INFERNO! PRESENTS THE INQUISITION [40K]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue d’une anthologie infernale un peu spéciale, à commencer par son titre: Inferno! presents the Inquisition. Pour ceux qui ne sont pas familiers de l’institution BLesque qu’est Inferno!, un petit crash course s’impose: initialement lancé à la fin des années 90 comme un bimensuel consacré à la publication de nouvelles, comics et autres joyeusetés 100% fluff et 0% jeu, Inferno! a connu une longue traversée du désert Warp avant d’être ressuscité de ses cendres par Nottingham à la fin des années 2010, près de 15 ans après la fin de la publication de sa première incarnation. Désormais plus proche du recueil de nouvelles que du magazine, cette nouvelle mouture a (au moment de l’écriture) six numéros au compteur, et une ligne éditoriale finalement assez proche de son illustre et illustré ancêtre, à savoir permettre à de nouveaux contributeurs de faire leurs premières armes avant que les meilleurs ou plus chanceux d’entre eux soient affectés à d’autres travaux.

Inferno! presents the Inquisition

Inferno! mise donc sur la diversité plus que sur la spécialisation, ce qui fait de ce numéro spécial, uniquement consacré à une franchise et une faction, une curiosité. Ou annonce un changement radical de stratégie de publication de la part de la Black Library (ce qui ne serait pas plus surprenant que ça). On peut également noter, pour terminer ce briefing pré-chronique, que la moitié des 11 nouvelles regroupées ici ont connu une première sortie: cinq pendant l’Inquisition Week de 2021, et celle de Dan Abnett (la star du sommaire, qui a lui-même commencé sa glorieuse carrière pour la BL avec des piges infernales au millénaire précédent) dans l’édition limitée de ‘Penitent’. Restent donc cinq purs inédits, signés par des plumes (re)connues comme Robert Rath et Denny Flowers, mais également par d’honnêtes bizuths (Rich McCormick, Rob Young, Tom Toner). Voilà de l’Inferno! comme on – ou en tout cas, je – l’aime! Ce motley crew d’auteurs chevronnés et débutants sera-t-il à la hauteur de la délicate mission d’écrire au sujet de l’Inquisition, l’un des piliers du lore de Warhammer 40.000 ? Eh bien, c’est le moment de s’en assurer.

Inferno!_The Inquisition.

Mindshackle – R. Rath :

INTRIGUE :

Littéralement revenue d’entre les morts après un congé sabbatique (un comble pour une puritaine de l’Ordo Hereticus) de près de deux siècles, l’Inquisitrice Katarinya Greyfax a été rattrapée par ses casseroles, et sommée de comparaître devant un tribunal inquisitorial pour lever les zones d’ombre entourant une de ses collègues, Helynna Valeria. Cette dernière a également disparu à la même époque que Katie, mais n’est jamais réapparue, elle. La rivalité qu’entretenaient les deux femmes fait de Greyfax une suspecte toute trouvée, d’autant plus que la cour a en sa possession une confession en bonne et due forme de cette dernière, dans laquelle elle revendique avoir exécuté Valoche. Ambiance. Greyfax, qui en a vu d’autres, se contente d’indiquer qu’elle a agi comme elle le devait, Valeria ayant succombé à une xenophilie patentée sur ses vieux jours. Il en faut toutefois plus pour convaincre l’auguste assemblée, bien au fait de la psychorigidité absolue de la prévenue, et de sa sale manie d’excommunier ses petits copains pour un oui ou pour un non. Qu’à cela ne tienne, Greyfax narre donc par le menu les circonstances ayant mené à la double disparition, il y a de cela bien longtemps.

L’histoire commence par un raid contre le vaisseau de Valeria, orchestré par sa rivale. Après avoir procédé à son arrestation, Greyfax a une discussion avec sa prisonnière, durant laquelle elle lui reproche une coupable correspondance avec un Xenos, crime passible d’incinération terminale à ses yeux. Pour preuve, elle a en sa possession le message très amical reçu par Valeria, remerciant l’Inquisitrice du cadeau qu’elle aurait fait à son hôte à l’occasion d’une visite récente. L’hôte en question n’étant rien de moins que cette canaille de Trazyn l’Infini, et le cadeau cinq régiments de Gardes de Catachan, on comprend que la puritaine Greyfax en ait gros. Valeria parvient pourtant à sauvegarder sa vie en exposant sa version des faits : ce que Trazyn, et son esprit dérangé, a pris pour une visite de courtoisie, était en fait une tentative d’assassinat. L’Inquisitrice de l’Ordo Xenos cherchait à récupérer des technologies capables de repousser une flotte ruche tyranide sur la planète musée du Traz, ce qu’elle réussit à faire au prix du sacrifice de tous ses Rambos de compagnie. En guise de cadeau de départ, le galant Necron (qui ne lui a pas tenu rigueur des onze destructions de son enveloppe corporelle subies lors de sa visite, quel gentlandroid) lui a laissé le message récupéré par Greyfax, ainsi qu’un pendentif de noctilithe – super goody, faut lui reconnaitre. Intriguée en même temps que révulsée (Katie est une Psyker) par les propriétés anti-psy de la babiole, notre héroïne décide de laisser à sa prisonnière le bénéfice du doute, et d’aller explorer Vladus Secondary où une réserve de pierre noire est supposée être stockée.

Bien entendu, tout ne se passe pas comme prévu, et Greyfax et son escorte (dont Valeria) tombent rapidement dans une embuscade orchestrée par ce diaaaable de Ngol Trazyn. Le Necron nerd (Nerdon ?) a en effet laissé partir l’Inquisitrice contre la promesse qu’elle lui ramène de nouvelles pièces (les Scions Tempestus qui servent Greyfax) ainsi qu’une remplaçante (Katie) pour occuper le diorama inquisitorial qu’il se réjouit d’avance d’installer sur Solemnace. Enragée par cette trahison, qu’elle aurait pourtant dû voir venir à des années lumières, Greyfax se venge de la perfide Valoche en lui envoyant un bolt bien senti dans le buffet, faute de pouvoir cibler Trazyn, protégé par les scarabées psychophages qu’il a glissé dans l’amulette laissée à Valeria, et que Katie a fait l’erreur de manipuler un peu trop tactilement. La maîtrise de la stase du Necron lui permet certes de geler la scène avant que les viscères ne commencent à voler, mais il est trop tard pour Valeria, qui ne pourra pas être réveillée sans mourir dans la milliseconde suivante. Trazyn est tristesse (il aimait bien Valoche, finalement), mais ce sont les risques du métier de collectionneur. L’histoire se termine avec la mise en vitrine de Greyfax et de son escorte, qui patienteront quelques siècles avant de revoir un champ de bataille…

AVIS :

Robert Rath creuse l’historique de l’une des nouvelles figures du background de 40K, tout en offrant un caméo à « son » personnage de Trazyn l’Infini, pour un résultat tout à fait honorable, même si assez convenu. Le fait que Greyfax n’ait rien accompli de particulièrement notable avant la chute de Cadia rend le récit de sa disparition assez dispensable, d’autant plus qu’elle n’a pas, contrairement à son antagoniste Necron, une personnalité particulièrement intéressante (moi voit, moi brûle). Connaissant l’amour de Rath pour les Easter eggs, il convient de garder cette petite nouvelle en tête pour la suite des événements, car il se pourrait que l’auteur y ait planté quelques indices qui éclaireront de futures révélations…

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The Book of Change – D. Ware :

INTRIGUE :

The Book of ChangeL’Inquisitrice de l’Ordo Malleus Marissa Khorvayne se rend sur le monde abandonné de Kuron VI, après avoir capté un cryptique message de demande d’assistance expédié par la petite force de Gardes Impériaux envoyés faire une ronde sur la planète. Comme la voix qui lui susurre des flatteries dans la tête depuis sa plus tendre enfance (ce qui n’est pas du tout suspect, non non) lui répète avec insistance, c’est là qu’elle trouvera la relique qu’elle cherche depuis maintenant deux ans à travers la galaxie. Ayant une confiance aveugle dans son GPS intégré, Khorvayne descend donc à la surface de Kuron VI avec sa suite complète, c’est-à-dire quatre pelos, dont deux intérimaires. Recession hit the Inquisition hard. Nous avons donc la Sergent Kezia Gale, une experte dans la lutte contre les Tyranides n’ayant malheureusement pas pu se payer des lunettes de vue avec sa solde de misère (on lui avait pourtant dit d’aller voir l’Ordo Xenos à l’accueil), l’Adepte du Mechanicum à la peau de bébé Din-14, la Callidus stagiaire (inefficace et sous-équipée) Syn, et le gros plein de soupe Aris Manistallis Mundas. Lui a été recruté parce qu’il a lu un vieux texte chaotique une fois, dont Khorvayne a apparemment besoin pour accéder au mythique ‘Livre du Changement’, qu’elle convoite avidement.

Contrairement à ce que la dernière communication envoyée par les pauvres bidasses de la 15ème Compagnie de Black Knot laissait à penser, la marche d’approche se passe assez paisiblement pour les envoyés de l’Empereur, seul le fragile Din-14 sombrant dans la folie à la vision de coins (et peut-être de coings) non Euclidiens1. Après avoir fait 999 fois le tour de la cage d’escaliers menant jusqu’à la salle des archives (ces démons sont procéduriers alors) Khorvayne et ses trois derniers sidekicks finissent par descendre dans le fond des choses, et arrivent en ordre dispersé dans une bibliothèque d’un genre très particulier. Là, à la grande surprise de personne sauf de l’Inquisitrice, la Voix Dans Sa Tête se révèle être celle d’un troll du Chaos, qui s’est beaucoup amusé au cours des dernières décennies à la guider jusqu’à cet instant précis. S’en suit un mini affrontement avec le cadavre possédé de Mundas pour la possession du fameux ‘Livre du Changement’, pendant lequel la Sergent Gale donne héroïquement sa vie pour sa maîtresse, pendant que cette tire au flanc de Syn se contente de tenir les murs à l’arrière plan2. Il y a des baffes de phase qui se perdent.

La suite, ou plutôt la fin, de la nouvelle voit Khorvayne prendre sa revanche sur son ultime troufion en lui ordonnant de porter le précieux grimoire pour elle jusqu’au vaisseau qu’elle a réquisitionné. Mesquin mais approprié. Au passage et pour finir, il semble bien que notre crédule héroïne se rabiboche aussi sec avec sa Voix Intérieure, malgré la preuve irréfutable que cette dernière boxe dans l’autre camp. Concluons avec François 1er et Schopenhauer : « souvent femme varie… ».

1 : Un classique de la « Chaos touch » que les auteurs de la BL repompent sur Abnett depuis vingt ans. Innovez-un peu que diable.
2 : Au motif que, je cite, « on ne m’a pas briefé à ce sujet ». Décidemment, la conscience professionnelle des (41st) millenials est déplorable.

AVIS :

Je dois avouer que j’attendais cette nouvelle soumission 40K de Danie Ware avec une impatience pas vraiment charitable, tant ses précédents travaux m’avaient laissé un souvenir mémorable. Ici, pas de Sœur de Bataille gavée de cheat codes, ce qui constitue donc une amélioration notable, qu’il me faut saluer et reconnaître. Cependant, ‘The Book of Change’ reste un drôle d’objet littéraire, et une nouvelle de 40K perfectible sur bien des points. Ma première et principale interrogation porte évidemment sur la duplicité manifeste de la « conscience » de l’héroïne, qui trahit sa nature maléfique à sa première réplique (c’est du niveau de la Voix dans ‘Warped Stars’ d’Ian Watson… qui était une parodie assumée). Je m’attendais certes à ce que Khorvayne découvre l’horrible vérité au cours du récit, mais pas du tout à ce qu’elle n’en tire pas les conséquences logiques, comme cela semble être le cas ici. De trois choses l’une : soit elle a la mémoire d’un poisson rouge, soit elle a un plan qui devra être révélé dans une prochaine publication, soit son confident est contre tout attente autre chose qu’un démon du Chaos amateur de pranks, ce qui devra être également justifié postérieurement par Ware. Ou, quatrième option, l’auteur n’a pas décelé l’énorme incohérence de son texte. Je n’en dirai pas plus mais n’en pense pas moins.

Si on rentre davantage dans les détails de l’intrigue, d’autres éléments scénaristiques interrogent, comme la disparition totale et inexpliquée des Gardes Impériaux de l’introduction (qui les a tués et pourquoi l’Inquisitrice n’a rencontré aucun problème de son côté ?), la clémence mystérieuse et répétée de Khorvayne envers Din-14, qui se fait posséder/corrompre trois fois de suite avant qu’elle autorise Syn à l’achever, le rôle de Mundas dans la quête (il a lu un bouquin pas frais, et alors ?), ou encore le personnage de Syn, pour l’ensemble de son œuvre et de son être. Quel intérêt d’intégrer une Callidus à un récit s’il n’y a personne à assassiner, ni aucune identité à usurper ? Lorsque la Sergent Gale disparaît brièvement pendant la descente des marches, et que sa boss constate qu’elle a les cheveux un peu plus longs qu’elle s’en souvenait au début de l’expédition, j’ai cru que c’était un indice laissé par Ware pour indiquer que Syn avait pris la place de l’ex-Garde. Mais. En. Fait. Non. À moins d’avoir raté détail crucial quelque part, ce personnage aurait très bien pu être une silhouette en carton grandeur nature de Dolly Parton sans que l’histoire en soit changée d’un iota. Bref, ce qu’on a perdu en WTF, on le regagne en Y THO ; chacun est libre de juger le résultat, mais je ne suis pas convaincu que le lecteur soit mieux traité.

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The Tear of Selevia – M. Brooks :

INTRIGUE :

The Tear of SeleviaOù l’on suit la courte mais riche-en-caméo-de-personnages-secondaires-qui-font-un-cameo-et-ne-reviennent-(presque)-plus-jamais, quête pour la légendaire Larme de Selevia des survivants de l’entourage de l’Inquisitrice Ngiri (co-star de ‘Rites of Passage’ avec Chetta Brobantis), après les événements de Vorlese. La Larme en question est la pierre esprit d’un Prophète Eldar ayant eu la mauvaise idée et la fautive intuition de défendre Selevia contre les vues impérialistes de l’Imperium (what did you expect ?), et qui a été montée sur un pendentif porté par la première Gouverneure de la planète après que les Xenos aient été pacifiés. Réputée maudite, perdue au cours des décennies suivantes, et présumée volée par un collectionneur peu regardant sur l’origine de ses memorabilia, la Larme est finalement retrouvée par l’Interrogatrice Alyssia Nero, secondée du grand brûlé Aberfell Duscaris et du mauvais joueur1 Avos Kantid, chez un notable local aux fréquentations louches. Et alors, me demanderez vous ?

Et alors, Nero a fait tout ça pour pouvoir proposer une monnaie d’échange aux Eldars qui zonent encore à proximité de Selevia, en mauvais perdants qu’ils sont. Eux seuls peuvent en effet la renseigner, et à travers elle, l’Inquisitrice Ngiri (qu’elle sert toujours mais dont elle aimerait bien s’émanciper en gagnant sa propre rosette) sur ce qu’est le Pilier des Rêves, une autre relique aeldari convoitée par les Saints Ordos. Bien que Ngiri, qui a tourné à l’aigreur et au puritanisme sur ses vieux jours, ne soit pas favorable aux tractations xenophiles, Nero prend sur elle d’inviter Legolas et Dobby sur son vaisseau de fonction pour leur remettre le diams qu’ils convoitent, en retour d’une description de cet énigmatique pilier. Seul l’avenir nous dira ce qu’elle fera de cette information…

1 : Le point d’orgue de sa participation à l’intrigue consiste à se faire dépouiller au poker en début de nouvelle. À part ça, c’est le néant.

AVIS :

Mike Brooks n’en a pas fini avec Ngiri et sa troupe, et le fait savoir avec cette nouvelle qui semble ouvrir la voie à un nouvel arc narratif, après les péripéties chaotiques de Vorlese. Bien que difficile à résumer de façon détaillée en raison de sa construction chorale et éclatée, ‘The Tear of Selevia’ est plaisant à lire, et reprend avec succès l’ambiance et les ficelles des récits inquisitoriaux de Dan Abnett : c’est une plongée directe et sans fard dans la société impériale telle qu’elle existe à peu près fonctionnellement, loin des scènes de guerre apocalyptiques et du grimdark saturé qui constituent la base de la littérature 40K. Si on n’y retrouve pas la touche humoristique et décalée que Brooks aime intégrer dans ses oeuvres1, le classicisme de ‘The Tear of Selevia’ n’est en rien rédhibitoire. On mesure le chemin parcouru depuis ‘The Path Unclear’ (qui a vu les débuts de Ngiri et Cie), et on espère avoir des nouvelles de l’espiègle Nero et de ses acolytes dans un futur pas trop lointain.

1 : Ni la présence de personnage gender neutral, ce qui est une petite révolution.

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Tainted Faith – D. Flowers :

INTRIGUE :

L’Inquisiteur radical(ement cool1) Ortis Atenbach a emmené son équipe de choc mener un audit non-annoncé sur un planétoïde minier afin de contrôler la santé et sécurité des travailleurs locaux. Il a en effet de bonnes raisons de penser que les malheureux mineurs de fond ont été infectés à leurs anticorps défendant par un Culte Genestealers en provenance de la planète de Vejovium III, tristement connue de l’Inquisition et des amateurs de Codex comme étant le QG de la secte de l’Hélice Retorse (j’ai pas la VF sous la main, désolé). Ses suspicions sont hélas tout ce qu’il y a de plus fondées, comme le traqueur Kroot qu’il emploie comme cochon truffier et piaf de combat le confirme rapidement en humant les humains que lui et son comparse, le Ranger Eldar Uli, capturent lors d’un repérage des lieux : il est trop tard pour faire autre chose que purifier la base et espérer récupérer un échantillon valable à fins d’étude.

Ce constat plus implacable qu’un Antoine Dupont recouvert de vaseline est cependant partiellement faux. Il y a bien UN mineur qui n’a pas succombé aux charmes insidieux de la Grande Dévoreuse (d’hommes) : le contremaître Karloss. L’histoire ne dit pas s’il est tout nu et tout bronzé, mais en tout cas, il a vraiment chaud. Il se garde bien de s’en plaindre, cependant, car il est convaincu que cela pourrait lui attirer les pires ennuis, la fièvre étant l’un des premiers symptômes des spores sanguines, l’infection d’origine fongique que les experts du Medicae de Vejovium III, sous les ordres de la médecin-chef Ungunt, sont venus traiter, à sa demande expresse. Karloss est un être complexe : malgré son désir de voir l’épidémie enrayée, il n’a lui-même pas voulu prendre le traitement, certain qu’il est que l’Empereur doit décider qui vivra et qui mourra. Cette réaction paradoxale lui a cependant éviter d’être contaminé par le traitement de cheval génovore concocté avec amour par les toubibs venus d’ailleurs, ce qui lui sauve la vie lorsque les forces inquisitoriales passent à l’assaut et abattent les mineurs sans trop poser de questions. La chance de Karloss sera d’être attrapé par Korgo le Kroot, qui le sentira littéralement bien. Comme quoi, le corps à corps peut être avantageux, même avec un profil de sous-Garde Impérial.

Amené manu militari auprès d’Atenbach pour interrogatoire, Karloss parvient à convaincre l’excentrique Inquisiteur de lui laisser le bénéfice du doute, et accepte même d’aider ce dernier à purger les lieux en lui indiquant comment sur-pressuriser le système de chauffage de la base, ce qui libère des gaz hautement volatiles et prestement enflammés par les assaillants, pour une ordalie par le feu vite faite bien faite. Ce n’est toutefois pas assez pour le cauteleux Atenbach, qui décide d’aller jeter un œil sur un niveau situé très en profondeur et ayant consommé beaucoup trop d’énergie ces derniers jours pour n’être que le simple dépotoir que les plans indiquent.

Et en effet, au lieu de rangées interminables de bacs de tri, la strike force inquisitoriale trouve un laboratoire souterrain dans lequel les Magi de l’Hélice Retorse ont tenté, sans grand succès apparent, de créer des Aberrants. Ungunt et ses acolytes ne sont toutefois pas sans ressources : celle qui était finalement plus Biophagus que biologiste appuie sur un bouton et vide les cuves amniotiques sur la tête des intrus, tour pendable qui ruine le swag d’Atenbach, mais réveille surtout les abeilles rances, finalement plus vivaces qu’il ne semblait. Dans la confusion qui s’en suit, l’Inquisiteur somme Karloss, qui avait accompagné ses nouveaux copains, d’aller chercher Uli, ou à défaut, ses munitions à cristal empoisonné, qui permettraient à l’Imperium de remporter haut la main cette escarmouche. Parti en éclaireur avant son employeur, le Ranger n’a en effet plus donné signe de vie depuis plusieurs minutes, et Atenbach soupçonne qu’il lui soit arrivé malheur.

Profitant de la mêlée chaotique, Karloss parvient à localiser l’Eldar groggy et à le réveiller, mais il perd ce faisant son round de corps à corps contre le familier Alchemicus d’Ungunt, et se retrouve avec une aiguille pleine de thérapie génique plantée dans le bras. Les effets secondaires étant aussi rapides que débilitants, notre brave bidasse envoie des big bisous à ses camarades de lutte et tombe dans les vapes. Fort heureusement, les agents des saints Ordos sont capables de tuer le match, et leurs adversaires par la même occasion, sans son aide. Uli solote l’Hypermorph sans coup férir, et Atenbach sort à Ungunt sa botte secrète lorsqu’elle vient se plaindre des dégâts causés : la canne qui contenait une épée énergétique. Le niveau est finalement complété à 100%, mais c’est un peu triste de ne pas réussi à obtenir un échantillon qui servait d’objectif bonus, tout de même…

Début spoiler…Mais heureusement, Pépé pense à tout et récompense ses fidèles. Lorsque Karloss se réveille, il découvre avec effroi qu’il est attaché à une table d’opération comme un vulgaire cobaye, ce que la piqûre indésirée qu’il a subi en faisant son devoir l’a fait devenir aux yeux d’Atenbach. Science sans confiance n’exclut pas le contrôle, comme on dit. Au moins, il n’aura plus à travailler de sa vie…Fin spoiler

1 : Il porte un haut de forme à plume. Une preuve de goût.

AVIS :

Denny Flowers renforce l’infini bataillon des Inquisiteurs mis en scène par la Black Library avec une création de son cru, et bien que le brave Ortis Atenbach ne soit pas un coup de cœur direct et indéniable pour votre serviteur, je dois reconnaître que l’auteur a fait le job de manière correcte ici. Si c’est le premier Inquisiteur radical que vous croisez, amis lecteurs, il se pourrait même que vous trouviez l’expérience intéressante et rafraîchissante. Pour les vétérans béhélistes, en revanche, c’est une autre paire de manches. Il faudra que Flowers se donne un peu plus de mal pour faire sortir son héros et ses acolytes du lot, quand ou s’il y a une prochaine fois.

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Knife Flight – R. McCormick :

INTRIGUE :

Nokori Palan, pilote de Thunderbolt de l’Aeronautica Imperialis, est morte. Encore. Notre drama queen d’héroïne a en effet pour habitude de se penser décédée dès qu’elle tombe dans les pommes, ce qui lui arrive relativement souvent. Bien sûr, le fait que ces évanouissements soient généralement précédés par une voix étrange qui résonne (et raisonne) dans sa tête, et lui aient permis à plusieurs reprises d’éviter un accident fatal, est assez troublant. Mais je reste convaincu qu’elle réagit un peu trop fortement à ce qui est, somme toute, une manifestation de pouvoirs psychiques latents tout à fait ordinaire pour un sujet impérial ayant la chance de vivre à l’époque du Cicatrix Maledictum.

Lorsque Nokori se réveille, elle découvre qu’elle a été recueillie par un trio assez haut en couleurs, après que son avion de chasse ait été boulotté par la volée de Heldrakes qui défendent le QG de Konnaster Annath, ancien héros de la planète Hedoro ayant succombé au Chaos et plongé son monde (et celui de Nokori) dans l’anarchie et le désespoir. Nono faisait partie d’une expédition de Thunderbolts envoyés attaquer l’Aire (le petit nom du repaire d’Annath), en haut de la plus haute spire d’Hedoro, avec des résultats… médiocres. Elle va toutefois avoir une deuxième chance que ses compagnons de vol n’auront pas, puisque ses sauveurs sont l’Inquisitrice Kenesta Graz et ses deux followers, la Techno-Prêtre Irei et l’influenceur Quel Liutgard1. Graz souhaite également assassiner Annath, mais comme elle joue en mode legendary, elle ne peut compter pour cela que sur sa petite équipe, que Nokori va venir compléter en sa qualité de pilote confirmée, et malgré le fait que son statut de Psyker en puissance lui vaille des gros froncements de sourcils de la part de l’Inquisitrice.

Notre quatuor de choc part donc en mission avec les Lightnings retapés par Irei et les Serviteurs que cette dernière a réussi à construire à partir des pilotes s’étant écrasés au pied de la spire lors de précédentes attaques. Se pose de nouveau rapidement la question de comment gérer une dizaine de Heldrakes en furie, mais l’épais blindage de scenarium dont semblent faits les Lightnings customisés par Irei permet d’évacuer élégamment ce problème trivial. On notera au passage que tout les membres du Knife Flight (nom de code stylé que Nono donne à sa fine équipe) sont des pilotes d’élite, capables de sortir vainqueurs de combats aériens très en leur défaveur sans la moindre difficulté. Oh que c’est pratique alors.

Ayant réussi à infiltrer l’Aire, nos couteaux volants se séparent pour mener à bien le boss fight. Pendant qu’Irei et Liutgard font du mob control avec les Heldrakes qui nichent dans la salle du trône d’Annath, Nokori et Graz se chargent de ce dernier, qui s’est transformé en Prince Démon (le modèle 2010 en plastique) aux yeux violets – c’est apparemment important pour l’auteur, qui le répète à tout bout de champ, donc je le souligne aussi. Nokori se crashe à nouveau, sans trop de gravité heureusement, mais se retrouve en mauvaise posture face à son adversaire démoniaque. Ce dernier fait toutefois l’erreur de lui proposer de faire équipe avec lui (on apprend que c’était sa voix que Nono entendait dans sa tête), sans doute attiré par son énaurme potentiel potentielesque, mais se mange un râteau des familles en réponse, et finit tel Gollum au Mont du Destin après une dernière séquence de combat, avec Nokori qui lui maintient psychiquement la tête sous la lave pour faire bonne mesure. Tout est bien qui finit bien – personne n’est mort du côté des gentils et ils trouvent le moyen de s’échapper en claquant des doigts – et Nokori peut désormais contempler la prometteuse carrière d’agent de l’Inquisition qui s’offre à elle. Elle est pas belle la vie ?

1 : Visez un peu le zigoto. À côté de lui, même Carl Thonius paraît terne et renfermé.

AVIS :

En voulant plonger son lecteur dans une nouvelle sortant de l’ordinaire (ce qui est tout à son honneur), Rich McCormick a confondu exotisme avec manque d’exposition, et le résultat est malheureusement peu qualitatif. ‘Knife Flight’ aurait en effet pu être une soumission remarquable, dans tous les sens du terme, si l’auteur avait pris le temps de contextualiser un peu plus les tenants et les aboutissants de l’intrigue, au lieu de chercher à maximiser les scènes d’action au dépend de tout le reste. Pourquoi une Inquisitrice a été envoyée (presque) seule mater la rébellion d’une planète entière ? Comment s’est-elle retrouvée à zoner au pied d’une spire corrompue par le Chaos, à réparer des aéronefs littéralement éclatés au sol dans l’espoir de mener à bien sa mission ? Comment expliquer que sur quatre personnages, celui qui pilote le moins bien est la seule pilote professionnelle du lot ? Comment nos héros parviennent-ils à s’échapper de l’Aire à la fin du récit, alors que l’ennemi n’a perdu « que » son chef, mais dispose encore de toutes ses forces et machines de guerre ? Autant de questions qui auraient mérité d’être, si ce n’est éclaircies, au moins considérées par McCormick dans son écriture, pour éviter que la sacrosainte suspension d’incrédulité de son lectorat ne s’écrase aussi lamentablement que tous les coucous pilotés par Nokori Palan. Espérons que notre homme (et les éditeurs de la Black Library) fasse preuve de plus de discipline lors de ses prochains travaux, il en va de sa crédibilité d’auteur.

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Recongregator – D. Annandale :

INTRIGUE :

RecongregatorOn peut être un Seigneur Inquisiteur avec une tête à faire passer Freddie de ‘Vendredi 13’ pour un jeune premier et un cœur aussi gelé qu’un glacon de Fenris, et nourrir une passion dévorante pour ses idoles. Prenez Otto Dagover par exemple : son rêve absolu dans la vie est de rencontrer Ephrael Stern, la Daemonifuge, qu’il suit à la trace à travers l’Imperium Nihilus. Il s’imagine même qu’il lui parle dans son journal intime, et c’est l’une des entrées de ce dernier qui nous sert de base aujourd’hui.

Dagover venait d’arriver dans le système de Sacramentum et se dirigeait vers la planète centrale de ce dernier, tout juste libérée/pacifiée/soulagée (on ne sait pas trop) par l’intervention salutaire et expresse de la Sainte Hérétique, quand un appel à l’aide émis depuis la station de minage Anaphora le força à se détourner. Car pour être dévôt Recongrégateur, Dagover n’en est pas moins homme membre de l’Ordos Xenos, et il ne peut faire la sourde oreille à une demande d’assistance de survivants d’un raid de Drukharis, comme les Anophorètes semblent le penser. Ce crochet par la périphérie de Sacramentum l’amène donc sur le parking de la station, où il pénètre seul, étant le seul personnel combattant en état de son équipage1. Après un rapide briefing de la part de la commandante Hera Misharin, l’Inquisiteur demande à examiner les lieux précis de l’attaque des Xenos, qui ne fait guère de sens pour un expert comme lui. Pourquoi donc des Drukharis auraient consacré un peu de leur précieux temps pour attaquer une structure aussi minable que l’Anaphora, et qui plus est pour ne massacrer « qu’une » dizaine de membres d’équipage, avant de repartir comme ils étaient venus ? L’inspection de la salle des machines où s’est produit le drame conforte Dagover dans ses soupçons : cela ressemble à du sadisme Aeldari (le carpaccio humain est finement et artistiquement découpé, pour sûr), mais seulement de façon superficielle. Avant qu’il n’ait eu le temps progresser plus amont dans son enquête, une bombe explose dans la salle qu’il inspectait, menaçant d’envoyer notre héros dans l’espace. Il parvient toutefois à se tirer de ce mauvais pas grâce à la robustesse de son armure énergétique et l’usage d’une grenade krak pour ouvrir de force le sas qui avait été verrouillé après son entrée par quelqu’un qui ne lui voulait certainement pas du bien.

La disparition subite de Hera Misharin et du reste de son comité d’accueil, ainsi que l’impossibilité de joindre l’équipage de son vaisseau, ne font que renforcer les soupçons de l’Inquisiteur d’être tombé dans un piège. Traitant la situation avec logique, il se dirige vers la salle de commandement de l’Anaphora, pour essayer de recueillir des informations complémentaires sur sa situation… et se fait encercler par une vingtaine d’hommes d’armes, à la solde d’un collègue à petite tête et esprit étroit : le Monodominant Task. 

Task, qui hait Dagover depuis avant l’ouverture de la Cicatrix Maledictum, est également sur la trace d’Ephrael Stern, mais pas pour lui arracher un autographe ou des sous-vêtements, comme Otto l’Otaku. Le Puritain du Malleus voit en effet la Daemonifuge comme une menace pour l’Imperium, et cherche à la tuer pour une troisième et ultime fois. Task avait prévu de joindre l’utile à l’agréable en réglant son compte à un collègue honni au passage, mais l’incapacité crasse de ses artificiers a permis à Dagover de survivre à l’explosion d’il y a quelques pages, ce qui forcé le zélé zélote à passer au plan B : le peloton d’exécution précédé par cinq minutes de parlotte. Grave erreur, comme vous vous en doutez, car cela laisse le temps à Dagover d’approcher leeeeeenteeeeeemeeeeeent sa main de sa bandoulière, et de se saisir d’une autre grenade krak, qu’il laisse tomber à ses pieds d’une pichenette dramatique.

L’explosion entamant fortement le plancher de la station mais très peu l’armure du héros, ce dernier profite de la confusion pour s’éclipser en douce, et de son état de proto-zombie pour filer à la Guilliman, c’est-à-dire rejoindre son vaisseau en sortant dans l’espace, sans propulsion annexe ni casque. Pendant que sa Némésis lui envoie des SMS injurieux en essayant vainement de le retrouver, Dagover récupère un mouchard drukhari dans sa boîte à gants, va le coller sur la carlingue du vaisseau de son insupportable collègue, et repart en sifflotant (façon de parler, il a des crochets dans les lèvres pour déclencher ses sourires rictus) pendant que la cabalerie rapplique. Ainsi se termine notre histoire, qui se prolongera sans doute sur une fan fiction torride entre la plantureuse Stern et le plantigrade Dagover. I would read the shit out of it.

1 : Il est loin le temps où il pouvait compter sur une escouade de la Deathwatch (‘The Vorago Fastness’).

AVIS :

Il ne faut pas être membre d’un quelconque conseil des Prescients pour réaliser que ce ‘Recongregator’ s’inscrit dans la lignée du roman récemment écrit par Annandale sur le personnage mythique d’Ephrael Stern (‘The Heretic Saint’). La lecture de ce livre permet sans doute de mieux comprendre la relation entretenue par Effie avec son fanboy dévoué et creepy, Otto Dagover, que j’avais laissé en arrière-plan lointain de ‘The Death of Antagonis’, qui traitait de la rédemption compliquée des Black Dragons. L’Annadaliverse a une profondeur certaine après toute ces années de contributions, et il faudrait un expert de la production BLesque de l’auteur pour y voir tout à fait clair. En l’absence de volontaires (comme c’est étrange), contentons-nous de livrer un jugement superficiel et immédiat de cette nouvelle, qui a pour qualité principale d’être tout à fait lisible (le seul moment où j’ai tiqué est lors de l’explosion du début, qui expose le héros au vide de l’espace tout en déclenchant un incendie), et pour défaut premier d’être totalement dispensable, tant en termes de style que de fluff (ce qui est dommage pour une nouvelle qui s’appelle ‘Recongregator’ : il aurait pu au moins expliquer ce que ça veut dire pour le tout venant) ou de développement dans l’arc narratif Eph’ Stern & les Garçons, à moins que je sois passé à côté d’un détail lourd de sens dans le récit de ce qui n’est qu’un mardi après-midi classique pour un Seigneur Inquisiteur. On se hasardera tout au plus à supputer qu’un autre bouquin, qui verra la groupie rencontrer son idole, verra probablement le jour dans un futur pas trop lointain (et encore, qui peut dire avec la BL), histoire de justifier un peu ce ‘Recongregator’, mais à part ça, il n’y a rien à lire, circulez.

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The Last Crucible – N. Van Nguyen :

INTRIGUE :

The Last CrucibleLa guerre sur Eleutane ne se passe pas aussi bien ni aussi vite qu’attendu par les inflexibles et exigeants maîtres de l’Imperium. La menace Necron qui s’est réveillée sur ce monde minier tient en échec les troupes disciplinées du Marshal-Adamant Gavrioza depuis des années, en dépit des états de service impeccables du gradé et de la qualité irréprochable de ses hommes. Cela sent la trahison à plein nez, et c’est donc naturellement que Kataryn Moloth, Inquisitrice de l’Ordo Militarum, décide de mettre le sien (de nez) dans cette affaire.

Sa première décision est d’interroger le Lieutenant Truce Corrut, qui est, de prime abord, très moche mais apparemment loyal et raisonnablement compétent (dans cet ordre). Corrut a été arrêté après avoir osé prendre l’initiative et mené sa Compagnie à l’assaut d’une colonne de Xenos s’étant trop exposée, manœuvre hardie qui aurait pu payer si elle avait été soutenue. Au lieu de cela, les Cerberus de Corrut se sont fait gaussement laminer, et le petit lieutenant s’est retrouvé aux fers pour faire un exemple. Ayant besoin d’un fin connaisseur du théâtre d’Eleutane pour l’aider dans son investigation, Moloth place Corrut sous sa protection, et part avec lui et son escorte de Scions sur le front. Là, notre petite bande se rend au QG de la Compagnie Argus, une de celles qui ont laissé tomber Cerberus comme une vieille chaussette pendant que Corrut se prenait pour Macharius. Le Capitaine Halsay, officier supérieur d’Argus, est cependant indisponible pour répondre aux questions de Moloth et aux invectives grossophobes de Corrut. Il a une bonne raison pour cela, notez : une exécution sommaire des mains de l’impitoyable Commissaire Lainsted, qui n’a pas apprécié que Halsay fasse mine d’aller renforcer Cerberus, à l’encontre des ordres du haut commandement. Cette révélation fait monter la tension entre Corrut et Lainsted, qui sont à deux doigts d’en découdre lorsque Katy décide de déshabiller Pierre pour habiller Paul, ou quelque chose comme ça, en donnant à son nouvel acolyte le commandement de la Compagnie Argus. Cette manœuvre permet, outre de faire les pieds à ce vautour de Lainsted, de mobiliser une troupe conséquente pour monter une attaque impromptue sur les positions Necrons, séance tenante. Car les enquêtes policières ça va deux minutes : rien ne vaut une bataille rangée des familles pour percer à jour la duplicité. C’est du moins le crédo de Moloth.

Au prix de seulement quinze mille morts et d’une mobilisation massive de ressources à coup de rosette, les perfides Xenos finissent par rendre les armes, mais seulement parce qu’ils le voulaient bien. Le sixième sens narratif que possède tout bon Inquisiteur de la Black Library révèle en effet à Moloth (et au lecteur) que les Necrons ont cueilli assez de fleurs/pêché assez de thon/miné assez de bitcoins sur Eleutane pour pouvoir repartir avec la satisfaction du devoir farming accompli. C’est donc une défaite morale pour l’Impérium, dont Moloth se venge en exécutant sommairement Lainsted après la bataille : un peu parce qu’elle l’a surpris en train d’essayer d’abattre Corrut sans son consentement, mais surtout parce qu’elle considère qu’il a failli dans sa tâche d’identifier le traître parmi les rangs de l’Astra Militarum…

Début spoilerEt ce traître, ce n’est autre que ce vieux Gavrioza en personne, que Moloth vient confronter dans ses quartiers après l’offensive. Le Marshal-Adamant ayant commis l’erreur de demander son arrestation, l’Inquisitrice ordonne froidement à ses troupes de choc de nettoyer le QG impérial, pendant qu’elle administre à Gavrioza la justice de l’Empereur, malgré les hauts cris de Corrut, qui voue un culte à son n+40.000 (il y en a des grades dans la Garde !). Le Lieutenant finit cependant par comprendre que Moloth n’a fait que son devoir en châtiant la faiblesse de l’officier, dont le crime aura été de vouloir ménager la vie de ses soldats en jouant à la guéguerre avec les Necrons, ce qui a mobilisé de précieuses ressources de l’Imperium sur un théâtre d’opération qui n’en avait pas besoin. On ne pouvait pas attendre autre jugement de la part d’une héroïne qui n’a pas hésité à exécuter son maître, le Seigneur Inquisiteur Rabsyn, pour mollesse dans la persécution de l’hérésie mortavienne. La nouvelle se termine sur le recrutement définitif de Corrut dans la garde rapprochée de Moloth, qui lui appose son allume-cigare de fonction (les rosettes servent aussi à ça) sur la joue pour qu’il n’oublie jamais son serment : toujours exiger la loyauté absolue envers l’Empereur, chez les autres comme chez soi même. Avec une telle rectitude morale, l’Impérium a encore de beauxgrimdarkjours millénaires devant lui.Fin spoiler

AVIS :

Noah Van Nguyen fait le choix de traiter les deux facettes principales de l’activité inquisitoriale de Warhammer 40.000 (l’investigation et la baston) dans une nouvelle d’une vingtaine de pages, pari audacieux qu’il relève de façon assez convaincante. Si les fondamentaux sont là, la structure solide et la conclusion très 40Kesque dans l’esprit, on peut regretter que les personnages restent très sommairement traités (à l’exception de Moloth, qui s’en sort un peu mieux) et que les Necrons ne fassent office que de punchingballs mécaniques, dont la seule utilité est de donner à Van Nguyen sa scène de bataille réglementaire. De même, les motivations du traître et le raisonnement qui a permis à Moloth de l’identifier auraient mérité d’être un peu plus étoffés à mon sens, les premières ne tombant pas vraiment sous le sens, et le second tenant davantage du last one standing is always guilty que de la déduction savamment amorcée et mise en scène par l’auteur. Bref, un honnête 13/20 pour cette première publication (on sait qu’au moins deux autres suivront) de Noah Van Nguyen, qui commence ses classes sans démériter.

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The Carbis Incident – V. Hayward :

INTRIGUE :

The Carbis IncidentLe vénérable Inquisiteur Gorran Venicii, ayant servi l’Empereur pendant des siècles et accompli des hauts faits à l’envie de Primarques1, est parti en vadrouille dans les tréfonds du secteur Domina avec sa suite de fidèles serviteurs. Guidé par le journal personnel du Rogue Trader Haspard Gorgoin, il a pour projet d’explorer le monde de Carbis, doublement hostile du fait de son haut niveau de radiation et de sa couverture de jungle, et récemment rendu visitable après que la tempête Warp qui l’isolait de l’Imperium depuis un siècle se soit calmée. Ce que Venicii recherche sur cette misérable planète, dont la population de mineurs a été abandonnée à son triste sort par Gorgoin lorsque la bise chaotique s’est levée, personne ne le sait, pas même son Interrogatrice et bras droit Esme Mzinga. Trois autres spécialistes complètent notre casting : l’ex Garde de Catachan Samazan, la traqueuse urbaine et tireuse d’élite Mirea Mace, et la medic/garagiste Grieve, en charge de l’intégrité physique et mécanique de ce vieux croulant de Venicii.

 Les notes de Gorgoin indiquant l’emplacement d’une cité que l’Inquisiteur souhaite explorer, la fine équipe débarque dans la clairière la plus proche et débute un trek éprouvant en direction des probables ruines. Cependant, Carbis abrite une faune plus évoluée que ce à quoi Venicii s’attendait, puisque les explorateurs rencontrent en chemin des humanoïdes à exosquelette et teinte grisâtre, qu’ils mettent en fuite d’un tir de semonce (qui tue tout de même l’un d’entre eux, car il faut bien inquisitionner de temps en temps, et rien de tel qu’une autopsie pour cela). Après des heures de marche, la petite troupe finit par arriver à bon port, ou plutôt à bon temple, et une petite séance de looting rondement menée permet à Venicii de mettre la prothèse sur un cristal un peu particulier, gardé bien en évidence par les natifs au sommet d’une ziggourat. Natifs qui ne sont évidemment pas enchantés de cette appropriation culturelle caractérisée, et qui mettent tous fin à leur confinement (la ville explorée par les impériaux passe de déserte à bondée en trois minutes) pour aller expliquer leur manière de penser aux visiteurs.

Les aptitudes de mob management de la fine équipe n’étant pas optimales, nos héros s’en sortent avec un mort (Samazan) et un blessé grave (Venicii), que Grieve s’attend à lui claquer dans les doigts à tout moment. Cependant, ô miracle, le moribond émerge frais comme un gardon de sa tente après une bonne nuit de sommeil, et explique à Mzinga que cela est dû aux pouvoirs mystiques du Lapis Mirabilis, le nom savant de la pierre qu’il a récupéré la veille. Cette dernière a bien d’autres propriétés intéressantes, et l’Inquisiteur est donc décidé à l’étudier en détail pour apporter de nouvelles armes à l’Humanité dans sa lutte perpétuelle pour la survie. Son enthousiasme n’est cependant que moyennement partagé par l’Interrogatrice, qui compense son manque de patience et son peu de goût pour la lecture par une méfiance radicale (et puritaine). Elle convainc donc son boss, qu’elle soupçonne d’avoir récupéré le Lapis Mirabilis d’abord pour se refaire une santé, de lui remettre le présssieux pour le transporter à sa place. Une précaution qui fait sens car, comme le découvre Grieve à l’issue d’une autre autopsie (un pauvre indigène qui faisait son footing au mauvais endroit, au mauvais moment), la population de Carbis n’est pas Xenos, mais bien humaine. Humains moches et méchants mutés, mais humains tout de même. C’est fou comme un siècle à baigner dans des radiations au goût Warp peut vous changer une espèce.

Cette révélation vient remettre en question toutes les théories de Venicii, qui se met littéralement à rajeunir, mais dont le jubilé prend brutalement fin avec un mal d’estomac fulgurant, suivi du développement d’autres symptômes annonciateurs d’une déchéance rapide et terminale. Et pour cause, le Lapis Mirabilis agit en fait comme un catalyseur des radiations de Carbis, que l’on apprend au détour d’une ligne être une planète munition (ou quelque chose comme ça) pour une race Xenos disparue. Tout cela est bien mystérieux, mais ce qui ne fait pas de doutes est que Venicii a pêché par hubriis et doit en payer le priix2. Il accepte donc noblement de détruire la pierre en utilisant les caisses d’explosifs que les colons ont laissé à l’abandon dans la jungle tous les cinquante mètres, avec en objectif secondaire l’annihilation du temple maudit3, et Mace décide tout aussi noblement de l’accompagner dans son pacte de mort. Cela laisse donc uniquement Mzinga, promue Inquisitrice sur le champ dans la jungle par son mentor, et Grieve quitter la planète. Comme dit le poète « Carbis, c’est fini ».

1 : Il a repoussé un invasion hrud, lui. Deux fois, même.
2 : On peut donc dire que Venicii a veni, vidi, mais pas vici.
3 : Par pure méchanceté semble-t-il, les Carbiens semblant bien incapables de quitter leur planète pour partir à la conquête de la galaxie.

AVIS :

Nouvelle inquisitoriale aux effluves de film d’aventure (les vibes d’Indiana Jones sont fortement perceptibles), ‘The Carbis Incident’ présente une structure robuste et un développement probant (mention spéciale pour Venicii, qui est très bien dans son rôle d’Inquisiteur « sévère mais juste », et teste la résolution de Mzinga jusqu’au bout), ce qui est toujours une base appréciable pour une soumission de la Black Library. La partie background est un peu moins aboutie, ce qui est dommage car j’aurais aimé en savoir un peu plus sur l’histoire de Carbis et de ses infâmes lapidaires. Au final, c’est simplement assez sympathique, alors que je pense que ça aurait pu être franchement digne d’éloges avec un peu plus de travail. Mais pour une première soumission, c’est plus qu’honorable, et j’attends avec intérêt la prochaine offrande de Victoria Hayward pour prendre la pleine mesure de cette nouvelle contributrice de la BL.

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The Roar of the Void – R. Young :

INTRIGUE :

Après leur reconquête de Siennon, les forces de la flotte Tertius de la Croisade Indomitus se préparent à passer à l’étape suivante de leur interminable tournée galactique. Il est toutefois important de ne pas bâcler certaines choses quand on sort d’une campagne contre le Chaos (ici représenté par les Scions du Carnage), une contagion étant si vite arrivée… Il est donc de la responsabilité de l’Inquisitrice Callida Rohm de l’Ordo Militarum de s’assurer que les Diables de Poussière, un régiment recomposé mêlant troupes de Ventrillia et de Tallarn ayant pris part à la campagne de Siennon, n’a pas développé des pulsions hérétiques à la suite de son engagement contre l’Archennemi. Pour ne pas lui faciliter la tâche, elle devra boucler sa mission en neuf jours, soit le temps nécessaire au transport de troupes The Emperor’s Light pour rallier Cerberus, où la flotte se ravitaillera avant de partir vers de nouvelles mésaventures.

Son arrivée sur le vaisseau ne passe évidemment pas inaperçue, personne n’aimant qu’un Inquisiteur s’intéresse à ses faits et gestes. Rohm peut toutefois compter sur un allié en la personne du Commissaire Loren Poole, un Mordien affecté aux Diables en remplacement de son prédécesseur, tué au combat lors de la bataille finale de la campagne. Il n’est d’ailleurs pas le seul officier fraîchement nommé du régiment, ce dernier étant à présent dirigé par le jeune Major Rikkard Cross, après que le Ventrillian pure souche Otto von Persimmon ait été porté disparu dans le même engagement. Cross et son second, le Capitaine Tallarn Bilal Al-Rahman, font plutôt bonne impression à Rohm, mais cette dernière est suffisamment expérimentée pour ne pas se fier uniquement aux apparences. Pendant qu’elle mène son enquête, elle mandate Poole pour superviser l’intégration du régiment de recrues siennites levé à l’issue de la campagne, et qui forme le gros du contingent embarqué dans le transporteur.

Les jours passent sans que les choses avancent ne se décantent, jusqu’à ce que l’Inquisitrice réussisse à extorquer des informations intéressantes au vieil aide de camp alcoolique de Cross à l’aide d’une bouteille d’amasec et d’un sourire enjôleur. Derrière le respect de façade qu’il lui est témoigné par ses hommes, il s’avère que Persimmon était unanimement considéré comme un bon à rien arrogant et borné, dont les relations avec Cross n’avaient jamais été bonnes, et qui avait souvent demandé à ce dernier de corrompre les enregistrements transmis au haut commandement pour dissimuler ses nombreuses bévues tactiques. Un nouvel entretien avec Cross s’impose donc, mais avant que Rohm ait pu le convoquer, les choses prennent une tournure tragiquement chaotique sur l’Emperor’s Light

Début spoiler…Un contrôle au faciès d’une recrue siennite un peu trop détendue du slip à son goût par le zélé Commissaire Poole déclenche en effet une insurrection générale lorsque l’officier réalise que la bidasse était en fait un Scion du Carnage infiltré… comme la majorité du régiment. Blessé dans l’affrontement mais sauvé par la patrouille (de Tallarn qui passait par là), Poole jouera un rôle majeur dans les combats féroces qui s’en suivront. De son côté, Rohm est également blessée lorsque son escorte tombe dans une embuscade alors qu’elle cherchait le Major Cross, mais son passage à l’infirmerie lui permet de retrouver la trace de Persimmon. Ce dernier est en effet traité comme grand brûlé depuis la fin de la campagne de Siennon, et semble avoir perdu la raison puisqu’il passe son temps à hurler « IL S’EN TAPE PEU LUI CHAUD – c’est un noble – !!! ». Considéré comme un blessé de guerre lambda du fait de son état lamentable, il n’est identifié par l’Inquisitrice que grâce au modèle particulier de rotule augmétique qu’il arbore, et qui a été soigneusement consigné dans le memo préparé par son équipe avant la mission. Le travail de recherche paie toujours.

Cette révélation devra cependant attendre un peu avant d’être exploitée, le plus urgent restant de regagner le contrôle de la salle des machines du vaisseau, que les mutins ont saisi. Très largement dépassés en nombre, les Diables de Poussière font toutefois parler leur entraînement et leur expérience pour tenir en respect les Scions, mais l’amenuisement de leurs munitions et l’attrition dont souffrent leurs hommes poussent Cross et Al-Rahman à échafauder un plan d’une témérité suicidaire. Pour le premier, qui a le temps de discuter avec Rohm entre deux attaques, il s’agit de se ménager une sortie de scène honorable autant qu’utile, car il a peu de doute sur le destin qu’il attend s’il survit aux événements en cours. On apprend en effet qu’il a eu le malheur d’apercevoir la silhouette d’un Buveur de Sang lors de la bataille finale pour Siennon, alors qu’il s’était porté au secours de Persimmon, encore une fois victime de son incompétence profonde. Bien que le démon ait été pulvérisé par une frappe d’artillerie, déclenchée par l’altruiste Commissaire Hirke sur sa position et celle de Persimmon, Ross sait que cette vision ne peut que le condamner à mort si l’Inquisition l’apprend, une sentence qui pourrait être également étendue au reste du régiment, qui n’a pourtant rien vu ni entendu de tel, par mesure préventive. C’est également lui qui a emmené incognito Persimmon à l’infirmerie, après avoir constaté que l’officier avait miraculeusement survécu au bombardement. Compréhensive, Rohm accepte de laisser partir Cross dans une dernière charge glorieuse, durant laquelle le Shadowsword des Diables de Poussière utilise son canon Volcano pour éventrer le compartiment central de l’Emperor’s Light, envoyant les Scions du Carnage ainsi que lui-même dans l’espace.

L’épilogue de la nouvelle voit le fidèle Al-Rahman, suspecté d’avoir été témoin du même spectacle impie que son supérieur et dû(re)ment interrogé par l’Inquisition en conséquence, choisir lui aussi une mort honorable à l’alternative proposée par Rohm, c’est-à-dire une réorientation professionnelle en Serviteur lobotomisé. Finalement, on apprend que l’increvable Persimmon a une nouvelle fois réussi à tromper la mort et s’est refait une santé en errant dans coursives de l’Emperor’s Light en récitant son khrédo khornien et massacrant tous ceux qui ont le malheur de croiser sa route, quelle que soit leur allégeance. Après tout, PEU LUI CHAUD DE SAVOIR D’OU LE SANG VIENT.Fin spoiler

AVIS :

Rob Young s’essaie à plusieurs types de nouvelle (enquête, action, pathos grimdark) pour ses débuts BLesques, et se sort plutôt honorablement d’affaire au final, même si on peut être pardonné de lui reprocher de ne pas avoir préféré se concentrer sur une seule approche. A titre personnel, c’est la dernière partie de ‘The Roar of the Void’, dans laquelle l’Imperium se révèle dans toute son impitoyable inhumanité, qui m’a semblé la plus aboutie, et vient rappeler de façon marquante au lecteur que des états de service irréprochables ne pèsent pas grand-chose face à une suspicion de possible exposition au Chaos, lorsqu’on n’est qu’un simple Garde Impérial. Il n’est jamais inutile que des auteurs de la BL consacrent leurs écrits à rappeler les fondamentaux du lore de 40K, et le fait que Young ait été capable de le faire de façon assez convaincante dès sa première soumission laisse à espérer que ses prochains travaux soient dans la même veine. Neutralité bienveillante à ce stade, donc.

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Lepidopterophobia – D. Abnett :

INTRIGUE :

Medea Betancore. Pour les aficionados de la Black Library, ce nom est sans doute familier, et pour cause ! Il s’agit en effet d’une des suivantes de l’Inquisiteur Gregor (Greg pour les potes) Eisenhorn, dont les aventures ont été contées par un tout jeune Abnett au tournant du dernier millénaire. Originaire de Glavia, une planète dont le nom est beaucoup plus classe en VO qu’en VF, il faut le reconnaître, elle a servi comme pilote au noble vieillard sur la fin de la carrière « officielle » de ce dernier, après que son père, Midas, ait donné sa vie à son service avant même que Medea ne vienne au monde. VOUS PARLEZ D’UNE TRAGEDIE1 !

Laissée dans la stase qui attend les personnages du Daniverse lorsqu’Abnett travaille sur un autre arc que le leur, Medea a donc été tiré de sa retraite et remise sur le devant de la scène dans cette nouvelle se situant dans la trilogie des « P- »2 (‘Pariah’, ‘Penitent’ et ‘Persillade au Vin Blanc’), centrée sur Bequin mais featurant aussi Greg & Gigi Ravenor, pour un final qui risque d’envoyer du pâté. Mais pour le moment, Medea occupe ses dimanches à chiner aux puces de Queen Mab (la cité dans laquelle se déroule la trilogie), afin de trouver… quelque chose d’intéressant dans la traque du mystérieux Roi en Jaune, l’omnipotent mais insaisissable boss de fin de cet arc. Cela fait 20 piges que Mémé Medea (200 ans tout de même) essaie de faire avancer ce qui est devenu un cold case, en parallèle de sa mission première : veiller sur le Maze Undue et ses pensionnaires très spéciaux, sous la couverture de Sœur Bismillah.

Nous suivons donc notre héroïne alors qu’elle s’approche de la place retirée (le square Grammaticus, ça ne s’invente pas) où elle a l’habitude de faire sa sélection. Jusqu’à récemment, elle pouvait compter sur l’aide d’un étudiant, Praed Belovoir, qu’elle envoyait faire du repérage en son nom pendant la semaine, mais ce dernier a disparu sans laisser de traces il y a six mois. Dommage. Alors qu’elle flâne parmi les stands et les chats, une petite boutique qu’elle n’avait jamais remarquée auparavant (red flag, red flag) attire son regard. En plus d’être richement achalandée en vieilleries antédiluviennes – il y a un exemplaire du Petit Albert (sic) et des recueils de Cervantes et de Keats (ou Yeats), c’est dire – l’échoppe comporte aussi une bibliothèque intérieure, où Medea croit identifier un livre dont le titre se termine par ‘… en Jaune’. Souhaitant y jeter un œil, mais également payer pour un atlas stellaire établi par une sommité planétaire d’il y a plusieurs siècles et d’une inventivité intéressante, Miss Betancore entre dans la boutique à la recherche de son propriétaire, un certain M. Borges…

Début spoiler… Ce comportement d’un civisme exemplaire va cependant lui jouer un mauvais tour. Les lieux sont en effet sombres et poussiéreux au possible, et les allées bordées d’incunables semblent se poursuivre sur des superficies délirantes par rapport à la taille de l’échoppe (amber flag, amber flag). Pour ne rien arranger, Medea découvre rapidement qu’elle n’est pas seule à errer dans les couloirs : une colonie de mites a élu domicile dans la librairie, et dès qu’un lumoglobe s’allume, c’est la ruée. Pas de quoi perturber une agente inquisitoriale blanchie sous le harnais, me direz-vous ? Eh bien si, tout de même, un peu, car Medea est (respirez fort) lepidoptèrophobe. Ce qui veut dire qu’elle a la phobie des papillons et des mites3. L’expérience devient donc très rapidement angoissante pour la chineuse de choc, d’autant plus qu’elle a l’impression tenace que quelqu’un, ou quelque chose, essaie de l’attirer toujours plus profondément dans le dédale, en allumant et fermant les lumières de façon stratégique (scarlet flag, scarlet flag).

Après avoir soupçonné Gideon, qu’elle sait traquer son ancien mentor, elle finit par conclure que c’est une question très intéressante mais qui mériterait d’être éclaircie à l’extérieur, et opte pour un shadow rush stratégique (elle s’enfuit dans les zones les moins éclairées, jugeant que là est le salut). La tactique s’avère payante, et elle finit par retrouver son chemin jusqu’à l’entrée de la boutique. Elle essaie d’abord d’ouvrir, puis de fracasser la fenêtre, mais réalise rapidement que cette dernière, sous son aspect vétuste, est un centuple vitrage (salami flag, salami flag). Elle éclaircit du même coup les raisons de la disparition de Praed Belovoir lorsqu’elle se rend compte que ce qu’elle prenait pour une énorme mite – ce n’est pas une contrepèterie – frappant au carreau est en fait un livre, dans lequel l’âme du pauvre étudiant a été enfermée. Tough luck, bro mais chacun pour soi à ce stade. En désespoir de cause, Medea défonce les étagères qui l’empêchaient d’accéder à la porte, et quand cette dernière refuse de s’ouvrir, elle dégaine son arme spéciale : sa main de pilote Glaviane, bourrée de capteurs et de bioniques qui lui permettent de faire sauter le fâcheux verrou. Notre héroïne regagne enfin l’air libre, son précieux bouquin sous le bras, et jure qu’on ne l’y reprendra plus. De toutes façons, la boutique de M. Borges ne sera plus jamais vue à Queen Mab…Fin spoiler

1 : Du coup les noms tirés de la mythologie grecque sont très appropriés, bravo Abnett.
2 : Là encore, la VO est préférable à la VF.
3 : Je pense qu’elle a dû se faire traumatiser par la traversée de la Forêt de Jade dans sa prime jeunesse.

AVIS :

Une petite nouvelle comme Abnett sait bien les écrire, mettant en vedette un second rôle de ses séries inquisitoriales, bourrée de fluff « local » (et donc assez peu intéressant pour les amateurs de background avec un grand B, mais qui permet de donner une bonne profondeur au monde dans lequel se passe l’intrigue) et plus portée sur l’instillation d’une atmosphère – ici, angoissante – que sur un déroulé de nouvelle classique. Cela change agréablement, à mon avis, de l’écrasante majorité des soumissions de la BL, et cela vaut donc le détour, même si une bonne connaissance du Daniverse est nécessaire pour saisir toutes les ramifications de l’intrigue et identifier tous les Easter eggs que l’auteur a intégré dans son récit. Je n’étais pas spécialement prêt, mais cela ne m’a pas gâché mon plaisir de lecture outre mesure, alors imaginez si vous êtes à jour des dernières publications du bonhomme !  

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Outpost – T. Toner :

INTRIGUE :

Loin, très loin, trèèèès trèèèèèèès loin dans la Sainte Terra, aux confins des Astres Fantômes, la dernière planète impériale avant le no man’s land (petit nom : la Sentinelle, couleur : jaune canari) s’apprête à recevoir des visiteurs de marque. Cela plonge logiquement le Gouverneur local, Grintin Poluvius, dans la plus grande fébrilité : les arrivées dans son fief sont rares, et il espère que Pépé lui envoie enfin les renforts qu’il quémande depuis des années pour affermir son emprise sur la Sentinelle, pour le moment très ténue. En effet, mise à part une zone de forêts impénétrables d’un rayon de 50 kms autour de sa forteresse/capitale, le bougre contrôle walou. Malheureusement pour lui, son souhait ne sera que partiellement exaucé.

Débarquent en effet l’Inquisiteur Vaine Aldredict de l’Ordo Xenos et sa suite, ainsi qu’un contingent de Space Marines du Chapitre des Death Spectres (dont la mission première est, comme chacun sait, de veiller au grain dans les Astres Fantômes). Un contingent d’exactement deux Astartes – Primaris, toutefois – les jumeaux Borius et Lazelemy, soit pas assez pour conquérir une planète hostile, de n’importe quelle façon on pose l’équation. Les deux surhommes sont avant tout présents pour escorter Aldredict dans sa mission, qui est d’appréhender le Magos Explorator Valletrios Gierus Tallis, dont la conduite particulière a été notifiée par Poluvius dans ses rapports. Ce dernier n’a pas d’autres choix que de permettre à l’Inquisiteur d’emprunter sa garde personnelle pour aller enquêter sur un site où une présence non-impériale (hostile, cela va de soi) a été détectée il y a quelques mois, pendant que Lazelemy, accompagné par l’Interrogateur Bjaric, se rend à la tour occupée par Valletrios pour lui mettre la main au collet.

Si Aldredict tient tant à faire une visite de terrain, malgré les conditions éprouvantes dans laquelle se déroule la marche d’approche, c’est que la Sentinelle a été une planète sous domination des sinistres Cythor Fiends jusqu’à il y a quelques décennies, date à laquelle une croisade menée par le Haut Maréchal Helbrecht des Black Templars l’a placée dans le giron impérial. Le pouvoir très limité du Gouverneur Poluvius sur son domaine rend toutefois plausible la possibilité que les Xenos aient trouvé un moyen de reprendre pied (ou autre) sur la planète, ce qui nécessiterait une nouvelle expédition de grande ampleur (une croisa-deux, si vous voulez). A mesure que la colonne s’enfonce dans les profondeurs moites de la forêt primaire et primordiale, Aldedrict a l’impression distincte que quelque chose, ou quelqu’un l’observe depuis les frondaisons…

Du côté du binôme détaché, qui a la chance de pouvoir utiliser le système de tunnel maintenu par le Gouverneur pour se rendre jusqu’au domicile du Magos, les choses sont un peu plus calmes, jusqu’à ce qu’ils arrivent en vue de l’entrée. Comme les avait prévenus Poluvius, Valletrios est devenu un chouilla asocial et a garni les abords de sa planque de pièges à c*ns, dont Bjaric fait immédiatement les frais. Contraint de terminer la mission en solo par la force des choses, Lazelemy se fraie un chemin jusqu’aux niveau supérieurs de la tour, où il finit par apercevoir le suspect, agrippé à une balustrade et d’une fixité suspecte. Alors qu’il s’approche prudemment, il lui faut se rendre à l’évidence : si VGT végète, c’est qu’il est mort depuis longtemps, criblé de fragments de roche. Ne tenant pas à revenir bredouille, le Death Spectre se livre à fouille approfondie des lieux, qui lui permettent de confirmer les suspicions d’hérésie qui pesaient sur le Magos défunt : ce dernier a carrément consigné dans son journal qu’il reniait l’Imperium et l’espèce humaine, et acceptait de mettre la technologie du premier au service d’un mystérieux protecteur, en échange de sa clémence. Lorsque Lazelemy parvient à ouvrir la porte de la seule cellule de la tour que Valletrios avait maintenu fermé, l’identité du protecteur en question est révélée…

Début spoiler 1…Et il s’agissait bien des Cythors (shocking I know), dont le représentant gardé comme otage et/ou sujet d’étude par le Magos dans sa planque décide de se venger de son incarcération prolongée en faisant la peau carapace noire du Primaris. Malgré la taille de son adversaire, Lazelemy parvient à remporter le combat d’une habile planchette japonaise, qui envoie le daddy long legs de 40K s’écraser quinze étages plus bas. Bien fait pour sa Ghoul. Ayant terminé son investigation, le Space Marines ramasse quelques éléments à verser au dossier et repart en direction de son camp de base…

Début spoiler 2…Qu’il trouve totalement vide à son arrivée. Et il est très probable que personne ne vienne lui tenir compagnie avant un bout de temps, le reste de l’expédition inquisitoriale étant tombé dans une embuscade meurtrière tendue par les mêmes Cythors lorsque les humains sont arrivés à proximité d’une de leurs forteresses locales. Qu’à cela ne tienne, Lazelemy est tout disposé à attendre le retour du vaisseau qui l’a largué en orbite (dans quelques mois, tout de même), et à défendre jusqu’à son dernier souffle le bastion impérial dont il est semble-t-il le dernier occupant. Après tout, il en faut beaucoup plus pour déprimer un Death Spectre…Fin spoiler

AVIS :

Pour sa première, Tom Toner signe une nouvelle très intéressante de maturité, tant au niveau de la maîtrise du background (jamais un acquis pour les nouveaux contributeurs) que de son parti-pris narratif. Mettre en scène la confrontation entre l’Imperium et une nouvelle espèce de Xenos (que j’imagine être les Cythor Fiends, mais les illustrations varient), intrigante du fait de son « exotisme », qui plus est sur une planète elle aussi des plus dépaysantes : ça n’a l’air de rien mais c’est un moyen très efficace de raviver l’intérêt des lecteurs vétérans de la BL pour une nième histoire d’Inquisiteurs et de Space Marines. Bien évidemment, l’idée de base ne fait pas tout : si Tonner s’était révélé un piètre auteur d’un point de vue du style ou de la construction de son récit, le charme n’aurait pas opéré. Heureusement pour nous, ce n’est pas ici le cas. On sent que notre homme a du métier, et sa soumission initiale est donc d’une facture sobre mais qualitative. J’ai hâte de voir ce qu’il nous proposera par la suite, et suis tout à fait preneur d’un arc complet consacré à la lutte contre les infâmes Cythor dans les Astres Fantômes, si Nottingham daigne considérer le projet.

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Voilà qui conclut cette infernale inquisition. Au final, la qualité est bien présente dans cette collection de nouvelles, mais l’esprit d’Inferno! me semble avoir été un peu sacrifié dans l’opération. Je considère en effet que les courts formats publiés sous ce format doivent pouvoir être appréciés pour eux mêmes, et ne pas dépendre de la connaissance par le lecteur d’éléments de background particuliers (‘Mindshackle‘) ou d’écrits périphériques (‘Recongregator’,Lepidopterophobia‘) pour révéler leur plein potentiel. Une critique d’esthète, si vous voulez, mais une critique tout de même.

Ce petit dévoiement mis à part, il faut reconnaître que Inferno! presents the Inquisition regroupe de solides soumissions pour la plupart, seuls Annandale, Ware et McCormick méritant à mes yeux de faire pénitence pour avoir failli leur mission de sainte propagande au profit des saints Ordos. Au vu de l’important contingent de nouveaux contributeurs au sommaire du recueil, il s’agit d’un signe positif pour le futur de la Black Library et une promesse de grimdark qualitatif pour les prochaines années. 

À propos de Schattra

Égoïstement optimiste, çapourraitêtrebienpirologiste assumé. Selfishly optimistic, proud itcouldbemuchworsologist

Publié le août 20, 2022, dans Chronique, et tagué , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , . Bookmarquez ce permalien. Poster un commentaire.

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