WARHAMMER HORROR WEEK 2022

Bonjour à tous et bienvenue dans cette terrifiante (si si, je vous assure) revue de la Warhammer Horror Week 2022. Tradition désormais bien ancrée dans les usages et le calendrier de la BL, puisqu’il s’agit de la quatrième édition de ce mini-événement, la WHW se tient comme de juste pendant la semaine précédant Halloween, et fait la part belle aux histoires horrifiques qui bénéficient du sceau de cette franchise de la GW-Fiction.

Warhammer Horror Week 2022

Alors que les deux précédentes éditions avaient bénéficié de la plume de contributeurs déjà (un peu) connus, le cru 2022 se distingue par un casting entièrement constitué de newbies… ou presque (Chris Thursten a signé ‘Cauldron of Blood‘ et Jeremy Lambert ‘The House of Moons‘ en Juin 2022). L’occasion pour le lecteur curieux, et prêt à mettre le prix d’une belle anthologie (17.45€) dans six nouvelles, de se familiariser avec le travail de ceux qui seront, on leur souhaite, les Dan Abnett et Bill King de demain. Ou plus prosaïquement, de voir si ces nouveaux-venus sont capables de réaliser l’exploit de faire frissonner les êtres endurcis que nous sommes. Après tout, on ne sort pas indemne de tant de grimdark. Mais il ne sera pas dit que je ne laisserais pas sa chance à la promotion 2022, comme je l’ai laissé à ses prédécesseurs. Il se pourrait même que je sois équitable dans mes jugements…

Horror Week 2022

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The Pharisene Paradox – R. S. Wilt [40K] :

INTRIGUE:

The Pharisene ParadoxLaissé en faction sur une station d’observation perdue au milieu de rien par son maître, l’Inquisiteur Astero Yarvais, le héros de notre histoire (Eleasar) commence à s’ennuyer ferme. Voilà maintenant trois bons mois qu’il règne sur une petite armée de Serviteurs décérébrés, sans rien d’autre à faire que de garder un œil sur la nébuleuse Rho-386-Cummings. Si cette dernière intéresse Yarvais à tel point, c’est qu’elle est réputée pour accueillir des anomalies temporelles de façon régulière, et comme l’Inquisiteur appartient à l’Ordo Chronos, une surveillance de ces phénomènes s’impose.

La vigile d’Eleasar prend fin de façon brutale et inopinée avec l’arrivée d’un vaisseau cargo à proximité de son poste d’observation. Le Pharisene émerge en effet du Warp sans crier gare, et se dirige droit vers la station. Tellement droit d’ailleurs que l’Interrogateur de faction comprend vite qu’il devra se rendre à bord de ce qui lui semble être une épave à la dérive, si son aspect décati permet d’en juger, pour corriger sa trajectoire avant qu’une collision ne se produise. Si notre héros remarque avant de sauter dans sa navette que le Pharisene semble avoir appareillé de Calth dans un mois par rapport à la date actuelle (et donc dans le futur), il ne prête pas plus attention que ça à cette bizarrerie chronologique. Au contraire, et compte tenu de la spécialisation de son patron, cela lui donne espoir que ce bon vieil Astero soit aux commandes du rafiot, et que cette incongruité ait été causée par l’une de ses expérimentations avec le Warp. On verra bien…

Une fois arrivé sur place, il se fraye un chemin malaisé vers l’Enginarium du vaisseau, balade de santé un peu gâchée par les innombrables cadavres, plus ou moins récents, qui jonchent les coursives du Pharisene. Encore moins rassurant, il entend des pas résonner à proximité alors qu’il s’approche de sa destination. S’il reste des survivants dans cette épave désemparée, pas sûr qu’ils lui veulent du bien…

Début spoiler…Et en effet, la première rencontre qu’il fait avec l’équipage du vaisseau n’est guère amicale. Un individu à l’air louche le met en joue avec son pistolet bolter alors qu’il était sur le point de toucher au but. Mais là, surprise : à y regarder de plus près, ce quidam patibulaire n’est autre que… lui-même, mais avec un sérieux coup de vieux. Et en effet, son double du Pharisene lui apprend que cela fait quarante-sept ans qu’il attend le retour de Yarvais, porté disparu corps et bien avec le reste de l’Ordos il y a des décennies. Laissé à poireauter dans sa station par ses collègues de l’Inquisition, qui avaient tous mieux à faire que de récupérer un Interrogateur sans mentor, old Eleasar vit sa chance arriver lorsque le Pharisene se matérialisa pour la première fois à proximité de la station. Depuis lors, il essaie de remonter le temps, un saut Warp à la fois, grâce à l’anomalie Warp qui touche cet endroit de la galaxie. Pour ce faire, il enclenche puis désactive les moteurs Warp du Pharisene, ce qui le renvoie à chaque fois un peu plus loin dans son passé, et profite de la curiosité de ses alter égos, qui choisissent tous de se rendre sur le vaisseau abandonné pour s’enquérir de la situation, pour récupérer le matériel nécessaire à la réalisation du saut suivant. Et accessoirement, leur coller un bolt dans le caisson, car ces rencontres du troisième type ne se passent jamais bien1.

« Notre » Eleasar ne fait malheureusement pas exception, et décède violemment après avoir révélé à son doppelganger que Yarvais l’a laissé trois mois plus tôt, soit un dernier petit saut Warp pour Vieileasar. Altruiste malgré les centaines de meurtres (techniquement des suicides) qu’il a sur les mains, il ne cherche désormais qu’à convaincre l’Inquisiteur disparu de prendre sa version originale avec lui lors de son départ fatidique, afin de lui éviter le demi-siècle d’isolement (et probablement la folie profonde qu’elle a engendrée) qu’il a dû vivre sur sa station enclavée. Un dessein aussi altruiste qu’égoïste quand on y réfléchit…Fin spoiler

1 : Comme on dit chez les Highlanders, il ne peut qu’en rester un.

AVIS:

Pour ses débuts dans Warhammer Horror, R. S. Wilt ne choisit pas la facilité en se frottant à la redoutable boucle temporelle, qu’il est si difficile de mettre en place de façon convaincante et opérationnelle. Il s’en sort ici avec les honneurs, son histoire de naufragé spatial cherchant à remonter le temps pour éviter à son jeune lui la vie pourrie qu’il a vécue fonctionnant convenablement. On pourrait arguer que l’horreur promise n’est pas tout à fait au rendez-vous, en tous cas pas pour les standards plutôt élevés auxquels la littérature 40K classique nous a habitué, mais quitte à tout prendre, je préfère encore un auteur qui sait construire une intrigue solide mais se rate sur « l’enrobage » horrifique, que l’inverse. On verra ce que donnent les prochaines tentatives…

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The Stacks – C. Winterton [40K] :

INTRIGUE:

The StacksC’est la panique à la grande bibliothèque de Fransoimiterandia1. Cette noble et ancienne institution a en effet reçu la visite, pas franchement amicale, des saints mais peu patients Ordos, qui ont besoin d’un ouvrage bien particulier pour faire avancer une de leurs enquêtes. Petit problème : si la bibliothèque qui nous intéresse est le lieu parfait pour stocker des documents, elle est en revanche beaucoup moins au point pour les retrouver de façon rapide et fiable. Des générations d’adeptes ont passé leur vie à tenter de mettre au point un système d’archivage et de classement digne de ce nom, en pure perte. Cela a d’ailleurs tellement énervé le dernier Inquisiteur qui voulait récupérer ‘Martine sur le Trône d’Or’ pour un babysitting non planifié que ce dernier a décrété l’autodafé d’une partie des ouvrages, avec quelques archivistes ineptes en guise de bougies décoratives sur le haut du bûcher. Aussi, notre héroïne, la pâlotte mais consciencieuse Archivist-Praefectus Livia Tirio, comprend qu’il est dans son intérêt et celui de ses collègues de mettre la main sur le bouquin demandé sans trop tarder, et de préférence avant que l’acolyte inquisitorial envoyé sur place ne le fasse lui-même. Question d’orgueil professionnel, sans doute.

Ayant réussi à identifier un secteur de recherche prometteur après des jours et des nuits de recherche effrénés, elle part sur le terrain équipée seulement d’un sac de bougies réglementaire et de son vœu de silence (eh, c’est une bibliothèque, what did you expect ?), accompagnée par un Servo-Crâne relayant ses progrès à ses supérieurs. On apprend à cette occasion qu’il est tout à fait possible, et même hautement probable, de disparaître corps et biens dans le rayonnage, qui s’étend sur des centaines de kilomètres carrés, triste destin qui a déjà été le lot de la majorité de ses collègues. Grosse motivation donc. Alors qu’elle progresse vers sa destination, elle fait quelques rencontres pas franchement sympathiques, à commencer par le cadavre d’un archiviste à la plume tellement leste qu’il a continué à écrire sur ses robes, puis sur sa peau (avec une plume en métal, ça coupe un peu beaucoup) après avoir recouvert toutes les pages de son cahier. Bilan des courses, le gonze s’est vidé de son sang pendant sa scarification manuscrite. Tout le monde n’a pas le talent d’un Erebus. Un peu plus tard, elle surprend un autre adepte très occupé à dévorer des livres, de façon beaucoup trop littérale (et pas littéraire) à son goût. Lorsqu’il se met à vomir des torrents d’encre après avoir avalé de travers, elle s’éclipse sans se faire remarquer. Pour ne rien arranger, une présence furtive et très possiblement hostile s’est mise en tête de la suivre dans le dédale des couloirs, la forçant à se passer des chandelles fort utiles pour se repérer dans l’obscurité de la bibliothèque afin de semer son poursuivant.  

Enfin, elle parvient à la section où elle pense pouvoir trouver l’ouvrage tant convoité, et qui ne contient que des tomes frappés d’anathème et gardés dans des cages (ce qui n’est pas du tout inquiétant pour la suite, bien sûr). Guidée par le tapis de bougies qu’un collègue consciencieux a laissé derrière lui, elle arrive jusqu’à l’emplacement qu’elle avait repéré, où elle trouve un autre Archiviste totalement dément et/ou très impliqué dans son roleplay d’Inquisiteur. Il a avec lui un livre qui ne peut être que celui qu’elle recherche, mais n’a pas le temps de lui signaler poliment de le lui prêter que le malheureux bibliothécaire se prend deux tirs de pistolet laser dans le torse et finit raide mort. C’est l’agent inquisitorial, qu’elle n’avait finalement pas réussi à distancer, qui fait son apparition et l’aurait tout aussi bien trucidé, n’eut été pour sa malheureuse idée de se promener avec une fiole en cristal contenant de l’huile (inflammable) accrochée autour du cou. Dans la bagarre, Livia parvient à casser le récipient, puis à lancer une bougie sur son assaillant, qui décide de faire une Denethor et s’en va sans demander son reste.

Affaiblie et possiblement mourante (elle a pris elle aussi un tir de laser pour sa peine), Livia se saisit enfin de ce damné bouquin…

Début spoiler…Et décide de traverser le portail, catégoriquement démoniaque, qui s’est ouvert au-dessus du livre. Du moment qu’elle le rend dans les deux semaines et dans l’état dans lequel il lui a été remis, elle peut aller le lire où elle veut, pas vrai ?Fin spoiler

1 : Comprendre que la planète sur laquelle notre histoire se déroule n’est pas nommée, et que l’on sait juste qu’elle contient une graaaaaaaaaaaaaaaaaaaaande bibliothèque. Permettez que je m’adapte.  

AVIS:

Chris Winterton réussit un sans faute remarquable pour sa première soumission siglée Warhammer Horror… jusqu’au moment de conclure son histoire, qui se termine de façon assez terne et indigne des trésors de montée en puissance atmosphérique mis en œuvre sur les pages précédentes. Dommage mais en rien rédhibitoire pour notre homme, qui s’impose comme un auteur très à l’aise dans l’école horrifique – ce qui est bien – et parfaitement à l’aise avec le concept de grimdark (une bibliothèque de la taille d’une cité, avec un système d’archivage et d’éclairage dignes du XIIème siècle, quoi de plus 40K ?) – ce qui est encore mieux. Si vous cherchiez le digne successeur de Peter Fehervari dans le genre « angoisse deluxe », Chris Winterton pourrait très bien vous plaire…

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King of Pigs – J. H. Archer [40K] :

INTRIGUE:

King of PigsLa guerre s’approche méchamment de la cité ruche de Blackbracken, mais cela ne peut et ne doit pas arrêter la production de se poursuivre dans les cadences imposées. Le protagoniste de notre histoire (aucun indice clair pour dire s’il s’agit d’un homme ou d’une femme, donc appelons-le.a Camille) travaille dans un abattoir spécialisé, non pas dans les grox comme on pouvait s’y attendre, mais dans les exotiques cochons. Des cochons génétiquement modifiés et cultivés en cuve amniotique, mais des cochons tout de même. Malgré les nouvelles inquiétantes qui s’accumulent, les très longues heures, la pénibilité du travail, les vacheries du superviseur et les souvenirs douloureux d’une petite fille emportée par une fièvre maligne, Camille continue à trimer du mieux qu’iel peut, jusqu’à ce qu’un événement peu commun prenne place pendant son shift. Au lieu d’un beau gros goret de 300 kilos, c’est un mignon porcelet qui se présente sur le tapis roulant. Profitant de l’enraiement opportun de son pistolet d’abattage, Camille a le temps de dissimuler la petite créature, qui pour une raison indéterminée mais pas encore sinistre lui rappelle sa fille (Sal), dans la fausse cloison de son box, avant que le mécanicien ne passe pour régler le problème et le cycle de production normal ne reprenne.

Les jours qui suivent voient notre héro.s.ïne de plus en plus paumé et déconnecté du réel faire des pieds et des mains pour garder l’existence de son animal de compagnie secrète, et ce dernier bien nourri. Profitant de la mobilisation forcée de son conjoint, Adar, qui est envoyé en première ligne lorsque Blackbracken est à son tour attaqué par l’ennemi (affilié à Nurgle, si les épais nuages de mouches et l’épidémie de gastro foudroyante qui s’abattent sur la ruche permettent d’en juger), et du bombardement de l’abattoir (ce qui fait un peu baisser les contrôles des allers et venues des travailleurs), Camille rapatrie son goret, devenu en un mois un fort beau spécimen, jusqu’à son appartement. Sur le chemin du retour, iel a une vision dérangeante d’un visage souriant qui apparaît à la surface distendue de la panse de l’animal, et un peu plus tard, un rêve lui vient dans lequel un vieil homme affable l’invite à pénétrer dans son magnifique jardin…  

Dans la réalité, les choses vont de mal en pis et l’armée adverse progresse lentement mais sûrement dans Blackbracken. Camille n’est cependant plus en état de s’en soucier, et passe ses journées hallucinées à trouver de la nourriture pour le verrat de compétition qui trône désormais dans sa baignoire. Aussi lorsqu’un Adar blessé vient se réfugier chez eux et annonce que l’ennemi n’est plus qu’à quelques centaines de mètres, son premier réflexe sera…

Début spoiler…de le traîner jusqu’à la salle de bain pour offrir un snack à Babe, qui a définitivement des visages qui apparaissent sur son gros bide. Après tout, c’est ce que le Grand Père voulait en échange d’une entrée dans son merveilleux jardin, où Sal attend son Parent 1. Mais pour être tout à fait sûr de ne pas être refoulé au dernier moment, Camille décide de participer aussi aux frais, et va se présenter à son tour dans la mangeoire de Peppa Pig, en souhaitant bien du malheur à ce faux jeton d’Empereur. On retrouvera plus tard son journal, qui contient l’histoire relatée ci-dessous, à la libération/purification de Blackbracken.Fin spoiler

AVIS:

J’ai beau beaucoup aimer les cochons en règle générale (comme n’importe qui de sensé, il faut le dire), je me suis tenu aux mêmes critères de jugement de la qualité de ‘King of Pigs’ que pour les autres nouvelles de la Black Library, et je dois dire en toute objectivité qu’il s’agit d’une histoire horrifique bien menée et bien conclue, très bien intégrée dans le lore de 40K (même si les cochons n’en font pas vraiment partie de base) et développant quelques idées et concepts creepy à souhait. Archer parvient de manière limpide à nous faire comprendre comment un sujet impérial lambda peut basculer dans la vénération des Dieux du Chaos à son corps défendant, ce qui n’est pas donné à tous les contributeurs de la Black Library. Très impressionnant pour une première soumission.   

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The Somewhere Sister J. Lambert [XXX] :

INTRIGUE:

The Somewhere SisterDans une vallée perdue de Hyish, une famille aelfique vivote en hébergeant les voyageurs se dirigeant vers la cité mythique de Ar-Ennascath, dont l’accès est défendu par des montagnes aussi inhospitalières que dangereuses. L’auberge de la Sœur Errante (traduction par votre serviteur de la V.O. Somewher Sister) a cependant connu des jours meilleurs, puisque seule notre héroïne, Vendriel réside encore entre ses murs décatis. Après avoir perdu sa mère, puis sa sœur jumelle, Velethir, toutes deux victimes de leur addiction aux éclats d’aetherquartz1 qui entourent le miroir de la matriarche, Vendriel doit gérer l’établissement par ses propres moyens, tout en restant persuadée que Velethir n’a pas vraiment quitté les lieux, rêves macabres (elle la voit hurler sans un bruit, une entité imprécise mais certainement maléfique coincée au fond du gosier) à l’appui. Fort heureusement, la Sœur Errante ne croule pas sous les visiteurs, et est même complètement vide au moment où se présente le forgeron Duardin Gryn Garinsson, bien décidé à présenter son heaume runique lors du festival de Syari, qui se tiendra dans quelques jours à Ar-Ennascath.

Prise de court par l’arrivée du nabot (mouahaha), Vendriel parvient à donner le change et à lui refiler sa piquette premier choix – alors que Gryn voulait de la bière, comme tout nain qui se respecte – malgré l’atmosphère décidément creepy qui baigne l’auberge. Après avoir été à nouveau témoin de l’apparition pas franchement rassurante de Velethir dans le cellier, elle abandonne son hôte pioncer devant la cheminée, mais, miracle, Gryn parvient à passer une nuit tranquille et repart en sifflotant le lendemain à l’aube. Il serait temps de laver le linge miroir sale en famille, maintenant…

Début spoiler…Ces choses là sont cependant plus faciles à entreprendre qu’à conclure, comme Vendriel s’en rend compte lorsqu’elle tente de se défaire du miroir en question. Son idée ne plait en effet pas du tout au démon de Slaanesh qui a possédé Velethir, ni à celui qui a fait de même avec sa mère auparavant, d’ailleurs (peut-être est-ce le même d’ailleurs, l’engeance du Prince du Chaos n’étant pas franchement connue pour être monogame). Confrontée à cette double menace, notre héroïne n’a pas d’autre choix que de rejoindre la petite affaire familiale, et de devenir à son tour une junkie hallucinée et pseudo-démoniaque. Lorsque Gryn repasse par la Sœur Errant pour faire coucou, une fois le festival terminé, il bénéficie d’un accueil dont il se souviendra… toute sa vie.Fin spoiler

1 : L’aetherquartz est la forme Hyishienne (?) des pierres de royaume, et a entre pouvoirs celui d’aspirer les sentiments tristes et négatifs de celui qui le contemple. Les éclats finissent cependant par se saturer de pensées néfastes, et doivent alors être purifiés, leur trop grande concentration pouvant les transformer en générateurs d’angoisse et de déprime.

AVIS:

Jeremy Lambert poursuit sur sa lancée aelfique (après ‘The House of Moons’) avec cette nouvelle où se perçoit nettement son passif de scénariste de comics, tant il semble à la lecture que cette histoire a été écrite avec des effets d’horreur « visuelle » en tête. Les jeux de miroir, de dédoublement (et plus si affinité), le basculement de la narration d’un point de vue de personnage à l’autre… sont autant de stratagèmes éprouvés pour créer un sentiment d’angoisse et de tension chez le spectateur, et si cela marche un peu moins bien sous format littéraire, le résultat reste tout à fait satisfaisant. Finalement, le seul reproche que je pourrais faire à ‘The Somewhere Sister’ est son manque de pédagogie à propos des éléments du fluff Lumineth nécessaires à la bonne compréhension de l’intrigue, à commencer par les éclats d’aetherquartz dont la famille de Vendriel fait si grande consommation, et les effets néfastes de cette dernière, particulièrement lorsque le recyclage en est négligé. Quand on vous dit que l’économie circulaire, c’est important…   

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The Gnarled Bough – J. Mistry-Evans [AoS] :

INTRIGUE:

The Gnarled BoughAlors que les autres serviteurs du Seigneur Schreikwood partent dans leur village natal pour fêter avec leurs proches la Nocta Heldenfast, le jeune Arnvoe, garçon à tout faire de la propriété, surprend sans le vouloir une transaction entre le majordome (Kratchloc) et une ranger aelf de passage dans la vallée Morrthawn, en Shyish. S’il n’arrive pas à apercevoir ce qui se dissimule dans le paquet que la voyageuse remet à l’antipathique Kratchloc en échange d’une quantité respectable de sable de tombe, il réussit toutefois son entrée, en s’écrasant du haut du (petit) beffroi jusqu’aux pieds des deux conspirateurs. Le majordome n’étant pas connu pour sa clémence, Arnvoe se prépare à passer une sale journée lorsque son boss trouvera le temps de s’occuper de son cas, ce qui est heureusement reporté à plus tard du fait d’une activité chargée (ces latrines ne vont pas se nettoyer toutes seules) et d’un effectif plus réduit que d’habitude, du fait des festivités prochaines.

Nous suivons alors Arnvoe dans son morne et pénible quotidien, fait de récurage, dépoussiérage et autre passage de serpillière dans les recoins les moins salubres du manoir de Schreikwood. N’étant pas natif de Shyish, mais de Ghyran, où il était enfant des rues jusqu’à ce que le Seigneur S. ne le ramène comme souvenir d’une des ses nombreuses escapades dans le Royaume de la Vie, auquel il voue une passion aussi dévorante que dispendieuse, Arnvoe ne s’est jamais pleinement intégré à ses collègues de servage, et ne bénéficie lui d’aucun jour de congés (motif officiel : ce n’est pas sa culture). Les travailleurs détachés sont toujours les plus mal lotis, ça, ça ne change pas. Seule la vieille cuisinière a un peu d’égard pour lui, et lui permet ainsi de se faire un petit gueuleton à base d’os – on est à Shysish, what did you expect ? – entre deux corvées.

Le sursis laissé par Kratchloc finit cependant par expirer, et après s’être fait copieusement corriger à coup de ceinture pour apprendre à espionner les gens et à pointer au boulot en retard, Arnvoe est envoyé nettoyer la cave où le Seigneur Schreikwood garde sa collection d’incunables ghyranites. Une tâche d’ampleur pour notre héros, et qui surtout le place à proximité d’une sinistre relique, que tous les membres de la maisonnée évitent comme la peste…

Début spoiler…Alors qu’il est occupé à épousseter un tas de glands, Arnvoe assiste au début d’une réaction en chaîne provoquée par la proximité entre le paquet ramené le matin même par l’aelf (et qui contient de la jadéite, la pierre de royaume de Ghyran) et l’inquiétante acquisition #83, précédemment évoquée. Comme cette dernière se trouvait être, non pas un cep de vigne particulièrement pittoresque, mais la « coquille » d’un Tree-Revenant, la situation dégénère rapidement au fur et à mesure que le réveil de l’esprit des bois s’accompagne par la pousse spontanée et rapide de ronces et d’épineux animés de sanguinaires attentions envers les humains qui leur passent à portée de tige. C’est la pauvre cuisinière qui est la première à se prendre une écharde mortelle dans le gras du talon, suivie par les gardes du château. Au bout de quelques minutes aussi confuses que vivaces, il ne reste plus que Arnvoe, Kratchloc et le Seigneur Schreikwood de vivants dans le manoir.

Lorsque le Tree-Revenant, un peu groggy après ces années à servir de cale porte, se présente finalement devant le trio de survivants, il peut compter sur un allié inattendu mais fort utile en la présence d’Arnvoe, dont les racines (mouahaha) ghyranites le rendent sensibles à la chanson d’Alarielle que l’esprit de la forêt marmonne. Alliant l’inconscient à l’agréable, il profite de l’inattention de ses boss pour planter une hache dans le dos du majordome lorsque celui-ci tente de transformer le Tree-Revenant en torche, et laisse le fantôme de Yannick Jadot faire son affaire au Seigneur Schreikwood sans s’interposer. La nouvelle se termine sur la perspective d’un compostage prochain et express de la biomasse que constitue le corps d’Arnvoe, mais avec le consentement de ce dernier. C’est dire à quel point la musique devait être bonne, bonne, bonne…Fin spoiler

AVIS:

Jamie Mistry-Evans n’est pas le premier à explorer la face sombre des Sylvaneth pour le compte de Warhammer Horror, et je dois dire qu’il n’est pas l’auteur dont la tentative m’a le plus impressionnée. Là où Lora Gray avait réussi à mettre en scène de façon viscérale la folie des Parias (‘Crimson Snow’), et Josh Reynolds donné un aperçu de la menace fongique posée par les suivants d’Alarielle (‘A Darksome Place’), Mistry-Evans reste assez convenu et réservé dans son approche, ce qui est un gros handicap pour susciter l’angoisse chez le lecteur à mon humble avis. A cela s’ajoute une intrigue qui devient dénuée de tout suspens à mi-chemin (une fois que le dormeur du val s’éveille), et qui donne la part belle à l’action (convenue et là encore assez peu marquante) aux dépends de l’atmosphère ou du suspens. Pas mauvais à proprement parler, mais assez quelconque.

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Pain Engine – C. Thursten [40K] :

INTRIGUE:

Pain EngineOù l’on suit la longue et – forcément – macabre quête d’un Haemonculus drukhari pour acquérir un modèle de Talos customisé, qui avait fureur/des ravages lors d’une olympiade à Commoragh où notre héros était présent. Nommé Steeve Seethe, cette belle bestiole ne se révèle pas d’une approche facile : après avoir sacrifié, comme il s’y attendait, tous ses suivants dans les divers pièges mortels protégeant le laboratoire du créateur d’Achille Talos, l’Haemonculus pénètre seul dans le repaire de son estimé mais insaisissable collègue.

Là, il se retrouve face à un prototype inachevé de Talos, et entouré par divers cadavres en état de décomposition plus ou moins avancé, à travers lesquels le constructeur de Seethe s’exprime. Notre héros, qui n’est pas né de la dernière pluie acide, comprend rapidement qu’il est soumis à un véritable entretien d’embauche, et doit ainsi répondre au grand classique « racontez-moi trois projets dont vous êtes particulièrement fier (et pourquoi) ». Jamais mal à l’aise quand il s’agit de parler de sa vie et de son œuvre, l’Haemonculus décrit par le menu les diverses tribulations et collaborations (s’étant toujours très mal finies pour ses partenaires, bizarrement) qui lui ont permis d’arriver jusqu’ici.

Il y a ainsi eu une joint-venture avec un Fleshcrafter du nom de Vyst, exécuté par le successeur de l’Archonte auquel nos compères avaient juré allégeance, et transformé en Grotesque après une éternité de résurrections débilitantes. Il y eut ensuite un M.O.U. avec la Boulangère Pain-Master Talec, vaporisée par un tir de destructeur bien placé après qu’elle se fut montrée plus intéressée par réaliser des tests de Rorschach dans des entrailles de Cabalites que de progresser dans la quête de Seethe. Enfin, notre Haemonculus trouva rigolo de contaminer un camarade (Sziadan) avec un parasite très spécialisé, qui fit fusionner son âme avec son squelette. Squelette qui demanda ensuite le divorce avec le reste du corps du malheureux Drukhari. Et l’obtint. Just a prank, bro. Impressionnant, certes, mais serait-ce suffisant pour gagner le respect d’un artisan aussi doué que Papa Steeve ?

Début spoiler…Et la réponse est oui. Mais comme les histoires d’Eldars Noirs ne peuvent pas bien se terminer (c’est contractuel), notre héros se rend bientôt compte qu’il ne va pas repartir avec Seethe. Plutôt, il va devenir Seethe, comme le modèle de Talos à moitié construit qui trônait au milieu du laboratoire depuis le début de la nouvelle le laissait à peine entrevoir. Appelez ça la poire d’angoisse de Tchekhov. Le rideau tombe sur le début de la transformation de l’Haemonculeur haemonculé, alors que le capot du Talos se referme sur la forme frêle de notre héros. Tel est pris qui croyait (ap)prendre…Fin spoiler

AVIS:

J’ai moyennement apprécié cette soumission de Chris Thursten, que j’ai trouvé très maniérée au niveau de son style (c’est rare pour des écrits de la Black Library, mais ça arrive, coucou Nik Vincent), et très lacunaire au niveau de son intrigue. Le fait que le twist final de la nouvelle soit éventé au cours des premières pages (la manière dont ‘Pain Engine’ est construit ne ménage aucun suspens sur sa conclusion) ne m’a pas non plus mis dans de très bonnes conditions, je dois avouer. Pour finir, l’aspect horrifique est assez limité, ce qui est un comble pour une histoire mettant en scène l’entrée la plus gore du Codex le plus dérangeant de Warhammer 40.000. Du potentiel, certainement, mais encore non réalisé pour autant que je puisse le dire.

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Voilà qui termine cette revue de la Warhammer Horror Week 2022, un cru ma foi fort robuste, et dont j’aurais plaisir à suivre les contributeurs dans le futur, s’ils décident de continuer à collaborer avec la Black Library. En attendant que ces six nouvelles soient intégrées dans la prochaine anthologie de Warhammer Horror (avec la WHW 2021, cela fait déjà 11 courts formats disponibles), il est temps pour moi de refermer le chapitre horrifique de l’année 2022 et de repartir sur mon balai pour me pencher sur la production littéraire « classique » de la BL. Je reviendrai, n’ayez pas peur…

À propos de Schattra

Égoïstement optimiste, çapourraitêtrebienpirologiste assumé. Selfishly optimistic, proud itcouldbemuchworsologist

Publié le novembre 4, 2022, dans Chronique, et tagué , , , , , , , , , , , , , , , , . Bookmarquez ce permalien. Poster un commentaire.

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