a expiré, tout comme elle, depuis des éons, en témoigne le squelette nécrosé qui barbote dans la cuve amniotique qui trône au milieu du pont, mais il se fait rapidement jour que leur speakerine fantasmée n’était qu’une intelligence artificielle un poil plus sophistiquée que la Siri de base2. Comble de l’infamie, les Magos Bros se font finalement éconduire par la b(i)elle, qui leur annonce brutalement qu’elle ne les a jamais appelés ici, et que tout ceci est un regrettable malentendu. Se prendre un rateau par un sex bot de première génération, il fallait le faire, et ils l’ont fait. La Fédération Martienne de la Loose (FML, un nom approprié à plus d’un titre) serait fière. En désespoir de cause, Marcus et Cornelius ravalent le peu de dignité qui leur reste, et se mettent humblement et totalement au service de cette garce de CAT, qui, pressentant qu’elle aura sans doute besoin d’un coup de main pour remettre en état le Nepenthe après le projet X initié par ses tentaculaires protégés, finit par accepter l’offre des adeptes. La nouvelle se termine par l’envoi d’une cordiale invitation au Magos Explorator Veles, prudemment resté à bord de son vaisseau, à visiter les merveilles du Space Hulk, décrit par les frangins comme parfaitement sûr. Il faut croire que CAT voulait finalement un peu de compagnie. Comme dit le proverbe « Souvent IA varie, bien fol qui s’y fie ».

: Un genre de plante carnivore dit « passif », qui piège les insectes en les attirant dans sa corolle avec un nectar aussi odorant que gluant. Pour vous épargner une recherche Google, disons que ça ressemble à un Empiflor. De rien. On peut remarquer que pour un expert en biologie comme Cornelius, ce nom aurait dû constituer une première alerte…

: Le truc est d’intégrer un psyker disséqué dans la carte mère. Le résultat est à la fois plus naturel et plus performant qu’une IA purement mécanique. Google est déjà sur le coup.

AVIS:

Cette première soumission de Cassandra Khaw m’a laissé un goût d’inachevé assez marqué, tant au niveau des potentialités du récit laissés au stade d’ébauches (ce qui est dommage), qu’à celui du déroulé et de la conclusion apportée à la nouvelle, que j’ai trouvé confus au point de devenir imbittable (ce qui est grave). Pour commencer par le problème le plus critique, il m’a semblé que Khaw partait en roue libre narrative à partir de l’attaque des Genestealers, les péripéties s’enchaînant alors sans faire grand sens pour culminer sur une confrontation lunaire entre Marcus et Cornelius et CAT et MAUS, les premiers soutenant mordicus avoir été appelés sur place par la seconde, qui réfute catégoriquement leur version des faits. Pendant ce temps, Genestealers et skitarii font du charleston en arrière-plan, et Veles s’échine à tenter de rétablir la connexion avec ses sous-fifres. Plus que le fait que nos deux héros soient tombés dans un piège (ce que le nom du vaisseau laissait entendre de manière assez transparente), c’est le caractère fortuit de leur fin probable qui m’a laissé pantois.

Khaw ne donne en effet au lecteur aucune piste ou sous-entendu expliquant le dessein de CAT, qui se mure simplement dans le déni (« nan j’vous ai pas appelé j’vous dit, bande de gros mythos ! »), alors qu’il lui aurait suffi d’indiquer par exemple que l’IA a été corrompue par le Warp et considère les Ymgarls comme le véritable équipage du Nepenthe (ce qui est ébauché quelques lignes plus haut), et attire donc les vaisseaux aux alentours pour assurer la subsistance de ses protégés, pour que tout rentre dans l’ordre. Rien de tout ceci ici, et les revirements finaux de TOM et JERRY, qui acceptent de laisser leurs fans transis squatter à bord, sans encore une fois qu’aucune raison ne soit avancée à cela, puis coopèrent au, ou en tout cas acceptent tacitement le, piégeage de Veles alors qu’ils ont clamé haut et fort deux minutes plus tôt que la maison était fermée, brouillent un peu plus le message. Bref, ce n’est pas une conclusion à twist, mais à bits, qui achève Nepenthe – comprendre que le lecteur est laissé libre de se forger sa propre opinion sur les tenants et les aboutissants de la nouvelle, en piochant dans les éléments narratifs laissés à sa disposition par l’auteur –.

À cela vient s’ajouter un certain nombre de questions sans réponses, qui auraient pourtant pu apporter à la nouvelle un cachet ou un intérêt supplémentaire si elles avaient été creusées par l’auteur. Par exemple, pourquoi Cornelius semble-t-il avoir un visage rituellement écorché ? Pourquoi les héros sont-ils les seuls à entendre la chanson de CAT ? Et qu’a-t-elle de si irrésistible ? À quoi « sert » le fait que le vaisseau soit décrit comme étant plus vieux que l’Imperium ? Comment le vaisseau arrive-t-il à s’adapter parfaitement à la taille de la navette et à se maintenir « propre » ? Pourquoi avoir « utilisé » spécifiquement des Genestealers d’Ymgarl ? À quoi sert MAUS ? On n’en saura malheureusement pas plus, et c’est assez dommage, d’autant plus que Cassandra Khaw, malgré les problèmes exposés ci-dessus, m’est apparue comme une auteur assez « stylée » (même si sa tendance à recourir à un champ lexical très technique peut s’avérer lassant à la longue), et ayant manifestement pris sur elle d’intégrer une bonne partie du fluff de 40K en préparation de cette première soumission, ce dont je lui en sais gré. Il faudra soigner le fond autant que la forme pour la suite, Miss Khaw.

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The Widow Tide – R. Strachan [AoS]:

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INTRIGUE:

Veuve éplorée et inconsolable d’un pêcheur de la côte de Shyish, Katalina éprouve les plus grandes difficultés à faire le deuil de son homme, peu aidée il est vrai par le fait que le corps de ce dernier n’a jamais été retrouvé. Alors qu’elle veille sombrement parmi les pierres tombales du cimetière local à la tombée du crépuscule (une activité des plus saines et naturelles), au grand désespoir du chef de village – et Chief Happiness Officer – (G)Radomir, son attention est attirée par une étrange lumière bleutée émanant de la plage toute proche, qui finit par l’amener jusqu’à une pierre brillante et un matelot mal en point, tous deux rejetés par la marée sur le littoral, après que le navire qui les transportait ait fait naufrage. Faisant fi de l’inhumanité manifeste du rescapé, ainsi que de son odeur de poisson pourri, Katalina empoche le diam’s et embarque le gonze jusqu’à son petit pied à terre, où elle essaie tant bien que mal de soigner son nouveau meilleur ami.

Réalisant de manière inconsciente que son acte de charité pourrait fort bien ne pas être perçu de façon favorable par les autres membres de la communauté, dont les réactions face aux débris du bateau retrouvés sur la plage le lendemain de cette nuit extraordinaire varient de la méfiance à l’effroi, Kat prend bien soin de cacher l’homme qui occupe désormais son lit des yeux inquisiteurs de ses voisins, à commencer par ceux de la vieille Agata, veuve comme elle et manifestement peu au fait des notions d’espace personnel et de respect de la vie privée. Ses soupçons ne sont que confirmés lorsque Radomir fait instaurer des rondes de la milice locale dans les dunes qui ceinturent le village, pour des motifs aussi vaseux que les crabes qui constituent le cœur de son régime alimentaire. Cela n’empêche pas notre Aelf-sitter de persévérer dans son œuvre, malgré les quelques tentatives faites par son hôte de lui fausser compagnie en dépit de son état lamentable1.

Malheureusement pour notre infirmière sans préjugés, il est impossible de garder des secrets dans un village de pêcheurs subsistant de ragots autant que de turbots. Quelques jours après le sauvetage, c’est donc la traditionnelle foule en colère qui vient délicatement taper à ses carreaux, demandant à ce que le naufragé lui soit remis, et sans doute pas pour l’emmener à l’office de tourisme local, si vous voulez mon avis. S’engage alors une course poursuite aussi poign(ard)ante que sanglante entre péquenots outrés et colocs outés, le nombre et la colère des humains ne faisant pas le poids face à la détermination et les talents meurtriers du Zoneille, assez rétabli pour envoyer une paire de vigilantes aller compter fleurette au Nag’. Pour Katalina, c’est également une page qui se tourne lorsque son protégé décide d’emporter un souvenir de ce long week-end de cure, et lui subtilise son âme à l’aide du caillou bleu qu’elle lui avait obligeamment rendu à son réveil. Moralité de l’histoire : ne jamais accepter les demandes de location d’Air BnB de la part d’Idoneth Deepkin, ça finit toujours mal.

1 : Il avait sans doute lu Misery de Stephen King.

AVIS:

Courte nouvelle à l’intrigue cousue de fil blanc, The Widow Tide aurait gagné à bénéficier d’un synopsis un peu plus fouillé. Par exemple en faisant revenir le mari disparu comme entité maléfique, mais néanmoins aimée et protégée par Katalina ; ou en incorporant quelques exactions inexpliquées mais imputables à l’Aelf convalescent recueillie par notre villageoise au grand cœur, et dont on aurait au final découvert qu’elles avaient été commises par un autre Deepkin ayant survécu au naufrage. Cela aurait permis à Strachan d’exploiter plus facilement les codes du récit d’horreur1, au lieu de se retrouver avec un récit trop rapidement expédié pour que puisse s’y développer de manière satisfaisante l’atmosphère angoissante et dérangeante propre à ce type de littérature. La conclusion de The Widow Tide – le « meurtre » gratuit de Katalina par le Deepkin, qui n’avait aucune raison de s’en prendre à elle et dont l’éventuelle (et attendue, après tout les fils spirituels des Elfes Noirs ne sont pas des enfants de chœur) ambivalence vis à vis de sa protectrice n’a été préparée nulle part au cours des pages précédentes – exemplifie encore davantage la réalisation pataude de Strachan de son dessein. Si la nouvelle est un genre codifié, la nouvelle d’horreur l’est encore plus, et malheureusement pour le lecteur, The Widow Tide s’affranchit de trop nombreux éléments inhérents à ce dernier pour que l’expérience soit concluante.

1 : La possession d’un être aimé à la Simetierre pour la première piste, le « jumeau maléfique » à la L’Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde pour la seconde.

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No Good Deed – G. McNeill [40K]:

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INTRIGUE:

Alors que lui et sa bande de djeuns zonaient tranquillement dans les terrains vagues qui entourent la Scholia Progenium Sainte Karesine classée ZUS qui leur sert de foyer, Cor & friends tombent sur un spectacle peu commun pour la périurbanité morne d’Osleon : un vieil homme gisant inanimé à côté d’une mare d’acide, salement amoché par ce qui a tout l’air de relever d’une chute de quelques centaines de mètres depuis les spires de la ruche toute proche, mais néanmoins vivant. Après avoir décidé de porter secours au malheureux plutôt que de mettre fin à ses souffrances, Cor & Cie transportent le patient X jusqu’à leur internat, où il bénéficie des bons soins de la dévouée sœur Caitriona, ange gardien des déshérités de ce trou perdu. Une bonne action ne pouvant être laissée sans châtiment dans l’univers anti-karmique de 40K, c’est la même Caitriona qui a la difficile mission d’annoncer à Cor la mort prématurée de son frère Nicodemus, emporté à l’âge déçu de onze ans par une poussée d’über-culose1. Il y a des jours comme ça.

De son côté rapidement remis sur pied, malgré une amnésie persistante causée par le méchant coup pris sur le crâne au cours de sa dégringolade échevelée (et pour cause, il est chauve comme un grox), Lancelot du Lac Marcel de la Mare, rebaptisé Oskyr par Cor, insiste pour rendre la pareil à ses bienfaiteurs, dont un grand nombre sont affectés par les conséquences délétères du recours massif au glyphosate et du taux anormalement élevé de particules fines qui sont le lot de toutes les agri-ruches de l’Imperium. Car Oskyr, bientôt affectueusement Papa Oskyr par les garnements de la Scholia, semble avoir des connaissances assez poussées en médecine, et se montre tout prêt à les mettre au service d’une cause aussi noble que la santé publique des nécessiteux de Gandor’s Providence.

Après quelques semaines de soins intensifs, les résultats sont bels et bien là : les pupilles de Sainte Karesine pètent tous la forme, augurant de lendemains qui chantent pour Osleon. Malheureusement, la success story de la Scholia trouve une fin aussi brutale que prématurée lorsque…

Spoiler…le bon papa Oskyr décide de mettre à profit la vigueur de ses petits protégés pour accélérer la fin de sa propre convalescence. Plus résistant que ses camarades aux effets du sédatif utilisé par le fourbe AVS, Cor échappe de justesse à la tentative de meurtre dont il est victime de la part d’un condisciple vraiment dans le mal d’une descente carabinée, mais ne peut rien faire lorsqu’Oskyr, attiré par le bruit, vient gentiment le remettre au lit. Et pour cause, Oskyr est en fait Scaeva, Apothicaire des Emperor’s Children, laissé blessé et amnésique à la suite de l’accrochage avec les Imperial Fists sur Gandor’s Providence. Sachant apparemment comment retrouver la mémoire en distillant les meilleurs morceaux de jeunes et vigoureux éphèbes, Scaeva ne s’attarde pas sur les lieux de son crime une fois ses données sources récupérées, et trace sa route vers la gare inter-systémique la plus proche afin de reprendre le cours de sa paisible existence. C’est Fabio qui va être content. Fin du spoiler

1 : C’est comme la tuberculose, sauf que les yeux du patient se remplissent de goudron et qu’il crache des cendres et du sang.

AVIS:

Nouvelle soumission peu inspirée pour le gars McNeill, dont le pedigree laissait espérer un résultat un peu plus concluant que ce tristounet, mais aptemment nommé, No Good Deed. Les reproches peuvent même commencer par ce choix de titre (que l’on peut traduire par Mauvaise Action), qui tue magnifiquement tout le suspense qui aurait pu/dû caractériser cette nouvelle. Certes, il n’aura pas échappé au lecteur un minimum attentif que quelque chose ne tournait pas rond dans cette histoire, la tonalité globalement positive et optimiste de cette dernière l’inscrivant totalement en faux avec le grimdark caractéristique de la BL (Warhammer Adventures mis à part – pour le moment – ), mais il aurait été élégant de la part du Mac de préserver les apparences sur ce point.

Le principal grief que je nourris à l’égard de cette nouvelle est toutefois autre. Que McNeill choisisse d’employer le topos, même plus éculé, mais carrément informe, du héros (prétendant être) amnésique au terrible passé1, soit. Mais qu’il ne se donne pas la peine de s’assurer qu’il ne commet pas d’impair fluffique dans la mise en place de son propos, c’est vraiment décevant de la part d’un auteur qui maîtrise à fond le background de la franchise2. Cela aurait pu, à la rigueur, être pardonné si la plume avait été tenue par l’un des rookies qui ont également participé au recueil Maledictions, mais la désinvolture confinant au je-m’en-foutisme pur et simple de Graham McNeill ne peut être passée sous silence. À côté de ça, le fait que sa soumission ne puisse être qualifiée d’horrifique qu’avec une extrême bienveillance de la part du lecteur (il a fait bien plus creepy par le passé, par exemple avec Three Knights) n’apparaît que comme un défaut mineur. Bref, beaucoup trop de complaisance pour cette fois, dommage.

1 : Les vieux de la vieille ne manqueront pas de faire le lien avec The Small Ones de C. L. Werner, au synopsis très similaire (un groupe d’enfants recueille un mystérieux inconnu trouvé dans la forêt qui borde leur village), et publiée en 2001 dans la première version d’Inferno !

2 : Spoiler Oskyr est trouvé nu comme un ver par les enfants, ce qui supposerait que les Imperial Fists qui l’ont balancé du balcon de la ruche ont pris le soin et le temps de lui enlever son armure avant de lui apprendre à voler. Et quand bien même, celà ne justifie pas la mystérieuse disparition de sa carapace noire, qui aurait dû alerter la Soeur Caitronia. Cette dernière semble enfin être affligée d’une myopie terminale et d’une inculture flagrante pour ne tiquer ni devant le gaabrit monstrueux d’Oskyr, ni devant l’Aquila Palatine tatouée sur l’épaule du gonze. Fin du spoiler

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Crimson Snow – L. Gray [AoS]:

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INTRIGUE:

Alors que les osts du bosquet de guerre de Feuillehiver (Winterleaf) affrontent une armée chaotique lors du traditionnel match du dimanche après-midi, les jeunes Dryades Kalyth et Idrielle, assignées à la buvette et à l’infirmerie, attendent patiemment que l’empoignade se termine dans la sécurité de la lisière. Le service sèvique de nos deux tendres boutures manque toutefois de connaître une fin aussi tragique que prématurée lorsqu’une paire de combattants, aussi altérés de sang l’un que l’autre, titube jusqu’à leur position, avec des intentions pas vraiment amicales. Fort heureusement pour les jeunottes, c’est la liste EELV qui finit par l’emporter sur celle de la Frange Insoumise1, mais la situation reste toutefois assez tendue, car le vainqueur du duel n’est autre qu’un Paria au self-control des plus ténus. Tout finit pourtant par rentrer dans l’ordre, l’esprit enragé reprenant de lui-même la direction du champ de bataille sans trucider ses camarades de classe.

Quelques heures plus tard, alors que la troisième mi-temps bat son plein sous les frondaisons, Kalyth se rend sur le pré pour porter secours à ses confrères et sœurs pouvant encore être sauvés repiqués. Elle tombe par hasard sur le même Paria, toujours aussi écumant, mais dont la transformation avancée en pâte à papier rend l’approche plus facile que précédemment, et, reconnaissante des services rendus, l’assiste dans ses derniers instants, ignorant au passage les recommandations de ses aînés à propos de la quarantaine à laquelle il convient de soumettre les sujets chancrés.

Cette bonne action pourrait cependant avoir de graves conséquences, car dès le lendemain, notre bonne âme se trouve inexplicablement attirée vers le refuge de Parias le plus proche lors de la mission de reconnaissance à laquelle est assignée, et acquiert rapidement la certitude qu’un Lumineux (Bright One) et sa colonie de parasites a élu domicile sous son écorce. Alors que son emprise sur la réalité se fait de plus en plus ténue, et que les voix demandant que la sève soit versée deviennent chaque jour plus insistantes, Kalyth arrivera-t-elle à mettre la branche sur de la bouillie bordelaise pour traiter son affliction avant de commettre l’irréparable l’imbouturable ?

: Les suivants du Chaos éprouvent des difficultés notoires à se coiffer. Pas évident de maintenir un brushing entre les casques intégraux et les mutations aléatoires.

AVIS:

Soumission sérieuse et appliquée de la part de Lora Gray pour ses débuts au sein de la Black Library. Reprenant les codes de l’horreur psychologique (la présence maléfique que le héros est le seul à ressentir, et qui finit par le rendre fou), relevés d’une touche de gore assez graphique (automutilation notamment, le truc qui marche toujours avec moi), Crimson Snow explore avec réussite un des aspects les plus sombres de la faction Sylvaneth, les mystérieux Parias, dont les causes de la folie sanguinaire sont encore mal connues. N’étant pas vraiment familiers avec les subtilités du background de cette armée, j’ai eu un peu de mal à assimiler le rôle joué par les Lumineux (un terme qui n’apparaît pas, ou peu, dans les textes canons) dans la propagation du mal, d’autant plus que la « matérialisation » du parasite de Kalyth s’opère dans gélatineux (?) un flou artistique ne facilitant pas la compréhension. Reste que la progression de l’intrigue vers sa funeste conclusion est suffisamment claire pour que tout le monde puisse s’y retrouver, néophytes comme vétérans. Pouce vert pour Gray, donc.

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Last of the Blood – C. L. Werner [AoS]:

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INTRIGUE:

La cousinade à laquelle le Baron Eiji Nagashiro a convié les membres de sa famille, et se tenant dans le faste de la forteresse du clan, commence sous de bien sinistres auspices. Comme tous les cent ans, en effet, cette noble lignée se retrouve la victime de l’antique malédiction qui la frappe depuis l’Âge des Cinq Princes, époque où le roi Ashikaga trouva malin d’asseoir son pouvoir en envoyant son bourreau personnel, Yorozuya, raser gratis les dissidents et toute leur famille, jusqu’au dernier beau-frère issu de germain par alliance. Ayant trouvé un moyen d’échapper à l’aristocide, les Nagashiro doivent cependant composer avec le retour régulier du fantôme de l’émissaire royal, qui traque les descendants du Baron Jubei, à raison d’une tête par mois, jusqu’à disparaître mystérieusement une fois sa rage immortelle assouvie (ou le coffre de sa Twingo rempli à ras bord, c’est selon). La saison de la prise de tête ayant commencé depuis maintenant quelques lunes, les cousins survivants se réunissent donc pour écouter la proposition du rusé Eiji, qui pourrait avoir trouvé le moyen de mettre en échec l’intraitable revenant.

Ayant fricoté plus qu’à son tour avec les secrets occultes de la non-vie1, Eiji convainc rapidement son auditoire, composé, entre autres parents, de sa mère, sa belle-sœur, une ribambelle de cousins et un petit cousin par alliance, de coopérer avec son plan, prétendument infaillible, qui permettrait à l’assemblée de feindre sa disparition aux yeux de leur bourreau, renvoyant ce dernier pourrir tranquillement dans quelque recoin humide du sous-monde. Malheureusement, si le décor mis en place par Eiji ne manque pas de cachet, l’efficacité de son rituel laisse toutefois sérieusement à désirer, et laisse notre apprenti nécromancien partagé quant à la suite à donner à son idée pas si géniale que ça. De leur côté, les Sacquet de Besace et autres Soucolline, considérablement refroidis d’avoir vu leur hôte perdre si soudainement la tête, s’égaient dans la demeure comme une volée de moineaux effarouchés, et constatent avec chagrin que feu le Baron a donné des ordres stricts à ses suivants pour que le couvre-feu soit appliqué. Il faudra donc, et c’est assez peu fréquent, éviter les flèches plutôt que de les suivre pour atteindre la sécurité – toute relative – de l’extérieur, ce fripon de Yorozuya ayant prouvé à maintes reprises sa capacité à rattraper les fuyards.

Coincés entre le marteau et l’enclume, ou entre le katana et les makiwaraya dans le cas présent, les invités optent pour différentes stratégies, plus ou moins couronnées de succès. Constatant que résignation, confrontation, tractation et invocation se sont toutes soldées par une décollation, le spirituel Toshimichi décide de tenter sa chance avec la réflexion, et passe en revue les éléments et évènements ayant pris place depuis son arrivée au château…

Spoiler …Bien lui en prend car il découvre rapidement que leur hôte est loin d’être aussi mort qu’il n’y paraissait, ayant mis en scène son propre trépas et piégé sa smala dans le seul but de devenir le dernier des Nagashiro. Il est en effet établi que l’ultime survivant de la lignée maudite bénéficie d’une protection impénétrable contre les assauts du spectre, qui disparaît alors prendre un siècle de vacances bien méritées. Bien à l’abri derrière son pentacle de craie noire, seule protection ayant été d’une quelconque utilité face aux ravages de Tonton Yoyo, Eiji se délecte à l’avance du succès de ses manigances, lorsqu’un brasero en fonte vient lui friser les moustaches et lui aplatir l’occiput, signe on ne peut plus clair du mécontentement de sa belle sœur devant sa bassesse éhontée. Ce deuxième décès étant définitif, Toshimichi ne tarde pas à découvrir qu’il est, de facto, l’ultime représentant de sa race, les horions du pauvre Yorozuya ne faisant plus que l’effleurer. Il peut en cela remercier l’homosexualité, désormais irréfutable, de son cousin Mikawa, dont le mariage avec la douce Otami n’a pas été consommé. Encore une fois mis en échec par sa malédiction, le spectre vengeur n’a pas d’autre choix que de prendre congé, et de ronger son frein pendant un nouveau siècle avant de pouvoir retenter sa chance. C’est plus qu’il n’en faut à Tosh’ et sa belle doche, qui comptent bien vivre et mourir de leur belle mort d’ici là. (Meta)carpe diem, comme on dit chez les Mortarques… Fin du spoiler

1 : Après tout, de Nagash à Nagashiro, la nuance est tenue.

AVIS:

À la lecture de cette nouvelle, comme d’autres avant elle, on peut soit décider que C. L. Werner ne se soucie guère du fluff d’Age of Sigmar, soit au contraire décréter qu’il est l’auteur ayant le mieux intégré toutes les libertés offertes par la nouvelle franchise de Games Workshop en termes de background. Les partisans de la première école mettront en avant l’absence quasi-totale d’éléments caractéristiques des Royaumes Mortels dans ce Last of the Blood, quelques mentions rapides à Nagash, Sigmar et Dracothion mises à part. Ceux de la seconde feront remarquer qu’avec huit Royaumes-Plans distincts à exploiter, et des milliers d’années à couvrir, il serait dommage de ne raconter que des histoires de Stormcast Eternals.

Chaque approche peut être défendue, et pour ma part, je préfère saluer la fantaisie de Werner plutôt que de m’outrer de son hétérodoxie manifeste. Son trip japonisant a beau détonner fortement avec les péripéties métalliques d’Hamilcar, Gardus et consorts, il serait dommage de bouder son plaisir, d’autant plus que notre homme trousse ici une petite nouvelle d’horreur ma foi assez réussie, et proposant au lecteur un double twist final pour sa peine, ce qui est toujours agréable. Certes, le fluffiste acharné ne trouvera pas grand chose à se mettre sous la quenotte, la culture particulière présentée par Werner n’étant vraisemblablement pas destinée à apparaître dans d’autres publications, mais l’amateur de nouvelles fantastiques sortira assez satisfait de cet exercice de style, qui démontre une fois encore la versatilité narrative de l’homme au chapeau. Je vous tire donc le mien, Herr W.

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Predation of the Eagle – P. McLean [40K]:

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INTRIGUE:

Retour sur Vardan IV en compagnie des braves bidasses du 45ème Reslian, déjà croisées dans le No Hero du même auteur (Inferno ! #1), où nous suivons cette fois les déboires d’une Compagnie entière alors qu’elle tente de mener à bien une mission d’infiltration et de reconnaissance derrière les lignes ennemies1. Notre héros, le Caporal Cully, un vieux de la vieille à qui on ne la fait pas, se retrouve en effet confronté à une situation des moins banales. Les hommes (et femmes, car Reslian est un monde paritaire) de son unité sont victimes des attentions homicidaires d’un mystérieux traqueur, dont la conception du fun semble inclure l’éventration de soldats impériaux, et la mise en scène de leurs cadavres selon un rituel bien particulier, incluant la réalisation de l’aquila impériale par leurs doigts raidis par la mort (et tenus en place par des bouts de lianes tressées, parce qu’il faut pas déconner non plus, ça bouge sinon). Ah, et notre énigmatique chasseur n’est pas non plus contre se tailler un petit steak dans le gras de la barbaque de ses proies, pour peu qu’elles soient bien en chair.

Malgré la mise en place de précautions élémentaires, et le fait que la moitié de la Compagnie soit constituée de vétérans de la guerre de jungle, et donc plus que capables de veiller à leur intégrité physique même sous le fin crachin et la légère boue caractéristiques de Vardan IV, le décompte des victimes continue son inexorable progression, au grand désarroi et déplaisir de Cully et de sa vieille garde (Rachain, Gesht, Steeleye), qui, au fil des jours, doivent se rendre à l’évidence : leur bourreau n’est pas un Ork super discret et super instruit (la version officielle), mais quelque chose d’autre. Ou quelqu’un d’autre…

Spoiler …Car, de manière cocasse et fortuite, il se trouve que le meilleur scout de la Compagnie, un dénommé Drachan, a été porté disparu dans la jungle trois mois auparavant. Drukhari en goguette mis à part, il n’y a que ce fameux Drachan, sans doute plus qu’un peu traumatisé par ces quelques semaines de camp de vacances en compagnie de GO (Gentils Orks) imaginatifs en termes d’activités, qui soit capable de tailler des croupières et des côtelettes à/dans ses anciens camarades. Entre deux accrochages avec les locaux, Cully et Cie décident donc de régler l’histoire le plus discrètement et définitivement possible, une fois que chacun a fait son deuil de l’ami ou l’amant que Drachan était pour lui avant que la fièvre verte ne le prenne. On ne piège cependant pas aussi facilement que ça un castor senior en plein Bois de Boulogne, et Drak the Ripper pratiquera encore quelques laparotomies au débotté (dont une sur l’officier en charge – théorique – de la mission, un jeune incapable tout frais sorti de l’école, et nommé Makkron… McLean serait-il un Gilet Jaune ?) avant de ne devoir rendre ses comptes devant Pépé… ou Gork et Mork, peut-être… Fin du spoiler

1 : À supposer que les Orks soient capables de tracer des lignes. Même juste un tout petit peu droites. Pas gagné.

AVIS:

Voilà une bien belle et glauque soumission pour l’ami McLean, qui confirme avec PotE (pour une fois que j’ai un acronyme pot-able sous la touche, autant l’utiliser) le pote-ntiel pressenti et espéré avec son initial No Hero1. Comme dans cette dernière/première nouvelle, l’atmosphère de combat de jungle, étouffante, humide, dangereuse et plus adaptée à l’Ork qu’à l’homme, est très bien rendue, avec toujours ce petit côté guerre du Vietnam, sans doute inévitable pour ce genre de parti pris littéraire, mais en rien désagréable. À celà vient s’ajouter le triple bonus d’une galerie de personnages beaucoup plus singuliers et intéressants que les survivants du peloton Beta (mention spéciale à la sniper Steeleye, authentique gueule cassée ayant eu le douteux privilège de se faire rouler une galoche par un Peau-Verte trop entreprenant, et dont la seule lecture des séquelles vous mettra mal à l’aise) ; une utilisation adroite des codes de l’horreur/gore par meurtres rituels interposés ; et l’inclusion d’une dimension thriller, certes rapidement évacuée par un McLean qui aurait pu continuer à laisser planer un peu de suspens sur l’identité de son boogeyman, lorsque le lecteur est invité à enquêter avec Cully sur les meurtres de son unité. Bref, un sans faute tant sur le fond que sur la forme, et dont l’inclusion dans un recueil de nouvelles d’horreur est tout à fait légitime, ce qui n’était pas évident pour une histoire de Gardes Impériaux. Qu’on se le dise, si elle ne se rend toujours pas, la Garde meurt en tout cas avec panache.

1 : D’ailleurs cet impayable Lopata, alias Ogryn, fait un petit cameo en début de nouvelle. Le clin d’oeil, c’est toléré, tant que ça ne sombre pas dans l’auto-like.

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The Last Ascension of Dominic Seroff – D. Annandale [40K]:

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INTRIGUE:

Eremus. Une planète poubelle (littéralement) comme l’Imperium en compte quelques centaines, un monde ruche en déréliction avancée n’accueillant que la lie des serviteurs de l’Empereur. Parmi ces derniers, nous faisons la connaissance d’un couple de vieilles canailles, le Seigneur Commissaire Dominic Seroff et l’Inquisitrice Ingrid Schenk, unis par une détestation commune et sincère envers l’irréprochable Yarrick, responsable de la disgrâce de nos deux larrons. Dom’ a en effet eu la mauvaise idée de ne pas sentir le vent tourner autour du gouverneur Herman von Strab lorsque Ghazghkull, tel le facteur (X) qu’il est au fond de lui même, est venu sonner pour la deuxième fois à la porte d’Armageddon, et a gagné le droit de superviser le recrutement des forces armées d’Eremus (dont la valeur et le mérite approche celles de notre Burkina Faso) pour sa peine. Schenk a quant à elle été prise la main dans le sac à expérimenter avec une souche de la Peste de l’Incroyance dans la banlieue de Molossus et des conditions pas vraiment cliniques, par l’intraitable Commissaire, qui s’est découvert des prérogatives policières sur ce coup1, et a bouté la Ressuscitationniste hors de son laboratoire à ciel ouvert (façon de parler pour un monde ruche), direction Eremus également.

Alors que nos crapules portent un toast à la mauvaise santé de leur Némésis, en regardant les épaves recrachées par le point de Mandeville le plus proche s’écraser sur les spires décaties de leur planète d’adoption, ce qui passe pour un dîner aux chandelles sur Eremus j’imagine, une explosion particulièrement féroce vient rompre leur train train habituel. Désabusés mais toujours prêts à faire leur devoir, Seroff et Schenk ne sont pas longs à prendre la direction de l’impact, qu’ils trouvent sujet à un émoi compréhensible mais très exagéré de la part des voisins, qui ont mis le feu au quartier dans leur panique et se comportent de manière très étrange. Ayant fait prisonnier un citoyen qui passait dans le coin, le Commissaire et l’Inquisitrice ont la surprise de le voir se changer en fleur de manière peu ragoûtante, puis en cendres de manière spontanée, sous leurs yeux incrédules. « Ce n’est certes pas un rhume des foins » étant le seul diagnostic que la docte Schenk est capable de poser suite à ce cas de biodégradation subit, décision est prise de retourner sur les lieux du crash, et d’installer le cordon sanitaire qui semble s’imposer à proximité de ce dernier.

Protégée par son scaphandre inquisitorial, Schenk arrive à approcher l’épicentre du problème d’assez près pour se rendre que ce n’est pas non plus la rhinite allergique qui est à blâmer sur ce théâtre, les diverses mutations affectant les quidams n’ayant pas eu l’intelligence d’aller voir ailleurs si l’Empereur y était ayant rapidement raison des nerfs de son escorte de Gardes Impériaux, tout comme de ses velléités d’étudier de plus près cette étrange épidémie, dans le but initial et avoué de regagner la faveur de sa hiérarchie. Optant pour une application stratégique et immédiate du principe de précaution, Schenk se dirige donc aussi vite que sa chaudronnerie lui permet vers le piquet tenu par son compère, ce qui lui laisse largement assez de temps pour constater que la maladie, en plus d’être une zoonose indéniable, semble également avoir des propriétés naonoses, ce qui est à la fois tout à fait remarquable et terrifiant. En effet, ce sont bientôt des quartiers entiers d’Eremus qui commencent à muter, rendant la tenue d’un cordon sanitaire efficace aussi vaine qu’illusoire. Ayant opté pour la sécurité toute relative de leur HLM de fonction, Seroff et Schenke croient leur dernière heure arrivée lorsque leur loft décide d’embrasser une carrière de sauteur en hauteur, guère concluante il faut le reconnaître (en même temps, la coordination musculaire est complexe quand on est une tour de plastacier de 50 étages), et rapidement interrompue. Miraculeusement épargnés par l’effondrement consécutif à cette monumentale crise d’épilepsie, nos héros se réveillent dans la soute d’un vaisseau, où les attendait, avec la bonhommie légendaire qu’on lui connaît…

iSpoiler…Typhus en personne. Le patron du Terminus Est n’a en effet pas digéré, et sans doute donc vomi, puis ré-ingéré, l’utilisation déloyale que Schenk a fait de sa peste de l’incroyance, soumise à copyright opera galaxii, comme toutes ses autres créations, et est venu sur Eremus pour régler l’affaire à l’amiante (c’est mieux qu’à l’amiable). Voulant faire les choses bien, il s’est fendu d’une nouvelle infestation, dont Schenk et Seroff ont pu constater l’efficacité et l’inventivité au cours des dernières heures, dans le seul but de prouver à la malotrue qu’il est toujours la bosse du game. Ayant amplement démontré le bien-fondé de sa cause, il termine en ôtant à ses hôtes la gracieuse et graisseuse immunité dont il les avait fait bénéficier jusqu’ici, avec des effets rapides et indésirables pour la pauvre Ingrid. Et Dominic, me direz-vous ? Comment se termine sa dernière ascension (c’est son histoire après tout) ? Eh bien, tout aussi mal, mais pour des raisons bien différentes, notre Seigneur Commissaire décédant d’une hypertrophie astragalaire (la maladie des chevilles gonflées) subite en réalisant qu’il n’était que le side-kick de la nouvelle. Vanité, tout n’est que vanité.Fin du spoiler

1 : J’ai un peu de mal à comprendre comment un Commissaire, fut-il aussi célèbre et influent que Seb la Pince, a pu avoir gain de cause contre un Inquisiteur chevronné rosetté, dont la mission suppose qu’il soit au-dessus de toute autorité, Pépé mis à part. Comme Annandale a consacré une abondante littérature à Yarrick, laissons-lui le bénéfice d’une explication crédible mais non décrite dans The Last Ascension…

AVIS:

Située en plein cœur de l’Annandal-ivers, The Last Ascension… permet à son auteur de convoquer deux des figures du fluff avec lesquelles les pontes de la BL l’ont autorisé à jouer, dans un cross-over par antagonistes interposés (je me comprends, peut-être que vous aussi), qui s’avère être davantage un délire personnel d’Annandale qu’une soumission intéressante à un recueil de nouvelles d’horreur. On peut ainsi reprocher à David son approche finalement très basique et peu inspirée des codes de l’épouvante, dont l’intégration à l’intrigue est aussi naturelle et appropriée que celle de navets dans une tarte aux fraises, pour tirer une comparaison culinaire. En faisant de l’horreur le vecteur de la peste qui frappe Eremus, Annandale répond certes au cahier des charges qui lui a été soumis, mais aux dépends de la cohérence et de la dynamique de son intrigue, qui était pourtant assez bien partie jusqu’ici.

Comme souvent avec la prose de notre ami canadien, une bonne et généreuse idée de base finit par s’effondrer sous le poids de sa propre kioulitude, fragilisée qu’elle est par l’incapacité de l’auteur à apporter des réponses satisfaisantes aux questions qu’un développement incontrôlé ne manque pas de générer. Ici, c’est donc la manière dont la peste se répand d’un hôte à l’autre qui fait débat, Annandale théorisant que c’est l’horreur générée par la vision des mutations qui propage l’infection. OK. Mais comment le patient zéro a-t-il attrapé cette vilaine grippe, si tout ce qu’il y avait à voir initialement était les ruines d’un crash aérien (un spectacle très commun sur Eremus) ? Et comment diable expliquer de manière un tant soit peu robuste que l’infestation puisse se propager à des bâtiments1 ? Bref, une soumission encore trop limitée pour prétendre à autre chose qu’à l’habituelle mention passable pour le sieur Annandale. De mauvaise augure quand on sait que la BL lui a demandé de participer à l’écriture du récit collectif The Wicked and the Damned en ouverture de la gamme Warhammer Horror.

1 : Vous l’attendiez tous, par un magnifique TGCMLC (It’s the Chaos, stupid). Ça faisait longtemps tiens.

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Triggers – P. Kane [40K]:

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INTRIGUE:

Le gouverneur du monde minier d’Aranium (ça ne s’invente pas), Tobias Grail, traverse une mauvaise passe. Alors qu’il jouissait paisiblement et profitablement des avantages conférés par son affectation à la tête de cette productive planète, en récompense d’une carrière distinguée au sein de la Garde Impériale, Grail est devenu la proie de rêves inquiétants, dans lesquels il a le pressentiment que quelqu’un cherche à lui dérober sa fortune. Une position telle que la sienne ne lui laissant pas le loisir de prendre quelques jours de RTT pour s’aérer la tête, notre héros prend donc sur lui et s’emploie à donner le change comme si de rien n’était, même si ses plus proches collaborateurs – à commencer par son bras droit/garde du corps/homme à tout faire/baby-sitter/ancien camarade de guerre Russart – commencent à remarquer et à s’inquiéter des sautes d’humeur et discours incohérents de leur supérieur.

Malheureusement pour Tobbie, la situation ne va pas en s’améliorant, aux cauchemars venant s’ajouter des hallucinations de plus en plus fréquentes et éprouvantes, dans lesquelles il assiste à des groupes de parole pour mutants et démons (comprendre que ces derniers se contentent de se réunir en cercle autour de lui pour l’encourager à continuer son bon travail, ce qui gonflerait sans doute son estime de lui, s’il n’était pas occupé à souiller son slip). Qu’il s’agisse de visiter un camp de travail une coopérative minière modèle, de superviser sa petite activité de contrebande de biens illicites d’import-export personnelle, ou d’aller aux p- de se détendre après une dure journée de travail au service de l’Imperium, Grail doit faire face à des crises dont l’intensité et la violence vont crescendo. Naturellement rendu un peu chafouin par ces épisodes psychotiques, le gouverneur finit par s’enfermer dans un isolement presque complet, dont seuls la tenue d’un grand bal masqué pour les notables d’Aranium, et l’épisode de paranoïa aigüe dans lequel il sombre après une remarque malheureuse de Russart, le convainquent de rompre. Mais si l’évènement commence sous des auspices favorables et tout à fait normaux, il ne faut pas longtemps avant que Grail n’expérimente le biggest and baddest trip ever, qui l’envoie baguenauder au cœur des Royaumes du Chaos, comme un Marius Hollseher du 41ème millénaire. Fou de terreur, notre héros sonne la fin des festivités, de manière très cavalière et peu protocolaire, il faut le reconnaître, et s’enfuit vers ses quartiers…

Spoiler…où il est rapidement rejoint par le fidèle Russart, qui lui apporte la solution à ses problèmes : une tablette de LARGACTIL 100 mg un tir de laser en pleine poitrine. Grail n’a que le temps de contempler une dernière fois le contenu de son coffre fort personnel, parmi lequel se trouve le médaillon qui lui a été remis en récompense de sa bravoure au combat lors d’une ancienne bataille contre les Orks, et sur lequel il arrive à distinguer la mention Made in PRC (Parasympathomimetic Realms of Chaos) avant que le rideau ne tombe. Exigez la qualité martienne, loyaux sujets de l’Empereur ! De son côté, Russart se révèle être une Callidus en mission, dont l’intervention était nécessaire pour empêcher Grail de livrer, sans doute involontairement, son fief aux Puissances Noires. Just another day in Pépé-dise…Fin du spoiler

AVIS:

Franche déception que ce Triggers (dont le choix de titre continue de m’échapper à ce jour), au vu de l’expérience de son auteur dans l’écriture horrifique. Nul doute que Kane doit être capable d’écrire des textes d’épouvante tout à fait respectables, mais son incursion dans les ténèbres de notre lointain futur s’avère être un acte manqué, la faute à une maîtrise limitée du background et une utilisation pataude de ce dernier. On ne peut pas reprocher à l’auteur d’avoir souhaité terminer sa nouvelle sur un twist final, élément indissociable tant du genre que de la littérature horrifique, mais il aurait été plus inspiré de ne pas se frotter à un concept aussi complexe que le Chaos pour ce galop d’essai, dont l’utilisation satisfaisante requiert un niveau de connaissance du fluff sensiblement supérieur à celui de Mr Kane au moment de l’écriture de Triggers. Non qu’il se vautre dans des contre-sens grossiers, mais son exploitation du thème de la corruption s’avère tellement insipide et contre-intuitive qu’elle dessert in fine son propos. Dans un Imperium d’un million de mondes, une intrigue tout à fait « classique » aurait l’affaire, et sans doute permis à Paul Kane de survivre à l’enfer de 40K de manière plus convaincante. Où sont les éditeurs de la BL quand on a besoin d’eux ?

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A Darksome Place – J. Reynolds [AoS]:

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INTRIGUE:

S’il est toujours compliqué de discuter des couleurs (surtout quand on parle à des figurinistes), l’égout peut-il, lui, être abordé de manière satisfaisante ? C’est en tout cas le postulat de Josh Reynolds, qui entraîne ses lecteurs dans les galeries souterraines de Greywater Fastness, métropole Ghyranite qu’il avait déjà explorée dans Auction of Blood. Une équipe d’égoutiers (underjacks1) sous le commandement du vétéran Tooms, est à la recherche de collègues portés disparus depuis quelques jours, ce qui n’augure rien de bon pour sûr. Alors qu’ils progressent vers la zone où leurs confrères se trouvaient lorsqu’ils ont cessé de donner signe de vie, les agents territoriaux de GF sont confrontés aux aléas classiques du métier, qu’il s’agisse de Troggoth en maraude, d’une infestation de champignons, ou de cadavres de catacombistes amateurs.

Il semble cependant certain que quelque chose de pas très sigmarite se trame dans les profondeurs des canaux, comme l’insinue la multitude de signaux que les Tooms Raiders ne manque pas de remarquer : d’où vient cette odeur de propre ? Pourquoi n’y a-t-il pas de rats ? Comment expliquer la prolifération de cet étrange fungus ? Qui diffuse le mystère des voix bog-lares dans le dédale des canaux ? Ajoutez à cela la disparition régulière et soudaine des membres de la fine équipe, jusqu’à ce que seul l’inébranlable Toto demeure, et vous obtenez un point d’alerte à remonter à la direction dans le rapport circonstancié de mission, pour sûr. Ce ne sont toutefois pas ces menues péripéties qui décourageront notre zélé héros d’aller au fond des choses, dans l’espoir, de plus en plus incertain, de retrouver son mentor – Agert – qui l’attend quelque part dans les profondeurs de Ghyran…

Spoiler…Et pour cause, Tooms finit par tomber sur le pot aux coulemelles – il n’y a pas de roses qui poussent dans les caves, voyons –, une rave party géante où la consommation de champignons est aussi massive qu’inversée (ce sont les fungi qui mangent les humains), sous le haut patronage d’une entité faite entièrement de spores, et sujette à l’adoration béate de ses proies alors même qu’elles succombent à la mycose (ce qui est toujours mieux que de succomber à la sinistrose, avouons-le). Introduit à cette dernière, une certaine Mme A. Larielle, dont nous respecterons les demandes d’anonymat, par son pote Agert, désormais totalement ravagé du bulbe, Mister T parvient à se défaire de la peer pressure et obtient la fermeture temporaire de la salle de spores en l’embrasant d’un jet de lanterne bien placé, avant de partir en rafting vers la civilisation. Cependant, alors qu’il tente désespérément de retrouver le chemin de sa cité bétonnée, il réalise que lui aussi entend désormais Lucy in the Sky lui retourner la tête avec ses délires de tangerine trees et cellophane flowers. Et le pire dans tout ça, c’est qu’il y prend (é)goût…Fin du spoiler

1 : On peut noter la fidélité de Reynolds envers cette noble profession, qu’il avait déjà mise à l’honneur dans une de ses nouvelles dédiées au très saint et très brutal ordre de Manann, Dead Calm.

AVIS:

Beaucoup d’atmosphère, mais finalement peu de contenu de la part de Reynolds dans cet A Darksome Place, son parti-pris de suspens autour des causes de la disparition des égoutiers, et de l’identité et motivations du responsable d’icelle, restant assez nébuleux d’un bout à l’autre du récit. Pour ma part, il a fallu que je me renseigne un peu sur Greywater Fastness pour comprendre les tenants et les aboutissants de la nouvelle, qui contient pour le lecteur averti une mini-révélation fluff assez intéressante. Il est dommage que les efforts consentis par l’auteur pour permettre une révélation spectaculaire à la fin de son récit (lieux oppressants, narration en flashbacks, catchphrase faussement bénigne – it’s a kindness // c’est une faveur – martelée à l’envie) n’accouche que d’une réalité que le lecteur avait sans doute percée à jour de lui-même quelques pages plus tôt, et d’une « bête » confrontation entre le héros et son antagoniste. Même le renoncement du premier, synonyme de victoire du second, à la toute fin de la nouvelle, se trouve affaibli par le peu de doute subsistant quant à l’issue finale de cette dernière. Bref, je m’attendais à mieux, et à « pire » de la part de Reynolds, qui une fois n’est pas coutume, ne tire pas le niveau général de l’anthologie vers le haut. Ca arrive Josh, ça arrive.

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The Marauder Lives – J. C. Stearns [40K]:

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INTRIGUE:

L’interrogatrice Monika a bien mérité de l’Imperium. Capturée et torturée pendant une décennie par l’Archonte Eldar Noir Kelaene Abrahak, aka la Maraudeuse1, après qu’elle ait réussi à attirer les forces de cette dernière sur une position tenue par une petite force inquisitoriale, et non occupée par une foule de réfugiés prêts à la cueillette, comme la Zoneille le pensait, elle a enduré les sévices physiques et psychologiques dispensés par sa cruelle maîtresse jusqu’à regagner enfin sa liberté, précipitant la fin de la Maraudeuse dans l’opération. Souffrant de nombreuses séquelles, dont des troubles de stress post-traumatique aussi compréhensibles qu’handicapants, elle a été placée en rééducation dans la maison de repos St Solangia, tenue par les Ordos sur une île située en plein milieu de la mer cressidienne. Recevant à intervalles réguliers la visite de sa mentor et amie, l’Inquisitrice Deidara, elle fournit à cette dernière de précieuses informations sur la société et la culture des ses anciens bourreaux, en tentant tant bien que mal de retrouver un comportement que le quidam moyen pourrait qualifier de normal.

Il est toutefois difficile pour une rescapée comme Monika de baisser sa garde, ses années de servitude lui ayant appris la valeur d’une méfiance absolue, confinant à de la paranoïa pure et simple pour un observateur extérieur, mais indispensable à la survie d’un résident de Commoragh. D’autant plus que sa maîtresse avait l’habitude de mettre en scène de fausses tentatives d’évasion au « bénéfice » de son animal de compagnie, pendant lesquelles Monika pouvait nourrir l’espoir d’avoir échappé à sa captivité, pour invariablement se rendre compte que cette farceuse de Maraudeuse avait tout organisé, et s’était jouée de ses efforts depuis le début. On comprendra aisément que cet innocent passe-temps ne favorise pas non plus la reprise d’une vie insouciante, car, au fond, qui pourra convaincre Monika que sa « liberté » retrouvée n’est pas la dernière manigance en date de sa tortionnaire, qui serait allée jusqu’à feinter sa propre mort pour convaincre son esclave de la réalité de la chose (après tout, quand on est une immortelle aussi sadique que friquée, on peut se permettre de réaliser ses lubies) ?

Alors qu’un ouragan s’apprête à s’abattre sur St Solangia, coupant l’institut du reste du monde pendant quelques heures, et que les signes d’une activité suspecte et maligne s’accumulent, Monika se retrouve confrontée à une question aux conséquences potentiellement pires que la mort : et si la Maraudeuse était encore à ses trousses ?

1 : Surnom donné à Kelaene par les autorités impériales après qu’elles aient remarqué la tendance de l’Archonte à effectuer des tournées de bienfaisance régulières sur les planètes humaines, où elle se fait un devoir d’offrir aux populations démunies tout le confort physique et spirituel pour lequel les Drukhari sont justement réputés. Des milliers de citoyens impériaux ont ainsi bénéficié d’un placement en centre d’accueil sur Commoragh. Bravo madame.

AVIS:

Quelle plus grande horreur peut-il exister que celle de ne pouvoir faire confiance à son propre jugement ? Vous avez deux heures, le temps de – peut-être – regarder un des classiques1 exploitant le filon de la subjectivité narrative pour faire douter le héros, et avec lui, le spectateur, de ce qu’il v(o)it. Pour ma part, je considère cette approche de l’horreur, pour peu qu’elle soit réussie, comme la plus intéressante et, il faut bien l’avouer, flippante qui soit. Tout l’art du narrateur consiste à ménager les interprétations possibles, de façon à laisser planer un doute sur ce qu’est, au final, la vérité. Et, comme dans toute bonne théorie du complot, c’est encore meilleur si rien n’est laissé formellement tranché à la fin du récit !

Vous l’aurez sans doute compris à ce stade, j’ai adoré The Maraudeur Lives, qui a selon moi parfaitement réussi à se positionner sur le créneau horrifique précédemment décrit. L’absence de balise spoiler dans la partie résumant l’intrigue est une preuve supplémentaire de la maîtrise par Stearns de son propos : il n’y a pour ainsi dire pas de twist final à préserver, car c’est au lecteur de décider en son âme et conscience si Monika a sombré dans une crise de paranoïa aigüe, dont il est impossible de la tirer de manière rationnelle, ou bien si elle est effectivement pourchassée par l’élusive Maraudeuse, et a absolument raison de ne faire confiance à personne. Il est tellement rare d’arriver à des résultats aussi « satisfaisants » à la lecture d’une nouvelle de la Black Library que je me devais de souligner cette performance de l’ami Stearns, et irai même plus loin, en justifiant l’achat du recueil Maledictions (en attendant que The Maraudeur Lives soit disponible à l’unité) sur la seule présence de ce texte au sommaire. Voilà une construction narrative qui mérite d’être étudiée dans les cours d’écriture, et qui viendra récompenser l’opiniâtreté et l’abnégation du lecteur BL, prêt à s’enquiller platitudes sur bof-erie (à ne pas confondre avec la beauferie, c’est très différent) à la recherche d’une des rares pépites que la maison reste capable de publier, de temps à autres. Profitez, profitez donc.

À ce déroulé impeccable vient en outre s’ajouter une « caractérisation » de Monika des plus fouillées et intéressantes, faisant bien comprendre au lecteur la profondeur du traumatisme subi, et en filigrane, les trésors de perversité dont sont capables les Eldars Noirs envers leur prochain. Si vous aviez besoin d’une nouvelle pour comprendre à quel point cette fin de race est infréquentable, c’est également votre jour de chance. Il n’y a qu’à suivre le déroulé d’une journée classique de Monika, depuis son réveil sous son lit (trop dangereux de dormir dedans), jusqu’à ses promenades aux aguets dans le parc de St Solangia, en passant par le contrôle régulier de l’absence d’injections intraveineuses, les caches d’armes improvisées et de nourriture à divers endroits de sa cellule, les repas qui prennent littéralement des heures à force de tests successifs d’innocuité, et l’entraînement rigoureux auquel elle s’astreint pour se maintenir au pic de sa forme, pour se rendre compte que Stearns a vraiment bossé son sujet, et s’avère tout à fait capable d’exploiter les bonnes idées qu’il a. Bref, une nouvelle à déguster et un nom à suivre au cours des mois à venir, si j’en suis seul juge.

1 : Psycho, Shining, Sixième Sens, Les Autres, Funny Games, Shutter Island… La liste est longue.

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The Nothings – Alec Worley [40K]:

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INTRIGUE:

La tranquillité monotone mais heureuse du Berceau, une vallée isolée abritant un village l’étant tout autant, est sur le point de voler en éclats, condamnant les ouailles du Roi Cornu à un destin des plus incertains. Responsables involontaires de cette rupture du statu quo qui perdurait depuis des générations, le jeune chasseur Cade et la scribe rebelle Abigael ont en effet déclenché la colère des Riens (The Nothings), ces mystérieux croquemitaines qui sont réputés hanter les étendues sauvages au delà du Berceau. Pour leur défense, nos tourtereaux n’avaient que peu d’options à leur disposition, l’impertinence et les questions incessantes d’Abigael ayant fini par creuser un fossé infranchissable entre la forte tête et le reste de sa communauté, qui ne se montre guère surprise lorsque l’objectrice de conscience demeure introuvable alors que tous se préparent à la fête de la moisson. Problème, cela ne peut signifier qu’une chose : Abi a pour projet de partir à la découverte du vaste monde, ce qui va à l’encontre des lois les plus sacrées du Roi Cornu, qui retirera sa protection aux habitants du Berceau et les laissera vulnérables aux maléfices des Riens, si un seul de ses fidèles passe les pierres gardiennes délimitant son domaine. Dans le plus grand des calmes, les Bercelais décident donc de partir à la chasse à la gueuse, préférant de loin perdre une brebis galeuse que de risquer l’ire de leur dieu caprin.

Refusant de se rendre coupable du crime que fomentent ses concitoyens, Cade parvient à leur fausser compagnie à son tour, et, tirant profit de ses talents de traqueur, se lance à la poursuite de sa dulcinée. S’il arrive trop tard à la frontière pour dissuader cette dernière de commettre l’irréparable, il a toutefois la joie de la voir réapparaître peu de temps après, brushing défait et toilette dérangée, visiblement poursuivie par un chasseur dissimulé par les hautes herbes marquant le début des terres extérieures (Lands Beyond), et ne pouvant être qu’un Rien ! Ayant pu constater que ses fidèles hachettes de jet ne connaissaient pas leur succès habituel sur ce type de proie, klong métallique à l’appui, Cade cesse rapidement de faire le kéké et se laisse convaincre par Abigael de rejoindre la sécurité du Berceau. Malheureusement pour nos tourtereaux, la malédiction du Roi Cornu est bel et bien sur eux, comme l’explosion soudaine des pierres gardiennes le démontre bientôt. Seule consolation pour les gaffeurs, leur perception du monde extérieur semble se clarifier jusqu’à des niveaux inédits, montée de version certes utile quand on veut gagner des followers Instagram, mais de peu de secours lorsque les monstres des légendes locales viennent prendre de vos nouvelles.

S’en suit un long épisode de fuite éperdue, Cade et Abigael parvenant à trouver une galerie à travers les montagnes, débouchant sur un portail scellé qu’ils arriveront toutefois à ouvrir, sans trop savoir comment, pour au final parvenir une nouvelle fois dans les terres extérieures. N’ayant plus guère le choix que de pousser toujours plus avant, les Riens n’étant jamais très loin derrière eux, les amants maudits poursuivent leur course folle à travers champ (de maïs pour le coup), sans parvenir à distancer leurs poursuivants. En désespoir de cause, Cade se met à prier le Roi Cornu, l’implorant de protéger sa bien-aimée du péril qui les guette… et a la surprise de voir son souhait s’exaucer, par l’intermédiaire de la matérialisation de l’avatar de la divinité, le fameux Faune Follet (Faun Light) – en vrai c’est une grosse biquette verte, mais c’est moins la classe –. Juste le temps de remettre la donzelle aux bons soins de cet Uber bêlant, et Cade, en bon chevalier bouvier servant qu’il est, dégaine sa dernière francisque, Cabrelle1, et se tient prêt à vendre chèrement sa peau alors que les Riens convergent sur sa position…

Spoiler…et se révèlent être, comme le lecteur l’aura certainement deviné, des Sœurs du Silence. Tout s’explique donc à peu près normalement, sauf pour Cade qui, tout à son zèle et à sa terreur – et son mal de crâne persistant, comme vous pouvez l’imaginer – a besoin d’être calmé manu militari par une grande chauve à la chaussure noire2, rendue un peu chafouine par la perte d’une oreille par un Cade nerveux de la hachette. Fort heureusement, l’escouade de Sistas dispose d’une porte-parole toute désignée, sous la forme de leur stagiaire Maia, qui peut brosser au jeune psyker un tableau rapide de la situation.

Ayant réussi à lui faire comprendre qu’il était dans son intérêt, et dans celui de sa chè(v)re et tendre, de coopérer, Maia et ses comparses se lancent à la poursuite de la chèvre de Mr Zuvassin, guidées par un Cade toujours méfiant, mais commençant à réaliser qu’il était le héros d’une nouvelle se passant dans un univers grimdark, et non dans un monde de high fantasy propret et bien famé, où les apparitions miraculeuses de patronus sont à prendre au premier degré. La suite des évènements donne évidemment raison à cette approche pessimiste des choses, l’innocente Blanquette s’étant muée en Ghorgon dans le court laps de temps s’étant écoulé entre la fuite d’Abigael et ses retrouvailles avec son aimé. Se nourrissant de la force psychique de sa protégée, la bestiole se révèle être très dure au mal, et sa capacité à regénérer de ses blessures de manière quasi instantanée, avant de disparaître sans laisser de traces, n’est pas sans poser quelques problèmes aux braves Sistas.

Pressentant que c’est à lui de mettre un point final à cette tragique histoire, Cade s’éclipse discrètement et, guidé par son goat sense, parvient à trouver le pied à terre où Abi et Djali se reposent. Incapable de convaincre la première de la duplicité de la seconde, il décide de prendre le chevreau par les cornes et balance littéralement tout ce qu’il a à la tête de l’imposteur. Son manque d’expérience et de maîtrise lui coûte cependant très cher, même s’il parvient à méchamment méchouiser le démon, qui se fait prestement bannir par une Abigael que le danger couru par Cade a finalement sorti de sa torpeur. Il est malheureusement trop tard pour notre héros, totalement grillé par son coup d’éclat. Ironie terminale pour pâtre sur le point de passer ad patres, il n’est même pas capable de prévenir Abigael du sinistre destin qui l’attend, ainsi que tous les psykers du Berceau, si elle suit les Soeurs du Silence qui viennent d’arriver sur les lieux. Son free ride dans le Warp lui a en effet révélé la manière dont l’Imperium met à profit ce type particulier de mutant, ce qui n’a rien de très sexy, reconnaissons-le. Moralité : (black) ships go to heaven, goats go to hell. Fin du spoiler

1 : Ça veut dire chevreau en occitan. Je marque des points de style.

2 : Je n’invente rien en plus. C’est tout ce qu’il y a de plus canon.

AVIS:

Cette longue nouvelle d’Alec Worley est intéressante à plus d’un titre. On pourra d’abord noter le soin que l’auteur prend de laisser hors de son récit tout élément pouvant le raccrocher de manière formelle et définitive à l’une ou l’autre des franchises de Games Workshop, jusqu’à la révélation qui prend place à la moitié de la nouvelle. Le suspens a ici fait long feu, du fait des balises placées en début de chronique, mais pour un lecteur découvrant The Nothings via Maledictions, la situation n’est clarifiée que tardivement dans l’histoire, ce qui est un parti pris digne d’éloges de mon point de vue. Cela permet en effet de rappeler que l’Imperium de Pépé est inconcevablement vaste, et que sur un nombre significatif de mondes, les connaissances que le Zhobbyisite moyen considère comme tout à fait triviales sur la situation du 41ème millénaire feraient tomber en syncope Mr et Mme Toulemonde. Worley s’amuse également à dépeindre les conséquences, souvent minimes mais parfois rédhibitoires, de l’éloignement et de l’isolement pour des planètes de second ordre, bien souvent laissées pour compte par l’Administratum une fois leur dîme payée. Ici, c’est l’Empereur lui-même qui en fait les frais, une couronne de lauriers mal dessinée et estompée par le temps ayant transformé le Maître de l’Humanité en Bestigor aux yeux des dévots Bercelais, sans que ces derniers soient conscients du terrible blasphème qu’ils commettent à leur insu.

La deuxième partie du récit, plus classique, permet toutefois à l’auteur de traiter quelques thèmes centraux du lore de 40K1, là encore avec une liberté et une fraîcheur de ton qui changent agréablement de l’ordinaire du lecteur de la BL. Même l’inclusion de factions bien connues de ce dernier prend une tournure assez particulière lorsque vu sous le prisme d’un couple de bergers naïfs, et pas d’une escouade de Space Marines ayant potassé leur Codex. À titre personnel, et pour faire le lien avec le thème du recueil dans lequel la nouvelle figure, j’ai apprécié le parti pris grinçant, mais fondé, de Worley sur ce qu’est l’horreur absolue pour le héros de sa soumission. Cade aura en effet de nombreuses opportunités de réévaluer sa position sur le sujet au cours de la nouvelle, et son ultime opinion risquerait fort de faire tiquer les Hauts Seigneurs de Terra, alors que notre chasseur stagiaire avait été un modèle de dévotion (un peu dévoyée il est vrai, mais pas de manière volontaire) à l’Empereur jusqu’à ce point. Que voulez-vous, toutes les vérités ne sont pas bonnes à connaître…

On pourra à la rigueur reprocher à The Nothings sa très (trop) longue séquence de course poursuite centrale, qui aurait gagné à être expédiée plus rapidement, ainsi que quelques WITJH2 commodes d’un point de vue scénaristique, mais assez délicats à justifier dès lors qu’on se penche sur la question. Sans doute un détournement professionnel, sans grande conséquence il faut le reconnaître, de la part de Worley, qui est auteur de comics à la base et connaît donc l’importance d’une narration rythmée. Reste que cette nouvelle demeure une lecture des plus satisfaisantes, qui changera agréablement le briscard de la BL de son ordinaire SF. C’est toujours mieux que… rien (pun intended).

: Spoiler Par exemple, pourquoi est-ce une mauvaise idée de laisse ses psykers sans surveillance ? Fin du spoiler

2 : Spoiler Well, It Just Happened qu’un Vaisseau Noir passait à proximité du Berceau au moment où Abigael décidait de se faire jeune fille au pair dans les terres extérieures. Comment expliquer sinon que les Riens se soient abattus sur le Berceau avec une telle rapidité ? Fin du spoiler

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En conclusion, et comme souvent dès que l’on se penche sur un ouvrage collectif, on trouve du bon et du moins bon dans ce Maledictions. Moi qui était de curieux de voir des « spécialistes » du genre opérer, j’ai dû me rendre à l’évidence que les meilleures soumissions provenaient de l’opposé du spectre, c’est à dire des auteurs récurrents et « généralistes » de la BL, ayant pour certains démontrés un talent indéniable à l’usage des codes horrifiques (Stears, McLean, Worley, Werner). À ce premier constat, il convient d’ajouter que c’est plutôt la « jeune garde » de la Black Library qui tire le mieux son épingle du jeu, les nouvelles de McNeill, Annandale et Reynolds n’étant pas les plus réussies du lot, pour autant que je puisse en juger.

Quoiqu’il en soit, et à quelques exceptions près (The Predation of the Eagle et The Maraudeur Lives, si j’en suis seul juge), le lecteur qui souhaite donner sa chance à la collection Warhammer Horror serait bien inspiré de ne pas s’attendre à des textes véritablement dérangeants, ni très différents d’une anthologie de courts formats Black Library non thématique. Comme dit en introduction, la nature intrinsèquement sombre et gothique des univers de Games Workshop (40K plus qu’AoS ceci dit, ce qui explique peut-être pourquoi le rapport de force est de 7 pour 4 en faveur des soumissions futuriste dans ce recueil) a toujours autorisé les auteurs qui le souhaitaient à flirter avec l’horreur, et certaines nouvelles publiées au cours des quelques trois décennies précédant la sortie de cet opus – eh oui, le temps file – s’avèrent être bien plus angoissantes que la présente collection. À titre personnel, je salue néanmoins la prise de risque de la Black Library, et suivrai avec attention les développements apportés à cette gamme nouvelle née, en espérant que Nottingham se donne (pour changer) les moyens de ses ambitions. À la prochaine !