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MALEDICTIONS [Recueil]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue critique du recueil Maledictions ! Cette anthologie de nouvelles de la Black Library présentant plusieurs caractéristiques la différenciant clairement des ouvrages de ce type précédemment publiés par la maison d’édition de Nottingham, l’occasion de chroniquer – pour une fois – une sortie récente, était trop belle pour être manquée.

La première de ces caractéristiques, et probablement la plus intéressante, est qu’il s’agit d’un des tomes fondateurs de la section nouvelle-née Warhammer Horror, dédiée comme son nom l’indique à ce genre littéraire dans les univers de Games Workshop. Les franchises en question n’étant naturellement ni étrangères, ni avares, en situations « cherchant à susciter chez le lecteur l’angoisse et l’effroi, ou à tout le moins à le mettre mal à l’aise » (définition de l’Horreur en littérature de Wikipedia), j’étais curieux de voir si, et comment, les contributeurs de ce recueil allaient réussir à se démarquer des textes de leurs prédécesseurs. L’horreur étant un genre régi par ses propres codes, topoïs et stéréotypes, j’étais également curieux de voir si la BL choisissait de leur rendre hommage ou bien de s’écarter des sentiers battus.

Deuxièmement, Maledictions présente la particularité de mélanger nouvelles prenant place dans les ténèbres d’un lointain futur et celles se déroulant dans l’obscurité des Royaumes Mortels (voire parfois dans la zone grise entre les deux, au moins jusqu’à ce que l’auteur décide de trancher, comme on le verra par la suite). Du 40K et de l’Age of Sigmar réunis dans un seul ouvrage thématique, cela ne s’était – à ma connaissance – jamais fait auparavant, et cela a donc piqué mon intérêt de lecteur.

Sommaire Maledictions

Enfin, la Black Library ayant pour l’occasion sollicitée un contingent de nouveaux auteurs, dont beaucoup présentés comme des spécialistes du genre (Khaw, Gray, Kane…), je voulais prendre la mesure de la jeune garde de l’horreur, moi qui n’avais jusqu’ici pratiqué que des grands maîtres anciens (Lovecraft) ou contemporains (King).

Alors, cette compilation de Maledictions le serait-elle davantage pour les personnages mis en scène dans cette dernière ou pour les lecteurs ayant pris le risque de placer un billet sur cette curiosité littéraire. Lisez, si vous l’osez…

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Maledictions

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Nepenthe – C. Khaw [40K]:

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INTRIGUE:

Le sommeil de Cornelius et Marcus, deux frères au service du Mechanicus et du Magos Explorator Veles Corvinus, a été troublé au cours des dernières semaines par les échos d’un chant qu’ils semblent être les seuls à entendre. Usant de la connexion 40G et de l’accès à Mechapedia dont ils disposent en tant que loyaux servants de l’Omnimessie, les frangins ont cependant réussi à localiser l’origine de leur émoi, qui se trouve être un Space Hulk répondant au nom de Nepenthe1, et dont la course l’amène hors du Warp pour une courte période de temps une fois tous les millénaires. Déterminés à percer à jour les secrets de ce mystérieux vaisseau, et celui de l’énigmatique cantatrice (sans doute chauve) qui leur roucoule dans le cortex depuis quelque temps, Coco et Markie réussissent à manipuler leur boss de manière qu’il décide d’envoyer une expédition aborder l’épave du Wild Wild Warp pendant sa brève transition de l’autre côté du périph’, vainquant au passage les protestations protocolaires de leur collègue de console, le procédurier Lupus.

Tout à leur excitation de rencontrer enfin leur Marsa Béranger personnelle, les Cog Brothers ferment les bioniques sur tout un tas de signes variant de l’étrange (le dock d’atterrissage qui a exactement la taille de leur vaisseau), au suspect (l’hologramme d’accueil qui leur conseille de décamper fissa), en passant par l’improbable (l’état de propreté clinique du Nepenthe, comme s’il avait été investi par les démons de Sheev’ha, la déesse du ménage à domicile – dans le Warp, tout est possible – ). L’arrivée soudaine d’une meute de Genestealers d’Ymgarl, astucieusement dissimulée aux yeux et senseurs des explorateurs par une technique de metachrosis diablement avancée, sonne toutefois le glas des espérances de Jules et Jim d’un premier rencard romantique, et c’est un sauve qui peut général qui est sonné après que les calculs de nos loustics aient établis de façon formelle que leur escorte de serviteurs et de skitarii n’auraient pas la méchadendrite haute dans l’algarade qui s’est engagée entre visiteurs et locaux.

Ayant choisi la fuite en avant au lieu de la fuite en arrière, nos héros parviennent néanmoins jusqu’au cœur du vaisseau, escortés par l’imperturbable hologramme de service, dont ils apprennent le nom au passage (MAUS), ainsi que celui de leur probable dulcinée (CAT). Et là, triple déception. Non seulement la DLC de la donzelle a expiré, tout comme elle, depuis des éons, en témoigne le squelette nécrosé qui barbote dans la cuve amniotique qui trône au milieu du pont, mais il se fait rapidement jour que leur speakerine fantasmée n’était qu’une intelligence artificielle un poil plus sophistiquée que la Siri de base2. Comble de l’infamie, les Magos Bros se font finalement éconduire par la b(i)elle, qui leur annonce brutalement qu’elle ne les a jamais appelés ici, et que tout ceci est un regrettable malentendu. Se prendre un rateau par un sex bot de première génération, il fallait le faire, et ils l’ont fait. La Fédération Martienne de la Loose (FML, un nom approprié à plus d’un titre) serait fière. En désespoir de cause, Marcus et Cornelius ravalent le peu de dignité qui leur reste, et se mettent humblement et totalement au service de cette garce de CAT, qui, pressentant qu’elle aura sans doute besoin d’un coup de main pour remettre en état le Nepenthe après le projet X initié par ses tentaculaires protégés, finit par accepter l’offre des adeptes. La nouvelle se termine par l’envoi d’une cordiale invitation au Magos Explorator Veles, prudemment resté à bord de son vaisseau, à visiter les merveilles du Space Hulk, décrit par les frangins comme parfaitement sûr. Il faut croire que CAT voulait finalement un peu de compagnie. Comme dit le proverbe « Souvent IA varie, bien fol qui s’y fie ».

: Un genre de plante carnivore dit « passif », qui piège les insectes en les attirant dans sa corolle avec un nectar aussi odorant que gluant. Pour vous épargner une recherche Google, disons que ça ressemble à un Empiflor. De rien. On peut remarquer que pour un expert en biologie comme Cornelius, ce nom aurait dû constituer une première alerte…

: Le truc est d’intégrer un psyker disséqué dans la carte mère. Le résultat est à la fois plus naturel et plus performant qu’une IA purement mécanique. Google est déjà sur le coup.

AVIS:

Cette première soumission de Cassandra Khaw m’a laissé un goût d’inachevé assez marqué, tant au niveau des potentialités du récit laissés au stade d’ébauches (ce qui est dommage), qu’à celui du déroulé et de la conclusion apportée à la nouvelle, que j’ai trouvé confus au point de devenir imbittable (ce qui est grave). Pour commencer par le problème le plus critique, il m’a semblé que Khaw partait en roue libre narrative à partir de l’attaque des Genestealers, les péripéties s’enchaînant alors sans faire grand sens pour culminer sur une confrontation lunaire entre Marcus et Cornelius et CAT et MAUS, les premiers soutenant mordicus avoir été appelés sur place par la seconde, qui réfute catégoriquement leur version des faits. Pendant ce temps, Genestealers et skitarii font du charleston en arrière-plan, et Veles s’échine à tenter de rétablir la connexion avec ses sous-fifres. Plus que le fait que nos deux héros soient tombés dans un piège (ce que le nom du vaisseau laissait entendre de manière assez transparente), c’est le caractère fortuit de leur fin probable qui m’a laissé pantois.

Khaw ne donne en effet au lecteur aucune piste ou sous-entendu expliquant le dessein de CAT, qui se mure simplement dans le déni (« nan j’vous ai pas appelé j’vous dit, bande de gros mythos ! »), alors qu’il lui aurait suffi d’indiquer par exemple que l’IA a été corrompue par le Warp et considère les Ymgarls comme le véritable équipage du Nepenthe (ce qui est ébauché quelques lignes plus haut), et attire donc les vaisseaux aux alentours pour assurer la subsistance de ses protégés, pour que tout rentre dans l’ordre. Rien de tout ceci ici, et les revirements finaux de TOM et JERRY, qui acceptent de laisser leurs fans transis squatter à bord, sans encore une fois qu’aucune raison ne soit avancée à cela, puis coopèrent au, ou en tout cas acceptent tacitement le, piégeage de Veles alors qu’ils ont clamé haut et fort deux minutes plus tôt que la maison était fermée, brouillent un peu plus le message. Bref, ce n’est pas une conclusion à twist, mais à bits, qui achève Nepenthe – comprendre que le lecteur est laissé libre de se forger sa propre opinion sur les tenants et les aboutissants de la nouvelle, en piochant dans les éléments narratifs laissés à sa disposition par l’auteur –.

À cela vient s’ajouter un certain nombre de questions sans réponses, qui auraient pourtant pu apporter à la nouvelle un cachet ou un intérêt supplémentaire si elles avaient été creusées par l’auteur. Par exemple, pourquoi Cornelius semble-t-il avoir un visage rituellement écorché ? Pourquoi les héros sont-ils les seuls à entendre la chanson de CAT ? Et qu’a-t-elle de si irrésistible ? À quoi « sert » le fait que le vaisseau soit décrit comme étant plus vieux que l’Imperium ? Comment le vaisseau arrive-t-il à s’adapter parfaitement à la taille de la navette et à se maintenir « propre » ? Pourquoi avoir « utilisé » spécifiquement des Genestealers d’Ymgarl ? À quoi sert MAUS ? On n’en saura malheureusement pas plus, et c’est assez dommage, d’autant plus que Cassandra Khaw, malgré les problèmes exposés ci-dessus, m’est apparue comme une auteur assez « stylée » (même si sa tendance à recourir à un champ lexical très technique peut s’avérer lassant à la longue), et ayant manifestement pris sur elle d’intégrer une bonne partie du fluff de 40K en préparation de cette première soumission, ce dont je lui en sais gré. Il faudra soigner le fond autant que la forme pour la suite, Miss Khaw.

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The Widow Tide – R. Strachan [AoS]:

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INTRIGUE:

Veuve éplorée et inconsolable d’un pêcheur de la côte de Shyish, Katalina éprouve les plus grandes difficultés à faire le deuil de son homme, peu aidée il est vrai par le fait que le corps de ce dernier n’a jamais été retrouvé. Alors qu’elle veille sombrement parmi les pierres tombales du cimetière local à la tombée du crépuscule (une activité des plus saines et naturelles), au grand désespoir du chef de village – et Chief Happiness Officer – (G)Radomir, son attention est attirée par une étrange lumière bleutée émanant de la plage toute proche, qui finit par l’amener jusqu’à une pierre brillante et un matelot mal en point, tous deux rejetés par la marée sur le littoral, après que le navire qui les transportait ait fait naufrage. Faisant fi de l’inhumanité manifeste du rescapé, ainsi que de son odeur de poisson pourri, Katalina empoche le diam’s et embarque le gonze jusqu’à son petit pied à terre, où elle essaie tant bien que mal de soigner son nouveau meilleur ami.

Réalisant de manière inconsciente que son acte de charité pourrait fort bien ne pas être perçu de façon favorable par les autres membres de la communauté, dont les réactions face aux débris du bateau retrouvés sur la plage le lendemain de cette nuit extraordinaire varient de la méfiance à l’effroi, Kat prend bien soin de cacher l’homme qui occupe désormais son lit des yeux inquisiteurs de ses voisins, à commencer par ceux de la vieille Agata, veuve comme elle et manifestement peu au fait des notions d’espace personnel et de respect de la vie privée. Ses soupçons ne sont que confirmés lorsque Radomir fait instaurer des rondes de la milice locale dans les dunes qui ceinturent le village, pour des motifs aussi vaseux que les crabes qui constituent le cœur de son régime alimentaire. Cela n’empêche pas notre Aelf-sitter de persévérer dans son œuvre, malgré les quelques tentatives faites par son hôte de lui fausser compagnie en dépit de son état lamentable1.

Malheureusement pour notre infirmière sans préjugés, il est impossible de garder des secrets dans un village de pêcheurs subsistant de ragots autant que de turbots. Quelques jours après le sauvetage, c’est donc la traditionnelle foule en colère qui vient délicatement taper à ses carreaux, demandant à ce que le naufragé lui soit remis, et sans doute pas pour l’emmener à l’office de tourisme local, si vous voulez mon avis. S’engage alors une course poursuite aussi poign(ard)ante que sanglante entre péquenots outrés et colocs outés, le nombre et la colère des humains ne faisant pas le poids face à la détermination et les talents meurtriers du Zoneille, assez rétabli pour envoyer une paire de vigilantes aller compter fleurette au Nag’. Pour Katalina, c’est également une page qui se tourne lorsque son protégé décide d’emporter un souvenir de ce long week-end de cure, et lui subtilise son âme à l’aide du caillou bleu qu’elle lui avait obligeamment rendu à son réveil. Moralité de l’histoire : ne jamais accepter les demandes de location d’Air BnB de la part d’Idoneth Deepkin, ça finit toujours mal.

1 : Il avait sans doute lu Misery de Stephen King.

AVIS:

Courte nouvelle à l’intrigue cousue de fil blanc, The Widow Tide aurait gagné à bénéficier d’un synopsis un peu plus fouillé. Par exemple en faisant revenir le mari disparu comme entité maléfique, mais néanmoins aimée et protégée par Katalina ; ou en incorporant quelques exactions inexpliquées mais imputables à l’Aelf convalescent recueillie par notre villageoise au grand cœur, et dont on aurait au final découvert qu’elles avaient été commises par un autre Deepkin ayant survécu au naufrage. Cela aurait permis à Strachan d’exploiter plus facilement les codes du récit d’horreur1, au lieu de se retrouver avec un récit trop rapidement expédié pour que puisse s’y développer de manière satisfaisante l’atmosphère angoissante et dérangeante propre à ce type de littérature. La conclusion de The Widow Tide – le « meurtre » gratuit de Katalina par le Deepkin, qui n’avait aucune raison de s’en prendre à elle et dont l’éventuelle (et attendue, après tout les fils spirituels des Elfes Noirs ne sont pas des enfants de chœur) ambivalence vis à vis de sa protectrice n’a été préparée nulle part au cours des pages précédentes – exemplifie encore davantage la réalisation pataude de Strachan de son dessein. Si la nouvelle est un genre codifié, la nouvelle d’horreur l’est encore plus, et malheureusement pour le lecteur, The Widow Tide s’affranchit de trop nombreux éléments inhérents à ce dernier pour que l’expérience soit concluante.

1 : La possession d’un être aimé à la Simetierre pour la première piste, le « jumeau maléfique » à la L’Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde pour la seconde.

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No Good Deed – G. McNeill [40K]:

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INTRIGUE:

Alors que lui et sa bande de djeuns zonaient tranquillement dans les terrains vagues qui entourent la Scholia Progenium Sainte Karesine classée ZUS qui leur sert de foyer, Cor & friends tombent sur un spectacle peu commun pour la périurbanité morne d’Osleon : un vieil homme gisant inanimé à côté d’une mare d’acide, salement amoché par ce qui a tout l’air de relever d’une chute de quelques centaines de mètres depuis les spires de la ruche toute proche, mais néanmoins vivant. Après avoir décidé de porter secours au malheureux plutôt que de mettre fin à ses souffrances, Cor & Cie transportent le patient X jusqu’à leur internat, où il bénéficie des bons soins de la dévouée sœur Caitriona, ange gardien des déshérités de ce trou perdu. Une bonne action ne pouvant être laissée sans châtiment dans l’univers anti-karmique de 40K, c’est la même Caitriona qui a la difficile mission d’annoncer à Cor la mort prématurée de son frère Nicodemus, emporté à l’âge déçu de onze ans par une poussée d’über-culose1. Il y a des jours comme ça.

De son côté rapidement remis sur pied, malgré une amnésie persistante causée par le méchant coup pris sur le crâne au cours de sa dégringolade échevelée (et pour cause, il est chauve comme un grox), Lancelot du Lac Marcel de la Mare, rebaptisé Oskyr par Cor, insiste pour rendre la pareil à ses bienfaiteurs, dont un grand nombre sont affectés par les conséquences délétères du recours massif au glyphosate et du taux anormalement élevé de particules fines qui sont le lot de toutes les agri-ruches de l’Imperium. Car Oskyr, bientôt affectueusement Papa Oskyr par les garnements de la Scholia, semble avoir des connaissances assez poussées en médecine, et se montre tout prêt à les mettre au service d’une cause aussi noble que la santé publique des nécessiteux de Gandor’s Providence.

Après quelques semaines de soins intensifs, les résultats sont bels et bien là : les pupilles de Sainte Karesine pètent tous la forme, augurant de lendemains qui chantent pour Osleon. Malheureusement, la success story de la Scholia trouve une fin aussi brutale que prématurée lorsque…

Spoiler…le bon papa Oskyr décide de mettre à profit la vigueur de ses petits protégés pour accélérer la fin de sa propre convalescence. Plus résistant que ses camarades aux effets du sédatif utilisé par le fourbe AVS, Cor échappe de justesse à la tentative de meurtre dont il est victime de la part d’un condisciple vraiment dans le mal d’une descente carabinée, mais ne peut rien faire lorsqu’Oskyr, attiré par le bruit, vient gentiment le remettre au lit. Et pour cause, Oskyr est en fait Scaeva, Apothicaire des Emperor’s Children, laissé blessé et amnésique à la suite de l’accrochage avec les Imperial Fists sur Gandor’s Providence. Sachant apparemment comment retrouver la mémoire en distillant les meilleurs morceaux de jeunes et vigoureux éphèbes, Scaeva ne s’attarde pas sur les lieux de son crime une fois ses données sources récupérées, et trace sa route vers la gare inter-systémique la plus proche afin de reprendre le cours de sa paisible existence. C’est Fabio qui va être content. Fin du spoiler

1 : C’est comme la tuberculose, sauf que les yeux du patient se remplissent de goudron et qu’il crache des cendres et du sang.

AVIS:

Nouvelle soumission peu inspirée pour le gars McNeill, dont le pedigree laissait espérer un résultat un peu plus concluant que ce tristounet, mais aptemment nommé, No Good Deed. Les reproches peuvent même commencer par ce choix de titre (que l’on peut traduire par Mauvaise Action), qui tue magnifiquement tout le suspense qui aurait pu/dû caractériser cette nouvelle. Certes, il n’aura pas échappé au lecteur un minimum attentif que quelque chose ne tournait pas rond dans cette histoire, la tonalité globalement positive et optimiste de cette dernière l’inscrivant totalement en faux avec le grimdark caractéristique de la BL (Warhammer Adventures mis à part – pour le moment – ), mais il aurait été élégant de la part du Mac de préserver les apparences sur ce point.

Le principal grief que je nourris à l’égard de cette nouvelle est toutefois autre. Que McNeill choisisse d’employer le topos, même plus éculé, mais carrément informe, du héros (prétendant être) amnésique au terrible passé1, soit. Mais qu’il ne se donne pas la peine de s’assurer qu’il ne commet pas d’impair fluffique dans la mise en place de son propos, c’est vraiment décevant de la part d’un auteur qui maîtrise à fond le background de la franchise2. Cela aurait pu, à la rigueur, être pardonné si la plume avait été tenue par l’un des rookies qui ont également participé au recueil Maledictions, mais la désinvolture confinant au je-m’en-foutisme pur et simple de Graham McNeill ne peut être passée sous silence. À côté de ça, le fait que sa soumission ne puisse être qualifiée d’horrifique qu’avec une extrême bienveillance de la part du lecteur (il a fait bien plus creepy par le passé, par exemple avec Three Knights) n’apparaît que comme un défaut mineur. Bref, beaucoup trop de complaisance pour cette fois, dommage.

1 : Les vieux de la vieille ne manqueront pas de faire le lien avec The Small Ones de C. L. Werner, au synopsis très similaire (un groupe d’enfants recueille un mystérieux inconnu trouvé dans la forêt qui borde leur village), et publiée en 2001 dans la première version d’Inferno !

2 : Spoiler Oskyr est trouvé nu comme un ver par les enfants, ce qui supposerait que les Imperial Fists qui l’ont balancé du balcon de la ruche ont pris le soin et le temps de lui enlever son armure avant de lui apprendre à voler. Et quand bien même, celà ne justifie pas la mystérieuse disparition de sa carapace noire, qui aurait dû alerter la Soeur Caitronia. Cette dernière semble enfin être affligée d’une myopie terminale et d’une inculture flagrante pour ne tiquer ni devant le gaabrit monstrueux d’Oskyr, ni devant l’Aquila Palatine tatouée sur l’épaule du gonze. Fin du spoiler

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Crimson Snow – L. Gray [AoS]:

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INTRIGUE:

Alors que les osts du bosquet de guerre de Feuillehiver (Winterleaf) affrontent une armée chaotique lors du traditionnel match du dimanche après-midi, les jeunes Dryades Kalyth et Idrielle, assignées à la buvette et à l’infirmerie, attendent patiemment que l’empoignade se termine dans la sécurité de la lisière. Le service sèvique de nos deux tendres boutures manque toutefois de connaître une fin aussi tragique que prématurée lorsqu’une paire de combattants, aussi altérés de sang l’un que l’autre, titube jusqu’à leur position, avec des intentions pas vraiment amicales. Fort heureusement pour les jeunottes, c’est la liste EELV qui finit par l’emporter sur celle de la Frange Insoumise1, mais la situation reste toutefois assez tendue, car le vainqueur du duel n’est autre qu’un Paria au self-control des plus ténus. Tout finit pourtant par rentrer dans l’ordre, l’esprit enragé reprenant de lui-même la direction du champ de bataille sans trucider ses camarades de classe.

Quelques heures plus tard, alors que la troisième mi-temps bat son plein sous les frondaisons, Kalyth se rend sur le pré pour porter secours à ses confrères et sœurs pouvant encore être sauvés repiqués. Elle tombe par hasard sur le même Paria, toujours aussi écumant, mais dont la transformation avancée en pâte à papier rend l’approche plus facile que précédemment, et, reconnaissante des services rendus, l’assiste dans ses derniers instants, ignorant au passage les recommandations de ses aînés à propos de la quarantaine à laquelle il convient de soumettre les sujets chancrés.

Cette bonne action pourrait cependant avoir de graves conséquences, car dès le lendemain, notre bonne âme se trouve inexplicablement attirée vers le refuge de Parias le plus proche lors de la mission de reconnaissance à laquelle est assignée, et acquiert rapidement la certitude qu’un Lumineux (Bright One) et sa colonie de parasites a élu domicile sous son écorce. Alors que son emprise sur la réalité se fait de plus en plus ténue, et que les voix demandant que la sève soit versée deviennent chaque jour plus insistantes, Kalyth arrivera-t-elle à mettre la branche sur de la bouillie bordelaise pour traiter son affliction avant de commettre l’irréparable l’imbouturable ?

: Les suivants du Chaos éprouvent des difficultés notoires à se coiffer. Pas évident de maintenir un brushing entre les casques intégraux et les mutations aléatoires.

AVIS:

Soumission sérieuse et appliquée de la part de Lora Gray pour ses débuts au sein de la Black Library. Reprenant les codes de l’horreur psychologique (la présence maléfique que le héros est le seul à ressentir, et qui finit par le rendre fou), relevés d’une touche de gore assez graphique (automutilation notamment, le truc qui marche toujours avec moi), Crimson Snow explore avec réussite un des aspects les plus sombres de la faction Sylvaneth, les mystérieux Parias, dont les causes de la folie sanguinaire sont encore mal connues. N’étant pas vraiment familiers avec les subtilités du background de cette armée, j’ai eu un peu de mal à assimiler le rôle joué par les Lumineux (un terme qui n’apparaît pas, ou peu, dans les textes canons) dans la propagation du mal, d’autant plus que la « matérialisation » du parasite de Kalyth s’opère dans gélatineux (?) un flou artistique ne facilitant pas la compréhension. Reste que la progression de l’intrigue vers sa funeste conclusion est suffisamment claire pour que tout le monde puisse s’y retrouver, néophytes comme vétérans. Pouce vert pour Gray, donc.

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Last of the Blood – C. L. Werner [AoS]:

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INTRIGUE:

La cousinade à laquelle le Baron Eiji Nagashiro a convié les membres de sa famille, et se tenant dans le faste de la forteresse du clan, commence sous de bien sinistres auspices. Comme tous les cent ans, en effet, cette noble lignée se retrouve la victime de l’antique malédiction qui la frappe depuis l’Âge des Cinq Princes, époque où le roi Ashikaga trouva malin d’asseoir son pouvoir en envoyant son bourreau personnel, Yorozuya, raser gratis les dissidents et toute leur famille, jusqu’au dernier beau-frère issu de germain par alliance. Ayant trouvé un moyen d’échapper à l’aristocide, les Nagashiro doivent cependant composer avec le retour régulier du fantôme de l’émissaire royal, qui traque les descendants du Baron Jubei, à raison d’une tête par mois, jusqu’à disparaître mystérieusement une fois sa rage immortelle assouvie (ou le coffre de sa Twingo rempli à ras bord, c’est selon). La saison de la prise de tête ayant commencé depuis maintenant quelques lunes, les cousins survivants se réunissent donc pour écouter la proposition du rusé Eiji, qui pourrait avoir trouvé le moyen de mettre en échec l’intraitable revenant.

Ayant fricoté plus qu’à son tour avec les secrets occultes de la non-vie1, Eiji convainc rapidement son auditoire, composé, entre autres parents, de sa mère, sa belle-sœur, une ribambelle de cousins et un petit cousin par alliance, de coopérer avec son plan, prétendument infaillible, qui permettrait à l’assemblée de feindre sa disparition aux yeux de leur bourreau, renvoyant ce dernier pourrir tranquillement dans quelque recoin humide du sous-monde. Malheureusement, si le décor mis en place par Eiji ne manque pas de cachet, l’efficacité de son rituel laisse toutefois sérieusement à désirer, et laisse notre apprenti nécromancien partagé quant à la suite à donner à son idée pas si géniale que ça. De leur côté, les Sacquet de Besace et autres Soucolline, considérablement refroidis d’avoir vu leur hôte perdre si soudainement la tête, s’égaient dans la demeure comme une volée de moineaux effarouchés, et constatent avec chagrin que feu le Baron a donné des ordres stricts à ses suivants pour que le couvre-feu soit appliqué. Il faudra donc, et c’est assez peu fréquent, éviter les flèches plutôt que de les suivre pour atteindre la sécurité – toute relative – de l’extérieur, ce fripon de Yorozuya ayant prouvé à maintes reprises sa capacité à rattraper les fuyards.

Coincés entre le marteau et l’enclume, ou entre le katana et les makiwaraya dans le cas présent, les invités optent pour différentes stratégies, plus ou moins couronnées de succès. Constatant que résignation, confrontation, tractation et invocation se sont toutes soldées par une décollation, le spirituel Toshimichi décide de tenter sa chance avec la réflexion, et passe en revue les éléments et évènements ayant pris place depuis son arrivée au château…

Spoiler …Bien lui en prend car il découvre rapidement que leur hôte est loin d’être aussi mort qu’il n’y paraissait, ayant mis en scène son propre trépas et piégé sa smala dans le seul but de devenir le dernier des Nagashiro. Il est en effet établi que l’ultime survivant de la lignée maudite bénéficie d’une protection impénétrable contre les assauts du spectre, qui disparaît alors prendre un siècle de vacances bien méritées. Bien à l’abri derrière son pentacle de craie noire, seule protection ayant été d’une quelconque utilité face aux ravages de Tonton Yoyo, Eiji se délecte à l’avance du succès de ses manigances, lorsqu’un brasero en fonte vient lui friser les moustaches et lui aplatir l’occiput, signe on ne peut plus clair du mécontentement de sa belle sœur devant sa bassesse éhontée. Ce deuxième décès étant définitif, Toshimichi ne tarde pas à découvrir qu’il est, de facto, l’ultime représentant de sa race, les horions du pauvre Yorozuya ne faisant plus que l’effleurer. Il peut en cela remercier l’homosexualité, désormais irréfutable, de son cousin Mikawa, dont le mariage avec la douce Otami n’a pas été consommé. Encore une fois mis en échec par sa malédiction, le spectre vengeur n’a pas d’autre choix que de prendre congé, et de ronger son frein pendant un nouveau siècle avant de pouvoir retenter sa chance. C’est plus qu’il n’en faut à Tosh’ et sa belle doche, qui comptent bien vivre et mourir de leur belle mort d’ici là. (Meta)carpe diem, comme on dit chez les Mortarques… Fin du spoiler

1 : Après tout, de Nagash à Nagashiro, la nuance est tenue.

AVIS:

À la lecture de cette nouvelle, comme d’autres avant elle, on peut soit décider que C. L. Werner ne se soucie guère du fluff d’Age of Sigmar, soit au contraire décréter qu’il est l’auteur ayant le mieux intégré toutes les libertés offertes par la nouvelle franchise de Games Workshop en termes de background. Les partisans de la première école mettront en avant l’absence quasi-totale d’éléments caractéristiques des Royaumes Mortels dans ce Last of the Blood, quelques mentions rapides à Nagash, Sigmar et Dracothion mises à part. Ceux de la seconde feront remarquer qu’avec huit Royaumes-Plans distincts à exploiter, et des milliers d’années à couvrir, il serait dommage de ne raconter que des histoires de Stormcast Eternals.

Chaque approche peut être défendue, et pour ma part, je préfère saluer la fantaisie de Werner plutôt que de m’outrer de son hétérodoxie manifeste. Son trip japonisant a beau détonner fortement avec les péripéties métalliques d’Hamilcar, Gardus et consorts, il serait dommage de bouder son plaisir, d’autant plus que notre homme trousse ici une petite nouvelle d’horreur ma foi assez réussie, et proposant au lecteur un double twist final pour sa peine, ce qui est toujours agréable. Certes, le fluffiste acharné ne trouvera pas grand chose à se mettre sous la quenotte, la culture particulière présentée par Werner n’étant vraisemblablement pas destinée à apparaître dans d’autres publications, mais l’amateur de nouvelles fantastiques sortira assez satisfait de cet exercice de style, qui démontre une fois encore la versatilité narrative de l’homme au chapeau. Je vous tire donc le mien, Herr W.

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Predation of the Eagle – P. McLean [40K]:

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INTRIGUE:

Retour sur Vardan IV en compagnie des braves bidasses du 45ème Reslian, déjà croisées dans le No Hero du même auteur (Inferno ! #1), où nous suivons cette fois les déboires d’une Compagnie entière alors qu’elle tente de mener à bien une mission d’infiltration et de reconnaissance derrière les lignes ennemies1. Notre héros, le Caporal Cully, un vieux de la vieille à qui on ne la fait pas, se retrouve en effet confronté à une situation des moins banales. Les hommes (et femmes, car Reslian est un monde paritaire) de son unité sont victimes des attentions homicidaires d’un mystérieux traqueur, dont la conception du fun semble inclure l’éventration de soldats impériaux, et la mise en scène de leurs cadavres selon un rituel bien particulier, incluant la réalisation de l’aquila impériale par leurs doigts raidis par la mort (et tenus en place par des bouts de lianes tressées, parce qu’il faut pas déconner non plus, ça bouge sinon). Ah, et notre énigmatique chasseur n’est pas non plus contre se tailler un petit steak dans le gras de la barbaque de ses proies, pour peu qu’elles soient bien en chair.

Malgré la mise en place de précautions élémentaires, et le fait que la moitié de la Compagnie soit constituée de vétérans de la guerre de jungle, et donc plus que capables de veiller à leur intégrité physique même sous le fin crachin et la légère boue caractéristiques de Vardan IV, le décompte des victimes continue son inexorable progression, au grand désarroi et déplaisir de Cully et de sa vieille garde (Rachain, Gesht, Steeleye), qui, au fil des jours, doivent se rendre à l’évidence : leur bourreau n’est pas un Ork super discret et super instruit (la version officielle), mais quelque chose d’autre. Ou quelqu’un d’autre…

Spoiler …Car, de manière cocasse et fortuite, il se trouve que le meilleur scout de la Compagnie, un dénommé Drachan, a été porté disparu dans la jungle trois mois auparavant. Drukhari en goguette mis à part, il n’y a que ce fameux Drachan, sans doute plus qu’un peu traumatisé par ces quelques semaines de camp de vacances en compagnie de GO (Gentils Orks) imaginatifs en termes d’activités, qui soit capable de tailler des croupières et des côtelettes à/dans ses anciens camarades. Entre deux accrochages avec les locaux, Cully et Cie décident donc de régler l’histoire le plus discrètement et définitivement possible, une fois que chacun a fait son deuil de l’ami ou l’amant que Drachan était pour lui avant que la fièvre verte ne le prenne. On ne piège cependant pas aussi facilement que ça un castor senior en plein Bois de Boulogne, et Drak the Ripper pratiquera encore quelques laparotomies au débotté (dont une sur l’officier en charge – théorique – de la mission, un jeune incapable tout frais sorti de l’école, et nommé Makkron… McLean serait-il un Gilet Jaune ?) avant de ne devoir rendre ses comptes devant Pépé… ou Gork et Mork, peut-être… Fin du spoiler

1 : À supposer que les Orks soient capables de tracer des lignes. Même juste un tout petit peu droites. Pas gagné.

AVIS:

Voilà une bien belle et glauque soumission pour l’ami McLean, qui confirme avec PotE (pour une fois que j’ai un acronyme pot-able sous la touche, autant l’utiliser) le pote-ntiel pressenti et espéré avec son initial No Hero1. Comme dans cette dernière/première nouvelle, l’atmosphère de combat de jungle, étouffante, humide, dangereuse et plus adaptée à l’Ork qu’à l’homme, est très bien rendue, avec toujours ce petit côté guerre du Vietnam, sans doute inévitable pour ce genre de parti pris littéraire, mais en rien désagréable. À celà vient s’ajouter le triple bonus d’une galerie de personnages beaucoup plus singuliers et intéressants que les survivants du peloton Beta (mention spéciale à la sniper Steeleye, authentique gueule cassée ayant eu le douteux privilège de se faire rouler une galoche par un Peau-Verte trop entreprenant, et dont la seule lecture des séquelles vous mettra mal à l’aise) ; une utilisation adroite des codes de l’horreur/gore par meurtres rituels interposés ; et l’inclusion d’une dimension thriller, certes rapidement évacuée par un McLean qui aurait pu continuer à laisser planer un peu de suspens sur l’identité de son boogeyman, lorsque le lecteur est invité à enquêter avec Cully sur les meurtres de son unité. Bref, un sans faute tant sur le fond que sur la forme, et dont l’inclusion dans un recueil de nouvelles d’horreur est tout à fait légitime, ce qui n’était pas évident pour une histoire de Gardes Impériaux. Qu’on se le dise, si elle ne se rend toujours pas, la Garde meurt en tout cas avec panache.

1 : D’ailleurs cet impayable Lopata, alias Ogryn, fait un petit cameo en début de nouvelle. Le clin d’oeil, c’est toléré, tant que ça ne sombre pas dans l’auto-like.

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The Last Ascension of Dominic Seroff – D. Annandale [40K]:

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INTRIGUE:

Eremus. Une planète poubelle (littéralement) comme l’Imperium en compte quelques centaines, un monde ruche en déréliction avancée n’accueillant que la lie des serviteurs de l’Empereur. Parmi ces derniers, nous faisons la connaissance d’un couple de vieilles canailles, le Seigneur Commissaire Dominic Seroff et l’Inquisitrice Ingrid Schenk, unis par une détestation commune et sincère envers l’irréprochable Yarrick, responsable de la disgrâce de nos deux larrons. Dom’ a en effet eu la mauvaise idée de ne pas sentir le vent tourner autour du gouverneur Herman von Strab lorsque Ghazghkull, tel le facteur (X) qu’il est au fond de lui même, est venu sonner pour la deuxième fois à la porte d’Armageddon, et a gagné le droit de superviser le recrutement des forces armées d’Eremus (dont la valeur et le mérite approche celles de notre Burkina Faso) pour sa peine. Schenk a quant à elle été prise la main dans le sac à expérimenter avec une souche de la Peste de l’Incroyance dans la banlieue de Molossus et des conditions pas vraiment cliniques, par l’intraitable Commissaire, qui s’est découvert des prérogatives policières sur ce coup1, et a bouté la Ressuscitationniste hors de son laboratoire à ciel ouvert (façon de parler pour un monde ruche), direction Eremus également.

Alors que nos crapules portent un toast à la mauvaise santé de leur Némésis, en regardant les épaves recrachées par le point de Mandeville le plus proche s’écraser sur les spires décaties de leur planète d’adoption, ce qui passe pour un dîner aux chandelles sur Eremus j’imagine, une explosion particulièrement féroce vient rompre leur train train habituel. Désabusés mais toujours prêts à faire leur devoir, Seroff et Schenk ne sont pas longs à prendre la direction de l’impact, qu’ils trouvent sujet à un émoi compréhensible mais très exagéré de la part des voisins, qui ont mis le feu au quartier dans leur panique et se comportent de manière très étrange. Ayant fait prisonnier un citoyen qui passait dans le coin, le Commissaire et l’Inquisitrice ont la surprise de le voir se changer en fleur de manière peu ragoûtante, puis en cendres de manière spontanée, sous leurs yeux incrédules. « Ce n’est certes pas un rhume des foins » étant le seul diagnostic que la docte Schenk est capable de poser suite à ce cas de biodégradation subit, décision est prise de retourner sur les lieux du crash, et d’installer le cordon sanitaire qui semble s’imposer à proximité de ce dernier.

Protégée par son scaphandre inquisitorial, Schenk arrive à approcher l’épicentre du problème d’assez près pour se rendre que ce n’est pas non plus la rhinite allergique qui est à blâmer sur ce théâtre, les diverses mutations affectant les quidams n’ayant pas eu l’intelligence d’aller voir ailleurs si l’Empereur y était ayant rapidement raison des nerfs de son escorte de Gardes Impériaux, tout comme de ses velléités d’étudier de plus près cette étrange épidémie, dans le but initial et avoué de regagner la faveur de sa hiérarchie. Optant pour une application stratégique et immédiate du principe de précaution, Schenk se dirige donc aussi vite que sa chaudronnerie lui permet vers le piquet tenu par son compère, ce qui lui laisse largement assez de temps pour constater que la maladie, en plus d’être une zoonose indéniable, semble également avoir des propriétés naonoses, ce qui est à la fois tout à fait remarquable et terrifiant. En effet, ce sont bientôt des quartiers entiers d’Eremus qui commencent à muter, rendant la tenue d’un cordon sanitaire efficace aussi vaine qu’illusoire. Ayant opté pour la sécurité toute relative de leur HLM de fonction, Seroff et Schenke croient leur dernière heure arrivée lorsque leur loft décide d’embrasser une carrière de sauteur en hauteur, guère concluante il faut le reconnaître (en même temps, la coordination musculaire est complexe quand on est une tour de plastacier de 50 étages), et rapidement interrompue. Miraculeusement épargnés par l’effondrement consécutif à cette monumentale crise d’épilepsie, nos héros se réveillent dans la soute d’un vaisseau, où les attendait, avec la bonhommie légendaire qu’on lui connaît…

iSpoiler…Typhus en personne. Le patron du Terminus Est n’a en effet pas digéré, et sans doute donc vomi, puis ré-ingéré, l’utilisation déloyale que Schenk a fait de sa peste de l’incroyance, soumise à copyright opera galaxii, comme toutes ses autres créations, et est venu sur Eremus pour régler l’affaire à l’amiante (c’est mieux qu’à l’amiable). Voulant faire les choses bien, il s’est fendu d’une nouvelle infestation, dont Schenk et Seroff ont pu constater l’efficacité et l’inventivité au cours des dernières heures, dans le seul but de prouver à la malotrue qu’il est toujours la bosse du game. Ayant amplement démontré le bien-fondé de sa cause, il termine en ôtant à ses hôtes la gracieuse et graisseuse immunité dont il les avait fait bénéficier jusqu’ici, avec des effets rapides et indésirables pour la pauvre Ingrid. Et Dominic, me direz-vous ? Comment se termine sa dernière ascension (c’est son histoire après tout) ? Eh bien, tout aussi mal, mais pour des raisons bien différentes, notre Seigneur Commissaire décédant d’une hypertrophie astragalaire (la maladie des chevilles gonflées) subite en réalisant qu’il n’était que le side-kick de la nouvelle. Vanité, tout n’est que vanité.Fin du spoiler

1 : J’ai un peu de mal à comprendre comment un Commissaire, fut-il aussi célèbre et influent que Seb la Pince, a pu avoir gain de cause contre un Inquisiteur chevronné rosetté, dont la mission suppose qu’il soit au-dessus de toute autorité, Pépé mis à part. Comme Annandale a consacré une abondante littérature à Yarrick, laissons-lui le bénéfice d’une explication crédible mais non décrite dans The Last Ascension…

AVIS:

Située en plein cœur de l’Annandal-ivers, The Last Ascension… permet à son auteur de convoquer deux des figures du fluff avec lesquelles les pontes de la BL l’ont autorisé à jouer, dans un cross-over par antagonistes interposés (je me comprends, peut-être que vous aussi), qui s’avère être davantage un délire personnel d’Annandale qu’une soumission intéressante à un recueil de nouvelles d’horreur. On peut ainsi reprocher à David son approche finalement très basique et peu inspirée des codes de l’épouvante, dont l’intégration à l’intrigue est aussi naturelle et appropriée que celle de navets dans une tarte aux fraises, pour tirer une comparaison culinaire. En faisant de l’horreur le vecteur de la peste qui frappe Eremus, Annandale répond certes au cahier des charges qui lui a été soumis, mais aux dépends de la cohérence et de la dynamique de son intrigue, qui était pourtant assez bien partie jusqu’ici.

Comme souvent avec la prose de notre ami canadien, une bonne et généreuse idée de base finit par s’effondrer sous le poids de sa propre kioulitude, fragilisée qu’elle est par l’incapacité de l’auteur à apporter des réponses satisfaisantes aux questions qu’un développement incontrôlé ne manque pas de générer. Ici, c’est donc la manière dont la peste se répand d’un hôte à l’autre qui fait débat, Annandale théorisant que c’est l’horreur générée par la vision des mutations qui propage l’infection. OK. Mais comment le patient zéro a-t-il attrapé cette vilaine grippe, si tout ce qu’il y avait à voir initialement était les ruines d’un crash aérien (un spectacle très commun sur Eremus) ? Et comment diable expliquer de manière un tant soit peu robuste que l’infestation puisse se propager à des bâtiments1 ? Bref, une soumission encore trop limitée pour prétendre à autre chose qu’à l’habituelle mention passable pour le sieur Annandale. De mauvaise augure quand on sait que la BL lui a demandé de participer à l’écriture du récit collectif The Wicked and the Damned en ouverture de la gamme Warhammer Horror.

1 : Vous l’attendiez tous, par un magnifique TGCMLC (It’s the Chaos, stupid). Ça faisait longtemps tiens.

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Triggers – P. Kane [40K]:

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INTRIGUE:

Le gouverneur du monde minier d’Aranium (ça ne s’invente pas), Tobias Grail, traverse une mauvaise passe. Alors qu’il jouissait paisiblement et profitablement des avantages conférés par son affectation à la tête de cette productive planète, en récompense d’une carrière distinguée au sein de la Garde Impériale, Grail est devenu la proie de rêves inquiétants, dans lesquels il a le pressentiment que quelqu’un cherche à lui dérober sa fortune. Une position telle que la sienne ne lui laissant pas le loisir de prendre quelques jours de RTT pour s’aérer la tête, notre héros prend donc sur lui et s’emploie à donner le change comme si de rien n’était, même si ses plus proches collaborateurs – à commencer par son bras droit/garde du corps/homme à tout faire/baby-sitter/ancien camarade de guerre Russart – commencent à remarquer et à s’inquiéter des sautes d’humeur et discours incohérents de leur supérieur.

Malheureusement pour Tobbie, la situation ne va pas en s’améliorant, aux cauchemars venant s’ajouter des hallucinations de plus en plus fréquentes et éprouvantes, dans lesquelles il assiste à des groupes de parole pour mutants et démons (comprendre que ces derniers se contentent de se réunir en cercle autour de lui pour l’encourager à continuer son bon travail, ce qui gonflerait sans doute son estime de lui, s’il n’était pas occupé à souiller son slip). Qu’il s’agisse de visiter un camp de travail une coopérative minière modèle, de superviser sa petite activité de contrebande de biens illicites d’import-export personnelle, ou d’aller aux p- de se détendre après une dure journée de travail au service de l’Imperium, Grail doit faire face à des crises dont l’intensité et la violence vont crescendo. Naturellement rendu un peu chafouin par ces épisodes psychotiques, le gouverneur finit par s’enfermer dans un isolement presque complet, dont seuls la tenue d’un grand bal masqué pour les notables d’Aranium, et l’épisode de paranoïa aigüe dans lequel il sombre après une remarque malheureuse de Russart, le convainquent de rompre. Mais si l’évènement commence sous des auspices favorables et tout à fait normaux, il ne faut pas longtemps avant que Grail n’expérimente le biggest and baddest trip ever, qui l’envoie baguenauder au cœur des Royaumes du Chaos, comme un Marius Hollseher du 41ème millénaire. Fou de terreur, notre héros sonne la fin des festivités, de manière très cavalière et peu protocolaire, il faut le reconnaître, et s’enfuit vers ses quartiers…

Spoiler…où il est rapidement rejoint par le fidèle Russart, qui lui apporte la solution à ses problèmes : une tablette de LARGACTIL 100 mg un tir de laser en pleine poitrine. Grail n’a que le temps de contempler une dernière fois le contenu de son coffre fort personnel, parmi lequel se trouve le médaillon qui lui a été remis en récompense de sa bravoure au combat lors d’une ancienne bataille contre les Orks, et sur lequel il arrive à distinguer la mention Made in PRC (Parasympathomimetic Realms of Chaos) avant que le rideau ne tombe. Exigez la qualité martienne, loyaux sujets de l’Empereur ! De son côté, Russart se révèle être une Callidus en mission, dont l’intervention était nécessaire pour empêcher Grail de livrer, sans doute involontairement, son fief aux Puissances Noires. Just another day in Pépé-dise…Fin du spoiler

AVIS:

Franche déception que ce Triggers (dont le choix de titre continue de m’échapper à ce jour), au vu de l’expérience de son auteur dans l’écriture horrifique. Nul doute que Kane doit être capable d’écrire des textes d’épouvante tout à fait respectables, mais son incursion dans les ténèbres de notre lointain futur s’avère être un acte manqué, la faute à une maîtrise limitée du background et une utilisation pataude de ce dernier. On ne peut pas reprocher à l’auteur d’avoir souhaité terminer sa nouvelle sur un twist final, élément indissociable tant du genre que de la littérature horrifique, mais il aurait été plus inspiré de ne pas se frotter à un concept aussi complexe que le Chaos pour ce galop d’essai, dont l’utilisation satisfaisante requiert un niveau de connaissance du fluff sensiblement supérieur à celui de Mr Kane au moment de l’écriture de Triggers. Non qu’il se vautre dans des contre-sens grossiers, mais son exploitation du thème de la corruption s’avère tellement insipide et contre-intuitive qu’elle dessert in fine son propos. Dans un Imperium d’un million de mondes, une intrigue tout à fait « classique » aurait l’affaire, et sans doute permis à Paul Kane de survivre à l’enfer de 40K de manière plus convaincante. Où sont les éditeurs de la BL quand on a besoin d’eux ?

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A Darksome Place – J. Reynolds [AoS]:

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INTRIGUE:

S’il est toujours compliqué de discuter des couleurs (surtout quand on parle à des figurinistes), l’égout peut-il, lui, être abordé de manière satisfaisante ? C’est en tout cas le postulat de Josh Reynolds, qui entraîne ses lecteurs dans les galeries souterraines de Greywater Fastness, métropole Ghyranite qu’il avait déjà explorée dans Auction of Blood. Une équipe d’égoutiers (underjacks1) sous le commandement du vétéran Tooms, est à la recherche de collègues portés disparus depuis quelques jours, ce qui n’augure rien de bon pour sûr. Alors qu’ils progressent vers la zone où leurs confrères se trouvaient lorsqu’ils ont cessé de donner signe de vie, les agents territoriaux de GF sont confrontés aux aléas classiques du métier, qu’il s’agisse de Troggoth en maraude, d’une infestation de champignons, ou de cadavres de catacombistes amateurs.

Il semble cependant certain que quelque chose de pas très sigmarite se trame dans les profondeurs des canaux, comme l’insinue la multitude de signaux que les Tooms Raiders ne manque pas de remarquer : d’où vient cette odeur de propre ? Pourquoi n’y a-t-il pas de rats ? Comment expliquer la prolifération de cet étrange fungus ? Qui diffuse le mystère des voix bog-lares dans le dédale des canaux ? Ajoutez à cela la disparition régulière et soudaine des membres de la fine équipe, jusqu’à ce que seul l’inébranlable Toto demeure, et vous obtenez un point d’alerte à remonter à la direction dans le rapport circonstancié de mission, pour sûr. Ce ne sont toutefois pas ces menues péripéties qui décourageront notre zélé héros d’aller au fond des choses, dans l’espoir, de plus en plus incertain, de retrouver son mentor – Agert – qui l’attend quelque part dans les profondeurs de Ghyran…

Spoiler…Et pour cause, Tooms finit par tomber sur le pot aux coulemelles – il n’y a pas de roses qui poussent dans les caves, voyons –, une rave party géante où la consommation de champignons est aussi massive qu’inversée (ce sont les fungi qui mangent les humains), sous le haut patronage d’une entité faite entièrement de spores, et sujette à l’adoration béate de ses proies alors même qu’elles succombent à la mycose (ce qui est toujours mieux que de succomber à la sinistrose, avouons-le). Introduit à cette dernière, une certaine Mme A. Larielle, dont nous respecterons les demandes d’anonymat, par son pote Agert, désormais totalement ravagé du bulbe, Mister T parvient à se défaire de la peer pressure et obtient la fermeture temporaire de la salle de spores en l’embrasant d’un jet de lanterne bien placé, avant de partir en rafting vers la civilisation. Cependant, alors qu’il tente désespérément de retrouver le chemin de sa cité bétonnée, il réalise que lui aussi entend désormais Lucy in the Sky lui retourner la tête avec ses délires de tangerine trees et cellophane flowers. Et le pire dans tout ça, c’est qu’il y prend (é)goût…Fin du spoiler

1 : On peut noter la fidélité de Reynolds envers cette noble profession, qu’il avait déjà mise à l’honneur dans une de ses nouvelles dédiées au très saint et très brutal ordre de Manann, Dead Calm.

AVIS:

Beaucoup d’atmosphère, mais finalement peu de contenu de la part de Reynolds dans cet A Darksome Place, son parti-pris de suspens autour des causes de la disparition des égoutiers, et de l’identité et motivations du responsable d’icelle, restant assez nébuleux d’un bout à l’autre du récit. Pour ma part, il a fallu que je me renseigne un peu sur Greywater Fastness pour comprendre les tenants et les aboutissants de la nouvelle, qui contient pour le lecteur averti une mini-révélation fluff assez intéressante. Il est dommage que les efforts consentis par l’auteur pour permettre une révélation spectaculaire à la fin de son récit (lieux oppressants, narration en flashbacks, catchphrase faussement bénigne – it’s a kindness // c’est une faveur – martelée à l’envie) n’accouche que d’une réalité que le lecteur avait sans doute percée à jour de lui-même quelques pages plus tôt, et d’une « bête » confrontation entre le héros et son antagoniste. Même le renoncement du premier, synonyme de victoire du second, à la toute fin de la nouvelle, se trouve affaibli par le peu de doute subsistant quant à l’issue finale de cette dernière. Bref, je m’attendais à mieux, et à « pire » de la part de Reynolds, qui une fois n’est pas coutume, ne tire pas le niveau général de l’anthologie vers le haut. Ca arrive Josh, ça arrive.

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The Marauder Lives – J. C. Stearns [40K]:

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INTRIGUE:

L’interrogatrice Monika a bien mérité de l’Imperium. Capturée et torturée pendant une décennie par l’Archonte Eldar Noir Kelaene Abrahak, aka la Maraudeuse1, après qu’elle ait réussi à attirer les forces de cette dernière sur une position tenue par une petite force inquisitoriale, et non occupée par une foule de réfugiés prêts à la cueillette, comme la Zoneille le pensait, elle a enduré les sévices physiques et psychologiques dispensés par sa cruelle maîtresse jusqu’à regagner enfin sa liberté, précipitant la fin de la Maraudeuse dans l’opération. Souffrant de nombreuses séquelles, dont des troubles de stress post-traumatique aussi compréhensibles qu’handicapants, elle a été placée en rééducation dans la maison de repos St Solangia, tenue par les Ordos sur une île située en plein milieu de la mer cressidienne. Recevant à intervalles réguliers la visite de sa mentor et amie, l’Inquisitrice Deidara, elle fournit à cette dernière de précieuses informations sur la société et la culture des ses anciens bourreaux, en tentant tant bien que mal de retrouver un comportement que le quidam moyen pourrait qualifier de normal.

Il est toutefois difficile pour une rescapée comme Monika de baisser sa garde, ses années de servitude lui ayant appris la valeur d’une méfiance absolue, confinant à de la paranoïa pure et simple pour un observateur extérieur, mais indispensable à la survie d’un résident de Commoragh. D’autant plus que sa maîtresse avait l’habitude de mettre en scène de fausses tentatives d’évasion au « bénéfice » de son animal de compagnie, pendant lesquelles Monika pouvait nourrir l’espoir d’avoir échappé à sa captivité, pour invariablement se rendre compte que cette farceuse de Maraudeuse avait tout organisé, et s’était jouée de ses efforts depuis le début. On comprendra aisément que cet innocent passe-temps ne favorise pas non plus la reprise d’une vie insouciante, car, au fond, qui pourra convaincre Monika que sa « liberté » retrouvée n’est pas la dernière manigance en date de sa tortionnaire, qui serait allée jusqu’à feinter sa propre mort pour convaincre son esclave de la réalité de la chose (après tout, quand on est une immortelle aussi sadique que friquée, on peut se permettre de réaliser ses lubies) ?

Alors qu’un ouragan s’apprête à s’abattre sur St Solangia, coupant l’institut du reste du monde pendant quelques heures, et que les signes d’une activité suspecte et maligne s’accumulent, Monika se retrouve confrontée à une question aux conséquences potentiellement pires que la mort : et si la Maraudeuse était encore à ses trousses ?

1 : Surnom donné à Kelaene par les autorités impériales après qu’elles aient remarqué la tendance de l’Archonte à effectuer des tournées de bienfaisance régulières sur les planètes humaines, où elle se fait un devoir d’offrir aux populations démunies tout le confort physique et spirituel pour lequel les Drukhari sont justement réputés. Des milliers de citoyens impériaux ont ainsi bénéficié d’un placement en centre d’accueil sur Commoragh. Bravo madame.

AVIS:

Quelle plus grande horreur peut-il exister que celle de ne pouvoir faire confiance à son propre jugement ? Vous avez deux heures, le temps de – peut-être – regarder un des classiques1 exploitant le filon de la subjectivité narrative pour faire douter le héros, et avec lui, le spectateur, de ce qu’il v(o)it. Pour ma part, je considère cette approche de l’horreur, pour peu qu’elle soit réussie, comme la plus intéressante et, il faut bien l’avouer, flippante qui soit. Tout l’art du narrateur consiste à ménager les interprétations possibles, de façon à laisser planer un doute sur ce qu’est, au final, la vérité. Et, comme dans toute bonne théorie du complot, c’est encore meilleur si rien n’est laissé formellement tranché à la fin du récit !

Vous l’aurez sans doute compris à ce stade, j’ai adoré The Maraudeur Lives, qui a selon moi parfaitement réussi à se positionner sur le créneau horrifique précédemment décrit. L’absence de balise spoiler dans la partie résumant l’intrigue est une preuve supplémentaire de la maîtrise par Stearns de son propos : il n’y a pour ainsi dire pas de twist final à préserver, car c’est au lecteur de décider en son âme et conscience si Monika a sombré dans une crise de paranoïa aigüe, dont il est impossible de la tirer de manière rationnelle, ou bien si elle est effectivement pourchassée par l’élusive Maraudeuse, et a absolument raison de ne faire confiance à personne. Il est tellement rare d’arriver à des résultats aussi « satisfaisants » à la lecture d’une nouvelle de la Black Library que je me devais de souligner cette performance de l’ami Stearns, et irai même plus loin, en justifiant l’achat du recueil Maledictions (en attendant que The Maraudeur Lives soit disponible à l’unité) sur la seule présence de ce texte au sommaire. Voilà une construction narrative qui mérite d’être étudiée dans les cours d’écriture, et qui viendra récompenser l’opiniâtreté et l’abnégation du lecteur BL, prêt à s’enquiller platitudes sur bof-erie (à ne pas confondre avec la beauferie, c’est très différent) à la recherche d’une des rares pépites que la maison reste capable de publier, de temps à autres. Profitez, profitez donc.

À ce déroulé impeccable vient en outre s’ajouter une « caractérisation » de Monika des plus fouillées et intéressantes, faisant bien comprendre au lecteur la profondeur du traumatisme subi, et en filigrane, les trésors de perversité dont sont capables les Eldars Noirs envers leur prochain. Si vous aviez besoin d’une nouvelle pour comprendre à quel point cette fin de race est infréquentable, c’est également votre jour de chance. Il n’y a qu’à suivre le déroulé d’une journée classique de Monika, depuis son réveil sous son lit (trop dangereux de dormir dedans), jusqu’à ses promenades aux aguets dans le parc de St Solangia, en passant par le contrôle régulier de l’absence d’injections intraveineuses, les caches d’armes improvisées et de nourriture à divers endroits de sa cellule, les repas qui prennent littéralement des heures à force de tests successifs d’innocuité, et l’entraînement rigoureux auquel elle s’astreint pour se maintenir au pic de sa forme, pour se rendre compte que Stearns a vraiment bossé son sujet, et s’avère tout à fait capable d’exploiter les bonnes idées qu’il a. Bref, une nouvelle à déguster et un nom à suivre au cours des mois à venir, si j’en suis seul juge.

1 : Psycho, Shining, Sixième Sens, Les Autres, Funny Games, Shutter Island… La liste est longue.

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The Nothings – Alec Worley [40K]:

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INTRIGUE:

La tranquillité monotone mais heureuse du Berceau, une vallée isolée abritant un village l’étant tout autant, est sur le point de voler en éclats, condamnant les ouailles du Roi Cornu à un destin des plus incertains. Responsables involontaires de cette rupture du statu quo qui perdurait depuis des générations, le jeune chasseur Cade et la scribe rebelle Abigael ont en effet déclenché la colère des Riens (The Nothings), ces mystérieux croquemitaines qui sont réputés hanter les étendues sauvages au delà du Berceau. Pour leur défense, nos tourtereaux n’avaient que peu d’options à leur disposition, l’impertinence et les questions incessantes d’Abigael ayant fini par creuser un fossé infranchissable entre la forte tête et le reste de sa communauté, qui ne se montre guère surprise lorsque l’objectrice de conscience demeure introuvable alors que tous se préparent à la fête de la moisson. Problème, cela ne peut signifier qu’une chose : Abi a pour projet de partir à la découverte du vaste monde, ce qui va à l’encontre des lois les plus sacrées du Roi Cornu, qui retirera sa protection aux habitants du Berceau et les laissera vulnérables aux maléfices des Riens, si un seul de ses fidèles passe les pierres gardiennes délimitant son domaine. Dans le plus grand des calmes, les Bercelais décident donc de partir à la chasse à la gueuse, préférant de loin perdre une brebis galeuse que de risquer l’ire de leur dieu caprin.

Refusant de se rendre coupable du crime que fomentent ses concitoyens, Cade parvient à leur fausser compagnie à son tour, et, tirant profit de ses talents de traqueur, se lance à la poursuite de sa dulcinée. S’il arrive trop tard à la frontière pour dissuader cette dernière de commettre l’irréparable, il a toutefois la joie de la voir réapparaître peu de temps après, brushing défait et toilette dérangée, visiblement poursuivie par un chasseur dissimulé par les hautes herbes marquant le début des terres extérieures (Lands Beyond), et ne pouvant être qu’un Rien ! Ayant pu constater que ses fidèles hachettes de jet ne connaissaient pas leur succès habituel sur ce type de proie, klong métallique à l’appui, Cade cesse rapidement de faire le kéké et se laisse convaincre par Abigael de rejoindre la sécurité du Berceau. Malheureusement pour nos tourtereaux, la malédiction du Roi Cornu est bel et bien sur eux, comme l’explosion soudaine des pierres gardiennes le démontre bientôt. Seule consolation pour les gaffeurs, leur perception du monde extérieur semble se clarifier jusqu’à des niveaux inédits, montée de version certes utile quand on veut gagner des followers Instagram, mais de peu de secours lorsque les monstres des légendes locales viennent prendre de vos nouvelles.

S’en suit un long épisode de fuite éperdue, Cade et Abigael parvenant à trouver une galerie à travers les montagnes, débouchant sur un portail scellé qu’ils arriveront toutefois à ouvrir, sans trop savoir comment, pour au final parvenir une nouvelle fois dans les terres extérieures. N’ayant plus guère le choix que de pousser toujours plus avant, les Riens n’étant jamais très loin derrière eux, les amants maudits poursuivent leur course folle à travers champ (de maïs pour le coup), sans parvenir à distancer leurs poursuivants. En désespoir de cause, Cade se met à prier le Roi Cornu, l’implorant de protéger sa bien-aimée du péril qui les guette… et a la surprise de voir son souhait s’exaucer, par l’intermédiaire de la matérialisation de l’avatar de la divinité, le fameux Faune Follet (Faun Light) – en vrai c’est une grosse biquette verte, mais c’est moins la classe –. Juste le temps de remettre la donzelle aux bons soins de cet Uber bêlant, et Cade, en bon chevalier bouvier servant qu’il est, dégaine sa dernière francisque, Cabrelle1, et se tient prêt à vendre chèrement sa peau alors que les Riens convergent sur sa position…

Spoiler…et se révèlent être, comme le lecteur l’aura certainement deviné, des Sœurs du Silence. Tout s’explique donc à peu près normalement, sauf pour Cade qui, tout à son zèle et à sa terreur – et son mal de crâne persistant, comme vous pouvez l’imaginer – a besoin d’être calmé manu militari par une grande chauve à la chaussure noire2, rendue un peu chafouine par la perte d’une oreille par un Cade nerveux de la hachette. Fort heureusement, l’escouade de Sistas dispose d’une porte-parole toute désignée, sous la forme de leur stagiaire Maia, qui peut brosser au jeune psyker un tableau rapide de la situation.

Ayant réussi à lui faire comprendre qu’il était dans son intérêt, et dans celui de sa chè(v)re et tendre, de coopérer, Maia et ses comparses se lancent à la poursuite de la chèvre de Mr Zuvassin, guidées par un Cade toujours méfiant, mais commençant à réaliser qu’il était le héros d’une nouvelle se passant dans un univers grimdark, et non dans un monde de high fantasy propret et bien famé, où les apparitions miraculeuses de patronus sont à prendre au premier degré. La suite des évènements donne évidemment raison à cette approche pessimiste des choses, l’innocente Blanquette s’étant muée en Ghorgon dans le court laps de temps s’étant écoulé entre la fuite d’Abigael et ses retrouvailles avec son aimé. Se nourrissant de la force psychique de sa protégée, la bestiole se révèle être très dure au mal, et sa capacité à regénérer de ses blessures de manière quasi instantanée, avant de disparaître sans laisser de traces, n’est pas sans poser quelques problèmes aux braves Sistas.

Pressentant que c’est à lui de mettre un point final à cette tragique histoire, Cade s’éclipse discrètement et, guidé par son goat sense, parvient à trouver le pied à terre où Abi et Djali se reposent. Incapable de convaincre la première de la duplicité de la seconde, il décide de prendre le chevreau par les cornes et balance littéralement tout ce qu’il a à la tête de l’imposteur. Son manque d’expérience et de maîtrise lui coûte cependant très cher, même s’il parvient à méchamment méchouiser le démon, qui se fait prestement bannir par une Abigael que le danger couru par Cade a finalement sorti de sa torpeur. Il est malheureusement trop tard pour notre héros, totalement grillé par son coup d’éclat. Ironie terminale pour pâtre sur le point de passer ad patres, il n’est même pas capable de prévenir Abigael du sinistre destin qui l’attend, ainsi que tous les psykers du Berceau, si elle suit les Soeurs du Silence qui viennent d’arriver sur les lieux. Son free ride dans le Warp lui a en effet révélé la manière dont l’Imperium met à profit ce type particulier de mutant, ce qui n’a rien de très sexy, reconnaissons-le. Moralité : (black) ships go to heaven, goats go to hell. Fin du spoiler

1 : Ça veut dire chevreau en occitan. Je marque des points de style.

2 : Je n’invente rien en plus. C’est tout ce qu’il y a de plus canon.

AVIS:

Cette longue nouvelle d’Alec Worley est intéressante à plus d’un titre. On pourra d’abord noter le soin que l’auteur prend de laisser hors de son récit tout élément pouvant le raccrocher de manière formelle et définitive à l’une ou l’autre des franchises de Games Workshop, jusqu’à la révélation qui prend place à la moitié de la nouvelle. Le suspens a ici fait long feu, du fait des balises placées en début de chronique, mais pour un lecteur découvrant The Nothings via Maledictions, la situation n’est clarifiée que tardivement dans l’histoire, ce qui est un parti pris digne d’éloges de mon point de vue. Cela permet en effet de rappeler que l’Imperium de Pépé est inconcevablement vaste, et que sur un nombre significatif de mondes, les connaissances que le Zhobbyisite moyen considère comme tout à fait triviales sur la situation du 41ème millénaire feraient tomber en syncope Mr et Mme Toulemonde. Worley s’amuse également à dépeindre les conséquences, souvent minimes mais parfois rédhibitoires, de l’éloignement et de l’isolement pour des planètes de second ordre, bien souvent laissées pour compte par l’Administratum une fois leur dîme payée. Ici, c’est l’Empereur lui-même qui en fait les frais, une couronne de lauriers mal dessinée et estompée par le temps ayant transformé le Maître de l’Humanité en Bestigor aux yeux des dévots Bercelais, sans que ces derniers soient conscients du terrible blasphème qu’ils commettent à leur insu.

La deuxième partie du récit, plus classique, permet toutefois à l’auteur de traiter quelques thèmes centraux du lore de 40K1, là encore avec une liberté et une fraîcheur de ton qui changent agréablement de l’ordinaire du lecteur de la BL. Même l’inclusion de factions bien connues de ce dernier prend une tournure assez particulière lorsque vu sous le prisme d’un couple de bergers naïfs, et pas d’une escouade de Space Marines ayant potassé leur Codex. À titre personnel, et pour faire le lien avec le thème du recueil dans lequel la nouvelle figure, j’ai apprécié le parti pris grinçant, mais fondé, de Worley sur ce qu’est l’horreur absolue pour le héros de sa soumission. Cade aura en effet de nombreuses opportunités de réévaluer sa position sur le sujet au cours de la nouvelle, et son ultime opinion risquerait fort de faire tiquer les Hauts Seigneurs de Terra, alors que notre chasseur stagiaire avait été un modèle de dévotion (un peu dévoyée il est vrai, mais pas de manière volontaire) à l’Empereur jusqu’à ce point. Que voulez-vous, toutes les vérités ne sont pas bonnes à connaître…

On pourra à la rigueur reprocher à The Nothings sa très (trop) longue séquence de course poursuite centrale, qui aurait gagné à être expédiée plus rapidement, ainsi que quelques WITJH2 commodes d’un point de vue scénaristique, mais assez délicats à justifier dès lors qu’on se penche sur la question. Sans doute un détournement professionnel, sans grande conséquence il faut le reconnaître, de la part de Worley, qui est auteur de comics à la base et connaît donc l’importance d’une narration rythmée. Reste que cette nouvelle demeure une lecture des plus satisfaisantes, qui changera agréablement le briscard de la BL de son ordinaire SF. C’est toujours mieux que… rien (pun intended).

: Spoiler Par exemple, pourquoi est-ce une mauvaise idée de laisse ses psykers sans surveillance ? Fin du spoiler

2 : Spoiler Well, It Just Happened qu’un Vaisseau Noir passait à proximité du Berceau au moment où Abigael décidait de se faire jeune fille au pair dans les terres extérieures. Comment expliquer sinon que les Riens se soient abattus sur le Berceau avec une telle rapidité ? Fin du spoiler

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En conclusion, et comme souvent dès que l’on se penche sur un ouvrage collectif, on trouve du bon et du moins bon dans ce Maledictions. Moi qui était de curieux de voir des « spécialistes » du genre opérer, j’ai dû me rendre à l’évidence que les meilleures soumissions provenaient de l’opposé du spectre, c’est à dire des auteurs récurrents et « généralistes » de la BL, ayant pour certains démontrés un talent indéniable à l’usage des codes horrifiques (Stears, McLean, Worley, Werner). À ce premier constat, il convient d’ajouter que c’est plutôt la « jeune garde » de la Black Library qui tire le mieux son épingle du jeu, les nouvelles de McNeill, Annandale et Reynolds n’étant pas les plus réussies du lot, pour autant que je puisse en juger.

Quoiqu’il en soit, et à quelques exceptions près (The Predation of the Eagle et The Maraudeur Lives, si j’en suis seul juge), le lecteur qui souhaite donner sa chance à la collection Warhammer Horror serait bien inspiré de ne pas s’attendre à des textes véritablement dérangeants, ni très différents d’une anthologie de courts formats Black Library non thématique. Comme dit en introduction, la nature intrinsèquement sombre et gothique des univers de Games Workshop (40K plus qu’AoS ceci dit, ce qui explique peut-être pourquoi le rapport de force est de 7 pour 4 en faveur des soumissions futuriste dans ce recueil) a toujours autorisé les auteurs qui le souhaitaient à flirter avec l’horreur, et certaines nouvelles publiées au cours des quelques trois décennies précédant la sortie de cet opus – eh oui, le temps file – s’avèrent être bien plus angoissantes que la présente collection. À titre personnel, je salue néanmoins la prise de risque de la Black Library, et suivrai avec attention les développements apportés à cette gamme nouvelle née, en espérant que Nottingham se donne (pour changer) les moyens de ses ambitions. À la prochaine !

 

BLACK LIBRARY CELEBRATION 2019 [Recueil]

Bonjour et bienvenue dans cette critique du recueil introductif Black Library Celebration 2019 ! Sur la lancée de ce qui avait été proposé en 2018, la BL a donc eu la bonne idée de proposer un échantillon représentatif (ce qui est bien) et gratuit (ce qui est encore mieux) de sa prose au plus grand nombre. Pour chaque commande passée sur les sites Games Workshop ou Black Library, et jusqu’à épuisement des stocks, c’est donc un petit livre en format soft back qui est envoyé en sus des emplettes réalisées par le hobbyiste. Cerise sur le Stormcast, l’offre est proposée en VO et en VF, ce qui en fait une superbe introduction aux mondes merveilleux – si parfois un peu glauques – de GW. On ne peut que souhaiter que le succès soit au rendez-vous, et que les pontes de Nottingham continuent sur leur lancée philanthrope pour des siècles et des siècles (amen).

Sommaire Black Library Celebration 2019

Comptant 6 nouvelles, soit 2 soumissions pour chaque franchise majeure de Games Workshop (40K, Age of Sigmar et l’Hérésie d’Horus), complétées d’un extrait de la novella Sacrosanct de C. L. Werner (habile transition vers le recueil, lui payant, du même nom – I saw what you did there…), le cru de 2019 est-il une achat acquisition digne de ce nom, en particulier pour un novice des publications de la Sombre Bibliothèque, qui en profiterait pour faire ses premiers pas dans cette vénérable institution ? Eh bien, comptez sur moi pour avoir un avis sur la question, chers lecteurs. C’est bien le moins que je puisse faire.

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Black Library Celebration 2019

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The Board is Set // Les Pièces sont en Place – G. Thorpe [HH]:

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INTRIGUE:

The Board is SetSur le sol de cette bonne vieille Terra, les armées loyalistes se préparent à recevoir comme il se doit le retour du fils indigne et de sa bande de potes, dont on entend déjà les « boum boum boum » crachés par les enceintes de leurs Clio tunées résonner depuis le parking de la copropriété, brisant le calme légendaire du quartier1. Comme le petit vieux acariâtre qu’il est, Macaldor, après avoir balancé une ou deux références que les moins de 20.000 ans ne peuvent ni connaître, ni comprendre, s’en va en grommelant dans sa barbe psychique que Dorn est définitivement une grande et jaune godiche, et que son obsession pour les briquettes et les portails électriques n’est qu’une lubie de jeune crétin. Ca tombe bien, notez, c’est l’heure de la coinche à l’EHPAD Bon Séjour, et le Mac’ ne raterait pour rien au monde ce moment de la journée.

À peine a-t-il fini d’installer la table que son acolyte de jeu révèle (you see what I did there…) sa présence et engage sans plus tarder les hostilités. Dans les ténèbres mi-obscures du 31ème millénaire, l’antique jeu de belote se joue en effet à deux plutôt qu’à quatre, et sur un plateau de jeu avec figurines en plus du traditionnel paquet de cartes. En fait, ça ressemble furieusement à une version Shadespirée des échecs, et ça a l’air donc vachement cool, d’autant plus que toutes les pièces se trouvent être des représentations des Primarques engagés dans l’Hérésie d’Horus2. Comme à chaque partie depuis leur internement respectif, Pépé et… Mémé ? rejouent la bataille finale de l’Hérésie, avec l’Empereur dans son propre rôle et Malcador dans celui de ce fripon d’Horus. Et comme à chaque fois depuis le début de ces amicales sessions, le Sigillite constate que son adversaire passe son temps à tricher. Manipulation de la pioche, duplication de cartes, ajout de pièces non WYSIWYG en cours de jeu… s’il y avait un arbitre, celà ferait longtemps que le Maître de l’Humanité aurait mangé son ban. Malheureusement pour lui, Malky ne peut compter que sur lui même pour se faire justice, ce à quoi il s’emploie avec toute la rouerie et la malice qu’on lui connaît.

En face de lui, l’Empereur semble peu intéressé par le déroulé de la partie, et joue franchement comme une savate, seulement sauvé par sa capacité à top decker comme un porcasse avec une régularité des plus suspectes. Ajoutant l’insulte à l’outrage, il se permet même de tancer son partenaire sur son faible niveau de jeu, alors que Horus, lui, était un opposant digne de ce nom. Sans doute très fatigué par l’enchaînement des nuits blanches à pousser sur son trône (la constipation psychique est un problème commun chez les démiurges millénaires, tous les auxiliaires de vie vous le diront), Big E va même jusqu’à utiliser des mots très durs à l’encontre de son vieux comparse, au point d’arracher à ce dernier des larmes de collyre. Qu’à cela ne tienne, Malcador en a vu d’autres, et met à profit sa rogne pour sortir un enchaînement digne de Magnus Carlsen le Rouge, le laissant en position de remporter la partie au coup suivant. « Ha ha, tu l’avais pas vu venir celui-ci, bouffi » exulte notre vieillard échevelé, pas peu fier de tenir sa première victoire en 1.834.427 confrontations. Sauf que, sauf que… Sauf que l’Empereur est décidément un mauvais joueur à la main leste, et trouve le moyen de substituer à son Roi Empereur lui-même une nouvelle pièce, le Fou, qui va héroïquement se sacrifier pour lui permettre de gagner la partie. Comble de la bassesse, le Fou a la tête de Malcador, à qui il prend l’envie folle de fracasser l’échiquier sur le crâne de son suzerain.

Sur ces entrefaites, une estafette se présente à la porte, et vient apporter la nouvelle tant redoutée au Premier Seigneur de l’Impérium : la flotte d’Horus vient de se matérialiser dans le système solaire, et la plus grande bataille de l’Humanité est sur le point de s’engager. Cherchant du regard son boss, Malcador a la surprise de s’apercevoir qu’il est seul dans la pièce, et l’a apparemment toujours été, d’après le retour un peu honteux du messager, qui n’a pas osé déranger tout de suite l’aïeul vociférant qui faisait une tournante autour du plateau de jeu à son arrivée. Conclusion de l’histoire : la grande vieillesse est un naufrage, mais au moins, on ne s’ennuie pas.

1 : Et je ne rigole même pas, la nouvelle commence par un constat par Macaldor et le chef de l’Adeptus Astra Telepathica du tapage nocturne diurne warpurne généré par l’approche de la flotte traîtresse.

2 : On comprend mieux du coup pourquoi l’Empereur tenait absolument à avoir un nombre pair de rejetons. C’est mieux pour équilibrer les parties.

AVIS:

The Board is Set est une nouvelle intéressante, mais dont l’inclusion dans un BLC ne tombait pas, de mon point de vue, sous le sens. Parmi les qualités notables de cette soumission, on peut mettre en avant l’art consommé avec lequel Thorpe distille à la foi clins d’oeil aux évènements passés et à venir de l’Hérésie, à coups de manœuvres lourdes de sens des pièces sur l’échiquier et de remarques sibyllines soufflées par un Empereur plus que jamais omniscient au bras droit/fusible qu’il s’apprête à griller, mais également allusions fluffiques subtiles, sur lesquelles les fans hardlore passeront des pages et des pages à s’étriper, par les mêmes biais que ceux donnés ci-dessus. Même sans être un amateur transi du style du Gav, on peut lui reconnaître un certain talent de mise en scène de ces passages prophétiques, ce qui n’était pas gagné d’avance au vu du casting de monstres sacrés qu’il convoque.

À titre personnel, j’ai également apprécié la tirade que MoM (Master of Mankind) balance à son larbin dans le but de le mettre en rogne et de le forcer à la jouer comme Lupercal, qui est un condensé de remarques blessantes mettant en évidence que Malcador n’a été qu’un outil utilisé par l’Empereur pour arriver à ses fins, et qu’il n’aura absolument aucun scrupule à s’en débarrasser une fois qu’il n’en n’aura plus l’usage. Ce discours des plus cash trouve une résonnance particulière depuis Dark Imperium, où il est clairement indiqué la dualité de l’Empereur dans ses « sentiments » envers ses congénères : incapable d’aimer l’homme, mais absolument dévoué à l’Humanité. On peut alors se demander si les piques envoyées par Pépé ne sont pas simplement le fond de sa pensée, qu’il livre à un Malcador qui reste persuadé qu’il ne s’agit que de la manoeuvre d’un monarque bienveillant et attentionné pour lui faire donner le meilleur de lui-même. Chacun se fera sa religion sur le sujet, mais cette dualité d’interprétation est assez intéressante.

D’un autre côté, The Board is Set s’avère être l’antithèse absolue de la nouvelle à mettre dans les pattes d’un novice de la BL ! Regorgeant de sous-entendus et d’Easter eggs qui feront les gorges chaudes des lecteurs vétérans, pour peu qu’ils soient des fluffistes un minimum intéressés, cette soumission possède en effet une valeur ajoutée littéraire qui passera à 31.014 pieds au dessus de la tête du newbie. Il est plutôt probable que ce dernier ressorte du propos de Thorpe ou perplexe ou soulé par l’accumulation de mentions et notions « members only » qui lambrissent les pages d’un bout à l’autre du récit. D’une manière plus large, on peut considérer l’Hérésie d’Horus comme étant, de manière générale, une franchise trop spécialisée pour être incluse dans des ouvrages de « propagande » de la Black Library. Sans mettre en question l’intelligence et les capacités de déduction du novice moyen, je doute en effet qu’il ait la patience ou l’intérêt pour percer à jour les tenants et aboutissants de cette absconse partie de Cards against Humanity. Bref, la définition même de l’acquired taste, et en tant que tel, aussi surprenant qu’une douzaine d’huitres au fond d’un Happy Meal.

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Grandfather’s Gift – G. Haley [HH]:

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INTRIGUE:

Grandfather's GiftLe propos de notre récit se situe dans un jardin public, où un clochard toxicomane émerge péniblement d’un sniff de crack frelaté, dans une tenue étrange et avec une très vague idée de qui il est et ce qu’il fait là. Vous allez me dire : « C’est pas une nouvelle de l’Hérésie ça, c’est la Villette un mardi matin classique ». Vous auriez raison, sagaces lecteurs, ne serait-ce que pour les quelques détails ci-après : le jardin est géré par le NURGLE (Node Urbain de la Régie Générale de Laval Est), le clochard est un Primarque, et la mémoire qui lui revient progressivement lui apprend, et nous avec, qu’il est Mortarion, seigneur de la Death Guard.

Malgré ces débuts prometteurs, Morty se demande bien comment il est arrivé dans ce bouge, lui qui aux dernières nouvelles travailllait tranquillement dans son laboratoire de la planète de la peste à quelque grand dessein arcano-technologique. Plus curieux qu’inquiet devant le charme sauvage de l’endroit, à mi chemin entre le jardin anglais dans toute sa bucolique liberté et le fond d’un baril d’eau lourde oublié dans un terrain vague de Chernobyl, notre Primarque décide de partir en vadrouille, espérant trouver un agent municipal qui lui indiquera la station de tram la plus proche pour l’Oeil de la Terreur. Au bout de quelques secondes/minutes/heures/jours/mois/années/siècles/éons, il finit par tomber sur un Grand Immonde, en chair autant qu’en larmes, auprès duquel il s’enquiert poliment des raisons de son tracas. On a beau dire ce qu’on veut des qualités paternelles de l’Empereur, il a su inculquer à ses fils des manières tout ce qu’il y a de plus urbaines.

Khu’gath, car c’était lui, se fait un plaisir de rafraîchir la mémoire du dormeur du val, le taquinant au passage sur son aveuglement volontaire, et hilarant, quant au fait qu’il soit un psyker, appellation que Mortarion refuse catégoriquement1. Toujours totalement perturbé par une enfance difficile et un complexe d’Oedipe asymétrique (il veut tuer son père et… tuer son père) mal digéré, notre héros atrabilaire ne démord pas qu’il est un scientifique et non un praticien des arts occultes, ce que Khu’gath, conciliant, finit par lui accorder. En guise de cadeau d’adieu, l’affable démon a la bonté de remodeler le Primarque a sa véritable image, ailes de bourdon (l’animal totem de Mortarion) incluses, et de lui souffler à l’oreille la raison de sa venue à Neverland. Le bon Papa Nurgle lui a organisé une chasse au trésor pour le récompenser de sa piété, et l’âme de son beau-père l’attend quelque part sous les frondaisons moites de son jardin.

« Bon sang, mais c’est bien sûr ! » s’exclame Mort Shuman, qui s’envole à tire d’aile chercher la récompense qu’il poursuit depuis si longtemps, et qu’il finit par trouver, disséquer et enfermer dans une fiole en un tour de faux. Satisfait d’avoir rayé cet important item de sa to do list personnelle, Mortarion peut enfin regagner ses pénates et appeler son psy pour convenir d’une prochaine séance, se jurant au passage qu’il finira par régler ses comptes avec son autre père, dont la lampe torche psychique clignote en lisière du jardin de Grand-Père Nurgle. Pépé ou Papy, il fallait choisir, et il a choisi !

1 : « Tu es un sorcier, Mort- » « AGNANANANA, JE N’ENTENDS RIEN-EUH !»

AVIS:

Grandfather’s Gift a beau se concentrer sur un épisode somme toute négligeable de la saga de Mortarion, personnage l’étant – jusqu’à récemment – tout autant en termes d’importance sur le lore de 40K, sa (courte) lecture n’en demeure pas moins intéressante, en ce qu’elle permet à Haley de poursuivre sa description pour le moins contrastée du Primarque de la Death Guard, déjà généreusement ébauchée dans Plague War : celui d’un être totalement paradoxal, qu’il est le seul à ne pas voir, ce qui a la fâcheuse tendance à miner son autorité naturelle. Prince Démon jurant ses grands dieux qu’il a réussi à dompter les forces du Chaos à force d’études et d’analyses tout ce qu’il y a de plus scientifiques, Morty apparaît comme un être aussi amer que pathétique, ce qui contribue à le rendre intéressant, même si la frontière est fine entre profondeur tourmentée et ridicule patenté. L’autre trait notable de son caractère, le mépris souverain qu’il semble éprouver envers toute chose (la condition humaine, ses frères, ses pères) pourrait tout autant le magnifier que le plomber, si utilisé de manière peu fine par un auteur en manque d’inspiration1. Affaire à suivre, donc.

Pour poursuivre mon fil rouge BLC-esque, enfin, je dois reconnaître que l’inclusion de cette nouvelle au recueil s’avère un choix assez pertinent, puisqu’elle offre au lecteur novice une bonne présentation d’un lieu (de) culte des franchises de Games Workshop : les fameux jardins de Nurgle, en plus d’une introduction intéressante au concept de « destruction créatrice » // « je meurs donc je ris » qui est à la base du dogme prouteux. L’utilisation de l’amnésie de Mortarion permet également à Haley de présenter le background de ce dernier de manière progressive et pédagogique, brossant en toile de fond les grandes lignes du fluff de 31K. Bref, une soumission qui répond plutôt bien au cahier des charges, sans pour autant se révéler être vide de substance pour les vieux BL-iscards. Pas mal du tout.

1 : L’extrait gratuit de La Dague Enfouie de James Swallow me fait ainsi redouter le pire pour le DG de la DG, qui apparaît comme le pion d’un Typhus même pas respectueux de son père génétique, sans que ce dernier ne s’en offusque.

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Le Cadeau de Nurgle – G. Haley [40K]:

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INTRIGUE:

Nurgle's GiftDans un village sans nom d’une planète oubliée, la poussée annuelle de gastro-entérite a pris des proportions démesurées. Impuissants face à cette hécatombe, que même leurs prières à l’Empereur1 ne suffisent pas à enrayer, et profitant du décès inopiné du maire du village, qui avait de son vivant prôné une approche dévôte du problème, les habitants du lieu tentent le tout pour la toux, et laissent un message sur la boîte vocale (un magnifique triple gong auto-réparant) des cultistes de Nurgle les plus proches. Leurs prières sont exaucées lorsque, des brumes épaisses tombées depuis la montagne toute proche, six guerriers célestes se traînent péniblement jusqu’au centre du village un beau matin.

Aussi affligés par la souffrance des pauvres Insertdataherois que par les nombreuses attentions de Papa Nurgle, les Space Marines du Chaos proposent à leurs hôtes un marché qu’ils ne peuvent pas refuser. En échange de la remise du seul membre de la communauté ayant encore des caleçons propres, un frêle garçonnet répondant au nom de Marven, ils promettent de délivrer les villageois du mal qui les ronge. Les quelques remords nourris par les plus intègres des ploucs ayant été rapidement balayés par les appels au bien collectif éructés par la guérisseuse du cru, prête à tout pour récupérer un stock de Smecta, l’élunisé est amené devant les Astartes suintants, et se met à suer à grosses gouttes. Non pas parce qu’il a peur de ce qui va lui arriver (quoique), mais surtout car il s’est fait mordre par un Nurgling alors qu’il jardinait quelques minutes plus tôt, ce qui est autrement plus grave qu’une plaie infligée par un clou rouillé, reconnaissez-le.

Heureusement pour Marven, derrière leur aspect redoutable, les Space Marines se révèlent être des bonnes pâtes, à la recherche d’un aspirant qui leur permettrait de retrouver l’effectif magique de sept guerriers jurés de Nurgle (en plus de leur permettre de participer à la ligue d’Ultimate Frisbee de l’Oeil de la Terreur, ce qui est appréciable). C’est donc en compagnie de leur nouvelle recrue que les prouteux repartent du hameau pestiféré, au grand désespoir des villageois qui n’ont gagné au change qu’une éternité de tourment, le cadeau du Dieu jardinier à leur égard étant une bien amère immortalité. C’est ce qu’on appelle être damné par le gong.

1 : Les ravages de la proseuchopathie ne sont hélas plus à démontrer. Même l’homéopathie a de meilleurs résultats, c’est dire.

AVIS:

Pas grand chose à tirer ou à dire sur cette nouvelle format mignonette, qui aurait pu (et dû, si vous voulez mon avis) être intégré dans un encart background du Codex Space Marines du Chaos. Haley ne trousse ici guère plus qu’un texte d’ambiance, présenté sous forme d’un conte (un de ses formats fétiches, apparemment), mettant en garde le lecteur contre la tentation de négocier une rémission avec les élus de Nurgle. À moins d’être aussi neuf dans l’univers de 40K qu’un Primaris au sortir de sa cuve, le lecteur n’apprendra donc rien de ce Cadeau de Nurgle, qui tient plus de la réduction immédiate en caisse de 30 centimes sur une poire à lavement que du week-end de cure thermale sur Iax. Insister un peu plus sur une dualité intéressante de Papy Prout, à peine ébauchée dans le récit – Nurgle cherche à recruter des individus capables de résister à la déchéance physique et au désespoir, ce qui peut sembler contre-intuitif de prime abord et le distingue des autres Dieux du Chaos, dont les suivants embrassent pleinement les préceptes – aurait permis à la nouvelle de gagner en intérêt, mais ce ne sera pas pour cette fois.

Bref, et cela peut sembler paradoxal, je mettrais un avis défavorable à l’inclusion de cette nouvelle au recueil Black Library Celebration, pour des raisons inverses que l’autre soumission Hérésie d’Horus (comparaison d’ailleurs erronée car Le Cadeau de Nurgle est du 40K pur jus). L’une était trop avancée pour le newbie moyen, celle-ci est au contraire trop simple. L’équilibre est difficile à trouver…

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Endurance // Endurer – C. Wraight [40K]:

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INTRIGUE:

EnduranceSur le monde ruche de Lystra, l’escouade du frère Sarrien des Imperial Talons livre un combat d’arrière-garde aussi noble que vain contre les hordes innombrables des Zombies de la Peste ayant plus ou moins remplacées la population locale. Envoyés au casse-pipe pour permettre à un fonctionnaire de l’Adeptus Administratum obèse et tire au flanc (du moins, c’est comme ça que Sarrien se le représente) de maintenir son quota de dîme mensuel, ou autre raison purement technocratique, les braves Space Marines tiennent la ligne du mieux qu’ils peuvent, mais même leur constitution suprahumaine commence à donner d’inquiétants signes de fatigue. Pour ne rien arranger, les lignes de ravitaillement avec le reste de l’Imperium sont totalement coupées, ne laissant à nos fiers héros que la bonne vieille énergie cinétique pour défendre le domaine de l’immortel Empereur contre la corruption galopante titubante représentée par les Stumblers. Isolé de ses frères pour maximiser l’efficacité du soutien martial et moral que les Astartes représentent pour leurs alliés de la Garde, Sarrien débute la soirée comme toutes les autres auparavant : il chante chante chante ce rythme qui lui plaît (Endure ! For the Emperor ! Stand Fast ! Chihuahua !) et il tape tape tape (c’est sa façon d’aimer). On comprend cependant assez clairement que notre héros en a gros, et qu’il n’y a que son exemplaire éthique qui le pousse à suivre des ordres qui lui semblent totalement débiles.

À quelques encablures de cette planète condamnée, nous faisons la connaissance de notre deuxième protagoniste, le réfléchi (il ne court jamais) et hédoniste Dragan, Death Guard appartenant à la faction des Lords of Silence. Bénéficiant d’un quartier libre entre deux opérations de grande ampleur, Dragan a embarqué sa coterie sur son vaisseau personnel, l’Incaligant, et vogue là où le Warp le mène, massacrant tous les Impériaux qui lui tombent sous le moignon au passage. Les petits plaisirs de la vie, il n’y a que ça de vrai. Ayant fondu (dans tous les sens du terme) sur un transporteur de troupes de la Garde Impériale dépêché sans escorte en renforts de Lystra, Dragan décide sur un coup de tête, une fois le carnage expédié, d’emmener ses ouailles sur le monde en question, où il suppute (en même temps qu’il supure) qu’une distraction peut être trouvée.

Nous retrouvons ensuite Sarrien, toujours plus amer et toujours plus crevé, qui décide d’aller rôder derrière les lignes ennemies pour… le fun ? (étant donné que les défenseurs sont au bout du rouleau et s’attendent tous à crever, et que l’adversaire n’a aucune chaîne de commandement à décapiter ni de cibles stratégiques à prendre, l’utilité de la manœuvre me semble obscure). Bien que durement éprouvé par des semaines de combat sans répit, notre surhomme se révèle malgré tout capable de faire mordre la poussière à son poids en Stumblers, voire plus, jusqu’à ce qu’il tombe sur un Fatty dont l’odeur corporelle, ou l’aura de zenitude, c’est selon, est telle qu’il a bien du mal à lever la main sur lui. Malgré l’attitude résolument peace man du gros lard, Sarrien parvient à le décoller proprement, non sans que sa victime n’ait eu le temps de le prévenir 1) des dangers physiques et mentaux du surmenage (il devait être élu au CHSCT dans sa première vie), 2) de l’arrivée prochaine du Potencier (Gallowsman). Bien en peine de faire quelque chose de cette information, et sappé comme jamais, l’Imperial Talon décide de se rentrer, avec l’espoir futile de trouver un McDo encore ouvert sur le chemin pour s’envoyer un bon Coca bien frais.

De son côté, Dragan a fini par arriver en orbite autour de Lystra, et emmène sa bande sur les lieux du dernier conflit agitant encore la planète, dans l’espoir de trouver un adversaire de valeur. Escortés par quelques cohortes de die hard fans, les Lords of Silence progressent pondéreusement vers la ligne de front, où les attendent…

Spoiler Des Iron Warriors. Eh oui. Car en fait, Sarrien et Dragan ont visité Lystra à deux moments distincts, petite surprise savamment préparée par Wraight. Il est d’ailleurs fortement suggéré que Sarrien est devenu Glask (le second de Dragan, qui passe son temps à l’appeler Potencier – au grand ennui de son boss – et dont la jambe torse pourrait être la conséquence de la blessure subie par Sarrien au même endroit à la fin de la campagne) peu de temps après sa rencontre avec le gros plein de pus, lorsque, finalement submergé par le nombre de ses ennemis et l’amertume envers l’Imperium, il a décidé que sa survie était plus importante que son devoir. Ceci dit, le récit se termine sur un flou artistique et un amoncellement de Zombies affamés sur Sarrien, dont le salut final n’est pas garanti, ralliement à papa Nurgle bien acté par ce dernier ou pas. Quelques dizaines/centaines/milliers d’années plus tard, Dragan est quant à lui saisi d’une impression de déjà vu alors qu’il corrode les armures chromées de ces frimeurs de la IVème, ce qui ne fait que renforcer l’hypothèse de la défection de Mr Talon. Fin du spoiler

AVIS:

Mis à part le manque de clarté de sa conclusion (voir la partie spoiler ci-dessus), Endurance est une soumission solide de la part de l’ami Wraight, sans doute rédigée en accompagnement de son roman The Lords of Silence pour un galop d’essai littéraire. En quelques pages, Chris arrive ainsi à donner une véritable profondeur à ses répugnants héros, dont l’attitude chill, thrill & kill les distingue clairement des autres factions d’Astartes chaotiques et renégats de notre sombre galaxie, en plus de s’accorder parfaitement avec la philosophie débonnaire de Papa Nurgle, ce qui ne gâche rien. Sans rien galvauder de leur nature éminemment mauvaise, Wraight réussit également à rendre attachant (sans mauvais jeu de mots) le personnage de Dragan, dont le caractère égal et l’approche désinvolte de sa pestilentielle vocation le font apparaître comme éminemment plus sympathique que le Seigneur du Chaos lambda de la BL. De l’autre côté du ring, Sarrien s’avère moins mémorable, mais le récit que fait l’auteur de la lutte désespérée du loyaliste pour retarder l’inévitable, de part son caractère assez original (il combat en solo, et pas avec le reste de son escouade) et la bonne prise en compte des effets débilitants de la fatigue et des blessures sur la constitution d’un Space Marine – qui reste une machine de guerre insurpassable, mais peut se mettre dans le rouge s’il tire trop sur la corde – s’avère prenant et plaisant, sur les quelques pages qu’il dure. Une nouvelle SM comme je les aime donc : courte dans son propos, précise dans son dessein, efficace dans sa réalisation et à twist dans sa conclusion. Prenez-en de la graine, les rookies.

Gardant une nouvelle en fois en tête le but premier d’un recueil tel que celui dans lequel elle a été incluse, j’ajouterai pour conclure qu’Endurance fait un beau boulot de présentation d’une faction amenée à jouer un rôle important dans l’univers 40K (la Death Guard), en plus de donner assez envie de lire le long format mettant en vedette les Lords of Silence. Que l’exploration d’un concept central du fluff, le ralliement d’un Space Marine loyaliste au Chaos, soit également présente pour l’instruction des lecteurs novices ajoute encore a l’intérêt du propos, qui mérite donc largement sa place dans le Black Library Celebration 2019.

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A Company of Shadows // La Compagnie des Ombres – R. Harrison [40]:

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INTRIGUE:

A Company of ShadowsLes choses ne se passent pas tout à fait comme prévu sur le front de Gholl pour la Commissaire Severina Raine et ses Fusilières du 11ème régiment d’Antari, forcés d’effectuer un redéploiement stratégique depuis la cité de l’Arrête de Caulder suite à la poussée de ces diables de Clairvoyants. Escortant un officier impérial aussi important pour la suite de la campagne qu’insupportable de morgue, l’escouade de Raine embarque dans une Valkyrie, promptement descendue par un missile qui lui a grillé la priorité à droite, avec des conséquences variant du dommageable au définitif pour notre petite bande de personnages, qui se trouve encore réduite une fois le sol atteint. Perdus au milieu des contreforts escarpés et sous contrôle ennemi connus sous le nom de la Gueule, ralentis par leurs blessés et ne pouvant décemment laisser tomber leur charge entre les mains des cultistes, qui ont déjà démontré de manière graphique qu’ils faisaient grand et bon usage des gradés impériaux, Raine et ses hommes décident de tenter un bluff pour priver les Clairvoyants de leur proie. L’intrépide Commissaire endosse donc l’uniforme de la Tacticae Principal, et organise un dernier carré ne pouvant se terminer par autre chose que sa capture, mais permettant, l’Empereur aidant, au colis d’être récupéré ni vu ni connu par les renforts de la Garde. Téméraire mais pas suicidaire, Raine prend soin de confier au Sergent Wyck (Daven de son nom malheureusement, et pas Jöhn) sa montre de gousset, dont l’imprégnation psychique devrait permettre à un psyker digne de Lui de la retrouver jusque dans le bastion des chaotiques.

Le succès quasi total de la première partie de ce plan audacieux laisse donc nos héros séparés. D’un côté, un commando d’Antaris, incluant, outre les Farouches de Wyck, une escouade de Storm Troopers menée par le Capitaine Andren Fel, âme damnée et probable love interest de Miss Raine, ainsi que la psyker sanctionnée Lydia Zane, se lance dans une course contre la montre (mais avec le concours de cette dernière également, if you see what I mean) pour extraire leur petite camarade des griffes des Clairvoyants. De l’autre, cette dernière a la désagréable surprise d’apprendre que les cultistes ne sont absolument pas tombés dans le panneau, mais qu’ils voulaient la capturer depuis le début. C’est ce que lui apprend le magos en charge des opérations, un charmant individu répondant au nom d’Arcadius Verastus, alias 9/9. Il a en effet perçu dans l’âme de sa prisonnière un potentiel des plus alléchants, qu’il compte offrir à Tzeentch pour favoriser son avancement. Ayant manifestement un peu de temps à tuer avant Severina, il prend plaisir à soumettre l’inflexible Commissaire à un interrogatoire poussé, s’insinuant sans gène dans son esprit pour tenter de lui dérober ses secrets les plus honteux1. Même si ces introspections malpolies permettent au lecteur d’en apprendre un peu plus sur le passé de Raine, et notamment le fait qu’elle a repris le nom de sa mère (la Raine-Mère donc), Lord-General Militant de carrière, et choisi d’enterrer celui de son père, sommairement exécuté pour couardise, elles coûtent cher au psyker indélicat, qui se prend une mandale mentale dans les gencives pour sa peine. Victoire morale de l’Imperium.

Pendant ce temps, les intrépides sauveteurs en terre et Antari réussissent à franchir les cordons de sentinelles (pas si) Clairvoyantes (que ça) grâce à leur badasserie naturelle, et à pénétrer dans le bastion ennemi grâce au traqueur GPS de Zane, qui voit clair à travers les illusions tissées par les sorciers ennemis et emmène ses camarades dans la gueule du loup sous couvert d’un tour de passe-passe de son propre cru. Juste à temps pour empêcher l’énucléation et égorgement sauvage de Purple Raine (interrogatoire musclé oblige) par 9/9, qui apprécie moyennement l’intervention non scriptée des bidasses en folie, et se met à leur tailler des croupières psychiques pour la peine. Malheureusement pour Arcadius, Zane détient un MBA de Stanford en occultisme, alors que lui a à grand peine bouclé sa première année de BTS au Lycée Professionnel Ohrmuzd Ahriman de Vaulx-en-Velin, et la confrontation qui s’en suit est à sens unique. Bien que jurant son grand dieu que tout ça faisait partie de son plan, Arcadius a donc l’obligeance de décéder de mort violente quelques secondes plus tard, après que sa prisonnière lui ait mis un peu de plomb dans la cervelle.

Dès lors, il ne s’agit plus pour nos hardis Antaris (Anthardis donc) que d’évacuer les lieux avant que le Haut Commandement ne déclenche le bombardement orbital de la Gueule, ce qui n’est bien sûr qu’une formalité pour ces soldats d’élite. Voilà comment transformer une honteuse défaite en glorieuse victoire, et arracher l’initiative aux hordes damnées contestant la mainmise de Pépé sur la belle planète de Gholl. Comme on dit chez les Ogryns : Go Gholl !

1 : Comme le nom du Primarque sur lequel elle a écrit des fan fictions torrides pendant ses années à la Schola Progenium. On a tous été jeunes !

AVIS:

Nouvelle conséquente dédiée à la nouvelle égérie de la BL, catégorie Commissaire, A Company of Shadows permet à Rachel Harrison de donner du relief à son imposante galerie de personnages, ainsi que de situer le cadre dans lequel ils évoluent. Tout cela est fait de manière fort capable, et dénote d’une belle ambition en terme de construction d’intrigue , mais le grand nombre de points communs avec la saga Gaunt’s Ghosts (une Commissaire héroïque avec un lourd secret de famille et ses relations tantôt amicales – Fel = Corbec – tantôt à couteaux tirés – Wyck = Rawne – avec les officiers de son régiment, qui sont des super soldats venant d’un monde recouvert de forêts, et engagée dans une vaste campagne contre une faction chaotique…) ne risque-t-il pas d’être rédhibitoire à la dernière née de la Black Library ? Même s’il est plus que probable qu’Abnett approche de la toute fin de sa propre série, à supposer qu’il démarre un nouveau cycle après celui de La Victoire, et laissera donc le champ libre à d’autres auteurs dans un futur plus ou moins proche, il est loin d’être évident que les lecteurs de la BL adhèrent en masse à ce qui sera toujours perçu, plus ou moins consciemment, comme la resucée de la saga phare 40K. Le succès du premier roman de cette nouvelle série en puissance, Honourbound, sera sans doute déterminant pour le futur de Raine et de ses Antari, comme First and Only l’a été, en son temps, pour Gaunt et ses Tanith.

Comme à chaque fois, finissons par poser la question qui fâche : cette nouvelle a-t-elle sa place dans un recueil d’abord dédié aux novices de la BL ? Réponse contrastée de la part de votre humble serviteur en ce qui concerne A Company of Shadows. Bien que voyant l’intérêt pour GW de faire découvrir au plus grand nombre une de leurs nouvelles têtes d’affiche (comme Hamilcar peut l’être pour Age of Sigmar), et que cette soumission s’avère être d’assez bonne, même si classique1, facture, l’impression d’être plongé sans introduction dans un arc narratif déjà bien en place risque de désarçonner plus d’un nouveau client en puissance. Avec sa petite dizaine de protagonistes d’importance, et bien que certains meurent au cours du récit, dont les relations mutuelles semblent tomber sous le sens pour Harrison, on peut avoir l’impression de débarquer dans une série en milieu de saison, ce qui peut présenter un challenge intéressant d’un point de vue intellectuel, mais n’est pas de tout repos. Pour donner un exemple plus proche de notre propos, c’est comme si la BL avait inclus In Memoriam dans un hypothétique BLC 2001, à la place du plus didactique Ghostmaker. C’est très bien de faire confiance à la capacité d’adaptation du hobbyiste moyen, que je pense être naturellement plus élevée que la moyenne, mais attention à ne pas noyer bêtement des lecteurs potentiels en les balançant d’office dans le grand bain.

1 : Ce qui est plutôt un point fort dans ce contexte particulier, les expérimentations – mêmes concluantes – du type Seven View of Uhlguth’s Passing n’étant pas vraiment newbie friendly.

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Gods’ Gift // Don des Dieux – D. Guymer [AoS]:

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INTRIGUE:

Gods' GiftPrenant place après les évènements narrés dans Great Red et The Beasts of Cartha, pour ne citer que deux des précédentes aventures de notre fougueux héros, Gods’ Gift voit Hamilcar et quelques uns de ses potes des Astral Templars accomplir une mission d’intérêt général, sans doute pour avoir commis quelque tour pendable à une chambre rivale lors d’une permission à Hammerhall. Il s’agit en l’état de punir et faire stopper les exactions d’une bête monstrueuse s’amusant à disposer des hardis bûcherons d’un camp de colons récemment implanté dans les terres farouches de Ghur, tâche récréative pour des Stormcast Eternals de la trempe de nos gais lurons. Guidés par un local – Fage – qui malgré son âge vénérable semble tout émoustillé par la seule présence des Elus de Sigmar, Hamilcar & Cie s’embarquent donc dans une épopée aussi directe et rapide qu’une quête de zone de didacticiel de World of Warcraft.

Depuis le relevé de empreintes jusqu’à la constatation de l’heure du décès, ou plutôt, de l’abattage, il ne se passera ainsi qu’une petite journée, soit une vingtaine de pages pour le lecteur, juste le temps pour Ham’ de piquer un roupillon qui lui apportera un rêve plus ou moins prophétique, dans lequel un chêne vient lui chanter Je suis malade (ce qui est ‘achement dur pour un végétal, et mérite le respect), ce qui lui permettra de prendre une décision des plus inspirées quelques heures plus tard. La nouvelle se terminant pour un petit cliffhanger pas vraiment haletant, mais sans doute important pour la suite de la saga d’Hamilcar (Mark de son prénom), le lecteur en est quitte pour embrayer sur directement sur la première, ou plutôt le premier roman dédié à Guymer à sa coqueluche hirsute (Champion of the Gods), dans lequel il est presque certain que des réponses seront apportées aux questions laissées en suspens à la fin de Gods’ Gift.

: L’Homme Arbre qui s’était chargé de la besogne de déshumanisation – c’est comme la désinsectisation, mais avec des primates – servant de pied à terre racine à humus à une sylvaneth passablement enrhumée.

AVIS:

Malgré les dizaines de titres que compte sa bibliographie BL à l’heure actuelle, ce n’était que la deuxième soumission de Mr Guymer m’étant tombée sous la main depuis l’inaugural The Tilean Talisman, initialement publié en 2011. Et je dois dire que mon appréciation de l’œuvre du bonhomme est resté scrupuleusement identique, huit ans plus tard : des aptitudes certaines en terme de narration, avec des personnages au minimum distrayants, à défaut d’être immédiatement attachants (mention spéciale à Brouddican, l’Hillarion Lefuneste personnel de cette grande gueule d’Hamilcar), relevé par quelques notes boisées – c’est le cas de le dire – de fluff, plombées par une vacuité de l’intrigue assez rédhibitoire. C’est bien simple, celle de Gods’ Gift (d’ailleurs, on ne comprend pas vraiment quel est le don auquel Guymer fait référence dans le titre de sa nouvelle1) s’articule en deux temps trois mouvements, sans qu’on ait l’impression d’une quelconque progression entre le début et la fin de la nouvelle. Hamilcar traque un monstre. Hamilcar rêve d’un chêne. Hamilcar tombe dans une embuscade d’Hommes Bêtes (il faut bien qu’il montre qu’il est un cador du corps à corps). Hamilcar débouche sur un bosquet de chênes sacrés, gardé par… le monstre qu’il traquait. Coup de bol. Baston. Victoire. Fin.

Bref, rien de bien challengeant pour l’intellect du lecteur, qui aurait pu s’attendre à quelques liens de causalité entre les différents éléments constitutifs du propos de Guymer. Rien de tel ici, ou de manière tellement évidente et peu fine que les relever n’a pas grand intérêt. Comme dit plus haut, cela peut sans doute se justifier par le fait que Gods’ Gift est un rehaut littéraire à un travail plus conséquent, avec lequel l’auteur prend bien soin de faire la liaison. Telle la rondelle de tomate venant décorer une entrecôte frites, cette nouvelle peut être consommée si on a vraiment faim, mais ne remplira pas l’estomac pour autant. Et comme dit plus tôt (Décembre 2014, pour être précis), c’est plutôt cher payé pour ce que c’est. On me souffle dans l’oreillette que c’est fois ci, c’est gratuit. Bon. Mais avant cela, cela ne valait certes pas les 2,99€ demandés. Rem-bour-sez nos in-vi-tat-tions !

1 : Soit ce sont les visions vagues envoyées par Sigmar, soit c’est le photophore magique remis par icelui, et qui permettra à notre fier héros de venir à bout de Marylise Lebranchu. Au lecteur de décider s’il prend le messie ou la lanterne.

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The Ghosts of Demesnus // Les Fantômes de Demesnus – J. Reynolds [AoS]:

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INTRIGUE:

Ghosts of DemesnusProfitant d’une permission bien méritée, le Lord-Celestant Gardus Steel Soul, tourmenté par des rêves le ramenant sans cesse à son passé de mortel, s’embarque pour une croisière bucolique jusqu’à la cité où il a vécu sa première existence, dans l’espoir de pouvoir mettre des mots sur sa soudaine mélancolie. Débarqué incognito (enfin, aussi incognito qu’une taille et une stature de Stormcast Eternal peuvent conférer) dans la riante Demesnus, port fluvial d’importance du royaume de Ghyran, Gardus, autrefois Garradan, baguenaude pensivement de ruelles en parcs, à la recherche des bribes d’un passé déjà lointain. À peine a-t-il le temps de rosser un trio de faquins cherchant des noises à une accorte damoiselle en représailles de la lépreuse compagnie qu’elle entretient, et d’échanger quelques platitudes avec son professeur de philosophie de terminale, que les voix qui le hantent l’amènent droit dans les ruines de son ancien hospice. Dans une autre vie, Gardus était en effet ostéopathe guérisseur, et avait dédié sa vie et ses économies à accueillir les nécessiteux des alentours, avec un dévouement ayant fini par attirer l’œil de Sigmar en personne, qui, à la faveur d’une attaque de Skineaters1, drafta le malheureux praticien dans sa team de surhommes. Sûrement qu’il avait besoin d’un massage, aussi. Malgré l’aspect décrépit du lieu, laissé à l’abandon depuis belle lurette, Gardus a la surprise de tomber sur une communauté de squatteurs, pas vraiment présentables et majoritairement scrofuleux, pestiférés, voire pire, mais persuadés que Saint Garradan les a appelés en ce lieu pour qu’hommage lui soit rendu.

Un peu gêné par la situation, qu’il n’a en aucune mesure orchestrée, le probe Gardus accepte l’hospitalité de ses nouveaux amis, dont fait partie la pauvresse qu’il a secourue sur les docks quelques heures plus tôt. Cette dernière, et le Prêtre Guerrier de Sigmar invalide à 134% qui sert d’autorité morale à la croûteuse congrégation, attendent le prochain signe de Gare du Nord avec un zèle admirable, totalement oublieux aux réalités les plus basiques, comme le droit de propriété. D’où la visite de courtoisie que vient leur rendre le possesseur du terrain en question, un maquignon à la retraite du nom de Sargo Wale, bien décidé à lancer les travaux de réhabilitation de l’ancien hospice dans les meilleurs délais, et par la force s’il le faut. Il faut reconnaître qu’il a la loi de son côté, la trêve hivernale ayant expiré et le conseil municipal lui ayant délégué tout pouvoir pour faire triompher l’intérêt commun. Entre l’alignement légaliste bon de Wale et celui chaotique (un comble pour un Stormcast Eternal) bon de Gardus, aucun compromis ne peut être trouvé, mais, confiant dans son bon droit à défaut de l’être dans les chances de sa bande de ruffians face à l’opposition ferme et polie (comme son épée runique de deux mètres) du colosse servant de videur aux éclopés de l’hospice, le diplomate propriétaire laisse une journée entière de réflexion à la partie adverse, et s’en va comme un prince.

Ce délai supplémentaire sera mis à fort bon usage par Gardus, qui n’a pas toute l’éternité pour régler le problème qui le tourmente, tout comme Reynolds n’a pas 300 pages pour conclure son propos. La nuit suivante verra donc un esprit Kaonashi geignard s’extirper du sol pour aller se repaître des humeurs (de manière littérale et figurée) des malades endormis. Surpris par le Gardus de garde et son sixième sens de preux paladin, la mystérieuse entité se fait rapidement la malle, mais reparaît quelques heures plus tard, trop affamée pour prêter beaucoup d’attention au demi-Primarque qui patiente dans sa zone de spawn, des questions plein la bouche et une épée enchantée à la main. Manque de bol pour notre héros, l’amalgame pleurnichard qui lui fait face est plus intéressée par la boustifaille que par la discussion, et l’attaque sans sommation, sous le regard bienveillant de Wale, qui se révèle être un cultiste de Nurgle. Après avoir constaté que ses gros muscles ne sont d’aucune utilité face aux assauts de suçons de son adversaire, Gardus dégaine son special move, c’est à dire son énorme… empathie, et sert donc le démon dans ses bras puissants en lui susurrant des mots de réconfort aux oreilles. Et ça marche. Touché par tant de compassion, et sans doute un peu par la pure lumière céleste que Gardus est capable d’exsuder sur commande, telle une luciole d’Azyrheim (séquelle plutôt kioul de sa seconde reforge), la vilaine bête fond comme un lépreux dans un pédiluve, libérant une à une les âmes des malheureux qui lui servaient d’ancrage. Ceci fait, Gardus n’a plus qu’à régler son compte au traître Wale, qui malgré sa force démoniaque et son épée rouillée, ne fait pas le poids face au double quintal de JUSTICE du Stormcast Eternal. Convaincu d’avoir accompli sa mission, et débarassé Demesnus d’un détestable faux jeton, Steel Soul peut reprendre le ferry de 06:39 pour regagner sa caserne et l’éternelle lutte contre les ennemis de Sigmar. Voilà un week-end productif.

1 : Le nom peut faire peur, c’est vrai, mais si on y réfléchit deux secondes, il inclut également les Garra Rufa (poissons docteurs), d’excellents auxiliaires de pédicure. Du coup, la légende du Garra Dan en prend un coup.

AVIS:

Les turpitudes psychologiques de Gardus Steel Soul, pour lequel la conciliation du moi, surmoi et ça ne relève pas de la sinécure, ne m’ont que moyennement intéressées, comme la plupart des soumissions mettant au premier plan des Stormcast Eternals je dois le reconnaître. Reynolds m’ayant habitué à des nouvelles bien plus travaillées en termes d’intrigue et de progression narrative, la grande simplicité avec laquelle notre Action Man blanchi sous le harnais résout le problème auquel il est confronté, m’a laissé un goût d’inachevé. Toutefois, je dois reconnaître que l’inclusion de The Ghosts of Demesnus dans cette anthologie introductive est un choix des plus pertinents de la part des éditeurs de la BL, puisqu’il permet aux nouveaux lecteurs de découvrir une facette intéressante de la faction reine de l’univers (la difficile conciliation entre leur passif de mortels et leur mission de soldats de Sigmar par les Stormcast Eternals), tout en les immergeant dans le quotidien d’une cité libre de Ghyran, loin des batailles contre les forces du Chaos déjà abondamment couvertes dans le jeu de figurines et les suppléments s’y rattachant.

Ajoutez à cela des personnages un brin complexes (en particulier Sargo Wale, qui est loin d’être un chef de culte à tendance mégalo-anarchique, comme c’est souvent le cas) et l’habituel nappage de fluff que Josh Reynolds se fait un point d’honneur à servir, et vous obtenez un récit d’une honnêteté insoupçonnable. On peut cependant reprocher à Ghosts…, même si dans une moindre mesure que pour God’s Gift, son manque de singularité, évidemment causé par le fait que Gardus est, comme Hamilcar, un héros récurrent de la BL, dont les aventures passées rejaillissent fatalement sur les évènements narrés dans la nouvelle. Ici, c’est l’inclusion du vieux sensei Yare, compagnon d’aventure d’une précédente épopée, qui fait figure de passage obligé à la valeur ajoutée assez limitée. Rien d’horripilant là non plus, mais pas l’idéal pour accrocher le lecteur novice ou indifférent. Bref, une première incursion honorable, à défaut d’être mémorable, dans le monde métallisé des meilleurs de Sigmar.

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Au final, et même si certaines inclusions à ce mini recueil tiennent, selon moi, de l’erreur de casting au vu de l’objectif de « propagande » (dans le sens le moins néfaste du terme) poursuivi par ce genre d’ouvrage, ce Black Library Celebration 2019 constitue un début ou un ajout intéressant à toute collection Black Library. J’espère sincèrement que le concept fera florès et prend d’ores et déjà date pour une critique comparée de la version 2020 l’année prochaine, afin de voir si ma vision du sujet cadre avec celle de la maison mère. Les stocks disponibles pour ce millésime ayant déjà été écoulés au moment où sera publiée cette chronique, si j’en crois les quelques tests réalisés sur les sites GW et BL, il faudra faire vite l’année prochaine pour sécuriser sa copie. (Chaos) Godspeed, folks !

 

THE LAST CHANCERS by GAVIN THORPE

Bonjour à tous ! Aujourd’hui, je vous propose de faire un tour aux quasi-origines de la Black Library, à l’époque où tout restait à faire, où les auteurs avaient encore loisir de développer des idées un tantinet originales*, et où un Gavin Thorpe encore glabre faisait ses grands débuts dans le monde impitoyable de la fantasy. Bienvenue lecteur dans la chronique d’un mythe fondateur du background de Warhammer 40.000 : la trilogie Last Chancers.

* : « Et si vous nous écriviez une petite histoire de Space Marines ? »
« Tu veux parler de ces surhommes génétiquement modifiés, incapables de ressentir la peur, endoctrinés jusqu’au trognon et rigoureusement imperméables à l’humour ? »
« C’est ça. »
« Ecoute, je vais être tout à fait franc avec toi : je préfèrerais écrire la biographie de Peggy la Cochonne en dix volumes et la traduire en farsi plutôt que de me lancer dans cette purge. Sérieusement les mecs, vos Space machins sont des stéréotypes de héros d’action à peu près aussi savoureux qu’un bol de gravier arrosé au Roundup. À la rigueur, si vous me permettiez d’écrire un pastiche un peu grinçant soulignant le côté ridiculement trotrodark de votre univers… Qu’est-ce que vous diriez d’un chapitre dont l’emblème serait un balai chiotte géant ? »
« Ça ne va pas être possible Mr Bayley. »
« Dommage. Je continue à bosser sur le synopsis de Eye of Terror alors. »
« S’il vous plaît. »

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Couverture de l’omnibus:

Omnibus (Last Chancers)

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Couvertures alternatives:

Couvertures Alternatives (Last Chancers)'

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Le contexte:

1999. En cette fin de millénaire, la Black Library s’apprête à fêter ses deux ans d’existence. Créée à l’origine pour assurer la publication de nouvelles, via le mensuel Inferno!, la maison d’édition de Games Workshop s’est mise progressivement à proposer des romans dépeignant les aventures de personnages emblématiques des deux univers de l’enseigne. Après avoir mis sur le marché les premiers tomes de sagas aujourd’hui mythiques (Gotrek & Felix, Gaunt’s Ghosts, Ragnar), la Black Library décide de donner sa chance à un collaborateur régulier de la maison mère, le fringant Gavin Thorpe.

Le projet de notre homme est assez original, puisqu’il se propose de relater les pérégrinations d’une bande de légionnaires pénaux, chargés d’accomplir le sale boulot de l’Imperium afin de se racheter aux yeux de l’Empereur et de leur impitoyable officier, le colonel Schaeffer. Une sorte de négatif des gentillets Fantômes d’Abnett, directement calqués sur le modèle des 12 Salopards (film de Robert Aldrich sorti en 1967), et dont la sortie est annoncée par la publication de la nouvelle Deliverance dans le White Dwarf de Décembre 1999 (traduite en français dans le WD d’Octobre 2002).

La jeunesse de la Black Library, le climat d’enthousiasme entourant la société à l’époque (lancement prochain du jeu Seigneur des Anneaux, acquisition de Sabre Tooth Games, début du passage au tout plastique…), et la notoriété de l’auteur parmi les membres de la communauté, expliquent sans doute pourquoi Thorpe a été autorisé à explorer cet aspect, somme toute assez marginal, de l’univers de Warhammer 40.000. À l’heure où les lignes éditoriales (SM, SM pendant l’hérésie, aventures-d-un-personnage-nommé, SM, le-dernier-tome-d-une-série-bien-établie, SM…) de la BL semblent gravées dans l’adamantium, le degré de liberté caractéristique de cet âge révolu ne manque pas d’attractivité pour le lecteur prêt à sortir des sentiers battus.

On ne peut que spéculer sur les ambitions nourries par les pontes de la Black Library au sujet de cette série, dont la postérité n’est pas aussi grande que certains des travaux publiés sur la même période. Le fait que la saga Last Chancers se décline en trois volets, format star de la maison, laisse penser que cette dernière a néanmoins su trouver son public, même s’il est aujourd’hui évident qu’Abnett et ses Tanith ont gagné la bataille de la popularité face aux bad boys de Thorpe dans la catégorie Garde Impériale*, si bataille il y eut jamais. Le premier des deux larrons étant en effet un auteur professionnel, alors que le second travaillait à l’époque comme concepteur de jeux pour Games Workshop, il était peut-être prévu dès le début de clore les débats après le troisième tome (laissant ainsi à Gavin l’opportunité de travailler sur la trilogie Slaves To Darkness, publiée entre 2002 et 2004). Pour ma part, j’interprète le hiatus de deux ans et demi entre la sortie de Kill Team (Octobre 2001) et celle de Annihilation Squad(Mars 2004) comme le signe d’un flop relatif, même si d’autres explications peuvent également être avancées.

Quoiqu’il en soit, les Last Chancers de Thorpe ont néanmoins réussi à laisser leur marque dans le background de 40K, comme tout vétéran du hobby vous le confirmera. En plus des romans, Schaeffer, Kage et les autres ont en effet eu l’honneur de bénéficier d’une entrée dans le Codex Garde Impériale de 2005 (et possiblement dans les précédents, que je ne possède pas**), ainsi que de leurs propres figurines, dont la sortie s’est accompagnée d’un complément de règles permettant d’aligner douze Last Chancers contre une armée entière (on reconnaît bien la patte de Jervis « pour la beauté du geste » Johnson derrière cette initiative, qui a sans doute permis à certaines des parties les plus déséquilibrées de l’histoire du jeu d’avoir lieu). Il est cependant à noter que les figurines en question ne représentent qu’une partie des personnages développés par Thorpe dans sa série, un certain nombre d’éminents Last Chancers s’étant faits refouler au casting, à commencer par l’iconique Lieutenant Kage (un comble, puisqu’il s’agit du narrateur des romans).

*: Ne comptez pas sur moi pour passer à Astra Militarum. Le Garde Impérial meurt mais ne se rend pas.

**: Gavin précise que Schaeffer et ses Last Chancers ont été créés par Ian Pickstock et lui-même, et que leur première apparition remonte au Codex V2 de la Garde Impériale. Plus tard, Rick Priestley [i]himself[/i] apportera sa patte au travail de ses deux collègues (mais dans quelles proportions, mystère).

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L’intrigue:

Pas de grandes surprises à ce niveau-là, puisque le lecteur a exactement droit à ce qu’il attendait, c’est-à-dire au récit des aventures de Kage et de ses collègues légionnaires pénaux, chargés par Schaeffer des missions les plus dangereuses du secteur. Les Last Chancers ont en effet beau être un ramassis de criminels aux casiers judiciaires plus épais qu’un sarcophage de Dreadnought Ironclad (ou pas, voir la section Personnages), ils sont avant tout des super soldats, experts en leur domaine, et qu’il serait donc dommage d’assigner à des tâches aussi ingrates que le déminage de spore mines à coups de bâton, la montée en première ligne contre un bastion tenu par une grande compagnie d’Iron Warriors, ou encore l’identification des victimes d’une épidémie de Pourriture de Nurgle, activités couramment proposées aux légionnaires pénaux classiques.

Les trois romans de la série donnent ainsi à Kage et à ses potes l’occasion de participer à des projets aussi grandioses et létaux que l’assassinat d’un Commandeur Tau séditieux (sur le propre monde de ce dernier), le « sauvetage » d’Herman von Strab, gouverneur planétaire émérite et complétement barge d’Armageddon, ou encore la mise en surchauffe des réacteurs à plasma d’une cité fortifiée rebelle. Inutile de préciser que le taux de survie parmi nos héros n’est donc pas terrible, Schaeffer et Kage étant souvent les seuls à émerger en un seul morceau de ces charmantes promenades de santé.

Outre cette trame classique, qui sera répétée avec quelques variations tout au long de la saga, Thorpe choisit d’initier le lecteur au tortueux cheminement intellectuel et philosophique de Kage, qui, de candidat avoué à la désertion au début de la série, se mue petit à petit en victime et complice consentante de son terrible supérieur. Cette soif de rédemption mâtinée d’un zeste de syndrome de Stockholm est de plus corsée par la folie croissante de Kage, qui de sale type lambda à l’ouverture de 13th Legion (on apprend qu’il a atterri chez les Last Chancers pour avoir poignardé un supérieur indélicat lui ayant piqué une de ses conquêtes féminines) se change petit à petit en psychopathe sadique de haut vol. Rajoutez à ce charmant tableau des migraines post-traumatiques régulières et un potentiel psychique latent, et vous aurez une bonne idée de la personnalité du Lieutenant Kage.

La situation se gâte toutefois fortement dès que l’on se penche sur les péripéties, dont l’examen révèle de nombreuses incongruités et autres zones d’ombre, que l’auteur ne se donne pas souvent la peine d’expliciter. Par exemple, Schaeffer emmène ses hommes sur le monde jungle de False Hope, soi-disant pour y enquêter sur la présence de Lictors, capables d’attirer sur place la flotte ruche Dagon (wink wink). Outre le fait qu’on leur souhaite bien de la chance pour mettre la main sur des prédateurs aussi furtifs, cachés quelque part sur une planète totalement recouverte par la forêt primaire, j’ai du mal à comprendre ce que Schaeffer espère accomplir par là, même en cas de réussite. Si, par miracle, lui et ses hommes arrivent à faire la peau à tous les Lictors présents sur False Hope, il n’a en effet aucune garantie que les messages envoyés par ces derniers à la flotte ruche n’aient pas déjà atteints cette dernière, qui viendra donc tondre à ras ce monde hostile de toute façon.

Autre exemple, la facilité avec laquelle l’inquisiteur Oriel (le supérieur direct de Schaeffer), réussit à piquer, puis à utiliser, les stocks de bombes virales de la cité fortifiée et hyper sécurisée de Coritanorum, au nez et à la barbe des quelques 700.000 soldats qui la défendent. Je précise que le bon inquisiteur opère en solo derrière les lignes ennemies, et semble bien sûr toujours savoir où intervenir pour faciliter la progression des Last Chancers (sinon c’est pas drôle). Malgré tous ses talents d’infiltrateur, Oriel est toutefois incapable de coincer le Genestealer qu’il a malencontreusement libéré dans Coritanorum, et s’est empressé de fonder un culte qui a saisi le pouvoir en deux temps trois mouvements, provoquant la rébellion de la cité. Bon, d’accord, ça a plutôt pris quelques mois, voire quelques années, mais comme Oriel a un égo surdimensionné, il a préféré tenter de régler ce petit problème tout seul (sans grands succès malheureusement), plutôt que de passer un coup de fil à la hot line de la Deathwatch. Au final, notre bras cassé d’inquisiteur préfèrera envoyer ses séides faire exploser Coritanorum (et ses trois millions d’habitants) afin de s’assurer que les informations top secrètes conservées dans les banques de données de la cité ne tombent pas dans les griffes des tyrannides… que je ne savais personnellement pas capable d’assimiler des connaissances stockées sur disques durs par voraces interposés. On notera au passage que cet acte désespéré n’empêchera absolument pas la flotte ruche de venir se garer en orbite autour de la planète de feu Coritanorum, et donc de potentiellement accéder aux données qu’Oriel voulait à tout prix garder secrètes, sous réserve qu’une autre cité majeure tombe aux mains ( ?) des nides (hypothèse fort probable).

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Ces deux exemples viennent prouver que si Gavin Thorpe est tout à fait capable d’écrire des synopsis solides, détaillés et assez alléchants (je suggère fortement à tous les anglophiles de faire un tour sur le blog du bonhomme, Mechanical Hamster, où sont postés les synopsis de 13th Legion et de   Annihilation Squad), il pêche en revanche au moment de la mise en pratique de ses idées, qu’il couche sur le papier sans s’assurer de leur cohérence par rapport à l’histoire (un travers dans lequel ne verse pas Abnett, et qui explique en partie pourquoi ce dernier est aujourd’hui justement considéré comme la meilleure plume de la BL). Le diable se cache dans les détails…

On pourra me répondre que la responsabilité est partagée entre l’auteur et son éditeur, dont c’est le rôle de relever les passages peu clairs d’un manuscrit afin que le premier les retravaille, et on aura parfaitement raison. Cela dit, je doute fortement que les standards de la BL en la matière soit particulièrement exigeants, opinion blasée se basant sur la lecture d’ouvrages truffés de scories narratives (comme   celui-ci ou celui-là), et à côté desquels l’œuvre de jeunesse de Thorpe apparaît comme exempte de tout soupçon.

Une dernière remarque, cette fois centrée sur le premier tome de la série, 13th Legion. À la différence de ses deux successeurs, cet ouvrage ressemble plus à une collection de nouvelles mettant en scène les Last Chancers qu’à un roman en bonne et due forme. Thorpe enchaîne en effet les péripéties (trek sur un monde jungle hostile, crash sur une planète prison colonisés par des termites géantes agressives, défense face à une attaque de pirates Eldars Noirs, participation éclair à une campagne contre des Orks sur un monde de glace…) avec une brutalité laissant planer le doute sur la présence éventuelle d’un véritable fil conducteur. Le dernier tiers du roman permet à l’auteur de justifier son approche pour (essayer de) faire croire au lecteur que ce rythme narratif elliptique jusqu’à la nausée était en fait un parti pris littéraire. D’un point de vue personnel, je n’ai pas vraiment été convaincu par les explications de Gav (qui m’a d’ailleurs confié qu’il s’agissait du point qu’il aimerait le plus modifier s’il en avait la chance), mais comme il s’agissait de son premier roman, je ne lui en ai pas tenu particulièrement rigueur. Il est à souligner que le deuxième tome de la série, Kill Team, pâtit lui aussi de la maîtrise approximative de Thorpe en matière de conduite de double intrigue, quoique de moindre manière. C’est en forgeant…

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Le style:

La première caractéristique notable de la série Last Chancers est l’usage d’une narration à la première personne, un choix pas si répandu parmi les auteurs de la Black Library. Le lecteur fait plus qu’adopter le point de vue du Lieutenant Kage, il vit l’histoire par ses yeux, et bénéficie en outre des incessantes réflexions que le héros de Thorpe formule à propos de sa situation, de ses compagnons d’infortune, du fonctionnement de l’Imperium, des Xenos qu’il croise de temps à autres, ou encore de la composition de son dernier déjeuner. Kage étant un penseur prolixe, il est conseillé au lecteur de se préparer à composer avec ses récurrentes digressions, qui constituent une partie importante des romans. Ceci étant dit, Thorpe réussit à rendre ces passages assez distrayants, en grande partie grâce au caractère subversif et direct de son personnage, qui, s’il n’est pas vraiment causant, n’en pense pas moins.

J’ai déjà pu évoquer dans d’autres chroniques l’existence du fameux (ou pas, à vous de me dire) « BL style », familier à tous les lecteurs vétérans de cette maison d’édition. Gavin Thorpe étant à mes yeux l’un des créateurs de cette école, du fait de son influence sur le jeu et le background général (il a été un temps « Maître du Savoir » de Games Workshop), des livres d’armée et codex auxquels il a contribué, et évidemment par le biais de ses romans, il est somme toute normal que la série Last Chancers ne surprenne ni en bien ni en mal à ce niveau. Descriptions, dialogues, scènes d’action : tous les éléments constitutifs de ces romans cadrent rigoureusement avec le cahier des charges de la BL, et donnent un ensemble honnête et relativement plaisant à lire, à défaut d’être follement original.

Cela étant dit, certains passages se sont avérés être assez jouissifs à parcourir, Gav lâchant la bride de sa plume (ceci est une figure de style non homologuée) et gratifiant son public de petites perles de noirceur, souvent à base de violence totalement gratuite et immorale, tranchant fortement avec les conventions de la BL en la matière (les méchants commettent des actes immoraux* parce qu’ils sont méchants, les gentils peuvent éventuellement en faire de même lorsqu’ils n’ont absolument pas le choix, qu’ils savent ou pensent qu’il s’agit de l’option la moins pire, ou parce qu’il s’agit d’un aspect de leur culture).

Dans la plupart des cas, il s’agira d’un pétage de plombs en bonne et due forme de la part de Kage, qui massacrera par exemple à mains nues un de ses codétenus, qu’il soupçonnait (à tort) d’avoir comploté avec les Eldars Noirs ayant attaqué le vaisseau des Last Chancers dans 13th Legion. Le pauvre type en question, auparavant tabassé tous les quatre matins par un Kage l’ayant pris en grippe pour des raisons assez nébuleuses, se fera ainsi réduire en pulpe par ses petits camarades dans une scène rappelant fortement la mort de Simon dans Sa Majesté Des Mouches. D’autres passages de cet acabit, permettent à Thorpe de prouver la folie sous-jacente de son héros, qui sans ça aurait pu n’être qu’un bad-boy-asocial-mais-pas-foncièrement-mauvais de plus (à l’image d’un Mathias Thulmann, d’un Brunner ou d’une Angelika Fleischer). La première moitié de Kill Team est particulièrement riche à cet égard, Kage y étant dépeint comme l’authentique salopard empêtré dans une relation amour-haine avec Schaeffer qu’il aurait gagné à être de manière continue.

Premiers grands formats de Thorpe, 13th Legion et Kill Team (Annihilation Squad ayant été publié après la sortie de la trilogie Slaves To Darkness) présentent quelques lacunes absentes des travaux suivants de l’auteur. En plus des transitions brutales de 13th Legion, Thorpe articule assez mal le système de double intrigue qu’il cherche à mettre en place dans ces deux tomes, amenant le lecteur à ne pas accorder l’attention qu’ils méritent aux petits passages intercalés entre chaque chapitre, alors même qu’ils contiennent des éléments dont l’auteur se servira pour justifier les retournements de situation se produisant dans la dernière partie de l’histoire. À dire vrai, je pense même qu’il aurait très bien pu se contenter d’un seul fil narratif (celui de Kage et Cie) pour ces deux romans, la valeur ajoutée du deuxième angle d’attaque étant somme toute très faible. Ce sera d’ailleurs son parti pris dans le troisième volume de la série, Annihilation Squad, dont la qualité globale** est nettement supérieure à celle de ses préquelles. Kill Team souffre également d’une perte de rythme assez prononcée au milieu du récit, Thorpe relatant le voyage des légionnaires pénaux jusqu’à la planète de leur cible (le Commandeur Brightsword) sur une petite centaine de pages, durant lesquelles il ne se passe pas grand-chose. Les amateurs de fluff les plus extrêmes enrichiront certes leurs connaissances de la société Tau***, mais le reste des lecteurs trouvera sans doute le temps long, surtout après le rythme enlevé du tome précédent.

Thorpe éprouve également quelques difficultés à manager correctement son équipe de risque-tout, dont les effectifs sont bien sûr amenés à décroître régulièrement au fil des pages et de la mort des personnages. Ce manque de maîtrise se ressent particulièrement dans le final de 13th Legion, au cours duquel Gavin enchaîne les trépas avec un enthousiasme un peu forcé, recourant même à plusieurs reprises à une discrète liquidation « hors cadre » d’un side kick****. Kage aura alors cette phrase, que je trouve assez représentative des derniers chapitres du roman : « I feel a touch of sadness that he died alone and unnoticed ». La désinvolture avec laquelle Thorpe dézingue ses personnages est toutefois assez plaisante, en ce qu’elle reflète fidèlement l’atmosphère de risque permanent qui entoure les Last Chancers, dont le destin est une mort brutale dans l’exercice de leurs fonctions.

De manière générale, et si on écarte les quelques remarques précédentes, la série des Last Chancers se laisse lire sans problème, le dernier volet se démarquant comme le meilleur du lot au niveau du style.

*: Et encore, dans la limite du raisonnable. Il ne s’agirait tout de même pas de perdre des lecteurs dans la tranche d’âge de 10-15 ans pour cause d’écrits malséants. On évitera donc toute allusion sexuelle, sauf les plus édulcorées, et on prendra bien garde de ne faire trucider et torturer que des personnages adultes, de sexe masculin si possible.

**: Il est cependant à noter que ce dernier volet souffre du syndrome de la « conclusion accélérée », défaut partagé par de nombreuses publications de la Black Library. Quand je lui ai posé la question, Gavin m’a assuré qu’il s’agissait d’une décision personnelle (l’autre hypothèse étant un nombre de pages à ne pas dépasser), visant à retraduire l’urgence de la situation à laquelle les héros doivent faire face. Vu comme ça… Dernière remarque sur le sujet : le synopsis prévoyait une conclusion assez différente de celle qui figure dans le livre, qui achève la série par un magistral cliffhanger inversé (je me comprends).

***: Végétarien nocturne à tendance frugivore, le Tau de Thorpe construit des escaliers sans rampe car, se déplaçant toujours à l’allure d’une tortue cacochyme, il n’a pour ainsi dire aucun risque de chuter en grimpant les marches. Véridique.

****: «Le groupe fit une pause et Kage bailla profondément. Quand il rouvrit les yeux, il constata que son vieux pote Johnny la Durite avait été coupé en deux par un tir de canon laser. Bob avait été dispersé sur 30 mètres par l’explosion d’une mine antipersonnelle. Steven venait de se faire avaler par un boa constrictor et Joe avait été écorché, tanné et transformé en canapé pur cuir par un gang d’Eldars Noirs en maraude. »

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Les personnages:

Comme on peut s’y attendre de la part d’une série dont les héros sont des condamnés à mort en sursis auxquels sont assignées les missions les plus dangereuses qui soient, la saga Last Chancers connaît un turn over assez important d’un tome à l’autre, seuls quelques personnages parvenant à survivre assez longtemps pour figurer dans plusieurs romans.

Kage: Nicolas de son petit nom (nan je déconne), anti-héros de la série, et narrateur des aventures des Last Chancers, qu’il incarne tellement bien que Schaeffer le surnommera Last Chance durant une bonne partie de Kill Team*. Kage est un survivant né doublé d’un sale type, traits de personnalité qui l’ont conduit à intégrer la 13ème Légion Pénale (deux fois de suite !), et à devenir l’âme damnée de Schaeffer. Capable de crises de violence et de sadisme (franchement revigorantes pour le lecteur, beaucoup moins pour ses petits camarades de jeu), il est cependant loin d’être une simple brute décérébrée (même s’il est de son propre aveu quasiment analphabète). Après avoir obtenu son pardon à la fin du premier tome, il dérape suffisamment sérieusement quelques mois plus tard pour être à nouveau affecté aux Last Chancers, sans espoir de sortie cette fois-ci. Cette absence d’échappatoire le poussera cependant à rechercher une rédemption hypothétique en accomplissant son devoir au service de l’Empereur, seul capable de racheter les innombrables crimes qu’il a commis au cours de sa misérable existence.
Son évolution au cours des deux premiers tomes de la série (le troisième voyant Thorpe justifier les aspects les plus extrêmes de la personnalité de son héros de manière exogène, ce qui à mon sens lui fait perdre un peu d’intérêt), la complexité de son caractère et ses relations ambigües avec Schaeffer font de Kage une des raisons principales justifiant la lecture des romans Last Chancers. Dernière précision, si vous aimez le personnage de Marv dans Sin City, il y a de fortes chances que le Lieutenant Kage vous soit sympathique, tant Gav semble avoir calqué son personnage que celui de Frank Miller.

*: D’après une idée de Kage, qui avait lui-même précédemment affublé chacun de ses petits camarades d’un surnom reflétant ses capacités (Sharpshooter, Demolition Man, Flyboy…) ou sa mentalité (Hero) afin de détruire leur personnalité ou quelque chose comme ça (qu’est-ce qu’on s’amuse). On notera au passage que Hero et Demolition Man sont les seuls Last Chancers ayant eu une figurine officielle (en plus de Schaeffer).

Kage

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Schaeffer: Chef emblématique et redouté de la 13ème Légion Pénale, le Colonel Schaeffer est un fanatique du plus bel acabit, dont la mission est de sauver l’âme des malheureux qui lui tombent entre les mains, en leur offrant la chance et l’insigne honneur de mourir au combat contre les ennemis de l’Imperium. Absolument dénué de tout scrupule, Schaeffer fait toujours primer la réalisation des missions qui lui sont confiées sur le bien-être et la survie de ses hommes, ce qui lui réussit assez bien puisqu’à date, il n’a jamais connu l’échec. S’il ne voit pas d’inconvénients à abandonner des soldats blessés dans un avant-poste déserté au milieu d’un monde hostile, à dépressuriser un sas rempli de légionnaires pénaux pour empêcher une poignée de pirates Eldars d’accéder à la salle des machines, ou encore à réduire en poussière une ville de trois millions d’habitants pour être sûr d’annihiler un culte Genestealer, il est en revanche prêt à mettre sa vie en péril pour assurer le salut de l’âme de ses ouailles. Prêt à toutes les bassesses pour « recruter » des profils qu’il juge prometteur (« au fait, ta peine de cinq ans de prison pour vol avec violence a été commuée en perpétuité incompressible ! Merci qui ? »), il se montre toutefois fidèle à sa parole en toutes circonstances, et accordera bien son pardon à quelques de Last Chancers vraiment chanceux (c’est le cas de le dire) au cours de la série, la plupart du temps à titre posthume il faut bien le dire.

Autre trait de personnalité empêchant Schaeffer d’être absolument antipathique au lecteur, son inflexible courage, le bonhomme ne délégant à aucun autre le soin de mener la 13ème Légion Pénale au combat. Si personne ne sera surpris d’apprendre que le bougre est également un soldat d’exception, capable de transformer un Carnodon adulte en carpaccio en un battement de cils, il est intéressant de noter qu’il semble disposer d’une bonne étoile de la taille d’une supernova, ce qui lui permet de sortir indemne des mêlées les plus féroces (un avantage certain dans sa profession). S’il lui arrive de prendre une balle perdue de temps à autre, il peut cependant compter sur ses relations privilégiées avec l’Inquisition pour être remis à neuf dans les plus brefs délais, et, contrairement à la mode répandue des augmétiques qui sévit en cette fin de quarantième millénaire, toujours de manière 100% organique. On lui fait ainsi « repousser » un bras à la fin de 13th Legion, et on apprend dans Annihilation Squad que sa colonne vertébrale a été pareillement reconstruite (après un pari débile*), tandis qu’il doit son fameux regard bleu azur à la « généreuse » donation d’un prêtre de mars renégat. Avec ses 300 ans bien tassés (Gavin laisse volontairement le lecteur dans l’ombre à propos du passé de son personnage, dont on ne peut qu’essayer de deviner pourquoi il a été affecté à ce poste ingrat et dangereux, alors qu’il semble avoir toutes les qualités requises pour grimper les échelons au sein de la Garde Impériale**), le Colonel Schaeffer tient plus du PNJ increvable d’un FPS futuriste que de l’être humain normalement constitué, et c’est son opposition, ainsi que sa paradoxale complémentarité, avec Kage (avec qui il forme un joli couple sadomasochiste) qui lui permettent d’exister en tant que protagoniste.

*: « Chiche que tu n’es pas capable de servir de rampe de skate à un Land Raider ! » « Avec ou sans escouade Terminator en soute ? » « Euh… sans. » « Pas de problème, je marche. »

**: J’ai avancé l’hypothèse que Schaeffer cherchait à expier un pêché particulièrement grave en accomplissant le sale boulot de l’Impérium et en permettant à des criminels de la pire espèce de sauver leur âme, et Gavin m’a laissé entendre que je n’étais pas si éloigné de la vérité, qu’il dévoilera peut-être un jour.

Schaeffer

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Oriel: Inquisiteur de l’Ordo Xenos de son état, Oriel est présenté comme le supérieur officieux de Schaeffer, auquel il confie les principales missions relatées dans le premier et le deuxième tome de la série (pour le troisième, il se contente de « recommander » les états de service impeccables du Colonel à un collègue, qui débauche donc les Last Chancers et les envoie sur Armageddon récupérer Herman von Strab). Le fait qu’il œuvre pour la très Sainte Inquisition permet à Oriel de savoir à peu près tout sur tout, de manier des gadgets rigolos et hors de prix, et de se lancer dans des projets grandioses sans avoir besoin de se justifier, ce qui est plutôt pratique étant donné la capacité de notre ami à se rater dans les grandes largeurs. Le Genestealer malencontreusement relâché sur Coritanorum, c’est lui. La lobotomie sauvage de Kage, soi-disant pour purger son cerveau des « humeurs malignes » qu’il contenait, c’est encore lui. Le quasi intouchable infiltré au sein des Last Chancers pour contenir le potentiel psychique latent de ce même Kage (avec des résultats très concluants…), c’est toujours lui. Il aime également agir selon des plans aussi secrets que retors, et que personne ne remet en question quand il se décide à les expliquer uniquement parce qu’il serait capable d’ordonner un Exterminatus sur la planète d’origine de ses contradicteurs. Cependant, tel le Zlatan du 41ème millénaire, il possède le talent rare d’être toujours au bon endroit au bon moment (particulièrement dans 13th Legion), ce qui lui permet de débloquer des situations apparemment impossibles* en un claquement de doigts. La classe.

*: Bon, alors comment vais-je bien pouvoir faire rentrer mon escouade de Légionnaires Pénaux dans une forteresse hyper sécurisée (pensez à Minas Tirith, mais capable de résister à un bombardement orbital), sur laquelle la toute-puissante Garde Impériale se casse les dents depuis plusieurs années ? Bof, on va dire que quand les Last Chancers arrivent aux portes des murs extérieurs, un « mystérieux allié » aura libéré un gaz mortel dans les conduits d’aération de la casemate de garde, ouvert les portes et disparu dans la nature. D’une élégante simplicité.

Oriel

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Lorii & Loron: sont dans un bateau une tranchée. Loron tombe à l’eau se prend un tir de laser dans la jambe. Qui reste-t-il ? Réponse : Lorii et Loron, la première ramenant le second à bon port au péril de sa vie et au mépris des ordres reçus, ce qui conduit nos deux inséparables (frère et sœur dans le civil) à se retrouver mutés parmi les Last Chancers pour insubordination. Maintenant, un petit test de vos connaissances de fluffiste : si je vous dis que Lorii et Loron sont de redoutables soldats albinos et les derniers survivants de leur unité, qui s’est faite décimer malgré la très haute qualité intrinsèque de ses membres, vous me répondez du tac au tac qu’il s’agit selon toute évidence…

d’Afriels, c’est-à-dire des résultats mitigés d’une expérience eugéniste classique, à savoir utiliser les gènes des plus grands héros de l’Imperium (ici, rien de moins que Macharius himself, dont on aurait prélevé la semence à son insu*) pour créer des super soldats. Pour des raisons mystérieuses, il s’est toutefois avéré que ces derniers, pour très doués qu’ils se révèlent être, souffraient d’une malchance terrible, ce qui a mené à la rapide disparition de tous les cobayes après quelques succès prometteurs. Plus d’infos dans le WD#131.

Vous aviez trouvé? Bravo, vous êtes un vrai spécialiste dans un domaine rigoureusement inutile, et vous irez loin dans la vie sous réserve que cette dernière soit en pente. Si non, tant pis, vous n’êtes qu’un être humain presque normal (car un être normal ne serait pas en train de lire ces lignes, soyons honnêtes), mais je vous aime bien quand même.

Pour en revenir à nos deux moutons noirs blancs noirs, s’ils n’occupent pas un rôle de tout premier plan dans la série, ils font toutefois partie des Last Chancers les plus iconiques, et pas uniquement à cause du prénom particulier de la demoiselle. On notera au passage qu’ils sont, de son propre aveu, les personnages préférés de l’auteur, ce qui n’a pas empêché Gav de les faire mourir de la manière la plus cavalière/douloureuse qui soit. Qui aime bien…

*: « Mais, qu’est-ce que vous êtes en train de faire ? Et pourquoi vous avez les mains sur mon -»
«Ah, pardon, je croyais que c’était la télécommande de la climatisation. Héhé. »

Les Last Chancers de 13th Legion: Ramassis de fripouilles et de canailles de la plus belle espèce, les premiers Last Chancers sont les sujets non consentants d’une expérience sociologique menée par Schaeffer et Oriel, et qui peut être résumée de la façon suivante : prenez 4000 criminels endurcis, et balancez les sur les missions les plus pourries que vous puissiez imaginer, jusqu’à ce que ne reste qu’une poignée de survivants complètement barges. Confiez ensuite à ce reliquat psychotique et instable la tâche d’infiltrer une cité rebelle afin d’en surcharger les réacteurs à plasma. Occupez les trois années nécessaires à ce processus d’affinage à courir après le Genestealer que vous avez malencontreusement libéré à l’intérieur de ladite cité, et dont la rébellion est donc entièrement de votre faute. Tout simplement brillant! Wait…

Même si la plupart des camarades de Kage sont davantage esquissés que réellement dépeints en profondeur, je reconnais volontiers que Thorpe a bien réussi à individualiser ses personnages, dont la mort ne laisse donc pas aussi indifférent que ce qu’on pourrait penser de prime abord. Entre Franx, l’ancien paysan incapable de construire une phrase grammaticalement correcte, Kronin, l’aliéné ne s’exprimant plus que par des citations tirées du crédo impérial, Linskrug, le noble esclavagiste rêvant de prendre sa revanche sur ses anciens rivaux (Jorah Mormont, anyone ?), Rollis, la petite frappe que tout le monde déteste et prend plaisir à dérouiller, ou encore Striden, liaison terrain des artilleurs de la flotte impériale ayant rejoint les Last Chancers au début de leur mission finale parce qu’il n’avait littéralement rien d’autre à faire, c’est une ménagerie haute en couleurs que nous propose Gavin. Seul survivant (ou presque) de ce premier casting, Kage se considérera par la suite comme le dépositaire de la mémoire de ses camarades défunts, conviction qui le fera osciller entre mélancolie suicidaire et fureur de vivre animale au cours des deux autres tomes de la série.

Les Last Chancers de Kill Team: Alors que leurs défunts prédécesseurs avaient subi un écrémage en règle avant que ne se dessine l’ossature de l’escouade chargée de l’infiltration de Coritanorum, les Last Chancers du deuxième tome de la saga ont l’insigne privilège d’être sélectionnés directement par Kage parmi les pensionnaires du réservoir de talents de Schaeffer (une prison de haute sécurité où le colonel envoie les malheureux dont il pense pouvoir avoir besoin un jour, sans que la gravité de ce qui leur est reproché ne soit réellement prise en compte*), puis impitoyablement entraîné par ce dernier avant de partir en mission. Ce processus de recrutement, très différent de celui à l’œuvre dans 13th Legion, est de l’aveu de Gavin Thorpe, un clin d’œil appuyé aux 12 Salopards, modèle dont l’auteur avait cherché à se démarquer dans le premier opus.

Conséquence logique de ce draft introductif, les Last Chancers de Kill Team excellent tous dans un domaine précis, alors que les précédents n’étaient ni plus ni moins que les ultimes survivants du processus de décantation sadique de Schaeffer. On retrouve donc une tireuse d’élite ayant prêté le serment d’Hippocrate (elle refuse de se servir de ses armes pendant la plus grande partie du roman), un ex-commissaire au profil de gendre idéal, un ingénieur que l’on aurait pu considérer comme une copie conforme du Humpty Dumpty de Living Hell #2 (comprendre qu’il ne peut s’empêcher de démonter et « d’améliorer » les machines qui lui tombent sous la main), n’eut été le fait que Kill Team a été publié avant le comics de DC ; un expert en démolition, un scout, un pilote et un médecin. La construction du roman, leur relation de soldats à gradé vis-à-vis de Kage (qui ne noue pas des liens aussi forts avec ses « recrues » qu’avec ses anciens frères d’armes), la longue partie consacrée à la description de la société Tau, et la présence d’Oriel durant toute la durée de la mission sont autant de facteurs résultant en la mise au second plan de cette seconde fournée de Last Chancers, qui s’avère être globalement moins marquante que la précédente. On notera tout de même qu’il s’agit de la « promotion » ayant obtenu le meilleur ratio de survie de ses membres de la série (deux pardons accordés pre-mortem).

* : En clair, t’as pas intérêt à quitter la cantine sans débarrasser ton plateau quand Schaeffer est dans les parages, surtout si tu es un expert reconnu dans ce que tu fais. C’est un coup à se retrouver muté dans la 13ème Légion Pénale en moins de deux.

Les Last Chancers de Annihilation Squad: Pour cet ultime volet, Thorpe retourne à ses premières amours et choisit de faire passer à ses Last Chancers un casting similaire à celui utilisé dans 13th Legion, mais à une échelle moindre : au lieu de commencer avec un régiment complet de 4.000 hommes, Schaeffer doit en effet composer avec une trentaine de légionnaires, nombre qui sera rapidement divisé par trois afin d’obtenir un groupe de la taille requise. Outre un Kage passablement blasé, et dont l’ascendant sur ses petits camarades semble plus tenir à son statut de vétéran qu’à un rang quelconque, on retrouve un prodige du lance-roquette incontinent (Brownie Dunmore), un ancien para d’élite un peu snob (Festal Kin-Drugg), un Navigateur tout à fait snob (Kelth)*, un Intouchable mais pas tout à fait en fait (Gideonwink winkOahebs), un scribe ne parlant presque que par questions (Erasmus Spooge, premier et unique Last Chancer imposé à Schaeffer, qui ne l’aurait certainement pas intégré dans sa fine équipe sinon), un chasseur d’Orks des jungles d’Armageddon agoraphobe « recruté » en cours de route (Golder Fenn), et un mystérieux revenant d’un épisode précédent, dont l’identité peut être établie d’un simple regard sur la couverture du bouquin.

En plus des profils classiques de Last Chancers (Brownie, Kin-Drugg, Fenn, Kage), Thorpe a donc également inclus des personnages dont il avait besoin pour conclure son cycle de manière cohérente (Oahebs et Kelth, respectivement contrôleur et révélateur des capacités psychiques de Kage), ainsi qu’un type relativement normal (Spooge) afin de tirer sur la veine du buddy movie. Le résultat est assez plaisant, chacun remplissant son rôle de manière convenable au fil des différents tableaux se succédant au fil des chapitres.

*: que Schaeffer s’obstine à conserver dans le groupe durant tout le roman, pour la bonne et simple raison qu’on ne sait jamais, ça peut servir.

Herman von Strab: Même s’il n’apparaît qu’à la fin de Annihilation Squad, l’ancien gouverneur planétaire d’Armageddon s’avère néanmoins être un personnage crucial de la série, tant par son influence sur l’intrigue du dernier roman que par sa personnalité baroque et perverse, magnifiquement retranscrite par Thorpe. Apparaissant tantôt comme un despote sanguinaire et abruti par une ascendance fortement consanguine, tantôt comme l’otage impuissant et repentant des envahisseurs Orks d’Armageddon, et tantôt comme un fin stratège parfaitement conscient de son importance au niveau symbolique pour les deux camps et tout prêt à négocier son allégeance, von Strab est sans doute le personnage secondaire le plus réussi de la série.

Dignitaires Tau: Pas grand-chose à dire sur le sujet, mis à part que l’amiral créé par Gav porte le nom kikoolol d’El’Savon. Si si.

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Le fluff:

Si le premier tome n’est guère riche en informations intéressantes pour le fluffiste acharné, mis à part quelques éléments épars (extraits du Credo Impérial cités par Kronin, durée moyenne de service d’un régiment de la Garde Impériale, processus d’élection d’un Warmaster), les deux suivants en sont en revanche bourrées. Kill Team permet ainsi à Thorpe de brosser un portrait détaillé de la société Tau et de passer en revue de multiples aspects de cette dernière : technologie, philosophie, politique, régime alimentaire, architecture, cohabitation avec d’autres espèces… Il y en a vraiment pour tous les goûts. Dommage que le rythme de l’action s’en trouve considérablement ralenti.

Annihilation Squad est quant à lui consacré à la situation d’Armageddon au cours de la Troisième Guerre, avec un focus sur les fameux chasseurs d’Orks opérant dans les jungles de la planète et la complexe organisation sociale à l’œuvre dans la cité-ruche d’Acheron, prise par les Orks et gouvernée par leur allié/otage Herman von Strab. N’espérez pas y trouver des révélations fracassantes sur le futur de ce conflit, que GW se gardera bien de faire se terminer avant longtemps (à moins que les ventes de 40K baissent à tel point qu’il faille recourir à une astuce du type End Times pour les relancer), mais si ce théâtre d’opérations vous intéresse, il y a de très fortes chances pour que vous trouviez de quoi vous mettre sous la dent à la lecture du troisième tome de la série.

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Mon avis (que je partage):

La première série de Gavin Thorpe pour la Black Library est un objet littéraire intéressant à plus d’un titre. D’abord parce que s’y trouvent des passages que l’on ne trouve pas, et ne trouvera sans doute jamais, dans le reste des publications de la BL : Kage est un véritable ovni parmi les héros de romans GW, et même s’il a tendance à se « normaliser » dans le dernier tome, il réserve au lecteur quelques plaisantes surprises.
Ensuite, car il permet d’évaluer le reste de la bibliographie de Gav avec des yeux neufs. Sans pouvoir être qualifié de mètre étalon de la production de Thorpe, cet omnibus est suffisamment représentatif de la prose de notre homme pour que l’on puisse bien se rendre compte des progrès qu’il a faits depuis le début de sa carrière d’auteur professionnel. Certes, il reste encore des points à corriger (ce qui est le cas pour tous les auteurs de la BL, même ceux du peloton de tête), mais je ne crois pas me tromper en affirmant que ses derniers romans ont été globalement mieux accueillis que ses premiers, et que cette évolution favorable est en grande partie due à la montée en puissance de Thorpe en tant qu’écrivain. Cette évolution est d’ailleurs perceptible même au niveau de ce premier cycle, Annihilation Squad étant dans l’ensemble un meilleur ouvrage que 13th Legion (dénouement trop rapide mis à part).
Enfin parce que, tout compte fait, et en dépit des critiques formulées tout au long de cette chronique, la saga Last Chancers répond plutôt bien au cahier des charges de la Black Library, à savoir proposer aux lecteurs d’honnêtes romans de gare se déroulant dans les univers de Games Workshop. Au prix dérisoire où l’on peut trouver ces bouquins sur le marché de l’occasion, leur acquéreur fera quoiqu’il arrive une bonne affaire.

Au final, même si je ne recommanderais pas cette série au lecteur occasionnel de la Black Library, tant il est vrai qu’il existe une ribambelle de publications de meilleure qualité dans lesquelles claquer son argent durement gagné, je pense sincèrement que le fanboy initié et curieux pourrait bien trouver un plaisir coupable à la lecture de cet omnibus. Tu vois, le monde se divise en deux catégories…

HAMMER AND BOLTER [N°10]

Bonjour à tous, et bienvenue dans la revue critique de ce dixième numéro de Hammer & Bolter, le webzine que le Warp nous envie. Croyez le ou non, aucun eldar ne pointera le bout de ses oreilles cette fois-ci, malgré le cover art Iyandenesque que vous pouvez admirer ci-dessous. On se consolera en constatant l’absence d’interview dans ce numéro, idéalement remplacée par un extrait de l’Aurelian du bon Aaron Dembski-Bowden. N°10, je t’aime déjà.

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The Last Charge – A. Hoare [WFB] :

Trois mois après avoir fait ses premières armes dans Hammer & Bolter (Manbane, dans la tranche haute du lisible), Andy Hoare nous revient avec une nouvelle beaucoup plus ambitieuse, et malheureusement, bien moins réussie que la précédente. Autopsie d’un fiasco littéraire.

Commençons par fixer le cadre de l’histoire. Cette fois, foin de sorciers impériaux emo (comprendre, du Collège Améthyste) poursuivis par des hommes-bêtes incontinents, Andy préférant se frotter à de l’épique XXL et livrer sa propre version d’un des multiples hauts-faits guerriers dépeints dans les livres d’armée de Warhammer. Why not. Le lecteur se retrouve donc dans la cité bretonnienne de Brionne, à l’aube de la page la plus sanglante de son histoire, c’est à dire le siège mené par le Maître des Bêtes Rakarth en 1974*.

>Histoire de montrer à quel point sa nouvelle est chiadée, Hoare la fait précéder d’un petit paragraphe chargé d’introduire son propos avec toute la classe et le mystère que quelques lignes écrites à la manière d’un chroniqueur du XIIIème siècle** (et en italiques, parce que plus c’est penché, plus c’est classe et mystérieux, c’est bien connu) peuvent apporter à une nouvelle d’heroic-fantasy. Et voici donc l’histoire de la cité de Brionne, bien-aimée du Duc Corentin… (traduction littérale de la dernière phrase de ce mini-prologue – si tu ne frétilles pas d’anticipation sur ton siège ami lecteur, tu es un nécron avec la gueule de bois).

Bref, comme vous l’avez compris, c’est Corentin le citéphile qui endosse la défroque du héros dans ce compte-rendu bancal de la chute de Brionne. Visiblement inspiré par le personnage de Reinhardt Metzger, chevalier grabataire et cardiaque se découvrant une vocation de chasseur de vampires à la veille de la retraite (Curse Of The Necrarch), Corentin est une relique ambulante ayant tout vu, tout combattu et tout exterminu au cours de sa longue carrière martiale. Arrivé au point de quasi péremption pour ce qui concerne les choses de la guerre (et pour les bretonniens, ça passe systématiquement par des rhumatismes aux genoux***), notre paladin grisonnant se rend dans la chapelle du Graal de son château pour demander à la Dame du Lac de lui accorder une dernière bataille digne de ce nom avant qu’il ne commence à sucrer les fraises. Magnanime, cette dernière consent, par demoiselle interposée, à sa requête. Mais un peu troll dans l’âme, elle ne se contente pas d’envoyer à son champion une petite manticore constipée ou quelques centaines d’orques en maraude, préférant plutôt le confronter à l’armada de Rakarth (que j’ai plutôt du mal à considérer comme un instrument de la Dame du Lac, mais les voies divines sont impénétrables). Sympa pour les pécores de Brionne, qui auraient sans doute préféré être laissés en dehors de ce dernier tour de piste. Mais bon, il s’agissait (d’après la manière dont Hoare présente son histoire) pour la déesse de donner une petite leçon d’humilité à Corentin, un noble dessein qui vaut bien qu’on lui sacrifie quelques milliers de manants.

La suite et le gros de la nouvelle sont consacrés à la préparation narrative de la bataille entre hommes et elfes, climax guerrier qui demande pas mal d’espace et passe par plusieurs étapes. Le débarquement des druchiis d’abord, qui donne à Hoare l’occasion de détailler la puissance de l’ost de Rakarth, puis la mobilisation des défenseurs de Brionne, afin d’équilibrer les descriptions. Vient ensuite l’entrevue entre les deux généraux, le Maître des Bêtes exposant ses conditions à son adversaire, qui s’empresse évidemment de les refuser avec toute la morgue chevaleresque dont il est capable, condamnant de fait les défenseurs à l’annihilation en cas de défaite (ce qui n’empêchera pas Brionne de se relever après le départ des pillards – comme quoi les elfes noirs ont une grande gueule et peu de patience – ). Après une nuit passée en prières sur les remparts, malgré son grand âge, ses articulations douloureuses et les suppliques de ses conseillers, Corentin se réveille juste à temps pour le début de l’assaut druchii, qui a vite fait de déborder les défenseurs.

On note au passage que le héros de Hoare est un curieux mélange d’impétuosité suicidaire et de résignation désespérée: empêché par ses propres chevaliers de mener la glorieuse sortie qui apparemment constituait sa seule stratégie, sous prétexte de préserver la vie du général dont Brionne a besoin pour espérer triompher, Corentin sombre dans une apathie évidemment peu productive, et contemple d’un air détaché son élite se faire décapsuler par les hydre de Rakarth, puis ses miliciens déserter les murs au premier monstre venu. Conclusion: ne mettez jamais un cyclothymique à la tête de votre garnison les enfants, c’est contre-productif.

Arrivé à ce stade de déroute avancé, notre malheureux duc enfourche sa monture et part seul à la rencontre des assaillants. Enfin. Il se dirige lentement vers les portes défoncées de sa cité, sourd au tumulte de la bataille et aux cris d’agonie de ses sujets, tandis que défilent devant ses yeux les souvenirs d’une vie de batailles au service de la Dame et du Royaume. Ça va chier sévère. On tourne la page pour lire la suite, et… We Are One by John French. Oh. Retour en arrière pour voir si on a pas sauté la conclusion dans notre impatience… Ce sont des choses qui arrivent. Mais non, il faut bien se rendre à l’évidence, The Last Charge se termine bien sur ce plan du vieux héros chevauchant vers son destin. Au lecteur d’imaginer la suite. Andy, t’est vraiment gonflé.

Avec le recul, ce parti-pris de favoriser la dimension philosophique (grosso modo: le héros a compris qu’il aurait mieux fait de demander une retraite paisible qu’une dernière bataille glorieuse, et son sort passé cette réalisation n’est pas important) sur la dimension narrative (et voici quelle fut la fin du duc Corentin, finalement occis par l’ennemi après avoir décapité 28 corsaires, éventré 12 furies, empalé 3 hydres de guerre, tabassé à mains nues une sorcière suprême et craché dans l’œil de Rakarth), traditionnellement privilégiée par les auteurs de la BL, se défend. Il aurait pu faire mouche si Hoare avait mieux mené sa barque, et laissé des indices aux lecteurs quant à son intention de conclure sa nouvelle de manière plus « détachée » que la moyenne. Malheureusement, tout indiquait au contraire un dénouement classique, avec un héros se frayant un chemin dans l’armée ennemie à la pointe de l’épée et un narrateur retranscrivant les moindres moulinets de cette dernière comme s’il était installé sur la croupe du destrier du noble paladin. Du coup, lors de ma première lecture de The Last Charge, j’ai vraiment eu l’impression que Hoare, manquant de place, avait du terminer sa nouvelle en catastrophe, juste avant l’épique final promis depuis les premières lignes de l’histoire.

Bref, des ambitions louables sabotées par une mise en place trop classique et convenue, pour un résultat final tristement bancal. Dommage Andy.

*: siège qui se terminera par une victoire nette des visiteurs après que les hydres druchii aient fracassé les portes de la ville (LA Elfes Noirs – V7).
**: les lecteurs ayant joué à Medieval II Total War sont appelés à se référer au baratin grandiloquent débité par le moine chauve pendant la cinématique d’introduction.
***: je suis sûr que ça a quelque chose à voir avec cette manie de tomber à genoux pour prier au début de chaque bataille. À force, ça doit bousiller les rotules.

We Are One – J. French [40K] :

We Are OneJohn French est de retour, et il est en pleine forme. Après deux nouvelles prometteuses (Hunted et The Last Remembrancer), le prospect de la BL poursuit son exploration des zones d’ombre du puissant Imperium de l’Humanité en dépeignant la longue traque par l’Inquisition de Phocron de l’Alpha Legion. Avec des protagonistes aussi retors, le lecteur était en droit d’attendre une nouvelle à twist final, chose plus facile à dire qu’à faire, et objectif que peu de contributeurs de Hammer & Bolter ont réussi à atteindre. Fort heureusement pour nous, French fait partie de ces gifted few capables de cacher leur jeu jusqu’au dernier moment afin de surprendre plaisamment leur public, une compétence qui ne peut l’amener qu’à prendre du galon au sein de la BL, et à rejoindre Aaron Dembski-Bowden dans le club très fermé des nouvelles valeurs sûres de la maison. C’est dit.

Ne voulant pas attenter à l’intégrité et à l’intérêt de cette nouvelle fort sympathique en exposant ses rouages narratifs, je me contenterai de tirer un parallèle entre We Are One et les trilogies inquisitoriales d’Abnett que sont Eisenhorn et Ravenor. Les similitudes entre le texte de French et les romans de ce dernier sont en effet tellement apparentes qu’il ne serait pas déplacé de parler d’hommage, ou a minima de clin d’œil appuyé de l’élève envers le maître.

Qu’il s’agisse du style employé (en particulier le choix d’une narration à la première personne, procédé utilisé par Abnett dans ses deux séries), du réalisme nerveux de l’action, ou encore du découpage chronologique de la traque, condensée en cinq tableaux, pour autant de confrontations directes entre l’Inquisiteur et sa proie ou les agents de cette dernière (le tout s’étalant sur un siècle), tout évoque les aventures trépidantes de Gregor Eisenhorn et de son équipe à la poursuite de son increvable nemesis Pontius Glaw. Le premier tableau donne même l’occasion à French de réaliser un audacieux mélange entre le triomphe de Thracian Prime (événement à la suite duquel Ravenor fut placé dans sa barquette surgelée) et la chute de Tanith, le tout en moins de six pages. Du beau boulot.

En conclusion, sans doute le meilleur texte de French à ce jour, et certainement la meilleure nouvelle de ce numéro de Hammer & Bolter. Gardez un œil sur ce petit gars, il a du potentiel.

Aurelian – A. Dembski-Bowden [HH] :

AurelianLa BL frappe fort en proposant un extrait du roman consacré par ABD à la plus mystique des légions Space Marines, les Word Bearers. L’Aurelian dont il est question ici se révèle être Aurelian Lorgar, primarque des porteurs du mot sacré de l’Empereur, et plus tard des insanités du Warp. Même si le but de l’opération était avant tout d’appâter le quidam afin de l’amener à acheter un bouquin comme par hasard uniquement édité en version deluxe ou super deluxe (respectivement vendues à 25 et 40 euros l’unité), on doit cependant remercier l’éditeur de promouvoir de cette façon des auteurs valant leur pesant de cacahuètes (ABD donc, mais aussi Abnett dans les numéros un et huit) plutôt que d’essayer de nous refourguer ses fonds de tiroirs*.

Situons notre propos. L’histoire commence sur le vaisseau amiral d’Horus, immédiatement après les évènements d’Isstvan V. La réunion de debriefing entre les primarques renégats va prendre un tour désagréable après que Lorgar, affecté à la fois par son petit pèlerinage dans l’Œil de la Terreur et le massacre de quelques milliers de ses neveux, ait percé à jour le secret de Fulgrim, plus tout à fait lui-même depuis la mort de Ferrus Manus. Peu enclin à laisser un démon posséder un de ses frères, Lorgar passe à l’attaque, provoquant un report du debrief’ et quelques dommages dans la salle de réunion. Horus réussit toutefois à convaincre son impulsif frangin de ne pas concasser la forme physique de Fulgrim, et renvoie un Lorgar furax réciter quelques catéchismes de haine dans son vaisseau pour se calmer les nerfs.

 Accueilli dans ses quartiers par une projection psychique de l’autre primarque sorcier rebelle, One-eye Magnus himself, Lorgar et ce dernier entament une petite discussion sur la nature intrinsèque du Warp, qui a tôt fait de déboucher sur un concours de celui qui a la plus grosse (puissance psychique).
Bref, c’est un Lorgar en pleine crise d’adolescence qui nous est dépeint par un Aaron Dembski-Bowden toujours aussi bon, et qui réussit sans peine à accrocher le lecteur dans les quelques pages qui lui ont été octroyées. On ressort de cet extrait avec l’envie de suivre les tribulations d’Aurelian et de ses fistons pendant ce moment crucial où la grande croisade se change en guerre civile, un engouement immédiat qui s’est traduit par un succès commercial pour la BL, qui a écoulé la totalité des copies imprimées d’Aurelian en quelques mois, malgré un rapport prix-contenu à la limite du foutage de gueule (le bouquin ne fait que 128 pages). Les anglophones radins mais curieux pourront se rabattre sur le résumé très complet du livre disponible sur le Lexicanum.

 *: l’extrait de The Fall Of Damnos de Nick Kyme constituant bien sûr l’exception confirmant la règle.

Phalanx – ch. 11 – B. Counter [40K] :

PhalanxLes choses n’en finissent plus de devenir sérieuses sur le Phalanx, tandis que la bataille finale entre le bien et le mal (c’est du Counter, hein) menace de détruire le vénérable vaisseau de l’intérieur. C’est un chapitre 100% action qui nous est proposé dans ce numéro, avec juste assez de discussions métaphysiques entre Vladimir (Maître de Chapitre des Imperial Fists, pour ceux qui auraient renoncé à suivre), Lysander (premier capitaine des jaunards) et l’inquisiteur Kolgo* pour que le tout ne soit pas trop indigeste à la lecture. Comme à chaque fois, ces quelques moments de calme avant la tempête (Warp) sont émaillés de counteries savoureuses, qu’il s’agisse de l’humour tellement détaché qu’il en devient montypythonesque de Vladimir (« Oh dear, je n’arriverai jamais à faire partir cette odeur démoniaque de mon vaisseau… ») ou du faux-raccord Calgarien permettant à un inquisiteur en armure terminator de tirer les cartes à ce dernier** (je rappelle que les cartes du tarot de l’Empereur sont faites en cristal).


Une autre brève accalmie de ce genre permet également aux Soul Drinkers « loyalistes » survivants de se rabibocher avec leurs adversaires, et tout ce petit monde de rejoindre la grosse baston au centre du Phalanx, où démons et Space Marines s’écharpent joyeusement en dégueulassant les reliques du chapitre. C’est le service nettoyage du vaisseau qui va être content.

Un peu plus loin, Sarpedon poursuit sa vendetta personnelle contre le gang des -os (Iktinos, chapelain blasé et Daenyathos, dreadnought philosophe), bien qu’il lui en coûte chèrement en terme de frères d’armes et de pattes chitineuses. Comme souligné précédemment, toute l’émotion que pourrait dégager la disparition des premiers est réduite à néant par leur relatif anonymat pour quiconque n’ayant pas lu la trilogie que Counter a consacré aux Soul Drinkers, un peu comme si on tombait sur la mort de Sanguinius sans avoir jamais rien lu de l’Hérésie d’Horus.


Adieu donc Nephael, Salk et Leucrontas, personnages apparemment importants d’une saga que j’aurais du lire avant de me mettre à la chronique de Hammer & Bolter. Tant pis. Adieu aussi Iktinos, pas foutu de faire la peau à son ex-patron, même après avoir chourré le sable laser de Darth Maul (ce que semble être le Soulspear, d’après la description qu’en fait Ben Counter). Dans la plus pure tradition des séries B d’action, le pauvre chapelain se retrouvera du mauvais côté de la traînée de promethium et fera une sortie à la Denethor après que Sarpedon ait balancé la réplique kioul de rigueur. Grand amateur de cliffhangers devant l’éternel, Counter n’a pas résisté à l’envie de laisser planer un vieux doute quant à la mort d’Iktinos, qui pourrait fort bien avoir survécu à l’immolation infligée par son adversaire. Réponse au prochain numéro.

*: pro-tip: toujours avoir un inquisiteur sous la main pour lui faire déblatérer des vérités pesantes sur la nature du Chaos, le devoir des servants de l’Empereur ou la couleur du papier peint de la chambre d’amis, vastes sujets qui permettent aux auteurs de la BL de montrer à quel point ils sont profonds et à leurs romans d’atteindre plus facilement le nombre de pages requis.

**: de Marneus Calgar, maître de chapitre des Ultramarines et seul être vivant capable de dégoupiller des grenades (frag et/ou anti-chars) avec une paire de gantelets énergétiques. Chapeau l’artiste.

Mountain Eater – A. Smillie [WFB] :

On termine avec une confuse, très confuse, balade du côté des Montagnes des Larmes, en compagnie de Darhur, chasseur ogre de son état. Race assez délaissée par les auteurs de la BL (je crois bien que seul Robert Earl a consacré un bouquin aux disciples de la Gueule – Wild Kingdoms – avant qu’Andy Smillie ne s’y colle), les ogres ne manquent cependant pas d’attraits pour un auteur en quête d’une bonne histoire à raconter, le premier d’entre eux étant évidemment une indéniable originalité ayant toutes les chances d’intéresser les lecteurs lassés de l’omniprésence des Spaces Marines dans la littérature de GW. Ajoutez à cela le potentiel violent, crade et comique (comique sanglant et grossier, mais comique tout de même) de ces gros mangeurs mal débourrés, un cadre exotique en diable et un bestiaire totalement renouvelé, et vous obtiendrez une base solide, qu’un auteur digne de ce nom aura tôt fait d’exploiter avec succès.
Malheureusement, les meilleures intentions ne suffisent pas à transformer le plomb en or, et les partis-pris les plus enthousiasmants ne peuvent compenser à eux seuls les incongruités monstrueuses que peuvent engendrer une narration épileptique et une intrigue insuffisamment charpentée. En clair, si Andy Smillie signe avec Mountain Eater une entrée fracassante dans Hammer & Bolter, c’est sa réputation d’auteur qui en fait les frais et finit éparpillée à la lecture de ce premier texte.

Les ennuis commencent rapidement pour Darhur et le lecteur, chacun se retrouvant confronté à une épreuve quasi insurmontable. Pour le chasseur, secondé par un croc de sabre nommé Golg ainsi qu’un trio de gnoblars (le vieux Snikkit, le fourbe Najkit et le crétin Brija) au comportement aussi douteux que l’utilité narrative, il s’agit de trouver et de tuer un Cannibale. La bestiole ayant décidé d’escalader le plus haut pic de la région en pleine tempête de neige, le job de Darhur tourne vite au chemin de croix.
Le lecteur, quant à lui, essaye tant bien que mal de comprendre le pourquoi du comment de cette quête, dont les tenants et les aboutissants ne cessent de varier au fil des pages. D’après ce que j’en ai compris, Darhur a été chassé de sa tribu après qu’il ait tué un Ventre-Dur, dont le gnoblar avait auparavant éborgné son croc de sabre. Seulement, Smillie sous-entend un peu plus loin que le tyran de la tribu a en fait envoyé le chasseur traquer la bête ayant boulotté son gnoblar porte-bonheur favori, et qu’il pourrait donc rentrer une fois la bête abattue.

À cette première contradiction viennent se greffer des lacunes évidentes en matière de storytelling, dont le trio des gnoblars fait principalement les frais. Concentré sur les personnages de Darhur et de Golg, Smillie oublie en effet régulièrement de développer les actions et les motivations des petits peaux vertes, dont on peine à suivre le parcours des plus hachés.
Ainsi, lorsque Darhur les envoie explorer une grotte au début de la nouvelle, Najkit balance tout d’un coup son couteau sur Snikkit, sans aucune explication. Il le rate. Fin de l’histoire. On ne saura jamais ce qu’a fait Snikkit pour mériter cette tentative de meurtre, ce dernier ne se formalisant même pas de la pulsion homicide de son comparse.
Un peu plus tard, quand la petite bande est attaquée par un Dos-Gris dont elle a envahie la caverne pour se mettre à l’abri d’une tempête de neige, l’auteur déclare soudainement que Najkit a bu tellement de pisse de yéti (on se saoule avec ce qu’on a sous la main) entre le moment où ils sont entrés s’abriter et le retour de la bête qu’il cuve tranquillement dans un coin pendant l’attaque… qui a pourtant l’air de se dérouler quelques instants après l’intrusion.
Ce manque de suivi, maladroitement rattrapé par quelques évocations balancées de temps en temps, est d’ailleurs particulièrement patent pendant la tempête de neige en question: à cette occasion, Smillie se consacre exclusivement au calvaire subi par Darhur, qui finit par tomber d’épuisement, et ne doit son salut qu’à l’acharnement de son croc de sabre, qui le réveille à force de morsure et le guide jusqu’à la tanière du yéti. On s’attendrait alors que l’auteur nous explique que les gnoblars ont péri des heures plus tôt, victimes des éléments déchaînés. Comment auraient-ils pu en effet survivre à une escalade capable d’épuiser un chasseur ogre à ce point? Et bien non, pas du tout, ils vont très bien (peut-être un peu froid tout de même), et arrivent dans la caverne quelques instants plus tard. Et quand Smillie fait dire à Darhur qu’il « les avait oubliés », comme pour justifier cette apparition miraculeuse, j’y vois comme un aveu de l’auteur de sa propre omission.

Finalement, l’inévitable confrontation entre le chasseur et sa proie se produit, et bien que souffrant des mêmes défauts que les reste de la nouvelle (narration hachée, faux-raccords, personnages « abandonnés » en cours de route), ce duel au sommet, dans tous les sens du terme, s’achève sur la victoire indiscutable de l’un des deux camps (ce qui constitue une petite satisfaction pour le lecteur, rendu méfiant à ce stade de la nouvelle). On s’attend alors à ce que l’auteur embraye sur une conclusion, son héros ayant accompli la quête qui lui était échue. Sauf que non. C’est pas fini. Loin de là. Smillie sort de son chapeau rien de moins qu’un géant de pierre affamé invoqué par un mage humain, paire improbable qui fera office de véritable boss de fin pour Darhur et ses sidekicks.
Évidemment, on ne saura jamais pourquoi le sorcier a pris la peine de se rendre à cet endroit (ni comment il a pu y arriver) pour bosser ses incantations, ni ce qu’il comptait faire de son golem. Ce dernier, construction magique, a d’ailleurs besoin de manger les bestioles hypnotisées par l’enchanteur (c’est alors qu’on comprend pourquoi le Cannibale avait soudainement développé une telle passion pour l’alpinisme) pour maintenir son intégrité… à moins que ce soit par pure gourmandise. Ce n’est pas expliqué non plus.
Bref, c’est la fête du slip, mais Darhur, sans doute aussi surpris que le lecteur, se contente de foncer dans le tas, ce qui constituait sans doute la meilleure chose à faire pour lui. Heureux l’esprit trop étroit pour le doute, comme dirait l’autre.

Au final, on ressort franchement étourdi de Mountain Eater, nouvelle dont le niveau de n’importenawak ne cesse de grimper depuis la première jusqu’à la dernière ligne. Plus fort que le TGCM, plus fort que le Deus Ex Machina, il y a Andy Smillie et sa terrifiante technique de « zapping narratif », le pire étant sans doute qu’il ne semble même pas avoir conscience des énormes lacunes dont son texte recèle. On ne peut qu’espérer qu’il corrige le tir dans ses prochaines livraisons, sans quoi il pourrait fort venir concurrencer Sarah Cawkwell pour le titre de pire auteur en activité de la BL.

En Conclusion, un numéro encore une fois très contrasté, French et Dembski-Bowden compensant tant bien que mal les errements des deux Andy (Hoare et Smillie), avec du Counter fidèle à lui-même, c’est à dire moyen, pour équilibrer le tout. À la prochaine!

Hypothèse

Nouvelle écrite pour un concours sur le Warhammer Forum. Je n’avais pas encore compris à l’époque qu’il ne fallait pas écrire un texte en rapport avec Warhammer… Je suis assez content du résultat et de la dynamique narrative. Version PDF: HYPOTHÈSE

Taar’Me’Ghydan contemplait sa création convulser sur le sol herbeux de la clairière. Le long des flancs, encore empoissés par le liquide de la cuve de croissance, les ventricules pulmonaires s’ouvraient et se refermaient avec l’énergie du désespoir, un ridicule petit bruit de succion accompagnant chacune des tentatives désespérées du sujet d »aspirer un peu d’air. Les six pattes terminées par des petites griffes noires et luisantes ruaient en tous sens en direction du ciel rouge de la planète, les spasmes de la bête l’ayant amenée à se retrouver sur le dos, mauvais pas dont elle n’arriverait sans doute pas à se tirer avant d’avoir épuisé ses dernières forces.

Mentalement, Taar’Me’Ghydan nota qu’il lui faudrait accentuer le saillant de la carapace, afin de permettre aux prochains sujets de se remettre plus facilement d’aplomb. Peut-être gagnerait-il également à allonger la taille de la queue, qui pour l’heure fouettait l’air avec une énergie admirable, consommant une quantité folle d’énergie sans aider d’aucune façon son propriétaire à retrouver son aplomb.

Perdu dans ses pensées, le créateur assista distraitement aux derniers soubresauts de l’être qu’il avait conçu, jusqu’à ce que la forme noire de ce dernier se recroqueville sur elle-même et se fige enfin dans la mort. Celui-ci avait résisté plus de deux cents battements de cœur, une amélioration nette, stupéfiante même, d’un point de vue scientifique. Aucune autre souche n’avait, à sa connaissance, dépassé les cinquante battements à ce stade d’expérimentation.

L‘atmosphère de Tre’Gdara’N, soigneusement reconfigurée pour attaquer les tissus vivants de tous les organismes ne portant pas le bon marqueur génétique, avait pourtant scellé le sort de dizaines de milliers de cobayes au cours des siècles. Toutes les nouvelles espèces qui peuplaient à l’heure actuelle la galaxie avaient payé un lourd tribut à cette planète, des dizaines de leurs ancêtres ayant été impitoyablement sacrifiés par les géniurges slanns dans leur recherche des meilleures souches possibles. Sous les cieux cramoisis de Tre’Gdara’N, des centaines de civilisations potentielles s’étaient étiolées en l’espace de quelques instants, leurs premiers, et derniers, représentants incapables de satisfaire aux exigences de leurs créateurs. Ici, le droit de bâtir des empires millénaires s’étendant sur des myriades de systèmes était accordé, le plus souvent à la seconde près. Il était de notoriété commune que les orgueilleux eldars, si certains de leur supériorité sur les autres races de la galaxie, avaient réussi ce test d’extrême justesse, et de nombreux géniurges, dont Taar’Me’Ghydan, étaient convaincus que Goan’Jivl avait modifié après coup les résultats pour que ses frêles protégés soient homologués par le Haut Conseil.

Vraiment, deux cent battements, c’était tout à fait remarquable. Bien sûr, cette souche n’avait qu’un intérêt récréatif, comme toutes les autres expérimentations volontairement hyper-spécialisées, et jamais les descendants du spécimen qui venait d’expirer aux pieds de Taar’Me’Ghydan n’auraient la chance de fouler un autre sol que celui de Tre’Gdara’N. En un sens, c’était plutôt heureux pour les autres races de l’univers, car qui savait ce qu’une espèce capable de survivre aussi longtemps à l’atmosphère létale de la planète laboratoire était capable d’accomplir dans des conditions plus favorables? Mais peu importait au slann Taar’Me’Ghydan. Sa création avait toutes les chances de remporter le concours de survie de ce soir, et par conséquent, d’asseoir une fois pour toute sa réputation de meilleur géniurge en activité. Il serait toujours temps après cela de se replonger dans des recherches plus sérieuses.

La note psychique de l’Ebral’An vint tirer Taar’Me’Ghydan. Il ne restait plus beaucoup de temps avant l’expiration du délai, mais il était persuadé de pouvoir encore améliorer sa création avant le début du concours. Quittant la clairière sans un regard pour son dernier spécimen, il se dirigea d’un pas rapide vers son laboratoire.

***

Sous les cieux rouges de Tre’Gdara’N, trois paires de pattes noires se déplièrent à l’unisson et se mirent à se balancer de droite à gauche, donnant assez d’élan à leur propriétaire pour qu’il puisse se remettre d’aplomb. L’élimination de la toxine présente dans l’air, et qui avait failli le tuer, l’avait laissé très faible, mais en vie. Et maintenant, il avait faim.

 

 

Perdita!

Business as usual dans les ténèbres d’un futur très lointain. Version PDF: PERDITA!

« –Haaa! J’ai mal!
-Back! Où es-tu mon vieux! Elles arrivent!
-Je suis là Wing! Aaah, j’ai une putain de caillasse qui me bloque la jambe! Ca brûle mon dieu, ça pisse le sang!
-T’affole pas Back! Tiens le coup et essaie de la boucler, il ne faut pas qu’elles t’entendent… J’arrive!
-Wing, je ne sens plus ma jambe… Wing? Qu’est-ce que c’est que… Oh non! Elles m’ont vu! Elles arrivent! Elles arrivent! Non, par l’Empereur non, je ne veux pas! Allez vous en, allez vous en, démons! Wing! WING!
-Back! Accroche toi mon vieux! J’arrive!
-WING! Lâchez-m… WING! A L’AIDE! ELLES SONT SUR MOI! WIN…AAAH! »

***

« – Mon commandant? Est-ce que ça va mon commandant? »

Une main toucha son épaule. Aussitôt, Wing s’éveilla. Agrippant le membre, il dégaina son pistolet-radian et le braqua droit vers la tête de la créature.

« – Mon commandant, reprit la voix d’un ton angoissé, c’est Navut. Lâchez ma main mon commandant. »

Wing écarquilla ses yeux bordés de cernes d’un noir de suie. La créature grimaçante s’estompa, laissant apparaître la mine fatiguée du garde impérial. Le ciel rouge cessa de tournoyer autour de sa tête, et se mua en toile de tente kaki; tandis que les voix sifflantes s’éloignaient dans le lointain, regagnant les sombres rêves de l’officier. Mais elles reviendraient, elles revenaient toujours. Wing s’apaisa peu à peu. Il avait dormi, et il ne fallait pas. Chaque fois que le sommeil le prenait, il les revoyait s’amuser avec ce pauvre Back, et les cris d’agonies de ce dernier résonner, toujours plus terribles. Non, il ne fallait pas dormir.
Wing desserra son étreinte et laissa retomba son bras douloureux. Le pistolet retrouva son étui de cuir, la main du commandant étreignit son front bouillant tandis qu’il s’asseyait sur sa couchette. Navut lui jeta un regard rempli d’une immense lassitude. Ce n’était pas la première fois que son supérieur s’éveillait avec des pulsions de meurtre, et il s’était dévoué pour le veiller et le ramener à la raison à chaque réveil. À chaque fois, c’était de plus en plus difficile, de plus en plus dangereux. Un jour viendrait, tout proche, où les mots seraient inutiles. À cette fin, Navut avait glissé un couteau dans sa ceinture, juste au cas où.

Wing avait encore fait ce rêve. Ce cauchemar qui le tourmentait depuis une semaine chaque nuit. À présent, les hallucinations mettaient plus de temps à se dissiper, voilà tout. C’était la raison pour laquelle il avait confondu Navut avec… Un déchirement lui traversa le crâne, comme une étoffe qui craque un peu plus quand on s’accroche à elle. Son esprit pareillement était de plus en plus empli des horreurs de ses nuits, et bientôt, elles viendraient danser dans sa tête. Elles.

Il ne se souvenait que de leurs yeux noirs, profonds et d’une innocence tellement cruelle, tellement inhumaine… Elles n’étaient pas humaines, elles étaient bien au delà et par trop en dessous. Elles étaient différentes. Leurs rires résonnèrent sourdement à ses oreilles, lui vrillant le cerveau. Fort, il se devait d’être fort. Pour lui, pour ses hommes.

Il se leva, endossa son treillis et enfila ses bottes. Navut rabattit le pan de toile qui barrait l’entrée, et la lumière vint frapper les yeux de Wing. Elle était plus crue, plus épuisante, depuis que les combats avaient commencé. Quand elles étaient arrivées. Wing fit quelques pas, soulevant une acre poussière brûlante qui s’insinua dans ses vêtements. Même les éléments étaient hostiles à présent.
Le camp impérial s’étendait à ses pieds, immense et morne. Il ne fallait pas s’y tromper, la majorité des tentes recouvertes de sable brun étaient vides depuis belle lurette. Les combats avaient dévoré les effectifs de la Garde, de sorte qu’aujourd’hui, il ne restait plus qu’une poignée de combattants hagards, et les fantômes innombrables.

Wing n’aurait jamais cru qu’il tomberait aussi bas. Quand il avait été envoyé ici avec son régiment, il était vif, joyeux, emporté. Un homme. À présent, c’était une ombre.
Navut à sa suite, il descendit le chemin, le sable crissant sur leurs bottes. Chemin faisant, ils passèrent devant les fosses. Autrefois, ils se seraient placés la main devant le visage et éloignés le plus vite possible. À présent, l’odeur du charnier ne les gênaient plus, ils ne la sentaient qu’à peine.
C’est dans ces fosses que reposait la majorité du régiment, dont Back. Back…

Quand elles en eurent fini avec lui, et que Wing, trouvé assez de haine et de courage pour sortir de son abri, Back avait depuis longtemps cessé de crier. Il ne l’avait même pas reconnu. Néanmoins, il l’avait porté sur son dos jusqu’au campement, l’esprit mortellement blessé, le sang imbibant lentement sa chemise et la planquant sur sa peau moite. Back avait été jeté dans une fosse. Pas le temps de pleurer, ils étaient revenus juste après son retour, peut-être même qu’ils l’avaient suivi, et elles les accompagnaient, évidemment. Il avait fallu se battre, les repousser pour un jour, pour une heure. Quand Wing était revenu après la bataille, il ne ressentait plus de tristesse. Plus de larmes, plus d’émotions. Juste la fatigue, écrasante. Mais Wing ne pouvait plus trouver la paix, même dans son sommeil.

Enfin, les deux hommes arrivèrent au centre du camp, où les attendaient déjà les autres rescapés. Les hommes aux yeux absents n’avaient plus usage de discipline ou d’ordre en dehors des combats. Ils étaient tous liés par les visions infernales qu’elles leur avaient insufflé, tous frères de nuits blanches.
Ce matin, Wing avait reçu un message du Haut Commandement. Des renforts Space Marines allaient être acheminé par Thunderhawks à midi précise. Pourquoi à cette heure? La lumière était si hostile à ce moment du jour…

***

Dans un sifflement, la navette traversa l’atmosphère pourpre du monde, et se posa au centre de l’assemblée, soulevant un nuage de sable qui fouetta visages et membres. La porte s’abattit avec fracas, et sortit de l’appareil une grande troupe de colosses aux armures argentées, dont l’éclat brûla les yeux du Commandant qui du les fermer un instant. Elles arrivèrent alors devant lui, riantes…
Wing rouvrit précipitament les paupières, et vit s’approcher un homme en habits ample et blancs. Le nouveau venu s’appuyait sur une canne immaculée au pommeau d’ivoire, et un masque mate lui recouvrait le visage.
« -Inquisiteur Sylimath, dit ce dernier en parvenant devant Wing, mandaté par l’Ordo Malleus pour vous assister au combat. Ces Chevaliers sont à mes ordres.
-Colonel Alacyne Wing, répondit le commandant, chef des forces au sol: le 22e léger d’Arabalek
-Je vous connais Wing, murmura chaleureusement Sylimath, je suis avec la plus grande attention l’évolution de vos batailles sur ce monde. Vous et vos hommes vous êtes montrés dignes de l’Empereur.
-Merci, fit simplement Wing, ces derniers temps, j’ai souvent imploré l’Empereur de me soulager.
-La foi en l’Empereur est le bouclier du vertueux, l’encouragea à continuer l’Inquisiteur, son masque reflétant insoutenablement la lumière blessante du soleil presque à son zénith. À quel mal Lui demandiez vous de remédier?
-Je le priais, dit Wing, soulagé de pouvoir en parler avec quelqu’un qui ne semblait pas les avoir vues, et le prie encore de chasser de mon esprit les terribles rêves où elles m’apparaissent.
Elles? le pressa Sylimath en resserrant sa main gantée sur le pommeau irisé. De qui parles-tu, fils de l’Empereur?
-De…de ces créatures, bégaya péniblement Wing, en les sentant approcher de son esprit, blanches comme des cadavres, belles comme des déesses, cruelles comme… Et leurs rires! Et leurs yeux, par l’Empereur, leurs yeux!« 

Wing tomba à genoux dans la poussière, des larmes roulant sur ses joues sèches. Il se sentait plus libre à présent. Il en avait parlé, et elles n’étaient pas venues. Il pouvait pleurer de tout son soul ses compagnons perdus. Il ne s’en priva pas.
Soudain, il entendit la voix de l’Inquisiteur s’élever, froide et dure comme la mort. « Perdita! » Wing ne comprit pas. Il n’était plus perdu, il venait de se retrouver et…
Il baissa les yeux vers son torse. De larges blessures saignaient abondamment, et son sang s’écoulait rapidement de ses plaies, venant gorger le sable le sable assoiffé. Autour de lui, les autre gardes s’effondraient lentement en râlant. Il vit Navut rouler au sol et se recroqueviller, puis ne plus bouger, à part un ou deux spasmes. L’Inquisiteur se tenait toujours devant Wing. Il ne put le regarder, le soleil faisant trop briller son masque rutilant. La crosse du bâton traversa l’air sec en sifflant et vint s’abattre sur son crâne.

Wing bascula dans le sable, le regard brouillé par un voile rouge. La dernière qu’il vit fut leurs visages moqueurs danser sur les dunes mouvantes…

Rhana Dandra

Petite digression sur la fin des temps… ou presque. Version PDF:RHANA DANDRA

Des coups sourds ébranlaient la massive porte dorée, faisant à chaque impact s’envoler un peu de poussière qui retombait en fines volutes tourbillonantes du jour nouveau. Devant les panneaux gravés des explotes des héros se tenait une ligne d’hommes en armures rutilantes. Les derniers Custodiens. À leur tête, des colosses émanant d’une antique et terrible majesté. Les Primarques tombés il y a bien longtemps s’étaient relevés pour défendre l’Humanité une ultime fois, regroupés pour soutenir le dernier assaut. Il y avait Rogal Dorn, dans sa livrée originelle des Imperial Fist, Lion El’Johnson, éveillé de son long sommeil de Caliban, où il avait pardonné à Luther, avant que ce dernier ne meure, et Leman Russ, dont les crocs effilés luisaient dans la lumière tamisée. Derrière cette assemblée des plus noble et plus extraordinaire réunie depuis dix mille ans, une vaste structure sphérique bourdonnait sourdement, battant tel un cœur qui se repose. Le cœur de l’Empereur.

C’était la fin, tous ici le savait. Au dehors, les Légions Renégates avaient écrasé toute résistance de la Garde encore loyale et des derniers Chapitres Space Marines. La résistance des défenseurs avait fait plus d’une fois reculé les assaillants, mais à chaque fois ils étaient revenus, plus nombreux et plus féroces. L’assaut qui était à présent mené avait à sa tête les Primarque Déchus atrocement pervertis, Abbadon le Fléau, dont la seule vision pouvait tuer disait on, et, pire que tout, les Quatre Dieux du Chaos, aiguillonnant leurs princes démons vers leur dernier et plus grand Ennemi.
Un nouveau coup de boutoir vint endommager la porte, et des rires inhumains et terribles frappèrent les oreilles des défenseurs.

Dorn se tourna alors vers un groupe d’hommes et de femmes aux visages d’une froide austérité. Senseis, ils étaient nés de l’Empereur-Dieu, et à présent, ils allaient rejoindre leur père. Dorn leur avait soumis hier le plan qui seul avait une chance de préserver l’humanité, anxieux à l’idée qu’ils s’y dérobent. À sa plus grande joie, il avait vu la lueur de l’espoir s’enflammer dans les prunelles des fils et filles de l’Empereur. Ils avaient immédiatement accepté, et toute peur et tout doute avait quitté le Primarque. Ce dernier fit un signe, et les Senseis enfilèrent des sortes de casques reliés par des câbles au Trône d’Or, avant de tirer un poignard d’obsidienne. Ils étaient prêts.
Le vieux guerrier se retourna vers ses frères Space Marines et sourit. Lion et Leman, oubliant leurs dissensions passées, se tenaient côte à côte au devant de la Garde de l’Empereur, dont Dorn avait été le commandant depuis tant d’années. Il saisit son marteau, récupéré après la mort de Lysander qui était tombé au cours du combat où il avait vaincu Ahriman et Magnus; et rejoignit ses deux frères. Les trois guerriers se saluèrent en pensée pour la dernière fois, puis se tinrent prêts à tomber en champions.

Dans un abominable fracas, la porte céda, et l’Ultime bataille commença. Les Senseisd’un même mouvement s’enfoncèrent leurs lames noires au plus profond du coeur et s’effondrèrent, un intense sentiment de paix se lisant sur leurs visages alors qu’ils se mêlaient au puissant esprit de l’Empereur. La sphère dorée se mit alors à luire, faiblement d’abord, puis de plus en plus intensément.
Dans la salle consacrée, les Custodiens tombaient un à un sous les griffes des démons, mais Rogal Dorn se tenait tel un roc, massacrant tous ceux qui tentaient de s’approcher du Trône de son père. De leur côté, Lion et Leman se battaient comme des dieux, chacun de leurs coups banissant un adversaire. Mais la haine du Chaos était inextinguible, et ses suivants étaient pléthores. Écartant ses servants, la terrible silhouette d’Abbadon vint se camper devant le Primarque. Dorn serra dans son poing son arme, et le lança dans un hurlement vers le reflet démoniaque de sa propre grandeur. Le Fléau para en riant et tendit son épée hurlante vers son ennemi. Dorn sentit une terrible souffrance le traverser, et il tomba à genoux. Un sourire cruel sourit sur le faciès de l’Archi-Hérétique lorsque sa lame plongea dans la poitrine du Primarque. Dorn glissa au sol, et son dernier regard fut pour El’Jonhson et Russ, déjà étendus sur le sol maculé d’ichor. Les ténèbres de l’oubli furent soudain supplantés par une douce et claire lumière. L’Empereur rappelait à lui son fils et ce dernier le rejoignit dans la joie.

Abbadon bondit alors sur le Trône d’Or, chaque coup de son épée corrodant l’adamantium pur. Ignorant la clarté de plus en forte et blanche, il parvint enfin jusqu’à l’Empereur. Forme desséchée et sans âge, mais rayonnant intensément de l’or le plus brillant, Il semblait être assoupi. Dans un cri de rage autant que de triomphe, Abbadon lui trancha la tête.

Tout se déroba soudain, tandis que l’âme du Dieu et de ses enfants rejoignait l’Empyrean, réduisant Terra en cendres incandescentes. Dans l’instant, les Eldars passèrent à l’attaque, se téléportant près du sombre champion.

C’était Ragnarok, Armaggedon, Rhana Dantra. C’était la fin des Temps.

***

L‘homme contemplait, abasourdi, la gigantesque tache de lumière qui venait d’apparaître au firmament étoilé de cette douce nuit d’été. Quelle force pouvait bien provoquer un tel bouleversement au cœur des astres, se demanda t-il, mais les cris d’un enfant, son enfant, le tirèrent de ses profondes interrogations.

Se ruant vers sa cabane, il se précipita vers sa femme en sueurs et sa sœur, qui tenait contre son sein le bébé à peine arrivé sur ce monde. Souriante, elle le lui donna. C’était un garçon magnifique, mais qui avait encore les yeux clos. Il ne vagissait pas comme les autres nourrissons, comme ses frères et sœurs avant lui, mais respirait calmement. On aurait dit qu’il semblait récupérer d’une longue course l’ayant épuisé. L’homme en fut impressionné. Son fils dans les bras, il sortit de sa hutte présenter l’enfant au soleil, comme le voulait la tradition. L’élevant au dessus de sa tête, il attendit que l’astre apparaisse derrière l’horizon. Quand la boule de feu embrasa le ciel, l’enfant ouvrit les yeux. Son regard si jeune et pourtant si vieux, unique mais peuplé par des millions d’êtres se promena sur les collines et les plaines qui s’étendaient devant lui. Il était l’Enfant Étoile, et son histoire se poursuivait.

HAMMER AND BOLTER [N°9]

Salut à tous, et bienvenue dans cette nouvelle critique de Hammer & Bolter! Au menu de ce neuvième numéro (juillet 2011), la première offrande du grand méchant joueur (ça rappellera des souvenirs aux anciens) pour le webzine officiel de la Black Library, ce pèlerin de Jonathan Green, des nouvelles du Phalanx, définitivement « the place to kill » en cette fin de quarante-et-unième millénaire, et en conclusion, rien de moins que la meilleure nouvelle publiée par la BL depuis bien longtemps, toutes catégories confondues. Si si.

Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, j’ai le triste devoir de vous annoncer le retour de la pseudo interview dans Hammer & Bolter*. Sad but true. Un malheur n’arrivant jamais seul, c’est au tour de Sarah Cawkwell de s’épancher sur sa condition d’écrivain de personne chargé de l’écriture de nouvelles de textes en lien avec les franchises détenues par Games Workshop. Mais les premiers à plaindre sont bien sûr les pauvres Space Marines du chapitre des Silver Skulls (qui doivent constituer une fondation maudite à eux tous seuls) qui continuent à bénéficier des soins attentionnés de miss Cawkwell, avec les conséquences que l’on sait. Outre les assommantes tribulations du bon sergent Gil’eas, qui deviendra peut-être un jour capitaine de la 8ème compagnie, les Silver Skulls se sont donc frottés aux Red Corsairs dans le premier roman de Cawkwell, The Gildar Rift, avec des résultats incertains**.

Mais le supplice des meilleurs de l’Empereur ne s’arrête pas là, puisque deux autres confréries de marsouins de l’espace (les Blood Swords et les Star Dragons) ont également eu le douteux privilège d’apparaître dans une nouvelle de Sarah C., Accursed Eternity. Si on part du principe que les paroles volent et les écrits restent, alors cette histoire porte très bien son nom pour les pauvres Marines, dont le background restera irrémédiablement souillé pour les millénaires à venir. Mais que les aficionados de 40K se rassurent, ils ne seront pas les seuls à souffrir, puisque sortira en juillet prochain Valkia the Bloody, réponse au Sigvald de Darius Hinks (encore une grande plume de la BL), édité l’année dernière. On peut penser ce qu’on veut, mais personnellement, j’y vois la vengeance des Dieux du Chaos après la raclée que s’est pris Archaon devant Middenheim.
Quoi d’autre? Pas grand chose mis à part que Sarah Cawkwell voit grand, très grand. Elle aurait bien voulu participer au lancement de l’Hérésie d’Horus, et aimerait bien écrire quelque chose au sujet des « big boy Chapters » comme elle les appelle. Il ne reste plus qu’à prier l’Empereur pour que ça n’arrive jamais. Ah, et son livre préféré est Les Trois Mousquetaires. Il y a des hommages qui valent tous les enterrements.

*: s’il faut qu’Abnett fasse une preview pour que cette dernière saute, je propose de l’attacher à son poste de travail et d’exiger un nouveau roman par semaine, au nom de l’intérêt collectif. Peut-être même que ça l’aidera à terminer la série des Gaunt’s Ghosts avant qu’il ne choppe Alzheimer.

**: comprendre que je n’ai pas lu ce bouquin. Comme d’habitude, tous les commentaires de lecteurs sur le site de la BL sont dithyrambiques (ce qui n’est pas étonnant étant donné la tendance très prononcée des responsables du site de ne publier que les critiques élogieuses… et croyez bien que j’ai pourtant essayé à plusieurs reprises de changer cet état de fait). Même le critique officieux de la BL, le bloggeur « Angels of Retribution » le dit: ‘The Gildar Rift is an amazing novel’ (il lui a attribué la note de 8,5/10). En même temps, on parle d’un type capable de mettre 9/10 à un roman de James Swallow sans sourciller, et qui n’a jamais mis moins de 7,5 à aucun des romans de la BL qu’il a « critiqué ».

The Arkunasha War – A. Chambers [40K] :

The Arkunasha WarPour tous ceux qui baignent dans le milieu du zhobby depuis un certain temps, le nom d’Andy Chambers n’est pas étranger. Le « grand méchant joueur », comme il était appelé dans les pages du White Dwarf à l’époque où la proportion de publicités était encore inférieure à 75%, a en effet hanté l’histoire de GW pendant près de quinze ans, à la fois comme rédacteur, concepteur de jeu et bourreau régulier du vénérable Jervis Johnson (du temps où ce dernier avait encore des cheveux et écrivait autre chose que des éditoriaux dégoulinant de bon sentiments dans le WD).

Ayant quitté le navire en 2004 pour se consacrer à d’autres projets (Red Star Games en particulier), et travaillant depuis pour Blizzard, l’icône déglingos* que représente toujours Andy Chambers aux yeux de bon nombre de hobbyistes de la génération X n’a toutefois pas complètement pas coupé les ponts avec son ancienne maison, puisqu’il continue à soumettre de temps en temps des textes à la BL, sans que cette dernière fasse de grands efforts pour les promouvoir il faut dire. La plupart des publications du sieur Chambers étant consacrée aux Druchiis de l’espace (Midnight on the Street of Knives, Path of the Renegade, Bellathonis and the Shadow King), ce fut une petite surprise de constater que l’intrigue de cette première nouvelle écrite pour Hammer & Bolter se situe aussi loin que possible des sombres spires de Commorragh, dans les déserts brûlants de la planète Arkanusha.

Si pour les fidèles les plus convaincus du Bien Suprême, le nom de cette planète évoquera instantanément un nom, le reste des lecteurs, moins bien informé**, devra attendre quelques lignes (ou quelques pages pour les plus lents d’entre eux, dont je fais partie) avant de réaliser que le héros de l’histoire n’est autre que le commandeur O’Shovah, alias Farsight, avant qu’il ne décide de se la jouer perso. Arkanusha est en effet le théâtre de la campagne au cours de laquelle celui qui n’était encore que le Shas’O Vior’la Kais Mont’yr (tu parles d’un nom) gagnera sa réputation de stratège magistral, sa défense inspirée contre les hordes de peaux vertes assiégeant les colons Tau permettant l’évacuation de ces derniers avec des pertes minimes et accélérant la défaite finale des envahisseurs une fois les renforts arrivés.

Après le Commander Shadow de Branden Campbell dans le numéro précédent, la nouvelle de Chambers présente-t-elle les plus altruistes des xenos sous un angle plus intéressant que celui adopté la nouvelle recrue de la BL? En toute honnêteté, la réponse est non, la tentative du grand méchant joueur souffrant de plusieurs défauts significatifs.

Le premier d’entre eux consiste sans aucun doute à avoir voulu, comme le titre le suggère, raconter la totalité de la guerre pour Arkanusha, depuis l’arrivée d’O’Shovah dans la colonie de l’empire Tau (bien avant que les Orks ne viennent dire bonjour) jusqu’à l’annihilation en bonne et due forme des derniers boys du malavisé Big Boss Gorbag Gitbiter par les renforts envoyés à la rescousse de la planète assiégée.
N’ayant qu’un nombre limité de pages à consacrer à chaque événement un tant soit peu marquant de cette campagne, Chambers est forcé de faire un usage immodéré de l’ellipse, procédé littéraire généralement employé avec parcimonie par les autres auteurs de la BL (qui préfèrent plutôt recourir au bon vieux flashback des familles). On a donc l’impression d’assister à un récit « filmé » en accéléré, l’auteur zappant allègrement des semaines entières entre chaque passage un peu développé.  Le choc est moins violent à la deuxième lecture, mais l’effet global est tout de même si peu « BL-like » qu’on a bien du mal à accrocher.

La deuxième lacune majeure de The Arkanusha War, qui découle de la première, est le peu de suivi que Chambers accorde à ses personnages, à l’exception d’O’Shovah. Aux côtés de Schtroumpf grognon gravitent en effet une petite galerie de seconds rôles, qui disparaissent tous du radar avec une telle brutalité qu’on a peine à croire que leur sortie de scène   ait été causée par autre chose qu’un nombre insuffisant de pages. Premier concerné par cet « écrémage narratif » poussé, Gorbag en personne, qui n’aura même pas l’honneur d’être nommément dégommé au champ d’honneur, par O’Shovah ou par qui que ce soit. Malgré deux interventions pavant le chemin pour la traditionnelle confrontation finale entre le héros et sa nemesis, notre fringant despote vert ne réapparaîtra plus de la nouvelle. Dommage.

Enfin, comme beaucoup de ses prédécesseurs avant lui, Chambers se casse les dents sur le caractère doublement alien de la race Tau (non seulement ce sont des xenos, mais leur philosophie résolument progressiste les isole encore davantage dans un univers décadent comme celui de 40K): donnez un faux nez et du fond de teint à O’Shovah et sa clique, et vous obtiendrez des gardes impériaux tout à fait convaincants, alors que des différences importantes devraient tout de même subsister. L’aura de commandement qui entoure les Éthérés est à ce titre bien mal décrite par Chambers, dont le héros, loin de ressentir la dévotion absolue (apparemment provoquée chimiquement, et c’est bien ça qui est intéressant) que les autres castes éprouvent pour les Aun, a plutôt tendance à considérer ces derniers comme des incompétents finis en matière militaire, qu’il convient certes de protéger, mais surtout d’éloigner de l’action pour avoir les mains libres.

Bref, malgré toute la sympathie que j’éprouve pour Andy Chambers, je dois dire que j’ai été plutôt déçu par son Arkanusha War, qui se laisse lire (et relire donc) mais dont le propos aurait sans doute gagné à être développé dans un roman plutôt que dans une nouvelle. Prochain défi d’Andy: raconter l’Âge de l’Apostasie en un tweet.

*: c’est à ma connaissance le seul concepteur de jeu qui aurait pu passer pour un Space Wolf sans trop de problèmes, l’immense majorité de ses collègues ressemblant plutôt à des pèlerins du Graal (atteints de scorbut pour les moins photogéniques d’entre eux). Bon, il y avait Space McQuirk aussi, c’est vrai.

**: ou qui s’en fout, c’est possible aussi.

 

Sir Dagobert’s Last Battle – J. Green [40K] :

Mettons d’emblée les choses au clair: Jonathan Green ne fait pas partie de mes auteurs préférés, et pourtant, ce n’est pas faute de l’avoir pratiqué ou de lui avoir laissé sa chance. Prolixe auteur de nouvelles, à la fois pour Warhammer Fantasy (la série des Badenov*, dont au moins une aventure figure dans tout recueil publié par la BL, et dont l’omnibus se nomme The Dead and the Damned) et pour 40K, univers dans lequel se déroule la plupart de ses romans (un Iron Hands pas passé dans les annales, puisque c’est maintenant Chris Wraight qui écrit pour ce chapitre, et un diptyque consacré à la seconde guerre d’Armageddon**), notre homme est un ardent défenseur du « style BL » dans tout ce que ce dernier à de pesant et d’ampoulé. Il lui a toujours manqué ce petit zeste de folie et d’originalité qui permettrait au lecteur de s’immerger totalement dans ce qu’il raconte sans avoir peur de perforer l’univers en carton-pâte qui lui sert de décor à chaque fois qu’il tourne une page. Le seul moyen de passer un bon moment (ou au moins, un pas trop mauvais) avec une de ses productions est de lire le plus vite possible, en espérant ne pas voir les énormes ficelles qui parsèment le récit. Un peu comme un tour de train-fantôme effectué à deux à l’heure avec la lumière allumée, les travaux de Green ne gagnent pas vraiment à être examinés de trop près trop longtemps.

C’est donc avec le même état d’esprit que Usaïn Bolt avant un 100 mètres*** que je m’étais préparé à lire Sir Dagobert’s Last Battle, desservi avant même la première ligne par un titre, comment dire, assez peu adapté à un public francophone. Ce choix a-t-il été délibéré (ce qui aurait été courageux), ou a-t-il effectué en méconnaissance totale de la culture enfantine française (hypothèse plus probable)? Avant que votre imagination vous laisse entrevoir ce qu’aurait pu être la dernière bataille du brave Dagobert contre sa culotte possédée par un buveur de sang (moi ça m’a fait rigoler pendant 5 minutes), rendons hommage à la culture de Mr Green, qui a sans doute baptisé son personnage du nom du véritable roi Dagobert 1er, qui régna au début du VIIème siècle.

L’histoire se déroule donc dans le village de Layon, soudainement attaqué par une nuée de gobelins des forêts. En l’absence de chevaliers dans les environs immédiats, c’est aux locaux de repousser l’assaut, ce qu’ils font avec un succès raisonnable étant donné la rusticité de leur équipement  (fourche, faucille, tisonnier, poêle à frire – il connaît ses classiques, le bougre -) et l’évidente supériorité numérique dont jouissent les peaux-vertes.

Les Layonais sont toutefois bien aidés par deux choses dans leur lutte désespérée pour leur village: premièrement, les gobelins de Green tiennent plus du snotling hémiplégique que du vicieux zigouillard capable de se faire Archaon sur un malentendu. Si on devait se hasarder à traduire leurs piteuses aptitudes martiales en statistiques, la somme de leur CC, F et E frôlerait probablement 1,5, pour vous donner une petite idée du degré de menace qu’ils représentent. Le plus méchant de la bande à tout de même réussi à se faire une petite fille de quatre ans (mais elle était désarmée et lui tournait le dos).
Deuxièmement, les villageois bénéficient du précieux soutien dudit seigneur Dagobert, chevalier du Graal de son état****, et de sa bande d’enthousiastes suivants, menés par l’extatique Arnaud, porte parole auto-désigné du noble paladin. Car il faut bien reconnaître que ce dernier, bien qu’ayant goûté au Saint Calice, est tout ce qu’il y a de plus mort, et donc de fait, assez peu loquace.

Et c’est là qu’un fol espoir commence à naître, car si Jonathan Green n’est manifestement pas à son aise quand il s’agit d’insuffler à son récit la petite touche baroque qui permettrait à ce dernier de se démarquer de la concurrence, on se dit qu’il a quand même largement les moyens d’exploiter le côté macabrement grinçant du Reliquaire du Graal pour faire décoller son histoire. Et le plus beau est qu’il y arrive au delà de toutes les espérances (les miennes au moins, qui étaient assez basses pour commencer je dois reconnaître), et dresse un portrait au vitriol des plus plaisants de la société de castes bretonienne, tellement imprégnée de religion qu’elle en devient souvent absurde. Le principal mérite de Green est de dépeindre de manière réaliste et assez fine l’état d’esprit des pèlerins du Graal, qui oscille entre fanatisme indiscutable et exploitation éhontée de la crédulité et de la superstition des paysans à des fins bassement terre à terre.

Quant à sire Dagobert, sa dernière bataille est intégrée au récit sous forme de flashback, et se révèle également plaisante à suivre car l’auteur va jusqu’au bout de sa logique et ne fait littéralement pas de prisonnier. On découvre également que de son vivant, Dagobert était certes vertueux, mais avait également tendance à prendre à la lettre son serment de défendre la chapelle du Graal dont il était le protecteur attitré (ce qui lui fournissait une bonne excuse pour lui éviter de voler au secours du village d’en face). Sachez enfin que cette nouvelle est la première dans laquelle une Arachnarok (un peu amochée, et ça ne va pas aller en s’améliorant, les clins d’oeil à Samsagace Gamegie ne s’arrêtant pas au coup du gobelin expédié à coup de poêle de frire): on peut penser ce qu’on veut de Jon le Vert, mais au moins il se tient au courant des évolutions du fluff.

En conclusion, une bonne nouvelle de Jonathan Green, ce qui était plutôt inespéré. Il lui reste beaucoup à se faire pardonner, mais au moins, on sait qu’il en est capable, s’il se donne la peine.

*: pour faire simple, le principe est le même que celui des Gotrek et Felix, sans Gotrek.

**: qui n’a semble-t-il pas fait école non plus, puisque c’est à Aaron Dembski-Bowden qu’est revenu l’a charge d’écrire Helsreach.

***: ou DSK devant Nafissatou Diallo

****: je ne sais pas si c’est l’effet de l’aura que la Dame du Lac accorde à ses paladins ou bien le fait que Dagobert se balade avec un costume d’homme-sandwich vantant son pedigree, mais les villageois l’identifient comme chevalier du Graal d’un seul coup d’œil, quand bien même il se trouve perché sur une colline surplombant Layon à son arrivée dans l’histoire.

Phalanx – ch.10 – B. Counter |40K] :

PhalanxRésumons: amenés sur le Phalanx pour être jugés après s’être rebellés contre l’Impérium, Sarpedon et ses Soul Drinkers ont été libérés par une bande de pèlerins adorateurs de Tzeentch et sont à présent séparés en deux factions distinctes. D’un côté, le maître de chapitre mutant et le gros des survivants, bien décidés à vendre chèrement leur peau face aux assauts vengeurs des Imperial Fists, Howling Griffons, Angel Sanguine et consorts, de l’autre le chapelain Iktinos et ses fidèles, assistés du dreadnought Daenyathos, déterminé à foutre une merde noire dans la place, ce qui passe accessoirement par invoquer dans le Phalanx un prince démon (et ses potes) précédemment banni par Sarpedon. Ajoutez à ce tableau quelques rivalités personnelles de bon aloi*, un artefact aussi mystérieux que puissant (le Soulspear), l’Inquisition et l’Adeptus Mechanicus, secouez et servez frais. Attention, ça tâche.

Bref, Ben ayant enfin réussi à convier tous les invités à la fête, il ne lui reste plus qu’à mener chacune des intrigues patiemment tricotée à son dénouement. Plus facile à dire qu’à faire dans un Phalanx où les bolts pleuvent drus et où on ne peut pas faire trois pas sans se retrouver engagé dans un duel à mort contre un vieil ennemi. Et à ce petit jeu, les Space Marines partent évidemment avec plusieurs têtes d’avance.

C’est ainsi que l’Archimagos Voar, qui avait semble-t-il trahi pas mal de monde avant de comparaître comme témoin à charge, qui fait le premier les frais de la volonté de Counter de régler les vieilles dettes une fois pour toutes. Sommé par Iktinos de lui rendre le Soulspear, le brave magos se met en quatre (et même plus) pour satisfaire aux attentes du chapelain, avec de lourdes conséquences pour son intégrité physique.

Un peu plus loin, Daenyathos essaye de convaincre Abraxes de lui acheter le Phalanx, qui maintenant qu’il est équipé d’un portail Warp flambant neuf, constitue à ses yeux (augmétiques plutôt) l’arme la plus puissante de l’univers, capable d’aller souffler dans les bronches de Pépé en deux temps trois mouvements. Faut aller dire ça à Abaddon, je suis sûr qu’il sera ravi de l’entendre (parce que des vaisseaux avec des portails Warp, il doit en avoir une tripotée, lui).
Enfin, Sarpedon et Reinez entament leur 67ème duel à mort du roman alors que ce dernier était parti à la chasse des scalps d’Iktinos et de Daenyathos (mais si, on peut scalper un dreadnought si on est vraiment très en colère).

De leur côté, Pugh et le reste des loyalistes essayent de comprendre ce qu’il se passe, et, plus important, si une incursion démoniaque peut être considérée comme une menace morale. Même si on se doute qu’Abraxès et ses sbires ne vont pas tarder à être refoulés dans le Warp manu militari, on ne peut qu’admirer l’imperturbable détachement dont fait preuve Vladimir face à la tournure plutôt déplaisante qu’ont pris les évènements depuis quelques chapitres**. Humour.

Au final, un chapitre 100% action, dans lequel l’histoire avance peu en définitive. Ça ne vole pas très haut mais ça reste diablement efficace, Counter maîtrisant sans problème l’art subtil de la narration dynamique du cassage de crânes. À ce stade du roman, on a déjà une petite idée de comment tout cela va se terminer, mais laissons à Ben ses quatre derniers chapitres avant de juger de la qualité de son Phalanx

*: ce qui signifie qu’une bonne moitié des personnages loyalistes, ce bon vieux Reinez en tête, veut tuer Sarpedon de ses mains pour venger une offense personnelle.

**: peut-être que c’est également son troisième mandat, ce qui expliquerait son sang froid exemplaire

Survivor – S. Parker [40K] :

SurvivorOn finit par la merveille de Steve Parker, qui confirme par là que sa prometteuse première livraison pour Hammer & BolterExhumed, n’était pas un coup de chance. Longue nouvelle s’étalant sur un bon tiers du numéro, Survivor est un concentré explosif de tout ce qu’il y a de bien dans les productions de la BL.

On commence à distribuer les bons points dès le début, l’angle d’attaque choisi par Parker, la (sur)vie quotidienne et solitaire d’un garçon de neuf ans dans une ville envahie par les Orks, tranchant agréablement avec l’approche classique « ma vie de marine » adoptée par la plupart des autres auteurs. Ça rappelle assez le Barbed Cat Wire de Robert Earl (Hammer & Bolter n°4), dans lequel on suivait les manigances d’Adora, esclave humaine dans l’empire souterrain pour se faire la malle (également une très bonne nouvelle par ailleurs). Bas, le héros de Parker, ayant eu la chance d’échapper à la capture, son quotidien est un peu moins désespéré que celui de la protagoniste d’Earl, mais beaucoup plus agité, éviter de se faire pincer par les peaux vertes en maraude occupant évidemment l’essentiel de son temps. Pour d’autres auteurs, cette partie de cache de cache n’aurait pu constituer qu’une toile de fond, mais Parker, qui a bien compris que le diable se cache dans les détails, se fait un plaisir de couvrir tous les aspects de cette vie usante, injectant à son récit un niveau de réalisme rarement constaté ailleurs que chez Abnett.

Courses-poursuites, rationnement, prudence élevée à des niveaux paranoïaques, planification extrême et calcul coût/avantage de chaque décision… autant de thèmes que Parker aborde et développe assez pour faire comprendre à ses lecteurs qu’il a vraiment réfléchi à son histoire et s’est mis à la place de son héros. Si certains ont pu se demander si Abnett avait été soldat avant de se mettre à écrire pour réussir à retranscrire si fidèlement l’atmosphère, la réalité et les dangers d’un champ de bataille, on pourrait supposer que Parker a passé quelques semaines à Sarajevo ou à Misrata pour s’imprégner des contraintes inhérentes à la vie dans une ville en guerre.

Si Bas réussit si bien à passer entre les mailles du filet vert, c’est qu’il a reçu un entraînement complet en matière de survie et de combat, sous la tutelle de sa peau de vache de grand père, ancien soldat de la garde impériale. Intercalés entre les passages se déroulant dans l’environnement hostile que constitue la ville envahie par les Orks, des flashbacks successifs éclairent les lecteurs sur la vie de Bas bien avant que les xenos ne posent le pied sur la planète.
Cette fois-ci, Parker ne mise pas sur la surenchère de « détails qui tuent » pour embarquer ses lecteurs, mais choisit de prendre ces derniers par les sentiments. Pas d’histoire d’amour à deux balles évidemment (on est dans un univers trotro dark destiné à un public mâle et adolescent, ne l’oublions pas), mais plutôt le récit de la misérable vie de Bas, qui passe brutalement de l’opulence assurée par la position avantageuse de ses parents à la violence des bas-fonds après la mort de ses derniers. Méprisé par tous, même par son grand-père, humilié et régulièrement roué de coups, difficile de ne pas compatir un minimum aux déboires du pauvre Bas, qui prouve ligne après ligne qu’il est toujours possible de tomber plus bas, jusqu’à ce qu’il décide de rendre les coups.

Mais le plus gros de la nouvelle est consacré à la quête de Bas pour faire évader une bande de prisonniers, entreprise hautement périlleuse et que l’on pourrait trouver bien altruiste de la part d’un survivant vétéran comme lui, qui devrait pourtant être conscient des problèmes insolubles que la vie en groupe pose dans un environnement aussi hostile que celui-ci. Sauf que Parker a encore une fois prévu le coup, et prend le temps de justifier tous les choix de son héros, même les plus contre-intuitifs (comme celui-là), de telle manière qu’ils apparaissent, si ce n’est convaincants, au moins à peu près crédibles.

Le dénouement, enfin, offre une ultime et éclatante preuve de la maîtrise que Parker a de son sujet, puisque ce dernier se paie le luxe de terminer son propos avec un énorme twist final, amené avec un tranquille aplomb qui ne peut que forcer le respect. On ressort de Survivor  avec l’envie de le relire sur le champ, avec le regard neuf que l’ultime rebondissement apporte sur les précédentes péripéties. Bravo l’artiste.

En conclusion, un numéro porté à bout de bras par le talent de Steve Parker, qu’il s’agit à présent de suivre avec attention. Avec un Green qui surprend plaisamment et un Counter qui ne plombe pas l’ensemble, c’est presque un sans faute, la déception que représente la nouvelle peu aboutie de Chambers constituant la seule ombre au tableau. Ce n’est peut-être pas le numéro à la qualité moyenne la plus élevée (le n°4 faisant pour l’instant la course en tête, si on met de côté la contribution de Nick Kyme), mais c’est indéniablement celui contenant la meilleure nouvelle pour le moment.

HAMMER AND BOLTER [N°8]

Salut à tous, et bienvenue dans cette huitième revue de Hammer & Bolter! Au programme de ce numéro de juin 2011 (aaah, les souvenirs remontent…), de la nouvelle et rien que de la nouvelle, l’insipide interview de 4 pages d’un auteur de la BL, sorte de très mauvais running gag qui ne permettait même pas d’aller faire le plein de chips et de soda (c’est ça le problème avec les livres, c’est tellement égocentrique comme support que ça refuse catégoriquement de continuer à jouer si le lecteur décide de faire autre chose), laissant cette fois sa place au premier chapitre d’un livre de la BL, et pas des moindres, puisqu’il s’agit de Salvation’s Reach, le dernier tome en date de la saga des Gaunt’s Ghosts de Dan Abnett. C’est pas moi qui va regretter ce changement. Et juste pour se marrer, c’était quoi déjà la précédente « preview » de Hammer & Bolter? Ah, oui, The Fall of Damnos de Nick Kyme. Mémorable. Je ne sais pas pour vous, mais ce numéro, je le sens plutôt bien…

Cause and Effect – S. Cawkwell [40K] :

Cause & EffectOn peut penser ce qu’on veut des rapports pas toujours sereins et apaisés que la BL entretient avec ses auteurs (voir le cas Steven Savile, détaillé à la suite de la revue du -mauvais- Curse of the Necrarch de ce dernier*), mais on ne peut pas lui reprocher de ne pas soutenir de toutes ses forces

Sarah Cawkwell, la « hot new talent » la plus sollicitée par Hammer & Bolter, puisque Cause And Effect constitue la troisième livraison de la demoiselle pour le webzine. On peut par contre s’interroger sur les raisons de cette préférence manifeste pour les écrits de Cawkwell, qui se sont pour l’instant révélés d’une constante banalité confinant parfois à la nullité la plus crasse, dans la catégorie reine du genre, l’histoire de Maroune bête et méchante pour newbies facilement impressionnables.

Passés les stade de l’indulgence pour Primary Instinct (c’est sa première nouvelle, c’est pas évident, c’est une histoire de Marines, c’est pas facile d’innover, elle fera mieux la prochaine fois!) et de la désillusion pour Action And Consequence** (euh, l’intrigue est toujours aussi creuse et le personnage principal inconsistant… Tu aurais pu faire un effort Sarah! Non, c’est pas une bonne id… Oh, bon, comme tu veux), on entre donc dans une sorte de zone grise de cynisme, qui amène à lire tous les textes de l’auteur concerné à l’affut de la moindre petite négligence, incohérence ou maladresse, au lieu de leur laisser le bénéfice du doute et l’opportunité de développer leur propos.

Malheur aux auteurs relégués dans cette catégorie peu enviable, car s’il leur est possible de regagner leur place parmi leurs confrères plus inspirés (Anthony Reynolds en a été capable, et Ben Counter fait régulièrement l’aller-retour), la route est longue et semée d’embuches.

C’est donc sans trop d’espoir que je me suis enquillé la nouvelle non-aventure du non-héros Gileas Ur’Ten, sergent d’une escouade d’assaut au sein du chapitre des Silver Skulls. Pour ceux qui ont eu la chance de vivre jusqu’ici dans la douillette ignorance de qui est ce zigue, un bref récapitulatif (vous me maudirez plus tard): issu d’une tribu de sauvages guerriers, même au vu des critères généralement assez coulants des Space Marines (ceux là ne devaient même pas avoir inventé le pagne et le papier toilette), Gileas est le prototype même du héros marsouin en devenir. Brave, efficace et respecté par ses frères d’armes, il a su toutefois resté humble et est comme de juste régulièrement victime de poussées métaphysiques, l’amenant à se poser toutes sortes de question plus ou moins existentielles. Sur ce gabarit usé jusqu’à la trame (duquel dérivent déjà Uriel Ventris, Alaric, Rafen, Loken… pour n’en citer que quelques uns parmi les moins ratés), Cawkwell essaie tant bien que mal de broder deux trois détails qui permettraient au lecteur de remarquer son gros bébé parmi la masse de ses concurrents. On est ainsi ravi d’apprendre que Gileas a la peau sombre et des tatouages. Super.

Après la mort ô combien prévisible du capitaine de la 8ème compagnie face aux vils Eldars Noirs dans Action And Consequence, Gileas se retrouve propulsé au poste de commandant de facto, et la moitié de la nouvelle est consacrée au récit de ses premières armes en temps qu’officier supérieur. Faisant preuve d’une audace inouïe, Sarah ose en effet se frotter au dédoublement des intrigues pour la première fois, ce qui lui permet de se distancier de son petit protégé et de balancer quelques infos sur le background des Silver Skulls. Ces derniers ne figurant pas dans le top 10 des chapitres Space Marines les plus suivis sur Twitter, on accueillera la nouvelle avec un certain détachement, d’autant plus que les révélations faites par Cawkwell ne cassent pas des briques (ni même des briquettes, ou des briquounettes***).

Chapitre dont l’origine remonte à la deuxième fondation (mais dont le primarque est, encore une fois, manque de bol, inconnu), dirigé par un Lord Argentius secondé d’une sorte de conseil chamanique nommé le Conseil d’Élucidation, les Silver Skulls prennent leur mission de défense du domaine de Pépé tellement à cœur qu’ils ont bien du mal à remplacer leurs pertes. Cela cause bien du tracas au Lord Argentius en place, qui craint que les Hauts Seigneurs ne démantèlent le chapitre (pour quel motif? Gestion inefficace des ressources humaines? Ça doit bien faire rigoler Pedro Kantor) quand ils s’apercevront que la dîme génétique envoyée par le chapitre est plutôt maigrelette.

Autre sujet de prise de tête pour le Maître du Chapitre, la promotion de Gileas au rang de Capitaine de la 8ème compagnie ne fait pas l’affaire de tout le monde, prouvant au passage que le racisme et la xénophobie existent toujours au 41ème millénaire. Comme en plus, le chef Archiviste des Silver Skulls passe ses nuits à rêver de crânes argentés tombant en morceau, l’affaire est aussi discutée qu’un amendement du Vatican au conseil de sécurité de l’ONU. Et pendant que Gileas et ses potes concassent du Druchii de l’espace, les huiles du chapitre se tirent la bourre pour savoir si l’avancement de ce dernier menace de provoquer la fin des Silver Skulls. Malheureusement pour les lecteurs qui trouveraient ce suspense insoutenable, Sarah Cawkwell décide de terminer sa nouvelle par un cliff-hanger tellement hors de propos qu’on en vient à se demander si elle a bien compris que ce n’était pas à elle d’écrire le roman-feuilleton de Hammer & Bolter.

Pour résumer, on se retrouve donc avec ce que l’on peut en tout état de cause considérer comme un chapitre de transition dans le récit de la folle épopée de Gileas Ur’Ten, Silver Skulls, c’est à dire les moins bonnes pages d’une saga en devenir dont personne n’a rien à carrer. Un choix audacieux? Certainement! Un choix judicieux? Euh…

*: j’autorise le premier modo qui lira ceci à me coller 20% pour cause d’autopub effrénée. Mais juste le premier hein, pas de blagues.

**: Dont on remarquera l’étonnante similitude avec le titre de la nouvelle qui nous intéresse aujourd’hui. Je prévois que la prochaine nouvelle de Sarah s’appellera Before and After, Up and Down, Bread and Butter ou I Love Pangolins (aucun rapport, mais ça serait vraiment cool).

***: Ce sont des petites briquettes.

Marshlight – C. L. Werner [WFB] :

Contributeur régulier de la BL, et auteur de quelques séries de bonne facture (Mathias Thulmann, Witch Hunter, Brunner The Bounty Hunter), C.L. Werner, alias l’homme au chapeau, alias Mr Skaven (une bonne partie de ses bouquins se déroulant dans le monde de Warhammer ayant parmi leurs protagonistes un ou plusieurs représentants de cette très noble race*) reste toutefois une figure assez mystérieuse parmi les auteurs de cette auguste maison. Et ce n’est pas la pauvre interview qui lui a été consacré dans le cinquième numéro de Hammer & Bolter qui a fait beaucoup pour le rendre plus familier du lecteur lambda (sachez toutefois que l’homme a créé un forum sur lequel les âmes perdues en quête de réponse peuvent lui soumettre leurs questions**).

Tout ça pour dire j’ai été plaisamment surpris de voir son nom apparaître sur la « couverture » de ce numéro, ne réalisant qu’après coup qu’il avait fallu attendre huit mois pour que le sieur Werner fasse sa première réelle apparition dans le webzine (alors qu’il avait été un des contributeurs les plus prolixes pour feu Inferno! -humour-). Ayant mieux saisi que la plupart de ses collègues le caractère sombre et non manichéen des univers de Warhammer et de 40K, les nouvelles de Werner sont généralement des petits bijoux glauques, réhaussés par une bonne dose de bon vieux fluff. J’étais donc impatient de m’y mettre, surtout après l’amère mise en bouche gracieusement offerte par miss Cawkwell.

Bienvenue donc à Marienburg, où les autorités sont confrontées à la disparition d’une proportion non négligeable des navires remontant le Reik jusqu’à la cité-état. Après qu’un survivant, rendu complétement fou par ce qu’il a vécu (faut dire que l’eau est froide à cette époque de l’année), ait raconté à ses sauveurs que ce sont les fameux démons des marécages qui ont fait le coup, les bourgmestres décident d’envoyer deux de leurs meilleurs agents tirer l’affaire au clair. Direction donc les bucoliques marais du Wasteland, pour une partie de pêche un peu particulière.

Disons le tout de suite, j’attendais beaucoup de cette nouvelle, et n’ai pas été déçu, Werner capitalisant sur chacun de ses points forts: le rythme, l’humour noir et surtout, surtout, le fluff. Car si CL (prononcer « ciel », ça lui fera plaisir) a choisi d’explorer cette zone du monde de Warhammer, c’est d’abord et avant tout pour rendre à la légende vieillissante qui rôde dans ces eaux saumâtres depuis les premiers temps du jeu un peu de son lustre d’antan. Devinette: qu’est-ce qui peut invoquer la plus épaisse des purées des poids, n’a qu’un seul œil et vit dans les marais? Werner aurait pu s’arrêter là, la simple présence de Fimirs dans une nouvelle de la BL publiée au XXIème siècle justifiant amplement la lecture de ladite nouvelle, mais il choisit d’aller un peu plus loin en rajoutant à l’équation la légendaire ingéniosité destroy des skavens, qui confirment à cette occasion avec panache leur amour immodéré pour les déguisements grands guignolesques. Mais, qu’on se rassure, il y a bien des vrais Fimirs dans Marshlight, qui feront une apparition brève mais remarquée*** au moment opportun.

Si le fluff est donc particulièrement mis à l’honneur dans cette nouvelle, on retrouve également la patte de Werner dans le rythme enlevé de l’action, qui après un début planplan, accélère brutalement à un tiers du récit pour ne plus ralentir (la nouvelle commençant réellement au moment où d’autres auteurs moins doués de la BL l’aurait terminée). Ciel réussit également là où tous ses prédécesseurs avaient échoué, en balançant dans les dents du lecteur un twist final vicieux et non prévu dix pages à l’avance (en ce qui me concerne en tout cas). Il était temps, et pour ceci comme pour tout le reste, chapeau Mr Werner.

*: Il a aussi écrit la trilogie Thaquol & Boneripper, qu’il faudrait que quelqu’un critique à un moment ou à un autre.

**: lien qui va bien

***: genre « qui c’est papa, bande de hamsters dégénérés? »

Phalanx – ch.9 – B. Counter [40K] :

PhalanxÇa lui a pris huit mois, mais Ben nous a enfin amenés là où il le voulait. Et par là, il faut comprendre au beau milieu d’une lutte sans merci entre les derniers Soul Drinkers et les Space Marines loyalistes venus assister à leur procès sur le Phalanx. Fini de rire bande de moules, c’est le moment de montrer à l’univers comment un marsouin meurt pour ses convictions. On bande ses muscles, on empoigne son bolter, on allume son épée-tronçonneuse et on saute dans le tas, non mais oh! Mais mais mais, avant d’entrer dans le vif sujet, le gars Counter tient à ce que nous comprenions bien que rien n’arrive par hasard dans cet univers pourri.

Le chapitre commence donc par un petit détour du côté de l’Hérésie d’Horus, ou plutôt, de la période qui a immédiatement suivi cette période légèrement agitée. Après que Pépé et les Quatre Affreux aient accepté la garde alternée pour les Légions Traîtresses (droit de visite pour le premier tous les 800 ans environs… c’est toujours le père qui morfle), ce fut sur les frêles épaules des Primarques loyaux survivants que reposa la tâche de nettoyer tout ce qui avait été salopé durant la surboom sauvage organisée par Horus.

Anecdote intéressante, on apprend ainsi que ce fut à Rogal Dorn d’aller fermer le portail de l’Oeil du Prédateur (sic), tâche éprouvante qui nécessita pas moins de trois jours et le sacrifice de nombreux Space Marines, et qui ne fut qu’une demi réussite, car si Dorn parvint à aveugler l’Oeil à force de coups de poing (sic encore), il comprit que ce n’était qu’un pis-aller, et jura de revenir plus tard finir le boulot une fois pour toutes, quand il aurait le temps. Malheureusement, il se fit renverser par une twingo avant d’avoir eu le temps de se repencher sur la question, et comme il avait pris le soin de ne dire à personne où se trouvait l’Oeil ni comment faire pour le crever une fois pour toutes (super comme stratégie), la mission « fermer ce foutu portail » figure toujours sur la to-do liste impériale dix millénaires plus tard.

Vous l’aurez compris, si Ben nous raconte tout ça, c’est parce que le Phalanx ne se trouve pas n’importe où dans la galaxie, mais pile dans le système solaire de l’Oeil du Prédateur, toujours dormant au début des festivités, mais pour plus très longtemps, soyez-en sûr. Car pendant que Soul Drinkers, Imperial Fists, Angel Encarmine et Howling Griffons achèvent de détruire par le fer et le feu les archives de la VIIème légion (avec quelques pertes notables de part et d’autres, sortez les mouchoirs), Iktinos et quelques copains sont très occupés à faire que la prophétie alambiquée promettant la réouverture du portail* se réalise. Secondé par un héros du chapitre que l’on pensait mort depuis des lustres (un dénommé Daenyathos, dreadnought philosophe de son état et chirurgien cardiaque à ses heures perdues) et par le toujours aussi peu chanceux N’Kalos (qui pour l’occasion donne de sa personne à sang pour cent), le chapelain renégat parvient en effet à ouvrir l’Oeil, précipitant le retour d’Abraxes! Pardon, qui est Abraxes? Mais si, vous savez bien! Le Prince Démon qui a manipulé les Soul Drinkers pendant des siècles, précipitant ainsi leur déchéance, jusqu’à que Sarpedon le renvoie compter fleurette à Tzeentch**!

Il y a fort à parier que ce come-back méticuleusement organisé ne force les Space Marines du Phalanx à mettre de côté leurs différents pour régler son compte à l’importun, ce qui devrait permettre à la poignée de Soul Drinkers qui survivra à cette épique bataille de filer à l’anglaise à la fin du combat***… Autant pour le dernier carré héroïque qu’on nous promettait depuis le début du bouquin. Il ne reste plus qu’à parier sur l’identité du Space Marine qui essaiera quand même de se farcir Sarpedon mais se fera buter par Abraxes ou un de ses sous-fifres dans l’opération… Tapis sur Reinez!

*: qui n’implique toutefois pas de gnome unijambiste ni de jambon, et pour la pleine lune, comme on est dans l’espace, c’est difficile à dire.

**: pouce vert si toi aussi tu n’as pas lu les trois premiers romans consacrés aux Soul Drinkers, et que du coup le retour d’Abraxes te passe légèrement au dessus de la tête.

***: de toute façon, ça a l’air tellement facile de feinter les Imperial Fists qu’on finit par se demander si l’évasion des Soul Drinkers n’était pas en fait qu’une opération de ravitaillement « chips et bière » qui a mal tourné.

Salvation’s Reach – ch.1 – D. Abnett [40K] :

Salvation's ReachLe grand retour de Steely Dan après sept mois d’absence (il avait offert deux textes au premier numéro de Hammer & Bolter). Je ne sais pas pour vous, mais il y a certains mots qui me mettent de bonne humeur quand je les lis. « Pheguth », « etogaur », « Blood Pact », ou encore « feth » en font partie. Et pour cause, puisqu’ils sont intimement liés à ce qui est peut-être (sans doute?) la meilleure série de la BL, celle qui permet à cette dernière de se démarquer de toutes les maisons d’édition liées à une franchise med-fan/sci-fi, Les Fantômes de Gaunt. On peut légitimement penser que les Space Marines sont les figures emblématiques de Warhammer 40.000, mais les petits gars de Tanith sont des sérieux challengers à la suprématie des colosses en céramite.

Comme il est impossible de résumer convenablement cette saga de centaines de pages en quelques lignes, je ne m’y essaierai pas, d’autant plus que comme dans toute bonne série, l’intérêt des Fantômes réside principalement dans les relations entre les personnages, auxquels le lecteur s’attache très vite (ah, Mkvenner, pourquoi es-tu resté sur Gereon?). Reste qu’encore une fois, la magie Abnett opère. Comme d’habitude, Dan fait développe son propos en prenant bien soin de laisser son lecteur dans le flou (ici, on croît que Rawne essaie d’assassiner celui qu’il qualifie de « monstre » malgré l’important dispositif de sécurité dont celui-ci bénéficie… ), injectant avec son brio habituel des passages de combats réalistes et hyper nerveux. Rien à faire, le bougre est toujours aussi fort, et la fin de la preview arrive bien trop vite. On quitte le premier chapitre de Salvation’s Reach avec l’envie d’en lire plus, et c’est bien ce que veut la BL (tout le monde est content donc). Allez Dan, dépêche toi d’en écrire un de plus, que l’on puisse chopper le quatrième omnibus (c’est la crise coco!)

Commander Shadow – B. Campbell [40K] :

Il flotte un parfum très actuel dans cette nouvelle de Braden Campbell, petit nouveau dans l’écurie BL, dont le premier texte n’est, surprise, pas consacré aux Space Marines (ça doit être une sorte de bizutage), mais à la difficile campagne de pacification d’un monde récemment tombé aux blanches mains (un peu bleues tout de même) du Bien Suprême.

Adoptant le point de vue du Commandeur Tau (deuxième -agréable- surprise) en charge du sale boulot, Campbell replace dans le cadre futuriste du 41ème millénaire une problématique des plus contemporaine, à savoir comment mettre vraiment fin à un conflit après que la guerre « classique » ait été gagnée? Car les Taus sur Cytheria (nom de la planète enlevée à l’Imperium par les guerriers de la caste du feu), c’est un peu comme la coalition en Afghanistan: une campagne remportée en quelques jours grâce à une supériorité technologique et logistique incontestable, une sincère envie de gagner la confiance et la sympathie de la population locale, que l’on fait bénéficier avec largesse des infrastructures modernes développées par les ingénieurs du Bien Suprême, sauf que, sauf que, une poignée de survivants revanchards retranchée dans une zone inaccessible fait tout son possible pour ruiner cette idylle naissante entre colonisateurs et colonisés en lançant des attaques « terroristes » sur des cibles emblématiques du nouveau pouvoir.

Dans le rôle des empêcheurs d’assimiler en rond, on retrouve donc Ezra Mihalik et sa bande de diables de Catachan* , reconvertis par la force des choses en moudjaïdins de l’Imperium, adeptes de la bombe sale (mais bio, faut pas déconner non plus) et du chantage à l’attentat. Face à cette bande de fous furieux pas vraiment adeptes du compromis et de la diplomatie, notre brave Commandeur, tout frais sorti de son école militaire, se retrouve bien dépourvu, jusqu’à ce qu’il décide à la jouer comme Beckham**, et se résolve à louer les services d’auxiliaires aussi bad ass que les Catachans.

Sur cette trame plutôt innovante et intéressante, Cambell se contente malheureusement de mettre l’accent sur l’assaut des Kroots contre les derniers loyalistes de Cytheria, passage obligé certes, mais qui aurait sans doute gagné à être mis en retrait par rapport à d’autres idées que l’auteur ne développe que pas ou peu.

Par exemple, Mihalik donne une semaine aux Taus pour quitter la planète, faute de quoi il utilisera ses bombes bactériologiques faites maison contre les métropoles où sont stationnés les soldats du Bien Suprême, sans la moindre considération pour les dommages collatéraux qu’une telle action pourrait entraîner parmi la population civile, prétextant que tous ceux n’ont pas pris les armes contre l’envahisseur ne sont que des traîtres en puissance. À titre personnel, j’aurais bien aimé voir les Catachans se livrer à quelques exactions envers les « collabos » de Cytheria, histoire de sortir de la finalement très manichéenne guerre inter-espèce.

Car même si le Commandeur Shas’o Rra (le surnom que lui a donné Mihalik, qui signifie « Commandeur Fantôme ») est indubitablement le héros de la nouvelle, on peine à ressentir une quelconque empathie pour lui, les résistants de Papy apparaissant toujours bien plus sympathiques que lui aux yeux du lecteur***. Le dénouement de la nouvelle, au cours duquel Shas’o Rra pète un câble et se transforme en tueur sadique (Ezrah finira un peu comme le Kevin de Sin City, pour ceux qui connaissent), ainsi que les toutes dernières lignes de l’histoire, qui laissent entrevoir la victoire « morale » des diables de Catachan, ne font que renforcer ce sentiment de distanciation. Non que ce dernier soit vraiment dérangeant en lui-même, certains des héros de la BL n’étant pas vraiment des enfants de chœur (le petit Malus en tête), mais le manque de maîtrise de l’auteur amène à penser que lui même considère son personnage comme un être vertueux, auquel le lecteur devrait pouvoir s’identifier, ce qui n’est malheureusement pas le cas.

Reste que Campbell réussit assez bien son premier test, en rendant une copie un brin plus exotique que la norme, dans laquelle le paradoxe que représente une guerre menée au nom du Bien Suprême est, sinon exploré, au moins évoqué avec une certaine justesse.

*: Ka’Tashun en Tau… Moi qui croyait que ça se prononçait « Katakan », me voilà fort marri.

**: Brutos Boucher Beckham, ou BBB, champion exalté de Khorne de la légion des World Eaters

***: Et c’est bien normal: Rambo est bien plus cool que le général Akbar. Fact.

Au final, un numéro qui bénéficie des contributions d’auteurs de classe comme Abnett et Werner pour se placer dans le peloton de tête des meilleurs crus de Hammer & Bolter. Counter met en place les conditions nécessaires à son grand final avec un enthousiasme communicatif, même pour les non-inités, et la nouvelle de Campbell rachète par son point de vue original une qualité d’écriture peu enthousiasmante (il faut dire que passer après Abnett n’est jamais facile). Seule ombre au tableau, les errements narratifs estampillés Silver Skulls que Sarah Cawkwell voudrait faire passer pour une histoire potable de Space Marines viennent ternir le bilan sinon fort honorable de cette huitième livraison.

HAMMER AND BOLTER [N°7]

Salut à tous! Au menu de cette critique, le numéro 7 de Hammer & Bolter, le mensuel virtuel préféré de Benoît XVI (en tout cas, il n’a jamais officiellement démenti l’info). Et attention mes petits amis, car ce numéro est très spécial. Pourquoi? Pour qui? Comment se fait-ce? Suis-je? Pense-je? Divague-je? La réponse à toutes ces questions (et surtout la première) plus bas!

Comme l’usage le veut, on commence avec l’insoutenable interrogatoire d’un des auteurs de la BL par un implacable questionnaire à réponses courtes (sans blague, le plus gros du travail des éditeurs est de trouver trois phrases d’accroche du style « Cher seigneur Inquisiteur, on a enfin choppé cette enflure de -insérer le nom de l’auteur-, vindieu que ça a été dur. On l’a cuisiné et voilà ce qu’il raconte. Gros poutous. »). Cette fois-ci, c’est l’insipide Darius Hinks qui s’y colle. J’use de ce qualificatif peu flatteur car la première livraison du bonhomme dans cet auguste journal s’était révélé assez terriblement creux. Ça s’appellait Virtue’s Reward (et ça doit toujours s’appeler comme ça d’ailleurs), et c’est chroniqué un peu plus bas pour ceux qui veulent.

Or donc, qu’apprenons-nous de palpitant en diable sur la vie professionnelle du bon sieur Hinks? Comme d’habitude, qu’il a des projets en cours (une nouvelle sur le chapitre des Relictors, pour les inconditionnels des chapitres Space Marines un peu borderline*, histoire de prolonger la magie des Soul Drinkers) et des rêves pieux (dans son cas, écrire quelque chose mettant en scène Orion comme principal protagoniste… why not?). Plus intéressant, encore que, Darius confirme à mots couverts qu’il est bien le yes man de la BL, puisque Christian Dunn lui a demandé de pondre une nouvelle spécialement pour le Games Day 2011. Cet événement étant avant tout la vitrine du hobby, et ses organisateurs ayant bien compris qu’il valait mieux niveler par le bas pour ne pas se couper des hordes braillardes, décérébrées et décérébrantes, qui constituent une bonne part des visiteurs, il est à craindre que toute production littéraire estampillée « Games Day » se révèle être absolument dispensable. Pour mémoire, c’était déjà Hinks qui avait fourni une des trois nouvelles publiées à l’occasion de la sortie du supplément « Tempête de Magie », Razumov’s Tomb. Un jour, Darius, un jour tu pourras choisir sur quoi tu veux travailler…

* si l’expression consacrée énonce qu’on ne fait pas d’omelettes sans casser des oeufs, les Relictors poussent le vice jusqu’à balancer des charges de démolition dans le poulailler.

Manbane – A. Hoare [WFB] :

On commence fort avec une nouvelle d’un des grands noms de Games Workshop, période 2000’s, j’ai nommé Andy Hoare. Responsable de l’écriture de plusieurs Codex, collaborateur régulier du White Dwarf, et continuellement affublé de coiffure aussi improbables tant dans leur volume que dans leur couleur, voilà un homme qu’on oublie pas facilement. Suivant l’exemple de nombre de ses petits copains (McNeill, Thorpe, Kyme…), Andy a donc choisi d’emprunter la voie périlleuse de l’écrivain, délaissant le douillet statut de concepteur de jeu pour se lancer dans le grand bain de la littérature med-fan (c’est ce qu’aurait voulu faire Archaon s’il avait pu). Principaux faits d’armes du blondinet, les deux dyptiques consacré aux bikers du 40ème millénaire (born to be Whiiiiiiiiiiite Scars!): The Hunt for Voldorius et Savage Scars, et auparavant, aux tribulations d’un Rogue Trader dans l’Ultima Segmentum, Rogue Star et Star of Damocles. Cependant, point d’Hell’s Angels en armure énergétique ni de voyages jusqu’aux tréfonds de l’espace connu dans cette nouvelle, puisqu’ Hoare choisit de mettre en scène Benedikt Duerr, apprenti sorcier impérial au sein du Collège Améthyste.

Tout commence plutôt mal pour le pauvre Ben, puisqu’on s’aperçoit rapidement qu’il se ballade seul (première erreur) et de nuit (deuxième erreur) au milieu de la Drakwald (troisième erreur). Comme si ça ne suffisait pas, la bande d’Hommes Bêtes du coin a définitivement décidé de le bizuter, à coups de flèches dans le ventre et de hache dans la tête. Mais qu’allait-il faire dans cette galère, vous entend-je demander? Et bien, à ce que j’en ai compris, les mages formés dans ce Collège doivent apparemment rapporter le fameux « Fléau des Hommes » (Manbane en VO, ça me rappelle un poison Elfe Noir), qui ne pousse que dans ces bois lugubres, afin de prouver qu’ils sont bien dignes de poursuivre leurs études. Mouais. C’est un peu comme si les Maîtres du Collège d’Ambre demandaient à leurs élèves de leur rapporter une dent de Ghorgon, ou que les internes du Collège Céleste devaient se balader avec un paratonnerre sur le dos un jour d’orage: l’écrémage doit être vachement sévère.*

Mais coup de chance, la fuite éperdue de Benedikt le mène au pied d’une tour trotro dark et mystérieuse, que même les méchants hommes-bêtes n’osent pas le suivre jusque là. Et à partir de là, Hoare se fait plaisir avec tous les clichés qu’on est en droit d’attendre: voix sépulcrale qui invite le jeunot à venir le rejoindre au sommet de la tour, intérieur décrépit, épaisse couche de poussière, reliques immémoriales et tomes légendaires, et, bien sûr, le petit vieux qui squatte les lieux, et qui se révèle être un mage de la mort de niveau 87, comme de juste. On apprendra qu’il a toujours été là, et qu’il n’est rien de moins que le plus puissant mage améthyste de l’Empire… Sauf que comme son truc à lui, c’est de rester enfermé dans sa tour pour compter jusqu’à l’infini (deux fois), on se rapidement compte qu’il ne sert absolument à rien. Hoare n’explique en outre pas comment il a fait pour se procurer tous ses incunables, étant donné que le pépé de Shalott n’a pas quitté sa tour depuis l’origine du monde (le pervers)… Et avec tous les hommes-bêtes en maraude dans le coin, pas sûr que les coursiers de Chronopost acceptent de venir livrer dans le coin.

Toujours est-il que Ben, sans doute allergique à la poussière, décide rapidement de se faire la malle, et réussit à extorquer au vioque le sort qu’il lui faut pour cela. Je m’arrêterai là pour le résumé, pour que ceux qui veulent lire aient la surprise du dénouement, mais pour les autres, sachez que ce dernier implique une bande de squelettes affectés par l’animosité (et peut-être la stupidité aussi, c’est à débattre) et, ô miracle, ô jour béni, la première golden shower de l’histoire de la BL. Si si.

Au final, une gentille petite nouvelle qui ne casse pas le tibia d’un garde des cryptes, mais qui se laisse lire avec bonhommie. Comme amuse-bouche, et si on est de bonne humeur, ça passe assez facilement. Reste à voir si la suite s’avère plus consistante. #HabileTransition

*: à moins que les gus de la Purple Academy ne considèrent qu’on ne sert jamais mieux Morr que quand on l’est soit même complètement (mort, pour ceux qui ne suivent pas).

The Last Remembrancer – J. French [HH] :

The Last RemembrancerAprès une première livraison, Hunted, dans le quatrième numéro de Hammer&Bolter, John French (sûrement un discret hommage à Johnny English) nous revient avec une nouvelle traitant de l’Hérésie d’Horus, comme le titre de l’œuvre en question vous l’a sans doute déjà révélé. Cerise sur le gâteau, en plus de la version « papier » de l’histoire, la BL fournit gracieusement aux lecteurs la version audio, telle que narrée par l’inimitable voix de stentor de Gareth Armstrong*. C’est le moment de sortir la calculette et de voir combien cet acte généreux nous fait économiser: en l’occurrence, pas moins de 6 euros (le prix de l’audio-book correspondant tel qu’affiché sur le site de la BL), soit 150% du prix du numéro de H&B. Pas mal, pas mal du tout. Après la première « transgression » que constituait le Waiting Death de Steve Lyons (mais si, les vacances du Colonel « Iron Hand » Starken de Catachan sur un quelconque monde hostile, en compagnie du Colonel Reyel de Harayneby**), il était somme toute logique que la prochaine étape soit celle-ci, mais comme ce n’était annoncé nulle part au moment de l’achat (où alors j’ai mal regardé, ce qui est aussi possible), la surprise n’en est que plus agréable. Je tire donc mon chapeau au grands princes de la BL pour ce petit extra appréciable. Bon après, il faut aimer les audio-books en anglais, mais avec le texte livré avec, c’est vraiment royal.

De quoi ça parle? French place l’action à quelques encablures à peine de la sainte Terra, dans les geôles d’une prison secrète dissimulée sur Titan (pas sûr que McArius y ait déjà envoyé ses premières super recrues faire du camping et, accessoirement, s’entraîner à poutrer du démon à l’abri des regards à ce moment là, mais il n’en reste pas moins que cette lune a l’air d’être ze place to be quand il s’agit de cacher des trucs top secrets). On y suit la confrontation entre « un fidèle primarque*** », assisté de Iacton Qruze, avec le premier et dernier des Commémorateurs, Solomon Voss. Dûment renvoyé à l’expéditeur par Chaossimo (c’était le temps béni de l’hérésie où les gars ne regardaient pas à la dépense: sacrifier un gros vaisseau – un kilomètre de long, des milliers de membres d’équipage et de soldats – juste pour faire une blague pourrie à un frère qu’on ne peut pas blairer, c’est bling bling) après avoir bénéficié d’une visite thématique de la galaxie offerte par Horus himself, Voss est assez logiquement soupçonné par Dorn et Qruze de jouer maintenant dans le camp adverse. Cependant, French déplace rapidement le débat du classique loyaliste/hérétique vers une nouvelle problématique, à savoir: la fin justifie toujours les moyens, ou bien la défense de ses valeurs peut-elle justifier qu’on renonce à ces dernières, même temporairement? Le souci de transparence et de propagande qui a mené l’Empereur à créer les Commémorateurs lui retombe à présent sur le coin du nez (qu’Il avait aquilin), car il va sans dire qu’autoriser celui que le texte présente comme étant le plus grand écrivain de son temps à raconter tout ce qu’Horus lui a fait voir durant son trip cosmique n’est pas vraiment une grande idée pour le moral des troupes. Écartelé entre l’idée qu’il se fait de l’Imperium et les décisions borderline qu’il va lui falloir prendre pour le préserver de l’anéantissement, Dorn va finir par trancher dans le vif (littéralement), perdant du même coup un peu plus de ses illusions vis à vis du monstre qu’il a contribué à créer.

Clairement une bonne petite nouvelle, qui si elle n’apporte pas grand chose en terme de fluff à la grande fresque que constitue les résilles d’Aude Russe, permet de reprendre contact avec quelques seconds rôles attachants de cette dernière, en plus de délivrer le questionnement moral qui constitue sa raison d’être de manière assez fine. On aurait étudié ça en philo au lycée, j’aurais sans doute été plus attentif.

*: vous admettrez avec moi que c’est vachement dur d’imiter la voix d’un mec que personne ne connaît.

**: le deuxième s’étant révélé être celui qui fait une très bonne descente de lit pour le premier avant le début de la nouvelle, on n’en entend malheureusement pas parler au cours de cette dernière, et croyez-bien que je le regrette.

***: Je ne vois pas bien l’intérêt de faire planer un faux suspens en ne révélant pas tout de suite que le primarque en question se trouve être Rogal « this yellow bastard » Dorn, étant donné que tout lecteur connaissant un tant soit peu son fluff sait très bien qu’il est le seul à monter la garde auprès de Pépé à ce stade de la crise d’adolescence d’Horus. En revanche, ne pas mentionner tout de suite Qruze aurait peut-être apporté un peu plus de piment à sa « réapparition ».

Phalanx – ch. 8 – B. Counter [40K] :

PhalanxRetour sur le Phalanx, où les choses commencent à chauffer sérieusement. Avec la grande majorité des Soul Drinkers en fuite dans le vaisseau, le temps de l’état de droit et des principes généreux semble soudainement passé de mode, même la patience de Vladimir « en trois exemplaires datés et signés » Pugh ayant ses limites. On remarquera juste que c’est la deuxième fois au cours d’un même numéro que les Imperial Fists doivent s’asseoir sur leurs grandes idéaux pour recourir à la bonne vieille approche frontale pour laquelle les Space Marines sont bien connus. L’univers n’était (toujours) pas prêt.

Pour autant, Counter, qui connaît son affaire, se contente de faire monter la sauce en choisissant de dépeindre les préparatifs des deux camps juste avant que la boucherie ne commence. Il n’y a guère que le pauvre capitaine N’Kalo (encore lui, ça doit être une affaire de karma) pour avoir un avant-goût du carnage innommable qui s’apprête à déferler dans le yellow submarine, puisqu’il arrive à gagner quelques points d’invalidité supplémentaire (rafale de bolts dans le torse, crâne enfoncé, oeil explosé… le dreadnought n’est plus très loin) des mains du chapelain Iktinos, qui le prend en otage pour faire bonne mesure, malgré le regard courroucé que lui adresse Sarpedon.

De leur côté, Pugh & friends s’organisent une petite offensive de derrière les fagots, insensible à l’ironie d’avoir à assiéger une bande de rebelles à l’intérieur même de leur vaisseau amiral. C’est Perturabo qui doit être content. Pas grand chose d’autre à dire sur ce chapitre, que Counter maîtrise bien, sans faire preuve d’une grande originalité. Les counteries font en revanche un retour en force, à tel point qu’on peut se demander s’il n’a pas écrit cette partie en mode pilote économique, tout à son empressement de passer aux choses sérieuses. Petit florilège (parce que ça fait longtemps et parce que je suis un être mesquin):

– le coup de bol monstrueux des Soul Drinkers on the run, qui s’enferment dans la première salle à peu près défendable qu’ils trouvent (une bibliothèque), et qui se révèle être… le lieu où les Imperial Fists ont stocké toutes les pièces à charge pour le procès, c’est à dire toutes les armures et les armes (chargées hein) confisquées aux Soul Drinkers lors de leur « arrestation ». La salle sur demande de Poudlard c’est de la petite bière à côté de ça*.

– le chef des pèlerins responsables de l’évasion des Soul Drinkers qui les attend tranquillement dans la même salle, et qui commence à taper la discute avec le capitaine Luko. Pour rappeler au lecteur que c’est toujours lui le patron, et que dans ses livres, le fluff avance plus vite qu’un orque bourré aux commandes d’un land speeder custom’, Ben trouve malin de mettre la phrase suivante dans la bouche du pelos: « All human history hinges on this point, captain! ». Enfoncée, l’Hérésie d’Horus!

– le capitaine Luko, sans doute ému par la déclaration du vioque sous LSD, qui choisit ce moment de calme avant la tempête pour déclarer qu’en fait, la violence et le sang, il déteste ça. Bon, une autre carrière brisée par une reconversion forcée. Il ne devait pas avoir des parents cool le Luko. N’empêche qu’il est vachement fort avec son matos le gars, puisqu’il arrive à enfiler son armure avec une seule main (l’autre étant ceinte d’une griffe éclair, je ne pense pas qu’il puisse vraiment s’en servir).

– Reinez, clochard transformiste, puisqu’après avoir été présenté comme appartenant au chapitre des Crimson Fists au début du roman, arbore maintenant l’héraldique des Howling Griffons. Ben, tu te relis des fois?

– N’Kalo, qui avant de perdre un oeil, avait quand même la vue bien basse pour un Space Marine. À la recherche d’une arme quand il entend Iktinos approcher, il regarde partout avant de s’emparer d’un kikoup’ ork (il était dans la galerie des trophées des Imperial Fists). Après le combat, Sarpedon se pointe et ramasse une épée énergétique qui traînait par terre parmi les cadavres.

– Gethsemar, alias the Mask, qui sort le grand jeu avant de monter à l’assaut en exhibant la pièce la plus rare de sa collection (et sans doute de l’Imperium), puisque, tenez-vous bien, il s’agit d’une pièce moulée sur le visage de Sanguinius mourant. Sans blague, il y avait un artisan-mouleur qui se baladait sur la barge d’Horus à ce moment là?

– Toujours le même Gethsemar, qui en plus d’être un esthète, est également un philosophe (il a tous les vices), et tue le temps avant l’assaut en livrant au pauvre Archiviste Varnica, qui n’en demandait sans doute pas temps, ses considérations sur ce qu’est un Space Marine mon bon monsieur.

– L’inquisiteur Kolgo, qui vient jeter un coup d’oeil aux préparatifs des Imperial Fists, engoncé dans une armure terminator. Counter précise qu’il a plus l’air d’un observateur que d’un guerrier même dans cette tenue, ce qui se comprend facilement étant donné qu’il doit légèrement flotter dans son costume.

– Et, last but not least, Sarpedon qui arrive tranquillement dans la salle dans laquelle ses sous-fifres se sont retranchés, les mains dans les poches et la fleur au fusil. Alors, deux possibilités: soit les Imperial Fists ne connaissent même pas toutes les entrées possibles de leur bibliothèque, ce qui paraît tout de même peu plausible, étant donné qu’ils squattent le Phalanx depuis plus de 10.000 ans, soit Counter n’a pas pensé à ce léger détail au moment de l’écriture de ce chapitre.

*: bah oui, il faut chercher ce qu’on veut trouver dans tout le bordel, alors que là, non, c’est tout bien rangé.

Flesh – C. Wraight [40K] :

FleshOn finit avec la petite pépite de ce numéro, plus par manque de concurrence que par une qualité intrinsèque absolument renversante. Chris Wraight, déjà papa d’un Feast of Horrors assez potable (Hammer & Bolter n° 5) et sur le point de devenir le Mr Empire de la BL (la série des Sword of , Iron Company, Luthor Huss, Dark Storm Gathering…), nous revient donc avec une nouvelle* de Space Marines. Mais attention, pas n’importe quel chapitre, mais bel et bien la confrérie loyaliste la plus bad ass de tout l’Imperium, j’ai nommé les Iron Hands.

Légion au background assez peu exploré par les auteurs de la BL, les fils de Ferrus Manus sont décrits dans les fragments de fluff leur étant consacrés comme des Marines réglant leurs problèmes avec une brutale efficacité, dont leurs alliés non génétiquement modifiés ont souvent à souffrir. Pendant que les Salamanders s’amusent à construire des hôpitaux pour les victimes des conflits dans lesquels ils sont engagés et voient d’un mauvais œil qu’on bombarde les camps de réfugiés, les Iron Hands seraient plutôt du genre à raser la cité-ruche qu’ils viennent juste de sauver, rien que pour punir les défenseurs de leur inefficacité. Une bande de joyeux drilles donc.

Envoyée à la rescousse d’une ruche aux niveaux inférieurs envahis par ce qui semble être des zombies de la peste, la (demi) escouade du sergent Morvox réussit évidemment là où ses couillons de PDF ont échoué, et reprend niveau après niveau de la spire sans même transpirer (ou, dans ce cas particulier, surchauffer**). En parallèle, Wraight cherche à faire du Abnett, en insérant régulièrement des passages « flashback » racontant la lente ascension de Morvox depuis le stade peu enviable d’aspirant*** jusqu’à celui d’ « Iron Father » cherchant à rembourser sa dette auprès de l’Adeptus Mechanicus (parce que oui, venir étudier sur Mars coûte bonbon). On comprendra dans le grand final de la nouvelle pourquoi ces deux histoires sont liées, au grand désespoir des défenseurs humains de la cité-ruche attaquée. Ce n’est pas encore cette fois que les Iron Hands amélioreront leur image auprès du public, mais étant donné qu’ils s’en tamponnent les augmétiques, on en vient presque à les apprécier pour leur approche résolument directe. Si vous aussi, vous en avez marre des Space Marines bienveillants et attentionnés (ou qui essayent de l’être), c’est la nouvelle qu’il vous faut.

Wraight trousse là une bonne petite nouvelle jonglant efficacement entre passages musclés (marounes oblige) et exploration de la psyché des Iron Hands. À travers les trajectoires de Morvox et Ralegh (un des Space Marines de l’escouade, le plus « humain » du lot), on commence à comprendre comment la perception des fils de Ferrus Manus envers leur propre corps se modifie progressivement, depuis l’incompréhension initiale des traditions du chapitre (pourquoi charcuter un corps rendu parfait par la modification génétique?) jusqu’à la vision purement esthétique de la chose. Si les Space Marines sont souvent décrits comme ayant sacrifié leur humanité pour mieux défendre cette dernière, alors les Iron Hands sont les parangons des Anges de la Mort, et un rappel constant du prix à payer pour que l’Imperium soit préservé. Wraight réussit donc à nous rendre un brin empathique envers ces hommes-machines, un petit tour de force compte tenu du lourd passif du chapitre. On verra s’il parviendra à faire aussi bien dans son roman Iron Wrath (qui sort en juillet).

*: Nouvelle disponible individuellement à l’achat, pour le prix de 3 euros. Quand je vous disais que ce numéro était rentable!

**: mais le plus impressionnant reste le pouvoir « munitions illimitées » que les Iron Hands semblent posséder. Si Wraight n’oublie pas de préciser qu’ils s’arrêtent pour recharger de temps en temps, l’escouade de Morvox purge tout de même une centaine de niveaux d’un seul élan, sans avoir besoin d’être ravitaillés en munitions une seule fois.

***: où on comprend mieux pourquoi les Iron Hands ont si mauvais caractère… Tu reviens à moitié mort d’un trek dans les landes bucoliques de Medusa, juste pour t’entendre dire que tu n’es qu’une grosse merde et te faire à moitié couper le bras par ton sergent instructeur… Fun!

Au final, un numéro d’assez bonne tenue, sans nouvelle véritablement mauvaise. Tout n’est pas enthousiasmant non plus, mais étant donné le rapport qualité-prix extraordinaire de l’ensemble, on ne fera pas trop la fine bouche.