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INFERNO! [N°1]

Bonjour et bienvenue à tous dans la critique de ce premier numéro d’Inferno!, nouvelle mouture! On peut parler de retour aux sources pour la Black Library, qui reboote le magasine avec lequel tout a commencé pour elle, il y a un peu plus de vingt ans maintenant. Plus costaud que son petit frère en termes de contenu, un peu comme le Primaris à gode-ceinture de la couverture l’est pour le Space Marine lambda, cette version d’Inferno! joue également uniquement la carte de la prose: pas de comics, cosplay, carte, croquis ou chronique (c’est la maison qui régale sur ce dernier point, ne vous inquiétez pas) au menu cette fois, rien que de la nouvelle, mais par paquet de douze (onze en fait), excusez du peu. Dans la série des interdits littéraires, notons également l’absence de soumissions rattachées à l’Hérésie d’Horus, qui confirme par ce fait son statut de franchise d’exception dans le portefeuille de la BL.

Ces différences évoquées, il convient également de s’attarder un peu sur une caractéristique majeure de l’Inferno! initial, que l’on retrouve à nouveau dans la séquelle (et c’est heureux, si vous voulez mon avis): la publication de textes proposés par d’illustres inconnus, pour peu que la BL les juge d’un assez bon standing. L’occasion de découvrir les talents de demain, et, parfois, de faire de plaisantes et rafraichissantes lectures, bien éloignées des canons stylistiques de la maison (le fameux TGCM, c’est à dire Thorpe-Green-Counter-McNeill). Là où Hammer & Bolter et ses Hot New Talents s’était montré finalement assez conservateur dans son approche, privilégiant généralement les valeurs sûres par rapport aux impétrants, Inferno! joue lui franchement la carte de la nouveauté, avec pas moins de sept rookies crédités au sommaire, encadrés par les confirmés David Annandale, Josh Reynolds et Guy Haley. Alors, lecteur, que peux-tu attendre pour tes dix balles d’écot? Bien des choses, bien des choses en effet…

#1 - Cover

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The Unsung War –  Annandale :

The Unsung WarAnnandale propose un huis clos entre trois factions de 40K dans les entrailles du vaisseau impérial Summons of Faith. À ma droite, l’équipage du cargo, partageant tous une élégante calvitie et hébergeant gracieusement un gang de voleurs de Gênes. À ma gauche, une cabale Drukhari qui faisait du stop le long de l’Immaterium et a sournoisement investi les lieux quand le pilote du SoF a dû ralentir pour négocier un virage en épingle (tout est possible dans le Warp). Et au milieu de ce conflit latent entre propriétaires et locataires, trois honnêtes citoyens de l’Imperium, auxquels il reviendra la lourde tâche de calmer les ardeurs belliqueuses de leurs compagnons de croisière : Sebastia Hoven, alias le Rat (ou la Rat(t)e, l’anglais n’est pas clair à ce sujet), SDF kleptomane dont le plan de carrière a jusqu’ici consisté à passer incognito de vaisseau en vaisseau en volant et revendant des cure dents et du papier toilette au passage, et les frères Bogdanov du 41ème millénaire, c’est-à-dire le sergent Primaris Ultramarines Aetius et son sous-fifre Calenus, derniers rescapés d’une escouade d’Intercessors ayant eu le malheur de se lancer dans la purge du Summons of Faith au moment de l’arrivée impromptue des Eldars Noirs, et s’étant retrouvée dépassée par la tournure des évènements.

Notre histoire commence par la libération des deux Über Schtroumpfs par une Hoven dont la capacité à ouvrir des portes et à se matérialiser à côté des consoles de contrôle de manière aussi infaillible qu’instantanée jouera un grand rôle tout au long de la nouvelle. Terrifiée à égales mesures par les groupies de la Grande Dévoreuse et ceux de la Grande Avaleuse, la Rate, qui a assisté à la défaite et la capture des Ultramarines, décide en effet de la jouer comme Guilliman, comptant sur les gros biscotos de Cubitus et Jean-Claude Dusse pour la tirer d’affaire. Sitôt libérés de la cale où leurs geôliers les avaient remisés, et ayant repris possession de leurs fidèles carabolters (obligeamment localisés par une Rate décidément très bien informée), Rambo et son frère mettent au point une stratégie pour triompher de leurs adversaires malgré le très net désavantage numérique avec lequel ils doivent composer. Leur plan, d’une imparable simplicité, consiste à libérer l’équipage et leurs mascottes Xenos, eux aussi confinés dans la soute après le putsch des Drukhari, et de profiter de l’explication de texte qui ne manquera pas de s’en suivre pour achever les survivants de l’algarade.

Joignant l’action à la réflexion, Olibrius et Cirque Arlette Grüss pètent quelques cloisons à coups de bombes à fusion et partent s’embusquer à proximité de la salle de commandement. Ils n’ont pas à attendre longtemps avant qu’une horde de chauves, pas vraiment souriants, ne fasse son arrivée sur les lieux, insulte à la lèvre et acte d’expulsion à la main. En face, les scions de Commoragh, guère disposés à quitter leur Blablacar avant d’être arrivés à bon port, ont d’abord la partie facile, mais l’arrivée opportune de Château Petrus et Canal + et leur ciblage exclusif des Drukhari, ont tôt fait de rétablir l’équilibre des forces. Experts consommés du micromanagement en STR, sans doute grâce à toutes ces soirées passées en LAN sur Starcraft III, nos héros s’assurent qu’aucun camp ne prenne un trop grand ascendant sur l’autre, et retournent leurs vestes (énergétiques) avec un art consommé, ce qui ne les empêche pas de se retrouver en difficulté lorsque Papi Eugène Stiller (beaucoup moins sympa que son arrière-grand-père Ben) décide de passer une tête, puis un bras, puis deux, puis tous, à travers l’intégrité physique des galopins qui tourmentent sa smala. Littéralement éreinté par les fougueuses attentions du One-Man Chauve, Aetius doit se résoudre à jouer son joker (énergétique) pour mettre fin à la partie : à son appel plein de mâles accents, la Rate se téléporte sur le pont, et appuie sur le bouton « toit ouvrant » de la console. Même si on peut se demander pourquoi une option aussi incongrue avait été prise par le commanditaire du Summons of Faith (sans doute une petite mamie du Segmentum Obscurus abusée par un télévendeur peu scrupuleux), force est de constater que le résultat est des plus spectaculaires : comme dans la conclusion de la moitié des films de la série Alien, les odieux antagonistes sont catapultés dans les profondeurs stygiennes et glacées de l’espace infini, laissant nos héros seuls maîtres de la situation1. Hosanna, Magnificat et Biscopea, loué soit Lampe Erreur.

Les hasards de la vie ont fait que The Unsung War a été ma première rencontre littéraire avec les Space Marines Primaris. Après des dizaines de romans et nouvelles à la gloire du « simple » Space Marine lus au fil des ans, j’étais curieux de découvrir le traitement réservé par la Black Library au grand cousin de la tête de gondole de Games Workshop. Tout l’enjeu, de mon point de vue, était de montrer à la fois la proximité et l’altérité de ces deux versions du même modèle, comme cela avait été fait (parfois) entre Astartes « trentistes » et « quarantistes » via les publications de l’Hérésie d’Horus (voir par exemple Bloodline de James Swallow). Présentés dans les Codex et suppléments comme des Super Marines, plus grands, plus forts, plus résistants, mieux armés et équipés que leurs petits frères, les Primaris ne seraient-ils qu’un simple upgrade de ces derniers, ou une différence peut-elle également se percevoir au niveau psychologique (ce qui serait beaucoup plus intéressant que trois organes surnuméraires et un bolter qui tire plus loin, dans l’absolu) ? Dire que je préfère réserver mon jugement définitif sur la question après avoir pu lire d’autres travaux que celui du sieur Annandale suffit je pense à vous donner une idée de ce que j’ai pensé de sa soumission. Comment expliquer ces débuts poussifs ?

À mon sens, c’est la compréhension même d’Annandale de ce qu’est un Astartes (goût vanille ou goût stéroïdes) qui a pêché, état de fait à partir duquel il n’était tout simplement pas possible de bâtir quelque chose de correct. Sans connaître à fond le corpus du bonhomme (mis à part The Carrion Anthem Hammer & Bolter #11, guère folichon il faut le reconnaître, et au cours duquel il s’était déjà illustré par une utilisation assez contrintuitive du fluff établi), ce que j’ai pu lire dans The Unsung War ne le qualifie pas comme docteur es Spacemarinologie. D’un point de vue physique, tout d’abord, les héros d’Annadale se révèlent assez inconstants, capables de tenir tête à un Patriarche Genestealer à un moment, et infoutu de tenir en respect une doublette de Cérastes sans se faire perforer les poumons (et même s’ils en ont trois, ce n’est jamais agréable) à un autre. Leur plus haut fait d’armes de la nouvelle restera d’ailleurs le massacre de quelques serviteurs de réparation lobotomisés, seuls ennemis contre lesquels un clean sheet sera préservé. On remarquera également la non-utilisation des glandes de Betcher par Aetius et Calenus en début de récit, pourtant placés par l’auteur dans une situation (enfermés, désarmés mais laissés sans surveillance) où le recours à cet organe kikoolol était tout indiqué par le Codex.

C’est cependant au niveau mental que les Primaris d’Annadale détonnent le plus. Leur manque cruellement le fanatisme propre aux Astartes, qui aurait pu être moindre que celui des Space Marines classiques, formatés par dix millénaires de lutte implacable pour la survie de l’humanité, quand une certaine « candeur » de la part des nouveaux-venus Primaris n’aurait pas été déplacée, mais pas totalement absent tel qu’il semble l’être dans The Unsung War. Car c’est bien simple, à aucun moment Annandale ne parvient à faire transparaître un tant soit peu de zèle chez ses protagonistes, préférant l’approche scientifique (« il y a trop de variables en jeu pour pouvoir calculer nos chances de succès »), pince sans rire (« ils n’ont pas aimé ça » « alors ils aimeront encore moins ça ») ou fataliste (« laissons-nous mourir de froid dans l’espace au lieu de chercher à rejoindre la capsule d’évacuation et nous mettre en catalepsie pour ralentir l’action des toxines Drukhari, dans l’espoir que nous soyons retrouvés par le Chapitre »). Ajoutez à cela une nette propension de l’auteur de faire parler ses Ultras pour ne rien leur faire dire d’intéressant, et vous obtenez un honnête script de série B d’action, ce qui est un franc gâchis du potentiel intrinsèque de 40K en termes de construction narrative. Finalement, il n’y a que la Rate qui vienne (un peu) relever le niveau du casting, et encore, seulement lors de son introduction par Annandale, qui met en lumière un aspect intéressant, mais assez peu exploité par les auteurs de la BL (Ancient History d’Andy Chambers étant l’une des rares – à ma connaissance – exception à cette règle) du 41ème millénaire : la vie des milliards de serfs navaux (à ne pas confondre avec les cerfs-volants) nécessaires au bon fonctionnement de la flotte impériale. Malheureusement, une fois la libération des Primaris acquise, notre sympathique rongeur sortira largement du cadre, et ne fera plus office que de Deus Rattus ex Machina1 par la suite.

Enfin, on peut aussi s’amuser à relever quelques bourdes éparses de la part d’un Annandale qui faute tantôt par manque de cohérence (comme ces cultistes qu’il présente comme soucieux de reprendre le pont sans l’endommager… et qui arrosent les Drukhari au lance-missile), tantôt par manque de connaissance nerdique (c’est bien beau de mentionner les points de Geller, mais si c’est pour permettre l’abordage d’un vaisseau par un autre pendant qu’ils sont dans le Warp, ça ne relève pas vraiment le niveau). Parfois, tirer sur l’ambulance est le meilleur moyen d’abréger les souffrances d’un patient condamné.

Finalement, The Unsung War n’a pas grand-chose à apporter au lecteur que quelques scènes d’actions potables dans lesquelles figurent des Space Marines, qui se trouvent être des Primaris. Comme ce type de littérature se ramasse à la pelle dans les publications BL, on ne peut pas dire que cette soumission ait un quelconque intérêt, aficionados d’Annandale exceptés. Vous valez mieux que ça, ami lecteur.

1 : Grâce à leurs semelles magnétiques pour Carte à Puce et Ingérence Russe, et grâce à un trou de ver scénaristique pour la Rate, qui s’est glissée dans des passages bien plus étroits dans sa jeunesse, merci pour elle.

2 : On peut se demander, si on veut vraiment pousser le Dav’ dans ses retranchements de scénariste, pourquoi les Primaris se sont embêtés à participer à la baston sur le pont du Summons of Faith, une fois les cultistes sortis de leur quarantaine forcée. Il leur suffisait d’attendre que la Battle Royale soit engagée pour envoyer Hamtaro appuyer sur le bon bouton, au plus fort des combats.

No Hero – McLean :

Engagé dans une campagne désastreuse contre les Orks sur le monde jungle de Vardan IV, le 45ème Reslian reçoit l’ordre tant attendu de l’évacuation du redéploiement de la part du haut commandement, au grand soulagement de notre narrateur (surnommé Boy par ses camarades, peut-être à cause de son jeune âge – 19 ans – mais plus sûrement parce qu’il doit s’appeler Georges) et de ses comparses de la compagnie D. Cette dernière joue cependant de malchance lorsque la Valkyrie-taxi qui devait les transporter jusqu’au spatioport survole une bande de Frimeurs peu fans de Wagner, qui ont tôt fait de transformée la chevauchée en concassée. Ayant survécu au crash avec une poignée d’autres Gardes, Georges entame sans grand enthousiasme son « Rendez-Vous en Terre Inconnue » personnel, les petits aléas de ce genre de trek (chaleur étouffante, pluie constante, boue omniprésente, faune agressive, pièges à cons à base de grenades, scouts incompétents, blagues lourdingues de Frédéric Lopez…) ayant tôt fait de lui courir sur le haricot. Le comble est atteint lorsque nos Mike Horn en herbe se retrouvent embusqués par quelques éclaireurs Orks, rencontre pas vraiment amicale, qui verra toutefois la brute du groupe (Lopata) s’illustrer en un contre un face à un adversaire de son gabarit. Après toutes ces avanies, c’est avec un soulagement non feint que l’ultime quatuor de survivants finit par débouler, de manière totalement fortuite, sur un village humain perdu au milieu de rien. Joie. Ayant abandonné tout espoir d’être secouru par leurs frères d’armes (car la Garde meurt mais ne se rend pas à Ban Kha – en même temps, c’est loin –), les Reslians décident de défendre leurs hôtes jusqu’à la mort… avant de changer d’avis lorsqu’une Valkyrie se décide à pointer le bout de son fuselage. À quoi tient l’héroïsme désintéressé de nos jours, je vous jure. Alerté par un tir de fusée de détresse, l’appareil se pose et repart aussi sec avec nos héros. Tous ? Non. Tel l’irréductible gaulois qui fut peut-être son lointain aïeul, Georges a décidé d’honorer son serment, et est donc resté sur place, prêt à donner sa vie pour la défense de cette insignifiante communauté humaine. En tant que Garde Impérial, pouvait-il faire autrement1 ?

No Hero est une publication intéressante à plus d’un titre. Le choix de McLean d’utiliser la première personne pour relater son récit, choix assez peu usité par les auteurs de la BL, apporte une fraîcheur indéniable à l’exercice, et son style dénote également assez fortement des canons habituels, sans qu’il me soit possible de mettre le doigt sur une caractéristique particulièrement distinctive de ce dernier. C’est tout simplement différent à la lecture, sans que cette variation soit rédhibitoire, et c’est donc assez appréciable. Logique, me direz-vous, pour une revue comme Inferno!, qui publie les travaux de nouveaux venus, pas forcément imprégné (encore) du « BL-style » que l’on retrouve assez largement dans le corpus de la maison d’édition. D’autant plus logique que Peter McLean, présenté dans l’introduction de No Hero comme un auteur établi, dispose d’un pedigree déjà assez fourni (séries War for the Rose Throne et Burned Man). Ce n’est pas de l’Asimov ou du Lovecraft, certes, mais ce n’est pas du McNeill ou du Kyme non plus, et c’est déjà pas mal.

On peut également créditer McLean de quelques efforts en matière de character development, en particulier pour le personnage de Lopata, dont la dualité, progressivement révélée (il commence comme un pseudo Bragg, il finit comme lookalike Gilbear) ajoute du piment à l’intrigue. Sur un format aussi court, l’effet ne joue certes pas à plein, mais cette capacité à approfondir ses personnages est un bon point indéniable pour McLean, à garder en tête si le sieur se lance dans des travaux plus conséquents pour le compte de la Black Library.

À côté de cela, le propos couvert dans cette nouvelle est d’une banalité assez consommée, et donc guère mémorable pour lui-même. Le canevas du groupe de Gardes Impériaux en perdition sur un monde jungle hostile n’est en rien inédit (et on peut remonter jusqu’au Devil’s Marauders de Bill King – 1990, tout de même – pour s’en convaincre), et si l’approche « Platoonesque » choisie par McLean ajoute un peu de singularité à l’ensemble, un scénario un peu plus original n’aurait pas desservi la nouvelle, loin de là. Bref, une première soumission respectable, mais perfectible, qui m’a donné l’envie de pratiquer à nouveau le bonhomme à l’occasion, afin de voir comment il a transformé l’essai.

1 : Ce n’est pas pour jouer les rabat-joie, mais il est quasiment certain qu’il est plus bénéfique pour l’Imperium de récupérer un soldat, qui pourra être redéployé sur un autre champ de bataille et contribuer de cette façon à l’effort de guerre, plutôt que de retarder de 0,0000000000001% l’avancée d’une horde Orks grâce au sacrifice dudit soldat. Comme quoi Georges aurait dû accepter de retaper sa 3ème SEGPA et persévérer dans ses études plutôt que de s’engager dans la Garde. Stay in school kiddos.

The Path to Glory – Dicken :

Il y a des nouvelles dont la lecture vous dépayse plus que d’autres, et The Path to Glory d’Evan Dicken fait définitivement partie de ce genre de soumissions qui tirent le lecteur de sa zone de confort narratif. Bienvenue dans l’empire Lantique, au moment où ce dernier livre la plus grande bataille de son histoire contre les hordes assoiffées de sang d’Azakul the Winnower (soit, très littéralement, Azakul le Vanneur, ça c’est un patronyme à potentiel). Comment, qu’entends-je ? Vous n’avez pas la moindre idée de ce qu’est l’empire Lantique, et le nom d’Azakul ne vous évoque qu’une vague sensation de déjà lu (spoiler alert, vous confondez avec Asavar Kul) ? Cuistres que vous êtes. Les gens de bonne société savent tous que Lantia ( ?) était un royaume humain du plan de Chamon, dont l’avance technologique et la maîtrise de la metallarcanie (you know what I mean) ne furent pas suffisants pour résister aux assauts chaotiques, bien aidés il faut le reconnaître par la défection des Fyreslayers alliés de l’Empire et la destruction par ces derniers de la Ceinture d’Orvapeur (Gilded Steamgrid), qui avait défendu le domaine des humains pendant des siècles. Allez donc, maroufles, tout le monde sait ça.

Nous suivons donc, au cours de cette longue nouvelle (52 pages tout de même, soit le format novella de la BL), les dernières heures du malheureux empire, tel que vécues par trois de ses sujets. Honneur aux dames, nous commencerons donc par présenter le capitaine Sulla, officier dans les Légions Lantiques, et propulsée commandante des dernières forces armées de l’Empire à la suite du tragique décès de tous ses supérieurs, impératrice Xerastia comprise1. Survivante éprouvée par les combats, mais déterminée à faire son devoir jusqu’au bout, Sulla mène les restes de l’armée Lantique jusqu’à Uliashtai, cité du stuff et de l’embrayage (City of Gear), bastion de l’ordre doré, dont les sortilèges millimétrés ont réussi à maintenir en respect les suivants du Vanneur (car c’est bien connu, les métalleux n’ont pas d’humour).

À Uliashtai, soumise à un siège interminable par Skayne Bloodtongue et sa cabale de sorciers, nous faisons la rencontre du mage Kaslon, courageux mais pas téméraire, et prompt de ce fait à déserter le champ de bataille lorsque la savante géométrie arcanique de l’ordre est prise en défaut par un nouveau maléfice de Bloodtongue, avec des résultats pour le moins corrosifs. Unique survivant du carnage, Kaslon passe en coup de vent à la Tour d’Argent, QG des mages dorés, et prend connaissance du dernier message reçu par les maîtres de l’ordre, les alertant de la chute de l’Empire et les enjoignant à fuir avec leurs concitoyens jusqu’au portail menant à Azyr, pour se mettre sous la protection de Sigmar. Abasourdi par la nouvelle, Kaslon se ressaisit cependant vite et pense à aller looter la réserve d’artefacts trotrokwioul des métalleux, dont il ressort avec un magnifaïk bâton de cristal, aussi mystérieux que badass. Lui aussi mis par le destin à la tête de son peuple, il réussit à organiser l’évacuation rapide de la cité condamnée en direction du palais de l’Autarque, siège du pouvoir temporel d’Uliashtai et unique accès au tunnel menant à ce fameux portail. Il peut en cela compter sur le précieux soutien de Sulla et de ses troupes, arrivées juste à temps pour claquer le beignet de l’avant-garde chaotique, et la porte de la ville au nez crochu de Skayne.

C’est enfin dans le palais de l’Autarque, ravagé par une peste à l’efficacité toute biactolique (comprendre qu’elle a éliminé 99,9% de la population) que s’éveille notre troisième protagoniste, répondant au nom de Livius. Fils indigne d’une famille noble disgraciée, Livius peut toutefois se targuer d’être l’Empereur légitime d’Uliashtai, le décès impromptu du monarque précédent et des 1298 prétendants mieux placés que lui à la succession au trône de fer/bronze/plomb/palladium brossé ayant laissé le chemin vers le pouvoir grand ouvert. Ayant également hérité d’un sabre enchanté, Fléau des Veuves2 (Widowbane) suite au décès de ses chers ascendants, dont une mère castratrice dont il ne pourra s’empêcher de mutiler le cadavre au passage (hmmmm… okay), Livius se montrera rapidement utile à la progression de l’intrigue en ouvrant les portes du palais de l’Autarque à son peuple, chose que seul l’Empereur régnant peut accomplir, pour des raisons mystico-logiques. Soit. Laissé durement éprouvé par ce fait (que je ne qualifierai pas de haut, car faut pas déconner non plus), Livius est ramené à la vie par Kaslon et Sulla, et tous trois finissent par conclure que la seule option qui s’offre aux ultimes survivants de l’empire est de fuir vers le portail d’Azyr, en refermant les portes du palais pour gagner un peu de temps, même si cela revient à condamner les derniers réfugiés à un tête à tête avec Skayne et Sbarbie. Comme on dit chez les Papous, Fosse quille faux.

La suite de l’histoire verra nos trois héros mener leur colonne de survivants jusqu’au (possible) salut représenté par ce fameux portail vers Azyr, alors même que les forces de Skayne et d’Azakul se rapprochent pour la curée. Pour ne pas spoiler la fin de cet épique The Path to Glory, je m’arrêterai ici, mais sachez tout de même que vous risquez de finir le récit avec une image un peu différent de ce cher Sigmar, qui n’apparaît pas ici sous son meilleur profil (qu’il a aquilin), ce qui est tant mieux, si vous voulez mon avis.

Pour un début, c’est un beau début. Le newbie Dicken fait plus que servir la soupe ou se compromettre avec une Space Marinade réchauffée au micro-ondes, tenez-le-vous pour dit. Le choix de s’embarquer dès son galop d’essai dans une saga mêlant batailles, magie, exploration du background des Royaumes Mortels au temps de l’Âge du Chaos, et réflexion, certes classique, mais pas mal menée, sur le thème « l’enfer (ou en Chamon, l’en fer) est pavé de bonnes intentions », aurait pu se solder par un pataquès littéraire, boursoufflé et incohérent, mais force est de constater que le gars Evan réussit à mener sa barque avec un talent consommé. On ne s’ennuie pas à la lecture de The Path to Glory, que ce soit en découvrant la civilisation Lantique à travers le prisme de sa chute sous les assauts chaotiques, ou en suivant le cheminement de nos héros vers leur destinée, qui pourrait être tout autre que celle qu’ils envisageaient. Rien de bien neuf sous le soleil de ce point de vue, mais du moment que l’exécution est bonne, et ne sombre ni dans la caricature, ni dans la vacuité, il n’y a pas à bouder son plaisir. On pourrait même prêter à Dicken une finesse supplémentaire dans sa construction du récit, en plaçant la trajectoire de chacun de nos protagonistes sous le patronage de l’un des trois Dieux du Chaos « survivants », les aptitudes, tempéraments et péripéties vécues par Sulla, Kaslon et Livius – personnages d’une richesse appréciable, tout comme leurs némésis Skayne (a.k.a. Bad Santa) et Azakul (« Jonah Hill, sort de cette armure du Chaos ») – permettant d’établir ce genre de passerelles sans trop de difficultés. Il serait intéressant que l’auteur donne une suite à cette novella pour constater si cette hypothèse se vérifie. Bref, un coup d’essai de fort belle facture pour Evan Dicken, et un nom qui mérite d’être suivi dans les mois à venir, si j’en suis juge.

1 : Cette dernière, vainqueur du concours d’hardcore limbo improvisé par Azakul en plein champ de bataille, gagna un billet pour le monde merveilleux d’Azyr et un beau masque doré pour sa peine.

2 : Ça tombe plutôt bien, l’alcoolisme mondain de Livius lui avait également gagné le surnom de Fléau des Veuves Clicquot, ce qui est presque pareil, reconnaissez-le.

A Common Ground – Brooks :

Quelque part dans l’immensité bétonnée de Necromunda, dans l’arène gladiatoriale tenue par nul autre que le tristement célèbre Drost Khouren, un free for all suit son cours sous les ovations et rugissements d’un public conquis. Parfaitement dans son élément, notre héros, le combattant Goliath Jaxx, livre un masterclass de MMA et se débarrasse de ses adversaires les uns après les autres avec un talent consommé, dans l’espoir de cimenter son statut de challenger incontournable à Graw Hammerhand, champion en titre de l’arène, que Jaxx aimerait délester de sa ceinture (si tant est qu’on utilise des ceintures pour marquer les titres au 41ème millénaire, mais c’est un autre débat). Ayant réussi à mettre aux tapis ses petits camarades de jeu sans recourir à sa précieuse dose de stimms, Jaxx se prépare à en finir avec sa dernière adversaire, Malady Kaw, en passant à son tour en bullet mode. Malheureusement pour notre champion, c’est en boulet mode qu’il finit après avoir lancé l’injection, la faute à la dose frelatée remise par un Khouren préférant de loin faire durer la rivalité entre Jaxx et Graw pendant encore quelques mois plutôt que de laisser Big J. s’expliquer en tête à tête avec l’autre Gros.

De boulet à boulette, il n’y a qu’un pas (et deux lettres), et c’est dans l’état de cette fameuse spécialité suédoise que Jaxx s’éveille dans l’infirmerie de l’arène. Encore sonné par son bad trip et les touchantes attentions de Miss Kaw, il reçoit la visite d’une mystérieuse inconnue, qu’il avait aperçu aux côtés de son bon ami Khouren dans la loge présidentielle gouvernementale. Cette dernière, une Navigatrice répondant au nom de Chettamandey Vula Brobantis (Chetta pour les intimes et les Goliaths mous du bulbe comme Jaxx), vient proposer un marché au philistin déconfit: combattre dès le lendemain, et s’arranger pour faire mordre la moquette à son cher mari, en malheureuse victime collatérale du meurtre du fourbe Khouren par un Jaxx ivre de revanche et une balustrade trop basse pour empêcher ce dernier de lui tomber sur le râble comme la Pourriture de Nurgle sur Espandor, en échange de la prise en charge de la famille du berserker par la commanditaire du regrettable incident après l’inévitable décès du gladiateur. Ayant pesé ses options et conclus qu’il n’avait plus grand chose à perdre, Jaxx le Fataliste accepte le deal. Mais a-t-il raison de faire confiance à sa nouvelle meilleure amie ?

Mike Brooks livre avec A Common Ground une nouvelle dont l’intrigue minimaliste est contrebalancée par une exécution parfaitement maîtrisée, tant au niveau de la narration que du respect du fluff, assez spécifique sur certains aspects, de Necromunda et de 40K. En plus de décrire de manière à la fois prenante et “intellectualisée” le chaos d’une battle royale gladiatoriale, où tous les coups sont permis mais où la stratégie est également de mise de la part des combattants qui veulent avoir une chance de triompher, il se paie le luxe de mettre en relief de façon intéressante la condition du Goliath moyen (2m07 pour 136 kgs, donc), colosse cultivé en cuve et destiné à un prompt trépas, et cherchant par tous les moyens à donner un sens à sa courte existence. Pas mal du tout pour une première incursion dans les ténèbres de notre lointain futur, donc.

The Emperor’s Wrath – Fischer :

Sur l’agrimonde d’Halcyon, Caius et ses jeunes frère et sœur Remus et Rhea, laissés orphelins par le meurtre de leurs parents dix ans plus tôt par une milice pas très Charlie baptisée la Fureur de l’Empereur (The Emperor’s Wrath), cherchent à s’exfiltrer discrètement à la suite de l’arrivée en orbite d’une flotte impériale. Animé, et c’est compréhensible, d’une haine farouche envers l’Imperium, qu’il tient responsable de ses malheurs, Caius compte sur ses relations avec un trafiquant notoire possédant un vaisseau à même de percer le blocus impérial (non, ce n’est pas Han Solo) pour fausser une fois pour toute compagnie aux sbires de Pépé. Manque de bol, le trio arrive trop tard dans la planque du contrebandier, et est accueilli par le cadavre de ce dernier et de son équipage, avant que Caius ne fasse connaissance avec la crosse d’un fusil laser et se réveille attaché à une caisse et tout prêt à subir lui-aussi la fureur2 de l’Empereur.

Sauvé par l’arrivée opportune d’une escouade de survivants du 1109ème Cadien, qui a tôt fait de renvoyer les amateurs de la FdE à leurs chères études, Caius, d’abord franchement hostile envers ses bienfaiteurs du fait de leur allégeance au Trône de Terra, a la surprise d’apprendre que ces derniers sont des frères d’armes de son défunt paternel (l’Imperium est un village, vraiment), et qu’ils sont sur place pour reprendre la planète aux vilains Furieux, qui malgré leur nom ne sont autres qu’une faction chaotique. 30 ans de thérapie en perspective pour notre héros, qui réalise que l’Empereur est finalement le gentil de l’histoire, en contradiction avec ce qu’il avait cru pendant toute sa vie. Heckin bamboozled. Par solidarité envers les rejetons d’un ancien camarade, les Cadiens acceptent obligeamment de prendre la marmaille sous leur aile et de les accompagner jusqu’au spatioport d’Halcyon, où ils pourront être évacués vers une planète plus funky. Cependant, la route jusqu’à la fin du niveau ne sera pas une promenade de santé, d’autant plus que l’Empereur semble être bel et bien présent sur Halcyon, et qu’il est effectivement plutôt énervé…

Introduite comme une réflexion habile sur la manière dont les croyances et idéaux d’un individu peuvent et doivent être mis en perspective de la compréhension, parfois limitée, que ce dernier a de sa situation (tournure alambiquée #1), The Emperor’s Wrath rencontre beaucoup de difficultés à honorer cette promesse, et se contente pour la majeure part d’être une banale nouvelle de GI Joe(s) vs cultistes pas bô. Le mètre étalon en la matière restant le gars Abnett et ses Fantômes de Gaunt, dont Fischer s’inspire de façon peu inspirée (un comble), le lecteur vétéran de la BL ne trouvera guère d’intérêt dans cette nième resucée d’un topos éculé de la littérature 40Kesque (tournure alambiquée #2). Il aurait été à mon avis plus intéressant de limiter la partie action pure et dure de la nouvelle à sa portion congrue, et dédier le gros de cette dernière à la confrontation de points de vue entre un Caius méprisant l’Imperium pour les mauvaises raisons, et découvrant peut-être de meilleurs motifs d’ire au contact des survivants de Cadia, et le prosélytisme impérial, peut-être un peu ébranlé par le destin de leur monde, mais toujours chevillé au corps, de ces derniers (ouaaaaais, le hat trick des tournures alambiquées!). McNeill avait, de l’opinion générale (je n’ai pas, au moment de l’écriture de ces lignes, lu le bouzin) plutôt réussi son coup avec cette approche “intellectuelle” dans The Last Church, développement d’une idée somme toute assez proche de celle servant d’argument à The Emperor’s Wrath: il y avait à mon avis largement la place pour Fischer de s’inscrire dans cette logique. Ce n’a pas été le cas, tant pis.

Waking the Dragon – J. Reynolds :

Qui eut cru trouver une nouvelle se passant dans le Monde qui fut dans la nouvelle version d’Inferno! ? Certainement pas moi, qui m’attendait à une répartition entre travaux 40K et AoS (avec peut-être un peu de Blood Bowl pour épicer l’affaire), du fait de la disparition de WFB des tablettes de GW depuis plus de 3 ans au moment de la publication de ce numéro. C’était cependant sans compter sur le zèle nécrophile de Josh Reynolds, auteur Battle des plus dévoués à sa franchise de cœur, dont il a porté haut les couleurs depuis son introduction dans l’écurie BL, via ses piges (nombreuses et de bonne qualité) pour Hammer & Bolter, avant de lourdement contribuer à la destruction du Vieux Monde en tant que rédacteur de deux des tomes The End Times (dont le dernier de la série, The Lord of End Times, ultime clou dans le cercueil de WFB). Brûle ce que tu as adoré, etc… C’est d’ailleurs justement dans la tempête avant le dernier des calmes que Josh nous replonge, avec un inédit The End Times consacré au duo burlesque et billesque le plus en vue des Montagnes Grises : Heinrich Kemmler et Krell.

Notre propos débute par une nuit froide dans les ruines du village bretonnien de Blenois, où K&K ont organisé une petite réception à destination de cet empêcheur de réanimer en rond de Tancred, duc de Quenelles de son état et harceleur de nécromancien par passion. S’étant employé à massacrer la populace (pour Krell) et à construire des gibets où les cadavres de cette dernière ont été accrochés comme autant de lampions (pour… Kemmler, I guess ?), notre binôme attend l’arrivée de leur Némésis avec un enthousiasme non feint, mais qui finit par retomber (pour Kemmler, sans aucun doute possible) lorsqu’il s’avère que malgré toute leur bonne volonté, pièges à la con et autres moulinets de Hache Noire, Duduche ne passera pas l’arme à gauche ce jour. Réussissant à grand peine à rappeler un Krell tout prêt à faire des (mal)heures sup’, le Lichmeister prend la poudre d’escampette, désespérant de trouver un moyen de venir à bout du stalker qui le pourchasse depuis le regrettable incident de l’Abbaye de Maisontaal. Et puis, soudain, surgit l’illumination : pourquoi ne pas faire un crochet par le Fort du Sang, histoire de restocker de l’osselet ? L’endroit n’est qu’à quelques heures de trajet, et la richesse de son sous-sol pourrait permettre à Kemmler de mettre un point final à sa relation compliquée avec la noblesse bretonnienne.

Une fois sur place, nos deux loustics doivent toutefois se rendre à l’évidence qu’ils ne sont ni les premiers à avoir eu l’idée, ni très bienvenus aux yeux de leurs prédécesseurs. Goules, Stryges, squelettes, et finalement Dragons de Sang : le comité d’accueil est à la hauteur de la réputation du fameux duo, qui doit s’employer pour mettre un peu d’ordre dans cette cohue, à grand renfort de conjuration, décapitation et éclatage-de-tête-à-coup-de-talon (le Krell special). Ayant enfin pu se frayer un chemin jusqu’au manager Kastellan de garde, auquel il demande à (pour)parler, le rusé Heinrich parvient à convaincre les orgueilleux vampires d’affronter son revenant de compagnie en duel plutôt que de se prendre une charge de Chevaliers de Sang dans le buffet. Après quelques passes peu à l’avantage de la team canine, les perfides buveurs de sang abandonnent leur étiquette guerrière et se ruent sur l’invincible champion d’un commun accord, sans que ce dernier ne s’en émeuve plus que cela. En périphérie de la distribution de beignes, Kemmler et le Kastellan commencent à tailler le bout de gras, avant que le premier ne tente un bitch move en lançant les hordes de squelettes réanimés sous le manteau (qu’il a large et couvrant) sur son interlocuteur. Loin d’être pris au dépourvu par la manœuvre, ce dernier finit tout de même par tomber le masque, histoire de montrer au Lichemeister qu’il a trouvé à qui incanter : car le Kastellan n’était autre que Mannfred von Carstein, sans doute en tournage de Patron Incognito au moment de l’arrivée de Kemmler, et donc assez peu impressionné par les tours de passe-passe de Tonton Yoyo (keskya sous son graaaand chaaapôôô ?). Alors que les rutabagas semblent être bel et bien bouillis pour Kemmler, à la merci d’un adversaire bien trop coriace pour lui et sans possibilité de compter sur l’aide immédiate d’un Krell toujours occupé à faire du sashimi de Dragons de Sang, il se voit proposer une alliance par un Mannfred mandaté par le Nag’ à la mise sur pied d’une armée digne de la Fin des Temps qui s’annonce. Devant le peu d’options qui s’offrent à lui, le nécromancien accepte, et rejoint les rangs de l’armée de Daddy Death (pas pour longtemps ceci dit, cf The End Times).

Si ce texte de Reynolds s’avère, comme à son habitude, plaisant à lire tant pour l’amateur de hack & slash que pour le fluffiste amateur d’Easter eggs, il apparaît toutefois clairement que Waking the Dragon n’est pas grand-chose de plus qu’un fond de tiroir du matériel développé par Josh pour The End Times. Peut-être était-il prévu d’intégrer cette péripétie, assez mineure il faut le reconnaître, dans le premier tome de la série, avant que les éditeurs de la BL n’en décident autrement ? Toujours est-il que cette soumission aura bien du mal à être considérée autrement que comme un side-event, distrayant mais assez creux, d’évènements autrement plus épiques et capitaux pour le monde de Warhammer. Dans un genre assez similaire et du même auteur, The Fangs of the Asp, ultime nouvelle publiée dans la cadre de Hammer & Bolter, s’était révélé d’un niveau et d’une ambition littéraire significativement supérieurs. Mettons l’inclusion de Waking the Dragon dans ce premier numéro d’Inferno ! au crédit d’une BL peu encline à laisser se perdre des nouvelles déjà écrites, et intéressons-nous aux nouveaux travaux de Josh Reynolds pour voir s’il a réussi sa transition vers le nouveau monde (un comble pour un auteur américain travaillant pour une maison d’édition anglaise !).

The Enemy of my Enemy – Crowley :

Embourbé, dans tous les sens du terme, dans une guerre de positions stérile contre une pugnace Waaagh ! ork, le VIIIème régiment de Mystras, commandé par le général Nestor Pyrrhus, doit composer avec l’arrivée imminente d’une flotte ruche tyranide sur la planète minière de Cavernam Tertius. Ne pouvant compter sur aucun renfort impérial pour l’aider à défendre son caillou de troisième ordre, Pyrrhus décide d’offrir une alliance à son homologue, le colonel Taktikus, dans l’espoir que la combinaison du génie tactique et technologique des humains et de la sauvagerie et des innombrables effectifs des peaux vertes se révèle suffisante pour repousser les funestes locustes. Ayant convaincu Taktikus de coopérer, ce qui est déjà une victoire en tant que tel, Pyrrhus s’emploie ensuite à coordonner l’action de la coalition, qui, malgré des pertes importantes, parvient à tenir en respect les essaims de criquets jusqu’à ce qu’une chance de victoire se dessine à l’horizon. Ayant pris soin de laisser ses alliés encaisser les plus féroces assauts tyranides, le roué Pyrrhus subodore, à juste à titre, avoir la possibilité de joindre l’utile à l’agréable et de porter son xenocide au carré, en laissant les dernières forces orks et tyranides se compter fleurette sur le pré pendant que la Garde compterait, elle, les points. Mais ce faisant, ne sous-estimerait-il pas dangereusement la ruse bestiale de son allié de fortune ?

L’école « humoristique » de la BL compte désormais un nouvel adepte, le rookie Nate Crowley, dont la première publication s’inscrit dans la droite ligne des travaux d’Andy Jones et Sandy Mitchell, pour citer deux des figures de ce groupuscule. Jamais les derniers dès qu’il s’agit d’apporter un peu de gaudriole au futur nihilistico-millitariste de GW, ces boutes en train d’Orks étaient une valeur sûre à inclure au casting. Face à eux, et porteurs d’un autre style de comique, les nervis du général Nestor Pyhrrus cherchent à se convaincre qu’ils ne sont pas le squigon de la farce, la soudaine coopération d’un ennemi décennal, et totalement Xenos qui plus est, étant perçue comme hautement suspecte par les plus zélés des Mystrasiens. Pour le reste, The Enemy of my Enemy ne changera pas votre vision de 40K, la forme l’emportant assez nettement sur le fond.

How Vido Learned the Trick – J. Reynolds :

Deuxième soumission du numéro pour un Josh Reynolds qui, décidément, sait se rendre indispensable auprès des pontes de la Black Library, How Vido… remet en vedette américaine Naggarothi ( ?) les Sherlock Holmes et Dr Watson d’Altdorf, déjà convoqués par le même Reynolds dans une des ultimes parutions de Hammer & Bolter (The Problem of Three-Toll Bridge, H&B #25) : Zavant Konniger et son valet Vido.

Surpris dans l’exercice de ses fonctions, qui consistent, entre autres choses, à ravitailler son maître en fagots et en saucisse, Vido se retrouve nez à arbalète de poing cathayenne dans les appartements de Konniger, et pressé de questions par un assassin bretonnien aussi languide que déterminé, répondant au doux nom de Brochet (Pike en anglais – vous avouerez que Gardon ou Tanche n’auraient pas eu le même effet -). Exploitant l’indolence du reître, apparemment bien fatigué par l’escalade jusqu’à la fenêtre du Sage Détective et peu enclin à passer les lieux au peigne fin pour débusquer sa proie s’il peut exploiter le travail d’autrui à la place, Vido tente tant bien que mal de retracer le parcours de son maître au cours des dernières heures, autant afin d’empêcher le Bro’ d’utiliser son atout carreau que pour tenter de prévenir Konniger du péril en la demeure (c’est le cas de le dire). Pour ce faire, il faudra à notre cérébral Halfling mettre à profit tous les trucs et astuces glanés au contact de son infaillible employeur… sans oublier son propre bagage de compétences de mauvais sujet repenti, lorsque les choses commenceront à dégénérer. Pas étonnant que les métiers d’aide à la personne aient du mal à trouver preneur, si vous voulez mon avis.

Drôle d’exercice de style que cette courte nouvelle, qui oscille entre énigme « policière » (où est Konniger ?) et course poursuite sur les toits entre Vido et le Capitaine Brochet. Si le style de Josh Reynolds et sa familiarité avec les personnages qu’il met en scène lui assurent une soumission tout ce qu’il y a de plus correct, ce mash-up de partis pris littéraires n’apparaît pas comme l’œuvre la plus aboutie de l’auteur, d’autant plus que ce dernier ne se donne même pas la peine de révéler de façon claire le fin mot de l’histoire à propos du mystère posé en introduction. Mis à part l’utilisation de what mille miroirs par un Zavant adepte de la réflexion (ha ha), on ne ressort guère instruit de la lecture de How Vido Learned the Trick1 quant aux moyens utilisés par le célèbre détective pour tromper la vigilance de son assassin. C’est d’autant plus dommage car un twist final, ou en tout cas, l’exposition par l’auteur du raisonnement logique qui aurait pu/dû conduire le lecteur à résoudre le mystère auquel il a été confronté, fait clairement partie du cahier des charges de ce genre de nouvelle, ce qu’un auteur du standard de Josh Reynolds ne pouvait pas ne pas savoir. Bref, un nouveau fond de tiroir exhumé par la BL, dont la persistance à publier des histoires se déroulant dans feu le Monde qui Fut s’apparente plus à de l’opportunisme qu’à de la nostalgie. Espérons juste que Konniger et Vido ne tirent pas leur révérence sur ce demi-flop, et que l’on permettra à JR de corriger le tir avec une conclusion digne du statut de ces personnages dans un futur pas trop lointain. Ce serait bien la moindre des choses.

1 : Un clin d’oeil à une véritable nouvelle de Conan Doyle : How Watson Learned the Trick.

The First Daughter – Wiltgren :

Dans les ténèbres d’un lointain futur, la misogynie reste un fléau persistant, comme peut en témoigner la Lieutenant Ekaterina Idra, officier au sein du 86ème Vostroyan. Aînée d’un voyarin n’ayant eu que de filles, et trop d’amour propre pour accepter la disgrâce que constituerait une non-participation de sa lignée à la levée impériale, Kat, telle une Mulan steam-punk de Sibérie, s’est engagée dans la Garde Impériale, et a enduré depuis des tombereaux de mufleries. La campagne de Tovoga va toutefois lui changer agréablement de son morne, si dangereux, quotidien, en lui donnant l’occasion de combattre aux côtés d’un de ses héros, le Major Jorun Haskel en personne. Encore plus alpha que Vladimir Poutine chevauchant un ours dans le soleil couchant, Haskel est l’incarnation même de l’âme indomptable de Vostroya, un guerrier accompli maniant une relique clinquante et auréolé d’innombrables hauts faits guerriers, en plus de touffes de cheveux gras sous un chako pelé (ce qui ne fait que renforcer son charisme). Les hasards de la guerre ayant voulu que la section motorisée de Kat soit dans le coin au moment où le 262ème de Haskel enquillait une attaque en règle des traîtres Tovogans, c’est à Idra que revient l’insigne honneur de secourir les survivants de l’assaut, ce qu’elle fait avec compétence et distinction.

Elle ne tarde cependant pas à découvrir que son idole n’est pas sans avoir ses propres défauts, à commencer par une légère, mais néanmoins fâcheuse, tendance à fOnCeR dAnS lE tAs CoMmE uN ImMoNdE bOuRrIn, sans guère de considération pour les plus élémentaires notions de stratégie, ou pour les chances de survie de ses hommes. Ditto cette attaque frontale contre un adversaire plus nombreux et mieux armé que les Vostroyens, victoire coûteuse en vies impériales, mais victoire tout de même, arrachée de haute lutte par Haskel et son indomptable pénis foi en l’Empereur. Plus tard, alors qu’elle rumine sa déception de retour au campement, elle apprend que sa section, déjà bien affaiblie par la rigueur des combats, est réquisitionnée pour une opération des plus risquées : attirer une compagnie de rebelles dans la cité de Dolemino, et la tenir en respect assez longtemps pour permettre au reste du régiment de prendre les hérétiques en tenailles. Idée géniale, signée J.H. Résignée à faire son devoir, Kat mène donc ses hommes au contact de l’ennemi… qui se révèle être bien plus nombreux que prévu, ce qui ne fait évidemment pas les affaires de nos flegmatiques ruskoffs. Dans la mêlée qui s’ensuit, notre héroïne parvient une nouvelle fois à sauver les meubles, perdant au passage la majeure partie de ses soldats, tandis qu’un Haskel totalement berserk et de plus en plus dentu (si si) se charge de remporter la bataille sous le poids de sa paire de c……. du nombre. Kelôm.

Survivante bien amochée d’une nuit de combat intense, Idra sort du coltar à temps pour recevoir un sinistre debriefing de la part de son second : le régiment réduit à mi-force, la quasi-totalité du cadre de commandement passée en pertes et profits, Haskel seul aux commandes et bien décidé à finir le job sans pitié, sans support et sans attendre. Le temps de re-sombrer à nouveau dans un coma réparateur, la voilà réveillée par son officier de liaison, porteur de mauvaises nouvelles (c’est une constante, décidément) : les Vostroyens ont été trahis et sont piégés dans les ruines de Dolemino, sans espoir de renforts dans les heures à venir. Ni один, ni два, Idra embarque les plus mobiles des invalides de l’infirmerie au secours de leurs frères d’armes. Moults combats. Beaucoup violence. Très héroïsme. Wow. Finalement, arrive ce qui doit arriver, c’est à dire l’ultime combat entre Kat et Haskel, qui se révèle possédé par un démon de Khorne à la dentition de Fernandel et à la répartie d’Eric Zemmour, combinaison mortelle s’il en est, ce qui n’empêche pas notre héroïne de prévaloir, pour la plus grande gloire du camarade Staline et de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques de Pépé. Nous quittons le Lieutenant Idra sur un dernier échange avec son mentor, le sage et équitable Capitaine Twarienko, qui se met à rêver, non pas d’une galaxie en paix, ce serait hérétique, mais d’un âge prochain où les femmes de Vostroya auraient tout autant le droit que les hommes d’aller se faire tuer au service de l’Imperium. Après tout, avec des exemples positifs comme celui de Kat, tout est possible. Bref, osez le féminisme.

Copie plus que convenable pour la recrue Wiltgren, guère novatrice dans son approche mais solidement bâtie. L’ajout de passages en flashback, entrecoupant l’intrigue principale et éclairant le lecteur sur le passif, assez chargé, de Miss Idra avant les évènements de Tovoga, relève The First Daughter de façon sympathique, en plus de démontrer que le petit Filip est capable de manier sa barque, ou plutôt son stylo, de manière plus aboutie que bien des aspirants à la BL. Allons jusqu’à reconnaître que le gars Abnett était d’un niveau sensiblement similaire lors de ses premiers travaux Ghostiens, et vous aurez une idée du potentiel que je choisis de placer sur les frêles épaules de ce newbie. Reste à voir si l’approche Social Justice Warrior (assez peu courante au pays des bolters) de Mister Wilgren relevait du one-shot ou est un trait caractéristique de son style. Je ne juge pas, hein, je constate, et je m’interroge. Critico ergo sum.

Mercy – Ware :

Sur le monde de Lautis, isolé dans l’arrière-pays de l’Ultima Segmentus, une escouade de Sœurs de Bataille de l’Ordre de la Rose de Sang menée par la Sœur Supérieure Augusta Santorus explore les ruines d’une cathédrale impériale, peut-être dédiée à Sainte Mina, et peut-être dédiée à Saint Maclou (qui peut dire ?), à la recherche de… quelque chose. Escortées par un missionnaire de l’Ecclésiarchie (Lysimachus Tanichus), ayant pris sur lui de ranimer la flame de la foi en l’Empereur parmi la plèbe locale après des siècles d’isolement et d’obscurantisme, l’Adeptus Sororita s’est en effet lancé dans une quête aussi pressante que floue pour une statue pouvant être liée aux origines de l’Ordre. On ne saura jamais pourquoi l’identification du patrimoine sacré constitue une priorité telle pour les membres de la Rose de Sang, mais toujours est-il que nos intrépides sistas se retrouvent fort dépourvues quand la Waaagh ! locale fut venue.

Coincées dans les ruines de la maison de Pépé (Question : peut-on considérer les temples impériaux comme des Ehpads, de ce fait ?), Santorus et ses sous-fifres optent alors pour un dernier carré héroïque et commencent à arroser les peaux vertes de bolts et d’imprécations en Haut Gothique, avec des effets spectaculaires, tant sur les effectifs de la horde ork que sur la culture générale du lecteur. Las, cela ne suffit pas à décourager les belliqueux Xenos de forcer l’entrée du lieu saint sous le seul poids du nombre, forçant les fifilles survivantes à, je vous le donne en mille, engager les brutes au corps à corps. Et pas n’importe comment, qui plus est : à mains nues. Oui, vous avez bien lu, ô incrédules lecteurs : c’est bien à coup de poing et de pied (pas de crépage de chignon possible avec les Orks malheureusement) que Santorus et consœurs tombent sur le râble, plutôt costaud, des aliens mécréants. Et le meilleur dans tout ça, c’est qu’elles leur mettent une énorme race, à l’image d’une Sœur Supérieure déchainée et tenant facilement tête à un Warboss Blood Axe, avec et sans arme. Pourquoi avoir des progénoïdes quand on peut avoir des stéroïdes ?

Les Orks finalement mis en déroute, et leur chef exécuté d’un bolt en pleine tête après un sommaire interrogatoire ayant permis de mettre à jour la duplicité de ce traître de Tanichus (c’est un nom de fourbe, je l’ai toujours dit), il est temps pour Augusta de (se) rendre justice afin des réparer les torts subis (une Soeur décédée d’allergie à la grenade, et quatre permanentes totalement ruinées). Guidée par une inspiration soudaine, et sans doute divine, elle décrète donc la mort du félon, ignorant ses piteuses justifications pseudo humanitaires, et l’annexion de Lautis au sein du protectorat de l’Ordre. Pourquoi ? Parce que. The end.

Que garder de Mercy, première soumission de la newbie Dannie Ware pour la Black Library ? Pas grand-chose, malheureusement. Sur le fond, l’intrigue proposée tient en une demi-ligne (attention, vous êtes prêts ? “Sistas versus Orks dans une cathédrale”. Ta-daaaaa!), et le “twist” final gardé en réserve par l’auteur tombe tellement à plat qu’on aurait même du mal à le considérer comme tel. Que Tanichus ait mené son escorte dans un piège, soit. Mais apprendre que la motivation profonde des Orks, et la raison pour laquelle ils ont accepté la proposition du missionnaire, est la récupération des armes d’une pauvre escouade de cinq Sororitas, no way. L’histoire a beau se dérouler dans l’Ultima profond, plus cheap que ça, c’est fouiller les poubelles des colons locaux pour récupérer les bouteilles d’amasec consignées au Simply Market du coin. Respectez-vous tout de même, Messieurs les peaux vertes.

Sur la forme, on aura bien du mal à pardonner à Ware les libertés qu’elle prend avec quelques principes fondateurs et porteurs du fluff de GW, au premier du rang duquel on trouve l’axiome : “Les Orks sont des forces de la nature”. Faire triompher une escouade de Space Marines d’Assaut vétérans d’une empoignade contre ce type d’adversaires, pourquoi pas (et encore). Mais une poignée de Sœurs de Bataille qui tatane comme qui rigole dix fois leur nombre et cent fois leur poids en géants verts, sans subir une seule perte dans le feu de l’action, et en recourant à des prises de catch histoire de faire kwioul, non merci. Ajoutez à cela un character development aux abonnés absents et quelques incongruités (comme une statue disposée de telle façon à ce qu’elle soit tournée vers Sainte Terra… donc vers l’Ouest-Sud-Ouest, c’est bien connu) sans conséquences pour le récit mais pas pour la crédibilité de ce dernier, et vous obtenez une nouvelle à remiser dans le fond des cartons du second choix de la BL. Mercy ? Sans façons.

At the Sign of the Brazen Claw – Haley :

Dans la droite ligne des romans feuilletons des années I et II de Hammer & Bolter, la nouvelle version d’Inferno! propose à son tour un long format récurrent, tourné sous la forme d’une pastiche des Mille et Une Nuits par le quasi-vétéran Guy Haley.

Prise dans une tempête d’une sévérité peu commune, l’auberge de la Griffe Hardie se trouve être le théâtre d’une veillée forcée entre les tenanciers de l’établissement (Horrin, sa femme Ninian et leur palefrenier/fils adoptif Barnabas), un vénérable nain amateur de pipe (Idenkor Stonbrak), un quidam à l’air louche, aux manières nerveuses et au nom recélant sans doute une contrepèterie grivoise (Pludu Quasque), et, finalement, arrivant en dernier comme le prince qu’il est, l’elfe Maesa du Monde, nouvelle icône de la BL pour Age of Sigmar, accompagné comme de juste par son sidekick de bourse1, le farfadet Shattercap. Le dirigeable permettant de rejoindre Ghyran par le portail le plus proche ne s’étant pas éternisé pour éviter la drache (qui sur le plan de Shyish, s’appelle la Nagadrash), les hôtes décident de tuer le temps en se racontant à tour de rôle une histoire, activité tout ce qu’il y a de plus classique quand on est un personnage d’un univers médiéval-fantastique (c’est tout de même plus classe que se taper un Blanc Manger Coco édition Slaves of Darkness). Ayant initié l’idée, c’est tout naturellement que Horrin, fils de Juvamin, démarre le tour de table, en racontant la façon dont il est devenu l’aubergiste de la Griffe.

Jeune homme aventureux et peu tenté par la perspective de reprendre l’honorable charge de croque mort détenue par son paternel, Horrin partit donc voir ailleurs si l’herbe était plus violette (Shyish oblige) lorsque ce dernier voulut lui imposer son choix de carrière. Peu familier des immensités sauvages de cette morte plaine, notre héros ne tarda cependant pas à se perdre, jusqu’à arriver en vue de la fameuse Griffe Hardie, éminence rocheuse ayant la forme d’une main gigantesque, aux doigts tendus vers le ciel. Ayant trouvé une chaumière, habitée par une vieille femme (Michèle), à la base du monolithe, et passé la nuit au chaud et au sec grâce à l’hospitalité offerte par cette dernière, Horrin ne put refuser de lui rendre un petit service en reconnaissance de l’Air BnB gracieusement offert : apporter à son mari (Jacky), occupé au sommet de la Griffe, un panier de vivres et quelques fagots. Embrassant sa vocation de coursier Uber Eat avec diligence, Horrin s’exécuta, et fit la rencontre de son hôte, dont l’activité consistait en l’entretien du feu flambant dans une cheminée taillée à même la roche de la Griffe. “Ce brasier ne doit jamais s’éteindre” l’avertit le vieil homme pendant qu’ils cassaient la croute, “faute de quoi le géant dans la main duquel nous nous trouvons se réveillera (il est frileux), avec des conséquences des plus fâcheuses !” Moyennement convaincu par cette histoire, mais d’une politesse et/ou d’une crédulité incommensurable, Horrin accepta ensuite de relayer son comparse, en poste depuis trois ans sans interruption d’après ses dires, le temps d’une sieste crapuleuse (no joke) avec bobonne.

Je vous donne la suite, que vous aurez déjà deviné, gros malins que vous êtes, en mille : Jacques Cheminée (à ne pas confondre avec Jacques Cheminade) ne remonta jamais, laissant le trop bon et trop con…ciliant Horrin jouer du tisonnier en solo à sa place. Ayant bien tenté de prendre la poudre d’escampette à son tour après quelques nuits de camping plutôt frisquettes, Horrin réalisa cependant avec horreur que la légende du géant endormi avait plus qu’un fond de vérité, et résolut de tenir la baraque sans tenter le diable le temps de trouver un suppléant. De fil en aiguille, à force de patience et de troc fructueux, notre assigné à cheminée réussit toutefois à devenir assigné à résidence, puis finalement à auberge, gagnant une femme aimante et un garçon d’étable sans doute sous payé dans l’opération. Merci qui ? Merci Jacky et Michèle ! 

Ce premier épisode d’At the Sign of the Brazen Claw permet à Guy Haley de faire ronronner sa machine à débiter de la high fantasy impeccablement proprette, et très, mais alors très, proche dans l’esprit de ce que peut proposer World of Warcraft en termes d’atmosphère. Entre l’aubergiste très affable, le nain très ronchon, le haut elfe très noble, fourni avec monture stylée (un grand cerf) et mascotte collector, le gredin en puissance dont on flaire la duplicité à travers la tablette (c’est dire si l’odeur est forte), le système de zeppelin qui fait la jonction entre les différents royaumes, et l’aventure PEGI 13 (personne ne meurt, merde !) narrée par Horrin, on s’attendrait presque à voir débarquer Malfurion et Thrall dans le rade pour s’en jeter un petit. Alors que WFB se distinguait par son côté glauque et décadent, l’Age of Sigmar propose par Haley prend le contre-pied de son prédécesseur. Ce n’est pas mal fait pour autant, le gars Guy sachant tourner son propos de manière plutôt agréable, mais cela risqué de surprendre, et pas forcément en bien, les lecteurs nostalgiques du med-fan nihiliste qui était la marque de fabrique du Vieux Monde. Rendez-vous au prochain numéro pour voir si le sieur Haley a réussi à mettre un peu de malepierre dans son lait grenadine.

1 : C’est la même chose qu’un familier de poche, mais comme chacun sait, celles des jeans extra skinny des Elfes sont cousues. Question de style.

En conclusion de cette première revue critique, je dois dire que cette nouvelle offre récurrente de courts formats de la Black Library s’avère tout d’abord d’un très bon rapport quantité-prix, si les tarifs proposés n’évoluent pas. Alors que la nouvelle individuelle se facture désormais aux alentours des 4€, un recueil de la longueur de cet Inferno! est franchement donné pour ses 10€. Ce premier numéro fut de plus assez honnête d’un point de vue qualitatif, seuls les textes de Fischer et Ware se révélant peu convaincants. À l’opposé, Dicken, et dans une moindre mesure, McLean, Brooks et Wiltgren, méritent d’être surveillés à l’avenir. Bref, un retour concluant et gagnant de mon côté. Il n’y a plus qu’à prier l’Empereur pour qu’Inferno! bis ait la longévité de son aïeul, et se plonger dans le numéro 2, d’ores et déjà paru. I’m on it.