HAMMER AND BOLTER [N°11]

Bonjour à tous, bonne année et bienvenue dans cette nouvelle chronique de feu le webzine de la Black Library, Hammer & Bolter. Au programme de cet onzième opus, de l’homme bête mythique, du Night Lord sadique, du Counter frénétique (pléonasme), du McNeil anecdotique (incroyable, le bonhomme aime Stephen King et David Gemmell ! Les bras m’en tombent), et pour commencer, un dernier carré méphitico-sonique dans les ténèbres du lointain futur. Pas clair ? Lisez donc la suite…

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The Carrion Anthem – D. Annandale [40K] :

The Carrion AnthemThe Carrion Anthem aurait pu être une nouvelle de bonne – ou tout du moins, correcte – facture, n’eut été la fâcheuse tendance de son auteur, David Annandale, à balancer des idées (lesquelles sont souvent intéressantes, il faut le reconnaître) sans se donner la peine de les étayer suffisamment, de sorte de permettre au lecteur lambda de comprendre la logique de son raisonnement et d’apprécier l’inventivité de sa démarche. Pour donner un exemple qui sera sans doute familier aux habitués de cette section, si Mr Annandale avait écrit Prospero Burns, il aurait sans doute omis de préciser ce qu’il entendait par le sibyllin aphorisme popularisé par Dan Abnett : « il n’y a pas de loups sur Fenris ». Voilà une phrase, qui, sortie de son contexte, ne peut qu’interpeller le fluffiste averti, et c’est bien tout l’art d’Abnett d’arriver à justifier son propos hérétique au fil des lignes. Ce talent n’est malheureusement pas aussi répandu qu’on le souhaiterait parmi les plumes de la BL, et son absence manifeste transparaît tristement dans cette première contribution de David Annandale, à qui je souhaite néanmoins une longue et prolixe carrière littéraire au sein de la sombre librairie*.

Tout avait pourtant bien commencé, Annandale situant son propos sur Ligeta, ou la Carrhaix du Segmentum Pacificus (comprendre qu’il s’y passe tellement peu de chose que c’est pour ses événements culturels que la planète est – un peu – connue). Ressassant ses rêves inassouvis de gloire sanguinolente, le général Corvus Parthamen, notre héros, est sur le point d’assister à la première de la nouvelle création de son génial jumeau, compositeur de son état. Problème, Corvus souffre d’amusie, ce qui le rend incapable d’apprécier à sa juste valeur le travail de son frère. Vous avouerez que ce n’est pas tous les jours que l’on évoque cette condition particulière, et il convient de saluer cet effort d’originalité de la part de David Annandale. Malheureusement, il faut un peu plus qu’une entame prometteuse pour donner lieu à une nouvelle mémorable, et passée cette ouverture singulière, le propos à vite fait de verser dans une intrigue et des péripéties d’une banalité assommante.

À cette conformité décevante (manifestation chaotique en règle, débouchant fatalement sur un affrontement entre les derniers défenseurs de Ligeta, menés par Corvus Parthamen, et les assaillants inféodés aux Dieux Noirs) s’ajoute donc la maladresse avec laquelle David Annandale développe, ou plutôt ne développe pas assez, certaines de ses idées, pour un résultat assez contre-intuitif pour le lecteur. Exemple le plus flagrant : l’inclusion de Typhus et de ses Marines de la Peste en tant qu’antagonistes contraste fortement avec la façon dont se déclare et se propage l’infection chaotique, ici un virus psychique contenu dans la mélodie de la nouvelle composition du frère du général Parthamen. Sans doute ne suis-je pas le seul à penser, peut-être naïvement, que ce vecteur d’infection se rapproche davantage des méthodes des Noise Marines que celles des disciples de Nurgle? De même, le recours au personnage de Typhus, figure bien connue du panthéon de Warhammer 40,000 ne m’a pas semblé tomber sous le sens, l’amiral du Terminus Est ayant pu tout aussi bien être remplacé par un de ses lieutenants sans que la portée et le sens de la nouvelle s’en trouvent bouleversés. En effet, aucun des « attributs » de Typhus n’est mis à profit dans le récit, qu’il s’agisse du Terminus Est (relégué à un simple rôle de transport), de la ruche du destructeur ou des zombies de la peste**, ce qui rapproche sa participation à The Carrion Anthem d’une vile opération de cachetonnage, indigne du statut d’un tel personnage.

Pour finir, passons rapidement sur les quelques incohérences et maladresses émaillant la nouvelle (comme par exemple le fait qu’une forteresse abritant cinq mille soldats ne compte pas un seul canon laser ni lance-missiles dans son arsenal) pour évoquer le dernier point clivant de The Carrion Anthem, sa conclusion. David Annandale achève ainsi son propos par un laïus confus sur le caractère oppressif de l’Imperium, dont les principes autoritaires en font un instrument de choix pour les Dieux du Chaos. On retrouve ici l’idée bien connue (sous-tendant, entre autres textes, la saga Soul Drinkers de Ben Counter) de la perversion des fins par les moyens, déployée sans grande conviction ni adresse par un Annandale manifestement pressé de mettre un point final à sa nouvelle. En conclusion, à vouloir trop lutter contre le Chaos, on fait le jeu de ce dernier, donc soyez coulants avec vos hérétiques les gars. C’est Eisenhorn qui doit être content.

*: Carrière confinant jusqu’ici au matraquage publicitaire bête et méchant, le sieur Annandale débitant les e-books consacrés aux exploits des Space Marines (loyalistes comme chaotiques) à un rythme soutenu. Le Chains Of Golgotha (ainsi que la nouvellinette rattachée, Evil Eye), retraçant la villégiature agitée de ce vieux ronchon de Yarrick sur le Space Hulk du bon Gazgkull (la croisière s’amuse à tabasser de l’impérial) me semble infiniment plus attrayant que le reste de sa bibliographie.

**: À moins qu’il ne faille voir dans la participation de Typhus dans la corruption du « monde de la chanson » un clin d’oeil de David Annandale au patronyme du premier capitaine de la Death Guard, autrefois connu sous le nom de Typhon Calas.

The Gods Demand _ J. Reynolds [WFB] :

The Gods DemandLe retour de Josh Reynolds dans les pages de Hammer & Bolter, cinq mois après son honnête The First Duty s’effectue en terrain connu, mais à une échelle supérieure. Le temps des patrouilles dans la banlieue du Talabecland, à traquer des enfants du Chaos de niveau 2,7 en compagnie d’une poignée de rednecks (les fans du chevalier Hector Goetz, héros de The First Duty, peuvent toutefois retrouver leur idole dans le long format Knight Of The Blazing Sun) est en effet révolu : place à de l’épique avec un grand E, en l’occurrence, le récit des dernières heures du siège de Hergig par les hordes du Seigneur des Bêtes Gorthor. Les protagonistes demeurent donc inchangés par rapport à la première publication de l’autre Reynolds (ne pas oublier Anthony, spécialiste Bretonnie et World Eaters de la BL*), Hommes-Bêtes et Impériaux se mettant joyeusement sur le coin du museau pour la possession des ruines fumantes de la capitale provinciale du Hochland.

J’ai déjà eu l’occasion de dire ici mon intérêt pour les nouvelles développant et donnant corps au fluff officiel (dans le cas de Hammer & Bolter, on pensera à Charandis et Feast Of Horrors), et je ne pouvais donc considérer The Gods Demands qu’avec un a priori favorable (doublement favorable même, mon passif de joueur de l’Empire et des Hommes-Bêtes concourant  en outre à fausser mon jugement d’habitude si impartial -humour-). J’attendais beaucoup de cette histoire, et dois reconnaître que je n’ai pas été déçu par cette dernière, Josh Reynolds étant parvenu à insuffler dans son propos la dimension héroïque nécessaire à tout récit estampillé Time Of Legends. Ce succès repose en grande partie sur les mise en scène et description soignées des deux figures centrales de la nouvelle, Gorthor et Mikael. Le premier exsude une aura de grandeur funeste tout à fait appropriée, contrastant vivement avec le pragmatisme borné et animal de ses sous-fifres, dépeints par Reynolds comme une arme à double tranchant dont le Seigneur des Bêtes doit se servir avec précaution. En effet, le statut d’Elu des Dieux de Gorthor apparaît comme une source plutôt limitée de légitimité sur les chefs de sa horde, à moins de décapiter les plus remuants parmi ces derniers à une fréquence soutenue. Et quand les chamanes se mettent à leur tour à ruer dans les brancards, la situation devient incroyablement délicate pour le Seigneur des Bêtes, dont le génie stratégique doit céder devant les pulsions névrotiques de ses suivants (greuh, on fonce).

Sa Némésis est, quant à elle, décrite comme un leader à la résolution fanatique, refusant obstinément de reculer face à l’envahisseur bestial. On retrouve donc le Mikael cruel et impitoyable sommairement dépeint dans les Livres d’Armée de l’Empire, proche à bien des égards de la folie  affligeant Marius Leitdorf. Reynolds va même jusqu’à suggérer à mots couverts que cette impétuosité sanguinaire pourrait être causée par les enchantements imprégnant les crocs runiques, hypothèse séduisante qui ne demande qu’à être développée plus avant dans le futur.

Logiquement conclu par l’affrontement final entre les deux généraux au moment où le siège est rompu par l’intervention des chevaliers du Soleil, The Gods Demand satisfera autant le fluffiste à la recherche d’informations sur l’organisation d’une horde d’Hommes-Bêtes et/ou la cour du Hochland que le lecteur en quête d’une nouvelle nerveuse et maîtrisée. Les clins d’œil adressés par Josh Reynolds à ses modèles littéraires (en particulier les références à l’œuvre de Lovecraft) et aux joueurs de Warhammer (pumbagors en furie, long fusil presque efficace) achèvent de faire de cette deuxième contribution à Hammer & Bolter une réussite indéniable, et le point d’orgue de ce onzième numéro.

*: Josh, quant à lui, semble avoir repris le fauteuil autrefois occupé par Steven Savile, c’est à dire celui de Mr Vampire. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un œil sur ses dernières productions, consacrées en grande partie aux diverses lignées de suceurs de sang hantant le Vieux Monde (Neferata, Master of Mourkain, Master Of Death, Ghoul King I et II). Ajoutez à ceci quelques piges pour les inusables Gotrek & Felix (Berthold’s Beard, Blood Sport, Charnel Congress), une pincée d’épopées de Space Marines (le lot de tous les prospects de la BL, m’est avis), et même une petite aventure au côté de Zavant Konniger (The Riddle Of Scorpions), et vous obtenez le profil d’un futur cadre de la maison, si tout se passe bien.

Phalanx – ch. 12 – B. Counter [40K] :

PhalanxLa fin approche sur le Phalanx, les Soul Drinkers survivants se rapprochant insensiblement de l’inévitable évasion du vaisseau forteresse des Imperial Fists. Cet antépénultième chapitre du roman feuilleton de Hammer & Bolter se concentre sur deux théâtres d’opérations distincts, chacun porteurs d’enjeux spécifiques. Au niveau micro, Sarpedon n’en finit plus de tuer le Chapelain doublement renégat Iktinos, qui, comme dans toutes les bonnes séries B d’action, n’était en fait pas si mort que ça à la fin du dernier chapitre. Ajoutant l’infamie au déshonneur, Sarpy inflige à son ancien conseiller, pas encore tout à fait remis de sa récente grillade au prométhéum, une petite séance de trouillothérapie débridée, transformant Iktinos en légume (mais attention, en légume poêlé) qui, avec un peu de chance, passera à table au prochain épisode*. La confrontation entre le maître de chapitre mutant et le dreadnought essayiste se précise, le bon Reinez devant, sauf erreur de ma part, venir compliquer un peu plus des retrouvailles qui s’annoncent d’ores et déjà comme animées.

Au niveau macro, les Imperial Fists et tous leurs copains marounes tentent tant bien que mal de contenir le projet X initié par Abraxes et ses minions. Vladimir donne de sa personne pour refouler un Buveur de Sang déjà fortement éméché, le soiffard se faisant proprement perforer par une escouade de Devastators qui traînait dans le coin. De l’autre côté du champ de bataille, Luko et ses hommes prennent à revers un contingent de démons de Nurgle mené par un Grand Immonde hilare et véloce, puisqu’il parvient à battre à la course un Space Marine (honteux). L’Archiviste Tyrendian a alors la riche idée de se faire passer pour un Twix afin de sauver l’inqualifiable Luko de l’estomac du Démon Majeur (il l’aurait bien mérité, notez). Twix parfum grenade, l’altruiste psyker se mettant en surcharge juste avant de faire connaissance avec la colonie de Nurglings squattant la panse du Grand Immonde. Résultat, un papier peint à refaire sur un rayon de deux cent mètres, un nouveau nom biffé parmi les personnages centraux des Soul Drinkers et un assaut démoniaque repoussé… pour le moment.

Profitant de l’accalmie, la ligue des gentlemen extraordinaires improvise un conseil de guerre remarquablement serein (personne ne suggérant de tuer les Soul Drinkers sur le champ – où est Reinez quand on a besoin de lui ? -), au cours duquel il est convenu que les condamnés à mort emprunteront un passage dérobé** pour aller refermer la porte Warp d’Abraxes et Cie, ou mourront glorieusement dans la tentative. Le Prince Démon ayant eu l’amabilité de faire son entrée dans le Phalanx juste au niveau des docks du vaisseau, il me paraît tout à fait plausible que les Soul Drinkers, une fois leur mission suicide accomplie, se fassent la malle en Thunderhawk, avec l’approbation tacite des loyalistes. Tout sera alors bien qui finira bien. Confirmation de ce scénario au prochain épisode, avec les deux derniers chapitres de Phalanx.

*: Et voilà une métaphore rondement filée.

** : Il est révélateur du laisser aller manifeste régnant chez les fils de Dorn que l’idée ait été soumise par un Soul Drinkers et non par un Imperial Fists, lesquels ne semblaient même pas au courant de l’existence du passage en question.

Shadow Knight – A. Dembski-Bowden [40K] :

Shadow KnightÉtrange nouvelle que ce Shadow Knight, commis par un Aaron Dembski-Bowden visiblement peu convaincu par son propos. Pour être honnête, ce texte semble être la réponse du berger à la bergère, cette dernière répondant au nom de Sarah Cawkwell et s’étant à de multiples reprises illustrée par la platitude navrante de ses écrits. Reprenant dans les grandes lignes le schéma narratif de Cause And Effect (à savoir, une sous-péripétie impliquant Gileas Ur’Ten, Space Marine du chapitre des Silver Skulls et héros récurrent de Miss Cawkwell – intérêt : nul – ), ADB livre ainsi un compte-rendu peu inspiré d’un épisode mineur de la vie de Talos, principal protagoniste de la (sinon) très bonne série des Night Lords.

À la recherche de matériel récupérable dans un Space Hulk, Talos et la première griffe de la dixième compagnie (Cyrion, Uzas, Xarl) tombent nez à nez avec une petite force de Blood Angels, bien décidés à reprendre l’épée que Talos a dérobée à un de leurs champions (cette obsession des Blood Angels pour Aurum – le nom de l’épée en question – constitue l’un des running gags de la saga, chaque tentative se soldant par un échec coûteux en vies d’Anges de la mort). Après avoir rapidement expédiés les pauvres scouts en combinaisons spatiales qui constituent la première vague des loyalistes, les quatre affreux se réunissent pour décider de la marche à suivre… et Talos est frappé par une vision, ce qui réduit drastiquement ses capacités de leader, et force ses acolytes à se débrouiller tout seuls. La narration restant malgré tout braquée sur le chef de la griffe, en dépit de son état comateux, la suite de l’accrochage entre Night Lords et Blood Angels est couverte en quelques lignes lapidaires, par le biais du compte rendu fait par Uzas et Xarl à Cyrion après les faits. Pareillement, la mini bataille spatiale entre les vaisseaux respectifs des deux forces est résumée en un paragraphe, ce qui est un peu court jeune homme. La plume de Dembski-Bowden a beau rendre l’ensemble très digeste, voire plaisant lorsque les Night Lords palabrent de la suite à donner aux opérations après que Talos ait succombé à sa crise de narcolepsie hallucinogène, il n’en demeure pas moins que Shadow Knight constitue à mes yeux la production la plus faible d’ADB à ce jour.

Il va sans dire que la connaissance des personnages principaux de la série Night Lords ainsi que des événements relatés dans cette dernière constitue un prérequis appréciable (mais pas obligatoire) à la lecture de Shadow Knight, dont l’action se déroule peu avant l’attaque de la treizième croisade noire sur le système de Crythe, et constitue de fait une sorte d’avant-propos à la trilogie d’Aaron Dembski-Bowden. Au final, je pense que cette nouvelle aurait davantage eu sa place en introduction du (futur) omnibus Night Lords qu’en conclusion de ce onzième numéro de Hammer & Bolter, même si la lecture de ces quelques pages n’a absolument pas relevé du chemin de croix littéraire, le « pire » d’ADB surpassant allègrement le « meilleur » d’autres auteurs de la BL.

Cette onzième publication de Hammer & Bolter ne contient donc aucun texte sortant de l’ordinaire, en bien comme en mal. S’il convient de reconnaître dans le Gods Demand de Josh Reynolds une  nouvelle bien maîtrisée et positionnant son auteur aux premiers rangs des « hot new talents » vantés par la Black Library, le reste du numéro tend plutôt vers le passable, les talents de conteurs de Dembski-Bowden compensant les approximations narratives d’Arrandale. Counter, quant à lui, continue à  manifester dans son Phalanx la terne mais robuste efficacité stylistique lui ayant permis de devenir une figure respectée au sein de la maison d’édition de Nottingham. La suite au prochain épisode, comme le veut la formule consacrée et, d’ici là, bonnes lectures !

À propos de Schattra

Égoïstement optimiste, çapourraitêtrebienpirologiste assumé. Selfishly optimistic, proud itcouldbemuchworsologist

Publié le janvier 22, 2014, dans Chronique, et tagué , , , , , , , , , , , , , , , , . Bookmarquez ce permalien. Poster un commentaire.

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