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TALES OF HERESY [HH]

Bonjour et bienvenue dans cette chronique de Tales of Heresy, premier recueil de nouvelles consacrées à la couverture de l’Hérésie d’Horus par la Black Library, publié en 2009 et traduit en français dans la foulée sous le titre de Chroniques de l’Hérésie. Une chronique de chroniques hérétiques… mais qui ne le sont pas vraiment au final. Eh oui, c’est ce que nous avons au menu aujourd’hui les amis. Car une des particularités de cette première anthologie, occupant la 10ème place dans la série de l’Hérésie, est que toutes les histoires qu’elle regroupe se sont déroulées avant qu’Horus ne décide de mettre les doigts dans la prise1. Cela en fait un ouvrage à part de cette saga tentaculaire, à placer aux côtés de l’Ascension d’Horus, qui dépeignait aussi « l’avant » du grand cataclysme sur le point d’engloutir l’Imperium et le rêve de l’Empereur. On pourrait presque rebaptiser ce volume Chroniques de la Croisade, et annoncer plus fidèlement la couleur. Laissons cependant ces considérations sémantiques de côté pour nous concentrer sur la composition de cet objet.

Sommaire Tales of Heresy [HH]

Regroupant sept nouvelles se déroulant d’un bout à l’autre de la galaxie, depuis cette bonne vieille Terra jusqu’à lointaine Nuceria, et convoquant aussi bien des Primarques que des Sœurs du Silence, des Custodiens que des Space Marines, des civilisations perdues et d’infâmes Xenos pervertis, avec même une apparition apocalyptique de cette HoE de Mom2, ces Chroniques brassent large et laissent une ample place à leurs contributeurs pour esquisser un portrait de l’Humanité à la toute fin de ce qui peut être considéré comme son âge d’or. Le nombre limité d’histoires intégrées dans ce volume permet en effet aux plus prolixes de ces auteurs de soumettre des récits tenant plus de la novella que de la nouvelle, la longueur moyenne de ces (pas si) courts formats approchant les soixante pages. Les Chroniques de l’Hérésie ont pu compter sur l’expertise de quelques noms bien connus de l’habitué de la Black Library, depuis l’omnipotent Dan Abnett3 jusqu’aux fidèles Gav Thorpe et Graham McNeill, mais également sur la collaboration d’auteurs plus rares, voire absents, de la suite de l’Hérésie, de Matthew Farrer à Mike Lee. On peut donc s’attendre à ce que le résultat soit un peu moins « maîtrisé » que les dernières sorties hérétiques, qui ont bénéficié d’un niveau de contrôle éditorial sans précédent de la part de la BL.

Et maintenant, partons dans une galaxie lointaine, il y a fort longtemps notre galaxie, dans 28 millénaires…

1 : Et surtout, qu’Erebus ne décide de mettre un athame dans Horus.
2 : Soit ‘Him on Earth’ et ‘Master of Mankind’. De là à dire que l’Empereur est un cougar, il y a une ligne franchement hérétique à franchir. Remarquez, cela permet aux renégats de recycler facilement la devise du bro code à leur avantage : « Je me suis détourné de la lumière de l’Empereur parce que bros before hoe, man ».
3 : Qui après avoir signé le premier roman de la série, trouve le moyen de signer la « première » nouvelle également. Gros bonnet.

10. Tales of Heresy

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Blood Games // Parties de Chasse – D. Abnett :

INTRIGUE:

Blood GamesC’est camping ce soir pour notre héros, un individu mystérieux plus enclin à partager avec le lecteur ses voyages pendant les dix derniers mois, qui l’ont vu parcourir une bonne partie de l’Eurasie dans le sens inverse des aiguilles d’une montre et en suivant le vol des hirondelles d’Afrique chargées de noix de coco, qu’à révéler les raisons qui l’ont poussé à entreprendre ce périple singulier, ni pourquoi il est persuadé d’être recherché par les autorités locales. Au fur et à mesure que les anecdotes s’enchaînent, signe manifeste de la vie intérieure très riche du personnage, qui ne parle pas mais se souvient beaucoup, nous prenons la mesure du bonhomme, et comprenons qu’il n’est pas venu pour rigoler, en témoignent les trois migous junkies que Mr X a froidement abattu lorsque ces derniers ont fait mine de lever la main sur lui pendant un deal de résine qash1, sur les contreforts d’un Palais Impérial en grands travaux de renforcement. Si le migrant inconnu tenait tant à récupérer la précieuse substance, c’est qu’il a besoin des effets paralysants de cette dernière pour duper les scanners biologiques qui protègent le Palais, et feint donc la mort derrière un tas de gravier transporté par une grue pour déjouer les mesures de sécurité entourant sa cible. Car il ne fait guère de doute après ces quelques pages introductives que notre héros est un assassin, et que sa future victime se terre quelque part dans l’immensité baroque de la baraque de fonction de Pépé.

Négociant les obstacles les uns après les autres grâce à ses talents naturels, un changement fréquent d’identité et de profession, et l’aide de quelques petits gadgets très utiles, comme un champ de déplacement pour camoufler sa stature massive, et une feintecapuche2 pour disparaître totalement, tel un Harry Bolter de deux mètres dix sous sa cape d’invisibilité, le stalker parvient jusqu’au Hall de Leng, où il surprend Rogal Dorn en train de palucher un grimoire massif à des heures indues. S’arrêtant à peine pour noter la beauté des mains du Primarque, le tueur se rue sur cette pauvre et frêle chose qu’est le Prétorien de Terra, la dague aux lèvres et la bave à la main…

Début spoiler…Mais voit sa lame empoisonnée être repoussée au dernier moment par un Custodien, qui s’était lui aussi planqué sous une cape VPN pour éviter d’être repéré. Bien que parvenant à se défaire de cet adversaire, puis des deux autres qui lui tombent sur le râble immédiatement après (pendant que Rogal Dorn, vraiment imperturbable, finit sa petite affaire dans son coin), l’assassin décide sagement de s’échapper de ce traquenard, mais se retrouve cerné à la sortie du Hall par un quintet de Custodiens en armure complète, qui lui font comprendre qu’une reddition immédiate serait charitable de sa part. Jeté en prison comme un malpropre sans avoir pu mener à bien sa mission, notre héros reçoit la visite de Constantin Valdor en personne, qui, plutôt que de le soumettre à la torture pour lui arracher ses secrets, le félicite pour le nouveau high score qu’il a réussi à établir pour cet exercice rafraîchissant que sont les Parties de Chasse (Blood Games) de l’Adeptus Custodes. Car notre surineur masqué capé n’était pas un Assassin retourné par Horus, ou un Alpha Légionnaire en goguette sur Terra, mais Amon, Custodien du 1er Cercle, et son run presque réussi va permettre à ses frères d’armes de perfectionner encore un peu plus la sécurité du Palais, dont il a exposé les failles3.

Ce malentendu dissipé, il est temps pour notre vaillant infiltrateur de reprendre ses fonctions normales, qui consistent à détecter et déjouer tous les complots menaçant l’ordre impérial et la sécurité de l’Empereur sur Terra et dans ses environs. Bénéficiant d’un matériel de pointe et de pouvoirs très étendus, mais pas absolus, car même au zénith de la Grande Croisade, le Monde Trône n’était pas totalement sous le contrôle de Pépé, les Custodiens occupent donc leurs journées à maintenir la pax imperialis, ce qui les conduit parfois à monter des opérations que n’aurait pas dédaigné Tom Cruise à son époque Mission Impossible4. Pour Amon, qui est parti crapahuter dans la pampa avant que la nouvelle de la trahison d’Horus ne soit révélée, il faut se remettre au travail sans tarder après ces quelques mois de randonnée itinérante (l’équivalent d’une période de congés pour un Custodien, sans doute). Il demande donc à Valdor de superviser le dossier Sichar, du nom de l’influent seigneur du Hy Brasil, soupçonné d’entretenir des contacts détournés avec des éléments félons de l’Armée Impériale.

Jamais le dernier à mettre les mains dans le cambouis, Amon recrute son vieux pote (façon de parler, les Custodiens sont tous des asociaux) Haedo pour infiltrer le territoire de son suspect, usant à nouveau de sa science du maquillage et de la postiche pour se faire passer pour un VRP en granit, ou équivalent, tandis que son collège adopte le rôle de son garde du corps. Le hic, c’est que cet impatient d’Amon n’a pas attendu le mandat demandé à ses supérieurs pour se rendre sur place, et a poussé le zèle jusqu’à tenter de hacker le pare-feu de Sichar en utilisant des lombrics espions (it’s complicated). S’il se fait gauler, ce sera un beau merdier diplomatique, mais comme notre héros est un vrai professionnel hautement entraîné… il se fait gauler. Je crois que la bonne formule était « autrement entraîné ». Pour ne rien arranger, Amon se fait griller sous sa perruque par le soupçonneux garde du corps du frère de Sichar avec lequel il taillait le bout de gravier, un Lucifer Black auquel on ne l’a fait pas. Cependant, la tentative grossière de la team Custo’ ne se solde pas par un échec complet, les derniers vers inquisiteurs d’Amon lui ayant permis de prouver que ce petit fripon de Sichar a bien été en contact régulier avec le Vengeful Spirit au cours des derniers mois.

Abandonnant toute discrétion, les deux Custodiens se font livrer leurs armes et armures par un téléporteur Über Cheat, et partent en direction du Parlement de Hy Brasil, où se trouve leur suspect, le Lucifer Black de garde du frangin d’icelui sur les talons. Grâce à la magie des feintecapuches, ils parviennent toutefois à portée de lance gardienne de l’agent double, révèlent leur présence, et le somment de se rendre sans jouer au héros…

Début spoiler 2…Cette interpellation sans histoire est cependant complexifiée par l’arrivée soudaine d’une escouade de Huscarls Imperial Fists, menée par Rogal Dorn en personne. Devant le refus des deux Custodiens de baisser leur arme, le Primarque est contraint de leur expliquer la situation : Sichar a bien été en contact avec Horus, mais c’est parce qu’il était un agent double au service de Terra. Et maintenant que sa couverture a été atteinte, il faudra trouver aux loyalistes un nouveau moyen de suivre les faits et gestes du Maître de Guerre félon. Bravo les Custos. Et Amon de faire remarquer à son interlocuteur qu’il faudrait vraiment que Space Marines et Custodiens collaborent de façon plus soutenue à l’avenir, afin d’éviter ce genre de résultats contre-productifs, conséquences logiques d’un travail en silo. Avant que Dorn ne puisse donner son avis sur la question, le Lucifer servant de garde du corps à Sichar, qui lui était un véritable traître, fait péter une bombe dans l’enceinte du Parlement, tuant son ancien employeur pour lui apprendre à être une balance. Il faudra à Amon encore s’employer pour rattraper le fâcheux et l’empêcher de faire exploser une autre bombe, bien plus dévastatrice, au dessus de la patinoire géante servant à refroidir les réacteurs de Hy Brasil, ce qui aurait eu des conséquences dévastatrices. Une petite téléportation du véhicule piégé en orbite, et l’affaire est réglée. Cependant, il va falloir que les surhommes rivaux apprennent à coopérer d’ici l’ouverture du siège de Terra si Pépé veut espérer l’emporter…

Début spoiler 3…Spoiler : ils n’y arriveront pas des masses.Fin spoiler

1 : Grossière erreur qu’ils ont payé de la même manière, c’est-à-dire cash.
2 : Je suis quasiment sûr que falsehood n’a pas été traduit comme ceci en VF, mais ma version a vraiment trop la classe.  
3 : « Et Dorn dans tout ça ? » demanderont les lecteurs Imperial Fists, avec raison. Et bien le Primarque est chill avec le concept d’un deux trois scalpel dont il est la cible de la part des Custodiens, apparemment. Notamment parce qu’il avait repéré Amon depuis un petit moment, et ne se sentait pas vraiment menacé par un avorton maniant un couteau à huître.
4 : À ne pas confondre avec ‘Maçon Impassible’, qui est le sobriquet dont les Custodiens ont affublé ce pisse-vinaigre de Dorn.

AVIS:

Fascinante immersion dans le quotidien trépidant des encore plus meilleurs de l’Empereur, Blood Games fait mouche sur tous les plans importants pour une nouvelle de GW-Fiction. En matière de forme, Abnett parvient, comme à son habitude, à plonger son lecteur dans une intrigue passant de palpitante à intéressante, grâce à sa maîtrise de l’exposition parcellaire, qui lui permet de laisser son public dans une méconnaissance savamment étudiée de la situation dans laquelle son héros se trouve, jusqu’au rebondissement (pas tout à fait) final venant faire toute lumière sur les pages précédentes. Le bougre a beau être connu pour l’utilisation de ce genre d’effet, ce dernier marche toujours à plein à la première lecture, et c’est tant mieux. En plus de ce masterclass en termes de construction, Abnett convoque les souvenirs de ses trilogies inquisitoriales pour effectuer un remarquable travail de contextualisation de son propos, décrivant avec une foule de détails bien sentis la situation de Terra au début de l’Hérésie. Ce qui n’était alors « que » le Monde Trône se dévoile alors dans toute sa complexité, rappelant au lecteur qu’il n’y a pas forcément besoin de convoquer des armées titanesques s’affrontant sur des centaines d’années lumières pour intéresser le chaland.

Sur le fond, Abnett fait également fort en creusant quelques thèmes intéressants, comme le rôle et l’organisation des Custodiens, leurs rapports avec les autres protecteurs de Terra, et la situation géopolitique de la planète à HH-1. Et, si la vision qu’il donne de ces sujets peut surprendre de prime abord, il introduit ces nouveaux éléments de fluff avec une telle autorité et maestria que l’on ne peut qu’accepter sans la contester sa vision des choses, alors que beaucoup d’autres auteurs moins doués ont peiné à convaincre leur public de la validité de leur raisonnement et ajouts au background hérétique. Mine de rien, les apports de ces quelques dizaines de pages sont loin d’être anodins (notamment la mainmise assez fragile que l’Empereur a sur sa propre capitale, alors qu’il vient de conquérir la galaxie), et un certain nombre de publications postérieures capitaliseront sur ces derniers, à commencer par les propres soumissions d’Abnett (retour des Lucifer Blacks dans Légion, par exemple).

Finalement, le seul reproche que je ferai à cette nouvelle porte sur sa conclusion au goût d’inachevé, l’ultime cabriole d’Amon pour arrêter la Zamboni piégée de l’assassin de Sivar (dont la mort, racontée par une mention de deux lignes après une ellipse ayant projeté l’intrigue de la discussion tendue entre Amon et Dorn à la course poursuite du premier, est également bizarrement traitée) ne faisant pas le poids face à la qualité des pages précédentes. Pour le reste, c’est de l’excellent boulot de part de Dan Abnett, et une des meilleures nouvelles de tout le corpus hérétique que vous tenez dans les mains.

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Wolf at the Door // Dans la Gueule du Loup – M. Lee :

INTRIGUE:

Wolf at the Door

Sur la planète de Kernunnos, siège de l’empire humain ayant fédéré le sous-secteur de Lammas, les forces de la 954ème Force d’Expédition en terminent enfin, après sept ans de durs combats, avec la résistance farouche mais futile des Tyrans locaux. Passant à travers les ruines désolées de la capitale, et progressant jusqu’à la gated community où les dirigeants de Kernunnos se sont repliés pour monter leur dernier carré, les Dragons Arcturan sont rejoints sur le parking de la résidence Beau Séjour par un Stormbird aux couleurs des Space Wolves. À la tête des féroces loulous, nous retrouvons le Seigneur Bulveye et ses Lieutenants Halvdan Bale-Eye (surnommé Coco Bel Œil par les Dark Angels) et Jurgen Toukour, les trois officiers supérieurs de la 13ème Grande Compagnie de la Légion de Russ. En attendant que leurs hôtes viennent leur ouvrir la porte, massive et quelque peu endommagée par le bombardement orbital sévère subi par la région au cours des derniers jours, Bulveye nous briefe rapidement sur la particularité de sa Compagnie, composée1 des frères d’épées du Primarque ayant insisté pour boire un coup de Canis Helix à l’arrivée de l’Empereur sur Fenris, en dépit des conseils paternels prodigués par l’Allfather. La gnôle de Pépé s’étant révélée un peu trop forte pour ces flippettes de Fenrisiens, 99% se sont écroulés après avoir demandé s’il y avait de la pomme2, ne laissant que Bulveye et une quarantaine de gaillards accompagner leur lige dans l’espace. Un résultat malgré tout impressionnant.

Ces souvenirs émus sont interrompus par l’arrivée des forces adverses, venues offrir leur reddition à leurs vainqueurs. Une fois les soldats, esclaves, femmes, enfants et Tyrans sortis de leur trou et prostrés dans la poussière devant les impériaux, Bulveye démontre son infinie magnanimité en ne tuant ni n’urinant sur personne, à la grande surprise des vaincus. À la place, il leur explique que les mondes du sous-secteur vont être finalement rattachés à l’Imperium, et qu’il vaudrait mieux pour les petites fesses flageolantes des Tyrans qu’ils ne lui donnent pas de raison de revenir sur Kernunnos de sitôt. Ceci fait, et de retour vers son vaisseau, il apprend de la bouche d’un des ses huskarls l’arrivée de deux messages sur son boîte mail neuf.fr3 : le premier est une convocation de toute la Légion sur Telkara, en vue d’un petit voyage sur Prospero, où Magnus aurait fait du vilain. Le second l’informe de la découverte d’un dernier monde humain dans le sous-secteur, auparavant coupé du reste de la galaxie par des tempêtes Warp. Prenant très à cœur le fardeau du loup blanc et la mission d’unification confiée par l’Empereur à ses Légions, Bulveye décide d’aller tuer le temps nécessaire au rassemblement de sa flotte dans ce patelin perdu, pour honorer la promesse faite à Leman Russ de finir la map à 100%.

Venus en petit nombre, les Space Wolves atterrissent sur une planète qui semble s’être mangée une guerre atomique en bonne et due forme au cours de son histoire, transformant 90% des terres émergées en désert radioactif. Accueillis par une délégation d’adulescents impressionnés par la carrure et la mâle prestance des nouveaux venus, Bulveye et son escorte sont amenés en Kangoo4 jusqu’au Sénat local, constatant pendant qu’ils patientent dans les bouchons que la population semble se préparer pour une catastrophe imminente. Introduits dans le saint des saints d’Antimon (le nom de la planète), les Space Wolves reçoivent un accueil très froid de la part des augustes sénateurs, très occupés à s’abreuver d’injures à propos d’un quota et d’une loterie, dont le sens échappe à leurs hôtes. Sans doute l’organisation de la kermesse de la fin d’année. L’honorable Président du Sénat, Gérard Larch-Javren Santanno, va même jusqu’à traiter ses hôtes de « sales furries puant de mes deux », ou quelque chose comme ça, en introduction de l’entrevue, forçant Bulveye à puiser dans ses réserves de self-control pour éviter de rentrer dans le lard des Antimoniens. À la place, il sort sa plus belle saga, et raconte pendant des heures les circonstances ayant mené à la Grande Croisade et à la fondation des Space Wolves, pour finir par une offre d’adhésion à l’Imperium de l’Humanité, évidemment non assortie d’une période d’essai sans conditions, parce que, reconnaissons-le, vous n’êtes pas en position de dire non. Le test de persuasion si longuement préparé par notre héros s’immobilisant sur un échec critique après avoir roulé sur le bureau de Javren, ce dernier traite tout bonnement son visiteur venu d’ailleurs de menteur, ce qui aurait pu très mal finir si les Harrowers n’avaient pas choisi ce moment pour faire leur grand retour sur Antimon. Que sont les Harrowers, vous entends-je me demander ? Voici.

Cette race de Xenos a pris le parti de venir passer des vacances régulières sur la planète il y a de cela deux siècles, lorsque les tempêtes Warp déchirant la galaxie se sont un peu calmées. Bénéficiant d’une technologie très avancée et d’un goût prononcé pour la torture, ils se sont mis à prélever une dîme parmi les habitants d’Antimon à chacun de leurs passages, et ont construit de grandes (5 km de haut tout de même) tours défigurant le paysage pour abriter leurs vacanciers. D’abord combattus par la caste de guerriers locaux, les armigers, les Xenos déversèrent le feu et la fureur sur la planète en représailles d’une embuscade ayant coûté la vie à 20 d’entre eux, exterminant des centaines de millions de locaux. Suite à cet événement, le Sénat décida de dissoudre les armigers, et de mettre en place un système de bénévolat en pro bono, envoyant aux envahisseurs un contingent de leur population de leur propre chef pour préserver le reste. Tout cela a marché plutôt correctement au cours des dernières décennies, mais le retour précipité des vacanciers tortionnaires fait souffler un vent de panique parmi la population locale, qui, comme aurait pu le dire Illidan Hurlorage, n’est pas prête. Voila ce qui justifiait les débats de quota et loterie5 surpris par les Space Wolves à leur arrivée. Ces derniers, pris également au dépourvu par le débarquement des Eldars Noirs (car oui, si vous n’aviez pas fait le rapprochement, je ne peux plus rien pour vous), qui a forcé leur barge de bataille à se retirer de l’orbite (ou à s’écraser sur la planète, au choix), décident de faire contre mauvaise fortune bons cœurs, et de défendre leurs congénères des déprédations des Drukhari, bien que rien ne les y oblige.

S’ensuit alors une campagne de guerilla inspirée, montée par un Bulveye très à l’aise dans l’exercice. Ayant exprimé leur manifeste de farouche défiance à l’encontre des Xenos puants (littéralement puants, leurs sens développés de Space Wolves manquant d’être submergés par l’infâme fumet dégagé par les envahisseurs) en massacrant sans sommation la petite bande envoyée par l’Archonte Darragh Shakkar collecter la dîme de chair déposée par les Antimoniens à proximité de leur capitale, les Space Marines passent les semaines suivantes à organiser des opérations coup de poing contre les Eldars, leur infligeant de lourdes pertes et minant l’autorité de l’Archonte sur ses pillards. Soutenus dans leurs efforts héroïques par les dons de victuailles de la population, et leur capacité à faire du camping dans les plaines irradiées de la planète pour échapper à leurs poursuivants, Bulveye et ses hommes finissent par être contactés par Andras Santanno, fils de feu Javren, et résistant de la première heure avec ses copains armigers, dont ils ont maintenu la tradition martiale en vie malgré l’interdiction des autorités. Andras pouvant leur permettre d’accéder à une des spires Eldars en dérobant un Raider laissé sans trop de surveillance, Bulveye accepte le principe d’une collaboration, et la team humains prend donc le chemin du pied à terre Xenos…

Début spoiler…Sur place, les assaillants parviennent à se frayer un chemin jusqu’au cristal réacteur, et à poser leurs ultimes charges à fusion sur ce dernier. Bonus appréciable, ce chacal de Shakkar finit également par se joindre à la fête, comme prévu par Bulveye. Au cours d’un combat accroché, et bien aidé par la distraction apportée par Andras, le Seigneur Loup finit par envoyer son adversaire par-dessus la troisième corde, directement sur le cristal en question, ce qui le vaporise sans autre forme de procès (les amateurs de catch appellent ça une Palpatine), et surcharge le réacteur, déclenchant une réaction en chaîne catastrophique menant à l’explosion du centre de vacances Drukhari. Évidemment, nos héros ont réussi à s’enfuir à la dernière seconde de l’édifice condamné, sinon c’est pas drôle.

Se préparant à livrer un dernier carré dans les ruines du Sénat, les survivants apprennent quelques heures plus tard l’arrivée de la flotte de secours des Space Wolves, ayant mis en fuite les vaisseaux Xenos et effectivement remporté la victoire pour l’Imperi… Wait. Andras, en digne fils de son père, n’est vraiment pas chaud pour rejoindre la joint venture vendue par Bulveye, qui espérait pourtant que l’héroïque action d’arrière-garde de ses hommes inciterait leurs hôtes de give peace Big E a chance. Ayant bien compris qu’il n’arriverait pas à convaincre son nouveau frère de la validité de sa démarche, c’est les cœurs lourds que notre héros se trouve forcé de hacher menu son compagnon et les derniers armigers, et d’ordonner à ses renforts de se lancer dans une petite mise en conformité sur le pouce, pendant qu’il prend la route de la rout. ♫ Signé Bulveye… ♫Fin spoiler

1 : En partie, sinon la « Grande » Compagnie ne pèse que quarante nobles vieillards, ce qui est peu.
2 : Et l’Empereur de répondre « Y en a. » selon la formule consacrée.
3 : Comme tous les vieux, Bulveye n’est pas à l’aise avec la technologie, et a donc un préposé aux e-mails et au pack Office qui lui prépare ses présentations Power Point.
4 : Dont la flexibilité offerte par ses sièges rabattables et sa puissance sous le capot impressionne même ce blasé de Bulveye.
5 : Bonne chance pour vendre des tickets en porte à porte avec un grand prix aussi pourri que celui-là.

AVIS:

Longue nouvelle à haute teneur en action space marinée, et adaptation assez réussie de Papy(s) fait de la résistance à la sauce M31, Wolf at the Door se révèle plus intéressante par ce qu’elle dit de la réalité de la Grande Croisade que par la guérilla menée par Bulveye et ses Bulv-ouailles contre des Xenos à l’hygiène corporelle douteuse. Confronté au classique dilemme opposant devoir et éthique, le Seigneur Loup devra trancher (c’est le cas de le dire), bien qu’il lui en coûte. Un bon point à l’élève Lee pour avoir traité cet aspect de la reconquête galactique par les armées de Pépé, et ne pas s’être contenté d’une happy end à la Star Wars1 comme d’autres auteurs auraient pu le faire.

En plus de cela, on apprend pas mal de chose sur la 13ème Compagnie des Space Wolves, et sur la figure semi-connue de Bulveye2, qui reviendra jouer les seconds couteaux dans la novella Leman Russ : Le Loup Suprême de Chris Wraight. On notera également que la diction3 du Wulfen, utilisée par Bulveye comme special move pour vaincre l’Archonte adverse, semble avoir été mise sous contrôle par les Longues Barbes depuis les événements de Dulan. Au temps où cette nouvelle a été écrite, je doute que la BL ait été aussi stricte dans son contrôle éditorial qu’elle ne l’est aujourd’hui, et il est donc heureux que les pièces du puzzle continuent à s’agencer sans trop de friction après toutes ces années.

On regrettera toutefois que les Eldars Noirs convoqués par Mike Lee pour donner le change aux fiers loulous aient été dépeints par l’auteur comme de frêles et grêles brêles, facilement mis en échec par une poignée de Space Wolves déterminés (la palme revenant au Frère Ranulf, qui a défendu en solo le Raider de l’équipe contre des vagues de Xenos sans aucun problème). Cela permet certes de recontextualiser le potentiel des Astartes, mais un peu plus d’équilibre dans le rapport de force aurait été appréciable.

1 : Il aurait été marrant que les Ewoks refusent également de rejoindre la Résistance après le banquet d’Endor, et se soient faits massacrer par la flotte rebelle en représailles. Mais cette galaxie fort lointaine a toujours été des plus gentillettes…
2 : Petit problème de continuité fluffique, dans l’œuvre de Wraight, Bulveye a été démis de ses fonctions de Seigneur Loup et n’est plus que le bras droit de Jorin Bloodhowl. L’âge de la retraite avait-il sonné pour notre vieux guerrier ?
3 : Non pas que les performances ortophoniques de ces petits êtres poilus soient au cœur des débats, mais je ne peux pas trancher s’il s’agit d’une béné- ou d’une malé-diction.

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Scions of the Storm // Les Descendants de la Tempête – A. Reynolds :

INTRIGUE:

Scions of the Storm

J+30 après Monarchia pour la 47ème Flotte d’Exploration impériale. Menée par Lorgar et ses Word Bearers, l’expédition a atteint un monde humain prestement renommé 47-16 par les scribes du bord. Envoyé à la surface de la planète pour prendre le pouls de la convertissabilité des autochtones, Kor Phaeron, Premier Capitaine de la Légion, a émis un jugement sans appel sur les ploucs en question à son retour en orbite : des païens indécrottables, dont on ne pourra jamais rien tirer. Sans savoir que le père adoptif et confident de Lolo, qui boude dans sa chambre depuis qu’il a reçu une paire de mandales paternelles sur Monarchia1, suit son propre agenda (HelloKitty), l’idéaliste Capitaine Sol Talgron s’oppose à l’approche génocidaire préconisée par Kor Phaeron, et le duel de regards qui s’ensuit n’est interrompu que par le susurrement d’Erebus, qui informe le conseil de guerre des Porteurs de Moe que le Primarque devra être consulté sur ce point. À peine le temps pour les Capitaines rassemblés de sortir de la pièce et de se diriger vers leurs quartiers respectifs que ce coquinou de Premier Chapelain re-convoque tout son monde, et explique à l’assemblée que Lorgar a donné son feu vert pour annihiler la civilisation en contrebas (qui pourtant avait accueilli plutôt favorablement le projet de rejoindre l’Imperium), sous prétexte que l’Empereur souhaite désormais que la 17ème Légion accélère son rythme de mise en conformité. Interloqué par cette décision, Sol Talgron se plie toutefois sans broncher à cette dernière, et s’en va préparer ses hommes au prochain assaut.

Après une journée de bombardements intensifs, ayant fait chuter la démographie de 47-16 de 98%, il est temps pour les Astartes d’aller finir le job de plus près, le temple-capitale de la planète étant protégé par un champ de force trop puissant pour que les macro-canons de la flotte puissent en venir à bout. Et c’est là que les ennuis commencent pour les Word Bearers, dont le zèle ardent n’est cependant pas tempéré de beaucoup de sens tactique, ce qui leur posera les problèmes que l’on sait pendant la Croisade des Ombres. Nous suivons donc Sol Talgron et sa Compagnie lors de leur approche de l’objectif, pendant que les autres forces d’assaut impériales convergent sur l’ultime bastion adverse dans la confusion la plus totale. Certains par Stormbirds, d’autres par Drop Pods, on voit également des tanks lourds et des Titans se joindre à la curée, pendant que la flotte impériale continue de bombarder la cité. La définition même d’un overkill, même si dans ce cas précis, ce sont les impériaux qui paient le plus lourd tribut. Les défenseurs peuvent en effet compter sur leur maitrise de la foudre et de la robotique pour mettre des bâtons dans les roues et des éclairs dans les joues des assaillants, leurs marcheurs de combat montés sur trépied se révélant aussi coriaces que mortels pour les Word Bearers et leurs alliés. Cela n’empêche pas Sol Talgron et ses compagnons de l’escouade de vétérans Helikon2 de se frayer un chemin jusqu’au périmètre extérieur du temple, notre héros se mangeant quelques décharges bien juteuses en chemin. Grâce à l’éclair de génie (haha) du Sergent Kal Badar, il parvient tout de même à pénétrer dans le saint des saints adverse, le sabotage de quelques uns des paratonnerres locaux affaiblissant momentanément le bouclier protecteur et permettant à nos héros de se jeter (littéralement) à l’intérieur…

Début spoiler…Une fois remis de leurs émotions, Sol et ses hommes se dirigent vers le cœur du complexe, s’arrêtant en chemin pour émettre des jugements peu aimables sur la statue géante du dieu de la foudre vénéré par les locaux. Dans l’espèce de pyramide centrale sont réfugiés les survivants de 47-16, qui occupent leurs dernières heures à vénérer leur déité païenne sous le commandement d’un prêtre rabougri. Cherchant à mettre fin au massacre de façon diplomatique, Sol Talgron engage la conversation avec ce dernier, et ne tarde pas à réaliser, copie du Lectitio Divinatus locale à l’appui, que la population de la planète vénérait bien l’Empereur, sous la forme d’un dieu des tempêtes. Après tout, le symbole de Pépé n’est-il pas un éclair ? Bon, ça ne pardonne pas l’utilisation par les auto-proclamés Descendants de la Tempête de robots autonomes, une faute lourde dans le règlement intérieur de l’Imperium, mais Sol est convaincu que le malentendu peut être réglé à l’amiable (enfin, un amiable ayant fait près de 200 millions de morts, tout de même), si l’aimable vieillard consent à le laisser expliquer la situation à ses collègues et à désactiver son bouclier. Ce dernier accepte, après avoir reçu la promesse de la part du Capitaine que ses derniers fidèles seront épargnés par les Word Bearers.

Au bout de quelques minutes d’attente la 1ère Compagnie de la Légion se téléporte en full armure Terminator dans le temple, suivie de Lorgar et d’Erebus. La simple vue du Primarque fait blémir l’ayatollah local, sans doute capable de percevoir la corruption grâce à ses super pouvoirs de personnage secondaire qui va mourir dans les minutes qui vont suivre sans pouvoir prévenir le héros. Ce dernier, transporté par la présence de l’Urizen, aussi appelé le Doré, aussi appelé l’Oint par ses fils (et Ouin Ouin par ses frères), sous ses abords débonnaires et prévenants, semble bien trop satisfait de lui-même pour tromper le lecteur sur la fin de la nouvelle. Et en effet. Après une courte promenade avec Sol Talgron, il ordonne à Erebus d’égorger le prêtre et à Kor Phaeron de descendre les Descendants, avant d’annoncer à notre héros, un peu ébêté, qu’il aura besoin de son absolue loyauté dans le futur, et qu’il est en train de finir un nouveau bouquin, beaucoup plus abouti que le Lectitio Divinatus, dont le titre de travail est le Livre de Lorgar (en toute simplicité). Il ne manque plus qu’un petit éclat de rire maléfique pour faire comprendre au vraiment très gentil Sol Talgron que son boss n’est plus le même. En tout état de cause, il est plus que probable que l’intègre Capitaine ne finisse pas l’Hérésie en un Sol morceau…Fin spoiler

1 : Au moment où Reynolds a écrit cette nouvelle, l’affaire n’avait pas encore été mise en scène comme l’humiliation publique et générale subie par la Légion dans son ensemble, sous la plume d’Aaron Dembski-Bowden (Le Premier Hérétique). De même, aucun Custodien ne viendra pointer le bout de son casque ici, ce qui aurait peut-être permis aux quaranteseptseiziens de mieux s’en tirer…
2 : Appelée ainsi en hommage à l’instrument dont joue Lorgar dans la fanfare primarquielle.

AVIS:

Difficile de juger cette très ancienne nouvelle traitant des Word Bearers au moment de leur basculement du côté sombre du Warp sans la comparer à ce qui a suivi, et qui est à mes yeux de bien meilleure facture. Au-delà des éléments fluff qui ont été modifiés ou réécrits depuis, et desquels Anthony Reynolds n’est pas responsable1, le récit du martyr de 47-16 n’apparaît pas comme particulièrement intéressant, à l’image de Sol Talgron, héros bien brave et bien honnête, qui passe son temps à tomber du ciel et des nues. Si la révélation finale permet au moins d’acter la déchéance consommée de Lorgar, elle se trouve amoindrie, comme le reste de la nouvelle, par des considérations logiques venant mettre à mal les efforts de l’auteur pour nous vendre du rêve et du mystère. Ainsi, j’ai du mal à m’expliquer comment une planète décrite comme ayant été isolée du reste de l’humanité pendant…un certain temps2 a réussi à récupérer une copie bootleg du Lectitio Divinatus, et à se convertir au culte de l’Empereur (en construisant des statues d’un kilomètre de haut pour marquer sa foi) dans l’intervalle de quelques décennies séparant l’écriture du bouquin et l’arrivée de Lorgar. Bref, ça tient globalement la route, et Reynolds se fend d’un petit coup de théâtre conclusif, ce qui est toujours appréciable, mais il ne s’agit pas d’aller trop dans les détails de ce Scions of the Storm si on veut que l’illusion opère.

1 : Bien qu’un esprit joueur pourrait lui sortir la phrase qu’il a mis dans la bouche de Kor Phaeron dans cette histoire : « l’ignorance n’excuse pas le blasphème ».
2 : Première phrase : « for countless millenia ». Deuxième phrase : « for over four thousand years ». À ce rythme, on en aurait fini sur un « depuis jeudi dernier » si cette nouvelle avait été un roman. C’est peut-être anodin pour l’histoire en elle-même, mais ça ne fait pas très sérieux.

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The Voice // La Voix – J. Swallow :

INTRIGUE:

The VoiceSur l’Aeria Gloris, l’ambiance est lourde et la parole rare. Ceci est notamment dû à la fonction de ce vaisseau et à la nature de son équipage, respectivement assurer le ramassage solaire des Psykers sauvages de l’Imperium, et Sœurs du Silence, mais pas que. L’expérience horrifique vécue par nos héroïnes, la novice Leilani Mollitas et sa maîtresse d’alternance Amendera Kendel sur Luna il y a quelques semaines, où elles ont vu la lune de l’agent infectieux ramené par cet arriviste de Garro après sa fuite éperdue d’Isstvan, pèse en effet sur leur conscience, tout comme la nouvelle de la trahison du Maître de Guerre. Et, si Kendel, en sa qualité d’Oblivion Knight, ne peut s’épancher sur cette expérience traumatisante1, Mollitas, qui n’a pas encore prêté le Serment de Tranquilité, est libre de vider son sac, ce qu’elle ne se prive pas de faire. Car la jeunette est bavarde, ce qui risque de compliquer la suite de son parcours professionnel, mais passons. La séance thérapeuthique est toutefois interrompue par l’arrivée de Thessaly Nortor, adjointe de direction de Kendel, qui permet à Swallow d’en venir aux faits de sa nouvelle. L’Aeria Gloris a été envoyé s’enquérir du destin du Validus, autre Vaisseau Noir ayant cessé de donner des nouvelles depuis plusieurs semaines, et donc supposé perdu corps et biens (et âmes). Le Validus étant chargé à ras bord de Psykers au moment de sa disparition, les autorités compétentes n’ont rien voulu laisser au hasard et la mission des Dagues de Tempête de Kendel est de localiser, sécuriser ou oblitérer le vaisseau égaré ou damné. Fait rare, et à la limite du blasphématoire pour les muettes à chignon, la dernière transmission du Validus contenait un message audio dans lequel on entend une Sœur parler et mettre en garde ses auditeurs contre « La Voix… LA VOOO !!! ». Voilà qui est bien étrange et sinistre.

Au prix d’une entourloupe fluffique ayant pour but de renforcer l’ambiance lourde de son récit, Swallow enchaîne en permettant à l’Aeria Gloris de localiser sa proie dans le Warp et de s’amarrer à ce dernier dans le Warp (toujours), après une savante manœuvre visant à la mise en commun des champs de Geller des deux vaisseaux. Je ne suis absolument pas convaincu que cela soit possible, mais sinon, la nouvelle se termine sur une photo de Kendel en train de faire : ¯\_()_/¯, alors on lui fera grâce pour cette fois. Téléportée avec son escouade sur le Validus, Kendel ne met pas longtemps à se rendre compte que quelque chose de pas très funky s’est passé sur le vaisseau, comme démontré par la poutre d’acier vieille de plusieurs millions d’années que la taskforce trouve sur son chemin vers l’animalerie de bord. OK, ce n’est qu’un signe parmi le tombereau de manifestations flippantes que les Sistas croisent lors de leur balade dans le cargo abandonné, mais c’est le premier alors autant commencer par là.

Etant parvenues jusqu’au pont de commandement, après avoir euthanasiées par le feu un mastiff charognard et constaté que certains membres de l’équipage ne sont pas morts, mais en état végétatif, Kendel et son crew se repassent les dernières entrées du capitaine de bord, et apprennent que le Validus a pris position dans le Warp, étrangement calme à cet endroit, suite à la réception d’un ordre siglé S.O.S2, un peu bizarre dans sa formulation, mais néanmoins tout à fait valide. Malheureusement, l’expérience a eu des effets indésirables sur la cargaison de Psykers, dont certains ont été libérés par des interventions mystérieuses, et foutus un boxon monstre à l’intérieur du vaisseau. Ce constat angoissant est encore renforcé de la découverte par Mollitas des astropathes de bord, pendus dans leur studio. Il en faut toutefois plus pour décourager Kendel d’enquêter sur le sort de l’équipage de Sœurs du Validus, placé sous le commandement de son ennemie intime, cette pimbêche d’Emrilia Herkaaze. Les Jeannettes reprennent donc leur route dans la joie et la bonne humeur, en chantant (dans leur tête évidemment), Un Kilomètre À Pied.

Après avoir réchauffé un cryokene complètement givré (en même temps…) en chemin, Kendel et ses oies finissent par localiser une Sœur isolée, plongée dans une méditation profonde au milieu d’un couloir. Ô surprise, il s’agit de Herkaaze, qui émerge de sa transe à l’arrivée des renforts, et leur explique qu’elle a ordonné à ses suivantes d’établir un cordon anti-psy dans le vaisseau pour empêcher le Gestalt, ou l’agglomérat de psykers, situé un peu plus loin d’accéder au pont de commandement. Maintenant que les renforts sont arrivés, l’autoritaire Serre Blanche, qui en veut toujours à Kendel du souvenir cuisant de leur opération commune sur Sheol Trinus, est déterminée à régler le problème une fois pour toutes, même s’il faut pour cela laisser la fidèle Nortor faire des salutations à la lune en arrière garde pour ne pas briser le périmètre de sécurité…

Début spoiler…Kendel, Mollitas et Herkaaze parviennent, après de durs combats contre la ménagerie de Psykers perturbés errants dans les couloirs, jusqu’à leur objectif, que l’on peut littéralement décrire comme un groupe de parole. En effet, une assemblée de Psykers contrôlés par le même esprit est en train de danser un an dro dans un hangar, faisant signer à Herkaaze la phrase fatidique (mais attendue avec ferveur par votre serviteur). Contrairement à ses petits camarades de jeu, le Gestalt, ou la Voix, ne semble pas intéressée par l’annihilation des Nulles l’ayant débusquée dans sa tannière. Au contraire, elle insiste qu’elle doit communiquer un message très important à rien de moins que l’Empereur, car elle vient d’un futur pas vraiment lointain mais définitivement en guerre, que ses révélations pourraient permettre de contrecarrer. Déjà pas franchement encline à l’écoute bienveillante d’un ramassis de Psykers à la mentalité d’un banc de sardines, Herkaaze manque de s’étouffer dans son fluff lorsque la Voix déclare qu’elle est en fait la manifestation psychique de Mollitas, qui a trouvé un moyen de voyager dans son passé pour tenter de circonscrire l’Hérésie d’Horus. C’en est trop pour la puritaine Herkaaze, qui pourfend Mollitas jeune en hurlant signant ~C’EST PAS SUR TARAAAAAAAAN !!!!~, provoquant une réaction en chaîne spatio-temporelle menant à une…extinction de Voix (badum-tss). Dans la panique générale qui s’en suit, Kendel tombe dans un trou et se cogne la tête, tombant dans une inconscience bien pratique pour insérer une petite ellipse.

Et comme par hasard, lorsqu’elle revient à elle, c’est dans une cuve de bacta de l’Aeria Gloris. Face à elle, cette voyeuse d’Herkaaze, ayant elle aussi survécu au voyage retour, a l’amabilité de la briefer sur la fin de l’expédition. Secourue par Nortor, qui l’a ramenée au prix de sa propre vie sur l’Aeria Gloris, Kendel a passé plusieurs jours à récupérer de sa mauvaise chute. Herkaaze et quelques unes de ses Serres Blanches ont réussi à s’échapper du Validus, détruit par une vague de senescence accélérée en utilisant des capsules de survie3. Toujours choquée par le meurtre de sa novice de la main de sa rivale, Kendel l’est encore plus par la prise de parole de cette dernière, qui ce faisant brise son Vœu de Tranquilité. Herkaaze semble avoir été durement éprouvée par l’expérience du Validus, et s’en va en murmurant sur la nature divine de l’Empereur, autre signe manifeste d’un esprit dérangé. Kendel aura tout loisir de régler ses comptes avec sa collègue une fois qu’elle aura décuvé…Fin spoiler

1 : Durant laquelle elle a failli prendre la mouche.
2 : Sisters of Silence, évidemment.
3 : Qui doivent donc disposer de leurs propres champs de Geller (à moins qu’une Sœur du Silence suffise à le remplacer).

AVIS:

Étrange nouvelle que ce The Voice, dans laquelle James Swallow parvient à faire du très bon comme du très mauvais. Parmi les bons points, mettons au crédit de l’auteur l’ambiance angoissante savamment instillée et maintenue pendant les trois quarts de son récit, ainsi que les nombreux éléments de fluff touchant à l’organisation des Sœurs du Silence et des Vaisseaux Noirs égayant ce dernier. À l’inverse, Swallow prend parfois des libertés excessives avec ce même fluff pour faire tenir son intrigue, et son utilisation d’une boucle spatio-temporelle en guise de rebondissement final m’est apparue comme assez grossière. Outre le fait que ce genre de procédé génère invariablement des paradoxes et questions que même les plus grands esprits de la SF (catégorie à laquelle James Swallow n’appartient pas) ont du mal à cadrer de façon satisfaisante, la nature même de la voyageuse temporelle vient encore complexifier l’opération décrite par l’auteur. En l’état, mon ressenti à la deuxième lecture (la première ayant suscité une réaction bien plus tranchée de ma part) de The Voice est que Swallow en a trop ou pas assez dit sur cette histoire de voyage temporel. Il s’agit typiquement d’un sujet qui devrait être couvert dans un roman, et pas dans une nouvelle d’une soixantaine de pages (dans laquelle cette révélation occupe royalement cinq pages au total, qui plus est). Peut-être que la suite des aventures de Kendel (pas encore lue de ma part au moment de l’écriture de cette chronique) a vu James Swallow creuser un peu cette histoire, mais pour l’heure, c’est trop nébuleux pour mériter un pouce vert.

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Call of the Lion // L’Appel du Lion – G. Thorpe :

INTRIGUE:

Call of the Lion

Notre propos commence par l’arrivée, aussi lente que vigilante, d’une Flotte d’Exploration commandée par Astelan des Dark Angels dans un système solaire quelconque. Car, mine de rien, même une armada de supers vaisseaux remplis jusqu’à la gueule de super soldats a la tête dans le Warp à son retour dans le Materium. Ayant réussi leur insertion dans l’espace réel du système DX-619, les inflexibles croisés se dirigent posément vers le soleil local, où les attend peut-être une civilisation humaine à ramener dans l’ample giron de l’Imperium. Astelan, qui en a vu d’autres, ne se berce pas de grandes illusions quant aux chances de découvrir une planète colonisée si loin du centre galactique, mais il reste de son devoir d’investiguer le moindre indice et signal radio capté par les auspex impériaux. Aussi, lorsque la confirmation tombe enfin qu’une des planètes de DX-619 accueille bien une vie intelligente, c’est l’effervescence parmi les Übermen in Black. C’est également l’occasion pour Astelan d’inviter à bord de sa barge de bataille son homologue Belath, que le haut commandement de la Légion lui a collé dans les pattes il y a seulement deux semaines.

À son arrivée, Belath est contraint de briefer son vieux collègue sur les dernières tendances de la mode calibanite, qu’Astelan (qui est Terran) n’a pas suivi d’un œil attentif. Une fois expliqués son héraldique et sa couleur de fond d’écran d’épaulière, certes moins austères que la moyenne, Belath emboîte le pas de son hôte jusqu’au Strategium de la Spear of Truth, où les deux officiers supérieurs doivent mettre de côté leurs approches divergentes – Astelan plaidant pour une approche discrète et conciliante, Belath pour un assaut frontal en bonne et due forme – pour accoucher d’un mode opératoire cohérent. Sur le chemin, Astelan ne résiste pas à la tentation de frimer en montrant à son collègue les portes en bois gravé qu’il a fait installer à l’entrée de la salle de réunion, et qu’il a réalisées de ses propres mains. On s’en fout certes, mais c’est tout de même une information ESSENTIELLE. Après moultes palabres, le vétéran parvient à convaincre le jeunot de monter une opération de reconnaissance furtive, dont le but sera de capturer quelques locaux pour leur extorquer des informations sur leur planète. Cette dernière semble en effet dépourvue d’une autorité centrale, compliquant la tâche des missionnaires de Pépé. Heureusement, le lion sait aussi se faire renard quand l’occasion le nécessite…

Début spoiler…Mais un renard myope, comme Astelan, qui a tenu à être le premier à prendre pied sur ce nouveau monde, tel un Christophe Colomb à deux cœurs ou un Neil Amstrong en armure énergétique, ne tarde pas à le découvrir. Car la petite ville à côté de laquelle les Astartes se sont posés en mode sneaky1 se révèle être un camp militaire, qui réagit comme tout camp militaire digne de ce nom à cette intrusion : par une attaque massive. Bien que les Space Marines, d’abord surpris par le tour pris par les événements, réussissent sans trop de mal à repousser les assauts des bidasses en furie2, et à retourner en orbite pour réviser leurs plans, cette opération a été un monumental fiasco, qui risque de compliquer fortement la réception du message pacifiste prôné par Astelan. De son côté, Belath piaffe d’impatience à l’idée de conquérir son premier monde, et il faut tous les talents d’orateur d’Astelan, ainsi qu’un bon front contre front pour asseoir sa domination, pour give peace (another) chance, comme le chantaient les Nonnes Jaunes (le groupe préféré de Lionel). Bien que Belath accepte une nouvelle fois l’approche non-violente (en tous cas, pas intentionnellement) de son collègue, le courant est rompu entre les deux hommes, le Calibanite menaçant ouvertement le Terran d’aller le cafter auprès du Primarque.

Après quelques jours passés à organiser une entrevue entre les impériaux et le Comité des Nations de Byzanthis (les Dark Angels auront au moins appris quelque chose pendant leur séjour), Astelan et Belath reçoivent enfin l’autorisation de se rendre, seuls et sans armes, devant l’auguste assemblée pour plaider leur cause. Si le premier tente de faire amende honorable pour convaincre ses interlocuteurs de la méprise ayant conduit la Légion Etrangère à massacrer quelques milliers de soldats locaux, et de présenter l’Imperium de l’Humanité sous un jour attrayant, Belath n’appuie pas vraiment les efforts de son coéquipier. Pire, il devient rapidement clair qu’il a ordonné à ses propres vaisseaux de se placer en orbite basse au dessus des grandes villes de Byzanthis, ce qui a déclenché une paranoïa bien compréhensible de la part des délégués. Et lorsque l’une d’entre elles appelle le service d’ordre pour emprisonner les Dark Angels afin de pouvoir négocier leur libération avec les Impériaux, Belath se fait une joie d’inviter ses potes Terminators, avec des conséquences tragiques pour le Comité. Pris de court par les événements, Astelan ne peut qu’ordonner à ses troupes d’assister celles de Belath dans la mise en conformité de Byzanthis, de la façon la plus sanglante qui soit. Ce n’est cependant pas la fin des emmerdes pour notre héros, à qui son homologue révèle en conclusion de la nouvelle qu’il l’a balancé à l’IGPN de la Légion, et peut donc s’attendre à une enquête approfondie sur son cas dans les mois qui viennent. Ah, les tensions dans les familles recomposées…Fin spoiler

1 : Tellement sneaky que la première chose qu’ils ont fait a été d’envoyer des jet bikes et des Land Speeders vrombir aux alentours. C’est un peu comme vouloir aller observer la nature en 125.
2 : La bataille se terminera sur le score sans appel de 2780 morts à 3.

AVIS:

Construit autour d’une idée intéressante, même si pas vraiment originale1, Call of the Lion réussit à être par moment très bien fichu (l’approche de la flotte, qui permet à Thorpe de rappeler à tout le monde que les manœuvres hyper véloces à la Star Wars n’ont pas lieu d’être dans les ténèbres de notre lointain futur) et pertinent (la confrontation des points de vue entre les deux Commandants, qui souligne une des causes ayant pu mener à la scission des Dark Angels pendant l’Hérésie, et illustre les difficultés pour les Légions Space Marines de former un tout cohérent après la découverte de leur Primarque et l’intégration de « ses » guerriers), et assez quelconque le reste du temps (la bataille de Saivrémenpadbôl, qui occupe un bon tiers du récit). À trop vouloir intégrer le propos de cette nouvelle dans son arc Dark Angels (Astelan étant l’un des personnages principaux d’Angels of Darkness, publié trois ans plus tôt par la BL), et notamment sa rivalité avec Belath, Thorpe affaiblit la fin de son histoire, qui semble se terminer sur un cliffhanger plutôt que sur une ouverture – ce que Lee avait réussit à faire dans Wolf at the Door. Cela étant, l’ensemble reste assez solide, en particulier quand on le compare au standard habituel de Thorpe, qui démontre une fois encore qu’il est le maître de la contextualisation des voyages et manœuvres spatiaux, un talent malheureusement assez peu répandu parmi les contributeurs de la Black Library. Notons pour finir que le titre de la nouvelle est passablement trompeur, Lionel n’apparaissant nulle part dans l’intrigue, ni ne décrochant son téléphone pour passer un coup de fil aux héros. Peut-être est-ce cette balance de Belath qui a réussi à joindre le Primarque pour cafarder sur son camarade, mais dans ce cas là, il aurait été plus juste de parler de l’Appel au Lion (poil au croupion).

1 : Mike Lee ayant eu la même pour son Wolf at the Door, qui malheureusement pour Gav, précède sa nouvelle dans Tales of Heresy.

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The Last Church // La Dernière Église – G. McNeill :

INTRIGUE:

The Last ChurchIl n’est pas loin de minuit dans l’Eglise de la Pierre Foudroyée, comme le constate le Père Uriah Olataire en allumant les cierges du saint lieu. Un seul coup d’œil au coucou suisse cassé qu’il a volé à son propriétaire légitime lors de sa folle jeunesse suffit à notre héros pour se rendre compte que l’heure est grave, très précisément minuit moins deux sur l’horloge de l’apocalypse. Lorsqu’elle se mettra à sonner, l’a prévenu l’horloger auquel il a dérobé l’artefact, cela chauffera dans les chaumières. En attendant, Olathaire se prépare à célébrer la messe de minuit dans une profonde solitude, aucune de ses ouailles n’ayant jugé bon de braver la tempête sévissant cette nuit là pour monter au sommet du Ben Nevis1 assister au sermon de notre écclésiastique. Plus que sur les conditions climatiques ou le denivelé, il faut mettre cette désertion sur le compte des commandements laïques édictés par ce soi-disant Empereur, ayant conquis presque tout Terra pour y imposer son joug athée. Résolu à accomplir tout de même son office, Uriah est interrompu par l’arrivée d’un visiteur, se présentant sous le nom de Révélation, et venu avec quelques amis patientant tranquillement sur le parvis, discuter avec le prêtre de la dernière église terrane avant que cette dernière ne soit réduite en cendres. Du tourisme de l’apocalypse en quelque sorte…

Début spoiler 1…Ravi d’avoir un peu de compagnie, Uriah engage la discussion avec l’intrigant voyageur, qui ne met pas longtemps à exprimer ses vues résolument séculières et rationnelles à son hôte. S’engage alors une joute enfiévrée voyant les deux hommes échanger leurs arguments sur les mérites et les dangers de la foi. Guère convaincu par l’exhibition de la pierre sacrée dont l’église tient son nom, Révélation se montre cependant disposé, après un petit whiskey, à écouter Uriah lui raconter le soi-disant miracle dont il a été témoin lors de sa jeunesse, et qui l’a poussé à endosser le surplis. Notre prêtre était de son propre aveu une canaille en son jeune temps, et s’était piqué de voyager à la recherche de contrées pas encore assujetties au règne de l’Empereur, qui avait à cette époque déjà conquis la majeure partie de l’Europe. N’ayant réussi à rien d’autre qu’à se faire jeter d’une falaise italienne par un Guerrier Tonnerre dont il avait traité la maman de gorille, l’infernal Ecossais était revenu chez lui pour un temps, avant de repartir pour se faire soldat dans toute armée de résistance à la tyrannie impériale qui voudrait bien le prendre. Et, comme de juste, il avait trouvé avec qui parler en se rendant en France (Franc dans le texte), un Etat connu dans le monde entier pour la belligérance de ses habitants. C’est ainsi qu’il s’était retrouvé mêlé à un soulèvement local, vite écrasé dans le sang par la patrouille de Guerriers Tonnerre de la région. Seul survivant du massacre, Uriah avait repris connaissance dans une forêt et vu une figure lumineuse s’approcher de lui pour tenir à peu près ce langage : « Yo dog, we cool now ? ». Transporté par cette expérience extraordinaire, il avait abandonné sa vie de marginal pour obéir au commandement divin qu’il était certain d’avoir reçu dans cette clairière abandonée.

Cette émouvante anecdote ne convainc cependant pas Révélation de baisser sa garde, et il continue à critiquer les ravages de la religion2 à travers l’histoire avec tant de hargne que le bon prêtre finit par lui montrer la porte. Comprenant qu’il a épuisé la patience de son hôte, le visiteur laisse alors tomber le masque et se révèle être…

Début spoiler 2…L’Empereur en personne. Sous sa forme néon de cabine d’UV, qui plus est. Il ne faut pas longtemps à Uriah pour réaliser que c’est lui qu’il a vu dans la forêt il y a toutes ces années, et qu’une mauvaise interprétation a conditionné toute sa vie jusqu’à ce moment. C’est la lose. Un peu hébété par cette…épiphanie, le prêtre accepte de suivre Pépé à l’extérieur de l’église, et d’enfin souscrire à sa vision du monde… jusqu’à ce que l’Empereur lui révèle son grand projet de conquête de la galaxie, à laquelle Uriah ne croit pas du tout. Et lorsque le puissant monarque répond à la question « pourquoi ? » par un pauvre « parske-euh », le charme est définitivement rompu. Uriah préfère donc retourner dans son église, incendiée par les Guerriers Tonnerre amenés en renfort par leur boss, plutôt que de donner la satisfaction d’une victoire morale à son contradicteur. Ainsi brûle la dernière église de Terra, au son prophétique du coucou de l’apocalypse…Fin spoiler

1 : Pure supposition de ma part, mais McNeill, qui s’est donné pour mission de vendre son Écosse natale dans l’univers de 40K, donne quelques indices supportant cette thèse.
2 : On apprend à cette occasion qu’au 30ème millénaire, les gens se souviennent encore de Béziers. C’est tout de même la classe.

AVIS:

Je ne sais pas si la GW-Fiction sera un jour considérée comme autre chose que de la littérature de gare (ou de spatioport, pour rester dans l’ambiance), mais je peux déjà m’avancer en plaçant The Last Church parmi les « classiques » de ce sous-sous-sous-sous-genre. Car McNeill réussit ici à livrer un texte aussi surprenant qu’intéressant et profond (toute proportion gardée, bien entendu), et justifie ainsi son positionnement parmi les meilleurs contributeurs de la Black Library… quand il s’en donne les moyens1.

Cette nouvelle est surprenante, car elle est (presque) totalement non-violente, et place le lecteur dans une situation des plus inhabituelles pour la littérature millénariste de Games Workshop : foin d’héroïques Space Marines, de courageux soldats impériaux, d’inflexibles Inquisteurs, ou de civils apeurés2 ici, seulement un vieux prêtre et son visiteur inattendu, dialoguant des mystères de la foi et des conséquences, aussi positives que négatives, que cette dernière a eu pour l’humanité depuis l’aube des temps. Si les arguments convoqués par les débatteurs ne sont pas à placer au pinacle de la réflexion philosophique ni au sommet de l’art oratoire, il faut tout de même reconnaître que McNeill réussit à faire passer cet échange de façon distrayante et parfois instructive pour le lecteur, ce qui n’était pas couru d’avance pour un auteur spécialisé dans l’art délicat du grimdark d’action. Autre surprise et prise de risque, à mes yeux concluante, de Graham McNeill, son utilisation du personnage le plus central et intouchable de l’univers de 40K, Pépé 1er. La véritable identité de Révélation sera comprise par le lecteur plus ou moins tôt dans la nouvelle, en fonction de sa connaissance du fluff et de son attention aux petits indices égrénés par McNeill, mais la véritable surprise demeure ce choix de mettre l’Empereur à hauteur d’homme le temps d’une nouvelle, et de le laisser s’exprimer assez longuement au cours de cette dernière, alors que la norme avait jusqu’ici été de cantonner MoM à l’élément de décor3, balançant de temps à autres une phrase d’une infinie sagesse pour le bénéfice du fanboy transi. Ici, ce dernier en aura vraiment pour son argent, et The Last Church constitue encore à ce jour l’un des textes où Big E est le plus disert, ce qui en fait un passage quasi obligé pour tout citoyen impérial qui se respecte.

Cette nouvelle est également intéressante, car elle couvre de nombreux aspects des Luttes d’Unification, sorte de préhistoire impériale pendant laquelle de nombreux événements ont été mis en branle qui trouveront leur conclusion dans les siècles et millénaires suivants. Qu’il s’agisse de détails géographiques, historiques ou personnels, l’éclairage apporté par les souvenirs du Père Olathaire est précieux pour le fluffiste acharné, ou simplement curieux d’en apprendre un peu plus sur la manière dont Pépé a enfin tapé du poing énergétique sur la table pour réaliser son rêve galactique. En matière de construction narrative, McNeill parvient également à tirer son épingle du jeu en maintenant du suspens jusqu’à la fin de son récit. Comment Olathaire va-t-il réagir à sa propre révélation, lorsqu’il comprendra que son miracle personnel, sur lequel sa foi s’appuie, n’était en fait qu’une rencontre furtive entre un survivant en état de choc et un Empereur parti faire un tour en forêt ? Tout se joue dans les dernières lignes de la nouvelle, faisant de cette dernière une des plus abouties de McNeill de ce point de vue.

Enfin, cette nouvelle est profonde, et confine parfois à l’ironie, à travers le discours tranché livré par Révélation sur la religion et ses méfaits. Quand on sait comment l’histoire se termine, ou en tout cas se poursuit après cet ultime incendie d’église par un païen à cheveux longs4, la laïcité militante de l’Empereur apparaît comme le plus gros You had ONE job de l’histoire de l’humanité, tout comme son horreur absolue de l’Inquisition… Encore plus intéressant est le renversement de situation opéré par McNeill dans les dernières pages de la nouvelle, lorsque le jusqu’ici très rationnel Empereur ne peut justifier son projet de conquérir la galaxie par un « je sais que j’ai raison » assez minable, qui vient ruiner tout son argumentaire nocturne, et pousse finalement son interlocuteur à demeurer fidèle à sa foi, et à prendre son congé en prévenant Révélation qu’il deviendra sûrement ce qu’il s’était juré de détruire. Warhammer 40.000 étant un univers reposant à bien des égards sur de profonds paradoxes, l’exposition d’un des plus centraux de ces derniers prouve, si besoin était, l’excellente compréhension que Graham McNeill a du cadre dans lequel il évolue. Cela peut certes sembler banal pour le lecteur, mais la BL a connu son lot de soumissions ratées à cause de connaissances trop légères de la part de ses contributeurs : il faut donc reconnaître un auteur « bien (in)formé » quand on en croise un. En définitive, The Last Church se positionne très sérieusement comme l’une des meilleures nouvelles signées McNeill de l’Hérésie d’Horus, et peut-être même de sa production totale pour le compte de la Black Library.

1 : Car il y a tout de même beaucoup de scories dans sa production, vous ne m’en ferez pas démordre.
2 : Probablement parce qu’ils ont tendance à tomber comme des mouches dès lors que les trois autres catégories de personnages sont présents.
3 : Du genre luminaire, si on doit en croire sa propension à générer des flashs aveuglants.
4 : C’était bien la peine d’exterminer les Scandinaves pour leur piquer leurs traditions ancestrales.

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After Desh’ea // Après Desh’ea – M. Farrer :

INTRIGUE:

Après Desh'ea

Un sombre sentiment étreint les cœurs du fier Khârn et de ses compagnons War Hounds alors qu’ils patientent dans la salle d’attente du Conqueror. Pas de la peur, non (après tout, ils ne peuvent pas ressentir cette émotion, pas vrai ?), mais une certaine appréhension à l’idée de rencontrer pour la première fois leur Primarque perdu, le colérique Angron, que l’Empereur a téléporté chez ses fils en coup de vent avant de repartir vers sa Grande Croisade, justifiant son départ précipité pour Aldebaran par la nécessité de ne pas rater sa correspondance avec la 37ème. Le tout griffoné sur un post-it maculé de sang et collé sur la porte de la salle où Angron fait les cent pas et les quatre cents coups. Les tragédies causées par les parents démisionnaires…

Par le jeu des successions déclenché par le massacre systématique de tous les émissaires envoyés par les War Hounds se présenter au Primarque, Khârn est maintenant en charge de réussir là où ses supérieurs et camarades ont échoué au cours des heures précédentes. Faisant fi des conseils de prudence de ce planqué de Dreagher, le Capitaine toque à la porte, entre discrètement, et s’avance de quelques pas pour essayer d’apercevoir son père génétique. S’ensuit une conversation honnête et amicale entre Angron, toujours un peu jet lag depuis son départ de Nuceria, et celui qui ne tardera pas à devenir son Ecuyer. Hum. En fait, pas vraiment. Reprenons : Khârn entre, scrute les ténèbres de la pièce jonchée de cadavres mutilés, et… SE FAIT DEFONCER DANS LES GRANDES LARGEURS par un Angron toujours aussi grognon. Entre deux rebonds sur les murs, fractures, dislocations et hémorragies internes, Khârn, en grand professionnel qu’il est, tente de faire passer quelques infos capitales à son nouveau chef, comme qui il est vraiment, ce que sont les War Hounds, pourquoi ces derniers, à la grande frustration du Primarque, ne se sont pas défendus lorsqu’il leur est tombé sur le râble, ou encore comment se servir de papier toilette. Tout un programme, que seuls sa constitution renforcée de Space Marines et le bonus de résistance offert par son statut de personnage nommé lui permettent de dérouler de façon presque posée.

Angron, de son côté, s’il a tendance à évacuer sa légitime frustration d’avoir été forcé d’abandonner ses compagnons d’armes à leur destin sur Nuceria en utilisant le Capitaine comme ballon de foot, ne perd pas une miette de ce que son sous-fifre cherche à lui inculquer. Il peut également initier ce dernier à la culture martiale de sa planète d’adoption, où il exerçait la noble et utile profession de gladiateur jusqu’à ce qu’il réussisse à s’évader avec quelques collègues. Lui et ses Eaters of Cities s’étaient alors livrés à une orgie de pillages et de destruction dans l’arrière-pays de Desh’ea, vainquant l’une après l’autre les armées envoyées par les high riders pour écraser les rebelles. Coup de chance pour l’Empereur, Nuceria a été approchée juste au moment où les derniers gladiateurs étaient sur le point de livrer une ultime bataille contre les forces de l’ordre. Déveine pour Angron, recruté manu militari par son paternel pour sa Grande Croisade, même s’il ne souhaitait rien d’autre qu’une mort glorieuse aux côtés de ses frères et soeurs d’armes. La première confrontation orbitale entre le Père et le fils s’étant soldée par la mort atroce d’un des précieux Custodiens du premier, Pépé a donc décidé qu’il était too old for this shit1 et laissé son garnement de rejeton faire mumuse avec les chiens. Khârn apprend ainsi ce qu’est la Corde de Gloire, les Crocs du Boucher, ainsi que l’intégralité des techniques de soumissions, étranglements et self-defense pratiquées sur Nuceria auprès d’un professeur émérite, qui, sous ses abords de brute épaisse, se révèle redoutablement intelligent et…profondément timide (en effet, il ne lui est pas venu un instant à l’esprit qu’il avait la possibilité de sortir de la pièce dans laquelle l’Empereur l’avait confiné).

C’est toutefois la description par un Khârn au bord du KO (le Chaos viendra plus tard) de la campagne de Nove Shendak, à laquelle les War Hounds ont participé aux côtés des Iron Warriors de Perturabo et de l’Empereur en personne, qui achève de calmer Angron. Le récit des exploits vermifuges des Légions Space Marines, menées par le Maître de l’Humanité en personne, captive le Primarque au point qu’il se met à mimer les affrontements relatés par le Capitaine comateux, et la confirmation par ce dernier que Pépé est un grand guerrier n’hésitant pas à mouiller le maillot en compagnie de ses troupes, et pas un dirigeant dédaigneux laissant aux autres le sale boulot, comme l’étaient les high riders, pèse d’un certain poids dans la décision d’Angron de calmer sa colère, et d’engager la conversation honnête et amicale dont nous parlions précédemment avec ses fistons. Sa première décision, une fois ce pas franchi, sera de renommer les War Hounds World Eaters, en hommage aux camarades dont il n’a pu, à sa grande honte, ni accompagner dans la mort, ni commémorer le trépas en dotant sa Corde d’un tour funèbre avec la poussière de Nuceria. Une manière comme une autre de bien montrer à sa nouvelle famille qu’elle ne pourra jamais remplacer, ni rivaliser, avec la chaude camaraderie de l’arène. Mais c’est déjà mieux que rien…

1 : Se rappeler qu’Angron a été le 17ème Primarque découvert, et que l’Empereur en avait certainement par-dessus la tête des biberons et changements de couches à ce stade.

AVIS:

Je dois reconnaître que mon appréciation de cette nouvelle de Matthew Farrer a évolué au cours du temps. Lors de ma première lecture, j’avais été un peu déçu par ce qui m’était apparu comme une histoire simpliste, mettant en scène des personnages l’étant tout autant (un Primarque éructant de rage en mode Hulk, et un Space Marine encaissant les coups en lui refaisant son éducation). À présent, et même si je comprends toujours ce qui m’a poussé à émettre ce premier jugement, j’ai une vision plus favorable de ce After Desh’ea, que j’ai trouvé être plus complexe qu’il n’y paraissait.

Pour remettre en contexte le boulot effectué par Farrer, un auteur plutôt doué de la BL, avec cette nouvelle, il faut se rappeler que nous étions au tout début de l’Hérésie, dont les personnages étaient donc moins caractérisés qu’ils le sont aujourd’hui. Pour Angron, je pense même qu’il s’agissait de sa première apparition dans la série comme personnage de premier plan1, avant qu’ADB (entre autres) ne vienne s’occuper de son cas. Le fluffiste savait juste que ce Primarque avait été secouru contre son gré par l’Empereur d’une mort certaine à laquelle il était résigné, et que ce ressentiment allait le pousser à se rebeller contre son « sauveur » des années plus tard. Tout l’enjeu était d’expliquer de manière satisfaisante comment un gladiateur aux tendances homicidaires établies avait pu donner la patte à un maître honni pendant une période de temps assez longue, et n’était pas entré immédiatement en conflit avec son supérieur hiérarchique. Sur ce brief vraiment casse-gueule, Farrer est parvenu à livrer une copie relativement propre, ou en tout cas bien conçue, qui pemet au lecteur de suivre la progression émotionnelle et intellectuelle du Primarque, depuis sa téléportation sauvage en orbite, jusqu’à l’acceptation de ses nouveaux rôle et statut. D’abord convaincu d’avoir échappé à une tyrannie pour une autre, il finit par comprendre pourquoi les War Hounds n’ont pas cherché à riposter à ses attaques, et trouver une raison de respecter un Empereur très peu favorablement mis en avant dans cette nouvelle, lorsqu’il apprend que son père est un guerrier qui mène ses hommes à la bataille. La transition du point A au point B n’est certes pas facilitée par les caprices et tics nerveux du Primarque, qui use du pauvre Khârn comme un sac de frappe pour réguler son humeur mutine, mais on sent que Farrer avait à cœur de donner une justification logique à un ralliement peu évident, pour dire le moins.

Khârn, de son côté, est dépeint pour la première fois comme un individu sensé et sensible (qualificatifs ne s’appliquant plus guère à la fin de sa carrière), ce qui a dû surprendre plus d’un lecteur s’attendant sans doute à ce que Farrer prenne le pas de King à cet égard. Presque quinze ans plus tard, et grâce aux romans et nouvelles s’étant inscrit dans la droite ligne de ce choix de Matthew Farrer, cette divergence notable est parfaitement digérée, et, si je ne peux pas parler pour l’ensemble des hobbyistes, je suis en ce qui me concerne très satisfait de la profondeur du personnage, qui justifie à lui seul mon intérêt pour cette Légion de brutasses. Bref, si vous avez aimé le guerrier badass engagé dans une bromance déchirante avec ce vieil Argel Tal2, le combattant implacable animé par un sens du devoir chevillé au corps ayant maintenu les World Eaters à peu près dans les clous (du Boucher) pendant une bonne partie du mandat de PDG (Primarque Découpeur Général) d’Angron, et le fils dévoué prêt à se damner pour garder son père parmi les siens, vous pouvez remercier Matthew Farrer d’avoir établi ces fondations dans sa nouvelle, comme Perturabo l’a fait pour la digue impériale sur Nove Shendak. C’est d’ailleurs l’occasion pour moi de souligner que l’auteur donne également quelques éléments fluffiques dignes d’intérêt, tant au niveau micro (les traditions martiales de Nuceria) que macro (l’origine des noms de la 12ème Légion) et même meta (Big E est vraiment un très mauvais père) dans son récit, ce qui doit également être mis à son crédit.

Finalement, After Desh’ea a permis de poser de nombreuses bases de l’héritage « hérétique » des World Eaters, depuis la personnalité complexe de son Primarque et le rapport ambivalent de ce dernier avec ses fils génétiques, qu’il placera toujours en-dessous de ses premiers compagnons d’armes, jusqu’à l’adoration masochiste des World Eaters pour Angron, qui a poussé les premiers à des sacrifices toujours plus importants pour gagner l’amour et le respect du second. Il pose également Khârn comme l’excellent personnage que nous connaissons aujourd’hui, un guerrier réfléchi et pragmatique, qui finira par embrasser sa destinée et sombrer dans une folie meurtrière dont les écrits de Bill King et sa description dans le fluff de 40K se font écho (ce qui lui donne une profondeur tragique indéniable). Voilà pourquoi je considère que cette nouvelle a, au minimum, eu un impact fort sur le reste de l’Hérésie, au moins en ce qui concerne la 12ème Légion, et mérite donc la lecture à ce titre seul, mais peut également être appréciée pour la description que l’auteur fait d’Angron, tout à la fois une bête de guerre sanguinaire devant lutter contre les Clous du Boucher en permanence, un guerrier honorable et fidèle à ses compagnons, et un être à l’intelligence supérieure capable d’intégrer rapidement les informations que lui livre Khârn sous ses abords de primitif balbutiant. Bref, il y a du potentiel ici, peut-être pas superbement exprimé par Farrer3, mais présent tout de même. Dommage que l’auteur en soit (presque) resté là pour l’Hérésie d’Horus, un roman de sa main sur les World Eaters aurait été très intéressant…

1 : Je fais abstraction de son rôle de taupe de choc dans ‘Galaxy in Flames’.
2 : Et qui accomplira le rêve de tous les lecteurs de l’Hérésie d’Horus en bottant les fesses de ce faux jeton d’Erebus en one to one.
3 : Et peut-être affaibli par la traduction en français (que je n’ai pas lue). Difficile de transcrire dans une autre langue les borborigmes d’Angron de façon satisfaisante. En tous cas, j’ai trouvé qu’en anglais (et peut-être est-ce dû au fait que ce n’est pas ma langue natale) cela passait plutôt bien.

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Et voilà qui conclut cette chronique de chroniques, premier recueil de nouvelles de l’Hérésie d’Horus et donc point de départ logique pour se lancer dans cette entreprise. Plus de dix ans après la sortie de cet opus, et alors que la fin s’approche pour ce cycle majeur, je pense que cette anthologie mérite toujours une lecture si ce dernier vous intéresse. Bénéficiant de quelques travaux réellement uniques, ou peu s’en faut dans la production de la BL, d’une grande variété de personnages et de théâtres1, d’une dose de fluff beaucoup plus généreuse que ce à quoi les recueils 40K nous avait habitués, Tales of Heresy est également porteur d’une vision assez unique de la galaxie au moment où l’Humanité était encore sûre de sa force, ou persuadée que le caprice d’Horus pourrait être réglé de façon rapide. L’étude des prochains volumes permettront de déterminer si nous sommes en présence d’une perle rare, ou d’une copie conforme au standard hérétique. Quoi qu’il en soit, préparez-vous : la suite risque d’être saignante…

1 : Pour les intrigues en revanche, c’est un peu plus uniforme. On peut toutefois noter qu’il y a une constante au 30ème millénaire quand on est une planète redécouverte par l’Imperium : que l’on soit pour (‘Scions of the Storm’), contre (‘Wolf at the Door’) ou bien au contraire (‘Call of the Lion’) au sujet d’une intégration à ce dernier, on a de grandes chances de finir la tête au fond des chiottes. 

 

BLACK LIBRARY CELEBRATION 2019 [Recueil]

Bonjour et bienvenue dans cette critique du recueil introductif Black Library Celebration 2019 ! Sur la lancée de ce qui avait été proposé en 2018, la BL a donc eu la bonne idée de proposer un échantillon représentatif (ce qui est bien) et gratuit (ce qui est encore mieux) de sa prose au plus grand nombre. Pour chaque commande passée sur les sites Games Workshop ou Black Library, et jusqu’à épuisement des stocks, c’est donc un petit livre en format soft back qui est envoyé en sus des emplettes réalisées par le hobbyiste. Cerise sur le Stormcast, l’offre est proposée en VO et en VF, ce qui en fait une superbe introduction aux mondes merveilleux – si parfois un peu glauques – de GW. On ne peut que souhaiter que le succès soit au rendez-vous, et que les pontes de Nottingham continuent sur leur lancée philanthrope pour des siècles et des siècles (amen).

Sommaire Black Library Celebration 2019

Comptant 6 nouvelles, soit 2 soumissions pour chaque franchise majeure de Games Workshop (40K, Age of Sigmar et l’Hérésie d’Horus), complétées d’un extrait de la novella Sacrosanct de C. L. Werner (habile transition vers le recueil, lui payant, du même nom – I saw what you did there…), le cru de 2019 est-il une achat acquisition digne de ce nom, en particulier pour un novice des publications de la Sombre Bibliothèque, qui en profiterait pour faire ses premiers pas dans cette vénérable institution ? Eh bien, comptez sur moi pour avoir un avis sur la question, chers lecteurs. C’est bien le moins que je puisse faire.

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Black Library Celebration 2019

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The Board is Set // Les Pièces sont en Place – G. Thorpe [HH]:

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INTRIGUE:

The Board is SetSur le sol de cette bonne vieille Terra, les armées loyalistes se préparent à recevoir comme il se doit le retour du fils indigne et de sa bande de potes, dont on entend déjà les « boum boum boum » crachés par les enceintes de leurs Clio tunées résonner depuis le parking de la copropriété, brisant le calme légendaire du quartier1. Comme le petit vieux acariâtre qu’il est, Macaldor, après avoir balancé une ou deux références que les moins de 20.000 ans ne peuvent ni connaître, ni comprendre, s’en va en grommelant dans sa barbe psychique que Dorn est définitivement une grande et jaune godiche, et que son obsession pour les briquettes et les portails électriques n’est qu’une lubie de jeune crétin. Ca tombe bien, notez, c’est l’heure de la coinche à l’EHPAD Bon Séjour, et le Mac’ ne raterait pour rien au monde ce moment de la journée.

À peine a-t-il fini d’installer la table que son acolyte de jeu révèle (you see what I did there…) sa présence et engage sans plus tarder les hostilités. Dans les ténèbres mi-obscures du 31ème millénaire, l’antique jeu de belote se joue en effet à deux plutôt qu’à quatre, et sur un plateau de jeu avec figurines en plus du traditionnel paquet de cartes. En fait, ça ressemble furieusement à une version Shadespirée des échecs, et ça a l’air donc vachement cool, d’autant plus que toutes les pièces se trouvent être des représentations des Primarques engagés dans l’Hérésie d’Horus2. Comme à chaque partie depuis leur internement respectif, Pépé et… Mémé ? rejouent la bataille finale de l’Hérésie, avec l’Empereur dans son propre rôle et Malcador dans celui de ce fripon d’Horus. Et comme à chaque fois depuis le début de ces amicales sessions, le Sigillite constate que son adversaire passe son temps à tricher. Manipulation de la pioche, duplication de cartes, ajout de pièces non WYSIWYG en cours de jeu… s’il y avait un arbitre, celà ferait longtemps que le Maître de l’Humanité aurait mangé son ban. Malheureusement pour lui, Malky ne peut compter que sur lui même pour se faire justice, ce à quoi il s’emploie avec toute la rouerie et la malice qu’on lui connaît.

En face de lui, l’Empereur semble peu intéressé par le déroulé de la partie, et joue franchement comme une savate, seulement sauvé par sa capacité à top decker comme un porcasse avec une régularité des plus suspectes. Ajoutant l’insulte à l’outrage, il se permet même de tancer son partenaire sur son faible niveau de jeu, alors que Horus, lui, était un opposant digne de ce nom. Sans doute très fatigué par l’enchaînement des nuits blanches à pousser sur son trône (la constipation psychique est un problème commun chez les démiurges millénaires, tous les auxiliaires de vie vous le diront), Big E va même jusqu’à utiliser des mots très durs à l’encontre de son vieux comparse, au point d’arracher à ce dernier des larmes de collyre. Qu’à cela ne tienne, Malcador en a vu d’autres, et met à profit sa rogne pour sortir un enchaînement digne de Magnus Carlsen le Rouge, le laissant en position de remporter la partie au coup suivant. « Ha ha, tu l’avais pas vu venir celui-ci, bouffi » exulte notre vieillard échevelé, pas peu fier de tenir sa première victoire en 1.834.427 confrontations. Sauf que, sauf que… Sauf que l’Empereur est décidément un mauvais joueur à la main leste, et trouve le moyen de substituer à son Roi Empereur lui-même une nouvelle pièce, le Fou, qui va héroïquement se sacrifier pour lui permettre de gagner la partie. Comble de la bassesse, le Fou a la tête de Malcador, à qui il prend l’envie folle de fracasser l’échiquier sur le crâne de son suzerain.

Sur ces entrefaites, une estafette se présente à la porte, et vient apporter la nouvelle tant redoutée au Premier Seigneur de l’Impérium : la flotte d’Horus vient de se matérialiser dans le système solaire, et la plus grande bataille de l’Humanité est sur le point de s’engager. Cherchant du regard son boss, Malcador a la surprise de s’apercevoir qu’il est seul dans la pièce, et l’a apparemment toujours été, d’après le retour un peu honteux du messager, qui n’a pas osé déranger tout de suite l’aïeul vociférant qui faisait une tournante autour du plateau de jeu à son arrivée. Conclusion de l’histoire : la grande vieillesse est un naufrage, mais au moins, on ne s’ennuie pas.

1 : Et je ne rigole même pas, la nouvelle commence par un constat par Macaldor et le chef de l’Adeptus Astra Telepathica du tapage nocturne diurne warpurne généré par l’approche de la flotte traîtresse.

2 : On comprend mieux du coup pourquoi l’Empereur tenait absolument à avoir un nombre pair de rejetons. C’est mieux pour équilibrer les parties.

AVIS:

The Board is Set est une nouvelle intéressante, mais dont l’inclusion dans un BLC ne tombait pas, de mon point de vue, sous le sens. Parmi les qualités notables de cette soumission, on peut mettre en avant l’art consommé avec lequel Thorpe distille à la foi clins d’oeil aux évènements passés et à venir de l’Hérésie, à coups de manœuvres lourdes de sens des pièces sur l’échiquier et de remarques sibyllines soufflées par un Empereur plus que jamais omniscient au bras droit/fusible qu’il s’apprête à griller, mais également allusions fluffiques subtiles, sur lesquelles les fans hardlore passeront des pages et des pages à s’étriper, par les mêmes biais que ceux donnés ci-dessus. Même sans être un amateur transi du style du Gav, on peut lui reconnaître un certain talent de mise en scène de ces passages prophétiques, ce qui n’était pas gagné d’avance au vu du casting de monstres sacrés qu’il convoque.

À titre personnel, j’ai également apprécié la tirade que MoM (Master of Mankind) balance à son larbin dans le but de le mettre en rogne et de le forcer à la jouer comme Lupercal, qui est un condensé de remarques blessantes mettant en évidence que Malcador n’a été qu’un outil utilisé par l’Empereur pour arriver à ses fins, et qu’il n’aura absolument aucun scrupule à s’en débarrasser une fois qu’il n’en n’aura plus l’usage. Ce discours des plus cash trouve une résonnance particulière depuis Dark Imperium, où il est clairement indiqué la dualité de l’Empereur dans ses « sentiments » envers ses congénères : incapable d’aimer l’homme, mais absolument dévoué à l’Humanité. On peut alors se demander si les piques envoyées par Pépé ne sont pas simplement le fond de sa pensée, qu’il livre à un Malcador qui reste persuadé qu’il ne s’agit que de la manoeuvre d’un monarque bienveillant et attentionné pour lui faire donner le meilleur de lui-même. Chacun se fera sa religion sur le sujet, mais cette dualité d’interprétation est assez intéressante.

D’un autre côté, The Board is Set s’avère être l’antithèse absolue de la nouvelle à mettre dans les pattes d’un novice de la BL ! Regorgeant de sous-entendus et d’Easter eggs qui feront les gorges chaudes des lecteurs vétérans, pour peu qu’ils soient des fluffistes un minimum intéressés, cette soumission possède en effet une valeur ajoutée littéraire qui passera à 31.014 pieds au dessus de la tête du newbie. Il est plutôt probable que ce dernier ressorte du propos de Thorpe ou perplexe ou soulé par l’accumulation de mentions et notions « members only » qui lambrissent les pages d’un bout à l’autre du récit. D’une manière plus large, on peut considérer l’Hérésie d’Horus comme étant, de manière générale, une franchise trop spécialisée pour être incluse dans des ouvrages de « propagande » de la Black Library. Sans mettre en question l’intelligence et les capacités de déduction du novice moyen, je doute en effet qu’il ait la patience ou l’intérêt pour percer à jour les tenants et aboutissants de cette absconse partie de Cards against Humanity. Bref, la définition même de l’acquired taste, et en tant que tel, aussi surprenant qu’une douzaine d’huitres au fond d’un Happy Meal.

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Grandfather’s Gift – G. Haley [HH]:

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INTRIGUE:

Grandfather's GiftLe propos de notre récit se situe dans un jardin public, où un clochard toxicomane émerge péniblement d’un sniff de crack frelaté, dans une tenue étrange et avec une très vague idée de qui il est et ce qu’il fait là. Vous allez me dire : « C’est pas une nouvelle de l’Hérésie ça, c’est la Villette un mardi matin classique ». Vous auriez raison, sagaces lecteurs, ne serait-ce que pour les quelques détails ci-après : le jardin est géré par le NURGLE (Node Urbain de la Régie Générale de Laval Est), le clochard est un Primarque, et la mémoire qui lui revient progressivement lui apprend, et nous avec, qu’il est Mortarion, seigneur de la Death Guard.

Malgré ces débuts prometteurs, Morty se demande bien comment il est arrivé dans ce bouge, lui qui aux dernières nouvelles travailllait tranquillement dans son laboratoire de la planète de la peste à quelque grand dessein arcano-technologique. Plus curieux qu’inquiet devant le charme sauvage de l’endroit, à mi chemin entre le jardin anglais dans toute sa bucolique liberté et le fond d’un baril d’eau lourde oublié dans un terrain vague de Chernobyl, notre Primarque décide de partir en vadrouille, espérant trouver un agent municipal qui lui indiquera la station de tram la plus proche pour l’Oeil de la Terreur. Au bout de quelques secondes/minutes/heures/jours/mois/années/siècles/éons, il finit par tomber sur un Grand Immonde, en chair autant qu’en larmes, auprès duquel il s’enquiert poliment des raisons de son tracas. On a beau dire ce qu’on veut des qualités paternelles de l’Empereur, il a su inculquer à ses fils des manières tout ce qu’il y a de plus urbaines.

Khu’gath, car c’était lui, se fait un plaisir de rafraîchir la mémoire du dormeur du val, le taquinant au passage sur son aveuglement volontaire, et hilarant, quant au fait qu’il soit un psyker, appellation que Mortarion refuse catégoriquement1. Toujours totalement perturbé par une enfance difficile et un complexe d’Oedipe asymétrique (il veut tuer son père et… tuer son père) mal digéré, notre héros atrabilaire ne démord pas qu’il est un scientifique et non un praticien des arts occultes, ce que Khu’gath, conciliant, finit par lui accorder. En guise de cadeau d’adieu, l’affable démon a la bonté de remodeler le Primarque a sa véritable image, ailes de bourdon (l’animal totem de Mortarion) incluses, et de lui souffler à l’oreille la raison de sa venue à Neverland. Le bon Papa Nurgle lui a organisé une chasse au trésor pour le récompenser de sa piété, et l’âme de son beau-père l’attend quelque part sous les frondaisons moites de son jardin.

« Bon sang, mais c’est bien sûr ! » s’exclame Mort Shuman, qui s’envole à tire d’aile chercher la récompense qu’il poursuit depuis si longtemps, et qu’il finit par trouver, disséquer et enfermer dans une fiole en un tour de faux. Satisfait d’avoir rayé cet important item de sa to do list personnelle, Mortarion peut enfin regagner ses pénates et appeler son psy pour convenir d’une prochaine séance, se jurant au passage qu’il finira par régler ses comptes avec son autre père, dont la lampe torche psychique clignote en lisière du jardin de Grand-Père Nurgle. Pépé ou Papy, il fallait choisir, et il a choisi !

1 : « Tu es un sorcier, Mort- » « AGNANANANA, JE N’ENTENDS RIEN-EUH !»

AVIS:

Grandfather’s Gift a beau se concentrer sur un épisode somme toute négligeable de la saga de Mortarion, personnage l’étant – jusqu’à récemment – tout autant en termes d’importance sur le lore de 40K, sa (courte) lecture n’en demeure pas moins intéressante, en ce qu’elle permet à Haley de poursuivre sa description pour le moins contrastée du Primarque de la Death Guard, déjà généreusement ébauchée dans Plague War : celui d’un être totalement paradoxal, qu’il est le seul à ne pas voir, ce qui a la fâcheuse tendance à miner son autorité naturelle. Prince Démon jurant ses grands dieux qu’il a réussi à dompter les forces du Chaos à force d’études et d’analyses tout ce qu’il y a de plus scientifiques, Morty apparaît comme un être aussi amer que pathétique, ce qui contribue à le rendre intéressant, même si la frontière est fine entre profondeur tourmentée et ridicule patenté. L’autre trait notable de son caractère, le mépris souverain qu’il semble éprouver envers toute chose (la condition humaine, ses frères, ses pères) pourrait tout autant le magnifier que le plomber, si utilisé de manière peu fine par un auteur en manque d’inspiration1. Affaire à suivre, donc.

Pour poursuivre mon fil rouge BLC-esque, enfin, je dois reconnaître que l’inclusion de cette nouvelle au recueil s’avère un choix assez pertinent, puisqu’elle offre au lecteur novice une bonne présentation d’un lieu (de) culte des franchises de Games Workshop : les fameux jardins de Nurgle, en plus d’une introduction intéressante au concept de « destruction créatrice » // « je meurs donc je ris » qui est à la base du dogme prouteux. L’utilisation de l’amnésie de Mortarion permet également à Haley de présenter le background de ce dernier de manière progressive et pédagogique, brossant en toile de fond les grandes lignes du fluff de 31K. Bref, une soumission qui répond plutôt bien au cahier des charges, sans pour autant se révéler être vide de substance pour les vieux BL-iscards. Pas mal du tout.

1 : L’extrait gratuit de La Dague Enfouie de James Swallow me fait ainsi redouter le pire pour le DG de la DG, qui apparaît comme le pion d’un Typhus même pas respectueux de son père génétique, sans que ce dernier ne s’en offusque.

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Le Cadeau de Nurgle – G. Haley [40K]:

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INTRIGUE:

Nurgle's GiftDans un village sans nom d’une planète oubliée, la poussée annuelle de gastro-entérite a pris des proportions démesurées. Impuissants face à cette hécatombe, que même leurs prières à l’Empereur1 ne suffisent pas à enrayer, et profitant du décès inopiné du maire du village, qui avait de son vivant prôné une approche dévôte du problème, les habitants du lieu tentent le tout pour la toux, et laissent un message sur la boîte vocale (un magnifique triple gong auto-réparant) des cultistes de Nurgle les plus proches. Leurs prières sont exaucées lorsque, des brumes épaisses tombées depuis la montagne toute proche, six guerriers célestes se traînent péniblement jusqu’au centre du village un beau matin.

Aussi affligés par la souffrance des pauvres Insertdataherois que par les nombreuses attentions de Papa Nurgle, les Space Marines du Chaos proposent à leurs hôtes un marché qu’ils ne peuvent pas refuser. En échange de la remise du seul membre de la communauté ayant encore des caleçons propres, un frêle garçonnet répondant au nom de Marven, ils promettent de délivrer les villageois du mal qui les ronge. Les quelques remords nourris par les plus intègres des ploucs ayant été rapidement balayés par les appels au bien collectif éructés par la guérisseuse du cru, prête à tout pour récupérer un stock de Smecta, l’élunisé est amené devant les Astartes suintants, et se met à suer à grosses gouttes. Non pas parce qu’il a peur de ce qui va lui arriver (quoique), mais surtout car il s’est fait mordre par un Nurgling alors qu’il jardinait quelques minutes plus tôt, ce qui est autrement plus grave qu’une plaie infligée par un clou rouillé, reconnaissez-le.

Heureusement pour Marven, derrière leur aspect redoutable, les Space Marines se révèlent être des bonnes pâtes, à la recherche d’un aspirant qui leur permettrait de retrouver l’effectif magique de sept guerriers jurés de Nurgle (en plus de leur permettre de participer à la ligue d’Ultimate Frisbee de l’Oeil de la Terreur, ce qui est appréciable). C’est donc en compagnie de leur nouvelle recrue que les prouteux repartent du hameau pestiféré, au grand désespoir des villageois qui n’ont gagné au change qu’une éternité de tourment, le cadeau du Dieu jardinier à leur égard étant une bien amère immortalité. C’est ce qu’on appelle être damné par le gong.

1 : Les ravages de la proseuchopathie ne sont hélas plus à démontrer. Même l’homéopathie a de meilleurs résultats, c’est dire.

AVIS:

Pas grand chose à tirer ou à dire sur cette nouvelle format mignonette, qui aurait pu (et dû, si vous voulez mon avis) être intégré dans un encart background du Codex Space Marines du Chaos. Haley ne trousse ici guère plus qu’un texte d’ambiance, présenté sous forme d’un conte (un de ses formats fétiches, apparemment), mettant en garde le lecteur contre la tentation de négocier une rémission avec les élus de Nurgle. À moins d’être aussi neuf dans l’univers de 40K qu’un Primaris au sortir de sa cuve, le lecteur n’apprendra donc rien de ce Cadeau de Nurgle, qui tient plus de la réduction immédiate en caisse de 30 centimes sur une poire à lavement que du week-end de cure thermale sur Iax. Insister un peu plus sur une dualité intéressante de Papy Prout, à peine ébauchée dans le récit – Nurgle cherche à recruter des individus capables de résister à la déchéance physique et au désespoir, ce qui peut sembler contre-intuitif de prime abord et le distingue des autres Dieux du Chaos, dont les suivants embrassent pleinement les préceptes – aurait permis à la nouvelle de gagner en intérêt, mais ce ne sera pas pour cette fois.

Bref, et cela peut sembler paradoxal, je mettrais un avis défavorable à l’inclusion de cette nouvelle au recueil Black Library Celebration, pour des raisons inverses que l’autre soumission Hérésie d’Horus (comparaison d’ailleurs erronée car Le Cadeau de Nurgle est du 40K pur jus). L’une était trop avancée pour le newbie moyen, celle-ci est au contraire trop simple. L’équilibre est difficile à trouver…

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Endurance // Endurer – C. Wraight [40K]:

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INTRIGUE:

EnduranceSur le monde ruche de Lystra, l’escouade du frère Sarrien des Imperial Talons livre un combat d’arrière-garde aussi noble que vain contre les hordes innombrables des Zombies de la Peste ayant plus ou moins remplacées la population locale. Envoyés au casse-pipe pour permettre à un fonctionnaire de l’Adeptus Administratum obèse et tire au flanc (du moins, c’est comme ça que Sarrien se le représente) de maintenir son quota de dîme mensuel, ou autre raison purement technocratique, les braves Space Marines tiennent la ligne du mieux qu’ils peuvent, mais même leur constitution suprahumaine commence à donner d’inquiétants signes de fatigue. Pour ne rien arranger, les lignes de ravitaillement avec le reste de l’Imperium sont totalement coupées, ne laissant à nos fiers héros que la bonne vieille énergie cinétique pour défendre le domaine de l’immortel Empereur contre la corruption galopante titubante représentée par les Stumblers. Isolé de ses frères pour maximiser l’efficacité du soutien martial et moral que les Astartes représentent pour leurs alliés de la Garde, Sarrien débute la soirée comme toutes les autres auparavant : il chante chante chante ce rythme qui lui plaît (Endure ! For the Emperor ! Stand Fast ! Chihuahua !) et il tape tape tape (c’est sa façon d’aimer). On comprend cependant assez clairement que notre héros en a gros, et qu’il n’y a que son exemplaire éthique qui le pousse à suivre des ordres qui lui semblent totalement débiles.

À quelques encablures de cette planète condamnée, nous faisons la connaissance de notre deuxième protagoniste, le réfléchi (il ne court jamais) et hédoniste Dragan, Death Guard appartenant à la faction des Lords of Silence. Bénéficiant d’un quartier libre entre deux opérations de grande ampleur, Dragan a embarqué sa coterie sur son vaisseau personnel, l’Incaligant, et vogue là où le Warp le mène, massacrant tous les Impériaux qui lui tombent sous le moignon au passage. Les petits plaisirs de la vie, il n’y a que ça de vrai. Ayant fondu (dans tous les sens du terme) sur un transporteur de troupes de la Garde Impériale dépêché sans escorte en renforts de Lystra, Dragan décide sur un coup de tête, une fois le carnage expédié, d’emmener ses ouailles sur le monde en question, où il suppute (en même temps qu’il supure) qu’une distraction peut être trouvée.

Nous retrouvons ensuite Sarrien, toujours plus amer et toujours plus crevé, qui décide d’aller rôder derrière les lignes ennemies pour… le fun ? (étant donné que les défenseurs sont au bout du rouleau et s’attendent tous à crever, et que l’adversaire n’a aucune chaîne de commandement à décapiter ni de cibles stratégiques à prendre, l’utilité de la manœuvre me semble obscure). Bien que durement éprouvé par des semaines de combat sans répit, notre surhomme se révèle malgré tout capable de faire mordre la poussière à son poids en Stumblers, voire plus, jusqu’à ce qu’il tombe sur un Fatty dont l’odeur corporelle, ou l’aura de zenitude, c’est selon, est telle qu’il a bien du mal à lever la main sur lui. Malgré l’attitude résolument peace man du gros lard, Sarrien parvient à le décoller proprement, non sans que sa victime n’ait eu le temps de le prévenir 1) des dangers physiques et mentaux du surmenage (il devait être élu au CHSCT dans sa première vie), 2) de l’arrivée prochaine du Potencier (Gallowsman). Bien en peine de faire quelque chose de cette information, et sappé comme jamais, l’Imperial Talon décide de se rentrer, avec l’espoir futile de trouver un McDo encore ouvert sur le chemin pour s’envoyer un bon Coca bien frais.

De son côté, Dragan a fini par arriver en orbite autour de Lystra, et emmène sa bande sur les lieux du dernier conflit agitant encore la planète, dans l’espoir de trouver un adversaire de valeur. Escortés par quelques cohortes de die hard fans, les Lords of Silence progressent pondéreusement vers la ligne de front, où les attendent…

Spoiler Des Iron Warriors. Eh oui. Car en fait, Sarrien et Dragan ont visité Lystra à deux moments distincts, petite surprise savamment préparée par Wraight. Il est d’ailleurs fortement suggéré que Sarrien est devenu Glask (le second de Dragan, qui passe son temps à l’appeler Potencier – au grand ennui de son boss – et dont la jambe torse pourrait être la conséquence de la blessure subie par Sarrien au même endroit à la fin de la campagne) peu de temps après sa rencontre avec le gros plein de pus, lorsque, finalement submergé par le nombre de ses ennemis et l’amertume envers l’Imperium, il a décidé que sa survie était plus importante que son devoir. Ceci dit, le récit se termine sur un flou artistique et un amoncellement de Zombies affamés sur Sarrien, dont le salut final n’est pas garanti, ralliement à papa Nurgle bien acté par ce dernier ou pas. Quelques dizaines/centaines/milliers d’années plus tard, Dragan est quant à lui saisi d’une impression de déjà vu alors qu’il corrode les armures chromées de ces frimeurs de la IVème, ce qui ne fait que renforcer l’hypothèse de la défection de Mr Talon. Fin du spoiler

AVIS:

Mis à part le manque de clarté de sa conclusion (voir la partie spoiler ci-dessus), Endurance est une soumission solide de la part de l’ami Wraight, sans doute rédigée en accompagnement de son roman The Lords of Silence pour un galop d’essai littéraire. En quelques pages, Chris arrive ainsi à donner une véritable profondeur à ses répugnants héros, dont l’attitude chill, thrill & kill les distingue clairement des autres factions d’Astartes chaotiques et renégats de notre sombre galaxie, en plus de s’accorder parfaitement avec la philosophie débonnaire de Papa Nurgle, ce qui ne gâche rien. Sans rien galvauder de leur nature éminemment mauvaise, Wraight réussit également à rendre attachant (sans mauvais jeu de mots) le personnage de Dragan, dont le caractère égal et l’approche désinvolte de sa pestilentielle vocation le font apparaître comme éminemment plus sympathique que le Seigneur du Chaos lambda de la BL. De l’autre côté du ring, Sarrien s’avère moins mémorable, mais le récit que fait l’auteur de la lutte désespérée du loyaliste pour retarder l’inévitable, de part son caractère assez original (il combat en solo, et pas avec le reste de son escouade) et la bonne prise en compte des effets débilitants de la fatigue et des blessures sur la constitution d’un Space Marine – qui reste une machine de guerre insurpassable, mais peut se mettre dans le rouge s’il tire trop sur la corde – s’avère prenant et plaisant, sur les quelques pages qu’il dure. Une nouvelle SM comme je les aime donc : courte dans son propos, précise dans son dessein, efficace dans sa réalisation et à twist dans sa conclusion. Prenez-en de la graine, les rookies.

Gardant une nouvelle en fois en tête le but premier d’un recueil tel que celui dans lequel elle a été incluse, j’ajouterai pour conclure qu’Endurance fait un beau boulot de présentation d’une faction amenée à jouer un rôle important dans l’univers 40K (la Death Guard), en plus de donner assez envie de lire le long format mettant en vedette les Lords of Silence. Que l’exploration d’un concept central du fluff, le ralliement d’un Space Marine loyaliste au Chaos, soit également présente pour l’instruction des lecteurs novices ajoute encore a l’intérêt du propos, qui mérite donc largement sa place dans le Black Library Celebration 2019.

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A Company of Shadows // La Compagnie des Ombres – R. Harrison [40]:

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INTRIGUE:

A Company of ShadowsLes choses ne se passent pas tout à fait comme prévu sur le front de Gholl pour la Commissaire Severina Raine et ses Fusilières du 11ème régiment d’Antari, forcés d’effectuer un redéploiement stratégique depuis la cité de l’Arrête de Caulder suite à la poussée de ces diables de Clairvoyants. Escortant un officier impérial aussi important pour la suite de la campagne qu’insupportable de morgue, l’escouade de Raine embarque dans une Valkyrie, promptement descendue par un missile qui lui a grillé la priorité à droite, avec des conséquences variant du dommageable au définitif pour notre petite bande de personnages, qui se trouve encore réduite une fois le sol atteint. Perdus au milieu des contreforts escarpés et sous contrôle ennemi connus sous le nom de la Gueule, ralentis par leurs blessés et ne pouvant décemment laisser tomber leur charge entre les mains des cultistes, qui ont déjà démontré de manière graphique qu’ils faisaient grand et bon usage des gradés impériaux, Raine et ses hommes décident de tenter un bluff pour priver les Clairvoyants de leur proie. L’intrépide Commissaire endosse donc l’uniforme de la Tacticae Principal, et organise un dernier carré ne pouvant se terminer par autre chose que sa capture, mais permettant, l’Empereur aidant, au colis d’être récupéré ni vu ni connu par les renforts de la Garde. Téméraire mais pas suicidaire, Raine prend soin de confier au Sergent Wyck (Daven de son nom malheureusement, et pas Jöhn) sa montre de gousset, dont l’imprégnation psychique devrait permettre à un psyker digne de Lui de la retrouver jusque dans le bastion des chaotiques.

Le succès quasi total de la première partie de ce plan audacieux laisse donc nos héros séparés. D’un côté, un commando d’Antaris, incluant, outre les Farouches de Wyck, une escouade de Storm Troopers menée par le Capitaine Andren Fel, âme damnée et probable love interest de Miss Raine, ainsi que la psyker sanctionnée Lydia Zane, se lance dans une course contre la montre (mais avec le concours de cette dernière également, if you see what I mean) pour extraire leur petite camarade des griffes des Clairvoyants. De l’autre, cette dernière a la désagréable surprise d’apprendre que les cultistes ne sont absolument pas tombés dans le panneau, mais qu’ils voulaient la capturer depuis le début. C’est ce que lui apprend le magos en charge des opérations, un charmant individu répondant au nom d’Arcadius Verastus, alias 9/9. Il a en effet perçu dans l’âme de sa prisonnière un potentiel des plus alléchants, qu’il compte offrir à Tzeentch pour favoriser son avancement. Ayant manifestement un peu de temps à tuer avant Severina, il prend plaisir à soumettre l’inflexible Commissaire à un interrogatoire poussé, s’insinuant sans gène dans son esprit pour tenter de lui dérober ses secrets les plus honteux1. Même si ces introspections malpolies permettent au lecteur d’en apprendre un peu plus sur le passé de Raine, et notamment le fait qu’elle a repris le nom de sa mère (la Raine-Mère donc), Lord-General Militant de carrière, et choisi d’enterrer celui de son père, sommairement exécuté pour couardise, elles coûtent cher au psyker indélicat, qui se prend une mandale mentale dans les gencives pour sa peine. Victoire morale de l’Imperium.

Pendant ce temps, les intrépides sauveteurs en terre et Antari réussissent à franchir les cordons de sentinelles (pas si) Clairvoyantes (que ça) grâce à leur badasserie naturelle, et à pénétrer dans le bastion ennemi grâce au traqueur GPS de Zane, qui voit clair à travers les illusions tissées par les sorciers ennemis et emmène ses camarades dans la gueule du loup sous couvert d’un tour de passe-passe de son propre cru. Juste à temps pour empêcher l’énucléation et égorgement sauvage de Purple Raine (interrogatoire musclé oblige) par 9/9, qui apprécie moyennement l’intervention non scriptée des bidasses en folie, et se met à leur tailler des croupières psychiques pour la peine. Malheureusement pour Arcadius, Zane détient un MBA de Stanford en occultisme, alors que lui a à grand peine bouclé sa première année de BTS au Lycée Professionnel Ohrmuzd Ahriman de Vaulx-en-Velin, et la confrontation qui s’en suit est à sens unique. Bien que jurant son grand dieu que tout ça faisait partie de son plan, Arcadius a donc l’obligeance de décéder de mort violente quelques secondes plus tard, après que sa prisonnière lui ait mis un peu de plomb dans la cervelle.

Dès lors, il ne s’agit plus pour nos hardis Antaris (Anthardis donc) que d’évacuer les lieux avant que le Haut Commandement ne déclenche le bombardement orbital de la Gueule, ce qui n’est bien sûr qu’une formalité pour ces soldats d’élite. Voilà comment transformer une honteuse défaite en glorieuse victoire, et arracher l’initiative aux hordes damnées contestant la mainmise de Pépé sur la belle planète de Gholl. Comme on dit chez les Ogryns : Go Gholl !

1 : Comme le nom du Primarque sur lequel elle a écrit des fan fictions torrides pendant ses années à la Schola Progenium. On a tous été jeunes !

AVIS:

Nouvelle conséquente dédiée à la nouvelle égérie de la BL, catégorie Commissaire, A Company of Shadows permet à Rachel Harrison de donner du relief à son imposante galerie de personnages, ainsi que de situer le cadre dans lequel ils évoluent. Tout cela est fait de manière fort capable, et dénote d’une belle ambition en terme de construction d’intrigue , mais le grand nombre de points communs avec la saga Gaunt’s Ghosts (une Commissaire héroïque avec un lourd secret de famille et ses relations tantôt amicales – Fel = Corbec – tantôt à couteaux tirés – Wyck = Rawne – avec les officiers de son régiment, qui sont des super soldats venant d’un monde recouvert de forêts, et engagée dans une vaste campagne contre une faction chaotique…) ne risque-t-il pas d’être rédhibitoire à la dernière née de la Black Library ? Même s’il est plus que probable qu’Abnett approche de la toute fin de sa propre série, à supposer qu’il démarre un nouveau cycle après celui de La Victoire, et laissera donc le champ libre à d’autres auteurs dans un futur plus ou moins proche, il est loin d’être évident que les lecteurs de la BL adhèrent en masse à ce qui sera toujours perçu, plus ou moins consciemment, comme la resucée de la saga phare 40K. Le succès du premier roman de cette nouvelle série en puissance, Honourbound, sera sans doute déterminant pour le futur de Raine et de ses Antari, comme First and Only l’a été, en son temps, pour Gaunt et ses Tanith.

Comme à chaque fois, finissons par poser la question qui fâche : cette nouvelle a-t-elle sa place dans un recueil d’abord dédié aux novices de la BL ? Réponse contrastée de la part de votre humble serviteur en ce qui concerne A Company of Shadows. Bien que voyant l’intérêt pour GW de faire découvrir au plus grand nombre une de leurs nouvelles têtes d’affiche (comme Hamilcar peut l’être pour Age of Sigmar), et que cette soumission s’avère être d’assez bonne, même si classique1, facture, l’impression d’être plongé sans introduction dans un arc narratif déjà bien en place risque de désarçonner plus d’un nouveau client en puissance. Avec sa petite dizaine de protagonistes d’importance, et bien que certains meurent au cours du récit, dont les relations mutuelles semblent tomber sous le sens pour Harrison, on peut avoir l’impression de débarquer dans une série en milieu de saison, ce qui peut présenter un challenge intéressant d’un point de vue intellectuel, mais n’est pas de tout repos. Pour donner un exemple plus proche de notre propos, c’est comme si la BL avait inclus In Memoriam dans un hypothétique BLC 2001, à la place du plus didactique Ghostmaker. C’est très bien de faire confiance à la capacité d’adaptation du hobbyiste moyen, que je pense être naturellement plus élevée que la moyenne, mais attention à ne pas noyer bêtement des lecteurs potentiels en les balançant d’office dans le grand bain.

1 : Ce qui est plutôt un point fort dans ce contexte particulier, les expérimentations – mêmes concluantes – du type Seven View of Uhlguth’s Passing n’étant pas vraiment newbie friendly.

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Gods’ Gift // Don des Dieux – D. Guymer [AoS]:

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INTRIGUE:

Gods' GiftPrenant place après les évènements narrés dans Great Red et The Beasts of Cartha, pour ne citer que deux des précédentes aventures de notre fougueux héros, Gods’ Gift voit Hamilcar et quelques uns de ses potes des Astral Templars accomplir une mission d’intérêt général, sans doute pour avoir commis quelque tour pendable à une chambre rivale lors d’une permission à Hammerhall. Il s’agit en l’état de punir et faire stopper les exactions d’une bête monstrueuse s’amusant à disposer des hardis bûcherons d’un camp de colons récemment implanté dans les terres farouches de Ghur, tâche récréative pour des Stormcast Eternals de la trempe de nos gais lurons. Guidés par un local – Fage – qui malgré son âge vénérable semble tout émoustillé par la seule présence des Elus de Sigmar, Hamilcar & Cie s’embarquent donc dans une épopée aussi directe et rapide qu’une quête de zone de didacticiel de World of Warcraft.

Depuis le relevé de empreintes jusqu’à la constatation de l’heure du décès, ou plutôt, de l’abattage, il ne se passera ainsi qu’une petite journée, soit une vingtaine de pages pour le lecteur, juste le temps pour Ham’ de piquer un roupillon qui lui apportera un rêve plus ou moins prophétique, dans lequel un chêne vient lui chanter Je suis malade (ce qui est ‘achement dur pour un végétal, et mérite le respect), ce qui lui permettra de prendre une décision des plus inspirées quelques heures plus tard. La nouvelle se terminant pour un petit cliffhanger pas vraiment haletant, mais sans doute important pour la suite de la saga d’Hamilcar (Mark de son prénom), le lecteur en est quitte pour embrayer sur directement sur la première, ou plutôt le premier roman dédié à Guymer à sa coqueluche hirsute (Champion of the Gods), dans lequel il est presque certain que des réponses seront apportées aux questions laissées en suspens à la fin de Gods’ Gift.

: L’Homme Arbre qui s’était chargé de la besogne de déshumanisation – c’est comme la désinsectisation, mais avec des primates – servant de pied à terre racine à humus à une sylvaneth passablement enrhumée.

AVIS:

Malgré les dizaines de titres que compte sa bibliographie BL à l’heure actuelle, ce n’était que la deuxième soumission de Mr Guymer m’étant tombée sous la main depuis l’inaugural The Tilean Talisman, initialement publié en 2011. Et je dois dire que mon appréciation de l’œuvre du bonhomme est resté scrupuleusement identique, huit ans plus tard : des aptitudes certaines en terme de narration, avec des personnages au minimum distrayants, à défaut d’être immédiatement attachants (mention spéciale à Brouddican, l’Hillarion Lefuneste personnel de cette grande gueule d’Hamilcar), relevé par quelques notes boisées – c’est le cas de le dire – de fluff, plombées par une vacuité de l’intrigue assez rédhibitoire. C’est bien simple, celle de Gods’ Gift (d’ailleurs, on ne comprend pas vraiment quel est le don auquel Guymer fait référence dans le titre de sa nouvelle1) s’articule en deux temps trois mouvements, sans qu’on ait l’impression d’une quelconque progression entre le début et la fin de la nouvelle. Hamilcar traque un monstre. Hamilcar rêve d’un chêne. Hamilcar tombe dans une embuscade d’Hommes Bêtes (il faut bien qu’il montre qu’il est un cador du corps à corps). Hamilcar débouche sur un bosquet de chênes sacrés, gardé par… le monstre qu’il traquait. Coup de bol. Baston. Victoire. Fin.

Bref, rien de bien challengeant pour l’intellect du lecteur, qui aurait pu s’attendre à quelques liens de causalité entre les différents éléments constitutifs du propos de Guymer. Rien de tel ici, ou de manière tellement évidente et peu fine que les relever n’a pas grand intérêt. Comme dit plus haut, cela peut sans doute se justifier par le fait que Gods’ Gift est un rehaut littéraire à un travail plus conséquent, avec lequel l’auteur prend bien soin de faire la liaison. Telle la rondelle de tomate venant décorer une entrecôte frites, cette nouvelle peut être consommée si on a vraiment faim, mais ne remplira pas l’estomac pour autant. Et comme dit plus tôt (Décembre 2014, pour être précis), c’est plutôt cher payé pour ce que c’est. On me souffle dans l’oreillette que c’est fois ci, c’est gratuit. Bon. Mais avant cela, cela ne valait certes pas les 2,99€ demandés. Rem-bour-sez nos in-vi-tat-tions !

1 : Soit ce sont les visions vagues envoyées par Sigmar, soit c’est le photophore magique remis par icelui, et qui permettra à notre fier héros de venir à bout de Marylise Lebranchu. Au lecteur de décider s’il prend le messie ou la lanterne.

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The Ghosts of Demesnus // Les Fantômes de Demesnus – J. Reynolds [AoS]:

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INTRIGUE:

Ghosts of DemesnusProfitant d’une permission bien méritée, le Lord-Celestant Gardus Steel Soul, tourmenté par des rêves le ramenant sans cesse à son passé de mortel, s’embarque pour une croisière bucolique jusqu’à la cité où il a vécu sa première existence, dans l’espoir de pouvoir mettre des mots sur sa soudaine mélancolie. Débarqué incognito (enfin, aussi incognito qu’une taille et une stature de Stormcast Eternal peuvent conférer) dans la riante Demesnus, port fluvial d’importance du royaume de Ghyran, Gardus, autrefois Garradan, baguenaude pensivement de ruelles en parcs, à la recherche des bribes d’un passé déjà lointain. À peine a-t-il le temps de rosser un trio de faquins cherchant des noises à une accorte damoiselle en représailles de la lépreuse compagnie qu’elle entretient, et d’échanger quelques platitudes avec son professeur de philosophie de terminale, que les voix qui le hantent l’amènent droit dans les ruines de son ancien hospice. Dans une autre vie, Gardus était en effet ostéopathe guérisseur, et avait dédié sa vie et ses économies à accueillir les nécessiteux des alentours, avec un dévouement ayant fini par attirer l’œil de Sigmar en personne, qui, à la faveur d’une attaque de Skineaters1, drafta le malheureux praticien dans sa team de surhommes. Sûrement qu’il avait besoin d’un massage, aussi. Malgré l’aspect décrépit du lieu, laissé à l’abandon depuis belle lurette, Gardus a la surprise de tomber sur une communauté de squatteurs, pas vraiment présentables et majoritairement scrofuleux, pestiférés, voire pire, mais persuadés que Saint Garradan les a appelés en ce lieu pour qu’hommage lui soit rendu.

Un peu gêné par la situation, qu’il n’a en aucune mesure orchestrée, le probe Gardus accepte l’hospitalité de ses nouveaux amis, dont fait partie la pauvresse qu’il a secourue sur les docks quelques heures plus tôt. Cette dernière, et le Prêtre Guerrier de Sigmar invalide à 134% qui sert d’autorité morale à la croûteuse congrégation, attendent le prochain signe de Gare du Nord avec un zèle admirable, totalement oublieux aux réalités les plus basiques, comme le droit de propriété. D’où la visite de courtoisie que vient leur rendre le possesseur du terrain en question, un maquignon à la retraite du nom de Sargo Wale, bien décidé à lancer les travaux de réhabilitation de l’ancien hospice dans les meilleurs délais, et par la force s’il le faut. Il faut reconnaître qu’il a la loi de son côté, la trêve hivernale ayant expiré et le conseil municipal lui ayant délégué tout pouvoir pour faire triompher l’intérêt commun. Entre l’alignement légaliste bon de Wale et celui chaotique (un comble pour un Stormcast Eternal) bon de Gardus, aucun compromis ne peut être trouvé, mais, confiant dans son bon droit à défaut de l’être dans les chances de sa bande de ruffians face à l’opposition ferme et polie (comme son épée runique de deux mètres) du colosse servant de videur aux éclopés de l’hospice, le diplomate propriétaire laisse une journée entière de réflexion à la partie adverse, et s’en va comme un prince.

Ce délai supplémentaire sera mis à fort bon usage par Gardus, qui n’a pas toute l’éternité pour régler le problème qui le tourmente, tout comme Reynolds n’a pas 300 pages pour conclure son propos. La nuit suivante verra donc un esprit Kaonashi geignard s’extirper du sol pour aller se repaître des humeurs (de manière littérale et figurée) des malades endormis. Surpris par le Gardus de garde et son sixième sens de preux paladin, la mystérieuse entité se fait rapidement la malle, mais reparaît quelques heures plus tard, trop affamée pour prêter beaucoup d’attention au demi-Primarque qui patiente dans sa zone de spawn, des questions plein la bouche et une épée enchantée à la main. Manque de bol pour notre héros, l’amalgame pleurnichard qui lui fait face est plus intéressée par la boustifaille que par la discussion, et l’attaque sans sommation, sous le regard bienveillant de Wale, qui se révèle être un cultiste de Nurgle. Après avoir constaté que ses gros muscles ne sont d’aucune utilité face aux assauts de suçons de son adversaire, Gardus dégaine son special move, c’est à dire son énorme… empathie, et sert donc le démon dans ses bras puissants en lui susurrant des mots de réconfort aux oreilles. Et ça marche. Touché par tant de compassion, et sans doute un peu par la pure lumière céleste que Gardus est capable d’exsuder sur commande, telle une luciole d’Azyrheim (séquelle plutôt kioul de sa seconde reforge), la vilaine bête fond comme un lépreux dans un pédiluve, libérant une à une les âmes des malheureux qui lui servaient d’ancrage. Ceci fait, Gardus n’a plus qu’à régler son compte au traître Wale, qui malgré sa force démoniaque et son épée rouillée, ne fait pas le poids face au double quintal de JUSTICE du Stormcast Eternal. Convaincu d’avoir accompli sa mission, et débarassé Demesnus d’un détestable faux jeton, Steel Soul peut reprendre le ferry de 06:39 pour regagner sa caserne et l’éternelle lutte contre les ennemis de Sigmar. Voilà un week-end productif.

1 : Le nom peut faire peur, c’est vrai, mais si on y réfléchit deux secondes, il inclut également les Garra Rufa (poissons docteurs), d’excellents auxiliaires de pédicure. Du coup, la légende du Garra Dan en prend un coup.

AVIS:

Les turpitudes psychologiques de Gardus Steel Soul, pour lequel la conciliation du moi, surmoi et ça ne relève pas de la sinécure, ne m’ont que moyennement intéressées, comme la plupart des soumissions mettant au premier plan des Stormcast Eternals je dois le reconnaître. Reynolds m’ayant habitué à des nouvelles bien plus travaillées en termes d’intrigue et de progression narrative, la grande simplicité avec laquelle notre Action Man blanchi sous le harnais résout le problème auquel il est confronté, m’a laissé un goût d’inachevé. Toutefois, je dois reconnaître que l’inclusion de The Ghosts of Demesnus dans cette anthologie introductive est un choix des plus pertinents de la part des éditeurs de la BL, puisqu’il permet aux nouveaux lecteurs de découvrir une facette intéressante de la faction reine de l’univers (la difficile conciliation entre leur passif de mortels et leur mission de soldats de Sigmar par les Stormcast Eternals), tout en les immergeant dans le quotidien d’une cité libre de Ghyran, loin des batailles contre les forces du Chaos déjà abondamment couvertes dans le jeu de figurines et les suppléments s’y rattachant.

Ajoutez à cela des personnages un brin complexes (en particulier Sargo Wale, qui est loin d’être un chef de culte à tendance mégalo-anarchique, comme c’est souvent le cas) et l’habituel nappage de fluff que Josh Reynolds se fait un point d’honneur à servir, et vous obtenez un récit d’une honnêteté insoupçonnable. On peut cependant reprocher à Ghosts…, même si dans une moindre mesure que pour God’s Gift, son manque de singularité, évidemment causé par le fait que Gardus est, comme Hamilcar, un héros récurrent de la BL, dont les aventures passées rejaillissent fatalement sur les évènements narrés dans la nouvelle. Ici, c’est l’inclusion du vieux sensei Yare, compagnon d’aventure d’une précédente épopée, qui fait figure de passage obligé à la valeur ajoutée assez limitée. Rien d’horripilant là non plus, mais pas l’idéal pour accrocher le lecteur novice ou indifférent. Bref, une première incursion honorable, à défaut d’être mémorable, dans le monde métallisé des meilleurs de Sigmar.

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Au final, et même si certaines inclusions à ce mini recueil tiennent, selon moi, de l’erreur de casting au vu de l’objectif de « propagande » (dans le sens le moins néfaste du terme) poursuivi par ce genre d’ouvrage, ce Black Library Celebration 2019 constitue un début ou un ajout intéressant à toute collection Black Library. J’espère sincèrement que le concept fera florès et prend d’ores et déjà date pour une critique comparée de la version 2020 l’année prochaine, afin de voir si ma vision du sujet cadre avec celle de la maison mère. Les stocks disponibles pour ce millésime ayant déjà été écoulés au moment où sera publiée cette chronique, si j’en crois les quelques tests réalisés sur les sites GW et BL, il faudra faire vite l’année prochaine pour sécuriser sa copie. (Chaos) Godspeed, folks !

 

REALM OF CHAOS [Recueil WFB]

Bienvenue dans la critique du recueil de nouvelles Realm of Chaos, publié en 2000 par la Black Library et proposant 12 courts formats plutôt centrés sur l’Empire, Kislev et Marienburg (9/12).

Realm of Chaos

Parmi les soumissions dignes d’intérêt, la doublette consacrée par Andy Jones à ses croquignolesques Maraudeurs de Grunnson (Grunnson’s Maraudeurs; Paradise Lost) justifie à elle seule l’achat du bouquin. Dans la même veine sérialisée, la double ration de Bande de Badenov (The Hounds of Winter; Dark Heart) est beaucoup plus quelconque. Enfin, l’inusable Gavin Thorpe nous gratifie du premier texte de la série Time of Legends, sans doute sans en avoir conscience, une bonne décennie avant que le concept ne soit lancé par les pontes de la BL (Birth of a Legend). Quel homme.

Realm of Chaos

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Birth of a Legend – G. Thorpe:

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INTRIGUE:

Birth of a Legend relate un épisode central du background de Warhammer, à savoir le sauvetage du Haut Roi Kurgan par une cohorte d’Unberogens en vadrouille.

Capturé par le Big Boss Vagraz Head Stomper alors qu’il se rendait dans les Montagnes Grises pour un tournoi de belote, notre pauvre nain est sur le point de finir dans la marmite des peaux vertes lorsque ses ravisseurs se font soudainement attaquer par une bande d’humains hirsutes menés par un adolescent très énervé. Ce dernier, bien aidé par le marteau que lui prête obligeamment son nouveau pote barbu, renverse le cours de la bataille en concassant le crâne de Vagraz d’un revers à une main (long de ligne)1. La nouvelle se termine par une présentation en règle des nouveaux BFF, le sauveur providentiel n’étant nul autre que Laurent Delahousse2.

1 : Punk jusqu’au bout, le Big Boss envoie un bon gros fuck des familles à Sigmar juste avant que ce dernier ne l’achève. That’s the spirit.

2 : Bon, ok, en fait c’était ΣR. Il n’y a que Gav pour ménager de telles « surprises » à ses lecteurs.

AVIS:

Dix ans avant le lancement de la collection Time of Legends, Gavin Thorpe se paie donc le luxe de mettre en scène un évènement qui n’était jusqu’alors couvert que dans la partie fluff des livres d’armées de Warhammer. Et force est de reconnaître qu’il s’en tire plutôt honorablement (bien mieux en tout cas que pour Aenarion, methinks), sa version de ce passage marquant de la geste Sigmarienne s’inscrivant dans la droite ligne de ce qu’on savait déjà du personnage, et permettant au fluffiste sommeillant dans chaque lecteur de la BL de grappiller quelques détails supplémentaires sur la vie du Musclor de GW. Je ne suis pas loin de penser que Gav n’est jamais aussi bon que lorsqu’il donne dans le background romancé (surtout quand il y a du nain dedans) plutôt que dans la pure fiction. En fait, je le pense vraiment.

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The Hounds of Winter – J. Green:

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INTRIGUE:

Alors qu’ils étaient tranquillement attablés dans une auberge du Nord du Kislev, Badenov et sa fine équipe sont interrompus en pleine beuverie par Radagast le Brun (comprendre, un sorcier d’Ambre un brin exubérant), qui les avertit que leur lieu de villégiature va bientôt subir l’assaut d’une bande de guerriers du Chaos. Ce qui ne manque pas de se produire (le contraire eut été étonnant). Cependant, conjonction astrale et lieu de pouvoir obligent, nos mercenaires vont participer à une bataille des plus singulières. Qui a mis le mode replay ?

AVIS:

En tant que membre déclaré du non fanclub de Jonathan Green et de Badenov et Cie, je n’attendais pas grand-chose de The Hounds of Winter. À raison. Le peu de pages consacré par l’auteur à cette péripétie mineure (la preuve : personne ne meurt1 chez les gentils) du cycle The Dead and the Damned ne présente en effet ni saveur ni valeur ajoutée.

C’en est tellement fade qu’on en regretterait presque l’absence de vrais beaux gros défauts dans le style de Green, qui s’il ne brille guère par son originalité, démontre toutefois qu’il sait écrire des nouvelles à peu près passables. Bref, le pire scénario possible pour un chroniqueur, puisqu’il n’y a vraiment pas grand-chose à dire, en bien comme en mal, sur ce The Hounds of Winter. À lire et à oublier, ou à oublier de lire. Les deux fonctionnent.

1 : Bon, il y a bien cette fouine d’Oran qui se fait taser par un spectre en pleine baston, mais ça ne compte pas puisqu’il se réveille comme une fleur à la fin.

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Hatred – B. Chessell:

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INTRIGUE:

La vie tranquille de Kurtbad, un village en déréliction situé en plein cœur de l’Averland, est bouleversée par le meurtre de l’un de ses habitants, puis par l’arrivée soudaine d’un chasseur de sorcières mal en point. Alors que la traque du tueur s’organise, la destinée de quatre Kurtbader (-iens? -ois? -ais?) va être changée à jamais.

AVIS:

Hatred s’avère être un huis-clos à l’ambiance particulière et la construction soignée, deux caractéristiques faisant l’originalité et l’intérêt de cette nouvelle de Ben Chessell.

Le style purement factuel déployé par l’auteur pour raconter le drame se jouant à Kurtbad, les vérités énoncées à demi-mot et ne faisant sens que bien plus tard dans le récit, l’inclusion de passages écrits à la première personne depuis le point de vue de l’antagoniste (dont on ignore l’identité jusqu’aux dernières pages) entre le récit des péripéties, ou encore l’approche résolument anticonformiste qu’à Chessell du Chaos et de son effet sur les êtres vivants qu’il touche et transforme, sont autant de raisons de lire et d’apprécier Hatred, qui est assurément l’un des meilleurs « très courts formats » (15 pages) de la Black Library.

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Grunnson’s Marauders – A. Jones:

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INTRIGUE:

Les maraudeurs de Grunsonn (un nain crado, un elfe libidineux, un barbare chermanik et un impérial benêt) sont engagés par un sorcier pour retrouver une relique enchantée, le « mythique » Doigt de Vie (Finger of Life), qui repose sous bonne garde dans une caverne oubliée des Montagnes Grises.

AVIS:

Attention, OVNI. S’il n’est pas rare pour le lecteur de la BL de rire un bon coup en parcourant les textes des contributeurs les moins doués de cette auguste maison d’édition, il est en revanche bien moins courant que cette hilarité ait été sciemment recherchée par l’auteur au moment de l’écriture de son texte.

C’est toutefois indéniablement le cas avec ce Grunsonn’s Marauders, première des deux nouvelles consacrées par Andy Jones (également co-éditeur du recueil Realm of Chaos dans laquelle ce texte a été publié pour la première fois) au plus improbable quatuor de héros de l’histoire de la Black Library. Faisant feu de tout bois, Andy enchaîne dialogues absurdes, comportements parodiques, péripéties grotesques et calembours de comptoir (mention spéciale au barbare de la bande, le bien nommé Keanu the Reaver), pour un résultat dans la droite ligne de bouquins tels que Lord of the Ringards, Bilbo the Postit ou encore La Der des Etoiles. Etant donnée la brièveté de l’opus et son caractère résolument novateur par rapport au med-fan premier degré qui caractérise la BL, la sauce prend toutefois mieux que pour les « chefs d’œuvre » précédemment cités, ce qui n’est pas plus mal.

Bref, Grunsonn’s Marauders est une lecture indispensable pour tous les acharnés de la Black Library, une curiosité tout autant qu’une relique d’une époque où Games Workshop ne se prenait pas encore (trop) au sérieux. Un vrai collector1.

1: Pour la petite histoire, les maraudeurs de Grunsonn étaient les personnages de la bande Heroquest d’Andy Jones et de son cercle d’amis. Ce qui explique beaucoup de choses.

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The Doorway Between – R. Davidson:

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INTRIGUE:

Frantz Heidel, chasseur de sorcières agoraphobe, est engagé par le baron von Kleist pour retrouver le pendentif qui lui a été dérobé par une bande de mutants sur la route de Bechafen. Escorté par un pisteur à tête de fouine du nom de Karl Sassen, notre héros se lance à la poursuite des voleurs dans l’arrière-pays de la capitale de l’Ostermark, sans se douter que son employeur ne lui pas dit toute la vérité au sujet de l’artefact qu’il doit récupérer.

AVIS:

The Doorway Between est un récit très classique (la quête d’un objet magique qui se révèle être maléfique), conduit d’une manière tout aussi classique par Rjurik Davidson. Sans être mauvaise, cette nouvelle est toutefois loin d’être mémorable, et ne mérite au mieux qu’une lecture rapide, tant il est possible de trouver mieux ailleurs dans le catalogue de la Black Library (pour les amateurs de chasseurs de sorcières, la trilogie Mathias Thulmann de C.L. Werner est à mon goût bien supérieure).

Lorgnant sur la fin vers la buddy story, lorsque Heidel et son rival Immanuel Mendelsohn sont contraints de faire équipe pour contrecarrer les plans de leur ennemi commun, The Doorway Between aurait sans doute gagné en intérêt si Davidson s’était davantage écarté des chemins battus de l’heroic-fantasy.

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Mormacar’s Lament – C. Pramas:

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INTRIGUE:

Fait prisonnier par les Elfes Noirs au cours d’une mission d’infiltration à Naggaroth, le Guerrier Fantôme Mormacar profite de l’effondrement d’une galerie dans la mine où il était retenu comme esclave pour se faire la malle, accompagné d’un barbare de Norsca. Leur but est de rallier Arnheim, tête de pont des Hauts Elfes en territoire Druchii, en empruntant le dédale de souterrains s’étendant sous les fondations de Hag Graef. Il leur faudra pour cela se frayer un chemin dans les profondeurs glacées et hostiles de la terre du grand froid, en évitant les patrouilles elfes noires, les expéditions hommes-lézards (eh oui, ils ont dû prendre la mauvaise sortie sur l’autoroute) et les formes de vie les plus agressives de l’écosystème local. Bref, une véritable promenade de santé.

AVIS:

Chris Pramas nous sert un honnête récit d’évasion et d’aventure, dont l’intérêt vient autant du cadre exotique dans lequel il situe son propos que de la vision très sombre qu’à l’auteur du monde de Warhammer1, dans la droite ligne du background officiel. Sans être particulièrement mémorable le duo Mormacar – Einar (le nordique) fonctionne assez correctement, le « choc des cultures » des premières pages se transformant comme de juste en collaboration sincère, puis en amitié réelle.

On peut par contre regretter que les antagonistes, et en particulier le personnage de Lady Bela, sorcière ayant un gros faible pour le cuir et les cravaches, n’aient pas été plus développés, Pramas assurant le service minimum en matière de cruauté et de sadisme druchii. Il y avait sans doute moyen de faire mieux, et de relever du même coup le niveau général de la nouvelle, qui de sympathique aurait pu passer à remarquable.

En résumé, Mormacar’s Lament est une soumission sérieuse et d’assez bonne facture, mais dont les « finitions » auraient gagné à être davantage travaillées par l’auteur.

1 : C’est une constante chez Pramas : les héros de ses nouvelles finissent toujours très mal.

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The Blessed Ones – R. Kellock:

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INTRIGUE:

Truand minable, Jurgen Kuhnslieb se voit forcer d’accepter une mission un peu particulière afin de pouvoir rembourser les nombreuses dettes de jeu qu’il a contractées. Chargé par un jeune noble décadent de voler un tableau dont son propriétaire ne souhaite pas se séparer, Jurgen va rapidement se rendre compte qu’il s’est empêtré dans une affaire aux proportions insoupçonnées, et que ses employeurs ne sont pas du genre à laisser un cambrioleur à la petite semaine se mettre en travers de leur chemin.

AVIS:

The Blessed Ones aurait sans doute gagné à être développé en « moyen format » (50 – 100 pages), plutôt que de se retrouver confiné à la vingtaine de pages de sa version définitive. La banalité de l’intrigue proposée par Rani Kellock, cousue de fil blanc et à la conclusion courue d’avance dès les premières lignes1, aurait pu ainsi être compensée par la mise en place d’une ambiance réellement oppressante, soulignant la traque impitoyable dont Jurgen fait l’objet de la part de ses clients. L’instillation d’une atmosphère de roman noir ne pouvant se faire que sur la durée, la relative brièveté de la nouvelle de Kellock ne lui a pas permis de parvenir à un résultat concluant, ce qui s’avère au final être assez dommageable.

1 : C’est bien simple, si un riche notable engage une petite frappe pour récupérer un artefact d’un genre un peu spécial, il y a environ 143,87% de chances que le commanditaire se révèle être un cultiste du Chaos/nécromancien/membre d’une organisation secrète.

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Dark Heart – J. Green:

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INTRIGUE:

Ayant décidés d’abandonner le Kislev pour tenter leur chance sous des cieux plus cléments, Badenov et sa bande de mercenaires se retrouvent entraînés dans une sombre histoire sur la route de Bechafen. Il semblerait en effet qu’un ancien mal soit en passe de se réveiller dans le petit village d’Ostenwald, forçant notre fine équipe à unir ses forces avec celles d’un jeune noble dont la fiancée vient de succomber à une crise d’anémie aigüe. Vampire, vous avez dit vampire ?

AVIS:

Dans la série des aventures de Torben Badenov et de sa fine équipe de bras cassés, Dark Heart fait figure d’épisode central, car il permet à Green d’introduire le personnage de Pieter Valburg, qui rejoindra la bande à la fin de la nouvelle. J’ai une affection toute particulière pour Pieter, car il n’aura de cesse de miner l’autorité de Badenov auprès de ses comparses, en faisant éclater au grand jour la stupidité crasse et l’amateurisme décomplexé qui caractérisent le « héros » de la série The Lost and the Damned. S’il n’est encore qu’un personnage de second plan dans Dark Heart, Herr Valburg y fait néanmoins des débuts remarqués, et s’affirme d’ores et déjà comme le membre le plus important de la bande, après Badenov bien sûr.

Dark Heart donne également l’occasion à Jonathan Green de dérouler le grand jeu, en gratifiant ses lecteurs d’une narration à double point de vue (celui des mercenaires de Badenov, et celui du vampire comateux traqué par ces derniers), ainsi que d’un petit twist final, deux extras que l’on prendra soin d’apprécier à leur juste valeur (relative hein, parce que dans l’absolu, on est loin du chef d’œuvre).

Malheureusement, ces éléments positifs sont largement marginalisés par le monceau d’approximations, d’incongruités et de carabistouilles que nous sert un Green résolument hermétique à toute tentative de livrer un récit un tant soit peu cohérent à son public. Des villageois courant aussi vite que des chevaux lancés au galop à la décision d’aller affronter un vampire de nuit dans son antre, en passant par l’incroyable capacité de l’auteur à livrer deux versions totalement différentes du même évènement à quelques pages d’intervalle1, ou encore la brillante idée qu’à Badenov d’aller enquêter dans un village dont lui et ses potes viennent de massacrer tous les hommes valides sur un gros malentendu, c’est à un festival d’inepties auquel lecteur a droit. Et dire que ça aurait presque pu être correct…

1 : Le vampire d’Ostenwald a-t-il été originellement vaincu par 1) une troupe de paysans enragés, ou 2) une bande d’aventuriers menés par un prêtre de Sigmar ? Le mystère est encore entier.

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The Chaos Beneath – M. Brendan:

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INTRIGUE:

À la suite d’une cérémonie d’invocation quelque peu salopée par des cultistes amateurs, un Prince Démon de Tzeentch se retrouve coincé dans le corps d’un hôte mort. Assumant l’identité du cadavre qu’il habite, c’est-à-dire celle d’Obediah Cain, chasseur de sorcières un brin malchanceux, le démon convainc Michael de La Lune (si si), apprenti sorcier fraîchement renvoyé du Collège de Magie de Marienburg pour manque d’aptitudes à l’exercice des arts occultes, de lui rapporter une copie du 3ème Tome du Liber Nagash. Cette dernière repose en effet dans une bibliothèque du Collège, protégée par de puissants enchantements que le Prince Démon n’est pas en mesure de briser en son état actuel. Michael va-t-il s’apercevoir des noirs desseins poursuivis par son acolyte avant qu’il ne soit trop tard ?

AVIS:

Encore une déclinaison sur le thème de l’objet magique maléfique que le héros doit rapporter au méchant à son insu. The Chaos Beneath n’est donc pas la nouvelle la plus originale de la Black Library, ni la mieux écrite d’ailleurs : que peut-on donc avancer afin de justifier sa lecture ? Pour être tout à fait honnête, pas grand-chose si ce n’est le ton assez léger employé par Brendan, transformant du même coup le Prince Démon en méchant de cartoon plutôt qu’en implacable antagoniste. Ajoutez une pincée de fluff, et vous aurez fait le tour de tous les points forts de The Chaos Beneath. Ce qui ne fait pas lourd, je vous l’accorde.

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Paradise Lost – A. Jones:

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INTRIGUE:

Nous retrouvons les maraudeurs de Grunsonn dans une bien mauvaise passe : à la dérive au milieu de l’océan sur une coquille de noix, sans eau ni nourriture, et délestés de la cargaison d’or qu’ils avaient soutirée de la cale d’un galion abandonné par un pirate indélicat. Heureusement pour notre quatuor de choc, le salut finit par poindre à l’horizon, sous la forme d’une île où accoster afin de se refaire une santé. Et lorsque les indigènes (une colonie de skinks) se mettent en tête que les maraudeurs ne sont autres que Losteriksson et ses guerriers, revenus après des siècles d’absence régner sur leurs adorateurs à sang froid, il ne fait plus de doute que le temps des vacances a sonné pour nos quatre aventuriers.

AVIS:

Deuxième et dernier épisode de la (courte) saga consacrée par Andy Jones à Grimcrag Grunsonn et ses maraudeurs, Paradise Lost est une soumission sensiblement supérieure à Grunsonn’s Maraudeurs, et ce sur tous les plans. Fidèle à son approche décomplexée du monde de Warhammer, Jones continue en effet sur sa lancée de med-fan parodique, tout en dotant son récit d’une intrigue bien plus charpentée (appréciable attention), et en s’arrangeant pour combler – à sa manière – les blancs laissés dans le background officiel au lieu de chercher à réécrire ce dernier à sa sauce. Autre point positif, l’inclusion de véritables personnages secondaires (shout out à Froggo, le skink de compagnie de Johan Anstein, qui se rêvait méchant de James Bond), permettant à l’auteur de confronter ses héros à des antagonistes à leur hauteur, c’est-à-dire complètement barrés.

Au final, Paradise Lost n’est rien de moins que la tentative la plus aboutie de la part d’un auteur de la Black Library de tourner en dérision l’univers de Battle, et rien que pour ça, cette nouvelle vaut le détour.

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Wolf in the Fold – B. Chessell:

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INTRIGUE:

Le sommeil de l’Archidiacre Kaslain de Nuln est interrompu en pleine nuit par l’arrivée impromptue d’un visiteur de marque, venu chercher l’absolution que seul un haut prêtre de Sigmar peut conférer. Mortellement blessé, l’assassin légendaire connu comme la Guêpe Tiléenne (Tilean Wasp) se vide de son sang dans les appartements privés du prélat, dédiant ses derniers instants au récit du seul crime de sa longue carrière pour lequel il éprouve le besoin de se confesser : l’assassinat d’un prêtre.

AVIS:

Si l’histoire narrée par Ben Chessell dans Wolf in the Fold n’est pas aussi aboutie que son Hatred, et que la conclusion de cette courte nouvelle ne s’avère pas être une grande surprise, sa lecture n’en est pas moins agréable, et ce pour deux raisons principales.

La première, c’est l’audace manifestée par ce novice de la Black Library, qui pour sa deuxième soumission, s’offre le privilège de tuer un personnage nommé (l’archilecteur Kaslain, abordé dans les Livres Armées de l’Empire – c’est était un électeur impérial – et dans quelques suppléments du jeu de rôle). Bon, d’accord, il ne s’agissait pas vraiment d’une figure de premier plan du fluff, mais tout de même.

La seconde, et la plus importante à mes yeux, c’est le complet changement de style opéré par Chessell entre Hatred et Wolf in the Fold, sans que ses talents de conteur ne pâtissent de cette transformation. La grande majorité des auteurs de la BL ayant une patte facilement identifiable (pour le meilleur ou le pire) et abordant toujours leur sujet avec le même angle d’attaque, il est remarquable qu’une plume de cette auguste maison soit d’une « agilité » littéraire suffisante pour proposer deux récits si différents l’un de l’autre que l’on aurait pu sans mal les attribuer à deux contributeurs distincts. Si Hatred possédait une ambiance mélancolique et désincarnée, Wolf in the Fold se caractérise au contraire par un style riche et un goût prononcé pour le détail, assez proche dans l’esprit de celui de Brian Craig.

En conclusion, une autre excellente livraison de la part de Ben Chessell, dont la très courte carrière au sein de la Black Library apparaît décidément comme une de ces injustices dont la vie a le secret.

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The Faithful Servant – G. Thorpe:

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INTRIGUE:

Au sortir d’une bataille perdue par l’Empire contre une armée chaotique dans le nord du Kislev, le prêtre guerrier Markus revient à lui dans un champ de cadavres. Piégé sous la dépouille de sa monture, il ne peut se dérober lorsqu’un guerrier des puissances noires se présente devant lui. À sa grande surprise, son ennemi ne semble pas tant être intéressé par sa vie que son âme, ses sombres maîtres lui ayant promis l’immortalité en échange de la corruption d’un certain nombre d’individus vertueux. Markus pourrait être la dernière victime d’Estebar, le maître du massacre, dont l’ost se débanderait après l’élévation de son général au rang de Prince Démon, épargnant ainsi les vies de milliers d’innocents. Mais notre héros est-il prêt à consentir au sacrifice ultime pour préserver ses compatriotes des ravages des hordes du Chaos ?

AVIS:

La damnation et les chemins, souvent détournés et pavés de bonnes intentions, qui y mènent, font partie des thèmes de prédilection de Gav Thorpe, qui a consacré au sujet sa première trilogie en tant qu’auteur de la Black Library (Slaves to Darkness). The Faithful Servant, publié quelques années avant ces romans, peut donc être considéré comme un galop d’essai de la part du Gav. On retrouve ainsi dans cette nouvelle un héros placé face à un choix cornélien, dont les répercussions ne manqueront pas d’ébranler le Vieux Monde (c’est du Thorpe après tout).

Construit exclusivement comme « écrin narratif » à sa question centrale, The Faithful Servant tient davantage du conte philosophique (même si une telle appellation est un peu galvaudée par son enrobage med-fan) que de la nouvelle de sword and sorcery classique, et ce n’est pas plus mal. Sans s’avérer particulièrement mémorable ni éloquent, le débat opposant Markus à Estebar se révèle être assez plaisant à lire. En choisissant de conclure son propos avant que le prêtre guerrier n’ait fait son choix, Thorpe gratifie de plus sa nouvelle d’une conclusion, que dis-je, d’une ouverture, d’une élégante sobriété (pour changer).

Si elle s’adresse en premier chef aux lecteurs récemment initiés au background de Warhammer (les vétérans n’y trouvant rien que de déjà très connu d’eux), The Faithful Servant est sans doute l’une des meilleures soumissions de Gavin Thorpe.

INTO THE MAELSTROM [Recueil 40K]

Bienvenue dans la critique du recueil de nouvelles Into the Maelstrom, publié en 1999 par la Black Library et proposant 12 courts formats prenant place dans l’hostile univers de Warhammer 40.000. Mis à part dans l’intrigue de la nouvelle éponyme, le Maelstrom n’est pas particulièrement mis en avant dans l’ouvrage, qui couvre la plupart des factions présentes dans le background de la franchise futuriste de Games Workshop (Tau, Nécrons et Eldars Noirs mis à part).

Tableau Into the Maelstrom

Mis en forme dans un passé relativement ancien, à l’échelle de la Black Library tout du moins, Into the Maelstrom a bénéficié des contributions de nombreux auteurs ne travaillant plus aujourd’hui pour la maison d’édition de Nottingham, seuls Green, Thorpe et King pouvant être considérés comme des collaborateurs réguliers et actifs d’icelle.

Parmi les travaux notables de ce recueil, on retrouve une nouvelle de Barrington J. Bayley, égal à lui-même dans son approche hétérodoxe du fluff de 40K, et une soumission assez étrange de Simon Jowett (pas encore l’homme de Descent), dont la publication aujourd’hui serait des plus compromises. Bonne lecture!

Into the Maelstrom

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Salvation – J. Green:

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INTRIGUE:

Salvation suit la laborieuse épopée de frère Rius (André de son prénom), Terminator de son état au sein de la première compagnie des Ultramarines. Envoyés défendre le monde de Jaroth contre un car de tyranides s’étant perdu sur la route d’Ichar IV, Rius et ses petits camarades tombent dans une embuscade tendue par des Genestealers, au cours de laquelle notre héros prend un vilain coup sur le crâne, et se réveille en conséquence totalement amnésique. Recueilli par la population indigène, Rius fera-t-il triompher son village d’adoption aux Intervilles locales, ou renouera-t-il avec son passé de meilleur de l’Empereur ?

AVIS:

Comme dit en introduction, se frotter aux descendants de Guiliman s’apparente plus un à exercice de haute voltige qu’à une promenade de santé, l’abondante littérature leur ayant été consacrée au fil du temps obligeant l’auteur chargé de cette délicate mission à se livrer à un véritable travail de recherche afin de respecter le background établi par ses prédécesseurs. Certes, le fluff des Schtroumpfs énergétiques n’était pas aussi fouillé à l’époque de l’écriture de Salvation qu’il ne l’est aujourd’hui (où l’on connaît jusqu’au nom du cousin de la belle-sœur du professeur de piano d’Uriel Ventris), mais cela n’a pas empêché Green de pêcher, par nonchalance ou ignorance crasse, comme un bleu.

C’est en effet à un festival d’approximations, de contre-sens et absurdités en tous genres que Jonathan Green se livre dans Salvation, témoignage douloureux (pour les zygomatiques et les fluffistes acharnés) de ses lacunes en matière de 41ème millénaire. Cela commence très fort dès la deuxième ligne du récit, avec la mention de « vétérans de la Première Compagnie d’Ultramar », illustres guerriers n’existant que dans la représentation confuse que se fait l’auteur du Chapitre des Ultramarines. Quelques pages plus loin, Green fait mention de « cette vieille Terre » (Old Earth), ignorant sans doute que les gens respectables parlent plutôt de Terra. L’inclusion de la nouvelle dans la chronologie de Warhammer 40.000 ne m’a également pas semblé au-dessus de tous soupçons, Rius étant présenté comme un vétéran d’Ichar IV alors que les tyranides qu’il affronte semblent plutôt appartenir à la flotte ruche Béhémoth (corps rouges/violets), annihilée 200 ans avant l’arrivée de Léviathan dans l’espace impérial. On lui laissera cependant le bénéfice du doute, d’autres critiques plus franches, et celles-là indiscutables, pouvant lui être adressées.

Car la plus grande atteinte au fluff commise par Green très peu documenté ne vient pas tant du manque de connaissances de ce dernier sur les Ultramarines, mais bien de son manque de connaissances sur les Space Marines en général, décrits par l’auteur comme de vulgaires super-soldats disposant d’un équipement de pointe, tableau ultra (haha) réducteur et sensiblement erroné de la condition d’Ange de la Mort. Par exemple, Green affirme sans broncher que la présence des Ultramarines sur le monde de Jaroth s’explique par la présence du Gauntlet of Macragge (présenté comme rien de moins que le vaisseau amiral de la flotte Ultra – inutile de préciser que c’est la seule fois où il est fait mention de ce nom dans un texte de la BL1– ) à proximité de la planète suite à une « visite de routine dans l’Est de l’Ultima Segmentum ». Et les Space Marines, bien braves, de voler à la rescousse d’un monde tribal ne faisant même pas partie de l’Imperium, et d’envoyer la crème de leurs vétérans (qui n’avaient rien d’autre à faire que de participer à cette patrouille, sans doute) castagner la Grande Dévoreuse pour sauver trois poules et deux cochons, au lieu de lui balancer un petit Exterminatus sur le coin du museau depuis la sécurité de l’orbite haute. Bref, les Ultramarines de Jonathan Green tiennent plus des casques bleus galactiques (c’est la couleur qui l’a induit en erreur je pense) que des moines-soldats cherchant avant tout à sauvegarder leur empire personnel d’une galaxie hostile et méchante.

Beaucoup plus grave, Green fait reposer son intrigue sur une aberration, que dis-je, une hérésie pure et simple, qui ne manquera pas d’arracher un sanglot de rage à tous ceux n’ayant ne serait-ce que feuilletés distraitement un Codex Space Marines au cours de leur vie. Au moment de l’embuscade qui laisse Rius amnésique, son escouade était en effet engagée dans une opération de nettoyage des dernières poches de résistance tyranides de la planète (oui, de la planète, ils avaient visiblement un peu de temps devant eux), mission perturbée comme dit plus haut par une bande de Genestealers adeptes du « coucou qui c’est ? ». Résultats des courses : l’épave de Thunderhawk qui servait de décor à l’embuscade en question explose suite à une utilisation peu finaude du lance-flammes par frère Hastus, projetant notre héros contre un arbre à l’écorce visiblement plus dure que son crâne, vus les résultats désastreux sur ses facultés mnémoniques. Le paragraphe suivant nous apprend que Rius se réveille, seul, dans la maison du couple qui l’a recueilli2 suite à sa funeste rencontre avec un tronc (Georges de son prénom), ce qui signifie (accrochez-vous) que les Ultramarines sont repartis de Jaroth sans chercher à s’enquérir du destin d’une entière escouade de Terminators, faute de quoi ils auraient fatalement retrouvés Rius, qui n’a pas dû atterrir bien loin du lieu de l’explosion.

Je veux bien que les Ultra soient un Chapitre pétés de thunes, mais de là à « oublier » cinq armures Terminators sur une planète de huitième ordre (sans parler de la valeur intrinsèque des bonhommes occupant lesdites armures : ce n’est pas comme si la Première Compagnie des Ultramarines s’était faite massacrée jusqu’au dernier pignouf quelques années plus tôt, hein), il y a une sacrée marge tout de même. Dans la catégorie relique à la valeur incommensurable, une Crux Terminatus (avec un vrai morceau de l’armure de l’Empereur dedans !) ça se pose là tout de même, alors cinq… Malheureusement pour tout le monde, et surtout pour lui, Green ne voit cependant aucun problème à faire disparaître totalement le reste des Marines de Salvation passé ce moment, ce qui donne au lecteur la furieuse envie d’emboîter le pas de ces derniers, et de tourner la page (dans tous les sens du terme) de cette piètre nouvelle.

Avec tout ça, on en oublierait presque que Green n’est pas, même lorsqu’il maîtrise un tant soit peu son sujet, un écrivain des plus intéressants, son absence de style le rendant parfait pour pondre des encadrés d’ambiance génériques dans les Codices GW, mais beaucoup moins convaincant dès qu’il s’agit de garder le lecteur en haleine plus de trois paragraphes d’affilée. Seul personnage un tant soit peu développé de Salvation, Rius (du latin rius, ce qui veut dire rillettes) pâtit particulièrement du manque d’inspiration de son créateur, et justifie à lui seul l’image de fadeur bleuâtre ayant poursuivi les Ultramarines depuis la création de Warhammer 40.000. Pour être honnête, le personnage le plus charismatique de la nouvelle reste à mes yeux, et de loin, le brave Carnifex faisant office de boss de fin, talonné de près par le Prince tyranide nain3 dézingué hors champ quelques pages plus tôt par la bleusaille en colère.

Imparfait sur le fond comme sur la forme, Salvation est la preuve irréfutable que la BL publiait vraiment n’importe quoi à ses débuts, sale habitude dont elle n’est malheureusement toujours pas guérie à l’heure actuelle. On notera pour finir que Salvation a réussi à se faire rééditer dans l’anthologie Let the Galaxy Burn (2006), présentée au moment de sa sortie comme la somme des nouvelles les plus remarquables jamais écrites pour 40K. Remarquable, oui, c’est le mot.

1 : On notera tout de même le fétichisme des Ultramarines (ou de leurs auteurs) en matière de « gantelets » quand on en vient au baptême de leurs vaisseaux. À l’hypothétique Gauntlet of Macragge viennent ainsi s’ajouter le Gauntlet of Victory et le Gauntlet of Glory, ce qui nous fait trois moufles et ouvre des perspectives intéressantes quant à un hypothétique « troisième bras » de Roboute Guilliman. Moi je dis que si Fulgrim s’est enquiquiné à venir égorger son frangin bien après la fin de l’Hérésie d’Horus, c’est qu’il avait ses raisons.

2 : « Chérie, j’ai une surprise pour toi ! »

« Tu m’as ramené des fleurs ? C’est trop ge- »

« Euh, non, pas exactement des fleurs. »

3 : « The hive tyrant was a truly terrifying figure to behold. The monster stood over two metres tall […] »

Sachant qu’un Space Marine normal taille dans les deux mètres cinquante, et qu’engoncé dans une armure Terminator, il frôle les trois mètres, je ne vois pas pourquoi il souillerait son slip à la vue d’un gros criquet.

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Into the Maelstrom – C. Pramas:

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INTRIGUE:

Capturé après l’abordage malheureux d’un croiseur White Scars par ses camarades Red Corsairs, l’archiviste Sartak doit prouver sa loyauté retrouvée envers l’Empereur (car la vue d’une dizaine de bolters braqués sur sa tête l’a aisément convaincu de retourner sa veste énergétique, étonnant non ?) en informant ses nouveaux copains de la destination du prochain raid de Huron Sombrecoeur hors du Maelstrom. Notre héros repentant arrivera-t-il à abuser le paranoïaque ex Tyran de Badab assez longtemps pour accomplir sa périlleuse mission ?

AVIS:

Si on met de côté les zones d’ombre1 de l’argument d’Into the Maelstrom, que l’on peut imputer à la plus grande permissivité qui régnait à cette époque (voir Hell in a Bottle de Simon Jowett pour s’en convaincre), cette nouvelle se révèle être très convenable. La force de l’écriture de Pramas est d’arriver à retranscrire la course contre la montre dans laquelle est engagée son héros, et l’étau qui se resserre de plus en plus autour de lui au fur et à mesure des pages. Into the Maelstrom peut également se targuer de bénéficier d’un final réussi, autant du point de vue de la construction narrative que du respect de l’ambiance nihiliste de Warhammer 40.000, et de la participation du Huron Sombrecœur convaincant en psychopathe retors et flamboyant.

1 : « Seigneur Subotai Khan, le Red Corsair que nous avons fait prisonnier après l’attaque de notre barge de bataille (au lieu de lui coller un bolt dans le crâne, comme il aurait été normal) est réveillé et attend votre bon plaisir. »

« Faîtes le entrer. »

« Qui a été un vilain garnement, hum ? »

« Je dois reconnaître que j’ai commis quelques erreurs ces dernières années votre honneur, mais depuis que vous m’avez capturé et me tenez à votre merci, j’ai très envie que nous devenions copains. Vive l’Imperium donc. »

« Merveilleux. Maintenant que tu as miraculeusement retrouvé foi en l’Empereur, tu es libre de retourner chez les Red Corsairs. Essaie juste de nous dire où Huron dirigera sa prochaine attaque, de manière à nous permettre de le prendre en embuscade. »

« Vous ne préférez pas plutôt que je vous mène directement jusqu’à la flotte des Red Corsairs, chose dont je suis capable selon l’auteur de la nouvelle ? »

« Nan. »

« Euh, d’accord, c’est comme vous voulez… Mais imaginons – je dis bien imaginons – que mon repentir ne soit pas sincère, et qu’une fois de retour dans le Maelstrom, je vous fasse parvenir des informations erronées, permettant à Huron d’attaquer une planète sans défense, ou pire, de retourner l’embuscade des White Scars contre eux. Vous avez prévu quelque chose pour ce cas de figure ? »

« Bien sûr ! Le fidèle Arghun ici présent t’accompagnera dans ta mission, et s’assurera que tu mènes à bien cette dernière. »

« Vous êtes bien conscient que Huron risque de le faire tuer à la minute où il posera les yeux sur lui, hein ? Et que même dans le cas où il survivrait à son bizutage, il n’aurait aucun moyen de vous avertir de mon hypothétique trahison, étant donné que je serai celui qui vous transmettra les coordonnées du prochain objectif de Huron grâce à mes pouvoirs psychiques ? »

« Tu as raison Sartak, mon plan repose entièrement sur ta pleine et entière coopération. Mais j’ai tout à fait confiance en toi, car nos trente secondes d’entretien m’ont convaincu qu’en dépit des actes monstrueux que tu as commis en tant que Red Corsairs, tu es quelqu’un de bien. Pars avec ma bénédiction. »

« Merci Subotai Con, heu Khan. »

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Emperor’s Grace – A. Hammond:

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INTRIGUE:

Hammond propose au lecteur de suivre la lutte pour la possession de la planète d’Olstar Prime entre Impériaux et Eldars par les yeux de deux personnages aux vues radicalement divergentes sur la question. Au zèle fanatique du Commissaire Streck s’oppose en effet le pragmatisme du Lieutenant Catachan Lownes, et alors que le premier se tient prêt à sacrifier jusqu’au dernier soldat pour repousser les Xenos, le second serait plutôt du genre à filer à l’anglaise avec les survivants de son unité avant que les zoneilles ne massacrent tout le monde. Pressé par le temps et surveillé de près par un Streck ayant mal digéré le retrait stratégique ordonné par Lownes, notre Lieutenant tire au flanc arrivera-t-il à mener son projet de désertion à bien ?

AVIS:

À y regarder de plus près, Emperor’s Grace n’est pas tant une nouvelle que le développement sur une vingtaine de pages par Hammond du dilemme classique du Garde Impérial : est-il vraiment condamnable de chercher à sauver sa peau plutôt que de voir sa vie sacrifiée par des officiers indifférents pour la défense d’une planète insignifiante ? Ce parti pris aurait pu être payant si l’auteur avait réussi à répondre à cette question, somme toute centrale dans l’univers violent et totalitaire de Warhammer 40.000, de manière convaincante et/ou originale. Au lieu de ça, Hammond termine son propos avec un piteux WIJH1, laissant un fort goût d’inachevé au lecteur à la fin d’Emperor’s Grace (dans la même veine, mais pour Warhammer Battle, on retrouve The Last Charge d’Andy Hoare). À oublier.

1: Well, It Just Happened que la personne qui devait permettre à Lownes et ses hommes de quitter la planète s’est pris un missile Eldar dans le buffet, ce qui condamne les Catachans à se battre aux côtés des défenseurs d’Olstar Prime.

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The Raven’s Claw – J. Curran:

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INTRIGUE:

Début de journée difficile pour Veronique Sanson, le héros de The Raven’s Claw (nouvelle au titre potterien s’il en est). Tiré d’une gueule de bois carabinée par le quasi-crash de son vaisseau en plein cœur d’une zone de guerre urbaine, notre protagoniste se rend rapidement compte que 1) il n’a absolument aucun souvenir de qui il est, et 2) il fait visiblement partie d’un régiment de Légionnaires Pénaux. Vivement le week-end.

AVIS:

Jouant honnêtement de cette ficelle narrative bien connue qu’est l’amnésie du héros, Curran trousse une petite nouvelle ma foi fort potable, si on la replace dans son contexte (c’est-à-dire 1999, une époque où les contributeurs de la BL n’étaient pas tenus d’être docteurs -es fluff pour proposer leur travail1). Le background est en effet quelque peu malmené au cours du récit, en particulier au moment de la conclusion de l’histoire, qui aurait pu être mieux négociée, surtout au vu du choix effectué par l’auteur à son endroit2. Ce manque de maîtrise du background de Warhammer 40.000 est d’autant plus gênant que Curran termine son histoire avec un exposé bancal sur la nature de l’Imperium, dont il donne une image biaisée, et finalement assez fausse3. Bref, une mention passable bien méritée.

1 : Non pas que ce soit actuellement le cas aujourd’hui d’ailleurs (l’espoir fait vivre).

2 : Vero se révèle être un (et non pas une – d’après le fluff, c’est rare mais pas impossible – ) assassin Callidus, envoyé sur le terrain afin de faire la peau à un Gouverneur planétaire félon. Sauf que l’utilisation faite par Vero (Averius de son vrai nom) de la fameuse polymorphine est complètement marginale (« Et hop, je passe de L à M en taille de veste ! Ils ne me reconnaîtront jamais ! »), ce qui est tout de même dommage étant donné que c’est cette dernière qui fait tout le charme de cette caste particulière. Étant donné les spécificités de cette mission (à savoir, la présence d’un psyker prescient aux côtés du Gouverneur), un Culexus aurait à mon sens bien mieux fait l’affaire. Quant à la Raven’s Claw qui donne son titre à la nouvelle, il s’agit d’une sorte de neuro-gantelet subdermal, arme appartenant davantage à l’arsenal des assassins Eversor qu’à leurs consœurs Callidus.

3 : Selon Curran, l’Imperium a envoyé Vero recueillir la confession du Gouverneur renégat, car, ayant trahi la confiance de l’Empereur, ce dernier se trouve être un hérétique (nié ?), et tout hérétique doit se repentir avant de recevoir sa punition (nié ?). Et Vero d’expliquer que la rébellion aurait pu être matée en deux deux, et qu’une force d’intervention constituée de plusieurs régiments de Gardes Impériaux ainsi que d’un contingent de White Scars attend tranquillement en orbite son feu vert avant de débarquer sur la planète remettre un peu d’ordre dans tout ce bordel. Et tout ce temps gâché, toutes ces ressources dépensées, toutes ces vies perdues, pour quoi ? Pour permettre à Vero d’absoudre sa cible de ses pêchés. Amen.

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Children of the Emperor – B. J. Bayley:

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INTRIGUE:

Ayant échappé de justesse à la destruction du vaisseau qui transportait son régiment jusqu’à sa nouvelle affectation, le Garde Impérial Floscan Hartoum n’a d’autre choix que de faire atterrir sa capsule de sauvetage à la surface d’une planète mystérieuse dans l’attente d’être secouru. Recueilli par une tribu d’abhumains (deux paires de jambes) dont la mutation a été volontairement déclenchée par leurs ancêtres colons afin de lutter contre la forte gravité de leur monde d’adoption, Hartoum verra son courage et sa vision de l’Imperium sérieusement testés au cours de son séjour chez les enfants perdus de l’Empereur.

AVIS:

Children of the Emperor est une petite gemme, et sa lecture est fortement conseillée à tous les esprits curieux familiers des publications de la Black Library. Cette nouvelle jette en effet un éclairage particulier et très dépaysant sur l’univers de Warhammer 40.000, en prenant toutefois garde de bien respecter le background qui existait à l’époque, attention aussi délicate que louable de la part d’un auteur aussi établi que Barrington J Bayley. L’un des charmes de Children of the Emperor est ainsi son absence d’aberrations fluffiques, preuve indubitable du sérieux travail de « documentation » effectué par Bayley avant la rédaction de ce texte1 (tous les contributeurs de la BL ne peuvent en dire autant, pas vrai Nik Vincent ?).

Mais les principales plus-values apportées par la plume experte de Bayley restent son style, affirmé, maîtrisé et très différent des canons de la BL (ce qui fait tout son intérêt), ainsi que son expérience d’écrivain de SF vétéran, qui lui permet d’attirer l’attention du lecteur sur des points jamais soulevés jusqu’ici par les autres auteurs de la maison (comme les variations de gravité d’une planète à l’autre, et les conséquences de ce changement sur un organisme humain normal) ; mais également d’amener son public à réfléchir sur des questions aussi centrales que celle de la tolérance envers la mutation (et donc du droit à la différence de manière plus large) au sein d’un Imperium dont la psychorigidité sur ce sujet – personnifiée par le personnage du Commissaire Leminkanen, zélote écumant et pas très futé – apparaît comme assez grotesque, eut égard à son histoire millénaire et au million de planètes qui le compose. Bref, on peut remercier Barrington J Bayley pour l’amical coup de pied dans la fourmilière qu’il a mis dans le background de Warhammer 40.000, qui n’était (et n’est toujours) pas au-dessus de tous reproches à l’époque, malgré le soin que lui a apporté Priestley et Cie au moment de son élaboration.

1 : Il va même jusqu’à faire mention d’éléments de background un peu avancés, tels que les fameux Schémas de Construction Standardisés. Chapeau l’artiste.

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The Black Pearl – C. Pramas:

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INTRIGUE:

Fraîchement nommé Chapelain Interrogateur, Uzziel des Dark Angels emmène ses frères sur le monde exodite de Lughnasa, afin de vérifier une information obtenue du premier Déchu qu’il a capturé. Selon la confession du traître, la mythique épée du Lion, maniée par le Primarque de la première Légion au cours de la Grande Croisade, et perdue au cours de la destruction de Caliban, reposerait en effet dans un temple de cette planète.

AVIS:

Une nouvelle rythmée et assez bien construite, dans la droite lignée d’Into the Maelstrom. Comme cette dernière histoire, The Black Pearl se termine par un petit twist1 qui, sans être transcendant, conclut le récit de manière opportune et démontre que Pramas a bien intégré les codes de 40K (Praaaaa-maaaaaaaaas…ton univers impitoyaaaa-aaa-bleuh).

Reste qu’utiliser les Dark Angels comme protagonistes est un exercice périlleux, les multiples couches de secrets et de rumeurs entourant les Impardonnés obligeant l’auteur à procéder avec prudence. Malgré sa maîtrise du background (mention est faite de Moloc(h)ia, Chapelain Interrogateur détenteur du highest score en matière de confessions de Déchus), Pramas se prend les pieds dans le tapis pelucheux du fluff des Anges de la Mort à quelques reprises. Rien de très grave, je vous rassure, mais il fallait tout de même que le signale. Paradoxalement cependant, ce sont les (petites) révélations sur le passé des Dark Angels glissées par Pramas dans The Black Pearl2 qui constituent l’intérêt principal de la nouvelle. Les vieux de la vieille apprécieront aussi la présence de chevaliers dragons Exodites en tant qu’antagonistes, même si l’auteur se contente de les balancer sur les Space Marines dans une reconstitution futuriste de la charge de la brigade légère (si tant est qu’un chevaucheur de megadon puisse être considéré comme un cavalier léger) à la bataille de la Balaklava, et ne s’attarde donc guère sur la culture de ces fiers guerriers tribaux.

Honnête mais finalement assez terne, en ce qu’elle n’explore pas assez à mon goût la psyché si particulière des Dark Angels (une joyeuse bande de zélotes psychorigides et intolérants au plus haut point, à la fois arrogants à l’extrême et terrifiés à l’idée que le reste de l’Imperium apprenne leur honteux petit secret), The Black Pearl constitue une lecture assez dispensable, sauf si vous êtes un amateur inconditionnel de Lionel et de ses fistons.

1 : L’épée du Lion se révèle au final être l’épée de Luther.

2 : Référence à la perle noire que les Chapelains Interrogateurs des chapitres Impardonnés ajoutent à leur Rosarius pour chaque Déchu qu’ils « convainquent » de se confesser.

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Acceptable Losses – G. Thorpe:

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INTRIGUE:

Nommé à la tête du tristement célèbre escadron de Maraudeurs Raptor, le commandant Jaeger a l’occasion de prouver la valeur de ses hommes au cours d’une mission aussi vitale que périlleuse : la destruction des réacteurs d’un Space Hulk grouillant d’orks. Livrés à eux-mêmes dans l’immensité hostile de l’espace, les Raptors se rendront rapidement compte qu’il n’y a pas d’ennemi plus mortel que l’ami dans lequel on a placé (à tort) sa confiance.

AVIS:

Après les Nains et les Hauts Elfes, Battlefleet Gothic est l’une des lubies du bon Gav Thorpe, qui ne manque jamais une occasion de mettre en scène une petite bataille spatiale dans ses écrits futuristes. Sachant qu’Into the Maelstrom (et donc Acceptable Losses, par la même occasion) a été publié en 1999, soit l’année de sortie du livre de règles BFG, il était inévitable que cette nouvelle fasse la part belle à des héros maîtrisant l’art subtil de la guerre dans l’espace.

Cette nouvelle conséquente (33 pages, ce qui en fait la plus longue du recueil) se divise ainsi en deux parties distinctes. La première (un tiers) voit Jaeger et ses hommes faire connaissance, les premières impressions mitigées faisant rapidement place à une véritable camaraderie entre un commandant sévère-mais-humain et des équipages indisciplinés-mais-courageux-et-loyaux (et l’Oscar du meilleur scénario original est attribué à…). Thorpe sait qu’il doit en passer par là pour que la suite de son récit tienne la route et s’exécute de bonne grâce, son style passepartout lui permettant d’expédier cette introduction sans trop lasser le lecteur (en partie grâce à la partie « contes et légendes de l’Imperium »).

La deuxième partie (deux tiers) est une description minutieuse de la mission plus ou moins suicide de l’escadron Raptor, sur lequel s’acharne bien entendu un sort contraire : escorte de Thunderbolts retirée au dernier moment, Rok en maraude à négocier en solo, rencontre inopinée avec une escadrille de chassa-bombas, cible protégée par une hénôrme batterie de lance-plasma… autant de petits riens qui font que la vie d’un pilote de Maraudeur vaut d’être vécue (et se termine de manière prématurée). Fort de son expertise dans le sujet, Thorpe réussit à faire de ce compte rendu une expérience plaisante, tant par son originalité que par son enthousiasme perceptible pour cette forme de combat, dont les règles diffèrent considérablement de la classique bataille rangée de fantassins et de véhicules à laquelle l’amateur de 40K a droit d’habitude.

Bon, ça reste du Thorpe, et du Thorpe « primitif » qui plus est, ce qui signifie que l’histoire en elle-même ne vole pas beaucoup plus haut qu’un plongeur de la mort ayant fait un six sur son jet d’incident de tir (ouais, j’ai pas peur des mélanges). En même temps, difficile de révolutionner l’art de la nouvelle de science-fiction avec un pitch aussi ingrat qu’une bataille spatiale vue depuis l’intérieur d’un cockpit de Maraudeur. On a donc le droit à une triple dose d’héroïsme désintéressé et de sacrifice pour la bonne cause, généreusement saupoudrés de « bon sang, c’était moins une »1 et de « mais où est notre écran de chasseurs ? » : une fois de temps en temps, pourquoi pas.

Bref, Thorpe réussit assez bien son coup avec Acceptable Losses, un de ses meilleurs courts formats pour la BL à date, et plat de résistance consistant à défaut d’être délectable d’Into the Maelstrom.

1 : Appelons ça le syndrome de l’Etoile de la Mort.

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Tenebrae – M. Brendan:

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INTRIGUE:

Tenebrae relate les derniers moments du gouverneur planétaire Dane Cortez, alors qu’il contemple les forces du Chaos prendre d’assaut la capitale de son monde. Seul dans sa chambre de commandement, Cortez se remémore les évènements ayant conduits à la débâcle actuelle, et assiste à l’arrivée du général des hordes chaotiques, Lord Vog des Word Bearers, sur la place centrale de la capitale. Le réquisitoire sans concession qu’il dresse de ses errements et erreurs en tant que régent de Tenebrae (le nom de la planète qu’il dirige), et la colère qu’il éprouve envers l’Imperium pour avoir abandonné cette dernière dans son heure de besoin finissent par ouvrir un portail Warp dans son sanctuaire, duquel s’extirpent une poignée de Sanguinaires en goguette. Cortez aura alors un ultime choix à faire : au nom de qui, ou de quoi, donner sa vie ?

AVIS:

Mark Brendan (dont c’est la seule contribution connue à la Black Library) signe avec Tenebrae un texte assez étrange. L’approche adoptée à beau être originale, privilégiant l’examen de conscience de Cortez à une banale scène de guerre urbaine, on ne peut s’empêcher de se demander « et alors ? » à la fin de la lecture de cette courte nouvelle (15 pages). Il ne se passe en effet pas grand-chose dans Tenebrae, si l’on met de côté les atermoiements et imprécations de notre héros, entrecoupés de quelques flashbacks explicatifs (où l’on comprend comment Cortez est arrivé à la tête de la planète, en récompense de ses bons services dans la Garde Impériale) et rapports sur l’avancée des troupes adverses dans Wormwood (la capitale de Tenebrae, tu parles d’un nom). Malgré sa bonne volonté, Brendan n’a pas le talent de Brian Craig pour tenir son lecteur en haleine de manière non-violente, ni le souci du détail d’un Abnett ou d’un Dembski-Bowden, lacunes faisant de Tenebrae une curiosité assez fade au final. Rideau.

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Ancient Lances – A. Hammond:

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INTRIGUE:

De retour sur son Attila natale après des années de bons et loyaux services, le commandeur Al’Kahan découvre avec stupeur que son monde et ses compatriotes se sont détournés de leur mode de vie ancestral, et se font exploiter sans vergogne par les marchands de l’Imperium. Outré par cette infamie, il rejoint ce qu’il reste de sa tribu, et l’entraine dans une vendetta sanglante contre des voisins indélicats, ayant fait leurs les pâturages et les troupeaux des clans environnants. La victoire acquise, il repart aussi sec dans le vaisseau par lequel il est arrivé, ayant visiblement décidé de passer sa retraite ailleurs que de ce bled paumé. Merde, ils n’ont même pas la wifi.

AVIS:

Si Ancient Lances s’avère plus consistant qu’Emperor’s Grace (dont le personnage principal, le Commissaire Streck, fait deux brèves apparitions en début et fin de nouvelle, sans qu’on comprenne trop ce qu’il vient faire dans cette histoire1), la seconde publication d’Alex Hammond comporte elle aussi son lot d’imperfections. On notera tout d’abord que l’auteur orthographie « Atilla » la planète d’Al’Kahan, ce qui laisse planer un gros doute aussi bien sur sa maitrise du background de la Garde Impériale que sur son niveau de culture générale. Deuxièmement, la meilleure progression narrative d’Ancient Lances par rapport à Emperor’s Grace (comprendre que la première se termine de manière un peu plus compréhensible que la seconde) n’empêche pas Hammond de perdre le lecteur par endroits, la faute à une absence de mise en exergue de points importants pour la compréhension de son propos.

Par exemple, lorsqu’Al’Kahan sort du vaisseau spatial qui l’a ramené sur Attila au début de la nouvelle, il se fait contrôler par deux Gardes Impériaux d’un autre régiment, qui lui demandent de présenter ses papiers. Notre héros s’exécute… et leur casse la gueule. Violence gratuite d’un vétéran psychotique ? Pas exactement, les victimes d’Al’Kahan appartenant au XIIIème régiment de Prakash, sauvé de la destruction quelques pages plus tôt par le sacrifice de la cavalerie Attilane. On peut donc comprendre que le vieux commandeur n’ait pas apprécié l’intervention des Prakashiens, et le leur ai fait savoir de manière appuyée. Seulement voilà, Hammond ne facilite pas ce travail de déduction, puisqu’il ne prend pas la peine de rappeler de manière explicite la cause de la rancune d’Al’Kahan envers ces deux pauvres bidasses, (trop) confiant qu’il est dans la capacité du lecteur à faire le lien entre les trois micro-passages où est mentionné le XIIIème Prakashien (dispersés sur neuf pages). Faut pas baisser la garde.

J’ai également eu du mal à accrocher au personnage d’Al’Kahan, vétéran couturé aux motivations aussi nébuleuses que son sens tactique2. Comme le fait remarquer le méchant de l’histoire juste avant de se faire trucider par le Zapata des grandes steppes, notre héros a beau gueuler contre les ravages de la galaxisation (c’est le même principe que la mondialisation, mais à l’échelle supérieure) sur Attila et se faire le défenseur des anciennes traditions de la planète, il ne se gêne pas pour utiliser l’arsenal de la Garde Impériale, beaucoup plus avancé que les armes de fer et de corne utilisées par ses compatriotes, afin de faire triompher sa cause. Bref, faîtes ce que je dis, mais ne regardez pas comment je le fais. On notera aussi qu’Al’kahan se barre juste après la victoire de son camp (abandonnant une deuxième fois sa femme et son – second – mari, mutilé par ses bons soins au passage), très probablement pour prendre possession de la province d’un autre monde lui ayant été promise en récompense de ses impeccables états de service. C’est ce qu’on appelle avoir de la suite dans les idées.

Toutefois, Ancient Lances est toutefois plus sympathique que pénible, en grande partie grâce aux détails de fluff apportés par un Hammond assez crédible dans son propos. Cette nouvelle a également le mérite de traiter des frictions pouvant naître de la rencontre de plusieurs cultures d’un niveau technologique très différent, sujet intéressant à aborder dans le cadre d’un empire galactique d’un million de mondes, où cette question doit évidemment se poser de manière récurrente sur pas mal de planètes. En conclusion, si vous ne deviez lire qu’un seul texte de Hammond, c’est celui-là que je vous recommande, et de loin.

1: Ancient Lances se déroule un peu avant Emperor’s Grace, mais les deux nouvelles n’ont d’autre point commun que la présence de Streck dans l’un et l’autre. Je n’ai d’ailleurs pas bien compris pourquoi Ancient Lances figure après The Emperor’s Grace dans Into the Maelstrom, soit à l’inverse de l’ordre chronologique. Peut-être Hammond avait-il pour projet de développer une série dont Sterck serait le héros ? Malheureusement pour lui, Ibram Gaunt (et plus tard Ciaphas Cain) avait déjà pris la place du Commissaire héroïque au sein de la Black Library.

2: « Salut tout le monde, c’est Al’Kahan ! Ça fait 30 ans que je vous ai quitté, mais maintenant que je suis revenu, vous allez tous faire exactement ce que je dis. »

« Et pourquoi ? »

« Parce que sinon, je vais devenir très méchant. Et comme presque tous les hommes en âge de se battre sont morts, je ne vois pas comment vous pourriez m’empêcher de devenir le nouveau chef de tribu. D’ailleurs, voilà la femme que j’ai épousée juste avant de partir me battre pour l’Empereur (je suis un vrai gentleman). Elle n’a pas l’air très contente de me voir, mais je vais lui offrir la main tranchée de son deuxième mari, ça lui fera plaisir. »

« Bon ok. On n’a pas le choix de toute façon. Mais on te prévient, on s’est fait volé tout notre cheptel par le clan d’à côté, dont le chef a construit une forteresse imprenable depuis laquelle il pille les terres alentours en toute impunité. »

« Pas de problème, j’en fais mon affaire. En ma qualité de soldat vétéran, je vous propose ce plan infaillible : nous allons charger les murs de son bastion à cheval, comme on le faisait à mon époque ! »

« C’est complètement con. »

« Et toi, à la prochaine remarque désobligeante, t’es complètement mort. Nan, mais en fait, je vous ai ramené quelques lances à têtes explosives, ça devrait faire de gros trous dans les murs, qui nous permettront de passer. »

« Ok, mais comment on arrive à s’approcher assez près pour utiliser ces armes fabuleuses ? La forteresse est entourée de pieux en acier, spécialement conçus pour briser une charge de cavalerie. »

« C’est pas un problème, j’ai également un fusil plasma, qui me permettra de détruire ces obstacles pendant notre glorieuse chevauchée ! »

« Heu, tu veux dire avant notre glorieuse chevauchée, non ? Genre on envoie un éclaireur préparer le terrain pour éviter les mauvaise surprises. »

« Pas du tout, on charge comme des débiles un ennemi bien retranché et mieux armé que nous, en faisant une confiance aveugle à mes talents de tireur. C’est non négociable. »

« C’est complètement c- »

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Hell in a Bottle – S. Jowett:

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INTRIGUE:

Le Sergent Instructeur Tydaeus des Iron Hearts doit faire face à une situation inédite: la machine Mimesis, simulateur de conflits utilisé pour l’entraînement des recrues du Chapitre, a été envahie par un ost démoniaque, mené par le prince démon Kargon. N’ayant pas réalisés que leur dernière conquête était un monde virtuel, les démons se retrouvent bloqués dans la réalité numérique de la machine, à la merci d’un Tydaeus qui doit maintenant décider s’il préfère la jouer safe (débrancher Mimesis et l’envoyer à l’incinérateur) ou héroïque (débuter une « partie » et aller botter les fesses calleuses de Kargon en live).

AVIS:

Hell in a Bottle est sans doute la nouvelle la plus étrange d’Into the Maelstrom, voire de toutes les publications 40K de la Black Library. L’argument du récit, déjà très peu banal en lui-même (« et si les Space Marines s’entraînaient sur des bornes de shoot ‘em up ? »), se combine en effet à une interprétation pour le moins libérale du fluff de la part de Simon Jowett, qui n’hésite pas à nommer un des Primarques inconnus dans le cours du récit, ou encore à dépeindre son héros en employé de bureau désabusé plutôt qu’en inflexible moine-guerrier. Il faut dire que Tydaeus n’est, à proprement parler, pas vraiment un Space Marines, son corps ayant rejeté les implants génétiques lui étant destiné au cours de son initiation. Le Chapitre des Iron Hearts étant néanmoins très humain (malgré ce que laisse penser leur nom), notre héros a été reclassé à un poste de non-combattant au lieu d’être transformé en serviteur, ou pire. Dans les ténèbres d’un lointain futur, la loi handicap de 2005 est toujours en vigueur. Bravo.

De l’autre côté de la matrice, le prince démon Kargon n’est pas vraiment reste, sa diction sifflante et ses pratiques sexuelles peu banales (ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle Seed-Bearer, monsieur inséminant personnellement les planètes qu’il a conquis avec des spermatozoïdes chaotiques) faisant de lui une Nemesis pittoresque pour Tydaeus, qui, bien sûr, ne résistera pas à l’envie d’aller casser du démon, pensant (à tort) qu’il ne pourrait rien lui arriver de plus fâcheux que d’être déconnecté du serveur une fois tous ses points de vie envolés.

Parenthèse parodique (volontaire ou non) de l’univers gothique de Warhammer 40.000, Hell in a Bottle est un souvenir d’une époque révolue de l’histoire de la Black Library, pendant laquelle les contributeurs pouvaient se permettre d’écrire tout ce qui leur passait par la tête. Et, rien que pour ça, cette nouvelle mérite d’être lue.

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Unthinking Justice – A. Millward:

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INTRIGUE:

Une force de Black Consuls est envoyée sur la planète Suracto, en rébellion ouverte contre l’Imperium. Au fur et à mesure du déroulement de la mission, il apparaît toutefois que les traîtres ne sont pas forcément ceux auxquels on pense.

AVIS:

Une petite nouvelle sympatoche, qui commence comme une histoire de marounes classique, puis se corse salutairement grâce à la mise en scène d’un (léger1) doute quant à la nature de l’ennemi véritable des Black Consuls. On est très loin de l’Elucidium de Simon Spurrier et du We Are One de John French, mais on ne peut que saluer l’intention d’Andras Millward de donner au lecteur davantage qu’une Cawkwell-erie lambda. La conclusion de l’histoire est toutefois assez nébuleuse, ce qui affaiblit un peu le twist final concocté par l’auteur.

1: « Alors vermine, pourquoi t’es-tu rebellé contre l’Empereur ?»

« Monseigneur Marine, il y a malentendu. Les copains et moi nous sommes soulevés contre l’administration planétaire parce qu’elle cherche à faire tomber la planète aux mains du Chaos. Nous avons des preuves solides de son implication dans un compl- »

« BAM BAM BAM »

« Administrateur ! C’est le cinquième prisonnier que vous exécutez en plein interrogatoire, juste au moment où il allait vous mettre en cause dans cette triste histoire. Je commence à croire que vous nous cachez quelque chose… »

« Veuillez me pardonner, ça n’arrivera plus. J’ai tendance à sur réagir quand ma fidélité envers l’Imperium est mise en doute. Héhé. »

« Bon, d’accord. Mais que je ne vous y reprenne pas une sixième fois, hein ! »

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In the Belly of the Beast – W. King:

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INTRIGUE:

Une escouade de Griffes Sanglantes menée par un Garde Loup est envoyée explorer l’intérieur d’un vaisseau tyranide. Même si la Grande Dévoreuse a la tête dans le biomorphe après quelques éons passés à dériver dans la galaxie, les Loulous vont vite se rendre compte qu’entrer par effraction chez les cafards de l’espace est une très, très mauvaise idée.

AVIS:

In the Belly of the Beast est la nouvelle de type « et si ? » par excellence. Son principal intérêt est de permettre au lecteur de découvrir un pan jusqu’ici peu exploré du fluff, ici la structure et le fonctionnement d’un bio vaisseau tyranide. King accomplit cette mission avec sérieux et réussite, et parvient à décrire ce petit monde complétement alien (c’est le cas de le dire) à l’esprit humain de manière convaincante, insistant bien sur sa perfection organique et son aspect oppressant. Il enrichit en outre son propos en décrivant la progression des Space Wolves depuis le point de vue de chacune des Griffes Sanglantes, dont les réactions varient entre rage bestiale (Egil), prémonition funeste (Njal), légèreté feinte (Gunnar) ou encore crainte dissimulée (Sven). L’éveil progressif de l’écosystème tyranide en réponse à l’intrusion des marounes donne enfin l’occasion à l’auteur de relever son texte de quelques passages d’action tout à fait convenables, et d’une poignée de décès astucieusement gores (mention spéciale à la disparition de Njal).

On peut en revanche regretter le manque flagrant d’inspiration de King au moment d’insérer In the Belly of the Beast dans l’univers de 40K. Comment, en effet, justifier l’envoi d’une (seule) escouade de Space Marines inexpérimentés dans une mission aussi dangereuse que l’exploration d’un vaisseau tyranide, même inerte ? Réponse de l’intéressé : nos héros sont assignés à un navire marchand (et quand je dis assigné, c’est en mode larbin hein : à côté, la Wolfblade c’est une nomination honorifique), dont le capitaine, apparemment ignare au dernier stade, n’est pas foutu de repérer une bioconstruction tyranide quand il en croise une (manque évident de culture générale également partagé par le sergent Hakon, ceci dit). Le navigateur de bord – un homme cultivé, lui – a beau insister lourdement pour que ce mystérieux vaisseau soit détruit sur le champ, le capitaine envoie tout de même ses loulous de compagnie explorer ce dernier dans l’espoir de « découvrir quelque chose dont l’Imperium pourrait avoir l’utilité ». Pour un point de départ pourri, c’est un point de départ pourri. Dans la même veine, on ne peut que s’émerveiller de l’innocence des Space Wolves, qui ne réalisent qu’ils sont au cœur d’un vaisseau tyranide qu’au moment où ils débarquent dans la salle centrale et assistent au réveil d’une tripotée de guerriers. Allo nan mais allo quoi.

En dépit des quelques couleuvres que King tente de faire avaler au lecteur pour justifier les actions stupides de ses personnages, In the Belly of the Beast est une nouvelle honorable, dont l’ambiance d’horreur lovecraftienne détonne agréablement des productions classiques de la BL, où l’action omniprésente laisse peu de place au développement d’atmosphères oppressantes dignes de ce nom.

 

HAMMER & BOLTER [N°19]

Bonjour à tous, et bienvenue dans la chronique du 19ème numéro de Hammer & Bolter ! Je vous avoue que la lecture de la couverture de cet opus m’a fait présager, non pas du pire, mais du moyen, perspective guère emballante au moment de s’atteler à la rédaction d’une chronique. En cause, la présence au casting du besogneux brelan de la BL, j’ai nommé Mrs Counter, Thorpe et Kyme (en plus de la récurrente Vincent et du perpétuel Abnett). Auteurs bien établis au sein de la noble maison d’édition de Games Workshop, nos trois gaillards partagent en effet une tendance pour la prose SF/med-fan sans saveur, même si la soumission de textes intéressants n’est pas au-dessus d’eux (pas sûr pour Kyme, il faudrait que je cherche dans mes notes de lecture). Les voir truster la table des matières d’un numéro de Hammer & Bolter n’augurait donc pas du meilleur pour ce dernier, même si on n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise. Et effectivement…

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Irixa – B. Counter [40K] :

IrixaTel Joséphine Baker, Ben Counter a deux amours : la tête de veau sauce gribiche et écrire sur les Imperial Fists (ou leurs chapitres descendants). Bon, j’avoue que je ne suis pas tout à fait sûr de ma première proposition (je lui poserai la question la prochaine fois que je le croise), mais aucun doute n’est permis quant à la seconde, et cette nouvelle soumission à Hammer & Bolter en apporte la preuve éclatante. Irixa ne traite en effet pas d’une lotion anti démangeaison miraculeuse, d’un complément alimentaire à base de jinseng, de curcumin et de pot de yaourt ou d’une offre de placement à taux garanti de 87% (autant de suppositions pourtant valides, vu le nom de la nouvelle), mais bien de l’héroïque Premier Capitaine des Fists, l’imprésentable Darnath Lysander. Catapulté à la peu enviable position de maître de conférences pour une poignée de novices du Chapitre, sans doute suite à un défi perdu contre le roué Vladimir Pugh, Lysa prend le parti d’instruire ses charges en prenant comme exemple trois engagements de l’histoire des Fists ayant mis le commandant de ces derniers devant un choix cornélien.

Le premier exemple vit le capitaine Siculus résister à la tentation d’aller chasser un Acanthaspis petax1 fait Emperor’s Children pour la simple et bonne raison qu’il avait une colonne de réfugiés à escorter au spatioport le plus proche. Le second mit l’impétueux Hamander face à ses responsabilités lorsqu’il choisit d’aller récupérer avec quelques copains l’étendard de sa 7ème Compagnie2, abattu en même temps que le Thunderhawk le transportant lors d’une retraite stratégique. Malgré le fait que la plupart de ses collègues lui fissent part en termes non incertains de la stupidité d’aller risquer la vie de Space Marines pour chopper un bout de tissu, Hamander préféra la gloâre à la raison et s’en alla chercher l’étole… pour au final se prendre une tôle, les Eldars ayant envoyé rien de moins qu’un Avatar de Khaine pour les représenter au jeu du béret.

Utilisant ces deux anecdotes pour faire réfléchir ses pupilles aux responsabilités d’un Space Marine, Lysander conclut son cours magistral par un dernier récit, beaucoup moins connu que les précédents. Extrayant une douille de bolt de son tote bag Camaloon (car oui, on peut ne jamais quitter son armure terminator et néanmoins être un hipster hyper pointu3), il se lance dans la narration de l’expédition du Chapelain Belisar sur le monde hostile (il pleut des galets tout de même) de Xanatar, à la recherche des wanabees renégat du chapitre des Venom Thorns, dont les velléités de débuter leur Ultramar personnel à partir de cette planète pas vraiment sympathique mais néanmoins propriété de l’Empereur, passèrent moyennement bien auprès des autorités compétentes. Ayant filé rencart au Capitaine Tek’Shal (un ancien pote rencontré à la faveur d’un Festival des Lames) près d’un tas de cailloux particulièrement pittoresque, Belisar tenta de raisonner son buddy à coups d’arguments bien sentis, puis, constatant le peu de succès de sa méthode, dégaina sa pétoire et mit en joue l’apprenti Guilliman. Tirera, tirera pas ? Tout comme Siculus et Hamander, Belisar s’est retrouvé devant un choix sans solution évidente : descendre de sang-froid un frère de sang qui ne lui avait personnellement rien fait ou laisser partir un Space Marine félon ? Laissant les bleu jaune-bites méditer sur ce qu’ils auraient fait à la place de leur (pas si) illustre (que ça) prédécesseur, Darnie remballe son grigri gravé de l’acronyme IRIXA (Imperator Rex In Xanatar Aeternam), sonne la fin de la classe et part s’isoler dans son petit coin privé du Phalanx, qui se trouve être une salle accueillant une statue en pied de Belisar. La nouvelle se termine avec la révélation de comment le face à face entre ce dernier et le tourne-casaque s’est réellement conclu4, épisode ayant apparemment profondément marqué le jeune Lysander pendant son propre noviciat, et dont il tire une partie de sa légendaire fortitude. The end.

Avec Irixa, Counter corrige de fort belle manière le presque faux pas qu’avait été le Vermillion soumis quelques mois plus tôt dans Hammer & Bolter #17. Bénéficiant d’une structure narrative bien mieux définie, alternant plaisamment et assez cinématographiquement les passages de questions-réponses entre Lysander et ses élèves et le récit des trois épisodes servant de base à la leçon de ce dernier (ce qui permet à Counter de mettre en scène quelques scènes d’action plutôt honnêtes), abordant de manière intéressante la relation pas forcément évidente entre le sens du devoir et la fierté martiale d’un Space Marine, et se terminant par une conclusion en bonne et due forme agrémentée d’une mini révélation pas vraiment capitale mais néanmoins sympathique, Irixa est un travail sérieux auquel on ne peut pas reprocher grand-chose. Construit sur le même modèle qu’un autre succès indéniable de Counter (Sacrifice – Victories of the Space Marines), Irixa est à mon avis l’un des meilleurs courts formats de ce pilier de la BL.

1 : Aussi connu sous le nom d’assassin bug, l’acanthaspis petax est une punaise de Malaisie utilisant le corps de ses proies comme armure. Pareillement, le Capitaine Cohpran Vaa’eigoloth s’est façonné un bouclier avec les parties les plus nobles d’un malheureux Archonte Eldar. Le plus drôle est que le zoneille est encore vivant, et peut donc faire office d’enceinte Bose de secours si le Guide Eternel souhaite organiser une petite soirée à l’improviste.

2 : Avec un matricule pareil, il n’aurait guère été étonnant que les héroïques sauveteurs se révèlent être des bras cassés de première, ce qui n’a évidemment pas manqué (merci Ben de respecter les classiques de la cinémathèque française). Ma scène préférée reste le moment où l’un des deux Thunderhawks ayant rebroussé chemin pour porter secours à l’arrière garde des Fists se crashe tout seul dans un bâtiment en feu, condamnant de fait ses occupants à faire le chemin du retour à pied. Le théâtre des opérations étant une ville en ruines grouillant de Dragons de Feu se croyant au Burning Man et de Banshees fans de Captain Beefheart, cette randonnée pédestre ne pouvait pas bien se terminer.

3 : D’ailleurs, Lysander a la coupe de cheveux et la barbe d’un mec qui écoute des bootlegs de Pigeon Haggard (le demi-frère alcoolique et bipolaire de Merle) au 41ème millénaire.

: Pour faire simple, disons que ça c’est fini par un « Take that Tek’shal ».

The Lion (part III) – G. Thorpe [HH] :

The LionGrand final du plus long format jamais publié dans un numéro de Hammer & Bolter (romans feuilletons mis à part), le troisième acte de The Lion débute par la proclamation d’un fragile cessez le feu entre les belligérants de Perditus, la mauvaise volonté manifeste exprimée par Typhon ne faisant au final pas le poids face aux méthodes de négociations musclées d’El’Jonson1. Ce dernier arrive (finalement) à la surface de la planète aussi sapé qu’un maquereau de GTA, et pénètre dans la station de l’Adeptus Mechanicus, où l’attend Tuchulcha, boule à facette géante et accessoirement intelligence artificielle ayant asservi le système de Perditus jusqu’à ce qu’il soit libéré par l’effort combiné des Dark Angels et de la Death Guard. Epargné après sa défaite à fins d’études par le Mechanicum, Tu-pues-le-chat est le prix tant convoité par Typhon et Midoa, chaque camp cherchant à priver l’autre de la possession d’une machine au potentiel aussi extraordinaire que son humeur est taquine (du genre à envoyer des vaisseaux dans le Warp sans prévenir – ce qui n’est pas sympa – ni enclencher leurs champs de Geller – ce qui n’est franchement pas sympa –).

Au début pas franchement emballé par le tour qu’ont pris les expérimentations des prêtres rouges depuis son départ de Perditus, puis carrément effrayé par la puissance de HAL 30.000, Lionel décide de finir ce qu’il avait commencé il y avait des années et de détruire Tuchulcha… en apparence. Il annonce donc aux capitaines des autres Légions que la station de recherche de Perditus va être oblitérée afin que nul ne puisse être tenté d’utiliser le Tuch’ à des fins malavisées. Peu satisfait par cette décision, Typhon profite de la clémence du Lion à son égard pour se téléporter au cœur du complexe du Mechanicum2 afin de convaincre Tuchulcha de repartir avec lui sur le Terminus Est. Confiant dans sa survie (d’ailleurs il n’était même pas sûr qu’un Exterminatus soit capable de venir à bout de cet engin démoniaque – sans doute conçu par Nokia à la base –), ce dernier renvoie gentiment les Death Guards à leurs chères études et sur leur vaisseau, juste au moment où un Lionel vraiment furax de constater qu’absolument tout le monde le prend pour un con(combre) arrive à son tour dans la station et commence à botter des derches de Prouteux (résultat des courses : une paire de pompes en croco de Caliban3 bousillée).

La nouvelle se termine avec un Lion El’Jonson ruminant de bien sombres pensées, seul dans sa salle du trône (NDR : non, il n’est pas aux chiottes). Ayant au final récupéré Tuchulcha, qu’il compte utiliser pour mettre fin à la Croisade de Thramas une bonne fois pour toutes, il médite sur les derniers développements de la rébellion d’Horus et sur le comportement plus que suspect de Roboute Guilliman (qu’il ne semble d’ailleurs pas vraiment porter dans son cœur4) avec un de ses Jawas de compagnie (qui lui confirme ce que Cruze lui avait susurré à l’oreille sur Tsagualsa : les Dark Angels restés sur Caliban sont sur le point de faire sécession). Il en profite également pour exposer ce qui sera son grand dessein pendant l’Hérésie : s’assurer qu’aucune Légion, loyale ou non, ne sorte du conflit assez puissante pour pouvoir menacer le règne de Pépé. Une ligne de conduite plus que borderline, en cohérence avec les agendas secrets développés par la plupart des Primarques au cours du conflit (j’écris la plupart car je ne pense pas qu’Angron goûte aux plaisirs de la realpolitik), dont l’exposition permet de conclure The Lion de fort belle manière.

Bénéficiant grandement des révélations fluffiques amenées dans les dernières pages du récit, ce troisième volet n’est pas moins exempt de défauts, dont le premier est à mes yeux le traitement subi par Typhon sous la plume de Thorpe. Dépeint comme un demeuré fini en matière stratégique (toutes ses décisions intelligentes lui sont en fait soufflées par un sous-fifre) et comme une grande gueule prompt à insulter un Primarque, tout en sachant pertinemment que cela risque de se retourner contre lui et ses hommes5 (il doit faire des Périscopes, c’est pas possible autrement), le premier Capitaine de la Death Guard ne sort pas grandi cette nouvelle. À l’inverse, Lionel regagne en profondeur ce qu’il avait perdu pendant le 2ème épisode, son positionnement toujours plus ambigu par rapport aux forces en présence de l’Hérésie s’inscrivant fort bien dans le background, historiquement et canoniquement trouble, des Dark Angels en ces heures décisives. En auteur vétéran, Thorpe prend de plus bien soin de donner aux fanboys ce qu’ils veulent, c’est-à-dire des révélations fluffiques ayant une véritable portée sur le développement de l’Herésie d’Horus. Même si on n’est pas au niveau du twist final de Legion, c’est toujours sympa de voir des personnages importants se « griser » au fil des pages, et force est de reconnaître que Gav a fait honorablement le job de ce point de vue-là.

Autre source d’insatisfaction, les quelques failles de cohérence relevées en cours de route, la plupart découlant directement d’une utilisation trop bornée des pouvoirs de téléportation dont bénéficient les protagonistes de l’histoire, et qui auraient dû selon toute logique empêcher l’apparition du statu quo mis en scène par Thorpe sur Perditus (seul moyen pour que Lionel puisse arriver sur place à temps pour régler la situation). Entre Typhon qui se souvient soudainement qu’il n’a pas besoin de jouer au tower defense avec les Iron Hands pour accéder à Tuchulcha, et ce dernier qui attend obligeamment sur sa planète minable que Lionel vienne le chercher alors qu’il a certainement les moyens de précipiter leur entrevue, la crédibilité SF du récit est largement battue en brèche, ce qui est toujours dommage dans un nouvelle de 40K.

Ceci dit, le bilan est au final assez positif pour The Lion, qui se révèle être un long format digne d’intérêt et à la lecture divertissante. À l’inévitable question : « n’y avait-il pas moyen de faire la même chose en trente pages ? » j’apporterai une réponse négative, la longueur du récit permettant à Thorpe de peindre son sujet par petites touches, un parti pris s’avérant au final plus judicieux qu’un descriptif ramassé sur quelques lignes ou pages. Cet espace supplémentaire permet de plus à l’auteur de débuter quelques intrigues secondaires (Lionel qui doute de la loyauté du capitaine de l’Invincible Reason, Typhon qui voulait récupérer Tuchulcha pour le compte d’un mystérieux commanditaire, la probable présence d’agents du Dark Mechanicus parmi les gardiens de Tuchulcha) ne demandant qu’à être explorées dans d’autres récits. Pas mal Gavin, pas mal du tout.

1 : Lionel: Bon je te préviens coco, si tu ne fais pas exactement ce que je t’ai dit de faire, ça va très mal se passer pour toi. Je compte jusqu’à trois.

Typhon: Whatever, bitch.

Lionel: Un.

Typhon: Parle à ma fau-

BOOOOOOOOOM

Typhon: Oh, c’était quoi ça? Tu avais dit que tu comptais jusqu’à trois !

Lionel: Oui, et je balance une torpille cyclonique pour marquer le décompte. Deu-

Typhon: Okokokok, tu l’as ton armistice espèce de grand malade.

Lionel: Tu vois quand tu veux. On se retrouve en bas, bises.

2 : On se demande pourquoi la Death Guard n’a pas commencé par ça au lieu d’assiéger la station de manière conventionnelle.

: Ce jeu de mots vous a été gracieusement offert par Privateer Press.

: Il le considère au mieux comme un imbécile heureux et au pire comme un ignoble traître, le projet du grand Schtroumpf de commencer un Imperium 2.0 ne plaisant pas du tout à un Lionel se voyant en parangon de loyauté à son Pôpa. C’est assez savoureux de la part d’un Primarque qui a révoqué l’Edit de Nikea sans états d’âme et a décapité à mains nues un de ses Chapelains qui lui rappelait que ce faisant, il défiait ouvertement la volonté de l’Empereur.

5 : Extrait de la nouvelle fable du Lion et du Rat. « … Et Typhon lui tint à peu près ce langage: “Wesh bolos, les DG sont dans la place, prêts à te ravager la face ». Et Lionel répondit : « J’ai entendu ». Et Typhon ne dit plus rien car il s’était fait dessus… ».

Gilead’s Curse (ch. 6) – D. Abnett & N. Vincent [WFB] :

Gilead's CurseRetour à la geste de Gilead le môôôdit, qui commence cette fois par un petit poème faisant rimer moon avec doom (rime touchant le RSA) et death avec faith (rime indigente)1. Ce huitain très imparfait sert d’introduction au retour d’un personnage délaissé par les auteurs depuis quelques chapitres, j’ai nommé le vampire Dragon Rouge lâchement attaqué par Gilead en pleine séance de pilates au début du roman. Et, tout comme son altesse murinissime Raton DLXXXVIII, notre ami hématophile est visiblement affligé d’un TOC de langage assez handicapant dans la vie de tous les jours, puisqu’il passe son temps à répéter son interminable haïku, encore, encore et encore. Lui a cependant l’excuse que ce mantra lui permet de rester à peu près sain d’esprit, en le rapprochant de l’idéal du chevalier bretonnien qu’il a été avant de se faire rouler une pelle par Edward Cullen, il a de cela plus d’un millénaire. D’ailleurs, son quotidien est tout entier consacré au respect d’une routine « humaine » (entretenir son matériel, affuter son épée, dresser le camp pour la nuit…), quand bien même notre vampire n’a en réalité aucun besoin de cela pour poursuivre son existence éternelle.

Totalement déprimé après des éons à traîner ses solerets d’un bout à l’autre du Vieux Monde, le Comte Vampire (puisque c’est ainsi qu’il est appelé pendant la première moitié du chapitre2) n’aspire a rien d’autre qu’à goûter au repos éternel, mais son amour-propre l’empêche d’aller s’enfermer dans la cabine à UV la plus proche ou de s’empaler sur son propre cure-dent. Tel le Tueur Nain qu’il n’est définitivement pas, notre CV cherche à être vaincu en combat singulier par un adversaire digne de ce nom, ce qu’il pensait avoir trouvé en la personne de Gilou le mangeur de tofu. Ceci dit, cela ne l’a pas empêché de laisser filer le bretteur elfe à deux reprises en autant de chapitres, alors que ce dernier ne demandait pas mieux que d’accorder une place au soleil à sa Nemesis… Pourquoi faire logique et simple quand on peut faire abscons et tordu ? Cette fois-ci tout à fait résolu à finir la reprise de manière définitive, le Comte Vampire repart donc dans les souterrains skavens, définitivement très facile à trouver, à la recherche de l’insurpassable Gilead.

En parallèle, deux mystérieux compagnons (très grands, très minces, les traits dissimulés par une capuche, passant inaperçus auprès des humains, je vous le donne en mille ce sont les Casseurs Flowteurs3) sont également sur les traces de notre héros, et après avoir longuement réfléchi à la question, finissent par conclure que le guerrier elfique supra-balèze bougeant à une vitesse supersonique ayant récemment décimé la population skaven des environs à lui tout seul est, selon toute probabilité, Gilead. Pas plus bête que le premier vampire venu, nos deux lascars optent également pour une petite virée dans le sous-monde, et tombent fatalement nez à nez avec le Comte au bout de quelques pages (c’est pas comme si le réseau des tunnels skavens était aussi tentaculaire que labyrinthique, hein). Gros moment de malaise entre les trois poursuivant du maillot jaune, qui après un bref combat4, décident de faire cause commune afin de retrouver leur connaissance mutuelle. Arriveront-ils à temps pour assister au combat apocalyptique entre l’Elfe qui pelait des patates plus vite que son ombre et le beau-frère attardé de Maître Splinter ? Le suspense reste entier.

Croyez-le si vous le voulez, mais j’ai trouvé ce chapitre plutôt pas mal par rapport aux précédents. Certes, il y a encore largement matière à redire ou à commenter dans cette vingtaine de pages5, mais on est loin des délires à la limite du mystique qui étaient la norme jusqu’à récemment. En centrant leur narration sur d’autres personnages, les auteurs ont offert à leur lectorat une pause salutaire dans l’éprouvante narration des baroques aventures de Gilead. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point cela fait du bien de lire un dialogue à peu près sensé entre des personnages l’étant également après plusieurs épisodes très possiblement rédigés sous l’influence de substances illicites. De même, le simple fait que Vincent et Abnett justifient certains comportements précédemment perçus comme irrationnels (pourquoi un vampire allumerait-il un feu alors qu’il ne sent pas le froid et voit parfaitement de nuit ? – voir ch. 1 –) incite à une certaine clémence au moment de juger de la qualité de l’épisode. Ce n’est pas du Cavaliers de la Mort, très loin de là même, mais on s’en approche, un pas à la fois.

1 : Je ne vous ai pas dit mais chaque chapitre débute systématiquement par quelques lignes racontées depuis le point de vue de la barde narrant l’histoire de Gilead à un public que je me plais à imaginer passablement blasé, si elle leur balance à la tête la même prose que Vincent et Abnett. Elle n’aurait pas été à l’agonie, je pense qu’un de ses spectateurs l’aurait étranglée avec les cordes de sa lyre avant la fin du chapitre 3.

2 : Puis simplement le Comte pendant la seconde mi-temps. Le Comte quoi. Celui-ci est plus littéraire que matheux, mais difficile de ne pas voir dans cette appellation un clin d’œil appuyé à Sesame Street de la part d’auteurs de langue anglaise.

3 : Blague à part, on apprend à la fin du chapitre qu’il s’agit de Fithvael (ancien sidekick de Gilead) et de son éromène disciple Laban, lointain cousin de notre héros.

4 : Combat qui donne d’ailleurs à voir la gent elfique telle qu’elle est vraiment, c’est-à-dire fourbe (ils se mettent à deux contre le vampire après avoir réalisé qu’il était beaucoup trop balaise pour un combat à la loyale), rageuse (le jeune elfe continue à attaquer son adversaire après que ce dernier ait rompu l’affrontement à la demande du troisième larron), et malpolie. Heureusement que le Comte a, lui, des manières d’homme du monde, sans quoi la rencontre aurait pu très mal finir pour Siegfried & Roy.

5 : Le vampire qui préfère (littéralement) sucer des vaches plutôt que des humains, on en parle ?  Bon ok, mais le fait qu’il ait un faible pour les jeunes filles menant une vie saine (pas de drogue surtout !) et ne buvant que de l’eau, malgré le fait que ce soit « ben difficile à trouver de nos jours », on en parle quand même ? Non ? Et lorsqu’il utilise ses yeux comme lampe-torche pour éclairer son chemin dans les souterrains des hommes rats (les vampires ont des yeux rouges qui brillent dans le noir, c’est bien connu), on va en parler tout de même ? Surtout qu’il se fait griller par ses stalkers elfiques à cause de ça. Non, vraiment? Ok. Allez, une petite tournure made in Vincent pour terminer, parce que je sais que vous aimez ça.

Thunder from Fenris – N. Kyme [40K] :

Thunder from FenrisCe qu’il y a de bien avec les audiobooks de la Black Library c’est qu’une bonne partie d’entre eux finissent par être publiés en format ebook quelques mois après leur première sortie, et ce pour un prix bien plus attractif qu’à l’origine. Hammer & Bolter a également contribué à ce genre de recyclage en son temps, en incluant des nouvelles précédemment disponibles uniquement en mode audio. Thunder from Fenris appartient à cette catégorie de fictions multicanal, et avait été à l’origine publiée en accompagnement de la sortie du Codex Space Wolves en 2009, avant de trouver le chemin du 19ème numéro de Hammer & Bolter.

Envoyée combattre aux côtés de la Garde Impériale sur le monde gelé de Skorbad, une escouade de cavaliers tonnerre voit l’un de ses membres succomber à la malédiction du Wulfen et s’enfuir dans les étendues sauvages de la planète après avoir trucidé son loup de compagnie ainsi qu’un de ses camarades et sa monture. Bien embêtés par ce coup du sort, les trois autres fils de Russ mettent ces pertes sur le dos de l’ennemi local (des zombies de la Peste) afin de sauver les apparences devant leurs alliés, mais décident tout de même de mettre la main sur le fratricide avant de quitter Skorbad, l’épidémie étant en passe d’être contenue au moment où commence notre histoire.

S’en suit le récit de la traque du Wulfen en liberté par les grands méchants loups, séquence riche en péripéties et en scènes de baston assez insipides, et conclue par un retournement de situation pas vraiment original. On notera tout de même que la nouvelle se termine sans que l’intrigue n’ait évolué d’un iota, la dernière ligne du texte décrivant l’ultime survivant de l’escouade (voilà une campagne qui a du faire pleurer plus d’un RH du Croc : 90% de pertes parmi la crème de la crème du chapitre) s’élançant dans la toundra hache de givre au clair à la poursuite de son infatigable comparse poilu, comme il l’avait déjà fait 28 pages plus tôt. It’s groundhog Wulfen day folks.

Thunder from Fenris nous propose de, ou plutôt nous force à, renouer avec Nick Kyme sous son incarnation la moins avenante, celle de l’auteur publicitaire qui ne fait même pas semblant de s’intéresser à son sujet et se contente de cocher toutes les cases de son cahier des charges sans chercher à livrer un résultat intéressant, ni même cohérent. Cela avait déjà transpiré dans l’extrait de The Fall of Damnos (Hammer & Bolter #4), narration très peu inspirée du potentiel martial des Nécrons mettant en scène la moitié des entrées de l’ancien Codex ; cela dégouline carrément dans cette nouvelle soumission, qui se révèle être une ode bancale et risible à la puissance des cavaliers tonnerre, nouveauté du Codex SW de 2009 qu’il fallait bien faire acheter en masse par les fanboys pour rembourser les moules.

Bancale tout d’abord car Kyme ne s’embête pas à justifier ni à dissimuler les multiples incongruités de son scénario. Le simple fait qu’une escouade de cavaliers tonnerre opère en solo (ce qui semble être ici le cas, nos héros ne communiquant avec personne tout au long de la nouvelle, pas même avec l’équipage du vaisseau sans lequel ils auraient eu bien du mal à rejoindre Skorbad) constitue déjà une double hérésie, non seulement d’un point de vue stratégique, mais également au niveau du fluff, qui dépeint clairement les chevaucheurs de loulous géants comme l’un des secrets les mieux gardés du Chapitre, ce qui ne plaide pas pour un déploiement sur une opération de soutien à la Garde Impériale. La nouvelle n’a même pas commencé qu’elle prend déjà l’eau de toute part ! Kyme réussit donc à prendre un pire départ que Green dans son Salvation, que je considérais jusqu’à présent comme le nadir de la littérature 40K en matière de respect du background, ce qui mérite d’être souligné.

La suite est (mal)heureusement1 du même tonneau, le souci de Kyme de peindre ses héros sous le meilleur jour possible prenant le pas sur tout le reste, y compris et surtout la cohérence de son récit. Le Wulfen doit étriper un de ses camarades de classe pour lancer l’intrigue ? Ça tombe bien, les trois autres membres de l’escouade étaient à des kilomètres de leurs comparses au moment des faits et ne pouvaient donc pas intervenir. Un loup tonnerre, ça court à quelle vitesse ? Bah, ça dépend des pages, mais ça n’est en tout cas pas foutu de rattraper un Wulfen, tenez-le vous pour dit. Les Space Wolves sont de nobles guerriers faisant toujours ce qui leur semble juste, même si cela doit les mettre en porte à faux avec les factions les plus cyniques de l’Imperium ? Ceux de Kyme exécutent de sang-froid une poignée de Gardes Impériaux ayant eu le malheur de combattre des zombies de la Peste au corps à corps2. Un Space Marine en armure énergétique qui tombe dans de l’eau profonde ne coule pas comme une pierre du fait de son poids considérable (alors qu’un loup tonnerre, moins caparaçonné que son cavalier, si). Les zombies de Kyme découvrent soudainement comment utiliser des fusils lasers et des autocanons (avec assez de précision pour descendre un loup tonnerre pendant sa charge) lors du final de la nouvelle… Autant de « détails » pouvant, et encore, passer inaperçus dans un audiobook, le rythme de la narration ne permettant généralement pas à l’auditeur de se livrer à un contrôle de cohérence en bonne et due forme, mais qui ressortent comme un bouton d’acné sur le front d’un Blood Angels une fois couchés sur le papier.

Risible ensuite, car les adversaires choisis par Kyme à ses vikings du futur ne paient vraiment pas de mine. Une galaxie hostile remplie de joyeusetés pouvant gober un Space Marine comme qui rigole, souvent sans même avoir besoin de l’éplucher auparavant, et nos Gardes Loups d’élite se retrouvent à tataner de vulgaires zombies de la Peste ? Et pourquoi pas des Grots hémiplégiques pendant que tu y es, Nick ? Résultat des courses, nos héros font bien évidemment exploser le bodycount de la nouvelle à grands renforts de scènes d’action tout droit sorties d’une repompée philipino-turco-italienne des aventures de Connard le Barbant, mais à vaincre sans péril… Quitte à donner dans le panégyrique, autant donner aux protagonistes un ennemi à leur taille, ce qui ne donnera que plus de valeur à leurs exploits : César avait bien pigé la ficelle dans sa Guerre des Gaules, mais Kyme n’a visiblement pas eu le même déclic au moment d’écrire Thunder from Fenris, ce qui est assez malheureux étant donné le but premier de l’opus.

En conclusion de cette chronique, vous l’aurez compris assez désabusée de ma part, je ne résiste pas à la tentation de vous soumettre une réflexion que je me suis faite au moment des recherches préliminaires à la rédaction de ce billet (car oui, je fais des recherches, même – surtout d’ailleurs – pour des œuvres aussi terribles que ce Thunder from Fenris). La nouvelle ayant une entrée sur le Lexicanum, j’ai eu la surprise de découvrir à la lecture de l’article que Kyme avait calqué ses personnages sur le trio de Space Wolves représenté sur l’illustration de couverture de l’avant-dernier Codex. Le héros (ou en tout cas, le dernier survivant de l’escouade) est ainsi un guerrier blond avec une cicatrice au-dessus de l’œil gauche, une cape en peau de loup, un collier de crocs et maniant une hache de givre. Il est secondé par un adepte du bolter noir de poil et d’humeur, et par un joyeux berserk aux cheveux bruns armé d’une paire de griffes énergétiques. Toute ressemblance avec des personnages ayant existé (ou dans notre cas, ayant été représenté ailleurs) est bien entendue totalement fortuite… Même si un tel « plagiat » n’a rien de répréhensible en tant que tel, je trouve que cela en dit long sur la motivation qui devait être celle de Kyme au moment de pondre Thunder from Fenris, le bougre ayant simplement recyclé un artwork (très réussi il faut bien le reconnaître) au lieu de partir sur une création originale. La vie d’un auteur de la BL peut-être ingrate.

1 : À ce stade, j’avais déjà basculé en mode sarcastique, et prenait les nouvelles bourdes de Kyme avec un détachement total et un plaisir mauvais.

2 : On rappellera tout de même que Logan Grimnar s’est mis l’Inquisition à dos en critiquant ouvertement les mesures préventives prises par cette dernière envers la population d’Armageddon après qu’Angron et ses potes soient venus faire un bowling sur la planète en 444M41.

Au final, ce 19ème numéro a clairement surpassé les attentes, certes peu élevées, que j’avais placées en lui à la lecture de son lineup. You can’t judge a book by looking at the cover, comme dit le poète, et à raison. Avec un chapitre de Gilead’s Curse plutôt meilleur qu’à l’accoutumée, un final de The Lion assez convaincant et un Irixa tapant dans le haut du panier de Counter, les ¾ de ce numéro ont surperformé, ce qui est toujours agréable. Reste le Thunder from Fenris de Kyme, qui s’est révélé contenir assez d’éléments what-the-fuck-esques pour l’opus dans son ensemble : regrettable, certes, mais pas vraiment surprenant. À la prochaine !

HAMMER & BOLTER [N°18]

Bonjour à tous, et bienvenue dans la chronique du 18ème numéro de Hammer & Bolter ! Une fois n’est pas coutume, l’illustration de la couverture se trouve être tout à fait en rapport avec le contenu de cette publication (jusqu’à présent, la tendance était plutôt à la pertinence rétroactive, quand pertinence il y avait), puisque les deux buddies les plus célèbres de la Black Library, j’ai nommé Gelix et Fotrek, tiennent la vedette dans pas moins de deux nouvelles de ce numéro. En complément, Thorpe poursuit son long format consacré aux pérégrinations du Lion dans le système de Perditus, et Abnett & Vincent font un retour remarqué avec un nouveau chapitre de leur roman feuilleton psychédélique. En selle.

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The Oberwald Ripper – L. Goulding [WFB] :

Première, et pour autant que je sache seule, incursion de Laurie Goulding (qui occupait aux dernières nouvelles le poste d’éditeur au sein de la Black Library) dans l’univers de Warhammer Fantasy Battle, The Oberwald Ripper voit notre newbie se frotter au duo tragi-comique le plus célèbre de la franchise, alors que ce dernier cherche à se faire oublier pendant quelque temps (sans que l’on sache trop pourquoi d’ailleurs). Troisième nouvelle de Hammer & Bolter mettant en scène Gotrek et Felix1, ce court format était l’occasion de juger le travail de Mr (car oui, c’est un Mr) Goulding sur ce que l’on peut considérer comme l’exercice de style par excellence pour un auteur Battle (tout comme l’histoire de marounes constitue le bizutage des rookies de 40K).

Logiquement centré sur la charmante, même si passablement terrifiée, ville d’Oberwald, bien connue pour son domaine de ski de fond et son joueur vedette de Blood Bowl (Griff Oberwald), notre propos débute dans une taverne, en compagnie de la moitié blonde et geignarde du célèbre tandem. Et si Oberwald est terrifiée, comme Felix l’apprend rapidement, c’est à cause des ravages commis par un mystérieux tueur, surnommé l’Éventreur d’Oberwald à cause de son mode d’opération privilégié. Hantant la ville depuis plusieurs semaines et frappant sans prévenir, l’Éventreur est devenu la hantise des Oberwalders, dont les efforts pour se débarrasser de ce nuisible n’ont pas été couronnés d’un franc succès jusqu’ici. Comble de malheur, la réputation sulfureuse de la bourgade a commencé à filtrer dans le reste de la province, avec un impact désastreux (mais logique) sur les activités commerciales de la ville. Malgré l’ambiance assez lourde régnant dans la taverne, Felix réussit malgré tout à finir la soirée en bonne compagnie, l’entreprenante fille d’un marchand de passage l’ayant subrepticement matché sur Tinder alors que son père tentait tant bien que mal d’éviter le lynchage après une remarque malheureuse sur les compétences de la milice locale.

Malheureusement pour nos tourtereaux, la nuit ne se terminera pas aussi bien que prévu, Mademoiselle se faisant prestement étriper dans une ruelle sombre, sans que Monsieur, passable éméché et à mi-chemin du coma éthylique, n’ait eu l’occasion de concrétiser ou de s’interposer. Pour ne rien arranger, la fameuse milice d’Oberwald dont l’efficacité avait été remise en question quelques pages plus tôt trouve en Felix un coupable idéal pour le meurtre sauvage de sa dulcinée (il faut dire qu’il a été trouvé en train de barboter entre la rate et l’intestin grêle de la belle), et pour tous ceux d’avant tant qu’à faire. Notre bellâtre est donc envoyé en prison malgré ses vigoureuses dénégations, avec pour seul horizon une pendaison expéditive d’ici à la fin de la journée, et pour seule compagnie un clodo sociopathe, dont on comprend assez vite (en même temps, la nouvelle ne fait que 23 pages, c’est pas lourd pour mener une enquête digne de ce nom) qu’il s’agit du véritable Éventreur, dont le comportement bizarre aux abords de la scène du crime lui a également attiré les faveurs des forces de l’ordre.

Et Gotrek, me direz-vous ? Eh bien Gotrek avait choisi d’abandonner son binôme pour la soirée afin de s’initier aux subtilités du contre-sirop Stirlandais dans un cercle de jeu local, avant de décider de refaire le portrait de ses petits camarades à coup de tabouret dans les gencives, après qu’il les eut surpris à tricher. Témoin de l’arrestation de Felix, il opte (pour une fois) pour la méthode douce et se lance dans une (très courte) investigation afin de faire blanchir son commémorateur. Armé de son fidèle tabouret et de son proverbial sens de la négociation, il parvient lui aussi à identifier le véritable coupable en moins d’une demi-heure, ce en dit vraiment long sur le niveau de la PJ locale, mais je m’égare.

Pendant ce temps, Felix doit subir la logorrhée assez confuse de l’Éventreur, qui comme tout bon méchant de série B, ne peut résister à la tentation de révéler ses motivations aux héros au cours d’un monologue à l’issue généralement funeste.  Nous avons ici droit à un mélange détonnant d’analyses rousseauistes (l’homme est bon dans l’état de nature, c’est la société qui le corrompt), de critique de la division du travail (du chasseur cueilleur polyvalent à la prostituée spécialisée, il n’y a qu’un pas) et de plaidoyer communiste. Malheureusement pour lui, celui qui se rêvait en Night Haunter impérial finira empalé sur son propre couteau après un combat assez quelconque (pour une fois que c’est Felix qui se tape le « boss de fin »…). La nouvelle s’achève sur la fuite hors d’Oberwald de nos compères, vers de nouvelles, et on l’espère plus excitantes, aventures.

Sans être mauvaise, la performance de Goulding pêche selon moi par un parti pris scénaristique hasardeux, à savoir écrire une aventure de Gotrek et Felix en ne reprenant qu’une partie des codes de ce type de littérature, en particulier la présence (et dans ce cas précis, l’absence) d’une Nemesis suffisamment costaude pour permettre au Tueur nain de se mettre en valeur dans un combat final digne de ce nom. Cela avait déjà été le cas dans la soumission de Guymer, dans laquelle le rouquin psychopathe n’avait eu qu’une poignée de skavens pas vraiment dégourdis à se mettre sous la hache. Ceci dit, le choix de l’auteur de raconter l’histoire depuis le point de vue d’un raton lui avait permis d’éviter l’écueil dans lequel Goulding s’est malheureusement échoué. (John) Brunner avait lui choisi de respecter le cahier des charges dans son A Place of Quiet Assembly, narré par un personnage tiers, mais conclu par une baston entre Gotrek et une coterie d’adorateurs de Tzeentch de bas niveau. Rien de tout ça dans The Oberwald Ripper, qui se révèle être une sorte de thriller bâclé (faute de place pour instiller l’atmosphère adéquate) utilisant notre duo fétiche à contre-emploi. Quitte à caster des têtes connues de la Black Library, Goulding aurait sans doute gagné à aller voir ailleurs, d’autres personnages (Zavant Konniger en tête2) répondant à mon sens bien mieux à son approche « non-violente » (ou plus exactement, pas assez violente) que Gotrek et son sidekick.

Ce problème de fond évacué, on peut toutefois apprécier l’aisance avec laquelle l’auteur met en scène ses protagonistes, dans la continuité du style défini par King et Long dans les tomes précédents de la saga. Le flirt assez largement couvert entre Herr Jaeger et l’ultime victime de l’Éventreur constitue d’ailleurs une preuve indiscutable de la connaissance de Goulding de l’esprit Gotrek et Felix, seule série (pour autant que je le sache) de la Black Library où la vie amoureuse (et même sexuelle de temps à autre) des personnages est un tant soit peu couverte. En revanche, j’aurais apprécié une meilleure mise en contexte de cette aventure, que j’ai deviné prendre lieu peu de temps après une rencontre riche en évènements avec Ulrika, sans que Goulding ne donne plus de précisions sur les raisons ayant poussé le duo à faire profil bas. Même si cela ne nuit pas à la compréhension de la nouvelle, je considère cet effort de « raccrochage de wagons » comme une marque de politesse de l’auteur envers son lectorat, et n’ai pu donc que déplorer son absence. Enfin, on ne m’enlèvera pas de l’esprit que Long reste bien meilleur en matière de « logistique narrative » (ça fait beaucoup d’expressions à guillemets, je vous l’accorde) que son padawan, dont la tendance à passer rapidement sur, ou à carrément éluder, les péripéties pouvant potentiellement ralentir l’intrigue dénote selon moi d’une certaine paresse intellectuelle3.

Au final, The Oberwald Ripper est un épisode assez anecdotique de la fresque des Gotrek et Felix, et n’intéressera que les fans les plus hardcore de cette dernière (et encore). Si vous êtes à la recherche d’une introduction digne de ce nom à cette franchise fondatrice de l’univers de Warhammer Fantasy Battle, je ne saurais trop vous recommander de vous tourner vers l’autre nouvelle siglée G&F de ce numéro de Hammer & Bolter (Slayer of the Storm God), dont la lecture s’avère bien plus intéressante.

1 : Auparavant il y eut A Place of Quiet Assembly de John Brunner – H&B #1 – et The Tilean Talisman de David Guymer –  H&B #14.

2 : Josh Reynolds organisera d’ailleurs un cross over assez sympathique entre ces deux franchises dans The Problem of Three-Toll Bridge (H&B #25), dans lequel Zavant disculpe un jeune Felix Jaeger de sa responsabilité dans la mort d’un autre étudiant au cours d’un duel.

3 : Exemple représentatif : une fois l’Éventreur refroidi, Felix est toujours menotté, enfermé dans une cellule, et devra normalement répondre de son acte devant la milice d’Oberwald, qui vient d’être alertée par les cris de feu l’Éventreur que Jaeger est un homme recherché dans tout l’Empire. Mettre en scène une évasion crédible à partir de ce postulat aurait nécessité au moins quelques pages de développement, au lieu de quoi Goulding matérialise Gotrek devant la porte du cachot et lui fait cracher un laconique « Let’s get out of here. » avant d’enchaîner sur la conclusion de la nouvelle, bien loin de la cité. Un peu trop facile à mon goût.

The Lion (part II) – G. Thorpe [HH] :

The LionRetour sur le pont de l’Invincible Reason, victime d’une tentative de squat (aucun rapport avec les nains-génieurs bouffés par les ‘nides dans le fluff) en bonne et due forme par une cohorte démoniaque, suite à un bitch move effectué par des Night Lords ne supportant visiblement pas de perdre à cache cache. Réalisant que ses sous-fifres sont incapables d’expulser les indésirables sans un petit coup de main de sa part, Lionel part s’équiper dans ses quartiers pendant que son fidèle Corswain réorganise la riposte des Anges (dit comme ça, on dirait un teaser pour une émission de la TNT). Malgré l’urgence de la situation, le Primarque réfléchit longuement aux options s’offrant à lui1 en matière de stuff (le bougre a une pièce entière remplie d’armes de corps à corps), et finit par opter pour une paire d’épées bâtardes, choix certes kikoolol dans l’absolu mais assez dévastateur dans la pratique, comme on le verra plus tard.

À la tête de ses légionnaires, Lionel s’enfonce donc dans les entrailles de son vaisseau en direction du réacteur Warp, qu’il sait être la cible principale des vils résidents de l’Immaterium ! Les premiers mobs ayant le malheur de spawner sur son chemin sont rapidement réduits à l’état de protoplasme, pour un gain d’expérience assez minime pour notre héros, tant la différence de niveau est criante. Bien décidé à rattraper son retard sur Sanguinius et Fulgrim, qui eux ont passé le niveau 105, le Lion enclenche la vitesse supérieure et initie un raid de la base adverse… en solo. Dommage pour les PNJ qui constituaient son « escorte », et doivent maintenant se débrouiller tout seuls contre des ennemis dont ils ne soupçonnaient même pas l’existence une heure plus tôt. Big brother is not watching you any longer, suckers.

De leur côté, Corswain et sa garde rapprochée finissent par pénétrer dans la salle du réacteur, où les attend un Duc du Changement bicéphale (qui n’est pas Kairos, sauf erreur de ma part) qui insiste lourdement pour avoir une discussion avec le shift manager. Son sénéchal ayant perdu une guerre mentale contre Super Poulet et se trouvant par conséquent sous la domination de ce dernier, Lionel n’a d’autre choix que de la jouer fine et échange donc quelques banalités avec sa Nemesis avant de profiter de la nuque roide de ce dernier pour lui tomber sur le râble gésier et lui faire avaler son bâton. L’Angry Bird Alpha ayant été mis hors d’état de nuire, les autres démons sont rapidement bannis par l’équipage de l’Invincible Reason, qui peut alors reprendre sa route vers le système de Perditus et rallie bon port sans plus d’incidents.

La deuxième partie de cette deuxième partie met sur le devant de la scène les forces en présence à la surface de la planète, en particulier les Iron Hands du capitain Lasko Midoa et la Death Guard de ce bon vieux Calas Typhon. L’arrivée en orbite de la flotte des Dark Angels venant mettre fin au statu quo atteint par les belligérants depuis plusieurs jours, les poings nickelés saisissent l’occasion se présentant à eux pour attaquer les positions des prouteux. On ne peut plus suspicieux, le Lion décide toutefois d’envoyer un ultimatum indiscriminé par le biais de ses Archivistes2 aux factions présentes sur Perditus, que l’on peut résumer en cinq mots : « Cassez-vous de ma planète ». Et si les Iron Hands trouvent plus prudents d’obtempérer, Typhon ne l’entend pas de cette oreille et profite du désarroi de ses adversaires pour monter une contre-attaque. L’épisode se termine avec un Lionel passablement énervé de voir son autorité bafouée par ses neveux, et tout près d’envoyer quelques mégatonnes de glaçons sur la station de recherche afin que tout le monde puisse en mettre dans son slip. Zut à la fin.

Chapitre de transition entre deux arcs narratifs distincts, ce deuxième volet de The Lion ne diffère pas vraiment du premier d’un point de vue qualitatif, même si les nombreux passages d’action laissent logiquement moins de place à Thorpe pour continuer sa description du Primarque (ce que je trouvais être l’aspect le plus intéressant de cette nouvelle), bien qu’il réussisse tout de même à compléter le tableau, décidément ambigu, du caractère de Lion El’Jonson en mettant à profit les quelques passages plus posés de l’épisode.

À titre personnel, j’ai trouvé la baston de l’Invincible Reason assez dommageable du point de vue du character development mis en place par Gav depuis le début de la nouvelle, Jonson apparaissant certes à cette occasion comme un guerrier insurpassable (et suffisant), mais également (et surtout) comme un stratège très limité et un meneur d’hommes abominable. De la part du frère ennemi de Leman Russ, je m’attendais à une approche moins rentre dedans de la chose militaire, même s’il est somme toute assez logique qu’un Primarque aussi renfermé et méfiant que Lionel choisisse d’agir comme la one man army qu’il est en définitive, sans prendre le temps de coordonner ses actions avec ses alliés.

La partie consacrée à l’affrontement entre Iron Hands et Death Guard est quant à elle tout à fait lisible, même si, détails fluff mis à part, il n’a pas grand-chose à tirer de cette n-ième empoignade SM. L’inclusion de Typhon au casting de The Lion est toutefois une vraie bonne nouvelle, l’iconique premier capitaine DG promettant d’être, en l’absence d’un Primarque renégat, une Nemesis convenable à Lionel lors du dernier volet de ce triptyque hérétique.

1 : On me signale dans l’oreillette que cet épisode de la geste d’El’Jonson est entré dans la postérité au point de se retrouver dans une comptine bien connue des bambins de l’Imperium quelques dix mille ans plus tard :

« Promenons-nous dans le vaisseau

Pendant que le Lion s’fait beau

Si le Lion y était

Il nous défoncerait

Mais comme il n’y est pas

Il nous butera pas

Lion y es-tu ? Que fais-tu ? M’entends-tu ? »

Lionel : « Je mets mon armure d’artificier »

(au refrain)

Lionel : « Je ceins ma pelisse en peau de panthère de Caliban »

(au refrain)

Lionel : « Ah merde, j’ai oublié de mettre mes chaussettes, du coup il faut que j’enl-« 

(au refrain)

Lionel : « C’est bon, je suis prêt ! Maintenant, il faut que je choisisse une arme. »

(au refrain)

Lionel : « Hmmm… »

(au refrain)

Lionel : « J’hésite. »

(au refrain)

Lionel : « … »

(87 refrains plus tard)

Lionel : « Ok pour la paire d’épées longues. ME VOILAAAAAAA !!! »

2 : On notera au passage que Lionel n’a pas suspendu l’Edit de Nikea de manière temporaire, comme on aurait pu s’y attendre de la part d’un fiston loyaliste. Il aurait été logique que le commandement de Pépé redevienne loi une fois l’Invincible Reason débarrassé de ses parasites démoniaques, l’utilité de psykers de bataille une fois cette crise surmontée n’étant plus que marginale. Reste que le Primarque de la première Légion avait visiblement un autre avis sur la question.

Gilead’s Curse (ch. 5) – D. Abnett & N. Vincent [WFB] :

Gilead's CurseAprès un court hiatus, voici donc que nous revient le roman feuilleton de cette deuxième année, le très aptement nommé Gilead’s Curse. Pour rappel, le chapitre 4 s’était terminé par un poggo géant dont notre héros était l’épicentre, technique de combat contre laquelle il s’était trouvé totalement dépourvu malgré toute sa badasserie et sa shadowfasttitude. Isolé, ligoté et désarmé au plus profond d’un antre skaven, c’est peu dire qu’affirmer que Gilead ne commence pas ce chapitre 5 (dont Vincent nous prévient d’emblée qu’il changera la vie de ses lecteurs) dans les meilleures conditions. Cette situation ne semble toutefois pas le gêner outre mesure, la première décision prise par l’elfe flegmatique à son réveil étant de… piquer un roupillon, et cela alors même que le roi des rats lui susurre sa litanie au creux de l’oreille. Dans le genre cause toujours, tu m’intéresses, on doit reconnaître que Gilead se pose là, même si cette poussé de jemenfoutisme aigu aurait pu très mal se finir pour notre héros.

Émergeant frais et dispos de sa petite sieste, et découvrant que son geôlier lui a faussé compagnie, Gilead décide fort logiquement de trouver un moyen de se libérer d’inspecter les appartements privés du roi des rats tout en faisant quelques exercices de musculation afin d’éviter les courbatures. Car, oui, pourquoi saisir l’opportunité de fausser compagnie à un tyran dont l’intention est de siphonner votre immortalité quand on a l’occasion d’estimer la valeur de sa collection de bibelots ? C’est dans ces moments que l’on se dit que la psyché elfique (ou celle de Nik Vincent, j’hésite encore) est radicalement différente de la nôtre. Persuadé d’être Emmanuel Layan dans Un Trésor dans votre Maison, Gilead va donc passer plusieurs heures à expertiser le contenu des six niches creusées dans le mur de l’antre de son tortionnaire. Résultat des courses : un scarabée de Khemri dans un bocal, la mèche de cheveux d’une finaliste de Toddlers & Tiaras, une bouture d’un arbre magique, un miroir, rien1, et une représentation du yin et du yang en caillou.

Cet examen (qui occupe tout de même 7 pages sur les 18 que compte le chapitre), extrêmement poussé et entrecoupé d’hallucinations mettant en scène chaque relique au moment de sa capture par les skavens, prend fin au retour du roi des rats, qui a la surprise de découvrir que son précieux prisonnier s’est (finalement) libéré de ses liens et l’attend de pied ferme2. Enfin, quand je parle de surprise… Ce qui aurait été une réaction normale de la part d’un personnage skaven (race pas franchement réputée pour sa bravoure) dans n’importe quelle nouvelle de la Black Library ne pouvait évidemment pas être repris par une Nik Vincent n’en étant plus à un highkick dans les dents du fluff canon près. Le nabab raton arrive donc posément dans ses quartiers et constate, tout aussi posément, que le saucisson elfique préparé par ses séides quelques heures/jours/semaines (entre Gilead qui peut passer des heures à se préparer à regarder le contenu d’une niche et Ratatouille qui devait reprendre en main l’organigramme de toute la race skaven suite au massacre provoqué par Super Valium et Captain Bêche au chapitre précédent, on est plus à trois minutes près) est sorti de sa camisole de force3, sans se dépareiller ni de son calme olympien, ni de son sempiternel gimmick (rien que pour ça, il mérite de se faire buter). Gilead, de son côté, bien qu’ayant récupéré ses armes et disposant d’une palanquée de raisons pour faire la peau à son vis-à-vis (à commencer par le fait qu’il est personnellement responsable de la mort de ton sidekick, espèce de jambon !), ne semble pas non plus animé d’intentions très belliqueuses envers ce dernier, et se contente de contempler son ennemi mortel d’un regard que l’on devine être torve. Le suspense est à son comble…

Décidément, les chapitres de Gilead’s Curse se suivent et se ressemblent, et le bilan que je fais de ce cinquième épisode n’est pas différent de celui que j’avais fait pour les quatre précédents : style très/trop différent de celui des autres contributeurs de la BL, tournures tarabiscotées, phrases à ne surtout pas sortir de leur contexte, descriptions fastidieuses mais souvent peu claires, connexions logiques lacunaires ou mal introduites, et surtout, absence d’un schéma narratif apparent (mais où est-ce que Vincent veut aller avec ce salmigondis halluciné ?), font de la lecture des aventures de Gilead une expérience très particulière. Je crois que l’on peut définitivement considérer que Nik Vincent n’est pas (ou plus) faite pour écrire pour des franchises med-fan, et prier pour que Dan Abnett vienne un jour se pencher sur le berceau de ce roman feuilleton autre avant qu’il ne soit trop tard. L’espoir fait vivre…

1 : Je trouve cette absence caractéristique du style déroutant de Nik Vincent. Quitte à reprendre les codes des contes de fées en consacrant des pages entières à décrire des objets que l’on devine être magiques et amenés à jouer un rôle important dans la suite de l’histoire (ce qui ne sera pas le cas pour la majorité d’entre eux soit dit au passage), autant définir tout de suite le nombre exact d’artefacts et ne pas décider en cours de route qu’il n’y en a que cinq au lieu des six anticipés.

2 : J’aurais été à la place de Gilead, j’aurais commencé par me libérer avant d’aller inspecter la penderie du mec qui veut me buter. Ça lui aurait de plus permis de mieux voir les objets du roi des rats, au lieu de devoir rouler de droite à gauche pour se mettre en face de chaque niche. M’enfin, ce n’est que mon avis de non-Elfe…

3 : Vincent, jamais la dernière quand il s’agit d’entrer dans le détail de choses dont le lecteur n’a absolument rien à faire, dépeint un Gilead utilisant son shadowfast pour provoquer l’usure des cordes qui l’entravent, en contractant ses muscles de manière très rapide. Appelons ça la méthode Sport Elec.

Slayer of the Storm God – N. Long [WFB] :

Slayer of the Storm GodAprès l’élève, place au maître. Difficile de trouver accroche plus appropriée à la critique de ce Slayer of the Storm God signé de la main de Nathan Long, auteur en charge de la destinée de l’increvable duo depuis la passation initiée par William King en 2003. Initialement sortie sous la forme d’un audio book, cette nouvelle se déroule juste après les évènements relatés dans Elfslayer, et débute avec le retour de nos héros au domicile du pirate Hans Euler, afin de récupérer la lettre que ce dernier menaçait d’utiliser afin de faire chanter le père de Felix. Laissant à son comparse le soin de mettre en sécurité le précieux document, Gotrek décide pour sa part de joindre l’utile à l’agréable en faisant main basse sur le reste du contenu du coffre du contrebandier. Cette rapine innocente (car comme notre Nain le dit lui-même, ce n’est pas un crime de voler un voleur) est l’élément déclencheur d’une aventure aussi rapidement expédiée (il ne s’agissait pas de rater le bateau pour Altdorf le lendemain matin) que riche en rebondissements, au cours de laquelle les deux compères se retrouveront – bien involontairement – opposés à des sectateurs de Stromfels ni vraiment commodes, ni vraiment humains.

Dans la droite ligne du sans-faute réalisé sur le Red Snow de 2010, Long confirme avec ce nouvel épisode de l’interminable saga de Gotrek Gurnisson qu’il est toujours ce qui se fait de mieux à la Black Library en matière de hack’n’slash divertissant. A contrario des contributeurs de Hammer & Bolter s’étant précédemment frottés à la légende orange, Long respecte scrupuleusement le cahier des charges du genre (qu’il a contribué à établir, il est vrai) et donne au nabot patibulaire un adversaire digne de ce nom, en la personne d’un avatar de Stromfels aussi squaliforme que tentaculaire (le dieu des tempêtes est du genre fromage et dessert dans ses attentions). Cette confrontation finale sur les docks de Marienburg conclut une série de péripéties au cours desquelles nos héros visiteront un hôtel particulier, deux tavernes et les marais de l’estuaire du Reik, et affronteront une armée de SSS (sbires squameux de Stromfels), le tout en moins de 30 pages.

Concise, précise et jamais avare en matière de détails fluff, l’écriture de Nathan Long rend totalement justice au légendaire binôme de la BL, sans jamais donner dans la facilité ni dans la répétition (ce qui, au vu du schéma narratif monolithique caractérisant les aventures du meilleur/pire Tueur du monde de Warhammer, relève de la gageure). Bref, Slayer of the Storm God est sans conteste la meilleure nouvelle de Gotrek et Felix publiée dans Hammer & Bolter, loin devant la concurrence.

Après un 17ème numéro superlatif, cette 18ème publication sonne comme un retour à l’ordinaire pour le webzine de la Black Library. La masterclass donnée par Nathan Long se trouve en effet un peu seule dans la catégorie des contenus excitants (remarquez, un esprit taquin pourrait très bien y faire également figurer le 5ème chapitre de Gilead’s Curse, mais pas pour les mêmes raisons), le 2ème volet de The Lion du Gav et les débuts de Laurie Goulding dans Hammer & Bolter n’évoluant clairement pas dans la même catégorie. Ceci dit, on peut saluer l’effort de la BL d’avoir édité un véritable numéro thématique, et regretter que ce genre d’initiatives n’ait pas été pris plus souvent. À la prochaine !

HAMMER & BOLTER [N°17]

Bonjour et bienvenue dans la chronique du numéro 17 de Hammer & Bolter! Au menu aujourd’hui, un hors d’œuvre de Counter, une entrée de McNeill, un plat de résistance signé Josh Reynolds, et une petite Thorperie en guise de dessert (c’est fin, c’est très fin, ça se mange sans fin). Les plus observateurs parmi vous auront noté que le tandem infernal Vincent/Abnett n’a pas contribué à cette publication (tout le monde a le droit à ses vacances après tout), ce qui, très honnêtement, ne me semble pas augurer du pire pour la qualité générale de l’ouvrage. Mais je m’avance…

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Vermilion – B. Counter [40K] :

VermilionToujours engagé dans sa période (Imperial) Fists & Fils, Ben Counter livre avec Vermilion un petit stand alone assez surprenant. Si le style du créateur des immortels (mais néanmoins disparus) Soul Drinkers imprègne sans hésitation possible les 15 pages de ce récit, l’objectif poursuivi par l’auteur dans cette courte nouvelle ne saute pas aux yeux, ce qui étonne de la part d’un contributeur (habituellement) aussi « carré » que Counter1.

Notre histoire débute dans les ruines fumantes d’une station de recherche de l’Ordo Xenos, quelque part dans le Nord Est galactique. Prévenu d’une attaque du complexe scientifique par l’Inquisitrice Carmillas, l’Archiviste Deiphobus débarque avec quelques copains pour apprendre les bonnes manières aux xenos responsables de ces troubles du voisinage. Manque de bol, comme les carabiniers d’Offenbach, les jaunards arrivent trop tard pour interrompre la baston, et ne peuvent que constater l’extermination de tous les occupants de la station (Carmillas comprise). Seul survivant de cette empoignade, un unique xenos est ramené sur le vaisseau des Imperial Fists pour y subir des interrogatoires psychiques de la part de Deiphobus.

La suite de la nouvelle est principalement consacrée à l’exploration de la psyché du prisonnier des Fists par un Deiphobus assez imaginatif dans ses méthodes. Chaque « plongée » dans l’esprit de l’homme-pruneau (car c’en était un) donne ainsi l’occasion à notre héros de prendre une forme différente, afin de percer les défenses mentales du xenos. Barge de bataille, scout Space Marine ou missionnaire impérial, Barba-phobus ne rechigne pas à donner dans le transformisme lors de ses séances de trekking à l’intérieur du cerveau de son captif. Chaque expédition lui révèle de nouvelles pièces du puzzle, jusqu’à ce que la lumière se fasse sur les causes de l’attaque de la station.

Ayant obtenu le fin mot de l’histoire, Deiphobus fait son rapport au Seigneur Inquisiteur Vortz, lui laisse le xenos pour qu’il puisse faire mumuse avec, et s’en va en jouant de l’harmonica dans le soleil couchant, juché sur les épaules du fidèle sergent Ctesiphon. La nouvelle se termine par une signature de bail psychique entre Deiphy et Carmillas, la première (ou ce qu’il en reste, tout du moins) acceptant de mettre un peu d’ordre dans les souvenirs de l’Imperial Fist2. Le lecteur est laissé seul juge de la manière d’interpréter cette bien étrange conclusion, que l’on peut mettre au crédit soit d’un soudain penchant de Counter pour la métaphore larmoyante, soit de la volonté du même Counter de présenter à son lectorat un pouvoir psychique jusque-là inconnu des psykers impériaux. You choose.

Au final, Vermilion se révèle être assez différent du reste de la bibliographie SM-esque (essaimesque ?) de Ben Counter, cette nouvelle manquant à mes yeux de l’axe directeur fort présent dans tous les autres travaux de l’auteur. Le huis clos entre Deiphobus, son prisonnier et le fantôme de Carmillas, qui occupe la majeure partie du récit, ne semble ainsi avoir d’autre fonction narrative que de permettre à Counter de décrire avec l’imagination qu’on lui connaît les tribulations mentales d’un psyker en terrain hostile. Le fait que le psyker en question soit un Space Marine mène le lecteur à penser que ces séances d’interrogatoire déboucheront forcément sur un final musclé, au cours duquel Deiphobus et ses sous-fifres casseront du xenos afin de venger le trépas de l’Inquisitrice, développement archétypique de l’histoire de marounes de la BL (genre dont Counter est l’un des fers de lance). La direction différente que Ben choisit d’emprunter en conclusion de son récit constitue donc une surprise, qui, si elle ne peut pas être qualifiée de mauvaise (une nouvelle de SM qui se termine sans effusion de sang ? J’achète !), n’est pas superlative non plus, le final manquant de maîtrise comme d’intérêt.

Vermilion, étude littéraire plutôt que nouvelle totalement finie ? Et pourquoi pas ? Ce ne serait pas la première fois (ni la dernière, je gage) qu’un texte assez peu travaillé a été publié dans Hammer & Bolter.

 1 : Nik Vincent et Dan Abnett ayant fait un break dans l’écriture de leur feuilleton halluciné, et la nature ayant, comme chacun sait, horreur du vide, je me plais à penser que les errements rougeâtres de Counter ont été causés par l’impérieuse nécessité de proposer au lecteur de Hammer & Bolter sa dose de prose cryptique mensuelle.

2 : Ce faisant, l’Inqusitrice devient l’archiviste d’un Archiviste. Mind blown.

The Iron Without – G. McNeill [40K] :

The Iron WithoutAuteur Iron Warriors par excellence, Graham McNeill donne avec The Iron Without un nouveau chapitre à la tentaculaire saga du Warsmith Honsou, Nemesis autoproclamée de l’autre personnage majeur du Grahamivers, j’ai nommé le Capitaine Uriel Ventris des Ultramarines. Les meilleures choses finissant toutefois par lasser, la présente nouvelle ne met au premier plan ni le diabolique sang de bourbe rouille de la IVème Légion (bien que ce dernier y apparaisse néanmoins, accompagné de sa clique de side-freaks), ni le vertueux Schtroumpf Paladin (cette vieille baderne psychorigide de Learchus viendra tout de même faire le coup de feu en fin de récit), mais le brave Soltarn Vull Bronn, alias The Stonewrougth, Mozart de la géologie militaire et prodige de la conduite de siège en environnement pierreux. Pour des raisons de simplicité, nous l’appellerons désormais Yves (pour Yves Rocher1).

The Iron Without commence bien mal pour Yves, enseveli qu’il est sous quelques tonnes de gravats. Passablement amoché par toute cette caillasse, et bien incapable de bouger, notre malheureux héros a tout le temps de se demander ce qu’il a fait pour mériter un si triste destin, lui le légionnaire modèle, la coqueluche de Perturabo ! Et à la réflexion, Yves finit par mettre le doigt (façon de parler, il ne lui en reste plus guère) sur le nœud du problème : cette enflure de Honsou, dont les directives semblent n’avoir pas pris en considération la survie de l’armée que ce dernier a amené sur Calth (après l’avoir gagnée chez la Mamie Loto du Maelström, j’ai nommé ce vieux Huron Blackheart2).

La suite, et le gros, de la nouvelle, est l’occasion pour McNeill de dérouler un petit flashback des familles, destiné à mettre en lumière les évènements ayant mené Yves au triste état qui est le sien. Arrivé sur Calth dans les bagages de Honsou, notre héros s’est vu confier par son boss l’insigne honneur de commander l’armée Iron Warriors à la victoire contre ces planqués d’Ultramarines, pendant que le Warsmith et sa garde mystérieuse partaient looter en lousdé quelque artefact mystique loin du front (ne m’en demandez pas davantage à ce sujet, je n’ai pas lu Invasion of Ultramar, qui relate en détail les péripéties non couvertes dans The Iron Without). Malgré sa science de la fortification, les hordes de mercenaires assoiffés de sang qu’il a à sa solde et les innombrables machines sur lesquelles il peut compter, Yves et ses grouillots finissent éclatés dans les grandes largeurs, victimes de la supériorité stratégique de l’alliance Ultramarines – Raven Guard leur étant opposé. Seule consolation pour notre malchanceux protagoniste, il croit apercevoir l’increvable Honsou s’éclipser dans le chaos de la bataille juste avant que Learchus ne vienne transformer le Stonewrought en Splashedbrain. Vae Victis !

Même s’il est préférable de lire cette nouvelle à la suite du roman Invasion of Ultramar, auquel elle donne un nouvel éclairage que je devine être intéressant, McNeill mène sa plume avec suffisamment de brio pour permettre à tous ses lecteurs de retirer quelque chose de The Iron Without. Les non-initiés à l’épopée Honsou-enne y trouveront une histoire de Space Marines contenant assez d’éléments fluffiques et d’action musclée pour satisfaire leurs coupables penchants, les autres pourront y retrouver quelques têtes connues, et bénéficier d’une vision plus macroscopique de l’anéantissement de l’armée chaotique sur Calth. Tout bénef’.

The Iron Without s’avère donc être une contribution solide, à la fois à la bibliographie de McNeill, mais également à la littérature 40K-esque en général. Pour ma part, la seule ombre au tableau serait les nébuleuses explications avancées par McNeill pour justifier la montée en première ligne de Honsou, tout prêt à mener une charge suicide en compagnie d’esclaves terrassiers pour prouver à ses hommes qu’il possède bien les douilles3 en acier trempé faisant de lui un digne (beau) fils de Perturabo4. À quand le sans-faute, Graham ?

1 : C’était ça ou Roch Voisine, je vous ai évité le pire.

2 : Pour plus d’information sur ce passage mémorable de la geste de Honsou, se reporter à la nouvelle Skull Harvest.

: Oui, les douilles. C’est un Iron Warrior après tout.

4 : « Bon, je vais aller m’exposer inutilement en première ligne afin de montrer aux gars que j’en ai dans le falzar, et que c’est moi le boss. Ceci dit, je sais pertinemment que rien de ce que ne pourrais faire ou dire ne pourra jamais les convaincre que je suis autre chose qu’un parvenu. Il est donc nécessaire que j’aille montrer ma lune à l’artillerie des Ultramarrants, même si cela ne servira absolument à rien. »
« C’est brillant maître. »

« N’est-ce pas ? »

« Je parlais de votre jeu de douilles, pas de cette idée complètement débile. »

« … »

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Stromfel’s Teeth – J. Reynolds [WFB] :

Deuxième volet de la série de nouvelles consacrée à Erkhart Dubnitz, et à travers lui au très humble et très violent Ordre de Manann, Stromfel’s Teeth permet à Josh Reynolds de poursuivre sa visite guidée de la plus célèbre, la plus riche, la plus corrompue et la plus humide cité-Etat du Vieux Monde. Et au petit jeu du « et si Marienburg m’était contée », force est de constater que Herr Reynolds fait tranquillement la course en tête, sa plume donnant vie aux quartiers et aux habitants du cru avec une aisance et une justesse fluffique dignes d’être notées (et appréciées).

Marienburg, l’après-midi de la veille de Mitterfruhl (l’équinoxe du printemps du monde de Warhammer). Alors que les citadins vaquent tranquillement à leurs occupations, deux évènements sont sur le point de pourrir le groove de l’empereur. Le premier est l’arrivée d’une tempête assez costaude depuis la Mer des Griffes (ce qui n’est jamais une bonne nouvelle quand on a du linge étendu à sécher dehors). Soit. Le deuxième est l’arrivée de Street Sharks assez affamés dans la place, qui se solde immédiatement par une panique monstre et des morts en pagaille. Pas glop.

Sommés d’agir par les autorités compétentes, Dubnitz et ses condisciples, menés par l’inénarrable Dietrich Ogg (Grand Maître manchot, brutal et obséquieux – car non ces trois termes ne sont pas antinomiques – de l’Ordre de Manann), se lancent à la poursuite des quatre fils du docteur Bolton1, avec des résultats concluants malgré quelques pertes du côté des templiers. Dépêché en renfort de la garnison du temple de Manann, assiégé par une foule aussi bienveillante et ouverte d’esprit qu’un bataillon de partisans de Donald Trump défoncés à la bière en goguette dans un Chipotle, Dubnitz croise la route d’une ancienne connaissance (Esme Goodweather, prêtresse de l’Ordre de l’Albatros, déjà croisée dans Dead Calm), dont les tours de passe-passe et l’intuition salutaire2 permettront à l’enquête menée par notre jovial héros d’être bouclée rapidement et (presque) proprement. On ne change pas une équipe qui gagne.

Stromfel’s Teeth est la confirmation des débuts prometteurs du moins australien des Reynolds de la Black Library dans le sous genre, assez délicat à manier (demandez à Sarah Cawkwell), de la nouvelle sérialisée. Dans la droite ligne de ce que C. L. Werner avait réussi à faire avec son personnage de Brunner, Josh parvient à faire vivre à ses personnages récurrents des aventures rythmées, prenantes et bien construites, en n’oubliant ni de faire évoluer ces derniers d’un opus à l’autre (on apprend ainsi en cours de récit que Dubnitz et Goodweather ont eu une liaison qui s’est mal terminée entre Dead Calm et Stomfel’s Teeth), ni d’incorporer de nombreuses informations fluffiques plus ou moins importantes mais toujours à propos et en cohérence avec le background canonique. Le petit plus de Reynolds par rapport à son illustre aîné est qu’il parvient même à franchement tirer sur la veine humoristique, la truculence de son héros débouchant sur quelques dialogues particulièrement savoureux (1/2). Ca aura pris plus d’un an, mais les « Hot New Talents » promis en ouverture du premier numéro de Hammer & Bolter ont enfin trouvé leur chef de file.

: Le plus drôle étant que le personnage se révélant le plus efficace dans la traque des hommes requins est un look-alike du Dr Paradigm.

2 : Détective en chef de Marienburg : « Hmmm, une affaire compliquée c’est certain. Nous n’avons pas la moindre piste pour remonter à l’origine de cette soudaine épidémie squalide. »

Dubnitz : « J’aurais dit carcharodienne. »

Détective en chef de Marienburg : « Les deux sont tolérés, mais venons-en au fait. – inspecte le cadavre de Ripster – L’individu ne portait rien d’autre qu’un pantalon rapiécé et une sorte d’amulette taillée dans une dent de requin et portant le symbole de Stromfels autour du cou. Fascinant… »

Dubnitz : « Quoi donc ? »

Détective en chef de Marienburg : « Je viens de réaliser à l’instant que la somme des chiffres composant les nombres divisibles par neuf est elle-même divisible par neuf. C’est extraordinaire… mais malheureusement sans la moindre utilité pour le cas qui nous intéresse. Je crains fort qu’il ne nous faille classer ce dossier. »

Dubnitz : « C’est regrettable mais puisque l’enquête se retrouve dans un cul de sac… Ça nous laissera plus de temps pour essayer de la mettre la main sur cet individu louche qui a été vu en train de distribuer des colifichets tout à fait similaires à celui que le suspect avait sur lui au moment où il s’est transformé en requin. Deux affaires tout à fait distinctes, bien sûr. « 

Goodweather : « Vous allez rire, mais j’ai peut-être une idée… »

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Knight of the Blazing Sun – J. Reynolds [WFB] :

Knight of the Blazing SunOn ne se lasse pas des bonnes choses. C’est ce qu’ont dû se dire les éditeurs de Hammer & Bolter en choisissant de faire suivre une nouvelle de Josh Reynolds… par un extrait de Knight of the Blazing Sun, roman signé par le même gaillard.

Là encore, nous nous retrouvons en terrain connu, puisque le personnage de la première partie du chapitre livré en pâture aux insatiables lecteurs de la BL n’est autre qu’Hector Goetz, déjà mis en avant dans The First Duty (Hammer & Bolter #6). Et si l’autre héros templier de Josh n’a pas la faconde ni l’expérience de sa contrepartie Manannite1, Herr Goetz ne manque certes pas de ressources, à commencer par un talent certain au maniement des armes, qui lui permet de se farcir un Chef de Guerre Orque Noir en (quasi) solo, quand Erkhart Dubnitz est bien en peine de gourmander un pauvre petit homme requin de rien du tout sans manquer de se faire arracher la tête. Ajoutez à cela un pédigrée certes mystérieux mais apparemment de haute volée (selon les dires de son propre Hochmeister, Goetz serait l’héritier de la province perdue du Solland/Suddenland), et pour finir une volée de flèches décochée par des gobelins revanchards, et vous obtiendrez un portrait assez fidèle du protagoniste de Knight of the Blazing Sun, personnage pas vraiment mémorable mais pas désagréable non plus, ce qui constitue un point de départ honorable pour un roman de la BL.

Plus intéressant est le parti pris choisi par Reynolds de relater une bataille mettant aux prises l’armée de Wolfram Hertwig, comte électeur de l’Ostermark, à une Waaagh ! quelconque mais très remontée, depuis le point de vue d’un escadron de chevaliers impériaux2. Qu’il s’agisse de décrire l’attente tendue en réserve du gros des forces impériales, la transmission – loin d’être évidente – des ordres du commandement à cet escadron excentré de la ligne de bataille, l’impact d’une charge de cavalerie (en insistant bien sur le fait que, comme sur la table, ce sont les chevaux qui font le gros du boulot), ou encore la situation précaire d’une unité de cavalerie d’élite de cinquante hommes encerclée de toutes part par de l’infanterie, même basique, une fois l’élan de sa charge dissipé, Josh Reynolds réussit à donner à son récit une patine de crédibilité, sans oublier de donner à ses lecteurs quelques scènes de combat distrayantes à défaut d’être mémorables.

La deuxième partie du chapitre, qui débute après que Goetz ait été initié aux joies de l’acuponcture gobeline par les archers de compagnie du Big Boss qu’il venait juste d’étendre, transporte le lecteur sur les rivages de la Mer des Griffes, où un n-ième Hochmeister de l’Ordre recueille une prophétie à part égale funeste et difficile à interpréter de la bouche de l’oracle de Myrmida du cru. Nul doute que cette conclusion sibylline fait parfaitement sens un peu plus tard dans le roman, et le procédé du « tu comprendras plus tard » utilisé par Reynolds n’est pas vraiment rédhibitoire au plaisir de lecture, pour peu qu’il soit étayé par une mise en contexte postérieure suffisamment bien faite pour ne pas laisser le lecteur sur sa faim. Abnett fait ça très bien (voir l’extrait de Prospero Burns de Hammer & Bolter #1), et il n’y a aucune raison de penser que Josh Reynolds ne soit pas capable d’en faire de même. Ce teaser de Knight of the Blazing Sun remplit donc sa fonction, et ne manquera pas je gage de faire gagner quelques nouveaux fidèles à Reynolds. De ce que l’ai pu lire du bonhomme jusqu’ici, c’est tout à fait mérité.

1 : Ca fait mieux que Manannaine, non ?

2 : Le fluffiste impérial ne manquera pas de noter l’ironie que constitue l’inclusion d’une force de chevaliers dans l’armée d’Hertwig, dont le principal fait d’arme consistait (avant la Fin des Temps) à avoir mené son ost au massacre du fait de son inexpérience et de sa farouche volonté de ne pas laisser le commandement des forces impériales au Grand Maître Kessler.

The Lion (part I) – G. Thorpe [HH] :

The LionÀ la suite de la première (et peu concluante) tentative des éditeurs de Hammer & Bolter d’aborder le format de la longue nouvelle (une cinquantaine de pages au lieu de la vingtaine constituant le mètre étalon de la maison) via la soumission par Andy Smillie de son assez quelconque Beneath the Flesh (Hammer & Bolter #15/16), c’est au tour du Gav de se frotter à la novella, cet entre-deux indéfinissable entre la nouvelle et le roman. Et avant même de débuter la lecture de ce The Lion, force était de constater que Thorpe abordait l’obstacle dans des conditions bien plus favorables que son prédécesseur, tant au niveau de l’expérience (plus de 20 ans de maison) que du sujet (Lion El’Jonson, sa vie, son œuvre) et de l’univers (l’Hérésie d’Horus). Cela étant dit, la tendance de Gavin à se contenter du strict minimum en matière de storytelling incitait également à la circonspection, et c’est ainsi que j’abordais cette première partie sans a priori d’aucune sorte.

Prenant la suite de l’affrontement entre les deux self-made Primarques sur Tsagualsa (épisode narré dans le Savage Weapons d’ADB), dans le cadre de l’affrontement larvé entre Dark Angels et Night Lords, Thorpe centre logiquement son propos sur la Première Légion et sur Lion El’Jonson, tout à la fois frustré par l’impossibilité de mettre un terme à la croisade de Thramas et de se porter au secours de Terra, et travaillé par la déclaration du Night Haunter à propos de la loyauté vacillante des Dark Angels restés sur Caliban.

La réception d’une demande d’assistance émise par la garnison d’un complexe isolé de l’Adeptus Mechanicum (eh oui, encore un!) localisé dans le système de Perditus vient tirer le Lion de la bouderie contemplative dans laquelle il s’était plongé depuis la tentative de strangulation dont il avait fait les frais de la part de ce coquin de Kurze. Ni une ni deux, Jonson décide de se rendre sur place à la tête d’un contingent d’une taille plus que respectable (30.000 légionnaires tout de même), afin de s’assurer que le secret détenu sur Perditus ne tombe pas entre de mauvaises mains, Iron Warriors, Iron Hands et Death Guard ayant été repérés en train de rôder dans les environs.

Le gros de la première partie de The Lion décrit donc le voyage de l’Invincible Reason et de son escorte vers le système de Perditus, odyssée pimentée par la prise en filature du vaisseau amiral des Dark Angels par un mystérieux poursuivant, phénomène normalement impossible du fait de la nature particulière du Warp. Soucieux de préserver la confidentialité de son arrivée, Lionel parvient à attirer son poisson pilote dans l’univers réel pour une petite explication de texte, qui se solde au final par l’invasion de l’Invincible Reason par une flopée de démons pas vraiment concernés par les désirs d’intimité des DA. Too bad. Le rideau retombe au moment où Jonsy (à ne pas confondre avec Jónsi, bien que les deux partagent la même coquetterie à l’œil droit) s’apprête à aller coller quelques baffes aux séides des Dieux Sombres afin de leur apprendre à respecter la propriété d’autrui. Non mais.

Malgré quelques longueurs dans son déroulement, The Lion s’est révélée être une lecture assez agréable, même si Gav ne parvient pas à rendre une copie du même niveau que Dembski Bowden, dont les nouvelles Savage Weapons et Prince of Crows restent à mes yeux les deux must read pour tous les amateurs de l’Horésie d’Hérus (j’invertis des lettres si je veux) intéressés par la guéguerre entre paloufs et rogues. On peut d’ailleurs tout à fait considérer que la soumission de Thorpe comme un side event de la croisade de Thramas, El’Jonson prenant un break bien mérité après trois années de cache-cache avec les Night Lords pour accomplir une quête annexe, sans que la VIIIème Légion n’intervienne de manière significative dans l’intrigue.

En choisissant de faire d’un Primarque le personnage principal de son propos (même si le Sénéchal Corswain tente également d’exister aux côtés de son père génétique), Gawin prenait le risque de ne pas rendre justice à cette figure surhumaine, trop souvent décrite comme un simple super Space Marine dans les œuvres romancées de la Black Library. Je dois reconnaître qu’il s’en est plutôt bien tiré, en grande partie grâce à la description en clair-obscur qu’il fait de son héros, dont les motivations comme l’allégeance finissent par apparaître bien plus floues que ce que son image de loyaliste radical laissait à penser. Méfiant jusqu’à la paranoïa, faisant preuve d’un goût prononcé pour l’isolation (certains diront pour la bouderie), ne supportant pas la contestation de la part de ses subalternes (au point de décapiter à main nue un Chapelain ayant refusé de révoquer l’édit de Nikea), et éprouvant un indéniable, même si coupable, plaisir à imposer son point de vue par la force, le Lion de Thorpe n’est pas le parfait chevalier décrit par la propagande impériale, ce qui rajoute une profondeur intéressante à un personnage autrement ennuyeux de surpuissance. En complément, et comme souvent dans les publications relatives à l’Hérésie d’Horus, les détails de fluff (d’un intérêt plus ou moins grand) abondent, ce qui justifie amplement la lecture de cette nouvelle par tous les fans des Dark Angels.

Si l’utilisation de Lion El’Jonson comme protagoniste est donc assez réussie, les autres personnages de Thorpe, à commencer par Corswain, aka le Loken de la Première Légion (il en faut bien un), se révèlent malheureusement bien fades, tout comme la plupart des péripéties mises en scène au cours de cette première partie. Jamais avare en matière d’affrontement entre vaisseaux spatiaux, le Gav sert une nouvelle fois la soupe en consacrant une part non négligeable de sa nouvelle à la description de la « poursuite » entre l’Invincible Reason et son admirateur secret, à la fois dans, hors et entre (je me comprends) le Warp. Comme le bonhomme maîtrise son sujet, la pilule passe sans douleur, mais sans plaisir non plus. En fin de course, les points positifs l’emportent tout de même sur les points négatifs, et c’est avec une bienveillante neutralité que j’aborderai la deuxième partie de The Lion dans le prochain numéro de Hammer & Bolter.

Au final, ce 17ème numéro de Hammer & Bolter constitue l’une des livraisons les plus consistantes de cette deuxième année, en grande partie grâce au doublé de Josh Reynolds, honorablement complété par les nouvelles des grands anciens McNeill et Thorpe, un ton en dessous mais toujours dans la tranche haute du lisible et du divertissant. Counter ferme la marche avec son Vermilion, plus incongru que réellement indigeste, pour un solde largement positif. C’est suffisamment rare pour être souligné !  

HAMMER & BOLTER [N°15]

Bonjour à tous, et bienvenue dans la critique du quinzième numéro de Hammer & Bolter ! Fans de Warhammer Battle, j’ai le pénible devoir de vous annoncer que la livraison de décembre 2011 a la triste particularité de ne contenir aucune nouvelle se déroulant dans le Vieux Monde (ou où que ce soit sur la planète med-fan de Games Workshop), si l’on fait bien sûr abstraction du troisième chapitre du Gilead’s Curse du duo Vincent/Abnett. Et, croyez-moi sur parole, il faut faire abstraction de ce… truc, dont le compte rendu de lecture détaillé peut cependant être consulté plus bas.

Autre caractéristique notable, et cette fois ci plus positive, ce numéro introduit un nouveau concept éditorial, repris et développé dans les publications suivantes, à savoir la nouvelle en deux parties. Dans le cas qui nous occupe aujourd’hui, nous avons donc affaire à la première moitié d’un texte consacré par Andy Smillie à ses bien-aimés Flesh Tearers, Beneath The Flesh. Enfin, et pour terminer sur le sujet des trouvailles absconses des éditeurs de Hammer & Bolter, vous aurez également le privilège et l’avantage de découvrir un deuxième chapitre exclusif du Deliverance Lost de ce vieux Gav Thorpe, deux mois après avoir pu lire un premier extrait des mésaventures de Coco le Super Corbeau (Hammer & Bolter # 13). Anthony Reynolds et Sarah Cawkwell nous reviennent quant à eux avec des récits de leurs chapitres Space Marines de prédilection : Word Bearers pour le premier (why not ?) et Silver Skulls pour la seconde (why ?). Bouclez vos ceintures énergétiques les amis, nous voilà partis pour un trip galactique au pays de Papy. Here we go.

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Beneath the Flesh (part I) – A. Smillie [40K] :

Beneath the FleshParmi les écrivains de la Black Library collaborant à l’enrichissement de l’univers de Warhammer 40.000, il est une tradition bien établie, celle de l’appropriation d’un chapitre/légion Space Marines (loyaliste ou renégat). Les noms les plus illustres (ou « big boys chapters », pour reprendre l’expression de Sarah Cawkwell) ayant été trustés depuis longtemps par les grands anciens de la BL que sont McNeill (Ultramarines/Iron Warriors), Thorpe (Dark Angels), Counter (Grey Knights), Kyme (Salamanders) ou encore King (Space Wolves), les petits nouveaux ont été contraints de se rabattre sur des confréries de seconde zone, à l’image des anciens1 mais assez peu connus Silver Skulls popularisés par Miss Cawkwell, ou, dans le cas qui nous intéresse, les tout aussi vénérables2 Flesh Tearers de l’ami Andy Smillie.

Chapitre issu de l’éclatement de la légion des Blood Angels après la fin de l’Hérésie d’Horus, les Flesh Tearers sont un peu les Stryges de la grande famille vampirique engendrée par Sanguinius3, c’est-à-dire de grosses brutasses que la vue de la plus petite goutte de sang fait entrer dans un état de rage meurtrière, alors que les Blood Angels, eux, arrivent à canaliser leurs pulsions en faisant de la danse classique ou de la poterie. Considérés avec suspicion par leurs frères d’armes en raison de leurs nombreuses exactions envers les populations civiles au cours des siècles écoulés, les Flesh Tearers mènent une lutte permanente contre les tares de leur patrimoine génétique, bataille qu’ils sont en train de perdre et qui pourrait mener à la disparition prochaine du chapitre. Voilà pour la mise en contexte.

Relatant la mission d’une escouade de Flesh Tearers envoyée récupérer des données sensibles dans une base avancée du chapitre sur la planète d’Aere, et ce alors que la garnison stationnée sur place ne répond plus et que les forces du Chaos menacent de fondre sur l’avant-poste à tout moment (avec un rapport de force de un pour à peu près mille dix-neuf en faveur des cultistes – ne riez pas, c’est écrit noir sur blanc dans la nouvelle – ), Beneath The Flesh n’impressionne pas par son originalité, mais contient tout de même suffisamment d’éléments intéressants distrayants pour que sa lecture ne constitue pas la purge qu’elle aurait pu être. Car c’est une qualité que l’on doit reconnaître aux travaux de Smillie : pour perfectibles qu’ils soient, leur imprévisibilité et/ou incongruité les rend assez fendards à parcourir. Du Counter 2.0 en quelque sorte.

Commençons par distribuer le seul et unique bon point de la nouvelle, qui tient mieux la route que les deux précédentes publications du bon Andy dans Hammer & Bolter. L’auteur arrive à rendre assez bien l’état de tension permanente qui est le lot des Flesh Tearers quand ils sont en opération, leur penchant pathologique pour le prélèvement d’organes à mains nues et sans anesthésie devant être strictement contrôlé sous peine de céder définitivement à la Rage Noire. Et à ce petit jeu-là, les vétérans (comme le sergent Barbelo de l’escouade du personnage principal – Maion –) partent avec un gros désavantage, la tare génétique de Sanguinius les travaillant depuis plus longtemps que les Marines fraîchement intégrés. Le brave Barbelo fait donc (peut-être à dessein) bondir le compteur de conneries dès qu’il ouvre la bouche, mais j’anticipe sur la suite.

Car Beneath The Flesh, c’est d’abord un festival de passages what the fuck-esques, qui continue avec une constance admirable d’un bout à l’autre de cette première partie. Ça commence très fort avec une arrivée sur site de l’escouade de Maion dans un Stormraven qui vient sciemment s’écraser à proximité de la base4 pour des raisons qui continuent à m’échapper à l’heure actuelle, Smillie ne prenant pas la peine d’expliquer pourquoi ses Flesh Tearers ont préféré prendre le risque de tous périr dans l’accident et de bousiller leur seul moyen de quitter la zone avant l’arrivée de l’ennemi, alors qu’un simple atterrissage conventionnel aurait parfaitement fait l’affaire. Pour ma part, je le soupçonne de ne pas bien faire la différence entre un Stormraven et un Drop Pod, mais passons.

Passons également sur les fourreaux d’épée-tronçonneuse, l’identification d’un modèle de magasin d’autocanon (ainsi que sa capacité) à l’oreille, ou encore – et à regret cette fois-ci – sur le kill le plus saugrenu de l’histoire de la BL5 , pour nous concentrer sur le cas du sergent Barbelo. Comme dit plus haut, le loustic s’est spécialisé dans la stupidité crasse une fois sorti du Noviciat, ce qui lui a fort logiquement permis d’accéder à des fonctions de commandement. Refusant catégoriquement au Prêtre Sanguinien qui accompagne l’escouade de s’enquérir des glandes progénoïdes des Flesh Tearers qui étaient stationnés dans la base, sous prétexte que ce n’est pas l’objectif principal de la mission (c’est pas comme si le chapitre était en train de s’éteindre, hein), ne s’émouvant pas le moins du monde de l’absence de cadavres dans un bâtiment maculé de sang et d’organes (« c’est pas l’objectif principal de la mission ! » bis), coupant volontairement sa radio au moment où l’inévitable embuscade est lancée contre ses hommes (qui aurait besoin de coordonner son escouade dans une situation pareille, après tout ?), et adepte convaincu de la scission en groupes de un, Barbelo est une vraie tête de lard comme on n’en croise plus guère au fil des pages de la BL.

Dans un autre registre, force est de constater qu’Andy Smillie a encore du chemin à faire pour amener ses rebondissements de manière un tant soit peu crédible. Ayant – à mon grand soulagement – laissé tomber l’approche du « zapping narratif »6 pour un rythme un peu plus compréhensible, il pêche cette fois par naïveté, les indices égrenés au long de son récit (car un bon twist est un twist dont le lecteur se dit qu’il aurait dû se rendre compte s’il avait fait plus attention à certains détails) ayant la subtilité d’un Nob en méga-armure défoncé aux champignons. Dans le cas qui nous intéresse, il est parfaitement évident que les ennemis des Flesh Tearers sont des gardes impériaux tout ce qu’il y a de plus loyaux, et non pas des traîtres à la solde du Chaos, mais Smillie se fait un devoir de garder cette fausse surprise en réserve pour la suite de la nouvelle avec un imperturbable aplomb. Nous verrons bien comment il décide de révéler le pot aux roses (passablement défraichies) à ses lecteurs dans la deuxième partie de la nouvelle, mais je doute que ça soit très élégant.

Pour terminer, je n’ai pu m’empêcher de noter que Smillie s’est visiblement inspiré des travaux SM – en tout bien tout honneur – de ses petits camarades de jeu pour son Beneath the Flesh. Le lecteur averti pourra ainsi trouver des parallèles et emprunts évidents aux séries Ultramarines (McNeill), Soul Drinkers (Counter), Space Wolves (King) et surtout Night Lords (Dembski-Bowden) dans les aventures de Maion et de ses comparses Flesh Tearers. Cette reprise des formules gagnantes d’autres auteurs de la Black Library aide Smillie à construire un récit un peu plus consistant que ses précédents travaux, ce qui est évidemment appréciable, même si l’originalité de l’ensemble pâtit évidemment de ce choix. En même temps, c’est une histoire de Marounes, alors…

: Présents dans le livre Rogue Trader de 1987 tout de même

2 : Même chose que ci-dessus.

: Qui était véritablement maudit puisque ses descendants ont eu le douteux privilège d’être immortalisés par James Swallow dans la tristement célèbre quadrilogie Deus Encarmine – Deus Sanguinius – Red Fury – Black Tide, avant que Smillie (Mountain Eater et Reparation, tout de même) ne vienne s’approprier le plus célèbre des chapitres successeurs des archanges aux blanches canines.

: Le Techmarine de la fine équipe coupe les moteurs et les rallume juste avant l’impact, ce qui ne sert strictement à rien au final puisque le fier vaisseau termine sa course dans le même état qu’une compression de César. Cette scène mémorable a été fidèlement adaptée dans Madagascar 2.

: Etape 1 : Arracher le crâne du cadavre de votre dernière victime en date.
Etape 2 : Balancer le dit crâne sur le torse d’un nouvel adversaire.
Etape 3 : L’impact écrase quelques côtes : le cœur s’arrête de battre. Fatality

: cf la critique de Mountain Eater

Gilead’s Curse – ch. 3 – D. Abnett & N. Vincent [WFB] :

Gilead's CursePetit avertissement sans frais : ce troisième chapitre de Gilead’s Curse remporte haut la main le prix du texte le plus étrange jamais publié par la Black Library, toutes époques confondues et très loin devant les contributions (souvent assez barrées) de Barrington J. Bayley, Brian Craig ou John Brunner. On ressort hébété, confus et vaguement nauséeux de cette immersion dans la prose subliminale de Vincent, à tel point que je me suis sérieusement demandé comment les éditeurs de la BL avaient pu laisser passer cette curiosité (pour reprendre le titre d’un nouvelle d’Abnett), qui aurait plus sa place dans un numéro de Weird Tales de 1937 que dans un de Hammer & Bolter de 2011.

Permettez-moi de commencer cette critique par une mise au point d’importance : contrairement à ce que laisserait entendre le titre du roman-feuilleton, Gilead n’apparaît que très marginalement dans cet épisode, la vedette revenant au « Roi des Rats » (Rat King), personnage skaven se rapprochant plus de la némésis de Casse-Noisettes que d’un véritable suivant du Rat Cornu. Le Roi des Rats possède une amulette magique dont la première utilité est d’agir comme un catalyseur d’énergie, aspirant la vitalité des êtres proches de son porteur pour la communiquer à ce dernier. Les skavens ne vivant pas vieux, notre corpulent anti-héros décide de mettre la patte sur Gilead, qui, en sa qualité d’elfe, lui permettrait d’atteindre l’immortalité en une seule opération, ce qui lui permettrait de faire davantage de trucs intéressants, comme répéter en boucle1 la même phrase au fond de sa tanière, mutiler gratuitement ses lieutenants ou encore enfouir sa merveilleuse amulette entre deux bourrelets pour le plaisir de sentir cette dernière le bruler au troisième degré.

Comme ça avait déjà été le cas dans l’épisode précédent, les skavens de Vincent détonnent fortement de la représentation qui en est faite par le background officiel, à tel point que je soupçonne l’auteur de n’avoir qu’en tout et pour tout jeté un œil à l’illustration de couverture du dernier livre d’armée de cette noble race en guise de recherche documentaire. Outre le fait que ce fameux Roi des Rats constitue une anomalie de taille dans la hiérarchie skaven (Vincent ne fait aucune référence au Conseil des Treize, aux quatre clans majeurs, ni même au Rat Cornu), Vincent dote ses ratons de caractéristiques et de traits de caractères inédits, pour un résultat des plus surprenants.

Par exemple, lorsque le Roi des Rats réunit ses suivants pour leur ordonner de lui rapporter Gilead (parce qu’il veut Gilead hein, pas n’importe quel elfe), les vibrations émises par son arrivée dans la salle conduisent les plus jeunes skavens à une folie meurtrière et à un massacre collectif de centaines d’individus. Un peu plus loin, Vincent décrit la manière dont les skavens s’organisent pour trouver Gilead (tenez-vous bien, c’est pas piqué des vers) : chacun cherche un emplacement dans l’empire souterrain et colle son oreille à la paroi du tunnel dans l’espoir d’entendre les vibrations produites par le passage de l’Elfe s’il venait jamais à passer dans le coin2. Pendant ce temps, le Rat King attend dans son antre (que Vincent, apparemment fière de sa trouvaille, présente comme la seule salle de l’empire skaven ne disposant que d’une seule entrée – et donc, une seule sortie – , ce qui colle tout à fait avec la paranoïa congénitale des hommes rats) en soliloquant sur l’étendue de sa richesse… évidemment mesurée en or et en gemmes, et non pas en malepierre (terme qui n’apparaît d’ailleurs pas une seule fois du chapitre). Bref, on peut remercier Nick Vincent de faire vivre le concept du multivers, central dans la conception originelle du fluff de Warhammer, en situant son propos dans un Vieux Monde alternatif. C’est ça, ou Mme Abnett s’est contentée de s’asseoir sur plus de trente ans de fluff pour écrire son récit. Choose your side.

Au-delà de ces profondes divergences au niveau de l’historique, la lecture de ce troisième chapitre est rendue assez laborieuse par le style d’une Vincent en roue libre, multipliant les descriptions baroques (« sucking the refracted pinpoint luminescences from the drops of saliva that coated their tongues » moui…), répétant en boucle les mêmes lignes de dialogue1, partant dans des digressions à l’intérêt douteux, ou au contraire, éludant des éléments pouvant aider à la compréhension. L’impression générale n’est certainement pas celle d’un écrivain professionnel maîtrisant son sujet et déroulant un récit au synopsis bien structuré, mais plutôt celle d’une mystique couchant sur le papier ses visions apocalyptiques avant de les oublier3. À l’instar du Roi des Rats, Nik Vincent ne semble pas bien savoir ce qu’elle fait, et laisse le lecteur se dépatouiller avec sa prose hallucinée. Je n’ose imaginer la surprise du fanboy anglais de douze ans tombant par hasard sur Gilead’s Curse et s’imaginant que le contenu serait similaire aux travaux elfiques de Thorpe, McNeill et King. C’est peut-être pour cela que les éditeurs de Hammer & Bolter ont prudemment décidé de placer le roman-feuilleton après la première partie de Beneath the Flesh (alors qu’il figurait en première place auparavant), afin de ne pas laisser croire au lecteur lambda que la BL pouvait proposer des nouvelles aussi extrêmes (ce qu’elle ne fait plus depuis bien longtemps).

Bref, Gilead’s Curse atteint un nouveau seuil d’étrangeté au cours de ce troisième chapitre, et impose définitivement Nik Vincent comme l’électron libre de la BL. On s’aperçoit également que liberté et qualité ont beau se terminer de la même façon, ils ne sont malheureusement pas synonymes. Du coup, j’ai vraiment hâte de lire la suite !

: ‘He will come, so he will. He will come. When he comes, for come he will, I’ll live forever. I won’t live for now, not just for now. I’ll live forever.’ * 10 (avec quelques variantes)

2 : Véridique. Et c’est cette race de débiles mentaux qui est censée avoir instrumenté la chute de Nagash, presque conquis la Lustrie et annihilé l’empire des Nains ? On doit pas parler des mêmes.

3 : Exemple parlant, Vincent décrit un duel entre deux skavens de la manière suivante : « He took the bloodiest wound low in his gut or perhaps high up in his thigh. The resulting spurt of blood probably emanated from the femoral or iliac artery.” Je ne comprends vraiment pas pourquoi elle laisse planer un doute sur l’endroit de la blessure et sur l’origine du saignement. En tant que narratrice omnisciente, elle devrait être en mesure de trancher cette question, qui n’a d’ailleurs qu’un intérêt très limité dans l’histoire. Au lieu de quoi, on a l’impression qu’elle commente un match de boxe depuis le dernier rang des tribunes.

Torment – A. Reynolds [40K] :

TormentAnthony Reynolds nous revient avec une nouvelle qui sert d’épilogue à la trilogie (Dark Apostle, Dark Disciple, Dark Creed) consacrée par le bonhomme aux Word Bearers, et plus précisément au personnage de Marduk, Premier Acolyte du 34ème Ost de la Légion de Lorgar. Pour n’avoir lu aucun de ces romans, et aborder les publications de Reynolds avec une méfiance non dissimulée, je dois avouer que le résultat est plutôt réussi, dans la veine du Grail Knight publié dans le Hammer & Bolter n°6.

La nouvelle retrace la fuite éperdue de Burias-Drak’shal dans les entrailles de la Basilique du Tourment, édifice cyclopéen servant de forteresse et de lieu de culte à la XVIIème Légion. On comprend rapidement que Bubu était un adversaire malheureux de Marduk, condamné par ce dernier au confinement dans un sarcophage de Dreadnought en punition de sa traîtrise. Réussissant à faire ressurgir Drak’shal (le démon avec qui il partage son corps) avant son entrée en boîte, Burias parvient à se libérer et à fausser compagnie à ses geôliers, mais pourra-t-il échapper longtemps à ses innombrables poursuivants ?

On retrouve dans Torment les deux points forts de Reynolds, dont la présence et la combinaison lui permettent (quand il est inspiré) de signer des textes assez intéressants : une bonne maîtrise du fluff (à la fois dans ses références au background officiel et dans les ajouts qu’il fait à ce dernier) et un souffle épico-onirique lui permettant de ne jamais faire retomber la pression – et l’intérêt du lecteur avec elle – jusqu’à la conclusion de son récit. En basant sa nouvelle dans un lieu aussi chargé d’histoire et symbolique que la Basilique des Tourments, Reynolds joue sur du velours, et s’offre une ultime virée dans le sacro-saint des Word Bearers, profitant au passage pour faire intervenir quelques personnages que j’ai deviné être importants dans sa trilogie (Burias-Drak’shal et Marduk, mais également Eshmun, Kol Badar, et même cet asocial de Lorgar, le temps d’un petit caméo); tout en faisant faire au lecteur le tour du propriétaire de la « capitale » des Porteurs du Mot, endroit folklorique s’il en est. Petit bonus, mais appréciable néanmoins, la mini-révélation finale1, si elle peut être percée à jour assez tôt dans le récit par une lecture attentive du texte, porte tout de même et confère au dénouement de Torment une dimension mélancolique justement dosée.

1 : Très inspirée du final de Brazil, ou plus récemment, de celui de Sucker Punch.

The Pact – S. Cawkwell [40K] :

The Pact5ème publication pour Sarah Cawkwell dans Hammer & Bolter, The Pact voit le retour des Silver Skulls, à la fois sur le devant de la scène, mais également sur leur monde originel, Lyria, abandonné au cours du 32ème millénaire suite à une invasion démoniaque en bonne et due forme. Le personnage principal de la nouvelle n’est autre que le Prognosticator Bhehan, qui avait déjà fait preuve de son talent à jeter des runes toutes les cinq minutes au cours de la première soumission de Miss Cawkwell, Primary Instinct. Cette fois débarrassé de l’insipide Gileas Ur’ten (capitaine de la huitième compagnie aux dernières nouvelles), Bhehan est escorté par l’escouade de Space Marines d’action des Silver Skulls, j’ai nommé le Talriktug1, mené par nul autre que le premier capitaine Kerelan. Pourquoi revenir sur un monde ayant subi un demi Exterminatus huit mille ans plus tôt, vous entend-je me demander ? Eh bien, pour la raison classique de la vision prophétique venant plus ou moins corroborer un passage sibyllin du livre sacré du Chapitre (The Orthodoxy of Varsavia), ce qui convainc Lord Argentius de dépêcher quelques hommes sur place afin de… on ne sait pas trop quoi en fait2.

Une fois arrivé à la surface de Lyria, Bhehan et ses nouveaux copains se retrouvent bien entendu plongés dans une sale histoire impliquant de sombres visions du passé, une cohorte d’Eldars non violents, des démons de Nurgle en patafix et une bannière (joie). Le déroulé précis de la nouvelle n’ayant aucune sorte d’intérêt (comme toujours lorsque Cawkwell pilote ses Silver Skulls chéris), je vous fait grâce des pénibles péripéties subies par les SS avant la fin de leur mission.

À ses habituelles lacunes en matière de narration et de cohérence (illustrées de manière flagrante par l’envoi de la crème de la crème du Chapitre sur une mission de douzième ordre au but des plus nébuleux – mais n’ayez crainte, il y en a une tripotée d’autres dans The Pact3 – ), Cawkwell ajoute une grosse entorse au fluff et une expérimentation très peu concluante, pour un résultat assez indigeste, dans la droite ligne de ses trois premières nouvelles Silver Skulls.

S’agissant de l’atteinte au background, Sarah a donc la riche idée de faire intervenir des Eldars dans son récit, en jouant sur l’entente tacite et temporaire qui peut parfois être conclue entre zoneilles et zumains dans certaines situations désespérées. Pourquoi pas. Seulement, Cawkwell se retrouve confrontée à un problème de taille : comment arriver à faire coopérer une escouade de vétérans couturés, fanatiques et intolérants au plus haut degré avec une bande de Xenos, même bien intentionnés ? Réponse de l’intéressée : les Eldars ont tellement besoin de l’aide des Space Marines qu’ils acceptent sans broncher de se faire péter la tronche d’un bout à l’autre de la nouvelle pour bien leur faire comprendre qu’ils ne représentent pas une menace. Et c’est là que le bas en moelle spectrale blesse : il est absolument aberrant qu’une race prête à condamner des planètes entières à la destruction pour éviter les bouchons sur la route des vacances (cf Armageddon) consente à sacrifier une quinzaine de guerriers aspects ainsi qu’une grande prophétesse simplement pour gagner la confiance de mon-keigh. C’est pourtant ce qui se passe dans The Pact, la psyker eldar passant une bonne partie de la nouvelle à supplier Bhehan de venir lui filer un coup de main, puis laisse ce dernier lui coller un bolt dans le crâne avec sa bénédiction après qu’ils aient réussi à bannir l’infestation démoniaque à l’œuvre. Autant pour la coopération inter-espèces.

Quant à l’expérimentation tentée par Cawkwell, elle porte sur le sujet, très délicat, de l’humour au 41ème millénaire. Et si on peut à la rigueur envisager que certains Space Marines puissent faire preuve d’un flegme pince sans rire ou d’une ironie macabre, je ne pense vraiment pas que transformer l’un d’entre eux en sociétaire des Grosses Têtes était un choix pertinent. Le vénérable premier capitaine Kerelan se révèle pourtant être un joyeux boute en train, très peu avare en blagounettes plus ou moins drôles, ce qui est assez surprenant et plutôt contre-intuitif.

Au final, The Pact confirme que la Cawkwell de l’année 2 de Hammer & Bolter a un niveau sensiblement égal à celui de la Cawkwell de l’année 1, c’est-à-dire tristement faible.

: Ca claque moins que Mournival ou Atramentar, mais on ne peut pas reprocher à Cawkwell de chercher à s’inspirer des bonnes idées de ses petits camarades de jeu.

: Le briefing de mission a dû être marrant :

« – Bon les petits gars, Bhehan a eu une vision dans laquelle il a vu trois castors hémiplégique, un magasin Ikéa en flammes, Rogal Dorn en bas résilles et peut-être aussi deux bannières. Comme la sainte Orthodoxie de Varsavia contient les mots « deux » et « bannières », j’ai décidé de vous envoyer sur notre ancien monde forteresse pour enquêter. »

« – Euh, d’accord Lord Argentius, mais enquêter sur quoi ? »

« – Bah, sur la vision de Bhehan, banane ! Allez sur place, et voyez si vous trouvez quelque chose comme une bannière du chapitre. Voire deux. »

« – Mais Lord Argentius, de une, cela fait huit mille ans que Lyria a été abandonnée, après s’être pris un bombardement orbital en règle : partant, je doute que l’on retrouve une bannière intacte après tout ce temps. Et de deux, même si on arrive à en trouver une (ou deux, puisque ça a l’air de vous tenir à cœur), Lyria était notre monde d’origine, donc ça n’aurait vraiment rien d’étonnant et je ne vois pas pourquoi il faudrait y voir un signe du destin. »

« – M’en fous, allez-y quand même. Je peux tout à fait me permettre d’envoyer la meilleure escouade du Chapitre et le premier capitaine accompagner un bleu bite qui a eu un rêve humide à la surface d’un monde mort pour vérifier un truc qui n’a aucun sens. Parce que je suis Lord Argentius et que je fais ce que je veux, na. »

« … »

: Le débriefing de la mission a dû être marrant aussi :

« – Lord Argentius, nous avons bien trouvé une bannière du Chapitre dans les niveaux inférieurs de la forteresse monastère. »

« – Génial ! Il n’y en avait pas une deuxième dans le coin ? »

« – Non. En fait la deuxième bannière était métaphorique : nous avons dû nous allier avec des Eldars un peu cons pour vaincre les démons qui squattaient les ruines. Deux races = deux bannières. »

« – Putain, je ne comprendrai jamais rien aux prophéties. Bon, et alors, tout est prêt pour que nous puissions sur notre planète d’origine ? »

« – Oui oui, c’est bon. L’endroit a été purifié. Bon, il y a des cadavres d’Eldars dans tous les coins et l’endroit est saturé d’énergie chaotique qui rend les démons impossibles à bannir, mais sinon c’est nickel. »

« – Ok, et la bannière que vous avez récupéré, elle est clean au moins ? »

« – Un peu mon neveu. Elle a passé huit millénaires dans une forteresse hantée, et a été utilisée par un Grand Immonde (en fait, c’était peut-être un gros Nurgling d’après la prophétesse Eldar, mais vu qu’il nous a fallu deux psykers et cinq terminators pour en venir à bout, on va dire que c’était un démon majeur) pour ancrer sa présence dans l’univers réel. Plus clean que ça, tu meurs. »

« … »

Deliverance Lost – G. Thorpe [HH] :

Deliverance LostPour finir ce numéro, retour à l’époque de l’Hérésie d’Horus pour un deuxième chapitre de Deliverance Lost. Ne me demandez pas pourquoi les éditeurs de Hammer & Bolter ont décidé de réaliser une nouvelle preview du bouquin de Thorpe deux mois après la première, je n’en ai aucune idée. Il y a des informations qu’il vaut mieux laisser secrètes.

Ce court chapitre relate la convocation d’Alpharius à bord du Vengeful Spirit par le Maître de Guerre, qui somme son petit frère de justifier les actions de sa légion sur Istvaan V. Ce coquin d’Alphie a en effet empêché les World Eaters d’exterminer les survivants de la Raven Guard, afin de pouvoir placer quelques espions parmi les fils de Corax, comme cela avait déjà été expliqué au cours de l’extrait présenté dans le numéro 13 de Hammer & Bolter. Bref, il n’y a pas grand-chose à tirer de ce passage en conseil de discipline du Primarque de l’Alpha Légion, sinon qu’Erebus est une petite langue de pute dont le recadrage par un Alpharius légitimement excédé de se faire morigéner par un simple Légionnaire est le très bienvenu. Pas étonnant qu’il se soit fait refaire le portrait par Horus après la bataille de Signus Prime. Bien fait.

En conclusion, ce numéro m’a semblé présenter certains symptômes pouvant expliquer l’arrêt brutal de la publication de Hammer & Bolter en Novembre 2012 : un roman feuilleton qui part en sucette, des hot new talents de bas niveau et des choix éditoriaux pouvant passer pour du foutage de gueule pur et simple aux yeux de certains lecteurs, dont je fais partie. Heureusement que la contribution de Reynolds se révèle être assez bonne, sans quoi c’était le zéro pointé.

THE LAST CHANCERS by GAVIN THORPE

Bonjour à tous ! Aujourd’hui, je vous propose de faire un tour aux quasi-origines de la Black Library, à l’époque où tout restait à faire, où les auteurs avaient encore loisir de développer des idées un tantinet originales*, et où un Gavin Thorpe encore glabre faisait ses grands débuts dans le monde impitoyable de la fantasy. Bienvenue lecteur dans la chronique d’un mythe fondateur du background de Warhammer 40.000 : la trilogie Last Chancers.

* : « Et si vous nous écriviez une petite histoire de Space Marines ? »
« Tu veux parler de ces surhommes génétiquement modifiés, incapables de ressentir la peur, endoctrinés jusqu’au trognon et rigoureusement imperméables à l’humour ? »
« C’est ça. »
« Ecoute, je vais être tout à fait franc avec toi : je préfèrerais écrire la biographie de Peggy la Cochonne en dix volumes et la traduire en farsi plutôt que de me lancer dans cette purge. Sérieusement les mecs, vos Space machins sont des stéréotypes de héros d’action à peu près aussi savoureux qu’un bol de gravier arrosé au Roundup. À la rigueur, si vous me permettiez d’écrire un pastiche un peu grinçant soulignant le côté ridiculement trotrodark de votre univers… Qu’est-ce que vous diriez d’un chapitre dont l’emblème serait un balai chiotte géant ? »
« Ça ne va pas être possible Mr Bayley. »
« Dommage. Je continue à bosser sur le synopsis de Eye of Terror alors. »
« S’il vous plaît. »

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Couverture de l’omnibus:

Omnibus (Last Chancers)

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Couvertures alternatives:

Couvertures Alternatives (Last Chancers)'

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Le contexte:

1999. En cette fin de millénaire, la Black Library s’apprête à fêter ses deux ans d’existence. Créée à l’origine pour assurer la publication de nouvelles, via le mensuel Inferno!, la maison d’édition de Games Workshop s’est mise progressivement à proposer des romans dépeignant les aventures de personnages emblématiques des deux univers de l’enseigne. Après avoir mis sur le marché les premiers tomes de sagas aujourd’hui mythiques (Gotrek & Felix, Gaunt’s Ghosts, Ragnar), la Black Library décide de donner sa chance à un collaborateur régulier de la maison mère, le fringant Gavin Thorpe.

Le projet de notre homme est assez original, puisqu’il se propose de relater les pérégrinations d’une bande de légionnaires pénaux, chargés d’accomplir le sale boulot de l’Imperium afin de se racheter aux yeux de l’Empereur et de leur impitoyable officier, le colonel Schaeffer. Une sorte de négatif des gentillets Fantômes d’Abnett, directement calqués sur le modèle des 12 Salopards (film de Robert Aldrich sorti en 1967), et dont la sortie est annoncée par la publication de la nouvelle Deliverance dans le White Dwarf de Décembre 1999 (traduite en français dans le WD d’Octobre 2002).

La jeunesse de la Black Library, le climat d’enthousiasme entourant la société à l’époque (lancement prochain du jeu Seigneur des Anneaux, acquisition de Sabre Tooth Games, début du passage au tout plastique…), et la notoriété de l’auteur parmi les membres de la communauté, expliquent sans doute pourquoi Thorpe a été autorisé à explorer cet aspect, somme toute assez marginal, de l’univers de Warhammer 40.000. À l’heure où les lignes éditoriales (SM, SM pendant l’hérésie, aventures-d-un-personnage-nommé, SM, le-dernier-tome-d-une-série-bien-établie, SM…) de la BL semblent gravées dans l’adamantium, le degré de liberté caractéristique de cet âge révolu ne manque pas d’attractivité pour le lecteur prêt à sortir des sentiers battus.

On ne peut que spéculer sur les ambitions nourries par les pontes de la Black Library au sujet de cette série, dont la postérité n’est pas aussi grande que certains des travaux publiés sur la même période. Le fait que la saga Last Chancers se décline en trois volets, format star de la maison, laisse penser que cette dernière a néanmoins su trouver son public, même s’il est aujourd’hui évident qu’Abnett et ses Tanith ont gagné la bataille de la popularité face aux bad boys de Thorpe dans la catégorie Garde Impériale*, si bataille il y eut jamais. Le premier des deux larrons étant en effet un auteur professionnel, alors que le second travaillait à l’époque comme concepteur de jeux pour Games Workshop, il était peut-être prévu dès le début de clore les débats après le troisième tome (laissant ainsi à Gavin l’opportunité de travailler sur la trilogie Slaves To Darkness, publiée entre 2002 et 2004). Pour ma part, j’interprète le hiatus de deux ans et demi entre la sortie de Kill Team (Octobre 2001) et celle de Annihilation Squad(Mars 2004) comme le signe d’un flop relatif, même si d’autres explications peuvent également être avancées.

Quoiqu’il en soit, les Last Chancers de Thorpe ont néanmoins réussi à laisser leur marque dans le background de 40K, comme tout vétéran du hobby vous le confirmera. En plus des romans, Schaeffer, Kage et les autres ont en effet eu l’honneur de bénéficier d’une entrée dans le Codex Garde Impériale de 2005 (et possiblement dans les précédents, que je ne possède pas**), ainsi que de leurs propres figurines, dont la sortie s’est accompagnée d’un complément de règles permettant d’aligner douze Last Chancers contre une armée entière (on reconnaît bien la patte de Jervis « pour la beauté du geste » Johnson derrière cette initiative, qui a sans doute permis à certaines des parties les plus déséquilibrées de l’histoire du jeu d’avoir lieu). Il est cependant à noter que les figurines en question ne représentent qu’une partie des personnages développés par Thorpe dans sa série, un certain nombre d’éminents Last Chancers s’étant faits refouler au casting, à commencer par l’iconique Lieutenant Kage (un comble, puisqu’il s’agit du narrateur des romans).

*: Ne comptez pas sur moi pour passer à Astra Militarum. Le Garde Impérial meurt mais ne se rend pas.

**: Gavin précise que Schaeffer et ses Last Chancers ont été créés par Ian Pickstock et lui-même, et que leur première apparition remonte au Codex V2 de la Garde Impériale. Plus tard, Rick Priestley [i]himself[/i] apportera sa patte au travail de ses deux collègues (mais dans quelles proportions, mystère).

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L’intrigue:

Pas de grandes surprises à ce niveau-là, puisque le lecteur a exactement droit à ce qu’il attendait, c’est-à-dire au récit des aventures de Kage et de ses collègues légionnaires pénaux, chargés par Schaeffer des missions les plus dangereuses du secteur. Les Last Chancers ont en effet beau être un ramassis de criminels aux casiers judiciaires plus épais qu’un sarcophage de Dreadnought Ironclad (ou pas, voir la section Personnages), ils sont avant tout des super soldats, experts en leur domaine, et qu’il serait donc dommage d’assigner à des tâches aussi ingrates que le déminage de spore mines à coups de bâton, la montée en première ligne contre un bastion tenu par une grande compagnie d’Iron Warriors, ou encore l’identification des victimes d’une épidémie de Pourriture de Nurgle, activités couramment proposées aux légionnaires pénaux classiques.

Les trois romans de la série donnent ainsi à Kage et à ses potes l’occasion de participer à des projets aussi grandioses et létaux que l’assassinat d’un Commandeur Tau séditieux (sur le propre monde de ce dernier), le « sauvetage » d’Herman von Strab, gouverneur planétaire émérite et complétement barge d’Armageddon, ou encore la mise en surchauffe des réacteurs à plasma d’une cité fortifiée rebelle. Inutile de préciser que le taux de survie parmi nos héros n’est donc pas terrible, Schaeffer et Kage étant souvent les seuls à émerger en un seul morceau de ces charmantes promenades de santé.

Outre cette trame classique, qui sera répétée avec quelques variations tout au long de la saga, Thorpe choisit d’initier le lecteur au tortueux cheminement intellectuel et philosophique de Kage, qui, de candidat avoué à la désertion au début de la série, se mue petit à petit en victime et complice consentante de son terrible supérieur. Cette soif de rédemption mâtinée d’un zeste de syndrome de Stockholm est de plus corsée par la folie croissante de Kage, qui de sale type lambda à l’ouverture de 13th Legion (on apprend qu’il a atterri chez les Last Chancers pour avoir poignardé un supérieur indélicat lui ayant piqué une de ses conquêtes féminines) se change petit à petit en psychopathe sadique de haut vol. Rajoutez à ce charmant tableau des migraines post-traumatiques régulières et un potentiel psychique latent, et vous aurez une bonne idée de la personnalité du Lieutenant Kage.

La situation se gâte toutefois fortement dès que l’on se penche sur les péripéties, dont l’examen révèle de nombreuses incongruités et autres zones d’ombre, que l’auteur ne se donne pas souvent la peine d’expliciter. Par exemple, Schaeffer emmène ses hommes sur le monde jungle de False Hope, soi-disant pour y enquêter sur la présence de Lictors, capables d’attirer sur place la flotte ruche Dagon (wink wink). Outre le fait qu’on leur souhaite bien de la chance pour mettre la main sur des prédateurs aussi furtifs, cachés quelque part sur une planète totalement recouverte par la forêt primaire, j’ai du mal à comprendre ce que Schaeffer espère accomplir par là, même en cas de réussite. Si, par miracle, lui et ses hommes arrivent à faire la peau à tous les Lictors présents sur False Hope, il n’a en effet aucune garantie que les messages envoyés par ces derniers à la flotte ruche n’aient pas déjà atteints cette dernière, qui viendra donc tondre à ras ce monde hostile de toute façon.

Autre exemple, la facilité avec laquelle l’inquisiteur Oriel (le supérieur direct de Schaeffer), réussit à piquer, puis à utiliser, les stocks de bombes virales de la cité fortifiée et hyper sécurisée de Coritanorum, au nez et à la barbe des quelques 700.000 soldats qui la défendent. Je précise que le bon inquisiteur opère en solo derrière les lignes ennemies, et semble bien sûr toujours savoir où intervenir pour faciliter la progression des Last Chancers (sinon c’est pas drôle). Malgré tous ses talents d’infiltrateur, Oriel est toutefois incapable de coincer le Genestealer qu’il a malencontreusement libéré dans Coritanorum, et s’est empressé de fonder un culte qui a saisi le pouvoir en deux temps trois mouvements, provoquant la rébellion de la cité. Bon, d’accord, ça a plutôt pris quelques mois, voire quelques années, mais comme Oriel a un égo surdimensionné, il a préféré tenter de régler ce petit problème tout seul (sans grands succès malheureusement), plutôt que de passer un coup de fil à la hot line de la Deathwatch. Au final, notre bras cassé d’inquisiteur préfèrera envoyer ses séides faire exploser Coritanorum (et ses trois millions d’habitants) afin de s’assurer que les informations top secrètes conservées dans les banques de données de la cité ne tombent pas dans les griffes des tyrannides… que je ne savais personnellement pas capable d’assimiler des connaissances stockées sur disques durs par voraces interposés. On notera au passage que cet acte désespéré n’empêchera absolument pas la flotte ruche de venir se garer en orbite autour de la planète de feu Coritanorum, et donc de potentiellement accéder aux données qu’Oriel voulait à tout prix garder secrètes, sous réserve qu’une autre cité majeure tombe aux mains ( ?) des nides (hypothèse fort probable).

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Ces deux exemples viennent prouver que si Gavin Thorpe est tout à fait capable d’écrire des synopsis solides, détaillés et assez alléchants (je suggère fortement à tous les anglophiles de faire un tour sur le blog du bonhomme, Mechanical Hamster, où sont postés les synopsis de 13th Legion et de   Annihilation Squad), il pêche en revanche au moment de la mise en pratique de ses idées, qu’il couche sur le papier sans s’assurer de leur cohérence par rapport à l’histoire (un travers dans lequel ne verse pas Abnett, et qui explique en partie pourquoi ce dernier est aujourd’hui justement considéré comme la meilleure plume de la BL). Le diable se cache dans les détails…

On pourra me répondre que la responsabilité est partagée entre l’auteur et son éditeur, dont c’est le rôle de relever les passages peu clairs d’un manuscrit afin que le premier les retravaille, et on aura parfaitement raison. Cela dit, je doute fortement que les standards de la BL en la matière soit particulièrement exigeants, opinion blasée se basant sur la lecture d’ouvrages truffés de scories narratives (comme   celui-ci ou celui-là), et à côté desquels l’œuvre de jeunesse de Thorpe apparaît comme exempte de tout soupçon.

Une dernière remarque, cette fois centrée sur le premier tome de la série, 13th Legion. À la différence de ses deux successeurs, cet ouvrage ressemble plus à une collection de nouvelles mettant en scène les Last Chancers qu’à un roman en bonne et due forme. Thorpe enchaîne en effet les péripéties (trek sur un monde jungle hostile, crash sur une planète prison colonisés par des termites géantes agressives, défense face à une attaque de pirates Eldars Noirs, participation éclair à une campagne contre des Orks sur un monde de glace…) avec une brutalité laissant planer le doute sur la présence éventuelle d’un véritable fil conducteur. Le dernier tiers du roman permet à l’auteur de justifier son approche pour (essayer de) faire croire au lecteur que ce rythme narratif elliptique jusqu’à la nausée était en fait un parti pris littéraire. D’un point de vue personnel, je n’ai pas vraiment été convaincu par les explications de Gav (qui m’a d’ailleurs confié qu’il s’agissait du point qu’il aimerait le plus modifier s’il en avait la chance), mais comme il s’agissait de son premier roman, je ne lui en ai pas tenu particulièrement rigueur. Il est à souligner que le deuxième tome de la série, Kill Team, pâtit lui aussi de la maîtrise approximative de Thorpe en matière de conduite de double intrigue, quoique de moindre manière. C’est en forgeant…

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Le style:

La première caractéristique notable de la série Last Chancers est l’usage d’une narration à la première personne, un choix pas si répandu parmi les auteurs de la Black Library. Le lecteur fait plus qu’adopter le point de vue du Lieutenant Kage, il vit l’histoire par ses yeux, et bénéficie en outre des incessantes réflexions que le héros de Thorpe formule à propos de sa situation, de ses compagnons d’infortune, du fonctionnement de l’Imperium, des Xenos qu’il croise de temps à autres, ou encore de la composition de son dernier déjeuner. Kage étant un penseur prolixe, il est conseillé au lecteur de se préparer à composer avec ses récurrentes digressions, qui constituent une partie importante des romans. Ceci étant dit, Thorpe réussit à rendre ces passages assez distrayants, en grande partie grâce au caractère subversif et direct de son personnage, qui, s’il n’est pas vraiment causant, n’en pense pas moins.

J’ai déjà pu évoquer dans d’autres chroniques l’existence du fameux (ou pas, à vous de me dire) « BL style », familier à tous les lecteurs vétérans de cette maison d’édition. Gavin Thorpe étant à mes yeux l’un des créateurs de cette école, du fait de son influence sur le jeu et le background général (il a été un temps « Maître du Savoir » de Games Workshop), des livres d’armée et codex auxquels il a contribué, et évidemment par le biais de ses romans, il est somme toute normal que la série Last Chancers ne surprenne ni en bien ni en mal à ce niveau. Descriptions, dialogues, scènes d’action : tous les éléments constitutifs de ces romans cadrent rigoureusement avec le cahier des charges de la BL, et donnent un ensemble honnête et relativement plaisant à lire, à défaut d’être follement original.

Cela étant dit, certains passages se sont avérés être assez jouissifs à parcourir, Gav lâchant la bride de sa plume (ceci est une figure de style non homologuée) et gratifiant son public de petites perles de noirceur, souvent à base de violence totalement gratuite et immorale, tranchant fortement avec les conventions de la BL en la matière (les méchants commettent des actes immoraux* parce qu’ils sont méchants, les gentils peuvent éventuellement en faire de même lorsqu’ils n’ont absolument pas le choix, qu’ils savent ou pensent qu’il s’agit de l’option la moins pire, ou parce qu’il s’agit d’un aspect de leur culture).

Dans la plupart des cas, il s’agira d’un pétage de plombs en bonne et due forme de la part de Kage, qui massacrera par exemple à mains nues un de ses codétenus, qu’il soupçonnait (à tort) d’avoir comploté avec les Eldars Noirs ayant attaqué le vaisseau des Last Chancers dans 13th Legion. Le pauvre type en question, auparavant tabassé tous les quatre matins par un Kage l’ayant pris en grippe pour des raisons assez nébuleuses, se fera ainsi réduire en pulpe par ses petits camarades dans une scène rappelant fortement la mort de Simon dans Sa Majesté Des Mouches. D’autres passages de cet acabit, permettent à Thorpe de prouver la folie sous-jacente de son héros, qui sans ça aurait pu n’être qu’un bad-boy-asocial-mais-pas-foncièrement-mauvais de plus (à l’image d’un Mathias Thulmann, d’un Brunner ou d’une Angelika Fleischer). La première moitié de Kill Team est particulièrement riche à cet égard, Kage y étant dépeint comme l’authentique salopard empêtré dans une relation amour-haine avec Schaeffer qu’il aurait gagné à être de manière continue.

Premiers grands formats de Thorpe, 13th Legion et Kill Team (Annihilation Squad ayant été publié après la sortie de la trilogie Slaves To Darkness) présentent quelques lacunes absentes des travaux suivants de l’auteur. En plus des transitions brutales de 13th Legion, Thorpe articule assez mal le système de double intrigue qu’il cherche à mettre en place dans ces deux tomes, amenant le lecteur à ne pas accorder l’attention qu’ils méritent aux petits passages intercalés entre chaque chapitre, alors même qu’ils contiennent des éléments dont l’auteur se servira pour justifier les retournements de situation se produisant dans la dernière partie de l’histoire. À dire vrai, je pense même qu’il aurait très bien pu se contenter d’un seul fil narratif (celui de Kage et Cie) pour ces deux romans, la valeur ajoutée du deuxième angle d’attaque étant somme toute très faible. Ce sera d’ailleurs son parti pris dans le troisième volume de la série, Annihilation Squad, dont la qualité globale** est nettement supérieure à celle de ses préquelles. Kill Team souffre également d’une perte de rythme assez prononcée au milieu du récit, Thorpe relatant le voyage des légionnaires pénaux jusqu’à la planète de leur cible (le Commandeur Brightsword) sur une petite centaine de pages, durant lesquelles il ne se passe pas grand-chose. Les amateurs de fluff les plus extrêmes enrichiront certes leurs connaissances de la société Tau***, mais le reste des lecteurs trouvera sans doute le temps long, surtout après le rythme enlevé du tome précédent.

Thorpe éprouve également quelques difficultés à manager correctement son équipe de risque-tout, dont les effectifs sont bien sûr amenés à décroître régulièrement au fil des pages et de la mort des personnages. Ce manque de maîtrise se ressent particulièrement dans le final de 13th Legion, au cours duquel Gavin enchaîne les trépas avec un enthousiasme un peu forcé, recourant même à plusieurs reprises à une discrète liquidation « hors cadre » d’un side kick****. Kage aura alors cette phrase, que je trouve assez représentative des derniers chapitres du roman : « I feel a touch of sadness that he died alone and unnoticed ». La désinvolture avec laquelle Thorpe dézingue ses personnages est toutefois assez plaisante, en ce qu’elle reflète fidèlement l’atmosphère de risque permanent qui entoure les Last Chancers, dont le destin est une mort brutale dans l’exercice de leurs fonctions.

De manière générale, et si on écarte les quelques remarques précédentes, la série des Last Chancers se laisse lire sans problème, le dernier volet se démarquant comme le meilleur du lot au niveau du style.

*: Et encore, dans la limite du raisonnable. Il ne s’agirait tout de même pas de perdre des lecteurs dans la tranche d’âge de 10-15 ans pour cause d’écrits malséants. On évitera donc toute allusion sexuelle, sauf les plus édulcorées, et on prendra bien garde de ne faire trucider et torturer que des personnages adultes, de sexe masculin si possible.

**: Il est cependant à noter que ce dernier volet souffre du syndrome de la « conclusion accélérée », défaut partagé par de nombreuses publications de la Black Library. Quand je lui ai posé la question, Gavin m’a assuré qu’il s’agissait d’une décision personnelle (l’autre hypothèse étant un nombre de pages à ne pas dépasser), visant à retraduire l’urgence de la situation à laquelle les héros doivent faire face. Vu comme ça… Dernière remarque sur le sujet : le synopsis prévoyait une conclusion assez différente de celle qui figure dans le livre, qui achève la série par un magistral cliffhanger inversé (je me comprends).

***: Végétarien nocturne à tendance frugivore, le Tau de Thorpe construit des escaliers sans rampe car, se déplaçant toujours à l’allure d’une tortue cacochyme, il n’a pour ainsi dire aucun risque de chuter en grimpant les marches. Véridique.

****: «Le groupe fit une pause et Kage bailla profondément. Quand il rouvrit les yeux, il constata que son vieux pote Johnny la Durite avait été coupé en deux par un tir de canon laser. Bob avait été dispersé sur 30 mètres par l’explosion d’une mine antipersonnelle. Steven venait de se faire avaler par un boa constrictor et Joe avait été écorché, tanné et transformé en canapé pur cuir par un gang d’Eldars Noirs en maraude. »

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Les personnages:

Comme on peut s’y attendre de la part d’une série dont les héros sont des condamnés à mort en sursis auxquels sont assignées les missions les plus dangereuses qui soient, la saga Last Chancers connaît un turn over assez important d’un tome à l’autre, seuls quelques personnages parvenant à survivre assez longtemps pour figurer dans plusieurs romans.

Kage: Nicolas de son petit nom (nan je déconne), anti-héros de la série, et narrateur des aventures des Last Chancers, qu’il incarne tellement bien que Schaeffer le surnommera Last Chance durant une bonne partie de Kill Team*. Kage est un survivant né doublé d’un sale type, traits de personnalité qui l’ont conduit à intégrer la 13ème Légion Pénale (deux fois de suite !), et à devenir l’âme damnée de Schaeffer. Capable de crises de violence et de sadisme (franchement revigorantes pour le lecteur, beaucoup moins pour ses petits camarades de jeu), il est cependant loin d’être une simple brute décérébrée (même s’il est de son propre aveu quasiment analphabète). Après avoir obtenu son pardon à la fin du premier tome, il dérape suffisamment sérieusement quelques mois plus tard pour être à nouveau affecté aux Last Chancers, sans espoir de sortie cette fois-ci. Cette absence d’échappatoire le poussera cependant à rechercher une rédemption hypothétique en accomplissant son devoir au service de l’Empereur, seul capable de racheter les innombrables crimes qu’il a commis au cours de sa misérable existence.
Son évolution au cours des deux premiers tomes de la série (le troisième voyant Thorpe justifier les aspects les plus extrêmes de la personnalité de son héros de manière exogène, ce qui à mon sens lui fait perdre un peu d’intérêt), la complexité de son caractère et ses relations ambigües avec Schaeffer font de Kage une des raisons principales justifiant la lecture des romans Last Chancers. Dernière précision, si vous aimez le personnage de Marv dans Sin City, il y a de fortes chances que le Lieutenant Kage vous soit sympathique, tant Gav semble avoir calqué son personnage que celui de Frank Miller.

*: D’après une idée de Kage, qui avait lui-même précédemment affublé chacun de ses petits camarades d’un surnom reflétant ses capacités (Sharpshooter, Demolition Man, Flyboy…) ou sa mentalité (Hero) afin de détruire leur personnalité ou quelque chose comme ça (qu’est-ce qu’on s’amuse). On notera au passage que Hero et Demolition Man sont les seuls Last Chancers ayant eu une figurine officielle (en plus de Schaeffer).

Kage

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Schaeffer: Chef emblématique et redouté de la 13ème Légion Pénale, le Colonel Schaeffer est un fanatique du plus bel acabit, dont la mission est de sauver l’âme des malheureux qui lui tombent entre les mains, en leur offrant la chance et l’insigne honneur de mourir au combat contre les ennemis de l’Imperium. Absolument dénué de tout scrupule, Schaeffer fait toujours primer la réalisation des missions qui lui sont confiées sur le bien-être et la survie de ses hommes, ce qui lui réussit assez bien puisqu’à date, il n’a jamais connu l’échec. S’il ne voit pas d’inconvénients à abandonner des soldats blessés dans un avant-poste déserté au milieu d’un monde hostile, à dépressuriser un sas rempli de légionnaires pénaux pour empêcher une poignée de pirates Eldars d’accéder à la salle des machines, ou encore à réduire en poussière une ville de trois millions d’habitants pour être sûr d’annihiler un culte Genestealer, il est en revanche prêt à mettre sa vie en péril pour assurer le salut de l’âme de ses ouailles. Prêt à toutes les bassesses pour « recruter » des profils qu’il juge prometteur (« au fait, ta peine de cinq ans de prison pour vol avec violence a été commuée en perpétuité incompressible ! Merci qui ? »), il se montre toutefois fidèle à sa parole en toutes circonstances, et accordera bien son pardon à quelques de Last Chancers vraiment chanceux (c’est le cas de le dire) au cours de la série, la plupart du temps à titre posthume il faut bien le dire.

Autre trait de personnalité empêchant Schaeffer d’être absolument antipathique au lecteur, son inflexible courage, le bonhomme ne délégant à aucun autre le soin de mener la 13ème Légion Pénale au combat. Si personne ne sera surpris d’apprendre que le bougre est également un soldat d’exception, capable de transformer un Carnodon adulte en carpaccio en un battement de cils, il est intéressant de noter qu’il semble disposer d’une bonne étoile de la taille d’une supernova, ce qui lui permet de sortir indemne des mêlées les plus féroces (un avantage certain dans sa profession). S’il lui arrive de prendre une balle perdue de temps à autre, il peut cependant compter sur ses relations privilégiées avec l’Inquisition pour être remis à neuf dans les plus brefs délais, et, contrairement à la mode répandue des augmétiques qui sévit en cette fin de quarantième millénaire, toujours de manière 100% organique. On lui fait ainsi « repousser » un bras à la fin de 13th Legion, et on apprend dans Annihilation Squad que sa colonne vertébrale a été pareillement reconstruite (après un pari débile*), tandis qu’il doit son fameux regard bleu azur à la « généreuse » donation d’un prêtre de mars renégat. Avec ses 300 ans bien tassés (Gavin laisse volontairement le lecteur dans l’ombre à propos du passé de son personnage, dont on ne peut qu’essayer de deviner pourquoi il a été affecté à ce poste ingrat et dangereux, alors qu’il semble avoir toutes les qualités requises pour grimper les échelons au sein de la Garde Impériale**), le Colonel Schaeffer tient plus du PNJ increvable d’un FPS futuriste que de l’être humain normalement constitué, et c’est son opposition, ainsi que sa paradoxale complémentarité, avec Kage (avec qui il forme un joli couple sadomasochiste) qui lui permettent d’exister en tant que protagoniste.

*: « Chiche que tu n’es pas capable de servir de rampe de skate à un Land Raider ! » « Avec ou sans escouade Terminator en soute ? » « Euh… sans. » « Pas de problème, je marche. »

**: J’ai avancé l’hypothèse que Schaeffer cherchait à expier un pêché particulièrement grave en accomplissant le sale boulot de l’Impérium et en permettant à des criminels de la pire espèce de sauver leur âme, et Gavin m’a laissé entendre que je n’étais pas si éloigné de la vérité, qu’il dévoilera peut-être un jour.

Schaeffer

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Oriel: Inquisiteur de l’Ordo Xenos de son état, Oriel est présenté comme le supérieur officieux de Schaeffer, auquel il confie les principales missions relatées dans le premier et le deuxième tome de la série (pour le troisième, il se contente de « recommander » les états de service impeccables du Colonel à un collègue, qui débauche donc les Last Chancers et les envoie sur Armageddon récupérer Herman von Strab). Le fait qu’il œuvre pour la très Sainte Inquisition permet à Oriel de savoir à peu près tout sur tout, de manier des gadgets rigolos et hors de prix, et de se lancer dans des projets grandioses sans avoir besoin de se justifier, ce qui est plutôt pratique étant donné la capacité de notre ami à se rater dans les grandes largeurs. Le Genestealer malencontreusement relâché sur Coritanorum, c’est lui. La lobotomie sauvage de Kage, soi-disant pour purger son cerveau des « humeurs malignes » qu’il contenait, c’est encore lui. Le quasi intouchable infiltré au sein des Last Chancers pour contenir le potentiel psychique latent de ce même Kage (avec des résultats très concluants…), c’est toujours lui. Il aime également agir selon des plans aussi secrets que retors, et que personne ne remet en question quand il se décide à les expliquer uniquement parce qu’il serait capable d’ordonner un Exterminatus sur la planète d’origine de ses contradicteurs. Cependant, tel le Zlatan du 41ème millénaire, il possède le talent rare d’être toujours au bon endroit au bon moment (particulièrement dans 13th Legion), ce qui lui permet de débloquer des situations apparemment impossibles* en un claquement de doigts. La classe.

*: Bon, alors comment vais-je bien pouvoir faire rentrer mon escouade de Légionnaires Pénaux dans une forteresse hyper sécurisée (pensez à Minas Tirith, mais capable de résister à un bombardement orbital), sur laquelle la toute-puissante Garde Impériale se casse les dents depuis plusieurs années ? Bof, on va dire que quand les Last Chancers arrivent aux portes des murs extérieurs, un « mystérieux allié » aura libéré un gaz mortel dans les conduits d’aération de la casemate de garde, ouvert les portes et disparu dans la nature. D’une élégante simplicité.

Oriel

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Lorii & Loron: sont dans un bateau une tranchée. Loron tombe à l’eau se prend un tir de laser dans la jambe. Qui reste-t-il ? Réponse : Lorii et Loron, la première ramenant le second à bon port au péril de sa vie et au mépris des ordres reçus, ce qui conduit nos deux inséparables (frère et sœur dans le civil) à se retrouver mutés parmi les Last Chancers pour insubordination. Maintenant, un petit test de vos connaissances de fluffiste : si je vous dis que Lorii et Loron sont de redoutables soldats albinos et les derniers survivants de leur unité, qui s’est faite décimer malgré la très haute qualité intrinsèque de ses membres, vous me répondez du tac au tac qu’il s’agit selon toute évidence…

d’Afriels, c’est-à-dire des résultats mitigés d’une expérience eugéniste classique, à savoir utiliser les gènes des plus grands héros de l’Imperium (ici, rien de moins que Macharius himself, dont on aurait prélevé la semence à son insu*) pour créer des super soldats. Pour des raisons mystérieuses, il s’est toutefois avéré que ces derniers, pour très doués qu’ils se révèlent être, souffraient d’une malchance terrible, ce qui a mené à la rapide disparition de tous les cobayes après quelques succès prometteurs. Plus d’infos dans le WD#131.

Vous aviez trouvé? Bravo, vous êtes un vrai spécialiste dans un domaine rigoureusement inutile, et vous irez loin dans la vie sous réserve que cette dernière soit en pente. Si non, tant pis, vous n’êtes qu’un être humain presque normal (car un être normal ne serait pas en train de lire ces lignes, soyons honnêtes), mais je vous aime bien quand même.

Pour en revenir à nos deux moutons noirs blancs noirs, s’ils n’occupent pas un rôle de tout premier plan dans la série, ils font toutefois partie des Last Chancers les plus iconiques, et pas uniquement à cause du prénom particulier de la demoiselle. On notera au passage qu’ils sont, de son propre aveu, les personnages préférés de l’auteur, ce qui n’a pas empêché Gav de les faire mourir de la manière la plus cavalière/douloureuse qui soit. Qui aime bien…

*: « Mais, qu’est-ce que vous êtes en train de faire ? Et pourquoi vous avez les mains sur mon -»
«Ah, pardon, je croyais que c’était la télécommande de la climatisation. Héhé. »

Les Last Chancers de 13th Legion: Ramassis de fripouilles et de canailles de la plus belle espèce, les premiers Last Chancers sont les sujets non consentants d’une expérience sociologique menée par Schaeffer et Oriel, et qui peut être résumée de la façon suivante : prenez 4000 criminels endurcis, et balancez les sur les missions les plus pourries que vous puissiez imaginer, jusqu’à ce que ne reste qu’une poignée de survivants complètement barges. Confiez ensuite à ce reliquat psychotique et instable la tâche d’infiltrer une cité rebelle afin d’en surcharger les réacteurs à plasma. Occupez les trois années nécessaires à ce processus d’affinage à courir après le Genestealer que vous avez malencontreusement libéré à l’intérieur de ladite cité, et dont la rébellion est donc entièrement de votre faute. Tout simplement brillant! Wait…

Même si la plupart des camarades de Kage sont davantage esquissés que réellement dépeints en profondeur, je reconnais volontiers que Thorpe a bien réussi à individualiser ses personnages, dont la mort ne laisse donc pas aussi indifférent que ce qu’on pourrait penser de prime abord. Entre Franx, l’ancien paysan incapable de construire une phrase grammaticalement correcte, Kronin, l’aliéné ne s’exprimant plus que par des citations tirées du crédo impérial, Linskrug, le noble esclavagiste rêvant de prendre sa revanche sur ses anciens rivaux (Jorah Mormont, anyone ?), Rollis, la petite frappe que tout le monde déteste et prend plaisir à dérouiller, ou encore Striden, liaison terrain des artilleurs de la flotte impériale ayant rejoint les Last Chancers au début de leur mission finale parce qu’il n’avait littéralement rien d’autre à faire, c’est une ménagerie haute en couleurs que nous propose Gavin. Seul survivant (ou presque) de ce premier casting, Kage se considérera par la suite comme le dépositaire de la mémoire de ses camarades défunts, conviction qui le fera osciller entre mélancolie suicidaire et fureur de vivre animale au cours des deux autres tomes de la série.

Les Last Chancers de Kill Team: Alors que leurs défunts prédécesseurs avaient subi un écrémage en règle avant que ne se dessine l’ossature de l’escouade chargée de l’infiltration de Coritanorum, les Last Chancers du deuxième tome de la saga ont l’insigne privilège d’être sélectionnés directement par Kage parmi les pensionnaires du réservoir de talents de Schaeffer (une prison de haute sécurité où le colonel envoie les malheureux dont il pense pouvoir avoir besoin un jour, sans que la gravité de ce qui leur est reproché ne soit réellement prise en compte*), puis impitoyablement entraîné par ce dernier avant de partir en mission. Ce processus de recrutement, très différent de celui à l’œuvre dans 13th Legion, est de l’aveu de Gavin Thorpe, un clin d’œil appuyé aux 12 Salopards, modèle dont l’auteur avait cherché à se démarquer dans le premier opus.

Conséquence logique de ce draft introductif, les Last Chancers de Kill Team excellent tous dans un domaine précis, alors que les précédents n’étaient ni plus ni moins que les ultimes survivants du processus de décantation sadique de Schaeffer. On retrouve donc une tireuse d’élite ayant prêté le serment d’Hippocrate (elle refuse de se servir de ses armes pendant la plus grande partie du roman), un ex-commissaire au profil de gendre idéal, un ingénieur que l’on aurait pu considérer comme une copie conforme du Humpty Dumpty de Living Hell #2 (comprendre qu’il ne peut s’empêcher de démonter et « d’améliorer » les machines qui lui tombent sous la main), n’eut été le fait que Kill Team a été publié avant le comics de DC ; un expert en démolition, un scout, un pilote et un médecin. La construction du roman, leur relation de soldats à gradé vis-à-vis de Kage (qui ne noue pas des liens aussi forts avec ses « recrues » qu’avec ses anciens frères d’armes), la longue partie consacrée à la description de la société Tau, et la présence d’Oriel durant toute la durée de la mission sont autant de facteurs résultant en la mise au second plan de cette seconde fournée de Last Chancers, qui s’avère être globalement moins marquante que la précédente. On notera tout de même qu’il s’agit de la « promotion » ayant obtenu le meilleur ratio de survie de ses membres de la série (deux pardons accordés pre-mortem).

* : En clair, t’as pas intérêt à quitter la cantine sans débarrasser ton plateau quand Schaeffer est dans les parages, surtout si tu es un expert reconnu dans ce que tu fais. C’est un coup à se retrouver muté dans la 13ème Légion Pénale en moins de deux.

Les Last Chancers de Annihilation Squad: Pour cet ultime volet, Thorpe retourne à ses premières amours et choisit de faire passer à ses Last Chancers un casting similaire à celui utilisé dans 13th Legion, mais à une échelle moindre : au lieu de commencer avec un régiment complet de 4.000 hommes, Schaeffer doit en effet composer avec une trentaine de légionnaires, nombre qui sera rapidement divisé par trois afin d’obtenir un groupe de la taille requise. Outre un Kage passablement blasé, et dont l’ascendant sur ses petits camarades semble plus tenir à son statut de vétéran qu’à un rang quelconque, on retrouve un prodige du lance-roquette incontinent (Brownie Dunmore), un ancien para d’élite un peu snob (Festal Kin-Drugg), un Navigateur tout à fait snob (Kelth)*, un Intouchable mais pas tout à fait en fait (Gideonwink winkOahebs), un scribe ne parlant presque que par questions (Erasmus Spooge, premier et unique Last Chancer imposé à Schaeffer, qui ne l’aurait certainement pas intégré dans sa fine équipe sinon), un chasseur d’Orks des jungles d’Armageddon agoraphobe « recruté » en cours de route (Golder Fenn), et un mystérieux revenant d’un épisode précédent, dont l’identité peut être établie d’un simple regard sur la couverture du bouquin.

En plus des profils classiques de Last Chancers (Brownie, Kin-Drugg, Fenn, Kage), Thorpe a donc également inclus des personnages dont il avait besoin pour conclure son cycle de manière cohérente (Oahebs et Kelth, respectivement contrôleur et révélateur des capacités psychiques de Kage), ainsi qu’un type relativement normal (Spooge) afin de tirer sur la veine du buddy movie. Le résultat est assez plaisant, chacun remplissant son rôle de manière convenable au fil des différents tableaux se succédant au fil des chapitres.

*: que Schaeffer s’obstine à conserver dans le groupe durant tout le roman, pour la bonne et simple raison qu’on ne sait jamais, ça peut servir.

Herman von Strab: Même s’il n’apparaît qu’à la fin de Annihilation Squad, l’ancien gouverneur planétaire d’Armageddon s’avère néanmoins être un personnage crucial de la série, tant par son influence sur l’intrigue du dernier roman que par sa personnalité baroque et perverse, magnifiquement retranscrite par Thorpe. Apparaissant tantôt comme un despote sanguinaire et abruti par une ascendance fortement consanguine, tantôt comme l’otage impuissant et repentant des envahisseurs Orks d’Armageddon, et tantôt comme un fin stratège parfaitement conscient de son importance au niveau symbolique pour les deux camps et tout prêt à négocier son allégeance, von Strab est sans doute le personnage secondaire le plus réussi de la série.

Dignitaires Tau: Pas grand-chose à dire sur le sujet, mis à part que l’amiral créé par Gav porte le nom kikoolol d’El’Savon. Si si.

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Le fluff:

Si le premier tome n’est guère riche en informations intéressantes pour le fluffiste acharné, mis à part quelques éléments épars (extraits du Credo Impérial cités par Kronin, durée moyenne de service d’un régiment de la Garde Impériale, processus d’élection d’un Warmaster), les deux suivants en sont en revanche bourrées. Kill Team permet ainsi à Thorpe de brosser un portrait détaillé de la société Tau et de passer en revue de multiples aspects de cette dernière : technologie, philosophie, politique, régime alimentaire, architecture, cohabitation avec d’autres espèces… Il y en a vraiment pour tous les goûts. Dommage que le rythme de l’action s’en trouve considérablement ralenti.

Annihilation Squad est quant à lui consacré à la situation d’Armageddon au cours de la Troisième Guerre, avec un focus sur les fameux chasseurs d’Orks opérant dans les jungles de la planète et la complexe organisation sociale à l’œuvre dans la cité-ruche d’Acheron, prise par les Orks et gouvernée par leur allié/otage Herman von Strab. N’espérez pas y trouver des révélations fracassantes sur le futur de ce conflit, que GW se gardera bien de faire se terminer avant longtemps (à moins que les ventes de 40K baissent à tel point qu’il faille recourir à une astuce du type End Times pour les relancer), mais si ce théâtre d’opérations vous intéresse, il y a de très fortes chances pour que vous trouviez de quoi vous mettre sous la dent à la lecture du troisième tome de la série.

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Mon avis (que je partage):

La première série de Gavin Thorpe pour la Black Library est un objet littéraire intéressant à plus d’un titre. D’abord parce que s’y trouvent des passages que l’on ne trouve pas, et ne trouvera sans doute jamais, dans le reste des publications de la BL : Kage est un véritable ovni parmi les héros de romans GW, et même s’il a tendance à se « normaliser » dans le dernier tome, il réserve au lecteur quelques plaisantes surprises.
Ensuite, car il permet d’évaluer le reste de la bibliographie de Gav avec des yeux neufs. Sans pouvoir être qualifié de mètre étalon de la production de Thorpe, cet omnibus est suffisamment représentatif de la prose de notre homme pour que l’on puisse bien se rendre compte des progrès qu’il a faits depuis le début de sa carrière d’auteur professionnel. Certes, il reste encore des points à corriger (ce qui est le cas pour tous les auteurs de la BL, même ceux du peloton de tête), mais je ne crois pas me tromper en affirmant que ses derniers romans ont été globalement mieux accueillis que ses premiers, et que cette évolution favorable est en grande partie due à la montée en puissance de Thorpe en tant qu’écrivain. Cette évolution est d’ailleurs perceptible même au niveau de ce premier cycle, Annihilation Squad étant dans l’ensemble un meilleur ouvrage que 13th Legion (dénouement trop rapide mis à part).
Enfin parce que, tout compte fait, et en dépit des critiques formulées tout au long de cette chronique, la saga Last Chancers répond plutôt bien au cahier des charges de la Black Library, à savoir proposer aux lecteurs d’honnêtes romans de gare se déroulant dans les univers de Games Workshop. Au prix dérisoire où l’on peut trouver ces bouquins sur le marché de l’occasion, leur acquéreur fera quoiqu’il arrive une bonne affaire.

Au final, même si je ne recommanderais pas cette série au lecteur occasionnel de la Black Library, tant il est vrai qu’il existe une ribambelle de publications de meilleure qualité dans lesquelles claquer son argent durement gagné, je pense sincèrement que le fanboy initié et curieux pourrait bien trouver un plaisir coupable à la lecture de cet omnibus. Tu vois, le monde se divise en deux catégories…

HAMMER AND BOLTER [N°13]

Bonjour à tous et bienvenue dans un nouvel épisode consacré au passage en revue de Hammer & Bolter, année 2 ! Qui dit nouvelle année dit nouveaux auteurs, nouveaux personnages, nouveaux extraits exclusifs (bon, ça en était à l’époque) et nouveau roman-feuilleton. Nous voilà donc partis pour un nouveau cycle de commentaires composés vindicatifs et sans concessions : attachez vos ceintures, ça va méchamment chroniquer.

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Gilead’s Curse – ch. 1 – D. Abnett & N. Vincent [WFB] :

Gilead's CurseAvant d’entrer dans le vif du sujet, je pense qu’il serait utile de toucher deux mots du contexte du nouveau fil rouge de H&B, dont l’écriture a été confiée à une paire bien connue des fidèles de la Black Library : Dan Abnett et Nik Vincent. Commençons par préciser que nos deux co-auteurs sont en couple (et pour ceux qui se posent la question, Nik est un prénom à la fois masculin – exemple: Nik Kershaw* – et féminin dans la langue anglaise : c’est un peu l’équivalent du Claude ou du Camille français), et que, dans leur jeune temps, ils ont déjà écrit plusieurs romans à quatre mains (voire 6, comme l’incunable Hammers Of Ulric, auquel a aussi collaboré James Walllis, l’auteur de la série Marks of Chaos) pour le compte de la BL.

L’un de ces travaux de jeunesse fut justement consacré au personnage de Gilead, haut elfe vadrouilleur et plus ou moins maudit, traînant sa carcasse longiligne, sa bad ass attitude et son side kick décrépit (Fithvael de son prénom) aux quatre coins du Vieux Monde à la recherche de son espèce en déclin. Tout cela respirait donc la joie de vivre et l’optimisme (même la figurine Forge World du personnage semble être sous Valium, c’est dire), et a connu un petit succès à la fin des années 90, mais n’a pas fait le poids face au succès du Commissaire Gaunt auprès des lecteurs (comprendre que le personnage n’a eu le droit qu’à un livre, Gilead’s Blood, avant de passer à la trappe). Cela faisait donc un petit paquet d’années que l’on n’avait plus reçu de nouvelles de la part de Gilead lorsque H&B a décidé de remettre le Buster Keaton de Tor Anrok sur le devant de la scène. Bewarrrrrre, bewarrrrrrrre.

N’ayant pas lu le premier ouvrage consacré à notre fringant héros, j’ai abordé cette séquelle avec un respect et un enthousiasme non dissimulés, certain que le résultat serait certainement supérieur à l’honnête mais pas transcendant Phalanx de l’année 1 de H&B. On parle de Mr Dan Abnett tout de même, les enfants. Quant à sa dulcinée, je partais du principe qu’elle s’alignerait sur le style de son compagnon, et que ce dernier s’arrangerait dans le pire des cas pour que le résultat soit d’un niveau convenable : après tout, Hammers Of Ulric était plutôt sympathique, malgré son intrigue un brin foutraque. Après avoir terminé ce premier chapitre, je ne pus que reconnaître que mes attentes devaient sans doute être revues à la baisse, et que ce nouveau roman feuilleton risquait fort de se retrouver cloué au pilori avec la même fréquence que son prédécesseur. Feth alors.

Pourquoi ce constat amer ? Eh bien, pour commencer, parce que (pour ce premier chapitre au moins), il y a manifestement tromperie sur le produit. Quand on m’annonce un roman co-écrit par Dan Abnett, je m’attends en effet à ce que Dan Abnett participe effectivement à l’écriture dudit roman. Ce qui n’a pas été le cas ici, ou alors de façon tellement marginale qu’elle est virtuellement indétectable. Pour avoir lu à date une quinzaine des bouquins d’Abnett, la majorité d’entre eux en anglais, je pense en toute bonne foi être capable de reconnaître son style d’écriture, et peux donc avancer sans grande crainte de me tromper que sa participation à ce premier chapitre a du se borner à relire (en diagonale) le manuscrit de Nik Vincent, à lui taper dans le dos en lui disant que c’était très bien et qu’il n’aurait pas fait mieux (menteur, menteur, MENTEUR !!!!) et à partager le chèque de la BL.

Si je suis tellement déçu par le manque d’implication d’Abnett sur ce premier chapitre, c’est parce que je n’ai absolument pas été convaincu par le travail de sa chère et tendre. Qu’on me qualifie de FBDM de base, mais je ne suis pas convaincu que la Black Library soit la maison d’édition rêvée pour l’auteur cherchant à utiliser tous les mots savants de son vocabulaire, comme je ne suis pas convaincu que le l’amateur moyen de la Black Library soit particulièrement sensible à ce effort d’érudition. En ma qualité de lecteur non-anglophone de naissance, j’ai pu cependant enrichir mon champ lexical d’une tripotée de nouveaux mots (poultice, tremulous, palfrey, strata, bleat, wobble, corm, culvert…), ce qui est toujours bon à prendre mais n’est pas vraiment ce que j’attends de ce genre de littérature (il y a Lovecraft –entre autres – pour ça).

Le rythme de narration m’a également semblé détonner très fortement du canon de la BL, s’attardant sur la description d’actions mineures et de détails marginaux avec un souci quasi scientifique. Pour donner un exemple, au début du chapitre, Gilead arrive à un carrefour et manque de se faire voir par un couple de paysans impériaux (Gilead est un sociopathe qui n’aime pas les gens et fuit donc la compagnie, à plus forte raison celle des humains). La femme, Brigida de son petit nom, voit cependant l’ombre de l’elfe se projeter sur la route et prend peur parce que, je cite, « l’ombre est trop longue, c’est un mauvais présage** ». Les péquenots finissent cependant par reprendre leur chemin (de toute façon, on voit mal ce qu’ils auraient pu faire d’autre).

Les pages suivantes sont consacrées aux ruminations de Gilead, qui était pourtant certain d’avoir fait bien attention, et finit par déduire que ce n’est pas son ombre que Brigida a vu (puisqu’en vertu de la position du soleil au moment de la rencontre, son ombre donnait dans la forêt et pas sur la route – ne rigolez pas, Vincent l’écrit noir sur blanc -), et décide en conséquence qu’il doit enquêter sur cette sinistre histoire. Ok les gars, on arrête tout, je pense que j’ai compris pourquoi Gilead tire en permanence une tronche de six pieds de long : sa malédiction le force à vérifier toutes les rumeurs répandues par les gens qu’il croise, même (surtout) si elles sont complètement dénués de fondement et d’un ridicule patenté***. Pour le coup, il se trouve que les craintes de Brigida avaient quelques fondements, Gilead finissant le chapitre à maraver la goule d’un (probable) Dragon de Sang. N’empêche que tout ça est bien laborieux ma petite Nik.

Enfin, et même si Nik Vincent a écrit plusieurs romans de genre, la plupart pour la BL, elle ne m’a pas semblé maîtriser à fond son sujet, tant sur le plan des connaissances de l’univers de Warhammer (pourquoi un vampire ferait-il du feu pour se réchauffer ou dormirait-il sous des couvertures ? un vampire peut-il avoir le souffle coupé ?) que sur celui de la cohérence générale de ses écrits. Gilead est ainsi décrit comme étant capable de se soustraire aux regards des curieux sans même avoir besoin de se cacher, ce qui est admirable et assez logique avec la race et le background du personnage. Par contre, Vincent n’explique pas comment Gilead peut maintenir ce subterfuge en voyageant à cheval : à moins que sa monture jouisse du même niveau de discrétion que son propriétaire, il est fort probable qu’une jument sellée et bridée attire l’attention des badauds, surtout si son cavalier est invisible.

Un autre exemple : Gilead se rend dans un village humain pour commencer son enquête, et se fait donc gauler par la populace en furie en raison du point exposé ci-dessus. Une bagarre éclate (qui dure plusieurs minutes, tout comme le duel de la fin du chapitre dure plus d’une heure : on est loin du fight time théorisé par Viktor Hark – et donc par Dan Abnett – ), et après avoir fait tourner en bourrique tous les péons qui voulaient lui bourrer le mou en évitant gracieusement leurs horions maladroits, Gilead décide que ça suffit et s’en va. Comme ça. Tranquillement. Explication sous-entendue par Vincent : la bagarre est devenue tellement générale (une battle royal comme dans les albums d’Astérix en quelque sorte) que plus personne ne fait attention à l’elfe, qui peut donc partir sans se faire remarquer (avec son cheval, évidemment). C’est vrai que ça passe tellement inaperçu, un elfe à cheval dans un village humain.

Bref, ce premier chapitre fut une franche déception pour moi. J’espère vivement que Dan y mettra un peu plus du sien par la suite, le reste de l’année risquant d’être bien long dans le cas contraire.

*: Si tu as eu besoin de te reporter à cet astérisque, ami lecteur, j’espère que c’est parce que tu raffoles des commentaires drolatiques qui sont souvent leur raison d’être (auquel cas je te remercie), et non pas parce que, trop jeune pour savoir qui est Nik Kershaw, tu t’es dit que tu trouverais la réponse ici (auquel cas je te félicite pour ton esprit logique – la réponse ici – et je ne te remercie pas car tu me fais soudainement sentir très vieux).
** : La réaction du mari.
*** : Ce qui explique pourquoi il préfère rester tout seul (et pourquoi il ne retournera plus jamais à Orléans).
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Reparation – A. Smillie [40K] :

ReparationAprès avoir tâté de l’Ogre dans sa première nouvelle publiée par H&B, Andy Smillie nous revient avec une histoire se déroulant dans un futur aussi lointain que violent. La science-fiction gothique siérait-elle mieux à cet auteur que l’heroic-fantasy musclée ? À peine, et c’est malheureux.

La première critique que j’adresserai à cette deuxième publication est qu’elle se situe dans la droite ligne de Mountain Eater sur le plan des transitions narratives brutales, ce qui est toujours aussi désagréable pour le lecteur, en ce que ça l’oblige à revenir fréquemment sur ses pas pour identifier formellement les changements de scènes. Plusieurs fois au cours du récit, on a ainsi l’impression qu’un personnage se matérialise soudainement aux côtés du narrateur, avant de réaliser que cette apparition impromptue s’explique par l’absence de connecteurs logiques entre une scène A (un seul personnage) et une scène B (deux personnages). Résultat : une lecture hachée et pénible, qui ne donne pas vraiment envie de passer l’éponge sur les autres défauts d’écriture de Mr Smillie*.

Le deuxième défaut de Reparation est inhérent à l’intrigue développée par Andy Smillie. Le personnage principal de la nouvelle est un certain Thorolf, Space Wolf fait prisonnier par les Eldars Noirs et contraint de se battre dans les arènes de Damorragh contre ses petits camarades de cellule (toute ressemblance avec Hammer Of Demons, le troisième opus de la série Grey Knights de Ben Counter, est évidemment fortuite). Thorolf fait la connaissance d’Ecanus, un Dark Angel ayant lui aussi oublié de croquer sa capsule de cyanure au moment opportun, et notre paire de surhommes va évidemment faire fi de la défiance millénaire entre lions et loups pour poutrer du mutant, du xenos et de l’hérétique dans la joie et la bonne humeur.

Arrivé au dernier quart de la nouvelle, coup de théâtre : Thorolf se révèle être Ramiel, Chapelain-Investigateur Dark Angel de son état ; et fait la peau à Ecanus, qui n’était lui qu’un sale Déchu perfide. Ce twist final, tout à fait acceptable en soi, est cependant si mal préparé par Smillie que, loin de sauver les meubles, il contribue au contraire à décrédibiliser davantage la nouvelle, qui se termine, comme la majorité de son casting, en eau de boudin.

Cette conclusion laisse en effet trop de questions sans réponses pour satisfaire le lecteur. On ne comprend ainsi pas pourquoi Ramiel choisit de se faire passer pour un Space Wolf auprès d’Ecanus, mensonge qui ne lui rapporte absolument rien (surtout compte tenu de la rivalité entre les fils de Russ et ceux d’El’jonson) et qu’il a toutes les peines du monde à faire avaler à son comparse**. Un millier de chapitres Space Marines, et il choisit le moins adapté à son dessein (enfin, presque : il aurait aussi pu dire qu’il faisait partie des Iron Hands et raconter qu’il s’était fait greffer une main organique à l’insu de son plein gré par un apprenti Tortionnaire qui voulait réviser avant les partiels) ! Mais après tout, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

On ne sait pas non plus comment Thorolf/Ramiel réussit à percer à jour Ecanus, ni pourquoi il choisit de se retourner contre un allié aussi balaise de manière « gratuite » (comprendre qu’il bute Ecanus à la fin du tournoi, alors que les deux auraient pu coopérer pour monter une évasion, et Ramiel attendre d’être tiré d’affaire pour régler ses comptes avec le renégat). Pour la beauté du geste dirons-nous.

Enfin, Reparation est desservi par l’utilisation peu finaude que fait Smillie du fluff de 40K, recraché de manière scolaire et bancale plutôt qu’incorporé de manière fluide au récit. L’auteur a potassé ses fiches d’organes SM, et il tient à nous le faire savoir ! Du cœur auxiliaire à l’hématopigment, de l’oreille de Lyman à la membrane cataleptique, sans oublier bien sûr les incontournables glandes de Betcher (qui seront mises à profit pour un special move ostensiblement piqué à Aaron Dembski-Bowden), Smillie met à profit ses connaissances en matière de physiologie marsouine sans saveur ni génie. Ajoutez à cela quelques faux raccords (qui apparaissent comme mineurs en comparaison des enchaînements sauvages et autres liaisons tronçonnées soulignées plus haut), comme la succube qui prend des douches de sang sans en recevoir une goutte, et vous obtiendrez une bien piètre nouvelle, et un début de réputation à la Sarah Cawkwell pour Andy Smillie. Aïe.

* : On dirait que Smillie a essayé de découper son histoire comme un monteur de cinéma, en se concentrant sur les passages les plus importants de l’intrigue et en évacuant toutes les scènes de transition n’apportant rien à cette dernière. Si cette technique est viable pour un film (car le spectateur reçoit suffisamment d’informations pour pouvoir immédiatement comprendre de quoi il en retourne), elle est en revanche très difficile à transposer pour une production écrite, où le lecteur a besoin d’être guidé en permanence.
** : « Eh dis-donc, ils ne sont pas censés avoir des canines surdimensionnées les loulous ? »
« Euh si, mais les Eldars Noirs me les ont limées pour me faire chier. »
« Ah. »
Ou encore
« Tu ne te bats pas du tout comme un Space Wolf en fait. »
« Haha, oui en fait c’est pour surprendre les Eldars Noirs. Ils s’attendent à ce que je sois féroce et impulsif, alors je préfère être calme et posé. »
« Seems legit. »

Deliverance Lost – G. Thorpe [HH] :

Deliverance LostQuel meilleur moyen de donner envie aux lecteurs de H&B de claquer 15 euros dans un bouquin que de leur donner en pâture un chapitre exclusif anti-climatique au possible ? Il y a du génie chez les commerciaux de la BL, tout de même.

L’extrait de Deliverance Lost proposé dans ce numéro n’a en effet rien du page-turner abnett-ien (Prospero Burns, Salvation’s Reach) ou dembski-bowden-esque (Aurelian). Il réussit même « l’exploit » de faire moins bien que les offrandes de Kyme (The Fall of Damnos) et de Cawkwell (The Gildar Rift), ne provoquant chez le lecteur qu’un ennui et une frustration croissants au fur et à mesure que les non-évènements s’enchaînent. Le Corax dépeint par Thorpe tient en effet plus de Rain Man (il guide son vaisseau furtif en calculant de tête les solutions de tir de l’armada hérétique) que de Superman, et apparaît davantage comme un rôdeur masochiste (« je vais empêcher mon corps de guérir de ses blessures pour bien montrer que j’ai la haine, tiens ») et associal (« je vous laisse vous démerder les ptits gars, j’ai besoin de passer les 10 prochaines heures tout seul dans le noir ») que comme un sur-surhomme charismatique et omnipotent.

Certes, le contexte est difficile pour le roi corbeau, dont la légion s’est faite sévèrement plumer par ses sœurs renégates sur Istvaan, forçant la poignée de survivants du massacre à retourner vers Terra la queue entre les jambes. Isolés derrière les lignes ennemies, Corax et ses derniers soldats approchent doucement mais sûrement de leur point de transfert Warp, en dépit des bordées balancées à l’aveugle par la flotte ennemie*. Ayant mis jusqu’à son iPhone 7 (et oui, c’est le futur coco) en veille pour tromper les systèmes de détection adverses, Corax guide l’Avenger (le nom de sa coquille de noix) jusqu’au point d’extraction, entraînant dans son sillage une frégate Word Bearers malchanceuse**. On sent bien que Gavin s’est fait plaisir à écrire cette traque, et qu’il a pour ce faire mis à profit ses connaissances de co-rédacteur de Battlefleet Gothic pour immerger ses lecteurs dans le quotidien d’un croiseur de guerre impérial. L’absence de véritable confrontation entre loyalistes et hérétiques ne rend toutefois pas ce passage très palpitant. N’empêche : Thorpe y démontre sa capacité à relater de manière prenante un (quasi) affrontement spatial.

En parallèle à cet arc narratif « macro », on apprend également qu’un légionnaire de l’Alpha Legion ayant usurpé l’identité d’un Raven Guard tombé au champ d’honneur (notamment par le biais d’une greffe de visage express…) est présent dans la soute de l’Avenger, prêt à saboter les efforts de Corax pour rebâtir sa légion exsangue. Cette intrigue annexe n’étant que brièvement évoquée au cours du chapitre, nous n’en saurons pas plus pour le moment. Pour ma part, les futures tribulations d’Alpharius Jr en pays corbeau étant le seul élément m’ayant donné la vague envie de continuer la lecture de Deliverance Lost, je suis resté sur ma faim. Bref, une mise en bouche assez mal foutue et pas vraiment appétissante pour ce nouveau volet de l’Hérésie d’Horus, critiqué en détail ici.

* : « AAX – 849 »
« Dans l’eau. »
« AAX – 850 »
« Dans l’eau »
« Je déteste ce job »

**: Par pure malveillance semble-t-il, Corax utilisant son syndrome d’Asperger génie mathématique pour attirer le vaisseau ennemi dans le Warp sans trop l’abimer (et condamne donc l’équipage de ce dernier à accueillir un projet X démoniaque), alors qu’il aurait été beaucoup plus facile de « simplement » le détruire. Le gentil de l’histoire est donc un type prêt à sacrifier ce qu’il reste de sa légion pour assurer la mort la plus horrible qu’il soit à une poignée de goons. Tu sens le gars bien dans son armure énergétique.

Dead Calm – J. Reynolds [WFB] :

Après Marshlight de C.L. Werner, retour à Marienburg pour une nouvelle rythmée et plaisante du deuxième Reynolds de la BL (Josh). Dead Calm (à ne pas confondre avec Dead Clam, la terrifiante histoire d’une palourde mort-vivante) met en scène le retour du Capitaine*, flibustier vampire au service d’une maison noble de la cité-état, venu chercher son dû après quelques siècles de piraterie. Son employeur actuel, le prince Hermann Eyll, souhaite cependant mettre fin au contrat le liant au mercenaire pourrissant et loue les services d’un nécromancien pour assujettir totalement le vampire à sa volonté. Oui, les ressorts de l’intrigue ne sont pas des plus limpides, et c’est le principal reproche que je ferai à Reynolds, qui n’explique jamais de manière satisfaisante pourquoi Eyll tient tant à « renégocier » les termes du contrat, alors qu’il est tout à fait prêt à payer le prix demandé par le Capitaine en échange de ses services.

Le reste de la nouvelle est toutefois un pur bonheur, mêlant action frénétique (dans la veine de ce qu’a réussi à faire Nathan Long dans sa saga Black Hearts), petites touches de fluff (description de l’unterdock et de la milice des égouts de Marienburg, détails donnés sur le culte et les rituels de Manann, petit passage sur le sifflet de Kadon**), ambiance à la croisée de Dread Fleet et de Pirates des Caraïbes***, et personnages attachants. Le héros de l’histoire, un templier de Manann bourru et grande gueule répondant au nom d’Erkhart Dubnitz, est particulièrement savoureux, tout comme sa veule nemesis, le nécromancien Franco Fiducci. La survie des deux compères à la fin de la nouvelle laisse espérer le début d’une série de courts formats dédiés aux aventures de Dubnitz, sur le modèle de la saga Silver Skulls déroulée par Sarah Cawkwell durant la première saison de H&B. Au vu de la qualité de l’épisode-pilote, on ne va pas se plaindre.

* : Qui s’appelle juste le Capitaine, pour bien montrer que c’est le plus capitaine de tous les capitaines. Bien entendu, il parle de lui à la troisième personne. J’aime ce type.
** : Dans la grande tradition des artefacts invocateurs de monstruosités diverses et variées (Ravenor Rogue, Blood Of The Dragon, meute dorée de Gehenna…), Kadon aurait donc façonné quelques goodies en plus de ses fameux parchemins d’asservissement. Le sifflet dont il est question dans Dead Calm attire tous les krakens, léviathans, requins, serpents de mer, murlocks, cabillauds et flétans à des lieus (haha) à la ronde. Contre-indiqué pour les maîtres-nageurs sauveteurs.
*** : Et dans la continuité de The Gods Demand, un nouveau clin d’œil appuyé à Lovecraft : l’apparition soudaine des enfants de Strommfels (sorte d’hommes-bêtes visqueux et squameux) fait fortement penser au Cauchemar d’Innsmouth. J’applaudis des deux nageoires.

Lesser Evils – T. Foster [40K] :

Lesser EvilsVous vous souvenez de The Rat Catcher’s Tail (H&B #2) ? C’était l’équivalent d’un épisode de Dora l’Exploratrice appliqué au monde de Warhammer : une découverte fade et hyper-prévisible du background skaven. Réjouissez-vous bonnes gens ! Grâce à Lesser Evils et au bon Tom Foster, 40K a maintenant son équivalent en terme de nouvelle « didactique ». Rassurez-vous : le résultat est tout aussi convenu et décevant que précédemment.

Le pitch est, comme de juste, d’une simplicité élégante : une équipe de soldats des forces spéciales prend d’assaut un couvent de Sœurs de Bataille pour récupérer une novice identifiée comme psyker latent. Evidemment, la sororité ne l’entend pas de cette oreille et l’extraction tourne rapidement au pugilat. N’ayant pas pensé à recharger son compteur de points de foi après la dernière soirée bingo, l’équipe locale se fait décimer dans les grandes longueurs, et les visiteurs repartent avec le gros lot.

Cette première partie, plutôt orientée action donc, n’est pas franchement mauvaise, Foster ayant convenablement intégré les codes de narration la BL. La valeur ajoutée apportée par l’auteur est en revanche pratiquement nulle, les personnages qu’il met en scène restant tous sans exception soit des stéréotypes sans saveur (l’homme de main tourmenté par sa conscience, la chanoinesse fanatique au dernier degré, l’inquisiteur totalement dépourvu de scrupules…), soit de simples ébauches d’individualités (nom + caractéristique différenciante : vieux/femme/ganger).

La deuxième partie de la nouvelle, qui voit le chef de l’équipe d’intervention faire son rapport à l’inquisiteur qu’il sert, tombe elle complètement à plat. Foster, comme Ford avant lui, nous vend une idée aussi vieille que l’Empereur (l’Inquisition sacrifiera volontiers des innocents pour arriver à ses fins) comme twist final, ce qui, évidemment, consternera l’immense majorité des lecteurs, qui s’attendait sans doute à un final un peu plus audacieux. Ce n’est pas comme si les séries Eisenhorn, Ravenor (et maintenant Bequin) n’avaient pas déjà exploré en détail – et de manière bien plus intéressante – les méthodes les moins honorables de l’Inquisition.

Décevant sur le fond et insipide sur la forme, Lesser Evils est donc une nouvelle tout à fait dispensable, qui ne risque d’intéresser que les inconditionnels de la page herbier de Taran (spiker, vous avez dit spiker ?).

Hunters (Campbell):

Vous vous souvenez de Commander Shadow (H&B #8) ? Pour être honnête, moi non plus. Et pourtant, il faut faire le lien entre cette nouvelle et Hunters afin de tirer le maximum de ce texte. Merci donc à la BL de n’avoir pas jugé bon de faire un petit mémo à l’attention des lecteurs têtes en l’air, les prévenant que Hunters était, non pas la suite (ce serait trop simple), mais le prélude de Commander Shadow. Ça fait toujours plaisir.

Retour donc sur la planète Cytheria, quelques semaines après l’invasion des Tau. La défense acharnée de la garnison Catachan ne semble pas être en mesure d’empêcher le Bien Suprême de rafler un nouveau monde, la supériorité technologique des « Bleus » réduisant à néant les courageuses actions d’arrière-garde des impériaux. Il faut dire que les Catachans de Campbell ressemblent plus à Cameron Mitchell dans Ultime Combat (surtout le passage où le héros jette son fusil à terre, encaisse sans ciller la demi-douzaine de balles qu’un sbire lui tire à bout portant, tranche le bras de ce dernier d’un coup de machette puis le tabasse à mort avec son propre membre*) qu’à Schwarzie dans Predator. Leur comportement comme leur stratégie est ainsi dicté par leurs énormes cojones plutôt que par de quelconques considérations tactiques ; et quand bien même les trois derniers commandants humains (on présume que les autres gradés sont glorieusement tombés au combat en essayant de détruire un cadre de Riptides au lance-pierre) réussissent à monter une opération un brin sensée – infiltrer le QG ennemi pour dégommer l’Ethéré de faction – , ils décident de se charger seuls de l’exécution de cette mission suicide, afin d’être sûrs de ne laisser aucun officier supérieur pour coordonner la résistance au cas où les membres de la fine équipe se feraient tous tuer ou capturer par l’ennemi.

Mais ce n’est pas grave, car les Catachans sont des headless snakes, dixit ce vieil Ezrah Mihalik (la malheureuse némésis du Commandeur Shadow dans la nouvelle éponyme : je ne spoile donc pas grand-chose en vous révélant qu’il finit Hunters en – presque – bonne santé) : même si on leur coupe la tête, ils peuvent continuer à se battre. C’est drôle, cette métaphore m’évoque plus le lombric que le cobra, mais on va dire qu’elle fait référence à un serpent natif de Catachan plutôt qu’à nos bêtes reptiles terrestres, qui eux ne font pas trop les malins une fois décapités. Ou peut-être est-ce un hommage discret de Campbell à la fameuse formule du grand Steven Savile**. Au vu du nombre de conneries dites ou faites par nos super soldats d’élite***, je pense qu’on pourrait plutôt parler de brainless snakes, mais je vous laisse seuls juges.

En dehors de cette mission d’infiltration, sorte de rapport de bataille Commandos scénarisé dont les meilleurs passages donnent à voir ce à quoi ressemble l’occupation Tau d’une ville humaine (et laissez-moi vous dire que ça évoque plus Paris pendant la seconde guerre mondiale que Woodstock pendant le Summer of Love), et les pires révèlent quel était le vrai objectif de nos trois chasseurs, Campbell fait naviguer le lecteur entre flashbacks récents (la mise sur pied de l’opération) et anciens (l’initiation de Mihalik sur Catachan, merveilleuse planète où les pré-adolescents servent d’appâts lors des campagnes de dédiabolisation – même principe que la dératisation, mais avec des diables de Catachan – ). Le hic, comme pour Reparation, est qu’il oublie de signaler de façon claire où commencent et finissent chacun de ces passages, ce qui amène à des quiproquos grotesques. La première partie de la nouvelle relate ainsi la prudente et pénible traversée d’une plaine herbeuse par nos héros, qui mettent plusieurs heures à couvrir les quelques mètres qui les séparent de leur objectif… puis semblent soudainement se matérialiser dans la tente de Mihalik, en plein milieu du camp de base des Catachans.

Le fait que ces changements de temporalités ne soient même pas signalés par un saut de ligne m’incite à penser que la faute repose sur le maquettiste de H&B plutôt que sur l’auteur de la nouvelle, car je ne pense pas que ce dernier aurait pu en son âme et conscience opter délibérément pour une mise en page aussi confuse. Toujours est-il que le lecteur en est quitte pour quelques rétropédalages perplexes, afin de reconstituer le puzzle narratif mis en place par Braden Campbell. Au final, Hunters est une nouvelle à l’image de ses héros : pleine de bonne volonté mais risible (et même attachante) d’inefficacité. Ce n’est pas une conclusion de la trempe de Grail Knight ou de Survivor, mais ça laisse le lecteur de meilleure humeur qu’à la fin de The Rat Catcher’s Tail (kill me…) ou de Mountain Eater (kill me with fire…).

* : Je parle du bras tranché du sbire hein, petits fripons. On n’est pas dans Clodo et les Vicieuses.
** : « He had lived with the notion that an army was like a snake, sever it head and another would grow to take its place. » Il fallait y penser.
*** : « On ne peut rien faire contre les Taus, ils sont capables de tirer des missiles sans avoir de ligne de vue sur leur cible ! Ce n’est pas naturel ! (sic) »
« Un peu comme un barrage d’artillerie quoi. C’est vrai que c’est une technologie tellement avancée que ça fait des millénaires qu’on l’utilise.»

Voilà qui conclut cette revue du numéro treize de Hammer & Bolter. Et il n’y a même pas eu de skavens dedans (tristesse). Je dois bien reconnaître que le début de cette nouvelle année est bien moins intéressant que ce qui avait été proposé douze mois auparavant, même Abnett (à supposer qu’il se soit impliqué dans l’écriture du premier chapitre de Gilead’s Curse, ce qui reste à démontrer) se révélant en deçà de son niveau habituel. Foster fait de très discrets débuts, Smillie confirme ses lacunes, Reynolds son potentiel, Campbell passe de potable à passable et Thorpe torpille pour passer le temps. Rien de bien folichon donc, mais ne perdons pas espoir : le meilleur reste à venir !