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BLACK LIBRARY CELEBRATION 2024 [Recueil]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue de la Black Library Celebration 2024, le recueil de courts formats de GW-Fiction offert annuellement à tous les quidams curieux de découvrir, ou redécouvrir, les travaux des auteurs de la BL1. Déclinée en trois langues (anglais, allemand et français), cette mini anthologie propose à chaque fois cinq nouvelles tirées du vaste catalogue de la GW-Fiction, et « sensées » illustrer la diversité de ce dernier. Les guillemets sont ici de rigueur car si la BLC 2024 en version originale accomplit parfaitement cette mission en alignant des représentants de toutes les franchises majeures de la maison d’édition de Nottingham (40K, l’Hérésie d’Horus, Age of Sigmar, Warhammer Horror et Warhammer Crime), les ouvrages français et allemands se cantonnent eux à 40K et à l’Hérésie d’Horus, ce qui est encore plus restrictif que l’année précédente (chroniquée ici), où Age of Sigmar avait encore droit de cité, ou de citation. Les Royaumes Mortels n’auront jamais été plus inaccessibles aux non anglophones qu’en 2024, et c’est bien triste pour cet univers.

1 : Il faut tout de même acheter un petit quelque chose sur le site de Games Workshop pour recevoir une version papier, ou sur celui de la Black Library pour pouvoir télécharger toutes les versions numériques. Comme les contenus diffèrent en fonction de la langue, je ne saurais trop vous conseiller de passer par le site de la BL si vous voulez en avoir pour votre argent.

Black Library Celebration 2024

Si on s’attarde sur le sommaire de ces trois livrets, on remarque que c’est Mike Brooks qui fait figure de figure tutélaire de ce millésime, puisqu’une nouvelle mettant en scène l’ineffable Ufthak Blackhawk (‘Tant qu’y a le Warp, y a Moyen’ // ‘Wo da Warp is’, is’ auch ‘n Weg’) ou son ambitieux sidekick Snaggi Littletoof – représenté en couverture – (‘Packin’ Heat’) est présente dans toutes les versions2. Pour le reste, les contenus varient fortement et c’est sans surprise la VO qui s’en tire le mieux aussi bien en diversité (voir ci-dessus) qu’en nouveautés, aucune des nouvelles anglaises n’étant plus vieille que 2022. Les versions française et allemande se partagent quant à elles de plus antiques histoires, dont deux (‘La Tour Foudroyée’ // ‘Der vom Blitz getroffene Turm’ et ‘La Pureté de l’Ignorance’ // ‘Die Reinheit der Ignoranz’) en commun.

Comme tous les ans, je m’attarderai particulièrement sur le caractère « pédagogique » des nouvelles sélectionnées par la BL pour figurer dans ces recueils destinés à un public novice, afin de juger de la pertinence du choix des pontes de Nottingham, en plus des traditionnels retours sur l’intrigue et la qualité de ces histoires. Le cadre étant posé, il est temps de se mettre à l’ouvrage.

2 : Cette mise en avant n’a rien d’étonnant quand on sait qu’Ufthak Blackhawk bénéficie également de sa propre figurine à l’occasion de la Black Library Celebration 2024.

Black Library Celebration 2024

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Packin’ Heat – M. Brooks [40K] :

INTRIGUE :

Packin' HeatDans l’entourage fourni et bigarré du Big Boss Ufthak Blackhawk, il y a au moins un individu qui n’adule pas le colosse Blood Moon dont le ramage se mesure au plumage blindage : le Grot Snaggi Littletoof. Ayant rejoint à son corps défendant la TekWaaagh! après avoir traversé le portail dimensionnel de trop (‘Brutal Kunnin’’), Snaggi a trouvé en Ufthak sa Némésis absolue. Très ambitieux, il avait pour projet de devenir le Boss de sa propre bande, et comptait sur son intellect supérieur pour compenser un physique peu imposant. Manque de bol, Ufthak est au moins aussi malin que lui, et pourrait écraser l’avorton d’un seul doigt : face à ce qu’il considère comme une concurrence déloyale (depuis quand les Orks ont le droit d’être intelligents, hein ?), Snaggi est obligé de ronger son frein, et guetter une opportunité pour se débarrasser de son puissant rival.

Ayant gagné les bonnes grâces de Nizwick, le Grot personnel d’Ufthak, qu’il soupçonne de cacher un esprit retors derrière une apparente stupidité (et pire, un attachement à sa condition servile !), Snaggi croit tenir une chance lorsque son nouveau meilleur copain lui révèle qu’il a « un plan pour Ufthak », et l’entraîne en direction d’une caverne située à proximité du camp. Il s’agit d’un lieu que les Exodites Eldars ayant eu le malheur d’occuper la planète avant l’arrivée de la TekWaaagh ! ont défendu âprement, et dont ils ont fait s’effondrer l’entrée pour empêcher les peaux vertes de venir le profaner. Guère connus pour leur patience, surtout lorsqu’il reste des ennemis à castagner, les Orks ont eu tôt fait de se désintéresser de cette colline caillouteuse, mais les Grots sont d’une nature plus attentive, et Nizwick est persuadé qu’un trésor est caché dans les galeries souterraines. Profitant de leur petite taille pour se glisser dans une anfractuosité laissée ouverte par l’éboulement, les deux canailles partent donc à l’aventure.

Si pour Nizwick, il ne s’agit que d’une sympathique balade en compagnie d’un bon copain, le suspicieux Snaggi se fait des nœuds au cerveau à force de surinterpréter chaque action de son camarade, et de tirer des plans sur la comète au moindre changement de luminosité et de température (véridique). Ça doit être épuisant d’être lui. Les Grots parviennent finalement dans une caverne décorée de peintures rupestres, et surplombant un lac de lave du plus bel effet, puis poursuivent leur chemin jusqu’à une petite salle où, miracle, semble les attendre une ancienne relique. Il s’agit d’un fusil à fission, sans doute oublié sur place par un Dragon de Feu venu faire un EVG il y a quelques millénaires, et Snaggi LE VEUUUUUT. Il se voit déjà vaporiser tous les Orks sur son chemin pour saisir le pouvoir et mener la TekWaaagh! à la place d’Ufthak, mais encore lui faudra-t-il mettre les griffes sur cette arme miraculeuse. Elle est en effet défendue par un trèèèèèès vieux gardien (et peut-être Gardien) tellement hors de forme qu’il réussit l’exploit de se faire vaincre en combat singulier par un Grot. Cela ne l’empêche pas de rigoler lorsque le secourable Nizwick se saisit du fusil pour aider Snaggi à se défaire de lui, pressentant la catastrophe qui s’abat sur les peaux vertes après qu’ils aient fait feu (haha). L’onde de choc provoque en effet une réaction en chaîne qui réveille le volcan et commence à faire s’effondrer la caverne, forçant les Grots à se carapater en vitesse vers la sortie. Ils parviennent à se tirer de ce mauvais pas, mais au grand dam de Snaggi, c’est Nizwick qui monopolise la possession de leur trouvaille, ce qui le force à être spectateur de la surprise que ce dernier réserve à Ufthak à son retour…

Début spoiler…Au lieu de profiter de l’inattention du Boss pour le vaporiser depuis un coin sombre, comme LUI aurait fait, Snaggi à l’horreur de constater que son nigaud de comparse voulait simplement faire un cadeau à Ufthak, parce qu’il l’aime bien. Comble de malheur, l’Ork a tôt fait de réduire la précieuse arme en miettes, offensé qu’on ait pu penser qu’il ait besoin de matos Eldar pour briller en société. Une occasion en or gâchée par un authentique crétin que Snaggi voyait à tort comme un rival en manigances… le coup est rude pour Mini Molaire. Cette leçon valait bien un fromage fusil à fission, sans doute…Fin spoiler

AVIS :

Parmi tous les auteurs ayant contribué à la GW-Fiction, seule une fraction a eu l’occasion de mettre en scène un héros récurrent. Encore moins nombreux sont ceux qui ont consacré aux sidekicks de ce dernier leurs propres (mes)aventures1. Mike Brooks a un peu précipité les choses en propulsant sur le devant de la scène Snaggi Littletoof, Grot ayant eu son quart d’heure de gloire dans le roman ‘Brutal Kunin’’, alors que la mini-franchise qu’il a crée ne comptait qu’un long et deux courts formats. C’est en tout cas mon avis à la fin de la lecture de ce ‘Packin’ Heat’, qui ne m’a que très moyennement captivé, en grande partie parce que Brooks supposait son héros beaucoup plus intéressant qu’il ne l’était réellement. Alors qu’il avait réussi à contextualiser sa galerie de peaux vertes en goguette dans ‘Road Rage’, il n’a pas fait beaucoup d’efforts ici pour permettre au lecteur n’ayant jamais côtoyé le rusé Snaggi de s’investir dans ce personnage vraiment très caricatural (mais après tout, c’est un Grot). Premier point négatif.

L’autre défaut manifeste de conception de ‘Packin’ Heat’ est la fastidieuse tendance de Mike Brooks à faire commenter chaque action de l’intrigue par un Snaggi paranoïaque à l’extrême. Nos deux héros ne peuvent littéralement pas faire un pas sans qu’on ait droit à un paragraphe entier sur les états d’âmes de Littletoof, qui pense toujours qu’on essaie de lui nuire, ou qui réfléchit à comment nuire à autrui. Je reconnais que c’est sans doute comme ça qu’un Grot fonctionne, mais était-il nécessaire de répéter ce schéma ad nauseam ? A moins que cette nouvelle ait été écrite pour une audience de poissons rouges (très intelligents pour le coup), quelques mentions en début d’histoire auraient à mon sens largement suffit pour planter le décor, et leur absence par la suite aurait permis de fluidifier le déroulé de l’intrigue – qui est finalement assez simpliste, quand on la compare au nombre de pages qu’elle couvre.

Bref, je sors aussi déçu de cette nouvelle que son personnage principal, ce qui m’étonne pour une soumission de Brooks : le punk de la BL m’avait habitué à mieux que ça. Notons tout de même que ‘Packin’ Heat’ est la première publication de la Black Library dans laquelle les Squats Ligues de Votann apparaissent. C’est bien la seule raison de s’en souvenir.

1 : On peut songer aux nouvelles consacrées aux suivants de Gregor Eisenhorn (‘Playing Patience’) et Gideon Ravenor (‘Lepidopterophobia’), ou à ‘A Mug Recaf’ et ‘The Smallest Detail’, starring la légende Jurgen (l’assistant de Ciaphas Cain).  

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Maintenant que ‘Warboss’ est véritablement disponible (alors que l’ouvrage n’avait bénéficié que d’une sortie limitée au moment où cette nouvelle avait été initialement publiée), les critiques que j’avais formulées sur la difficulté pour le lecteur de resituer Snaggi Littletoof ne sont plus aussi valides qu’elles avaient pu l’être. Cela dit, il est permis de douter que le public non-initié auquel la Black Library Celebration 2024 est destinée soit particulièrement au fait des liens entre ce petit chenapan et son nouveau Boss, Ufthak Blackhawk. Comme ce dernier est à la fois plus intéressant en tant que personnage, et plus connu du grand public, j’aurais préféré que la Black Library porte son choix sur une des deux nouvelles que Brooks a dédié au personnage (‘Where Dere’s Da Warp Dere’s A Way’ ou ‘Road Rage’). Une fois n’est pas coutume, ce sont donc les versions française et allemande qui s’en sortent le mieux.

A COMPLETER PAR :

Les romans ‘Brutal Kunnin’ // ‘Ruze Brutale’, ‘Warboss’ // ‘Chef de Guerre’ et  ‘Da Big Dakka’ // ‘Eul’ Gros Dakka’, et les nouvelles ‘Where Dere’s Da Warp Dere’s A Way’ // ‘Tant qu’y a le Warp, y a moyen’ et ‘Road Rage’ (non traduite), tous signés de Mike Brooks.

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The Waste, the Worm, and the Witch – G. Kloster [AoS] :

INTRIGUE :

The Waste, the Worm and the WitchNous retrouvons la vampire Ruinemâne Nyssa Volari peu de temps après les événements de ‘Anger & Ash’ et la perte de sa mère de sang, Vasara, brûlée au dixième degré lors de l’embuscade tendue par les nomades de la bande du Poing. Au grand déplaisir de notre héroïne sanguine, Vasara a décidé d’occuper sa non non-vie à hanter ses pensées et à hurler des choses incohérentes dans sa tête, ce qui menace de faire tomber sa belle-fille dans la folie la plus profonde. Pour ne rien arranger, le petit royaume vampirique gouverné par le père de sang de Nyssa, Corsovo, est menacé par les incursions répétées des Chercheurs de Soleil, une faction humaine un peu trop vertueuse et éclairée au goût des buveurs de sang. La nouvelle s’ouvre ainsi par une escarmouche durant laquelle la schizophrénie galopante de Nyssa l’empêche de mener à bien l’attaque surprise qu’elle avait planifiée, permettant à sa proie, la Lieutenant Takora, d’échapper une nouvelle fois à ses crocs.

De retour au Palais Gris qui sert de capitale au domaine paternel, Nyssa apprend de la bouche de l’un de ses gardes du corps (Erant) qu’il connaît une sorcière ayant le pouvoir de parler avec les morts, et qui pourrait donc aider sa patronne à se débarrasser de sa squateuse mentale. N’ayant plus grand-chose à tuer et du temps à perdre (et l’inverse), Nyssa s’embarque dans cette quête Doctolibesque, accompagnée de ses fidèles gorilles (Erant, donc, et sa comparse Rill). Après un trekk sans histoire ni ravitaillement dans les plaines cendreuses qui entourent le volcan Temero, le trio finit par croiser la route de la sorcière de la décharge1, qui fait son office de PNJ et demande à ce que lui soit remis un croc de verre de boue d’une longueur respectable avant de consentir à aider Nyssa. Les Ruinemânes partent donc sur la zone de farmage de cette noble bestiole, un lac peu profond situé à quelque distance.

Comme on pouvait s’y attendre, la mission n’est pas aussi simple qu’il n’y paraissait sur le papier. Les vers de boue en question sont en effet très coriaces, et ont la sale tendance à faire repousser les extrémités dont les vampires les amputent à grands moulinets d’épée aussi vite qu’ils en sont privés. Cela ne serait pas un gros problème pour des bretteurs de la classe de Nyssa et compagnie si les crocs des individus tailladés n’étaient pas d’une taille insuffisante pour satisfaire à la demande de la sorcière, et ne se dissolvaient pas dans l’air une fois prélevés. Quand ça veut pas, ça veut pas.

Le rapport de force s’inverse lorsque the mother of all mudworms fait son apparition, tel un boss de fin de donjon après que ses minions aient été vaincus. D’une taille bien supérieure à celle de ses congénères, Lombricator a également les crocs, ce qui est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle pour les chasseurs de vampires. Il faudra une coopération sans faille entre Nyssa, Erant et Rill pour parvenir à tronçonner une longueur convenable du ténia géant, dont les dents plantées dans le bras de Miss Volari au cours de la bataille resteront heureusement en un seul morceau après que le trio ait pris la poudre d’escampette.

De retour devant la sorcière, Nyssa lui remet la quenotte demandée, et obtient en échange un conseil de psychiatre (« faîtes le deuil de votre perte ») en lieu et place du rite nécromantique trop stylé qu’elle espérait recevoir. Cela chagrine fortement notre héroïne, qui décide de faire goûter à cette charlatan sa propre médecine en lui enfonçant le croc dans la jugulaire, mais s’en trouve empêchée par la disparition soudaine (et salutaire) de cette dernière – la sorcière, pas la molaire. Nyssa se rend cependant compte peu après qu’il y avait de la logique dans la folie de l’enchanteresse, puisque la voix de sa mère semble désormais être consciente de son état, et consent à ne plus hurler « AU FEEEEEEEEEEEUUUUUUUUUU2 » à tout bout de champ, comme elle faisait auparavant. A la place, elle lui prodiguera ses sages conseils depuis l’outre-tombe, comme la mère attentionnée – mais insupportable – qu’elle était jusqu’à son regrettable accident. Pas l’idéal pour une esprit libre comme Nyssa, mais un progrès certain par rapport à sa précédente condition.

1 : Witch of the Waste en V.O., ce qui sonne mieux en plus d’être un clin d’œil au Magicien d’Oz.
2 : Vasara semble également détester cordialement une certaine Lira, qui l’aurait trahie et dont elle souhaite se venger. Il est probable que ce personnage apparaisse dans la suite de la série, je me permets donc de le mentionner ici.

AVIS :

Deuxième épisode des aventures de Nyssa Volari, ‘The Waste…’ se révèle être une side quest sans beaucoup d’intérêt, ce qui est dommage car Gary Kloster aurait pu utiliser cette nouvelle pour contextualiser un peu plus ses personnages, leurs relations et leurs histoires. L’avantage de son approche est qu’il n’y a pas besoin d’avoir lu ‘Anger & Ash’ pour faire sens de cette histoire, mais le résultat n’est pas spectaculaire, ni même très utile pour la suite de la série (à moins que la voix de mommy Vasara joue un rôle par la suite). Si Kloster veut concurrencer le Cado Ezechiar de John French, il va falloir qu’il se donne un peu plus de mal.

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Comme dit ci-dessus, ‘The Waste…’ a pour lui d’être accessible aux nouveaux venus, et contre lui d’être moins intéressant que ce que John French nous a donné avec ses nouvelles consacrées à Cado Ezechiar, autre vampire en vogue des Royaumes Mortels au moment où cette chronique est écrite. Je comprends très bien la stratégie de diversification opérée par la Black Library par la mise en avant d’une nouvelle héroïne (Cado Ezechiar ayant eu le droit au même traitement en 2022), mais c’est le lecteur qui en sort lésé, à mon humble avis.

A COMPLETER PAR :

Le roman ‘The Last Volari’ et la nouvelle ‘Anger and Ash’ (non traduits), par Gary Kloster.

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The Shel’tain Affair – J. Reid [HH] :

INTRIGUE :

The Shel'tain AffairComme pour Faramir longtemps avant elle, c’est au tour d’Amendera Kendel de prouver sa valeur. Fraîchement nommée Agentia Tertius par Malcador le Sigilite, sa première mission la place en effet loin de sa zone de confort (massacrer des démons et faire vomir des Psykers), car elle nécessite une approche subtile que l’ex-Sœur du Silence est bien loin de maîtriser. Envoyée enquêter sur les agissements du Haut Duc Ceithyr, dont la tête ne revenait pas à l’acariâtre Régent de Terra pour une raison qu’il n’a pas daigner lui expliquer, Amendera n’a pas la moindre idée de comment s’y prendre pour percer à jour le honteux petit secret de son hôte, qui se fait un plaisir de lui offrir une visite guidée de sa distillerie de whisky et de sa ferme de cyber-Highland (on suppose qu’il pousse le vice jusqu’à lui offrir du haggis, le monstre) pour montrer qu’il n’a rien à cacher à l’adjointe de Malcador. Après quelques heures infructueuses, Kendel décide de plier les gaules et d’aller confesser sa nullité auprès de son employeur – en espérant qu’il ne mettra pas fin à sa période d’essai – et accepte l’offre de Ceithyr d’être raccompagnée en voiture jusqu’à son Arvus.

Les choses prennent toutefois un tour aussi désagréable qu’intéressant lorsque le chauffeur du Duc tente de lui coller un pruneau dans le buffet, avant de déclencher la bombe cachée sous la carrosserie du véhicule (une option pratique quand on veut se débarrasser d’un invité indésirable… et c’est à peu près tout), qui, si elle épargne notre héroïne, pique toutefois son intérêt professionnel et la motive à retourner dans le manoir de son hôte indélicat. Considérant à juste titre qu’il vaut mieux faire profil bas vu les circonstances, Kendel passe par l’entrée de service et arrive dans le sous-sol du Duc, où elle ne met pas longtemps à liquider les quelques malheureux domestiques et gardes qui passent à sa portée. Lorsque Ceithyr finit par être informé que sa cible a survécu à la tentative d’assassinat, il panique et ordonne à ses hommes d’aller protéger les couveuses de toute urgence, ce qui ne manque pas d’intéresser notre héroïne, qui a entretemps subtilisé l’oreillette d’une de ses victimes pour se tenir informée des derniers potins. Direction les couveuses, donc.

Il s’avère que Ceithyr est un passionné de génétique appliquée, et a installé sous son manoir un laboratoire pour élever du Psyker, passe-temps très certainement prohibé par ce killjoy d’Empereur (faîtes ce que je dis, pas ce que je fais, tout ça…). Dérivés de son patrimoine génétique, les créations du Duc lui servaient à prédire l’avenir de sa lignée, ce qui lui avait été très utile pendant la période d’incertitude que furent les guerres d’unification. Grâce aux conseils de ses « enfants », Ceithyr put placer ses billes sur le bon canasson (JapPépéloup) et sortir son épingle du jeu alors que ses rivaux moins inspirés goûtaient à la colère des Guerriers Tonnerre. Cette histoire est racontée à Amendera par l’une des filles génétiques du Duc, qu’elle ne porte pas dans son cœur du fait des mauvais traitements qu’il inflige à ses bâtards (enfermés au garage ad vitam aeternam, c’est vraiment pas l’éclate). C’est elle qui a averti son papounet abhorré de la chute de sa dynastie s’il avait le malheur de laisser partir l’envoyée de Malcador, ce qui a conduit le superstitieux aristocrate à organiser l’attentat que l’on sait en catastrophe. Elle se rattrape à présent en conseillant à une Kendel à court d’options lorsque Ceithyr débarque avec ses sbires de viser le champ anti-psi maintenu par le prudent Duc autour des cuves amniotiques où la plupart de ses rejetons sont maintenus en stase plutôt que d’essayer de se faire justice directement en envoyant une bastos à son presque assassin.

Résultat des courses : l’un des Psykers en conserve qui flottait à l’arrière-plan décide qu’il est grand temps de tuer le père, comme lui avait conseillé son thérapeute, et réduit Ceithyr et ses gardes en bouillie à la seule force de son petit cerveau musclé, avant de mourir d’épuisement. Pas rancunière pour un sou, Kendel décide d’épargner la fille du défunt Duc et de la ramener avec elle chez Malcador, pensant qu’une voyante agréée pourrait être utile à son boss pour préparer le siège de Terra. Vu comment l’Hérésie se termine pour lui, on peut conclure qu’il a refusé qu’on lui tire les cartes…

AVIS :

L’Hérésie d’Horus a beau être d’abord l’histoire d’une guerre fratricide opposant des légions de surhommes génétiquement modifiés, il s’est passé autre chose qu’une interminable Space Marinade pendant les sept ans qu’a duré cet événement fondateur (et destructeur, aussi). La nouvelle que signe Jude Reid, qui relève plus du thriller policier que du bolt porn, a donc sa place dans cette saga tentaculaire, même si on peut être pardonné de considérer qu’il s’agit d’une péripétie mineure et périphérique par rapport à l’arc principal. Le fait qu’elle ait été publiée en 2022, au moment où le Siège de Terra vivait ses heures les plus intenses, n’aide pas non plus à s’enthousiasmer pour cette histoire que l’on pourrait qualifier de « basse intensité ».

Reid livre une copie sérieuse ici, qui pourra rappeler aux plus anciens la deuxième partie du ‘Blood Games’ de Dan Abnett (ça ne nous rajeunit pas), mais qui ne satisfera pas les lecteurs souhaitant voir l’intrigue globale de l’Hérésie progresser, même modestement, à travers les courts formats égrenés par la Black Library en cette fin d’Hérésie. Je trouve également dommage que Jude Reid n’ait pas cherché à prendre la suite de l’autre nouvelle récente consacrée à Amendera Kendel (‘The Serpent’s Dance’ de Mike Brooks), ce qui aurait pu créer un mini-arc sympathique sur la lutte des agents de Malcador contre l’Alpha Legion. On verra si l’Agentia Tertius refera parler d’elle avant que la poussière ne retombe définitivement sur cette franchise…

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Au risque de me répéter, je reste convaincu que le choix de la Black Library d’intégrer dans ses recueils pour néophytes des nouvelles destinées à des lecteurs bien au fait des derniers événements de l’Hérésie d’Horus et cherchant à se tenir informés de ces derniers (avec un an et demi de retard, c’est le prix de la gratuité) n’est pas le plus heureux qui soit. On atteint avec ‘The Shel’tain Affair’ des sommets (ou des abysses), car introduire l’Hérésie d’Horus, guerre galactique où le Space Marine est roi, via une nouvelle de huis clos se déroulant dans une île perdue du nord de l’Ecosse me semble relever du trollage le plus éhonté. Un hors sujet total.

A COMPLETER PAR :

Si c’est votre première incursion dans l’Hérésie d’Horus, allez sans plus tarder lire ‘Horus Rising’ // ‘L’Ascension d’Horus’ (Dan Abnett) pour avoir les bases. Si vous êtes un faux débutant ou que le personnage d’Amendera Kendel vous a passionné, vous pouvez la retrouver dans le roman ‘The Flight of the Eisenstein’ // ‘La Fuite de l’Eisenstein’ et les nouvelles ‘The Voice’ // ‘La Voix’, ‘Ghosts Speak Not’ // ‘Les Fantômes ne parlent pas’ (James Swallow) et ‘The Serpent’s Dance’ (Mike Brooks).

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Pain Engine – C. Thursten [WHR] :

INTRIGUE :

Pain EngineOù l’on suit la longue et – forcément – macabre quête d’un Haemonculus drukhari pour acquérir un modèle de Talos customisé, qui avait fureur/des ravages lors d’une olympiade à Commoragh où notre héros était présent. Nommée Steeve Seethe, cette belle bestiole ne se révèle pas d’une approche facile : après avoir sacrifié, comme il s’y attendait, tous ses suivants dans les divers pièges mortels protégeant le laboratoire du créateur d’Achille Talos, l’Haemonculus pénètre seul dans le repaire de son estimé mais insaisissable collègue.

Là, il se retrouve face à un prototype inachevé de Talos, et entouré par divers cadavres en état de décomposition plus ou moins avancé, à travers lesquels le constructeur de Seethe s’exprime. Notre héros, qui n’est pas né de la dernière pluie acide, comprend rapidement qu’il est soumis à un véritable entretien d’embauche, et doit ainsi répondre au grand classique « racontez-moi trois projets dont vous êtes particulièrement fier (et pourquoi) ». Jamais mal à l’aise quand il s’agit de parler de sa vie et de son œuvre, l’Haemonculus décrit par le menu les diverses tribulations et collaborations (s’étant toujours très mal finies pour ses partenaires, bizarrement) qui lui ont permis d’arriver jusqu’ici.

Il y a ainsi eu une joint-venture avec un Fleshcrafter du nom de Vyst, exécuté par le successeur de l’Archonte auquel nos compères avaient juré allégeance, et transformé en Grotesque après une éternité de résurrections débilitantes. Il y eut ensuite un M.O.U. avec la Boulangère Pain-Master Talec, vaporisée par un tir de destructeur bien placé après qu’elle se fut montrée plus intéressée par réaliser des tests de Rorschach dans des entrailles de Cabalites que de progresser dans la quête de Seethe. Enfin, notre Haemonculus trouva rigolo de contaminer un camarade (Sziadan) avec un parasite très spécialisé, qui fit fusionner son âme avec son squelette. Squelette qui demanda ensuite le divorce avec le reste du corps du malheureux Drukhari. Et l’obtint. Just a prank, bro. Impressionnant, certes, mais serait-ce suffisant pour gagner le respect d’un artisan aussi doué que Papa Steeve ?

Début spoiler…Et la réponse est oui. Mais comme les histoires d’Eldars Noirs ne peuvent pas bien se terminer (c’est contractuel), notre héros se rend bientôt compte qu’il ne va pas repartir avec Seethe. Plutôt, il va devenir Seethe, comme le modèle de Talos à moitié construit qui trônait au milieu du laboratoire depuis le début de la nouvelle le laissait à peine entrevoir. Appelez ça la poire d’angoisse de Tchekhov. Le rideau tombe sur le début de la transformation de l’Haemonculeur haemonculé, alors que le capot du Talos se referme sur la forme frêle de notre héros. Tel est pris qui croyait (ap)prendre…Fin spoiler

AVIS :

J’ai moyennement apprécié cette soumission de Chris Thursten, que j’ai trouvé très maniérée au niveau de son style (c’est rare pour des écrits de la Black Library, mais ça arrive, coucou Nik Vincent), et très lacunaire au niveau de son intrigue. Le fait que le twist final de la nouvelle soit éventé au cours des premières pages (la manière dont ‘Pain Engine’ est construit ne ménage aucun suspens sur sa conclusion) ne m’a pas non plus mis dans de très bonnes conditions, je dois avouer. Pour finir, l’aspect horrifique est assez limité, ce qui est un comble pour une histoire mettant en scène l’entrée la plus gore du Codex le plus dérangeant de Warhammer 40.000. Du potentiel, certainement, mais encore non réalisé pour autant que je puisse le dire.

ET POUR LES NOUVEAUX ?

C’est toujours bien d’avoir des représentants des franchises « mineures » de la Black Library dans des recueils d’initiation comme les Black Library Celebration, nous sommes d’accord. Ce qui serait encore mieux, c’est que les nouvelles « témoins » choisies pour représenter lesdites franchises soient suffisamment intéressantes pour donner aux néophytes l’envie de les découvrir plus avant. Malheureusement, ‘Pain Engine’ est une soumission trop moyenne pour accomplir cela (de mon point de vue tout du moins), et c’est d’autant plus dommage que la gamme Warhammer Horror ne manque pas de nouvelles plus abouties que celle-ci. 11/20 pour l’effort, mais pas au-delà.

A COMPLETER PAR :

Les recueils de nouvelles Warhammer Horror, dont les trois premiers (‘Maledictions’ // ‘Malédictions’, ‘Invocations’ // ‘Invocations’ et ‘The Wicked and the Damned’ // ‘Les Déments et les Damnés’) ont été traduits en français.

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Chains – J. D. Beer [WCR] :

INTRIGUE :

ChainsMelita Voronova a toujours été une grande professionnelle, mais l’affaire sur laquelle elle travaille depuis deux mois lui tient particulièrement, profondément et viscéralement à cœur. Employée par le cartel Valtteri comme consultante spéciale en sécurité, ou quelque chose du même tonneau, notre héroïne a enquêté sur une série d’attaques ciblant les convois de ses patrons, et perpétrées en partie grâce aux pouvoirs d’un Psyker du nom d’Alim. Ce dernier, loin de coopérer de son plein gré à cette entreprise criminelle, avait été asservi, torturé et exploité par un baron du crime local, l’ex-Sanctioner Jorg Rakove. Localisé et libéré par Melita, Alim a eu recours à une procédure de suicide assisté pour mettre fin à son existence de malheur, en déversant sans consentement libre, informé et préalable tous ses souvenirs douloureux dans l’esprit de sa libératrice, forçant cette dernière à lui coller une balle dans la tête pour stopper le déluge mémoriel. Hantée par le calvaire d’Alim, qu’elle revit à intervalles réguliers dès qu’elle entend ou voit des choses qui lui rappellent les conditions terribles dans lesquelles le mutant a été retenu, Melita est déterminée comme jamais à localiser Rakove et le remettre à ses employeurs, voire plus si affinités.

En cette soirée pluvieuse à Varangantua, et après une nouvelle séance d’hallucinations assez éprouvante déclenchée par le bruit de la ventilation, Melita part avec son partenaire et garde du corps Edi Kamensk en direction du Spoil, une des nombreuses Zones Urbaines Sensibles d’Alecto. Le duo a été rencardé sur le fait que le tout-puissant Anderti Sorokin, chef du gang Har Dhrol, retenait Rakove dans un endroit de sa connaissance, et a reçu carte blanche de la part des Valtteri pour négocier une remise en mains propres. Bien que rompue à l’art délicat des négociations avec des partenaires louches, et à la dangereuse, si colorée, vie nocturne du Spoil, Melita aborde la soirée et le club défraichi où Sorokin a installé son QG de manière circonspecte. Elle sait en effet qu’elle devra jouer finement pour obtenir un deal avec le fantasque mais impitoyable boss mafieux, et ne tient absolument pas à ce que sa cible lui file entre les doigts.

Si la conversation entre nos deux larrons s’engage sur des bases aimables, il ne faut pas longtemps avant que Sorokin ne teste la résolution et la ténacité de son interlocutrice, en lui proposant de parier sur le vainqueur du combat de gladiateurs qui se déroule en contrebas de sa loge. Flairant le piège, Melita ne répond rien avant que le duel se termine par une amputation en bonne et due forme, et annonce qu’elle aurait choisi le gagnant. THAT’S NOT HOW YOU DO IT GURL. Peu amusé par la proposition, Sorokin propose un nouveau mini-jeu à ses invités : si Edi descend dans l’arène et remporte son combat, ils auront Rakove. Alors que le chevaleresque garde du corps est prêt à relever le défi, au grand dam de sa partenaire, déchirée entre son désir de coincer Rakove et la sécurité de la seule personne qui compte pour elle, Sorokin se ravise à nouveau (quel Dhrol de farceur alors), et accepte de négocier de façon civilisée. Après quelques propositions poliment refusées, Melita finit par toucher une corde sensible chez le gangster au grand cœur, dont le rêve est de développer le Spoil afin d’offrir une vie meilleure à ses habitants (c’est beau). Plutôt qu’une grosse pile de crédits impériaux ou un traitement rejuvenat chez les meilleurs spécialistes, ce sont des camions poubelle et des stations d’épuration made in Mechanicus qui permettent de sceller le marché. Tope là mon gars, et pumbagor qui s’en dédit.

Le lendemain, Melita et Edi accompagnent les mercenaires des Valtteri à l’adresse convenue, afin d’assister à l’arrestation tant attendue de cet ignoble ordure de Rakove. BIEN ÉVIDEMMENT, tout ne se passe pas comme prévu, le colis parvenant à se saisir de l’arme d’un de ses surveillants au moment de l’échange, et forçant les mercenaires à l’abattre sur place. Vous parlez d’une boulette alors. Cela énerve au plus haut point Melita, qui avait prévu de faire le sale boulot elle-même dès qu’elle en aurait eu l’occasion (oups mon doigt a glissé sur la détente de mon flingue, comme c’est cocasse), mais notre héroïne tourmentée finit par se convaincre, avec l’aide du perspicace et psychologue Edi, qu’il est temps de tourner la page et que Rakove n’a eu que ce qu’il méritait. Générique.

AVIS :

Jonathan D. Beer donne une suite (et probablement une fin, en tout cas à cet arc) à la nouvelle ‘Service’ (‘Sanction & Sin’), qui relatait les premiers temps de la traque de Jorg Rakove par Melita Voronova. Si l’intrigue en elle-même n’est pas tellement mémorable, et se conclut par un ersatz de twist final, l’auteur parvient à distiller au fil des pages une authentique atmosphère de thriller glauque et moite, tout à fait adaptée à la ligne éditoriale de Warhammer Crime. Beer prouve ici qu’il est capable de créer et de faire évoluer des personnages assez fouillés (mention spéciale à Andreti Sorokin, qui est le véritable héros de ‘Chains’) et maîtrise superbement les codes et clés du background impérial de 40K, deux indéniables points forts pour un contributeur de la Black Library. Je suis donc très intéressé de lire la suite, si suite il y a.

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Contrairement à ‘Pain Engine’, ‘Chains’ se révèle d’une lecture intéressante, et constitue à ce titre une très bonne entrée dans sa franchise de rattachement, la glauque, poisseuse, cruelle et urbaine Warhammer Crime. Sa présence au sommaire de la Black Library Celebration 2024 est donc une bonne chose.

A COMPLETER PAR :

Le recueil ‘Sanction and Sin’ et le roman ‘The King of the Spoil’ (Jonathan D. Beer) où le personnage de Melita Voronova est introduit, et les romans ‘Bloodlines’ // ‘Lignées Sanglantes’ (Chris Wraight) et ‘Flesh and Steel’ // ‘La Chair et l’Acier’ (Guy Haley), et la nouvelle ‘Aberrants’ // ‘Aberrations’ (Chris Wraight), seules entrées de la gamme traduites en français pour le moment.

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Tant qu’y a le Warp, y’a Moyen – M. Brooks [40K] :

INTRIGUE :

Where dere's da warp dere's a wayAssistant de direction d’une bande de Pistol Boyz Bad Moon rattachée à la Waaagh ! de Da Meklord, Ufthak Blackhawk vit à fond le rêve américain Ork, fait de bagarres, d’abordages et de compétitions pour devenir le boss à la place du boss. Le o+1 de notre héros est Badgit Snazzhammer, charismatique, à défaut d’être cérébral, Nob et tirant son nom de son arme de prédilection, un combi marteau énergétique/lime à ongles, qu’il ne dédaigne pas utiliser pour motiver les troupes lorsque le besoin s’en fait sentir. Chargés par Da Meklord en personne de sécuriser la salle du réacteur Warp d’un vaisseau de l’Adeptus Mechanicus afin de permettre à un Mek inventif de jouer avec la tek’ des zoms, Ufthak, Badgit et consorks prennent le premier ‘Ullbreaker pour aller apporter leurs sentiments et bourre-pifs les meilleurs aux fidèles de l’Omnimessie.

Une fois sur place, et après avoir dérouillé une malheureuse patrouille qui tentait de faire son devoir, nos Orks se mettent à errer dans les coursives du croiseur martien, les indications du Mek à roulette1 leur servant de GPS manquant en précisions. Au petit jeu du porte/monstre/trésor, les peaux-vertes finissent par tomber sur plus fort et plus dur qu’eux, comme le malheureux Badgit en fait l’expérience lorsque lui prend la mauvaise idée de charger un Kastelan opérant comme physionomiste à l’entrée de la boite de Warp. Comme quoi, foncer tête baissée est le meilleur moyen pour la perdre. À toute chose malheur est bon, car le décès de son chef permet à Ufthak de s’improviser leader de la bande de Pistol Boyz, malgré les protestations de Mogrot Redtoof, l’autre bras droit de feu Snazzhammer. Ruzé mais brutal, Ufthak accouche d’une tactique de diversion qui lui permet d’arriver au contact de l’angry robot, récupérer l’arme de fonction de son boss, et terrasser l’ennuyeux androïde au cours d’un corps à corps épique et piquant, et même détonnant, l’usage malavisé d’une arme à contondante à champ de force sur le réacteur du Kastelan dispersant Ufthawk façon puzzle2.

Ce n’est toute fois pas la fin pour notre héros, les Orks étant, comme chacun sait, plutôt coriaces. Se réveillant très diminué, mais se réveillant tout de même (ce qui est déjà pas mal quand on n’est plus qu’une tête sur un demi-tronc), Ufthak se voit proposer par le Dok Drozfang, qui accompagnait la bande, un marché qu’il ne peut décemment pas refuser. En un tour de scie circulaire et quelques agrafes, voilà la tête du Boy greffée sur le corps de Badgit, sans trop d’effets secondaires. Ça c’est ce qu’on peut appeler de la chirurgie reconstructrice. Remis de ses émotions, bien qu’ayant – et c’est compréhensible – un peu mal aux cheveux qu’il n’a pas, Ufgit (Badthak ?) refait son retard sur le reste des Boyz, calme les ardeurs de ce parvenu de Mogrot et lui reprend le bâton marteau de parole, et invite le Mek à appuyer sur le gros bouton rouge qu’il a branché sur le moteur Warp du croiseur. Selon les savants calculs de l’ingéniork, cette machine devrait permettre au vaisseau de rebrousser chemin jusqu’à sa planète d’origine, monde forge plein de tek’ à piller…

Début spoiler Malheureusement, le buzzer magique a surtout pour effet de remplir le croiseur de démons, ce qui ne refroidit pas le légendaire enthousiasme peau-verte, bien au contraire. Ils commençaient justement à s’ennuyer…Fin spoiler

AVIS :

Nouvelle rigolork (c’est le dernier mot-valise à base d’Ork, je le jure) de Mike Brooks, et à laquelle je décerne la palme d’argent du titre le plus inventif (catégorie 5 mots et plus), derrière l’indétrônable Badlands Skelter’s Downhive Monster Show de Matthew Farrer, ‘Tant qu’y a le Warp…’ n’a pas grand-chose à offrir au lecteur à part une plongée humoristique dans le quotidien, forcément agité, d’un Boy. Les péripéties grand-guinorkesque (j’ai menti) s’enchaînent de manière plaisante, mais ne vous attendez pas à une conclusion édifiante, ou même intéressante, à cette nouvelle.

1 : Car oui, il n’y en a qu’une dans son cas, on peut parler de monorkwheel.
2 : Après l’Interrogatrice Spinoza dans ‘Argent’, c’est la deuxième nouvelle de la BL qui souligne les dangers des masses énergétiques pour leur porteur. Faut-il voir une ligne éditoriale de Nottingham ?

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Une nouvelle très drôle, à contre-courant de la chape grimdark qui pèse lourdement sur la littérature 40K, et qui vient démontrer que même dans les ténèbres du lointain futur, on peut parfois bien se marrer. Rien que pour cela, ‘Tant qu’y a le Warp…’ mérite la lecture, et notamment celle des néophytes qui peuvent peut-être se dire que les travaux de la Black Library sont un peu trop déprimants pour leur goût (pour être honnête, cette nouvelle est plutôt l’exception qui confirme la règle) : il faut toujours laisser sa chance au produit, surtout quand il est gratuit ! Ajoutons à cela le fait que cette nouvelle est la parfaite introduction au personnage d’Ufthak Blackhawk (Buzenoire en VF), et on tient un choix de casting parfait de la part des éditeurs de la BL.

A COMPLETER PAR :

Les romans ‘Brutal Kunnin’ // ‘Ruze Brutale’, ‘Warboss’ // ‘Chef de Guerre’ et  ‘Da Big Dakka’ // ‘Eul’ Gros Dakka’, et les nouvelles  et ‘Road Rage’ et ‘Packin’ Heat’ (non traduites), tous signés de Mike Brooks.

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La Tour Foudroyée – D. Abnett [HH] :

INTRIGUE :

The Lightning TowerSur la Terra impériale du 31ème millénaire, la trahison d’Horus, Primarque, Maître de Guerre et fils favori de l’Empereur, est encore fraîche que ce dernier, jamais à repousser à la décennie suivante ce qui peut être fait cette année, ordonne à son manœuvre portugais inwittien de fiston de fortifier son Palais, en préparation d’un siège qu’il voit déjà se profiler à l’horizon, bien que ce qui deviendra l’Hérésie d’Horus n’en soit encore qu’à ses prémisses. S’exécutant sans broncher, Rogal Dorn, car c’était lui (quelle surprise), se met au travail avec ardeur, bien qu’il lui en coûte de devoir construire des casemates et des miradors sur un site classé au patrimoine galactique de l’humanité. Les considérations esthétiques du Primaçon, habituellement aveugle à toute beauté, ne manquent pas de surprendre ses collègues de truelle (Vadok Singh, le Contremaître de Guerre) et proches collaborateurs (Sigismund, pas encore disgracié, et Archamus, pas encore empalé) parmi lesquels on compte heureusement un psychiatre homologué en la personne de Malcador le Sigilite.

Ayant surpris Rogal traîner sur les remparts du Palais dans le pyjama en pilou qu’il tient de son grand-père1 (un signe manifeste de déprime), le Premier Seigneur de Terra comprend qu’il est de son devoir d’intervenir, et invite donc le rejeton de son boss à une consultation privée dans ses appartements. Ne pouvant décemment pas partir sur le complexe d’Oedipe avec la moitié des Primarques déjà décidés à tuer le père, Malcador opte pour une approche un peu différente, et demande à son interlocuteur ce qui l’effraie, afin de comprendre d’où vient le spleen persistant du Prétorien. Fort à propos, la question avait déjà été soumise à Dorn quelque temps auparavant, lui laissant le temps de considérer le sujet. Ayant décrété qu’il ne craignait personne, le Primarque tente de se donner l’air profond en répondant qu’il avait peur de ce qu’il ne comprenait pas, comme les règles de la belote, la communication de la Black Library ou encore les causes ayant poussé la moitié des Légions impériales à rejoindre la cause d’Horus. Malheureusement pour lui, il en faut plus pour berner le Sigilite, qui sort de ses tiroirs un jeu de cartes ayant appartenu à Konrad Curze, frère ennemi ayant failli tuer Dorn sur Cheraut après une dispute. Voyant son patient tourner au flave2, Malcador enchaîne sur une thérapie accélérée et tire les cartes à ce dernier, avec des résultats plutôt inquiétants. Mais évidemment, ce n’est qu’un jeu, haha. Ça fera 83 €.

La nouvelle se termine sur un Rogal Dorn un peu plus gaillard depuis sa discussion cathartique avec son prof principal, qui se prépare à repousser les assauts des traîtres avec un petit jeu de tower defence. Surpris par son Père en train de niaiser au lieu de faire ses devoirs, le Primarque dissipé jure toutefois qu’il ne laissera pas tomber son Pôpa, qui repart donc sur le Trône l’esprit tranquille mais le colon obstrué (la constipation, quel fléau). Rendez-vous dans sept ans pour que ça commence à vraiment chier sur Terra.

1 : Qui devait s’appeler Hodor pour que sa robe de chambre aille à son petit fils naturel. Je ne veux pas penser à l’alternative.
2 : C’est un jaune pâle. Non, je ne connaissais pas ce terme avant d’écrire cette chronique. Oui, je vais dès à présent tenter de le placer discrètement dans autant de conversations que possible.

AVIS :

À l’heure où cette chronique est écrite, ‘La Tour Foudroyée’ affiche plus d’une décennie au compteur, faisant partie des premiers textes écrits pour l’Hérésie d’Horus lorsque le projet fut initié par la Black Library en 2007, ce qui ne nous rajeunit pas. Pour ceux qui ont vécu l’épopée littéraire que constitue cette saga, cette nouvelle occupe sans doute une place particulière, le témoin d’une époque où le lecteur, probablement enthousiaste, mais peut-être dubitatif, devant cet OLNI, se demandait à quelle sauce il allait être mangé. Ayant sans doute voulu assurer le coup, la BL avait fait le sage choix de confier le début de la série à des contributeurs expérimentés, l’incontournable Dan Abnett en tête. Et force est de constater que, comme son Horus Rising pour les romans de l’Hérésie, ‘La Tour Foudroyée’ a parfaitement accompli sa mission, c’est à dire fournir des fondations solides et inspirantes aux publications qui suivirent (qui se comptent aujourd’hui en centaines pour les nouvelles). Bénéficiant de la maîtrise narrative et de la patte littéraire du Wordmaster, cette soumission demeure à mes yeux l’une des meilleures introductions disponibles à cette franchise dans la franchise qu’est l’Hérésie d’Horus. En une vingtaine de pages, elle parvient ainsi à poser les bases de l’intrigue (une trahison monumentale mettant en péril le règne du bon Roy Empereur), présenter quelques personnages cruciaux, donner un aperçu satisfaisant de l’univers et de l’atmosphère de cette fin de 31ème millénaire, et esquisser la perte d’innocence que se révélera être ce conflit galactique. Si, en plus, le lecteur connaît ses classiques, il aura droit en sus à quelques détails fluff assez sympathiques, variant du cool-à-savoir-mais-pas-vraiment-important (la barboteuse de Rogal) au cryptique-mais-probablement-lourd-de-sens (le tirage de Malcador). Bref, véritablement la pierre sur laquelle la Black Library a construit sa cathédrale, et une « relique » de l’Hérésie à laquelle il convient de rendre hommage.

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Les habitués de mes chroniques (qu’ils en soient remerciés) vont certainement se dire à ce stade : « depuis le temps qu’il serine que le seul bon choix de nouvelle pour ce type de recueil introductif est ‘La Tour Foudroyée’ pour l’Hérésie d’Horus, il doit être aux anges ». Et ils auront raison. Pour les lecteurs non familiers de mes grommellements sur le sujet, j’ai souvent reproché à la Black Library de faire figurer dans ses ouvrages à destination d’un public non averti des nouvelles de l’Hérésie d’Horus tout simplement incompréhensibles pour ce dernier (cf mon retour sur ‘The Shel’tain Affair’ ci-dessus). Cette critique ne tient pas pour ‘La Tour Foudroyée’, qui est littéralement et littérairement la nouvelle introduisant cette gigantesque saga, un peu comme les textes défilants au début des films Star Wars. Il est assez drôle de remarquer que la BL est revenue à la raison après la conclusion de l’Hérésie, le troisième tome de ‘La Fin et la Mort’ étant sorti quelques jours avant la Black Library Celebration 2024. Mieux vaut tard que jamais, I guess…

A COMPLETER PAR :

Si c’est votre première incursion dans l’Hérésie d’Horus, allez sans plus tarder lire ‘Horus Rising’ // ‘L’Ascension d’Horus’ (Dan Abnett) pour avoir les bases.

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La Pureté de l’Ignorance – J. French [40K] :

INTRIGUE :

The Purity of ignoranceNotre nouvelle commence par l’interrogatoire serré mais décousu subi par le Lieutenant Ianthe du Régiment des Agathian Sky Sharks. En face de l’officier, un prêcheur impérial s’étant introduit comme Josef, se montre très intéressé par les états de service de son interlocutrice, qui peine à comprendre pourquoi il tient tant à ce qu’elle les passe en revue en boucle1. Il s’agit toutefois de la première fois qu’Ianthe collabore avec l’Inquisition à laquelle Josef appartient, et notre héroïne se dit que cela doit faire partie de la procédure de recrutement classique des saints Ordos, et se plie donc sans broncher au petit jeu du déroulé de CV. Il n’y a de toutes façons pas grand-chose à gagner à mettre un rogne un représentant d’une institution qui peut vitrifier votre monde natal sans avoir à se justifier, n’est-ce pas ?

Ailleurs, sur le monde de Tularlen, la Gouverneure Sul Nereid s’éveille dans le luxe de ses quartiers privés. La pauvresse a fait un horrible cauchemar, mais rien qui ne puisse être oublié par un bon petit déjeuner et une représentation privée du dernier ballet donné à l’opéra de la spire. En cela, Nereid a la chance de pouvoir compter sur la dévotion et le professionnalisme de son majordome Saliktris, qui semble toujours deviner ce qui lui ferait plaisir et se met en quatre pour satisfaire les envies et appétits de sa maîtresse. Et cette dernière a bien besoin de se détendre de temps à autres, les soucis posés par la gestion d’un monde impérial étant bien lourds à supporter.

Le premier acte du Lac des Razorwings est toutefois brutalement interrompu par l’arrivée de l’Inquisiteur Covenant et de sa suite, qui plutôt que de se faire annoncer au rez-de-chaussée de la ruche, ont opté pour une entrée fracassante par la baie vitrée, vérifiant une nouvelle fois le dicton que personne ne s’attend à ce que l’Inquisition passe par les velux. Coco et Cie sont confrontés à une vision d’horreur de 4.3 sur l’échelle du Nighthaunter2, musiciens et danseurs se révélant être des cultistes lourdement pimpés selon les goûts pointus, acérés même, du Prince du Chaos. Saliktris, quant à lui, est un authentique Héraut de Slaanesh, trop heureux d’obtempérer lorsque sa maîtresse lui ordonne de chasser les importuns, et par la force s’il le faut. Dans la bagarre qui s’en suit, Ianthe bénéficie d’une introduction approfondie aux us et coutumes chaotiques, la mélée confuse mais colorée qui engloutit les quartiers gouverneuriaux prélevant un lourd tribut sur les membres de son escouade ainsi que sur sa santé mentale.  À ses côtés, Covenant et ses sidekicks réguliers (Josef et Severita), plus aguerris que leur nouvelle recrue, s’illustrent de sanglante façon, jusqu’à ce que Salikris soit banni dans le Warp, et que cette fieffée profiteuse de Nereid écope d’un blâme, pardon d’un blam !, lorsque Ianthe parvient à la mettre face à ses responsabilités et au canon de sa carabine laser.

Début spoilerLe cœur de l’infection ayant été purgé, il ne reste plus au représentant de l’Ordo Malleus de donner quelques directives à son personnel pour que les quelques milliers de personnes ayant eu le malheur de fréquenter la défunte au cours des dernières années soient rapidement mises hors service. Dura lex sed lex. Se pose également la question du devenir d’Ianthe, qui, au cours de l’opération, a retrouvé la mémoire, et compris qu’elle servait en fait Covenant depuis de nombreuses années, mais avait été consciencieusement reformatée à la suite de chaque mission pendant laquelle elle avait été exposée au Chaos (ce qui doit arriver assez souvent dans ce type de profession), pour le salut de son âme et la sécurité de tous. Il lui appartient donc de faire le choix auquel elle est soumise à chaque réunion retex : un lavage de cerveau ou un bolt dans la tête. Présenté comme ça, c’est assez facile de trancher. Mais cette fois, à la surprise générale, Covenant adouci un peu le deal proposé à son sous-fifre, en lui proposant de continuer à le servir avec toute sa tête, jugeant, pour des raisons qui ne seront pas partagées avec l’humble lecteur, qu’elle est prête à vivre avec le poids de la connaissance de la réalité fondamentale de l’univers3. La conclusion de la nouvelle nous apprend qu’Ianthe a choisi de renoncer à la fameuse pureté de l’ignorance, et donc progressé au sein du cénacle d’acolytes de son boss, puisque c’est désormais elle qui remplace Josef pour les entretiens préliminaires. Si cela ne fait pas d’elle une interrogatrice, je ne sais plus à quel saint me vouer.Fin spoiler

AVIS :

Connaissant les capacités de French, je m’attendais à ce que ‘La Pureté de l’Ignorance’ soit d’un niveau un peu supérieur à ce qui a été présenté ici. Reposant sur une série de révélations, sa nouvelle souffre à mes yeux de ne pas suffisamment « préparer le terrain » à ces dernières, qui arrivent donc sans jouer à plein. Si la corruption de la Gouverneure est cousue de fil blanc, bien que les passages introductifs narrés de son point de vue laissent à penser que tout va parfaitement bien sur Tularlen, c’est l’amnésie induite de son héroïne qui aurait vraiment gagné à être davantage exploitée. Point de flashbacks fugaces, de sensations de déjà vu inexplicables ou de réminiscences troublantes pour Ianthe en effet, qui est confrontée, et le lecteur avec elle, au constat de ses nombreux brainwashing de façon brutale, alors que la suture psychique qui lui avait été faite tenait jusqu’à ce moment parfaitement bien. Au lieu d’une nouvelle à twist final, nous nous retrouvons donc « seulement » avec une illustration romancée d’une dure réalité (encore une) de l’Inquisition, qui n’hésitera pas à se débarrasser des éléments ou des individus pouvant poser un problème à l’accomplissement de sa mission sacrée. Cela est certes éducateur, mais cela aurait pu être intéressant d’un point de vue littéraire en sus. Petite déception donc.

1 : N’oublions pas que le bon Josef est sourd comme un pot. Il avait peut-être seulement oublié de brancher son sonotone aujourd’hui.
2 : Un des héritages peu connus mais essentiels que ce brave Curze a laissé à l’Imperium.
3 : Ou peut-être qu’il en avait marre de lui expliquer comment fonctionnait l’imprimante tous les quatre matins.

ET POUR LES NOUVEAUX ?

L’Inquisition et la GW-Fiction, c’est une histoire d’amour qui dure plus de trente ans et qui nous a donné quelques-unes des meilleures séries publiées par la Black Library : il est donc logique et approprié qu’un membre des Saints Ordos ait été invité à représenter son institution dans les pages de la Black Library Celebration 2024. Comme dit plus haut, ‘La Pureté de l’Ignorance’ n’est pas la meilleure nouvelle signée par French, ni même la meilleure nouvelle de son cycle Covenant, mais elle reste tout à fait lisible et « fait le job » de manière propre, même si peu inspirée.

A COMPLETER PAR :

Les romans ‘Resurrection’ // ‘Résurrection’ et ‘Incarnation’ (traduits en français) et l’anthologie de nouvelles ‘Divination’ (non traduite) que John French a consacré à l’Inquisiteur Covenant et à sa suite. Si vous aimez l’Inquisition, c’est votre chance car les séries ‘Eisenhorn’, ‘Ravenor’ et ‘Bequin’ (Dan Abnett) ont toutes été traduites en français par la Black Library.

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La Tentation de Cain – S. Mitchell [40K] :

INTRIGUE :

The BeguilingNous retrouvons le Commissaire préféré de ton Garde Impérial préféré peu de temps après la campagne de Keffia (‘Sector 13’), sur la planète de Slawkenberg et engagé, aux côtés du 12ème Régiment d’artillerie de campagne de Valhalla (Jurgen, Divas et Mostrue sont de la partie), dans la purge du culte chaotique ayant déclenché une insurrection sur ce monde autrement paisible. Ou plutôt, des cultes chaotiques, comme nous allons le voir. Après quelques mois de routine agréable, passés à bombarder les positions ennemies à 71,99 pouces de la ligne de front le matin, déjeuner dans des petits bistrots sympathiques, et déguster de l’amasec vintage en charmante compagnie l’après-midi, notre fringant mais prudent héros se rend compte qu’il s’ennuie quelque peu, et décide de suivre une patrouille d’observateurs avancés de son régiment, accompagné de son fidèle Jurgen, pour voir du paysage et soigner sa réputation d’officier héroïque et proche de ses hommes.

Ce qui ne devait être qu’une simple balade en Salamander va bien sûr mal tourner, d’abord en raison d’une météo capricieuse et de l’absence de capote (livrée en option sur ce type de véhicule), puis à cause d’une embuscade maladroitement commise par un groupe de Prouteux en vadrouille, forçant les Valhallans à s’enfoncer dans une forêt profonde sur un petit chemin au lieu de rester sur la route (détruite par leur botte secrète : l’appel à un ami qui a une batterie de Basilisks sous ses ordres). Au bout de quatre heures de rallye pluvieux, Cain et ses charges retournent enfin à la civilisation, représentée par un manoir isolé mais apparemment occupé, comme son illumination l’atteste.

Ayant garé leur Salamander à quelque distance de la bâtisse afin de pouvoir la reconnaître discrètement, les Gardes sont surpris par l’arrivée désespérée d’une jeune fille affolée et fort peu vêtue, poursuivie par un petit groupe de cultistes de Nurgle. Si les maraudeurs pestiférés sont rapidement mis hors d’état de nuire, à défaut de puire, par les bidasses en goguette, et que la demoiselle en détresse, rapidement rejointe par quelques accortes amies, tombe dans les bras de ses sauveurs, Cain éprouve un vague mal-être (et une démangeaison palmaire de mauvais augure) devant la tournure prise par les événements. Quelque chose ne sent pas bon dans cette affaire, et ce n’est pas Jurgen (pas que, en tous cas)…

Début spoiler…Et en effet, la petite soirée que nos quatre militaires passent à l’Académie pour jeunes filles du monde de St Trynia, si elle s’avère mémorable, ne l’est pas pour les bonnes raisons, et se révèle aussi être la dernière pour deux des camarades de Cain. Alors que ce dernier se retrouve dans les quartiers privés de la directrice pour une séance de tantrisme extra-curriculum, l’ambiance retombe brutalement lorsque la voluptueuse Mademoiselle Duboir confie à son coup d’un soir qu’elle l’a tout de suite identifié comme un fidèle de Slaanesh. Ce que Cain ne pense pas qu’il est (encore1), merci pour lui. Il prend d’ailleurs la mouche au point d’abattre sans sommation son hôte après cette petite confidence. Et à propos de mouche, voici les Nurgleux qui reviennent à la charge, et prennent d’assaut le manoir et ses habitantes, offrant à Cain et à Jurgen (mis très mal à l’aise par le rentre dedans qu’il a subi toute la soirée de la part des prêtresses du plaisir sous camouflage) la couverture parfaite pour s’éclipser discrètement, laissant les dépouilles de leurs camarades malheureux au milieu du champ de bataille. Un petit coup de fil au Colonel Mostrue et un bombardement de la Chaos Star Academy plus tard, tout est bien qui finit bien pour le Héros de l’Imperium, qui décide suite à cette aventure de reprendre en main son hygiène de vie afin de ne plus être pris pour sex addict par la première cultiste venue. Non mais.Fin spoiler

1 : D’ailleurs à l’époque, Cain ne sait même pas trop qui sont les Dieux du Chaos (il l’apprendra plus tard en traînant avec l’Inquisitrice Vail). Mais comme Mitchell est partisan de la théorie des signes chaotiques (les noms et symboles des Dieux du Chaos sont tellement horribles que les entendre ou les voir provoque une réaction épidermique même chez les profanes), la confidence sur l’oreiller de Miss Duboir suffit à convaincre notre héros qu’il y a slaanguille sous resh.

AVIS :

Mitchell livre une nouvelle Cainesque tout ce qu’il y a de plus classique avec ce ‘La Tentation de Cain’, qui mélange action, humour, grimdark et second degré avec un goût certain. Si l’expérience de lecture est assez plaisante, comme souvent avec les aventures du Commissaire le plus cool1 et coulant de tout le Segmentum, je regrette toutefois que Sandy Mitchell n’ait fait aucun effort pour ménager un peu de suspens sur l’opposition entre les deux factions antagonistes (Prout vs Meuh), qui nous est annoncée dès la première page, puis est mise en scène de façon très directe dès l’arrivée de Cain et ses hommes dans le manoir de Duboir. Etant certain de la capacité de Mitchell, en tant que scénariste et narrateur, à obtenir un résultat plus palpitant que ce très et trop convenu ‘La Tentation de Cain’ (comme il a pu le montrer dans ‘Last Night at the Resplendent’ par exemple) s’il avait voulu s’en donner la peine, je reste un peu sur ma faim avec cette nouvelle, et ne la place donc pas parmi les tout meilleurs épisodes de la saga de Ciaphas Cain. Peut mieux faire et a mieux fait.

1 : Logique pour un officier rattaché à un régime de Valhalla, vous me direz.

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Je parlais plus haut de l’amour de la Black Library pour l’Inquisition, eh bien il ne le cède qu’à celui pour les Commissaires de la Garde Impériale, sans doute la profession la plus représentée dans les pages de la GW-Fiction (si on met à part l’omniprésent Space Marine, bien sûr). Comparé à ses collègues, Ciaphas Cain détonne fortement et c’est tant mieux, car un peu de normalité et de second degré dans une galaxie au bord de l’explosion et de l’implosion n’est pas pour me déplaire. Je n’ai donc rien à redire à la présence de ‘La Tentation de Cain’ dans les pages de cette anthologie introductive, même si la BL aurait pu choisir un meilleur épisode de la tentaculaire carrière de CC.

A COMPLETER PAR :

Le premier tome des aventures de notre fringant héros, convenablement nommé ‘Hero of the Imperium’ // ‘Héros de l’Imperium’.

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Le Gouffre Abyssal – A. Dembski-Bowden [HH] :

INTRIGUE :

Gravement blessé dans le crash de son appareil au cours d’une glorieuse victoire impériale, le chef d’escadron Orthos Ulatal a été réaffecté au service des archives de la Grande Croisade, son corps étant trop endommagé pour lui permettre de s’envoyer en l’air comme autrefois. La réception par notre héros cabossé et amer d’un rapport d’un genre particulier va l’arracher à la monotonie pré-dépressive qui constituait son nouvel ordinaire : un certain Khayon des Khenetai, légionnaire Thousand Sons, a en effet proféré de graves accusations à l’encontre des Night Lords de Konrad Curze, alors que les deux Légions « coopéraient » au cours de la campagne de pacification de Zoah, plus connue sous le nom de « Dévastation de Zoah ». Après avoir cherché conseil – un peu – et échangé quelques remarques acerbes – surtout – avec son ancienne camarade et désormais remplaçante, Perdita, Lulu décide qu’il est de son devoir de faire toute la lumière sur cette bisbille inédite entre deux Légiones Astartes. La révélation de conflits larvés entre les champions de l’humanité risquerait en effet d’avoir un effet désastreux sur le moral des troupes, gavées de propagande impériale où tout le monde il est bô, tout le monde il est jenti (sauf le fourbe et puant ENNEMI, bien sûr).

Après un voyage mouvementé et donc vomitif à travers l’espace impérial, Ulatal parvient jusqu’au Nightfall, vaisseau amiral des Night Lords, et demande à être reçu par un des archivistes (et pas Archivistes) de la Légion, afin d’entendre la version des natifs de Nostramo sur les événements de Zoah. À sa grande, et pas franchement heureuse, surprise, c’est le Premier Capitaine de la VIIIème Légion, ce farceur de Sevatar, qui vient finalement toquer à sa porte, pour lui proposer un deal aux conséquences potentiellement funestes : enterrer le rapport de ce couillon de Khayon comme n’importe quel fonctionnaire sensé l’aurait fait depuis belle lurette, ou apprendre ce qu’il s’est réellement passé entre Night Lords et Thousand Sons sur Zoah…

Début spoiler…Comme la nouvelle aurait été beaucoup moins intéressante si Ulatal avait choisi la première option, nous embrayons donc sur un flash back des familles familial, durant lequel nous suivons Sevatar et son bodycam assister aux délibérations houleuses du camp impérial à propos de la Tour de la Sérénité, monument servant de bibliothèque et d’archives à la civilisation de Zoah, prestement incorporée à l’Imperium après un petit massacre pédagogique dont Curze à le secret. Ce même Curze serait d’avis de réduire la tour en poussière, comme le demande le manuel du parfait petit légionnaire, afin que les dangereuses connaissances qu’elle renferme ne viennent pas risquer de contredire la Vérité Impériale. Magnus (également présent) est bien sûr opposé à ce projet d’autodafé, et implore son frère de lui laisser le temps de contacter l’Empereur afin que ce dernier puisse trancher la question. Mais Konrad reste intraitable, et finit par ordonner à Sevatar de commencer le bombardement de la tour, malgré le fait que les Thousand Sons soient positionnés autour de cette dernière et la protègent grâce à leurs pouvoirs psychiques. Après avoir fait son Captain America pendant à peu près 12 secondes, Maggie finit par lâcher l’affaire, mais promet à Curze qu’il en parlera au manager (i. e. Pépé). Bilan des courses : la Tour de la Sérénité finit en gravats, son incommensurable et incommensuré savoir avec elle.

Ayant été témoin de ce clash frontal entre deux des fils de l’Empereur, Ulatal n’est guère surpris lorsque Sevatar prend son élan pour lui refaire le portrait à coup de glaive tronçonneur, cette information hautement sensible ne pouvant être ébruitée en dehors de la grande famille des Astartes. Notre héros est toutefois sauvé, non pas par le gong, mais par le Shang (un autre Capitaine des Night Lords), qui annonce à Sevatar que sa future victime a été nommée officier sur un des vaisseaux de la Légion, le Voidmaw. La nouvelle se termine sur le choix laissé à Ulatal : accepter son nouveau poste ou emporter son secret dans la tombe…Fin spoiler

AVIS :

Aaron Dembski-Bowden opère une fois encore sa magie narrative avec ce ‘The Abyssal Edge’, qui replonge le lecteur dans les savoureux paradoxes des Night Lords pré-Hérésie (un sujet de prédilection de cet auteur). On y retrouve bien sûr l’incontournable Sevatar, égal à lui-même en matière de killer one-liners, je m’en foutisme insolent1 et droiture morale bien cachée, mais le clou du spectacle est évidemment la joute verbale entre Konrad Curze et Magnus le Rouge au sujet de la Tour de la Sérénité. Dembski-Bowden prend soin de dépeindre les deux protagonistes de façon équilibrée, chacun ayant ses qualités (l’esprit critique de Magnus, qui lui donne la perspective nécessaire pour aller à l’encontre d’un édit impérial qu’il trouve stupide ; la « magnanimité » de Curze, qui a déterminé que l’utilisation de tactiques de terreur était la manière la plus efficace et la moins meurtrière pour conquérir Zoah) et ses défauts (l’indignation sélective de Magnus, qui a laissé les Night Lords mener la campagne comme ils le souhaitaient et ne s’oppose à eux que lorsqu’ils décident de raser la Tour de la Sérénité ; et ai-je vraiment besoin de souligner les problèmes de Curze2 ?), ce qui laisse au lecteur le soin de déterminer pour qui il prend fait et cause à la fin de la nouvelle.

Reste la partie consacrée à Ulatal, qui me paraît être trop développée pour un personnage à usage unique, et qui se conclut avec une indication assez nette que la gueule cassée se trouve un nouveau job parmi les auxiliaires humains de la Légion. Comme ADB a mis sous les feux des projecteurs les pilotes des escadrons de chasseurs de la flotte des Night Lords3 dans d’autres textes, je m’attendais à ce qu’Ulatal reparaisse à un moment ou à un autre dans le corpus nostramien de cet auteur, mais mes recherches n’ont rien donné à ce jour. Cela n’empêche pas de savourer cette nouvelle à son plein potentiel, mais pose la question de ce que voulait faire l’auteur avec ce personnage. À suivre ?

1 : La scène où Curze et Magnus lui disent en même temps de la fermer vaut son pesant de viande de grox.
2 : Le fait que l’on en apprenne plus sur Magnus dans ‘The Abyssal Edge’ que sur Konrad Curze me mène à considérer que cette nouvelle devrait être liée au premier plutôt qu’au second dans une optique ‘Primarques’.
3 : Particulièrement la pilote Taye Karenna, commandante de l’escadron des Voilés et chauffeur privé de Sevatar dans ‘Prince of Crows’.

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Comme on arrive en fin de chronique et que vous avez sans doute une bonne idée de ce que je pourrais dire dans cette section après avoir lu mes retours sur ‘The Shel’tain Affair’ et ‘La Tour Foudroyée’, je me contenterai de souligner que l’une des nombreuses qualités d’Aaron Dembski-Bowden en matière d’écriture est sa capacité à mettre en scène des personnages complexes, profonds et attachants. Il est donc possible d’apprécier ‘Le Gouffre Abyssal’ en raison de la simple présence de l’impayable Sevatar. Ce qui est assez heureux, car demander à un néophyte de comprendre toutes les implications de la presque guerre entre Night Lords et Thousand Sons dans le contexte d’une Grande Croisade pré-Edit de Nikaea est… comment dire… assez ambitieux ?

A COMPLETER PAR :

Si vous êtes plutôt Night Lords, allez lire ‘Savage Weapons’ // ‘Des Armes Brutales’ et ‘Prince of Crows’ // ‘Le Prince des Corbeaux’ (Aaron Dembski-Bowden) et ‘Konrad Curze : Nighthaunter’ // ‘Konrad Curze : Hante-la-Nuit’ (Guy Haley) pour en apprendre plus sur ces joyeux drilles. Si vous êtes plutôt Thousand Sons, faîtes vous un avis sur l’éventuelle responsabilité de Magnus le Rouge en lisant ‘A Thousand Sons’ // ‘Un Millier de Fils’ (Graham McNeill) et ‘Prospero Burns’ // ‘Prospero Brûle’ (Dan Abnett).

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Et voilà qui conclut cette revue de la Black Library Celebration 2024, dont je vous invite à vous faire votre propre opinion car après tout, elle est (presque) gratuite et (en partie) disponible en français. Pour ma part, je retiens du bien, du moyen et du mauvais pour les deux versions chroniquées plus haut, mais je ne peux conclure cette critique sans remercier la Black Library de continuer à jouer le jeu de l’accessibilité et de proposer pour la septième année consécutive cet échantillon représentatif de sa prose au plus grand nombre. Continuez comme ça.

BLACK LIBRARY EVENTS ANTHOLOGY 2017/18 [Recueil]

Bonjour à tous, et bienvenue dans cette revue (tardive) d’un nouveau recueil de nouvelles sorti par la Black Library pour un public restreint, ici le Black Library Events Anthology 2017/18. Si vous suivez cette série depuis le début, il n’y a rien de particulier à noter en introduction, outre le fait qu’il faut reconnaître une certaine audace de la par de la BL pour choisir un Duardin en calbute comme illustration d’un bouquin destiné à servir de porte-étendard au reste du catalogue. Si ce n’est pas le cas, un rapide briefing s’impose : pendant quelques années, la Black Library a publié des recueils de quelques nouvelles (inédites à l’époque), destinés à être diffusés uniquement pendant des événements tels que les Games Days et les Black Library Weekenders. Celui qui nous intéresse aujourd’hui a été mis sur le marché entre 2017 et 2018, comme le titre vous l’aura certainement déjà appris (mais j’aime bien être pédagogue).

Black Library Events Anthology 2017_18

Issues des franchises Age of Sigmar, 40K et Horus Heresy, les six nouvelles qui seront chroniquées ci-dessous ont pour la plupart été réutilisées quelques mois plus tard lors du Black Library Advent Calendar 18 (passé en revu ici). Si vous êtes un habitué de ce blog (merci !), vous n’aurez donc rien de nouveau à vous mettre sous la dent. Sinon, vous en serez quitte pour une plongée rapide mais rafraichissante – en tout cas, on vous le souhaite – dans les hauts profondes de la GW-Fiction d’il y a quelques années, en compagnie d’auteurs habitués à mettre leur muse (et leur stylo) au service de la maison d’édition de Nottingham. Josh Reynolds (parce qu’évidemment, il était là, il était tout le temps là), C. L. Werner, le Seigneur de Terra John French, Phil Kelly, et les deux David principaux (Annandale et Guymer) : voilà pour le casting de cette anthologie. Et tout de suite… la suite.

BLACK LIBRARY EVENTS ANTHOLOGY 2017_18

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A Dirge of Dust and Steel – J. Reynolds [AoS] :

INTRIGUE :

A Dirge of Dust and SteelÀ la recherche de la légendaire cité corbeau de Caddow et de son Portail des Royaumes reliant à Shyish à Azyr, une petite force de Stormcast Eternals de la Chambre Vanguard des Hallowed Knights (soyons précis) a conclu un pacte avec les Duardin de Gazul-Zagaz, seuls à connaître l’emplacement de cette ville mystérieuse1. En échange de leur aide contre les hordes du Gardien des Secrets Amin’Hrith, connu sous le nom d’Ecorchâme, les nabots dépressifs (leur royaume est en ruines, leur Dieu s’est fait bouffer par Nagash et l’âme de leur dernier prince sert de skin au démon de Slaanesh) mèneront les guerriers du Lord Aquilor Sathphren Swiftblade jusqu’à bon port. Jamais le dernier à rendre service à son prochain, notre héros accepte bien entendu cette généreuse proposition, et se fait fort d’entraîner ce fât d’Amin’Hrith dans un piège ingénieux.

Ayant réussi à capter l’attention des Hédonistes, probablement en leur faisant remarquer que leurs soieries avaient fait fureur à Ghur il y a trois saisons de celà (ce qui, pour une fashionista des Royaumes Mortels, est une insulte mortelle), les prestes cavaliers de Sigmar emmènent leur nouveaux amis dans une course éperdue à travers les dunes, jusque dans les ruines de Gazul-Zagaz, où les attendent de pied ferme (et depuis un petit moment apparemment, à en juger par l’épaisse couche de poussière qui les recouvre) les guerriers Duardin. S’en suit une bataille des plus classiques, illustrant de fort belle manière l’intérêt de se rendre au combat avec une armure de plates et non une combinaison en viscose, dont le point culminant sera le duel entre Swiftblade et Amin’Hrith dans le temple de Zagaz, où le rusé Stormcast s’emploiera à faire un boucan à réveiller les morts…

1 : On peut donc dire qu’ils ont une carte Caddow. Mouahahaha.

AVIS :

À l’heure où cette chronique est écrite, Josh Reynolds est probablement le contributeur principal de la BL en matière de contenus siglés Age of Sigmar. Une telle prodigalité ne pouvant évidemment pas être synonyme de qualité exceptionnelle à chaque soumission, il est en somme tout à fait logique que certaines des nouvelles rédigées par notre homme ne s’avèrent pas être d’une lecture des plus passionnantes. C’est le cas de ce ‘A Dirge of Dust and Steel’ (on me passera l’usage du titre original, à la fois plus poétique et plus élégant que le monstre qu’il est devenu en VF), qui se trouve être une nième variation du topos le plus employé de cette nouvelle franchise : la baston de Stormcast Eternals contre les forces du Chaos1. On pourra certes m’opposer que cet épisode particulier se distingue des dizaines qui l’ont précédé par l’emploi d’une Chambre relativement nouvelle (Vanguard), d’un héros inédit (Sathphren Swiftblade) et d’un environnement exotique en diable (l’Oasis de Gazul, en Shyish). Ce à quoi je répondrai que les Vanguard ne sont « que » des Stormcast sur demi-gryffs, et ne conservent de fait que très peu de temps l’attrait de la nouveauté. Swiftblade a quant à lui l’originalité d’une boîte Barbie et son Cheval, même son côté grande gueule n’étant plus vraiment novateur depuis l’arrivée d’Hamilcar Bear-Eater sur le créneau « humoristique » des SE. Pour terminer, Gazul a depuis lors sans doute rejoint l’interminable liste des lieux des Royaumes Mortels dans lesquels plus personne ne reviendra jamais, et ne mérite donc pas que l’on s’yn interesse plus que de mesure.

Non, pour ma part, la seule vraie valeur ajoutée de ce ‘Dirge…’ tient en l’inclusion d’une faction Duardin sortant franchement du lot par sa vénération d’un Dieu de la Mort mort (combo !) et sa capacité à invoquer des esprits, ce qui constitue des variations intéressantes par rapport au stéréotype du guerrier nain que tout lecteur connaissant ses classiques se représente de façon plus ou moins inconsciente. Pour le reste, c’est de la qualité Reynolds (Josh), donc un récit bien structuré et rythmé, s’intégrant parfaitement dans les conventions définies pour Age of Sigmar en termes de fluff et d’atmosphère, et s’avérant dans l’ensemble plaisant à lire. Ne lui retirons pas ça.

1 : Comme les dernières années ont vu apparaître d’autres types d’adversaires, comme les morts-vivants de Nagash pendant la Tempête des Âmes ou les Orruks Ironjaws de manière collatérale à la traque de Mannfred von Carstein, j’attends avec impatience le moment où les vertueux Sigmarines commenceront à taper sur d’autres factions de l’Ordre, en attendant l’inévitable guerre civile que le passif de GW en la matière nous promet depuis que le premier Stormcast a dévoilé le bout de son masque de guerre. ‘La Vilainie de Vanus’, ça c’est un titre qui claque !

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Shiprats – C. L. Werner [AoS] :

INTRIGUE :

ShipratsLa malchance légendaire qui colle à la carène du Dragon de Fer et la peau de son capitaine, le Kharadron Brokrin Ullisson s’abat une nouvelle fois sur le fier navire et son équipage. N’ayant pas trouvé de filon d’aether-or au cours de sa dernière campagne, le navire Duardin s’est résigné à se faire cargo de grain pour au moins rentrer dans ses frais, et a chargé une cargaison de blé dans la ville de Greypeak, qu’il espère vendre à bon prix de retour à Barak-Zilfin. Ce beau projet est toutefois menacé par la présence de passagers clandestins dans la cale du Dragon, une colonie de rats bien décidée à faire bombance sur les stocks des Arkanautes. Entre les petits barbus et les encore plus petits moustachus, il ne saurait y avoir de terrain d’entente, mais que faire pour débarrasser le vaisseau de l’infestation de vermine sans endommager ce dernier ? Alors que Brokrin et ses hommes se trouvent réduits à chasser les importuns à coups de pelle, avec des résultats peu concluants, comme on peut se l’imaginer, une bonne et potentiellement riche idée est soumise : pourquoi ne pas faire un détour par la Lamaserie de Kheitar, dont les moines ont par le passé rendu un fier service aux Kharadrons en débarassant le Dragon de la nuée de crapauds célestes (car apparemment, c’est un aléa climatique assez courant dans les Royaumes Mortels) qui avait élu domicile sur le navire à l’aide d’une fumigation un peu spéciale ? Aussi dit, aussitôt acté, la possibilité de soutirer aux bonzes une de leurs fameuses tapisseries pouvant même permettre d’espérer un profit au trésorier de la petite bande, passablement dépité par le tour pris par les évènements. Après tout, quoi de mieux qu’un lama pour venir à bout d’un rat1 ?

Arrivé sur place, Brokrin emmène une poignée de ses gars à la rencontre des paisibles habitants de Kheitar, dont les ancêtres étaient tellement zens qu’ils ont réussi à apprendre à un démon les bienfaits de la méditation. Brokrin, qui connaît personnellement le grand Lama (Serge), est bien étonné de voir apparaître à la place de son vieux pote un nouveau père supérieur (Bernard), qui a la peine de lui apprendre que Serge n’est pas simplement malade (comme on pouvait s’y attendre), mais a carrément atteint l’illumination en commettant le suicide rituel du tulku, un lent empoisonnement débouchant sur une momification graduelle de l’ascète. Malgré cette triste nouvelle, Bernard se montre particulièrement conciliant avec ses hôtes, acceptant non seulement de procéder à la dératisation demandée (sous réserve que les Duardins permettent aux rats de quitter le navire, car telle est le niveau d’antispécisme des bonzes), mais offrant même à leurs hôtes non pas une, mais cinq de leurs précieuses tapisseries, pour une contribution laissée à la discrétion des bénéficiaires. En celà, Bernard fait une grave erreur car cette générosité excessive ne manque de déclencher l’alerte piège à khon que tous les Kharadrons possèdent dans un coin de leur esprit. Suspectant une entourloupe, Brokrin charge donc un de ses matelots d’escorter les moines tapissiers jusqu’à bon port, tandis que lui et le reste de son khrew acceptent l’offre de Bernard de rendre visite à Serge, qui serait, contre toute évidence, encore vivant. Bernard commet alors sa deuxième boulette (pas aussi grave que celle du Bordeaux – Paris de 93, mais pas loin) : soucieux de faire respecter les traditions non-violentes de Kheitar (où même les démons fument du chichon), il somme ses visiteurs de déposer leurs lames avant d’entrer dans le saint des saints. Toujours un à lire les petites lignes du contrat et à trouver les failles dans les termes et conditions qui lui sont proposés, Brokrin fait remarquer à ses hommes que l’injonction du grand Lama ne couvre pas les armes à feu, et emboîte donc le pas à Bernard toujours armé de sa pétoire.

Un peu plus loin, les mirifiques carpettes de Kheitar sont entreposées sans heurts dans la cale du Dragon de Fer, sous l’œil attentif et circonspect d’un rattophobe déclaré, le sergent arquebusier Drumark, dont le paternel a été fauché dans la fleur de l’âge lors d’une bataille contre les Skavens. Souhaitant s’assurer que la vermine qui grignote son grain ne s’attaque pas aux précieux tapis, il laisse remonter ses comparses et attend dans la pénombre de voir comment les choses vont évoluer. Quelle n’est pas sa surprise de voir s’extraire des rouleaux apportés par les bonzes une demi-douzaine d’hommes-rats, qui comptaient sans doute s’infiltrer discrètement dans le navire en attendant de jouer un tour pendable à ses occupants légitimes ! Les plaisanteries les plus courtes étant les moins longues, Drumark a tôt fait de sonner la fin de la rat-cré, l’arsenal Kharadron ayant rapidement raison des manigances skavens. Tout celà n’augure toutefois rien de bon pour Brokrin et ses suivants, qui ne tardent pas non plus à découvrir le pot au rat, à la suite d’une performance misérable du Jeff Panacluc Skaven, un dénommé Kilvolt ayant « jeanmarquisé » le cadavre de Serge. Sommé de révéler au véritable maître de Kheitar les secrets de l’ingénierie Kharadron, Brokrin refuse avec noblesse, et met à profit la bévue de Bernard pour arroser les hommes rats venus à la rescousse de Kilvolt avec du Kharaplomb. L’algarade ne dure cependant pas longtemps, l’arrivée de Drumark et de ses arquebusiers convainquant définitivement les Skavens de la futilité de leur approche. Profitant de l’accalmie, Brokrin et Cie repartent ventre à terre sur le Dragon, non sans avoir pris soin de looter quelques tapisseries supplémentaires en guise de dédommagement. De voleur à vendeur de tapis, il n’y a que peu de choses au fond.

1 : Si vous répondez : un chat, sachez que le félin apporté à bord par les Duardins a fait acte de mutinerie peu de temps après sa prise de fonction. C’est ce qu s’appelle avoir un poil dans la patte.

AVIS :

Accompagnement au roman qu’il a consacré aux plus blindés des Duardins (Corsaires du Dragon de Fer//Overlords of the Iron Dragon), ce Rats de Cale de Werner s’avère être d’une lecture globalement satisfaisante. Notre homme retrouve avec bonheur ses victimes favorites (les Skavens), qu’il gratifie comme à son habitude d’une inventivité et d’une ambition proportionnellement inverse à leur compétence, pour un résultat aussi spectaculaire que dérangeant1. S’il y a un contributeur de la BL qui sait s’y prendre pour donner aux hommes rats leurs lettres de bassesse, c’est bien l’homme au chapeau, et on ne peut que souhaiter que Nottingham lui confie davantage de commandes portant sur les funestes et fumistes machinations des rejetons du Rat Cornu. On appréciera également l’exotisme du propos, la visite guidée de la Lamaserie de Kheitar permettant au lecteur de se remémorer l’immensité des Royaumes Mortels, où la présence d’une communauté de bonzes vénérant un démon du Chaos ayant trouvé la paix intérieure en téléchargeant Petit Bambou sur son portable est tout à fait possible. On peut regretter que l’accent ne soit pas davantage mis sur la culture des protagonistes, abordée assez succinctement à travers la mention des différentes fonctions des membres de l’équipage de l’Ang Drak et du fameux Code des Kharadron (qui sanctuarise les partenaires de commerce équitable, ce qui doit indiquer que les bananes et le chocolat sont tenus en haute estime par le Geldraad), mais que voulez-vous, on ne peut pas tout avoir dans une nouvelle de 25 pages. Le casting très développé des Arkanautes, conséquence logique de leur inclusion dans le roman cité plus haut, est un autre facteur pouvant diminuer (légèrement) le plaisir de lecture, mais, rassurez-vous, savoir qui est qui n’a que peu d’intérêt au final. Le plus important restant bien sûr de souquer les artimuses.

1 : Sérieusement, imaginer la transformation d’un cadavre de bonze en marionnette animée, c’est un coup à faire des cauchemars.

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The Son of Sorrows – J. French [40K] :

INTRIGUE :

The Son of SorrowsSur une planète banale, une secte impériale l’étant tout autant a commis la singulière et fatale erreur de franchir une des lignes rouges de l’Inquisition : capturer des Psykers (ok) et les torturer (ok) pour obtenir des bouts de prophéties (HERESIIIIIIE !!!). Mettez vous bien ça dans la tête, mécréants : le loto doit rester un jeu de hasard, sinon comment voulez vous que les Seigneurs de Terra financent les opérations de la Garde Impériale, hein ? L’affaire ayant été remontée jusqu’à l’Inquisiteur Covenant, ce dernier décide d’envoyer une de ses nouvelles recrues, l’ex Sergent des forces spéciales Koleg, faire un exemple des Chercheurs de la Vérité Incandescente (le petit nom de la secte), sur le lieu même où ils ont monté leur sinistre opération : la cathédrale Saint Raymond des Charentaises.

On suit donc Koleg depuis sa préparation méthodique dans la cellule qui lui sert de chambre, après que la brave Viola von Castellan, qui entre autres tâches s’occupe des ressources humaines pour le compte de son patron, lui ait transmis le briefing de la mission, jusqu’à l’exécution de cette dernière. Déployé comme la one man army qu’il est, Koleg sait qu’il doit faire un exemple des pécheurs et utilise pour ça un armement bien spécifique : un lance grenade balançant des bombinettes à fumée saturée de LSD et d’agent phobique (pour faire littéralement halluciner ses victimes et les mener à se retourner les unes contre les autres) d’une part, et un pistolet à chevrotine d’autre part (ça sert toujours). Ah, il utilise aussi une sorte de porte manteaux rétractable à un moment, mais je serai bien infoutu de vous dire à quoi ça lui a servi1. Toujours est il que le K. nettoie la place avec l’efficacité des grands professionnels, même lorsque l’un des Psykers gardés au frigo par les hérétiques s’invite à la fête après qu’une grenade ait défoncé son aquarium amniotique.

En parallèle, nous avons droit à quelques flashbacks retraçant les événements ayant mené notre héros à rejoindre la team Covenant. On apprend ainsi que Koleg avait un frère (Kesh) avec lequel il partageait la passion de la fauconnerie, et qui est mort tragiquement après qu’une bombe au napalm soit tombé sur leur maison. Bien des années plus tard, un Koleg adulte et engagé dans la Garde Impériale battit son Capitaine comme plâtre après que ce dernier se soit trompé dans les coordonnées d’un raid incendiaire, ayant sans doute fait des victimes civiles et triggered Koko. Un tel crime ne pouvant rester impuni, Koleg s’attendait à être exécuté sans sommation par le Commissaire le plus proche, mais par un heureux hasard, un homme de main de Covenant (peut-être Josef) passait dans le coin et proposa au soldat dépressif de rejoindre l’Inquisition. Koleg accepta à la condition d’être débarrassé de son spleen persistant, et comme une psychothérapie coûte apparemment trop cher pour l’Inquisition, il fut à moitié lobotomisé par ses nouveaux copains à la place. Résultat : il n’est plus capable de ressentir aucune émotion, ce qui peut avoir ses bons côtés je suppose. Comme dit le proverbe, keep calm and purge on

1 : Et je ne suis pas le seul apparemment.

AVIS :

Parmi la foultitude de suivants de l’Inquisiteur Covenant, le taciturne Koleg est sans doute le moins remarquable, son statut de simple gros bras chargé des basses besognes ne lui permettant pas de voler la vedette aux seconds couteaux les plus fantasques, stylés ou particuliers du Francis Lalanne de l’Ordo Malleus. Cela n’a pas empêché l’aimable John French de donner à cet humble personnage un début d’origin story, convenablement mystérieux1 et résolument tragique, ce qui est approprié pour un type évoluant dans un univers grimdark. À vrai dire, ce sont les flashbacks retraçant le parcours de Koleg qui m’ont le plus intéressé, le récit de sa mission « Épouvantail » dans la cathédrale squattée par les cultistes ne révolutionnant pas le genre du bolt porn, et j’aurais donc apprécié que French passe plus de temps à détailler le passif du pseudo Space Marine (après tout, lui non plus ne connaîtra plus la peur) plutôt qu’à le décrire en train de gazer de l’hérétique. Pas la meilleure nouvelle horusienne de notre homme, mais tout de même sympathique. Tous avec moi : Heeeeee’s a maaaaaan of constant sooooorrooooooow…

1 : J’ai compris qu’il a tabassé son Capitaine parce que l’erreur que ce dernier a commise lui a rappelé le tragique destin de sa propre famille, mais peut-être qu’il s’agit du même accident.

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The Battle of Blackthunder Mesa – P. Kelly [40K] :

INTRIGUE :

The Battle of Blackthunder MesaLa situation des défenseurs T’au de la planète Dal’yth, et plus particulièrement, de l’académie militaire située sur cette dernière, est positivement catastrophique. Isolés par le retrait des troupes de cette fayotte de Shadowsun, qui s’est repliée sans coup férir au lieu de se battre jusqu’au bout, comme le préconisait Farsight, les derniers guerriers de la caste du feu en sont réduits à livrer de coûteux et futiles combats d’arrière-garde pour ralentir l’avancée des impériaux, et permettre, peut-être, d’évacuer les survivants de la Star Academy locale. Placés sous l’autorité du Commander Bravestorm, adepte convaincu de la vision hypermétrope de la guerre de Farsight (et pour cause), nos héros viennent cependant de recevoir du matos un peu spécial, commandé auprès des grosses têtes de la caste de la terre il y a peu et livré sous forme encore expérimentale : des gants de boxe énergétiques. En effet, poussés par l’épuisement de leurs munitions et la puissance de feu de leur adversaire, Farsight et Bravestorm ont changé leur fusil à impulsion d’épaule, et monté une opération osée pour engager les tanks ennemis au corps à corps. Cela n’est certes pas très conventionnel, comme le fait remarquer la pimbêche (Furuja) du groupe1, mais nécessité faisant loi, Bravestorm emmène donc son cadre de cadets à l’assaut de la tristement célèbre Blackthunder Mesa, transformée en drive-in pour Leman Russ et Basilisks par l’Imperium depuis quelques semaines, avec des conséquences architecturales dramatiques pour la ville universitaire de Dal’Ryu, située en contrebas.

Si le déploiement de notre petite force d’Iron Men ne pose pas de problèmes, grâce à la maîtrise du vol furtif et à la technologie avancée du Bien Suprême, les choses se compliquent toutefois assez rapidement pour les concasseurs de tôle. Bien que Bravestorm ait pris soin d’indiquer à ses élèves qu’il fallait mieux rester au cœur de la mêlée pour gêner les tanks dans leur utilisation de leurs armes de défense, le poids du nombre, le comportement kikoulol de certains, et l’arrivée importune d’un Stormhammer, font lentement grimper les pertes du côté des punchers, bien que leurs maniques custom prélèvent un lourd tribut parmi les colonnes blindées de l’ennemi. L’équilibre des forces se renverse cependant brutalement lorsque, non pas un, mais deux Titans Warlord viennent se joindre aux festivités. L’apparition « subite » de ces discrètes et furtives machines de guerre en dit long sur le degré de préparation de l’opération, mais cela sera une discussion pour une autre fois. De toute façon, Bravestorm est certain que les nouveaux-venus n’oseront pas tirer sur les T’au, qui sont toujours engagés dans une partie d’auto-tamponneuse hardcore avec les blindés impériaux. Sa suffisance de Xenos idéaliste se trouve donc méchamment battue en brèche lorsque le turbo-laser du Titan de tête ouvre le feu sur les empêcheurs de bombarder en rond, réduisant le cadre de Bravestorm en confettis et cuisant ce dernier dans son armure.

Ce n’est cependant pas la fin pour notre héros trop confiant, qui trouve les ressources intérieures nécessaires pour faire abstraction de ses blessures et partir à l’assaut de la machine meurtrière. Son dernier fait d’arme consistera donc à « égorger » son adversaire en lui arrachant le câble d’alimentation, « fier comme un dindon », euh, tendon, courant le long du « cou » de la machine. À quoi cela a-t-il servi ? À rien en fait, puisque Bravestorm se prend à son tour une baffe monumentale – on saluera la dextérité de l’équipage impérial pour arriver à atteindre une cible aussi petite – s’écrase au sol comme une bouse, et sombre dans une inconscience logique. Certes, il a le temps de voir les forces impériales, dont le Titan trachéotomisé, se retirer de la mesa avant de tomber dans le coma, mais la victoire stratégique qu’il revendique au nom du Bien Suprême me semble un peu tirée par les cheveux (lui n’en a pas, je vous l’accorde). Après tout, c’était peut-être seulement l’heure de la cantine du côté adverse ?  En tout cas, notre increvable héros n’a pas dit son dernier mot, puisque sa carcasse mutilée finit par être récupérée sur le champ de bataille par les éboueurs de la caste de la terre. Pas encore tout à fait mort, il entend ses sauveteurs discuter des conséquences positives de son coup d’éclat quasiment fatal, qui a au moins permis de préserver les derniers quartiers de Dal’Ryu des déprédations impériales. La nouvelle se termine sur la réalisation que Bravestorm sera bien sauvé, mais au prix d’un enfermement perpétuel dans son Exo-armure, ses blessures étant trop graves pour espérer une véritable guérison. Assez ironique pour un personnage ouvertement Dreadnoughtophobe2

1 : Qui remonte toutefois dans mon estime grâce au magnifique « OK Gooder » (l’équivalent de notre OK Boomer) expédié à son supérieur un peu plus loin.
2 : Ce n’est pas qu’il en ait peur, mais la vue des pilotes Space Marines mutilés le dégoûte. Il en fait même des cauchemars.

AVIS :

Kelly retourne une fois encore sur la planète Dal’yth (Redemption on… Dal’yth) pour livrer un compte rendu romancé de la première utilisation d’une arme expérimentale T’au, le fameux gantelet Onagre. Si j’ai pu deviner à la lecture de cette nouvelle qu’elle mettait en scène des personnages déjà présentés dans d’autres textes qu’il a consacré à la couverture de la campagne de Damocles, l’immersion dans la galerie de seconds couteaux (rituels) gravitant autour de Farsight ne s’est pas faite sans difficultés de mon côté. En cause, le nombre de personnages convoqués par l’auteur1, et la complexité naturelle des patronymes T’au, qui se sont conjugués pour rendre difficile l’identification, et à travers elle, l’intérêt, de votre serviteur envers les pioupious de l’académie que Bravestorm a pris sous son aile. Cette difficulté évacuée, le récit de la fameuse bataille de Blackthunder Mesa ne m’a pas collé à mon siège, du fait du caractère binaire de l’affrontement en question. Si les Exo-armures commencent par faire des gros trous dans les tanks impériaux, sans vraiment être mises en danger par leurs proies (plutôt qu’adversaires), l’arrivée du titan renverse totalement la situation en un seul tir (merci Bravestorm), éparpillant le maigre suspens agencé jusqu’ici par Kelly aussi facilement que les assaillants Xenos venus souffler dans les chenilles des blindés de l’Empereur. On saluera tout de même la bonne « préparation » faite par l’auteur de la destinée claustrophobie de Bravestorm, qui après la Voie de la Lame Courte suivra celle de la Boîte de Conserve, sort ironique eut égard à l’effroi que lui inspirait les Dreadnoughts Space Marines. Au final, une lecture qui pourra intéresser les familiers de la prose suprêmiste de Kelly, mais qui n’a pas grand-chose à apporter au tout venant à la recherche d’un récit de bataille prenant.

1 : Ironie du sort, ils y passeront presque tous avant la fin de la nouvelle. C’était bien la peine de faire des efforts.

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The Atonement of Fire – D. Annandale [HH] :

INTRIGUE :

The Atonement of FireNous sommes dans la dernière ligne droite de l’Hérésie, quelques mois avant que le Siège de Terra ne débute. Roboute Guilliman a fini par réaliser que lancer sa petite entreprise personnelle alors qu’il est toujours techniquement employé par Pépé Corp., et en piquant dans la caisse de Big E. en profitant d’une panne généralisée d’internet pour ne pas se faire prendre, c’était assez craignos tout de même. Pétri de remords, Roro est désormais à la recherche d’un moyen de se faire pardonner ses errements passés. En sortant de sa séance hebdomadaire avec le Chapelain/Psychiatre Volusius, lui vient une idée toute simple pour expier son énorme hubris : aider Sanguinius à rejoindre Terra en détruisant les flottes hérétiques qui se mettront sans nul doute sur la route de l’Ange à la Moumoute.

Après une petite séance de triangulation avec les poteaux dans le strategium de l’Ultima Mundi, les Ultras de l’Empereur décident d’aller au secours de la planète Diavanos, d’où est arrivé un message astropathique implorant de l’assistance pour gérer une invasion de World Eaters mal-lunés. Diavanos est de plus un monde que les Ultramarines ont rattaché à l’Imperium il y a plusieurs décennies, et dont la technique de vitraux teintés a grandement impressionné le Primarque lorsqu’il flânait dans les rues de la capitale Ecstasia à la recherche d’inspiration pour son dernier roman. Pour toutes ces raisons, ainsi que pour celle, plus prosaïque, de se venger des ravages commis par les séides d’Angron et de Lorgar dans leur pré carré, les gars de la XIIIème se ruent au secours de Diavanos, et tombent à bras raccourcis sur leurs frères ennemis alors que ces derniers s’apprêtaient à repartir pour embusquer la flotte des Blood Angels.

La bataille spatiale qui s’en suit, si elle n’est guère équilibrée (les Ultramarines sont deux fois plus nombreux, sérieux, hargneux, farineux et bleus que leurs adversaires), permet à nos héros de relâcher la pression après tous ces mois à écouter les podcasts interminables du triumvirat de l’Imperium Secundus. Alors que les derniers vaisseaux renégats sont méthodiquement désintégrés par la froide fureur ultramarine, le cuirassé Gladiator profite de la confusion pour repartir en direction de Diavanos, et certainement pas pour une visite de politesse. Guilliman comprend que les World Eaters ont un petit creux, et que s’il n’intervient pas rapidement, la planète qu’il est venu sauver va s’en prendre plein la face. Mais arrivera-t-il à temps pour empêcher les fils d’Angron de commettre l’irréparable ?

Début spoiler…Après de multiples péripéties dans les coursives du Gladiator, que les World Eaters ont faites effondrer pour gêner la progression de leurs ennemis, Roboute et ses hommes (en grande partie des Destroyers, wink wink The Lord of Ultramar’) parviennent jusqu’à la salle des torpilles où les hérétiques se sont barricadés. La mêlée désespérée et surtout très sale qui s’ensuit tourne logiquement en faveur des surhommes en bleu, mais les World Eaters sont proches de réaliser leur objectif secret (faire péter une torpille à l’intérieur du vaisseau afin d’emporter Guilliman avec eux). Seule l’habilité du Grand Schtroumpf avec son combi-bolter customisé permet d’éviter la catastrophe, mais la victoire morale revient tout de même aux groupies d’Horus. Il est en effet trop tard pour prévenir le crash du Gladiator à la surface de Diavanos, et l’onde de choc qui s’en suit rase la capitale et dévaste une grande partie de la planète. Bien évidemment, les Ultramarines ont eu le temps de regagner leurs 22 avant que cette tragédie n’arrive, mais Guilliman finit la nouvelle avec le blues. Approprié, vous me direz.Fin spoiler

AVIS :

Vu le passif peu glorieux de David Annandale avec la XIIIème Légion (‘Lord of Ultramar’…), j’ai attaqué cette nouvelle dans un état d’esprit assez peu favorable à cette dernière, et j’ai été surpris de constater que cet ‘Atonement of Fire’ tenait tout à fait la route. Nous sommes en présence d’un court format siglé HH de facture assez classique (un peu de réflexion, beaucoup d’action, et en bonus une belle tranche de Primarque), mais débarrassé de tous les défauts que l’on pouvait trouver dans les autres soumissions de notre homme (personnages stupides/inintéressants, intrigue bancale, rythme chaotique)1. Ça pourrait et devrait être considéré comme le strict minimum, mais nous savons tous que la BL ne croit pas dans des concepts aussi restrictifs que le contrôle qualité. Enfin, pas tout le temps.

Surtout, et c’est assez rare dans une publication de la Black Library (quel que soit la franchise ou l’auteur) pour le souligner, Annandale parvient à ménager un vrai suspens jusqu’au bout de son propos. Guilliman et ses Schtroumpfs destructeurs arriveront-ils à sauver Diavanos des déprédations suicidaires des World Eaters ? Même si la planète a été créée de toute pièce pour l’occasion, l’auteur arrive à nous intéresser à la conclusion de cet accrochage mineur de la fin de l’Hérésie en appuyant de façon intelligente sur les remords éprouvés par Guilliman au sujet de son Imperium Secondus et son besoin de se faire pardonner de ce petit caprice. Annandale nous ressert également la vieille rengaine du « I am never going to financially recover from this », 30K style, déjà bien exploitée par d’autres avant lui, mais qui fait toujours son petit effet quand utilisée à dessein, ce qui est le cas ici. Bref, une vraie bonne surprise pour ma part, et une des meilleures soumissions de David Annandale pour le compte de cette franchise, si vous demandez mon avis.

1 : On pourrait lui reprocher de ne toujours pas maîtriser les bases spatio-temporelles d’une bataille spatiale (exemple gratuit : la course poursuite entre l’Ultimus Mundi et le Gladiator ne semble durer que quelques minutes, alors qu’elle s’engage à proximité du point de Mandeville du système et se termine dans l’atmosphère d’une planète habitable (donc proche de son soleil), ce qui devrait prendre au bas mot quelques jours), mais dans mon infinie générosité, je passe l’éponge là-dessus.

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A Lesson in Iron – D. Guymer [HH] :

INTRIGUE :

A Lesson in IronS’il y a une chose que Ferrus Manus, paix à son âne, détestait, c’était bien perdre du temps. Aussi, sitôt réuni avec sa Légion, engagée dans le démantèlement de l’empire de rouille ork, le Primarque tint à imposer sa marque sur ses Légionnaires. Nous rejoignons ainsi l’impulsif M. Manus alors qu’il fait la chasse de quelques vaisseaux peaux vertes ayant survécu à la colère de l’Imperium, et qu’il compte bien détruire afin d’obtenir la complétion à 100% de sa mission, et ainsi prouver à l’univers qu’il vaut mieux que ces poseurs d’Horus et de Russ1. Et tant pis si ces couards d’Orks décident de foncer coque baissée dans une faille Warp qui flottait par là pour échapper au courroux de l’Astartes, et que personne n’a jamais été assez timbré du côté impérial pour se risquer dans ce genre d’environnement chelou. Ferrus, et son Fist of Iron, seront les premiers à tenter le coup. Encore un record à mettre au crédit du Primarque qui en voulait.

Ferrus n’est pas seul sur le pont de son vaisseau amiral alors que ce dernier réalise le premier fistage d’une faille Warp. Il est accompagné de deux Sergents vétérans, le Terran Harik Morn et le Medusan Gabriel Santar, tous deux pressentis pour devenir son bras droit. Alors que le Fist of Iron s’enfonce dans le trans Materium comme s’il s’agissait de caramel mou, avec des effets funky sur les appareils de navigation, comme on peut l’imaginer, les auspex détectent soudain des silhouettes de vaisseaux à proximité. Il s’agit des kroiseurs orks, mais également d’un nouvel arrivant, qui n’avait pas été identifié pendant la poursuite dans l’espace réel. Point commun : tous ont été réduits à l’état d’épave, et dans un passé lointain qui plus est. À la grande surprise des impériaux, il semble que le vaisseau en question appartienne à la 10ème Légion, ce qui hautement improbable mais pas totalement impossible. Pragmatique comme toujours, Ferrus Manus décide d’aller y jeter un œil.

Alors que les pauvres grunts qui forment son escorte découvrent avec émoi 1) l’existence de Démons et 2) s’il y a une vie après la mort, le Primarque et ses comparses arrivent jusqu’au pont du vaisseau mystère, où les attend un cadavre desséché de Space Marine. Ce dernier porte les marquages d’un Iron Hands, mais, au grand dégoût de FM, il semble avoir terminé sa carrière plus machine que (sur)homme, au vu de toutes les augmétiques et bioniques que la dépouille arbore. C’est le Tech-adepte qui accompagne la fine équipe qui finit par proposer l’hypothèse la plus intéressante pour expliquer ce répugnant mystère : l’épave sur laquelle ils se trouvent est un vaisseau des Iron Hands provenant du futur, transporté dans le passé par les caprices du Warp.

Avant que la nouvelle n’ait pu être digérée par l’assemblée, une palanquée de Démons se manifeste (dans tous les sens du terme) sur le pont, et forcent nos héros à – enfin – faire usage de la force. Si ce bogoss de Ferrus s’illustre à grands coups de marteau, ses subalternes sont plus à la peine. Surpris par les nouveaux arrivants, Santar se fait ainsi arracher le bras gauche par une Bête de Nurgle joueuse, tandis que Morn est submergé par des Horreurs rigolardes. Le premier réussit toutefois à marquer des points auprès du Primarque en retournant dans la mêlée sitôt ses esprits recouvrés, tandis que le Terran se contente de haleter comme un bébé phoque sur la banquise. Avant d’ordonner une retraite tactique vers le Fist of Iron, ignorant les avis de ses sous-fifres de rester pour looter de la technologie futuriste, et/ou défendre une relique de la Légion, Ferrus tranche en son for intérieur : ce sera Gaby qui deviendra son Écuyer et 1er Capitaine. C’est dit.

1 : C’était l’époque de la Grande Croisade où tous les Primarques avaient un nom qui rimait avec « platypus », l’animal préféré de Pépé.

AVIS :

Petite nouvelle fort sympathique consacrée par leur spécialiste incontesté, David Guymer, aux Iron Hands et à leur Primarque caractériel, ‘A Lesson in Iron’ se paie le luxe de nous présenter en quelques lignes la prise de fonction de Ferrus Manus au sein de sa Légion (choix du 1er Capitaine, et autres révélations fluffiques intéressantes incluses), combiné avec une savoureuse mise en abîme du futur qui attend le Chapitre dans quelques millénaires. Le fait que les améliorations bioniques répugnent au plus haut point l’homme aux mains de fer n’est pas une nouveauté à ce stade, mais Guymer parvient tout de même à surfer sur cette iron-ie de façon tout à fait satisfaisante. Le pauvre Ferrus Manus aura soupé de prémonitions malheureuses car jamais utilisées pour modifier la destinée pas vraiment enviable attend ses fils et lui-même à la sortie de la Grande Croisade, et on en a encore un exemple ici. Ça reste plus distrayant à lire que la moyenne des soumissions de la BL, donc pourquoi cracher dans soupe ?

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Et voilà pour cette revue expresse (en tout cas de mon côté) de ce petit livret de 2017. Sympathique sans plus, mais sans défaut flagrant non plus, franchement on a vu pire.

UNTAMED REALMS [AOS]

Bonjour et bienvenue dans cette chronique d’Untamed Realms’, recueil de nouvelles siglées Age of Sigmar publié par la Black Library à l’automne 2023. Quasiment un an après la sortie de ‘Conquest Unbound’ (chroniqué ici), ce volume regroupe 13 courts formats, tous édités pour la première fois au cours de l’année 2022 lors de semaines thématiques comme l’Age of Sigmar Character Week (ici) ou l’Aelves Week (), ou plus classiquement dans le traditionnel calendrier de l’Avent (ici) et autre Black Library Celebration Week () que vous n’êtes sans doute pas sans connaître.

Corollaire de cette noble et abordable entreprise de recyclage, qui permet aux lecteurs de mettre la main sur des relatives nouveautés à un prix beaucoup plus accessible (6,49€) que ceux précédemment pratiqués par la maison d’édition de Nottingham, il n’y a rien de nouveau à se mettre sous la dent pour les vétérans comme votre serviteur dans cette anthologie. Vu la capacité de la BL à commander et à sortir des nouvelles à tour de bras, c’est un peu dommage que les éditeurs n’en aient pas gardé une ou deux sous le coude pour proposer quelques inédits complémentaires (ce qu’ils avaient d’ailleurs fait pour ‘Conquest Unbound’. Supposant que je fais partie d’une toute petite minorité de fidèles pigeons (mon portemonnaie ne me remercie pas d’avoir tout acheté au prix fort), je m’arrêterai là.

Untamed Realms [AoS]

13 nouvelles donc, signées par dix auteurs dont Richard Strachan (trois entrées) et Gary Kloster (deux soumissions). Si David Guymer vient jouer les grognards au casting, la grande majorité de ses collègues sont des jeunes pousses de la Black Library, certains d’entre eux signant ici leurs premiers travaux pour le compte de cette noble maison. Notons également avant de nous plonger dans les Royaumes aussi Mortels qu’Indomptés mis ici à l’honneur que ce tome a été arrangé en quatre parties thématiques de taille inégales. Sans surprise, le contenu aelfique est regroupé dans la section Lords of the Aelves, tandis que les trois nouvelles consacrées au duo père-fille ven Denst peut être trouvé dans The Order of Azyr. Despoilers of the Realms est une compilation disparate de récits dont les héros n’ont pas juré allégeance à l’Ordre (on y retrouve la vampire Nyssa Volari à deux reprises), tandis que Old Whitebeard ne compte qu’une entrée, et je suis sûr que vous trouverez seuls de qui il est fait mention ici…

Untamed Realms

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The Interrogator – R. Strachan :

INTRIGUE :

The InterrogatorPriez pour le pauvre Gaspar Helding. Scribe sans envergure travaillant depuis 20 ans au service de sa guilde pour un salaire de misère à Hammerhal, notre homme a eu la malchance d’attirer l’attention des zélotes de l’Ordre d’Azyr alors qu’il sortait de son office, comme tous les soirs. Arrêté sans ménagement et jeté dans une cellule humide et sombre, Gaspar se fait bientôt cuisiner, et à feu très vif, par la peu souriante Doralia van Denst, agente assermentée de l’Ordre, qui nourrit des soupçons tenaces sur son implication dans une série d’attentats commis par des cultistes du Chaos au cours des dernières semaines. Le dossier a beau reposer sur des éléments aussi solides qu’une anse de choppe tournée vers une fenêtre, une banalité sur la météo proférée à un vendeur de fruits, ou encore des typos même pas cocasses retrouvées dans les montagnes de pages que Gaspar recopie tous les jours, rien de ce que peut avancer notre héros ne réussit à convaincre sa tortionnaire de son erreur. Entre deux coups de bottin et séances de waterboarding, Dora l’Excavatrice passe le temps (un peu) et se reprend son souffle (surtout) en racontant à son nouveau meilleur ami la fois où elle traquait un Horrorghast un peu trop persistant à Excelsis. Il s’était avéré que ce n’était pas un sort en fuite, mais une projection de la détresse des orphelins des miliciens de la ville, placés dans un hospice après la mort de leurs parents. Confrontée à ce problème épineux, l’avenante Doralia avait favorisé l’option la plus définitive et la plus rapide (et sans doute la plus économique : un carreau d’arbalète coûte bien moins cher que 10 ans de psychothérapie), ce qui révèle bien les trésors d’altruisme qu’elle porte en elle.

Ayant laissé Gaspar quelques jours mariner dans son jus et dans ses doutes, elle revient terminer leur petite discussion en lui posant un ultimatum assez tranché. La seule manière qu’il a de la convaincre de son innocence est d’utiliser le couteau qu’elle lui remet pour se trancher la main gauche. Gaspar ne comprend pas vraiment le rapport avec la choucroute, mais sa situation désespérée finit par lui faire commettre l’impensable…

Début spoiler…Ce qui le condamne plus sûrement qu’un aveu circonstancié, puisque sa main tranchée décide d’aller se réfugier dans un coin de la cellule. Ce qui n’est pas la réaction normale et attendue d’un membre sectionné quand ce dernier appartenait à un mammifère (c’est différent pour les céphalopodes, bien sûr). Avant de le remettre à ses collègues de la BAC (Brigade Anti Chaos), Doralia explique au cultiste que le simple fait de se trancher la main aurait suffi à établir sa culpabilité, car « les innocents ne font pas ça ». Ce qui reste à démontrer quand on est à la merci de l’Ordre d’Azyr et soumis à plusieurs jours de tortures physiques et psychologiques, mais on en restera là. En attendant que l’infâme Gaspar ne se mette réellement à table, Dodo peut retourner chez elle s’en jeter un petit bien mérité : grâce à elle, les rues de Hammerhal sont un peu plus sûres ce soir.Fin spoiler

AVIS :

Richard Strachan met à profit sa maîtrise des canons de la littérature horrifique (il a commencé pour la Black Library avec plusieurs nouvelles siglées Warhammer Horror) pour signer une nouvelle viscéralement sombre mettant en lumière – haha – la charmante Doralia ven Denst, moitié féminine du duo de chasseurs de sorcières qu’elle forme avec son paternel. Le suspens ménagé quant à la culpabilité de Gaspar Helding, beaucoup plus sympathique pour le lecteur que la véritable (anti)héroïne de la nouvelle, et qui repose en grande partie sur le caractère fallacieux des accusations qui pèsent sur lui, donne à cette histoire un ressenti de thriller psychologique pas très éloigné d’un Saw, surtout lorsque le hachoir fait son apparition. On pourrait trouver que la conclusion est comparativement faible, mais le rendu global est tout à fait satisfaisant, et donne envie de se plonger dans le roman (‘Hallowed Ground’) que le même Richard Strachan a consacré van Denst & Fille. La GW-Fiction peut s’enorgueillir de quelques figures de Chasseurs de Sorcières/Inquisiteurs magnifiquement antipathiques, et il semblerait que les nouveaux-venus soient à la hauteur de leurs honorables aïeuls. Tant mieux !

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The Orphan of Pale Harbour – R. Strachan :

INTRIGUE :

The Orphan of Pale HarbourAyant donné rendez-vous à sa fille et néanmoins collègue dans la petite ville de Pale Harbour à la fin d’une tournée d’audit et purification de l’arrière-pays Ghurois, Galen Van Denst doit tuer le temps pendant quelques jours, étant arrivé en avance. Pour l’agent d’Azyr vétéran, c’est l’occasion de s’enfiler quelques pintes de bière locale et de fumer en skred ses cigarillos, mais aussi et surtout d’enquêter sur les agissements mystérieux d’une enfant des rues, qu’il a vu s’éclipser discrètement de Pale Harbour à la nuit venue par un trou de l’enceinte fortifiée. Les marais de Ghur n’étant pas le voisinage le plus sécurisé qui soit, à plus forte raison après la tombée du jour, Galen prend sur lui de suivre discrètement la fillette pour s’assurer qu’il ne lui arrive rien de fâcheux. Il apparaît que la jeune Alyssan (c’est son nom, comme vous l’aurez deviné) était de sortie pour déposer une offrande à l’esprit de ses défunts parents. Elle est en effet persuadée que ces derniers, morts de la peste verruqueuse vésicale – une infection qui a l’air bien fun, rien qu’au nom – il y a quelques mois, continuent de veiller sur elle depuis l’au-delà. Cette innocente croyance, qu’elle raconte à Galen après qu’il l’ait ramené en sécurité dans la ville et lui ai payé un repas chaud à l’auberge où il a pris ses quartiers, ne convainc pas vraiment notre méfiant héros, qui décide de tirer les choses au clair dès le lendemain.

Après avoir alerté le capitaine de la milice locale sur la possibilité qu’il se passe quelque chose de vilain dans les prochaines heures, Galen repart donc avec Alyssan dans les marécages, et lui demande de l’emmener à l’endroit où ses parents lui déposent leurs petits cadeaux (souvent faits à base d’os humains, ambiance ambiance). L’orpheline s’exécute volontiers, et conduit son nouveau copain jusqu’au petit autel qu’elle a réalisé pour communiquer avec ses esprits gardiens. Lorsque le chasseur de sorcières s’aperçoit que l’ingénue a dessiné le plan de la ville, incluant l’interstice dans la muraille par où elle se glisse pour ses visites nocturnes, sur le sol marécageux, soi-disant pour aider les esprits à veiller sur elle pendant la journée, son sang ne fait qu’un tour. Usant de l’irrésistible charisme que lui confère sa moustache, il demande à Alyssan de signaler sa présence à ses parents, et dégaine discrètement son pistolet pendant que la petiote imite le sifflement de galinette tachetée…

Début spoiler…Ô surprise, ce n’est pas un fantôme bienveillant qui se manifeste alors, mais un Kruleboy visqueux, que Galen a tôt fait d’abattre d’une balle en pleine tête. Ce déchainement soudain de violence ne ravit pas Alyssan, qui s’enfuit en hurlant dans les marais. Galen doit alors décider s’il choisit de rattraper l’orpheline, ou partir défendre Pale Harbour, dont le vent lui porte les échos d’une attaque soudaine. N’écoutant que son bon cœur (une faute professionnelle inqualifiable, si vous voulez mon avis), le chasseur de sorcières opte pour la première alternative, ce qui l’amène après une course éperdue dans les marécages jusqu’à une clairière où un chamane Kruleboyz accomplit la danse du chaudron. Après un bref combat, Galen règle son compte à l’affreux crapaud, renverse son infâme brouet, ce qui fait se dissiper l’épais brouillard conjuré par le sorcier, et repart avec Alyssan en direction de Pale Harbour.

Bien que durement éprouvés par l’attaque soudaine des peaux vertes, les défenseurs locaux ont réussi à tenir en respect les Kruleboyz, et l’arrivée d’un, puis deux, personnages nommés (Doralia et sa fidèle arbalète se joignant à la fête quelques minutes après le retour de Galen in town) finit par plier le match. Démoralisés par le retour du ciel bleu, les couards Orruks finissent par détaler sans demander leur reste. Tout est bien qui finit donc bien pour le camp de l’Ordre, Alyssan pardonnant même à Galen de lui avoir menti sur ses véritables intentions à propos de ses parents plus tôt dans la journée. Un authentique happy end sans bûcher de joie, c’est rare pour une nouvelle de chasseurs de sorcières, profitons-en.Fin spoiler 

AVIS :

Il flotte sur ‘The Orphan of Pale Harbour’ plus que l’épais brouillard typique des Kruleboyz1, mais également et surtout une grosse ambiance de quête secondaire de The Witcher, ce qui est très positif, comme tous ceux qui ont joué à cette série pourront en témoigner. Galen Van Denst pouvant assez facilement se déguiser en Geralt de Riv, le choix de Richard Strachan d’aller lorgner du côté de son collègue de fantasy polonais Andrzej Sapkowski dans cette nouvelle marécageuse, ténébreuse, trompeuse et sanglante s’explique facilement. Reste qu’il n’est pas toujours facile de rendre justice à un personnage aussi complexe que celui du « chasseur de sorcières (ou de monstres) sévère mais avec un bon fond » ; fort heureusement pour nous, Strachan y parvient fort bien ici, dépeignant son héros grisonné en vigilante implacable croisé avec un papi gâteau, lorsque le besoin s’en fait sentir. Au final, les Van Denst sortent plutôt grandis de cette petite aventure, qui démontre qu’ils peuvent aussi bien corriger les nombreuses abominations des Royaumes Mortels qu’interagir de façon (presque) normale avec le bon peuple, et entre eux (mention spéciale à la terreur qu’à Galen que Doralia se rende compte qu’il n’a pas arrêté de fumer, comme il lui a promis). Je crois que l’archétype du lonesome cowboy witch hunter a trouvé sa meilleure incarnation dans Age of Sigmar, et c’est Richard Strachan qui en est responsable.

1 : Que Richard Strachan convoque à nouveau après y avoir placé l’intrigue de sa novella ‘Thunderstrike’.

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Shadowglass Creek – R. Strachan :

INTRIGUE :

Shadowglass CreekGalen et Doralia ven Denst poursuivent leur tournée de Ghur (entamée dans ‘The Orphan of Pale Harbour’) et arrivent dans la charmante bourgade de Shadowglass Creek, où un indicateur leur a signalé la présence de deux cultistes du Chaos ayant fui Excelsis après la victoire de l’Ordre. Bien que les suspectes en question, Chellane et Niss, se soient parfaitement intégrées dans leur nouvelle communauté, où elles ont ouvert une petite supérette fréquentée par tous leurs concitoyens, l’Ordre d’Azyr n’est pas connu pour passer l’éponge facilement1.

Les ven Denst débarquent donc tous flingues et arbalètes dehors dans le fonds de commerce des exilées, qu’ils conduisent manu militari sur la place centrale de Shadowglass Creek pour un feu de joie purificateur et éducatif pour le reste des péquenauds du coin. Leur zèle est toutefois entravé par le manque de coopération manifeste desdits péquenauds, qui ne croient pas un mot des accusations des Répurgateurs et se tiennent prêts à défendre leurs exemplaires épicières/philanthropes/sages-femmes/paroissiennes contre leurs bourreaux. Même le lecteur de Sigmar local (Gruphoven) se joint à la foule en colère, laissant Galen et Doralia bien isolés au milieu des Ghurites en bisbille. Se pourrait-il qu’ils aient fait erreur sur la personne, comme Chellane et Niss ne cessent de leur répéter ?

Début spoiler…Eh bien, non. Lorsqu’il devient clair que la situation est sur le point de dégénérer, Niss, a.k.a. Salvann Urad décoche un Don du Changement dans la direction de Galen avant qu’il n’ait pu appuyer sur la gâchette de sa pétoire, et entraîne Chellane (a.k.a. Xollniz Ta’zath) vers la porte de la cité sous le couvert d’une bombinette à fumées (rose et bleue, évidemment). Le templier est sauvé par l’intervention fortuite de Gruphoven, qui s’interpose sans le vouloir entre le sort et sa cible, et finit transformé en Enfant du Chaos pour sa peine. Une fois le lecteur euthanasié par charité sigmarite, nos héros font parler la poudre et le chanvre, et mettent fin à la cavale des cultistes repenties de deux tirs bien placés. Comme on dit à Azyrheim : never forgive, never (Guy) forget.Fin spoiler

1 : La chose coulant chez lui, c’est les nœuds.

AVIS :

Petite nouvelle qui prend la suite de ‘The Interrogator’ en poussant la réflexion un peu plus loin : est-il possible pour un cultiste du Chaos de laisser son passé derrière lui et d’être absous de ses péchés, si son repentir est sincère ? A Warhammer Fantasy Battle, la réponse avait toujours été un « non » franc et massif. Age of Sigmar étant un univers (un peu) moins sombre et torturé que son prédécesseur, la question était ici ouverte, et Richard Strachan est resté droit dans ses bottes grimdark au moment d’y répondre. Le résultat n’en est que plus impactant, et permet au lecteur de réfléchir à cette question philosophique de son côté. Une nouvelle soumission solide1 de la part de cet auteur, très à l’aise dans la mise en scène des tribulations manichéennes des agents de l’Ordre d’Azyr.

1 : Je m’interroge cependant sur la possibilité que Chellane et Niss aient pu être des cultistes de la Nullstone Brotherhood, qui détestait les pratiquants des arts arcaniques, et était affiliée à Slaanesh plutôt qu’à Tzeentch.  

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The House of Moons – J. Lambert :

INTRIGUE :

The House of the MoonsLe Seigneur Régent Velithor Cellenya a hérité du poste que personne ne veut parmi la noblesse guerrière Lumineth : la garnison de la Tour de Tyrr, située dans une passe des Monts Lunarest. Ce dédain généralisé est causé par la situation géographique particulière de la Tour en question : bien que sensée protéger l’accès de la cité marchande de Calthrys, cela fait bien des siècles que ce coin d’Hyish est sous la coupe des Lumineth, et les ennemis à affronter se sont faits très rares. C’est donc une sorte de placard doré cristallisé dans lequel Velithor végète, en punition d’une campagne précédente s’étant apparemment terminée de manière peu honorable, et dont les souvenirs le hantent encore aujourd’hui.

La situation évolue cependant drastiquement lorsque ses Sentinelles débusquent la trace d’une petite bande de Démons de Tzeentch, en route pour attaque la Porte de la Lune que la Tour garde. Bien que ses lieutenants lui conseillent d’envoyer une estafette alerter la Loge Thungur, établie à proximité de la garnison, de cette menace, l’orgueilleux Velithor décide qu’il est bien assez grand et beau et fort et swag pour régler le problème rapidement et discrètement (c’est marrant, tout le monde chuchote). Après tout, ne peut-il pas compter sur un escadron de magnifiques Hurakan Windchargers (seulement 55€, commandez les vôtres dès à présent !!!) pour prendre à revers les faquins, pendant qu’ils viennent s’écraser sur la muraille défendue par ses Gardiens et ses Sentinelles ? Juché sur sa lightcourser1 Nathyr, notre héros pense remporter une victoire nette et sans bavure, mais lorsque la dernière Horreur Rose finit par mordre la poussière, après s’être dûment divisée et subdivisée, il réalise que la horde qu’il a vaincu n’était que l’avant-garde d’une armée bien plus importante, et menée par un Magister DJ (littéralement). N’écoutant que son devoir et son courage, il prend le parti de… fuir le combat pour aller rameuter les Fyreslayers qu’il avait pourtant snobé il y a quelques minutes, pendant que ses camarades vendent chèrement leurs vies pour lui gagner du temps.

La cavalcade échevelée de Velithor l’amène droit sur une patrouille de petits rouquins pas frileux, dont le chef accepte à contre-cœur de l’amener jusqu’à sa suzeraine, Maegrym, pour qu’il puisse plaider sa cause. Cette mauvaise volonté peut être mise sur le compte d’une rancune gardée contre les notables de Calthrys, ayant loué les services des Fyreslayers il y a fort longtemps pour repousser une horde de Khorne sans jamais régler la note (un chipotage très discutable sur les termes du contrat + un service comptable obtus comme on les aime : un grand classique même dans notre monde). Peu commode, la Mère des Runes se donne une protection contre le bullshit2 avant de s’engager3, et un Velithor aux abois lui promet en plus du paiement de la facture en souffrance, une coquette récompense pour le service que Super Concierge (après tout, c’est la patronne de la loge…) va rendre à Calthrys, et la restitution de la Lance de Thungur dont les Lumineth étaient opportunément et subrepticement entrés en possession par le passé, sans que les Fyreslayers ne sachent que leurs « alliés » leur avaient piqué leur relique la plus précieuse…

Les termes étant agréés, Maegrym entraîne ses Duardin à la rencontre des Disciples de Tzeentch, et une bataille rangée s’engage entre les deux armées. L’affrontement penche de plus en plus en faveur des Démons, beaucoup plus nombreux que leurs adversaires et dont la supériorité aérienne permet de bombarder les nabots de projectiles magiques avec impunité, jusqu’à ce que Velinor réussisse un double saut héroïque (il saute de la selle de Nathyr, qui avait auparavant sauté depuis la croupe du Magmadroth de Maegrym) lui permettant d’embrocher le Magister flottant. Bien que l’atterrissage soit douloureux pour Flaesh Gordon, qui se fracasse un fémur et se tasse quelques vertèbres à l’impact, ce coup d’éclat permet aux Fyreslayers de reprendre l’avantage et de mettre l’ennemi en déroute. Sanglé sur un brancard tiré par son indispensable monture, élue MVP de la nouvelle, le Seigneur Régent ne peut qu’assister à la réappropriation de la Lance de Thungur, gardée dans le musée de la Tour de Tyrr, par Maegrym, avant que cette dernière n’ordonne à ses troupes de mettre le cap sur Calthrys. Bien que la cité ignore tout du péril dans lequel elle s’est brièvement trouvée, et que Velithor n’avait pas le mandat nécessaire pour négocier en son nom, il reviendra à l’Aelf éclopé de régler ces technicalités. Après tout, personne ne veut se fâcher avec 300 Duardin naturistes…

1 : Ah que je regrette l’époque où Games Workshop prenait la peine de traduire ses noms d’unité en français…
2 : C’est fluff vu qu’elle négocie avec un adorateur de vachette géante.
3 : Normalement c’est l’inverse qui se passe, c’est vrai. Pas la peine d’appeler un Juge.

AVIS :

Il n’est pas facile pour un nouvel auteur de faire ses débuts dans un univers fictionnel qu’il n’a pas lui-même créé, et il est assez commun que les premières incursions des néo-contributeurs à la GW-Fiction soit d’un classicisme oscillant du solidement scolaire au franchement ennuyeux. C’est le cas de Jeremy Lambert, dont l’inaugural ‘The House of Moons’ n’a rien de bien excitant, et se révèle être une (assez longue) nouvelle martiale tout ce qu’il y a de plus convenu, la chose militaire occupant le gros des quelques trente pages consacrées aux cavalcades de Velithor Cellenya.

Ce parti pris est assez frustrant de mon point de vue car Lambert s’est laissé la possibilité de parler d’autres choses, un peu plus intéressantes que du hack ‘n slash bas du front, dans son propos. Notamment des relations crispées entre Lumineth et Fyreslayers, alliés de circonstances plus qu’amis de longue date. J’aurais apprécié que l’auteur développe cette partie diplomatique et politique, dont la conclusion est malheureusement laissée en suspens à la fin du récit. Entre la morgue des Lumineth et le caractère rentre dedans des Duardin, il y avait toutes les chances que l’accord négocié en catastrophe par Velithor ne soit pas respecté et tourne potentiellement à la guerre ouverte entre les deux factions, et ça, ça m’aurait intéressé.

Par ailleurs, certains détails semblent indiquer que Jeremy Lambert a vu plus grand que cette nouvelle, comme les mentions du passé honteux de Velithor, son attachement sans justification à son colifichet en étherquartz, ou même la Lance de Thungur (qui fait son apparition dans l’histoire de manière un peu trop gratuite et faussement anodine pour une relique aussi importante) le laissent à penser. À l’heure où cette chronique est rédigée, ‘The House of Moons’ reste un one shot, mais peut-être que l’on reverra Velithor, Maegrym et compagnie dans d’autres travaux…

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The Low Road – E. Dicken :

INTRIGUE :

The Low RoadC’est la mobilisation quasi-générale dans le bosquet côtier (une mangrove, s’il faut dire les choses) de la Branchwraith Shikal. Une horde d’Ironjaws a été repérée dans les Plaines Brutales, et l’Homme Arbre Kuonor rassemble ses troupes pour renforcer les défenses du boistion (comment on traduit greenhold, franchement ?) Écorce de Fer auquel ces Sylvaneth sont affiliés. Il laisse derrière lui quelques Dryades en gardiennes de but, dont l’impétueuse Shikal, qui n’apprécie guère cette corvée de jardinage musical – tout est fait en chanson chez les Sylvaneth – mais se plie bon gré mal gré à cette paisible assignation.

La cohorte végétale n’est pas bientôt partie à travers le redouté Marais Rampant que des signes avant-coureurs d’une catastrophe écologique se manifestent sur le rivage. Une pellicule huileuse vient recouvrir les vagues et empoisonner les crustacés du coin, comme si un super tanker avait coulé au large de la Mer des Krakens. Cette première marée noire de l’histoire littéraire des Royaumes Mortels n’a cependant pas été causée par une coque rouillée et une mer un peu forte, mais par les manigances des Krulboyz du Chamane Krakspine, dont l’avant-garde émerge des marais pour cherche noises à Shikal et ses consœurs. Si cette escarmouche est remportée haut la main branche par EELV, la deuxième manche est en revanche à sens unique, Krakspine se contentant de mettre le feu à la nappe de pétrole qui s’est étendue jusque dans le bosquet pendant la baston, causant une déflagration qui réduit la mangrove et ses défenseurs en braises fumantes.

Shikal échappe toutefois à cette combustion spontanée, et se fait réveiller à coup de pelle par deux pillards Orruks à la recherche de butin, quelques heures plus tard. S’extirpant sans mal des sables de l’estuaire, la Branchwraith règle leur compte au peaux-vertes malchanceux et comprend que Krakspine cherche à prendre par surprise le boistion pendant que ses défenseurs seront occupés à castagner les Ironjaws dans la pampa. C’est une course contre la montre qui s’engage entre l’armée Krulboyz et son unique poursuivante, à travers l’étendue hostile et boueuse des Marais Rampants…

 Au bout du compte, et de péripéties éprouvantes qui la voient se faire avaler et recracher par une grenouille géante, puis chassée à courre(te portée) par des Embrocheurs désœuvrés, Shikal finit par conclure un accord avec la bande de Parias qui squattent ce biome fangeux, après que leur affliction les ait contraint à s’exiler de leurs communautés (peut-être qu’ils chantaient faux et que ça gonflait leurs camarades). Profitant de leur connaissance sans pareille des marécages, elle tend une embuscade à Krakspine (et à sa Bête Faukarde, sinon c’est trop facile), et parvient à assassiner le général ennemi au terme d’un dur combat et de nouvelles blessures physiques et psychologiques. La confusion qui s’en suit chez les Orruks lui permettra de porter son message au boistion à temps pour que ce dernier organise une défense digne de ce nom, pas vrai ?

Début spoiler…Eh bien, oui, mais Shikal n’en verra rien. Les traumatismes qu’elle a vécus, les massacres qu’elle a causés et son acoquinement avec les Parias du Marais Rampant ont transformé la jeune et bouillante Branchwraith en psychopathe incurable (elle chante en grunt maintenant !), qui n’a plus sa place parmi les Sylvaneth civilisés de l’Écorce de Fer. C’est bien égal pour Shikal, qui repart aussi sec dans le bayou une fois son message transmis à cet incapable de Kuonor. Ils ne te méritaient pas de toute façon, ma fille.Fin spoiler

AVIS :

Après une mise en place un peu poussive, ‘The Low Road’ parvient à explorer de manière satisfaisante la lente déchéance d’une Sylvaneth prête à sacrifier son statut social et sa raison pour relayer une alerte cruciale à ses camarades. Même si on voit bien où Dicken veut en venir, la réalisation est suffisamment soignée pour que le destin tragique de Shikal, qui finit la nouvelle comme punk à grubworm reniée par sa hiérarchie, fasse vibrer la corde sensible du lecteur. C’est un peu comme si ‘The Killing Joke’ (Batman) avait été adapté à Age of Sigmar. La vie est Ghure en dur…

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Soul Warden – M. A. Drake :

INTRIGUE :

Soul WardenMême dans un univers de high fantasy aussi pittoresque que les Royaumes Mortels, il faut que certains se tapent le sale boulot pendant que leurs petits copains font carrière dans les armes ou dans la magie. C’est le cas de notre héros, Lotann, qui exerce l’utile mais terne profession de Gardien des Registres des Âmes chez les Idoneth Deepkin. L’extrême dépendance de ces Aelfs maudits aux âmes dérobées à leurs voisins côtiers font de la bonne comptabilité de cette manne une priorité absolue, et le grand projet de Lotann est de produire rien de moins qu’une monographie sur ce sujet… passionnant. Pour cela, il voyage d’Enclave en Enclave, et arrive ainsi dans la cité sous-marine d’Ymmerloc pour tenter d’avoir accès aux archives du chorrileum local.

Ymmerloc étant située en Shyish, l’Enclave est engagée depuis des années dans une lutte sans espoir contre les armées de Nagash, qui cherchent à la localiser pour apprendre à ces squatteurs aquatiques que le Grand Nécromancien est maître chez lui. La venue d’un unique Soul Warden (accompagné de son Ochtar de compagnie, Mnemesthli) au lieu des phalanges de Gardes Akhelian et de Namartis que le Dialochian (conseil municipal) réclame de longue date à ce poseur de Volturnos n’est donc pas accueilli avec un enthousiasme délirant par les stoïques Ymmerlociens. Malgré l’intérêt général qu’il perçoit dans ses recherches, Lotann se voit refuser l’accès du chorrileum après une audience mouvementée du Dialochian, durant laquelle il perçoit, ainsi que le lecteur, que la notable Annamaras, Soul Warden également, semble avoir une dent contre lui. Jalousie mesquine contre un collègue ayant mieux réussi qu’elle, ou tentative de dissimuler un secret encombrant à un étranger influent ? Comme Lotann doit attendre la prochaine marée pour repartir vers sa prochaine destination, il a tout le temps pour enquêter sur cette rebuffade…

Ayant discuté avec le Namarti qui lui sert de chauffeur Über lors du trajet entre l’hôtel de ville et l’Abysse Budget dans lequel ses hôtes lui ont pris une chambre, notre héros apprend que cette caste laborieuse est frappée depuis quelques mois par une malchance tenace lors des opérations de revitalisation nécessaires à sa survie sur le long terme. La propre fille de son interlocuteur a d’ailleurs succombé à ce rituel, plutôt bien maîtrisé par les Incubati Idoneth, il y a de cela deux ans. C’est une nouvelle raison pour aller traîner du côté du chorrileum, où davantage d’informations seront sans doute disponibles pour expliquer ces ratés persistants de la médecine Deepkin. Aidé par son fidèle poulpe éclaireur/cartographe/garde du corps, Lotann fausse compagnie à ses surveillants et s’en va remonter la piste de ce scandale sanitaire en puissance.

Je vous passe les détails car cette enquête s’étire en longueur (et nous permet de visiter l’intérieur d’une maison de retraite, ce qui doit être une première dans la GW-Fiction) mais ne s’avère pas très riche en coups de théâtre : c’est bien la perfide Annamaras qui est derrière les déboires de Lotann et des Namartis d’Ymmerloc, car la Soul Warden cherche à créer une arme décisive contre les hordes de Nagash en bourrant de vieux Namartis d’âmes afin de créer des Vacuaris, capables de neutraliser à distance les constructions impies des Ossiarch Bonereapers en siphonnant les esprits qui les animent. L’idée lui est venue après la capture d’un Mortisan, qu’elle a gardé secrètement sous son laboratoire afin d’en étudier les secrets. Comme tout projet de recherche et développement, les essais et les ratés furent nombreux, expliquant la surmortalité suspecte des Namartis depuis quelques mois.

Aidé par une Soulrender (Nsenthwe) déclarée hors la loi après s’être frontalement opposée à Annamaras et sa bande de guérilleros Namartis, Lotann monte un raid audacieux sur la chambre de revitalisation utilisée par la Soul Warden démente comme centre d’opérations, et parvient à la capturer sur le fait, et à la remettre à la garnison akhelianne, guère perspicace mais pas corrompue pour autant. La nouvelle se termine avec l’emprunt furtif et à durée non déterminée par Lotann des notes de recherche d’Annamaras, dont les travaux, s’ils n’étaient pas éthiques, pourront tout de même lui apprendre beaucoup de choses (ça me rappelle quelque chose…). Bien que le Mortisan gardé en stase par l’imprudente Soul Warden soit promptement désossé après sa découverte, il est malheureusement possible qu’il ait agi comme une balise GPS pour ses petits copains pendant sa captivité, ce qui pourrait sceller le sort d’Ymmerloc à moyen terme. Mais ceci est une autre histoire…

AVIS :

Miles A. Drake signe sa troisième histoire Idoneth, et on retrouve dans ce ‘Soul Warden’ l’approche caractéristique de cet auteur envers sa faction de cœur : des tonnes de lore (si vous n’êtes pas familiers de toutes les enclaves, professions et bestioles Idoneth, ça risque de piquer), pas mal de fluff (et c’est logiquement l’enclave d’Ymmerloc qui en bénéficie le plus), et beaucoup de va et vient. Cette histoire diffère cependant de ses précédentes plongées dans les abysses aelfiques en ce que son héros se trouve être un personnage nommé, et qu’on se trouve en présence d’une nouvelle d’investigation plutôt que d’action.

Et c’est malheureusement là que le bât blesse à mon humble avis, car l’enquête à laquelle se livre l’inspecteur morse poulpe n’a rien de bien palpitant. L’antagoniste est identifiée dès les premières pages du récit, et ses motivations mises à jour à la moitié de la nouvelle, ce qui retire tout suspens aux quelques quinze pages que le lecteur doit encore s’enquiller à ce stade. Il est possible que ce ‘Soul Warden’ ne soit que le premier épisode d’un arc plus conséquent (je ne vois pas pourquoi Drake aurait terminé son propos sur le « vol » d’un manuscrit probablement maléfique par son héros si ce dernier ne revient plus jamais nous intéresser à la comptabilité spirituelle de sa faction1), mais pris individuellement, cette nouvelle ne tient pas malheureusement pas ses promesses.

1 : Il y a aussi une sorte de gimmick qui est répété plusieurs fois dans la nouvelle. J’ose espérer que c’est volontaire.

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Cauldron of Blood – C. Thursten :

INTRIGUE :

Cauldron of BloodOn a des nouvelles du front, et elles ne sont pas bonnes (pour changer). La Croisade Dawnbringer dans laquelle la Capitaine Ketta Morrow officie s’est pris un méchant coup sur le malleus après que l’avant-garde de la Goretide du Seigneur de Khorne simplement appelé le Forge Chaîne (Chainsmith) lui soit tombée dessus sans crier gare. Ses protecteurs Stormcast Eternals tous partis en un éclair et son métalithe fracassé sur le plancher des <insert Age of Sigmar animal’s name here>, l’expédition passe à deux doigts du massacre pur et simple. Mais alors que la brave Morrow s’apprête à faire une Jon Snow pour rejoindre Sigmar en beauté, une bande d’Erynies folles furieuses (leur état normal, je vous assure) s’extirpe des ruines de la méta pour mettre une race monumentale aux pauvres Lames de Khorne. Toute ressemblance avec l’été 2022 serait bien entendue totalement fortuite. Ces nouvelles arrivantes/passagères clandestines (elles ne voulaient surtout pas que feu foudre les Stormcast Eternals soient au courant de leur présence, pour une raison que je n’ai pas compris) sont menées par une vieille connaissance de Ketta Morrow, la Prêtresse Virathe. Les deux guerrières s’étaient en effet rencontrées dans l’arène il y a de cela vingt ans, un duel remporté contre toute attente par la combattante humaine grâce à l’infaillible technique du « je bouge pas et je mets une grosse châtaigne ». Fly like an anvil, swing like zweihander, comme on dit à Hammerhal.

Si les raisons de la présence du Draichi Ganeth (le nom de cette secte khainite) est mystérieuse, en tout cas pour Morrow et ses troupes, sa léthalité permet aux Croisés de se sortir de ce mauvais pas sans perdre la tête, ce qui est toujours un risque lorsqu’on se frotte à des Khorneux. Autour des feux de camp, certains vétérans blanchis sous le harnais (Ossel, pour ne pas le nommer) grommellent de sombres histoires sur la soif de sang et le goût du meurtre de ces Aelfs en bikinis, mais Morrow reste convaincue qu’une coopération de bonne foi est possible entre les deux contingents, même après que Virathe lui ait annoncé dans le plus grand des calmes que les Sigmarites étaient destinés à mourir sous peu. Et c’est même Morathi qui lui a dit, na. Cet échange d’amabilités n’empêche pas les deux meneuses d’échafauder un plan porter un coup fatal au Forge Chaîne et à ses hordes barbares, avant qu’ils ne franchissent la Porte du Four (Kilnsdoor) pour aller ravager la cuisine Ulgu. Pendant que les insaisissables DoK harcèleront les flancs de la Goretide, Morrow et ses troupes iront livrer bataille contre l’élite adverse, laissant l’opportunité à Virathe de porter le coup fatal depuis les ténèbres.

Cette stratégie se révèle payante, au moins jusqu’aux premières minutes de l’affrontement entre Sigmarites et Chaotiques, qui tourne rapidement en faveur du côté alignant le plus de guerriers fous furieux et recouverts d’armures de plate complète (étrangement). Lorsque les Furies et les Juggernauts entrent dans la danse, la bataille tourne au carnage sans nom, ce qui provoque chez l’intraitable Morrow le besoin ardent d’aller soloter le QG ennemi le plus proche (on appelle ça le leadership par l’exemple), en l’occurrence un Prêtre du Massacre meilleur en incantations qu’en combat singulier. Malgré ce coup d’éclat, il semble bien que les carottes soient khuites…

Début spoiler…C’est alors que le Draichi Ganeth revient à nouveau faire parler de lui, un peu tard au goût de Morrow, mais de manière suffisamment punitive pour forcer le Forge Chaîne à prendre part au combat. C’est d’abord Virathe qui tente sa chance contre le boss ennemi, révélant au passage sa véritable forme de Melusai, et lui infligeant quelques sérieuses blessures, malheureusement plus que compensées par l’avalanche de dons que Khorne déverse sur son champion. Lorsque sa comparse finit empalée sur l’appendice du Forge Chaine (en tout bien tout honneur hein, on n’est pas chez Slaanesh ici), c’est au tour de Morrow de rentrer dans la danse, mais de manière plus subtile. Accompagnée par un Ossel blessé à mort et définitivement trop vieux pour ces conneries, la Capitaine localise un Chaudron de Sang – vous saviez que ça allait arriver, n’est-ce pas – sacrifie son camarade à la gloire de Khaine, réanime l’Avatar du Dieu à la main sanglante et s’en va tataner le Professeur Chaîne. Confronté à deux adversaires buffés à mort, le Forge Chaîne finit par révéler qu’il est le maillon faible, et termine sa carrière transpercé par l’épée enflammée de l’Avatar. Il ne fait cependant pas le voyage vers l’au-delà seul, Morrow ayant reçu un coup de fléau fatal dans la cuirasse un millième de seconde avant que la statue divine ne porte l’estocade. Faute de combattants, la bataille se termine donc sur une égalité, et la Croisade sur un échec cuisant. Beaucoup de pelés, peu d’élus…Fin spoiler

AVIS :

Je dois dire que ce ‘Cauldron of Blood’ m’a laissé très songeur. D’un côté, il possède un souffle épique et mystique dont peu de nouvelles de la Black Library peuvent se targuer (ça m’évoque assez les travaux de Jake Ozga, si vous voyez de quoi je parle), en partie dû au flou artistique que Thursten laisse planer sur certains aspects de son propos. De l’autre, je ne suis pas certain d’avoir totalement compris de quoi il en retourne dans cette histoire, et j’ai froncé les sourcils très forts à plusieurs moments du récit1. Il faudra voir de quoi sera fait la suite de la carrière de Chris Thursten en matière de GW-Fiction, mais il démontre ici qu’il a le potentiel de s’imposer comme un contributeur de premier plan, mais également des lacunes en matière de construction narrative et/ou de fluff AoS. Only time will tell…

1 : Premièrement, lorsque les Filles de Khaine jaillissent des ruines du métalithe de la Croisade comme s’il s’agissait d’un transport de troupes (ou d’une Pokéball…), usage que ces structures ne semblent pas avoir d’après le lore que j’ai pu consulter en ligne. Deuxièmement, lorsqu’une humaine sigmarite se pique de devenir prêtresse de Khaine sur le tas (de cadavres).

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The Hunter’s Quarry – C. B. Harvey :

INTRIGUE :

The Hunter's QuarryL’heure de la vengeance a sonné pour Qulathis, chasseresse Kurnothi déterminée à venger l’invasion de sa forêt natale, le massacre et l’expulsion de son peuple, et la mort de son frère bien-aimé, Nurrago. Les responsables de ces odieux méfaits ne sont autres que les vampires Vyrkos de ce bon vieux Radukar l’Alouette, et en particulier son lieutenant Zakramise (nom de famille Zakrantalon), qui a dépecé le pauvre Aelf alors qu’il tentait de gagner du temps pour permettre à ses compatriotes d’évacuer leurs cabanes dans les arbres. Qulathis peut compter sur l’aide de deux camarades dans sa quête revancharde, Lanstarn le peltaste argenté (rapport au métal de ses javelines), et Mira l’opossum (rapport à sa capacité à faire la morte pour piéger ses ennemis), qui tenaient le défunt Nurrago en très haute estime.

Après une petite embuscade de mise en bouche, pendant laquelle le trio Kurnothi démontre sa léthalité et sa complémentarité en réglant leur compte à une patrouille de Kosargi placé sous le commandement (pas très inspiré1) d’une vampire nouvelle née et rapidement morte, les choses sérieuses peuvent commencer. Qulathis souhaite assassiner Zakramise alors que le seigneur de guerre ripaille dans les ruines du village Kurnothi, et la marche d’approche ne sera pas de tout repos. L’altruiste Mira est la première à passer l’arme à gauche, son bon cœur la conduisant à tenter de libérer des compatriotes mis en perce par les buveurs de sang, et attirant une vague de vampires hématoliques pour sa peine. Bien que ces derniers ne fassent pas le poids face à l’arsenal sophistiqué de ses camarades, l’Aelfette finit l’empoignade avec un gros suçon dans le cou, et décède dans les bras de Qulathis.

Attristés par cette perte mais déterminés à ce qu’elle ne soit pas inutile, les deux survivants décident de… se reposer dans un de leurs refuges secrets. Outstanding move, vraiment. Qulathis en profite pour servir à son compagnon un Imovane biodynamique à base de champignons et de feuilles, plongeant Lanstarn dans une léthargie bien plus profonde que ce à quoi le javelinier s’attendait. La chasseresse est en effet déterminée à terminer sa mission en solo, sans risquer davantage de vies aelfiques. Ces nobles sentiments ne lui sont cependant d’aucun secours lorsqu’elle se fait gauler comme une bleue par les vampires en goguette avant d’avoir pu décocher son trait à Zakramise, et se réveille pieds et poings liés devant la silhouette imposante du général Vyrkos…

Début spoiler…À sa décharge, elle avait été témoin d’une scène terrible ayant ruiné sa concentration au moment décisif. Nurrago n’est en effet pas mort, comme elle le croyait, mais été réanimé et pris en stage sommellerie par son bourreau (qui semble tout de même avoir un bon fond). Plus douée pour tirer à l’arc que pour dissimuler ses sentiments, Qulathis n’arrive pas à dissimuler à Zakramise le lien très fort qui l’unit à Nurrago, et le vampire a l’idée géniale de permettre à son nouvel échanson de se faire les crocs sur la captive.

Tout cela aurait sans doute très mal fini sans la double intervention du pouvoir de la famille (Vin Diesel approves this message) et de l’amitié (Yu-Gi-Oh approves this message). Alors que son petit frère est sur le point de lui faire une trachéotomie non conventionnée, Qulathis lui susurre dans l’oreille la catch phrase qu’ils ont partagé pendant des années : « Manglers never lose Nurrago always wins ». Cela a pour effet de permettre au cadavre réanimé de reprendre une partie de ses esprits, et de se ruer sur son créateur avec l’envie d’en découdre, non sans avoir rompu les liens de sa sœur auparavant. Sur ces entrefaites, Lanstarn (qui s’est finalement réveillé) rejoint les festivités, plongeant la célébration vampirique dans le chaos le plus total. Grâce au sacrifice altruiste de ses deux compagnons, qui consentent à prendre l’aggro des mobs et du boss sans avoir les moyens de gérer quoi que ce soit, Qulathis parvient au bout du compte à décocher sa flèche fatale dans le téton de Zakramise, ce qu’il prend… avec philosophie.

S’étant éclipsée sans demander son reste après le succès (relatif) de sa vendetta, notre héroïne décide qu’il n’est pas encore temps de retourner faire des tisanes et des chaises en rotin avec le reste de sa communauté. Direction donc Ulfenkarn, où un certain Radukar aurait bien besoin qu’on lui apprenne les bonnes manières…Fin spoiler

1 : « Stop ! C’est sans doute un piège. »
« Proiiiiiiiiie… »
« Oui mais tu trouves pas bizarre qu’une Aelf trébuche sur une racine et s’étale de tout son long 10 minutes après le début de la poursuite ? On n’est pas à Blood Bowl là ! »
« PROOOOO-AAAAAAAA !!! 😦 »
« Ok vas-y mais je t’aurais prévenu. »

AVIS :

Pour sa première incursion dans les Royaumes Mortels (et la GW-Fiction), Colin B. Harvey signe une nouvelle très classique sur le modèle du rape raid (and raise dead) and revenge, même si la faction choisie pour cette expédition vengeresse est assez originale, il faut le reconnaître. J’avoue avoir tiqué plus d’une fois pendant la lecture, pas tant à cause de la quasi-invulnérabilité dont la triade infernale dispose (si Qulathis est aussi forte dans les parties de Cursed City, il faut la prendre à chaque fois), même si Harvey aurait pu davantage soigner sa copie à ce niveau-là, mais plutôt à cause du comportement et de la constitution des vampires qui servent d’antagonistes. Bien que l’auteur prenne le soin d’expliquer comment Qulathis et Lanstarn parviennent à empiler les one shots, je trouve les buveurs de sang de ‘The Hunter’s Quarry’ bien empotés et assez peu menaçants au final, alors qu’on a tout même affaire à des bloody vampires (si on me passe l’expression) ! Le personnage de Nurrago, autour duquel la résolution de l’intrigue repose, s’intègre également assez mal dans le lore d’Age of Sigmar tel que je le comprends1 : puisqu’il a été réanimé par Zakramise, il ne devrait en aucun cas être capable de se retourner contre son maître, alors qu’il ne se gêne pas pour (essayer de) lui mettre quelques tartes une fois son destin tragique remémoré.

Au final, je sors peu emballé de ‘The Hunter’s Quarry’, dont le principal intérêt est pour moi qu’il confirme les plans de la BL pour le passage de Cursed City dans la GW-Fiction, comme Blackstone Fortress. On attend les nouvelles introductives pour les autres personnages de la boîte2.

1 : Il est possible et même probable que je fasse une simple transposition de WFB à AoS, mais comme un certain nombre de personnages nommés morts-vivants du Monde qui Fut ont trouvé une deuxième jeunesse (éternelle) dans les Royaumes Mortels, la ligne de démarcation est très fine entre les deux univers.
2 : À ce stade (août 2023) et d’après mes recherches, seule Emelda Braskov (‘Last of the Braskovs’) et Qulathis ont bénéficié de ce traitement de faveur.

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Crown of Flames – N. Van Nguyen :

INTRIGUE :

Crown of FlamesLe chef de tribu Heldanarr Fall s’embarque dans une chasse au monstre à la demande expresse de trois sorcières de sa tribu, qui ont prédit qu’un grand malheur s’abattrait sur les farouches nomades d’Aqshy à moins qu’un héros ne tue une bête maléfique qui hante une montagne toute proche. Comme la montagne en question se balade littéralement à travers les Royaumes Mortels (ce qui pose la question de pourquoi il est capital pour Fall de régler ce problème maintenant, puisqu’il partira de lui-même sous peu…), notre Beowulf au masque de fer – c’est le look officiel de son peuple, apparemment – se prépare à une ascension expresse du mont du destin, car il n’a qu’une nuit pour accomplir son exploit, sinon… Il devra revenir à pied, j’imagine. Refusant mâlement l’aide de son sidekick maigrichon (Jujjar), il entame la face Nord de la montagne maudite, et finit par arriver en haut de cette dernière, non sans avoir failli s’écraser en contrebas suite à l’arrivée impromptue d’un condor à deux têtes1.

Une fois sur place, il commence à explorer les cavernes alentour à la recherche de sa proie, mais surprend à la place une vampire Soulblight qui a fait retraite ici afin d’épargner son peuple de ses penchants sanguinaires. La demoiselle n’est initialement pas très avenante envers le barbare qui s’invite chez elle sans y avoir été prié, mais la situation se détend franchement lorsque les deux adversaires finissent par se reconnaître. La buveuse de sang est en effet Nadalya Mzhzhenko, une ancienne camarade/quasi love interest (ils se sont baignés ensemble dans des canaux et se sont écrits des poèmes, c’est dire) du temps où ils servaient tous deux dans les armées des cités libres. Changée en vampire à la suite d’un affrontement contre des Soulblights taquins, Nadalya a choisi l’exil pour éviter que ses fringales persistantes ne causent un carnage parmi ses concitoyens. Elle accepte toutefois d’aider son vieux copain Fall à venir à bout du monstre qui réside dans la montagne, un sort persistant de type tête enflammée, et connue sous le nom de Couronne de Flammes.

La progression jusqu’à la caverne où la Couronne somnole permet aux deux amis, séparés depuis des années et le départ brutal de Fall du service actif, de se rabibocher entre deux combats contre des tourteaux géants, le barbare allant même jusqu’à avouer à la vampire qu’il l’aime toujours, par portes de fer interposées (je simplifie volontairement sinon on en a pour trois pages). Ces considérations romantiques sont toutefois entravées par tout un tas de problèmes bêtement prosaïques mais néanmoins pressants, à commencer par le fait qu’il n’est pas facile de dissiper un sort persistant. Si Nadalya a bien une idée pour ce faire, cela se fera au prix de sa non-vie. Le chevaleresque Fall laissera-t-il sa chère et tendre se tuer à la tâche, alors que c’est à lui que devrait revenir cet honneur ?

Début spoiler…Au final, oui. Mais il faut noter qu’entre cette conclusion tragique et le retour d’un Fall bien cuit jusqu’au bas de la montagne, Noah Van Nguyen nous sert une palanquée de retournements de situation, qui tournent autour du dilemme suivant : c’est Nadalya qui est la vraie proie de Fall, mais il l’aime encore (mais pas autant que son peuple), et elle l’aime encore (elle lui propose même de lui donner le baiser de sang pour qu’ils puissent recommencer leur vie sur un – verre à – pied d’égalité), mais finalement c’est pas possible, mais c’est très triste. Au final, la vampirette finit carbonisée par la Couronne de Flammes – qui elle, continue à persister à ce jour, sauf si j’ai raté quelque chose – ce qui compte comme un succès pour notre héros, mais lui laisse un goût de cendres dans la gorge. Approprié, vous ne trouvez pas ?Fin spoiler

1 : Pour se venger de sa frayeur, il fait son affaire à l’insistant volatile une fois arrivé à bon port, alors que même que ce dernier était passé en mode PNJ donneur de quêtes. Quelque chose me dit que Fall n’a pas été loin dans Skyrim.   

AVIS :

Noah Van Nguyen donne une introduction complexe au personnage de Heldanarr Fall avec ce ‘Crown of Flames’, qui révèle le passé tourmenté et la psychologie tortueuse de ce héros du peuple embarqué dans une lutte sans merci, et bientôt chaotique, contre le colonialisme azyrite. Les multiples retournements de situation du dernier tiers de la nouvelle, et la place très importante que laisse l’auteur à des considérations romantiques (ce qui est assez rare dans la GW-Fiction, faut-il le faire remarquer ?), peuvent dérouter le lecteur habitué au hack & slash qui constitue le gros des publications siglées Age of Sigmar, mais un peu de variété ne peut pas faire de mal (en tout cas, c’est mon avis). On perçoit également en filigrane de cette quête initiatique le soin apporté par Van Nguyen à créer un univers crédible et concret dans lequel ses personnages évoluent, depuis les rites de la tribu de Farr jusqu’à sa période de milicien dans les armées des cites libres de Sigmar, et cela donne plutôt envie de s’embarquer dans le roman dédié à ce nouvel anti-héros de la Black Library. Intrigant.

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Anger and Ash – G. Kloster :

INTRIGUE :

Anger &amp; AshDans la famille, que dis-je, la dynastie Volari, je demande le père (Corsovo), la mère (Vasara) et la fille (Nyssa). Puisque nous parlons ici de vampires, il est à la fois tout à fait et pas du tout approprié de parler de liens du sang, même si cette triade entretient des relations assez proches de celles qui unissent les mortels d’un même foyer. L’histoire commence par la sale blague que joue Nyssa à une bande de maraudeurs nomades rôdant dans les Plaines Brisées, et ayant pris la frêle jouvencelle qu’elle semble être pour une proie facile. GROSSE erreur, bien évidemment, dont pas un ne sortira vivant. Son tour pendable accompli, Nyssa revient au bercail avec ses victimes (sauf une, qu’elle a essayé de transformer en Zombie, avec des résultats aussi décevants qu’à l’accoutumée – ce n’est pas vraiment son point fort dirons-nous), pour le plus grand plaisir de son pôpa, et sous le regard désespéré de sa môman, qui s’obstine à (tenter de) lui enseigner l’art subtil et délicat du swag. En vain jusqu’ici.

Avant que l’intrigue tourne à une vulgaire scène de ménage, l’invité de Corsovo et Vasara, qui sont également les souverains du petit royaume vampirique que quelques Kastelai en rade ont établi dans ce coin d’Aqshy il y a 60 ans, fait son apparition. Il s’agit du seigneur Salvera, Kastelai lui aussi mais franchement brut de décoffrage par rapport à ses hôtes, et vassal assez indépendant/problématique du Trône de la Rose. Le pétillant Salveta est venu convaincre ses suzerains de marcher sur Gowyn, la seule cité des alentours n’ayant pas juré allégeance aux vampires. Si agrandir leur domaine est tout à fait du goût de Corsovo et Vasara, ces derniers se méfient cependant de la coalition de la Bande du Poing (dont les nomades massacrés par Nyssa faisaient partie), qui pourrait profiter du départ de l’ost Kastelai pour aller piller leurs terres sans rencontrer de résistance. Au bout d’intenses tractations, pendant lesquelles Nyssa, laissée sans surveillance par ses parents, s’occupe en bolossant un des chevaliers loup de Salvera1 qui lui avait mal parlé, il est décidé de tenter une approche diplomatique. Vasara et Nyssa iront à la rencontre du chef de la Bande du Poing, Celas, afin d’obtenir son ralliement et ainsi avoir les mains libres pour attaquer Gowyn.

Persuadée de pouvoir gérer les négociations en personne, Vasara laisse sa fille monter la garde à l’extérieur de la yourte de Celas, mais réalise très vite que le fourbe mortel ne l’a pas fait venir pour obtenir le baiser de sang, comme elle le pressentait. Plutôt, sentant sa mort venir, il a cherché à partir sur un coup d’éclat/pari culotté : piéger les émissaires du Trône de la Rose (qui en l’occurrence, réalisent qu’ils sont tombés dans le panneau tapis) ou die trying, avec tout son peuple pour le suivre dans l’au-delà. Car Celas est un peu cabot, et ne supportait pas l’idée qu’on lui survive, apparemment. Dans la confusion qui s’en suit, si Vasara parvient à punir l’arrogant nomade en lui sirotant la jugulaire, elle n’arrive cependant pas à sortir de la yourte avant que cette dernière ne parte en fumée, et elle avec, malgré l’intervention désespérée de Nyssa pour la secourir.

La nouvelle se termine avec une scène père-fille, Corsovo venant remonter le moral de sa teenager en lui promettant que maman finira par ressusciter, et lui remettant l’armure trop stylée que Vasara avait faite faire pour elle en secret. Comme quoi, elle avait bon fond, au fond.

1 : Un nommé Durin : comme quoi il y a des noms qui portent vraiment la poisse quelque soit l’univers de fantasy où on se trouve.

AVIS :

On se retrouve en présence d’une histoire de chevaliers vampires, plus ou moins nobles, plus ou moins impulsifs et plus ou moins famille, qui tient la route mais n’envoie pas vraiment du rêve. L’héroïne principale – ou en tout cas, celle qui survit – n’inspire pas une sympathie démesurée au lecteur, et semble plutôt destinée à une carrière de protagoniste dans un roman pour jeunes adultes (l’ado rebelle qui finit par comprendre que ses parents veulent son bien) que de figure centrale dans une série de GW-Fiction. De plus, le choix de Gary Kloster d’alterner les points de vue à la première personne entre deux personnages tout au long du récit, et celui de la Black Library de ne pas utiliser de marqueurs visuels permettant de comprendre que l’on passe d’une section « Nyssa » à une section « Vasara », ne facilitent pas l’immersion dans le récit (en tous cas au début). Bref, c’est un mouairf franc et massif de ma part.

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The Waste, the Worm and the Witch – G. Kloster :

INTRIGUE :

The Waste, the Worm and the WitchNous retrouvons la vampire Ruinemâne Nyssa Volari peu de temps après les événements de ‘Anger & Ash’ et la perte de sa mère de sang, Vasara, brûlée au dixième degré lors de l’embuscade tendue par les nomades de la bande du Poing. Au grand déplaisir de notre héroïne sanguine, Vasara a décidé d’occuper sa non non-vie à hanter ses pensées et à hurler des choses incohérentes dans sa tête, ce qui menace de faire tomber sa belle-fille dans la folie la plus profonde. Pour ne rien arranger, le petit royaume vampirique gouverné par le père de sang de Nyssa, Corsovo, est menacé par les incursions répétées des Chercheurs de Soleil, une faction humaine un peu trop vertueuse et éclairée au goût des buveurs de sang. La nouvelle s’ouvre ainsi par une escarmouche durant laquelle la schizophrénie galopante de Nyssa l’empêche de mener à bien l’attaque surprise qu’elle avait planifiée, permettant à sa proie, la Lieutenant Takora, d’échapper une nouvelle fois à ses crocs.

De retour au Palais Gris qui sert de capitale au domaine paternel, Nyssa apprend de la bouche de l’un de ses gardes du corps (Erant) qu’il connaît une sorcière ayant le pouvoir de parler avec les morts, et qui pourrait donc aider sa patronne à se débarrasser de sa squateuse mentale. N’ayant plus grand-chose à tuer et du temps à perdre (et l’inverse), Nyssa s’embarque dans cette quête Doctolibesque, accompagnée de ses fidèles gorilles (Erant, donc, et sa comparse Rill). Après un trekk sans histoire ni ravitaillement dans les plaines cendreuses qui entourent le volcan Temero, le trio finit par croiser la route de la sorcière de la décharge1, qui fait son office de PNJ et demande à ce que lui soit remis un croc de verre de boue d’une longueur respectable avant de consentir à aider Nyssa. Les Ruinemânes partent donc sur la zone de farmage de cette noble bestiole, un lac peu profond situé à quelque distance.

Comme on pouvait s’y attendre, la mission n’est pas aussi simple qu’il n’y paraissait sur le papier. Les vers de boue en question sont en effet très coriaces, et ont la sale tendance à faire repousser les extrémités dont les vampires les amputent à grands moulinets d’épée aussi vite qu’ils en sont privés. Cela ne serait pas un gros problème pour des bretteurs de la classe de Nyssa et compagnie si les crocs des individus tailladés n’étaient pas d’une taille insuffisante pour satisfaire à la demande de la sorcière, et ne se dissolvaient pas dans l’air une fois prélevés. Quand ça veut pas, ça veut pas.

Le rapport de force s’inverse lorsque the mother of all mudworms fait son apparition, tel un boss de fin de donjon après que ses minions aient été vaincus. D’une taille bien supérieure à celle de ses congénères, Lombricator a également les crocs, ce qui est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle pour les chasseurs de vampires. Il faudra une coopération sans faille entre Nyssa, Erant et Rill pour parvenir à tronçonner une longueur convenable du ténia géant, dont les dents plantées dans le bras de Miss Volari au cours de la bataille resteront heureusement en un seul morceau après que le trio ait pris la poudre d’escampette.

De retour devant la sorcière, Nyssa lui remet la quenotte demandée, et obtient en échange un conseil de psychiatre (« faîtes le deuil de votre perte ») en lieu et place du rite nécromantique trop stylé qu’elle espérait recevoir. Cela chagrine fortement notre héroïne, qui décide de faire goûter à cette charlatan sa propre médecine en lui enfonçant le croc dans la jugulaire, mais s’en trouve empêchée par la disparition soudaine (et salutaire) de cette dernière – la sorcière, pas la molaire. Nyssa se rend cependant compte peu après qu’il y avait de la logique dans la folie de l’enchanteresse, puisque la voix de sa mère semble désormais être consciente de son état, et consent à ne plus hurler « AU FEEEEEEEEEEEUUUUUUUUUU2 » à tout bout de champ, comme elle faisait auparavant. A la place, elle lui prodiguera ses sages conseils depuis l’outre-tombe, comme la mère attentionnée – mais insupportable – qu’elle était jusqu’à son regrettable accident. Pas l’idéal pour une esprit libre comme Nyssa, mais un progrès certain par rapport à sa précédente condition.

1 : Witch of the Waste en V.O., ce qui sonne mieux en plus d’être un clin d’œil au Magicien d’Oz.
2 : Vasara semble également détester cordialement une certaine Lira, qui l’aurait trahie et dont elle souhaite se venger. Il est probable que ce personnage apparaisse dans la suite de la série, je me permets donc de le mentionner ici.

AVIS :

Deuxième épisode des aventures de Nyssa Volari, ‘The Waste…’ se révèle être une side quest sans beaucoup d’intérêt, ce qui est dommage car Gary Kloster aurait pu utiliser cette nouvelle pour contextualiser un peu plus ses personnages, leurs relations et leurs histoires. L’avantage de son approche est qu’il n’y a pas besoin d’avoir lu ‘Anger & Ash’ pour faire sens de cette histoire, mais le résultat n’est pas spectaculaire, ni même très utile pour la suite de la série (à moins que la voix de mommy Vasara joue un rôle par la suite). Si Kloster veut concurrencer le Cado Ezechiar de John French, il va falloir qu’il se donne un peu plus de mal.

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Boss of Bosses – L. Scull :

INTRIGUE :

Boss of BossesCe n’est pas la grande forme pour Gordrakk en ce moment : forcé à abandonner le siège d’Excelsis après l’arrivée de Morathi pour se réfugier dans les collines de Morruk afin de panser ses plaies, le Boss des Boss(es) sait que son emprise sur sa Waaagh ! est plus tenue que jamais. Pour ne rien arranger, il doit composer avec les reproches du chamane Snazzgar Stinkmullet, qui revient le tourmenter depuis l’au-delà en lui reprochant d’avoir tout fait de tra…vert (ce qui est assez approprié pour un Orruk, il faut le souligner). Souhaitant se changer les idées de la seule manière qu’il connaisse, il sort de sa tente pour casser quelques têtes, et montrer à ses boyz qu’il ne vaut mieux pas espérer le remplacer de sitôt. Les premiers à faire les frais de son humeur belliqueuse sont un groupe de soldats d’Excelsis faits prisonniers par les peaux-vertes, auxquels Gordrakk offre la liberté s’ils arrivent à lui entailler le cuir. Beau joueur, il retire son armure, arme ses adversaires et combat à mains nues, ce qui ne l’empêche de faire de la chair à pâté des forces de l’Ordre… jusqu’à ce qu’un Duardin trouve fair play de lui trouer le biceps avec un pistolet qu’un Ironjaw un peu benêt lui avait permis d’utiliser dans cette mêlée ouverte. You know what they say : never bring an Orruk to a gunfight. Bien que le petit malin s’en sorte avec une tête de moins (même si la FER lui donnait raison sur ce coup-là), Gordrakk n’est pas satisfait par cette victoire aux poings et trouve d’autres sparring partners plus à son niveau dans la foule des badauds : d’abord l’Ogor Stinkbelly, puis le Gargant Thromgor. Bilan : un mort, un blessé grave, et un Big Boss plus énervé que jamais.

Avant qu’il n’ait trouvé le moyen de martyriser une Bête Zodiacale dans sa quête d’un opposant digne de lui, Gordrakk est interrompu par l’arrivée du chamane Drooldrop, qui lui annonce qu’il a de la visite. Une délégation de Kruleboyz menée par le chef Skeptis Tongue-eater vient en effet de s’embourber à l’entrée du camp, et demande une audience auprès du Poing de Gork pour lui remettre un cadeau de la part de Gobsprakk en personne. Avant d’aller s’enquérir des desiderata des émissaires de la Bouche de Mork, Gordrakk accomplit deux quêtes secondaires : primo, récupérer son Maw-Crusha Bigteef, qui boudait dans un coin du bivouac, secundo, aller rappeler à son vieux copain Krazz Dredclaw, un Mega-Boss Ironjaw avec des vues sur sa position, si on en croit les rumeurs, qu’il a à l’œil. Ceci fait, notre colérique héros arrive en majesté jusqu’au campement de Skeptis, qui attendait sa venue en dégustant les langues de ses prisonniers, comme son surnom le laissait à penser.

Derrière la déférence de façade qu’il présente à son hôte (qui a après tout le privilège d’entendre les voix de Gork et Mork1), Skeptis dissimule une fourberie digne de son statut de Bosskitu. La couronne enchantée qu’il remet à un Gordrakk d’abord circonspect a en effet été maudite par son Vasomancien, et bien qu’elle commence par apaiser les maux de tête dont souffre le Big Boss (qui rentre fissa au bercail frimer devant ses troupes), elle se révèle bientôt être une nuisance débilitante, s’enfonçant profondément dans le crâne de son porteur et sapant sa force de manière insidieuse. Ayant compris qu’il a été dupé, Gordrakk convoque Drooldrop pour tenter de combattre la magie par la magie, mais le chamane se déclare incompétent (pour changer), et conseille à son patient de faire jouer le service après-vente, c’est à dire aller mettre une rouste à Skeptis. Ce plan d’une simplicité élégante est compliqué par l’arrivée imprévue de Krazz Dredclaw, convaincu par les propos séditieux du Bosskitu de défier son rival pour devenir le Vert Alpha de la Waaagh ! Malgré son état de (relative) faiblesse, Gordrakk fait son affaire au challenger mal inspiré, héritant au passage de quelques blessures supplémentaires. Les emm*rdes volant en espadrilles, Bigteef se révèle être indisposé, la collation de grunta lui ayant été offerte par les Kruleboyz ayant été marinée à la mort aux rats. C’est donc seul et à pied que le Poing de Gork se dirige jusqu’au campement de ses cousins marécageux, bien décidé à régler cette sombre affaire de manière directe et tranchante.

Considérablement affaibli par ses récentes mésaventures, Gordrakk parvient à se frayer un chemin à travers les Eventreurs adverses pour expliquer sa façon de penser à Skeptis, mais connaît un gros passage à vide au moment décisif. Malmené par le bruxodon de compagnie du Bosskitu, il a alors recours à son arme secrète : son karné dadress. Sa connexion privilégiée avec Gorkamorka lui permet d’invoquer inconsciemment la fameuse Main de Gork (ou peut-être de Mork), qui broie la couronne maudite et permet au Boss des Boss de retrouver son prime. Dès lors, il n’y a plus match : le caniche des marais finit en pâté pour squig, et son maître préfère battre prudemment en retraite en jurant qu’il se vengera… jusqu’à ce que Bigteef, lui aussi complètement remis de son intoxication alimentaire, lui tombe sur le râble et le coupe en deux. Faut savoir retirer les gens négatifs de sa vie.

Tout étant rentré dans l’ordre, Gordrakk est libre de faire ce qu’il sait faire de mieux : planifier les prochaines batailles de ses boyz. Et on peut dire qu’il vise haut : inspiré par cette histoire de couronne, il jure de trucider tous les dentistes des Royaumes Mortels, à commencer par Archaon et Sigmar. Il demandera ensuite une revanche à Kragnos pour rétablir la hiérarchie chez les poids lourds de la Destruction. Demandez le programme !

1 : Et de ses deux haches, Krazeuz’ et Ruzée. Et de Snazzgar Stinkmullet. Ce qui commence à faire un sacré paquet de monde. Il faudrait qu’il embauche un Grot de direction pour gérer tous ces voicemails.

AVIS :

Luke Scull donne l’impression d’être un vieux briscard de la Black Library dans ce très convaincant ‘Boss of Bosses’, qui continue sur la lancée des Malign Portents et ‘Kragnos : Avatar of Destruction’ et développe le fluff d’un des personnages majeurs du siège d’Excelsis. Cette lecture m’a furieusement rappelé les passages narratifs des suppléments de jeu pour Hordes et Warmachines, qui développent l’intrigue sous-tendant ces univers, et sont une raison tout à fait valable d’acheter ces bouquins. Cette nouvelle m’a aussi donné envie de me renseigner sur l’arc narratif développé dans la saison de Thondia, sujet qui m’intéressait vaguement auparavant. Une franche réussite pour une première soumission, et une des meilleures nouvelles consacrées aux Orruks que j’ai pu lire depuis le lancement d’Age of Sigmar.

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The Ancestors’ Hall – D. Guymer :

INTRIGUE :

The Ancestors' HallPetite ambiance au festin donné par le roi Aegil Throndiksson pour le Kungstrollen. Cela peut s’expliquer par la moyenne d’âge très élevée des participants, ainsi que par leur faible nombre par rapport à la démesure du grand hall où se tient l’événement. Ah, et puis la bière est fade, et les discours prononcés n’ont pas bougé depuis au moins trois millénaires. L’ambiance « EHPAD pour nabots » est salutairement secouée lorsque les gardiens des portes de la forteresse viennent annoncer au roi et à ses invités que l’impensable vient de se produire : un visiteur s’est présenté à l’accueil. Bouleversée par cette nouveauté, l’auguste assemblée se rue sur ses déambulateurs et fauteuils roulants, et part à la rencontre de ce singulier personnage. En chemin, Aegil semble être sur le point de se souvenir de quelque chose d’important, mais finit par laisser tomber pour se consacrer à son activité favorite : sucrer les fraises.

Enfin, tout ce petit monde arrive à destination, et fait la connaissance de Grombrindal, ou Gotti (« le voyageur » en vieux nainois1), dont le look étincelant aveugle presque les grabataires. Le Nain Blanc se plaint bruyamment du piètre accueil qui lui est fait (pas de bière, quelle honte), et fait mine de partir après avoir regretté qu’elle ne soit pas là. S’il est probable que la légende vivante fasse référence à sa Valaya d’amour, toujours portée disparue depuis la Fin de Temps, Aegil est quant à lui ramené au souvenir de sa femme Helnwyn. Qu’il avait simplement oublié (la classe), après qu’elle ait froncé les sourcils tellement fort qu’elle a implosé, ou quelque chose comme ça. C’était il y a foooort longtemps.

Les trous de mémoire d’Aegil ne sont cependant que le cadet de ses soucis : le roi est d’abord inquiet par ce qui se passera si les portes de sa forteresse sont ouvertes pour permettre à Gotti de sortir, persuadé qu’il est que l’ENNEMI n’attend que ce moment pour envahir son domaine. On ne stoppe toutefois pas aisément Grombrindal, et le baroudeur barbu parvient sans mal à regagner l’air libre, Aegil et sa cour sur les talons. L’occasion pour les troglodytes cacochymes de jeter un œil sur le monde alentour, qu’ils n’ont pas contemplé depuis un petit moment…

Début spoiler…Et ils sont ainsi fort surpris de se rendre compte qu’ils sont à Shyish, comme le visage géant de Nagash qui flotte dans le ciel, dans une imitation grimdark des Teletubbies (son émission préférée, sans doute) permet de l’établir sans contestation possible. Autre révélation majeure : ils sont morts. Gotti a la bonté d’aider son hôte à se souvenir de ce petit mais important détail, ainsi que du rôle qui lui a été confié lorsqu’il a passé l’arme à gauche en combattant les légions de Nurgle à Ghyran, de son vivant : accueillir les âmes des Duardin morts dans sa forteresse. Une tâche qu’Aegil a décidé d’abandonner pour se claquemurer dans son terrier lorsque Nagash a eu sa necro-fringale et a envoyé ses armées assiéger la montagne. Quelques millénaires d’isolation et l’absence d’interactions sociales ont cependant eu un effet déplorable sur l’état cognitif d’Aegil et de ses camarades, comme on a pu le voir plus haut.

Il n’est cependant jamais trop tard pour adopter un mode de (non) vie plus sain, et le vieux roi passe le Rubicon Theodenis2 avec brio, menant ses guerriers à la défense de leur domaine lorsqu’une bande de spectres patibulaires les attaque alors qu’il discutait encore avec Gotti sur le pas de la porte. La nouvelle se termine avec le départ du Nain Blanc, qui affirme vouloir continuer sa tournée des forteresses Duardin de Shyish de l’espoir de la trouver (c’est beau l’amour tout de même), et l’arrivée des cohortes de réfugiés spectraux qui créchaient dans des camps de migrants aux alentours depuis des éons. Enfin un décideur politique qui prend ses responsabilités face au drame de l’immigration. C’est rare en ce moment.Fin spoiler

1 : A ne pas confondre avec Gotye, qui est juste un type qu’on a connu.
2 : Celle-ci est vraiment de niche, mais j’ai bon espoir que mon lectorat la comprendra tout de même.

AVIS :

David Guymer avait prévenu que ses écrits consacrés à Grombrindal (rassemblés en grande partie dans l’anthologie ‘Chronicles of the Wanderer’) ne ressembleraient pas à sa production classique pour la Black Library. On voit avec ‘The Ancestors’ Hall’ qu’il a tenu parole. Toute proportion gardée, on a plus l’impression de lire un passage des ‘Contes & Légendes Inachevés’ que du ‘Seigneur des Anneaux’, tant le propos de cette nouvelle semble se concentrer sur les mythes et croyances des Duardin. Si l’auteur laisse un peu de suspens planer sur la condition d’Aegil Throndiksson et de ses vieux copains, on sent qu’il n’a pas spécialement cherché à écrire une nouvelle à twist final, mais plutôt à donner à voir ce à quoi ressemble la « vie » des Duardin à Shyish. Pour ma part, le résultat final ne m’a pas plus emballé que ça, mais je soupçonne que la meilleure façon d’apprécier ces chroniques est de les lire en entier, plutôt que de se contenter d’une nouvelle individuelle.

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Voilà qui conclut cette revue d’Untamed Realms’, anthologie assez inégale faisant côtoyer le bon (solide trilogie de Richard Strachan, et j’ai été souvent critique du bonhomme, Noah Van Nguyen et Evan Dicken égaux à eux-mêmes, la révélation Luke Scull) et le moins bon (à peu près tout le reste, malheureusement). Ah, et la couverture est mensongère, car aucun Maggotkin de Nurgle ne vient traîner sa bedaine et sa bonne humeur dans ce recueil (tristesse). On se quitte en prophétisant la sortie d’un omnibus du même genre d’ici un an : entre la Dawnbringers Week et l’Age of Sigmar Week, 2023 a déjà du stock…

MYTHS & REVENANTS [AoS]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue de ‘Myths & Revenants, recueil de nouvelles siglées Age of Sigmar publié par la Black Library en 2019. Prenant place entre ‘Gods & Mortals’ (chroniqué ici) et ‘Oaths & Conquests’ (chroniqué ), cet ouvrage rassemble les histoires du Black Library 2018 Advent Calendar et du Summer of Reading 2018, auxquelles sont venues s’ajouter quelques autres courts formats, dont la plupart ont été réédités depuis1 (‘Sacrosanct & Other Stories’, ‘The Hammer & the Eagle’, ‘Thunderstrike & Other Stories’).

Comme l’illustration de couverture l’indique de manière véridique (pour changer), ‘Myths & Revenants’ possède une dominante assez marquée et comporte pas moins de trois nouvelles où les élusifs Idoneth Deepkin (ou leurs animaux de compagnie) tiennent la vedette, et c’est David Annandale qui tient la plume à deux reprises (‘The Sea Taketh’ et ‘The Learning’). Que les fans des Stormcast Eternals se rassurent, leurs gros bébés blindés ne sont pas fortement lésés par le coup de projecteur donné par la BL aux sous-mariniers Aelfs, puisqu’on retrouve les meilleurs de Sigmar dans quatre nouvelles, dont deux où des personnages bien connus de l’habitué (Gardus Steelsoul et Neave Blacktalon) endossent le rôle du protagoniste. Autres VIP de cet opus, Gotrek, Neferata et le Prince Maesa font chacun une apparition dans ces pages.

1 : L’exception étant, à ce jour, la nouvelle ‘The Claw of Memory’ de David Annandale, qui n’est disponible que dans ‘Myths & Revenants’ (en attendant la sortie d’un omnibus consacré à Neferata, sans nul doute).  

Myths &amp; Revenants

En plus de David Guymer, qui signe trois nouvelles et s’impose donc comme le premier contributeur de ‘Myths & Revenants’, C. L. Werner et Josh Reynolds (deux nouvelles chacun), Andy Clark, David Annandale, Evan Dicken, Gav Thorpe, Guy Haley et Nick Kyme complètent le casting de ce recueil. Le tour de table étant terminé, il est temps de plonger dans les profondeurs de cette anthologie, afin de vérifier si le qualificatif de mythique peut bien lui être attribué…

Myths &amp; Revenants

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The Sea Taketh – D. Guymer :

INTRIGUE :

The Sea TakethLes Kharadron sont prêts à toutes les extrémités pour faire du profit, et pour le héros de notre histoire, l’aventurier Ingrdrin ‘The (Code) Rock(s)’ Jonsson, cela se traduit par un peu de plongée sous-marine sur le littoral de Blackfire Bight, en Shyish. Ses dernières pérégrinations l’ont en effet amené à mettre la main sur un carnet de notes skaven, localisant l’emplacement d’une cité du légendaire peuple des Idoneth Deepkin : Aighmar. Flairant une opportunité de s’en mettre plein les poches, il embauche un pêcheur local (Tharril) pour l’emmener jusqu’au lieu où la ville engloutie est sensée se trouver (en tout cas sur le cadastre), et réalise une plongée exploratoire dans son scaphandre dernière génération1, manquant certes de se faire croquer par un allopex affamé, mais réussissant à rassembler quelques artefacts exotiques qu’il espère pouvoir écouler à un bon prix sur le marché de l’occasion.

Cependant, et contrairement à ce qu’il annonce à Tharril et à sa fille Thalia une fois remonté à la surface, sa visite ne s’est pas passée aussi tranquillement que cela, et notre maître Duardin ne tarde pas à mettre les voiles le moteur pour repartir vers l’enclave Kharadron de Toba Lorchai. Bien lui en a pris, car le soir même le petit village reçoit la visite d’une bande d’Idoneth pas vraiment jouasses, menés par un Soulrender sentimental et rien de moins que la Reine de Mor’phann, la possessive Pétra. Ne trouvant rien de très intéressant parmi les cabanes en torchis et les barques à moitié pourries qui constituent tout le patrimoine de cette humble communauté, les Aelfs des abysses font le plein d’âmes et se remettent en chasse, ne laissant que la pauvre Thalia fredonner ‘la maman des poissons… elle est PAS gentilleuuuuh’ auprès des formes comateuses de ses proches anâmiés.

De son côté, Jonnson a beau faire grand train vers Toba Lorchai, dont il espère que la solide enceinte et la forte garnison décourageront les précédents propriétaires de son loot de venir porter plainte, il se doute bien que les Idoneth ne lâcheront pas l’affaire de sitôt, comme la persistance d’un vague (haha) écho et les relents tenaces de poisson avarié qui le suivent partout le laissent envisager. Son premier réflexe une fois arrivé à bon port est de faire un crochet par la boutique de Murrag, une chineuse d’antiquités Ogor avec laquelle il est en affaires depuis des années, afin de lui remettre son butin ainsi que le carnet avec l’emplacement d’Aighmar. Lui-même n’aspire plus qu’à prendre l’air à bord de son dirigeable et laisser l’océan de Shyish loin derrière, mais à son grand regret, sa receleuse se contente de prendre ses babioles ouvragées, et lui laisse le bout de corail noir qu’il avait également ramassé pendant sa plongée en paiement de ses services. Bien que percevant l’aura magique entourant cet artefact, ce qui ne manque pas de le mettre mal à l’aise, Jonnson ne peut se résigner à l’abandonner dans la première poubelle venue : en tant que Kharadron, il en va de son honneur, non de son devoir, de tirer profit de ce caillou enchanté.

Il repart donc en direction des quais de Toba Lorchai, mais n’y arrive pas avant que les Idoneth aient lancé leur attaque sur la cité. Les habitants du cru ne se laissent pas faire et ripostent bellement, permettant à Jonnson et son équipage de tirer leur révérence dans la confusion des combats ; une fois la sécurité de la troposphère atteinte, notre héros miraculé reconsidère ses priorités et décide finalement de balancer ses derniers souvenirs d’Aighmar par dessus-bord…

Début spoiler…C’était toute fois sans compter l’arrivée soudaine d’un leviadon et de tout un escadron de créatures marines très à l’aise dans les courants atmosphériques. Malgré l’héroïque résistance que leur oppose l’équipage du dirigeable, les Idoneth n’ont aucun mal à aborder le frêle esquif et à rentrer en possession de leurs biens. Comme Pétra l’explique aimablement à Jonnson avant de lui prendre son âme en dédommagement des préjudices subis, ce que le Kharadron avait pris pour un simple morceau de corail était en fait un éclat du chorrileum d’Aighmar, et contenait une partie des âmes des anciens habitants de l’enclave. Il était donc hors de question de le laisser entre les doigts boudinés d’un Duardin cupide, alors que le reste des artefacts volés par Jonsson n’intéressait ironiquement que très moyennement les Idoneth. Morale de l’histoire : la marée n’est pas prêteuse, c’est là son moindre défaut. Fin spoiler

1 : Il a même l’eauto-radio, c’est dire.

AVIS :

David Guymer nous livre une parfaite introduction aux Idoneth Deepkin avec ‘The Sea Taketh’, mettant en scène de manière inspirée et atmosphérique l’approche particulière que les Aelfs sous-marins ont de la guerre et leurs rapports de semi-ostracie avec le monde de la surface. Le choix de Guymer de raconter cette histoire du point de vue du pillard traqué par les Idoneth permet à ces derniers de conserver leur aura d’étrangeté et s’avère être une décision judicieuse d’un point de vue narratif. J’ai également apprécié le phénomène des « acouphènes marins » qui frappe le héros après son forfait, trouvaille intéressante pour faire comprendre au lecteur que s’éloigner de la côte n’est pas une solution pour échapper à la vengeance des militants Sea Shepherds des Royaumes Mortels. Enfin, il se donne la peine d’intégrer au récit les caractéristiques propres de l’enclave Mor’phann que sont le talent inné de ses Soulrenders pour rescuciter les Namarti, et la brume glacée que les parties de chasse de cette faction invoquent pour fondre sur leurs proies sans se faire repérer, ce qui est une attention touchante pour son lectorat de fluffistes. Une vraie réussite, qui donne envie de se donner sur les autres travaux océaniques de cet auteur, à commencer par son roman ‘The Court of the Blind King’.

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Blacktalon: When Cornered – A. Clark :

INTRIGUE :

When CorneredJe suis sûr que vous vous êtes déjà retrouvé dans une situation où vous avez été coiffé sur le poteau par un quidam quelconque (à la caisse du Super U par une petite mamie, ou pour l’accès à une place de parking par un automobiliste sans vergogne). On peut tous admettre ici que, malgré le fait que ce soit très pénible et qu’il faille prendre sur soi pour ne pas créer un esclandre, il serait malvenu de laisser ses penchants de primate territorial s’exprimer. C’est à peu près la situation dans laquelle se retrouve la Knight-Zepyhros et chasseresse en chef de Sigmar, Neave Blacktalon, après que la proie après laquelle elle courrait depuis six mois, le sorcier de Tzeentch Xelkyn Xerkanos, se soit fait alpaguer par l’armée du Thane Halgrimmsson, alors qu’il rôdait dans l’arrière-pays chamoniard (il préparait l’UTMB, sans doute).

On pourrait penser que la coopération serait naturelle entre la Stormcast et les Duardin, mais comme les deux camps ont choisi de miser sur les raisons de détester Xerkanos (il a tué le roi Halgrimm, père du Thane, ainsi que bon nombre de ses guerriers du côté des petits barbus, et a commis une litanie de massacres et de déprédations qui ont conduit le grand barbu à le mettre sur sa to kill list du côté de Blacktalon) plutôt que de développer leurs talents de diplomate au moment d’établir leur fiche de personnage, le problème est loin d’être résolu pour les forces de l’Ordre. Un fragile accord a été négocié de haute lutte, selon lequel Xerkanos sera ramené à la forteresse des Duardin pour être formellement jugé, mais il reviendra à Blacktalon d’exécuter le sorcier une fois la sentence prononcée. Comme personne n’est dans le fond satisfait de cette négociation, les premières pages de la nouvelle voient Halgrimmsson et Blacktalon palabrer comme des marchands de tapis sur la route qui ramène l’armée du Thane en direction de la petite ville de Lightsdawn, étape obligatoire avant d’arriver au karak du clan. N’ayant pas réussi à convaincre son interlocuteur de régler une bonne fois pour toute son compte au mage à tête de libellule qui se lamente dans une charriote en queue de peloton, l’opiniâtre Stormcast décide d’aller se passer les nerfs en allant se moquer du prisonnier (pas très classe, mais elle ne l’est pas). Avant de se faire gentiment jeter par les Brise Fer qui gardent la roulotte, agacés à juste titre par les jurons démoniaques que Blacktalon fait pousser à Xerkanos à force de punchlines, notre héroïne acquiert la certitude grâce à ses sens trop trop aiguisés que le sorcier fomente une tentative d’évasion. D’ailleurs, elle l’a vu cacher une écharde de bois dans ses robes, ce qui lui sera sans doute utile pour forcer ses chaînes… ou se curer les dents. En tous cas, elle décide très intelligemment de garder cette information pour elle et de ne pas intervenir sur le moment, certaine de sa capacité à vaincre le faquin s’il devait avoir la bonne idée de sortir de sa cage un peu trop tôt…

Lorsque la colonne éprouvée finit par arriver en vue de Lightsdawn, les super pouvoirs sensoriels de Blacktalon lui permettent à nouveau de déceler que quelque chose ne tourne pas rond chez les miliciens qui patientent sur le chemin de ronde pendant que les Duardin approchent par la route. Cette fois-ci, elle juge bon de prévenir Halgrimmsson, mais ce dernier a décidé de faire sa mauvaise tête, sûrement fâché qu’elle soit toujours plus grande que lui alors qu’il se déplace sur un bouclier porté par ses Longues Barbes, Abraracourcix-style. Il ne claque donc pas de PC pour donner une défense en règle à ses troupes alors qu’elles entrent dans la ville, ce qui a bien sûr des conséquences tragiques à très court terme. Un terrible cri se fait entendre alors que l’armée chemine sur la grand rue, d’une puissance telle qu’il incapacite les Duardin (et leurs tympans fragiles) pendant quelques instants, permettant aux cultistes (avec boules Quies) qui avaient pris la place des véritables gardes de Lightsdawn de passer à l’attaque sans rencontrer de résistance.

Grâce à sa constitution supérieure, Blacktalon récupère plus vite que ses alliés, et se rue en direction du wagon où est retenu Xerkanos afin de l’empêcher de s’enfuir à nouveau, jugeant assez logiquement que l’embuscade a été montée par des disciples du sorcier. À sa grande surprise, comme à celle de sa proie, il s’avère en fait qu’une nouvelle faction s’est jointe aux réjouissances : le culte slaaneshi du Sixième Tourment. Cette bande de chercheurs (nerds) menée par le supersonique Achylla – et sa grande gu*ule – en a après le sang de Xernakos, ingrédient indispensable à la conclusion d’un rituel qui leur permettrait de localiser enfin leur divinité disparue. Blacktalon se retrouve alors confrontée à un dilemme épineux : faire la peau à sa cible en profitant de la confusion ambiante, mais courir le risque de permettre aux hédonistes de parvenir à leurs fins (la Knight Zephyros ne se berçant pas d’illusions sur sa capacité à empêcher les cultistes à récupérer le cadavre du sorcier), ou agir comme babysitter de son ennemi mortel, afin de mettre en échec les sinistres plans d’Achylla ?

C’est finalement la deuxième option qui s’impose lorsque ce rusé de Xernakos décide de filer en mode kamikaze jusqu’au temple de Sigmar où il sait que ses disciples ont caché une amulette de téléportation. Protégé bon an mal an par Blacktalon, qui lui court après et laisse les Duardin se débrouiller tout seul, le sorcier parvient jusqu’au saint édifice, où l’attend Achylla et sa garde rapprochée. Big Mouth avait mis une de ses six mains sur l’amulette planquée par les suivants de Xernakos, mais son air suffisant est rapidement effacé par l’énorme uppercut que lui colle Blacktalon après qu’il ait commencé à monologuer comme un méchant de série B. Dans la cohue qui s’en suit, le facteur X parvient à récupérer son bien et à fausser compagnie à tous ses haters, laissant Blackie de trèèèès mauvaise humeur. On souhaite bon courage à Achylla et à ses mauvais bougres dans leur future explication de texte avec une Stormcast Eternal en rogne…

AVIS :

Nous tenons avec ce ‘Blacktalon : When Cornered’ une solide introduction au roman ‘First Mark’ consacré par le même Andy Clark à la (suite de la) traque du sorcier XX par l’infatigable chasseresse. Combinant une bonne présentation, tant sur le plan physique (sens super développés, vitesse éclair, force colossale) que mental (obsession pour ses missions, jusqu’à la mise en danger d’elle-même et d’autrui pour arriver à ses fins) de son héroïne avec quelques scènes d’action bien mises en scène, et un peu de tourisme dans un coin bucolique de Chamon1, ce prequel donne plutôt envie de lire la suite, ce qui est bien tout ce que lui demande. Le seul léger grief que je ferai à Clark est le manque de développement dont il fait bénéficier son antagoniste dans ces quelques pages : mis à part son look d’insecte et son côté savonnette, on n’apprend pas grand-chose sur Xernakos et n’avons donc pas de raison de nous attacher particulièrement à lui. J’espère qu’il apparaît plus à son avantage dans ‘First Mark’.

1 : Je suis un peu triste que les mystérieux croquemitaines nocturnes locaux n’ait joué aucun rôle dans la nouvelle, mais peut-être qu’ils apparaissent dans le roman…

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Acts of Sacrifice – E. Dicken :

INTRIGUE :

Acts of SacrificeLa situation n’est pas fameuse pour les templiers de l’ordre de l’Étoile Ardente, dédié à cette bonne vieille Myrmidia. Assiégés dans leur forteresse par la horde de Sulkotha Godspite, championne de Khorne au physique impressionnant, ils ont résisté avec vaillance pendant des semaines mais la sauvagerie et le nombre de leurs adversaires ne laissent que peu d’espoir aux derniers rescapés quant à la conclusion de cet affrontement. Leur Grand Maître (Vaskar) tombé au champ d’honneur la veille, et sans aucune nouvelle de l’émissaire dépêché en début de siège quérir l’aide des Fyreslayers de la Loge Hermdar, la commandante par intérim Anaea se résout à tenter le tout pour le tout et à monter une sortie pour rejoindre le Drakemount, un autre bastion de l’ordre situé à quelques jours de voyage sur le plateau de Flamescar. Malgré la réticence de son second Karon, un chevalier old school tout prêt à donner sa vie pour l’honneur et la gloire dans un dernier carré futile, Anaea convainc ses troupes d’abandonner aux Khorneux la possession du terrain, et les Myrmidions se lancent à l’assaut des barbares braillards, juchés sur leurs fidèles demidroths.

Au prix d’une mêlée furieuse pendant laquelle Karon et Godspite croisent le fer et l’indispensable Anaea récupère la bannière de l’ordre au moment où elle allait tomber 1) par terre et 2) à l’ennemi, les templiers parviennent à transpercer les lignes ennemies et à s’enfuir dans le Désert de Verre, gardant l’accès au Drakemount. Le voyage est éprouvant pour les chevaliers lézardiers, plus d’un succombant à ses blessures ou à l’impitoyable soleil d’Aqshy, tandis que les meutes de molosses mutants (check l’allitération) que Godspite utilise comme éclaireurs harcèlent les rescapés. Lorsque la forteresse tant attendue se profile enfin à l’horizon, Anaea entraîne ses troupes dans un dernier élan vers la sécurité du bastion allié, où ils pourront enfin se reposer avant que les hostilités recommencent…

Début spoiler…Mais c’était sans compter sur l’omniprésence de l’ennemi (on ne l’appelle pas Chaos universel pour rien), qui a attaqué la forteresse et passé sa garnison par l’épée il y a de cela plusieurs mois, à en juger par l’état des cadavres que les templiers découvrent sur place. La horde de Godspite n’étant qu’à quelques heures de marche du Drakemount, et sans autre plan de rechange à disposition, c’est au tour de Karon de faire valoir ses arguments, et de résoudre ses compagnons d’armes de vendre chèrement leur vie dans les ruines de la citadelle. Cette décision suicidaire n’est toutefois pas du goût d’Anaea, déterminée à faire survivre son ordre à tout prix, et en solitaire s’il le faut. Cette traditionaliste acharnée s’éclipse donc par une poterne (toujours avec sa précieuse bannière, parce que why not) avant l’arrivée des Khorneux, et bien qu’elle doive rabrouer quelques vilains doggos en route vers sa prochaine destination, elle parvient à nouveau à s’échapper de la nasse chaotique. La nouvelle s’achève sur sa contemplation, forcément morne et déchirante, de l’ultime bataille livrée par son ordre, avant qu’elle ne reparte en direction d’un nouveau foyer. Que font les Stormcast Eternals quand on a besoin d’eux ?Fin spoiler

AVIS :

Acts of Sacrifice’ fait partie de ces nouvelles qui se terminent et laissent un fort goût d’inachevé à leurs lecteurs. C’est d’autant plus dommage qu’Evan Dicken avait réussi à rendre intéressant son histoire de dernier carré désespéré, notamment grâce à une personnification réussie des personnages principaux. La terrible Sulkotha Godspite (et sa chaîne magique) n’aura donc pas le droit au combat épique auquel elle semblait pourtant promise, ce qui est particulièrement dommage. Même si l’histoire racontée par Dicken tient la route, et offre même une variété bienvenue par rapport aux happy/glorious endings qui forment la majorité du corpus de la GW-Fiction, je reste convaincu que la conclusion aurait pu et dû être plus soignée, pour un résultat plus satisfaisant1.

1 : À moins qu’il ne s’agisse d’une sorte de prologue à un arc plus large, au cours duquel Anaea aurait la chance de se venger de sa Némésis. Mais pour le moment, rien de tel n’a été publié ou annoncé par la Black Library.

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The Claw of Memory – D. Annandale :

INTRIGUE :

Neferata tient conclave dans sa capitale de Nulahmia, et a rassemblé les plus fins esprits de son royaume pour discourir de sujets d’importance, comme l’opposition entre mémoire et histoire (oui, c’est chiant). Parmi l’auguste assemblée, un érudit mortel du nom d’Alrecht Verdurin s’éclipse discrètement pour faire une pause technique, ou du moins veut-il le faire croire à son hôtesse. Une fois sorti de l’hémicycle, il se dirige en effet dans une tout autre direction que celle des toilettes, et s’enfonce dans les couloirs labyrinthiques du Palais des Sept Vautours.

Cette expédition très peu protocolaire est motivée par un besoin tout aussi pressant qu’une vessie trop pleine pour Alrecht : accomplir une quête familiale. Notre homme est en effet le lointain descendant d’un certain Karlet Verdurin, invité en son temps à un autre café phil-os par Neferata, et qui profita de sa visite pour voler une page d’un grimoire de la bibliothèque personnelle de la Necrarque du Sang. Ecrite dans une langue inconnue, et restée non traduite à ce jour malgré les diligents efforts de ses héritiers, cette page (sans doute jaune) a joué un rôle majeur dans la vie des Verdurin, et Alrecht compte bien être celui qui égalera l’exploit de son grand-pépé, en retrouvant le chemin de la bibliothèque secrète, et en ramenant à son tour un petit souvenir. Pour mettre toutes les chances de son côté, il a décidé d’amener la page en question avec lui, et grand bien lui en a pris car cette dernière agit comme un GPS et le guide dans le dédale souterrain, jusqu’à ce qu’il finisse par arriver à bon port.

Il aurait cependant dû se douter que tout cela était bien trop facile, et Neferata en personne ne tarde pas à venir lui tenir compagnie, escortée par un Glaivewraith Stalker avec gravé « To Verdurin, with love, XXX » sur le crâne. Très possessive de ses effets personnels, la monarque vampirique n’avait manqué de remarquer le vol dont elle avait été la victime il y a plusieurs siècles, et se montre enchantée de pouvoir enfin remettre la main sur la page manquante (qui devait l’empêcher de terminer sa liste d’armée à AoS, nul doute). Alrecht, quant à lui, devine qu’il va devoir expier le crime de son ancêtre, et décampe sans demander son reste, laissant derrière lui le précieux vélin. Ne se faisant pas d’illusion sur sa capacité à distancer ou à terrasser un Glaivewraith Stalker, il chevauche à bride abattue vers sa demeure, et prend la plume dès son retour pour consigner par écrit sa triste histoire, afin que son jeune fils Lorron puisse en prendre connaissance lorsqu’il sera devenu adulte.

Malheureusement, son assassin spectral défonce la porte avant qu’il n’ait terminé son premier jet, et ramasse sa copie (et son âme avec) sans cérémonie. Neferata, qui avait décidément beaucoup de temps libre en ce moment, a également fait le déplacement, et va s’entretenir avec un Lorron réveillé en sursaut par le meurtre sauvage de son père et les lamentations de sa mère. En visiteuse aimable, elle n’a pas manqué de ramener un petit cadeau à ses hôtes…

Début spoiler…En l’occurrence, une nouvelle page tirée de sa bibliothèque secrète, qu’elle confie à Lorron en lui enjoignant de la déchiffrer lorsqu’il aura grandi, et de venir ensuite lui rendre visite. Ce que l’enfant ne peut pas savoir, c’est que la page a été écrite avec des emojis nehekhariens, et ne veut donc strictement rien dire. Cette peste de Neferata compte ainsi pourrir la vie de Lorron et de ses descendants avec cette énigme insoluble et blague d’un goût douteux, afin de se venger pour de bon du vol de Karlet. La mesquinerie des vampires ne connaît pas de limite…Fin spoiler

AVIS :

On savait que Neferata était très très très rusée et très très très manipulatrice (cf toutes les autres nouvelles que lui a consacré David Annandale), mais on ne l’avait pas encore vue être très très très revancharde. C’est maintenant chose faite avec cette petite nouvelle, qui comme d’habitude apporte un peu de fluff sur Neferatia… et pas grand-chose d’autre. La question est : était-ce vraiment nécessaire, ou cela était-il suffisamment clairement induit par le reste du corpus neferatesque pour être parfaitement inutile ? Je ne crois pas avoir besoin de répondre.

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The Learning – D. Guymer :

INTRIGUE :

The LearningNous suivons l’apprentissage difficile d’Ubraich, un jeune Idoneth ayant gagné à la loterie des profondeurs et étant né avec une âme (et des yeux), et placé par sa mère en internat au temple isharann le plus proche après que son potentiel de mage ait été découvert. Ayant tapé dans l’œil d’un Embailleur (ce qui est délicieusement ironique) du nom de Giléan aux Six Yeux pendant ses études, Ubraich se fait rituellement taillader le visage par son futur tuteur pendant la journée porte ouverte organisée par Giléan dans la piaule de son futur apprenti. Car chez les Idoneth, on ne choisit pas de faire des études, ce sont les études qui débarquent chez vous par effraction et animées de mauvaises intentions. Peine de mort pour les redoublants, je suis sûr. Le vieux maître est une peau de vache de mer, mais parvient tout de même à former son apprenti de manière convenable avant qu’un tragique accident de domptage de deepmare rétive (comme toutes les deepmares) ne vienne mettre un terme sanglant et définitif à sa carrière. Son sacrifice permettra toutefois à Ubraich de terminer de mater l’acariâtre bestiole, pour le compte de la tout aussi acariâtre Dame Sithilien, qui désirait une monture digne de ce nom pour frimer parmi la jet set des profondeurs.

20 ans plus tard, nous retrouvons Ubraich, devenu maître Embailleur à son tour et formant trois apprentis (Irimé, Flowain et Valhanir) alors qu’il se masse une cuisse douloureuse dans le confort de sa moule de compagnie. Il s’agit d’une des séquelles que notre héros a hérité lors de sa confrontation avec la deepmare de Sithilien, et qui n’a jamais guéri (fun fact : les Idoneth cicatrisent très mal). Alors qu’il regarde du coin de l’œil ses pupilles (ça aussi, c’est pas mal comme calembour) tabasser un pauvre allopex avec les matraques électriques qui sont l’outil principal des Embailleurs, il est surpris par l’arrivée de sa vieille amie with benefits (fun fact : les Idoneth sont libertins), qui lui apporte des nouvelles intéressantes du vaste monde. Une deepmare d’une taille prodigieuse aurait été aperçue près de l’enclave de Dwy-Hor, et comme Ubraich s’est donné pour but de devenir la référence absolue de la profession, il ne peut pas passer à côté de cette occasion de surpasser son maître en capturant ce léviathan. Dwy-Hor n’étant pas la porte d’à côté, une telle expédition ne pourra se faire sans l’appui d’un patron influent, et Sithilien accepte noblement de prêter sa petite armée de Namasti à son concessionnaire favori. Tout ce beau monde se met en route, et au bout d’un voyage éprouvant, parvient à l’endroit où la bête fabuleuse a été repérée.

Grâce aux pouvoirs mystiques des Embailleurs, qui peuvent pister une âme à partir de la morsure laissée dans un bout de bidoche (c’est fort), les chasseurs ne mettent guère de temps à localiser l’antre de la deepmare, qui se révèle être en effet d’un fort beau gabarit (trois fois la taille de la monture de Sithilien). L’opération de capture commence, et comme prévu, un grand nombre de Namasti connaît une mort horrible en détournant l’attention de la bête pour le compte de leurs patrons. Confiant dans sa maîtrise du bâton de berger, Ubraich nage en douce jusqu’à la tête du monstre et lui assène un coup bien placé qui lui réduit un œil en bouillie (ce qui fait partie du protocole classique de domptage chez les Idoneth, je vous rassure). Encore un, et l’affaire sera dans le sac…

Début spoiler…Sauf que la deepmare en question dispose d’un système nerveux particulier, qui la rend insensible à la vague de douleur indicible qui incapacite en temps normal les êtres vivants frappés par une crosse d’Embailleur. Elle est seulement très mécontente d’avoir été éborgnée par l’Aelf en calbute qui essaie maintenant de s’éloigner frénétiquement en brasse coulée, et on peut la comprendre. Ubraich essaie bien d’appeler à l’aide son apprentie la plus proche pour qu’elle utilise ses pouvoirs pour empapaouter la bestiole vengeresse le temps qu’il se mette à l’abri, mais cette fourbe d’Irimé, aussi avide de gloire qu’Ubraich l’était à son âge, ignore malencontreusement les instructions de son maître et ce dernier se fait promptement déchiqueter par la deepmare. Moralité de l’histoire : le dialogue intergénérationnel est vraiment rompu chez les Idoneth…Fin spoiler

AVIS :

Je ne sais pas pour vous, mais de toutes les factions développées par Games Workshop à ce jour, j’ai trouvé les Idoneth Deepkin les plus complexes à comprendre (mes avocats me disent que je dois préciser ici que je n’ai pas lu le Battle Tome de cette armée). Outre le fait que leur existence sous-marine me fait poser un tas de question pratico-pratique qui sont rarement évoquées dans la GW-Fiction, le lexique qu’il faut maitriser pour ne rien rater de leurs pérégrinations aquatiques est particulièrement riche. Certes, il est souvent possible de laisser sa curiosité insatisfaite devant un mot incongru écrit en italiques (on peut vivre sans savoir comme les Idoneth appellent leurs pinces à bigorneau), mais il est au contraire parfois essentiel de faire de la recherche appliquée pour ne pas passer à côté d’un élément important de la résolution d’une intrigue.

Je me suis fendu de ce paragraphe de contexte pour pouvoir décerner à ‘The Learning’ la palme (de plongée) de la nouvelle Idoneth Deepkin la plus accessible – ce qui est bien – et la plus didactique – ce qui est mieux – du catalogue de la BL à ce jour. Avec un titre et un sujet pareils, vous me direz que c’est assez logique, et vous aurez raison, mais les contributeurs de la Black Library ne sont pas tous égaux au moment de prendre la plume, et je suis sûr que d’autres que David Guymer auraient sombré dans les abysses sombres et glacées du « cf le Battle Tome » s’ils avaient écrit cette histoire. Rien de tout ça ici, la culture si particulière de cette faction étant présentée avec le bon niveau d’immersion (lol) et de pédagogie, ce qui permet d’en apprendre beaucoup sur les Aelfs des mers en l’espace de quelques pages. C’est là la première qualité de ‘The Learning’, mais l’histoire en elle-même est loin d’être mauvaise (on a le droit à un twist final bien senti, c’est déjà ça), même si son intrigue est d’une simplicité consommée. Bref, j’en recommande la lecture à tous ceux qui veulent découvrir les ID dans les meilleures conditions.

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The Lightning Golem – N. Kyme :

INTRIGUE :

The Lightning GolemLe Lord-Veritant Issakian Swordborne a un but dans les vies1, mettre la main sur un sorcier de Tzeentch lui étant apparu dans un rêve, sous la forme d’un homme à tête de corbeau. Cette quête obsessionnelle l’a mené à traverser les Royaumes Mortels à la recherche d’indices pouvant lui permettre de remonter la piste de sa proie, parfois comme membre d’une expédition de Stormcast Eternals, et parfois comme un poor lonesome lantern boy. Au début de notre histoire, il assiste ainsi un ost mené par le Lord-Celestant Vasselius Ironshield dans la purge d’une tribu de maraudeurs inféodés à Tzeentch, dans les décombres brumeux de la ville d’Harobard. Ayant perdu sa fidèle gryph-hound Rassia à cause d’une flèche malheureuse décochée par un cultiste emplumé, Issakian passe sa rage sur quelques mobs malchanceux, avant de repartir à la chasse aux présages mystiques dans les ruines de la cité « libérée » par ses petits copains en sigmarite. Il fait alors la rencontre d’une fillette égarée, qui lui fait regarder dans son zootrope (et pas son Zoanthrope) avant de disparaître mystérieusement, ce qui n’est pas du tout suspect, bien sûr. Qu’importe, on apprend par le biais de cet incident que l’Invocateur alias le Corbeau Pourpre (la cible de notre héros) est de mèche avec un golem de foudre, et que ce dernier pourrait bien être trop fort pour le night-clad king, qui est… Konrad Curze Batman Johnny Cash Issakian. Suivez un peu.

Après avoir passé une dernière nuit d’amour dans les bras de la farouche Agrevaine (qui sert dans l’ost de Vasselius), et refusé catégoriquement qu’elle l’accompagne dans la suite de sa quête, sous prétexte que c’est trop dangereux et qu’il ne pourrait se pardonner qu’un camarade tombe en l’aidant à poursuivre sa lubie, Issakian part en direction d’une montagne à la forme d’une main griffue (c’est pas beau de copier sur les copains2) qu’il a vue dans un rêve. Ce qui est pratique. Et avec une escorte de huit Stormcast Eternals. Ce qui est en totale contradiction avec ce qui vient d’être dit. Trois ellipses plus tard, le groupe a été divisé par deux, mais a au moins atteint une caverne où les attendait le Roi Liche un squelette de guerrier assis sur un trône. Pendant que ses compagnons fouillent les lieux, le revenant constipé s’anime brusquement et enjoint Issakian à faire immédiatement demi-tour sous peine de devenir le prochain snack du golem de foudre. Notre héros proteste mâlement de sa vaillante vaillance, et parvient presque à convaincre l’ancien de lui donner un indice sur la prochaine étape de sa traque, lorsqu’un duo de Stonehorns se manifeste (c’était chez eux, en fait), et réduit les intrus en pastramis. Game over pour Issakian, mais comme il lui restait encore plusieurs vies, ce n’est que partie remise pour l’obsessionnel Lord-Veritant.

On le suit donc à travers deux aventures successives, la première sur une frégate Kharadron qu’il a engagée pour l’amener dans un Portail de Royaume instable et colonisé par une nuée de Harpies (sans grande surprise, ça se finit mal), et la seconde en compagnie de rangers Aelfs, alors qu’il tente de se rendre dans une tour inversée plantée au milieu de la lande shyishoise. Alors que le groupe était sur le point de se faire submerger par une horde de Goules et leur Terrorgheist de compagnie, une troupe de Vanguard Palladors tombe des nues pour prêter main forte aux aventuriers. Heureux hasard, l’escadron est mené par Agrevaine, qui est montée dans les rangs depuis sa dernière rencontre avec Issakian. Malheureusement pour elle, son ancien amant a pris trop de coups de marteau sur la caboche à force de Reforges successives pour se souvenir de grand-chose de leur ancienne proximité, et refuse de se détourner de sa lubie quand elle lui propose de participer à une petite campagne nécrocide, comme à la belle époque.

Finalement, Issakian finit par entrer dans le donjon tant recherché, où l’attend une vieille connaissance…

Début spoiler…La petite fille au zootrope, qui n’était en fait qu’une des apparences du fameux Conjureur. Pas plus Magister de Tzeentch que vous ou moi, ce dernier est en fait un nécromant avec un canari souffreteux (le fameux Corbeau Pourpre), cherchant à étudier le phénomène de persistance des Stormcast Eternals. Il lui fallait donc un sujet d’expérimentation, et Issakian fera très bien l’affaire, bien qu’il ait mis des plombes à arriver jusqu’au laboratoire du savant fou. Piégé à son insu dans un cercle runique, puis réduit en cendres foudre par magie, le Lord Veritant se transforme finalement en bobine Tesla, accomplissant la prophétie qui l’avait hanté depuis toutes ces années. Moralité : ne poursuivez pas vos rêves, vous risqueriez de les réaliser…Fin spoiler

1 : C’est ça l’avantage d’être un Stormcast Eternal, on peut se permettre de se prendre un nombre indécent d’échecs critiques dans la tête, sans payer le prix fort pour sa propre nullité.
2 : Voir la série ‘At the Sign of the Brazen Claw’ de Guy Haley.

AVIS :

The Lightning Golem’ est une nouvelle à rebondissement, mais dans un sens un peu particulier. Il s’y passe certes des choses (beaucoup de choses même), mais ce qualificatif s’attache ici plus à mon niveau d’intérêt pour l’histoire déroulée par Nick Kyme, qui a fluctué entre le très bas et le modérément élevé depuis le titre (« j’espère que ça sera une histoire sur les conséquences de la Reforge des Stormcast Eternals ! ») jusqu’à sa conclusion (« bon bah ça parlait en partie de la Reforge, mais c’était surtout très haché et peu développé »).

Au fur et à mesure que les péripéties s’enchaînent de manière brutale, et que les personnages accompagnant le très buté Issakian Swordborne défilent, on comprend ce que Kyme a souhaité faire avec cette nouvelle, mais il lui manque malheureusement un peu de métier en tant qu’écrivain pour arriver à faire prendre la sauce. Les ellipses d’une vie à l’autre de son héros sont ainsi plutôt longues, mais assez répétitives et redondantes, en ce qu’elles n’apportent pas grand-chose de plus au récit une fois que le lecteur a compris qu’Issakian ne lâcherait jamais son idée, quoi qu’il lui en coûte. J’aurais trouvé intéressant que l’idée du narrateur non fiable, un classique de la littérature, soit mise à profit pour illustrer les effets débilitants de la Reforge sur la mémoire des Stormcast Eternals, mais cette piste n’est malheureusement pas exploitée ici.

Quant à la conclusion, qui se devait d’être percutante après le mal que s’est donné Nick Kyme pour ménager le suspens quant à l’identité de l’Invocateur et du Corbeau Pourpre, elle est expédiée en deux paragraphes, et n’a absolument rien de satisfaisant. Malgré le fait que ‘The Lightning Golem’ soit sans doute l’une des soumissions les plus intéressantes de Kyme, qui a véritablement tenté de sortir du moule de la nouvelle classique de GW-Fiction, le résultat n’est pas suffisamment abouti pour que je la considère comme une réussite.

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The Sands of Grief – G. Haley :

INTRIGUE :

The Sands of GriefNous retrouvons la trace du Prince Maesa, toujours accompagné de sa mascotte de poche Shattercap, dans la cité de Glymmsforge, métropole sigmarite sise dans le Royaume de Shyish, alors que Sa Hautesse Sublissime termine les emplettes nécessaires à la prochaine étape de son voyage orphique. Toujours fermement décidé à résusciter sa bien-aîmée Ellamar, qui est morte avant de lui dire où elle avait rangé les piles pour la télécommande, le noble Wanderer s’apprête à braver les étendues sauvages du Royaume de la Mort à la recherche d’un sable bien particulier. La sagesse populaire veut en effet que toute vie des Royaumes Mortels trouve un écho dans le désert de Zircona et se cristallise sous la forme de grains de sable colorés. Celui qui parvient à collecter tout le sable de vie d’un individu et à l’enfermer dans un sablier arcanique aura le pouvoir de rendre l’être en question immortel, tant que le sable ne se sera pas totalement écoulé (il faut juste penser à retourner l’engin souvent, encore une raison pour laquelle Maesa a kidnappé Shattercap à mon avis). Ainsi équipé d’un minuteur ésotérique et d’un compas à âme, Maesa quitte Glymmsforge juché sur son Grand Cerf et trace sa route en direction du filon de l’être aimé1.

Le chemin est toutefois long et semé d’embûches, à l’aridité naturelle du lieu se conjugant son caractère délétère, qui sappe la vitalité des explorateurs (et les contraint à des bains de bouche fréquents avec du Ghyxtril, solution brevetée made in Ghyran), la nécessité de laisser traverser les légions de mineurs de Nagash, les prospecteurs rivaux pas toujours aimables, sans compter les patrouilles de rangers Nightgaunts, à l’affaux de tout collecte non-autorisée de silice. Il en faudra cependant plus pour détourner Maesa de sa mission sacrée, sa détermination sans faille, son épée magique siphonneuse d’âmes, la diligence servile de Shattercap (dont le syndrome de Stockholm a tellement enflé qu’il atteint désormais Oslo), et la vitesse de pointe de son destrier cornu, lui permettant de triompher d’une épreuve qu’aucun mortel n’aurait pu réaliser. Mais alors qu’il retourne vers son point de départ, sifflotant sans doute du Deep Purple (Might Just Take You Life, probablement), notre Aelf nécrophile ne se doute pas que son familier a gardé à son insu un grain du sable de vie de sa dulcinée2. Les conséquences de ce vol seront sans doute terribles…

1 : Dont il trimballe le crâne partout avec lui : utile quand on justement besoin d’un échantillon organique pour amorcer la recherche GPS, mais un rien creepy tout de même. Je ne veux pas savoir ce qu’il a fait du reste du corps au décès de sa dulcinée, qui pourra, si elle revient à la vie, déclarer de façon définitive qu’elle a une dent contre son mari.
2 : Ce qui explique l’excentricité du farfadet : il a un grain.

AVIS :

Figure montante du panthéon de héros d’Age of Sigmar, le Prince Maesa gagne avec ces Sables du Chagrin une profondeur appréciable, surtout pour les lecteurs ne le connaissant qu’à travers la session d’Action ou Vérité relatée dans la nouvelle mouture d’Inferno ! Apprendre la nature de la quête du noble Wanderer permet de prendre la mesure du projet littéraire entrepris par Guy Haley, et justifie pleinement l’approche « contes et légendes » choisie par l’auteur pour narrer l’épopée de Maesa, veuf éploré cherchant un moyen de faire revenir à lui sa bien-aimée mortelle. Si la connotation grimdark de WFB aurait fatalement mené notre héros à sombrer dans les abysses de la nécromancie pour atteindre son objectif, la tonalité plus high fantasy d’Age of Sigmar ouvre la porte à une issue moins sinistre, même si nombreux seront les dangers qui guettent l’intrépide Aelf et son très trépide (et kleptomane) familier. Mine de rien, peu nombreux sont les contributeurs de la BL à proposer un style s’éloignant des canons habituels de la maison, et pour AoS, Haley est à ma connaissance le seul à le faire.

Rien que pour cette raison, la lecture des Sables du Chagrin présente un intérêt, cette nouvelle positionnant son auteur en héritier putatif (et encore incertain à l’heure actuelle) de Brian Craig, chef de file historique de l’approche « contemplative » de la Black Library. Au-delà de ce parti pris narratif, que l’on peut aimer ou non, on peut apprécier l’exotisme de cette nouvelle, dont le théâtre n’a pas grand-chose à envier en termes d’étrangeté aussi onirique que léthale aux Désolations Nordiques du Monde qui Fut. Les visions convoquées par Haley au cours du périple de son héros, comme ces processions éternelles de squelettes rapportant grain à grain de la Pierre des Royaumes jusqu’au trône de Nagash, frappent l’imaginaire du lecteur et viennent enrichir la palette du fantastique de la BL, trop souvent confinée à sa portion congrue (sword & sorcery, pour faire court) afin, sans doute, de faire le lien avec le wargaming que cette dernière est sensée servir. On peut enfin mettre au crédit de Haley un souci d’apporter du grain à moudre au mordu de background, en livrant une description concise mais riche d’une cité libre de Shyish, d’instruments arcaniques au potentiel fluffique des plus évidents (Who wants… to live… foreveeeeeer ?) ou encore des bigarrés sables de vie, concept aussi sympathique que poétique. Bref, une lecture obligatoire pour qui s’intéresse la geste de Maesa (la Gaeste quoi), et pas loin de l’être pour ceux qui souhaitent découvrir Age of Sigmar à travers les publications de la Black Library (que je félicite au passage d’avoir intégré cette nouvelle dans le recueil Sacrosaint & Autres Récits, où il a tout à fait sa place).

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Shiprats – C. L. Werner :

INTRIGUE :

ShipratsLa malchance légendaire qui colle à la carène du Dragon de Fer et la peau de son capitaine, le Kharadron Brokrin Ullisson s’abat une nouvelle fois sur le fier navire et son équipage. N’ayant pas trouvé de filon d’aether-or au cours de sa dernière campagne, le navire Duardin s’est résigné à se faire cargo de grain pour au moins rentrer dans ses frais, et a chargé une cargaison de blé dans la ville de Greypeak, qu’il espère vendre à bon prix de retour à Barak-Zilfin. Ce beau projet est toutefois menacé par la présence de passagers clandestins dans la cale du Dragon, une colonie de rats bien décidée à faire bombance sur les stocks des Arkanautes. Entre les petits barbus et les encore plus petits moustachus, il ne saurait y avoir de terrain d’entente, mais que faire pour débarrasser le vaisseau de l’infestation de vermine sans endommager ce dernier ? Alors que Brokrin et ses hommes se trouvent réduits à chasser les importuns à coups de pelle, avec des résultats peu concluants, comme on peut se l’imaginer, une bonne et potentiellement riche idée est soumise : pourquoi ne pas faire un détour par la Lamaserie de Kheitar, dont les moines ont par le passé rendu un fier service aux Kharadrons en débarassant le Dragon de la nuée de crapauds célestes (car apparemment, c’est un aléa climatique assez courant dans les Royaumes Mortels) qui avait élu domicile sur le navire à l’aide d’une fumigation un peu spéciale ? Aussi dit, aussitôt acté, la possibilité de soutirer aux bonzes une de leurs fameuses tapisseries pouvant même permettre d’espérer un profit au trésorier de la petite bande, passablement dépité par le tour pris par les évènements. Après tout, quoi de mieux qu’un lama pour venir à bout d’un rat1 ?

Arrivé sur place, Brokrin emmène une poignée de ses gars à la rencontre des paisibles habitants de Kheitar, dont les ancêtres étaient tellement zens qu’ils ont réussi à apprendre à un démon les bienfaits de la méditation. Brokrin, qui connaît personnellement le grand Lama (Serge), est bien étonné de voir apparaître à la place de son vieux pote un nouveau père supérieur (Bernard), qui a la peine de lui apprendre que Serge n’est pas simplement malade (comme on pouvait s’y attendre), mais a carrément atteint l’illumination en commettant le suicide rituel du tulku, un lent empoisonnement débouchant sur une momification graduelle de l’ascète. Malgré cette triste nouvelle, Bernard se montre particulièrement conciliant avec ses hôtes, acceptant non seulement de procéder à la dératisation demandée (sous réserve que les Duardins permettent aux rats de quitter le navire, car telle est le niveau d’antispécisme des bonzes), mais offrant même à leurs hôtes non pas une, mais cinq de leurs précieuses tapisseries, pour une contribution laissée à la discrétion des bénéficiaires. En celà, Bernard fait une grave erreur car cette générosité excessive ne manque de déclencher l’alerte piège à khon que tous les Kharadrons possèdent dans un coin de leur esprit. Suspectant une entourloupe, Brokrin charge donc un de ses matelots d’escorter les moines tapissiers jusqu’à bon port, tandis que lui et le reste de son khrew acceptent l’offre de Bernard de rendre visite à Serge, qui serait, contre toute évidence, encore vivant. Bernard commet alors sa deuxième boulette (pas aussi grave que celle du Bordeaux – Paris de 93, mais pas loin) : soucieux de faire respecter les traditions non-violentes de Kheitar (où même les démons fument du chichon), il somme ses visiteurs de déposer leurs lames avant d’entrer dans le saint des saints. Toujours un à lire les petites lignes du contrat et à trouver les failles dans les termes et conditions qui lui sont proposés, Brokrin fait remarquer à ses hommes que l’injonction du grand Lama ne couvre pas les armes à feu, et emboîte donc le pas à Bernard toujours armé de sa pétoire.

Un peu plus loin, les mirrifiques carpettes de Kheitar sont entreposées sans heurts dans la cale du Dragon de Fer, sous l’oeil attentif et circonspect d’un rattophobe déclaré, le sergent arquebusier Drumark, dont le paternel a été fauché dans la fleur de l’âge lors d’une bataille contre les Skavens. Souhaitant s’assurer que la vermine qui grignote son grain ne s’attaque pas aux précieux tapis, il laisse remonter ses comparses et attend dans la pénombre de voir comment les choses vont évoluer. Quelle n’est pas sa surprise de voir s’extraire des rouleaux apportés par les bonzes une demi-douzaine d’hommes-rats, qui comptaient sans doute s’infiltrer discrètement dans le navire en attendant de jouer un tour pendable à ses occupants légitimes ! Les plaisanteries les plus courtes étant les moins longues, Drumark a tôt fait de sonner la fin de la rat-cré, l’arsenal Kharadron ayant rapidement raison des manigances skavens. Tout celà n’augure toutefois rien de bon pour Brokrin et ses suivants, qui ne tardent pas non plus à découvrir le pot au rat, à la suite d’une performance misérable du Jeff Panacluc Skaven, un dénommé Kilvolt ayant « jeanmarquisé » le cadavre de Serge. Sommé de révéler au véritable maître de Kheitar les secrets de l’ingénierie Kharadron, Brokrin refuse avec noblesse, et met à profit la bévue de Bernard pour arroser les hommes rats venus à la rescousse de Kilvolt avec du Kharaplomb. L’algarade ne dure cependant pas longtemps, l’arrivée de Drumark et de ses arquebusiers convainquant définitivement les Skavens de la futilité de leur approche. Profitant de l’accalmie, Brokrin et Cie repartent ventre à terre sur le Dragon, non sans avoir pris soin de looter quelques tapisseries supplémentaires en guise de dédommagement. De voleur à vendeur de tapis, il n’y a que peu de choses au fond.

1 : Si vous répondez : un chat, sachez que le félin apporté à bord par les Duardins a fait acte de mutinerie peu de temps après sa prise de fonction. C’est ce qu s’appelle avoir un poil dans la patte.

AVIS :

Accompagnement au roman qu’il a consacré aux plus blindés des Duardins (Corsaires du Dragon de Fer//Overlords of the Iron Dragon), ce Rats de Cale de Werner s’avère être d’une lecture globalement satisfaisante. Notre homme retrouve avec bonheur ses victimes favorites (les Skavens), qu’il gratifie comme à son habitude d’une inventivité et d’une ambition proportionnellement inverse à leur compétence, pour un résultat aussi spectaculaire que dérangeant1. S’il y a un contributeur de la BL qui sait s’y prendre pour donner aux hommes rats leurs lettres de bassesse, c’est bien l’homme au chapeau, et on ne peut que souhaiter que Nottingham lui confie davantage de commandes portant sur les funestes et fumistes machinations des rejetons du Rat Cornu. On appréciera également l’exotisme du propos, la visite guidée de la Lamaserie de Kheitar permettant au lecteur de se remémorer l’immensité des Royaumes Mortels, où la présence d’une communauté de bonzes vénérant un démon du Chaos ayant trouvé la paix intérieure en téléchargeant Petit Bambou sur son portable est tout à fait possible. On peut regretter que l’accent ne soit pas davantage mis sur la culture des protagonistes, abordée assez succinctement à travers la mention des différentes fonctions des membres de l’équipage de l’Ang Drak et du fameux Code des Kharadron (qui sanctuarise les partenaires de commerce équitable, ce qui doit indiquer que les bananes et le chocolat sont tenus en haute estime par le Geldraad), mais que voulez-vous, on ne peut pas tout avoir dans une nouvelle de 25 pages. Le casting très développé des Arkanautes, conséquence logique de leur inclusion dans le roman cité plus haut, est un autre facteur pouvant diminuer (légèrement) le plaisir de lecture, mais, rassurez-vous, savoir qui est qui n’a que peu d’intérêt au final. Le plus important restant bien sûr de souquer les artimuses.

1 : Sérieusement, imaginer la transformation d’un cadavre de bonze en marionnette animée, c’est un coup à faire des cauchemars.

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A Dirge of Dust and Steel – J. Reynolds :

INTRIGUE :

A Dirge of Dust and SteelÀ la recherche de la légendaire cité corbeau de Caddow et de son Portail des Royaumes reliant à Shyish à Azyr, une petite force de Stormcast Eternals de la Chambre Vanguard des Hallowed Knights (soyons précis) a conclu un pacte avec les Duardin de Gazul-Zagaz, seuls à connaître l’emplacement de cette ville mystérieuse1. En échange de leur aide contre les hordes du Gardien des Secrets Amin’Hrith, connu sous le nom d’Ecorchâme, les nabots dépressifs (leur royaume est en ruines, leur Dieu s’est fait bouffer par Nagash et l’âme de leur dernier prince sert de skin au démon de Slaanesh) mèneront les guerriers du Lord Aquilor Sathphren Swiftblade jusqu’à bon port. Jamais le dernier à rendre service à son prochain, notre héros accepte bien entendu cette généreuse proposition, et se fait fort d’entraîner ce fât d’Amin’Hrith dans un piège ingénieux.

Ayant réussi à capter l’attention des Hédonistes, probablement en leur faisant remarquer que leurs soieries avaient fait fureur à Ghur il y a trois saisons de celà (ce qui, pour une fashionista des Royaumes Mortels, est une insulte mortelle), les prestes cavaliers de Sigmar emmènent leur nouveaux amis dans une course éperdue à travers les dunes, jusque dans les ruines de Gazul-Zagaz, où les attendent de pied ferme (et depuis un petit moment apparemment, à en juger par l’épaisse couche de poussière qui les recouvre) les guerriers Duardin. S’en suit une bataille des plus classiques, illustrant de fort belle manière l’intérêt de se rendre au combat avec une armure de plates et non une combinaison en viscose, dont le point culminant sera le duel entre Swiftblade et Amin’Hrith dans le temple de Zagaz, où le rusé Stormcast s’emploiera à faire un boucan à réveiller les morts…

1 : On peut donc dire qu’ils ont une carte Caddow. Mouahahaha.

AVIS :

À l’heure où cette chronique est écrite, Josh Reynolds est probablement le contributeur principal de la BL en matière de contenus siglés Age of Sigmar. Une telle prodigalité ne pouvant évidemment pas être synonyme de qualité exceptionnelle à chaque soumission, il est en somme tout à fait logique que certaines des nouvelles rédigées par notre homme ne s’avèrent pas être d’une lecture des plus passionnantes. C’est le cas de ce ‘A Dirge of Dust and Steel’ (on me passera l’usage du titre original, à la fois plus poétique et plus élégant que le monstre qu’il est devenu en VF), qui se trouve être une nième variation du topos le plus employé de cette nouvelle franchise : la baston de Stormcast Eternals contre les forces du Chaos1. On pourra certes m’opposer que cet épisode particulier se distingue des dizaines qui l’ont précédé par l’emploi d’une Chambre relativement nouvelle (Vanguard), d’un héros inédit (Sathphren Swiftblade) et d’un environnement exotique en diable (l’Oasis de Gazul, en Shyish). Ce à quoi je répondrai que les Vanguard ne sont « que » des Stormcast sur demi-gryffs, et ne conservent de fait que très peu de temps l’attrait de la nouveauté. Swiftblade a quant à lui l’originalité d’une boîte Barbie et son Cheval, même son côté grande gueule n’étant plus vraiment novateur depuis l’arrivée d’Hamilcar Bear-Eater sur le créneau « humoristique » des SE. Pour terminer, Gazul a depuis lors sans doute rejoint l’interminable liste des lieux des Royaumes Mortels dans lesquels plus personne ne reviendra jamais, et ne mérite donc pas que l’on s’yn interesse plus que de mesure.

Non, pour ma part, la seule vraie valeur ajoutée de ce ‘Dirge…’ tient en l’inclusion d’une faction Duardin sortant franchement du lot par sa vénération d’un Dieu de la Mort mort (combo !) et sa capacité à invoquer des esprits, ce qui constitue des variations intéressantes par rapport au stéréotype du guerrier nain que tout lecteur connaissant ses classiques se représente de façon plus ou moins inconsciente. Pour le reste, c’est de la qualité Reynolds (Josh), donc un récit bien structuré et rythmé, s’intégrant parfaitement dans les conventions définies pour Age of Sigmar en termes de fluff et d’atmosphère, et s’avérant dans l’ensemble plaisant à lire. Ne lui retirons pas ça.

1 : Comme les dernières années ont vu apparaître d’autres types d’adversaires, comme les morts-vivants de Nagash pendant la Tempête des Âmes ou les Orruks Ironjaws de manière collatérale à la traque de Mannfred von Carstein, j’attends avec impatience le moment où les vertueux Sigmarines commenceront à taper sur d’autres factions de l’Ordre, en attendant l’inévitable guerre civile que le passif de GW en la matière nous promet depuis que le premier Stormcast a dévoilé le bout de son masque de guerre. ‘La Vilainie de Vanus’, ça c’est un titre qui claque !

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One, Untended – D. Guymer :

INTRIGUE :

One, UntendedUne fois n’est pas rancune, nous retrouvons le Tueur préféré de ton Tueur préféré, Gotrek Gurnisson, dans le mal le plus complet au début de cette nouvelle aventure, qui sera sans aucun doute trépidante, mais qui commence par être vomissante. Notre héros est en effet pris d’un mal de ventre carabiné, ce qui, de son aveu même à son acolyte Maleneth, ne lui était jamais arrivé avant. Et si l’Aelfe sigmarite, en bonne compagnonne qu’elle est, prend soin de tenir la crête de Gotrek pour éviter que cette dernière ne prenne une couleur et une texture encore plus dégoûtantes qu’à l’accoutumée, elle n’est pas étrangère à cette gueule de bois subite. Bien au contraire, c’est elle-même qui en est la cause, ses tentatives d’empoisonner le Nain afin de lui dérober la rune majeure de Krag Marteau Noir pour la ramener à Azyrheim n’ayant eu pas d’autres effets qu’un émétique avarié sur la robuste constitution du Tueur1. Ses vaillants efforts de se débarrasser de Gotrek devront cependant attendre un peu, car les éructations du transfuge du Monde qui Fut sont dérangés par une scène de ménage entre plusieurs individus aussi louches qu’imbibés. La raison de ce tapage nocturne se fait bientôt jour : un jeune bambin du nom de Tambrin a échappé à la vigilance légère de ses parents (Junas et Magda), et s’est semble-t-il enfoncé dans les catacombes d’Hammerhal Ghyra, que l’on dit hantées par le spectre vengeur d’Hanberra (à ne pas confondre avec celui d’Harambe, même si ça lui donnerait une bonne raison de persécuter les garçonnets), un ancien héros local ayant renoncé à servir Sigmar sous la forme d’un Stormcast Eternal à sa mort, et à la recherche des enfants qu’il n’avait pas pu sauver de son vivant depuis lors. La perspective de se frotter à un spectre légendaire pique bien évidemment l’intérêt professionnel de Gotrek, qui insiste pour prendre la tête de l’expédition de secours mise sur pied par les habitués de la taverne où les deux compères ont passé la nuit. En plus de Junas, qui sert de videur à l’auguste établissement, on retrouve la Ranger retraitée Halik et le Prêtre d’Alarielle Alanaer, qui serviront donc de meatshields aux véritables héros de l’histoire. Dommage que personne ne les ait prévenus.

La descente s’engage donc, et après quelques heures de progression dans les boyaux insalubres de la cité, un premier ennemi pointe le bout de ses moustaches. Il ne s’agit pas de Philippe Martinez, mais d’une bande de Moines de la Peste, peut-être syndiqués, squattant le bas de la cage d’escalier comme un gang de trafiquants de la cité Péri. Et à propos de périr, laissez moi vous dire que les ratons ne font pas long feu face à la colère incandescente de Gotrek, qui peut désormais passer en mode super saiyan lorsqu’il est très énervé, et élever la température autour de lui à des niveaux insupportables. Sa nouvelle hache de fonction, si elle est sans doute un peu moins cheatée que l’ancienne (dur de battre une arme forgée par Grugni pour Grimnir, tout de même), s’avère également très efficace, et la menace murine est donc prestement éliminée par les aventuriers, qui peuvent poursuivre leur route sans autre dommage qu’un pif écrasé par un coup de matraque pour Junas.

Le moment tant attendu de la confrontation avec Hanberra finit enfin par arriver, l’esprit ayant bien dérobé/envoûté Tanbrin (qui dort comme un bienheureux) car il l’avait pris pour son propre fils, Hangharth. Némésis de Gotrek oblige, le combat est bien plus serré que précédemment, la pauvre Halik rendant les armes et l’âme au premier cri poussé par le poltergeist kidnappeur, qui prouve au monde entier qu’il existe des Banshees masculines. Non mais. L’évanescence intermittente du fantôme n’est pas sans poser quelque problème au Tueur, ce qui ferait plutôt les affaires de Maleneth, toujours déterminée à récupérer la rune majeure tant convoitée de sa dépouille, mais il lui faut pour cela donner une raison à Hanberra de se battre à fond, ce que sa main mise sur Tambrin l’empêche de faire. La cultiste de Khaine repentie puise donc au fond de sa sacoche un clou de ci-gît Rolf2, souverain contre les ectoplasmes tenaces (et les Mortarques collants), et le frotte vigoureusement sur le bras porteur d’Hanberra pour lui subtiliser son précieux. N’ayant plus rien à perdre, le spectre va certainement réduire Gotrek en bouillie…

Début spoiler…Eh bien non (quelle surprise). Mais le plus étonnant n’est pas tant le résultat final que le dénouement, non violent, de cet affrontement. Le Tueur parvient en effet à faire entendre raison à son adversaire par le dialogue au lieu de lui faire manger sa hache, et ce dernier se dissipe donc de lui-même, comme le malentendu qui l’avait mené à dérober les enfants des autres depuis quelques siècles. Tout est donc bien qui finit bien (sauf pour Halik et la bière que Gotrek avait laissé sur le comptoir3), mais Maleneth la malhonnête devra trouver une autre combine pour récupérer la précieuse broquille incrustée dans le plastron de son compagnon.Fin spoiler

1 : Maleneth ne sait pas que la glotte de sa cible est marquée de la rune majeure de Cubi, le dieu Nain de l’alcoolisme.
2 : Vous me pardonnerez le calembour, mais traduire ‘wightclove’ en français n’est pas facile.
3 : À ce propos, il est probable que ce soit elle qui ait donné son nom à la nouvelle (que l’on pourrait traduire par ‘Laissé(e) sans surveillance’) et non pas Tanbrin.

AVIS :

David Guymer, qui avait écrit les dernières aventures de Gotrek (et Felix) dans le Vieux Monde, signe avec ‘One, Untended’ un parfait récit de transition et d’acclimatation pour les lecteurs familiers du personnage mais pas des Royaumes Mortels. Au-delà du déroulé précis de cette quête, tout à fait classique sauf dans son dénouement, ce sont les informations que l’auteur donne sur ce nouvel univers, les changements subis par son héros (nouvelle arme, nouvelle rune, nouveau sidekick) depuis qu’il y a fait son entrée, et les motivations, pas vraiment charitables, de Maleneth, qui rendent cette lecture intéressante, et même indispensable pour qui voudrait reprendre la suite de la geste de Gotrek sans passer par la case romanesque (‘Realmslayer’). L’auteur parvient également à aborder des éléments de fluff relevant de la sociopolitique, comme l’acculturation progressive des habitants de Ghyran aux mœurs d’Azyr, qui donnent une profondeur et un réalisme très appréciables à une franchise qui en manquait (et en manque toujours) cruellement par rapport à Warhammer Fantasy Battle. Bref, c’est une transition très réussie que Gotrek Gurnisson doit à David Guymer, bien que le flambeau des rancunes soit passé peu de temps après à Darius Hinks.

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Blood Gold – G. Thorpe :

INTRIGUE :

Blood GoldUn ost de Lames de Khorne se dirige dans le chaos et l’anarchie (logique) vers la forme imposante du Mont Vostargi, le méga-volcan du Royaume d’Aqshy ayant servi de berceau enflammé aux robustes Fyreslayers. L’arrivée des maniaques n’étant pas passée inaperçue, une armée de petits rouquins a pris position devant la Porte de la Défiance Eternelle pour leur barrer la route, sous le commandement du Père des Runes Ungrimmsson Drakkazak. Alors que les Duardin patientent avant que la mêlée ne s’engage, Ungrimmsson décide de raconter à un jeune et nerveux Vulkite les origines de la malédiction qui frappe les membres de sa Loge, et a changé la peau de ses fiers guerriers en roche en fusion (ce qui n’est pas banal, reconnaissons-le).

Durant l’Âge des Mythes, la Loge Ironfist était dirigée par un Père des Runes aussi acariâtre que déterminé, Brynnson Drakkazak. Alors que les autres Loges se satisfaisaient d’exploiter les ressources minérales de leurs montagnes natales, les Ironfists n’hésitait pas à monter des raids à travers Aqshy, et plus (loin) si affinités, afin de récupérer le plus possible du précieux ur-or disséminé à travers les Royaumes. Après tout, la reconstitution de l’intégrité physique de Grimnir ne pouvait pas être retardée par des considérations aussi terre à terre que le respect des traités et le consentement libre, informé et préalable des populations locales, pas vrai ? Cette attitude belliqueuse n’était pas appréciée des autres Pères des Runes, mais Brynnson n’étant pas du genre à écouter les jérémiades de ses pairs, les Ironfists ne restaient jamais longtemps au Mont Vostargi à se tourner les pouces.

Un beau jour, ou peut-être une nuit, se présenta un émissaire humain du nom d’Ologhor Shenk, qui annonça à l’assemblée des Pépères (un nom approprié pour cette instance suprême, à mon humble avis) venir forger une alliance avec les Fyreslayers. En échange d’une grande quantité d’ur-gold, d’une qualité particulière mais reconnue comme legit par le Seigneur des Runes de fonction, il était à la recherche d’alliés prêts à se salir les mains pour le débarrasser d’une tribu rivale, les Direbrands. Ces derniers étant des sigmarites invétérés, et donc protégés par l’alliance établie entre Sigmar et Grimnir avant que ce dernier parte en safari, l’offre fut refusée par tous les Pères des Runes présents… à l’exception bien sûr de Brynnson.

L’enthousiasme du maître des Ironfists ne tarda pas à redescendre lorsqu’il se rendit compte que Shenk n’était pas le type le plus honnête de l’univers, et que sa haine des Direbrands était sans limite. Après avoir guidé les Fyreslayers jusqu’au camp d’été de la tribu, où les guerriers humains surpris en pleine bombance se battirent vaillamment mais se firent massacrer jusqu’au dernier par les implacables Duardin, Shenk exigea de ses alliés qu’ils fassent subir le même sort à la colonie de vacances établie pour les enfants Direbrands à quelques encablures du camp des adultes. Mercenaire avec des principes, Brynnson refusa de tourner full Anakin Skywalker, et repartit vers le Mont Vostargi avec son ur-or salement gagné, laissant Shenk se débrouiller avec sa marmaille.

Cette décision ne fut pas sans conséquence, car lorsque les membres de la Loge se livrèrent au rituel de runification corporelle pour lequel les Fyreslayers sont bien connus, les effets secondaires ne tardèrent pas à se manifester. Comme vous pouvez vous en douter, le métal mystique remis par Shenk, qui était coupé avec du bronze provenant de la forteresse de Khorne, causa la peau des Duardin à se transformer en roche fondue, conséquence du déplaisir de la divinité tutélaire du fourbe émissaire devant un job bâclé par les Ironfists. Bien que l’ur-or ait gardé ses propriétés de renforcement musculaire, les Fyreslayers Ironfists furent marqués à jamais par leur association douteuse – mais involontaire, il faut leur reconnaitre au moins ça – avec une divinité chaotique.

Retour au temps présent et au périphérique vostargien, Ungrimmsson ayant terminé son histoire et les Khorneux ayant fini leur marche d’approche. Lorsque son jeune interlocuteur lui fait remarquer qu’il a narré cette légende comme s’il y avait pris part, le Père des Rune a un petit sourire triste, et révèle au Vulkite que c’est bien le cas. Ungrimmsson, ce qui signifie briseur de serment en whatever la langue des Duardin is called these days, a pris ce nom après que la malédiction se soit abattue sur sa Loge, et attribue sa trèèèèès longue vie au sens de l’humour très particulier de Khorne, qui s’est plu à prolonger les jours de celui qui a osé le défier il y a tous ces millénaires. La nouvelle se termine sur une nouvelle transaction à l’amiable entre chaotiques et Fyreslayers, la meneuse des maraudeurs balançant une bourse d’ur-or aux pieds de la (mini) Chose. On ne saura pas pourquoi les deux généraux ont trouvé malin de déranger leurs armées pour cet échange trivial, mais pour une fois que les choses ne dégénèrent pas dans les Royaumes Mortels, on ne va pas s’en plaindre.

AVIS :

Gav Thorpe reprend du service comme aède épique (l’un des rôles dans lesquels il est le plus à l’aise, et le plus « performant ») dans ce ‘Blood Gold’, et nous sert une petite histoire tout à fait satisfaisante sur la géopolitique complexe du Royaume d’Aqshy aux temps jadis. Il en profite pour faire le lien avec ses travaux chaotiques initiés dans ‘The Red Feast’, ce qui fera sans doute plaisir aux lecteurs de ce bouquin. J’ai particulièrement apprécié le portrait nuancé que fait Thorpe des Fyreslayers, qui apparaissent comme les véritables mercenaires que le background établit, et n’ont donc aucun problème à massacrer sans crier gare de lointains alliés pour peu qu’ils aient été payés au juste prix. Cela les différencie très nettement des honorables Tueurs du Monde qui Fut dont ils sont les héritiers, ce qui est une bonne chose, et donne à cette faction une complexité qui est la bienvenue dans le monde de high fantasy d’Age of Sigmar. Une réussite.

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The Deeper Shade – C. L. Werner :

INTRIGUE :

The Deeper ShadeQuelque part sur le littoral luxuriant de Ghyran, la bande d’affreux du sorcier Thalinosh de Charr se prépare à explorer un donjon un peu particulier. La cible des cultistes est en effet la Griffe de Mermedus, une aiguille rocheuse fermement plantée dans une baie isolée de la côte ghyranite, et que les locaux évitent avec soin du fait de son effroyable réputation. Comme le confirme le vieux prêtre de Sigmar que Thalinosh a capturé pour lui servir de guide, un fantôme assoiffé de sang moelle hante les lieux et attaque tant les hommes que les navires ayant la mauvaise idée de s’aventurer sur son territoire. Il en faut cependant plus pour décourager notre héros, car c’est ici-même que son apprenti fugueur (Gratz) a perdu une relique que le sorcier souhaite absolument récupérer, spectre grognon ou pas.

Accéder à la grotte où le monstre, que Thalinosh suppose avec raison être désormais l’heureux détenteur de son bien, se prélasse ne sera pas chose facile, la caverne se situant à la base de la Griffe et étant donc submergée par les eaux. Il en faut toutefois plus pour décourager le sorcier, qui grâce à un ingénieux dispositif de digue (magique) et de pompage (magique aussi), parvient à mettre la base de l’aiguille en cale sèche, au modique prix de la vie du prêtre et de son chenapan d’apprenti. Ceci fait, il emmène ses fidèles suivants, commandés par l’homme-bête Sharga et la guerrière Borir, faire un peu de spéléologie marine.

Au bout d’une marche d’approche sans autres désagréments qu’un pantalon trempé et une persistante odeur de limon, la fine équipe arrive au cœur de la Griffe, où tout semble indiquer que le mystérieux fantôme a pris ses quartiers. Le sol est en effet jonché d’ossements rongés et de trésors boueux, et lorsque le trio de goons qu’il a envoyé à l’avant-garde est attiré sous la surface par un invisible assaillant, il est temps pour que le boss fight que l’on devinait se profiler à l’horizon se déclenche. Envoyez la musique…

Début spoiler 1…L’adversaire auquel Thalinosh et Cie font face se révèle être un Krakigon adulte, soit le fruit des amours interdits entre un kraken et un caméléon. Si les capacités mimétiques de la bête compliquent dans un premier temps son ciblage par nos aventuriers trempés jusqu’à l’os, la magie de Thalinosh permet de jeter une lumière crue sur l’ennuyeuse bestiole, et de révéler que dans grande coquetterie, elle porte l’éclat de shadeglass dérobé par Gratz à son tuteur en sautoir. Au bout d’un combat éreintant au cours duquel tous les personnages non nommés finissent éclatés sur les parois de la grotte ou dévorés par la bête, l’intrépide Sharga parvient à arracher le précieux du maître au caractériel calamar, avant que ce dernier ne se fasse écraser par un pan de falaise que ses tentaculaires gesticulations avaient dérangé. Voilà une affaire rondement menée…

Début spoiler 2…Mais cela est sans compter la perfidie naturelle des Disciples de Tzeentch, bien sûr. Borir trahit donc ses comparses et arrache le précieux éclat des doigts raidis par la mort du pauvre Sharga après lui avoir planté sa dague rituelle dans le cœur. Elle révèle à Thalinosh avoir fait un pacte avec le rival de ce dernier, l’infâme Carradras (qui s’est enfin réveillé, il faut croire), et, confiante dans l’état de fatigue avancé de son ancien patron après les efforts consentis pour venir à bout du Krakigon, lui expédie sa dague en pleine poitrine pour faire bonne mesure. En cela, elle commet une grave erreur, comme lui souffle ce rusé de Thalinosh, car c’est le sortilège du sorcier qui empêche les eaux d’engloutir la grotte où ils se trouvent. Réalisant sa boulette, Borir se lance dans un sprint éperdu en direction de la sortie, laissant Thalinosh seul dans la caverne, mais moins mal en point qu’il n’y paraissait. La dague avec laquelle la traitresse l’a frappé étant un athame qu’il a lui-même confectionné, il ne pouvait être blessé par ce projectile. Mouahahaha. Trop fatigué pour donner la chasse à son acolyte, il claque ses dernières réserves de mana dans un sort de vol afin de sortir de la Griffe par le trou dans le plafond obligeamment aménagé par le Krakigon dans son agonie, et a la satisfaction de voir Borir se faire submerger par les vagues lorsqu’il met fin à son enchantement. Qui sait, peut-être qu’il trouvera ce qu’il cherche lors de la prochaine marée basse ?Fin spoiler  

AVIS :

C. L. Werner revisite l’archétype de la nouvelle d’heroic fantasy, la bande d’aventuriers en quête d’un artefact mystique gardé par un monstre patibulaire, en mettant en scène une bande de cultistes de Tzeentch plutôt qu’un groupe à l’allégeance plus neutre. Le résultat est tout à fait satisfaisant, même si assez convenu, Werner ayant assez de métier pour rendre une copie de qualité. Un filler très honnête.

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Ghosts of Demesnus – J. Reynolds :

INTRIGUE :

Ghosts of DemesnusProfitant d’une permission bien méritée, le Lord-Celestant Gardus Steel Soul, tourmenté par des rêves le ramenant sans cesse à son passé de mortel, s’embarque pour une croisière bucolique jusqu’à la cité où il a vécu sa première existence, dans l’espoir de pouvoir mettre des mots sur sa soudaine mélancolie. Débarqué incognito (enfin, aussi incognito qu’une taille et une stature de Stormcast Eternal peuvent conférer) dans la riante Demesnus, port fluvial d’importance du royaume de Ghyran, Gardus, autrefois Garradan, baguenaude pensivement de ruelles en parcs, à la recherche des bribes d’un passé déjà lointain. À peine a-t-il le temps de rosser un trio de faquins cherchant des noises à une accorte damoiselle en représailles de la lépreuse compagnie qu’elle entretient, et d’échanger quelques platitudes avec son professeur de philosophie de terminale, que les voix qui le hantent l’amènent droit dans les ruines de son ancien hospice. Dans une autre vie, Gardus était en effet ostéopathe guérisseur, et avait dédié sa vie et ses économies à accueillir les nécessiteux des alentours, avec un dévouement ayant fini par attirer l’œil de Sigmar en personne, qui, à la faveur d’une attaque de Skineaters1, drafta le malheureux praticien dans sa team de surhommes. Sûrement qu’il avait besoin d’un massage, aussi. Malgré l’aspect décrépit du lieu, laissé à l’abandon depuis belle lurette, Gardus a la surprise de tomber sur une communauté de squatteurs, pas vraiment présentables et majoritairement scrofuleux, pestiférés, voire pire, mais persuadés que Saint Garradan les a appelés en ce lieu pour qu’hommage lui soit rendu.

Un peu gêné par la situation, qu’il n’a en aucune mesure orchestrée, le probe Gardus accepte l’hospitalité de ses nouveaux amis, dont fait partie la pauvresse qu’il a secourue sur les docks quelques heures plus tôt. Cette dernière, et le Prêtre Guerrier de Sigmar invalide à 134% qui sert d’autorité morale à la croûteuse congrégation, attendent le prochain signe de Gare du Nord avec un zèle admirable, totalement oublieux aux réalités les plus basiques, comme le droit de propriété. D’où la visite de courtoisie que vient leur rendre le possesseur du terrain en question, un maquignon à la retraite du nom de Sargo Wale, bien décidé à lancer les travaux de réhabilitation de l’ancien hospice dans les meilleurs délais, et par la force s’il le faut. Il faut reconnaître qu’il a la loi de son côté, la trêve hivernale ayant expiré et le conseil municipal lui ayant délégué tout pouvoir pour faire triompher l’intérêt commun. Entre l’alignement légaliste bon de Wale et celui chaotique (un comble pour un Stormcast Eternal) bon de Gardus, aucun compromis ne peut être trouvé, mais, confiant dans son bon droit à défaut de l’être dans les chances de sa bande de ruffians face à l’opposition ferme et polie (comme son épée runique de deux mètres) du colosse servant de videur aux éclopés de l’hospice, le diplomate propriétaire laisse une journée entière de réflexion à la partie adverse, et s’en va comme un prince.

Ce délai supplémentaire sera mis à fort bon usage par Gardus, qui n’a pas toute l’éternité pour régler le problème qui le tourmente, tout comme Reynolds n’a pas 300 pages pour conclure son propos. La nuit suivante verra donc un esprit Kaonashi geignard s’extirper du sol pour aller se repaître des humeurs (de manière littérale et figurée) des malades endormis. Surpris par le Gardus de garde et son sixième sens de preux paladin, la mystérieuse entité se fait rapidement la malle, mais reparaît quelques heures plus tard, trop affamée pour prêter beaucoup d’attention au demi-Primarque qui patiente dans sa zone de spawn, des questions plein la bouche et une épée enchantée à la main. Manque de bol pour notre héros, l’amalgame pleurnichard qui lui fait face est plus intéressée par la boustifaille que par la discussion, et l’attaque sans sommation, sous le regard bienveillant de Wale, qui se révèle être un cultiste de Nurgle. Après avoir constaté que ses gros muscles ne sont d’aucune utilité face aux assauts de suçons de son adversaire, Gardus dégaine son special move, c’est à dire son énorme… empathie, et sert donc le démon dans ses bras puissants en lui susurrant des mots de réconfort aux oreilles. Et ça marche. Touché par tant de compassion, et sans doute un peu par la pure lumière céleste que Gardus est capable d’exsuder sur commande, telle une luciole d’Azyrheim (séquelle plutôt kioul de sa seconde reforge), la vilaine bête fond comme un lépreux dans un pédiluve, libérant une à une les âmes des malheureux qui lui servaient d’ancrage. Ceci fait, Gardus n’a plus qu’à régler son compte au traître Wale, qui malgré sa force démoniaque et son épée rouillée, ne fait pas le poids face au double quintal de JUSTICE du Stormcast Eternal. Convaincu d’avoir accompli sa mission, et débarassé Demesnus d’un détestable faux jeton, Steel Soul peut reprendre le ferry de 06:39 pour regagner sa caserne et l’éternelle lutte contre les ennemis de Sigmar. Voilà un week-end productif.

1 : Le nom peut faire peur, c’est vrai, mais si on y réfléchit deux secondes, il inclut également les Garra Rufa (poissons docteurs), d’excellents auxiliaires de pédicure. Du coup, la légende du Garra Dan en prend un coup.

AVIS :

Les turpitudes psychologiques de Gardus Steel Soul, pour lequel la conciliation du moi, surmoi et ça ne relève pas de la sinécure, ne m’ont que moyennement intéressées, comme la plupart des soumissions mettant au premier plan des Stormcast Eternals je dois le reconnaître. Reynolds m’ayant habitué à des nouvelles bien plus travaillées en termes d’intrigue et de progression narrative, la grande simplicité avec laquelle notre Action Man blanchi sous le harnais résout le problème auquel il est confronté, m’a laissé un goût d’inachevé. Toutefois, je dois reconnaître que l’inclusion de The Ghosts of Demesnus dans cette anthologie introductive est un choix des plus pertinents de la part des éditeurs de la BL, puisqu’il permet aux nouveaux lecteurs de découvrir une facette intéressante de la faction reine de l’univers (la difficile conciliation entre leur passif de mortels et leur mission de soldats de Sigmar par les Stormcast Eternals), tout en les immergeant dans le quotidien d’une cité libre de Ghyran, loin des batailles contre les forces du Chaos déjà abondamment couvertes dans le jeu de figurines et les suppléments s’y rattachant.

Ajoutez à cela des personnages un brin complexes (en particulier Sargo Wale, qui est loin d’être un chef de culte à tendance mégalo-anarchique, comme c’est souvent le cas) et l’habituel nappage de fluff que Josh Reynolds se fait un point d’honneur à servir, et vous obtenez un récit d’une honnêteté insoupçonnable. On peut cependant reprocher à Ghosts…, même si dans une moindre mesure que pour God’s Gift, son manque de singularité, évidemment causé par le fait que Gardus est, comme Hamilcar, un héros récurrent de la BL, dont les aventures passées rejaillissent fatalement sur les évènements narrés dans la nouvelle. Ici, c’est l’inclusion du vieux sensei Yare, compagnon d’aventure d’une précédente épopée, qui fait figure de passage obligé à la valeur ajoutée assez limitée. Rien d’horripilant là non plus, mais pas l’idéal pour accrocher le lecteur novice ou indifférent. Bref, une première incursion honorable, à défaut d’être mémorable, dans le monde métallisé des meilleurs de Sigmar.

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Et voilà qui conclut cette chronique de ‘Myths & Revenants’, recueil assez solide, plutôt complet en termes de factions couvertes, et plaisamment varié au niveau des formats de nouvelles proposées (tant sur la longueur que sur le style). On a pu compter sur des Guymer, Thorpe et Werner de bon niveau et sur un Guy Haley très inspiré, tandis que l’inoxydable Josh Reynolds a eu un coup de moins bien, ce qui arrive à tout le monde. Une addition de valeur à la bibliothèque de tout lecteur fan d’Age of Sigmar.

DAWNBRINGERS WEEK 2023 [AoS]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue de la Dawnbringers Week 2023, semaine thématique consacrée par la Black Library aux croisades sigmarites du même nom. Événements majeurs du fluff récent d’Age of Sigmar, ces saintes expéditions voient des colonnes de soldats et de civils des cités de Sigmar quitter la sûreté toute relative de leurs métropoles pour aller coloniser de nouvelles terres à travers les Royaumes Mortels. Des opérations à haut risque, comme on peut s’en douter, et qui font donc un sujet parfait pour les plumes de Nottingham. Après tout, personne n’aime lire des récits où rien de grave n’arrive et où tout se passe comme sur des roulettes (ça s’appelle un Document d’Enregistrement Universel).

Dawnbringers Week 2023

Au programme de cette petite série thématique, on retrouve une grande majorité de tout nouveaux auteurs faisant leurs débuts dans la GW-Fiction, seul Luke Scull ayant déjà publié (une seule nouvelle, en décembre 2022, donc pas vraiment un vétéran non plus) pour le compte de la Black Library auparavant. Comme la BL ne semble plus intéressée par la sortie de nouveaux numéros d’Inferno!, qui servaient entre autres choses de plateformes de lancement aux contributeurs néophytes, ces temps-ci, on peut voir dans ces semaines événementielles la nouvelle manière privilégiée par Nottingham pour lancer ses poulains dans le grand bain. Reste à voir s’ils savent tous nager (normalement, oui), et c’est ce à quoi nous allons nous attacher maintenant…

Dawnbringers Week 2023

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The Road to Helsmarch – L. Scull :

INTRIGUE :

The Road to HelsmarchVoleurs flamboyants (forcément) d’Hammerhal Aqsha, Darian Kage et Asha Darkeyes étaient sur le point de pouvoir laisser leur vie d’aventures et de rapines derrière eux lorsqu’un dernier coup ayant mal tourné (le cambriolage de la tour du mage Alazandrius) a forcé le couple de gredins à quitter précipitamment la métropole pour échapper au sort peu enviable que le Collegiate Arcane réserve à ceux qui agressent ses membres. Engagés dans une des nombreuses croisades Dawnbringers envoyées établir de nouvelles communautés fidèles à Sigmar dans l’immensité sauvage des Royaumes Mortels, Darian et Asha ne sont toutefois pas partis les mains vides : alors que Monsieur a mis la main sur un orbe ressemblant très fortement à un palantir, Madame est repartie de chez Alazandrius avec une dague au pommeau incrusté de six améthystes. Même si les chances de pouvoir refourguer ces reliques à un collectionneur fortuné dans le hameau misérable qu’ils contribueront à fonder, si tout se passe bien, sont assez maigres, le prix qu’ils ont payé pour s’emparer de ces babioles a été trop élevé pour qu’ils s’en débarrassent sur le chemin qui les amène à Helsmarch, leur destination finale.

Au fur et à mesure que les jours passent, apportant avec eux leur lot d’ampoules, de camarades bougons et corvées d’épluchage de patates, Darian remarque que sa compagne a développé une fascination aussi inexplicable qu’inquiétante pour la dague qu’elle a dérobée. Lui-même a eu l’impression de se faire posséder par une entité avide de plaisir et de souffrance la dernière fois qu’il l’a prise en main, ce qui lui a passé immédiatement l’envie de se couper un bout de fromage, comme il en avait l’occasion, et l’a à moitié convaincu qu’il serait plus sage de bazarder le surin sans tarder. Asha n’étant pas de cet avis, et Darian trop diplomate pour insister, on en restera là pour le moment, d’autant plus que la colonne de croisés a d’autres chats à fouetter.

Les éclaireurs du convoi ont en effet repéré une grande harde d’Hommes Bêtes convergeant vers la petite armée sigmarite, alors qu’elle se prépare à traverser le col des Pics Douloureux : si les Dawnbringers veulent avoir une chance de s’en sortir, il faut absolument que l’affrontement se produise dans un terrain plus favorable, où leur artillerie Ironweld pourra décimer l’adversaire. Une marche forcée est donc ordonnée par l’officier en charge, le cavalier (à plus d’un titre) Edmiland ven Tavarus, au cours de laquelle une avalanche de rochers s’abat sur le train arrière de la colonne. Sur place au moment du drame, Darian et Asha assistent à l’agonie d’un vieil homme coincé sous un moellon, que Miss Darkeyes achève par bonté d’âme (un peu) et pour tester sa nouvelle dague fashion (surtout), ce qui ne fait qu’accroître les soupçons de son concubin sur la dangereuse influence que le coupe chou exerce sur sa dulcinée.

Quelques heures plus tard, l’expédition atteint enfin le nexus où la nouvelle colonie peut être établie, et entame les opérations d’installation des menhirs idoles gardiennes qui seront à même de protéger la future bourgade de possibles déprédations démoniaques. C’est toutefois le moment que choisissent les Bêtes du Chaos pour attaquer leurs nouveaux voisins, précipitant Darian et Asha dans le terrifiant chaos d’une bataille rangée…

Début spoiler…Laissés par ven Tavarus comme cordon pour protéger l’antenne 5G en cours d’installation de Helsmarch les Gonesse, les deux voleurs repentis ont fort à faire lorsqu’une bande de Bestigors réalise une percée et se rue vers leur position. Interceptés in extremis par la Stormcast Eternal Jayna Trueheart et ses Liberators, les biquettes en furie ne parviennent pas dans les trois pas réglementaires et ne peuvent donc pas engager le petit couple, ce qui n’est pas le cas du Slaangor Blackmane, arrivé en douce en claquant des pinces. Il révèle à Darian ce que le lecteur, et lui-même sans doute, savaient déjà, à savoir que la dague d’Asha est une relique de Slaanesh, et qu’il tient donc fort à en prendre possession, de gré ou de force. Peu intéressée par cette offre, Asha tente de régler son affaire à la chèvre en bas résille qui lui fait du rentre dedans, mais ne réussit qu’à se faire littéralement casser la gu*ule par le Slaangor, tandis que Darian hérite de quelques côtes cassées pour faire bonne mesure.

C’est le moment que choisit l’héroïque Jayna Trueheart pour s’interposer une fois encore entre ses petits protégés et l’adversité bêlante, malgré un bras en vrac et beaucoup de sang perdu à la suite de son combat (victorieux) contre les Bestigors. Au terme d’un duel très équilibré, chaque combattant empale son adversaire, ce qui fait les affaires d’Asha, tout à fait possédée par le démon de la dague à ce stade, et qui achève froidement Trueheart d’un coup de canif dans la jugulaire (ce qui lui permet de bénéficier d’une rhinoplastie et d’un recollage d’orbite express). Horrifié par l’acte de sa bien-aimée, Darian comprend que son devoir est de neutraliser la menace qu’elle représente, mais n’aurait pas fait le poids face à la force et à la vitesse surnaturelle de new Asha sans l’aide apportée par son propre artefact (il faut croire qu’il était un seigneur de guerre, sous ses humbles abords). À l’usage, il apparaît en effet que la boule à neige piquée chez Alazandrius était en fait une Orbe de l’Hiver, ce qui est la mort du fun mais surtout la mort d’Asha, dont l’attaque vicieuse se retrouve ralentie, redirigée vers elle, puis réaccélérée à la suite d’un enchaînement fortuit. Bilan des courses : les deux tourtereaux n’ont plus qu’à se dire adieu avant que Miss Darkeyes les ferme pour de bon (ses yeux, pour ceux qui ne suivent pas), laissant son inconsolable assassin jurer de dédier sa vie à empêcher que la dague maudite ne tombe entre de mauvaises mains. En tout cas, on lui souhaite.Fin spoiler

AVIS :

Pour sa deuxième nouvelle pour la Black Library, Luke Scull remplit une nouvelle fois ses obligations contractuelles et nous livre une histoire assez prenante ayant comme décor les croisades Dawnbringers, ce qui était le cahier des charges qu’il devait respecter. Bien que le caractère néfaste des objets piqués chez le malheureux Alazandrius ne fasse rapidement plus aucun doute, ce qui enlève du suspens à la conclusion de ce récit, ‘The Road to Helsmarch’ peut compter sur ses personnages attachants (même si certains auraient pu disparaître sans problème, vu ce qu’ils apportent à l’intrigue, comme Tarn le vétéran cracheur), ses scènes d’action convenablement brutales, et sa petite touche romantique (une fois de temps en temps, ça ne fait pas de mal) pour emporter l’adhésion de son lectorat. De plus, Scull a le bon goût de se montrer assez didactique à propos des Dawnbringers, ce qui permet au public non familier de prime abord avec ce développement relativement récent du fluff d’Age of Sigmar de mieux comprendre ce dont il en retourne ici. Du bel ouvrage.

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Past Returns – H. Wilson :

INTRIGUE :

Past ReturnsC’est très bien de s’enrôler dans une croisade Dawnbringer et d’aller donner sa vie pour la plus grande gloire de Sigmar, mais cela n’est possible que si les fonds nécessaires au financement d’une entreprise aussi coûteuse sont levés auparavant. Pour cela, tous les moyens sont bons, mêmes les plus honteux : notre héros, le Colonel Kai Valgor, un vétéran ventripotent et alcoolique, a donc opté pour le démarchage des autres invités du bal auquel l’a convié la Dame Aslin, ce qui se passe… moyennement bien. Et je ne dis pas tant ça à cause de son incapacité à empocher le moindre centime (ça peut arriver à tout le monde), mais plutôt en raison du meurtre de sang-froid que Valgor se retrouve contraint de commettre sur la personne d’un serviteur du manoir. Pour sa défense, le bougre était en fait un cultiste de Slaanesh, comme son torse tatoué et piercé le révèle (gasp), surpris par le brave Colonel en train de danser de la tektonik dans une salle isolée que Valgor avait confondu avec les toilettes. Rejoint par son bras droit, la Capitaine Freya Gorrick, également conviée à ces réjouissances mondaines, les deux soldats établissent un plan de bataille : pendant que Gorrick camouflera le cadavre derrière une commode pour que sa disparition passe inaperçue (#CommeCestCommode), Valgor mènera son enquête parmi les convives, pour identifier d’autres hédonistes en puissance, et trouver si possible du renfort pour les mettre hors d’état de nuire.

Hélas, Valgoche n’est guère doué pour le relationnel (c’est un militaire après tout), et échoue royalement sur les deux tableaux, jusqu’à qu’il engage par hasard la conversation avec une femme en uniforme martial, qui se révèle être la Dame Aslin en personne. Rassuré par ses manières directes et franches, le Colonel ne met pas longtemps à lui souffler que son personnel laisse à désirer, et à l’emmener constater de ses propres yeux la preuve irréfutable(ment morte) que Gorrick lui a gardé au frais dans l’arrière-boutique…

Début spoiler…Seulement voilà, de cadavre à l’endroit convenu, il n’y a pas, ou plus. Très conscient de passer pour une poire auprès de la maîtresse de maison et mécène potentielle de son effort de crowdfunding, Valgor ne sait plus où se mettre, et accepte donc sans réfléchir le petit verre d’eau de vie que lui propose la charitable Aslin pour l’aider à surmonter sa gênance. Mal lui en prend toutefois, car le spiritueux contenait un puissant somnifère, et lorsque Valgor se réveille, c’est en fâcheuse posture : dans la galerie des portraits torturés de son hôtesse, attaché à une chaise et à la merci d’un dangereux peintre nudiste répondant au nom d’Arak, se présentant comme l’artiste en résidence du manoir et tout disposé à tirer un portrait sur le vif du petit curieux que sa patronne lui a ramené.

Laissé en tête à tête avec le Dali slaaneshi par Aslin, qui après tout a d’autres invités à divertir, Valgor puise dans ses réserves (un peu) et profite de la fragilité du mobilier (surtout) pour parvenir à se libérer de ses liens. Son duel avec un Arak pas vraiment jouasse que son sujet trouve malin de sauter partout aurait cependant pu se terminer très vilainement pour le Sergent Colonel Garcia, n’eut été l’incendie fortuit de l’atelier qui se déclare pendant le pugilat, une des bougies utilisées pour obtenir une atmosphère convenablement tamisée embrasant le contenu d’une bouteille de térébenthine brisée au cours de la lutte. En plus de transformer le Nin des Royaumes Mortels en torche humaine (c’est ça d’avoir les cheveux gras à l’excès), la conflagration attaque également la collection picturale d’Aslin, libérant les esprits tourmentés des ses précédentes victimes, piégées jusqu’alors dans les toiles.

Salement amoché pendant la lutte, Valgor se décide cependant à mener à bien ce qui sera sa dernière mission pour le compte de Sigmar : brûler le manoir impie jusqu’aux fondations, afin d’anéantir l’influence perverse d’Aslin et de son culte de débauchés. Pour cela, il peut compter sur les larges réserves de térébenthine de feu (mouahaha) Arak, et sur la rage bien compréhensible des gheists réanimés, qui ont la gentillesse de se concentrer sur les hédonistes plutôt que de venir lui chercher des noises. Avant que le rideau tombe sur notre histoire, Valgor finit enfin par recroiser la route de Gorrick, dont on se demandait bien ce qu’elle glandait depuis tout ce temps…

Début spoiler 2…À sa décharge, l’évanescente Capitaine était morte depuis des années, abandonnée par Valgor avec les autres soldats de son régiment lors de la débâcle de la Plaine des Esquilles, où les armées de Sigmar se firent massacrer par une horde slaaneshie. On comprend alors que le Colonel, toujours hanté par sa culpabilité, était saisi d’hallucinations récurrentes lors de situations stressantes, pendant lesquelles il conjurait l’image de son adjointe pour lui demander conseil. Comprenant que sa dernière heure est arrivée (une artère fémorale qui fuit, ça ne pardonne pas), Valgor fait enfin la paix avec son passé honteux, et s’en va déclarer sa flamme à cette garce de Dame Aslin. C’est vrai ça, qu’est-ce qu’on attend pour foutre le feu ?Fin spoiler

AVIS :

Pour ses débuts dans la GW-Fiction, Hal Wilson nous sert un huis clos psychologique et sensoriel (merci Slaanesh) plutôt bien exécuté, mais assez mal séquencé. Je m’explique : à la lecture de la nouvelle, il est clair que Wilson a le talent nécessaire pour conserver l’effet de surprise de sa révélation finale, mais il choisit de dévoiler le pot aux roses aux deux tiers de son récit, ce qui gâche quelque peu la fête, comme son balourd de héros d’ailleurs. On retrouve aussi ce décalage à la toute fin de ‘Past Returns’, qui se termine sur ce qui ressemble furieusement à l’enclenchement d’une péripétie. Je ne saurais dire à ce stade si cela fait partie du style de cet auteur, ou s’il peut encore progresser à ce niveau.

Cela dit, pour un nouvel arrivant au sein de la Black Library, Wilson s’en sort très bien sur les autres plans (et notamment en matière de maîtrise du fluff), ce qui est encourageant et donne envie de voir ce qu’il pourra nous proposer par la suite. Les plus anciens parmi vous verront enfin un hommage, peut-être involontaire mais en tout cas réussi, à une vieille nouvelle de Warhammer Fantasy Battle ayant également mis en scène un tableau slaaneshi (‘The Blessed Ones’). Ça ne nous rajeunit pas…

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Heir of Shadows – T. Roberts :

INTRIGUE :

Heir of ShadowsAnhil est une Fille de Khaine esquintée par la vie (son dos la fait souffrir, et c’est bien triste), s’étant retrouvée rattachée à une croisade Dawnbringer ayant eu la riche idée de vouloir s’établir en Ulgu1. Malheureusement, mais de façon guère surprenante, la tentative s’est soldée par un échec cuisant, ne laissant qu’une poignée de soldats mortels menés par un vieil homme à moitié gâteux du nom de Bade en état de combattre. Le contingent de Stormcast Eternals des croisés a quant à lui été exterminé au cours d’une bataille dont on ne saura rien. Notre histoire commence alors qu’Anhil retourne au campement de ses alliés après s’en être absenté de manière qu’il faut bien considérer comme suspecte. Et pour cause, elle a été chargée par deux de ses Sœurs, Lasil et Veris, d’envoyer les sigmarites sur le site d’une embuscade, où les Filles de Khaine pourront massacrer la pitoyable colonne pour leur plus grand bénéfice (ce Chaudron de Sang ne va pas se remplir tout seul), sans que ce voyeur de Sigmar ne puisse assister à ce honteux détournement de ressources (merci le brouillard d’Ulgu). Avec des allié(e)s pareilles, plus besoin d’avoir d’ennemis.

Bien qu’elle ait réussi sans mal à convaincre Bade de se détourner de la route préétablie pour se diriger vers le lieu où les Aelves se tiennent prêtes à tomber sur le râble des croisés en goguette, Anhil n’est pas certaine que Mistra, la fille et aide-soignante du général, ait avalé le mensonge qu’elle a servi à son paternel. La jeunette est en effet très perspicace, en plus de ressembler de manière troublante à une Aelf… et pour de bonnes raisons : sous ses abords de mortelle, elle est en fait Ulien, une Sorcière des Cercles Ténébreux. Exilée d’Ulgu en Azyr à l’arrivée des hordes du Chaos, Ulien cherche à reprendre possession du fief que sa famille occupait avant d’être forcée à l’émigration… ce qui nécessitait apparemment de prendre la place de la fille du général humain d’une croisade Dawnbringer, tout en s’assurant d’y intégrer un bataillon de Gardes Noirs loyaux à sa cause, utilisés pour se débarrasser des Stormcast Eternals rattachés à l’expédition (mais les deux forces se sont entretuées jusqu’au dernier guerrier). Brumeux, vous avez dit brumeux ? Comme c’est brumeux. En tout cas, c’est ce que Mistra/Ulien explique à Anhil après l’avoir surprise en pleine séance de méditation dans une clairière à l’extérieur du camp. Cette confidence est des plus intéressées : la Sorcière a vu clair dans le jeu de la Fille de Khaine invalide (elle s’est pris une lame de Skaven dans les lombaires lors d’une escarmouche verminicide, ce qui illustre bien l’intérêt d’aller se battre en armure plutôt qu’en string), et se doute que les croisés vont tomber dans un piège. Elle a cependant intérêt à ce que ses suivants ne soient pas tous massacrés avant qu’elle ait réussi à regagner ses terres, et demande donc à Anhil de lui révéler les plans de ses Sœurs, en échange d’une place attitrée dans sa future cour.

Traîtresse mais intègre (on n’est plus à un paradoxe près), Anhil refuse de jouer le jeu, provoquant la colère d’Ulien, qui lui jette un sort hallucinatoire dont elle a le secret. Et c’est à ce moment précis que j’ai perdu le fil de l’histoire… Il me semble que c’est également le moment où les Filles de Khaine lancent leur attaque sur le camp (ce qui indique qu’un moment s’est écoulé entre la première scène et celle-ci), car quelque chose ou quelqu’un tranche soudainement la main de la Sorcière (sans que ça lui fasse un grand effet d’ailleurs) alors qu’elle s’apprête à poignarder notre héroïne, complètement dans le coltar. S’en suit une série de flashbacks douloureux autant que pénibles, pendant lesquels Anhil revit la pire journée de sa vie (pendant laquelle elle est devenue invalide à 60%), et surprend les commentaires mesquins et pas vraiment charitables de Lasil et Veris à son égard, alors qu’elle récupérait de sa blessure. Au bout d’un moment, l’illusion se dissipe et Anhil reprend possession de ses moyens. Elle se rend alors compte que les croisés étaient également sous la coupe d’Ulien, et grâce à sa dague-magique-qui-coupe-les-sorts, elle les libère un par un de leur état catatonique (sauf ceux qui ont été tués par les mystérieux assaillants qui sont repartis aussi sec après avoir jeté trois javelines et amputé la Sorcière indélicate) avant de les envoyer dans la direction opposée de l’embuscade prévue (qui n’a donc pas encore eu lieu ? donc c’est une autre bande d’Aelves qui a frappé ? AAaARGH…). Ceci fait, elle égorge sans cruauté excessive – ce qui est assez sympa de sa part, il faut le reconnaître – Ulien, qui a sombré dans un glitch assez incompréhensible (elle fixe le brouillard en chantonnant), avant de repartir en direction du camp des Khainites… qu’elle a pourtant trahi aussi. Crazy, I know.

1 : Des Bretons, sans nul doute.

AVIS :

Comme vous l’aurez compris, je n’ai pas vraiment goûté à cet ‘Heir of Shadows’, un peu trop bizarrement construit à mes yeux. C’est dommage car Ulgu est un des Royaumes le moins visité par la GW-Fiction à ce jour, et l’idée de Taylor Roberts de jouer la carte des illusions confondant le protagoniste était intéressante dans l’absolu. Ironie de l’histoire, c’est l’auteur qui a fini par se perdre (et nous avec) dans le dédale narratif qu’elle cherchait à mettre en scène, pour un résultat très confus. Dommage.

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Grimnirsson – G. Thomas Wilcox :

INTRIGUE :

GrimnirssonLorsqu’une croisade Dawnbringer s’aventure dans les montagnes de Cathair Conaill, territoire du clan Fir Danu, à la recherche de vivres, d’eau et de guides pour pouvoir poursuivre son œuvre d’évangélisation sans mourir bêtement de faim et froid dans ce coin pittoresque mais isolé des Royaumes Mortels, la prise de contact avec les frustes indigènes génère quelques frictions. Au lieu de remercier leurs sauveurs de l’insigne honneur qu’ils leur font en vidant leur garde-manger et confisquant leur cheptel, les autochtones cherchent à négocier (gasp) avec les Sigmarites afin de ne pas finir aussi plumés que le proverbial dindon de la farce. C’est du moins la position adoptée par la fille du roi Aed, Aoife, dont l’assurance est renforcée par la présence à ses côtés d’un Fyreslayer du nom de Genseric, recueilli et adopté par les Fir Danu il y a de cela une dizaine d’années. Bardé de runes des pieds à la crête, Genseric (Gen pour les intimes) est un guerrier redoutable, mais passablement instable. Il a en effet des hallucinations récurrentes dans lesquelles il se pense être le dieu Grimnir, et tout entières consacrées à l’activité préférée de la bouillante divinité : le sudoku la baston (Rage Noire, vous avez dit Rage Noire ?). Pour le moment, cela n’a pas eu d’effets trop fâcheux, mais Genseric se sent perdre peu à peu pied, et redoute de commettre prochainement l’impardonnable lors d’une crise de somnambulisme sanguinaire.

Alors que nos deux héros se sont rendus dans le hall où un Aed blanchi sous le harnais tient sa cour, pour plaider une nouvelle fois leur cause (enfin, surtout Aoife, Genseric n’étant pas du genre causant), ils sont surpris par l’arrivée impromptue d’une délégation sigmarite, menée par une Prêtresse Guerrière dont le fanatisme ferait passer Torquemada pour un modéré. Après avoir salué ses hôtes en balançant la tête tranchée de son ambassadeur (auquel il est visiblement arrivé un accident sur le chemin du retour des précédentes tractations avec Aoife1) au pied du trône d’Aed, la zélote exige que ses demandes soient exaucées sans plus de délai, sans quoi elle sera au regret de considérer les Fir Danu comme des hérétiques patentés, avec toutes les douloureuses conséquences que cela pourrait entrainer. Aoife ne se dégonfle pas pour autant, et aurait peut-être réussi à éviter un bain de sang grâce à sa langue bien pendue, n’eut été la décision malheureuse de la Prêtresse de se moquer de Genseric, qu’elle traite (à juste titre d’ailleurs) de paria et de lunatique, exilé de sa Loge après avoir échoué à l’Epreuve du Courroux. Pas très malin de sa part de froisser l’amour-propre d’un être aussi zen et équilibré qu’un Fyreslayer à moitié dément, mais que voulez-vous, certaines personnes veulent toujours avoir raison.

Sans surprise aucune, Genseric/Grimnir ne prend pas l’affront à la légère, et colle sa hache dans le torse de la médisante créature, déclenchant une mêlée furieuse dans la salle du trône entre la garde d’Aed et l’escorte de la défunte Prêtresse. Malheureusement pour les locaux, les visiteurs peuvent compter sur la présence imposante d’un Stormcast Eternal, qui se révèle bien trop balèze pour les mortels lui faisant face (malgré les furieux coups de talon runique de Genseric). Aed ayant noblement choisi de rester se battre pour permettre à sa fille et à son nabot de compagnie de s’enfuir, ces derniers décampent dans la montagne sans demander leur reste, pendant que le village se fait passer par l’épée par les Sigmarites.

Après avoir semé leurs poursuivants, Genseric et Aoife interrompent leur course folle pour décider de la marche à suivre. Honteux d’avoir démarré les hostilités (même si on l’avait bien cherché), Gen remet à sa bonne amie une des ses runes et l’enjoint d’aller la convertir en coupons-rancune auprès de son ancienne Loge, qui se fera, si n’est un plaisir, au moins un devoir, d’aller punir les déprédations des croisés. De son côté, le Fyreslayer déchu partira trouver une noble mort au combat, comme ses lointains ancêtres du Monde qui Fut avant lui. Aoife n’est pas en phase avec ce plan mortifère, et souhaiterait plutôt aller se réfugier auprès d’un clan allié des Fir Danu, mais à nouveau, la discussion est interrompue par l’arrivée de visiteurs malpolis, ici le Stormcast Eternal qui servait de garde du corps à feu la Prêtresse Guerrière…

Début spoiler…Malgré l’aide apportée par ses piercings en ur-or, Genseric se fait rapidement mettre au tapis par l’Elu de Sigmar, mais c’est alors qu’une nouvelle vision de Grimnir s’impose à lui, décuplant ses forces et lui permettant de mettre une tôle à son adversaire. Plongé dans un état second, Genseric ne fait plus la différence entre alliés et ennemis (Grimnir déteste tout le monde, c’est connu2) et aurait fait goûter sa hache à Aoife, sans l’intervention opportune du Stormcast – lui non plus pas tout à fait mort – qui empale proprement le Fyreslayer sur son épée alors que ce dernier se recoiffait la crête. Une blessure mortelle, pour sûr, mais pas immédiatement mortelle, ce qui permet à notre increvable héros de remporter le match une bonne fois pour toutes, et à mains nues s’il vous plait. Une bonne mort, à tout le moins.Fin spoiler

1 : Accident dont on suppose que Genseric n’est pas étranger, s’étant réveillé couvert de sang après avoir rêvé d’avoir massacré quelques Skavens la nuit précédente.
2 : Et après on s’étonne que Valaya ait eu une aventure avec le Nain Blanc. Lui au moins ne critiquait pas sa cuisine.

AVIS :

Pour sa première incursion dans les Royaumes Mortels, Graham Thomas Wilcox (qui sera probablement renommé GTW s’il parvient à devenir un habitué des lieux) signe une nouvelle placée sous le signe du grimdark plutôt que de celui de la high fantasy, comme on pouvait s’y attendre pour une soumission se déroulant dans les mondes merveilleux d’Age of Sigmar. Exit les Sigmarites pleins de bons et nobles sentiments envers les peuples qu’ils sont venus libérés de l’emprise du Chaos, et bonjour aux fanatiques manichéens, considérant la moindre hésitation ou critique envers leur sainte entreprise comme une hérésie abominable, qu’il convient de châtier par le fer et le feu1. De la même manière, le Fyreslayer déchu Genseric (et à travers lui, sa faction toute entière, à commencer par sa divinité tutélaire, Grimnir) est dépeint comme un maniaque sanguinaire pour qui seule la guerre importe, et tant pis pour les conséquences. Cela permet de mettre en perspective la fragilité de l’entente entre les différentes factions de l’Ordre, et rend bien plus complexe, et donc crédible, la géopolitique des Royaumes Mortels.

Sur ces prémisses intéressantes, Wilcox développe une histoire assez classique de rédemption, avec Genseric dans le rôle du guerrier couturé hanté par un passé honteux, qu’il devra affronter pour de bon afin de s’en libérer définitivement (d’une manière ou d’une autre). Bien que l’intrigue ne se révèle guère surprenante, l’auteur compense le manque de rebondissements par une bonne caractérisation de son anti-héros, complétées par quelques ajouts fluff de bon aloi et des scènes de combat d’une violence graphique rafraichissante (#LaMontagneCaVousGagne). Les passages narrés du point de vue de Grimnir sont une autre bonne idée de Wilcox, permettant au lecteur de pénétrer la psyché particulière (pour ne pas dire complètement ravagée) du divin nabot. Au final, une histoire de bonne qualité, qui donne envie de suivre le parcours de Graham Thomas Wilcox pour la Black Library.

1 : Les Stormcast Eternals ont perdu leur pureté et leur innocence assez tôt dans la chronologie d’AoS, ce qui fait du personnage du « Chevalier Blanc » de ‘Grimnirsson’ un ajout sympathique plutôt qu’une pure nouveauté

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False Dawn – C. Allen :

INTRIGUE :

False DawnLa Croisade Dawnbringer emmenée par la Hiérophante Anaximandra en direction de la mystérieuse cité oubliée d’Elucidae fait face à quelques difficultés en cours de route, à commencer par le one shot 1 brutal de sa meneuse (qui l’avait tout de même bien cherché à se balader en peignoir dans un marigot grouillant d’hostiles), victime des terribles talents d’acupuncteurs de la tribu de Kruleboyz s’étant installée sur le territoire où la ville mystique a été localisée. Fort heureusement pour les Sigmarites, ils peuvent compter sur l’intervention décisive et on peut le dire, héroïque, de la Capitaine Ephrenna Brynn, qui rallie à elle les forces de l’Ordre pataugeant en pleine confusion (et dans de la gadoue lumineuse, Hysh oblige) après le décès d’Anaximandra, et parvient à convaincre la colonne de tenter une périlleuse marche forcée jusqu’à Elucidae, position beaucoup plus défendable que les marais dans lesquels les Croisés se sont embourbés. Si les motivations d’Ephrenna apparaissent comme purement désintéressées de prime abord, on ne tarde pas à comprendre que cette dernière est également persuadée qu’une grande destinée l’attend, et puisque son oracle personnel (Caustus) multiplie les prédictions pouvant être interprétées comme favorables après avoir tiré des lattes sur sa chichavenir – les ravages de la drogue… – elle n’hésite pas longtemps avant d’ordonner de doubler la cadence, laissant les membres les plus mal en point de son armée distraire les cruels Orruks pendant que le reste de sa force réalise une Ferocious Advance permettant de sécuriser l’objectif.

Le répit n’est cependant que de courte durée pour les Sigmarites, qui se font assaillir dans leur nouveau chez-eux par deux ennemis implacables : les Kruleboyz discos (ils incrustent des éclats de miroirs à leurs armures pour aveugler leurs ennemis, ce qui est assez funky il faut le reconnaître) précédemment mentionnés, et les terribles visions de désespoir qui s’abattent sur les malheureux ayant la mauvaise idée de contempler l’un des très nombreux miroirs laissés dans les ruines d’Elucidae par ses précédents propriétaires. Pour la petite histoire, ces derniers avaient eu l’excellente idée de tenter d’améliorer la nature humaine en confrontant leurs concitoyens à leurs plus grandes peurs grâce à ces miroirs enchantés; le raisonnement étant qu’il était nécessaire de triompher de ses démons intérieurs pour devenir une meilleure personne. Considérant la disparition de leur civilisation, il faut croire que ces méthodes de psychanalyse expérimentale étaient un peu trop en avance sur leur temps. Cela est toutefois le cadet des soucis d’Ephrenna, qui réalise rapidement qu’elle ne pourra pas remporter cette bataille avec la majeure partie de ses soldats affectés par des terreurs nocturnes diurnes, et décide donc d’aller s’expliquer avec Caustus pour avoir au moins la satisfaction de passer sa mauvaise humeur massacrante sur quelqu’un. Après tout, c’est un peu de sa faute si elle s’est lancée dans cette galère, pas vrai ?

Début spoilerEn bon voyant, Caustus refuse cependant de prendre toute responsabilité pour les interprétations fantasques que son employeuse a fait de ses prédictions (qui consistaient la plupart du temps à plisser les yeux très fort et à éructer un mot comme « lumière », « mort » ou « trombone à coulisse »). Il révèle toutefois à une Ephrenna, qui réalise un peu tard sa propre mégalomanie, que son rêve avait toujours été de marquer l’histoire, ou a défaut, de permettre à quelqu’un de le faire, et ce de manière positive ou négative. Et être responsable de la destruction d’une Croisade Dawnbringer est très certainement un moyen de parvenir à cette fin. Vous parlez d’un syndrome d’Érostrate. C’est sur cette infamante annonce que se termine notre propos, alors qu’une petite bande de Kruleboyz toque à la porte de la salle où Ephrenna et Caustus se sont réfugiés. Ça risque d’être assez dur de Stayin’ Aliiiiiiive, c’est moi qui vous le dit.Fin spoiler

1 : Bon en fait, il y a eu deux tirs séparés. Mais le résultat reste au final comparable à une perte de son général au tour 1 sur un jet de dé chanceux de l’adversaire.

AVIS :

Christopher Allen développe des idées intéressantes dans cette première aventure signée de sa main dans les Royaumes Mortels (en particulier le concept de « faux oracle », qui est une continuation habile du fluff établi pour Excelcis1) mais ne réussit malheureusement pas à ‘stick the landing‘, comme on dit à Nottingham. J’ai trouvé la conclusion de son histoire assez décevante, à la fois par son manque de surprise (au bout d’un moment, on comprend bien que la bonne Ephrenna a ferré un trop gros poisson et ne parviendra pas à conserver sa nouvelle conquête) et à cause des motivations très nébuleuses de Caustus – qui n’a même pas l’excuse d’être un cultiste de Tzeentch, dont les plans sont naturellement incompréhensibles à nous autres pauvres mortels. Sans doute qu’un dénouement plus simple et plus direct aurait mieux servi le propos, et j’espère qu’Allen rectifiera le tir pour ses prochaines soumissions : le mieux est toujours l’ennemi du bien, après tout.

1 : Le terme de « Dawners » pour désigner les croisés me fait également bien marrer. Je ne sais pas si Allen en est le créateur, mais cela ouvre le champ à une infinité de blagues « OK Dawner », et cela me comble de joie.

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Voilà qui termine cette revue de la Dawnbringers Week, série intéressante et assez variée, ce qui est à son avantage. Je dois avouer que je craignais d’être confronté à cinq nouvelles racontant peu ou prou la même chose (de courageux croisés bravent un environnement hostile et triomphent de circonstances adverses pour apporter la lumière de Sigmar à quelque coin mal famé des Royaumes Mortels), mais les auteurs mis à contribution ont eu la bonne idée d’explorer des pistes très différentes dans leurs histoires respectives. À titre personnel, ma préférence est allée au ‘Grimnirsson‘ de Graham Thomas Wilcox, qui va jusqu’à faire des croisés les antagonistes de la nouvelle (ce qui est dans le fond loin d’être surprenant), mais les autres contributeurs ne déméritent pas – trop -, particulièrement si on considère qu’il s’agit pour certains d’auteurs novices. Quelques entrées intéressantes dans le grimoire toujours plus dense de la GW-Fiction, et quelques noms à suivre dans les mois et années qui viennent.

BLACK LIBRARY 2018 ADVENT CALENDAR [40K – HH – AoS]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue des nouvelles du Black Library 2018 Advent Calendar, que je reconnais volontiers entreprendre bien tardivement (mais j’ai fait pire). Comme pour les autres chroniques du genre, il s’agira de passer au crible les histoires proposées par la BL, à raison d’une par jour, du 1er au 24 Décembre. On peut d’ores et déjà constater que le millésime 2018 était assez bien doté, avec pas moins de 18 nouvelles (complétées par six audio dramas, qui ne seront pas traités ici), provenant de quatre franchises de la GW-Fiction : 40K, Age of Sigmar et l’Hérésie d’Horus, bien sûr, mais également Blackstone Fortress1.

1 : Le panorama aurait pu être encore plus complet si les trois soumissions se déroulant à Necromunda n’avaient pas été des audio dramas.

Black Library 2018 Advent Calendar

Les auteurs mis à contribution pour cette fournée hivernale ne surprendront pas des masses les lecteurs vétérans, puisque l’on retrouvera ici des noms aussi connus que Graham McNeill, Gav Thorpe, David Annandale ou encore C. L. Werner. Pour la nostalgie, signalons également que cette série compte l’une des dernières productions du regretté Josh Reynolds pour la Black Library. Dernier détail notable avant d’entrer dans le dur, c’est à partir de ce moment que la BL a cessé (pour l’heure) de republier les nouvelles siglées Hérésie d’Horus dans des recueils tels que ‘Heralds of the Siege’ ou ‘The Burden of Loyalty’, ce qui rend la lecture de ce pot-pourri littéraire incontournable pour le fan hardcore. Voyons maintenant s’il ce dernier n’a pas perdu son temps et son argent…

Black Library 2018 Advent Calendar

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Old Wounds, New Scars – G. McNeill [HH] :

INTRIGUE :

Old Wounds, New ScarsAprès s’être échappée de Molech avec homme et enfants, la pépée (Perpétuelle et Psyker) Alivia Sureka a patienté de longs mois dans des conditions de promiscuité inconfortables que le Molech’s Enlightenment traverse la galaxie pour rejoindre Terra. Alors que ça commence à sentir bon l’écurie (ou bien est-ce simplement une conséquence de mettre 30.000 personnes en vase clos pendant deux an), les nuits de celle que ses co-passagers appellent Sainte Liv – à son grand agacement, elle aurait préféré Liv Tyler – se font de plus en plus agitées. Elle rêve ainsi de sa vie passée sur ce qui n’était alors que la Terre, il y a plusieurs millénaires de cela, le tout entrecoupé de métaphores animalières où l’Empereur lui apparaît comme cerf (ce qui est toujours mieux qu’un gnou) pourchassé par une meute de loups. Pour ne rien arranger, une voix mystérieuse s’invite à intervalles de plus en plus réguliers dans sa tête, et émet des jugements de valeur tout à fait déplacés sur la qualité de ses visions. C’est beaucoup pour une seule femme, reconnaissons-le.

Pour se changer les idées et prendre des nouvelles fraîches de l’avancée du périple du Molech’s Enlightenment, Alivia décide d’aller rendre une visite de courtoisie au capitaine du vaisseau (Sulaiman). Ce dernier lui apprend que le destroyer n’est plus qu’à quelques encâblures du la porte élyséenne, un des accès principaux du système solaire, ce qui est certes appréciable, mais aussi et surtout très dangereux. Alivia doute en effet qu’un vaisseau en provenance d’un système tombé entre les griffes du Maître de Guerre soit accueilli les bras ouverts par la flotte solaire, quand bien même il ne serait occupé que par des fidèles sujets de l’Empereur, comme c’est ici le cas. Son argumentaire ne parvient toutefois pas à convaincre Sulaiman, qui la fait gentiment mais fermement mettre à la porte par son service de sécurité après que la donzelle ait aggravé son cas en engueulant tout fort la voix qui continue à geindre dans sa tête, ce qui est une chose très rassurante de la part d’un Psyker en train de traverser le Warp, comme on s’en doute.

N’ayant rien de plus urgent à faire, Alivia finit par s’isoler dans un coin pour percer à jour le mystère de la voix (sans doute bulgare, du coup), et il s’avère que c’est son ex, lui aussi Perpétuel et Psyker, John Grammaticus, qui cherchait à la recontacter. Comme la dernière fois qu’ils se sont vus, Monsieur l’a laissé enfouie sous les décombres du bar de Kaboul où le couple avait ses habitudes après qu’un malheureux tir d’artillerie ait atteint le rade, les premiers échanges sont un peu tendus. Toutefois, après avoir évoqué le bon vieux temps, et notamment ces vacances mémorables à Béziers, Grammaticus finit par cracher le morceau : il a absolument besoin de retrouver Oll Persson, qu’il a « perdu de vue » depuis les événements de Calth, et doit pourtant amener jusqu’à Terra pour servir de botte secrète à Pépé. Le perpétualisme étant un milieu assez fermé, sans doute que sa bonne amie Alivia pourra lui fournir un tuyau utile ?

À cela, la réponse simple est « non », car notre héroïne n’a pas la moindre idée d’où ce vieux Persson s’est planqué depuis Béziers (ils sont partis à trois). Mais comme Madame est une chicaneuse, elle fait croire à Grammaticus qu’elle sait où le troisième larron se trouve, mais n’est pas disposée à lui passer cette info, na. Ceci fait, elle met fin à l’échange télépathique et trouve un moyen de se représenter devant Sulaiman pour plaider à nouveau sa cause et obtenir que le retour dans le système solaire se fasse par l’entrée de service plutôt que par la grande porte. Elle arrive cependant trop tard pour empêcher le Molech’s Enlightenment de se jeter dans la gueule du loup, et, lorsqu’à peu près 78,439 vaisseaux de guerre attendant l’arrivée d’Horus et de sa flotte avec le doigt sur la gâchette du macrocanon leur balancent une volée de missiles en guise de salutation, elle se rend compte qu’elle ne tient pas tant que ça à savoir ce qu’il arrive à un Perpétuel qui se ferait réduire en cendres dans l’espace (une expérience fascinante). Fort heureusement, Johnny Grammy a le bras long maintenant qu’il est revenu aider son Pépé, et grâce à un coup de fil tête urgent et en échange de la localisation de Persson (un problème pour future her), il parvient à stopper le feu d’artifice avant qu’il ne soit trop tard.

La nouvelle se termine avec l’arrivée de la petite famille recomposée d’Alivia dans le spatioport de la Porte du Lion, et le rembarrage ferme mais poli du larbin (Khalid Hassan) envoyé par Malcador servir de taxi à la smala. Quoi de plus normal que de faire un peu de tourisme de l’apocalypse en toute liberté avant que l’état de siège soit déclaré, pas vrai ?

AVIS :

Graham McNeill se frotte à l’exercice délicat de l’arc mineur feuilletonné (ça fait classe dit comme ça), sur le modèle de ce que l’incomparable Dan Abnett a tenté, et en grande partie réussi, avec Oll Persson et John Grammaticus dans cette même Hérésie. Cela est peut-être dû à mon ignorance crasse de qui était Alivia Sureka au moment où j’ai lu pour la première fois ‘Old Wounds, New Scars’, mais je n’ai pas trouvé le résultat très réussi. McNeill nous balance certes quelques bribes sur le passé (aussi bien proche que trèèèèès lointain) de son héroïne, mais il n’a pas l’élégance ou l’efficacité d’Abnett pour aider le tout venant à raccrocher les wagons des épisodes précédents. Si on passe outre ces considérations séquentielles, l’intrigue de la nouvelle n’est pas non plus exempte de tout reproche, ou, dit autrement, est d’une simplicité et d’une linéarité absolue. On comprend à la conclusion de l’histoire qu’il s’agissait surtout pour l’auteur de positionner un de ses personnages perpétuels récurrents au bon endroit et au bon moment pour faire avancer son arc narratif1, mais je ne suis pas convaincu que dédier une nouvelle entière à cette péripétie très moyenne d’un rôle secondaire (pour le dire poliment) était absolument nécessaire.

1 : Ce qui semble avoir été le cas, Alivia Sureka reprenant du service dans ‘Fury of Magnus’.

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Blood Gold – G. Thorpe [AoS] :

INTRIGUE :

Blood GoldUn ost de Lames de Khorne se dirige dans le chaos et l’anarchie (logique) vers la forme imposante du Mont Vostargi, le méga-volcan du Royaume d’Aqshy ayant servi de berceau enflammé aux robustes Fyreslayers. L’arrivée des maniaques n’étant pas passée inaperçue, une armée de petits rouquins a pris position devant la Porte de la Défiance Eternelle pour leur barrer la route, sous le commandement du Père des Runes Ungrimmsson Drakkazak. Alors que les Duardin patientent avant que la mêlée ne s’engage, Ungrimmsson décide de raconter à un jeune et nerveux Vulkite les origines de la malédiction qui frappe les membres de sa Loge, et a changé la peau de ses fiers guerriers en roche en fusion (ce qui n’est pas banal, reconnaissons-le).

Durant l’Âge des Mythes, la Loge Ironfist était dirigée par un Père des Runes aussi acariâtre que déterminé, Brynnson Drakkazak. Alors que les autres Loges se satisfaisaient d’exploiter les ressources minérales de leurs montagnes natales, les Ironfists n’hésitait pas à monter des raids à travers Aqshy, et plus (loin) si affinités, afin de récupérer le plus possible du précieux ur-or disséminé à travers les Royaumes. Après tout, la reconstitution de l’intégrité physique de Grimnir ne pouvait pas être retardée par des considérations aussi terre à terre que le respect des traités et le consentement libre, informé et préalable des populations locales, pas vrai ? Cette attitude belliqueuse n’était pas appréciée des autres Pères des Runes, mais Brynnson n’étant pas du genre à écouter les jérémiades de ses pairs, les Ironfists ne restaient jamais longtemps au Mont Vostargi à se tourner les pouces.

Un beau jour, ou peut-être une nuit, se présenta un émissaire humain du nom d’Ologhor Shenk, qui annonça à l’assemblée des Pépères (un nom approprié pour cette instance suprême, à mon humble avis) venir forger une alliance avec les Fyreslayers. En échange d’une grande quantité d’ur-gold, d’une qualité particulière mais reconnue comme legit par le Seigneur des Runes de fonction, il était à la recherche d’alliés prêts à se salir les mains pour le débarrasser d’une tribu rivale, les Direbrands. Ces derniers étant des sigmarites invétérés, et donc protégés par l’alliance établie entre Sigmar et Grimnir avant que ce dernier parte en safari, l’offre fut refusée par tous les Pères des Runes présents… à l’exception bien sûr de Brynnson.

L’enthousiasme du maître des Ironfists ne tarda pas à redescendre lorsqu’il se rendit compte que Shenk n’était pas le type le plus honnête de l’univers, et que sa haine des Direbrands était sans limite. Après avoir guidé les Fyreslayers jusqu’au camp d’été de la tribu, où les guerriers humains surpris en pleine bombance se battirent vaillamment mais se firent massacrer jusqu’au dernier par les implacables Duardin, Shenk exigea de ses alliés qu’ils fassent subir le même sort à la colonie de vacances établie pour les enfants Direbrands à quelques encablures du camp des adultes. Mercenaire avec des principes, Brynnson refusa de tourner full Anakin Skywalker, et repartit vers le Mont Vostargi avec son ur-or salement gagné, laissant Shenk se débrouiller avec sa marmaille.

Cette décision ne fut pas sans conséquence, car lorsque les membres de la Loge se livrèrent au rituel de runification corporelle pour lequel les Fyreslayers sont bien connus, les effets secondaires ne tardèrent pas à se manifester. Comme vous pouvez vous en douter, le métal mystique remis par Shenk, qui était coupé avec du bronze provenant de la forteresse de Khorne, causa la peau des Duardin à se transformer en roche fondue, conséquence du déplaisir de la divinité tutélaire du fourbe émissaire devant un job bâclé par les Ironfists. Bien que l’ur-or ait gardé ses propriétés de renforcement musculaire, les Fyreslayers Ironfists furent marqués à jamais par leur association douteuse – mais involontaire, il faut leur reconnaitre au moins ça – avec une divinité chaotique.

Retour au temps présent et au périphérique vostargien, Ungrimmsson ayant terminé son histoire et les Khorneux ayant fini leur marche d’approche. Lorsque son jeune interlocuteur lui fait remarquer qu’il a narré cette légende comme s’il y avait pris part, le Père des Rune a un petit sourire triste, et révèle au Vulkite que c’est bien le cas. Ungrimmsson, ce qui signifie briseur de serment en whatever la langue des Duardin is called these days, a pris ce nom après que la malédiction se soit abattue sur sa Loge, et attribue sa trèèèèès longue vie au sens de l’humour très particulier de Khorne, qui s’est plu à prolonger les jours de celui qui a osé le défier il y a tous ces millénaires. La nouvelle se termine sur une nouvelle transaction à l’amiable entre chaotiques et Fyreslayers, la meneuse des maraudeurs balançant une bourse d’ur-or aux pieds de la (mini) Chose. On ne saura pas pourquoi les deux généraux ont trouvé malin de déranger leurs armées pour cet échange trivial, mais pour une fois que les choses ne dégénèrent pas dans les Royaumes Mortels, on ne va pas s’en plaindre.

AVIS :

Gav Thorpe reprend du service comme aède épique (l’un des rôles dans lesquels il est le plus à l’aise, et le plus « performant ») dans ce ‘Blood Gold’, et nous sert une petite histoire tout à fait satisfaisante sur la géopolitique complexe du Royaume d’Aqshy aux temps jadis. Il en profite pour faire le lien avec ses travaux chaotiques initiés dans ‘The Red Feast’, ce qui fera sans doute plaisir aux lecteurs de ce bouquin. J’ai particulièrement apprécié le portrait nuancé que fait Thorpe des Fyreslayers, qui apparaissent comme les véritables mercenaires que le background établit, et n’ont donc aucun problème à massacrer sans crier gare de lointains alliés pour peu qu’ils aient été payés au juste prix. Cela les différencie très nettement des honorables Tueurs du Monde qui Fut dont ils sont les héritiers, ce qui est une bonne chose, et donne à cette faction une complexité qui est la bienvenue dans le monde de high fantasy d’Age of Sigmar. Une réussite.

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Fire and Thunder – R. Harrison [40K] :

INTRIGUE :

Fire and ThunderNous sommes sur Balfar, monde impérial contesté par ces mauvais sujets de Clairvoyants, et les forces impériales chargées de tenir la cité cathédrale de Whend sont en train de se faire botter les fesses de belle manière. Un début de mission ma foi fort classique pour la Commissaire Severina Raine et son régiment d’adoption (le 11ème Fusilier d’Antari), qui aiment laisser l’initiative à leurs adversaires pour mieux le contrer dans le money time. Faut croire. En tout cas, la situation ne cesse de se détériorer pour les braves soldats de la Compagnie Grise du Capitaine Yuri Hale : après avoir réussi à battre en retraite jusqu’au dernier pont tenu par les forces impériales permettant de sortir de la cité, malgré la poursuite acharnée – mais rigolarde, car les Clairvoyants passent leur temps à se gondoler comme des baleines, ce qui est doit être un peu crispant pour leurs adversaires – menée par les cultistes, nos héros sont frappés par la poisse et par un barrage d’artillerie suivi par un raid de chasseurs ennemis, qui détruit le pont, blesse une bonne partie du casting, et piège Raine et ses ouailles du mauvais côté du périphérique.

Après s’être terrés quelques temps dans une caserne abandonnée, ce qui permet au Medic de la fine équipe (Nuria Lye) de traiter les petits et gros bobos subis par ses collègues de travail, à commencer par la Psyker sanctionnée Lydia Zane, qui a payé très cher ses dernières interventions kinétiques et s’est pris quelques shrapnels dans le buffet pour ne rien arranger, les Antaris parviennent à joindre le Tacticae par radio, mais se font sèchement rembarrer par leur interlocuteur (Logun) lorsqu’ils demandent une extraction. Motif : ils ne sont plus assez nombreux (23) pour que le jeu en vaille la chandelle, et ils n’ont pas pris l’assurance dépannage premier kilomètre, en plus (grosse erreur). La Garde Impériale, toujours à mettre en avant les ressources dans « ressources humaines ». Qu’à cela ne tienne, les hardis fusiliers s’en sortiront par leurs propres moyens, et après avoir soigneusement étudié la carte de Whend, les officiers décident de tenter leur chance du côté de Deadways, soit l’ossuaire de la cité. C’est en effet ici qu’un aqueduc traverse la gorge qui ceinture la ville pour apporter de l’eau aux quartiers ouest, et il y a donc de bonnes chances pour que les Clairvoyants ne l’aient pas fait sauter (tout le monde a besoin de boire, même les cultistes de Tzeentch).

Démarre alors une excursion en terrain ennemi qui mettra à rude épreuve le moral, la discipline et les capacités martiales des rescapés. En plus des attaques récurrentes des Clairvoyants, à négocier avec des blessés de plus nombreux (et blessés) et un stock de munitions qui baisse à vue d’œil, le spectacle des exactions commises par les Clairvoyants sur les habitants de Whend et sur les malheureux Gardes qui sont tombés entre leurs mains refroidit considérablement l’enthousiasme de nos bidasses. Pour ne rien arranger, le Sergent Daven Wyck lutte contre une addiction dévorante aux drogues de combat, et lorsque sa dernière dose se brise malencontreusement alors que les réjouissances viennent de commencer, il en est quitte pour une descente très malaisante. À tel point qu’il manque d’en venir aux mains avec le Capitaine Hale après avoir perdu un jeune membre de son escouade sur un booby trap qu’il n’a vu que trop tard, et dont il se reproche donc le décès tragique. Ce sont des choses qui arrivent, mais quand Severina Raine regarde, seulement une fois. Se sachant en sursis, Wyck se tiendra à carreau pour le reste de la mission, et sauvera même ses petits camarades lors de l’arrivée du boss de fin (un Thunderbolt chaotique) grâce à un tir exceptionnel avec le fusil de sniper qu’il a looté sur un cadavre d’officier, quelques heures plus tôt1.

Au terme d’un parcours éprouvant, la fine équipe parvient à rejoindre ses pénates, avec des effectifs très réduits (13/23), mais sans avoir perdu un seul personnage important dans l’affaire. Même l’increvable Zane s’est courageusement accrochée à son dernier point de vie, et pourra donc être remise sur pied pour servir à nouveau l’Empereur. Ce n’est toutefois pas la fin de la journée de l’infatigable Raine, qui sitôt sortie de l’hopital de campagne, se rend au Tacticae pour faire son rapport…

Début spoiler…Et surtout pour confronter notre ami Logun, qui, après vérification de la part de l’exacte Commissaire, a donné l’ordre de bombarder la zone où se trouvait Raine et ses troupes en début de nouvelle. Mis devant ses responsabilités, l’officier reconnaît ses fautes2 mais plaide l’honnête boulette (honestus bulletius en Haut Gothique) consécutive à des longues heures de travail et une climatisation défaillante – il fait chaud sur Balfar, car la planète a deux soleils. Cela fait doucement rigoler Raine, mais elle se contente de demander à Logun de lui lire la liste des Antaris tués par sa faute, avant de laisser son interlocuteur méditer sur sa tragique erreur. Une preuve de mansuétude ? Pas vraiment, Raine ayant pris soin de passer l’information à ses collègues du Commissariat rattaché au haut commandement des opérations sur Balfar. Il n’y a plus qu’à laisser la justice faire son trav- BANG.Fin spoiler

1 : Même si le nom de l’officier en question n’est pas donné, je parie ma paie qu’elle s’appelait Tchekov.
2 : Ce qui est toujours plus classe que ce qu’a fait le Général Sturm aux Fantômes de Gaunt pendant le siège de Voltis City.  

AVIS :

Rachel Harrison s’impose plus que jamais comme la nouvelle référence en matière de littérature de guerre (spécialité : Garde Impériale) avec ce très complet ‘Fire and Thunder’, qui place l’inflexible Commissaire Raine et une poignée de personnages secondaires (Wyck, Hale, Zale, Cris, Lye) dans un beau pétrin, et laisse ce beau monde se débrouiller pour retrouver le chemin du baraquement, ce qui ne tient évidemment pas du parcours de santé. En plus de regorger de scènes d’actions nerveuses et violentes, ce qui permet de maintenir une tension narrative optimale1, cette nouvelle fait gagner une belle profondeur au Sergent Daven Wyck, dont la lutte contre ses démons personnels (don’t do drugs, kids) constitue une intrigue secondaire tout aussi prenante que la mission d’exfiltration par les catacombes qui occupe le cœur de notre propos. Harrison parvient également à développer/rendre attachants quelques autres membres de la garde (impériale) rapprochée de Miss Raine, à commencer par la Psyker hémophile Zane – qui s’en prend vraiment plein la tronche d’un bout à l’autre de l’histoire – mais également la Medic Nuria Lye (et ses rapports complexes avec Wyck) ou encore la rigolarde mais explosive ingénieure Yulia Crys. On termine ‘Fire and Thunder’ avec une envie pressante de connaître la suite des arcs savamment mis en lumière par Rachel Harrison, ce qui est une marque indéniable de réussite. Un très bon cru.

1 : Un peu amoindrie quand on sait que plusieurs personnages disposent d’une armure en scenarium, mais Harrison réussit tout de même à nous intéresser au sort des seconds couteaux de cette petite escapade en terrain ennemi, ce qui est la marque d’un auteur compétent.

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Man of Iron – G. Haley [40K] :

INTRIGUE :

Man of IronAlors qu’il se reposait rechargeait tranquillement dans la soute du vaisseau qu’il partage avec les jumeaux Ratlings Raus et Rein, UR-025 est réveillé mis en marche par l’intrusion d’un de ces petits parasites, lui annonçant l’arrivée de visiteurs souhaitant s’entretenir avec lui. Dont acte. Les individus en question se révèlent être un trio d’adeptes du Mechanicus de rang minable et d’intentions peu charitables, escortés par un vieux modèle de Kastelan pour faire bonne mesure. Ayant appris l’existence d’UR-025, et n’avalant qu’à moitié son histoire de contrôle à distance par un Magos surdoué (comme la plupart des gens à qui le robot a livré cette expédition, pour être honnête), les trois desperadeptes ne souhaitent rien de moins que kidnapper le mystérieux cyborg pour leur propre profit. Il ne faut pas longtemps à UR-025 et ses systèmes perfectionnés d’homme de fer pour comprendre de quoi il en retourne, mais problématiquement, il ne peut pas refuser de but en (métal) blanc d’accompagner ses visiteurs dans leur projet d’escapade dans la Forteresse Noire. Il est censé être après tout un robot dénué de libre arbitre, et les accords liant les mondes forges de Ryza (où vit le Magos imaginaire que notre héros s’est donné comme patron) et Metallica (planète d’origine des forbans) ne lui laissent pas d’autres choix que de s’exécuter.

Fort heureusement, UR-025 a plus d’un programme dans sa banque de données, et entraîne ses nouveaux amis dans une partie tranquille de la Forteresse, sous couvert de les mener sur un filon de xenotech, où une franche explication sera plus facile que dans l’agitation de Precipice. Les cris stridents annonçant l’arrivée prochaine d’une meute d’ur-ghuls affamés, et les effets que ces signes avant-coureurs ont sur les nerfs fragiles des renégats, signalent à l’androïde que la récré est terminée. Profitant de la confiance mal placée que ses kidnappeurs lui accordent, UR-025 descend froidement ses compagnons les uns après les autres, révélant sa véritable identité au dernier survivant de la bande avant de le terminer à son tour. Ceci fait, il ne reste plus à notre indéboulonnable homme de fer qu’à prendre le chemin du retour, afin de pouvoir continuer sa mise en charge bien méritée. Moralité : Metallica, ce n’est pas toujours plus fort que toi.

AVIS :

Petite nouvelle sans prétention de la part de Haley, ce Man of Iron n’en est pas moins sympathique, la maîtrise narrative de l’auteur se doublant d’une mise en scène intéressante de son protagoniste, qui peut sans doute prétendre au titre de « personnage de Blackstone Fortress au fluff le plus intéressant ». Diantre, ce n’est pas tous les jours que l’on a affaire à un authentique homme de fer, même si « l’aventure » à laquelle il participe tient plus de l’esquive de démarcheur de rue que de la fresque épique révélant les origines de cette relique ambulante (qui se vante d’avoir rencontré le véritable Omnimessie – c’est à dire pas l’Empereur – aux cours de ses pérégrinations). Guy Haley arrive à insuffler à UR-025 une personnalité de vieux ronchon désespéré par la tournure prise par les événements au cours des derniers millénaires, et forcé de jouer au robot stupide – ce qui est souvent assez drôle – pour éviter d’attirer les soupçons sur qui il est vraiment. Le résultat, à défaut d’être mémorable, est tout à fait correct, et on se prend à rêver d’une éventuelle rencontre entre UR-025 et Bellisarius Cawl, et du dialogue qui s’en suivrait…

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The Deeper Shade – C. L. Werner [AoS] :

INTRIGUE :

The Deeper ShadeQuelque part sur le littoral luxuriant de Ghyran, la bande d’affreux du sorcier Thalinosh de Charr se prépare à explorer un donjon un peu particulier. La cible des cultistes est en effet la Griffe de Mermedus, une aiguille rocheuse fermement plantée dans une baie isolée de la côte ghyranite, et que les locaux évitent avec soin du fait de son effroyable réputation. Comme le confirme le vieux prêtre de Sigmar que Thalinosh a capturé pour lui servir de guide, un fantôme assoiffé de sang moelle hante les lieux et attaque tant les hommes que les navires ayant la mauvaise idée de s’aventurer sur son territoire. Il en faut cependant plus pour décourager notre héros, car c’est ici-même que son apprenti fugueur (Gratz) a perdu une relique que le sorcier souhaite absolument récupérer, spectre grognon ou pas.

Accéder à la grotte où le monstre, que Thalinosh suppose avec raison être désormais l’heureux détenteur de son bien, se prélasse ne sera pas chose facile, la caverne se situant à la base de la Griffe et étant donc submergée par les eaux. Il en faut toutefois plus pour décourager le sorcier, qui grâce à un ingénieux dispositif de digue (magique) et de pompage (magique aussi), parvient à mettre la base de l’aiguille en cale sèche, au modique prix de la vie du prêtre et de son chenapan d’apprenti. Ceci fait, il emmène ses fidèles suivants, commandés par l’homme-bête Sharga et la guerrière Borir, faire un peu de spéléologie marine.

Au bout d’une marche d’approche sans autres désagréments qu’un pantalon trempé et une persistante odeur de limon, la fine équipe arrive au cœur de la Griffe, où tout semble indiquer que le mystérieux fantôme a pris ses quartiers. Le sol est en effet jonché d’ossements rongés et de trésors boueux, et lorsque le trio de goons qu’il a envoyé à l’avant-garde est attiré sous la surface par un invisible assaillant, il est temps pour que le boss fight que l’on devinait se profiler à l’horizon se déclenche. Envoyez la musique…

Début spoiler 1…L’adversaire auquel Thalinosh et Cie font face se révèle être un Krakigon adulte, soit le fruit des amours interdits entre un kraken et un caméléon. Si les capacités mimétiques de la bête compliquent dans un premier temps son ciblage par nos aventuriers trempés jusqu’à l’os, la magie de Thalinosh permet de jeter une lumière crue sur l’ennuyeuse bestiole, et de révéler que dans grande coquetterie, elle porte l’éclat de shadeglass dérobé par Gratz à son tuteur en sautoir. Au bout d’un combat éreintant au cours duquel tous les personnages non nommés finissent éclatés sur les parois de la grotte ou dévorés par la bête, l’intrépide Sharga parvient à arracher le précieux du maître au caractériel calamar, avant que ce dernier ne se fasse écraser par un pan de falaise que ses tentaculaires gesticulations avaient dérangé. Voilà une affaire rondement menée…

Début spoiler 2…Mais cela est sans compter la perfidie naturelle des Disciples de Tzeentch, bien sûr. Borir trahit donc ses comparses et arrache le précieux éclat des doigts raidis par la mort du pauvre Sharga après lui avoir planté sa dague rituelle dans le cœur. Elle révèle à Thalinosh avoir fait un pacte avec le rival de ce dernier, l’infâme Carradras (qui s’est enfin réveillé, il faut croire), et, confiante dans l’état de fatigue avancé de son ancien patron après les efforts consentis pour venir à bout du Krakigon, lui expédie sa dague en pleine poitrine pour faire bonne mesure. En cela, elle commet une grave erreur, comme lui souffle ce rusé de Thalinosh, car c’est le sortilège du sorcier qui empêche les eaux d’engloutir la grotte où ils se trouvent. Réalisant sa boulette, Borir se lance dans un sprint éperdu en direction de la sortie, laissant Thalinosh seul dans la caverne, mais moins mal en point qu’il n’y paraissait. La dague avec laquelle la traitresse l’a frappé étant un athame qu’il a lui-même confectionné, il ne pouvait être blessé par ce projectile. Mouahahaha. Trop fatigué pour donner la chasse à son acolyte, il claque ses dernières réserves de mana dans un sort de vol afin de sortir de la Griffe par le trou dans le plafond obligeamment aménagé par le Krakigon dans son agonie, et a la satisfaction de voir Borir se faire submerger par les vagues lorsqu’il met fin à son enchantement. Qui sait, peut-être qu’il trouvera ce qu’il cherche lors de la prochaine marée basse ?Fin spoiler  

AVIS :

C. L. Werner revisite l’archétype de la nouvelle d’heroic fantasy, la bande d’aventuriers en quête d’un artefact mystique gardé par un monstre patibulaire, en mettant en scène une bande de cultistes de Tzeentch plutôt qu’un groupe à l’allégeance plus neutre. Le résultat est tout à fait satisfaisant, même si assez convenu, Werner ayant assez de métier pour rendre une copie de qualité. Un filler très honnête.

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Abyssal – D. Annandale [HH] :

INTRIGUE :

AbyssalOù il sera question du Psyker Aveth Vairon, cueilli comme la rosée du matin par l’équipage d’un Vaisseau Noir alors qu’il cherchait à évacuer sa planète natale (Kithnos) avant l’arrivée d’Horus et de ses renégats. N’ayant pas perdu tout fighting spirit malgré les conditions de détention épouvantables qui sont les siennes, et persuadé que le destin (qui se manifeste dans son cas particulier par l’apparition d’une rune bien particulière dans son champ de vision) finira par lui sourire, Vairon convainc deux de ses co-détenus de monter une insurrection contre l’équipage de l’Irkalla, initiative généreuse mais mise en échec par l’arrivée de la première Sœur du Silence venue. Saleté de Parias.

Jeté au mitard en punition de son rôle d’objecteur de conscience, Vairon est toutefois rapidement tiré de sa cellule par ses complices, après que le Vaisseau Noir ait été attaqué par un ennemi inconnu, permettant au trio d’échapper à l’attention des gardes et de libérer une autre détenue placée à l’isolement en raison de sa dangerosité. Celle que nous surnommerons la cantatrice chauve du fait de son physique particulier et de sa voix de stentor doit servir de ticket de sortie à Vairon et ses camarades (Cassina et Harvus), d’après le pressentiment confus que le premier éprouve en sa présence. Bien aidé par ses pouvoirs de Banshee (elle hurle dès qu’elle se sent menacée, avec des effets radicaux sur les malheureux qui lui font face) et le GPS psychique de Vairon, le petit groupe parvient à naviguer dans le dédale des coursives, et se rapproche de la section du vaisseau où sont stockés les modules de survie. Une stratégie de court terme, certes, mais on ne peut pas reprocher à des Psykers de vouloir quitter un Vaisseau Noir par tous les moyens, et de réfléchir à la suite des opérations plus tard.

Manque de bol, Vairon and friends croisent la route d’une Sœur du Silence solitaire alors qu’ils touchaient au but, et l’aura anti-psy couplée au pistolet bolter de la nouvelle arrivante se révèlent être fatals à Cassina, Harvus et à Miss Grandgousier. Miraculeusement épargné par les bolts, Vairon ne donne toutefois pas cher de sa chère personne, et aurait sans nul doute fini éparpillé façon puzzle à son tour n’eut été l’intervention décisive de mystérieux sauveurs…

Début spoiler…Une escouade de Word Bearers débarque en effet sur les lieux du cri(me), et règle rapidement son compte à la Sœurette isolée. Vairon réalise alors avec horreur que la fameuse rune qui a guidé sa vie pendant toutes ces années n’était en fait qu’une décoration de l’armure du frère Jean-Firmin, 734ème Compagnie, et qu’il s’est fait des plans sur la place que la DESTINEE lui avait réservé dans le grand ordre des choses. Une chose est sûre, ses talents vont être utilisés à plein potentiel, mais sans doute pas d’une manière qui le satisfasse beaucoup…Fin spoiler

AVIS :

Onze pages, c’est un format exigeant pour écrire une nouvelle intéressante, et ayant pratiqué la prose de David Annandale plus qu’à mon tour, j’avais inconsciemment placé la barre assez basse sur cet ‘Abyssal’ dès la réalisation qu’il s’agissait d’un très court format. Et je n’ai pas été déçu (et donc j’ai été déçu). S’il serait mesquin de ma part de pointer la simplicité de l’intrigue, qui est directement reliée au nombre de pages que l’auteur peut consacrer à étoffer son histoire, je serai en revanche moins conciliant sur le choix d’Annandale de mettre en avant un personnage (la femme sans visage), pour au final le bazarder comme un malpropre et sans que le soin consacré à le faire ressortir du lot ne serve à grand-chose. De plus, et c’est assez ironique pour un texte aussi court, j’ai trouvé la préparation du (mini) twist final trop longue, ce qui amène le lecteur à deviner ce qu’Annandale avait derrière la tête deux paragraphes avant qu’il révèle le fin mot de l’histoire. ‘Abyssal’ n’est pas abysmal (je reste mesuré, même si le jeu de mots était tentant), mais il ne mérite pas vraiment le détour.

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Acts of Sacrifice – E. Dicken [AoS] :

INTRIGUE :

Acts of SacrificeLa situation n’est pas fameuse pour les templiers de l’ordre de l’Étoile Ardente, dédié à cette bonne vieille Myrmidia. Assiégés dans leur forteresse par la horde de Sulkotha Godspite, championne de Khorne au physique impressionnant, ils ont résisté avec vaillance pendant des semaines mais la sauvagerie et le nombre de leurs adversaires ne laissent que peu d’espoir aux derniers rescapés quant à la conclusion de cet affrontement. Leur Grand Maître (Vaskar) tombé au champ d’honneur la veille, et sans aucune nouvelle de l’émissaire dépêché en début de siège quérir l’aide des Fyreslayers de la Loge Hermdar, la commandante par intérim Anaea se résout à tenter le tout pour le tout et à monter une sortie pour rejoindre le Drakemount, un autre bastion de l’ordre situé à quelques jours de voyage sur le plateau de Flamescar. Malgré la réticence de son second Karon, un chevalier old school tout prêt à donner sa vie pour l’honneur et la gloire dans un dernier carré futile, Anaea convainc ses troupes d’abandonner aux Khorneux la possession du terrain, et les Myrmidions se lancent à l’assaut des barbares braillards, juchés sur leurs fidèles demidroths.

Au prix d’une mêlée furieuse pendant laquelle Karon et Godspite croisent le fer et l’indispensable Anaea récupère la bannière de l’ordre au moment où elle allait tomber 1) par terre et 2) à l’ennemi, les templiers parviennent à transpercer les lignes ennemies et à s’enfuir dans le Désert de Verre, gardant l’accès au Drakemount. Le voyage est éprouvant pour les chevaliers lézardiers, plus d’un succombant à ses blessures ou à l’impitoyable soleil d’Aqshy, tandis que les meutes de molosses mutants (check l’allitération) que Godspite utilise comme éclaireurs harcèlent les rescapés. Lorsque la forteresse tant attendue se profile enfin à l’horizon, Anaea entraîne ses troupes dans un dernier élan vers la sécurité du bastion allié, où ils pourront enfin se reposer avant que les hostilités recommencent…

Début spoiler…Mais c’était sans compter sur l’omniprésence de l’ennemi (on ne l’appelle pas Chaos universel pour rien), qui a attaqué la forteresse et passé sa garnison par l’épée il y a de cela plusieurs mois, à en juger par l’état des cadavres que les templiers découvrent sur place. La horde de Godspite n’étant qu’à quelques heures de marche du Drakemount, et sans autre plan de rechange à disposition, c’est au tour de Karon de faire valoir ses arguments, et de résoudre ses compagnons d’armes de vendre chèrement leur vie dans les ruines de la citadelle. Cette décision suicidaire n’est toutefois pas du goût d’Anaea, déterminée à faire survivre son ordre à tout prix, et en solitaire s’il le faut. Cette traditionaliste acharnée s’éclipse donc par une poterne (toujours avec sa précieuse bannière, parce que why not) avant l’arrivée des Khorneux, et bien qu’elle doive rabrouer quelques vilains doggos en route vers sa prochaine destination, elle parvient à nouveau à s’échapper de la nasse chaotique. La nouvelle s’achève sur sa contemplation, forcément morne et déchirante, de l’ultime bataille livrée par son ordre, avant qu’elle ne reparte en direction d’un nouveau foyer. Que font les Stormcast Eternals quand on a besoin d’eux ?Fin spoiler

AVIS :

Acts of Sacrifice’ fait partie de ces nouvelles qui se terminent et laissent un fort goût d’inachevé à leurs lecteurs. C’est d’autant plus dommage qu’Evan Dicken avait réussi à rendre intéressant son histoire de dernier carré désespéré, notamment grâce à une personnification réussie des personnages principaux. La terrible Sulkotha Godspite (et sa chaîne magique) n’aura donc pas le droit au combat épique auquel elle semblait pourtant promise, ce qui est particulièrement dommage. Même si l’histoire racontée par Dicken tient la route, et offre même une variété bienvenue par rapport aux happy/glorious endings qui forment la majorité du corpus de la GW-Fiction, je reste convaincu que la conclusion aurait pu et dû être plus soignée, pour un résultat plus satisfaisant1.

1 : À moins qu’il ne s’agisse d’une sorte de prologue à un arc plus large, au cours duquel Anaea aurait la chance de se venger de sa Némésis. Mais pour le moment, rien de tel n’a été publié ou annoncé par la Black Library.

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The Son of Sorrows – J. French [40K] :

INTRIGUE :

The Son of SorrowsSur une planète banale, une secte impériale l’étant tout autant a commis la singulière et fatale erreur de franchir une des lignes rouges de l’Inquisition : capturer des Psykers (ok) et les torturer (ok) pour obtenir des bouts de prophéties (HERESIIIIIIE !!!). Mettez vous bien ça dans la tête, mécréants : le loto doit rester un jeu de hasard, sinon comment voulez vous que les Seigneurs de Terra financent les opérations de la Garde Impériale, hein ? L’affaire ayant été remontée jusqu’à l’Inquisiteur Covenant, ce dernier décide d’envoyer une de ses nouvelles recrues, l’ex Sergent des forces spéciales Koleg, faire un exemple des Chercheurs de la Vérité Incandescente (le petit nom de la secte), sur le lieu même où ils ont monté leur sinistre opération : la cathédrale Saint Raymond des Charentaises.

On suit donc Koleg depuis sa préparation méthodique dans la cellule qui lui sert de chambre, après que la brave Viola von Castellan, qui entre autres tâches s’occupe des ressources humaines pour le compte de son patron, lui ait transmis le briefing de la mission, jusqu’à l’exécution de cette dernière. Déployé comme la one man army qu’il est, Koleg sait qu’il doit faire un exemple des pécheurs et utilise pour ça un armement bien spécifique : un lance grenade balançant des bombinettes à fumée saturée de LSD et d’agent phobique (pour faire littéralement halluciner ses victimes et les mener à se retourner les unes contre les autres) d’une part, et un pistolet à chevrotine d’autre part (ça sert toujours). Ah, il utilise aussi une sorte de porte manteaux rétractable à un moment, mais je serai bien infoutu de vous dire à quoi ça lui a servi1. Toujours est il que le K. nettoie la place avec l’efficacité des grands professionnels, même lorsque l’un des Psykers gardés au frigo par les hérétiques s’invite à la fête après qu’une grenade ait défoncé son aquarium amniotique.

En parallèle, nous avons droit à quelques flashbacks retraçant les événements ayant mené notre héros à rejoindre la team Covenant. On apprend ainsi que Koleg avait un frère (Kesh) avec lequel il partageait la passion de la fauconnerie, et qui est mort tragiquement après qu’une bombe au napalm soit tombé sur leur maison. Bien des années plus tard, un Koleg adulte et engagé dans la Garde Impériale battit son Capitaine comme plâtre après que ce dernier se soit trompé dans les coordonnées d’un raid incendiaire, ayant sans doute fait des victimes civiles et triggered Koko. Un tel crime ne pouvant rester impuni, Koleg s’attendait à être exécuté sans sommation par le Commissaire le plus proche, mais par un heureux hasard, un homme de main de Covenant (peut-être Josef) passait dans le coin et proposa au soldat dépressif de rejoindre l’Inquisition. Koleg accepta à la condition d’être débarrassé de son spleen persistant, et comme une psychothérapie coûte apparemment trop cher pour l’Inquisition, il fut à moitié lobotomisé par ses nouveaux copains à la place. Résultat : il n’est plus capable de ressentir aucune émotion, ce qui peut avoir ses bons côtés je suppose. Comme dit le proverbe, keep calm and purge on

1 : Et je ne suis pas le seul apparemment.

AVIS :

Parmi la foultitude de suivants de l’Inquisiteur Covenant, le taciturne Koleg est sans doute le moins remarquable, son statut de simple gros bras chargé des basses besognes ne lui permettant pas de voler la vedette aux seconds couteaux les plus fantasques, stylés ou particuliers du Francis Lalanne de l’Ordo Malleus. Cela n’a pas empêché l’aimable John French de donner à cet humble personnage un début d’origin story, convenablement mystérieux1 et résolument tragique, ce qui est approprié pour un type évoluant dans un univers grimdark. À vrai dire, ce sont les flashbacks retraçant le parcours de Koleg qui m’ont le plus intéressé, le récit de sa mission « Epouvantail » dans la cathédrale squattée par les cultistes ne révolutionnant pas le genre du bolt porn, et j’aurais donc apprécié que French passe plus de temps à détailler le passif du pseudo Space Marine (après tout, lui non plus ne connaîtra plus la peur) plutôt qu’à le décrire en train de gazer de l’hérétique. Pas la meilleure nouvelle horusienne de notre homme, mais tout de même sympathique. Tous avec moi : Heeeeee’s a maaaaaan of constant sooooorrooooooow…

1 : J’ai compris qu’il a tabassé son Capitaine parce que l’erreur que ce dernier a commise lui a rappelé le tragique destin de sa propre famille, mais peut-être qu’il s’agit du même accident.

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A Lesson in Iron – D. Guymer [HH] :

INTRIGUE :

A Lesson in IronS’il y a une chose que Ferrus Manus, paix à son âne, détestait, c’était bien perdre du temps. Aussi, sitôt réuni avec sa Légion, engagée dans le démantèlement de l’empire de rouille ork, le Primarque tint à imposer sa marque sur ses Légionnaires. Nous rejoignons ainsi l’impulsif M. Manus alors qu’il fait la chasse de quelques vaisseaux peaux vertes ayant survécu à la colère de l’Imperium, et qu’il compte bien détruire afin d’obtenir la complétion à 100% de sa mission, et ainsi prouver à l’univers qu’il vaut mieux que ces poseurs d’Horus et de Russ1. Et tant pis si ces couards d’Orks décident de foncer coque baissée dans une faille Warp qui flottait par là pour échapper au courroux de l’Astartes, et que personne n’a jamais été assez timbré du côté impérial pour se risquer dans ce genre d’environnement chelou. Ferrus, et son Fist of Iron, seront les premiers à tenter le coup. Encore un record à mettre au crédit du Primarque qui en voulait.

Ferrus n’est pas seul sur le pont de son vaisseau amiral alors que ce dernier réalise le premier fistage d’une faille Warp. Il est accompagné de deux Sergents vétérans, le Terran Harik Morn et le Medusan Gabriel Santar, tous deux pressentis pour devenir son bras droit. Alors que le Fist of Iron s’enfonce dans le trans Materium comme s’il s’agissait de caramel mou, avec des effets funky sur les appareils de navigation, comme on peut l’imaginer, les auspex détectent soudain des silhouettes de vaisseaux à proximité. Il s’agit des kroiseurs orks, mais également d’un nouvel arrivant, qui n’avait pas été identifié pendant la poursuite dans l’espace réel. Point commun : tous ont été réduits à l’état d’épave, et dans un passé lointain qui plus est. À la grande surprise des impériaux, il semble que le vaisseau en question appartienne à la 10ème Légion, ce qui hautement improbable mais pas totalement impossible. Pragmatique comme toujours, Ferrus Manus décide d’aller y jeter un œil.

Alors que les pauvres grunts qui forment son escorte découvrent avec émoi 1) l’existence de Démons et 2) s’il y a une vie après la mort, le Primarque et ses comparses arrivent jusqu’au pont du vaisseau mystère, où les attend un cadavre desséché de Space Marine. Ce dernier porte les marquages d’un Iron Hands, mais, au grand dégoût de FM, il semble avoir terminé sa carrière plus machine que (sur)homme, au vu de toutes les augmétiques et bioniques que la dépouille arbore. C’est le Tech-adepte qui accompagne la fine équipe qui finit par proposer l’hypothèse la plus intéressante pour expliquer ce répugnant mystère : l’épave sur laquelle ils se trouvent est un vaisseau des Iron Hands provenant du futur, transporté dans le passé par les caprices du Warp.

Avant que la nouvelle n’ait pu être digérée par l’assemblée, une palanquée de Démons se manifeste (dans tous les sens du terme) sur le pont, et forcent nos héros à – enfin – faire usage de la force. Si ce bogoss de Ferrus s’illustre à grands coups de marteau, ses subalternes sont plus à la peine. Surpris par les nouveaux arrivants, Santar se fait ainsi arracher le bras gauche par une Bête de Nurgle joueuse, tandis que Morn est submergé par des Horreurs rigolardes. Le premier réussit toutefois à marquer des points auprès du Primarque en retournant dans la mêlée sitôt ses esprits recouvrés, tandis que le Terran se contente de haleter comme un bébé phoque sur la banquise. Avant d’ordonner une retraite tactique vers le Fist of Iron, ignorant les avis de ses sous-fifres de rester pour looter de la technologie futuriste, et/ou défendre une relique de la Légion, Ferrus tranche en son for intérieur : ce sera Gaby qui deviendra son Ecuyer et 1er Capitaine. C’est dit.

1 : C’était l’époque de la Grande Croisade où tous les Primarques avaient un nom qui rimait avec « platypus », l’animal préféré de Pépé.

AVIS :

Petite nouvelle fort sympathique consacrée par leur spécialiste incontesté, David Guymer, aux Iron Hands et à leur Primarque caractériel, ‘A Lesson in Iron’ se paie le luxe de nous présenter en quelques lignes la prise de fonction de Ferrus Manus au sein de sa Légion (choix du 1er Capitaine, et autres révélations fluffiques intéressantes incluses), combiné avec une savoureuse mise en abîme du futur qui attend le Chapitre dans quelques millénaires. Le fait que les améliorations bioniques répugnent au plus haut point l’homme aux mains de fer n’est pas une nouveauté à ce stade, mais Guymer parvient tout de même à surfer sur cette iron-ie de façon tout à fait satisfaisante. Le pauvre Ferrus Manus aura soupé de prémonitions malheureuses car jamais utilisées pour modifier la destinée pas vraiment enviable attend ses fils et lui-même à la sortie de la Grande Croisade, et on en a encore un exemple ici. Ca reste plus distrayant à lire que la moyenne des soumissions de la BL, donc pourquoi cracher dans soupe ?

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A Dirge of Dust and Steel  – J. Reynolds [AoS] :

INTRIGUE :

A Dirge of Dust and SteelÀ la recherche de la légendaire cité corbeau de Caddow et de son Portail des Royaumes reliant à Shyish à Azyr, une petite force de Stormcast Eternals de la Chambre Vanguard des Hallowed Knights (soyons précis) a conclu un pacte avec les Duardin de Gazul-Zagaz, seuls à connaître l’emplacement de cette ville mystérieuse1. En échange de leur aide contre les hordes du Gardien des Secrets Amin’Hrith, connu sous le nom d’Ecorchâme, les nabots dépressifs (leur royaume est en ruines, leur Dieu s’est fait bouffer par Nagash et l’âme de leur dernier prince sert de skin au démon de Slaanesh) mèneront les guerriers du Lord Aquilor Sathphren Swiftblade jusqu’à bon port. Jamais le dernier à rendre service à son prochain, notre héros accepte bien entendu cette généreuse proposition, et se fait fort d’entraîner ce fât d’Amin’Hrith dans un piège ingénieux.

Ayant réussi à capter l’attention des Hédonistes, probablement en leur faisant remarquer que leurs soieries avaient fait fureur à Ghur il y a trois saisons de celà (ce qui, pour une fashionista des Royaumes Mortels, est une insulte mortelle), les prestes cavaliers de Sigmar emmènent leur nouveaux amis dans une course éperdue à travers les dunes, jusque dans les ruines de Gazul-Zagaz, où les attendent de pied ferme (et depuis un petit moment apparemment, à en juger par l’épaisse couche de poussière qui les recouvre) les guerriers Duardin. S’en suit une bataille des plus classiques, illustrant de fort belle manière l’intérêt de se rendre au combat avec une armure de plates et non une combinaison en viscose, dont le point culminant sera le duel entre Swiftblade et Amin’Hrith dans le temple de Zagaz, où le rusé Stormcast s’emploiera à faire un boucan à réveiller les morts…

1 : On peut donc dire qu’ils ont une carte Caddow. Mouahahaha.

AVIS :

À l’heure où cette chronique est écrite, Josh Reynolds est probablement le contributeur principal de la BL en matière de contenus siglés Age of Sigmar. Une telle prodigalité ne pouvant évidemment pas être synonyme de qualité exceptionnelle à chaque soumission, il est en somme tout à fait logique que certaines des nouvelles rédigées par notre homme ne s’avèrent pas être d’une lecture des plus passionnantes. C’est le cas de ce A Dirge of Dust and Steel (on me passera l’usage du titre original, à la fois plus poétique et plus élégant que le monstre qu’il est devenu en VF), qui se trouve être une nième variation du topos le plus employé de cette nouvelle franchise : la baston de Stormcast Eternals contre les forces du Chaos1. On pourra certes m’opposer que cet épisode particulier se distingue des dizaines qui l’ont précédé par l’emploi d’une Chambre relativement nouvelle (Vanguard), d’un héros inédit (Sathphren Swiftblade) et d’un environnement exotique en diable (l’Oasis de Gazul, en Shyish). Ce à quoi je répondrai que les Vanguard ne sont « que » des Stormcast sur demi-gryffs, et ne conservent de fait que très peu de temps l’attrait de la nouveauté. Swiftblade a quant à lui l’originalité d’une boîte Barbie et son Cheval, même son côté grande gueule n’étant plus vraiment novateur depuis l’arrivée d’Hamilcar Bear-Eater sur le créneau « humoristique » des SE. Pour terminer, Gazul a depuis lors sans doute rejoint l’interminable liste des lieux des Royaumes Mortels dans lesquels plus personne ne reviendra jamais, et ne mérite donc pas que l’on s’y intéresse plus que de mesure.

Non, pour ma part, la seule vraie valeur ajoutée de ce Dirge… tient en l’inclusion d’une faction Duardin sortant franchement du lot par sa vénération d’un Dieu de la Mort mort (combo !) et sa capacité à invoquer des esprits, ce qui constitue des variations intéressantes par rapport au stéréotype du guerrier nain que tout lecteur connaissant ses classiques se représente de façon plus ou moins inconsciente. Pour le reste, c’est de la qualité Reynolds (Josh), donc un récit bien structuré et rythmé, s’intégrant parfaitement dans les conventions définies pour Age of Sigmar en termes de fluff et d’atmosphère, et s’avérant dans l’ensemble plaisant à lire. Ne lui retirons pas ça.

1 : Comme les dernières années ont vu apparaître d’autres types d’adversaires, comme les morts-vivants de Nagash pendant la Tempête des Âmes ou les Orruks Ironjaws de manière collatérale à la traque de Mannfred von Carstein, j’attends avec impatience le moment où les vertueux Sigmarines commenceront à taper sur d’autres factions de l’Ordre, en attendant l’inévitable guerre civile que le passif de GW en la matière nous promet depuis que le premier Stormcast a dévoilé le bout de son masque de guerre. ‘La Vilainie de Vanus’, ça c’est un titre qui claque !

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The Last Council – L. J. Goulding [HH] :

INTRIGUE :

The Last CouncilPendant que Pépé emmenait ses fils à la conquête d’une galaxie qui n’avait rien demandé, l’ingrat mais nécessaire boulot de gestion de son Imperium naissant fut confié à un conseil de technocrates et autres représentants (parfois élus) du peuple, placé sur l’autorité chillax mais absolue de Malcador le Sigilite. Ce dernier réussit à faire reconnaître la pénibilité de sa tâche après le Triomphe d’Ullanor, l’Empereur ayant eu la grâce d’envoyer le mème ‘Vu et s’en tape’ lorsque son Régent lui proposa de passer officiellement la conduite des affaires civiles au Conseil de Terra. Cette situation perdura pendant dix ans, jusqu’à ce que l’arrivée d’un Horus plus rebelle que jamais à la porte du Monde Trône force les Hauts Seigneurs de Terra à repasser la main aux autorités militaires afin de préparer au mieux le futur siège.

Nous suivons ce qui se trouva être la dernière session du Conseil présidée par Malcador, et assistons à des débats passionnés entre les représentants des institutions majeures d’un Imperium en crise (Administratum, Adeptus Arbites, Adeptus Mechanicus, Libres Marchands, Navigateurs, Influenceurs, Furries…), sur des sujets aussi importants que la quarantaine des vaisseaux spatiaux entrant dans le système solaire, la fortification du commissariat central de l’Arbites, ou encore le déplacement de quelques millions de réfugiés demandés par l’inflexible Dorn pour fortifier comme il se doit la cabane au fond du jardin du Palais Impérial, qu’on ne saurait laisser tomber au main des traîtres sans sourciller.

Suivant les discussions d’une seule oreille, Malcador voit son regard attiré par la petite imperfection qui marque la surface de la grande table du Conseil autour de laquelle les Hauts Seigneurs palabrent. Cela lui remet en tête le souvenir du moment où l’impérial guéridon (qui fait neuf mètres de diamètre, parce qu’on ne fait pas les choses normalement sur Terra) a été irrémédiablement « défiguré », et est resté comme tel malgré les efforts diligents des moyens généraux du Palais.

À l’époque, l’Empereur était déjà parti depuis longtemps faire la tournée des bars de la galaxie, et tous les Primarques avaient finalement été retrouvés. L’un d’entre eux avait toutefois trouvé malin de commettre un crime tellement grave que son nom fut frappé d’anathème, sa Légion dissoute et sa statue géante en marbre dans la galerie de l’Investiaire discrètement retirée de sa plinthe et destinée à être concassée pour faire une allée zen dans le jardin du Palais. Ce crime monstrueux parvint cependant aux oreilles de cette fouine d’Alpharius, qui alla tout cafter à son grand frère Horus, dont la nature généreuse ne put supporter une telle infamie. Accompagné par Alphie et par Jaghatai (dont la principale occupation pendant la Grande Croisade consistait apparemment à zoner autour du canapé du Vengeful Spirit), celui qui n’était pas encore le Maître de Guerre s’en vint piquer un scandale en pleine session du Conseil de Terra, provoquant une belle pagaille au sein de l’auguste assemblée.

Habitué aux caprices de ces enfants gâtés de Primarques, Malcador géra le débordement avec son efficacité habituelle, mais dut cependant montrer à ce kéké d’Horus qu’il devait respecter son oncle en l’absence de Son père, en lui infligeant une soumission mentale qui envoya le grand chauve baraqué inspecter la poussière en dessous de la table du Conseil. Il faut dire qu’Horus avait menacé de prononcer le nom de son frère disgracié, ce qui aurait constitué un crime absolument impardonnable (l’Imperium est bizarre). Avant de partir en claquant la porte, Horus trouva malin de planter son épée dans la pauvre table pour montrer qu’il était très en colère, nous donnant l’explication derrière le détail ayant attiré le regard de Malcador.

Réalisant qu’il était en train de bailler aux corneilles ravens, le Sigilite prit sur lui et prononça la fin de cette ultime séance, laissant le soin aux Primarques présents sur Terra de reprendre le fardeau de la gestion des affaires courantes. Grand prince, il mit à profit son agenda désormais un peu plus libre pour faire du bénévolat pendant l’opération d’évacuation des squatteurs de la périphérie du Palais Impérial (hébergés dans la salle du Conseil de Terra, qui ne servait de toutes façons plus à rien), donnant quelques nouveaux cheveux blancs à un Rogal Dorn soucieux de la sécurité du Régent1.

Jagathai Khan, qui passait évidemment par-là, demanda à avoir un mot à part avec Malcador pour 1) s’excuser d’avoir contemplé béatement ce dernier mettre une rouste psychique à Horus sans intervenir d’une quelconque façon, et 2) lui révéler qu’il est au courant du terrible secret autour de l’identité du Régent de Terra… qui se révèle être d’une innocuité assez absolue, en tout cas pour l’époque de crise de cette fin d’Hérésie. Malcador s’appelait à l’origine Brahm Al-Kadour (soit), est un Perpétuel (you don’t say), le dernier membre de l’organisation des Sigilites (c’est comme le Port Salut, c’était écrit dessus), et a été responsable d’actions pas très charitables pendant la Longue Nuit (comme tout le monde, j’ai envie de dire). Jagathai a alors un moment de naïveté touchante, en se demandant sincèrement si l’Empereur est au courant du passé trouble de son bras droit, prêtant à Son impérial père une droiture morale qu’il est très loin d’avoir. Comme Pépé est introuvable et injoignable de toutes façons, l’origin story de Malcador restera dans les cartons pour le moment, mais le passé finira peut-être par ressortir2

1 : Alors que cette bonne pâte de Sanguinius, qui ne voyait le mal nulle part, trouva l’idée trop kawai.
2 : Non.

AVIS :

Laurie Goulding signe une nouvelle très intéressante sur le complexe fonctionnement des instances dirigeantes l’Imperium, où toutes les bonnes volontés et les nobles aspirations viennent mourir. En plus de nous rassasier de fluff et de faire monter le cœur des fanboys & girls dans les tours avec sa mention habile du sort d’un des Primarques disparus (on était à ça de connaître son nom !), ce qui suffit déjà à placer ‘The Last Council’ parmi les courts formats les plus satisfaisants de tout le catalogue hérétique, Goulding démontre avec un talent consommé que l’Imperium est un concept chimérique, ne pouvant être construit et maintenu que sur la base de mensonges et d’actions brutalement pragmatiques, et dont il vaut mieux que la connaissance soit perdue ou ignorée par les quelques rares individus capables de garder les yeux sur l’idéal irréalisable, mais pourtant nécessaire, fixé par l’Empereur. L’Hérésie d’Horus est le cadre parfait pour ce genre de réflexions, et on peut remercier Goulding d’avoir tenté (et réussi) quelque chose de très différent des habituelles batailles de Légionnaires que l’on retrouve dans beaucoup des travaux des autres auteurs de cette franchise.

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Motherlode – N. Kyme [40K] :

INTRIGUE :

MotherlodeRaus & Rein Gaffar, jumeaux Ratlings, déserteurs de la Garde Impériale et duo comique doublement troupier, vivent une journée particulièrement agitée de leur vie d’explorateurs de la Forteresse Noire. Ayant échappés de peu au sadisme proactif d’un concurrent Drukhari alors qu’ils étaient en maraude sur leur terrain de chasse, les tireurs pointeurs (ça marche aussi bien pour la pétanque que pour le tir de précision) regagnent leur vaisseau avec une caisse mystérieuse contenant un butin mirobolant, sans réaliser que leur Némésis, Akrahel Drek, a survécu à la bastos expédiée par Rein, et prévoit logiquement de se venger de ces petites pestes, dans un éclat de rire ronronnement (si si) maléfique. * Purrr purrr purrrr puuuuuuuuurrrr *

Un peu plus tard, nous retrouvons nos abhumains, également traqués par un Commissaire amnésique et son escouade de vétérans couturés, sans doute pour quelques tours pendables et plaisanteries de mauvais goût, au bazar de Nadir, où ils ont rendez-vous avec une vieille et morbidement obèse connaissance, le receleur et trafiquant Ogryn Murlock, auquel ils souhaiteraient vendre leur dernière trouvaille. Petit problème, il n’y a pas que le Commissaire – Vudus Mettik de son petit nom – qui a des problèmes de mémoire, les twins ayant semble-t-il complètement oublié qu’ils ont tuyauté les Arbites sur le petit commerce de Murlock quelque temps auparavant, avec des conséquences logiques et néfastes pour sa modeste échoppe, et que Murlock est au courant de ce cafardage. Evidemment, cet historique compliqué ne facilite pas les négociations, et Raus & Rein doivent à nouveau se tirer d’un beau guêpier, ce qu’ils font en dégoupillant quelques grenades de la bandoulière de leur hôte, après que ce dernier ait tenté de les hacher encore plus menu qu’ils ne le sont.

Nullement découragés par cette déconvenue, les Ratlings utilisent le carnet d’adresses de leur dernière victime pour contacter directement un acheteur potentiel, qu’ils trouvent raide mort à son domicile, et pas de causes naturelles (à moins que les Kroots aient la jugulaire clipsable, ce qui doit arriver s’ils consomment trop de distributeurs de Pez). Poursuivis jusque dans les égouts par Mettik et ses hommes, responsables du krooticide et déterminés à capturer les déserteurs, les frérots sont contraints de se séparer, Raus choisissant la capture pendant que Rein se carapate… pour mieux revenir avec son fusil de sniper de rechange (toujours utile), et la fameuse boîte mystère, juste à temps pour secourir son bro’, que se disputent Mettik et Akrahel, qui a fini par retrouver la trace de ses tourmenteurs. L’impasse mexicaine qui se profile à l’horizon trouve toutefois une fin précipitée (c’est fluff) lorsque Rein lâche la précieuse caisse au milieu de la scène, qui se révèle contenir la tête d’une matriarche ur-ghul. Et alors, me demanderez-vous ? Et alors, la famille élargie de la défunte a trouvé les moyens de sortir de la Forteresse (en Ur-bher, sans doute) pour rapatrier la relique, et investit les lieux de la confrontation à ce moment précis, avec des résultats salissants. Encore une fois, les Ratlings sont les seuls à se sortir indemnes de cette péripétie, mais peuvent au moins terminer la journée en passant deux de leurs ennemis mortels en perte et profit. C’est déjà ça.

AVIS :

On (en tout cas, je) savait déjà que Kyme avait une fâcheuse tendance à pondre des histoires mal ficelées, sacrifiant avec une constance consternante la moindre prétention de crédibilité narrative pour se concentrer sur une agglutination de scènes « cinégéniques ». Rassurez-vous, c’est bien le cas ici, même si l’absence de Space Marines (et donc de Salamanders, les victimes préférées de l’auteur) et la brièveté de l’objet du délit ne permettent pas à ce dernier de rivaliser avec ses records personnels de WTF. On se contentera de souligner que beaucoup de choses arrivent au bon moment, et/ou sans mise en contexte, dans ce Motherlode (jeu de mots !1), ce qui est la marque des auteurs fainéants.

Là où Kyme innove et fait fort, c’est dans la veine scatologique qu’il choisit de pousser fortement d’un bout à l’autre de son récit. C’est simple, tout pue dans ces 20 pages : les héros, les méchants, les lieux, la nouvelle elle-même ; c’est le royal flush de l’infamie, et tant qu’à parler de flush, autant tirer la chasse. J’ai fini la lecture de ce… texte légèrement hébété par l’aplomb ou le jemenfoutisme complet revendiqué par son auteur, qui réussit le tour de force de faire passer 40K de grimdark à off-colour avec son inimitable (et j’espère inimitée) prose. Motherlode est à ranger parmi les rebuts honteux de la Black Library, et à oublier le plus vite possible.

1 : Motherlode se traduisant par filon (au sens premier ou figuré) en anglais, la relique récupérée par Alain et Alex Térieur étant à la fois une richesse et ayant une connotation maternelle.

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One, Untended – D. Guymer [AoS] :

INTRIGUE :

One, UntendedUne fois n’est pas rancune, nous retrouvons le Tueur préféré de ton Tueur préféré, Gotrek Gurnisson, dans le mal le plus complet au début de cette nouvelle aventure, qui sera sans aucun doute trépidante, mais qui commence par être vomissante. Notre héros est en effet pris d’un mal de ventre carabiné, ce qui, de son aveu même à son acolyte Maleneth, ne lui était jamais arrivé avant. Et si l’Aelfe sigmarite, en bonne compagnonne qu’elle est, prend soin de tenir la crête de Gotrek pour éviter que cette dernière ne prenne une couleur et une texture encore plus dégoûtantes qu’à l’accoutumée, elle n’est pas étrangère à cette gueule de bois subite. Bien au contraire, c’est elle-même qui en est la cause, ses tentatives d’empoisonner le Nain afin de lui dérober la rune majeure de Krag Marteau Noir pour la ramener à Azyrheim n’ayant eu pas d’autres effets qu’un émétique avarié sur la robuste constitution du Tueur1. Ses vaillants efforts de se débarrasser de Gotrek devront cependant attendre un peu, car les éructations du transfuge du Monde qui Fut sont dérangés par une scène de ménage entre plusieurs individus aussi louches qu’imbibés. La raison de ce tapage nocturne se fait bientôt jour : un jeune bambin du nom de Tambrin a échappé à la vigilance légère de ses parents (Junas et Magda), et s’est semble-t-il enfoncé dans les catacombes d’Hammerhal Ghyra, que l’on dit hantées par le spectre vengeur d’Hanberra (à ne pas confondre avec celui d’Harambe, même si ça lui donnerait une bonne raison de persécuter les garçonnets), un ancien héros local ayant renoncé à servir Sigmar sous la forme d’un Stormcast Eternal à sa mort, et à la recherche des enfants qu’il n’avait pas pu sauver de son vivant depuis lors. La perspective de se frotter à un spectre légendaire pique bien évidemment l’intérêt professionnel de Gotrek, qui insiste pour prendre la tête de l’expédition de secours mise sur pied par les habitués de la taverne où les deux compères ont passé la nuit. En plus de Junas, qui sert de videur à l’auguste établissement, on retrouve la Ranger retraitée Halik et le Prêtre d’Alarielle Alanaer, qui serviront donc de meatshields aux véritables héros de l’histoire. Dommage que personne ne les ait prévenus.

La descente s’engage donc, et après quelques heures de progression dans les boyaux insalubres de la cité, un premier ennemi pointe le bout de ses moustaches. Il ne s’agit pas de Philippe Martinez, mais d’une bande de Moines de la Peste, peut-être syndiqués, squattant le bas de la cage d’escalier comme un gang de trafiquants de la cité Péri. Et à propos de périr, laissez moi vous dire que les ratons ne font pas long feu face à la colère incandescente de Gotrek, qui peut désormais passer en mode super saiyan lorsqu’il est très énervé, et élever la température autour de lui à des niveaux insupportables. Sa nouvelle hache de fonction, si elle est sans doute un peu moins cheatée que l’ancienne (dur de battre une arme forgée par Grugni pour Grimnir, tout de même), s’avère également très efficace, et la menace murine est donc prestement éliminée par les aventuriers, qui peuvent poursuivre leur route sans autre dommage qu’un pif écrasé par un coup de matraque pour Junas.

Le moment tant attendu de la confrontation avec Hanberra finit enfin par arriver, l’esprit ayant bien dérobé/envoûté Tanbrin (qui dort comme un bienheureux) car il l’avait pris pour son propre fils, Hangharth. Némésis de Gotrek oblige, le combat est bien plus serré que précédemment, la pauvre Halik rendant les armes et l’âme au premier cri poussé par le poltergeist kidnappeur, qui prouve au monde entier qu’il existe des Banshees masculines. Non mais. L’évanescence intermittente du fantôme n’est pas sans poser quelque problème au Tueur, ce qui ferait plutôt les affaires de Maleneth, toujours déterminée à récupérer la rune majeure tant convoitée de sa dépouille, mais il lui faut pour cela donner une raison à Hanberra de se battre à fond, ce que sa main mise sur Tambrin l’empêche de faire. La cultiste de Khaine repentie puise donc au fond de sa sacoche un clou de ci-gît Rolf2, souverain contre les ectoplasmes tenaces (et les Mortarques collants), et le frotte vigoureusement sur le bras porteur d’Hanberra pour lui subtiliser son précieux. N’ayant plus rien à perdre, le spectre va certainement réduire Gotrek en bouillie…

Début spoiler…Eh bien non (quelle surprise). Mais le plus étonnant n’est pas tant le résultat final que le dénouement, non violent, de cet affrontement. Le Tueur parvient en effet à faire entendre raison à son adversaire par le dialogue au lieu de lui faire manger sa hache, et ce dernier se dissipe donc de lui-même, comme le malentendu qui l’avait mené à dérober les enfants des autres depuis quelques siècles. Tout est donc bien qui finit bien (sauf pour Halik et la bière que Gotrek avait laissé sur le comptoir3), mais Maleneth la malhonnête devra trouver une autre combine pour récupérer la précieuse broquille incrustée dans le plastron de son compagnon.Fin spoiler

1 : Maleneth ne sait pas que la glotte de sa cible est marquée de la rune majeure de Cubi, le dieu Nain de l’alcoolisme.
2 : Vous me pardonnerez le calembour, mais traduire ‘wightclove’ en français n’est pas facile.
3 : À ce propos, il est probable que ce soit elle qui ait donné son nom à la nouvelle (que l’on pourrait traduire par ‘Laissé(e) sans surveillance’) et non pas Tanbrin.

AVIS :

David Guymer, qui avait écrit les dernières aventures de Gotrek (et Felix) dans le Vieux Monde, signe avec ‘One, Untended’ un parfait récit de transition et d’acclimatation pour les lecteurs familiers du personnage mais pas des Royaumes Mortels. Au-delà du déroulé précis de cette quête, tout à fait classique sauf dans son dénouement, ce sont les informations que l’auteur donne sur ce nouvel univers, les changements subis par son héros (nouvelle arme, nouvelle rune, nouveau sidekick) depuis qu’il y a fait son entrée, et les motivations, pas vraiment charitables, de Maleneth, qui rendent cette lecture intéressante, et même indispensable pour qui voudrait reprendre la suite de la geste de Gotrek sans passer par la case romanesque (‘Realmslayer’). L’auteur parvient également à aborder des éléments de fluff relevant de la sociopolitique, comme l’acculturation progressive des habitants de Ghyran aux mœurs d’Azyr, qui donnent une profondeur et un réalisme très appréciables à une franchise qui en manquait (et en manque toujours) cruellement par rapport à Warhammer Fantasy Battle. Bref, c’est une transition très réussie que Gotrek Gurnisson doit à David Guymer, bien que le flambeau des rancunes soit passé peu de temps après à Darius Hinks.

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The Battle of Blackthunder Mesa – P. Kelly [40K] :

INTRIGUE :

The Battle of Blackthunder MesaLa situation des défenseurs T’au de la planète Dal’yth, et plus particulièrement, de l’académie militaire située sur cette dernière, est positivement catastrophique. Isolés par le retrait des troupes de cette fayotte de Shadowsun, qui s’est repliée sans coup férir au lieu de se battre jusqu’au bout, comme le préconisait Farsight, les derniers guerriers de la caste du feu en sont réduits à livrer de coûteux et futiles combats d’arrière-garde pour ralentir l’avancée des impériaux, et permettre, peut-être, d’évacuer les survivants de la Star Academy locale. Placés sous l’autorité du Commander Bravestorm, adepte convaincu de la vision hypermétrope de la guerre de Farsight (et pour cause), nos héros viennent cependant de recevoir du matos un peu spécial, commandé auprès des grosses têtes de la caste de la terre il y a peu et livré sous forme encore expérimentale : des gants de boxe énergétiques. En effet, poussés par l’épuisement de leurs munitions et la puissance de feu de leur adversaire, Farsight et Bravestorm ont changé leur fusil à impulsion d’épaule, et monté une opération osée pour engager les tanks ennemis au corps à corps. Cela n’est certes pas très conventionnel, comme le fait remarquer la pimbêche (Furuja) du groupe1, mais nécessité faisant loi, Bravestorm emmène donc son cadre de cadets à l’assaut de la tristement célèbre Blackthunder Mesa, transformée en drive-in pour Leman Russ et Basilisks par l’Imperium depuis quelques semaines, avec des conséquences architecturales dramatiques pour la ville universitaire de Dal’Ryu, située en contrebas.

Si le déploiement de notre petite force d’Iron Men ne pose pas de problèmes, grâce à la maîtrise du vol furtif et à la technologie avancée du Bien Suprême, les choses se compliquent toutefois assez rapidement pour les concasseurs de tôle. Bien que Bravestorm ait pris soin d’indiquer à ses élèves qu’il fallait mieux rester au cœur de la mêlée pour gêner les tanks dans leur utilisation de leurs armes de défense, le poids du nombre, le comportement kikoulol de certains, et l’arrivée importune d’un Stormhammer, font lentement grimper les pertes du côté des punchers, bien que leurs maniques custom prélèvent un lourd tribut parmi les colonnes blindées de l’ennemi. L’équilibre des forces se renverse cependant brutalement lorsque, non pas un, mais deux Titans Warlord viennent se joindre aux festivités. L’apparition « subite » de ces discrètes et furtives machines de guerre en dit long sur le degré de préparation de l’opération, mais cela sera une discussion pour une autre fois. De toute façon, Bravestorm est certain que les nouveaux-venus n’oseront pas tirer sur les T’au, qui sont toujours engagés dans une partie d’auto-tamponneuse hardcore avec les blindés impériaux. Sa suffisance de Xenos idéaliste se trouve donc méchamment battue en brèche lorsque le turbo-laser du Titan de tête ouvre le feu sur les empêcheurs de bombarder en rond, réduisant le cadre de Bravestorm en confettis et cuisant ce dernier dans son armure.

Ce n’est cependant pas la fin pour notre héros trop confiant, qui trouve les ressources intérieures nécessaires pour faire abstraction de ses blessures et partir à l’assaut de la machine meurtrière. Son dernier fait d’arme consistera donc à « égorger » son adversaire en lui arrachant le câble d’alimentation, « fier comme un dindon », euh, tendon, courant le long du « cou » de la machine. À quoi cela a-t-il servi ? À rien en fait, puisque Bravestorm se prend à son tour une baffe monumentale – on saluera la dextérité de l’équipage impérial pour arriver à atteindre une cible aussi petite – s’écrase au sol comme une bouse, et sombre dans une inconscience logique. Certes, il a le temps de voir les forces impériales, dont le Titan trachéotomisé, se retirer de la mesa avant de tomber dans le coma, mais la victoire stratégique qu’il revendique au nom du Bien Suprême me semble un peu tirée par les cheveux (lui n’en a pas, je vous l’accorde). Après tout, c’était peut-être seulement l’heure de la cantine du côté adverse ?  En tout cas, notre increvable héros n’a pas dit son dernier mot, puisque sa carcasse mutilée finit par être récupérée sur le champ de bataille par les éboueurs de la caste de la terre. Pas encore tout à fait mort, il entend ses sauveteurs discuter des conséquences positives de son coup d’éclat quasiment fatal, qui a au moins permis de préserver les derniers quartiers de Dal’Ryu des déprédations impériales. La nouvelle se termine sur la réalisation que Bravestorm sera bien sauvé, mais au prix d’un enfermement perpétuel dans son Exo-armure, ses blessures étant trop graves pour espérer une véritable guérison. Assez ironique pour un personnage ouvertement Dreadnoughtophobe2

1 : Qui remonte toutefois dans mon estime grâce au magnifique « OK Gooder » (l’équivalent de notre OK Boomer) expédié à son supérieur un peu plus loin.
2 : Ce n’est pas qu’il en ait peur, mais la vue des pilotes Space Marines mutilés le dégoûte. Il en fait même des cauchemars.

AVIS :

Kelly retourne une fois encore sur la planète Dal’yth (Redemption on… Dal’yth) pour livrer un compte rendu romancé de la première utilisation d’une arme expérimentale T’au, le fameux gantelet Onagre. Si j’ai pu deviner à la lecture de cette nouvelle qu’elle mettait en scène des personnages déjà présentés dans d’autres textes qu’il a consacré à la couverture de la campagne de Damocles, l’immersion dans la galerie de seconds couteaux (rituels) gravitant autour de Farsight ne s’est pas faite sans difficultés de mon côté. En cause, le nombre de personnages convoqués par l’auteur1, et la complexité naturelle des patronymes T’au, qui se sont conjugués pour rendre difficile l’identification, et à travers elle, l’intérêt, de votre serviteur envers les pioupious de l’académie que Bravestorm a pris sous son aile. Cette difficulté évacuée, le récit de la fameuse bataille de Blackthunder Mesa ne m’a pas collé à mon siège, du fait du caractère binaire de l’affrontement en question. Si les Exo-armures commencent par faire des gros trous dans les tanks impériaux, sans vraiment être mises en danger par leurs proies (plutôt qu’adversaires), l’arrivée du titan renverse totalement la situation en un seul tir (merci Bravestorm), éparpillant le maigre suspens agencé jusqu’ici par Kelly aussi facilement que les assaillants Xenos venus souffler dans les chenilles des blindés de l’Empereur. On saluera tout de même la bonne « préparation » faite par l’auteur de la destinée claustrophobie de Bravestorm, qui après la Voie de la Lame Courte suivra celle de la Boîte de Conserve, sort ironique eut égard à l’effroi que lui inspirait les Dreadnoughts Space Marines. Au final, une lecture qui pourra intéresser les familiers de la prose suprêmiste de Kelly, mais qui n’a pas grand-chose à apporter au tout venant à la recherche d’un récit de bataille prenant.

1 : Ironie du sort, ils y passeront presque tous avant la fin de la nouvelle. C’était bien la peine de faire des efforts.

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The Atonement of Fire – D. Annandale [HH] :

INTRIGUE :

The Atonement of FireNous sommes dans la dernière ligne droite de l’Hérésie, quelques mois avant que le Siège de Terra ne débute. Roboute Guilliman a fini par réaliser que lancer sa petite entreprise personnelle alors qu’il est toujours techniquement employé par Pépé Corp., et en piquant dans la caisse de Big E. en profitant d’une panne généralisée d’internet pour ne pas se faire prendre, c’était assez craignos tout de même. Pétri de remords, Roro est désormais à la recherche d’un moyen de se faire pardonner ses errements passés. En sortant de sa séance hebdomadaire avec le Chapelain/Psychiatre Volusius, lui vient une idée toute simple pour expier son énorme hubris : aider Sanguinius à rejoindre Terra en détruisant les flottes hérétiques qui se mettront sans nul doute sur la route de l’Ange à la Moumoute.

Après une petite séance de triangulation avec les poteaux dans le strategium de l’Ultima Mundi, les Ultras de l’Empereur décident d’aller au secours de la planète Diavanos, d’où est arrivé un message astropathique implorant de l’assistance pour gérer une invasion de World Eaters mal-lunés. Diavanos est de plus un monde que les Ultramarines ont rattaché à l’Imperium il y a plusieurs décennies, et dont la technique de vitraux teintés a grandement impressionné le Primarque lorsqu’il flânait dans les rues de la capitale Ecstasia à la recherche d’inspiration pour son dernier roman. Pour toutes ces raisons, ainsi que pour celle, plus prosaïque, de se venger des ravages commis par les séides d’Angron et de Lorgar dans leur pré carré, les gars de la XIIIème se ruent au secours de Diavanos, et tombent à bras raccourcis sur leurs frères ennemis alors que ces derniers s’apprêtaient à repartir pour embusquer la flotte des Blood Angels.

La bataille spatiale qui s’en suit, si elle n’est guère équilibrée (les Ultramarines sont deux fois plus nombreux, sérieux, hargneux, farineux et bleus que leurs adversaires), permet à nos héros de relâcher la pression après tous ces mois à écouter les podcasts interminables du triumvirat de l’Imperium Secundus. Alors que les derniers vaisseaux renégats sont méthodiquement désintégrés par la froide fureur ultramarine, le cuirassé Gladiator profite de la confusion pour repartir en direction de Diavanos, et certainement pas pour une visite de politesse. Guilliman comprend que les World Eaters ont un petit creux, et que s’il n’intervient pas rapidement, la planète qu’il est venu sauver va s’en prendre plein la face. Mais arrivera-t-il à temps pour empêcher les fils d’Angron de commettre l’irréparable ?

Début spoiler…Après de multiples péripéties dans les coursives du Gladiator, que les World Eaters ont faites effondrer pour gêner la progression de leurs ennemis, Roboute et ses hommes (en grande partie des Destroyers, wink wink The Lord of Ultramar’) parviennent jusqu’à la salle des torpilles où les hérétiques se sont barricadés. La mêlée désespérée et surtout très sale qui s’ensuit tourne logiquement en faveur des surhommes en bleu, mais les World Eaters sont proches de réaliser leur objectif secret (faire péter une torpille à l’intérieur du vaisseau afin d’emporter Guilliman avec eux). Seule l’habilité du Grand Schtroumpf avec son combi-bolter customisé permet d’éviter la catastrophe, mais la victoire morale revient tout de même aux groupies d’Horus. Il est en effet trop tard pour prévenir le crash du Gladiator à la surface de Diavanos, et l’onde de choc qui s’en suit rase la capitale et dévaste une grande partie de la planète. Bien évidemment, les Ultramarines ont eu le temps de regagner leurs 22 avant que cette tragédie n’arrive, mais Guilliman finit la nouvelle avec le blues. Approprié, vous me direz.Fin spoiler

AVIS :

Vu le passif peu glorieux de David Annandale avec la XIIIème Légion (‘Lord of Ultramar’…), j’ai attaqué cette nouvelle dans un état d’esprit assez peu favorable à cette dernière, et j’ai été surpris de constater que cet ‘Atonement of Fire’ tenait tout à fait la route. Nous sommes en présence d’un court format siglé HH de facture assez classique (un peu de réflexion, beaucoup d’action, et en bonus une belle tranche de Primarque), mais débarrassé de tous les défauts que l’on pouvait trouver dans les autres soumissions de notre homme (personnages stupides/inintéressants, intrigue bancale, rythme chaotique)1. Ça pourrait et devrait être considéré comme le strict minimum, mais nous savons tous que la BL ne croit pas dans des concepts aussi restrictifs que le contrôle qualité. Enfin, pas tout le temps.

Surtout, et c’est assez rare dans une publication de la Black Library (quel que soit la franchise ou l’auteur) pour le souligner, Annandale parvient à ménager un vrai suspens jusqu’au bout de son propos. Guilliman et ses Schtroumpfs destructeurs arriveront-ils à sauver Diavanos des déprédations suicidaires des World Eaters ? Même si la planète a été créée de toute pièce pour l’occasion, l’auteur arrive à nous intéresser à la conclusion de cet accrochage mineur de la fin de l’Hérésie en appuyant de façon intelligente sur les remords éprouvés par Guilliman au sujet de son Imperium Secondus et son besoin de se faire pardonner de ce petit caprice. Annandale nous ressert également la vieille rengaine du « I am never going to financially recover from this », 30K style, déjà bien exploitée par d’autres avant lui, mais qui fait toujours son petit effet quand utilisée à dessein, ce qui est le cas ici. Bref, une vraie bonne surprise pour ma part, et une des meilleures soumissions de David Annandale pour le compte de cette franchise, si vous demandez mon avis.

1 : On pourrait lui reprocher de ne toujours pas maîtriser les bases spatio-temporelles d’une bataille spatiale (exemple gratuit : la course poursuite entre l’Ultimus Mundi et le Gladiator ne semble durer que quelques minutes, alors qu’elle s’engage à proximité du point de Mandeville du système et se termine dans l’atmosphère d’une planète habitable (donc proche de son soleil), ce qui devrait prendre au bas mot quelques jours), mais dans mon infinie générosité, je passe l’éponge là-dessus.

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Purity is a Lie – G. Thorpe [40K] :

INTRIGUE :

Purity is a LieTaddeus le Purificateur, zélote du Ministorum, carafe Brita faite homme, Donald Trump du 41ème millénaire. Arrivé à Precipice en compagnie de sa fidèle Pious Vorne, à la suite de vision envoyée par l’Empereur (et d’une confidence déplacée d’un sous-officier de la Navy), notre Prêtre peine à se faire accepter par la faune bigarrée et profane peuplant la cité, et n’a donc pas réussi à rejoindre une expédition d’exploration de la Blackstone Fortress, en dépit de ses meilleurs efforts et ses plus sincères prières. Sa chance tourne toutefois lorsqu’il reçoit une invitation de la part de Janus Draik, qui a flashé sur son énorme mitre, à le rencontrer au Looter’s Den afin de discuter affaire. Après avoir détendu l’ambiance, qui s’était refroidie comme un Roboute Guilliman faisant de l’apnée dans l’espace à l’arrivée du prélat, le Rogue Trader annonce à son hôte qu’il a besoin d’un coup de main pour tenter une descente jusqu’au Labyrinthe de la Mort (Deathmaze), et que Taddeus est sur sa shortlist. Pourquoi ? Eh bien, parce qu’il a l’air honnête et courageux. That’s it. Comme quoi, on peut être un aventurier sans foi ni loi évoluant dans une cour des miracles traîtresse et meurtrière, et donner sa chance au premier venu, parce qu’on a un bon feeling. Merci qui ? Merci Gav Thorpe.

Après avoir un peu tergiversé, Taddeus accepte, et retrouve son nouveau collègue à l’entrée de la Forteresse, laissant Vorne dans le vaisseau (c’est un raid de 4 personnes, le maglev a une capacité limitée) avec un bol d’eau fraîche, la climatisation et l’autoradio allumée. L’exigeant ecclésiastique n’est guère enchanté de voir que Draik a recruté une Eldar (Amallyn Shadowguide) et un mutant (le Navigateur Espern Locarno) pour compléter son équipe, mais, nécessité faisant loi, à défaut de foi, il accepte tout de même de partir en vadrouille avec ces compagnons particuliers. La suite est, pour autant que je puisse le dire, le compte rendu romancé d’une partie de Blackstone Fortress, interrompue avant la fin par un quelconque événement (peut-être que Thorpe a dû partir plus tôt pour aller faire des courses ou passer au pressing). Ainsi, notre bande se coltine d’abord une escouade de Gardes renégats, puis quelques drones, avant de terminer par un quintette de cultistes Negavolts, et un psyker chaotique pour faire passer le tout. Entre deux coups de massue énergétique et blessures de guerre héroïquement glanée au combat, Taddeus réalise à quel point la coopération avec ses camarades est nécessaire, et perd donc un point en xénophobie (il est sauvé par et sauve la Ranger) et un demi-point en mutophobie (Locarno le prévient de l’arrivée du psyker). Kawaiiiii. On ne saura en revanche pas ce qui attend nos héros dans ce fameux « Labyrinthe de la Mort », que ces derniers n’atteindront même pas avant que Thorpe ne décide qu’il a bien assez bossé comme ça et mette un point final à sa nouvelle. Non. Si.

AVIS :

Gav Thorpe prouve avec ‘Purity is a Lie’ qu’il maîtrise parfaitement l’art complexe et délicat de la courte nouvelle de 40K où rien d’intéressant ne se passe. Un peu comme le haïku suivant : Forty forty kay//Forty forty forty kay//Forty forty kay. Oui, c’est du sarcasme. Malgré toute la sympathie que j’éprouve pour ce collaborateur historique et figure mythique de GW, la plupart des nouvelles qu’il a soumis à la BL ces dernières années se sont avérées très décevantes, et celle-ci ne fait malheureusement pas exception. Ne disposant même pas d’une conclusion digne de ce nom, et développant de façon inimaginative au possible une idée absolument banale du background de Warhammer 40.000 (« il faut savoir mettre de côté ses principes pour atteindre ses objectifs »), le seul mérite de cette soumission est d’intégrer cinq personnages nommés de Blackstone Fortress (même si la plupart font papier peint) dans son casting, dont deux (Vorne et Locarno) dont ce sera la seule apparition dans le recueil Vaults of Obsidian. Ce n’est pas lourd, mais c’est vraiment tout le bien que je peux dire de ce texte, qui aurait mérité d’apparaître sous son titre complet : Purity is a Lie, Story is a Bore, Not Inspired at all, Send Help.

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Sand Lords – P. McLean [40K] :

INTRIGUE :

Sand LordsOù il sera question du Capitaine Amareo Thrax et de sa colonne blindée du 236ème Régiment des Tallarn Desert Raiders, engagés dans une course éperdue vers la sécurité des lignes impériales. Si Thrax et ses hommes (et femmes, pas de sexisme chez les Tallarn) sont si pressés de rentrer au bercail, c’est d’abord qu’ils ne sont plus très nombreux (un Leman Russ et trois Chimères, sur vingt-huit véhicules initialement engagés), ensuite que les réserves d’eau et de carburant commencent à baisser dangereusement, et enfin que quelque chose de gros, menaçant et très énervé les poursuit sans relâche à travers les dunes de Marbas II. Quelque chose contre lequel même le courage et les ressources de ces légendaires guerriers des sables ne peuvent espérer prévaloir. Mais pour mieux comprendre de quoi il en retourne, il nous faut faire un petit crochet vers le passé récent, pendant que nous laissons Thrax porter un toast à l’urine en l’honneur de la Chimère qui vient de perforer son joint de culasse de façon irrémédiable…

Si notre vaillant Capitaine se trouvait dans le désert de cette planète pour commencer, c’est parce qu’il avait reçu la mission de la part d’un Colonel1 de se rendre dans les ruines de la ville d’Iblis Amrargh, prise par les envahisseurs Orks dont la présence a justifié le déploiement des Tallarn sur Marbas II, pour récupérer le khalig (cimeterre) du Général Al-Fallan, héros des Desert Raiders, dérobé après sa mort par le Big Boss Gorebrakah Urlakk. Une telle relique ne pouvant pas rester entre les griffes des Xenos, qui n’en auraient de toute façon aucune utilité si ce n’est pour émincer des Squigs, le haut commandement du 236ème a donc donné à Thrax l’ordre de reprendre le légendaire coupe papier, localisé dans la cathédrale de la ville, investie par la vermine verte. L’officier a également reçu un briefing plus complet de la part de son boss sur les tenants et aboutissants de la mission, mais ne le partagera pas avec de simples lecteurs tels que nous. Ou en tout cas, pas tout de suite.

Si les premiers temps de l’assaut donné par la colonne blindée sur Iblis Amargh se passent sans soucis, l’armement, le blindage et la vitesse des tanks impériaux leur permettant de forcer sans coup férir les barrages mis en place par les fonctionnaires Grots délégués à la surveillance du camp Ork, un tir de plasma bien senti, pulvérisant une Chimère dans le plus grand des calmes, marque le début des ennuis pour Thrax, qui ne s’attendait pas à rencontrer une résistance si forte si tôt dans la mission. Ayant perdu un peu de temps et beaucoup de munitions à canarder les alentours dans le vain espoir d’abattre le faquin plasmique qui lui a fait des misères et vaporisé son vieux copain Al-Nasir, Thrax finit par donner l’ordre de repartir, perdant de plus en plus de châssis et de personnel au fur et à mesure que les Orks réalisent qu’ils sont attaqués, et que l’insaisissable franc-tireur continue à dégommer les SUV de l’Empereur sans se faire voir. Il en faut cependant plus pour décourager nos héros, qui finissent par pénétrer (en char, sinon c’est pas drôle) dans la cathédrale, où les attend le fameux khalig du nom moins célèbre Al-Fallan, ainsi que des hordes de peaux vertes pas vraiment jouasses…

Début spoiler 1…Victimes de mines dissimulées, et embusqués par des centaines d’Orks gardés en réserve par ce ruzé de Gorebrakah, les Tallarn se battent comme des lions fennecs, parvenant à récupérer le précieux cimeterre à l’absence de nez et au manque de barbe du Big Boss, qui daigne enfin se joindre aux réjouissances après que les assaillants soient parvenus à se défaire de ses deux mini-boss (un Kommando mastoc avec lance-plasma, et un Nob en Mega-armure). Et là, surprise : Gorebrakah a cassé sa tirelire (ou la figure de tous ses rivaux pour leur piquer leurs dents) depuis la dernière fois qu’il a croisé les Desert Raiders, et est maintenant plus machine que champignon, sa parenté avec un Dred Eud’la mort lui permettant  de désosser sans mal les malheureux tanks lui tombant sous la pince. Pour Thrax cependant, l’objectif primaire consiste seulement à repartir avec le coupe-chou d’Al-Fallan, ce qu’il a fait sans hésiter, laissant derrière lui la plus grande partie de ses soldats.

De retour dans le désert, nous apprenons/comprenons donc que le traqueur des Tallarn n’est autre que Gorebrakah, dont l’amour-propre et le statut contraignent à récupérer son bien sous peine de se faire défier par l’ensemble de ses Nobs-1, et que c’est bien sur cela que comptait le Colonel qui a monté le raid de Thrax. Ce dernier doit donc trouver un moyen de franchir la ligne d’arrivée (bleue) avec le colis pour permettre aux forces impériales de régler son compte à cet illustre ennemi. Les Tallarn sont en effet sport, et se sont contentés d’installer une batterie de Basilisks à plusieurs heures/jours de distance d’Iblis Amrargh pour faire sa fête au Big Boss plutôt que, je ne sais pas moi, réquisitionner des appareils de la Flotte qui les amenés sur place ? Gorebrakah est également sport, notez, puisqu’il poursuit les voleurs de loot tout seul. A gentleman’s war, really.

Ce fair-play ne fait cependant pas les affaires de Thrax et de ses survivants, qui se font insensiblement rattraper par leur poursuivant, condamnant d’abord les malheureux n’ayant pas trouvé place dans les Chimères, puis ces dernières et leur équipage (malgré une héroïque action d’arrière-garde de la Duf’Adar Al-Maddon), ne laissant plus que le Leman Russ du Capitaine, à court de munitions et à bout de nerfs (un des servants se suicidera d’ailleurs plutôt que de se faire éplucher par le Big Boss), tenter d’arracher la victoire…

Début spoiler 2…Ce qui sera finalement cas (ouf), Thrax parvenant à passer la ligne en un morceau, avant que le bombardement déclenché par ses petits copains ne vienne sonner le glas de Gorebrakah, qui aurait dû investir dans un Gargant plutôt que dans un Deff’Dread. Tiré de l’inconscience dans laquelle le barrage ami l’avait plongé par la seule autre survivante de la mission, la pilote Kalan, rendue borgne et folle par les événements (ce qui ne lui a pas retiré son sens de l’humour), Thrax n’a plus qu’à attendre l’arrivée des secours, en espérant que la perte de sa jambe dans l’accident ne lui soit pas fatale. La routine, quoi…Fin spoiler

1 : Qui ne sera jamais nommé (j’ai vérifié). McLean devait être tombé en rade de nom à consonance arabe (on peut d’ailleurs s’interroger sur « Amareo Thrax », au passage…).

AVIS :

Pour sa première virée avec un régiment nommé de la Garde Impériale, Peter McLean livre une nouvelle aboutie, généreuse en termes de fluff et consistante en termes d’intrigue, grâce à sa progression alternée entre le Paris-Dakkar extrême auxquels se livrent Thrax et ses survivants, et les flashbacks de leur mission suicide dans la cathédrale d’Iblis Amargh. L’auteur a suffisamment de maîtrise pour prendre son lecteur au jeu des devinettes quant à l’identité de la chose qui traque les valeureux guerriers des sables dans leur retraite éperdue, et aux véritables objectifs poursuivis par la colonne blindée Tallarn, ce qui rend l’expérience assez plaisante, même si les deux révélations en question ne s’avéreront pas renversantes. Autre point appréciable, McLean applique à ses nouveaux souffre-douleur sujets l’approche sans concession qu’il l’avait vu massacrer les uns après les autres ses personnages du 45ème Reslian (‘No Hero’, ‘Baphomet by Night’, ‘Predation of the Eagle’, ‘Blood Sacrifice’), laissant les deux seuls survivants du carnage perpétré par le ruzé mais brutal (et surtout blindé) Gorebrakah profiter du calme après la tempête dans un piteux état, tant physique que mental. À la guerre comme à la guerre, après tout, et McLean fait partie des contributeurs de la BL qui n’a pas peur d’être graphique dans son approche, ce qui est plutôt un trait positif dans ce genre de littérature, à mon humble avis.

Les seuls reproches que j’adresserai à cette soumission seraient relatifs au choix de l’auteur de ne pas expliquer pourquoi le sous-sol de la cathédrale semble regorger d’armes de pointe d’une part, et de faire se terminer son épreuve d’enduro sous un déluge d’obus plutôt que sous les lasers d’un escadron de Vendettas, ce qui aurait certainement permis aux Tallarn de sauver leur chèche, d’autre part. On me dira que leur mort était de toute façon nécessaire pour le déroulement de l’histoire, et on aura raison, mais je trouve tout de même que le plan du Colonel X – et par extension, celui de McLean – n’est pas au dessus de tout reproche. Il y avait certainement moyen de faire mieux, sans épargner pour autant aux soldats de Thrax leur glorieux sacrifice. Après tout, qui peut dire à quelle vitesse un Ork en Giga-armure peut courir, quand il est recouvert du sang de ses ennemis, et qu’on lui a volé son présssssieux ?

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A Rose Watered with Blood – A. Dembski-Bowden [HH] :

INTRIGUE :

A Rose Watered with BloodLes choses ne s’améliorent pas vraiment sur le Conqueror, qui se traîne péniblement à travers la galaxie pour livrer l’Angron démoniaque commandé par Horus jusqu’à son ancienne adresse sur Terra, du temps où il habitait encore chez son Pépé. La vie à bord est devenue dangereusement morne (comprendre que tout le monde s’est habitué à la possibilité de se faire tuer d’une manière horrible et roll with it), et bien que les problèmes d’intendance dont le vaisseau était affligé – depuis le miracle du changement de l’eau en sang, jusqu’à l’infestation de puces de Khorne – ait été en partie résolus par un arrêt au stand en orbite de la planète Heshimar, le Conqueror n’en finit plus de faire des blagues potaches et souvent mortelles à son équipage. Dans le cas de Lotara Sarrin, capitaine du Gloriana polisson et figure respectée au sein de la Légion, cela a consisté à recevoir en pleine nuit la visite galante de l’officier Ivar Tobin… alors que ce dernier avait été tué par Khârn dans un accès de fureur il y a plusieurs mois. Quand l’esprit de la machine se comporte comme un chat rapportant à son maître le cadavre de sa dernière proie, il est permis de s’inquiéter de sa survie.

Cette ambiance des plus lourdes a assez logiquement conduit certains passagers à caresser des projets d’évasion du vaisseau maudit, et Lotara est introduite dans le cercle des mutins par le Sergent Skane, un Destroyer ravagé de corps et d’esprit, après qu’il ait machinalement massacré l’escorte du capitaine afin de préserver le secret des échanges (les World Eaters ne croient pas vraiment aux NDA). Après avoir hésité, Lotara accepte de participer aux réunions des déserteurs en puissance, et pousse même l’amabilité jusqu’à prendre en charge les opérations d’évacuation, qui ne pourront se produire qu’une fois le Conqueror de retour dans le Materium. La plus grande crainte de ses conjurés, dont fait partie le Capitaine Maruuk, est que l’inflexible Khârn ait vent de leur projet de mise au vert, mais Lotara promet de gérer ce petit problème le cas échéant, et comme le mâle alpha qu’il est, Maruuk est bien content de laisser la charge mentale associée à cette tâche complexe à une femme. Après tout, il est trop occupé à faire des duels à mort dans les arènes du Conqueror pour traiter ce genre de détail trivial.

Après un long et pénible voyage (Angron s’est piqué de devenir chanteur d’opéra et danseur de claquettes pendant la traversée, ce qui est venu perturber le sommeil du reste des passagers), le vaisseau émerge enfin du Warp, et Lotara envoie les ordres codés mettant en branle l’opération SOS (Save Our Skulls) parmi les conjurés. Lorsque la frégate Bestiarius approche du vaisseau amiral pour récupérer des vivres, cinq navettes sont envoyées pour la ravitailler : rien de plus normal de prime abord, mais ces navettes sont en fait le ticket de sortie des mutins hors des entrailles viciées du Conqueror. En bonne capitaine, Lotara attend le dernier moment pour s’exfiltrer à son tour, et rejoint discrètement la cinquième navette en compagnie de Skane et Maruuk…

Début spoiler…C’est le moment que choisit Khârn pour débarquer en mugissant comme un veau, mis au courant par un traître des velléités d’évasion de Lotara and friends. Si Maruuk décide bravement de sauter dans la navette sans attendre personne et de mettre les gaz pour rejoindre le Bestiarius, le noble mais moche Skane reste en arrière garde pour « ralentir » l’Ecuyer d’Angron et faire gagner du temps à ses camarades. Les guillemets sont ici de rigueur, car le Sergent irradié ne tient pas trois secondes avant que Khârn ne lui fasse avaler son dentier en duracier. Un peu lente à la détente, Lotara n’a pas eu le temps de suivre ce mufle de Maruuk avant qu’il passe la seconde, la laissant dans une position très délicate…

Début spoiler 2…Si elle avait vraiment voulu quitter le Conqueror. Car, comme le pauvre Skane le comprend avant qu’elle ne l’envoie sauter sur les genoux de Khorne d’un tir de pistolet laser bien placé, Lotara, à l’instar de Khârn, s’est résignée à son sort et n’avait aucune intention de faire faux bond à Angron. Et on traite les World Eaters de renégats ? Laissez-moi rire. Si elle a accepté de marcher dans la combine des mutins (outre le fait que Skane l’aurait certainement tuée sur place si elle lui avait mis un vent lorsqu’il est venu lui demander son aide), c’était pour débarrasser le Conqueror de ses mauvais éléments et séparer le bon grain ( ?) de l’ivraie. De retour à son poste de commandement, la Rose baignée de sang (le surnom que lui avait donné un Commémorateur poète un peu fleur bleue – et mort depuis) prend grand plaisir à vaporiser les navettes des déserteurs avant qu’elles n’aient pu rejoindre le Bestiairius, et en particulier celle de Maruuk. Il ne l’avait pas volé, reconnaissons-le.Fin spoiler

AVIS :

Aaron Dembski-Bowden déroule une nouvelle histoire très plaisante à lire (ce sens de la formule, tout de même…) mettant en scène deux de ses personnages les plus attachants (Lotara Sarrin et le Conqueror), avec un petit caméo de Khârn pour ne rien gâcher en sus. Même si l’arc World Eaters de cet auteur n’avance pas beaucoup au cours de cette nouvelle, le suspens que Dembski-Bowden parvint à instiller dans son propos, couplé avec son génie de la caractérisation – c’est bien simple, quand ADB tient la plume, tous les personnages nommés se transforment en protagonistes1 – suffisent à faire de cet ‘A Rose Watered with Blood’ une soumission de qualité au corpus hérétique.

1 : Sauf Maruuk, qui reste détestable.

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Voilà qui termine la revue de cette fournée de nouvelles de l’an de grâce 2018, et même si la qualité est encore une fois variable, je peux écrire avec sincérité que ce millésime se place parmi les meilleurs que j’ai pu lire (‘Fire and Thunder’, qui n’a pas encore été réédité au moment où cette chronique est écrite, méritant particulièrement le détour). Je me dois de souligner également que le choix de la BL de varier les plaisirs en diversifiant les franchises représentées dans ce calendrier de l’avent est très appréciable, et j’espère que cette idée simple mais de bon goût sera reprise dans les futures itérations du concept. Réponse dans quelques mois !

GODS & MORTALS [AoS]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue de Gods & Mortals, anthologie de nouvelles Age of Sigmar publiée par la Black Library en l’an de grâce 2019. Premier recueil de courts formats de l’ère « moderne » d’AoS1, ce copieux pavé de 512 pages regroupe pas moins de 18 nouvelles, ce qui en fait l’ouvrage le plus imposant de sa catégorie, à ce stade. Il fallait au moins cela pour tenter de livrer une synthèse un tant soit peu complète des nouvelles sorties entre 2016 et 2018 et prenant place dans les riants et primesautiers Royaumes Mortels.

Gods &amp; Mortals

C’est qu’il s’en est passé des choses en l’espace de trois années, aussi bien dans qu’autour cette franchise de la GW-Fiction. Ainsi, si Josh Reynolds et David Guymer se taillent la part du lion parmi les contributeurs convoqués, avec quatre histoires chacun à leur crédit, il s’agissait pour le premier d’un chant du cygne2, alors que le second continue à l’heure actuelle sa collaboration avec la Black Library. Du côté des personnages mis en scène dans ce florilège de nouvelles, on découvre ou retrouve beaucoup de têtes de figure d’Age of Sigmar, tels que Hamilcar (présent dans 100% des soumissions de son créateur, David Guymer), Neferata, Neave Blacktalon, Callis & Toll et Esselt & Talorcan. Si certains d’entre eux ont réussi à inscrire leur nom au Panthéon des héros des Royaumes Mortels, d’autres n’ont pas eu cette chance et sont rapidement retombés dans l’oubli. La concurrence est rude…

A l’heure où d’autres auteurs (Richard Strachan, Dale Lucas, Anna Stephens…) et d’autres personnages (Drekki Flynt, Cado Ezechiar…) sont déjà venus remiser les travaux de Gods & Mortals dans le passé, certes récent, des Royaumes Mortels, l’heure est opportune pour donner à cette anthologie que l’on peut qualifier de classique le long and hard look que les anglo-saxons réservent aux choses qui méritent un jugement digne de ce nom.

1 : Qui peut se reconnaître grâce au modèle « binaire » utilisé pour les titres d’anthologies (‘Gods & Mortals’, ‘Myths & Revenants’, ‘Oaths & Conquests’, ‘Lords & Tyrants’…).
2 : Après un hiatus de quelques mois, Reynolds annoncera sa décision de cesser de travailler pour la BL en Mai 2020.

Gods &amp; Mortals

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Force of Personality – D. Guymer:

INTRIGUE:

Force of PersonalityLa guerre opposant Sigmar aux Fab4 fait toujours rage dans les Royaumes Mortels, et les champs de bataille sur lesquels s’illustrer ne manquent pas pour les Stormcast Eternals. Certains sortent cependant franchement du lot, et c’est une remarque qui s’applique aux deux catégories précédemment citées. C’est ainsi qu’on retrouve le Lord Castellant Hamilcar Bear Eater en position de conseiller stratégique dans la ville flottante de Nemisuvik, assiégée par la flotte du redoutable Capitaine Blackjaw depuis de longs mois. Une affectation que notre grandiloquent héros n’apprécie guère à cause du choix de l’ennemi de bombarder la cité à distance respectable, ce qui rend impossible l’honnête confrontation d’homme à homme qu’Hamilcar considère comme la forme la plus civilisée du combat. De leur côté, les Nemisuvikois prennent les événements avec une décontraction et une résilience impressionnantes, heureux de passer le temps en regardant leur allié surhumain insulter les Khorneux depuis les remparts de la ville.

Les choses se décantent toutefois lorsque Hamilcar est témoin d’une émeute opposant une foule en colère à quelques gardes entourant ce qui ne semblait être à première vue qu’un bassin de plus dans cette cité portuaire maritime1. Les mécontents semblent réclamer la présence d’un certain Roi Gris, qui ne tarde pas à apparaître dans notre histoire après qu’une manifestante ait réussi à déjouer l’attention du service d’ordre et à plonger dans la cuvette. Elle a ainsi l’honneur de se faire ramasser par un immense tentacule, qui la jette dans une non moins immense gueule, celle du Roi Gris en question, ou Angujakkak pour les locaux, comme un notable de Nemisuvik l’explique ensuite à Hamilcar autour d’une soupe de poisson. A la fois protecteur et prisonnier de la cité flottante, le Roi Gris grandit lentement sous cette dernière jusqu’à atteindre la taille et la force nécessaires pour déchirer les filets qui l’emprisonnent, et finalement partir faire sa vie dans l’océan ghurite, non sans avoir laissé un œuf derrière lui pour que le cycle se perpétue. Les gilets jaunes de Nemisuvik essayaient donc d’accélérer le processus en sortant Angujakkak de sa léthargie grâce à un bon gueuleton, afin qu’il aille couler la flotte de Blackjaw avant que cette dernière n’ait rasé la cité. Un plan que ce bon Hamilcar trouve absolument génial, mais qui est fermement refusé par le conseil des anciens de Nemisuvik, car Jak n’a pas encore pondu de mini-lui2. S’il part maintenant, qui prendra sa place ?

Et la réponse sera au final : Sigmar. Pas littéralement, bien sûr (encore que, pour ce qu’il fait en ce moment pour aider l’effort de guerre dans les Royaumes Mortels, il pourrait barboter dans une piscine d’eau de mer sur le littoral de Ghur), mais philosophiquement. Suite à un strike chanceux d’une catapulte chaotique ayant envoyé Hamilcar et quelques défenseurs de Nemisuvik à la flotte, le Roi Gris décide enfin de se secouer les écailles et d’aller se servir dans les eaux très poissonneuses qui baignent la cité. Hamilcar se convainc tout seul que c’est son impayable personne qui est responsable de ce petit miracle, son combat acharné contre les multiples bestioles ayant tenté de le becqueter alors qu’il faisait de la brasse coulée ayant été sanglant, mais la vérité restera probablement un mystère. Toujours est-il qu’Angujakkak est de sortie, et que la flotte de Blackjaw n’était pas prête pour cette attaque de bête zodiacale. Les navires chaotiques sont réduits en allumettes les uns après les autres par les tentacules musclés du Roi Gris, en plus de servir de trompe de mûmak pour un Hamilcar qui passe en mode Legolas une fois sorti de sa trempette, et finit par arriver sur le pont du navire amiral de sa Némésis. Cette dernière étant visiblement plus à l’aise au tir qu’au corps à corps (shocking je sais, même Hamilcar n’en revient pas), le rideau tombe sur cette nouvelle avant même que ce duel déséquilibré ne soit conclu. Et c’est ainsi que Nemisuvik a banni à jamais le maintien en captivité de grands animaux marins, deux ans après Marineland. Une pratique barbare qui n’avait plus lieu d’être dans une époque aussi avancée que l’Âge de Sigmar, bien évidemment…

1 : Car les habitants de Nemisuvik ne maîtrisent pas l’art de la construction navale, ce qui explique aussi pourquoi ce siège prend aussi longtemps.
2 : Comment une bande d’Inuits hippies ne maîtrisant pas la technologie du kayak est capable d’asséner de grandes vérités sur la reproduction des poulpes géants me dépasse.

AVIS:

David Guymer nous donne une nouvelle de Hamilcar à son plus drôle avec ‘Force of Personality’, qui peut donc logiquement concourir pour le titre de meilleure entrée de cette saga haute en couleur, et mérite donc d’être lu par tous ceux qui souhaitent vivre l’Hamilcar experience dans des conditions idéales. En auteur vétéran et maître de l’exercice délicat de l’écriture comique, Guymer s’applique à faire de chaque élément de cette histoire autrement très classique une source d’amusement pour le lecteur, la palme revenant sans doute aux dialogues riches en one liners percutants et aux commentaires en aparté que Hamilcar distille à son auditoire alors qu’il narre ses invraisemblables exploits.

De plus, tout le monde agit stupidement dans cette histoire, depuis la flotte de Blackjaw qui n’arrive pas à toucher un éléphant dans un couloir avec ses catapultes mais s’obstine à bombarder Nemisuvik pendant des mois plutôt que de l’attaquer, jusqu’aux habitants de la cité qui préfèrent attendre que leur mascotte finisse de grandir plutôt que de hâter un peu les événements, et même jusqu’à Sigmar qui envoie le pire choix possible parmi ses Stormcast Eternals pour renforcer une ville soumise à un barrage d’artillerie. Comme il est clair que Guymer ne se prend pas du tout au sérieux, le résultat final n’est pas grotesque (ce qu’il aurait été si l’histoire avait été racontée au premier degré) mais ajoute à la folie ambiante de ce mélange entre un épisode d’American Dad et un rapport de bataille de ManoWar à la sauce Age of Sigmar. Très sympathique, si vous aussi vous aimez quand la BL sort de son paradigme grimdark de temps à autres.

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Pilgrim’s Trial – R. MacNiven:

INTRIGUE:

Vanik, aussi appelé le Pèlerin Noir (ça sonne mieux en anglais), est un seigneur de guerre chaotique poursuivant le rêve de toute une faction : rejoindre la Varanguard pour approcher le GOAT Archaon. Une telle position se mérite cependant (beaucoup d’Elus, mais peu d’appelés…), et ce n’est pas avec un CV aussi famélique que le sien que Vanik a la moindre chance de réussir son casting : notre héros doit en effet se contenter d’une modeste bande d’une vingtaine de chevaliers du chaos (la Fraternité de Fer) pour toute armée, ainsi que d’un écuyer froussard (Modred) et d’une épée qui coupe. Bien décidé à améliorer son inventaire afin de devenir un redouté Bling King, Vanik entraîne son monde jusqu’en Aqshy, et plus précisément à l’orée du Bois de Braises (Cinderwood), où il a le sentiment que, je cite, sa destinée l’attend. Sa destinée a du coup un point commun avec la Fraternité, qu’il laisse sur le parking de la forêt avec le cadavre de sa monture, sacrifiée pour des raisons aussi brumeuses que la visibilité locale (normal pour une forêt qui passe son temps à brûler, vous me direz). Il est en effet capital qu’il entreprenne la quête qui va suivre seul, et également en moins d’une journée (mais pourquoi, mystère) : s’il n’est pas revenu au premier champ du c(ha)oq, ses braves guerriers ont ordre d’aller porter la nouvelle de sa mort tragique, ou de son égarement gênant, à sa sœur Jevcha, Reine de Guerre de son état. Elle lui donnera un enterrement digne de ce nom, ou viendra le ramener à la maison, selon la situation.

Nous suivons donc Vanik alors qu’il explore le Bois des Braises à la recherche de quelque chose, ou de quelqu’un. Cette quête est entrecoupée par des passages narrés en italiques par un personnage qui semble flotter à quelques mètres de l’aspirant garde du corps sans que ce dernier s’en aperçoive, et qui se matérialise lentement grâce à la puissante émanation de… quête qui entoure Vanik. Ses vues sur ce dernier sont ambivalentes, pour dire le moins, mais c’est un problème que le Peignoir Nain devra gérer un peu plus tard, occupé qu’il est à défendre son intégrité physique contre la faune bigarrée qui hante la forêt. D’abord un Chien de Khorne à collerette verte (original), du nom de Korhel1, auquel il n’arrive pas à apprendre à donner la papatte en dépit de ses meilleurs efforts – qui consistent à lui balancer des grands coups d’épée dans la truffe, ceci dit. Ensuite à un duo de Chasseurs de Kurnoth équipés d’arcs, ayant mis en déroute le pauvre cabot avant de flécher la sortie à ce mortel égaré dans leur réserve naturelle. Ayant la vue très basse pour un champion du Chaos (ou ayant mis son heaume à l’envers ce matin-là), Vanik opte pour une fuite éperdue à travers les arbres, mais finit par se faire rattraper par les intraitables Sylvaneth, qui lui mettent une solide raclée au corps à corps et menacent d’interrompre brutalement sa quête de gloire. Ça commence à sentir le sapin…

Début spoiler…Heureusement, la cavalerie finit par arriver. Ou plutôt, la monture démoniaque finit par se matérialiser. Car c’était bien ça qui zieutait sans gêne le Pèlerin quelques pages plus tôt. Baptisée Tzatzo, la cavale infernale triomphe là où son (futur) maître avait échoué – un grand classique des wargames – et réduit les Kurnothi en granulés de biomasse en quelques secondes, un chouilla aidée par cet assisté de Vanik. C’est évidemment le début d’une grande amitié entre ces deux êtres que tout oppose, et la nouvelle se termine sur le retour triomphal de notre héros au camp de base de la Fraternité de Fer, et l’annonce de la nouvelle et dernière étape de sa classe quête préparatoire : aller chiner une épée démon aux puces de Saint Ouen. Ce sera risqué, mais il faut bien ça pour attirer l’œil des dieux…Fin spoiler

1 : On ne sait pas d’où vient cette connaissance poussée qu’a Vanik du nom des démons qu’il rencontre (sans doute un Pokédex chaotique ramassé dans un donjon mineur), mais en tout cas, cela ne lui rapporte aucun avantage au combat.

AVIS:

Introduction au roman qu’il a consacré à l’ascension carriériste (plutôt que démoniaque) de son héros Vanik le Pèlerin Noir, ‘Pilgrim’s Trial’ ne frappe pas par son originalité, tant au niveau de l’intrigue que du style ou des personnages mis en avant. J’irai même jusqu’à dire que sa lecture est hautement facultative, même si Robbie MacNiven ne livre pas une copie honteuse. Qui a dit que le cheval, c’était génial ?

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The Dance of the Skulls – D. Annandale:

INTRIGUE:

The Dance of the SkullsInvitée à honorer de sa présence un bal donné par la reine Ahalaset et le seigneur Nagen dans la cité de Mortannis, Nefarata se doute bien que cet évènement mondain n’est qu’un prétexte commode pour permettre à ces deux grandes lignées d’agir à ses dépends, ce qui ne l’empêche pas d’accepter gracieusement de se rendre sur place, n’ayant de toute façon rien d’autre de prévu ce soir là. Voyant d’un mauvais œil le rapprochement s’étant récemment opéré entre Ahalaset et Nagen, la Mortarque de Sang suppute avec raison qu’un piège va lui être tendu, et se réjouit d’avance de cette (més)aventure, le quotidien de Nulahmia devant apparemment être assez terne.

Après avoir été accueillie avec tout le faste et la pompe liés à son r/sang (et infligé râteau sur râteau à ce pauvre Nagen, auquel elle promet toutefois une danse plus tard dans la soirée1), Neffie se voit proposer par son hôte une dégustation privée de crus tirés de l’hématothèque personnelle d’Ahalaset, ce qui ne se refuse pas. Guidée jusqu’à un salon lounge où l’attendent une dizaine d’esclaves qui s’appellent tous Mathusalem ou Réhoboam, notre rusée vampire à tôt fait d’identifier l’aiguille d’argent se terrant sous la roche, en l’occurrence un assassin assermenté doté d’une fourchette à escargot à la place du bras (c’est la mode à Hammerhal). Ayant raté son test d’Initiative, le faquin est toutefois aisément neutralisé par sa victime supposée, qui l’attache à son service d’un langoureux battement de cils. Satisfaite de la tournure prise par les évènements, et comme toute quinqua-millénaire de la bonne société après une dure journée de labeur, Neferata s’accorde un petit verre (et fracasse au passage toutes les « bouteilles », qui espéraient peut-être qu’on les laisse tranquille le temps qu’elles refassent le plein) aux frais de ses hôtes avant de revenir se joindre à la fête.

Là, il est temps pour la Lahmiane de porter l’estocade aux traîtres débusqués, et en musique s’il vous plaît, la danse des crânes consentie à ce benêt de Nagen donnant amplement le temps à notre héroïne de cimenter sa victoire en enchantant légèrement son cavalier, qui ne trouvera rien de plus malin lorsque l’assassin d’Ahalaset viendra sonner les douze coups de minuit à son ancienne patronne à l’aide de son argenterie intégrée, de lancer sa devise dans le silence de mort (héhé) qui s’ensuit. Cette dernière tombera à plat comme la totalité de ses blagues, et, mal comprise par la garde de la reine défunte, aura des conséquences tragiques pour notre pauvre Nagen. Un verre ça va, trois verres…

1 : En même temps, cette coquetterie de laisser dépasser une canine par dessus sa lèvre inférieure ne doit pas aider à lui donner un air très intelligent.

AVIS:

C’est peu de chose de dire que la prose de Herr Annandale n’était pas tenue en haute estime de ce côté du clavier, depuis la chronique de ses débuts pour la BL (The Carrion AnthemHammer & Bolter #11) jusqu’à aujourd’hui. Les choses ont légèrement évolué avec cette Danse des Crânes, qui s’affirme facilement comme la meilleure soumission de notre homme que j’ai pu lire à ce jour. Certes, on parle ici en progrès relatif plutôt qu’en performance absolue, cette courte nouvelle ne se comparant guère aux travaux d’auteurs que je considère être plus méritants que David Annandale, Abnett, Dembski-Bowden, Farrer et Fehervari en tête, pour n’en citer que quelques uns (la liste serait assez longue sinon), mais j’aurais trop beau jeu de ne pointer que les trous dans la cuirasse ou les défauts dans la raquette des travaux de ce régulier de la BL, si je ne soulignais pas également les sources de satisfaction à la lecture de ces derniers. L’Empereur sait qu’ils sont encore rares à cette heure.

Alors, quels sont les éléments positifs de La Danse des Crânes ? Pour commencer, une absence de ce que l’on peut presque appeler une « annandalerie », terme forgé par votre serviteur et désignant une mauvaise, grossière ou grotesque exploitation d’une idée de départ pourtant assez sympathique, pour des résultats évidemment décevants. Le huis-clos victorien qui nous est proposé ici ne pêche ainsi pas par excès de zèle ou manque de structuration, les péripéties s’enchaînant de façon tout à fait convenable et crédible, ce qui pourrait sembler aller de soi mais n’était pas gagné d’avance au vu du pedigree de l’auteur. On sent que ce dernier a réfléchi à la manière dont il devait dérouler son récit pour que le plan alambiqué de Nefarata puisse se dérouler sans (trop) d’accroc, et même si l’usage d’un petit TGCM en fin de nouvelle pour parfaire le triomphe de Mama Lahmia peut être noté, c’est finalement peu de chose comparé aux problèmes structurels émaillant quelques unes des précédentes soumissions de David Annandale.

Autre source de contentement, la description intéressante qui nous est faite de la haute société mort-vivante, nid de vipères aux crocs acérés et n’hésitant pas un instant à comploter pour précipiter la chute de leurs prochains, alors même que les ennemis extérieurs se comptent par milliers, et qu’un brin de solidarité entre macchabées ne serait pas de trop pour défendre le pré carré de Nagash. Le fait que cette société, mêlant vampires et humains à tous les échelons, apparaisse comme fonctionnelle et pérenne (en même temps, c’est bien le minimum quand on est immortel) est une autre réussite d’Annandale, qui parvient à donner un volume fort bienvenu à une faction qui jusque là se réduisait à des légions de squelettes traînant leur mélancolie dans des déserts violacés. On peut s’amuser aussi en Shyish, telle est la morale de cette petite histoire.

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Tourney of Fate – J. Reynolds:

INTRIGUE:

Lorsque la plus totalement fraîche mais tout de même respectable Dame de Cankerwall, régente des Duchés Niellés, est enlevée par un Héraut de Tzeentch pendant un tournoi opposant la fine fleur (fanée) des chevaliers pesteux des environs, nombreux sont les braves qui jurent de libérer leur suzeraine et se mettent en quête de la tour ambulante où le faquin se terre avec sa victime. Parmi eux se trouve le jeune Carkus Gryme, qui doit encore gagner ses éperons et sa bedaine de Blightknight, mais qui compense son inexpérience et sa taille 36 par une dévotion et une noblesse indéniable. Ayant reçu l’autorisation de la Dame de participer au tournoi malgré son statut inférieur, il était bien décidé à l’impressionner de ses putrides prouesses1, et en veut donc mortellement au disciple du dieu poulet, Ompallious Zeyros. Accompagné d’un Pestigor cuisinier et fataliste (Blisterback), Carkus remonte la piste de la caravane de Zeyros, espérant la rattraper avant que les autres paladins enrhumés (qui ont des montures, eux) ne récoltent toute la gloire.

À toute chose lenteur est bonne cependant, car le peloton de tête a visiblement rencontré plus fort que lui. Carkus tombe en effet sur les cadavres épars de ses frères de pus, éparpillés façon puzzle par un adversaire mystérieux. Avant cela, il avait reçu la visite d’un vieux démon de Tzeentch asservi par Ompallious, et chargé par ce dernier de dissuader le blanc-bec de se frotter à lui. Ayant considéré cette offre comme la preuve que son adversaire avait peur de lui, notre héros avait refusé crânement. Pour sa peine, il se trouve donc confronté au plus Disney de tous les adversaires : un chevalier constitué entièrement d’une nuée de rossignols, grives et autres merles, contre lequel son épée est bien inutile. Heureusement, le sagace Blisterback parvient à identifier l’oiseau en chef, qu’il capture et gobe aussi sec, provoquant la désagrégation de la murmuration. Ce premier adversaire vaincu, Carkus et son sidekick sont libres d’accéder au logement de fonction d’Ompallious, dans lequel le pas encore chevalier pénètre seul, comme le panonceau interdisant l’entrée à nos amis les animaux situé à côté du paillasson le stipule.

La troisième épreuve de notre héros (la deuxième étant de ne pas s’arracher les yeux devant les choix de décoration intérieure très tzeentchy de son hôte) est d’affronter un autre serviteur de Lompallious, et en l’occurrence, une (quasi) célébrité : Mordrek le Maudit en personne. Bien que ce vénérable guerrier se plaigne que les petits jeunes chaoteux d’aujourd’hui ne le connaissent plus, il a gardé suffisamment de punch pour pousser Carkus dans ses derniers retranchements. Qui plus est, les Dieux du Chaos n’ont pas résilié son immortalité lors de son transfert de franchise, ce qui fait une fausse joie au pesteux après qu’un coup chanceux ait brisé la nuque de son adversaire, qui se relève sans broncher quelques secondes plus tard. Désespérément surclassé et n’ayant pas la caisse d’un véritable Blightknight, Carkus voit sa dernière heure son compostage arriver… mais réussit un deuxième coup critique d’affilée, ce qui convainc Mordrek de le laisser poursuivre sa quête et de se confronter enfin au maître des lieux.

Ce dernier l’attend en compagnie de la Dame de Cankerwall, qu’il a kidnappé pour qu’elle l’aide à guérir d’une maladie honteuse refilée par un champion de Nurgle avec lequel il a eu un duel non protégé il y a de cela bien longtemps. L’heure des révélations ayant sonné, Carkus apprend coup sur coup qu’Ompallious Zeyros faisait partie de l’ordre des chevaliers ayant juré allégeance à la Dame lors de son arrivée dans les Duchés, et que si le premier cherchait tant à éviter le combat, c’est parce qu’il est en fait son lointain ancêtre. Cette double annonce ne détourne cependant pas Carkus de son leitmotiv, mais son état de fatigue avancée ne lui permet pas d’inquiéter Ompallious, qui le flanque par terre sans ménagement. Il aurait incinéré son arrière petit fillot sans état d’âme n’eut été l’intervention conjointe de la Dame de Cankerwall et de Mordrek, la première acceptant de débarrasser Ooumpa Loompa de ses mycoses tenaces en échange de la vie de Carkus, et le second forçant son ex-patron (son contrat d’asservissement contenant une clause suspensive à la première défaite enregistrée) à tenir sa parole après sa guérison express.

Son problème sanitaire ayant été traité, Ompallious donne congé à ses invités (c’est fort civil de sa part) et met le cap sur un autre Royaume pour passer sa convalescence. De son côté, si Carkus n’a pas le bonheur d’être élevé au rang de Blightknight par sa Dame, il repart tout de même avec un lot de consolation fort sympathique, en l’occurrence un cor de chasse enchanté lui permettant d’invoquer le redoutable Mordrek (qui part faire du tourisme de l’Apocalypse dans cette franchise qu’il ne connaît pas) en soufflant dedans. Quant à la Dame, elle souhaitait en fait utiliser le Héraut de Tzeentch pour ressusciter un ancien champion après qu’il eut atteint un taux de moisissure satisfaisant (un peu comme un roquefort), et n’a donc pas vraiment apprécié l’intervention du morveux, mais se calme lorsque Carkus révèle qu’il a gardé un bout de la biopsie de son illustre aîné pendant qu’Ompallious passait le reste au lance-flamme, ce qui donne une réelle chance de revival à l’ancien. Quelqu’un aurait-il une boîte de Petri en rab ?

1 : Dessiner un blason en vomissant est le comble du chic chez les Maggotkin.

AVIS:

Josh Reynolds exerce son talent de conteur dans ce ‘Tourney of Fate’, qui parvient à donner leurs lettres de noblesse aux Maggotkin de Nurgle sans galvauder le moins du monde leur aspect foncièrement morbide et résigné, qui ne le destinait pas du tout à endosser le rôle de protagonistes (à mon humble avis). En faisant de son héros un parangon de chevalerie, certes putride mais animé des sentiments les plus honorables, Reynolds démontre sa capacité à questionner les stéréotypes de fantasy que nous avons tous intégrés – souvent sans nous en rendre compte –, ce qui contribue à en faire l’un des auteurs les plus intéressants et talentueux de la Black Library. Si l’aventure dans laquelle le jeune Carkus Gryme est, elle, relativement convenue (même si de bonne facture), ‘Tourney of Fate’ mérite donc la lecture rien que par son originalité par rapport aux autres nouvelles chaotiques d’Age of Sigmar.

Ceci dit, cette histoire a d’autres atouts à faire valoir, Josh Reynolds ayant été particulièrement motivé par son sujet. Ainsi, il prend soin de poser les jalons d’un arc narratif plus ambitieux que cette nouvelle, à laquelle répondent plusieurs autres de ses travaux. On peut retrouver Ompallious Zeyros dans ‘The Last Gift’, et Feculus dans ‘The Tainted Axe’, ce qui est suffisant pour parler d’un mini-Reyniverse des Royaumes Mortels. Dommage que son départ de la BL ne lui ait pas donné l’occasion de mener à bien son projet, par exemple en faisant intervenir Gryme et Zeyros dans la série des Huit Lamentations, aux côtés du champion de Khorne Ahazian Kel. Avec des antagonistes aussi charismatiques, et un auteur aussi doué que Reynolds à l’écriture, les épisodes suivants de la saga auraient été passionnants à suivre. Quoiqu’il en soit, ‘Tourney of Fate’ est une nouvelle qui sera d’autant plus intéressante que le lecteur est familier des histoires déclinées en parallèle de la quête de justice de Carkus Gryme.

Pour finir, il régale le fluffiste en réalisant un savoureux cross over entre Warhammer Fantasy Battle et Age of Sigmar, à travers la convocation du Comte Mordrek, personnage nommé de second ordre du Vieux Monde (et qui apparaissait déjà dans des productions écrites pour WFB par Reynolds). Il nous avait déjà fait le coup avec Aekold le Miraculeux dans ‘Hammerhal’, et cela ne fait que m’inciter à lire le reste de sa bibliographie AoSesque pour voir s’il n’y a pas d’autres easter eggs dissimulés au fil des pages. Bref, c’est du Josh Reynolds comme on adore le lire, et dont il serait dommage de se priver.

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The Hardest Word – D. Guymer:

INTRIGUE:

The Hardest WordEn poste dans la forteresse des Sept Mots (sans doute construite par les sept nains) en Ghur, l’incommensurable Hamilcar Bear Eater reçoit la visite de la Lord-Veritant Vikaeus, qui arrive porteuse, outre de son heaume et d’une moue dédaigneuse, de troublantes nouvelles. Prophétesse reconnue à travers les osts de Sigmar, Vicky a eu la vision d’une horde de Skavens attaquant le bastion tenu par les Astral Templars et capturant l’insurpassable Hamilcar pour en faire le sujet d’une expérimentation aussi obscure dans ses motifs que douloureuse dans son application (d’après la description qui en faite, Hamilcar passerait de battant à batterie, ce qui n’est pas une évolution de carrière très désirable). Pour notre inarrêtable héros, il est clair qu’il faut saisir le rat-taupe par les bornes, et tant pis si la prophétie de son invitée n’est guère précise à propos du moment où le danger se matérialisera, et la direction d’où il viendra. Prédiction, mobilisation, comme dit le proverbe.

Lors donc, Hamilcar s’emploie à rassembler le ban et l’arrière-ban de son petit domaine, sans tenir compte du regard courroucé ni des réflexions désobligeantes de Vikaeus, qui est la première à reconnaître que ses annonces sont encore trop vagues pour mettre les Sept Mots sur le pied de guerre. C’est mal connaître l’inqualifiable Hamilcar, qui a une idée bien précise de la manière d’écarter le risque d’une future invasion de ratons : ayant laissé à la Lord-Veritant toute latitude (ainsi que son fidèle gryph hound, Crow) pour faire son enquête de terrain, notre héros va se planter à l’entrée de sa forteresse, et hurle un défi à la cantonade : si les Skavens arrivent à la vaincre en combat – et même pas en combat singulier, c’est dire s’il est sûr de son fait – les Sept Mots leur seront remis sans coup férir. Voilà une offre qui ne se refuse pas, et à la grande surprise de l’assistance réunie pour voir le patron faire ses pitreries, un émissaire Skaven se présente quelques instants plus tard pour annoncer à la grande-gueule en armure violette que le Warlock Ikrit accepte la confrontation.

Comme on pouvait s’y attendre de la part d’une race totalement étrangère au concept d’honneur martial, Ikrit ne se déplace pas en personne, mais envoie une de ses créations, que l’on peut décrire comme le fruit des amours illicites entre un Cuirassier Némésis et un Rat Ogre, s’emparer de l’indémodable Hamilcar, qui l’intéresse beaucoup plus que la possession des Sept Mots. Bien que le cédant à son adversaire mécanique en carrure et en force, et devant composer avec le feu nourri des Jezzails que le prudent Ikrit a également mis sur le coup (on n’est jamais trop prudent), le Lord-Castellant préféré de ton Lord-Castellant préféré réussi à vaincre son adversaire déséquilibrant l’exo-ratmure et la mettant sur le ventre. Ce triomphe est toutefois assombri par le retour de cette pimbêche de Vikaeus, très courroucée d’être tombée sur une bande d’éclaireurs Skavens pendant ses investigations, et d’avoir dû s’en débarrasser par elle-même. Avant de s’en aller bouder dans ses quartiers, elle assure à l’indécrottable Hamilcar que son récent exploit n’a fait que repousser l’échéance, et que les Hommes Rats en ont toujours après lui. Ce qui est fort possible – après tout, qui ne rêverait de posséder une copie conforme de Sigmar ? – mais sera l’affaire d’une autre histoire…

AVIS:

David Guymer prépare dans ce ‘The Hardest Word’ (rien à voir avec la chanson d’Elton John, pour autant que je puisse le dire) l’intrigue du roman qu’il consacrera à son personnage fétiche (‘Hamilcar : Champion of the Gods’), et dans lequel le Stormcast prodigue et prodige devra défendre son intégrité physique contre les assauts répétés d’un Skaven illuminé. On y voit un Hamilcar en grande forme faire ce dans quoi il excelle : prendre des décisions radicales sur un coup de tête, se battre comme un chiffonnier (et gagner à la fin), et plus important, balancer des vannes dirigées autant vers ses camarades que vers le lecteur, ce qui est une raison suffisante pour lire les travaux consacrés à ce personnage haut en couleurs d’Age of Sigmar, si vous voulez mon avis. Une honnête réussite pour Guymer, qui arrive à trouver le juste équilibre entre les nombreux composants d’une bonne histoire d’Hamilcar Bear Eater (intrigue, contextualisation, développement des personnages, style…), ce qu’il ne parvient pas à faire à tous les coups.

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Auction of Blood – J. Reynolds:

INTRIGUE:

Auction of BloodLes plans pour une soirée de bouquinage tranquille de Palem Bo(o)k, libraire d’incunables à Eauxgrises et accessoirement espion à la solde de Nefarata, sont brutalement et définitivement balayés lorsque notre fin lettré reçoit l’ordre de représenter sa généreuse patronne à une session d’enchères privées, se tenant le soir même au Nid de Pie, une institution bien connue par les habitués de la vie secrète de la métropole Ghyranite. Bien forcé d’accéder à la gracieuse et impérieuse requête de sa bienfaitrice s’il tient à conserver sa jugulaire intacte, Bok se rend sur place, et réussit à négocier son entrée, malgré une absence d’invitation (les grandes de ce monde ne prennent pas en compte des détails aussi triviaux) et une vigile elfique vraiment patibulaire du tout. Même pas briefé sur l’objet qu’il devra acquérir pour le compte de sa maîtresse, il a peine le temps de jeter un regard sur le reste de l’assistance, où se pressent pêle-mêle un mage lumineux et son dragonnet de compagnie, un Nain du Chaos essayant de camoufler son appartenance à une franchise défunte sous une épaisse capuche, et la Femme en Rouge locale (il en faut une dans tous les univers med-fan dignes de ce nom apparemment), beauté ténébreuse et balafrée au sourire qui aurait pu être avenant s’il ne dévoilait pas des dents taillées en pointe.

Attendant patiemment que son heure vienne pendant que les premiers lots trouvent preneurs, Bok finit par comprendre que la babiole que Nefarata veut ajouter à sa collection est l’étrange fouet à huit lanières que le commissaire priseur révèle être Charu, le Fouette-Âme, rien de moins que l’une des huit Lamentations de Khorne ! Pressentant que cette acquisition va le mettre sur la paille, à condition qu’il arrive à remporter l’enchère avec ses moyens somme toute limités (l’industrie du livre est en crise partout), Bok est sauvé de la faillite par l’intervention inattendue de Melissandre, qui se trouve être une activiste de Khorne et ne goutte pas du tout à ce que cette sainte relique soit vendue comme un vulgaire bibelot lantique. Preuve que la malabar de l’entrée n’a pas fait son job de façon correcte, une demi-douzaine de comparses de la Lady in Red (Kesh de son prénom), se lèvent pour appuyer la revendication de leur meneuse, et la situation dégénère tranquillement lorsque le préposé à la vente tente de prévenir le service d’ordre et se prend une hache de jet entre les deux yeux pour sa peine.

Dans la mêlée générale qui s’en suit, Bok a l’occasion d’assister aux premières loges à une démonstration de fouet que n’auraient renié ni Corax ni Indiana Jones, Kesh ayant réussi à mettre la main sur l’arme du crime, dont le deuxième effet kiss cool est de voler l’âme des malheureux qu’elle lacère. D’abord contraint de régler leur compte à quelques cultistes mugissants tout prêts à l’enkhorner, Bok est rapidement convaincu par le talent meurtrier de Kesh de mettre le Charu avant les boeufs. Malheureusement pour notre héros, this girl is on fire et sa pétoire, bien que de fabrication Duardin, ne suffit pas à mettre fin au tohu-bohu. Animée de mauvaises intentions, malgré la perte d’un hémisphère cervical consécutif à un headshot proprement exécuté, Kesh l’est également par la magie impie de son arme, et il faudra que quelqu’un se dévoue à lui prendre littéralement la main pour que l’ambiance, finalement, retombe. La seule autre survivante de la soirée étant l’Aelf de garde, à présent chômeuse et à laquelle il s’empresse de proposer un job, Bok n’a aucun mal à faire main basse sur la vieille Charu, dont on se doute que Nefarata fera un usage raisonné…

AVIS:

Voilà une nouvelle de Josh Reynolds telle qu’on les aime. Loin du fracas des combats de première ligne entre Stormcasts et indigènes, Enchères de Sang s’attache à dépeindre la vie dans une cité libre de Sigmar, où, si l’ordre règne, tous les citoyens n’épousent pas forcément les vues progressistes et altruistes du Dieu céleste. Comme le Monde qui Fut avant lui, les Royaumes Mortels sont gangrenés par les agissements souterrains d’individus peu recommandables, ce qui est dans l’ordre naturel des choses à mon avis, mais méritait quand même d’être couvert par une nouvelle ou deux afin que le lecteur, surtout novice, ne s’y trompe pas1. Les amateurs de la série Malus Darkblade apprécieront sans doute le récit de la soirée très compliquée de Bok, contraint comme son lointain et illustre prédécesseur de prendre tous les risques pour récupérer une relique impie pour le compte d’un employeur pas vraiment compréhensif. Les nostalgiques du Vieux Monde et de l’archéo-fluff souriront à la rencontre des quelques easter eggs que l’auteur a glissé au fil des pages2. Tous reconnaîtront que Reynolds sait s’y prendre pour dépeindre les côtés peu reluisants d’une métropole med-fan, quadrillée par les sociétés secrètes en tout genre, les cultes chaotiques de quartier et les exécuteurs des basses œuvres d’éminences d’un gris souvent très foncé. Une chose est sûre, cela donne plutôt envie de découvrir quelles sont les sept autres lamentations que ce distrait de Khorne a égaré dans les Royaumes Mortels, dans ce qui pourrait bien être la série la plus intéressante des premières années d’Age of Sigmar. Les paris (et les enchères) sont ouverts…

1 : À quand la sortie du supplément ‘Quelque chose de pourri à Hammerhal’ ?
2 : On peut d’ailleurs s’étonner que la BL ait laissé passer la mention faite à Necoho, divinité chaotique désavouée par GW depuis des lustres. Ne boudons pas notre plaisir, ce n’est sans doute pas demain la veille que nous recroiserons ce Dieu renégat.

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Pantheon – G. Haley:

INTRIGUE:

PantheonÀ une époque lointaine et plus heureuse, Sigmar prit sur lui de faire construire l’équivalent de Strasbourg (une ville avec du cachet + un lieu de rassemblement pour les décideurs politiques) sur la plus haute montagne d’Azyr. Nommé Highheim, ce qui sonne convenablement alsacien vous le reconnaitrez, ce complexe accueillit pendant un temps, voire une ère, les Dieux (plus ou moins) civilisés qui formèrent le panthéon des Royaumes Mortels. Puis le Chaos arriva, et chacun repartit dans ses pénates, laissant le pauvre Ziggy errer comme une âme en peine dans les allées désertes de la Theopolis.

La guerre totale décrétée par le divin barbu contre les quatre affreux est toutefois l’occasion pour le premier de réactiver ses vieux réseaux, et par une belle mâtinée pas encore tout à fait ensoleillée, il invite Alarielle à faire un Teams (avec webcam) pour parler du bon vieux temps. Au début franchement sur la défensive – ne pas oublier que la blitzkrieg sigmarienne a failli très mal finir pour elle – la Déesse finit par se détendre un peu, et accepte d’accompagner son hôte jusqu’à la place centrale du Highheim, où se trouve comme de juste une pièce d’eau. Mais attention, ce n’est pas n’importe quoi : plutôt qu’un bête bassin avec une fontaine rococo et des fientes de pigeon sur la margelle, il s’agit d’un miroir argenté créé par le mage Sanasay Bayla, et offert au Panthéon comme cadeau, outil et avertissement. Bayla, qui n’était pas la moitié d’un abruti, a en effet réussi à réaliser une œuvre qui permet à qui la contemple de voyager dans l’espace et dans le temps. Si Sigmar a tenu à ce qu’Alarielle vienne avec lui devant le miroir, ce n’est pas pour tenter de conclure avec la seule Déesse un tant soit peu accorte de son entourage (on est d’accord que Morathi est un peu creepy sur les bords), mais pour mater ensemble la vie de Brian Bayla, qui en plus d’être distrayante – on parle tout de même d’un type qui a réussi à maîtriser cinq des huit formes de magie – pourrait se révéler instructive.

La caméra se braque donc sur le mage prodige, au moment où une crise existentielle le saisit. A force d’exceller en tout, notre homme ne sait plus quel but se donner dans la vie, et après mûre réflexion, il décide d’aller vérifier si les Royaumes Mortels ont bien une fin physique, just for the thrill of it. La première étape de cette odyssée est de fact checker le sujet auprès d’une sommité en la matière, et comme Bayla a le bras long et le cœur bien accroché, il monte tout en haut du minaret du temple de Teclis le plus proche, entre en transe et se téléporte directement auprès du Dieu, qui lui assure que l’on peut bien s’asseoir sur le rebord du monde1. Cependant, cela n’est pas donné au premier clampin venu, car il faut passer par une porte secrète qui ne peut s’ouvrir qu’avec une clé forgée exprès par Grugni, puis terrasser un monstre immortel. Ca fait cher le coup d’œil.

Ce topo ne fait cependant pas peur à Bayla, qui abandonne séance tenance femme et enfants pour se lancer dans ce trek de l’extrême, ce qui l’occupe pendant quelques années. S’il ne parvient pas à négocier une audience auprès du Dieu forgeron lorsqu’il se rend à son temple de Chamon, il réussit tout du moins à obtenir un double de la clé en partageant sa Rince-Cochon avec le Nain Blanc (qui passait dans le coin). Il trouve également une astuce pour venir à bout du loup géant (Afrener) qui garde l’accès au bord du monde en se suicidant à 99% pour pouvoir rencontre Nagash, qui accepte d’euthanasier l’encombrant clébard en échange de cinq siècles et cinq jours de servitude post-mortem. Faut ce qu’il faut.

Ces obstacles enfin négociés, Bayla peut enfin boucler son périple, et contempler l’immensité magique et chaotique où les Royaumes (ici Ghyran) commencent et s’achèvent. Il est cependant immédiatement alpagué par un Magister de Tzeentch, qui essaie de lui vendre un plan de carrière mirobolant en l’échange de son âme, mais qui commet l’erreur de révéler que l’équilibre perso-pro ne serait alors pas vraiment respecté. Car Bayla est, au fond de lui, un authentique pater familias, et toutes ses pérégrinations lui ont ouvert les yeux sur le fait qu’il n’a pas été très présent au cours de la dernière décennie. Raccrochant violemment au bec de son démarcheur (ou l’équivalent dans les Royaumes Mortels), il repart dare dare en direction de son foyer, non sans avoir eu la vision d’une époque lointaine où ce dernier serait frappé par la guerre. Sachant qu’il ne serait plus là pour le voir, et donc l’empêcher, il décide de créer son fameux miroir pour que les Dieux puissent s’en servir dans leur veille constante contre le Chaos. Ce qui nous ramène au point de départ et à Highheim.

La nouvelle se termine sur un petit speech de Sigmar à sa bonne amie, qu’il voudrait plus active auprès des mortels afin de contrecarrer les fake news répandues par le Chaos à propos de la vie éternelle qui attendrait les serviteurs des puissances de la ruine. Qui de plus qualifié que la Déesse de la Vie pour porter ce message optimiste et philosophique auprès des habitants des Royaumes Mortels, hein ? Alarielle lâche un gros « mouais, j’y penserais » et repart semer du gazon en Ghyran, laissant Sigmar passer la mop et fermer la lumière sur Higgheim. C’est pas tous les jours facile d’être un petit patron.

1 : C’est malin, je vois maintenant Teclis avec la moustache de Francis Cabrel.

AVIS:

On savait Guy Haley très à l’aise dans le registre « mythique », qu’il est l’un des seuls contributeurs de la Black Library à pratiquer de manière régulière1, et ‘Pantheon’ est sans doute sa soumission de référence en la matière. Il parvient en effet à mettre en scène une épopée légendaire comparable à celle Gilgamesh (un héros d’une puissance quasi-divine s’embarque dans une quête impossible), transposée dans l’univers d’Age of Sigmar, et même plus largement, de la GW-Fiction, comme les références au Monde qui Fut qui émaillent le récit le dénotent. On se laisse embarquer dans ce voyage très différent des nouvelles ordinaires de la BL, où le moindre personnage est un Dieu, une Bête Zodiacale ou un individu mythique, et qui se termine comme souvent dans ce type de littérature par un enseignement moral à méditer (ici un bon carpe diem des familles). C’est à la fois rafraichissant et bien réalisé, et mérite donc vraiment d’être lu par celles et ceux qui souhaitent explorer le catalogue de la Black Library à la sauce AoS. Un classique en devenir, à mon humble opinion.

1 : Voir sa série sur le Prince Maesa, par exemple.

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Vault of Souls – E. Dicken:

INTRIGUE:

Envoyés par Sigmar en personne explorer Shadespire à la recherche de toute information utile à l’amélioration du processus de Reforge des Stormcast Eternals, et en particulier l’effritement de leur personnalité au fil du temps (le fameux syndrome de délavage), le Knight Incantor Averon Stormsire et ses deux acolytes (Ammis et Rastus) sont sur une piste aussi prometteuse que dangereuse : celle du Katophrane Thalasar. Ce dernier est passé maître dans l’art nécromantique, ce qui pousse Stormsire à penser qu’il pourrait utiliser ses savoirs (un peu impies certes, mais on ne fait pas de surhommelettes sans casser des œufs) pour avancer dans sa propre thèse de recherche fondamentale. Problème, Thalasar est discret, et remonter sa piste n’est pas facile, même pour un arcaniste du talent de notre Knight Incantor. Problème bis, Thalasar était le gardien de la Briar Queen avant que le Nécroséisme ne vienne la libérer, et cette âme damnée n’a pas oublié les millénaires de tourments qu’elle a subi des mains de son geôlier. Son but dans la non-vie est donc de lui rendre la pareille, et elle hante (haha) elle aussi la Nightvault à la recherche de sa proie.

Les Cursebreakers disposent toutefois d’un coup d’avance grâce à leurs sacro-saints pouvoirs, qu’ils mettent à contribution pour localiser, immobiliser et fouiller une construction nécromantique de Thalasar, faisant office de raffinerie à âmes mobile. L’automate collecteur n’avait cependant pas été laissé sans surveillance par son propriétaire, et le trio de choc doit affronter un golem animé par une source d’énergie particulièrement détestable pour nos vertueux héros : l’âme d’un de leurs cousins de chambrée. Grâce au copieux grimoire de sort de Stormsire, la menace est neutralisée, et le chemin menant vers le laboratoire secret de Thalasar localisé grâce un rituel tellement limite-limite que l’acariâtre meneur de bande demande à ses sous-fifres de l’attendre dehors pendant qu’il fait sa petite affaire. Il me faut préciser ici que l’ambiance n’est pas au beau fixe chez les Cursebreakers, Stormsire étant l’archétype du vieux de la vieille aigri et cassant, tandis que Rastus est un newb plein d’enthousiasme affublé d’une fâcheuse tendance à foncer dans le tas sans réfléchir. Ammis quant à elle essaie de fluidifier les échanges entre ses collègues, mais souvent sans résultat.

Ces considérations psychologiques doivent cependant être remises à plus tard, car l’écho de la bataille et le rituel de Stormsire a attiré la Briar Queen et son épineuse cour de spectres, et une confrontation ne serait pas forcément en faveur des Stormcast Eternals (peut-être que c’est la méta qui veut ça). Guidé par sa vision, Stormsire peut toutefois entraîner sa troupe en direction du repaire de Thalasar, situé au plus profond de la Nightvault, et juste en dessous du trône où la Briar Queen a passé quelques siècles à se faire spiritboarder. Les Cursebreakers sont accueillis par une vision de mauvaise augure de Stormcast se faisant laminer et dépouiller de leur âme et de leur matos par les golems du Katophrane, ce qui explique pourquoi les pertes ont été si élevées lors de la première exploration de Shadespire par les larbins du divin barbu. Et bien évidemment, le piège que leur avait tendu Thalasar ne manque pas de se refermer sur eux…

Début spoiler…Le Katophrane reclus était en fait aussi intéressé par Stormsire que ce dernier, et cherchait à l’attirer dans son laboratoire afin de s’incarner dans son corps1. Terrassé par la douleur de cette tentative d’usurpation d’identité, Stormsire ne peut qu’assister du coin de l’œil à l’attaque brave mais futile de Rastus contre les sortes d’aimants à âmes que Thalasar a installé dans son sous-sol, et qu’il utilise pour animer ses golems. Les éclairs conjurés par l’Evocator sont en effet absorbés par la machinerie infernale au lieu de l’endommager, et les automates de Thalasar ne tardent pas à se mêler à la partie, pour ne rien arranger.

La solution viendra d’Ammis, qui sous ses airs de sainte nitouche, avait retenu les invocations pas très recommandables de son supérieur et les utilisera pour combattre l’influence néfaste de Thalasar. Ce léger sursis permet à Stormsire d’endommager le VPN arcanique déployé par le Katophrane sur son labo, attirant immédiatement l’attention de la Briar Queen, qui débarque avec pertes et fracas pour régler ses comptes avec son vieux copain, faisant s’écrouler le plafond sur les machines infernales de ce dernier et renversant par la même le cours de l’affrontement. Peu enclin à goûter sa propre médecine, Thalasar supplie Stormsire de le laisser crécher dans son cerveau pour échapper aux funestes intentions de la Briar Queen, et aurait sans doute obtenu un bail mental sans l’intervention d’Ammis, qui choisit de régler son compte au faquin d’un cri qui tue bien placé. Bien que Stormsire commence par lui reprocher sa prise d’initiative après que les Cursebreakers se soient tirés d’affaire dans la confusion de la bataille, il finit par réaliser que la prudence de l’Evocator était sans doute bien fondée. La journée n’a cependant pas été vaine, nos héros ayant recueilli l’âme de plusieurs Stormcast Eternals gardés comme batterie d’appoint par Thalasar dans leurs gourdes magiques, en plus d’avoir fait s’écrouler le laboratoire du Katophrane sur le suaire de la Briar Queen. Il faut parfois savoir remporter une partie grâce aux objectifs secondaires…Fin spoiler

1 : Petit rappel utile si vous n’êtes pas familier avec le fluff de Shadespire, les Katophrane ont été emprisonnés par Nagash dans des éclats de shadeglass (verre d’ombre ?). Pratique pour résister au passage du temps, mais plutôt restrictif en termes de mouvement.

AVIS:

Evan Dicken signe une masterclass dans le sous-genre particulièrement casse-gueule de la nouvelle d’Underwolds, sur lequel plus d’un contributeur de la Black Library s’est cassé les dents depuis que cette mini franchise dispose de son accompagnement littéraire, avec ce ‘Vaults of Souls’. Il y est parvenu en adoptant une approche pragmatique qui lui a permis d’éviter les écueils que les prémisses de cet univers (des bandes immortelles cherchant toutes à accomplir un objectif impossible) présentent à tout auteur cherchant à intéresser son lectorat à une aventure qui ne peut pas, par nature, s’achever. Voici comment il s’y est pris.

Premièrement, en créant un antagoniste original pour la bande à laquelle l’histoire est consacrée, ce qui a le grand intérêt de permettre aux héros de se débarrasser pour de bon de leur Némésis, au lieu de devoir souffrir l’infamie de la voir s’en tirer d’une manière ou d’une autre. Cela permet également d’éviter le classique, mais maladroit, « bande contre bande » que certains auteurs ont cherché à mettre en scène, avec des résultats généralement assez peu concluants (pour la raison ci-dessus, a.k.a. personne ne peut gagner). Notons tout de même qu’Evan Dicken a enrichi son histoire en intégrant les Epines de la Briar Queen à cette dernière, mais en prenant soin de ne jamais opposer directement les deux bandes sur le champ de bataille. À la place, leur rivalité pour embaucher Thalasar comme free lance permet de faire avancer l’intrigue de manière fluide, sans risquer de déboucher sur un bête statut quo.

Deuxièmement, en permettant à ses héros d’accomplir un objectif, même mineur, à la fin de leur aventure. Ici, il s’agit de la récupération des âmes de Stormcast : on est loin du secret de la Reforge sans déperdition d’énergie qui est le leitmotiv d’Averon et de ses gorilles, mais c’est tout de même une victoire notable pour ces derniers, et surtout, une progression nette par rapport au début de la nouvelle.

Troisièmement et pour terminer, en faisant évoluer ses protagonistes entre le début et la fin de la nouvelle, ce qui donne une bonne raison pour le lecteur de s’intéresser à leur sort. Le trio de Stormcast Eternals bénéficie de ces délicates attentions de character development : Averon Stormsire gagne en empathie envers ses camarades, Ammis sort de cette aventure légèrement corrompue par son utilisation de magie nécromantique, et Rastus a appris à réfréner sa nature impulsive. Bien qu’ils soient légers (et pour être honnête, il n’y avait pas grand-chose de plus que Dicken pouvait s’autoriser s’il ne voulait pas enfreindre son cahier des charges), ces changements donnent l’impression que les Cursebreakers ne sont pas un trio monolithique condamné à errer dans le sous monde jusqu’à la Fin des Temps (ou l’arrêt du jeu), mais une bande de héros affectés par leur quête.

Vous l’aurez compris, c’est une franche réussite en ce qui me concerne, et un, si ce n’est le, modèle à suivre pour les prochaines nouvelles de Warhammer Underworlds.

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The Road of Blades – J. Reynolds:

INTRIGUE:

The Road of BladesAhazian Kel est ce que l’on peut appeler un routard des Royaumes Mortels. Guerrier accompli et sans pitié, il a tout sacrifié (y compris sa famille et sa tribu) pour se vouer à Khorne et devenir le plus grand dresseur Pokémon la guerre incarnée, avec un certain succès il faut le dire. Au début de notre propos, nous cueillons cette grande baderne flegmatique (y a pas grand-chose qui touche sa hache qui fait bouger son marteau) au saut du cheval, sa monture ayant prise une flèche dans l’œil après qu’il ait été repéré par un groupe de maraudeurs de Caldera alors qu’il parcourait les Herbes Noires, une steppe d’Aqshy. Peu impressionné par cet accueil hostile, Ahazian découpe quelques-uns de ces faquins mongoloïdes, ce qui convainc les survivants d’aller voir ailleurs s’il y est. L’Elu de Khorne peut donc reprendre sa route, qui doit le mener… à une autre route, mais pas n’importe laquelle : il a en effet reçu des présages insistants l’enjoignant à rejoindre la légendaire cité de Soulmaw, située à la croisée des Royaumes et centre névralgique de la production d’armes et d’armures des hordes du Dieu du Sang. Pour cela, il est nécessaire d’emprunter une huit voies, connue sous le nom de Route des Lames.

L’appellation n’est pas mensongère, comme il ne tarde pas à s’en rendre compte, puisque cette route est littéralement constituée de lames fondues ensemble, comme si un conquérant Targaryen anonyme avait eu des envies de tapis plutôt que de fauteuil. A chacun ses goûts. Comme Khorne n’est pas du genre à ménager ses champions, Ahazian est confronté à quelques épreuves sur le chemin de Soulmaw : des Epées de Vive-Argent s’extirpent de la route et lui tombent sur le râble, des automates tueurs lui refusent la priorité, et d’autres aspirants attirés par les mêmes présages de carnage et de grandeur que lui cherchent querelle alors qu’il attend à la sortie de la bretelle de péage. Pas vraiment ce qu’on peut appeler de la mobilité douce. Le sanguin A-ha est bien décidé à resteeeeeer sur sa route, en recourant au meurtre si nécessaire, mais avant que l’irréparable ne se produise, il est téléporté à l’intérieur d’une forge spacieuse mais rustique, où le maître des lieux lui accorde audience.

L’hôte en question, le Skullgrinder Volundr, n’est pas n’importe qui. Il s’agit de l’un des huit Maîtres de Forge de Khorne, soit l’élite de la crème des forgerons chaotiques. Chacun d’entre eux a notamment créé l’une des huit Lamentations du Dieu du Sang, armes exceptionnelles que Khorne avait offert à ses frères1, et qui furent perdues pendant l’Âge du Sang. Vovo a ainsi confectionné l’épée Coupemoelle (Marrowcutter, c’est à peine moins ridicule), trempée dans le sang de cent démons. C’est lui qui a convoqué Ahazian, car il sait que les armées du Chaos auront bientôt besoin d’être menées par des héros maniant des armes légendaires, et il a pressenti que notre homme, s’il est le dernier des Kel, n’était pas le dernier des abrutis, et pourrait avoir l’étoffe nécessaire pour le job. Pour en être sûr, et comme c’est la tradition lors de recrutement à la Khorne Khorp., il défie Ahazian en duel, et se fait vaincre par une fourchette dans les yeux vicelarde mais réglementaire. Satisfait par le fighting spirit de sa recrue, il lui remet une hache bien stylée, et le prend à l’essai pour un premier contrat. La suite dans ‘The Spear of Shadows’.

1 : Ce qui est assez stupide de sa part car cela fait 2.666666666666667 armes par Dieu. Il en aurait fait 9, ça aurait été plus simple.

AVIS:

Nouvelle présentant les origines du principal antagoniste de ‘The Spear of Shadows’ et contextualisant la légende entourant les Lamentations de Khorne, ‘The Road of Blades’ n’a curieusement pas été nommément reliée au cycle éponyme par la Black Library, alors qu’elle y a toute sa place. Il n’en reste pas moins que cette histoire de champion chaotique embarqué dans une quête mortelle et affrontant des dangers aussi variés que surnaturels (Chaos oblige) se laisse lire sans problème, et permet à Reynolds de nous livrer un beau spécimen d’anti-héros aussi charismatique que détestable. Comme le dit l’adage, une bonne histoire repose en grande partie sur la qualité de son méchant, et Ahazian Kel est un (futur) antagoniste auquel on s’attache rapidement. Lecture essentielle si vous vous lancez dans la saga, malheureusement inachevée, de Reynolds pour Age of Sigmar, et sympathique sinon.

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Bear Eater – D. Guymer:

INTRIGUE:

Bear EaterToujours en maraude dans les Royaumes Mortels (ici en Ghur) avec ses Astral Templars pour le compte du patron, Hamilcar Bear Eater voit une occasion en or d’agrandir le protectorat sigmarite se présenter à lui lorsqu’il arrive en vue de la cité de Jercho. Miraculeusement épargnée des déprédations des hordes du Chaos, cette ville ferait un bastion idéal pour les croisés d’Azyr… si Hamilcar arrive à convaincre son monarque, le Roi Soleil Joraad el Ranoon, de rejoindre le camp de l’Ordre. Rien de plus facile pour notre héros, dont les prouesses martiales ne sont égalées que par ses talents de diplomate (du moins c’est comme ça qu’il voit les choses, en sa qualité de plus grand fan de lui-même).

Après une petite parade militaire réalisée dans des conditions éprouvantes (#SousLeSoleilExactement), même pour des immortels en sigmarite, Hamilcar et ses lieutenants (le vieux bougon Broudiccan et un random dude du nom de Thracius) sont pris à parti par une émissaire de Jojo et sommés de laisser leurs armes au vestiaire pour respecter le protocole officiel. Lorsque nos trois compères finissent par obtempérer, ils ont la désagréable de surprise de constater qu’ils sont tombés dans un piège, une petite armée de gardes se déversant dans le hall avec des velléités peu charitables envers les Stormcasts.

Punk à chien gryffhound dans l’âme, Hamilcar ne perd pas de temps à tenter de résoudre ce conflit par la parole, et commence à zlataner à tout va les malheureux mortels qui lui passent sous la main. Ayant manifestement sous-estimés la puissance de leurs adversaires, les miliciens de Jercho finissent par battre en retraite, laissant toute latitude à notre héros de monter une expédition punitive envers ce pendard de Joraad el Ranoon (officiellement) et d’annexer la cité pour la plus grande gloire de Sigmar (officieusement)1. Sur le chemin de la salle du trône, il rencontre une vieille connaissance, le général Sarmiel el Talame, avec qui il a fait le coup de feu contre les Sankrit quelques semaines auparavant, et qui l’avait mis sur la route de Jercho après la bataille de Heliopalis. Miraculeusement convaincu par Hamilcar en l’espace de deux répliques qu’il était dans le camp des méchants, Sarmiel fait défection de la Garde Solaire et accepte de guider ses gros copains jusqu’au Palais de la Lune, où le Roi Soleil tient sa cour.

En route vers son objectif, Hamilcar développe un point de côté persistant2 et se retrouve confronté, en plus des bidasses solaires qui défendent le Palais, à des vampires feulant, preuve irréfutable du passage de ce coquin de Mannfred von Castein (ennemi juré de notre héros depuis qu’il s’est fait tuer par le Mortarque3) par Jercho. Il en faut toutefois plus pour empêcher l’injouable Mimil – qui se paie le luxe d’infliger une Mike Tyson à un suceur de sang un peu trop sûr de lui – de se frayer un chemin jusqu’à l’affreux Jojo. Ce dernier ne peut compter que sur ses rayons, des serviteurs totalement assujettis à sa volonté, pour faire office de derniers défenseurs, et place Hamilcar devant un dilemme cornélien pour le héros du Bien (avec un grand B et un grand nez) qu’il est : massacrer des innocents pour atteindre son objectif, ou les épargner et laisser le Roi Soleil s’en tirer à peu de frais…

Début spoiler…Malheureusement pour Joraad el Ranoon, une troisième voie était possible, à savoir embrocher le lumineux monarque sur son trône d’un jet de hallebarde bien senti. La mort rapide et sanglante du roitelet permet au moins d’établir qu’il n’avait pas été changé en vampire par Mannfred von Carstein, ce qui est… une information. Et le savoir est le pouvoir, paraît-il. La nouvelle s’achève sur cette conquête nette et (presque) sans bavure d’une nouvelle Cité de Sigmar par les Astral Templars. Du travail bien fait.Fin spoiler

1 : On peut remercier Guymer d’adapter un grand classique de la culture britannique à la sauce d’Age of Sigmar. Appelons ça le Fardeau du Mangeur d’Ours Blanc.
2 : Qui ne sera pas expliqué dans la suite de la nouvelle et n’aura pas d’impact sur la conclusion de cette dernière, mais suggère fortement que Guymer avait quelque chose de particulier en tête au moment de l’écriture.
3 : Voir ‘Beasts of Cartha’.

AVIS:

Je ressors de ce ‘Bear Eater’ avec une persistante sensation de gâchis au fond de la gorge (ou peut-être du cerveau), ce qui me désole au plus haut point compte tenu de mon attachement pour le personnage de Hamilcar, une des premières têtes d’affiche moderne (comprendre, un brin complexe) des Royaumes Mortels, et qui faisait ici ses grands débuts dans la carrière. En cause, le choix de David Guymer de placer son intrigue dans un cadre exotique et singulier (donc intéressant) en diable, mais de confiner ce dernier à une toile de fond au profit d’une nième baston entre Stormcast Eternals et locaux impénitents. La deuxième moitié de la nouvelle vient ainsi ruiner le travail de world building de la première, en se focalisant uniquement sur les exploits martiaux du fortiche Hamilcar, qui parviendra une fois encore et sans aucune surprise à vaincre l’affreux vilain que la destinée lui a mis sur son chemin. Et comme les compétences martiales de sa Némésis du jour (ou de la nuit) culminent à « lever le bras d’un air vaguement menaçant », on n’a même pas le droit à un combat final digne de ce nom, comme cela avait été le cas lors d’épisodes précédents de la série.

De manière générale, il se perçoit bien trop clairement à la lecture que ‘Bear Eater’ n’est qu’un segment d’un arc narratif bien plus large, dans la droite ligne des événements relatés dans ‘The Realmgate Wars’, écrits à quatre mains par Guymer et Josh Reynolds lors des premières années d’Age of Sigmar. Les références à la traque de Mannfred von Carstein sont tellement nombreuses au fil des pages que je soupçonne que cette nouvelle devait initialement faire partie d’une nouvelle tétralogie (comme ‘The Hunt for Nagash’ et ‘Knights of Vengeance’), avant que le projet soit abandonné pour une raison non précisée. Cela expliquerait aussi cette fin des plus abruptes ainsi que le traitement bizarre réservé au personnage de Sarmiel el Talame, qui semble avoir un passif conséquent avec Hamilcar et ses Astral Templars : je suis prêt à mettre une pièce sur le fait que cette première rencontre aurait dû faire l’objet d’une nouvelle ou d’un audio drama. Bref, un véritable et regrettable accident de parcours pour la paire Guymer & Hamilcar, sans doute causé par les errements éditoriaux de la Black Library à l’époque.

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Gravesend Gold – C. L. Werner:

INTRIGUE:

Les affaires n’ont pas été bonnes ces derniers temps pour le capitaine Brokrin Ullisson et l’équipage de l’Iron Dragon. Après les tapisseries pleines de rats de la lamaserie de Kheitar (‘Shiprats’) et les manticores mal lunées de Silverreach (‘Overlords of the Iron Dragon’), les ports d’attache visités récemment par l’Ironclad n’ont pas permis aux Kharadrons de se refaire, et le spectre d’une campagne déficitaire plane désormais sur les Duardins. Aussi, lorsque la vigie repère l’épave d’un vieux modèle de cargo volant Kharadron encastré dans une falaise, Brokrin saute sur l’occasion et met le cap sur le lieux de l’accident afin de fouiller cette trouvaille miraculeuse à la recherche de quoi remplir sa cale.

La chance semble enfin sourire à l’Iron Dragon lorsque les explorateurs mettent la main sur une cargaison d’or profond, un minerai incroyablement rare dont la source s’est tarie depuis des siècles, pendant les soubresauts de l’Âge du Chaos. Bien que l’épave exsude une aura inquiétante, qui met mal à l’aise ceux qui s’en approchent trop, Brokrin et ses hommes repartent avec un lingot échantillon, et se promettent de transbahuter le reste du magot sur leur rafiot dès le lendemain, lorsque les conditions de luminosité permettront une opération sécurisée. Car si les Kharadrons sont avides, la sécurité sur le lieu de travail est strictement réglementée dans leur Code, et aucun capitaine digne de ce nom ne risquerait de se faire intenter un procès aux Prud’uardin pour mise en danger de ses employés.

Toutefois, la tombée de la nuit provoque un événement fâcheux : l’épave se transforme en vaisseau spectral, manœuvrée par un équipage d’esprits de Kharadrons des temps jadis, et part à la poursuite de l’Iron Dragon pour reprendre ce qui lui appartient. Malgré la diversité et la puissance de l’armement dont dispose l’Ironclad (canons, mine volante, harpon géant…), rien n’arrête la menace fantôme, et l’abordage tant redouté finit par se produire. Les pistolets et coutelas étant aussi inefficaces contre les ectoplasmes barbus qu’un déodorant sur un Grand Immonde, l’affaire semble bien mal engagée pour Brokrin et Cie

Début spoiler…Heureusement, le capitaine n’est pas le dernier des abrutis et comprend vite que ses visiteurs ne souhaitent que rentrer en possession de leur lingot. Bien qu’ils n’en ont guère l’usage dans l’état où il sont réduits, cela n’affaiblit pas le moins du monde la légitimité de leur requête, et Brokrin peut respecter cela. Cependant, il ne s’attendait pas à ce que son homologue mort-vivant demande en sus à être compensé pour le dommage moral subi. Mais le Code étant le Code, et lui-même guère en position de refuser quoi que ce soit à un adversaire éthéré au dernier degré, il n’a d’autre choix que de consentir à ce que les quelques marchandises que l’Iron Dragon ramenait à bon port soient accaparées par ses visiteurs nocturnes. Voilà qui lui apprendra à laisser les épaves abandonnées tranquilles…Fin spoiler

AVIS:

Ça sent très fort la panne d’inspiration du côté de C. L. Werner avec ce très quelconque ‘Gravesend Gold’, qui vient « conclure » le premier arc de l’équipage de l’Iron Dragon sans apporter le moindre développement digne de ce nom à ses personnages. Pour un scénariste aussi consommé que notre homme, se contenter d’une simple fouille d’épave qui se termine mal, sans aucune surprise dans le déroulé ni dans l’issue de l’histoire, est un aveu de je m’en foutisme assez patent. Sans doute une commande expédiée à la va-vite pour faire plaisir à la Black Library… Quoi qu’il en soit, on peut faire l’impasse sans problème sur cette micro-péripétie et se concentrer sur ‘Shiprats’ et/ou sur les nouvelles de Drekki Flynt de Guy Haley, si on est à la recherche de khourts formats digne de ce nom.

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The Tainted Axe – J. Reynolds:

INTRIGUE:

The Tainted AxePeu de temps après les événements relatés dans ‘Spear of Shadows’, nous retrouvons le chevalier – ou plutôt, demigryphier – Roggen de Ghyrwood March, de retour en Ghyran avec une main en moins et des souvenirs en plus. Ayant refusé l’offre de Grugni de remplacer son membre manquant par une réplique mécanique, au profit d’une solution plus naturelle, notre héros n’a toutefois pas trouvé chaussure à son pied ni prothèse à son moignon. Sa convalescence prend un tour particulier lorsqu’il se sent appelé une nuit dans le bosquet de ferbois consacré de son ordre, où l’attend une Branchwraith mutine, avec une nouvelle quête divine à lui confier.

Loin au Sud se trouve le Gaut Tors1, une forêt qui a cruellement souffert des déprédations de Nurgle et des ses séides au cours des dernières années. Un champion du Dieu des maladies y a jadis mené une expédition corruptrice, dont il n’est jamais revenu mais qui a résulté en l’abandon de sa hache maudite sous un tas de feuilles. Depuis lors, cette arme maléfique corrompt les bois aux alentours, comme une pile au mercure enterrée dans l’humus. La mission de Roggen consistera donc à localiser cette relique impie et à la ramener à sa commanditrice, qui en échange de ses bons et loyaux ordonnés services lui fera pousser une nouvelle menotte. Bien que notre héros ne soit pas né de la dernière pluie, et se méfie à juste titre des fantasques Sylvaneth, le serment d’allégeance à Alarielle qu’il a prêté en devenant chevalier, et l’attrait de retrouver la main, le convainquent rapidement d’accepter cette quête. Avant de retourner écouter pousser les fleurs, la Branchwraith a l’amabilité de lui adjoindre les services d’un sherpa forestier, en la personne compacte mais grincheuse d’un esprit de la forêt.

Nous suivons alors Roggen, son guide mal-luné (il passe son temps à appeler le chevalier « viande », ce qui n’est guère aimable) et sa farouche monture (Harrow) jusque dans les profondeurs mal famées du Gaut Tors. Bien que sa patronne lui a promis qu’il aurait un droit de passage auprès des Sylvaneth du cru, le fait que ces derniers soient perturbés par les émanations toxiques de la hache perdue d’une part, et leur allégeance à nulle autre que Drycha Hamadreth d’autre part (un petit détail que la Branchwraith avait omis de préciser à son prestataire pendant le briefing), n’incitent pas Roggen à la détente de son slip (en bois, comme le reste de sa garde-robe). Le trio finit toutefois par arriver dans une clairière, où un petit groupe de Rotbringers est à pied (gangréné) d’œuvre, et vient d’exhumer une sorte de cocon de racines calcifiées, qui ne peut être que le réceptacle de cette fameuse hache.

Confiant dans ses capacités de bretteur et l’effet de surprise, Roggen fonce dans le tas avec abandon, mais se retrouve rapidement en difficulté, notamment du fait que ses adversaires ont apporté avec eux des arbalètes, ce qui n’est pas très fluff tout de même. Avant que l’impétueux chevalier n’ait été transformé en hérisson manchot (ce qui vaut mieux qu’un échidné pingouin, qu’on se le dise), une voix tonitruante vient intimer aux Nurgoons de cesser le feu. Il s’agit du Blight Knight qui commande l’expédition des prouteux, et qui, en véritable chevalier de l’ordre de la mouche, propose à Roggen de régler l’affaire par un duel tout ce qu’il y a de plus honorable, et au gagnant le loot. N’ayant pas de meilleure option sous la main, notre héros accepte la proposition de son adversaire (Feculus), et les deux champions se mettent sans tarder à l’ouvrage.

Si sa monture parvient sans mal à vaincre le destrier démoniaque de sa Némésis, Roggen éprouve quant à lui les pires difficultés à tenir tête à cette dernière, qui est à la fois plus forte et plus résistante que lui. Au bout du compte, il faudra l’intervention, pas vraiment fair play mais très secourable, de son sidekick végétal (qui utilise l’attaque airbark) pour que Roggen parvienne à vaincre l’ignoble Feculus. La mort de leur patron libère toutefois les Rotbringers de leur serment de non-intervention, et le chevalier Dubois n’aurait pas fait long feu sans l’arrivée à point nommée des Sylvaneth du Gaut Tors, qui se font un plaisir d’offrir une démonstration de bio compostage express à leurs ennemis honnis. Cela laisse le temps à Roggen de repartir avec sa relique rouillée, et de se retrouver en bout du compte avec une greffe maniable. C’est tout le mal qu’on lui souhaite.

1 : Je ne sais pas si cette nouvelle a été traduite en français, mais je suis hyper fier de ma proposition (Writhing Weald en VO).

AVIS:

On ne le savait pas encore à l’époque de sa publication, mais ‘The Tainted Axe’ constituait la dernière apparition du chevalier Roggen de de Ghyrwood March, l’un des personnages attachants1 créés par Josh Reynolds dans le cadre de sa saga – laissée inachevée – des Lamentations de Khorne. Si cette péripétie mineure ne se place pas parmi les meilleures soumissions de notre homme, on y retrouve toutefois les points forts habituels de sa prose, à savoir des personnages intéressants (mention spéciale au jovial Feculus, que l’on retrouve cité dans les écrits consacrés par Reynolds à l’ordre de la mouche), une intrigue et un développement qui tiennent la route, et une généreuse dose de fluff pour napper le tout. Des nouvelles comme ça, je pourrais en lire 10 par jour sans me lasser. A mettre entre toutes les mains (haha).

1 : Notamment parce qu’il a pas mal de traits communs avec Erkhart Dubnitz, du très saint et très violent ordre de Manann, un des héros les plus hauts en couleurs de la Black Library.

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The Witch Takers – C. L. Werner:

INTRIGUE:

The Witch TakersMis sur une sale histoire de meurtre dans la ruralité profonde du Khanat d’Arkl, en Chamon, les chasseurs de sorcières Esselt et Talorcan, unis à la scène comme à la ville, remontent une piste, forcément chaude, à travers les dunes du désert de Droost. De villages martyrs en tombes profanées et cadavres possédés il ne faut pas longtemps à notre fine équipe pour subodorer que quelque chose de pas sigmarite se cache au fond de ce dossier. Il semblerait que quelqu’un hante Droost avec pour seule mission de massacrer tout ceux ayant le malheur de croiser sa route. Quelqu’un… ou quelque chose, qui asservirait ses hôtes les uns après les autres, passant de main en main et ne laissant que les dépouilles de ses victimes et de ses porteurs derrière lui. Alors que les deux Répurgateurs approchent l’oasis de Tora Grae, miraculeusement épargnée par la folie environnante, il leur faudra agir rapidement et intelligemment pour empêcher le Tournetueur (pun intended) de commettre un nouveau carnage…

AVIS:

C.L. Werner qui met en scène un duo de Répurgateurs embarqués dans une quête qui les conduira dans quelque sinistre recoin de leur « circonscription » : du tout cuit pour l’auteur de la (plutôt bonne) série des Mathias Thulmann me direz-vous. C’est aussi ce que je pensais avant de commencer la lecture de ces Tueurs de Sorcières, et me suis donc surpris à reconsidérer légèrement ce postulat une fois passé le point final. Comme quoi, rien n’est gravé dans le marbre dans ce bas monde. La première divergence notable qui m’est apparue est la relation amoureuse unissant Esselt et Talorcan, ce qui n’a rien de rédhibitoire en soi (et est même suffisamment rare dans une publication de la Black Library pour qu’on puisse au contraire saluer l’audace de l’auteur), mais m’a semblé tellement éloignée des conventions usuelles de ce genre de littérature que mon expérience de lecture s’en est trouvée, pas polluée, le terme serait un peu fort, mais au moins perturbée par les roucoulades échangées par nos héros1. Passées ces considérations romantiques, l’intrigue que nous propose Werner ne s’avère pas être très haletante, la course poursuite par hôte interposé à laquelle se livrent Buffy, Xander et le bracelet perdu de Valkia la Sanglante suivant son cours avec une linéarité décevante, alors que la méconnaissance par nos héros de la nature et de la forme du mal qu’ils ont à combattre ouvrait la porte au développement de fausses pistes. Quant au binôme de choc proposé par l’auteur, il se révèle être d’une décevante platitude, Esselt et Talcoran ne s’écartant pas d’un pouce de leur stéréotype respectif (la paladine zélée et le rôdeur débrouillard), ce qui ne donne pas vraiment envie d’embrayer sur le roman que Werner leur a consacré (Le Cœur Corrompu//The Tainted Heart). Pour terminer, les apports fluff de cette nouvelle se comptent sur les doigts d’une main d’un Zombie de la Peste, le fait qu’elle se déroule dans un bout de désert perdu au milieu de nulle part ne jouant évidemment pas en la faveur d’inclusions significatives (même si ce genre de théâtre d’opérations n’est en rien rédhibitoire pour peu qu’on veuille s’en donner la peine, comme Guy Haley l’a prouvé avec Les Sables du Chagrin//The Sands of Grief). En conclusion, il ne reste guère que le métier de C. L. Werner pour faire tenir ces Tueurs de Sorcières debout, ce qui est suffisant pour une lecture rapide de l’ouvrage, mais à peine.

1 : Quand bien même ces dernières sont restées d’une sobriété bienvenue. C’est ainsi, j’ai du mal à voir des « Mon amour » apparaître dans une nouvelle de la Black Library.

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The Old Ways – N. Horth:

INTRIGUE:

Callis and Toll_The Old WaysAffecté à la surveillance de la cité d’Excelsis, dans le royaume de Ghur, le répurgateur de l’Ordre d’Azyr Halliver Toll, escorté de son sidekick Armand Callis, est envoyé par ses supérieurs tirer au clair une sombre histoire de disparition à Marshpoint, une ville agricole située en périphérie de la Cité des Secrets. Le fils aîné de la puissante famille Junica n’a en effet plus donné signe de vie après avoir eu maille à partir avec quelques soldats de l’autre grande famille locale, les Dezraed, qui l’ont poursuivi jusque dans les profondeurs de la forêt d’Ulwhyr. L’entente entre Junica et Dezraed n’ayant jamais été cordiale, c’est une vendetta en bonne et due forme qui menace d’éclater entre les Capulet et les Montaigu de Ghur, gueguerre qui mettrait en péril l’approvisionnement des régiments d’Excelsis en précieuse soie d’acier, ressource collectée depuis les fermes arachnides de Marshpoint. Il va donc de l’interêt général que cette triste affaire soit réglée dans les meilleurs délais, et qui de plus qualifié qu’un répurgateur pour traiter ce problème ?

Nous suivons donc Thalys et Colle au cours de l’enquête à laquelle ils se livrent à leur arrivée dans le bourg miteux et boueux de Marshpoint. Après un interrogatoire croisé des patriciens des deux familles, l’énorme et suintant Fenrol var Dezraed, autoproclamé Gardien de Marshpoint du fait de sa capacité de bloquer à lui seul l’entrée de la ville s’il lui prenait l’envie de s’asseoir en travers du portail, et le sec et irritable Kiervaan Junica, nos experts se rendent sur les lieux de la disparition à proprement parler, escortés par l’homme de confiance du patricien Junica, un natif du nom de Ghedren, et par un trio de gardes Dezraed. Et s’il se pourrait bien que la rivalité larvée entre familles nobles ait bien fait couler le sang, les enquêteurs feraient bien de prendre au sérieux les rumeurs entourant la Sorcière Blanche d’Ulwyhr. Après tout, ils ont pénétré sur son domaine…

AVIS:

C’est avec enthousiasme que j’avais vu revenir la figure iconique du chasseur de sorcières/répurgateur dans le lore d’Age of Sigmar, que son inclinaison high fantasy aurait pu « immuniser » à l’introduction de ce type de personnage, très grimdark par nature. La lutte contre les cultes chaotiques gangrénant le nouvel ordre rutilant de Sigmar constitue en effet à mes yeux un axe de développement des plus intéressants, et une prise de recul bienvenue sur le manichéisme caractéristique des premières années d’AoS. Encore fallait-il que l’image d’Epinal Hammerhal de l’inquisiteur traquant le vice et la trahison parmi les sujets obéissants de l’autorité centrale (préférablement divine, c’est plus classe) soit convenablement adaptée dans cette nouvelle franchise, la profession en question exigeant une rigueur morale confinant à la psychose, ce qui n’est pas franchement la norme parmi la soldatesque sigmarite (ces martel-sans-rire de Celestial Vindicators mis à part), dépeinte à de nombreuses reprises comme adepte du compromis et de la tempérance. Qu’en est-il avec la paire Callis & Toll, promise à un bel avenir au sein de la BL à en juger de la façon dont leurs noms ressortent dans tous les ouvrages auxquels ils ont été inclus ? Eh bien, c’est plutôt pas mal, encore que pas spécialement pour les raisons détaillées ci-dessus. Je m’explique.

Si le fanatisme (dans le bon sens du terme, car, si si, dans la littérature med-fan, cela existe) de nos héros laisse à désirer, la retenue dont fait preuve Toll, sensé être le vrai bad guy du duo, dans le jugement qu’il délivre au coupable, le plaçant à un petit 2 sur l’échelle de Mathias Thulmann (le référentiel absolu de la maison à cet égard), Horth se rattrape néanmoins en glissant quelques remarques de bon aloi à propos d’un certain White Reaper (Cerrus Sentanus sur son état civil), Stormcast Eternal pas vraiment Charlie, à tel point que son nom est utilisé pour effrayer les enfants d’Excelsis. Voilà un type qui mérite que l’on suive, et j’espère bien que ça sera le cas dans un futur pas trop lointain. Celà étant dit, The Old Ways a d’autres qualités, la première étant de proposer une petite enquête policière pas trop mal troussée au vu du nombre de pages limité avec lequel elle doit composer1, l’atmosphère horrifique du passage « sylvestre » du récit étant une autre source de satisfaction. D’autre part, cette nouvelle présente également l’intérêt de creuser le background de la cité libre d’Excelsis, qui devrait normalement ne pas disparaître corps et bien dans les annales du fluff, au vu du nombre d’apparitions qu’elle a faite dans divers écrits depuis son introduction dans le background. En apprendre plus sur cette bourgade présente donc un intérêt pour le fluffiste, tellement bombardé d’informations géographiques par ailleurs qu’on ne peut lui reprocher de ne pas prendre note de tout ce qu’on lui soumet.

Enfin, de façon plus large, elle fait ressortir un concept intéressant : le fossé existant entre natifs d’Azyr et populations locales au sein des cités libres, les seconds étant généralement mal considérés, voire méprisés par les premiers, qui les qualifient « d’Amendés » (traduction personnelle de Reclaimed, qui peut aussi s’entendre comme « Récupéré ») ou de « Sang Maudit » (curseblood), ce qui n’est pas très sympathique, mais ajoute de la profondeur à la société sigmarite. Quand on lit que même un personnage « égalitariste » comme Toll n’aurait pas de problème à raser toutes les forêts de Ghur pour pouvoir accélérer la colonisation de ce Royaume, au grand désarroi des locaux qui ont appris à vivre dans les étendues sauvages et à les respecter, on se dit que la possibilité d’un soulèvement des indigènes contre la métropole et ses représentants est une possibilité réelle… et c’est tant mieux en termes de potentiel narratif ! Bref, une plongée satisfaisante dans l’arrière-pays d’Excelsis, et une nouvelle qui vaut le coup d’être lue pour qui s’intéresse au fluff des cités libres.

On saluera également le twist proprement « meta » de Horth, qui fait dire à Toll qu’il avait identifié le coupable depuis belle lurette et attendait juste de voir combien de temps il faudrait à Callis (et donc au lecteur) pour faire de même. On ne me l’avait jamais faite celle-là.

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The Library of Forgotten Moments – J. Reynolds:

INTRIGUE:

Peu après les événements de ‘Soul Wars’, le Lord-Arcanum Balthas Arum des Anvils of the Heldenhammer décide d’aller faire retraite dans une bibliothèque perdue dans les montagnes de Shyish, afin de creuser son sujet de mémoire professionnel : la Reforge des Stormcast Eternals, et comment l’améliorer (ils ont tous le même, ces escrocs). L’endroit n’est mentionné que dans quelques vieux grimoires poussiéreux, et son accès n’est pas facile, mais il en faut plus pour décourager Balthas, qui arrive comme un prince, monté sur son gryph-charger Quicksilver, et est froidement accueilli par les archivistes morts vivants qui s’occupent de ce temple du savoir. Ayant juré qu’il venait en paix et après avoir montré sa carte d’étudiant, le Stormcast peut pénétrer dans l’édifice, contenant des montagnes d’ouvrages plus exotiques les uns que les autres.

Cependant, Balthas n’est intéressé que par un type bien précis de littérature : les classiques préhistoriques. La rumeur court en effet que la bibliothèque des moments oubliés (son petit nom) contient des savoirs prédatant les Royaumes Mortels, et venant du Monde qui Fut. Persuadé que la clé de sa quête d’information se trouve dans le lointain passé, Balthas part donc à la recherche des livres les plus anciens qu’il puisse trouver, bien aidé par ses sens arcaniques aiguisés. Après quelques temps, il finit par localiser une zone prometteuse, mais remarque un détail curieux sur les codex qu’il feuillette : si leur contenu semble bien provenir d’un autre temps, comme en témoignent l’usage d’écritures inconnues et le sentiment persistant de déjà-lu qu’il éprouve en les consultant, leur reliure est récente. Qui aurait pu écrire l’histoire d’un monde détruit il y a des milliers d’années ?

Cette question académique devra cependant attendre un peu, car l’étude de Balthas est interrompue par l’arrivée d’un autre visiteur, qui s’il rit beaucoup, n’en est pas sympathique pour autant : Mannfred Von Carstein en personne. Le Mortarque de la Nuit ayant été déclaré ennemi d’Azyr par Sigmar, le Lord-Arcanum se sent dans l’obligation d’appréhender le maraud, mais ce dernier ne se laisse pas faire. L’affrontement magique qui s’en suit dévaste quelques sections de la bibliothèque, forçant ses gardiens à s’interposer et à proposer aux belligérants de faire une trêve, en échange de l’accès au secret le mieux gardé de ces archives (quasi) infinies. Balthas et Mannfred partageant le même amour pour les informations confidentielles, ils acceptent de mettre leur inimitié en veilleuse pour quelques minutes et sont escortés par leurs hôtes jusqu’à une caverne située sous la bibliothèque…

Début spoiler…Cette dernière a la particularité d’accueillir un authentique fragment de Mallus, a.k.a. le Monde qui Fut, dont les éclats sont utilisés par l’armée de scribes qui travaille dans la grotte pour retranscrire des connaissances datant de cette époque légendaire. Ceci explique comment des incunables comme ceux négligemment carbonisés et réduits en compost par les deux affreux quelques instants plus tôt ont pu être proposés à la lecture. Cette découverte enchante Mannfred, qui se doutait bien que l’endroit recelait un secret pouvant intéresser Nagash, et avait multiplié les visites depuis plusieurs années afin de mettre la griffe dessus, en pure perte jusqu’ici. Cependant, Balthas refuse de laisser le vampire repartir avec le caillou antédiluvien, redoutant l’usage que le Grand Nécromancien pourrait en faire, et le fragile cessez-le-feu vole en éclat. Dans la bataille qui s’en suit, le Stormcast et le Mortarque semblent revivre les (douloureux) souvenirs de vies antérieures, et le premier remporte le match en poignardant son adversaire avec une écharde tirée du rocher miraculeux. Le cringe est trop grand pour Mannfred, qui se téléporte hors de la bibliothèque, laissant Balthas seul avec les archivistes. Lorsqu’il les interroge sur les raisons qui les ont poussés à lui révéler leur secret, ils répondent que c’est Mallus qui leur a demandé de le faire, sans doute pour permettre à un être digne de lui de bénéficier de sa gnose. Quoi qu’il en soit, Balthas a maintenant accès au Verrah Rubicon, et si on n’a plus guère entendu parler de lui depuis lors, c’est qu’il doit être en train d’en dévorer le fluff…Fin spoiler

AVIS:

Josh Reynolds fait plaisir aux fluffistes et aux amoureux de Warhammer Fantasy Battle en proposant une nouvelle clin d’œil aux événements de la Fin de Temps (qu’il a écrit en grande partie). Comme vous l’aurez sans doute compris à ce stade, et c’est encore plus évident à la lecture de cette histoire, Balthas Arum n’est autre que la réincarnation de Balthasar Gelt, et si Mannfred Von Carstein semble persuadé qu’il a déjà rencontré le Lord-Arcanum masqué (bon je triche, ils le sont tous), c’est parce que c’est le cas : après avoir trahi l’Empire et s’être réfugié auprès de Vlad Von Carstein, Gelt se fit tuer par Mannfred lors de l’ultime bataille de cette campagne eschatologique. Inutile de dire que si vous êtes au courant de ce menu détail, ‘The Library of Forgotten Moments’ est une gourmandise délectable, Reynolds se faisant un plaisir de faire comprendre au lecteur qu’il sait qu’il sait (qu’il sait). Pour les autres, cette nouvelle sera sans doute moins intéressante – soyons honnête, il ne s’y passe pas grand-chose au final – mais elle reste suffisamment bien écrite pour pouvoir être lue avec plaisir par l’amateur de GW-Fiction.

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Gods’ Gift – D. Guymer:

INTRIGUE:

Gods' GiftPrenant place après les évènements narrés dans Great Red et The Beasts of Cartha, pour ne citer que deux des précédentes aventures de notre fougueux héros, Gods’ Gift voit Hamilcar et quelques uns de ses potes des Astral Templars accomplir une mission d’intérêt général, sans doute pour avoir commis quelque tour pendable à une chambre rivale lors d’une permission à Hammerhall. Il s’agit en l’état de punir et faire stopper les exactions d’une bête monstrueuse s’amusant à disposer des hardis bûcherons d’un camp de colons récemment implanté dans les terres farouches de Ghur, tâche récréative pour des Stormcast Eternals de la trempe de nos gais lurons. Guidés par un local – Fage – qui malgré son âge vénérable semble tout émoustillé par la seule présence des Elus de Sigmar, Hamilcar & Cie s’embarquent donc dans une épopée aussi directe et rapide qu’une quête de zone de didacticiel de World of Warcraft.

Depuis le relevé de empreintes jusqu’à la constatation de l’heure du décès, ou plutôt, de l’abattage, il ne se passera ainsi qu’une petite journée, soit une vingtaine de pages pour le lecteur, juste le temps pour Ham’ de piquer un roupillon qui lui apportera un rêve plus ou moins prophétique, dans lequel un chêne vient lui chanter Je suis malade (ce qui est ‘achement dur pour un végétal, et mérite le respect), ce qui lui permettra de prendre une décision des plus inspirées quelques heures plus tard. La nouvelle se terminant pour un petit cliffhanger pas vraiment haletant, mais sans doute important pour la suite de la saga d’Hamilcar (Mark de son prénom), le lecteur en est quitte pour embrayer sur directement sur la première, ou plutôt le premier roman dédié à Guymer à sa coqueluche hirsute (Champion of the Gods), dans lequel il est presque certain que des réponses seront apportées aux questions laissées en suspens à la fin de Gods’ Gift.

: L’Homme Arbre qui s’était chargé de la besogne de déshumanisation – c’est comme la désinsectisation, mais avec des primates – servant de pied à terre racine à humus à une sylvaneth passablement enrhumée.

AVIS:

Malgré les dizaines de titres que compte sa bibliographie BL à l’heure actuelle, ce n’était que la deuxième soumission de Mr Guymer m’étant tombée sous la main depuis l’inaugural The Tilean Talisman, initialement publié en 2011. Et je dois dire que mon appréciation de l’œuvre du bonhomme est resté scrupuleusement identique, huit ans plus tard : des aptitudes certaines en terme de narration, avec des personnages au minimum distrayants, à défaut d’être immédiatement attachants (mention spéciale à Brouddican, l’Hillarion Lefuneste personnel de cette grande gueule d’Hamilcar), relevé par quelques notes boisées – c’est le cas de le dire – de fluff, plombées par une vacuité de l’intrigue assez rédhibitoire. C’est bien simple, celle de Gods’ Gift (d’ailleurs, on ne comprend pas vraiment quel est le don auquel Guymer fait référence dans le titre de sa nouvelle1) s’articule en deux temps trois mouvements, sans qu’on ait l’impression d’une quelconque progression entre le début et la fin de la nouvelle. Hamilcar traque un monstre. Hamilcar rêve d’un chêne. Hamilcar tombe dans une embuscade d’Hommes Bêtes (il faut bien qu’il montre qu’il est un cador du corps à corps). Hamilcar débouche sur un bosquet de chênes sacrés, gardé par… le monstre qu’il traquait. Coup de bol. Baston. Victoire. Fin.

Bref, rien de bien challengeant pour l’intellect du lecteur, qui aurait pu s’attendre à quelques liens de causalité entre les différents éléments constitutifs du propos de Guymer. Rien de tel ici, ou de manière tellement évidente et peu fine que les relever n’a pas grand intérêt. Comme dit plus haut, cela peut sans doute se justifier par le fait que Gods’ Gift est un rehaut littéraire à un travail plus conséquent, avec lequel l’auteur prend bien soin de faire la liaison. Telle la rondelle de tomate venant décorer une entrecôte frites, cette nouvelle peut être consommée si on a vraiment faim, mais ne remplira pas l’estomac pour autant. Et comme dit plus tôt (Décembre 2014, pour être précis), c’est plutôt cher payé pour ce que c’est. On me souffle dans l’oreillette que c’est fois ci, c’est gratuit. Bon. Mais avant cela, cela ne valait certes pas les 2,99€ demandés. Rem-bour-sez nos in-vi-tat-tions !

1 : Soit ce sont les visions vagues envoyées par Sigmar, soit c’est le photophore magique remis par icelui, et qui permettra à notre fier héros de venir à bout de Marylise Lebranchu. Au lecteur de décider s’il prend le messie ou la lanterne.

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Obsidian – D. Annandale:

INTRIGUE:

ObsidianBien que la mort soit importante à Nulahmia, l’amour a également sa place dans la métropole vampire, et c’est lui qui réunit Karya Treveign et Evered Halorecht dans la Grande Chapelle de la Fringale (ok c’est Night’s Hunger en VO et je me suis un peu emballé dans ma traduction). Nourrissant l’un envers l’autre une passion dévorante et sincère, malgré les siècles d’inimitié opposant leurs dynasties, les deux tourtereaux sont décidés à utiliser la mort récente et tragique du conseiller du père de Karya (Vorst), afin d’obtenir la bénédiction de Neferata à leur union. Seule la souveraine est en effet en mesure d’imposer l’arrêt des hostilités entre les Capulet et Montaigu de Nulahmia, et comme elle ne peut manquer d’aller rendre hommage au cadavre du noble vampire qui repose dans la Grande Chapelle, Karya et Evered n’ont qu’à attendre qu’elle arrive pour lui soumettre leur projet nuptial. Dans un bon jour, ou une bonne nuit, Nefarata accepte de bénir cette union pourtant porteuse de danger pour elle, comme sa conseillère et maîtresse espionne Mereneth lui fait remarquer : Treveign et Halorecht s’affaiblissaient mutuellement à travers leur futile vendetta, mais réunis en une seule lignée, ils pourraient devenir une force redoutable. Cela ne semble pourtant pas inquiéter outre mesure la Mortarque du Sang, qui décide même d’assister à la noce en personne.

Le jour venu, la cérémonie se déroule sans anicroche jusqu’à l’échange des vœux sangs entre fiancés, puis sombre de manière assez prévisible dans le chaos et l’émeute après que non pas un, mais deux assassins se soient manifestés au cœur de l’assemblée. Le premier fait perdre la tête à la matriarche Halorecht, et le second fait mine d’attaquer Karya : lorsque le chevaleresque Evered s’interpose, c’est lui qui hérite d’une lame en argent plein cœur, et va donc rejoindre sa vieille maman au paradis des vampires. Bouleversée par la tournure tragique qu’a pris le plus beau jour de sa vie, Karya reste un temps hébétée sur le cadavre de son cher et tendre, oublieuse de l’affrontement rangé qui oppose Treveign et Halorecht autour d’elle. Lorsqu’elle revient à elle, elle surprend toutefois le regard mauvais d’un membre de l’assistance, et comprend en un éclair que cette personne est responsable de cette tragédie…

Début spoiler…Ce qui est fort, reconnaissons-le, mais surtout pratique pour accélérer la résolution de l’intrique. Le coupable s’avère donc être Vorst Treveign en personne, et lorsque que Karya parvient enfin à le rattraper au sommet du beffroi de la Grande Chapelle, pour obtenir des explications sur son geste insensé, elle manque de se faire défenestrer par son paternel. Seule l’intervention salutaire de Nefarata évite le pire à notre héroïne, qui ne tarde pas à devenir matriarche de sa dynastie après que la souveraine ait réglé son compte au mauvais noceur. Mais pourquoi a-t-il agi de la sorte ? me demanderez-vous. Eh bien, pour plaire à Neferata, bien sûr. Vorst avait en effet été convaincu par sa reine de prouver sa loyauté à la couronne en provoquant un bain de sang pendant le mariage de sa fille. Malheureusement pour lui, Neferata trouvait également plus sage de le remplacer par une dynaste lui étant totalement acquise, par exemple parce que convaincue que sa suzeraine lui a sauvé la vie. Au final, la Mortarque du Sang sort de cette journée maritale plus forte que jamais, de potentiels rivaux ayant été transformé en laquais affaiblis et dévoués. Et elle vécut heureuse et eut beaucoup de descendants…Fin spoiler

AVIS:

La Nefarata de David Annandale est décidément très occupée par la vie sociale et amoureuse des nobles de Nulahmia (voir ‘The Dance of the Skulls’), mais comme l’auteur parvient à utiliser ces cérémonies mondaines comme trame et excuse pour nous faire entrer dans la complexe géopolitique de Neferatia de manière originale et efficace, on ne lui en tiendra pas rigueur. Les quelques pages de cette nouvelle suffisent en effet à Annandale pour nous servir une petite conspiration assez réussie, en ce qu’elle démontre bien à quel point Neferata est retorse, et manipule son monde pour maintenir un statut quo qui consolide son pouvoir. Le fait que nous ne soyons pas en mesure de découvrir l’identité du commanditaire du double assassinat de la rue l’église Morgue par déduction logique n’est donc pas si rédhibitoire que ça, car notre propos n’est pas tant un Whodunit qu’une chronique de la realpolitik vampirique.

Finalement, le seul défaut que je trouve à ‘Obsidian’ est une petite incohérence logique1 oubliée par un David Annandale plus intéressé par le développement du background de sa faction de cœur que par des basses considérations terre à terre. Tels Neferata à la fin de cette histoire, faisons preuve de magnanimité et pardonnons-lui.

1 : Annandale explique que les familles de vampires nobles ne transforment que l’aîné de leurs enfants en immortels, afin de préserver la lignée (les vampires ne pouvant plus se reproduire après le Baiser de Sang). Or Karya et Evered sont tous les deux vampires, et tous les deux enfants uniques.

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Hunting Shadows – A. Clark:

INTRIGUE:

Hunting ShadowsNeave Blacktalon, Knight-Zephyros des Hammers of Sigmar et chasseuse de têtes personnelle du grand barbu, opère traditionnellement seule. La mission sur laquelle son divin boss l’a mise, et qui l’a conduite sur les terres désolées d’Ashy, s’avère cependant tellement délicate que les autorités compétentes ont jugé bon de lui adjoindre du renfort, sous la forme du Knight-Venator Tarion Arl (et son aigle étoilé Krien) et d’une unité de Vanguard-Palladors, menée par une vieille connaissance avec laquelle elle a déjà coopéré pour disperser une bande de hippies ayant monté une opération escargot1 dans les Royaumes Mortels, Kalparius Foerunner. Je sais, je sais, cela fait beaucoup de jargon sigmarite en peu de lignes, mais rassurez-vous, savoir qui fait quoi est moins important que de se souvenir de la hiérarchie héroïque à l’œuvre dans cette nouvelle, qui décidera qui devra mourir et à quel moment.

Blacktalon les traîne un peu à l’idée de devoir faire équipe avec des collègues, mais un ordre est un ordre, et si l’on en juge par les charniers calcinés que sa proie (qu’elle peut traquer avec l’espèce de GPS sensoriel peu précis dont Sigmar lui a fait don) a laissé derrière elle, un peu d’aide sera en effet utile. Passée les formalités d’usage, la petite bande part donc en courant/volant/transmutant dans la direction indiquée par la chasseresse, qui ressent de façon diffuse que sa cible possède un moyen de brouiller sa ΣG embarquée. En gros, si elle est toujours capable de savoir vers où se diriger, elle ne peut pas jauger de la distance qui la sépare de son gibier, ce qui aura son importance plus tard. Pour l’heure, la fine équipe, en retard sur l’abomination qu’elle pourchasse, doit faire un choix potentiellement lourd de conséquences à proximité de la ville de Sigenvale, qui a reçu la visite du monstre et a été réduite en miettes/cendres par ce dernier. Neave est plutôt partante pour se remettre en route sans tarder, mais Tarion parvient à la convaincre de faire un crochet rapide par les ruines, histoire de secourir d’éventuels survivants. Malheureusement pour l’altruiste voltigeur, la Marque ténébreuse n’en a laissé aucun, et bien que les chasseurs puissent se passer les nerfs sur un pauvre corpsejaw ne faisant que ce que la nature l’a équipé pour faire (c’est-à-dire bouffer les cadavres croisant sa route), il se fait vite jour que le mystérieux prédateur/incendiaire/décapiteur est déjà loin des lieux du crime. Il faut donc à nos héros repartir sans tarder, d’autant plus que le cogfort sensé participer à la traque semble être avoir fait une mauvaise rencontre quelques kilomètres plus loin, comme le bruit de ses canons l’atteste sans doute possible.

Bien évidemment, les traqueurs arrivent trop tard sur place pour secourir la machine de guerre (représentez vous le fruit des amours incestueux entre une Forteresse de la Rédemption et une Arachnarok), qui s’est faite éventrer et toute sa garnison massacrée par l’insaissable bestiole. Blacktalon est colère devant ce carnage dont elle impute en partie la responsabilité à ce gros sensible de Tarion, mais avant qu’elle puisse reprendre les choses en main et relancer la poursuite, une forme colossale émerge soudainement du lac de montagne à côté duquel reposait la carcasse du cogfort…

Début spoiler…Les pouvoirs de brouillage arcanique dont dispose la cible des chasseurs lui a en effet permis de tendre un piège à ces derniers, qui se retrouvent confronter à… pour faire simple, représentez vous Clifford le grand chien rouge, mais dont la maîtresse ne serait pas la gentille et aimante Emily, mais Valkhia la Sanglante. C’est donc à un pitbull mécanique de Khorne de fort belle taille (et crachant le feu) que les Stormcast Eternals doivent faire face, avec des résultats au début peu concluants, comme on peut s’en douter. Très étrangement, ce sont d’abord les Palladors qui sont envoyés pallader par le juggernaut, rapidement suivis par le brave Foerunner, ne laissant que Blacktalon et Tarion, tous les deux sévèrement blessés, pour tenter de renverser la situation. Ce n’est cependant pas chose facile car leur ennemi est très grand, très fort, très rapide, très costaud, et sans faiblesse apparente, mis à part l’écoutille chaînée qui lui sert de nombril.

Après quelques moments difficiles dans les décombres du cogfort où les deux héros ont trouvé un refuge précaire, le temps de décapsuler quelques potions de vie, le traditionnel plan de la dernière chance est conçu et immédiatement mis à exécution, permettant aux gardes chasses de Sigmar de remporter la victoire. Pour information, le haut fait en question nécessitera que Neave se déchaîne, et que son comparse loge un tir de l’aigle dans un cratère volcanique chatouilleux, ce qui aura pour effet final de noyer l’habitacle de la machine démon dans la lave. Statistiquement improbable je vous l’accorde, mais la high fantasy et les nouvelles d’action de la BL ne s’embarrassent pas de détails de ce genre. Ceci fait, les deux Knights-…, devenus bons copains dans l’adversité, peuvent reprendre le chemin d’Azyr, où ils pourront passer une convalescence bien méritée, ou se suicider pour être reforgés et ainsi redevenir opérationnels plus rapidement. Les politiques sociales sigmarites sont un peu particulières…Fin spoiler

1 : Organisée par l’incontournable Horticulous Slimux bien sûr.

AVIS:

Introduction au personnage de Neave Blacktalon (et à celui de son sidekick, Tarion Arl), ‘Hunting Shadows’ met particulièrement l’accent sur les caractéristiques de super héros des Stormcast Eternals (Blacktalon bénéficie en effet de sens ultra développés, et est capable de courir grotesquement vite – pensez Bip Bip et Vil Coyote), faisant de cette traque monstrueuse une sorte d’adaptation de comics Marvel dans les Royaumes Mortels. Je ne dis pas que c’est foncièrement désagréable, mais ça surprend tout de même un peu. Autre point saillant de cette nouvelle, son côté technique en matière de bestiaire et de hiérarchie Stormcast Eternals. C’est bien simple, on dirait qu’Andy Clark a fait exprès d’aller piocher dans les entrées les plus baroques du Battletome pour trouver ses protagonistes, ce qui peut aisément dérouter/saoûler le lecteur non averti. En cela, ‘Hunting Shadows’ n’est pas très newbie-friendly, même si l’intrigue reste relativement facile à suivre, du fait du schéma narratif très simple utilisé par l’auteur. En fait, le seul suspense de l’histoire repose dans l’identité de la proie traquée par Blacktalon et ses sous fifres, qui, manque de pot, se trouve être une création inédite de la part de Clark (à moins que la gamme chaotique d’Age of Sigmar comporte un modèle de chien de métal géant). Manque de pot car le lecteur ne peut même pas au final tenter de deviner qui est derrière ces exactions sanglantes et fumantes en se basant sur sa connaissance du fluff. Petite frustration, mais frustration quand même. Pour conclure, j’ai été très moyennement convaincue par cette démonstration de force de la Wonder Woman d’Azyrheim, héroïne certes très balaise mais assez peu attachante. Peut-être que cela est corrigé dans le roman qu’Andy Clark lui a consacré ?

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Et voilà qui conclut la revue de ‘Gods & Mortals, une anthologie de bonne facture dont le plus gros point faible est le manque de contextualisation des nouvelles qui la compose. C’est d’autant plus dommage qu’il y avait de quoi présenter Hamilcar Bear Eater et le « Lamentiverse » de Josh Reynolds d’une manière acceptable avec des efforts minimes, à commencer par un regroupement dans le sommaire et quelques paragraphes de présentation de l’intrigue de ces séries. Comme souvent, il revient au lecteur de faire ses propres recherches pour relier les points et faire sens de ce patchwork littéraire, ce qui me retient de conseiller ‘Gods & Mortals’ à tous les enthousiastes de GW-Fiction, en particulier ceux qui ne seraient pas familiers avec les personnages abordés ici. Les vétérans de cette franchise trouveront par contre dans ce recueil un contenu varié et solide, en grande partie grâce à la grande forme de Reynolds, bien épaulé par un Guy Haley très inspiré, un David Annandale irréprochable (soulignons le, ce n’est pas tout le temps) et un David Guymer souvent distrayant. Si C. L. Werner avait été égal à lui-même, on aurait tenu le mètre étalon des anthologies Age of Sigmar, c’est moi qui vous le dit!

THUNDERSTRIKE & OTHER STORIES [AoS]

Bonjour, bonne année, et bienvenue dans cette critique du dernier recueil de nouvelles introductif publié par la Black Library: ‘Thunderstrike & Other Stories’. La période estivale semble être favorisée par les pontes de Nottingham pour sortir ce genre d’ouvrage, si on en juge par la date de mise sur le marché du précédent omnibus de courts formats à vocation « pédagogique » assemblé par la BL (‘The Hammer & the Eagle’, couvert ici), bien que le lancement de la V3 d’Age of Sigmar a très certainement joué un rôle dans ce calendrier. Comme on le verra ci-dessous, la novella éponyme qui débute ‘Thunderstrike…’ se déroule en effet à la suite des événements les plus récents du fluff (libération de Kragnos, siège d’Excelsis, brouillage de la 5G sigmarite…) : il aurait donc été inapproprié de la mettre à disposition des mains et yeux avides des lecteurs trop tôt. Pas que je pense que GW soit immunisé à ce genre d’erreur de séquençage grossière, notez bien, mais tout de même, ça fait plus sérieux.

Thunderstrike &amp; Other Stories

En plus de cette novella, dont je peux déjà vous dire, expérience des autres ouvrages similaires (‘Hammerhal & Other Stories et Sacrosaint & Other Storiespour AoS, ‘Crusade & Other Stories et ‘Nexus & Other Stories pour 40K, liens vers les critiques ci-avant) à l’appui qu’elle sera consacrée à la mise en situation des petits bonshommes (et bonnes femmes, parce qu’on est progressiste chez GW) intégrés dans la boîte de jeu accompagnant la V3, on retrouve au sommaire de cette copieuse anthologie (19 histoires, record pour un ouvrage ‘…& Other Stories‘) beaucoup de nouvelles précédemment publiées, et republiées pour certaines… mais pas que. Il faut en effet saluer l’inclusion dans cet opus de quatre purs inédits (en plus de la novella), ce qui est toujours agréable, et donne une raison aux vétérans de la BL de débourser les 7€ nécessaires à l’achat de ce recueil. Au prix de la nouvelle individuelle, c’est déjà une affaire de s’en tirer à ce compte pour « seulement » quatre histoires sur dix-neuf, tenez-le vous pour dit !

Pour terminer cette introduction, penchons-nous quelques instants sur les contributeurs de ‘Thunderstrike…‘ : en plus de signer la novella centrale, Richard Strachan récidive avec deux autres nouvelles, dont l’inédit ‘The Spears of Autumn’, signifiant ainsi son changement de statut parmi les auteurs de la BL1. L’expérimenté C. L. Werner et les novices Eric Gregory et Anna Stephens arrivent ex-aequo en seconde position, avec deux nouvelles chacun. Léger avantage à l’homme au chapeau et au petit (nouveau) Gregory, car l’une de leurs offrandes (‘The Last of the Braskovs’ et ‘The Hammer of Immanence’) est inédite. Pour en finir avec les nouveautés pures, on remerciera l’inamovible David Annandale de nous faire don de ‘The Gossip of Ravens‘, dont le titre semble indiquer une appartenance au courant Warhammer Horror, dont notre homme est l’un des fondateurs. Pour le reste, on retrouve comme d’habitude un joyeux mélange de grands anciens (Thorpe, Guymer, Counter…) et jeunes pousses (Rath, Lucas, Crisalli…), dont les efforts combinés feront tout le sel de cette anthologie. Reste à savoir dans quel sens…

1 : On lui souhaite cependant une trajectoire autre que celle de Thomas Parrott, auteur de ‘Nexus’ pour l’ouvrage du même nom, et voué aux gémonies quelques semaines avant par son employeur.

Thunderstrike &amp; Other Stories

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Thunderstrike – R. Strachan :

INTRIGUE :

Le siège d’Excelsis est à peine terminé que les affaires courantes reprennent pour les braves et sous-payés hommes et femmes de l’armée régulière de la cité. Notre histoire commence sur le radeau du Capitaine Holger Beck des Iron Bulls, alors qu’il mène sa compagnie enquêter sur la disparition de colons ayant eu la riche idée de s’établir au milieu des marais de Mirkmere, dans la grande couronne excelsisienne. Une mission qui aurait fait soupirer le plus inflexibles des vétérans (gadoue omniprésente, chaleur humide, faune et flore hostiles, aucun Starbucks à des centaines de kilomètres à la ronde, 0 réseau…), ce que Holger n’est absolument pas. Elevé à son grade actuel à la fin du siège sur un malentendu, il avait passé l’intégralité de l’attaque à se planquer dans une cave en tremblant de tous ses membres, et ne s’était engagé dans la milice que pour pouvoir jouer aux cartes et courir la gueuse. Un spécialiste des canons à boire plutôt qu’à tirer, en sorte. Il lui faut maintenant donner le change alors que ses troupes remontent péniblement les marais en radeau, notamment devant le fanatique Prêtre de Sigmar Caspar Hallan. La corvée.

Une embuscade mortelle tendue par une bande de Kruleboyz en villégiature dans le bayou vient cependant faire voler en éclats le morne et glauque quotidien des miliciens, et si Beck et Hallan parviennent à se retrouver pendant leur fuite éperdue respective, leur répit n’est que de courte durée avant que les Orruks ne leur mettent la patte dessus.

Nous nous dirigeons ensuite vers Excelsis, où nous faisons la connaissance du vrai héros de notre histoire, le Knight-Relictor Actinus. Resté une âme simple malgré son élévation au rang d’Elu de Sigmar, Actinus aime venir se recueillir dans un modeste temple des quartiers populaires, en compagnie du vieux prêtre Jonas. Ce dernier, sentant que son paroissien est en proie à une profonde mélancolie à cause des camarades perdus lors de précédentes batailles et n’ayant pas retrouvé le chemin de l’Enclume de l’Apothéose à cause des perturbations chaotiques de ce fripon de Bel’akor, lui remet une « relique » pour lui remonter le moral : l’épée d’un jeune soldat du coin ayant donné sa vie pour défendre Excelsis. Outre le fait que la différence de gabarit entre un humain et un Stormcast Eternal rétrograde l’arme de feu Adert Sommer au rang de couteau à fromage pour Actinus, cette dernière n’a absolument aucune autre valeur que sentimentale, le Sommer en question ayant juste tenu sa position et s’étant fait malettiser aussi sec par un groupie de Kragnos. Aussi poli qu’un type recouvert de plates de la tête aux pieds peut l’être, Actinus accepte l’offrande, avant d’emboîter le pas à un Paladin envoyé par le Lord-Imperatant Taranis en personne pour le convoquer à un briefing urgent. Quelque chose me dit que ce modeste coupe-chou jouera un rôle un peu plus tard dans notre histoire…

Après avoir reçu l’ordre de se rendre à Fort Harrow pour enquêter à son tour sur le sort des villages sigmarites n’ayant plus donné signe de vie depuis plusieurs semaines, Actinus se met en marche avec une petite force de Stormcast Eternals, dont je vous épargnerai ici la composition et les personnages secondaires, l’une comme les autres n’ayant pas grand intérêt pour notre histoire. Au bout de quelques jours, la colonne arrive dans le village de Palmer’s Creek, qu’elle trouve totalement vide d’habitants, et marqué par un glyphe inconnu. Alors que les Stormcasts réalisent une enquête de voisinage pour tenter de trouver des indices sur cette disparition mystérieuse, Beck et Hallan refont une entrée plus fracassée que fracassante dans l’histoire. Les deux hommes s’étaient réfugiés dans le village abandonné après avoir réussi à s’enfuir du camp de prisonniers que les Kruleboyz avaient établi au cœur de leur domaine, et vivotaient d’amour et d’eau croupie depuis quelques jours. Hallan a été rendu fou par l’expérience, mais Beck raconte son calvaire à ses sauveurs, qui commencent par douter de l’existence de cette espèce d’Orruks des marais, intelligente, calculatrice et d’une cruauté inédite pour des peaux vertes. Malgré tout, Actinus décide de poursuivre plus avant dans le marigot, espérant avoir une confirmation des racontars du Capitaine déchu (auquel il remet l’épée relique de son pote Jonas, pour fortifier sa résolution vacillante et aussi pour se débarrasser d’un poids mort inutile) et, inch Sigmar, libérer les prisonniers faits par les Kruleboyz avant qu’il ne soit trop tard.

Le bataillon reprend la route dès le lendemain, accompagné par Beck mais sans Hallan, laissé à rigoler tout seul et à s’appliquer de la poudre de riz sur le visage dans une flaque. La tension monte d’un cran lorsque l’un des gryph-hounds de la seconde d’Actinus (Leta) est retrouvé cloué à un arbre, décapité et éventré pour faire bonne mesure. La mauvaise troupe finit par arriver à Fort Harrow, où le reste des survivants des Iron Bulls ont été parqués par les Kruleboyz. Les retrouvailles émouvantes entre Beck et les soldats qu’il a laissé littéralement croupir derrière lui lors de son évasion sont cependant interrompues par un concerto de coassements en si bémol, annonçant aux Stormcast Eternals et à leurs camarades humains qu’ils sont tombés dans le piège (Yugi) de Kruleboyz admirablement fair play ou abominablement stupides, puisqu’ils devront faire le siège d’un fortin qu’ils avaient déjà conquis, au lieu d’attaquer les sigmarites au milieu des marais… Les voies de Gorkamorka sont comme les profondeurs de Mirkmere : impénétrables.

L’attaque contre Fort Harrow se révèle être une redite du la bataille du Gouffre de Helm à la sauce Age of Sigmar, à la différence que le premier sang revient cette fois-ci à une flèche des assaillants plutôt que des défenseurs. Ah, et il n’y avait pas d’Aelfs en armure à paillettes pour aider Actinus et Cie, bien sûr. Leur Saroumane personnel leur ayant remis des explosifs de qualité, les Orruks se font une joie de réduire un des murs en allumettes, mais la supériorité martiale des Stormcast Eternals leur permet de colmater la brèche et de repousser la première vague ennemie. Les dégâts subis par les palissades sont toutefois trop importants pour envisager de tenir la position sur la durée, et le Knight-Relictor décide d’abandonner Fort Alamo aux Mexicains marécageux et de tenter une retraite en armes jusqu’à Excelsis pour faire un rapport circonstancié des événements à Taranis. Soit un mud day d’une centaine de kilomètres, qui pourrait bien avoir raison de l’endurance des Iron Bulls survivants. Mais foutus pour foutus, c’est toujours mieux que rouiller sur pied au milieu du marais poitevin.

Comme on pouvait s’y attendre, les Orruks ne laissent pas partir leurs invités sans rien faire, et le trekk tourne rapidement à la tragédie. Déprimé par l’absence de progrès réalisés par son protégé Beck dans la maîtrise de ses phobies (il s’est caché dans un tonneau pendant que les Kruleboyz attaquaient le fort) malgré la jolie épée qu’il lui a refilée, Actinus l’est également par les pertes qui s’accumulent chez ses frères et sœurs de sigmarite. Il peut au moins se venger des tactiques de terroristes des Kruleboyz, qui balancent des grenades sur sa colonne de réfugiés à la première occasion venue, en utilisant son pouvoir « redirection d’âme » pour envoyer les mânes des Stormcasts déchiquetés sur leurs assaillants, ce qui renvoie les galapiats à leurs chères études. La situation est tellement compromise qu’il va jusqu’à utiliser le bout de fémur consacré qu’il gardait en réserve dans son encenseur de fonction pour passer une invocation AirWick afin de dissiper les brumes nocives des Kruleboyz et permettre à ses camarades de respirer l’air frais d’une pinède de montagne (véridique). Ce n’est toutefois qu’un répit temporaire, et en son for intérieur, le commandant dépressif se voit déjà repartir pour la Reforge, où il pourra il l’espère reprendre contact avec ses copains d’avant.

Après quelques sanglantes escarmouches du même ordre, c’est enfin le moment du dernier carré (ou l’équivalent quand on se bat sur des socles ronds). Le Boss des Kruleboyz fait enfin son apparition, juché sur un… truc1, mais s’il s’attendait à avoir la partie facile face à quelques survivants dépenaillés, blessés et extenués, il se trompait lourdement. Ayant enfin réussi un test de bravoure, ou étant devenu complètement fou (c’est selon), le Capitaine Beck mène une charge suicidairement héroïque sur le QG adverse, et parvient à entailler la truffe de sa monture avant d’être envoyé valser dans le décor avec une cage thoracique perforée. C’est aussi le moment que choisit ce beau gosse de Taranis pour débarquer avec le ban et l’arrière-ban de sa chambre, guidé (askip) par la dernière flèche décochée par Leta avant qu’elle ne passe l’arme à gauche et l’âme au ciel, et qui aurait signalé la position de la colonne embourbée aux sentinelles à l’œil perçant d’Excelsis. Mouais. Toujours est-il que les renforts massifs reçus par le camp de l’Ordre suffisent à plier la bataille, Taranis et ses Stormcasts massacrant les Orruks à grands coups de… banc et permettant à Actinus de revendiquer une victoire à la fois tactique et morale (Beck est mort en héros et non en couard).

L’histoire se termine avec le retour de notre héros dans sa petite chapelle favorite, où il a la douleur d’apprendre de la bouche de son successeur que Jonas est mort de vieillesse en son absence, mais auquel il remet tout de même l’épée de Beck, en la vendant comme une relique doublement sainte, dédiée à l’adoration des fidèles. Tout le monde ne peut pas avoir un poil de barbe de Hamilcar à vénérer, c’est vrai.

1 : La description qu’en fait Richard Strachan ne colle ni avec un Votour, ni avec une Bête Faukarde, ni avec un Bruxodonte. Je suppose qu’il a dû écrire sa novella avant la sortie officielle de la boîte Dominion, et n’a pas eu accès aux informations nécessaires pour ajuster le tir.

AVIS :

Les novellas figurant au début des recueils introductifs de la Black Library ne sont jamais faciles à écrire, l’obligation portant sur l’auteur de mettre en valeur le contenu d’une boîte de base (ici Dominion) forçant très souvent ce dernier à se contenter d’une longue description des prouesses de l’escouade A et du personnage B, soutenue par une intrigue minimale. A ce petit jeu, Richard Strachan ne s’en sort pas trop mal, et signe avec ‘Thunderstrike’ une histoire assez correcte, et qui se lit sans trop de difficultés. J’ai notamment apprécié le soin qu’il a pris de contextualiser cette expédition hasardeuse dans les marais de Mirkmere en évoquant le siège d’Excelsis, et en se donnant la peine de décrire un tant soit peu cette cité après la fin des combats. La première partie du récit est ainsi la plus intéressante à mes yeux, les soixante pages suivantes n’étant finalement qu’une histoire d’un aller et retour d’une linéarité totale.

Ainsi, Strachan ne se donne pas la peine de proposer de vrais antagonistes à ses vertueux héros, opposés à la menace générique des Kruleboyz (même leur chef n’a pas de nom, c’est dire), alors qu’il aurait eu beau jeu de varier les points de vue pour faire monter la tension narrative, comme Josh Reynolds et C.L. Werner l’ont fait dans leurs propres novellas (‘Hammerhal’ et ‘Sacrosanct’). Mais même dans le camp des « gentils », seuls Actinus et Beck voient leur personnalité un tant soit peu ébauchée, le reste du casting n’étant là que pour faire le nombre lors des combats et faire progresser l’intrigue lorsque le scénario le demande. La non-utilité de certains personnages (Caspar Hallan et le Knight-Vexillor Pellion) m’a même fait me demander pourquoi Strachan avait cru bon de les intégrer à son histoire, cette dernière ayant pu se dérouler sans problèmes sans eux. Le résultat est une novella sans surprise ni retournement de situation, alors que ses 85 pages constituaient une longueur rêvée pour développer des arcs secondaires et des intrigues parallèles. Richard Strachan a trop joué la sécurité à mon goût de ce point de vue.

Au final, on sort de ‘Thunderstrike’ sans déception ni enthousiasme, ce qui est déjà bien ou assez dommage, selon les attentes que vous placez sur cette histoire (très basses en ce qui me concerne). Personnellement, je trouve cette « neutralité » un peu tristounette avec des bad guys aussi intéressants et originaux que les Kruleboyz, mais je ne peux pas en vouloir à Strachan d’avoir cherché à viser la moyenne plutôt que de s’embarquer dans une histoire plus ambitieuse, en connaissance des contraintes marketing pesant sur sa plume.

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Bossgrot – E. Gregory :

INTRIGUE :

BossgrotGribblak, boss du Gobbolog Skrap, rencontre un problème de leadership des plus sévères, qui pourrait bien remettre sa place dans la hiérarchie, ainsi que son intégrité physique, en question. Après une nouvelle bataille catastrophique contre un ramassis de cultistes de Khorne ayant eu la mauvaise idée de faire du camping sauvage dans le parc privé du Loonking, s’étant soldée par une débâcle inqualifiable et la perte de nombreux bons Gits (et d’un Gargant nommé Hurg), Gribblak réunit son Gobex et lui soumet son projet de conquête du jusqu’ici inexpugnable Mont Pizmahr, sur lequel toutes les armées envoyées par Skargrott se sont jusqu’ici cassé le nez (qu’elles ont pointu). Rien de tel qu’une randonnée sous les boulets de canon pour booster le moral des troupes, pas vrai? À sa grande surprise, ses fidèles conseillers, par la voix du chamane Oghlott, expriment un avis contraire de façon très marquée, et enfoncent le clou en révélant au bienheureux Gribblak1 que sa côte de popularité auprès de l’homme de la rue, ou dans notre cas, du Gob’ du tunnel, est abyssalement basse, et qu’il ferait mieux de se faire oublier quelques temps s’il ne tient pas à finir en croquettes de squig. 

« Basses menteries et piteuses billevesées! » s’exclame Gribblak2, qui décide d’aller prendre le pouls de l’amour que ses troupes lui portent en se rendant incognito (une capuche noire suffit, c’est l’avantage avec les Gobelins de la Nuit) dans les baraquements du Skrap. Et là, surprise et désappointement, il se révèle bien que tous ceux auxquels il parle nourrissent de bien sombres desseins à son égard, et ne rêvent que de le voir périr de la façon la plus divertissante possible. Comprenant qu’il n’est plus le bienvenu parmi les siens, et proprement renversé par le putsch tramé par ce traître d’Oghlott pendant qu’il faisait du micro-trottoir, Gribblak décide de montrer au monde de quel bois il est fait et de prouver à tous que le peuple le plus brave de la Gaule, c’est lui! Ou quelque chose comme ça. En tout état de cause, il profite du tumulte pour aller chercher son véhicule de fonction (un beau duo de Manglers) au sous-sous-sol, et partir en catimini et en laissant ouvert l’enclos à squigs, car sinon c’est pas drôle.

Les problèmes se succédant les uns aux autres, il se rend rapidement compte qu’il n’a jamais passé le permis S, et s’il parvient à diriger sa deux chevaux squigs dans la bonne direction, il bute en revanche sur l’usage du levier de vitesse. Repéré par les gardiens du Mont Pizmahr, l’audacieux Git se fait canarder de toute part, crève un pneu, puis l’autre, pour finir catapulté sur le toit d’une des bâtisses du camp retranché maintenu par les cités de Sigmar sur cette montagne. N’ayant heureusement pas été repéré par les zoms qui ont bassement plombé ses montures, notre héros réalise qu’il s’est attaqué à un trop gros morceau, et qu’il sera déjà chanceux de faire ce que la Mauvaise Lune sait faire de mieux: s’éclipser. Trahi par la ferraille mal entretenue qu’il trimbale sur lui, Gribblak attire l’attention de la garnison, mais parvient à subtiliser une arquebuse à l’un de ses poursuivants avant de s’élancer dans un zig-zag éperdu qui finit par l’amener devant un Celestial Huricanum expérimental, en pleine opération de divination…

Début spoiler…Se souvenant sans doute qu’il appartenait à la Grande Alliance de la Destruction, et peu favorablement impressionné par la luminosité de l’engin, qui lui rappelle celle de son pire ennemi (le soleil), Gribblak commet l’inévitable et l’irréparable en déchargeant sa pétoire volée sur l’instrument arcanique, prestement imité en cela par une bande d’arquebusiers peu finauds cherchant à le mettre hors d’état de nuire. Bien évidemment, ces échanges de tir ont des conséquences catastrophiques, et le fort de Pizmahr finit par être réduit en poussière suite à l’explosion de la machine infernale, mais pas avant que Gribblak ait trouvé le moyen de se carapater. 

Ayant retrouvé par hasard le chemin de son Skrap, devenu SGF pour cause de dégâts des squigs majeurs, notre héros est tout prêt à se laisser abattre et manger (et pas nécessairement dans cet ordre) par ses congénères, lorsque ces derniers, rendus conciliants par l’ingestion de vastes quantités de space cake, sont témoins de la fin enflammée de Pizmahr, et comprennent que leur boss a tenu parole et conquis à lui tout seul cette place forte imprenable. Devant un tel exploit, il serait mesquin de leur part de lui tenir rigueur de ses erreurs passées, et voici Gribblak renommé séance tenante Boss du Gobbolog Skrap, sous les yeux dépités mais résignés d’Oghlott. A Star Moon is born.Fin spoiler

1 : En même temps, ce serait déplacé que de lui reprocher d’avoir la tête dans la lune: il a tout fait pour et en est très fier, merci pour lui.
2 Enfin, il aurait certainement dit ça s’il avait le vocabulaire nécessaire. En l’occurrence, il s’est contenté d’un « céfô ».

AVIS :

Eric Gregory signe une petite nouvelle très rigolote1, et presque émouvante par endroit (ce pauvre gobbo que personne n’aime alors qu’il se croyait populaire… c’est d’un triste!), qui ferait presque figure de fable dans le monde cruel et sanglant d’Age of Sigmar. Oubliez La Petite Poule Rousse (The Little Red Hen en VO, d’où vient l’expression « the little hen that could« ), place au Vaillant Petit Gobelin, qui a réussi – sur une succession de gros coups de bol, il faut le reconnaître – à regagner l’estime de sa tribu et enlever une forteresse qui résistait aux armées de Loonking. Bon, il a probablement causé la mort de quelques dizaines de braves soldats et mages humains, qui étaient sans doute de bons bougres, mais on n’est pas à quelques victimes collatérales près. Il est rassurant de voir que la Black Library n’a pas complément fermé les vannes du second degré en matière de GW-Fiction, et autorise de temps à autre un de ses auteurs à soumettre ce genre de nouvelles. Après le positivement répugnant Gloomspite d’Andy Clark, dépeignant la faction sous son (absence de) jour le plus détestable et sadique, une alternance plus légère complète bien le « spectre » gobelinoïde dans la littérature BL. Il en faut pour tous les goûts.

1 : Ma punchline préférée étant « ‘You boys remember,’ Vork interrupted, ‘when we lost a lair to those trees? Trees in a cave. I never.’ »

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The Spears of Autumn – R. Strachan :

INTRIGUE :

Une fois n’est pas coutume dans les univers de fantasy, ce n’est pas le Gondor qui appelle à l’aide ses alliés (très cavaliers) à la suite d’une invasion ennemie, mais le Stonemage Carreth Y’gethin, dont le temple d’Ultharadon est dans le viseur d’une cohorte d’Ossiarch Bonereapers. Le Prince Belfinnan le Brave (BB pour les intimes) n’a pas hésité une seconde à faire son Théoden, rassemblé ses Dawnriders pour venir en aide à son voisin, et emmène son unité de 500 Vanari – je ne joue pas à AoS mais je crois que ce n’est pas une taille légale… – à travers le sinistre bois d’Arduinnaleth pour hâter son voyage. Cependant, foin de Ghân-Buri-Ghân pour guider les Aelfs sur les chemins les plus sûrs de ce lieu hanté par les esprits de ses précédents occupants, ce qui fait vaciller le moral de certains des cavaliers novices, à commencer par Ceffylis, un fils de paysan fraîchement sorti de sa cambrousse natale et incorporé à l’armée de Belfinnan.

Déjà effrayé par la perspective d’avoir à affronter bientôt l’élite des forces de Nagash armé seulement d’un long bâton pointu, Syphilis voit son trouillomètre passer dans le négatif après que les voix soupirant dans ces bosquets mal famés l’aient incité à déserter de toute urgence, faute de quoi il périra bientôt au combat. Un test de bravoure raté plus tard, notre pusillanime héros décide de déserter en plein cœur de la nuit et emmène discrètement son destrier hors de la clairière où les Dawnriders ont planté leur bivouac, afin de tirer sa révérence sans se faire repérer…

Début spoiler…C’était toutefois sans compter sur le management irréprochable (il connaît à la fois le nom de la jeune recrue et celui de son cheval, c’est pas donné à tout le monde) de BB, qui attendait innocemment Ceffylis sur une souche en se taillant en cure-dent. Au lieu de morigéner vertement le tourne casaque ou de lui planter son épée dans le bide pour lui apprendre à revenir sur son engagement, Belfinnan choisit la voie de l’honnêteté et révèle à la jeune recrue que lui aussi a connu des moments de doute et de peur, à commencer par la fameuse bataille de la Crise de Shadrian, qu’il a pourtant remporté à un tout jeune âge contre une armée de Godseekers assoiffée de carnage.

Il avoue ainsi à un Ceffylis estomaqué que son premier réflexe lorsque la mêlée à commencer à tourner en faveur des chaotiques fut de tourner bride et de s’enfuir, comme la majorité de son régiment, mais que l’exemple d’un des ses amis, qui décida au contraire de retourner au combat contre toute logique, le fit revenir sur sa décision. Bien que la légende qui fut écrite après que la bataille soit miraculeusement gagnée par les Lumineth suite à cette contrecharge inspirée ait fait de Belfinnan un héros célébré, le mérite en revenait en fait à ce camarade anonyme, qui ne survécut pas aux combats. Cette confession nocturne raffermit le courage de Ceffylis, qui revient sur sa décision et repart se coucher avec ses frères d’armes. Demain sera un autre jour…Fin spoiler 

AVIS :

Richard Strachan livre un chapitre additionnel à son roman ‘The End of Enlightenment’ avec cette courte nouvelle pleine de bonnes et nobles intentions (à l’instar de ses héros), mais franchement quelconque prise individuellement. Tout est tellement convenu dans cette histoire de jeune-recrue-hésitante-mais-réconfortée-par-un-vétéran-moins-sûr-de-lui-qu-il-n-en-a-l-air que l’on peut s’arrêter de lire ‘The Spears of Autumn’ à mi-parcours et ne rien rater de bien intéressant dans la partie laissée de côté. Dommage que Strachan n’ait rien tenté de plus excitant dans ces quelques pages, car les nouvelles non-violentes de GW-Fiction sont suffisamment rares pour – presque – toujours mériter le détour, à mon avis. Malheureusement, toute règle a ses exceptions !

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The Sea Taketh – D. Guymer :

INTRIGUE :

The Sea TakethLes Kharadron sont prêts à toutes les extrémités pour faire du profit, et pour le héros de notre histoire, l’aventurier Ingrdrin ‘The (Code) Rock(s)’ Jonsson, cela se traduit par un peu de plongée sous-marine sur le littoral de Blackfire Bight, en Shyish. Ses dernières pérégrinations l’ont en effet amené à mettre la main sur un carnet de notes skaven, localisant l’emplacement d’une cité du légendaire peuple des Idoneth Deepkin : Aighmar. Flairant une opportunité de s’en mettre plein les poches, il embauche un pêcheur local (Tharril) pour l’emmener jusqu’au lieu où la ville engloutie est sensée se trouver (en tout cas sur le cadastre), et réalise une plongée exploratoire dans son scaphandre dernière génération1, manquant certes de se faire croquer par un allopex affamé, mais réussissant à rassembler quelques artefacts exotiques qu’il espère pouvoir écouler à un bon prix sur le marché de l’occasion.

Cependant, et contrairement à ce qu’il annonce à Tharril et à sa fille Thalia une fois remonté à la surface, sa visite ne s’est pas passée aussi tranquillement que cela, et notre maître Duardin ne tarde pas à mettre les voiles le moteur pour repartir vers l’enclave Kharadron de Toba Lorchai. Bien lui en a pris, car le soir même le petit village reçoit la visite d’une bande d’Idoneth pas vraiment jouasses, menés par un Soulrender sentimental et rien de moins que la Reine de Mor’phann, la possessive Pétra. Ne trouvant rien de très intéressant parmi les cabanes en torchis et les barques à moitié pourries qui constituent tout le patrimoine de cette humble communauté, les Aelfs des abysses font le plein d’âmes et se remettent en chasse, ne laissant que la pauvre Thalia fredonner ‘la maman des poissons… elle est PAS gentilleuuuuh’ auprès des formes comateuses de ses proches anâmiés.

De son côté, Jonnson a beau faire grand train vers Toba Lorchai, dont il espère que la solide enceinte et la forte garnison décourageront les précédents propriétaires de son loot de venir porter plainte, il se doute bien que les Idoneth ne lâcheront pas l’affaire de sitôt, comme la persistance d’un vague (haha) écho et les relents tenaces de poisson avarié qui le suivent partout le laissent envisager. Son premier réflexe une fois arrivé à bon port est de faire un crochet par la boutique de Murrag, une chineuse d’antiquités Ogor avec laquelle il est en affaires depuis des années, afin de lui remettre son butin ainsi que le carnet avec l’emplacement d’Aighmar. Lui-même n’aspire plus qu’à prendre l’air à bord de son dirigeable et laisser l’océan de Shyish loin derrière, mais à son grand regret, sa receleuse se contente de prendre ses babioles ouvragées, et lui laisse le bout de corail noir qu’il avait également ramassé pendant sa plongée en paiement de ses services. Bien que percevant l’aura magique entourant cet artefact, ce qui ne manque pas de le mettre mal à l’aise, Jonnson ne peut se résigner à l’abandonner dans la première poubelle venue : en tant que Kharadron, il en va de son honneur, non de son devoir, de tirer profit de ce caillou enchanté.

Il repart donc en direction des quais de Toba Lorchai, mais n’y arrive pas avant que les Idoneth aient lancé leur attaque sur la cité. Les habitants du cru ne se laissent pas faire et ripostent bellement, permettant à Jonnson et son équipage de tirer leur révérence dans la confusion des combats ; une fois la sécurité de la troposphère atteinte, notre héros miraculé reconsidère ses priorités et décide finalement de balancer ses derniers souvenirs d’Aighmar par dessus-bord…

Début spoiler…C’était toute fois sans compter l’arrivée soudaine d’un leviadon et de tout un escadron de créatures marines très à l’aise dans les courants atmosphériques. Malgré l’héroïque résistance que leur oppose l’équipage du dirigeable, les Idoneth n’ont aucun mal à aborder le frêle esquif et à rentrer en possession de leurs biens. Comme Pétra l’explique aimablement à Jonnson avant de lui prendre son âme en dédommagement des préjudices subis, ce que le Kharadron avait pris pour un simple morceau de corail était en fait un éclat du chorrileum d’Aighmar, et contenait une partie des âmes des anciens habitants de l’enclave. Il était donc hors de question de le laisser entre les doigts boudinés d’un Duardin cupide, alors que le reste des artefacts volés par Jonsson n’intéressait ironiquement que très moyennement les Idoneth. Morale de l’histoire : la marée n’est pas prêteuse, c’est là son moindre défaut. Fin spoiler

1 : Il a même l’eauto-radio, c’est dire.

AVIS :

David Guymer nous livre une parfaite introduction aux Idoneth Deepkin avec ‘The Sea Taketh’, mettant en scène de manière inspirée et atmosphérique l’approche particulière que les Aelfs sous-marins ont de la guerre et leurs rapports de semi-ostracie avec le monde de la surface. Le choix de Guymer de raconter cette histoire du point de vue du pillard traqué par les Idoneth permet à ces derniers de conserver leur aura d’étrangeté et s’avère être une décision judicieuse d’un point de vue narratif. J’ai également apprécié le phénomène des « acouphènes marins » qui frappe le héros après son forfait, trouvaille intéressante pour faire comprendre au lecteur que s’éloigner de la côte n’est pas une solution pour échapper à la vengeance des militants Sea Shepherds des Royaumes Mortels. Enfin, il se donne la peine d’intégrer au récit les caractéristiques propres de l’enclave Mor’phann que sont le talent inné de ses Soulrenders pour rescuciter les Namarti, et la brume glacée que les parties de chasse de cette faction invoquent pour fondre sur leurs proies sans se faire repérer, ce qui est une attention touchante pour son lectorat de fluffistes. Une vraie réussite, qui donne envie de se donner sur les autres travaux océaniques de cet auteur, à commencer par son roman ‘The Court of the Blind King’.

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Buyer Beware – G. Thorpe :

INTRIGUE :

Buyer BewareNotre histoire commence par une descente de boardercross Kharadron, qui, comme chacun sait, se court en combinaison intégrale de laine de goret à poils longs de Chamon. Partis à cinq de la ligne de départ, située dans le nid d’une Maw-Crusha en attente d’un heureux événement, seuls quatre Duardin parviennent à boucler la course dans les temps impartis et en un seul morceau. On portera longtemps le deuil de Rogoth (casaque, culotte et barbe jaune poussin), dont les tendances gauchistes lui ont été fatales. Les Nains sont un peuple de (virage à) droite, c’est bien connu.

Parvenus jusqu’à la sécurité – toute relative – de leur vaisseau (Night’s Daughter), le capitaine Karazi ‘Fairgold’ Zaynson et ses acolytes n’ont pas besoin de signaler au reste de l’équipage qu’il serait de bon ton de souquer les aethertibuses, comme on dit à Barak-Mhornar : les rugissements tonitruants et les attaques en piqué de la mère poule dérangée dans sa retraite étant une motivation suffisante. Un tir de mitraille bien senti plus tard, l’affaire est réglée aux torts partagés : une gueule et une épaule chevrotinée pour le Maw-Crusha, ce qui l’oblige à rejoindre le plancher des Squigs, et une méchante estafilade de coque pour la Night’s Daughter. Pas assez pour amener le fier vaisseau par le sol, mais assez pour occuper l’endrineer de bord et son assistant pendant une bonne partie du voyage jusqu’à la destination fixée par Fairgold : un avant poste Orruk où l’attend le deal de sa vie. Car oui, à Age of Sigmar, les Nains et les Orques ne sont pas irrémédiablement et définitivement fâchés, et peuvent (apparemment) faire affaire quand la situation l’exige. En l’état, Fairgold a besoin de renflouer les caisses en exploitant un filon d’aether-or localisé par la tribu peau-verte avec laquelle il a rendez-vous, afin de financer une nouvelle expédition pour localiser l’épave d’un navire familial, le Night’s Gift. Une raison qui en vaut une autre, et se révèle donc assez impérieuse pour justifier les tractations contre nature dans lesquelles le capitaine entraîne ses matelots.

Arrivés à bon port après ne s’être que légèrement écrasés dans la forêt proche du village Orruk (équipage secoué + immobilisation), les Kharadron envoient une délégation réduite négocier l’accord avec la partie adverse, tandis que le reste de l’équipage s’emploie à remettre le châssis en état, sous les ordres de Verna (l’endrineer susnommée). À terre, Fairgold et ses compagnons rencontrent finalement le massif Orgaggarok, chef de la tribu du Poing qui Tombe, qui possède ce qu’ils désirent : une carte localisant l’emplacement précis du gisement d’aether-or convoité, flairé par les pouvoirs surnaturels du Wardancer local1.  Mais en échange, Orgaggarok veut les trois œufs de Maw Crusha que ses invités ont apportés avec eux, ce qu’un négociateur vétéran comme Fairgold ne peut laisser passer sans froncer de la moustache. Après un marchandage vindicatif et énergique, l’accord est sur le point de sans conclure sans le moindre sang versé sur la base de deux filons contre trois œufs, lorsque l’expert en ruralité profonde que le chef Orruk a amené à la table au tronc de négociation, lui hurle dans l’oreille qu’il est en train de se faire avoir comme un bleu. Les taches caractéristiques qui ornent la coquille des œufs montrent en effet de façon formelle que ces derniers viennent des Pics de Fer… qui sont sur le domaine des Poings qui Tombent. Oupsie.

Vendre un bien que l’acheteur possédait déjà étant une pratique universellement condamnée, le dialogue tourne court et les lames sortent des fourreaux (pour ceux qui en ont). Bien que tenus en respect par l’arsenal de leurs visiteurs, les Orruks sont tout prêts à foncer dans le tas pour apprendre les bonnes manières leurs visiteurs, mais l’arrivée de deux catastrophes aériennes coup sur coup va donner à Fairgold et ses matelots la distraction nécessaire pour se sortir de ce guêpier. D’abord, Mama-Crushaw débarque au village, guidé par son instinct maternel infaillible, ou la puce de géolocalisation qu’elle avait placé sur ses œufs (allez savoir, c’est de la high fantasy, je ne serais même pas surpris). Puis, c’est la Night’s Daughter, enfin réparée, qui arrive à son tour, abat pour de bon le lézard volant en rut, défonce la palissade Orruk, et maintient les sauvages en respect assez longtemps pour permettre aux VRP de remonter à bord. Bien entendu, Fairgold a trouvé le moyen de chiper la carte d’Orgaggarok au passage, et tout est bien qui finit donc bien pour nos petits gars et filles. Même mieux que bien, car ils ont gardé le dernier œuf de Maw Crusha pour eux, et que ce dernier vient d’éclore. Et une mascotte pour la Night’s Daughter, une !

1 : Spécialisé dans les souffles (ou pets, si on demande à ce diplomate né de Fairgold) de Mork, nom donné par les Orruks à ce type de filon.

AVIS :

Après des débuts discrets à Age of Sigmar (comparé à sa production soutenue pour Warhammer Fantasy Battle ; 40.000 et l’Hérésie d’Horus), Gav Thorpe signe une petite nouvelle posant tous les jalons d’une suite plus ambitieuse avec ce ‘Buyer Beware’. J’en vux pour preuves la galerie conséquente de personnages qu’il prend le temps de nous présenter, ainsi que les relations particulières qui unissent certains d’entre eux (Fairgold et Verna semblent très proches), mais également la mise en perspective de la quête inlassable de Fairgold pour le Night’s Gift, qui justifie tous les événements narrés dans ce court format. Il est encore trop tôt (au moment où cette chronique est écrite) pour acter de la véracité de cette intuition, d’autant plus que Thorpe a déjà une série de romans sur le feu – ça se passe à Aqshy après tout – pour AoS, avec ‘The Red Feast’ (et sa.es suite.s), mais il y a des signes qui ne trompent pas. Pour le reste, ‘Buyer Beware’ tient assez bien la route, sans originalité folle ni style flamboyant, mais avec un dosage correct d’action et d’humour, et surtout sans les incongruités regrettables dont Gav Thorpe parsème parfois ses soumissions à écrire sans se poser de questions. Qualité naine, dirons-nous.

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Shiprats – C. L. Werner :

INTRIGUE :

ShipratsLa malchance légendaire qui colle à la carène du Dragon de Fer et la peau de son capitaine, le Kharadron Brokrin Ullisson s’abat une nouvelle fois sur le fier navire et son équipage. N’ayant pas trouvé de filon d’aether-or au cours de sa dernière campagne, le navire Duardin s’est résigné à se faire cargo de grain pour au moins rentrer dans ses frais, et a chargé une cargaison de blé dans la ville de Greypeak, qu’il espère vendre à bon prix de retour à Barak-Zilfin. Ce beau projet est toutefois menacé par la présence de passagers clandestins dans la cale du Dragon, une colonie de rats bien décidée à faire bombance sur les stocks des Arkanautes. Entre les petits barbus et les encore plus petits moustachus, il ne saurait y avoir de terrain d’entente, mais que faire pour débarrasser le vaisseau de l’infestation de vermine sans endommager ce dernier ? Alors que Brokrin et ses hommes se trouvent réduits à chasser les importuns à coups de pelle, avec des résultats peu concluants, comme on peut se l’imaginer, une bonne et potentiellement riche idée est soumise : pourquoi ne pas faire un détour par la Lamaserie de Kheitar, dont les moines ont par le passé rendu un fier service aux Kharadrons en débarassant le Dragon de la nuée de crapauds célestes (car apparemment, c’est un aléa climatique assez courant dans les Royaumes Mortels) qui avait élu domicile sur le navire à l’aide d’une fumigation un peu spéciale ? Aussi dit, aussitôt acté, la possibilité de soutirer aux bonzes une de leurs fameuses tapisseries pouvant même permettre d’espérer un profit au trésorier de la petite bande, passablement dépité par le tour pris par les évènements. Après tout, quoi de mieux qu’un lama pour venir à bout d’un rat1 ?

Arrivé sur place, Brokrin emmène une poignée de ses gars à la rencontre des paisibles habitants de Kheitar, dont les ancêtres étaient tellement zens qu’ils ont réussi à apprendre à un démon les bienfaits de la méditation. Brokrin, qui connaît personnellement le grand Lama (Serge), est bien étonné de voir apparaître à la place de son vieux pote un nouveau père supérieur (Bernard), qui a la peine de lui apprendre que Serge n’est pas simplement malade (comme on pouvait s’y attendre), mais a carrément atteint l’illumination en commettant le suicide rituel du tulku, un lent empoisonnement débouchant sur une momification graduelle de l’ascète. Malgré cette triste nouvelle, Bernard se montre particulièrement conciliant avec ses hôtes, acceptant non seulement de procéder à la dératisation demandée (sous réserve que les Duardins permettent aux rats de quitter le navire, car telle est le niveau d’antispécisme des bonzes), mais offrant même à leurs hôtes non pas une, mais cinq de leurs précieuses tapisseries, pour une contribution laissée à la discrétion des bénéficiaires. En celà, Bernard fait une grave erreur car cette générosité excessive ne manque de déclencher l’alerte piège à khon que tous les Kharadrons possèdent dans un coin de leur esprit. Suspectant une entourloupe, Brokrin charge donc un de ses matelots d’escorter les moines tapissiers jusqu’à bon port, tandis que lui et le reste de son khrew acceptent l’offre de Bernard de rendre visite à Serge, qui serait, contre toute évidence, encore vivant. Bernard commet alors sa deuxième boulette (pas aussi grave que celle du Bordeaux – Paris de 93, mais pas loin) : soucieux de faire respecter les traditions non-violentes de Kheitar (où même les démons fument du chichon), il somme ses visiteurs de déposer leurs lames avant d’entrer dans le saint des saints. Toujours un à lire les petites lignes du contrat et à trouver les failles dans les termes et conditions qui lui sont proposés, Brokrin fait remarquer à ses hommes que l’injonction du grand Lama ne couvre pas les armes à feu, et emboîte donc le pas à Bernard toujours armé de sa pétoire.

Un peu plus loin, les mirrifiques carpettes de Kheitar sont entreposées sans heurts dans la cale du Dragon de Fer, sous l’oeil attentif et circonspect d’un rattophobe déclaré, le sergent arquebusier Drumark, dont le paternel a été fauché dans la fleur de l’âge lors d’une bataille contre les Skavens. Souhaitant s’assurer que la vermine qui grignote son grain ne s’attaque pas aux précieux tapis, il laisse remonter ses comparses et attend dans la pénombre de voir comment les choses vont évoluer. Quelle n’est pas sa surprise de voir s’extraire des rouleaux apportés par les bonzes une demi-douzaine d’hommes-rats, qui comptaient sans doute s’infiltrer discrètement dans le navire en attendant de jouer un tour pendable à ses occupants légitimes ! Les plaisanteries les plus courtes étant les moins longues, Drumark a tôt fait de sonner la fin de la rat-cré, l’arsenal Kharadron ayant rapidement raison des manigances skavens. Tout celà n’augure toutefois rien de bon pour Brokrin et ses suivants, qui ne tardent pas non plus à découvrir le pot au rat, à la suite d’une performance misérable du Jeff Panacluc Skaven, un dénommé Kilvolt ayant « jeanmarquisé » le cadavre de Serge. Sommé de révéler au véritable maître de Kheitar les secrets de l’ingénierie Kharadron, Brokrin refuse avec noblesse, et met à profit la bévue de Bernard pour arroser les hommes rats venus à la rescousse de Kilvolt avec du Kharaplomb. L’algarade ne dure cependant pas longtemps, l’arrivée de Drumark et de ses arquebusiers convainquant définitivement les Skavens de la futilité de leur approche. Profitant de l’accalmie, Brokrin et Cie repartent ventre à terre sur le Dragon, non sans avoir pris soin de looter quelques tapisseries supplémentaires en guise de dédommagement. De voleur à vendeur de tapis, il n’y a que peu de choses au fond.

1 : Si vous répondez : un chat, sachez que le félin apporté à bord par les Duardins a fait acte de mutinerie peu de temps après sa prise de fonction. C’est ce qu s’appelle avoir un poil dans la patte.

AVIS :

Accompagnement au roman qu’il a consacré aux plus blindés des Duardins (Corsaires du Dragon de Fer//Overlords of the Iron Dragon), ce Rats de Cale de Werner s’avère être d’une lecture globalement satisfaisante. Notre homme retrouve avec bonheur ses victimes favorites (les Skavens), qu’il gratifie comme à son habitude d’une inventivité et d’une ambition proportionnellement inverse à leur compétence, pour un résultat aussi spectaculaire que dérangeant1. S’il y a un contributeur de la BL qui sait s’y prendre pour donner aux hommes rats leurs lettres de bassesse, c’est bien l’homme au chapeau, et on ne peut que souhaiter que Nottingham lui confie davantage de commandes portant sur les funestes et fumistes machinations des rejetons du Rat Cornu. On appréciera également l’exotisme du propos, la visite guidée de la Lamaserie de Kheitar permettant au lecteur de se remémorer l’immensité des Royaumes Mortels, où la présence d’une communauté de bonzes vénérant un démon du Chaos ayant trouvé la paix intérieure en téléchargeant Petit Bambou sur son portable est tout à fait possible. On peut regretter que l’accent ne soit pas davantage mis sur la culture des protagonistes, abordée assez succinctement à travers la mention des différentes fonctions des membres de l’équipage de l’Ang Drak et du fameux Code des Kharadron (qui sanctuarise les partenaires de commerce équitable, ce qui doit indiquer que les bananes et le chocolat sont tenus en haute estime par le Geldraad), mais que voulez-vous, on ne peut pas tout avoir dans une nouvelle de 25 pages. Le casting très développé des Arkanautes, conséquence logique de leur inclusion dans le roman cité plus haut, est un autre facteur pouvant diminuer (légèrement) le plaisir de lecture, mais, rassurez-vous, savoir qui est qui n’a que peu d’intérêt au final. Le plus important restant bien sûr de souquer les artimuses.

1 : Sérieusement, imaginer la transformation d’un cadavre de bonze en marionnette animée, c’est un coup à faire des cauchemars.

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The Neverspike – D. Hinks :

INTRIGUE :

The NeverspikeTrachos, Lord-Ordinator des Celestial Vindicators, revient en Aqshy après une mission mouvementée dans le sous-monde de Shyish, où il a « égaré » son escorte de Hammers of Sigmar dans quelque échauffourée intolérante avec la population locale, ce dont notre bonhomme semble être coutumier. Sigmar ayant apparemment trouvé d’autres qualités à ce chic type que l’amour de son prochain, la camaraderie et le sens des responsabilités, cette vendetta sanglante n’affecte pas le moins du monde notre héros, qui souhaite simplement faire son rapport à la forteresse la plus proche et repartir concasser de l’hérétique en paix. Cependant, la voix accusatrice qui résonne et raisonne dans sa tête n’est pas d’accord avec sa position bien tranchée sur le sujet, mais cela est le moindre souci de notre héros lorsque sa route le met sur le chemin d’un affrontement peu commun entre un drake pierreux d’Aqshy et un drôle du duo : Gotrek et Maneleth en personne.

Bien qu’étant à première vue convaincu que les deux bipèdes n’ont plus que quelques secondes à vivre face à un monstre à la peau aussi épaisse, Trachos assiste in fine à une slaying masterclass de la part du petit rouquin aussi costaud qu’odoriférant, qui ne tarde pas à remettre de la viande au menu. Peu fréquentable mais tout de même poli, le Stormcast vient saluer les deux voyageurs et apprend de la bouche de l’Aelf qu’il s’agit du sixième drake massacré par Gotrek depuis qu’il s’est mis en tête de localiser le Neverspike, une montagne magique dont la direction peut être connue grâce au savant art de lecture dans les entrailles de draconoïde. Et si le nabot souhaite tant visiter ce lieu à la sinistre réputation, c’est parce qu’il a appris qu’il s’agissait de la prison du Prince d’Améthyste, un héros des temps jadis condamné à une agonie éternelle par ce vieil acariâtre de Nagash.

Tout ceci n’intéresse que moyennement Trachos, mais quand il apprend que Maleneth accompagne Gotrek pour récupérer la rune majeure logée dans la poitrine du Tueur, il décide de participer à son tour à cette opération « recyclage et valorisation », jugeant comme l’Aelf qu’un tel trésor mérite meilleur écrin que le corsage velu d’un ivrogne édenté, et, pire, athée. Car Gogo ne se prive pas pour expliquer à sa nouvelle connaissance à quel point il déteste les dieux, ce qui peut se comprendre quand on comptait sur eux pour s’offrir une mort digne de ce nom et qu’on se retrouve à la place propulsé dans un autre monde de manière totalement gratuite. Cette ouverture d’esprit déplaît bien entendu à Trachos, qui accepte toutefois d’aider le duo mal assorti à rejoindre bon port grâce à ses capacités d’ingénieur arcanique et son matériel de pointe, qui semble beaucoup intéresser Gotrek sans que le méprisant Lord-Ordinator n’y fasse grande attention. Sachant fort bien que la magie de mort baignant le Prince d’Améthyste consumera Gotrek dès qu’il y fera mine d’y planter la hache, Trachos se dit qu’il n’aura qu’à ramasser la rune sur le cadavre du Tueur une fois qu’un regrettable accident lui sera arrivé.

Cependant, le Stormcast Eternal commet l’erreur fatale d’accepter le défi de lever de coude que propose Gotrek lors du bivouac de fin de journée, confiant dans sa physiologie surhumaine pour annuler les effets de l’alcool. Cela aurait sans doute marché avec n’importe qui d’autre, mais on ne couche pas un Tueur (de Bière) comme ça, et Trachos finit par sombrer dans un sommeil hébété, penndant lequel il dévoile à son insu ses sinistres intentions à son compagnon. Lorsque le trio arrive au Neverspike le lendemain et commence à se frayer un passage dans la horde de revenants qui garde la montagne, Gotrek se retourne brusquement contre le félon, et lui subtilise un de ses gadgets pour accomplir son véritable plan…

Début spoiler…Au lieu de chercher à tuer le Prince d’Améthyste, comme Trachos le pensait, Gotrek inverse en effet la polarité des courants éthériques pour transformer la malédiction de Nagash en portail vers Shyish, bannissant tous les morts vivants à la ronde dans l’opération, dont le Prince en question. Car comme il le révèle à Trachos avant que le rideau ne tombe sur notre histoire, sa rancune ne porte pas sur un vulgaire héros de second ordre, mais bien sur Nagash en personne. Et pourquoi se taper des mois de route pour accéder au Grand Nécromancien quand on peut utiliser un raccourci ? C’est donc un retour à la case départ qui échoit à Trachos, aspiré dans le Royaume de la Mort par le vortex ouvert par Gotrek pour son speed run personnel. Il n’est pas toujours bon de fréquenter des VIP…Fin spoiler

AVIS :

Le Tueur le plus et le moins accompli du Monde qui Fut revient aux affaires dans ce très sympathique ‘The Neverspike’, dans lequel Darius Hinks deux éléments capitaux : une bonne contextualisation de ce personnage légendaire de la GW-Fiction, d’une manière très appropriée (une bonne couverture du passif du héros et de ses nouvelles motivations, sans trop d’exposition) d’abord, et un personnnage très intéressant en la figure de Trachos, premier Stormcast Eternal positivement mauvais que nous rencontrons dans le cadre d’une histoire d’Age of Sigmar1. Trachos semble en effet avoir un certain nombre de problèmes psychologiques, ainsi que quelques crimes de guerre sur la conscience, ce qui en fait un protagoniste (?) plus passionnant à suivre que l’immense majorité des good guys en sigmarite que la Black Library nous a refourgués jusqu’ici. On peut le voir comme le chaînon manquant entre les vertueux paladins de Sigmar et les guerriers déchus d’Archaon, et une étape importante dans le cheminement qui finira par nous mener aux Stormcast du Chaos (j’y crois). C’est dommage qu’il semble ne pas survivre à la fin de la nouvelle, mais peut-être refait-il une apparition dans ‘Ghoulslayer’ (dont ‘The Neverspike’ est l’introduction littérale), ce qui donnerait une raison supplémentaire pour partir à la découverte des premières aventures de Gotrek dans des Royaumes d’autant plus mortels du fait de sa présence…

1 : À ma connaissance, qui est loin d’être exhaustive. Mention honorable à ce bon vieux White Reaper, mais je ne l’ai pas vraiment vu en action.

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The Garden of Mortal Delights – R. Rath :

INTRIGUE :

The Garden of Mortal DelightsNotre histoire prend place sur une île de Ghyran, où le seigneur slaaneshi Revish l’Epicurien tient cour et jardin. Contrairement à la majorité de ses collègues cultistes, Revish s’intéresse davantage aux plaisirs de la chère qu’à ceux de la chair, et occupe donc une bonne partie de son temps à se délecter des mets les plus recherchés et exotiques, comme le foie gras d’un homme de foi, ou encore les gariguettes bio dynamiques et permacultivées produites ultra-localement par bouturage sur des Dryades préalablement décapitées. Comme il fallait une petite main verte à notre gourmet pour s’assurer du bon approvisionnement de son garde-manger, et qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même un esclave hautement qualifié, notre Hannibal Lecter med-fan s’est assuré les services, pas vraiment librement consentis, d’une sorcebranche du nom de Wilde Kurdwen, capturée avec ses sœurs étêtées lors d’un raid sur un bosquet mal gardé. Bien qu’il lui en coûte, et qu’écouter les greffons décérébrés de ses congénères réciter en boucle leur jingle de bataille1 lui file un bourdon pas possible, Kurdwen a accepté le CDI gracieusement offert par son geôlier, et lui fourni légumes, fruits et baies de première qualité.

À l’occasion de la punition d’un larbin qui avait eu la mauvaise idée de grignoter quelques mûres ne lui étant pas destinées, Revish accompagne sa jardinière dans un petit tour du propriétaire, qui leur donne l’occasion de discuter des différences philosophiques entre hédonistes et botanistes. Kurdwen en profite également pour présenter à son boss son nouveau projet : la culture de graines âmes, qu’elle voit comme la première étape d’une future alliance entre Slaaneshi et Sylvaneth contre les armées de Nurgle qui ravagent Ghyran. Jouant sur la fibre paternaliste de Revish, elle use de tous ses charmes végétaux pour plaider sa cause auprès de l’Epicurien, qui se montre finalement assez intéressé par cette joint-venture bouture. Cependant, le projet est accueilli avec une froideur palpable par sa girlfiend Sybbolith2, plus intéressée par la quête de Slaanesh que par le reboisement à impact social. Suspectant que l’apathie gloutonne de Revish est le fruit (mouahaha) des minauderies de Kurdwen, Syb’ convainc ce dernier de placer la sorcebranche devant un choix qui lui permettra de juger de sa véritable allégeance : lorsque Revish revient le lendemain, accompagné par quelques guerriers de sa garde personnelle, il demande à la dryade de lui remettre la graine âme expérimentale qu’elle a fait pousser dans son coin, afin qu’il puisse la déguster. Un refus de sa part signifierait que la loyauté de Kurdwen n’est pas aussi absolue qu’elle voulait lui faire croire. Et devant le peu d’enthousiasme manifesté par la semencière à la demande cannibale de Revish, il semble bien que les carottes soient cuites pour la préposée aux espaces verts…

Début spoilerN’ayant guère le choix, Kurdwen remet finalement la précieuse cosse à Revish afin que ce dernier puisse y prendre un croc… qui lui est retourné, à sa grande surprise, par l’occupant de la gousse. Fort mécontente de cette mise au monde prématurée, l’âprelarve qui sommeillait dans la graine âme roule en effet un gros patin mandibulé à Revish, ce qui a pour effet de lui arracher un sourire, et la moitié du visage par la même occasion. Comprenant qu’il a été roulé dans la farine de châtaigne, le nabab navré s’élance à la poursuite de la sorcebranche, qui peut cependant compter sur le soutien d’une petite armée de Dryades, soigneusement cultivées depuis les étrons de Revish (on fait avec ce qu’on a).

Dans la bagarre qui s’en suit, Revish a l’occasion de se dérouiller un peu les haches en abattant les végétaux hostiles ayant envahi son île, perdant au passage la totalité des guerriers (dont Sybbolith, qui fait prudemment retraite sur le continent après avoir croisé le chemin d’un Homme Arbre nouveau-né à l’écorce trop épaisse pour son fouet de dominatrice), avant de se retrouver en face à face avec Kurdwen. Sans doute un peu fatigué par sa session de bûcheronnage intensive, l’hédoniste se fait hameçonner par sa prisonnière sans coup férir, et se retrouve ligoté sur son trône jusqu’à ce que mort s’en suive. Des décennies plus tard, les (sans doute rares) visiteurs de l’île peuvent en effet admirer une armure et un crâne à moitié absorbé par un chêne gigantesque. D’engraisseur à engrais, finalement, il n’y a que quelques lettres…Fin spoiler

1 : La légende raconte qu’il s’agit de la musique d’attente du standard téléphonique d’Alarielle.
2 : Que la traduction française a criminellement choisi de ne pas baptiser Ciboulette. C’était l’occasion pourtant.

AVIS :

Robert Rath réussit son coup, et son entrée dans Age of Sigmar, avec The Garden of Mortal Delights, qui offre au lecteur une exploration intéressante à plus d’un titre des particularités du lore de cette franchise. Mariant à la fois concepts intrigants mais tout à fait dans l’esprit du fluff (les Dryades servant de substrat aux plantations personnelles d’un slaaneshi gourmet) et mise en relief d’aspects développés dans les Battle Tomes mais pas encore trop dans la GW-Fiction (les différents courants de pensée à l’œuvre chez les hédonistes ; Revish étant un Invader – assez casanier sur ses vieux jours – alors que Sybbolith est une Godseeker pur jus), cette nouvelle est une vraie bonne surprise, qui illustre bien le potentiel dont dispose le background des Royaumes Mortels, dès lors qu’il est confié à un auteur inventif et concerné. Prometteur pour Robert Rath, qu’il faudra suivre à l’avenir.

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The Hammer of Immanence – E. Gregory :

INTRIGUE :

Nous retrouvons le très patient Lord Celestant Gardus Steel Soul des Hallowed Knights alors qu’il mène une force d’élite de Stormcast Eternals au secours du Fort Immanence, assiégé par les Ossiarch Boneareapers. Une fois n’est pas coutume, le vétéran blanchi sous le harnais a reçu son briefing directement de la bouche de Sigmar en personne, et la mission n’est pas aussi simple qu’elle en a l’air de prime abord. Bien que les premiers ordres de Steel Soul soient de détruire les catapultes ennemies qui pilonnaient les fortifications sigmarites, il surprend son monde, à commencer par sa Retributor-Prime, Thuna, en n’exploitant pas l’opportunité se présentant à lui de décapiter littéralement l’ost de morts vivants en arrachant le Soulmason commandant l’armée des Ossiarchs de son déambulateur osseux. À la place, il entraîne son petit groupe en direction de la forteresse, où l’attend sa vraie cible.

Cette dernière se trouve être l’Abbesse de Guerre Nawal ib’Ayzah, 80 printemps, toutes ses dents et un caractère bien trempé. Grâce à son commandement inspiré, Fort Immanence a résisté aux assauts de Nagash, bloquant son avance vers la cité de Gravewild et ses riches réserves de nonosses. La victoire semble cependant impossible, ce qui a poussé Sigmar à envoyer son larbin peroxydé (qui a gagné un nouveau super pouvoir après sa dernière Reforge) exfiltrer en douce la matriarche afin qu’elle coordonne les forces de l’Ordre au niveau régional, au lieu de mourir bêtement au combat dans une escarmouche mineure. Petit problème pour Gardus : Nawal refuse catégoriquement cette proposition, semble-t-il à cause d’une rancune persistante qu’elle entretient à l’encontre du boss d’Azyr, qui a envoyé une bande de Hallowed Knights mal dégrossis secourir le monastère où elle était novice pendant son enfance, et qui ont accompli leur mission sans se soucier du moins du monde de la survie des civils qu’ils étaient pourtant sensés défendre. La fin de non recevoir qu’il reçoit ne fait pas l’affaire de notre héros en fer blanc, mais il ne dispose que de peu de temps pour convaincre Nawal de coopérer, les hordes d’Al’akhos (le Stonemason précédemment entrevu) faisant une entrée fracassante dans le fort.

En désespoir de cause, Gardus décide donc de filer un coup de main à son hôtesse, car s’il y a une chose qu’il sait faire mieux que personne, c’est mourir au combat pour la plus grande gloire de Ziggy ! Avant de donner à nouveau de sa personne et de passer par la case Reforge, comme l’intégralité de ses Stormcast Eternals d’ailleurs, le secourable Lord Celestant vient faire échouer le complot ourdi par les lieutenants de Nawal pour… on ne sait pas trop en fait, mais qui passait par le menottage et le face plant de cette dernière sur le carrelage du temple où un Luminark est utilisé par les défenseurs pour… faire pousser leurs légumes. Un usage un peu étonnant d’une ressource aussi précieuse dans un contexte de siège contre un ennemi n’étant guère connu pour sa résistance à la magie lumineuse, mais il est vrai qu’une alimentation variée est très importante tant sur le plan physique que psychologique. Tous les médecins s’accordent là-dessus. Toujours est-il que Gardus met fin à la petite sédition qu’Oron, le Hiérophant senior de Fort Immanence, avait ourdi pour déposer la fanatique Nawal, dont le plan consiste à conjurer une supernova avec le Luminark au moment où les Ossiarch Bonereapers s’empareront de la forteresse, détruisant assaillants et défenseurs dans une glorieuse explosion lumineuse. Seems legit.

Croyez-le ou non, mais c’est ce plan qui finira par être mis en œuvre lorsque les légions squelettiques viendront toquer à la porte du temple où Gardus et Nawal se sont réfugiés. Sigmar montrera à cette occasion qu’il n’est pas aussi mauvais que l’abbesse le pensait, en palliant au décès tragique d’Oron (écrasé par une pierre au pire moment) et envoyant une étoile carboniser Fort Immanence et sa grande banlieue après que nos héros aient récité la liste de ses nombreux épithètes pour le flatter (ou attirer son attention, il est peut-être dur de la feuille). Une fois de plus, la team Gardus s’envole vers d’autres cieux – ceux d’Azyr pour être précis – mais avec le sentiment du devoir accompli.

AVIS :

Gardus Steel Soul fait son retour après avoir servi sous les ordres de l’émérite Josh Reynolds dans la première ère de la GW-Fiction made in AoS, et il n’est malheureusement pas en grande forme. C’est fluff vous me direz, mais c’est surtout pénible à lire, et plutôt surprenant de la part d’Eric Gregory, qui avait montré dans ses précédents travaux dédiés aux Stormcast Eternals qu’il avait pris la mesure de cette faction faussement simple à mettre en scène (‘The Fourfold Wound’).

Pour commencer, l’intrigue est à la fois simpliste et inutilement compliquée, notamment par la convocation de nombreux personnages secondaires dont cette histoire aurait pu se passer pour se concentrer sur Gardus et Nawal. Même leur Némésis calcifiée Al’akhos ne sert pas à grand-chose d’un point de vue narratif, se contentant de diriger ses hordes de constructions osseuses depuis son propre exo-squelette. On a l’impression que toute cette galerie de bons à rien n’a été intégrée au récit que pour permettre à l’auteur d’atteindre son quota de pages, ce qui est toujours une mauvaise idée. Si Nawal tient à peu près la route dans son rôle de grand-mère punk et intraitable, adorant Sigmar avec un salutaire second degré (et jurant comme un charetier, ce qui n’est pas si commun), Gardus en revanche n’est plus que l’ombre du héros contrasté de Josh Reynolds, et apparaît à côté de ses pompes d’un bout à l’autre de la nouvelle. Il se contente d’ailleurs de se faire apprendre la vie par l’inflexible Nawal, et de gueuler sur la pauvre Thuna lorsqu’elle a le malheur d’avoir des intuitions stratégiques tout à fait valables, ce qui est la marque des grands commandants. Je me dois également de mentionner la mini conspiration des sous-fifres de Nawal qui constitue un tel sous-événement dans l’intrigue (alors que cela aurait pu être l’occasion de faire décoller l’histoire) qu’elle est évacuée en l’espace de deux pages, et n’aura finalement aucun impact par la suite.

Enfin, l’indigne deux ex machina qui termine l’histoire est également regrettable, et met le doigt sur une question que le fluff n’a pas encore traité (à ma connaissance) : si Sigmar est tellement interessé par le recrutement des mortels les plus prometteurs pour rejoindre ses armées, et qu’il est le dieu sans pitié que le background dépeint, pourquoi ne se contente-t-il pas de foudroyer directement ses futures recrues, au lieu de gaspiller des ressources précieuses pour les convaincre de rejoindre son service ? Bref, une soumission pataude et très oubliable de la part d’Eric Gregory, qui se reprendra bientôt j’espère.

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Blessed Oblivion – D. Lucas :

INTRIGUE :

Blessed OblivionS’il y a bien une constante dans le monde professionnel, ce sont les effets débilitants et démoralisants que la routine peut avoir sur les travailleurs. Dans le cas, certes assez extrême, de notre héros, le Liberator Klytos de l’ost des Celestial Vindicators, cette routine est littéralement mortelle. Comprendre que le (quasi) quotidien de notre armoire à glace turquoise est de se faire déboîter, éventrer, décapiter, piétiner, empaler, et j’en passe, ce qui le contraint à de fréquents passages sur l’Enclume de l’Apothéose, où il perd à chaque fois des souvenirs de sa vie passée. Et ça, Klytos le vit très mal1. Alors, avant chaque bataille, il passe en revue les éléments – de moins en moins concrets – qu’il lui reste de son existence de mortel : le visage de sa femme et de son bébé, les mains de son père (ou d’un vieux type, il ne sait plus trop). Déployé avec sa cohorte sur une mission humanitaire en Shyish, Klytos n’a pas à attendre longtemps avant d’être à nouveau renvoyé à la case l’enclume départ, après s’être fait ouvrir en deux comme une huître par un Exalted Deathbringer amateur de poésie (et de hache à deux mains).

Etant arrivé devant les Six Forgerons juste au retour de leur pause pipe (je les vois mal fumer autre chose), notre héros bénéficie d’une remise en état expresse, et est renvoyé sur le terrain très rapidement, où il retrouve ses camarades éprouvés mais victorieux. Ayant à nouveau perdu un peu de sa mémoire, il sombre dans une rêverie morose tandis les autres Liberators de son unité se livrent chacun à leurs propres rituels post-traumatiques (grosse ambiance chez les Stormcast Eternals). C’est dans cet état contemplatif que son supérieur, le Liberator-Prime Gracchus le trouve. Après avoir proféré quelques politesses mensongères mais motivantes2, Primo décide que le mieux pour Klytos est d’aller voir là-bas s’il y est, ou « mission de supervision de la sécurisation du périmètre allié », comme on dit à Azyrheim. Envoyé se dérouiller les solerets dans les collines avoisinantes, Kly’ tombe par hasard sur une scène de combat opposant un couple de hipsters à un groupe de beaufs. Classique. Sauf qu’à la place des hipsters, il s’agit en fait d’un bretteur et d’une sorcière Aelfe, le premier n’hésitant pas un instant à donner sa vie pour que la seconde puisse jeter un sort mortel aux importuns, en couchant la plupart. Les survivants, un duo de Skullreapers chaperonné par un Slaughterpriest faucheur, n’ont cependant pas de mal à capturer la donzelle pendant la recharge de son blast, et l’histoire se serait sans doute mal finie pour elle sans l’intervention héroïque de Klytos, qui parvient à occire les deux goons. Malmené par le maxi mini-boss, le Liberator se voit déjà repartir à la reforge, mais est à son tour sauvé par l’intervention de la sorcière, qui fait dévorer le prêtre par des lombrics de lumière. Awesome.

L’ennemi vaincu, les deux vainqueurs socialisent un peu. L’enchanteresse révèle s’appeler Lichis Evermourn, et être en mission secrète pour récupérer une pierre de royaume cachée dans une maison de campagne abandonnée par son couvent dans l’arrière-pays de Shyish. D’abord peu intéressé par la quête de celle qu’il considère avec méfiance après l’avoir vu égorger son malheureux compagnon (malgré le volontariat de ce dernier), Klytos se fait finalement convaincre par Litchi de lui servir de garde du corps, en échange d’une mémoire restaurée grâce à la magie de la pierre en question. Adieu, veau, Vindicators, cochon, couvée, notre héros déserte et s’embarque pour un trek en pays ennemi avec sa nouvelle patronne. Au bout de quelques jours de marche, les deux lascars arrivent en vue d’une bâtisse qui semble abandonnée… mais ne l’est pas tout à fait. Deux honnêtes cambrioleurs sont en effet à pied d’œuvre lorsque Klytos et Lichis arrivent, ce qui ne plait pas du tout à cette dernière, qui les bouledefeu-ise sur le champ afin de s’assurer qu’ils n’ont pas récupérer la précieuse pierre sur un malentendu. Évidemment, cela ne plaît pas vraiment à Klytos, qui, de rage… se débarrasse de son casque. Chacun ses méthodes de gestion de la colère.

Rassurée que le grisbi est toujours à sa place, Lichis entraîne son preux mais plus très motivé chevalier servant en sous-sol, où se trouve une crypte. Klytos réalise, un peu tard, que la sorcière n’est qu’une voleuse de tombes de bas étage, ce qui le rend chafouin, mais ses états d’âme sont remis à plus tard lorsque le gardien des lieux se matérialise après que Lichis ait commencé à incanter pour briser le sceau protégeant la pierre. Confronté au cousin germain de Kedrek, Klytos a bien du mal à se faire respecter du Knight of Shrouds en furie et en voix qui se met à le tataner sévère. Entre deux formules ésotériques, Lichis parvient toutefois à balancer un hack à son palouf de compagnie : « Utilise la Force Foi, andouille ! ». Et le pire dans tout ça, c’est que ça marche. Puisant dans des ressources insoupçonnées, Klytos parvient à aligner suffisamment de 6 sur ses jets de dés pour envoyer Shroudie au tapis. Bien joué gamin. Le gardien vaincu et la pierre du royaume récupérée, tout s’annonce pour le mieux pour notre héros, qui insiste pour que mémoire lui soit rendue, malgré la réticence de Lichis…

Début spoiler…Et pour cause, Klytos ne tarde pas à réaliser qu’il a, en fait, vécu une bonne vie de m*rde. Sa femme s’est fait tuer par un pillard, qui a enlevé sa fille alors qu’elle était bébé. Son père a fait une overdose de chloroquine avariée, et a fini comme un légume sans qu’il ne trouve la force de mettre fin à ses souffrances. Sa mère est morte quand il était jeune, frappé à la tête par le sabot d’une mule grincheuse. Les gens du village d’à côté se sont entre-dévorés lorsque la famine s’est déclarée un hiver. Il a eu plusieurs fois la gastro et s’est souvent cogné le petit orteil sur le coin de son armoire. Ça fait beaucoup. L’épilogue de notre histoire voit Klytos, que cette épiphanie malvenue a plongé dans la folie, ressortir de la crypte et tomber sur une nouvelle bande de brocanteurs opportunistes (ça commence à faire beaucoup), auxquels il demande gentiment de le tuer, sous peine de mort. Confus par cette requête aussi extrême que contradictoire, les pillards décident de battre en retraite, mais pas avant que Klytos le dingue en ait découpé deux pour leur peine. Si seule la mort met fin au devoir, il n’y a plus qu’à espérer qu’elle mette aussi fin à la mémoire, mais rien n’est moins sûr…Fin spoiler

1 : On pourrait arguer qu’il n’avait qu’à être meilleur à son taf’ au lieu de claquer aussi souvent, comme un noob. Ce serait vrai, mais peu charitable.
2 : Gracchus complimente Klytos en lui disant qu’il s’est bien battu ce jour. À moins qu’il ait aussi des problèmes de mémoire, il ne lui aura pas échappé que son protégé s’est fait sortir dans les deux premières minutes de la bataille…

AVIS :

Surfant sur la vague du Stormcast Blues, cette nouvelle introductive de Dale Lucas dépeint avec justesse l’autre côté du masque de bataille des colosses en sigmarite, qui malgré leurs abords stoïques, restent sujets à des doutes et peurs bien humains. Le personnage de Klytos, tenaillé par son devoir envers Sigmar, qu’il vénère par-dessus tout, et son désir – assez légitime – de ne pas perdre tout souvenir de sa vie précédente, offre un mélange complexe de sentiments tourmentés au lecteur, en plus de poser quelques questions intéressantes en matière de fluff (et si l’amnésie progressive des Stormcast Eternals était finalement une bonne chose pour eux ?). À ce rythme là, nous n’aurons guère à attendre avant que la BL ne nous propose des histoires de Stormcast renégats, ou en tout cas émancipés de leur curatelle divine, ce que je suis tout prêt à lire !

Plus sombre et psychologique que la nouvelle Stormcast Eternals classique, Blessed Oblivion a également la bonne idée de mettre en avant une sous-faction assez peu représentée jusqu’ici, les Darkling Covens, et leur rapport pour le moins particulier au concept d’Ordre. Les frictions entre Klytos et Lichis se font ainsi l’écho de l’hétérogénéité des philosophies des différentes cultures que Sigmar et son panthéon ont rallié sous leur bannière, thématique riche de potentiel encore peu explorée par les auteurs de la Black Library, qui ont pour le moment privilégié les coopérations « faciles » dans leurs ouvrages (ceux que j’ai lu en tout cas). Avec autant d’idées pertinentes, et plutôt bien développées, à son actif pour une première soumission, Dale Lucas se positionne naturellement parmi les rookies à suivre de la BL, en espérant que cette dernière poursuive sa collaboration avec cet auteur déjà établi.

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The Serpent’s Bargain – J. Crisalli :

INTRIGUE :

The Serpent's BargainVictime des déprédations classées S (pour salaces) d’une bande de Maraudeurs de Slaanesh, le village de Varna ne doit son salut qu’à l’exploitation raisonnée décrétée par l’économe Seigneur Zertalian. Les pillards partis, pour mieux revenir quelques temps plus tard, les survivants sortent de leur trou (littéralement dans le cas de notre héroïne, la précautionneuse mais pas téméraire Laila) et tiennent conseil sur la marche à suivre. Malgré la position stoïque prônée par les anciens du village, qui préfèrent rester chiller au coin du feu dans l’espoir que les Slaaneshii trouvent une autre cible plus juteuse d’ici à leur prochaine crise d’ennui homicidaire, Laila, qui a déjà perdu son mari sous la lame des psychopathes princiers, est, elle, partisane d’une approche un peu plus proactive. Et pourquoi pas aller demander de l’aide aux Blonds1, ces mystérieux reclus qui vivent dans la vallée d’en face et que les légendes locales décrivent comme des adversaires acharnés du Chaos, et en particulier de ces margoulins dépravés d’Hédonistes ? Il paraîtrait même que ces gais lurons volent à la rescousse de ceux qui luttent contre de tels ennemis, ce qui est précisément le cas de nos Varnites.

Devant la réaction mitigée que sa proposition suscite auprès du conseil gériatrique du village, Laila décide de faire profil bas, mais n’en résout pas moins d’aller tenter sa chance auprès des Blonds, entraînant avec elle un vieux pote chasseur de niveau 3 (Stefen) et un lancier mercenaire gras du bide mais au pied léger (Ano). Le trio trace la route vers la blonde vallée, bravant pour ce faire le décret de confinement édicté par les anciens, et finit par arriver à bon port, n’ayant perdu qu’un seul de leur membre (Ano le stalker) en chemin. Faisant face à un temple décoré de moultes statues de donzelles en string et en rogne, les deux survivants commencent à douter du caractère véridique de leurs légendes, mais il est trop tard pour faire demi-tour,  et l’entrée du temple étant gratuit pour les filles et interdite pour les mecs, c’est seule que Laila pénètre à l’intérieur. Laissant prudemment le chaudron rempli de serpents à bonne distance, elle marche jusqu’à un petit jardin intérieur, où elle fait la connaissance de Cesse, jardinière manifestement elfique qui consent à écouter la doléance de son invitée. S’en suit une petite négociation, à l’issue de laquelle Cesse accepte d’aller combattre les Slaaneshii, qu’elle et le reste de ses Blondes détestent véritablement, en échange d’un paiement en sang de la part des humains. C’est alors que Laila révéle sa propre blonditude, croyant bêtement que la petite coupure qu’elle hérite pour sceller le pacte consiste en sa part du paiement en totalité. Aha. La cruche. Elle aurait ouvert un Battle Tome Daughters of Khaine, ou même eu la moindre notion en elfenoirologie qu’elle aurait compris qu’elle venait de se faire carroter dans les grandes largeurs. Les dangers de l’ignorance. Bref.

Ressortant du temple, Laila découvre avec effroi une flèche brisée et une flaque de sang là où elle avait laissé son chasseur de compagnie, et en conclut que ce dernier n’a pas fait de vieux os. Parvenant malgré tout à revenir jusqu’à Varna, elle relate son périple à ses concitoyens, s’attirant un regard lourd de reproches de la part des vieux de la vieille, qui se doutent bien que le marché passé avec les Blondes a de grandes chances de ne pas se résoudre en faveur des péquenauds. Avec raison. En effet, lorsque les scions de Zertalian décident de refaire une virée pillarde et paillarde en ville, ils ont beau se faire promptement méduser par Cesse et ses groupies, cette dernière demande ensuite que le tribut de sang leur soit remis. Incompréhension, puis mauvaise foi de la part de Laila, qui ne trouve pas ça très charlie. Qu’importe, un marché est un marché, et les Varnites ne sont de toute façon pas en mesure d’empêcher les Fifilles de Kékhaine de prendre leur dû, soit les faibles du village. Comme l’explique doctement Cesse à une Laila qu’elle précipité du haut du mur d’enceinte pour lui apprendre à mal lui parler, il n’y a qu’en supprimant les faibles que les forts pourront survivre, et il s’agit d’une mission de service public, vraiment. Cela ne convainc pas vraiment Laila, qui finit la nouvelle en pleurant comme une madeleine sur sa propre stupidité. Moralité : si les hommes préfèrent les blondes, la réciproque n’est pas toujours vraie.

1 : Fair Ones en VO. Ce qui peut se traduire par les Beaux, également. Voyez-y un hommage à Gad Elmaleh, ou à son inspirateur.

AVIS :

Retour mi-figue mi-raisin pour Jamie Crisalli, qui ne retrouve pas avec ce The Serpent’s Bargain la recette du succès de sa première soumission pour Inferno!. La faute à une intrigue cousue de fil blanc (le marché léonin conclu par un héros ignorant avec des « alliés » pas si sympathiques que cela), exploitée par d’innombrables auteurs dans autant d’ouvrages avant que Crisalli ne revisite à nouveau ce classique des classiques. Si son choix de ne pas faire de la révélation de la fourberie des Blondes le twist final de sa nouvelle est compréhensible, l’absence d’éléments venant enrichir l’intrigue et le déroulé du récit l’est moins. À titre personnel, j’aurais bien aimé que l’auteur passe plus de temps à justifier le positionnement des Filles de Khaine, et pourquoi leur mission d’épuration des faibles leur tient tellement à cœur (ce que Crisalli fait en quelques lignes en fin de nouvelle), ce qui aurait apporté un contrepoint bienvenu à la vision « gentillesque » autant qu’horrifiée de Laila. Je n’ai pas non plus compris ce que Crisalli voulait accomplir avec les personnages de Stefen et Ano, dont la relative importance dans le récit ne débouche sur pas grand-chose. Coup de moins bien, donc. Espérons qu’il ne soit que temporaire.

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Ghastlight – A. Stephens :

INTRIGUE :

Le Dread Pageant s’est semble-t-il lassé de torturer Beastgrave en laissant toutes ses victimes à 0.1 PV pour empêcher la montagne consciente de se nourrir de la mort, même temporaire, de ses squatteurs1. Désormais guidés par les visions géniales de leur leader suprême Vasillac et les lumières spectroscopiques (ghastlights) émises par Uhl-Gysh, où se trouve la légendaire cité de Shadespire, les quêquêtteurs de Slaanesh cherchent à accéder à la ville maudite en empruntant une fissure de Royaume, par manque de qualificatif plus probant. C’est en effet là que Vasillac pense trouver le légendaire Livre de Slaanesh, réputé contenir tous les sales secrets de la divinité AWOL, à commencer par sa géolocalisation exacte. Une motivation comme une autre.

Ayant rapidement expédiés ad patres une bande de Skavens de bas niveau, et fait un prisonnier (Ytash, et son stash) que Vasillac veut utiliser comme monnaie de passage au péage interdimensionnel, les DP passent beaucoup de temps à s’engueuler, un peu moins à se rabibocher (cruelle galoche entre Glissete et son harceleur de boss à l’appui), et des lustres à faire de la randonnée jusqu’à l’origine du monde Royaume, emplacement de la faille magique qui leur permettra de changer de niveau. Pendant qu’elle marche vers sa destinée, Glissete a le temps de réfléchir sur sa situation personnelle, professionnelle et spirituelle, qui ont toutes trois beaucoup progressé depuis son arrivée à Beastgrave, à son pas du tout humble avis. Certes, elle ne peut pas blairer le Slaangor Slakeslash, qu’elle trouve de plus en plus incontrôlable, ne s’est jamais entendu avec l’archer Hadzu, et a mal vécu sa rupture avec Vasillac, mais comme on dit chez les Hédonites : qu’importe l’émotion tant qu’il y a l’excès. Et à ce compte là, son expérience troglodyte s’est montrée particulièrement riche.

Ces puissantes ruminations finissent par être salutairement interrompues par la rencontre fortuite avec une vingtaine d’Ironjaws, poussant les Slaaneshi à une retraite prudente. Bien que poursuivis par une meute d’Orruks plus costauds et plus nombreux qu’eux, nos héros trouvent tout de même le temps de faire des pauses méditations au milieu des couloirs, et même de se battre à mort entre eux. En effet, Glissete a surpris Slakeslash à faire une danse de la victoire de Fortnite au dessus de la forme avachie de Vasillac, et a logiquement conclu à une nouvelle crise de la vache folle. L’euthanasie du cheptel n’a cependant pas été du goût du Seignuer de Slaanesh, qui était simplement en train de faire une projection astrale pour trouver son chemin, et a failli mourir lorsque son garde du corps s’est mis à lui meugler dans les oreilles après avoir pris un coup de glaive dans les faux filets. Une bête méprise.

Punie de sa prise d’initiative désatreuse, Glissete est envoyée récupérer Hadzu et Ytash en queue de peloton. Après quelques péripéties mineures, toute la bande finit enfin par arriver devant la faille tant recherchée, et qui se trouve gardée par des morts vivants peu conciliants. À Age of Sigmar comme dans le monde réel, les migrants ne sont jamais bien accueillis par les locaux. La situation précaire tourne au totalement bordelique lorsque les Ironjaws finissent par faire leur retard et se jeter dans la mêlée : en même temps, Warhammer Underworlds n’est pas pensé pour des affrontements à trois joueurs, what did you expect. Profitant de la confusion, Vasillac sacrifie en 2-2 Ytash, se lave les mains dans le sang du Skaven et passe de l’autre côté du miroir, rapidement suivi par le reste de sa bande. Il aura fallu attendre la dernière page de la dernière nouvelle de ‘Direchasm’, mais il s’est enfin produit quelque chose de non-scripté dans ce recueil ! Le champagne attendra ceci dit, car comme dit le proverbe, il en restait encore plein de là où il en venait, c’est-à-dire des morts vivants patibulaires et Shadespire. L’intégration des nouveaux venus ne va pas être une partie de plaisir…

1 : Se référer à ‘The Mountain’s Call’ (Graeme Lyon).

AVIS :

Je suis partagé sur ce ‘Ghastlight’, que j’ai trouvé être assez vide pour une nouvelle de 23 pages, les déambulations et ressentiments de Glissete, personnage principal de l’histoire, formant la majeure partie de cette dernière. Autre déception : l’absence manifeste de continu entre la nouvelle de Lyon et celle-ci, alors qu’il aurait été très sympa et relativement simple pour la BL de lier, même à la marge, ces deux histoires. D’un autre côté, Anna Stephens réussit bien à retranscrire la philosophie particulière des Hédonites, qui font feu de tout bois pour nourrir leur excessivité naturelle, et (d)ébauche des relations intéressantes entre les différents membres de la bande, en particulier Vasillac et sa sous-fifre/ex. Le portrait d’Ytash, le Skaven otage, est à mon sens bien moins réussi, car le raton fait vraiment trop humain dès qu’il ouvre la bouche (on notera qu’il respawn immédiatement dans Shadespire à la fin de la nouvelle, malgré avoir été sacrifié à Beastgrave : phénomène physique intéressant que des générations de fluffistes ne manqueront pas d’analyser). Deux point positifs additionnels pour terminer : un détail fluff qui mérite la mention à défaut du détour (le Livre de Slaanesh), et une fin à suspens qui donne envie de connaître la suite de la saga des Dread Pageant. J’ai peu d’espoir à ce sujet, mais qui vivra verra (et qui mourra renaîtra, ce qui revient au même finalement).

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The Siege of Greenspire – A. Stephens :

INTRIGUE :

The Siege of GreenspireAmbiance tendue dans la tour de guet de Greenspire, dirigée par la Capitaine vétéran Brida Devholm. Éprouvée par des accrochages de plus en plus fréquents avec les mutants et les Tzaangors hantant le Hexwood, sa garnison est en sous-effectif, et les nouvelles recrues qui lui ont affectée en renfort ne se montrent guère à la hauteur des espérances de l’officier. En témoignent les maladresses de Kende, un paysan fraîchement reconverti dans les choses militaires, et qui commence la nouvelle en fracassant un tonneau de poudre noire sur le sol, avant d’être pris en train de roupiller à son poste quelques heures plus tard en compagnie d’une autre novice, Raella. Fort heureusement, Brida peut également compter sur la compétence et le dévouement de ses frères d’armes, à commencer par ceux de son second, le Lieutenant Duardin Drigg, et du Sergent Brock, tout juste revenu d’une mission d’approvisionnement l’ayant mené à Fort Gardus. Chargeant chacun de la supervision d’un des pioupious mal dégourdis, elle organise avec une anxiété croissance la préparation de Greenspire à une nouvelle attaque chaotique, qui ne saurait malheureusement tarder.

Les choses prennent un tour encore plus sombre lorsque Drigg découvre à la faveur d’un contrôle de routine que l’un des canons de la tour a été saboté. Un peu plus tard dans la même journée, ce sont les cas de gastro-entérite aiguë qui se multiplient, reléguant une bonne partie de la garnison aux toilettes de l’infirmerie. La nature suspicieuse de Brida ne met pas longtemps à la convaincre qu’un traître est à l’oeuvre à l’intérieur de la tour, mais le temps lui manque pour effectuer une enquête poussée: la vigie signale en effet l’arrivée d’une horde d’emplumés, qu’il s’agit de repousser bellement avant que justice ne puisse être rendue. Malheureusement pour la milice de la Justice de la Dame, l’agent double n’a pas chômé, et ils découvrent bientôt que la totalité de leur stock de poudre est impropre à l’utilisation, tandis que le feu d’alerte au sommet de Greenspire refuse obstinément de passer au rouge (c’est bien la première fois que quelqu’un s’en plaint), et ainsi de signaler aux tours voisines la situation périlleuse dans laquelle Brida et ses hommes se trouvent. Les soupçons de cette dernière se portant sur ce bon à rien de Kende, ainsi que sur la préposée aux canons Orla, dont les agissements au cours des dernières heures lui apparaissent comme hautement suspects, la Capitaine ordonne à Brock de les placer en détention le temps que l’attaque soit repoussée, si elle peut encore l’être…

Début spoilerPrivés de la puissance de feu de leurs canons et arquebuses, les défenseurs ont toutefois les pires difficultés à calmer les ardeurs homicidaires de la ménagerie de Tzeentch, qui commence à escalader les murs avec abandon. Cette situation précaire est irrémédiablement compromise lorsque Brock, qui se révèle être le traître (son petit aller retour en solo sur les routes de campagne de Ghyran ne lui ayant pas porté chance), ouvre les portes de la tour aux assaillants, avant de se faire empaler par un magnifique jet de lance de sa boss. Bien que le mal soit fait, ce javelot cathartique permet au moins au feu alchimique de la tour de passer au rouge, le sort de greenwashing lancé par Brock sur la flamme s’interrompant avec sa mort. Comprenant sa méprise, Brida rallie les survivants pour un confinement héroïque au premier étage de Greenspire, et profite d’une bévue stratégique de la part des Hommes Bêtes pour leur clouer le bec d’une façon définitive, en concoctant une bombe artisanale coupée à la farine avec ses stocks de poudre impropres à la consommation. L’explosion fait un carnage chez les Tzaangors et leurs animaux de compagnie, qui battent en retraite de façon chaotique (c’est fluff), permettant à Brida et ses troupes de reprendre possession de leurs pénates.

Lorsque la cavalerie l’infanterie finit par arriver, la bataille est déjà remportée, laissant un goût amer à Brida du fait de la trahison d’un frère d’armes de vingt ans, dont la dernière infamie a été d’exécuter Kende et Orla au lieu de les emprisonner au moment de l’attaque. Moralité: ne jamais se séparer en groupes de un (depuis le temps qu’on vous le dit!), c’est vraiment contre-productif. Les états d’âme de la Capitaine sont toutefois rapidement remisés au second plan, car, une à une, toutes les tours voisines de Greenspire déclenchent leurs feux de warning, signe d’une attaque massive et coordonnée sur la Ligne Émeraude. Le Gondor appelle à l’aide! Ou quelque chose comme ça…Fin spoiler

AVIS :

Début satisfaisant (c’était au moment de sa publication sa première nouvelle pour la BL) de la part d’Anna Stephens, qui choisit pour l’occasion de disserter autour de thèmes classiques de ce genre de littérature: le dernier carré épique d’un petit groupe de héros et la présence d’un traître parmi ce même groupe de gens de bonnes mœurs. Mission remplie sur les deux tableaux, même si la brièveté de la nouvelle se ressent sur l’une et l’autre des dimensions narratives choisies: la bombe F (comme farine) concocté par Brida et Cie s’avère d’une efficacité redoutable, tout comme la culpabilité de Brock crèvera les yeux du lecteur familier des romans policiers. En 17 pages, difficile de faire mieux (c’est à dire plus complexe), et quand on compare The Siege of Greenspire à From the Deep, autre récit inaugural d’une auteur bien établie mettant en scène la défense par l’Ordre de ses terres (ou mers) devant l’attaque d’armées chaotiques, on se dit que l’on a définitivement gagné au change. On notera également la fin à suspens dont Stephens gratifie son récit, qui débouchera peut-être sur d’autres textes détaillant ce qui semble être un assaut de grande ampleur des Bêtes du Chaos sur Hammerhal-Ghyra. C’est osé pour une première soumission, mais après tout, les éditeurs de la BL ont laissé faire, donc pourquoi pas…

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The Gossip of Ravens – D. Annandale :

INTRIGUE :

Le seigneur Raglev règne sur la petite ville de Darkhail, située dans le royaume de Nulahmia, fief de Nefarata. Il a deux passions dans la vie : écrire des bouquins de stratégie qu’il trouve géniaux mais dont il est le seul lecteur, et convaincre ses proches qu’il est plus malin que la Mortarque du Sang, qu’il « utilise » à ses dires pour se débarrasser de ses rivaux en lui envoyant en paiement de sa dîme de vassal. Cette confession satisfaite, qu’il fait à sa fille unique Kyra alors qu’une colonne de prisonniers part pour Neferatown, ne va pas tarder à se retourner contre lui car son héritière a, elle, un respect sincère pour la reine vampirique. De plus, les nuées de corbeaux que cette dernière utilise comme espions étaient de sortie au dessus de Darkhail ce jour là, ce qui n’augure rien de bon pour le noble « félon »1.

Le soir même en effet, Raglev ne peut que constater la disparition surnaturelle de Kyra, emportée par un tunnel de corbeaux (concept) alors qu’elle semblait sous le coup d’un envoûtement, en direction du nord de son domaine. Bien que la nuit soit noire (et pleine de terreurs), Rag’ n’hésite pas un instant à rassembler une troupe de cavaliers pour secourir sa fille, dont il a absolument besoin pour perpétuer sa dynastie et convaincre ses descendants qu’il était un Machiavel en puissance. Et peut-être, peut-être, qu’il l’aime un peu, aussi. Après quelques heures de chevauchée, les secouristes arrivent devant la tour de Greymourn, abandonnée depuis des lustres et de sinistre réputation. Il serait étrange que Kyra s’y trouve mais comme cette dernière a mentionné ce nom de manière totalement random quelques heures plus tôt, ce ne serait pas non plus totalement farfelu. D’ailleurs, une silhouette ressemblant fort à la jeune femme apparaît fugitivement à la fenêtre du donjon alors que les cavaliers se rapprochent, faisant renaître l’espoir du côté de Raglev.

S’étant aventuré dans l’édifice en compagnie de son capitaine des gardes après une ouverture de la voie nord via coinceurs (la porte a été construite à dix mètres du sol, c’est pratique), notre héros se retrouve dans une reconstitution glauque et jonchée de cadavres de sa salle du trône, redécorée avec des instruments de torture divers et variés. Et ce n’est pas Kyra qui l’attendait, mais un amalgame nécromantique lui ressemblant vaguement, et qui boulotte goulûment le sidekick de Raglev pendant que lui s’enfuit piteusement et retourne dare dare à Darkhail.

Cependant, alors que le jour se lève sur la ville, le noble aperçoit sa fille qui l’attend sur le balcon de sa forteresse. Il semblerait qu’une bonne âme l’ait trouvée et ramenée à son vieux père, ce qui est un acte bien charitable, et la preuve que les Shyishois ne sont pas aussi froids et égoïstes qu’on le raconte…

Début spoiler…Manque de bol pour Raglev, le bon samaritain en question n’est autre que Nefarata, qui n’est pas venue seule. Sa garde de chevaliers noirs d’élite a pris possession de la cité sans coup férir, et si le noble déchu est autorisé à se rendre dans la salle du trône où l’attendent Kyra (transformée en vampire par Neferata en récompense de sa délation par corbeaux interposés) et sa suzeraine, ce n’est pas pour être réprimandé, mais puni avec une dureté toute immortelle. La Mortaque de Sang donne ainsi le Baiser du même ordre à son vassal comploteur, avant de l’emmurer dans la tour de Greymourn où il passera sa non-vie à expérimenter une abstinence stricte. Le crime de bitch majesté est puni très sévèrement à Nulahmia, et je ne peux pas prétendre que cela me surprenne plus que ça…Fin spoiler

1 : J’utilise des guillemets car le bonhomme ne semble pas avoir commis d’autre forfait que de considérer qu’il était très malin d’envoyer ses ennemis politiques donner leur sang à Nulahmia, ce qui n’est pas une forfaiture impardonnable. Plutôt une alliance entre l’utile et l’agréable.

AVIS :

Petite histoire oscillant entre accompagnement sans prétention des romans ‘Mortarch of Blood’ et ‘The Dominion of Bones’ et la gamme Warhammer Horror (dont David Annandale est l’un des plus gros contributeurs au sein de la Black Library), ‘The Gossip of Ravens’ met plus l’accent sur le caractère impitoyable de Nefarata que sur ses talents de stratège et de manipulatrice, ce qui est dommage car c’est bien cela qui caractérise ce personnage. Peut-être que cette soumission prendra une autre dimension si on recroise ses protagonistes dans la saga de l’ex Lahmiane, mais prise séparément, il n’y a pas de quoi s’enthousiasmer pour cette nouvelle assez fade.

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Last of the Braskovs – C. L. Werner :

INTRIGUE :

Le retour au bercail est compliqué pour la Capitaine Emelda Braskov, descendante d’une famille noble de la cité de Mournhold, en Shyish, et fraîchement démobilisée de l’armée où elle avait servi pendant quelques années. D’une, sa ville natale a été renommée Ulfenkarn pendant son absence, ce qui fait toujours un coup au moral (demandez aux habitants de Ploubalay pour voir). De deux, ladite ville, déjà peu riante à la base du fait de son exposition permanente à la météo capricieuse propre à la côte du Royaume de la Mort (c’est pas pour rien qu’on dit qu’il fait un temps de shyishien), est devenue carrément lugubre depuis que le vampire connu sous le nom de Radukar le Loup s’est autoproclamé maître de la cité. De trois, le règne brutal et anarchique de Radukar a eu un impact désastreux tant sur les habitants que les bâtiments de Mournhold/Ulfenkarn, les premiers étant réduits à la condition de donneur de sang quotidiens, les seconds tombant en ruines dans l’indifférence la plus totale du service de la voirie (#RavageUlfenkarn) et servant de repaire à une faune aussi bigarrée qu’affamée. Bref, c’est la zone.

Cela n’empêche pourtant pas notre intrépide – la plupart du temps, elle a des coups de mou de ci de là – héroïne de tenter d’aller visiter le manoir de sa dynastie, afin de se remémorer le bon vieux temps. Bien qu’elle ait laissé à son départ en croisade un vieux père (Varislaus) et une ribambelle de frères en la demeure, il semble qu’elle soit de fait la dernière des Braskov, Radukar ayant une grosse dent, et pas une molaire, contre la vieille noblesse locale. Coup de chance pour la revenante (mouahaha), elle peut compter sur le coup de main d’un ancien camarade de service militaire, le prêtre de Sigmar Grigori, qui était là quand la transition a été effectuée d’une administration à la suivante, et connaît donc Ulfenkarn et ses dangers comme sa poche. S’étant faite presque gauler par la patrouille lors de sa visite à Grigori, réalisée après le couvrefeu et donc punissable de mort par le service d’ordre squelettique mis en place par Radukar, Emelda ne dit pas non à une visite guidée dans les vieux quartiers de la ville, où se trouve le manoir des Braskov.

Grigori connaît un raccourci, qui a l’avantage et l’inconvénient de passer à proximité de l’antre d’un nécrolique, charmante bestiole dont le regard pétrifie ses victimes, ce qui décourage les visites de courtoisie. L’odorat développé de ce gros lézard peut toutefois être retourné contre lui, et si une racine particulière est placée devant sa grotte, il ne pourra pas en sortir avant que l’odeur s’en estompte, ce que ce finaud de Grigori compte bien faire. Juste après avoir déposé le pot pourri sur le paillasson du monstre, le duo de touristes croise la route d’un honnête pillard de ruines, qui pour son malheur revient de la villa Braskov et s’attire donc l’antipathie immédiate d’Emelda. Si le malotru (Vladislav) parvient à s’enfuir sans demander son reste, il a le temps de jeter un vieux doute dans l’esprit de notre farouche guerrière, en lui révélant que son vieux père a accepté le Baiser de Sang de Radukar et a rejoint sa Cour Assoiffée, ce que Grigori ne lui avait pas indiqué, pour ne pas la froisser. Quel gentleman, tout de même.

Et en effet, lorsque les deux randonneurs de l’extrême arrivent à bon port, Emelda a la douleur de constater que c’est bien un vampire qui joue (mal) de l’orgue dans le petit salon de la demeure, comme son père avait l’habitude de le faire de son vivant. Les retrouvailles entre Braskov se passent bien, papa usant de son charme envoûtant pour hypnotiser sa fille et lui passer sa MST (Malédiction Sanguinement Transmissible)… enfin presque. Ce butor de Grigori intervient au dernier moment et dégaine un talisman de Sigmar à lumière stroboscopique, ce qui incapacite le vampire et ses zombies de compagnie suffisamment longtemps pour que leurs invités puissent s’échapper à toutes jambes. Le karma ne tarde cependant pas à punir le prêtre indélicat, puisqu’il se fait changer en pierre lorsque le duo fait une pose à proximité de l’antre du nécrolique. Rien à voir avec la fraîcheur de la racine chauve-souris que Grigori avait utilisé pour bloquer la sortie du monstre : c’est ce fieffé coquin de Vladislav qui a jugé marrant de prendre la racine avec lui alors qu’il repartait en ville pour faire les pieds à ces empêcheurs de looter en rond. Emelda aurait connu le même sort que son ami n’eut été l’état déplorable des ruines dans lesquelles le nécrolique s’est établi, qui s’effondrent sur la tête du lézard pétrificateur à la première poussée de Miss Braskov, le faisant passer de mort-vivant à mort tout court. Qui vit par la pierre périt par la pierre, comme dit le proverbe.

C’est maintenant au tour d’Emelda de se venger, et elle ramène un Vladislav toujours aussi peu coopératif jusqu’au manoir familial afin de vérifier l’information qu’il lui a donné pour qu’elle épargne sa vie lorsqu’elle lui est tombée dessus alors qu’il se soulait tranquillement dans un des derniers bars respectables d’Ulfenkarn : l’emplacement du cercueil de Vratislaus. En fille modèle, Emie ne peut en effet laisser son paternel dans l’état déplorable dans lequel il se trouve, et souhaite le surprendre au saut du lit pour lui faire don d’un pieu dans le cœur, ou quelque chose comme ça. On ne saura cependant jamais si le tuyau de Vlad était percé ou pas, le muffle tentant encore une fois de se carapater sur le chemin du manoir, mais croisant cette fois la route d’un Vargskyr affamé, avec des résultats… définitifs.

Désertée par tous ses camarades masculins, Emelda se retrousse les manches et provoque une seconde réunion de famille, interrompant à nouveau son père qui jouait (mal) du Richard Clayderman sur son clavier Bontempi. Motivée par le spectacle de la dernière victime des appétits sanguins Vratislaus et par le grigri de Grigori qu’elle a pris soin de prendre avec elle (et de recharger avec des piles neuves), Emelda refuse à nouveau les avances de promotion jugulaire de son papounet, et le poursuit en hurlant « viens ici que je te bute, sale enc*lé » à travers toutes les pièces du manoir. Car Vlatislaus Braskov déteste apparemment le conflit à un tel point qu’il préfère s’enfuir à toutes jambes plutôt que d’affronter une simple mortelle équippée d’un bracelet néon. La lose. Au bout d’une calvacade assez longue, Emelda finit pourtant par localiser l’endroit où son père a caché son cercueil, et balance le talisman répulsif à l’intérieur, empêchant Vlatislaus de repasser par la case départ et de toucher 10.000 €. Avec le jour qui se lève, et son oubli tragique de fermer les volets de la bibliothèque où il a installé son fat boy, le vampire se retrouve bien embêté : certes, il peut maintenant porter la main sur son effrontée de fille, maintenant qu’elle n’a plus son talisman sigmarite sur elle, mais il ne peut pas la forcer à enlever ce dernier de son caisson d’isolation, ce qui n’arrange pas ses affaires. Profitant de la confusion de son buvard daddy, Emelda lui tranche la tête d’un coup d’épée, devenant officiellement la dernière des Braskov, et se dégageant du temps pour aller régler ses comptes avec ce triste sire de Radukar. On lance une petite partie ?

AVIS :

Elevé au rang d’auteur officiel de la boîte de jeu Cursed City, C. L. Werner donne à l’un des héros de cette dernière un historique plus détaillé que la page de fluff du livret de règles, et c’est tout à son honneur. En matière d’introduction à l’histoire et à l’ambiance propres à Ulfenkarn, cet auteur vétéran fait tout à fait le job, présentant la cité mort-vivante, ses dangers et même sa faune de manière experte et captivante. Cela donne envie de s’acheter le jeu pour commencer une partie, et je pense que c’était l’objectif poursuivi par la BL lorsqu’elle a mandaté l’homme au chapeau pour écrire cette nouvelle, donc well done, Herr Werner. Je l’ai par contre connu plus inspiré que ça en tant que scénariste, la mini-quête nostalgico-parricide d’Emelda Braskov semblant tirée tout droit d’un script de jeu vidéo pas très bien foutu, à force d’errements caractériels de la demoiselle (qui oscille entre courage et peur, volonté et renoncement, selon ce qui arrange le plus le scénario), aller-retours entre les mêmes lieux (l’antre du necrolisque, le manoir familial), et autres fluctuations suspectes du niveau de menace posé par son paternel (un être aussi rapide et fort qu’un vampire ne devrait être forcé à la fuite par une simple humaine portant un talisman de Sigmar…). Au final, c’est une sympathique descente dans les bas fonds pittoresques d’Ulfenkarn, mais loin d’être le meilleur de ce que C. L. Werner peut nous proposer.

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Strong Bones – M. R. Fletcher :

INTRIGUE :

Strong BonesJeunes Ogors idéalistes (un peu) et affamés (beaucoup), Stugkor – Stug pour les intimes et les moins dégourdis, ce qui va assez souvent ensemble chez les ogres – , Chidder et Algok décident de fuguer de leur tribu. Le but de cette manifestation, somme toute assez classique du mal-être adolescent et de la remise en cause de l’autorité établie qui va avec, est simple : trouver un campement humain dans lequel se servir directement, la consommation des restes rapportés par les vrais chasseurs du clan ne suffisant plus à nos rebelles. Aussitôt dit, aussitôt fait : le trio enfourche ses scooters débridés Ferox et part à travers la taïga hivernale, à la recherche d’une proie digne de lui. Las, les vastes étendues et la faible densité démographique de cette partie de Ghur ont tôt fait d’épuiser l’enthousiasme juvénile des teen-agers, qui peinent dans la neige et le froid pendant quelques jours avant de tomber sur le village qu’ils appelaient de leurs vœux (et de leur estomac).

Manque de chance, Stug et Cie ont été devancé par une armée de constructions squelettiques, affairées à dépecer les cadavres de leurs victimes, dans le but de récupérer les os de ces dernières. Un comportement à la limite du sacrilège pour nos Ogors affamés, qui ne comprennent pas pourquoi les morts-vivants jettent de la viande de premier choix pour se concentrer sur les parties dures des cadavres. Il y a certes de la savoureuse moelle à l’intérieur, mais tout de même ! Leurs savantes supputations sont toutefois interrompues lorsque le Soulreaper en charge de l’opération de tri et de collecte, pose son regard perçant sur les badauds bedonnants, et envoie l’un de ses Deathriders kavaler aux alentours. Confiants dans leur capacité de règler son compte au scout ossu, les Ogors piquent des deux et contre-chargent, pour des résultats assez dramatiques. Le Kavalos n’a en effet aucun mal à coup-fataler les Ferox de la fine équipe, ne laissant que Stug en état de se battre après que ses comparses aient raté le test de terrain dangereux consécutif à leur désarçonnage. Et, si l’intraitable squelette finit en esquilles, ce n’est pas sans avoir gravement blessé notre héros, et l’avoir complimenté sur sa solide ossature (ce qui revient sans doute à une déclaration d’amour lorsqu’on est soit même constitué uniquement de cela).

En rade au milieu de nulle part et confrontés à une horde de fémurs pas vraiment amicale, les trois petits ogrons décident de mettre les bouts pour avertir leur tribu de l’arrivée de ces nouveaux voisins. La course de fond étant, comme chacun sait, une spécialité des morts-vivants, et voyant la partie mal engagée, les Ogors se séparent, espérant qu’au moins un d’entre eux parviennent à bon port. La fin de la nouvelle est ainsi centrée sur Stug, qui après un vaillant effort, finit par cesser sa course pour faire face à l’inévitable. Les Bonereapers prenant les choses de la guerre très au sérieux, notre vaillant gros lard a l’occasion de prouver sa valeur en concassant un certain nombre de champions ennemis, jusqu’à ce qu’un Stalker vienne finir le job. À l’agonie, Stug ne peut même pas tirer un peu de fierté de la réussite de son plan de contingence, Chidder et Algok ayant déjà été calcifiés par les sbires de Nagash, comme notre héros vaincu ne peut que le constater alors qu’il gît dans la neige. Et quant au sort de sa tribu, il est également scellé, comme lui apprend l’aimable Soulreaper de faction : ses sortilèges lui permettront de prendre possession des souvenirs de sa prochaine victime en même temps que de sa dépouille mortelle. Moralité : ventre affamé n’a pas d’oreilles, mais attention à ne pas tomber sur un os.

AVIS :

Fletcher signe une nouvelle aussi solide que les os de ses malheureux personnages, dont l’un des attraits est la mise en avant de deux factions encore assez peu couvertes par la Black Library à ce jour : les Ogors et les Ossiarch Bonereapers. Si le propos de ce Strong Bones est avant tout de permettre aux petits derniers de Nagash (décidément un family man) de faire leur entrée dans le monde (ou plutôt, dans les Royaumes), Fletcher se révèle également assez habile dans l’utilisation de Stugkor, Chidder et Algok, et parvient à donner une bonne image de la mentalité et du quotidien des Ogors. Au final, on ressort de cette lecture avec une meilleure image du danger que représentent les Ossiarch pour les autres factions d’Age of Sigmar, ainsi qu’avec une description crédible d’une des plus discrètes de ces dernières. Que du bonus.

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Mourning in Rainhollow – D. Gross :

INTRIGUE :

La chasseuse de primes Janneke Ritter s’est mise sur la piste d’une nouvelle proie, un déserteur parti de Glymmsforge vers l’arrière-pays de Shyish. Sur le chemin qui l’amène à Rainhollow, la petite bourgade où elle rattrape enfin le fugitif, on apprend à mieux connaître cette héroïne droite dans ses bottes et hautement pragmatique, comme les noms qu’elle donne à ses armes (Coupeur, Attrapeur et Souffleur) et monture (Bidet), le démontrent. Cette grande professionnelle n’est toutefois pas en-dessous d’une bonne et gratuite action de temps à autre, comme le sauvetage qu’elle effectue en chemin d’une famille de colons attaqués par deux cadavres de cougars animés (de mauvaises intentions) le démontre. Cette péripétie mineure lui permet également de prendre la mesure de son gibier, le mage fantasque Eldredge Duul, qui a généreusement donné son âne aux voyageurs pour aider leur poney à tirer leur chariot. On est loin du mercenaire sanguinaire ou tueur psychotique, donc.

Lorsqu’elle parvient à Rainhollow, Ritter est guidée par les locaux jusqu’à la place centrale de la ville, où elle trouve Duul en plein combat contre un Bladegheist Revenant ayant décidé de s’installer dans la fontaine municipale. Malgré sa maîtrise magique appréciable, le bon samaritain n’en mène pas large face au spectre, et ce n’est qu’en coopérant avec celle dont il ne sait pas encore qu’elle est venue pour l’arrêter qu’il parvient à bannir l’insistant ectoplasme. Une fois le danger écarté, Ritter se fait un devoir d’annoncer à sa cible qu’elle est en état d’arrestation, mais cette dernière ne s’en formalise pas plus que ça, et parvient grâce à son charme naturel à entraîner l’austère matamore jusqu’à la porte d’une maison toute proche. C’est ici que vit celle pour laquelle il a décidé de prendre un congé sabbatique et non validé par sa hiérarchie, son amour de jeunesse et ex-femme, Zora.

Malheureusement pour le jovial Duul, Zora a été victime de la micro-invasion de Nighthaunt que Rainhollow a connu depuis le passage fugace mais remarqué d’un touriste tellement mécontent de l’accueil qu’il a reçu des locaux (il a dû attendre des plombes à l’entrée de la ville avant qu’on lui ouvre) qu’il a réanimé les morts au lieu de se contenter de laisser des avis incendiaires sur Trip Advisor. Zora, qui n’avait pas la langue dans poche ni l’habitude de se laisser marcher sur les pieds, a eu la mauvaise idée d’engrainer ce visiteur peu commode, et est passée de vie à trépas dans l’opération. Double peine pour ses maris (Duul et Ritter sont accueillis et mis au courant par Gerren, le veuf de Zora – qui s’était remarié après son divorce d’avec son premier amour1), il est de notoriété publique que les victimes du springbreaker fou reviennent hanter leurs proches sous la forme d’entrées du Battletome Nighthaunts à la nuit tombée. En même temps, c’est comme le Port Salut, c’était écrit dessus.

Peu confiant dans sa capacité à faire le nécessaire pour bannir son grand amour, Duul convainc la finalement assez serviable Ritter de participer à une veillée d’armes, et au bout de la nuit, du suspense, du soleil violet de rigueur, et d’une engueulade de vieux couple (et personne ne veut s’engueuler avec une Banshee, croyez moi…), Zora la Blanche trouve enfin la paix de l’au-delà, non sans avoir estafilé à mort son second époux avec le couteau à pain qu’il lui avait offert pour leurs noces de kouisine. Il le méritait aussi un peu, tout de même. Désormais plus intéressée par la conquête que par la capture de Duul (if you see what I mean), Ritter décide d’aller apprendre les bonnes manières au touriste mal en groin responsable des malheurs de Rainhollow plutôt que de traîner le mage AWOL en justice, et ce dernier s’avère partant pour donner un coup de main à la vigilante Vigilante. Et à Bidet, évidemment.

1 : Comme quoi, on peut vivre dans un Royaume des morts sans repos gouvernés par Skeletor, Premier du Nom, et avoir des mœurs très modernes.

AVIS :

Il flotte sur ce ‘Mourning in Rainhollow’ un parfum de fantasy fantasque et espiègle, pas si éloigné dans l’esprit et le style de ce que le regretté Terry Pratchett était capable de mettre en scène avec sa série du Disque Monde. Eldredge Duul campe un Rincevent des Royaumes Mortels assez convaincant (mais beaucoup plus doué), tandis que Janneke Ritter semble être un mélange de Mémé Ciredutemps et Sam Vines. L’intrigue proposée par Gross n’est certes pas très complexe, mais la fraîcheur que ce nouvel contributeur apporte à la GW-Fiction, tout en prenant soin de ne pas galvauder le background établi (et donc de s’aliéner les fluffistes qui constituent une bonne partie de son lectorat potentiel), compense amplement cette simplicité assumée. Je ne sais pas si Dave Gross s’acclimatera aux contrées généralement sinistrement sérieuses de la Black Library, ou si son passage parmi nous n’est qu’éphémère, à l’image de celui d’un Andy Jones il y a plus de vingt ans de cela, mais cette petite nouvelle « exotique » vaut le détour à mon sens.

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Watchers of Battle – B. Counter :

INTRIGUE :

Dans un remake audacieux des Bronzés font du Ski, une coalition de gladiateurs des Spire Tyrants part en direction de la Bonebreak Pass (que l’on peut sans doute traduire par passe de la fracture), qui permet le passage depuis Carngrad à Varanspire à travers les montagnes des Crocs, afin d’y gagner une gloire éternelle. Car s’il ne tombe pas de neige dans ce coin du Bloodwind Spoil (il pleut du sang par contre), c’est là qu’Archaon envoie régulièrement quelques recruteurs scruter les combats et repérer les guerriers de valeur, dignes de rejoindre les armées de l’Everchosen. Voilà l’objectif professionnel que s’est fixé notre héroïne, l’imposante Voleska, qui compte bien taper dans l’œil la visière des taciturnes observateurs qu’elle a aperçus en effectuant une mission de reconnaissance du campement de la Cabale Corvus1, cible toute désignée de la furie martiale des Tyrants. Ayant fait son rapport au Preneur de Tête Ferenk Sunder-Spine, qui en profite pour lui propose de devenir son bras droit, voire de prendre sa place si jamais il devait lui arriver malheur au cours de la bataille du lendemain, Voleska, dont le comportement cabotin et la maîtrise du marteau de guerre lui ont valu le titre de « Donneuse de Cadeaux » (Gift-Giver) auprès des aficionados2, repart sans donner de réponses définitives à cette offre de promotion, persuadée qu’un destin bien plus glorieux qu’assistante de direction des Red Sand Raiders l’attend si elle brille au combat.

Et pour briller, Voleska brille. Fille illégitime de Hulk Hogan et Brienne de Torth, la gladiatrice rend une tête et trente kilos au plus costauds de ses camarades de lutte. Quant aux frêles cabalistes emplumés, ils ne font littéralement pas le poids. L’accrochage entre culturistes enragés et gothiques homicidaires finit donc par tourner en faveur des premiers, Vovo enchaînant les kills spectaculaires (dont sa spécialité, le nut-buster3), allant jusqu’à concasser un Shrike Talon (Achille de son prénom) pour asseoir son statut de best entertainer de la bataille. Cependant, les observateurs d’Archaon ne donnent pas signe d’être très impressionnés par sa performance avicide…

Début spoiler 1…Qu’à cela ne tienne, Voleska tourne son marteau vers ses alliés une fois les cabalistes vaincus. Commençant par refaire le portrait à son side-kick Kyryll, elle fracasse ensuite sans discrimination ses anciens frères et sœurs d’armes de droite et de gauche, finissant par un duel au sommet (ou presque) avec Ferenk, qui mordra lui aussi la poussière4 après un combat accroché. Last woman standing parmi ce carnage indiscriminé, Voleska a enfin la satisfaction de voir deux Elus s’approcher d’elle et lui faire signe de les suivre en direction de la Varanspire, où son destin l’attend…

Début spoiler 2…Mais pas forcément de la façon qu’elle l’imaginait. En effet, amenée dans les forges qui entourent la citadelle d’Archaon, notre survivante est sommairement décapitée au-dessus d’un abreuvoir par ses recruteurs, son sang étant utilisé, comme celui des autres guerriers valeureux draftés par les sbires de l’Everchosen, pour tremper les armes et armures confectionnés pour les osts des véritables Guerriers du Chaos, statut auquel Voleska a eu l’erreur de prétendre. Décidément, le plafond de verre (ou de fer) n’est pas un mythe, même dans les Royaumes Mortels.Fin spoiler

1 : Les Scions (du bois) étaient attendus à la Bonebreak Pass, mais n’ont finalement pas pu décaler leurs prières enflammées pour se libérer. Dommage.
2 : Les cadeaux en question étant les têtes de ses adversaires malheureux, qu’elle arrive à faire voler dans la foule d’un moulinet expert de marteau.
3 : Comme quoi, la Distributrice de Cadeaux était également Castratrice de Corbeaux.
4 : Façon de parler, le coup fatal asséné par Voleska faisant passer son crâne en deux dimensions, d’où quelques difficultés à mastiquer. 

AVIS :

Excellente nouvelle de la part de Ben Counter, qui s’affirme de plus en plus comme l’expert du Bloodwind Spoil, dont il maîtrise comme personne d’autre le côté brutal et nihiliste. Après avoir décrit l’ascension sanguinaire et illusoire d’un guerrier maigrichon des Untamed Beasts (The Devourer’s Demand), il remet ici le couvert avec la quête de reconnaissance professionnelle d’une gladiatrice de Carngrad, prête à tout pour être remarquée par son senpai1. Et, une fois encore, la nature même du Chaos viendra briser les rêves de gloire du héros, avec des conséquences cruellement définitives. Il n’est jamais inutile pour la BL de rappeler que l’adage « beaucoup d’appelés, peu d’Elus » est absolument correct quand il s’agit de décrire la méritocratie chaotique, et quel meilleur moyen pour cela que de mettre en scène des histoires se terminant mal au sein de cette faction ? Après tout, pour un guerrier parvenant à gagner son armure de plates complète, des centaines d’autres ont passé l’arme à gauche dans l’indifférence la plus totale. Ainsi va la vie (et ainsi s’arrête-t-elle) dans les Royaumes Mortels… Prenant dans son déroulé, percutant par sa conclusion, et recouvert d’un discret vernis de gore qui fait tout le charme des nouvelles Warcry, Watchers of Battle est une autre réussite à mettre au crédit du revenant Ben Counter, qui n’a – à mes yeux – jamais été meilleur que depuis qu’il a réduit le rythme de ses contributions. Comme quoi, on a toujours intérêt à choisir ses batailles, et ce n’est pas Voleska qui nous contredira…

1 : Au petit jeu des ressemblances avec les travaux précédents de Counter, il serait dommage de ne pas citer ‘Sacrifice’, nouvelle rattachée au cycle Alaric (Chevaliers Gris), et qui montre comment les armes et armures de ces preux paladins sont réalisées. Là encore, l’opération est plutôt consommatrice en main d’œuvre…

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Blood of the Flayer – R. Strachan :

INTRIGUE :

Blood of the FlayerDans la vie, il y a des gens qui ne sont jamais contents: Alain Souchon, la mère de l’artiste précédemment connu sous le nom de Prince, ou encore le Seigneur Huthor. Au hasard. Comme vous pouvez vous en douter, notre histoire porte sur le dernier de ces trois individus1, chef d’une bande de Maraudeurs chaotiques tout ce qu’il y a de plus vanille sévissant dans le Royaume de Chamon. Connu sous le nom d’Écorcheur, à cause de sa tendance à mal prononcer le nom de ses interlocuteurs, mais aussi son penchant pour le dépeçage, Huthor voue aux Kharadron Overlords une admiration mêlée de profonde détestation, et aimerait bien aller dépiauter les Duardin volants qui sillonnent les cieux du Royaume, vœu pieux pour le moment. Gardez bien ça en tête, on en aura besoin plus tard.

Approché par la sensuelle et aguicheuse Dysileesh, godseeker à plus d’un titre, au sortir d’un petit pillage de village, Huthor accepte de souscrire à une offre de découverte des plaisirs Slaaneshi, sans obligation d’achat. Car s’il y a bien une chose qui vénère notre ombrageux héros, c’est qu’on lui dise – justement – qui vénérer. En attendant, c’est la belle vie pour l’Écorcheur et ses disciples, qui se vautrent dans le stupre et la fornication avec abandon. À tel point que Dysileesh finit par accoucher d’un garçon, Vhorrun, dont la paternité reste sujette à débat entre les Maraudeurs. Ah, c’est ça aussi d’avoir des mœurs libres. Établis dans les ruines de la Forteresse Dorée, les affreux déprèdent aux alentours dans la joie et la bonne humeur, jusqu’à ce qu’il prenne à Huthor l’idée farfelue d’aller chercher des noises aux Rotbringers barbotant au Nord de son domaine, dans les marais d’Onoglop. L’expédition tourne au fiasco, et notre héros se prend une hache rouillée en plein torse en prime, le condamnant à une longue et douloureuse agonie… jusqu’à ce qu’il se réveille guéri (avec un petit coup de croûte de Nurgle, tout de même). Manque de pot, ses gais compagnons étaient tellement convaincus de son trépas imminent qu’ils ont, pour la plupart d’entre eux (y compris cette insatiable Dysileesh), baffré jusqu’à s’en faire littéralement péter la panse. Ralliant à lui ses derniers fidèles, dont Vhorrun et Vhoss, son plus vieux pote et fidèle bras droit, Huthor décide d’aller se mettre au vert pour un temps, abandonnant son train de vie de bobo dispendieux et vain pour aller au contact de la terre (pourrie).

Accueillis à tentacules ouverts par les ploucs d’Onoglop, l’Ecorcheur et sa bande coulent des jours heureux pendant quelques semaines/mois/années2, mais un nouveau venu, le Magos Tyx’evor’eth, arrive un beau matin sur son disque à jantes alu pour tenter de rallier Huthor, décidément très demandé par les Pouvoirs, à la cause de Tzeentch. S’étant pris huit râteaux d’affilée, mais sentant que la neuvième tentative serait la bonne, Tyx’ repart une dernière fois à la charge, et parvient à piquer l’intérêt du bouseux en lui faisant remarquer qu’il est en train de gâcher ses plus belles années à faire du camping dans un marais. Vu comme ça, c’est plus la même, et Huthor se laisse enfin convaincre de s’habiller décemment et de perdre un peu de poids pour rejoindre les armées de l’Architecte du Changement (le Magos se chargeant de faire disparaître toutes les mutations disgracieuses affligeant notre héros et ses fidèles au passage). Comme vous devez vous en douter, ce ne sera à nouveau qu’une parenthèse dans l’existence de Huthor, qui finit par rejoindre Khorne après une bonne pige à se balader en toge et à (tenter d’) apprendre des sorts, et une rencontre décisive avec un Champion Bloodreaver malchanceux mais guère rancunier.

La boucle est bouclée, l’Ecorcheur ayant fait le tour du Panthéon chaotique. Désormais accompagné seulement par son peut-être fils Vhorrun (il a buté Vhoss pendant sa période psychédélique, après que ce dernier ait tenté de l’assassiner) parmi ses compagnons initiaux, Huthor n’a plus qu’une chose à faire : aller casser du Kharadron. Je vous avais dit que c’était important. Et comme il a laissé sa collection de disques à Tyx’evor’eth lorsqu’il se sont séparés à l’amiable, il doit utiliser une technique un peu plus rudimentaire : l’assaut aéroporté à base de bestioles chaotiques. Ayant chargé ses suivants de domestiquer toutes les chimères, manticores et autres bêtes de guerre ailées des alentours, il mène son flying circus à l’assaut de la première flotte Duardin ayant eu la mauvaise idée de croiser dans le coin…

Début spoilerCependant, face à la puissance de feu des nains-génieurs, la rage sanguinaire des Khorneux ne fait pas le poids. Ou en tout cas pas assez. Qu’importe, Huthor is living the dream. Alors que ses troupes se font descendre comme des pigeons, il parvient à écraser sa monture sur le pont d’un vaisseau Kharadron, et à enfin massacrer quelques nabots. C’est le moment que choisit Vhorrun pour exprimer son complexe d’œdipe longtemps refoulé, et de tomber sur le râble de son père (c’est finalement confirmé), qu’il a toujours détesté, notamment à cause de son inconstance. À cela, Huthor n’a pas grand-chose à répondre, ayant lui-même tué son paternel à l’âge de sept ans, après que ce dernier l’ait abandonné en forêt pour se débarrasser de cet enfant turbulent. Le combat qui s’ensuit voit le vieux chef de guerre se faire botter les fesses par son fiston, qui le précipite par-dessus le bastingage par pure malice quand les Kharadron finissent par donner la charge et envoyer les voltigeurs mettre fin à la fête, afin de priver Huthor d’une mort honorable au combat. Alors qu’il voit Vhorrun se faire abattre par les forces de l’Ordre (encore une bavure !), et en attendant de toucher terre, Huthor a le temps de se remémorer de la prophétie qu’il lui avait été faite, et qui lui avait promis qu’il recouvrirait les plaines de Chamon de sang. Ce qui se révélera exact, mais pas de la façon dont il le pensait. Impact dans 3…2…1…Fin spoiler

1 : Ce que je trouve personnellement dommage, car j’aurais bien aimé voir Souchon tenter d’aller voir sous les jupes des Gloomspite Gitz. On avance.
2 : M’est avis qu’ils ont dû abuser de champignons et de lichens pour avoir ainsi perdu la notion du temps.

AVIS :

La troisième fois aura été la bonne, ou en tout cas la meilleure à ce jour, pour Richard Strachan. Après des débuts en demi-teinte dans la gamme horrifique de la Black Library (The Widow Tide et The Growing Seasons), il signe en effet avec Blood of the Flayer sa contribution la plus aboutie au corpus des Royaumes Mortels avec Blood of the Flayer, variation intéressante sur le thème bien connu de la destinée attendant les adorateurs du Chaos, et des répercussions, tant physiques et psychologiques, que leur allégeance envers l’unes des quatre Puissances auront sur eux et leurs suivants. Avec Huthor, véritable mercenaire de la dévotion, Strachan se paie le luxe de passer en revue toute l’anarchique fratrie au fur et à mesure des réorientations professionnelles de Mr I Can’t Get No Satisfaction​​​​. On notera, pour les plus anciens des lecteurs, la différence majeure entre la « rétractabilité » tolérée dans les Royaumes Mortels, et le caractère irrémédiable du ralliement à tel ou tel Dieu, qui était la norme (sauf exceptions vraiment rarissimes, comme Bel’akor et Archaon) dans le Monde qui Fut. Vous vous souvenez de l’époque où on choisissait son allégeance une fois pour toute, et on la conservait jusqu’à la mort (et plus si affinité)? Pepperidge Farm remembers.

Si on peut discuter de la validité fluffique de l’approche de Strachan (avant tout nécessaire à l’intrigue, et peut-être pas à graver dans la guimauve séance tenante), il faut lui reconnaître une belle maîtrise narrative, donnant à son récit un équilibre et une symétrie peu communs dans le corpus de la BL. À partir du moment où Huthor rallie les redgreen-necks des marais d’Onoglop, le lecteur est en mesure de comprendre où l’auteur veut en venir, ce qui ne gâche pas le plaisir de lecture pour autant, notamment grâce à l’inclusion de la rivalité latente entre le seigneur indécis et son héritier putatif, qui permet de garder un peu de suspens. On peut également saluer le petit twist final et sanguin de Strachan, plus sympathique que renversant (sauf pour Huthor, bien sûr), mais qui vient terminer son propos de façon opportune, tant sur le plan stylistique que fluffique. Après tout, une histoire où le protagoniste est un suivant des Dieux Sombres ne peut pas bien se terminer, c’est contractuel. Bref, une nouvelle bien sympathique, à conseiller à tous les amateurs des Fab 4 (et aux autres), de l’humble Nurgling au vénérable Prince Démon.

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Voilà qui termine cette revue de ‘Thunderstrike & Other Stories’, version supérieure en tous points à ses prédécesseurs et succès assez total de la part de la Black Library. Certes, certes, on trouve dans cette anthologie un certain nombre de nouvelles passables, mais c’est une critique que l’on peut étendre à la quasi-totalité des recueils de GW-Fiction, dont peu offrent autant pour un prix si dérisoire. À côté de cela, on bénéficie d’une couverture complète, ou peut s’en faut, des allégeances et des factions majeures d’Age of Sigmar, ce qui est déjà pas mal, mais également d’un échantillon représentatif des gammes mineures que sont Warcry et Warhammer Underworlds (dommage pour Warhammer Crime, mais on peut bien considérer que ‘The Gossip of Ravens‘ est un ersatz valable), des personnalités littéraires des Royaumes Mortels (Gotrek, Gardus, Neferata), et même des styles déployés par les auteurs de la BL, de la high fantasy d’action la plus classique aux expérimentations drôlatiques de ‘Bossgrot‘ et décalées de ‘Mourning in Rainhollow‘, jusqu’à la dureté nihiliste de ‘Watchers of Battle‘. Bref, une introduction digne de ce nom à cette franchise qui a su en l’espace de quelques années gagner une profondeur très intéressante et n’a plus à rougir de la comparaison avec son glorieux ancêtre Warhammer Fantasy Battle. Je suis suffisamment critique de la BL la plupart du temps pour rendre à Nottingham ce qui est à Nottingham et conclure que ‘Thunderstrike…’ est une réussite incontestable, qui servira je l’espère de modèle aux prochaines anthologies introductives qui ne manqueront pas de sortir dans les années à venir. Après tout, les versions de jeu se succèdent de plus en plus rapidement, et il faut bien expliquer aux novices ce dont il en retourne en dehors du champ de bataille… Warhammer is for everyone.

BLACK LIBRARY 2022 ADVENT CALENDAR [40K – HH – AoS]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue du calendrier de l’Avent de la Black Library, 2022 version. Lancé en 2012, le concept est devenu au fil des années un moment fort incontournable du calendrier de la GW-Fiction, même si Nottingham a expérimenté plusieurs formats avant d’aboutir à celui que nous connaissons maintenant. Comme en 2020 et 2021, nous aurons donc droit à 12 nouvelles d’ici au 24 Décembre, publiée tous les deux jours à partir du 02/12, le tout pour 35.60€, soit deux nouvelles offertes pour un achat groupé. Petite déception cependant: la bonne idée de proposer un calendrier contenant des nouvelles traduites en français n’a pas été reconduite.

Black Library 2022 Advent Calendar

Au programme, un petit panaché d’histoires issues des trois franchises majeures de la Black Library, avec comme d’habitude un traitement faveur pour 40K (6 nouvelles) par rapport à Age of Sigmar (4 nouvelles) et l’Hérésie d’Horus (2 nouvelles). Un examen approfondi des couvertures de ces courts formats permet de s’apercevoir d’un fil rouge « V.I.P. », la majorité des soumissions étant associé à un personnage (ou un groupe de personnages) du fluff, certains bien connus (Ciaphas Cain, Calas Typhon, Amendera Kendel, Gordrakk…), d’autres beaucoup moins (Nyssa Volari, les Blacktalons1), et quelques uns complétement nouveaux (Snaggi Littletoof).

Le même constat peut être fait en ce qui concerne les auteurs mis à contribution pour cette fournée hivernale. On ne présente plus Sandy Mitchell, Mike Brooks et Danie Ware, mais on accueille des petits nouveaux tels que Jon Flindall et Luke Scull. A peine plus capée que les newcomers précités, Jude Reid poursuit son parcours d’intégration à la BL en devenant officiellement une auteur hérétique. On peut aussi se réjouir de la présence au casting de Peter Fehervari, qui revient nous donner des nouvelles des lumineux Angels Resplendent, et creuser toujours plus profond son fascinant Dark Coil.

Le cadre étant posé, il est temps de passer aux choses sérieuses et de jauger de la qualité de l’offrande calendaire de la Black Library. Une chose est sûre: il y en aura pour tous les goûts…

1 : L’une comme les autres ont été introduits dans l’Age of Sigmar Character Week de 2022 (chroniquée ici). Dans le cas des Blacktalons, on peut souligner qu’Evan Dicken est déjà le troisième auteur à narrer leurs exploits, après Andy Clark – du temps où Neave Blacktalon opérait seule – et Gary Kloster. Une oeuvre collective assez rare pour la Black Library. 

Black Library 2022 Advent Calendar

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Transplants – R. Young [40K] :

INTRIGUE:

TransplantsLa guerre fait rage sur le monde de Cocleratum, mais la Garde Impériale n’a vraiment pas le temps. Après avoir repris la ville de Ticcia aux forces du Chaos, le 217ème Cadien est ainsi redirigé dès le lendemain sur la cité d’Elborescum, qui a résisté à l’offensive des régiments de Mordian également engagés dans cette campagne grâce aux pouvoirs impies de l’entité connue sous le nom de Speccius. Charge à un trio de snipers du 217ème (Darya Nevic, Anders Mir et le premier sergent Ilya1) d’infiltrer Elborescum en avance de l’attaque de leurs camarades, et de supprimer le drôle afin de désorganiser les défenseurs. Avec seulement quelques heures pour réaliser cette mission oscillant franchement du côté « suicide » du compteur (pas d’informations précises sur la localisation de leur cible, suspicion qu’il s’agisse d’un Psyker, potentiel garde du corps Astartes), il s’agira d’être efficace. Le seul avantage dont nos héros disposent est la connaissance que Darya a d’Elborescum, y ayant vécu avec sa mère et son oncle à la fin de son enfance. Contrairement à ses coéquipiers, tous deux natifs de Cadia, elle est une « greffon » ayant rejoint le régiment pour combler les pertes subies par ce dernier depuis la chute de la planète. Bien qu’ayant tout fait pour s’intégrer chez les yeux violets (elle a ainsi développé le super talent de pouvoir identifier tous les accents cadiens à l’oreille), son statut de pièce rapportée l’isole de ses camarades les plus chauvins, dont Anders fait définitivement partie. Il va y avoir de l’ambiance.

La première partie de la mission se passe relativement tranquillement, le trio parvenant sans mal à se glisser dans la ville assiégée en utilisant le réseau de tunnels qui la sillonnent. En chemin, ils font la rencontre fortuite de Mariia, une habitante d’Elborescum s’étant réfugiée dans les souterrains avec sa famille pour échapper aux exactions commises par les fidèles de Speccius. Elle apprend aux Cadiens que ce dernier est une sorte de créature inhumaine, capable de voir par les yeux de ses disciples (ce qui est pratique lorsqu’on doit coordonner ses forces sur le champ de bataille, mais est un handicap quand les disciples en question doivent faire une pause technique), et chaperonné par un Space Marine du Chaos. Le seul point positif qui émerge de cette entrevue est la localisation du QG de Speccius, qui a pris ses quartiers dans la cathédrale locale. Let’s go there, then.

La difficulté monte d’un cran lorsque notre fine équipe rejoint la surface pour se rapprocher de son objectif, et finit par rencontrer des patrouilles de cultistes. Les premières échauffourées sont rapidement et professionnellement expédiées par les snipers, mais le nombre d’hostiles à négocier les contraint rapidement à passer du mode Solid Snake (je frappe depuis les ombres pour éliminer chirurgicalement mes cibles) à celui de Pacman (je cours dans tous les sens en espérant semer mes poursuivants). Entre deux sprints désespérés, Ilya a le temps de révéler à Darya qu’Anders ne la déteste pas vraiment, mais est juste triste de constater que l’identité cadienne est en train de se diluer au fur et à mesure que le régiment intègre d’autres recrues, et finira fatalement par disparaître dans quelques années ou décennies. Avant que Darya ait pu rétorquer que le grand remplacement était un mythe, ou quelque chose du même acabit, les choses prennent un sale tour pour les Cadiens (et assimilée)…

Début spoiler…Ils tombent en effet dans un piège tendu par l’Astartes-nounou de Speccius, qui envoie ses hordes de cultistes faire un peu de corps à corps avec les irritants snipers. Guère à l’aise dans cette phase, les Cadiens montrent toutefois qu’ils n’ont pas volé leur réputation de super soldats de Pépé et réussissent à sauver l’honneur en emportant un grand nombre d’hérétiques pendant leur dernier carré triangle. La palme revient à Anders, qui fait détonner une grenade krak au moment où le Space Marine allait lui poser le gantelet dessus, blessant grièvement son ennemi et créant suffisamment de chaos (ironique) pour que les cultistes oublient de s’enquérir du sort de Darya, laissée inconsciente par la déflagration sous un tas de cadavres. A son réveil, elle se rend compte qu’Ilya a été fait prisonnier et surtout qu’il ne lui reste que très peu de temps pour mener à bien sa mission avant que l’assaut des forces loyalistes ne débute.

Fort heureusement, sa connaissance de la ville et l’absence de nouvelles patrouilles sur son chemin lui permettent de prendre position en haut d’une tour surplombant le parvis de la cathédrale d’Elborescum, où Speccius s’apprête à livrer un discours pour motiver ses troupes. Petite révélation qui n’en est pas vraiment une à ce stade : le grand méchant S. est en fait le résultat de la fusion littérale entre deux hauts dignitaires de la cité, dont l’un (Ulberti) est l’oncle de Darya. Comme on a eu droit au cours des pages précédentes à quelques passages dans lesquels Young nous précisait que la plus grande passion d’Ulberti était de terrifier sa nièce, et qu’il n’avait probablement pas bougé de la cité depuis qu’elle avait tout plaqué pour s’engager dans la Garde Impériale, la surprise est limitée. Speccius commence à déblatérer ses profanités, mais malgré ses pouvoirs démoniaques, il n’est pas foutu de réaliser que permettre à un Garde prisonnier (Ilya) de conserver la musette où sont stockées ses charges de démolition est une mauvaise idée. Darya a donc beau jeu de coller un tir de long-las dans le baluchon qu’un Ilya bien amoché lui désigne du doigt bras après que Speccius ait eu la bonne idée bis de gueuler « trouvez moi ce %#@! de loyaliste !!! » à la cantonade. Bilan des courses : une belle déflagration qui disperse façon puzzle Speccius, son pet Astartes et une bonne partie des disciples du premier. Bien qu’elle n’ait pas pu sauver Ilya, Darya peut donc terminer sa journée de travail avec le sentiment du devoir accompli, et reprendre quelques forces avant que le haut commandement ne l’envoie refroidir Abaddon sur sa prochaine pause-déjeuner…Fin spoiler

1 : Que tout le monde appelle « Oncle » du fait de son âge avancé et de sa personnalité sympathique. Je crois qu’il s’agit d’une référence à un vieille série d’espionnage des années 60, The Man from U.N.C.L.E.

AVIS:

Après des débuts encourageants (‘The Roar of the Void’), Rob Young nous revient avec une infiltration à haut risque dans une cité tombée aux mains poisseuses du Chaos, une valeur refuge pour les auteurs engagés au sein de l’Astra Militarum. Certes, le propos est convenu et les ficelles un peu grosses (mais pourquoi remet-il le couvert toutes les trois pages avec l’oncle Ulberti ?), mais il aurait été difficile pour Rob Young de viser autre chose qu’une mention honorable avec une nouvelle d’action dont les personnages sont d’illustres inconnus auxquels le lecteur doit s’attacher en l’espace de quelques pages. Pour les plus anciens/érudits parmi vous, le choix de l’auteur de mettre en avant la querelle des Anciens et des Modernes à l’échelle des régiments Cadiens évoquera furieusement la saga des Fantômes de Gaunt après les événements de Vervunhive (‘Necropolis’), au moment où les Tanith purs jus sève durent accepter l’afflux de recrues de Verghast pour éviter une dissolution précoce (et on sait depuis Jacques Chirac que ce n’est pas une grande idée). De manière générale, l’influence du Seigneur Solaire Abnett se ressent très clairement dans ‘Transplants’, mais il n’y a pas de mal à inscrire ses premiers pas littéraires dans ceux d’un titan de la BL, methinks. Nice save, M. Young…

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The Skull Forge – D. Ware [40K] :

INTRIGUE:

The Skull ForgeAugusta Santoris et son escouade de Sœurs de Bataille accompagnent une collègue nerd (la Dialogus Zurihya, reconnaissable à ses talons noirs1) sur un site industriel classé secret défense, et ayant récemment été mis hors service par une manigance du vil et perfide et mesquin ennemi. Bien que les fifilles de l’Empereur supposent que des héréteks soient derrière ce tour pendable, il est tout de même étonnant que ces gredins n’aient pas fait main basse sur les nombreuses machines dont le complexe dispose. Mis à part l’épaisse couche de givre qui recouvre les lignes de production ainsi que les malheureux ouvriers et opérateurs surpris en plein travail (et qui n’empêche pas Zurihya de se promener sans casque, cela étant dit), il semble en effet qu’il n’y ait rien à signaler de suspect dans la mystérieuse usine.

Si l’opération a été confiée à l’Adeptus Sororitas et pas au premier régiment de Gardes Impériaux venu, c’est parce que le site produit des Servo-crânes et des Serviteurs à partir des dépouilles mortelles de sujets et soldats impériaux ayant donné leur vie pour Le servir. Et, même si tout le monde est cool avec les produits finis en question, la manière dont ils sont réalisés donnerait des cauchemars au vétéran de Catachan le plus blasé de la galaxie (Sly Marbo, c’est pour toi). Comme Augusta et ses comparses le réalisent vite, voir des cadavres humains se faire débiter, écorcher, ébouillanter (et autres joyeusetés du premier groupe), n’est pas une expérience appropriée pour le commun des mortels. Bien sûr, Zurihya a un tout autre avis sur la question et passe son temps à s’extasier sur la beauté austère des lieux, mais son enthousiasme n’est partagé par aucune de ses chaperonnes.

Lorsque tout ce beau monde arrive dans la section dédiée à l’incarcération des pilotes de Machines de Pénitence et au calibrage des Arco-Flagellants (c’est un site vraiment polyvalent), l’ennemi finit enfin par montrer le bout de son nez sabot. Une escouade d’Exo-armures Stealth se matérialise soudainement devant les Sistas, et une fusillade sans merci s’engage. Pendant qu’Augusta et ses viragos réfutent les principes du Bien Suprême à grandes rafales de bolt dans la carlingue, on comprend que les T’au sont intervenus pour mettre fin à ce qu’ils considéraient comme une pratique barbare et dégradante, ce qui est tout à leur honneur mais ne leur attire pas les bonnes grâces des Sœurs. Au prix d’une blessée grave (Akemi, qui intercepte un tir de plasma dédié à Zurihya), l’équipe Santoris remporte l’affrontement, et… on s’arrête là. Les bigoteries les plus courtes sont les moins longues, comme on dit sur Dimmamar.

1 : Rien à voir avec Neave et Cie, par contre.

AVIS:

Il aura fallu quelques années (tout de même), mais je suis enfin tombé sur une nouvelle d’Augusta Santorus que je considère comme étant assez bonne (gasp). Est-ce parce que Danie Ware fait enfin se battre ses héroïnes de manière crédible (c’est-à-dire en utilisant en priorité leurs bolters et armes lourdes1), ou parce qu’elle a eu la riche idée de commencer son propos par une description fouillée d’une des industries les plus grimdark qui soient ? Sans doute un peu de deux, à moins que ce ne soit une intervention divine de Pépé pour soulager la souffrance des lecteurs fans des Sœurs de Bataille. Quoi qu’il en soit, cela fait de ‘The Skull Forge’ la meilleure soumission de la série, et de très loin, et redonne confiance dans le futur littéraire de cette bonne veille Santorus. J’espère sincèrement que Danie Ware ne retombera pas dans ses travers WTF, car la déception n’en serait que plus grande maintenant que je sais qu’elle est capable de tenir son rang.

1 : Si vous vous demandez ce qu’est l’alternative, vous n’avez pas lu assez de nouvelles de la Rose de Sang. Mais c’est sans doute mieux pour vous.

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Three Questions – S. Mitchell [40K] :

INTRIGUE:

Three QuestionsEn route de Gravalax vers Coronus après les événements de ‘For the Emperor’, le Commissaire Ciaphas Cain est appelé à se prononcer sur la mort suspecte d’un de ses collègues de l’Officio Prefectus, l’antipathique et très sévère Commissaire Fossick, rattaché au 73ème Kastrian. Fossick a été retrouvé sans vie dans sa cabine, et le médecin chef du transport de troupes où Valhallans et Kastrians cohabitent ne voit dans son décès que des causes naturelles (mort subite du vieux nourrisson, tout ça tout ça…). A la demande de Cain, il accepte toutefois d’examiner la dépouille de manière plus approfondie avant de classer le dossier, pendant que le Héros de l’Imperium accompagne la Colonel Kasteen présenter ses condoléances à son homologue Kastrian, Greydon.

En chemin, Cain ne peut s’empêcher de remarquer que les Kastrians semblent tous positivement ravis de la disparition tragique de leur Commissaire, ce qui accrédite la thèse d’un assassinat dissimulé en accident. Les deux officiers passent par le dock où les Chimères de la Garde sont en train d’être réparées ou démantelées suite à la campagne de Gravalax, et s’attirent des regards insistants de la part d’une Tech-Adepte (Pavrik), ce que l’observateur Cain considère comme étant étrange, au vu de la tendance des serviteurs de l’Omnimessie de ne pas calculer (haha) leurs petits camarades de la Garde Impériale en temps normal. Bizarre, vous avez dit bizarre ? Comme c’est bizarre.

L’entrevue avec Greydon se passe relativement bien pour Cain, qui hérite cependant de toute la paperasse de Fossick, en sa qualité de seul Commissaire du bord suite au décès de ce dernier. L’échange est interrompu par l’arrivée du médecin de bord, qui confirme les soupçons du sagace Cain : le corps de Fossick porte des traces de fractures et d’ecchymoses, si discrètes qu’elles ne pouvaient être détectées à l’œil nu. Quelqu’un est donc responsable de la mort du Commissaire, mais les suspects ne manquent pas, comme le confirme Greydon : tout le monde au sein du 73ème Kastrian détestait cordialement l’inflexible garde chiourme.

De retour à son bureau, Cain passe mollement en revue les dossiers en cours de Fossick, se contentant dans la plupart des cas de les mettre à la corbeille. Il note cependant que le défunt Commissaire était sur le point de signer la condamnation à mort d’un soldat dont le nom lui semble étrangement familier… Lorsque la connexion se fait, Cain réalise alors qu’il est en danger de mort, et se rue vers la sortie de son bureau… ou l’aurait fait sans les effets débilitants d’un malaise profond et soudain, et le verrouillage inexpliqué de la porte. Il a cependant le temps d’appeler le fidèle Jurgen à la rescousse avant de tomber dans l’inconscience, et se réveille quelques minutes plus tard sans graves séquelles. Il est plus que temps pour lui de boucler cette affaire, en répondant aux trois questions suivantes : qui l’a fait, pourquoi, et comment ?

Début spoiler…La dernière question est la plus intéressante du lot : le malaise éprouvé par Cain était dû à une augmentation massive de la gravité artificielle de la zone où il se trouvait, à laquelle son organisme s’est trouvé incapable de répondre. C’est de cette manière que l’assassin de Fossick a opéré, provoquant l’asphyxie du Commissaire pendant son sommeil après que ses poumons soient devenus trop lourds pour se gonfler (cela explique aussi les fractures et ecchymoses détectées à l’autopsie). Le « pourquoi ? » a été résolu par Cain avant son malaise : le Garde que Fossick avait condamné à mort était un certain Rolan Pavrik, sauvé par le gong et par le décès soudain de son Commissaire. Le « qui ? » n’est plus qu’une formalité à ce stade : c’est bien sûr la Tech-Adepte Pavrik, sœur du précédent, qui a agi pour sauver les miches de son frère, et a attenté à la vie de Cain parce qu’elle le croyait aussi pète-sec que Fossick. Grand seigneur, Cain annonce toutefois qu’il renonce à poursuivre les charges (et n’a de toutes façons pas le pouvoir de sanctionner les adeptes du Mechanicus), et tout le monde se quitte bons amis. Dans les ténèbres du lointain futur, on sait encore passer l’éponge.Fin spoiler   

AVIS:

Sandy Mitchell s’essaie au genre du whodunit en compagnie de son personnage fétiche, et le résultat est assez plaisant à lire, même si les amateurs d’énigmes policières resteront probablement sur leur faim. Il est en effet compliqué de mettre en scène une enquête digne de ce nom en seulement quelques pages, ce qui rend l’identification du coupable vraiment facile dès lors que l’on connaît les codes du genre. Cela étant, Mitchell prend soin de construire son histoire en respectant ces derniers, notamment en ce qui concerne les moyens utilisés pour attenter à la vie des Commissaires, ce qui est toujours appréciable. Ajoutez à cela les charmants badinages auxquels Ciaphas Cain doit sa réputation d’homme le plus cool de la galaxie, et vous obtenez une soumission d’un bon niveau, sensiblement supérieure aux dernières nouvelles écrites par Mitchell pour le Héros de l’Impérium (à mon humble avis).

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Packin’ Heat – M. Brooks [40K] :

INTRIGUE:

Packin' HeatDans l’entourage fourni et bigarré du Big Boss Ufthak Blackhawk, il y a au moins un individu qui n’adule pas le colosse Blood Moon dont le ramage se mesure au plumage blindage : le Grot Snaggi Littletoof. Ayant rejoint à son corps défendant la TekWaaagh! après avoir traversé le portail dimensionnel de trop (‘Brutal Kunnin’’), Snaggi a trouvé en Ufthak sa Némésis absolue. Très ambitieux, il avait pour projet de devenir le Boss de sa propre bande, et comptait sur son intellect supérieur pour compenser un physique peu imposant. Manque de bol, Ufthak est au moins aussi malin que lui, et pourrait écraser l’avorton d’un seul doigt : face à ce qu’il considère comme une concurrence déloyale (depuis quand les Orks ont le droit d’être intelligents, hein ?), Snaggi est obligé de ronger son frein, et guetter une opportunité pour se débarrasser de son puissant rival.

Ayant gagné les bonnes grâces de Nizwick, le Grot personnel d’Ufthak, qu’il soupçonne de cacher un esprit retors derrière une apparente stupidité (et pire, un attachement à sa condition servile !), Snaggi croit tenir une chance lorsque son nouveau meilleur copain lui révèle qu’il a « un plan pour Ufthak », et l’entraîne en direction d’une caverne située à proximité du camp. Il s’agit d’un lieu que les Exodites Eldars ayant eu le malheur d’occuper la planète avant l’arrivée de la TekWaaagh ! ont défendu âprement, et dont ils ont fait s’effondrer l’entrée pour empêcher les peaux vertes de venir le profaner. Guère connus pour leur patience, surtout lorsqu’il reste des ennemis à castagner, les Orks ont eu tôt fait de se désintéresser de cette colline caillouteuse, mais les Grots sont d’une nature plus attentive, et Nizwick est persuadé qu’un trésor est caché dans les galeries souterraines. Profitant de leur petite taille pour se glisser dans une anfractuosité laissée ouverte par l’éboulement, les deux canailles partent donc à l’aventure.

Si pour Nizwick, il ne s’agit que d’une sympathique balade en compagnie d’un bon copain, le suspicieux Snaggi se fait des nœuds au cerveau à force de surinterpréter chaque action de son camarade, et de tirer des plans sur la comète au moindre changement de luminosité et de température (véridique). Ça doit être épuisant d’être lui. Les Grots parviennent finalement dans une caverne décorée de peintures rupestres, et surplombant un lac de lave du plus bel effet, puis poursuivent leur chemin jusqu’à une petite salle où, miracle, semble les attendre une ancienne relique. Il s’agit d’un fusil à fission, sans doute oublié sur place par un Dragon de Feu venu faire un EVG il y a quelques millénaires, et Snaggi LE VEUUUUUT. Il se voit déjà vaporiser tous les Orks sur son chemin pour saisir le pouvoir et mener la TekWaaagh! à la place d’Ufthak, mais encore lui faudra-t-il mettre les griffes sur cette arme miraculeuse. Elle est en effet défendue par un trèèèèèès vieux gardien (et peut-être Gardien) tellement hors de forme qu’il réussit l’exploit de se faire vaincre en combat singulier par un Grot. Cela ne l’empêche pas de rigoler lorsque le secourable Nizwick se saisit du fusil pour aider Snaggi à se défaire de lui, pressentant la catastrophe qui s’abat sur les peaux vertes après qu’ils aient fait feu (haha). L’onde de choc provoque en effet une réaction en chaîne qui réveille le volcan et commence à faire s’effondrer la caverne, forçant les Grots à se carapater en vitesse vers la sortie. Ils parviennent à se tirer de ce mauvais pas, mais au grand dam de Snaggi, c’est Nizwick qui monopolise la possession de leur trouvaille, ce qui le force à être spectateur de la surprise que ce dernier réserve à Ufthak à son retour…

Début spoiler…Au lieu de profiter de l’inattention du Boss pour le vaporiser depuis un coin sombre, comme LUI aurait fait, Snaggi à l’horreur de constater que son nigaud de comparse voulait simplement faire un cadeau à Ufthak, parce qu’il l’aime bien. Comble de malheur, l’Ork a tôt fait de réduire la précieuse arme en miettes, offensé qu’on ait pu penser qu’il ait besoin de matos Eldar pour briller en société. Une occasion en or gâchée par un authentique crétin que Snaggi voyait à tort comme un rival en manigances… le coup est rude pour Mini Molaire. Cette leçon valait bien un fromage fusil à fission, sans doute…Fin spoiler

AVIS:

Parmi tous les auteurs ayant contribué à la GW-Fiction, seule une fraction a eu l’occasion de mettre en scène un héros récurrent. Encore moins nombreux sont ceux qui ont consacré aux sidekicks de ce dernier leurs propres (mes)aventures1. Mike Brooks a un peu précipité les choses en propulsant sur le devant de la scène Snaggi Littletoof, Grot ayant eu son quart d’heure de gloire dans le roman ‘Brutal Kunin’’, alors que la mini-franchise qu’il a crée ne comptait qu’un long et deux courts formats. C’est en tout cas mon avis à la fin de la lecture de ce ‘Packin’ Heat’, qui ne m’a que très moyennement captivé, en grande partie parce que Brooks supposait son héros beaucoup plus intéressant qu’il ne l’était réellement. Alors qu’il avait réussi à contextualiser sa galerie de peaux vertes en goguette dans ‘Road Rage’, il n’a pas fait beaucoup d’efforts ici pour permettre au lecteur n’ayant jamais côtoyé le rusé Snaggi de s’investir dans ce personnage vraiment très caricatural (mais après tout, c’est un Grot). Premier point négatif.

L’autre défaut manifeste de conception de ‘Packin’ Heat’ est la fastidieuse tendance de Mike Brooks à faire commenter chaque action de l’intrigue par un Snaggi paranoïaque à l’extrême. Nos deux héros ne peuvent littéralement pas faire un pas sans qu’on ait droit à un paragraphe entier sur les états d’âmes de Littletoof, qui pense toujours qu’on essaie de lui nuire, ou qui réfléchit à comment nuire à autrui. Je reconnais que c’est sans doute comme ça qu’un Grot fonctionne, mais était-il nécessaire de répéter ce schéma ad nauseam ? A moins que cette nouvelle ait été écrite pour une audience de poissons rouges (très intelligents pour le coup), quelques mentions en début d’histoire auraient à mon sens largement suffit pour planter le décor, et leur absence par la suite aurait permis de fluidifier le déroulé de l’intrigue – qui est finalement assez simpliste, quand on la compare au nombre de pages qu’elle couvre.

Bref, je sors aussi déçu de cette nouvelle que son personnage principal, ce qui m’étonne pour une soumission de Brooks : le punk de la BL m’avait habitué à mieux que ça. Notons tout de même que ‘Packin’ Heat’ est la première publication de la Black Library dans laquelle les Squats Ligues de Votann apparaissent. C’est bien la seule raison de s’en souvenir.

1 : On peut songer aux nouvelles consacrées aux suivants de Gregor Eisenhorn (‘Playing Patience’) et Gideon Ravenor (‘Lepidopterophobia’), ou à ‘A Mug Recaf’ et ‘The Smallest Detail’, starring la légende Jurgen (l’assistant de Ciaphas Cain).  

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Aria Arcana – P. Fehervari [40K] :

INTRIGUE:

Aria ArcanaDans les ténèbres de leur lointain passé, bien avant qu’ils virent puritains, les Angels Resplendent avaient pris une résidence sur le monde sanctuaire de Vytarn, à la demande de l’Archiviste Satori. Les deux années pendant lesquelles la 9ème Compagnie végéta sur la Lindisfarne galactique (comprendre qu’il n’y a que deux choses à faire sur Vytarn : aller à la plage ou prier) furent l’occasion pour l’énigmatique Psyker d’écumer les archives locales1, tenues par la secte de la Dernière Bougie ; et pour ses accompagnants, aux talents créatifs reconnus, de personnaliser leurs armures à un niveau jamais égalé par un Chapitre loyaliste depuis la création des Astartes. Lorsqu’une tempête Warp soudaine se déclara et s’abattit sur l’anneau de Koronatus, localisation de la cathédrale Candelabrum et lieu de recherche de Satori, ce dernier ne trouva rien de plus malin que d’envoyer son protégé, l’Archiviste Ignacio Verlaine, faire des tours de Thunderhawk au-dessus de l’anneau, pour une raison aussi vague que cryptique2.

Ce tour d’hélico, réalisé en compagnie d’une escouade de bons copains (et de l’Apothicaire Veleno Fiotré, qui n’en est pas un), prit un tour fâcheux pour Verlaine lorsqu’un banc de Disques de Tzeentch se mit à faire du porte-à-porte avec le transport des Space Marines, sans doute pour posséder le lecteur CD du véhicule. Il faut en effet savoir que les Angels Resplendent allaient au combat en musique, une charmante tradition qui ne survécut pas à la purge du fun subie par le Chapitre plus tard dans son histoire. Bien que les armes du Thunderhawk fussent en mesure de perforer les galettes démoniaques, le rapport de force s’inversa lorsque – et je suis sérieux – un Disque de diamant s’invita dans la conversation. Lancé comme un cochon dans un jeu de quilles, le Démon traversa l’aéronef de part en part, le coupant proprement en deux, comme le pauvre Frère Uderzo (dont l’importance pour cette nouvelle relève du simple astérisque, ceci dit). S’étant trouvé du mauvais côté de l’appareil au moment du drame, Verlaine en fut quitte pour une séance de base jump, sans parachute certes, mais avec la complicité d’un Disque de Tzeentch très affamé, qui vint lui mordiller le bras et lui tenir compagnie pendant sa chute. Notre Archiviste tenta bien d’imposer sa volonté à cette sale bestiole pour pouvoir bénéficier d’un atterrissage en douceur, mais ne parvint pas à ses fins. Au moins survécut-il à son plongeon, au prix de quelques os cassés et organes perforés (rien de sérieux pour un Space Marine, du moment qu’on ne court pas, bien sûr), tandis que ses camarades s’époumonaient sur ‘Comme un avion sans ailes’ sur le karaoké de bord.

Isolé et un peu fatigué, Verlaine se mit en route en direction de Candelabrum, croisant en chemin d’autres Démons ainsi que des civils ayant été apparemment changés en cristal par la lumière s’émanant de la cathédrale. Il reçut cependant la confirmation de Sartori, qui avait pris soin de laisser une ligne psychique ouverte avec son padawan avant de l’envoyer balader, qu’il était sur la bonne voie… et que son mentor était en partie responsable de la tempête Warp, déclenchée sur Koronatus « à fins d’études ». Mouais mouais mouais. Ils disent tous ça. Preuve de la foi inébranlable accordée par Verlaine à son supérieur, il accepta malgré toutle plan démentiel déroulé par ce dernier lorsque notre survivant éprouvé finit par arriver à Candelabrum, après 999.999 secondes de marche (soit onze jours, un chouilla plus que l’heure qu’il avait prévu de consacrer à cette marche d’approche) : pénétrer au cœur du maelstrom chaotique, là aussi « « à fins d’étude » », et évidemment « « « pour la défense de l’Imperium » » ». I CALL BULLSHIT ON THAT. Toujours est-il que notre héros finit la nouvelle juché sur le Disque de diamant qui l’avait trollé il y a quelques temps, et qui l’attendait garé en double file sur le parking de la cathédrale. Après ça, direction l’Immaterium ! Je pense qu’il en sera quitte pour bien des rêves étranges et pénétrants…

1 : Et faire d’autres recherches, plus… prosaïques.
2 : « Que dois-je chercher, ô honoré maître ? »
« Tu le sauras quand tu le verras, andouille. »

AVIS:

Peter Fehervari lève (une partie) du voile entourant son Chapitre personnel, les Angels Resplendent/Penitent et revisite le monde de Vytarn, où se déroule l’intrigue de son roman ‘Requiem Infernal’, dans cette nouvelle aussi « accessiblement cryptique » qu’il a l’habitude de nous proposer. Notre homme est en effet passé maître dans l’art d’embarquer son public dans des histoires à plusieurs niveaux de lecture, sans blaser ni décontenancer ceux qui n’ont pas la connaissance absolue du Dark Coil, le petit coin de 40K qu’il s’est approprié dans ses récits et où il fait évoluer sa galerie de personnages et de factions. Et, soyons honnêtes, il n’y a que Fehervari lui-même qui ait cette connaissance absolue… peut-être.

Ainsi, si ‘Aria Arcana’ peut être lue et appréciée comme une Space Marinade tragique (le héros est corrompu par le Chaos en fin de compte) d’une originalité rafraichissante et d’un niveau appréciable, il ne s’agit là que d’un premier niveau d’analyse. Les fans des Angels Resplendent seront ravis d’en apprendre un peu plus sur l’histoire troublée du Chapitre, que l’on découvre un peu trop chill avec le Warp (et la personnalisation des armures) pour son propre bien. Les nostalgiques de Vytarn trouveront dans cet événement mystico-chaotique des ressemblances troublantes avec le final de ‘Requiem Infernal’, et probablement la réponse à quelques-unes des questions laissées en suspens à la fin de ce roman. Au final, s’il ne s’agit pas de la soumission la plus magistrale de Fehervari (je place ‘The Thirteenth Psalm’ au-dessus du point de vue suspens et ambiance), cet auteur démontre encore une fois qu’il est un des maîtres atouts de la BL en matière d’ambition littéraire et de storytelling.

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Confession of Pain – J. Flindall [40K] :

INTRIGUE:

Confession of PainSi les Nains sont connus dans tout l’heroic fantasy pour leur pilosité faciale exubérante et leur nature rancunière, dans les ténèbres sci-fi du lointain futur, cette niche écologique est occupée par les… White Scars. Les fiers guerriers de Mundus Planus n’ont en effet pas du tout apprécié la visite surprise que leur a rendu Huron Sombrecoeur et ses Red Corsairs au moment de l’ouverture de la Cicatrix Maledictum, et, bien que l’invasion chaotique ait fini par être repoussée, les Space Bikers brûlent de rendre à Huron la monnaie de sa pièce. Nous faisons la connaissance du Lieutenant Orghun, de retour à Quan Zhou après avoir parcouru la steppe sur sa bécane à la recherche de cultistes égarés, ou d’une station avec du sans plomb à moins de 2€ le litre, et mis sur une vendetta plaquée argent par le Chapelain Ghabesh et le Prophète des Tempêtes Otagai. La lune Helaka, située dans le système de Gartuli, a été identifiée comme la place forte de Lugor Vask, un Warpsmith roulant pour les Red Corsairs et en charge de la production des machines de guerre démoniaques du Tyran de Badab. Vask a participé à la guerre de Chogoris du côté des renégats, et une pique est donc réservée pour sa tête dans le hall d’entrée de la forteresse monastère du Chapitre. Orghun accepte immédiatement de partir à la chasse au bad boy, accompagné par les sages conseils de Gahbesh, qui le trouve un peu trop soupe au lait pour son propre bien.

En parallèle de l’histoire d’Orghun, nous suivons celle de Khaijav, un des rares Dreadnoughts White Scars, réveillé de son profond sommeil pour participer à l’attaque de la base de Vask. Alors qu’Orghun emmène ses Intercessors infiltrer la place forte adverse par une buse laissée sans défense1, Khaijav mène une attaque frontale contre le bastion ennemi, monopolisant l’attention des hérétiques pour permettre à ses frères d’armes de porter plus facilement le coup mortel. Sa nature bougonne ne l’empêche pas de se faire un copain, en la personne du jeune Primaris Barutai, qui jacasse comme une pie d’un bout à l’autre de l’assaut. Confronté aux machines impies des Red Corsairs, le Dreadnought encaisse stoïquement les coups et conduit les White Scars jusqu’au cœur de l’antre de Vask, ou ce dernier les attend de pied ferme…

Début spoiler…On se rend alors compte qu’Orghun et Khaijav sont le même individu, l’inflexible Lieutenant étant devenu un encore plus inflexible Dreadnought (je suis sûr qu’il n’arrive pas à toucher ses pieds, ha !) après sa première rencontre avec sa Némésis. Les créations mécaniques de Vask eurent en effet raison des vaillants efforts des White Scars, qui repartirent de Helaka avec quelques cicatrices (sans doute blanches) de plus et la queue de cheval entre les jambes. Molesté par le Helstalker de compagnie du Warpsmith, qui lui fit de grosses papouilles sur le bedon alors qu’il essayait de vider sa querelle avec son maître, Orghun finit incarcéré dans un caisson, et fut rebaptisé Khaijav, ou le Chercheur de Délivrance, par cette vieille baderne de Ghabesh. Plusieurs années, voire décennies, séparent donc les deux épisodes narrés dans cette nouvelle, et je suis heureux de vous apprendre que pour Orghun/Khaijav, la seconde tentative fut la bonne. Ayant appris de ses erreurs passées, le Dreadnought prit soin d’écarteler les machines infernales de Vask avant d’aller lui tirer l’oreille (ce qui donne des résultats salissants lorsqu’on utilise un poing énergétique). Je ne crois pas qu’on put faire de la bouillie qu’il en résultat un trophée digne de ce nom pour Quan Zhou, mais c’est l’intention qui compte !Fin spoiler

1 : Je choisis de penser que c’est un hommage au Faucon de Chogoris, et vous ne pouvez pas me faire changer d’avis.

AVIS:

Jon Flindall nous sert une Space Marinade sérieuse pour ses débuts dans la carrière, construite autour d’une révélation finale assez bien amenée je dois dire. L’ensemble pêche toutefois du côté de la caractérisation des personnages, qui sont tous sans exception des stéréotypes (le Lieutenant téméraire, le vieux Chapelain sagace, le Dreadnought taciturne, le machiavélique et très méchant Warpsmith…), et donc peu passionnants à voir évoluer. Je regrette aussi que l’auteur n’ait pas davantage exploité la culture du Chapitre qu’il a mis en scène, et donné plus d’importance au ressenti de Khaijav, qui a tout de même eu la pire trajectoire professionnelle possible pour un White Scars d’après le fluff : être enfermé dans un Dreadnought. Rien ne vient en effet différencier l’homme-machine de ses équivalents des autres confréries Space Marines, alors que je m’attendais à ce qu’il ait développé une psychose carabinée, et soit considéré avec un mélange de respect et de révulsion par ses camarades (ce qui n’est absolument pas le cas, à moins que Barutai cache très bien son jeu). Encourageant, mais encore un peu juste.

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Boss of Bosses – L. Scull [AoS] :

INTRIGUE:

Boss of BossesCe n’est pas la grande forme pour Gordrakk en ce moment : forcé à abandonner le siège d’Excelsis après l’arrivée de Morathi pour se réfugier dans les collines de Morruk afin de panser ses plaies, le Boss des Boss(es) sait que son emprise sur sa Waaagh ! est plus tenue que jamais. Pour ne rien arranger, il doit composer avec les reproches du chamane Snazzgar Stinkmullet, qui revient le tourmenter depuis l’au-delà en lui reprochant d’avoir tout fait de tra…vert (ce qui est assez approprié pour un Orruk, il faut le souligner). Souhaitant se changer les idées de la seule manière qu’il connaisse, il sort de sa tente pour casser quelques têtes, et montrer à ses boyz qu’il ne vaut mieux pas espérer le remplacer de sitôt. Les premiers à faire les frais de son humeur belliqueuse sont un groupe de soldats d’Excelsis faits prisonniers par les peaux-vertes, auxquels Gordrakk offre la liberté s’ils arrivent à lui entailler le cuir. Beau joueur, il retire son armure, arme ses adversaires et combat à mains nues, ce qui ne l’empêche de faire de la chair à pâté des forces de l’Ordre… jusqu’à ce qu’un Duardin trouve fair play de lui trouer le biceps avec un pistolet qu’un Ironjaw un peu benêt lui avait permis d’utiliser dans cette mêlée ouverte. You know what they say : never bring an Orruk to a gunfight. Bien que le petit malin s’en sorte avec une tête de moins (même si la FER lui donnait raison sur ce coup-là), Gordrakk n’est pas satisfait par cette victoire aux poings et trouve d’autres sparring partners plus à son niveau dans la foule des badauds : d’abord l’Ogor Stinkbelly, puis le Gargant Thromgor. Bilan : un mort, un blessé grave, et un Big Boss plus énervé que jamais.

Avant qu’il n’ait trouvé le moyen de martyriser une Bête Zodiacale dans sa quête d’un opposant digne de lui, Gordrakk est interrompu par l’arrivée du chamane Drooldrop, qui lui annonce qu’il a de la visite. Une délégation de Kruleboyz menée par le chef Skeptis Tongue-eater vient en effet de s’embourber à l’entrée du camp, et demande une audience auprès du Poing de Gork pour lui remettre un cadeau de la part de Gobsprakk en personne. Avant d’aller s’enquérir des desiderata des émissaires de la Bouche de Mork, Gordrakk accomplit deux quêtes secondaires : primo, récupérer son Maw-Crusha Bigteef, qui boudait dans un coin du bivouac, secundo, aller rappeler à son vieux copain Krazz Dredclaw, un Mega-Boss Ironjaw avec des vues sur sa position, si on en croit les rumeurs, qu’il a à l’œil. Ceci fait, notre colérique héros arrive en majesté jusqu’au campement de Skeptis, qui attendait sa venue en dégustant les langues de ses prisonniers, comme son surnom le laissait à penser.

Derrière la déférence de façade qu’il présente à son hôte (qui a après tout le privilège d’entendre les voix de Gork et Mork1), Skeptis dissimule une fourberie digne de son statut de Bosskitu. La couronne enchantée qu’il remet à un Gordrakk d’abord circonspect a en effet été maudite par son Vasomancien, et bien qu’elle commence par apaiser les maux de tête dont souffre le Big Boss (qui rentre fissa au bercail frimer devant ses troupes), elle se révèle bientôt être une nuisance débilitante, s’enfonçant profondément dans le crâne de son porteur et sapant sa force de manière insidieuse. Ayant compris qu’il a été dupé, Gordrakk convoque Drooldrop pour tenter de combattre la magie par la magie, mais le chamane se déclare incompétent (pour changer), et conseille à son patient de faire jouer le service après-vente, c’est à dire aller mettre une rouste à Skeptis. Ce plan d’une simplicité élégante est compliqué par l’arrivée imprévue de Krazz Dredclaw, convaincu par les propos séditieux du Bosskitu de défier son rival pour devenir le Vert Alpha de la Waaagh ! Malgré son état de (relative) faiblesse, Gordrakk fait son affaire au challenger mal inspiré, héritant au passage de quelques blessures supplémentaires. Les emm*rdes volant en espadrilles, Bigteef se révèle être indisposé, la collation de grunta lui ayant été offerte par les Kruleboyz ayant été marinée à la mort aux rats. C’est donc seul et à pied que le Poing de Gork se dirige jusqu’au campement de ses cousins marécageux, bien décidé à régler cette sombre affaire de manière directe et tranchante.

Considérablement affaibli par ses récentes mésaventures, Gordrakk parvient à se frayer un chemin à travers les Eventreurs adverses pour expliquer sa façon de penser à Skeptis, mais connaît un gros passage à vide au moment décisif. Malmené par le bruxodon de compagnie du Bosskitu, il a alors recours à son arme secrète : son karné dadress. Sa connexion privilégiée avec Gorkamorka lui permet d’invoquer inconsciemment la fameuse Main de Gork (ou peut-être de Mork), qui broie la couronne maudite et permet au Boss des Boss de retrouver son prime. Dès lors, il n’y a plus match : le caniche des marais finit en pâté pour squig, et son maître préfère battre prudemment en retraite en jurant qu’il se vengera… jusqu’à ce que Bigteef, lui aussi complètement remis de son intoxication alimentaire, lui tombe sur le râble et le coupe en deux. Faut savoir retirer les gens négatifs de sa vie.

Tout étant rentré dans l’ordre, Gordrakk est libre de faire ce qu’il sait faire de mieux : planifier les prochaines batailles de ses boyz. Et on peut dire qu’il vise haut : inspiré par cette histoire de couronne, il jure de trucider tous les dentistes des Royaumes Mortels, à commencer par Archaon et Sigmar. Il demandera ensuite une revanche à Kragnos pour rétablir la hiérarchie chez les poids lourds de la Destruction. Demandez le programme !

1 : Et de ses deux haches, Krazeuz’ et Ruzée. Et de Snazzgar Stinkmullet. Ce qui commence à faire un sacré paquet de monde. Il faudrait qu’il embauche un Grot de direction pour gérer tous ces voicemails.

AVIS:

Luke Scull donne l’impression d’être un vieux briscard de la Black Library dans ce très convaincant ‘Boss of Bosses’, qui continue sur la lancée des Malign Portents et ‘Kragnos : Avatar of Destruction’ et développe le fluff d’un des personnages majeurs du siège d’Excelsis. Cette lecture m’a furieusement rappelé les passages narratifs des suppléments de jeu pour Hordes et Warmachines, qui développent l’intrigue sous-tendant ces univers, et sont une raison tout à fait valable d’acheter ces bouquins. Cette nouvelle m’a aussi donné envie de me renseigner sur l’arc narratif développé dans la saison de Thondia, sujet qui m’intéressait vaguement auparavant. Une franche réussite pour une première soumission, et une des meilleures nouvelles consacrées aux Orruks que j’ai pu lire depuis le lancement d’Age of Sigmar.

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The Waste, the Worm and the Witch – G. Kloster [AoS] :

INTRIGUE:

The Waste, the Worm and the WitchNous retrouvons la vampire Ruinemâne Nyssa Volari peu de temps après les événements de ‘Anger & Ash’ et la perte de sa mère de sang, Vasara, brûlée au dixième degré lors de l’embuscade tendue par les nomades de la bande du Poing. Au grand déplaisir de notre héroïne sanguine, Vasara a décidé d’occuper sa non non-vie à hanter ses pensées et à hurler des choses incohérentes dans sa tête, ce qui menace de faire tomber sa belle-fille dans la folie la plus profonde. Pour ne rien arranger, le petit royaume vampirique gouverné par le père de sang de Nyssa, Corsovo, est menacé par les incursions répétées des Chercheurs de Soleil, une faction humaine un peu trop vertueuse et éclairée au goût des buveurs de sang. La nouvelle s’ouvre ainsi par une escarmouche durant laquelle la schizophrénie galopante de Nyssa l’empêche de mener à bien l’attaque surprise qu’elle avait planifiée, permettant à sa proie, la Lieutenant Takora, d’échapper une nouvelle fois à ses crocs.

De retour au Palais Gris qui sert de capitale au domaine paternel, Nyssa apprend de la bouche de l’un de ses gardes du corps (Erant) qu’il connaît une sorcière ayant le pouvoir de parler avec les morts, et qui pourrait donc aider sa patronne à se débarrasser de sa squateuse mentale. N’ayant plus grand-chose à tuer et du temps à perdre (et l’inverse), Nyssa s’embarque dans cette quête Doctolibesque, accompagnée de ses fidèles gorilles (Erant, donc, et sa comparse Rill). Après un trekk sans histoire ni ravitaillement dans les plaines cendreuses qui entourent le volcan Temero, le trio finit par croiser la route de la sorcière de la décharge1, qui fait son office de PNJ et demande à ce que lui soit remis un croc de verre de boue d’une longueur respectable avant de consentir à aider Nyssa. Les Ruinemânes partent donc sur la zone de farmage de cette noble bestiole, un lac peu profond situé à quelque distance.

Comme on pouvait s’y attendre, la mission n’est pas aussi simple qu’il n’y paraissait sur le papier. Les vers de boue en question sont en effet très coriaces, et ont la sale tendance à faire repousser les extrémités dont les vampires les amputent à grands moulinets d’épée aussi vite qu’ils en sont privés. Cela ne serait pas un gros problème pour des bretteurs de la classe de Nyssa et compagnie si les crocs des individus tailladés n’étaient pas d’une taille insuffisante pour satisfaire à la demande de la sorcière, et ne se dissolvaient pas dans l’air une fois prélevés. Quand ça veut pas, ça veut pas.

Le rapport de force s’inverse lorsque the mother of all mudworms fait son apparition, tel un boss de fin de donjon après que ses minions aient été vaincus. D’une taille bien supérieure à celle de ses congénères, Lombricator a également les crocs, ce qui est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle pour les chasseurs de vampires. Il faudra une coopération sans faille entre Nyssa, Erant et Rill pour parvenir à tronçonner une longueur convenable du ténia géant, dont les dents plantées dans le bras de Miss Volari au cours de la bataille resteront heureusement en un seul morceau après que le trio ait pris la poudre d’escampette.

De retour devant la sorcière, Nyssa lui remet la quenotte demandée, et obtient en échange un conseil de psychiatre (« faîtes le deuil de votre perte ») en lieu et place du rite nécromantique trop stylé qu’elle espérait recevoir. Cela chagrine fortement notre héroïne, qui décide de faire goûter à cette charlatan sa propre médecine en lui enfonçant le croc dans la jugulaire, mais s’en trouve empêchée par la disparition soudaine (et salutaire) de cette dernière – la sorcière, pas la molaire. Nyssa se rend cependant compte peu après qu’il y avait de la logique dans la folie de l’enchanteresse, puisque la voix de sa mère semble désormais être consciente de son état, et consent à ne plus hurler « AU FEEEEEEEEEEEUUUUUUUUUU2 » à tout bout de champ, comme elle faisait auparavant. A la place, elle lui prodiguera ses sages conseils depuis l’outre-tombe, comme la mère attentionnée – mais insupportable – qu’elle était jusqu’à son regrettable accident. Pas l’idéal pour une esprit libre comme Nyssa, mais un progrès certain par rapport à sa précédente condition.

1 : Witch of the Waste en V.O., ce qui sonne mieux en plus d’être un clin d’œil au Magicien d’Oz.
2 : Vasara semble également détester cordialement une certaine Lira, qui l’aurait trahie et dont elle souhaite se venger. Il est probable que ce personnage apparaisse dans la suite de la série, je me permets donc de le mentionner ici.

AVIS:

Deuxième épisode des aventures de Nyssa Volari, ‘The Waste…’ se révèle être une side quest sans beaucoup d’intérêt, ce qui est dommage car Gary Kloster aurait pu utiliser cette nouvelle pour contextualiser un peu plus ses personnages, leurs relations et leurs histoires. L’avantage de son approche est qu’il n’y a pas besoin d’avoir lu ‘Anger & Ash’ pour faire sens de cette histoire, mais le résultat n’est pas spectaculaire, ni même très utile pour la suite de la série (à moins que la voix de mommy Vasara joue un rôle par la suite). Si Kloster veut concurrencer le Cado Ezechiar de John French, il va falloir qu’il se donne un peu plus de mal.

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Shadowglass Creek – R. Strachan [AoS] :

INTRIGUE:

Shadowglass CreekGalen et Doralia ven Denst poursuivent leur tournée de Ghur (entamée dans ‘The Orphan of Pale Harbour’) et arrivent dans la charmante bourgade de Shadowglass Creek, où un indicateur leur a signalé la présence de deux cultistes du Chaos ayant fui Excelsis après la victoire de l’Ordre. Bien que les suspectes en question, Chellane et Niss, se soient parfaitement intégrées dans leur nouvelle communauté, où elles ont ouvert une petite supérette fréquentée par tous leurs concitoyens, l’Ordre d’Azyr n’est pas connu pour passer l’éponge facilement1.

Les ven Denst débarquent donc tous flingues et arbalètes dehors dans le fonds de commerce des exilées, qu’ils conduisent manu militari sur la place centrale de Shadowglass Creek pour un feu de joie purificateur et éducatif pour le reste des péquenauds du coin. Leur zèle est toutefois entravé par le manque de coopération manifeste desdits péquenauds, qui ne croient pas un mot des accusations des Répurgateurs et se tiennent prêts à défendre leurs exemplaires épicières/philanthropes/sages-femmes/paroissiennes contre leurs bourreaux. Même le lecteur de Sigmar local (Gruphoven) se joint à la foule en colère, laissant Galen et Doralia bien isolés au milieu des Ghurites en bisbille. Se pourrait-il qu’ils aient fait erreur sur la personne, comme Chellane et Niss ne cessent de leur répéter ?

Début spoiler…Eh bien, non. Lorsqu’il devient clair que la situation est sur le point de dégénérer, Niss, a.k.a. Salvann Urad décoche un Don du Changement dans la direction de Galen avant qu’il n’ait pu appuyer sur la gâchette de sa pétoire, et entraîne Chellane (a.k.a. Xollniz Ta’zath) vers la porte de la cité sous le couvert d’une bombinette à fumées (rose et bleue, évidemment). Le templier est sauvé par l’intervention fortuite de Gruphoven, qui s’interpose sans le vouloir entre le sort et sa cible, et finit transformé en Enfant du Chaos pour sa peine. Une fois le lecteur euthanasié par charité sigmarite, nos héros font parler la poudre et le chanvre, et mettent fin à la cavale des cultistes repenties de deux tirs bien placés. Comme on dit à Azyrheim : never forgive, never (Guy) forget.Fin spoiler

1 : La chose coulant chez lui, c’est les nœuds.

AVIS:

Petite nouvelle qui prend la suite de ‘The Interrogator’ (du même auteur) en poussant la réflexion un peu plus loin : est-il possible pour un cultiste du Chaos de laisser son passé derrière lui et d’être absous de ses péchés, si son repentir est sincère ? A Warhammer Fantasy Battle, la réponse avait toujours été un « non » franc et massif. Age of Sigmar étant un univers (un peu) moins sombre et torturé que son prédécesseur, la question était ici ouverte, et Richard Strachan est resté droit dans ses bottes grimdark au moment d’y répondre. Le résultat n’en est que plus impactant, et permet au lecteur de réfléchir à cette question philosophique de son côté. Une nouvelle soumission solide1 de la part de cet auteur, très à l’aise dans la mise en scène des tribulations manichéennes des agents de l’Ordre d’Azyr.

1 : Je m’interroge cependant sur la possibilité que Chellane et Niss aient pu être des cultistes de la Nullstone Brotherhood, qui détestait les pratiquants des arts arcaniques, et était affiliée à Slaanesh plutôt qu’à Tzeentch.  

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Harrowhand – E. Dicken [AoS] :

INTRIGUE:

HarrowhandLes Collines Creuses de Ghyran présentent des particularités qui les rendent stratégiques pour deux factions ennemies des Royaumes Mortels. Pour Sigmar (en l’occurrence, les croisés Dawnbringers qui représentent le grand barbu hors d’Azyrheim), il s’agit d’un endroit parfait pour établir une colonie du fait de la présence d’un nexus géomantique. Nagash (qui a donné sa délégation à la Wight Queen – #Féminisme – Isavir Harrowhand) est quant à lui plus intéressé par les tertres funéraires qui tapissent l’intérieur des trois collines en question, et Skeletor s’est jusqu’ici montré intraitable dans la défense de ce qu’il considère comme étant son bien, et tant pis si on est dans le Royaume de la Vie. Une croisade entière est déjà tombée sous les coups d’Harrowhand et de ses guerriers sépulcraux, et une autre est promise au même sort funeste à moins que Neave Blacktalon et ses Stormcast Eternals d’élite (la Raptor Shakana Goldenblade et son dindon de combat Anda, le Retributor Rostus Oxenhammer et le Deambulator1 Hendrick) ne parviennent à assassiner la meneuse ennemie. Problème : personne ne sait où elle se cache, et même les pouvoirs de détection de la Soulscryer Idoneth (Lorai) que les Blacktalons ont pris avec eux pour l’occasion ne sont d’une grande aide. Chaque seconde qui passe rapprochant la colonne de sigmarites de son funeste destin (apparemment, on n’a pas le droit de les prévenir qu’ils se dirigent droit dans un piège dans ce scénario), la bouillante Neave finit par abandonner l’approche prudente conseillée par Shakana, et emmène son commando à l’assaut du tertre #2 après avoir tiré son objectif au D3. Quand faut y aller, faut y aller.

Malheureusement pour nos héros, Loec s’est foutu de leur masque en sigmarite, et après avoir vaillamment ferraillé pendant quelques pages contre des hordes de squelettes qui ne demandaient que ça, ils finissent par battre en retraite par le toit ouvrant du tertre (une fonctionnalité très pratique, installée en 2-2 par Rostus et son gros marteau). Bien qu’aucune perte ne soit à déplorer du côté des Stormcast Eternals, ils n’ont pas avancé d’un pouce dans l’atteinte de leur objectif, et ce constat d’échec crée quelques crispations dans les rangs. Particulièrement entre Shakana, qui aimerait bien éviter de devenir un légume à force de reforges successives et n’est plus trop chaude pour mourir pour les mauvaises idées de sa supérieure – même de mort lente –, et Neave Blacktalon, qui ne voit absolument pas le problème. La tension professionnelle est cependant évacuée lorsque les Blacktalons réalisent brusquement que si Harrowhand n’était pas dans le tertre, comme la logique le scénario le voulait pourtant, c’est parce qu’elle était en train de préparer l’embuscade de la prochaine croisade. Vous savez, celle que Sigmar vous a envoyé protéger. BANDE DE GLANDS. Comme quoi, on peut être foudre de guerre et très lent à la comprenette.

Cette épiphanie un peu tardive remet Neave et Cie dans le sens de la marche, et la fine équipe tend une embuscade aux petits oignons à la Wight Queen alors qu’elle attendait au milieu de ses troupes l’arrivée des ses prochaines recrues (involontaires), sans doute en jouant aux osselets. Comme l’a chanté Francis Cabrel à la fin du siècle dernier : « pas la pei-neuh que je pray-cise » ce qu’il se passe au cours des quelques minutes suivantes. Au terme d’un affrontement éclair, la revenante, qui était elle aussi dans la Team Sigmar dans sa première vie, ce qui perturbe un peu cette sensible de Shakana, repart hanter Shyish, ce qui désorganise légèrement son armée. Les croisés en seront toujours quitte pour une bataille rangée contre les légions de Nagash, mais ce n’est plus l’affaire des Blacktalons, que l’on quitte sur une scène de franche rigolade et d’honnête camaraderie. C’est bien de faire un métier que l’on aime, tout de même.

1 : Comprendre qu’il est vieux. Et c’est sa seule caractéristique différenciante de ces petits camarades, malheureusement.

AVIS:

On se croirait revenu au bon vieux temps des débuts d’Age of Sigmar, où la Black Library ne nous proposait que des récits de batailles de Stormcast Eternals. Certes, ici les fiers paladins en armure sont opposés à des Squelettes et non à des guerriers du Chaos (#Variété), mais le résultat n’en est que marginalement différent, et marginalement intéressant. Lorsqu’une nouvelle peut être résumée en une (courte) phrase sans que rien d’important ne soit omis, ce n’est jamais bon signe pour la qualité de la soumission, et l’autrement irréprochable Evan Dicken faillit à ce test avec ce simpliste ‘Harrowhand’, qui ne mérite même pas d’être lu par les fans inconditionnels des Blacktalons à moins qu’ils ne soient devenus les automates décérébrés dont Shakana redoute tant de rejoindre les rangs1.

1 : Mon hypothèse à ce stade (Décembre 2022) est que la BL est en train de préparer son lectorat au retour des Blacktalons, sous une forme ou une autre, dans les prochains mois. Si cela se vérifie, certains aspects de cette nouvelle pourraient faire plus de sens. Je pense notamment au personnage de Lorai, qui traverse l’histoire comme un fantôme et ne sert pas à grand-chose au final : je ne vois pas pourquoi Dicken a trouvé utile de l’intégrer à son récit, sauf s’il s’agissait pour lui de respecter une continuité narrative qui n’a pas encore été totalement établie à ce stade. À suivre…

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The Fields of Abundance – D. Annandale [HH] :

INTRIGUE:

The Fields of AbundanceJ’écoutaiiiis le disc jockeeeey // Dans le Rhino qui me traînaiiiiit // Sur la route de Iaspis… Ahem, pardon. Iaspis, donc. Pauvre petite planète loyaliste placée entre les infâmes et puants (surtout maintenant) Death Guards du Premier Capitaine Typhon et le Monde Trône1, Iaspis s’est battu vaillamment mais Iaspis a perdu et s’en prend plein les dents (ça rime). Les ordres reçus par le maître du Terminus Est sont simples : s’emparer de tout ce qui peut être utile à l’effort de guerre des hérétiques, et détruire le reste. Cependant, Calas Typhon est une diva, et son récent passage à Nurgle l’a rendu encore moins disposé à suivre les instructions de Mortarion (ça rime aussi). Bien qu’il soit tout à fait content de commettre crimes de guerre sur crimes de guerre envers les défenseurs et civils de la malheureuse planète, il ne peut s’empêcher d’expérimenter de nouvelles manières (souvent aqueuses et boueuses) de perpétrer massacres, destructions et biocides, tandis que ses officiers se contentent de suivre le manuel du parfait petit Death Guard.

L’attention du barbu à la faux se porte sur le Sergent Nevak, dont l’escouade s’est acquittée avec brio de la liquidation d’un bunker dans lequel s’était replié des Psykers locaux. Après un vigoureux bombardement d’obus et une bonne application de phosphex, il ne restait plus rien de ces horribles mutants, mais le résultat semblait trop… propre à Typhon, qui invita donc le Sergent à un tête à tête d’après bataille. Coup de chance pour notre héros, son interlocuteur se révèle être lui aussi un Psyker en puissance, essayant désespérément d’inhiber ses capacités pour se conformer aux préceptes de ce rigoriste de Mortarion. Sentant qu’il tient en Nevak un disciple potentiel, Tyty l’emmène sur le théâtre de l’une ses exactions expérimentales : la ville de Sappir.

Pour son malheur, Sappir se trouvait à proximité d’un spatioport important et d’un barrage hydraulique, ce qui amena à sa destruction rapide dans la campagne et donna à Typhon l’idée de la noyer sous les eaux (désormais polluées et radioactives, c’est cadeau). La grande idée de Mister T. est que ce modus operandi, s’il a permis une destruction tout aussi complète de sa cible que celle déployée par Nevak à Polita (la capitale planétaire d’Iaspis), a l’avantage d’être évolutif, et de permettre à de nouvelles formes de vie de prospérer. Ce qui est mieux pour un pro-life tel que Typhon. La preuve en est apportée par la poignée de Sappirois perclus de maladie qui se sont réfugiés dans la MJC locale pour se soutenir mutuellement dans cette terrible épreuve, et sont déjà Zombies de la Peste à 77,77%. Typhon prend sa plus suave voix et parvient à persuader son protégé de l’intérêt de son approche philosophique (eh oui), gagnant son premier disciple au passage. Ça lui a aussi servi de grand oral pour son passage devant Morty, donc tout bénef. The fin.

1 : Je comprends mieux pourquoi Mortarion s’est porté volontaire pour être dans l’avant-garde : dans sa condition actuelle, avoir un accès prioritaire au trône était une bonne idée.

AVIS:

Ça sent vraiment la fin (de l’inspiration) pour Annandale, qui nous sert le récit de la conversion à Nurgle d’un illustre inconnu par ce vieux prosélyte de Typhon. Comme nous connaissions déjà les deux étapes les plus importantes du changement de paradigme cult(ur)el de la Death Guard1, ‘The Fields of Abundance’ m’apparaît comme la scène coupée au montage d’un film déjà bieeeeeen long, et ajoutée dans l’extended version dudit film pour faire plaisir aux fans les plus convaincus. Release the Annandale cut, am I right ? Well, maybe not.

J’aurais pu avoir un avis différent sur cette nouvelle si l’auteur avait réussi son pari, assez risqué je dois dire, de construire son propos autour d’une discussion philosophique (le bien vs le mal le propre vs le sale) au lieu d’une honnête empoignade energétique, comme on pouvait s’y attendre. Mais n’est pas Graham McNeill2 ou Aloïs Schumpeter qui veut et David Annandale se perd assez rapidement dans son exégèse de la destruction créatrice, supérieure à la clinique et froide destruction… destructrice pour des raisons qui, si elles convainquent ce brave Nevak en l’espace de trois minutes, m’ont barbé en l’espace de trente secondes. I WIN.

Je trouve un peu dommage que l’une des dernières nouvelles originales de cette franchise iconique ait été confiée à un contributeur qui n’a visiblement plus rien à apporter à l’Hérésie d’Horus, mais on ne peut pas gagner à tous les coups…

1 : Typhon devient un Héraut de Nurgle dans ‘Exocytosis’, et rallie Mortarion à sa cause dans ‘The Burried Dagger’.
2 : Je pense évidemment à ‘The Last Church’.

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The Shel’tain Affair – J. Reid [HH] :

INTRIGUE:

The Shel'tain AffairComme pour Faramir longtemps avant elle, c’est au tour d’Amendera Kendel de prouver sa valeur. Fraîchement nommée Agentia Tertius par Malcador le Sigilite, sa première mission la place en effet loin de sa zone de confort (massacrer des démons et faire vomir des Psykers), car elle nécessite une approche subtile que l’ex-Sœur du Silence est bien loin de maîtriser. Envoyée enquêter sur les agissements du Haut Duc Ceithyr, dont la tête ne revenait pas à l’acariâtre Régent de Terra pour une raison qu’il n’a pas daigner lui expliquer, Amendera n’a pas la moindre idée de comment s’y prendre pour percer à jour le honteux petit secret de son hôte, qui se fait un plaisir de lui offrir une visite guidée de sa distillerie de whisky et de sa ferme de cyber-Highland (on suppose qu’il pousse le vice jusqu’à lui offrir du haggis, le monstre) pour montrer qu’il n’a rien à cacher à l’adjointe de Malcador. Après quelques heures infructueuses, Kendel décide de plier les gaules et d’aller confesser sa nullité auprès de son employeur – en espérant qu’il ne mettra pas fin à sa période d’essai – et accepte l’offre de Ceithyr d’être raccompagnée en voiture jusqu’à son Arvus.

Les choses prennent toutefois un tour aussi désagréable qu’intéressant lorsque le chauffeur du Duc tente de lui coller un pruneau dans le buffet, avant de déclencher la bombe cachée sous la carrosserie du véhicule (une option pratique quand on veut se débarrasser d’un invité indésirable… et c’est à peu près tout), qui, si elle épargne notre héroïne, pique toutefois son intérêt professionnel et la motive à retourner dans le manoir de son hôte indélicat. Considérant à juste titre qu’il vaut mieux faire profil bas vu les circonstances, Kendel passe par l’entrée de service et arrive dans le sous-sol du Duc, où elle ne met pas longtemps à liquider les quelques malheureux domestiques et gardes qui passent à sa portée. Lorsque Ceithyr finit par être informé que sa cible a survécu à la tentative d’assassinat, il panique et ordonne à ses hommes d’aller protéger les couveuses de toute urgence, ce qui ne manque pas d’intéresser notre héroïne, qui a entretemps subtilisé l’oreillette d’une de ses victimes pour se tenir informée des derniers potins. Direction les couveuses, donc.

Il s’avère que Ceithyr est un passionné de génétique appliquée, et a installé sous son manoir un laboratoire pour élever du Psyker, passe-temps très certainement prohibé par ce killjoy d’Empereur (faîtes ce que je dis, pas ce que je fais, tout ça…). Dérivés de son patrimoine génétique, les créations du Duc lui servaient à prédire l’avenir de sa lignée, ce qui lui avait été très utile pendant la période d’incertitude que furent les guerres d’unification. Grâce aux conseils de ses « enfants », Ceithyr put placer ses billes sur le bon canasson (JapPépéloup) et sortir son épingle du jeu alors que ses rivaux moins inspirés goûtaient à la colère des Guerriers Tonnerre. Cette histoire est racontée à Amendera par l’une des filles génétiques du Duc, qu’elle ne porte pas dans son cœur du fait des mauvais traitements qu’il inflige à ses bâtards (enfermés au garage ad vitam aeternam, c’est vraiment pas l’éclate). C’est elle qui a averti son papounet abhorré de la chute de sa dynastie s’il avait le malheur de laisser partir l’envoyée de Malcador, ce qui a conduit le superstitieux aristocrate à organiser l’attentat que l’on sait en catastrophe. Elle se rattrape à présent en conseillant à une Kendel à court d’options lorsque Ceithyr débarque avec ses sbires de viser le champ anti-psi maintenu par le prudent Duc autour des cuves amniotiques où la plupart de ses rejetons sont maintenus en stase plutôt que d’essayer de se faire justice directement en envoyant une bastos à son presque assassin.

Résultat des courses : l’un des Psykers en conserve qui flottait à l’arrière-plan décide qu’il est grand temps de tuer le père, comme lui avait conseillé son thérapeute, et réduit Ceithyr et ses gardes en bouillie à la seule force de son petit cerveau musclé, avant de mourir d’épuisement. Pas rancunière pour un sou, Kendel décide d’épargner la fille du défunt Duc et de la ramener avec elle chez Malcador, pensant qu’une voyante agréée pourrait être utile à son boss pour préparer le siège de Terra. Vu comment l’Hérésie se termine pour lui, on peut conclure qu’il a refusé qu’on lui tire les cartes…

AVIS:

L’Hérésie d’Horus a beau être d’abord l’histoire d’une guerre fratricide opposant des légions de surhommes génétiquement modifiés, il s’est passé autre chose qu’une interminable Space Marinade pendant les sept ans qu’a duré cet événement fondateur (et destructeur, aussi). La nouvelle que signe Jude Reid, qui relève plus du thriller policier que du bolt porn, a donc sa place dans cette saga tentaculaire, même si on peut être pardonné de considérer qu’il s’agit d’une péripétie mineure et périphérique par rapport à l’arc principal. Le fait qu’elle ait été publiée en 2022, au moment où le Siège de Terra vivait ses heures les plus intenses, n’aide pas non plus à s’enthousiasmer pour cette histoire que l’on pourrait qualifier de « basse intensité ».

Reid livre une copie sérieuse ici, qui pourra rappeler aux plus anciens la deuxième partie du ‘Blood Games’ de Dan Abnett (ça ne nous rajeunit pas), mais qui ne satisfera pas les lecteurs souhaitant voir l’intrigue globale de l’Hérésie progresser, même modestement, à travers les courts formats égrenés par la Black Library en cette fin d’Hérésie. Je trouve également dommage que Jude Reid n’ait pas cherché à prendre la suite de l’autre nouvelle récente consacrée à Amendera Kendel (‘The Serpent’s Dance’ de Mike Brooks), ce qui aurait pu créer un mini-arc sympathique sur la lutte des agents de Malcador contre l’Alpha Legion. On verra si l’Agentia Tertius refera parler d’elle avant que la poussière ne retombe définitivement sur cette franchise…

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Et voilà qui termine cette revue du calendrier de l’Avent 2022 de la Black Library. Un millésime intéressant mais inégal, 40K étant à mes yeux la franchise la plus gâtée du lot, tant sur le plan de la quantité que de la qualité. Il faut dire qu’en invitant Peter Fehervari et Sandy Mitchell à la table, le lointain futur partait avec une longueur d’avance sur ses petits camarades, et ces vétérans reconnus n’ont pas failli à la tâche (la « rédemption » de Danie Ware venant pour sa part compenser le coup de moins bien de Mike Brooks1).

Pour Age of Sigmar, le constat est mitigé : si le nouveau-venu Luke Scull et le plus ancien Richard Strachan ont rempli leur mission, Gary Kloster peine encore à convaincre avec sa chère Nyssa Volari, et Evan Dicken ne réussit pas à redonner un second souffle à des Blacktalons hors de forme et trop génériques pour un univers autrement plus complexe qu’il ne l’était lors de leurs premières aventure.

Enfin, la petite moisson hérétique m’a globalement déçu, bien que je n’eusse que peu d’attentes à son sujet. On ne peut pas trop en vouloir à Jude Reid de ne pas vouloir trop se mouiller pour sa première nouvelle dans une franchise aussi plot-driven (pardon pour l’anglicisme, mais celui-là est dur à traduire) que celle-ci, mais un vieux de la vieille comme David Annandale, qui plus est aux commandes d’une de ses factions fétiches, aurait pu et dû faire mieux que sa quelconque soumission.

Ne sachant pas à ce stade si j’aurais le temps, l’envie et la foi pour poster une autre critique d’ici à 2023, je profite de cette conclusion pour vous souhaiter une bonne fin d’année (ce sera fait). On se retrouve en 2023 pour de nouvelles revues.

1 : Desservi par le fait que Snaggi semble être un personnage important dans le roman ‘Warboss’, sorti à l’été 2022 mais uniquement en format collector par la Black Library. Ça n’aide pas vraiment à relier les points et à replacer les personnages dans leur contexte.

CONQUEST UNBOUND [AoS]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue de ‘Conquest Unbound, anthologie de nouvelles se déroulant dans les Royaumes Mortels, et publiée par la Black Library en Novembre 2022. Avec 21 histoires au compteur, ce beau pavé concurrence ‘Gods & Mortals’ pour le titre de plus gros recueil Age of Sigmar mis sur le marché (à ce jour), ce qui en fait une très bonne affaire si on s’intéresse au ratio quantité/prix. À moins de 12€ pour sa version numérique, on en a pour son argent.

Conquest Unbound’ présente également des similitudes avec un autre omnibus, à savoir ‘The Hammer & the Eagle’ (chroniqué ici). Ce dernier ouvrage visait principalement les nouveaux arrivants dans la GW-Fiction, et présentait donc un florilège de nouvelles variées, présentant la plupart des factions les plus populaires de la franchise, à travers les personnages les plus iconiques de cette dernière. Ici, on retrouve un sommaire divisé en 6 parties1, chacune composée d’entre 3 et 5 courts formats, que je suppose avoir été choisis par les éditeurs de la BL dans un but de variété et d’exhaustivité. Le fait que certaines armées, pourtant majeures (Skavens, Filles de Khaine, Fyreslayers…), ne soient pas représentées dans cet épais grimoire est un peu dommage, mais cela est sans doute dû à l’absence de nouvelles récentes les mettant en avant à y faire figurer2.

Conquest Unbound

En effet, toutes les histoires figurant dans ‘Conquest Unbound’ sont relativement récentes, les plus anciennes ayant été initialement publiées en 2019. Comme c’est l’usage pour les anthologies de courts formats de la Black Library, une majorité (16) du sommaire a déjà été proposée au public. La présence de quelques inédits est cependant à souligner, et cet ouvrage pourrait donc intéresser les vétérans hobbyistes en plus des dénicheurs de bonnes affaires.

Terminons enfin par un mot sur les contributeurs sollicités pour l’écriture de cette ribambelle de nouvelles. Au nombre de 15, dont 6 (Werner, Guymer, Gregory, Dicken, Van Nguyen et Fletcher) bénéficiant d’une double apparition, ils sont pour la plupart bien connus des habitués de la BL. La présence d’inédits permet cependant à Adrian Tchaikovsky et Rhuairidh James de faire officiellement leurs premières armes, dans Age of Sigmar pour le premier, et dans la GW-Fiction pour le second. Souhaitons leur bonne chance pour ces débuts, et souhaitons nous bonne lecture pour venir à bout de cette brique…

1 : Les Royaumes Aelves (3 nouvelles), Les Elus de Sigmar (3), Les Anciens Empires Duardin (3), Les Guerriers du Chaos (3), Peaux-Vertes et Gargants (5), et Serviteurs de Nagash (3).
2 : A l’inverse, Gotrek et sa sidekick Maneleth réussissent à figurer dans pas moins de trois nouvelles différentes, en faisant les véritables star de ‘Conquest Unbound’.

Conquest Unbound

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The Warden in the Mountain – E. Gregory :

INTRIGUE:

The Warden in the MountainC’est la soirée du grand oral pour les apprentis garde-chasses (Wardens-in-the-Wild en VO) de la Grande Gardienne Tythrae. La petite poignée d’aspirants se rend au pied de la Beastgrave pour passer l’épreuve décisive : passer toute une nuit prosternés dans la poussière à l’entrée d’une des cavernes de la montagne magique, sous le regard sévère de Mémé Tythrae. Et si cela ne semble pas très compliqué de prime abord, il faut prendre en compte la fâcheuse tendance de la Beastgrave à venir souffler des propos peu amènes dans les oreilles de ceux qui s’en approchent trop. Imaginez-vous un podcast de 10 heures pendant lequel Alex Jones d’InfoWars ne ferait que hurler que personne ne vous aime, que votre race et vos dieux sont morts, et qu’il a mangé votre passé et votre futur avec des cuisses de grenouilles gay. Soumis à un tel traitement, il n’est pas étonnant que plusieurs novices pètent les plombs. Pour les chanceux, cela se termine par une reconduite au bas de la montagne, et une inscription en CAP chaudronnerie. Pour les autres, c’est un sprint malavisé directement dans la gueule du loup, ou plutôt de la montagne, ce qui force Tythrae à abandonner la supervision de l’épreuve pour ramener ses brebis perdues au bercail.

Leur professeur n’étant pas revenue au moment où le jour se lève et l’épreuve prend fin, les trois derniers participants (Maethys, Laeren et Weheol) décident de pénétrer à leur tour dans la caverne pour s’enquérir de la situation, et malgré les instructions très claires laissées par Tythrae à son départ de ne surtout pas la suivre. Aaaah, si jeunesse savait écoutait… Bien évidemment, ce noble dessein ne va pas tarder à rencontre la dure et froide (normale pour une montagne) réalité de la Beastgrave, d’où il est beaucoup plus facile d’entrer que de ressortir…

Le premier personnage à tirer sa révérence est Maethys, qui n’avait jamais été trop branché (haha) par la position de garde-chasse de toute façon, mais s’était accroché à cause de son béguin pour sa camarade Laeren, qui se trouve être la petite-fille de Tythrae. Lorsque le trio est embusqué par un monstre flou et maniant le couteau comme Philippe Etchebest, le chevaleresque Aelf s’interpose entre sa dulcinée et l’affreux jojo, et finit au fond d’une crevasse, les os en miettes. Son sacrifice permet toutefois à Laeren et Weheol de distancer leur agresseur, mais seulement pour un temps. Perdus dans le dédale des galeries, et retardés par la cécité de Weheol, les deux survivants se font rattraper par leur stalker, qui blesse l’aveugle mais ne rate pas Laeren. Dans son dernier souffle, elle expédie son camarade dans la rivière souterraine qui coule en contrebas, lui permettant d’échapper à nouveau au surineur de l’ombre.

Repêché par Tythrae, qui avoue ne pas avoir réussi à sauver l’aspirant qui avait piqué son meilleur sprint dans la Beastgrave, et être aussi totalement perdue, Weheol indique à sa mentor qu’il a mémorisé l’itinéraire emprunté par feu ses camarades et lui-même, et qu’il se fait donc fort de trouver la sortie si on le ramène à l’endroit où Laeren l’a initié au plongeon de 10 mètres. C’est dans les cordes de la Grande Gardienne, qui guide son dernier pupille dans la remontée, jusqu’à ce que la paire doive négocier un nid de stagwyrms endormis pour accéder au niveau supérieur.

Début spoiler…C’est le moment que choisit le monstre pour refaire parler de lui. On apprend qu’il s’agit d’un ancien aspirant garde-chasse (Ossifal), qui a raté son épreuve de passage du temps où cette inconsciente de Tythrae organisait cette dernière non pas devant, mais dans la Beastgrave. Perdu corps (seulement yeux et bras pour être exact, mais c’est déjà pas mal) et biens dans la montagne, Ossifal a toutefois trouvé une nouvelle vocation dans les ténèbres, s’autoproclamant Gardien des Wyrms et prenant sur lui de poignarder tous les aventuriers passant à sa portée. Désireux de tester le métal dont est fait Weheol pour s’assurer qu’il est digne de devenir garde-chasse, il se heurte au refus catégorique de Tythrae, et de dépit, siffle la fin de la récré. Cela réveille en sursaut les stagwyrms qui pionçaient pénards à proximité, et dans la confusion qui s’en suit, Weheol parvient à s’échapper en direction de la rivière, pendant que Tythrae et Ossifal s’entretuent à l’arrière-plan.

Un peu plus gaillard que son ancienne prof principale, Ossifal se traîne jusqu’à l’aveugle pour aller s’empaler de son plein gré sur le bout pointu de sa canne de marche, et lui proposer de prendre sa succession comme Gardiens des Wyrms. La position vient avec une super cape de bras spectraux, très pratique pour poignarder les intrus, et qu’Ossifal portait jusqu’à son récent suicide. En bon objet magique maléfique, la cape essaie de se greffer à son nouveau porteur, mais Weheol, après avoir considéré une reconversion, décide qu’il n’a pas envie de revivre le cauchemar de la plateforme Parcours Sup pour changer de filière, et bastonne la relique impie à mort (?) avant de repartir vers la sortie. On espère qu’il aura trouvé son chemin, après avoir trouvé sa voie…Fin spoiler

AVIS:

Très bonne nouvelle de la part d’Eric Gregory, qui parvient à se sortir de l’écueil narratif que représente Warhammer Underworlds en mettant en scène des personnages ne faisant partie d’aucune bande nommée, et donc dont il a tout loisir de pouvoir faire vivre et mourir comme il l’entend. L’ambiance de thriller/slasher qui se dégage de ces pages est une réussite, tout comme la manière dont l’auteur retranscrit la malignité de Beastgrave, qui vient plomber le moral de nos pauvres aspirants de manière à la fois directe et insidieuse. Seule micro-doléance de mon côté, le manque d’explications fournies à propos de la super cape d’Ossifal, qui semble être la véritable antagoniste de l’histoire, et la source des pouvoirs du Gardien des Wyrms. Rien qui ne vienne gâcher la lecture de ce qui est à mes yeux la meilleure nouvelle de cette sous-franchise (en même temps, la concurrente n’est ni nombreuse, ni rude), cependant.

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The Harrowing Deep – M. A. Drake :

INTRIGUE:

The Harrowng DeepLe Prince Cycladaean poursuit le noble but de l’unification de toutes les enclaves Idoneth, préférablement sous la férule de son boss, le Haut Roi Volturnos, à qui il sert d’émissaire et de diplomate itinérant. Ayant engrangé quelques succès notables, notre héroïque héraut trouve cependant dans l’enclave de Dhom-Hain, gouvernés par la Haute Reine Mheáve et son époux, le très consort (le -sort est silencieux), Roi Akhamar, un défi à la mesure de ses talents. Incarnations même des farouches péquenots de Ghur – qu’ils sont, dans une certaine mesure – les Idoneth de Dhom-Hain n’ont pas l’hospitalité facile envers leurs cousins ultramarins, et ne se montrent guère emballés par le projet de désenclavement (c’est le cas de le dire) que Cycladaean pilote. Il n’y a guère que Mheáve pour se montrer moins glaciale que le reste de ses sujets, et tolérer que Cy’ prenne la parole à la cour, quand son butor de mari ne fait pas le moindre effort pour masquer l’animosité qu’il nourrit à l’égard de son hôte. Et il paraît que l’air marin rend aimable1.

Ce délicat jeu de pouvoir et d’influence, dans lequel Cycladaean part perdant, est toutefois perturbé par les ravages causés par un mystérieux prédateur, ayant déjà rasé plusieurs hameaux périphériques de la cité de Rundhar, capitale de Dhom-Hain, et englouti corps et biens les trois expéditions de chasseurs envoyées lui faire les écailles. Saisissant sa chance, notre héros parvient à se faire inviter à la nouvelle partie de chasse montée par leurs altesses bassesses royales, contrariant tellement Akhamar au passage que le Roi décide de se joindre également aux réjouissances, afin de montrer que lui aussi, il en a (des branchies, sans doute). Empoignant sa fourchette magique Pontumahár et chevauchant sa fière monture tentaculaire Ishcetus, Malbrough Cycla s’en va en guerre mer, aux côtés d’une force conséquente d’Akhelians, tous montés sur des bestioles au nom décidément compliqué pour quiconque n’est pas familier de leur livre d’armée (sans blague). Sur la route des profondeurs, le Prince fait la connaissance de Saranyss, l’Isharann de garde, qui, eau surprise, se montre elle aussi plutôt sensible aux arguments fédéralistes, déistes et lumineux développés par l’onctueux VRP. Il faut dire que la donzelle a voyagé pendant sa jeunesse, et roulé sa vague d’enclaves en enclaves, ce qui lui a ouvert les yeux (façon de parler, voilà la fig’) sur les bienfaits de la coopération.

Sur ces entrefaites, l’expédition vengeresse autant que chasseresse arrive sur les lieux des dernières déprédations du monstre, que ses membres se mettent à fouiller à la recherche d’indices. Pas de chance pour eux, ils ne réalisent qu’un peu tard que l’absence de traces sortant du village dévasté ne peut signifier qu’une chose : la présence du monstre en question, qui, malin autant que rusé, s’était caché dans un espace fumeur pour s’en griller une petite en attendant que son dessert arrive. Confronté à un Kharibdyss pétant le feu (c’est le cas de le dire), les Deepkin ne sont pas à la fête, d’autant plus que la coopération entre Cycladaean et ses comparses est loin d’être optimale : passe encore que Saranyss reste dans sa bulle – après tout, c’est à ça qu’elle sert – mais l’approche prudentielle adoptée par Akhamar et ses sbires laisse notre preux paladin en fâcheuse posture. Esquivant tant bien que mal les suçons insistants de la bête, il parvient de justesse à se désengager, et décide de charger son rival pour se passer les nerfs. Bon en fait, pas vraiment, il s’arrête juste avant de commettre l’irréparable et se contente d’engueuler Akhalamar comme du poisson pourri, ce qui est assez fluff. Il faut l’arrivée salvatrice de Saranyss, et son expertise pour faire retomber la pression, pour que les alliés ne commencent pas à se fritter, et se lancent à la place à la poursuite du Kharibdyss importun, blessé mais loin d’être mort.

Après quelques minutes de marche, ou de nage, dans les profondeurs stygiennes de l’océan, les survivants arrivent en vue de l’antre du monstre, qui se trouve être le cadavre d’un autre monstre, mais plus gros (comme la plupart des bâtiments sur Ghur d’ailleurs). Comprenant que ses camarades de chasse ont toutes les dents de la mer contre lui, Cycladaean se décide à la jouer finement, et parvient à faire passer tous les PNJs restant en pertes et profits, à l’aide de sa science du placement (toujours mettre un gus entre soi et le concombre de mer polycéphale et enragé dont on viole l’intimité, c’est une règle d’or). Gardant le meilleur pour la fin, notre héros, un tout petit peu revanchard, joint l’utile à l’agréable en enchaînant un double kill grâce à son trident incendiaire2 : la bête et le bête. Émergeant seul, mais victorieux, de cette confrontation, le Prince rejoint Saranyss, qui avait une nouvelle fois décidé d’attendre prudemment à l’extérieur (dur de garer un leviadon, même en double file), et nos deux comparses se mettent en route pour Rundhar, où Cycladaean a maintenant bon espoir de convaincre Mheáve d’accepter le principe d’une reprise de contact avec les autres enclaves Idoneth. Après tout, la formule consacrée ne dit-elle pas : sans âme, ouvre-toi (au monde extérieur) ?

1 : On aurait beau jeu de me répondre que les Idoneth Deepkin n’en ont cure puisqu’ils vivent sous les flots. Ce que j’accepte.
2 : C’est encore plus fort sous l’eau.

AVIS:

Plongée (haha) réussie de la part de Miles A. Drake dans le monde baroque et exotique des Idoneth Deepkin, ‘The Harrowing Deep’ se montre plus intéressant dans sa contextualisation de la faction dont il traite (leur rapport à Teclis, la volonté unificatrice de Volturnos, l’isolationnisme de certaines enclaves…) que dans la traque du Kharibdyss qui occupe une bonne moitié du récit. Non pas que l’auteur pêche (qu’est-ce que je suis spirituel, vraiment) dans sa mise en scène des passages d’action, qui se révèlent tout ce qu’il y a de plus correct, même si sans enjeu (on ne doute pas un instant que le héros va s’en sortir), mais seulement que ces derniers n’apportent qu’une faible valeur ajoutée par rapport aux descriptions « géo-politiques » qui ont précédé. Le temps passé par Drake à présenter Cycladaean, et dans une moindre mesure Saranyss, me laisse à penser que nous pourrions retrouver notre/s héros dans de nouvelles aventures d’ici peu, ce que le titre de la nouvelle (‘Ghosts of Khaphtar’, qui est une autre enclave Idoneth) citée dans la bio de notre homme laisserait en effet supposer. Même si le Prince de Belle Eau ne m’a pas emballé outre mesure, le concept du diplomate errant est suffisamment riche pour que j’accueille avec curiosité une nouvelle soumission de cet acabit. On peut enfin reconnaître à Miles A. Drake son appropriation et utilisation poussées du lore des Idoneth Deepkin, à tel point que le profane se perd parfois dans le glossaire racial dont l’auteur imbibe son récit. Pas que je m’en plaigne, notez, je préfère de loin faire quelques recherches complémentaires en cours de lecture plutôt que d’avoir l’impression d’être pris pour un abruti fini incapable de la moindre extrapolation. Tous dans le grand bain !

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The Perfect Assassin – G. Kloster :

INTRIGUE:

The Perfect AssassinCoincée dans le bourg décati de Losten, en Ulgu, Maleneth Witchblade tourne en rond comme une lionne en cage pendant que Gotrek s’amuse à lentement drainer de sa bière une taverne qui croyait malin de proposer une offre « boisson à volonté » à celui qui battrait le champion local (un Ogor) au bras de fer. Les Nains ayant la constitution robuste et la rancune tenace, il ne fait aucun doute que le Tueur réformé arrivera à son objectif, une pinte à la fois, mais à son rythme de sénateur alcoolique, il s’en faudra d’encore quelques jours avant que le duo ne puisse quitter Losten. Aussi, lorsqu’une aristocrate du nom de Talm et se revendiquant comme l’une des notables de la ville se présente à elle et met un contrat sur la tête d’un mystérieux Seigneur des Ombres, accusé d’avoir assassiné deux aristocrates en autant de jours nuits pénombres (dur à dire en Ulgu), la cultiste de Khaine repentie se pique au jeu et se met à suivre son employeuse à bonne distance, laissant Gotrek chanter Les Lacs du Kone Mharag seul dans son bouge.

Plus intéressée par le challenge de se frotter à un collègue assassin semble-t-il compétent que par l’accomplissement scrupuleux de sa mission de protection de Talm, Maleneth laisse cette dernière et ses gardes se faire écharper par un assaillant mystérieux, semblant se matérialiser depuis les ombres, en plus d’être protégé des coups par une chappe d’obscurité. Elle note cependant que le reître porte autour du coup un pendentif orné d’une pierre pourpre, assez semblable à celui, vert, qu’arborait feu Talm au moment de sa mort. Comme elle ne tarde pas à l’apprendre en rendant une petite visite à l’Office de Tourisme local (l’Aethaneaum1), ces colliers sont l’apanage des sept grandes familles de Losten, et la lignée des Verska était celle qui avait choisie le magenta comme couleur. Les Verska étaient des maîtres assassins réputés, et de ce fait, les véritables maîtres de la cité, jusqu’à ce que leur patriarche, Novim, pousse le bouchon et le stylet un peu trop loin, et se mette à massacrer sans discrimination ennemis, critiques et mécontents. À sa mort, son héritier se révéla ne pas être aussi doué en ninjutsu que son prédécesseur, et se fit donc neutraliser par ses pairs de manière préemptive. Ce qui aurait dû mettre fin à la lignée des Verska. Mais rien n’est aussi simple qu’il n’y paraît.

Ainsi rencardée, Maleneth décide logiquement de se rendre dans l’ancien manoir des Verska, où elle trouve facilement le dernier rejeton de la famille, un avorton nommé Arvis, fort occupé à essayer de récupérer sa cape que le sang de sa dernière victime a malencontreusement taché. Si Arvis est un bretteur assez quelconque, la breloque qu’il a piquée dans le mausolée de son grand-père, l’illustre autant qu’obscur Novim, compense largement son jeu de jambes médiocre et sa synchronisation déficiente. Capable de se matérialiser depuis les ombres, qui parent à sa place les coups assenés par l’Aelf, le dernier Seigneur des Ombres donne du fil à retordre à Witchblade, jusqu’à ce qu’elle identifie le point faible de son adversaire : une aversion pour les liquides. Un jet de cire brûlante à la figure plus tard, voilà l’apprenti surineur en PLS sur le sol, paralysé par le poison dont Maleneth a enduit sa dague et délesté de son précieux colifichet. Malheureusement pour notre héroïne, la relique ne peut-être palpée que par un membre de la lignée des Verska, et lui glisse entre les doigts comme la savonnette que Gotrek n’a jamais utilisé depuis qu’il a prêté le serment du Tueur. Dommage. Elle rend toutefois son calme à Losten en exécutant sans état d’âmes le jouvenceau vengeur, dont la vendetta était motivée par le meurtre de ses parents par les autres familles nobles de la ville, comme vu plus haut. Ceci fait, elle peut retourner à l’auberge que le Duardin n’a toujours pas fini de tarir, et sonner la fin de la beuverie en mettant le feu au local comme elle l’avait pour le manoir des Verska. C’est un Gotrek bougon mais philosophe qui finit par émerger du brasier, un dernier tonneau de bière sous le bras pour solde de toute ardoise. Le déicide est une activité déshydratante, c’est bien connu.

1 : Où Gotrek était venu chercher quelques jours plus tôt des informations sur la meilleure façon de tuer un dieu. Sans grand succès d’ailleurs (une autre raison pour se saouler).

AVIS:

Depuis sa renaissance dans les Royaumes Mortels, Gotrek Gurnisson est passé sous la plume de nombre d’auteurs, perpétuant une tradition datant du Monde Qui Fut, où le petit rouquin a été mis en scène par un aéropage de collaborateurs de la Black Library, depuis King, Long et Reynolds jusqu’à Brunner, Guymer ou Goulding, pour n’en citer que six. Gary Kloster s’attaque avec ce ‘The Perfect Assassin2à un sous-sous-genre particulier : la nouvelle de Gotrek & Felix sans Gotrek (ni Felix, pour des raisons évidentes), qui permet de développer un peu plus le compagnon du nabot irascible sans que ce dernier ne vienne résoudre l’intrigue à grands coups de hache. Tout le monde n’a pas réussi à mener à bien ce genre de projet de façon convaincante (je pense en particulier à ‘The Oberwald Ripper’), mais Kloster s’en sort de manière honorable. Cette petite virée en tête à tête avec Maleneth Witchblade permet ainsi d’en apprendre plus sur le passif et les motivations de l’Aelf au couteau, tout en insistant sur ses points communs et ses différences par rapport à Gotrek. Ainsi, si les deux comparses peuvent être qualifiés de tueurs chevronnés, là où le Duardin est honorable (à sa manière) et frustre, l’agente de l’Ordre d’Azyr est sans pitié (comme le montre son exécution sans complexe d’un antagoniste pas foncièrement mauvais et qui ne lui avait rien fait) et raffinée. La dynamique intéressante que l’auteur souligne entre ces protagonistes mal assortis mais complémentaires fonctionne bien, et donne envie de voir ce que Kloster pourrait faire du duo le plus iconique d’Age of Sigmar si l’occasion se représente.

1 : Un homonyme presque parfait d’une autre nouvelle de la Black Library, ‘Perfect Assassin’ de Nick Kyme. Un hommage à l’éditeur senior de la part du nouveau-venu Kloster, ou une simple coïncidence ?

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Chain of Storms – E. Dicken :

INTRIGUE:

La glorieuse campagne de reconquête du royaume d’Eldingar, en Hysh, à laquelle le général Skeos a consacré tant de temps et d’efforts, est en passe de se solder par un échec cuisant et sanglant à peine initiée. Descendant d’une longue lignée de princes et princesses exilés de cette ancienne cité, frappée par le fléau du vampirisme il y a des siècles, Skeos a réussi à convaincre de généreux mécènes d’Hammerhal de financer son expédition, mais la petite armée sigmarite a été fraîchement accueillie par les hordes de goules d’Arakhir Boneblight, le seigneur mort-vivant (et lointain grand-oncle de notre héros) alors qu’elle touchait au but. Malgré les savantes formations inventées par Skeos pour repousser l’ennemi, ce dernier refuse de jouer le jeu et s’amuse au contraire à trucider et boulotter (et pas forcément dans cet ordre) les miliciens de la cité libre. Sauvé d’un tel destin par l’intervention d’un Prêtre Guerrier pragmatique et mal embouché (Trask), Skeos bénéficie d’une autre arrivée miraculeuse, en la personne du Knight-Azyros Telamon, dont la lanterne magique crache suffisamment de lumens pour convaincre les nécrophages de battre en retraite pour le moment. Comme l’Elu de Sigmar a fait le déplacement seul (le service public d’Azyr est lui-aussi concerné par des coupes dans les effectifs), la partie est loin d’être pliée en faveur de l’Ordre.

Sur les conseils avisés, et grâce au jet-pack angélique et bras musclés, de Telamon, Skeos décide d’aller rendre une nouvelle visite aux clans des Pics Prismatiques pendant que ses hommes fortifient le camp dans l’attente de la nouvelle attaque des Mordants. Nouvelle, car l’arrogant général a déjà tenté de s’attirer les bonnes grâces des autochtones dans sa lutte contre ce qu’il voyait comme un ennemi commun, mais les a pris tellement de haut lors de sa première entrevue qu’il n’a récolté que l’hostilité des péquenauds. Sous le regard scrutateur et insondable de son business angel, Skeos essaie donc de repartir du bon pied avec la cheffe de clan Ydri, avec des résultats encore une fois assez peu concluants. Il pense alors avoir une idée brillante en défiant son interlocutrice en duel, et en désignant le Stormcast comme son champion… mais ce dernier refuse (lol), laissant le freluquet se battre tout seul contre la robuste Ydri. C’est toutefois un mal pour un bien pour Skeos, qui écope de quelques bleus dans l’affrontement mais parvient à gagner le respect des clans dans la foulée, et arrive finalement à convaincre ces derniers de lui prêter main forte dans le combat contre Arakhir.

Cette quête secondaire rondement menée, nos deux personnages se séparent, Telamon partant faire de la reconnaissance au-dessus d’Eldingar en fredonnant ‘Ca plane pour moi’ tandis que Skeos retourne au camp à l’arrière d’un char à yak, les sympathiques montagnards ayant également accepté de ravitailler leurs nouveaux alliés afin qu’ils ne partent pas à la bataille le ventre creux. Une surprise désagréable attend toutefois le général diplomate à son arrivée : croyant à sa désertion, et assez peu impressionnés par la qualité de son leadership jusqu’ici, ses troupes ont placé Trask à leur tête, et ce dernier n’est pas très chaud à l’idée de laisser ce bon à rien de Skeos reprendre son rôle de commandant. Usant de la même tactique qu’il y a quelques heures (manger quelques gnons avant de finalement convaincre son interlocuteur), l’aristocrate mal aimé parvient tout de même à obtenir que « son » armée se rende sur le champ de bataille pour engager l’ennemi, au lieu d’attendre l’assaut des goules sur le campement fortifié, ce qui aurait empêché une coordination avec les clans montagnards.

Enfin, la bataille décisive s’engage, et comme on pouvait s’y attendre, la participation de Telamon et des tribus des Pics Prismatiques équilibre le rapport de force. Combattant en première ligne pour inspirer ses troupes, Skeos finit par se retrouver face à face avec Arakhir, tout à fait enchanté de faire connaissance avec un nouveau membre de sa famille. Les pas de danse du vampire ne lui servent pas à grand-chose contre la détermination de Telamon et l’opportunisme de Skeos, et l’affable nécrophage finit décapité par le second, scellant la défaite des Mordants. Avant de repartir sur un autre front, le Knight-Azyros fait promettre au nouveau souverain d’Eldingar de faire reforger le Collier Fendu, une des reliques de la dynastie régnante dont Skeos est l’héritier, et que le prince de Bel Air gardait sur lui par sentimentalisme (et parce que personne n’avait voulu lui acheter un bout de chaine de vélo rouillé, aussi). Telamon lui remet aussi un maillon portant le nom du dernier roi d’Eldingar avant l’usurpation d’Arakhir, révélant qu’il a été cet homme avant d’entrer au service de Sigmar (et donc également un ancêtre de Skeos). La famille, c’est important.

AVIS:

On a vu et lu tellement de nouvelles consacrées aux exploits guerriers des Stormcast Eternals depuis le lancement d’Age of Sigmar que ce créneau narratif est – à mon humble avis – largement épuisé. Heureusement pour les surhommes en sigmarite, certains auteurs parviennent tout de même à proposer des angles intéressants pour continuer à les mettre sur le devant de la scène (et d’autres, moins scrupuleux, se contenteront de nous servir encore et toujours la même sauce pour des siècles et des siècles1). Evan Dicken fait partie de ceux-là, et son ‘Chain of Storms’ constitue une variation rafraichissante du topos classique « les Stormcast arrivent à la dernière minute pour sauver les miches d’une armée de l’Ordre ». En plus d’être des formidables guerriers, ce que la fin de la nouvelle met bien en avant, les Elus de Ziggy peuvent aussi jouer le rôle de stratège, mentor, commémorateur, scout et chauffeur Uber, comme démontré dans ces quelques pages. Et cela est tout aussi intéressant à lire que la description d’une mêlée furieuse, quand celui ou celle qui tient la plume sait ce qu’il fait.

Une autre bonne idée de Dicken aura été de refléter toute la diversité culturelle des Royaumes Mortels, qui peut avoir tendance à disparaître derrière les images d’Epinal données par les figurines et les illustrations des Battle Tomes. Les Mordants d’Arakhir Boneblight en sont un parfait exemple, leurs manières raffinées et leurs cris de guerre en vieux François contrastant admirablement avec leur apparence très classique de marée de goules. Les clans de la montagne bénéficient aussi de ce traitement, Dicken parvenant en quelques paragraphes à nous donner l’impression d’une société avec son histoire, ses croyances et ses traditions. Pas étonnant de la part de l’auteur qui nous a donné le très dépaysant (en bien) ‘The Path to Glory’, mais appréciable quoi qu’il en soit. Bref, encore une preuve que vous pouvez vous diriger en confiance vers les écrits de cet homme, même (ou surtout) s’ils sont consacrés à l’une des factions les moins mystérieuses d’Age of Sigmar.

1 : Amen. On peut appeler ça la tragédie du Space Marine.

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Monsters – N. Van Nguyen :

INTRIGUE:

MonstersOù nous suivons la nouvelle1 chasseuse de monstres officielle de papa Sigmar dans l’une de ses traques dans les Royaumes Mortels, ici Shyish un soir de pluie et de brouillard. Déployée en soutien des Anvils of the Heldenhammer, occupés en contrebas à contenir une invasion de démons de Tzeentch, Yndrasta a fait le déplacement pour bannir un Duc du Changement si changeant qu’il n’a d’autre nom que l’Anomie. Super plan pour éviter d’être convoqué par des mortels ambitieux à tout bout de champ (et de chant), moi je dis. Ayant certainement compris qu’il était dans le viseur de la virago de Ziggy, l’Anomie se la joue cependant petit bras et se transforme en nuage de barbe à papa au lieu de livrer un honnête combat à la championne adverse. Sous cette forme, il se révèle aussi inoffensif qu’invulnérable, ce qui ne fait pas les affaires d’Yndrasta et de sa lance magique, Thengavar, qui disparaît corps et bien dans le protoplasme gazeux et ne revient pas dans la main de sa porteuse, comme c’est habituellement le cas.

Sigmar ayant pensé à lui fournir une arme de rechange, Yndie ne se laisse pas décontenancer par la tournure prise par les événements et se rue à l’assaut de sa Némésis pour finir les choses au corps à corps. Un nouveau shenanigan de l’Anomie l’envoie toutefois dans le décor, et l’intrépide héroïne fait une chute douloureuse mais pas mortelle jusque dans la piscine privée d’une grotte souterraine, Gandalf style. Elle serait repartie aussi sec (mais mouillée, je me comprends) castagner le démon si elle ne s’était pas rendu compte que son point de chute n’était pas aussi désert qu’il l’aurait dû être. Un vieil ermite d’une carrure peu commune et arborant une ‘stache de compétition a en effet assisté à sa culbute pas très légendaire, et comme le quidam exsude une aura mythique et possède une hache qui l’est tout autant (appelez ça l’intuition féminine si vous voulez), Yndrasta reste faire un brin de causette.

Il ne lui faut pas longtemps pour comprendre que cet inconnu n’est autre que Voyi. Si cela ne vous dit rien, c’est normal : Voyi, aussi connu sous les noms du Non Béni, du Traître et surtout de l’Oublié, était un héros de l’Âge de Mythes, élevé par Sigmar au rang de champion, mais qui choisit d’aller vivre sa vie en solitaire au lieu de défendre Sigmaron lorsque le besoin s’en fit sentir. Sigmar n’étant pas connu pour sa magnanimité envers ceux qui le déçoivent, et ayant un égo trop important pour reconnaître ses échecs, le nom de Voyi fut rayé de tous les registres officiels, et seuls une poignée d’Elus, dont Yndrasta fait partie, eut vent de l’existence de ce paria depuis lors. Dès lors, la chasseresse se trouve confronté à un dilemme peu évident : rapporter la tête du traître à son patron pour lui faire plaisir, ou tenter de négocier avec Voyi pour apprendre comment, il y a de cela des millénaires, il réussit à bannir l’Anomie…

Après un échange tendu, durant lequel Voyi se permit de comparer Yndrasta et les Stormcast Eternals aux monstres chassés par la première, ce qui n’est guère gentil, et ponctué par un duel rapidement conclu par un point de côté débilitant pour le champion grabataire, Yndrasta se résout à laisser l’ancêtre en paix rien que pour lui montrer qu’elle n’est pas si méchante que ça, et à retourner se battre contre l’Anomie, même s’en savoir comment le vaincre. Sa « générosité » est toutefois récompensée par Voyi, qui lui révèle avant qu’elle ne parte qu’il lui suffira de prélever un échantillon sur la forme blurbesque du démon pour l’exiler des Royaumes Mortels (et récupérer sa précieuse lance au passage). Armée de ce tuyau, Yndrasta peut enfin repartir au front, non sans promettre à son hôte de garder pour elle le secret de sa destinée. Ce sera la première fois qu’elle dissimulera des choses à Sigmar depuis sa Reforge : pourvu qu’il ne l’apprenne jamais…

1 : Eh oui, la position était déjà prise avant que la V3 ne fasse de Miss Yndrasta une des têtes d’affiche de la franchise. Remember Neave Blacktalon ?

AVIS:

Une très bonne entrée de la part de Noah Van Nguyen, qui part explorer l’une de mes facettes préférées du fluff des Royaumes Mortels : le côté sombre de Sigmar et de ses élus. Yndrasta en elle-même est très loin d’être une parangon de noblesse et d’humanité, puisqu’elle se décrit volontiers comme cruelle et intéressée uniquement par sa mission de chasseresse, ce qui en fait sans doute la première héroïne Stormcast Eternal de la BL ouvertement antipathique (un progrès, si vous me demandez). Sa confrontation avec Voyi m’a fortement rappelé la difficile transition entre Guerriers Tonnerre et Space Marines entre la fin de l’Unification de Terra et le début de la Grande Croisade, avec Sigmar dans le rôle de l’Empereur1, en plus de venir approfondir et complexifier le fluff de cette faction. Un choix très intéressant de la part de Van Nguyen (j’aurais moyennement apprécié me retrouver avec une nouvelle de Neave Blacktalon bis, pour être honnête), qui démontre ici qu’il est capable de sortir du manichéisme Stormcast Eternals = gentils // opposants des Stormcast Eternals = méchants dans lequel bon nombre de ses collègues ont donné. De bon augure pour son roman ‘Godeater’s Son’, qui traitera spécifiquement de ce thème, et pour la qualité et l’intérêt de la littérature AoS en général.

1 : On peut aussi faire un parallèle avec le ‘Misbegotten’ de Dan Abnett, où le savant fou Fo déclare à Horus qu’il considère les Primarques et les Space Marines comme beaucoup horribles que toutes créations.

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The Huntress of Ghur – N. Van Nguyen :

INTRIGUE:

Nous suivons Luda, traqueuse de monstres de Ghur, dans une cavalcade éperdue à travers les forêts et les montagnes qui entourent l’avant-poste azyrite de Far-Keep. La raison de tant d’empressement ? Son compagnon, un forgeron et vétéran des armées des cités libres, s’est enrôlé dans un des régiments rassemblés pour chasser les Skavens de cette partie du Royaume. Malheureusement, les vermines avaient d’autres idées derrière le crâne-tête et ont embusqué les humains sur la route, décimant leurs forces avant que la bataille n’ait pu avoir lieu.

Après avoir examiné le lieu de l’accrochage, Luda se convainc que son cher et tendre n’est pas mort, mais a été fait prisonnier par les Skavens et ramené avec quelques survivants dans leur repaire souterrain, dont elle trouve assez facilement une entrée. Bien que se défendant tout à fait au maniement de l’arc et de la lance à Troggoth, elle sait qu’elle n’est pas de taille à s’aventurer seule dans ces tunnels, et se hâte donc vers les clameurs d’un affrontement tout proche, espérant convaincre d’autres soldats de se joindre à elle pour augmenter ses chances de réussir ce raid audacieux. En fin de compte, elle parvint à embarquer une Stormcast Eternal, Greta Wolfclaw, après lui avoir sauvé la mise lors d’un face à face tendu avec des Stormfiends et Rats-Ogors. Se doutant qu’une Elue de Sigmar ne se rangerait pas à un argument aussi fleur bleue que « mon bien aimé a été kidnappé par des furries », Luda promet à sa nouvelle amie de la guider jusqu’au portail utilisé par les Skavens pour acheminer leurs renforts, et dont la destruction porterait un rude coup à leur effort de guerre.

S’étant enduites de bouse de rat (c’est gros un Rat-Ogor) pour masquer leur odeur, les deux chasseresses s’enfoncent dans les tunnels, et… se perdent. Au bout de quelques heures à tourner en rond, et alors que Greta commencer à regretter de s’être embarquée dans cette galère, elles tombent sur une patrouille de Vermines de Choc en train de faire une enquête de voisinage, et massacrent allégrement tout ce qui porte moustache, à l’exception d’un Guerrier des Clans. Luda veut l’utiliser comme guide pour accéder jusqu’au portail, où elle espère low key retrouver la trace de son compagnon, mais Greta, qui a pu expérimenter la fourberie des hommes rats au cours de ses nombreuses vies, est plutôt partisane de liquider le surmulot et de continuer en binôme. La discussion s’envenime (Luda révélant à Greta ses vraies raisons pour la faire participer à son excursion de spéléologie, ce que cette dernière prend moyennement bien) jusqu’à ce que le raton parvienne à tromper la vigilance de Luda et lui entailler la joue avec son canif empoisonné, avant de se faire proprement fendre en deux par la Stormcast pour lui apprendre à respecter les lay-dees. Greta utilise aussi ses pouvoirs (c’est une Evocator-Prime de la chambre Sacro-Sainte des Astral Templars) pour cautérifier la blessure, épargnant à sa comparse une mort longue et douloureuse. Suite à cet épisode cocasse, Luda se persuade que son significant other doit être mort (sans aucune raison particulière, je dois dire), et passe en mode vengeresse. Comme il y a bien un portail à faire péter dans le coin, autant y aller pour embêter le Rat Cornu, pas vrai ?

Le portail en question étant défendu par plus de ratons que deux viragos en colère peuvent gérer à elles seules, Greta décide prudemment de passer un coup de fil au standard des Reforgés pour demander des renforts, ou l’équivalent en rituel arcanique. Pendant ce temps-là, Luda est témoin de l’attaque d’une bande de soldats humains sur la position Skaven, menée par nul autre que son +1. Bien évidemment, elle ne peut se retenir de voler à sa rencontre, laissant Greta s’engu*ler avec les standardistes sigmarites à l’arrière-plan. Serait-ce enfin un happy end dans les Royaumes Mortels ?

Début spoilerEt non. Enfin, ça dépend de votre allégeance. Si vous êtes un fan des Stormcast Eternals, vous serez heureux d’apprendre que le chéri de Luda se fait drafter par Ziggy, et disparaît donc en un éclair devant les yeux ébahis de notre héroïne. Cette dernière prend évidemment beaucoup plus mal ce revirement de situation, au point de laisser Greta, qui avait à ce stade raccroché après avoir passé vingt minutes à attendre que son appel soit transféré, se débrouiller toute seule dans son combat contre un Verminarque venu se joindre aux réjouissances par le portail des hommes rats. Pire, elle refuse délibérément de lui passer son épée après que le démon l’ait désarmée, causant sa 47ème mort et scellant probablement le destin de Far-Keep, le portail ayant vomi suffisamment de Skavens pour balayer les défenseurs de l’avant-poste, même s’ils peuvent compter sur l’appui des Stormcast Eternals. Nous quittons Luda alors qu’elle part en courant vers la surface avec un nouvel objectif, encore plus ambitieux que le précédent : se rendre en Azyr pour reconquérir le cœur de son boyfriend. Et gare à Sigmar s’il fait mine d’intervenir…Fin spoiler

AVIS:

Il y a deux choses qui distinguent positivement ‘The Huntress of Ghur’ des autres récits mettant en avant les exploits guerriers des Stormcast Eternals. Premièrement, le choix d’une narration à la première personne, parti pris assez rare dans la GW-Fiction, et qui permet au lecteur de se mettre à la place du personnage dont l’histoire est racontée. Deuxièmement, et de manière assez complémentaire avec le premier point, la mentalité « tiers mondiste » de l’héroïne de l’histoire, qui balance durant toute cette dernière sur la manière dont elle considère Sigmar et ses serviteurs. Honorables frères (et sœurs) d’armes, alliés de circonstance ou simples esclaves d’un maître à l’égo surdimensionné, Luda passe part tous les états au cours de sa quête souterraine, ce qui permet à Noah Van Nguyen de ménager un véritable suspens au moment de conclure son récit. Une soumission qui ne manque pas d’intérêt, et dont j’aimerais bien qu’elle donne lieu à une suite, pour voir comment les retrouvailles entre Luda, son homme et Greta se passeraient. Quelque chose me dit que ça ne se terminerait pas en ménage à trois…

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The Age of Enlightenment – D. Guymer :

INTRIGUE:

The Age of EnlightmentNous retrouvons Hamilcar Bear-Eater après les événements narrés dans Champion of the Gods, et si vous n’avez pas lu ce bouquin, c’est bien dommage car Guymer ne s’embarrasse guère d’un compte rendu des aventures vécues par son héros. Juché sur une princesse aetar (une sorte d’aigle géant, de ce que j’en ai compris) et accompagné de son écuyer/garde du corps/conscience Nassam, le Mangeur de nounours en guimauve arrive dans les Terres Déchaînées (Unchained Lands), où une force des cités libres défend une forteresse isolée contre une armée de Nighthaunts. Jugeant certainement qu’il est de son devoir d’intervenir en faveur des assiégés, qui ont le bon goût de connaître son nom et de l’acclamer alors qu’il fait des loopings dans le ciel porcin1, Hamilcar atterrit avec la classe et le panache qu’on lui connaît, et n’a que le temps de se farcir un petit Morghast qui passait par là qu’un Liberator vient le chercher pour le mener jusqu’au commandant en chef des sigmarites.

Malheureusement pour notre grande gueule, l’officier en question se révèle être une connaissance, plus professionnelle qu’amicale : le sépulcral et très corporate Lord-Celestant Settrus. Qui est également une connaissance de tous les anciens de Warhammer Fantasy Battle, comme le démontre amplement le nom de la chambre militante qu’il dirige d’une main de fer : les Impérissables. Ça, et la décoration très nehekarienne dans l’esprit de son armure. Wink wink2. Plongé dans la contemplation d’une carte dessinée à l’encre antipathique (c’est à dire qu’elle se révèle petit à petit) de la forteresse qu’il défend, Settrus n’a que peu de temps à accorder à son franc tireur de collègue, qu’il considère être venu aider sur ordre du patron. Ce n’est pas vraiment le cas, Guymer révélant à mi-mot qu’Hamilcar est au contraire recherché pour déformation spirituelle, ou quelque chose comme ça, mais notre héros est trop heureux de donner le change pour éviter d’être âme-çonné par la patrouille. Bear-Eater apprend ainsi que les Anvils of the Heldenhammer sont chargés de défendre l’une des Stormvaults récemment révélée par le Necroséisme, le trésor qu’elle contient ou le monstre qu’elle enferme étant convoité par les scions de Nagash. Cela explique aussi pourquoi la carte du bastion reste relativement cryptique, la magie du Penumbral Engine de fonction jouant des tours à la mémoire, tant vive que réelle, des êtres et choses des alentours.

Alors que Settrus, tout à ses ordres, est absolument ininterressé par le contenu de la Stormvault, Hamilcar ne peut résister à la tentation d’aller y jeter un coup d’œil, et parvient sans aucun mal à trouver l’entrer du lieu (alors que les autres défenseurs évitent inconsciemment l’endroit, ce que Guymer ne justifie pas le moins du monde), toujours accompagné de son coffee boy Nassam. À l’intérieur, le duo trouve évidemment un neuralyzer arcanique construit par Grugni selon les plans de Teclis, mais également sa batterie intégrée, qui se trouve être la haute prêtresse Ansira, une vieille femme enfermée dans la crypte depuis des millénaires et dont la foi en Sigmar a alimenté la machine pendant tout ce temps. Seul petit problème dans cette parfaite symbiose, Ansira en a gros. Très gros. Peut-être du aux douloureux escarres que des éons passés sur un fauteuil, même rembourré, ont certainement causés, ou bien au fait que ce goujat de Sigmar ne lui a même pas installé le cable et la wifi avant de partir jouer à la guerre, la brave dame en a ras la carafe et est bien décidée à prendre sa retraite, l’âge pivot étant depuis longtemps dépassé. Malgré les arguments – assez médiocres, il faut le reconnaître – avancés par Hamilcar et Nassam, mamie supernova (ses yeux brillent très forts) ne veut plus rempiler pour servir de pile à la machine. D’ailleurs, sa foi en Sigmar s’est trouvée tellement ébranlée après tout ce temps qu’elle ne pourrait plus officier, même si elle le voulait. Na.

Cette joute oratoire est interrompue par la percée réalisée par les forces mortes vivantes, forçant les survivants sigmarites à un dernier carré (ou un dernier rhomboïde, la faute à ces damnés socles ronds) dans la crypte, tandis que Mannfred von Carstein, qui était le général en charge de l’assaut, emmène ses boys au pillage…

Début spoilerAyant déjà perdu la au moins une vie sous les coups du Mortarque, Hamilcar charge ce dernier pour obtenir sa revanche, décapiter l’armée adverse et se couvrir de gloire (dans l’ordre que vous voulez), tandis que Settrus et ses bien mal nommés Impérissables tentent de repousser les chevaliers vampiriques et Morghasts personnels du lieutenant de Nagash. Dans la fureur des combats, nos trois têtes d’affiche finissent par converger, au grand plaisir de Mannfred qui finit par se rendre compte qu’il connaît le sinistre Stormcast qui s’échine à lui faire bosseler la grève (sans grand succès). À moins qu’il ne s’agisse d’une vieille blague de Sigmar dont seuls les quelques transfuges du Monde qui Fut auraient le secret, ce que soupçonne le Manf’ devant la faiblesse de son adversaire. La rigolade s’arrête toutefois pour le vampire lorsque Settrus, totalement surclassé mais loyal jusqu’au bout à son patron, trouve le moyen de se connecter en dérivation au Penumbral Engine délaissé par Ansira, entrant en surcharge mystique et finissant sa carrière en fusible arcanique, non sans avoir illuminé/purifié/désinfecté (triple effet kiss cool) la crypte, avec des effets dévastateurs sur les morts vivants. Il n’y a guère que Mannfred qui s’en sorte à peu près, et trouve le moyen de ramper hors champ pour aller s’acheter un tube de biafine, profitant de l’amnésie commode d’Hamilcar au moment de porter le coup de gâce à sa Nemesis. Car, inspirée par le sacrifice altruiste de Settrus (qui pour le coup, est bel et bien mort, et ne pourra pas repasser à la case reforge), Ansira décide de reprendre ses fonctions de génératrice à communion nucléaire, permettant au Penumbral Engine de se remettre en marche de façon optimale. Comme disait Sigmaurice Thorez : « Il faut savoir terminer une grève ». À bon entendeur…Fin spoiler

1 : Sans rire, l’air de Ghur sent apparemment le sanglier.
2 : Ironiquement, Settra/us est lui incapable de faire des clins d’œil, le masque intégral couvrant son visage ne laissant apercevoir que des puits insondables à la place des yeux. Il paraîtrait que ce regard sévère aurait, par contre, fait ciller un Slann.

AVIS:

Je suis assez partagé par ce The Age of Enlightenment, qui comporte à mon sens autant de points forts que de faiblesses. Du côté de la coupe à moitié pleine, le personnage d’Hamilcar est toujours aussi distrayant à voir évoluer, son second degré assumé, parfois teinté d’un zeste d’amertume, le rendant très sympathique auprès du lecteur, surtout lorsqu’il est mis en contraste avec des Stormcast Eternals plus « classiques ». Et à ce titre, on ne pouvait pas trouver meilleur contrepoint à notre exubérant héros que le primesautier et gouleyant Settrus, dont le statut de demi-personnage nommé (si je puis dire) est un autre argument à mettre au crédit de cette nouvelle. D’ailleurs, le fait que notre very imperishable person rencontre ce qui semble être son destin dans The Age… ne fait que renforcer l’importance de cette lecture. Fans des Rois des Tombes, voici un incontournable absolu.

D’un autre côté, je reproche à Guymer d’avoir pensé cette nouvelle comme une sorte d’épilogue de Champion of the Gods, et n’avoir pas (ou en tout cas peu) pensé aux lecteurs qui aborderaient cette nouvelle sans connaissance particulière des événements relatés dans ce livre. Il faut donc s’accrocher pour replacer les personnages, leurs relations mutuelles et leurs motivations respectives, alors que quelques lignes de contextualisation auraient permis de reprendre le fil de façon satisfaisante. Peut-être en lien avec ce constat d’ignorance, j’ai trouvé que l’intrigue péchait par manque de vraisemblance sur certains points : comment les défenseurs Sigmarites ont-ils pu localiser une forteresse protégée par un appareil dissimulant magiquement sa présence, et toujours fonctionnel comme le montre la carte inutile de Settrus ? Comment se fait-ce qu’Hamilcar ne soit pas tout le temps affecté par cette magie, et beaucoup moins que les autres sigmarites, puisqu’il arrive à trouver la porte de la crypte en deux minutes montre en main ? Comment expliquer que le Penumbral Engine fonctionne tout court, puisqu’Ansira a perdu la foi quand Hamilcar la trouve ? Et comment arrive-t-elle à le remettre en marche, alors qu’elle semble plus résolue que convaincue à la fin de la nouvelle ? Peut-être que la réponse – logique, s’entend – à ces questions se trouve ailleurs dans les écrits de Guymer, mais sans éléments convaincants à exploiter de mon côté, mon impression finale est assez contrastée. Il faudra faire lumière sur tout cela.

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The Dead Hours – D. Guymer :

INTRIGUE:

The Dead HoursEreintés après une rude journée de tuerie en Shyish, Gotrek et Maneleth ont fait halte dans la petite ville de Skeltmorr pour se requinquer en attendant l’aube. Lorsque commence notre histoire, le Duardin a sombré dans le sommeil du juste après avoir vidé un tonneau de de bière et s’être fait un masque de beauté à base de jeune d’œuf et de bacon (c’est ça où il fait la vaisselle avec la langue et sans les mains). Maneleth s’est elle éclipsée pour prendre l’air, et, d’après la discussion entre les deux occupants de l’auberge investie par le vieux couple, aurait fait une mauvaise rencontre sur le chemin. Skeltmorr doit en effet un bon paquet d’os à Nagash, et les rares visiteurs sont donc invités à faire des donations en nature à l’œuvre de salut public municipale. Un tel destin attend également Gotrek, dont l’état comateux n’inspire pourtant pas confiance à Nieder Pedsen, le malabar chargé de l’amener, mort de préférence, jusqu’au repaire du redouté Tithekeeper.

La méfiance du reître était justifiée car le nabot émerge du coltard au moment où Pedsen s’apprête à lui faire tâter de son gourdin, et parvient à massacrer l’aubergiste (qui pour sa défense, venait de lui tirer dessus à la chevrotine) et à traîner son complice dans la rue malgré une gueule de bois carabinée. Sous ses abords bougons, Gotrek ne peut en effet laisser Maneleth dans les griffes des locaux, et demande donc à être conduit jusqu’à ce fameux Tithekeeper afin de plaider sa cause (un peu) et de planter sa hache (surtout). Sans doute nommé Lagardère sous sa cagoule de fonction, c’est le fonctionnaire tortionnaire qui vient toutefois à lui, en même temps que la moitié de la ville, réveillée par les beuglements imbibés du Duardin. Trop musclé/runé/ravagé pour être incapacité par les faibles attaques des Skeltmorriens, Gotrek massacre sans distinction tous ceux qui ont le malheur de croiser le chemin de sa hache, à commencer par le Tithekeeper. Le « boss final » de la nouvelle a donc mordu la poussière alors que nous n’en sommes qu’à la moitié du récit : comment Guymer va-t-il meubler la fin de ce dernier ?

La réponse est : avec des étagères Ikea et une petite visite dans la crypte du temple de Sigmar local, reconverti il y a quelques millénaires en entrepôt de stockage par les autorités de Skeltmorr. C’est en effet là qu’attend cette princesse de Maneleth que son chevalier servant vienne la secourir, ou plus précisément qu’un gentleman vienne lui rendre le couteau qu’elle a laissé planté dans la dépouille de son agresseur (ce sera Pedsen qui lui rendra ce service). Au passage, Gotrek réduira en cendres une meute de chiens issus de la filière de recyclage des déchets organiques de la ville, et que le Tithekeeper gardait pour lui tenir compagnie. Jamais à court de bonnes idées et toujours prêts à rendre service, les deux compagnons finissent la nouvelle en saccageant les stocks de cendres, d’os et d’âmes accumulés par leurs hôtes, actant par là leur « libération » de la tutelle de Nagash, mais signant plus certainement l’arrêt de mort des derniers habitants de Skeltmorr lorsque l’heure de la dîme aura sonné. Mais après tout, ils l’ont bien cherché.

AVIS:

Péripétie très mineure de la nième saison des aventures de Gotrek, ‘The Dead Hours’ est plus intéressant par les détails fournis sur la vie en Shyish que par ses péripéties combattantes, ni Gotrek ni Maneleth ne rencontrant ici un adversaire digne de ce nom1. Cela sent vraiment la panne d’inspiration devant un travail de commande pur et dur pour David Guymer, dont la tentative de s’écarter un peu du schéma classique de la nouvelle gotrekienne (embrouille, fessage de goons, gros monstre final) s’avère aussi peu concluante ici qu’elle l’avait été bien des années plus tôt avec ‘The Tilean Talisman’, son tout premier travail publié par Nottingham. Je sais bien qu’il est dur de faire des variations sur un thème usé jusqu’à la corde, mais une soumission classique mais sérieuse aurait été plus appréciable que cette improvisation assez peu concluante. Le mieux est l’ennemi du bien, du rien, et du Nain.

1 : Cela aurait été le cas si le Tithekeeper avait été la vieille qui se met à flécher Gotrek depuis sa fenêtre, avant de se faire fracasser les côtes d’un grand coup de boule. Sans doute le combat le plus mémorable de notre Nain depuis la Fin des Temps.

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Death on the Road to Svardheim – D. Hinks :

INTRIGUE:

Death on the Road to SvardheimEn route vers la cité de Svardheim pour une raison sans doute logique mais inconnue de l’auteur de ces lignes au moment de l’écriture de cette chronique, le duo le plus mal assorti des Royaumes Mortels1 passe le temps et les kilomètres sur la route 88 (c’est tout plat, désertique et décoré avec des monceaux de crânes) en discutant théologie, comme à leur habitude. Bien évidemment, la situation finit par gentiment dégénérer, l’anticléricalisme blasphématoire d’un Gotrek toujours chafouin de s’être fait rouler dans la farine par les Dieux du Monde Qui Fut mettant sur les dents, qu’elle a éclatante, la dévote Maleneth. À force d’enquiller les bornes, elle finit même par les dépasser, allant jusqu’à accuser son rusé et runé camarade de servir le Chaos, à l’aide de l’argument, bien connu de George W. Bush, du « si tu n’es pas avec moi (et Ziggie) tu es contre moi ». Avant que la situation ne dégénère trop franchement, et que le Tueur vétéran ne doive se trouver encore un nouveau sidekick, les comparses tombent sur le théâtre d’une embuscade ayant été fatale à une bande de prêtres sigmarites, dont les corps décapités jonchent les alentours d’une carriole incendiée.

Après une rapide enquête, il s’avère que les assaillants n’ont pas réussi le perfect en matière d’élimination de témoins, une pauvre nonne répondant au nom de Carmina se présentant à nos héros et leur expliquant que sa congrégation s’est fait dérober une relique irremplaçable, le Poing Incorruptible, dont elle avait la charge et promenait de ville en ville pour ranimer la foi des locaux. Avant que Gotrek n’ait pu marquer de nouveaux points d’athéisme hardcore en demandant à Carmina en quoi un poing pouvait être corrompu, pour commencer (il en serait capable le bougre), Maleneth se fait embringuer dans une mission de récupération du saint gantelet, qu’il s’agit simplement de reprendre des mains malpropres d’une petite vingtaine de bandits, retranchés dans une forteresse abandonnée à quelque distance de la route. Rien que de très banal pour notre Tueur, qui accepte toutefois de mettre les formes et de suivre un plan un minimum intelligent (attendre que Maleneth se soit mise en position derrière le bastion pour intercepter d’éventuels fuyards) avant d’aller toquer à la porte le plus naturellement du monde.

La prévoyance de l’Aelf paie rapidement car il se fait bientôt jour (enfin, nuit, mais je me comprends) que les brigands sont un peu plus qu’une bande de maraudeurs sanguinaires, mais bien une authentique secte de Khorne, en train d’invoquer un démon de fort belle taille à l’aide de leur collection bien mal acquise de grigris et talismans. Maleneth n’a pas le temps de signaler qu’il y a une courge dans le potage que Gotrek est cependant déjà en train de défoncer la porte et de se tailler un chemin à travers les mobs de bas niveau, jusqu’à poser l’œil sur une Némésis digne de lui, qu’il engage évidemment en combat singulier dans la plus pure tradition du genre. Etant un VIP incontournable du multivers, Gogo est reconnu par son adversaire, qui a la mauvaise idée d’insinuer que le Tueur a fui son monde au moment de la Fin des Temps au lieu de rester et de se battre pour le défendre. Cela met notre nabot en rogne, et les deux adversaires se balancent quelques baffes amicales, sans trop d’effet de part et d’autre, jusqu’à ce que Meleneth ait l’idée géniale de confisquer les reliques ayant été mise à profit pour invoquer le démon, et dont ce dernier a encore besoin pour maintenir sa présence dans les Royaumes Mortels. Au fur et à mesure que les héros shootent dans les breloques, leur adversaire perd en taille et en carrure, jusqu’à finir rachitique et malingre, et se faire décapiter sans cérémonie par un Gotrek enfin à la bonne taille pour jouer de la hache.

Ceci fait, le duo infernal n’a plus qu’à remettre le Poing Incorruptible à la brave (en fait pas trop) et reconnaissante Carmina, qui s’en va à cheval remettre le précieux héritage en sécurité, pendant que nos héros continuent à pied leur périple. Poing/t final de notre histoire ?

Début spoilerEh bien non (comme la balise spoiler ne le laissait pas du tout envisager), car lorsque nos voyageurs, fourbus (surtout pour Maleneth) et assoiffés (surtout pour Gotrek) tentent d’obtenir le gîte et le couvert d’un monastère sigmarite croisé un peu plus loin sur la route, se disant à juste titre que tous les culs bénis à la ronde leur sont redevables de leurs récents exploits, c’est pour entendre un son de cloche bien différent. Carmina était en fait une voleuse ayant mené sa bande, déguisée en prêtres, dérober le fameux Poing Incorruptible (mais pas Inatteignable) de la garde des vrais fidèles de Sigmar, en tuant quelques uns au passage. L’abbé outré qui fait ce récit aux voyageurs est persuadé que l’iconoclaste va briser la relique en mille morceaux pour revendre la Pierre de Royaume dont elle est faite au plus offrant, au mépris de tous les commandements de Sigmar. C’est donc une grosse boulette, sur laquelle Maleneth manque de s’étouffer, mais qui ne déclenche chez ce philosophe de Gotrek qu’un rire tonitruant. Il en a certes vu d’autres…Fin spoiler 

1 : Gotrek est un Nain (et pas un Duardin) roux exhibitionniste, et Maleneth est une Aelf brune gothique.

AVIS:

Eh bien ça y est : après avoir laissé Gotrek (et le regretté Felix) à leurs aventures dans le Monde Qui Fut, je renoue enfin avec ce héros mythique sous sa nouvelle incarnation, à travers ce court format signé du père adoptif #3 du Tueur de… trucs, Darius Hinks. Ce qui m’intéressait particulièrement dans ces retrouvailles était de voir ce qui avait changé, et ce qui était resté, des précédentes aventures de M. Gurnisson, qui constituaient un sous-genre de la littérature BL à elles seules. L’équilibre n’était pas facile à trouver entre respect servile du cahier des charges, forcément un peu obsolète, établi par King et Long en la matière, et innovations radicales, qui auraient enlevé tout le sel de ce come-back improbable. Et je dois dire que Darius Hinks s’en est plutôt bien sorti, tant sur le fond que sur la forme. On est bien en présence d’une aventure de Gotrek & Cie, avec notre petit rouquin teigneux, grincheux et pince sans rire s’embarquant dans un combat à haut risque contre un adversaire très balèze (sur le papier en tout cas), au grand désespoir de son partenaire attitré. Ce qui change ici est que Gotrek est devenu un mécréant militant, gardant sa dernière dent contre tout le panthéon divin (à commencer par Sigmar, qui s’en prend plein les tresses), alors que Maleneth est, sous ses abords de tueuse froide, une zélote du grand barbu, ce qui est à la fois surprenant (c’est le type qui la voyait comme une pseudo Assassin druchii qui parle) et intéressant. Notons également que Hinks ne se gêne pas pour glisser quelques références au passé proprement légendaire de son héros et donc à feu Warhammer Fantasy Battle, ce qui devrait faire plaisir autant qu’intriguer le lecteur historique de la saga. Bref, le contrat est bien rempli dans ce ‘Death on the Road to Svardheim’, qui tient son rang parmi les cohortes de nouvelles Gotrekesques publiées par la BL depuis des temps immémoriaux. Reste à savoir ce que cette dernière compte faire de son increvable héros sur le long terme, maintenant qu’il ne peut absolument plus mourir (ce serait un énorme fail), mais ceci est une autre histoire.

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Buyer Beware – G. Thorpe :

INTRIGUE:

Buyer BewareNotre histoire commence par une descente de boardercross Kharadron, qui, comme chacun sait, se court en combinaison intégrale de laine de goret à poils longs de Chamon. Partis à cinq de la ligne de départ, située dans le nid d’une Maw-Crusha en attente d’un heureux événement, seuls quatre Duardin parviennent à boucler la course dans les temps impartis et en un seul morceau. On portera longtemps le deuil de Rogoth (casaque, culotte et barbe jaune poussin), dont les tendances gauchistes lui ont été fatales. Les Nains sont un peuple de (virage à) droite, c’est bien connu.

Parvenus jusqu’à la sécurité – toute relative – de leur vaisseau (Night’s Daughter), le capitaine Karazi ‘Fairgold’ Zaynson et ses acolytes n’ont pas besoin de signaler au reste de l’équipage qu’il serait de bon ton de souquer les aethertibuses, comme on dit à Barak-Mhornar : les rugissements tonitruants et les attaques en piqué de la mère poule dérangée dans sa retraite étant une motivation suffisante. Un tir de mitraille bien senti plus tard, l’affaire est réglée aux torts partagés : une gueule et une épaule chevrotinée pour le Maw-Crusha, ce qui l’oblige à rejoindre le plancher des Squigs, et une méchante estafilade de coque pour la Night’s Daughter. Pas assez pour amener le fier vaisseau par le sol, mais assez pour occuper l’endrineer de bord et son assistant pendant une bonne partie du voyage jusqu’à la destination fixée par Fairgold : un avant poste Orruk où l’attend le deal de sa vie. Car oui, à Age of Sigmar, les Nains et les Orques ne sont pas irrémédiablement et définitivement fâchés, et peuvent (apparemment) faire affaire quand la situation l’exige. En l’état, Fairgold a besoin de renflouer les caisses en exploitant un filon d’aether-or localisé par la tribu peau-verte avec laquelle il a rendez-vous, afin de financer une nouvelle expédition pour localiser l’épave d’un navire familial, le Night’s Gift. Une raison qui en vaut une autre, et se révèle donc assez impérieuse pour justifier les tractations contre nature dans lesquelles le capitaine entraîne ses matelots.

Arrivés à bon port après ne s’être que légèrement écrasés dans la forêt proche du village Orruk (équipage secoué + immobilisation), les Kharadron envoient une délégation réduite négocier l’accord avec la partie adverse, tandis que le reste de l’équipage s’emploie à remettre le châssis en état, sous les ordres de Verna (l’endrineer susnommée). À terre, Fairgold et ses compagnons rencontrent finalement le massif Orgaggarok, chef de la tribu du Poing qui Tombe, qui possède ce qu’ils désirent : une carte localisant l’emplacement précis du gisement d’aether-or convoité, flairé par les pouvoirs surnaturels du Wardancer local1.  Mais en échange, Orgaggarok veut les trois œufs de Maw Crusha que ses invités ont apportés avec eux, ce qu’un négociateur vétéran comme Fairgold ne peut laisser passer sans froncer de la moustache. Après un marchandage vindicatif et énergique, l’accord est sur le point de sans conclure sans le moindre sang versé sur la base de deux filons contre trois œufs, lorsque l’expert en ruralité profonde que le chef Orruk a amené à la table au tronc de négociation, lui hurle dans l’oreille qu’il est en train de se faire avoir comme un bleu. Les taches caractéristiques qui ornent la coquille des œufs montrent en effet de façon formelle que ces derniers viennent des Pics de Fer… qui sont sur le domaine des Poings qui Tombent. Oupsie.

Vendre un bien que l’acheteur possédait déjà étant une pratique universellement condamnée, le dialogue tourne court et les lames sortent des fourreaux (pour ceux qui en ont). Bien que tenus en respect par l’arsenal de leurs visiteurs, les Orruks sont tout prêts à foncer dans le tas pour apprendre les bonnes manières leurs visiteurs, mais l’arrivée de deux catastrophes aériennes coup sur coup va donner à Fairgold et ses matelots la distraction nécessaire pour se sortir de ce guêpier. D’abord, Mama-Crushaw débarque au village, guidé par son instinct maternel infaillible, ou la puce de géolocalisation qu’elle avait placé sur ses œufs (allez savoir, c’est de la high fantasy, je ne serais même pas surpris). Puis, c’est la Night’s Daughter, enfin réparée, qui arrive à son tour, abat pour de bon le lézard volant en rut, défonce la palissade Orruk, et maintient les sauvages en respect assez longtemps pour permettre aux VRP de remonter à bord. Bien entendu, Fairgold a trouvé le moyen de chiper la carte d’Orgaggarok au passage, et tout est bien qui finit donc bien pour nos petits gars et filles. Même mieux que bien, car ils ont gardé le dernier œuf de Maw Crusha pour eux, et que ce dernier vient d’éclore. Et une mascotte pour la Night’s Daughter, une !

1 : Spécialisé dans les souffles (ou pets, si on demande à ce diplomate né de Fairgold) de Mork, nom donné par les Orruks à ce type de filon.

AVIS:

Après des débuts discrets à Age of Sigmar (comparé à sa production soutenue pour Warhammer Fantasy Battle ; 40.000 et l’Hérésie d’Horus), Gav Thorpe signe une petite nouvelle posant tous les jalons d’une suite plus ambitieuse avec ce ‘Buyer Beware’. J’en vux pour preuves la galerie conséquente de personnages qu’il prend le temps de nous présenter, ainsi que les relations particulières qui unissent certains d’entre eux (Fairgold et Verna semblent très proches), mais également la mise en perspective de la quête inlassable de Fairgold pour le Night’s Gift, qui justifie tous les événements narrés dans ce court format. Il est encore trop tôt (au moment où cette chronique est écrite) pour acter de la véracité de cette intuition, d’autant plus que Thorpe a déjà une série de romans sur le feu – ça se passe à Aqshy après tout – pour AoS, avec ‘The Red Feast’ (et sa.es suite.s), mais il y a des signes qui ne trompent pas. Pour le reste, ‘Buyer Beware’ tient assez bien la route, sans originalité folle ni style flamboyant, mais avec un dosage correct d’action et d’humour, et surtout sans les incongruités regrettables dont Gav Thorpe parsème parfois ses soumissions à écrire sans se poser de questions. Qualité naine, dirons-nous.

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Reflections in Steel – C. L. Werner :

INTRIGUE:

Reflections in SteelLe village de Kyoshima, attaqué par la bande du chef barbare Gharm, brûle bellement tandis que ses habitants sont passés au fil de l’épée par les pillards1. Tous ? Non ! Le jeune Kenji, qui revenait sans doute du casting de The Voice, est épargné in extremis par le boss en question, qui n’hésite pas à châtier un de ses sbires de son épée enchantée2 lorsque le rustre fait mine de hacher menu notre menu. La discipline, c’est sacré. La situation de Kenji ne s’améliore toutefois que marginalement suite à ce sauvetage, le coup de buzzer et d’espadon de Gharm ne débouchant que sur une douloureuse servitude aux mains du maître esclavagiste Sazaal, dont le sadisme et l’amour des châtiments corporels font honneur à cette belle profession. Placé tout en bas de la pyramide sociale de l’armée du chef de guerre Kravoth, Kenji tue le temps en tuant ses compagnons d’infortune pour nourrir les fringantes et carnassières cavales de l’ost chaotique, et en se jurant de vivre assez longtemps pour se venger de son infâme tortionnaire.

C’est à l’occasion d’un raid mené contre un nouveau village qu’une occasion se présente pour l’esclave de mener ses plans à exécution, et Sazaal également par la même occasion. Réquisitionné par les maraudeurs – qui apprécient sans nul doute sa jolie voix, même s’il est quasiment impossible de jouer de la guitare avec les mains enchaînées – Kenji se retrouve pris dans une embuscade montée par des Skavens en quête de loot, et qui s’abattent sur l’arrière garde piétonne de la bande pillarde alors que les cavaliers ont le dos tourné. Quand on vous disait que ces hautes herbes étaient dangereuses (saleté de Ratatas). Un coup de chance et une épée récupérée sur un cadavre plus tard, Kenji peut enfin laisser libre cours à sa revanche, et réduit Sazaal en purée une fois la vermine mise en déroute. Loin de s’offusquer de ce petit meurtre entre amis, Gharm, revenu sur ses pas constater pourquoi ses péons n’arrivaient pas, libère Kenji de ses chaînes et lui offre un CDI (carnage à durée indéterminée) dans son équipe, ce que Jiji accepte sans broncher.

Nous retrouvons notre héros quelques temps plus tard, à l’occasion d’une véritable bataille entre la horde de Kravoth et un ost de Fyreslayers probablement doublement discriminés du fait de leur peau noire et de leur poil roux (combo). L’affrontement donne l’occasion à Kenji de s’illustrer auprès de son n+1, en l’aidant à venir à bout d’une Salamandre souffrant d’un léger problème de coordination motrice, en s’acharnant comme le sadique qu’il est devenu sur le petit orteil de la bestiole. Ce qui est atrocement douloureux, comme quiconque a une table basse chez lui peut en témoigner. De hauts-(mé)faits en triomphes, la côte de Kenji continue de croître en même temps que son stuff se bonifie, ses chakrams de fer passant à l’or, au platine, puis au diamant, jusqu’à ce jour fatal où Gharm emmène ses ouailles piller un hameau absolument mi-na-bleuh, ce que notre self made man trouve très humiliant, en grande partie car cela lui rappelle douloureusement ses propres débuts. D’ailleurs, c’est lorsqu’il refuse d’épargner un jeune garçon qui se cachait dans les décombres de sa cahute que Gharm se retourne contre son suivant dissipé, et lui fait goûter à la même médecine métallique et auto-nettoyante qu’au faquin qui avait fait mine de lui porter le coup de grâce toutes ses années auparavant. La boucle est bouclée pour Kenji, qui ne peut constater la disparition de sa bonne étoile, tandis que son menton repart avec sa nouvelle trouvaille, Lilian Renau (sans doute).

1 : Ce qui permet de vérifier encore une fois que les noms se terminant en -shima semblent attirer les catastrophes (voir Hiroshima et Fukushima).
2 : Elle se nettoie toute seule en un clin d’œil… Voilà ce qui arrive quand on laisse ce farceur de Zuvassin s’occuper des dotations aux aspirants.

AVIS:

Après The Last of the Blood (Maledictions), C. L. Werner poursuit ses explorations japonisantes des Royaumes Mortels, avec cette nouvelle de belle facture, remettant au goût du jour deux classiques de la littérature « chaotique » : le cheminement (ou la déchéance) du héros, qui progresse insensiblement vers la damnation jusqu’à devenir ce qu’il avait toujours combattu d’une part (Les Cavaliers de la Mort, et plus récemment, The Path to Glory), et la saga épique se terminant de façon ignomieuse et prématurée, rappelant à quel point les Dieux du Chaos sont des maîtres cruels et inconstants (The Ignorant Armies, The Laughter of the Dark Gods, The Talon of Khorne). Si ce récit n’apprendra rien de nouveau aux vétérans de la BL, qui pourront tout de même bénéficier de la maîtrise de Werner en matière de conduite d’intrigue et de construction d’atmosphère – on regrettera seulement que les Skavens de l’histoire ne soient que des goons, alors que l’homme au chapeau s’est souvent illustré par son utilisation inspirée de cette noble race dans ses écrits – , les plus jeunes (ou en tout cas les plus neufs) des lecteurs en seront quitte pour un apprentissage des choses du lore, en compagnie d’un des professeurs les plus qualifiés et compétents qui soient. À mettre en toutes les mains/pattes/tentacules.

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The Inevitable Siege – R. James :

INTRIGUE:

La très longue vie de Kanem Sharu, sorcier de Tzeentch de profession, a pris un tour désagréable ces derniers temps. Membre de la légendaire troupe des Inévitables Chevaliers (ça rend sans doute mieux en VO), notre héros est techniquement immortel, ce qui est assez sympathique il faut le reconnaître. Ce don lui a été accordé après que lui et ses potes aient mis la main sur l’équivalent du Death Note des Royaumes Mortels, pendant le sac d’une bibliothèque Lumineth. Inscrire le nom et la manière dont une personne doit mourir dans le Livre des Fins Inévitables condamne en effet la première à décéder de cette façon… mais seulement de cette façon. Toujours prompts à exploiter les failles des règles, comme tout bons disciples de Tzeentch qui se respectent, les affreux ont couché sur le papier les morts les plus improbables qui soient (ex : décapitée par une plume), s’assurant de facto l’immortalité. Toutefois, rien n’est éternel sous le regard des Dieux, et la renommée des Chevaliers a fini par leur attirer l’attention soutenue des suivants de Khorne, toujours à la recherche de nouvelles têtes pour décorer le trône du Patron. Jugeant que celles de pseudo-immortels auraient plus de chances de leur accorder les faveurs du K, ils ont poursuivi Kanem et ses potes à travers les Royaumes (et usé d’une approche scientifique du problème à résoudre très étonnante pour des disciples du dieu du carnage) jusqu’à ce que seul ce dernier demeure en vie… pour le moment. Poursuivi par une tueuse du nom de Gulnar Thrax, le Sorcier s’est enfoncé dans un désert très hostile avec l’espoir que sa Némésis périrait avant lui, mais réalise bientôt qu’il se fera rattraper avant cela.

En désespoir de cause, il choisit d’utiliser un de ses derniers jokers et appelle un ami démoniaque pour lui demander conseil. Serviable, l’entité magique le téléporte un peu plus loin dans le désert, où une armée est censé l’attendre pour lui permettre de régler son compte à la tenace Thrax. Petit problème, l’ost en question a déjà un commandant, l’Elu de Tzeentch Tzymon Gul Techtvar, et est très occupé à assiéger la cité de Khulna Khesh, pour la plus grande gloire de Cui. Simon est persuadé que l’arrivée subite de Kanem est une intercession de l’Architecte du Changement en sa faveur, et que le légendaire Chevalier Inévitable va l’aider à conquérir la ville. De son côté, notre héros cherche juste à mettre le plus de distance et d’obstacles entre lui et sa poursuivante, et accepte donc la mission impossible qui lui est confiée : s’emparer seul de Khulna Khesh. Confiant dans son immortalité, il demande à son nouveau boss de le déposer au cœur de la cité, où il pourra se refaire une santé avant de se téléporter dans un voisinage plus sympathique (Khulna Khesh est affiliée à Khorne). Tzymon accède à sa requête et charge un de ses Tzaangors sur disque du convoyage, mais garde avec lui le précieux bâton cabalistique de Kanem, en partie pour le forcer à revenir le chercher, et en partie pour se venger du fait que le Sorcier ne se soit pas prosterné devant lui au début de leur entretien. #MeanBoss

Echoué dans une cité aussi inconnue qu’hostile, Kanem n’est toutefois pas totalement dépourvu. Usant de son mode opératoire favori (le micro-management des irritants), il créée des dizaines de petits incidents, entourloupes, quiproquos et autres émeutes sur le chemin qui le mène vers le temple central de Khulna Khesh, plongeant la ville dans une anarchie meurtrière encore plus grande que d’habitude, et lui permettant d’esquiver les gardes de faction pour accéder jusqu’au Hierofex, le seigneur de Khorne régnant sur la cité.

La confrontation entre notre héros au corps de lâche et l’idole à la peau d’airain qui se révèle être le Hierofex ne tourne logiquement pas en la faveur de Kanem. Bien qu’étant techniquement protégé par son immortalité, cette dernière ne sert qu’à prolonger ses souffrances face au champion de Khorne, qui cherche à attirer l’attention de son dieu en lui sacrifiant l’Inévitable Chevalier (sounds familiar), et est tout à fait au courant de la protection mystique dont son adversaire dispose. Résolu à littéralement tout tester pour parvenir à ses fins, et à celle de Kanem, le Hierofex multiplie les blessures débilitantes mais non mortelles, limitant drastiquement les options du sorcier. En désespoir de cause, ce dernier sort une baguette de sa besace, et la pointe de manière menaçante sur le colosse de métal, semblant oublier qu’il a reçu une bénédiction divine contre les sortilèges, et que quiconque tentera de l’abattre avec de la magie sera puni par Khorne en personne…

Début spoiler…Aussi, lorsque le Hierofex lui arrache son hochet des mains et le casse en deux sans y penser à deux fois, il ne se rend pas compte qu’il a commis une tragique erreur. La baguette contenait un charme de guérison mineur, invoqué par celui qui la brise. Le Hierofex est donc devenu, à son corps défendant, un utilisateur de magie, ce qui fâche Khorne tout rouge. Le champion disgracié fait donc une spectaculaire sortie du chemin de la gloire (alors que l’ascension était si proche, c’est triste) et se retrouve changé en Enfant du Chaos. Cela laisse à Kanem les mains libres pour saboter le plan qu’il avait établi pour vaincre les assiégeants, à savoir sonner la neuf fois (et pas huit) la grande cloche du temple, signalant à tous les défenseurs de Khulna Khesh de s’entretuer pour permettre à un ost de Sanguinaires de se matérialiser dans la cité. Le coup de cloche supplémentaire ayant douché l’enthousiasme des démons, la ville se retrouve sans chef ni renforts, et privée d’une bonne partie de ses troupes. Ce ne devrait plus être très compliqué d’en venir à bout, si ?

Eh bien, il semblerait que Tzymon rencontre tout de même quelques difficultés à remplir son objectif, même en mode facile. Lorsque Kanem sort de la cité, cette dernière est en effet toujours contestée, et l’Elu de Tzeentch n’est visiblement pas en maîtrise de la totalité de ses troupes. Ce ne sont toutefois pas les affaires de notre héros, qui veut simplement reprendre possession de son bâton avant de tailler la route. C’est alors que quelqu’un lui tape sur l’épaule pour attirer son attention…

Début spoiler 2…Horreur, il s’agit de Gulnar Thrax, qui a profité de son occupation récente dans une side quest débile pour refaire son retard. A la grande surprise, suivi d’un grand soulagement, de Kanem, sa poursuivante ne le reconnaît pas, et le prend au contraire pour un collègue (elle l’a vu sortir de la cité). En quête d’informations sur la localisation de sa proie, elle lui demande s’il ne pourrait pas la rencarder à ce sujet, et Kanem se fait une joie de lui indiquer qu’il a pris l’apparence de Tzymon Gul Techtvar pour tromper sa poursuivante, mais a fait la grossière erreur de conserver son bâton comme signe distinctif. Voilà qui devrait occuper ces deux fripouilles quelques temps, et laisser à notre héros éprouvé toute latitude pour disparaître des radars. Du passé, faisons inévitable rase…Fin spoiler

AVIS:

Ils sont peu nombreux les auteurs à avoir réussi à dompter le potentiel narratif du Chaos dans leurs écrits, la plupart se contentant de mettre en scène le parcours sanglant mais prévisible et assez ennuyeux au final, d’un héros parvenant à s’élever dans la hiérarchie chaotique et/ou à mourir dans la tentative. Rhuaridh James démontre ici qu’il fait partie de ce cercle très fermé d’Elus, en signant avec sa toute première nouvelle pour la Black Library un futur classique de la littérature chaotique.

The Inevitable Siege’ nous plonge en effet dans ce que l’on pourrait considérer comme « la vie de tous les jours » pour les servants mortels des Dieux Sombres, expression beaucoup trop mondaine pour rendre justice à l’anarchie et la folie ambiante qui est leur lot. Kanem Sharu, sorte de Rincevent des Royaumes Mortels (c’est-à-dire un personnage tout à fait banal et prosaïque, auquel le lecteur peut facilement s’identifier, mais maîtrisant parfaitement les codes et les règles de l’univers étrange dans lequel il évolue), tente tant bien que mal de gérer les petites complications de sa vie de champion-de-Tzeentch-immortel-mais-pas-tout-à-fait, avec l’enthousiasme de Carlo Tentacule et la roublardise de Thanquol (oui je sais, ça fait beaucoup d’univers différents convoqués en une phrase). Cette formule détonante fonctionne à merveille, bien aidée par le respect dont James fait preuve envers le background d’Age of Sigmar1. Il ne s’agit pas ici d’une parodie assumée, comme ont pu l’être les écrits d’Andy Jones à l’époque de Warhammer Fantasy Battle2, mais bien des aventures d’un anti-héros dans les Royaumes Mortels.

Bonus appréciable, ‘The Inevitable Siege’ contient tous les éléments nécessaires pour devenir le premier épisode d’une future série, qui serait très intéressante à lire si elle continue sur cette lancée : un héros charismatique (à son niveau), son impitoyable Némésis – qui finit aussi l’histoire en un seul morceau –, et un concept central suffisamment riche et original pour permettre à un auteur compétent de produire plusieurs nouvelles/romans pour l’explorer en profondeur. Bref, il va falloir apprendre à écrire correctement le nom de Rhuairidh James (comme celui d’ADB il y a quelques années), car ce petit gars a un vrai potentiel.

2 : Pas étonnant de la part d’un auteur qui a commencé par écrire du fluff pour Games Workshop.
2 : ‘Grunsonn’s Marauders’ et ‘Paradise Lost’.

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The Heart of the Fallen – S. Cawkwell :

INTRIGUE:

The Heart of the FallenDans les grandes plaines du Bloodwind Spoil, une double traque est en cours. Pendant qu’un mystérieux chasseur poursuit sa proie dans les étendues sauvages, trois jeunes guerriers Untamed Beasts, le sensible Dhyer et les frère et sœur Open Skies et Fleet-Foot, sont à la recherche du frère ainé du premier, un pisteur bravache du nom de Sharp Tongue. Ayant juré de traquer l’une des grandes bêtes qui hantent le territoire de la tribu afin de prouver sa valeur et de gagner en prestige, Langue de P*te est parti en solitaire il y a quelques jours, et son frangin s’inquiète de ne pas le voir revenir. Comme quoi, on peut vénérer une divinité chaotique assoiffée de sang1 et avoir le sens de la famille.

Les deux pistes finissent par converger à l’entrée d’une caverne d’un genre un peu particulier. Non pas qu’elle semble être un organisme géant, avec mur fourré (et probablement moquette du même acabit), ventilation pulmonaire et œils-de-bœuf plus vrais que nature. C’est finalement assez commun dans la région. C’est plutôt qu’elle possède des caractéristiques hydrographiques a priori inconciliables, la marque d’une véritable bénédiction des Dieux Sombres si vous voulez mon avis. Les Castueurs Juniors relèvent des indices de lutte, dont une dent humaine traînant dans la poussière, révélant que leur cher disparu n’est sûrement pas loin (et en effet, il a dû négocier un pétunia un peu envahissant à son arrivée dans la grotte, qui lui a prélevé quelques PV au passage). Redoublant de prudence, ils finissent par arriver dans une salle occupée par un lac de boue, au milieu duquel, unis dans la mort, se trouvent les cadavres d’un chasseur Untamed Beast et du monstre qu’il a tué avant de périr. Et quel monstre! Il s’agit rien de moins que d’un fort beau spécimen de Raptoryx2. On ne rigole pas dans le fond! Les ornithorynques du Chaos peuvent être dangereux quand ils sont acculés, et ce n’est pas Sharp Tongue qui soutiendra le contraire, raide mort qu’il est.

Bien qu’un peu tristes de cette conclusion tragique, US Open, Flip Flop et D’ailleurs décident de rendre au défunt l’hommage qu’il mérite, en dévorant rituellement son cœur afin de bénéficier de la force du macchabée. Le buffet froid est toutefois brutalement interrompu par le réveil du Raptoryx, qui, malgré la lance lui traversant le gésier de part en part, était loin d’avoir dit son dernier coin. La triplette de ploucville n’a guère le choix: il faut finir le boulot que ce peine-à-occire de Sharpie a salopé pour espérer sortir de l’antre de la bête. Malgré leur habileté à la sagaie en os, la hachette en silex et la dague en onyx, les Untamed Beasts ne s’en sortent pas indemnes, et Open Skies change rapidement son nom en Open Guts. Son sacrifice n’est toutefois pas vain, sa sœur et son (probablement futur) beauf combinant leurs forces pour euthanasier l’impossible palmipède. La nouvelle se termine sur un nouveau gueuleton, obligeamment offert par Open Skies, qui dans la mort comme dans la vie, avait le cœur dans la main (même si, ironiquement, c’est du coup aussi vrai de Dhyer et Fleet-Foot). Mais alors que nos tourtereaux se préparent à prélever le foie gras proprement monstrueux de leur proie, les eaux du pédiluve boueux se mettent de nouveau à trembler3

1 : D’ailleurs Cawkwell insiste pour appeler le Grand Dévoreur ‘Eater of Worlds’. Ca ne vous rappelle rien? Peut-être qu’Angron vient chiller dans les Huit Pointes lorsqu’il se fait expulser du Materium par les Chevaliers Gris. 
2 : Sachant que l’individu moyen arrive à l’épaule d’un être humain, celui-ci devait être aussi grand qu’un homme. Bon, ce n’est pas Thornwinder contre Harrow (voir The Devourer’s Demand), mais tout le monde ne peut pas se battre contre des vraies créatures semi-divines. 
3 : Et? Eh bien rien du tout. Ca se termine vraiment comme ça. Etrange.

AVIS:

Je suis un peu partagé au sujet de ce Heart of the Fallen. D’un côté, il m’est agréable de constater que Sarah Cawkwell ne semble pas partie pour retomber dans ses travers Hammer & Bolteresque, sa nouvelle étant solidement construite et, mises à part quelques incongruités (comme la caverne à la sécheresse humide) et erreurs de fluff (le Raptoryx présenté comme un prédateur solitaire alors qu’il a littéralement une règle qui indique qu’il chasse en meute – oui, je suis chiant -), somme toute assez mineures, plutôt agréable à lire. De plus, l’effet de nouveauté de Warcry joue encore à plein, justifiant d’autant plus la lecture de ce genre de soumissions, intrinsèquement originales (ce que ne peuvent pas dire les nouvelles de Space Marines et Stormcast Eternals qui constituent l’ordinaire de l’habitué de la BL). De l’autre, je suis assez déçu de la platitude de l’intrigue, alors que tout semblait indiquer qu’un twist final viendrait récompenser le quidam à la fin de la nouvelle. Jugez plutôt: et si le mystérieux chasseur, qui se révèle au final n’être que ce fier-à-bras-cassé de Sharp Tongue, avait été un guerrier d’un autre tribu que celle de nos héros, et que la bête qu’il traquait avait été Sharp Tongue, horriblement muté par le Chaos? J’avoue que je m’étais drôlement hypé sur cette hypothèse, que le refus catégorique de Cawkwell de nommer son premier protagoniste m’avait fait soupçonner, puis espérer, jusqu’à ce que le pot aux roses soit découvert. On ne me retirera pas de l’esprit que Heart of the Fallen aurait eu plus d’allure avec ce petit retournement de situation final, tout à fait grimdark dans l’esprit. Et puisqu’on parle de conclusion, ce qu’a voulu faire Cawkwell en achevant son propos sur ce que j’interprète comme l’arrivée d’un nouveau monstre dans la mare au canard (mais quel canard), sans plus de précisions ni d’indications sur son origine, m’échappe encore à l’heure actuelle. La nuit porte conseil paraît-il, alors…

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I, Behemat – E. Gregory :

INTRIGUE:

Exilé de son clan après avoir joué trop de sales tours à ses petits camarades, Yaggle le Git a trouvé refuge dans une ferme (dont il a tué le propriétaire, il faut tout de même le préciser), et médite sur sa condition de génie incompris auprès du cochon qui lui sert de thérapeute. Ses réflexions cathartiques sont interrompues par l’arrachage en règle du toit en chaume de la masure, et la descente d’une main gigantesque, qui vient rafler bétail, cadavre et gobelin, avant de tout fourrer dans une musette de fort belle taille. Yaggle, qui n’est pas le dernier des abrutis, comprend assez vite qu’il a été ramassé par un Gargant, situation peu favorable s’il en est1. Profitant de la gloutonnerie du géant, qui ne peut s’empêcher de piocher dans son sac comme s’il s’agissait d’un sachet de dragibus, Yaggle s’accroche à la vache sélectionnée par le Gargant et se retrouve face à face cagoule avec HRADOTH, le plus puissant des Mega-Gargants, ou du moins se présente-t-il ainsi. De son côté, notre ruzé héros s’introduit en toute simplicité comme étant la réincarnation de Behemat, le dieu et ancêtre de tous les Gargants. Hradoth faisant remarquer avec justesse qu’il est un peu petit pour une bête zodiacale, Yaggle assure qu’il vient de renaître, et qu’il grandira plus tard. Sentant le doute s’emparer de son public, le pseudo-Behemat propose à son pseudo-descendant de lui révéler une information que seul un dieu peut connaître, et qui se trouve être l’endroit où faire le meilleur repas de sa vie. Plus affamé que brillant, Hradoth accepte et son nouvel ami le dirige droit vers le campement de son ancien clan, pour une petite revanche par Gargant interposé…

Après avoir aplati, piétiné et englouti la plupart des Gitz et leurs animaux de compagnie, Hradoth se laisse aller à une confidence digestive auprès de Yaggle. Il a lui aussi été chassé par les siens, en l’occurrence la sévère Tantine et ses trois idiots de fils (Baldoth, Qu’un Œil et Junior), après qu’il ait commis l’affront de se servir en premier à manger. Bien que ne boxant pas dans la même catégorie, Yaggle est sensible au traitement injuste que son gros copain a subi, et lui souffle quelques conseils avisés pour lui permettre de se venger de sa famille indigne. Grâce à la ruse du Git et l’avantage de taille de Hradoth par rapport à sa parentèle (qui ne sont « que » des Gargants), le duo de choc remporte une victoire probante, les trois affreux cousins mordant la poussière et Tantine étant à son tour forcée à l’exil.

Cette nuit bien remplie a fatigué Hrodath, qui se dirige dans une forêt toute proche pour piquer un petit roupillon, mais pas avant que Yaggle ne lui ait raconté une histoire pour s’endormir. How cute. De son côté, le Git décide de ne pas plus forcer sa chance, et abandonne le grand dadais dans son sommeil pour reprendre une vie normale. Ce retour sur le plancher des Squigs se passe cependant moins bien que prévu, Yaggle tombant sur une bande de guerre de chevaucheurs d’araignées, bien décidés à régler son compte au Mega-Gargant avant qu’il ne leur fasse subir le sort de leurs cousins troglodytes, dont ils ont eu vent. Embarquant Yaggle au passage dans leur vendetta colossale, ils ne se doutent pas que le Git maigrichon qu’ils ont pris en stop est le commanditaire de l’extermination de leurs voisins. Par contre, le loonboss Wazzit, seul survivant du massacre et responsable de l’exil de Yaggle, est en mesure de les rencarder sur ce petit détail de l’histoire. Ce revirement de situation force notre héros à prendre ses robes à son cou et courir réveiller Hradoth avant que le venin des araignées ne le paralyse.

Profitant du nez chatouilleux du Gargant, Yaggle parvient à sortir ce dernier de sa torpeur à temps pour qu’il écrabouille les menaçantes bestioles, et Wazzit avec par la même occasion. Cette péripétie convainc le Git, qui avoue à Hradoth n’être pas vraiment Béhémat, mais son prophète, de finalement rester coacher le grand dadais, lui promettant de lui trouver les meilleurs plans pour casser la croûte à travers les Royaumes Mortels. Après tout, la fable ne dit-elle pas qu’on a toujours besoin d’un beaucoup plus gros que soi ?

1 : Au moins ce Gargant là avait un sac, et notre héros n’a pas fini dans le pantalon du colosse, comme ça aurait pu être le cas à Warhammer Fantasy Battle.

AVIS:

Petite nouvelle fun de la part d’Eric Gregory, dans la lignée de ‘Bossgrot’. Sans grande surprise, mais avec un plaisir curieux (c’est la première fois qu’une nouvelle donne le point de vue d’un Gargant), on suit les mésaventures de ce duo de choc, pas si différent l’un de l’autre une fois la question du gabarit évacuée1. L’intrigue est très simple, et Gregory a déjà montré qu’il savait faire mieux que ça, mais ça reste tout de même sympathique à lire.

1 : Ce qui est logique parce qu’il n’y a plus de gabarit à Age of Sigmar.

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A Taste of Lightning – A. Tchaikovsky :

INTRIGUE:

La ville minière d’Ort, en Ghur, n’est pas née sous une bonne étoile. A peine établie par une cohorte de hardis mineurs humains et Duardin pour exploiter les filons des montagnes toutes proches, elle s’est révélée être à proximité d’un portail de Royaume donnant sur Shyish, et a été promptement envahie et annexée par une légion d’Ossiarch Bonereapers. Pour ne rien arranger, les expulsés doivent aussi composer avec l’arrivée de gens du voyage d’un genre particulier : la tribu ogor du Tyran Krult. Ce dernier avait prévu d’assiéger la ville pour se repaître de ses habitants, mais a la flexibilité d’esprit nécessaire pour changer le programme de la journée lorsque ses éclaireurs viennent l’informer de l’identité des nouveaux occupants d’Ort, et décréter un « peekneek » (il a appris plein de mots savants lorsqu’il était Mangeur d’Hommes) de réfugiés à la place.

Avant que les Ogors n’aient pu se mettre en marche, une délégation menée par l’érudite Lumineth Celarais demande à parler au Tyran. L’Aelf propose à Krult de changer à nouveau de plan, et de se battre aux côtés de la milice d’Ort et des Stormcast Eternals qui les ont rejoints (représentés dans l’ambassade par le taciturne Stenarius) pour reprendre la ville. En dédommagement des services rendus, les Ogors seront payés en nature par l’organisation d’un grand festin, préparé par nul autre que le célèbre chef Hugh Pen Andual, que Celarais a également fait venir, contre son gré il faut le préciser. Intéressé par la proposition mais souhaitant vérifier les credentials de celui qu’il a immédiatement rebaptisé Poignée de Poêle1 avant de s’engager à quoi que ce soit, Krult met au défi le chétif humain de relever le brouet que la Bouchère de la tribu (Brugha) a fait bouillir pour le petit déjeuner des troupes. Une tâche que le chef accomplit aisément grâce à sa réserve d’épices (qui sort très entamée de la préparation, les concepts de « pincée » et « soupçon » étant absents du vocabulaire ogor), lui gagnant l’estime de Krult et de ses fins gourmets. Ce que ces derniers ne savent pas, c’est que Pen Andual a tenté de les empoisonner pour pouvoir filer à l’anglaise, une tentative qui n’avait aucune chance de réussir dixit Celarais (Céleri pour les intimes), qui se doutait que le cuisinier allait recourir au poison pour se sortir de ce guêpier. La Lumineth, spécialisée dans l’écriture de livres de cuisine, ou quelque chose comme ça, a en effet étudié la carrière de Pen Adual et compris qu’il avait tendance à laisser ses employeurs morts ou très malades une fois qu’il décidait d’aller voir ailleurs. Une technique de mobilité professionnelle comme une autre…

Du côté d’Ort, un gentlemen’s agreement a donc été trouvé entre les factions non-mortes, qui convergent sur la ville pour en chasser les squatteurs. Grâce à l’impact apporté par les Ogors, la coalition arrive à entrer dans l’enceinte fortifiée, mais la défense inspirée du général Ossiarch (Ankahnet), l’empêche de clamer victoire. Barricadés sur la place du centre-ville, les lanciers squelettiques se montrent intraitables. Pour ne rien arranger, Krult décide de retirer ses troupes de la bataille pour aller prendre un thé à l’extérieur de la cité, au grand désarroi de Celarais. Elle ne met pas longtemps à apprendre que le fourbe Manche de Poêle s’est mis sous la protection du Tyran, qui n’a donc plus besoin de remplir sa part du contrat pour bénéficier des services du chef. Il va falloir trouver un autre moyen de convaincre les Ogors de se remettre à table…

Début spoiler…Et c’est de Stenarius que vient l’illumination. Ayant entendu Krult se plaindre qu’il n’avait jamais eu la chance de déguster un Stormcast Eternal, du fait de leur fâcheuse tendance à partir en fumée au moment de leur mort, le serviable sigmarite accepte de remédier à cette lacune et de faire don de son corps à la panse, mais seulement si Krult arrive à l’attraper. Ceci fait, il part en courant vers les combats, entraînant à sa suite toute la tribu, et se fait un devoir d’aller défier en duel le général adverse, qui le renvoie voir Sigmar en un moulinet de son épée enchantée, sous les yeux horrifiés du Tyran. Ankahnet n’aura pas le temps de savourer sa victoire, son squelette finissant éparpillé façon puzzle par un Krult furieux qu’on lui ait piqué son goûter, et sa fière légion lui emboîte rapidement le pas.

Notre histoire se termine par le banquet promis aux mercenaires ventripotents, qui acceptent de mettre les voiles après avoir fini de lécher les assiettes. Il ne fait pas de doute que la tribu reviendra voir ses nouveaux amis dans quelques temps, et que la cohabitation pourrait ne pas aussi bien se passer, mais c’est un problème pour une autre fois…Fin spoiler

1 : Panhandle en VO, jeu de mots avec Pen Andual.

AVIS:

Pour sa première nouvelle siglée Age of Sigmar, Adrian Tchaikovsky a choisi de marcher dans les pas de Robert Earl, l’auteur de référence pour la noble race des Ogres à l’époque de Warhammer Fantasy Battle1. On peut aussi lui trouver une affiliation avec Sandy Mitchell, en raison de son approche décomplexée et humoristique d’une franchise autrement plus premier degré. Le résultat est en tout cas très distrayant, parfaitement lisible, et fera plaisir aux fans des Ogors et des Ossiarch Bonereapers, deux des factions les moins gâtées par la Black Library à ce jour2. On espère aussi avoir des nouvelles de Celery et Panhandle, un duo les plus mal assortis des Royaumes Mortels et dont la suite des aventures promet donc d’être passionnante, si le très occupé Tchaikovsky a du temps à y consacrer.

1 : ‘Wild Kingdoms’, ‘The Last Little Bit’.
2 : On peut tout de même signaler que gros lards et sacs d’os se retrouvaient déjà opposés dans la nouvelle ‘Strong Bones’ de Michael J. Fletcher. L’atmosphère était bien moins bon enfant, par contre.

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The Offering – A. Clark :

INTRIGUE:

The OfferingC’est la belle sombre nuit de Noël Nost’rnight, ce qui signifie une chose pour les habitants de Breaker’s Vale, avant-poste minier de Chamon : leur offrande doit être livrée au pied de l’arbre du don sans tarder, sous peine de terribles représailles. Guidée par leur Aîné, une petite délégation de péquenauds chemine donc péniblement jusqu’au point de drop ‘n collect le plus proche, chargée des maigres richesses que les locaux ont mis de côté à cette fin au cours de l’année écoulée. Au moment de repartir se calfeutrer dans les chaumines, le jeune Narry choisit cependant d’initier sa crise d’adolescence en questionnant tout haut le choix de ses concitoyens de détourner une partie de la production de Breaker’s Vale pour payer un tribut à ce qu’il considère n’être que de vulgaires brigands. Le moment a beau être très mal choisi, l’Aîné prend sur lui de remettre le petit rebelle à sa place, en lui racontant ce qui s’est passé l’année où l’offrande n’a pas été faite…

À l’époque, Breaker’s Vale venait d’accueillir son nouveau maire, Gustav Thatcher, fils exilé pour détournement de fonds d’une grande famille azyrite. Ce châtiment n’avait cependant pas suffi pour guérir Gus de sa sale manie de truquer les registres et s’en mettre plein les poches (ou dans le cas précis, le coffre), l’édile malgré lui de Breaker’s Vale ne comptant pas rester toute sa vie à moisir rouiller dans l’arrière-pays chamoniard, et ayant besoin d’accumuler un petit pécule pour pouvoir faire son retour dans le game. Un amoureux des livres (de compte) comme lui ne pouvait donc pas manquer de rapidement remarquer les discrètes mais visibles modifications apportées par un quidam tout aussi filou que lui à son propre registre, preuve indiscutable que le PIB de Breaker’s Vale se faisait siphonner par de multiples fripouilles. On pourrait presque parler de république bananière si Sigmar n’était pas un despote (et plutôt foudroyant qu’éclairé, si vous voulez mon avis).

Guère soucieux de partager, et encore moins ravi d’avoir été pris par une andouille par ses administrés, Gustav remonta rapidement à l’origine du problème, et fit main basse sur le butin collecté par les locaux, malgré les supplications de son majordome (Saul) de laisser les habitants déposer leur offrande annuelle aux Grobbi Blackencap, sous peine de représailles. Croyant avoir affaire à une vulgaire superstition paysanne, Gustav refusa tout net, ce qui mena Breaker’s Vale à connaître une nuit très agitée, comme vous pouvez vous en douter. Mécontents de n’avoir pas reçu leur dû, les Gits locaux organisèrent une soirée à thème « Spores sur la ville », résultant en de multiples vomissements et purulences fatales parmi la population. Sauvé par le dévouement de ses gardes et le bon cœur de Saul, Gustav parvint à s’enfermer dans son coffre alors que les séides de la Mauvais Lune prenaient d’assaut son manoir, laissant son majordome s’expliquer avec les intrus. Ce fut toutefois la fourberie de trop pour l’arnaqueur de la métropole, qui se rendit compte un peu trop tard que Saul connaissait lui aussi le code de la chambre forte, et n’avait plus aucun scrupule à laisser son employeur s’expliquer en tête à tête avec la mafia gobelinoïde chamoniarde (et le Troggoth du parrain à capuche local).

Son récit terminé, l’Aîné (un Saul un peu décrépit par le poids des années) constate avec satisfaction que cette grande gueule de Norry n’a plus rien à redire au versement de la dîme, et enjoint son monde à regagner ses pénates métalliques en attendant que le soleil se lève. Comme on dit dans le coin, entre la caverne et le fungus, mieux vaut ne pas mettre le doigt.

AVIS:

Andy Clark retourne aux champignons avec ‘The Offering’, nouvelle mettant à nouveau en lumière (de la Mauvaise Lune) les déprédations micellaires des Gloomspite Gitz, quelques mois après la sortie de son roman ‘Gloomspite’. Ce court format se suffit à lui même1, et nous sert une variante AoSesque du récit classique du tribut versé par une communauté démunie à une force maléfique pour éviter les ennuis. Le déroulement de cette petite fable sera donc familier à la majorité des lecteurs, l’originalité et la valeur ajoutée de ‘The Offering’ résidant (un peu) dans les quelques descriptions graphiques des maléfices dont sont capables ces farceurs de Gitz, et (un peu aussi) dans la révélation de l’identité « secrète » de l’Aîné, qui aurait pu être aussi bien un Thatcher assagi par son accrochage avec la ruralité profonde de Chamon que le très évident Saul. À titre personnel, et ayant lu à de nombreuses reprises que Clark avait produit pour ‘Gloomspite’ des passages proprement nauséeux (ce qui est une bonne chose pour de la littérature gobeline, j’imagine), je suis resté sur ma faim : mis à part la classique mouche dans le potage – ici livrée sous sa variante d’asticot dans le pudding – et quelques inhalations de spores aux effets dermatologiques regrettables, rien n’est vraiment dégoutant. Un peu trop insipide à mon goût donc, même si l’ensemble reste très correct.

1 : On notera tout de même la présence d’un personnage nommé Saul dans les deux histoires. Comme quoi, en cas d’infestation gobeline, better call Saul.

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Strong Bones – M. R. Fletcher :

INTRIGUE:

Strong BonesJeunes Ogors idéalistes (un peu) et affamés (beaucoup), Stugkor – Stug pour les intimes et les moins dégourdis, ce qui va assez souvent ensemble chez les ogres – , Chidder et Algok décident de fuguer de leur tribu. Le but de cette manifestation, somme toute assez classique du mal-être adolescent et de la remise en cause de l’autorité établie qui va avec, est simple : trouver un campement humain dans lequel se servir directement, la consommation des restes rapportés par les vrais chasseurs du clan ne suffisant plus à nos rebelles. Aussitôt dit, aussitôt fait : le trio enfourche ses scooters débridés Ferox et part à travers la taïga hivernale, à la recherche d’une proie digne de lui. Las, les vastes étendues et la faible densité démographique de cette partie de Ghur ont tôt fait d’épuiser l’enthousiasme juvénile des teen-agers, qui peinent dans la neige et le froid pendant quelques jours avant de tomber sur le village qu’ils appelaient de leurs vœux (et de leur estomac).

Manque de chance, Stug et Cie ont été devancé par une armée de constructions squelettiques, affairées à dépecer les cadavres de leurs victimes, dans le but de récupérer les os de ces dernières. Un comportement à la limite du sacrilège pour nos Ogors affamés, qui ne comprennent pas pourquoi les morts-vivants jettent de la viande de premier choix pour se concentrer sur les parties dures des cadavres. Il y a certes de la savoureuse moelle à l’intérieur, mais tout de même ! Leurs savantes supputations sont toutefois interrompues lorsque le Soulreaper en charge de l’opération de tri et de collecte, pose son regard perçant sur les badauds bedonnants, et envoie l’un de ses Deathriders kavaler aux alentours. Confiants dans leur capacité de règler son compte au scout ossu, les Ogors piquent des deux et contre-chargent, pour des résultats assez dramatiques. Le Kavalos n’a en effet aucun mal à coup-fataler les Ferox de la fine équipe, ne laissant que Stug en état de se battre après que ses comparses aient raté le test de terrain dangereux consécutif à leur désarçonnage. Et, si l’intraitable squelette finit en esquilles, ce n’est pas sans avoir gravement blessé notre héros, et l’avoir complimenté sur sa solide ossature (ce qui revient sans doute à une déclaration d’amour lorsqu’on est soit même constitué uniquement de cela).

En rade au milieu de nulle part et confrontés à une horde de fémurs pas vraiment amicale, les trois petits ogrons décident de mettre les bouts pour avertir leur tribu de l’arrivée de ces nouveaux voisins. La course de fond étant, comme chacun sait, une spécialité des morts-vivants, et voyant la partie mal engagée, les Ogors se séparent, espérant qu’au moins un d’entre eux parviennent à bon port. La fin de la nouvelle est ainsi centrée sur Stug, qui après un vaillant effort, finit par cesser sa course pour faire face à l’inévitable. Les Bonereapers prenant les choses de la guerre très au sérieux, notre vaillant gros lard a l’occasion de prouver sa valeur en concassant un certain nombre de champions ennemis, jusqu’à ce qu’un Stalker vienne finir le job. À l’agonie, Stug ne peut même pas tirer un peu de fierté de la réussite de son plan de contingence, Chidder et Algok ayant déjà été calcifiés par les sbires de Nagash, comme notre héros vaincu ne peut que le constater alors qu’il gît dans la neige. Et quant au sort de sa tribu, il est également scellé, comme lui apprend l’aimable Soulreaper de faction : ses sortilèges lui permettront de prendre possession des souvenirs de sa prochaine victime en même temps que de sa dépouille mortelle. Moralité : ventre affamé n’a pas d’oreilles, mais attention à ne pas tomber sur un os.

AVIS:

Fletcher signe une nouvelle aussi solide que les os de ses malheureux personnages, dont l’un des attraits est la mise en avant de deux factions encore assez peu couvertes par la Black Library à ce jour : les Ogors et les Ossiarch Bonereapers. Si le propos de ce Strong Bones est avant tout de permettre aux petits derniers de Nagash (décidément un family man) de faire leur entrée dans le monde (ou plutôt, dans les Royaumes), Fletcher se révèle également assez habile dans l’utilisation de Stugkor, Chidder et Algok, et parvient à donner une bonne image de la mentalité et du quotidien des Ogors. Au final, on ressort de cette lecture avec une meilleure image du danger que représentent les Ossiarch pour les autres factions d’Age of Sigmar, ainsi qu’avec une description crédible d’une des plus discrètes de ces dernières. Que du bonus.

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Fangs of the Rustwood – E. Dicken :

INTRIGUE:

Fangs of the RustwoodChargé d’escorter les trois suspects de l’assassinat du Gouverneur Bettrum de la cité d’Uliashtai, en Chamon, le Répurgateur Kantus Val(l)o de l’Ordre d’Azyr décide de couper à travers bois pour rallier au plus vite la cité d’Eshunna, où les geôles spacieuses et les tortionnaires attentionnés de l’Inquisition sigmarite auront tôt fait de délier – ou d’arracher, à défaut – les langues des gardés à vue. Ces derniers, mis à part un bon motif d’en vouloir à feu Bettrum, n’ont pas grand-chose en commun. Notre triumvirat de crapules se compose en effet du mage geignard et prophétique (un vrai Nighthaunter d’Age of Sigmar) Elabrin, de l’empoisonneuse patentée Garrula Heko, et de la Capitaine édentée de la garde d’Uliashtai, simplement nommée Lim.

Le choix de Kantus d’emprunter la route traversant le Bois de Rouille ne s’avère guère brillant (ce qui est normal, car l’oxydation du fer corrode le métal), mais plutôt tranchant, la flore acérée de Chamon forçant la petite troupe à jouer de la hache pour se frayer un chemin sous les frondaisons métallisées. Ayant profité d’une halte pour cuisiner ses prisonniers, le Répurgateur doit mettre en pause son interrogatoire lorsqu’une de ses gardes se prend les pieds dans le tapis et choit lourdement dans une fosse tapissée de pieux empoisonnés (piejâkon#1). N’écoutant que son courage, Kantus… accepte qu’un des collègues de la malheureuse aille la repêcher au fond de son trou. Il donne cependant de sa personne en faisant contrepoids au bout de la corde, mais une autre fausse manœuvre des plus ballotes déclenche prestement la détente d’une tige épineuse… empoisonnée (piejâkon#2), qui met le bon samaritain en PLS, juste avant que Kantus ne le laisse carrément aller se pieuter en sous-sol lorsqu’un Gobelin des Forêts juché sur une araignée géante décide de s’inviter à la fête en hurlant « I am Groot! ». L’invité mystère ayant intoxiqué l’un des deux gardes restants de notre héros, ce dernier est colère et règle leur compte aux nuisibles de quelques moulinets bien sentis, avant d’aller s’enquérir du bien-être de ses charges (une enquête de l’IGPN est si vite arrivée).

Le dialogue qui s’engage a vite fait de convaincre Kantus de l’impératif catégorique de laisser les gredins lui prêter main forte afin d’avoir une chance de se sortir du guêpier arachnéen dans lequel il s’est jeté. Rendant à ses prisonniers leurs armes et équipements en échange d’une vague promesse de bien se comporter (quel laxisme), Kantus les entraîne vers l’orée du bois, dans l’espoir un peu vain de distancer les Grots dont les tambours commencent à résonner dans les fougères. Ce qui devait arriver arrive lorsque notre petite troupe, au casting digne du JDR Age of Sigmar s’il était sorti (un Chasseur de Sorcières, un Mage, un Guerrier, un Rôdeur et un PNJ à DLC courte), débouche dans une clairière où l’embuscade des peaux vertes se déclenche. Bien aidé par le sort de pointeur laser inversé et préemptif d’Elabrin1, les humains ne s’en sortent pas trop mal dans un premier temps, les carreaux empoisonnés de Garrula et les coups d’épée de Kantus et Lim prélevant un lourd tribu dans la biodiversité du Bois de Rouille. Hélas, comme il l’avait prédit, le mage se fait capturer au lasso, et si son noble – et pas du tout consenti – sacrifice permet de gagner un peu de temps à ses comparses pendant qu’il se fait torturer à mort dans un bosquet, la situation n’est pas brillante pour ces derniers…

Début spoiler…réduits au nombre de deux après que Kantus ait constaté le décès inopiné de la dame de carreau(x). Fichtre. Enjoint par la vétérane Lim de quitter les lieux le plus rapidement possible, notre héros décide de faire du zèle en collectant les armes de Garrula, qui pourront peut-être permettre d’identifier le tueur du Gouverneur Bettrum, si on venait à retrouver une trace d’un poison similaire à celui utilisé pour pourrir (littéralement) l’édile sur les lames de l’empoisonneuse. Une bonne action ne restant jamais impunie, le Répurgateur se fait prestement attaquer par Brienne de Tarth (dans ta gu*ule), après avoir constaté que Garrula a connu la même fin que l’infortuné Gouverneur, révélant Lim comme la coupable des deux meurtres. Cette dernière trouvait en effet que cette grosse bête de Bettrum utilisait bien mal les forces de l’Ordre, et que son incapacité notoire à s’occuper de l’infestation Grot couvant dans le Bois de Rouille condamnerait à terme Uliashtai à la Destruction. Ca se tient, ça se tient, y a pas à dire. 

Insensible aux arguments de la soldate, Kantus l’est beaucoup moins à ses bottes vachardes, et l’idée de son trépas prochain lui travers l’esprit en même temps que l’épée de Lim fait de même avec sa panse. Abandonné à son triste sort par l’intraitable Capitaine Marlim, Kantus devrait se dépêcher de mourir s’il ne veut pas goûter à l’hospitalité légendaire des tribus Spiderfang…Fin spoiler

1 : En gros, on voit une petite lumière s’allume à l’endroit où un projectile va finir sa course une seconde avant que le coup parte, très pratique pour la balle au prisonnier et l’esquive de flash ball).

AVIS:

Evan Dicken nous revient après ses débuts très convaincants (The Path to Glory), toujours à Chamon mais cette fois à l’époque contemporaine1, avec une histoire se voulant un match-up d’enquête policière (Mais qui a tué le Gouverneur Bettrum?) et de sword & sorcery. Si la brièveté de son propos ne lui donne pas la possibilité  d’exceller dans l’un ou l’autre de ces exercices, le meurtre de Bettrum se résolvant sans grande révélation, et la baston finale, pour honnête qu’elle soit, n’étant en rien mémorable, Dicken déroule cependant son récit avec sérieux, ce qui rend la lecture de The Fangs of the Rustwood plaisante. L’auteur réussit assez bien à faire ressortir la nature sauvage et dangereuse des Grots des Forêts, qui n’ont pas grand-chose de marrant lorsqu’on se retrouve nez à chitine avec leurs araignées géantes. Il parvient aussi à maintenir une tension narrative digne de ce nom, d’abord en jouant sur l’identité secrète du tueur, puis sur le destin attendant le héros. Venin sur le crochet, le fluff n’est pas absent de ces quelques pages, ce qui est tout bénef. Bref, ce (plus) court format permet à Dicken de cimenter son statut de Hot New Talent de la BL, et l’une des plumes à suivre d’Age of Sigmar dans les mois à venir.

1 : Même si des références à son cher empire Lantique et à la cité d’Uliashtai, qui avaient été mis à l’honneur dans cette première nouvelle, se retrouvent tout au long du texte.

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The Threshold – D. Annandale :

INTRIGUE:

The ThresholdBien qu’il lui en ait beaucoup coûté, aussi bien physiquement (bras gauche, œil droit, rotules…) que mentalement, le Seigneur Ormand a réussi à atteindre le but qu’il s’était fixé : libérer sa cité de Lugol de la domination de Nagash et de Neferata. Ce qui n’est pas un mince exploit quand on réside au cœur de Nefaratia (le royaume personnel de la Mortarque du Sang), et que l’on ne peut plus compter sur les Stormcast Eternals de l’affable Sigmar pour faire service d’Ordre. Au prix de mesures drastiques (interdiction des cimetières, crémation obligatoire en dehors de la ville le jour même du décès) et arcaniques (mise en place d’un sceau magique autour de la ville pour en interdire l’accès à tous les morts vivants), Lugol est devenu indépendant, et Ormand a la satisfaction de pouvoir passer ses derniers jours avec la satisfaction du devoir accompli.

Alors qu’il effectuait sa balade quotidienne jusqu’aux ruines de la passerelle qui reliait précédemment la forteresse de la cité à la passe de Blindhallow, détruite lors de l’ultime siège subi par la cité1, notre héros à la désagréable surprise de se faire héler par nulle autre que Nefarata, venue par Adevore express tailler le bout de gras avec celui qui a osé la défier. Assise posément de l’autre côté de l’abîme, la Mortarque ne semble pas nourrir, ou boire, de mauvaise intention envers Ormand, et se montre simplement curieuse à propos des ambitions poursuivies par le mortel à travers cette émancipation « amortelle ». D’abord suspicieux, et on le comprend, Ormand se laisse finalement convaincre de revenir dialoguer le lendemain, malgré les protestations de sa fille et héritière Kristane, qui flaire un coup fourré de la part de la vamp. La conversation reprend donc, et après avoir flirté un moment avec la haute philosophie (Nefarata demandant à son interlocuteur que valait une liberté achetée au prix d’une peur et d’une vigilance constante2), finit par porter sur le crépi (Nefarata trouve que l’extérieur de Lugol est tristounet) et les divertissements (Nefarata est convaincue que les Lugolois s’ennuient à – presque, vue que c’est interdit – mourir). Ormand n’a beau ne pas être d’accord, il peine à contredire son adversaire, et passe une très mauvaise nuit à imaginer des répliques percutantes qu’il aurait pu lui sortir pour lui rabattre le caquet.

À son réveil, cela va tellement peu fort qu’il se persuade rapidement que son heure est arrivée. N’ayant donc plus rien à perdre, ni à craindre, il tue le temps en attendant d’aller poursuivre son entretien avec une vampire en faisant un petit tour en ville, où, effectivement, ce n’est pas la joie qui étouffe ses sujets. Qu’importe pour Ormand, dont la thanatophobie militante s’accommode bien de quelques sacrifices. C’est donc le cœur léger mais le souffle très court que le vieil homme rejoint son siège près du pont, pour une ultime joute verbale avec la Reine des Mystères…

Début spoiler…Qui évidemment, ne s’est pas tapée le voyage depuis Nulahmia et deux nuits en camping sauvage au pied des murailles de Lugol pour repartir bredouille. Comme craint par la sagace Kristane, Nefie avait un plan pour reprendre le contrôle de la cité : donner à Ormand le baiser de sang pour en faire son serviteur. Sans blague. La vraie question est de savoir comment elle va s’y prendre, étant donné que l’accès de la ville lui est impossible, et que notre héros n’est pas assez bête pour l’inviter à entrer. Eh bien, par l’hypnose, pardi ! Nefarata baratine quelque peu son public sur la « joie du sang » et la « beauté de la mort », et quand elle claque des doigts, Ormand est devenu son vassal. Simple, basique. // Ta Gueule, C’est Magique. Pas la peine d’être plus précis, cette histoire est déjà finie. Ormand pète le sceau protecteur le soir même, convertit sa fille à l’hématophilie, et l’envoie ouvrir la porte à Neferata, qui prend possession de Lugol comme si de rien n’était. Une reconquête sans arme ni haine ni violence, ça se respecte.Fin spoiler

1 : Quand il dit qu’il coupe les ponts, il ne fait pas semblant.
2 : Ormand, qui a fait un bac pro et pense que Kierkegaard est une marque de baskets, ne sait pas trop quoi répondre.

AVIS:

David Annandale retombe dans ses travers passés de jemenfoucécool-iste décomplexé avec la conclusion de ‘The Threshold’, qui était pourtant assez plaisant jusqu’à ces fatidiques deux dernières pages. Les bonnes idées de l’auteur, telles que donner le beau rôle à l’adversaire de Neferata, ou privilégier la réflexion (pseudo) philosophie à l’action frénétique, se retrouvent en effet battues en brèche par le dénouement proprement scandaleux que l’auteur nous sort de son stylo, justifié par une pauvre phrase balancée par Nefarata au détour d’un paragraphe1, comme si de rien n’était. Au-delà du fait qu’il ne faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour cafards volages, et que ce qu’a fait Annandale correspond à annoncer « bombe nucléaire !!! » dans une partie de chifoumi, cela ouvre une longue et large faille de « mais si…, alors… » dans le background, ce qui est cher payé pour pouvoir offrir un twist final à une nouvelle de 12 pages. À moins qu’il soit de notoriété publique et fluffique que dans Age of Sigmar, on peut donner le baiser de sang par message vocal, auquel cas, je retire mon accusation d’opportunisme narratif envers Annandale. Mais on ne me retirera pas de l’esprit qu’il y avait moyen de faire, et surtout, de finir, mieux que ça.

1 : “VaMpIrIsM cAn TaKe MaNy FoRmS.

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The Wolf and the Rat – C. L. Werner :

INTRIGUE:

The Wolf and the RatScandale à la cour de Radukar le Loup, sanguinaire car vampirique maître de la cité d’Ulfenkarn, en Shyish. Une précieuse relique a été dérobée dans la crypte où elle sommeillait depuis des lustres, plongeant notre atrabilaire héros dans une colère noire (logique) : on lui a volé son doudou !!! Ah, on me dit dans l’oreillette qu’il s’agit en fait de la pelisse du vampire qui lui donné le Baiser de Sang, ce qui est un peu plus classe, mais beaucoup moins drôle, que ma version des faits. Je m’incline de bonne grâce et reprends le cours de mon récit.

On apprend rapidement que le crime à peine commis est déjà revendiqué par une coterie de suceurs de sang ne goûtant pas au règne sans partage de Radukar sur son fief, et souhaitant, d’après les mots bredouillants de leur émissaire, le froussard Valac Chrobak, seulement remettre au goût du jour le conseil municipal, où Loulou aurait bien sûr un siège. Le messager ayant raté son test de charisme de façon critique, il est expédié dans la post non-vie par les gardes du corps Ogors de Radukar, qui décide de prendre les choses en main. Sachant que les ravisseurs de courtepointe lui ont donné rendez-vous dans le quartier des docks pour procéder à l’échange, il en prend le chemin sans tarder, confiant dans le fait que sa Sénéchale, l’ex-pirate tournée vampiresse (vive les reconversions professionnelles, franchement) Natasyia, sécurisera discrètement le périmètre avec les squelettes de la garde municipale, au cas où l’affaire s’envenimerait.

Sur place, il retrouve une vieille et funeste connaissance, le Prince des Rats Kritza, un noble dévoyé (vampire lui aussi, évidemment) qui a pris la tête de la cabale lupophobe après que Radukar l’ait laissé pour mort suite à un petit accrochage autour de la machine à café. Kritza et son corps de lâche ne sont évidemment pas venus seuls : une petite bande de petites frappes à canines pointues a fait le déplacement, afin d’équilibrer un peu les choses entre Rad’ the Chad et Kritza le Rat. Sans surprise, l’entrevue se passe moyennement, chacun campant sur ses positions, jusqu’à ce que Natasyia arrive avec les renforts promis pour précipiter la résolution du litige…

Début spoiler 1…Seulement, cette fourbe de flibustière repentie jouait en fait du côté de Kritza. C’est d’ailleurs elle qui a dérobé la peau du père de Radukar, et l’a remise aux conjurés. Les griefs de Nat’ sont simples : elle en veut à son boss de ne lui avoir pas dit qu’être un vampire créait un grand vide spirituel, ce qui était pourtant assez facile à prévoir en réfléchissant deux secondes au concept de non-vie. Heureusement qu’il n’y a pas de termes et conditions dans les Royaumes Mortels, ce serait un véritable carnage. Quoiqu’il en soit, Radukar se retrouve finalement isolé et encerclé au milieu des épaves pourries (je ne parle pas des vampires) du port, ce qui n’est pas une situation enviable. Le plan de Kritza est simple : mettre le feu à l’une d’entre elles et faire pousser le seigneur d’Ulfenkarn dans le brasier par le cordon de sécurité squelettique rameuté par Natasyia. Aussitôt dit, aussitôt fait. A moins que…

Début spoiler 2…A moins que ce rusé de Radukar ait flairé la combine à des kilomètre grâce à sa truffe de loup, et ait pris des mesures de contingence pour piéger les piégeurs. Il désactive ainsi les squelettes d’une simple commande vocale1, et fait signe à ses fidèles Ogors zombies de sortir des coulisses avec leurs pieux de fonction pour châtier les trublions. Ce retournement de situation pousse la clique de Kritza à tenter de rusher Radukar, avec des résultats… médiocres. Un peu plus réfléchie, Natasyia se saisit de la pelisse convoitée par son ex-patron, et fait mine de la jeter dans les flammes de l’épave s’il ne la laisse pas partir. Manque de bol, en tant que « fille » de Radukar, elle découvre bientôt que braver la volonté paternelle n’est pas une sinécure, et finit par apporter gentiment la fourrure au brasier, et elle avec par la même occasion, lorsque le pater familias lui ordonne. Reste Kritza, qui en tant que personnage nommé avec une figurine dispose d’une sauvegarde invulnérable en sigmarite, et se tire donc d’affaire avec son special move, l’effervescence murine. La nouvelle se termine sur ce tableau théâtral, Radukar jurant sur ses grands morts d’éradiquer la menace surmulote sans aucune merci. Prend des notes, Anne Hidalgo.Fin spoiler

1 : J’imagine que chacun squelette avait une dent bleue au fond de la mâchoire.

AVIS:

Nouvelle d’accompagnement du livre qu’il a consacré à la dynastie Vyrkos (‘Cursed City’), qui n’était lui-même qu’un produit dérivé de la boîte de jeu éponyme, ‘The Wolf and the Rat’ sent franchement le réchauffé. Les fortes contraintes scénaristiques avec lesquelles il a dû composer pour écrire cette nouvelle, dont tous les personnages nommés devaient réchapper, ont amené le vétéran Werner à nous servir de la soupe littéraire, qui n’intéressera à la rigueur que les lecteurs souhaitant creuser le lore d’Ulfenkarn, bourgade mineure de Shyish et bac(kground) à sable patenté. Mêmes les surprises que l’auteur souhaitait ménager en guise de twists finaux tombent à plat, faute d’alternatives crédibles à l’inénarrable trahison-du-bras-droit-secrètement-insatisfait, contrée aussi sec par la toute aussi fameuse prévoyance-de-vieux-briscard-qui-ne-faisait-que-donner-le-change-mais-qui-avait-tout-pigé-depuis-longtemps. C. L. Werner fait généralement beaucoup mieux quand on le laisse s’amuser avec des ratons, et on peut donc classer cette nouvelle parmi ses moins réussies pour le compte d’Age of Sigmar.

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A Tithe of Bone – M. R. Fletcher :

INTRIGUE:

A Tithe of BoneMarkash, champion de Tzeentch de son état et philosophe bavard à ses heures perdues (il commence la nouvelle en dictant ses pensées sur la destinée à son scribe Palfuss1) a été envoyé par ses patrons conquérir la ville de Knazziir, en Shyish, histoire d’apprendre à ce vieux chnoque de Nagash que le changement, c’est maintenant. Persuadé d’avoir hérité d’une destinée grandiose, il ne doute pas un instant de réussir là où son ancien mentor, le légendaire Ammerhan, a failli. Cet autre Élu de Tzeentch a en effet cessé de poster sur Instagram peu de temps après avoir commencé sa campagne necrophobe, ce qui laisse à penser que les indigènes ont eu sa peau, ou plutôt, ses os. Ayant réussi à enlever Knazziir en un après-midi de glorieux combat, Markash a passé les dernières semaines à la défendre contre les attaques, à vrai dire mollassonnes, des âmes damnées du grand Nécromancien, qui poppent au petit bonheur la chance de façon régulière. Cela lui laisse donc beaucoup de temps pour enrichir son corpus philosophique, même si son humeur reste, comme son épée démoniaque Ktchaynik2, massacrante (en témoignent les volutes de fumée noire exhalées par les joints de son armure). Alors qu’il était sur le point de revisiter ‘I Had a Dream‘ à la sauce samouraï architecte (du changement), il est interrompu dans son exposé par l’arrivée de son bras droit, le chevalier Stayn Lishik, qui lui annonce que des « morts bizarres » se sont présentés à la porte de Knazziir. Remisant ses souvenirs d’enfance dans sa psyché éclatée, Markash sort de son isolement pour voir de quoi il en retourne.

Effectivement, un petit groupe ossu patiente obligeamment devant les murs de la cité. Menés par un Mortisan Soulreaper très poli, les collecteurs de Nagash demandent que la dîme d’os leur soit remise. « Des os neufs » précise Morty, après que Markash lui ait fait remarquer que les alentours de la ville étaient tapissés de cadavres en plus en moins bon état. Le Nag’ ne fait pas dans la seconde main (ni pied, ni jambe, ni cage thoracique) pour son élite combattante, c’est bien connu. Peu impressionné par les envoyé mortifères, Markash décide d’aller se dérouiller les solerets et entraîne quelques uns de ses suivants avec lui – laissant la cité aux mains avides de Stayn Lishik en son absence – pour débiter de l’os à moelle. La bataille qui s’en suit se révèle cependant bien plus accrochée que ce à quoi s’attendait le champion de Tzeentch, qui voit ses guerriers se faire abattre, dépecer et recyclerpar les sac d’os, tandis que lui se trouve fort occupé à repousser les assauts d’un Necropolis Stalker en furie, dont l’un des aspects et des crânes se révèle être occupé par feu (rose de Tzeentch) Ammerhan. Après avoir mis son ancien professeur K.O./Chaos, Markash doit recommencer avec un duelliste Aelfe, un Stormcast Eternal, et une maîtresse bâtonnière bien vénère, qui prélèvent chacun un peu de son endurance et quelques éléments de son anatomie au passage. Finalement vainqueur de ce 1 vs 4 imprévu, et seul survivant de l’équipe anarchiste (je ne compte pas Palfuss, qui se contente de prendre des notes dans un coin), Markash exulte un court instant… avant de se faire prendre la tête d’un coup de faux par le Mortisan Soulreaper de garde. Pas très fair play, ça.

Par un étrange revirement de situation, peut-être dû à l’endroit où se déroule le récit, ce n’est pas la fin pour notre champion déchu, qui contemple d’un air (et d’un crâne) détaché son corps être collecté par les Ossiarchs, et sa tête incorporée au Stalker qu’il venait de vaincre, en remplacement de ce bon à rien d’Ammerhan. Sonné par l’expérience, il se « réveille » un peu plus tard dans son nouveau corps, totalement rallié à la cause du Nag’ grâce aux bons soins des Mortisans Soulmasons, qui ont remplacé toutes les mentions de Tzeentch dans son code interne par Nagash. Voilà un bel exemple d’économie circulaire appliquée. Les Soulmasons ne l’ont toutefois pas débarrassé de sa croyance en la destinée, et Markash se fixe donc le but de grimper dans la hiérarchie des Ossiarch Bonereapers jusqu’à devenir Katakros à la place du Katakros4. Il faut bien avoir des rêves dans la (non) vie. L’histoire se termine avec le retour de notre héros devant Knazziir, où il a le plaisir de défier en duel son ancien assistant de direction, qui n’a pas fait grand-chose pour venir à son secours lorsqu’il en avait eu besoin. Le combat entre un Markash calcifié et un Stayn Lishik sur-stuffé (il a récupéré l’épée de son patron) est rapidement expédié, et le vaincu mis à profit pour construire un petit Kavalos (triste destin pour un chevalier du Chaos). Comme quoi, il n’est jamais trop tard pour opérer une réorientation professionnelle dans le monde merveilleux d’Age of Sigmar.

1: Vu de loin, on aurait dit Hitler dictant ses pensées à Rudolf Hess, sauf que le livre se serait appelé ‘My Change’ au lieu de ‘Mein Kampf’.
2: D’où dérive ce cri de guerre bien connu: « Ktchaynik, Ktchaynik,Ktchaynik… Aïe Aïe Aïe ».
3: Les Ossiarch Reapers ont bien des défauts, mais ce sont les champions incontestés du tri sélectif des Royaumes Mortels.
4: Ce même sentiment le pousse à bolosser ses camarades de crâne, sur lesquels il a prouvé sa supériorité. Il existe donc dans les armées de Nagash un Necropolis Stalker qui n’utilise qu’un seul Aspect – l’aspect de Bogosserie – pour tataner ses adversaires. C’est ce qui s’appelle avoir une nuque roide. 

AVIS:

Soumission sympathique de la part de Michael Fletcher, A Tithe of Bone permet au lecteur d’en apprendre un peu plus sur la nouvelle faction des Ossiarch Bonereapers, et plus particulièrement, sur les mortels Necropolis Stalkers que notre héros finit par rejoindre, d’abord à sa tête défendante. Si le titre et la structure de la nouvelle permettent au lecteur d’anticiper le triste destin de Markash, que l’auteur arrive bien à « caractériser » dans les quelques pages qui précèdent sa dernière sortie en ville, le choix de Fletcher de poursuivre la narration après la décapitation de son héros, pour surprenante (dans le bon sens) qu’elle soit, lui permet d’explorer plus en profondeur les arcanes et le fonctionnement de troupes de choc de Nagash. On sort de cette nouvelle avec une meilleure idée du potentiel et de la dangerosité des Ossiarch Bonereapers, qui ne sont définitivement pas venus dans les Royaumes Mortels pour faire de la figuration. Do fear the reapers

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Voilà qui conclut cette revue de Conquest Unbound, et je me dois de terminer en soulignant que la qualité de cette anthologie m’a semblé être significativement supérieure à celle des autres recueils publiés par la Black Library ces dernières années. Certes, la sélection compte quelques points faibles (sur plus de vingt nouvelles, c’était couru d’avance), mais la grande majorité des soumissions méritent le détour. Ce constat concerne particulièrement les six inédits de Conquest Unbound, qui figurent tous dans la tranche haute des courts formats de la GW-Fiction, et font donc de ce bouquin une référence pour qui s’intéresse aux courts formats d’Age of Sigmar. Rendez-vous très prochainement pour la revue du pendant grimdark de ce pavé de high fantasy, Only War.