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SCIONS OF THE EMPEROR [HH]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette critique de ‘Scions of the Emperor’, recueil consacré par la Black Library aux pérégrinations des fils de Pépé. Cet ouvrage est le deuxième du genre, et fait suite à ‘Sons of the Emperor’, que la logique aurait sans doute voulu que je couvre en premier. Son tour viendra, n’en doutez pas un instant. Pour l’heure, la sortie en format numérique de cette anthologie, originellement distribuée uniquement sous format papier et dans des conventions de la Black Library, constituait une trop belle occasion de me replonger dans l’Hérésie d’Horus pour ne pas la saisir. Faisant fi du prix significatif de ce petit recueil (15€ pour 116 pages utiles, c’est un ratio famélique), j’ai donc placé ce dernier en haut de ma liste de lecture des vacances, en espérant y trouver quelques informations pas piqués des vers sur la marmaille impériale.

Scions of the Emperor (HH)

Au menu de ce ‘Scions…’, huit nouvelles signées de la main d’auteurs bien connus de l’amateur de GW-Fiction, même si certains ne pouvaient pas justifier d’une expérience conséquente en termes d’Hérésie (David Guymer, Ian St Martin), voire entraient carrément dans la carrière avec cette soumission (Darius Hinks). Comme l’a dit l’Empereur à Roboute Guilliman lors de la troisième mi-temps du Siège de Terra, mieux vaut tard que jamais1. On retrouve également des vétérans/revenants du 31ème millénaire, en la personne de David Annandale, Guy Haley, Gav Thorpe, James Swallow et Chris Wraight. Reste à découvrir ce que ces sacripants de Primarques ont fait de leur temps libre, pendant que leur Pépé avait le dos tourné…

1 : Il est probable que cette remarque soit apocryphe et mise dans la bouche de Pépé (en même temps que la canule de son intubation) par Guilliman lui-même, dont la tendance à réécrire l’histoire pour se donner le beau rôle n’est plus à démontrer.

Scions of the Emperor

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Canticle – D. Guymer :

INTRIGUE :

On a tous nos surnoms, plus ou moins glorieux, et Ferrus Manus ne fait pas exception. Bien avant d’être baptisé pognes d’acier (en latin haut gothique pour faire plus classe), notre héros a ainsi été appelé Numerodis (l’Empereur), Cataclysme (les géants des tempêtes du Pinacle de Karaashi), La Finalité (des morts-vivants quelconques), Rehew Netjer, soit le Fils de l’Homme (les Necrons), Mon très Chair (les despotes fragmentés du Subliminat), et Empafé de première (le type auquel il a piqué sa place sur le parking du Monoprix de Medusa). Pour sa part, et après avoir malencontreusement libéré Asimoth sur sa planète d’adoption peu de temps après son arrivée remarquée sur cette dernière et s’être révélé trop faiblard pour ramener la bestiole dans son enclos, le Primarque des Iron Hands s’est donné le nom et la vocation de Chasseur, ayant décidé de réparer sa bévue en traquant le wyrm d’argent à travers les paysages bucoliques de Medusa.

Ces premières années sont également l’occasion pour Ferrus Manus de faire ses premières armes, dans tous les sens du terme. On apprend ainsi qu’il a rencontré quelques difficultés sur sa route, d’ordre robotique, semi-robotique et infernal, ce qui donne une idée de la très riche « biodiversité » de la planète sur laquelle il a fait son trou. Rien de très mémorable cependant pour FM (et pour Guymer), dont l’équipement consiste en une cuirasse d’adamantium upcyclé et une bardiche bricolée à partir des dépouilles fumantes de ses malheureux adversaires biomécaniques. On apprend également que ce gentil garçon est capable de subsister sur un régime composé de sable, minéraux et métaux1, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Poursuivant sans relâche sa proie insaisissable, Ferrus finit tout de même par rencontrer des membres de son espèce, d’abord sous forme de cadavres entourant l’épave d’un camping-car Medusan. Curieux d’en apprendre plus sur ces étrangers qui lui ressemblent tant, et soucieux de récupérer un peu de matos utile dans la boîte à gants du véhicule éventré avant que tous les charognards du coin ne débarquent, le jeune Primarque se fraie un chemin jusqu’à la chambre forte du Sandcrawler, négociant au passage dix zombies cyborgs (zomborgs ?) occupés à mastiquer les cartes mères et câbles jack leur étant tombé sous la pince. Ce régime majoritairement électrovore ne les empêche cependant pas de sauter sur l’aventurier pour lui faire les poches dès qu’il s’approche un peu trop, forçant notre héros à faire montre de force autant que de ruse.

Une fois parvenu dans la salle des coffres, Ferrus a la surprise d’être mis en joue par une rescapée de l’embuscade ayant scellé le destin du véhicule et de ses occupants. Guère impressionné par la pétoire plasmique que son interlocutrice lui pointe sur le torse, le Chasseur refuse l’offre qui lui est faite par cette dernière de rejoindre son clan, arguant qu’il a encore une opération de vermifuge à accomplir, et un véritable nom à obtenir, avant de pouvoir faire son entrée dans le monde et participer au Bal des Débutant.e.s de Medusa. La suite de l’histoire de Chéri FM, si elle est connue, sera toutefois narrée dans un autre cantique que celui-ci.

1 : Avec quelques protéines et lipides occasionnelles de temps à autres, par exemple lorsqu’il croise la route d’une escouade de Dépeceurs sur leur 31. On peut donc classer Ferrus Manus dans la sous-catégorie des Primarques cannibales, avec Konrad Curze et Sanguinius.

AVIS :

On a plus l’impression d’un épisode pilote pour une série consacrée à l’enfance de Ferrus Manus que d’une nouvelle indépendante à la lecture de ce ‘Canticle’. Guymer passe en effet la majorité de ses pages à présenter de façon intrigante le jeune Primarque et sa planète, dont on aimerait bien apprendre davantage à la fin de son récit. L’intrigue semble avoir été volontairement tronquée pour permettre à l’auteur de la reprendre au cours de l’épisode suivant, qui n’a, à ma connaissance, pas été publié à ce jour. Peut-être faut-il creuser du côté de la novella1 que David Guymer a consacré à son héros pour mettre en perspective cette nouvelle ? Ou plutôt dans le ‘Voice of Mars’ du même auteur, où le Cantique des Voyages occupe une place importante ? En tous cas, si elle n’est certes pas désagréable à lire, et livre quelques éléments de fluff sur le plus moyen des fils de l’Empereur, cette histoire aurait gagné à se conclure de façon plus définitive.

1 : ‘Ferrus Manus : La Gorgone de Medusa’.

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The Verdict of the Scythe – D. Annandale :

INTRIGUE :

Nous retrouvons Mortarion, le plus sec (dans tous les sens du terme) des Primarques pendant la Grande Croisade, alors que la flotte d’expédition qu’il mène approche de la planète Absyrthus en mode bulldozer, perforant comme qui rigole – si Morty savait ce que cela veut dire – les défenses orbitales des locaux et se préparant à larguer son contingent de Death Guards sur les positions stratégiques de ce théâtre d’opération. Pour une fois, cette brutalité, pour laquelle sa Légion est fameuse, semble être justifiée. La civilisation d’Absyrthus est en effet similaire à celle de Barbarus, en cela qu’elle est gouvernée par une caste de sorciers1, ce qui a le don de mettre le Primarque psychophobe en rogne. Son plan pour remédier à ce problème fâcheux et mettre ce monde en conformité avec le cahier des charges impérial est aussi simple qu’élégant que direct : envoyer une barge Astartes s’écraser sur le QG adverse, ici la capitale planétaire, Temnis, pour décapiter (et aplatir) sa chaîne de commandement et frapper l’ennemi au cœur. Il a déjà employé cette technique, sans doute piquée aux Orks, avec un succès indéniable mais un peu trop sanglant pour ses fragiles de frères, lors de la campagne de Galaspar, achevée en un temps record par l’envoi d’un vaisseau spatial dans sa cité ruche principale. Un vieux fond de compassion qu’il ne se savait pas avoir pousse toutefois Mortarion à limiter la casse sur Absyrthus, qui ne perdra que son spatioport sous les patins blindés du Fourth Horseman, avant de demander grâce quelques minutes plus tard. Toujours d’humeur miséricurieuse (ça veut dire ce que ça veut dire), le Faucheur masqué accepte la réédition sans condition du camp d’en face au lieu d’ordonner le massacre complet des habitants de Temnis, comme ses officiers, à commencer par ce fourbe de Typhon Calas, s’y attendaient.

Il s’avère en effet que Mortarion est travaillé par une vague pulsion empathique, et s’interroge sur la possibilité, même mineure, d’apporter la paix et l’ordre à la galaxie autrement qu’en massacrant les mécontents. Absyrthus fera donc figure de test grandeur nature, et notre ombrageux et ombragé héros accepte avec stoïcisme de se plier aux formalités organisées par la reine déposée Cirkesce après la fin des combats. Typhon, entraîné par son boss dans le traquenard absolu que constitue un dîner diplomatique, questionne ouvertement le bien-fondé de la décision du Primarque, arguant que si la Légion s’appelle DEATH Guard, et pas la IDAWYBRYO2 Guard, c’est bien pour une raison. Habitué à se faire bolosser par son sous-fifre dans les écrits de James Swallow, Morty ne trouve pas grand-chose à dire pour justifier sa magnanimité soudaine, et décide d’aller prendre l’air pour rencontrer les vrais gens d’Absyrthus, et ainsi se faire une opinion définitive sur la situation. Laissant le palais derrière lui et ses Deathshrouds à longue portée (49 pas exactement), sa (future) Majesté des Mouches s’enfonce dans le dédale de la vieille ville…

Début spoiler…Et là, cela tourne rapidement au drame. Les oreilles sensibles de Mortarion finissent en effet par détecter les bruits révélateurs d’un rituel chaotique, ce qu’il a formellement interdit aux nouveaux sujets de l’Imperium. On pourrait arguer que c’est un peu chien de sa part de se formaliser de la persistance d’une pratique traditionnelle bannie il y a moins d’une journée, mais le Primarque acquiert bientôt la certitude que la vieille femme qui fait couiner son brasero au cœur de la casbah de Temnis EN A FAIT EXPRÈS POUR LE FAIRE CHIER ce qui est un crime impardonnable. Pire, sa rapide entrevue avec la mégère décomplexée, et son retour jusqu’au palais de Cirkesce, le convainquent que les Absyrthusiens sont tous des hypocrites, faisant semblant de se plier aux consignes des envoyés de l’Empereur le temps que ces derniers repartent purger les étoiles.

Devant ce constat accablant, et peut-être un peu précipité, le sort de la planète est scellé. Mortarion siffle la fin de la récré, arrachant Typhon au buffet froid que le Premier Capitaine était en train de nettoyer avec lenteur et méthode3, repart en orbite et décrète l’Exterminatus pendant que ‘Won’t Get Fooled Again’ des Who est envoyé à fond les ballons par l’auto radio du Fourth Horseman. Ce sera désormais le seul verdict que délivrera la Death Guard à ses adversaires, en faisant la Légion la plus efficace de la Grande Croisade pour un temps…Fin spoiler

1 : Autre point commun avec la planète natale de Mortarion (et le Finistère Nord) un taux d’ensoleillement inférieur à 1%.
: I Don’t Agree With You But Respect Your Opinion.
3 : On le sait peut, mais c’est de là que vient la règle spéciale de la Death Guard.

AVIS :

David Annandale montre avec ‘The Verdict of the Scythe’ qu’il a parfaitement compris les modalités de l’exercice représenté par une nouvelle Primarchs, soit un récit mettant en scène un épisode marquant de la vie de son sujet, et éclairant le lecteur sur les raisons ayant poussé ce dernier à devenir la figure qu’il est dans le fluff. En 12 pages bien pesées, Annandale répond ainsi à la question Orangina Rouge (mais pourquoi est-il si méchant) pour Mortarion, brossant le portrait d’un Primarque dont le caractère impitoyable a été, à un certain niveau, causé/renforcé par un événement particulier l’ayant détourné pour de bon de la voie du Bisounours. On peut trouver l’histoire et la justification qu’elle apporte à la rigidité morale de son protagoniste simpliste, mais force est de reconnaître à l’auteur qu’il a rempli son contrat de façon satisfaisante, même si pas extraordinaire.

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A Game of Opposites – G. Haley :

INTRIGUE :

C’est malheureusement très peu traité dans les livres d’histoire impériaux, mais la bataille de Beta Garmon, aussi connue sous le nom de casse (de Titans) du millénaire, ne s’est pas tenue du jour au lendemain. Cette rencontre décisive entre renégats et loyalistes, et les milliards de morts qui en ont découlé, n’a été rendue possible que par le dévouement et le travail de l’ombre de Légions de sous-fifres, comme l’histoire dont il est question ici s’en fait écho. Bienvenue donc à la surface d’Epsilon Garmon II, planète du cluster garmonien que les Iron Warriors souhaiteraient fortifier pour ralentir l’arrivée prochaine de Guilliman et de ses hordes de Schtroumpfs. Le conditionnel est ici de mise car les efforts de terrassement des hommes de fer se sont jusqu’ici faits contrecarrer par les manœuvres destructrices d’une petite force de White Scars. Peu familiers des techniques de hit and run de leurs cousins des steppes, les fils de Perturabo sont perturbés par cette campagne d’un genre nouveau, où ils arrivent toujours trop tard pour empêcher les Space Bikers de sévir.

Fort heureusement, le Maître de Forge Xyrokles, affublé de son larbin et souffre douleur Phideark, ainsi que d’une ribambelle de Capitaines dont je vous épargnerai les noms, a un plan machiavélique pour venir à bout du péril jaune blanc à éclair rouge. Ayant récupéré dans un campement abandonné par ses ennemis quelques bouquins philosophiques signés de la main même de Jaghatai Khan et remplis d’aphorismes aussi profonds que « La taupe ne voit pas le vol de l’éléphant », « Pourquoi rester debout quand on peut s’asseoir » ou « Plus il y a de fous, moins il y a de riz », Xyrokles a tellement bûché sa philo1 qu’il est certain de pouvoir prendre les White Scars à leur propre piège, en réalisant un coup de billard à IV bandes à base de feintes, de retraites et d’embuscades tellement complexes que la majorité de ses sbires n’y blaire que dalle. Lorsque vient enfin le jour le plus long, le Khan Ishigu emmène ses motards énergétiques faire une petite virée dans un avant poste renégat, sans se doute un instant que ses minutes sont comptées.

Et en effet, le plan de Xyrokles se déroule comme sur des roulettes, la colonne blindée qu’il a envoyé leurrer les loyalistes au moment où ils commencent à se replier en bon ordre se révélant être un extra trop tentant pour qu’Ishigu et Cie résistent à la tentation d’y planter leurs pneus. Ce détour est toutefois lourd de conséquences pour les White Scars, qui se font surprendre par une contre-attaque vigoureuse de la part des Iron Warriors, et canalisés dans un goulet étroit débouchant sur la ligne de blindés du Maître de Forge, qui n’a plus qu’à donner l’ordre d’ouvrir le feu pour régler une fois pour toutes leur compte aux scarifiés d’en face…

Début spoiler…Mais c’était sans compter sur la légendaire flexibilité tactique des fils du Khan, qui avaient tout planifié depuis le début et cachés également une réserve mobile pour surprendre l’adversaire. Confrontés à une force anti-chars conséquente et bénéficiant de l’effet de surprise, Xyrokles et ses hommes ne font pas long feu (c’est la vieille histoire de l’artilleur artillé). L’honneur est toutefois sauf pour ce dernier, puisqu’il s’aperçoit après avoir été fait prisonnier que c’était Jaghatai Khan en personne qui était aux commandes dans le camp d’en face. S’en suit un échange d’amabilités qui nous permet d’apprendre que le Khan se tamponne le samovar avec la vérité impériale, qu’il considère poliment comme un avis parmi d’autres. Stupeur chez Xyrokles, qui en surhomme de principe, pensait que tous les loyalistes adhéraient scrupuleusement au dogme de Pépé. Il emportera toutefois ce secret dans la tombe, que son généreux vainqueur lui accorde en récompense de ses méritants efforts de réflexion, Jaggie Chan lui dévissant les cervicales d’un tour de main à la fin de leur échange. C’est qu’il a du pain sur la planche, et un retour sur Terra à préparer…Fin spoiler

1 : Ce qui est somme toute logique pour un grec ancien.

AVIS :

Je suis partagé sur la valeur de ce ‘A Game of Opposites’, qui comporte des éléments positifs comme négatifs. Pour commencer par ce qui ne fâche pas, j’ai apprécié le choix de Haley de donner une dimension, si ce n’est comique, au moins caustique, à ses Iron Warriors, qui font ainsi mentir leur réputation de guerriers prenant tout au premier degré. La dynamique entre Xyrokles et Phideark est particulièrement savoureuse, le second encaissant sans broncher toutes les punchlines que son supérieur lui balance à la tête. Dommage que le destin tragique du Coluche d’Olympia nous prive d’autres saillies drolatiques de sa part pour la suite de l’Hérésie. Cette nouvelle est également intéressante d’un point de vue fluffique, car elle donne à voir un Jaghatai Khan d’un pragmatisme assumé et presque hérétique, ayant pris parti pour son Père mais loin de se ranger à toutes ses vues, y compris sur des sujets aussi sensibles que la religion (il croit en la réincarnation). D’un autre côté, ‘A Game of Opposites’ pêche franchement pas son manque de suspens et son déroulement sans surprise. Car le résumé ci-dessus ne suit pas exactement le récit de Haley, qui choisit de révéler la présence du Khan au côté d’Ishigu dès le premier tiers de la nouvelle, ce qui condamne d’office le stratagème de Xyrokles à l’échec1. Le retournement de situation final et la victoire des White Scars sont donc aussi attendus que l’heure de la pause syndicale dans un guichet de poste, ce qui peut blaser le lecteur (en tout cas, ça a été mon cas). En conclusion, pas le meilleur texte de Guy Haley, mais pas désagréable ou inutile pour autant.

1 : Il n’y a que John French qui fait battre un Primarque par un Space Marine (‘The Crimson Fist’).

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Better Angels – I. St Martin :

INTRIGUE :

Les Légions Space Marines sont un peu comme les filières post bac : il y en a pour tous les goûts et tous les niveaux. Si les impétrants ayant de la suite dans les idées et la volonté de faire carrière se rabattront sur des spécialisations ternes mais assurant la sécurité de l’emploi (BTS Gestion avec les Ultramarines, Bac Pro travaux publics avec les Imperial Fists ou les Iron Warriors, CAP Esthétique avec les Emperor’s Children…), les plus aventureux tenteront leur chance dans des cursus plus pointus, à leurs risques et périls. C’est ainsi que l’Empereur se retrouva avec des cohortes de philosophes désagrégés (Thousand Sons), théologiens en déshérence (Word Bearers), et vétérinaires ayant raté leur concours d’entrée (Space Wolves), qu’il dût bien recaser à droite et à gauche pour éviter la crise. Enfin, pour un temps. Mais, parmi tout l’Astartes, aucune Légion n’égale les Blood Angels en termes de réputation. Si on appelle les fils de Sanguinius (derrière ses ailes) des poètes, des peintres ou des danseuses, c’est pour une bonne raison : le Primarque exige que tout le monde pratique une discipline artistique, depuis le plus humble novice jusqu’au plus ancien des Dreadnoughts1. Notre héros, que nous allons suivre depuis le début de sa carrière jusqu’à l’arrivée de la flotte de la IXème en orbite de Terra, peu de temps avant le début du siège, ne fait pas exception. Jehoel (il faut croire que Joël était déjà pris) s’est ainsi spécialisé dans la verrerie, ce qui lui a attiré l’intérêt et le mentorat de son père génétique, souvent présent lorsque le souffleur fait parler la poudre le sable.

Ces rencontres ponctuelles mais fréquentes, si elles permettent aux deux surhommes de discuter technique et philosophie, amènent surtout le lecteur à suivre en filigrane la fin de la Grande Croisade et l’Hérésie d’Horus du point de vue d’un Primarque et d’une Légion particulièrement éprouvés par la traîtrise du Maître de Guerre, et le déclenchement de la baalédiction des fils de Malle, ou l’inverse. Finies donc les évocations de la prochaine reconversion des légionnaires en portraitistes et potiers une fois la galaxie conquise, et bonjour les sculptures de démons réalisées dans un état second, au grand déplaisir de Sanguinius – qui passe la nouvelle à critiquer Jehoel, ceci dit. Adieu aux riches galeries du Red Tear, et bonjour à la décoration minimaliste du Convenant of Blood, véhicule de courtoisie prêté par l’Imperium après le carambolage de Signus Prime. Lorsque St Martin décide enfin de mettre un point final à sa nouvelle, on apprend tout de même que si Sanguinius s’est montré aussi assidu dans ses discussions avec Jehoel au cours des décennies passées, c’est parce qu’il considérait que ce dernier était l’un des Blood Angels les plus bloodangeliques de la Légion, et pouvait ainsi se contempler à sa guise dans son interlocuteur. Un peu égocentrique le garçon, tout de même. Le rideau tombe sur la scène après que Jehoel ait montré à son pôpa la représentation idéalisée de Terra qu’il a réalisée avec de la pâte de verre, ce qui lui vaut les félicitations (enfin !) du jury, et que l’Ange ait balancé la remarque à connotation fataliste de rigueur, davantage pour le bénéfice du lecteur que pour celui de son fiston. Si jeunesse savait…

1 : À l’exception notable de la danse classique, après que le Vénérable Neolardon ait failli écraser Sanguinius en passant à travers le plancher du gymnase à la suite d’un saut carpé mal négocié.

AVIS :

Je placerais ce ‘Better Angels’ dans le prolongement de ‘Death of a Siversmith’/’Mort d’un Orfèvre’ (Graham McNeill), et pas seulement parce qu’il met en scène un protagoniste très porté sur les arts plastiques. On retrouve en effet, et surtout, dans cette nouvelle la volonté assumée de l’auteur de surprendre son public en livrant une histoire s’écartant largement du bolter porn qui est la norme de l’Hérésie d’Horus. Et, là encore, le résultat penche davantage vers l’exercice de style un brin forcé que vers la réussite incontestable. Ou peut-être n’ai-je pas lu assez sur Sanguinius et les Blood Angels pour tirer la substantifique mehoelle de ce texte ? C’est bien possible. Toujours est il que je sors du studio du Primarque à plumes un peu circonspect sur la valeur de cette soumission, qui aurait pu, pour reprendre son titre, être bien meilleure.

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The Conqueror’s Truth – G. Thorpe :

INTRIGUE :

La chance d’une vie. C’est ainsi que la Commémoratrice Ennylin Ares, rattachée à l’équivalent d’un car de manœuvres moldaves en matière de flotte d’expédition de la Grande Croisade, accueille la nouvelle d’une rencontre fortuite avec une escadre de vaisseaux de l’Astartes dans le système de Vestogorn. Et tant pis s’il s’agit des Night Lords, dont la réputation de brutalité et de sadisme commence à transpirer largement d’un bout à l’autre de l’Imperium. C’est en effet l’occasion pour notre héroïne, qui a jusque-là usé ses pellicules à immortaliser des inaugurations de barres de HLM pour déportés colons sur une douzaine de mondes conquis depuis belle lurette, de se confronter à la réalité de l’expansion humaine dans la galaxie, et de saisir sur le vif les glorieux Space Marines alors qu’ils apportent l’unité impériale à une planète un peu récalcitrante. Après tout, c’est pour son bien.

Sa requête d’un rattachement aux opérations des Night Lords ayant été rapidement acceptée, Ares bénéficie d’un traitement VIP, accordé à la demande expresse de Konrad Curze, qui dirige la mise en conformité de Vestogorn d’une main de fer et d’un air satisfait. C’est tout lui ça. Après une rencontre convenablement inquiétante et crépusculaire sur le Nightfall avec le Primarque en personne pour un entretien de motivation rapidement expédié, Konnie charge son surhomme à tout faire, le sarcastique Premier Capitaine Sevatar, de chaperonner la Commémoratrice sur le terrain. N’ayant que peu de temps à consacrer à une touriste à appareil photo, l’officier se contente de la déposer à bonne distance de la ligne de front, en lui intimant de ne pas se rapprocher de cette dernière, sous peine de rencontrer les mêmes problèmes que les Commémorateurs précédemment rattachés à la VIIIème Légion, dont les effectifs ont fondu comme neige au soleil après une série d’accidents fâcheux et de démissions subites. C’est que tout le monde ne supporte pas bien la manière très personnelle dont les Night Lords s’acquittent de leur mission de reconquête du Lebensraum impérial. Il y a des Croisés qu’il ne vaut mieux pas croiser dans une allée sombre…

Bien évidemment, dans la plus pure tradition des civils indisciplinés fourrés dans les pattes énergétiques des Space Marines, Ares décide de ne pas suivre le sage conseil de Sevatar, et bien évidemment, elle se met rapidement dans de beaux draps. Sa décision de grimper en haut d’un immeuble en ruines pour bénéficier d’une vision d’ensemble sur la cité « pacifiée » par les Night Lords se révèle être une mauvaise idée lorsqu’une petite bande de combattants locaux la repère et converge sur sa position, et sans doute pas pour lui demander de prendre une photo de groupe. Tout cela aurait pu très mal se finir pour notre héroïne sans l’intervention parfaitement ponctuelle des Night Lords, qui font leur fête aux insurgés, récupèrent la Commémoratrice égarée, et l’emmènent à quelques blocs de là rencontrer à nouveau Curze, qui a besoin de ses talents de communicante pour faire passer un message…

Début spoiler…Ce message, qu’il destine et dédicace à tous les pontes de Terra qui décident du devenir de la Grande Croisade sans y avoir jamais participé, et aussi cash que trash. Le rêve de l’Empereur est, dans bien des cas, un véritable cauchemar pour les populations des planètes qui résistent à l’assimilation, comme l’illustre bien le destin des Vestogorniens, victimes d’un grand remplacement littéral et expéditif pour faire la place aux colons impériaux. Faits prisonniers par les Night Lords, ils sont en effet précipités dans les puits géo-thermaux dont la cité tire son énergie, ce qui règle d’un seul coup les problèmes d’insécurité et de surpopulation auxquels Curze est confronté, en plus de se révéler économe en munitions. C’est Gégé de la compta’ qui va être content. Evidemment, Ares est scandalisée par ce crime de guerre puissance 30.000 auquel elle est forcée d’assister, mais est prise au dépourvu par le désir sincère du Primarque que cette vérité peu glamour soit partagée avec le reste de l’Imperium, et par la révélation (peut-être mensongère) que l’Empereur est déjà au courant de l’approche radicale de son fils indigne, et n’a rien trouvé à y redire… pour le moment. Curze insiste même pour récupérer les images et vidéos prises par Ares afin que les Community Managers de sa Légion puissent monter un petit clip d’avertissement sans frais pour les prochaines planètes que les Night Lords seront chargés d’ambiancer. Bref, tout le monde y gagne, et tout va (déjà) pour le mieux dans le meilleur des univers…Fin spoiler

AVIS :

Gav Thorpe fait le job avec cette chtite nouvelle, qui donne à voir les méthodes et philosophies d’un Konrad Curze encore loyal mais déjà fortement désabusé et totalement marginal, au plus fort de la Grande Croisade. Rien de tout cela n’est très nouveau, à part peut-être le fait que l’Empereur ait soi-disant choisi de fermer les yeux sur les méthodes incisives de l’ex futur Night Haunter, mais le propos est bien servi et mis en scène, et Thorpe ne se gêne pas pour souligner la logique dans la folie du Primarque justicier, qui fera finalement école dans les millénaires qui suivront. Quel visionnaire alors, ce Konrad. On a également plaisir à retrouver Sevatar, pas encore blanchi sous le harnais ni rougi sur le gantelet, et le voir faire du Sevatar (ADB style), c’est-à-dire balancer des remarques acerbes avec l’aplomb d’un Gaspard Proust sous progénoïdes. C’est du fan service certes, mais c’est pas mal fait et on aurait donc tort de s’en priver. Au final, ‘The Conqueror’s Truth’ est une version revue, corrigée et améliorée de ‘The Dark King’/’Le Roi Sombre’ (Graham McNeill), qui se donne l’espace et les moyens de délivrer son message de façon efficace.

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The Sinew of War – D. Hinks :

INTRIGUE :

Sur Macragge comme sur Terra, bien des millénaires plus tôt, la vile populace s’est soulevée contre ses justes et bienveillants maîtres, provoquant émeutes, massacres, feux de poubelle et occupations de ronds-points, tous crimes abominables mais heureusement sévèrement punis par les forces de l’ordre. Et en termes de répression policière, la capitale des 500 mondes a un avantage de taille et de poids par rapport à notre bonne vieille planète : Roboute Guilliman, génie précoce et baraqué, général visionnaire, humaniste convaincu, et fils adoptif du Consul Konor Guilliman, qui forme avec son collègue Gallan le duumvirat exécutif de l’espèce de république (il y a un sénat aussi) établie sur Macragge City. Occupé en Illyrium à pacifier une bande d’autochtones ayant eu la mauvaise idée de se rebeller contre l’ordre établi, notre héros a raté le début du soulèvement urbain qui a transformé la cité idéale de son enfance en champ de bataille. L’idéaliste, et un brin méprisant, surhomme a bien du mal à comprendre pourquoi diable une partie de l’armée s’est rangée du côté des casseurs, tout ça pour une bête histoire d’argent. C’est bien une réflexion de gosse de riches ça, Roro. Mais il lui faut attendre avant de consigner par écrit ses savantes réflexions sur les causes et les répercussions de ce mouvement social aussi inédit que violent : son père est resté dans la cité et a sans doute été pris pour cible par les fainéants et les sans dents. Il faut lui venir en aide.

Progressant rapidement vers le palais du Consul en distribuant quelques baffes aux mutins au passage, et utilisant son armure de scenarium pour passer entre les balles1, Gui est rejoint en chemin par Gallan, qui est venu lui aussi s’enquérir de la situation de son collègue de bureau. N’hésitant pas à joindre le geste à la parole, le Consul consort est même blessé dans la bagarre, écopant d’une estafilade au biceps pour preuve de son dévouement. Las, les deux compères arrivent trop tard pour sauver Konor (ce qui est triste) et les tapisseries (ce qui est pire). Papa Guilliman a été lâchement égorgé par ses assaillants, l’empêchant de dire adieu à son fils mais surtout de donner le nom des coupables. Bizarrement, il refuse catégoriquement que Roboute s’approche de lui dans ses derniers instants, allant jusqu’à le mettre en joue avec son pistolet pour le maintenir à distance. Le respect des gestes barrières jusqu’à la dernière seconde, on reconnaît bien là la trempe d’un vrai Macraggien. Konor a toutefois un message à faire passer à son fiston avant de mourir pour la patrie : une pièce frappée à l’effigie des deux Consuls de Macragge, et symbolisant le caractère éternel de la république, même en ces heures difficiles. Ou du moins, c’est ce que le cerveau embrouillé de Roboute en déduit, se souvenant d’une leçon de vie mémorable inculquée par son père avec un sesterce du même genre bien des années plus tôt. Sur ces considérations philsophico-fiduciaires, Konor passe de vie à trépas, provoquant une colère noire bleue chez son fils.

Convaincu par Gallan d’aller défendre le Sénat, probablement attaqué lui aussi par les vandales en sandales, Roboute sèche ses larmes et lèche ses armes, avant de se frayer un chemin jusqu’au parlement local en commettant quelques crimes de guerres au passage. On va dire qu’il bénéficiait de circonstances atténuantes. Pendant que Gallan tente d’aller raisonner les sénateurs, qui débattent férocement entre eux du meilleur moyen de châtier les gueux, Guilliman est envoyé se changer au vestiaire, son apparence dépenaillée risquant fort de provoquer des remous contre productifs dans les rangs de l’auguste assemblée. Cet enfilage de toge manque toutefois de tourner court pour le Primarque, qui se fait soudainement attaquer par le préposé aux cabines d’essayage, armé d’un poignard empoisonné. Le nez très fin de Guilliman lui permet de comprendre en un éclair que la même toxine a été utilisée sur Konor, et que c’est pour protéger son fils d’une intoxication involontaire que le Consul mourant l’a empêché d’approcher. Passé l’effet de surprise, l’assassin en puissance ne fait pas longtemps le malin face aux réflexes de mangouste et à la poigne de langouste de notre héros, qui ne parvient cependant pas à lui faire cracher autre chose que des bulles de bave (le bougre retourne son surn contre lui), à commencer par le nom de son commanditaire. Encore un crime crapuleux, c’est dingue ça. Il faudrait vraiment que les pauvres songent à être moins pauvres, ça réglerait beaucoup de problèmes d’un coup. Cette péripétie évacuée, il est temps pour Roboute de rejoindre Gallan sur l’estrade, afin de soutenir le coup d’état salutaire que ce dernier veut initier pour sauver la république…

Début spoiler…Mais, ô surprise, Rob’ est accueilli par un discours très critique de ce galopin de Gallan à l’encontre de son père, taxé de populiste et de socialiste par son homologue, et à l’annonce de son propre assassinat, pour le bien de Macragge. Evidemment, le « hum hum » que jette Guilliman juste après ruine un peu le groove de celui qui aurait bien aimé être empereur, qui se prend les pieds dans le tapis à tenter de justifier son double langage. Pas plus bêtes que la moyenne, les sénateurs comprennent vite que Gallan est le méchant de l’histoire, et qu’il a manigancé ce soulèvement populaire pour se débarrasser de ses rivaux et saisir le pouvoir. Roboute était parvenu à la même conclusion quelques instants auparavant en réalisant que la pièce que lui avait donné son père désignait en fait son meurtrier, puisqu’elle avait le profil de Gallan frappé sur ses deux faces2. Plus démasqué que Donald Trump au milieu d’une épidémie de COVID-19, le félon se fait appréhender par le service de sécurité, après que le noble Guilliman, ayant réalisé que tuer le traître de ses propres mains aurait été certes cathartique, mais contre-productif et contre ses valeurs, ait indiqué qu’il laisserait la justice suivre son cours. Devant tant de légalisme, les sénateurs ne peuvent que jurer allégeance au Primarque, exemple vivant d’une intégration réussie par un immigré méritant. L’histoire est en route pour Roboute…Fin spoiler

1 : Le pouvoir psychique caché de Guilliman est de faire voir flou à ses ennemis. C’est subtil mais très efficace. Ça marche malheureusement moins bien au corps à corps, comme Angron et Fulgrim le constateront.
2 : On pourrait dire qu’il aurait été plus efficace à Konor de simplement pointer du doigt Gallan au moment où lui et Roboute sont arrivés dans la pièce, mais l’histoire se serait terminée un peu brutalement.

AVIS :

Darius Hinks livre la version romancée de l’épisode le plus connu de la jeunesse de Roboute Guilliman (que David Annandale avait mystérieusement choisi d’ignorer dans la novella consacrée au Primarque), et le fait plutôt bien. Certes, si vous connaissez votre fluff, le suspense que l’auteur se donne du mal à entretenir jusqu’au bout de son récit tombe rapidement à l’eau, mais on ne peut pas reprocher à Hinks d’avoir voulu soigner sa sortie, et la relation de confiance qui existait auparavant entre les Guilliman et Gallan est un choix intéressant de sa part, qui peut en partie expliquer pourquoi le futur patron des Ultramarines a tendance à vouloir faire les choses tout seul de son côté. On glane également quelques informations sur la société de Macragge avant son intégration dans l’Imperium, ce qui est de l’ordre du notable. Il y avait sans doute moyen de capitaliser davantage sur cet événement fondateur pour expliquer la suite de l’histoire de Guilliman, voire l’Hérésie, voire le Sombre Imperium, ou, plus simplement, insérer quelques easter eggs saveur ultramarine (notons tout de même la mention faite à Tarasha Euten, Chambellan du Primarque et héroïne de l’audio book ‘Illyrium’ du même auteur) , mais pour une nouvelle de 16 pages, Hinks s’en sort très honorablement, autant sur le plan théorique que pratique.

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The Chamber at the End of Memory – J. Swallow :

INTRIGUE :

Comme tous les créatifs peuvent vous le dire, ce sont les derniers moments avant le rendu final qui sont les plus stressants. Et bien que Rogal Dorn ne mérite pas franchement ce qualificatif, il partage néanmoins ce souci du détail et cette tendance au micro-management qui distingue les génies et les pervers narcissiques du reste de la population. Ayant pris son hoverboard gravitationnel et son mécapigeon holographique1 pour inspecter l’avancée des travaux, l’Homme de Pierre corrige et réajuste les milliers de petites variables qu’il est le seul à voir mais dont la victoire dépendra peut-être. Après tout, si Horus tombe des fortifications après avoir glissé sur un gravillon énergétique, la guerre sera tout de même gagnée. Alors qu’il s’approche de l’Investiary, l’amphithéâtre anciennement décoré de 20 statues monumentales de la fratrie impériale, et dont deux des plinthes sont maintenant vides, une explosion attire son attention. Il semblerait que l’une des tours de stockage de la zone ait contenu du nitrate d’ammonium, et pas les précieuses antiquités collectionnées par Malcador le Sigilite, qui avait demandé au Prétorien de Terra de ne pas raser le quartier pour en faire des gravillons (énergétiques), comme il en a la sale habitude. N’écoutant que son statut de protagoniste de nouvelle, Rogal se hâte sur les lieux pour mener sa petite enquête.

Sur place, il constate qu’un début d’incendie a ravagé la façade, et que l’équipe en charge de l’audit/expropriation/démolition a connu une fin horrible et peu commune, les cadavres jonchant l’intérieur du bâtiment semblant avoir été causé par des ondes de choc, des explosions internes ou vaporisations pures et simples de l’individu, ce qui n’est certes pas banal. Pas banale non plus est la sensation persistante et croissante qu’éprouve le Primarque qu’il doit faire demi-tour au fur et à mesure qu’il progresse vers l’épicentre de la catastrophe. Ce mauvais pressentiment n’est pas suffisant pour arrêter la marche (du fils) de l’Empereur, mais les apparitions psioniques (des démons libres de droit, pour faire simple) qui l’attaquent dès qu’il pose le pied dans l’antichambre finale le convainquent de consulter un spécialiste, une fois les fâcheux renvoyés dans le Warp. Et justement, il a une soute pleine d’Archivistes sous scellés en orbite, qui n’attendent que son bon vouloir ou l’arrivée d’Horus pour se rendre utiles2.

Le destin ayant désigné le frère Yored Massak pour prêter main, ou plutôt tête, forte à son Primarque, nous suivons les deux guerriers revenir jusque dans la salle piégée, où les horreurs éthérées re-spawnent avec diligence, pour se faire à nouveau bannir en deux temps trois mouvements par nos héros. Si ces derniers étaient prêts à combattre des ennemis de cette trempe, qui ont fait leur fête aux malheureux larbins ayant eu la mauvaise idée de vouloir faire leur boulot, ils se figent sur place en remarquant les symboles qui marquent les deux gigantesques portes qui terminent le corridor : II et XI

Il s’agit bien entendu d’une référence aux deux Primarques disparus, frappés d’anathème par l’Empereur en personne, mais dont l’éphémère existence reste de notoriété publique au sein des Légions de l’Astartes. Pendant que Dorn se creuse les méninges pour percer ce mystère insondable, Massak parvient finalement à mettre le doigt, ou plutôt la tête, sur le sentiment de déjà perçu qui l’habitait depuis son entrée dans la tour. L’installation psychique de cette dernière a été effectuée par Malcador en personne, l’Archiviste repentant en est certain. Et l’intéressé confirme aussitôt sa déclaration, en arrivant sans crier gare dans la pièce. Ayant envoyé Massak poser des parpaings à l’extérieur pour avoir un peu d’intimité, le Régent de Terra a enfin la possibilité de s’expliquer auprès d’un Rogal Dorn qui sent de manière confuse qu’il s’est fait mindfucker par l’éminence grise dans un passé plus ou moins lointain. Il ne s’explique en effet pas son absence totale de souvenirs de Deuzio et Onzio, alors qu’il dispose d’une mémoire eidétique tout ce qu’il y a de plus primarquielle. Et Malcador d’avouer que c’est bien lui qui est responsable de ce trou de mémoire généralisé, touchant à la fois les Astartes des Légions décapitées (avant qu’ils puissent être réformés et repackagés), mais également les Primarques ayant connu personnellement les fils indignes de Pépé. Mais attention, il avait une bonne raison de le faire, se dépêche-t-il d’ajouter avant de finir tronçonné par l’Homme de Pierre : c’est Dorn et ses frères eux-mêmes qui lui avaient demandé un brainwash pour permettre à l’Imperium de se relever d’une tragédie si terrible qu’elle avait manqué de le mettre à genoux. L’Empereur, comme à son habitude, avait tout vu/su mais n’avait rien dit/fait. Classic MoM move here.

À moitié convaincu par l’explication du Sigilite, qu’il ne peut plus blairer depuis le début de la fortification de Terra, Dorn fronce les sourcils tellement fort que son interlocuteur décide de lui accorder un droit de flashback limité et provisoire sur son passé oublié, afin qu’il puisse se rendre compte par lui-même de la bonne foi du Régent. EVIDEMMENT, le lecteur ne sera pas convié à cette introspection douloureuse, dont les effets se dissipent rapidement mais qui convainc Dorn de la véracité des dires de Malcador, et surtout de la nécessité que ce passé, semble-t-il absolument honteux, de la Grande Croisade ne refasse jamais surface. Lorsqu’il ressort de la tour, il ordonne donc aux équipes venues en renforts de la détruire (plus de gravillons !). De toute façon, Massak avait achevé une copie conforme du bâtiment avant que le sort ne soit rompu par un claquement de doigts de Rogal Dorn, ce n’est donc pas une grande perte d’un point de vue stratégique.

1 : Surtout pour se délecter de le voir ch*er sur les hélotes en contrebas, je pense. Il faut bien trouver un moyen d’évacuer le stress quand on ne boit/fume/joue/prie/couche/rigole pas.
2 : Enfin, plus utiles qu’ils ne le sont à l’heure actuelle, le tricotage d’écharpes pour les soldats impériaux de faction sur les murailles du Palais n’exploitant pas tout le potentiel des Anges de la Mort susnommés.

AVIS :

James Swallow touche à l’un des mystères fluffiques les plus importants du background de l’Hérésie d’Horus dans ce ‘The Chamber…’ et parvient à nous vendre une once de révélations sur la destinée des Primarques disparus comme s’il s’agissait d’une avancée majeure du lore. C’est en tout cas le sentiment qui dominait chez votre serviteur à la fin de la lecture de cette nouvelle, qui contient trop de micro-informations et de sous-entendus sur lesquels gloser à l’infini pour ne pas mériter sa place dans la liste de lecture de tout fanboy/girl revendiqué.e. Mais on n’est certes pas au niveau d’un ‘Legion’ ou d’un ‘Saturnine’ en termes de coup de théâtre, ce qui est somme toute logique pour une histoire au tirage assez confidentiel telle que ‘The Chamber…’. Notons au passage la présence que quelques bouts de fluff « autres » au fil des pages, qu’il s’agisse du Palais Impérial ou de l’armement de Rogal Dorn, ainsi que le retour d’un second couteau souvent employé par Swallow en la personne de Yored Massak (‘La Fuite de l’Eisenstein’, ‘Garro’), et restons-en là.

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First Legion – C. Wraight :

INTRIGUE :

Spécialistes reconnus des campagnes pourries, les Dark Angels ont bien du mal à exterminer les Rangdan, espèce de Xenos experte en subterfuges et en tentacules, ce qui n’est guère du goût des roides et psychofrigides paladins de la Première Légion. Malgré tout, un ordre est un ordre, et les Astartes poursuivent leurs vaillants et violents efforts pour sécuriser ce petit bout de l’empire de leur Pépé, menés par nul autre que Lion El’Jonson en personne. Nous faisons tout d’abord la connaissance du Capitaine Arnaid, 45ème Compagnie, 8ème Ordre, 1ère Légion, dont la frégate a connu des jours meilleurs, mais qui n’hésite pas le moins du monde à intercepter le mystérieux vaisseau qui fait irruption dans la zone de « pacification » avec son Nightsward, bien que le nouveau-venu soit plus imposant et en meilleure forme. Alors que le Capitaine est sur le point d’ordonner un tir de semonce, ses salutations répétées n’ayant pas été retournées par les touristes en goguette, ceux-ci daignent enfin répondre, par la voix d’un autre officier Space Marine, un Capitaine de la nouvellement formée XXème Légion répondant au nom de…

Début spoiler..Jules-Edouard Petitbedon.

Bon ok : il s’appelle Alpharius. Incroyable, je sais.Fin spoiler

Alpharius s’excuse de ses manières cavalières et de son manque de décorum (son vaisseau, Perseus, a l’air d’avoir quitté les docks spatiaux avant que le Mechanicum n’y passe un coup de peinture), mais annonce qu’il est venu porteur de nouvelles pour Lion El’Jonson.

Pendant ce temps là, nous nous introduisons dans une réminiscence de Lionel en personne, du temps où il était un enfant sauvage qui courait cul nu dans les forêts de Caliban. Notre petit bonhomme semble être occupé à traquer une bête particulièrement bestiale, seulement armé d’une défense de phacochère nain et de sa volonté implacable. Wraight nous fait bien comprendre que c’est la destinée même d’El’Jonson qui est à l’œuvre ici, et entraîne le jeune Primarque au clash contre un monstre que la partie raisonnable/froussarde de Lionel aimerait éviter si possible. Pause pub.

Retour sur le Nightsward, où Alpharius est reçu par son homologue. Constatant qu’il ne sert à rien de féliciter ce dernier sur son goût (pratiquement inexistant) en matière de décoration d’intérieur, ni de tenter de piquer la curiosité (totalement inexistante) de l’austère Terran, l’Alpha Légionnaire qui s’ignore1 tente de soutirer quelques infos psychologiques et tactiques à Arnaid en jouant la carte de la franche admiration pour les exploits et la réputation de la Première Légion, avec un succès relatif. Ces oiseuses discussions sont toutefois interrompues par la réception d’un message autorisant Alpharius à voyager jusqu’à l’Invicible Reason pour y rencontrer Lion El’Jonson, avec Arnaid lui servant de Kaptain pour l’occasion. Simple déformation professionnelle, en somme.

Suite et fin du documentaire animalier commencé un peu plus haut avec la confrontation entre Lionel et sa Némésis, qui se trouve être un chevalier en armure. Car en fait, le zouave qui courrait dans la savane avec son coutelas d’ivoire n’était pas le Primarque, mais une sorte de démon ayant pris forme humaine, et décidé de mettre fin à l’écocide décrété par le chef de l’Ordre. Malheureusement pour notre ami, ce dernier se révèle être un adversaire trop coriace pour ses maigres ressources, et il finit promptement embroché par la rapière du palouf. Voilà qui lui apprendra à ne pas usurper, même littéralement, l’identité d’autrui. Avant de repartir dans le Warp, le Rahan de Caliban a le temps de traiter son assassin de « Premier Fils » et de l’accuser d’être « la mort de son monde », ce à quoi Lionel répond que son titre correct est le tueur de bêtes. Fin de l’épisode.

Sur l’Invicible Reason, le Dark Archangel reçoit comme convenu Arnaid et Alpharius, qui est en fait venu lui proposer un coup de main, en toute amitié2, pour en finir avec la campagne d’extermination des Rangdan. Les pertes terribles souffertes par la Première Légion menacent en effet son statut et son prestige par rapport à ses sœurs, et pourraient faire échapper à El’Jonson le titre de Maître de Guerre, que ce visionnaire d’Alpharius anticipe déjà qu’il sera décerné par l’Empereur à l’un de ses fils dans un futur pas trop lointain (dès que les 20 Primarques auront été retrouvés en fait…wait a minut-). Bien que ne contestant pas l’argumentaire de son petit neveu/frère, Lionel se montre méfiant devant l’intérêt qu’il semble attacher à la prédominance des Dark Angels dans l’équilibre politique de l’Imperium, et après avoir menacé de le couper en deux, en toute amitié, pour le forcer à exposer ses véritables motifs (Alpharius n’aime vraiment pas Guilliman), il le renvoie sur son vaisseau où il lui fera savoir sa réponse sous une heure. Resté seul avec Arnaid, El’Jonson consulte son Capitaine pour avis secondaire, avant de lui révéler que l’énorme poids de… sa parole donnée l’empêche et l’empêchera toujours de placer son intérêt personnel avant celui de son seigneur. C’est sur cette déclaration de loyauté véritablement désintéressée que se termine notre histoire, qui démontre à quel point Lion El’Jonson est un végétal politique. Un concombre, pour être précis.

1 : Il insiste pour être désigné comme être membre de la XXème Légion, sans autre précision. Quel coup de chance tout de même qu’il ait le même nom que le Primarque pas encore découvert de cette dernière
2 : Et surtout parce qu’il ne peut pas blairer Guilliman, ce qui lui fait un point commun avec Lionel.

AVIS :

On retrouve dans ‘The First Legion’ le goût de Chris Wraight pour des petits exposés au débotté sur la géopolitique impériale au moment de la Grande Croisade (tendance déjà aperçue dans ‘Leman Russ : Le Loup Suprême’), et c’est tant mieux si vous voulez mon avis. S’il ne se passe pas grand-chose dans cette nouvelle, on n’en ressort pas pour autant frustré de sa lecture, l’échange entre Alpharius et Lion El’Jonson, qui permet d’identifier les points communs et les différences entre le premier et le dernier de cordée et leurs Légions respectives, ainsi que d’en apprendre un peu plus sur la manière dont les Legiones Astartes étaient perçues par Terra au moment où Pépé songeait à partir en pré-retraite dans le Bhoutan profond, valant son pesant de papier. Lionel y apparaît comme le type imbuvable socialement (il le reconnaît lui-même d’ailleurs) mais irréprochable moralement que les derniers ouvrages de l’Hérésie tendent à dessiner, tandis qu’Alpharius est dépeint comme un intrigant de première, n’ayant aucunement besoin d’un slideshow de la Cabale pour trouver des raisons de comploter dans le dos de tout le monde. Bref, une soumission solide de la part de Chris Wraight, qui fait honneur à ses deux Légions secondaires avec cette nouvelle.

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Et voilà qui conclut cette revue de ‘Scions of the Emperor’, ouvrage peu avare en Primarques (9 différents tout de même) à défaut d’être prodigue en contenu et en révélations fracassantes. Si ce recueil se laisse lire sans problème, il ne contient pas d’informations absolument essentielles pour le fluffiste acharné qui, soyons honnête, constitue la cible principale de la Black Library pour une publication de ce genre. À garder en tête au moment de décider si les 15 € nécessaires à l’acquisition de cette courte anthologie ne serait pas mieux investis ailleurs.

 

THE PRIMARCHS [HH]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette critique de ‘The Primarchs’ (que je ne vous ferai pas l’affront de traduire en français), recueil de courts formats de l’Hérésie d’Horus un peu particulier. Il s’agit en effet d’une anthologie ne regroupant que des novellas (tous les textes ici font au moins 70 pages), et dédiée exclusivement aux exploits et méfaits des fils de l’Empereur, comme le titre de l’ouvrage le laisse entendre. En ceci, il s’agit tout simplement de la première tentative de la BL de capitaliser sur la popularité insoupçonnée de cette fratrie de surhommes parmi son lectorat, bien avant que la maison d’édition ne se décide à lancer une série parallèle dédiée, que je ne vous ferai pas l’affront de nommer (non plus1), en 2016. Le postface de Laurie Goulding nous apprend en effet que le succès rencontré par ‘Promethean Sun’ de Nick Kyme, dont les 3.000 exemplaires de l’édition limitée ont trouvé preneurs en une journée, a incité la BL à donner aux fanboys & girls ce qu’ils voulaient : du Primarque faisant des sidequests.

The Primarchs (HH)

Christian Dunn, éditeur de la série à l’époque des faits, commanda donc quatre novellas aux sieurs McNeill, Kyme, Thorpe et Dembski-Bowden, mission assortie d’un petit concours contre la montre, puisqu’il fut décidé que le premier texte complété aurait le droit à une sortie sous format individuel, tandis que les trois autres formeraient le corps du volume ‘The Primarchs’. Comme vous pouvez vous en douter, les choses ne se déroulèrent pas totalement comme prévu, Dembski-Bowden sortant finalement de la course (même si son ‘Aurelian’ finit par bénéficier du traitement de faveur souligné ci-dessus) et étant remplacé par Rob Sanders. Au final, ‘The Primarchs’ fut mis en tirage avec quatre histoires au sommaire2 : McNeill poursuivant le récit des déboires de Fulgrim, Kyme livrant une autre version, à haute teneur en fer, des événements de ‘Promethan Sun’, Thorpe emmenant le Lion faire un break de la Croisade de Thramas, et Sanders faisant se mordre la queue au serpent de l’Alpha Legion. Si le recul nous permet d’affirmer que l’exercice fut satisfaisant, au vu de la suite qui lui fut donnée, cela ne nous empêche pas de revisiter cet ouvrage un peu à part de l’Hérésie, du temps où cette dernière commençait légèrement à partir dans tous les sens. C’est ça aussi d’avoir 18/9 vedettes au casting du même film…

1 : Un indice : c’est facile.
2 : Et une couverture qui ne demandait qu’à se faire détourner. Dont acte.

The Primarchs'

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The Reflection Crack’d // Et le Reflet se Brisa – G. McNeill:

INTRIGUE:

The Reflection Crack'dNotre histoire commence par un vilain cauchemar fait par Lucius, quelques temps après les événements d’Isstvan V. Dans son rêve, le bretteur se retrouve à arpenter seul les allées de la Fenice, le théâtre de l’Emperor Pride, fermé pour travaux depuis la première triomphale, mais salissante, de la Maraviglia, et dont l’accès a depuis été interdit sous peine de mort par Fulgrim. Ce qui trouble le plus notre narcissique héros n’est pas d’avoir bravé l’interdit du Primarque, ni de patauger jusqu’au genou dans les restes mortels du public de cette soirée mémorable, mais bien d’être tout seul. Lucius n’aime en effet pas être seul, car personne ne peut alors admirer sa bogosserie surnaturelle. Au fur et à mesure qu’il s’approche de la scène, attiré par le genre d’intuition que seuls les rêveurs des œuvres de fiction ont, Lulu distingue la présence d’un miroir sur les planches, dans lequel il se voit tel qu’il était avant que ce petit joueur de Loken lui pète le pif. Un peu plus loin, il distingue le portrait de Fulgrim peint par D’Angelus, dont les yeux semblent être habités par une souffrance indicible. C’est sur ce constat suspect qu’il finit par se réveiller, dans sa piaule encombrée par tous les souvenirs et trophées accumulés au cours de sa longue et distinguée carrière de champion de kendo. Il ne lui faut cependant pas traîner, car le Phénicien a convoqué ses Capitaines pour leur annoncer le théâtre d’opérations sur lequel la Légion, un peu désœuvrée depuis le massacre fraternel d’Isstvan, va combattre. Sur le chemin de la réunion, il croise ce bon à rien d’Eidolon, qui lui balance quelques aménités à la figure mais se dégonfle comme la grosse baudruche froussarde qu’il est dès que Lucius fait mine de se mettre en garde. Ce dernier laisse partir le Seigneur Commandant le plus inepte de l’histoire de l’humanité sans découper la cantatrice chauve en rondelles, car, comme il le dit lui-même : « Pas (encore) de violence, c’est (toujours) les vacances ».

La magnanimité de l’épéiste le plus doué de l’univers (selon lui-même) ne sauvera cependant pas Dodo la Saumure du déplaisir de son Primarque, qui arrive comme une rock star devant son public en extase, dans un sons et lumières tellement extrême que même le festival d’Avignon n’en a pas voulu. C’est dire. Comme la diva démoniaque qu’il est devenu, Fulgrim se délecte de l’adoration sans limite de ses fils envers sa précieuse personne, avant de passer aux choses sérieuses et de leur dévoiler leur prochaine cible : l’Amas de Primastica, où le Mechanicum mine de précieux cristaux dont le Phénicien souhaiterait se faire des boucles d’oreilles. Eidolon a alors le malheur de lancer la question que tout le monde se pose, sans oser la soumettre au mercuriel Primarque : WTF ? Et ça, Fulgrim ne le supporte pas. Malgré les protestations de loyauté de son sous-fifre, il finit par le décapiter avec l’Anathame, utilisant le sang de cet immonde fayot pour parfumer le vin de la victoire qu’il a fait amener pour célébrer le début de la prochaine campagne. Au milieu de ces libations un peu crispées, Lucius se remémore l’exécution de son rival et en vient à la conclusion que Fulgrim n’est pas tout à fait dans son assiette, l’enchaînement fatal à Eidolon lui ayant fait remarquer une minuscule faiblesse dans le style du Primarque. En plus de prendre un peu trop la confiance, au point de se persuader lui-même qu’il serait capable de vaincre son boss en duel, notre héros se retrouve surtout conforté dans son sentiment que quelque chose de tourne pas rond chez la grande folle de Chemos.

Ce sentiment d’étrangeté est renforcé par la bataille qui se tient sur Prismatica V entre les Emperor’s Children et la garnison du Mechanicum. L’affrontement en lui-même n’a pas grand intérêt pour un esthète de la trempe de Lucius, mais il est témoin d’une démonstration de pouvoirs psychiques inédits de la part de Fulgrim, qui transforme l’équipage d’un Titan Warhound en pâte à modeler vivante en claquant des doigts, chose qu’il n’était certainement pas capable de faire précédemment. Après la victoire, le Primarque va se balader dans les forêts cristallines de la planète1, où il reçoit la visite d’une présence peu amicale qui interrompt son trip Blanche-Neige2 et lui met en tête celle de Ferrus Manus. Le dialogue qui s’engage entre Fulgrim et ses millions de reflets vient faire réaliser au lecteur que le corps du Phénicien est le sujet d’une guerre larvée entre deux consciences cherchant à revendiquer cet hôte de marque. L’un est un démon, et l’autre le vrai Primarque, mais qui est qui (et où) ? That is the question.

Fulgrim

Fulgrim

Pendant que les petites mains de la Légion s’activent à collecter les cristaux de Prismatica V, Lucius tue le temps en se combattant lui-même dans le dédale cristallin de la planète, exercice de style qui le voit réduire à néant un total cumulé de 827 milliards d’années de développements géologiques. Il croise également le Premier Capitaine Julius Kaesoron, dont le fier profil a été quelque peu esquinté par Gabriel Santar sur Isstvan V. Entre deux insultes et menaces de mort, qui sont la manière dont les Emperor’s Children se saluent ces temps-ci, les deux Capitaines arrivent tout de même à partager leur suspicion commune à propos de Fulgrim. Ceci pousse Lucius à se rendre à la Fenice IRL, bravant l’interdit primarquiel et massacrant une poignée de Gardes Phénix pour entrer dans le théâtre, où il acquiert la conviction que la conscience du Primarque a bien été enfermée dans le tableau de la défunte Commémoratrice. Égoïste certes, mais tout de même fils fidèle, Lulu résout de libérer son père de cet exil artistique, et convoque pour ce faire l’Ordre Silencieux, seul capable d’exécuter le plan un peu fou qu’il a imaginé pour parvenir à ses fins

Tout semblant de fraternité et de bonne intelligence entre les membres de ce club select ayant depuis longtemps disparu, Lucius éprouve d’abord quelques difficultés à faire passer son message à ses interlocuteurs sans que ces derniers ne lui sautent dessus lui faire la peau. Le soutien de Kaesoron et de Fabius permet toutefois au bretteur de convaincre ses acolytes de la justesse de sa cause, et la petite troupe décide de capturer le possédé pour l’exorciser de la seule manière qu’ils peuvent le concevoir : très trèèès douloureusement. Cette opération de sauvetage d’un genre un peu particulier prend place dans la Galerie des Epées de l’Emperor Pride, avec Kaesoron dans le rôle de l’appât (sans doute parce qu’il ressemble à une boulette de viande) et le reste des comploteurs en mode commando, prêts à sauter sur le râble de Fulgrim. Le combat qui s’en suit permet à quelques Capitaines non-nommés de faire preuve de leurs techniques et arsenal de combat contre le Primarque, avec plus ou moins de succès il faut dire, jusqu’à ce qu’une petite berceuse crachée à 40.000 décibels dans l’oreille de Fulgrim par Marius Vairosean mette fin aux débats. On notera au passage que Lucius a pris soin de ne pas intervenir dans la bagarre, sa certitude de venir à bout d’un tel adversaire, même après qu’il se soit pris quelques coups de lattes de la part des autres participants à la Battle Royal, ayant mystérieusement disparue au moment décisif. On n’est jamais trop prudent.

La suite du récit prend place dans les quartiers de Fabius Bile, où le Primarque se fait consciencieusement torturer par ses fils dévoyés mais bien intentionnés, dans le but de forcer l’entité qui habite son corps à laisser place nette. Petit problème : Fulgrim a développé des penchants sado-masochistes extrêmement poussés depuis quelques mois, que sa possession n’ont fait que renforcer. Il accueille donc les sévices infligés à sa chair par ses fistons avec des petits cris de joie parfaitement malaisants, et, par-dessus le marché, ses capacités de guérison surnaturelles ne mettent pas longtemps à réparer les dégâts commis par ses tortionnaires. Mutilé, écorché, poinçonné, passé au chalumeau, à la gégéne, au sérum de vérité et à la poire d’angoisse, Fulgrim s’occupe en partageant avec ses fils ses théories sur l’histoire de l’Univers, ce qui met ces derniers sur les nerfs et provoque quelques prises de bec et bris de glace regrettables dans le laboratoire de Fabius. Tout cela aurait pu durer très longtemps si Fulgrim, qui en avait à ce moment là littéralement plein le c*l, ne décide de sonner la fin de la récré en se libérant de ses entraves en un claquement de doigts…

Début spoiler…Ce n’est cependant pas la fin pour notre équipe de bras cassés, car Lucius se persuade soudainement qu’en fait, il s’était trompé sur l’état du Phénicien, et que ce dernier est vraiment lui-même, haha, c’est une regrettable méprise. Magnanime, et peut-être reconnaissant de cette séance de bondage qui l’a sans doute amené un peu plus près de son ascension démoniaque, Fulgrim accepte le repentir de ses fils, et passe l’éponge sur cette petite péripétie. Notre histoire se termine alors que le Primarque, remis de ses blessures ou en tout cas, capable de donner le change, instruit sa Légion sur la prochaine étape de son plan : faire construire à ce tâcheron de Perturabo une cité des miroirs (qui n’est pas Shadespire), afin d’attirer une certaine Angèle Esther Mina Tuche dans le Materium. Vaste projet…Fin spoiler

1 : Où McNeill se permet un petit clin d’œil lovecraftien bien senti (‘In the Walls of Eryx’).
2 : Miroir, mon beau miroir, dis-moi qui est la plus belle…

AVIS:

Très intéressante soumission et addition à la saga phénicienne de Graham McNeill, ‘The Reflection Crack’d1 est la conclusion/transition parfaite entre les événements narrés dans ‘Fulgrim’ et ‘Angel Exterminatus’. En plus de donner un aperçu saisissant de ce qu’est devenu la Légion des Emperor’s Children et quelques unes de ses têtes d’affiche après l’orgie de violence d’Isstvan V2, cette novella explore de façon fine l’un des paradoxes, ou questions ouvertes, propres à cette faction hérétique, à savoir : qu’est-il advenu de Fulgrim après la décapitation de Ferrus Manus ? Sachant globalement de quoi ‘The Reflection…’ parlait sans l’avoir lu jusqu’ici, je dois avouer que je m’attendais à être déçu par McNeill, qui a donc dépassé mes attentes (ou plutôt, mon absence d’attentes) de façon magistrale. Car (et c’est mon interprétation personnelle de cette histoire, qui peut donc être sujette à discussion) en faisant le choix de ne pas trancher cette question cruciale, le Mac permet à chacun de se faire son opinion sur la destinée du Primarque peroxydé.

Si les indices semblent indiquer que Fulgrim a bien été possédé par un démon, qui a relégué sa conscience à un tableau gardé sous clé, le fait que Lucius nous apprenne en fin de nouvelle que son patron est en fait maître de lui-même, et l’a toujours été, donne à réfléchir. Peut-on vraiment se fier au jugement du Capitaine, qui avait à ce moment précis tout intérêt à aller dans le sens du Primarque en rogne lui faisant face ? Peut-on croire les explications de Fulgrim sur sa victoire miraculeuse sur le démon, alors que c’est précisément ce que ce dernier dirait pour convaincre les Emperor’s Children que la situation est sous contrôle ? Qui est vraiment enfermé dans ce tableau au final ? À mon sens, rien n’est définitivement tranché, et c’est ce qui fait de cette histoire une vraie réussite (et en bonus, Eidolon se fait remettre à sa place légitime – citron pressé pour mojito – ce qui justifie tout à fait la lecture de cette novella), et un passage obligé pour tous les amoureux de la IIIème Légion et de son troublant et troublé Primarque.

1 : Titre très classe hérité d’une légende arthurienne mis en poème par Lord Tennyson. Ne me lancez pas là-dessus car ça pourrait durer des heures et des pages.
2 : J’ai particulièrement apprécié les passages où McNeill insiste sur le fait que les conjurateurs ne sont pas seulement animés par un amour filial envers leur Primarque, mais également par les sensations inédites que la trahison et la torture de leur père génétique peut leur apporter. C’est tout à fait slaaneshi comme logique.

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Feat of Iron // Triomphe de Fer – N. Kyme:

INTRIGUE:

Feat of IronL’ambiance est morose sur One-Five-Four Four, planète difficilement mise en conformité par moins de trois Légions Space Marines, menées par leur Primarque respectif qui plus est. Pendant que Vulkan et Mortarion commettent un biocide décomplexé dans les jungles de ce monde Exodite, Ferrus Manus, qui se considère comme le chef naturel de l’expédition en tant que candidat-peut-être-shortlisté-par-l’Empereur-pour-devenir-Maître-de-Guerre-mais-qui-s-est-fait-éconduire-au-final, piétine dans le désert aride de ce théâtre ingrat, comme lui (on en reparlera plus tard). Ces fourbes d’Eldars ont en effet organisé leur défense autour de nodes psychiques, protégés par des VPN tellement puissants que même la proverbiale appétence technologique des Iron Hands se trouve mise en défaut. Incapables de localiser le véritable emplacement des pylônes adverses parmi les myriades de leurres s’affichant sur leurs écrans, les Légionnaires de la Xème sont à la traîne par rapport à leurs cousins. Conséquence: Ferrus Manus en a marrus. Et cela se ressent sur son caractère, déjà pas facile en temps normal, mais qui gravite ces derniers jours entre l’exécrable, le sinistre et le violent. Seul son Premier Capitaine et Écuyer, le fidèle Gabriel Santar, ose encore lui dire ses quatre vérités, et encore, en mettant des gants de fer par-dessus ses mains de fer. Facteur aggravant, mais tenu secret par le pudique Ferrus, il est troublé par des rêves de désert de sable noir, et une irritation persistante au niveau de la nuque et du cou, comme si une lame était posée en permanence à cet endroit. Encore un peu, et il en perdrait la tête…

En plus de l’infâme FM et du p’tit Gaby, on retrouve au casting de notre nouvelle quelques Capitaines et Légionnaires Iron Hands, dont seuls trois valent vraiment le détour. Le premier parce que c’est une célébrité qui s’ignore encore (Shadrak Meduson), les deux autres parce qu’ils incarnent les vues les plus extrêmes de leur Légion sur la question carnée. Dans la team « la chair prend cher », on retrouve le Capitaine Vaakal Desaan, qui ne jure que par les bielles et les boulons. En face, c’est le Sergent Bion Henricos qui représente la team « la chair m’est chère », formule qu’il s’est fait fièrement tatouer sur la fesse gauche, constituée de tissus mous, comme la grande majorité de son anatomie. Nos deux polémistes s’opposent sur le « support » de l’Armée Impériale dont disposent les Iron Hands, bien à la peine dans l’enfer torride de cette partie de 154-4 : Desaan voudrait laisser les lambins se débrouiller tous seuls, et tant pis pour les pertes que cela représenterait, tandis que le plus altruiste Henricos est persuadé que les bidasses qui leur collent au train peuvent encore se montrer utiles. En tout cas, force est de reconnaître que ce sont les Iron Hands qui se tapent le gros du boulot, comme la bataille introductive de notre histoire, livrée contre des vers des sables d’Arakis et des scorpions des tombes de Khemri, le démontre amplement. La victoire acquise, Santar va sans tarder faire son rapport à son père, qui décide de pousser plus avant sans attendre, et tant pis pour les traînards. La route des Paluches de Fonte les amène à travers une petite vallée, que le Primarque impatient décide de traverser sans regarder à gauche ni à droite, à la tête de ses fidèles Morlocks Avernii. Bien évidemment, il s’agit d’une erreur lourde de conséquences pour nos héros.

Avant d’aller plus loin, je me dois de signaler la présence dans cette novella de deux Prophètes Eldars, un certain Lathsarial, qui est persuadé qu’il peut guider le surhomme d’acier sur de bons rails (un chemin de fer, en quelque sorte), par le biais d’une petite manipulation psychique dont sa race perfide a le secret. La mort programmée de Ferrus Manus aurait en effet des conséquences néfastes pour les Zoneilles, ce qui pousse notre grand marabout à tenter le coup, malgré le pessimisme non masqué de son interlocuteur, qui se fait appeler le Devin. Et qui n’est certainement pas Eldrad. Non non non. Bref, nos deux complices complotent en arrière-plan de notre histoire pour tenter d’offrir un futur au Primarque, évidemment sans que ce dernier ne s’en rende compte. Passons à la suite.

Fœtus Minus, suivi de Santar et de ses Terminators, s’enfonce donc dans la vallée, lon-la, et est bientôt assailli par une tempête de sable de force 19 sur l’échelle de Beaufort. Un malheur n’arrivant jamais seul, c’est le moment que choisit un gang de Banshees glapissantes pour attaquer Gaston Deferre et sa tribu, dont l’appareillage donne en plus de sérieux signes de fatigue. En clair, toutes les prothèses, bioniques et augmétiques des Avernii se mettent soudainement à attaquer leurs porteurs, dont plus d’un fini donc empalé par son propre bras, ou piétiné par ses propres jambes (ce qui doit être douloureux). Dans la mêlée confuse qui s’ensuit, Henricos parvient à sauver la vie de Desaan, sur le point de se faire seppuku à son corps défendant, tandis que Santar manque de se faire une Wolverine avec ses griffes éclairs. Une fois la tempête calmée grâce à quelques bolts bien placés dans la tête des Psykers Eldars en charge de la météo, et les assauts des grognardes hystériques matés manu militari, il faut se rendre à l’évidence pour les survivants : Ferrus a disparrus.

Ferrus Manus

Ferrus Manus

Le Primarque est en effet entré dans une caverne/dimension parallèle à son insu, persuadé que ses fistons étaient sur ses pas. Il lui faut toutefois bientôt reconnaître qu’il est seul dans sa galère, ce qui ne le décourage pas de poursuivre sa route. Il en sera quitte pour quelques visions et expériences assez perturbantes, allant d’un teaser sanglant d’Isstvan V, assorti des meilleures morts de ses fils préférés, jusqu’à la visite d’un statuaire un peu particulier, représentant les Primarques sous forme symbolique1, en passant par une prise de tête avec la sienne, dupliquée en dizaines d’exemplaires sous forme décapitée. C’est bien sûr Lathsarial qui est à la mise en scène et aux décors de ces tableaux très symboliques, sensés prévenir Manu qu’il y a une douille dans le potage. Malheureusement pour notre Prophète tragique, et encore plus pour son sujet d’expérimentation, les manigances du premier ont attiré un démon curieux dans le sad trip2 du second. Prenant la forme d’Asirnoth, le lombric de fer blanc que FM a noyé dans la lave sur Medusa, héritant au passage de ses mimines chromées, l’entité clandestine attaque le voyageur, qui ne doit son salut qu’à la spatha que lui avait remis en cadeau Vulkan. L’occasion pour notre héros de réaliser qu’il a été vraiment mauvais ce jour là, puisque tout ce qu’il a trouvé à dire lorsque son frangin lui a remis ce surin fut « Méheu, pourquoi t’as fait des free hands, moâ j’déteste les fioritureuuuuuuh ». Et après, il s’étonne de ne pas être populaire auprès de la famille. Menfin. Toujours est-il que c’est grâce à ce coupe papier personnalisé que Ferrus Manus parvient à blesser son assaillant, qui va l’attendre quelques salles plus loin pour finir le boulot, laissant notre héros recouvrer ses forces dans un coma (causé par le venin de la bestiole) réparateur.

Un peu plus loin ailleurs, Santar, qui était resté sur les lieux de la disparition de son Pôpa avec 50 Légionnaires pour retourner des cailloux et coller des affichettes, finit par laisser tomber la traque pour se rendre sur le front, le reste de la colonne ayant finit par localiser le node ennemi. Petit problème, ce dernier est défendu par une forte garnison et un bouclier psychique quasiment infranchissable, même pour les robustes Avernii. Encore une fois, ce sont les malfonctions malfaisantes de leurs membres artificiels qui contraignent les fiers guerriers à battre en retraite, malgré qu’ils aient réussi à ébrécher les défenses adverses. Comment faire pour vaincre cet ennemi qui a réussi à retourner la plus grande force des Iron Hands contre eux-mêmes, se demandent Santar et ses collègues ? Et la réponse, je vous le donne en mille, est apportée par Henricos, défenseur du bio devant l’éternel, qui demande l’autorisation de mener un régiment de soldats impériaux ayant enfin réussi à refaire son retard sur le peloton de tête, à l’assaut des Xenos. Le Premier Capitaine finit par accepter la proposition hétérodoxe et blasphématoire (Henricos va jusqu’à retirer sa main mécanique pour éviter de se mettre des pains par mégarde pendant l’assaut) du Sergent, qui entraîne donc ses troupes à la boucherie, dans la joie et la bonne humeur. Et ça marche (évidemment).

Retour à Battoirs d’Acier, réveillé de son petit roupillon. Déterminé à briser le 4ème mur, et à coups de marteau si nécessaire, Ferrus finit par arriver dans une salle où l’attend l’Empereur en format 40.000, soit le cosplay minable d’un Skeletor sous perfusion assis sur fatboy moisi. Derrière le trône, le démon attendait l’arrivée du Primarque, et se jette sur sa proie sans faire plus de chichis, laissant choir au passage deux mots lourds de symbole, si ce n’est de sens, pour la suite de l’Hérésie : Angel Exterminatus. Pas de quoi troubler notre héros, qui étrangle la sale bête à mains nues, puis concasse son cadavre avec son fidèle Forgebreaker jusqu’à n’en laisser que de la pulpe. Ceci fait, il passe en coulisse, où l’attend (enfin) Lathsarial, dont le PowerPoint représentant le système d’Isstvan ne passionne pas des masses son auditoire. Pas plus que les cinq premières secondes de sa tirade, sans doute mûrement réfléchie et longuement répétée, ne convainquent la Gorgone de laisser sa chance à l’Eldar de plaider sa cause plus longtemps. Beuglant comme un veau, il se met à courser le Psyker en jupette en agitant son maillet, ce qui persuade Lathsarial d’écourter son exposé, de s’éclipser sans attendre et de rendre à son sujet d’expérimentation sa liberté. Dommage pour les Eldars, et dommage pour Ferrus Manus, qui n’échappera donc pas à son destin entêté et étêté. Pour l’heure, le patron de la Xème se retrouve au cœur de l’assaut sur le node psychique, à temps pour donner un coup de main à Henricos et ses derniers survivants, avant que les renforts ne débarquent. Tout est bien qui finit donc bien, au moins pour le moment, pour les Iron Hands, qui peuvent enfin mettre un pylône à leur tableau de chasse, et sont de plus invités à prêter main forte (leur spécialité) aux Salamanders à la demande de Vulkan. Dans la Toile, le pauvre Lathsarial pleure comme madeleishaine l’échec de sa tentative et la bastonnade qu’il a prise de la part du monkeigh buté qui cherchait à le buter. Tout n’est cependant pas perdu pour les visionnaires Zoneilles, comme le révèle le Devin en conclusion du récit, car un autre serviteur de l’Empereur pourrait, lui, se montrer ouvert aux négociations avec les Eldars…

1 : Petit défi pour le lecteur attentif : identifier tous les Fils de l’Empereur décrits par Nick Kyme dans cet extrait (sachant que les #2 et 11 ne font pas partie du lot). Bonus pour qui arrive à m’expliquer pourquoi le cheval c’est génial (et surtout, de qui il s’agit).
2 : On ne dirait pas comme ça mais l’expérience attriste profondément Ferrus Manus, notamment la mort horrible de Santar. C’est un tendre, en fait.

AVIS:

Je ne m’attendais à pas grand-chose de la part de cette novella, consacrée à un Primarque qui ne passionne pas par un auteur dont je pourrais dire la même chose. Eh bien, je dois reconnaître à Nick Kyme qu’il a su faire mentir cette impression initiale, et qu’il a fait de ‘Feat of Iron’ une lecture assez intéressante, ce dont je lui sais gré. Pour faire simple, chacune des deux intrigues parallèles de cette histoire contient, derrière des apparences pas folichonnes, des éléments rédempteurs. Du côté de Ferrus Manus, c’est l’exploration de la psyché du Devon Larratt de la bande à Pépé qui vaut le détour, Kyme parvenant à donner un peu de relief à celui qui n’était jusqu’à présent connu pour… à peu près rien mis à part ses phalanges chromées. On apprend ainsi que derrière ses extérieurs de gros dur colérique et assez imbuvable, Ferrus est travaillé par un sentiment permanent d’infériorité par rapport à ses frangins, dont il jalouse le succès des plus populaires, surtout aux yeux de l’Empereur, qu’il est terrifié de décevoir. En témoigne ce passage frappant du récit, où on s’aperçoit à quel point ce surhomme rugueux et implacable peut douter de lui-même. Notons également l’amour et l’attachement sincère qu’il éprouve pour Gabriel Santar (qui le lui rend bien), qu’on ne retrouve pas ailleurs entre un Primarque et un Space Marine, mis à part peut-être entre Horus et Sejanus. En bonus, Kyme nous sert quelques pépites de fluff cryptiques à souhait, comme le statuaire souterrain (où on apprend que Ferrus Manus ne se souvient pas du visage de ses frères disparus), la destinée non réalisée de la Gorgone (contenir l’Hérésie sur Isstvan V avec Roboute Guilliman et ses Ultramarines), où encore l’identité du candide candidat repéré par Eldrad. Que du bon.

De l’autre côté du ring, l’affrontement entre Iron Hands et Exodites, s’il n’est pas exaltant à proprement parler, permet à Kyme de mettre en avant la relation particulière de la Légion avec le monde du vivant, par opposition au goût prononcé de ces Space Marines pistonnés pour la chose mécanique. Ce sont en effet de simples humains qui permettent aux fils de Medusa de remporter la victoire contre des adversaires trop retors pour eux, ce qui les pousse à reconsidérer leur jugement critique sur la fragilité de la chair. C’est d’ailleurs de cette campagne de la Grande Croisade que Nick Kyme fait naître la division Chainveil, les régiments de l’Armée Impériale, puis de la Garde Impériale, reconnus comme fils adoptifs de Medusa par les Iron Hands en récompense de leur bravoure. Quand on voit le tournant qu’a pris le background du Chapitre au cours des dernières années, avec une remise en question de plus en plus forte du dégoût pour le muscle historiquement éprouvé par ces Space Marines, on peut voir dans cette bataille un signe avant-coureur de cette évolution… ou pas.

En tout cas, cela fait plaisir de voir un auteur utiliser de façon habile et satisfaisante l’identité de la faction qu’il met en scène dans son intrigue. Là encore, on peut apprécier un petit bonus additionnel, en la présence de quelques unes des figures hérétiques des Iron Hands dans le récit, depuis le regretté Gabriel Santar, à l’entrejambe encore intacte, jusqu’à l’insaisissable guérillero Shadrak Meduson, et son fidèle Bion Henricos (vu dans ‘Little Horus’). Bref, je rends à César ce qui est à César, et à Kyme ce qui est à Kyme, et annonce sans détour que j’ai apprécié cette novella, que je place donc parmi les meilleures soumissions de notre homme pour cette série.

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The Lion // Le Lion – G. Thorpe:

INTRIGUE:

The LionPrenant la suite de l’affrontement entre les deux self-made Primarques sur Tsagualsa (épisode narré dans le ‘Savage Weapons’ d’ADB), dans le cadre de l’affrontement larvé entre Dark Angels et Night Lords, Thorpe centre logiquement son propos sur la Première Légion et sur Lion El’Jonson, tout à la fois frustré par l’impossibilité de mettre un terme à la croisade de Thramas et de se porter au secours de Terra, et travaillé par la déclaration du Night Haunter à propos de la loyauté vacillante des Dark Angels restés sur Caliban.

La réception d’une demande d’assistance émise par la garnison d’un complexe isolé de l’Adeptus Mechanicum (eh oui, encore un !) localisé dans le système de Perditus vient tirer le Lion de la bouderie contemplative dans laquelle il s’était plongé depuis la tentative de strangulation dont il avait fait les frais de la part de ce coquin de Kurze. Ni une ni deux, Jonson décide de se rendre sur place à la tête d’un contingent d’une taille plus que respectable (30.000 légionnaires tout de même), afin de s’assurer que le secret détenu sur Perditus ne tombe pas entre de mauvaises mains, Iron Warriors, Iron Hands et Death Guard ayant été repérés en train de rôder dans les environs.

Le gros de la première partie de The Lion décrit donc le voyage de l’Invincible Reason et de son escorte vers le système de Perditus, odyssée pimentée par la prise en filature du vaisseau amiral des Dark Angels par un mystérieux poursuivant, phénomène normalement impossible du fait de la nature particulière du Warp. Soucieux de préserver la confidentialité de son arrivée, Lionel parvient à attirer son poisson pilote dans l’univers réel pour une petite explication de texte, qui se solde au final par l’invasion de l’Invincible Reason par une flopée de démons pas vraiment concernés par les désirs d’intimité des DA. Too bad. Jonsy (à ne pas confondre avec Jónsi, bien que les deux partagent la même coquetterie à l’œil droit) s’apprête alors à aller coller quelques baffes aux séides des Dieux Sombres afin de leur apprendre à respecter la propriété d’autrui. Non mais. Réalisant que ses sous-fifres sont incapables d’expulser les indésirables sans un petit coup de main de sa part, Lionel part s’équiper dans ses quartiers pendant que son fidèle Corswain réorganise la riposte des Anges (dit comme ça, on dirait un teaser pour une émission de la TNT). Malgré l’urgence de la situation, le Primarque réfléchit longuement aux options s’offrant à lui1 en matière de stuff (le bougre a une pièce entière remplie d’armes de corps à corps), et finit par opter pour une paire d’épées bâtardes, choix certes kikoolol dans l’absolu mais assez dévastateur dans la pratique, comme on le verra plus tard

À la tête de ses légionnaires, Lionel s’enfonce donc dans les entrailles de son vaisseau en direction du réacteur Warp, qu’il sait être la cible principale des vils résidents de l’Immaterium ! Les premiers mobs ayant le malheur de spawner sur son chemin sont rapidement réduits à l’état de protoplasme, pour un gain d’expérience assez minime pour notre héros, tant la différence de niveau est criante. Bien décidé à rattraper son retard sur Sanguinius et Fulgrim, qui eux ont passé le niveau 105, le Lion enclenche la vitesse supérieure et initie un raid de la base adverse… en solo. Dommage pour les PNJ qui constituaient son « escorte », et doivent maintenant se débrouiller tout seuls contre des ennemis dont ils ne soupçonnaient même pas l’existence une heure plus tôt. Big brother is not watching you any longer, suckers.

De leur côté, Corswain et sa garde rapprochée finissent par pénétrer dans la salle du réacteur, où les attend un Duc du Changement bicéphale (qui n’est pas Kairos, sauf erreur de ma part) qui insiste lourdement pour avoir une discussion avec le shift manager. Son sénéchal ayant perdu une guerre mentale contre Super Poulet et se trouvant par conséquent sous la domination de ce dernier, Lionel n’a d’autre choix que de la jouer fine et échange donc quelques banalités avec sa Nemesis avant de profiter de la nuque roide de ce dernier pour lui tomber sur le râble gésier et lui faire avaler son bâton. L’Angry Bird Alpha ayant été mis hors d’état de nuire, les autres démons sont rapidement bannis par l’équipage de l’Invincible Reason, qui peut alors reprendre sa route vers le système de Perditus et rallie bon port sans plus d’incidents.

Typhon

Typhon

La deuxième partie de notre histoire met sur le devant de la scène les forces en présence à la surface de la planète, en particulier les Iron Hands du capitain Lasko Midoa et la Death Guard de ce bon vieux Calas Typhon. L’arrivée en orbite de la flotte des Dark Angels venant mettre fin au statu quo atteint par les belligérants depuis plusieurs jours, les poings nickelés saisissent l’occasion se présentant à eux pour attaquer les positions des prouteux. On ne peut plus suspicieux, le Lion décide toutefois d’envoyer un ultimatum indiscriminé par le biais de ses Archivistes2 aux factions présentes sur Perditus, que l’on peut résumer en cinq mots : « Cassez-vous de ma planète ». Et si les Iron Hands trouvent plus prudents d’obtempérer, Typhon ne l’entend pas de cette oreille et profite du désarroi de ses adversaires pour monter une contre-attaque, ce qui manque de convaincre tonton Lionel, passablement énervé de voir son autorité bafouée par ses neveux, d’envoyer quelques mégatonnes de glaçons sur la station de recherche afin que tout le monde puisse en mettre dans son slip. Zut à la fin.

Le troisième acte de ‘The Lion’ débute par la proclamation d’un fragile cessez le feu entre les belligérants de Perditus, la mauvaise volonté manifeste exprimée par Typhon ne faisant au final pas le poids face aux méthodes de négociations musclées d’El’Jonson3. Ce dernier arrive (finalement) à la surface de la planète aussi sapé qu’un maquereau de GTA, et pénètre dans la station de l’Adeptus Mechanicus, où l’attend Tuchulcha, boule à facette géante et accessoirement intelligence artificielle ayant asservi le système de Perditus jusqu’à ce qu’il soit libéré par l’effort combiné des Dark Angels et de la Death Guard. Epargné après sa défaite à fins d’études par le Mechanicum, Tu-pues-le-chat est le prix tant convoité par Typhon et Midoa, chaque camp cherchant à priver l’autre de la possession d’une machine au potentiel aussi extraordinaire que son humeur est taquine (du genre à envoyer des vaisseaux dans le Warp sans prévenir – ce qui n’est pas sympa – ni enclencher leurs champs de Geller – ce qui n’est franchement pas sympa –).

Au début pas franchement emballé par le tour qu’ont pris les expérimentations des prêtres rouges depuis son départ de Perditus, puis carrément effrayé par la puissance de HAL 30.000, Lionel décide de finir ce qu’il avait commencé il y avait des années et de détruire Tuchulcha… en apparence. Il annonce donc aux capitaines des autres Légions que la station de recherche de Perditus va être oblitérée afin que nul ne puisse être tenté d’utiliser le Tuch’ à des fins malavisées. Peu satisfait par cette décision, Typhon profite de la clémence du Lion à son égard pour se téléporter au cœur du complexe du Mechanicum4 afin de convaincre Tuchulcha de repartir avec lui sur le Terminus Est. Confiant dans sa survie (d’ailleurs il n’était même pas sûr qu’un Exterminatus soit capable de venir à bout de cet engin démoniaque – sans doute conçu par Nokia à la base –), ce dernier renvoie gentiment les Death Guards à leurs chères études et sur leur vaisseau, juste au moment où un Lionel vraiment furax de constater qu’absolument tout le monde le prend pour un con(combre) arrive à son tour dans la station et commence à botter des derches de Prouteux (résultat des courses : une paire de pompes en croco de Caliban5 bousillée).

La novella se termine avec un Lion El’Jonson ruminant de bien sombres pensées, seul dans sa salle du trône (NDR : non, il n’est pas aux chiottes). Ayant au final récupéré Tuchulcha, qu’il compte utiliser pour mettre fin à la Croisade de Thramas une bonne fois pour toutes, il médite sur les derniers développements de la rébellion d’Horus et sur le comportement plus que suspect de Roboute Guilliman (qu’il ne semble d’ailleurs pas vraiment porter dans son cœur6) avec un de ses Jawas de compagnie (qui lui confirme ce que Cruze lui avait susurré à l’oreille sur Tsagualsa : les Dark Angels restés sur Caliban sont sur le point de faire sécession). Il en profite également pour exposer ce qui sera son grand dessein pendant l’Hérésie : s’assurer qu’aucune Légion, loyale ou non, ne sorte du conflit assez puissante pour pouvoir menacer le règne de Pépé. Une ligne de conduite plus que borderline, en cohérence avec les agendas secrets développés par la plupart des Primarques au cours du conflit (j’écris la plupart car je ne pense pas qu’Angron goûte aux plaisirs de la realpolitik), dont l’exposition permet de conclure ‘The Lion’ de fort belle manière.

1 : On me signale dans l’oreillette que cet épisode de la geste d’El’Jonson est entré dans la postérité au point de se retrouver dans une comptine bien connue des bambins de l’Imperium quelques dix mille ans plus tard :
Promenons-nous dans le vaisseau
Pendant que le Lion s’fait beau
Si le Lion y était
Il nous défoncerait
Mais comme il n’y est pas
Il nous butera pas
Lion y es-tu ? Que fais-tu ? M’entends-tu ?
Lionel : Je mets mon armure d’artificier
(au refrain)
Lionel : Je ceins ma pelisse en peau de panthère de Caliban
(au refrain)
Lionel : Ah merde, j’ai oublié de mettre mes chaussettes, du coup il faut que j’enl-
(au refrain)
Lionel : C’est bon, je suis prêt ! Maintenant, il faut que je choisisse une arme.
(au refrain)
Lionel : Hmmm…
(au refrain)
Lionel : J’hésite.
(au refrain)
Lionel :
(87 refrains plus tard)
Lionel : Ok pour la paire d’épées longues. ME VOILAAAAAAA !!!
2 : On notera au passage que Lionel n’a pas suspendu l’Edit de Nikea de manière temporaire, comme on aurait pu s’y attendre de la part d’un fiston loyaliste. Il aurait été logique que le commandement de Pépé redevienne loi une fois l’Invincible Reason débarassé de ses parasites démoniaques, l’utilité de psykers de bataille une fois cette crise surmontée n’étant plus que marginale. Reste que le Primarque de la première Légion avait visiblement un autre avis sur la question.
3 : Lionel : Bon je te préviens coco, si tu ne fais pas exactement ce que je t’ai dit de faire, ça va très mal se passer pour toi. Je compte jusqu’à trois.
Typhon : Whatever, bitch.
Lionel : Un.
Typhon : Parle à ma fau-
– BOOOOOOOOOM –
Typhon : Oh, c’était quoi ça? Tu avais dit que tu comptais jusqu’à trois !
Lionel : Oui, et je balance une torpille cyclonique pour marquer le décompte. Deu-
Typhon : Okokokok, tu l’as ton armistice espèce de grand malade.
Lionel : Tu vois quand tu veux. On se retrouve en bas, bises.
4 : On se demande pourquoi la Death Guard n’a pas commencé par ça au lieu d’assiéger la station de manière conventionnelle.
5 : Ce jeu de mots vous a été gracieusement offert par Privateer Press.
6 : Il le considère au mieux comme un imbécile heureux et au pire comme un ignoble traître, le projet du grand Schtroumpf de commencer un Imperium 2.0 ne plaisant pas du tout à un Lionel se voyant en parangon de loyauté à son Pôpa. C’est assez savoureux de la part d’un Primarque qui a révoqué l’Edit de Nikea sans états d’âme et a décapité à mains nues un de ses Chapelains qui lui rappelait que ce faisant, il défiait ouvertement la volonté de l’Empereur.

AVIS:

Malgré quelques longueurs dans son déroulement, The Lion s’est révélée être une lecture assez agréable, même si Gav ne parvient pas à rendre une copie du même niveau que Dembski Bowden, dont les nouvelles ‘Savage Weapons’ et ‘Prince of Crows’ restent à mes yeux les deux must read pour tous les amateurs de l’Horésie d’Hérus (j’invertis des lettres si je veux). On peut d’ailleurs tout à fait considérer que la soumission de Thorpe comme un side event de la croisade de Thramas, El’Jonson prenant un break bien mérité après trois années de cache-cache avec les Night Lords pour accomplir une quête annexe, sans que la VIIIème Légion n’intervienne de manière significative dans l’intrigue.

En choisissant de faire d’un Primarque le personnage principal de son propos (même si le Sénéchal Corswain tente également d’exister aux côtés de son père génétique), Gawin prenait le risque de ne pas rendre justice à cette figure surhumaine, trop souvent décrite comme un simple super Space Marine dans les œuvres romancées de la Black Library. Je dois reconnaître qu’il s’en est plutôt bien tiré, en grande partie grâce à la description en clair-obscur qu’il fait de son héros, dont les motivations comme l’allégeance finissent par apparaître bien plus floues que ce que son image de loyaliste radical laissait à penser. Méfiant jusqu’à la paranoïa, faisant preuve d’un goût prononcé pour l’isolation (certains diront pour la bouderie), ne supportant pas la contestation de la part de ses subalternes (au point de décapiter à main nue un Chapelain ayant refusé de révoquer l’édit de Nikea), et éprouvant un indéniable, même si coupable, plaisir à imposer son point de vue par la force, le Lion de Thorpe n’est pas le parfait chevalier décrit par la propagande impériale, ce qui rajoute une profondeur intéressante à un personnage autrement ennuyeux de surpuissance. À l’inverse, j’ai trouvé la baston de l’Invincible Reason assez dommageable du point de vue du character development mis en place par Gav depuis le début de la nouvelle, Jonson apparaissant certes à cette occasion comme un guerrier insurpassable (et suffisant), mais également (et surtout) comme un stratège très limité et un meneur d’hommes abominable. De la part du frère ennemi de Leman Russ, je m’attendais à une approche moins rentre dedans de la chose militaire, même s’il est somme toute assez logique qu’un Primarque aussi renfermé et méfiant que Lionel choisisse d’agir comme la one man army qu’il est en définitive, sans prendre le temps de coordonner ses actions avec ses alliés.

Si l’utilisation de Lion El’Jonson comme protagoniste est donc assez réussie, les autres personnages de Thorpe, à commencer par Corswain, aka le Loken de la Première Légion (il en faut bien un), se révèlent malheureusement bien fades, tout comme la plupart des péripéties mises en scène au cours de la première partie. Typhon en prend aussi pour son grade, notez. Dépeint comme un demeuré fini en matière stratégique (toutes ses décisions intelligentes lui sont en fait soufflées par un sous-fifre) et comme une grande gueule prompt à insulter un Primarque, tout en sachant pertinemment que cela risque de se retourner contre lui et ses hommes1 (il doit faire des Périscopes, c’est pas possible autrement), le premier Capitaine de la Death Guard ne sort pas grandi cette nouvelle.

Autre source d’insatisfaction, les quelques failles de cohérence relevées en cours de route, la plupart découlant directement d’une utilisation trop bornée des pouvoirs de téléportation dont bénéficient les protagonistes de l’histoire, et qui auraient dû selon toute logique empêcher l’apparition du statu quo mis en scène par Thorpe sur Perditus (seul moyen pour que Lionel puisse arriver sur place à temps pour régler la situation). Entre Typhon qui se souvient soudainement qu’il n’a pas besoin de jouer au tower defense avec les Iron Hands pour accéder à Tuchulcha, et ce dernier qui attend obligeamment sur sa planète minable que Lionel vienne le chercher alors qu’il a certainement les moyens de précipiter leur entrevue, la crédibilité SF du récit est largement battue en brèche, ce qui est toujours dommage dans un nouvelle de 40K.

Jamais avare en matière d’affrontement entre vaisseaux spatiaux, le Gav sert une nouvelle fois la soupe en consacrant une part non négligeable de sa nouvelle à la description de la « poursuite » entre l’Invincible Reason et son admirateur secret, à la fois dans, hors et entre (je me comprends) le Warp. Comme le bonhomme maîtrise son sujet, la pilule passe sans douleur, mais sans plaisir non plus. En complément, et comme souvent dans les publications relatives à l’Hérésie d’Horus, les détails de fluff (d’un intérêt plus ou moins grand) abondent, surtout dans la dernière partie du récit, ce qui justifie amplement la lecture de cette nouvelle par tous les fans des Dark Angels. En auteur vétéran, Thorpe prend de plus bien soin de donner aux fanboys ce qu’ils veulent, c’est-à-dire des révélations fluffiques ayant une véritable portée sur le développement de l’Herésie d’Horus. Même si on n’est pas au niveau du twist final de Legion, c’est toujours sympa de voir des personnages importants se « griser » au fil des pages, et force est de reconnaître que Gav a fait honorablement le job de ce point de vue-là.

Le bilan reste au final assez positif pour The Lion, qui se révèle être un long format digne d’intérêt et à la lecture divertissante. À l’inévitable question : « n’y avait-il pas moyen de faire la même chose en trente pages ? » j’apporterai une réponse négative, la longueur du récit permettant à Thorpe de peindre son sujet par petites touches, un parti pris s’avérant au final plus judicieux qu’un descriptif ramassé sur quelques lignes ou pages. Cet espace supplémentaire permet de plus à l’auteur de débuter quelques intrigues secondaires (Lionel qui doute de la loyauté du capitaine de l’Invincible Reason, Typhon qui voulait récupérer Tuchulcha pour le compte d’un mystérieux commanditaire, la probable présence d’agents du Dark Mechanicus parmi les gardiens de Tuchulcha) ne demandant qu’à être explorées dans d’autres récits. Pas mal Gavin, pas mal du tout.

1 : Extrait de la nouvelle fable du Lion et du Rat. « … Et Typhon lui tint à peu près ce langage: “Wesh bolos, les DG sont dans la place, prêts à te ravager la face ». Et Lionel répondit : « J’ai entendu ». Et Typhon ne dit plus rien car il s’était fait dessus… ».

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The Serpent Beneath // Le Serpent en dessous – R. Sanders:

INTRIGUE:

The Serpent BeneathAlors que l’Hérésie bat son plein dans la galaxie, Omegon, directeur adjoint de l’Alpha Legion enchaîne les échanges téléphoniques holographiques avec ses centaines d’opérateurs et d’agents pour s’assurer de la bonne conduite des affaires. Nous nous glissons dans le bureau de la légende pendant qu’il s’entretient avec Ursinus Echion, Archiviste reconduit dans ses fonctions occultes à la suite du ralliement de la XXème Légion à Horus, et expert psychique en charge du fonctionnement de la base Tenebrae 9-50. Bien que tout semble se passer aussi bien que possible, malgré quelques frictions d’ego entre Ursinus et Volkern Auguramus, tech-adepte du Mechanicus dont les compétences mécaniques sont indispensables au bon fonctionnement du mystérieux pylône Xenos autour duquel la base est construite, Omegon a un vieux doute sur la confidentialité et la sécurité de cette installation capitale dans l’effort de guerre hérétique (on saura pourquoi plus tard). En maître stratège aussi retors que cryptique, il demande donc tout simplement à son interlocuteur de lui envoyer les plans détaillés de la station ainsi que la composition de sa garnison, dirigée par le Commandant Arvas Janic, pour pouvoir les étudier de son côté, et faire quelques remarques pertinentes. En tout bien tout honneur, bien sûr. Pourquoi faire compliqué, quand on peut simplement donner des ordres à ses grouillots, aussi.

Une fois l’entrevue terminée, le Capitaine Ranko Sheed, qui s’était mis dans l’angle mort de la webcam du Primarque pour assister à la discussion sans se faire gauler, est invité par son hôte à donner son avis et ses conseils sur la marche à suivre. Omegon a pour projet d’infiltrer et de détruire Tenebrae-50, qu’il a de bonnes raisons de considérer comme étant compromise. Qu’importe pour les « loyaux » serviteurs, personnels, gardes et Légionnaires stationnés sur place, qui devront payer de leur vie la présence d’une taupe dans le marais de l’hydre (avouez que c’est pas banal). L’opération sera toutefois très délicate, car on ne prend pas facilement l’Alpha Legion à son propre piège. C’est donc à une équipe de choc que la mission sera confiée, et ce sera Omegon lui-même qui en prendra la tête. Le petit verre de l’amitié échangé par les deux conspirateurs à la fin de leur échange laisse toutefois un goût amer dans la bouche de Sheed. Il semblerait que le Primarque lui ait glissé des roofies dans son jus de tomate. C’est trop bête.

Nous partons ensuite à la rencontre de nos spécialistes, plus ou moins volontaires, lors de leur recrutement. Le gros des forces sera constitué de l’escouade du Sergent Goran Setebos, recommandée par Sheed du fait de l’obéissance totale dont fait preuve son officier, qui n’aura donc pas de scrupules à tuer ses propres frères si le besoin s’en fait sentir. Setebos et ses hommes étaient auparavant en mission sur Phemus IV, où ils s’appliquaient à mettre des bâtons dans les roues (de moto) des White Scars, engagés dans une campagne peu fructueuse d’extermination des Orks locaux. À l’aide de déclenchement d’éruptions volcaniques canalisatrices, l’Alpha Legion a en effet réussit à maintenir groupées les hordes Xenos, empêchant les motards du Khan d’en venir à bout une bande à la fois. Lorsque la convocation de Mémé Gon leur est parvenue, ils venaient juste de réduire au silence un trio de bikers un peu trop curieux, avec l’expertise des super soldats (pensez à un James Bond où le grand méchant serait vulcanologue) qu’ils sont.

Pour mettre en échec les pouvoirs psychiques d’Ursinus, c’est vers une psyker free lance que se tourne ensuite le Primarque, qui craint d’employer un autre Archiviste de sa Légion du fait de l’implication de sa cible dans l’entraînement des novices. C’est sur Drusilla qu’il dégote la perle rare, en la personne de la Calamity Jane de ce monde ruche, aussi appelée Xalmagundi, ou « Sup(syk)er sans plomb » par les Sœurs du Silence cherchant à la ramener sur Terra pour des raisons que notre paria juge suspectes. Télékinésiste à haut potentiel, Xalmagundi n’a pas son pareil pour déclencher des séismes, faire s’effondrer des bâtiments et compresser des véhicules1, ce qui lui a permis d’échapper jusqu’ici aux poursuites des autorités et des Vaisseaux Noirs. Cependant, elle ne refuse pas l’aide apportée par Sheed et son escouade pour la débarrasser d’une bande de Sœurs du Silence un peu trop collantes, et accepte de marcher dans la combine en reconnaissance de ce fier coup de main.

Pour finir, Omegon en personne organise le kidnapping de Volkern Auguramus pendant l’une de ses permissions hors de la base, convaincant sans mal l’adepte pirate (il avait entrepris de copier le pylône de Tenebrae sur une planète mineure, pour la science et le bien commun) et caustique2 de faire office d’agent double pour faciliter la progression du reste de l’équipe à l’intérieur de l’astéroïde où l’installation est localisée.

Et parlons un peu de cet astéroïde, car il n’est pas banal. En plus d’abriter un obélisque gigantesque de construction Xenos (sans doute un pylône Necron détourné par des hooligans sur la route de Cadia), agissant comme un anticyclone warpien aux alentours3, Tenebrae 9-50 a également été investi par les machines des Démiurges, une autre race Xenos spécialisée dans les opérations de minage dans l’espace. Pour faire simple, notre patate cosmique est en fait une sorte de colis Amazon géant, se dirigeant lentement vers son heureux acquéreur pendant que les automates installés par les Démiurges à l’intérieur collectent, transforment et raffinent les précieux minerais enfermés dans l’astéroïde. Il faudra en tenir compte dans la conduite de la mission, qui commence par un peu de physique vectorielle en mode hardcore, notre fine équipe devant dériver jusqu’à une faille de Tenebrae 9-50 avec le moteur, l’auto-radio et la climatisation de leur vaisseau éteint afin d’éviter toute détection de la part de la station. Une fois la Twingo (volée, évidemment) garée en sous-sol, s’engage une longue session de spéléologie à travers les grottes et tunnels de l’astéroïde, en prenant bien soin de ne pas perturber les machines démiurges, myopes comme des taupes (c’est logique) mais très territoriales. Ceci fait, au prix d’une première perte du côté des infiltrateurs (le pauvre Vermes, écrasé par une faille tectonique), il n’y a plus qu’à entrer discrètement dans le complexe à proprement parler, grâce à la complicité d’Auguramus. Commencent alors les choses sérieuses.

Pendant que Setebos et la moitié de son escouade vont déclencher une bataille de polochons dans les dortoirs des Légionnaires, Omegon et les autres se dirigent vers l’aile où sont gardés captifs les Psykers dont le pylône a besoin pour fonctionner. C’est en effet ici que les attend Xalmagundi depuis qu’elle a été placée dans une cargaison de mutants envoyée par l’Alpha Legion sur Tenebrae en même temps que les ramettes de feuilles A4 et les gobelets de la machine à café. Ayant réussi à attirer Ursinus sur place grâce à une fausse alerte déclenchée par Auguramus, Omegon le fait neutraliser par Xalmagundi, avant de l’exécuter de façon très obscure (comprendre : après lui avoir expliquer ce qu’il faisait sur place, sans avoir de preuves de sa trahison, et dans une cellule plongée dans le noir). Ceci fait, et constatant que la résistance se corse, il envoie la Psyker et ses derniers hommes foutre le feu au parking de la station, tandis que lui se chargera de réduire au silence les Astropathes de l’astéroïde.

Plus facile à dire qu’à faire cependant, car Omegon ne tarde pas à réaliser que les plans qui lui ont été transmis ne sont pas tout à fait exacts. Le rusé et méfiant Commandant Janic a en effet fait réaliser quelques aménagements et travaux sur son lieu de travail, ce qui a conduit Setebos et ses hommes droit dans une embuscade : au lieu du dortoir, c’était en fait un pas de tir qui attendait les Légionnaires, mettant ces derniers en mauvaise posture. Omegon a cependant d’autres chats à fouetter, puisqu’il est également victime des fourberies de Janic, et se fait molester par quatre Space Marines imprévus sur le chemin de la chorale astropathique. Bien que plus petit que le Primarque moyen, notre héros parvient tout de même à se défaire de ses assaillants et à exécuter les Psykers assez mal défendus par ces derniers, jusqu’à ce que Janic en personne n’intervienne et lui colle quelques bolts en haut des fesses pour lui apprendre à envahir la propriété d’autrui.

Le Commandant commet cependant l’erreur fatale d’engager la conversation avec son adversaire mal en point, et de s’approcher suffisamment près de ce dernier pour qu’il lui subtilise son casque. Et alors ? Et alors, c’est le moment où, enragées par les explosions déclenchées quelques temps auparavant par Setebos, les machines démiurges envahissent la base, pétant suffisamment de cloisons au passage pour provoquer une dépressurisation de l’installation, qui envoie le pauvre Janic nager le papillon dans l’espace… sans son casque. Et comme tout le monde n’a pas les gros poumons ni la peau épaisse de Roboute Guilliman, je pense que cette expérience lui a été fatale. En tout cas, on ne le reverra plus (comme Auguramus d’ailleurs, exécuté par la garnison après qu’elle se soit rendue compte que le tech-adepte avait un comportement très bizarre).

Un peu fatigué par sa journée, Omegon prend enfin la direction du hangar-parking de la station, où l’attendent les derniers survivants de la mission. La phase finale du plan consiste à dévier la trajectoire de l’astéroïde en direction de l’étoile du système, afin de ne laisser aucune trace de son existence. C’est un job pour Xalmagundi, qui ruine son maquillage et son acuité visuelle au passage, et se prend un bolt dans la tête en récompense de ses loyaux services quand elle a l’audace de demander la prise en charge de ses verres correcteurs par la mutuelle de l’Alpha Legion. Cette exécution sommaire choque un peu le jusqu’ici peu sentimental Sergent Setebos, tout comme le retard du Thunderhawk du Capitaine Sheed (réputé pour sa ponctualité, il faut croire), sensé évacuer les infiltrateurs de l’astéroïde avant que ce dernier ne finisse à la corbeille. Mais, bien sûr, c’est une éventualité qu’Omegon a prévu dans son plan…

Début spoiler…Puisque le plan d’Omegon consistait à ne pas être là du tout. C’est en effet Sheed en personne qui a agi comme doublure pour son Primarque3, de manière tellement convaincante qu’il a bluffé tout son monde, en plus du lecteur. Il avait cependant pu bosser le rôle de sa vie lors du verre de l’amitié du début de l’histoire, le petit goût aigre détecté par son palais sensible n’étant pas du tabasco mais du sang d’Omegon, ce qui lui a permis d’assimiler une grande partie des souvenirs de son modèle. La mission impossible était donc une mission suicide, et Sheed enjoint donc ses hommes à chiller un peu en attendant le coup de soleil fatal, puisqu’ils n’auront jamais le temps de rejoindre leur Twingo au 1739ème sous-sol avant qu’il ne soit trop tard. Dont acte. Probablement.

Notre histoire se termine avec la destruction par l’Alpha Legion de la lune Parabellus, où Auguramus avait commencé à installer son propre pylône. Pour un faussaire éhonté, je trouve qu’Alpharius tient beaucoup à la notion de propriété intellectuelle tout de même. Omegon, qui était là aussi, discute un peu avec son frangin, et on sent que la belle concorde entre les jumeaux est en train de battre de l’aile. Le rideau finit par tomber sur la vision de notre héros, seul dans ses quartiers, devant ses deux armures, dont l’une semble apparemment très spéciale, sans l’être. La suite, ce sera Chondax et la lutte acharnée entre l’hydre et le faucon…Fin spoiler

1 : Le revers de la médaille étant sa nullité crasse au Jenga.
2 : En témoigne cette remarque pleine de bon sens, guère au goût de ce hipster d’Omegon.
3 : Ce qui fait tout l’intérêt de cette base, car elle a permis à l’Alpha Legion de plonger le système de Chandax dans une dépression Warp soutenue, qui a empêché le Khan de recevoir les SMS d’alerte de Rogal Dorn depuis la rebellion d’Horus. Petit cadeau de la Cabale.
4 : « J’peux pas, j’ai Alpha-poney. »

AVIS:

Alpharius - Omegon

Alpharion (ou Omegus)

Rob Sanders donne à l’Alpha Legion la novella de démonstration que cette faction attendait depuis la sortie de ‘Legion‘ quelques années plus tôt, dont l’un des manquements avait été de placer Alpharius et consorts au second plan de l’histoire, derrière les péripéties balistiques des soldats de l’Armée Impériale et des coucheries cabalistiques de John Grammaticus. Ici, ce sont bien les hydres énergétiques qui tiennent le haut du pavé (dont bon nombre de personnages précédemment croisés, ce qui est toujours un plus), et on a plaisir à les voir évoluer dans une opération tout à fait typique de leur science si particulière de la guerre. Infiltration, espionnage, trahison, mensonge, frappe préventive et sacrifice sans état d’âme: Sanders utilise toute la palette des coups fourrés à disposition de ses héros pour faire vivre au lecteur the Alpha experience. Le résultat est prenant, et les conditions très particulières dans lesquelles cette mission se déroule ajoutent au suspens de ce ‘The Serpent Beneath’1.

Pour autant, je dois avouer avoir été un peu déçu par la fin de cette novella, sans doute parce que j’attendais un retournement de situation ou un coup de théâtre digne de ceux concoctés par Abnett dans son bouquin. Car s’il est une chose que l’on ne peut pas reprocher à ‘Legion‘, c’est bien de distiller quelques révélations de premier plan sur son sujet d’étude, et les rouages de l’Hérésie en général. Depuis la gémellité des Primarques jusqu’à la cause de leur ralliement à Horus, en passant par le fameux gimmick « You got a friend Alpharius in me« , voilà un bouquin qui laisse sa trace dans l’inconscient du lecteur et du fluffiste. ‘The Serpent Beneath‘ est moins percutant dans son approche, gratifiant son public d’une pirouette conclusive certes bien trouvée et bien mise en scène, mais qui m’a personnellement laissé sur ma faim (et d’autant plus que le destin final des protagonistes est, volontairement et poétiquement, laissé en suspens par l’auteur, ce qui m’a amené à faire quelques recherches pour être certain de tout comprendre2). En plus de cela, j’ai eu la désagréable sensation de passer à côté de certains indices et teasings laissés par Rob Sanders sur la suite de la mission trouble de l’Alpha Legion, comme cette mention d’une armure suspicieusement normale, ce qui m’a un peu chagriné. Ceci dit, s’il y a bien une Légion pour laquelle j’accepte d’être mené en bateau, c’est bien celle des jumeaux, donc je n’en tiens pas grief à l’auteur.

En définitive, il s’agit d’un travail solide, sérieux et assez inspiré, dont j’attendais peut-être un peu trop. Je ne vois cependant aucune raison de ne pas conseiller ‘The Serpent Beneath‘ à tous les amateurs de la vingtième Légion passée cinquième colonne, et pas nécessairement dans cet ordre.

1Cela permet aussi de remettre en question la mort de l’un ou l’autre des Primarques de l’Alpha Legion au cours de l’Hérésie. S’ils ont accès à des doublures aussi convaincantes, dur d’être certain que l’hydre a bien été décapitée par Dorn ou Guilliman. Et c’est tant mieux!
2On va appeler ça la jurisprudence Loken, mais je préfère m’assurer que ceux qui ont 99% de chances de mourir meurent bien. Et comme on a également une jurisprudence Eidolon, ce n’est parfois pas suffisant.

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Et voilà qui termine cette revue de ‘The Primarchs‘, anthologie d’un genre un peu particulier, mais loin d’être désagréable à lire. Je pense même qu’il s’agit du recueil bénéficiant de la plus haute qualité intrinsèque de l’Hérésie à ce jour, aucune histoire ne m’ayant déçu (ce qui est rare). Fidèle à son titre, cet ouvrage permet une plongée intéressante dans l’histoire, la personnalité et la destinée de quatre fils de l’Empereur, dont certains jusqu’alors assez peu mis sur le devant de la scène, ce qui renforce l’intérêt du bouquin. Sans présager de la suite de la série, je subodore également que les événements couverts dans ces pages permettent de mieux comprendre les intrigues, de plus en plus complexes, déroulées et entremêlées dans les romans postérieurs à ce tome, faisant de la lecture de ‘The Primarchs‘ un passage peut-être pas obligé, mais utile et conseillé, pour l’aficionado du 31ème millénaire. Bref, un petit plaisir de connaisseur à s’offrir pour les amateurs et les acharnés, mais pas vraiment l’achat obligatoire pour le casual heretic, si un tel concept existe.

MALEDICTIONS [Recueil]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue critique du recueil Maledictions ! Cette anthologie de nouvelles de la Black Library présentant plusieurs caractéristiques la différenciant clairement des ouvrages de ce type précédemment publiés par la maison d’édition de Nottingham, l’occasion de chroniquer – pour une fois – une sortie récente, était trop belle pour être manquée.

La première de ces caractéristiques, et probablement la plus intéressante, est qu’il s’agit d’un des tomes fondateurs de la section nouvelle-née Warhammer Horror, dédiée comme son nom l’indique à ce genre littéraire dans les univers de Games Workshop. Les franchises en question n’étant naturellement ni étrangères, ni avares, en situations « cherchant à susciter chez le lecteur l’angoisse et l’effroi, ou à tout le moins à le mettre mal à l’aise » (définition de l’Horreur en littérature de Wikipedia), j’étais curieux de voir si, et comment, les contributeurs de ce recueil allaient réussir à se démarquer des textes de leurs prédécesseurs. L’horreur étant un genre régi par ses propres codes, topoïs et stéréotypes, j’étais également curieux de voir si la BL choisissait de leur rendre hommage ou bien de s’écarter des sentiers battus.

Deuxièmement, Maledictions présente la particularité de mélanger nouvelles prenant place dans les ténèbres d’un lointain futur et celles se déroulant dans l’obscurité des Royaumes Mortels (voire parfois dans la zone grise entre les deux, au moins jusqu’à ce que l’auteur décide de trancher, comme on le verra par la suite). Du 40K et de l’Age of Sigmar réunis dans un seul ouvrage thématique, cela ne s’était – à ma connaissance – jamais fait auparavant, et cela a donc piqué mon intérêt de lecteur.

Sommaire Maledictions

Enfin, la Black Library ayant pour l’occasion sollicitée un contingent de nouveaux auteurs, dont beaucoup présentés comme des spécialistes du genre (Khaw, Gray, Kane…), je voulais prendre la mesure de la jeune garde de l’horreur, moi qui n’avais jusqu’ici pratiqué que des grands maîtres anciens (Lovecraft) ou contemporains (King).

Alors, cette compilation de Maledictions le serait-elle davantage pour les personnages mis en scène dans cette dernière ou pour les lecteurs ayant pris le risque de placer un billet sur cette curiosité littéraire. Lisez, si vous l’osez…

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Maledictions

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Nepenthe – C. Khaw [40K]:

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INTRIGUE:

Le sommeil de Cornelius et Marcus, deux frères au service du Mechanicus et du Magos Explorator Veles Corvinus, a été troublé au cours des dernières semaines par les échos d’un chant qu’ils semblent être les seuls à entendre. Usant de la connexion 40G et de l’accès à Mechapedia dont ils disposent en tant que loyaux servants de l’Omnimessie, les frangins ont cependant réussi à localiser l’origine de leur émoi, qui se trouve être un Space Hulk répondant au nom de Nepenthe1, et dont la course l’amène hors du Warp pour une courte période de temps une fois tous les millénaires. Déterminés à percer à jour les secrets de ce mystérieux vaisseau, et celui de l’énigmatique cantatrice (sans doute chauve) qui leur roucoule dans le cortex depuis quelque temps, Coco et Markie réussissent à manipuler leur boss de manière qu’il décide d’envoyer une expédition aborder l’épave du Wild Wild Warp pendant sa brève transition de l’autre côté du périph’, vainquant au passage les protestations protocolaires de leur collègue de console, le procédurier Lupus.

Tout à leur excitation de rencontrer enfin leur Marsa Béranger personnelle, les Cog Brothers ferment les bioniques sur tout un tas de signes variant de l’étrange (le dock d’atterrissage qui a exactement la taille de leur vaisseau), au suspect (l’hologramme d’accueil qui leur conseille de décamper fissa), en passant par l’improbable (l’état de propreté clinique du Nepenthe, comme s’il avait été investi par les démons de Sheev’ha, la déesse du ménage à domicile – dans le Warp, tout est possible – ). L’arrivée soudaine d’une meute de Genestealers d’Ymgarl, astucieusement dissimulée aux yeux et senseurs des explorateurs par une technique de metachrosis diablement avancée, sonne toutefois le glas des espérances de Jules et Jim d’un premier rencard romantique, et c’est un sauve qui peut général qui est sonné après que les calculs de nos loustics aient établis de façon formelle que leur escorte de serviteurs et de skitarii n’auraient pas la méchadendrite haute dans l’algarade qui s’est engagée entre visiteurs et locaux.

Ayant choisi la fuite en avant au lieu de la fuite en arrière, nos héros parviennent néanmoins jusqu’au cœur du vaisseau, escortés par l’imperturbable hologramme de service, dont ils apprennent le nom au passage (MAUS), ainsi que celui de leur probable dulcinée (CAT). Et là, triple déception. Non seulement la DLC de la donzelle a expiré, tout comme elle, depuis des éons, en témoigne le squelette nécrosé qui barbote dans la cuve amniotique qui trône au milieu du pont, mais il se fait rapidement jour que leur speakerine fantasmée n’était qu’une intelligence artificielle un poil plus sophistiquée que la Siri de base2. Comble de l’infamie, les Magos Bros se font finalement éconduire par la b(i)elle, qui leur annonce brutalement qu’elle ne les a jamais appelés ici, et que tout ceci est un regrettable malentendu. Se prendre un rateau par un sex bot de première génération, il fallait le faire, et ils l’ont fait. La Fédération Martienne de la Loose (FML, un nom approprié à plus d’un titre) serait fière. En désespoir de cause, Marcus et Cornelius ravalent le peu de dignité qui leur reste, et se mettent humblement et totalement au service de cette garce de CAT, qui, pressentant qu’elle aura sans doute besoin d’un coup de main pour remettre en état le Nepenthe après le projet X initié par ses tentaculaires protégés, finit par accepter l’offre des adeptes. La nouvelle se termine par l’envoi d’une cordiale invitation au Magos Explorator Veles, prudemment resté à bord de son vaisseau, à visiter les merveilles du Space Hulk, décrit par les frangins comme parfaitement sûr. Il faut croire que CAT voulait finalement un peu de compagnie. Comme dit le proverbe « Souvent IA varie, bien fol qui s’y fie ».

: Un genre de plante carnivore dit « passif », qui piège les insectes en les attirant dans sa corolle avec un nectar aussi odorant que gluant. Pour vous épargner une recherche Google, disons que ça ressemble à un Empiflor. De rien. On peut remarquer que pour un expert en biologie comme Cornelius, ce nom aurait dû constituer une première alerte…

: Le truc est d’intégrer un psyker disséqué dans la carte mère. Le résultat est à la fois plus naturel et plus performant qu’une IA purement mécanique. Google est déjà sur le coup.

AVIS:

Cette première soumission de Cassandra Khaw m’a laissé un goût d’inachevé assez marqué, tant au niveau des potentialités du récit laissés au stade d’ébauches (ce qui est dommage), qu’à celui du déroulé et de la conclusion apportée à la nouvelle, que j’ai trouvé confus au point de devenir imbittable (ce qui est grave). Pour commencer par le problème le plus critique, il m’a semblé que Khaw partait en roue libre narrative à partir de l’attaque des Genestealers, les péripéties s’enchaînant alors sans faire grand sens pour culminer sur une confrontation lunaire entre Marcus et Cornelius et CAT et MAUS, les premiers soutenant mordicus avoir été appelés sur place par la seconde, qui réfute catégoriquement leur version des faits. Pendant ce temps, Genestealers et skitarii font du charleston en arrière-plan, et Veles s’échine à tenter de rétablir la connexion avec ses sous-fifres. Plus que le fait que nos deux héros soient tombés dans un piège (ce que le nom du vaisseau laissait entendre de manière assez transparente), c’est le caractère fortuit de leur fin probable qui m’a laissé pantois.

Khaw ne donne en effet au lecteur aucune piste ou sous-entendu expliquant le dessein de CAT, qui se mure simplement dans le déni (« nan j’vous ai pas appelé j’vous dit, bande de gros mythos ! »), alors qu’il lui aurait suffi d’indiquer par exemple que l’IA a été corrompue par le Warp et considère les Ymgarls comme le véritable équipage du Nepenthe (ce qui est ébauché quelques lignes plus haut), et attire donc les vaisseaux aux alentours pour assurer la subsistance de ses protégés, pour que tout rentre dans l’ordre. Rien de tout ceci ici, et les revirements finaux de TOM et JERRY, qui acceptent de laisser leurs fans transis squatter à bord, sans encore une fois qu’aucune raison ne soit avancée à cela, puis coopèrent au, ou en tout cas acceptent tacitement le, piégeage de Veles alors qu’ils ont clamé haut et fort deux minutes plus tôt que la maison était fermée, brouillent un peu plus le message. Bref, ce n’est pas une conclusion à twist, mais à bits, qui achève Nepenthe – comprendre que le lecteur est laissé libre de se forger sa propre opinion sur les tenants et les aboutissants de la nouvelle, en piochant dans les éléments narratifs laissés à sa disposition par l’auteur –.

À cela vient s’ajouter un certain nombre de questions sans réponses, qui auraient pourtant pu apporter à la nouvelle un cachet ou un intérêt supplémentaire si elles avaient été creusées par l’auteur. Par exemple, pourquoi Cornelius semble-t-il avoir un visage rituellement écorché ? Pourquoi les héros sont-ils les seuls à entendre la chanson de CAT ? Et qu’a-t-elle de si irrésistible ? À quoi « sert » le fait que le vaisseau soit décrit comme étant plus vieux que l’Imperium ? Comment le vaisseau arrive-t-il à s’adapter parfaitement à la taille de la navette et à se maintenir « propre » ? Pourquoi avoir « utilisé » spécifiquement des Genestealers d’Ymgarl ? À quoi sert MAUS ? On n’en saura malheureusement pas plus, et c’est assez dommage, d’autant plus que Cassandra Khaw, malgré les problèmes exposés ci-dessus, m’est apparue comme une auteur assez « stylée » (même si sa tendance à recourir à un champ lexical très technique peut s’avérer lassant à la longue), et ayant manifestement pris sur elle d’intégrer une bonne partie du fluff de 40K en préparation de cette première soumission, ce dont je lui en sais gré. Il faudra soigner le fond autant que la forme pour la suite, Miss Khaw.

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The Widow Tide – R. Strachan [AoS]:

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INTRIGUE:

Veuve éplorée et inconsolable d’un pêcheur de la côte de Shyish, Katalina éprouve les plus grandes difficultés à faire le deuil de son homme, peu aidée il est vrai par le fait que le corps de ce dernier n’a jamais été retrouvé. Alors qu’elle veille sombrement parmi les pierres tombales du cimetière local à la tombée du crépuscule (une activité des plus saines et naturelles), au grand désespoir du chef de village – et Chief Happiness Officer – (G)Radomir, son attention est attirée par une étrange lumière bleutée émanant de la plage toute proche, qui finit par l’amener jusqu’à une pierre brillante et un matelot mal en point, tous deux rejetés par la marée sur le littoral, après que le navire qui les transportait ait fait naufrage. Faisant fi de l’inhumanité manifeste du rescapé, ainsi que de son odeur de poisson pourri, Katalina empoche le diam’s et embarque le gonze jusqu’à son petit pied à terre, où elle essaie tant bien que mal de soigner son nouveau meilleur ami.

Réalisant de manière inconsciente que son acte de charité pourrait fort bien ne pas être perçu de façon favorable par les autres membres de la communauté, dont les réactions face aux débris du bateau retrouvés sur la plage le lendemain de cette nuit extraordinaire varient de la méfiance à l’effroi, Kat prend bien soin de cacher l’homme qui occupe désormais son lit des yeux inquisiteurs de ses voisins, à commencer par ceux de la vieille Agata, veuve comme elle et manifestement peu au fait des notions d’espace personnel et de respect de la vie privée. Ses soupçons ne sont que confirmés lorsque Radomir fait instaurer des rondes de la milice locale dans les dunes qui ceinturent le village, pour des motifs aussi vaseux que les crabes qui constituent le cœur de son régime alimentaire. Cela n’empêche pas notre Aelf-sitter de persévérer dans son œuvre, malgré les quelques tentatives faites par son hôte de lui fausser compagnie en dépit de son état lamentable1.

Malheureusement pour notre infirmière sans préjugés, il est impossible de garder des secrets dans un village de pêcheurs subsistant de ragots autant que de turbots. Quelques jours après le sauvetage, c’est donc la traditionnelle foule en colère qui vient délicatement taper à ses carreaux, demandant à ce que le naufragé lui soit remis, et sans doute pas pour l’emmener à l’office de tourisme local, si vous voulez mon avis. S’engage alors une course poursuite aussi poign(ard)ante que sanglante entre péquenots outrés et colocs outés, le nombre et la colère des humains ne faisant pas le poids face à la détermination et les talents meurtriers du Zoneille, assez rétabli pour envoyer une paire de vigilantes aller compter fleurette au Nag’. Pour Katalina, c’est également une page qui se tourne lorsque son protégé décide d’emporter un souvenir de ce long week-end de cure, et lui subtilise son âme à l’aide du caillou bleu qu’elle lui avait obligeamment rendu à son réveil. Moralité de l’histoire : ne jamais accepter les demandes de location d’Air BnB de la part d’Idoneth Deepkin, ça finit toujours mal.

1 : Il avait sans doute lu Misery de Stephen King.

AVIS:

Courte nouvelle à l’intrigue cousue de fil blanc, The Widow Tide aurait gagné à bénéficier d’un synopsis un peu plus fouillé. Par exemple en faisant revenir le mari disparu comme entité maléfique, mais néanmoins aimée et protégée par Katalina ; ou en incorporant quelques exactions inexpliquées mais imputables à l’Aelf convalescent recueillie par notre villageoise au grand cœur, et dont on aurait au final découvert qu’elles avaient été commises par un autre Deepkin ayant survécu au naufrage. Cela aurait permis à Strachan d’exploiter plus facilement les codes du récit d’horreur1, au lieu de se retrouver avec un récit trop rapidement expédié pour que puisse s’y développer de manière satisfaisante l’atmosphère angoissante et dérangeante propre à ce type de littérature. La conclusion de The Widow Tide – le « meurtre » gratuit de Katalina par le Deepkin, qui n’avait aucune raison de s’en prendre à elle et dont l’éventuelle (et attendue, après tout les fils spirituels des Elfes Noirs ne sont pas des enfants de chœur) ambivalence vis à vis de sa protectrice n’a été préparée nulle part au cours des pages précédentes – exemplifie encore davantage la réalisation pataude de Strachan de son dessein. Si la nouvelle est un genre codifié, la nouvelle d’horreur l’est encore plus, et malheureusement pour le lecteur, The Widow Tide s’affranchit de trop nombreux éléments inhérents à ce dernier pour que l’expérience soit concluante.

1 : La possession d’un être aimé à la Simetierre pour la première piste, le « jumeau maléfique » à la L’Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde pour la seconde.

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No Good Deed – G. McNeill [40K]:

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INTRIGUE:

Alors que lui et sa bande de djeuns zonaient tranquillement dans les terrains vagues qui entourent la Scholia Progenium Sainte Karesine classée ZUS qui leur sert de foyer, Cor & friends tombent sur un spectacle peu commun pour la périurbanité morne d’Osleon : un vieil homme gisant inanimé à côté d’une mare d’acide, salement amoché par ce qui a tout l’air de relever d’une chute de quelques centaines de mètres depuis les spires de la ruche toute proche, mais néanmoins vivant. Après avoir décidé de porter secours au malheureux plutôt que de mettre fin à ses souffrances, Cor & Cie transportent le patient X jusqu’à leur internat, où il bénéficie des bons soins de la dévouée sœur Caitriona, ange gardien des déshérités de ce trou perdu. Une bonne action ne pouvant être laissée sans châtiment dans l’univers anti-karmique de 40K, c’est la même Caitriona qui a la difficile mission d’annoncer à Cor la mort prématurée de son frère Nicodemus, emporté à l’âge déçu de onze ans par une poussée d’über-culose1. Il y a des jours comme ça.

De son côté rapidement remis sur pied, malgré une amnésie persistante causée par le méchant coup pris sur le crâne au cours de sa dégringolade échevelée (et pour cause, il est chauve comme un grox), Lancelot du Lac Marcel de la Mare, rebaptisé Oskyr par Cor, insiste pour rendre la pareil à ses bienfaiteurs, dont un grand nombre sont affectés par les conséquences délétères du recours massif au glyphosate et du taux anormalement élevé de particules fines qui sont le lot de toutes les agri-ruches de l’Imperium. Car Oskyr, bientôt affectueusement Papa Oskyr par les garnements de la Scholia, semble avoir des connaissances assez poussées en médecine, et se montre tout prêt à les mettre au service d’une cause aussi noble que la santé publique des nécessiteux de Gandor’s Providence.

Après quelques semaines de soins intensifs, les résultats sont bels et bien là : les pupilles de Sainte Karesine pètent tous la forme, augurant de lendemains qui chantent pour Osleon. Malheureusement, la success story de la Scholia trouve une fin aussi brutale que prématurée lorsque…

Spoiler…le bon papa Oskyr décide de mettre à profit la vigueur de ses petits protégés pour accélérer la fin de sa propre convalescence. Plus résistant que ses camarades aux effets du sédatif utilisé par le fourbe AVS, Cor échappe de justesse à la tentative de meurtre dont il est victime de la part d’un condisciple vraiment dans le mal d’une descente carabinée, mais ne peut rien faire lorsqu’Oskyr, attiré par le bruit, vient gentiment le remettre au lit. Et pour cause, Oskyr est en fait Scaeva, Apothicaire des Emperor’s Children, laissé blessé et amnésique à la suite de l’accrochage avec les Imperial Fists sur Gandor’s Providence. Sachant apparemment comment retrouver la mémoire en distillant les meilleurs morceaux de jeunes et vigoureux éphèbes, Scaeva ne s’attarde pas sur les lieux de son crime une fois ses données sources récupérées, et trace sa route vers la gare inter-systémique la plus proche afin de reprendre le cours de sa paisible existence. C’est Fabio qui va être content. Fin du spoiler

1 : C’est comme la tuberculose, sauf que les yeux du patient se remplissent de goudron et qu’il crache des cendres et du sang.

AVIS:

Nouvelle soumission peu inspirée pour le gars McNeill, dont le pedigree laissait espérer un résultat un peu plus concluant que ce tristounet, mais aptemment nommé, No Good Deed. Les reproches peuvent même commencer par ce choix de titre (que l’on peut traduire par Mauvaise Action), qui tue magnifiquement tout le suspense qui aurait pu/dû caractériser cette nouvelle. Certes, il n’aura pas échappé au lecteur un minimum attentif que quelque chose ne tournait pas rond dans cette histoire, la tonalité globalement positive et optimiste de cette dernière l’inscrivant totalement en faux avec le grimdark caractéristique de la BL (Warhammer Adventures mis à part – pour le moment – ), mais il aurait été élégant de la part du Mac de préserver les apparences sur ce point.

Le principal grief que je nourris à l’égard de cette nouvelle est toutefois autre. Que McNeill choisisse d’employer le topos, même plus éculé, mais carrément informe, du héros (prétendant être) amnésique au terrible passé1, soit. Mais qu’il ne se donne pas la peine de s’assurer qu’il ne commet pas d’impair fluffique dans la mise en place de son propos, c’est vraiment décevant de la part d’un auteur qui maîtrise à fond le background de la franchise2. Cela aurait pu, à la rigueur, être pardonné si la plume avait été tenue par l’un des rookies qui ont également participé au recueil Maledictions, mais la désinvolture confinant au je-m’en-foutisme pur et simple de Graham McNeill ne peut être passée sous silence. À côté de ça, le fait que sa soumission ne puisse être qualifiée d’horrifique qu’avec une extrême bienveillance de la part du lecteur (il a fait bien plus creepy par le passé, par exemple avec Three Knights) n’apparaît que comme un défaut mineur. Bref, beaucoup trop de complaisance pour cette fois, dommage.

1 : Les vieux de la vieille ne manqueront pas de faire le lien avec The Small Ones de C. L. Werner, au synopsis très similaire (un groupe d’enfants recueille un mystérieux inconnu trouvé dans la forêt qui borde leur village), et publiée en 2001 dans la première version d’Inferno !

2 : Spoiler Oskyr est trouvé nu comme un ver par les enfants, ce qui supposerait que les Imperial Fists qui l’ont balancé du balcon de la ruche ont pris le soin et le temps de lui enlever son armure avant de lui apprendre à voler. Et quand bien même, celà ne justifie pas la mystérieuse disparition de sa carapace noire, qui aurait dû alerter la Soeur Caitronia. Cette dernière semble enfin être affligée d’une myopie terminale et d’une inculture flagrante pour ne tiquer ni devant le gaabrit monstrueux d’Oskyr, ni devant l’Aquila Palatine tatouée sur l’épaule du gonze. Fin du spoiler

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Crimson Snow – L. Gray [AoS]:

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INTRIGUE:

Alors que les osts du bosquet de guerre de Feuillehiver (Winterleaf) affrontent une armée chaotique lors du traditionnel match du dimanche après-midi, les jeunes Dryades Kalyth et Idrielle, assignées à la buvette et à l’infirmerie, attendent patiemment que l’empoignade se termine dans la sécurité de la lisière. Le service sèvique de nos deux tendres boutures manque toutefois de connaître une fin aussi tragique que prématurée lorsqu’une paire de combattants, aussi altérés de sang l’un que l’autre, titube jusqu’à leur position, avec des intentions pas vraiment amicales. Fort heureusement pour les jeunottes, c’est la liste EELV qui finit par l’emporter sur celle de la Frange Insoumise1, mais la situation reste toutefois assez tendue, car le vainqueur du duel n’est autre qu’un Paria au self-control des plus ténus. Tout finit pourtant par rentrer dans l’ordre, l’esprit enragé reprenant de lui-même la direction du champ de bataille sans trucider ses camarades de classe.

Quelques heures plus tard, alors que la troisième mi-temps bat son plein sous les frondaisons, Kalyth se rend sur le pré pour porter secours à ses confrères et sœurs pouvant encore être sauvés repiqués. Elle tombe par hasard sur le même Paria, toujours aussi écumant, mais dont la transformation avancée en pâte à papier rend l’approche plus facile que précédemment, et, reconnaissante des services rendus, l’assiste dans ses derniers instants, ignorant au passage les recommandations de ses aînés à propos de la quarantaine à laquelle il convient de soumettre les sujets chancrés.

Cette bonne action pourrait cependant avoir de graves conséquences, car dès le lendemain, notre bonne âme se trouve inexplicablement attirée vers le refuge de Parias le plus proche lors de la mission de reconnaissance à laquelle est assignée, et acquiert rapidement la certitude qu’un Lumineux (Bright One) et sa colonie de parasites a élu domicile sous son écorce. Alors que son emprise sur la réalité se fait de plus en plus ténue, et que les voix demandant que la sève soit versée deviennent chaque jour plus insistantes, Kalyth arrivera-t-elle à mettre la branche sur de la bouillie bordelaise pour traiter son affliction avant de commettre l’irréparable l’imbouturable ?

: Les suivants du Chaos éprouvent des difficultés notoires à se coiffer. Pas évident de maintenir un brushing entre les casques intégraux et les mutations aléatoires.

AVIS:

Soumission sérieuse et appliquée de la part de Lora Gray pour ses débuts au sein de la Black Library. Reprenant les codes de l’horreur psychologique (la présence maléfique que le héros est le seul à ressentir, et qui finit par le rendre fou), relevés d’une touche de gore assez graphique (automutilation notamment, le truc qui marche toujours avec moi), Crimson Snow explore avec réussite un des aspects les plus sombres de la faction Sylvaneth, les mystérieux Parias, dont les causes de la folie sanguinaire sont encore mal connues. N’étant pas vraiment familiers avec les subtilités du background de cette armée, j’ai eu un peu de mal à assimiler le rôle joué par les Lumineux (un terme qui n’apparaît pas, ou peu, dans les textes canons) dans la propagation du mal, d’autant plus que la « matérialisation » du parasite de Kalyth s’opère dans gélatineux (?) un flou artistique ne facilitant pas la compréhension. Reste que la progression de l’intrigue vers sa funeste conclusion est suffisamment claire pour que tout le monde puisse s’y retrouver, néophytes comme vétérans. Pouce vert pour Gray, donc.

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Last of the Blood – C. L. Werner [AoS]:

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INTRIGUE:

La cousinade à laquelle le Baron Eiji Nagashiro a convié les membres de sa famille, et se tenant dans le faste de la forteresse du clan, commence sous de bien sinistres auspices. Comme tous les cent ans, en effet, cette noble lignée se retrouve la victime de l’antique malédiction qui la frappe depuis l’Âge des Cinq Princes, époque où le roi Ashikaga trouva malin d’asseoir son pouvoir en envoyant son bourreau personnel, Yorozuya, raser gratis les dissidents et toute leur famille, jusqu’au dernier beau-frère issu de germain par alliance. Ayant trouvé un moyen d’échapper à l’aristocide, les Nagashiro doivent cependant composer avec le retour régulier du fantôme de l’émissaire royal, qui traque les descendants du Baron Jubei, à raison d’une tête par mois, jusqu’à disparaître mystérieusement une fois sa rage immortelle assouvie (ou le coffre de sa Twingo rempli à ras bord, c’est selon). La saison de la prise de tête ayant commencé depuis maintenant quelques lunes, les cousins survivants se réunissent donc pour écouter la proposition du rusé Eiji, qui pourrait avoir trouvé le moyen de mettre en échec l’intraitable revenant.

Ayant fricoté plus qu’à son tour avec les secrets occultes de la non-vie1, Eiji convainc rapidement son auditoire, composé, entre autres parents, de sa mère, sa belle-sœur, une ribambelle de cousins et un petit cousin par alliance, de coopérer avec son plan, prétendument infaillible, qui permettrait à l’assemblée de feindre sa disparition aux yeux de leur bourreau, renvoyant ce dernier pourrir tranquillement dans quelque recoin humide du sous-monde. Malheureusement, si le décor mis en place par Eiji ne manque pas de cachet, l’efficacité de son rituel laisse toutefois sérieusement à désirer, et laisse notre apprenti nécromancien partagé quant à la suite à donner à son idée pas si géniale que ça. De leur côté, les Sacquet de Besace et autres Soucolline, considérablement refroidis d’avoir vu leur hôte perdre si soudainement la tête, s’égaient dans la demeure comme une volée de moineaux effarouchés, et constatent avec chagrin que feu le Baron a donné des ordres stricts à ses suivants pour que le couvre-feu soit appliqué. Il faudra donc, et c’est assez peu fréquent, éviter les flèches plutôt que de les suivre pour atteindre la sécurité – toute relative – de l’extérieur, ce fripon de Yorozuya ayant prouvé à maintes reprises sa capacité à rattraper les fuyards.

Coincés entre le marteau et l’enclume, ou entre le katana et les makiwaraya dans le cas présent, les invités optent pour différentes stratégies, plus ou moins couronnées de succès. Constatant que résignation, confrontation, tractation et invocation se sont toutes soldées par une décollation, le spirituel Toshimichi décide de tenter sa chance avec la réflexion, et passe en revue les éléments et évènements ayant pris place depuis son arrivée au château…

Spoiler …Bien lui en prend car il découvre rapidement que leur hôte est loin d’être aussi mort qu’il n’y paraissait, ayant mis en scène son propre trépas et piégé sa smala dans le seul but de devenir le dernier des Nagashiro. Il est en effet établi que l’ultime survivant de la lignée maudite bénéficie d’une protection impénétrable contre les assauts du spectre, qui disparaît alors prendre un siècle de vacances bien méritées. Bien à l’abri derrière son pentacle de craie noire, seule protection ayant été d’une quelconque utilité face aux ravages de Tonton Yoyo, Eiji se délecte à l’avance du succès de ses manigances, lorsqu’un brasero en fonte vient lui friser les moustaches et lui aplatir l’occiput, signe on ne peut plus clair du mécontentement de sa belle sœur devant sa bassesse éhontée. Ce deuxième décès étant définitif, Toshimichi ne tarde pas à découvrir qu’il est, de facto, l’ultime représentant de sa race, les horions du pauvre Yorozuya ne faisant plus que l’effleurer. Il peut en cela remercier l’homosexualité, désormais irréfutable, de son cousin Mikawa, dont le mariage avec la douce Otami n’a pas été consommé. Encore une fois mis en échec par sa malédiction, le spectre vengeur n’a pas d’autre choix que de prendre congé, et de ronger son frein pendant un nouveau siècle avant de pouvoir retenter sa chance. C’est plus qu’il n’en faut à Tosh’ et sa belle doche, qui comptent bien vivre et mourir de leur belle mort d’ici là. (Meta)carpe diem, comme on dit chez les Mortarques… Fin du spoiler

1 : Après tout, de Nagash à Nagashiro, la nuance est tenue.

AVIS:

À la lecture de cette nouvelle, comme d’autres avant elle, on peut soit décider que C. L. Werner ne se soucie guère du fluff d’Age of Sigmar, soit au contraire décréter qu’il est l’auteur ayant le mieux intégré toutes les libertés offertes par la nouvelle franchise de Games Workshop en termes de background. Les partisans de la première école mettront en avant l’absence quasi-totale d’éléments caractéristiques des Royaumes Mortels dans ce Last of the Blood, quelques mentions rapides à Nagash, Sigmar et Dracothion mises à part. Ceux de la seconde feront remarquer qu’avec huit Royaumes-Plans distincts à exploiter, et des milliers d’années à couvrir, il serait dommage de ne raconter que des histoires de Stormcast Eternals.

Chaque approche peut être défendue, et pour ma part, je préfère saluer la fantaisie de Werner plutôt que de m’outrer de son hétérodoxie manifeste. Son trip japonisant a beau détonner fortement avec les péripéties métalliques d’Hamilcar, Gardus et consorts, il serait dommage de bouder son plaisir, d’autant plus que notre homme trousse ici une petite nouvelle d’horreur ma foi assez réussie, et proposant au lecteur un double twist final pour sa peine, ce qui est toujours agréable. Certes, le fluffiste acharné ne trouvera pas grand chose à se mettre sous la quenotte, la culture particulière présentée par Werner n’étant vraisemblablement pas destinée à apparaître dans d’autres publications, mais l’amateur de nouvelles fantastiques sortira assez satisfait de cet exercice de style, qui démontre une fois encore la versatilité narrative de l’homme au chapeau. Je vous tire donc le mien, Herr W.

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Predation of the Eagle – P. McLean [40K]:

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INTRIGUE:

Retour sur Vardan IV en compagnie des braves bidasses du 45ème Reslian, déjà croisées dans le No Hero du même auteur (Inferno ! #1), où nous suivons cette fois les déboires d’une Compagnie entière alors qu’elle tente de mener à bien une mission d’infiltration et de reconnaissance derrière les lignes ennemies1. Notre héros, le Caporal Cully, un vieux de la vieille à qui on ne la fait pas, se retrouve en effet confronté à une situation des moins banales. Les hommes (et femmes, car Reslian est un monde paritaire) de son unité sont victimes des attentions homicidaires d’un mystérieux traqueur, dont la conception du fun semble inclure l’éventration de soldats impériaux, et la mise en scène de leurs cadavres selon un rituel bien particulier, incluant la réalisation de l’aquila impériale par leurs doigts raidis par la mort (et tenus en place par des bouts de lianes tressées, parce qu’il faut pas déconner non plus, ça bouge sinon). Ah, et notre énigmatique chasseur n’est pas non plus contre se tailler un petit steak dans le gras de la barbaque de ses proies, pour peu qu’elles soient bien en chair.

Malgré la mise en place de précautions élémentaires, et le fait que la moitié de la Compagnie soit constituée de vétérans de la guerre de jungle, et donc plus que capables de veiller à leur intégrité physique même sous le fin crachin et la légère boue caractéristiques de Vardan IV, le décompte des victimes continue son inexorable progression, au grand désarroi et déplaisir de Cully et de sa vieille garde (Rachain, Gesht, Steeleye), qui, au fil des jours, doivent se rendre à l’évidence : leur bourreau n’est pas un Ork super discret et super instruit (la version officielle), mais quelque chose d’autre. Ou quelqu’un d’autre…

Spoiler …Car, de manière cocasse et fortuite, il se trouve que le meilleur scout de la Compagnie, un dénommé Drachan, a été porté disparu dans la jungle trois mois auparavant. Drukhari en goguette mis à part, il n’y a que ce fameux Drachan, sans doute plus qu’un peu traumatisé par ces quelques semaines de camp de vacances en compagnie de GO (Gentils Orks) imaginatifs en termes d’activités, qui soit capable de tailler des croupières et des côtelettes à/dans ses anciens camarades. Entre deux accrochages avec les locaux, Cully et Cie décident donc de régler l’histoire le plus discrètement et définitivement possible, une fois que chacun a fait son deuil de l’ami ou l’amant que Drachan était pour lui avant que la fièvre verte ne le prenne. On ne piège cependant pas aussi facilement que ça un castor senior en plein Bois de Boulogne, et Drak the Ripper pratiquera encore quelques laparotomies au débotté (dont une sur l’officier en charge – théorique – de la mission, un jeune incapable tout frais sorti de l’école, et nommé Makkron… McLean serait-il un Gilet Jaune ?) avant de ne devoir rendre ses comptes devant Pépé… ou Gork et Mork, peut-être… Fin du spoiler

1 : À supposer que les Orks soient capables de tracer des lignes. Même juste un tout petit peu droites. Pas gagné.

AVIS:

Voilà une bien belle et glauque soumission pour l’ami McLean, qui confirme avec PotE (pour une fois que j’ai un acronyme pot-able sous la touche, autant l’utiliser) le pote-ntiel pressenti et espéré avec son initial No Hero1. Comme dans cette dernière/première nouvelle, l’atmosphère de combat de jungle, étouffante, humide, dangereuse et plus adaptée à l’Ork qu’à l’homme, est très bien rendue, avec toujours ce petit côté guerre du Vietnam, sans doute inévitable pour ce genre de parti pris littéraire, mais en rien désagréable. À celà vient s’ajouter le triple bonus d’une galerie de personnages beaucoup plus singuliers et intéressants que les survivants du peloton Beta (mention spéciale à la sniper Steeleye, authentique gueule cassée ayant eu le douteux privilège de se faire rouler une galoche par un Peau-Verte trop entreprenant, et dont la seule lecture des séquelles vous mettra mal à l’aise) ; une utilisation adroite des codes de l’horreur/gore par meurtres rituels interposés ; et l’inclusion d’une dimension thriller, certes rapidement évacuée par un McLean qui aurait pu continuer à laisser planer un peu de suspens sur l’identité de son boogeyman, lorsque le lecteur est invité à enquêter avec Cully sur les meurtres de son unité. Bref, un sans faute tant sur le fond que sur la forme, et dont l’inclusion dans un recueil de nouvelles d’horreur est tout à fait légitime, ce qui n’était pas évident pour une histoire de Gardes Impériaux. Qu’on se le dise, si elle ne se rend toujours pas, la Garde meurt en tout cas avec panache.

1 : D’ailleurs cet impayable Lopata, alias Ogryn, fait un petit cameo en début de nouvelle. Le clin d’oeil, c’est toléré, tant que ça ne sombre pas dans l’auto-like.

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The Last Ascension of Dominic Seroff – D. Annandale [40K]:

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INTRIGUE:

Eremus. Une planète poubelle (littéralement) comme l’Imperium en compte quelques centaines, un monde ruche en déréliction avancée n’accueillant que la lie des serviteurs de l’Empereur. Parmi ces derniers, nous faisons la connaissance d’un couple de vieilles canailles, le Seigneur Commissaire Dominic Seroff et l’Inquisitrice Ingrid Schenk, unis par une détestation commune et sincère envers l’irréprochable Yarrick, responsable de la disgrâce de nos deux larrons. Dom’ a en effet eu la mauvaise idée de ne pas sentir le vent tourner autour du gouverneur Herman von Strab lorsque Ghazghkull, tel le facteur (X) qu’il est au fond de lui même, est venu sonner pour la deuxième fois à la porte d’Armageddon, et a gagné le droit de superviser le recrutement des forces armées d’Eremus (dont la valeur et le mérite approche celles de notre Burkina Faso) pour sa peine. Schenk a quant à elle été prise la main dans le sac à expérimenter avec une souche de la Peste de l’Incroyance dans la banlieue de Molossus et des conditions pas vraiment cliniques, par l’intraitable Commissaire, qui s’est découvert des prérogatives policières sur ce coup1, et a bouté la Ressuscitationniste hors de son laboratoire à ciel ouvert (façon de parler pour un monde ruche), direction Eremus également.

Alors que nos crapules portent un toast à la mauvaise santé de leur Némésis, en regardant les épaves recrachées par le point de Mandeville le plus proche s’écraser sur les spires décaties de leur planète d’adoption, ce qui passe pour un dîner aux chandelles sur Eremus j’imagine, une explosion particulièrement féroce vient rompre leur train train habituel. Désabusés mais toujours prêts à faire leur devoir, Seroff et Schenk ne sont pas longs à prendre la direction de l’impact, qu’ils trouvent sujet à un émoi compréhensible mais très exagéré de la part des voisins, qui ont mis le feu au quartier dans leur panique et se comportent de manière très étrange. Ayant fait prisonnier un citoyen qui passait dans le coin, le Commissaire et l’Inquisitrice ont la surprise de le voir se changer en fleur de manière peu ragoûtante, puis en cendres de manière spontanée, sous leurs yeux incrédules. « Ce n’est certes pas un rhume des foins » étant le seul diagnostic que la docte Schenk est capable de poser suite à ce cas de biodégradation subit, décision est prise de retourner sur les lieux du crash, et d’installer le cordon sanitaire qui semble s’imposer à proximité de ce dernier.

Protégée par son scaphandre inquisitorial, Schenk arrive à approcher l’épicentre du problème d’assez près pour se rendre que ce n’est pas non plus la rhinite allergique qui est à blâmer sur ce théâtre, les diverses mutations affectant les quidams n’ayant pas eu l’intelligence d’aller voir ailleurs si l’Empereur y était ayant rapidement raison des nerfs de son escorte de Gardes Impériaux, tout comme de ses velléités d’étudier de plus près cette étrange épidémie, dans le but initial et avoué de regagner la faveur de sa hiérarchie. Optant pour une application stratégique et immédiate du principe de précaution, Schenk se dirige donc aussi vite que sa chaudronnerie lui permet vers le piquet tenu par son compère, ce qui lui laisse largement assez de temps pour constater que la maladie, en plus d’être une zoonose indéniable, semble également avoir des propriétés naonoses, ce qui est à la fois tout à fait remarquable et terrifiant. En effet, ce sont bientôt des quartiers entiers d’Eremus qui commencent à muter, rendant la tenue d’un cordon sanitaire efficace aussi vaine qu’illusoire. Ayant opté pour la sécurité toute relative de leur HLM de fonction, Seroff et Schenke croient leur dernière heure arrivée lorsque leur loft décide d’embrasser une carrière de sauteur en hauteur, guère concluante il faut le reconnaître (en même temps, la coordination musculaire est complexe quand on est une tour de plastacier de 50 étages), et rapidement interrompue. Miraculeusement épargnés par l’effondrement consécutif à cette monumentale crise d’épilepsie, nos héros se réveillent dans la soute d’un vaisseau, où les attendait, avec la bonhommie légendaire qu’on lui connaît…

iSpoiler…Typhus en personne. Le patron du Terminus Est n’a en effet pas digéré, et sans doute donc vomi, puis ré-ingéré, l’utilisation déloyale que Schenk a fait de sa peste de l’incroyance, soumise à copyright opera galaxii, comme toutes ses autres créations, et est venu sur Eremus pour régler l’affaire à l’amiante (c’est mieux qu’à l’amiable). Voulant faire les choses bien, il s’est fendu d’une nouvelle infestation, dont Schenk et Seroff ont pu constater l’efficacité et l’inventivité au cours des dernières heures, dans le seul but de prouver à la malotrue qu’il est toujours la bosse du game. Ayant amplement démontré le bien-fondé de sa cause, il termine en ôtant à ses hôtes la gracieuse et graisseuse immunité dont il les avait fait bénéficier jusqu’ici, avec des effets rapides et indésirables pour la pauvre Ingrid. Et Dominic, me direz-vous ? Comment se termine sa dernière ascension (c’est son histoire après tout) ? Eh bien, tout aussi mal, mais pour des raisons bien différentes, notre Seigneur Commissaire décédant d’une hypertrophie astragalaire (la maladie des chevilles gonflées) subite en réalisant qu’il n’était que le side-kick de la nouvelle. Vanité, tout n’est que vanité.Fin du spoiler

1 : J’ai un peu de mal à comprendre comment un Commissaire, fut-il aussi célèbre et influent que Seb la Pince, a pu avoir gain de cause contre un Inquisiteur chevronné rosetté, dont la mission suppose qu’il soit au-dessus de toute autorité, Pépé mis à part. Comme Annandale a consacré une abondante littérature à Yarrick, laissons-lui le bénéfice d’une explication crédible mais non décrite dans The Last Ascension…

AVIS:

Située en plein cœur de l’Annandal-ivers, The Last Ascension… permet à son auteur de convoquer deux des figures du fluff avec lesquelles les pontes de la BL l’ont autorisé à jouer, dans un cross-over par antagonistes interposés (je me comprends, peut-être que vous aussi), qui s’avère être davantage un délire personnel d’Annandale qu’une soumission intéressante à un recueil de nouvelles d’horreur. On peut ainsi reprocher à David son approche finalement très basique et peu inspirée des codes de l’épouvante, dont l’intégration à l’intrigue est aussi naturelle et appropriée que celle de navets dans une tarte aux fraises, pour tirer une comparaison culinaire. En faisant de l’horreur le vecteur de la peste qui frappe Eremus, Annandale répond certes au cahier des charges qui lui a été soumis, mais aux dépends de la cohérence et de la dynamique de son intrigue, qui était pourtant assez bien partie jusqu’ici.

Comme souvent avec la prose de notre ami canadien, une bonne et généreuse idée de base finit par s’effondrer sous le poids de sa propre kioulitude, fragilisée qu’elle est par l’incapacité de l’auteur à apporter des réponses satisfaisantes aux questions qu’un développement incontrôlé ne manque pas de générer. Ici, c’est donc la manière dont la peste se répand d’un hôte à l’autre qui fait débat, Annandale théorisant que c’est l’horreur générée par la vision des mutations qui propage l’infection. OK. Mais comment le patient zéro a-t-il attrapé cette vilaine grippe, si tout ce qu’il y avait à voir initialement était les ruines d’un crash aérien (un spectacle très commun sur Eremus) ? Et comment diable expliquer de manière un tant soit peu robuste que l’infestation puisse se propager à des bâtiments1 ? Bref, une soumission encore trop limitée pour prétendre à autre chose qu’à l’habituelle mention passable pour le sieur Annandale. De mauvaise augure quand on sait que la BL lui a demandé de participer à l’écriture du récit collectif The Wicked and the Damned en ouverture de la gamme Warhammer Horror.

1 : Vous l’attendiez tous, par un magnifique TGCMLC (It’s the Chaos, stupid). Ça faisait longtemps tiens.

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Triggers – P. Kane [40K]:

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INTRIGUE:

Le gouverneur du monde minier d’Aranium (ça ne s’invente pas), Tobias Grail, traverse une mauvaise passe. Alors qu’il jouissait paisiblement et profitablement des avantages conférés par son affectation à la tête de cette productive planète, en récompense d’une carrière distinguée au sein de la Garde Impériale, Grail est devenu la proie de rêves inquiétants, dans lesquels il a le pressentiment que quelqu’un cherche à lui dérober sa fortune. Une position telle que la sienne ne lui laissant pas le loisir de prendre quelques jours de RTT pour s’aérer la tête, notre héros prend donc sur lui et s’emploie à donner le change comme si de rien n’était, même si ses plus proches collaborateurs – à commencer par son bras droit/garde du corps/homme à tout faire/baby-sitter/ancien camarade de guerre Russart – commencent à remarquer et à s’inquiéter des sautes d’humeur et discours incohérents de leur supérieur.

Malheureusement pour Tobbie, la situation ne va pas en s’améliorant, aux cauchemars venant s’ajouter des hallucinations de plus en plus fréquentes et éprouvantes, dans lesquelles il assiste à des groupes de parole pour mutants et démons (comprendre que ces derniers se contentent de se réunir en cercle autour de lui pour l’encourager à continuer son bon travail, ce qui gonflerait sans doute son estime de lui, s’il n’était pas occupé à souiller son slip). Qu’il s’agisse de visiter un camp de travail une coopérative minière modèle, de superviser sa petite activité de contrebande de biens illicites d’import-export personnelle, ou d’aller aux p- de se détendre après une dure journée de travail au service de l’Imperium, Grail doit faire face à des crises dont l’intensité et la violence vont crescendo. Naturellement rendu un peu chafouin par ces épisodes psychotiques, le gouverneur finit par s’enfermer dans un isolement presque complet, dont seuls la tenue d’un grand bal masqué pour les notables d’Aranium, et l’épisode de paranoïa aigüe dans lequel il sombre après une remarque malheureuse de Russart, le convainquent de rompre. Mais si l’évènement commence sous des auspices favorables et tout à fait normaux, il ne faut pas longtemps avant que Grail n’expérimente le biggest and baddest trip ever, qui l’envoie baguenauder au cœur des Royaumes du Chaos, comme un Marius Hollseher du 41ème millénaire. Fou de terreur, notre héros sonne la fin des festivités, de manière très cavalière et peu protocolaire, il faut le reconnaître, et s’enfuit vers ses quartiers…

Spoiler…où il est rapidement rejoint par le fidèle Russart, qui lui apporte la solution à ses problèmes : une tablette de LARGACTIL 100 mg un tir de laser en pleine poitrine. Grail n’a que le temps de contempler une dernière fois le contenu de son coffre fort personnel, parmi lequel se trouve le médaillon qui lui a été remis en récompense de sa bravoure au combat lors d’une ancienne bataille contre les Orks, et sur lequel il arrive à distinguer la mention Made in PRC (Parasympathomimetic Realms of Chaos) avant que le rideau ne tombe. Exigez la qualité martienne, loyaux sujets de l’Empereur ! De son côté, Russart se révèle être une Callidus en mission, dont l’intervention était nécessaire pour empêcher Grail de livrer, sans doute involontairement, son fief aux Puissances Noires. Just another day in Pépé-dise…Fin du spoiler

AVIS:

Franche déception que ce Triggers (dont le choix de titre continue de m’échapper à ce jour), au vu de l’expérience de son auteur dans l’écriture horrifique. Nul doute que Kane doit être capable d’écrire des textes d’épouvante tout à fait respectables, mais son incursion dans les ténèbres de notre lointain futur s’avère être un acte manqué, la faute à une maîtrise limitée du background et une utilisation pataude de ce dernier. On ne peut pas reprocher à l’auteur d’avoir souhaité terminer sa nouvelle sur un twist final, élément indissociable tant du genre que de la littérature horrifique, mais il aurait été plus inspiré de ne pas se frotter à un concept aussi complexe que le Chaos pour ce galop d’essai, dont l’utilisation satisfaisante requiert un niveau de connaissance du fluff sensiblement supérieur à celui de Mr Kane au moment de l’écriture de Triggers. Non qu’il se vautre dans des contre-sens grossiers, mais son exploitation du thème de la corruption s’avère tellement insipide et contre-intuitive qu’elle dessert in fine son propos. Dans un Imperium d’un million de mondes, une intrigue tout à fait « classique » aurait l’affaire, et sans doute permis à Paul Kane de survivre à l’enfer de 40K de manière plus convaincante. Où sont les éditeurs de la BL quand on a besoin d’eux ?

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A Darksome Place – J. Reynolds [AoS]:

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INTRIGUE:

S’il est toujours compliqué de discuter des couleurs (surtout quand on parle à des figurinistes), l’égout peut-il, lui, être abordé de manière satisfaisante ? C’est en tout cas le postulat de Josh Reynolds, qui entraîne ses lecteurs dans les galeries souterraines de Greywater Fastness, métropole Ghyranite qu’il avait déjà explorée dans Auction of Blood. Une équipe d’égoutiers (underjacks1) sous le commandement du vétéran Tooms, est à la recherche de collègues portés disparus depuis quelques jours, ce qui n’augure rien de bon pour sûr. Alors qu’ils progressent vers la zone où leurs confrères se trouvaient lorsqu’ils ont cessé de donner signe de vie, les agents territoriaux de GF sont confrontés aux aléas classiques du métier, qu’il s’agisse de Troggoth en maraude, d’une infestation de champignons, ou de cadavres de catacombistes amateurs.

Il semble cependant certain que quelque chose de pas très sigmarite se trame dans les profondeurs des canaux, comme l’insinue la multitude de signaux que les Tooms Raiders ne manque pas de remarquer : d’où vient cette odeur de propre ? Pourquoi n’y a-t-il pas de rats ? Comment expliquer la prolifération de cet étrange fungus ? Qui diffuse le mystère des voix bog-lares dans le dédale des canaux ? Ajoutez à cela la disparition régulière et soudaine des membres de la fine équipe, jusqu’à ce que seul l’inébranlable Toto demeure, et vous obtenez un point d’alerte à remonter à la direction dans le rapport circonstancié de mission, pour sûr. Ce ne sont toutefois pas ces menues péripéties qui décourageront notre zélé héros d’aller au fond des choses, dans l’espoir, de plus en plus incertain, de retrouver son mentor – Agert – qui l’attend quelque part dans les profondeurs de Ghyran…

Spoiler…Et pour cause, Tooms finit par tomber sur le pot aux coulemelles – il n’y a pas de roses qui poussent dans les caves, voyons –, une rave party géante où la consommation de champignons est aussi massive qu’inversée (ce sont les fungi qui mangent les humains), sous le haut patronage d’une entité faite entièrement de spores, et sujette à l’adoration béate de ses proies alors même qu’elles succombent à la mycose (ce qui est toujours mieux que de succomber à la sinistrose, avouons-le). Introduit à cette dernière, une certaine Mme A. Larielle, dont nous respecterons les demandes d’anonymat, par son pote Agert, désormais totalement ravagé du bulbe, Mister T parvient à se défaire de la peer pressure et obtient la fermeture temporaire de la salle de spores en l’embrasant d’un jet de lanterne bien placé, avant de partir en rafting vers la civilisation. Cependant, alors qu’il tente désespérément de retrouver le chemin de sa cité bétonnée, il réalise que lui aussi entend désormais Lucy in the Sky lui retourner la tête avec ses délires de tangerine trees et cellophane flowers. Et le pire dans tout ça, c’est qu’il y prend (é)goût…Fin du spoiler

1 : On peut noter la fidélité de Reynolds envers cette noble profession, qu’il avait déjà mise à l’honneur dans une de ses nouvelles dédiées au très saint et très brutal ordre de Manann, Dead Calm.

AVIS:

Beaucoup d’atmosphère, mais finalement peu de contenu de la part de Reynolds dans cet A Darksome Place, son parti-pris de suspens autour des causes de la disparition des égoutiers, et de l’identité et motivations du responsable d’icelle, restant assez nébuleux d’un bout à l’autre du récit. Pour ma part, il a fallu que je me renseigne un peu sur Greywater Fastness pour comprendre les tenants et les aboutissants de la nouvelle, qui contient pour le lecteur averti une mini-révélation fluff assez intéressante. Il est dommage que les efforts consentis par l’auteur pour permettre une révélation spectaculaire à la fin de son récit (lieux oppressants, narration en flashbacks, catchphrase faussement bénigne – it’s a kindness // c’est une faveur – martelée à l’envie) n’accouche que d’une réalité que le lecteur avait sans doute percée à jour de lui-même quelques pages plus tôt, et d’une « bête » confrontation entre le héros et son antagoniste. Même le renoncement du premier, synonyme de victoire du second, à la toute fin de la nouvelle, se trouve affaibli par le peu de doute subsistant quant à l’issue finale de cette dernière. Bref, je m’attendais à mieux, et à « pire » de la part de Reynolds, qui une fois n’est pas coutume, ne tire pas le niveau général de l’anthologie vers le haut. Ca arrive Josh, ça arrive.

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The Marauder Lives – J. C. Stearns [40K]:

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INTRIGUE:

L’interrogatrice Monika a bien mérité de l’Imperium. Capturée et torturée pendant une décennie par l’Archonte Eldar Noir Kelaene Abrahak, aka la Maraudeuse1, après qu’elle ait réussi à attirer les forces de cette dernière sur une position tenue par une petite force inquisitoriale, et non occupée par une foule de réfugiés prêts à la cueillette, comme la Zoneille le pensait, elle a enduré les sévices physiques et psychologiques dispensés par sa cruelle maîtresse jusqu’à regagner enfin sa liberté, précipitant la fin de la Maraudeuse dans l’opération. Souffrant de nombreuses séquelles, dont des troubles de stress post-traumatique aussi compréhensibles qu’handicapants, elle a été placée en rééducation dans la maison de repos St Solangia, tenue par les Ordos sur une île située en plein milieu de la mer cressidienne. Recevant à intervalles réguliers la visite de sa mentor et amie, l’Inquisitrice Deidara, elle fournit à cette dernière de précieuses informations sur la société et la culture des ses anciens bourreaux, en tentant tant bien que mal de retrouver un comportement que le quidam moyen pourrait qualifier de normal.

Il est toutefois difficile pour une rescapée comme Monika de baisser sa garde, ses années de servitude lui ayant appris la valeur d’une méfiance absolue, confinant à de la paranoïa pure et simple pour un observateur extérieur, mais indispensable à la survie d’un résident de Commoragh. D’autant plus que sa maîtresse avait l’habitude de mettre en scène de fausses tentatives d’évasion au « bénéfice » de son animal de compagnie, pendant lesquelles Monika pouvait nourrir l’espoir d’avoir échappé à sa captivité, pour invariablement se rendre compte que cette farceuse de Maraudeuse avait tout organisé, et s’était jouée de ses efforts depuis le début. On comprendra aisément que cet innocent passe-temps ne favorise pas non plus la reprise d’une vie insouciante, car, au fond, qui pourra convaincre Monika que sa « liberté » retrouvée n’est pas la dernière manigance en date de sa tortionnaire, qui serait allée jusqu’à feinter sa propre mort pour convaincre son esclave de la réalité de la chose (après tout, quand on est une immortelle aussi sadique que friquée, on peut se permettre de réaliser ses lubies) ?

Alors qu’un ouragan s’apprête à s’abattre sur St Solangia, coupant l’institut du reste du monde pendant quelques heures, et que les signes d’une activité suspecte et maligne s’accumulent, Monika se retrouve confrontée à une question aux conséquences potentiellement pires que la mort : et si la Maraudeuse était encore à ses trousses ?

1 : Surnom donné à Kelaene par les autorités impériales après qu’elles aient remarqué la tendance de l’Archonte à effectuer des tournées de bienfaisance régulières sur les planètes humaines, où elle se fait un devoir d’offrir aux populations démunies tout le confort physique et spirituel pour lequel les Drukhari sont justement réputés. Des milliers de citoyens impériaux ont ainsi bénéficié d’un placement en centre d’accueil sur Commoragh. Bravo madame.

AVIS:

Quelle plus grande horreur peut-il exister que celle de ne pouvoir faire confiance à son propre jugement ? Vous avez deux heures, le temps de – peut-être – regarder un des classiques1 exploitant le filon de la subjectivité narrative pour faire douter le héros, et avec lui, le spectateur, de ce qu’il v(o)it. Pour ma part, je considère cette approche de l’horreur, pour peu qu’elle soit réussie, comme la plus intéressante et, il faut bien l’avouer, flippante qui soit. Tout l’art du narrateur consiste à ménager les interprétations possibles, de façon à laisser planer un doute sur ce qu’est, au final, la vérité. Et, comme dans toute bonne théorie du complot, c’est encore meilleur si rien n’est laissé formellement tranché à la fin du récit !

Vous l’aurez sans doute compris à ce stade, j’ai adoré The Maraudeur Lives, qui a selon moi parfaitement réussi à se positionner sur le créneau horrifique précédemment décrit. L’absence de balise spoiler dans la partie résumant l’intrigue est une preuve supplémentaire de la maîtrise par Stearns de son propos : il n’y a pour ainsi dire pas de twist final à préserver, car c’est au lecteur de décider en son âme et conscience si Monika a sombré dans une crise de paranoïa aigüe, dont il est impossible de la tirer de manière rationnelle, ou bien si elle est effectivement pourchassée par l’élusive Maraudeuse, et a absolument raison de ne faire confiance à personne. Il est tellement rare d’arriver à des résultats aussi « satisfaisants » à la lecture d’une nouvelle de la Black Library que je me devais de souligner cette performance de l’ami Stearns, et irai même plus loin, en justifiant l’achat du recueil Maledictions (en attendant que The Maraudeur Lives soit disponible à l’unité) sur la seule présence de ce texte au sommaire. Voilà une construction narrative qui mérite d’être étudiée dans les cours d’écriture, et qui viendra récompenser l’opiniâtreté et l’abnégation du lecteur BL, prêt à s’enquiller platitudes sur bof-erie (à ne pas confondre avec la beauferie, c’est très différent) à la recherche d’une des rares pépites que la maison reste capable de publier, de temps à autres. Profitez, profitez donc.

À ce déroulé impeccable vient en outre s’ajouter une « caractérisation » de Monika des plus fouillées et intéressantes, faisant bien comprendre au lecteur la profondeur du traumatisme subi, et en filigrane, les trésors de perversité dont sont capables les Eldars Noirs envers leur prochain. Si vous aviez besoin d’une nouvelle pour comprendre à quel point cette fin de race est infréquentable, c’est également votre jour de chance. Il n’y a qu’à suivre le déroulé d’une journée classique de Monika, depuis son réveil sous son lit (trop dangereux de dormir dedans), jusqu’à ses promenades aux aguets dans le parc de St Solangia, en passant par le contrôle régulier de l’absence d’injections intraveineuses, les caches d’armes improvisées et de nourriture à divers endroits de sa cellule, les repas qui prennent littéralement des heures à force de tests successifs d’innocuité, et l’entraînement rigoureux auquel elle s’astreint pour se maintenir au pic de sa forme, pour se rendre compte que Stearns a vraiment bossé son sujet, et s’avère tout à fait capable d’exploiter les bonnes idées qu’il a. Bref, une nouvelle à déguster et un nom à suivre au cours des mois à venir, si j’en suis seul juge.

1 : Psycho, Shining, Sixième Sens, Les Autres, Funny Games, Shutter Island… La liste est longue.

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The Nothings – Alec Worley [40K]:

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INTRIGUE:

La tranquillité monotone mais heureuse du Berceau, une vallée isolée abritant un village l’étant tout autant, est sur le point de voler en éclats, condamnant les ouailles du Roi Cornu à un destin des plus incertains. Responsables involontaires de cette rupture du statu quo qui perdurait depuis des générations, le jeune chasseur Cade et la scribe rebelle Abigael ont en effet déclenché la colère des Riens (The Nothings), ces mystérieux croquemitaines qui sont réputés hanter les étendues sauvages au delà du Berceau. Pour leur défense, nos tourtereaux n’avaient que peu d’options à leur disposition, l’impertinence et les questions incessantes d’Abigael ayant fini par creuser un fossé infranchissable entre la forte tête et le reste de sa communauté, qui ne se montre guère surprise lorsque l’objectrice de conscience demeure introuvable alors que tous se préparent à la fête de la moisson. Problème, cela ne peut signifier qu’une chose : Abi a pour projet de partir à la découverte du vaste monde, ce qui va à l’encontre des lois les plus sacrées du Roi Cornu, qui retirera sa protection aux habitants du Berceau et les laissera vulnérables aux maléfices des Riens, si un seul de ses fidèles passe les pierres gardiennes délimitant son domaine. Dans le plus grand des calmes, les Bercelais décident donc de partir à la chasse à la gueuse, préférant de loin perdre une brebis galeuse que de risquer l’ire de leur dieu caprin.

Refusant de se rendre coupable du crime que fomentent ses concitoyens, Cade parvient à leur fausser compagnie à son tour, et, tirant profit de ses talents de traqueur, se lance à la poursuite de sa dulcinée. S’il arrive trop tard à la frontière pour dissuader cette dernière de commettre l’irréparable, il a toutefois la joie de la voir réapparaître peu de temps après, brushing défait et toilette dérangée, visiblement poursuivie par un chasseur dissimulé par les hautes herbes marquant le début des terres extérieures (Lands Beyond), et ne pouvant être qu’un Rien ! Ayant pu constater que ses fidèles hachettes de jet ne connaissaient pas leur succès habituel sur ce type de proie, klong métallique à l’appui, Cade cesse rapidement de faire le kéké et se laisse convaincre par Abigael de rejoindre la sécurité du Berceau. Malheureusement pour nos tourtereaux, la malédiction du Roi Cornu est bel et bien sur eux, comme l’explosion soudaine des pierres gardiennes le démontre bientôt. Seule consolation pour les gaffeurs, leur perception du monde extérieur semble se clarifier jusqu’à des niveaux inédits, montée de version certes utile quand on veut gagner des followers Instagram, mais de peu de secours lorsque les monstres des légendes locales viennent prendre de vos nouvelles.

S’en suit un long épisode de fuite éperdue, Cade et Abigael parvenant à trouver une galerie à travers les montagnes, débouchant sur un portail scellé qu’ils arriveront toutefois à ouvrir, sans trop savoir comment, pour au final parvenir une nouvelle fois dans les terres extérieures. N’ayant plus guère le choix que de pousser toujours plus avant, les Riens n’étant jamais très loin derrière eux, les amants maudits poursuivent leur course folle à travers champ (de maïs pour le coup), sans parvenir à distancer leurs poursuivants. En désespoir de cause, Cade se met à prier le Roi Cornu, l’implorant de protéger sa bien-aimée du péril qui les guette… et a la surprise de voir son souhait s’exaucer, par l’intermédiaire de la matérialisation de l’avatar de la divinité, le fameux Faune Follet (Faun Light) – en vrai c’est une grosse biquette verte, mais c’est moins la classe –. Juste le temps de remettre la donzelle aux bons soins de cet Uber bêlant, et Cade, en bon chevalier bouvier servant qu’il est, dégaine sa dernière francisque, Cabrelle1, et se tient prêt à vendre chèrement sa peau alors que les Riens convergent sur sa position…

Spoiler…et se révèlent être, comme le lecteur l’aura certainement deviné, des Sœurs du Silence. Tout s’explique donc à peu près normalement, sauf pour Cade qui, tout à son zèle et à sa terreur – et son mal de crâne persistant, comme vous pouvez l’imaginer – a besoin d’être calmé manu militari par une grande chauve à la chaussure noire2, rendue un peu chafouine par la perte d’une oreille par un Cade nerveux de la hachette. Fort heureusement, l’escouade de Sistas dispose d’une porte-parole toute désignée, sous la forme de leur stagiaire Maia, qui peut brosser au jeune psyker un tableau rapide de la situation.

Ayant réussi à lui faire comprendre qu’il était dans son intérêt, et dans celui de sa chè(v)re et tendre, de coopérer, Maia et ses comparses se lancent à la poursuite de la chèvre de Mr Zuvassin, guidées par un Cade toujours méfiant, mais commençant à réaliser qu’il était le héros d’une nouvelle se passant dans un univers grimdark, et non dans un monde de high fantasy propret et bien famé, où les apparitions miraculeuses de patronus sont à prendre au premier degré. La suite des évènements donne évidemment raison à cette approche pessimiste des choses, l’innocente Blanquette s’étant muée en Ghorgon dans le court laps de temps s’étant écoulé entre la fuite d’Abigael et ses retrouvailles avec son aimé. Se nourrissant de la force psychique de sa protégée, la bestiole se révèle être très dure au mal, et sa capacité à regénérer de ses blessures de manière quasi instantanée, avant de disparaître sans laisser de traces, n’est pas sans poser quelques problèmes aux braves Sistas.

Pressentant que c’est à lui de mettre un point final à cette tragique histoire, Cade s’éclipse discrètement et, guidé par son goat sense, parvient à trouver le pied à terre où Abi et Djali se reposent. Incapable de convaincre la première de la duplicité de la seconde, il décide de prendre le chevreau par les cornes et balance littéralement tout ce qu’il a à la tête de l’imposteur. Son manque d’expérience et de maîtrise lui coûte cependant très cher, même s’il parvient à méchamment méchouiser le démon, qui se fait prestement bannir par une Abigael que le danger couru par Cade a finalement sorti de sa torpeur. Il est malheureusement trop tard pour notre héros, totalement grillé par son coup d’éclat. Ironie terminale pour pâtre sur le point de passer ad patres, il n’est même pas capable de prévenir Abigael du sinistre destin qui l’attend, ainsi que tous les psykers du Berceau, si elle suit les Soeurs du Silence qui viennent d’arriver sur les lieux. Son free ride dans le Warp lui a en effet révélé la manière dont l’Imperium met à profit ce type particulier de mutant, ce qui n’a rien de très sexy, reconnaissons-le. Moralité : (black) ships go to heaven, goats go to hell. Fin du spoiler

1 : Ça veut dire chevreau en occitan. Je marque des points de style.

2 : Je n’invente rien en plus. C’est tout ce qu’il y a de plus canon.

AVIS:

Cette longue nouvelle d’Alec Worley est intéressante à plus d’un titre. On pourra d’abord noter le soin que l’auteur prend de laisser hors de son récit tout élément pouvant le raccrocher de manière formelle et définitive à l’une ou l’autre des franchises de Games Workshop, jusqu’à la révélation qui prend place à la moitié de la nouvelle. Le suspens a ici fait long feu, du fait des balises placées en début de chronique, mais pour un lecteur découvrant The Nothings via Maledictions, la situation n’est clarifiée que tardivement dans l’histoire, ce qui est un parti pris digne d’éloges de mon point de vue. Cela permet en effet de rappeler que l’Imperium de Pépé est inconcevablement vaste, et que sur un nombre significatif de mondes, les connaissances que le Zhobbyisite moyen considère comme tout à fait triviales sur la situation du 41ème millénaire feraient tomber en syncope Mr et Mme Toulemonde. Worley s’amuse également à dépeindre les conséquences, souvent minimes mais parfois rédhibitoires, de l’éloignement et de l’isolement pour des planètes de second ordre, bien souvent laissées pour compte par l’Administratum une fois leur dîme payée. Ici, c’est l’Empereur lui-même qui en fait les frais, une couronne de lauriers mal dessinée et estompée par le temps ayant transformé le Maître de l’Humanité en Bestigor aux yeux des dévots Bercelais, sans que ces derniers soient conscients du terrible blasphème qu’ils commettent à leur insu.

La deuxième partie du récit, plus classique, permet toutefois à l’auteur de traiter quelques thèmes centraux du lore de 40K1, là encore avec une liberté et une fraîcheur de ton qui changent agréablement de l’ordinaire du lecteur de la BL. Même l’inclusion de factions bien connues de ce dernier prend une tournure assez particulière lorsque vu sous le prisme d’un couple de bergers naïfs, et pas d’une escouade de Space Marines ayant potassé leur Codex. À titre personnel, et pour faire le lien avec le thème du recueil dans lequel la nouvelle figure, j’ai apprécié le parti pris grinçant, mais fondé, de Worley sur ce qu’est l’horreur absolue pour le héros de sa soumission. Cade aura en effet de nombreuses opportunités de réévaluer sa position sur le sujet au cours de la nouvelle, et son ultime opinion risquerait fort de faire tiquer les Hauts Seigneurs de Terra, alors que notre chasseur stagiaire avait été un modèle de dévotion (un peu dévoyée il est vrai, mais pas de manière volontaire) à l’Empereur jusqu’à ce point. Que voulez-vous, toutes les vérités ne sont pas bonnes à connaître…

On pourra à la rigueur reprocher à The Nothings sa très (trop) longue séquence de course poursuite centrale, qui aurait gagné à être expédiée plus rapidement, ainsi que quelques WITJH2 commodes d’un point de vue scénaristique, mais assez délicats à justifier dès lors qu’on se penche sur la question. Sans doute un détournement professionnel, sans grande conséquence il faut le reconnaître, de la part de Worley, qui est auteur de comics à la base et connaît donc l’importance d’une narration rythmée. Reste que cette nouvelle demeure une lecture des plus satisfaisantes, qui changera agréablement le briscard de la BL de son ordinaire SF. C’est toujours mieux que… rien (pun intended).

: Spoiler Par exemple, pourquoi est-ce une mauvaise idée de laisse ses psykers sans surveillance ? Fin du spoiler

2 : Spoiler Well, It Just Happened qu’un Vaisseau Noir passait à proximité du Berceau au moment où Abigael décidait de se faire jeune fille au pair dans les terres extérieures. Comment expliquer sinon que les Riens se soient abattus sur le Berceau avec une telle rapidité ? Fin du spoiler

..

En conclusion, et comme souvent dès que l’on se penche sur un ouvrage collectif, on trouve du bon et du moins bon dans ce Maledictions. Moi qui était de curieux de voir des « spécialistes » du genre opérer, j’ai dû me rendre à l’évidence que les meilleures soumissions provenaient de l’opposé du spectre, c’est à dire des auteurs récurrents et « généralistes » de la BL, ayant pour certains démontrés un talent indéniable à l’usage des codes horrifiques (Stears, McLean, Worley, Werner). À ce premier constat, il convient d’ajouter que c’est plutôt la « jeune garde » de la Black Library qui tire le mieux son épingle du jeu, les nouvelles de McNeill, Annandale et Reynolds n’étant pas les plus réussies du lot, pour autant que je puisse en juger.

Quoiqu’il en soit, et à quelques exceptions près (The Predation of the Eagle et The Maraudeur Lives, si j’en suis seul juge), le lecteur qui souhaite donner sa chance à la collection Warhammer Horror serait bien inspiré de ne pas s’attendre à des textes véritablement dérangeants, ni très différents d’une anthologie de courts formats Black Library non thématique. Comme dit en introduction, la nature intrinsèquement sombre et gothique des univers de Games Workshop (40K plus qu’AoS ceci dit, ce qui explique peut-être pourquoi le rapport de force est de 7 pour 4 en faveur des soumissions futuriste dans ce recueil) a toujours autorisé les auteurs qui le souhaitaient à flirter avec l’horreur, et certaines nouvelles publiées au cours des quelques trois décennies précédant la sortie de cet opus – eh oui, le temps file – s’avèrent être bien plus angoissantes que la présente collection. À titre personnel, je salue néanmoins la prise de risque de la Black Library, et suivrai avec attention les développements apportés à cette gamme nouvelle née, en espérant que Nottingham se donne (pour changer) les moyens de ses ambitions. À la prochaine !

 

HAMMER & BOLTER [N°19]

Bonjour à tous, et bienvenue dans la chronique du 19ème numéro de Hammer & Bolter ! Je vous avoue que la lecture de la couverture de cet opus m’a fait présager, non pas du pire, mais du moyen, perspective guère emballante au moment de s’atteler à la rédaction d’une chronique. En cause, la présence au casting du besogneux brelan de la BL, j’ai nommé Mrs Counter, Thorpe et Kyme (en plus de la récurrente Vincent et du perpétuel Abnett). Auteurs bien établis au sein de la noble maison d’édition de Games Workshop, nos trois gaillards partagent en effet une tendance pour la prose SF/med-fan sans saveur, même si la soumission de textes intéressants n’est pas au-dessus d’eux (pas sûr pour Kyme, il faudrait que je cherche dans mes notes de lecture). Les voir truster la table des matières d’un numéro de Hammer & Bolter n’augurait donc pas du meilleur pour ce dernier, même si on n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise. Et effectivement…

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Irixa – B. Counter [40K] :

IrixaTel Joséphine Baker, Ben Counter a deux amours : la tête de veau sauce gribiche et écrire sur les Imperial Fists (ou leurs chapitres descendants). Bon, j’avoue que je ne suis pas tout à fait sûr de ma première proposition (je lui poserai la question la prochaine fois que je le croise), mais aucun doute n’est permis quant à la seconde, et cette nouvelle soumission à Hammer & Bolter en apporte la preuve éclatante. Irixa ne traite en effet pas d’une lotion anti démangeaison miraculeuse, d’un complément alimentaire à base de jinseng, de curcumin et de pot de yaourt ou d’une offre de placement à taux garanti de 87% (autant de suppositions pourtant valides, vu le nom de la nouvelle), mais bien de l’héroïque Premier Capitaine des Fists, l’imprésentable Darnath Lysander. Catapulté à la peu enviable position de maître de conférences pour une poignée de novices du Chapitre, sans doute suite à un défi perdu contre le roué Vladimir Pugh, Lysa prend le parti d’instruire ses charges en prenant comme exemple trois engagements de l’histoire des Fists ayant mis le commandant de ces derniers devant un choix cornélien.

Le premier exemple vit le capitaine Siculus résister à la tentation d’aller chasser un Acanthaspis petax1 fait Emperor’s Children pour la simple et bonne raison qu’il avait une colonne de réfugiés à escorter au spatioport le plus proche. Le second mit l’impétueux Hamander face à ses responsabilités lorsqu’il choisit d’aller récupérer avec quelques copains l’étendard de sa 7ème Compagnie2, abattu en même temps que le Thunderhawk le transportant lors d’une retraite stratégique. Malgré le fait que la plupart de ses collègues lui fissent part en termes non incertains de la stupidité d’aller risquer la vie de Space Marines pour chopper un bout de tissu, Hamander préféra la gloâre à la raison et s’en alla chercher l’étole… pour au final se prendre une tôle, les Eldars ayant envoyé rien de moins qu’un Avatar de Khaine pour les représenter au jeu du béret.

Utilisant ces deux anecdotes pour faire réfléchir ses pupilles aux responsabilités d’un Space Marine, Lysander conclut son cours magistral par un dernier récit, beaucoup moins connu que les précédents. Extrayant une douille de bolt de son tote bag Camaloon (car oui, on peut ne jamais quitter son armure terminator et néanmoins être un hipster hyper pointu3), il se lance dans la narration de l’expédition du Chapelain Belisar sur le monde hostile (il pleut des galets tout de même) de Xanatar, à la recherche des wanabees renégat du chapitre des Venom Thorns, dont les velléités de débuter leur Ultramar personnel à partir de cette planète pas vraiment sympathique mais néanmoins propriété de l’Empereur, passèrent moyennement bien auprès des autorités compétentes. Ayant filé rencart au Capitaine Tek’Shal (un ancien pote rencontré à la faveur d’un Festival des Lames) près d’un tas de cailloux particulièrement pittoresque, Belisar tenta de raisonner son buddy à coups d’arguments bien sentis, puis, constatant le peu de succès de sa méthode, dégaina sa pétoire et mit en joue l’apprenti Guilliman. Tirera, tirera pas ? Tout comme Siculus et Hamander, Belisar s’est retrouvé devant un choix sans solution évidente : descendre de sang-froid un frère de sang qui ne lui avait personnellement rien fait ou laisser partir un Space Marine félon ? Laissant les bleu jaune-bites méditer sur ce qu’ils auraient fait à la place de leur (pas si) illustre (que ça) prédécesseur, Darnie remballe son grigri gravé de l’acronyme IRIXA (Imperator Rex In Xanatar Aeternam), sonne la fin de la classe et part s’isoler dans son petit coin privé du Phalanx, qui se trouve être une salle accueillant une statue en pied de Belisar. La nouvelle se termine avec la révélation de comment le face à face entre ce dernier et le tourne-casaque s’est réellement conclu4, épisode ayant apparemment profondément marqué le jeune Lysander pendant son propre noviciat, et dont il tire une partie de sa légendaire fortitude. The end.

Avec Irixa, Counter corrige de fort belle manière le presque faux pas qu’avait été le Vermillion soumis quelques mois plus tôt dans Hammer & Bolter #17. Bénéficiant d’une structure narrative bien mieux définie, alternant plaisamment et assez cinématographiquement les passages de questions-réponses entre Lysander et ses élèves et le récit des trois épisodes servant de base à la leçon de ce dernier (ce qui permet à Counter de mettre en scène quelques scènes d’action plutôt honnêtes), abordant de manière intéressante la relation pas forcément évidente entre le sens du devoir et la fierté martiale d’un Space Marine, et se terminant par une conclusion en bonne et due forme agrémentée d’une mini révélation pas vraiment capitale mais néanmoins sympathique, Irixa est un travail sérieux auquel on ne peut pas reprocher grand-chose. Construit sur le même modèle qu’un autre succès indéniable de Counter (Sacrifice – Victories of the Space Marines), Irixa est à mon avis l’un des meilleurs courts formats de ce pilier de la BL.

1 : Aussi connu sous le nom d’assassin bug, l’acanthaspis petax est une punaise de Malaisie utilisant le corps de ses proies comme armure. Pareillement, le Capitaine Cohpran Vaa’eigoloth s’est façonné un bouclier avec les parties les plus nobles d’un malheureux Archonte Eldar. Le plus drôle est que le zoneille est encore vivant, et peut donc faire office d’enceinte Bose de secours si le Guide Eternel souhaite organiser une petite soirée à l’improviste.

2 : Avec un matricule pareil, il n’aurait guère été étonnant que les héroïques sauveteurs se révèlent être des bras cassés de première, ce qui n’a évidemment pas manqué (merci Ben de respecter les classiques de la cinémathèque française). Ma scène préférée reste le moment où l’un des deux Thunderhawks ayant rebroussé chemin pour porter secours à l’arrière garde des Fists se crashe tout seul dans un bâtiment en feu, condamnant de fait ses occupants à faire le chemin du retour à pied. Le théâtre des opérations étant une ville en ruines grouillant de Dragons de Feu se croyant au Burning Man et de Banshees fans de Captain Beefheart, cette randonnée pédestre ne pouvait pas bien se terminer.

3 : D’ailleurs, Lysander a la coupe de cheveux et la barbe d’un mec qui écoute des bootlegs de Pigeon Haggard (le demi-frère alcoolique et bipolaire de Merle) au 41ème millénaire.

: Pour faire simple, disons que ça c’est fini par un « Take that Tek’shal ».

The Lion (part III) – G. Thorpe [HH] :

The LionGrand final du plus long format jamais publié dans un numéro de Hammer & Bolter (romans feuilletons mis à part), le troisième acte de The Lion débute par la proclamation d’un fragile cessez le feu entre les belligérants de Perditus, la mauvaise volonté manifeste exprimée par Typhon ne faisant au final pas le poids face aux méthodes de négociations musclées d’El’Jonson1. Ce dernier arrive (finalement) à la surface de la planète aussi sapé qu’un maquereau de GTA, et pénètre dans la station de l’Adeptus Mechanicus, où l’attend Tuchulcha, boule à facette géante et accessoirement intelligence artificielle ayant asservi le système de Perditus jusqu’à ce qu’il soit libéré par l’effort combiné des Dark Angels et de la Death Guard. Epargné après sa défaite à fins d’études par le Mechanicum, Tu-pues-le-chat est le prix tant convoité par Typhon et Midoa, chaque camp cherchant à priver l’autre de la possession d’une machine au potentiel aussi extraordinaire que son humeur est taquine (du genre à envoyer des vaisseaux dans le Warp sans prévenir – ce qui n’est pas sympa – ni enclencher leurs champs de Geller – ce qui n’est franchement pas sympa –).

Au début pas franchement emballé par le tour qu’ont pris les expérimentations des prêtres rouges depuis son départ de Perditus, puis carrément effrayé par la puissance de HAL 30.000, Lionel décide de finir ce qu’il avait commencé il y avait des années et de détruire Tuchulcha… en apparence. Il annonce donc aux capitaines des autres Légions que la station de recherche de Perditus va être oblitérée afin que nul ne puisse être tenté d’utiliser le Tuch’ à des fins malavisées. Peu satisfait par cette décision, Typhon profite de la clémence du Lion à son égard pour se téléporter au cœur du complexe du Mechanicum2 afin de convaincre Tuchulcha de repartir avec lui sur le Terminus Est. Confiant dans sa survie (d’ailleurs il n’était même pas sûr qu’un Exterminatus soit capable de venir à bout de cet engin démoniaque – sans doute conçu par Nokia à la base –), ce dernier renvoie gentiment les Death Guards à leurs chères études et sur leur vaisseau, juste au moment où un Lionel vraiment furax de constater qu’absolument tout le monde le prend pour un con(combre) arrive à son tour dans la station et commence à botter des derches de Prouteux (résultat des courses : une paire de pompes en croco de Caliban3 bousillée).

La nouvelle se termine avec un Lion El’Jonson ruminant de bien sombres pensées, seul dans sa salle du trône (NDR : non, il n’est pas aux chiottes). Ayant au final récupéré Tuchulcha, qu’il compte utiliser pour mettre fin à la Croisade de Thramas une bonne fois pour toutes, il médite sur les derniers développements de la rébellion d’Horus et sur le comportement plus que suspect de Roboute Guilliman (qu’il ne semble d’ailleurs pas vraiment porter dans son cœur4) avec un de ses Jawas de compagnie (qui lui confirme ce que Cruze lui avait susurré à l’oreille sur Tsagualsa : les Dark Angels restés sur Caliban sont sur le point de faire sécession). Il en profite également pour exposer ce qui sera son grand dessein pendant l’Hérésie : s’assurer qu’aucune Légion, loyale ou non, ne sorte du conflit assez puissante pour pouvoir menacer le règne de Pépé. Une ligne de conduite plus que borderline, en cohérence avec les agendas secrets développés par la plupart des Primarques au cours du conflit (j’écris la plupart car je ne pense pas qu’Angron goûte aux plaisirs de la realpolitik), dont l’exposition permet de conclure The Lion de fort belle manière.

Bénéficiant grandement des révélations fluffiques amenées dans les dernières pages du récit, ce troisième volet n’est pas moins exempt de défauts, dont le premier est à mes yeux le traitement subi par Typhon sous la plume de Thorpe. Dépeint comme un demeuré fini en matière stratégique (toutes ses décisions intelligentes lui sont en fait soufflées par un sous-fifre) et comme une grande gueule prompt à insulter un Primarque, tout en sachant pertinemment que cela risque de se retourner contre lui et ses hommes5 (il doit faire des Périscopes, c’est pas possible autrement), le premier Capitaine de la Death Guard ne sort pas grandi cette nouvelle. À l’inverse, Lionel regagne en profondeur ce qu’il avait perdu pendant le 2ème épisode, son positionnement toujours plus ambigu par rapport aux forces en présence de l’Hérésie s’inscrivant fort bien dans le background, historiquement et canoniquement trouble, des Dark Angels en ces heures décisives. En auteur vétéran, Thorpe prend de plus bien soin de donner aux fanboys ce qu’ils veulent, c’est-à-dire des révélations fluffiques ayant une véritable portée sur le développement de l’Herésie d’Horus. Même si on n’est pas au niveau du twist final de Legion, c’est toujours sympa de voir des personnages importants se « griser » au fil des pages, et force est de reconnaître que Gav a fait honorablement le job de ce point de vue-là.

Autre source d’insatisfaction, les quelques failles de cohérence relevées en cours de route, la plupart découlant directement d’une utilisation trop bornée des pouvoirs de téléportation dont bénéficient les protagonistes de l’histoire, et qui auraient dû selon toute logique empêcher l’apparition du statu quo mis en scène par Thorpe sur Perditus (seul moyen pour que Lionel puisse arriver sur place à temps pour régler la situation). Entre Typhon qui se souvient soudainement qu’il n’a pas besoin de jouer au tower defense avec les Iron Hands pour accéder à Tuchulcha, et ce dernier qui attend obligeamment sur sa planète minable que Lionel vienne le chercher alors qu’il a certainement les moyens de précipiter leur entrevue, la crédibilité SF du récit est largement battue en brèche, ce qui est toujours dommage dans un nouvelle de 40K.

Ceci dit, le bilan est au final assez positif pour The Lion, qui se révèle être un long format digne d’intérêt et à la lecture divertissante. À l’inévitable question : « n’y avait-il pas moyen de faire la même chose en trente pages ? » j’apporterai une réponse négative, la longueur du récit permettant à Thorpe de peindre son sujet par petites touches, un parti pris s’avérant au final plus judicieux qu’un descriptif ramassé sur quelques lignes ou pages. Cet espace supplémentaire permet de plus à l’auteur de débuter quelques intrigues secondaires (Lionel qui doute de la loyauté du capitaine de l’Invincible Reason, Typhon qui voulait récupérer Tuchulcha pour le compte d’un mystérieux commanditaire, la probable présence d’agents du Dark Mechanicus parmi les gardiens de Tuchulcha) ne demandant qu’à être explorées dans d’autres récits. Pas mal Gavin, pas mal du tout.

1 : Lionel: Bon je te préviens coco, si tu ne fais pas exactement ce que je t’ai dit de faire, ça va très mal se passer pour toi. Je compte jusqu’à trois.

Typhon: Whatever, bitch.

Lionel: Un.

Typhon: Parle à ma fau-

BOOOOOOOOOM

Typhon: Oh, c’était quoi ça? Tu avais dit que tu comptais jusqu’à trois !

Lionel: Oui, et je balance une torpille cyclonique pour marquer le décompte. Deu-

Typhon: Okokokok, tu l’as ton armistice espèce de grand malade.

Lionel: Tu vois quand tu veux. On se retrouve en bas, bises.

2 : On se demande pourquoi la Death Guard n’a pas commencé par ça au lieu d’assiéger la station de manière conventionnelle.

: Ce jeu de mots vous a été gracieusement offert par Privateer Press.

: Il le considère au mieux comme un imbécile heureux et au pire comme un ignoble traître, le projet du grand Schtroumpf de commencer un Imperium 2.0 ne plaisant pas du tout à un Lionel se voyant en parangon de loyauté à son Pôpa. C’est assez savoureux de la part d’un Primarque qui a révoqué l’Edit de Nikea sans états d’âme et a décapité à mains nues un de ses Chapelains qui lui rappelait que ce faisant, il défiait ouvertement la volonté de l’Empereur.

5 : Extrait de la nouvelle fable du Lion et du Rat. « … Et Typhon lui tint à peu près ce langage: “Wesh bolos, les DG sont dans la place, prêts à te ravager la face ». Et Lionel répondit : « J’ai entendu ». Et Typhon ne dit plus rien car il s’était fait dessus… ».

Gilead’s Curse (ch. 6) – D. Abnett & N. Vincent [WFB] :

Gilead's CurseRetour à la geste de Gilead le môôôdit, qui commence cette fois par un petit poème faisant rimer moon avec doom (rime touchant le RSA) et death avec faith (rime indigente)1. Ce huitain très imparfait sert d’introduction au retour d’un personnage délaissé par les auteurs depuis quelques chapitres, j’ai nommé le vampire Dragon Rouge lâchement attaqué par Gilead en pleine séance de pilates au début du roman. Et, tout comme son altesse murinissime Raton DLXXXVIII, notre ami hématophile est visiblement affligé d’un TOC de langage assez handicapant dans la vie de tous les jours, puisqu’il passe son temps à répéter son interminable haïku, encore, encore et encore. Lui a cependant l’excuse que ce mantra lui permet de rester à peu près sain d’esprit, en le rapprochant de l’idéal du chevalier bretonnien qu’il a été avant de se faire rouler une pelle par Edward Cullen, il a de cela plus d’un millénaire. D’ailleurs, son quotidien est tout entier consacré au respect d’une routine « humaine » (entretenir son matériel, affuter son épée, dresser le camp pour la nuit…), quand bien même notre vampire n’a en réalité aucun besoin de cela pour poursuivre son existence éternelle.

Totalement déprimé après des éons à traîner ses solerets d’un bout à l’autre du Vieux Monde, le Comte Vampire (puisque c’est ainsi qu’il est appelé pendant la première moitié du chapitre2) n’aspire a rien d’autre qu’à goûter au repos éternel, mais son amour-propre l’empêche d’aller s’enfermer dans la cabine à UV la plus proche ou de s’empaler sur son propre cure-dent. Tel le Tueur Nain qu’il n’est définitivement pas, notre CV cherche à être vaincu en combat singulier par un adversaire digne de ce nom, ce qu’il pensait avoir trouvé en la personne de Gilou le mangeur de tofu. Ceci dit, cela ne l’a pas empêché de laisser filer le bretteur elfe à deux reprises en autant de chapitres, alors que ce dernier ne demandait pas mieux que d’accorder une place au soleil à sa Nemesis… Pourquoi faire logique et simple quand on peut faire abscons et tordu ? Cette fois-ci tout à fait résolu à finir la reprise de manière définitive, le Comte Vampire repart donc dans les souterrains skavens, définitivement très facile à trouver, à la recherche de l’insurpassable Gilead.

En parallèle, deux mystérieux compagnons (très grands, très minces, les traits dissimulés par une capuche, passant inaperçus auprès des humains, je vous le donne en mille ce sont les Casseurs Flowteurs3) sont également sur les traces de notre héros, et après avoir longuement réfléchi à la question, finissent par conclure que le guerrier elfique supra-balèze bougeant à une vitesse supersonique ayant récemment décimé la population skaven des environs à lui tout seul est, selon toute probabilité, Gilead. Pas plus bête que le premier vampire venu, nos deux lascars optent également pour une petite virée dans le sous-monde, et tombent fatalement nez à nez avec le Comte au bout de quelques pages (c’est pas comme si le réseau des tunnels skavens était aussi tentaculaire que labyrinthique, hein). Gros moment de malaise entre les trois poursuivant du maillot jaune, qui après un bref combat4, décident de faire cause commune afin de retrouver leur connaissance mutuelle. Arriveront-ils à temps pour assister au combat apocalyptique entre l’Elfe qui pelait des patates plus vite que son ombre et le beau-frère attardé de Maître Splinter ? Le suspense reste entier.

Croyez-le si vous le voulez, mais j’ai trouvé ce chapitre plutôt pas mal par rapport aux précédents. Certes, il y a encore largement matière à redire ou à commenter dans cette vingtaine de pages5, mais on est loin des délires à la limite du mystique qui étaient la norme jusqu’à récemment. En centrant leur narration sur d’autres personnages, les auteurs ont offert à leur lectorat une pause salutaire dans l’éprouvante narration des baroques aventures de Gilead. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point cela fait du bien de lire un dialogue à peu près sensé entre des personnages l’étant également après plusieurs épisodes très possiblement rédigés sous l’influence de substances illicites. De même, le simple fait que Vincent et Abnett justifient certains comportements précédemment perçus comme irrationnels (pourquoi un vampire allumerait-il un feu alors qu’il ne sent pas le froid et voit parfaitement de nuit ? – voir ch. 1 –) incite à une certaine clémence au moment de juger de la qualité de l’épisode. Ce n’est pas du Cavaliers de la Mort, très loin de là même, mais on s’en approche, un pas à la fois.

1 : Je ne vous ai pas dit mais chaque chapitre débute systématiquement par quelques lignes racontées depuis le point de vue de la barde narrant l’histoire de Gilead à un public que je me plais à imaginer passablement blasé, si elle leur balance à la tête la même prose que Vincent et Abnett. Elle n’aurait pas été à l’agonie, je pense qu’un de ses spectateurs l’aurait étranglée avec les cordes de sa lyre avant la fin du chapitre 3.

2 : Puis simplement le Comte pendant la seconde mi-temps. Le Comte quoi. Celui-ci est plus littéraire que matheux, mais difficile de ne pas voir dans cette appellation un clin d’œil appuyé à Sesame Street de la part d’auteurs de langue anglaise.

3 : Blague à part, on apprend à la fin du chapitre qu’il s’agit de Fithvael (ancien sidekick de Gilead) et de son éromène disciple Laban, lointain cousin de notre héros.

4 : Combat qui donne d’ailleurs à voir la gent elfique telle qu’elle est vraiment, c’est-à-dire fourbe (ils se mettent à deux contre le vampire après avoir réalisé qu’il était beaucoup trop balaise pour un combat à la loyale), rageuse (le jeune elfe continue à attaquer son adversaire après que ce dernier ait rompu l’affrontement à la demande du troisième larron), et malpolie. Heureusement que le Comte a, lui, des manières d’homme du monde, sans quoi la rencontre aurait pu très mal finir pour Siegfried & Roy.

5 : Le vampire qui préfère (littéralement) sucer des vaches plutôt que des humains, on en parle ?  Bon ok, mais le fait qu’il ait un faible pour les jeunes filles menant une vie saine (pas de drogue surtout !) et ne buvant que de l’eau, malgré le fait que ce soit « ben difficile à trouver de nos jours », on en parle quand même ? Non ? Et lorsqu’il utilise ses yeux comme lampe-torche pour éclairer son chemin dans les souterrains des hommes rats (les vampires ont des yeux rouges qui brillent dans le noir, c’est bien connu), on va en parler tout de même ? Surtout qu’il se fait griller par ses stalkers elfiques à cause de ça. Non, vraiment? Ok. Allez, une petite tournure made in Vincent pour terminer, parce que je sais que vous aimez ça.

Thunder from Fenris – N. Kyme [40K] :

Thunder from FenrisCe qu’il y a de bien avec les audiobooks de la Black Library c’est qu’une bonne partie d’entre eux finissent par être publiés en format ebook quelques mois après leur première sortie, et ce pour un prix bien plus attractif qu’à l’origine. Hammer & Bolter a également contribué à ce genre de recyclage en son temps, en incluant des nouvelles précédemment disponibles uniquement en mode audio. Thunder from Fenris appartient à cette catégorie de fictions multicanal, et avait été à l’origine publiée en accompagnement de la sortie du Codex Space Wolves en 2009, avant de trouver le chemin du 19ème numéro de Hammer & Bolter.

Envoyée combattre aux côtés de la Garde Impériale sur le monde gelé de Skorbad, une escouade de cavaliers tonnerre voit l’un de ses membres succomber à la malédiction du Wulfen et s’enfuir dans les étendues sauvages de la planète après avoir trucidé son loup de compagnie ainsi qu’un de ses camarades et sa monture. Bien embêtés par ce coup du sort, les trois autres fils de Russ mettent ces pertes sur le dos de l’ennemi local (des zombies de la Peste) afin de sauver les apparences devant leurs alliés, mais décident tout de même de mettre la main sur le fratricide avant de quitter Skorbad, l’épidémie étant en passe d’être contenue au moment où commence notre histoire.

S’en suit le récit de la traque du Wulfen en liberté par les grands méchants loups, séquence riche en péripéties et en scènes de baston assez insipides, et conclue par un retournement de situation pas vraiment original. On notera tout de même que la nouvelle se termine sans que l’intrigue n’ait évolué d’un iota, la dernière ligne du texte décrivant l’ultime survivant de l’escouade (voilà une campagne qui a du faire pleurer plus d’un RH du Croc : 90% de pertes parmi la crème de la crème du chapitre) s’élançant dans la toundra hache de givre au clair à la poursuite de son infatigable comparse poilu, comme il l’avait déjà fait 28 pages plus tôt. It’s groundhog Wulfen day folks.

Thunder from Fenris nous propose de, ou plutôt nous force à, renouer avec Nick Kyme sous son incarnation la moins avenante, celle de l’auteur publicitaire qui ne fait même pas semblant de s’intéresser à son sujet et se contente de cocher toutes les cases de son cahier des charges sans chercher à livrer un résultat intéressant, ni même cohérent. Cela avait déjà transpiré dans l’extrait de The Fall of Damnos (Hammer & Bolter #4), narration très peu inspirée du potentiel martial des Nécrons mettant en scène la moitié des entrées de l’ancien Codex ; cela dégouline carrément dans cette nouvelle soumission, qui se révèle être une ode bancale et risible à la puissance des cavaliers tonnerre, nouveauté du Codex SW de 2009 qu’il fallait bien faire acheter en masse par les fanboys pour rembourser les moules.

Bancale tout d’abord car Kyme ne s’embête pas à justifier ni à dissimuler les multiples incongruités de son scénario. Le simple fait qu’une escouade de cavaliers tonnerre opère en solo (ce qui semble être ici le cas, nos héros ne communiquant avec personne tout au long de la nouvelle, pas même avec l’équipage du vaisseau sans lequel ils auraient eu bien du mal à rejoindre Skorbad) constitue déjà une double hérésie, non seulement d’un point de vue stratégique, mais également au niveau du fluff, qui dépeint clairement les chevaucheurs de loulous géants comme l’un des secrets les mieux gardés du Chapitre, ce qui ne plaide pas pour un déploiement sur une opération de soutien à la Garde Impériale. La nouvelle n’a même pas commencé qu’elle prend déjà l’eau de toute part ! Kyme réussit donc à prendre un pire départ que Green dans son Salvation, que je considérais jusqu’à présent comme le nadir de la littérature 40K en matière de respect du background, ce qui mérite d’être souligné.

La suite est (mal)heureusement1 du même tonneau, le souci de Kyme de peindre ses héros sous le meilleur jour possible prenant le pas sur tout le reste, y compris et surtout la cohérence de son récit. Le Wulfen doit étriper un de ses camarades de classe pour lancer l’intrigue ? Ça tombe bien, les trois autres membres de l’escouade étaient à des kilomètres de leurs comparses au moment des faits et ne pouvaient donc pas intervenir. Un loup tonnerre, ça court à quelle vitesse ? Bah, ça dépend des pages, mais ça n’est en tout cas pas foutu de rattraper un Wulfen, tenez-le vous pour dit. Les Space Wolves sont de nobles guerriers faisant toujours ce qui leur semble juste, même si cela doit les mettre en porte à faux avec les factions les plus cyniques de l’Imperium ? Ceux de Kyme exécutent de sang-froid une poignée de Gardes Impériaux ayant eu le malheur de combattre des zombies de la Peste au corps à corps2. Un Space Marine en armure énergétique qui tombe dans de l’eau profonde ne coule pas comme une pierre du fait de son poids considérable (alors qu’un loup tonnerre, moins caparaçonné que son cavalier, si). Les zombies de Kyme découvrent soudainement comment utiliser des fusils lasers et des autocanons (avec assez de précision pour descendre un loup tonnerre pendant sa charge) lors du final de la nouvelle… Autant de « détails » pouvant, et encore, passer inaperçus dans un audiobook, le rythme de la narration ne permettant généralement pas à l’auditeur de se livrer à un contrôle de cohérence en bonne et due forme, mais qui ressortent comme un bouton d’acné sur le front d’un Blood Angels une fois couchés sur le papier.

Risible ensuite, car les adversaires choisis par Kyme à ses vikings du futur ne paient vraiment pas de mine. Une galaxie hostile remplie de joyeusetés pouvant gober un Space Marine comme qui rigole, souvent sans même avoir besoin de l’éplucher auparavant, et nos Gardes Loups d’élite se retrouvent à tataner de vulgaires zombies de la Peste ? Et pourquoi pas des Grots hémiplégiques pendant que tu y es, Nick ? Résultat des courses, nos héros font bien évidemment exploser le bodycount de la nouvelle à grands renforts de scènes d’action tout droit sorties d’une repompée philipino-turco-italienne des aventures de Connard le Barbant, mais à vaincre sans péril… Quitte à donner dans le panégyrique, autant donner aux protagonistes un ennemi à leur taille, ce qui ne donnera que plus de valeur à leurs exploits : César avait bien pigé la ficelle dans sa Guerre des Gaules, mais Kyme n’a visiblement pas eu le même déclic au moment d’écrire Thunder from Fenris, ce qui est assez malheureux étant donné le but premier de l’opus.

En conclusion de cette chronique, vous l’aurez compris assez désabusée de ma part, je ne résiste pas à la tentation de vous soumettre une réflexion que je me suis faite au moment des recherches préliminaires à la rédaction de ce billet (car oui, je fais des recherches, même – surtout d’ailleurs – pour des œuvres aussi terribles que ce Thunder from Fenris). La nouvelle ayant une entrée sur le Lexicanum, j’ai eu la surprise de découvrir à la lecture de l’article que Kyme avait calqué ses personnages sur le trio de Space Wolves représenté sur l’illustration de couverture de l’avant-dernier Codex. Le héros (ou en tout cas, le dernier survivant de l’escouade) est ainsi un guerrier blond avec une cicatrice au-dessus de l’œil gauche, une cape en peau de loup, un collier de crocs et maniant une hache de givre. Il est secondé par un adepte du bolter noir de poil et d’humeur, et par un joyeux berserk aux cheveux bruns armé d’une paire de griffes énergétiques. Toute ressemblance avec des personnages ayant existé (ou dans notre cas, ayant été représenté ailleurs) est bien entendue totalement fortuite… Même si un tel « plagiat » n’a rien de répréhensible en tant que tel, je trouve que cela en dit long sur la motivation qui devait être celle de Kyme au moment de pondre Thunder from Fenris, le bougre ayant simplement recyclé un artwork (très réussi il faut bien le reconnaître) au lieu de partir sur une création originale. La vie d’un auteur de la BL peut-être ingrate.

1 : À ce stade, j’avais déjà basculé en mode sarcastique, et prenait les nouvelles bourdes de Kyme avec un détachement total et un plaisir mauvais.

2 : On rappellera tout de même que Logan Grimnar s’est mis l’Inquisition à dos en critiquant ouvertement les mesures préventives prises par cette dernière envers la population d’Armageddon après qu’Angron et ses potes soient venus faire un bowling sur la planète en 444M41.

Au final, ce 19ème numéro a clairement surpassé les attentes, certes peu élevées, que j’avais placées en lui à la lecture de son lineup. You can’t judge a book by looking at the cover, comme dit le poète, et à raison. Avec un chapitre de Gilead’s Curse plutôt meilleur qu’à l’accoutumée, un final de The Lion assez convaincant et un Irixa tapant dans le haut du panier de Counter, les ¾ de ce numéro ont surperformé, ce qui est toujours agréable. Reste le Thunder from Fenris de Kyme, qui s’est révélé contenir assez d’éléments what-the-fuck-esques pour l’opus dans son ensemble : regrettable, certes, mais pas vraiment surprenant. À la prochaine !