Archives Mensuelles: janvier 2019

DEATH & DISHONOUR [Recueil WFB]

Bienvenue dans la critique du recueil de nouvelles Death & Dishonour, publié en 2010 par la Black Library, et de fait l’un des derniers ouvrages du genre dédié à la franchise du Monde qui Fut, qui n’avait plus que quelques années à vivre au moment de la publication de cet opus.

Tableau Death & Dishonour

Mettant particulièrement à l’honneur l’Empire (représenté d’une manière ou d’une autre dans tous les récits mis à part le Rest Eternal de Reynolds qui se déroule en… Bretonnie), ce recueil bénéficie de contributions de vétérans de la BL (Long, Reynolds, Werner) ayant commencé leur collaboration avec la maison d’édition de GW à l’époque d’Inferno! (qui s’était arrêté 5 ans plus tôt) ainsi que de celles de nouveaux talents (O’Brien, Kearney, Wraight) qui ne connurent pas tous la même trajectoire dans les années qui suivirent. Death & Dishonour est enfin le réceptacle des derniers tours de piste de quelques figures bien connues du fluffiste de WFB, à savoir les action buddies Florin et Lorenzo (Noblesse Oblige) et cette vieille baderne pince sans rire de Brunner le Chasseur de Primes (Wolfshead). Notons enfin que c’est à Gotrek et Felix que revient l’honneur d’ouvrir les festivités, à moins qu’il ne s’agisse des hostilités, dans le Red Snow de leur « beau-père » Nathan Long.

Death & Dishonour

.

Red Snow – N. Long:

.

INTRIGUE:

Dans la série des nouvelles mettant en scène l’increvable tueur Nain et son infortuné (mais néanmoins tout aussi increvable) commémorateur, celles de Nathan Long méritent le détour1. Red Snow cueille nos deux héros au début de leur périple vers la lointaine Cathay, après qu’ils aient rejoint une caravane arabienne aux Sentinelles, Gotrek espérant trouver un adversaire digne de lui dans les légendaires Terres de l’Est après avoir trucidé son content de monstres, démons et abominations lors de ses pérégrinations dans le Vieux Monde.

Retardée par une avalanche, l’expédition est forcée de faire halte dans un village en cours de route, faisant par la même la rencontre du père Gessler, missionnaire sigmarite s’étant établi dans les contreforts des Montagnes des Larmes afin d’en convertir les indigènes. Malheureusement pour tout le monde, sauf pour Gotrek, cette halte prend rapidement un tour macabre, les caravaniers tombant l’un après l’autre sous les griffes d’un mystérieux ennemi. Sautant sur l’occasion, notre petit rouquin teigneux se propose d’aller régler son compte à l’entreprenante bestiole, mettant en lumière par ricochet quelques pratiques folkloriques pas vraiment catholiques sigmarites2.

1 : Le duo créé par William King il y a plus d’un quart de siècle a connu de nombreux auteurs, dont l’œuvre collective se chiffre en dizaines de milliers de pages (15 romans, 18 nouvelles). Nathan Long, qui a repris le flambeau après le pas terrible du tout Giantslayer, est un des contributeurs les plus marquants de cette institution de la Black Library, sa plume inventive et ses talents de scénariste ayant permis de redorer le blason du tandem, sérieusement écorné par les derniers opus de King. 

: Enfin si, au final. Je me comprends.

AVIS:

Long est un des auteurs les plus sous-estimés de la Black Library, ce qui constitue une injustice de taille. Prenez Red Snow par exemple : derrière l’apparente simplicité de cette nouvelle, qui n’aurait pu être qu’un épisode de plus dans la longue série des (més)aventures sanglantes de Gotrunks, le nain super-sayan, c’est à un exercice peu évident que le créateur des Blackhearts (miam) s’est livré. En effet, parvenir à condenser en une trentaine de pages un rappel de l’arc narratif de la série, une bonne dose de fluff, une galerie de personnages secondaires bien développés, une mini enquête policière, sans compter l’inévitable baston entre le tueur et le boss de fin, nécessite un véritable talent littéraire, dont Long est heureusement doté.

C’est cette subtile alchimie entre tous ces éléments qui fait de cette n-ième péripétie Gotrek-et-Felix-ienne une lecture agréable, autant par son caractère dépaysant (ce n’est pas tous les jours que l’on peut lire des nouvelles se déroulant à l’Est des Montagnes du Bord du Monde1) que par son respect du binôme mythique de la BL. En ce sens, Nathan Long fait donc mieux que Brunner et son A Place of Quiet Assembly ou Guymer et son The Tilean’s Talisman, deux récits sympathiques mais guère fidèles au genre et à l’esprit de la série. Bref, une vraie bonne nouvelle comme on en lit malheureusement trop rarement, et l’une des raisons qui pourraient vous pousser à (re)donner leur chance aux iconiques comparses de Games Workshop.

1 : Et c’est encore mieux quand ces nouvelles ne sont pas complètement farfelues. Andy Smillie, c’est à toi (et à ton Mountain Eater) que je pense.

.

The Assassin’s Dilemma – D. Earle:

.

INTRIGUE:

Rude journée pour Sneeq Foulblade, assassin du clan Eshin de son état. Chargé par le corpulent Glut, chef de guerre du clan Famine, de l’assassinat d’un ingénieur impérial, notre malheureux skaven s’est vu cependant formellement interdire d’exécuter son contrat par le Prophète Gris Qit, sous peine d’encourir le déplaisir de l’envoyé du Conseil des Treize. Sneeq parviendra-t-il à satisfaire les exigences de ses deux employeurs sans susciter le courroux de l’un d’entre eux ? Tuer ou ne pas tuer (pour ne pas être tué), telle est la question…

AVIS:

The Assassin’s Dilemma met en relief deux caractéristiques centrales de la très noble race skaven : l’infinie capacité de nuisance dont ses membres sont capables les uns envers les autres, et la non moins infinie ingéniosité dont ces mêmes ratons sont capables de faire preuve, et qui leur permet (parfois) de se dépatouiller de situations pour le moins compliquées. Bien sûr, pour chaque héros parvenant à se tirer d’affaire (souvent à un poil de moustache près), une dizaine de side-kicks moins futés et/ou chanceux mordent la poussière, mais un bon auteur skaven est un auteur skaven n’ayant pas peur de faire monter le bodycount à un niveau stratosphérique. Après tout, il en reste plein de là où ils viennent.

Rythmée et assez bien construite, la nouvelle d’Earle est une petite gourmandise littéraire qui se laisse lire sans problème. Et c’est déjà pas mal.

.

Rest Eternal – A. Reynolds:

.

INTRIGUE:

Suivant les visions envoyées par la Dame du Lac, Calard de Garamont croise la route d’une wyverne particulièrement coriace, puisqu’il devra la tuer à quatre reprises avant d’en venir finalement à bout. Toujours suivi/supporté par son fidèle Chlod, notre héroïque chevalier voit sa foi et sa raison testées au même titre que son endurance et son adresse à l’épée, le récurent reptile auquel il s’échine à faire la peau tout au long de cette conséquente nouvelle (45 pages tout de même) prenant un malin plaisir à spawner de plus en plus rapidement au fil et à mesure des pages1.

Pas plus stupide que le joueur de WOW moyen, Calard décide finalement d’aller camper dans le cimetière adverse, technique petit bras mais efficace, puisqu’elle lui permettra de faire la connaissance d’Orderic de Montfort, autre chevalier de la Quête et clé de l’énigme soumise par cette troll de Dame2. Ayant triomphé de cette nouvelle épreuve, Calard met le cap sur son fief, et la suite est racontée dans les nouvelles Questing Knight et Grail Knight, toutes deux publiées dans Hammer & Bolter (#1 et 6).

1 : Ce que Reynolds compense en expédiant les mises à mort du lézard perpétuel (appelons-le Bob Wyvernicus) à un rythme comparable.

2 : On apprend ainsi que la Dame du Lac peut présenter un Graal empoisonné aux Quêteux qu’elle juge indignes de sa bénédiction. Elégant.

AVIS:

Je suis assez partagé au sujet de ce Rest Eternal, qui contient au moins autant d’éléments à charge qu’à décharge. En ceci, il est tout à fait représentatif de la prose de Reynolds, un des auteurs les plus inconstants de la Black Library.

Commençons par les choses qui fâchent. En premier lieu, je dois bien avouer que le protagoniste de la série bretonnienne de Reynolds me débecte profondément. Calard de Garamont, est, pour parler de manière franche, un héros que l’on aimerait presque détester s’il était possible de passer outre l’ennui qu’il semble exsuder en permanence. Pour résumer le bonhomme en deux mots, Cal’ est un Space Marine, avec toute la profondeur (ha ha) que l’on peut attendre de la part de ce type de personnage. Seule caractéristique notable du bonhomme, son mépris chevillé au corps pour tous les inférieurs qu’il côtoie au cours de ses aventures, à commencer par son iconique larbin, le bien nommé Chlod1.

S’il aurait pu être intéressant de jouer à fond la carte du noble dédain, quitte à transformer Calard en une version virile de Viserys Targaryen, Rest Eternal n’exploite pas vraiment les possibilités ouvertes par cet angle d’attaque assez novateur (la plupart des chevaliers Bretonniens de la BL étant des braves types très pieux, dans la droite ligne des paladins de la geste arthurienne), sans doute par volonté de laisser la part belle à l’action plutôt qu’à la description des difficiles rapports de classes entre Bretonniens.

Deuxièmement, j’ai trouvé que le récit de Reynolds manquait sensiblement de consistance, les péripéties s’enchaînant sans que le lecteur (sensiblement blasé) que je suis s’en émeuve. Difficile de mettre le doigt sur une caractéristique précise du style de l’auteur pour justifier ce ressenti, mais force a été de constater que Rest Eternal ne m’intéressait que moyennement. Il y a des nouvelles comme ça…

Troisièmement, et pour terminer, Rest Eternal contient quelques passages qui m’ont légèrement fait tiquer, qu’il s’agisse de « faux-raccords » entachant la crédibilité du récit (comme les séances de plongée sous-marine de Calard, d’abord en armure complète – ooooooh – puis avec un flotteur – aaaaaah – ), ou de questions laissées sans réponses par Reynolds2. Rien de terriblement rédhibitoire ceci dit, juste quelques maladresses qui auraient pu (et du) être corrigées dans le manuscrit.

D’un autre côté, certains passages de la nouvelle laissent transparaître l’imagination (parfois) débridée et l’inspiration enfiévrée qui constituent à n’en pas douter deux des plus grandes forces d’Anthony Reynolds. Tous les auteurs de la BL n’auraient en effet pas été capables de transformer une banale histoire de chasse au(x) monstre(s) en l’épopée cauchemardesque et mystique traversée au final par Calard. On retrouve ce même souffle épique et onirique dans Grail Knight (le duel « rêvé » entre le chevalier bretonnien et Drycha mérite le détour) et dans Torment, qui restent à mes yeux les meilleurs écrits de Reynolds à date. Rest Eternal est clairement en deçà de ces deux textes à ce niveau-là, ce que j’ai trouvé assez dommage.

Au final, je conseille la lecture de cette nouvelle aux seuls vrais accrocs d’Anthony Reynolds (et en particulier aux fans transis de Calard de Garamont), et suggère aux autres de se rabattre sur les travaux suivants, plus aboutis, de l’Australien de la Black Library.

1 : Calard est le genre de type à balancer sa botte dans la tête de son serviteur pour lui signifier que ses ronflements l’insupportent, puis à demander à ce dernier de lui redonner sa chaussure. Le maître est tellement bon.

2 : Par exemple, pourquoi Orderic a-t-il laissé passer les 3 wyvernes « interceptées » par Calard, alors qu’il avait occis toutes les précédentes avant leur sortie de la première salle?

.

The Miracle at Berlau – D. Hinks:

.

INTRIGUE:

Duel au sommet assommant entre un Prêtre-Guerrier de Sigmar hanté par son passé (Jakob Wolff) et le chef d’une bande de maraudeurs du Chaos (the Reaver) dans un temple abandonné. Entre deux échanges de mandales et de french kisses – the Reaver se battant principalement à coup de suçons – le mystère des origines de Wolff est également (partiellement) levé, sans que cela ait le moindre impact sur le reste de la nouvelle d’ailleurs.

AVIS:

Il n’y a pas grand-chose à sauver de cette soumission de Darius Hinks, qui a décidément du mal à faire sien le genre du court format1. Schéma narratif bancal, développements sans liens avec l’intrigue principale, progression hachée, conclusion tronquée : les 13 pages de The Miracle at Berlau sont davantage une succession de passages de pulp fantasy agglomérés les uns aux autres pour essayer de donner l’illusion d’un tout cohérent (en vain) qu’une nouvelle digne de ce nom. On en aurait presque l’impression que l’auteur a volontairement amputé des passages de son texte, afin d’obtenir le manuscrit le plus compact possible (dans quel but, mystère).

Autre explication possible : les évènements relatés dans The Miracle at Berlau pourraient s’inscrire dans un arc narratif plus développé (ce qui, après vérification, semble être le cas, puisque le protagoniste de Warrior Priest se nomme également Jakob Wolff), sans que Hinks ne fasse beaucoup d’efforts pour faciliter la compréhension de ses lecteurs. Bref, ce teaser – puisqu’il semble bien que ce soit le but premier de ce texte – tombe lamentablement à plat, et ne donnera envie qu’aux bibliophiles les plus acharnés et/ou déviants de se plonger plus avant dans les chroniques de la famille Wolff. Bouh.

1 : Étant donné que son roman Warrior Priest a remporté le Gemmell Morningstar Award (meilleur première publication fantasy) en 2011, on peut supposer que Darius se débrouille mieux en mode no limit. Ne comptez pas sur moi pour vérifier ceci dit.

.

Noblesse Oblige – R. Earl:

.

INTRIGUE:

Ayant laissé leur vie d’aventures derrière eux, Florin et Lorenzo (les héros de la trilogie1 du même nom de Robert Earl) débarquent dans la ville impériale de Vistein pour y vendre une cargaison de grain. L’affaire rondement conclue, le duo décide de passer la soirée à l’arène locale, où leur participation impromptue à un combat entre le champion du cru et quelques skavens badass les mène droit en prison. Afin d’échapper à une condamnation à mort (les habitants de Vistein prenant le respect du règlement de l’arène très à cœur), nos héros acceptent l’offre de la fiancée du prévôt de la milice et s’engagent à assassiner un général impérial à la retraite, qui chercherait à renverser le gouverneur de la ville pour se saisir du pouvoir.

Bien entendu, rien ne va se passer comme prévu, et la situation de deux Bretonniens ne fera que se compliquer au fil des péripéties de cette nouvelle, aux mortelles intrigues politiques de Vistein venant s’ajouter une invasion skaven en règle. Moralité : trader ou bretteur, il faut choisir son camp.

1: The Burning Shore, Wild Kingdoms et Savage City.

AVIS:

Robert Earl signe un sympathique récit se déroulant, une fois n’est pas coutume, dans un cadre familier des lecteurs de la Black Library. Après la Lustrie, les Montagnes des Larmes et la cité de Bordeleaux, Vistein ne frappe guère par son exotisme, sans que cela empêche le lecteur de goûter aux (més)aventures de Florin et Lorenzo, dont nous étions sans nouvelles depuis 2009 et la publication par la BL d’une anthologie à leur sujet.

Incarnation du duo d’aventuriers comiques (toute ressemblance avec les films de Terence Hill et Bud Spencer n’est pas totalement fortuite) dans le monde sanguinaire de Warhammer, les héros de Earl se distinguent assez franchement des personnages créés par les autres auteurs de la BL, et c’est (à mon sens) assez heureux. Malgré la – relative – légèreté de ton employée par Robert Earl au cours de cette nouvelle1, Noblesse Oblige ne sombre jamais dans la caricature, en grande partie grâce au personnage d’Adora (la fiancée du prévôt de la milice2), intrigante experte et adorable garce, dont l’innocent minois dissimule une ambition démesurée et une absence totale de scrupules.

En résumé, l’aspect « tragicomique » de Noblesse Oblige constitue indéniablement la réussite principale de Robert Earl, ainsi que la principale raison de lire cette nouvelle. Pour les amateurs du genre, la trilogie Blackhearts de Nathan Long constitue une autre valeur sûre (en plus des romans Florin & Lorenzo of course)3.

:La tentative d’assassinat du baron Vistein se termine ainsi par un pot de l’amitié entre les pseudo-tueurs et leur joviale victime, après quelques bourre-pifs échangés de part et d’autre en guise de présentations.

2 : Adora est également l’héroïne de The Barbed Wire Cat (Hammer & Bolter #4), qui se trouve être la suite de Noblesse Oblige et présente le personnage sous un jour un peu plus favorable.

3 : Et pour les adeptes de la franche rigolade (car fut un temps où la BL n’avait pas peur de publier des textes de fantasy parodique), les deux nouvelles consacrées par Andy Jones aux improbables Grunnson’s Marauders sont un must read.

.

The Last Ride of Heiner Rothstein – R. O’Brien:

.

INTRIGUE:

De retour d’une campagne victorieuse contre une bande de maraudeurs du Chaos, un régiment de Pistoliers se prépare à faire son entrée à Middenheim. Malgré les circonstances heureuses de leur retour, les soldats impériaux se montrent néanmoins nerveux et irritables, forçant leur nouveau commandant, Wolfram Rothstein, à multiplier les interventions pendant le bivouac.

Fils du défunt Heiner Rothstein, tombé au champ d’honneur quelques jours plus tôt (et depuis sanglé à son cheval avec la bannière qu’il a ravi aux forces chaotiques avant de trépasser), Wolfram sait qu’il devra choisir à son retour entre rejoindre un ordre de chevaliers – ce qui entraînerait la dissolution du Pistolkorps fondé par ses aïeux – ou reprendre le flambeau paternel en devenant officiellement le nouvel officier du régiment. La dernière chevauchée de Heiner Rothstein ne s’annonce guère de tout repos.

AVIS:

Cette première nouvelle d’O’Brien constitue un bel hommage aux écrits fantasy de Dan Abnett, puisqu’on y retrouve aussi bien des Pistoliers (Riders of the Dead – bon, d’accord, c’étaient des Lanciers au sens strict, mais avec des pistolets, donc…) que des chevaliers du Loup Blanc (Hammers of Ulric). On y retrouve également le souci du détail et la touche de réalisme qui ont permis à Abnett de s’affirmer comme l’une des meilleures plumes de la Black Library. Enfin, The Last Ride of Heiner Rothstein est une nouvelle à twist final, ce qui est toujours appréciable, surtout quand on ne voit pas ce dernier approcher à des kilomètres (ce qui a été mon cas).

Ceci dit, Ross O’Brien doit encore progresser sur certains points avant de pouvoir prétendre à un statut plus important que celui de hot new talent. Son « character management » (la capacité d’un auteur à développer et rendre intéressants aux yeux des lecteurs ses personnages) manque ainsi de rigueur, O’Brien peinant à faire cohabiter ses (trop) nombreux protagonistes1 et obligeant le lecteur à une fastidieuse gymnastique mentale pour se rappeler de qui a fait quoi, quand et pourquoi. De même, le twist final de la nouvelle n’est pas d’une absolue clarté (et pourtant, j’ai lu plusieurs fois The Last Ride… avant de m’atteler à cette critique), même si cela n’empêche pas de comprendre – et d’apprécier – les grandes lignes du dénouement de cette histoire.

Malgré ces quelques aspects perfectibles, The Last Ride of Heiner Rothstein constitue une très bonne première soumission pour un auteur de la Black Library, et O’Brien a certainement le potentiel nécessaire pour se faire un nom au sein de la maison d’édition de Nottingham (même s’il n’a plus donné de nouvelles – dans tous les sens du terme – depuis cette première publication).

1 : Une bonne dizaine (dont la plupart avec un nom en –er, ce qui ne facilite pas la distinction), pour une nouvelle de « seulement » 22 pages.

.

Broken Blood – P. Kearney:

.

INTRIGUE:

Broken Blood relate la bataille au cours de laquelle les deux frères Morgan, Gabriel et Michael, se retrouvent enfin face à face, en plein cœur du Pays des Trolls. Quelques flashbacks explicatifs permettent à Kearney de resituer son propos et de retracer la trajectoire des deux frangins : partis purger le grand Nord quelques mois avant le début de la Fin des Temps, les Morgan ont été séparés par un Prince Démon kleptomane ayant enlevé Michael pendant une bataille. Epargné par ses ravisseurs, l’aîné des frères Morgan refait son apparition quelques années après sa disparition, à la tête d’une armée de maraudeurs. Ne pouvant plus sauver son frérot, Gabriel se résout à lui offrir le repos éternel et engage l’ost chaotique avec les survivants de son contingent.

AVIS:

Si la nouvelle de Paul Kearney n’impressionne pas vraiment par l’originalité de son scénario1, elle satisfait par contre par sa mise en scène de l’ultime confrontation finale des frères Morgan. La facilité aurait consisté à décrire Gabriel se frayer un chemin à travers les rangs de l’armée ennemie jusqu’à sa Némésis, approche de pure hack’n’slash rapidement lassante pour le lecteur (après tout, il n’y a pas trente-six façons de tuer un adversaire sur un champ de bataille med-fan). En « élargissant » de temps à autre son point de vue, Kearney apporte un peu de variété bienvenue aux scènes de boucherie classiques qui constituent le gros de Broken Blood, et permet au tout venant de suivre le déroulement de l’affrontement avec un peu plus de recul. Mine de rien, cela demande un certain niveau. Bref : basique mais efficace.

1 : Le thème du noble guerrier rejoignant les rangs du Chaos, et se retrouvant opposé à une ancienne connaissance (ami, parent, amant) ayant été déjà exploré dans Riders of the Dead (Abnett) et The Heart of Chaos (Thorpe), pour rester dans l’univers de Warhammer Fantasy. Du côté de 40K, on a bien sûr l’Hérésie d’Horus.

.

The Judgment of Crows – C. Wraight:

.

INTRIGUE:

Dépêchée par son Collège à la rescousse d’un village de l’Ostermark profond dont les morts viennent frapper aux portes avec l’insistance et la régularité de témoins de Jehovah perfusés au glucuronolactone (j’adore ce mot), la mage d’Améthyste Katerina Lautermann se retrouve rapidement dépassée par les évènements.

Alors que tout espoir semble perdu pour les ultimes survivants de Herrendorf, la sorcière mène une sortie de la dernière chance jusqu’au cœur des marais entourant le hameau, à la recherche du mausolée de Radamus Arforl, légendaire membre du Collège d’Améthyste. Trois siècles plus tôt, ce fut en effet ce même Arforl qui vainquit, au prix de sa vie, le nécromancien responsable de la première invasion mort-vivante ayant frappé Herrendorf.

Si Katerina parvient à localiser le tombeau de son illustre prédécesseur, peut-être a-t-elle encore un espoir de triompher à son tour des puissances de la non-vie. Cependant, le Maître des Corbeaux ne l’entend pas de cette oreille…

AVIS:

La magie a beau être un élément essentiel de l’univers de Warhammer Fantasy, il faut bien reconnaître que la grande majorité des problèmes auxquels sont confrontés les héros du Vieux Monde sont réglés à grands coups de latte plutôt que par un sortilège bien senti. The Judgement of Crows permet de faire un break entre deux massacres à l’arme blanche, en ne mettant en scène (presque) que des sorciers, humains de surcroît1. Cerise sur le gâteau, il s’agit d’initiés des Collèges de Magie impériaux, ce qui signifie que chacun dispose d’un « style » lui étant propre, ce qui rajoute encore un peu de piquant à cette nouvelle fort plaisante.

L’affrontement final entre notre héroïne emo et le nécromancien à l’origine de tous les troubles de voisinage subis par les Herredorfers vaut ainsi le détour, chacun y allant de son « special move » pour faire mordre la poussière à l’autre. C’est très saint sayesque dans l’esprit, mais une fois de temps en temps, ça ne peut pas faire de mal.

Pour le reste, Chris Wraight déroule son histoire de manière convaincante, sans vraiment surprendre mais sans horrifier non plus, ce qui est toujours appréciable. Bref, The Judgement of Crows est un assez bon cru, solidement charpenté, équilibré et long en bouche. Manquerait plus qu’il ait un arrière-goût de banane, tiens.

1 : Rien de pire qu’un mage elfe (ou pire, un Slann) participant à un duel de sorcellerie : l’adversaire est généralement écrasé tellement rapidement que le lecteur n’a même pas le temps d’attraper le pop-corn. Blasant.

.

Wolfshead – C. L. Werner:

.

INTRIGUE:

Alors qu’il ramenait sa dernière prise (vivante pour une fois, ça rapporte plus) au juge Vaulkberg, Brunner est attaqué par un énorme loup qui boulotte prestement son prisonnier. La dévaluation sauvage et impromptue de son stock est toutefois compensée par l’offre d’un baron local, dont les terres sont la proie d’une bête féroce et insaisissable ayant développé un goût certain pour la chair humaine (tiens tiens…).

De chasseur de primes à chasseur tout court, il n’y a finalement qu’un pas, et Brunner accepte donc de traquer le mystérieux monstre qui hante le domaine de son hôte. Notre ténébreux héros va toutefois rapidement se rendre compte que le dessous de cette histoire est bien plus complexe et sinistre qu’il n’y paraissait au premier abord.

AVIS:

C. L. Werner livre à nouveau un masterclass en écriture de nouvelle fantastique avec ce Wolfshead, qui combine tous les éléments que le lecteur de ce genre de ce littérature se plaît à retrouver : une intrigue bien construite, des personnages crédibles, une bonne dose d’action, une ambiance glauque et poisseuse (même le héros est un très sale type, c’est dire), une narration sans temps morts ni décrochages, et quelques touches de background pour lier le tout. Werner se paie même le luxe de rajouter un petit côté « enquête policière » à son récit, en mettant le lecteur au défi de découvrir l’identité du loup-garou (car, oui, c’est bien d’un loup garou qu’il s’agit) avant le dénouement de la nouvelle. C’est bonus.

Même si, à titre purement personnel, je place Sickhouse en tête de mon classement des meilleurs nouvelles du cycle Brunner (le côté western sans doute, et puis cet impeccable timing…), Wolfshead n’est vraiment pas loin derrière, et mérite assurément le détour. Comme le reste de la saga d’ailleurs, mais c’est un autre sujet.