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ONCE A KILLER [WHC]

Bonjour à tous et bienvenu dans cette revue de ‘Once a Killer’, recueil Warhammer Crime sorti par la Black Library à la fin du mois d’octobre 2022. Il s’agit pour moi d’un retour à la franchise polar de la GW-Fiction après la couverture de No Good Men, la toute première anthologie de courts formats se déroulant dans la bucolique Varangantua, publiée en 2020. Bien que Nottingham n’ait pas chômé dans l’intervalle, et sorti trois recueils centrués sur l’enfer urbain d’Alecto (‘Sanction & Sin’, ‘Broken City’, ‘The Vorbis Conspiracy’), je n’ai pas suffisamment accroché avec ce sous-univers grimdark pour m’impliquer dans sa couverture autant que j’ai pu le faire pour Warhammer Horror. La sortie de ‘Once a Killer’ (et sa composition pour moitié par des nouvelles de Crime Week 2022, que je m’étais motivé à chroniquer), était donc l’occasion de commencer à combler cette lacune.

Once a Killer [WHC]

Comme indiqué ci-dessus, quatre des huit nouvelles que l’on retrouve au sommaire de ce petit opus, proposé au vil prix de 6,49 € en format numérique, sont des rééditions de la semaine événementielle consacrée par la Black Library à cette franchise (initiative non reconduite en 2023, ce qui n’est jamais bon signe…). L’autre moitié est inédite, et voit le retour d’auteurs ayant déjà signé des romans histoires noires pour le compte de la Black Library (c’est assez logique au vu du nom, vous me direz) : Nick Kyme et sa novellaSkeletons’, Victoria Hayward, Gareth Hanrahan et Jude Reid.

Notons enfin que la Black Library a jugé bon de faire figurer une note d’édition en ouverture de ‘Habeas Corpus’, informant le lecteur que les événements couverts dans cette nouvelle ont pris place avant ceux relatés dans ‘The Bones of the Martyrs’, deux récits mettant en vedette la Probator Lycia Calix. Ça peut sembler être un détail très marginal, et franchement ça devrait l’être, mais pour la Black Library c’est une petite révolution dans la prise en compte du confort de lecture de leur public. Je ne compte en effet plus les fois où j’ai constaté après quelques paragraphes que l’histoire que je venais de commencer me disait vaguement quelque chose, et ai dû effectuer des recherches pour établir que ce sentiment de déjà-lu s’expliquait par le retour de personnages croisés lors de lectures antérieures. Espérons que cette bonne pratique devienne la norme dans les futures publications de la Black Library, et plongeons nous sans tarder dans ce compte-rendu de la vie à Varangantua.

Once a Killer

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Chains – J. D. Beer :

INTRIGUE :

ChainsMelita Voronova a toujours été une grande professionnelle, mais l’affaire sur laquelle elle travaille depuis deux mois lui tient particulièrement, profondément et viscéralement à cœur. Employée par le cartel Valtteri comme consultante spéciale en sécurité, ou quelque chose du même tonneau, notre héroïne a enquêté sur une série d’attaques ciblant les convois de ses patrons, et perpétrées en partie grâce aux pouvoirs d’un Psyker du nom d’Alim. Ce dernier, loin de coopérer de son plein gré à cette entreprise criminelle, avait été asservi, torturé et exploité par un baron du crime local, l’ex-Sanctioner Jorg Rakove. Localisé et libéré par Melita, Alim a eu recours à une procédure de suicide assisté pour mettre fin à son existence de malheur, en déversant sans consentement libre, informé et préalable tous ses souvenirs douloureux dans l’esprit de sa libératrice, forçant cette dernière à lui coller une balle dans la tête pour stopper le déluge mémoriel. Hantée par le calvaire d’Alim, qu’elle revit à intervalles réguliers dès qu’elle entend ou voit des choses qui lui rappellent les conditions terribles dans lesquelles le mutant a été retenu, Melita est déterminée comme jamais à localiser Rakove et le remettre à ses employeurs, voire plus si affinités.

En cette soirée pluvieuse à Varangantua, et après une nouvelle séance d’hallucinations assez éprouvante déclenchée par le bruit de la ventilation, Melita part avec son partenaire et garde du corps Edi Kamensk en direction du Spoil, une des nombreuses Zones Urbaines Sensibles d’Alecto. Le duo a été rencardé sur le fait que le tout-puissant Anderti Sorokin, chef du gang Har Dhrol, retenait Rakove dans un endroit de sa connaissance, et a reçu carte blanche de la part des Valtteri pour négocier une remise en mains propres. Bien que rompue à l’art délicat des négociations avec des partenaires louches, et à la dangereuse, si colorée, vie nocturne du Spoil, Melita aborde la soirée et le club défraichi où Sorokin a installé son QG de manière circonspecte. Elle sait en effet qu’elle devra jouer finement pour obtenir un deal avec le fantasque mais impitoyable boss mafieux, et ne tient absolument pas à ce que sa cible lui file entre les doigts.

Si la conversation entre nos deux larrons s’engage sur des bases aimables, il ne faut pas longtemps avant que Sorokin ne teste la résolution et la ténacité de son interlocutrice, en lui proposant de parier sur le vainqueur du combat de gladiateurs qui se déroule en contrebas de sa loge. Flairant le piège, Melita ne répond rien avant que le duel se termine par une amputation en bonne et due forme, et annonce qu’elle aurait choisi le gagnant. THAT’S NOT HOW YOU DO IT GURL. Peu amusé par la proposition, Sorokin propose un nouveau mini-jeu à ses invités : si Edi descend dans l’arène et remporte son combat, ils auront Rakove. Alors que le chevaleresque garde du corps est prêt à relever le défi, au grand dam de sa partenaire, déchirée entre son désir de coincer Rakove et la sécurité de la seule personne qui compte pour elle, Sorokin se ravise à nouveau (quel Dhrol de farceur alors), et accepte de négocier de façon civilisée. Après quelques propositions poliment refusées, Melita finit par toucher une corde sensible chez le gangster au grand cœur, dont le rêve est de développer le Spoil afin d’offrir une vie meilleure à ses habitants (c’est beau). Plutôt qu’une grosse pile de crédits impériaux ou un traitement rejuvenat chez les meilleurs spécialistes, ce sont des camions poubelle et des stations d’épuration made in Mechanicus qui permettent de sceller le marché. Tope là mon gars, et pumbagor qui s’en dédit.

Le lendemain, Melita et Edi accompagnent les mercenaires des Valtteri à l’adresse convenue, afin d’assister à l’arrestation tant attendue de cet ignoble ordure de Rakove. BIEN ÉVIDEMMENT, tout ne se passe pas comme prévu, le colis parvenant à se saisir de l’arme d’un de ses surveillants au moment de l’échange, et forçant les mercenaires à l’abattre sur place. Vous parlez d’une boulette alors. Cela énerve au plus haut point Melita, qui avait prévu de faire le sale boulot elle-même dès qu’elle en aurait eu l’occasion (oups mon doigt a glissé sur la détente de mon flingue, comme c’est cocasse), mais notre héroïne tourmentée finit par se convaincre, avec l’aide du perspicace et psychologue Edi, qu’il est temps de tourner la page et que Rakove n’a eu que ce qu’il méritait. Générique.

AVIS :

Jonathan D. Beer donne une suite (et probablement une fin, en tout cas à cet arc) à la nouvelle ‘Service’ (‘Sanction & Sin’), qui relatait les premiers temps de la traque de Jorg Rakove par Melita Voronova. Si l’intrigue en elle-même n’est pas tellement mémorable, et se conclut par un ersatz de twist final, l’auteur parvient à distiller au fil des pages une authentique atmosphère de thriller glauque et moite, tout à fait adaptée à la ligne éditoriale de Warhammer Crime. Beer prouve ici qu’il est capable de créer et de faire évoluer des personnages assez fouillés (mention spéciale à Andreti Sorokin, qui est le véritable héros de ‘Chains’) et maîtrise superbement les codes et clés du background impérial de 40K, deux indéniables points forts pour un contributeur de la Black Library. Je suis donc très intéressé de lire la suite, si suite il y a.

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Slate Run – M. Brooks :

INTRIGUE :

Slate RunForcée à faire basse figure après avoir été impliquée dans une vendetta sanglante contre un gang rancunier, Sorena Varlon ex-Garde Impériale ayant déserté l’institution pour tenter sa chance sur Alecto, a désespérément besoin de se trouver un job alimentaire pour joindre les deux bouts. Aussi, lorsque son acolyte Mirea Scairns la branche sur une mission d’intérim au service d’une des rupines de Varangantua, la Comtesse Taverlinn, elle n’hésite pas longtemps avant d’accepter. D’autant plus que la mission se présente comme simple et sans danger : servir de garde du corps honorifique à cette gente dame lors d’une des nombreuses soirées mondaines fréquentées par les gens de la haute.

Les choses prennent cependant un tour assez déplaisant pour Sorena lorsqu’elle est introduite auprès de son employeuse après avoir revêtu son uniforme de fonction. La Comtesse est en effet une connaissance, et pas des plus plaisantes : il s’agit de la tristement célèbre Imora Tarsh, fille et héritière du chef de gang Cratton Tarsh, et sœur de feu Piotr Tarsh, que Sorena a elle-même envoyée ad patres au cours de son règlement de comptes avec le gang des Targus. A sa grande surprise, cette rencontre inattendue se passe de manière tout à fait civile, Imora n’en voulant pas le moins du monde à son invitée d’avoir refroidi son frangin (qu’elle n’aimait guère et qui passait avant elle dans la ligne de succession), et réitérant son offre d’emploi de façon tout à fait sincère. Après mûre réflexion et consultation de son compte en banque, Sorona finit par accepter la mission pour se renflouer.

Elle accompagne donc sa nouvelle patronne dans le domaine de l’Izkhana Surumir Fareltan, d’une richesse peu commune puisqu’elle peut se permettre d’avoir d’authentiques arbres en bois dans le parc de sa propriété. Pour l’opportuniste Imora, qui a profité de la ruine de la véritable Comtesse pour lui arracher son titre en échange de devises sonnantes et trébuchantes, cette petite sauterie est l’occasion rêvée de networker avec les grands de ce monde, et ainsi développer des relations influentes et fructueuses inatteignables pour de simples gangers. Cependant, infiltrer le gratin n’est pas chose aisée, les aristocrates ayant la fâcheuse tendance de mépriser les parvenus, surtout quand ces derniers ont évincé d’authentiques nobliaux pour se faire une place au soleil. Bilan des courses : à peine quelques minutes se sont écoulées qu’Imora est rudement interpellée par une ancienne connaissance de l’ancienne Comtesse, et défiée en duel d’honneur. Comme la bienséance interdit aux invités de l’Izkhana de se crêper le chignon en direct, c’est à leurs gardes du corps qu’il revient de se tataner la goule pour vider cette gravissime querelle. Noblesse oblige, hein.

Embarquée à son corps défendant dans cette lutte des classes, Sorena échange quelques bourre pifs avec le gorille de Big Moustache, mais le duel n’arrive pas à sa conclusion. En cause, l’arrivée subite et souterraine d’une équipe de Vorozny (encore un autre gang, ça commence à faire beaucoup), attirée par l’opulence des nantis et décidée à arrondir ses fins de mois grâce à un peu de kidnapping (beaucoup plus rentable que le babysitting). Dans la cohue, Sorena et Imora se retrouvent sur le chemin de la paire de voyous qui tente d’exfiltrer en douce la maîtresse des lieux, anesthésiée sans sommation au début du raid, et le duo infernal use de ses compétences de street fighters à bon escient pour faire leur affaire à ces gougnafiers, libérer et réanimer leur hôte, et la protéger contre une rafale de plomb envoyée par Vorozny paniqué juste avant que les Sanctioners n’arrivent remettre un peu d’ordre.

Cette intervention salutaire vaut à Imora la gratitude de l’Izkhana, ce qui est de bon augure pour cette débutante. Pour Sorena en revanche, il est temps de passer à autre chose et se trouver un job moins exposé, et notre héroïne met donc fin à sa période d’essai malgré la proposition de son employeuse de la passer directement en CDI. La grande démission n’est donc pas un mythe.

AVIS :

Mike Brooks poursuit sa série mondaine après ‘Serpents of Ardemis’ et ‘The Serpent’s Dance’ avec une nouvelle prenant place dans un bal de la haute société (pas de serpent dans le titre cette fois). L’intrigue est d’une simplicité consommée et laisse une grande place aux dialogues, caustiques par moments mais loin d’être drolatiques, et à l’action dans le dernier tiers du récit. Comme Sorena Varlon était déjà présente dans ‘Up in Arms’ (‘Sanction & Sin’), on peut considérer que Brooks a des projets de long terme pour ce personnage, et que ‘Slate Run’ n’est qu’un épisode d’une série en cours, ce qui peut excuser sa platitude. Mais comme notre homme a prouvé qu’il était capable de faire mieux que ça, je reste un peu déçu de cette lecture.

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No City for Heroes – V. Hayward :

INTRIGUE :

Le Fils Vengeur est mort. Celui du district de Vorask, dans la cité ruche de Varangantua, tout du moins. C’est une tragédie sans nom, et l’Imperium ne sera plus jamais le même, n’en déplaise aux Ultramarines qui rigolent dans le fond. Chargée de l’enquête, la Probator Agnar Ledbetere sait qu’elle devra faire vite et bien, car le défunt n’était vraiment pas n’importe qui. Fils de la puissance dynastie Ruthven, magnats de l’industrie militaire locale et amis proches de l’élite politique de Varangantua, Tullian Ruthven (son identité à la ville) bénéficie d’un statut à part, ce qui l’a sans doute aidé à jouer au vigilante dans les rues mal famées de Vorask, équipé du matos de pointe familial, dans une relative impunité. Sous le nom du Fils Vengeur, ce fan absolu de Roboute Guilliman rendait sa propre justice aux gangs de la cité, s’attirant l’admiration de la plèbe et l’hostilité croissante des Enforcers, dont plus d’une opération secrète de longue haleine se retrouva compromise après une intervention malvenue de Ruthven Jr.

Le cadavre ayant été retrouvé criblé de balles utilisées par les forces de l’ordre varangantuaises, et un de leurs véhicules ayant été aperçu par des témoins en train de quitter les lieux peu après l’heure estimée du crime, il est logique que la suspicion et le courroux de Fenwick Ruthven (père de) se portent quasi instantanément sur les flics locaux. Il revient donc à Agnar de tirer les choses au clair avant que l’influent notable n’ait réussi à relocaliser toute la brigade au fond de la mine de sel la plus proche, délai qui se mesure en heures plutôt qu’en mois.

Nous suivons donc cette enquêtrice expérimentée lors de l’accomplissement de la sainte trinité des détectives : la visite du domicile de Tullian Ruthven, où elle trouve son journal personnel, l’interrogatoire de ses proches (ici seulement papa Ruthven, maman matriarche étant en voyage d’affaires au moment des faits), et l’autopsie du cadavre. Elle apprend ainsi que le Fils Vengeur est très probablement décédé des suites d’une chute d’une grande hauteur, et non pas à cause des balles qui lui ont perforé le bedon, ces blessures ayant été infligées post mortem. Quelqu’un essaierait-il de faire porter le chapeau de ce meurtre odieux à l’innocente maréchaussée ? Quelle infâme vilenie, alors.

Au final, et après s’être endormie dans une taverne de ses habitudes et avoir été réveillée par les assauts d’un pigeon varangantuais (espèce papivore, il faut le savoir) sur le journal intime de Bruce Wayne Tullian Ruthven, Agnar a la tant attendue épiphanie en lisant sur un bout de papier déchiqueté par l’oiseau de malheur que le Fils Vengeur se considérant comme en guerre contre son père, afin de faire triompher le BIEN dans l’Imperium de son autre père (ou plutôt, de son Pépé), l’Empereur. Comme quoi, la richesse ne protège pas des troubles de l’identité.

C’est sur la base de ce vieux soupçon, qu’elle est de son propre aveu incapable de démontrer de manière solide, mais qu’elle sait être vrai, qu’elle retourne confronter Fenwick Ruthven, qui s’il n’avoue pas sa responsabilité, se montre suffisamment embêté par les accusations d’Agnar pour conclure un pacte de non-agression avec cette dernière, et arrête son offensive procédurale contre la caserne de notre héroïne. Si j’ai bien compris le final de l’enquête, le Fils Vengeur a eu un accident de jet pack lors d’une confrontation avec un gang en affaires avec la famille Ruthven, et les malfrats ont collaboré avec le patriarche pour faire porter le chapeau aux Enforcers parce que ça arrangeait tout le monde. Si ça vous semble un peu moyen comme conclusion, sachez que vous n’êtes pas les seuls : Agnar elle-même réalise que la mort du Fils Vengeur est sans doute liée aux activités illicites du reste de sa famille, mais c’est un mystère pour une autre nouvelle. Celle-ci se termine sur la reconnaissance par sa hiérarchie de la grande efficacité d’Agnar, et l’ordre formel de ne pas creuser ce dossier plus amont maintenant que les relations avec la famille Ruthven ont été rétablies. La suite au prochain épisode ?

AVIS :

Victoria Hayward livre un pastiche de Batman dans l’univers à peine plus grimdark que Gotham qu’est Varangantua, et si l’idée de base a piqué mon intérêt, la partie « enquête » s’est révélée trop convenue, rapide et peu satisfaisante à mon goût. Il est plus que probable que ‘No City for Heroes’ serve de prologue à une investigation plus poussée d’Agnar Ledbetere dans les agissements troubles de la dynastie Ruthven, mais des efforts plus concluants auraient pu être faits pour signer un stand alone digne de ce nom. Not the short story that Warhammer Crime deserves.

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Clear as Glass – D. Flowers :

INTRIGUE :

Clear as GlassForcé de faire équipe avec un Sanctioner bien plus expérimenté que lui à la suite d’une mobilité interne dans son service, le Probator Raemis vit un choc de culture et d’éthique assez intense lors de la première mission réalisée avec son nouveau binôme (Stann). La paire a rendez-vous avec un informateur dans un bar louche de Varangantua, et l’intègre Raemis voit d’un mauvais œil son partenaire prendre ses aises avec l’esprit de la loi du Lex pour mieux parvenir à ses fins.

L’indic en question est une jeune femme qui se présente sous le nom de Nateo, et se révèle être une servante d’un des chefs de clan Khaadi, un gang influent de la cité. En tant que H’ownd, elle bénéficie de la confiance totale de son employeur, et l’a entendu parler d’un raid s’étant mal passé, au cours duquel ses hommes de main se sont fait embusquer par les Sanctioners malgré un graissage de patte en règle, et massacrés – pour les quelques survivants de cette débâcle – par un monstre Xenos sorti de nulle part.

Cette histoire abracadabrantesque et le risque énorme que Nateo prend à balancer les confidences de son patron aux forces de l’ordre font douter Raemis et Stann de l’honnêteté de sa démarche. Pendant qu’il envoie son collègue faire quelques contrôles avec le service support, Raemis continue de cuisiner son interlocutrice afin de lui faire cracher le morceau et dévoiler ses véritables intentions. A ce petit jeu cependant, le rookie ne se montre pas très efficace, Nateo ne changeant pas le fond de son histoire mais sous-entendant que Stann est fortement impliqué dans le raid infructueux des Khaadi, du fait de sa corruption totale. Elle profite également du fait que ce dernier soit occupé à faire des recoupements dans l’arrière-salle du bar pour révéler au Probator que les gangers étaient à la recherche de drogues de combat bien particulières lors de leur expédition malheureuse, et qu’ils ont réussi à mettre la main sur quelques fioles avant de se faire exterminer. Bien qu’il ait ses propres doutes sur la droiture de son partenaire, Raemis lui laisse le bénéfice du doute mais commence à soupçonner que quelque chose de pas net est en branle lorsque deux autres Sanctioners débarquent tous flingues et matraques télescopiques dehors pour alpaguer la balance catapultée suspecte, à la demande expresse et non concertée de Stann…

Début spoiler…Le rapport de force entre flics et voyous ne reste cependant que peu de temps en faveur de la maréchaussée, Nateo ayant le temps de planter le cristal sertissant la bague qu’elle porte au doigt dans la jugulaire d’un pilier de comptoir avant que les Sanctioners ne lui passent les menottes, ce qui multiplie la Force et l’Endurance de Bébert la Boutanche par 10 mais divise son intelligence par 0. S’en suit un joyeux massacre pendant lequel la plupart des occupants du rade finissent en viande froide, y compris Stann, qui au final était bien un agent des Khaadi (mais les a tout de même trahis beacause it’s complicated), et comptait mettre la mort de son fouineur de collègue sur le compte d’une bête querelle d’ivrognes. Fort heureusement pour Raemis, l’increvable Bébert, que l’on croyait mort après avoir reçu plus de pruneaux dans la bidoche qu’un agneau dans un tajine, sort un feel no pain de sa musette et saute à l’improviste sur le râble du traître avant d’être à son tour définitivement calmé par l’intervention de Nateo.

La nouvelle se termine sur le pacte que concluent les deux survivants de coopérer pour empêcher que la drogue de combat dont Nateo (qui se rebaptise Glas avant de faire sa sortie) vient de démontrer l’épouvantable efficacité de manière spectaculaire, ne tombe entre de mauvaises mains et ne coule dans de mauvaises veines. Ne pouvant compter ni sur les Khaadi ni sur l’Arbites pour mener à bien cette mission d’utilité publique, le duo de choc va devoir apprendre à travailler ensemble…Fin spoiler

AVIS :

Le buddy movie est l’un des thèmes les plus populaires de la littérature et filmographie policière, et il n’est donc pas surprenant que le concept soit adapté à la sauce Warhammer Crime. Denny Flowers livre une copie sérieuse, même si un peu tarabiscotée parfois, sur la forme mais c’est surtout le fond qui intéresse dans ‘Clear as Glass’. C’est en effet une des rares nouvelles qui fait monter les enjeux dans le petit « monde » de Varangantua, et met les protagonistes aux prises avec une menace d’une réelle ampleur. Même s’il est à peu près certain que le pire n’arrivera pas au final, il est toujours plus engageant et prenant pour le lecteur de suivre une intrigue à enjeux plutôt qu’un micro-événement qui n’aura aucun impact notable sur son environnement. Pari réussi en ce qui me concerne pour Flowers donc, qui m’a donné envie de connaître la suite et la fin de cette sombre histoire.

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Skeletons – N. Kyme :

INTRIGUE :

Nous suivons l’équipée fantastique de Seraf Ciastro, Castellan (commissaire de police) rentre-dedans et dure au mal et des ses Enforcers d’élite, alors que les hatefull eight gunfull thirteen pénètrent dans le complexe souterrain où le seigneur du crime Silas Heln est censé se cacher. À la tête du gang des Nine Devils Venetors, Heln possède de nombreuses relations parmi le gratin de Varangantua ce qui lui a permis de continuer ses trafics dans une relative impunité. Il se murmure également qu’il serait en possession d’une archéo-technologie surnommée le Passe-Partout (Skeleton Key), sorte de machine Enigma sous stéroïdes qui lui permettrait d’intercepter et de décoder les communications entre les puissants de la cité ruche, lui permettant de les faire chanter à sa guise. La mission de Ciastro et de son groupe de choc se décline donc entre une quête primaire (capturer Silas Heln) et une quête secondaire (localiser le Passe-Partout), autorisées par nul autre que le Justicius Viandani en personne.

Il ne surprendra personne d’apprendre que la progression de notre fine équipe ne tarde pas à être ralentie par la défense des Nine Devils Venetors, qui compensent leur nullité crasse par leur nombre et leur bonne connaissance des lieux. Après une première escarmouche, la voix de Heln retentit à travers tout le bastion pour annoncer son déplaisir et prévenir que « ça ne sera pas de sa faute » (on ne sait pas ce que « ça » veut dire), prélude à l’enfoncement du complexe sous la surface. Cette plongée (toute relative) dans les abysses a pour principale conséquence narrative de séparer le groupe des Enforcers en deux. Pendant que Ciastro continuera la traque avec la moitié des effectifs, l’autre, sous le commandement du Sergent Gench, se chargera de grimper jusqu’au sommet du bâtiment afin de demander des renforts aux casernes les plus proches, la dépression dans laquelle le complexe a sombré (heureusement, il n’a pas cédé aux sirènes de l’alcoolisme) ayant coupé toute communication avec l’extérieur.

La caméra reste fermement braquée sur Ciastro, qui mène ses Enforcers toujours plus profond dans le repaire des NDV, se remémorant de temps à autres sa folle jeunesse de Garde Impériale, et en particulier la désastreuse campagne d’Arrach pendant laquelle elle s’est trouvée dans le rôle peu enviable d’exécutrice du Colonel Maggs, transformé en cochon de lait par un cuistot Ork très imaginatif. Souvenirs, souvenirs… Au bout de quelques salles pleines d’hostiles brillamment négociées, les Enforcers parviennent à forcer l’entrée d’une chambre forte dans laquelle Heln aurait gardé son précieux Passe-Partout, d’après les dires du seul ganger qu’ils ont réussi à capturer vivant et à convaincre de coopérer avec eux en échange d’une remise de peine. Lorsque la poussière retombe après une énième fusillade, Ciastro et ses survivants se retrouvent confrontés à un spectacle peu commun…

Début spoiler…Deux civils, fait prisonniers par les gangers, et dont l’un se révèle être Efrem Thade. Si le nom ne vous dit rien, sachez qu’il s’agit du héros de ‘Against the Grain’ (du même Nick Kyme), dans lequel il avait enquêté avec succès sur la disparition d’un honnête comptable, malgré son addiction problématique à la Klay. Il est également la source qui a rencardée Ciastro (une ancienne connaissance du 105ème Alectian, dans lequel ils ont tous les deux servi) sur la localisation de Silas Heln. Il est enfin le protecteur attitré d’Elva, la deuxième captive du gang, et le fameux Passe-Partout faite femme. Grâce à des implants cérébraux et à la science occulte du Mechanicus, cette nerd maladive est en effet en capacité de capter, décoder et enregistrer tout ce qui est dit à des kilomètres à la ronde, ce qui n’a pas manqué d’attirer la convoitise de Heln. Ayant réussi à s’échapper à la faveur d’un règlement de comptes entre malfrats quelques jours plus tôt, Elva a embauché Thade pour la conduire hors de Varangantua, chose que le brave Jaeger n’a pas été en capacité d’accomplir, comme nous l’avons vu.

Cette rencontre est fatidique à plus d’un chef, car Elva révèle à une Ciastro incrédule que le Justicius Viandani fait partie des relations privilégiées de Silas Heln, enregistrement compromettant à l’appui. Viandani sait bien que la Castellan est trop attachée au Lex Alectio pour fermer les yeux sur la corruption de sa hiérarchie, et a donc prévu de la faire disparaître avec le reste de ses hommes pendant l’opération. Le piège se referme sur Ciastro après que Gench (à la solde de Viandani), qui a réussi à reprendre contact avec l’extérieur et ameuté des renforts, donne le signal aux deux sbires qu’il a placé dans l’escouade de Ciastro d’abattre leurs camarades. Malgré l’avantage de la surprise, les félons ne parviennent pas à leurs fins et Ciastro, Thade, Elva et la sniper Mannon arrivent jusqu’à la salle du boss final, où les attend Silas Heln.

Ce dernier, qui a envoyé ses derniers gangers ralentir la progression des Enforcers de Gench, révèle à Ciastro et Cie que les derniers mois ont été difficiles. Sa possession du Passe-Partout a aiguisé la convoitise des autres seigneurs du crime de Genoveska, et sa position est graduellement devenue intenable au fur et à mesure que ses hommes et ses ressources étaient consommés par des affrontements stériles avec les autres gangs de la zone. Sachant fort bien qu’il ne survivra pas à sa capture par les Enforcers à la solde de Viandani, il propose un marché à Ciastro : il connaît une issue secrète hors du complexe assiégé, et est prêt à en faire bénéficier les good guys en échange de leur protection, histoire de ne pas finir tragiquement criblé de balles au plus fort des combats. Afin de prouver sa bonne foi, il remet à Ciastro une copie d’un enregistrement compromettant entre Viandani et Gench, et le quintet part sans tarder en direction de la sortie.

Ils se font toutefois rattraper à quelques encablures de la surface par Gench et ses bad cops, ce qui permet à Kyme de conclure son propos avec une dernière scène d’action pétaradante. Au final, Ciastro abat Silas Heln, qui avait trahi ses complices et planifiait de s’échapper avec Elva pour la vendre au plus offrant. La Passe-Partout utilise ses pouvoirs deus ex machinesques pour réveiller un Kastellan endormi qui trainait dans le décor et l’envoyer régler leur compte aux Enforcers. Gench et Ciastro s’échangent quelques patates de forain au milieu du carnage pour faire bonne mesure, avant que la Castellan ne colle une balle dans le crâne du Sergent félon pour lui apprendre à renier ses serments. Thade et Elva disparaissent de la circulation avec le consentement de Ciastro, qui peut tout de même utiliser la disquette remise par Heln pour appréhender Viandani dans son bureau, quelques heures plus tard, et lui coller un pruneau dans le buffet lorsqu’il fait mine de résister à son arrestation. Justice has been served in Varangantua. Fin spoiler

AVIS :

Après un satisfaisant ‘Against the Grain’ (‘No Good Men’), Nick Kyme signe une autre novella d’un bon niveau avec ce ‘Skeletons’, qui me conforte dans l’idée que le format « longue nouvelle » est sans doute celui qui fonctionne le mieux pour Warhammer Crime. Les 43 pages de cette expédition de tous les dangers dans un repaire de gangers permettent ainsi à l’auteur de développer de manière satisfaisante ses personnages principaux et de contextualiser la traque pour Silas Heln et du mystérieux Passe-Partout, tout en se ménageant quelques scènes d’actions bien calibrées. Le rythme est enlevé sans être frénétique, les flashbacks de la campagne d’Arrach viennent enrichir la narration1, le dernier acte, sans être particulièrement surprenant, est déroulé avec maîtrise par Kyme : dans l’ensemble, c’est une prestation remarquable à laquelle nous avons droit ici. Bien des années après la publication de la trilogie Shira Calpurnia, on tient avec ‘Skeletons’ et sa coriace héroïne Seraf Ciastro la digne héritière de l’iconique Arbites mise en scène par Matthew Farrer.

1 : Et m’ont remis en tête les travaux de Peter McLean, qui a écrit quelques nouvelles bien glauques sur les déboires des bidasses de la Garde Impériale confrontées à des Orks sur un monde jungle (‘No Hero’, ‘Predation of the Eagle’).

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Once a Killer, Always a Killer – M. Scanlon :

INTRIGUE :

Once a Killer...Sanctioner dur sur l’homme mais droit dans ses bottes renforcées, Kirian Malenko vit un début de journée compliqué. Ce n’est pas tant la prise d’otage perpétrée par un junkie trumpiste dans une supérette de sa zone de patrouille qui vient lui poser problème (rien qu’un peu de parlotte suivie d’une bonne décharge de matraque électrique dans la tempe ne puisse régler en quelques minutes), mais plutôt l’affaire suivante sur laquelle son impitoyable hiérarchie le place tout de suite après. Mis sur un cas d’homicide a priori banal, Malenko tombe sur une scène de crime à haute teneur en hémoglobine, et dont la victime principale, un expert-comptable du nom d’Erek Zorn, a été proprement tronçonné. Cette arme n’étant pas des plus courantes, ni des plus accessibles, pour la racaille qui hante le Dredge, notre héros commence à faire des connexions mentales avec une ancienne connaissance personnelle, le gladiateur Orvo Revnik l’Eventreur, dont le signe distinctif était d’avoir le bras droit remplacé par une épée tronçonneuse.

Si Malenko est tellement au fait de la scène gladiatoriale de Varangantua, c’est qu’il était lui-même de la partie il n’y a pas si longtemps que ça. Les hasards de la vie l’ont en effet bringuebalé de mines en arènes, pour finir contraint à signer un CDI avec la Lex après avoir été pincé dans une descente de Sanctioners au cours d’une soirée à laquelle il participait. Les problèmes de recrutement dans la fonction publique n’ayant qu’empiré depuis le M3, il est possible pour un suspect disposant d’un potentiel de flic d’être intégré dans les rangs sous probation. Depuis lors, Malenko le Tueur est devenu Malenko le gendarme, et fait appliquer la Lex en sachant qu’à la moindre boulette ou bavure, il finira dans la première Légion Pénale venue.

Ce n’est toutefois pas tout ce qui lie notre héros au probable massacreur à la tronçonneuse : Malenko et Revnik ont grandi, travaillé et combattu ensemble, jusqu’à ce que leur chemin se sépare après la reconversion professionnelle involontaire du premier. L’amitié fidèle entre les deux lascars s’en est trouvée mise entre parenthèses, Malenko ayant suivi de loin la fin de la carrière de son comparse, qui fut libéré avec honneur il y a quelques années après avoir remporté une battle royale autrement plus sanglante que celles de la WWE. Revnik, devenu une célébrité locale, s’était fait discret suite à son départ de l’arène, mais il faut croire qu’il s’est levé de mauvais poil ce matin là car la piste de cadavres ne s’arrête pas au cabinet de Zorn : à quelques centaines de mètres, c’est le bookmaker Argus Hadenzach qui est retrouvé en filet mignon, entouré des restes d’une de ses connaissances et de quelques filles du bordel où il était venu fêter un contrat juteux. Formellement identifié par la seule survivante de la boucherie comme son perpétrateur, Revnik est maintenant un homme traqué, mais son ancien poto veut tout de même comprendre ce qui a poussé un type aussi équilibré (autant qu’un gladiateur avec une tronçonneuse au bout du bras peut l’être) que lui à commettre neuf homicides en l’espace de quelques heures. Une seule chose est sûre, la série n’est pas encore terminée.

Une alerte du QG central remet rapidement Malenko sur la piste de son gros copain barjo. C’est à l’hôpital de la Main Divine de Bonté (translation is my own) que Revnik s’est rendu, honorer un rdv Doctolib avec le chirurgien Dimitry Berisov. Le Sanctioner manque de peu d’alpaguer sa cible au détour d’un couloir maculé de sang et de d’organes déchiquetés, mais une fuite de gaz causée par ce roué Revnik et un début d’incendie explosif l’empêchent de conclure. Il n’a toutefois pas perdu sa matinée car il apprend de la bouche d’une des survivantes de cet épisode un peu spécial de Grey’s Berisov’s Anatomy que la victime et le tueur avaient une relation particulière, la première ayant échoué à sauver la femme très malade du second, mais n’ayant pas oublié de faire un beau dépassement d’honoraire dans l’opération. C’était il y a un an, et si Revnik avait réussi à l’époque à calmer son courroux (sa femme n’aimait pas qu’il tape les gens, c’est mignon), il faut croire qu’il est revenu sur sa décision.

Cette révélation, combinée aux infos communiquées par l’indispensable collègue nerd qui fait des recherches Google ++ pendant que le héros roule des mécaniques, permet à Malenko de faire émerger une piste. Les trois victimes principales de Revnik, qui n’hésite pas à mettre des baffes aux quidams avec sa main mécanique pour accélérer les choses, ce qui est assez salissant, lui ont en effet toutes volées de l’argent de façon éhontée. Hadenzach le book et Zorn le comptable étaient même de mèche pour faire les poches du gladiateur, qui a réussi à accumuler un petit pécule par l’intermédiaire de paris faits sur ses combats par des agents de Hadenzach, sommes remises à Zorn pour blanchiment. Comme on peut l’imaginer, Revnik n’a pas touché la part qui lui était normalement due, et s’est de plus retrouvé purement et simplement spolié par Zorn lorsque ce dernier a puisé dans ses comptes pour rembourser d’autres clients après avoir faits de mauvais placements. Persuadé que davantage d’argent aurait pu permettre de trouver un meilleur traitement pour sa femme, Revnik s’est donc un chouilla énervé lorsqu’il a découvert le pot aux roses. Il lui reste toutefois une dernière cible à rayer de sa kill list, comme l’apprend l’ex associé de Zorn à Malenko après une petite visite de courtoisie égayée par une séance de roulette russe ukrainienne : Adrik Kuznetski, l’ancien propriétaire de Revnik avant que ce dernier s’affranchisse.

Kuznetski a joué quelques tours pendables à son poulain avant et après que ce dernier ait racheté sa liberté à prix d’or, ce qui est assez pour que Malenko se rue dans son manoir à toute berzingue et avec un très mauvais pressentiment dans le creux du ventre. Il arrive cependant trop tard pour sauver le laniste des attentions de son ex-employé, mais à temps pour offrir à Revnik un ultime combat contre un frère d’armes qu’il a aimé et respecté. Moins costaud mais plus malin que son ancien camarade, notre héros parvient à lui loger une balle en plein cœur avant de se faire éviscérer à son tour, ce qui met fin au parcours sanguinaire de Revnik l’Eventreur, mais fait plonger Malenko dans la nostalgie et l’alcool. Les méfaits cachés de Copains d’Avant

AVIS :

En choisissant le format novella pour relater une enquête de Warhammer Crime, Mitchel Scanlon a eu une heureuse idée. Les pages supplémentaires lui ont ainsi permis de soigner tous les paramètres nécessaires à l’instigation d’une atmosphère de polar digne de ce nom (personnages complexes et fouillés, contextualisation de l’affaire), sans avoir besoin de faire des économies de bouts de chandelle pour atteindre un nombre de scènes d’action convenable pour une publication Black Library. On se laisse embarquer dans cette histoire de gladiateur homicidaire traqué par un ancien camarade, et même si l’intrigue en elle-même n’a rien de spectaculaire (un auteur plus doué aurait pu ménager un petit twist final de derrière les fagots je pense), il n’y a rien à redire sur la qualité de cette soumission, qui se place parmi les plus intéressantes de la gamme à ce jour. Il paraît que la longueur ne fait pas tout, mais dans le cas de Warhammer Crime, je commence à me dire que ça jour tout de même pas mal.

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Grit in the Wheels – G. Hanrahan :

INTRIGUE :

Une journée dans la vie trépidante et trédangereuse de trois Sanctioners (CRS) de Varangantua : l’idéaliste Laris, le cynique Erix et le gros balèze Joach. Envoyé faire du maintien de l’ordre dans la cité 12998, le power trio se retrouve confronté à une situation délicate. Le quartier a été investi par les suivants d’un prophète de l’apocalypse, bien décidé à faire sauter toute la zone pour expier les nombreux péchés de la cité ruche et regagner la faveur de l’Empereur. Comme les explosifs qui parsèment les bâtiments de la cité en attestent, le jour du jugement est pour aujourd’hui, et il incombe à nos trois flics de le repousser aux calendes grecques s’ils le peuvent. Pas vraiment par grandeur d’âme ou sens du devoir (il n’y a que Laris qui a ce genre de conscience professionnelle), mais d’abord et surtout parce que le déploiement des boucliers anti-émeutes des tanks légers utilisés par leurs collègues les a coincés du mauvais côté du périmètre, et que les élucubrations du prophète de malheur les empêchent de contacter leur hiérarchie pour expliquer la situation.

Alors qu’ils progressent dans un des immeubles investis par la secte, en direction du sommet pour espérer chopper un signal wifi, les Sanctioners se font embusquer par les cultistes après qu’un des civils encore présents sur place ait révélé leur présence. Il faut croire qu’au 41ème millénaire, tout le monde déteste la police. Capturés et amenés sans ménagement devant le prophète en personne, Laris et Joach ne donnent pas cher de leur peau, mais bénéficient d’un court sursis lorsque le zélote se lance dans un débat contradictoire avec la première, catapultée représentante des pécheurs d’Alecto par la magie du direct.

C’est le moment que choisit Erix, qui avait réussi à piquer en douce l’uniforme d’un cultiste et accompagner ses collègues jusqu’à leur rendez-vous avec le meneur adverse pour libérer Joach de ses entraves. Grâce à l’effet de surprise et à ses gros biscoteaux, l’armoire à glace faite Sanctioner balance le prophète à travers la fenêtre la plus proche, l’envoyant s’écraser en contrebas au grand désarroi de ses fidèles. Joach en profite également pour lui reprendre le détonateur avec lequel il jouait dangereusement, et l’arrivée providentielle d’un aéronef du Lex bardé de gros flingues ôte soudainement aux cultistes l’envie de se venger des impies qui ont martyrisé leur meneur. Comme le fait remarquer Erix le fataliste après que tout ce petit monde soit rentré au bercail, cette mort violente risque de créer plus de vocations de jihadistes chez les désespérés de Varangantua que de les convaincre d’accepter leur sort misérable, mais ce sera un problème pour un autre jour (demain).

AVIS :

Gareth Hanrahan s’essaye au très court format (9 pages) dans ce ‘Grit in the Wheels’ (une référence aux agitateurs comme le prophète et ses fidèles, comparés par un Joach plus philosophe qu’il n’y parait aux proverbiaux grains de sable dans la machine qu’est Varangantua), et réussit plutôt son coup je dois dire. Si cette petite histoire n’a évidemment pas la complexité des enquêtes policières que l’on retrouve souvent dans Warhammer Crime, elle n’est pas simpliste pour autant, le choix de l’auteur d’explorer à tour de rôle les points de vue de ses trois personnages lui donnant une variété et une profondeur appréciables. De même, on n’a pas souvent l’occasion de voir des Sanctioners à l’œuvre, éclipsés qu’ils sont par les plus cérébraux Probators, Castellans et autres Jaegers, et/ou surclassés par les Enforcers dans la catégorie « action et aventure ». Voilà deux bonnes raisons de donner sa chance à cette petite nouvelle.

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Habeas Corpus – J. Reid :

INTRIGUE :

Quand le cadavre de Tymon Zoransk, le jeune fils d’une puissante famille de notables de Korsk, est repêché dans un canal une semaine après sa mystérieuse disparition de la cellule où il avait été conduit après un refus d’obtempérer des plus banaux, la Probator Lycia Calix est mise sur l’affaire par sa hiérarchie. Les Zoransk ont en effet le bras long, et sont bons amis avec la Burgrave Grahl, qui règne avec une poigne de fer sur ce quartier privilégié de Varangantua : il est donc nécessaire que cette enquête délicate soit menée avec tout le tact nécessaire.

Reçue dans le manoir familial, Calix annonce la triste nouvelle aux parents du disparu, qui réagissent avec une grande retenue à cette tragédie. Pour le père de Tymon, cela est fort triste. Pour sa mère, c’est bien fait. Cette charmante femme est en effet convaincue que son fils était un Psyker non-sanctionné, comme les rapports de son arrestation le laissent à penser, et il vaut mieux pour tout le monde que cette brebis galeuse ait passé l’arme à gauche plutôt qu’elle jette l’opprobre sur une digne famille, pas vrai ? Cet avis définitif n’est pas partagé par la jeune sœur de Tymon (Ivara), qui arrête Calix sur le chemin du retour pour lui révéler un détail capital. Le fils Zoransk s’était amouraché de la fille de la Burgrave Grahl, Karlyn, et les deux amis avaient rendez-vous le soir de l’arrestation de Tymon. C’est un début de piste pour notre Probator, qui décide donc d’aller rendre visite à la girl next door pour continuer son enquête.

Début spoiler…L’entrevue se passe assez froidement, et la température descend encore lorsque Karlyn, qui surprend un échange téléphonique (ou l’équivalent au 41ème millénaire) entre Calix et son verispex (médecin légiste) attitré, Orestes, comprend que les soupçons ne vont pas tarder à tomber sur elle1. Grâce à ses pouvoirs psychiques, qui se manifestent par une voix impérieuse à laquelle il est impossible de ne pas obéir, elle cloue la Probator sur son siège et la force à mettre son pistolet de service sur sa tempe. Comme toute bonne méchante de série B, elle ne peut s’empêcher de faire le récit de son horrible forfait : il s’avère que Miss Grahl a fait un usage un peu trop manifeste de ses pouvoirs pour impressionner son soupirant lors de leur virée clandestine, attirant l’attention de la maréchaussée sur le couple. Très galamment, Tymon se fit arrêter à la place de sa dulcinée, lui permettant de s’enfuir sans être inquiétée, mais cette dernière crut avec le recul bon de supprimer ce témoin gênant de son statut de Psyker, craignant qu’un interrogatoire un peu trop serré lui délie la langue.

La suite est facile à deviner : grâce à ses pouvoirs, Karlyn réussit sans mal à faire évader Tymon en neutralisant l’officier de garde, puis força son malheureux boyfriend putatif à sauter dans le premier canal venu, espérant que le cas soit considéré comme un simple suicide. Le même destin peu enviable aurait échu à Calix sans son esprit vif, son kit main libre et les problèmes de larsen persistant dans ses discussions avec Orestes. Bien que musculairement paralysée par l’emprise de la Psyker, elle parvient à demander discrètement à son acolyte de lui balancer un gros écho dans l’oreillette, couvrant la voix suave de Karlyn et lui permettant par là-même d’échapper à son emprise. Au terme d’une courte course poursuite, la mijaurée s’aventure sur la couche de glace trop fragile qui emprisonne le même canal dans lequel elle a noyé Tymon, passe à travers et part rencontrer l’Empereur. Destin tragique mais mérité pour quelqu’un qui avait refusé de mettre ses talents à Son service parce que, je cite, ‘maieuuuuuh les Psykers, y z ont trop pas de vie-han’.

Ce n’est pas tout à fait la fin de notre histoire, Calix se voyant proposer un deal à l’amiable par la Burgrave Grahl, habitée du même genre d’instinct maternel que Dame Zoransk : en échange de l’omission du nom de Karlyn dans le rapport de la Probator, cette dernière pourra compter sur le soutien sans faille de cette femme qui compte à Varangantua. Calix commence par noblement refuser cette tentative de corruption, mais quand son fiancé se retrouve menacé de manière à peine voilée par la même Burgrave, notre héroïne comprend qu’il vaut mieux parfois s’asseoir sur ses principes. Circulez, y a rien à voir… Fin spoiler

1 : En cela, elle a tort, la discussion entre Orestes et Calix ne menant pas cette dernière à une quelconque épiphanie. Mais certaines personnes ne savent pas tenir leurs nerfs…

AVIS :

De tous les protagonistes de Warhammer Crime, Lycia Calix est sans doute celle qui a la vie la plus semblable à celle d’un individu de notre époque, ce qui en fait une héroïne particulière de la GW-Fiction, bien loin des codes classiques du grimdark. Une fois de temps en temps, ça ne fait pas de mal. Cette petite enquête ne brille pas par son ingénuité ou sa complexité, mais se laisse lire sans problème, et pourrait être la nouvelle de Warhammer Crime la plus adaptée à la découverte du catalogue de la Black Library pour un parfait néophyte (on en connait tous au moins un). Pensez-y la prochaine fois qu’on vous demandera ce que vous lisez en ce moment, et que vous aurez du mal à répondre…

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Et voilà qui termine cette revue de ‘Once a Killer’, anthologie plutôt solide et agréablement variée, tant au niveau de la longueur des nouvelles proposées que dans leur style et leurs protagonistes (Probators, Enforcers, Sanctioners, ou simples sujets impériaux). J’irai même jusqu’à dire que je trouve ce recueil plus satisfaisant que ‘No Good Men’ (sans parler de la couverture beaucoup plus classe), ce qui permet d’espérer que le meilleur est à venir pour Warhammer Crime. Ça pourrait même me motiver à passer en revue d’autres titres de cette franchise… quand j’aurais le temps. Stay tuned.