Perdita!

Business as usual dans les ténèbres d’un futur très lointain. Version PDF: PERDITA!

« –Haaa! J’ai mal!
-Back! Où es-tu mon vieux! Elles arrivent!
-Je suis là Wing! Aaah, j’ai une putain de caillasse qui me bloque la jambe! Ca brûle mon dieu, ça pisse le sang!
-T’affole pas Back! Tiens le coup et essaie de la boucler, il ne faut pas qu’elles t’entendent… J’arrive!
-Wing, je ne sens plus ma jambe… Wing? Qu’est-ce que c’est que… Oh non! Elles m’ont vu! Elles arrivent! Elles arrivent! Non, par l’Empereur non, je ne veux pas! Allez vous en, allez vous en, démons! Wing! WING!
-Back! Accroche toi mon vieux! J’arrive!
-WING! Lâchez-m… WING! A L’AIDE! ELLES SONT SUR MOI! WIN…AAAH! »

***

« – Mon commandant? Est-ce que ça va mon commandant? »

Une main toucha son épaule. Aussitôt, Wing s’éveilla. Agrippant le membre, il dégaina son pistolet-radian et le braqua droit vers la tête de la créature.

« – Mon commandant, reprit la voix d’un ton angoissé, c’est Navut. Lâchez ma main mon commandant. »

Wing écarquilla ses yeux bordés de cernes d’un noir de suie. La créature grimaçante s’estompa, laissant apparaître la mine fatiguée du garde impérial. Le ciel rouge cessa de tournoyer autour de sa tête, et se mua en toile de tente kaki; tandis que les voix sifflantes s’éloignaient dans le lointain, regagnant les sombres rêves de l’officier. Mais elles reviendraient, elles revenaient toujours. Wing s’apaisa peu à peu. Il avait dormi, et il ne fallait pas. Chaque fois que le sommeil le prenait, il les revoyait s’amuser avec ce pauvre Back, et les cris d’agonies de ce dernier résonner, toujours plus terribles. Non, il ne fallait pas dormir.
Wing desserra son étreinte et laissa retomba son bras douloureux. Le pistolet retrouva son étui de cuir, la main du commandant étreignit son front bouillant tandis qu’il s’asseyait sur sa couchette. Navut lui jeta un regard rempli d’une immense lassitude. Ce n’était pas la première fois que son supérieur s’éveillait avec des pulsions de meurtre, et il s’était dévoué pour le veiller et le ramener à la raison à chaque réveil. À chaque fois, c’était de plus en plus difficile, de plus en plus dangereux. Un jour viendrait, tout proche, où les mots seraient inutiles. À cette fin, Navut avait glissé un couteau dans sa ceinture, juste au cas où.

Wing avait encore fait ce rêve. Ce cauchemar qui le tourmentait depuis une semaine chaque nuit. À présent, les hallucinations mettaient plus de temps à se dissiper, voilà tout. C’était la raison pour laquelle il avait confondu Navut avec… Un déchirement lui traversa le crâne, comme une étoffe qui craque un peu plus quand on s’accroche à elle. Son esprit pareillement était de plus en plus empli des horreurs de ses nuits, et bientôt, elles viendraient danser dans sa tête. Elles.

Il ne se souvenait que de leurs yeux noirs, profonds et d’une innocence tellement cruelle, tellement inhumaine… Elles n’étaient pas humaines, elles étaient bien au delà et par trop en dessous. Elles étaient différentes. Leurs rires résonnèrent sourdement à ses oreilles, lui vrillant le cerveau. Fort, il se devait d’être fort. Pour lui, pour ses hommes.

Il se leva, endossa son treillis et enfila ses bottes. Navut rabattit le pan de toile qui barrait l’entrée, et la lumière vint frapper les yeux de Wing. Elle était plus crue, plus épuisante, depuis que les combats avaient commencé. Quand elles étaient arrivées. Wing fit quelques pas, soulevant une acre poussière brûlante qui s’insinua dans ses vêtements. Même les éléments étaient hostiles à présent.
Le camp impérial s’étendait à ses pieds, immense et morne. Il ne fallait pas s’y tromper, la majorité des tentes recouvertes de sable brun étaient vides depuis belle lurette. Les combats avaient dévoré les effectifs de la Garde, de sorte qu’aujourd’hui, il ne restait plus qu’une poignée de combattants hagards, et les fantômes innombrables.

Wing n’aurait jamais cru qu’il tomberait aussi bas. Quand il avait été envoyé ici avec son régiment, il était vif, joyeux, emporté. Un homme. À présent, c’était une ombre.
Navut à sa suite, il descendit le chemin, le sable crissant sur leurs bottes. Chemin faisant, ils passèrent devant les fosses. Autrefois, ils se seraient placés la main devant le visage et éloignés le plus vite possible. À présent, l’odeur du charnier ne les gênaient plus, ils ne la sentaient qu’à peine.
C’est dans ces fosses que reposait la majorité du régiment, dont Back. Back…

Quand elles en eurent fini avec lui, et que Wing, trouvé assez de haine et de courage pour sortir de son abri, Back avait depuis longtemps cessé de crier. Il ne l’avait même pas reconnu. Néanmoins, il l’avait porté sur son dos jusqu’au campement, l’esprit mortellement blessé, le sang imbibant lentement sa chemise et la planquant sur sa peau moite. Back avait été jeté dans une fosse. Pas le temps de pleurer, ils étaient revenus juste après son retour, peut-être même qu’ils l’avaient suivi, et elles les accompagnaient, évidemment. Il avait fallu se battre, les repousser pour un jour, pour une heure. Quand Wing était revenu après la bataille, il ne ressentait plus de tristesse. Plus de larmes, plus d’émotions. Juste la fatigue, écrasante. Mais Wing ne pouvait plus trouver la paix, même dans son sommeil.

Enfin, les deux hommes arrivèrent au centre du camp, où les attendaient déjà les autres rescapés. Les hommes aux yeux absents n’avaient plus usage de discipline ou d’ordre en dehors des combats. Ils étaient tous liés par les visions infernales qu’elles leur avaient insufflé, tous frères de nuits blanches.
Ce matin, Wing avait reçu un message du Haut Commandement. Des renforts Space Marines allaient être acheminé par Thunderhawks à midi précise. Pourquoi à cette heure? La lumière était si hostile à ce moment du jour…

***

Dans un sifflement, la navette traversa l’atmosphère pourpre du monde, et se posa au centre de l’assemblée, soulevant un nuage de sable qui fouetta visages et membres. La porte s’abattit avec fracas, et sortit de l’appareil une grande troupe de colosses aux armures argentées, dont l’éclat brûla les yeux du Commandant qui du les fermer un instant. Elles arrivèrent alors devant lui, riantes…
Wing rouvrit précipitament les paupières, et vit s’approcher un homme en habits ample et blancs. Le nouveau venu s’appuyait sur une canne immaculée au pommeau d’ivoire, et un masque mate lui recouvrait le visage.
« -Inquisiteur Sylimath, dit ce dernier en parvenant devant Wing, mandaté par l’Ordo Malleus pour vous assister au combat. Ces Chevaliers sont à mes ordres.
-Colonel Alacyne Wing, répondit le commandant, chef des forces au sol: le 22e léger d’Arabalek
-Je vous connais Wing, murmura chaleureusement Sylimath, je suis avec la plus grande attention l’évolution de vos batailles sur ce monde. Vous et vos hommes vous êtes montrés dignes de l’Empereur.
-Merci, fit simplement Wing, ces derniers temps, j’ai souvent imploré l’Empereur de me soulager.
-La foi en l’Empereur est le bouclier du vertueux, l’encouragea à continuer l’Inquisiteur, son masque reflétant insoutenablement la lumière blessante du soleil presque à son zénith. À quel mal Lui demandiez vous de remédier?
-Je le priais, dit Wing, soulagé de pouvoir en parler avec quelqu’un qui ne semblait pas les avoir vues, et le prie encore de chasser de mon esprit les terribles rêves où elles m’apparaissent.
Elles? le pressa Sylimath en resserrant sa main gantée sur le pommeau irisé. De qui parles-tu, fils de l’Empereur?
-De…de ces créatures, bégaya péniblement Wing, en les sentant approcher de son esprit, blanches comme des cadavres, belles comme des déesses, cruelles comme… Et leurs rires! Et leurs yeux, par l’Empereur, leurs yeux!« 

Wing tomba à genoux dans la poussière, des larmes roulant sur ses joues sèches. Il se sentait plus libre à présent. Il en avait parlé, et elles n’étaient pas venues. Il pouvait pleurer de tout son soul ses compagnons perdus. Il ne s’en priva pas.
Soudain, il entendit la voix de l’Inquisiteur s’élever, froide et dure comme la mort. « Perdita! » Wing ne comprit pas. Il n’était plus perdu, il venait de se retrouver et…
Il baissa les yeux vers son torse. De larges blessures saignaient abondamment, et son sang s’écoulait rapidement de ses plaies, venant gorger le sable le sable assoiffé. Autour de lui, les autre gardes s’effondraient lentement en râlant. Il vit Navut rouler au sol et se recroqueviller, puis ne plus bouger, à part un ou deux spasmes. L’Inquisiteur se tenait toujours devant Wing. Il ne put le regarder, le soleil faisant trop briller son masque rutilant. La crosse du bâton traversa l’air sec en sifflant et vint s’abattre sur son crâne.

Wing bascula dans le sable, le regard brouillé par un voile rouge. La dernière qu’il vit fut leurs visages moqueurs danser sur les dunes mouvantes…

À propos de Schattra

Égoïstement optimiste, çapourraitêtrebienpirologiste assumé. Selfishly optimistic, proud itcouldbemuchworsologist

Publié le août 28, 2012, dans Textes, Warhammer 40.000, et tagué , , , . Bookmarquez ce permalien. Poster un commentaire.

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