HAMMER & BOLTER [N°19]

Bonjour à tous, et bienvenue dans la chronique du 19ème numéro de Hammer & Bolter ! Je vous avoue que la lecture de la couverture de cet opus m’a fait présager, non pas du pire, mais du moyen, perspective guère emballante au moment de s’atteler à la rédaction d’une chronique. En cause, la présence au casting du besogneux brelan de la BL, j’ai nommé Mrs Counter, Thorpe et Kyme (en plus de la récurrente Vincent et du perpétuel Abnett). Auteurs bien établis au sein de la noble maison d’édition de Games Workshop, nos trois gaillards partagent en effet une tendance pour la prose SF/med-fan sans saveur, même si la soumission de textes intéressants n’est pas au-dessus d’eux (pas sûr pour Kyme, il faudrait que je cherche dans mes notes de lecture). Les voir truster la table des matières d’un numéro de Hammer & Bolter n’augurait donc pas du meilleur pour ce dernier, même si on n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise. Et effectivement…

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Irixa – B. Counter [40K] :

IrixaTel Joséphine Baker, Ben Counter a deux amours : la tête de veau sauce gribiche et écrire sur les Imperial Fists (ou leurs chapitres descendants). Bon, j’avoue que je ne suis pas tout à fait sûr de ma première proposition (je lui poserai la question la prochaine fois que je le croise), mais aucun doute n’est permis quant à la seconde, et cette nouvelle soumission à Hammer & Bolter en apporte la preuve éclatante. Irixa ne traite en effet pas d’une lotion anti démangeaison miraculeuse, d’un complément alimentaire à base de jinseng, de curcumin et de pot de yaourt ou d’une offre de placement à taux garanti de 87% (autant de suppositions pourtant valides, vu le nom de la nouvelle), mais bien de l’héroïque Premier Capitaine des Fists, l’imprésentable Darnath Lysander. Catapulté à la peu enviable position de maître de conférences pour une poignée de novices du Chapitre, sans doute suite à un défi perdu contre le roué Vladimir Pugh, Lysa prend le parti d’instruire ses charges en prenant comme exemple trois engagements de l’histoire des Fists ayant mis le commandant de ces derniers devant un choix cornélien.

Le premier exemple vit le capitaine Siculus résister à la tentation d’aller chasser un Acanthaspis petax1 fait Emperor’s Children pour la simple et bonne raison qu’il avait une colonne de réfugiés à escorter au spatioport le plus proche. Le second mit l’impétueux Hamander face à ses responsabilités lorsqu’il choisit d’aller récupérer avec quelques copains l’étendard de sa 7ème Compagnie2, abattu en même temps que le Thunderhawk le transportant lors d’une retraite stratégique. Malgré le fait que la plupart de ses collègues lui fissent part en termes non incertains de la stupidité d’aller risquer la vie de Space Marines pour chopper un bout de tissu, Hamander préféra la gloâre à la raison et s’en alla chercher l’étole… pour au final se prendre une tôle, les Eldars ayant envoyé rien de moins qu’un Avatar de Khaine pour les représenter au jeu du béret.

Utilisant ces deux anecdotes pour faire réfléchir ses pupilles aux responsabilités d’un Space Marine, Lysander conclut son cours magistral par un dernier récit, beaucoup moins connu que les précédents. Extrayant une douille de bolt de son tote bag Camaloon (car oui, on peut ne jamais quitter son armure terminator et néanmoins être un hipster hyper pointu3), il se lance dans la narration de l’expédition du Chapelain Belisar sur le monde hostile (il pleut des galets tout de même) de Xanatar, à la recherche des wanabees renégat du chapitre des Venom Thorns, dont les velléités de débuter leur Ultramar personnel à partir de cette planète pas vraiment sympathique mais néanmoins propriété de l’Empereur, passèrent moyennement bien auprès des autorités compétentes. Ayant filé rencart au Capitaine Tek’Shal (un ancien pote rencontré à la faveur d’un Festival des Lames) près d’un tas de cailloux particulièrement pittoresque, Belisar tenta de raisonner son buddy à coups d’arguments bien sentis, puis, constatant le peu de succès de sa méthode, dégaina sa pétoire et mit en joue l’apprenti Guilliman. Tirera, tirera pas ? Tout comme Siculus et Hamander, Belisar s’est retrouvé devant un choix sans solution évidente : descendre de sang-froid un frère de sang qui ne lui avait personnellement rien fait ou laisser partir un Space Marine félon ? Laissant les bleu jaune-bites méditer sur ce qu’ils auraient fait à la place de leur (pas si) illustre (que ça) prédécesseur, Darnie remballe son grigri gravé de l’acronyme IRIXA (Imperator Rex In Xanatar Aeternam), sonne la fin de la classe et part s’isoler dans son petit coin privé du Phalanx, qui se trouve être une salle accueillant une statue en pied de Belisar. La nouvelle se termine avec la révélation de comment le face à face entre ce dernier et le tourne-casaque s’est réellement conclu4, épisode ayant apparemment profondément marqué le jeune Lysander pendant son propre noviciat, et dont il tire une partie de sa légendaire fortitude. The end.

Avec Irixa, Counter corrige de fort belle manière le presque faux pas qu’avait été le Vermillion soumis quelques mois plus tôt dans Hammer & Bolter #17. Bénéficiant d’une structure narrative bien mieux définie, alternant plaisamment et assez cinématographiquement les passages de questions-réponses entre Lysander et ses élèves et le récit des trois épisodes servant de base à la leçon de ce dernier (ce qui permet à Counter de mettre en scène quelques scènes d’action plutôt honnêtes), abordant de manière intéressante la relation pas forcément évidente entre le sens du devoir et la fierté martiale d’un Space Marine, et se terminant par une conclusion en bonne et due forme agrémentée d’une mini révélation pas vraiment capitale mais néanmoins sympathique, Irixa est un travail sérieux auquel on ne peut pas reprocher grand-chose. Construit sur le même modèle qu’un autre succès indéniable de Counter (Sacrifice – Victories of the Space Marines), Irixa est à mon avis l’un des meilleurs courts formats de ce pilier de la BL.

1 : Aussi connu sous le nom d’assassin bug, l’acanthaspis petax est une punaise de Malaisie utilisant le corps de ses proies comme armure. Pareillement, le Capitaine Cohpran Vaa’eigoloth s’est façonné un bouclier avec les parties les plus nobles d’un malheureux Archonte Eldar. Le plus drôle est que le zoneille est encore vivant, et peut donc faire office d’enceinte Bose de secours si le Guide Eternel souhaite organiser une petite soirée à l’improviste.

2 : Avec un matricule pareil, il n’aurait guère été étonnant que les héroïques sauveteurs se révèlent être des bras cassés de première, ce qui n’a évidemment pas manqué (merci Ben de respecter les classiques de la cinémathèque française). Ma scène préférée reste le moment où l’un des deux Thunderhawks ayant rebroussé chemin pour porter secours à l’arrière garde des Fists se crashe tout seul dans un bâtiment en feu, condamnant de fait ses occupants à faire le chemin du retour à pied. Le théâtre des opérations étant une ville en ruines grouillant de Dragons de Feu se croyant au Burning Man et de Banshees fans de Captain Beefheart, cette randonnée pédestre ne pouvait pas bien se terminer.

3 : D’ailleurs, Lysander a la coupe de cheveux et la barbe d’un mec qui écoute des bootlegs de Pigeon Haggard (le demi-frère alcoolique et bipolaire de Merle) au 41ème millénaire.

: Pour faire simple, disons que ça c’est fini par un « Take that Tek’shal ».

The Lion (part III) – G. Thorpe [HH] :

The LionGrand final du plus long format jamais publié dans un numéro de Hammer & Bolter (romans feuilletons mis à part), le troisième acte de The Lion débute par la proclamation d’un fragile cessez le feu entre les belligérants de Perditus, la mauvaise volonté manifeste exprimée par Typhon ne faisant au final pas le poids face aux méthodes de négociations musclées d’El’Jonson1. Ce dernier arrive (finalement) à la surface de la planète aussi sapé qu’un maquereau de GTA, et pénètre dans la station de l’Adeptus Mechanicus, où l’attend Tuchulcha, boule à facette géante et accessoirement intelligence artificielle ayant asservi le système de Perditus jusqu’à ce qu’il soit libéré par l’effort combiné des Dark Angels et de la Death Guard. Epargné après sa défaite à fins d’études par le Mechanicum, Tu-pues-le-chat est le prix tant convoité par Typhon et Midoa, chaque camp cherchant à priver l’autre de la possession d’une machine au potentiel aussi extraordinaire que son humeur est taquine (du genre à envoyer des vaisseaux dans le Warp sans prévenir – ce qui n’est pas sympa – ni enclencher leurs champs de Geller – ce qui n’est franchement pas sympa –).

Au début pas franchement emballé par le tour qu’ont pris les expérimentations des prêtres rouges depuis son départ de Perditus, puis carrément effrayé par la puissance de HAL 30.000, Lionel décide de finir ce qu’il avait commencé il y avait des années et de détruire Tuchulcha… en apparence. Il annonce donc aux capitaines des autres Légions que la station de recherche de Perditus va être oblitérée afin que nul ne puisse être tenté d’utiliser le Tuch’ à des fins malavisées. Peu satisfait par cette décision, Typhon profite de la clémence du Lion à son égard pour se téléporter au cœur du complexe du Mechanicum2 afin de convaincre Tuchulcha de repartir avec lui sur le Terminus Est. Confiant dans sa survie (d’ailleurs il n’était même pas sûr qu’un Exterminatus soit capable de venir à bout de cet engin démoniaque – sans doute conçu par Nokia à la base –), ce dernier renvoie gentiment les Death Guards à leurs chères études et sur leur vaisseau, juste au moment où un Lionel vraiment furax de constater qu’absolument tout le monde le prend pour un con(combre) arrive à son tour dans la station et commence à botter des derches de Prouteux (résultat des courses : une paire de pompes en croco de Caliban3 bousillée).

La nouvelle se termine avec un Lion El’Jonson ruminant de bien sombres pensées, seul dans sa salle du trône (NDR : non, il n’est pas aux chiottes). Ayant au final récupéré Tuchulcha, qu’il compte utiliser pour mettre fin à la Croisade de Thramas une bonne fois pour toutes, il médite sur les derniers développements de la rébellion d’Horus et sur le comportement plus que suspect de Roboute Guilliman (qu’il ne semble d’ailleurs pas vraiment porter dans son cœur4) avec un de ses Jawas de compagnie (qui lui confirme ce que Cruze lui avait susurré à l’oreille sur Tsagualsa : les Dark Angels restés sur Caliban sont sur le point de faire sécession). Il en profite également pour exposer ce qui sera son grand dessein pendant l’Hérésie : s’assurer qu’aucune Légion, loyale ou non, ne sorte du conflit assez puissante pour pouvoir menacer le règne de Pépé. Une ligne de conduite plus que borderline, en cohérence avec les agendas secrets développés par la plupart des Primarques au cours du conflit (j’écris la plupart car je ne pense pas qu’Angron goûte aux plaisirs de la realpolitik), dont l’exposition permet de conclure The Lion de fort belle manière.

Bénéficiant grandement des révélations fluffiques amenées dans les dernières pages du récit, ce troisième volet n’est pas moins exempt de défauts, dont le premier est à mes yeux le traitement subi par Typhon sous la plume de Thorpe. Dépeint comme un demeuré fini en matière stratégique (toutes ses décisions intelligentes lui sont en fait soufflées par un sous-fifre) et comme une grande gueule prompt à insulter un Primarque, tout en sachant pertinemment que cela risque de se retourner contre lui et ses hommes5 (il doit faire des Périscopes, c’est pas possible autrement), le premier Capitaine de la Death Guard ne sort pas grandi cette nouvelle. À l’inverse, Lionel regagne en profondeur ce qu’il avait perdu pendant le 2ème épisode, son positionnement toujours plus ambigu par rapport aux forces en présence de l’Hérésie s’inscrivant fort bien dans le background, historiquement et canoniquement trouble, des Dark Angels en ces heures décisives. En auteur vétéran, Thorpe prend de plus bien soin de donner aux fanboys ce qu’ils veulent, c’est-à-dire des révélations fluffiques ayant une véritable portée sur le développement de l’Herésie d’Horus. Même si on n’est pas au niveau du twist final de Legion, c’est toujours sympa de voir des personnages importants se « griser » au fil des pages, et force est de reconnaître que Gav a fait honorablement le job de ce point de vue-là.

Autre source d’insatisfaction, les quelques failles de cohérence relevées en cours de route, la plupart découlant directement d’une utilisation trop bornée des pouvoirs de téléportation dont bénéficient les protagonistes de l’histoire, et qui auraient dû selon toute logique empêcher l’apparition du statu quo mis en scène par Thorpe sur Perditus (seul moyen pour que Lionel puisse arriver sur place à temps pour régler la situation). Entre Typhon qui se souvient soudainement qu’il n’a pas besoin de jouer au tower defense avec les Iron Hands pour accéder à Tuchulcha, et ce dernier qui attend obligeamment sur sa planète minable que Lionel vienne le chercher alors qu’il a certainement les moyens de précipiter leur entrevue, la crédibilité SF du récit est largement battue en brèche, ce qui est toujours dommage dans un nouvelle de 40K.

Ceci dit, le bilan est au final assez positif pour The Lion, qui se révèle être un long format digne d’intérêt et à la lecture divertissante. À l’inévitable question : « n’y avait-il pas moyen de faire la même chose en trente pages ? » j’apporterai une réponse négative, la longueur du récit permettant à Thorpe de peindre son sujet par petites touches, un parti pris s’avérant au final plus judicieux qu’un descriptif ramassé sur quelques lignes ou pages. Cet espace supplémentaire permet de plus à l’auteur de débuter quelques intrigues secondaires (Lionel qui doute de la loyauté du capitaine de l’Invincible Reason, Typhon qui voulait récupérer Tuchulcha pour le compte d’un mystérieux commanditaire, la probable présence d’agents du Dark Mechanicus parmi les gardiens de Tuchulcha) ne demandant qu’à être explorées dans d’autres récits. Pas mal Gavin, pas mal du tout.

1 : Lionel: Bon je te préviens coco, si tu ne fais pas exactement ce que je t’ai dit de faire, ça va très mal se passer pour toi. Je compte jusqu’à trois.

Typhon: Whatever, bitch.

Lionel: Un.

Typhon: Parle à ma fau-

BOOOOOOOOOM

Typhon: Oh, c’était quoi ça? Tu avais dit que tu comptais jusqu’à trois !

Lionel: Oui, et je balance une torpille cyclonique pour marquer le décompte. Deu-

Typhon: Okokokok, tu l’as ton armistice espèce de grand malade.

Lionel: Tu vois quand tu veux. On se retrouve en bas, bises.

2 : On se demande pourquoi la Death Guard n’a pas commencé par ça au lieu d’assiéger la station de manière conventionnelle.

: Ce jeu de mots vous a été gracieusement offert par Privateer Press.

: Il le considère au mieux comme un imbécile heureux et au pire comme un ignoble traître, le projet du grand Schtroumpf de commencer un Imperium 2.0 ne plaisant pas du tout à un Lionel se voyant en parangon de loyauté à son Pôpa. C’est assez savoureux de la part d’un Primarque qui a révoqué l’Edit de Nikea sans états d’âme et a décapité à mains nues un de ses Chapelains qui lui rappelait que ce faisant, il défiait ouvertement la volonté de l’Empereur.

5 : Extrait de la nouvelle fable du Lion et du Rat. « … Et Typhon lui tint à peu près ce langage: “Wesh bolos, les DG sont dans la place, prêts à te ravager la face ». Et Lionel répondit : « J’ai entendu ». Et Typhon ne dit plus rien car il s’était fait dessus… ».

Gilead’s Curse (ch. 6) – D. Abnett & N. Vincent [WFB] :

Gilead's CurseRetour à la geste de Gilead le môôôdit, qui commence cette fois par un petit poème faisant rimer moon avec doom (rime touchant le RSA) et death avec faith (rime indigente)1. Ce huitain très imparfait sert d’introduction au retour d’un personnage délaissé par les auteurs depuis quelques chapitres, j’ai nommé le vampire Dragon Rouge lâchement attaqué par Gilead en pleine séance de pilates au début du roman. Et, tout comme son altesse murinissime Raton DLXXXVIII, notre ami hématophile est visiblement affligé d’un TOC de langage assez handicapant dans la vie de tous les jours, puisqu’il passe son temps à répéter son interminable haïku, encore, encore et encore. Lui a cependant l’excuse que ce mantra lui permet de rester à peu près sain d’esprit, en le rapprochant de l’idéal du chevalier bretonnien qu’il a été avant de se faire rouler une pelle par Edward Cullen, il a de cela plus d’un millénaire. D’ailleurs, son quotidien est tout entier consacré au respect d’une routine « humaine » (entretenir son matériel, affuter son épée, dresser le camp pour la nuit…), quand bien même notre vampire n’a en réalité aucun besoin de cela pour poursuivre son existence éternelle.

Totalement déprimé après des éons à traîner ses solerets d’un bout à l’autre du Vieux Monde, le Comte Vampire (puisque c’est ainsi qu’il est appelé pendant la première moitié du chapitre2) n’aspire a rien d’autre qu’à goûter au repos éternel, mais son amour-propre l’empêche d’aller s’enfermer dans la cabine à UV la plus proche ou de s’empaler sur son propre cure-dent. Tel le Tueur Nain qu’il n’est définitivement pas, notre CV cherche à être vaincu en combat singulier par un adversaire digne de ce nom, ce qu’il pensait avoir trouvé en la personne de Gilou le mangeur de tofu. Ceci dit, cela ne l’a pas empêché de laisser filer le bretteur elfe à deux reprises en autant de chapitres, alors que ce dernier ne demandait pas mieux que d’accorder une place au soleil à sa Nemesis… Pourquoi faire logique et simple quand on peut faire abscons et tordu ? Cette fois-ci tout à fait résolu à finir la reprise de manière définitive, le Comte Vampire repart donc dans les souterrains skavens, définitivement très facile à trouver, à la recherche de l’insurpassable Gilead.

En parallèle, deux mystérieux compagnons (très grands, très minces, les traits dissimulés par une capuche, passant inaperçus auprès des humains, je vous le donne en mille ce sont les Casseurs Flowteurs3) sont également sur les traces de notre héros, et après avoir longuement réfléchi à la question, finissent par conclure que le guerrier elfique supra-balèze bougeant à une vitesse supersonique ayant récemment décimé la population skaven des environs à lui tout seul est, selon toute probabilité, Gilead. Pas plus bête que le premier vampire venu, nos deux lascars optent également pour une petite virée dans le sous-monde, et tombent fatalement nez à nez avec le Comte au bout de quelques pages (c’est pas comme si le réseau des tunnels skavens était aussi tentaculaire que labyrinthique, hein). Gros moment de malaise entre les trois poursuivant du maillot jaune, qui après un bref combat4, décident de faire cause commune afin de retrouver leur connaissance mutuelle. Arriveront-ils à temps pour assister au combat apocalyptique entre l’Elfe qui pelait des patates plus vite que son ombre et le beau-frère attardé de Maître Splinter ? Le suspense reste entier.

Croyez-le si vous le voulez, mais j’ai trouvé ce chapitre plutôt pas mal par rapport aux précédents. Certes, il y a encore largement matière à redire ou à commenter dans cette vingtaine de pages5, mais on est loin des délires à la limite du mystique qui étaient la norme jusqu’à récemment. En centrant leur narration sur d’autres personnages, les auteurs ont offert à leur lectorat une pause salutaire dans l’éprouvante narration des baroques aventures de Gilead. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point cela fait du bien de lire un dialogue à peu près sensé entre des personnages l’étant également après plusieurs épisodes très possiblement rédigés sous l’influence de substances illicites. De même, le simple fait que Vincent et Abnett justifient certains comportements précédemment perçus comme irrationnels (pourquoi un vampire allumerait-il un feu alors qu’il ne sent pas le froid et voit parfaitement de nuit ? – voir ch. 1 –) incite à une certaine clémence au moment de juger de la qualité de l’épisode. Ce n’est pas du Cavaliers de la Mort, très loin de là même, mais on s’en approche, un pas à la fois.

1 : Je ne vous ai pas dit mais chaque chapitre débute systématiquement par quelques lignes racontées depuis le point de vue de la barde narrant l’histoire de Gilead à un public que je me plais à imaginer passablement blasé, si elle leur balance à la tête la même prose que Vincent et Abnett. Elle n’aurait pas été à l’agonie, je pense qu’un de ses spectateurs l’aurait étranglée avec les cordes de sa lyre avant la fin du chapitre 3.

2 : Puis simplement le Comte pendant la seconde mi-temps. Le Comte quoi. Celui-ci est plus littéraire que matheux, mais difficile de ne pas voir dans cette appellation un clin d’œil appuyé à Sesame Street de la part d’auteurs de langue anglaise.

3 : Blague à part, on apprend à la fin du chapitre qu’il s’agit de Fithvael (ancien sidekick de Gilead) et de son éromène disciple Laban, lointain cousin de notre héros.

4 : Combat qui donne d’ailleurs à voir la gent elfique telle qu’elle est vraiment, c’est-à-dire fourbe (ils se mettent à deux contre le vampire après avoir réalisé qu’il était beaucoup trop balaise pour un combat à la loyale), rageuse (le jeune elfe continue à attaquer son adversaire après que ce dernier ait rompu l’affrontement à la demande du troisième larron), et malpolie. Heureusement que le Comte a, lui, des manières d’homme du monde, sans quoi la rencontre aurait pu très mal finir pour Siegfried & Roy.

5 : Le vampire qui préfère (littéralement) sucer des vaches plutôt que des humains, on en parle ?  Bon ok, mais le fait qu’il ait un faible pour les jeunes filles menant une vie saine (pas de drogue surtout !) et ne buvant que de l’eau, malgré le fait que ce soit « ben difficile à trouver de nos jours », on en parle quand même ? Non ? Et lorsqu’il utilise ses yeux comme lampe-torche pour éclairer son chemin dans les souterrains des hommes rats (les vampires ont des yeux rouges qui brillent dans le noir, c’est bien connu), on va en parler tout de même ? Surtout qu’il se fait griller par ses stalkers elfiques à cause de ça. Non, vraiment? Ok. Allez, une petite tournure made in Vincent pour terminer, parce que je sais que vous aimez ça.

Thunder from Fenris – N. Kyme [40K] :

Thunder from FenrisCe qu’il y a de bien avec les audiobooks de la Black Library c’est qu’une bonne partie d’entre eux finissent par être publiés en format ebook quelques mois après leur première sortie, et ce pour un prix bien plus attractif qu’à l’origine. Hammer & Bolter a également contribué à ce genre de recyclage en son temps, en incluant des nouvelles précédemment disponibles uniquement en mode audio. Thunder from Fenris appartient à cette catégorie de fictions multicanal, et avait été à l’origine publiée en accompagnement de la sortie du Codex Space Wolves en 2009, avant de trouver le chemin du 19ème numéro de Hammer & Bolter.

Envoyée combattre aux côtés de la Garde Impériale sur le monde gelé de Skorbad, une escouade de cavaliers tonnerre voit l’un de ses membres succomber à la malédiction du Wulfen et s’enfuir dans les étendues sauvages de la planète après avoir trucidé son loup de compagnie ainsi qu’un de ses camarades et sa monture. Bien embêtés par ce coup du sort, les trois autres fils de Russ mettent ces pertes sur le dos de l’ennemi local (des zombies de la Peste) afin de sauver les apparences devant leurs alliés, mais décident tout de même de mettre la main sur le fratricide avant de quitter Skorbad, l’épidémie étant en passe d’être contenue au moment où commence notre histoire.

S’en suit le récit de la traque du Wulfen en liberté par les grands méchants loups, séquence riche en péripéties et en scènes de baston assez insipides, et conclue par un retournement de situation pas vraiment original. On notera tout de même que la nouvelle se termine sans que l’intrigue n’ait évolué d’un iota, la dernière ligne du texte décrivant l’ultime survivant de l’escouade (voilà une campagne qui a du faire pleurer plus d’un RH du Croc : 90% de pertes parmi la crème de la crème du chapitre) s’élançant dans la toundra hache de givre au clair à la poursuite de son infatigable comparse poilu, comme il l’avait déjà fait 28 pages plus tôt. It’s groundhog Wulfen day folks.

Thunder from Fenris nous propose de, ou plutôt nous force à, renouer avec Nick Kyme sous son incarnation la moins avenante, celle de l’auteur publicitaire qui ne fait même pas semblant de s’intéresser à son sujet et se contente de cocher toutes les cases de son cahier des charges sans chercher à livrer un résultat intéressant, ni même cohérent. Cela avait déjà transpiré dans l’extrait de The Fall of Damnos (Hammer & Bolter #4), narration très peu inspirée du potentiel martial des Nécrons mettant en scène la moitié des entrées de l’ancien Codex ; cela dégouline carrément dans cette nouvelle soumission, qui se révèle être une ode bancale et risible à la puissance des cavaliers tonnerre, nouveauté du Codex SW de 2009 qu’il fallait bien faire acheter en masse par les fanboys pour rembourser les moules.

Bancale tout d’abord car Kyme ne s’embête pas à justifier ni à dissimuler les multiples incongruités de son scénario. Le simple fait qu’une escouade de cavaliers tonnerre opère en solo (ce qui semble être ici le cas, nos héros ne communiquant avec personne tout au long de la nouvelle, pas même avec l’équipage du vaisseau sans lequel ils auraient eu bien du mal à rejoindre Skorbad) constitue déjà une double hérésie, non seulement d’un point de vue stratégique, mais également au niveau du fluff, qui dépeint clairement les chevaucheurs de loulous géants comme l’un des secrets les mieux gardés du Chapitre, ce qui ne plaide pas pour un déploiement sur une opération de soutien à la Garde Impériale. La nouvelle n’a même pas commencé qu’elle prend déjà l’eau de toute part ! Kyme réussit donc à prendre un pire départ que Green dans son Salvation, que je considérais jusqu’à présent comme le nadir de la littérature 40K en matière de respect du background, ce qui mérite d’être souligné.

La suite est (mal)heureusement1 du même tonneau, le souci de Kyme de peindre ses héros sous le meilleur jour possible prenant le pas sur tout le reste, y compris et surtout la cohérence de son récit. Le Wulfen doit étriper un de ses camarades de classe pour lancer l’intrigue ? Ça tombe bien, les trois autres membres de l’escouade étaient à des kilomètres de leurs comparses au moment des faits et ne pouvaient donc pas intervenir. Un loup tonnerre, ça court à quelle vitesse ? Bah, ça dépend des pages, mais ça n’est en tout cas pas foutu de rattraper un Wulfen, tenez-le vous pour dit. Les Space Wolves sont de nobles guerriers faisant toujours ce qui leur semble juste, même si cela doit les mettre en porte à faux avec les factions les plus cyniques de l’Imperium ? Ceux de Kyme exécutent de sang-froid une poignée de Gardes Impériaux ayant eu le malheur de combattre des zombies de la Peste au corps à corps2. Un Space Marine en armure énergétique qui tombe dans de l’eau profonde ne coule pas comme une pierre du fait de son poids considérable (alors qu’un loup tonnerre, moins caparaçonné que son cavalier, si). Les zombies de Kyme découvrent soudainement comment utiliser des fusils lasers et des autocanons (avec assez de précision pour descendre un loup tonnerre pendant sa charge) lors du final de la nouvelle… Autant de « détails » pouvant, et encore, passer inaperçus dans un audiobook, le rythme de la narration ne permettant généralement pas à l’auditeur de se livrer à un contrôle de cohérence en bonne et due forme, mais qui ressortent comme un bouton d’acné sur le front d’un Blood Angels une fois couchés sur le papier.

Risible ensuite, car les adversaires choisis par Kyme à ses vikings du futur ne paient vraiment pas de mine. Une galaxie hostile remplie de joyeusetés pouvant gober un Space Marine comme qui rigole, souvent sans même avoir besoin de l’éplucher auparavant, et nos Gardes Loups d’élite se retrouvent à tataner de vulgaires zombies de la Peste ? Et pourquoi pas des Grots hémiplégiques pendant que tu y es, Nick ? Résultat des courses, nos héros font bien évidemment exploser le bodycount de la nouvelle à grands renforts de scènes d’action tout droit sorties d’une repompée philipino-turco-italienne des aventures de Connard le Barbant, mais à vaincre sans péril… Quitte à donner dans le panégyrique, autant donner aux protagonistes un ennemi à leur taille, ce qui ne donnera que plus de valeur à leurs exploits : César avait bien pigé la ficelle dans sa Guerre des Gaules, mais Kyme n’a visiblement pas eu le même déclic au moment d’écrire Thunder from Fenris, ce qui est assez malheureux étant donné le but premier de l’opus.

En conclusion de cette chronique, vous l’aurez compris assez désabusée de ma part, je ne résiste pas à la tentation de vous soumettre une réflexion que je me suis faite au moment des recherches préliminaires à la rédaction de ce billet (car oui, je fais des recherches, même – surtout d’ailleurs – pour des œuvres aussi terribles que ce Thunder from Fenris). La nouvelle ayant une entrée sur le Lexicanum, j’ai eu la surprise de découvrir à la lecture de l’article que Kyme avait calqué ses personnages sur le trio de Space Wolves représenté sur l’illustration de couverture de l’avant-dernier Codex. Le héros (ou en tout cas, le dernier survivant de l’escouade) est ainsi un guerrier blond avec une cicatrice au-dessus de l’œil gauche, une cape en peau de loup, un collier de crocs et maniant une hache de givre. Il est secondé par un adepte du bolter noir de poil et d’humeur, et par un joyeux berserk aux cheveux bruns armé d’une paire de griffes énergétiques. Toute ressemblance avec des personnages ayant existé (ou dans notre cas, ayant été représenté ailleurs) est bien entendue totalement fortuite… Même si un tel « plagiat » n’a rien de répréhensible en tant que tel, je trouve que cela en dit long sur la motivation qui devait être celle de Kyme au moment de pondre Thunder from Fenris, le bougre ayant simplement recyclé un artwork (très réussi il faut bien le reconnaître) au lieu de partir sur une création originale. La vie d’un auteur de la BL peut-être ingrate.

1 : À ce stade, j’avais déjà basculé en mode sarcastique, et prenait les nouvelles bourdes de Kyme avec un détachement total et un plaisir mauvais.

2 : On rappellera tout de même que Logan Grimnar s’est mis l’Inquisition à dos en critiquant ouvertement les mesures préventives prises par cette dernière envers la population d’Armageddon après qu’Angron et ses potes soient venus faire un bowling sur la planète en 444M41.

Au final, ce 19ème numéro a clairement surpassé les attentes, certes peu élevées, que j’avais placées en lui à la lecture de son lineup. You can’t judge a book by looking at the cover, comme dit le poète, et à raison. Avec un chapitre de Gilead’s Curse plutôt meilleur qu’à l’accoutumée, un final de The Lion assez convaincant et un Irixa tapant dans le haut du panier de Counter, les ¾ de ce numéro ont surperformé, ce qui est toujours agréable. Reste le Thunder from Fenris de Kyme, qui s’est révélé contenir assez d’éléments what-the-fuck-esques pour l’opus dans son ensemble : regrettable, certes, mais pas vraiment surprenant. À la prochaine !

À propos de Schattra

Égoïstement optimiste, çapourraitêtrebienpirologiste assumé. Selfishly optimistic, proud itcouldbemuchworsologist

Publié le avril 8, 2016, dans Chronique, et tagué , , , , , , , , , , , , , , , , , , . Bookmarquez ce permalien. Poster un commentaire.

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