Karl Andersen, le Lion du Nebelheim

Notre comté se situe à la limite septentrionale et occidentale de la province du Nordland, endroit isolé et sauvage s’il en est. Ici, la loi impériale s’arrête souvent à l’enceinte des villes, tant la proximité avec des zones de grands périls se fait ressentir. Cependant, cette exposition quotidienne aux dangers, que ces derniers soient le fruit d’une nature ingrate ou de la malveillance des autres races -et parfois de nos voisins- a eu pour effet d’endurcir la population résidente, et des rangs de celle-ci émergent régulièrement de grands héros (dont le récit des exploits reste malheureusement cantonné au comté, faute de voyageurs).
Ainsi en est il de Karl Andersen, le Lion de Nebelheim, dont l’histoire, atypique comme la majorité des évènements de cette terre, mérite d’être relatée dans son intégralité.

Ce vaillant capitaine naquit dans le bourg de Lochenwald, aîné de l’union des époux Andersen, famille de drapiers de son état. De cette première décade de vie, il n’est retenu seulement que le jeune Karl, en temps qu’héritier mâle, se familiarisa avec les aspects du négoce paternel, afin de pouvoir en prendre la succession en temps voulu. Ce futur tout tracé fut toutefois bousculé par un évènement malheureusement fréquent de la vie du comté: un raid d’hommes-bêtes.

Ces derniers, enhardis par quelques embuscades faciles et tenaillés par une faim dévorante, avaient subrepticement encerclés la bourgade inconsciente, attendant le meilleur moment pour frapper. Ils déferlèrent depuis la forêt environnante par une froide soirée d’automne, dévastant et massacrant tout dans leur sillage, à la manière communément entendue dont procèdent les rejetons du Chaos.

Les habitants qui le purent se réfugièrent alors dans le bâtiment le plus défendable de la communauté; c’est à dire le temple de Sigmar, dont ses murs épais de pierres de taille lui assurerait de s’enflammer moins vite que le reste de la ville. Pour sa sauvegarde, Karl, revenant d’une commission maternelle au début de l’attaque, fut attiré dans l’enceinte sigmarite par le flot humain, chance que n’eut pas le reste de sa famille, qu’il ne revit jamais plus. On crut d’abord que les pillards se contenteraient de s’emparer de ce qu’ils pouvaient, avant de refluer dans leur sombres pinèdes, mais il apparut bien vite que la vie des citadins faisait également partie du tribut revendiqué par la horde bestiale. Habitée par une frénésie meurtrière, cette dernière mis donc le siège au dernier bastion humain.
Nombreux furent les actes de bravoure désespérée des défenseurs, tout autant que les actions innommables des assiégeants. Toutefois, dans la confusion qui accompagna les dernières heures de Lochenwald, aucun souvenir ne se grava plus profondément dans la mémoire d’Andersen que celui d’Ernst Hammerseele, le prêtre officiant de cette époque troublée.

Ce fut en effet lui, qui, aux heures les plus sombres, raffermit le courage des placides Lochenwalders, instillant de ses sermons une haine farouche dans leurs cœurs. Ce fut lui qui s’occupa des plaies des blessés et du salut des tombés. Ce fut enfin lui qui prit la décision de quitter la relative sécurité que procurait le temple ravagé pour rejoindre la capitale du comté, Wartheim, quand les assaillants, tout aussi éprouvés que les impériaux se débandèrent à la mort de leur Wargor du marteau du prêtre-combattant.

Prenant la tête de la colonne hagarde, Hammerseele mena ses ouailles à travers les périls des terres du Nord, jusqu’à atteindre finalement les murailles de la ville. En vérité, nombreux furent les épreuves et les ennemis sur la route de l’exode, mais la foi du prêtre poussait toujours ses suivants à combattre ce qui leur faisait face, chaque pas les rapprochant un peu plus de la sortie du cauchemar. Hélas, Hammerseele lui-même finit par tomber, mais non pas avant d’avoir emporté avec lui maintes abominations.

L’arrivée à Wartheim disloqua le groupe des survivants, certains sombrant dans les affres d’un passé trop douloureux, d’autres tentant malgré tout de rebâtir ce qui leur avait été enlevé. Karl aurait alors probablement échoué dans une quelconque ruelle de la ville, agent de la pègre locale, s’il n’avait été recueilli par l’Ordre de la Torche, ramification du culte sigmarite entretenant les possessions du clergé. Au sein de cette organisation, Andersen ne reçut donc aucune éducation martiale, mais apprit la force de la compassion et du respect d’autrui envers les indigents qui venaient souvent chercher refuge chez les prêtres.

 

Les années passèrent, dans la monotonie tourmentée des terres impériales. Karl grandit dans la simplicité de son ordre adoptif, jusqu’à ce que des échos d’invasion parvinssent aux oreilles des citadins. Des rumeurs faisant état du saccage de plusieurs hameaux côtiers du comté circulèrent de bouche en bouche, jusqu’à ce que le mot « Druchii » soit sur toutes lèvres. Le comte actuel, Berthold von Nebelheim, mit alors sur pied une expédition chargée de tirer au clair ces on-dits et de rejeter à la mer les Elfes Noirs, si Elfes il y avait. Karl et d’autres membres de l’ordre furent délégués au train de marche de la colonne, dans le but de s’occuper des blessés et de constater les dégâts matériels que la campagne ne manquerait pas d’engendrer.

Comme la rumeur faisait état, un ost de Naggarithes avait en effet débarqué de son arche noire, et se livrait à une razzia en règle de la frange littorale du comté. L’armée impériale suivit la trace semée de cadavres des envoyés du Roi Sorcier pendant près d’un mois, incapable de se mesurer franchement avec les insaisissables serviteurs du cruel monarque. Ce fut donc une véritable guérilla qui s’engagea, de charniers en ruines fumantes, les poursuivants n’apercevant de leurs proies que les carreaux qui venaient régulièrement frapper leurs rangs. Cependant, les hommes avaient l’avantage de la connaissance du terrain, et c’est ainsi que le comte Berthold réussit à attirer ses adversaires dans un piège.

Ce fut dans le village de Mauer-über-Wogen que se joua l’acte final de cet affrontement. Guidé par les indications des navires suivant l’arche, l’armée de Nebelheim gagna petit à petit sur ses invisibles ennemis, chaque scène de désolation et de mort attisant davantage la colère des soldats. Les pillards, ayant eu vent de la poursuite engagée contre eux, s’étaient retranchés sur le lieu de leur dernière razzia, ralentis par leur butin et leurs prisonniers.

Comme on pouvait s’y attendre de la part d’une race aussi fourbe, l’assaut initial des impériaux enragés ne rencontra qu’une faible résistance. En fait, ils ne furent inquiétés qu’une fois parvenus au temple de Manann. La maison du dieu de la Mer avait été détournée vers le regard d’une autre divinité, qui avait changé l’eau consacrée en sang. De part en part de l’allée gisaient les corps suppliciés des prisonniers, stigmatisés à outrance par les penchants sadiques de leurs geôliers. Au centre de la travée, une dizaine de jeunes Elfes enduisaient leurs corps plus qu’à moitié dénudés du sang des malheureux, manifestement indifférentes à leur environnement. Ce ne fut que lorsqu’une flèche atteignit l’une d’entre elles à la tête, la pointe surgissant de sa bouche dans un jaillissement pourpre qu’elles remarquèrent que leur destin, sous la forme du contingent humain partagé entre dégoût et rage, leur faisait face. Malgré leur situation désespérée, et en dépit de la pluie de projectiles qui inonda leurs rangs, certaines réussirent tout de même à atteindre les rangs adverses, où elles causèrent un grand carnage avant que la pluie de coups assenés ne bannissent leurs âmes de cette terre. Cependant, le comte réalisa vite qu’il avait été attiré loin de la menace principale. Avant qu’il ne soit trop tard, il fit faire demi-tour à ses forces et se dirigea à grand train vers son campement.

En effet, ce fut là que fut porté le plus grand coup des Druchiis, qui ne pouvaient se résoudre à repartir sans captifs. Usant de leurs sombres dons, leurs sorcières dissimulèrent la fuite par d’épais bancs de bancs de brume, et, abandonnant les promises de Khaine à leur époux, les furtifs pillards se rabattirent sur les civils du train impérial. Une cible facile, pensaient-ils, à tort.

Car, devant le danger, un nouveau héros s’était révélé. Inspirés par les souvenirs de son enfance, un jeune guérisseur avait réussi à fédérer blessés et auxiliaires en une force unie dans la haine et dans la foi envers les dieux de l’Empire. Bien sûr, les Elfes restaient de bien meilleurs combattants, plus nombreux, et décidés à l’emporter le plus rapidement et le plus brutalement possible, mais la fureur des défenseurs les décontenança. Les combats furent d’une extrême violence, et les assaillants durent achever tous les impériaux qu’ils mettaient hors de combat, à leur grand dam, puisque ces derniers les défiaient jusque dans la mort. Andersen lui même fut blessé à plusieurs reprises, mais jamais il ne lâcha son arme, la plongeant pour la dernière fois dans le cou gracile de la meneuse Elfe.

Quand les renforts arrivèrent, les pillards paniqués tentèrent tant bien que mal d’organiser une retraite en bon ordre vers leur vaisseau, mais confrontés à la juste furie des deux contingents, la déroute fut sur eux, et pas un ne revit les mornes rivages de Naggaroth.

La victoire revenait à l’Empire, mais le bilan était lourd: cinq villages avaient été annihilés, sans compter les pertes subies lors de la bataille finale. Même si les communautés furent repeuplées progressivement, on brûla le temple de Mannan jusqu’aux fondations et on érigea une simple stèle à la mémoire des morts. La Schweigenstein se dresse encore de nos jours, face à la Mer des Griffes.

Cet épisode changea la vie d’Andersen. Il comprit qu’il devait dédier son existence au combat contre les ennemis des terres et du peuple impérial,plutôt que de se contenter de délivrer charité et paroles d’espérance. Il sut qu’il ne servait à rien d’endurer continuellement les coups du sort, de voir l’œuvre de ses mains sans cesse rebâtie et sans cesse réduite à néant, jusqu’à ce que l’amertume d’une vie passée dans une frêle et illusoire espérance submerge les derniers vestiges d’une lucidité de plus en plus vacillante. Dans le Nord de l’Empire, l’espoir et l’optimisme sont en effet deux sentiments vite éparpillés par les rafales iodées…

Telle est la volonté de Karl Andersen, celle qui l’habite depuis trente ans, et lui a permis de voir son pays se développer pendant qu’il combattait pour sa défense. Bien que très croyant, il n’a pas endossé la soutane du prêtre combattant, car il n’a jamais supporté l’idée de devoir se soumettre à une hiérarchie située à des milles du lieu des combats, et aux décisions parfois en désaccords avec les nécessités immédiates. Son expérience militaire, glanée au cours d’une vie d’errance aux quatre coins du Nordland, lui a également appris la tolérance pour les autres cultes, car tout autant que Sigmar, Ulric, Mannan, Morr, Taal ou Myrmidia sont adorés par les hommes qu’il mène à la bataille. En fait, Andersen adore Sigmar en tant que celui qui a réussi à rassembler en dépit des différences de coutumes et de croyances.

Aujourd’hui, le vieux guerrier demeure plus que jamais fidèle à son suzerain, qu’il a vu grandir, et surtout à sa terre. Dans les époques troublées que traverse les royaumes humains, il est bon de pouvoir s’inspirer de quelques uns pour faire face aux dangers, et Karl Andersen fait assurément partie de ces icônes.

À propos de Schattra

Égoïstement optimiste, çapourraitêtrebienpirologiste assumé. Selfishly optimistic, proud itcouldbemuchworsologist

Publié le août 29, 2012, dans Background Personnel, Nebelheim, et tagué , , , . Bookmarquez ce permalien. 2 Commentaires.

  1. Ahlalala, Schattra! Quel bonheur de revoir tes figurines! Elles m’avaient manqué!
    Ca fait un bail que tu as déserté les contrées modélisme du Warfo!
    Ne seraient tes critiques littéraires (et si ta critique l’est assurément, l’objet critiqué l’est moins souvent!) sur le forum susnommé, je t’aurai cru perdu en mer.

    Fiasco, nostalgique du bon vieux temps de Far from Home et Rumble in The Jungle (m’en rappelle encore, t’as vu?)

    • Ah, tu m’as débusqué dans mon antre! Ça fait plaisir d’avoir tes nouvelles, et même si je ne suis plus aussi actif qu’avant en modélisme (c’est l’arthrite liée à mon grand âge qui m’empêche de peindre, que veux-tu), je sais que la relève est là pour faire vivre la section et porter haut les couleurs de l’Empire. Schreiend Büffel powaaaa!

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