HAMMER & BOLTER [N°21]

Bonjour tout le monde et bienvenue dans la revue du 21ème numéro de Hammer & Bolter ! Au menu de ce copieux épisode, le retour de Laurie Goulding, cette fois-ci aux commandes du chapitre Space Marines le plus faux-rmidable (ceci n’est pas un jeu de mots terrible) de l’Imperium, une preview d’un bouquin de l’Hérésie d’Horus sorti il y a à peine quatre ans (une paille), la dernière aventure de Gérard Lambert Erkhart Dubnitz, la sempiternelle malédiction mensuelle du pauvre Gilead, et et et… la première nouvelle potable de Sarah Cawkwell. Non, vous ne rêvez pas, et, oui, c’est incroyable. Comme quoi, tout arrive à qui sait attendre. Tous en piste.

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The Shadow of the Beast – L. Goulding [40K] :

The Shadow of the BeastDeux mois après ses débuts dans Hammer & Bolter, Laurie Goulding est de nouveau mis à contribution, cette fois-ci dans une nouvelle illustrant les dangers de la plongée sous-marine dans un banc de méduses. Notre propos se plaçant dans le primesautier 41ème millénaire, les méduses ont découvert le voyage spatial, légèrement cru en proportions et explosent au moindre contact (ce n’est pas bien pire que ce qui se fait à l’heure actuelle en Australie, notez), mais la logique reste fondamentalement la même, à savoir : too bad you’re dead.

Le récit s’ouvre sur la description de notre héros, le Réclusiarque Hornindal (que je ne vois aucune raison valable de ne pas désigner sous le nom d’Horny à partir de maintenant), plongé dans la contemplation du Warp sur le pont d’observation du Xenophon. Le romantique indéniable de cette scène se retrouve toutefois rapidement battu en brèche par l’auteur lui-même, les velux du fier destroyer impérial étant obstrué par la couche protectrice d’adamantium réglementaire et le bon Chapelain ayant de toute manière les yeux fermés. Dans la même veine de dialectique épique/réaliste, Goulding révèle qu’Horny s’est rendu sur place pour être le témoin de l’avancée du vaisseau…. sauf que les voyages dans le Warp ne sont pas régis par les mêmes lois que ceux prenant place dans le monde réel, et qu’il est donc aussi probable que notre héros ait l’impression que son pousse-pousse pédale dans la choucroute (peut-être au sens littéral, tout est possible dans l’Immatérium) ou fasse marche arrière qu’il le contemple filer à travers… heu… la choucroute, comme il l’espérait. Et cela sans prendre en compte qu’il n’y a rien à voir, et qu’il ne regarde même pas en fait. Cette scène d’exposition, un peu étrange au vu des standards de la BL en matière, se termine par le décès inopiné du Navigateur du Xenophon, forçant ce dernier à réaliser une transition Warp en catastrophe, qui le fait se matérialiser au beau milieu d’une vrille de la flotte ruche Kraken. Oups.

La suite de la nouvelle verra le Xenophon engager une partie de Flappy Bird en mode hardcore contre les myriades d’organismes tyranides zonant dans les parages, la perdre sur le score honorable 53 et devoir organiser une pyjama party avec quelques centaines de gaunts et au moins un Carnifex en punition. Mauvais joueurs, les Scythes préfèreront toutefois passer du côté obscur du champ de force gravitationnel du planétoïde le plus proche plutôt que de laisser leurs nouveaux potes dévaliser leur frigo et ruiner leurs toilettes (ou peut-être est-ce l’inverse, c’est dur à dire avec les xenos). La nouvelle se termine donc sur 1) le crash du Xenophon sur la très justement nommée planète Tumbus (s’écraser comme une grosse bouse en Haut Gothique) et 2) un constat d’échec pour Horny, dont l’avertissement émis à l’attention du reste de l’Imperium quant à la présence d’une flotte ruche dans un secteur non défendu de ce dernier n’a visiblement pas percé les terra watts de dubstep crachés par le vaisseau mère tyty1. On ne peut pas gagner à tous les coups.

Si The Shadow of the Beast marque clairement une progression de Laurie Goulding par rapport à sa première, et assez peu concluante, soumission (The Oberwald Ripper), le propos reste encore perfectible, tant sur le fond que sur la forme.

Pour commencer par la « remontrance » la plus légère, je n’ai pas perçu chez l’auteur une grande maîtrise des archétypes utilisés dans sa nouvelle, à savoir l’histoire de Marines d’une part et le combat spatial d’autre part. Côté casting, Goulding pêche étonnamment plus sur les caractéristiques générales d’un SM que sur les particularismes du chapitre qu’il met sur le devant de la scène (dont le background n’était, il faut dire, pas aussi strictement défini que celui d’autres confréries de surhommes génétiquement modifiés). Sans sombrer dans des errements comparables à ceux de Jonathan Green dans son édifiant Salvation, Goulding arrive tout de même à donner à ses héros des faiblesses trop humaines, qu’il s’agisse du besoin d’Horny de constater la vitesse de progression du Xenophon dans l’Immaterium (bien que l’auteur reconnaisse lui-même que cela va à l’encontre de toute logique) ou encore des effets débilitants du manque de sommeil sur ce dernier (et le nodule cataleptique, c’est pour les kroots ?). Citons aussi les réflexions no-brain de l’autre Chapelain de l’histoire, une sombre brute dénommée Demetrios, qui ne trouve rien de plus intelligent que de proposer d’ouvrir le feu sur les organismes « minés » qui entourent la flotte ruche alors que le Xenophon fait du pare-chocs à pare-chocs avec les méduses de l’espace. Une agressivité débordante et un zèle sans faille ont beau faire partie des qualités recherchées pour ce type de poste, j’ai du mal à imaginer un des meilleurs de l’Empereur faire une suggestion aussi débile2 à l’aube de la seconde guerre tyranique.

Côté action, et sans prétendre être un expert dans le domaine, j’ai trouvé assez peu crédible la manière dont l’auteur dépeignait l’affrontement entre le vaisseau impérial et ses innombrables adversaires. Là encore, ce n’est pas du côté des spécificités tactiques, techniques ou physiques de chaque camp que le bât blesse, mais bien au niveau de la mise en scène du combat. Goulding ne sépare ainsi ses belligérants que de quelques centaines de mètres (trois cent mètres pour être exact), ce qui correspond littéralement à un corps à corps à l’échelle d’une bataille spatiale, où la bordée tirée à une dizaine de milliers de kilomètres de sa cible est la norme (merci à Gavin Thorpe d’avoir crédibilisé cet aspect important de l’univers de 40K grâce à Battlefleet Gothic et ses propres textes de fiction). On va dire que je pinaille, mais Laurie Goulding est depuis passé éditeur au sein de la BL, ce qui fait de lui le garant du fluff de GW, surtout depuis la disparition du poste de « Maître du Savoir » il y a quelques années. Partant, il n’est guère rassurant de constater qu’un poste aussi important au sein de la BL lui ait été confié malgré ces lacunes assez sévères… J’espère qu’il les a comblées depuis.

Cependant, le point le plus litigieux de The Shadow of the Beast reste pour moi sa construction, qui l’apparente davantage à un chapitre de roman qu’à une nouvelle one-shot. Qu’il s’agisse de l’important travail de contextualisation du retour du Xenophon vers la planète chapitrale des SotE effectué par Goulding au début du texte, du nombre relativement important de protagonistes (6) au vu de la longueur de ce dernier, ou de la conclusion qui laisse planer un vieux doute quant à l’envoi de la mixtape d’Hornindal au reste de l’Imperium, tout laisse à penser que les évènements couverts dans The Shadow… s’inscrivent dans un axe narratif bien plus important (au hasard, la lutte des Scythes of the Emperor contre la flotte ruche Kraken), ce qui, après vérification de la part de votre serviteur, ne semble pas être le cas3. Même si je suis le premier à apprécier les nouvelles dans lesquelles les héroïques Space Marines se font botter les fesses, le positionnement maladroit de celle-ci est venu gâcher le plaisir de lecture, et relègue donc The Shadow… loin derrière The Long Games at Carcharias de Rob Sanders, qui reste à mes yeux la soumission la plus intéressante dans la catégorie « et à la fin, les méchants gagnent » de Hammer & Bolter.

1 : Quand on sait que les symptômes de l’Ombre dans le Warp sont un malaise persistant, des cauchemars répétés, de fortes migraines, des crises de hurlements, des saignements oculaires et, dans les cas les plus extrêmes, des épisodes de coma profond pour les individus les plus sensibles, je me dis que ça colle parfaitement avec une exposition prolongée avec ce genre de musique.

2 : Le faquin se fait d’ailleurs remettre à sa place fissa par le commandant du Xenophon, peu enclin à démontrer par l’exemple qu’il vaut mieux ne pas shooter dans un paquet de claque-doigts au milieu d’une colonie de grands crapauds aboyeurs de Catachan.

3 : Les passionnés noteront tout de même que le triste destin des Faux de Pépé est partiellement couvert dans une série de nouvelles, dont trois signées du même Goulding. La plus récente du lot (Reclamation) ayant été publiée dans une anthologie consacrée aux chapitres SM renégats et chaotiques (Renegades of the Dark Millennium – 2014), il serait logique d’en conclure que les Scythes sont définitivement passés du côté obscur.

Fear to Tread (extrait) – J. Swallow [HH] :

21. Fear to TreadIl ne surprendra personne d’apprendre que le troisième roman écrit par James « Simply Red » Swallow pour l’Hérésie d’Horus, Fear to Tread, ait été consacré en grande partie à son chapitre fétiche, les Blood Angels. Publié en 2012, cette humble brique dans l’imposante muraille que constitue la franchise 30K de la Black Library fut l’occasion de faire vivre aux vampires énergétiques et à leur Primarque emplumé leurs propres aventures, après quelques apparitions en tant que seconds rôles dans diverses publications antérieures.

L’extrait1 présenté dans le 21ème numéro de Hammer & Bolter est tiré du prologue du roman, qui voit les Space Marines des IXème  et XVIème Légions gambader gaiement gantelet dans le gantelet à travers les riantes plaines de Melchior et piétiner la gueule des infâmes nephilim (différents de ceux de Lion’El Jonson, à chacun ses délires) dans la joie et la bonne humeur. Tout irait pour le mieux dans la meilleure des dystopies totalitaires et militaristes si certains Blood Angels ne pétaient pas les plombs à intervalles réguliers et ne se mettaient à développer soudainement un amour aussi immodéré qu’indiscriminé pour l’hémoglobine. Bien gêné par la sanglante incontinence affligeant ses fistons, Sanguinius fait de son mieux pour garder le secret intact, secondé dans cette tâche ingrate par Azkaellon, chef de la Garde Sanguinienne, et Raldoron, un médicament générique efficace contre les symptômes du rhume chez le cochon d’inde adulte le Capitaine de la première compagnie des BA. Pas de chance pour 100 Guinness, le triomphe de Melchior se retrouve terni par un nouveau cas de boudinophilie aigue, dont la victime (Alain Otton Rosalie de la Mortecuisse, surnommé Alotros par ses copains de la 111ème compagnie) a heureusement été discrètement2 confinée dans une ruine quelconque du champ de bataille. Tout aussi discrètement3 prévenu du problème alors qu’il était sur le point de conclure sa bromance avec Horus, Sangui’ file à l’anglaise sur le lieu du drame, où il tente vainement de ramener Alotros à la raison avec des arguments aussi percutants que « allez quoi, guéris, fais pas ta pute », avant d’être contraint de décoller les cervicales du faquin d’une pichenette de l’annulaire gauche, afin d’abréger les souffrances du pauvre Al.

Sur ces entrefaites, Horus se téléporte sur place4 et commence la psychanalyse de son frérot afin de comprendre pourquoi ce dernier a commis l’impensable et buté un de ses propres Space Marines. Rapidement briefé par Sanguinius sur l’existence de la soif rouge, le Maître de Guerre jure de garder le préserver le secret des Blood Angels et d’aider ces derniers à se libérer de cette malédiction. L’extrait se termine par le prélèvement des glandes progénoïdes de feu Alotros, opération effectuée à but scientifique par un Apothicaire stagiaire pas vraiment conscient de l’enjeu sous la supervision directe de Raldoron. Ce dernier profite de l’occasion pour passer un coup de Baalish (c’est comme du polish, sauf que c’est noir et ça vient de Baal) sur l’armure du défunt avant l’arrivée de la voiture balai, rituel lourd de sens puisqu’il fait passer Alotros dans la compagnie de la mort5. If you want blood (Angels fluff), you got it.

La fin de la lecture de cet extrait m’a trouvé partagé. D’un côté, son niveau est tout à fait convenable, surtout en prenant en compte le pedigree de Swallow, et l’alternance entre combats, discussions entre Primarques (passages jamais anodins pour le fanboy, même si assez délicats à mettre en scène de manière convaincante par certains auteurs de la BL, bien en peine de retranscrire la pensée surhumaine de leurs personnages sans partir en cacahuète), péripéties intra-Légion et éléments fluff fournit un échantillon ma foi fort représentatif de ce qu’est un bouquin de l’Hérésie d’Horus.

De l’autre, je me suis rendu compte que rien n’était révélé de la véritable intrigue de Fear to Tread dans cet extrait, les évènements couverts au cours de ce dernier n’ayant pour but que de permettre à Swallow de justifier l’envoi des Blood Angels sur Signus Prime, à la recherche du remède à la soif rouge promis par un Horus déjà corrompu à son naïf de frérot. Même si cette lacune n’est pas impardonnable, en ce qu’elle ne nuit pas au confort de lecture, elle étonne de la part de la BL, dont le but premier reste (comme toute maison d’édition qui se respecte) de vendre des livres. Dans ce cas précis, l’extrait se termine de façon tellement nette que l’on aurait légitimement pu croire que le bouquin s’arrêtait là, tous les arcs narratifs esquissés au cours de ces quelques pages ayant trouvé une conclusion satisfaisante à la tombée du rideau : les nephilim sont annihilés, Alotros est mort et Horus a juré de garder le secret de Sanguinius. Au final, seuls les lecteurs subjugués par le style de Swallow (qu’ils se dénoncent) et/ou fans transis de la Légion de l’homme-pélican ressentiront le besoin d’acheter Fear to Tread suite à la lecture de cet extrait, alors qu’un petit cliffhanger des familles6 aurait pu donner envie à d’autres de donner sa chance au bouquin. Il faut apprendre à vous vendre les gars !

1 : Qui est lui-même un extrait de l’extrait gratuit disponible sur le site de la Black Library, qui donne un peu plus d’éléments sur la bataille finale de la campagne de Melchior, dépeinte par Swallow comme un chef d’œuvre tactique alors qu’elle ne se révèle être qu’une bête prise à revers. Et dire qu’il a fallu deux des plus grands stratèges de l’Imperium pour mettre au point cette offensive…

2 : Il faudra m’expliquer comment un bâtiment entouré par, au bas mot, un millier d’armoires à glace en armure rouge sang regardant tous fixement vers l’extérieur n’attirerait pas immédiatement l’attention d’un être humain normalement constitué, et à plus forte raison, d’un Primarque raisonnablement intelligent.

3 : « … et la fois où j’ai échangé l’après-shampoing de Fulgrim avec la lotion anti-puces de Leman Russ, tu t’en souviens ? »

« Excelleeeeeent ! Mais ça ne battra jamais Konrad Curze complètement torché qui poursuit Vulkan dans les coursives du Vengeful Spirit en gueulant – noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir – »

« Je suis navré de vous interrompre messeigneurs, mais je suis porteur de graves et confidentielles nouvelles. »

« Rha, Raldo, tu fais ch*** ! Pour une fois qu’Horus et moi avions le temps de nous remémorer le bon vieux temps. Qu’est-ce que c’est encore ? »

« C’est-à-dire que nous avons un nouveau cas, honoré Primarque. »

« Deux semaines sous antibiotiques et pas d’exercice prolongé jusqu’à nouvel ordre, et ce sera rapidement terminé. »

« Je veux dire que nous avons… perdu un de nos frères. »

« Faîtes une annonce au micro et attendez le à l’accueil du champ de batail- Wait. Perdu… comme dans perdu ? »

« Malheureusement. »

« Saperlipopette ! Horus mon grand, je te prie de m’excuser, j’ai une affaire des plus pressantes à régler avec ma Légion. Ah, et si tu pouvais ignorer tous les sous-entendus à peine dissimulés que Raldoron et moi-même venons d’échanger à propos d’un mal mystérieux frappant les Blood Angels, ni utiliser tes super capacités de ninjarque pour nous filer en douce, ce serait sympa de ta part. »

« J’aimerais bien mais l’intrigue du roman repose sur ma connaissance de cette affliction et l’utilisation de ce savoir pour envoyer ta Légion à la pêche au dahut. C’est donc non. »

« Crotte. »

4 : Comprendre qu’il apparaît comme par magie derrière Sanguinus, qui venait pourtant d’effectuer le trajet en land speeder et était gardé par deux piquets de Blood Angels aux aguets, sans autre justification qu’un Ta Gueule, C’est un Primarque assené par un James Swallow bien décidé à ne pas se compliquer la vie avec ce genre de détails insignifiants.

5 : On notera au passage que Raldoron passe les plates d’Alotros au cirage sous les yeux de l’Apothicaire réquisitionné pour l’occasion, juste après lui avoir fait jurer de ne parler à quiconque de cet épisode, ce qui est assez stupide de sa part puisque le retrait des glades progénoïdes sur un cadavre de SM à la fin d’une bataille est en soi un non-évènement. L’Apothicaire, Meros de son petit nom et futur Red Angel, repartira donc avec deux motifs de gamberge de ce théâtre d’opération, alors que Raldoron aurait très bien pu faire passer Alotros pour une victime lambda de l’affrontement contre les nephilim et attendre le départ de Meros pour sortir son marqueur. Pas étonnant que les BA se frittent contre un Gardien des Secrets sur Signus Prime, leur incapacité manifeste à conserver un secret ayant dû grandement taper sur les nerfs de Slaanesh.

6 : Abnett pousse le concept dans ses derniers retranchements en commençant ses bouquins en bombardant ses lecteurs de références sibyllines et/ou de contresens apparents, qui ne deviendront logiques qu’une fois mis en contexte, souvent bien des chapitres plus tard. Et ça marche !

Gilead’s Curse (ch. 8) – N. Vincent & D. Abnett [WFB] :

Gilead's CurseAyant exterminé à eux quatre la meilleure partie de la race skaven, notre trio d’elfes flanqué du vampire suicidaire de service se mettent en route vers la surface et vers l’acte II de Gilead’s Curse, que ce huitième chapitre est censé introduire de la façon la plus naturelle possible. N’ayant récupéré que la fameuse amulette du Roi des Rats de ses péripéties dans le sous-monde, Gilou se retrouve en effet fort embêté au moment de poursuivre son enquête (car oui, on aurait tendance à l’oublier – moi le premier –  mais le fil conducteur du roman est la recherche par Gilead des causes de la sinistrose ambiante qui semble frapper le Vieux Monde au moment où se déroule le récit), sa piste la plus prometteuse reposant désormais en deux parties distinctes sous quelques quintaux de roche et de terre, sans qu’il n’ait pu rien en tirer de très concluant1. Fort heureusement pour tout le monde, sauf pour le lecteur, qui aurait à ce stade apprécié que Vincent et Abnett tirent la conclusion logique de cette nième maladresse littéraire et concluent la piteuse résurrection de leur héros par un « il se rendit compte qu’il ne pouvait pas aller plus loin et décida en conséquence de repartir pour Ulthuan afin de compléter la formation de Laban et ouvrir un restaurant La Patatière en tant que franchisé », le Comte Vampire se révèle être un expert en matière d’amulette, et en sa qualité de sommité mondialement reconnue dans ce domaine, est capable d’aiguiller ses nouveaux amis vers les vrais responsables de toute cette chienlit, j’ai nommé… les Rois des Tombes. Ba-dum-tss.

Ayant depuis longtemps dépassé le stade de l’indignation volubile face aux énormités que le duo d’auteurs est capable de commettre sans sourciller, je ne m’étendrai donc pas sur le caractère totalement artificiel de cette relance narrative, pondue ex nihilo par le fantasque binôme et jeté en pâture aux lecteurs avec une désinvolture relevant du pathologique. Telle la créature de Frankenstein, l’intrigue de Gilead’s Curse n’est qu’un ramassis d’éléments plus ou moins fonctionnels mais très loin d’être assortis les uns aux autres, assemblés en un tout « cohérent » à grand renfort de sutures grossières, et dont l’existence constitue un affront à la logique et aux bonnes mœurs. À titre personnel, je soupçonne que l’inclusion des Nehekhariens dans l’intrigue découle de la volonté de la BL de supporter la sortie du nouveau Livre d’Armée Rois des Tombes (Mai 2011) en donnant aux fanboys un peu de contenu romancé à se mettre sous la dent. Difficile sinon d’imaginer ce qui aurait pu pousser Vincent et Abnett à porter leur dévolu sur cette faction, que rien ne destinait a priori à jouer un rôle dans la saga de Gilead2.

D’un point de vue purement factuel maintenant, ce huitième chapitre est principalement dévolu à l’affrontement final entre Gilead et le Comte Vampire, combat épique dont le dénouement ne fait évidemment pas un pli. Les tentatives de solenniser un tant soit peu ce duel au sommet entre deux bretteurs d’exception méritant l’un et l’autre le statut de protagoniste, pour louables et légitimes qu’elles soient, ne débouchent cependant sur rien de bien concluant, marginalisées qu’elles sont par les nombreux éléments what the fuck-esques parsemant le récit de cette ultime passe d’arme, comme autant grumeaux dans le kouglof narratif commis par nos deux larrons (comprendre que, comme cette fameuse spécialité alsacienne, la prose des Vabnett est sèche et insipide). Des caractéristiques physiques des artères fémorales elfiques aux leçons de vie inculquées à coup de patates brûlantes, en passant par la chemise irrémédiablement tachée de Gilead, le festival des incongruités continue à battre son plein, et promet même de redoubler au cours des chapitres à venir si l’on en juge par l’influence désinhibante que l’inclusion de Laban et Fithvael au récit semble avoir sur les auteurs. La tabula rasa décrétée par Nik et Dan permettra-t-elle à Gilead’s Curse de redorer quelque peu son blason avant que le récit ne se termine ? Je ne me bercerais pas d’illusions si j’étais vous, mais vous donne rendez-vous au prochain épisode pour juger sur pièce.

1 : En même temps, ce n’est pas en improvisant un (mauvais) café-philo avec le méchant sensé fournir les réponses à tes questions que tu remonteras à la cause du problème.

2 : On notera au passage que notre elfe déprimé est le second personnage du fluff de Warhammer Fantasy à faire le lien entre Skavens et Rois des Tombes, le premier n’étant autre qu’un obscur nécromancien à la petite semaine répondant au nom de Nagash.

Dead Man’s Party – J. Reynolds [WFB] :

Toutes les bonnes choses ayant une fin, c’est avec une certaine tristesse que je chronique ici la dernière aventure d’Erkhart Dubnitz, mascotte du très saint et très awesome Ordre de Manann, publiée dans Hammer & Bolter. Avec quatre soumissions en l’espace de neuf mois, la série consacrée par Josh Reynolds aux aventures du chevalier le moins chevaleresque du Vieux Monde a constitué l’un des jalons les plus marquants de l’année 2 du webzine de la BL, prenant de fait la place précédemment occupée par les ennuyeux Silver Skulls de Miss Cawkwell. N’eut été la malencontreuse oblitération du monde Warhammer au cours de la Fin des Temps (dont le déroulé a été, ironie de l’histoire, en grande partie rédigé par le même Reynolds), Dubnitz aurait sans doute fini par obtenir son propre roman, rejoignant ainsi le cercle très restreint des personnages second degré de la Black Library assumés par cette dernière (Ciaphas Cain… et c’est à peu près tout). Destin cruel.

Comme indiqué par son titre, Dead Man’s Party met en scène une petite sauterie, organisée par le Grand Maître Ogg pour un potentiel généreux donateur, Bernard Lomax. Ce dernier, incarnation vivante (au début du récit en tout cas) du marchand Marienburger aussi fabuleusement riche qu’incroyablement pingre, est en effet prêt à tout pour flouer sa famille de l’héritage que son grand âge lui fait espérer sous les plus brefs délais. Si l’histoire ne dit pas pourquoi Bernie a porté son choix sur le très saint et très humble Ordre de Manann, ce dernier a toutefois sauté sur l’occasion et accepté sans rechigner l’unique condition que le Lorax a formulé à la modification de son testament en sa faveur, à savoir participer à la plus grosse teuf imaginable. That’s right punks, Nanard wants to party hard. Chaperonné par Dubnitz et un autre chevalier dénommé Piet Van Taal1, Lomax descend donc dans les bas-fonds de Marienburg comme la vérole sur le bas clergé pour un one night stand homérique, bien décidé à rattraper ses décennies de sobriété et d’abstinence en se mettant absolument minable.

Malheureusement pour notre trio, les réjouissances sont brutalement interrompues en plein before par un carreau d’arbalète, qui vient clouer la chope de Bernie à son occiput, avec des conséquences évidemment fatales pour le pauvre bougre. Mise au courant du coup de p*** ourdi par le patriarche, la descendance Lomax a en effet cassée sa tirelire pour se payer les services d’un assassin et ainsi empêcher le nouveau testament de prendre effet. Anticipant le déplaisir d’Ogg s’il venait à apprendre la disparition précoce de son futur mécène, Dubnitz décide de continuer la fête comme si de rien n’était, quitte à trimballer le cadavre de Bernard de taverne en taverne en faisant passer le macchabée pour simplement torché, le but de la manœuvre étant de faire « survivre » Lomax jusqu’au chant du coq et ainsi empocher le magot tant convoité. Plan brillant s’il en est, mais dont l’exécution se trouve légèrement compliquée par le fait que l’aimante famille de Herr Bernard a littéralement mis tous les assassins de Marienburg sur le coup, ce qui transforme rapidement la fiesta en battle royale entre coupe-gorges. Dubnitz réussira-t-il à sauver les apparences assez longtemps pour remplir les coffres du très saint et très fauché Ordre de Manann ?

Après un Lords of the Marsh en demi-teinte, Reynolds revient en grande forme et offre à son personnage fétiche un tomber de rideau digne de ce nom, avec une aventure aussi rythmée que drolatique. Difficile de voir dans l’argument de Dead Man’s Party autre chose qu’un prétexte pour confronter Erkhart Dubnitz à la faune la plus pittoresque qui soit2, dans une débauche d’action frénétique dont l’impeccable chorégraphie constitue la principale raison d’être. Cependant, le côté second degré de l’objet est totalement assumé par un Josh Reynolds ayant le bon goût de s’amuser avec le fluff et l’esprit de Warhammer Fantasy plutôt que de le tourner en dérision, comme certains auteurs l’ont parfois fait (se référer aux Grunsonn’s Marauders d’Andy Jones), ce qui permet à son propos de ne pas sombrer dans la facilité et la complaisance.

Ajoutez à cela quelques références savamment instillées dans le récit, qu’il s’agisse d’un simple clin d’œil adressé à Sam Warble et Zavant Konninger, deux figures historiques de la Black Library (et à travers eux, aux fidèles lecteurs de cette dernière), ou bien d’un pastiche en bonne et due forme de la fameuse série Blackadder3, joyau d’humour british revisitant avec bonheur la turbulente histoire du Royaume Uni entre le Moyen-Âge et la Première Guerre Mondiale, et vous aurez une image assez fidèle de l’objet du délit, dont la lecture est très vivement conseillée à tous ceux qui voudraient expérimenter autre chose que la traditionnelle nouvelle med-fan grimdark qui constitue le mètre étalon de la BL depuis maintenant une décennie. Dead Man’s Party est une histoire comme la maison d’édition de Nottingham n’en publie(ra) plus, et il est à mettre au crédit de Josh Reynolds d’avoir convaincu ses patrons de faire figurer cette curiosité au sommaire du webzine littéraire officiel de GW en 2012.

Même s’il est toujours triste de voir un personnage attachant comme Erkhart Dubnitz tirer sa révérence, le panache avec lequel Reynolds a orchestré la sortie de scène de son héros donne cependant à espérer pour les publications à venir de la BL, ce qui est toujours ça de pris en cette époque incertaine.

1 : Je sais ce que vous vous dîtes : comment un type avec un blaze pareil a pu finir templier de Manann ? C’est à peu près aussi crédible qu’un évêque s’appelant Mustapha Islam ou un imam nommé Salomon Blumstein. À croire que le monde de Warhammer est plus ouvert que le nôtre sur certains aspects.

2 : Jugez plutôt : arbalétrier tiléen, hashashin arabien, pistolero cathayen, disciples de Khaine, rôdeur halfling, bretonnien maître de la danse de guerre des elfes sylvains, clowns homicidaires et cracheurs de feu, cowboy Middenheimer, pigeons grenadiers… Il y en a pour tous les goûts !

3 : Reynolds vend la mèche assez tôt dans la nouvelle en mettant dans la bouche de son héros la catchphrase la plus célèbre de la série (I’ve got a cunning plan), mais l’intrigue de Dead Man’s Party reprend également des éléments des épisodes The Archbishop et Head des saisons I et II.

Born of Blood – S. Cawkwell [WFB] :

Sarah Cawkwell n’est certes pas une débutante en termes de publications dans Hammer & Bolter. Du haut de ses 5 nouvelles (sans oublier l’extrait du roman The Gildar Rift), elle est, à date,  la contributrice la plus prolifique du webzine de la BL, à égalité avec un certain Josh Reynolds. Entre les deux hot new talents, la répartition des tâches était jusqu’ici d’une simplicité élégante, étant entendu que Madame faisait sienne les ténèbres du lointain futur tandis que Monsieur donnait vie au Vieux Monde et à ses habitants1. Ce 21ème numéro de Hammer & Bolter voit cependant ce statu quo être remis en question par la première nouvelle med-fan de Cawkwell, consacrée à l’enfance de Valkia la Sanglante, princesse démone (oui, ça sonne bizarre) de Khorne et favorite du Dieu du Sang. Comme pour Bitter End (Hammer & Bolter #12), récit de la période emo rock de Huronsombrecoeur la quête d’une batterie Warp pour l’Hamadrya du Tyran de Badab, il y a fort à parier que ce court format ait été rédigé par Cawkwell dans le but de « prendre en main » le personnage, avant de se lancer dans l’écriture d’un roman lui étant consacré (The Gildar Rift pour Joe l’Indien et Valkia the Bloody pour la Khorne Khorne Girl).

Born of Blood met en scène une Valkia de 10 ans, fille unique du chef de la tribu des Schwarzvolf, Merroc. Orpheline de mère, victime collatérale de l’affrontement entre les « gentils » Loups Noirs et les méchants de-chez-Smith-en-face (tellement bestiaux et malpolis qu’ils n’ont même pas de nom en fait), Valkia tanne son papounet pour participer à la bataille finale contre les ennemis susnommés, venant ruiner du même coup la séance d’aurore boréale (bah oui, il y a pas de cinéma en Norsca) familiale organisé par Merroc. La garce. Peu emballé par l’idée, et c’est compréhensible, Merroc noie le poisson en promettant à Valkia de soumettre cette demande au Cercle, instance dirigeante des Schwarzvolf et apparemment compétente sur le sujet de l’utilisation d’enfants-soldats (un UNICEF chaotique en quelque sorte). Après quelques palabres de circonstances, les sages de la tribu acceptent de laisser l’intrépide enfant prendre sa place dans la ligne de bataille des Schwarzvolf, mais en qualité de skjaldmö (shield maiden en anglais), c’est-à-dire porte-bouclier. Il n’y a pas à dire, les Norscans ont des super idées d’activités périscolaires pour leurs bambins. Quel dommage qu’ils n’aient pas d’écoles.

La suite de la nouvelle est logiquement consacrée au récit de la première bataille de Valkia, qui s’en sort, comme chacun peut l’imaginer, très honorablement. Protégée par son statut de personnage nommé, elle émerge sans une égratignure d’un combat que l’on pouvait pourtant supposer d’une brutalité peu commune au vu du pedigree des forces en présence. Mieux, elle trouve le moyen de trancher le jarret du hersir adverse d’un coup de surin bien placé2, ce qui lui vaut l’honneur de porter le coup de grâce au ruffian en question à la fin de la bataille. La légende est en marche…

Au risque de surprendre certains lecteurs, je dois avouer que j’ai apprécié Born of Blood. Il ne s’agit certes pas de la meilleure nouvelle estampillée Warhammer Fantasy Battle que j’ai jamais lue, ni même de la meilleure nouvelle de ce numéro de Hammer & Bolter, mais il s’agit très certainement de la meilleure nouvelle de Sarah Cawkwell, et la preuve que cette dernière est capable de produire des textes porteurs de valeur ajoutée, ce qui n’avait jusqu’ici pas été le cas. L’exemple le plus parlant de cette amélioration manifeste est l’inclusion par l’auteur de la figure de la skaldmö dans son récit, choix à la fois pertinent compte tenu de l’inspiration scandinave des Nordiques de Games Workshop (les Schwarzvolf semblent d’ailleurs parler bokmål – un des deux dialectes majeurs norvégiens – entre eux) et « surprenant », dans le bon sens du terme, pour le lecteur, surtout celui habitué aux platitudes des récits SM de Sarah Cawkwell (merci de ne pas sortir cette phrase de son contexte). Premier bon point. Elle a également la bonne idée de développer son point au cours de la nouvelle, en informant le lecteur de l’intérêt tactique, pas évident de prime abord pour le néophyte, de cette caste guerrière, et en la faisant évoluer sur le champ de bataille de manière assez crédible. Deuxième bon point. M’attendant à titre personnel à voir la Valkia de Cawkwell déboîter ses ennemis comme qui rigole en dépit de son jeune âge, de sa frêle constitution et de son manque d’expérience, bref en dépit de toute logique, pour la simple raison qu’il s’agit d’une future élue de Khorne et qu’elle se doit donc d’être un monstre de corps à corps (oui, j’en étais rendu à ce stade de cynisme envers les écrits de Miss Cawkwell, je l’avoue), je reconnais volontiers que le traitement (assez) réaliste du personnage par l’auteur m’a agréablement surpris. Tout arrive dans ce bas monde.

Bien sûr, tout n’est pas parfait dans Blood Born, à commencer par son intrigue, qui se révèle être inexistante (Martine Valkia participe à sa première bataille), et lorgne plus vers le chapitre de roman que la nouvelle à proprement parler. Les personnages manquent cruellement de personnalité, à commencer par notre héroïne, dont la farouche détermination constitue le seul trait de caractère marquant. Cawkwell sort encore trop peu des sentiers battus et rebattus de la BL (et de la littérature med-fan classique en général) dans ses partis pris de mise en scène et ses dialogues. Certaines péripéties sont marquées du sceau du TGCM (voir plus haut), et un beau gros faux-raccord (au moins) a subsisté dans la version finale de la nouvelle. Ceci dit, le résultat reste tout de même bien supérieur aux précédentes soumissions de l’intéressée, qui signe avec Blood Born son plot twist le plus convaincant à date : Madame Silver Skulls était en fait un auteur d’heroic-fantasy.

1 : Une autre ligne de partage, moins politiquement correcte et totalement subjective, pourrait également être tirée au niveau de la qualité des écrits de nos deux auteurs, Sarah Cawkwell s’étant « spécialisée » dans le médiocre et Josh Reynolds dans le lisible.

2 : Episode non relaté dans le cours du récit, et c’est bien dommage car j’aurais aimé lire comment une fillette de quarante kilos, équipée d’un bouclier trop grand pour elle et d’un canif, et totalement inexpérimentée dans le maniement des armes, arrive à prendre le dessus sur un chef de guerre nordique. De manière réaliste, s’entend.

Au final, ce 21ème numéro n’est peut-être pas le plus impressionnant en terme de qualité intrinsèque, même si la nouvelle de Josh Reynolds vaut certainement le détour, mais il représente un excellent mètre-étalon de ce que Hammer & Bolter aurait dû être, et ce à tout niveau (diversité des formats, égale couverture des deux univers de GW, nombre et longueur des soumissions). Gilead’s Curse mis à part, le contenu de cet opus est plutôt honnête, Goulding, Swallow et Cawkwell signant tous des textes significativement supérieurs à leurs précédentes contributions. Bref, un excellent moyen de découvrir le webzine de la BL… si ce dernier n’était pas passé en pertes et profits depuis, et si ce numéro, comme tous les autres d’ailleurs, était encore proposé à la vente sur le site de la Black Library (pour des raisons que j’ignore, l’intégralité des Hammer & Bolter reste cependant disponible sur l’iStore). Zut. Il va falloir me croire sur parole du coup. À la prochaine !

À propos de Schattra

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Publié le Mai 8, 2016, dans Chronique, et tagué , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , . Bookmarquez ce permalien. Poster un commentaire.

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