Archives Mensuelles: avril 2015

HAMMER & BOLTER [N°16]

Bonjour tout le monde, et bienvenue dans cette revue du 16ème numéro de Hammer & Bolter ! Comme son prédécesseur immédiat, cette parution ne propose que des nouvelles issues d’un lointain futur apocalyptique et bas du front, le traditionnel chapitre de Gilead’s Curse mis à part. Au programme, un petit florilège des différents types de courts-formats usités par les auteurs de la Black Library : Andy Smillie met un point final à son dyptique consacré aux Flesh Tearers, James Swallow propose une nouvelle « passerelle » entre ses deux sagas consacrées aux Blood Angels (Deus Encarmine/Sanguinius et Red Fury/Black Tide), Dan Abnett soumet un court extrait du roman Know No Fear et Steve Lyons livre un one shot agréablement dépaysant. Y en aura pour tous les goûts.

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Beneath the Flesh (part II) – A. Smillie [40K] :

Beneath the FleshSouvenez-vous, nous avions quitté Maion et ses comparses Flesh Tearers à l’aube d’une révélation titanesque. La première partie de Beneath the Flesh se terminait en effet sur un cliffhanger des familles, avec la découverte par Harahel (la brutasse en chef de l’escouade, maniant son eviscérateur le petit doigt en l’air) d’une scène tellement terrible qu’elle lui avait arraché un « Emperor, save us » lourd de sens. Mis à part la poignée de soldats humains présentés comme renégats par Smillie, mais finalement tout à fait loyaux au Trône de Terra, et dûment massacrés par les Flesh Tearers pendant leur « investigation » de la base avancée, cette première moitié de récit avait été assez calme, l’auteur se concentrant davantage sur la construction d’une atmosphère oppressante (bof) et la mise en relief de la tare génétique des descendants de Sanguinius (pas mal) que sur l’action pure. Et s’il aurait été intéressant, ou en tout cas original, de poursuivre sur cette voie de relative non-violence jusqu’au bout1, il ne fallait pas compter sur Andy pour se détourner de la voie royale de l’auteur BL qui se respecte, à savoir une franche explication de texte entre protagonistes et antagonistes.

Au contraire, ayant rongé son frein pendant 25 pages, Smillie embarque ses lecteurs dans un carnage digne des heures les plus sombres de l’Hérésie d’Horus, bien aidé il faut le reconnaître par le pedigree des forces en présence. Car aux (ig)nobles Flesh Tearers de l’escouade Barbelo est opposée une cohorte de World Eaters écumants, opposition ne pouvant déboucher sur autre chose qu’un tsunami d’hémoglobine. Heureusement pour nos héros, les Khorneux leur faisant face ne brillent ni par leur sens tactique (soit), ni par leurs capacités martiales (heu…), permettant aux six Flesh Tearers de massacrer leurs adversaires avec une désinvolture scandaleuse. Berzerkers, Raptors, Dreadnought et Aspirant Champion : tous finiront réduits en tapenade par la vertueuse furie et les pièges à cons des loyalistes, qui, au prix de quelques péripéties très confuses, arriveront à se regrouper et à tirer leur révérence au nez et à la barbe des séides d’Angron2.

La conclusion de Beneath the Flesh est, quant à elle, une compilation de révélations éventées depuis belle lurette et de zones d’ombres laissées sans explications. Comme prévu, Smillie confirme donc (enfin) que les malheureux Gardes Impériaux dépecés à l’apéritif par l’escouade Barbelo étaient de fidèles sujets de l’Empereur. Quel dommage que personne n’ait eu la riche idée de se servir de sa radio pour dissiper ce malentendu avant que la demi-douzaine de Space Marines en rut faisant figures de héros ne leur tombe sur leur râble ! À quoi tient la vie d’un bidasse (et la crédibilité d’un récit) parfois…

Du côté des mystères non résolus, Andy Smillie se garde bien de révéler pourquoi la garnison originelle de la base avancée s’est retournée contre ses alliés (même si le classique « c’est diablerie, monseigneur » est balancé en loucedé par un Capitaine SM qui passait dans le coin), ni qui était le gus qui a mis en scène les corps des huit Flesh Tearers dans la chapelle (la raison du « Empereur, save us » d’ouverture). Je suis sûr que l’on pourrait multiplier les exemples à l’envi en creusant un peu, tant l’intrigue développée par Smillie est friable, mais à quoi bon tirer sur l’ambulance ? Toujours est-il que c’est Gabriel Seth himself (le Maître de Chapitre des Flesh Tearers, pour ceux qui ne suivent pas) qui clôt les débats, en ordonnant l’Exterminatus d’Arare, là non plus sans grande justification de la part de l’auteur. Mais qu’importe : c’est kwioul.

Au final, Beneath the Flesh n’est rien de plus qu’une nouvelle classique de Space Marines, dont seule la longueur justifiait qu’elle soit séparée en deux parties. Les possibilités narratives offertes par ce format n’ont malheureusement pas été exploitées par Andy Smillie, dont cette troisième contribution à Hammer & Bolter reste du même acabit que les précédentes, c’est-à-dire très dispensable.

1 : Je pense qu’une grande partie du désamour que j’éprouve à l’heure actuelle pour les histoires de Space Marines vient du fait que ces derniers sont toujours mis en scène dans des récits guerriers. À croire que leur vie se résume à foutre sur la tronche des ennemis de l’Empereur H24. Il doit pourtant y avoir des temps morts dans leurs vies trépidantes de surhommes, faute de quoi la longévité moyenne ne dépasserait pas les trois mois. Je trouve dommage que ces zones d’ombres de la vie des meilleurs de Pépé n’aient pas été plus explorées par les auteurs de la BL (bon, Counter a bien essayé de mettre en scène un tribunal militaire dans Phalanx, avec les résultats que l’on sait, mais je suis sûr qu’un ADB ou un French seraient capables de traiter le sujet de manière intéressante).

2 : Leur Stormraven ayant été détruit dans la bagarre (il était de toute façon incertain que l’esprit de la machine ait suffisamment récupéré de l’immonde atterrissage voulu par ses passagers pour décoller), nos héros s’échappent en fusée. Si si. Le plus drôle est que la séquence, telle que narrée par Smillie, ressemble à s’y méprendre à la fin du générique d’Il Etait Une Fois l’Homme.

Gilead’s Curse (ch. 4) – D. Abnett & N. Vincent [WFB] :

Gilead's CurseAprès le grand n’importe quoi que constituait le chapitre 3 de Gilead’s Curse, Nik Vincent offre un léger break à ses lecteurs en recentrant l’intrigue sur l’Asur déprimé, maintenant accompagné du jeune garçon qu’il a sauvé des skavens deux numéros plus tôt. Le semblant de vraisemblance promis par une introduction presque1 normale, notre duo de choc faisant plus ample connaissance autour du feu de camp de l’elfe, ce dernier régalant son hôte de tubercules et de thé servi dans un dé à coudre (rigolez pas, ça commence vraiment comme ça), se retrouve cependant rapidement battu en brèche par l’inhumaine capacité de Vincent à a) consacrer des pages entières à des péripéties absolument sans intérêt, et b) piétiner le fluff établi avec une constance admirable.

La première partie du chapitre est ainsi consacrée à la narration de la drôle de guerre que Gilead et son sidekick mènent à leurs ennemis velus. Les skavens de Nik Vincent étant, comme on en a pu faire la douloureuse découverte au cours des deux précédents épisodes, des gros rats totalement stupides, il n’est donc pas surprenant qu’on trouve leurs terriers un peu partout dans la nature. Dératiseurs experts, nos deux compères passent donc leurs journées à localiser les entrées des tunnels, permettant ainsi à Gilead de les contempler pendant des heures, dans l’attente qu’un raton pointe le bout de ses moustaches. Car non, Gilead ne s’aventure pas sous terre à la recherche de ses proies et oui, il n’a que ça à foutre (et oui, il semble avoir totalement oublié le chevalier vampire du début du roman). Passionnant.

Cette saine occupation est toutefois interrompue par la maladresse du garçon (Quirin de son petit nom, utilisé en tout et pour tout deux fois pendant le chapitre), qui éventre par inadvertance une galerie et se retrouve confronté à trois skavens assez en colère. S’en suivent quelques pages d’un pénible mais épique combat dont l’apex, un grandiose concours de tirage de manche de houe, provoquera quelques rires nerveux chez les lecteurs les plus sensibles. Puis, comme le manche de la fameuse houe a été brisé au cours de cet affrontement titanesque, Gilead a la bonté d’en confectionner un nouveau pour son compagnon, et Nik Vincent a la bonne idée de relater cet atelier bricolage avec une minutie insensée, s’attardant sur le nombre de jeunes arbres abattus par Gilead, les raisons l’ayant poussé à rejeter certains troncs, la finition du manche et le temps qu’il aurait fallu à un simple mortel pour réaliser un tel haut fait. Fallait oser tout de même2.

La deuxième partie de l’épisode suit la progression de nos deux héros dans l’empire souterrain jusqu’à la salle où les attendent le Roi Skaven ainsi que la totalité de ses sujets. Oui, tous les skavens ont fui devant la terrible menace représentée par un bretteur elfe et un paysan humain. Je pense que c’est la présence de (bette)Rave Maraz, la terrible houe magique façonnée par Gilead, qui a conduit à un tel exode (oui, c’est du sarcasme). Mais alors que tout se présentait plutôt bien pour nos deux lascars, dont la progression n’était ralentie que par les quelques mobs de bas niveau laissés en arrière-garde par le maître du donjon, catastrophe ! Double catastrophe même.

Premièrement, le sidekick de Gilead se fait soudainement enlever par Kiprosquish et Gebreselasnitch, deux skaven champions de course de fond, qui l’emmènent dans la salle où sont rassemblés tous leurs copains. Malgré toute sa bonne volonté, ses capacités physiques surnaturelles et sa rapide réaction à la disparition de son compagnon, notre héros ne parvient pas à rattraper les ravisseurs avant qu’ils ne parviennent à bon port, ce qui scelle le sort de Quirin, qui meurt sur sa houe3 après avoir tenté sarcler le Roi des Rats, en vain.

Deuxièmement, Vincent passe en mode hardcore, et part dans un délire narratif comparable à celui dispensé dans les chapitres précédents. On retrouve ainsi tous les éléments constitutifs de son style si particulier, comme des phrases magiques, des phrases alambiquées, des péripéties hyper réalistes, des descriptions confuses (coucou le Roi des Rats qui se téléporte à l’envi à l’autre bout de la salle dès que Gilead s’approche un peu trop), des contradictions flagrantes avec des éléments détaillés précédemment (notre héros a visiblement appris à attaquer des adversaires ne lui faisant pas face), et un rejet épidermique du background établi. Cerise sur le gâteau, Nik pousse l’exercice jusqu’à gratifier le lecteur d’un passage absolument dantesque, qui voit Gilead égarer sa dague dans le corps d’un skaven, et décider en conséquence de rengainer son épée (arme magique et relique héritée de son frère jumeau, Galeth des rois) pour, je vous le donne en mille, utiliser la houe de son séide. Parce qu’il est évident qu’un outil agricole fabriqué par des humains est en tout point supérieur à une lame elfique enchantée. Evident. Bref.

Le chapitre se termine par un pogo géant initié par le Rat King, qui piège ainsi Gilead sous quelques quintaux de fourrure puante, calmant aussi sec les ardeurs et la shadowfasttitude de ce dernier. Saucissonné comme un sumo en bas résilles, isolé au cœur du bastion ennemi et à la merci de sa (nouvelle) nemesis, notre héros finit l’épisode en très mauvaise posture. Il serait peut-être temps de refaire intervenir le vampire Nik. Enfin, je dis ça, je dis rien…

1 : « Msieur, je peux venir avec vous ? »
« Non. Danger. Famille ? »
« Nan, y sont tous morts. Allez msieur, dis oui steuplait ! »
« Triste. Village ? »
« Nan, y sont tous morts aussi. M’laissez pas msieur. »
« Et si t’arrêtais deux secondes de te foutre de ma gueule, petit con ? J’ai sauvé une vingtaine d’humains dans les souterrains de la ville il n’y a même pas deux chapitres, et je suppose qu’ils avaient laissé les femmes, les enfants, les infirmes et les vieillards en sécurité avant de s’aventurer sous terre. Donc, non, tu n’es pas tout seul et tu vas retourner de ce pas dans la ville que je viens de quitter il y a dix minutes. Non mais. »
« K. »

2  : Rien que pour le lol, j’aimerais bien voir ce que donnerait un roman de l’Hérésie d’Horus écrit par Nik Vincent. Je la sens tout à fait capable de soliloquer pendant un chapitre entier sur la couleur et les motifs de la moquette du Vengeful Spirit pendant que Pépé et Horus se foutent sur la gueule dans la salle d’à côté.

3  : Saluons le talent de Nik Vincent, qui réussit à faire mourir un de ses personnages principaux au cours d’un duel sans que l’on comprenne comment. Par contre, il est clairement fait mention de la manière dont le positionnement de la houe au moment de son trépas permet au cadavre de rester d’aplomb, mi-debout mi-agenouillé, pendant de longues secondes. C’est évidemment le plus important.

The Shadow in the Glass – S. Lyons [40K] :

Un an après avoir fait ses débuts dans Hammer & Bolter (Waiting Death, H&B #4), Steve Lyons revient avec une nouvelle des plus intéressantes. The Shadow in the Glass (on admirera au passage l’élégante touche lovecraftienne du titre) détonne en effet fortement des autres productions estampillées 40K de la Black Library, grâce à une approche résolument novatrice de son sujet. En effet, foin de batailles apocalyptiques, de Space Marines héroïques, de cités-ruches cauchemardesques ou d’invasions démoniaques dans cette deuxième soumission, qui relate la vie d’Yriel Malechan, insignifiante lavandière d’un monde de troisième zone, et dont la vie bascule suite à l’acquisition d’un miroir pour le moins particulier.

Le réflexe classique de tout lecteur BL un tant soit peu aguerri serait, à ce stade du récit, de suspecter une classique histoire de corruption chaotique, débouchant possiblement sur une possession en bonne et due forme. J’avoue sans honte que cela a été ma réaction immédiate après la lecture de la première page de The Shadow in the Glass, au cours de laquelle le miroir en question est présenté comme reflétant des images trop parfaites pour être vraies1, ce qui semblait paver la voie à une intrigue des plus convenues. C’était toutefois sans compter sur la fantaisie, le talent et l’audace de Lyons, dont la copie finale se révèle donc être bien plus intéressante que ce à quoi on aurait pu s’attendre de prime abord. Bravo Steve.

Comment s’y est-il pris ? Premièrement, en mettant en sourdine le côté « gothique flamboyant » de Warhammer 40.000, pour se concentrer sur la vie d’un petit village de pêcheurs (Icthis) que l’on dirait tout droit sorti de notre XIXème siècle. N’eut été pour les références faites au culte de l’Empereur et les interventions ponctuelles des troupes inquisitoriales, on aurait ainsi pu transposer sans mal Ichtis dans un roman de Dickens ou une nouvelle de Maupassant. Rares sont les auteurs de la BL à s’être ainsi détachés du point de vue quasi-omniscient qui constitue la norme à la fois dans les Codex et dans les ouvrages de pur background pour s’intéresser à la vie quotidienne d’un monde féodal/civilisé (seul autre exemple à ma connaissance : Angels de Robert Earl). Vue la prédilection de la Black Library pour les spires bucoliques des mondes ruches2, on ne peut qu’apprécier de partir à la découverte d’un théâtre relativement nouveau, et qui pourtant est loin d’être rare dans le million de mondes qui forme l’Imperium. C’est donc une facette méconnue de ce dernier que Lyons choisit d’explorer, et rien que pour ça, The Shadow in the Glass mérite le détour.

Deuxièmement, en respectant les codes et la construction d’une nouvelle fantastique, et en mettant donc l’accent sur l’instillation de l’atmosphère particulière qui constitue la marque fabrique de ce genre3, plutôt que sur les passages d’action pure et dure caractéristiques de la BL. Ainsi, si on comprend rapidement que le miroir dont hérite l’héroïne de The Shadow in the Glass est bien le réceptacle d’une présence démoniaque, cette dernière ne cherchera pas, comme beaucoup des résidents de l’Immaterium, à s’incarner dans le monde réel afin d’y apposer sa patte griffue. Visiblement content de sa situation d’éminence grise perverse, l’habitant du miroir traversera la nouvelle sans chercher à interférer directement sur la destinée des mortels. Le lecteur est ainsi convié à assister à la lente descente aux enfers d’Yriel à travers une série de brefs tableaux relatant les « évènements » les plus importants de sa vie entre le moment où la malheureuse entre en possession du miroir et celui où elle arrive à se défaire de son influence néfaste. Rencontre et déception amoureuse, épidémie et quarantaine, humiliation et vengeance : aucun des évènements relatés dans The Shadow in the Glass ne changera la face de l’Imperium, mais chacun ajoute une touche au tableau que constitue la nouvelle dans son ensemble. Il est rare de tomber sur des textes développés de manière aussi rigoureuse (dans le bon sens du terme) dans les recueils de la BL, et c’est évidemment une raisons supplémentaire de lire (et de relire) cette seconde offrande de Steve Lyons.

Troisièmement, en insufflant à sa nouvelle une dimension tragique d’autant plus marquante (à mes yeux) qu’elle concerne un personnage absolument insignifiant, surtout à l’échelle de Warhammer 40K où le surhumain Space Marine est si souvent mis en scène, et dont l’éventuel sacrifice n’est finalement qu’une résultante de son conditionnement intensif et de son sens du devoir chevillé au corps. Bref, voir une escouade d’Imperial Fist tenir sa position devant une légion nécron au grand complet (But Dust in the Wind), un Archiviste outrepasser sciemment ses limites pour venir à bout d’un adversaire particulièrement coriace (Runes, Phalanx) ou un Capitaine gravement blessé préférer emporter avec lui le QG ennemi dans la tombe plutôt que de battre en retraite (Action and Consequence) me laisse absolument froid. Yriel, d’un autre côté, a autant de raisons de se débarrasser de son miroir après avoir constaté son caractère surnaturel que de le garder, ce qu’elle choisit finalement de faire. À la fois consciente (et terrifiée) de la nature maléfique de l’artefact et désireuse d’utiliser le pouvoir de ce dernier pour améliorer un tant soit peu sa vie misérable et, surtout, briser la solitude qui est son lot, notre héroïne apparaît davantage comme une pitoyable paria en quête de reconnaissance que comme une sociopathe se délectant du malheur des autres. Spectatrice de sa propre vie, Yriel n’a ni les capacités ni le tempérament nécessaires pour chercher à échapper aux conséquences de ses actions, et accepte donc son sort avec une sorte de noblesse démentant sa condition misérable. En parvenant à faire ressentir au lecteur de l’empathie pour son personnage en l’espace de quelques pages, Lyons réussit un tour de force dont peu de ses collègues de la BL se sont montrés capables. Une raison de plus de suivre avec attention la suite de son parcours.

En conclusion, The Shadow in the Glass est la vraie bonne surprise de ce 16ème numéro, et l’une des nouvelles remarquables de la seconde année de Hammer & Bolter. C’est dit.

1 : Peut-être qu’au 41ème millénaire, on est capable d’installer Photoshop directement sur les miroirs ?

2 : Le plus célèbre d’entre eux, Necromunda, a même eu le droit à ses propres anthologies de nouvelles.

3 : Le thème de l’objet maléfique damnant son possesseur est un grand classique de la littérature fantastique, et il n’est pas besoin de chercher bien loin pour trouver dans The Shadow in the Glass des similitudes avec certains classiques, tels que A Picture of Dorian Grey, La Peau de Chagrin ou encore Le Veston Ensorcelé.

Redeemed – J. Swallow [40K] :

RedeemedLe nom de James Swallow n’est pas tenu en particulière haute estime par les chroniqueurs BL du Warfo. N’ayant lu ni les romans consacrés par notre homme aux Blood Angels, ni ceux dédiés aux Sœurs de Bataille, je n’étais jusque-là pas en mesure d’ajouter ma pierre au cairn funéraire de Swallow. C’est maintenant chose faite, la découverte de son Redeemed, nouvelle mettant en scène la figure familière de Rafen (héros de la saga Blood Angels de James Swallow), m’ayant permis de prendre la mesure de cet auteur.

Redeemed prend place à la suite de Deus Sanguinius, et suit le difficile retour de Rafen sur Baal, et plus particulièrement son voyage jusqu’au Regio (l’armurerie du Chapitre), où il doit déposer la Lance de Telesto. Malgré le rôle qu’il a joué dans l’écrasement du schisme d’Arkio, le wannabee Sanguinius manipulé par les Word Bearers, notre héros est en effet regardé avec suspicion par bon nombre de ses collègues de bureau, premièrement parce que le vilain Arkio n’était autre que son frère1, et deuxièmement parce que sa capacité à utiliser la Lance de Telesto, relique ayant été maniée par le Primarque Ailé en personne, est plutôt mal vue par les instances dirigeantes du Chapitre, peu emballées par l’émergence potentielle d’un second héritier de Sanguinius après le souk causé par celui d’avant.

Bref, c’est sous bonne escorte que Rafen accomplit le trajet jusqu’au Regio, où, après avoir accompli sa mission et remis son précieux chargement au Maître de la Lame, il fait la rencontre d’Astorath, qui passait justement dans le coin. C’est tout du moins ce que le Rédempteur des Egarés essaie de faire avaler à son interlocuteur, qui, pas plus bouché que le lecteur moyen de la BL (c’est le héros, après tout), devine bien vite que l’emo en chef a fait le déplacement pour tester sa résolution plutôt que pour faire réparer son jetpack, comme il l’annonce pourtant lors de leur entrevue. S’en suivent quelques péripéties que j’ai trouvées assez insipides, au cours desquelles Rafen parvient (comme de juste) à convaincre le Haut Chapelain des Blood Angels de son impeccable self-control, parvenant au final à garder la tête sur les épaules au sens propre comme au figuré.

Sans être franchement mauvaise, Redeemed est une nouvelle à l’intérêt assez discutable, autant pour les lecteurs non familiers avec le cycle de Swallow (que ce passage mineur et mou du genou de l’épopée de Rafen risque d’ennuyer plus qu’autre chose) que pour ceux ayant lu ce dernier (qui attendaient sans doute un peu mieux du retour aux affaires du héros Blood Angel attitré de la BL). Au final, il n’y aura que les fans les plus convaincus de frère Rafen et les fluffistes BA hardcore qui apprécieront Redeemed à sa juste valeur, quand d’autres auteurs de la Black Library sont parvenus à embarquer l’ensemble de leurs lecteurs dans les courts formats venant compléter et enrichir leurs romans. Pour le reste, James Swallow m’a semblé être assez proche dans le style et le niveau d’un Gavin Thorpe ou d’un Nick Kyme, c’est-à-dire capable de produire des textes variant du légèrement médiocre au plutôt pas mal, sans jamais sans tutoyer ni les abysses ni les cimes de l’heroic fantasy. Mais ce n’est que mon avis.

1 : Et « bon sang ne saurait mentir » est un proverbe très populaire chez les Blood Angels.

Know No Fear – D. Abnett [HH] :

19. Know No FearUn extrait du roman consacré par Abnett à l’empoignade entre Ultraschtroumpfs et Porteurs de Moe sur Calth pendant l’Hérésie d’Horus. Le bouquin en question étant sorti en Février 2012, le suspense qui l’entourait à l’époque s’est largement dissipé, et l’ouvrage a fait l’objet d’une critique participative détaillée ici.

Pour faire simple, le passage se divise en deux parties. Dans la première, Erebus et quelques amis font des châteaux de sable sur le Plateau Satrique, et se préparent à rentrer dans le Guinness Book des Records dans la catégorie « plus grand nombre de glandes progénoïdes de Space Marines morts au combat offertes au Chaos ». Abnett fait du Abnett en balançant des noms que le lecteur lambda doit googler pour comprendre ce dont il en retourne (The Octed ? Gal Vorbak ? Tzenvar Kaul?).

Dans la deuxième partie (qui est l’extrait gratuit proposé sur le site de la BL sur la page Know No Fear), deux vieux potes, Sorot Tchure des Word Bearers et Honorius Luciel des Ultramarines, sont réunis avec leurs hommes pour un banquet de l’amitié. Tchure, qui est un méchant avec des principes, essaie désespérément de faire comprendre à cet abruti de Luciel que quelque chose de très vilain est sur le point de se passer. Devant la stupidité crasse de son interlocuteur, pas foutu de saisir la forêt de perches qu’il lui tend1, Tchure n’a d’autre choix que de perforer son hôte à coup de plasma, ce qui mène au massacre en règle de tous les Ultras en maraude autour du buffet par les WB. Abnett fait du Abnett en faisant de gros clins d’œil à certains passages à venir de l’Hérésie (comme cela avait déjà été le cas dans Horus Rising).

En conclusion, Abnett fait du Abnett et donne plutôt envie de lire la suite de son bouquin. Comme d’habitude dirons-nous.

1 : « Tiens c’est bizarre, tu as changé la couleur de ton armure. »
« Oui, c’est pour refléter le fait que notre Légion est sur le point de connaître un nouveau départ. Ordre de Lorgar, qui est un gros con. »
« Meeeeuuuuh non. Lorgar est gentil. Il cherche juste sa place, c’est tout. »
« C’est drôle que tu le défendes. »
« Ah bon ? Pourquoi ? »
« … »
« … »
« En tout cas, on m’a demandé de faire mes preuves. »
« Cool. »
« Je dois faire certaines choses. »
« Tip top. »
« Pour prouver à mes chefs que je suis prêt à participer au grand changement qui va se produire très prochainement. »
« You go girl. »
« … »
« … »
« Il y a un truc que j’ai appris sur Isstvan, et que j’aimerais partager avec toi. »
« Sûr ! »
« L’Imperium a rencontré un ennemi qui a fait usage de trahison pour parvenir à ses fins. »
« Et alors ? »
« Et alors, l’Imperium ne s’y attendait pas du tout, et ça s’est très mal passé pour lui. »
« J’imagine. Mais à la fin, on a gagné, pas vrai ? »
« Grmbl… Oui on a gagné. Mais imagine un peu, si mes Word Bearers se retournaient contre tes Ultramarines, maintenant, sans prévenir ? »
« Impensable. On est potes. »
« Et toi, t’es vraiment trop con. »
‘FZZZZZZZZZZZZZZAP’

Au final, les numéros de Hammer & Bolter se suivent et se ressemblent fortement. La pépite de Lyons se retrouve enrobée des platitudes des blood brothers de la BL, Smillie et Swallow, et de la mignardise d’Abnett (toujours appréciable ceci dit). Heureusement que l’on peut compter sur Vincent pour se surpasser (ou se soupasser, c’est selon) à chaque numéro, et faire de chaque parution un évènement très attendu, pour des raisons inavouables il est vrai. Allez, next.