Archives Mensuelles: avril 2016

HAMMER & BOLTER [N°20]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette chronique du 20ème numéro de Hammer & Bolter ! Derrière la couverture illustrée par la photo de classe d’Angron (il venait de rentrer en grande section de maternelle à l’époque), 4 nouvelles dont une mignardise (6 pages à peine) de Sandy Mitchell, encadré sur la feuille de match par un trio de rookies (Clapham, Cavallo et Josh Reynolds), en plus du désormais habituel chapitre des aventures de Gilead. Après un 19ème numéro confié à des valeurs sûres établies de la Black Library, cette nouvelle parution fait donc le pari de la jeunesse, et l’on aurait bien tort de s’en plaindre. Il faut bien renouveler le stock de temps à autre.

hammer-and-bolter-020

.

In Hrondir’s Tomb – M. Clapham [40K] :

In Hrondir's TombMark Clapham (ce qui peut se traduire par gifle-jambon, un patronyme intéressant s’il en est) signe ses débuts dans Hammer & Bolter avec cette nouvelle de loulous mâtinée d’Inquisition, un casting prometteur au vu des difficiles relations entretenues par ces deux factions dans le background de 40K. S’il ne récidivera pas avant l’arrêt de la publication du webzine, il a en revanche participé à quelques recueils de nouvelles mettant en scène le futur cauchemardesque imaginé par GW1, et a signé un roman, Iron Guard, évidemment centré sur la fameuse Garde de Fer de Mordian.

L’intrigue de In Hrondir’s Tomb (un bon point à l’élève Clapham pour ce choix de titre tout à fait lovecraftien dans l’esprit) se situe sur la planète de Beltrasse, enclave impériale convoitée par les Taus mais défendue avec acharnement par la Garde Impériale et au moins une escouade de Chasseurs Gris Space Wolves, menée par le très pragmatique (comme nous le verrons plus tard) Anvindr Godrichsson. La nouvelle s’ouvre en même temps que la cage thoracique du commandeur ennemi, proprement empalé par l’épée tronçonneuse d’Anvindr en dépit de la protection apportée par son exo-armure dernier cri (l’histoire ne dit pas si le malheureux gradé a eu le temps d’envoyer un mail au SAV de l’entreprise chargée de la production du modèle pour se plaindre des évidents défauts de qualité mis en relief par l’estocade du Space Wolf avant d’aller rejoindre le Bien Suprême). Pas vraiment beaux joueurs sur le coup, les Xenos décident de punir ce manque de savoir-vivre criant en railgun­-ant la cité où se déroulent les combats. L’un des membres de l’escouade SW ayant sans doute acheté un exemplaire de The Taros Campaign et mémorisé les stats de l’armement d’un Tiger Shark, nos héros décident rapidement de changer d’air, et parviennent à gagner l’abri de catacombes locales avant d’être réduits en rillettes.

Malheureusement pour les fils de Russ, la voie d’accès qu’ils ont empruntée pour accéder aux souterrains de Beltrasse se retrouve condamnée par quelques gigatonnes de gravats, les empêchant de revenir à la surface une fois le caca nerveux des rhinotmetosiens2 terminé. Comble de déveine, l’un d’entre eux s’est de plus débrouillé pour finir à moitié enseveli sous la caillasse, situation plus cocasse qu’autre chose pour les fiers Space Wolves, qui laissent donc leur malchanceux compagnon se gangréner en toute quiétude pour suivre le Garde Impérial venu s’enquérir de la source de tout ce raffut. Ils font alors la connaissance de l’Inquisiteur Montiyf et de l’Interrogateur Pranix (le gaulois), mandatés par l’Ordo Malleus pour étudier le tombeau de Hrondir, Space Marine du chapitre Exorcists ayant mené son dernier combat contre le démon qui menaçait d’asservir Beltrasse trois siècles plus tôt. Le hasard faisant bien les choses, nos loulous ont évidemment débarqué droit dans le mausolée de Hron’, et se retrouvent aux premières loges quand les civils ayant cherché refuge dans les catacombes commencent à tomber sous les coups d’un mystérieux tueur au micro-ondes (comprendre que les cadavres qu’il laisse derrière lui sont aussi brûlants qu’éparpillés). Assez indifférent au sort de bêtes humains incapables de voir dans le noir ni de flairer un paquet de cheetos à 300 mètres (autant de choses qu’un SW est capable de faire instinctivement), Anvindr se trouve forcé à agir quand son pote l’homme Jenga (Liufr de son petit nom) subit à son tour les assauts du kébabier dément. Se pourrait-il qu’une présence maléfique hante toujours la tombe de Hrondir ?

Copie moyenne pour Clapham, dont la démoniaque (mais non, c’est pas du spoil) nouvelle pâtit de personnages pas vraiment attrayants, d’une intrigue cousue de fil blanc et d’une mise en scène d’une platitude absolue.

Côté casting, le brave Anvindr se contente d’être un Space Wolf lambda, c’est-à-dire un SM plus impétueux, grognon et velu que la moyenne, sans d’autre caractéristique mémorable que sa capacité à parvenir à des conclusions (plus ou moins3) logiques un peu plus rapidement que le reste de sa meute. Ce n’est pas pour rien s’il a été élevé au rang de Capitaine (Obvious). De l’autre côté du ring, l’Inquisiteur Montiyf s’emploie fortement à jouer à l’éminence grise, mais son affligeant manque d’autorité (c’est le premier Inquisiteur que je croise au cours de mes lectures qui doit préciser son nom deux fois de suite à son interlocuteur, à croire que ce dernier ne l’écoutait pas la première fois4) et la totale désinvolture dont il fait preuve lorsqu’il se trouve confronté aux premières victimes de Gordon Ramsay5 le rabaissent au rang de sous-sous-sous Eisenhorn. Quant au démon qui fait office de boss de fin, il ne lui manquait que la parole pour voler la vedette aux Laurel et Hardy du 41ème millénaire, mais son mutisme permanent le relègue au simple rang de punching ball à tentacules.

Côté scénario, on ne saisit pas bien si Mark Clapham a tenté de nous faire le coup de maison (ou dans le cas présent, du caisson) hantée au premier ou au second degré. Les deux choix auraient pu marcher avec un peu plus de conviction de la part de l’auteur, au lieu de quoi son approche mi-figue mi-raisin laisse le lecteur sur sa faim (un comble). Il flotte sur In Hrondir’s Tomb une sorte de faux suspense sur l’identité du tueur, entretenu, sciemment ou non, par un Clapham qui ne se donne jamais les moyens de réussir sa sortie, ce qui est particulièrement embêtant quand on écrit des nouvelles.

Côté péripéties enfin, c’est service minimum à tous les étages. Les scènes d’action se révèlent d’une conformité ennuyeuse, les relations entre personnages superficielles et assez caricaturales6, et l’investigation laissée à sa portion congrue. L’affrontement final entre le familier de Hrondir et les impériaux est particulièrement caractéristique du traitement indigent de Clapham de son sujet, le grand méchant démon se faisant renvoyer dans le Warp comme un vulgaire mob, c’est-à-dire sans qu’aucune stratégie particulière ne soit en mise en place par les héros pour venir à bout de leur adversaire (il suffisait juste de lui taper dessus fort et longtemps), mise à part une rapide séance d’exorcisme torchée en deux trois mouvements en prologue à la baston. Blasant.

Au final, In Hrondir’s Tomb ne constitue pas une lecture des plus intéressantes pour l’habitué de la BL, qui a sans doute lu et relu le même type d’histoire une bonne dizaine de fois auparavant. On notera toutefois que Clapham a au moins le mérite de maîtriser un tant soit peu son sujet d’un point de vue fluff (il rappelle ainsi que le nom fenrisien des Space Wolves est Vlka Fenryka, détail que je ne pense pas être connu par la moitié des auteurs de la BL ayant trempé de loin ou de près dans l’univers de 40K), point fort qui gagnerait à être exploité par le newbie dans ses futurs travaux. Pour le reste, eh bien, il faudra bosser.

1 : L’un de ses textes, The Known Unknown, a le douteux privilège d’être accompagné par l’artwork le plus hideux jamais contemplé par votre serviteur, malgré plusieurs années à stalker le site de la BL. Si vous voulez vous venger de votre petit neveu de 5 ans qui a malencontreusement écartelé votre Mars Alpha Pattern Warlord Titan après l’avoir confondu avec Optimus Prime, voici un bon moyen de lui induire de beaux cauchemars made in 40K.

2 : C’est la beauté de la rédaction de chroniques littéraires pour des nouvelles se passant dans les univers de Games Workshop. Une minute vous êtes en train de chercher une expression originale pour désigner les Taus afin d’éviter les redites, la suivante vous découvrez qu’un empereur byzantin (Justinien II) a eu le nez tranché par ses rivaux politiques (toute forme de mutilation faciale étant apparemment disqualifiante pour le job)… et se l’est fait remplacer par une prothèse en or massif une fois rétabli sur le trône. C’est beau tout de même.

3 : Le héros de Clapham nous gratifie ainsi d’un magnifique syllogisme lors de « l’enquête » qui occupe le centre de la nouvelle. Le tueur est certainement un psyker, beaucoup d’Inquisiteurs sont des psykers, le tueur est donc l’Inquisiteur. Le chat de Socrate aurait adoré.

4 : Autre exemple lorsque nos héros finissent par établir que le démon banni par Hrondir 300 ans plus tôt est responsable des récents meurtres (bravo les gars !).

Anvindr : « … et j’en déduis donc que notre coupable est un démon. »

Montiyf : « Vous êtes sûr que ce n’est pas le Révérend Olive dans la véranda avec la clé à molette ? »

Anvindr : « Fous-toi de ma gueule, tiens. »

Montiyf : « … »

Anvindr : « D’ailleurs quand j’y pense, c’est vraiment étrange qu’un Inquisiteur de l’Ordo Malleus venu spécialement pour étudier la tombe d’un Space Marine du chapitre des Exorcists ne soit pas parvenu à cette conclusion plus tôt… »

Montiyf : « … »

Anvindr : « Oh, me dis pas que tu le savais depuis le début ! »

Montiyf : « Bien sûr que si, andouille. »

Anvindr : « Je devrais te graver le nom du camarade qui s’est fait braiser comme une banane plantain sur le bide avec mon épée tronçonneuse pour t’apprendre, mais j’imagine que ce serait mal perçu par l’Inquisition. »

Montiyf : « Certes. D’autant plus que mon autorité est absolue et que je n’ai pas à me justifier devant quiconque, excepté l’Empereur. C’est écrit sur ma fiche de poste. »

Anvindr : « Cause toujours Monty. En attendant, je vais tirer cette affaire au clair en ouvrant le tombeau de Hrondir pour voir si le démon s’y trouve. À moins que tu ne sois pas d’accord, bien sûr. »

Montiyf : « Je ne suis pas d’ac- »

Anvindr : « Rien à foutre. »

Montiyf : « Bon, ok. Mais ne dîtes pas que je ne vous aurais pas prévenu. »

5 : « Inquisiteur, il ne reste plus que de la pulpe des cinq personnes qui occupaient cette pièce ! Le meurtrier a agi tellement rapidement qu’aucun n’a eu le temps de crier… et il les a carrément carbonisés ! Que devons-nous faire ? »

« Bof, restez vigilants. Bye. »

6 : L’Inquisiteur sous-entendant lourdement aux loulous que ces derniers sont suspects à cause de la malédiction du Wulfen, à la suite de quoi Anvindr dégaine son magnifique sophisme sur les psykers. Hercule et Poirot sont à deux doigts de se foutre sur la gueule sur la seule base de leurs improbables déductions mutuelles lorsque la réapparition de Liufr (sous sa forme de papillote de bar) met fin à la confrontation.

Gilead’s Curse (ch. 7) – N. Vincent & D. Abnett [WFB] :

Gilead's CurseAprès 6 chapitres de Gilead’s Curse, je pensais, sans doute un peu naïvement, avoir pris la mesure du style d’écriture si particulier du duo (si tant est que l’on peut parler de collaboration) Vincent et Abnett. Mes espoirs de lire un roman feuilleton du calibre des précédentes soumissions Fantasy de Dan Abnett, seul (Les Cavaliers de la Mort, Fell Cargo) ou accompagné (Hammers of Ulric, Malus Darkblade) ayant été douchés dès les trois premières pages du premier chapitre de Gilead’s Curse, j’ai depuis oscillé entre consternation incrédule, fatalisme dépité et (mais ce fut plus rare) fugace espérance, dès lors que le niveau semblait décoller du moindre micron de l’abîme d’étrangeté pataude et punitive dans lequel cet OLNI (Objet Littéraire Non Identifiable) se complait la plupart du temps. Las, c’était oublier la loi de gravité universelle de cette bonne vieille pomme de Newton, dont l’influence, c’était couru d’avance, ne pouvait pas ne pas se faire sentir. À la relative accalmie des chapitres 5 et 6 devait donc succéder une nouvelle débauche de grand n’importe quoi, d’autant plus douloureuse et démotivante que je pensais vraiment (à tort) avoir aperçu le bout du tunnel au numéro précédent. Ma foi dans l’humanité finira par me tuer un de ces jours, tenez-le vous pour dit.

Pour rappel, le chapitre 6 s’était terminé par un double cliffhanger annonçant le dénouement prochain des deux axes narratifs majeurs de l’histoire, à savoir la confrontation finale entre Gilead et le Roi des Rats (d’une part) et entre Gilead et le Comte Vampire (d’autre part)1. Chose promise, chose due, notre épisode s’ouvre donc par le face à face tant attendu entre l’enfant chéri de Tor Anroc et le mâle alpha de la race skaven… et c’est à ce moment précis que tout commence à partir en sucette. Car si on pouvait encore mettre l’apathie manifeste dont nos deux personnages firent preuve l’un envers l’autre à la fin du chapitre précédent (bien qu’ils aient une liste de raisons longue comme la tronche de Gilou lors d’un bivouac sans rutabaga de se foutre sur le coin du museau) sur le compte d’une volonté de Vincent de renforcer la tension avant le règlement de comptes final, voir cet étrange statu quo se prolonger lors du chapitre 7 est par contre tout bonnement incompréhensible. Incompréhensible est d’ailleurs le qualificatif le plus approprié pour décrire le dialogue entre nos deux adeptes de la non-violence, dont le degré d’absurdité ferait passer La Cantatrice Chauve pour un drame bourgeois. En parallèle de cet échange de haut vol, Stuart Little prend littéralement un gros coup de vieux, son pelage passant soudainement au blanc (fatigue nerveuse sans doute), ce qui 1) permet au mot follicule de faire son apparition dans le champ lexical de la Black Library2, et 2) attise l’antipathie que notre Elfe éprouve pour lui à un niveau insoupçonné. Pourquoi ? On ne le saura jamais, mais Vincent se montre catégorique sur ce point.

Quelques étages plus bas, le trio des poursuivants se prépare à faire son entrée dans la grande salle du royaume skaven, où, une fois encore la race entière3 s’est réunie pour assister à un discours de son suprême leader. Malgré les atermoiements de Laban (le jeune elfe), qui rechigne à foncer dans le tas et à se tailler un chemin jusqu’à son grand cousin à la pointe de l’épée sans autre forme de préparation (option choisie par ses deux bourrins de compagnons), les membres fondateurs de l’Association des Amis de Gilead (AAG) optent malgré tout pour cette approche tout en subtilité et commencent à progresser vers le monticule servant de podium au Roi des Rats pour ses intervention publiques, laissant derrière eux les cadavres mutilés d’innombrables ratons. De son côté, notre héros choisit finalement de laisser la vie sauve à son ennemi, sans savoir pourquoi d’ailleurs, et pousse même l’urbanité jusqu’à défendre ce dernier des assauts de ses lieutenants. Sorti complètement exténué, tant sur le plan physique que mental, de ses cinq minutes d’entrevue avec son prisonnier, le fier despote murin des chapitres précédents n’est en effet plus qu’une loque impotente, tout juste bonne à marmonner des questions incongrues dans ses moustaches, faiblesse excitant logiquement la convoitise de ses nervis.

Long story short, les quatre protagonistes finissent par effectuer leur jonction, après avoir massacré les ¾ des skavens du Vieux Monde en quelques minutes, bien aidés il faut le dire par la gigantesque battle royal ayant éclaté après l’abdication de fait du Roi des Rats. Le tumulte engendré par cette mêlée dantesque ayant fragilisé cette partie de l’empire souterrain, Gilead entraîne ses nouveaux compagnons vers la surface, non sans avoir (enfin !) réglé son compte à sa Nemesis poilue, décapitée au ralenti par une Nik Vincent qui profite de l’occasion pour ajouter « derme » au lexique de la BL. Un de moins !

Si j’ai commencé cette revue en signalant d’emblée que ce 7ème chapitre constituait un nouveau jalon dans l’imbitabilité poisseuse qui caractéristique Gilead’s Curse, c’est parce qu’aux critiques déjà formulées au cours des précédentes chroniques vient s’ajouter une tare inédite. Passe encore que le style des Vabnett  soit ampoulé à l’extrême, que les personnages agissent de manière ou stupide ou incompréhensible, que le background de Warhammer ait été totalement vidé de sa substance ou encore que le récit soit déroulé d’une manière profondément ennuyeuse : ces défauts sont connus de longue de date et sont le lot des pauvres fous ayant choisis de persévérer dans leur lecture de cette œuvre profane. En revanche, il m’a été particulièrement pénible de constater que le binôme avait choisi d’innover dans l’innommable, en rebootant purement et simplement la personnalité d’un des personnages principaux (le Roi des Rats) en cours d’histoire. C’est bien simple, notre loustic perd subitement tout intérêt dans la quête d’immortalité qui constituait jusqu’ici son leitmotiv, se met à considérer Gilead comme son psychiatre et n’en finit plus de s’émerveiller sur son manque de connaissance sur les choses de la vie (sa dernière pensée – au moment où l’épée de Gilead lui tranche le col – sera d’ailleurs de noter que son sang est impur, même s’il ignore pourquoi). C’est un peu comme si Vincent avait oublié tout le character development précédemment mis en place et était reparti de zéro sur ce personnage. Avec le recul, on finit par en rire (on rit du roman dans son entièreté d’ailleurs), mais sur le coup, j’avoue avoir ressenti une véritable bouffée de colère devant cette nouvelle preuve de mépris adressée aux lecteurs de Gilead’s Curse. La lecture se serait faite sur une copie papier que cette dernière serait très certainement passée par la fenêtre ou aurait atterri dans la poubelle sans autre forme de procès. Heureusement que les ordinateurs et les tablettes sont moins facilement remplaçables.

Seule consolation à tirer de ce chapitre, la mort de super raton, qui ne viendra normalement plus polluer le récit de ses interventions délétères. On peut également espérer que le Comte rencontrera prochainement son destin sous la lame de Gilead, comme il le souhaite. Bien que doté d’un potentiel de nuisance moindre que l’autre antagoniste principal du roman, sa disparition permettrait de repartir sur des bases totalement nouvelles, qui ne pourront pas être pires que celles ayant soutenu cette première partie. En tout cas, je l’espère fortement.

1 : On notera à cette occasion que l’intrigue de Gilead’s Curse repose (jusqu’ici) entièrement sur un concours malheureux de circonstances. Si cette cruche de Brida ne s’était pas montée la tête sur la longueur de l’ombre du premier quidam venu dans le premier chapitre, Gilead n’aurait jamais fait la rencontre du Comte, ni ne se serait aventuré dans les tunnels des skavens. On peut légitimement parler d’un effet (tête de nœud) papillon.

2 : Je ne pense pas prendre un grand risque en affirmant que ce terme n’avait été jusqu’ici jamais utilisé par aucun auteur de cette noble maison d’édition.

3 : Ça doit être assez pénible pour les membres des clans Eshin et Pestilens de se taper l’aller-retour entre Nippon/la Lustrie et Skarogne tous les deux jours pour entendre grand-papi répéter sa litanie de longévité. D’un autre côté, ce n’est pas comme si ces clans existaient pour Nik Vincent. Problem (partly) solved.

The Talon of Khorne – F. Cavallo [WFB] :

Deuxième auteur à faire ses grands débuts dans ce numéro de Hammer & Bolter, Frank Cavallo n’a semble-t-il pas fait de vieux os au sein de la Black Library, sa seule autre contribution recensée étant une pige pour la franchise Gotrek & Felix, Into the Valley of Death. En même temps, se spécialiser dans Fantasy en 2012 n’était sans doute pas le choix le plus heureux avec le recul.

Notre récit s’ouvre par un petit matin frisquet d’automne dans le village de pêcheurs de Volfskul, quelque part sur le littoral de Norsca. Les habitants du lieu commencent à peine leur journée qu’ils se trouvent interrompus par l’arrivée d’une bande de maraudeurs, menée par le Seigneur du Chaos Vhorgath, fléau du Nord (ce qui en ferait de fait plutôt un allié des nations civilisées du Sud) et son second Ruaddon. Notre duo de choc est en effet à la recherche de guerriers dignes de ce nom pour renforcer leur petite armée, et leur Guide du Pillard – Norsca indique clairement que Volfskul est la communauté principale de la farouche tribu Peau de Fer, réputée pour sa férocité et les innombrables exactions qu’elle a commises lors de ses raids sur les terres des nations civilisées.

Manque de chance pour nos deux chasseurs de têtes, ils se rendent rapidement compte que le village est vide de tout homme capable manier les armes, comme le confirment rapidement les habitants du cru, guère impressionnés par l’arrivée d’une trentaine de maraudeurs surarmés et animés d’intentions pas vraiment charitables à leur porte (façon de parler, les maîtres d’œuvre locaux n’utilisant que des galets et du guano pour leurs constructions). Ce constat amer est confirmé par la version des Volfskullers, qui apprennent à nos wannabes Archaon que le lancement de la saison du pillage a été très retardé par une épidémie de varicelle, finalement enrayée par un sacrifice massif à ce coquin de Nurgle à la toute fin de l’été. Enfin libres de partir en mer après cette péripétie mineure, les derniers guerriers Peau de Fer ne sont pas encore revenus de leur transat Jacques Vabre au moment de l’arrivée du jury de la Nouvelle Star dans leur patelin. Légitimement déçus par la fin de non-recevoir leur ayant été adressée, Vhorgath et Ruaddon se passent les nerfs en mettant le village à sac, l’ombrageux Seigneur du Chaos n’ayant pas apprécié de se faire violemment clasher par la poissonnière pour sa peine.

Alors qu’ils s’apprêtent à repartir des ruines fumantes de Volfskul, les séides de Vhorgath tombent nez à nez avec l’ultime survivante de la tribu, qui s’avère être la fille du skald local. D’abord enclins à passer Assurancetourista au fil de l’épée comme le reste de ses petits copains, les maraudeurs décident finalement de la laisser en vie après qu’elle leur ait proposé de les mener jusqu’à la retraite du légendaire Scyla Anfingrimm, aussi connu sous le nom de Griffe de Khorne, illustre guerrier Peau de Fer s’il en est. Flairant l’opportunité de sauver les meubles en draftant au moins un nouveau suivant digne de ce nom, Vhorgath accepte le deal et ordonne à sa captive de le mener jusqu’au repaire de Scyla. Ce dernier s’étant établi à une journée de marche de ses concitoyens, la prisonnière en profite pour leur conter un épisode marquant de la saga d’Anfingrimm, à savoir la traque de Paul le Poulpe dans la baie des Lames1, malgré l’incrédulité hostile de Ruaddon face à l’awesomeness manifeste de Scyla. Arrivée à bon port, notre petite bande de super vilains paiera le prix fort pour son inculture2, laissant l’ultime survivante des Peaux de Fer libre d’aller exercer ses talents bardiques ailleurs.

The Talon of Khorne est une petite nouvelle comme je les aime, mettant en lumière un aspect du background canon superficiellement couvert par les Livres d’Armée pour le plus grand plaisir du fanboy de base. Figure chaotique bien connue, Scyla Anfingrimm est un des personnages nommés les plus intéressants de sa faction, sa déchéance finale étant symptomatique de la dangerosité intrinsèque des faveurs des Dieux du Chaos, pour qui la préservation physique et mentale des champions qu’ils récompensent n’est qu’un point de détail. Toutefois, ce n’est pas tant dans le récit de l’affrontement entre Scyla et le kraken de la Baie des Lames que se situe la principale plus-value du texte de Cavallo, mais bien dans sa description de la réalité « sociale » des Norscans. Sempiternellement envisagés sous le seul angle de la bande de maraudeurs ravageant les terres des nations civilisées dans le background, on en oublierait presque que derrière chaque Viking altéré de sang se cache une communauté de non-combattants, faisant de son mieux pour interagir de la manière la plus apaisée possible avec les bandes armées, créatures mutantes et manifestations démoniaques endémiques au Nord du monde.

En ce sens, la première partie de la nouvelle, où l’auteur décrit de manière assez crédible la genèse d’une armée chaotique (dont les guerriers ne se reproduisent pas par mitose, n’en déplaise aux plumes de la BL invoquant des centaines de milliers de combattants à chaque incursion dans les terres du Sud), est à mes yeux le meilleur passage de The Talon of Khorne, en ce qu’il dépeint de manière crédible les difficultés rencontrées par chaque chef de guerre au moment de mettre sur pied sa propre horde. De même, le stoïcisme hostile et effronté avec lequel les habitants de Volfskul accueillent l’arrivée d’un Seigneur du Chaos ne m’a pas semblé le moins du monde hors de propos, bien que l’on puisse être à première vue un peu surpris de voir un individu aussi dangereux et ombrageux qu’un Élu des Dieux Sombres se faire vertement rembarrer par la première matrone venue3 (avec des conséquences assez fâcheuses pour nos grandes gueules ceci dit). Cela colle en effet parfaitement avec l’image d’Épinal du fier nordique, exprimant le fond de sa pensée sans aucun détour même lorsqu’il aurait été plus intelligent de ménager la susceptibilité de son interlocuteur. Toujours dans la même veine, la conclusion de la nouvelle, qui voit le terrifiant Scyla se comporter en animal de compagnie protecteur envers la prisonnière de Vhorgath juste avant de réduire ce dernier et son escorte à l’état de protoplasme, est également intéressante, en ce qu’elle « humanise » légèrement l’Enfant du Chaos, qui malgré sa transformation et son exil, reste capable d’éprouver de la loyauté envers les membres de sa tribu (ce qui était d’ailleurs sous-entendu dans la partie background – La Bête de Firjgard – du Livre d’Armée Hordes du Chaos). Bref, merci à Mr Cavallo d’avoir normalisé un tant soit peu les habitants du Nord du Vieux Monde, qui ne diffèrent pas foncièrement de leurs congénères méridionaux dans la vie de tous les jours (on aurait tendance à l’oublier).

Seul léger bémol à signaler, le simili twist final venant conclure la nouvelle (Vhorgath et Ruaddon n’étant pas au courant de la déchéance de Scyla avant d’arriver dans son antre), dont on ne sait pas trop s’il était destiné au lecteur (probablement mieux informé que nos héros incultes sur la destinée d’Anfingrimm) ou bien ne concernait que les personnages de l’histoire. Vu le sans-faute réalisé par Cavallo par ailleurs, je pencherais davantage pour la seconde option, qui aurait alors gagné à être mieux mise en contexte afin de ne laisser aucun doute sur les intentions de l’auteur. Mais je pinaille.

1 : Vous ne vous êtes jamais comment un aquarium allemand avait récupéré un octopode marqué par Tzeentch en 2008 ? Maintenant vous savez.

2 : Scyla étant, comme chacun sait, un Enfant du Chaos à l’humeur mutine, et par là même assez insensible à la proposition d’embauche faite par un Vhorgath qui aurait mieux fait d’acheter le Livre d’Armée Guerriers du Chaos pour savoir à quoi s’en tenir plutôt que de claquer tout son fric dans un cimeterre enchanté. Morale de l’histoire : le savoir c’est le pouvoir.

3 : J’imagine que même Archaon a dû en passer par là au début de son parcours.

Archaon (niveau 5) : Ahem. Bonjour mes amis! Je m’appelle Archaon et je suis à la recherche de courageux guerriers pour intégrer ma garde personnelle, les Epées du Cha-

La grosse Hilda (PNJ) : Archaon, tête de fion !

Archaon (niveau 5) : O-ok. Je repasserai plus tard.

…Plus tard…

Archaon (niveau 88) : Nordiques ! Je suis de retour avec la bénédiction des Dieux du Chaos. Mon armée se prépare à noyer le monde dans le sang et le feu. Rejoignez-moi ou périss-

L’énorme Hilda (PNJ) : Ça fait longtemps que tu nous délaisseuh, vas-y Archie montre nous tes f-

Archaon (niveau 88) : Oh putain, c’est pas vrai.

Lords of the Marsh – J. Reynolds [WFB] :

Avec cette troisième nouvelle consacrée au templier Erkhart Dubnitz du Très Saint et Très Brutal Ordre de Manann en huit mois, Josh Reynolds s’impose indubitablement comme le Sarah Cawkwell de l’année 2 en terme de présence dans les pages de Hammer & Bolter, son jovial héros prenant (avantageusement, si vous demandez mon avis) la place du translucide Gileas Ur’Ten des Silver Skulls. Ça ne compense pas les exactions commises par Vincent et Abnett avec leur Gilead, mais ça équilibre au moins la situation. Je ne pense que le lectorat du webzine aurait survécu très longtemps à l’alliance des deux Gil’…

Une fois n’est pas coutume, Reynolds fait quitter à Dubnitz les bucoliques canaux de Marienburg et choisit de situer l’action de sa nouvelle dans les marais de l’estuaire du Reik. Envoyé par le Grand Maître Ogg en Averland afin de sécuriser un approvisionnement de destriers pour le compte de l’Ordre de Manann, notre héros est sur le chemin du retour en compagnie de deux représentants de la famille Sark, lignée de marchands ayant fait fortune dans l’élevage de chevaux. Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si Erkhart ne s’était pas, avec l’enthousiasme qu’on lui connaît, compromis quelques jours auparavant avec la moitié la plus gironde des plénipotentiaires Sark, au grand outrage de l’autre émissaire Averlander (frère de la précédente), très décidé à faire goûter à ce fripon de Dubnitz l’acier de sa rapière à titre de dédommagement. L’incident trouvant rapidement une conclusion (presque) non-violente par le biais d’un amical coup de boule assené par le templier au marchand, l’agitation retombe peu à peu sur le pont de la barge transportant tout ce beau monde vers sa destination… en même temps qu’un brouillard à couper au braquemart, dont on devine rapidement qu’il n’a rien de naturel. Et en effet, c’est le moment que choisit une bande de pirates menée par le tristement célèbre Quintus Fulmeyer, aussi connu sous le nom de Chien des Marais, pour aborder le bateau et, après un bref mais sanglant combat se terminant par la victoire des assaillants et la chute de Dubnitz dans le Reik, faire main basse sur sa cargaison.

Un templier de Manann ne pouvant pas décemment finir sa carrière noyé, le coriace Dubnitz réussit malgré tout à rejoindre la terre (plus ou moins) ferme, et se lance à la poursuite de Fulmeyer et de ses captifs, guidé par un pirate pas vraiment enchanté de se retrouver au cœur des étendues sauvages du Pays Perdu en pleine nuit, et à la merci des mystérieux « Seigneurs des Marais » auxquels les prisonniers doivent être sacrifiés avant la venue du jour. Intrigué par le salmigondis de son compagnon, Dubnitz essaie de lui tirer les vers du nez au sujet des protecteurs de Fulmeyer, mais ne parvient à rien de très concluant avant que le flibustier ne fasse une Charles VIII (comprendre qu’il décède brusquement de s’être cogné très fort la tête) sur une des pierres levées qui parsèment cette partie des marais. Soupçonnant l’intervention d’une tierce partie dans cette mort pas vraiment naturelle, notre héros n’a pas le temps de pousser très loin son investigation, son errance dans les marécages l’ayant conduit tout droit sur le chemin du reste des pirates. Déterminé à vendre chèrement sa vie contre ces immondes fripouilles, Dubnitz n’a pas le temps de se lancer à l’assaut des adorateurs de Stromfels que Fulmeyer dégaine un cor un peu spécial, dont la sonnerie a pour effet immédiat de faire tomber une brume des plus épaisses, d’où émergent finalement ceux que le lecteur un tant soit peu informé attendait depuis le début de la nouvelle, j’ai nommé les Fimirs1.

Profitant de l’attitude pour le moins attentiste des fameux Seigneurs des Marais, apparemment très à cheval sur le fait que leurs prisonniers soient dépourvus de toute volonté belliqueuse, et qui voient donc d’un mauvais œil (haha) la mauvaise volonté manifeste dont fait preuve Dubnitz à l’idée d’être faceplanté de force contre une des pierres de sacrifice Fimir2, le templier passe à l’action et engage Fulmeyer au corps à corps pendant que les Sark et les marins survivants font de même avec les pirates. Après une brève échauffourée au cours de laquelle notre héros réussit à confisquer l’instrument de son adversaire et à congédier les mécènes de ce dernier en sonnant la fin de la récré (comme on l’a vu plus haut, les Fimirs sont procéduriers à l’extrême, et n’eurent donc pas d’autre choix que de repartir dans la brume même si cela ne les arrangeait pas vraiment), les rescapés du camp des gentils repartent clopin-clopant vers Marienburg, non sans avoir laissé Fulmeyer et ses nervis derrière eux en guise de compensation. Tout le monde est content (ou presque).

Josh Reynolds a beau être mon auteur préféré parmi la jeune génération de la BL, et Erkhart Dubnitz être un des personnages les plus agréables à suivre parmi la ménagerie de protagonistes de Warhammer Fantasy développée au fil des ans, j’ai trouvé son Lords of the Marsh franchement en deçà de ses précédentes contributions. Sans être indigente, sa nouvelle pâtit surtout des nombreuses zones d’ombres entourant les Fimirs, dont les motivations et la nature de l’arrangement qu’ils ont conclu avec Fulmeyer restent trop nébuleuses pour permettre au lecteur d’apprécier à sa juste valeur l’inclusion de mythiques démons des marais de GW à l’intrigue. On ne comprend ainsi pas pourquoi les bad Alfs refusent absolument de toucher à Dubnitz tant que ce dernier fait mine de se rebeller contre son sort, alors qu’ils n’ont eu aucun scrupule à fracasser le crâne de son guide quelques minutes plus tôt (lequel ne devait pas être non plus franchement emballé par l’idée de repeindre le menhir le plus proche avec son liquide céphalo-rachidien), ni de faire subir le même sort à Fulmeyer et au restant de sa bande de bras cassés après qu’ils aient été sommairement bannis par le chevalier de l’OM (Ordre de Manann, pour ceux qui ne suivraient pas). De même, l’intérêt pour nos batraciens photophobiques de recourir aux services d’hommes de main pour leur livrer leurs victimes à domicile (c’est du Deliveroo customisé) est loin d’être évident, puisque ces derniers disposent déjà de toutes les compétences nécessaires pour aborder les navires passant à proximité de leurs antres, et n’ont pas particulièrement besoin de mercenaires pour leur faciliter le boulot.

Au niveau de la forme, j’ai également pu noter quelques marques de relâchement de la part d’un auteur jusqu’à présent irréprochable de ce côté-là. Mots manquants dans certains passages (à moins que Reynolds n’ait utilisé des tournures anglaises dont je n’ai pas réussi à percer le sens, ce qui est à la portée de notre homme), personnages secondaires moins bien développés que précédemment, et construction du récit moins dynamique et fluide, furent autant de petites scories venant dégrader le plaisir de lecture, comme si Reynolds n’avait pas eu l’envie ou le loisir de livrer un texte aussi peaufiné qu’à son habitude. On se consolera toutefois en notant que la partie fluff est elle restée égale à elle-même, c’est-à-dire conséquente et pertinente, ce qui constitue une source de satisfaction certaine. On ne peut qu’espérer que ce (léger) coup de moins bien sera rapidement corrigé par un Josh Reynolds dont on peut légitimement attendre beaucoup, beaucoup mieux.

1 : On notera au passage qu’il s’agit de la deuxième nouvelle publiée dans Hammer & Bolter à intégrer ces sympathiques cyclopes à son casting (la première étant Marshlight de C.L. Werner – Hammer & Bolter #8). Pas mal pour une race délaissée par Games Workshop depuis la fin des années 80 !

2 : La méthode d’exécution employée par les Fimirs n’est en effet pas piquée des vers. Le prisonnier est hissé en haut de la pierre où une corde lui est passée autour du cou, puis est précipité en contrebas. La corde étant plus courte que la hauteur de la chute, le malheureux s’écrase tête la première à la surface du rocher, avec des conséquences généralement fatales. Les Fimirs de Reynolds ont l’air d’être passés maîtres dans cette technique, mais le mode opératoire me paraît toute de même très compliqué, pour une efficacité loin d’être garantie (ça doit tout de même faire très mal, je le reconnais). Josh Reynolds étant un des auteurs les plus calés en matière de fluff, je pensais qu’il avait tiré ce particularisme d’un ancien texte de background, mais n’ai rien trouvé à ce sujet.

A Mug of Recaff – S. Mitchell [40K] :

A Mug of RecaffOn termine ce numéro avec un petit digestif littéraire judicieusement nommé, commis par un Sandy Mitchell plus que jamais attaché à son personnage fétiche de Ciaphas Cain Ferik Jurgen. Ayant juste terminé la purge d’une maison de passe en compagnie de son bien-aimé supérieur, notre odoriférant héros se met en quête de la cuisine afin de procurer au Héros de l’Imperium une tasse de recaff bien méritée. Manque de pot pour Jurgen, la pièce est déjà occupée par un cultiste survivant, ayant quelques aptitudes en matière d’invocation de démon1.Manque de pot pour l’hérétique et son familier, Jurgen est un Paria, et n’a donc aucun mal à calmer les ardeurs homicidaires de Ringo et Sheila d’une rafale bien placée de son fidèle fusil laser. Bon, où est la cafetière maintenant ?

Le principal intérêt de A Mug of Recaff est de donner à Jurgen sa minute de gloire en le mettant aux commandes de sa propre nouvelle. Comme toujours avec Mitchell, le ton est assez léger et contraste fortement avec la sacro-sainte atmosphère gothique qui imprègne la majorité des écrits 40K. Le quatrième mur n’a jamais été plus fin que lorsque Sandy tient la plume…

1 : Sheyla de son petit nom. Véridique.

Au final, un numéro assez moyen mes pauvres amis. Le léger coup de moins bien (passager, espérons-le) de Reynolds permet à Cavallo de s’imposer comme le meilleur contributeur de cette fournée, même si sa nouvelle tape plus dans l’encourageant que dans l’enthousiasmant. Les débuts de Clapham s’avèrent quant à eux assez peu spectaculaires, mais laissons au bonhomme le bénéfice du doute. La soumission de Mitchell, pour sympathique qu’elle soit, tient plus du caméo qu’autre chose. Reste l’habituel chapitre de Gilead’s Curse, qui démontre avec force que le duo Vincent et Abnett est plus que jamais en roue libre et évoque plus une séance d’écriture automatique inspirée par une mauvaise série med-fan qu’un travail de professionnels. See you soon !

HAMMER & BOLTER [N°19]

Bonjour à tous, et bienvenue dans la chronique du 19ème numéro de Hammer & Bolter ! Je vous avoue que la lecture de la couverture de cet opus m’a fait présager, non pas du pire, mais du moyen, perspective guère emballante au moment de s’atteler à la rédaction d’une chronique. En cause, la présence au casting du besogneux brelan de la BL, j’ai nommé Mrs Counter, Thorpe et Kyme (en plus de la récurrente Vincent et du perpétuel Abnett). Auteurs bien établis au sein de la noble maison d’édition de Games Workshop, nos trois gaillards partagent en effet une tendance pour la prose SF/med-fan sans saveur, même si la soumission de textes intéressants n’est pas au-dessus d’eux (pas sûr pour Kyme, il faudrait que je cherche dans mes notes de lecture). Les voir truster la table des matières d’un numéro de Hammer & Bolter n’augurait donc pas du meilleur pour ce dernier, même si on n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise. Et effectivement…

hammer-and-bolter-019

.

Irixa – B. Counter [40K] :

IrixaTel Joséphine Baker, Ben Counter a deux amours : la tête de veau sauce gribiche et écrire sur les Imperial Fists (ou leurs chapitres descendants). Bon, j’avoue que je ne suis pas tout à fait sûr de ma première proposition (je lui poserai la question la prochaine fois que je le croise), mais aucun doute n’est permis quant à la seconde, et cette nouvelle soumission à Hammer & Bolter en apporte la preuve éclatante. Irixa ne traite en effet pas d’une lotion anti démangeaison miraculeuse, d’un complément alimentaire à base de jinseng, de curcumin et de pot de yaourt ou d’une offre de placement à taux garanti de 87% (autant de suppositions pourtant valides, vu le nom de la nouvelle), mais bien de l’héroïque Premier Capitaine des Fists, l’imprésentable Darnath Lysander. Catapulté à la peu enviable position de maître de conférences pour une poignée de novices du Chapitre, sans doute suite à un défi perdu contre le roué Vladimir Pugh, Lysa prend le parti d’instruire ses charges en prenant comme exemple trois engagements de l’histoire des Fists ayant mis le commandant de ces derniers devant un choix cornélien.

Le premier exemple vit le capitaine Siculus résister à la tentation d’aller chasser un Acanthaspis petax1 fait Emperor’s Children pour la simple et bonne raison qu’il avait une colonne de réfugiés à escorter au spatioport le plus proche. Le second mit l’impétueux Hamander face à ses responsabilités lorsqu’il choisit d’aller récupérer avec quelques copains l’étendard de sa 7ème Compagnie2, abattu en même temps que le Thunderhawk le transportant lors d’une retraite stratégique. Malgré le fait que la plupart de ses collègues lui fissent part en termes non incertains de la stupidité d’aller risquer la vie de Space Marines pour chopper un bout de tissu, Hamander préféra la gloâre à la raison et s’en alla chercher l’étole… pour au final se prendre une tôle, les Eldars ayant envoyé rien de moins qu’un Avatar de Khaine pour les représenter au jeu du béret.

Utilisant ces deux anecdotes pour faire réfléchir ses pupilles aux responsabilités d’un Space Marine, Lysander conclut son cours magistral par un dernier récit, beaucoup moins connu que les précédents. Extrayant une douille de bolt de son tote bag Camaloon (car oui, on peut ne jamais quitter son armure terminator et néanmoins être un hipster hyper pointu3), il se lance dans la narration de l’expédition du Chapelain Belisar sur le monde hostile (il pleut des galets tout de même) de Xanatar, à la recherche des wanabees renégat du chapitre des Venom Thorns, dont les velléités de débuter leur Ultramar personnel à partir de cette planète pas vraiment sympathique mais néanmoins propriété de l’Empereur, passèrent moyennement bien auprès des autorités compétentes. Ayant filé rencart au Capitaine Tek’Shal (un ancien pote rencontré à la faveur d’un Festival des Lames) près d’un tas de cailloux particulièrement pittoresque, Belisar tenta de raisonner son buddy à coups d’arguments bien sentis, puis, constatant le peu de succès de sa méthode, dégaina sa pétoire et mit en joue l’apprenti Guilliman. Tirera, tirera pas ? Tout comme Siculus et Hamander, Belisar s’est retrouvé devant un choix sans solution évidente : descendre de sang-froid un frère de sang qui ne lui avait personnellement rien fait ou laisser partir un Space Marine félon ? Laissant les bleu jaune-bites méditer sur ce qu’ils auraient fait à la place de leur (pas si) illustre (que ça) prédécesseur, Darnie remballe son grigri gravé de l’acronyme IRIXA (Imperator Rex In Xanatar Aeternam), sonne la fin de la classe et part s’isoler dans son petit coin privé du Phalanx, qui se trouve être une salle accueillant une statue en pied de Belisar. La nouvelle se termine avec la révélation de comment le face à face entre ce dernier et le tourne-casaque s’est réellement conclu4, épisode ayant apparemment profondément marqué le jeune Lysander pendant son propre noviciat, et dont il tire une partie de sa légendaire fortitude. The end.

Avec Irixa, Counter corrige de fort belle manière le presque faux pas qu’avait été le Vermillion soumis quelques mois plus tôt dans Hammer & Bolter #17. Bénéficiant d’une structure narrative bien mieux définie, alternant plaisamment et assez cinématographiquement les passages de questions-réponses entre Lysander et ses élèves et le récit des trois épisodes servant de base à la leçon de ce dernier (ce qui permet à Counter de mettre en scène quelques scènes d’action plutôt honnêtes), abordant de manière intéressante la relation pas forcément évidente entre le sens du devoir et la fierté martiale d’un Space Marine, et se terminant par une conclusion en bonne et due forme agrémentée d’une mini révélation pas vraiment capitale mais néanmoins sympathique, Irixa est un travail sérieux auquel on ne peut pas reprocher grand-chose. Construit sur le même modèle qu’un autre succès indéniable de Counter (Sacrifice – Victories of the Space Marines), Irixa est à mon avis l’un des meilleurs courts formats de ce pilier de la BL.

1 : Aussi connu sous le nom d’assassin bug, l’acanthaspis petax est une punaise de Malaisie utilisant le corps de ses proies comme armure. Pareillement, le Capitaine Cohpran Vaa’eigoloth s’est façonné un bouclier avec les parties les plus nobles d’un malheureux Archonte Eldar. Le plus drôle est que le zoneille est encore vivant, et peut donc faire office d’enceinte Bose de secours si le Guide Eternel souhaite organiser une petite soirée à l’improviste.

2 : Avec un matricule pareil, il n’aurait guère été étonnant que les héroïques sauveteurs se révèlent être des bras cassés de première, ce qui n’a évidemment pas manqué (merci Ben de respecter les classiques de la cinémathèque française). Ma scène préférée reste le moment où l’un des deux Thunderhawks ayant rebroussé chemin pour porter secours à l’arrière garde des Fists se crashe tout seul dans un bâtiment en feu, condamnant de fait ses occupants à faire le chemin du retour à pied. Le théâtre des opérations étant une ville en ruines grouillant de Dragons de Feu se croyant au Burning Man et de Banshees fans de Captain Beefheart, cette randonnée pédestre ne pouvait pas bien se terminer.

3 : D’ailleurs, Lysander a la coupe de cheveux et la barbe d’un mec qui écoute des bootlegs de Pigeon Haggard (le demi-frère alcoolique et bipolaire de Merle) au 41ème millénaire.

: Pour faire simple, disons que ça c’est fini par un « Take that Tek’shal ».

The Lion (part III) – G. Thorpe [HH] :

The LionGrand final du plus long format jamais publié dans un numéro de Hammer & Bolter (romans feuilletons mis à part), le troisième acte de The Lion débute par la proclamation d’un fragile cessez le feu entre les belligérants de Perditus, la mauvaise volonté manifeste exprimée par Typhon ne faisant au final pas le poids face aux méthodes de négociations musclées d’El’Jonson1. Ce dernier arrive (finalement) à la surface de la planète aussi sapé qu’un maquereau de GTA, et pénètre dans la station de l’Adeptus Mechanicus, où l’attend Tuchulcha, boule à facette géante et accessoirement intelligence artificielle ayant asservi le système de Perditus jusqu’à ce qu’il soit libéré par l’effort combiné des Dark Angels et de la Death Guard. Epargné après sa défaite à fins d’études par le Mechanicum, Tu-pues-le-chat est le prix tant convoité par Typhon et Midoa, chaque camp cherchant à priver l’autre de la possession d’une machine au potentiel aussi extraordinaire que son humeur est taquine (du genre à envoyer des vaisseaux dans le Warp sans prévenir – ce qui n’est pas sympa – ni enclencher leurs champs de Geller – ce qui n’est franchement pas sympa –).

Au début pas franchement emballé par le tour qu’ont pris les expérimentations des prêtres rouges depuis son départ de Perditus, puis carrément effrayé par la puissance de HAL 30.000, Lionel décide de finir ce qu’il avait commencé il y avait des années et de détruire Tuchulcha… en apparence. Il annonce donc aux capitaines des autres Légions que la station de recherche de Perditus va être oblitérée afin que nul ne puisse être tenté d’utiliser le Tuch’ à des fins malavisées. Peu satisfait par cette décision, Typhon profite de la clémence du Lion à son égard pour se téléporter au cœur du complexe du Mechanicum2 afin de convaincre Tuchulcha de repartir avec lui sur le Terminus Est. Confiant dans sa survie (d’ailleurs il n’était même pas sûr qu’un Exterminatus soit capable de venir à bout de cet engin démoniaque – sans doute conçu par Nokia à la base –), ce dernier renvoie gentiment les Death Guards à leurs chères études et sur leur vaisseau, juste au moment où un Lionel vraiment furax de constater qu’absolument tout le monde le prend pour un con(combre) arrive à son tour dans la station et commence à botter des derches de Prouteux (résultat des courses : une paire de pompes en croco de Caliban3 bousillée).

La nouvelle se termine avec un Lion El’Jonson ruminant de bien sombres pensées, seul dans sa salle du trône (NDR : non, il n’est pas aux chiottes). Ayant au final récupéré Tuchulcha, qu’il compte utiliser pour mettre fin à la Croisade de Thramas une bonne fois pour toutes, il médite sur les derniers développements de la rébellion d’Horus et sur le comportement plus que suspect de Roboute Guilliman (qu’il ne semble d’ailleurs pas vraiment porter dans son cœur4) avec un de ses Jawas de compagnie (qui lui confirme ce que Cruze lui avait susurré à l’oreille sur Tsagualsa : les Dark Angels restés sur Caliban sont sur le point de faire sécession). Il en profite également pour exposer ce qui sera son grand dessein pendant l’Hérésie : s’assurer qu’aucune Légion, loyale ou non, ne sorte du conflit assez puissante pour pouvoir menacer le règne de Pépé. Une ligne de conduite plus que borderline, en cohérence avec les agendas secrets développés par la plupart des Primarques au cours du conflit (j’écris la plupart car je ne pense pas qu’Angron goûte aux plaisirs de la realpolitik), dont l’exposition permet de conclure The Lion de fort belle manière.

Bénéficiant grandement des révélations fluffiques amenées dans les dernières pages du récit, ce troisième volet n’est pas moins exempt de défauts, dont le premier est à mes yeux le traitement subi par Typhon sous la plume de Thorpe. Dépeint comme un demeuré fini en matière stratégique (toutes ses décisions intelligentes lui sont en fait soufflées par un sous-fifre) et comme une grande gueule prompt à insulter un Primarque, tout en sachant pertinemment que cela risque de se retourner contre lui et ses hommes5 (il doit faire des Périscopes, c’est pas possible autrement), le premier Capitaine de la Death Guard ne sort pas grandi cette nouvelle. À l’inverse, Lionel regagne en profondeur ce qu’il avait perdu pendant le 2ème épisode, son positionnement toujours plus ambigu par rapport aux forces en présence de l’Hérésie s’inscrivant fort bien dans le background, historiquement et canoniquement trouble, des Dark Angels en ces heures décisives. En auteur vétéran, Thorpe prend de plus bien soin de donner aux fanboys ce qu’ils veulent, c’est-à-dire des révélations fluffiques ayant une véritable portée sur le développement de l’Herésie d’Horus. Même si on n’est pas au niveau du twist final de Legion, c’est toujours sympa de voir des personnages importants se « griser » au fil des pages, et force est de reconnaître que Gav a fait honorablement le job de ce point de vue-là.

Autre source d’insatisfaction, les quelques failles de cohérence relevées en cours de route, la plupart découlant directement d’une utilisation trop bornée des pouvoirs de téléportation dont bénéficient les protagonistes de l’histoire, et qui auraient dû selon toute logique empêcher l’apparition du statu quo mis en scène par Thorpe sur Perditus (seul moyen pour que Lionel puisse arriver sur place à temps pour régler la situation). Entre Typhon qui se souvient soudainement qu’il n’a pas besoin de jouer au tower defense avec les Iron Hands pour accéder à Tuchulcha, et ce dernier qui attend obligeamment sur sa planète minable que Lionel vienne le chercher alors qu’il a certainement les moyens de précipiter leur entrevue, la crédibilité SF du récit est largement battue en brèche, ce qui est toujours dommage dans un nouvelle de 40K.

Ceci dit, le bilan est au final assez positif pour The Lion, qui se révèle être un long format digne d’intérêt et à la lecture divertissante. À l’inévitable question : « n’y avait-il pas moyen de faire la même chose en trente pages ? » j’apporterai une réponse négative, la longueur du récit permettant à Thorpe de peindre son sujet par petites touches, un parti pris s’avérant au final plus judicieux qu’un descriptif ramassé sur quelques lignes ou pages. Cet espace supplémentaire permet de plus à l’auteur de débuter quelques intrigues secondaires (Lionel qui doute de la loyauté du capitaine de l’Invincible Reason, Typhon qui voulait récupérer Tuchulcha pour le compte d’un mystérieux commanditaire, la probable présence d’agents du Dark Mechanicus parmi les gardiens de Tuchulcha) ne demandant qu’à être explorées dans d’autres récits. Pas mal Gavin, pas mal du tout.

1 : Lionel: Bon je te préviens coco, si tu ne fais pas exactement ce que je t’ai dit de faire, ça va très mal se passer pour toi. Je compte jusqu’à trois.

Typhon: Whatever, bitch.

Lionel: Un.

Typhon: Parle à ma fau-

BOOOOOOOOOM

Typhon: Oh, c’était quoi ça? Tu avais dit que tu comptais jusqu’à trois !

Lionel: Oui, et je balance une torpille cyclonique pour marquer le décompte. Deu-

Typhon: Okokokok, tu l’as ton armistice espèce de grand malade.

Lionel: Tu vois quand tu veux. On se retrouve en bas, bises.

2 : On se demande pourquoi la Death Guard n’a pas commencé par ça au lieu d’assiéger la station de manière conventionnelle.

: Ce jeu de mots vous a été gracieusement offert par Privateer Press.

: Il le considère au mieux comme un imbécile heureux et au pire comme un ignoble traître, le projet du grand Schtroumpf de commencer un Imperium 2.0 ne plaisant pas du tout à un Lionel se voyant en parangon de loyauté à son Pôpa. C’est assez savoureux de la part d’un Primarque qui a révoqué l’Edit de Nikea sans états d’âme et a décapité à mains nues un de ses Chapelains qui lui rappelait que ce faisant, il défiait ouvertement la volonté de l’Empereur.

5 : Extrait de la nouvelle fable du Lion et du Rat. « … Et Typhon lui tint à peu près ce langage: “Wesh bolos, les DG sont dans la place, prêts à te ravager la face ». Et Lionel répondit : « J’ai entendu ». Et Typhon ne dit plus rien car il s’était fait dessus… ».

Gilead’s Curse (ch. 6) – D. Abnett & N. Vincent [WFB] :

Gilead's CurseRetour à la geste de Gilead le môôôdit, qui commence cette fois par un petit poème faisant rimer moon avec doom (rime touchant le RSA) et death avec faith (rime indigente)1. Ce huitain très imparfait sert d’introduction au retour d’un personnage délaissé par les auteurs depuis quelques chapitres, j’ai nommé le vampire Dragon Rouge lâchement attaqué par Gilead en pleine séance de pilates au début du roman. Et, tout comme son altesse murinissime Raton DLXXXVIII, notre ami hématophile est visiblement affligé d’un TOC de langage assez handicapant dans la vie de tous les jours, puisqu’il passe son temps à répéter son interminable haïku, encore, encore et encore. Lui a cependant l’excuse que ce mantra lui permet de rester à peu près sain d’esprit, en le rapprochant de l’idéal du chevalier bretonnien qu’il a été avant de se faire rouler une pelle par Edward Cullen, il a de cela plus d’un millénaire. D’ailleurs, son quotidien est tout entier consacré au respect d’une routine « humaine » (entretenir son matériel, affuter son épée, dresser le camp pour la nuit…), quand bien même notre vampire n’a en réalité aucun besoin de cela pour poursuivre son existence éternelle.

Totalement déprimé après des éons à traîner ses solerets d’un bout à l’autre du Vieux Monde, le Comte Vampire (puisque c’est ainsi qu’il est appelé pendant la première moitié du chapitre2) n’aspire a rien d’autre qu’à goûter au repos éternel, mais son amour-propre l’empêche d’aller s’enfermer dans la cabine à UV la plus proche ou de s’empaler sur son propre cure-dent. Tel le Tueur Nain qu’il n’est définitivement pas, notre CV cherche à être vaincu en combat singulier par un adversaire digne de ce nom, ce qu’il pensait avoir trouvé en la personne de Gilou le mangeur de tofu. Ceci dit, cela ne l’a pas empêché de laisser filer le bretteur elfe à deux reprises en autant de chapitres, alors que ce dernier ne demandait pas mieux que d’accorder une place au soleil à sa Nemesis… Pourquoi faire logique et simple quand on peut faire abscons et tordu ? Cette fois-ci tout à fait résolu à finir la reprise de manière définitive, le Comte Vampire repart donc dans les souterrains skavens, définitivement très facile à trouver, à la recherche de l’insurpassable Gilead.

En parallèle, deux mystérieux compagnons (très grands, très minces, les traits dissimulés par une capuche, passant inaperçus auprès des humains, je vous le donne en mille ce sont les Casseurs Flowteurs3) sont également sur les traces de notre héros, et après avoir longuement réfléchi à la question, finissent par conclure que le guerrier elfique supra-balèze bougeant à une vitesse supersonique ayant récemment décimé la population skaven des environs à lui tout seul est, selon toute probabilité, Gilead. Pas plus bête que le premier vampire venu, nos deux lascars optent également pour une petite virée dans le sous-monde, et tombent fatalement nez à nez avec le Comte au bout de quelques pages (c’est pas comme si le réseau des tunnels skavens était aussi tentaculaire que labyrinthique, hein). Gros moment de malaise entre les trois poursuivant du maillot jaune, qui après un bref combat4, décident de faire cause commune afin de retrouver leur connaissance mutuelle. Arriveront-ils à temps pour assister au combat apocalyptique entre l’Elfe qui pelait des patates plus vite que son ombre et le beau-frère attardé de Maître Splinter ? Le suspense reste entier.

Croyez-le si vous le voulez, mais j’ai trouvé ce chapitre plutôt pas mal par rapport aux précédents. Certes, il y a encore largement matière à redire ou à commenter dans cette vingtaine de pages5, mais on est loin des délires à la limite du mystique qui étaient la norme jusqu’à récemment. En centrant leur narration sur d’autres personnages, les auteurs ont offert à leur lectorat une pause salutaire dans l’éprouvante narration des baroques aventures de Gilead. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point cela fait du bien de lire un dialogue à peu près sensé entre des personnages l’étant également après plusieurs épisodes très possiblement rédigés sous l’influence de substances illicites. De même, le simple fait que Vincent et Abnett justifient certains comportements précédemment perçus comme irrationnels (pourquoi un vampire allumerait-il un feu alors qu’il ne sent pas le froid et voit parfaitement de nuit ? – voir ch. 1 –) incite à une certaine clémence au moment de juger de la qualité de l’épisode. Ce n’est pas du Cavaliers de la Mort, très loin de là même, mais on s’en approche, un pas à la fois.

1 : Je ne vous ai pas dit mais chaque chapitre débute systématiquement par quelques lignes racontées depuis le point de vue de la barde narrant l’histoire de Gilead à un public que je me plais à imaginer passablement blasé, si elle leur balance à la tête la même prose que Vincent et Abnett. Elle n’aurait pas été à l’agonie, je pense qu’un de ses spectateurs l’aurait étranglée avec les cordes de sa lyre avant la fin du chapitre 3.

2 : Puis simplement le Comte pendant la seconde mi-temps. Le Comte quoi. Celui-ci est plus littéraire que matheux, mais difficile de ne pas voir dans cette appellation un clin d’œil appuyé à Sesame Street de la part d’auteurs de langue anglaise.

3 : Blague à part, on apprend à la fin du chapitre qu’il s’agit de Fithvael (ancien sidekick de Gilead) et de son éromène disciple Laban, lointain cousin de notre héros.

4 : Combat qui donne d’ailleurs à voir la gent elfique telle qu’elle est vraiment, c’est-à-dire fourbe (ils se mettent à deux contre le vampire après avoir réalisé qu’il était beaucoup trop balaise pour un combat à la loyale), rageuse (le jeune elfe continue à attaquer son adversaire après que ce dernier ait rompu l’affrontement à la demande du troisième larron), et malpolie. Heureusement que le Comte a, lui, des manières d’homme du monde, sans quoi la rencontre aurait pu très mal finir pour Siegfried & Roy.

5 : Le vampire qui préfère (littéralement) sucer des vaches plutôt que des humains, on en parle ?  Bon ok, mais le fait qu’il ait un faible pour les jeunes filles menant une vie saine (pas de drogue surtout !) et ne buvant que de l’eau, malgré le fait que ce soit « ben difficile à trouver de nos jours », on en parle quand même ? Non ? Et lorsqu’il utilise ses yeux comme lampe-torche pour éclairer son chemin dans les souterrains des hommes rats (les vampires ont des yeux rouges qui brillent dans le noir, c’est bien connu), on va en parler tout de même ? Surtout qu’il se fait griller par ses stalkers elfiques à cause de ça. Non, vraiment? Ok. Allez, une petite tournure made in Vincent pour terminer, parce que je sais que vous aimez ça.

Thunder from Fenris – N. Kyme [40K] :

Thunder from FenrisCe qu’il y a de bien avec les audiobooks de la Black Library c’est qu’une bonne partie d’entre eux finissent par être publiés en format ebook quelques mois après leur première sortie, et ce pour un prix bien plus attractif qu’à l’origine. Hammer & Bolter a également contribué à ce genre de recyclage en son temps, en incluant des nouvelles précédemment disponibles uniquement en mode audio. Thunder from Fenris appartient à cette catégorie de fictions multicanal, et avait été à l’origine publiée en accompagnement de la sortie du Codex Space Wolves en 2009, avant de trouver le chemin du 19ème numéro de Hammer & Bolter.

Envoyée combattre aux côtés de la Garde Impériale sur le monde gelé de Skorbad, une escouade de cavaliers tonnerre voit l’un de ses membres succomber à la malédiction du Wulfen et s’enfuir dans les étendues sauvages de la planète après avoir trucidé son loup de compagnie ainsi qu’un de ses camarades et sa monture. Bien embêtés par ce coup du sort, les trois autres fils de Russ mettent ces pertes sur le dos de l’ennemi local (des zombies de la Peste) afin de sauver les apparences devant leurs alliés, mais décident tout de même de mettre la main sur le fratricide avant de quitter Skorbad, l’épidémie étant en passe d’être contenue au moment où commence notre histoire.

S’en suit le récit de la traque du Wulfen en liberté par les grands méchants loups, séquence riche en péripéties et en scènes de baston assez insipides, et conclue par un retournement de situation pas vraiment original. On notera tout de même que la nouvelle se termine sans que l’intrigue n’ait évolué d’un iota, la dernière ligne du texte décrivant l’ultime survivant de l’escouade (voilà une campagne qui a du faire pleurer plus d’un RH du Croc : 90% de pertes parmi la crème de la crème du chapitre) s’élançant dans la toundra hache de givre au clair à la poursuite de son infatigable comparse poilu, comme il l’avait déjà fait 28 pages plus tôt. It’s groundhog Wulfen day folks.

Thunder from Fenris nous propose de, ou plutôt nous force à, renouer avec Nick Kyme sous son incarnation la moins avenante, celle de l’auteur publicitaire qui ne fait même pas semblant de s’intéresser à son sujet et se contente de cocher toutes les cases de son cahier des charges sans chercher à livrer un résultat intéressant, ni même cohérent. Cela avait déjà transpiré dans l’extrait de The Fall of Damnos (Hammer & Bolter #4), narration très peu inspirée du potentiel martial des Nécrons mettant en scène la moitié des entrées de l’ancien Codex ; cela dégouline carrément dans cette nouvelle soumission, qui se révèle être une ode bancale et risible à la puissance des cavaliers tonnerre, nouveauté du Codex SW de 2009 qu’il fallait bien faire acheter en masse par les fanboys pour rembourser les moules.

Bancale tout d’abord car Kyme ne s’embête pas à justifier ni à dissimuler les multiples incongruités de son scénario. Le simple fait qu’une escouade de cavaliers tonnerre opère en solo (ce qui semble être ici le cas, nos héros ne communiquant avec personne tout au long de la nouvelle, pas même avec l’équipage du vaisseau sans lequel ils auraient eu bien du mal à rejoindre Skorbad) constitue déjà une double hérésie, non seulement d’un point de vue stratégique, mais également au niveau du fluff, qui dépeint clairement les chevaucheurs de loulous géants comme l’un des secrets les mieux gardés du Chapitre, ce qui ne plaide pas pour un déploiement sur une opération de soutien à la Garde Impériale. La nouvelle n’a même pas commencé qu’elle prend déjà l’eau de toute part ! Kyme réussit donc à prendre un pire départ que Green dans son Salvation, que je considérais jusqu’à présent comme le nadir de la littérature 40K en matière de respect du background, ce qui mérite d’être souligné.

La suite est (mal)heureusement1 du même tonneau, le souci de Kyme de peindre ses héros sous le meilleur jour possible prenant le pas sur tout le reste, y compris et surtout la cohérence de son récit. Le Wulfen doit étriper un de ses camarades de classe pour lancer l’intrigue ? Ça tombe bien, les trois autres membres de l’escouade étaient à des kilomètres de leurs comparses au moment des faits et ne pouvaient donc pas intervenir. Un loup tonnerre, ça court à quelle vitesse ? Bah, ça dépend des pages, mais ça n’est en tout cas pas foutu de rattraper un Wulfen, tenez-le vous pour dit. Les Space Wolves sont de nobles guerriers faisant toujours ce qui leur semble juste, même si cela doit les mettre en porte à faux avec les factions les plus cyniques de l’Imperium ? Ceux de Kyme exécutent de sang-froid une poignée de Gardes Impériaux ayant eu le malheur de combattre des zombies de la Peste au corps à corps2. Un Space Marine en armure énergétique qui tombe dans de l’eau profonde ne coule pas comme une pierre du fait de son poids considérable (alors qu’un loup tonnerre, moins caparaçonné que son cavalier, si). Les zombies de Kyme découvrent soudainement comment utiliser des fusils lasers et des autocanons (avec assez de précision pour descendre un loup tonnerre pendant sa charge) lors du final de la nouvelle… Autant de « détails » pouvant, et encore, passer inaperçus dans un audiobook, le rythme de la narration ne permettant généralement pas à l’auditeur de se livrer à un contrôle de cohérence en bonne et due forme, mais qui ressortent comme un bouton d’acné sur le front d’un Blood Angels une fois couchés sur le papier.

Risible ensuite, car les adversaires choisis par Kyme à ses vikings du futur ne paient vraiment pas de mine. Une galaxie hostile remplie de joyeusetés pouvant gober un Space Marine comme qui rigole, souvent sans même avoir besoin de l’éplucher auparavant, et nos Gardes Loups d’élite se retrouvent à tataner de vulgaires zombies de la Peste ? Et pourquoi pas des Grots hémiplégiques pendant que tu y es, Nick ? Résultat des courses, nos héros font bien évidemment exploser le bodycount de la nouvelle à grands renforts de scènes d’action tout droit sorties d’une repompée philipino-turco-italienne des aventures de Connard le Barbant, mais à vaincre sans péril… Quitte à donner dans le panégyrique, autant donner aux protagonistes un ennemi à leur taille, ce qui ne donnera que plus de valeur à leurs exploits : César avait bien pigé la ficelle dans sa Guerre des Gaules, mais Kyme n’a visiblement pas eu le même déclic au moment d’écrire Thunder from Fenris, ce qui est assez malheureux étant donné le but premier de l’opus.

En conclusion de cette chronique, vous l’aurez compris assez désabusée de ma part, je ne résiste pas à la tentation de vous soumettre une réflexion que je me suis faite au moment des recherches préliminaires à la rédaction de ce billet (car oui, je fais des recherches, même – surtout d’ailleurs – pour des œuvres aussi terribles que ce Thunder from Fenris). La nouvelle ayant une entrée sur le Lexicanum, j’ai eu la surprise de découvrir à la lecture de l’article que Kyme avait calqué ses personnages sur le trio de Space Wolves représenté sur l’illustration de couverture de l’avant-dernier Codex. Le héros (ou en tout cas, le dernier survivant de l’escouade) est ainsi un guerrier blond avec une cicatrice au-dessus de l’œil gauche, une cape en peau de loup, un collier de crocs et maniant une hache de givre. Il est secondé par un adepte du bolter noir de poil et d’humeur, et par un joyeux berserk aux cheveux bruns armé d’une paire de griffes énergétiques. Toute ressemblance avec des personnages ayant existé (ou dans notre cas, ayant été représenté ailleurs) est bien entendue totalement fortuite… Même si un tel « plagiat » n’a rien de répréhensible en tant que tel, je trouve que cela en dit long sur la motivation qui devait être celle de Kyme au moment de pondre Thunder from Fenris, le bougre ayant simplement recyclé un artwork (très réussi il faut bien le reconnaître) au lieu de partir sur une création originale. La vie d’un auteur de la BL peut-être ingrate.

1 : À ce stade, j’avais déjà basculé en mode sarcastique, et prenait les nouvelles bourdes de Kyme avec un détachement total et un plaisir mauvais.

2 : On rappellera tout de même que Logan Grimnar s’est mis l’Inquisition à dos en critiquant ouvertement les mesures préventives prises par cette dernière envers la population d’Armageddon après qu’Angron et ses potes soient venus faire un bowling sur la planète en 444M41.

Au final, ce 19ème numéro a clairement surpassé les attentes, certes peu élevées, que j’avais placées en lui à la lecture de son lineup. You can’t judge a book by looking at the cover, comme dit le poète, et à raison. Avec un chapitre de Gilead’s Curse plutôt meilleur qu’à l’accoutumée, un final de The Lion assez convaincant et un Irixa tapant dans le haut du panier de Counter, les ¾ de ce numéro ont surperformé, ce qui est toujours agréable. Reste le Thunder from Fenris de Kyme, qui s’est révélé contenir assez d’éléments what-the-fuck-esques pour l’opus dans son ensemble : regrettable, certes, mais pas vraiment surprenant. À la prochaine !