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INFERNABULUM! #1

Bonjour à tous et bienvenue dans le premier épisode d’Infernabulum!, le hors-série de ce sujet consacré à la revue critique du magazine Inferno ! de la Black Library. Vous vous demandez certainement à ce stade ce « qu’Infernabulum » veut dire, et peut-être si on peut le cuisiner avec de l’huile d’olive, pour les plus perchés d’entre vous. Il est vrai que le terme est peu banal, car il s’agit d’un mot-valise associant Inferno !, que je ne vous ferai pas l’affront de définir, à « Incunabulum » (« Incunable », en français), nom désignant tout livre imprimé avant 1501, et par conséquent d’une rareté extrême1. Détourné de son sens premier par quelques esprits fâcheux mais néanmoins inspirés, le terme peut également, par extension, s’appliquer à des ouvrages difficiles à obtenir du fait de leur ancienneté et/ou de leur faible diffusion originelle… ce qui correspond parfaitement à certaines des nouvelles publiées dans la première série des Inferno!.   En effet, bien que la majorité d’entre elles ait eu droit à une sortie postérieure dans un recueil ou une anthologie quelconque, voire plusieurs, il n’aura pas échappé au lecteur sagace et attentif que certains textes ne sont apparus que dans le magazine (pour une raison ou pour une autre), et sont donc d’une lecture assez rétive.

C’est là où votre dévoué chroniqueur entre en scène. Ayant mis la main sur tous les numéros d’Inferno ! publiés au cours de l’Âge du Mythe2, et établi qu’il ne servait pas à grand-chose d’en commencer la critique du fait de la redondance de contenu avec les anthologies et recueils que je prévois d’ores et déjà de disséquer, il ne me restait donc à considérer que la portion congrue de ces textes fondateurs. Il aurait été très dommage de passer ces derniers sous silence, malgré le fait que leur difficulté d’accès et leur absence de traduction en français s’érigent comme autant de barrières entre le quidam intéressé et l’objet de son désir. Qu’importe, l’entreprise me paraît suffisamment noble (et réalisable, ce qui ne gâche rien) pour l’entreprendre céans. Je vous propose donc, selon le modus operandi habituel, de partir à la découverte de ces petits amuse-bouche des temps jadis, si le cœur vous en dit. Bonus appréciable #1, cela nous permettra de replonger dans du vrai, du bon, du classique Warhammer Fantasy Battle, et je sais que vous en avez autant envie que moi, sauf si vous êtes très jeune dans le Hobby ou que vous êtes d’une absolue mauvaise foi (l’un se soigne, l’autre non). Bonus appréciable #2, j’inclurai, le cas échéant, les illustrations noir et blanc qui accompagnaient les textes en question dans les pages d’Inferno !, tradition des plus chics qui sera je l’espère un jour reprise par son successeur.

Cette introduction, faisant presque figure de manifeste en faveur de l’antiquité de la BL, débutons sans attendre notre plongée dans le passé avec l’Infernabulum! #1.

1 : De cette façon, même si vous n’allez pas plus loin dans ce post, vous aurez peut-être appris quelque chose qui vous donnera l’air très instruit à la prochaine pause-café au bureau. Tout ça grâce au Hobby et à la BL en particulier. Qui a dit qu’il s’agissait de littérature de gare ?

: On peut d’ailleurs filer la métaphore en comparant la période allant de la fin de la publication de la première série des ‘Inferno!’ au lancement de la seconde (ou à celui de de feu ‘Hammer & Bolter’, si on veut) à un Âge du Chaos (pour qui aime les courts formats de la BL, s’entend).

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Infernabulum!_#1

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Last Chance (Inferno! #5) – Thorpe [40K] :

INTRIGUE:

La tranchée tenue par les Gardes de Fer (sur le point de se transformer en Gardes de Rouille du fait de conditions climatiques peu favorables) du Lieutenant Martinez reçoit la visite d’un hôte de marque, en la personne de cette tête brûlée de Kage, tout juste revenu de sa balade quotidienne dans le no man’s land entourant la cité rebelle de Coritanorum. Esquivant balles, lasers, grenades, obus et quolibets avec la grâce qu’on lui connaît, notre héros se crashe comme une bouse aux pieds de l’officier, et s’en fait immédiatement un ennemi en aspergeant ses bottes de boue dans la foulée. Plus doué pour survivre à une purge de Space Hulk armé seulement d’une fourchette en plastique et d’un caleçon troué que pour se faire passer pour un Mordian discipliné et méticuleux (et peu aidé par le fait qu’il n’a même pas pris le temps de mémoriser le nom du soldat mort auquel il a dérobé son uniforme), Kage se fait immédiatement gauler par le Commissaire régimentaire qui passait dans le coin, mais arrive à gagner un sursis en révélant qu’il est membre d’une force d’infiltration impériale en mission top secrète derrière les lignes ennemies. Ce qui est précisément ce que dirait un soldat rebelle cherchant à infiltrer les lignes impériales s’il était fait prisonnier. Peut-être convaincu par le charisme naturel exsudé par le Last Chancer (ou conscient que l’armure de scénarium de ce dernier est trop épaisse pour leurs armes), les officiers Mordian se contentent de faire garder à vue notre héros par une poignée de Boucliers Blancs, qui tombent immédiatement sous le charme viril du vétéran balafré.

N’ayant rien d’autre à faire pour le moment, Kage commence à leur raconter sa vie, et notamment la manière dont il a atterri dans la Légion Pénale, suite à une rivalité amoureuse s’étant réglée dans le sang et les tripes entre lui et son Sergent de l’époque. Le récit du Père Kagetor est toutefois écourté par le déclenchement d’un bombardement orbital de Coritanorum, accompagné par un assaut généralisé sur les positions ennemies, juste pour être sûr de la mortitude définitive des défenseurs I guess, ou parce que ça coûtait trop cher en prométheum de rapatrier en orbite tous les régiments participants au siège. Après tout, et comme le dit le proverbe, la Garde meurt. L’occasion rêvée pour Kage de fausser compagnie à sa couvée de pioupious et mettre en exécution son projet d’évasion… si les choses s’étaient passées comme prévues. Malheureusement pour notre pénaliste expert, son fan club s’avérera trop fourni et trop collant pour lui permettre de filer à la Tanith, la perte de toute la chaîne de commandement Mordian au cours des premières minutes de l’assaut conduisant les Cadets à se tourner vers le torse velu et les mâles accents de Kage pour les guider vers une hypothétique survie. À toute chose, malheur est bon car les enfants-soldats de Mordian sauveront notre héros d’une mort prématurée lorsqu’il retombera, comme à la fin de chaque épisode, sur cette vieille baderne de Schaeffer. Tout prêt à exécuter son sous-fifre pris en flagrant délit de fuite, l’imperturbable Colonel est finalement convaincu de faire preuve de clémence par la dizaine de fusils laser braqués dans sa direction par la Kage Army. Ce n’est toutefois qu’un pis-aller pour Last Chance (qui mérite encore une fois son surnom) car Schaeffer a réservé une table pour deux dans un petit resto sympathique de Coritanorum, et il ne serait pas correct de faire attendre leurs hôtes…

AVIS:

Figures emblématiques du Thorpiverse, les Légionnaires Pénaux du Colonel Schaeffer, aussi connus sous le nom de Last Chancers, ont bénéficié d’une trilogie (chroniquée ici) et de quelques nouvelles de la part de Gav Thorpe entre la fin des années 90 et le milieu des années 2000. Ce Last Chance est probablement le coup d’essai de notre homme avec ces anti-héros hauts en couleurs, et sert d’introduction au duo central de la 13ème Légion Pénale, l’increvable Schaeffer et sa (tout aussi increvable) âme damnée Kage. Nouvelle de guerre de tranchée typique du style BL dans sa deuxième partie, c’est le début de la soumission qui présente le plus d’intérêt à mes yeux, puisqu’y est détaillé le parcours de Kage jusqu’à sa rencontre fatidique avec celui qui deviendra son bien-aimé supérieur pour les années à venir, éléments intéressants pour les fans des Last Chancers ne se retrouvant pas dans les autres écrits consacrés par Thorpe à son équipe de bras cassés casseurs de bras. On appréciera également la narration gouailleuse de Kage lors des passages racontés depuis son point de vue, qui s’avère être vraiment réussie. Les puristes noteront que les événements couverts par la nouvelle ne sont pas cohérents avec la conclusion de 13th Legion, le premier roman de la trilogie Last Chancers, qui voit les derniers survivants de la première levée de Schaeffer infiltrer Coritanorum pour surcharger les réacteurs de la cité rebelle. Mais y a-t-il vraiment des puristes Last Chancers?

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The Gifts of Tal Dur (Inferno!#20) – McIntosh [WFB] :

INTRIGUE:

Art: Des Hanley

Fraîchement revenus de leurs aventures à Erengrad (couvertes dans le roman Star of Erengrad), les aventuriers Stefan Kumansky et Bruno Hausmann font halte dans la petite ville de Mielstadt, où convergent les traces de leur ancien compagnon d’armes Alexei Zucharov, ayant eu la mauvaise idée de ramasser une babiole chaotique sur le champ de bataille. L’objet en question, sans doute un tract de la campagne présidentielle de François Hollande de 2012, l’a tellement convaincu que le changement, c’était maintenant, qu’il en a renié son allégeance ‘chaotique bonne’ pour rejoindre le camp de Tzeentch. Jugeant qu’il est de leur devoir d’empêcher leur comparse renégat de nuire, Stefan et Bruno ont poursuivi ce dernier à travers le Nord de l’Empire, confiants en leurs capacités de traqueurs pour mettre la main au collet de Zucharov avant que l’addition de ses déprédations ne soit trop salée.

À Mielstadt, nos héros n’ont rien de plus pressé que d’empêcher la pendaison arbitraire de l’infirmière de garde locale, soupçonnée, non sans raisons, par les locaux de bénéficier de pouvoirs surnaturels de guérison. N’ayant ni le temps, ni l’envie d’expliquer à une bande de rednecks agressifs les bienfaits reconnus de la balnéothérapie pour les patients en convalescence (la pauvresse, Katarina von Lucht de son nom, tenant un centre de cure thermale dans la forêt voisine, au lieu-dit de la source de Tal Dur), Stefan et Bruno se contentent de faire parler l’acier, sauvant Katarina d’un destin funeste mais s’attirant du même coup la neutralité malveillante du Graf de la ville, un certain Augustus Sierck (sans doute un parent éloigné de Detlef). La soirée passée à l’auberge locale en compagnie de ses sauveurs permet à Miss van Lucht de leur faire la pub de son établissement et des ses compétences de thérapeute, Tal Dur pouvant en effet accélérer la guérison de celui qui s’y baigne, mais seulement si ses pieds sont propres son âme est pure et qu’elle-même est présente pour superviser le procédé. Il n’y a pas à dire, elle sait comment verrouiller un business et préserver un gagne-pain. Enfreindre ces deux règles a généralement des conséquences fâcheuses, comme l’intervention d’un maître-nageur furibard armé d’une zweihander, ou quelque chose comme ça.

De leur côté, Stefan et Bruno ne perdent non plus pas de temps, le premier à briefer leur hôte sur la présence probable de Zucharov dans les parages et son souhait, tout aussi probable, d’utiliser le pouvoir de Tal Dur pour… se faire enlever le tatouage chaotique qui recouvre petit à petit sa peau (ce tract de François Hollande devait être très mal imprimé pour dégorger de la sorte). Eh, pourquoi pas après tout, le délit de faciès est une réalité même dans le Vieux Monde apparemment. Le second, quant à lui, chauffe suffisamment la serveuse de l’estaminet pour qu’elle lui laisse son adresse sur un bout de parchemin à la fin de son service, ce qui est une Victoire Majeure pour l’Empire, comme tous le reconnaîtront. Malheureusement, ou heureusement, en l’absence de Google Maps, et malgré le fait que la ville ne doit pas être si grande que ça, Bruno erre comme un gland toute la nuit sans arriver à bon port. Grand bien lui fasse car, à son insu, la serveuse était déjà maqué avec Zucharov, et cherchait donc à le faire tomber dans un piège (ou avait accepté de réaliser le fantasme de son nouveau petit copain en participant un plan à 3, même si l’esprit est plus Slaaneshi que Tzeentchien). La perfide aubergiste paiera toutefois cher son double jeu, son désir irrépressible d’allumer la lumière malgré les réticences de son coup d’un soir débouchant sur une crise de terreur nocturne aux conséquences fatales.

Le lendemain matin, Stefan est cueilli au creux du lit par le Graf et ses soldats, trop contents de mettre sur le dos des voyageurs le meurtre de la serveuse. Pas du genre à se laisser molester par une bande de bouseux après avoir sauvé l’Empire à quasi lui tout seul, Kumansky a vite fait d’apprendre aux forces de l’ordre la politesse en retournant leurs armes contre eux, et emmenant le Graf en balade à Tal Dur en compagnie de son sidekick lubrique. Là-bas, et après avoir libéré son otage (parce qu’il le vaut bien), Kumansky fait enfin face à sa Némésis, qui a capturé Katarina et se tient prêt à commettre l’irréparable. Le duel héroïque qui s’en suit verra le bien triompher de justesse, Stefan trouvant la rage de vaincre (ou plutôt, de péter le petit pont en bois sur lequel se trouve Zucharov à grands coups de latte) malgré ses graves blessures dans la réalisation soudaine que s’il meurt maintenant, il n’aura pas la possibilité d’aller se pinter la gueule avec son frère à Altdorf dans une semaine. À chacun ses motivations, il y a des Nains qui sont devenus berzerk pour moins que ça. Plouf font Stefy et Zuky en tombant dans le grand bain, qui ne leur réservera pas le même destin. Aidé à sortir de l’eau par Katarina, Kumansky émerge de l’onde amère frais comme un gardon et totalement guéri, tandis que son adversaire refait surface ridé comme un pruneau, avant d’être définitivement aspiré au fond de la piscine par… le poids de sa conscience coupable, j’imagine. Au moins, il meurt propre, l’encre chaotique ayant été lessivée par les eaux purificatrices de Tal Dur, décidément très efficaces.

Vient alors l’heure pour nos deux héros de repartir vers de nouvelles aventures (incluant donc une nuit de beuverie au Helmsman, qui a l’air de valoir vraiment le coup s’il parvient à ranimer les mourants), forts du sentiment du devoir accompli. Peut-être un peu déçu par le refus de Katarina de l’accompagner jusqu’à Altdorf – les affaires sont les affaires – Stefan peut toutefois se consoler par le chaste baiser que la belle lui accorde avant de le laisser repartir. Ce ne sera peut-être (sûrement même, my it-s-bloody-obvious-the-way-the-author-wrote-it sense is tingling) que partie remise…

AVIS:

Ayant lu il y a fooooooooort longtemps le roman Star of Erengrad, premier tome de la trilogie consacrée par Neil McIntosh au personnage de Stefan Kumansky, qui se terminait sur la victoire des gentils et la corruption d’Alexei Zucharov, je n’ai pas eu de difficulté à me plonger (haha) dans cette nouvelle, qui n’est autre que la suite logique du roman mentionné plus haut. Ceci dit, le bon travail de contextualisation qu’effectue McIntosh en introduction de son propos aurait permis à n’importe qui de comprendre facilement les tenants et aboutissants de l’intrigue déroulée dans ce The Gifts of Tal Dur, soumission simple mais pas simpliste, et d’honnête et robuste facture. Sur un canevas certes peu original dans l’absolu (le héros sauvant sa belle des griffes du méchant, l’épée à la main), mais relativement peu utilisé dans les écrits de la BL, où les protagonistes ont généralement autre chose à faire que secourir des damoiselles en détresse, l’auteur place un vernis légèrement grimdark mais totalement WFB, avec le Chaos venant jouer son rôle de force corruptrice et destructrice, retournant les frères d’armes l’un contre l’autre et laissant à son hôte malheureux quelques secondes pour réaliser l’étendue de sa folie avant que le voile de la mort ne tombe. So cinematic. Bref, un honnête filler dans les rayonnages bien achalandés de la Black Library, qui permettra au lecteur de se faire une bonne idée du style et des capacités de Neil McIntosh.

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Debt of Blood (Inferno!#23) – McIntosh [WFB] :

INTRIGUE:

WFB_Debt of Blood

Art: Paul Jeacock

Finalement de retour à Altdorf après son road trip à Erengrad et dans le nord de l’Empire, l’aventurier Stefan Kumansky jouit d’un repos bien mérité et récolte les dividendes de ses actions héroïques en se faisant payer des coups à boire à l’occasion de l’Heldenstag, comme c’est la tradition. Soucieux de ne pas voir apparaître son frère, qui apparemment constitue son compagnon de beuverie favori1, Kumansky décide de se rendre directement chez ce dernier, et se retrouve fissa mis en garde à vue en compagnie de son frérot, trempé jusqu’au cou dans une sombre affaire de haute trahison, qui pourrait conduire à son incarcération à vie. Seul échappatoire pour les frangins Kumansky, le marché que leur propose Rheinhardt Kessler, l’autoritaire Prévôt du Conseil des Anciens d’Altdorf. Il s’agit pour Stefan de servir de chaperon à Heinrich von Diehl, scion d’une famille décadente ayant donné à l’Empire un sorcier du Chaos (Lothar) et un guerrier de Khorne (Kurt), rien que ça. Heinrich, lui, semble ok pour témoigner dans un procès d’importance devant se tenir dans quelques jours à Altdorf, et auquel sa chère famille souhaiterait vivement qu’il ne participe pas. La corruption légendaire des grandes cités ne rendant pas possible la mise en place d’un système de protection des témoins classique, Kessler décide donc de placer son mouchard #1 sous la protection d’un reître dont il ne sait pas grand-chose, et dont l’obéissance est acquise via un chantage familial. Je m’avance peut-être mais il me semble que nous sommes un tout petit peu hors procédure sur ce coup-là.

Toujours est-il que Stefan ne peut décemment pas refuser, et passe donc une semaine morne et tendue à s’assurer du bon état de santé de sa charge. Convoqué à une entrevue urgente avec Kessler dans une taverne à la veille de l’ouverture du procès, HvD est escorté par Kumansky et un poignée de gardes jusqu’au lieu du rendez-vous, qui se trouve être comme de juste rapidement assailli par une bande de… méchants (par manque de description des motivations des attaquants), menés par un mutant particulièrement véhément, que notre héros parviendra à vaincre grâce à l’usage ingénieux du traditionnel lustre en fer forgé que tout lieu de duel à l’épée se doit de comporter (c’est dans le cahier des charges des écrits med-fan Sword & Sorcery, j’ai vérifié). Manque de bol pour la petite bande, von Diehl se mange un carreau (d’arbalète, sinon ce serait moins grave) au moment de sortir de l’estaminet, résultant en une blessure non mortelle mais suffisamment grave pour que le passage à l’hospice de Shallya le plus proche devienne obligatoire. Ce dernier, tenu par la brave Sœur Agnetha, que des années de coupes budgétaires ont laissé toute seule pour tenir la permanence de quartier, permet à l’aristo décadent de reprendre quelques forces, mais ne sera pas en mesure de soutenir le siège en règle qui ne manquera pas d’être mis à la bâtisse incessamment sous peu. Très héroïquement, Kumansky ordonne à son dernier PNJ garde d’exfiltrer la street medic et reste seul avec son témoin, confiant dans sa capacité à le défendre contre toute nouvelle tentative d’homicide (kelhôme).

L’attente anxieuse de notre héros n’est que de courte durée, un discret bruissement derrière lui annonçant l’arrivée d’une tierce personne, armée d’une arbalète et d’intentions bien peu charitables envers le garde du corps de von Diehl. La nouvelle venue se révèle être Natalia Zucharov, sœur d’Alexei Zucharov, ancien compagnon d’armes de Kumansky ayant accompagné ce dernier jusqu’à Erengrad puis sombré dans l’adoration des Dieux Sombres sur un malentendu (Star of Erengrad), et ayant été finalement exécuté par ses anciens alliés sur le chemin du retour (The Gifts of Tal Dur). Comme on peut s’y attendre, Natalia a un râtelier contre Stefan, qu’elle accuse d’avoir assassiné son frère de sang-froid.  C’est elle qui a ouvert le feu sur les survivants de l’embuscade à la sortie de la taverne, et fiché un carreau dans le buffet de von Diehl du fait de sa maîtrise toute relative de l’arbalète. Elle a une excuse cependant, étant d’abord une apprentie du Collège Gris, ce qui explique sa capacité à apparaître derrière les gens sans crier gare. Sentant qu’un affreux malentendu est sur le point de se produire, Kumansky arrive à convaincre Zucharov d’escorter von Diehl en lieu sûr, arguant qu’elle lui doit bien ça après avoir manqué de le tuer deux heures plus tôt. Natalia accepte et emmène Heinrich jusqu’à la maison de Bruno Hausmann, le comparse de Stefan, jurant de revenir un peu plus tard pour terminer son affaire.

Cette fois-ci totalement seul, Kumansky est enfin libre de faire son héros, en repoussant des hordes de… méchants (là encore, la description est succincte) sortant du sol de l’hospice. Vaincu par la multitude après un combat épique, il a la surprise 1) de se réveiller et 2) de faire face à Kessler, apparemment très pressé de savoir où se trouve von Diehl. Il ne faut pas longtemps à  Stefan pour se rendre compte que son commanditaire est passé de l’autre bord, et cherche le noble pour lui faire la peau. Résolu à endurer stoïquement toutes les tortures que son ravisseur ne manquera pas de lui faire subir, Stefan refuse crânement d’obtempérer, mais se fait sauver des poucettes par l’arrivée de von Diehl, qui s’est rendu aux hommes de Kessler sans soupçonner l’entourloupe. Tout est-il perdu pour la team Gentil ? Non ! Car von Diehl était en fait Natalia Zucharov dissimulé par un sort d’illusion, et dans la cohue qui suit son coming out, la paire réussit à se libérer, régler son compte à Kessler (qui malgré ses rodomontades de boss de fin de niveau, s’écroule à la première touche de sa hitbox) et s’échapper par la fenêtre et jusqu’à la sécurité de la maison de Bruno, malgré le vertige handicapant de la donzelle, rattrapé in extremis par un Kumansky toujours chevaleresque.

Ayant réussi à déjouer les manigances de Kessler, et confiant dans la protection apportée par un de leurs amis hauts placés pour mener à bien leur mission, nos héros se quittent presque bons amis, la promesse de Natalia de revenir honorer la dette de sang contractée par Stefan suite au meurtre de son frère apparaissant comme bien hypothétique (encore cinq pages et elle finissait dans son lit). Mais ceci est une autre histoire…

1 : Voir The Gifts of Tal Dur, et les trésors de motivation tirés par notre héros de la soirée picole promise par son frangin lors du combat final.

AVIS:

Se déroulant (probablement) après les événements couverts dans Taint of Evil, cette nouvelle s’avère être assez complexe dans son intrigue, aux manigances politiques de la haute société d’Altdorf venant se mêler la vengeance personnelle de cette brave Natalia, que McIntosh fait apparaître comme une cruche d’un bout à l’autre de son récit. Tireuse à l’arbalète médiocre, arcaniste peu sûre d’elle (de son propre aveu, le sort qui a sauvé Kumansky aurait pu tout aussi bien le tuer, et le sceau magique laissé sur la porte de la maison de Bruno a été brisé à son retour), combattante pathétique, sujette au vertige et aux phrases absconses, la sœur Zucharov tient plus de la damoiselle en détresse que de la traqueuse mortelle qu’elle était censée être. Il semble qu’il s’agisse d’une constante chez McIntosh (voir le rôle de faire-valoir de Katarina von Lucht dans The Gifts of Tal Dur), qui pour sa défense écrivait à une époque où le Women’s empowerment n’était pas encore un concept à la mode dans le monde de la fiction med-fan. De son côté, l’héroïquement héroïque Stefan Kumansky s’en tire comme d’habitude avec les honneurs, seul son manque absolu de personnalité et d’intérêt venant rebuter le lecteur.

La réalisation de McIntosh s’avère par moment assez fébrile, les scènes de combat par exemple souffrant de leur caractère générique, l’intrépide jeune premier faisant face à des rangées de goons assez mal définis, ce qui empêche de vraiment s’impliquer dans ses péripéties. La palme est remise aux… choses qui sortent des sous-sols de l’hospice de Shallya, dont on ne sait pas s’il s’agit de mutants, de démons ou de morts-vivants, qui les a convoqués et pourquoi elles n’ont pas mis Kumansky en pièces après que ce dernier ait perdu son dernier point de vie. Non pas qu’une autre issue eut été possible, mais comme Kessler n’est jamais vraiment présenté comme capable de s’attacher les services de ce genre de gros bras (sinon, il n’aurait pas été mis en échec par un sort de niveau 1, je gage) et que le fourbe Prévôt est le seul antagoniste présenté dans la nouvelle, il aurait été logique qu’il soit l’orchestrateur direct de l’attaque. Bref, l’exécution de ce Debt of Blood pêche sérieusement, et comme les personnages mis en scène par McIntosh ne présentent en eux-mêmes pas grand intérêt, on se rabattra de guerre lasse sur les quelques éléments fluff mis à disposition par l’auteur pour se convaincre de finir la lecture de ce nouvel épisode de Kumansky & Hausmann, les Starsky & Hutch du Vieux Monde.

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The Ambassador (Inferno!#25) – McNeill [WFB] :

INTRIGUE:

WFB_The Ambassador

Art: Andrew Hepworth

Fraîchement nommé ambassadeur impérial à la cour de la Tsarine de Kislev, le général à la retraite Kaspar von Velten enchaîne les déconvenues à peine arrivé sur le lieu de son affectation. Accompagné d’un vieux serviteur manchot un peu trop familier (Stefan) et d’une escorte de Chevaliers Panthères frileux (à croire que ces pelisses ne sont pas de bons isolants thermiques), l’apprenti diplomate commence par déloger son prédécesseur, l’incompétent et corrompu Andreas Teugenheim (ça veut littéralement dire « taverne » en reikspiel, faut pas s’étonner que le type soit un jouisseur) de l’ambassade saccagée que ce dernier occupait, s’attirant du même coup l’hostilité goguenarde du parrain de la Bratva locale, un colosse bedonnant répondant au nom de Vassily Chekatilo, très occupé à fumer des cigares avec son bon ami Teugenheim dans le boudoir de ce dernier à l’arrivée de la relève.

Réalisant qu’il est bon pour quelques jours de ménage et de chinage intensifs s’il souhaite redonner à son nouveau chez-lui le faste et le cachet qu’on est en droit d’attendre d’une ambassade impériale (sans compter la formation du service d’ordre local, qui aurait fort à faire à repousser les assauts de  Gnoblars hémiplégiques), von Velten est sauvé de la corvée de mob par l’arrivée impromptue d’une de ses anciennes connaissances, l’ex-Lancier Ailé Pavel Korovic, compagnon d’armes fidèle et alcoolique notoire, qui insiste bruyamment pour que les retrouvailles soient célébrée à grand renfort de kvas. Acceptant l’invitation, Kaspar se rend au domicile de son comparse et s’embarque dans une soirée arrosée suivie d’une nuit enfumée, son repos réparateur se trouvant interrompu par le début d’incendie allumé par un trio de brutes pyromanes, auxquelles von Velten règle leurs comptes sans penser qu’il aurait été pertinent de garder un séide en vie pour pouvoir lui soutirer des informations sur son commanditaire. Erreur de débutant.

C’est donc à une prise de fonction des plus mouvementées qu’a droit celui qui passera à la postérité sous le nom d’Ambassadeur, ses premières heures kislevites lui ayant en outre permis de se familiariser avec le sinistre parcours du tueur en série cannibale local, simplement nommé le Boucher (les Kislevites sont des gens pratiques et peu imaginatifs), et avec lequel on devine que Kaspar aura rapidement maille à partir. Ajoutez à cela une ambiance plutôt morose du fait de la tenue prochaine de la traditionnelle invasion chaotique, le froid, la neige et le mal du pays, et vous avez le début d’un séjour qui s’annonce mémorable pour notre pré-retraité. Everrrrytting fill bi olrrrraïtt, da ?

AVIS:

Mes souvenirs nébuleux de la duologie (L’Ambassadeur//The Ambassador et Les Dents d’Ursun//Ursun’s Teeth) consacrée par Graham McNeill aux jeux complexes de la realpolitik entre l’Empire et le Kislev1 me font écrire avec une certitude assez grande que cette nouvelle est en fait le chapitre introductif du premier de ces deux romans, avec lequel elle partage son nom. Nous sommes clairement en face d’une introduction à une intrigue destinée à être traitée sur des centaines de pages, et les douze que constituent ce The Ambassador sont toutes entières consacrées à l’exposition de la situation dans laquelle Kaspar von Velten trouve Kislev à son arrivée et la présentation des protagonistes et antagonistes principaux du roman. En cela, il serait petit bras de critiquer le caractère inachevé de ce texte, qui n’est pas, comme annoncé par Inferno ! une nouvelle en tant que tel, mais l’extrait d’un ouvrage que McNeill n’avait pas encore finalisé à l’époque. La vraie question est donc de savoir si ces quelques pages donnent envie d’en savoir plus sur le long format qu’elles introduisent, et la réponse est plutôt positive. Graham McNeill brasse suffisamment large pour que la grande majorité de ses lecteurs trouve au moins une raison de suivre les aventures de son héros grisonnant au pays de l’alcoolisme morbide et des moustaches en fer à cheval. Thriller gore, péripéties med-fan, intrigues politiciennes, pourvoyeur de fluff, The Ambassador coche toutes ces cases, et probablement d’autres (il faudrait que je relise les bouquins), et est une lecture conseillée2 pour tous les hobbyistes s’intéressant au traitement réservé au Monde qui Fut par la Black Library. Je sais qu’il en reste.

1 : Et à la pratique du jogging par les chevaliers impériaux. Les vieux s’en souviendront.

: Ce n’est pas pour rien que l’ouvrage a été élevé au Black Library Hall of Fame en 2016. Une distinction d’assez peu de poids, je vous l’accorde, mais méritée quoi qu’il en soit.

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A Fool’s Bargain (Inferno!#25) – Maycock [WFB] :

INTRIGUE:

WFB_A Fool's Bargain

Art: Des Hanley

Alfredo Landi Naddeo est un marchand de curiosités prospère, son vaste achalandage de biens merveilleux autant qu’utiles (et parfois efficaces), sa science du négoce et le trio de gardes du corps mutants qui empêchent les clients potentiels de sortir de son échoppe avant d’avoir acheté un petit quelque chose lui ayant permis de vivre confortablement depuis la regrettable mise à sac de son précédent commerce. Lorsqu’un mercenaire ayant connu de meilleurs jours pousse la porte de sa boutique à la recherche d’une arme magique qui lui permettrait de se tailler un chemin sanglant dans la hiérarchie des condottiere tiléens, Alfredo se fait une joie de proposer à sa nouvelle victime connaissance d’acquérir la légendaire épée du Seigneur Mobach, une lame enchantée qu’il vient justement d’intégrer à sa collection…

AVIS:

À la question, des plus légitimes ici, de savoir combien de pages sont nécessaires à l’écriture d’une nouvelle à twist (la catégorie reine du genre) se déroulant dans l’une des franchises de la Black Library, Brian Maycock répond posément « 5 », et délivre une véritable masterclass de construction narrative avec A Fool’s Bargain. Ne négligeant aucun aspect de sa prose, qu’il s’agisse de l’instillation d’une atmosphère distinctive ou le développement du caractère de ses personnages, Maycock agence avec talent les multiples éléments nécessaires au récit d’une histoire digne de ce nom, pour un résultat simplement satisfaisant. Cela peut paraître peu, mais, je vous l’assure, c’est une des plus hautes distinctions que je puisse accorder à une nouvelle.

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The Deep (Inferno!#25) – Davidson [WFB] :

INTRIGUE:

WFB_The Deep

Art: Tiernen Trevallion

Alors qu’ils venaient de quitter le port de Luccini à bord d’un sous-marin de leur conception afin d’explorer les légendaires ruines de Thantis Tor, Hundri et ses compagnons de la Guilde des Ingénieurs sont envoyés par le fond à la suite de l’explosion de la chaudière du submersible. Échoué par grand fond à proximité d’une fosse océanique et à moitié enseveli par les rochers qui ont freiné sa chute, le vaisseau des Dawi est en piteux état, mais pourrait tout de même les ramener à la surface s’il est convenablement dégagé et réparé. Alors que les survivants s’activent pour se tirer de ce mauvais pas et qu’une ambiance délétère s’installe dans l’équipage1, les disparitions suspectes et les incidents malheureux s’enchaînent à un rythme inquiétant. Hundri en est convaincu, un saboteur est présent à bord, mais qui est-il, et quels objectifs poursuit-il ? Se pourrait-il vraiment que les mystérieux gardiens de Thantis Tor soient responsables des déboires de l’équipage du Beardy McBeardface ?

1 : Davidson propose une version grimdark des 7 Nains (on ne sait pas qui est Blanche-Neige par contre), avec un casting du tonnerre : Hundri, Cramé, Noyé, Suicidé, Tabassé, Fou à Lier et… Thon. Oui, Thon. Pour un sous-marinier, avouez qu’il a le nom de l’emploi. 

AVIS:

Un thriller mâtiné d’horreur se déroulant dans l’environnement claustrophobique à souhait d’un sous-marin nain échoué au fond de l’océan à proximité d’un temple englouti ? Relisez cette phrase lentement et essayez de trouver un seul élément qui ne soit pas super cool. Franchement, les contributeurs de la BL savaient pitcher des idées géniales à l’époque, et on ne peut que s’interroger sur le choix de cette dernière de ne pas inclure The Deep dans un des nombreux recueils ou anthologies de nouvelles publiés au fil des ans, où il aurait eu tout à fait sa place. En plus de proposer au lecteur une plongée (wink wink) des plus originales dans le background, voire carrément l’underground de WFB, Davidson tient le lecteur en haleine en mettant en scène avec brio la descente aux enfers des passagers du sous-marin, alors que la suspicion, la dépression et l’aliénation s’abattent sur eux au fur et à mesure que leur nombre décroît. Thantis Tor et ses mystérieux gardiens ajoutent une couche de surnaturel très bienvenue aux tribulations désespérées de l’équipage du sous-marin, dans une adaptation libre et réussie des 10 Petits Nègres (ou peut-être devrait-on parler des 7 Petits Nains ?) à la sauce Abyss. Seule la conclusion de l’histoire laisse un peu à désirer, les motivations du coupable n’étant jamais vraiment explicitées, ni suggérées. Il serait toutefois dommage de bouder son plaisir devant cette authentique pépite du corpus de la Black Library, une de celles qui vous motive à persévérer dans cette occupation, qui peut se révéler assez frustrante à la longue. Seven little dwarves playing hide-and-seek. One was never found and then there were…

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Voilà qui conclut cette première livraison de raretés historiques de la Black Library. J’espère que sa lecture vous en a été agréable, voire, qui sait, vous a motivé à investiguer vous-même l’imposant corpus de la maison (d’édition), à la recherche de vos propres pépites. Et il y en a, je peux vous l’assurer. Quant à moi, je vous dis à bientôt et vous donne rendez-vous dans pas trop longtemps (probablement après la sortie du prochain – nouveau – numéro d’Inferno!, à la fin du mois d’Octobre) pour une nouvelle revue critique de quelques incunables.

THE LAST CHANCERS by GAVIN THORPE

Bonjour à tous ! Aujourd’hui, je vous propose de faire un tour aux quasi-origines de la Black Library, à l’époque où tout restait à faire, où les auteurs avaient encore loisir de développer des idées un tantinet originales*, et où un Gavin Thorpe encore glabre faisait ses grands débuts dans le monde impitoyable de la fantasy. Bienvenue lecteur dans la chronique d’un mythe fondateur du background de Warhammer 40.000 : la trilogie Last Chancers.

* : « Et si vous nous écriviez une petite histoire de Space Marines ? »
« Tu veux parler de ces surhommes génétiquement modifiés, incapables de ressentir la peur, endoctrinés jusqu’au trognon et rigoureusement imperméables à l’humour ? »
« C’est ça. »
« Ecoute, je vais être tout à fait franc avec toi : je préfèrerais écrire la biographie de Peggy la Cochonne en dix volumes et la traduire en farsi plutôt que de me lancer dans cette purge. Sérieusement les mecs, vos Space machins sont des stéréotypes de héros d’action à peu près aussi savoureux qu’un bol de gravier arrosé au Roundup. À la rigueur, si vous me permettiez d’écrire un pastiche un peu grinçant soulignant le côté ridiculement trotrodark de votre univers… Qu’est-ce que vous diriez d’un chapitre dont l’emblème serait un balai chiotte géant ? »
« Ça ne va pas être possible Mr Bayley. »
« Dommage. Je continue à bosser sur le synopsis de Eye of Terror alors. »
« S’il vous plaît. »

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Couverture de l’omnibus:

Omnibus (Last Chancers)

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Couvertures alternatives:

Couvertures Alternatives (Last Chancers)'

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Le contexte:

1999. En cette fin de millénaire, la Black Library s’apprête à fêter ses deux ans d’existence. Créée à l’origine pour assurer la publication de nouvelles, via le mensuel Inferno!, la maison d’édition de Games Workshop s’est mise progressivement à proposer des romans dépeignant les aventures de personnages emblématiques des deux univers de l’enseigne. Après avoir mis sur le marché les premiers tomes de sagas aujourd’hui mythiques (Gotrek & Felix, Gaunt’s Ghosts, Ragnar), la Black Library décide de donner sa chance à un collaborateur régulier de la maison mère, le fringant Gavin Thorpe.

Le projet de notre homme est assez original, puisqu’il se propose de relater les pérégrinations d’une bande de légionnaires pénaux, chargés d’accomplir le sale boulot de l’Imperium afin de se racheter aux yeux de l’Empereur et de leur impitoyable officier, le colonel Schaeffer. Une sorte de négatif des gentillets Fantômes d’Abnett, directement calqués sur le modèle des 12 Salopards (film de Robert Aldrich sorti en 1967), et dont la sortie est annoncée par la publication de la nouvelle Deliverance dans le White Dwarf de Décembre 1999 (traduite en français dans le WD d’Octobre 2002).

La jeunesse de la Black Library, le climat d’enthousiasme entourant la société à l’époque (lancement prochain du jeu Seigneur des Anneaux, acquisition de Sabre Tooth Games, début du passage au tout plastique…), et la notoriété de l’auteur parmi les membres de la communauté, expliquent sans doute pourquoi Thorpe a été autorisé à explorer cet aspect, somme toute assez marginal, de l’univers de Warhammer 40.000. À l’heure où les lignes éditoriales (SM, SM pendant l’hérésie, aventures-d-un-personnage-nommé, SM, le-dernier-tome-d-une-série-bien-établie, SM…) de la BL semblent gravées dans l’adamantium, le degré de liberté caractéristique de cet âge révolu ne manque pas d’attractivité pour le lecteur prêt à sortir des sentiers battus.

On ne peut que spéculer sur les ambitions nourries par les pontes de la Black Library au sujet de cette série, dont la postérité n’est pas aussi grande que certains des travaux publiés sur la même période. Le fait que la saga Last Chancers se décline en trois volets, format star de la maison, laisse penser que cette dernière a néanmoins su trouver son public, même s’il est aujourd’hui évident qu’Abnett et ses Tanith ont gagné la bataille de la popularité face aux bad boys de Thorpe dans la catégorie Garde Impériale*, si bataille il y eut jamais. Le premier des deux larrons étant en effet un auteur professionnel, alors que le second travaillait à l’époque comme concepteur de jeux pour Games Workshop, il était peut-être prévu dès le début de clore les débats après le troisième tome (laissant ainsi à Gavin l’opportunité de travailler sur la trilogie Slaves To Darkness, publiée entre 2002 et 2004). Pour ma part, j’interprète le hiatus de deux ans et demi entre la sortie de Kill Team (Octobre 2001) et celle de Annihilation Squad(Mars 2004) comme le signe d’un flop relatif, même si d’autres explications peuvent également être avancées.

Quoiqu’il en soit, les Last Chancers de Thorpe ont néanmoins réussi à laisser leur marque dans le background de 40K, comme tout vétéran du hobby vous le confirmera. En plus des romans, Schaeffer, Kage et les autres ont en effet eu l’honneur de bénéficier d’une entrée dans le Codex Garde Impériale de 2005 (et possiblement dans les précédents, que je ne possède pas**), ainsi que de leurs propres figurines, dont la sortie s’est accompagnée d’un complément de règles permettant d’aligner douze Last Chancers contre une armée entière (on reconnaît bien la patte de Jervis « pour la beauté du geste » Johnson derrière cette initiative, qui a sans doute permis à certaines des parties les plus déséquilibrées de l’histoire du jeu d’avoir lieu). Il est cependant à noter que les figurines en question ne représentent qu’une partie des personnages développés par Thorpe dans sa série, un certain nombre d’éminents Last Chancers s’étant faits refouler au casting, à commencer par l’iconique Lieutenant Kage (un comble, puisqu’il s’agit du narrateur des romans).

*: Ne comptez pas sur moi pour passer à Astra Militarum. Le Garde Impérial meurt mais ne se rend pas.

**: Gavin précise que Schaeffer et ses Last Chancers ont été créés par Ian Pickstock et lui-même, et que leur première apparition remonte au Codex V2 de la Garde Impériale. Plus tard, Rick Priestley [i]himself[/i] apportera sa patte au travail de ses deux collègues (mais dans quelles proportions, mystère).

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L’intrigue:

Pas de grandes surprises à ce niveau-là, puisque le lecteur a exactement droit à ce qu’il attendait, c’est-à-dire au récit des aventures de Kage et de ses collègues légionnaires pénaux, chargés par Schaeffer des missions les plus dangereuses du secteur. Les Last Chancers ont en effet beau être un ramassis de criminels aux casiers judiciaires plus épais qu’un sarcophage de Dreadnought Ironclad (ou pas, voir la section Personnages), ils sont avant tout des super soldats, experts en leur domaine, et qu’il serait donc dommage d’assigner à des tâches aussi ingrates que le déminage de spore mines à coups de bâton, la montée en première ligne contre un bastion tenu par une grande compagnie d’Iron Warriors, ou encore l’identification des victimes d’une épidémie de Pourriture de Nurgle, activités couramment proposées aux légionnaires pénaux classiques.

Les trois romans de la série donnent ainsi à Kage et à ses potes l’occasion de participer à des projets aussi grandioses et létaux que l’assassinat d’un Commandeur Tau séditieux (sur le propre monde de ce dernier), le « sauvetage » d’Herman von Strab, gouverneur planétaire émérite et complétement barge d’Armageddon, ou encore la mise en surchauffe des réacteurs à plasma d’une cité fortifiée rebelle. Inutile de préciser que le taux de survie parmi nos héros n’est donc pas terrible, Schaeffer et Kage étant souvent les seuls à émerger en un seul morceau de ces charmantes promenades de santé.

Outre cette trame classique, qui sera répétée avec quelques variations tout au long de la saga, Thorpe choisit d’initier le lecteur au tortueux cheminement intellectuel et philosophique de Kage, qui, de candidat avoué à la désertion au début de la série, se mue petit à petit en victime et complice consentante de son terrible supérieur. Cette soif de rédemption mâtinée d’un zeste de syndrome de Stockholm est de plus corsée par la folie croissante de Kage, qui de sale type lambda à l’ouverture de 13th Legion (on apprend qu’il a atterri chez les Last Chancers pour avoir poignardé un supérieur indélicat lui ayant piqué une de ses conquêtes féminines) se change petit à petit en psychopathe sadique de haut vol. Rajoutez à ce charmant tableau des migraines post-traumatiques régulières et un potentiel psychique latent, et vous aurez une bonne idée de la personnalité du Lieutenant Kage.

La situation se gâte toutefois fortement dès que l’on se penche sur les péripéties, dont l’examen révèle de nombreuses incongruités et autres zones d’ombre, que l’auteur ne se donne pas souvent la peine d’expliciter. Par exemple, Schaeffer emmène ses hommes sur le monde jungle de False Hope, soi-disant pour y enquêter sur la présence de Lictors, capables d’attirer sur place la flotte ruche Dagon (wink wink). Outre le fait qu’on leur souhaite bien de la chance pour mettre la main sur des prédateurs aussi furtifs, cachés quelque part sur une planète totalement recouverte par la forêt primaire, j’ai du mal à comprendre ce que Schaeffer espère accomplir par là, même en cas de réussite. Si, par miracle, lui et ses hommes arrivent à faire la peau à tous les Lictors présents sur False Hope, il n’a en effet aucune garantie que les messages envoyés par ces derniers à la flotte ruche n’aient pas déjà atteints cette dernière, qui viendra donc tondre à ras ce monde hostile de toute façon.

Autre exemple, la facilité avec laquelle l’inquisiteur Oriel (le supérieur direct de Schaeffer), réussit à piquer, puis à utiliser, les stocks de bombes virales de la cité fortifiée et hyper sécurisée de Coritanorum, au nez et à la barbe des quelques 700.000 soldats qui la défendent. Je précise que le bon inquisiteur opère en solo derrière les lignes ennemies, et semble bien sûr toujours savoir où intervenir pour faciliter la progression des Last Chancers (sinon c’est pas drôle). Malgré tous ses talents d’infiltrateur, Oriel est toutefois incapable de coincer le Genestealer qu’il a malencontreusement libéré dans Coritanorum, et s’est empressé de fonder un culte qui a saisi le pouvoir en deux temps trois mouvements, provoquant la rébellion de la cité. Bon, d’accord, ça a plutôt pris quelques mois, voire quelques années, mais comme Oriel a un égo surdimensionné, il a préféré tenter de régler ce petit problème tout seul (sans grands succès malheureusement), plutôt que de passer un coup de fil à la hot line de la Deathwatch. Au final, notre bras cassé d’inquisiteur préfèrera envoyer ses séides faire exploser Coritanorum (et ses trois millions d’habitants) afin de s’assurer que les informations top secrètes conservées dans les banques de données de la cité ne tombent pas dans les griffes des tyrannides… que je ne savais personnellement pas capable d’assimiler des connaissances stockées sur disques durs par voraces interposés. On notera au passage que cet acte désespéré n’empêchera absolument pas la flotte ruche de venir se garer en orbite autour de la planète de feu Coritanorum, et donc de potentiellement accéder aux données qu’Oriel voulait à tout prix garder secrètes, sous réserve qu’une autre cité majeure tombe aux mains ( ?) des nides (hypothèse fort probable).

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Ces deux exemples viennent prouver que si Gavin Thorpe est tout à fait capable d’écrire des synopsis solides, détaillés et assez alléchants (je suggère fortement à tous les anglophiles de faire un tour sur le blog du bonhomme, Mechanical Hamster, où sont postés les synopsis de 13th Legion et de   Annihilation Squad), il pêche en revanche au moment de la mise en pratique de ses idées, qu’il couche sur le papier sans s’assurer de leur cohérence par rapport à l’histoire (un travers dans lequel ne verse pas Abnett, et qui explique en partie pourquoi ce dernier est aujourd’hui justement considéré comme la meilleure plume de la BL). Le diable se cache dans les détails…

On pourra me répondre que la responsabilité est partagée entre l’auteur et son éditeur, dont c’est le rôle de relever les passages peu clairs d’un manuscrit afin que le premier les retravaille, et on aura parfaitement raison. Cela dit, je doute fortement que les standards de la BL en la matière soit particulièrement exigeants, opinion blasée se basant sur la lecture d’ouvrages truffés de scories narratives (comme   celui-ci ou celui-là), et à côté desquels l’œuvre de jeunesse de Thorpe apparaît comme exempte de tout soupçon.

Une dernière remarque, cette fois centrée sur le premier tome de la série, 13th Legion. À la différence de ses deux successeurs, cet ouvrage ressemble plus à une collection de nouvelles mettant en scène les Last Chancers qu’à un roman en bonne et due forme. Thorpe enchaîne en effet les péripéties (trek sur un monde jungle hostile, crash sur une planète prison colonisés par des termites géantes agressives, défense face à une attaque de pirates Eldars Noirs, participation éclair à une campagne contre des Orks sur un monde de glace…) avec une brutalité laissant planer le doute sur la présence éventuelle d’un véritable fil conducteur. Le dernier tiers du roman permet à l’auteur de justifier son approche pour (essayer de) faire croire au lecteur que ce rythme narratif elliptique jusqu’à la nausée était en fait un parti pris littéraire. D’un point de vue personnel, je n’ai pas vraiment été convaincu par les explications de Gav (qui m’a d’ailleurs confié qu’il s’agissait du point qu’il aimerait le plus modifier s’il en avait la chance), mais comme il s’agissait de son premier roman, je ne lui en ai pas tenu particulièrement rigueur. Il est à souligner que le deuxième tome de la série, Kill Team, pâtit lui aussi de la maîtrise approximative de Thorpe en matière de conduite de double intrigue, quoique de moindre manière. C’est en forgeant…

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Le style:

La première caractéristique notable de la série Last Chancers est l’usage d’une narration à la première personne, un choix pas si répandu parmi les auteurs de la Black Library. Le lecteur fait plus qu’adopter le point de vue du Lieutenant Kage, il vit l’histoire par ses yeux, et bénéficie en outre des incessantes réflexions que le héros de Thorpe formule à propos de sa situation, de ses compagnons d’infortune, du fonctionnement de l’Imperium, des Xenos qu’il croise de temps à autres, ou encore de la composition de son dernier déjeuner. Kage étant un penseur prolixe, il est conseillé au lecteur de se préparer à composer avec ses récurrentes digressions, qui constituent une partie importante des romans. Ceci étant dit, Thorpe réussit à rendre ces passages assez distrayants, en grande partie grâce au caractère subversif et direct de son personnage, qui, s’il n’est pas vraiment causant, n’en pense pas moins.

J’ai déjà pu évoquer dans d’autres chroniques l’existence du fameux (ou pas, à vous de me dire) « BL style », familier à tous les lecteurs vétérans de cette maison d’édition. Gavin Thorpe étant à mes yeux l’un des créateurs de cette école, du fait de son influence sur le jeu et le background général (il a été un temps « Maître du Savoir » de Games Workshop), des livres d’armée et codex auxquels il a contribué, et évidemment par le biais de ses romans, il est somme toute normal que la série Last Chancers ne surprenne ni en bien ni en mal à ce niveau. Descriptions, dialogues, scènes d’action : tous les éléments constitutifs de ces romans cadrent rigoureusement avec le cahier des charges de la BL, et donnent un ensemble honnête et relativement plaisant à lire, à défaut d’être follement original.

Cela étant dit, certains passages se sont avérés être assez jouissifs à parcourir, Gav lâchant la bride de sa plume (ceci est une figure de style non homologuée) et gratifiant son public de petites perles de noirceur, souvent à base de violence totalement gratuite et immorale, tranchant fortement avec les conventions de la BL en la matière (les méchants commettent des actes immoraux* parce qu’ils sont méchants, les gentils peuvent éventuellement en faire de même lorsqu’ils n’ont absolument pas le choix, qu’ils savent ou pensent qu’il s’agit de l’option la moins pire, ou parce qu’il s’agit d’un aspect de leur culture).

Dans la plupart des cas, il s’agira d’un pétage de plombs en bonne et due forme de la part de Kage, qui massacrera par exemple à mains nues un de ses codétenus, qu’il soupçonnait (à tort) d’avoir comploté avec les Eldars Noirs ayant attaqué le vaisseau des Last Chancers dans 13th Legion. Le pauvre type en question, auparavant tabassé tous les quatre matins par un Kage l’ayant pris en grippe pour des raisons assez nébuleuses, se fera ainsi réduire en pulpe par ses petits camarades dans une scène rappelant fortement la mort de Simon dans Sa Majesté Des Mouches. D’autres passages de cet acabit, permettent à Thorpe de prouver la folie sous-jacente de son héros, qui sans ça aurait pu n’être qu’un bad-boy-asocial-mais-pas-foncièrement-mauvais de plus (à l’image d’un Mathias Thulmann, d’un Brunner ou d’une Angelika Fleischer). La première moitié de Kill Team est particulièrement riche à cet égard, Kage y étant dépeint comme l’authentique salopard empêtré dans une relation amour-haine avec Schaeffer qu’il aurait gagné à être de manière continue.

Premiers grands formats de Thorpe, 13th Legion et Kill Team (Annihilation Squad ayant été publié après la sortie de la trilogie Slaves To Darkness) présentent quelques lacunes absentes des travaux suivants de l’auteur. En plus des transitions brutales de 13th Legion, Thorpe articule assez mal le système de double intrigue qu’il cherche à mettre en place dans ces deux tomes, amenant le lecteur à ne pas accorder l’attention qu’ils méritent aux petits passages intercalés entre chaque chapitre, alors même qu’ils contiennent des éléments dont l’auteur se servira pour justifier les retournements de situation se produisant dans la dernière partie de l’histoire. À dire vrai, je pense même qu’il aurait très bien pu se contenter d’un seul fil narratif (celui de Kage et Cie) pour ces deux romans, la valeur ajoutée du deuxième angle d’attaque étant somme toute très faible. Ce sera d’ailleurs son parti pris dans le troisième volume de la série, Annihilation Squad, dont la qualité globale** est nettement supérieure à celle de ses préquelles. Kill Team souffre également d’une perte de rythme assez prononcée au milieu du récit, Thorpe relatant le voyage des légionnaires pénaux jusqu’à la planète de leur cible (le Commandeur Brightsword) sur une petite centaine de pages, durant lesquelles il ne se passe pas grand-chose. Les amateurs de fluff les plus extrêmes enrichiront certes leurs connaissances de la société Tau***, mais le reste des lecteurs trouvera sans doute le temps long, surtout après le rythme enlevé du tome précédent.

Thorpe éprouve également quelques difficultés à manager correctement son équipe de risque-tout, dont les effectifs sont bien sûr amenés à décroître régulièrement au fil des pages et de la mort des personnages. Ce manque de maîtrise se ressent particulièrement dans le final de 13th Legion, au cours duquel Gavin enchaîne les trépas avec un enthousiasme un peu forcé, recourant même à plusieurs reprises à une discrète liquidation « hors cadre » d’un side kick****. Kage aura alors cette phrase, que je trouve assez représentative des derniers chapitres du roman : « I feel a touch of sadness that he died alone and unnoticed ». La désinvolture avec laquelle Thorpe dézingue ses personnages est toutefois assez plaisante, en ce qu’elle reflète fidèlement l’atmosphère de risque permanent qui entoure les Last Chancers, dont le destin est une mort brutale dans l’exercice de leurs fonctions.

De manière générale, et si on écarte les quelques remarques précédentes, la série des Last Chancers se laisse lire sans problème, le dernier volet se démarquant comme le meilleur du lot au niveau du style.

*: Et encore, dans la limite du raisonnable. Il ne s’agirait tout de même pas de perdre des lecteurs dans la tranche d’âge de 10-15 ans pour cause d’écrits malséants. On évitera donc toute allusion sexuelle, sauf les plus édulcorées, et on prendra bien garde de ne faire trucider et torturer que des personnages adultes, de sexe masculin si possible.

**: Il est cependant à noter que ce dernier volet souffre du syndrome de la « conclusion accélérée », défaut partagé par de nombreuses publications de la Black Library. Quand je lui ai posé la question, Gavin m’a assuré qu’il s’agissait d’une décision personnelle (l’autre hypothèse étant un nombre de pages à ne pas dépasser), visant à retraduire l’urgence de la situation à laquelle les héros doivent faire face. Vu comme ça… Dernière remarque sur le sujet : le synopsis prévoyait une conclusion assez différente de celle qui figure dans le livre, qui achève la série par un magistral cliffhanger inversé (je me comprends).

***: Végétarien nocturne à tendance frugivore, le Tau de Thorpe construit des escaliers sans rampe car, se déplaçant toujours à l’allure d’une tortue cacochyme, il n’a pour ainsi dire aucun risque de chuter en grimpant les marches. Véridique.

****: «Le groupe fit une pause et Kage bailla profondément. Quand il rouvrit les yeux, il constata que son vieux pote Johnny la Durite avait été coupé en deux par un tir de canon laser. Bob avait été dispersé sur 30 mètres par l’explosion d’une mine antipersonnelle. Steven venait de se faire avaler par un boa constrictor et Joe avait été écorché, tanné et transformé en canapé pur cuir par un gang d’Eldars Noirs en maraude. »

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Les personnages:

Comme on peut s’y attendre de la part d’une série dont les héros sont des condamnés à mort en sursis auxquels sont assignées les missions les plus dangereuses qui soient, la saga Last Chancers connaît un turn over assez important d’un tome à l’autre, seuls quelques personnages parvenant à survivre assez longtemps pour figurer dans plusieurs romans.

Kage: Nicolas de son petit nom (nan je déconne), anti-héros de la série, et narrateur des aventures des Last Chancers, qu’il incarne tellement bien que Schaeffer le surnommera Last Chance durant une bonne partie de Kill Team*. Kage est un survivant né doublé d’un sale type, traits de personnalité qui l’ont conduit à intégrer la 13ème Légion Pénale (deux fois de suite !), et à devenir l’âme damnée de Schaeffer. Capable de crises de violence et de sadisme (franchement revigorantes pour le lecteur, beaucoup moins pour ses petits camarades de jeu), il est cependant loin d’être une simple brute décérébrée (même s’il est de son propre aveu quasiment analphabète). Après avoir obtenu son pardon à la fin du premier tome, il dérape suffisamment sérieusement quelques mois plus tard pour être à nouveau affecté aux Last Chancers, sans espoir de sortie cette fois-ci. Cette absence d’échappatoire le poussera cependant à rechercher une rédemption hypothétique en accomplissant son devoir au service de l’Empereur, seul capable de racheter les innombrables crimes qu’il a commis au cours de sa misérable existence.
Son évolution au cours des deux premiers tomes de la série (le troisième voyant Thorpe justifier les aspects les plus extrêmes de la personnalité de son héros de manière exogène, ce qui à mon sens lui fait perdre un peu d’intérêt), la complexité de son caractère et ses relations ambigües avec Schaeffer font de Kage une des raisons principales justifiant la lecture des romans Last Chancers. Dernière précision, si vous aimez le personnage de Marv dans Sin City, il y a de fortes chances que le Lieutenant Kage vous soit sympathique, tant Gav semble avoir calqué son personnage que celui de Frank Miller.

*: D’après une idée de Kage, qui avait lui-même précédemment affublé chacun de ses petits camarades d’un surnom reflétant ses capacités (Sharpshooter, Demolition Man, Flyboy…) ou sa mentalité (Hero) afin de détruire leur personnalité ou quelque chose comme ça (qu’est-ce qu’on s’amuse). On notera au passage que Hero et Demolition Man sont les seuls Last Chancers ayant eu une figurine officielle (en plus de Schaeffer).

Kage

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Schaeffer: Chef emblématique et redouté de la 13ème Légion Pénale, le Colonel Schaeffer est un fanatique du plus bel acabit, dont la mission est de sauver l’âme des malheureux qui lui tombent entre les mains, en leur offrant la chance et l’insigne honneur de mourir au combat contre les ennemis de l’Imperium. Absolument dénué de tout scrupule, Schaeffer fait toujours primer la réalisation des missions qui lui sont confiées sur le bien-être et la survie de ses hommes, ce qui lui réussit assez bien puisqu’à date, il n’a jamais connu l’échec. S’il ne voit pas d’inconvénients à abandonner des soldats blessés dans un avant-poste déserté au milieu d’un monde hostile, à dépressuriser un sas rempli de légionnaires pénaux pour empêcher une poignée de pirates Eldars d’accéder à la salle des machines, ou encore à réduire en poussière une ville de trois millions d’habitants pour être sûr d’annihiler un culte Genestealer, il est en revanche prêt à mettre sa vie en péril pour assurer le salut de l’âme de ses ouailles. Prêt à toutes les bassesses pour « recruter » des profils qu’il juge prometteur (« au fait, ta peine de cinq ans de prison pour vol avec violence a été commuée en perpétuité incompressible ! Merci qui ? »), il se montre toutefois fidèle à sa parole en toutes circonstances, et accordera bien son pardon à quelques de Last Chancers vraiment chanceux (c’est le cas de le dire) au cours de la série, la plupart du temps à titre posthume il faut bien le dire.

Autre trait de personnalité empêchant Schaeffer d’être absolument antipathique au lecteur, son inflexible courage, le bonhomme ne délégant à aucun autre le soin de mener la 13ème Légion Pénale au combat. Si personne ne sera surpris d’apprendre que le bougre est également un soldat d’exception, capable de transformer un Carnodon adulte en carpaccio en un battement de cils, il est intéressant de noter qu’il semble disposer d’une bonne étoile de la taille d’une supernova, ce qui lui permet de sortir indemne des mêlées les plus féroces (un avantage certain dans sa profession). S’il lui arrive de prendre une balle perdue de temps à autre, il peut cependant compter sur ses relations privilégiées avec l’Inquisition pour être remis à neuf dans les plus brefs délais, et, contrairement à la mode répandue des augmétiques qui sévit en cette fin de quarantième millénaire, toujours de manière 100% organique. On lui fait ainsi « repousser » un bras à la fin de 13th Legion, et on apprend dans Annihilation Squad que sa colonne vertébrale a été pareillement reconstruite (après un pari débile*), tandis qu’il doit son fameux regard bleu azur à la « généreuse » donation d’un prêtre de mars renégat. Avec ses 300 ans bien tassés (Gavin laisse volontairement le lecteur dans l’ombre à propos du passé de son personnage, dont on ne peut qu’essayer de deviner pourquoi il a été affecté à ce poste ingrat et dangereux, alors qu’il semble avoir toutes les qualités requises pour grimper les échelons au sein de la Garde Impériale**), le Colonel Schaeffer tient plus du PNJ increvable d’un FPS futuriste que de l’être humain normalement constitué, et c’est son opposition, ainsi que sa paradoxale complémentarité, avec Kage (avec qui il forme un joli couple sadomasochiste) qui lui permettent d’exister en tant que protagoniste.

*: « Chiche que tu n’es pas capable de servir de rampe de skate à un Land Raider ! » « Avec ou sans escouade Terminator en soute ? » « Euh… sans. » « Pas de problème, je marche. »

**: J’ai avancé l’hypothèse que Schaeffer cherchait à expier un pêché particulièrement grave en accomplissant le sale boulot de l’Impérium et en permettant à des criminels de la pire espèce de sauver leur âme, et Gavin m’a laissé entendre que je n’étais pas si éloigné de la vérité, qu’il dévoilera peut-être un jour.

Schaeffer

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Oriel: Inquisiteur de l’Ordo Xenos de son état, Oriel est présenté comme le supérieur officieux de Schaeffer, auquel il confie les principales missions relatées dans le premier et le deuxième tome de la série (pour le troisième, il se contente de « recommander » les états de service impeccables du Colonel à un collègue, qui débauche donc les Last Chancers et les envoie sur Armageddon récupérer Herman von Strab). Le fait qu’il œuvre pour la très Sainte Inquisition permet à Oriel de savoir à peu près tout sur tout, de manier des gadgets rigolos et hors de prix, et de se lancer dans des projets grandioses sans avoir besoin de se justifier, ce qui est plutôt pratique étant donné la capacité de notre ami à se rater dans les grandes largeurs. Le Genestealer malencontreusement relâché sur Coritanorum, c’est lui. La lobotomie sauvage de Kage, soi-disant pour purger son cerveau des « humeurs malignes » qu’il contenait, c’est encore lui. Le quasi intouchable infiltré au sein des Last Chancers pour contenir le potentiel psychique latent de ce même Kage (avec des résultats très concluants…), c’est toujours lui. Il aime également agir selon des plans aussi secrets que retors, et que personne ne remet en question quand il se décide à les expliquer uniquement parce qu’il serait capable d’ordonner un Exterminatus sur la planète d’origine de ses contradicteurs. Cependant, tel le Zlatan du 41ème millénaire, il possède le talent rare d’être toujours au bon endroit au bon moment (particulièrement dans 13th Legion), ce qui lui permet de débloquer des situations apparemment impossibles* en un claquement de doigts. La classe.

*: Bon, alors comment vais-je bien pouvoir faire rentrer mon escouade de Légionnaires Pénaux dans une forteresse hyper sécurisée (pensez à Minas Tirith, mais capable de résister à un bombardement orbital), sur laquelle la toute-puissante Garde Impériale se casse les dents depuis plusieurs années ? Bof, on va dire que quand les Last Chancers arrivent aux portes des murs extérieurs, un « mystérieux allié » aura libéré un gaz mortel dans les conduits d’aération de la casemate de garde, ouvert les portes et disparu dans la nature. D’une élégante simplicité.

Oriel

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Lorii & Loron: sont dans un bateau une tranchée. Loron tombe à l’eau se prend un tir de laser dans la jambe. Qui reste-t-il ? Réponse : Lorii et Loron, la première ramenant le second à bon port au péril de sa vie et au mépris des ordres reçus, ce qui conduit nos deux inséparables (frère et sœur dans le civil) à se retrouver mutés parmi les Last Chancers pour insubordination. Maintenant, un petit test de vos connaissances de fluffiste : si je vous dis que Lorii et Loron sont de redoutables soldats albinos et les derniers survivants de leur unité, qui s’est faite décimer malgré la très haute qualité intrinsèque de ses membres, vous me répondez du tac au tac qu’il s’agit selon toute évidence…

d’Afriels, c’est-à-dire des résultats mitigés d’une expérience eugéniste classique, à savoir utiliser les gènes des plus grands héros de l’Imperium (ici, rien de moins que Macharius himself, dont on aurait prélevé la semence à son insu*) pour créer des super soldats. Pour des raisons mystérieuses, il s’est toutefois avéré que ces derniers, pour très doués qu’ils se révèlent être, souffraient d’une malchance terrible, ce qui a mené à la rapide disparition de tous les cobayes après quelques succès prometteurs. Plus d’infos dans le WD#131.

Vous aviez trouvé? Bravo, vous êtes un vrai spécialiste dans un domaine rigoureusement inutile, et vous irez loin dans la vie sous réserve que cette dernière soit en pente. Si non, tant pis, vous n’êtes qu’un être humain presque normal (car un être normal ne serait pas en train de lire ces lignes, soyons honnêtes), mais je vous aime bien quand même.

Pour en revenir à nos deux moutons noirs blancs noirs, s’ils n’occupent pas un rôle de tout premier plan dans la série, ils font toutefois partie des Last Chancers les plus iconiques, et pas uniquement à cause du prénom particulier de la demoiselle. On notera au passage qu’ils sont, de son propre aveu, les personnages préférés de l’auteur, ce qui n’a pas empêché Gav de les faire mourir de la manière la plus cavalière/douloureuse qui soit. Qui aime bien…

*: « Mais, qu’est-ce que vous êtes en train de faire ? Et pourquoi vous avez les mains sur mon -»
«Ah, pardon, je croyais que c’était la télécommande de la climatisation. Héhé. »

Les Last Chancers de 13th Legion: Ramassis de fripouilles et de canailles de la plus belle espèce, les premiers Last Chancers sont les sujets non consentants d’une expérience sociologique menée par Schaeffer et Oriel, et qui peut être résumée de la façon suivante : prenez 4000 criminels endurcis, et balancez les sur les missions les plus pourries que vous puissiez imaginer, jusqu’à ce que ne reste qu’une poignée de survivants complètement barges. Confiez ensuite à ce reliquat psychotique et instable la tâche d’infiltrer une cité rebelle afin d’en surcharger les réacteurs à plasma. Occupez les trois années nécessaires à ce processus d’affinage à courir après le Genestealer que vous avez malencontreusement libéré à l’intérieur de ladite cité, et dont la rébellion est donc entièrement de votre faute. Tout simplement brillant! Wait…

Même si la plupart des camarades de Kage sont davantage esquissés que réellement dépeints en profondeur, je reconnais volontiers que Thorpe a bien réussi à individualiser ses personnages, dont la mort ne laisse donc pas aussi indifférent que ce qu’on pourrait penser de prime abord. Entre Franx, l’ancien paysan incapable de construire une phrase grammaticalement correcte, Kronin, l’aliéné ne s’exprimant plus que par des citations tirées du crédo impérial, Linskrug, le noble esclavagiste rêvant de prendre sa revanche sur ses anciens rivaux (Jorah Mormont, anyone ?), Rollis, la petite frappe que tout le monde déteste et prend plaisir à dérouiller, ou encore Striden, liaison terrain des artilleurs de la flotte impériale ayant rejoint les Last Chancers au début de leur mission finale parce qu’il n’avait littéralement rien d’autre à faire, c’est une ménagerie haute en couleurs que nous propose Gavin. Seul survivant (ou presque) de ce premier casting, Kage se considérera par la suite comme le dépositaire de la mémoire de ses camarades défunts, conviction qui le fera osciller entre mélancolie suicidaire et fureur de vivre animale au cours des deux autres tomes de la série.

Les Last Chancers de Kill Team: Alors que leurs défunts prédécesseurs avaient subi un écrémage en règle avant que ne se dessine l’ossature de l’escouade chargée de l’infiltration de Coritanorum, les Last Chancers du deuxième tome de la saga ont l’insigne privilège d’être sélectionnés directement par Kage parmi les pensionnaires du réservoir de talents de Schaeffer (une prison de haute sécurité où le colonel envoie les malheureux dont il pense pouvoir avoir besoin un jour, sans que la gravité de ce qui leur est reproché ne soit réellement prise en compte*), puis impitoyablement entraîné par ce dernier avant de partir en mission. Ce processus de recrutement, très différent de celui à l’œuvre dans 13th Legion, est de l’aveu de Gavin Thorpe, un clin d’œil appuyé aux 12 Salopards, modèle dont l’auteur avait cherché à se démarquer dans le premier opus.

Conséquence logique de ce draft introductif, les Last Chancers de Kill Team excellent tous dans un domaine précis, alors que les précédents n’étaient ni plus ni moins que les ultimes survivants du processus de décantation sadique de Schaeffer. On retrouve donc une tireuse d’élite ayant prêté le serment d’Hippocrate (elle refuse de se servir de ses armes pendant la plus grande partie du roman), un ex-commissaire au profil de gendre idéal, un ingénieur que l’on aurait pu considérer comme une copie conforme du Humpty Dumpty de Living Hell #2 (comprendre qu’il ne peut s’empêcher de démonter et « d’améliorer » les machines qui lui tombent sous la main), n’eut été le fait que Kill Team a été publié avant le comics de DC ; un expert en démolition, un scout, un pilote et un médecin. La construction du roman, leur relation de soldats à gradé vis-à-vis de Kage (qui ne noue pas des liens aussi forts avec ses « recrues » qu’avec ses anciens frères d’armes), la longue partie consacrée à la description de la société Tau, et la présence d’Oriel durant toute la durée de la mission sont autant de facteurs résultant en la mise au second plan de cette seconde fournée de Last Chancers, qui s’avère être globalement moins marquante que la précédente. On notera tout de même qu’il s’agit de la « promotion » ayant obtenu le meilleur ratio de survie de ses membres de la série (deux pardons accordés pre-mortem).

* : En clair, t’as pas intérêt à quitter la cantine sans débarrasser ton plateau quand Schaeffer est dans les parages, surtout si tu es un expert reconnu dans ce que tu fais. C’est un coup à se retrouver muté dans la 13ème Légion Pénale en moins de deux.

Les Last Chancers de Annihilation Squad: Pour cet ultime volet, Thorpe retourne à ses premières amours et choisit de faire passer à ses Last Chancers un casting similaire à celui utilisé dans 13th Legion, mais à une échelle moindre : au lieu de commencer avec un régiment complet de 4.000 hommes, Schaeffer doit en effet composer avec une trentaine de légionnaires, nombre qui sera rapidement divisé par trois afin d’obtenir un groupe de la taille requise. Outre un Kage passablement blasé, et dont l’ascendant sur ses petits camarades semble plus tenir à son statut de vétéran qu’à un rang quelconque, on retrouve un prodige du lance-roquette incontinent (Brownie Dunmore), un ancien para d’élite un peu snob (Festal Kin-Drugg), un Navigateur tout à fait snob (Kelth)*, un Intouchable mais pas tout à fait en fait (Gideonwink winkOahebs), un scribe ne parlant presque que par questions (Erasmus Spooge, premier et unique Last Chancer imposé à Schaeffer, qui ne l’aurait certainement pas intégré dans sa fine équipe sinon), un chasseur d’Orks des jungles d’Armageddon agoraphobe « recruté » en cours de route (Golder Fenn), et un mystérieux revenant d’un épisode précédent, dont l’identité peut être établie d’un simple regard sur la couverture du bouquin.

En plus des profils classiques de Last Chancers (Brownie, Kin-Drugg, Fenn, Kage), Thorpe a donc également inclus des personnages dont il avait besoin pour conclure son cycle de manière cohérente (Oahebs et Kelth, respectivement contrôleur et révélateur des capacités psychiques de Kage), ainsi qu’un type relativement normal (Spooge) afin de tirer sur la veine du buddy movie. Le résultat est assez plaisant, chacun remplissant son rôle de manière convenable au fil des différents tableaux se succédant au fil des chapitres.

*: que Schaeffer s’obstine à conserver dans le groupe durant tout le roman, pour la bonne et simple raison qu’on ne sait jamais, ça peut servir.

Herman von Strab: Même s’il n’apparaît qu’à la fin de Annihilation Squad, l’ancien gouverneur planétaire d’Armageddon s’avère néanmoins être un personnage crucial de la série, tant par son influence sur l’intrigue du dernier roman que par sa personnalité baroque et perverse, magnifiquement retranscrite par Thorpe. Apparaissant tantôt comme un despote sanguinaire et abruti par une ascendance fortement consanguine, tantôt comme l’otage impuissant et repentant des envahisseurs Orks d’Armageddon, et tantôt comme un fin stratège parfaitement conscient de son importance au niveau symbolique pour les deux camps et tout prêt à négocier son allégeance, von Strab est sans doute le personnage secondaire le plus réussi de la série.

Dignitaires Tau: Pas grand-chose à dire sur le sujet, mis à part que l’amiral créé par Gav porte le nom kikoolol d’El’Savon. Si si.

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Le fluff:

Si le premier tome n’est guère riche en informations intéressantes pour le fluffiste acharné, mis à part quelques éléments épars (extraits du Credo Impérial cités par Kronin, durée moyenne de service d’un régiment de la Garde Impériale, processus d’élection d’un Warmaster), les deux suivants en sont en revanche bourrées. Kill Team permet ainsi à Thorpe de brosser un portrait détaillé de la société Tau et de passer en revue de multiples aspects de cette dernière : technologie, philosophie, politique, régime alimentaire, architecture, cohabitation avec d’autres espèces… Il y en a vraiment pour tous les goûts. Dommage que le rythme de l’action s’en trouve considérablement ralenti.

Annihilation Squad est quant à lui consacré à la situation d’Armageddon au cours de la Troisième Guerre, avec un focus sur les fameux chasseurs d’Orks opérant dans les jungles de la planète et la complexe organisation sociale à l’œuvre dans la cité-ruche d’Acheron, prise par les Orks et gouvernée par leur allié/otage Herman von Strab. N’espérez pas y trouver des révélations fracassantes sur le futur de ce conflit, que GW se gardera bien de faire se terminer avant longtemps (à moins que les ventes de 40K baissent à tel point qu’il faille recourir à une astuce du type End Times pour les relancer), mais si ce théâtre d’opérations vous intéresse, il y a de très fortes chances pour que vous trouviez de quoi vous mettre sous la dent à la lecture du troisième tome de la série.

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Mon avis (que je partage):

La première série de Gavin Thorpe pour la Black Library est un objet littéraire intéressant à plus d’un titre. D’abord parce que s’y trouvent des passages que l’on ne trouve pas, et ne trouvera sans doute jamais, dans le reste des publications de la BL : Kage est un véritable ovni parmi les héros de romans GW, et même s’il a tendance à se « normaliser » dans le dernier tome, il réserve au lecteur quelques plaisantes surprises.
Ensuite, car il permet d’évaluer le reste de la bibliographie de Gav avec des yeux neufs. Sans pouvoir être qualifié de mètre étalon de la production de Thorpe, cet omnibus est suffisamment représentatif de la prose de notre homme pour que l’on puisse bien se rendre compte des progrès qu’il a faits depuis le début de sa carrière d’auteur professionnel. Certes, il reste encore des points à corriger (ce qui est le cas pour tous les auteurs de la BL, même ceux du peloton de tête), mais je ne crois pas me tromper en affirmant que ses derniers romans ont été globalement mieux accueillis que ses premiers, et que cette évolution favorable est en grande partie due à la montée en puissance de Thorpe en tant qu’écrivain. Cette évolution est d’ailleurs perceptible même au niveau de ce premier cycle, Annihilation Squad étant dans l’ensemble un meilleur ouvrage que 13th Legion (dénouement trop rapide mis à part).
Enfin parce que, tout compte fait, et en dépit des critiques formulées tout au long de cette chronique, la saga Last Chancers répond plutôt bien au cahier des charges de la Black Library, à savoir proposer aux lecteurs d’honnêtes romans de gare se déroulant dans les univers de Games Workshop. Au prix dérisoire où l’on peut trouver ces bouquins sur le marché de l’occasion, leur acquéreur fera quoiqu’il arrive une bonne affaire.

Au final, même si je ne recommanderais pas cette série au lecteur occasionnel de la Black Library, tant il est vrai qu’il existe une ribambelle de publications de meilleure qualité dans lesquelles claquer son argent durement gagné, je pense sincèrement que le fanboy initié et curieux pourrait bien trouver un plaisir coupable à la lecture de cet omnibus. Tu vois, le monde se divise en deux catégories…