Archives du blog

WARHAMMER 40.000 ESHORT WEEK 2023 [40K]

Bonjour et bienvenue dans cette chronique des nouvelles de la Warhammer 40.000 eShort Week 2023 (on a déjà vu la Black Library plus inspirée dans le choix de ses titres), regroupant cinq courts formats ayant pour point commun les bucoliques ténèbres du lointain futur… et c’est tout (on a déjà la BL plus inspirée dans le choix de ses fils rouges). Après l’Astra Militarum Week, de la Black Library Celebration Week et de la Dawnbringers Week, il s’agit de la quatrième semaine new content daily de la maison d’édition de Nottingham pour l’année 2023, rythme soutenu que voter humble serviteur a eu quelques difficultés à suivre, d’où ce retour tardif.

Warhammer 40,000 EShort Week 2023

Comme souvent ces derniers temps, on retrouve au sommaire de cette série une majorité de nouveaux ou récents auteurs… y compris quand leur nom peut sembler familier de prime abord. En effet, le Richard Ford dont il est question ici n’est pas celui qui a écrit quelques nouvelles pour le compte de la GW-Fiction dans les années 2000, mais un nouveau venu homonyme de son insigne prédécesseur. L’identification est plus facile pour les newbies Carrie Harris et Matthew Harffy, qui ne partagent pas leur patronyme avec d’autres auteurs de la BL, et si on peut encore avoir besoin de présenter J. H. Archer, qui signe avec ‘The Dust that Remains’ sa troisième soumission pour la GW-Fiction, aucune introduction n’est sans doute nécessaire pour Peter Fehervari et son Dark Coil, qu’on (en tout cas, moi) est toujours heureux de revoir poursuivre sa long and winding road vers… mieux vaut ne pas le savoir.

Warhammer 40,000 eShort Week 2023

.

Altar of Maws – P. Fehervari :

INTRIGUE :

Altar of MawsFi’draah, c’est un peu comme si l’Empereur avait visité le marais poitevin lors d’un week-end vadrouille (il a bien fallu qu’il s’occupe tous ces millénaires avant de prendre les commandes de Terra), adoré ce cadre bucolique, et décidé qu’il fallait étendre ce concept à l’échelle d’une planète entière. Résultat : un enfer marécageux et moite, plus adapté aux Saprobiontes et aux Gatormen qu’à des espèces à sang chaud et à peau fine, comme les humains et les T’au. Mais il faut plus qu’une atmosphère irrespirable et un taux d’humidité à faire pleurer un urodèle pour convaincre ces deux factions de laisser tomber cette planète, à l’intérêt stratégique contestable, aux mains de l’ENNEMI. La guerre fait donc rage sur ce caillou imbibé, sans qu’un camp ait réussi à infliger une défaite cuisante et définitive à l’autre.

Nous suivons l’expédition commandée par la Shas’vre Ibolja alors qu’elle progresse dans les méandres de Fi’draah, afin de ramener un contingent de prisonniers impériaux jusqu’à la base arrière du Bien Suprême. Il aurait été plus simple et plus rapide de faire le voyage par voie aérienne, mais comme le commandant T’au est un sadique, il a opté pour offrir une croisière mémorable aux gue’la captifs afin de leur faire comprendre qui est le boss. Ah, et s’il peut arriver malheur aux nouvelles recrues (shas’saal), guère prometteuses, envoyées renforcer le contingent de Guerriers de Feu de Fi’draah, ce ne serait pas plus mal. Grosse ambiance chez les bleus, donc.

Les T’au peuvent toutefois compter sur la présence de plusieurs vétérans pour compenser la présence de novices abrutis et d’officiers peu concernés. Les shas’ui Tal’Hanzo et Jhi’kaara (cette dernière accompagnée par sa pote Ogryn Coraline), chacun affligés par leurs propres démons – un spleen incurable pour le premier, une gu*ule de porte-bonheur pour la seconde – feront ainsi office de protagonistes pour cette virée en eaux troubles. Lorsque les barges de transport du Bien Suprême se retrouvent sans crier gare sur un lac non indiqué sur les cartes, attirant l’attention du vaisseau fantôme champignon local, commandé par un zélé glaviomancien (il lit l’avenir dans ses glaires, avouez que c’est original), une traque mortelle débute, dont l’enjeu n’est autre que la libération du Grand Ancien résident de Fi’draah – ou quelque chose comme ça. Plongés malgré eux dans la Twilight Zone locale1, répondant au doux nom de Dolorosa Coil, nos héros en seront quitte pour une nuit éprouvante, qui les laissera sans nul doute hydrophobes au dernier degré

1 : Il en faut une dans toutes les nouvelles de Peter Fehervari.

AVIS :

Peter Fehervari retourne dans son coin à champignons préféré, la planète contestée de Fi’draah (qui servait déjà de théâtre spongieux et sporesque à la nouvelle ‘A Sanctuary of Wyrms’), avec un nouvel épisode du tentaculaire Dark Coil. On y retrouve une autre ancienne connaissance des amateurs de la prose de cet auteur iconoclaste de la BL, la Guerrière de Feu Jhi’kaara, qui servait d’(anti) héroïne du court format ‘Out Caste’.

Comme d’habitude avec Fehervari, cet ‘Altar of Maws’ est baigné d’un épais mystère, qu’une connaissance des événements relatés dans les romans et nouvelles précédents aideront à dissiper… en partie. Un peu comme la brume persistante qui recouvre Fi’draah, l’approche narrative de Fehervari se complait à laisser son lectorat tâtonner et spéculer sur l’origine et la motivation des personnages (particulièrement celles du mirifique Capitaine dans le cas présent, qui ne semble pas avoir compris qu’il boxait pour Papy Nurgle), et faire sens des phénomènes inexplicables et franchement déplaisants qui s’abattent sur les pauvres protagonistes ayant commis la grave erreur de pénétrer dans une zone de porosité warpesque. Candelabrum, Dolorosa Coil : même combat.

Le résultat est digne des standards élevés de Fehervari, et ‘Altar of Maws’ se déguste avec enthousiasme et curiosité, même si sa fin très peu « conclusive », et donnant plus l’impression d’un chapitre de roman que d’une nouvelle indépendante, m’a quelque peu déçue de la part de cet auteur. Bien qu’il ne se soit jamais caché de son dessein de relier toutes les intrigues développées dans son corpus de GW Fiction au sein d’un tout cohérent, je trouve qu’il a déjà réussi de meilleures sorties que celle de cette nouvelle, qui semble hurler « à suivre… » à la tête du lecteur1. Pas très élégant, si vous voulez mon avis.

Malgré ce petit bémol, ‘Altar of Maws’ est une soumission qui ravira les fans de Fehervari et vient complexifier encore un peu plus (comme si c’était nécessaire) son Dark Coil. Et si le grand méchant de Fi’draah n’était pas la Grande Dévoreuse, mais le Gros Dégobilleur ? Vous avez deux heures…

1 : Et comme Fehervari revient sur Fi’draah tous les 11 ans, il ne vaut mieux pas être trop pressé de connaître la destinée de Jhi’kaara, Tal’hanzo et compagnie.

.

A Forbidden Meal – C. Harris :

INTRIGUE :

A Forbidden MealEn transition entre Arkunasha et Fort Pykman, la bande de mercenaires Kroots co-menée par les frères ennemis Skeith et Crewk (le premier soupçonnant le second d’être responsable de la mort de l’ancien leader de la bande, Akh) fait étape sur la colonie impériale de K’bakt et propose ses services au Gouverneur local, Belv, en échange d’une cambuse remplie et d’une révision gratuite de leur tacot spatial (le Pinacle). Malgré l’accueil peu agréable qu’ils reçoivent de la part des « peaux molles », qui ne voient en eux que des dindons cannibales, les Kroots acceptent d’enquêter sur une série d’attaques ayant fait de nombreuses victimes parmi la population de mineurs, et attribuées à un prédateur natif des jungles de K’bakt, le sicklefang1, sorte de gros chat grincheux aux canines disproportionnées.

Après avoir inspecté le dernier site où une attaque s’est produit et fait quelques prélèvements de matériel génétique pour juger du potentiel de ses futures victimes (contrairement aux humains, les Kroots n’ont pas de désir particulier de se transformer en furries), Skeith déploie ses traqueurs à la surface de K’bakt et les met au défi de ramener le plus gros matou possible afin d’organiser un petit buffet dégustation entre pigeons homicidaires. Jugeant qu’il est dans son intérêt de sortir vainqueur de cette épreuve pour maintenir son statut de meneur, et dégrader la popularité de son rival dans la bande, notre héros convainc la jeune et impulsive Re’at de collaborer avec lui afin de débusquer une meute de sicklefangs, plutôt que de se contenter de dégommer un seul individu, comme le reste de la troupe. Les deux chasseurs s’enfoncent donc dans la jungle à la recherche des grumpiest cats, une tâche compliquée par le fait qu’il est impossible de faire « psspssspsss » quand on a un bec.

La chance est toutefois de leur côté, et ils finissent par identifier un terrier (ce sont des chats croisés avec des blaireaux, sans doute) de sicklefangs, dans lequel ils pénètrent sans tarder. Très territoriaux, les félins ne sont pas longs à se ruer sur les intrus afin de défendre leur bac à litière, mais leurs assauts désorganisés ne font pas le poids face à l’entraînement et l’expérience des Kroots2. Après avoir exterminés les gros minets, les Xenos réalisent, snacking de Garfield à l’appui, que ces derniers étaient en fait en train de fuir une menace ayant pris possession des niveaux inférieurs de leur antre, et, curieux de percer ce mystère à jour, ils décident de constater par eux-mêmes de quoi il en retourne…

Début spoiler…Et le fin mot de l’histoire ne leur fait pas plaisir du tout. Skeith et Re’at tombent en effet sur un couple de Genestealers, très occupés à infecter les derniers sicklefangs du terrier. On ne saura pas pourquoi les Génovores se sont piqués d’intérêt pour les sacs à puces de K’bakt (Skeith suppute qu’ils en ont eu marre de se faire voler leurs proies humaines par les sicklefangs, et ont donc décidé de remonter d’un niveau dans la chaîne alimentaire), mais c’est une question bien accessoire pour nos héros, qui décident bravement de se carapater de la planète le plus rapidement possible plutôt que d’aider les autorités à lutter contre ce fléau. On les comprend. Cette cruche de Skeith rate toutefois son jet de discrétion au moment de repartir vers la surface, déclenchant une course poursuite mortelle inter-Xenos, dont les Kroots sortent vainqueurs en faisant s’effondrer les galeries du terrier sur la tête de leurs poursuivants. Ayant réussi à récupérer une tête de Genestealer à moitié enfoui sous les décombres pour prouver leurs dires, les deux chasseurs rentrent au bercail, font leur rapport à Belv, et se préparent à mettre les voiles, le ventre vide.

Cette fringale dévorante aura toutefois une conséquence positive pour Skeith, car il surprend son rival en train de becqueter le trophée qu’il a ramené au Pinacle, malgré l’anathème qui frappe la viande de Tyranides (c’est haram, tous les Kroots le savent). C’est la fringale de trop pour Crewk, qui se fait promptement garroter par son camarade, avant que les effets dopants du pâté de tête de Genestealers ne puissent se manifester pleinement. Voici Skeith propulsé seul chef de sa petite bande par cette tragédie culinaire, et prêt à la mener à travers les étoiles à la recherche des gueuletons les plus mémorables et profitables qui soient.Fin spoiler

1 : Qui fomentent avec le requin hammerhead une révolution pour déposer Pépé et le remplacer par une dictature communiste. Des bêtes détestables, donc.
2 : Et le programme de musculation spécialement mis en place par Skeith afin de gonfler ses jambes de coq.

AVIS :

On sent que Carrie Harris est une auteur expérimentée à la lecture de ce ‘A Forbidden Meal’, nouvelle solidement bâtie autour d’une intrigue simple mais tout à fait convenable, et servie par des personnages suffisamment esquissés pour permettre un brin d’empathie de la part du lecteur. Point très appréciable, Harris se donne la peine de mettre en avant la culture particulière, et jusqu’ici très peu couverte (à ma connaissance) dans la GW Fiction, des Kroots dans cette histoire, et révèle au passage qu’elle est très à l’aise avec le lore de cette nouvelle (pour elle) franchise. Tous les auteurs débutants recrutés par la Black Library ne peuvent pas en dire autant.

Le seul « défaut » que je reprocherai à ‘A Forbidden Meal’ est sa conclusion très rapide, pour ne pas dire bâclée, durant laquelle le personnage que je voyais parti pour être l’antagoniste récurrent d’une probable série (cette nouvelle ressemble fortement à un épisode pilote, si vous voulez mon avis) se fait régler son compte en deux temps trois mouvements par Super Poulet, après avoir pris une décision suicidaire que rien ne justifiait… à part la nécessité de terminer un arc narratif de manière définitive. Un peu dommage, mais si ça peut permettre à Carrie Harris et à sa bande de palmipèdes de choc de revenir claquer du bec dans un futur proche, je pense qu’on en sort tous gagnants.

.

The Dust that Remains – J. H. Archer :

INTRIGUE :

The Dust That RemainsSur une des centaines de planètes contestées par les enfants gâtés (dans tous les sens du terme) galactiques que sont l’Imperium et le Chaos, nous suivons l’ingrate mais nécessaire mission de la Sœur Hospitalière Isolde, chargée par son Inquisitrice référente de mener une étude clinique sur une maladie mortelle faisant des ravages indiscriminés sur la ligne de front : la peste grise. Comme on peut s’en douter, les Saints Ordos n’y vont pas avec le dos de la cuillère énergétique, et plutôt que d’essayer de développer un vaccin en suivant les meilleures pratiques scientifiques et déontologiques, se contentent d’envoyer une centaine de Gardes Impériaux suspectés d’avoir été exposés à des agents contaminateurs lors de leurs opérations en quarantaine sévère, et laissent carte blanche à Isolde et son équipe pour suivre l’évolution de la situation. Comme le dit l’Inquistrice Marie-Chantal « il y en a plein d’autres de là où ils viennent ». Ce qui est loin d’être faux, il faut le reconnaître.

Pour sa part, notre héroïne a une approche plus humaine de son sacerdoce, sans doute due au fait qu’elle a vécu des moments très difficiles et franchement dégu*ulasses lors de sa précédente affectation. Dernière survivante de son Ordre, décimé jusqu’à la dernière novice par les assauts des cultistes chaotiques auxquels il était opposé, Isolde a connu le sort peu enviable de se faire « adopter » par un Marine de la Peste après avoir été capturée au combat. Proutor s’amusa à la faire prolonger la vie de ses autres victimes pour décupler leur souffrance, puis lui planta un couteau plein de germes dans le buffet pour lui offrir un Nurgle trip digne de ce nom, en récompense de ses bons et loyaux services. Sauvée in extremis par sa foi absolue en l’Empereur, la contre-attaque des forces impériales, et un système immunitaire digne d’un rat-taupe de Catachan, Isolde est depuis en réhabilitation sous la tutelle de Marie-Chantal, l’éradication de son Ordre lui barrant la route d’une réaffectation rapide.

Isolée avec ses sujets d’expérimentation patients, Isolde s’attend à les voir tomber comme des mouches, mais au fur et à mesure que les jours s’écoulent, rien de bien fâcheux ne se produit dans sa clinique de fortune. Etonnamment, cela n’a pas l’air d’enchanter Marie-Chantal, qui décide d’aller faire des virées dans l’arrière-pays avec quelques détenus Gardes, dont elle est la seule à revenir. Flairant un mauvais coup, et ayant finit par comprendre que sa protectrice a installé plusieurs camps comme le sien aux alentours, Isolde décide d’aller rendre une visite secrète à ses collègues les plus proches, non sans avoir d’abord envoyé un S.O.S. aux Ordres de Sistas du sous-secteur (#Sororité)…

Début spoiler…Comme on pouvait s’en douter, elle trouve rapidement sur place des preuves accablantes du double jeu de Marie-Chantal, qui ne cherche pas tant un antidote à la peste grise qu’un moyen d’en décupler la virulence, comme le révèle Jean-Alphonse Raoult, Medicae en chef du camp visité par Isolde, juste avant de pourrir sur pied. Et si le contingent suivi par Isolde est jusqu’ici passé entre les gouttes, c’est qu’ils sont tous des porteurs sains : issus d’une planète agricole où une forme moins virulente de la peste grise affecte les troupeaux, tous les bidasses ont été contaminés mais ont survécu à l’infection pendant leur enfance.

Une fois passé le choc de cette terrible révélation, Isolde organise une mutinerie dans le camp et se barricade avec les Gardes Impériaux révoltés dans la chapelle locale, dans l’espoir que ses demi-Sœurs ne la laissent pas indéfiniment sur « vu ». Assiégés par Marie-Chantal, qui sous ses abords BCBG dissimule une charogne possédée par le même Démon que celui qui cohabitait avec le Marine de la Peste qui l’avait prise en grippe (pour Nurgle, c’est positif) quelques temps plus tôt, et ses troupes de choc trop disciplinées pour se rendre compte qu’ils sont les baddies, les immuno-opprimés livrent un dernier carré héroïque, pendant lequel Isolde fait bon usage de la dernière relique de feu (haha, vous allez voir) son Ordre : le lance-flamme de maître de Sainte Guinevere. Ayant cautérisé au septième degré la sale tronche de Marie-Chantal au plus fort de la bagarre, Isolde constate avec autant de satisfaction que de lassitude l’arrivée, un peu tardive mais on leur pardonne, des Sœurs de Bataille tant espérées. Un doliprane, et ça repartira.Fin spoiler

AVIS :

J. H. Archer nous sert une nouvelle beaucoup plus classique que ses premières soumissions (‘King of Pigs’ et ‘Collapse’), qui rappellera sans doute quelques souvenirs1 aux vétérans de la GW-Fiction dans son propos et sa conclusion. Mis à part son titre trompeur (on ne parle pas du tout de poussière dans cette histoire, aussi bien au sens propre qu’au figuré), il n’y a pas grand-chose à redire à la qualité de ce ‘The Dust that Remains’, qui à défaut d’être aussi original que les précédents opus d’Archer, tient tout à fait la route. L’auteur a également la bonne idée d’intercaler à son récit, déroulé comme une narration à la première personne du point de vue d’Isolde, des passages écrits comme s’il s’agissait de rapports ou de comptes rendus officiels (et donc dûment caviardés), ce qui offre une expérience de lecture assez dépaysante. Le sans-faute continue donc pour Archer, qui est en passe de devenir Tireur d’Elite.

1 : ‘Pestilence’ de Dan Abnett, publié en l’an de grâce 2001, ce qui ne nous rajeunit pas.

.

The Whispering Blade – M. Harffy :

INTRIGUE :

The Whispering BladeLorsqu’un Inquisiteur et ses hommes débarquent sur la planète agricole de Monsanto Cantwarum, le déserteur devenu ouvrier agricole Jonas A’Cado ne met pas longtemps à comprendre que les nouveaux venus en ont après lui. Entré en possession d’une dague Xenos dotée de pouvoirs occultes à la fin de la campagne de Bernixia, pendant laquelle son régiment d’origine a été co-massacré par les hordes chaotiques et les Chevaliers Gris envoyés en « renfort » des braves Gardes Impériaux à la fin conflit, Jonas, qui n’a dû sa survie qu’à la capacité procurée par la dague en question de rendre son porteur invisible (ou tellement insignifiant que tout le monde oublie qu’il est là, c’est selon), s’est frayé un chemin jusqu’à cette planète isolée à la suite de plusieurs années de cavale galactique, et a tenté tant bien que mal de recommencer sa vie loin des traumatismes de la guerre.

Ayant été témoin du doxing en règle de son adresse civile par un marchand de sa connaissance, logiquement assez nerveux d’être au centre de l’intérêt d’un officiel des Saints Ordos, Jonas décide contre toute logique de rentrer en catastrophe dans ses pénates au lieu de quitter la planète par le premier vaisseau cargo, comme il en a l’habitude. Ce choix est motivé par la survie de la seule personne avec laquelle il a réussi à lier une relation amicale sur Cantwarum depuis son arrivée, sa patronne Genevieve Tasqo. Sachant fort bien que l’Inquisition n’est pas du genre à faire la distinction entre un suspect coupable et un simple témoin, Jojo espère arriver à temps à la ferme qu’il partage avec Gen pour alerter cette dernière de la venue imminente de visiteurs non désirés…

Début spoiler…Manque de bol, si l’Inquisition a les moyens de vous faire parler, elle a aussi ceux de se payer des moyens de transport plus rapide que la Kangoo d’occasion de Jonas, comme une Valkyrie par exemple. Notre héros arrive donc à temps pour voir la ferme se faire détruire par un missile bien placé et ses ruines ravager par les tirs de la suite inquisitoriale, pour faire bonne mesure. Se sentant coupable de la mort de Gen, Jonas se résout à venger le trépas collatéral de sa bonne amie en tombant sur le râble des hommes de main grâce à sa dague de furtivité. Un plan audacieux qui aurait sans aucun doute capoté1 sans l’intervention aussi inattendue qu’héroïque de Gen, qui se révèle être une Sœur de Bataille déserteuse (gasp), du nom de Genuflax (LOL) Sturm. Comme le comprend rapidement Jonas alors que sa bonne amie, qui avait gardé ses armes et armure avec elle dans sa retraite paysanne, tatane sévèrement la gu*ule des indésirables avec une efficacité autrement plus grande que la sienne, l’Inquisition était en fait sur la piste de la SistAWOL, et non sur la sienne. Un regrettable malentendu, donc.

Jonas a tout de même l’occasion de servir à quelque chose en plantant son coupe chou impie dans la carotide de l’Inquisiteur alors qu’il s’apprêtait à exécuter Gen, envoyée au tapis par une décharge du pistolet de maître du porteur de rosette (Pierre, sans doute). Ceci fait, les deux comparses décident d’un commun accord qu’il est grand temps de laisser derrière eux les étendues polluées de Cantwarum derrière eux, et d’aller voir dans un autre Segmentum s’ils y sont. La suite (et l’explication de texte entre Gen et Jonas au sujet de la dague de ce dernier, dont la première n’est pas au courant de l’existence au moment où la nouvelle se termine) dans un prochain épisode…Fin spoiler

1 : De son propre aveu, G.I. Jo est un tireur médiocre, et il ne parvient qu’à buter un ennemi avant de se prendre un tir de laser dans l’épaule – je précise qu’il avait à ce stade enclenché le mode invisible, c’est dire s’il est nul.

AVIS :

L’univers de Warhammer 40.000 est tellement vaste qu’il est théoriquement possible de retrouver tous les genres de fiction dans une œuvre de la Black Library, même si certains sont évidemment plus communs que d’autres. Pour sa première soumission en tant que contributeur à la GW-Fiction, le newbie Matthew Harffy nous offre donc ce qui est à ma connaissance la première nouvelle « survivaliste » (pensez à ‘Robinson Crusoé’ de Daniel Defoe) de ce corpus pourtant des plus fournis. Il consacre en effet une bonne moitié de son propos à relater la désastreuse campagne de Bernixia, ainsi que les mois de solitude qui suivirent pour le pauvre Janos, là où « l’usage » au sein de la BL aurait voulu qu’un flashback de quelques pages suffise largement à tenir le lecteur au courant des tenants et aboutissants de l’intrigue. Un choix assez dépaysant pour le vétéran que je suis, et qui montre qu’on peut compter sur les nouveaux auteurs pour mettre des (petits) coups de pied dans l’institution pulp qu’est devenu le BL-style, de temps à autres.

Malheureusement pour Harffy, tous les choix qu’il opère dans ce ‘The Whispering Blade’ ne sont pas aussi réussis, ou en tout cas, sans conséquence sur la qualité de sa production. Il commet en effet une série de bourdes littéraires ou fluffiques avec le personnage de Genevieve Tasqo, qui aurait eu grand besoin du même type d’exposition détaillée de son passé dont son acolyte Janos bénéficie, pour faire davantage sens aux yeux du lecteur. On ne saura ainsi pas ce qui l’a amené à renier ses anciens engagements (ce que le fluff nous indique être normalement impossible), pourquoi elle est le seul personnage à être immunisé à la compétence furtivité du coupe papier chaotique, alors qu’elle ne semble pas avoir de pouvoirs psychiques ou être une Paria (les deux explications les plus logiques à mes yeux), ou plus prosaïquement, comment elle a fait pour être alerté de l’arrivée de l’Inquisition sur Cantwarum, ce qui l’a amené à revêtir son armure énergétique juste au bon moment pour éviter d’être transformée en Jeanne d’Arc du lointain futur. De telles lacunes de story telling sont problématiques, à plus fortes raisons lorsque l’auteur passe des pages entières à décrire des événements bien moins importants pour son propos juste avant…

Au final, c’est donc un bilan contrasté que je pose pour ‘The Whispering Blade’. Comme Harffy s’est ménagé une fin adaptée au lancement d’un arc narratif, il sera peut-être possible de suivre les aventures de Jon, Gen et le coupe-fromage bavard à travers la galaxie dans d’autres épisodes, et ces hypothétiques (à ce stade) futures nouvelles parviendront peut-être à corriger les défauts exposés ci-dessus. Sins of the father, burden of the son, vous connaissez la chanson…

.

Stealing Orpheon – R. Ford :

INTRIGUE :

Stealing OrpheonAprès une opération rondement menée, l’agente spéciale Katta Myron, transfuge de la tristement célèbre (?) Divisio Immoralis, sollicite une audience auprès de sa n+1 afin de délivrer son rapport de mission. Pas la partie la plus excitante de la vie d’une super espionne mandatée par nul autre que Roboute Guilliman afin de, je cite, « mieux comprendre cet Imperium bordélique dans lequel je me suis réveillé, sans dec’ », mais de la part d’un bureaucrate de la trempe du Grand Schtroumpf, il fallait s’y attendre. Etant tombé cette fois-ci sur une superviseur plus curieuse que la moyenne, Katta en est quitte pour relater par le menu ses péripéties à la surface de la planète ruche Hermetica, qu’elle avait quitté il y a bien des années après avoir été « drafté » par l’Adeptus Arbites à la suite d’un contrôle d’identité s’étant très mal passé…

Arrivée à la surface de son monde natal sous le déguisement d’une pélerine venue participer à l’adoration du saint local, Katta réussit sans mal à se frayer un chemin jusqu’à la basilique de la ruche Casaubon, où l’attendait une de ses vieilles connaissances de son passé de ganger hermétique (herméticienne ?), Filo Sethis. Malgré sa disparition soudaine et, forcément, peu appréciée par ses camarades mafieux, Katta réussit successivement à convaincre Filo de lui organiser un rencard avec la meneuse du puissant clan Cestus, Stelia Malakine, puis à persuader cette dernière de lui prêter main forte dans le casse très osé de la chambre forte du gouverneur planétaire, le redoutable Menelleus Octan. En échange de sa participation, Stelia et ses sbires pourront looter à leur content les inestimables trésors du gouverneur, tandis qu’elle se contentera d’une modeste statue, connue sous le nom d’Orpheon.

L’opération se passe relativement bien grâce aux déguisements et fausses identités fournies par le très débrouillard Filo, et aux compétences avancées de Katta en matière de persuasion de PNJ et d’ouverture de coffre. Bien que la petite équipe se soit trouvée dans l’obligation de mettre au tapis l’intendant d’Octan après qu’il ait percé à jour les manigances des gredins avant que ces derniers aient fait de même avec la porte de la crypte, elle parvient finalement à négocier ce dernier obstacle, et le pillage éhonté des possessions matérielles du pauvre gouverneur peut commencer. Laissant ses comparses se ruer sur la collection de lunettes de soleil de marque et de patinettes électriques dernier cri du notable, notre héroïne localise prestement l’Orpheon, le fracasse sans sourciller sur un coin de table et récupère la clé USB qui était dissimulée dans le piédestal de la statue, contenant les preuves de la participation active de Menelleus Octan dans la purge très enthousiaste de la population d’Hermetica par les Minotaures à la suite de l’invasion avortée de la planète par Leyak le Dévoreur, il y a quelques siècles de cela. C’est cependant à ce moment qu’Octan et ses gardes du corps choisissent pour rentrer dans leurs pénates, et c’est bien évidemment la Katta cata pour les gangers.

Au bout d’une fusillade ayant fait fondre les effectifs de l’équipe de Katta et Stelia comme neige au soleil, les derniers prolos survivants parviennent toutefois à s’enfuir avec leurs biens mal acquis, mais leur navette se fait dégommer sur le chemin du sous monde par le dispositif de sécurité du gouverneur. Seules nos deux personnages nommés sortiront vivants de ce crash, et bien qu’elle choisisse de taire à sa supérieur la nouvelle de la survie de Stelia afin d’éviter à son ancienne mentor/instructrice/figure maternelle de substitution le sort peu enviable que toute organisation secrète réserve aux quidams qui en savent trop, Katta a le droit à un dernier échange avec l’ancienne cheffe de clan, condamnée à l’exil pour éviter la vindicte du gouverneur spolié, avant que cette dernière ne parte refaire sa vie sur une autre planète. De son côté, Katta est bien trop énamourée du grand, beau et ingénu Guilliman1 (qu’elle a rencontré une fois, quelle chance) pour accepter la proposition de Stelia de l’accompagner. La vocation du service public impérial, que voilà une noble chose.

1 : Et depuis qu’il a trouvé comment enlever son armure pour pouvoir enfin prendre une douche, son charisme n’a fait qu’augmenter.

AVIS :

Richard Ford pioche dans le lore de Dark Heresy (seule source mentionnant la Divisio Immoralis à ma connaissance) et dans le fluff plus récent (Roboute Guilliman tries to clean the mess) pour sa première incursion dans la GW Fiction, et pour un résultat des plus honnêtes, à défaut d’être particulièrement emballant. On sent bien à la lecture de ce ‘Stealing Orpheon’ que notre homme cherche à installer Katta Myron comme un personnage récurrent de la Black Library, et c’est tout le mal qu’on lui souhaite, même si le créneau des agents d’organisations secrètes au service de l’Imperium commence à être sérieusement bouché ces temps-ci. On verra bien si ce couple auteur/personnage a ce qu’il faut pour s’imposer sur cette scène des plus compétitives.

.

Voilà qui termine cette revue de la Warhammer 40.000 eShort Week 2023, qui s’est révélée être plutôt qualitative, et sera peut-être le fondement de nouvelles séries récurrentes pour le côté 40K de la GW-Fiction, en plus d’être la continuation du tentaculaire arc du Dark Coil. Plutôt pas mal pour une opération avec un nom aussi peu gracieux que celui-ci. Rendez-vous prochainement pour de nouvelles chroniques, possiblement à l’heure celles-ci…