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BLACK LIBRARY 2012 ADVENT CALENDAR [40K – WFB – HH]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue du Black Library 2012 Advent Calendar, pot-pourri de 24 nouvelles et audio dramas proposé par la BL à ses afficionados pendant les semaines ayant précédé Noël 2012 (qui tomba un mardi, comme vous le savez). Si, plus de dix après, ce concept vous semblera sans doute des plus familiers, à l’époque il s’agissait d’un saut dans l’inconnu de la part de Nottingham, qui se cherchait encore en matière de publication numérique. Nous sommes donc en présence du tout premier Advent Calendar de la Black Library, ce qui peut expliquer pourquoi ce lointain ancêtre ne ressemble guère aux dernières moutures sorties par la BL.

Black Library 2012 Advent Calendar

Outre le fait que la sélection que nous allons explorer ci-dessous compte des nouvelles prenant place dans le Monde Qui Fut (ce qui ne se reproduira plus, même si la Fin des Temps ne prit place qu’en 20151), une autre différence majeure entre le millésime 2012 et ceux qui suivirent est le format des histoires publiées par la BL : croyez-le ou non, mais il fut une époque (heureusement révolue depuis lors) où les nouvelles de 1.000 mots (soit entre quatre et cinq pages) étaient vues comme un produit tout à fait valable par la Black Library. Vendues à 1,49€ l’unité2, ces ultra courts formats étaient certes rapides à écrire pour les auteurs de GW-Fiction, mais peu furent en mesure de proposer des histoires un tant soit peu intéressantes en respectant cette longueur limite. Tout le monde n’est pas Hemingway ou Monterroso.

Les 21 nouvelles et 3 audio dramas n’ont donc pas marqué l’imposant corpus de la GW-Fiction, mais doivent plus être vues comme des exercices de style de la part des plumes de la BL, et pas des moindres (Abnett, Reynolds, Wraight, Thorpe, McNeill, Werner, Counter, Mitchell, Fehervari…). Avant même de m’atteler à cette revue, je peux déjà vous dire que le rapport qualité/prix de cette sélection sera absolument exécrable (près de 90€ à débourser pour disposer de toute la série…), mais j’espère ne pas être l’abri d’une (ou deux, ou plus) bonne(s) surprise(s) dans le lot…

1 : Je pense que la décision de bazarder Warhammer Fantasy Battle a été prise par Games Workshop fin 2013, ce qui peut expliquer pourquoi la Black Library a progressivement arrêté de publier des inédits pour cette franchise historique à partir de ce moment.
2 : À l’époque. Au moment où cette critique est écrite, la BL ne s’est pas gênée pour harmoniser les prix de tous ses courts formats, et le lecteur curieux devra s’acquitter des 3,49€ réglementaires pour mettre la main sur ces quelques pages. Ça pourrait passer si la BL indiquait clairement la longueur des nouvelles sur son site, afin de ne pas piéger les fans croyant avoir affaire à des histoires plus consistantes, mais non (pas de manière systématique en tout cas). Pas très élégant.

Black Library 2012 Advent Calendar

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Born to Us – D. Abnett [40K] :

INTRIGUE :

Born to UsComme il aime bien le faire en ses vieux jours (depuis qu’il a passé son premier siècle, en tout cas), Gregor Eisenhorn, Inquisiteur vétéran ayant roulé sa bosse et son crâne chauve d’un bout à l’autre du Daniverse, se remémore les épisodes les plus marquants de sa longue carrière. Cette fois-ci, direction la planète Koradrum où Greg a enquêté sur la disparition d’un archéologiste de renom, Darred Lenhema, alors qu’il fouillait un ancien tumulus avec son équipe.

Les temps de transport au sein de l’Imperium étant ce qu’ils sont, Eisenhorn et son gros bras de service Harlon Nayl n’arrivèrent sur les lieux que deux ans après que Lenhema ait été déclaré AWOL. Il ne servait donc à rien de se ruer sur le site de fouille pour relever des empreintes, ce qui laissa un peu de temps à notre duo de choc pour se renseigner sur la culture et les croyances locales. Il s’avéra que les crédules Koradrumois considéraient l’arrivée dans le firmament d’une nouvelle étoile (en fait un simple passage en supernova d’un astre proche) comme le signe de la réincarnation prochaine d’un grand meneur, voire d’une figure divine, qui mènerait son peuple vers le salut, ou quelque chose comme ça. Eisenhorn, qui est très culturé et aime entendre le son de sa propre voix, s’empressa de faire un cours magistral au pauvre Nayl sur la récurrence du mythe de la figure – n’ayons pas peur des mots – christique au sein de l’Imperium, même si à l’approche du 41ème millénaire, peu de gens savaient d’où ce mythe provient. Et c’est bien triste, ma pauvre dame.

Sur ces entrefaites, l’Inquisiteur et son garde du corps arrivèrent à proximité du tumulus, où l’équipement de Lenhema et de son équipe gisait au sol. Il semblerait que la réponse de cette énigme se trouve à l’intérieur de l’ancienne tombe…

Début spoiler…Et comme Eisenhorn aime à le marteler, toutes les légendes, mêmes les plus farfelues, ont toujours un fond de vérité. Un messie s’était bien réveillé sur Koradrum après un sommeil millénaire, mais il s’agissait d’un Tétrarque Necron et pas d’un charpentier hippie ; et s’il a bien multiplié les pains, ce fut en direction des archéologues sans gêne ayant envahi son intimité. Nous quittons Eisenhorn et Nayl sur cette épiphanie grimdark, mais rassurez-vous, ils s’en sont tous les deux sortis…Fin spoiler

AVIS :

Des personnages populaires, un peu de fluff et une petite surprise finale pour relever le tout : Dan Abnett fait bon usage de son budget très serré de mots dans cet inconséquent mais sympathique ‘Born to Us’, qui nous permet de nous souvenir que le brave Gregor est à l’origine un membre de l’Ordo Xenos. Il y a évidemment des nouvelles bien supérieures à celle-ci dans le corpus inquisitorial d’Abnett, mais ‘Born to Us’ tient assez bien son rang, dans la catégorie poids plume.

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Binding – R. Harrison [40K] :

INTRIGUE :

BindingLe Sergent vétéran Leonen Kyarus des Imperial Fists se réveille brutalement pour constater que quelqu’un a laissé la vitre de toit de son Rhino de fonction ouverte, ce qui rafraichit considérablement l’habitacle. Ah là là, ces j- Wait a minute. La minute qui suit voit notre héros reprendre péniblement ses esprits et sortir de la ruine fumante du véhicule, constatant au passage qu’une de ses mains n’a pas survécu au crash. Plus inquiétant, le reste de son escouade manque à l’appel, alors qu’une voix désincarnée râle « frérooooot… » à la limite de sa perception auditive. La radio de son armure ne fonctionnant plus guère, Leonen en est réduit à partir à la recherche de l’homme qui murmurait à l’oreille de Lyman (hoarse whisperer, en V.O.), ce qui l’amène dans un bâtiment en ruines…

Début spoiler…Où l’attendent ses frères de bataille, qui s’étaient passés le mot pour lui faire une surprise pour son anniversaire sont tous morts autour d’un pilier de pierre trotrodark, servant de perchoir et de prison à un Démon ventriloque (sans doute un Duc du Changement, si on prend en compte ses plumes, son bec et son champ lexical de perroquet domestique). Leonen comprend en un éclair que cette abomination a attiré ses camarades jusqu’à lui pour leur voler leur âme et gagner ainsi en puissance pour se libérer de son emprisonnement, et qu’il est le prochain sur la liste. Comme le Démon lui fait doctement remarquer, ce n’est pas un combat qu’il est statistiquement en mesure de remporter, mais le brave Sergent rétorque qu’il n’est pas venu pour ça avant que le combat ne s’engage et que le rideau tombe sur notre histoire. On ne saura jamais s’il a pu utiliser les toilettes, du coup…Fin spoiler

AVIS :

Pour sa toute première histoire écrite pour le compte de la Black Library Rachel (Ray) Harrison signe une micro-fiction appliquée et assez atmosphérique (ce qui est bien), même si son dénouement tombe un peu à plat1 (ce qui l’est moins). Je pense qu’il y avait moyen de choisir un autre antagoniste pour se sortir de cette ornière, mais dans l’ensemble, c’est très honnête pour une nouvelle de 1.000 mots.

1 : Ou plutôt, suscite des questions que Harrison laisse sans réponse, faute d’espace pour les traiter. Comment le Démon a-t-il fait pour attirer un à un les Space Marines jusqu’à son pilier, alors qu’ils ont tous commencé la nouvelle dans l’épave du Rhino (et qu’on peut supposer qu’ils ne s’en seraient pas écartés aussi facilement que Leonen s’ils avaient vu que leurs camarades étaient blessés) ? Est-ce lui qui a enchainé le cadavre de Damanios à son pilier, et pourquoi ? Le Démon peut animer les cadavres de ses victimes, mais à quoi cela lui sert-il ?

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The Riddle of Scorpions – J. Reynolds [WFB] :

INTRIGUE :

The Riddle of ScorpionsZavant Konniger et son assistant Vido ont été appelés pour enquêter sur la mort suspecte d’un marchand d’Altdorf, dont le corps a été retrouvé dans la caverne d’Ali Baba qui lui servait de bureau. Jorge Mueller, car c’était son nom, s’était en effet fait une réputation dans l’importation et la vente d’artefacts rares provenant des quatre coins du Vieux Monde et au-delà, et était bien connu pour ne pas hésiter à employer des moyens douteux pour enrichir sa collection.

Comme souvent, Konniger questionne Vido pour (tenter de) développer les capacités déductives du Halfling, lui-même ayant bien sûr déjà établi sans l’ombre d’un doute le motif et le déroulé des événements ayant conduit Herr Mueller à passer l’arme à gauche. Guère intéressé par le cadavre affalé sur sa chaise, ou par les remarques de son employeur d’ailleurs, Vido préfère inspecter le bureau du défunt, et ramasse un tube finement ouvragé dont les extrémités sont occupées par une reproduction de scorpion en métal. Voilà qui ferait un presse papier de premier choix…

Mais ce que Vido prenait pour un simple objet décoratif se révèle être un piège-scorpion arabien, qui se referme sur ses doigts alors qu’il le manipule, et dont les dards se rapprochent rapidement de ses phalanges. Si l’expérience se révèle traumatisante pour le Halfling aux mains baladeuses, Konniger lui ne se départit pas de son calme et continue de tester la sagacité de son acolyte sur les causes du décès de Mueller, tout en l’informant qu’il lui suffit d’entrer le bon code sur le cadran du piège pour se libérer avant qu’il ne soit trop tard. Un vrai jeu d’enfant (d’ailleurs, c’est comme ça que les jeunes Arabiens se distraient, à ce qu’il paraît) !

Début spoiler…Au final, Vido ne parvient pas à résoudre l’énigme des scorpions avant de se faire piquer, mais comme les dards n’étaient pas empoisonnés, la seule victime à déplorer est son amour propre. Konniger entre la combinaison en un tour de main, et révèle à son serviteur éprouvé que c’est cette même mésaventure qui a causé la mort de Mueller, dont le cœur a lâché sous le stress lorsqu’il s’est trouvé par inadvertance prisonnier du piège. On peut appeler ça les risques du métier.Fin spoiler

AVIS :

Josh Reynolds ne choisit pas la facilité en tentant un whodunit dans un format 1.000 mots (1.014 ici, si on veut chipoter), mais on ne pouvait pas s’attendre à autre chose dans une nouvelle dont le héros est le légendaire Zavant Konniger. Cela fait toujours plaisir de revoir des personnages mythiques de la GW-Fiction reprendre du service sous la plume de nouveaux auteurs, et le Sage-Détective d’Altdorf est à ce titre bien tombé avec Reynolds, qui se sort honorablement de cette situation épineuse (bien mieux que Vido en tout cas). Bien sûr, le côté « énigme » de ce ‘The Riddle of Scorpions’ n’est pas très abouti, mais pour un très court format, c’est loin d’être indigent. Bravo pour le panache, M. Reynolds.

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Failure’s Reward – C. Wraight [40K] :

INTRIGUE :

Failure's RewardTarolf est ce qu’on peut considérer comme un loser du 41ème millénaire, ou plutôt, un lo(up)ser. Né sur la planète Fenris, il a tenté pendant sa jeunesse de rejoindre les fiers Guerriers Célestes (aussi connus sous le nom de Space Wolves par l’Administratum) mais quelque chose s’est mal passé pour lui pendant le sévère processus de sélections des aspirants du Chapitre le plus cabotin de l’Imperium. On ne saura jamais ce qui est parti en cacahouète pour le pauvre Mister T. mais toujours est-il qu’il s’est fait recaler. Heureusement, les Space Wolves ont une fibre sociale bien connue et ont proposé au candidat malheureux de servir l’Empereur d’une autre manière qu’en zlatanant ses ennemis à travers la galaxie, et Tarolf est donc devenu assistant armurier dans les forges du Croc.

Comme il nous le raconte avec ses propres mots (assez simples, car il est probable que les Prêtres Loups l’aient un peu lobotomisé sur les bords pour s’assurer de sa docilité1), sa tâche consiste à customiser des genouillères d’armures énergétiques, afin que les Space Wolves puissent guerroyer avec le style flamboyant pour lequel ils sont réputés à travers tout l’Imperium. Free hand de dragon, de wyrm, de troll ou de loup : Toralf est un as du poinçon, de la cire et de l’acide, et même s’il reconnait sans mal que le moindre boulot peut lui prendre des mois (ce qui est long tout de même quand on considère la taille de la pièce), l’important est d’assurer un rendu irréprochable. La qualité totale, que voilà une belle doctrine !

1 : Et fait stériliser pour les mêmes raisons, mais en cela il ne diffère sans doute pas des recrues confirmées du Chapitre…

AVIS :

Chris Wraight lorgne clairement du côté des encarts fluff des Codex et suppléments de jeu de rôle avec ce contemplatif ‘Failure’s Reward’, qui décrit avec un luxe de détails le quotidien d’un des milliers de serfs anonymes qui triment pour le compte des Space Wolves. Pas d’intrigue passionnante ou de conclusion tonitruante à attendre ici, seulement la réalité terne, assez triste et souvent violente du 41ème millénaire, « filmée » à hauteur d’homme (ou d’humanoïde, un aspirant Space Wolves n’ayant pas un physique ordinaire). Assez proche dans l’esprit du ‘Sacrifice’ de Ben Counter, qui était une autre bonne surprise du corpus de 40K.

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The Quickening – A. Smillie [40K] :

INTRIGUE :

The QuickeningL’Archiviste Balthiel des Flesh Tearers a choisi d’opérer seul derrière les lignes ennemies pour mener à bien l’assassinat du Gouverneur hérétique de Spheris, et nous le voyons faire usage de ses pouvoirs psychiques, dont son signature move : the quickening (une sorte de bullet time qui lui permet de ralentir l’écoulement du temps autour de lui), pour se débarrasser de la garde personnelle du félon. Bien que très efficace, l’abus du Warp est dangereux pour la santé mentale, et Balthiel finit la novelinette (3 pages !) en PLS, sa mission accomplie mais sa messagerie mentale submergée de spam de Démons cherchant à lui vendre des analgésiques miraculeux et/ou à lui faire rencontre des hot single spawns dans son voisinage. Bref, un jeudi ordinaire pour notre ami Flesh Pseaker.

AVIS :

Andy Smillie continue sa série consacrée à la mise en scène des pouvoirs psychiques des Blood Angels (et descendants) dans ses nouvelles Flesh Tearers avec cet insignifiant à tout point de vue ‘The Quickening’. Les amateurs de ce genre très particulier peuvent se tourner vers ‘From the Blood’ pour voir l’incroyable Balthiel utiliser le Bouclier de Sanguinius d’une manière fort peu orthodoxe (et tomber à nouveau dans les pommes, comme le gros bébé fragile qu’il est). Les autres économiseront les 3.49€ demandés pour ces quelques lignes peu mémorables1 et iront dépenser leur capital chèrement acquis ailleurs.

1 : Qui bénéficient malgré tout d’une recommandation de nul autre que James Swallow (« So visceral, you can taste the blood in your teeth »). Si ça ne vous donne pas une bonne raison supplémentaire de ne pas acheter ‘The Quickening’, vous allez vite apprendre…

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Never Forgive – G. Thorpe [WFB] :

INTRIGUE :

Never ForgivePeu de temps après la bataille de Maledor, durant laquelle le jeune (à l’époque) Malekith se fit bellement corriger par Caledor the Preums, nous faisons la connaissance d’un des lieutenants du Roi Prétendant Sorcier, Alandrian de Nagarythe. Elfe féru de grands espaces et de randonnées, il prit le parti de mener ses guerriers survivants dans le Val de Caerasin après la défaite de son camp plutôt que de se réfugier à Anlec avec le gros des troupes druchii, et eut la chance de se trouver en hauteur lorsque ce rigolo de Malekith ouvrit les vannes et noya la province sous une vague monstrueuse. Plutôt que de se lamenter sur son sort, comme il aurait été pourtant en droit de le faire, Alandrian décida de partir à la conquête de sa propre contrée submergée et marcha sur le premier village du vallon avec la ferme intention d’en faire sa base d’opérations. That’s the spirit, boy.

Malheureusement pour lui, et surtout pour ses cinq cents guerriers, le village en question était placé sous la protection de dangereux anar(chiste)s, menés par un jeune prince du nom d’Alice Alith. Bien que les Druchiis disposassent (eh oui) de l’avantage numérique, les flèches des Guerriers Fantômes ne tardèrent pas à mettre la cohorte d’Alandrian en déroute, et ce dernier ne se fit guère prier pour prendre également ses jambes à son cou. C’est alors qu’Alith Anar en personne se dressa devant sa route, lui colla une flèche dans le cuissot pour le mettre à terre, avant de lui balancer un grand coup de latte dans la tempe, remportant cet affrontement fratricide par un K.O. probant à la première reprise.

À son réveil, Alandrian se rend compte qu’il est encore en un morceau, et seulement attaché aux branches et aux racines d’un jeune arbre. Cette clémence étonne beaucoup le Druchii, qui est bien placé pour savoir qu’à Nagarythe, on ne fait pas de cadeau à l’ennemi. Alith Anar lui affirme cependant qu’il ne sera ni torturé, ni affamé ou assoiffé, comme il en avait l’intuition. Au contraire, des enfants du village qu’il avait cherché à conquérir lui apporteront de quoi boire et manger tous les jours pour le garder en bonne santé. Vraiment, ça a l’air cool d’être fait prisonnier par Alith Cooper !

Début spoiler…À court et moyen termes tout du moins. Le dessein d’Alith Anar est en effet de laisser l’arbre auquel Alandrian est attaché faire le sale boulot pour lui : dans quelques années ou décennies, les branches auront suffisamment poussé pour que l’Elfe Noir se trouve écartelé par la tension de la corde qui lie ses pieds aux racines de l’arbre. La vengeance est un plat qui se mangera quand les moules auront des gants, comme on dit à Athel Maranth…Fin spoiler

AVIS :

Continuation de son roman dédié au plus mystérieux et revanchard des Hauts Elfes (‘Shadow King’), ‘Never Forgive’ ne brille pas par la qualité de son intrigue, mais compense par les éléments fluff qu’il apporte à l’amateur de culture et d’histoire elfique, et par la fin grinçante que Thorpe a concoctée pour le pauvre Alandrian. C’est assez bien trouvé je dois dire, car cela donne une bonne idée du rapport particulier que les Elfes ont au temps, en plus d’illustrer le caractère impitoyable d’Alith Anar. C’est validé.

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Warmaster – J. French [HH] :

INTRIGUE :

WarmasterHorus profite d’un de ses rares moments de paix depuis qu’il a lancé son hérésie pour soliloquer sur le sort qui est le sien dans le confort ouaté marbré de la salle du trône du Vengeful Spirit. Comme il le dit lui-même, être Maître de Guerre n’est pas une sinécure, surtout lorsque le titre est décerné par un Empereur plus concerné par ce que le Primarque inter pares ne doit pas faire que par ce que le poste apporte comme avantages. De même, il n’est pas facile de mener à bien un coup d’état galactique quand on hérite de la moitié la plus dysfonctionnelle de la super fratrie pour jouer au régicide contre son Pépé. À tout prendre, Horus aurait bien aimé que Sanguinius, Roboute Guilliman et même Corax (un peu d’amour pour les corbeaux emo, ça fait du bien) le rejoignent, plutôt que de se coltiner les manigances tarabiscotées et inefficaces de Lorgar et d’Alpharius, les bouderies de Mortarion et la cyclothymie de Perturabo. Comme on disait à la fin de M1, if you can’t be with the ones you love, love the ones you’re with.

Qu’importe ces menus désagréments et la nullité crasse des bras cassés qui l’accompagnent, Horus sait qu’il est le surhomme pour le job, et que chaque bataille, chaque massacre, chaque désastre, sert sa cause. C’est ça l’avantage de servir le Chaos : on est autorisé à se réjouir lorsque tout part à vau l’eau, car après tout c’est ce que les patrons désirent, pas vrai ? Notre histoire se termine avec la révélation de l’identité du bienheureux individu à qui Horus a déballé ses profondes réflexions sur la conjoncture, car non, il n’est pas (encore) assez fou pour parler tout seul…

Début spoiler…Et il s’agit du psychiatre préféré des Primarques félons, Ferrus Manus en personne1. Ou son crâne, en tout cas, que le Maître de Guerre a gardé comme souvenir du bon vieux temps. Qui pourrait se lasser de prendre la tête de la Gorgone, aussi, hein ?Fin spoiler

1 : Fulgrim aussi apprécie beaucoup faire des confidences à son frère favori (‘Imperfect’).

AVIS :

Un seul en scène d’Horus, sur un livret de John French, franchement, ça se prend. Mine de rien, recueillir les états d’âme du protagoniste (et antagoniste) de l’Hérésie, c’est toujours appréciable d’autant plus que ça n’arrive pas si souvent que ça au cours de la série. French nous livre un Horus encore fréquentable, toujours charismatique, et sans langue de bois sur ses alliés aussi bien que sur ses adversaires : voilà un Primarque tel qu’on aime en voir dans les pages de la GW-Fiction. Solide.

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Dust – G. McNeill [40K] :

INTRIGUE :

DustSur la Planète des Sorciers, le plus éminent et vaniteux d’entre eux (il parle de lui à la troisième personne tout de même) a rendu une petite visite à l’un de ses collègues, le bellâtre Hegazha. Ahzek Ahriman, car c’était bien sûr lui, est venu lui faire une offre qu’il ne peut pas refuser : rejoindre son projet top secret de boys band cabale (c’est techniquement la même chose, on est d’accord) afin de trouver une cure à l’épidémie de mutation qui décime les rangs des Thousand Sons, déjà clairsemés par la dérouillée infligée par Leman Russ et ses loubards sur Prospero. Après tout, qui ne souhaiterait pas participer à une mission de bien commun comme celle-ci, hein ?

Tout naturellement, Hegazha refuse et envoie son bureau fait en volonté (c’est ‘achement rare, ça doit coûter une blinde) dans la tête de son invité. Il a de bonnes raisons pour faire la sourde oreille au plaidoyer d’Ahriman, notez : déjà frappé par la malédiction de Tzeentch, qui a changé ses mains en serres d’oiseau, Hegazha s’est engagé à fond dans la voie du body positivism, et considère ces mutations comme une bénédiction plutôt que comme un fléau. Cependant, Ahri’ n’a jamais accepté non pour réponse, et s’il doit mettre les mains dans le cambouis pour mettre sur pied sa fine équipe, ainsi soit-il. Les deux rivaux échangent donc des sorts destructeurs en haut de la tour de Hegazha, jusqu’à ce que ce dernier saute à la gorge de son visiteur et que les deux basculent dans le vide et tombent comme des pierres vers le sol, quelques centaines de mètres plus bas…

Début spoiler…Cela ne trouble pas outre mesure Ahriman, qui en tant que Corvidae a vu son avenir et sait qu’il survivra à la chute. Et en effet, avant que la collision fatale ne se produise, le wingman que l’Archiviste en chef avait missionné pour lui donner un coup de main utilise ses propres pouvoirs pour amortir l’impact, et placer Hegazha en stase. C’est ce vieil Hathor Maat qui rend ce fier service à Ahriman, et bien que ses capacités de télékine laissent encore un peu à désirer, comme les lombaires douloureuses de notre héros peuvent en témoigner, il réussit par contre parfaitement à geler Heghaza sur pied, ce qui permettra aux cabalites de l’utiliser comme ingrédient pour leur futur grand œuvre, à défaut de pouvoir compter sur sa coopération active. Waste not, want change not, comme on disait à Tizca…Fin spoiler

AVIS :

Guère plus qu’une scène coupée dans l’épopée consacrée par Graham McNeill à Ahriman et Magnus le Rouge, ‘Dust’ fait partie de ces nouvelles irritantes qui n’apportent rien aux connaisseurs, tout en étant relativement cryptiques pour le néophyte. Si vous n’êtes pas familier des cultes Thousand Sons (Corvidae et Pavoni) ou ne savez pas qui sont Hathor Maat et Phosis T’kar, ne comptez pas sur McNeill pour vous briefer sur ces sujets, ce qui est dommage car ces détails sont au centre de son propos.

Si cette histoire est donc assez décevante, il est en revanche intéressant de noter que lors de sa sortie en 2012, elle fut rattachée au corpus 40K et non Hérésie d’Horus par la Black Library, ce qui était chronologiquement possible à ce moment. Cinq ans plus tard, McNeill fit mourir Hathor Maat avant la fin de l’Hérésie dans ‘The Crimson King’, plaçant une fois pour toute ‘Dust’ dans cette franchise. Cette nouvelle peut donc être considérée comme la secret track de l’Hérésie d’Horus (et comme beaucoup de secret tracks, elle n’est pas incontournable).

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Last Watch – L. Goulding [40K] :

INTRIGUE :

Last WatchSur la planète jungle de Phirus, le frère Felgir, Space Wolf rattaché à la Death Watch, a juré de traquer et de tuer en solo le dernier1 xénomorphe tyranide souillant de son infecte présence le domaine de l’Empereur. Bien qu’il soit parmi les chasseurs les plus mortels et discrets de la galaxie, le fier Loulou se fait toutefois surprendre comme un perdreau de l’année par sa proie, et un féroce combat s’engage entre le représentant de l’humanité et celui de la Grande Dévoreuse.

Malgré ses meilleurs efforts, récompensés par un poignet douloureux pour son adversaire chitineux, Felgir se fait surclasser par la vitesse et la férocité du Lictor, mais surtout par ses fléchettes thoraciques empoisonnées (et pourtant, c’est kikoolol, on est d’accord), dont la toxicité menace de transformer la Space Watch en Death Wolf. Terrassé par les toxines xenos, Fergy développe une gueule de bois express plus carabinée que s’il avait fait un cul sec de tonneau de mjød. Il se voit mourir et le lecteur aussi : cette histoire va-t-elle se conclure dans le sang et les larmes ?

Début spoilerRéponse : oui, mais pour le Lictor. Il s’avère que le Sergent de l’escouade de Felgir n’a finalement pas permis à cette tête brûlée de soloter le dernier boss de Phirus, mais a utilisé l’imprudent Space Wolf comme appât pour débusquer l’insaisissable bestiole et lui coller un bolt au mercure dans les cervicales pendant qu’elle était occupée à martyriser notre ami velu. Tout est bien qui finit bien (sauf pour le Lictor, encore une fois), et Marek Angeloi envoie un rapport confirmant le succès de la purge de Phirus à ses maîtres de l’Ordo Xenos, et demandant à être sorti du service actif de la Death Watch pour poursuivre ses xenocides sous les couleurs de son Chapitre d’origine. Et on peut compter sur un(e) Scythe of the Emperor pour continuer à moissonner du tyty…Fin spoiler

1 : Je sais ce que vous vous dîtes : comment peut-on être sûr que c’est le dernier ? Eh bien, il semble qu’il existe une technologie impériale très précise d’identification des Lictors, puisqu’il s’agit de la seconde histoire de la Black Library (après ‘13th Legion’) où le héros piste l’ultime Tyranide de la planète. TGCBL !

AVIS :

Goulding signe une petite histoire reprenant la trame classique du « chasseur/chassé », relevée par un coup de théâtre final relativement efficace (bien aidé en cela par le fait que dans un univers aussi grimdark que Warhammer 40,000, la nouvelle aurait très bien pu se terminer par la mort de Felgir). Il donne également des nouvelles de l’un de ses personnages SotE récurrents, la forte tête Marek Angeloi, dont on ne sait pas encore à ce stade si la demande de réaffectation a été acceptée par l’Inquisition. La bureaucratie génère des délais incompressibles, c’est connu…

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Thanquol Triumphant – C. L. Werner [WFB] :

INTRIGUE :

Thanquol TriumphantServir la volonté de l’Hérésiarque Kritislik n’est pas tous les jours chose facile, et ce n’est pas Thanquol qui dira le contraire. Chargé par son boss de détruire le Clan Krawl, dont l’alliance potentielle avec le Clan Mors pourrait déséquilibrer les rapports de force à Skarogne et réduire l’influence des Prophètes Gris sur la société skaven, notre machiavélique héros a réussi à convaincre le seigneur Fissk d’emmener son armée à l’assaut du camp orque le plus proche, en lui faisant le coup de la panne de la vision prophétique (en même temps, c’est dans sa fiche de poste).

Les combats font rage et ne tournent pas franchement en faveur des hommes rats, qui se font concasser par les brutes vertes au corps à corps et bombarder de rochers à distance. Cette situation compromise fait toutefois les affaires de Thanquol, qui n’attend que l’inévitable débâcle générale de l’armée skaven pour faire une belle plus-value. Le Prophète Gris s’est en effet arrangé avec le Clan Skully (on ne peut pas toujours compter sur le Clan Moulder) pour organiser un comité d’accueil dans les galeries du Clan Krawl, et réduire en esclavage les survivants de cette bataille. Cette fortune future ne lui sera toutefois d’aucune utilité s’il ne survit pas à la mêlée, et bien qu’il ait pris le soin de se positionner dans les lignes arrière, comme il sied à son rang, l’artillerie peau verte se révèle un peu trop précise à son goût. Après avoir manqué de finir en rat-prenade deux fois de suite en l’espace de quelques minutes, Thanquol décide que la plaisanterie a assez duré et envoie une bonne malefoudre carboniser l’irritant lance-roc. Problème réglé !

Début spoiler…Mais Thanquol ne serait pas Thanquol s’il arrivait tranquillement à ses fins, bien sûr. Il y a des gens qui ont de la chance dans leur malheur, Mr T. lui a de la poisse dans son bonheur. Avant de partir en fumée, le lance-roc a le temps d’expédier une ultime cartouche dans la boîte, qui dévie franchement et écrase le seigneur de guerre orque et sa garde rapprochée, paniquant le reste de sa Waaagh ! et renforçant le moral des Skavens. Voilà qui s’appelle arracher la victoire des mâchoires de la défaite, et si ce n’était pas ce qui avait été prévu par Thanquol, ce dernier a suffisamment de métier et de vice pour tirer profit de ce résultat improbable. Après tout, n’est-il pas le génial stratège ayant guidé le Clan Krawl vers une victoire éclatante sur la vermine orque grâce à ses visions, hein ?Fin spoiler

AVIS :

Thanquol, comme ses Némésis habituelles que sont Gotrek & Felix, fait partie des personnages de la Black Library dont les apparitions sont scriptées. On sait dès la première ligne que l’ingénieux Skaven va preeeeeeeeeesque réussir à mettre en exécution un plan aussi génial que retors, échouer de la manière la plus improbable qui soit, mais réussir malgré tout à se tirer d’affaire, souvent à un poil de moustache près. Ce petit ‘Thanquol Triumphant’ peut donc être vu comme un échantillon représentatif de ce (sous) genre, dont C. L. Werner est le principal représentant. Je pense qu’il aurait pu faire preuve d’un peu plus d’inventivité dans le déroulé de ces quelques pages, qui parviennent à être répétitives en dépit de leur nombre très limité, et la fin est un peu trop cousue de fil blanc à mon goût, mais ça reste tout à fait lisible.

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The Emperor’s Chosen – M. Lee [40K] :

INTRIGUE :

The Emperor's ChosenAlors qu’il se préparait studieusement avec ses frères au prochain assaut sur Sepharis Ultra, un jeune initié Black Templar du nom de Reinhardt est frappé par une vision de l’Empereur, lui annonçant qu’il est son 100,000,000,000,000ème sujet à lui adresser une prière aujourd’hui, et qu’il a donc gagné un iphone 7 ainsi que le droit de devenir son Champion dans la prochaine campagne. Quelle chance.

Reinhardt court au Reclusiam vider son sac auprès du Chapelain Karst, qui a tôt fait d’établir la véracité de l’expérience transcendantale vécue par le frère de bataille, et fait donc mander la panoplie du parfait petit Champion dans l’arsenal de la Barge de Bataille qui amène les Black Templars jusqu’à Sepharis Ultra. Protégé par l’Armure de la Foi et équipé de l’Epée Noire1, Reinhardt aura pour mission d’abattre le meneur des Seigneurs de la Désolation, une bande de Space Marines renégats ayant conquis cette planète impériale pour accomplir leurs sombres desseins. Du succès de ce duel avec le sorcier Word Bearers X’hal Urus dépendra le destin de ce monde, mais heureusement, l’Empereur a donné ses meilleurs conseils de bretteur à Son Champion, et Reinhardt débarque donc sur le champ de bataille avec une confiance inébranlable dans ses capacités…

Début spoiler…Malheureusement pour notre fringant héros, il sait aussi que son triomphe sera de courte durée, et que X’hal Urus lui portera un coup fatal avant de mourir. Un peu comme le duel entre l’Empereur et Horus, vous me direz. C’est tellement fluff que l’on peut supposer que ce fan transi de Reinhardt n’espérait pas meilleure destinée, et si le rideau tombe sur l’affrontement entre loyalistes et hérétiques avant que ce duel fatidique n’ait vraiment débuté, on peut tout de même considérer que cette nouvelle se termine par une happy end.Fin spoiler

1 : Enfin, une des Armures de la Foi, et une des Epées Noires du Chapitre (celle-ci avait tout de même plus de 9 400 ans au moment de la campagne, c’était un vieux modèle). Il faut bien faire des compromis sur l’originalité des reliques si on veut guerroyer à travers la galaxie.

AVIS :

Plus connu pour ses travaux Crimson Fists que Black Templars, Mike Lee s’empare d’un des mythes centraux de cette fière fraternité des fils de Dorn et en tire une micro-nouvelle illustrant le fanatisme fataliste des surhommes en noir et blanc. Sans être mauvais, le résultat est assez quelconque.

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Voyage of the Sunspear – B. Counter [WFB] :

INTRIGUE :

Voyage of the SunspearLorsqu’une flotte pirate mal inspirée décide de piller le littoral d’Ulthuan, la réaction des fiers Hauts Elfes ne se fait pas attendre, et une véritable armada prend la mer pour châtier les humains qui ont cru malin de titiller Doughnut Land. Menée par la grande amirale Caladoria depuis la barre de son catamaran de combat, le Sunspear, c’est une escadre entière de navires tous plus wahou les uns que les autres qui a pris la mer et franchi les portes de Lothern pour cingler vers le Vieux Monde. Bateau-tour pour l’Archimage Galindorm, yacht cristallin pour le Prince Keldorim, navire à menhirs envoyé par la cour de la Reine Éternelle, galère à feu grégeois de Caledor, sans compter la douzaine de vaisseaux classiques et les frégates-dagues qui escortent tout ce beau monde… c’est un spectacle époustouflant qui s’offre à la vue du lecteur (et des mouettes de Lothern), et on se dit que les malheureux adversaires de cette flotte bariolée ont vraiment du souci à se faire…

Début spoiler…Enfin ça, c’est si le Sunspear et ses camarades arrivent à bon port, ce qui est loin d’être certain. La nouvelle se termine en effet dans l’habitacle enfumé du Grimnir Revenge, un sous-marin nain dont le capitaine n’hésite pas longtemps avant d’ordonner un torpillage en règle de la flotte elfique. On ne saura pas ce qui a provoqué cette réaction belliqueuse, les Hauts Elfes n’en ayant pas après les Nains à ce stade, mais faut-il une raison à ces deux races pour se tirer dans les pattes (et les coques) depuis la Guerre de la Barbe, hein ? Fin spoiler

AVIS :

Ben Counter fait un crochet par le Monde qui Fut et nous livre une nouvelle maritime que l’on devine construite autour de son twist final, ce qui se conçoit tout à fait même si pour ma part, j’ai du mal à considérer qu’un vaisseau nain ferait acte de guerre envers une flotte haut elfe sans aucune provocation, rancune ou pas rancune. La décision fatidique du capitaine Granitebrow aurait pu être motivée dans une éventuelle suite à ce (dernier) ‘Voyage of the Sunspear’, mais à ma connaissance, on en est resté là.

Chose étonnante pour un habitué de 40K, et qui n’aura (à ma connaissance) signé qu’un roman et deux nouvelles – dont celle-ci – pour la franchise medfan de la GW-Fiction, Counter ne se gêne pas pour nous balancer des tonnes de fluff au détour de ces quelques pages, et nous livrer la description la plus fouillée de la marine de guerre des Hauts Elfes qui soit1. Cela rend la lecture de ‘Voyage of the Sunspear’ indispensable pour tout amateur de lore warhammeresque devant l’éternel.

1 : Il faut tout de même noter que Dread Fleet était sorti en 2011, l’année précédent la publication de cette nouvelle. Et la page du site de la Black Library où ‘Voyage of the Sunspear’ est offert à la vente fait encore la pub pour Man O ’War Corsair (mais que font leurs stagiaires ?)…

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The Third Wise Man – N. Vincent [40K] :

INTRIGUE :

The Third Wise ManPour le frère Constantine du Chapitre des Iron Snakes, l’heure du grand oral a sonné. Notre ami ambitionne de devenir Chapelain, mais pour cela il doit convaincre trois Capitaines (Didymos, Pheus et Cules) qu’il est le surhomme pour ce poste stratégique1. Prostré au sol dans la position du supplicateur ithakien (c’est-à-dire front contre sol, bras écarté et probablement en petite tenue – on sait s’amuser chez les Chapitres d’obédience hellénique), Constantine se fait fraîchement recevoir par son jury, chacun des Capitaines y allant de sa petite anecdote honteuse sur la carrière de l’impétrant.

Didymos ouvre les hostilités en lui rappelant qu’il a perdu trois hommes de son escouade lors de la mission sur Manolis. Cules renchérit en notant qu’il a fait pire sur Hrystalla, où il a été le seul survivant de son escouade, et a pantouflé pendant sept longues saisons sur Ithaka le temps de se refaire une santé après cela. Pheus enfonce enfin le clou en évoquant son refus d’obtempérer lors de la campagne de Baltasar, durant laquelle il n’a pas daigné participer à l’assaut en drop pod sur cette planète, qui fut finalement conquise par l’ennemi et arrachée du giron de l’Empereur. Ça fait tout de même beaucoup, vous le reconnaitrez, et ce ne sont pas les plus plates contritions de Constantine, qui « endure la douleur atroce de la perte de <insert boulette here>, depuis ce jour fatidique jusqu’à aujourd’hui, les cœurs lourds », qui changeront quelque chose à cette litanie d’échecs.

Toutefois, si Constantine n’a pas toujours brillé sur le champ de bataille, il a en revanche su cultiver de solides relations, et trois d’entre elles viennent prendre sa défense. Le premier à parler n’est autre que l’incontournable Sergent Priad, qui rappelle à l’auguste assemblée que Manolis s’est terminé par une victoire impériale, et que cinq milliards de loyaux sujets de l’Empereur ont été sauvés par l’action de Constantine et de ses hommes2. Et pour marquer le coup, Priad humecte délicatement le crâne chauve et les mains tendues de son poto, dans le respect des traditions aquatiques d’Ithaka.

Le deuxième avocat de Constantine est le frère Kater Holofurnace, fraîchement revenu de la Croisade de Sabbat, qui souligne que son camarade, dont Hrystalla était la première véritable mission, a réussi à ramener avec lui les glandes progénoïdes de toute son escouade, ce qui a permis au Chapitre de reconstituer ses forces. Ça n’excuse pas tout mais c’est tout de même honorable. Et Holofurnace de dégainer à son tour sa gourde pour une petit goutte à goutte rituel.

Enfin, c’est le Maître de Chapitre Seydon qui débarque en grande pompe dans la salle d’examen, et, conscient d’être en retard, se contente de micro waterboarder Constantine comme la tradition le veut, avant de le relever et de le féliciter pour son élévation au rang de Chapelain. Ce n’est qu’un peu plus tard que nous avons le fin mot de l’histoire à propos des opérations de Baltasar. Seydon, qui n’était que Capitaine à l’époque, a pris la décision d’un assaut en drop pod contre l’avis de Constantine, et le résultat désastreux de cette initiative montra avec le recul qui était le plus malin des deux. Mais ça n’a pas empêché Seydon de faire carrière, et c’est bien la morale de cette histoire : chez les Iron Snakes, la séniorité prend toujours le pas sur la sagesse. And I think it’s beautiful…

1 : Il doit aussi leur apporter des cadeaux (deux lances et un caleçon en cuir de wyrm marin), dans la plus grande tradition du népotisme impérial.
2 : Et puis Priad ne peut pas vraiment se permettre de juger sévèrement un collègue Sergent qui a perdu des hommes au combat, lui-même n’étant pas exempt de toute critique de ce point de vue là…

AVIS :

On croyait en avoir fini avec les Iron Snakes après ‘Brothers of the Snake’, mais ces Space Marines ont la peau dure et la sympathie d’un certain nombre d’auteurs de la Black Library (en plus de celle de Dan Abnett, bien sûr), ce qui explique leur persistance discrète dans la GW-Fiction. Cette petite histoire nous en apprend un peu plus sur les rites, décidément très fétichistes (tous ces échanges de fluides en gros balèzes en petite tenue, c’est suspect), de cette confrérie écailleuse, et de passer en revue une grande partie des têtes nommées de cet auguste Chapitre. Si vous êtes fans de ce dernier, c’est donc un must read absolu, sinon, vous pourrez tout de même apprécier une histoire de Space Marines où personne ne meurt et qui se finit bien (ce qui est assez rare).

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Strike and Fade – G. Haley [HH] :

INTRIGUE :

Strike and FadeAu lendemain de la monumentale trahison d’Isstvan V, un groupe de quatre Légionnaires Salamanders (Jo’phor, Hae’Phast, Go’sol et Donak) essaie tant bien que mal de survivre dans les désolations désolantes et désolées de cette planète désormais maudite. Bien que le moral soit bas, les loyalistes peuvent compter sur des activités de team building cathartique pour tenir le coup, comme par exemple embusquer des bikers Night Lords s’étant aventurés dans la pampa pour pratiquer la chasse à courre nostramane. C’est exactement comme celle que l’on connaît, sauf qu’il faut remplacer le renard par un Raven Guard à poil (si on n’en a pas, une autre Légion fait aussi l’affaire), et les chevaux par des motos. On peut utiliser une meute si on en a une sous la main, ce qui n’était pas le cas de nos amis de la 8ème. On ne peut pas toujours tout prévoir.

Comme on peut s’y attendre, les gentils lézards règlent leur affaire aux affreux jojos avec une efficacité consommée, et en profitent pour piquer le matos et les rations de leurs victimes afin d’alimenter leur effort de guérilla. Comme on dit, les petits ruisseaux font les grandes rafales de bolter. Malheureusement, leur camarade corbeau hérite d’une blessure thoracique mortelle au cours de l’échange de tir, et meurt dans les bras du noble Joe Fort, non sans avoir exprimé sa gratitude éternelle (plus que lui en tout cas) à ses frères de bataille pour l’avoir sauvé des griffes des Night Lords. Victoire tactique et victoire morale pour les Salamanders. Qu’ils en profitent, il n’y en aura plus beaucoup d’autres d’ici à la fin de l’Hérésie…

AVIS :

Si en 2012 tout le monde connaissait déjà la grande histoire d’Isstvan V (racontée dans ‘Galaxy in Flames’ par Ben Counter dès 2006), le sort des quelques survivants épars des Légions loyalistes étant tombées dans le piège de ce fieffé fripon d’Horus n’avait pas encore été couvert par grand-monde au sein de la Black Library. Guy Haley fut donc parmi les premiers à (re)donner leurs lettres de noblesse aux losers magnifiques des Légions Brisées, bien avant que Nottingham ne leur consacre un recueil de nouvelles (2017). Cette parenthèse historique mise à part, il n’y a pas grand-chose à dire de ce ‘Strike and Fade’, qui présente les Salamanders sous l’angle favorable qu’on leur connaît, mais ne développe pas assez son quatuor de personnages pour qu’on s’attache à eux. Potable.

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Honours – J. Swallow [40K] :

INTRIGUE :

HonoursLe Capitaine de la 1ère Compagnie des Blood Angels nous fait l’honneur d’expliquer comment il a gagné ses cicatrices, armes et emblèmes au cours de sa longue carrière. Il perdit un œil dans sa jeunesse, après avoir cru pouvoir se débarrasser en solo d’un Psyker finalement plus coriace que prévu. Son Maître de Chapitre lui remit l’épée énergétique Challenger après qu’il eut gagné un tournoi de tennis, et il l’utilisa pour bannir le Prince Démon de Tzeentch Sethselameth. Après être venu au secours d’une poignée d’Imperial Fists piégés pendant deux cents ans dans le siège d’une station spatiale (le rêve absolu pour eux), les fils de Dorn lui firent cadeau d’un bolter jaune poussin. Enfin, la gemme bleue ornant l’aquila de son plastron lui est revenue après des années de bons et loyaux services1.

On apprend pour terminer que le Capichef est en fait mort au combat, tout son stuff légendaire n’ayant pas fait le poids face à une horde de peaux vertes motivés à faire du vilain sur le monde ruche de Levion Gamma. Ce sont les risques du métier.

1 : Swallow ne devait plus avoir d’idées à ce moment là de l’écriture.

AVIS :

Swallow tire le maximum du format compliqué du 1.000 mots en troussant en décrivant par ses faits d’armes notables (avec un peu de fluff dedans, c’est appréciable) d’un héros méconnu du Chapitre des Blood Angels, ce qui est tout de même plus sympa à lire qu’une micro-baston entre deux tondus et trois pelés. Il y a même un micro-twist à la fin, attention appréciable de la part de l’auteur. Toujours trop cher pour ce que c’est, mais il y a bien pire que cet ‘Honours’, soyez-en certains.

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Deliverance Detail – D. Guymer [40K] :

INTRIGUE :

Deliverance DetailLa nouvelle commence mal pour Callan, membre des Forces de Défense Planétaire d’une planète tout juste conquise par un envahisseur extraterrestre. Emmené avec ses milliers de compagnons d’infortune dans une base militaire tenue par les vainqueurs, il attend, menotté et aveuglé, que son sort soit décidé. Malgré ces circonstances difficiles, il peut au moins compter sur sa foi en l’Empereur pour tenir le coup, à condition de rester discret pendant ses prières : ses gardes ont formellement interdit aux captifs de mentionner Son nom. Qu’importe : Callan est fier d’avoir fait son devoir et de s’être battu trois longues années contre les assauts des hordes chaotiques qui se sont abattues sur sa planète…

Début spoiler…En tout cas, c’est ce qu’il (et ses camarades) croyaient, jusqu’à ce que les assaillants soient rejoints par d’authentiques Space Marines. En plus de plier la campagne avec leur efficacité légendaire, les Astartes firent réaliser à Callan et ses comparses qu’ils s’étaient battus du mauvais côté de l’histoire, la faute à la corruption des dirigeants de la planète et à leur effort de propagande plutôt efficace.

Bien que notre héros dupé se soit aussitôt rendu après avoir réalisé sa méprise, la légendaire bienveillance impériale le mena tout droit au peloton d’exécution. On ne saura pas si la Garde Impériale réserva le même sort aux quinze millions de FDP hérétiques à l’insu de leur plein gré, mais ça ne m’étonnerait qu’à moitié…Fin spoiler

AVIS :

David Guymer livre une micro-histoire tout à fait grimdark dans ce ‘Deliverance Detail’, qui illustre à merveille que l’Imperium, lui, ne fait dedans (le détail, si vous ne suivez pas) lorsqu’il s’agit de pacifier une zone de guerre. Tant pis si vous avez été victime des circonstances ou d’un tour pendable du destin, la morale de l’histoire est qu’il y en a suffisamment comme vous à travers la galaxie pour que votre injuste disparition ne chagrine personne. Personne d’important en tout cas.

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The Contest – J. Ellinger [WFB] :

INTRIGUE :

The ContestLorsque Gotrek et Felix pénètrent dans une auberge minable comme le glorieux Empire en compte tant, après s’être tiré d’une embuscade perpétrée par des bandits locaux peu de temps auparavant, ils ne s’attendaient sans doute pas à ce que leur repos bien mérité soit interrompu par de belliqueux piliers de comptoir. Le récit de leur mésaventure par un Felix encore tout encrassé par cette algarade attire en effet l’attention hostile d’un certain Boxen, dont l’un des cousins a choisi l’honnête carrière de malandrin, et qui a sans doute payé de sa vie sa rencontre malavisée avec le power duo le plus mortel du Vieux Monde. Les risques du métier.

Boxen, qui bénéficie de l’avantage numérique grâce à la présence de quatre compagnons tout aussi interlopes que lui, est tout prêt à lancer une bagarre générale pour réparer l’honneur familial, mais l’aubergiste le convainc que ce n’est pas dans son intérêt d’attirer l’attention de la milice locale sur son gang de petites frappes : aussi, l’affaire sera résolue d’une manière beaucoup plus civile. Un concours de descente de pintes est lancé sans plus tarder, le perdant se retrouvant à la merci du gagnant pour une explication de texte dans un coin tranquille et à l’abri des regards.

Gotrek, sûr de la force de son bras (et de son foie) accepte sans broncher ni réfléchir les conditions défavorables formulées par le retors Boxen avant que l’épreuve ne commence. Alors que le Nain lèvera le coude seul, Boxen et ses hommes picoleront en équipe et se partageront les pintes, rapport de force qui alerte Felix malgré les solides atouts dont le Tueur dispose en matière de picole.

Au final, et après plusieurs heures et tonneaux vidés sans pitié, le concours se termine avant que Boxen et Gotrek n’aient rendu les armes, faute de liquide alcoolisé à ingérer. Très déçu par ce match nul, Gotrek décide de se passer les nerfs sur le dernier ruffian encore debout et éclate donc le pif de Boxen pour la forme, dont le coma éthylique doit se poursuivre encore aujourd’hui…

AVIS :

Une aventure de Gotrek et Felix où personne ne meurt (ou en tout cas, pas face caméra), c’est assez rare pour le souligner. Ceci dit, j’aurais bien aimé que Jordan Ellinger relève le défi d’adapter le plus fidèlement possible le schéma narratif classique de ce sous-genre emblématique de la GW-Fiction dans un format micro-fiction, pour pouvoir juger sur pièce si le concept tient la route (franchement, il y a moyen de faire quelque chose je pense). Cela aurait rendu ‘The Contest’ plus mémorable que ces quelques pages alcoolisées, sans nul doute.

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The Little Things – S. Mitchell [40K] :

INTRIGUE :

The Little THingsDe passage sur une station orbitale très touristique entre deux affections sur le front, le Commissaire Ciaphas Cain profite de la relâche pour rendre une visite de courtoisie à sa bonne amie l’Inquisitrice Amberley Veil, qui réside dans une suite de luxe sous une de ses identités d’emprunt. En gentleman qu’il est, Cain prend soin d’acheter en chemin un bouquet d’heganthas car comme il le dit très bien en aparté quelques lignes plus loin : sur le champ de bataille comme dans un rendez-vous galant, c’est l’attention aux petits détails qui sépare les victimes des vainqueurs.

Accueilli chez sa chère et tendre par sa suivante Zemelda pendant qu’Amberley vocalise sous la douche, Cain a à peine le temps de saluer sa sculpturale hôtesse à la sortie de sa toilette qu’un domestique indélicat vient tambouriner à la porte. Cette impolitesse s’explique par le fait que le nouveau venu n’est pas vraiment venu pour monter des clubs sandwiches aux tourtereaux, comme il le prétend, mais pour tenter de kidnapper Amberley a.k.a. la riche duchesse Trucmuche de la planète de Cétréloin afin de demander une rançon à sa famille. Les pauvres jaloux des riches, vraiment, quelle plaie.

Malheureusement pour le ruffian et ses deux comparses, il faut plus qu’une arrivée au débotté pour mettre en difficulté un héros de la trempe de Cain, surtout s’il peut compter sur l’aide d’Amberley qui n’hésite pas un instant à reconvertir sa serviette drap en fouet, désarmant le dernier larron au moment où il allait donner au Commissaire un nouveau trou de balle et permettant à ce dernier de lui rendre la pareille de manière préventive. Comme Cain le fait remarquer avant que le rideau ne tombe définitivement sur cette soirée entre adultes consentants, le malfrat aura au moins eu la chance d’emporter avec lui une dernière vision beaucoup plus plaisante que la majorité des tués du 41ème millénaire. Ce n’est pas grand-chose c’est vrai, mais comme dit plus haut, ce sont les petites choses qui comptent…

AVIS :

Aventure plus grivoise que musclée de Ciaphas Cain, ‘The Little Things’ ne fait rien d’autre que montrer au lectorat de l’héroïque Commissaire que ce dernier sait prendre du bon temps lorsque le devoir ne l’appelle pas, même si sa capacité surnaturelle à créer du drama autour de lui peut générer quelques menus désagréments de temps à autre. Rien que les habitués de la saga ne connaissent pas déjà.

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On the Heels of Morkai – N. Kyme [40K] :

INTRIGUE :

On the Heels of MorkaiÀ la surface de Fenris, un humain solitaire est poursuivi par deux des loups géants pour lesquels la planète est célèbre à travers l’Imperium. Sa course échevelée (tous les locaux portent la moumoute, c’est une coutume immémoriale) le mène à travers un lac gelé, où il réveille par mégarde un kraken endormi sous la surface. N’étant équipé que de sa biht1 et de son couteau, cette rencontre aurait pu très mal se terminer pour notre marathonien de l’extrême, qui parvient toutefois à regagner la terre ferme avant de se faire tentaculer par le poulpe d’eau douce.

Pas le temps de reprendre son souffle, cependant : il faut à notre coureur isolé traverser une forêt pleine d’arbres en bois, puis s’atteler à l’ascension en solo d’une falaise de 400 mètres de haut, toujours poursuivi par les infatigables prédateurs de la toundra de Fenris (qui ont certainement trouvé un chemin pour monter en haut du pic, ce qui pose la question de pourquoi notre athlète n’a pas fait la même chose au lieu de risquer sa vie de la sorte…). Enfin arrivé au sommet, il fait face à la figure imposante d’un Prêtre des Runes Space Wolf, et se prépare à être jugé par cet austère guerrier…

Début spoiler…Enfin ça, c’est si notre héros avait été un simple impétrant au Chapitre. Canis Wolfborn, car c’était lui, a passé cette épreuve depuis belle lurette, et le gonze qui l’attend en haut de la montagne est simplement venu le rappeler à ses devoirs. Un appel à l’aide est parvenu jusqu’au Croc, et en l’absence probable de Harald Deathwolf, il revient à son champion de décider si le rout y donnera suite. Comme on peut s’y attendre, Canis accepte avec joie de relever ce défi, promettant à ses loups de compagnie Timba et Mia (avec lesquels il faisait la course, et n’était pas chassé par ces derniers comme on en avait l’impression) qu’il leur accordera une revanche à son retour. Mais le travail avant tout. Fin spoiler

1 : Un mot fenrisien dont le sens a malheureusement été perdu. C’est dommage.

AVIS :

Mine de rien, les nouvelles de la Black Library où un Space Wolf court comme un dératé à travers la toundra en essayant de survivre aux conditions extrêmes dans lesquelles il évolue sont suffisamment nombreuses pour constituer un sous-genre de la littérature grimdark. Même si la concurrence n’est pas pléthorique, ‘On the Heels of Morkai’ peine à s’imposer comme un modèle du genre, la surprise finale réservée au lecteur par Nick Kyme ne s’avérant (à mon sens) guère crédible. Voir un Prêtre Rune attendre patiemment en haut d’une falaise que son boss termine sa morning routine (et venir sur place avec Fangir1 pour encore plus de fun) au lieu de cueillir Canis en plein milieu de la pampa avec un Stormfang me semble vraiment peu correspondre au lore de 40K. Dispensable.

1 : Ici orthographié Fregir, probablement parce que Kyme est trop haut placé à la BL pour que ses textes soient relus et édités.

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The Last Little Bit – R. Earl [WFB] :

INTRIGUE :

The Last Little BitIl est temps pour Gofg Dent d’Or Tyran de sa tribu depuis plus de quarante ans, de se choisir un héritier. Il se fait vieux (même pour un Ogre), et a déjà dû refroidir les ardeurs parricides de deux de ses fils d’une manière définitive par le passé : il est grand temps de passer la main. Pour ce faire, il a convié le reste de sa marmaille à un gueuleton de compétition, où les règles sont simples : qui mange gagne.

Après trois jours à banqueter sans interruption, ils ne sont plus que trois à la table : Papa Gofg, Grond et Graissus. Bien que les trois Ogres soient depuis longtemps passés dans le dur, aucun n’est prêt à baisser la garde ni à jeter la serviette, et le Boucher de la tribu continue à les régaler de ses spécialités carnées (et plus ou moins faisandées, ça rajoute du goût), jusqu’à ce que le drame se produise : le garde-manger a été vidé, il ne reste plus rien à ingérer pour nos fins gourmets.

Bien que Père Castor Dent d’Or soit en faveur de déclarer un match nul, quitte à recommencer plus tard (le temps de digérer un peu, et de passer au petit coin – je plains le service de ménage Gnoblar…), Graissus ne peut se résoudre à interrompre son effort si près de la victoire. Il attrape donc une chaise, et la fracasse péniblement sur le crâne paternel, envoyant ad patres le vieux Tyran. Dès lors, la suite est toute tracée : le Boucher découpe prestement le cadavre du macchabée en deux parts égales (de 250 kilos chacune, tout de même), et le concours d’ingestion peut reprendre de plus belle.

Malgré les conséquences terribles pour son système digestif, poussé dans ses derniers retranchements par cette boulimie cannibale, Graissus parvient en premier à terminer sa moitié alors que Grond démontre des signes manifestes de calage. Enfin, presque terminer. Il lui reste en effet sa part du « dernier petit bout1 » paternel à ingurgiter, et lorsque le Boucher fait son office et tranche l’ultime portion en deux, Grond se met à dégobiller le contenu de sa panse boursoufflée. Qui a dit que les Ogres n’étaient pas sensibles ? Ce déluge de vomi, dont il prend quelques litres en pleine figure, ne perturbe pas le moins du monde Graissus, qui avale sans faiblir le dernier morceau et devient par la même occasion Tyran incontesté de la tribu Dent d’Or. La suite appartient à l’histoire (et à la cuvette des toilettes…).

1 : Que Robert Earl se contente d’appeler de cette manière, comme s’il s’agissait d’une expression consacrée (après quelques recherches, je n’ai rien trouvé de tel). Vous pouvez donc vous représentez ce que vous voulez, et pas seulement l’option la plus salace qui soit (pervers).

AVIS :

Robert Earl, grand spécialiste des Ogres devant l’éternel, développe en quelques pages l’origin story du plus grand – et gras – des Tyrans des Montagnes des Larmes, présentée de manière succincte dans les Livres d’Armée de cette noble race. Même si on sait d’avance comment l’histoire se termine, notre homme est assez bon conteur pour que le récit de ce banquet proprement pantagruélique, voire même carrément gargantuesque, mérite la lecture. C’est gore, c’est glauque, mais ça reste malgré tout assez drôle tellement c’est over the top en matière d’ingestion de protéines. À consommer jusqu’au dernier petit bout, comme il se doit.

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Like Father, Like Son – M. Latham [WFB] :

INTRIGUE :

Like Father, Like SonUn homme (Jens) et son jeune fils de cinq ans s’aventurent en pleine nuit à travers les terres sauvages et pas vraiment hospitalières de l’arrière-pays du Middenland. En chemin, Jens prend soin d’inculquer à son rejeton tous les trucs et astuces de trappeur trotro balèze qu’il a lui-même appris de ses aïeux ou développé au cours de sa longue et ardue existence, comme ne jamais utiliser l’autoroute (c’est cher et c’est mal fréquenté), ou encore éviter la compagnie des étrangers. Un gai luron ce Jens, vraiment.

Leur road trip nocturne emmène les deux marcheurs à travers les ténèbres de la Drakwald, et sur le territoire des multiples prédateurs qui y rôdent. Après avoir repoussé l’attaque d’une meute de loups un peu trop entreprenante, et évité les toiles d’araignées de fort belle taille, la destination que Jens cherchait à atteindre apparaît enfin au détour du sentier. Nul doute que ça valait le déplacement…

Début spoiler…Et en effet, on ne trouve pas plus chaude ambiance à des lieues à la ronde que le campement d’Hommes Bêtes où le vieil excentrique a amenés son fiston. Jens n’est pourtant pas un adepte du Chaos, seulement un père lucide : son petit gars est un mutant dont les difformités sont trop visibles pour lui permettre de vivre normalement parmi ses semblables, et le seul moyen pour lui d’échapper au bûcher des Répurgateurs est de partir en pension dans une harde de Gors plus ouverts d’esprit que le péquin impérial moyen. La nouvelle se termine alors que le Chamane de la tribu s’en va accueillir la nouvelle recrue de cette dernière, laissant Jens partir sain et sauf mais le cœur gros d’abandonner son enfant. Le placement est parfois la seule solution qui vaille…Fin spoiler

AVIS :

Même si on se doute rapidement à la lecture de ‘Like Father, Like Son’ que Mark Latham nous réserve une surprise finale, ce dernier mène bien sa barque et parvient à accomplir son objectif avec cette petite nouvelle qui explore de manière assez touchante les liens ténus mais pas absents entre humains « normaux » et mutants dans le monde de Warhammer. A classer à proximité de ‘The Hunter’ (G. Lyon), tant pour la longueur que pour les protagonistes, mais à placer au-dessus de cette autre microfiction.

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Out Caste – P. Fehervari [40K] :

INTRIGUE :

Out CasteUne vétérane (et c’est assez rare pour le souligner) couturée de la Caste de Feu se souvient de ses débuts au service du Bien Suprême, du temps où elle était une jeune recrue charismatique et déterminée à s’élever dans les rangs. Baptisée J’kaara (miroir) en raison de sa nature altruiste et de sa capacité à tirer le meilleur de ses camarades, elle commença sa carrière lors de campagnes mineures contre la menace Ork. Le vrai test fut cependant l’invasion de la planète Oba’rai, monde impérial isolé et défendu par un seul régiment de Gardes Impériaux, des adversaires bien plus nobles que les peaux vertes aux yeux de l’idéaliste Kaaren.

La campagne se déroula parfaitement du point de vue du haut commandement, les humains se faisant surclasser par les tactiques de frappes éclair et la supériorité technologique de leurs adversaires. Lorsque la capitale planétaire tomba sous les bombardements, des auxiliaires Kroots furent envoyés faire le sale boulot (et casser la croûte) dans les décombres de la cité pour éliminer les dernières poches de résistance, plutôt que de risquer la vie de braves, mais pas téméraires, T’au. Ce choix raisonnable ne satisfit cependant pas J’Kaara, qui désobéit aux ordres et emmena son escouade faire un peu de tourisme en zone de guerre urbaine afin d’assouvir ses penchants héroïco-morbides.

Mal lui en prit toutefois, car elle croisa en route un Commissaire impérial brûlé au 8ème degré mais dont la vue d’une peau bleue le sortit de l’état catatonique dans laquelle la tempête de feu déchaînée par les T’au l’avait placé. Bien que ses camarades ionisèrent le faquin avant qu’il n’ait pu régler son affaire à la pauvre J’kaara, cette dernière sortit de cette rencontre fortuite avec une énorme balafre, l’épée tronçonneuse de l’officier gue’la ayant transpercé son casque sans coup férir. Cette mésaventure ne fractura pas seulement le crâne de notre héroïne, mais également son sentiment de fraternité avec ses camarades, qui se mirent à appeler la shas’ui Jhi’kaara, ou miroir brisé. Sometimes, it’s better not to say hi, you know…

AVIS :

Peter Fehervari nous entraîne dans les premières vrilles de son Dark Coil1 avec cet ‘Out Caste’, qui met en scène le premier personnage récurrent de cette série iconique de la Black Library, la gueule cassée Jhi’kaara (que l’on retrouve dans ‘A Sanctuary of Wyrms’ et ‘Altar of Maws’), dont on apprend en quelques pages l’histoire traumatisante – dans tous les sens du terme. Ce n’est pas aussi inventif dans le propos ou virtuose dans l’exécution que les nouvelles et romans qui ont suivi, mais ça reste malgré tout une très bonne entrée de GW-Fiction.

1 : Sa première nouvelle (‘Nightfall’) pour la Black Library date de 2011, et bien qu’elle se déroule techniquement dans le même coin de galaxie que le reste du corpus Fehervariesque, les liens avec ce dernier sont assez ténus, comme si notre homme n’avait pas encore décidé de se lancer dans une véritable œuvre au long cours à ce stade.

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Czevak to the Dark Tower Came – R. Sanders [40K] :

INTRIGUE :

Czevak to the Dark Tower CameLe calme profond de la lune Savignor, centre de recherche et de formation réputé parmi l’élite du Segmentum Obscurus, est brutalement brisé par l’arrivée pétaradante de l’Inquisiteur Bronislaw Czevak, qui franchit l’un des portails de la Toile aux manettes d’une motojet sans nul doute « empruntée » à une connaissance Eldar.

Si les universitaires qui composent la majorité des habitants de ce petit havre de paix et d’ordre dans une galaxie tourmentée s’offusquent de cette arrivée bruyante autant qu’inattendue, ils n’en donnent pas signe. Ils ont pour cela une bonne raison, comme Czevak ne tarde pas à le découvrir une fois qu’il a terminé des faire des burn dans les pelouses de son ancien QG (il a étudié sur Savignor en son jeune temps) : ils sont tous morts. Un suicide de masse semble avoir été décrété sur la lune il y a quelques heures, et les Savignoriens, en bons sujets de l’Imperium, se sont pliés à cette injonction morbide sans rechigner. Comme c’est gentil de leur part.

Enquêter sur les raisons de cet acte de folie collective aurait sans doute pris des plombes, mais heureusement notre héros a de bonnes raisons de suspecter que ce fieffé coquin d’Ahzek Ahriman est derrière tout ça (comme il était derrière Tizca). Czevak part donc à fond de train en direction de la fameuse Tour Sombre de Savignor, où sont enfermés les reliques et tomes les plus dangereux de la collection planétaire afin de préserver l’Imperium de leur sinistre influence tout en permettant aux quelques esprits assez aiguisés pour cette tâche de consulter ces archives interdites. Si le concept ressemble furieusement à la Bibliothèque Interdite des Eldars, où Czevak a finalement réussi à obtenir sa carte (‘Atlas Infernal’), ce n’est absolument pas une coïncidence. Malheureusement pour les gardiens de la Tour Sombre, le Materium est beaucoup trop accessible aux ruffians de tout espèce, et le petit contingent de Gardes Impériaux (en robe !) stationné sur la lune pour en assurer la sécurité n’a rien pu faire contre la fureur méthodique des Rubric Marines d’Ahriman, comme les impacts de bolter parsemant les murs et les corps croisés par Czevak le montrent bien.

Après une ascension éprouvante et capacitiste (il n’y a aucun ascenseur dans la Tour Sombre, soi-disant pour permettre aux visiteurs de discuter et débattre entre eux sur le chemin de la connaissance), notre héros arrive à l’épicentre du drame qui s’est joué sur Savignor. Dans un hall d’exposition comme la Tour en compte des dizaines, les éclats épars d’une statue de cristal jonchent le sol. Cette statue, un jeune Czevak l’avait contemplée un jour qu’il était entré par effraction dans la Tour Sombre (dont le niveau de protection laisse vraiment à désirer), sans comprendre qu’il s’agissait des restes d’un Prophète Eldar trèèèèèèèèès âgé. Ce n’est que des années plus tard, et grâce aux connaissances glanées au contact des Prophètes Blancs de la Bibliothèque Interdite, que l’Inquisiteur a réalisé que cette statue kitschissime était une relique psychique d’une valeur incommensurable, dont l’un des nombreux usages pouvait être un catalyseur de prophétie, ou quelque chose comme ça (vous voyez l’idée).

On ne saura pas comment Ahriman eut vent de l’existence et de la localisation de cette statue, mais force est de constater qu’il a réussi son coup, comme les fragments cristallins et la très lourde ambiance planant sur les décombres le laissent constater. L’esprit endurci de Czevak et la protection apportée par l’Atlas Infernal lui permettent de ne pas succomber à la même sinistrose terminale que celle qui a déferlé sur les pauvres Savignorais lorsque que le Sorcier suédois s’est offert une latte de crystal meth, mais les nouvelles ne sont pas bonnes pour autant. Il semble qu’Ahriman ait localisé un fil de destinée qui lui permettrait d’atteindre son but : être élevé au rang de divinité (mineure, faut pas déconner) du Chaos. À Bronislaw Czevak d’empêcher cette ascension s’il le peut : le sort de l’Imperium pourrait bien en dépendre…

AVIS :

Rob Sanders poursuit sa biographie de l’Inquisiteur Czevak dans ce court (sauf le titre) ‘Czevak to the Dark Tower Came1’, publié après la sortie du roman ‘Atlas Infernal’, déjà consacré à ce membre iconoclaste des Saints Ordos. On sent une volonté de l’auteur de remettre une pièce dans la machine, et de redonner un but à son héros bariolé après les événements narrés dans le long format précédemment cité. Le résultat est convenable, les miettes de fluff relatifs à Czevak et au Segmentum Obscurus que contiennent ces quelques pages venant agréablement compléter une intrigue simple mais bien alignée avec les canons du grimdark (il n’y a qu’à 40K que des millions de personnes peuvent se suicider après qu’une babiole en cristal de roche ait été fracassée au sol). Ayant déjà lu le reste des travaux Czevakiens de Sanders au moment où je m’attèle à cette revue, je peux malheureusement vous assurer qu’il est mieux de laisser définitivement le bon Inquisiteur sur ce relatif succès narratif, plutôt que de s’affliger les péripéties pataudes que Sanders et la BL crurent bon de développer dans ‘Necessary Evil’ et ‘Shadow Play’.

1 : Une référence au poème de ‘Childe Roland to the Dark Tower Came’ Robert Browning, lui-même inspiré d’une tirade du ‘Roi Lear’ de Shakespeare. C’est la même « tour sombre » qui inspira également les œuvres de C. S. Lewis (le papa des ‘Chroniques de Narnia’) et de Stephen King.

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Veritas Ferrum – D. Annandale [HH] :

INTRIGUE :

Veritas FerrumIl est des événements auxquels il vaut mieux arriver tôt pour être certain de les expérimenter dans les meilleures conditions. Qu’il s’agisse de se retrouver au 78ème rang d’un concert à la sono capricieuse, ou de découvrir que le bar ne sert plus que des soft, on a tous connu des grands moments de solitude de temps à autres. Fort heureusement (?) pour le Capitaine Durun Atticus et son contingent d’Iron Hands embarqués sur le Veritas Ferrum, le massacre d’Isstvan V ne se déroula pas selon la règle du « premier arrivé, premier servi ». Bien que relégués dans la seconde vague medusane à cause de l’empressement de Ferrus Manus d’aller mettre une taloche à ses frangins rebelles, et ainsi gagner la gratitude (à défaut de l’amour, ce serait trop demander) paternelle, Atticus et ses Space Marines arrivent dans le système à temps pour bénéficier de la légendaire hospitalité des légions renégates, et le Veritas Ferrum se retrouve engagé par deux croiseurs des Night Lords et de l’Alpha Legion à peine sorti du point de Mandeville. On peut dire ce qu’on veut de lui, mais Horus a toujours été un hôte prévenant.

Trop pragmatique et désincarné pour se ronger les ongles (par absence de dents et d’ongles) devant ce coup du sort, Atticus passe en mode MathHammer et prend les décisions qui s’imposent pour sortir victorieux de ce threesome non désiré. Rencardé sur la situation désastreuse des loyalistes à la surface d’Isstvan V et le probable décès de son Primarque par les extraits de communication entre unités Iron Hands captés par le pont du Veritas Ferrum, le pragmatique Capitaine ordonne la retraite, conscient qu’il est de sa responsabilité de sauver ce qui peut l’être de sa Légion de cette débâcle.

C’est le moment que choisissent deux Thunderhawks Salamanders pour se joindre aux réjouissances, talonnés par une escadre de vaisseaux Sons of Horus et Emperor’s Children. À leur bord, le Sergent Khi’dem contacte le Veritas Ferrum pour l’implorer de les prendre en stop avant qu’il ne leur arrive malheur, et parvient à toucher une des rares cordes sensibles d’Atticus lorsqu’il révèle que des Iron Hands font partie des survivants ramassés par les altruistes fils de Vulkan avant leur départ en catastrophe. Atticus se ravise donc, et le Veritas Ferrum se jette dans la gueule du loup lunaire1 pour prendre à son bord les Thunderhawks durement éprouvés, héritant au passage de quelques dommages supplémentaires dont une brèche critique sur un flanc.

Au final, l’acte chevaleresque d’Atticus lui coûte plus de vies d’Astartes qu’il n’en rapporte (c’est ce qui s’appelle se faire ratio au 31ème millénaire), et le saut Warp que le Veritas Ferrum s’apprête à faire pour semer ses poursuivants s’avère des plus risqués, les dommages de coque subis lors de la dernière canonnade ayant compromis son intégrité. Les mains de fer et leurs amis à écailles et à plumes parviendront-ils à s’en sortir ? La réponse au prochain épisode…

1 : Enfin plus vraiment à ce stade, mais si vous avez compris la référence, vous excuserez la blague (ou l’inverse).

AVIS :

Prologue du plus mauvais (ou en tout cas, le moins bien accueilli par la communauté, comme sa note de 3.23 – aux dernières nouvelles – sur GoodReads le montre) roman de l’Hérésie d’Horus, ‘Veritas Ferrum’ n’est pas aussi mauvais que son infâme filiation pourrait le laisser craindre. Cette petite nouvelle permet ainsi d’illustrer le côté sans concession des Iron Hands, prêts à abandonner leurs frères et leur Primarque sur le champ de bataille si cela leur permet de maximiser leurs chances de remporter la campagne. Pas mémorable, mais pas abominable non plus.

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Et voilà qui conclut cette revue, tardive mais pas inutile (en tout cas je l’espère) du Black Library 2012 Advent Calendar. Je dois reconnaître que j’ai été favorablement surpris par la qualité des soumissions proposées par les 24 auteurs rassemblés par les pontes de Nottingham pour cette expérimentation festive, malgré un format peu évident à négocier et une offre commerciale réservée à la clientèle la plus aisée de ce hobby de riches qui est le nôtre. Rien que pour ce dernier facteur, je ne regrette pas d’avoir fait l’impasse sur ce bundle à sa sortie, tout comme je ne regrette pas d’avoir parcouru cette sélection de microfictions écrites par quelques-unes de meilleures plumes de la GW-Fiction. Vous parlez d’un paradoxe. Rendez-vous dans un futur incertain mais sans doute pas trop lointain pour la suite de la série, dont vous pouvez déjà deviner l’année, sans nul doute…

TALES OF THE OLD WORLD [WFB]

Bonjour et bienvenue dans la revue de ‘Tales of the Old World’, anthologie pansue publiée en 2007 par la Black Library, et regroupant pas moins de 36 courts formats siglés Warhammer Fantasy Battle. Contrepartie de ‘Let the Galaxy Burn’ (chroniquée ici) pour la franchise med-fan de la GW-Fiction, ‘Tales of the Old World’ est constitué en grande partie de nouvelles initialement publiées dans le légendaire magazine Inferno!, et plus précisément de celles datant de la période 1997 – 2000 (compilées lors d’une première réédition dans les recueils ‘Realms of Chaos’ et ‘Lords of Valour’). Ce sommaire majoritairement recyclé dissimule toutefois cinq inédits, dont deux (‘Haute Cuisine’ et ‘Rat Trap’) signés de Robert Earl et un (‘Ill Met in Mordheim’) du tout aussi inédit Robert Waters. Graham McNeill (‘Freedom’s Home or Glory’s Grave’), Sandy Mitchell (‘The Man Who Stabbed Luther Van Groot‘) et Nathan Long (‘Rotten Fruit’) viennent également faire souffler un peu de fraicheur dans ces pages poussiéreuses, avec de nouvelles aventures pour leurs héros respectifs (Leofric Carrard et les Black Hearts).

Tales of the Old World [WFB]

Divisé en sept parties plus ou moins thématiques (les histoires de Warhammer Fantasy Battle ont tout de même tendance à se ressembler), ‘Tales of the Old World’ propose un panorama assez complet de ce que la Black Library avait en stock sur le Monde qui Fut/Monde des Légendes à cette époque fondatrice de la GW-Fiction. Comme dans ‘Let the Galaxy Burn’, on note l’absence de figures récurrentes de la franchise, comme Gotrek & Felix, Gilead ou Torben Badenov (bien que Stefan Kumansky passe une tête dans ‘Path of Warriors’ et Mathias Thulmann dans ‘A Choice of Hatreds’) au profit de one shots (ou two shots, dans le cas des maraudeurs de Grunsonn d’Andy Jones), ce qui fait de cet ouvrage une brique assez peu connue dans le foisonnant catalogue de la Black Library. Cela ne veut pas dire pour autant qu’elle mérite d’être délaissée par les lecteurs nostalgiques de l’univers si particulier qu’était WFB : comptez sur moi pour être votre guide dans cet endroit bucolique qu’est le Vieux Monde au cours des prochaines minutes.

Tales of the Old World

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Tales of Honour & Heroism

Freedom’s Home or Glory’s Grave – G. McNeill :

INTRIGUE :

Enfin sorti du bois après ses aventures forestières (‘Guardians of the Forest’), le chevalier bretonnien Leofric Carrard1 poursuit sa carrière martiale de la manière la plus classique qui soit pour un noble du Royaume : harceler la Dame du Lac pour essayer de lui piquer son eco cup, pratique aussi appelée quête du Graal pour se donner un vernis de respectabilité. Accompagné de l’écuyer Havelock, brandissant la Lame de Minuit et juché sur la croupe du destrier elfique Aeneor (tous deux lootés lors de ses précédentes aventures en Athel Loren), Leofric traverse les duchés à la recherche de hauts faits à accomplir et de monstres à trucider, ce qui l’amène à rendre service au Seigneur d’Epée, vieil original partageant sa forteresse dynastique avec un revenant peu amène : le/a Dereliche.

La mission de notre héros consiste à ramener à son commanditaire une précieuse relique abandonnée par d’Epée dans une section du château désormais squattée par ce mauvais voisin (il passe son temps à organiser des bals qui durent toute la nuit et font un vacarme de tous les diables, c’est affligeant) : une épée un bouclier une armure une amulette un pot à crayons une tête de cerf empaillée. Eh oui. Stort shory shorter, Leofric et Havelock parviennent à vaincre les maléfices du Dereliche, qui révèle dans son dernier souffle (?) au Graaleux que sa destinée est inextricablement liée à celle du fameux Duc Rouge d’Aquitaine, porté disparu depuis des lustres certes, mais dont le retour ne saurait désormais plus tarder. Ni une ni deux, Leo dépose la tête mitée sur le paillasson du Seigneur d’Epée et s’en va en direction de la forêt de Châlons, où les légendes bretonniennes situent le lieu de repos du Duc Rouge.

Sur le chemin qui mène les deux hommes jusqu’à leur destination, on apprend qu’un village d’Aquitaine du nom de Derevin s’est récemment révolté contre son seigneur légitime, et subsiste depuis quelques mois en totale autonomie grâce à l’appui qu’il a reçu d’une bande de Herrimaults (brigands principiels, pensez à Robin des Bois en Bretonnie) des environs… et au fait que les seigneurs du coin ont été pour le moment trop occupés à se foutre sur le coin du heaume pour monter une expédition militaire capable de reconquérir ce territoire perdu du féodalisme. Comme on peut s’en douter, le chevalier et l’écuyer ont des avis très différents sur le précédent que créé par le Derevin Libre (son petit nom), ce qui donne à McNeill une excuse parfaite pour un petit débat sur ce qu’est une société juste dans le contexte de la Bretonnie (vous avez quatre heures).

Quelques jours et pages plus tard, on repasse en mode action lorsque Leofric et Havelock arrivent à proximité d’une tour en ruines, au beau milieu de la forêt de Châlons. Entourée par les restes d’une bataille entre Elfes et peaux vertes s’étant déroulé il y a fort longtemps, la bâtisse est loin d’être aussi inoccupée qu’elle en a l’air, et une petite armée de Squelettes pointe bientôt le bout de son absence de nez pour signifier son mécontentement aux intrus. Menés par un Nécromancien anonyme et un Revenant elfique, tous deux au service du Duc Rouge – qui pionce encore à cette heure – les morts vivants encerclent nos hardis aventuriers, et c’est fort logiquement qu’un « duel »2 s’engage entre le chevalier et sa Némésis, duel finalement remporté par cette dernière au terme d’un combat assez relevé. Avant que l’Elfe décati n’ait eu le temps de porter le coup de grâce à son adversaire blessé, Havelock intervient cependant pour sauver les nobles miches de son patron et pique des deux pour quitter la clairière hantée. Grâce à la vigueur proverbiale des montures elfiques, les deux hommes parviennent à s’échapper, et viennent chercher refuge dans le premier village sur leur route, qui se trouve bien sûr être Derevin Libre. Sinon ça ne serait pas drôle, reconnaissez-le.

Tiré d’affaire par les soins de la guérisseuse locale, Leofric émerge du coltar après deux jours à comater sur sa paillasse, et fait la connaissance du charismatique Carlomax, chef des Herrimaults s’étant érigé en protecteurs du village rebelle. Très chill, Carlo n’empale pas le nobliau sur le premier pic venu, comme il en aurait pourtant le droit, mais se contente de lui démontrer que la révolte des Derevinois a d’abord et principalement été causée par la déchéance de leur suzerain, qui s’était voué à Nurgle dans ses vieux jours, comme le cadavre putréfié et marqué que les villageois ont gardé dans leur cellier communautaire en atteste sans l’ombre d’un doute. Cette réalisation chamboule Leofric, dont le monde manichéen se pare tout d’un coup de nuances de gris (moins de cinquante, espérons-le, sinon c’est Slaanesh qui va se ramener), et qui n’est plus si sûr qu’il faille raser le hameau et pendre ses habitants, comme il le pensait (secrètement, il n’est pas totalement débile non plus) jusqu’à présent.

Ces puissantes réflexions sont toutefois interrompues par l’arrivée de la horde de Squelettes de Nekro et Elfy, toujours aussi déterminés à recruter Leofric pour le compte de leur patron, en grand besoin de cadres dynamiques pour mener ses armées. Le siège est donc mis à Derevin, ce qui donne à chacun des protagonistes l’occasion de s’illustrer au combat, dans la mesure de ses capacités. Ainsi, tandis que Leofric concasse du Squelette à grands moulinets de Lame de Minuit, Havelock et Carlomax se contentent de flécher l’ennemi à bonne distance, combinaison efficace s’il en est puisqu’elle permettra aux Bretonniens de remporter la victoire après que le chevalier ait réussi à terrasser le Revenant lors de la revanche du duel de l’avant-veille, et que le Nécromancien se soit fait abattre à longue distance par les arcs des roturiers. La nouvelle se termine sur le départ de Leofric et de son écuyer, qui jurent à Carlomax qu’ils tenteront de plaider la cause du Derevin Libre auprès du Duc d’Aquitaine, sans se faire d’illusion sur le destin qui attend la ZAD bretonnienne à court ou moyen terme cependant. Parfois, c’est le combat qui importe plus que son issue. ¡Viva la Revolución!

1 : A ne pas confondre avec Calard, le chevaleresque héros d’Anthony Reynolds.
2 : Je mets des guillemets car Leofric se bat sur le dos d’Aeneor avec Havelock en croupe, ce qui compte comme un 3 vs 1 de mon point de vue.

AVIS :

Graham McNeill livre avec ‘Freedom’s…’ une nouvelle débordante d’idées, pas toutes exploitées de manière satisfaisante ou aboutie, mais dont la générosité nappée de sword and sorcery d’assez bon aloi suffit pour faire de la lecture de cette suite du roman ‘Guardians of the Forest’ un moment agréable. Parmi les points forts de cette histoire, on peut citer le prologue donné par McNeill à son propos principal (je dois avouer que je trouve ce procédé narratif assez élégant), la bonne dose de fluff que nous sert McNeill, ainsi que la réflexion portée sur la société bretonnienne par les discussions entre Leofric, Hevelock et Carlomax, et qui reste à ce jour l’approche la plus intéressante et nuancée que j’ai pu lire de ce sujet épineux dans la GW-Fiction1. J’aurais d’ailleurs apprécié que la bien nommée République Paysanne Autonome du Derevin Libre soit d’avantage mise en avant, voire que son histoire – qui se serait forcément conclue de façon tragique, je sais – soit complétée dans d’autres publications, ce qui n’a pas été le cas à ma connaissance.

En revanche, la partie « affrontement avec les morts vivants » de ‘Freedom’s…’ ne restera pas dans les annales de la Black Library, tant le motif que le déroulé et la conclusion de cette quête sans grand intérêt apparaissent comme bâclés par un Graham McNeill en panne d’inspiration. Mention spéciale au Nécromancien de service, qui n’a même pas le droit à un nom ou à une ligne de dialogue de toute la nouvelle (alors que c’est véritablement lui l’antagoniste principal), et qui se fait honteusement sniper par les side kicks du héros en arrière-plan de la revanche entre Leofric et le bretteur elfe, alors que son seul boulot était d’incanter hors de portée des arcs bretonniens… Heureusement que tout n’était pas de cet acabit dans ‘Freedom’s…’, ou mon jugement aurait été beaucoup plus salé.

1 : Bien loin devant les tentatives de Robert Earl (‘Faith’) et Anthony Reynolds (série Calard).

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Ancestral Honour – G. Thorpe :

INTRIGUE :

La vie de Grimli (oui oui, je sais… l’oliphant dans la pièce) ‘Blacktooth’ Skrundigor à Karaz A Karak est aussi sombre et désespérée que le surnom que notre nabot de héros se trimballe. Nain à tout faire dans une taverne fréquentée par des mineurs bruyants, ivrognes et rancuniers, Grimli a passé une décennie à se faire snober par la grande majorité des clients de son établissement, pour la simple et bonne raison qu’il descend d’une lignée maudite par le Haut Roi en personne il y a plusieurs millénaires de cela. Son arrière15 grand-père Okrinok a en effet commis la faute grave, lourde et impardonnable de fuir un combat contre les Grobis, laissant en plan la fille chérie du souverain se faire friser les tresses par les peaux vertes en furie. À défaut d’avoir pu être retrouvé pour passer en conseil de discipline à l’époque des faits, Okrinok a condamné sa famille sur dix-sept générations à devenir la lie, ou plutôt, le fond de fût, de la société naine, ce qui explique les problèmes de connexion dont Grimli souffre au quotidien1. Après un nouveau shift misérable, il décide cependant de rendre son tablier et de prêter le serment du Tueur, se disant qu’il aura au moins la chance de se faire quelques potes avant de probablement mourir dans de tragiques circonstances et un futur assez proche. Après tout, 200 ans à faire la plonge sans espérer le moindre pourboire, ça fait beaucoup.

Alors qu’il s’apprête à pénétrer dans le temple de Grimnir de la forteresse, il est arrêté par un Tueur blanchi sous le harnais et sa coloration au henné naturel, répondant au nom de Dammaz (rancune en Khazalide). Ce dernier semble lire dans les pensées du jeune Nain, et lui propose tout de go de partir avec lui visiter Karak Azgal, où il a quelque chose d’important à lui montrer, avant que Grimli ne devienne un rouquin assermenté. Cette destination n’est pas anodine, car c’est là qu’Okrinok s’est couvert d’opprobre en laissant ses employeurs (il était garde du corps physionomiste pour les Nains de la haute – un peu contradictoire, je sais) se faire découper en rondelles alors qu’ils visitaient les mines de la forteresse, juste avant la chute de cette dernière. N’ayant rien d’autre à faire et à l’abri du besoin pour quelques mois grâce à la rupture conventionnelle négociée avec son patron, Grimli accepte, et la paire part pour le Sud.

Cette randonnée sauvage en duo permet à notre héros, qui n’avait jamais tenu une arme auparavant, de s’aguerrir en chemin, jusqu’à être capable d’occire un Troll en solo, comme Dammaz lui apprend patiemment. Après des centaines de kilomètres avalés, et autant de Gobelins et de Skavens occis au passage, les compagnons de la baston finissent par arriver dans la place to be. Les mystérieux pouvoirs de la mémoire ancestrale des Nains se réveillent alors, permettant à Grimli de revivre en rêve le drame ayant sali le blason des Skrundigor il y a tant d’années…

Début spoiler…Et comme on pouvait s’y attendre, la réalité était un peu plus complexe que ce que le seul survivant de l’embuscade a raconté à son suzerain, lorsqu’il s’est réveillé parmi les cadavres mais n’a pas vu celui d’Okrinok dans le tas. La mort du Prince et de la Princesse qu’il avait juré de protéger a fait basculer l’acariâtre nabot dans une folie sanguinaire, le menant à charger droit devant lui pour tuer le plus de Grobis possible, sans se soucier du qu’en dira-t-on ni de la cohésion de son unité. Cette percée funèbre a été mal perçue par ses collègues, et en absence de VAR (la technologie ne sera inventée de que 379 ans plus tard), le mal était fait et la messe dite pour Okrinok.

Ce n’est toutefois pas la fin des révélations pour Grimli, car à son réveil, Dammaz l’entraîne jusque dans une caverne naturelle, où se trouve une stalagmite géante constituée des restes calcifiés et empilés de centaines de Gobelins. Au sommet, piétinant ses innombrables victimes, c’est le cadavre d’Okrinok, figé dans la mort et par la magie d’un Shamane commissionné par un Grand Chef sportif dans l’âme, qui attend depuis des siècles que la vérité éclate enfin à son sujet. Et ce n’est pas une pure spéculation de ma part, mais bien le dessein du défunt, qui s’est réincarné en Dammaz pour sauver les miches et les tifs de son ultime descendant. Il aurait certes pu le faire avant (les seize générations séparant Okrinok de Grimli doivent se retourner dans leurs tombes), mais un Nain ne se hâte pas, c’est bien connu. Avant de disparaître, et de laisser son petit fillot se dém*erder seul pour sortir d’une forteresse infestée de peaux vertes et d’hommes rats, Dammaz/Okrinrok indique à Grimli de ramener avec lui son marteau gravé de la rune majeure de Sur La Vie De Ma Mère, faisant que son porteur est automatiquement cru sur parole2, afin de prouver ses dires. L’honneur des Skrundigor est en enfin lavé, ce qui correspond au happy end ultime chez les Dawi à ce qu’il me semble. Grimli peut mourir tranquille, et on me souffle d’ailleurs dans l’oreillette qu’il y a de grandes chances pour que ça soit effectivement passé comme ça…Fin spoiler

1 : Il se serait appelé Bluetooth, ça aurait pas été la même, je gage.
2 : Je ne vois pas comment Grimli peut convaincre autrement ce vieux ronchon de Thorgrim de rayer une rancune de son bottin autrement.

AVIS :

Si on met de côté les petites maladresses d’un Thorpe encore novice dans l’écriture de nouvelles au moment de la publication de cet ‘Ancestral Honour’ (le clin d’œil tellement appuyé qu’il en devient pastiche au ‘Seigneur des Anneaux’, la décision arbitraire du héros de changer de vie deux minute après le début de l’histoire), cette soumission s’avère assez plaisante pour un amateur de background romancé nain. Thorpe est à son aise pour dépeindre cette société dans ses particularismes et ses paradoxes, et la description qu’il fait de la vie d’un paria déshonoré comme Grimli est particulièrement intéressante à mes yeux. On comprend ainsi tout le « jusqu’au boutisme » des Nains, dont la rigueur morale est telle qu’ils ne voient pas de problèmes à punir les leurs sur des générations pour le crime isolé d’un seul individu. L’auteur emploie également le mythe, très spécifique à cette faction, de l’ancêtre réincarné pour venger un affront à son honneur tellement grave qu’il ne peut pas trouver le repos dans l’au-delà. C’est une caractéristique fascinante en termes de lore et de potentiel narratif des Nains (on peut penser à Grombrindal et aux ancêtres de Belegar, mais cela apparaît également dans la nouvelle ‘The Dark Beneath the World’ de William King), qui n’a été que peu mise en avant dans le fluff des suppléments de jeu (pour autant que je le sache), et je suis content que Gav Thorpe l’ait intégré à son récit, même si de manière un peu téléphonée. Une soumission qui démontre surtout que Thorpe est capable de faire honneur à son statut quand il travaille sur un sujet qui lui plaît et l’inspire visiblement, alors qu’il peut à l’inverse sombrer dans la caricature la plus indéfendable si le cœur n’y est pas1. ‘Ancestral Honour’ n’est pas spectaculaire, mais très solide, comme les œuvres de la race qu’elle dépeint.

1 : Voir ‘Tybalt’s Quest’, également publié dans ‘Lords of Valour’ pour s’en convaincre.

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A Gentleman’s War – N. Rutledge :

INTRIGUE :

WFB_A Gentleman's WarLa première campagne militaire d’Otto von Eisenkopf, jeune noble impérial à la tête farcie de glorieuses batailles et d’affrontements chevaleresques, ne se passe pas comme il l’avait prévu. Assigné à un contingent de Pistoliers mercenaires, menés par un vétéran à la barbe douteuse et à l’accent suspect (Molders), Otto fait ses classes d’une manière un peu trop terre à terre (comprendre qu’il rampe beaucoup dans les broussailles) à son goût. Chargé par le Graf von Eisenkopf, père de notre héros, de repérer l’avance d’une colonne de Bretonniens en vadrouille au bord de la frontière entre les deux nations, les tireurs montés ont tendu une embuscade à leurs adversaires, mais Otto, faisant mentir son patronyme, n’arrive pas à garder la tête froide et se plante soudainement au milieu du chemin pour annoncer aux éclaireurs du Duc de Boncenne qu’ils sont en état d’arrestation. Plus honorable, certes, mais beaucoup moins efficace. Fort heureusement pour les impériaux, Molders et ses hommes ne sont pas nés de la dernière pluie et parviennent à refermer leur piège sans trop de mal, tandis qu’Otto a l’occasion de rayer une ligne de sa bucket list en vainquant le chevalier menant les troupes bretoniennes en duel honorable, après un affrontement épique d’au moins deux secondes. Faisant honneur au code de la guerre entre gens riches, von Eisenkopf traite son prisonnier, Guillaume de Montvert, avec tous les égards dus à son rang, allant même jusqu’à lui laisser sa tente et son écuyer lors de son retour au campement du Graf. Un vrai gentilhomme.

Cette prévenance lui joue toutefois des tours car elle l’empêche de faire son rapport à son père avant que le Pistolier lui servant de nounou, une brute dénommée Lutyens, le fasse, et bitche méchamment sur le comportement inadapté du nobliau. Otto n’a pas le temps de s’appesantir sur le sujet toutefois, ni de déguster quelques cuisses de grenouille avec de Montvert au dîner, comme il l’avait prévu, car le Graf renvoie aussi sec les Pistoliers reconnaître la voie probable de l’arrivée des troupes du Duc, dont les vues sur les mines de charbon impériales ne font de mystère pour personne. C’est une petite victoire pour Otto, qui soutenait contre l’avis de Molders que les nobles et honnêtes Bretonniens passeraient forcément par la grand-route, en jouant du luth et déclamant des quatrains à la gloire de la Dame, avec un béret et une baguette pas trop cuite sous le bras. Mais avant de crier victoire (pas trop fort pour ne pas se faire repérer, évidemment), il faut galoper pendant une nuit depuis le camp impérial, une expérience qui laisse Toto un peu déconfit.

La déconvenue ne s’arrête pas là toutefois, puisqu’il s’avère rapidement que les Bretonniens ne sont pas en dessous du recours à de basses manœuvres, comme le cosplay de chevaliers pour faire croire à leurs ennemis que leur force principale passe bien par la grand-route. Cette supercherie ne résiste cependant pas à la longue-vue de facture naine de Molders, qui repart aussi sec vers le camp pour prévenir le Graf de la combine, un Otto bien penaud et de plus en plus fatigué à la traîne. Pour ne rien arranger, ce dernier apprend à son retour que le fourbe de Montvert a abusé de son hospitalité en volant un cheval et (probablement) assassinant son écuyer au passage, contre toutes les règles de la chevalerie. Et il faut déjà se remettre en selle, car il reste une chance aux impériaux de contrecarrer les plans de de Boncenne en tendant une embuscade à ses troupes alors que ces dernières progressent vers l’Empire.

Quelques heures de canasson plus tard, l’avant-garde du Graf débusque un site parfait pour un guet apens, et en attendant que l’ennemi daigne pointer le bout de ses chausses, Otto peut enfin se reposer un peu et méditer sur la réalité de la guerre, qui diffère beaucoup de ce à quoi il s’attendait, et pas en bien. Notre héros est toutefois suffisamment lucide et intègre pour réaliser que cette remise en question lui a été salutaire, en lui permettant de réévaluer la piètre opinion qu’il avait de Molders, des Pistoliers, des mercenaires, des Pistoliers mercenaires, et des tactiques de son père (dans le désordre). Lorsque la bataille finit par éclater, le jeune premier a finalement l’occasion de s’illustrer, en sauvant la vie de son capitaine, puis en vainquant à nouveau le meneur ennemi (de Boncenne) en combat singulier, au terme d’un duel bien plus accroché (et plus mortel aussi, le Duc perdant la tête à la fin du troisième round) que celui contre ce poseur de Guillaume de Montvert. Tout est bien qui finit bien en Karlfrancie, et Otto von Eisenkopf aura appris une bonne leçon au cours de cette première campagne : mieux vaut éviter de s’allonger sur une fourmilière, quand on peut éviter.

AVIS :

Neil Rutledge nous sert une nouvelle de campagne militaire/initiation d’un blanc bec à la vie assez convaincante, dans la même veine que ce Dan Abnett avait fait dans ‘Les Cavaliers de la Mort’, en un peu plus léger toutefois. Je pense que j’aurais davantage aimé ce ‘A Gentleman’s War’ si l’auteur avait choisi d’être un peu plus grimdark dans son approche, les Bretonniens de Rutledge tenant plus du stéréotype de Français moyen-âgeux à la sauce Monty Python que d’authentiques fidèles de la Dame du Lac, même si l’ensemble est encore une fois très correct. Un autre petit regret porte sur le choix de Rutledge de laisser tomber le personnage de Guillaume de Montvert, traître en puissance dont la duplicité ne faisait pas de doute, après l’arrivée au camp impérial, c’est-à-dire avant qu’il ait pu exprimer son véritable potentiel dramatique. Quelques petits détails que Neil Rutledge, et/ou son éditeur au sein de la BL, auraient pu travailler davantage, mais rien de rédhibitoire non plus.

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The Doorway Between – R. Davidson :

INTRIGUE :

WFB_The Doorway BetweenFrantz Heidel, chasseur de sorcières agoraphobe, est engagé par le baron von Kleist pour retrouver le pendentif qui lui a été dérobé par une bande de mutants sur la route de Bechafen. Escorté par un pisteur à tête de fouine du nom de Karl Sassen, notre héros se lance à la poursuite des voleurs dans l’arrière-pays de la capitale de l’Ostermark, sans se douter que son employeur ne lui pas dit toute la vérité au sujet de l’artefact qu’il doit récupérer.

AVIS :

‘The Doorway Between’ est un récit très classique (la quête d’un objet magique qui se révèle être maléfique), conduit d’une manière tout aussi classique par Rjurik Davidson. Sans être mauvaise, cette nouvelle est toutefois loin d’être mémorable, et ne mérite au mieux qu’une lecture rapide, tant il est possible de trouver mieux ailleurs dans le catalogue de la Black Library (pour les amateurs de chasseurs de sorcières, la trilogie Mathias Thulmann de C.L. Werner est à mon goût bien supérieure).

Lorgnant sur la fin vers la buddy story, lorsque Heidel et son rival Immanuel Mendelsohn sont contraints de faire équipe pour contrecarrer les plans de leur ennemi commun, ‘The Doorway Between’ aurait sans doute gagné en intérêt si Davidson s’était davantage écarté des chemins battus de l’heroic-fantasy.

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Birth of a Legend – G. Thorpe :

INTRIGUE :

‘Birth of a Legend’ relate un épisode central du background de Warhammer, à savoir le sauvetage du Haut Roi Kurgan par une cohorte d’Unberogens en vadrouille.

Capturé par le Big Boss Vagraz Head Stomper alors qu’il se rendait dans les Montagnes Grises pour un tournoi de belote, notre pauvre nain est sur le point de finir dans la marmite des peaux vertes lorsque ses ravisseurs se font soudainement attaquer par une bande d’humains hirsutes menés par un adolescent très énervé. Ce dernier, bien aidé par le marteau que lui prête obligeamment son nouveau pote barbu, renverse le cours de la bataille en concassant le crâne de Vagraz d’un revers à une main (long de ligne)1. La nouvelle se termine par une présentation en règle des nouveaux BFF, le sauveur providentiel n’étant nul autre que Laurent Delahousse2.

1 : Punk jusqu’au bout, le Big Boss envoie un bon gros fuck des familles à Sigmar juste avant que ce dernier ne l’achève. That’s the spirit.
2 : Bon, ok, en fait c’était ΣR. Il n’y a que Gav pour ménager de telles « surprises » à ses lecteurs.

AVIS :

Dix ans avant le lancement de la collection Time of Legends, Gavin Thorpe se paie donc le luxe de mettre en scène un évènement qui n’était jusqu’alors couvert que dans la partie fluff des livres d’armées de Warhammer. Et force est de reconnaître qu’il s’en tire plutôt honorablement (bien mieux en tout cas que pour ‘Aenarion’, methinks), sa version de ce passage marquant de la geste Sigmarienne s’inscrivant dans la droite ligne de ce qu’on savait déjà du personnage, et permettant au fluffiste sommeillant dans chaque lecteur de la BL de grappiller quelques détails supplémentaires sur la vie du Musclor de GW. Je ne suis pas loin de penser que Gav n’est jamais aussi bon que lorsqu’il donne dans le background romancé (surtout quand il y a du nain dedans) plutôt que dans la pure fiction. En fait, je le pense vraiment.

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Tales of Adventure & Mystery

Haute Cuisine – R. Earl :

INTRIGUE :

Revenus de Lustrie avec quelques compagnons et une fortune dérobée aux Hommes Lézards de la cité temple qu’ils ont visité pendant leur périple mouvementé (‘The Burning Shore’), Florin d’Artaud et Lorenzo (tout court) ont utilisé leurs biens mal acquis pour ouvrir une taverne à Bordeleaux. Quelques mois après leur retour, ils reçoivent la visite pas vraiment amicale du Maître du Port et de sa garde : bien au courant de la réputation de « Héros de Lustrie » qui entoure Florin, le notable demande aux deux larrons de l’aider à tirer au clair le meurtre sauvage du marchand Flangei Neuf Panses, dévoré vif par ce qui est apparu aux témoins de ce regrettable accident comme une bande de lézards bipèdes ayant surgi du dessous des quais où le défunt avait son entrepôt. Ne pouvant pas refuser une faveur à cet influent officiel, nos héros se mettent en chasse dès le lendemain, de plus (Florin, qui aime juste tuer des choses) ou moins (Lorenzo, dont l’humeur naturelle est « too old for this shit ») bon gré.

Après avoir inspecté les restes décomposés par l’étouffante chaleur bordelaise du pauvre Flangei, comme tous bons limiers qui se respectent, Flo & Lo rendent une visite de courtoisie à la veuve éplorée du défunt, que ce Dom Juan de Florin ajoute à son tableau de chasse sous couvert d’un interrogatoire en tête à tête. Parfois, il faut donner de sa personne pour faire avancer les choses. Convaincu que les Skinks – car il ne fait plus l’ombre d’un doute à ce stade que ce sont eux qui ont fait le coup – qui ont embusqué Flangei se sont installés en dessous du ponton, Florin réquisitionne une barque, quelques arbalètes et une paire de coutelas, et entraîne son complice dans un tour de gondole underground se terminant fort logiquement par une mêlée confuse dans les ténèbres moites des bas-fonds de Bordeleaux.

Sortis tout aussi logiquement vainqueurs de cette empoignade contre une poignée de Skinks anonymes, les Bretonniens poursuivent les survivants jusqu’à une caverne creusée dans la roche par un être d’une stature bien plus imposante que celle des petits Hommes Lézards, et pour cause : les aventuriers sont accueillis par un Kroxigor territorial et affamé, probablement éclos de l’œuf rapporté par inadvertance par leur expédition l’année passée. Les espèces invasives finissent toujours par poser des problèmes, c’est la triste réalité. Ce combat inégal entre la brute écailleuse et deux humains maigrichons trouve toutefois une conclusion miraculeuse après un coup de stylet chi-rur-gi-cal de la part de Florin directement dans le cerveau du Kroxigor, laissant nos héros libres de nettoyer l’antre des sauriens (tapissés d’œufs que Kroxxie couvait sans doute comme une mère poule) et empocher la récompense placée par le Maître du Port sur chaque tête d’Homme Lézard lui étant rapporté. Il faut bien gagner sa croûte1

1 : Et la nouvelle se termine d’ailleurs par le service d’un filet mignon de Kroxigor aux invités de Monsieur Lafayette, toujours prêt à mettre la main au portefeuille pour épater la galerie. Il parait que ça ressemble à du chapon au goût…

AVIS :

Robert Earl nous propose une suite à ‘The Burning Shore’, premier roman de la trilogie consacrée à Florin et Lorenzo, le duo d’aventuriers du Vieux Monde ayant eu la mauvaise idée de tenter de concurrencer Gotrek et Felix (et assez lamentablement échoué), avec ce ‘Haute Cuisine’. Si l’intrigue qu’il déroule est d’une simplicité limpide, l’intérêt de la nouvelle réside dans ses personnages principaux, et plus particulièrement Florin d’Artaud, mélange de Detlef Sierck (pour son amour des beaux-arts) et de Sigvald le Magnifique (rapport à son goût pour les plaisirs charnels, dans tous les sens du terme), combinaison assez originale il faut le souligner.

Cependant, si le mal-nommé Héros de Lustrie n’est pas à votre goût, il ne reste pas grand-chose d’autre pour sauver cette histoire que les noms extravagants donnés par Robert Earl aux plats concoctés par le chef de Mr Lafayette (« vin et bile d’aigle » ou « os de poissons gellés », en français dans le texte), ce qui ne fait pas lourd. Plus ennuyeux, l’auteur ne se donne pas la peine d’expliquer comment ses antagonistes se sont retrouvés à squatter les quais de Bordeleaux1, ce qui est tout de même problématique du fait de l’incongruité de la situation. Un mélange littéraire et culinaire assez malheureux…

1 : L’histoire s’ouvre par une scène durant laquelle le capitaine du navire qui ramène les survivants de l’expédition lustrienne en Bretonnie balance un (1) œuf de Kroxigor par-dessus bord après que personne de l’équipage ne l’ait revendiqué comme sa part. On ne saura jamais comment les Skinks sont arrivés jusqu’à la métropole bretonienne.

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Paradise Lost – A. Jones :

INTRIGUE :

Nous retrouvons les maraudeurs de Grunsonn dans une bien mauvaise passe : à la dérive au milieu de l’océan sur une coquille de noix, sans eau ni nourriture, et délestés de la cargaison d’or qu’ils avaient soutirée de la cale d’un galion abandonné par un pirate indélicat. Heureusement pour notre quatuor de choc, le salut finit par poindre à l’horizon, sous la forme d’une île où accoster afin de se refaire une santé. Et lorsque les indigènes (une colonie de skinks) se mettent en tête que les maraudeurs ne sont autres que Losteriksson et ses guerriers, revenus après des siècles d’absence régner sur leurs adorateurs à sang froid, il ne fait plus de doute que le temps des vacances a sonné pour nos quatre aventuriers.

AVIS :

Deuxième et dernier épisode de la (courte) saga consacrée par Andy Jones à Grimcrag Grunsonn et ses maraudeurs, ‘Paradise Lost’ est une soumission sensiblement supérieure à ‘Grunsonn’s Maraudeurs’, et ce sur tous les plans. Fidèle à son approche décomplexée du monde de Warhammer, Jones continue en effet sur sa lancée de med-fan parodique, tout en dotant son récit d’une intrigue bien plus charpentée (appréciable attention), et en s’arrangeant pour combler – à sa manière – les blancs laissés dans le background officiel au lieu de chercher à réécrire ce dernier à sa sauce. Autre point positif, l’inclusion de véritables personnages secondaires (shout out à Froggo, le skink de compagnie de Johan Anstein, qui se rêvait méchant de James Bond), permettant à l’auteur de confronter ses héros à des antagonistes à leur hauteur, c’est-à-dire complètement barrés.

Au final, ‘Paradise Lost’ n’est rien de moins que la tentative la plus aboutie de la part d’un auteur de la Black Library de tourner en dérision l’univers de Battle, et rien que pour ça, cette nouvelle vaut le détour.

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Night Too Long – J. Wallis :

INTRIGUE :

WFB_Night too LongLa penultième soirée de l’année civile est une journée de boulot comme les autres pour Dirk Jenner (a.k.a. le Kardashian caché) et Karl Johanssen, agents des Lices d’Altdorf. Les Lices, c’est un peu la PJ de l’Empire, sauf que les effectifs sont très limités – surtout depuis que cet abruti de Schmidt s’est fait liquider par un gang de Bretonniens : en cette période festive pour le quidam moyen, et avec tous leurs csollègues partis fêter la fin de l’année à la campagne, Dirk et Karl sont au four et au moulin sur tous les dossiers chauds du moment. En plus d’enquêter sur les disparitions mystérieuses de jeunes femmes depuis plusieurs semaines, ils doivent à présent mettre leur traditionnel afterwork à la taverne de la Chèvre Noire en standby pour tenter d’élucider une nouvelle affaire… fumante. L’auberge des Septs Etoiles vient en effet d’exploser, faisant quelques victimes mais surtout manquant d’emporter avec elle un personnage de haut rang : rien de moins que le Comte Electeur Valmir von Raukov d’Ostland, venu s’encanailler avec sa dernière conquête à l’abri des regards inquisiteurs. Heureusement, Valoche s’est eclipsé quelques minutes avant la détonation, mais il semble clair à Hoffman (qui n’est pas conte mais qui aimerait bien1), le supérieur de nos héros, que c’est le noble qui a été visé. L’affaire étant politique, c’est aux Lices qu’elle revient, et même en sous-effectif et en carence de sommeil, il va falloir obtenir des résultats.

Après une enquête de voisinage qui ne donne rien, quelques suspicions portées sur un groupe de terrassiers s’activant sur la Königplatz pour réparer les alentours de l’auberge soufflée avant que les célébrations de la Hexensnacht (notre St Sylvestre) et sur un marchand de vin bretonnien essayant de vendre du beaujolais nouveau au prix d’un Château Petrus, et une discussion rapide avec von Raukov à propos de sa cocotte (Anastasia), Jenner et Johanssen finissent par trouver une piste solide. Ils trouvent chez Anastasia l’adresse d’un entrepôt, où ils trouvent 1) son cadavre, encore frais et 2) des empreintes de tonneaux récemment déplacés, et que Karl suppose être utilisés pour stocker la poudre qui a volatilisé les Septs Etoiles. Malaise : il y avait là beaucoup plus de tonneaux que nécessaire pour réaliser l’attentat de la veille, ce qui laisse à penser que les coupables vont commettre un nouveau forfait. Persuadé que le marchand de vin bretonnien, qui après tout, utilise des tonneaux et a une charrette, est impliqué dans cette conspiration des poudres, Dirk est à deux doigts de le coffrer préventivement lorsque leurs chemins se croisent à nouveau, mais Karl l’en empêche, pour la bonne et simple raison qu’une suspicion ne suffira pas à convaincre le proc’ (ou quelque chose comme ça). Une série de coïncidences remet toutefois nos deux limiers sur la bonne voie, lorsqu’ils réalisent que le chef des terrassiers aperçus le matin même n’est autre que le frère d’Anastasia, ce qui en fait un suspect de premier ordre…

Début spoiler…De retour à toute berzingue sur la Königplatz, à présent noire de badauds en goguette, Jenner et Johanssen arrivent à temps pour se castagner avec les maçons du cœur d’Altdorf, qui se révèlent être d’odieux fondamentalistes Ulricains n’ayant pas digéré que von Raukov devienne sigmarite sur ses vieux jours. Le nouvel objectif des talibans de Middenheim est de perpétre une attaque à la bombe pendant les festivités de la Hexensnacht afin de déstabiliser Karl Franz et encourager la sécession des provinces nordiques. Malgré leur talent à l’arbalète et au couteau de lancer, nos héros échouent à rattraper une bête torche enflammée lancée par un random goon sur la traditionnelle traînée d’huile courant jusqu’à la poudrière, et c’est la caca, c’est la cata, c’est la große Katastrophen. Bilan des courses : des dizaines de morts et de blessés, une Konigplatz ravagée et toutes les statues des empereurs et impératrices qui la bordaient (y compris celle de Sigmar) à concasser pour faire du gravier, ou à mettre à la décharge. Pas le meilleur résultat pour notre équipe de choc/choquée, mais au moins cela met fin à l’enquête, pas vrai ? PAS VRAI ???

Début spoiler 2…Eh bien non. Car il s’avère que ces fieffé coquins d’Ulricains ont encore de la poudre en stock, d’après les calculs de Johanssen. Et comme l’Empereur insiste pour donner une grande messe dans la cathédrale de Sigmar dès le lendemain, et en présence de tous les officiels présents à Altdorf, en l’honneur des victimes de l’attentat, Hoffman pressent que les barbus vont encore frapper. Il accorde donc royalement une heure de sommeil à ses sous-fifres avant d’aller inspecter les lieux à la recherche d’entourloupes… mais part sur place avant qu’ils ne se réveillent. Jenner et Johanssen se ruent donc à la recherche de leur supérieur, et repèrent sa cape rouge flottant à la fenêtre du dernier étage du bâtiment. Il est toutefois assez peu aisé de se frayer un chemin dans l’édifice le plus sécurisé de l’Empire, sauf si on a des amis bien placés (Valmir von Raukov, dans le cas présent, auquel J&J promettent d’apporter la tête des assassins de sa maîtresse). Une cavalcade échevelée plus tard, nos héros se retrouvent face à face avec une nouvelle sULRICide squad, qui a pris en otage l’imprudent Hoffman et menace de lui régler son compte si les officiers s’approchent trop près. Bien entendu, cela n’arrête pas le poing de la justice, qui s’abat sans coup férir sur les malotrus, et parvient cette fois-ci à éviter un son et lumière pirate, qui aurait fait s’effondrer le plafond de la cathédrale sur l’auguste assemblée réunie en ces lieux. Tout est bien qui finit bien. A moins que…

Début spoiler 3…À moins que la route de Jenner rencontre à nouveau celle de sa Némésis (le marchand de vin bretonnien), alors que cette dernière s’apprête à quitter la ville. Beau joueur, il présente ses excuses à l’honnête commerçant qu’il a rudoyé sans raison… et réalise qu’un marchand de vin qui retourne chez lui après avoir vendu sa cargaison mais en emportant ses tonneaux, ce n’est pas normal. Et en effet, à l’examen, les fûts suspects ne contiennent pas de pinard, mais des jeunes femmes baillonnées et ligotées, que ce môdit franssais essayait de trafiquer hors de la ville. Deux affaires résolues en quelques heures, tu parles d’un coup de chance. Mais parfois, c’est mérité.Fin spoiler 

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AVIS :

Si la nuit a été longue pour les J&J d’Altdorf, le rythme de cette nouvelle est quant à lui d’une rapidité fulgurante, ce qui est à mettre au crédit du sieur Wallis. Les 15 pages de ‘Night Too Long’ débordent en effet de fausses pistes, péripéties et autres rebondissements, et, chose assez rare pour le souligner, cette abondance ne se manifeste pas aux dépends de l’intrigue, qui reste logique d’un bout à l’autre du récit. Cette savante alchimie permet à la présente nouvelle de dépasser haut la main l’assez médiocre ‘Rest for the Wicked’ que James Wallis avait également consacré aux officiers Jenner et Johanssen. Autre caractéristique notable de ‘Night Too Long’, ce court format met en scène des événéments marquants d’un point de vue fluff (la destruction des statues de la Königplatz, y compris celle de Sigmar), ce qui est là encore l’exception plutôt que la règle. Certes, les dégâts causés par les fondamentalistes ulricains ne sont pas irréparables dans l’absolu, et la confidentialité qui a entouré les écrits de Wallis pendant sa période de contribution à la Black Library peut mener à penser que l’attentat de la Hexensnacht n’est pas vraiment (poudre à) canon, mais cela fait toujours plaisir de voir un auteur de la BL laisser une empreinte, même minime1, sur le fluff avec un grand F plutôt que de faire évoluer ses personnages dans une sorte de dimension parallèle où aucune action n’a de conséquence sur le background décrit dans les suppléments. Pour ces deux raisons, cette nouvelle vaut le détour, et si vous avez l’occasion de mettre la main dessus, laissez vous tenter.

1 : Hommage se doit d’être rendu ici à Simon Jowett, qui n’a pas hésité à nommer un Primarque dans une de ses nouvelles. A true legend.

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Grunsonn’s Marauders – A. Jones :

INTRIGUE :

Les maraudeurs de Grunsonn (un nain crado, un elfe libidineux, un barbare chermanik et un impérial benêt) sont engagés par un sorcier pour retrouver une relique enchantée, le « mythique » Doigt de Vie (Finger of Life), qui repose sous bonne garde dans une caverne oubliée des Montagnes Grises.

AVIS :

Attention, OVNI. S’il n’est pas rare pour le lecteur de la BL de rire un bon coup en parcourant les textes des contributeurs les moins doués de cette auguste maison d’édition, il est en revanche bien moins courant que cette hilarité ait été sciemment recherchée par l’auteur au moment de l’écriture de son texte.

C’est toutefois indéniablement le cas avec ce ‘Grunsonn’s Marauders’, première des deux nouvelles consacrées par Andy Jones (également co-éditeur du recueil ‘Realm of Chaos’ dans laquelle ce texte a été publié pour la première fois) au plus improbable quatuor de héros de l’histoire de la Black Library. Faisant feu de tout bois, Andy enchaîne dialogues absurdes, comportements parodiques, péripéties grotesques et calembours de comptoir (mention spéciale au barbare de la bande, le bien nommé Keanu the Reaver), pour un résultat dans la droite ligne de bouquins tels que ‘Lord of the Ringards’, ‘Bilbo the Postit’ ou encore ‘La Der des Etoiles’. Etant donnée la brièveté de l’opus et son caractère résolument novateur par rapport au med-fan premier degré qui caractérise la BL, la sauce prend toutefois mieux que pour les « chefs d’œuvre » précédemment cités, ce qui n’est pas plus mal.

Bref, ‘Grunsonn’s Marauders’ est une lecture indispensable pour tous les acharnés de la Black Library, une curiosité tout autant qu’une relique d’une époque où Games Workshop ne se prenait pas encore (trop) au sérieux. Un vrai collector1.

1: Pour la petite histoire, les maraudeurs de Grunsonn étaient les personnages de la bande Heroquest d’Andy Jones et de son cercle d’amis. Ce qui explique beaucoup de choses.

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The Man Who Stabbed Luther Van Groot – S. Mitchell :

INTRIGUE :

Le quotidien tranquille et roboratif du détective privé Halfling Sam Warble est légèrement dérangé un soir qu’il prenait son dîner dans sa gargote préférée de Marienbourg par le cas que lui apporte le boulanger Alfons de Wit, modeste artisan propulsé au rang de célébrité locale et homme politique en puissance après qu’il ait réglé son compte au chef de gang Luther Van Groot lorsque ce dernier tenta de le racketter à la sortie de son échoppe. Si cet acte héroïque fit de de Wit la coqueluche du quartier, et lui ouvrit les portes d’une prometteuse carrière de notable, elle attira aussi l’attention d’un maître chanteur, bien décidé à faire pression sur la nouvelle idole du Winkelmarkt pour son propre intérêt. Ayant reçu de vagues menaces faisant état d’ébruiter une vérité compromettante pour lui, de Wit fit ce que n’importe qui avec deux sous de jugeotte et un solide compte en banque aurait fait à sa place, et s’en alla trouver le fin limier qu’est Warble pour lui demander d’identifier son admirateur secret, contre espèces sonnantes et trébuchantes, bien sûr.

Après avoir accepté l’affaire et un premier acompte, notre limier de poche décide de se rendre chez lui pour se pieuter, car il ne sert à rien de commencer une enquête en soirée (c’est très mauvais pour la digestion). Le retour est cependant plus mouvementé qu’à l’accoutumée, Warble se faisant embusquer par un duo de malfrats bien décidés à lui faire la peau, pour une raison inconnue mais sans doute sérieuse pour les pousser à de telles extrémités dans l’impolitesse. Bien que l’un des assaillants soit un sorcier, comme ses contours crépitants le laissèrent apercevoir sans équivoque à notre héros, ce dernier, grâce à ses réflexes développés et la résistance passive à la magie dont bénéficie la noble race Halfling, parvient à échapper au maléfice que lui réservait le thug-maturge et lui plante sa dague dans la jugulaire pour règlement de tout compte. Rejoint par une patrouille de miliciens quelques instants après l’algarade, Warble évite de peu de terminer la nuit au poste pour se justifier de ses actions (merci le népotisme marienbourgeois), et s’en retourne dans ses pénates pour prendre un bon bain et quelques heures de repos bien mérité.

Le lendemain, Warble se met enfin en quête du maître chanteur de son commanditaire, tout en tentant d’élucider les raisons ayant mené à la tentative d’halficide dont il a fait les frais la veille. Au menu (au sens figuré, hélas), un entretien avec un mage freelance de sa connaissance (Kris) pour avis d’expert, et deux interrogatoires de lieutenants de feu Luther Van Groot (Jan Alten et Karin Van Meeren), s’étant divisé les restes de l’empire criminel de leur patron après la mort de celui-ci. Bien que les deux jurent solennellement ne rien savoir des déboires de l’honorable de Wit, un faisceau d’indices apparait bientôt devant les yeux aiguisés de Sam Warble, et il donne rendez-vous le soir même à Alfons devant une maison assez ordinaire du Winkelmarkt…

Début spoiler 1…La sagacité légendaire de l’Hercule Poirot de Marienbourg lui a en effet permis de découvrir que Luther Van Groot, en plus d’être une crapule consommée, fricotait également avec un culte chaotique à ses heures perdues. Ayant trouvé malin de sacrifier une des filles du bordel tenu par Karin Van Meeren à une quelconque déité néfaste pour épater la galerie, il aurait dû expliquer à cette dernière la disparition suspecte de sa protégée, mais fit sa rencontre fatale avec Alfons de Wit avant que la mère maquerelle ne puisse lui mettre le grapin dessus. Elle assista tout de même de loin au face à face mortel entre le boulanger sans le sou (seule raison pour laquelle il avait refusé de graisser la patte du truand) et le racketteur malchanceux, et put donc se rendre compte que contrairement à la rumeur populaire, de Wit n’était pour rien dans le trépas prématuré de Van Groot, poignardé par un mystérieux assaillant alors qu’il était sur le point de corriger le mitron téméraire.

C’est donc Van Meeren qui tentait de faire chanter de Wit (et l’attaque sur Sam Warble a été causé par la paranoïa des cultistes fréquentés par Van Groot, convaincus que le limier enquêtait sur eux et non sur le maître chanteur), mais Warble a tôt fait de rassurer son client. L’aura de vertu entourant le boulanger sera bientôt tellement grande qu’elle le mettra totalement à l’abri des médisances de la mère maquerelle, et pour cause : en plus d’avoir « liquidé » Van Groot, n’a-t-il pas mené les autorités de Marienbourg jusqu’à une dangereuse secte chaotique, hein ? C’est en effet la version de l’histoire que Sam Warble a donnée au régiment de miliciens et de Templiers qu’il convoqué pour nettoyer le repaire des cultistes, et tout est bien qui finit mieux pour les honnêtes gens de la cité état. Une question demeure, cependant : qui a vraiment suriné Luther Van Groot ?

Début spoiler 2…Et la réponse est Sam Warble, pour toucher la prime placée sur la tête de la fripouille par les autorités de Marienbourg après que Van Groot ait eu la mauvaise idée de tenter de trafiquer avec des marchands impériaux dans le dos de la municipalité, très attachée à son monopole sur l’import-export avec Ulthuan et le nouveau monde. Comme Luther l’a appris à ses dépens, ce n’est pas toujours la taille qui compte…Fin spoiler

AVIS :

Pour sa dernière apparence (à ce jour !) dans la littérature WFB, Sandy Mitchell fait vivre à son personnage de Sam Warble un whodunit très resserré (12 pages seulement), dont la conclusion m’a laissé un peu sur ma faim – un comble pour une histoire dont le héros est un Halfling. Bien que tout s’emboîte et s’enchaîne sans erreur ni lacune dans cette nouvelle assez tortueuse (ça s’est sans doute perçu à la lecture des paragraphes ci-dessus, et je m’en excuse), Mitchell ne propose pas au lecteur une véritable énigme policière « participative », ce qui fait tout l’intérêt du genre, mais se contente de démontrer que son héros est vraiment très sagace, sans laisser la possibilité à son public de se mesurer au Sherlock Holmes Zavant Konniger du Winkelmarkt. Pour être honnête, ça avait déjà été le cas pour les deux autres enquêtes de Warble publiées dans la GW-Fiction (‘The Tilean Rat’ et ‘The Song’), mais leur caractère ouvertement parodique les rendait plus intéressantes que ‘The Man…’, qui lorgne beaucoup plus franchement vers le polar premier degré. D’autre part, je trouve que l’identité du meurtrier de Luther Van Groot ne colle pas vraiment avec l’image que j’ai du personnage, que je ne m’imaginais pas comme le tueur de sang froid que Mitchell nous présente à la fin de son récit. Une assez triste affaire, en somme.

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Tales of Revenge & Betrayal

The Faithful Servant – G. Thorpe :

INTRIGUE :

WFB_The Faithful ServantAu sortir d’une bataille perdue par l’Empire contre une armée chaotique dans le nord du Kislev, le prêtre guerrier Markus revient à lui dans un champ de cadavres. Piégé sous la dépouille de sa monture, il ne peut se dérober lorsqu’un guerrier des puissances noires se présente devant lui. À sa grande surprise, son ennemi ne semble pas tant être intéressé par sa vie que son âme, ses sombres maîtres lui ayant promis l’immortalité en échange de la corruption d’un certain nombre d’individus vertueux. Markus pourrait être la dernière victime d’Estebar, le maître du massacre, dont l’ost se débanderait après l’élévation de son général au rang de Prince Démon, épargnant ainsi les vies de milliers d’innocents. Mais notre héros est-il prêt à consentir au sacrifice ultime pour préserver ses compatriotes des ravages des hordes du Chaos ?

AVIS :

La damnation et les chemins, souvent détournés et pavés de bonnes intentions, qui y mènent, font partie des thèmes de prédilection de Gav Thorpe, qui a consacré au sujet sa première trilogie en tant qu’auteur de la Black Library (‘Slaves to Darkness’). ‘The Faithful Servant’, publié quelques années avant ces romans, peut donc être considéré comme un galop d’essai de la part du Gav. On retrouve ainsi dans cette nouvelle un héros placé face à un choix cornélien, dont les répercussions ne manqueront pas d’ébranler le Vieux Monde (c’est du Thorpe après tout).

Construit exclusivement comme « écrin narratif » à sa question centrale, ‘The Faithful Servant’ tient davantage du conte philosophique (même si une telle appellation est un peu galvaudée par son enrobage med-fan) que de la nouvelle de sword and sorcery classique, et ce n’est pas plus mal. Sans s’avérer particulièrement mémorable ni éloquent, le débat opposant Markus à Estebar se révèle être assez plaisant à lire. En choisissant de conclure son propos avant que le prêtre guerrier n’ait fait son choix, Thorpe gratifie de plus sa nouvelle d’une conclusion, que dis-je, d’une ouverture, d’une élégante sobriété (pour changer).

Si elle s’adresse en premier chef aux lecteurs récemment initiés au background de Warhammer (les vétérans n’y trouvant rien que de déjà très connu d’eux), ‘The Faithful Servant’ est sans doute l’une des meilleures soumissions de Gavin Thorpe.

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The Sound Which Wakes You – B. Chessell :

INTRIGUE :

Le jeune Tomas, fils cadet du forgeron du petit village de Montreuil, perdu dans les contreforts bretonniens des Montagnes Grises, en a gros. Comme tous les adolescents de son âge, il éprouve de grandes difficultés à respecter l’autorité, mais la colère de notre héros n’est pas seulement dirigée contre son père (Pierro), mais également et surtout contre le Marquis Gilbert de la Roserie, seigneur de Montreuil, despote impénitent et surtout ordonnateur de l’exécution du frère aîné de Tomas, après que ce dernier ait tué un des Sergents d’armes du village pour venger la mort de sa bien-aimée. Dégoûté par l’attitude placide et servile des Montreuillois devant les exactions de leur suzerain, Tomas occupe ses journées à planifier la Révolution avec un grand -R et des grands airs, qui permettra à son bled de jeter à bas la tyrannie gilbertienne.

Après une cuite au brandy avec son pote Luc, le blanc bec se décide à passer à l’action, ce qui consiste en son cas à aller foutre le feu à la haie entourant le château de Gilbert, et dont le domaine tire son nom. Cet acte plus délinquant que criminel fait grand bruit au sein du village, mais la réputation de hooligan de notre héros est de notoriété tellement publique que c’est chez lui que le Marquis fait une descente de police gendarmerie le soir même. Si Tomas, prévenu par son père du risque qu’il court, parvient à s’échapper en passant par le toit de la forge, le brave Pierro ne survit pas à sa tentative d’arrestation par la maréchaussée, et meurt l’épée à la main pour couvrir la fuite de son fiston. Désormais hors la loi, notre héros se rend dans la forêt toute proche où son père lui a indiqué d’aller, sans trop d’idée précise sur la suite qu’il souhaite donner à sa carrière de repris de justice…

Début spoiler…Sur place, il est rejoint par une douzaine d’hommes de Montreuil, qui lui expliquent qu’il est vraiment trop c*n vilain. Son feu de joie et les conséquences macabres de ce dernier sont venus faire obstacle au patient projet d’insurrection qu’ils planifiaient depuis des années, sous la houlette de Pierro. Le forgeron n’avait en effet pas pardonné non plus au Marquis la mort de son fils aîné, mais plutôt que de s’en plaindre bruyamment et futilement comme ce trublion de Tomas, avait patiemment réuni autour de lui des partisans et des épées, forgées incognito avec ses vieux stocks de minerai.

Désemparés par la disparition de leur chef, les conjurés consanguins décident de mettre Tomas aux affaires, le management héréditaire apparaissant sans doute comme d’une familiarité rassurante pour ces âmes simples. Fidèle à son approche cavalière et opportuniste, qui lui a si bien réussie jusqu’ici il faut le dire (…), Toto décide que cette nuit est le moment idéal pour déposer le Marquis, et sans plus de préparation, entraîne ses guérilleros en sabots jusqu’au château de leur Némésis.

Ayant réussi à mettre hors de combat une poignée de gardes grâce à l’effet de surprise, les Jacques en furie finissent par se retrouver confrontés à une forte troupe (environ 12) de Sergents d’armes. Laissant ses troupes se débrouiller face à la maréchaussée, Tomas s’introduit dans les quartiers privés de l’horrible Gilbert avec un compagnon pour pétitioner son suzerain à coup de colichemarde dans les ratiches. Ce dernier, réveillé par le tumulte de l’insurrection, est toutefois frais et dispos pour un duel au saut du lit, et malgré toute leur bonne volonté, Tomas et son sidekick ne sont pas de taille à lutter contre un escrimeur aguerri comme la Roserie. L’erreur de son excellence sera toutefois de vouloir jouer avec ses adversaires au lieu de les coucher fissa, et de faire un peu trop confiance à la solidité de la rapière fashion que lui avait forgé Pierro. Cassée nette après avoir rencontré un os un peu trop calcifié, la lame du joujou de Gigi fait défaut à son porteur au pire moment, et permet à Tomas de remporter le combat d’un horion de gueux bien dégueu’, mais indéniablement efficace.

La mort de leur maître et, surtout, la perspective de ne plus recevoir de solde, ayant conduit les Sergents survivants à déposer les armes, la vie peut reprendre son court à Montreuil. Sentant que sa place n’est plus parmi les siens, Tomas part tenter sa chance sur les routes de Bretonnie, tandis que le château de la Roserie tombe à l’abandon. Pour le reste, c’est bonnet blanc et flanc de poney, comme on dit du côté de Montsoir en Barreuil. Au moins, les roses ont repoussé…Fin spoiler

AVIS :

Ben Chessell se positionne comme le chaînon manquant entre la prose contemplative de Brian Craig1 et les productions classiques de la Black Library avec ‘The Sound Which Wakes You’ et son histoire de jacquerie à la petite semaine dans un village perdu de Bretonnie. Le style neutre et détaché utilisé par l’auteur pour décrire l’insurrection de Montreuil contre son cruel suzerain détonne fortement avec ce que l’on a l’habitude de lire en matière de GW-Fiction (hors Craig, encore une fois), mais l’expérience n’en est pas désagréable pour autant. Cette approche dépassionnée de son sujet permet même à Chessell de terminer la nouvelle avec un des excipits les plus sinistrement percutants (et donc en quelque sorte, grimdark) que la BL ait connu. ‘The Sound Which Wakes You’ est la chronique sociale de Bretonnie que personne n’attendait et qui n’a (très bizarrement…) pas fait école, mais qui mérite le détour pour son originalité et pour son exécution, dans la pure veine des travaux précédents de Ben Chessell, qui termine ici son parcours au sein de la GW-Fiction.

1 : Un autre auteur dont la Bretonnie est plus médiévale que fantastique.

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The Sleep of the Dead – D. Hinks :

INTRIGUE :

WFB_The Sleep of the DeadAu cours d’une nuit de murge avec quelques gentilhommes de ses amis, le Comte Rothenburg met au défi son jeune cousin Gormont de régaler l’assistance, passablement éméchée à ce stade, d’une histoire d’horreur dont les bois sont tant friands. Après s’être fait longtemps désirer, arguant du caractère confidentiel et illicite du récit qu’il s’apprêtait à livrer, Gormont finit par sortir de sa redingotte un journal, écrit de la main de son médecin de famille, Gustav Insel. Ce dernier avait brusquement disparu après des années de bons et loyaux services, pour prendre part à l’expédition montée par le Baron Fallon von Kelspar, destinée à localiser la légendaire cité de Yin-Chi, sensée se trouver quelque part dans les étendues inhospitalières des Désolations du Chaos. Un super plan, donc. Récemment revenu de son périple nordique, encore que dans un état plus tertiaire que second, Insel fut repris par ses ancien employeurs, mais son comportement imprévisible et franchement pénible fit de sa nouvelle disparition soudaine, il y a deux jours de cela, un soulagement pour la maisonnée. C’est donc le journal du bon docteur dont il sera fait lecture ici.

Menée par l’enthousiaste von Kelspar, l’expédition partit sur le navire Heldenhammer du capitaine Hausenblas en direction des hautes latitudes… et ne tarda pas à s’égarer. Mais vraiment. On parle de « au lieu d’aller tout droit, je me suis retrouvé à vue de la côte de Clar Karond » en niveau de perdition. Vivement que les Skavens inventent le GPS, moi je dis. Bien évidemment, cette boulette ne fut pas sans conséquence pour nos hardis marins, qui durent essuyer un abordage en règle de la part de Corsaires Elfes Noirs ravis par cette aubaine. Les humains parvinrent cependant à repousser les Druchiis au prix de lourdes pertes, et les survivants de ce début de voyage mouvementé purent enfin poser le pied sur la toundra gelée, étape suivante de leur périple.

Les lecteurs avisés que vous êtes en matière de géographie du Vieux Monde ne seront guère surpris d’apprendre que ce trek de l’extrême ne tarda pas à rencontrer des difficultés, aussi bien causées par les conditions climatiques que par la faune indigène, rendue aussi sauvage que résistante par les rafales de vent chaotique soufflant en tempête dans le grand Nord. C’est ainsi qu’un shoggoth une bête de sang (sorte d’Enfant du Chaos, goût pastèque) tomba sur le groupe d’aventuriers et en réduisit une bonne partie en charpie, avant que l’implacable Baron ne la fasse décamper sans demander son reste. Ce ne fut cependant qu’un répit temporaire, Insel découvrant les cadavres atrocement mutilés et décapités des trois derniers participants non nommés (on ne compte pas les chiens de traineau) de l’expédition, quelques jours plus tard…

Début spoiler…A ce stade, le bon docteur n’avait plus qu’une envie : faire demi-tour pour retourner à l’Heldenhammer. Von Kelspar n’était cependant pas du tout de cet avis, convaincu que les montagnes vers lesquelles les deux hommes se dirigeaient marquaient l’entrée de la mythique Yin-Chi. En désespoir de cause, Insel attaqua par surprise son compagnon alors que ce dernier était en train de manipuler le coffre rempli d’explosifs dont l’expédition aurait besoin pour pénétrer dans la cité (Indiana Jones style). Au cours de l’empoignade, Insel réussit à casser la jambe de son patron, mais également à renverser le contenu du coffre, qui s’avéra être les têtes tranchées des trois aventuriers précédemment nommés mentionnés, et avec lesquelles von Kelspar avait l’intention de payer son passage dans le royaume du Dieu du Sang. Désormais convaincu de la folie homicidaire du Baron, Insel laissa ce dernier se dém*rder tout seul avec sa jambe en vrac et son couteau planté dans le torse pour faire bonne mesure, et reprit le chemin du Sud, où il finit par croiser la route de l’Heldenhammer qui le ramena à sa chère étude… Au moins temporairement.

Ce récit fait forte impression auprès des participants à la petite soirée de Rothenburg, au point que le narrateur entend au moment de prendre son congé le Comte demander discrètement à son cousin où trouver plus d’informations sur le mystérieux chamane Mansoul et la carte que ce dernier aurait remis à von Kelspar, déclenchant la fièvre exploratice de l’aristocrate. Quelque chose me dit que la course au pôle n’est pas près de s’arrêter…Fin spoiler

AVIS :

Après C. L. Werner dans ‘The Doom That Came To Sarnath’, c’est au tour de Darius Hinks de revisiter ses classiques lovecraftiens en signant un pastiche très convenable de ‘At the Mountains of Madness’ avec ‘The Sleep of the Dead1. Je dois dire que le parallèle fait par l’auteur entre l’horreur indicible des Grands Anciens (dans la mythologie originelle de Lovecraft) et celle du Chaos dans l’univers de Warhammer est tout à fait pertinent, et la copie qu’il rend est assez originale – notamment la narration autobiographique, rarement utilisée dans la GW-Fiction – et propre pour que sa lecture en soit intéressante. Mon seul (léger) reproche concerne l’intégration des Corsaires Elfes Noirs dans l’intrigue, qui n’avait à mes yeux pas lieu d’être, tant au niveau de son « utilité » narrative que dans l’établissement de l’atmosphère si particulière de l’horreur lovecraftienne (où les batailles rangées sont assez rares, reconnaissons-le). Une petite pépite du catalogue de la Black Library.

1 : Le titre est pour moi une référence claire à la fameuse phrase “That is not dead which can eternal lie, and with strange aeons even death may die”, issue de ‘The Nameless City’ (toujours Lovecraft).

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The Path of Warriors – N. McIntosh :

INTRIGUE :

WFB_The Path of WarriorsOn le sait, la vie en Kislev n’est pas de tout repos. En plus du rude climat et de l’isolement qui frappe la plupart des communautés éparpillées sur ces vastes steppes, la menace d’une visite de « courtoisie » rendue par des voisins nordiques avides de pillage plane en permanence au-dessus des chapkas des braves sujets du Tsar. C’est donc avec plus de fatalisme que d’appréhension que Fedor Kumansky, pêcheur buriné par ses années à taquiner la tanche dans l’estuaire du Lynsk, voit approcher une flotille de maraudeurs venus tout droit de la Mer des Griffes. Il a même reçu un songe prémonitoire de la tuile qui n’allait pas tarder à tomber sur le petit village d’Odensk la nuit passée, c’est dire s’il est au fait des événements.

Accompagné par son fils aîné, Stefan, il se hâte de porter la mauvaise nouvelle à ses concitoyens, et prend la tête de la milice de farouches péquenauds bien décidée à repousser les Norscans s’ils leur venaient l’idée de s’arrêter à Odensk avant de remonter jusqu’à Erengrad. Il laisse son autre fils, Mikhal, aux bons soins de l’aîné, et fait promettre à ce dernier de protéger son cadet comme il l’avait lui-même juré à sa défunte femme sur son lit de mort. À ce stade, vous devez sans doute vous dire qu’un tel comportement ne peut signifier qu’une chose pour le brave Fedor : une mort prématurée d’ici à la fin de la nouvelle. Et vous avez raison, futés que vous êtes. Sans beaucoup de surprise, mais tout de même hors champ (donc il s’est peut-être simplement empalé sur son épée en trébuchant sur un caillou, laissons le bénéfice du doute aux maraudeurs), Papa Kumansky ne passe pas la nuit, vaincu avec ses camarades par la furie sanguinaire des hommes du Nord.

De leur côté, les fistons Kumansky s’en sortent beaucoup mieux. Planqués dans la maison familiale, ils commettent l’erreur de quitter leur refuge au premier bruit de bottes venu, confondant en cela la démarche chaloupée des Kislevites avec celle, chaloupée aussi à leur décharge, des Norscans. Livrés à eux-mêmes dans la scène de chaos (c’est fluff) que constitue le pillage d’Odensk, les frérots parviennent à échapper aux sales pattes d’un duo de maraudeurs mal-intentionnés, dont un se fait éborgner par le petit couteau de Stefan au passage. S’étant tapis au fond d’une barrique remplie de tripes de poissons (on ne jette rien à Kislev), le temps que le jour se lève et que la poussière retombe, Stefan et Mikhal sortent de leur cachette une fois le calme revenu à Odensk, et se rendent compte qu’ils sont probablement les seuls survivants de cette terrible nuit. Sans autre recours, les orphelins prennent le chemin de la terrible et dangereuse civilisation (sans doute Erengrad, tbh), empruntant par là-même le chemin des guerriers (wink wink), qui les mènera des années plus tard à exercer leur VENGEANCE sur les méchants qui leur ont fait du tort et navré à mort leur pauvre papounet. Sans doute que les chemins des mages et des voleurs étaient en travaux, à ce moment.

AVIS :

Neil McIntosh lève le voile sur la tragic origin story des frères Kumansky, qui servent de héros à la trilogie ‘Star of Erengrad’/’Tainted Faith’/’Keeper of the Faith’ que cet auteur a signé pour la Black Library en des temps très anciens ; dans ce très honnête ‘The Path of Warriors’. Si le déroulé des événements ne surprendra pas grand-monde, et que le cameo du maraudeur éborgné (que l’on retrouve plus tard dans les bouquins, mais dont le nom m’échappe au moment d’écrire cette chronique) risque de ne résonner qu’auprès de la toute petite communauté des fans hardcore de cette série aujourd’hui tombée dans l’anonymat le plus complet, on peut apprécier d’être enfin en présence de personnages un minimum complexe et sympathique, ce qui n’est pas le cas dans la majeure partie des Kumanskynneries que j’ai pu lire avant. La meilleure nouvelle de la trilogie de courts formats que McIntosh a écrit pour accompagner les romans, à mon humble avis.

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Rat Trap – R. Earl :

INTRIGUE :

Les libations du mercenaire Hoffman dans une taverne de Nuln sont interrompues par l’arrivée d’un petit homme plaintif et hors de forme, qui se présente comme le tanneur Reinhard Bosse. Sur la recommandation d’un boulanger de sa connaissance (Schilburg), auquel Hoffman a donné un coup de main par le passé pour « régler » un problème avec un client indélicat, Bosse cherche à recruter les gros biscotos et le swag naturel du matamore afin de régler un problème réputationnel concernant le puits situé dans la cour de son atelier.

Entre deux chtis canons de gros rouge qui tâche et anecdotes sans intérêt, Bosse raconte à son interlocuteur, moyennement intéressé par l’histoire mais à l’affût de toute opportunité professionnelle pour pouvoir se payer une nouvelle veste à crevé Lagerfeld (un tailleur Ostlander très reconnu), les déboires qui le frappent depuis plusieurs semaines. Il s’est trouvé que sa sœur, Bertha, a  cru voir un rat bipède géant faire des longueurs au fond du puits un matin qu’elle était de corvée de flotte, et a tapé un tel scandale qu’un nombre croissant des domestiques et ouvriers des Bosse l’ont rejoint dans la psychose, créant une ambiance lourde au domicile et paralysant l’activité de la tannerie familiale. La solution pour le pragmatique Bosse serait d’envoyer Hoffman au trou, littéralement parlant, afin de démontrer par l’exemple à ses pleutres employés que le puits est parfaitement sain et sûr.

Après une nuit à négocier autour de la dive bouteille, les deux hommes tombent d’accord sur une compensation adéquate pour qu’Hoffman accepte de risquer sa tenue dans l’humidité des dépendances du tanneur, et dès le lendemain, on retrouve nos larrons à pied d’œuvre. Un peu surpris que son employeur lui demande de procéder à son audit sur site avant même que ses domestiques n’aient pris leur service, le pragmatique Hoffman, s’attendant à gagner facilement sa paie du jour, ne se fait pas prier pour commencer sa descente…

Début spoiler…Et s’il ne trouve pas de Skavens ou de ragondins dans le puits des Bosse, c’est que 1) il n’y en a jamais eu, et 2) il ne s’agit pas du puits des Bosse mais de celui des Klumper. Klumper, comme le nom du malheureux qu’il a occis il y a quelques semaines à la demande de Schilburg, auquel il ne faut apparemment pas baver sur les miches. Il se trouve que le macchabée en question était Klumper père, et que Reinhard Bosse est en fait Klumper fils, bien décidé à se venger de l’assassin de son paternel, mais incapable de se faire justice sans recourir à la ruse (et on le comprend). Une corde coupée plus tard, Hoffman dégringole au fond du puits et ne tarde pas à couler corps et bien, alourdi par sa quincaillerie professionnelle. La vengeance est un plat qui se boit froid…Fin spoiler

AVIS :

En six pages, Robert Earl trousse un petit conte d’Hoffman à la sauce Warhammer Fantasy Battle, convenablement construit et déroulé même si un peu prévisible quant à sa conclusion. Si on se doute bien que quelque chose va arriver au fier à bras recruté par le tanneur tanné, Earl parvient cependant à jouer sur la légendaire clandestinité de la race skaven pour laisser planer un doute sur ce qui attend Hoffman au fond de cette citerne. Un très court format très potable (à la différence de l’eau du puits de Herr Bosse), même si en deçà du ‘A Fool’s Bargain’ de Brian Maycock, le mètre étalon des « mignardises » med-fan de la Black Library.

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Tales of Deceit & Obsession

Rotten Fruit – N. Long :

INTRIGUE :

Bien qu’ils aient joué un rôle important dans la victoire contre une horde de Kurgans en incursion dans le Middenheim, en tuant un noble félon et détruisant la bannière enchantée lui ayant permis de retourner une partie du contingent impérial contre leur employeur, le comte Manfred Valdenheim (‘Valnir’s Bane’), la seule récompense accordée à Reiner Hetzau et à ses comparses (Giano, Franz/Franka, Hals et Pavel) est d’assister à « leur » exécution, ou plutôt celle des pauvres bougres choisis par Valdenheim pour laver son honneur familial meurtri – le traître n’étant autre que son propre frère – et faire disparaître ses agents très spéciaux des radars. Quand on est un noble influent à la cour impériale, avoir à sa solde des agents compétents prêts à exécuter le sale boulot en toute discrétion est en effet fort utile. De leur côté, Reiner et Cie, s’ils n’approuvent pas les manigances de leur patron, n’ont guère voix au chapitre : sous l’emprise d’un sortilège permettant à Manfred de les faire mourir à distance quand bon lui semble, ils sont contraints de se plier au bon vouloir de l’aristocrate, au moins jusqu’au moment où ils trouveront la combine pour se tirer de ce mauvais pas.

Accompagnant le comte et sa suite de chevaliers de Middenheim1 à Altdorf, les Black Hearts se retrouvent pris dans une nouvelle sale histoire lorsque le château isolé dans lequel ils passent la nuit se révèle être menacé par un culte de Slaanesh mené par une sorcière passionnée par le naturisme (ce qui est normal) et par l’horticulture (ce qui l’est moins). Ayant distribué des pommes d’amour parfumées au LSD à une bonne partie de la population locale, la bougresse est à la tête d’une petite armée de hippies aussi fanatiques que dévêtus, dont le fils (Udo) de l’hôte de Manfred et de ses gens. Totalement sous la coupe de Cerise de Groupama – appelons-la comme ça – le jouvenceau plein de fructose et de sève est prêt à tout pour la carpe diem, même à assassiner son paternel, ce qu’il n’arrive heureusement pas à faire grâce à l’intervention salutaire de Reiner et de Franka, dont les propres ébats sont interrompus, au grand désespoir de notre charo de héros, par les tentatives bruyantes et malhabiles d’Udo de serrer sa go.

La sorcière ayant cependant réussi à échapper à la capture, la tentative de Manfred de filer à l’anglaise en laissant son pote se débrouiller tout seul est contrecarrée par le mur de ronces empoisonnées et la pluie de flèches l’étant tout autant que l’enchanteresse conjure pour s’assurer que nul n’ira ébruiter le secret de sa présence aux autorités impériales. Contraints de se replier sur le château à moitié en ruines de son hôte pour y livrer un dernier carré à l’issue bien incertaine, Manfred et ses hommes n’en mènent pas large, mais peuvent heureusement compter sur l’esprit d’initiative et la langue bien pendue de Reiner, qui s’éclipse pendant la veillée d’armes pour parlementer avec la troupe de brigands locaux, et les convainc d’allier leurs forces à celles du comte en l’échange de la clémence, et peut-être même de la reconnaissance pécuniaire de celui-ci.

Renforcés par ce contingent de farouches hors la loi, les Black Hearts s’illustrent à nouveau dans le siège du manoir, parvenant à régler son compte à la sorcière exhibitionniste (et à Udo, toujours aussi épris de la Poison Ivy du Reikland, au passage) grâce à un moment Eowynien de Franka2, ce qui désorganise suffisamment les cultistes survivants pour permettre aux défenseurs de les mettre en fuite. Tout aussi fin politique que son boss, Reiner prend soin d’enjoliver le récit de la mort d’Udo à son père éploré pour sauver les apparences, et tout est bien qui peut bien finir…

Début spoiler…Sauf pour les bandits recrutés par les Black Hearts, traités avec la plus grande fermeté par Manfred malgré le fier service qu’ils lui ont rendu, et pendus aux murailles du château dès le lendemain matin pour leur apprendre à violer les lois impériales. Consterné par l’ingratitude de son employeur, et se sentant (à juste titre) responsable du sort tragique de ses compagnons d’armes, Reiner repart vers Altdorf avec le moral dans les chaussettes et une envie décuplée de fausser compagnie de ce triste sire, mais cela ne sera pas pour tout de suite…Fin spoiler

1 : Présentée dans l’histoire comme ayant repoussé l’assaut d’Archaon. C’est la version du multivers Battle que j’aime le mieux !
2 : Cerise (complètement nue et dégoulinante de patchouli) : « Je suis vraiment trop bonnasse, aucun homme ne peut me résister. »
Franka : « Eh bien ma vieille, figure-toi que… »

AVIS :

Après avoir présenté ses Black Hearts dans ‘Hetzau’s Follies’, Nathan Long nous livre une nouvelle de transition entre ‘Valnir’s Bane’ et ‘The Broken Lance’, les premier et second tome de sa sombre trilogie. Même s’il est préférable d’avoir lu le premier ouvrage, qui présente en détails le casting de cette histoire (Reiner Hetzau et ses acolytes, ainsi que le Comte Manfred Valdenheim), pour pleinement apprécier ‘Rotten Fruit’, Long est un auteur suffisamment compétent pour faire passer à son public un bon moment, quelque soit le niveau de connaissance de ce dernier à propos des Black Hearts.

On a ainsi droit à une vingtaine de pages rythmées en compagnie de personnages attachants (ou tout bonnement odieux dans le cas de Valdenheim, mais ce n’est pas une mauvaise chose pour capter l’attention du lecteur), embarqués dans une péripétie mineure mais bien conduite, et exposant parfaitement les enjeux principaux de la série : une très bonne (ré)introduction à cette dernière, en somme.

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Faith – R. Earl :

INTRIGUE :

WFB_FaithLe chevalier Gilles de Moreaux et son vieil écuyer perclus de rhumatismes, Claude Blanquette1, campent à la dure dans le massif d’Orquemont alors que l’automne est déjà bien avancé. Si les deux hommes s’obstinent à barouder hors saison, c’est que Gillou est à la recherche d’un trophée digne de ce nom pour l’armoire familiale. Notre héros l’a en effet un peu mauvaise que son frérot Léon ait bouclé sa quête du Graal et emballé la Dame du Lac en deux semaines chrono (on a connu la déesse plus minaudière), et soit revenu au château paternel avec une tête de Troll de fort beau gabarit. De son côté, il n’a eu que des bêtes Orques à se mettre sous la lame, et désespère de trouver un adversaire digne de lui attirer la bénédiction de la Dame. Claude, plus prosaïquement, désespère de ne pas être rentré se mettre au chaud alors que l’hiver approche à grands pas, mais doit se contenter pour le moment de siroter son thé au coin du feu, enroulé dans sa fidèle courtepointe. Dans son malheur, le gueux doit reconnaître qu’il a de la chance, car Gilles est le premier de Moreaux qu’il sert à entretenir lui-même ses armes, et il a même poussé la sollicitude jusqu’à réaliser des cataplasmes pour les articulations douloureuses de son serviteur. C’est Martrud de Monfort qui serait fier.

Lorsque le duo rencontre par hasard un paysan envoyé par l’ancien de son village (Celliers) trouver de l’aide pour débarrasser la communauté d’un monstre responsable de la disparition d’une dizaine d’habitants, Gilles se dit qu’il tient sa chance de prouver sa bretonnitude autrement qu’en vidant des bouteilles de chouchen et en jouant du biniou, ce qui est appréciable. Ayant terminé les trois Witchers en mode hardcore lorsqu’il était ado, le chevalier n’a aucun mal à identifier le fléau de Celliers après une entrevue avec l’ancien du village, François. Il s’agit bien sûr d’un Vampire, because of reasons, et il n’aura qu’à attendre la bête à proximité de la crypte locale pour lui faire sa fête et enfin taper dans l’œil de cette mijaurée de Dame. Ayant laissé comme instructions à ses hôtes de rester groupés et de ne pas se séparer, même pour aller aux latrines, le temps qu’il règle leur problème, Gilles s’installe pour une veillée sépulcrale à côté du cimetière local, toujours accompagné par son fidèle Claude. Ce dernier, qui n’est plus tout jeune, finit par s’endormir avec la bénédiction de son maître, qui dispose quant à lui de la vertu de mise en veille de longue durée pour rester alerte toute la nuit durant.

Lorsque Claude se réveille, il se découvre seul à côté des cendres du feu de la veille, et craint d’abord qu’il soit arrivé malheur à son maître pendant qu’il sciait des bûches. Cependant, Gilles était seulement parti constater le décès d’une nouvelle victime de la bête, mordillée à mort par des mâchoires humaines. Comme les bouseux ont respecté les consignes du noble noble, et que le compagnon qui escortait le pauvre Jules au petit coin a disparu sans laisser de traces, Gilles en conclut que c’est ce fieffé coquin de Jacques qui est responsable des morts de Celliers, et jure sur son honneur de traquer le maraud. C’était surtout une ruse pour s’en aller au plus vite du village, maintenant que l’affaire semble être tirée au clair. Bien que satisfait d’avoir accompli son devoir, Gilles n’a toujours pas trouvé d’adversaires à sa valeur, et pense sérieusement à hiverner à Orquemont pour accélérer sa quête. Dans son infinie mansuétude, il renvoie Claude à Celliers pour lui éviter des engelures qui pourraient lui être fatales… et se fait rappeler sur place par son serviteur, car quelque chose d’inattendu se passe au village.

En effet, les paysans sont sur le départ, car la découverte du corps mutilé de Jacques peu après que Gilles et Claude se soient mis en chasse de ce dernier ne laisse que peu de doutes sur le fait que le monstre est toujours dans les parages. Touché dans son honneur et dans son amour propre par la réalisation de sa propre nullité, Gilles supplie François et ses gens de rester encore une nuit sur place, afin qu’il ait une ultime chance de se rattraper. Ne pouvant pas décemment dire non à un psychopathe en armure lourde, l’ancien accepte de surseoir son départ, et le chevalier décide d’aller prier à une mare toute proche pour trouver l’inspi’ qui lui manque tant…

Début spoiler…Lorsque Claude rejoint son maître après avoir ordonné aux péquenauds de se constituer en milice civile et de ne se déplacer que par packs de douze, une vision peu commune vient s’offrir à ses yeux fatigués : la Dame du Lac en personne vient crever la surface de l’étang devant lequel Gilles s’est agenouillé en prière, et s’approche langoureusement du chevalier pour lui rouler un bon gros patin. Déesse ou pas déesse, ce sont toutefois des manières de prédateur/rice sexuel.le, et Gilles décapite l’entreprenante couguar en hurlant « Mitou, hache dague balance ta gorre ! ». Claude, beaucoup plus vieux jeu que son maître, est d’abord horrifié de ce qu’il considère comme une horrible méprise, mais la transformation rapide qui frappe le cadavre de la « Dame », et révèle qu’elle tenait plus de la guenaude aquatique que de la pucelle romantique, le convainc bientôt que Gilles était dans son bon droit. Le mystère de Celliers est résolu pour de bon, et les deux compagnons peuvent prendre la route de Moreaux pour ajouter ce nouveau trophée au mur de la salle de billard du château. Lorsque Claude demande à son boss ce qui lui a fait comprendre qu’il y avait anguille sous roche, le chevalier répond que cette Dame n’avait pas les yeux marrons qu’une pure beauté bretonienne se doit d’avoir, comme toutes les légendes et chansons l’attestent. Ce qui est une raison valable, jusqu’à ce que l’écuyer rappelle à son maître que la Dame qui est apparue à son frère Léon avait les yeux verts, d’après les dires de ce dernier. Bref, c’est pas demain la veille qu’edgy Gilles va rencontrer son idole, moi je vous le dis…Fin spoiler

1 : En fait il n’a pas de nom de famille comme tous les paysans qui se respectent, mais comme son kif ultime c’est de se faire des capes de superhéros avec des couvertures, je crois qu’on peut l’appeler Blanket Man.

AVIS :

Robert Earl revisite le mythe du chevalier de la Quête avec une petite nouvelle qui montre que tout ce brille n’est pas forcément or. Si l’auteur nous gratifie d’un twist final digne de ce nom, il aurait à mon sens été bien inspiré de chercher à l’intégrer de manière convaincante dans le reste de son histoire. En l’état, la rencontre entre Gilles et la Dame de la Mare tient plus de la péripétie accidentelle que de la conclusion logique d’une intrigue bien construite, et tout ce qu’il s’est passé avant ce moment fatidique n’a, scénaristiquement parlant, servi à rien, ou à pas grand-chose. Je reconnais que les Bretonniens ne sont pas les protagonistes les plus faciles à mettre en scène de façon intéressante, leur noblesse et droiture intrinsèques ne laissant que peu d’opportunités à un auteur pour complexifier un peu le tableau de façon cohérente avec le fluff de la faction. On en a ici un bon exemple avec good guy Gilles, qui fait un protagoniste aussi mémorable que le Moxostoma anisurum moyen. Comme pour la quête du Graal, beaucoup d’appelés, mais peu d’élus.

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Portrait of my Undying Lady – G. Rennie :

INTRIGUE :

WFB_Portrait of my Undying LadyLe génial Giovanni Gottio, portraitiste reconnu mais un peu trop attaché à la représentation de la vérité crue et sans fard chez ses modèles pour son propre bien, est approché dans une taverne de Trantio par un généreux mécène, cherchant à le convaincre d’accepter une commission d’un genre un peu particulier. Malgré les trois pichets de vinasse royalement avancés par son interlocuteur, l’incorrigible Gottio, blessé dans son orgueil par l’accueil glacial que sa représentation de la femme de Lorenzo Lupo a reçu de la part de son commanditaire, refuse avec emphase d’accepter cette commande et tire sa révérence avec toute l’élégance permise par une cuite au gros rouge. Il est cependant difficile de refuser la proposition d’un Vampire quand on fait un mètre cinquante, avec un petit bedon et 3 grammes d’alcool dans le sang, comme l’immense Gottio ne tarde pas à le découvrir à ses dépends. Ramené manu militari par son nouveau meilleur ami (Mariato) jusqu’à son véhicule de fonction, le peintre sombre dans l’inconscience avant que le fiacre n’arrive à destination.

Se réveillant à l’intérieur d’une villa de campagne des environs de Trantio passablement délabrée, l’illustre Gottio est conduit jusqu’à celle qui va devenir sa muse, de gré ou de force : Dame Khemalla de Lahmia. Comme son titre, sa pâleur morbide et les nombreux portraits d’elle peints par des artistes ayant vécus il y a des siècles l’indiquent, Khemalla est une Vampire, dont l’un des vices les plus innocents est de se faire peindre par les maîtres de chaque époque, afin de pallier à son incapacité d’utiliser un miroir. Cela l’aide à ne pas sombrer dans la folie sanguinaire qui guette les buveurs de sang les plus vénérables, comme elle révèle sans ambages à son hôte. N’ayant pas d’autres choix que de s’exécuter sous peine de l’être, l’incomparable Gottio se met au travail pour accoucher de sa meilleure ou de sa dernière œuvre, comme il le remarque sombrement.

Au cours des nuits suivantes, notre héros va peu à peu découvrir la réalité, pas forcément toujours glamour, d’une cour vampirique. En plus de devoir squatter une demeure abandonnée, et donc franchement insalubre sur les bords, il doit s’habituer au rythme décalé auquel vivent ses geôliers, les bruits de succion persistants qui résonnent près de sa cellule, les ballets de chauves souris géantes jusqu’à pas d’heure, ou encore les interruptions brutales de sessions pour cause de vendettas contre une autre lignée. Pire que tout, l’époustouflant Gottio se fait carrément menacer par cette fouine de Mariato, très jaloux de l’intérêt que sa maîtresse porte au scribouillard. Il aurait dû apprendre à dessiner au lieu de menacer gratuitement son prochain ceci dit, car peu de temps après que l’extraordinaire(ment effrayé) Gottio ait balancé son camarade à Khemalla, Mariato devient boursier (c’est-à-dire que l’insondable Gottio trouve ses cendres à l’intérieur d’une bourse glissée sous son lit). Le harcèlement professionnel, c’est un vrai sujet chez les Lahmianes apparemment.

Enfin, la toile est complétée et l’exténué Gottio peut la présenter à sa commanditaire, qui s’apprête à partir pour des cieux plus cléments. Satisfaite du travail de son invisonnier, elle lui remet une coquette somme en dédommagement de ses services, ainsi qu’un élixir de longue vie dans la dernière coupe qu’ils partagent avant le départ de l’une et le coma de l’autre. De retour dans son gourbi minable par l’opération du sang esprit, le miraculé Gottio se découvre une nouvelle jeunesse grâce au tonique à l’hémoglobine de Dame Khemalla, et entreprend de mettre un peu d’ordre dans sa vie pour permettre à son talent d’être reconnu comme il se doit. C’est ce qui s’appelle être en veine.

AVIS :

Gordon Rennie s’autorise une aventure extra Zavantale avec ‘Portrait of My Undying Lady’, mettant en scène la Némésis du sage détective d’Altdorf, Dame Khemalla, dans un huis clos où elle n’apparaît pas comme la maléfique éminence grise de service (pour changer). Cette petite nouvelle, si elle ne s’avère pas spécialement rythmée ou palpitante, et n’apporte rien à l’arc narratif de Zavant en tant que tel, se laisse toutefois lire sans problème, et a le bon goût de comporter quelques détails fluffiques qui pourront intéresser les plus curieux des lecteurs. Un amuse-gueule littéraire tout à fait convenable, en quelque sorte.

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The Seventh Boon – M. Scanlon :

INTRIGUE :

WFB_The Seventh BoonL’ambiance est pesante dans l’orphelinat Notre Dame Shallya du Cœur Béni de Marienburg, dont les petits pensionnaires sont amenés par douzaines devant un couple de riches notables, Herr et Frau Forst, à la recherche d’un petit animal de compagnie mignon pour bien paraître en société. C’est toutefois l’avis de la brave sœur Altruda après plusieurs heures de « casting » infructueuses, la jeune Madame Forst (Greta) se montrant aussi exigeante que vague sur les qualités recherchées de son futur héritier. Son mari étant un des bienfaiteurs principaux de l’établissement depuis de nombreuses années, Altruda est toutefois toute disposée à laisser Greta épuiser ses stocks d’enfants abandonnés, jusqu’à ce que, miracle, elle jette son dévolu sur un garçon de huit ans aussi mutique qu’innocent. L’affaire étant entendue, les époux Frost repartent en calèche avec leur acquisition artistiquement emballée dans une pochette cadeau, petit geste commercial réservé aux membres du club Platinum.

Il s’avère rapidement que cette adoption n’a pas grand-chose de désintéressée, et que si Gunther Forst a laissé sa femme jouer le premier rôle auprès de Sœur Altruda, c’est bien lui qui a planifié l’opération Marine1. Notre homme est en effet sous ses abords respectables un cultiste chaotique accompli, dont les activités interlopes nécessiteront dans un futur très proche un être à la pureté irréprochable, et certainement pas pour répondre à des questions de Steve Harvey, croyez-moi. Comme même à Marienburg, un homme célibataire de quarante ans ne peut pas adopter un gamin des rues sans que cela ne fasse jaser, et que Gunther tient absolument à ne pas attirer l’attention sur sa précieuse personne, il a embauché les services de Greta, prosti…sane de son état, pour jouer le rôle de sa tendre moitié et ainsi détourner les soupçons des nonnes. Cette mascarade tarifée prend brutalement fin lorsque le fiacre dans lequel le trio a pris place est arrêté par deux malfrats, dont l’un se révèle être le souteneur de Greta. Ayant compris que l’enfant soigneusement sélectionné par sa complice avait une valeur certaine sur le marché noir, le dénommé Ruprecht ne reculera pas devant un meurtre de sang froid pour s’emparer de la marchandise, mais c’est sans compter les talents de Gunther au couteau. Aussi efficace avec sa lame, tant au corps à corps qu’à distance, que Filthy Harald en personne, Herr Forst règle leur affaire aux malfrats, avant de repartir en petites foulées vers sa destination, son sidekick sur le dos. Une fin méritée pour ces trafiquants d’êtres humains en puissance, si vous voulez mon avis.

La caméra se braque ensuite sur les décombres des Six Couronnes, autrefois taverne fréquentée par les individus les plus louches de Marienburg et des environs, et désormais ruines abandonnées à la suite d’un malheureux incendie. Alors que Gunther se prépare à réaliser un rituel à l’importance cruciale tandis que son petit compagnon se gave de bonbons bourrés de somnifères (ça vaut mieux pour lui), on en apprend plus sur le passif et les motivations de notre héros.

Il y a de cela 150 ans, Gunther se rendit à un rencard très particulier à ce même endroit, et fit la rencontre de Samael, Prince Démon de Slaanesh undercover et collectionneur d’âmes patenté. Obsédé par l’atteinte de l’immortalité, Gunther était prêt à se séparer de son essence en échange de la vie éternelle que seul un puissant Démon tel que Samael était en mesure de lui accorder. Au bout d’une négociation serrée, les deux larrons tombèrent d’accord sur un deal satisfaisant tout le monde : à Gunther sept fois 25 ans de non-sénescence2, à Samael l’exaucement de sept faveurs pas trop compliquées par son associé mortel, et la pleine propriété de l’âme de ce dernier une fois le contrat terminé3. Ce petit arrangement tint pendant de nombreuses années, mais à l’approche de son septième et ultime rendez-vous intermédiaire avec son protecteur, le prudent Gunther se rendit compte que ce dernier allait probablement essayer de l’empapaouter dès la réalisation de sa septième requête, et récupérer ainsi son dû avant que les vingt-cinq dernières années prévues au contrat ne s’écoulent. Après tout, les Démons ne sont pas connus pour être les créatures les plus réglos qui soient (à l’exception de ceux de Solkan bien sûr).

Fort heureusement, un siècle et demi est plus que suffisant pour peaufiner ses connaissances ésotériques, et Gunther a eu tout loisir de dénicher dans d’antiques grimoires une solution à son problème existantiel (littéralement). Pour la faire simple, son plan consiste à piéger Samael entre deux cercles de conjuration, et à renvoyer le Démon patienter mille ans dans le Warp grâce à une balle enchantée et ointe du sang d’un être à la pureté absolue (pléonasme, vous me direz). Lorsque le ponctuel Samael se présente sur le lieu du rendez-vous à minuit précise, Gunther est prêt à le recevoir comme il se doit…

Début spoiler…Si la première partie de son stratagème se réalise sans anicroche, Sam se retrouvant coincé entre un graffiti magique et une mini douve d’eau bénite, le sacrifice du frêle enfançon ne se passe pas comme prévu. L’orphelin mutique était en effet une Démonette déguisée, un être à la pureté irréprochable si l’on se réfère au 2) de la définition du Petit Larousse, et pas au 3) comme Gunther l’a fait. Le tête à tête entre le cultiste dupé et le Démon mineur se termine de façon expéditive et définitive pour le pauvre M. Forst, qui aurait dû se douter qu’on n’arnaque pas si facilement une créature millénaire. Son grand œuvre ne reste toutefois pas inachevé, Samael utilisant le sang de sa créature pour terminer la réalisation de la balle dem-dem, car après tout, ce genre de munition peut s’avérer précieuse…Fin spoiler

1 : Comme Marine Lorphelin. J’espère que vous l’aviez.
2 : Comme le fait remarquer justement Samael, des cas de forces majeures peuvent s’appliquer.
3 : Je sais ce que vous vous dîtes : ça aurait été plus fluff pour un Prince Démon de Slaanesh de partir sur une base six plutôt qu’une base sept. Mais les temps sont durs, ma pauvre dame…

AVIS :

De toutes les nouvelles mettant en scène un pacte ou une invocation démoniaque (et les conséquences souvent hilarantes, salissantes et/ou catastrophiques qui en découlent) que la GW-Fiction nous a proposé au fil des années, ‘The Seventh Boon’ est sans doute l’une des plus réussies. Mitchel Scanlon met en scène de manière habile ce jeu de dupes entre un homme prêt à tout et un Démon faussement débonnaire, avec suffisamment de rebondissements (mention spéciale à cet échange, qui joue habilement avec les codes du pacte démoniaque) et de suspens1 pour garder l’intérêt du lecteur du début jusqu’à la fin. Chose appréciable, Scanlon se permet également quelques ajouts fluffiques qui, s’ils ne révolutionneront pas la face du Vieux Monde, méritent la lecture pour quiconque s’intéresse à ce genre de choses. A real boon.

1 : Et de mots savants pour enrichir le vocabulaire de son public. Je ne savais pas ce qu’était un trocart jusqu’à aujourd’hui, je le reconnais humblement.

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Rattenkrieg– R. Earl :

INTRIGUE :

WFB_RattenkriegUn vieux Prêtre de Morr fan de jardinage et ami des petits oiseaux voit sa paisible retraite interrompue en pleine nuit par l’arrivée d’un visiteur imprévu. Sous ses abords de clochard odoriférant et plus qu’à moitié fou, le nouveau venu se révèle être un Capitaine mercenaire du nom d’Otto van Delft, ayant fait de la dératisation sa spécialité et son gagne-pain. Ereinté par les épreuves qu’il a traversé au cours des derniers jours, le chien de guerre accepte volontiers la soirée boutanche et anecdotes que lui propose l’aimable ecclésiastique pour apaiser son âme troublée. Nous voilà donc plongés dans le Rattenkrieg, ou guerre contre les rats pour ceux qui n’ont ni fait allemand au collège, ni joué à Return to Castle Wolfenstein, menée par la cité impériale de Magdeburg contre ses voisins du dessous.

La casus belli était tout à fait respectable, reconnaissons-le, la jeune et blonde fille du Bourgmestre de la ville, Freda (son papa s’appelle Gottlieb, by the way) s’étant fait enlever par une bande de Coureurs d’Egouts ayant creusé un tunnel jusqu’à dans l’armoire de sa chambre, au nez et à la barbe moustache de son paternel, trop occupé à s’envoyer la jeune fille au pair pour prêter attention aux crises de terreur nocturne de sa chérubine. Déterminé à la retrouver, Gottlieb engagea un expert en dératisation pour aider sa milice à purger les terriers des envahissantes bestioles, ce qui se passa plutôt bien au début. Avec le recul, Otto réalise que cela aurait dû lui mettre la puce à l’oreille, mais pour une fois qu’une expédition dans les souterrains ne se termine pas en eau de boudin au bout de deux heures, pourquoi s’en plaindre, hein ?

D’autres indices incriminants a posteriori furent les cartes très détaillées des galeries Skaven que Gottlieb parvint on ne sait trop comment à fournir à ses hommes, leur permettant de nettoyer plusieurs colonies mineures avec une facilité insolente. Confrontés à rien de plus méchant qu’une meute d’Esclaves à moitié moribonds, Otto et ses miliciens remportèrent leurs premières escarmouches sans coup férir, mais ce n’était malheureusement qu’un gigantesque traquenard mis en place par un ennemi beaucoup trop sournois pour notre brave Capitaine. La bascule eut lieu lorsqu’un de ses lieutenants, Krinvaller, fut retrouvé seul et à l’agonie dans une galerie, serrant dans ses poings une des précieuses cartes utilisées par les impériaux. Le corps dévoré par les poisons utilisés par les Assassins lui ayant planté un surin entre les côtes quelques instants plus tôt, Krinvaller délivra un message incohérent à son supérieur, l’avertissant de l’échec de leur mini croisade et le suppliant d’empêcher Gottlieb de consulter ces fameuses cartes. Otto n’eut pas le temps de se creuser la tête sur ce message cryptique avant qu’une nouvelle attaque ne se produise, celle-ci menée par des Vermines de Choc. Malgré les ravages causés par le tromblon custom de notre héros (affectueusement surnommé Gudrun), l’affrontement se transforma rapidement en débandade échevelée, les humains étant canalisés par leurs adversaires jusqu’à une chambre souterraine afin de permettre l’utilisation de lance-feu dans des conditions optimales.

Fort heureusement, le joueur Skaven fit une série d’incidents de tir au moment de lancer les dés de touche, causant plus de dégâts parmi les Guerriers des Clans amassés pour le son et lumière promis par leur Technomage et à la structure de la caverne qu’aux quelques miliciens encore debout à ce stade avancé de la déroute impériale. L’éboulement qui s’en suivit força les deux camps à stopper les hostilités, au moins temporairement, et si Otto parvint à s’extirper par miracle des décombres et à regagner la surface, aucun de ses compagnons ne fut aussi chanceux.

Cela n’empêche pas le Capitaine déterré et déterminé de repartir aussi sec vers Magdeburg une fois son récit et la bouteille de gnôle du Prêtre terminés. Bien que sa réputation soit aussi ruinée que sa garde-robe, nous avons affaire à un professionnel, qui utilisera toutes ses ressources et ses dernières forces à mener à bien sa mission. C’est beau. La détestation qu’il voue à la noble race anthropomurine n’a en outre qu’été renforcée par la réalisation de la manipulation dont il a fait l’objet, les cartes lui ayant été remises ayant guidé ses forces vers trois clans mineurs, dont l’extermination a fait les affaires d’un quatrième clan, ayant probablement tout manigancé depuis le départ. Et à ce propos…

Début spoiler…Le vieux Prêtre ne tarde pas à comprendre pourquoi son hôte lui a laissé ses cartes au moment de partir. Un examen approfondi de ces dernières permet en effet d’établir sans l’ombre d’un doute qu’elles ont été faites avec de la peau humaine, et très probablement celle de la pauvre Freda, dont l’enlèvement a déclenché la malheureuse Rattenkrieg. Ou comment joindre l’utile à l’agréable, Skaven style…Fin spoiler

AVIS :

Robert Earl fait partie des auteurs de la BL maîtrisant particulièrement bien la mise en scène de l’insidieuse menace Skaven dans leurs écrits (je place C. L. Werner dans cette même catégorie), et il le démontre dans ce ‘Rattenkrieg’ efficace et atmosphérique. Plutôt que de nous abreuver d’une litanie de scènes d’actions sanguinolentes, il fait le choix de relater cette campagne condamnée dès sa première heure à travers une série de flashbacks, ce qui lui permet de couvrir tous les événements marquants de cet affrontement souterrain d’une manière concise et prenante. La petite révélation finale, si elle n’approche pas grand-chose à l’intrigue à ce stade, est une addition narrative bien trouvée, soulignant avec à propos à quel point les Skavens sont infréquentables. La seule chose que je peux reprocher à cette histoire est l’importance un peu trop grande accordée à des personnages qui finalement ne servent pas à grand-chose dans le déroulé du récit, qu’il s’agisse du Prêtre de Morr (qui bénéficie de sa petite scène d’introduction « au jardin », pas très utile à mes yeux) ou du lieutenant Gunter, qui disparait purement et simplement de la nouvelle à un certain moment.

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Tales of Tragedy & Darkness

Mormacar’s Lament – C. Pramas :

INTRIGUE :

WFB_Mormacar's LamentFait prisonnier par les Elfes Noirs au cours d’une mission d’infiltration à Naggaroth, le Guerrier Fantôme Mormacar profite de l’effondrement d’une galerie dans la mine où il était retenu comme esclave pour se faire la malle, accompagné d’un barbare de Norsca. Leur but est de rallier Arnheim, tête de pont des Hauts Elfes en territoire Druchii, en empruntant le dédale de souterrains s’étendant sous les fondations de Hag Graef. Il leur faudra pour cela se frayer un chemin dans les profondeurs glacées et hostiles de la terre du grand froid, en évitant les patrouilles elfes noires, les expéditions hommes-lézards (eh oui, ils ont dû prendre la mauvaise sortie sur l’autoroute) et les formes de vie les plus agressives de l’écosystème local. Bref, une véritable promenade de santé.

AVIS :

Chris Pramas nous sert un honnête récit d’évasion et d’aventure, dont l’intérêt vient autant du cadre exotique dans lequel il situe son propos que de la vision très sombre qu’à l’auteur du monde de Warhammer1, dans la droite ligne du background officiel. Sans être particulièrement mémorable le duo Mormacar – Einar (le nordique) fonctionne assez correctement, le « choc des cultures » des premières pages se transformant comme de juste en collaboration sincère, puis en amitié réelle.

On peut par contre regretter que les antagonistes, et en particulier le personnage de Lady Bela, sorcière ayant un gros faible pour le cuir et les cravaches, n’aient pas été plus développés, Pramas assurant le service minimum en matière de cruauté et de sadisme druchii. Il y avait sans doute moyen de faire mieux, et de relever du même coup le niveau général de la nouvelle, qui de sympathique aurait pu passer à remarquable.

En résumé, ‘Mormacar’s Lament’ est une soumission sérieuse et d’assez bonne facture, mais dont les « finitions » auraient gagné à être davantage travaillées par l’auteur.

1 : C’est une constante chez Pramas : les héros de ses nouvelles finissent toujours très mal.

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The Chaos Beneath – M. Brendan :

INTRIGUE :

WFB_The Chaos BeneathÀ la suite d’une cérémonie d’invocation quelque peu salopée par des cultistes amateurs, un Prince Démon de Tzeentch se retrouve coincé dans le corps d’un hôte mort. Assumant l’identité du cadavre qu’il habite, c’est-à-dire celle d’Obediah Cain, chasseur de sorcières un brin malchanceux, le démon convainc Michael de La Lune (si si), apprenti sorcier fraîchement renvoyé du Collège de Magie de Marienburg pour manque d’aptitudes à l’exercice des arts occultes, de lui rapporter une copie du 3ème Tome du Liber Nagash. Cette dernière repose en effet dans une bibliothèque du Collège, protégée par de puissants enchantements que le Prince Démon n’est pas en mesure de briser en son état actuel. Michael va-t-il s’apercevoir des noirs desseins poursuivis par son acolyte avant qu’il ne soit trop tard ?

AVIS :

Encore une déclinaison sur le thème de l’objet magique maléfique que le héros doit rapporter au méchant à son insu. ‘The Chaos Beneath’ n’est donc pas la nouvelle la plus originale de la Black Library, ni la mieux écrite d’ailleurs : que peut-on donc avancer afin de justifier sa lecture ? Pour être tout à fait honnête, pas grand-chose si ce n’est le ton assez léger employé par Brendan, transformant du même coup le Prince Démon en méchant de cartoon plutôt qu’en implacable antagoniste. Ajoutez une pincée de fluff, et vous aurez fait le tour de tous les points forts de ‘The Chaos Beneath‘. Ce qui ne fait pas lourd, je vous l’accorde.

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Wolf in the Fold – B. Chessell :

INTRIGUE :

WFB_Wolf in the FoldLe sommeil de l’Archidiacre Kaslain de Nuln est interrompu en pleine nuit par l’arrivée impromptue d’un visiteur de marque, venu chercher l’absolution que seul un haut prêtre de Sigmar peut conférer. Mortellement blessé, l’assassin légendaire connu comme la Guêpe Tiléenne (Tilean Wasp) se vide de son sang dans les appartements privés du prélat, dédiant ses derniers instants au récit du seul crime de sa longue carrière pour lequel il éprouve le besoin de se confesser : l’assassinat d’un prêtre.

AVIS :

Si l’histoire narrée par Ben Chessell dans ‘Wolf in the Fold’ n’est pas aussi aboutie que son ‘Hatred‘, et que la conclusion de cette courte nouvelle ne s’avère pas être une grande surprise, sa lecture n’en est pas moins agréable, et ce pour deux raisons principales.

La première, c’est l’audace manifestée par ce novice de la Black Library, qui pour sa deuxième soumission, s’offre le privilège de tuer un personnage nommé (l’archilecteur Kaslain, abordé dans les Livres Armées de l’Empire – c’est était un électeur impérial – et dans quelques suppléments du jeu de rôle). Bon, d’accord, il ne s’agissait pas vraiment d’une figure de premier plan du fluff, mais tout de même.

La seconde, et la plus importante à mes yeux, c’est le complet changement de style opéré par Chessell entre ‘Hatred’ et ‘Wolf in the Fold’, sans que ses talents de conteur ne pâtissent de cette transformation. La grande majorité des auteurs de la BL ayant une patte facilement identifiable (pour le meilleur ou le pire) et abordant toujours leur sujet avec le même angle d’attaque, il est remarquable qu’une plume de cette auguste maison soit d’une « agilité » littéraire suffisante pour proposer deux récits si différents l’un de l’autre que l’on aurait pu sans mal les attribuer à deux contributeurs distincts. Si ‘Hatred‘ possédait une ambiance mélancolique et désincarnée, ‘Wolf in the Fold’ se caractérise au contraire par un style riche et un goût prononcé pour le détail, assez proche dans l’esprit de celui de Brian Craig.

En conclusion, une autre excellente livraison de la part de Ben Chessell, dont la très courte carrière au sein de la Black Library apparaît décidément comme une de ces injustices dont la vie a le secret.

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The Blessed Ones – R. Kellock :

INTRIGUE :

Truand minable, Jurgen Kuhnslieb se voit forcer d’accepter une mission un peu particulière afin de pouvoir rembourser les nombreuses dettes de jeu qu’il a contractées. Chargé par un jeune noble décadent de voler un tableau dont son propriétaire ne souhaite pas se séparer, Jurgen va rapidement se rendre compte qu’il s’est empêtré dans une affaire aux proportions insoupçonnées, et que ses employeurs ne sont pas du genre à laisser un cambrioleur à la petite semaine se mettre en travers de leur chemin.

AVIS :

‘The Blessed Ones’ aurait sans doute gagné à être développé en « moyen format » (50 – 100 pages), plutôt que de se retrouver confiné à la vingtaine de pages de sa version définitive. La banalité de l’intrigue proposée par Rani Kellock, cousue de fil blanc et à la conclusion courue d’avance dès les premières lignes1, aurait pu ainsi être compensée par la mise en place d’une ambiance réellement oppressante, soulignant la traque impitoyable dont Jurgen fait l’objet de la part de ses clients. L’instillation d’une atmosphère de roman noir ne pouvant se faire que sur la durée, la relative brièveté de la nouvelle de Kellock ne lui a pas permis de parvenir à un résultat concluant, ce qui s’avère au final être assez dommageable.

1 : C’est bien simple, si un riche notable engage une petite frappe pour récupérer un artefact d’un genre un peu spécial, il y a environ 143,87% de chances que le commanditaire se révèle être un cultiste du Chaos/nécromancien/membre d’une organisation secrète.

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Dead Man’s Hand – N. Kyme :

INTRIGUE :

Dans une geôle humide et froide d’une forteresse du Stirland profond, un prisonnier patibulaire parvient à fausser compagnie à ses gardes en s’échappant par les égouts. Bien que se sachant recherché, notre homme prend le temps de marquer les cadavres des infortunés matons ayant croisé sa route avec un signe de scarabée, ce qui ne lui sert absolument à rien mais permettra à l’intrigue de tenir à peu près la route, donc merci bonhomme (Krieger de son patronyme), tu gères. Ce sinistre individu prend la route de la ville de Galstadt, où Kyme nous apprend qu’il va pouvoir mettre à exécution sa VENGEANCE vengeresse. Quel suspens mes aïeux.

On passe ensuite à l’introduction de nos héros, la bande de Templiers de Morr du Capitaine Reiner, déjà croisée dans ‘As Dead as Flesh’. Les chevaliers ont été chargés par leur hiérarchie de seconder un Chasseur de Sorcières sigmarite (Dieter Lenchard) dans une mission dont la teneur est restée secrète. On peut dire que le respect est Morr. Lenchard était chargé d’interroger puis d’exécuter Krieger pour hérésie, mais sa disparition prématurée vient plomber le mood de la journée. L’ambiance était de toute façon assez lourde chez les Men in Black, Reiner détestant tout le monde de base et soupçonnant sa plus jeune recrue, Mikael, de lui avoir caché les visions prophétiques que ce dernier a effectivement eu au précédent épisode. Après une petite séance de spiritisme menée par le prêtre guerrier de la bande (Sigson), qui fait office de légiste et medium, la troupe prend elle aussi le chemin de Galstadt sur l’ordre de Lenchard, qui semble avoir une idée précise de ce que recherche le fugitif, mais sans évidemment juger bon de s’en ouvrir à ses gardes du corps.

Dans la cité en question, deux événements majeurs prennent place en simultané : uno, le Comte local, Gunther Halstein, revient d’une expédition menée au Pays des Morts (aussi appelé Nehekhara) en compagnie des chevaliers du Cœur Ardent, d’où il a ramené une mystérieuse relique qu’il s’empresse de faire mettre sous clé, ainsi qu’une sale blessure non cicatrisée et probablement mortelle à moyen terme, héritée de ce gredin de Krieger. Deuzio, la rivière locale menace d’entrer en crue, ce qui ne sert pas à grand-chose au final à part permettre à Kyme de faire courir sa petite ménagerie de personnages entre la caserne et le lieu où les PNJ cherchent à endiguer l’impétueux torrent. Parler des risques physiques dès 2007, il fallait être précurseur. Bravo Nick Kyme.

Comme on pouvait s’en douter, les Templiers de Morr ne mettent pas longtemps à rencontrer Halstein et sa clique, et le résultat fait des étincelles. Non pas que cette assemblée d’augustes personnages parviennent à faire la lumière sur les agissements de Krieger, qui s’amuse à trucider des troufions pendant que les vrais héros vaquent à leurs occupations, mais plutôt que les deux factions manquent de se mettre sur le heaume dès qu’ils s’adressent la parole. Je ne savais pas que les ordres de chevalerie de l’Empire souffraient d’Animosité, mais on en apprend tous les jours.

Après quelques péripéties très dispensables, on finit par y voir un peu plus clair : la relique ramenée par Gunther Halstein n’est autre que Falken Halstein, son propre père, qui disparut dans le grand Sud il y a des années après avoir occis le Roi des Tombes Setti-Ra (rien à voir avec Settra, bien sûr). Le hic est que 7-I avait des fans, le culte des Scarabées (appelé ainsi parce que ses membres fondateurs se nomment John, Paul, George et Ringo), persuadés que leur idole peut être ressuscitée par un rituel qui nécessite le cœur du vainqueur du grand roi. Ou à défaut, celui de son héritier. Donc Gunther. Sauf que Setti-Ra a pris les devants, et possédé le cadavre de Falken Halstein. Et c’est en fait lui qui est responsable des morts suspectes qui s’accumulent depuis le retour de l’expédition, et pas ce gredin de Krieger (lui aussi un petit Scarabée), qui d’ailleurs se fait étrangler par son patron sur un affreux malentendu et sans que Kyme se donne la peine de mettre la mort de son personnage principal (jusqu’ici) en scène. Tout cela est d’une limpidité absolue.

Au final, et comme attendu, l’histoire se règle par une baston classique entre les Templiers de Morr, Lenchard et Halstein d’un côté, et Setti-Ra Halstein de l’autre. Pour équilibrer un peu les débats, Kyme donne à la momie 7 en Force et 8 en Endurance, ce qui permet de faire durer le match quelques pages, jusqu’à ce qu’une habile combinaison tapisserie enrouleuse + torche enflammée vienne à bout du revenant. Tout est bien qui finit bien ?

Début spoiler…EH NON. Je ne sais pas pourquoi j’utilise un spoiler pour ça, c’est faire trop d’honneur à cette histoire navrante, mais comme il s’agit techniquement d’un twist final, je vais jouer le jeu. Il s’avère donc que les Scarabées étaient venus au nombre démentiel de deux, dont un gus qui s’était déguisé en prêtre mendiant aveugle, et qui profite de la crédulité et de la dévotion du Comte Halstein pour lui tomber sur le râble et lui voler le cœur après s’être proposé de bénir les cendres paternelles. Ce qui veut dire que Setti-Ra va pouvoir être ressuscité <gasp>. Comme Lenchard ne veut absolument pas que cela se produise pour une raison qui ne sera jamais révélée ici, la nouvelle se termine sur le départ en trombe des Morrons de Galstadt, dans l’espoir de rattraper le dernier cultiste avant qu’il ne soit trop tard. C’est ce qui s’appelle prendre sa mission très à cœur. Mouarf.Fin spoiler

AVIS :

Dans la droite lignée de ‘As Dead as Flesh’, dont cette nouvelle prend la suite directe, Nick Kyme nous sert une nouvelle se voulant être un whodunit à la sauce impériale, mais qui se révèle être un enchaînement de péripéties oscillant entre le suranné et l’incohérence. Une fois encore, le propos pâtit d’un trop grand nombre de personnages, dont seuls quelques-uns parviennent à faire suffisamment impression au lecteur pour que ce dernier parvienne à les resituer dans le récit au fil de leur apparition, et souvent pour des mauvaises raisons. Entre Reiner et Lenchard qui se disputent le titre de Mister Connard, Mikael qui a toujours peur de son ombre et essaie de son mieux d’imiter Brin Milo1 sans susciter autre chose que de la crispation, Gunther et son armée de chevaliers interchangeables, ou les Templiers de Morr qui pourraient aussi bien s’appeler « Grokosto », « Jumeaux » et « Vieussage » sans perdre une once de personnalité, c’est un festival de têtes à claque auquel on a droit ici. Et quand l’intrigue part en roue libre (j’ai un antagoniste qui est le personnage le plus important de l’histoire… jusqu’à ce qu’il se fasse buter hors champ et qu’on en parle plus jamais) et que l’action devient confuse (baston dans la crypte où tout le monde sort/entre/tombe/court en même temps), difficile d’éprouver de la bienveillance pour la prose du (à l’époque) jeune Kyme. Comme notre homme a fait encore pire en son temps, et que ces travaux-là avaient au moins le bon goût d’être totalement nanaresques (et donc beaucoup plus drôle), on peut tout à fait s’épargner la lecture de ‘Dead Man’s Hand’ et se concentrer sur le meilleur du pire (ou l’inverse) de cet auteur. Ou lire des bons bouquins. Ça marche aussi ?

1 : Un personnage des ‘Fantômes de Gaunt’ (Dan Abnett, 40K), qui se découvre lui aussi des pouvoirs de divination bien utiles pour l’intrigue, mais dangereux pour sa survie.

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Tales of Death & Corruption

Shyi-Zar – D. Abnett :

INTRIGUE :

La Fin des Temps se prépare doucement mais sûrement dans le grand Nord du Vieux Monde, et les clans des tribus nomades se rassemblent dans la steppe au sortir de l’hiver afin de descendre souffler dans les bronches de Karlito France, sous la houlette du Haut Zar Surtha Lenk. Si participer à une invasion chaotique est déjà une chance et un privilège pour tous les Kurgans, Dolgans et autres Gospodars vivants à cette époque remarquable, certains visent encore plus haut, et tant pis pour l’adage de Pierre de Coubertin. C’est le cas du Zar Karthos, qui malgré son nombre limité de followers (dix guerriers, un sorcier et une chèvre), décide après avoir reçu le feu vert de son chaman, de déposer sa candidature au The Voice chaotique : l’élévation au rang de Shyi-Zar.

Sur le chemin de la cérémonie, présidée par Lenk en personne, Karthos croise la route de vieilles connaissances, certaines amicales et d’autres hostiles, comme le Zar Blayda et son tempérament de petite frappe. Ce blédard de Blayda a aussi mis son nom dans le Gobelet de Feu, ce qui en fait un rival officiel de notre héros. L’épreuve qui est proposée aux candidats est d’une simplicité élégante : Surtha Lenk sort une griffe de fort belle taille de sa boîte à rabiots, et promet le job à quiconque parviendra à lui ramener une copie conforme (sans doute pour terminer une conversion ambitieuse en vue du prochain Golden Demon). Sans plus d’indications sur quoi et où chercher, les impétrants s’égaient du campement principal dans toutes les directions, à la recherche d’indices ou d’inspiration.

Suivant les conseils de son sorcier (la chèvre était encore plus smart, mais elle n’est plus en état d’aider quiconque maintenant), Karthos entraîne sa bande de maraudeurs en direction du campement de Tehun Dudek, occupé par une communauté d’oracles. Ces derniers devraient être en mesure de donner aux baroudeurs de la pampa quelques tuyaux bien juteux et ainsi faciliter l’accomplissement de la quête de Surtha Lenk. Il s’avère rapidement que notre petite bande n’a pas été la seule à avoir cette idée, et comme elle a fait la grasse matinée au lieu de partir au petit jour, elle a été devancée par une partie de Dolgans dont le chef est un des candidats au titre de Shyi-Zar. Comme les Dolgans sont en train de massacrer les oracles au lieu de leur poser des questions, Karthos ordonne immédiatement la charge de la brigade légère, qui se solde par un 20 – 0 des familles. Si ce n’est pas un signe que Tzeentch favorise notre héros, je ne sais pas ce que c’est.

Après une longue et fumeuse discussion avec les oracles survivants, le mystère sur l’origine de la bête recherchée par les traqueurs est levé. Il s’agit d’une griffe de… griffon (ça donne mieux en anglais, faut le reconnaître). Le hic est que cette créature, aussi appelée annonciateur par les Kurgans, qui croient que sa venue présage de grands événements, est tenue pour sacrée par les tribus du grand Nord, ce qui fait d’abord craindre à Karthos que ses suivants crient au blasphème et refusent de l’épauler. Fort heureusement, le chef réussit son jet de charisme et aucun de ses guerriers ne fait défection, ce qui lui permet d’accéder au niveau final de sa quête avec une équipe complète.

Et ce support n’est pas de trop, car le spécimen sur lequel nos braves barbares tombent présente un fort beau gabarit ainsi qu’un caractère peu facile. Au terme d’un combat bien plus accroché que l’empoignade avec les Dolgans (quatre morts dans la Karteam tout de même), les maraudeurs terrassent l’acariâtre volatile, ce qui permet à Karthos de repartir en direction du campement tribal avec la griffe tant désirée. Les survivants croisent Blayda et ses loubards sur le chemin du retour, mais le rival de notre héros est suffisamment fair play pour ne pas tirer parti des plaies et des bosses de ses concurrents pour leur arracher le vif d’or. C’est tout à son honneur. Une fois rendu sur place, Karthos se présente devant Surtha Lenk et demande à ce que la récompense promise lui soit remise…

Début spoiler…Ce qui consiste à être sacrifié avec sa bande pour servir de wingmen au Haut Zar auprès des Dieux du Chaos, au cas où l’invasion de l’Empire se passerait mal pour lui. Et il paraît que c’est un grand honneur chez les Kurgan ? Très peu pour moi. La nouvelle se termine donc sur la vision du cadavre Karthos et de ses hommes, disposés comme s’ils partaient à cheval en direction de l’Est, afin de préparer l’arrivée de Surtha Lenk dans l’au-delà. J’espère qu’on leur paie les heures sup’.Fin spoiler

AVIS :

Vous reprendrez bien un peu de ‘Riders of the Dead’ ? ‘Shyi-Zar’ se présente en effet comme un complément et préquel (comme la présence de ce bon vieux Blayda, également présent dans le roman susnommé) du bouquin consacré par Dan Abnett aux prémisses de la Tempête du Chaos, et la magie de conteur de Papa Gaunt agit encore une fois. C’est tout à la fois prenant, exotique, violent, cruel et mystique, généreusement garni en fluff et très bien construit d’un point de vue narratif : bref une masterclass en bonne et due forme de la part d’Abnett, pour ce qui a été l’un des derniers textes qu’il ait écrit pour Warhammer Fantasy Battle. On peut s’accorder à dire qu’il a réussi sa sortie.

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Tybalt’s Quest – G. Thorpe :

INTRIGUE :

WFB_Tybalt's QuestDans le brouillard brumeux d’une nuit nocturne, le noble chevalier Tybalt se rend en direction d’un cimetière de tombes, accomplissant ainsi le désir de volonté d’un fantôme spectral lui étant apparu dans ses rêves oniriques… Hum. Je pourrais continuer longtemps comme ça, mais les plaisanteries les plus courtes étant les moins longues, nous allons repasser sur une narration un peu moins lourdement pesante. Merci Gav. Ayant passé plusieurs longues minutes, et autant de pages, à attacher son cheval à un piquet, ouvrir la grille du cimetière, trébucher sur un rat, et occire un pauvre sanglier innocent qui passait seulement dans le coin1, Tyty finit enfin par arriver jusqu’à la crypte où repose le Duc de Laroche, qui lui a demandé d’accourir en toute hâte pour combattre un terrible danger s’étant manifesté dans le cimetière de Moreux. Mais évidemment, ce gros troll de Laroche n’a pas pensé à se présenter ni à donner les coordonnées GPS de son mausolée au pauvre Tybalt, vous pensez bien. Un coup d’œil sur son blason a fait l’affaire, évidemment. Ce qui a conduit notre héros à perdre quatre mois à éplucher tous les registres d’héraldique à sa disposition pour finalement identifier les armes du brave (c’était un Graaleux, tout de même) Pierrot et localiser sa dernière demeure. Moi je dis que le fantôme aurait dû apparaître à un gueux livreur Deliveroo, l’affaire était pliée en 25 minutes. Menfin.

Une fois sur place, Tybalt est à nouveau visité par Laroche, posay comme jamay dans son petit pied à terre. Mis à part des tournures de phrases un peu rigolotes, le vioque se révèle être un hôte affable et charmant, qui avait juste besoin de trouver un champion de ce nom pour contrecarrer les plans d’un Nécromancien de bas niveau (puisqu’il n’a pas été foutu de lever une armée depuis l’envoi du SOS (du) fantôme…). Toujours cette histoire de quatre mois de latence, ça ne devrait pas mais ça m’énerve. Le cimetière de Moreux est en effet très spécial. En plus de servir d’ossuaire depuis des temps immémoriaux, il s’agit de l’endroit très précis où Gilles le Breton a reçu sa première vision de la Dame. On pouvait se demander ce qu’il faisait à camper dans un tel endroit pour commencer, mais ce serait une autre histoire. Toujours est-il que l’honneur de la Bretonnie impose que Tybalt empêche un pratiquant des arts noirs de souiller de sa présence et de sa nullité crasse ce monument historique classé au patrimoine imputrescible de l’humanité. Le jouvenceau n’est franchement pas chaud à l’idée de partir à la chasse d’un sorcier capable de relever les morts, seul dans un cimetière, mais Laroche ne lui laisse pas le choix. Il lui prête cependant son heaume enchanté et sa mirifique Résistance à la Magie (3) pour lui faciliter un peu la tâche.

La suite, cela ne vous surprendra guère, est consacrée à la « traque » du Nécromancien par Tybalt. Après une première rencontre pendant laquelle on a tout loisir d’admirer que la camelote de Laroche works just fine, et de réaliser que Tybalt est vraiment pathétique (il se fait sonner par un coup de bâton sur son heaume, donné par un vieillard boiteux d’un mètre cinquante), le preux chevalier erre un peu entre les tombes, repasse en mode facile avec une petite prière à la Dame (qui lui permet soudainement d’entendre les incantations du Nécromancien à 300 mètres), rencontre quatre squelettes animés dont il a le plus grand mal à se défaire, et finit par confronter enfin son affreuse Némésis, protégée par une puissante escorte de… six squelettes. Qui tombent en morceaux dès que Tybalt s’approche. On peut se demander pourquoi ça n’a pas fait la même chose pour les morts vivants précédents, mais la réponse est « on s’en fout ». S’en suit un dialogue relativement interminable (quand on le compare à la longueur de la nouvelle et à son intérêt intrinsèque), pendant lequel on apprend que si le Nécromancien était si méchant, c’est parce qu’il avait lui-même peur de la mort. On s’en fout là aussi, merci. Au bout du suspense, Tybalt finit par décapiter le maraud, ramener l’équilibre dans la Force et la paix dans le voisinage, et la nouvelle se termine avec l’ajout d’une nouvelle corvée d’utilité publique sur la to do list des vilains de Moreux : entretenir un peu mieux leur cimetière, décidément très mal fréquenté. Voilà qui ne va pas arranger le déficit des collectivités locales, c’est moi qui vous le dit.

1 : Il a aussi essayé de voir des sons. Sans succès.

AVIS :

Gav Thorpe se cherche comme auteur de nouvelles fantastiques dans ce ‘Tybalt’s Quest’, et malheureusement pour tout le monde, il ne se trouve pas. Le style est aussi pâteux et cartonné qu’un mauvais pudding, l’intrigue tient en une demi-ligne (police 54), les péripéties sont sont plus dignes d’un nanar fauché que d’une production littéraire libérée de la prosaïque contrainte d’un budget à respecter : si on veut être aussi miséricordieux que l’aimable Duc de Laroche, on accordera quelque point à Thorpe pour les bouts de fluff (pas vraiment reluisants) qu’il a glissé dans sa copie. Pour le reste, le seul point fort de ‘Tybalt’s Quest’ est de faire moins de vingt pages, ce qui rend sa lecture, à défaut d’agréable, courte. Un mauvais moment de et à passé/er.

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A Choice of Hatreds – C. L. Werner :

INTRIGUE :

Alors que le petit village Petitvillage (Kleinsdorf en Reikspiel) se prépare à fêter comme il se doit le Wilhemstag en dansant, buvant, flirtant, et tirant des enclumes d’artifice1, deux cavaliers entrent dans la ville sans se soucier de la joyeuse ambiance qui y règne. Il s’agit du Répurgateur et fashion victim Mathias Thulmann et de son associé et tortionnaire de fonction, Streng2, en route pour aller chasser la sorcière dans le Stirland. C’est la saison. Pendant que son homme de main est heureux de passer la nuit à s’envoyer des pintes en racontant ses meilleures anecdotes de brodequins, dans l’espoir de matcher avec une locale, Thulmann préfère aller sagement se pieuter pour pouvoir reprendre la route dès potron minet le lendemain. Avisant une auberge convenable, il va ruiner le groove de son propriétaire en s’installant dans la meilleure chambre (la sienne), pour un quart du prix habituel, et en se faisant servir un copieux dîner pour se remettre de sa chevauchée. C’est Volkmar qui paie, après tout. L’arrivée du Chasseur de Sorcières n’est cependant pas passée inaperçue, et deux individus aux motivations diverses vont agir en conséquence…

Le premier d’entre eux est un noble du nom de Reinhardt von Lichtberg, promis à un brillant avenir dans la Reiksguard jusqu’à peu, mais désormais déterminé à faire la peau à Thulmann depuis que ce dernier a condamné sa fiancée Mina au bûcher (il l’a aussi un peu torturée avant, pour ne rien arranger). Le second est un marchand local, Gerhardt Knauf, qui est devenu cultiste de Tzeentch et sorcier amateur pour arranger ses affaires, et qui est convaincu que si le Répurgateur est arrivé en ville, c’est pour lui régler son compte. Il paie donc grassement une bande de mercenaires pour se débarrasser de l’importun, et va se barricader chez lui en attendant que ses gros bras viennent lui annoncer la bonne nouvelle. Comme on peut s’y attendre, Reinhardt et les reîtres de Knauf arrivent dans la chambre de Thulmann à peu près au même moment, ce qui permet à notre héros de jouer de la surprise commune pour tuer ou blesser les brutes locales, et menotter l’aristocrate revanchard à son lit, non pas pour une mise en scène improvisée de Fifty Shades (grim)Darker, mais pour empêcher le nobliau de lui chercher des noises pendant qu’il va s’expliquer franchement avec l’Herr Knauf, honteusement balancé par l’un de ses nervis. Car, contrairement à ce que son image de zélote fanatique le laisse à penser, Thulmann n’est pas insensible à la pitié ou à la miséricorde, et ne se contente pas d’exécuter froidement Reinhardt malgré son assaut caractérisé sur personne détentrice de l’autorité. Il prend même le temps de donner sa version de l’affaire Mina à son ancien amant, et de lui révéler que la belle a en fait été corrompue par une pilule du lendemain à base de malepierre que son médecin de famille lui avait remis pour arrêter une grossesse non désirée et ainsi permettre à Reinhardt de poursuivre sa carrière militaire au lieu de devoir se marier tôt pour élever son gosse. Rien ne vaut les préservatifs en peau de squig, c’est moi qui vous le dit.

Un peu plus loin, Knauf se ronge les sangs en attendant le retour de ses tueurs, mais comprend lorsque sa porte est ouverte d’un coup de pistolet qu’il va lui falloir trouver un plan B. Ou plutôt, recourir au système D, comme démoniaque. Notre homme grimpe donc dans son grenier pour invoquer une Horreur Rose, dans l’espoir qu’elle le défende contre le Répurgateur. Seulement, dans sa hâte, il oublie de se placer dans un pentacle répulsif, et devient donc la première victime du démon, qui le pèle puis l’avale comme une banane. Ca nous fait déjà deux victimes de protections défectueuses dans cette histoire : plus que jamais, sortez couverts les jeunes. C’est sur ces entrefaites que le beau, le grand, le brave Mathias Thulmann arrive à l’étage, pistolet et rapière à la lame d’argent bénie par le Grand Théogoniste en personne à la main… et se fait misérablement bolosser par l’Horreur qui lui fait face. Mais vraiment bien. Du niveau du « poussé dans les escaliers » + « piétiné comme un paillasson ». Heureusement que Knauf n’était pas un cultiste de Nurgle ou de Slaanesh (et ne parlons pas de Khorne, mais c’est rare pour un marchand) hein. Et le plus drôle dans tout ça, c’est quand notre héros parvient enfin sur un vieux malentendu à empaler le démon sur âme consacrée… il prend encore plus cher des mains des Horreurs Bleues qui arrivent ensuite. On repassera plus tard pour tenter de vaincre un Vampire, hein.

Il faut l’arrivée providentielle de Reinhardt, qui a pu se libérer en piquant la hachette que Thulmann avait laissé traîner sur un cadavre de mercenaire dans sa chambre, pour mettre fin aux tourments de Répurgateur. En bien mauvais état, il fait remarquer au jeune premier qu’un duel à l’épée ne serait guère équitable, et lorsque Reinhardt lui propose de régler ça au pistolet à la place, il accepte et prête à son adversaire une de ses pétoires… celle qui est déchargée, évidemment. De son côté, il n’a pas de scrupules pour loger une balle dans l’épaule du Capitaine Fracassé, histoire de lui apprendre à faire confiance à des inconnus et surtout le mettre hors d’état de nuire assez longtemps pour passer une nuit sereine. La nouvelle se termine avec un Reinhardt qui jure à Thulmann de revenir pour se venger, mais ceci sera une autre histoire…

1 : Une spécialité bucolique mais bougrement dangereuse, en plus d’être assez peu spectaculaire lorsqu’elle a lieu de nuit.
2 : Qui a fait sien l’adage bien connu « le gras c’est la vue ».

AVIS :

Première nouvelle consacrée par C. L. Werner (qui fait ainsi ses débuts au sein de la BL) à son personnage de Mathias Thulmann, anti-héros taciturne, antipathique mais vertueux (un peu comme le chasseur de primes Brunner, un autre favori de Werner), ‘A Choice of Hatreds’ démontre déjà la science de l’homme au chapeau en termes de mise en scène de courts formats très rythmés. En l’espace de 25 pages, on a ainsi droit à une intrigue assez complexe, ponctuée par des rebondissements, confrontations et explications savamment séquencés par un Werner maître de son art et de ses effets de narration. Si Thulmann lui-même ne se révèle pas être particulièrement mémorable ou attachant, on prend plaisir à lire le récit de sa nuit agitée, grâce à laquelle C. L. Werner réussit son entrée dans le monde de la GW-Fiction.

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Who Mourns a Necromancer? – B. Craig :

INTRIGUE :

WFB_Who Mourns a NecromancerC’est jour d’enterrement à Gisoreux, mais le défunt qui est emporté jusqu’à sa tombe, dans le cimetière de Colaincourt, ne peut se targuer de laisser une foule éplorée derrière lui. Et pour cause, seul un homme est venu rendre un dernier hommage à Lanfranc Chazal, Magister au sein de l’université locale : son vieil ami et collègue (et accessoirement Haut Prêtre de Verena), Alpheus Kalispera. Si ce dernier se retrouve seul à souffler comme un phoque – il a pas de cardio – sur la colline, devant une tombe anonyme et un prêtre de Morr pas franchement ravi d’officier, c’est à cause de la détestable réputation que se traînait le clerc Chazal sur ses vieux jours, celle d’un Nécromancien. Bien qu’il tienne à faire bonne figure dans cette situation à la fois tragique et humiliante, Kalispera est désolé de constater que ces petites biatches de l’université, qui n’avaient pourtant rien à reprocher à Chazal de son vivant, se soient faites toutes porter pâles plutôt que de l’accompagner. Aussi est il sincèrement ému lorsque surgit au milieu de l’office un jeune cavalier, certes en retard, mais décidé lui aussi à assister à la mise en terre du macchabée.

Le nouveau venu, du nom de Cesar Barbier, a été l’élève des deux Magisters il y a quelques années, avant de repartir sur le domaine de son père se préparer à prendre la succession du noble. Il avoue à Kalispera avoir gardé contact avec Chazal après sa diplomation, considérant le professeur comme un mentor ainsi que comme le père qu’il aurait bien aimé avoir, son géniteur étant l’archétype de l’homme de guerre totalement insensible aux sentiments et à la notion de respect de ses inférieurs. N’ayant pas d’autres choses à faire une fois la tombe rebouchée, Barbier et Kalispera se rendent chez le second pour poursuivre leur deuil autour d’un petit verre et d’un bon feu. L’ancien étudiant en profite pour faire une révélation lourde de sens à son hôte : contrairement à ce qu’il pensait, Lanfranc Chazal était bien un Nécromancien (comme son teint macabre et ses yeux enfoncés le laissaient pourtant à deviner). Mais, attention, un gentil Nécromancien. Ce qui change tout, ou en tout cas ouvre le débat.

Barbier se lance alors dans une chronique de sa vie tumultueuse depuis son retour dans sa famille, et de son mariage clandestin avec une charmante roturière du nom de Siri. Qui évidemment tomba enceinte1. Les deux tourtereaux avaient pour projet de tout plaquer et d’aller passer quelques années en exil dans l’Empire, le temps que la colère de papa Barbier (Christophe, sans doute) retombe, mais mirent trop longtemps à faire leurs bagages. Ramené au château paternel sous bonne garde, Cesar ne put qu’assister au meurtre de sang froid de sa bien aimée par son salopard de père, qui ne voyait vraiment pas le problème. Fort heureusement, le nobliau éploré parvint à convaincre Chazal, qui lui avait confié travailler de façon tout à fait théorique sur la Nécromancie afin de prouver que cette forme de magie n’était pas naturellement mauvaise, de passer à la pratique pour dépanner un pote dans le mal. Résultat des courses : le fantôme de Siri accepta de venir hanter la petite maison dans laquelle les jeunes mariés s’étaient installés, grâce un rituel certes interdit, et qui laissa des stigmates visibles sur la tronche et la santé du pauvre Chazal, mais parfaitement exécuté (et avec des extras sympas).

Troublé par la réalisation que son bon ami était finalement un pratiquant des arts sombres, et peut-être aussi surtout qu’il a été le dindon de la farce pendant toutes ces années, Kalispera ne sait trop quoi penser de la situation décrite pas son invité, qui se fait un devoir de lui sortir un discours sur l’injustice du monde digne d’un tracteur Solidaires Etudiant-e-s pour le persuader que, en vrai, la nécrophilie, c’est pas si pire (#ngl #tmtc). Le vieux maître n’en est pas si convaincu, mais il n’est pas d’humeur à débattre pendant des plombes avec Barbier, à qui il souhaite simplement de rester éternellement amoureux de son fantôme de femme, et de commencer dès à présent à réfléchir à l’organisation de la succession de son père (maintenant qu’il n’a plus de Nécropoto pour installer sa petite famille dans un autre bled). Pour le reste, les deux comparses tombent d’accord que Chazal était un vrai type bien, et on peut supposer qu’ils finissent la soirée ronds comme des queues de pelle, ainsi que de vrais Bretonniens le doivent en cette occasion particulière.

1 : Et dire que si j’avais chroniqué ‘Tales of the Old World’ au moment de ma première lecture, je n’aurais pas pu sortir cette vanne. Je ne sais pas Dieu existe, mais Loec oui.

AVIS :

Nouvelle craigesque par excellence, ‘Who Mourns a Necromancer?’ apporte au lecteur une perspective neuve sur un aspect notable et éminemment fantastique du monde de Warhammer, d’une manière que l’on peut qualifier de posée ou de planplan, selon ses goûts personnels1. Après avoir traité du Chaos dans ses précédents courts formats, Brian Craig s’attaque ici à la non-vie, mais c’est surtout l’occasion pour lui de poser la question du respect des normes, et du caractère artificiel, voire inique, de ces dernières dès lors que l’on y réfléchit un peu. Lanfranc Chazal doit il être condamné parce qu’il a pratiqué la Nécromancie, même s’il l’a fait de la manière la plus éthique qui soit ? Et que dire du père de Cesar Barbier, qui était dans son droit d’assassiner sa bru d’après les lois de Bretonnie, mais n’en demeure pas moins un meurtrier et un sale type en puissance ? On peut regretter que Craig n’ait pas choisi de mettre un peu plus en avant ce qui à mes yeux rendait cette incitation à la réflexion plus palpitante qu’une version romancée d’une conf’ sur Kelsen : la présence dans le monde de Warhammer Fantasy Battle de divinités et de magie (ce qui est la même chose au final). Alors que dans notre bête monde aseptisé, la réponse restera purement théorique, Craig aurait pu conclure que le mal existe réellement et dans l’absolu dans le Monde Qui Fut, comme en témoigne le spectaculaire glow down du plus gentil Nécromancien ever (ou le développement de maladies honteuses chez Barbier ?). Il ne l’a pas fait, tant pis : à chacun de se faire une opinion.

1 : Apparemment, l’artiste engagé par Inferno ! pour faire l’illustration de la nouvelle (John Wigley) ne savait pas à qui il avait affaire, et/ou n’a pas jugé bon de lire autre chose que le titre. 

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The Hanging Tree – J. Green :

INTRIGUE :

WFB_The Hanging TreeeLe petit village de Viehdorf, situé à la frontière entre le Middenland et le Hochland, n’a pas la chance de bénéficier des voisins les plus conciliants qui soient. Isolé dans l’épaisse forêt qui recouvre le Nord de l’Empire, il doit composer avec les déprédations fréquentes des hardes d’Hommes Bêtes qui hantent les bosquets de la région. En cette situation, rien de tel que de pouvoir compter sur un protecteur tellement balèze que même un Wargor en rut hésiterait à deux fois avant de le défier, et, par chance, c’est justement le cas des Viehdorfer, qui paient tribut depuis des générations à… un arbre. Pas un bête chêne ou un simple frêne, bien sûr, mais un terrible frêche (Georges de son prénom), plus friand d’âmes de victimes sacrificielles que d’eau fraîche et de soleil1. Bien sûr, cette relation de symbiose interespèce est tenue secrète aux étrangers, les locaux considérant avec sagesse que leurs pratiques de répulsion des nuisibles, pour naturelles qu’elles soient, seraient mal perçues par les autorités. Hélas, cette harmonie ancestrale va être irrémédiablement perturbée par une funeste nuit de printemps.

Dans la salle commune de l’auberge du Veau Massacré (un nom poétique en diable), deux étrangers sont venus s’abriter des caprices de la météo locale. Le premier à s’être présenté est le patrouilleur Ludwig Hoffenbach, qui avait rencard avec un répurgateur de ses connaissances, un dénommé Sch(w)eitz (encore une fois, la relecture n’a pas été très attentive du côté de la BL). Le second est le Mage de Bataille disgracié Gerhart Brennend, du Collège Flamboyant. Pendant que Gégé se remet de ses émotions (il déteste la pluie, c’est lui qui le dit, et c’est compréhensible vu son choix de carrière) en se jetant un petit shot de luska sous le manteau, Hoffenbach demande et redemande au tavernier (Grolst) s’il n’a pas vu passer son comparse. Dénégation aussi formelle que gênée de la part de l’aubergiste, qui ne convainc ni le lecteur ni le patrouilleur, mais en l’absence d’autres éléments, Hoffenbach repart arpenter les chemins de traverse à la recherche de Brigands.

Si Grolst était si mal à l’aise, c’est que les Viehdorfer ont fait son affaire à Sch(w)eitz il y a quelques temps de cela, peu ravis qu’ils étaient de recevoir la visite d’un chasseur de sorcières. Livré en patûre bouture au terrible Georges, Sch(w)eitz pourrit maintenant au bout d’une branche, mais en cette époque troublée, il est nécessaire de nourrir l’arbre prédateur de façon régulière, et l’arrivée de Brennend donne une idée à Grolst. Plutôt que sacrifier la petite Gertrud, comme ils en avaient initialement le projet, les villageois n’ont qu’à livrer l’étranger en robe à leur protecteur branché. Un peu de jus de graine de coquelicot dans le verre de Brennend, et voilà le Sorcier plongé dans un profond sommeil, et emmené sans cérémonie jusqu’à la clairière où Georges a pris racine.

Dans son malheur, Brennend a toutefois la chance de pouvoir compter sur le professionnalisme de Hoffenbach, qui s’était caché à quelque distance de l’auberge pour observer les allées et venues des habitués, et n’a pas manqué la sortie furtive de Grolst et de ses complices. Lorsque ces derniers font mine de pendre le malheureux Mage à la première branche venue, le manque de coopération de Brennend, qui se réveille brutalement au moment où il sent la corde commencer à l’étrangler (un souvenir doux-amer de sa dernière rencontre avec une Démonette, sans doute), et la prise en revers de Hoffenbach et de son gros marteau, jettent une sacrée panique parmi les horticulteurs anonymes. Pris en tenaille entre les capacités martiales du patrouilleur et les talents arcaniques du Sorcier (un peu groggy certes, mais on n’oublie pas comment jeter une boule de feu), les villageois meurent ou s’enfuient, laissant nos héros faire connaissance devant un Georges affamé…

Début spoiler…Malheureusement pour lui, Hoffenbach finira donc comme son camarade Sch(w)eitz, réduit en terreau organique par et pour l’arbre chaotique, après s’être fait empaler puis écarteler par les branches de ce gourmand de Georges. Brennend aurait sans doute subi le même sort s’il n’avait pas pu compter sur ses flamboyants pouvoirs pour réduire le végétal carnassier en feu de joie. C’est pas Balthasar Gelt qui aurait pu faire ça, c’est moi qui vous le dit ! L’histoire se termine sur la promesse que se fait notre héros pyromane d’aller chaleureusement saluer les habitants de Viehdorf pour les remercier de leur grande hospitalité…Fin spoiler

1 : On pourrait se demander ce qui empêche les Hommes-Bêtes de raser un village placé sous la protection d’un arbre, qui part définition, est assez peu mobile. À cela, Green n’apporte pas de réponse, et on peut donc imaginer ce que l’on veut. Pour ma part, je choisis de penser que le pollen de Georges est très irritant pour les Gors et Ungors.

AVIS :

Une fois n’est pas coutume, Jonathan Green délaisse la bande de Torben Bad Enough et tourne ses talents de conteur vers d’autres personnages de l’Empire. Comme les occasions de voir un Sorcier de Bataille faire usage de ses pouvoirs ont été assez rares dans le catalogue de la Black Library (je pense à ‘The Judgement of Crows’ de Chris Wraight et au final de ‘Manslayer’ de Nathan Long), on peut tourner un œil charitable sur cette nouvelle très simple, qui vient compléter le ‘Magestorm’ écrit par le même Green en 2004, et au cours duquel on suit les exploits, forcément flamboyants, de Gerhart Brennend lors de la défense de Wolfenburg.

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Tales of Madness & Ruin

The Doom that Came to Wulfhafen – C. L. Werner :

INTRIGUE :

WFB_The Doom that Came to WulfhafenC’est une nuit particulière qui commence pour le jeune Karel, pêcheur comme son père (et la chaîne entière de ses aïeux) avant lui. Ayant atteint l’âge de la majorité dans le coin paumé de l’Empire où il habite, il lui est demandé de participer pour la première fois à un rituel très important dans la vie du village de Wulfhafen : la chasse à la galinette cendrée le naufrageage de navires passant le long du cap où le hameau a été fondé, il y a de cela bien des siècles, par le pirate Wulfaert. Pour Karel, conscient des activités illicites des hommes de Wulfhafen depuis sa prime enfance, mais dont le quotidien consistait jusqu’ici à ramener des casiers de homards (l’autre spécialité locale) à la surface, le changement est brutal. Accompagné par son vieux papa (Gastoen), il vient donc donner un coup de main à l’entretien du feu de joie géant que les villageois ont allumé sur la plage, sous le regard sévère de Vetyman, chef naufrageur en fonction du fait de son ascendance (il est le petit-petit-petit-fillot de Wulfaert) et de la rapière de belle facture qui pend à sa ceinture. Le stuff, c’est important.

Pour cette première nuit de la saison, les attentes de nos hardis pêcheurs sont assez faibles, mais Manann leur sourit toutefois en leur envoyant un navire au capitaine un peu trop naïf pour espérer triompher des eaux et des mœurs traitresses du coin. Attirée sur les brisants par ce qu’il croyait être la lumière et la corne de brume d’un phare, l’embarcation finit promptement éventrée par les récifs affleurants, et le vrai boulot des naufrageurs peut commencer. Par petits groupes, ils parcourent la grève à la recherche d’objets de valeur rejetés par les vagues, et n’hésitent pas à mettre fin aux souffrances des quelques survivants trempés jusqu’aux os qui ont la malchance d’arriver jusqu’à la plage avec un pouls. C’est ainsi que Karel est témoin du meurtre de sang froid d’un jeune homme échoué sur les galets en compagnie de son livre de croquis, commis par Gastoen et son vieux pote Emil à grand coups de hache et de gourdin. Ne pleurez pas trop sur son sort, car le bougre arborait un médaillon à la gloire de Tzeentch autour du cou. Le carnet contient des dessins de la faune et de la flore de ce qui semble être la Lustrie, et comme des specimens de plantes inconnues finissent par trouver leur chemin jusqu’au rivage, il ne faut pas longtemps au sagace mais traumatisé Karel pour établir que le navire coulé ce soir ramenait des specimens locaux à fin d’études sur le Vieux Monde.

La bonne humeur générale qui règne autour du brasier est toutefois mise à mal lorsque le dénommé Bernard arrive en hurlant auprès de ses comparses, et leur annonce que son frère Claeis, avec lequel il inspectait la ligne de marée, a été happé par un monstre sorti des vagues. Paranoïaque comme tout bon chef de bande de criminels se respectant, Vetyman ne croit pas un mot de ce récit et se convainc au contraire d’une magouille entre frangins afin de dérober une trouvaille digne de ce nom au partage collectif. Les patrouilles envoyées sur place pour vérifier la version de Bernard ne donnant rien, il décide d’aller interroger le lanceur d’alerte de manière serrée dans la maison commune du village, afin de lui faire cracher la vérité. Peine perdue, car Bernie n’en démord pas, même sous la torture : un démon est apparu à Wulfhafen…

Début spoiler…Sa version est corroborée par un autre témoin, hélas pas plus crédible que lui aux yeux de Vetyman : la femme alcoolique et mythomane du pêcheur (et philosophe) Enghel, Una. La vieille débarque comme une furie en plein interrogatoire pour annoncer à la cantonade que son mari a été attaqué et estourbi par un monstre de la taille d’une maison. Ses déboires avec de mystérieux Gobelins invisibles, une fois qu’elle avait forcé sur le rhum, étant encore dans toutes les mémoires, les hommes de Wulfhafen ne la prenne pas vraiment au sérieux, et seul un naufrageur consent à aller inspecter les lieux de la disparition d’Enghel pour établir la réalité des faits. Lorsqu’il revient, l’assistance ne peut manquer de remarquer les profondes entailles qui lui déchirent le dos, ainsi que son décès soudain après qu’il ait fait trois pas dans la salle commune. Il semblerait bien que les versions de Bernard et d’Una aient un fond de vérité, après tout.

C’est le branle bas de combat dans le village, et la petite armurerie constituée au fil des saisons de naufrage de navires est vidée pour l’occasion. Menée par Vetyman, la foule en colère retourne sur les lieux de la disparition présumée d’Enghel, et se retrouve confrontée à un authentique Kroxigor, que la météo locale, bien plus frisquette que la chaleur lustrienne, a rendu très soupe au lait. Il semblerait que le navire envoyé par le fond n’avait pas que des échantillons de plantes dans sa cale… Bien que les humains disposent de l’avantage du nombre et de l’intelligence, la force brute et la vitesse de pointe du gros lézard sont suffisantes pour remporter ce match d’une manière éclatante et passablement sanglante. Les survivants se replient en panique dans la salle commune, où est conservée l’huile utilisée pour allumer les brasiers naufrageurs : il s’agit sans doute de la dernière chance de terrasser ce monstre, insensible aux attaques perçantes et contendantes des locaux.

Malheureusement pour les Wulfhafenois, Kroxy vient toquer à la porte avant que les préparations ne soient terminées, et le massacre reprend de plus belle. Karel voit mourir son père sous ses yeux, rapidement suivi par Vetyman, éventré d’un coup de griffe après avoir aspergé le lézard d’huile. Dans la confusion, le jeunot a le temps de balancer une torche sur la bestiole enragée avant de s’eclipser en barricadant la porte de la salle, condamnant le Kroxigor à une combustion fatale. Cet épisode traumatisant a toutefois eu raison du poids de la tradition chez Karel, qui décide de partir dès le lendemain pour Marienburg afin de rejoindre le temple de Manann et d’expier les crimes de son village. Ou peut-être ne tenait-il pas à tout nettoyer (presque tout seul) après cette nuit de folie ? L’histoire reste silencieuse sur ce point…Fin spoiler

AVIS :

C. L. Werner nous offre une petite déclinaison med-fan du thème classique du village de naufrageurs, punis de leurs mauvaises actions par l’arrivée d’un monstre sanguinaire (ici Bob le Kroxigor). Si l’intrigue suit un chemin assez convenu, j’ai particulièrement apprécié la complexité que Werner a donné à ses personnages principaux, à commencer par Vetyman qui se révèle être un véritable anti-héros, à la fois détestable par ses actions (perpétuer la tradition de ses naufrageurs d’ancêtres, torturer un de ses camarades parce qu’il ne croit pas à ses histoires) et meneur courageux, charismatique et plein de ressources de sa bande de ruffians. On appréciera également les références faites par l’auteur à la geek culture dans son récit, depuis le nom de la nouvelle (un clin d’œil à ‘The Doom That Came To Sarnath’ de H. P. Lovecraft1) jusqu’aux dialogues entre personnages. Une soumission très solide de la part de l’homme au chapeau2.

1 : On peut d’ailleurs noter que le choix de Werner de faire d’un Kroxigor échoué la Némésis des villageois de Wulfhafen est en cohérence avec le « grand lézard d’eau », le qualificatif du dieu Bokrug qui détruit Sarnath dans la nouvelle de Lovecraft.
2 : Ma seule remarque négative portera sur la mention, inexpliquée pour autant que je puisse le dire, du médaillon marqué du symbole de Tzeentch que le dessinateur massacré par Gastoen et Emil arborait autour du cou. Un petit Easter egg destiné à souligner que de grands changements n’allaient pas tarder à se produire à Wulfhafen ?

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Hatred – B. Chessell :

INTRIGUE :

La vie tranquille de Kurtbad, un village en déréliction situé en plein cœur de l’Averland, est bouleversée par le meurtre de l’un de ses habitants, puis par l’arrivée soudaine d’un chasseur de sorcières mal en point. Alors que la traque du tueur s’organise, la destinée de quatre Kurtbader (-iens? -ois? -ais?) va être changée à jamais.

AVIS :

‘Hatred’ s’avère être un huis-clos à l’ambiance particulière et la construction soignée, deux caractéristiques faisant l’originalité et l’intérêt de cette nouvelle de Ben Chessell.

Le style purement factuel déployé par l’auteur pour raconter le drame se jouant à Kurtbad, les vérités énoncées à demi-mot et ne faisant sens que bien plus tard dans le récit, l’inclusion de passages écrits à la première personne depuis le point de vue de l’antagoniste (dont on ignore l’identité jusqu’aux dernières pages) entre le récit des péripéties, ou encore l’approche résolument anticonformiste qu’à Chessell du Chaos et de son effet sur les êtres vivants qu’il touche et transforme, sont autant de raisons de lire et d’apprécier ‘Hatred’, qui est assurément l’un des meilleurs « très courts formats » (15 pages) de la Black Library.

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Son and Heir – I. Winterton :

INTRIGUE :

WFB_Son &amp; HeirAlors qu’il patrouillait gentiment sur le domaine de son patron, le Baron Gregory de Chambourt, le Chevalier du Graal Gilles Ettringer surprend un groupe d’Hommes Bêtes traînant sans masque ni attestation ni respect des gestes barrières à proximité d’une chapelle de la Dame. N’écoutant que son devoir, il se rue sur les mutants l’épée au clair et les met à l’amende (135 horions par tête de pipe), avant d’aller investiguer sur la raison qui poussait les Gors à squatter à côté d’un lieu saint. Il ne tarde pas à découvrir, monceaux de déchets et de cadavres torturés et/ou putréfiés à l’appui, que la chapelle a été profanée par des adorateurs du Chaos, dont un grand costaud en tenu d’Adam doté d’une énorme… capacité de régénération, et d’un sens de l’humour un peu particulier. Maîtrisé sans coup férir par Gilles, qui veut faire les choses dans les règles et offrir une expérience de torture judiciaire avant exécution interminable complète à son prisonnier, l’anarcho-nudiste est ramené jusqu’au château de Chambourt, en compagnie d’une complice également alpaguée sur les lieux du crime, et qui se révèle être la jeune sœur (Juliette) du Baron…

Ce dernier, comme le veut la tradition locale, était en train de se pinter la gueule avec quelques copains pendant que sa femme, la Dame Isobella, donnait naissance au premier enfant du couple. Dégrisé par la nouvelle de la souillure de ses terres et, très probablement, de sa sœur, considérée jusqu’ici comme un modèle de pureté, Greg pète une durite et donne carte blanche à ses tortionnaires pour attendrir un peu le suspect, qui n’a même pas consenti à donner son nom au Baron. Une heure, une tonsure expresse, une dizaine de dents et deux doigts en moins et une flagellation en bonne et due forme plus tard, le cultiste impénitent est ramené devant son juge, mais continue à prendre la situation à la légère. Il va mène jusqu’à annoncer qu’il est la Némésis du noble, et qu’il lui prendra absolument tout ce qui lui est cher dans les années à venir, à commencer par sa femme (il félicite tout de même l’heureux papa pour la naissance de son fils, parce que c’est pas un monstre absolu). Et en effet, lorsque Gregory se rue au chevet de sa femme après qu’un serviteur lui ait porté la nouvelle de la fin de l’accouchement, il est impuissant à stopper la gingivite foudroyante qui emporte Isobella dans ses bras. Le lendemain, c’est la fourbe Juliette qui se fait décapiter par un garde en situation de légitime défense, après qu’elle ait fait exploser la tête de deux de ses camarades d’un simple mot lorsqu’ils étaient venus lui apporter son petit déjeuner en cellule. Ca devait pas être le mot magique auquel ils s’attendaient, pour sûr. Pour ne rien arranger, le cultiste parvient, lui, à disparaître sans laisser de traces, même s’il laisse sa langue dans la poche du Baron (de plus en plus énervé, et on le comprend) au passage.

Avec tout ça, il n’est pas difficile de comprendre la paranoïa exacerbée de Gregory envers la sécurité de son fils (également appelé Gregory), qu’il maintient enfermé dans son château jusqu’à ses douze ans révolus. Finalement convaincu par l’adolescent de l’emmener à la chasse pour célébrer son anniversaire, Old Greg regrette rapidement son choix lorsque la colonne bretonienne tombe dans une embuscade d’Homme Bêtes. Bien que les assaillants soient repoussés au prix de lourdes pertes, Young Greg et Gilles Ettringer font partie des disparus, présumés capturés par la harde du Chaos. Et en effet, lorsque Gillou se réveille, il découvre avec stupeur que toute l’opération a été montée par une vieille connaissance : le streaker cultiste, (re)venu avec son grand couteau et son énorme b…onhommie. Un peu handicapé par son absence de langue, il arrive tout de même à faire comprendre au chevalier qu’il a des grands plans pour ses prisonniers, dont Greg Junior, grâce à ses compétences de mime. En douze ans, on a le temps de s’améliorer au Time’s Up, c’est vrai. Mais c’est sans compter sur la détermination de Gilles, qui parvient à se libérer de ses liens et à perturber le rituel sacrificiel des hordes chaotiques armé seulement d’un couteau à pain Monoprix ébréché, mais aussi et surtout sur l’arrivée providentielle de Papou Greg et de ses hommes, qui ont trouvé la trace des Hommes Bêtes et leur tombent dessus with extreme prejudice. Bilan des courses, le cultiste en chef se fait refaire le portrait par Gilles avant d’avoir pu exécuter le fils prodigue, et est ramené manu militari au château pour enfin répondre de ses crimes…

Début spoiler…Dûment torturé pendant les quelques jours qui ont été nécessaires à monter le bûcher sur lequel il est conduit en grande cérémonie, la Némésis de Chambourt ne fait plus le malin lorsqu’il est attaché au poteau. Il semble même demander grâce au Baron, mais sans langue ni dents et avec une mâchoire démantibulée, c’est dur de se faire comprendre. Gilles, qui a été salement amoché au cours de son héroïque intervention, assiste à l’exécution depuis le balcon de sa chambre, accompagné de Baby Greg. Intrigué par le changement radical de comportement du cultiste depuis sa seconde arrestation, le vieux chevalier finit par réaliser que quelque chose ne tourne pas rond… mais n’aura pas le temps de partager son horrible réalisation avec quiconque, car son compagnon lui balance la mère de tous les « OK Boomers » dans la face, ce qui lui brise littéralement son petit cœur fragile. Pendant qu’il agonise, « Greg » lui confirme ce qu’il vient de comprendre : le rituel interrompu quelques jours plus tôt avait pour but d’échanger les corps du cultiste et du fils du Baron, et c’est donc ce dernier qui a été brûlé en place publique. Le mot qu’il essayait de faire comprendre à son bourreau était « Père », mais ce dernier n’a évidemment pas capté le message. Ce petit secret emporté dans sa tombe par Gilles, Gregory the Kid a maintenant toute latitude pour poursuivre sa vendetta personnelle contre son bien aimé paternel…Fin spoiler

AVIS :

Ian Winterton n’a peut-être pas laissé derrière lui un corpus aussi impressionnant que d’autres contributeurs de la Black Library, mais ce dont son œuvre manque en quantité, elle le rattrape en qualité. C’est bien simple, à chaque fois que je lis ‘Son and Heir’, je termine cette nouvelle en concluant qu’il s’agit d’une des toutes meilleures jamais publiées pour Warhammer Fantasy Battle, et pour la GW-Fiction en général. En l’espace de 20 pages, Winterton déroule une histoire captivante, surprenante, et d’une noirceur exemplaire, soit tout ce que l’on peut attendre d’une soumission de la BL. Ce résultat spectaculaire est en grande partie atteinte grâce à la maîtrise impressionnante que notre homme a du rythme de sa narration (ce qui lui permet d’amener des rebondissements de manière brusque, ce qui n’est pas donné à tout le monde en littérature), et son usage consommé des allusions, qui terminent de façon percutante bon nombre des courtes séquences qui découpent le récit. Cela fait totalement oublier les petites approximations fluffiques de l’auteur (sorcier masculin, « ordre » des chevaliers du Graal…), pas parfaitement au fait des us et coutume de la maison. C’est pas grave hein. Pas grave du tout. J’incite vivement tout ceux qu’ils le peuvent et le souhaitent à lire ‘Son and Heir’, car voir Winterton à l’œuvre est beaucoup plus gratifiant que de s’enquiller ma morne prose. Clairement, l’un des joyaux cachés et oubliés de la GW-Fiction, que j’estime être de mon devoir que de faire sortir de son anonymat1.

1 : Même l’illustration d’Adrian Smith dans Inferno ! pète la classe. Une réussite absolue.

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Ill Met in Mordheim – R. Waters :

INTRIGUE :

La bromance passionnée entre Heinrich Gogol (que nous appellerons Heinrich à partir de maintenant, pour des raisons faciles à comprendre) et son bras droit Broderick, respectivement Capitaine et second d’une bande de hardis et pieux Reiklanders, est brutalement interrompue par la mort au combat du second lors d’une escarmouche contre les Skavens. Ce sont des choses qui arrivent lorsqu’on gagne sa croûte à Mordheim au troisième millénaire après Sigmar, c’est vrai, mais l’expérience n’en est pas moins traumatisante pour Heinrich, qui perd son plus vieux pote et camarade de lutte (ils se sont connus sur les bancs de l’école les sables de l’arène) sur ce coup du sort/de pétoire à malepierre. Pour ajouter l’injure à la blessure (mortelle), comme on dit chez les glaouiches, les hommes rats se sauvent en emportant le précieux Cœur de Sigmar après lequel les Reiklanders en avaient, et qu’Heinrich s’est juré de ramener au Grand Théogoniste à Altdorf pour accomplir une prophétie annonçant la venue du second Reich – tant que c’est pas le troisième, ça va – et des lendemains qui chantent lorsqu’un élu au cœur pur et à la foi absolue en Sigmar entrera en possession de la relique. Tout un programme.

L’échec n’a toutefois pas été total pour Heinrich et ses survivants (le vieux Prêtre affectueusement Daddy Père, un Flagellant et deux molosses), car ils ont été rejoints lors de l’affrontement par un quatuor de Marienburgers apprêtés mais aguerris, qui les a aidés à mettre en fuite la vermine. Menés par le très stylé Bernardo Rojas (from Estalie, olé), les nouveaux venus en ont aussi après les Skavens, et bien que Heinrich voie ces bretteurs pomponnés d’un mauvais œil, il accepte de joindre ses forces aux leurs pour mener un raid sur le QG des ratons, dont Bernardo prétend avoir trouvé l’emplacement (grâce à sa demi-sœur, qui est apparemment éclaireuse aguerrie, mais qu’on ne verra pas de toute la nouvelle).

Après avoir rendu un dernier hommage à ses chers disparus, la bande unifiée taille donc la route en direction d’un mausolée situé à proximité de l’abbaye des Sœurs de Sigmar, et dont les fantômes sans repos confirment aux nouveaux arrivants que les lieux ont été squattés et profanés par les disciples du Rat Cornu. Comme on peut l’imaginer, le chemin de nos aventuriers est semé d’embûches (des pentes très pentues, des nids de rats agressifs, l’humeur exécrable de Heinrich…), et cela avant même que les Skavens lancent leur inévitable contre-attaque, qui finit par envoyer tout ce beau monde au troisième sous-sol après que les combats aient provoqué un glissement de terrain.

C’est à l’ombre d’une idole représentant El Raton Supremo et faite à partir des squelettes du mausolée que s’engage le combat final, durant lequel Heinrich et Bernardo parviennent à coincer le meneur de la bande adverse et porteur du fameux Cœur de Sigmar, et à lui faire son affaire à grand coup de rapière et de katana (quand je vous disais que Bernardo était stylé), perdant bien sûr quelques compagnons dans l’histoire. La mort la plus tragique revient sans l’ombre d’un doute à Père, doublement poignardé par les lames suintantes maniées par le chef Skaven après s’être interposé héroïquement pour sauver son bon à rien de Capitaine de la mort infâmante qu’il méritait pourtant. Et j’emploie le mot tragique au sens propre, car le même Père avait remis à Heinrich une fiole de Larmes de Shallya au début de la mission, ayant eu le pressentiment que ses jours étaient en danger. Tout à son chagrin (ou à sa pingrerie), Heinrich oublie qu’il est en possession d’une panacée pouvant neutraliser le poison des lames skavens, et le vieux Prêtre s’en va rejoindre sa divinité dans d’atroces souffrances. On n’est jamais mieux servi que par soi-même, ça ça ne bouge pas.

Notre propos s’achève sur le constat qu’une franche et virile amitié s’est instaurée entre nos deux héros (c’est toujours ça de pris), et que leur route les mène désormais vers Altdorf, où ils ont un petit colis à livrer au Grand Théogoniste. Ce ne sera cependant qu’un aller-retour express, tous ceux ayant goûté à la vie nocturne de Mordheim étant voué à y retourner vivre… et mourir, très probablement.

AVIS :

Aussi étrange que cela puisse paraître, le jeu d’escarmouche Mordheim n’a été que très sommairement couvert dans les publications de la Black Library, alors que l’on compte plusieurs dizaines de publications pour son pendant grimdark, Necromunda1. Si on met de côté le roman ‘City of the Damned’ de la série des Gotrek & Felix, et la nouvelle ‘Virtue’s Reward’ de Darius Hinks, ‘Ill Met in Mordheim’ est la seule histoire prenant place dans cette pittoresque cité que Nottingham nous ait accordé, et il semble peu probable que ces lacunes soient comblées à court, moyen ou long terme. Nous sommes donc en présence d’une authentique rareté de la GW-Fiction, et plutôt deux fois qu’une, car ‘Ill Met…’ se trouve également être l’unique contribution de Robert Waters pour le compte de la Black Library. Sa lecture en est donc tout à fait indispensable si vous voulez entrer dans la (toute) petite élite des amateurs de fiction de Games Workshop, au même titre que celle des ouvrages Dark Future.

L’argument de l’exotisme écarté, ‘Ill Met in Mordheim’ se révèle être une petite novella construite autour d’une quête assez simple, mais enrichie par Waters de scènes d’action bien développées et mettant en scène des personnages plus définis que la majorité des protagonistes de courts formats de la GW-Fiction, ce qui est toujours appréciable. A titre personnel, je n’ai pas vraiment accroché avec Heinrich Gogol et Bernardo Rojas, la-paire-mal-assortie-qui-finit-malgré-tout-par-nouer-une-solide-amitié, la cyclothymie2 du premier et l’absence d’aspérités du second m’empêchant de m’investir dans leurs tragiques aventures, mais je salue tout de même l’effort consenti par l’auteur pour prendre son temps dans le déroulé de son histoire, plutôt que de multiplier les péripéties de façon frénétique comme c’est malheureusement souvent le cas à la Black Library.

Au final, on se retrouve avec ce qui devait sans doute être le premier volet d’une série plus longue, comme les références non utilisées (la belle-sœur de Bernardo, les larmes de Shallya remises à Heinrich par Père…) de la nouvelle, ainsi que sa fin très ouverte, le laissent envisager. On ne saura sans doute jamais ce qui a poussé Nottingham à tirer une croix sur ce projet, dont ‘Ill Met in Mordheim’ demeure la seule trace visible à ce jour.

1 : Et déjà quelques-unes pour Warcry, l’adaptation du concept à Age of Sigmar.

2 : Le comble du cringe étant atteint lorsque Heinrich laisse son partenaire mettre le feu à un nid de rats en sachant pertinemment qu’il s’agit d’une très mauvaise idée, uniquement pour lui montrer qu’il n’est qu’un bleu dans l’univers cruel et sans pitié de Mordheim. Cette leçon coûtera la vie à un des membres de la bande, ce qui fait cher payé.

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Totentanz – B. Craig :

INTRIGUE :

WFB_TotentanzCapturé par le despote osseux mais éclairé Cimejez à l’issue d’une campagne en Arabie, l’émir Amaimon se retrouve entraîné dans un débat des plus étranges alors que son vainqueur lui fait l’honneur de sa collection personnelle d’antiquités (car Cimejez aime bien parler philosophie avec les vivants éduqués sur lesquels il peut poser la main) : qui des vivants ou des morts sont les meilleurs danseurs ? Chaque camp étant convaincu de la supériorité de sa race faction situation, un concours est organisé pour tirer les choses au clair une bonne fois pour toutes. Côté chair, Amaimon, qui s’y connaît un peu en magie, réanime la statue de la danseuse (Celome) dont la contemplation a mené à la dispute entre son hôte et lui. Côté os, Cimejez se fait représenter par un danseur macabre confirmé (mais anonyme).

Celome a l’honneur de commencer, et livre une interprétation flamboyante de la danse des sept voiles, représentation stylisée et burlesque de la lutte incessante de l’humanité contre les sept fléaux qui sont la faim, le froid, la maladie, la solitude, le deuil, la stérilité et Juul la mort. Bien que le public de Squelettes et de Zombies qui assiste à la représentation ne montre pas le moindre intérêt devant les contorsions dénudées de Celome, Amaimon reste confiant dans l’issue du duel. Après tout, c’est la danseuse elle-même qui fera office de jury, Cimejez lui ayant promis de prolonger sa vie (car le sort d’Amaimon ne marche qu’une seule heure) ou de la transformer en morte-vivante en fonction de son jugement final. Devant une telle alternative, il est évident que le choix est tout tracé, pas vrai ?

Début spoiler…Cependant, lorsque le champion du Roi des Tombes pénètre à son tour sur le dance floor, et malgré le caractère minimaliste de sa prestation (il fait le tour de la piste à tout petits pas pendant qu’un de ses potes joue une chamade au djembé), Amaimon réalise avec effroi que personne ne peut résister à ce tempo chaloupé. Tous les vivants assistant au concours, y compris Celome, se retrouvent bientôt engagés dans cette macarena macabre, et écopent d’un coup de faux fatal pour leur peine. Seul Amaimon, que Cimejez a maintenu de force sur son siège, survit à cette démonstration implacable de la supériorité chorégraphique des légions de Nagash, et sera donc condamné à servir ce nouveau maître dans cette vie et dans la suivante. Un pari est un pari.Fin spoiler

AVIS :

Pour son avant-dernière soumission à la GW-Fiction (à ce jour), Brian Craig marque définitivement sa sigularité par rapport au reste de ses co-auteurs en signant une courte nouvelle/fable/essai philosophique à la sauce med-fan, d’une violence stylistique absolue pour qui est habitué aux canons de la Black Library. Les premières pages en particulier, qui pourraient être tirées d’une dissertation dont le sujet serait « Existe-t-il une éthique de la mort ? », sont tellement différentes de ce à quoi on s’attend en lisant ce genre de prose qu’il est étonnant que les pontes de Nottingham n’aient pas tout bonnement refusé de publier cette nouvelle. Même si j’ai abordé ‘Totentanz’ en connaissance de cause, ce début sans concession m’a fait forte (si ce n’est bonne, car Craig a été plus « pédagogue » dans son approche par le passé, et je pense qu’il aurait pu faire plus d’efforts ici) impression.

La suite, si elle se révèle plus classique – encore que les concours de danse entre vivants et morts ne sont pas le sujet le plus fréquent de la GW-Fiction –, reste très marquée de la patte Craigesque, et permet à l’auteur d’illustrer avec son style si particulier l’opposition entre vivants ignorants et morts impassibles. Je ne suis pas sûr d’avoir compris la morale profonde de cette histoire (à part de ne jamais défier les Rois des Tombes à une battle), mais le déroulé du duel chorégraphique entre la pauvre Celome, qui aurait peut-être préférée rester statue, et Benjamin Milletarse est décrit avec suffisamment de détails par Craig pour que l’on sache de quoi il en retourne. À réserver aux fans les plus insatiables du vieux maître, et à (sans doute) laisser de côté pour les autres.

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The Ultimate Ritual – N. Jones & W. King :

INTRIGUE :

WFB_The Ultimate RitualSur le campus de l’université de Nuln, deux hommes s’apprêtent à tenter une expérience à haut risque pour faire progresser les connaissances arcaniques de l’Empire. L’enthousiasme n’est pas égal entre le jeune Lothar von Diehl, qui piaffe littéralement d’impatience, et son ancien professeur Gerhardt Kleinhoffer, dont le trouillomètre se rapproche dangereusement de zéro au fur et à mesure que les préparatifs s’achèvent. C’est pourtant lui qui a traduit ‘Le Livre des Changements’ d’où von Diehl a tiré la formule de l’ultime rituel, promettant rien de moins qu’un aller-retour jusqu’à la Mer des Âmes, cette dimension parallèle où se trouve le loft des Dieux du Chaos. Mais de la théorie à la pratique, il y a un monde, et il faut toute la force de persuasion (et la superbe éloquence) de son disciple pour que Kleinhoffer accepte de jouer son rôle dans la suite des événements.

Si von Diehl a autant insisté pour avoir un témoin, c’est que son billet pour le néant est un Pass Duo, et que le Disque de Tzeentch qu’il invoque pour partir en vadrouille ne consent à partir qu’à plein, c’est à dire avec deux personnes sur le dos. Je peux comprendre que lorsqu’on vient d’aussi loin que le Warp, on apprécie de ne pas faire le voyage à vide, ceci dit. Une fois les usagers installés et les ceintures bouclées, le sous-boc volant fend l’air et l’espace, et part en direction du pôle Nord pour passer sur le périphérique cosmique. Le go fast qui s’en suit n’est pas de tout repos, car le Démon se fait prendre en chasse par des congénères affamés et attirés par l’âme de ses passagers. Fort heureusement, le Disque s’avère être un as du volant, qui parvient à semer ses poursuivants en faisant des sauts de puce de l’Immaterium au Materium, visitant quelques planètes très 40K dans l’esprit au passage. Enfin, nos héros arrivent devant la chambre du Grand Architecte, qui, coup de chance, accepte de les recevoir sans tarder.

Tzeentch est toutefois une divinité surbookée, qui n’a pas le temps de donner dans les mondanités. Il demande donc à ses visiteurs ce qui les amène et ce qu’il peut faire pour eux, et le manque de préparation (et la terreur panique) de Kleinhoffer lui joue un vilain tour. Comptant sur son acolyte pour meubler le blanc malaisant qui s’installe après la demande divine, il se fait avoir dans les grandes largeurs lorsque von Diehl explique candidement que l’estimé professeur est à la recherche de savoir. « OK » répond Tzeentch, qui, un peu troll sur les bords, débute un transfert de 999 Eo en direction du cerveau du pauvre prof, dont le cerveau entre en surchauffe au 3,963,635,619ème meme de Pepe the Frog qu’il reçoit en l’espace d’une demi-seconde. Von Diehl, qui a lancé un sort de streaming en pirate de la base de données de son acolyte, peut quant à lui déguster cette dankness avec plus de confort, même s’il doit cependant jurer allégeance à Tzeentch pour pouvoir repartir jusque dans le Monde Qui Etait Encore. C’était son projet depuis le début toutefois, et il n’a aucune difficulté à se délester de son âme en échange d’un apport infini de contenu Reddit. Revenu dans sa piaule universitaire, avec un Kleinhoffer rempli jusqu’au lorgnon d’infos confidentielles, et à peu près aussi incontinent que Wikileaks, von Diehl peut désormais se consacrer à préparer la Fin des Temps… ou à devenir une légende de 9Gag. Au choix.

AVIS :

Petite nouvelle d’ambiance et de fluff écrite à quatre mains, ‘The Ultimate Ritual’ multiplie les clins d’œil (à l’œuvre de King1 mais également à Warhammer 40.000) et offre au lecteur une visite romancée inédite (à ma connaissance) de la Mer des Âmes, ainsi qu’un authentique dialogue entre de simples mortels et un Dieu du Chaos, ce qui n’est pas banal. Par contre en termes d’intrigue, c’est aussi terne et sans surprise qu’un tronçon d’autoroute hors heures de pointe et vacances scolaires : peu étonnant pour une nouvelle de seulement treize pages, mais certains contributeurs de la BL ont prouvé qu’ils étaient capables de faire plus rythmé que ça sur ce genre de format, donc on peut légitimement reprocher à messieurs Jones et King de ne pas s’être trop foulés sur ce coup là.

1 : Les von Diehl sont la lignée récurrente de l’auteur, puisqu’on croise Kurt dans ‘The Laughter of Dark Gods’ et Gottfried et Manfred dans ‘Wolf Riders’. Famille assez malchanceuse au final car tous ses membres ont connu une mort violente et souvent chaotique (pas nécessairement dans cet ordre).

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Et voilà qui conclut cette revue de ‘Tales of the Old World’, et avec elle celle des ouvrages infernaux (!) de la Black Library, au moins en ce qui concerne Warhammer Fantasy Battle. Comme souvent avec les recueils de nouvelles de cette maison d’édition, le constat est mitigé et les authentiques pépites côtoient les soumissions beaucoup moins abouties. Je note également quelques choix éditoriaux pas très heureux, comme celui d’avoir placé ‘Paradise Lost’ avant ‘Grunsonn’s Maraudeurs’ au sommaire, alors que la seconde histoire prend place avant la première, ou encore de ne pas avoir pensé à indiquer aux lecteurs souhaitant en apprendre plus sur les héros bénéficiant d’autres nouvelles et romans à leur nom l’existence et le nom de ces derniers. Malgré ces scories et étourderies, la lecture de ‘Tales of the Old World’ a suscité chez votre serviteur une telle nostalgie pour ce bon vieux Vieux Monde qu’il ne peut se résoudre à terminer cette chronique sur une note négative. Le Vieux Monde est mort, vive le Vieux Monde !

INFERNO! – ANNEE 3

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue des nouvelles publiées dans les numéros #13 à #18 d’Inferno!, troisième année de publication du bimensuel couvrant la période allant de juillet 1999 à mai 2000). Feeling old yet ?

Même si Abnett n’est pas aussi omniprésent que pendant la saison précédente, il reste un des contributeurs principaux de la série étudiée aussi avec pas moins de trois soumissions, tout comme Gav Thorpe, Robert Earl et Gordon Rennie. Cette troisième année est également marquée sous le sceau de Neil Rutledge, qui en profita pour signer ses deux seules nouvelles pour le compte de la Black Library avant de partir vers d’autres cieux, et du grand revenant Brian Craig, qui avait fait les riches heures de la GW-Fiction des années avant que la BL ne soit lancée. Really not feeling old yet ?

Inferno!_Année 3

Cette année 3 voit les débuts de deux séries mineures dans l’univers de Warhammer 40.000 : celle des Iron Snakes (Black Gold, White Heat), soit rien de moins que le Chapitre Space Marines personnel de Dan Abnett, et celle d’Execution Hour (Baptism of FireMatters of Honour), décrivant de manière assez originale le déroulé de la guerre gothique depuis le point de vue du capitaine du Lord Solar Macharius. Il faut dire qu’à l’époque, Games Workshop venait juste de sortir le jeu Battlefleet Gothic, et si cela ne vous fait pas sentir le poids des années, vous êtes probablement un être immortel… Ah, et tant qu’on y est, et puisque je suis d’une humeur charitable, le Tybalt’s Quest de Gav Thorpe peut aussi être considéré comme l’épisode fondateur d’un arc narratif, puisque le brave Tybalt nous reviendra quelques mois plus tard dans Tybalt’s Battle1.

Le cadre étant posé, il est temps de partir à la (re)découverte des 23 nouvelles qui forment le corpus de cette troisième année infernale, afin d’établir si le presque quart de siècle qui nous sépare de leur publication initiale se fait sentir à la lecture. Accrochez-vous à votre siège, on va changer de millénaire…

1 : Et bien des années plus tard, Dan Abnett rachètera l’honneur de tous les Tybalt en donnant ce nom à l’un de ses seconds couteaux de l’Hérésie d’Horus. Un acte miséricordieux.

Inferno! Année 3

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Gilead’s Test – D. Abnett [WFB] – #13 :

INTRIGUE :

WFB_Gilead's TestCette fois-ci, c’est la bonne. Après s’être vengé de la mort de son frère jumeau (‘Gilead’s Wake’), puis sombré dans la dépression et finalement choisi de consacrer sa vie à combattre le mââââl sous toutes ses formes (‘Gilead’s Fate’), notre héros a enfin opéré sa pleine mue et atteint sa forme finale, celle de VHS (Vigilante Hagard et Sociopathe). Nous retrouvons donc l’autre duo G&F légendaire de Warhammer Fantasy Battle à la sortie d’un accrochage disputé contre une bande d’Elfes mutants (eh oui, ça existe), alors que nos amis cherchaient le chemin de la Tour de Talthos Elios afin d’aller rendre visite à leurs lointains cousins…

Les aléas de la guerre ont séparé le couple fusionnel (c’est pas moi qui le dit, c’est Abnett), laissant Fithvael émerger difficilement d’un KO sans graves conséquences pour sa vieille personne, mais désespéremment seul parmi les cadavres de ses adversaires. Petite consolation, sa fidèle jument ne l’a pas déserté, et le dévoué serviteur peut se lancer sur les traces de son maître disparu sans tarder (même si sa méthode d’investigation est tellement scrupuleuse qu’il lui faut une journée entière avant de décider par où partir). Gilead, de son côté, s’est fait piteusement assommer par la dernière de ses victimes, et a été récupéré par un des quelques survivants de son épisode shadow fast, qui l’a amené à la fameuse Tour. Si les Elfes pervertis qui occupent les lieux n’ont pas occis le fier héros, c’est qu’ils souhaitent le rallier à leur cause, ce qu’ils font en lui jetant un sort pendant qu’il est inconscient : à son réveil, il perçoit ses hôtes et leur domaine comme parfaitement hauts elfiques, et se remet donc doucement de son trauma crânien en bonne compagnie, pendant que son brave Fithvael s’enquille des nuits humides à sa recherche. Il n’y a pas de justice, décidément.

Fifi peut toutefois compter sur l’apparition fortuite d’un Mutelfe (appelons les comme ça) pour le remettre sur une piste qui menaçait de se refroidir salement (à son image). Pour vous refaire le topo : Fithvael est réveillé en sursaut par l’arrivée du maraud, sans doute trahi par sa mauvaise odeur, et lui pourrave le gu*ule – sans grands effets il faut bien le reconnaîte – jusqu’à ce que son placide adversaire décide de repartir. Pas né de la dernière pluie, l’ancêtre décide de laisser à sa proie une longueur d’avance, pensant – à juste titre – qu’elle finira par le mener jusqu’au lieu où Gilead est retenu. Tout fonctionne plutôt bien jusqu’à ce que le lièvre de Fithvael, sérieusement esquinté, s’effondre au sol et se fasse rattraper par son poursuivant. S’en suit alors une scène grotesque (qui est la raison pour laquelle je suis descendu dans ce niveau de détail, je l’avoue), au cours de laquelle Fithvael fait du bruit de façon menaçante à proximité de son gibier, dans l’espoir de le faire sortir de son coma, et pouvoir ainsi continuer sa traque. C’est complètement con, je vous l’accorde… et ça ne marche pas. Il y a bien une justice, finalement (cf paragraphe précédent).

De son côté, Gilead, qui a bien récupéré, et est tombé à moitié sous le charme de la fille de son hôte, la ravissante Gudula (WTF Dan ?), se dit qu’il est temps de se remettre en forme après avoir passé tout ce temps (le sort qui lui a été jeté transforme les jours en semaines) allité comme une grosse feignasse. Quelques sessions de salle plus tard, Gigi se met à en faire (du sale), sa redécouverte du shadow fast envoyant trois de ses sparring partners à l’infirmerie, sans que notre psychopate aux oreilles pointues ne s’en émeuve. Quel héros, vraiment. Il est temps que cette sinistre histoire arrive à son terme, ce qui se passe lorsque Fithvael, qui, par miracle, a fini par trouver la Trump Tower de la Drakwald, se fait chopper comme un bleu par la patrouille, et assommer à son tour sans sommation. Trop cléments, les Eliossiens le ramènent à l’intérieur pour tenter de le recruter à son tour, mais c’est sans compter sur Gilead, qui reconnaît son vieux compaing, et, ne se posant absolument pas la question de savoir pourquoi il est amené à la Tour comme un sac à patates, le fait monter dans ses quartiers pour lui prodiguer des soins. Se réveillant sans avoir été enchanté à son tour, Fithvael se rend compte que quelque chose cloche devant le choquant manque de réaction de son maître devant l’intérieur décrépit et l’aspect dégoulinant de ses hôtes. Le vieil Elfe fait toutefois comme si de rien n’était, jusqu’à ce que, grâce au pouvoir de l’amour (ou quelque chose comme ça), il arrive à lever le sort qui touchait Gilead, juste avant que ce dernier ne bascule totalement du côté moisi de la Force.

Si la sortie de la Matrix est douloureuse pour notre héros (notamment parce qu’il se rend compte qu’il a littéralement bouffé de la m*rde pendant des semaines), elle l’est incomparablement plus pour les perfides Mutelfes, qui se font tronçonner sans délai par la paire infernale. Ce n’est toutefois que la première étape de la nouvelle vendetta entreprise par Gigi, qui se dirige à grande hâte vers le fameux Tertre ayant perverti Talthos Elios, pour exercer une saine et cathartique vengeance sur le mââââl qui y rôde…

AVIS :

Péripétie franchement bizarre de la geste Gileadesque (encore que, on est très loin des niveaux de ‘Gilead’s Curse’), ce ‘Gilead’s Test’ comporte plusieurs étrangetés scénaristiques assez déplacées pour une soumission de Dan Abnett. Alors que les deux épisodes précédents s’étaient révélés être de courtes nouvelles robustement construites à la lecture agréable, ce plus long format, qui se termine d’ailleurs sur la promesse d’un grand nettoyage de printemps du fameux Tertre de Talthos Elios (jamais couvert dans Inferno!, ce Gilead’s Test étant le dernier épisode de la sage publié dans le magasine), se révèle une succession d’événements abscons et/ou inintéressants, emmenant le lecteur jusqu’au bout de ses 13 pages avec la grâce et la cadence du pauvre Mutelfe trucidé par Fithvael en chemin. Serait-ce le début de la fin pour le héros de Dan Abnett et Nik Vincent ? Ce n’est pas en lisant Inferno! que nous le saurons, mais le dernier passage de Fifi et Gigi dans les pages infernales ne fait pas vraiment plaisir à lire…

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Nightmare – G. Thorpe [40K] – #13 :

INTRIGUE :

Nous suivons les péripéties oniriques du jeune Joshua, dont l’adolescence a pris un sale tour depuis que sa famille et ses amis l’ont rejeté pour crime de sorcellerie, forçant le jeune homme à vivre seul dans le désert inhospitalier de la planète de Sha’ul. Seul ? Pas tout à fait. Une mystérieuse voix, que l’on appellera donc Daniel, lui tient compagnie et lui prodigue des conseils dans son exil, sans que le peu curieux Joshua s’interroge beaucoup sur l’origine de ce phénomène. Pour la première fois depuis que son ami imaginaire lui rend visite, la Voix a retentit dans son esprit alors qu’il était endormi, et lui propose rien de moins que de participer à une grande aventure, comme quand il était enfant et jouait au Space Marine, ainsi que font les bambins de l’Imperium.

Sur les indications de The Voice, Joshua part donc en vadrouille et commence à farmer du mob démoniaque de bas étage, grâce aux pouvoirs merveilleux de son esprit, capable de matérialiser des armes et des armures à volonté pour affronter toutes les épreuves de ce qui ressemble fort à un RPG en réalité virtuelle (ça doit être commun au 41ème millénaire). Bien que Joshua ne soit pas plus violent que la moyenne, l’aspect répugnant des créatures qu’il rencontre et l’assurance maintes fois répétées par la Voix que tout ça n’est qu’un rêve, conduisent notre héros à commettre un véritable massacre grâce à ses pouvoirs psychiques fantasmés.

Guidé par son GPS intégré, Joshua finit par arriver devant un bâtiment dont l’entrée est gardée par une grille de fer, dont il tort aisément les barreaux avant de se glisser dans un étroit tunnel en prenant la forme d’un serpent. Au bout du compte, il parvient dans une salle obscure où l’attend le « boss de fin », un tas de saindoux à tentacules que la Voix l’incite à tuer pour terminer sa quête. Bien fatigué par ses aventures et lassé de ces tueries incessantes, Joshua fait mine de refuser mais son compagnon excite son amertume et sa rage d’avoir été abandonné par ses proches à cause de sa différence jusqu’à ce que le jeune homme pète les plombs et étrangle à mains nues sa victime dans un accès de colère. Ceci fait, la Voix lui annonce qu’il n’a qu’à imaginer qu’il est de retour à son point de départ pour sortir de ce rêve étrange et pénétrant, et lui promet de le laisser désormais tranquille…

Début spoiler…A son réveil, Joshua a la surprise de découvrir qu’il n’est pas dans sa cahutte du désert, mais dans un jardin luxuriant qui ne peut être que celui du Gouverneur Planétaire Ree en personne. Surprenant la conversation de passants alors qu’il se cache dans les fourrés, il comprend alors qu’un mystérieux assassin a réussi à s’infiltrer dans le palais, massacrant les gardes et les sentinelles au cours de sa progression, défonçant tous les obstacles et se glissant dans les moindres interstices, jusqu’à parvenir dans la chambre du Gouverneur, retrouvé étranglé dans son lit au petit matin. La nouvelle se termine avec l’horrible réalisation par Joshua qu’il s’est fait grandiosement balader par celui qu’il considérait comme son seul ami, pendant que dans le Warp, un démon mineur de Tzeentch ricane follement en se tenant la bedaine…Fin spoiler

AVIS :

Gav Thorpe tenait une idée de nouvelle assez intéressante avec ce ‘Nightmare’ (Adventure Times à la sauce 40K, rien que ça), mais il pêche un peu par son exécution, qui ne laisse pas assez planer de mystère sur les actions accomplies par Joshua lors de sa virée nocturne à mon goût. Dès lors que Thorpe nous révèle que son héros a été chassé de son village après avoir été accusé d’être un sorcier (donc un Psyker en puissance), n’importe quel lecteur au fait de son fluff prendra le ‘it’s just a dream bro’ que la Voix sert à Joshua à toutes les sauces avec les pincettes de rigueur. J’ajoute que ‘Nightmare’ exploite le même filon qu’une vieille nouvelle de 40K, autrement plus mémorable car joyeusement foutraque (normal pour une soumission d’Ian Watson, vous me direz) : ‘Warped Stars’. L’imitation est la forme la plus sincère de flatterie, et on peut pardonner à un auteur – à l’époque – aussi vert que Gav Thorpe de vouloir s’inspirer d’un auteur vétéran et célébré comme Watson, mais cela ne vient pas non plus jouer en faveur de son travail. Bref, une petite nouvelle fort convenable mais absolument pas mémorable.

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Angels – R. Earl [40K] – #13 :

INTRIGUE :

Alors que la fin approche pour lui, après une longue vie de près de 50 ans (ce qui est apparemment respectable sur la planète féodale sur laquelle il vit), Bobby1 se remémore l’événement le plus marquant de son existence, un souvenir tellement puissant qu’il l’a guidé dans les moments charnières de sa vie, depuis l’accouchement de sa femme jusqu’à l’extermination d’une meute de loups un peu trop familiers. Cela s’est passé il y a bien longtemps, lorsqu’il n’était qu’un petit nenfant…

Né dans le petit village de Pasternach, Bobby connut une enfance rude mais heureuse dans ce hameau fort éloigné du tumulte grimdark d’une galaxie hostile, jusqu’à ce que des signes inquiétants se multiplient dans les environs immédiats du bourg. Les méthodes traditionnelles (envoyer une patrouille faire mumuse dans la forêt voisine) n’ayant, pour une fois, pas donné les résultats escomptés, une douce psychose commence à s’abattre sur Pasternach au fur et à mesure que des événements sinistres se produisent dans le voisinage (meurtre sauvage d’un vieil ermite qui résidait un peu en retrait du village, disparition de l’expédition de volontaires envoyés quérir de l’aide dans la ville la plus proche, incendie probable de cette dernière en pleine nuit). Décidés à se défendre contre les forces maléfiques qui crapahutent dans les sous-bois, les villageois transforment leur communauté en fort retranché, mais cela ne décourage pas la bande de mutants assoiffés de sang et de chair fraîche qui constitue la cause de leurs tracas de passer à l’attaque, au cœur d’une sombre nuit d’automne.

Malgré leur vaillance et leurs outils de ferme soigneusement affutés, tout aurait pu et dû très mal se finir pour les Pasternachois, très démunis face à la férocité et au nombre de leurs assaillants. Au moment où tout semblait perdu, cependant, quatre « anges » (d’après les mots du narrateur) font leur apparition sur la palissade ceignant le village, et commencent à tailler des croupières à la horde impie, avec une terrible efficacité qui ne manque pas d’impressionner le jeune Bobby. Ce qu’il ne peut pas savoir, en pauvre inculte qu’il est, c’est que les nouveaux arrivants sont des Space Marines2, et que le massacre d’une bande d’Hommes Bêtes en maraude n’est probablement qu’un échauffement avant leur tournoi de bière pong énergétique. Toujours est il que la bogossitude absolue de l’Astartes fait une très forte impression sur Bobby, qui tirera de ce souvenir impérissable la fortitude nécessaire pour affronter tous les aléas de sa morne vie de péquenot. Merci Pépé.

1 : Comme il n’a pas de nom, je lui en donne un.
2 : Robert Earl ne donne pas d’indication quant à leur allégeance, et comme leur livrée est bleue et verte, il est permis de penser qu’il ne s’agit pas nécessairement de loyalistes

AVIS :

Avant le lancement des gammes Warhammer Horror et Crime, rares étaient les nouvelles de 40K s’intéressant au point de vue des humbles sujets de l’Imperium, et à ce titre, ‘Angels’ est une œuvre intéressante et résolument précurseuse (?), puisqu’écrite plus de vingt ans avant que la Black Library fasse le pari de la diversification. Bien sûr, il y a bien des Space Marines au casting de cette courte nouvelle, mais Robert Earl garde volontairement et astucieusement la caméra braquée au niveau de son jeune et impressionnable héros, qui est au fond assez proche de la grande majorité des habitants de l’Imperium dans sa méconnaissance absolue de qui sont les Elus de l’Empereur. Ajoutez à cette bonne idée de positionnement narratif le talent de conteur d’Earl, et vous obtenez une des nouvelles courtes (10 pages ou moins) les plus efficaces du catalogue de la BL à mon humble avis. Un vrai masterclass en GW-Fiction.

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The Bretonnian Connection – J. Wallis [WFB] – #13 :

INTRIGUE :

WFB_The Bretonnian ConnectionNous retrouvons l’homme qui tua Liberty Valance Frère Gilbertus (‘The Dead Among Us’), l’ex-marchand devenu Prêtre de Morr Dieter Brossmann, peu de temps après la conclusion de la première nouvelle dont il était le (sombre, taciturne et antisocial) héros. Alors que le temple dans lequel notre ecclésiastique sert est encore en réparation, et que le clergé survivant tente tant bien que mal de creuser des tombes dans la terre encore gelée du Morrspark, une nouvelle d’importance parvient à leurs oreilles rougies par le froid de ce début de printemps : la Comtesse Sophia d’Altdorf, représentante de Karl Franz auprès de la cour du Graf, et, accessoirement, femme séparée du Dauphin de Bretonnie, a été retrouvée morte dans ses appartements, et pas de causes naturelles. Sophia étant une figure populaire dans la Cité du Loup Blanc, les Prêtres se préparent à quelques jours d’intense activité, la populace de Middenheim se tournant en grand nombre vers les Croque-Morrs pour obtenir un réconfort spirituel dans cette période troublée.

Cette agitation ne concerne cependant que marginalement notre héros, que son nouveau supérieur, Père Ralf, envoie collecter un cadavre de mendiant dans un hospice de l’Altquartier au lieu de le mobiliser pour répondre aux atermoiements de la foule. Ceci est somme toute assez logique car Dieter déteste tout le monde, lui y compris, et manque donc de l’empathie nécessaire pour cette tâche. Nous suivons donc Didi alors qu’il se rend là où sa fonction l’appelle, en fredonnant sa chanson préférée. Sur place, il a la surprise de constater que le macchabée était connu de lui, du temps où il était un des marchands les plus en vue de Middenheim : c’est bien ce vieux Reinhold, homme à tout faire, et surtout les mauvais coups, qui gît raide comme une planche sur une des paillasses de l’hospice. Passée la vague nostalgie suscitée par cette découverte, Dieter se livre à un rapide examen du cadavre, et n’est pas long à découvrir que les causes de la mort sont loin d’être naturelles. Déterminé à démasquer le coupable du meurtre de son ancien sous-fifre, Brossmann repart de l’Altquartier à la recherche d’une certaine Louise, désignée par le propriétaire des lieux comme la bonne amie du défunt, et qui est la dernière personne avec laquelle Reinhold a été vu.

Une fois la donzelle localisée, Dieter apprend qu’un de ses vieux ennemis est de retour en ville, et certainement pas pour lui conter fleurette. Du temps où il était aux affaires, notre héros a en effet cru malin de piéger un concurrent potentiel, le marchand Claus Grubheimer, surnommé Grubworm, qui souhaitait ouvrir un comptoir d’herbes de Loren dans la cité. Sous ses abords bonnasses, Brossmann s’est arrangé pour faire trouver par la milice urbaine des substances illicites dans les quartiers du Middenheimer d’origine Bretonnienne (c’est important), provoquant sa disgrâce et sa fuite. On savait rire à l’époque. Reinhold ayant aidé Brossmann à réaliser ce tour pendable (littéralement, le recel de lotus noir étant puni de mort), il suppute fortement que le décès violent de son ex-associé implique Grubworm, et que ce dernier ne va pas tarder à lui rendre une visite de courtoisie. Une fois ces informations obtenues de Louise, qui, comme son nom l’indique, est également une Bretonnienne d’origine, le Prêtre repart vers le temple, où il compte bien réaliser une autopsie de la dépouille de Reinhold.

Ces nobles projets sont toutefois contrariés par le déplaisir manifeste du Père Ralf, qui trouve que l’empathie de son inférieur laisse singulièrement à désirer, et insiste donc pour le faire participer à la messe funèbre donnée en l’honneur de Sophia, en pénitence de sa froideur manifeste. Contraint par cet impondérable, et de plus en plus inquiet pour son intégrité physique, Dieter change de plan et s’en va se rencarder auprès d’une autre de ses vieilles et interlopes connaissance, le bien nommé Grizzly Bruno (Koala Bob était absent ce jour là), qui accepte d’envoyer un de ses hommes localiser Grubworm au bénéfice du Prêtre. Ceci fait, ce dernier retrouve Louise, qu’il a sèchement rabroué au cours de leur précédent échange, au moment même où elle s’apprêtait à lui donner une information importante. C’est ballot. Bien heureusement, Dieter est un crack, et parvient sans mal à connecter entre elles toutes les pièces du puzzle à la seconde tentative. Prenez note : c’est Reinhold, dont la connaissance des tunnels sous Middenheim et les compétences de crochetage rendaient très qualifié pour le job, qui a assassiné la Comtesse Sophia. Pourquoi ? Eh bien, il semblerait que ce mauvais garçon, ayant eu vent du retour de Grubworm et devinant que ses heures étaient comptées, ait agi pour tirer sa révérence de façon « glorieuse »1, tout en vengeant sa chère et tendre au passage, qui s’était faite lourdée sans ménagement par Sophia quelques années plus tôt. Des motifs très profonds, comme vous pouvez le voir. Ayant convaincu la « veuve » de Reinhold de lui remettre l’anneau de fiançailles de la Comtesse, dérobée par le coupe-gorge comme preuve de son crime et moyen pour lui de se faire une place dans l’histoire, Dieter repart dare dare vers le temple, où la messe doit commencer sous peu.

Les choses s’accélèrent à son arrivée sur place, trop tard pour prendre la sienne dans la cérémonie (au grand déplaisir de Père Ralf), mais pile au bon moment pour croiser Grubworm. Peu confiant en ses chances de sortir d’un vainqueur d’une confrontation avec sa Némésis (pour tabasser les Nécromanciens rachitiques, il y a du monde par contre), Dieter s’enfuit dans l’aile résidentielle du bâtiment, jusqu’à sa cellule où il trouve un sac de poudre de lotus noir placé bien en évidence. Comprenant que Grubworm cherche à lui refaire la bonne blague qu’il avait organisé à ses dépends quelques années plus tôt, notre héros se saisit de la bourse incriminante, et profite de l’arrivée impromptue d’un de ses collègues, Frère Jakob, pour lui refiler en douce le chichon. Bien lui en prend, car la paire se fait arrêter à la sortie du temple par une patrouille de miliciens, rencardés par Grubworm, comme Dieter s’y attendait. Notre héros va-t-il laisser son innocent coreligionnaire se faire alpaguer à sa place ? Que nenni. Tirant parti des tours de passe passe que Reinhold lui a enseigné, il fait mine de sortir l’anneau de la comtesse du pourpoint de son accusateur, en gueulant « OH MAIS REGARDEZ CE QU’IL A DANS LA POCHE-EUH » à la cantonnade. Cette preuve très incriminante, couplée aux origines Bretonniennes de Grubworm, placent ce dernier dans une situation des plus délicates, et entraînent une réaction malheureuse (surtout pour Jakob) de sa part : dégainant un couteau, il tente de se faire justice lui-même, mais c’est sans compter l’égoïsme patenté de Dieter, qui prend soin de placer son collègue dans la trajectoire. Bilan des courses : Grubworm se fait lui-même occire séance tenante par un quidam révolté (qui se trouve être le complice de Grizzly Bruno), Jakob passe du statut de Prêtre de Morr à celui de Prêtre mort (notez la subtile différence), mais Dieter a réussi à sauver sa tonsure, ce qui est bien tout ce qui lui importe. La guerre probable entre l’Empire et la Bretonnie causée par cet incident diplomatique n’est d’ailleurs que le cadet de ses soucis, tout comme le fait que, si on regarde bien, c’est lui le méchant de l’histoire. Que voulez-vous, le Vieux Monde est un endroit cruel…

1 : On a affaire au Mark David Chapman du Vieux Monde, ou en tout cas, à un sévère syndrome d’Erostrate.

AVIS :

James Wallis relève la barre (qui était déjà assez haute) de sa série consacrée à Dieter Brossmann, le Dexter de Middenheim, avec cet excellent ‘The Bretonnian Connection’. Le lecteur a droit à une transposition réussie du roman noir dans le monde de Warhammer, qui se révèle être naturellement assez glauque, injuste et immorale pour que cette adaptation fonctionne à plein régime. En plus de proposer un récit d’enquête tout à fait correct, cette nouvelle permet de placer le héros de Wallis sous un nouvel angle, dont il sort plus approfondi que grandi. Exit le Prêtre de Morr ayant adopté la chasuble pour pouvoir continuer ses investigations sur la disparition de sa femme et de son fils : Brossmann apparaît comme un authentique salopard, prêt à tout pour éliminer la concurrence et préserver sa précieuse personne. Malgré ces révélations peu ragoutantes, Wallis parvient à conserver un fond de sympathie dans son personnage, que le lecteur aura bien du mal à haïr en dépit du caractère trouble de son passé, son réseau et ses agissements. Intéressant à plus d’un titre, autant par la plongée dans le Middenheim profond et la géopolitique du Vieux Monde qu’il offre, que dans la mise en scène de personnages plus complexes que la moyenne (pour la Black Library), ‘The Bretonnian Connection’ est l’une des toutes meilleures soumissions de James Wallis, ainsi que l’une des tentatives les plus abouties de la BL en termes de récit policier (ce qui est un peu triste pour Warhammer Crime, mais bon).

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Know Thine Enemy – G. Thorpe [40K] – #14 :

INTRIGUE :

40K_Know Thine EnemyLorsque la planète Slato et ses deux cent mille colons se trouvent menacés par les perfides Eldars, il incombe à la 4ème Compagnie des Salamanders de voler à la rescousse de cet agri-monde guère capable de se défendre seul contre les insaisissables Xenos. Nous suivons donc le Chapelain Ramesis et les trois escouades qu’il chaperonne alors que ce beau monde se dirige en Thunderhawk vers le portail Warp où se concentre la majorité des combats. Après avoir conduit les rites appropriés, formellement accueilli un frère de bataille novice (Xavier1) au sein de la Compagnie, et surtout briefé ses hommes – et le lecteur avec eux – sur les tenants et les aboutissants de leur mission, Ramesis est sauvé de l’indignité de devoir se lancer dans le stand up pour meubler la nouvelle par l’attaque d’un vaisseau eldar, qui force le Thunderhawk à se poser en catastrophe dans la pampa. Rien de très grave pour nos fiers surhommes, qui partent en petites foulées en direction du champ de bataille, après s’être rapidement coordonnés avec le reste du contingent Salamanders, sous les ordres du Capitaine Nubean et de l’Archiviste Zambias.

La session de décrassage des verts les amène à traverser un bois, où les attendaient quelques Rangers pas très dégourdis, et qui se font vite laminer par les intraitables (mais pas beaucoup plus malins2) Astartes. Cette échauffourée donne l’occasion à Thorpe de nous resservir une nouvelle tournée de dialogues ciselés, avant que les détachements de Ramesis et de Nubean n’accomplissent leur jonction, ce qui mène évidemment à plus de palabres entre les trois officiers. Moment de grâce absolu où les lignes défilent sans que les mots prononcés n’aient le plus traître intérêt : c’est un peu comme si on avait demandé à ChatGPT d’écrire un rapport de bataille 40K depuis le point de vue d’un mauvais commentateur sportif. Après avoir débattu pendant à peu près trois mille ans, notre fine équipe repart, toujours en courant, vers le portail Warp tant attendu (par le lecteur en tout cas) afin d’aider la Garde Impériale à défendre cette mystérieuse relique contre les attaques incessantes des Eldars. On apprend aussi qu’un Techno-Prêtre de l’Adeptus Mechanicus (Simeniz) a été dépêché sur place pour étudier la machinerie Xenos, qui doit donc être impérativement défendue et non détruite de manière préventive (ce qui serait tout de même ’achement plus pratique). ‘Ach !’ fait Ramesis, que son dédain pour les disciples de l’Omnimessie transforme soudainement en germanophone. On est plus à un cliché près, à ce stade.

Après avoir complété leur marathon, les Salamanders se positionnent autour du portail, confiants dans la tactique du camping éhonté pour remporter la victoire à la clock. Après tout, c’est ce qu’à fait l’Empereur pendant le Siège de Terra, et ça lui a bien réussi. Nouvelle scène de baston, nocturne cette fois-ci (sans doute un hommage à la planète natale de nos héros), pendant laquelle Thorpe finit d’égrener laborieusement les entrées du Codex Eldars V3, et où rien de bien intéressant ne se passe. Hors champ, Nubean décide d’aller taquiner le goujon avec son escouade de commandement et revient après quelques temps accompagné d’un Prophète et de deux Archontes. Stupéfaction chez Ramesis, qui ne comprend pas comment le Capitaine a pu parlementer avec l’ennemi, et manque de commettre une boulette en décochant un coup de crozius aux invités de son supérieur. En même temps, la haine est son métier, on ne peut pas lui reprocher d’être un peu intolérant sur les bords.

Revenus devant le portail pour, je vous le donne en mille, tailler le bout de gras, Salamanders et Eldars parviennent presque à se mettre d’accord sur la marche à suivre pour coopérer et ainsi empêcher la cabale du redoutable Kha-rehk d’activer la porte afin de piller Slato. C’était d’ailleurs l’objectif initial des Zoneilles, dont la tranquillité du Vaisseau Monde se serait retrouvée menacée à plus ou moins long terme en cas d’incursion réussie de la part de leurs méchants cousins sur la colonie impériale. Je dis « presque » car au moment où le Prophète commence à incanter pour désactiver la wifi, le portail commence à s’ouvrir et Ramesis a une réaction malheureuse : coller un pain au Xenos le plus proche. Après tout, il y a une bonne chance que ce soit de sa faute, pas vrai ? La situation dégénère totalement et les trois Eldars finissent en salami, Xavier s’illustrant particulièrement en assénant le coup de grâce au Prophète avec le crozius de Ramesis…

Début spoiler…Toutefois, cela n’empêche pas la nouvelle de se terminer sur une défaite critique de l’Imperium, la décision hâtive et xénophobe du Chapelain ayant permis aux Eldars Noirs d’ouvrir le portail et de déferler en masse sur les positions impériales. Ramesis a le temps de réaliser qu’il a vraiment chier dans la colle, l’alliance des Space Marines, Gardes Impériaux et Eldars ayant pu permettre de repousser les Drukharis, avant de se faire ôter son dernier point de vie par une foultitude de cabalites surexcités. Dans la vie, il faut savoir choisir ses combats.Fin spoiler

1 : Oui, LE Xav’ en personne. Gav Thorpe n’a jamais pu résister à un caméo de personnage nommé, c’est son péché mignon.
2 : Ramesis décide en effet de couper à travers bois alors que 1) son second lui avait fait part d’un fort risque d’embuscade, et 2) l’auspex de ce dernier avait confirmé la présence d’humanoïdes embusqués dans le bosquet.

AVIS :

Un jeune Gav Thorpe se frotte à la nouvelle de taille intermédiaire (32 pages), pour un résultat comiquement laborieux. C’est bien simple, plus de la moitié du texte de ce ‘Know Thine Enemy’ est constituée de passages de remplissage, alternant entre passages fluff (ne respectant d’ailleurs pas du tout le background1), expositions sans honte et dialogues creux. Ah, et de remise de casque aussi. Parmi les rares éléments rédempteurs de cette bouillie littéraire, citons tout de même l’idée de terminer la nouvelle sur une défaite sans appel des protagonistes (pas si fréquent dans la GW-Fiction), et l’enrichissement de l’historique du (pas encore) Chapelain Xavier. Pour le reste, nous qualifierons poliment cette nouvelle de travail de jeunesse assez peu abouti, et passerons à autre chose. Ça vaut mieux pour tout le monde.

1 : Entre les Space Marines qui considèrent l’Empereur comme un dieu, les 10 Compagnies de Salamanders (au lieu de sept) dénombrées par Thorpe, et le mépris total dont ces derniers font preuve pour la vie de leurs alliés humains, le fluffiste souffle fort à la lecture. L’auteur a fini maître du background chez GW, donc il s’est rattrapé après cela.

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Rat in the Walls – A. Hammond [NDA] – #14 :

INTRIGUE :

NDA_Rat in the WallsNous retrouvons Knife-Edge Liz, l’héroïne vengeresse de ‘A World Above’ dans un état comparable à celui dans lequel elle a passé la majeure partie de cette précédente nouvelle : pissant le sang, trop faible pour tenir debout et sujette à des évanouissements fréquents. La constance, c’est la marque des plus grand.e.s. Ayant troqué ses frusques d’Escher pour une exo-armure Spyrienne aussi fatiguée qu’elle-même, et les profondeurs rassurantes du sous monde pour les tuyaux d’aération de la haute ruche, Liz sévit depuis plusieurs jours parmi les rupins de Primus, cherchant à faire payer l’élite necromundienne la mort tragique du reste de son gang. Une quête des plus nobles, mais dont on se demande bien comment elle est mise en œuvre par l’intéressée, qui ne dispose que d’informations très limitées sur l’identité du responsable de ses malheurs, le puissant et mystérieux Terrak Ran’Lo. On supposera que l’intermédiaire avec lequel ce dernier organisait des virées sanglantes dans le sous monde, et que Liz a proprement massacré hors champ à la fin de ‘A World Above’ (Aldus Harkon), lui a donné quelques tuyaux avant de passer l’arme à gauche. Mais la piste reste assez mince pour une sauvageonne comme notre Lison, que son existence de ganger n’a pas préparée à opérer chez les bourges.

Après quelques pénibles reptations, Liz finit par entrer par effraction dans une résidence de haut standing, et s’effondre dans la salle de bains avant d’avoir pu déboucher le flacon de mercurochrome. Elle a toutefois de la chance de sa torpeur : au lieu de se faire sommairement exécuter par le propriétaire des lieux en plein coma, ou simplement abandonner dehors sur un tas d’ordures (biologiques, car on fait le tri sélectif en haut de spire), son hôte entreprend de la remettre sur pied avec bienveillance et diligence, se permettant même de lui effacer la plupart de ses disgracieuses cicatrices au passage. Bien évidemment, notre bon samaritain, qui se présente comme Kassat Ran’Lo, n’est en rien désintéressé. Rival de son parent Terrak, qui occupe un siège au conseil familial sur lequel il lorgne avec insistance, Kassat souhaite faire assassiner son encombrant cousin par Liz, à la faveur d’un bal qu’il organisera prochainement. Après avoir d’abord refuser de marcher de la combine, notre Escher convalescente finit par comprendre qu’elle n’a guère le choix, et qu’accepter cette mission lui donnera l’occasion d’expliquer sa manière de penser à Terrak, ce qui serait joindre l’utile à l’agressable.

Au bout de nombreuses leçons d’élocution et de menuet, Liz est fin prête à l’action. Le plan de son commanditaire est simple : faire entrer son assassin sur les lieux des réjouissances grâce à ses relations éloignées pour brouiller les pistes, et cacher un pistolet dans la sculpture de glace trônant au milieu du buffet pour contourner la sécurité. Cela aurait été presque intelligent si Kassat et Liz n’avaient cru bon d’aller discuter pendant le bal (sans que rien de très important ne le justifie en plus de cela), ce qui aurait donné une magnifique piste à exploiter aux enquêteurs si la nouvelle avait été une novella ou un roman. Ayant laissé Kassat s’eclipser de la petite sauterie, Liz passe enfin à l’action, faisant diversion en libérant un duo de gladiateurs à la fois enchaînés et déchaînés afin de pouvoir briser la glace avec Terrak Ran’Lo, et pas nécessairement dans cet ordre. Petite complication au programme, un Chasseur de Sorcières importun s’est joint aux réjouissances sans prévenir, mais un test de sauvegarde d’armure réussi de la part de notre tueuse lui permettra de remporter le duel de tir avec le servant des Ordos. Dès lors, régler son compte à ce vieux croulant de Terrak n’est qu’une formalité, comme échapper à une horde de gardes armés jusqu’aux dents pour rejoindre la planque de Kassat. La magie des ellipses…

Début spoiler…Sa mission accomplie, Liz aurait dû se douter que son employeur se retournerait contre elle, mais c’était sans compter son bon cœur et/ou sa tête vide. Si la fourberie de Kassat ne s’avère guère surprenante, la révélation de son identité secrète l’est davantage. C’est bien Terrak Ran’Lo qui a commandité son propre meurtre, ou plutôt celui d’un rival de la maison Ulantis, qui militait ironiquement pour l’interdiction des safaris urbains de la jeunesse syprienne. Le pistolet en sa possession ne fonctionnant évidemment pas contre son commanditaire, Liz fait ce qu’elle sait faire de mieux dans ces cas là, à savoir l’improvisation explosive. Un tir dans le velux du bureau de Terrak, sans doute situé très haut dans la stratosphère, provoque en effet une aspiration telle que les deux larrons se retrouvent en mauvaise posture, Liz accrochée à la rembarde et Terrak cramponné aux basques de la première1. Malgré les jérémiades de Ran’Lo, moins faraud depuis qu’il fait la planche à 10.000 mètres au dessus du sol, Liz préfère tout envoyer balader, sacrifiant ainsi sa vie pour accomplir sa vengeance. La légende raconte qu’elle plâne encore autour de la spire de Hive Primus à ce jour…Fin spoiler

1 : Car les rembardes n’ont pas de basques, c’est connu.

AVIS :

Conclusion de l’arc narratif débuté avec ‘A World Above’, ce ‘Rat in the Walls’ (clin d’œil à Lovecraft ?) cumule comme son prédécesseur bonnes idées et mise en œuvre poussive. Les points forts de cette nouvelle (révélation bien amenée de l’identité de Kassat, conclusion tragico-poétique pas si courante pour une soumission de la Black Library) passent malheureusement au second plan, masqués derrière manquements d’une intrigue (trop) visiblement au service de l’idée générale que Hammond avait de son histoire : le choc des civilisations entre une ganger Escher mal dégrossie mais droite dans ses bottes, et un notable de la spire, aussi raffiné que retors. Outre les questions de pure logique que le récit passe avantageusement sous silence1, le simple fait que Liz puisse faire illusion comme courtisane spyrienne en l’espace de quelques jours/semaines me semble très peu vraisemblable. On peut aussi regretter que la longueur limitée de ce texte n’ait pas permis à Hammond de développer un peu plus certains passages, comme l’apprivoisement de Smeagol Liz ou l’assassinat de Terrak Ran’Lo, ce qui aurait pu fluidifier/épicer davantage son propos. En résumé, un potentiel certain mais une exécution mal maîtrisée.

1 : Ou le monstrueux coup de chance de Terrak que sa Némésis vienne roter du sang sur le lino de sa salle de bain et nulle part ailleurs dans une cité ruche de milliards d’habitants…

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The Lives of Ferag Lion Wolf – B. J. Bayley [40K] – #14 :

INTRIGUE :

WFB_The Lives of Ferag Lion-WolfC’est une belle journée qui commence dans le palais de Ferag Lion-Wolf, Champion de Tzeentch ayant bien réussi dans la vie. Après avoir servi comme Space Marine dans les rangs des Purple Stars, notre héros a décidé d’aller relever de nouveaux défis en passant de l’autre côté du périph’ et de l’Œil de la Terreur, où il s’est taillé un petit empire. Aujourd’hui, il accueille un visiteur de marque, en la personne du Seigneur Quillilil (eh oui), autre Elu du Dieu du Changement dont il convoite le domaine (et réciproquement, comme on peut s’y attendre la part de disciples de Tzeentch).

Après avoir galamment secouru son hôte alors qu’il se faisait attaquer par des terroristes1 disques-jockeys pendant la descente vers son palais, Ferag ne peut résister à la tentation de faire une démonstration de ses pouvoirs de… maître Lego, aussitôt imité – mais en moins bien, évidemment – par Quillilil. Passées ces aménités, il est temps pour Fefe d’emmener son invité jusqu’à la table du festin qu’il a organisé pour lui, mais surtout de lui narrer par le menu les épisodes les plus mémorables de sa longue et épique vie.

On apprend ainsi que notre héros a reçu son nom si particulier après avoir vengé son père, sauvagement tué par un gigantesque lion-loup alors qu’il n’avait que huit ans (Ferag, pas son père), en réglant son compte en solo à la pénible bestiole, d’un coup d’épieu bien placé. Bien des années plus tard, Ferag s’est distingué en menant ses frères de bataille Purple Stars dans l’abordage inspiré d’un vaisseau ruche tyranide, d’une manière si convaincante que le Codex Astartes fut revu et corrigé pour l’occasion (nous dit-il). Enfin, ce fut le triomphe tactique de la bataille pour la planète-bol (si si), brillamment remportée contre les hordes énervées de Khorne et pestilentes de Nurgle, pour la plus grande gloire de Tzeentch. La régalade aurait pu continuer longtemps si un bloc de maçonnerie ne s’était pas décroché alors que les deux Elus passaient en contrebas, frappant Ferag en pleine tête et le faisant sombrer dans l’inconscience…

Début spoiler…Et à son réveil, les choses ne sont plus les mêmes pour notre héros. Exit sa vie rêvée de Champion du Chaos, et bonjour à la triste réalité : Ferag n’est en fait qu’Ulf Rampe-Bouse, un avorton ayant intégré un culte de Tzeentch pour tenter de gagner de l’influence, mais ayant manqué du courage nécessaire pour assassiner un rival politique, malgré les ordres clairs donnés par son Magister. Condamné à être transformé en Enfant du Chaos en punition de son échec, Ulf a été victime d’une ultime cruauté de la part de sa déité, qui n’est pas connue comme étant le Maître du Mensonge pour rien : un aperçu de la vie qu’il aurait pu avoir, si les étoiles avaient été alignées différemment, ou quelque chose comme ça. Alors que son corps se transforme en amas informe et que son esprit sombre dans la folie, nous laissons Ferag/Ulf se débattre avec l’épineuse question de ce qui est réel et de ce qui ne l’est pas. Critique de la raison pure, Kant tu nous tiens…Fin spoiler

1 : Comme quoi, on peut être un Seigneur du Chaos et détester l’anarchie.

AVIS :

Les nouvelles dont le twist final consiste à révéler que le protagoniste a rêvé ou halluciné tout ce qui nous a été présenté au cours des pages précédentes sont assez rare au sein du corpus de la Black Library1, aussi ‘The Lives of Ferag Lion-Wolf’ n’est pas aussi inimaginatif dans son intrigue que ce que le lecteur non familier avec la GW-Fiction pourrait en penser2. Avec son style flamboyant/ampoulé (c’est selon) assez unique parmi les auteurs de la Black Library, et sa vision quelque peu surannée – justifiable au vu de l’ancienneté de la nouvelle – du fluff, Barrington J. Bayley trousse une petite histoire tenant plus de la fable fantasy cruelle que du bolter porn qui était, et est toujours, la norme pour les courts formats 40K. Un acquired taste, comme disent nos amis anglais, qui peut ne pas convenir à tout le monde mais qui mérite le détour à mon avis.

1 : Mais de manière assez drôle, deux d’entre elles se suivent dans le recueil ‘Dark Imperium’, le ‘Nightmares’ de Gav Thorpe exploitant la même idée.
2 : Je dois indiquer ici que même Lovecraft a cédé à cette tentation, dans ce qui peut être considéré comme la moins lovecraftienne de ses nouvelles : ‘The Dream-Quest of Unknown Kadath’.

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Red Moon Over Altdorf – G. Rennie [WFB] – #14 :

INTRIGUE :

WFB_Red Moon Over AltdorfMorrslieb est de sortie au dessus de l’Empire, et plus précisément d’Altdorf où se déroule notre histoire. Comme on peut s’y attendre de la part d’une lune faite de malepierre, l’influence qu’elle fait planer sur la ville n’est pas très propice au calme et à la détente, ce qui fait les affaires du loup-garou millénaire (il a vu Sigmar revenir de la chasse au sanglier il y a fort longtemps) aux côtés duquel nous commençons la nouvelle. Loulou est revenu, comme tous les siècles environ, chasser dans la capitale impériale et grâce à ses super pouvoirs de vision du destin (en mode ultra violet après une tape sur la truffe), il peut choisir ses prochaines cibles en toute connaissance de cause. Et il a une idée très précise de ce qu’il cherche pour son retour aux affaires…

Dans un autre quartier de la ville, Zavant Konniger se réveille en sursaut, habité par la prémonition d’une convocation imminente à la cour impériale, et pas du tout par le réveil qu’il a oublié de décaler après le changement d’heure. Et en effet, il est mandé séance tenante par la Garde Civile qui s’est retrouvée avec un cadavre encombrant sur les bras : un riche marchand à la gorge déchiquetée et la tête à moitié arrachée, mais dont la bourse et les protubérances comestibles ont été ignorées par son assassin, ce qui disqualifie les pistes du crime crapuleux et de l’attaque de chiens errants. Chose inhabituelle, Konniger n’est pas le seul « consultant » employé par la maréchaussée d’Altdorf, puisque le Chasseur de Sorcières Marius van Sandt est également sur les lieux du crime quand le Sage Détective et son valet dissipé (Vido) arrivent. Van Sandt a été autorisé par le Dir’ Cab’ de Karl Franz, Otto von Bitternach, à enquêter sur ce cas et sur les six autres très similaires s’étant produit au cours des nuits précédentes, car le traqueur est sur la piste d’un loup garou qu’il soupçonne être responsable des récentes tueries. Les deux hommes acceptent de collaborer sur l’affaire afin de tenter de la résoudre le plus rapidement et discrètement possible, et pendant que van Sandt reste sur le terrain, Konniger décide d’aller rendre une petite visite à l’un de ses informants particuliers, le poète bretonnien Valois de Simone.

Ce dernier, dont les écrits enfiévrés n’ont pas été compris par la critique et injustement taxés de subversion chaotique, a gagné une résidence permanente dans l’asile municipal d’Altdorf, et continue son œuvre d’avant-garde en gravant les murs de sa cellule avec cure-dent rouillé. Si la discussion entre le dément et celui qui fut son avocat lors de son procès en hérésie ne semble pas voler bien haut pour le brave Vido, Konniger sort de l’entrevue avec sa tête des bons jours, certain d’avoir acquis une information capitale pour la suite des événements. Et c’est heureux car le loup garou en maraude n’a pas relâché ses efforts carnassiers : les deux compères sont donc sommés de se rendre sur une nouvelle scène de crime, hautement symbolique, la Konigsplatz. Ils y retrouvent van Sandt, qui trépigne d’impatience à l’idée de mettre la main au collet de sa proie, et entraine rapidement Konniger vers une rue adjacente où d’autres cadavres, plus récents, ont également été trouvés par la milice. Avant de partir avec le Chasseur de Sorcières, le Sherlock Holmes du Vieux Monde glisse une note manuscrite à son halfling de compagnie, et lui intime de la délivrer sans tarder à qui de droit, sans quoi il pourrait fort bien lui en cuire (à Zavant, pas à Vido)…

Début spoiler…Et en effet, le Sage Détective se retrouve rapidement dans de beaux draps lorsqu’il s’avère que van Sandt était le loup garou en question (ou plutôt, qu’il avait pris l’identité du Chasseur de Sorcières après lui avoir fait la peau dans la Drakwald1, quelques mois plus tôt). Le plan du lycanthrope était de prendre la place du fameux Konniger afin de pouvoir rendre une visite de courtoisie à Karl Franz – Loulou en veut encore à l’Empire de cette journée où il a perdu un duel de regard avec Ziggie, vingt cinq siècles plus tôt – et plaider à sa manière pour la condition animale bestiale. Un bien sombre dessein, heureusement contrecarré par la prévoyance légendaire de notre héros, qui ne se balade jamais sans sa petite bourse de poudre d’argent, dont il souffle le contenu dans le groin de son assaillant, avant de lui envoyer un Naubya Ka d’école (il a appris le bama lethwei auprès d’un maître cathayen). Tout cela aurait pu cependant très mal finir sans l’intervention providentielle et ridiculement efficace de Vaul Steiner, l’assassin officiel de l’Empereur, au moment où le loup garou reprenait ses esprits. Un lancer de dague en argent dans le cœur, et pouf malette pour Albert Lupin. L’arrivée de Steiner ne devait cependant rien au hasard, car c’est vers lui que Konniger avait envoyé Vido quelques minutes auparavant. Reste que si Loulou avait fait preuve d’originalité et entraîné sa cible sur la piste de danse du Macumba ou dans une galerie d’art contemporain au lieu d’opter pour l’ultra cliché cimetière abandonné, Konniger l’aurait eu dans le baba. Comme quoi, le conformisme est une maladie mortelle, tenez-le vous pour dit ! Fin spoiler

: Les loups garous auraient selon Rennie le pouvoir de prendre l’apparence de leurs victimes, en plus de s’accaparer leurs souvenirs et connaissances.

AVIS :

Gordon Rennie trousse une petite aventure à haute teneur en suspens et en fluff pour sa longueur modeste (13 pages), ce qui témoigne à la fois d’une bonne maîtrise narrative et scénaristique (logique de la part d’un auteur de comics) et d’un intérêt fort pour le background de Warhammer Fantasy Battle. Le mystère planant sur l’identité du loup garou n’est certes pas à l’épreuve de la sagacité d’un lecteur attentif et habitué aux codes du genre, même à la première lecture, mais l’œuvre reste d’une facture tout à fait remarquable quand on la compare aux standards, passés et actuels, de la Black Library. A ranger dans la même catégorie que ‘The Case of the Scarlet Cell’ : si vous avez aimé l’une, vous apprécierez l’autre.

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Black Gold – D. Abnett [40K] – #15 :

INTRIGUE :

40K_Black GoldSur la planète Rosetta, qui n’est ni petite, ni verte, une congrégation de 10 Space Marines du Chapitre des Iron Snakes est sur le point de débuter une mission de la plus haute importance : reprendre le contrôle d’un champ pétrolifère1, approvisionnant en carburant les forces motorisées de la Garde Impériale sur une douzaine de théâtres aux alentours. Ça en fait des comédies musicales, je sais. Avant que les choses sérieuses ne commencent, il convient cependant de céder à la tradition ancestrale du Chapitre, qui consiste à… humecter un rocher. Mais attention, pas avec n’importe quelle eau, malheureux. Seulement avec celle issue des océans d’Ithaka, où les Iron Snakes coulent des jours heureux (et c’est bien normal, le fer ne flotte pas). Ceci fait, l’escouade du Sergent Raphon2 (font font font les petites marionnetteuuuuh), accompagnée de l’Apothicaire/porteur de gourde Memnes, part à pinces à travers le désert de sel qui recouvre Rosetta en direction de sa cible. Comme l’a expliqué l’illustre Petrok lui-même pendant le briefing, cette mission requiert un sens du timing impeccable, en raison d’une particularité que nous pourrions qualifier de systémique. Rosetta orbite en effet autour de trois soleils, et la triple aube produit pendant un court laps de temps un jeu d’ombres et de lumières idéal pour lancer un assaut sans attirer l’attention des défenseurs. Dont acte.

Le début de l’opération se passe aussi bien que possible, l’attaque sneaky des Snakes prenant les quelques cultistes de faction – car c’est le vilain Chaos qui responsable de ce détournement de ressources capitales à l’effort de guerre impérial – totalement au dépourvu. Ça flingue et ça démembre dans la joie et la bonne humeur, jusqu’à ce que le frère Chilles perde son chill, puis sa vie, d’un tir de bolt en plein torse. It’s all fun and games until someone loses an eye(ron snake), comme dit le proverbe. Le responsable n’est autre qu’un crasseux et dégoûtant Dark Tusk, un cadre de Space Marines du Chaos inféodé à Nurgle3. Bien que le faquin se fasse prestement corriger par les camarades du défunt serpent, l’ambiance retombe d’un coup, et les actes d’humeur se multiplient du côté impérial. Bien que cela débloque le stratagème de bataille STRIKE hard pour nos héros, Raphon a besoin de recadrer ses ouailles avant qu’elles oublient pourquoi elles sont là, ce qui est tout de même inquiétant de la part de Space Marines loyalistes. Au bout du compte, les Iron Snakes parviennent à s’emparer des lieux, mais perdent encore deux des leurs dans la mêlée, dont ce fragile Raphon, qui réussit l’exploit de mourir d’une hémorragie consécutive à un bête empalement (et l’organe de Larraman, c’est pour les grox ?). Avant de décédey, il a toutefois le temps de faire don de sa griffe éclair au frère Priad – a.k.a. the Big Lebowlski – le désignant comme le nouvel officier de l’escouade, et de sa glande progénoïde à Memnes, qui achève littéralement le vétéran pendant l’extraction de la précieuse vésicule. Et pas avec son narthecium, hein : le bougre fait un arrêt cardiaque pendant l’opération. C’est bien la peine d’avoir deux cœurs, franchement.

Devenu manager dans des circonstances difficiles, Priad se fait également trahir par le scénario. Une analyse rapide de la qualité du pétrole extrait du champ révèle en effet que l’hydrocarbure est pollué par le Chaos (???), ce qui le rend évidemment impropre à l’utilisation. Raison de plus pour passer aux énergies renouvelables, moi je dis. Il faut se rendre à l’évidence : cette mission ne sera pas le succès escompté, et la mort de Chilles, Maced et Raphon est encore plus dure à avaler. Philosophe, le vénérable Apothicaire Memnes réconforte toutefois son jeune collègue en lui rappelant que l’important, c’est de particiPépé. Il ne reste plus qu’aux survivants à saboter la station pour empêcher le Chaos de mettre le tentacule sur ce qu’il cherchait à récupérer en capturant le champ pétrolifère, avant de se faire extraire en Thunderhawk. L’ambiance est logiquement morose de retour en orbite, mais comme les traditions sont importantes, les Iron Snakes se réconfortent en faisant tourner une flasque d’amasec eau de mer (toujours d’Ithaka, évidemment). On comprend mieux pourquoi ils ont mauvaise humeur…

1 : La nouvelle est tellement vieille que le promotheum n’existait pas encore à l’époque.
2 : À ne pas confondre avec le Sergent Rafen bien sûr. Another hard to swallow pill, I know.
3 : Ce qui est bizarre car les cultistes humains ont les couleurs de Tzeentch…

AVIS :

Black Gold’ a été la première confrontation entre deux monstres sacrés de 40K : Dan Abnett d’un côté, et la figure du Space Marines de l’autre. Bien que le premier ait réussi à maîtriser un sujet qui, de son propre aveu, ne le passionnait pas à l’origine du fait de son absence de failles, on perçoit effectivement dans cette courte nouvelle des lourdeurs inhabituelles de la part d’un cador tel que lui. La caractérisation des personnages est ainsi très limitée, ce qui tranche avec l’aisance avec laquelle Abnett parvient en temps normal à donner vie à ses protagonistes ; l’intrigue ne présente aucune surprise, et je me suis même surpris à déceler quelques faux raccords/incohérences fluffiques au détour des lignes, signe révélateur du peu d’investissement de l’auteur dans ce qui a sûrement été une commande de la BL pour voir si le (à l’époque) jeune prodige était aussi capable avec l’Astartes qu’avec le Garde Impérial classique. Comme quatre autres nouvelles consacrées aux Ails-Rhône Shnecks ont suivi, et qu’un recueil plus conséquent leur a même été dédié, j’en déduis qu’il a réussi son coup, mais je sors tout de même déçu de cette lecture.

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A Gentleman’s War – N. Rutledge [WFB] – #15 :

INTRIGUE :

WFB_A Gentleman's WarLa première campagne militaire d’Otto von Eisenkopf, jeune noble impérial à la tête farcie de glorieuses batailles et d’affrontements chevaleresques, ne se passe pas comme il l’avait prévu. Assigné à un contingent de Pistoliers mercenaires, menés par un vétéran à la barbe douteuse et à l’accent suspect (Molders), Otto fait ses classes d’une manière un peu trop terre à terre (comprendre qu’il rampe beaucoup dans les broussailles) à son goût. Chargé par le Graf von Eisenkopf, père de notre héros, de repérer l’avance d’une colonne de Bretonniens en vadrouille au bord de la frontière entre les deux nations, les tireurs montés ont tendu une embuscade à leurs adversaires, mais Otto, faisant mentir son patronyme, n’arrive pas à garder la tête froide et se plante soudainement au milieu du chemin pour annoncer aux éclaireurs du Duc de Boncenne qu’ils sont en état d’arrestation. Plus honorable, certes, mais beaucoup moins efficace. Fort heureusement pour les impériaux, Molders et ses hommes ne sont pas nés de la dernière pluie et parviennent à refermer leur piège sans trop de mal, tandis qu’Otto a l’occasion de rayer une ligne de sa bucket list en vainquant le chevalier menant les troupes bretoniennes en duel honorable, après un affrontement épique d’au moins deux secondes. Faisant honneur au code de la guerre entre gens riches, von Eisenkopf traite son prisonnier, Guillaume de Montvert, avec tous les égards dus à son rang, allant même jusqu’à lui laisser sa tente et son écuyer lors de son retour au campement du Graf. Un vrai gentilhomme.

Cette prévenance lui joue toutefois des tours car elle l’empêche de faire son rapport à son père avant que le Pistolier lui servant de nounou, une brute dénommée Lutyens, le fasse, et bitche méchamment sur le comportement inadapté du nobliau. Otto n’a pas le temps de s’appesantir sur le sujet toutefois, ni de déguster quelques cuisses de grenouille avec de Montvert au dîner, comme il l’avait prévu, car le Graf renvoie aussi sec les Pistoliers reconnaître la voie probable de l’arrivée des troupes du Duc, dont les vues sur les mines de charbon impériales ne font de mystère pour personne. C’est une petite victoire pour Otto, qui soutenait contre l’avis de Molders que les nobles et honnêtes Bretonniens passeraient forcément par la grand-route, en jouant du luth et déclamant des quatrains à la gloire de la Dame, avec un béret et une baguette pas trop cuite sous le bras. Mais avant de crier victoire (pas trop fort pour ne pas se faire repérer, évidemment), il faut galoper pendant une nuit depuis le camp impérial, une expérience qui laisse Toto un peu déconfit.

La déconvenue ne s’arrête pas là toutefois, puisqu’il s’avère rapidement que les Bretonniens ne sont pas en dessous du recours à de basses manœuvres, comme le cosplay de chevaliers pour faire croire à leurs ennemis que leur force principale passe bien par la grand-route. Cette supercherie ne résiste cependant pas à la longue-vue de facture naine de Molders, qui repart aussi sec vers le camp pour prévenir le Graf de la combine, un Otto bien penaud et de plus en plus fatigué à la traîne. Pour ne rien arranger, ce dernier apprend à son retour que le fourbe de Montvert a abusé de son hospitalité en volant un cheval et (probablement) assassinant son écuyer au passage, contre toutes les règles de la chevalerie. Et il faut déjà se remettre en selle, car il reste une chance aux impériaux de contrecarrer les plans de de Boncenne en tendant une embuscade à ses troupes alors que ces dernières progressent vers l’Empire.

Quelques heures de canasson plus tard, l’avant-garde du Graf débusque un site parfait pour un guet apens, et en attendant que l’ennemi daigne pointer le bout de ses chausses, Otto peut enfin se reposer un peu et méditer sur la réalité de la guerre, qui diffère beaucoup de ce à quoi il s’attendait, et pas en bien. Notre héros est toutefois suffisamment lucide et intègre pour réaliser que cette remise en question lui a été salutaire, en lui permettant de réévaluer la piètre opinion qu’il avait de Molders, des Pistoliers, des mercenaires, des Pistoliers mercenaires, et des tactiques de son père (dans le désordre). Lorsque la bataille finit par éclater, le jeune premier a finalement l’occasion de s’illustrer, en sauvant la vie de son capitaine, puis en vainquant à nouveau le meneur ennemi (de Boncenne) en combat singulier, au terme d’un duel bien plus accroché (et plus mortel aussi, le Duc perdant la tête à la fin du troisième round) que celui contre ce poseur de Guillaume de Montvert. Tout est bien qui finit bien en Karlfrancie, et Otto von Eisenkopf aura appris une bonne leçon au cours de cette première campagne : mieux vaut éviter de s’allonger sur une fourmilière, quand on peut éviter.

AVIS :

Neil Rutledge nous sert une nouvelle de campagne militaire/initiation d’un blanc bec à la vie assez convaincante, dans la même veine que ce Dan Abnett avait fait dans ‘Les Cavaliers de la Mort’, en un peu plus léger toutefois. Je pense que j’aurais davantage aimé ce ‘A Gentleman’s War’ si l’auteur avait choisi d’être un peu plus grimdark dans son approche, les Bretonniens de Rutledge tenant plus du stéréotype de Français moyen-âgeux à la sauce Monty Python que d’authentiques fidèles de la Dame du Lac, même si l’ensemble est encore une fois très correct. Un autre petit regret porte sur le choix de Rutledge de laisser tomber le personnage de Guillaume de Montvert, traître en puissance dont la duplicité ne faisait pas de doute, après l’arrivée au camp impérial, c’est-à-dire avant qu’il ait pu exprimer son véritable potentiel dramatique. Quelques petits détails que Neil Rutledge, et/ou son éditeur au sein de la BL, auraient pu travailler davantage, mais rien de rédhibitoire non plus.

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Hellbreak – B. Counter [40K] – #15 :

INTRIGUE :

40K_HellbreakLe Commissaire von Klas a eu la mauvaise idée d’être capturé vivant par les Eldars Noirs lorsque ces derniers ont annihilé son régiment, et son séjour à Commoragh se passe aussi bien, ou mal (c’est selon), que l’on peut l’imaginer. Identifié par ses tortionnaires comme officier, il a la chance douteuse de participer aux jeux donnés par la cabale de l’Échine Rompue (Broken Spine) en l’honneur de son maître, le positivement ancien Archon Kypselon. Rustre jusqu’au bout des ongles, von Klas a l’outrecuidance de remporter son duel face à une Céraste au style trop chargé pour son propre bien, et d’une manière si peu élégante (il lui pète le pif avant de l’empaler sur sa propre hallebarde… honteux) qu’il est prestement condamné à être écorché vif par l’Haemonculus personnel de Kypselon.

Survivre aux Intervilles1 de Commoragh a toutefois boosté le moral, déjà naturellement élevé, de notre brave Commissaire. Lorsque son tortionnaire (Verredaek) fait l’erreur de se présenter à lui sans l’avoir attaché au préalable, confiant qu’il est dans son aura de terreur pour figer sur place son nouveau sujet d’expérimentation, von Klas ne tarde pas à lui faire goûter à sa propre médecine, et s’échappe après lui avoir fauché sa main rasoir et son pistolet à aiguille, recrutant dans des geôles adjacentes quatre autres Gardes Impériaux malchanceux gardés en réserve par Verredaek. L’Haemonculus agressé n’aura guère le temps de s’excuser de sa nullité crasse auprès de son impitoyable employeur, qui le fait exécuter par sa Succube de compagnie (Yae) pour faute lourde, avant d’ordonner à cette dernière d’aller mettre un terme à l’excursion des Mon-keigh dans son territoire. Après tout, il a un rival ambitieux (Uergax de la cabale du Fil de la Lame) à mater, et ne peut se permettre qu’une bande de primates mal dégrossis sèment la pagaille à domicile.

Malheureusement pour Kyky, Yae ne sera pas très efficace dans sa traque, à tel point que von Klas et sa petite escouade parviennent à s’emparer de l’usine du Sybarite Laeveq, et des deux mille esclaves humains utilisés par ce dernier comme main d’œuvre, multipliant leur potentiel de nuisance. Pire, les mutins choisissent de se réfugier dans le temple que l’Archonte a fait élever à sa gloire (c’est un gars simple), ce qui constitue un crime de lèse-majesté impardonnable. Tant pis pour la prudence, Kypselon réunit le ban et l’arrière-ban de sa cabale et envoie ses pillards reprendre possession de la basilique gothique (elle est construite uniquement en os) aux zadistes en furie. Il commet toutefois l’erreur de sous-estimer la résolution du meneur adverse, trop content de faire s’effondrer le plafond de l’édifice sur les combattants au plus fort de la bataille, même si cela précipite l’écrasement de son insurrection raciale. Écrasé pour écrasé, autant que les Eldars Noirs participent à cette soirée crêpes, pas vrai ?

Début spoiler…La nouvelle se termine dans une cellule de la cabale, où un von Klas en bien piteux état après son coup d’éclat languit des jours durant, jusqu’à ce que ses geôliers lui amènent un compagnon d’infortune, qui se révèle être Kypselon en personne. Comme l’Archonte l’apprend à son valeureux adversaire, sa rébellion a coûté très cher à l’Echine Rompue, aussi bien en ressources qu’en cabalites, et ses rivaux du Fil de la Lame ont profité de ce moment de faiblesse pour attaquer et annihiler ce qu’il lui restait de suivants. Bien que von Klas sache qu’il ne lui reste plus longtemps à vivre, il peut toutefois savourer l’indéniable victoire qu’il a remporté sur son adversaire, qui n’aura certainement pas la chance de bénéficier de la mort rapide dont le Commissaire agonisant héritera…Fin spoiler

1 : Je m’interroge sur la pertinence de mettre un -s, la cité drukhari n’ayant pas d’équivalent.

AVIS :

Ben Counter nous plonge dans l’enfer de Commoragh avec maestria dans cette variation sur le thème de Spartacus, qui illustre parfaitement la cruauté des Eldars Noirs et la défiance de la Garde Impériale face à l’adversité. Au final, ces deux factions sortent grandies de ce ‘Hellbreak’, et le lecteur bénéficie d’une histoire purement grimdark, comme sa conclusion aussi satisfaisante que nihiliste le démontre pleinement. De la nouvelle 40K comme on aime.

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The Judas Goat – R. Earl [WFB] – #15 :

INTRIGUE :

Le Capitaine Gustav Mollens, vétéran blanchi sous le harnais mais un peu trop appréciatif de la dive bouteille, a écopé de la peu glorieuse mais nécessaire mission de ramener de nouvelles recrues depuis l’arrière-pays de Nuln jusqu’à la cité. À en juger par son besoin de poignarder à mort les blancs becs pris par des envies de rebellions, et par le taux élevé de désertion qui frappe son contingent, il ne doit pas faire un super boulot. Dans son malheur, Mollens a toutefois la chance d’avoir trouvé dans l’un de ses sous-fifres, un dénommé Gevalt, un second secourable et digne de confiance, qui l’aide à maintenir un peu d’ordre dans les rangs et qui ne rechigne pas à partager les tours de garde pour éviter que les volontaires démotivés par leurs six heures de marche quotidienne, avec paquetage complet sur le dos et chaussures à taille et forme unique (pied groit, 42 ¾), ne prenne la poudre d’escampette. Ce partage des tâches permet à Mollens de faire des insomnies plus longues sur son lit de camp, encore traumatisé qu’il est par sa rencontre tragique avec les Skavens dans les égouts de Nuln, cinq ans plus tôt. Seul survivant de son unité, il a depuis fait des pieds et des mains pour éviter de croiser de nouveau un raton de près ou de loin, et l’alcoolisme thérapeutique aidant, a fini par être relégué à cette affectation de second ordre, mais au moins au grand air.

Alors qu’il était en train de remonter un peu la pente, en tirant joie et fierté de l’application avec laquelle ses hommes apprennent le maniement de la lance sous sa férule, un événement fortuit et traumatique vient remettre la tête enfarinée de notre héros au fond de son havresac. Ayant surpris Gevalt s’enfoncer seul dans la forêt bordant le bivouac alors qu’il était de garde, Mollens prit le parti de suivre discrètement son faux jeton de second pour lui apprendre à décevoir les attentes d’un ivrogne gradé. Cependant, la petite bastonnade pour l’exemple qu’il prévoyait d’infliger au tire au flanc doit être remise à plus tard : si Gevalt a éprouvé le besoin de s’absenter, c’est pour s’entretenir avec son patron, qui se trouve être un Skaven, accompagné d’un Rat Ogre de fort beau gabarit. Tétanisé par l’apparition impromptue de sa Némésis, Mollens assiste à la scène et comprend qu’en fait de déserteurs, c’était Gevalt qui s’arrangeait pour envoyer des camarades drogués se faire cueillir comme des champignons au milieu de la nuit. La duplicité de Gege étant établie, il lui faut maintenant trouver un motif suffisant et irréfutable pour passer à l’action et le mettre hors d’état de nuire.

L’occasion se présente le lendemain, lorsque Mollens surprend Gevalt en train de faire boire du GHB à un camarade autour du feu de camp. Ayant feint le sommeil pour forcer la main du traître, Mo’ se « réveille » juste à temps pour contrecarrer le plan de ce dernier, mais lorsqu’il le confronte devant le reste de ses hommes, qu’il a fait réveiller pour l’occasion, le Capitaine manque de se faire arracher la jugulaire par l’agent double, qui avait décidément les dents longues. Mis KO par son adversaire1, lui-même maitrisé et ligoté par le reste des recrues après qu’il eut mis au tapis l’officier, Mollens émerge péniblement de sa torpeur, et décide qu’il est grand temps pour lui d’affronter sa peur. Il part donc seul dans la forêt, jouant le rôle de l’innocente brebis jetée en pâture aux souris, et indique à ses hommes de le suivre cinq minutes plus tard pour prendre les ratons à leur propre piège. Comme il le dit lui-même, un plan aussi simple n’a aucune chance d’échouer. Béni soit l’esprit trop étroit pour le doute, tout de même.

Et en effet, Mollens a un long (4 minutes 58 secondes précisément, il a même le temps d’observer les manucures de l’adversaire avec un soin particulier) moment de solitude lorsque les hommes, les rats et les Hommes Rats finissent par lui tomber dessus. Car les désertés n’ont pas été expédiés dans les galeries du Sous Monde, ou transformés en croquettes pour Vermines de Choc, mais changés en sorte de Zombies commandés par le Maître de Meute/Prophète Gris/Assassin2, toujours accompagné de son garde du corps bodybuildé. Ce combat peut paraître inégal, mais ce n’est pas bien connaître Gustav Mollens, qui one-shot le Rat Ogre d’un coup de lance bien placé… puis rate toutes ses attaques contre son propriétaire, et se fait à nouveau sauver par l’intervention de ses camarades, dont l’arrivée contraint le raton à se téléporter en sécurité. Après avoir achevé les souffrances des Zombifiés, Momo et ses ouailles rentrent au camp où les attendent le cadavre désarticulé et défiguré de Gevalt, sans aucun doute victime de la vengeance de son rat-pia de boss. Qu’importe, le complot a été contrecarré, et Mollens se sent désormais d’attaque à repartir casser du mutant dans les égouts, en souvenir des camarades, anciens et nouveaux, qu’il a perdus sous les griffes des Skavens. Best redemption arc ever since il y a 13 14 minutes, tbh.

1 : La honte tout de même quand on est sensé avoir 4 d’Endurance et 2 PV, face à un mec à 1 Attaque de Force 3 !
2 : Mickey a un Rat Ogre de compagnie, un bâton magique rétroéclairé et manie une dague empoisonnée avec la queue. Ca fait beaucoup pour un seul rat.

AVIS :

Robert Earl a prouvé qu’il savait écrire pour les Skavens (‘The Barbed Wire Cat’), mais cette maîtrise n’était apparemment pas innée chez lui, comme ce mollasson et fluffiquement improbable ‘The Judas Goat1 l’atteste. Cela ne se perçoit pas dans la chronique ci-dessus, mais le plus clair de la nouvelle est consacrée aux sensations et sentiments éprouvés par Mollens, qui varient assez fortement en fonction de son alcoolémie, ses heures de sommeil, ses syndromes post-traumatiques, ou encore le nombre de pifs de recrues fracassés pour l’exemple. Et là où ça coince, c’est qu’Earl n’est pas l’auteur de la BL le plus doué pour rendre ses personnages, si ce n’est sympathiques, au moins intéressants : la vie et l’œuvre de Gus’ Mollens, poivrot ratophobe, deviennent donc rapidement soûlantes. Sans autres personnages un tant soit peu développés pour servir de contrepoint au pas si brave que ça Capitaine (Gevalt n’est guère qu’une présence en arrière plan, et le Sergent que Mollens nomme pour prendre sa place après que sa traîtrise ait été révélé est tellement inutile que je n’ai même pas jugé bon d’en parler), le soliloque narratif de notre héros tourne au bide, et on pousse un soupir de soulagement lorsque le rideau tombe finalement. La Black Library comporte suffisamment de variations sur le thème Empire vs Skavens pour se contenter de l’avorton de la litière, m’est avis.

1 : Au cas où vous vous demanderiez, il s’agit d’une expression consacrée, désignant les animaux d’élevage dressés pour emmener leurs semblables à l’abattoir.

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Apothecary’s Honour – S. Jowett [40K] – #16 :

INTRIGUE :

40K_Apothecary's HonnorDéployée sur le monde d’Antillis IV pour aider les autorités locales à se défaire d’une invasion chaotique plus grave qu’anticipée, la Seconde Compagnie du Chapitre des Avenging Sons, menée par le Capitaine Selleus, s’est battue vaillamment mais cela n’a pas suffi. Isolé au milieu des bourrasques de cendres humaines conjurées par un géo-ingénieur plus ravagé du bulbe que la moyenne pour combattre les effets du changement climatique (eh, c’est un aérosol comme un autre), l’Apothicaire Korpus se consacre toutefois sans faiblir à son sacerdoce : récupérer les glandes progénoïdes de ses camarades tombés au combat. Il sait en effet qu’il s’agit d’une partie vitale de l’effort de guerre de l’Adeptus Astartes, qui se retrouverait rapidement réduit à peau carapace noire de chagrin sans la récolte et la réimplantation dans de nouveaux hôtes de ces précieux kystes. On le suit ainsi jusqu’au quasi-cadavre du Sergent Pereus, blessé à mort1 lors d’une escarmouche contre une bande de Space Marines du Chaos, qu’il accompagne pieusement dans ses derniers instants et déleste de ses mirifiques glandes, stockées dans le petit frigo personnel qu’il trimballe sur son armure. À la guerre comme à la guerre.

Sur le chemin du retour vers le QG château (en français dans le texte) de sa Compagnie, Korpus reçoit un message alarmant de la part de Selleus, lui annonçant que la campagne est perdue et lui ordonnant de se diriger sans tarder vers le spatioport où sont garés les Thunderhawks des Avenging Sons, et de les utiliser pour rejoindre leur vaisseau amiral. Il est en effet capital de renvoyer les Avenging Glandes jusqu’à l’Apothicarium chapitral, on a bien compris. De son côté, le Capitaine et ses derniers hommes préfèrent se faire exploser dans leur bastion plutôt que de s’offrir un dernier carré digne de ce nom, ce qui surprend fortement Korpus. Cela dit, un ordre est un ordre, et le zélé Apothicaire part donc en petites foulées en direction du hangar à aéronefs mis à disposition par les autorités d’Antillis IV, en espérant que ce dernier n’ait pas déjà été conquis par l’ennemi.

En chemin, notre héros tombe par hasard sur une escouade de Scouts dont on était sans nouvelles depuis plus d’une journée et que tout le monde avait donc considéré comme perdue corps et biens (faut pas se retrouver en zone blanche au 41ème millénaire). Coincés dans une friche industrielle par une horde de World Eaters ricanant à défaut d’être très doués, les novices auraient rapidement perdus la tête sans l’intervention décisive de Korpus, dont le poing énergétique – un choix d’équipement un peu bizarre pour quelqu’un sensé effectuer des actions chirurgicales sur le champ de bataille, mais passons – et l’effroyable mauvaise humeur, appelée Cœur Vengeur par les initiés, règlent rapidement leur compte aux affreux.

Au bout d’un voyage sans trop d’encombres, les survivants finissent par arriver jusqu’au spatioport et commencent à retaper le Thunderhawk le moins amoché du lot afin de pouvoir s’éclipser de la planète condamnée au nez et à la barbe énergétique des Khorneux. Bien évidemment, ils n’auront pas loisir de mener à bien cette mission d’extraction furtive, une nouvelle vague de renégats leur tombant dessus sans crier gare (en même temps, il n’y avait pas de train sur place) avant que Korpus et les Scouts n’aient eu le temps de boucher tous les trous de la carlingue avec du chewing-gum. Comble de malchance, les World Eaters sont menés par un Dreadnought équipé d’un canon laser, dont la portée risque d’être fatale au coucou déglingué des Avenging Sons. L’Apothicaire décide alors de mener une charge suicide avec les novices afin de permettre au Thunderhawk piloté par le seul Scout ayant passé son permis ULM de s’échapper, après avoir déposé ses précieuses glandes dans le minibar de l’appareil, bien sûr.

Cette contre-attaque inspirée est couronnée de succès, Korpus faisant entrer son poing énergétique en surchauffe après l’avoir coincé sous un piston du Dreadnought adverse, vaporisant la machine impie ainsi qu’une bonne partie de ses suivants, au modique prix d’un évanouissement pour notre viril héros (tous les Scouts meurent dans la bagarre par contre, mais on s’en fout un peu). Il a toutefois accompli brillamment sa mission, pas vrai ?

Début spoiler…Eh bien, non. La mauvaise nouvelle lui est transmise par un Space Marine hérétique ayant autrefois servi comme Apothicaire et qui a fermement attaché Korpus sur un chevalet d’opération dans l’attente de son réveil. Une légende noire parmi l’Adeptus Astartes, responsable de la création de nombreux monstres génétiquement modifiés se battant dans les rangs des Légions renégates. Je veux bien sûr parler de Fab…rikus. Si, si. Toute ressemblance avec un personnage nommé serait évidemment totalement fortuite. Fab’ révèle à son collègue et néanmoins prisonnier qu’il a été chargé par ses patrons chaotiques de trouver un moyen de recruter en masse de nouveaux Space Marines, ce qui n’est pas facile du fait de l’influence corruptrice du Warp sur les glandes progénoïdes des Astartes vétérans. Une seule solution pour contourner ce problème : aller taper dans les stocks de ces saintes nitouches de loyalistes, et c’était bien le but de la campagne d’Antillis IV. Cependant, les dernières actions du Capitaine Selleus ont fait capoter ce plan machiavélique, et l’entière opération se serait terminée par un fiasco retentissant pour les traîtres sans l’étourderie de Korpus, qui a « oublié » de prélever ses propres glandes et de les déposer dans le frigo du Thunderhawk avant de foncer dans le tas comme un demeuré. La boulette. Notre histoire se termine sur la scène pénible de l’opération sans anesthésie pratiquée sur ce glandu – et c’est bien le problème – d’Apothicaire, qui se désole en son for intérieur de sa propre stupidité. Charité bien ordonnée...Fin spoiler

1 : Je tique un peu du fait que Pereus se soit auto-diagnostiqué perdu pour la cause, sans que Korpus juge bon de faire son boulot de medic et de vérifier par lui-même la gravité de l’état de son camarade. Après tout, qu’est-ce qu’une paraplégie quand on possède la technologie nécessaire pour créer des Dreadnoughts ?

AVIS :

Simon Jowett signe une nouvelle franchement vintage pour le lecteur contemporain (qui sera peut-être surpris que le nom de Roboute Guilliman n’apparaisse pas une seule fois dans une histoire qui parle des Avenging Sons), explorant une des particularités du background des Space Marines : le rôle crucial des glandes progénoïdes dans leur organisation et leur culture.

Si l’idée est bonne, la réalisation n’est toutefois pas au-dessus de tout reproche : on passe à mes yeux beaucoup trop de temps à voir voler les bolts dans cette nouvelle, sans que l’auteur se consacre à faire monter la pression autour de Korpus, ni ne le confronte à des décisions véritablement difficiles, où il aurait eu à choisir entre son fameux honneur d’Apothicaire, et la mission vitale confiée par son supérieur. A cela viennent s’ajouter des petits irritants sans conséquence pour la structure de l’histoire, mais pénible à lire quoi qu’il en soit, comme la nullité crasse des World Eaters qui servent d’opposition aux vertueux Avenging Sons, pas foutus de régler leur compte à cinq Scouts et un Apothicaire mouflé même avec l’avantage du nombre.

On peut toutefois mettre au crédit de Jowett un twist final pas trop mal fichu (même si Korpus et Fabrikus ont vraiment une haute idée d’eux-mêmes pour penser que ce micro-événement risque de faire basculer le rapport de forces entre Imperium et Chaos) et quelques infos fluff relevant plus de la curiosité académique que de la source canonique1, cependant.

1 : C’est le même Jowett qui a doté le Chapitre des Iron Hearts de casque de VR pour s’entraîner au combat, et baptisé d’autorité un des Primarques disparus (voir ‘Hell in a Bottle’) : ses contributions au fluff Space Marine doivent être pris avec 72 pas de recul.

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The Ultimate Ritual – N. Jones & W. King [WFB] – #16 :

INTRIGUE :

Sur le campus de l’université de Nuln, deux hommes s’apprêtent à tenter une expérience à haut risque pour faire progresser les connaissances arcaniques de l’Empire. L’enthousiasme n’est pas égal entre le jeune Lothar von Diehl, qui piaffe littéralement d’impatience, et son ancien professeur Gerhardt Kleinhoffer, dont le trouillomètre se rapproche dangereusement de zéro au fur et à mesure que les préparatifs s’achèvent. C’est pourtant lui qui a traduit ‘Le Livre des Changements’ d’où von Diehl a tiré la formule de l’ultime rituel, promettant rien de moins qu’un aller-retour jusqu’à la Mer des Âmes, cette dimension parallèle où se trouve le loft des Dieux du Chaos. Mais de la théorie à la pratique, il y a un monde, et il faut toute la force de persuasion (et la superbe éloquence) de son disciple pour que Kleinhoffer accepte de jouer son rôle dans la suite des événements.

Si von Diehl a autant insisté pour avoir un témoin, c’est que son billet pour le néant est un Pass Duo, et que le Disque de Tzeentch qu’il invoque pour partir en vadrouille ne consent à partir qu’à plein, c’est à dire avec deux personnes sur le dos. Je peux comprendre que lorsqu’on vient d’aussi loin que le Warp, on apprécie de ne pas faire le voyage à vide, ceci dit. Une fois les usagers installés et les ceintures bouclées, le sous-boc volant fend l’air et l’espace, et part en direction du pôle Nord pour passer sur le périphérique cosmique. Le go fast qui s’en suit n’est pas de tout repos, car le Démon se fait prendre en chasse par des congénères affamés et attirés par l’âme de ses passagers. Fort heureusement, le Disque s’avère être un as du volant, qui parvient à semer ses poursuivants en faisant des sauts de puce de l’Immaterium au Materium, visitant quelques planètes très 40K dans l’esprit au passage. Enfin, nos héros arrivent devant la chambre du Grand Architecte, qui, coup de chance, accepte de les recevoir sans tarder.

Tzeentch est toutefois une divinité surbookée, qui n’a pas le temps de donner dans les mondanités. Il demande donc à ses visiteurs ce qui les amène et ce qu’il peut faire pour eux, et le manque de préparation (et la terreur panique) de Kleinhoffer lui joue un vilain tour. Comptant sur son acolyte pour meubler le blanc malaisant qui s’installe après la demande divine, il se fait avoir dans les grandes largeurs lorsque von Diehl explique candidement que l’estimé professeur est à la recherche de savoir. « OK » répond Tzeentch, qui, un peu troll sur les bords, débute un transfert de 999 Eo en direction du cerveau du pauvre prof, dont le cerveau entre en surchauffe au 3,963,635,619ème meme de Pepe the Frog qu’il reçoit en l’espace d’une demi-seconde. Von Diehl, qui a lancé un sort de streaming en pirate de la base de données de son acolyte, peut quant à lui déguster cette dankness avec plus de confort, même s’il doit cependant jurer allégeance à Tzeentch pour pouvoir repartir jusque dans le Monde Qui Etait Encore. C’était son projet depuis le début toutefois, et il n’a aucune difficulté à se délester de son âme en échange d’un apport infini de contenu Reddit. Revenu dans sa piaule universitaire, avec un Kleinhoffer rempli jusqu’au lorgnon d’infos confidentielles, et à peu près aussi incontinent que Wikileaks, von Diehl peut désormais se consacrer à préparer la Fin des Temps… ou à devenir une légende de 9Gag. Au choix.

AVIS :

Petite nouvelle d’ambiance et de fluff écrite à quatre mains, ‘The Ultimate Ritual’ multiplie les clins d’œil (à l’œuvre de King1 mais également à Warhammer 40.000) et offre au lecteur une visite romancée inédite (à ma connaissance) de la Mer des Âmes, ainsi qu’un authentique dialogue entre de simples mortels et un Dieu du Chaos, ce qui n’est pas banal. Par contre en termes d’intrigue, c’est aussi terne et sans surprise qu’un tronçon d’autoroute hors heures de pointe et vacances scolaires : peu étonnant pour une nouvelle de seulement treize pages, mais certains contributeurs de la BL ont prouvé qu’ils étaient capables de faire plus rythmé que ça sur ce genre de format, donc on peut légitimement reprocher à messieurs Jones et King de ne pas s’être trop foulés sur ce coup là.

1 : Les von Diehl sont la lignée récurrente de l’auteur, puisqu’on croise Kurt dans ‘The Laughter of Dark Gods’ et Gottfried et Manfred dans ‘Wolf Riders’. Famille assez malchanceuse au final car tous ses membres ont connu une mort violente et souvent chaotique (pas nécessairement dans cet ordre).

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Baptism of Fire – G. Rennie [40K] – #16 :

INTRIGUE :

40K_Baptism of FireLa guerre gothique vient d’être lancée par Abaddon (période emo), et le secteur éponyme a été salement amoché par les préliminaires rugueux de l’élu du Chaos. La période n’a pas que des mauvais côtés, notez, car le vide laissé par les nombreux morts et blessés que la Flotte Impériale déplore permet à de « jeunes » méritants, comme notre héros Leoten Semper, d’arriver aux affaires et de faire leurs preuves. Issu d’une longue et illustre1 lignée de marins de l’espace (à ne pas confondre avec vous savez qui), Leo n’est pas un perdreau de l’année mais c’est la première fois qu’il assume le capitanat d’un vaisseau de la taille du Lord Solar Macharius (trois kilomètres tout de même, il faut maîtriser les créneaux). Il espère donc faire bonne impression à son équipage, dont Rennie nous présente un échantillon assez représentatif, depuis le second necromundien jusqu’au bagnard recruté d’office, en passant par les Commissaire, Techno-prêtre et Navigateur de bord. Tout ce petit monde ne servant à rien pas grand-chose lors de ce Baptism of Fire, je fais donc une croix sur le tour de table.

LS a reçu pour mission de rejoindre un trio de destroyers dans un système Dolorosa afin de monter une force de combat opérationnelle et tenter de rendre la monnaie de sa pièce à ce faquin d’Abbie. Ce qu’il ne sait pas, c’est que le destin cruel a mis sur son chemin un adversaire redoutable, en la présence de Hendrik Morrau, capitaine fusionnel (et fusionné) du Contagion, autrefois connu sous le nom de Princ- Vexis. Six siècles plus tôt en effet, Morrau était un loyal sujet de l’Empereur, mais une quarantaine Warp s’étant éternisée l’a poussé, ainsi que son équipage, dans les bras gluants mais aimants de Nurgle. Depuis, il roule pour le Big 4 et s’amuse à martyriser les arrières-arrières-arrières-arrières-arrières petits-enfants de ses collègues de Flotte, grâce à son génie naturel et son expérience incomparable. Il est tellement méchant qu’il a un sidekick dénommé Adolph(us), c’est dire ! Lorsque nous faisons sa connaissance, il vient d’éparpiller façon puzzle l’escorte du LS Maki, et décide de rester tapi dans un coin du système pour surprendre un potentiel arrivant. C’est ce qui s’appelle avoir le nez creux.

Inconscient du danger, Leo Sans Papa finit par déboucher de la bretelle d’autoroute warpesque dans le secteur Dolorosa, et manque de se faire coller un poisson d’avril dans le dos par ce coquin de Morrau (qui utilise des torpilles plasma au lieu de bêtes poissons en papier, c’est plus original). Fort heureusement, le capitaine est un rookie prudent, et un regard opportun dans le rétroviseur lui permet de contrecarrer la manœuvre grâce à un super dérapage frein à main (c’est encore plus classe dans l’espace). Impressionné par les skills de son adversaire, Momo s’approche pour se présenter en bonnes et dues formes, et informer le camp adverse que la partie de chat et souris est officiellement lancée. Et en effet, le cache cache inter-dimensionnel va durer plusieurs jours, pendant lesquels le Macharius se fait malmener par son puissant et insaisissable adversaire, du Materium à l’Immaterium en passant par le Transmaterium. C’est parfois agréable de s’acharner sur plus petit que soit.

Dépassé par la situation, Leoten finit par comprendre qu’il lui faut tenter un coup de bluff pour espérer triompher de cet adversaire chevronné mais pas infaillible. Sa technique consistera à effectuer un strip tease gellerien (baisser à dessein l’intensité du champ de Geller de son vaisseau – qui est dans le Warp évidemment – pour simuler une avarie grave) afin d’attirer le Contagion à se rapprocher pour contempler son agonie… pour au final lui envoyer une volée de torpilles à bout touchant, ou presque. C’est complètement stupide comme plan ? Oui mais ça marche ici. Tel un vieux pervers incapable de se contrôler à la vue d’une culotte de lycéenne (#TortueGéniale), Morrauvash fonce dans le pruneau et se mange un panneau. Ou l’inverse. Quoi qu’il en soit, c’est une victoire nette et sans bavure pour la Flotte Impériale, et une première mission menée à bien par Leoten Semper-Et-Sans-Reproche. D’autres suivront, bien sûr…

1 : Et illustrée, en témoigne la monumentale galerie de portraits que les S conservent dans le manoir familial de <PLANETE>.

AVIS :

Gordon Rennie se frotte à l’exercice périlleux du « chapitre 01 », ou comment concilier beaucoup d’exposition et d’introduction (dans le but de mettre en place une intrigue de roman) dans un format de stand-alone. Bien que les auteurs de la Black Library se soient souvent essayés à ce tour de force narratif, peu y sont parvenus de façon convaincante, et je ne placerai pas Rennie dans cette catégorie à la lecture de ‘Baptism of Fire’. Le travail est fait de façon sérieuse, avec un soin de caractérisation de la future galerie de personnages récurrents du roman à mettre au crédit de l’auteur, mais l’amateur de nouvelles sortira lésé de ces treize pages dont plus de la moitié ne sert au final à rien dans la résolution de la mini-intrigue de ce mini-format.

L’opposition entre l’inexpérimenté Leoten et sa Nemesis corrompue est réduite à peau de chagrin (comme l’épiderme du second), et se résume à un demi-tour express – pompeusement renommé manœuvre d’Immerman ici – et à une partie de cache cache honteusement conclue en une demi-page, ce qui ne rendre pas dans ma définition de passionnant. Pire, Rennie semble avoir une compréhension très limitée de ce qu’est le Warp, en considérant cette dimension incompréhensible comme un simple filtre fuschia, dans laquelle il serait tout à fait possible pour deux vaisseaux d’échanger des volées et de se tourner autour, comme dans le Materium. J’aurais pu accepter que le Contagion soit plus à l’aise que sa proie dans cet environnement proprement démoniaque, mais le fait que le vaisseau impérial se débrouille sans trop de problème non plus, au point de baisser volontairement son champ de Geller pour appâter l’ennemi (sans conséquences néfastes pour l’équipage autre qu’un coup de colère du Techno-prêtre de garde), est disqualifiante. J’ai lu beaucoup plus de commentaires positifs que négatifs sur le dyptique gothique de Rennie, et m’attendait donc à mieux de sa part pour ce premier jet. J’espère qu’il a corrigé le tir par la suite.

1 : Ou techniquement chapitre 1 ici, puisque ‘Baptism of Fire’ sera placée au début de ‘Execution Hour’.

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Snares and Delusions – M. Farrer [40K] – #16 :

INTRIGUE :

40K_Snares &amp; DelusionsC’est un jour très spécial pour l’Apôtre Noir De Haan (Dan de son prénom) : après des millénaires passés à traquer le Vaisseau Monde de Varantha à travers la galaxie, tous les signes prédisent que l’heure de la confrontation finale est arrivée entre Word Bearers rancuniers et Eldars élusifs. Débarqué à la surface d’un monde vierge peuplé d’Exodites (rapidement matés) avec l’avant-garde de son ost, De Haan supervise la consécration du bâtiment offert par la Légion hérétique à la seule ville de la planète : la Cathédrale de la 5ème Bénédiction. Les styles jurent un peu mais c’est une attention touchante, il faut le reconnaître. Notre zélé héros est persuadé que ce monde minable dissimule des portails Warp reliés à Varantha, qu’il hait du plus profond de ses cœurs depuis le moment où les Eldars de ce Vaisseau Monde ont fait échouer dans le sang l’opération tractage et prosélytisme montée par le mentor de De Haan sur Sahch-V, contraignant les fils de Lorgar à une honteuse retraite. Depuis, l’Apôtre Noir a consacré sa vie à la traque de cette faction eldar, parvenant progressivement à resserrer l’étau autour du Vaisseau Monde honni. Preuve de l’inimitié tenace l’opposant à Varantha, il a même reçu une prédiction personnalisée de la bouche de l’un de ses Prophètes, juste avant que le crozius protéiforme1 de De Haan ne le réduise en bouillie : « lorsque tu poseras les yeux sur le cœur de Varantha, la messe sera dite2 ».

Les travaux avancent bien, les Exodites sont en voie avancée d’extermination, et les renforts qui patientent dans la barge de bataille en orbite de la planète ne vont pas tarder à descendre renforcer l’avant-garde : tout va pour le mieux dans la plus grimdark des galaxies, mais un événement troublant vient perturber la bonne humeur de De Haan. Au moment de prononcer son sermon de Haine o’clock, il a eu une panne d’inspiration subite. Son second Meer a beau lui répéter que ça peut arriver à tout le monde, le fier Apôtre est aussi gêné que perplexe après cet incident, mais finit par décider que c’est encore un signe que sa quête arrive à son terme, avant d’imaginer toutes les choses horribles qu’il fera subir à Varantha et à ses habitants une fois qu’il aura craqué le digicode. Positive thinking here. Après tout, les choses se déroulent tellement bien que ce n’est pas un petit blanc passager qui va faire dérailler l’Omphalos Daemonium, pas vrai ?

Début spoiler…Eh bien (et vous vous en doutiez, sagaces lecteurs que vous êtes), si. Surgissant de l’ombre et/ou de la banlieue pourrie de la ville Exodite – ça dépend des versions – les forces de Varantha attaquent la Cathédrale sans crier gare, avec la redoutable efficacité et le haut potentiel disruptif3 qui sont la marque des Eldars des Vaisseaux Mondes. Coupé de ses renforts et bientôt laissé seul survivant de son ost, De Haan a un peu de temps pour songer à la prophétie qui lui a été révélée, et surtout à l’interprétation très optimiste qu’il en a eu jusque-là. Car toutes les fins ne sont pas heureuses, comme l’Apôtre Noir ne tarde pas à le découvrir lorsque le cœur de Varantha, alias son Avatar de Khaine, entre dans la Cathédrale pour demander un petit tête à tête au confessionnel… Ite, missa est.Fin spoiler

1 : Il a le superpouvoir de changer de tête à chaque fois que De Haan pose les yeux dessus, ce qui est… cool.
2 : Ok, c’est pas la traduction littérale mais bon, avouez que c’est approprié pour un Word Bearers.
3 : Tous leurs points de commandement ont été claqués dans le stratagème « pièges à c*n », qui colle des blessures mortelles à toute figure s’approchant à 6 pas ou moins des 10 pions « râteau » placés par le joueur Eldar.

AVIS :

Une nouvelle moins intéressante par son intrigue (dont on devine la fin pratiquement dès le début, la faute aussi à un titre qui vend un peu trop la mèche) et ses personnages (assez quelconques) que par l’aisance stylistique dont fait preuve Matthew Farrer et surtout la bonne rasade de fluff qu’il nous sert au fil des pages, et qu’il a la bonne idée de répartir entre Word Bearers et Eldars. Pas sa meilleure, pour sûr, mais tout de même d’un très solide niveau.

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Faith – R. Earl [WFB] – #17 :

INTRIGUE :

WFB_FaithLe chevalier Gilles de Moreaux et son vieil écuyer perclus de rhumatismes, Claude Blanquette1, campent à la dure dans le massif d’Orquemont alors que l’automne est déjà bien avancé. Si les deux hommes s’obstinent à barouder hors saison, c’est que Gillou est à la recherche d’un trophée digne de ce nom pour l’armoire familiale. Notre héros l’a en effet un peu mauvaise que son frérot Léon ait bouclé sa quête du Graal et emballé la Dame du Lac en deux semaines chrono (on a connu la déesse plus minaudière), et soit revenu au château paternel avec une tête de Troll de fort beau gabarit. De son côté, il n’a eu que des bêtes Orques à se mettre sous la lame, et désespère de trouver un adversaire digne de lui attirer la bénédiction de la Dame. Claude, plus prosaïquement, désespère de ne pas être rentré se mettre au chaud alors que l’hiver approche à grands pas, mais doit se contenter pour le moment de siroter son thé au coin du feu, enroulé dans sa fidèle courtepointe. Dans son malheur, le gueux doit reconnaître qu’il a de la chance, car Gilles est le premier de Moreaux qu’il sert à entretenir lui-même ses armes, et il a même poussé la sollicitude jusqu’à réaliser des cataplasmes pour les articulations douloureuses de son serviteur. C’est Martrud de Monfort qui serait fier.

Lorsque le duo rencontre par hasard un paysan envoyé par l’ancien de son village (Celliers) trouver de l’aide pour débarrasser la communauté d’un monstre responsable de la disparition d’une dizaine d’habitants, Gilles se dit qu’il tient sa chance de prouver sa bretonnitude autrement qu’en vidant des bouteilles de chouchen et en jouant du biniou, ce qui est appréciable. Ayant terminé les trois Witchers en mode hardcore lorsqu’il était ado, le chevalier n’a aucun mal à identifier le fléau de Celliers après une entrevue avec l’ancien du village, François. Il s’agit bien sûr d’un Vampire, because of reasons, et il n’aura qu’à attendre la bête à proximité de la crypte locale pour lui faire sa fête et enfin taper dans l’œil de cette mijaurée de Dame. Ayant laissé comme instructions à ses hôtes de rester groupés et de ne pas se séparer, même pour aller aux latrines, le temps qu’il règle leur problème, Gilles s’installe pour une veillée sépulcrale à côté du cimetière local, toujours accompagné par son fidèle Claude. Ce dernier, qui n’est plus tout jeune, finit par s’endormir avec la bénédiction de son maître, qui dispose quant à lui de la vertu de mise en veille de longue durée pour rester alerte toute la nuit durant.

Lorsque Claude se réveille, il se découvre seul à côté des cendres du feu de la veille, et craint d’abord qu’il soit arrivé malheur à son maître pendant qu’il sciait des bûches. Cependant, Gilles était seulement parti constater le décès d’une nouvelle victime de la bête, mordillée à mort par des mâchoires humaines. Comme les bouseux ont respecté les consignes du noble noble, et que le compagnon qui escortait le pauvre Jules au petit coin a disparu sans laisser de traces, Gilles en conclut que c’est ce fieffé coquin de Jacques qui est responsable des morts de Celliers, et jure sur son honneur de traquer le maraud. C’était surtout une ruse pour s’en aller au plus vite du village, maintenant que l’affaire semble être tirée au clair. Bien que satisfait d’avoir accompli son devoir, Gilles n’a toujours pas trouvé d’adversaires à sa valeur, et pense sérieusement à hiverner à Orquemont pour accélérer sa quête. Dans son infinie mansuétude, il renvoie Claude à Celliers pour lui éviter des engelures qui pourraient lui être fatales… et se fait rappeler sur place par son serviteur, car quelque chose d’inattendu se passe au village.

En effet, les paysans sont sur le départ, car la découverte du corps mutilé de Jacques peu après que Gilles et Claude se soient mis en chasse de ce dernier ne laisse que peu de doutes sur le fait que le monstre est toujours dans les parages. Touché dans son honneur et dans son amour propre par la réalisation de sa propre nullité, Gilles supplie François et ses gens de rester encore une nuit sur place, afin qu’il ait une ultime chance de se rattraper. Ne pouvant pas décemment dire non à un psychopathe en armure lourde, l’ancien accepte de surseoir son départ, et le chevalier décide d’aller prier à une mare toute proche pour trouver l’inspi’ qui lui manque tant…

Début spoiler…Lorsque Claude rejoint son maître après avoir ordonné aux péquenauds de se constituer en milice civile et de ne se déplacer que par packs de douze, une vision peu commune vient s’offrir à ses yeux fatigués : la Dame du Lac en personne vient crever la surface de l’étang devant lequel Gilles s’est agenouillé en prière, et s’approche langoureusement du chevalier pour lui rouler un bon gros patin. Déesse ou pas déesse, ce sont toutefois des manières de prédateur/rice sexuel.le, et Gilles décapite l’entreprenante couguar en hurlant « Mitou, hache dague balance ta gorre ! ». Claude, beaucoup plus vieux jeu que son maître, est d’abord horrifié de ce qu’il considère comme une horrible méprise, mais la transformation rapide qui frappe le cadavre de la « Dame », et révèle qu’elle tenait plus de la guenaude aquatique que de la pucelle romantique, le convainc bientôt que Gilles était dans son bon droit. Le mystère de Celliers est résolu pour de bon, et les deux compagnons peuvent prendre la route de Moreaux pour ajouter ce nouveau trophée au mur de la salle de billard du château. Lorsque Claude demande à son boss ce qui lui a fait comprendre qu’il y avait anguille sous roche, le chevalier répond que cette Dame n’avait pas les yeux marrons qu’une pure beauté bretonienne se doit d’avoir, comme toutes les légendes et chansons l’attestent. Ce qui est une raison valable, jusqu’à ce que l’écuyer rappelle à son maître que la Dame qui est apparue à son frère Léon avait les yeux verts, d’après les dires de ce dernier. Bref, c’est pas demain la veille qu’edgy Gilles va rencontrer son idole, moi je vous le dis…Fin spoiler

1 : En fait il n’a pas de nom de famille comme tous les paysans qui se respectent, mais comme son kif ultime c’est de se faire des capes de superhéros avec des couvertures, je crois qu’on peut l’appeler Blanket Man.

AVIS :

Robert Earl revisite le mythe du chevalier de la Quête avec une petite nouvelle qui montre que tout ce brille n’est pas forcément or. Si l’auteur nous gratifie d’un twist final digne de ce nom, il aurait à mon sens été bien inspiré de chercher à l’intégrer de manière convaincante dans le reste de son histoire. En l’état, la rencontre entre Gilles et la Dame de la Mare tient plus de la péripétie accidentelle que de la conclusion logique d’une intrigue bien construite, et tout ce qu’il s’est passé avant ce moment fatidique n’a, scénaristiquement parlant, servi à rien, ou à pas grand-chose. Je reconnais que les Bretonniens ne sont pas les protagonistes les plus faciles à mettre en scène de façon intéressante, leur noblesse et droiture intrinsèques ne laissant que peu d’opportunités à un auteur pour complexifier un peu le tableau de façon cohérente avec le fluff de la faction. On en a ici un bon exemple avec good guy Gilles, qui fait un protagoniste aussi mémorable que le Moxostoma anisurum moyen. Comme pour la quête du Graal, beaucoup d’appelés, mais peu d’élus.

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Who Mourns a Necromancer? – B. Craig [WFB] – #17 :

INTRIGUE :

WFB_Who Mourns a NecromancerC’est jour d’enterrement à Gisoreux, mais le défunt qui est emporté jusqu’à sa tombe, dans le cimetière de Colaincourt, ne peut se targuer de laisser une foule éplorée derrière lui. Et pour cause, seul un homme est venu rendre un dernier hommage à Lanfranc Chazal, Magister au sein de l’université locale : son vieil ami et collègue (et accessoirement Haut Prêtre de Verena), Alpheus Kalispera. Si ce dernier se retrouve seul à souffler comme un phoque – il a pas de cardio – sur la colline, devant une tombe anonyme et un prêtre de Morr pas franchement ravi d’officier, c’est à cause de la détestable réputation que se traînait le clerc Chazal sur ses vieux jours, celle d’un Nécromancien. Bien qu’il tienne à faire bonne figure dans cette situation à la fois tragique et humiliante, Kalispera est désolé de constater que ces petites biatches de l’université, qui n’avaient pourtant rien à reprocher à Chazal de son vivant, se soient faites toutes porter pâles plutôt que de l’accompagner. Aussi est il sincèrement ému lorsque surgit au milieu de l’office un jeune cavalier, certes en retard, mais décidé lui aussi à assister à la mise en terre du macchabée.

Le nouveau venu, du nom de Cesar Barbier, a été l’élève des deux Magisters il y a quelques années, avant de repartir sur le domaine de son père se préparer à prendre la succession du noble. Il avoue à Kalispera avoir gardé contact avec Chazal après sa diplomation, considérant le professeur comme un mentor ainsi que comme le père qu’il aurait bien aimé avoir, son géniteur étant l’archétype de l’homme de guerre totalement insensible aux sentiments et à la notion de respect de ses inférieurs. N’ayant pas d’autres choses à faire une fois la tombe rebouchée, Barbier et Kalispera se rendent chez le second pour poursuivre leur deuil autour d’un petit verre et d’un bon feu. L’ancien étudiant en profite pour faire une révélation lourde de sens à son hôte : contrairement à ce qu’il pensait, Lanfranc Chazal était bien un Nécromancien (comme son teint macabre et ses yeux enfoncés le laissaient pourtant à deviner). Mais, attention, un gentil Nécromancien. Ce qui change tout, ou en tout cas ouvre le débat.

Barbier se lance alors dans une chronique de sa vie tumultueuse depuis son retour dans sa famille, et de son mariage clandestin avec une charmante roturière du nom de Siri. Qui évidemment tomba enceinte1. Les deux tourtereaux avaient pour projet de tout plaquer et d’aller passer quelques années en exil dans l’Empire, le temps que la colère de papa Barbier (Christophe, sans doute) retombe, mais mirent trop longtemps à faire leurs bagages. Ramené au château paternel sous bonne garde, Cesar ne put qu’assister au meurtre de sang froid de sa bien aimée par son salopard de père, qui ne voyait vraiment pas le problème. Fort heureusement, le nobliau éploré parvint à convaincre Chazal, qui lui avait confié travailler de façon tout à fait théorique sur la Nécromancie afin de prouver que cette forme de magie n’était pas naturellement mauvaise, de passer à la pratique pour dépanner un pote dans le mal. Résultat des courses : le fantôme de Siri accepta de venir hanter la petite maison dans laquelle les jeunes mariés s’étaient installés, grâce un rituel certes interdit, et qui laissa des stigmates visibles sur la tronche et la santé du pauvre Chazal, mais parfaitement exécuté (et avec des extras sympas).

Troublé par la réalisation que son bon ami était finalement un pratiquant des arts sombres, et peut-être aussi surtout qu’il a été le dindon de la farce pendant toutes ces années, Kalispera ne sait trop quoi penser de la situation décrite pas son invité, qui se fait un devoir de lui sortir un discours sur l’injustice du monde digne d’un tracteur Solidaires Etudiant-e-s pour le persuader que, en vrai, la nécrophilie, c’est pas si pire (#ngl #tmtc). Le vieux maître n’en est pas si convaincu, mais il n’est pas d’humeur à débattre pendant des plombes avec Barbier, à qui il souhaite simplement de rester éternellement amoureux de son fantôme de femme, et de commencer dès à présent à réfléchir à l’organisation de la succession de son père (maintenant qu’il n’a plus de Nécropoto pour installer sa petite famille dans un autre bled). Pour le reste, les deux comparses tombent d’accord que Chazal était un vrai type bien, et on peut supposer qu’ils finissent la soirée ronds comme des queues de pelle, ainsi que de vrais Bretonniens le doivent en cette occasion particulière.

1 : Et dire que si j’avais chroniqué ‘Lords of Valour’ au moment de ma première lecture, je n’aurais pas pu sortir cette vanne. Je ne sais pas Dieu existe, mais Loec oui.

AVIS :

Nouvelle craigesque par excellence, ‘Who Mourns a Necromancer ?’ apporte au lecteur une perspective neuve sur un aspect notable et éminemment fantastique du monde de Warhammer, d’une manière que l’on peut qualifier de posée ou de planplan, selon ses goûts personnels1. Après avoir traité du Chaos dans ses précédents courts formats, Brian Craig s’attaque ici à la non-vie, mais c’est surtout l’occasion pour lui de poser la question du respect des normes, et du caractère artificiel, voire inique, de ces dernières dès lors que l’on y réfléchit un peu. Lanfranc Chazal doit il être condamné parce qu’il a pratiqué la Nécromancie, même s’il l’a fait de la manière la plus éthique qui soit ? Et que dire du père de Cesar Barbier, qui était dans son droit d’assassiner sa bru d’après les lois de Bretonnie, mais n’en demeure pas moins un meurtrier et un sale type en puissance ? On peut regretter que Craig n’ait pas choisi de mettre un peu plus en avant ce qui à mes yeux rendait cette incitation à la réflexion plus palpitante qu’une version romancée d’une conf’ sur Kelsen : la présence dans le monde de Warhammer Fantasy Battle de divinités et de magie (ce qui est la même chose au final). Alors que dans notre bête monde aseptisé, la réponse restera purement théorique, Craig aurait pu conclure que le mal existe réellement et dans l’absolu dans le Monde Qui Fut, comme en témoigne le spectaculaire glow down du plus gentil Nécromancien ever (ou le développement de maladies honteuses chez Barbier ?). Il ne l’a pas fait, tant pis : à chacun de se faire une opinion.

1 : Apparemment, l’artiste engagé par Inferno ! pour faire l’illustration de la nouvelle (John Wigley) ne savait pas à qui il avait affaire, et/ou n’a pas jugé bon de lire autre chose que le titre. 

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Small Cogs – N. Rutledge [40K] – #17 :

INTRIGUE :

40K_Small CogsSeule la mort met fin au devoir nous dit le proverbe, et ce n’est pas le Colonel Soth du 8ème Ulbaran qui viendra s’en plaindre. Ayant participé à la reprise de la planète de Luxoris Beta, confisquée par les Orks pendant des siècles, le régiment se retrouve mobilisé pour défendre la station d’épuration le Temple de l’Eau local contre une excursion eldar repérée au dernier moment par ces planqués du Haut Commandement. Malgré le fait que ses hommes doivent combattre en uniforme d’apparat, leur mission première étant de participer au défilé du 14 juillet local, Soth fait contre mauvaise fortune veste qui gratte bon cœur et organise un périmètre défensif autour du bâtiment visé par les Xenos. Le Temple de l’Eau contrôle en effet le système d’irrigation de la planète, en faisant une cible de choix pour les Eldars : inonder les basses terres de Luxoris Beta priverait en effet les défenseurs impérieux de la possibilité de déployer leurs véhicules blindés dans ce conflit.

Après avoir échangé quelques banalités avec le prêtre Jarendar, tout à fait confiant dans la protection qu’apportera l’Empereur à ses fidèles, Soth est appelé à son poste de commandement par son second (Hoddish) lorsque les Eldars lancent leur assaut. S’en suit une bataille urbaine tout à fait classique entre les deux factions, à la ténacité et la discipline des Gardes Impériaux s’opposant la vitesse et la technologie avancée des Xenos. En bon commandant, Soth met les mains dans le cambouis et mène une charge au fuseur contre un Falcon trop confiant, héritant d’une blessure à la cuisse mais permettant aux lignes impériales de tenir.

Un moment de répit entre deux attaques permet à notre héros d’inspecter le périmètre… et de manquer de tomber sous les tirs d’un Ranger isolé, finalement localisé et abattu sur un gros coup de chance par Soth. Il ne faut pas longtemps au sagace officier pour réaliser que le sniper n’a pas fait le déplacement seul, et que ses petits copains sont certainement en train de converger vers le Temple pendant que le reste des forces eldars fait diversion. Ne pouvant mobiliser un peloton entier sous peine de laisser ses lignes dangereusement dégarnies, Soth ordonne à Hoddish de lui envoyer trois Gardes pour tenter d’intercepter les infiltrateurs ennemis avant qu’il ne soit trop tard.

Je vous la fais courte : au prix d’une progression sanglante et de la perte de tous ses sidekicks, Soth parvient jusque dans la salle des machines du Temple, où il surprend le dernier Ranger en pleine lutte avec Jarendar. Le prêtre étant plus doué en parabole qu’en krav-maga, il ne tarde pas à rejoindre la droite de l’Empereur, tandis que Soth hérite pour sa part de quelques shurikens dans le thorax, lui faisant perdre la règle Objectif Sécurisé et lui donnant l’impression de voir les esprits de ses camarades défunts danser le harlem shuffle autour de lui. Ces hallucinations dissimulaient cependant l’arrivée d’un clutch player de chair et de sang : le novice de Jarendar – et son chandelier – qui règle son compte au pénible Xenos alors qu’il trifouillait les panneaux de commandes en fredonnant ‘Here comes the flood’. Bien fait. La nouvelle se termine sur la victoire des impériaux et l’évacuation de Soth vers l’hôpital le plus proche, mais pas avant qu’il n’ait bredouillé au Medic qui l’a stabilisé de faire passer à Hoddish la morale de cette histoire : prêter attention au moindre détail (small cogs). Que voilà une édifiante conclusion.

AVIS :

Pour sa seule incursion dans le 41ème millénaire (si on ne considère pas la nouvelle ‘Sisters’, écrite pour Necromunda), Neil Rutledge livre une bonne histoire de « Gardes Impériaux d’action », dans la droite lignée de ce que nous propose le légendaire Dan Abnett avec ses Fantômes de Gaunt. Chose appréciable, on a le droit en seulement 26 pages à une bataille rangée, suivie par une mission d’infiltration tournant au duel de snipers, ce qui est une variété tout à fait appréciable pour un court format. Les affrontements entre Garde Impériale et Eldars des Vaisseaux Mondes étant de plus assez rare dans la GW-Fiction, on appréciera d’autant plus ce ‘Small Cogs’ à sa juste valeur. Je valide.

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White Heat – D. Abnett [40K] – #18 :

INTRIGUE :

40K_White HeatNous retrouvons les Iron Snakes d’Ithaka sur une nouvelle mission colorée, quelques temps après les événements couverts dans ‘Black Gold’. Les serpents perçants sont cette fois chargés de reprendre la capitale planétaire d’Eidon, monde impérial squatté depuis quelques mois par les Eldars Noirs. Comme les 300.000 Gardes Impériaux budgétés par les autorités sectorielles ont failli à leur mission, il est plus que temps que les bidasses laissent place à de véritables professionnels de la guerre, j’ai nommé le Capitaine Héros (c’est vraiment son titre) Phobor et sa Compagnie de joyeux drilles, dont l’escouade Damocles, présentée dans ‘Black Gold’ fait partie. Nous rencontrons également l’illustre Petrok, Archiviste assisté de son état1 et légende vivante du Chapitre (et au-delà, puisque même les officiers de la Garde fangirl en sa présence). Pète-roc, qui a été retardé par un bombardement orbital, arrive sur le théâtre d’opération alors que Phobor a déjà lancé son attaque, et contrairement aux instructions laissées par le Capitaine, il décide d’aller dire bonjour à l’escouade laissée en réserve de l’autre côté d’Eidon City, dans le but d’intercepter les fuyards Drukharis. Comme vous le devinez, sagaces lecteurs, il s’agit évidemment de Priad et de ses bois, dont la mission ne relève finalement pas du tout de la sinécure.

Un curieux hasard a en effet voulu qu’un contingent significatif d’Eldars garde la section des murailles de la ville que l’escouade Damocles a été chargée d’attaquer. Le feu nourri subi par ses hommes force donc le Sergent Priad à réaliser un pro player move… faire tirer au lance plasma sur un mur afin de l’effondrer. Mais à se ruer dans la brèche avant de l’avoir ouverte, on se met à risque de se retrouver Sébastien gros-jean comme devant si (quand…) le jet pour blesser donne 1. Ce qui est le cas ici. Nos braves Iron Snakes se retrouvent donc en fâcheuse posture, à poil énergétique dans la pampa et sous un feu nourri, quand le salut arrive sous la forme baraquée de Petrok. Utilisant son awesomeness comme couvert lourd, l’Archiviste entame une bromance ultra lourde avec Priad, mais lui donne aussi un précieux conseil démontrant la profondeur insondable de sa sagesse : quand ça marche pas du premier coup, recommence. Et, ô miracle, le mur fâcheux finit par tomber en poussière, permettant aux Space Marines de pénétrer dans la cité martyr.

La suite n’est qu’un carnage sans nom ni intérêt, pendant lequel nos dix Astartes parviennent à massacrer des centaines (!!!) de Drukharis, sans subir aucune perte en retour. La partie la plus délicate de leur soirée sera finalement consacrée au déplacement des bombes laissées par les Xenos sur les conduits à phosphore d’Eidon City, sorte de course à la cuillère dont les Serpenfer se sortent encore une fois haut la main. Ceci fait, ils rentrent au bercail participer au traditionnel banquet de la victoire, où l’ombrageux Phobor les attend avec un air grognon (il voulait que Petrok le rejoigne pendant la bataille et lui dise à quel point il était génial). Le debrief sera peut-être un peu froid…

1 : Il se promène avec pas moins de 9 grouillots pour lui porter ses affaires, sans doute pour relancer l’emploi sur Ithaka, mais tout de même. Notons pour sa défense qu’il ne s’entoure pas des esprits les plus brillants, ce qui peut justifier de compenser la qualité par la quantité.

AVIS :

J’espérais qu’Abnett élève le niveau par rapport à ‘Black Gold’ dans ce deuxième épisode de sa série consacrée aux Iron Snakes, et j’ai été très déçu. Non seulement on se retrouve à nouveau avec une Space Marinade totalement insipide (voire caricaturale, quand on constate la facilité déconcertante avec laquelle l’escouade Damocles annihile 40.000 fois son coût en points en l’espace de vingt minutes), mais l’auteur des ‘Fantômes de Gaunt’ passe totalement à côté de son sujet en matière de caractérisation, ce qui est pourtant un de ses points forts reconnus. Entre Phobor le boudeur, Petrok le lover et Rodos l’abruti, le transparent Sergent Priad passerait presque pour un modèle. On a également droit à des petits irritants, sans conséquence pour l’histoire en tant que telle, mais révélateur d’un haut niveau de je m’en foutisme de la part d’Abnett et de son éditeur, comme la mention du Primarque (au lieu de Maître de Chapitre) Seydon, ou encore un échange d’arme involontaire en plein combat (Petrok hérite de la griffe énergétique de Priad le temps d’un paragraphe). Ce résultat est d’autant plus décevant que Dan Abnett avait rendu une copie autrement plus propre quelques mois auparavant avec ‘A Blooding’ (Inferno ! #6), autre nouvelle mettant en scène l’assaut d’une ville du point de vue de troupes impériales. La motivation a clairement péché ici, et les Iron Snakes ne marquent pas de points avec ce ‘White Heat’.

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Tybalt’s Quest – G. Thorpe [WFB] – #18 :

INTRIGUE :

WFB_Tybalt's QuestDans le brouillard brumeux d’une nuit nocturne, le noble chevalier Tybalt se rend en direction d’un cimetière de tombes, accomplissant ainsi le désir de volonté d’un fantôme spectral lui étant apparu dans ses rêves oniriques… Hum. Je pourrais continuer longtemps comme ça, mais les plaisanteries les plus courtes étant les moins longues, nous allons repasser sur une narration un peu moins lourdement pesante. Merci Gav. Ayant passé plusieurs longues minutes, et autant de pages, à attacher son cheval à un piquet, ouvrir la grille du cimetière, trébucher sur un rat, et occire un pauvre sanglier innocent qui passait seulement dans le coin1, Tyty finit enfin par arriver jusqu’à la crypte où repose le Duc de Laroche, qui lui a demandé d’accourir en toute hâte pour combattre un terrible danger s’étant manifesté dans le cimetière de Moreux. Mais évidemment, ce gros troll de Laroche n’a pas pensé à se présenter ni à donner les coordonnées GPS de son mausolée au pauvre Tybalt, vous pensez bien. Un coup d’œil sur son blason a fait l’affaire, évidemment. Ce qui a conduit notre héros à perdre quatre mois à éplucher tous les registres d’héraldique à sa disposition pour finalement identifier les armes du brave (c’était un Graaleux, tout de même) Pierrot et localiser sa dernière demeure. Moi je dis que le fantôme aurait dû apparaître à un gueux livreur Deliveroo, l’affaire était pliée en 25 minutes. Menfin.

Une fois sur place, Tybalt est à nouveau visité par Laroche, posay comme jamay dans son petit pied à terre. Mis à part des tournures de phrases un peu rigolotes, le vioque se révèle être un hôte affable et charmant, qui avait juste besoin de trouver un champion de ce nom pour contrecarrer les plans d’un Nécromancien de bas niveau (puisqu’il n’a pas été foutu de lever une armée depuis l’envoi du SOS (du) fantôme…). Toujours cette histoire de quatre mois de latence, ça ne devrait pas mais ça m’énerve. Le cimetière de Moreux est en effet très spécial. En plus de servir d’ossuaire depuis des temps immémoriaux, il s’agit de l’endroit très précis où Gilles le Breton a reçu sa première vision de la Dame. On pouvait se demander ce qu’il faisait à camper dans un tel endroit pour commencer, mais ce serait une autre histoire. Toujours est-il que l’honneur de la Bretonnie impose que Tybalt empêche un pratiquant des arts noirs de souiller de sa présence et de sa nullité crasse ce monument historique classé au patrimoine imputrescible de l’humanité. Le jouvenceau n’est franchement pas chaud à l’idée de partir à la chasse d’un sorcier capable de relever les morts, seul dans un cimetière, mais Laroche ne lui laisse pas le choix. Il lui prête cependant son heaume enchanté et sa mirifique Résistance à la Magie (3) pour lui faciliter un peu la tâche.

La suite, cela ne vous surprendra guère, est consacrée à la « traque » du Nécromancien par Tybalt. Après une première rencontre pendant laquelle on a tout loisir d’admirer que la camelote de Laroche works just fine, et de réaliser que Tybalt est vraiment pathétique (il se fait sonner par un coup de bâton sur son heaume, donné par un vieillard boiteux d’un mètre cinquante), le preux chevalier erre un peu entre les tombes, repasse en mode facile avec une petite prière à la Dame (qui lui permet soudainement d’entendre les incantations du Nécromancien à 300 mètres), rencontre quatre squelettes animés dont il a le plus grand mal à se défaire, et finit par confronter enfin son affreuse Némésis, protégée par une puissante escorte de… six squelettes. Qui tombent en morceaux dès que Tybalt s’approche. On peut se demander pourquoi ça n’a pas fait la même chose pour les morts vivants précédents, mais la réponse est « on s’en fout ». S’en suit un dialogue relativement interminable (quand on le compare à la longueur de la nouvelle et à son intérêt intrinsèque), pendant lequel on apprend que si le Nécromancien était si méchant, c’est parce qu’il avait lui-même peur de la mort. On s’en fout là aussi, merci. Au bout du suspense, Tybalt finit par décapiter le maraud, ramener l’équilibre dans la Force et la paix dans le voisinage, et la nouvelle se termine avec l’ajout d’une nouvelle corvée d’utilité publique sur la to do list des vilains de Moreux : entretenir un peu mieux leur cimetière, décidément très mal fréquenté. Voilà qui ne va pas arranger le déficit des collectivités locales, c’est moi qui vous le dit.

1 : Il a aussi essayé de voir des sons. Sans succès.

AVIS :

Gav Thorpe se cherche comme auteur de nouvelles fantastiques dans ce ‘Tybalt’s Quest’, et malheureusement pour tout le monde, il ne se trouve pas. Le style est aussi pâteux et cartonné qu’un mauvais pudding, l’intrigue tient en une demi-ligne (police 54), les péripéties sont sont plus dignes d’un nanar fauché que d’une production littéraire libérée de la prosaïque contrainte d’un budget à respecter : si on veut être aussi miséricordieux que l’aimable Duc de Laroche, on accordera quelque point à Thorpe pour les bouts de fluff (pas vraiment reluisants) qu’il a glissé dans sa copie. Pour le reste, le seul point fort de ‘Tybalt’s Quest’ est de faire moins de vingt pages, ce qui rend sa lecture, à défaut d’agréable, courte. Un mauvais moment de et à passé/er.

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Battle of the Archeosaurs – B. J. Bayley [40K] – #18 :

INTRIGUE :

40K_Battle of the ArcheosaursLa planète ABL 1034, colonisée par l’humanité en des temps forts lointains puis laissée à mariner dans son jus pendant la Longue Nuit, a été redécouverte par l’Imperium. Idéalement situé pour devenir une capitale sous-sectorielle, comme Mont de Marsan avant lui, ce monde primitif aurait dû être conquis ou reconquis par le régiment de Gardes Impériaux dépêché sur place sans le moindre effort, mais voilà : les bidasses ont été toutes massacrées par la population locale, malgré le très faible niveau technologique de cette dernière. Une deuxième expédition, mécanisée celle-là, n’a pas connu un sort plus favorable, faisant d’ABL 1034 une sorte de village gaulois galactique, résistant vaillamment contre l’envahisseur romain impérial. Foin de druide à la faucille en or ou de potion magique ici : la raison de cette défiance étonnante se trouve dans la présence d’une mégafaune domestiquée par les natifs, et baptisée archéosaures par les Magos Biologis en raison de la ressemblance des dites bestioles avec les lézards géants qui peuplaient Terra il y a des millions d’années.

Comme on le sait bien ici, ni la patience ni la bienveillance de Pépé ne sont sans limite, au contraire de ses armées, qui sont elles proprement inextinguibles. La troisième fois sera donc la bonne pour l’Imperium, qui décide de mettre le paquet pour s’assurer d’une victoire probante et envoie pas un, mais deux Titans Warlord mettre de l’ordre sur ABL 1034. Bien que les Princeps des machines envoyées sur place (Gaerius et Efferim) doutent fortement que l’ennemi soit en mesure de les inquiéter, la discipline légendaire de l’Adeptus Titanicus les empêche de livrer le fond de leur pensée aux gradés de la Flotte et de la Garde avec lesquels ils partagent la séance de briefing pré-déploiement. Et puisqu’ils sont sur place, autant faire le job, pas vrai ?

Cette belle confiance est rapidement, même si temporairement, ébranlée par la vision qui attend les Princeps lors de leur descente à la surface de la planète : pas moins de cinq épaves de Gargants ork jonchant la plaine choisie par le commandement impérial pour déployer ses forces. Bien que Gaerius choisisse de croire qu’il s’agit d’une conséquence de la nature belliqueuse des Xenos, tout prêts à se battre en eux en absence d’ennemis valables, plutôt que d’un fait d’armes des indigènes, son aveuglement béat ne va pas durer longtemps. L’arrivée de la troisième vague d’assaillants n’est en effet pas passée inaperçue chez les locaux (en même temps, on parle de marcheurs d’assaut de plus de trente mètres de haut, c’est voyant), et la tribu la plus proche n’est pas longue à envoyer ses guerriers et deux archéosaures livrer bataille aux nouveaux venus. On apprend à l’occasion d’un petit passage raconté depuis le point de vue de l’un des deux seuls survivants de la deuxième vague impériale, et reconverti en étendard vivant par les autochtones, que ces derniers arrivent à contrôler leurs montures grâce à des pieux métalliques fichés dans le crâne des archéosaures à des endroits précis, et dont les vibrations permettent d’activer certaines zones du cerveau de ces grosses bestioles. C’est tout simple, mais il fallait y penser (et surtout, trouver un moyen de mettre l’idée en pratique…).

Le combat s’engage donc entre les Titans et les Kaijus, et le petit rictus de suffisance qui flottait sur les lèvres du Princeps Gaerius est rapidement remplacé par une grimace d’incrédulité devant la résistance incroyable de ses adversaires, puis par de la panique pure et simple lorsque les archéosaures déclenchent leur combo spéciale « jet de flammes/cabrage/coup de queue », mettant au tapis le Warlord d’Efferim et laissant la machine rescapée composer seule avec les deux dinosaures énervés qui lui font face. L’entraînement et la discipline de l’équipage du Titan survivant (et les gros flingues dont il dispose) permettent toutefois à Gaerius d’arracher une victoire mineure en abattant les lézards géants à bout portant avant qu’ils n’aient pu lui faire des papouilles. C’était moins une pour la crème de la crème de l’Omnimessie…

Début spoiler…Et ce n’est surtout que partie remise pour la tribu vaincue, dont le nouveau chef décide que l’heure n’est plus aux combats honorables en 2 contre 2. Ayant bien compris que les armées impériales ne reculeraient devant rien pour s’emparer de la planète, il envoie dès le lendemain l’intégralité de son cheptel, soit une centaine d’archéosaures, piétiner les positions adverses. Le Titan mal en point de Gaerius ne peut pas s’opposer à une telle démonstration de force, et la troisième campagne se termine aussi ignominieusement que les précédentes.

Notre nouvelle quant à elle se conclut sur la décision prise par des gros bonnets de l’Imperium de régler une fois pour toutes cet ennuyeux, coûteux et humiliant problème en déchainant un petit Exterminatus sur la planète rebelle, quand bien même ça l’abimerait un peu, au moins à moyen terme. Un constat partagé à grand cri par notre ami Gaerius, qui a survécu à la débâcle et a été « adopté » par la tribu d’ABL 1034, où il sert maintenant de décoration frontale d’archéosaure. Voilà une reconversion réussie. Fin spoiler

AVIS :

Une nouvelle « et si ? » par excellence, ‘Battle of the Archeosaurs’ permet à une des plumes les plus libres de la première époque de la Black Library de mettre en scène une bataille assez improbable et donc totalement savoureuse entre Titans Warlord et dinosaures géants, le tout avec un respect du fluff que l’on ne peut qu’admirer. On ne verra probablement plus rien de tel dans le catalogue de la BL (tant pis ou tant mieux, je vous laisse seuls juges), ce qui est une autre raison pour les amateurs de GW-Fiction de prendre connaissance de cet OVNI de la littérature 40K.

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Matters of Honour – G. Rennie [40K] – #18 :

INTRIGUE :

40K_Matters of HonourQuelque temps après les événements relatés dans ‘Baptism of Fire’, nous retrouvons le Lord Solar Macharius, son capitaine Leo Semper et son équipage foultitudineux, dans une nouvelle mission à haut ris- en fait non. Les aléas de la guerre gothique, dans laquelle le Macharius sert avec distinction comme escorteur de vaisseaux civils (pas très funky mais il faut bien que quelqu’un le fasse), mènent les autorités compétentes à mettre nos héros sur une mission un peu plus intéressante : intercepter le Bellerophon, un croiseur dont l’équipage est récemment passé au Chaos et cherche désormais à rejoindre l’espace ennemi pour remettre à Abaddon des informations top moumoute (et Pépé sait qu’Abaddon aime les perruques). L’honneur de la Flotte Impériale (surtout) et l’équilibre des forces (un peu) sont en jeu, il faudra donc servir sans faillir une fois encore.

Grâce à des prévisions très précises de l’itinéraire poursuivi par le Bellerophon et un Warp assez calme en cette saison, le Macharius parvient à intercepter sa proie dans le système de Delphi. L’affrontement est assez déséquilibré, mais dans le « bon » sens pour changer : ce sont en effet les Impériaux qui ont l’avantage de la taille et de la puissance de feu sur les affreux renégats, menés par le Lieutenant Magell (ça se prononce comme ça en VO, je veux rien savoir). Ce dernier avait d’abord espéré pouvoir distancer ses poursuivants, mais un raid de Maraudeurs rondement mené désempare totalement Bebel, prouvant au passage que l’on a toujours besoin d’un plus petit que soi, surtout si le petit en question vole vite et peut larguer des missiles à tête chercheuse. L’ennemi étant à sa merci, le Capitaine Semper décide de laisser son second, le capable mais sanguin (il a occupé les premières pages de la nouvelle à tuer en duel un officier qui l’avait mal regardé) Hito Ulanti, choisir la manière dont le coup fatal doit être porté. Désireux de faire ses preuves, ce dernier choisit l’option la plus exposée : aborder le Bellerophon et le reprendre aux traîtres par les armes, afin d’épargner le vaisseau et de récupérer les précieuses informations dérobées par les Magell et compagnie. Dont acte.

L’assaut en question, s’il ne présente guère de suspens quant à son issue (même Rennie le dit), permet toutefois à un autre personnage rapidement croisé dans ‘Baptism of Fire’, le conscrit un brin psychotique Maxim Borusa, de se mettre en valeur à son tour. Envoyé en première ligne armé de sa fidèle clé à molette porte-bonheur, tel le Gérard Lambert du 41ème millénaire, Max réussit à nouveau à friendly firer son supérieur hiérarchique dans le feu de l’action, mais aussi et surtout, à sauver les miches d’Ulanti pendant son duel avec son homologue1, sécurisant par là-même un transfert dans des quartiers un peu plus sympathiques que le fond de cale du Macharius. Ça c’est un petit gars qui ira loin.

La nouvelle se termine avec un peu plus d’information sur la documentation qu’Abaddon tenait tant à récupérer. Il s’agit de plans des mystérieuses Forteresses Noires, clés de voûte de la flotte gothique et cibles principales de la 12ème Croisade Noire, comme nous le savons désormais. Pour l’heure, Leo et ses comparses ne savent pas trop quoi faire de cette révélation, et Aby se console de l’interception inopportune du Macharius en contemplant son futur véhicule de fonction sortir de l’usine : rien de moins que le Planet Killer, et avec les sièges chauffants et le radar de recul s’il vous plait…

1 : Il arrive à temps pour fermer le clapet de Magell, c’est approprié je pense.

AVIS :

Après des débuts poussifs, Rennie fait bien mieux dans cette seconde nouvelle consacrée à l’univers si particulier de la guerre dans l’espaaaaaace. Exit les introductions à rallonge qui au final ne servent à rien à l’intrigue, et bonjour les descriptions des aspects pratiques de cette forme de combat fascinante et injustement ignorée par la BL. Qu’il s’agisse de contextualiser le rôle des Astropathes, de décrire une mission de Maraudeurs, de dépeindre les complexes relations de pouvoir et traditions qui sous-tendent l’institution Flotte Impériale, ou encore de mettre en scène la brutalité d’un abordage, même « basique » (péquins contre péquins, pas de Space Marines ou de démons pour jouer les trouble-fêtes), Gordon Rennie répond présent. Son choix de poursuivre la caractérisation des personnages passés en revue dans ‘Baptism of Fire’ de manière plus sélective – seuls Ulanti et Borusa sont traités ici – est également payant, et permet à ces deux figures de gagner une profondeur assez intéressante. Seuls quelques erreurs d’étourderie sans gravité (explosions dans l’espace, confusion entre Adeptus Arbites et Astartes), et un suspens des plus limités (le doute est très rapidement levé sur le fait que la mission du Macharius sera un succès) sont à lui reprocher, mais rien qui ne viennent sérieusement entraver le plaisir de lecture. Dommage qu’il se soit arrêté d’écrire des nouvelles pour cette série après ce ‘Matters of Honour’, car il avait atteint un niveau intéressant… Restent évidemment les deux romans1 qu’il a signé avant de voguer vers d’autres cieux à se mettre sous la dent, pour les fans éperdus de Leo ‘the G.O.A.T.E.E.’ Semper.

1 : ‘Execution Hour’ et ‘Shadowpoint’.

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Et voilà qui termine cette revue de la troisième année d’Inferno!, où grandeur et décadence se sont une nouvelle fois mélangées. À l’heure où cette chronique est mise en ligne, il semble que la Black Library ait à nouveau mis le concept au frigo car aucune nouvelle publication siglée de l’iconique appellation n’est à prévoir dans les mois qui viennent. J’en suis le premier désolé, mais comme Inferno! a déjà prouvé qu’il pouvait rejaillir de ses cendres (ce qui est approprié, avec un tel nom), il faut espérer que nous aurons l’occasion de nous pencher sur autre chose que des rétrospectives à plus de vingt ans dans les prochaines années. D’ici là, il me reste encore quelques numéros à passer en revue…

WAR UNENDING [WFB]

Bonjour et bienvenue dans cette chronique de ‘War Unending’, le recueil de nouvelles Warhammer Fantasy Battle le plus confidentiel jamais publié par Games Workshop. Cela n’est pas dû à son âge vénérable (il date de 2010, ce qui le place au contraire parmi les publications les plus récentes pour cette franchise), ni à sa diffusion très sélective (comme cela a pu être le cas pour les mini anthologies distribuées lors des Black Library Weekenders, au temps où ces derniers avaient encore lieu), mais bien au choix effectué par la BL de ne proposer cet opus qu’en format numérique. Retiré de la vente sur le site de l’éditeur depuis plusieurs années, comme la plupart des ouvrages traitant du Monde qui Fut, ‘War Unending’ ne subsiste plus que dans la mémoire d’érudits de la GW-Fiction et à travers de rares mentions sur des sites de la communauté1. Il m’aura fallu un après-midi pluvieux et quelques recherches oiseuses pour découvrir l’existence de ce bouquin, ce qui est bien la preuve que la GW-Fiction est un puits sans fond…

1 : Je remercie donc l’auteur de Complete Gotrek & Felix pour son impeccable travail d’archivage (d’autant plus remarquable que le recueil qui nous intéresse ne contient qu’une seule nouvelle consacrée à l’héroïque duo), sans lequel cette chronique n’existerait pas.

War Unending

Ne pouvant pas me procurer d’exemplaire de ce recueil, je ne peux avoir de certitudes sur sa genèse, mais sa date de sortie et son illustration de couverture me laissent à penser qu’il s’agissait pour la BL d’accompagner la sortie de la 8ème version de WFB, comme les anthologies ‘XXX & Other Stories’ le font depuis plusieurs années. Les 11 nouvelles qui le composent, provenant d’une variété d’autres anthologies et publications allant du plutôt ancien (‘Portrait of my Undying Lady’ – 2001) au très récent (‘Virtue’s Reward’, qui venait d’être publié dans le numéro 3 de Hammer & Bolter, et ‘Broken Blood’, tiré de ‘Death & Dishonour’ – 2010). On trouve tout de même au sommaire une nouveauté en la présence de ‘The Blood Price’, introduction à la série consacrée par Mike Lee et Dan Abnett à Malus Darkblade. Avec sept nouvelles provenant des vénérables pages du magazine Inferno !, on peut toutefois considérer ‘War Unending’ comme l’ultime anthologie « infernale » publiée par la Black Library, près de six ans après la sortie du dernier numéro du légendaire bimensuel.

Sans plus attendre, partons à la (re)découverte de ce volume quasi-oublié, et tâchons de voir s’il en valait la peine, du temps où il était encore disponible. Si la guerre est éternelle, la politique de distribution de la BL est elle plutôt volatile…

War Unending

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Swords of the Empire – D. Abnett :

INTRIGUE :

« Cher journalle en pô de shèvre, si je prens la plume aujour dui, bien ke je ne soyes pa un skribhe, mésun chevalié de la Reiksguard, cé ke j’en nai greau et ke le monde doigt savoir. »  Ainsi commence l’histoire narrée par velin caprin interposé par notre narrateur, Jozef von Kassen, qui, pour tromper les longs mois de l’hiver kislévite, s’est mis en tête de chroniquer par le menu les aventures l’ayant amené à squatter avec ses hommes la stanitsa de Kzarla. C’est donc à la chronique d’une chronique, exercice meta en diable, que l’auteur de ces lignes se prête ici, sur un support bien moins classe qu’un parchemin de biquette je le reconnais, mais nécessité fera loi.

Notre récit débute à Altdorf, où von Kassen est chargé par ses supérieurs d’escorter la vadrouille d’Udo Jochrund, maître sorcier du Collège Lumineux et spécialiste de la magie tribale kislévite, sur son terrain de prédilection. Accompagnés d’une vingtaine d’hommes d’armes, notre héros doit assurer la sécurité de sa charge pendant qu’elle recensera les fascinantes traditions chamaniques des peuplades du grand Nord, entreprise qui semble occuper la plus grande partie des étés de Jochrund. Von Kassen, qui est une âme simple, se méfie d’abord des pouvoirs occultes dont son compagnon de voyage dispose, mais la pédagogie dont ce dernier fait usage pour convaincre son protecteur un peu concon qu’il n’a rien à craindre, et la gentillesse manifeste de l’érudit1, finissent par gagner la confiance du soldat. Commence alors un périple long de plusieurs mois, permettant à l’expédition de visiter quantité de communautés kislévites, au lecteur d’apprendre pas mal de choses sur nos personnages (à commencer par l’intérêt fort et sincère que porte von Kassen à tout ce qui à trait aux chèvres2) et sur la culture locale, à Jochrund de collecter des tonnes d’échantillons et de témoignages, et à Abnett de remplir facilement une vingtaine de pages, ou une peau de chèvre entière dans le cas de son héros. Ceci dit, le périple n’est pas sans rencontrer quelques difficultés occasionnelles, comme la fois où les aventuriers ont dû batailler pendant une heure pour repousser l’assaut de brigands locaux, pour un résultat sans appel – mais un peu surprenant si on prend compte la longueur de l’affrontement – de quatre morts à zéro3.

Les choses deviennent un peu plus sérieuses lorsque la petite troupe atteint le village septentrional de Svedora, nommé ainsi à cause du chapeau traditionnel que tous les hommes célibataires avec collier de barbe portent. Eprouvés par des mois de marche à travers les plaine du Kislev, les impériaux ont une allure plutôt miteuse, ce qui mène le krug local à leur barrer la route d’un air menaçant. Von Kassen parvient toutefois à dissiper ce fâcheux malentendu, gagnant la confiance de son homologue, un beau gosse à l’armure et l’épée étincelantes, et à la moustache soyeuse, du nom de Subarin. Accueillis en grande pompe par leurs hôtes, les voyageurs savent qu’il ne leur reste que peu de temps pour faire demi-tour, l’arrivée prochaine de l’automne menaçant de les isoler pour la mauvaise saison dans une stanitsa de troisième ordre. Aussi, c’est avec une lassitude non feinte que von Kassen s’entend réclamer par le sorcier un nouveau délai, pour aller visiter une ultime communauté située à quelques jours de voyage au Nord de Svedora.

Guidés par un trio de guerriers locaux, dont Subarin qui souhaite apparemment concrétiser sa bromance naissante avec von Kassen, les impériaux parviennent à leur destination, Kzarla, mais non sans avoir essuyé une embuscade de la part d’une bande de Kuls agressifs, et perdus quelques membres de l’équipée au passage. Après avoir à nouveau négocié leur entrée dans le village auprès du krug local, les riders de l’extrême sont envoyés crécher dans une yourte à l’extérieur de la communauté, qui est sur le point de célébrer un rituel important pendant lequel aucun étranger n’est toléré intra muros, exception faite de Jochrund et de son assistant, Sigert. Le comportement maniaque de sorcier a cependant alerté von Kassen, et lorsqu’il assiste à ce qui ressemble beaucoup à une procession sacrificielle emmenant une accorte damoiselle locale jusqu’à l’île où se situe le temple local, le preux chevalier ne peut rester dans sa tente à se saoûler au koumiss, comme ses camarades. Faisant fi de l’interdit, il se précipite donc dans le village, épée à la main…

Début spoiler…Ses suspicions se trouvent confirmées lorsqu’il aperçoit Jochrund et Sigert en train d’assister le chamane de Kzarla dans ce qui ne peut être qu’un sacrifice païen de la pauvre vierge droguée. Sans chercher à réfléchir, et comme le vrai GOAT qu’il est, von Kassen interrompt la cérémonie, se saisit de la fille et repart dare-dare vers sa yourte, ayant poussé le chamane dans la flotte gelée et décapité ce fourbe de Sigert au passage, lorsque l’acolyte lui avait planté une dague dans la cuisse. Quant à Jochrund, dont la manie de toujours porter des gants a trouvé une explication logique mais chaotique pendant ce tohu-bohu (les mains du sorcier étaient en fait des griffes), il a écopé d’une javeline de la part de l’estimable Subarin dans la hanche pour sa peine.

La perfidie du sorcier est confirmée par le recueil du témoignage de la donzelle (Mariya), une fois redescendue de son bad trip. Von Kassen apprend ainsi que ce jocrisse de Jochrund a convaincu le chamane local de procéder à un véritable sacrifice – auparavant, les Kislévites se contentaient d’en mimer un, n’étant pas les brutes épaisses pour lesquelles von Kassen les tenait – afin de s’assurer de la réussite d’un rituel de clémence météorologique. Ce qui n’a l’air de rien dit comme ça, mais aurait permis aux hordes de cet obscur chef de guerre du nom d’Arcachon, ou quelque chose comme ça, d’envahir le Kislev et l’Empire plus tôt que normalement possible. Avant de pouvoir alerter ses supérieurs de la duplicité du mage et du grave péril dans lequel le Vieux Monde se trouve, von Kassen doit toutefois négocier un ultime contretemps : l’arrivée d’une large bande de Kurgans convoqués par Jochrund, qui compte bien laver Mariya de tous ses péchés d’un coup de surin enchanté, pour offrir un hiver clément à son boss. Se battant à plus de un contre quatre, le krug local ayant été envoyé chasser le dahut par les manigances de Jochrund quelques jours plus tôt, nos vaillants héros livrent toutefois bataille avec bravoure, perdant la majorité des leurs sous les coups des maraudeurs mais prélevant un lourd tribut parmi leurs assaillants. Alors que tout semblait perdu, le retour inespéré de lanciers ailés de Kzarla scelle la déroute des chaoteux, tandis que Jochrund se fait occire par l’incontournable Subarin d’un revers de sa prodigieuse épée. Il est toutefois trop tard pour que von Kassen et ses survivants puissent faire demi-tour, et c’est ce qui explique le zèle littéraire de notre héros, déterminé à laisser une trace de son passage même s’il devait périr de la grippe saisonnière avant le retour des beaux jours. Voilà un dévouement digne d’éloges.Fin spoiler

1 : Ne jamais sous-estimer le pouvoir du mystérieux sourire de (la) Jochrund.
2 : Ainsi, il prend bien soin de préciser que le départ s’est fait à la St Talve, le patron de l’agnelage, information notable sans aucun doute. Après tout, comme il le dit lui-même : « tout ce qui compte aujourd’hui pour moi peut se mesurer en chèvres ».
3 : À moins que le différent n’ait été réglé par une partie de Blood Bowl, ce qui reste une possibilité.

AVIS :

Dan Abnett poursuit sur la lancée (et les lanciers) des Cavaliers de la Mort avec Les Epées de l’Empire, récit d’aventures dans les steppes du Kislev mettant un noble héros aux prises avec les infâmes forces du Chaos, qui peuvent parfois revêtir des traits familiers. Parvenant à nouveau à embarquer le lecteur dans l’exotisme de cette civilisation méconnue sous bien des aspects, l’auteur combine avec maestria action trépidante, intrigue satisfaisante et immersion fluffique poussée. C’est propre, c’est net, c’est Abnett à son meilleur en matière de nouvelles siglées Warhammer Fantasy Battle, et en plus, c’est traduit en français : que demande le peuple ?

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The Small Ones – C. L. Werner :

INTRIGUE :

WFB_The Small OnesLa vie paisible du village de Marburg, perdu au milieu du Stirland profond (aussi appelé Stirland), est bouleversée par l’arrivée impromptue d’un Sorcier du Chaos mal en point (Thyssen Krotzigk), en fuite après que sa congrégation ait été passée par l’épée par la Garde Noire de Morr du Capitaine Ernst Ditmarr. Prêtre de Morr à l’esprit mal tourné, Thyssen avait profité de sa nomination dans une paroisse reculée pour se vouer à l’étude et à la vénération des Dieux du Chaos avec une totale impunité, jusqu’à ce que le rectorat lui envoie un inspecteur (auquel il arriva un regrettable accident), puis un bataillon de Templiers. La bataille qui fit rage entre cultistes et gothiques se solda par la victoire de ces derniers, mais Thyssen parvint malgré tout à s’enfuir (en clopinant, du fait d’une jambe cassée), laissant Ditmarr avec une manche vide (le feu, ça brûle) et un désir de vengeance inextinguible.

Les Fab Four faisant bien les choses, Thyssen est découvert par une bande d’enfants du coin alors qu’ils jouaient dans la forêt. Ayant tiré le don « sosie d’Alf, mais en grimdark » sur le tableau de l’Œil des Dieux (comprendre qu’il ressemble au fruit des relations incestueuses entre un Gamorréen et un Ewok), le petit Sorcier se fait instantanément adopter par Keren, fille du meunier de Marburg, fan de furries et forme non évoluée de Karen, qui convainc tout aussi rapidement ses camarades (Paul, Therese et Kurt) de cacher celui qu’elle considère comme un prince victime d’une malédiction dans le moulin abandonné du rival de son père (auquel il arriva un regrettable accident, bis). C’est le jackpot pour Thyssen, qui peut se rétablir tranquillement et confortablement grâce aux victuailles que les enfants de Marburg prélèvent dans le garde-manger familial pour son bénéfice, tout en commençant à corrompre son jeune public grâce aux contes séditieux sur Sigmar et les Quatre Princes dont il les abreuve. Après tout, c’est vrai qu’il ressemble beaucoup à Père Castor.

La situation de Thyssen est toutefois précaire, les Marburgeois ne restant pas les bras croisés devant la disparition d’un nombre croissant de leurs rejetons, qui préfèrent squatter dans le moulin de leur copain porcin plutôt que de trimer sang et eau pour leurs vieux (on les comprend). Ils commencent par engager un pisteur pour remonter la trace des disparus… auquel il arrive un regrettable accident, ter. Un peu plus tard, Thyssen mène une vendetta contre le vieux prêtre de Sigmar Hackl, proche de convaincre le conseil municipal de mettre des Répurgateurs sur le coup. Bien que le combat reste longtemps indécis entre le vieillard chétif et l’avorton boiteux (un match d’une violence insoutenable, retransmis à travers les Royaumes du Chaos), Thyssen finit par avoir raison du sigmarite, et met en scène son cadavre pour que, vous l’avez deviné, cela ait l’air d’un regrettable accident. Je ne sais pas si le concept de l’assurance-vie existait dans l’Empire avant la Fin des Temps, mais si c’est le cas, l’activité devait être implantée dans le Stirland.

C’est le moment que choisissent Ditmarr et sa gueule de porte-bonheur pour arriver à Marburg. Toujours sur la piste de sa Némésis poilue, le Garde de Morr disgracié (il s’est fait virer par l’ordre pour abandon de poste) n’est pas contre donner un coup de la seule main qu’il lui reste aux bouseux du coin dans leur problème de fugues infantiles. De son côté, Thyssen considère la venue fortuite de son persécuteur comme un nouveau cadeau des Dieux Noirs, et envoie donc l’un de ses enfants perdus attirer le Templier jusqu’à son QG, pendant qu’il réfléchit à la mise en scène d’un nouvel accident regrettable. Cependant, le messager en culottes courtes sous-estime la méfiance du Garde Noir, qui comprend rapidement que quelque chose ne tourne pas rond dans l’histoire qu’on lui sert, et ne se rend pas seul sur les lieux, comme il aurait dû le faire. En effet, il ordonne aux placides Marburgeois de mettre le feu au moulin au moindre bruit suspect, et, bien qu’ils aient conscience que la plupart de leurs rejetons soient présents dans l’édifice, ils suivent à la lettre les consignes de Ditmarr après que ce dernier se soit fait submerger par ses petits adversaires. Encore une arnaque à l’assurance, ça.

Dans le chaos qui s’ensuit, le Templier ne parvient qu’à crever un œil à Thyssen avant que ce dernier ne prenne à nouveau la poudre d’escampette, laissant ses cultistes puérils faire le coup de feu. L’un d’eux se fait d’ailleurs brièvement posséder par un Buveur de Sang (c’est les hormones) alors qu’il était sur le point de sacrifier Ditmarr pour la plus grande gloire de Khorne, et bastonne le Garde Noir comme plâtre pendant les trente secondes que durent son feat. Bien que le coriace chevalier parvienne à se sortir du brasier après cette tannée surprise, il décède de ses blessures le lendemain, après que les villageois lui aient fait croire que le corps de Thyssen avait été retrouvé dans les décombres du moulin…

Début spoiler…Alors qu’en fait, le Sorcier de poche était déjà loin de Marburg, mais pas dans une situation idéale. La nouvelle se termine en effet sur sa rencontre avec une bande de Gors qui semblent plus emballés par une dégustation de saucisson que par l’accueil d’un nouveau mutant. On ne peut pas leur en vouloir cela dit : le Pumbagor ne faisait pas encore partie du bestiaire des Bêtes du Chaos au moment où cette nouvelle a été écrite…Fin spoiler

AVIS :

Si on ne compte plus les nouvelles de GW-Fiction où des guerriers surhumains s’affrontent pour faire triompher leurs idéaux, celles mettant en scène leurs exacts opposés sont en revanche beaucoup plus rares. On peut donc remercier C. L. Werner d’avoir livré sa version de ‘Sa Majesté des Mouches1 pour Warhammer Fantasy Battle avec ce ‘The Small Ones’, sorte de huis-clos psychologique où le potentiel malaisant d’une bande d’enfants manipulés par un être maléfique est exploité de bien belle façon. Je mets aussi au crédit de l’auteur un séquençage impeccable du récit, qui alterne entre Thyssen, ses petits protégés, et Ditmarr, ainsi que les contes de Sigmar et des Quatre Princes, sorte d’histoire dans l’histoire qui aurait mérité d’être racontée dans une nouvelle séparée. Seul petit bémol : une conclusion un peu bâclée, qui ne donne pas d’indication sur le sort des enfants de Marburg (si Ditmarr a réussi à s’échapper du moulin après avoir boxé deux rounds contre un Sanguinaire, la marmaille chaotique a de bonnes chances de s’en être tirée) et laisse le destin de Thyssen en suspens. On reste cependant en présence d’une très bonne soumission de la part de Werner, dont l’originalité se doit d’être reconnue.

1 : Une comparaison d’autant plus apte que le grand méchant de l’histoire a/est dans les deux cas une tête de cochon.

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Rattenkrieg – R. Earl :

INTRIGUE :

WFB_RattenkriegUn vieux Prêtre de Morr fan de jardinage et ami des petits oiseaux voit sa paisible retraite interrompue en pleine nuit par l’arrivée d’un visiteur imprévu. Sous ses abords de clochard odoriférant et plus qu’à moitié fou, le nouveau venu se révèle être un Capitaine mercenaire du nom d’Otto van Delft, ayant fait de la dératisation sa spécialité et son gagne-pain. Ereinté par les épreuves qu’il a traversé au cours des derniers jours, le chien de guerre accepte volontiers la soirée boutanche et anecdotes que lui propose l’aimable ecclésiastique pour apaiser son âme troublée. Nous voilà donc plongés dans le Rattenkrieg, ou guerre contre les rats pour ceux qui n’ont ni fait allemand au collège, ni joué à Return to Castle Wolfenstein, menée par la cité impériale de Magdeburg contre ses voisins du dessous.

La casus belli était tout à fait respectable, reconnaissons-le, la jeune et blonde fille du Bourgmestre de la ville, Freda (son papa s’appelle Gottlieb, by the way) s’étant fait enlever par une bande de Coureurs d’Egouts ayant creusé un tunnel jusqu’à dans l’armoire de sa chambre, au nez et à la barbe moustache de son paternel, trop occupé à s’envoyer la jeune fille au pair pour prêter attention aux crises de terreur nocturne de sa chérubine. Déterminé à la retrouver, Gottlieb engagea un expert en dératisation pour aider sa milice à purger les terriers des envahissantes bestioles, ce qui se passa plutôt bien au début. Avec le recul, Otto réalise que cela aurait dû lui mettre la puce à l’oreille, mais pour une fois qu’une expédition dans les souterrains ne se termine pas en eau de boudin au bout de deux heures, pourquoi s’en plaindre, hein ?

D’autres indices incriminants a posteriori furent les cartes très détaillées des galeries Skaven que Gottlieb parvint on ne sait trop comment à fournir à ses hommes, leur permettant de nettoyer plusieurs colonies mineures avec une facilité insolente. Confrontés à rien de plus méchant qu’une meute d’Esclaves à moitié moribonds, Otto et ses miliciens remportèrent leurs premières escarmouches sans coup férir, mais ce n’était malheureusement qu’un gigantesque traquenard mis en place par un ennemi beaucoup trop sournois pour notre brave Capitaine. La bascule eut lieu lorsqu’un de ses lieutenants, Krinvaller, fut retrouvé seul et à l’agonie dans une galerie, serrant dans ses poings une des précieuses cartes utilisées par les impériaux. Le corps dévoré par les poisons utilisés par les Assassins lui ayant planté un surin entre les côtes quelques instants plus tôt, Krinvaller délivra un message incohérent à son supérieur, l’avertissant de l’échec de leur mini croisade et le suppliant d’empêcher Gottlieb de consulter ces fameuses cartes. Otto n’eut pas le temps de se creuser la tête sur ce message cryptique avant qu’une nouvelle attaque ne se produise, celle-ci menée par des Vermines de Choc. Malgré les ravages causés par le tromblon custom de notre héros (affectueusement surnommé Gudrun), l’affrontement se transforma rapidement en débandade échevelée, les humains étant canalisés par leurs adversaires jusqu’à une chambre souterraine afin de permettre l’utilisation de lance-feu dans des conditions optimales.

Fort heureusement, le joueur Skaven fit une série d’incidents de tir au moment de lancer les dés de touche, causant plus de dégâts parmi les Guerriers des Clans amassés pour le son et lumière promis par leur Technomage et à la structure de la caverne qu’aux quelques miliciens encore debout à ce stade avancé de la déroute impériale. L’éboulement qui s’en suivit força les deux camps à stopper les hostilités, au moins temporairement, et si Otto parvint à s’extirper par miracle des décombres et à regagner la surface, aucun de ses compagnons ne fut aussi chanceux.

Cela n’empêche pas le Capitaine déterré et déterminé de repartir aussi sec vers Magdeburg une fois son récit et la bouteille de gnole du Prêtre terminés. Bien que sa réputation soit aussi ruinée que sa garde-robe, nous avons affaire à un professionnel, qui utilisera toutes ses ressources et ses dernières forces à mener à bien sa mission. C’est beau. La détestation qu’il voue à la noble race anthropomurine n’a en outre qu’été renforcée par la réalisation de la manipulation dont il a fait l’objet, les cartes lui ayant été remises ayant guidé ses forces vers trois clans mineurs, dont l’extermination a fait les affaires d’un quatrième clan, ayant probablement tout manigancé depuis le départ. Et à ce propos…

Début spoiler…Le vieux Prêtre ne tarde pas à comprendre pourquoi son hôte lui a laissé ses cartes au moment de partir. Un examen approfondi de ces dernières permet en effet d’établir sans l’ombre d’un doute qu’elles ont été faites avec de la peau humaine, et très probablement celle de la pauvre Freda, dont l’enlèvement a déclenché la malheureuse Rattenkrieg. Ou comment joindre l’utile à l’agréable, Skaven style…Fin spoiler

AVIS :

Robert Earl fait partie des auteurs de la BL maîtrisant particulièrement bien la mise en scène de l’insidieuse menace Skaven dans leurs écrits (je place C. L. Werner dans cette même catégorie), et il le démontre dans ce ‘Rattenkrieg’ efficace et atmosphérique. Plutôt que de nous abreuver d’une litanie de scènes d’actions sanguinolentes, il fait le choix de relater cette campagne condamnée dès sa première heure à travers une série de flashbacks, ce qui lui permet de couvrir tous les événements marquants de cet affrontement souterrain d’une manière concise et prenante. La petite révélation finale, si elle n’approche pas grand-chose à l’intrigue à ce stade, est une addition narrative bien trouvée, soulignant avec à propos à quel point les Skavens sont infréquentables. La seule chose que je peux reprocher à cette histoire est l’importance un peu trop grande accordée à des personnages qui finalement ne servent pas à grand-chose dans le déroulé du récit, qu’il s’agisse du Prêtre de Morr (qui bénéficie de sa petite scène d’introduction « au jardin », pas très utile à mes yeux) ou du lieutenant Gunter, qui disparait purement et simplement de la nouvelle à un certain moment.

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Redhand’s Daughter – W. King :

INTRIGUE :

WFB_Redhand's DaughterAprès avoir fait les 400 coups (de hache runique) en Arabie, quelques temps après leur retour d’Albion (Tueur de Géants), Gotrek et Felix se retrouvent sur le cuirassé nain du Capitaine Ahabsson, croisant sur les eaux du golfe d’Arabie depuis la forteresse de Barak Varr. Toujours à la recherche d’une fin glorieuse, le célèbre Tueur doit ronger son frein pendant la croisière, ce qu’il fait en s’enfilant pinte sur pinte et en gueulant sur Ceniormeteo, le dieu elfique des dépressions, tandis que Felix préfère meubler ses journées en regardant les dauphins et entretenant des pensées sinistres, comme à son habitude. Nos plaisanciers ne tardent cependant pas à être mis à l’épreuve (autrement, cela aurait été la nouvelle de Gotrek & Felix la plus ch*ante du monde), d’abord par la survenue d’un grain sévère, qui endommage bellement le Storm Hammer, puis par la rencontre avec un navire de pirates Orcs, qu’Ahabsson décide, en corsaire assermenté, d’aller piller. L’enthousiasme fiévreux du capitaine se heurte toutefois à quelques dures réalités, à commencer par les projectiles enflammés projetés par la catapulte de proue du vaisseau adverse, qui cabossent suffisamment le steamer nain pour que ce dernier se retrouve à portée d’abordage par l’équipage peaux-vertes, beaucoup plus nombreux que ses vis-à-vis. La bataille qui s’en suit permet à Gotrek de se dégourdir les orteils (pas mieux à espérer contre de simples boyz), et à Felix de voler à la rescousse d’une prisonnière de l’infâme Capitaine Goldtusk, qu’il réussit à escorter jusqu’au Storm Hammer avant que ce dernier ne parvienne à se désengager.

Vainqueurs éprouvés de l’affrontement, les Nains décident d’aller mouiller l’ancre sur l’une des îles toutes proches, encouragés en cela par le récit fait par la rescapée (Katja Murillo) du légendaire trésor que le pirate Redhand, qui se trouve être son père, a dissimulé sur cette dernière. Elle-même capitaine au long cours, elle promet à ses sauveurs de partager les bénéfices de son héritage s’ils l’aident à mettre la main dessus. Capturée par Goldtusk alors qu’elle voguait vers le butin avec son propre équipage, Katja n’a dû son salut qu’à l’avidité de l’Orc, qui a épargné sa vie en échange d’un aller simple vers le magot familial. Jamais les derniers à se lancer dans la quête de richesses mal acquises, Ahabsson et ses gars acceptent la proposition qui leur est faite, et tout ce petit monde (plus deux humains) débarque sur une île volcanique couverte d’une épaisse forêt où est sensé se trouver la fortune de Redhand.

Bien que charmé par le ravissant minois de la donzelle (ce qui est la raison pour laquelle il s’est rué à son secours en premier lieu), Felix se montre assez suspect des motivations de cette dernière, et ne peut s’empêcher de penser que Katja dissimule quelque chose à ses partenaires. Gotrek de son côté s’avère plus intéressé par la perspective de se frotter au monstrueux gardien d’une gemme légendaire conservée dans l’un des temples en ruines de l’île (dixit Katja, toujours), ou a défaut, par la régulation de la population locale de peaux vertes. L’enthousiasme général est à peine entamé par la disparition mystérieuse de plusieurs membres d’équipage au fur et à mesure que l’expédition s’enfonce dans la jungle, énigme rapidement résolue par un Gotrek peu tolérant envers les facéties des Gobelins arboricoles du cru. Après un pittoresque trail tropical, les aventuriers parviennent jusque dans la cité abandonnée promise par leur guide, qui se trouve être un lieu de villégiature couru par la gent orcoïde (un club Mork, sans doute), forçant nos héros à la plus grande discrétion. Même Gotrek, dont le premier but était pourtant de tailler des croupières aux locaux, accepte de faire crête basse jusqu’à ce que ses camarades aient pu sécuriser le trésor, ce qui est fort urbain de sa part. En même temps, ils sont sortis de la forêt, donc…

Une fois rendu dans le temple où Redhand aurait déposé ses bagages, et après avoir négocié de façon soupçonneusement facile au goût de ce rabat-joie de Felix l’accès jusqu’au cœur de l’édifice, qui dispose d’une installation géothermique de pointe sous la forme de puits de lave intégrés à la structure du bâtiment (attention à ne pas se brûler en prenant sa douche, tout de même), l’expédition se retrouve confrontée à un défi de taille, en la présence d’un Elémental de lave qui surgit de son jaccuzzi pour empêcher les intrus de faire main basse sur le trésor du pirate ainsi que sur l’énorme gemme qui fait office de décoration d’intérieur. Au lieu de s’émerveiller de la culture du gardien des lieux, qui s’exprime en Reikspiel parfait alors que sa prise de fonction remonte à des millénaires (ce sont les Anciens qui ont signé son contrat de travail), l’esprit mesquin de Felix ne peut s’empêcher de se concentrer sur le fait que MagMan semble connaître Katja, qu’il qualifie de sorcière (ce qui n’est pas très sympathique). De son côté, Gotrek se contente de foncer dans le tas (de roches en fusion) avec son ardeur habituelle, distrayant la Chose assez longtemps pour que Katja réussisse à s’emparer de la gemme, avant de disparaître dans un éclat de rire sardonique. On comprend alors que la capitaine corsaire n’était pas la fille, mais la femme de Redhand, qu’elle a poussé à prendre d’assaut le temple pour récupérer le diam’s des années plus tôt, sans succès. On comprend aussi que le joyau en question n’avait pas qu’une utilité symbolique, mais servait surtout de régulateur de l’activité tellurique du volcan local, qui se réveille violemment une fois la gemme dérobée.

Ayant tout de même réussi à refroidir les ardeurs du gardien, puis à le(s lui) briser menu, Gotrek et Felix en sont quittes pour une session de hack’n’slash intense pour sortir du temple avant que ce dernier ne soit noyé par la lave. Laissant leurs camarades survivants se débrouiller tous seuls comme des grands petits, le duo se fraie un chemin sanglant à travers les hordes de Gobelins que Goldtusk, arrivé sur place après le naufrage de son navire, a recruté pour… visiter le temple également je suppose1. Cette louable idée de sortie culturelle prend donc un tour funeste lorsque le Tueur et son comparse décident de couper la file, résultant en des centaines de morts parmi les visiteurs, dont Goldtusk en personne, décapité par un Gotrek littéralement chauffé à blanc. Ceci fait, il ne reste plus à nos inséparables qu’à partir en petites foulées vers la plage où mouille le Storm Hammer, avant que l’éruption du Krakatorka ne mette un terme honteux et cendreux à la carrière du Tueur. Spoiler alert : Ils s’en sortent. Si si.

1 : King ne donnant aucun signe que les Nains aient été détectés par les peaux vertes à leur arrivée.

AVIS :

Cette aventure conséquente (28 pages) permet à William King de renouer avec les origines littéraires de Gotrek & Felix, héros de nouvelles conduits plus tard par le succès à évoluer dans de plus longs formats. Se déroulant après les événements relatés dans Tueur de Géants, dernier roman signé de la série signé par King (et le moins réussi du lot à mon humble avis, comme quoi il a bien fait d’arrêter), Redhand’s Daughter peut être considéré comme l’ultime tour de piste des deux troublions sous la plume de leur créateur, et un écho aux longues nouvelles originelles du duo (Wolf Riders, The Dark Beneath the World). Bénéficiant d’une localisation exotique (je ne pense pas que quiconque se soit aventuré dans la Chaîne Mégaleane – qui n’apparaît sur aucune carte à ma connaissance – depuis lors), de péripéties rythmées et, elles aussi, assez innovantes pour le lecteur, comme la bataille navale introductive entre corsaires Nains et pirates peaux vertes, Redhand’s Daughter a un petit goût de pastiche de The Queen of the Black Coast (a.k.a. Conan en croisière), avec Katja en Belit et Gotrek & Felix se partageant le rôle du ténébreux Cimmerien. Ces considérations évacuées, on se retrouve cependant avec une soumission assez classique du sous-genre créé par King, qui déroule son propos et coche les cases du cahier des charges avec aisance plus que maestria. On notera pour terminer que l’auteur n’a pas encore tenu sa promesse de faire remettre Katja Murillo sur le chemin de nos baroudeurs, et qu’avec la destruction du monde de Warhammer (et donc celle de Katja et Felix), il lui sera assez difficile de tenir sa parole…

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Portrait of my Undying Lady – G. Rennie :

INTRIGUE :

WFB_Portrait of my Undying LadyLe génial Giovanni Gottio, portraitiste reconnu mais un peu trop attaché à la représentation de la vérité crue et sans fard chez ses modèles pour son propre bien, est approché dans une taverne de Trantio par un généreux mécène, cherchant à le convaincre d’accepter une commission d’un genre un peu particulier. Malgré les trois pichets de vinasse royalement avancés par son interlocuteur, l’incorrigible Gottio, blessé dans son orgueil par l’accueil glacial que sa représentation de la femme de Lorenzo Lupo a reçu de la part de son commanditaire, refuse avec emphase d’accepter cette commande et tire sa révérence avec toute l’élégance permise par une cuite au gros rouge. Il est cependant difficile de refuser la proposition d’un Vampire quand on fait un mètre cinquante, avec un petit bedon et 3 grammes d’alcool dans le sang, comme l’immense Gottio ne tarde pas à le découvrir à ses dépends. Ramené manu militari par son nouveau meilleur ami (Mariato) jusqu’à son véhicule de fonction, le peintre sombre dans l’inconscience avant que le fiacre n’arrive à destination.

Se réveillant à l’intérieur d’une villa de campagne des environs de Trantio passablement délabrée, l’illustre Gottio est conduit jusqu’à celle qui va devenir sa muse, de gré ou de force : Dame Khemalla de Lahmia. Comme son titre, sa pâleur morbide et les nombreux portraits d’elle peints par des artistes ayant vécus il y a des siècles l’indiquent, Khemalla est une Vampire, dont l’un des vices les plus innocents est de se faire peindre par les maîtres de chaque époque, afin de pallier à son incapacité d’utiliser un miroir. Cela l’aide à ne pas sombrer dans la folie sanguinaire qui guette les buveurs de sang les plus vénérables, comme elle révèle sans ambages à son hôte. N’ayant pas d’autres choix que de s’exécuter sous peine de l’être, l’incomparable Gottio se met au travail pour accoucher de sa meilleure ou de sa dernière œuvre, comme il le remarque sombrement.

Au cours des nuits suivantes, notre héros va peu à peu découvrir la réalité, pas forcément toujours glamour, d’une cour vampirique. En plus de devoir squatter une demeure abandonnée, et donc franchement insalubre sur les bords, il doit s’habituer au rythme décalé auquel vivent ses geôliers, les bruits de succion persistants qui résonnent près de sa cellule, les ballets de chauves souris géantes jusqu’à pas d’heure, ou encore les interruptions brutales de sessions pour cause de vendettas contre une autre lignée. Pire que tout, l’époustouflant Gottio se fait carrément menacer par cette fouine de Mariato, très jaloux de l’intérêt que sa maîtresse porte au scribouillard. Il aurait dû apprendre à dessiner au lieu de menacer gratuitement son prochain ceci dit, car peu de temps après que l’extraordinaire(ment effrayé) Gottio ait balancé son camarade à Khemalla, Mariato devient boursier (c’est-à-dire que l’insondable Gottio trouve ses cendres à l’intérieur d’une bourse glissée sous son lit). Le harcèlement professionnel, c’est un vrai sujet chez les Lahmianes apparemment.

Enfin, la toile est complétée et l’exténué Gottio peut la présenter à sa commanditaire, qui s’apprête à partir pour des cieux plus cléments. Satisfaite du travail de son invisonnier, elle lui remet une coquette somme en dédommagement de ses services, ainsi qu’un élixir de longue vie dans la dernière coupe qu’ils partagent avant le départ de l’une et le coma de l’autre. De retour dans son gourbi minable par l’opération du sang esprit, le miraculé Gottio se découvre une nouvelle jeunesse grâce au tonique à l’hémoglobine de Dame Khemalla, et entreprend de mettre un peu d’ordre dans sa vie pour permettre à son talent d’être reconnu comme il se doit. C’est ce qui s’appelle être en veine.

AVIS :

Gordon Rennie s’autorise une aventure extra Zavantale avec ‘Portrait of My Undying Lady’, mettant en scène la Némésis du sage détective d’Altdorf, Dame Khemalla, dans un huis clos où elle n’apparaît pas comme la maléfique éminence grise de service (pour changer). Cette petite nouvelle, si elle ne s’avère pas spécialement rythmée ou palpitante, et n’apporte rien à l’arc narratif de Zavant en tant que tel, se laisse toutefois lire sans problème, et a le bon goût de comporter quelques détails fluffiques qui pourront intéresser les plus curieux des lecteurs. Un amuse-gueule littéraire tout à fait convenable, en quelque sorte.

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Virtue’s Reward – D. Hinks :

INTRIGUE :

Le lecteur suit les aventures de Virtue von Stahl, sans doute appelée de la sorte pour que Darius puisse se fendre du jeu de mots qui sert de titre à la nouvelle (hohoho), une novice de l’ordre des Sœurs de Sigmar. Comme on peut s’en douter, c’est donc Mordheim qui sert de décor à cette histoire, Virtue et ses deux acolytes étant chargées de ramener chacune un morceau de malepierre au couvent afin de devenir des membres à part entière de cette secte apocalyptique (et dire que la noblesse impériale se battait pour y envoyer ses filles…).

AVIS :

À ce stade, on se dit que même si Darius n’a pas une once d’originalité dans sa manière de narrer les péripéties de ses héroïnes, la cité des damnés suffira à elle seule à relever le goût insipide de la soupe qu’il nous sert, en ajoutant un peu de sa folie latente au bouillon de clichés que le chef Hinks nous a concocté. C’est vrai quoi, même sans jouer une partie pour se mettre dans l’ambiance, il suffit de survoler les illustrations magnifiquement dérangeantes de John Blanche émaillant le livre de règles pour que les idées jaillissent. Malheureusement, la seule chose que Darius semble avoir retenu du background de Mordheim, et encore de manière inconsciente, est qu’il est vain d’espérer que les choses s’améliorent dans cette ville maudite. Pour le lecteur, cela signifie que le niveau restera d’une stabilité remarquablement basse de la première à la dernière ligne, et donc qu’il s’ennuiera ferme en suivant Virtue et ses copines dans leur soirée d’enterrement de vie de jeunes filles (ou ce qui s’en rapproche le plus, étant donné le contexte). J’attends encore l’auteur qui me décrira la Mordheim baroque, glauque et flamboyante que je m’imagine, et je peux d’ores et déjà dire que cet auteur, ce ne sera pas Darius Hinks. Voilà pour la touche Warhammer.

Si on se concentre à présent sur le schéma narratif et les relations entre personnages, les choses se corsent un peu plus: le premier est d’un simplisme primaire qui me fait suggérer que Darius Hinks n’avait en tout et pour tout qu’une idée à développer lors de sa nouvelle (elle servira de switch final pathétique), et qu’il a bien pataugé pour meubler les 30 pages entre le titre et cette apothéose douteuse. Les relations entre personnages (la nouvelle en compte trois principaux) sont tout aussi basiques, Darius ne trouvant rien de mieux que de nous resservir le triangle « héroïne trop bonne trop conne- amie option meatshield – rivale pouffiasse et fourbe ». Les personnages secondaires restent dans la même veine ultra conformiste, puisqu’on pourra également croiser un duo de ruffians convenablement couards, un chevalier bretonnien arrogant et son dévoué serviteur contrefait, ainsi qu’une mère supérieure à qui on ne la fait pas (Dumbledore-like dans la relation avec l’héroïne).

Bref, une nouvelle fade et creuse, ce qui, compte tenu du background choisi (ou peut-être imposé de force, ça expliquerait des choses) par l’auteur, tient de la contreperformance la plus grandiose.

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The Blood Price – M. Lee :

INTRIGUE :

The Blood PriceContrairement aux autres jeunes aristocrates druchiis, Malus de Fréjus Hag Graef n’est pas le moins du monde emballé par la croisière corsaire servant de rite de passage à l’âge adulte parmi la jeunesse nantie de Naggaroth, malgré le fait que son paternel Lurhan Fellblade lui ait réservé une place sur un navire tout ce qu’il y a de plus convenable, la Manticore du capitaine Hethan Gul. Fils à maman (une Sorcière) par excellence, Malus ne sait que trop bien que son père profitera certainement de l’occasion pour se débarrasser d’un rejeton qu’il n’a jamais voulu, mais surveillé de trop près par son influente génitrice pour qu’il tente un assassinat à domicile. C’est donc le cœur lourd et sous l’escorte d’une patrouille de gardes civils peu commodes que notre héros grimpe à bord de la Manticore, accompagné de l’unique suivant que son père a embauché pour sauver les apparences, le jeune, idéaliste et passablement fauché chevalier Silar Thornblood.

Ne connaissant rien aux choses de la mer et souhaitant revenir le plus tôt possible faire la tournée des bars de Clar Karond et d’ailleurs, Malus a un coup de génie involontaire lorsqu’il décline le projet de pillage proposé par Gul, un cabotage classique le long des côtes bretonniennes pendant plusieurs longs mois, au profit d’un raid très osé sur les côtes d’Ulthuan. Cette audace lui vaut l’admiration du second de la Manticore, la coriace Lhunara, qui lui révèle en douce ce que le nobliau avait déjà soupçonné : cet itinéraire pépouze se serait conclu d’une façon tragique pour lui, Lurhan ayant payé Gul pour qu’un accident malheureux se produise lors du raid d’un village de pécores. Le gros caprice de Malus rebat donc les cartes, mais encore lui faut-il parvenir à revenir vivant de sa visite chez ses cousins d’en haut, et échapper aux coups de l’assassin de rechange que Lurhan a probablement engagé pour garantir le succès de son infanticide. Chez les Druchiis, on ne laisse rien au hasard.

Appelez cela chance du débutant ou révélation du génie de l’improvisation du petit Malus (un talent qui lui sera fort utile dans la suite de ses aventures), mais son plan très audacieux se déroule presque comme sur des roulettes. Après avoir manqué de se faire surprendre par un navire de patrouille de Lothern à proximité de l’Île Blafarde, et s’être tirée d’affaire en abordant et coulant l’importun, la Manticore débarque son contingent de Corsaires sur la côte d’Asur et, par une opération cosplay brillamment négociée et le sang froid de Lhunara, qui a fait haut elfe en LV2, la bande d’affreux parvient à s’emparer d’une petite cité au fil de l’épée. Il ne reste plus aux pillards qu’à regagner leur bord avec leur butin et leurs esclaves, mais hélas, la chance insolente de Malus commence à lui faire défaut.

Bien qu’il ait réussi à renvoyer la moitié de ses hommes et les biens confisqués à ses infâmes cousins sur son navire, Malus attend en vain que Gul renvoie les canots sur le continent, le rusé capitaine jouant la montre le temps que la Manticore se fasse malheureusement repérer par le second navire de Lothern qui croisait dans ces eaux. Dans ces conditions, il n’est que naturel que le capitaine choisisse d’abandonner les hommes encore à terre pour tenter de regagner le large, pas vrai (les Druchiis se donnent vraiment beaucoup de mal pour sauver les apparences, je trouve) ? Isolé avec une cinquantaine de Corsaires et une trentaine de prisonniers, et alors qu’une colonne de Gardes Maritimes approche de la crique où il fait le pied de grue, Malus se retrouve dans de biens beaux draps…

Début spoiler…Ce qui le contraint à sacrifier ses futurs esclaves pour, à nouveau, duper les naïfs Asurs grâce un rapide changement d’atours, et les convaincre que les héroïques captifs ont réussi à se libérer de leurs tortionnaires par la seule force de leurs petits bras musclés et de leurs manucures impeccables. Une attaque surprise plus tard, les Corsaires peuvent repartir en direction des canots laissés par les Gardes Maritimes abusés et estourbis pour débarquer depuis leur navire, et arriver à temps pour sauver la Manticore des assauts vengeurs du reste de l’équipage haut elfe.

Tout est donc bien qui ne finit pas trop mal pour Malus, qui peut repartir vers Clar Karond avec un peu de loot, deux suivants à la loyauté confirmée, et passer le temps en amputant lentement le pauvre Gul, dont la trahison n’a évidemment pas été pardonnée, de toutes ses protubérances. Et le deuxième assassin, me demanderez-vous ? Eh bien, il s’agissait du second lieutenant Amaleth, dont la seule tentative aura été un carreau d’arbalète tiré dans la confusion de l’abordage du premier vaisseau de Lothern. Le pauvre elfe fit partie des victimes du deuxième combat naval (une mort tout à fait « naturelle » celle-là, enfin je me comprends), et était de toute façon surveillé de près par la prudente Lhunara, qui n’avait pas encore choisi son camp à ce moment. Qui pourrait lui en vouloir de la jouer safe dans ces conditions, hein ? Pas Malus, en tout cas…Fin spoiler

AVIS :

Nouvelle assez conséquente servant de prologue à la série des Malus Darkblade, ‘The Blood Price’ capitalise sur les points forts de cette saga : des personnages torturés et assez horribles, mais qui finissent tout de même par devenir sympathiques, de l’action effrénée avec des rebondissements en cascade, et une très généreuse rasade de fluff elfe noir. Autant de raisons de savourer cette histoire, et de poursuivre la lecture des mythiques mésaventures malusiennes dans l’hexalogie qui prend place après les événements relatés ici.

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Glow – S. Spurrier :

INTRIGUE :

GlowC’est la fin de l’automne à Talabheim, et le Temple de Sigmar local, dirigé par le capitaine Richt ‘Hmm’ Karver, enquête sur une addiction d’un nouvel ordre qui s’étend dans les bas-fonds de la cité. Le Glow, une poudre verte de composition inconnue, fait en effet des ravages parmi les déshérités de la métropole cratérisée. Très addictif, il a en outre comme fâcheux effet secondaire de provoquer des mutations spontanées chez ses utilisateurs réguliers, ce qui n’est pas du tout du goût de ce gentleman de Karver. Après avoir mené un raid dans un taudis dont l’adresse lui avait été donnée par un suspect, l’impeccable capitaine repart avec un cadavre frais de junkie agressif ainsi qu’une petite réserve de la substance en question, qu’il choisit d’ajouter à la diète du rat géant skaven qu’il a adopté comme animal de compagnie après une purge des souterrains de Talabheim l’année passée. Le savoir fait le pouvoir, c’est bien connu.

Les mois passent et l’hiver arrive sur l’Empire, sans que la filière locale de Glow soit démantelée malgré les meilleurs efforts de Karver et de ses hommes (Kubler, Holst et Spielmunn). L’épidémie ne fait au contraire que progresser, ce qui force les chasseurs de sorcières crackheads à muscler leurs méthodes, déjà assez viriles. Interrogatoires menés au tison, menaces d’envoyer leurs indics au bûcher s’ils ne s’activent pas et autres descentes dans la ville tous flingues dehors se multiplient. C’est au cours de l’une d’entre elles que Karver commet une bavure : surpris par la réaction de l’occupant d’un laboratoire clandestin où le Glow était produit, il déchargea sa pétoire sur ce qui se révéla être, après inspection post mortem, une fillette réduite en esclavage par le maître du cartel pour la confection des tablettes inondant la cité. Enchaînée dans son local et ayant été privée de langue par son tortionnaire, elle cherchait seulement à expliquer pourquoi elle n’était pas en capacité d’obtempérer aux ordres des Templiers lorsqu’un Karver sur les nerfs lui envoya un pruneau dans le caisson pour slow play. Ce sont des choses qui arrivent…

L’opération ne fut cependant pas un total échec, notre héros mettant le gant sur la poudre entrant dans la composition du Glow en fouillant le laboratoire. Ayant fait pression sur un sorcier de Jade pour obtenir une expertise express, il reçut la confirmation de ses soupçons : l’ingrédient actif du Glow était bien de la malepierre. Une erreur de manipulation de la part du thaumaturge lui permit de recevoir une autre information utile : la substance toxique se trouvait à la fois dans le gant utilisé pour recueillir la poudre dans le laboratoire, mais également à l’extérieur de ce dernier, indiquant sans équivoque que Karver avait manipulé de la malepierre peu de temps auparavant. Un résultat étrange, à moins que…

Début spoiler…À moins que la broche ornée d’une pierre verte que son meilleur disciple, Kubler, portait à la boutonnière ce jour-là n’ait pas été montée d’une émeraude, comme il le pensait, mais d’un minéral bien plus sinistre. La confrontation entre les deux hommes prend place dans la chambre froide creusée sous le Temple de Sigmar, dans lequel les répurgateurs stockent leurs cadavres contaminés dans l’attente du dégel. Ayant participé à la purge des terriers skavens en compagnie de son mentor, Kubler avait eu la mauvaise idée de s’intéresser à la malepierre utilisée comme monnaie d’échange par ces derniers, et qui le transforma rapidement en méchant de série B.

Ayant dupé la vigilance de son supérieur jusqu’à son fashion faux pas en matière d’accessorisation de sa tenue, Kubler est pris au dépourvu lorsque Karver le trouve en train de faire les poches des corps de Guerriers des Clans gardés en réserve par les Templiers à la recherche de cailloux verts. La surprise change toutefois de camp après qu’un Kubler gravement blessé par le tir de son patron passe en mode Technomage et avale d’un seul coup tous les éclats de malepierre qu’il trimballait sur lui, se transformant en mutant à la force et à la rapidité décuplés. C’est au tour de Karver de se retrouver dans les cordes, mais notre héros avait gardé un atout dans sa manche, ou plutôt au bout d’une chaîne : son rat de compagnie. Transformé en abomination (et pas Abomination, ça ne serait pas rentré dans son bureau) poilue par sa consommation régulière de Glow, Ratatouille est libéré par son maître et ne perd pas une seconde pour creuser un terrier dans la bedaine de Kubler afin d’accéder à la malepierre récemment consommée par le ruffian. Cet affrontement sans merci résulte en la mort simultanée des deux adversaires, laissant Karver le seul survivant de ce truel chaotique. Il faudra penser à passer un coup de mop, tout de même.Fin spoiler

AVIS :

Spurrier transpose avec succès une enquête des stups dans le monde de Warhammer Fantasy Battle avec ce ‘Glow’, qui illustre le sombre mais palpitant quotidien des Templiers de Sigmar lorsqu’ils n’ont pas de sorcières à se mettre sous la dent. Ambiance poisseuse, action rythmée, twist final bien amené… Simon Spurrier démontre l’étendue de ses talents de scénariste et sa valeur comme contributeur à la GW-Fiction avec cette nouvelle, qui sera malheureusement sa seule incursion dans le Monde qui Fut. Comme le hamster adoptif de Richt Karver, on aurait bien aimé avoir du rab’.

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Three Knights – G. McNeill :

INTRIGUE :

WFB_Three KnightsLes trois frères Massone, Luc, Fontaine (?) et Belmonde (!?!), ont entrepris une quête d’aucuns considèreraient comme ambitieuse, pour le dire poliment : purger à eux seuls les ruines du Fort du Sang, autrefois bastion des tristement célèbres Vampires Dragons de Sang, et soigneusement évité par tous les voyageurs sains d’esprit depuis sa destruction il y a des décennies. Cette idée chevaleresquement stupide est celle de l’aîné du trio, Luc, qui s’est taillé une réputation de bretteur sans égal d’un bout à l’autre du Vieux Monde. Ses cadets (et par vertu de leur noms débiles, side kicks) ont accepté de lui prêter main forte dans son entreprise hardie, bien que ne disposant pas d’un pedigree aussi ronflant que Lulu. D’ailleurs, Belmonde n’est même pas encore un véritable chevalier du Royaume, ce qui vous situe le niveau moyen de la fine équipe.

Après avoir fait leur arrêt réglementaire dans le village bretonnien puant et boueux (Gugarde) situé sur la route du Fort, et avoir tout aussi réglementairement refusé d’écouter les sages conseils du vétéran couturé qui picolait à la taverne locale, et avait pu en son jeune temps se rendre compte par lui-même qu’un Vampire n’était pas un adversaire à prendre à la légère1, les frangins repartent le lendemain avec un guide en direction de la forteresse maudite. Les choses sérieuses et mortelles commencent réellement à la tombée de la nuit, lorsque les quatre montagnards amateurs se font attaquer par une meute de loups funestes, qui croquent prestement le guide et la mule de bât de l’équipe. Une nuit passée à prélever de la biodiversité pourrissante, et une journée à peiner dans la neige et le froid plus tard, c’est enfin le Fort du Sang qui se présente devant nos héros, qui entrent prestement se mettre au sec et se remettre de leurs émotions.

Guidés par Luc jusqu’à la salle des festins de la bâtisse abandonnée, les frères Massone se font cueillir comme des bleus par une vague de squelettes s’étant animés à la nuit tombée, et qui voient d’une mauvaise orbite trois punks à cheval venir squatter chez leurs ex-patrons. La quantité venant toujours à bout de la qualité, les chevaliers se font acculer dans un coin de la salle, et Fontaine finit embroché comme un döner kebab, au grand désarroi de ses frérots. Luc prend alors sa grosse voix et exige à parler au(x) directeur(s)… ce qui fait battre en retraite les squelettes et arriver un trio de Dragons de Sang, plus intrigués par la déclaration du paladin qu’il a réussi à tuer l’un des leurs qu’animés de chrétiennes (et pour cause, c’est pas le bon univers) intentions envers leurs hôtes du soir…

Début spoiler 1…Ayant prouvé ses dires en solotant une des brutes qui lui avait mal parlé, Luc abat ensuite ses cartes en décapitant en traître Belmonde, afin de prouver aux Dragons de Sang qu’il possède à la fois le talent martial et la fibre morale, ou plutôt son absence, nécessaires pour rejoindre leur ordre. En effet, le chevalier désire bénéficier de la vie éternelle dont disposent les Vampires, et ses grands discours de purge du Fort du Sang n’étaient en fait qu’une ruse pour attirer ses idéalistes de frangins jusqu’au repaire des fils de Harkon. Interloqué par cette demande excentrique, le Kastellan finit par s’exécuter et s’approche de Luc pour lui donner le baiser de sang…

Début spoiler 2…Ou plutôt lui cracher dans la jugulaire, car on se rend compte lors de l’attaque punitive sur Gugarde qui termine la nouvelle que le fier et brave chevalier s’est reconverti, contre sa volonté sans doute, en nécrophage ahuri. Pas le plan de carrière auquel Luc aspirait, mais une salutaire, si définitive, leçon de modestie inculquée à ce dernier par les très select Dragons de Sang. Après tout, le Roy dit nous voulons…Fin spoiler

1 : En bonus, Fontaine et Belmonde participent à la soirée open mic’ en reprenant leurs rôles de plus mauvais duo d’acteurs du Monde qui Fut.

AVIS :

Nouvelle très solide de la part de Graham McNeill, ‘Three Knights’ offre un concentré de grimdark à la sauce WFB à son lecteur à travers les péripéties plus ou moins chevaleresques de ses héros. En plus de mettre en perspective la proverbiale droiture des paladins de Bretonnie, qui tient finalement assez souvent de la légende urbaine rurale, cette nouvelle dispose d’une intrigue bien pensée et mise en place (une deuxième lecture de ‘Three Knights’ permet de repérer les jalons laissés par McNeill au cours des premières pages pour préparer sa conclusion), ainsi que d’une chute impeccable en termes d’exécution. Peut-être le meilleur court format de cet auteur pour Warhammer Fantasy Battle.

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The Seventh Boon – M. Scanlon :

INTRIGUE :

WFB_The Seventh BoonL’ambiance est pesante dans l’orphelinat Notre Dame Shallya du Cœur Béni de Marienburg, dont les petits pensionnaires sont amenés par douzaines devant un couple de riches notables, Herr et Frau Forst, à la recherche d’un petit animal de compagnie mignon pour bien paraître en société. C’est toutefois l’avis de la brave sœur Altruda après plusieurs heures de « casting » infructueuses, la jeune Madame Forst (Greta) se montrant aussi exigeante que vague sur les qualités recherchées de son futur héritier. Son mari étant un des bienfaiteurs principaux de l’établissement depuis de nombreuses années, Altruda est toutefois toute disposée à laisser Greta épuiser ses stocks d’enfants abandonnés, jusqu’à ce que, miracle, elle jette son dévolu sur un garçon de huit ans aussi mutique qu’innocent. L’affaire étant entendue, les époux Frost repartent en calèche avec leur acquisition artistiquement emballée dans une pochette cadeau, petit geste commercial réservé aux membres du club Platinum.

Il s’avère rapidement que cette adoption n’a pas grand-chose de désintéressée, et que si Gunther Forst a laissé sa femme jouer le premier rôle auprès de Sœur Altruda, c’est bien lui qui a planifié l’opération Marine1. Notre homme est en effet sous ses abords respectables un cultiste chaotique accompli, dont les activités interlopes nécessiteront dans un futur très proche un être à la pureté irréprochable, et certainement pas pour répondre à des questions de Steve Harvey, croyez-moi. Comme même à Marienburg, un homme célibataire de quarante ans ne peut pas adopter un gamin des rues sans que cela ne fasse jaser, et que Gunther tient absolument à ne pas attirer l’attention sur sa précieuse personne, il a embauché les services de Greta, prosti…sane de son état, pour jouer le rôle de sa tendre moitié et ainsi détourner les soupçons des nonnes. Cette mascarade tarifée prend brutalement fin lorsque le fiacre dans lequel le trio a pris place est arrêté par deux malfrats, dont l’un se révèle être le souteneur de Greta. Ayant compris que l’enfant soigneusement sélectionné par sa complice avait une valeur certaine sur le marché noir, le dénommé Ruprecht ne reculera pas devant un meurtre de sang froid pour s’emparer de la marchandise, mais c’est sans compter les talents de Gunther au couteau. Aussi efficace avec sa lame, tant au corps à corps qu’à distance, que Filthy Harald en personne, Herr Forst règle leur affaire aux malfrats, avant de repartir en petites foulées vers sa destination, son sidekick sur le dos. Une fin méritée pour ces trafiquants d’êtres humains en puissance, si vous voulez mon avis.

La caméra se braque ensuite sur les décombres des Six Couronnes, autrefois taverne fréquentée par les individus les plus louches de Marienburg et des environs, et désormais ruines abandonnées à la suite d’un malheureux incendie. Alors que Gunther se prépare à réaliser un rituel à l’importance cruciale tandis que son petit compagnon se gave de bonbons bourrés de somnifères (ça vaut mieux pour lui), on en apprend plus sur le passif et les motivations de notre héros.

Il y a de cela 150 ans, Gunther se rendit à un rencard très particulier à ce même endroit, et fit la rencontre de Samael, Prince Démon de Slaanesh undercover et collectionneur d’âmes patenté. Obsédé par l’atteinte de l’immortalité, Gunther était prêt à se séparer de son essence en échange de la vie éternelle que seul un puissant Démon tel que Samael était en mesure de lui accorder. Au bout d’une négociation serrée, les deux larrons tombèrent d’accord sur un deal satisfaisant tout le monde : à Gunther sept fois 25 ans de non-sénescence2, à Samael l’exaucement de sept faveurs pas trop compliquées par son associé mortel, et la pleine propriété de l’âme de ce dernier une fois le contrat terminé3. Ce petit arrangement tint pendant de nombreuses années, mais à l’approche de son septième et ultime rendez-vous intermédiaire avec son protecteur, le prudent Gunther se rendit compte que ce dernier allait probablement essayer de l’empapaouter dès la réalisation de sa septième requête, et récupérer ainsi son dû avant que les vingt-cinq dernières années prévues au contrat ne s’écoulent. Après tout, les Démons ne sont pas connus pour être les créatures les plus réglos qui soient (à l’exception de ceux de Solkan bien sûr).

Fort heureusement, un siècle et demi est plus que suffisant pour peaufiner ses connaissances ésotériques, et Gunther a eu tout loisir de dénicher dans d’antiques grimoires une solution à son problème existantiel (littéralement). Pour la faire simple, son plan consiste à piéger Samael entre deux cercles de conjuration, et à renvoyer le Démon patienter mille ans dans le Warp grâce à une balle enchantée et ointe du sang d’un être à la pureté absolue (pléonasme, vous me direz). Lorsque le ponctuel Samael se présente sur le lieu du rendez-vous à minuit précise, Gunther est prêt à le recevoir comme il se doit…

Début spoiler…Si la première partie de son stratagème se réalise sans anicroche, Sam se retrouvant coincé entre un graffiti magique et une mini douve d’eau bénite, le sacrifice du frêle enfançon ne se passe pas comme prévu. L’orphelin mutique était en effet une Démonette déguisée, un être à la pureté irréprochable si l’on se réfère au 2) de la définition du Petit Larousse, et pas au 3) comme Gunther l’a fait. Le tête à tête entre le cultiste dupé et le Démon mineur se termine de façon expéditive et définitive pour le pauvre M. Forst, qui aurait dû se douter qu’on n’arnaque pas si facilement une créature millénaire. Son grand œuvre ne reste toutefois pas inachevé, Samael utilisant le sang de sa créature pour terminer la réalisation de la balle dem-dem, car après tout, ce genre de munition peut s’avérer précieuse…Fin spoiler

1 : Comme Marine Lorphelin. J’espère que vous l’aviez.
2 : Comme le fait remarquer justement Samael, des cas de forces majeures peuvent s’appliquer.
3 : Je sais ce que vous vous dîtes : ça aurait été plus fluff pour un Prince Démon de Slaanesh de partir sur une base six plutôt qu’une base sept. Mais les temps sont durs, ma pauvre dame…

AVIS :

De toutes les nouvelles mettant en scène un pacte ou une invocation démoniaque (et les conséquences souvent hilarantes, salissantes et/ou catastrophiques qui en découlent) que la GW-Fiction nous a proposé au fil des années, ‘The Seventh Boon’ est sans doute l’une des plus réussies. Mitchel Scanlon met en scène de manière habile ce jeu de dupes entre un homme prêt à tout et un Démon faussement débonnaire, avec suffisamment de rebondissements (mention spéciale à cet échange, qui joue habilement avec les codes du pacte démoniaque) et de suspens1 pour garder l’intérêt du lecteur du début jusqu’à la fin. Chose appréciable, Scanlon se permet également quelques ajouts fluffiques qui, s’ils ne révolutionneront pas la face du Vieux Monde, méritent la lecture pour quiconque s’intéresse à ce genre de choses. A real boon.

1 : Et de mots savants pour enrichir le vocabulaire de son public. Je ne savais pas ce qu’était un trocart jusqu’à aujourd’hui, je le reconnais humblement.

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Broken Blood – P. Kearney :

INTRIGUE :

Broken BloodBroken Blood relate la bataille au cours de laquelle les deux frères Morgan, Gabriel et Michael, se retrouvent enfin face à face, en plein cœur du Pays des Trolls. Quelques flashbacks explicatifs permettent à Kearney de resituer son propos et de retracer la trajectoire des deux frangins : partis purger le grand Nord quelques mois avant le début de la Fin des Temps, les Morgan ont été séparés par un Prince Démon kleptomane ayant enlevé Michael pendant une bataille. Epargné par ses ravisseurs, l’aîné des frères Morgan refait son apparition quelques années après sa disparition, à la tête d’une armée de maraudeurs. Ne pouvant plus sauver son frérot, Gabriel se résout à lui offrir le repos éternel et engage l’ost chaotique avec les survivants de son contingent.

AVIS :

Si la nouvelle de Paul Kearney n’impressionne pas vraiment par l’originalité de son scénario1, elle satisfait par contre par sa mise en scène de l’ultime confrontation finale des frères Morgan. La facilité aurait consisté à décrire Gabriel se frayer un chemin à travers les rangs de l’armée ennemie jusqu’à sa Némésis, approche de pure hack’n’slash rapidement lassante pour le lecteur (après tout, il n’y a pas trente-six façons de tuer un adversaire sur un champ de bataille med-fan). En « élargissant » de temps à autre son point de vue, Kearney apporte un peu de variété bienvenue aux scènes de boucherie classiques qui constituent le gros de Broken Blood, et permet au tout venant de suivre le déroulement de l’affrontement avec un peu plus de recul. Mine de rien, cela demande un certain niveau. Bref : basique mais efficace.

1 : Le thème du noble guerrier rejoignant les rangs du Chaos, et se retrouvant opposé à une ancienne connaissance (ami, parent, amant) ayant été déjà exploré dans Riders of the Dead (Abnett) et The Heart of Chaos (Thorpe), pour rester dans l’univers de Warhammer Fantasy. Du côté de 40K, on a bien sûr l’Hérésie d’Horus.

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Voilà qui conclut cette revue de ‘War Unending’, et je dois dire qu’il est très dommage que ce recueil ne soit plus distribué car, mis à part la sortie de route de Darius Hinks, toutes les nouvelles proposées dans cet ouvrage sont de bonne qualité, ce qui est un ratio que votre humble serviteur n’a jamais vu dans aucune autre collection de courts formats publiés par la Black Library. On peut se consoler en se disant que toutes les histoires regroupées dans ces pages sont assez facilement trouvables par ailleurs, mais pour une fois que le boulot était vraiment bien fait, ce peu de postérité est très frustrant. Ce sont vraiment les meilleurs qui partent le plus tôt…

INFERNO! – ANNEE 2

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue des nouvelles publiées dans les numéros #7 à #12 d’Inferno !, soit la seconde année de publication de cet auguste et vénérable bimensuel (Juillet 98 à Mai 99). Si l’on jette un œil sur les auteurs mis à contribution pour ces six numéros, on constate qu’Abnett le jeune caracole en tête des charts avec pas moins de quatre soumissions à son nom, en majorité consacrée à Warhammer Fantasy Battle. Il est suivi d’assez loin (2 nouvelles) par deux autres figures de la Black Library : l’inoxydable Gav Thorpe et l’immarcescible Bill King. Notons enfin l’arrivée pendant cette période de plusieurs plumes notables : Matthew Farrer (‘Badlands Skelter’s Downhive Monster Show’) et Ben Counter (‘Daemonblood’), Hall of Famers de la BL, et Barrington J. Bayley (‘Children of the Emperor’) comme invité de marque et caution SF de ce jeune magazine.

Inferno!_Année 2

Les 21 nouvelles regroupées ici présentent la GW-Fiction dans toute sa foisonnante diversité, explorant les recoins les plus reculés du Monde qui Fut et du 41ème millénaire (y compris Necromunda) avec une liberté et une inventivité qui laisseront progressivement la place à plus de contrôle de la part des maîtres du fluff de Nottingham. Que vous soyez à la recherche d’une romance avec un loup-garou (‘Wolf in the Fold’), ou de Space Marines se frottant à la réalité virtuelle (‘Hell in a Bottle’), il n’y a qu’ici que vous trouverez quelque chose tout ce qu’il y a de plus officiel à vous mettre sous la dent.

On trouve également dans cette anthologie de vrais classiques, qui peuvent se comparer favorablement avec des nouvelles écrites plus de vingt ans plus tard, comme ‘In the Belly of the Beast’ (King) ou ‘Acceptable Losses’ (Thorpe). C’est également en cette fin de millénaire que l’indispensable Zavant Konniger fit ses premiers pas et savantes déductions sous la plume de Gordon Rennie (‘The Affair of the Araby Exhibit’). Vous l’aurez compris, cette deuxième année infernale mérite le coup d’œil pour tous les amateurs de GW-Fiction, qu’ils soient nostalgiques de ce passé mythique ou pas. En selle pour un petit tour du propriétaire bibliothécaire.

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A Company of Wolves – D. Abnett [WFB] – #7 :

INTRIGUE :

WFB_A Company of WolvesUne compagnie de Chevaliers du Loup Blanc plongée en plein doute existentielle à la suite de la mort de leur commandant au cours d’un raid mal négocié dans la Drakwald quelques mois plus tôt retourne en forêt pour une session de teambuilding mâtinée de skullbashing. Les problèmes affligeant nos héros, que l’on ne peut pas qualifier de sans peur (le vétéran Gruber a le trouillomètre à zéro depuis le décès tragique de son supérieur et ami Jurgen) ni de sans reproche (dans le désordre : Morgenstern a un gros problème d’alcool, Anspach est un parieur pathologique, Vandam une tête brûlée carriériste, et le nouveau chef, Ganz, a moins de charisme que la tête de loup qui orne son armure) sont nombreux, mais le Grand Maître de l’ordre a bon espoir que l’air pur, la nature préservée et les hordes de mutants assoifées de sang qui hantent la Drakwald parviendront à guérir la compagnie rouge de son spleen persistant. Preuve de sa confiance dans ses hommes, il leur a même confié le précieux étendard de Vess1 pour cette virée forestière, ce qui relève un peu le moral des troupes.

Le plan de Ganz consistant à errer dans les bois jusqu’à tomber sur une bande de néfastes à massacrer au nom d’Ulric, notre petite bande baguenaude cavalièrement jusqu’à faire la rencontre de quelques Hommes-Bêtes venus se recueillir devant une idole païenne. L’escarmouche qui s’en suit, si elle ne dure pas longtemps et se termine par une victoire sans appel pour le camp impérial, révèle toutefois de façon criante les maux profonds qui affectent la compagnie. Gruber refuse ainsi de charger l’ennemi, prétextant la perte de fer de sa monture, Morgenstern est couché net par une branche basse qu’il n’a pas pu esquiver, Vandam fonce tête baissée à la poursuite des fuyards malgré les ordres de Ganz, et Von Glick, sommé de le faire revenir au bercail, se fait grièvement blesser par un Ungor embusqué sur le chemin du retour. Cette blessure force les templiers à monter le camp pour la nuit en plein cœur de la Drakwald, et à perdre un des leurs sous les flèches des Hommes-Bêtes (on peut saluer la prescience d’Abnett sur le sujet) pour couronner le tout.

Alors que la compagnie semble sur le point de se désagréger, tel le premier boys band venu après un second album décevant, l’inspiration finit par frapper les loulous, qui décident de tenter le tout pour le tout. Faisant mine de laisser derrière eux leurs morts, blessés et étendard sous faible garde, les chevaliers tournent bride vers Middenheim, espérant ainsi attirer le reste de la harde à découvert. Ce qui ne manque évidemment pas d’arriver. La vaillante action d’arrière-garde conduite par Aric, Gruber et Von Glick permet de retenir les mutants assez longtemps pour que la cavalerie arrive revienne, et annihile les cornus d’une dévastatrice charge de flanc d’école. Bonus appréciable : il s’agissait de la même bande de fieffés violeurs de poules responsables de la mort de Jurgen, qui se trouve donc vengé de façon satisfaisante. Au final, et malgré la mort au combat de Vandam (sans doute en plein grand écart facial) et de Von Glick, nos héros peuvent prendre le chemin du retour unis comme jamais et à nouveau pleinement opérationnels. Une vraie fin de loup(s), en somme.

: Car Vess de Loup (blanc), évidemment. Je ne vois pas d’autres explications satisfaisantes et n’accepterai pas de contestations.

AVIS :

Dans la foulée du lancement réussi de la série des Fantômes de Gaunt dans les pages d’Inferno!, Abnett se livre à un exercice similaire avec ce ‘A Company of Wolves’, introduisant au lecteur une confrérie de templiers du Loup Blanc, dont les exploits seront relatés dans une succession de nouvelles, puis compilées et conclues dans le roman ‘Hammers of Ulric’. Bien que cette péripétie inaugurale soit relatée avec l’aisance habituelle de la plume Alpha de la Black Library, j’ai trouvé le résultat final un peu moins réussi qu’à l’accoutumée. Parmi les raisons de ce (léger) coup de moins bien, j’identifie le nombre important de protagonistes et la « singularisation » moins aboutie de ces derniers (sauf pour Morgenstern, catalogué comic relief de façon outrageuse, ce qui est un autre défaut), une intrigue somme toute assez banale combinée à une mise en scène parfois complaisante1, ou encore la très nette sensation qu’Abnett avait déjà acté qu’il ferait vivre ses nouveaux héros sur plusieurs nouvelles, et a traité A Company… comme un chapitre introductif plutôt qu’un stand-alone (ce qui relève plus de la faute de goût que de la catastrophe industrielle, certes). Pour autant, on a tout de même droit à du Dan Abnett tout ce qu’il y a de plus solide, avec des personnages attachants dès lors qu’on arrive à les différencier les uns des autres, des scènes d’action prenantes où la mort frappe sans prévenir, et une exécution globalement propre. Rien de grave donc.

1 : La possibilité qu’un chevalier puisse se prendre une flèche dans le cou alors qu’il dort au milieu de ses frères d’armes, protégé par des sentinelles habituées des choses de la guerre, et n’être découvert qu’au petit matin, ne me semble pas des plus réalistes. À un autre niveau, le « tour de pâté de maisons » effectué par le gros des troupes (et je ne parle pas de Morgenstern) pour surprendre la harde d’Hommes-Bêtes… qui se trouve être la même que celle qui a tué Jurgen quelques mois plus tôt (#WIJH) est un expédient un peu trop facile à mon goût.  

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Children of the Emperor – B. J. Bayley [40K] – #7 :

INTRIGUE :

Ayant échappé de justesse à la destruction du vaisseau qui transportait son régiment jusqu’à sa nouvelle affectation, le Garde Impérial Floscan Hartoum n’a d’autre choix que de faire atterrir sa capsule de sauvetage à la surface d’une planète mystérieuse dans l’attente d’être secouru. Recueilli par une tribu d’abhumains (deux paires de jambes) dont la mutation a été volontairement déclenchée par leurs ancêtres colons afin de lutter contre la forte gravité de leur monde d’adoption, Hartoum verra son courage et sa vision de l’Imperium sérieusement testés au cours de son séjour chez les enfants perdus de l’Empereur.

AVIS :

Children of the Emperor est une petite gemme, et sa lecture est fortement conseillée à tous les esprits curieux familiers des publications de la Black Library. Cette nouvelle jette en effet un éclairage particulier et très dépaysant sur l’univers de Warhammer 40.000, en prenant toutefois garde de bien respecter le background qui existait à l’époque, attention aussi délicate que louable de la part d’un auteur aussi établi que Barrington J Bayley. L’un des charmes de Children of the Emperor est ainsi son absence d’aberrations fluffiques, preuve indubitable du sérieux travail de « documentation » effectué par Bayley avant la rédaction de ce texte1 (tous les contributeurs de la BL ne peuvent en dire autant, pas vrai Nik Vincent ?).

Mais les principales plus-values apportées par la plume experte de Bayley restent son style, affirmé, maîtrisé et très différent des canons de la BL (ce qui fait tout son intérêt), ainsi que son expérience d’écrivain de SF vétéran, qui lui permet d’attirer l’attention du lecteur sur des points jamais soulevés jusqu’ici par les autres auteurs de la maison (comme les variations de gravité d’une planète à l’autre, et les conséquences de ce changement sur un organisme humain normal) ; mais également d’amener son public à réfléchir sur des questions aussi centrales que celle de la tolérance envers la mutation (et donc du droit à la différence de manière plus large) au sein d’un Imperium dont la psychorigidité sur ce sujet – personnifiée par le personnage du Commissaire Leminkanen, zélote écumant et pas très futé – apparaît comme assez grotesque, eut égard à son histoire millénaire et au million de planètes qui le compose. Bref, on peut remercier Barrington J Bayley pour l’amical coup de pied dans la fourmilière qu’il a mis dans le background de Warhammer 40.000, qui n’était (et n’est toujours) pas au-dessus de tous reproches à l’époque, malgré le soin que lui a apporté Priestley et Cie au moment de son élaboration.

1 : Il va même jusqu’à faire mention d’éléments de background un peu avancés, tels que les fameux Schémas de Construction Standardisés. Chapeau l’artiste.

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The Chaos Beneath – M. Brendan [WFB] – #7 :

INTRIGUE :

WFB_The Chaos BeneathÀ la suite d’une cérémonie d’invocation quelque peu salopée par des cultistes amateurs, un Prince Démon de Tzeentch se retrouve coincé dans le corps d’un hôte mort. Assumant l’identité du cadavre qu’il habite, c’est-à-dire celle d’Obediah Cain, chasseur de sorcières un brin malchanceux, le démon convainc Michael de La Lune (si si), apprenti sorcier fraîchement renvoyé du Collège de Magie de Marienburg pour manque d’aptitudes à l’exercice des arts occultes, de lui rapporter une copie du 3ème Tome du Liber Nagash. Cette dernière repose en effet dans une bibliothèque du Collège, protégée par de puissants enchantements que le Prince Démon n’est pas en mesure de briser en son état actuel. Michael va-t-il s’apercevoir des noirs desseins poursuivis par son acolyte avant qu’il ne soit trop tard ?

AVIS :

Encore une déclinaison sur le thème de l’objet magique maléfique que le héros doit rapporter au méchant à son insu. The Chaos Beneath n’est donc pas la nouvelle la plus originale de la Black Library, ni la mieux écrite d’ailleurs : que peut-on donc avancer afin de justifier sa lecture ? Pour être tout à fait honnête, pas grand-chose si ce n’est le ton assez léger employé par Brendan, transformant du même coup le Prince Démon en méchant de cartoon plutôt qu’en implacable antagoniste. Ajoutez une pincée de fluff, et vous aurez fait le tour de tous les points forts de The Chaos Beneath. Ce qui ne fait pas lourd, je vous l’accorde.

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The Hollows of Hell – D. Abnett [40K] – #8 :

INTRIGUE :

The Hollows of HellNouvel épisode de La Croisade s’amuse et nouveau théâtre d’opérations pour Gaunt et ses Fantômes, qui participent à l’invasion du monde ruche de Caligula, en compagnie de millions d’autres Gardes Impériaux. Déployés par navettes à la surface de la planète depuis le transporteur Navarre, les Tanith doivent essuyer une DCA nourrie (ce qui était attendu), ainsi qu’une tempête psychique conjurée au pire moment par les assiégés (ce qui est plus surprenant). Résultat des courses : le transport de Gaunt, où se trouvaient également le Major Rawne, Bragg, Caffran et Milo (pour ne citer que les têtes d’affiche fantômatiques), dévie fortement de son cap, et s’écrase dans l’une des cuvettes parsemant la planète, qui se trouve être colonisée par une forêt tropicale. Protégés par leur invincibilité scénaristique, nos héros émergent crânement des décombres de l’appareil et se préparent au long trekk jusqu’aux lignes amies qui les attend, le crochet imprévu initié par le blow-out de leur Astropathe1 les ayant conduits trente miles au nord de leur cible, en plein territoire ennemi. Cette réalisation inspirera à Bragg cette phrase immortelle, qui constitue la meilleure citation de toute la série, point à la ligne. Pas de quoi perturber l’inflexible Commissaire cependant, qui entraîne les survivants dans une excursion verte vers une base isolée située à proximité du crash.

Cette avanie technique laisse Corbec seul en charge des Tanith ayant réussi à atterrir sans problèmes, et le Colonel se tire fort honnêtement de sa mission. Confrontés à une atmosphère oppressante et teintée de corruption psychique, les braves forestiers progressent du mieux qu’ils peuvent dans la jungle urbaine que constitue la banlieue de la ruche Nero, jusqu’à ce que leur rencontre avec un polyplacophore démoniaque, heureusement mis en fuite par une crise de nerfs de Larkin (qui sort de ses gonds après avoir vu des Furbies crucifiés par les cultistes – des poupées d’accord, mais des Furbies, c’est trop – ), ne force Corbec à faire une pause technique. Se sentant dépassée par la situation, notre barbouze barbue décide d’utiliser un de ses jokers pour progresser dans la partie, et passe donc un coup de fil à un ami, qui se trouve être officier sur le Navarre. Usant de ses influences, ce dernier parvient à mettre en application le plan de Maître Corbec : la macro cannonisation de la cité sensible où les Fantômes sont embourbés, opération peu régulière mais couronnée de succès, comme la fin brutale de la tempête psychique suite à l’arasement de la ZUS le démontre. Problem solved.

De son côté, Gaunt finit par arriver en vue de l’installation convoitée, défendue à son grand dam par quelques Serviteurs de combat un peu trop zélés. Ce regrettable malentendu sera toutefois rapidement réglé, sans qu’aucune perte ne soit à déplorer parmi les forces en présences disposant d’un cerveau intégral. À l’intérieur, le Commissaire a la surprise de découvrir une de ses vieilles connaissances, l’agent de renseignement Rael Tagore, qui, quand il n’essaie pas d’entre en contact avec les Elohim, enquête sur le réseau d’espions mis en place par le très paranoïaque Maccaroth depuis sa prise de fonctions. Soupçonnant beaucoup de choses mais sans l’ombre d’une preuve tangible (un point commun avec notre Raël), Tagore accepte toutefois de ramener ses hôtes sur le front grâce à la navette qu’il avait utilisée pour se mettre au vert peu avant le début de l’offensive impériale. La nouvelle se termine ainsi par une heureuse réunification régimentaire, et la conjuration par Gaunt et Tagore du bon vieux temps sur Estragon Prime. Ah, Estragon Prime. Il y aurait beaucoup à dire sur cette singulière planète, mais ceci est une autre histoire…

1 : Maladresse ou mauvaise appréciation fluffique de la part d’Abnett, la présence dudit Astropathe dans une navette de déploiement de troupes de la Garde Impériale laisse à penser que l’opération a mobilisé quelques centaines de milliers de psykers assermentés du côté impérial.

AVIS :

Pour la première fois depuis le début de sa série, Abnett marque le coup avec une soumission sensiblement inférieure à ce dont il nous avait habitués précédemment. En plus de se révéler d’un intérêt assez quelconque en termes d’intrigue, que soit côté cour (Corbec et ses hommes jouent à la guéguerre avec quelques cultistes, avant d’appeler l’artillerie spatiale et revendiquer une victoire assez mesquine) ou jardin (Gaunt fait de la randonnée et s’inscrit sur Copains d’Avant), l’auteur prend des libertés assez grandes avec le fluff de 40K, tendance que l’on avait déjà vu à l’œuvre dans de précédentes nouvelles – notamment à travers les World Eaters gérés en 2-2 par les Fantômes dans ‘A Blooding’ – mais qui prend une autre dimension dans ‘The Hollows of Hell’. En plus de l’intégration malheureuse d’un Astropathe à l’histoire, l’identification immédiate par l’impayable Varl du caractère démoniaque du mollusque géant rencontré par les Tanith, et l’absence de censure inquisitoriale suite à cette entrevue malaisante au possible, interrogent. N’ayant que de vagues souvenirs de ‘Ghostmaker’, second tome de la série des ‘Fantômes de Gaunt’ dans lequel Abnett a collecté toutes les nouvelles publiées dans Inferno ! avant l’écriture de ‘Premier & Unique’, je ne pourrais dire si ‘The Hollows of Hell’ a été retravaillée par son auteur avant la sortie de ce roman-recueil. Toujours est-il que nous tenons ici l’un des maillons les plus faibles d’une saga autrement plus robuste.

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Gilead’s Fate – D. Abnett [WFB] – #8 :

INTRIGUE :

WFB_GIlead's FateRevenus de leur quête de vengeance décennale (‘Gilead’s Wake’), Gilead et Fithvael ont réinvesti le domaine de Tor Anrok, propriété légitime autant que décatie du premier. La traque du tueur de Galeth, le jumeau de notre héros, a en effet porté un coup fatal à la lignée déjà périclitante de Lothain, dont Gilou est le dernier représentant, et Fithvael l’unique suivant encore vivant. Alors que son majordome préfère camper en forêt et se consacrer à l’entretien de ses domaines horticoles, Gilead a lui sombré dans la dépression et l’alcoolisme, et attend la cirrhose fatale qui aura raison de son spleen (ainsi que de son foie) et de son Endurance de 3. Un événement imprévu va toutefois forcer notre héros dépravé à sortir de sa stupeur…

Entre ainsi en scène Betsen Corpath (Serge de son prénom1), qui, comme Gilead, se trouve être la dernière survivante de sa lignée. Fille de marchands de Munzig, Betsen a perdu toute sa famille au cours d’une terrible soirée, où l’intégralité des Corpath ainsi que tous leurs servants ont été massacré dans leur maison par un meurtrier inconnu. La jeune fille n’a dû son salut qu’à son absence du domaine familial au moment des faits, ses parents l’ayant envoyé faire un stage de demoiselle de compagnie à la cour de Middenheim. Eprouvée par cette tragédie, mais résolue à obtenir justice, Betsen s’est livrée au cours des deux années qui suivirent le Munzig Zweihander Massacre, comme le crime aurait été surnommé par les locaux si j’en avais fait partie, à une investigation fouillée, lui ayant permis de concentrer ses soupçons sur la personne de Lugos, autre marchand de Munzig à la réputation sulfureuse. Malheureusement pour la teenager vengeresse, ses capacités à confronter Lulu sont pratiquement inexistantes, le bougre ayant l’influence et la richesse nécessaires pour entretenir une garde personnelle rivalisant avec la milice locale. En désespoir de cause, Betsen décide donc d’utiliser les bonnes vieilles méthodes de sa défunte (elle aussi) nourrice, à savoir aller déposer plainte au tribunal elfique local, qui se trouve être à côté de la source d’Eilonthay. Les légendes populaires veulent en effet que les habitants de la Tour de Tor Anrok portent secours aux malheureux qui établissent une main courante en ce lieu, à supposer qu’ils le trouvent – ce qui n’est pas facile – et que leur cause soit juste.

Ayant localisé cette fameuse source après des mois de trekking dans les Principautés Frontalières, et ouvert 4 GR Pays dans la foulée, Betsen s’en retourne fréquemment plaider sa cause auprès de l’onde aussi amère qu’elle-même, et finit par émouvoir (ou importuner, c’est selon) Fithvael, qui élaguait à proximité. Notre bonelfe décide d’aller informer son patron de la doléance de la jeune fille, à laquelle il serait de son devoir et de son honneur de répondre. Malheureusement pour le majordome au grand cœur, Gilead, qui a bu trois dés à coudre de cidre brut la soirée précédente, a horriblement mal aux cheveux (qu’il a longs) et ne se montre ni empathique, ni coopératif, en dépit du heroshaming éhonté auquel se livre Fithvael. Ayant échappé aux jets de boutanche de son maître furibard, Fifi décide d’aller régler lui-même le problème… et échoue comme une bouse. Ramassé à l’article de la mort devant l’entrée de Tor Anrok par un Gilead un peu plus sobre le lendemain matin, le vieillard se retrouve cloué au lit, mais peut au moins se réconforter en réalisant qu’il a atteint son but, le calvaire de son meilleur ami ayant donné à Gilead, comme à Rocky Balboa, John Wick et Robert McCall avant/après lui, la motivation nécessaire pour botter quelques fesses.

Après avoir pris contact avec Betsen et reçu un briefing sommaire de la situation, notre vigilante titubant se met en chasse, emmenant sa commanditaire avec lui pour… le fun on dirait, son aide n’étant absolument pas nécessaire. Plutôt que de s’embêter à corroborer les allégations de Miss Corpath, qui, après tout, aurait pu faire fausse route du haut de ses quinze ans, Gilou opte pour une approche radicale, et se fraye un chemin sanglant dans la demeure de sa cible, jusqu’à faire intrusion dans sa salle à manger en plein milieu de son dîner, ce qui n’est pas très poli. S’en suit une séquence d’action frénétique, où la shadowfasttitude de Gilead en fait voir de toutes les couleurs – mais surtout du rouge sang – aux sbires de Lugos. Détail marrant, ce n’est qu’après avoir occis la majorité du personnel du marchand, qui n’avait sans doute rien à voir avec les meurtres des Corpath, que notre héros demande la confirmation qu’il est bien chez Mr Lugos, qui a alors la meilleure réaction possible au vu de la situation : 1) balancer une réplique badass, 2) gagner du temps en confessant ses crimes jusqu’à l’arrivée de son garde du corps personnel, une montagne de muscles chaotiques (ou une montagne chaotique de muscles, ça marche aussi) du nom de Siddroc.

Confronté à un adversaire un peu plus coriace, et sans aucun doute responsable de la triste et graphique fin de la famille Corpath, Gilead fait moins le malin, et casse même son épée sur l’armure de plates du Sid. Il faudra une attaque suicidaire, dans tous les sens du terme, pour tromper la vigilance et la protection quasi-intégrale du colosse, provoquant la fuite éperdue mais d’assez courte durée de Lugos, dégommé en pleine course par une Betsen planquée avec son arbalète à la sortie du manoir. Détail marrant bis, cette dernière (la fille, pas l’arbalète hein) demandera elle aussi une confirmation qu’elle a bien descendu la bonne personne après avoir appuyé sur la détente. Dans les Principautés Frontalières, on tire d’abord, on pose les questions après (#MutantLivesMatter).

Cette quête vengeresse terminée, Gilead laisse Betsen gérer les indélébiles traumatismes et névroses provoqués par la perte de sa famille et le meurtre du responsable de cette dernière à sa convenance (easy peasy quand on a quinze ans, personne sur qui compter, et bientôt soupçonné du meurtre d’un notable et de tout son personnel) et repart au chevet de son domestique. Une fois remis sur pied, les deux compères décident de repartir à l’aventure, non sans avoir mis le feu à la Tour de Tor Anrok afin de tirer un trait définitif sur leur passé2. Le destin de Gilead (et donc de Fithvael) sera d’écumer le Vieux Monde en quête d’innocents à secourir, de torts à venger, et de couteaux à remouler. Il n’y a pas de sottes professions.

1 : Ce n’est pas vrai et il y a des chances que les plus jeunes des lecteurs ne comprennent pas la référence, mais je trouve ça fendard d’imaginer une frêle donzelle de 15 ans sous les traits du French Reaper.
2 : En fait, c’était une arnaque à l’assurance. Mais ça ferait mauvais genre dans une saga épique.

AVIS :

Après avoir posé ses personnages dans l’introductif et probablement pensé comme un one shotGilead’s Wake’, Abnett remet Gilead et Fithvael sur le devant de la scène dans une petite nouvelle plus intéressante dans ce qu’elle dit de la déchéance morale et physique d’un héros dont la race pouvait laisser penser qu’il serait immunisé à ce genre de désagréments, que dans la narration de la revanche prise par Betsen sur les meurtriers de sa famille. Cela ne veut pas dire pour autant que cette soumission ne mérite pas le détour (ne serait-ce que pour la réalisation que Gilead est en fait le Batman du Vieux Monde – ou au moins de Munzig – et Fithvael son Alfred), mais plutôt que ses points forts (à mes yeux) sont plus « périphériques », si l’on me passe l’expression, que d’habitude pour un récit de Dan Abnett. Ainsi la scène d’ouverture, qui débute sur la charmante description d’une fratrie de jeunes enfants régalés de contes par leur nourrice, et qui bascule en un éclair sur la description bien gore de leur cadavre, illustre la maestria de l’auteur en termes de narration. Pour le reste, Abnett prend soin de préparer la suite, et l’on sait d’ores et déjà que l’on aura des nouvelles des deux comparses à l’avenir. On the road again

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The Raven’s Claw – J. Curran [40K] – #8 :

INTRIGUE :

Début de journée difficile pour Veronique Sanson, le héros de The Raven’s Claw (nouvelle au titre potterien s’il en est). Tiré d’une gueule de bois carabinée par le quasi-crash de son vaisseau en plein cœur d’une zone de guerre urbaine, notre protagoniste se rend rapidement compte que 1) il n’a absolument aucun souvenir de qui il est, et 2) il fait visiblement partie d’un régiment de Légionnaires Pénaux. Vivement le week-end.

AVIS :

Jouant honnêtement de cette ficelle narrative bien connue qu’est l’amnésie du héros, Curran trousse une petite nouvelle ma foi fort potable, si on la replace dans son contexte (c’est-à-dire 1999, une époque où les contributeurs de la BL n’étaient pas tenus d’être docteurs -es fluff pour proposer leur travail1). Le background est en effet quelque peu malmené au cours du récit, en particulier au moment de la conclusion de l’histoire, qui aurait pu être mieux négociée, surtout au vu du choix effectué par l’auteur à son endroit2. Ce manque de maîtrise du background de Warhammer 40.000 est d’autant plus gênant que Curran termine son histoire avec un exposé bancal sur la nature de l’Imperium, dont il donne une image biaisée, et finalement assez fausse3. Bref, une mention passable bien méritée.

1 : Non pas que ce soit actuellement le cas aujourd’hui d’ailleurs (l’espoir fait vivre).
2 : Vero se révèle être un (et non pas une – d’après le fluff, c’est rare mais pas impossible – ) assassin Callidus, envoyé sur le terrain afin de faire la peau à un Gouverneur planétaire félon. Sauf que l’utilisation faite par Vero (Averius de son vrai nom) de la fameuse polymorphine est complètement marginale (« Et hop, je passe de L à M en taille de veste ! Ils ne me reconnaîtront jamais ! »), ce qui est tout de même dommage étant donné que c’est cette dernière qui fait tout le charme de cette caste particulière. Étant donné les spécificités de cette mission (à savoir, la présence d’un psyker prescient aux côtés du Gouverneur), un Culexus aurait à mon sens bien mieux fait l’affaire. Quant à la Raven’s Claw qui donne son titre à la nouvelle, il s’agit d’une sorte de neuro-gantelet subdermal, arme appartenant davantage à l’arsenal des assassins Eversor qu’à leurs consœurs Callidus.
3 : Selon Curran, l’Imperium a envoyé Vero recueillir la confession du Gouverneur renégat, car, ayant trahi la confiance de l’Empereur, ce dernier se trouve être un hérétique (nié ?), et tout hérétique doit se repentir avant de recevoir sa punition (nié ?). Et Vero d’expliquer que la rébellion aurait pu être matée en deux deux, et qu’une force d’intervention constituée de plusieurs régiments de Gardes Impériaux ainsi que d’un contingent de White Scars attend tranquillement en orbite son feu vert avant de débarquer sur la planète remettre un peu d’ordre dans tout ce bordel. Et tout ce temps gâché, toutes ces ressources dépensées, toutes ces vies perdues, pour quoi ? Pour permettre à Vero d’absoudre sa cible de ses pêchés. Amen.

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Hell in a Bottle – S. Jowett [40K] – #8 :

INTRIGUE :

40K_Hell in a BottleLe Sergent Instructeur Tydaeus des Iron Hearts doit faire face à une situation inédite: la machine Mimesis, simulateur de conflits utilisé pour l’entraînement des recrues du Chapitre, a été envahie par un ost démoniaque, mené par le prince démon Kargon. N’ayant pas réalisés que leur dernière conquête était un monde virtuel, les démons se retrouvent bloqués dans la réalité numérique de la machine, à la merci d’un Tydaeus qui doit maintenant décider s’il préfère la jouer safe (débrancher Mimesis et l’envoyer à l’incinérateur) ou héroïque (débuter une « partie » et aller botter les fesses calleuses de Kargon en live).

AVIS :

Hell in a Bottle est sans doute la nouvelle la plus étrange d’Into the Maelstrom, voire de toutes les publications 40K de la Black Library. L’argument du récit, déjà très peu banal en lui-même (« et si les Space Marines s’entraînaient sur des bornes de shoot ‘em up ? »), se combine en effet à une interprétation pour le moins libérale du fluff de la part de Simon Jowett, qui n’hésite pas à nommer un des Primarques inconnus dans le cours du récit, ou encore à dépeindre son héros en employé de bureau désabusé plutôt qu’en inflexible moine-guerrier. Il faut dire que Tydaeus n’est, à proprement parler, pas vraiment un Space Marines, son corps ayant rejeté les implants génétiques lui étant destiné au cours de son initiation. Le Chapitre des Iron Hearts étant néanmoins très humain (malgré ce que laisse penser leur nom), notre héros a été reclassé à un poste de non-combattant au lieu d’être transformé en serviteur, ou pire. Dans les ténèbres d’un lointain futur, la loi handicap de 2005 est toujours en vigueur. Bravo.

De l’autre côté de la matrice, le prince démon Kargon n’est pas vraiment reste, sa diction sifflante et ses pratiques sexuelles peu banales (ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle Seed-Bearer, monsieur inséminant personnellement les planètes qu’il a conquis avec des spermatozoïdes chaotiques) faisant de lui une Nemesis pittoresque pour Tydaeus, qui, bien sûr, ne résistera pas à l’envie d’aller casser du démon, pensant (à tort) qu’il ne pourrait rien lui arriver de plus fâcheux que d’être déconnecté du serveur une fois tous ses points de vie envolés.

Parenthèse parodique (volontaire ou non) de l’univers gothique de Warhammer 40.000, Hell in a Bottle est un souvenir d’une époque révolue de l’histoire de la Black Library, pendant laquelle les contributeurs pouvaient se permettre d’écrire tout ce qui leur passait par la tête. Et, rien que pour ça, cette nouvelle mérite d’être lue.

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A Wolf in Sheep’s Clothing – D. Abnett [WFB] – #9 :

INTRIGUE :

WFB_Wolf in Sheep's ClothingAprès le succès de leur session de team building dans la Drakwald (‘A Company of Wolves’), nous retrouvons les chevaliers de la Compagnie Blanche de l’ordre du Loup Blanc (the whitest of the white) alors qu’ils s’apprêtent à partir dans une nouvelle mission, beaucoup moins funky qu’ils ne l’espéraient de prime abord. Le Graf de Middenheim a en effet reçu une missive désespérée d’un de ses cousins, le Margrave Ganmark, dont le domaine a été attaqué et incendié par une bande de galapiats, et qui se retrouve donc SDF par la force des choses. Alors qu’il revient aux pompeux et hautains Chevaliers Panthères de traquer les coupables de cet abominable forfait, les Loups Blancs doivent se contenter d’escorter cousin Hubert, sa famille et ses gens, jusqu’à la sécurité de Middenheim. Autant dire que le Commandant Ganz doit essuyer une grogne bien compréhensible de la part de ses hommes, parmi lesquels on compte deux nouveaux : le bleu-bite Krieg Drakken, et le sang bleu Lowenhertz.

Après un aller sans embûches, nos templiers prennent en charge leurs protégés, et se consolent légèrement en constatant que la femme du Margrave, Gudrun, est vraiment bonnasse. Il n’y a que le jeune Drakken pour reluquer davantage la servante Lenya que la plantureuse maîtresse de maison, que le cousin Hub’ a épousé quelque temps après la mort de sa première femme. Les introductions étant faites et le barda chargé dans les chariots, la troupe repart vers la cité, pendant que les Panthères de Von Volk/t se lancent à la poursuite des mécréants. Bien évidemment, ces derniers éviteront facilement la confrontation avec leurs traqueurs, et se concentreront sur les loulous et les migrants. Surpris une première fois par un assaut de Nazguls puant la cannelle, qui laissera le pauvre Drakken tout estafilé, les chevaliers devront relever le plus difficile des défis : utiliser leurs neurones. Car, si pour le lecteur, il ne fait rapidement aucun doute que les stoners spectraux1 sont à la recherche de quelque chose ou de quelqu’un voyageant avec les templiers, pour ces derniers, le mystère est à la limite de l’insoluble. C’est d’ailleurs tout juste si Ganz ne condamne pas Lowenhertz au bûcher pour avoir émis l’hypothèse précédente, qui relevait pourtant du bon sens plus que de la mise en pratique de savoirs interdits…

Début spoilerAu final, et après avoir essuyé une nouvelle vague de goons à la faveur d’un bivouac en pleine forêt, les Loups Blancs finiront par identifier la source de tous leurs maux, qui se trouve être, non pas l’exotique bimbo avec qui le Margrave a refait sa vie, comme le soupçonnait ce misogyne de Gruber, mais la vieille nourrice rom’ des enfants du pater familias, elle aussi arrivée récemment dans l’entourage de l’aristocrate. Plus particulièrement, l’aïeule trimballe avec elle un bijou en forme de griffe, qui lui porte apparemment chance mais que ses ancêtres ont certainement dérobé dans une tombe arabienne, et que ses propriétaires légitimes souhaitent vivement récupérer. Leurs adversaires pouvant respawner toutes les deux heures, Ganz, dans un éclair de génie inhabituel, réalise qu’il doit prendre des mesures drastiques pour arracher la victoire avant que ses hommes se fassent massacrer. Peu enclin à restituer la babiole avec un petit mot d’excuse, comme on le ferait de nos jours, le fier chevalier préfère réduire en poudre le colifichet sépulcral, bousillant le marteau de Lowenhertz dans la manœuvre (c’est du bizutage). Nazguls jusqu’au bout, les assaillants se dissipent alors dans un gémissement piteux, permettant à nos héros de reprendre leur route au matin sans plus d’interruptions. La nouvelle se termine sur leur retour triomphal à Middenheim, et sur la remise par Ganz à Lowenhertz du marteau de feu Von Glick, en dédommagement de l’arme perdue en chemin. Dans l’Empire plus qu’ailleurs, les bons comtes électeurs font les bons amis.Fin spoiler

1 : Ils ont les yeux rouges et ne s’expriment qu’en grognements inintelligibles.

AVIS :

Abnett poursuit sa série (louve) blanche sur des bases sensiblement similaires à celles posées dans ‘A Company of Wolves’, même si l’intrigue se montre un peu plus fouillée et complexe que lors des débuts de Ganz et Cie. Si la révélation de l’identité du responsable des malheurs du Margrave ne risque pas de surprendre grand-monde, on peut tout de même mettre au crédit de Dan Abnett l’inclusion d’une authentique et valable fausse piste dans sa nouvelle, ce qui, pour une soumission de 12 pages, est un accomplissement notable. Pour le reste, on se contentera d’un peu de character development pour nos vaillants chevaliers, qui gagnent deux nouvelles recrues dans ce second épisode, dont au moins une (Lowenhertz) semble tenir à cœur à l’auteur ; ainsi que quelques scènes d’actions très potables.

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Wolf in the Fold – B. Chessell [WFB] – #9 :

INTRIGUE :

WFB_Wolf in the FoldLe sommeil de l’Archidiacre Kaslain de Nuln est interrompu en pleine nuit par l’arrivée impromptue d’un visiteur de marque, venu chercher l’absolution que seul un haut prêtre de Sigmar peut conférer. Mortellement blessé, l’assassin légendaire connu comme la Guêpe Tiléenne (Tilean Wasp) se vide de son sang dans les appartements privés du prélat, dédiant ses derniers instants au récit du seul crime de sa longue carrière pour lequel il éprouve le besoin de se confesser : l’assassinat d’un prêtre.

AVIS :

Si l’histoire narrée par Ben Chessell dans Wolf in the Fold n’est pas aussi aboutie que son Hatred, et que la conclusion de cette courte nouvelle ne s’avère pas être une grande surprise, sa lecture n’en est pas moins agréable, et ce pour deux raisons principales.

La première, c’est l’audace manifestée par ce novice de la Black Library, qui pour sa deuxième soumission, s’offre le privilège de tuer un personnage nommé (l’archilecteur Kaslain, abordé dans les Livres Armées de l’Empire – c’est était un électeur impérial – et dans quelques suppléments du jeu de rôle). Bon, d’accord, il ne s’agissait pas vraiment d’une figure de premier plan du fluff, mais tout de même.

La seconde, et la plus importante à mes yeux, c’est le complet changement de style opéré par Chessell entre Hatred et Wolf in the Fold, sans que ses talents de conteur ne pâtissent de cette transformation. La grande majorité des auteurs de la BL ayant une patte facilement identifiable (pour le meilleur ou le pire) et abordant toujours leur sujet avec le même angle d’attaque, il est remarquable qu’une plume de cette auguste maison soit d’une « agilité » littéraire suffisante pour proposer deux récits si différents l’un de l’autre que l’on aurait pu sans mal les attribuer à deux contributeurs distincts. Si Hatred possédait une ambiance mélancolique et désincarnée, Wolf in the Fold se caractérise au contraire par un style riche et un goût prononcé pour le détail, assez proche dans l’esprit de celui de Brian Craig.

En conclusion, une autre excellente livraison de la part de Ben Chessell, dont la très courte carrière au sein de la Black Library apparaît décidément comme une de ces injustices dont la vie a le secret.

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The Lake – T. R. Summers [NDA] – #9 :

INTRIGUE :

Les dernières semaines ont été dures pour le gang des Brassers de Lord Orl, meneur Orlock qui se rêvait seigneur éboueur du sous-monde. Affaibli par une guerre territoriale constante contre les Goliaths de la Main Noire (encore eux1), les Orlocks ont de plus perdu leur précieux puits lors d’un récent tremblement de ruche, les laissant à la merci d’individus peu scrupuleux pour se sortir de ce mauvais pas. D’individus comme le Guilder Rorget Ahn, par exemple, qui a proposé à Lord Orl de s’associer dans une affaire a priori juteuse : la chasse aux mulk spiders infestant un petit lac souterrain que le même séisme qui a enfoui le puits des Brassers a rendu accessible, après des siècles coupé du reste de Necromunda. Les yeux de ces bestioles, semblables à des gemmes, sont très recherchés par les riches du haut de ruche, et leur vente devrait permettre aux Orlock de se remettre d’aplomb. Bien entendu, chasser des argyronètes géantes ayant colonisé une mare hautement toxique monté sur un pédalo fatigué (le semi rigide proposé par Rorget coûtait trop cher à la location) n’est pas une entreprise de tout repos, mais il en faut plus pour décourager nos hardis Gangers, qui jettent donc leurs lignes sur le plan d’eau de liquide sans tarder.

Les péripéties violentes et humides ne tarderont pas à leur tomber dessus comme un mange-visage de Catachan sur l’arrière-arrière-arrière374 petit fils de Logan Paul2, aux inévitables morts causées par l’agressive faune locale venant s’ajouter celles provoquée par l’épique bataille navale entre Brassers et Main Noire, également embauchés par ce traître de Rorget Ahn pour cette mission lacustre. Lord Orl, en bon leader, n’hésite pas une seconde à mouiller le maillot, mais sans doute plus qu’il ne l’avait prévu. Une baignade involontaire dans les boues de vidange violacées faisant office de lac lui est en effet imposée à la suite de l’explosion de son canoë, et s’il parvient à regagner son QG avec ses quelques hommes restants et un sac d’yeux de mulk spiders pour leur peine, il ne tarde pas à développer une forte fièvre et une purulence de mauvais aloi, que les bons soins du Dokker Hack’n’Slash ne parviennent pas à traiter. Comble de déveine, les précieuses gemmes collectées lors de la mémorable partie de pêche ne tardent pas à fondre comme neige radioactive au soleil, laissant les Brassers dans une situation encore plus désespérée que précédemment.

Fort heureusement, il reste encore sa légitime vengeance contre Rorget Ahn pour motiver Lord Orl, de moins en moins présentable à mesure que les jours passent et que les mutations causées par sa baignade impromptue se manifestent. S’étant surpris à boulotter goulument un bras gardé par Dokker comme pièce détachée dans son officine (on ne sait jamais de quoi on aura besoin pour rafistoler un Ganger de passage), Orl décide de s’isoler du reste de ses hommes pour leur propre bien, et retourne vers le lac, inexplicablement attiré par une pulsion inconsciente… ou peut-être par le secret espoir de retrouver l’Apple Watch qu’il a perdue sur place lors de sa dernière visite…

Début spoiler…Une nouvelle séquence de baignade, suivie d’une épiphanie aussi totale que brutale et non expliquée (il arrive sur une île au milieu du lac et paf, l’illumination le frappe), mènent assez logiquement à la réalisation par Lord Orl et le lecteur que les mulk spiders qui vivent dans cet écosystème unique en son genre ne sont autres que les formes mutées des malheureux qui ont bu la tasse et la crasse mutagène, cancérigène et reprotoxique de cette onde véritablement amère3. D’ailleurs, notre héros reconnaît son bras droit R’daff, emporté par le fond par une araignée entreprenante lors de la première expédition, parmi le comité d’accueil qui s’est réuni pour lui souhaiter la bienvenue dans sa nouvelle communauté. Acceptant son sort sans se plaindre, Lord Orl a toutefois une dernière virée dans le monde civilisé à faire avant de prendre définitivement sa retraite et d’aller faire des bulles dans l’eau avec ses petits copains. Sa cible : ce bougre de Rorget Ahn, à qui il offre gracieusement le pot de l’amitié pour solde de tout compte. Je vous laisse deviner ce qu’il y avait dans le verre…Fin spoiler

1 : Déjà croisés dans ‘The Day of Thirst’, du même auteur. Comme on le verra plus loin, les Goliaths de Krug n’arrivent pas à prendre les points à l’extérieur, ce qui est embêtant quand on lutte pour le maintien la survie.
2 : Youtuber trololol comme son aïeul.
3 : Les mystérieux « Gene Lords », et leur sale manie de collecter et stocker l’ADN des formes de vie croisant leur route dans la cuve recherche qui est devenue ce fameux lac après des millénaires d’abandon, sont à blâmer ici.

AVIS :

Summers mène assez bien sa barque (mouahaha) avec ‘The Lake’, qui présente les deux qualités appréciables pour une nouvelle d’une intrigue n’étant pas prévisible des pages à l’avance – au moins dans la première moitié du récit – et d’une construction bien fichue, où la boucle se retrouve bouclée à la fin du récit. On appréciera également le cadre assez original de cette histoire pour une soumission siglée Necromunda, sans doute l’une des franchises de la GW-Fiction où l’on s’attend le moins à ce qu’un « lac » serve de décor. Le seul reproche que je ferai à Summers est relatif à son inclusion très artificielle, et à mes yeux inutile, des « Gene Lords » dans son propos. Pourquoi faire entrer une faction de démiurges mystérieux et une réalisation proprement miraculeuse de leur implication par Orl dans ses déboires, quand un bon vieux recours au Chaos (après tout, il est question de mutation ici) aurait pu faire l’affaire plus simplement et « proprement » ? Comme le mieux, le tarabiscoté est l’ennemi du bien, et je pense que ‘The Lake’ aurait gagné à rester en terrain fluffique connu. Mais le résultat reste tout de même satisfaisant.

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Acceptable Losses – G. Thorpe [40K] – #9 :

INTRIGUE :

40K_Acceptable LossesNommé à la tête du tristement célèbre escadron de Maraudeurs Raptor, le commandant Jaeger a l’occasion de prouver la valeur de ses hommes au cours d’une mission aussi vitale que périlleuse : la destruction des réacteurs d’un Space Hulk grouillant d’orks. Livrés à eux-mêmes dans l’immensité hostile de l’espace, les Raptors se rendront rapidement compte qu’il n’y a pas d’ennemi plus mortel que l’ami dans lequel on a placé (à tort) sa confiance.

AVIS :

Après les Nains et les Hauts Elfes, Battlefleet Gothic est l’une des lubies du bon Gav Thorpe, qui ne manque jamais une occasion de mettre en scène une petite bataille spatiale dans ses écrits futuristes. Sachant qu’Into the Maelstrom (et donc Acceptable Losses, par la même occasion) a été publié en 1999, soit l’année de sortie du livre de règles BFG, il était inévitable que cette nouvelle fasse la part belle à des héros maîtrisant l’art subtil de la guerre dans l’espace.

Cette nouvelle conséquente (33 pages, ce qui en fait la plus longue du recueil) se divise ainsi en deux parties distinctes. La première (un tiers) voit Jaeger et ses hommes faire connaissance, les premières impressions mitigées faisant rapidement place à une véritable camaraderie entre un commandant sévère-mais-humain et des équipages indisciplinés-mais-courageux-et-loyaux (et l’Oscar du meilleur scénario original est attribué à…). Thorpe sait qu’il doit en passer par là pour que la suite de son récit tienne la route et s’exécute de bonne grâce, son style passe-partout lui permettant d’expédier cette introduction sans trop lasser le lecteur (en partie grâce à la partie « contes et légendes de l’Imperium »).

La deuxième partie (deux tiers) est une description minutieuse de la mission plus ou moins suicide de l’escadron Raptor, sur lequel s’acharne bien entendu un sort contraire : escorte de Thunderbolts retirée au dernier moment, Rok en maraude à négocier en solo, rencontre inopinée avec une escadrille de chassa-bombas, cible protégée par une hénôrme batterie de lance-plasma… autant de petits riens qui font que la vie d’un pilote de Maraudeur vaut d’être vécue (et se termine de manière prématurée). Fort de son expertise dans le sujet, Thorpe réussit à faire de ce compte rendu une expérience plaisante, tant par son originalité que par son enthousiasme perceptible pour cette forme de combat, dont les règles diffèrent considérablement de la classique bataille rangée de fantassins et de véhicules à laquelle l’amateur de 40K a droit d’habitude.

Bon, ça reste du Thorpe, et du Thorpe « primitif » qui plus est, ce qui signifie que l’histoire en elle-même ne vole pas beaucoup plus haut qu’un plongeur de la mort ayant fait un six sur son jet d’incident de tir (ouais, j’ai pas peur des mélanges). En même temps, difficile de révolutionner l’art de la nouvelle de science-fiction avec un pitch aussi ingrat qu’une bataille spatiale vue depuis l’intérieur d’un cockpit de Maraudeur. On a donc le droit à une triple dose d’héroïsme désintéressé et de sacrifice pour la bonne cause, généreusement saupoudrés de « bon sang, c’était moins une »1 et de « mais où est notre écran de chasseurs ? » : une fois de temps en temps, pourquoi pas.

Bref, Thorpe réussit assez bien son coup avec Acceptable Losses, un de ses meilleurs courts formats pour la BL à date, et fait mieux que tenir la comparaison avec beaucoup des nouvelles plus récentes intégrées à On Wings of Blood.

1 : Appelons ça le syndrome de l’Etoile de la Mort.

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In the Belly of the Beast – W. King [40K] – #10 :

INTRIGUE :

40K_In the Belly of the BeastUne escouade de Griffes Sanglantes menée par un Garde Loup est envoyée explorer l’intérieur d’un vaisseau tyranide. Même si la Grande Dévoreuse a la tête dans le biomorphe après quelques éons passés à dériver dans la galaxie, les Loulous vont vite se rendre compte qu’entrer par effraction chez les cafards de l’espace est une très, très mauvaise idée.

AVIS :

In the Belly of the Beast est la nouvelle de type « et si ? » par excellence. Son principal intérêt est de permettre au lecteur de découvrir un pan jusqu’ici peu exploré du fluff, ici la structure et le fonctionnement d’un bio vaisseau tyranide. King accomplit cette mission avec sérieux et réussite, et parvient à décrire ce petit monde complétement alien (c’est le cas de le dire) à l’esprit humain de manière convaincante, insistant bien sur sa perfection organique et son aspect oppressant. Il enrichit en outre son propos en décrivant la progression des Space Wolves depuis le point de vue de chacune des Griffes Sanglantes, dont les réactions varient entre rage bestiale (Egil), prémonition funeste (Njal), légèreté feinte (Gunnar) ou encore crainte dissimulée (Sven). L’éveil progressif de l’écosystème tyranide en réponse à l’intrusion des marounes donne enfin l’occasion à l’auteur de relever son texte de quelques passages d’action tout à fait convenables, et d’une poignée de décès astucieusement gores (mention spéciale à la disparition de Njal).

On peut en revanche regretter le manque flagrant d’inspiration de King au moment d’insérer In the Belly of the Beast dans l’univers de 40K. Comment, en effet, justifier l’envoi d’une (seule) escouade de Space Marines inexpérimentés dans une mission aussi dangereuse que l’exploration d’un vaisseau tyranide, même inerte ? Réponse de l’intéressé : nos héros sont assignés à un navire marchand (et quand je dis assigné, c’est en mode larbin hein : à côté, la Wolfblade c’est une nomination honorifique), dont le capitaine, apparemment ignare au dernier stade, n’est pas foutu de repérer une bioconstruction tyranide quand il en croise une (manque évident de culture générale également partagé par le sergent Hakon, ceci dit). Le navigateur de bord – un homme cultivé, lui – a beau insister lourdement pour que ce mystérieux vaisseau soit détruit sur le champ, le capitaine envoie tout de même ses loulous de compagnie explorer ce dernier dans l’espoir de « découvrir quelque chose dont l’Imperium pourrait avoir l’utilité ». Pour un point de départ pourri, c’est un point de départ pourri. Dans la même veine, on ne peut que s’émerveiller de l’innocence des Space Wolves, qui ne réalisent qu’ils sont au cœur d’un vaisseau tyranide qu’au moment où ils débarquent dans la salle centrale et assistent au réveil d’une tripotée de guerriers. Allo nan mais allo quoi.

En dépit des quelques couleuvres que King tente de faire avaler au lecteur pour justifier les actions stupides de ses personnages, In the Belly of the Beast est une nouvelle honorable, dont l’ambiance d’horreur lovecraftienne détonne agréablement des productions classiques de la BL, où l’action omniprésente laisse peu de place au développement d’atmosphères oppressantes dignes de ce nom.

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The Affair of the Araby Exhibit (Buried Secrets) – G. Rennie [WFB] – #10 :

INTRIGUE :

La tranquille soirée de réflexion-chichon sur la théorie du Chaos1 de Zavant Konniger, érudit iconoclaste et détective privé de l’extrême, est interrompue par l’arrivée impromptue d’un émissaire du culte de Sigmar au domicile du Sage Enquêteur. Un cambriolage a eu lieu dans les archives de l’institution, et l’expertise de l’ancien prêtre est requise pour remonter la piste des ruffians, qui n’ont pas hésité à stranguler deux pauvres gardes qui ne faisaient que leur devoir pour faire main basse sur… quelque chose2. Sa propre demande d’accréditation à l’accès de la nouvelle exposition arabienne, où s’est déroulée ce regretable incident, lui ayant été refusée il y a quelques jours, Zavant saute sur l’occasion de mettre son nez, qu’il a prononcé et arqué, dans les réserves du culte, et part sur les lieux du crime en compagnie du factotum sigmarite et de son fidèle serviteur Halfling, Vido.

Sur place, les capacités d’observation et d’analyse du fin limier, doublées de sa prodigieuse culture générale, et de sa correspondance épistolaire avec le frère Wollen, jeune archiviste passionné de culture arabienne, et principal suspect du double meurtre du fait de sa disparition mystérieuse, permettent à Zavant d’identifier en quelques minutes les coupables de cet effroyable forfait : le culte d’Ishmail, des adorateurs de démons made in Arabie, contactés par le mal-avisé Wollen (retrouvé garroté au fond d’un sarcophage) pour la vente d’une des jarres démoniaques dans laquelle ont été scellés les sombres maîtres du culte, il y a fooooooort longtemps. Ce n’est pas la première transaction Le Bon Coin qui tourne mal, mais il convient désormais d’agir prestement pour empêcher les cultistes, qui ont profité des nombreux passages secrets reliant le district sigmarite d’Altdorf au reste de la cité, de profiter de leur bien mal acquis. Ayant repéré dans le registre fluvial, qu’il lit tous les matins avec son verre de lait de quinoa bio dynamique, l’arrivée d’une nef arabienne dans le port de la ville, c’est vers les quais que Konniger entraîne son monde et la cavalerie, espérant arraisonner les fuyards avant qu’ils n’aient pu se faire la malle.

Bien évidemment, les cultistes ne s’en laissent pas compter, et pendant que son patron les corrige bellement à grands coups de gaffe dans les gencives, Vido doit trouver un moyen de stopper le vaisseau avant qu’il ait passé les portes de la cité. Une heureuse réaction en chaîne (de cabestan) fera jeter l’ancre au navire avant la ligne d’arrivée, le ralentissant assez pour que les zélés zélotes de Sigmar y mettent le feu à grand renfort de flèches embrasées. Un plongeon dans les eaux saumâtres du Reik, et une quasi noyade dans le cas de Vido, plus tard, l’amphore maudite gît par le fond du fleuve, ce qui devrait la mettre à l’abri des attentions déplacées de cultistes chaotiques pendant quelques millénaires. Après tout, quelles sont les chances qu’une paire de Halflings aille pêcher le gros à cet endroit, le jour de l’anniversaire de celui qui s’appelle Smeagol ? Négligeable, très négligeable…

: Qui est moins funky que notre théorie du chaos. Sur l’axe Goldblum, on se rapproche plus de Seth Brundle que d’Ian Malcolm.
2 : Ces archives ne seraient pas dignes de ce nom si elles étaient correctement archivées, bien sûr.

AVIS :

Grand début du personnage de Zavant Konniger dans les pages d’Inferno !, et, par la même occasion, dans la GW-Fiction, ‘The Affair of the Araby Exhibit’ établit en une quinzaine de pages les prémisses de la série de Rennie, pastiche décomplexée du Sherlock Holmes de Conan Doyle à la sauce Warhammer, et mélange bien équilibré d’enquête policière et d’action frénétique, à haute teneur en fluff et comique de situation (ce qui n’empêche pas l’auteur d’insérer une bonne dose de grimdark à son propos de temps à autre, comme dans ‘The Scarlet Case’). La brieveté de la nouvelle ne permet pas à Gordon Rennie de développer un whodunit digne de ce nom, mais sa maîtrise de la narration et du rythme, provenant sant doute de ses compétences de scénariste de comics, compense largement cette absence de challenge intellectuel pour le lecteur (à vrai dire, la série des Konniger ne se positionnera jamais vraiment sur ce créneau). De la pulp fiction rondement écrite, et assez originale par rapport au reste des publications de la Black Library : en a-t-on jamais assez ?

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Sisters – N. Rutledge [NDA] – #10 :

INTRIGUE :

La dernière empoignade auquel son gang d’Eschers a participé s’est mal passé pour Blades : malgré la victoire sans conteste obtenue contre la patriarchie, les féministes du sous-monde ont perdu l’une des leurs, Katz, la sœur de leur bien-aimée leader.e. Et même pas aux mains de l’ennemi qui plus est, mais bêtement et salement, la jouvencelle ayant glissé sur une flaque d’huile et étant tombée dans une mare de boue toxique. Tout le monde n’étant pas Harley Queen, c’en fut fait de Katz, qui aurait pourtant pu et dû retomber sur ses patz. Monde cruel.

Après avoir tenté sans succès de noyer son chagrin dans l’alcool (impossible quand on ne tient pas ce dernier), Blades décide de partir en mission de nettoyage dans les environs d’Ashcliff, le village qu’elle et ses filles « protègent » des menaces extérieures. À la fois pour s’occuper l’esprit, mais également pour montrer à ses subordonnées qu’elle est toujours la patronne, et ne pas laisser croire que la place de Pacha Mama est à prendre. Au menu de ce soir (après le fameux ragoût de Licksy, le barman sénile mais gentil du seul rade d’Ashcliff), un Zombie égaré, comme il en vient de temps en temps dans le voisinage. Guidé par le scout Ratskin qui a repéré la créature décérébrée, Blades part en chasse avec son fidèle fusil à pompe et une paire de lunettes de vision nocturne.

En chemin, le duo s’arrête chez le prospecteur Jakey, fils de Jake, fils de Joe, dont un des oncles a eu la mauvaise idée de braver le couvre-feu sans attestation, et s’est fait salement esquinter par le Zombie pour sa peine. Bien que Ma Honka, sa sœur, semble déterminée à soigner le blessé, les règles sont les règles et Blades se fait un devoir de les appliquer et de planter un stylet dans le cœur de l’inconscient inconscient. Le respect des gestes barrières, on connaît la chanson. Ceci fait, l’Escher de garde emboîte le pas à son guide indigène, qui l’emmène dans les galeries de la mine où le mort vivant s’est enterré, et qui se trouve être l’endroit où Blades et Katz ont passé une bonne partie de leur enfance à chasser l’araignée géante et le rat mutant. Que de souvenirs…

Début spoiler…Comme vous vous en doutez si vous savez comment une intrigue de nouvelle fonctionne, le Zombie en question se trouve être Katz. #SansBlague Il n’y a que Blades que cela surprend, et choque fortement, à tel point que c’est au Ratskin que revient la tâche de mettre fin aux souffrances errances de la revenant d’un tir de mousquet bien placé. Cette bonne action ne sera cependant pas récompensée, Blades ne pouvant supporter la sale blague qu’elle croit que le Ratskin lui a fait (il savait que c’était Katz et qu’elles étaient sœurs, mais n’a rien dit), ni prendre le risque qu’il révèle à tout le monde que Blades a probablement tué un innocent par excès de zèle, Katz n’étant techniquement pas un Zombie, mais quelque chose comme The Toxic Avenger.e (et donc non contagieuse, en tout cas pas de cette façon). Un tir de fusil à pompe a l’arrière du crâne règle l’affaire de façon définitive à défaut d’être élégante, laissant enfin toute latitude à Blades pour commencer/terminer son deuil. La morale pourrait être quelque chose comme ‘Souvent femme (à fusil) varie, bien fol qui s’y fie (bouffi)’. En tout cas, c’est empowering.Fin spoiler

AVIS :

Neil Rutledge livre une histoire qui lorgne franchement du côté du Western (une inspiration assez évidente de Necromunda), et qui se laisse lire sans problème malgré le manque total de surprise au niveau de l’identité du Zombie. Cette déception est toutefois compensée par le soin qu’a pris l’auteur de soigner l’authenticité de son récit, par exemple en incluant du jargon local (worms pour les habitants d’Ashcliff, scragger pour être tué…), et par la conclusion glorieusement immorale (c’est le véritable héros de l’histoire qui se fait descendre par derrière et pour couvrir la bévue de sa partenaire), et donc tout à fait adaptée, de cette nouvelle sororitaire (?).

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Ulric’s Children – W. King [WFB] – #11 :

INTRIGUE :

WFB_Ulric's ChildrenUne nouvelle fois égarés dans une impénétrable forêt des moins accueillantes (décidément, c’est une constante), Gotrek et Felix, backpackers de l’extrême1, doivent braver la neige, le froid et la perspective d’une meute de loups affamés lorsque le rideau se lève sur Ulric’s Children. Quant aux fameux enfants d’Ulric qui ont donné leur nom à cette nouvelle, nous apprenons bientôt qu’il s’agit du nom populaire des loups-garous, considérés comme les descendants des relations tumultueuses du Dieu avec quelques accortes mortelles dans des temps très anciens. Figures légendaires du bestiaire impérial, leur existence paraît soudainement bien plus probable à Felix alors qu’il s’échine dans les congères à la suite du Tueur, des vocalises lupines plein les oreilles. Le grand blond à la cape rouge n’a toutefois guère le temps de ressasser son habituelle litanie misérabiliste que Gotrek, dont l’ouïe est aussi fine que son animal totem (l’acraga coa2), part en sprint dans les sous-bois en direction de la clameur d’une bataille toute proche… et disparaît corps et bien de notre histoire, tel un vulgaire PNJ de Skyrim, laissant Felix seul aux commandes de cette dernière.

Arrivé sur les lieux de l’esclandre, Felix se retrouve confronté à la méfiante hostilité d’une petite troupe de soldats, venant de repousser non sans mal les assauts d’une harde lupine. Prudence étant mère de sûreté, les survivants décident de faire prisonnier le bon samaritain, qui se retrouve menotté comme un vulgaire gilet jaune à l’arrière de la carriole des routiers – pas vraiment sympas pour le coup – où il fait la connaissance d’une autre prisonnière du comte Hrothgar, une dénommée Katarina dont le calme glacial et les remarques sibyllines semblent indiquer une inquiétante proximité avec la meute aux trousses de la soldatesque impériale. Pour ne rien arranger, Felix attire l’attention du sorcier de compagnie de son ravisseur, un certain Voorman dont ni l’haleine fétide, ni l’intérêt déplacé pour sa personne, ne sont au goût de notre héros, qui ne peut que maudire les oreilles aiguisées et les courtes jambes de son compagnon d’infortune.

Rendue quelques heures plus tard au pavillon de chasse de Hrothgar, la troupe investit les lieux et jette Felix et sa camarade dans une geôle sombre, froide mais pas vraiment bien fermée, ce qui se révélera assez utile par la suite, comme nous allons le voir. La visite de Voorman permet à Blondin d’en apprendre un peu plus sur sa situation, qui se révèle être assez précaire : le comte et son thaumaturge s’avèrent être des cultistes de Tzeentch, fomentant quelque obscur et indubitablement dangereux dessein, dont la réalisation nécessite l’implication du père de Katarina, loup-garou au pedigree impeccable. Ergo la capture de la gente demoiselle, ergo les attaques répétées de la part de la gent lupine que Hrothgar (du Nord) et ses sbires ont subi jusqu’ici. Si Felix ne souhaite pas ingérer dans les affaires des uns et des autres, il ne lui faut pas longtemps pour déterminer qu’il a davantage intérêt à coopérer avec Katarina que de faire cavalier seul. Profitant de l’étourderie manifeste de Voorman, qui repart sans verrouiller la porte, et de la confusion générale générée par l’intrusion de la meute dans l’enceinte fortifiée, la faute, une fois encore, à un verrou oublié, les gardés à vue se font la malle et se séparent rapidement.

Pendant que Katarina va faire ami ami avec les quadrupèdes, Felix erre dans les couloirs, et finit par surprendre une conversation entre Hrothgar et Voorman venant confirmer ses sombres pressentiments sur le dessein poursuivi par les deux crapules. Le sorcier parti euthanasier quelques clebards à grand coup de boules de feu, Felix sort de sa cachette, assomme Hrothgar et lui subtilise la dague magique avec laquelle le faquin avait menacé le mage quelques instants auparavant. Tout est alors prêt pour que le dénouement tant attendu (ou pas) prenne place. Un autre coup de chance (décidément, Felix n’a pas volé son nom) conduit le Baudelaire impérial dans une pièce où Voorman se confronte au grand méchant loup, que l’on devine être le père aimant de Katarina. Le triomphe du lycanthrope, qui décapite le sorcier d’un revers de patte, est toutefois de courte durée, l’esprit vengeur de l’arcaniste venant posséder son assassin quelques secondes après la décollation du premier par le second. C’était en effet l’objectif poursuivi par Voorman, qui souhaitait faire siennes l’immortalité et l’invulnérabilité supposées des loups-garous, et ainsi attendre pépouze la fin des temps. Bien entendu, sa rencontre avec Felix, et surtout, sa dague enchantée dérobée à Hrothgar, viendra mettre un terme définitif aux rêves de grandeur de notre ami le furry. Il reste alors 10 lignes à King pour terminer son histoire, ce qu’il fait en faisant arriver Gotrek (enfin !) et Katarina, la seconde prisonnière du premier. Quel sort le duo réservera-t-il à l’orpheline, pas vraiment innocente certes, mais qui ne leur a rien fait de mal à proprement parler ? Eh bien, on ne le saura pas (dans cette nouvelle en tout cas). Concluons sur ce constat, toujours d’actualité, que lorsqu’il y a un flou, c’est qu’il y a un loup. Et inversement.

1 : Dommage que la Fin des Temps ait pris place avant que le projet ‘J’irai occire chez vous’ se soit concrétisé. Je suis sûr que ça aurait fait un carton d’audience.
2 : D’où croyez-vous que la teinte orange de sa crète venait, enfin ? Et, oui, les mites font partie des espèces dotées de l’audition la plus performante du règne animal.

AVIS :

Il est assez dommage que Ulric’s Children laisse le lecteur sur sa faim (de loup, donc), car le récit brossé par King avait un potentiel certain, que la brieveté de l’histoire empêche de s’exprimer de manière aboutie. Je suis persuadé qu’une dizaine de pages supplémentaires après que Felix et Katarina soient sortis de leur cachot aurait pu permettre à cette nouvelle de se terminer de façon plus convaincante que l’enchaînement de non-péripéties qui mène au dénouement lapidaire et lacunaire qui est le sien. Pour tout dire, la dernière demi-page d’Ulric’s Children mérite la lecture afin de prendre la pleine mesure du caractère comiquement abrupt de sa conclusion. Il y avait pourtant beaucoup de pistes intéressantes à explorer avant de rayer la ligne « Tueur de Loup » de la bucket slaying list du petit rouquin teigneux, et notamment le personnage de Katarina, sorte d’Ulrika1 avant l’heure que King place au cœur de son récit avant de laisser totalement tomber. Un vrai loupé, si on me permet l’usage de cette tournure.

Si le choix de King de se passer de son personnage tutélaire pour cette soumission peut surprendre le lecteur, le pari aurait pu s’avérer payant si l’auteur avait permis à Herr Jaeger de s’illustrer de façon convaincante et spécifique : si Gotrek est une machine de guerre invincible, qui résout tous les problèmes auquel il est confronté à coup de hache, Felix aurait pu compenser par une approche un peu plus cérébrale et astucieuse de la situation. Ce n’est pas le cas ici, notre héros enchaînant les coups de chance critiques sans véritable réflexion de sa part. En cela, la comparaison avec l’élève Long n’est clairement pas à l’avantage du maître King, le premier faisant preuve d’une véritable aisance scénaristique, quand le second a davantage tendance à passer en maniaque automatique, les prouesses martiales du Nain disgracié venant meubler les intrigues simplistes concoctées par son auteur. Si la passation n’était pas encore proche au moment de la publication de Ulric’s Children (Mars 1999, soit 4 ans avant la sortie de Tueur de Géant, le dernier roman de King dans la série – à ce jour –), il est possible qu’une certaine lassitude ait déjà été à l’œuvre chez King à ce moment, ce qui expliquerait le caractère inachevé de cette nouvelle. Quoi qu’il en soit, cette dernière ne fait définitivement pas partie des bonnes pages de la saga de Gotrek et Felix, et sa lecture n’est indispensable qu’aux fans transis de la série.

1 : C’est-à-dire la jeune fille frappée d’une malédiction passible de mort dans les sociétés civilisées du Vieux Monde (la lycanthropie pour l’une, le vampirisme pour l’autre), mais dont les motivations ne sont pas intrinsèquement mauvaises, et qui demande juste à ce qu’on la laisse tranquille.

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Badlands Skelter’s Downhive Monster Show – M. Farrer [NDA] – #11 :

INTRIGUE :

NDA_Badlands Skelter's Downhive Monster ShowSkelter et sa bande de joyeux saltimbanques, acrobates et spécimens de foire voyagent de ville en ville dans la banlieue des ruches necromundiennes, garant leurs roulottes et dressant leur barnum sur les grand-places pour le bonheur des petits et des grands. De passage à Fever’s Break, la troupe ne va pas tarder à découvrir que cette charmante bourgade compte une forte proportion de résidents très, mais alors très conservateurs, que l’arrivée de baladins bariolés, basanés et écailleux (il y a un Scaly dans le lot) n’enchante pas le moins du monde. Et bien que la première confrontation avec l’éructant Jago, chef de la milice Cawdor locale, se solde par une victoire sans appel des visiteurs, grâce aux talents de pistolero de Skelter et à la charge de la brigade légère (des sump toads), ce n’est évidemment que partie remise pour l’affrontement entre carnavaleux et porteurs de masque. Une rivalité haute en couleurs et spectaculaire, s’il en est.

L’acte deux de cette bisbille se joue devant le tribunal local, quelques heures plus tard : le procédurier Jago a fait accuser les forains de ne pas respecter les diverses lois en vigueur à Necromunda en ce qui concerne le transport d’espèces menacées et menaçantes, le paiement des heures supplémentaires d’intermittents du spectacle, ou encore le contrôle de l’inertie psychique des sujets impériaux. Si le timing du dépôt de ces plaintes contraint Skelter à rembourser les billets de sa première représentation (un sort pire que la mort pour notre honnête bateleur), pour cause d’annulation de dernière minute, notre héros dispose bien de tous les permis et licenses nécessaires pour exercer sa noble et utile profession, ce qui rabat le clapet de son détracteur, dont l’éloquence ampoulée ne sauve pas du ridicule. Ce n’est toutefois pas la fin des ennuis pour les artistes persécutés, qui devront faire face à une attaque en bonne et due forme de la part du gang Cawdor au grand complet pendant leur représentation suivante, une bonne partie de leur public se révélant être des cultistes en civils n’attendant que le signal de leur chef pour mettre à bas les masques. Ou le contraire.

Dans la confusion qui s’en suit, nous emboîtons le pas à quelques personnages de la troupe (Skelter, le chasseur de primes retraité Kamusz, la dresseuse Tara, le Scaly Issig) alors qu’ils corrigent bellement les zélotes, plus doués pour chanter à la messe le dimanche que pour purger un cirque au lance-flamme. Pour des raisons qui m’ont échappé, les Cawdors semblent en avoir particulièrement contre les (nombreux) enfants de la troupe, ce qui n’est pas très gentil pour commencer, et met logiquement nos héros en rogne. Acculé à une roulotte avec le fils de Skelter comme otage, Jago rate sa sortie comme il a à peu près tout raté avant cela, et finit projeté dans l’enclos à ripper-jacks avec des conséquences aussi sanglantes que définitives, sans avoir pu mener à bien ses sombres desseins infanticides. Tout est donc bien qui finit bien, et la petite bande peut quitter sans regret Fever’s Break pour sa prochaine étape, qu’on leur souhaite moins agitée que celle-ci.

AVIS :

Farrer avait les cartes en main et le talent nécessaire pour faire de cette nouvelle au titre artistiquement alambiqué1 un petit OVNI drôlatique dans l’univers autrement plus violent et bas du front de Necromunda, mais force est de constater que la sauce n’a pas superbement pris dans ce ‘Badlands…’, et j’en suis le premier désolé. Si cette nouvelle a quelques moments de grâce comique, comme le trilogue de sourds entre Skelter, Kamusz et Tara dans l’antichambre du juge de Fever’s Break, elle semble hésiter entre un traitement au premier ou second degré de son sujet, avant de se terminer sur une scène d’action aux enjeux confus (pourquoi les Cawdors en ont-ils spécifiquement après la marmaille ?) et à l’exécution sans saveur. Pour les amateurs de GW-fiction loufoque mettant en vedette une troupe de baladins, leur ménagerie à la limite de la légalité et leurs déboires avec le bon peuple de la ville où ils ont planté leurs tentes, on conseillera donc l’ancien mais plus abouti ‘Pulg’s Grand Carnival’, preuve incontestable que la production littéraire commanditée par Games Workshop est d’une richesse insoupçonnée.

1 : En même temps, venant de l’auteur de ‘The Headstone and the Hammerstone Kings’, ce n’est pas très étonnant. Bon, il a écrit ‘Faces’ aussi, c’est donc qu’il sait faire simple quand il a envie.

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The Blessed Ones – R. Kellock [WFB] – #11 :

INTRIGUE :

Truand minable, Jurgen Kuhnslieb se voit forcer d’accepter une mission un peu particulière afin de pouvoir rembourser les nombreuses dettes de jeu qu’il a contractées. Chargé par un jeune noble décadent de voler un tableau dont son propriétaire ne souhaite pas se séparer, Jurgen va rapidement se rendre compte qu’il s’est empêtré dans une affaire aux proportions insoupçonnées, et que ses employeurs ne sont pas du genre à laisser un cambrioleur à la petite semaine se mettre en travers de leur chemin.

AVIS :

The Blessed Ones aurait sans doute gagné à être développé en « moyen format » (50 – 100 pages), plutôt que de se retrouver confiné à la vingtaine de pages de sa version définitive. La banalité de l’intrigue proposée par Rani Kellock, cousue de fil blanc et à la conclusion courue d’avance dès les premières lignes1, aurait pu ainsi être compensée par la mise en place d’une ambiance réellement oppressante, soulignant la traque impitoyable dont Jurgen fait l’objet de la part de ses clients. L’instillation d’une atmosphère de roman noir ne pouvant se faire que sur la durée, la relative brièveté de la nouvelle de Kellock ne lui a pas permis de parvenir à un résultat concluant, ce qui s’avère au final être assez dommageable.

1 : C’est bien simple, si un riche notable engage une petite frappe pour récupérer un artefact d’un genre un peu spécial, il y a environ 143,87% de chances que le commanditaire se révèle être un cultiste du Chaos/nécromancien/membre d’une organisation secrète.

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Ancient Lances – A. Hammond [40K] – #11 :

INTRIGUE :

40K_Ancient LancesDe retour sur son Attila natale après des années de bons et loyaux services, le commandeur Al’Kahan découvre avec stupeur que son monde et ses compatriotes se sont détournés de leur mode de vie ancestral, et se font exploiter sans vergogne par les marchands de l’Imperium. Outré par cette infamie, il rejoint ce qu’il reste de sa tribu, et l’entraine dans une vendetta sanglante contre des voisins indélicats, ayant fait leurs les pâturages et les troupeaux des clans environnants. La victoire acquise, il repart aussi sec dans le vaisseau par lequel il est arrivé, ayant visiblement décidé de passer sa retraite ailleurs que de ce bled paumé. Merde, ils n’ont même pas la wifi.

AVIS :

SAncient Lances s’avère plus consistant qu’Emperor’s Grace (dont le personnage principal, le Commissaire Streck, fait deux brèves apparitions en début et fin de nouvelle, sans qu’on comprenne trop ce qu’il vient faire dans cette histoire1), la seconde publication d’Alex Hammond comporte elle aussi son lot d’imperfections. On notera tout d’abord que l’auteur orthographie « Atilla » la planète d’Al’Kahan, ce qui laisse planer un gros doute aussi bien sur sa maitrise du background de la Garde Impériale que sur son niveau de culture générale. Deuxièmement, la meilleure progression narrative d’Ancient Lances par rapport à Emperor’s Grace (comprendre que la première se termine de manière un peu plus compréhensible que la seconde) n’empêche pas Hammond de perdre le lecteur par endroits, la faute à une absence de mise en exergue de points importants pour la compréhension de son propos.

Par exemple, lorsqu’Al’Kahan sort du vaisseau spatial qui l’a ramené sur Attila au début de la nouvelle, il se fait contrôler par deux Gardes Impériaux d’un autre régiment, qui lui demandent de présenter ses papiers. Notre héros s’exécute… et leur casse la gueule. Violence gratuite d’un vétéran psychotique ? Pas exactement, les victimes d’Al’Kahan appartenant au XIIIème régiment de Prakash, sauvé de la destruction quelques pages plus tôt par le sacrifice de la cavalerie Attilane. On peut donc comprendre que le vieux commandeur n’ait pas apprécié l’intervention des Prakashiens, et le leur ai fait savoir de manière appuyée. Seulement voilà, Hammond ne facilite pas ce travail de déduction, puisqu’il ne prend pas la peine de rappeler de manière explicite la cause de la rancune d’Al’Kahan envers ces deux pauvres bidasses, (trop) confiant qu’il est dans la capacité du lecteur à faire le lien entre les trois micro-passages où est mentionné le XIIIème Prakashien (dispersés sur neuf pages). Faut pas baisser la garde.

J’ai également eu du mal à accrocher au personnage d’Al’Kahan, vétéran couturé aux motivations aussi nébuleuses que son sens tactique2. Comme le fait remarquer le méchant de l’histoire juste avant de se faire trucider par le Zapata des grandes steppes, notre héros a beau gueuler contre les ravages de la galaxisation (c’est le même principe que la mondialisation, mais à l’échelle supérieure) sur Attila et se faire le défenseur des anciennes traditions de la planète, il ne se gêne pas pour utiliser l’arsenal de la Garde Impériale, beaucoup plus avancé que les armes de fer et de corne utilisées par ses compatriotes, afin de faire triompher sa cause. Bref, faîtes ce que je dis, mais ne regardez pas comment je le fais. On notera aussi qu’Al’kahan se barre juste après la victoire de son camp (abandonnant une deuxième fois sa femme et son – second – mari, mutilé par ses bons soins au passage), très probablement pour prendre possession de la province d’un autre monde lui ayant été promise en récompense de ses impeccables états de service. C’est ce qu’on appelle avoir de la suite dans les idées.

Toutefois, Ancient Lances est toutefois plus sympathique que pénible, en grande partie grâce aux détails de fluff apportés par un Hammond assez crédible dans son propos. Cette nouvelle a également le mérite de traiter des frictions pouvant naître de la rencontre de plusieurs cultures d’un niveau technologique très différent, sujet intéressant à aborder dans le cadre d’un empire galactique d’un million de mondes, où cette question doit évidemment se poser de manière récurrente sur pas mal de planètes. En conclusion, si vous ne deviez lire qu’un seul texte de Hammond, c’est celui-là que je vous recommande, et de loin.

1Ancient Lances se déroule un peu avant Emperor’s Grace, mais les deux nouvelles n’ont d’autre point commun que la présence de Streck dans l’un et l’autre. Je n’ai d’ailleurs pas bien compris pourquoi Ancient Lances figure après The Emperor’s Grace dans Into the Maelstrom, soit à l’inverse de l’ordre chronologique. Peut-être Hammond avait-il pour projet de développer une série dont Sterck serait le héros ? Malheureusement pour lui, Ibram Gaunt (et plus tard Ciaphas Cain) avait déjà pris la place du Commissaire héroïque au sein de la Black Library.
2« Salut tout le monde, c’est Al’Kahan ! Ça fait 30 ans que je vous ai quitté, mais maintenant que je suis revenu, vous allez tous faire exactement ce que je dis. »
« Et pourquoi ? »
« Parce que sinon, je vais devenir très méchant. Et comme presque tous les hommes en âge de se battre sont morts, je ne vois pas comment vous pourriez m’empêcher de devenir le nouveau chef de tribu. D’ailleurs, voilà la femme que j’ai épousée juste avant de partir me battre pour l’Empereur (je suis un vrai gentleman). Elle n’a pas l’air très contente de me voir, mais je vais lui offrir la main tranchée de son deuxième mari, ça lui fera plaisir. »
« Bon ok. On n’a pas le choix de toute façon. Mais on te prévient, on s’est fait volé tout notre cheptel par le clan d’à côté, dont le chef a construit une forteresse imprenable depuis laquelle il pille les terres alentours en toute impunité. »
« Pas de problème, j’en fais mon affaire. En ma qualité de soldat vétéran, je vous propose ce plan infaillible : nous allons charger les murs de son bastion à cheval, comme on le faisait à mon époque ! »
« C’est complètement con. »
« Et toi, à la prochaine remarque désobligeante, t’es complètement mort. Nan, mais en fait, je vous ai ramené quelques lances à têtes explosives, ça devrait faire de gros trous dans les murs, qui nous permettront de passer. »
« Ok, mais comment on arrive à s’approcher assez près pour utiliser ces armes fabuleuses ? La forteresse est entourée de pieux en acier, spécialement conçus pour briser une charge de cavalerie. »
« C’est pas un problème, j’ai également un fusil plasma, qui me permettra de détruire ces obstacles pendant notre glorieuse chevauchée ! »
« Heu, tu veux dire avant notre glorieuse chevauchée, non ? Genre on envoie un éclaireur préparer le terrain pour éviter les mauvaise surprises. »
« Pas du tout, on charge comme des débiles un ennemi bien retranché et mieux armé que nous, en faisant une confiance aveugle à mes talents de tireur. C’est non négociable. »
« C’est complètement c- »

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Daemonblood – B. Counter [40K] – #12 :

INTRIGUE :

DaemonbloodSur la planète (forcément bleeue) de Saafir, Papy Nurgle est sur le point de rafler le vote populaire, au grand dam des défenseurs impériaux dépéchés par Pépé (l’autre) pour passer la serpilière. Isolés par les aléas de la guerre, la Sœur de Bataille Aescarion et le Sergent Ultramarines Castus se retrouvent dans les souterrains de la capitale planétaire (éponyme), où se trouve s’étend une station d’épuration possédée par le Warp, forme physique imposante du Prince Démon Parmenides le Vil. Comme il est difficile de passer par l’épée, ou, dans le cas de cette brutale d’Aescarion par la hache énergétique, une flaque de morve et d’excréments couvrant plusieurs hectares, M. et Mme Meilleurs de l’Empereur sont bien embêtés. Profitant de leur désarroi, le vil Parmenides lave/salit le cerveau du Space Marine avec ses confidences crasseuses sur l’état de la galaxie, transformant le pauvre Castus en séide chaotique. Immunisée à cet insidieux virus par sa foi dévorante et absolue, Aescarion n’est cependant pas de taille à achever les souffrances et les errances métaphysiques de son compagnon, et ne doit son salut qu’à la robustesse de son jetpack, qui la ramène à la surface avant qu’elle ne se retrouve féminicidée par le renégat.

On n’échappe cependant pas aussi facilement à cette force puissante qu’est la Destinée au 41ème millénaire, et les routes d’Aescarion et de Castus se croiseront à deux nouvelles reprises pendant les décennies suivantes. La première fois lors de la purge d’un Space Hulk squaté par les suivants de Parmenides, dont Castus est devenu le porte-parole officiel. Castoche aurait pu se faire trouer les pores par un peloton de Sistas judicieusement gardé en réserve par Aescarion, n’eut été la compétence « corps de mouches » développée par le M. Impropre de Saafir, et qui lui permet de tirer sa révérence sans dommage. La seconde, et dernière fois, se déroule sur le vaisseau du Seigneur du Chaos, le Defixio1, et avec la bénédiction de l’Inquisition, qui souhaitait contenir l’expansion cancéreuse de l’empire spatial de Parmenides en envoyant un petit Exterminatus bien senti sur Saafir. Il fallait bien ça à la Canonnesse de l’Ordre du Calice d’Ebène, auquel Aescarion appartient, pour autoriser l’impulsive et revancharde vétérante à se mesurer une nouvelle fois avec sa Némésis. Les deux précédentes tentatives ayant eu un coût élevé en termes de vies de Sœurs de Bataille aguerries, on comprend sa réticence à permettre à sa sous-fifre de sortir à nouveau le karscher. La connaissance intime de notre héroïne de la mentalité et des forces et faiblesses de Castus en faisait toutefois la meilleure candidate pour mener l’expédition impériale jusqu’à bonne orbite, en dépit de la défense acharnée orchestrée par le fidèle Castus du pré de la décharge carrée de son seigneur et maître.

Ayant soigneusement préparé son combat en oignant sa hache de gel Harpic, Aescarion parvient assez facilement à vaincre son adversaire, mais ne l’achève pas immédiatement. Elle souhaite en effet le faire revenir du côté lumineux, et aseptisé, de la force avant qu’il ne soit trop tard, et parvient (assez facilement *2) à convaincre Castus de retourner sa veste énergétique. Cachant une balise de visée, ou quelque chose comme ça, entre deux bourrelets du champion déchu, elle envoie son ancien camarade apporter ses salutations les plus distinguées à Parmenides dans les profondeurs de Saafir, permettant à l’ex Ultramarine de partir avec les mains sales, certes, mais une ardoise propre2. C’est ce qu’on appelle passer l’éponge, grimdark style.

1 : Je précise car Counter a écrit une autre nouvelle portant ce nom, pour ceux que ça intéresse.
2 : Le fait que Parmenides ne se souvienne même pas du nom de son champion après toutes ces décennies de collaboration à également dû convaincre ce dernier d’envoyer tout balader.

AVIS :

Bien des années ont passé et bien des textes ont été écrits depuis, mais il faut se rappeler que c’est avec ‘Daemonblood’ qu’un tout jeune Ben Counter a fait ses débuts pour la Black Library, dans un numéro d’Inferno ! Si je ne placerais pas cette petite nouvelle parmi les meilleures soumissions de cet auteur, capable du moins convaincant1 comme du meilleur, cette première tentative a plutôt bien vieillie (notamment quand on la compare à certaines nouvelles publiées au début des années 2000), et s’avère assez solide dans sa réalisation, même si très peu originale dans son propos. Les milliards de Space Marinades qui nous ont été servies par la BL au cours des dernières décennies y sont sûrement pour quelque chose…

Ici, on peut tout de même mettre au crédit de Counter une conclusion un peu plus originale que le traditionnel « le-méchant-chaoteux-meurt-sur-un-gros-malentendu-avant-d’avoir-pu-mettre-son-plan-presque-infaillible-à-exécution », avec l’exploration d’un thème assez rare dans l’univers grimdark de 40K : la rédemption.  Cela compense largement à mes yeux les points techniques sur lesquels on pourrait venir lui chercher des noises, comme l’apparente facilité avec laquelle une « simple » Sœur de Bataille vétérante arrive à tailler des croupières à un Seigneur de la Peste. On apprendra d’ailleurs par la suite que la bonne Aescarion est une véritable héroïne d’action, ayant plus d’un Space Marine à son tableau de chasse, ce qui pourrait être perçu comme du féminisme de GW-Fiction avant-gardiste de la part de Ben Counter. Quel visionnaire alors…

1 : Vus les loustics qui ont bossé pour la BL, je ne peux pas décemment utiliser le qualificatif de pire pour la prose de Ben Counter. Il y a bien plus mauvais que lui.

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Deliverance – G. Thorpe [40K] – #12 :

INTRIGUE :

Sur la planète Georgia, ou un nom équivalent étant donné que sa « capitale » se nomme Deliverance et que ses habitants sont des rednecks tout ce qu’il y a de plus primitif, le hagard Araga, chasseur-cueilleur (de champignons hallucinogènes) de son état voit son trip roots tourner au psychédélique morbide lorsqu’une spore mycétique contenant un Lictor sautillant s’écrase à quelque distance de sa position. Trop stone pour faire autre chose que contempler le Xenos s’approcher en faisant des claquettes et agitant son chapeau haut de forme (il n’y a pas à dire, c’est de la bonne), notre brave McGuffin est sauvé d’une descente brutale et d’une mort certaine par l’arrivée à point nommé d’un peloton de Last Chancers, mené par notre ami et confident Kage, qui fait sa fête à l’immigrant clandestin avec une brutale efficacité qui aurait arraché des larmes de joie à Trump en personne.

Cette menue péripétie est le point de départ du récit de la défense de Deliverance par une force impériale regroupant, en plus des Légionnaires Pénaux de choc de l’impayable Colonel Schaeffer, une milice de braves indigènes et un contingent de Sœurs de Bataille, contre les hordes chitineuses du Grand Dévoreur. L’occasion pour Thorpe de confronter ses petits chouchous à une galerie de créatures sanguinaires et décérébrées, aux noms aussi étranges que Franx, Letts, Feonix, Truko et Kruzo, pour ne citer que quelques-unes de ces immondes formes de vie. Bref, la vie d’un organisme Tyranide n’est pas rose tous les jours, à supposer qu’il distingue la couleur. De son côté, le Lieutenant Kage narre avec son style inimitable la défense inspirée du périmètre impérial qu’il assure avec ses hommes. Et lui aussi est bon pour un passage en revue du bestiaire opposé, aux Gargouilles succédant des Termagaunts, Guerriers et même, Hormagaunt Ormahgard un petit Carnifex plutôt farouche. Il laisse toutefois le soin à son increvable autant qu’inflexible supérieur le soin de se farcir le Prince Tyranide qui mène l’assaut, ce que Schaeffer fait avec professionnalisme1 (et hors champ, ce qui est encore plus rapide). Bénéficiant de son armure en scenarium, même s’il finit la nouvelle à l’infirmerie, tout l’enjeu pour Kage est de conserver intacte la motivation fluctuante de sa mauvaise troupe, ce qu’il fait en alternant argumentaire pessimiste2, discours inspirant et mensonges éhontés, lorsqu’il aperçoit l’arrivée de transports de gardes impériaux et comprend que cette bonne nouvelle risque d’entrainer un coupable relâchement chez ses Légionnaires. Décidément, même au 41ème millénaire, le management reste un art délicat.

1 : Quel dommage qu’il n’ait pas été là sur Macragge pour baby-sitter cet empoté de Calgar contre le Maître des Essaims. Avec lui, ça n’aurait pas traîné.
2 : Top Ten Reasons of NOT Running Away From A Fight Against Tyranids (Number 3 Will SHOCK You ! – normal c’est un Trygon – ).

AVIS :

La défense d’un bastion quelconque contre une attaque de Tyranides est devenue au fil des années l’un des scénarios les plus communs dans le catalogue de la Black Library, et même si Deliverance1 peut se targuer d’être l’un des premiers textes couvrant le sujet publié par la BL, il y a fort à parier que le lecteur soit déjà familier de ce type de propos. L’approche méthodique que Thorpe utilise pour mener sa barque, en passant d’un type de bestiole hargneuse à l’autre et présentant pour chacune ses principales caractéristiques dans la foulée, à défaut d’être follement originale, remplit convenablement sa mission. La gouaille habituelle de Kage permet de faire passer plus facilement la pilule pour les lecteurs les plus blasés, et les insinuations du caractère paranormal de Schaeffer, qui donne également de sa personne lors des combats (chose assez rarement couverte dans les récits Last Chancers, généralement centrés sur Kage et les pauvres malheureux qui lui servent de réservoir à points de vie), apportent un supplément d’intérêt à Deliverance, même si cette piste intéressante n’est qu’à peine effleurée par Thorpe. Pour le reste, cette nouvelle est tout ce que l’on est en droit d’attendre de la part d’un affrontement entre la Garde Impériale et les cafards de l’espace, avec un body count des plus respectables et de l’héroïsme cheap à foison.

1 : On peut voir dans ce choix de nom un présage de la future relation particulière entretenue par Gav Thorpe et Corax. Nous étions au moment de la publication initiale de cette nouvelle huit ans avant le début de l’Hérésie d’Horus.

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The Doorway Between – R. Davidson [WFB] – #12 :

INTRIGUE :

WFB_The Doorway BetweenFrantz Heidel, chasseur de sorcières agoraphobe, est engagé par le baron von Kleist pour retrouver le pendentif qui lui a été dérobé par une bande de mutants sur la route de Bechafen. Escorté par un pisteur à tête de fouine du nom de Karl Sassen, notre héros se lance à la poursuite des voleurs dans l’arrière-pays de la capitale de l’Ostermark, sans se douter que son employeur ne lui pas dit toute la vérité au sujet de l’artefact qu’il doit récupérer.

AVIS :

The Doorway Between est un récit très classique (la quête d’un objet magique qui se révèle être maléfique), conduit d’une manière tout aussi classique par Rjurik Davidson. Sans être mauvaise, cette nouvelle est toutefois loin d’être mémorable, et ne mérite au mieux qu’une lecture rapide, tant il est possible de trouver mieux ailleurs dans le catalogue de la Black Library (pour les amateurs de chasseurs de sorcières, la trilogie Mathias Thulmann de C.L. Werner est à mon goût bien supérieure).

Lorgnant sur la fin vers la buddy story, lorsque Heidel et son rival Immanuel Mendelsohn sont contraints de faire équipe pour contrecarrer les plans de leur ennemi commun, The Doorway Between aurait sans doute gagné en intérêt si Davidson s’était davantage écarté des chemins battus de l’heroic-fantasy.

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Et voilà qui conclut ce voyage dans la memory lane infernale, plus de vingt ans après la publication initiale de ces nouvelles de l’An II d’Inferno!. À l’heure où le futur de cette revue devenue recueil est plus incertain que jamais1, revisiter ce glorieux et fantasque passé ne peut pas faire de mal. Rendez-vous prochainement ici-même pour le troisième volet de cette saga au long cours…

1 : Amazon nous informe (au moment où cette revue est postée) qu’un recueil thématique ‘Inferno! presents The Emperor’s Finest’, similaire à celui proposé l’année dernière (‘Inferno! presents The Inquisition’) sortira en Novembre 2022. Après ça, on ne peut plus qu’espérer…

INFERNO! – ANNEE 1

Bonjour à tous et bienvenue dans cette chronique dédiée à la première année du magazine Inferno!, bimensuel lancé par la Black Library au temps de ses débuts, en l’an de grâce 1997. Il s’agit donc, et il faut le préciser d’emblée, de publications distinctes des recueils Inferno! que la même BL a commencé à éditer, à intervalles irréguliers et de plus en plus distants, à l’automne 2018. On peut d’ailleurs plus facilement comparer ces premières publications infernales au défunt et regretté Hammer & Bolter (2010-2012), qui a repris une grande partie du cahier des charges d’Inferno! en se concentrant sur les nouvelles et avec un rythme de sortie plus soutenu (mensuel). Voilà pour la contextualisation1.

1: Si la genèse d’Inferno! vous intéresse, rendez-vous ici.

Sommaire Old Inferno!_Year 1 (MIS)

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Les six numéros, pour 24 nouvelles, présentés par le menu ci-dessous forment un pan historique important de la Black Library, et plus largement, de la GW-Fiction. C’est en effet dans ces pages que certains auteurs aujourd’hui incontournables de la maison d’édition de Nottingham ont commencé leur collaboration avec cette dernière. Gavin Thorpe et l’aptemment nommé ‘Birth of a Legend‘ (‘Inferno! #2’), Dan Abnett avec ‘Gilead’s Wake‘ (‘Inferno! #3‘) et ‘Ghostmaker’ (‘Inferno! #4), ou encore Jonathan Green – même s’il est moins connu du chaland moyen qu’au début des années 2000 -, qui signe le triplé des franchises avec ‘Salvation’ (‘Inferno!’ #1‘), ‘Bad Spirits’ (‘Inferno! #2′) et ‘Dark Heart’ (‘Inferno! #5′). Mais ce premier millésime est également marqué du sceau des disparus glorieux (à voir) de la BL, qui contribuèrent lors de son premier âge et partirent vers d’autres cieux peu de temps après. Citons ici Alex Hammond et Chris Pramas (3 soumissions chacun), mais également le cas d’Andy Jones et de ses Maraudeurs de Grunsson, qui occupa le rôle de rédacteur en chef d’Inferno! et d’éditeur des premiers recueils de nouvelles de la Black Library (‘Realm of Chaos pour Warhammer Fantasy Battle,Into the Maelstrom pour 40K et Status : Deadzone pour Necromunda), dont le sommaire empruntait en bonne partie à celui du bimensuel. Enfin, soulignons aussi le retour de celui qui était déjà un grand ancien de la GW-Fiction à l’époque, l’inoxydable William King, dont ‘The Mutant Master‘ occupe la place symbolique et méritée de première nouvelle publiée dans un numéro d’Inferno!

Bienvenue donc dans cette plongée historico-littéraire et littéralement historique (on peut sans exagérer dire que l’on parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître) du court format made in GW, à l’époque où le Vieux Monde avait la vie devant lui, où Necromunda était le tout nouveau jeu du moment, et où les gens s’abonnaient à des magazines de fluff romancé en format papier. Incroyable je sais.

Couverture Année 1

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The Mutant Master – W. King [WFB] – #1 :

INTRIGUE :

Après Bogenhafen, Blutdorf1. Nous retrouvons notre paire fétiche dans une situation similaire à celle de l’initial ‘Geheimnisnacht’, c’est-à-dire à pinces dans une forêt impériale assez mal famée, avec un Gotrek d’une humeur aussi massacrante que sa profession de foi et un Felix tout aussi geignard et craintif que l’on est en droit de s’y attendre. Coup de chance pour l’acariâtre à crête, ses gesticulations et beuglements impudiques finissent par attirer l’attention d’une petite troupe de mutants, à la verticalité tout aussi contrariée que celle de notre héros. Un peu déçu de sa trouvaille, Gogo massacre tout de même la cohorte en quelques moulinets de sa hache runique, histoire de se dégourdir un peu la rancune, aidé par Felix à la hauteur de ses moyens.

Une fois arrivés dans le village en question, qui s’avère être tout aussi riant que la périphérie semi-rurale de Niort ravagée par une coulée de boue toxique et survolée par des essaims de criquets cannibales écoutant du Jul à fond un jeudi soir pluvieux de Février (ambiance), nos comparses fondent sur le bar tabac local, où ils ont tôt fait d’apprendre qu’un sorcier maléfique a placé la paisible communauté sous sa coupe, et kidnappé tous les enfants de cette dernière pour s’assurer de la docilité de leurs parents. Il n’en faut pas plus pour attirer l’intérêt morbide mais professionnel du Tueur, que la perspective de se confronter à un magicien chaotique et son monstre de compagnie enchante plus qu’autre chose. Las, le boui-boui était tenu par un lointain cousin de Bill Cosby, et nos héros ne tardent pas à sombrer dans l’inconscience après avoir éclusé quelques pintes de Jupiler éventée…

Se réveillant enchaînés aux parois d’un cachot souterrain, les vigilante du Vieux Monde ne tardent pas à faire la connaissance de leur hôte, un dénommé Albericht Kruger, que Felix a la surprise de reconnaître. Les deux hommes ont en effet fait leurs classes universitaires ensemble, avant que le militantisme alter-mondialiste pour l’un et le vol de manuscrits interdits pour l’autre ne les sépare. Poursuivant des rêves mégalomaniaques d’omnipotence arcanique, Kruger s’est depuis lancé à corps (de lâche) perdu dans la recherche fondamentale, troquant son âme et sa raison pour la maîtrise revendiquée de la transmutation magique. Soit. Sa prestance de bigorneau diphtérique est toutefois renforcée par la présence de son mutant de main, une montagne de muscles décérébrée répondant au nom d’Oleg. Pendant que Gotrek fait des pieds et des mains pour desceller les anneaux le retenant au mur, Felix arrive à attirer l’attention de son copain d’avant suffisamment longtemps pour permettre au nabot de se déchaîner, d’abord au sens propre, puis au sens figuré. La bataille qui s’en suit est évidemment à sens unique, l’avorton en rut ne daignant même pas ramasser son coupe-chou pour terrasser le gorille de Kruger, qui s’enfuit piteusement dans ses quartiers…

Début spoiler…Soucieux de soigner leur réputation auprès des Blutdorfers, qui ont sans doute du stuff pas dégueu en stock pour les aventuriers amis, Felix et Gotrek décident de finir le donjon proprement avant de repartir péter la gueule à ce fourbe d’aubergiste, en occissant l’infâme Albericht et libérant ses otages. Il leur faudra pour cela se frayer un chemin à travers les groupes (hordes serait un peu trop généreux) de mutants que le mage dément met sur leur route, avec des résultats mitigés, comme vous pouvez vous en douter. Blessé à mort par une dague de jet décochée par Felix (encore un point commun avec Geheimnisnacht), Kruger peut toutefois savourer une revanche post mortem, puisqu’il apprend aux héros, juste avant de gagner un stage de solo base jump (donc sans équipement, comme par exemple un parachute), que les goons qu’ils viennent de massacrer – et avant eux, la petite bande exterminée sur le chemin du village – n’étaient autres que les enfants de Blutdorf, sur lequel le sombre individu avait mené d’indicibles expériences. Comprenant que l’accueil à la salle des fêtes de Blutforf ne sera pas aussi triomphant que prévu, notre paire fait une croix sur le rang d’Exalté auprès de la populace locale, et repart vers de nouvelles aventures après avoir mis le feu à la barraque pour maquiller ses crimes.Fin spoiler

1 : Le village sanglant en bon reikspiel, tout un programme…

AVIS :

Clairement un filler dans la longue et sanglante carrière de nos compères, ‘The Mutant Master’ présente Gotrek et Felix sous un jour plutôt ennuyeux. Enfermés dans leurs rôles respectifs, et lancés sur une quête des plus simplistes, tant en termes de motivation que de déroulement, les héros de King apparaissent vidés de toute substance et intérêt dans cette péripétie des plus mineures de leur interminable saga. Peut-être faut-il y voir un début de lassitude de la part de King, qui traînait déjà ses iconiques rejetons derrière lui depuis huit ans au moment de la première publication de cette nouvelle. Seule qualité rédemptrice à mes yeux, le petit twist grimdark final, contrastant assez fortemment (et même grossièrement) avec le ridicule consommé de l’antagoniste, permet d’ancrer ce récit dans l’atmosphère particulière de Warhammer. Mais, franchement, ‘Geheimnisnacht’ faisait cela (le grimdark et le comique) beaucoup mieux que ‘The Mutant Master’. Demandez l’original !

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Salvation – J. Green [40K] – #1 :

INTRIGUE :

Salvation suit la laborieuse épopée de frère Rius (André de son prénom), Terminator de son état au sein de la première compagnie des Ultramarines. Envoyés défendre le monde de Jaroth contre un car de tyranides s’étant perdu sur la route d’Ichar IV, Rius et ses petits camarades tombent dans une embuscade tendue par des Genestealers, au cours de laquelle notre héros prend un vilain coup sur le crâne, et se réveille en conséquence totalement amnésique. Recueilli par la population indigène, Rius fera-t-il triompher son village d’adoption aux Intervilles locales, ou renouera-t-il avec son passé de meilleur de l’Empereur ?

AVIS :

Comme dit en introduction, se frotter aux descendants de Guiliman s’apparente plus un à exercice de haute voltige qu’à une promenade de santé, l’abondante littérature leur ayant été consacrée au fil du temps obligeant l’auteur chargé de cette délicate mission à se livrer à un véritable travail de recherche afin de respecter le background établi par ses prédécesseurs. Certes, le fluff des Schtroumpfs énergétiques n’était pas aussi fouillé à l’époque de l’écriture de Salvation qu’il ne l’est aujourd’hui (où l’on connaît jusqu’au nom du cousin de la belle-sœur du professeur de piano d’Uriel Ventris), mais cela n’a pas empêché Green de pêcher, par nonchalance ou ignorance crasse, comme un bleu.

C’est en effet à un festival d’approximations, de contre-sens et absurdités en tous genres que Jonathan Green se livre dans Salvation, témoignage douloureux (pour les zygomatiques et les fluffistes acharnés) de ses lacunes en matière de 41ème millénaire. Cela commence très fort dès la deuxième ligne du récit, avec la mention de « vétérans de la Première Compagnie d’Ultramar », illustres guerriers n’existant que dans la représentation confuse que se fait l’auteur du Chapitre des Ultramarines. Quelques pages plus loin, Green fait mention de « cette vieille Terre » (Old Earth), ignorant sans doute que les gens respectables parlent plutôt de Terra. L’inclusion de la nouvelle dans la chronologie de Warhammer 40.000 ne m’a également pas semblé au-dessus de tous soupçons, Rius étant présenté comme un vétéran d’Ichar IV alors que les tyranides qu’il affronte semblent plutôt appartenir à la flotte ruche Béhémoth (corps rouges/violets), annihilée 200 ans avant l’arrivée de Léviathan dans l’espace impérial. On lui laissera cependant le bénéfice du doute, d’autres critiques plus franches, et celles-là indiscutables, pouvant lui être adressées.

Car la plus grande atteinte au fluff commise par Green très peu documenté ne vient pas tant du manque de connaissances de ce dernier sur les Ultramarines, mais bien de son manque de connaissances sur les Space Marines en général, décrits par l’auteur comme de vulgaires super-soldats disposant d’un équipement de pointe, tableau ultra (haha) réducteur et sensiblement erroné de la condition d’Ange de la Mort. Par exemple, Green affirme sans broncher que la présence des Ultramarines sur le monde de Jaroth s’explique par la présence du Gauntlet of Macragge (présenté comme rien de moins que le vaisseau amiral de la flotte Ultra – inutile de préciser que c’est la seule fois où il est fait mention de ce nom dans un texte de la BL1– ) à proximité de la planète suite à une « visite de routine dans l’Est de l’Ultima Segmentum ». Et les Space Marines, bien braves, de voler à la rescousse d’un monde tribal ne faisant même pas partie de l’Imperium, et d’envoyer la crème de leurs vétérans (qui n’avaient rien d’autre à faire que de participer à cette patrouille, sans doute) castagner la Grande Dévoreuse pour sauver trois poules et deux cochons, au lieu de lui balancer un petit Exterminatus sur le coin du museau depuis la sécurité de l’orbite haute. Bref, les Ultramarines de Jonathan Green tiennent plus des casques bleus galactiques (c’est la couleur qui l’a induit en erreur je pense) que des moines-soldats cherchant avant tout à sauvegarder leur empire personnel d’une galaxie hostile et méchante.

Beaucoup plus grave, Green fait reposer son intrigue sur une aberration, que dis-je, une hérésie pure et simple, qui ne manquera pas d’arracher un sanglot de rage à tous ceux n’ayant ne serait-ce que feuilletés distraitement un Codex Space Marines au cours de leur vie. Au moment de l’embuscade qui laisse Rius amnésique, son escouade était en effet engagée dans une opération de nettoyage des dernières poches de résistance tyranides de la planète (oui, de la planète, ils avaient visiblement un peu de temps devant eux), mission perturbée comme dit plus haut par une bande de Genestealers adeptes du « coucou qui c’est ? ». Résultats des courses : l’épave de Thunderhawk qui servait de décor à l’embuscade en question explose suite à une utilisation peu finaude du lance-flammes par frère Hastus, projetant notre héros contre un arbre à l’écorce visiblement plus dure que son crâne, vus les résultats désastreux sur ses facultés mnémoniques. Le paragraphe suivant nous apprend que Rius se réveille, seul, dans la maison du couple qui l’a recueilli2 suite à sa funeste rencontre avec un tronc (Georges de son prénom), ce qui signifie (accrochez-vous) que les Ultramarines sont repartis de Jaroth sans chercher à s’enquérir du destin d’une entière escouade de Terminators, faute de quoi ils auraient fatalement retrouvés Rius, qui n’a pas dû atterrir bien loin du lieu de l’explosion.

Je veux bien que les Ultra soient un Chapitre pétés de thunes, mais de là à « oublier » cinq armures Terminators sur une planète de huitième ordre (sans parler de la valeur intrinsèque des bonhommes occupant lesdites armures : ce n’est pas comme si la Première Compagnie des Ultramarines s’était faite massacrée jusqu’au dernier pignouf quelques années plus tôt, hein), il y a une sacrée marge tout de même. Dans la catégorie relique à la valeur incommensurable, une Crux Terminatus (avec un vrai morceau de l’armure de l’Empereur dedans !) ça se pose là tout de même, alors cinq… Malheureusement pour tout le monde, et surtout pour lui, Green ne voit cependant aucun problème à faire disparaître totalement le reste des Marines de Salvation passé ce moment, ce qui donne au lecteur la furieuse envie d’emboîter le pas de ces derniers, et de tourner la page (dans tous les sens du terme) de cette piètre nouvelle.

Avec tout ça, on en oublierait presque que Green n’est pas, même lorsqu’il maîtrise un tant soit peu son sujet, un écrivain des plus intéressants, son absence de style le rendant parfait pour pondre des encadrés d’ambiance génériques dans les Codices GW, mais beaucoup moins convaincant dès qu’il s’agit de garder le lecteur en haleine plus de trois paragraphes d’affilée. Seul personnage un tant soit peu développé de Salvation, Rius (du latin rius, ce qui veut dire rillettes) pâtit particulièrement du manque d’inspiration de son créateur, et justifie à lui seul l’image de fadeur bleuâtre ayant poursuivi les Ultramarines depuis la création de Warhammer 40.000. Pour être honnête, le personnage le plus charismatique de la nouvelle reste à mes yeux, et de loin, le brave Carnifex faisant office de boss de fin, talonné de près par le Prince tyranide nain3 dézingué hors champ quelques pages plus tôt par la bleusaille en colère.

Imparfait sur le fond comme sur la forme, Salvation est la preuve irréfutable que la BL publiait vraiment n’importe quoi à ses débuts, sale habitude dont elle n’est malheureusement toujours pas guérie à l’heure actuelle. On notera pour finir que Salvation a réussi à se faire rééditer dans l’anthologie Let the Galaxy Burn (2006), présentée au moment de sa sortie comme la somme des nouvelles les plus remarquables jamais écrites pour 40K. Remarquable, oui, c’est le mot.

: On notera tout de même le fétichisme des Ultramarines (ou de leurs auteurs) en matière de « gantelets » quand on en vient au baptême de leurs vaisseaux. À l’hypothétique Gauntlet of Macragge viennent ainsi s’ajouter le Gauntlet of Victory et le Gauntlet of Glory, ce qui nous fait trois moufles et ouvre des perspectives intéressantes quant à un hypothétique « troisième bras » de Roboute Guilliman. Moi je dis que si Fulgrim s’est enquiquiné à venir égorger son frangin bien après la fin de l’Hérésie d’Horus, c’est qu’il avait ses raisons.
2 : « Chérie, j’ai une surprise pour toi ! »
« Tu m’as ramené des fleurs ? C’est trop ge- »
« Euh, non, pas exactement des fleurs. »
3 : « The hive tyrant was a truly terrifying figure to behold. The monster stood over two metres tall […] »
Sachant qu’un Space Marine normal taille dans les deux mètres cinquante, et qu’engoncé dans une armure Terminator, il frôle les trois mètres, je ne vois pas pourquoi il souillerait son slip à la vue d’un gros criquet.

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The Demon Bottle – A. Hammond [NDA] – #1 :

INTRIGUE :

Dure journée pour Sarak le (demi) Ratskin. Réveillé de bon matin (07:00) par une tentative de meurtre raciste intentée par un prêcheur Cawdor au tempérament plus incandescent que son lance-flamme – et heureusement pour notre héros –, notre ivrogne désoeuvré échappe de justesse au lynchage et s’en va se remettre de ses émotions en assouvissant son penchant coupable pour la dive bouteille. Son statut d’homme à tout faire de la colonie du sous monde où il occupe la position exaltée de marginal alcoolique lui vaut cependant de risquer à nouveau sa vie dans la même matinée, sa mission de nettoyage du conduit d’aération de son lieu de villégiature habituel passant à un cheveu du drame. C’est que la faune locale de Necromunda est autrement plus agressive et mortelle que nos bêtes grenouilles et hérissons. Cela ne fait que renforcer sa motivation d’émigrer vers le haut de la ruche, qu’il s’imagine être une sorte de Disneyland peuplé de pole dancers parfumées. Son désir d’une vie meilleure est toutefois contrarié par une rencontre pas vraiment fortuite avec les sbires d’Otto Gunta, un gros bonnet du crime local, qui souhaite instamment lui parler et n’a pas pour coutume d’attendre le bon vouloir de ses débiteurs.

Une injection de tranquilisants et un réveil difficile plus tard, Sarak se retrouve dans une position qui l’est tout autant. Gunta demande à être remboursé séance tenante, mais la valeur des possessions physiques du (demi) Ratskin ne couvre pas la moitié de son encours, même en prenant en compte la vente de son cadavre à l’usine Findus la plus proche. Qu’à cela ne tienne, les talents d’exterminateur de nuisibles de Sarak donnent une idée au parrain, dont le territoire a été envahi par une bande de mutants cannibales difficile à déloger (saleté de trève hivernale). Le poivrot n’a qu’à s’arranger pour régler son compte au chef des squatteurs, par exemple en glissant un peu d’eau de javel dans son hydroxychloroquine, et son ardoise sera effacée. Plus facile qu’à dire qu’à faire, mais sous le regard vigilant et la menace implicite du gros bras de Gunta, un (demi) cyborg nommé Lugtekk, Sarak n’a d’autres choix qu’obtempérer. Il peut heureusement compter sur les largesses de son employeur, qui lui fournit un déguisement convaincant de Scavvy ainsi qu’un cadavre frais pour la soupe de ses futurs meilleurs copains, avant de partir en mission.

Cette journée déjà riche en événements va alors prendre un tour encore plus frénétique, puisqu’après avoir réussi à gagner la confiance de ses hôtes, Sarak parvient à glisser les pilules empoisonnées de Gunta dans la bouteille de WildSnake de sa cible (Hoegas), mais est témoin du meurtre de cette dernière par un rival mécontent (Blotta). Devenu calife à la place du calife, cet infâme communiste de Blotta insiste pour que tous les membres de la tribu prennent une rasade à sa boutanche – son coup d’état n’a été causé que par l’égoïsme de Hoegas, c’est dire s’il avait soif – à commencer par Sarak. Notre héros s’exécute, espérant survivre assez longtemps pour recevoir un éventuel antidote de la part de Gunta, mais doit avant cela suivre les Scavvies dans l’attaque d’une caravane de Guilders. Le cadavre apporté par le (demi) Ratskin avait en effet une carte sur lui, assez détaillée pour donner envie à une bande de goules basses du front de fomenter une embuscade. Il s’agissait évidemment d’un piège de Gunta, dont les hommes occupent les lieux et commencent à flinguer à tout va les mutants en goguette. Comme si la situation n’était pas assez critique, Sarak finit par se rendre compte que les pilules magiques qu’il a glissé dans le pinard sont du spook, une substance psychoactive provoquant au mieux des hallucinations, au pire des possessions démoniaques. Notre héros n’étant pas dans un bon jour, c’est le deuxième cas de figure qui se produit, et le (demi) Ratskin se retrouve contraint de partager son corps avec le démon le plus chill du Warp1, ce qui est tout de même pratique pour encaisser une fusillade à bout portant sans effets secondaires désagréables, comme la mort par exemple. Sarak n’a cependant pas dit son dernier mot, et abat sa dernière carte pour faire la nique à ses bullies avant de tirer sa révérence : atteindre le Nirvana sans crier gare, ce qui met fin à la possession, et faire un gros calin au mafieux alors qu’il a été transformé en torche humaine par son infection chaotique, pour entraîner Gunta dans la tombe. Je ne sais pas si on peut lier ce décès aux dangers de l’alcoolisme, mais il y a définitivement une morale à cette histoire, si on cherche bien.

1 : Vous en connaissez beaucoup des neverborn qui appellent leur hôte « boyo » ?

AVIS :

Difficile de dire si c’était l’effet recherché par Alex Hammond lorsqu’il a écrit ‘The Demon Bottle’, mais on ressort de cette courte (9 pages) nouvelle avec un début de mal de crâne similaire à celui que pourrait causer une gueule de bois. En cause, la deuxième moitié hystérique de cette histoire, qui fait s’enchaîner les péripéties avec une frénésie digne d’un Héraut Exalté de Khorne. Ce grand final foutraque vient très largement masquer les points positifs que l’on pouvait mettre au crédit de Hammond, comme sa réflexion sur les illusions que les habitants du sous monde se font de la réalité des étages mieux famés de la ruche Prime1, ou les petites touches humoristiques que l’auteur a intégré à sa narration. Un éditeur critique aurait demandé à ce que la fin de ‘The Demon Bottle’ soit plus cohérente, ou accordé cinq pages de plus pour laisser l’intrigue respirer un peu plus, mais à l’époque farouche à laquelle ce texte a été écrit et publié, je doute que la BL disposait des ressources et de l’envie nécessaires pour soigner la qualité de ses sorties. On peut d’ailleurs toujours se poser la question aujourd’hui d’ailleurs. Dommage donc pour ‘The Demon Bottle’, que l’on peut remiser sans regret sur la pile des nouvelles médiocres de la Black Library.

1 : Sujet en partie récupéré par l’auteur pour ‘Rat in the Walls’ ceci dit.

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Grunsonn’s Marauders – A. Jones [WFB] – #1 :

INTRIGUE :

Les maraudeurs de Grunsonn (un nain crado, un elfe libidineux, un barbare chermanik et un impérial benêt) sont engagés par un sorcier pour retrouver une relique enchantée, le « mythique » Doigt de Vie (Finger of Life), qui repose sous bonne garde dans une caverne oubliée des Montagnes Grises.

AVIS :

Attention, OVNI. S’il n’est pas rare pour le lecteur de la BL de rire un bon coup en parcourant les textes des contributeurs les moins doués de cette auguste maison d’édition, il est en revanche bien moins courant que cette hilarité ait été sciemment recherchée par l’auteur au moment de l’écriture de son texte.

C’est toutefois indéniablement le cas avec ce ‘Grunsonn’s Marauders’, première des deux nouvelles consacrées par Andy Jones (également co-éditeur du recueil ‘Realm of Chaos’ dans laquelle ce texte a été publié pour la première fois) au plus improbable quatuor de héros de l’histoire de la Black Library. Faisant feu de tout bois, Andy enchaîne dialogues absurdes, comportements parodiques, péripéties grotesques et calembours de comptoir (mention spéciale au barbare de la bande, le bien nommé Keanu the Reaver), pour un résultat dans la droite ligne de bouquins tels que ‘Lord of the Ringards’, ‘Bilbo the Postit’ ou encore ‘La Der des Etoiles’. Etant donnée la brièveté de l’opus et son caractère résolument novateur par rapport au med-fan premier degré qui caractérise la BL, la sauce prend toutefois mieux que pour les « chefs d’œuvre » précédemment cités, ce qui n’est pas plus mal.

Bref, ‘Grunsonn’s Marauders’ est une lecture indispensable pour tous les acharnés de la Black Library, une curiosité tout autant qu’une relique d’une époque où Games Workshop ne se prenait pas encore (trop) au sérieux. Un vrai collector1.

1: Pour la petite histoire, les maraudeurs de Grunsonn étaient les personnages de la bande Heroquest d’Andy Jones et de son cercle d’amis. Ce qui explique beaucoup de choses.

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Birth of a Legend – G. Thorpe [WFB] – #2 :

INTRIGUE :

‘Birth of a Legend’ relate un épisode central du background de Warhammer, à savoir le sauvetage du Haut Roi Kurgan par une cohorte d’Unberogens en vadrouille.

Capturé par le Big Boss Vagraz Head Stomper alors qu’il se rendait dans les Montagnes Grises pour un tournoi de belote, notre pauvre nain est sur le point de finir dans la marmite des peaux vertes lorsque ses ravisseurs se font soudainement attaquer par une bande d’humains hirsutes menés par un adolescent très énervé. Ce dernier, bien aidé par le marteau que lui prête obligeamment son nouveau pote barbu, renverse le cours de la bataille en concassant le crâne de Vagraz d’un revers à une main (long de ligne)1. La nouvelle se termine par une présentation en règle des nouveaux BFF, le sauveur providentiel n’étant nul autre que…

Début spoilerLaurent Delahousse2.Fin spoiler

1 : Punk jusqu’au bout, le Big Boss envoie un bon gros fuck des familles à Sigmar juste avant que ce dernier ne l’achève. That’s the spirit.
2 : Bon, ok, en fait c’était ΣR. Il n’y a que Gav pour ménager de telles « surprises » à ses lecteurs.

AVIS :

Dix ans avant le lancement de la collection Time of Legends, Gavin Thorpe se paie donc le luxe de mettre en scène un évènement qui n’était jusqu’alors couvert que dans la partie fluff des livres d’armées de Warhammer. Et force est de reconnaître qu’il s’en tire plutôt honorablement (bien mieux en tout cas que pour Aenarion, methinks), sa version de ce passage marquant de la geste Sigmarienne s’inscrivant dans la droite ligne de ce qu’on savait déjà du personnage, et permettant au fluffiste sommeillant dans chaque lecteur de la BL de grappiller quelques détails supplémentaires sur la vie du Musclor de GW. Je ne suis pas loin de penser que Gav n’est jamais aussi bon que lorsqu’il donne dans le background romancé (surtout quand il y a du nain dedans) plutôt que dans la pure fiction. En fait, je le pense vraiment.

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The Black Pearl – C. Pramas [40K] – #2 :

INTRIGUE :

Fraîchement nommé Chapelain Interrogateur, Uzziel des Dark Angels emmène ses frères sur le monde exodite de Lughnasa, afin de vérifier une information obtenue du premier Déchu qu’il a capturé. Selon la confession du traître, la mythique épée du Lion, maniée par le Primarque de la première Légion au cours de la Grande Croisade, et perdue au cours de la destruction de Caliban, reposerait en effet dans un temple de cette planète.

AVIS :

Une nouvelle rythmée et assez bien construite, dans la droite lignée d’Into the Maelstrom. Comme cette dernière histoire, The Black Pearl se termine par un petit twist1 qui, sans être transcendant, conclut le récit de manière opportune et démontre que Pramas a bien intégré les codes de 40K (Praaaaa-maaaaaaaaas…ton univers impitoyaaaa-aaa-bleuh).

Reste qu’utiliser les Dark Angels comme protagonistes est un exercice périlleux, les multiples couches de secrets et de rumeurs entourant les Impardonnés obligeant l’auteur à procéder avec prudence. Malgré sa maîtrise du background (mention est faite de Moloc(h)ia, Chapelain Interrogateur détenteur du highest score en matière de confessions de Déchus), Pramas se prend les pieds dans le tapis pelucheux du fluff des Anges de la Mort à quelques reprises. Rien de très grave, je vous rassure, mais il fallait tout de même que le signale. Paradoxalement cependant, ce sont les (petites) révélations sur le passé des Dark Angels glissées par Pramas dans The Black Pearl2 qui constituent l’intérêt principal de la nouvelle. Les vieux de la vieille apprécieront aussi la présence de chevaliers dragons Exodites en tant qu’antagonistes, même si l’auteur se contente de les balancer sur les Space Marines dans une reconstitution futuriste de la charge de la brigade légère (si tant est qu’un chevaucheur de megadon puisse être considéré comme un cavalier léger) à la bataille de la Balaklava, et ne s’attarde donc guère sur la culture de ces fiers guerriers tribaux.

Honnête mais finalement assez terne, en ce qu’elle n’explore pas assez à mon goût la psyché si particulière des Dark Angels (une joyeuse bande de zélotes psychorigides et intolérants au plus haut point, à la fois arrogants à l’extrême et terrifiés à l’idée que le reste de l’Imperium apprenne leur honteux petit secret), The Black Pearl constitue une lecture assez dispensable, sauf si vous êtes un amateur inconditionnel de Lionel et de ses fistons. 

1: L’épée du Lion se révèle au final être l’épée de Luther.
2: Référence à la perle noire que les Chapelains Interrogateurs des chapitres Impardonnés ajoutent à leur Rosarius pour chaque Déchu qu’ils « convainquent » de se confesser.

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Hatred – B. Chessell [WHB] – #2 :

INTRIGUE :

La vie tranquille de Kurtbad, un village en déréliction situé en plein cœur de l’Averland, est bouleversée par le meurtre de l’un de ses habitants, puis par l’arrivée soudaine d’un chasseur de sorcières mal en point. Alors que la traque du tueur s’organise, la destinée de quatre Kurtbader (-iens? -ois? -ais?) va être changée à jamais.

AVIS :

‘Hatred’ s’avère être un huis-clos à l’ambiance particulière et la construction soignée, deux caractéristiques faisant l’originalité et l’intérêt de cette nouvelle de Ben Chessell.

Le style purement factuel déployé par l’auteur pour raconter le drame se jouant à Kurtbad, les vérités énoncées à demi-mot et ne faisant sens que bien plus tard dans le récit, l’inclusion de passages écrits à la première personne depuis le point de vue de l’antagoniste (dont on ignore l’identité jusqu’aux dernières pages) entre le récit des péripéties, ou encore l’approche résolument anticonformiste qu’à Chessell du Chaos et de son effet sur les êtres vivants qu’il touche et transforme, sont autant de raisons de lire et d’apprécier ‘Hatred’, qui est assurément l’un des meilleurs « très courts formats » (15 pages) de la Black Library.

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Tenebrae – M. Brendan [40K] – #2 :

INTRIGUE :

‘Tenebrae’ relate les derniers moments du gouverneur planétaire Dane Cortez, alors qu’il contemple les forces du Chaos prendre d’assaut la capitale de son monde. Seul dans sa chambre de commandement, Cortez se remémore les évènements ayant conduits à la débâcle actuelle, et assiste à l’arrivée du général des hordes chaotiques, Lord Vog des Word Bearers, sur la place centrale de la capitale. Le réquisitoire sans concession qu’il dresse de ses errements et erreurs en tant que régent de Tenebrae (le nom de la planète qu’il dirige), et la colère qu’il éprouve envers l’Imperium pour avoir abandonné cette dernière dans son heure de besoin finissent par ouvrir un portail Warp dans son sanctuaire, duquel s’extirpent une poignée de Sanguinaires en goguette. Cortez aura alors un ultime choix à faire : au nom de qui, ou de quoi, donner sa vie ?

AVIS :

Mark Brendan (dont c’est la seule contribution connue à la Black Library) signe avec Tenebrae un texte assez étrange. L’approche adoptée à beau être originale, privilégiant l’examen de conscience de Cortez à une banale scène de guerre urbaine, on ne peut s’empêcher de se demander « et alors ? » à la fin de la lecture de cette courte nouvelle (15 pages). Il ne se passe en effet pas grand-chose dans Tenebrae, si l’on met de côté les atermoiements et imprécations de notre héros, entrecoupés de quelques flashbacks explicatifs (où l’on comprend comment Cortez est arrivé à la tête de la planète, en récompense de ses bons services dans la Garde Impériale) et rapports sur l’avancée des troupes adverses dans Wormwood (la capitale de Tenebrae, tu parles d’un nom). Malgré sa bonne volonté, Brendan n’a pas le talent de Brian Craig pour tenir son lecteur en haleine de manière non-violente, ni le souci du détail d’un Abnett ou d’un Dembski-Bowden, lacunes faisant de Tenebrae une curiosité assez fade au final. Rideau.

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Gilead’s Wake – D. Abnett [WFB] – #3 :

WFB_Gilead's WakeINTRIGUE :

Kidnappé tout bébé (27 ans : les Elfes portent encore des couches à cet âge) par une bande d’infâmes truands s’étant établie à proximité de la ville de Munzing, et par conséquent du domaine familial, Gilead fait l’objet d’une demande de rançon que ses proches font mine d’accepter, mais résultant en une opération commando menée par le frère jumeau du héros, Galeth, afin de libérer l’otage. Intimement lié à son frangin (quand l’un des deux mange un tacos, l’autre massacre les toilettes), Gilead vit très mal – on peut même dire qu’il meurt un petit peu – le décès tragique de son sauveur, qui se fait carreler comme une vulgaire salle de bains par un maraud revanchard sur le chemin du retour.

10 ans plus tard, le sombre héros de l’amer est sur le point de mener au terme la vengeance dont il poursuit l’insaisissable Gibbetath depuis une décennie. Ayant découvert que ce Skaven était derrière les opérations crapuleuses de la bande de malfrats l’ayant capturé et occis son bien-aimé frangin, Gilead a écumé le Vieux Monde avec quelques compagnons (dont il ne reste plus que l’increvable Fithvael) sur les traces de cette éminence grise, démantelant son empire et massacrant ses sbires au cours d’une inexorable vendetta. Finalement, Gilead et Fithvael mettent le siège à l’ultime cabane en rondins du malfaisant rongeur, dézinguent les quelques hommes et ogres de main engagés par ce dernier pour sa protection, et notre héros peut enfin faire face au responsable de son blues persistant…

Début spoiler…qui se révèle être un petit bonhomme famélique et bien malade, et non pas un Skaven. Gag. Gibbetath explique à son futur bourreau que ce n’était qu’un alias qui lui a permis d’opérer de façon discrète et de terrifier ses opposants, ce qui ne le décharge en rien de sa responsabilité dans le meurtre de Galeth et le règne de terreur qui a été le sien au cours des dernières décennies. Ayant claqué jusqu’à son dernier centime pour tenter de se débarrasser de sa Némésis, Gibbetath attend la mort avec fatalité, et se retrouve donc bien dépité lorsque Gilead s’en va sans lui porter l’estocade. Pas par excès de magnanimité, non, mais pour faire durer le malheur d’un adversaire ayant, de son propre aveu, absolument tout perdu, ce que Gilead considère être également son cas (ce qui n’est pas sympa pour Fithvael, ni pour sa petite sœur). C’est sur cette fin batmanesque que s’achève le premier volet de la saga de Gilead, héros totalement wokeFin spoiler

AVIS :

Gilead Lothain. Aux plus jeunes d’entre vous, ce nom ne dira rien. Les anciens lecteurs risquent au contraire de ressentir une bouffée de nostalgie à cette mention, qui les replongera un millénaire en arrière (eh si, techniquement c’est correct), à l’époque où 1) Warhammer Fantasy Battle était le jeu principal de Games Workshop, 2) Inferno! était un nouveau projet excitant de la toute jeune Black Library, et 3) Dan Abnett était un parfait inconnu. Ce qui ne nous rajeunit pas, c’est certain. À mes yeux, il n’y a pas de personnage plus iconique de cette période précise de la GW-Fiction, car Gilead, contrairement à d’autres figures de cette dernière, n’a pas connu un développement suivi au fil des années, et est resté cantonné à la période 1997 – 2001 (jusqu’au regrettable come-back de l’année 2012). Bref, ‘Gilead’s Wake’, comme les autres nouvelles consacrées par Abnett à son mince et morne héros ayant été publiées dans Inferno!, est un texte collector, et celui-ci l’est même doublement puisque c’est par lui que tout a commencé (pour Gilou comme pour Abnett).

À travers ce court récit de traque et de vengeance, l’auteur arrive à brosser de façon convaincante le spleen persistant du dernier héritier de Tor Anrok (même si ce dernier a une petite sœur), et justifie parfaitement la mélancolie incurable qui accompagne notre héros, et qui a pu donner lieu à d’innombrables blagues par la suite1. Je le sais car j’en ai fait moi-même. Le regrette-je ? Non. Comprends-je mieux pourquoi Gilead tire en permanence une tête de six pieds de long ? Oui. La symbiose jumellaire entre les fistons Lothain est soulignée avec tellement de soin par Abnett au cours de ces quelques pages que le traumatisme vécu par Gilead à la mort de son twin ne fait aucun doute. Comme ce cafard persistant ne quittera jamais notre héros, mais que les causes de ce dernier ne seront pas aussi clairement explicitées par la suite, la lecture de ‘Gilead’s Wake’ est donc, pas indispensable, mais plus qu’utile, de ce point de vue.

Autre caractéristique de la nouvelle, sa complète autonomie, voire finitude, qui ne présageait absolument pas d’une poursuite de la saga de Gilead (même si le titre envoyait un tout autre message). Abnett aurait pu arrêter les frais et le Prozac à la fin de ces huit pages, sans que cela cause du mécontentement de la part du lectorat d’Inferno!. Heureusement, ou pas (quand on voit la fin de carrière de notre héros, la question se pose), nous n’étions qu’au début de l’histoire de Gilead, auquel une carrière de vigilante du Vieux Monde était sur le point de tendre les bras. Notons tout de même que ces débuts troubles en matière de Skavens préfiguraient peut-être l’ahurissante et abrutissante apparition du Roi des Rats, quinze ans plus tard…

1 : Sérieusement, ceci est sa figurine officielle. Joie de vivre…  

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The Emperor’s Grace – A. Hammond [40K] – #3 :

INTRIGUE :

Hammond propose au lecteur de suivre la lutte pour la possession de la planète d’Olstar Prime entre Impériaux et Eldars par les yeux de deux personnages aux vues radicalement divergentes sur la question. Au zèle fanatique du Commissaire Streck s’oppose en effet le pragmatisme du Lieutenant Catachan Lownes, et alors que le premier se tient prêt à sacrifier jusqu’au dernier soldat pour repousser les Xenos, le second serait plutôt du genre à filer à l’anglaise avec les survivants de son unité avant que les zoneilles ne massacrent tout le monde. Pressé par le temps et surveillé de près par un Streck ayant mal digéré le retrait stratégique ordonné par Lownes, notre Lieutenant tire au flanc arrivera-t-il à mener son projet de désertion à bien ?

AVIS :

À y regarder de plus près, ‘The Emperor’s Grace’ n’est pas tant une nouvelle que le développement sur une vingtaine de pages par Hammond du dilemme classique du Garde Impérial : est-il vraiment condamnable de chercher à sauver sa peau plutôt que de voir sa vie sacrifiée par des officiers indifférents pour la défense d’une planète insignifiante ? Ce parti pris aurait pu être payant si l’auteur avait réussi à répondre à cette question, somme toute centrale dans l’univers violent et totalitaire de Warhammer 40.000, de manière convaincante et/ou originale. Au lieu de ça, Hammond termine son propos avec un piteux WIJH1, laissant un fort goût d’inachevé au lecteur à la fin de ‘The Emperor’s Grace’ (dans la même veine, mais pour Warhammer Battle, on retrouve ‘The Last Charge’ d’Andy Hoare). À oublier.

1: Well, It Just Happened que la personne qui devait permettre à Lownes et ses hommes de quitter la planète s’est pris un missile Eldar dans le buffet, ce qui condamne les Catachans à se battre aux côtés des défenseurs d’Olstar Prime.

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The Faithful Servant – G. Thorpe [WFB] – #3 :

INTRIGUE :

Au sortir d’une bataille perdue par l’Empire contre une armée chaotique dans le nord du Kislev, le prêtre guerrier Markus revient à lui dans un champ de cadavres. Piégé sous la dépouille de sa monture, il ne peut se dérober lorsqu’un guerrier des puissances noires se présente devant lui. À sa grande surprise, son ennemi ne semble pas tant être intéressé par sa vie que son âme, ses sombres maîtres lui ayant promis l’immortalité en échange de la corruption d’un certain nombre d’individus vertueux. Markus pourrait être la dernière victime d’Estebar, le maître du massacre, dont l’ost se débanderait après l’élévation de son général au rang de Prince Démon, épargnant ainsi les vies de milliers d’innocents. Mais notre héros est-il prêt à consentir au sacrifice ultime pour préserver ses compatriotes des ravages des hordes du Chaos ?

AVIS :

La damnation et les chemins, souvent détournés et pavés de bonnes intentions, qui y mènent, font partie des thèmes de prédilection de Gav Thorpe, qui a consacré au sujet sa première trilogie en tant qu’auteur de la Black Library (‘Slaves to Darkness’). ‘The Faithful Servant’, publié quelques années avant ces romans, peut donc être considéré comme un galop d’essai de la part du Gav. On retrouve ainsi dans cette nouvelle un héros placé face à un choix cornélien, dont les répercussions ne manqueront pas d’ébranler le Vieux Monde (c’est du Thorpe après tout).

Construit exclusivement comme « écrin narratif » à sa question centrale, ‘The Faithful Servant’ tient davantage du conte philosophique (même si une telle appellation est un peu galvaudée par son enrobage med-fan) que de la nouvelle de sword and sorcery classique, et ce n’est pas plus mal. Sans s’avérer particulièrement mémorable ni éloquent, le débat opposant Markus à Estebar se révèle être assez plaisant à lire. En choisissant de conclure son propos avant que le prêtre guerrier n’ait fait son choix, Thorpe gratifie de plus sa nouvelle d’une conclusion, que dis-je, d’une ouverture, d’une élégante sobriété (pour changer).

Si elle s’adresse en premier chef aux lecteurs récemment initiés au background de Warhammer (les vétérans n’y trouvant rien que de déjà très connu d’eux), ‘The Faithful Servant’ est sans doute l’une des meilleures soumissions de Gavin Thorpe.

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Bad Spirits – J. Green [NDA] – #3 :

INTRIGUE :

Dans l’univers impitoyable du Far West Down, il est un nom qui inspire la crainte même plus endurci des gangers et au plus sanguinaire des mutants : Nathan Creed. Chasseur de Primes de profession et de titre1, Nath’ est le résultat que l’on aurait obtenu si Clint Eastwood avait tourné dans un film post-apocalyptique italien dans la foulée des ses Western spaghetti. Promenant son charisme minéral, ses mégots de cigarillos et ses deux pétoires de gros calibre d’un bout à l’autre du sous monde, Nathan Creed règle les problèmes des uns et des autres contre crédits sonnants et trébuchants, et de manière définitive.

Chargé par un vieux chef Ratskin (Thunderslag) dont la moitié de la tribu a été massacrée par une bête mystérieuse, et l’autre moitié a décidé de lui faire faux bond pour aller se venger sur les habitants « civilisés » de l’avant poste le plus proche (because why not), de faire lumière sur ces événements tragiques, Creed débarque dans le riant bourg de Toxic Sump pour mener sa petite enquête. Son passage obligatoire dans le saloon local lui permet de prendre le pouls de l’opinion publique, tout aussi stupide, raciste et prompte au lynchage que l’on peut se l’imaginer. Il fait également la connaissance d’un certain Cyrus Beckerman, qui lui conseille vivement de quitter la ville au plus vite, afin de ne pas connaître le même sort que les colons sommairement scalpés par les Peaux Rouges en furie. Il en faut évidemment bien plus pour décourager un professionnel comme Creed, dont l’intérêt est piqué par le décès brutal et suspect de Quinn (l’Eskimo), un prospecteur local venu s’en jeter un petit pour se remonter le moral après avoir échappé de très peu à la hache de guerre des Ratskins renégats. Comme le malheureux s’est étouffé après avoir descendu d’un trait un verre de WildSnake que lui avait tendu l’affable Beckerman, c’est naturellement vers ce dernier que les soupçons de notre héros se portent.

Ayant décidé d’inspecter les fouilles du défunt, Creed se fait surprendre dans son étude des empreintes parsemant la grotte mise à jour par Quinn par l’inévitable Beckerman, qui se révèle être un ganger Van Saar en maraude. Plus stalker que killer, Beckie ne parvient pas à régler son compte au chasseur de primes, qui blesse son adversaire et profite de l’effondrement d’une partie de la galerie souterraine, causée par la chute de son adversaire sur un détonateur enclenché qui traînait négligemment au sol (comme quoi, ça n’arrive pas que dans les cartoons), pour fausser compagnie au faux jeton. Ne pouvant plus ressortir, Creed est contraint de se frayer un chemin dans les profondeurs du sous monde, négociant avec brio un attroupement de Zombies de la Peste peu farouches, dans ce qui ressemble au parcours de FPS le plus bullet timé de l’univers. Le hasard (et le manque de pages) faisant bien les choses, Nath’ finit par déboucher dans une caverne remplie d’archeotech où Ratskins et Van Saar sont à deux doigts de se mettre sur le nez. On comprend que les seconds achètent aux premiers les artefacts qu’ils remontent des couches inférieures de la ruche, et que l’embrouille a été causée par la prime de risque demandées par les locaux, inquiets des déprédations causées par le mystérieux monstre sur lequel Creed enquête.

Comme s’il avait deviné que la progression de l’intrigue passait par lui, le monstre en question finit par arriver sur les lieux, sauvant au passage les miches de Nathan Creed dont le manteau flottant avait malencontreusement fait tomber une bouteille au sol, lui attirant un feu nourri de la part des conspirateurs. Un prix acceptable à payer pour être fashion en toutes circonstances (et que l’on a une armure en scénarium enrichi). Laissant les goons se faire massacrer par l’élément perturbateur, rien de plus qu’un vieux cyborg de garde réveillé par les fouilles explosives des colons, Creed cherche à s’éclipser en catimini, mais croise à nouveau la route de Beckermann. Toujours aussi empoté, le Van Saar ne parvient ni à déclencher l’explosion qui aurait enfoui la caverne et ses occupants sous des tonnes de roche, ni à régler une bonne foi pour toutes son compte au gun slinger, avant que le monstre ne vienne l’empaler sur sa griffe et lui arracher la tête pour faire bonne mesure. Fort heureusement, Creed réussira là où son adversaire avait lamentablement échoué, réglant définitivement le problème du chef Thunderslag et apaisant l’esprit des morts par la même occasion. Ne pouvant pas partir vers le lointain sur son cheval et dans le soleil couchant pour des raisons évidentes, notre héros s’en va dignement à pinces sous la lueur vacillante de néons en fin de vie. Ce qui est presque aussi bien.

1 : Green passe un temps inconfortablement long à appeler son personnage « The Bounty Hunter » en début de nouvelle, avant de passer aux familiarités.

AVIS :

Première nouvelle de Nathan Creed, le second pistolero le plus connu de Necromunda (après Kal Jerico), ce qui est tout de même malheureux pour Green compte tenu de la compétition limitée sur ce créneau, ‘Bad Spirits’ est un pastiche de western tout à fait quelconque et à l’intrigue aussi friable que les cavernes dans lesquelles se déroule notre propos. Entre le monstre qui émerge sur un gros coup de déveine (alors que tout auteur digne de ce nom aurait pu imaginer une raison un minimum intéressante/inventive/connectée au reste de l’histoire à sa venue), les coups de chance successifs de Creed pour parvenir à ses fins, et le manque d’intérêt absolu du méchant de l’histoire, il n’y a pas grand-chose à sauver et à retenir des débuts de Creed dans le sous monde. Une entrée en matière finalement à l’image de la série en elle-même, à laquelle Green ne donna jamais les moyens de s’élever au-dessus de son pitch de base (Mon Curé chez les NudistesLee Van Cleef à Necromunda). Il faut vraiment être un archéoBListe acharné pour convoquer le souvenir de Nathan Creed aujourd’hui… et c’était déjà valable à l’époque.

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Ghostmaker – D. Abnett [40K] – #4 :

40K_GhostmakerINTRIGUE :

Le Commissaire Ibram Gaunt, officier capable et favori de feu le Seigneur de Guerre Slaydo, est envoyé par le Haut Commandement de la Croisade des mondes de Sabbat superviser la levée de nouveaux régiments sur le monde forestier de Tanith. Déprimé par la mort de son mentor, tué pendant la bataille de Balhaut, Gaunt n’est guère impressionné par les recrues de Tanith, dont le look de hippies (cheveux longs, tatouages, piercings et boucles d’oreille) et l’accent chantant (c’est canon), sans parler de la cornemuse incessante en bande-son, ne font pas un grand effet à notre inflexible héros. Résolu à expédier les formalités le plus rapidement possible, possiblement à cause d’un mal de cheveux (qu’il a pourtant courts) persistant, Gaunt insiste lourdement pour que ses futures troupes commencent à embarquer dans leurs transports dès la fin de la parade protocolaire. Croyez-le ou non, mais de la gueule de bois de ce vieil Ibram dépendra beaucoup de choses, car la malheureuse Tanith ne tarde pas à recevoir la visite non-désirée d’une flotte chaotique, ayant profité du laxisme de Macaroth après sa prise de fonction pour aller faire du terrotourisme dans l’espace impérial. Aussi vulnérable qu’un monde Squat face à la démotivation du studio GW une flotte ruche tyrannide, la planète ne peut être sauvée, et Gaunt donne l’ordre d’une cruelle mais logique évacuation des régiments tout juste assemblés, laissant le reste de Tanith partir en fumée comme une briquette d’allume barbecue. Donnant de sa personne en bon héros de série d’action, Ibram sauve le jeune piper qui lui vrillait les tympans depuis son arrivée sur le plancher des vaches (où l’équivalent local de ce placide ruminant), mais perd au passage son fidèle assistant, Sym (you cannot unsee it), et avec lui, tout espoir de retrouver un jour sa chemise grise. Malgré de lourdes pertes – 6 zeta tonnes, tout de même – l’équivalent d’un régiment parvient tout de même à quitter la planète condamnée, sans se douter un instant du glorieux destin qui l’attend dans les années à venir.

La suite de la nouvelle voit Gaunt et ses hommes commencer à s’apprivoiser mutuellement, et donne l’occasion à Abnett de présenter quelques unes des figures les plus connues du Premier et Unique de Tanith, telles que Corbec, Rawne (dont la promotion au rang de Colonel et Major est due à leur présence dans la délégation de soldats venue exprimer son mal-être auprès de leur officier quelques heures après leur départ précipité), Larkin et Bragg. Les Fantômes de Gaunt, nom trouvé par Larkin sur une inspiration géniale, font leurs premières armes sur Blackshard, leurs talents d’infiltrateurs sans pareil leur permettant de frapper au cœur du dispositif ennemi, et de faire sauter la box internet de leurs adversaires chaotiques, provoquant un suicide de masse de ces derniers, sans doute déspérés de ne plus pouvoir organiser des soirées Netflix & Kill pour tuer le temps (Blackshard, ce n’est pas une destination très sympa). Ce premier fait d’armes voit aussi la première tentative d’homicide de Rawne sur Gaunt, nonchalamment éventée par le colossal Commissaire1, qui, peu rancunier, repart vers les lignes impériales avec son BFF sur l’épaule après l’avoir mis hors d’état de nuire. La base quoi. La base.

: Abnett indique que son héros fait « bien plus que deux mètres ». Quand on apprend que Corbec est plus grand que Gaunt, et que lui-même est chétif par rapport à Bragg, on comprend mieux comment les Tanith réussissent à claquer le beignet d’Astartes félons en deux temps trois mouvements.

AVIS :

Comme beaucoup de lecteurs de la BL, j’ai découvert les Fantômes de Gaunt à travers le premier roman de la série, ‘Premier & Unique’, qui raconte les exploits guerriers des scouts les plus fumés de la Garde Impériale sur le théâtre de Menazoid Epsilon. Cependant, les véritables débuts de la saga la plus mythique de la GW-Fiction sont à dater du 4ème numéro d’Inferno! et du ‘Ghostmaker’ signé par un tout jeune Dan Abnett, qui avait fait ses débuts au sein de la Black Library deux mois plus tôt avec une autre figure mythique du panthéon Warhammerstique, l’inconsolable Gilead (‘Gilead’s Wake’). Cette nouvelle, incluse dans le 2ème roman de la saga des Fantômes, nommé également ‘Ghostmaker’, pose les fondations de la série avec une efficacité redoutable, le talent littéraire d’Abnett permettant au lecteur de se familiariser avec les principaux fantômes1, d’apprendre les conditions tragiques dans lesquelles le Premier et Unique a été formé, et de suivre ce dernier (et à travers lui, Dan Abnett) lors de son baptème du feu. Plus de vingt ans plus tard, l’alchimie fonctionne toujours, et il n’est guère difficile de comprendre pourquoi les petits gars de Tanith ont connu la carrière qu’on leur sait à la lecture de ces premiers exploits. La patte magique d’Abnett opère parfaitement, et entraîne le lecteur dans une aventure rythmée et violente, tout en prenant le temps de donner une appréciable profondeur à ses personnages. Un fething masterclass en somme, dont la lecture (et la relecture) reste rigoureusement conseillée à tous les amoureux de la BL.

1 : Et d’autres moins fameux, mais dont la connaissance vous permettra de briller à la prochaine convention 40K à laquelle vous participerez. Citons le Colonel Torth et le Major Garth, qui auraient dû seconder Gaunt à la place de Corbec et Rawne, s’ils n’avaient pas raté leur navette d’évacuation, et le soldat Forgal, qui a eu l’insigne (mais douloureux) honneur d’être le premier Fantôme à mourir en opération de la série.

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Paradise Lost – A. Jones [WFB] – #4 :

INTRIGUE :

Nous retrouvons les maraudeurs de Grunsonn dans une bien mauvaise passe : à la dérive au milieu de l’océan sur une coquille de noix, sans eau ni nourriture, et délestés de la cargaison d’or qu’ils avaient soutirée de la cale d’un galion abandonné par un pirate indélicat. Heureusement pour notre quatuor de choc, le salut finit par poindre à l’horizon, sous la forme d’une île où accoster afin de se refaire une santé. Et lorsque les indigènes (une colonie de skinks) se mettent en tête que les maraudeurs ne sont autres que Losteriksson et ses guerriers, revenus après des siècles d’absence régner sur leurs adorateurs à sang froid, il ne fait plus de doute que le temps des vacances a sonné pour nos quatre aventuriers.

AVIS :

Deuxième et dernier épisode de la (courte) saga consacrée par Andy Jones à Grimcrag Grunsonn et ses maraudeurs, ‘Paradise Lost’ est une soumission sensiblement supérieure à ‘Grunsonn’s Marauders’, et ce sur tous les plans. Fidèle à son approche décomplexée du monde de Warhammer, Jones continue en effet sur sa lancée de med-fan parodique, tout en dotant son récit d’une intrigue bien plus charpentée (appréciable attention), et en s’arrangeant pour combler – à sa manière – les blancs laissés dans le background officiel au lieu de chercher à réécrire ce dernier à sa sauce. Autre point positif, l’inclusion de véritables personnages secondaires (shout out à Froggo, le skink de compagnie de Johan Anstein, qui se rêvait méchant de James Bond), permettant à l’auteur de confronter ses héros à des antagonistes à leur hauteur, c’est-à-dire complètement barrés.

Au final, ‘Paradise Lost’ n’est rien de moins que la tentative la plus aboutie de la part d’un auteur de la Black Library de tourner en dérision l’univers de Battle, et rien que pour ça, cette nouvelle vaut le détour.

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Rites of Passage – G. Rennie [NDA] – #4 :

INTRIGUE :

Une nouvelle fournée de jeunes Orlocks se préparent à passer l’épreuve pratique du bac necromundesque, à savoir partir se fritter avec les affreux d’en face (ces c*nnards de Cawdor) dans une arène désolée située au beau milieu du sous monde. Il y a là le gros costaud Dorn, probablement baptisé ainsi car ses parents étaient fans du Trône de Fer, ses lieutenants putatifs Mikhal et Lan, et les frangins Mallin (qui l’est) et Jaal (qui ne l’est pas car ça ne veut rien dire : faîtes un effort tout de même). Ce dernier a été adopté par la famille de Mallin après que la sienne ait été assassinée par des gangers rivaux, et occupe le poste ingrat mais indispensable dans tout groupe de souffre-douleur attitré. Après avoir reçu un discours inspirant de leur instructeur, les djeun’s partent à l’aventure dans la pampa, certains de revenir d’ici deux jours avec les preuves de leur victoire contre la canaille estrangère et bigote.

Ce que le club des cinq ne peut pas savoir, c’est que rôde dans les parages un Spyrien solitaire, tellement accro au meurtre sauvage de prolo’ qu’il n’est jamais remonté à la surface depuis sa dernière virée. Engoncé dans son armure dernier cri (à plusieurs titres, comme nous le verrons plus tard), le Chasseur, car c’est ainsi qu’il se nomme1, ne dit pas non à un petit massacre d’adolescents attardés, après avoir fait des sashimis de leurs rivaux Cawdors quelques heures plus tôt. Le premier à y passer sera le malchanceux Mallin, qui se fait emporter dans les airs (moins une main) par le traqueur des ombres, malgré l’avertissement de dernière minute seconde que lui avait lancé son frère. Que l’on découvre être un Psyker latent, ce qui n’est pas un statut beaucoup plus enviable que punching ball à bully, si vous voulez mon avis. D’ailleurs, ce balourd de Dorn, aussi épais et dense mentalement qu’une fortification érigée par son saint patron, manque de se passer les nerfs en flinguant son sous-fifre, dont la prescience lui semble être la preuve d’une connivence entre Jaal et le Spyrien. Cependant, l’appel à l’aide de Mallin qui s’élève d’un tas de décombres à quelque distance du lieu de l’embuscade suspend le procès en trahison que Dorn était en train de conduire sur le pouce (ou le poing ? avec un nom pareil), et les quatre survivants partent en direction des cris pour tenter de secourir leur comparse…

Début spoiler…Qui bien évidemment, était mort depuis longtemps à leur arrivée, comme son cadavre crucifié et décapité l’atteste formellement. C’était une ruse du Chasseur, qui avait enregistré les derniers instants de sa proie, pour attirer le reste du gang dans un nouveau piège. Cette fois-ci, c’est l’hécatombe, et Dorn, Mikhal et Lan décèdent violemment, ne laissant que Jaal debout, mais en fuite, pour la team Orlock. Le rapport de force est déséquilibré, mais le Spyrien s’amuse trop pour sonner rapidement l’hallali, et il ne se doute évidemment pas que le teenager maigrelet qu’il finit par coincer sur une passerelle a plus d’un tour dans son cortex. Le stress de sa mort prochaine provoque une poussée télékinésique chez Jaal, ce qui fait un gros trou dans la plateforme, forcément branlante et rouillée, où le tête à tête avait lieu. Normalement pas un problème pour le Chasseur, dont l’armure a une fonction bat grappin, mais figurez vous que Jaal est un prodige psychique, comptant parmi ses nouvelles compétences celle de « l’auto-tune balistique ». Un nom compliqué et sans doute inventé de toutes pièces, qui veut dire qu’en se concentrant très fort, il est capable de réaliser des tirs proprement improbables grâce un correcteur de trajectoire venu tout droit du Warp (comme Jul, ce qui fait un autre point commun avec l’auto-tune). Vous devinez la suite : un hotshot improbable sur le filin du Spyrien, précipité dans l’abysse avec son armure dernier cri. Et même pas le sien en plus. Il n’avait pas reset les réglages, ce chien.

La nouvelle se termine, non pas sur des retrouvailles joyeuses à Orlock city, mais sur le constat par le reste du gang de la disparition de leurs ados. Jaal assiste de loin à la fermeture des portes du campement, ayant compris qu’en tant que Psyker, il n’avait plus sa place auprès de sa famille adoptive. Le début d’une existence de paria solitaire dans le sous-monde, sans doute courte et violente mais certainement riche en émotions, qui ne sera cependant pas narrée ici. ENDS.Fin spoiler

1 : Et son pronom est ‘it’, si vous voulez tout savoir. Be an ally.

AVIS :

Nouvelle histoire sur le passage à l’âge adulte dans l’univers pas tendre de Necromunda (il y a aussi ‘Mark of a Warrior’, pour ceux qui demandent), ‘Rites of Passage’ démontre que Gordon Rennie sait mettre en scène une nouvelle d’action de manière potable, ce qui n’est guère étonnant au vu de son passif d’auteur de comics. Rien n’est particulièrement mémorable dans ces quelques pages, mais tout tient de debout et s’enchaîne sans heurt ni incohérence, ce qui est déjà un niveau appréciable pour de la GW-Fiction. Si c’est une de vos premières lectures necromundesques, vous auriez pu tomber sur bien pire. Si vous êtes déjà familier avec cette riante planète, à la fois trop et absolument pas urbaine, vous auriez pu tomber sur bien mieux. Tout est affaire d’équilibrage, j’imagine.

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Into the Maelstrom – C. Pramas [40K] – #4 :

INTRIGUE :

Capturé après l’abordage malheureux d’un croiseur White Scars par ses camarades Red Corsairs, l’archiviste Sartak doit prouver sa loyauté retrouvée envers l’Empereur (car la vue d’une dizaine de bolters braqués sur sa tête l’a aisément convaincu de retourner sa veste énergétique, étonnant non ?) en informant ses nouveaux copains de la destination du prochain raid de Huron Sombrecoeur hors du Maelstrom. Notre héros repentant arrivera-t-il à abuser le paranoïaque ex Tyran de Badab assez longtemps pour accomplir sa périlleuse mission ?

AVIS :

Si on met de côté les zones d’ombre1 de l’argument d’Into the Maelstrom, que l’on peut imputer à la plus grande permissivité qui régnait à cette époque (voir Hell in a Bottle de Simon Jowett pour s’en convaincre), cette nouvelle se révèle être très convenable. La force de l’écriture de Pramas est d’arriver à retranscrire la course contre la montre dans laquelle est engagée son héros, et l’étau qui se resserre de plus en plus autour de lui au fur et à mesure des pages. Into the Maelstrom peut également se targuer de bénéficier d’un final réussi, autant du point de vue de la construction narrative que du respect de l’ambiance nihiliste de Warhammer 40.000, et de la participation du Huron Sombrecœur convaincant en psychopathe retors et flamboyant.

1: « Seigneur Subotai Khan, le Red Corsair que nous avons fait prisonnier après l’attaque de notre barge de bataille (au lieu de lui coller un bolt dans le crâne, comme il aurait été normal) est réveillé et attend votre bon plaisir. »
« Faîtes le entrer. »
« Qui a été un vilain garnement, hum ? »
« Je dois reconnaître que j’ai commis quelques erreurs ces dernières années votre honneur, mais depuis que vous m’avez capturé et me tenez à votre merci, j’ai très envie que nous devenions copains. Vive l’Imperium donc. »
« Merveilleux. Maintenant que tu as miraculeusement retrouvé foi en l’Empereur, tu es libre de retourner chez les Red Corsairs. Essaie juste de nous dire où Huron dirigera sa prochaine attaque, de manière à nous permettre de le prendre en embuscade. »
«  Vous ne préférez pas plutôt que je vous mène directement jusqu’à la flotte des Red Corsairs, chose dont je suis capable selon l’auteur de la nouvelle ? »
« Nan. »
« Euh, d’accord, c’est comme vous voulez… Mais imaginons – je dis bien imaginons –  que mon repentir ne soit pas sincère, et qu’une fois de retour dans le Maelstrom, je vous fasse parvenir des informations erronées, permettant à Huron d’attaquer une planète sans défense, ou pire, de retourner l’embuscade des White Scars contre eux. Vous avez prévu quelque chose pour ce cas de figure ? »
« Bien sûr ! Le fidèle Arghun ici présent t’accompagnera dans ta mission, et s’assurera que tu mènes à bien cette dernière. »
« Vous êtes bien conscient que Huron risque de le faire tuer à la minute où il posera les yeux sur lui, hein ? Et que même dans le cas où il survivrait à son bizutage, il n’aurait aucun moyen de vous avertir de mon hypothétique trahison, étant donné que je serai celui qui vous transmettra les coordonnées du prochain objectif de Huron grâce à mes pouvoirs psychiques ? »
« Tu as raison Sartak, mon plan repose entièrement sur ta pleine et entière coopération. Mais j’ai tout à fait confiance en toi, car nos trente secondes d’entretien m’ont convaincu qu’en dépit des actes monstrueux que tu as commis en tant que Red Corsairs, tu es quelqu’un de bien. Pars avec ma bénédiction. »
« Merci Subotai Con, heu Khan. »

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The Dead Among Us – J. Wallis [WFB] – #5 :

WFB_The Dead Among UsINTRIGUE :

Prêtre de Morr s’étant découvert une passion pour l’au-delà sur le tard, après la disparition non élucidée de sa femme et de son fils, Dieter Brossmann, celui-qui-n’aime-pas-que-son-nom-soit-prononcé, officie dans la Cité du Loup Blanc en compagnie de coreligionnaires variant du balourd (Frère Gilbertus) à l’affairiste (Albrecht Zimmerman, le Sett Blater du dieu des morts). Ancien marchand un peu plus fin que le Middenheimer moyen – qui, comme chacun sait, a tendance à résoudre ses problèmes à coups de marteau – Brossman collabore régulièrement avec la Garde Urbaine sur des affaires complexes, et c’est à ce sujet qu’il est fait mander par le Capitaine Schtutt en pleine consécration funèbre. Laissant l’inutile Gilbertus prendre le relai, notre héros se hâte jusqu’à la scène du crime, où l’attend le cadavre d’une fille de joie Norse, dont le bras amputé se trouve être un tentacule. C’est en tout cas la conclusion sur laquelle Captain Obvious Schutt s’empresse de bondir, tel le glouton peu dégourdi qui est son animal totem. Il en faut toutefois plus pour convaincre Brossman, qui tient à réaliser une autopsie en bonne et due forme au temple, avant de faire parvenir son rapport circonstancié au Graf, comme le veut la procédure lorsqu’un cas de souillure chaotique est suspecté.

De retour à la Morr-gue, Brossman tente de faire parler la macchabée (c’est pratique tout de même, la foi), mais se heurte à une espèce de firewall post-mortem sur lequel ses meilleurs efforts ne peuvent prévaloir. Suspectant qu’il y a anguille sous roche, ou dans ce cas, asticot sous escarre, notre héros tente d’intéresser son supérieur à ce cas complexe, sans succès. Zimmerman a en effet mieux à faire que sauver l’âme d’une prostipoulpe, et le fait savoir en termes non incertains à son subalterne. Mal lui en prend au final, car la nuit même, la morte reprend ses esprits et se livre à un sanglant massacre sur le personnel de garde du temple, envoyant quelques bedauds et diacres de seconde classe, ainsi que le pauvre Zimmerman, dont la diction mal assurée ne lui permet pas d’achever son incantation purificatrice avant de l’être lui-même (achevé), rencontrer leur divinité tutélaire. Si Brossman arrive à mettre fin aux déprédations de la Zombie à l’aide du combo bien connu huile sacrée + allumette, le culte de Morr local s’en trouve très affaibli, ce qui provoque une intense réflexion chez notre enquêteur…

Début spoiler…Pris d’une intuition subite, il se rend dans une taverne mal famée de l’Altquartier (le Pigalle de Middenheim) pour rencontrer une ancienne connaissance, le trafficant et informateur Alfric Half-nose, auquel il a rendu service il y a quelques temps. Alfric étant un Nain, Brossman en appelle au sens de l’honneur de son hôte, et demande des informations sur la présence d’éventuels Nécromants à Middenheim, ce que son interlocuteur au demi-nez confirme à demi-mots. Il semblerait en effet que le Frère Gilbertus ne soit pas très orthodoxe dans la conduite de ses rites funéraires, résultant en des cadavres vulnérables à une possession par un esprit malin, ce qui est justement ce qu’un prêtre de Morr est censé empêcher. Convaincu de tenir son coupable, Brossmann se rend directement jusqu’à la Falaise des Soupirs, d’où sont précipités les morts sans le sou de la cité, voir son suspect opérer. Et force est de constater que Gigi rajoute des couplets très lourds au cantique officiel, ce qui confirme les soupçons de Brossman. Une fois la foule dispersée, notre héros confronte donc son collègue retors, qui avoue assez facilement être un Nécromancien, dont le plan machiavélique consistait à introduire un cadavre suspect (le tentacule n’était en fait qu’un montage grossier pour obliger les autorités à rapatrier le corps au temple) chez les Morrticiens, le réanimer en douce et l’envoyer trucider Zimmie, afin que Gilbertus puisse reprendre sa place. Quelle meilleure position pour un Nécromancien que Haut Prêtre de Morr, en effet ? Malheureusement pour Gilbertus, l’absence d’Insensible à la Douleur sur son profil le pénalise fortement lorsque Brossman parvient à le couper (doublement) dans l’énonciation de son sortilège meurtrier. Une pathétique empoignade plus tard, et l’apprenti Nagash bascule à son tour de la falaise, avec des conséquences tout ce qu’il y a de plus fatales. Middenheim est sauve, pour cette fois, mais Brossman va devoir faire un certain nombre d’heures sup’ dans les jours à venir…Fin spoiler

AVIS :

Nouvelle policière sympathique (plus que sa série ‘Marks of Chaos’ à mon avis) de la part de James Wallis, qui plonge le lecteur dans deux institutions temporelle et spirituelle du Vieux Monde : la Cité du Loup Blanc d’une part et le culte de Morr d’autre part. Plus que la conduite de l’enquête par Brossman, qui s’avère très correcte mais pêche logiquement par sa brieveté1, c’est l’immersion dans une atmosphère tout ce qu’il y a de plus WFB qui fait l’intérêt de cette nouvelle, où se croisent mutants, prêtres, nains et nécromanciens dans le charme pittoresque de Middenheim, que Wallis fait parcourir en long et en large à son lecteur. Bref, un court format très satisfaisant pour qui souhaite découvrir l’Empire dans toute sa trouble normalité (c’est-à-dire autrement que pendant une invasion massive mettant la survie de la civilisation dans la balance).

: Dans une nouvelle de 14 pages, on se doute bien que le coupable sera forcément l’un des 2 ou 3 personnages tiers que l’auteur met sur le chemin du héros, et un chouilla de bon sens permet de percer à jour l’identité du coupable bien à l’avance.

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Unthinking Justice – A. Millward [40K] – #5 :

INTRIGUE :

Une force de Black Consuls est envoyée sur la planète Suracto, en rébellion ouverte contre l’Imperium. Au fur et à mesure du déroulement de la mission, il apparaît toutefois que les traîtres ne sont pas forcément ceux auxquels on pense.

AVIS :

Une petite nouvelle sympatoche, qui commence comme une histoire de marounes classique, puis se corse salutairement grâce à la mise en scène d’un (léger1) doute quant à la nature de l’ennemi véritable des Black Consuls. On est très loin de l’Elucidium’ de Simon Spurrier et du ‘We Are One’ de John French, mais on ne peut que saluer l’intention d’Andras Millward de donner au lecteur davantage qu’une Cawkwell-erie lambda. La conclusion de l’histoire est toutefois assez nébuleuse, ce qui affaiblit un peu le twist final concocté par l’auteur.

1« Alors vermine, pourquoi t’es-tu rebellé contre l’Empereur ?»
« Monseigneur Marine, il y a malentendu. Les copains et moi nous sommes soulevés contre l’administration planétaire parce qu’elle cherche à faire tomber la planète aux mains du Chaos. Nous avons des preuves solides de son implication dans un compl- »
« BAM BAM BAM »
« Administrateur ! C’est le cinquième prisonnier que vous exécutez en plein interrogatoire, juste au moment où il allait vous mettre en cause dans cette triste histoire. Je commence à croire que vous nous cachez quelque chose… »
« Veuillez me pardonner, ça n’arrivera plus. J’ai tendance à sur réagir quand ma fidélité envers l’Imperium est mise en doute. Héhé. »
« Bon, d’accord. Mais que je ne vous y reprenne pas une sixième fois, hein ! »

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Dark Heart – J. Green [WFB] – #5 :

INTRIGUE :

Ayant décidé d’abandonner le Kislev pour tenter leur chance sous des cieux plus cléments, Badenov et sa bande de mercenaires se retrouvent entraînés dans une sombre histoire sur la route de Bechafen. Il semblerait en effet qu’un ancien mal soit en passe de se réveiller dans le petit village d’Ostenwald, forçant notre fine équipe à unir ses forces avec celles d’un jeune noble dont la fiancée vient de succomber à une crise d’anémie aigüe. Vampire, vous avez dit vampire ?

AVIS :

Dans la série des aventures de Torben Badenov et de sa fine équipe de bras cassés, ‘Dark Heart’ fait figure d’épisode central, car il permet à Green d’introduire le personnage de Pieter Valburg, qui rejoindra la bande à la fin de la nouvelle. J’ai une affection toute particulière pour Pieter, car il n’aura de cesse de miner l’autorité de Badenov auprès de ses comparses, en faisant éclater au grand jour la stupidité crasse et l’amateurisme décomplexé qui caractérisent le « héros » de la série ‘The Lost and the Damned’. S’il n’est encore qu’un personnage de second plan dans ‘Dark Heart’, Herr Valburg y fait néanmoins des débuts remarqués, et s’affirme d’ores et déjà comme le membre le plus important de la bande, après Badenov bien sûr.

‘Dark Heart’ donne également l’occasion à Jonathan Green de dérouler le grand jeu, en gratifiant ses lecteurs d’une narration à double point de vue (celui des mercenaires de Badenov, et celui du vampire comateux traqué par ces derniers), ainsi que d’un petit twist final, deux extras que l’on prendra soin d’apprécier à leur juste valeur (relative hein, parce que dans l’absolu, on est loin du chef d’œuvre).

Malheureusement, ces éléments positifs sont largement marginalisés par le monceau d’approximations, d’incongruités et de carabistouilles que nous sert un Green résolument hermétique à toute tentative de livrer un récit un tant soit peu cohérent à son public. Des villageois courant aussi vite que des chevaux lancés au galop à la décision d’aller affronter un vampire de nuit dans son antre, en passant par l’incroyable capacité de l’auteur à livrer deux versions totalement différentes du même évènement à quelques pages d’intervalle1, ou encore la brillante idée qu’à Badenov d’aller enquêter dans un village dont lui et ses potes viennent de massacrer tous les hommes valides sur un gros malentendu, c’est à un festival d’inepties auquel lecteur a droit. Et dire que ça aurait presque pu être correct…

1 : Le vampire d’Ostenwald a-t-il été originellement vaincu par 1) une troupe de paysans enragés, ou 2) une bande d’aventuriers menés par un prêtre de Sigmar ? Le mystère est encore entier. 

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Last Chance – G. Thorpe [40K] – #5 :

INTRIGUE :

La tranchée tenue par les Gardes de Fer (sur le point de se transformer en Gardes de Rouille du fait de conditions climatiques peu favorables) du Lieutenant Martinez reçoit la visite d’un hôte de marque, en la personne de cette tête brûlée de Kage, tout juste revenu de sa balade quotidienne dans le no man’s land entourant la cité rebelle de Coritanorum. Esquivant balles, lasers, grenades, obus et quolibets avec la grâce qu’on lui connaît, notre héros se crashe comme une bouse aux pieds de l’officier, et s’en fait immédiatement un ennemi en aspergeant ses bottes de boue dans la foulée. Plus doué pour survivre à une purge de Space Hulk armé seulement d’une fourchette en plastique et d’un caleçon troué que pour se faire passer pour un Mordian discipliné et méticuleux (et peu aidé par le fait qu’il n’a même pas pris le temps de mémoriser le nom du soldat mort auquel il a dérobé son uniforme), Kage se fait immédiatement gauler par le Commissaire régimentaire qui passait dans le coin, mais arrive à gagner un sursis en révélant qu’il est membre d’une force d’infiltration impériale en mission top secrète derrière les lignes ennemies. Ce qui est précisément ce que dirait un soldat rebelle cherchant à infiltrer les lignes impériales s’il était fait prisonnier. Peut-être convaincu par le charisme naturel exsudé par le Last Chancer (ou conscient que l’armure de scénarium de ce dernier est trop épaisse pour leurs armes), les officiers Mordian se contentent de faire garder à vue notre héros par une poignée de Boucliers Blancs, qui tombent immédiatement sous le charme viril du vétéran balafré.

N’ayant rien d’autre à faire pour le moment, Kage commence à leur raconter sa vie, et notamment la manière dont il a atterri dans la Légion Pénale, suite à une rivalité amoureuse s’étant réglée dans le sang et les tripes entre lui et son Sergent de l’époque. Le récit du Père Kagetor est toutefois écourté par le déclenchement d’un bombardement orbital de Coritanorum, accompagné par un assaut généralisé sur les positions ennemies, juste pour être sûr de la mortitude définitive des défenseurs I guess, ou parce que ça coûtait trop cher en prométheum de rapatrier en orbite tous les régiments participants au siège. Après tout, et comme le dit le proverbe, la Garde meurt. L’occasion rêvée pour Kage de fausser compagnie à sa couvée de pioupious et mettre en exécution son projet d’évasion… si les choses s’étaient passées comme prévues. Malheureusement pour notre pénaliste expert, son fan club s’avérera trop fourni et trop collant pour lui permettre de filer à la Tanith, la perte de toute la chaîne de commandement Mordian au cours des premières minutes de l’assaut conduisant les Cadets à se tourner vers le torse velu et les mâles accents de Kage pour les guider vers une hypothétique survie. À toute chose, malheur est bon car les enfants-soldats de Mordian sauveront notre héros d’une mort prématurée lorsqu’il retombera, comme à la fin de chaque épisode, sur cette vieille baderne de Schaeffer. Tout prêt à exécuter son sous-fifre pris en flagrant délit de fuite, l’imperturbable Colonel est finalement convaincu de faire preuve de clémence par la dizaine de fusils laser braqués dans sa direction par la Kage Army. Ce n’est toutefois qu’un pis-aller pour Last Chance (qui mérite encore une fois son surnom) car Schaeffer a réservé une table pour deux dans un petit resto sympathique de Coritanorum, et il ne serait pas correct de faire attendre leurs hôtes…

AVIS :

Figures emblématiques du Thorpiverse, les Légionnaires Pénaux du Colonel Schaeffer, aussi connus sous le nom de Last Chancers, ont bénéficié d’une trilogie (chroniquée ici) et de quelques nouvelles de la part de Gav Thorpe entre la fin des années 90 et le milieu des années 2000. Ce ‘Last Chance’ est probablement le coup d’essai de notre homme avec ces anti-héros hauts en couleurs, et sert d’introduction au duo central de la 13ème Légion Pénale, l’increvable Schaeffer et sa (tout aussi increvable) âme damnée Kage. Nouvelle de guerre de tranchée typique du style BL dans sa deuxième partie, c’est le début de la soumission qui présente le plus d’intérêt à mes yeux, puisqu’y est détaillé le parcours de Kage jusqu’à sa rencontre fatidique avec celui qui deviendra son bien-aimé supérieur pour les années à venir, éléments intéressants pour les fans des Last Chancers ne se retrouvant pas dans les autres écrits consacrés par Thorpe à son équipe de bras cassés casseurs de bras. On appréciera également la narration gouailleuse de Kage lors des passages racontés depuis son point de vue, qui s’avère être vraiment réussie. Les puristes noteront que les événements couverts par la nouvelle ne sont pas cohérents avec la conclusion de 13th Legion, le premier roman de la trilogie Last Chancers, qui voit les derniers survivants de la première levée de Schaeffer infiltrer Coritanorum pour surcharger les réacteurs de la cité rebelle. Mais y a-t-il vraiment des puristes Last Chancers?

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A Blooding – D. Abnett [40K] – #6 :

40K_A BloodingINTRIGUE :

Après avoir fait leur connaissance dans ‘Ghostmaker’ (Inferno! #4), nous retrouvons les recrues de Tanith à l’occasion de leur première campagne d’envergure, deux mois après leurs débuts laborieux et la perte de leur planète natale. Ayant eu vent de leur action décisive dans la prise de Blackshard, le haut commandement du théâtre de Voltemand, incarné en la personne du Général Sturm du 50ème Volpone, réquisitionne les insaisissables Fantômes en support du siège de la capitale planétaire, Voltis City, mené par son régiment d’élite. Ce que Gaunt et ses hommes ne savent pas, c’est que l’infâme Sturm compte bien faire d’une pierre deux coups, ou d’un obus deux victimes, en veillant à ce que les hardis éclaireurs rencontrent un funeste destin au cours de l’opération, des mains de l’ennemi ou de celles de leurs alliés. Une occasion rêvée pour l’ambitieux Volpone de se faire bien voir de la part de Macaroth, qui ne porte pas les favoris de son prédécesseur dans son cœur.

Ignorants des manigances des Sangs Bleus (le surnom du 50ème), les Fantômes se dirigent vers la cité assiégée, secourant une colonne blindée que la venue d’une escouade de World Eaters beuglant avait laissée fort dépourvue (les servants de Basilisk font moins les malins lorsque l’ennemi est à 35.99 pas, c’est connu). Une fois rendus sur place, les Tanith se faufilent discrètement jusqu’au pied des murailles ennemies, avec pour objectif de faire sauter la buse par laquelle la rivière locale sort de la cité1, ou à défaut, de réaliser la même manœuvre à l’endroit où se déversent les égoûts de Voltis. Malheureusement pour nos infiltrateurs, l’effet de surprise ne dure pas assez longtemps pour leur permettre de s’emparer de leurs objectifs, les cultistes ayant le temps d’initier un largage sauvage venant éteindre l’enthousiasme des impériaux sous des mètres cubes d’eau saumâtre. Prêt à sonner la retraite pour minimiser les pertes, Gaunt est toutefois surpris par la détonation de la station d’épuration municipale, preuve que les sous-fifres qu’il avait envoyés au petit coin ont, eux, réussi leur coup. Ce succès inespéré permet au reste des forces impériales de se mettre en branle dans la joie et la bonne humeur, et d’écrabouiller la résistance chaotique avec l’efficacité pour laquelle le marteau de l’Empereur est célèbre.

Cette victoire, un peu chanceuse, il faut bien le reconnaître, n’est cependant pas la fin de l’histoire pour nos Fantômes – lessivés pour certains, emmer*és pour d’autres. Ayant reçu la nouvelle de la prise de Voltis, le méphistophélique Sturm ordonne à l’artillerie de campagne de bombarder la position des Tanith alors qu’ils se replient vers leurs lignes, provoquant un grand carnage chez ces derniers. Protégés par leur armure de scenarium, Gaunt et ses VIG (Very Important Ghosts) émergent cependant de l’enfer avec un fort sentiment d’incompréhension et une envie bien légitime de casser de l’artilleur, comme la pommette gauche du Colonel Ortiz du 17ème Kotzek – le même régiment secouru par le Premier et Unique en début de nouvelle – l’apprend à ses dépends. Il ne faut cependant pas longtemps au Commissaire-Colonel pour identifier le véritable coupable de cette malheureuse bévue, qu’il confronte dans son QG quelques heures plus tard. Tentant de justifier sa très saine colère, comme Ségolène Royal avant lui, Gaunt aurait été bon pour la cour martiale n’eut-été la correction opportune par Ortiz du compte-rendu de l’incident au haut-commandement (un bouchon de champagne à la trajectoire hasardeuse pendant le pot de victoire). C’était moins une pour notre héros, qui peut retourner auprès de ses hommes avec la satisfaction du devoir accompli et la connaissance de ses meilleurs ennemis, qu’il sera amené à croiser de nombreuses fois au cours des années à venir…

1 : Une manœuvre inspirée par la lecture de Jihair Ertolk’ Yen, fameux général de M2 ayant repoussé les Orks s’étant aventuré sur Terra en cette période lointaine. Le fait que les Aeldars aient pu assister les humains dans cette campagne, qui vit le Big Boss Evil Sunz Gortor battre en retraite après que le héros Ratling Fordo lui ait crevé l’œil à l’aide d’un digilaser, est encore sujet à controverse parmi les érudits impériaux.

AVIS :

Retour concluant pour les Fantômes de Gaunt, qui s’illustrent à nouveau dans une mission à haut risque venant asseoir leur statut de meilleurs infiltrateurs de la Garde Impériale. Cette nouvelle permet entre autres choses de faire la connaissance de trois seconds couteaux bien connus des amateurs de la série (Caffran, Varl et Meryn), ainsi que des rivaux jurés de nos héros tatoués, les imbittables Blueblood de Volpone, représentés ici par le sans-cœur Général Sturm et le sans-gène Major Gilbear. Abnett démontre à nouveau une belle aptitude à mettre en scène des affrontements nerveux et prenants, bien que c’est également de ce ‘A Blooding’ que l’on peut faire remonter sa tendance à idéaliser les performances d’un garde impérial moyen, comme le révèle l’accrochage introduisant son propos et la facilité déconcertante avec laquelle les jeunes et inexpérimentés Fantômes parviennent à massacrer une escouade de Berzerkers World Eaters en moins de temps qu’il en faut au Major Gilbear pour décliner son état civil complet1. On peut d’ailleurs noter que le Major en question, qu’Abnett voulait sans doute plus imposant que Gaunt pour lui faire adopter la posture de sombre brute, émarge à la taille confortable de 2m50, ce qui le met au niveau de l’Astartes classique. Essentiel à la construction de l’historique des Fantômes, ce court format n’est cependant pas exempt de tout reproche, en particulier le recours par l’auteur à un petit Deus ex Machina – indigne de son standing habituel – lors de l’assaut sur les murs et les caniveaux de Voltis City2. Rien de rédhibitoire cependant.

1 : Soit Gizhaum Danver De Banzi Haight Gilbear de Solenhofen, ou Gigi pour les intimes.
2 : On passe en effet de ça à ça, sans explications. À part une intervention miraculeuse de Canard WC ou des Tortues Ninja, le retournement de situation opéré par les Fantômes reste mystérieux.

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A World Above – A. Hammond [NDA] – #6 :

NDA_A World AboveINTRIGUE :

Aldus Harkon occupe la noble profession d’organisateur de voyages pour CSP+, et nous le suivons jusqu’au lieu de prise en charge de ses derniers clients en date, une petite bande de gosses de riches surexcités à l’idée de s’encanailler dans les favelas d’un pays du tiers monde. Comme notre histoire se passe sur la ruche Primus de Necromunda, il faut toutefois apporter quelques nuances à ce tableau jusqu’ici fort banal. Le service que propose Harkon tient en effet plus du safari que de l’escapade touristique boboïsante, avec les résidents du sous-monde dans le rôle de la faune sauvage et des Spyriens sur-équipés dans celui des dentistes américains1. Ayant manqué de se faire écraser par le vaisseau des fils et filles de Guilders lors de son atterrissage sur le tarmac, alors qu’il tuait le temps en glaviotant d’un air pénétré sur le rebord de la ruche, notre flegmatique et phlegmatique G.O. rassure ses Ran’Lo de clients sur la qualité de la prestation qu’il leur a vendue : il y aura de l’action et du fun à gogo pour les gogos, ce n’est pas la première excursion en terre inconnue qu’il organise, que diable !

Un peu plus tard et beaucoup plus bas, nous faisons la connaissance de Knife-Edge Liz, chef d’un gang d’Eschers dont la grande majorité des membres vient de connaître une fin brutale. Elle-même un peu esquintée par un combat d’une violence telle qu’elle a du mal à s’en souvenir, elle ne peut que constater que ses filles se sont faites féminicider de manière contondante, tranchante et pénétrante, ce qui en dit long sur les standards de gender equality à Necromunda. Quelques flashbacks épars et pas vraiment linéaires permettent au lecteur de recoller les morceaux de cet après-midi décidément très agité : mises sur un mauvais coup par Harkon, Liz et son gang ont vu leur projet d’embuscade d’une cargaison de matos Orlock échouer de façon spectaculairement sanglante, les chasseuses tombant dans le piège tendu par les Ran’Lo présentés plus haut. Dans l’affrontement qui s’en suivit, Liz vit périr ses BFF Bekka (Corinne Masiero avec un bolter lourd) et Kat (la Princesse Peach, mais en plus empotée) sous les coups des assaillants, ce qui la mit suffisamment en rogne pour lui permettre d’exterminer à elle seule la totalité de l’équipe adverse. Performance aussi impressionnante que statistiquement improbable, pour qui est familier du système de jeu, mais toujours est-il que Liz termine la partie comme Last Woman Limping, ce qui est toujours ça de pris.

Attirée par les gémissements de l’une de ses victimes/bourreaux, rendue aveugle par un coup pris à la tête, Liz fait preuve d’un peu de compassion en accompagnant la future macchabée dans ses derniers instants. Cela lui permet de réaliser qu’en dépit des différences de culture, statut et richesse qui les séparent, la Spyrienne et elle sont très similaire… ce qui est une raison de plus de la laisser crever comme un rat sur un tas d’ordures. Personne n’est gentil ni altruiste dans le sous monde, et chaque mort douloureuse est amplement méritée.

La nouvelle se termine avec une nouvelle rencontre entre Harkon et ses clients, réduits à leur portion congrue du fait de la disparition tragique de tous les Spyriens dans l’échauffourée précédemment exposée. Et de fait, c’est Liz qui a pris la place de sa dernière victime en date dans l’exo-squelette de celle-ci pour donner le change à l’onctueux intermédiaire. Comme elle l’annonce à un Harkon qui risque de passer un sale quart d’heure, la traque ne fait que commencer…

1 : Un jour cette référence sera complètement obscure pour le lecteur, mais j’ai bon espoir qu’en 2021, elle soit encore compréhensible.

AVIS :

On ne va pas se le cacher, les Spyriens font partie des factions de Necromunda au fluff le plus intéressant, et toute nouvelle les intégrant à son casting jouit donc d’un a priori favorable de la part de votre serviteur. Le capital sympathie de ‘A World Above’ est toutefois grandement dilapidé par Alex Hammond dans la série de flashbacks assez obscurs qui constitue le cœur de son propos, et à travers laquelle le lecteur finit par comprendre pourquoi et comment Liz et une Spyrienne aveugle sympathisent (presque) après que la poudre ait fini de parler. Cette intrigue a beau être intéressante dans l’absolu, et se terminer de façon convenablement grimdark en sus, l’exécution n’est pas aussi propre qu’il aurait été souhaitable pour un plaisir de lecture optimal. On n’est pas passé loin de la pépite Necromundienne, et la suite des aventures vengeresses de Knife Edge Liz (‘Rat in the Walls’) pourrait être franchement sympathique si Hammond règle un peu sa mire, mais ‘A World Above’ a laissé un goût marqué et rédhibitoire d’inachevé à votre serviteur.

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Mormacar’s Lament – C. Pramas [WFB] – #6 :

INTRIGUE :

Fait prisonnier par les Elfes Noirs au cours d’une mission d’infiltration à Naggaroth, le Guerrier Fantôme Mormacar profite de l’effondrement d’une galerie dans la mine où il était retenu comme esclave pour se faire la malle, accompagné d’un barbare de Norsca. Leur but est de rallier Arnheim, tête de pont des Hauts Elfes en territoire Druchii, en empruntant le dédale de souterrains s’étendant sous les fondations de Hag Graef. Il leur faudra pour cela se frayer un chemin dans les profondeurs glacées et hostiles de la terre du grand froid, en évitant les patrouilles elfes noires, les expéditions hommes-lézards (eh oui, ils ont dû prendre la mauvaise sortie sur l’autoroute) et les formes de vie les plus agressives de l’écosystème local. Bref, une véritable promenade de santé.

AVIS :

Chris Pramas nous sert un honnête récit d’évasion et d’aventure, dont l’intérêt vient autant du cadre exotique dans lequel il situe son propos que de la vision très sombre qu’à l’auteur du monde de Warhammer1, dans la droite ligne du background officiel. Sans être particulièrement mémorable le duo Mormacar – Einar (le nordique) fonctionne assez correctement, le « choc des cultures » des premières pages se transformant comme de juste en collaboration sincère, puis en amitié réelle.

On peut par contre regretter que les antagonistes, et en particulier le personnage de Lady Bela, sorcière ayant un gros faible pour le cuir et les cravaches, n’aient pas été plus développés, Pramas assurant le service minimum en matière de cruauté et de sadisme druchii. Il y avait sans doute moyen de faire mieux, et de relever du même coup le niveau général de la nouvelle, qui de sympathique aurait pu passer à remarquable.

En résumé, ‘Mormacar’s Lament’ est une soumission sérieuse et d’assez bonne facture, mais dont les « finitions » auraient gagné à être davantage travaillées par l’auteur.

1 : C’est une constante chez Pramas : les héros de ses nouvelles finissent toujours très mal.

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The Day of Thirst – T. R. Summers [NDA] – #6 :

INTRIGUE :

Vous, fringant et amène lecteur, incarnez une recrue Goliath sur le point d’intégrer le gang de la Main Noire, et parti s’en jeter un petit au bar du coin pour marquer l’occasion. Votre interlocuteur est le taulier du rade en question, un individu ouvert aux ragots et aux confidences, qui va se faire un malin plaisir de vous expliquer pourquoi ce recrutement par Krug Face-Mauler, le chef de la Main Noire, n’est peut-être pas une aussi bonne nouvelle que ça…

Quelques jours plus tôt, l’auguste établissement de Furet (le surnom du barman) et QG officieux de la Main Noire avait reçu la visite de courtoise de l’imposante Mother Dark et de ses Eschers, venus rappeler à Krug qu’il leur devait un sacrifice dans le cadre de leur pacte de non agression, et que la livraison était attendue dans quatre heures précises au lieu dit des Pierre Soiffardes (Drinking Stones), sans quoi ça allait chauffer. N’ayant pas jugé bon d’informer ses hommes du petit arrangement passé avec les Eschers, et blessé dans son honneur de mâle alpha qu’une bonne femme vienne lui foutre la honte devant sa bande, Krug se souvint que la meilleure attaque était l’offensive, et monta sur le tas une opération punitive en mobilisant les quelques gangers qu’il avait sous la main (qu’il a noire), ainsi que Furet pour faire le nombre. Manque de pot, le remontage du bolter lourd manié par le balèze de l’équipe (Dramuck) prit tellement de temps que le petit groupe ne rattrapa pas Mother Dark et ses soubrettes en territoire Goliath, comme cela était initialement prévu.

Le règlement de comptes se passa donc à proximité des Pierres Soiffardes, et finit par tourner en faveur de la team XX, dont la prise à revers de la bande de Krug sonna le glas des velléités machistes des crétins à crête. Laissant Dramuck empalé sur le mobilier urbain après que son bolter lourd eut explosé (maudite surchauffe) et Furet enfoui sous un tas de gravats pour sa peine, Krug décida que la meilleure défense était la fuite et détala sans demander son reste. De son côté Furet parvint à faire son trou et à filer à son tour quelques heures plus tard, non sans avoir été témoin contre sa volonté de la fin douloureuse et sanglante de Dramuck, épilé à la cire chaude, liposucé sans anesthésie et surtout écorché à vif par ses tortionnaires pour nourrir le corgi de Mother Dark, enfermé sous les Pierres Soiffardes et impatient d’aller marquer son territoire dans le sous monde quand sa mémère décidera de l’emmener en balade.

Fin du flashback et retour au bar, où Furet s’interroge tout haut sur la vraie motivation de Krug de remplacer le défunt Dramuck par votre honorable personne. Est-ce vraiment pour renforcer son gang, ou simplement pour pouvoir fournir à Mother Dark une nouvelle victime sacrifiable lorsqu’elle en fera la demande ? Mal en a pris à notre pipelette car vous décidez de filer sans demander votre reste, et surtout sans payer votre verre de WildSnake. Petit chenapan que vous êtes.

AVIS :

Résultats mitigés pour Tully R. Summers avec ce ‘The Day of Thirst’, très correct sur la forme mais moins intéressant sur le fond. L’aisance narrative dont l’auteur fait preuve pour brosser en quelques pages le compte rendu d’un accrochage classique entre Goliaths et Eschers se retrouve en effet battue en brèche par l’inclusion d’éléments trop sommairement couverts pour ne pas paraître étranges. Un chef de gang Goliath qui manigance en secret avec des Eschers pour éviter la confrontation ? Une sororité chaotique qui invoque des démons sous les fontaines ? Tout cela n’est pas incompatible avec le background de Necromunda dans l’absolu1, mais balancer ces idées sans les contextualiser ni les étayer de quelque façon que ce soit dans une nouvelle de cinq pages donne logiquement l’impression d’une mécompréhension de l’historique et de l’ambiance du sous monde, tels que décrits dans les sources officielles du jeu. Il faut savoir se contenter de peu et apporter modestement son gravillon à l’édifice, plutôt que de chercher à mettre des coups de pied dans la fourmilière (rarement une bonne idée quand on parle de cités ruches…).

1 : D’ailleurs une des règles fondamentales du fluff est que tout peut se justifier si l’on s’en donne les moyens.

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Il est difficile de conclure cette revue de façon profonde et subtile (comme à mon habitude), tant cette dernière porte sur un corpus indiscriminé. Si on peut leur reprocher beaucoup de choses, les recueils de nouvelles de la Black Library ont au moins l’avantage de ne porter généralement que sur une franchise, et ont (parfois) une ligne éditoriale dont on peut commenter la netteté du suivi. Rien de tout ça ici, seulement un beau pêle-mêle de nouvelles surannées et collector, et donc collectées ici pour your reading pleasure. J’espère donc seulement que cela vous a plu, car il nous reste six ans de publications infernales à couvrir. Ce ne se fera sans doute pas tout de suite, mais j’ai bon espoir d’en venir à bout. Je vous laisse juger si ce futur haut fait fera de moi l’équivalent de Lucifer, et vous dit à bientôt pour de nouvelles critiques sanglantes.

AGE OF LEGEND [WFB]

Vous souvenez-vous de ce que vous faisiez à cette époque, il y a cinq ans? Peut-être vous rappelez-vous avoir poussé un soupir de soulagement en apprenant la démission tardive de Sepp Blatter de la présidence de la Fifa, ou un grognement surpris en découvrant que ce bon à rien de Donald Trump se présentait une nouvelle fois à l’élection présidentielle américaine (aucune chance qu’il n’aille ne serait-ce que jusqu’aux primaires républicaines, ceci dit…). Vous avez peut-être eu la chance de participer à un mariage princier en Suède, ou la malchance d’être inondé dans votre appartement de Tbilissi. Mais, pour un grand nombre des lecteurs de ce billet, le mois de Juin 2015 a surtout été marqué par la disparition pure et simple du Vieux Monde, tel que relaté dans le cinquième et dernier tome de la série End Times, ‘The Lord of the End Times’. Voilà une nouvelle peu anodine et une « progression » du background conséquente, surtout de la part de Games « surtout ne touchons à rien » Workshop. Nous ne savions pas à l’époque qu’il s’agissait pour Nottingham de faire rase d’un glorieux mais encombrant passé, et que le petit frère de Warhammer Fantasy Battle ne tarderait pas à pointer le bout de son nez masque (Stormcast Eternals oblige). Bref, Juin 2015 peut être marqué d’une pierre – dont je laisserai à chacun le soin de déterminer la couleur – dans l’histoire du Hobby, et c’est précisément ce qui nous amène à notre sujet d’aujourd’hui.

Bienvenue donc dans cette chronique du recueil ‘Age of Legend‘, sélectionné par votre serviteur pour accomplir son devoir de mémoire en ce WFB Commemorative Month, ou quelque chose comme ça. Même si, j’en gage, beaucoup des amateurs du Vieux Monde ont l’impression que ce grand bouleversement est encore tout récent, de l’eau a coulé sous les ponts et de nombreux hobbyistes ont rejoint la communauté sans avoir personnellement connu ce monument des wargames medfan. Et cela ne va pas aller en s’améliorant, croyez-moi, même si la sortie attendue de The Old World pourra peut-être donner un coup de jeune à la franchise historique de Games Workshop. De mon côté, je me suis donc dit que l’occasion était bonne de consacrer une chronique à un recueil WFB, dont je dispose encore d’une bonne réserve. Et quel meilleur choix que cet ‘Age of Legend’, qui est à la fois la dernière anthologie généraliste publiée par la BL pour cet univers (2012), et met en avant le Vieux Monde dans toute sa gloire la plus grandiose, brutale et/ou kitsch? Deux bonnes raisons de passer cet ouvrage à la moulinette critique, afin de nous remémorer la bonne vieille époque des socles carrés, des bonus de rangs et des tests de stupidité. On savait vivre en ce temps là.

Sommaire Age of Legend (WFB)

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Au programme, batailles, magie, trahison, héroïsme, fatalité, artefacts légendaires et hauts faits glorieux, grâce aux récits que l’on espère inspirés des dix auteurs convoqués au sommaire. Et là aussi, c’est à une page de l’histoire de la BL et du Vieux Monde que nous avons affaire, avec des noms qui vous seront sans doute familiers si vous pratiquiez déjà à l’époque: Thorpe, Counter, Werner, Kyme, Reynolds ou encore Cawkwell, renforcés pour l’occasion par Hoare, Kemp et Athans. Nous ne devrions donc pas être trop dépaysés. Partons sans plus attendre dans le Monde qui Fut, pour une virée commémorative ou éducative sur ce qui faisait de cette planète dysfonctionnelle à souhait un théâtre mémorable pour nos petits bonshommes…

Age of Legend

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A Small Victory – P. S. Kemp :

INTRIGUE:

A Small VictoryNehekhara, dans les alentours de Bhagar, par une nuit torride quelques millénaires avant Sigmar. Notre héros du jour, Masud, court entre les dunes en essayant tant bien que mal d’éviter les nombreux pièges qui parsèment sa route : les pentes pentues, les cailloux caillouteux, les planches de bois d’arbre, et les zombies frigorifiés1. Summum de l’horreur et de la désolation, il vient de rencontrer le cadavre animé de sa chère et tendre Naemah, embusquée, boulottée et recrutée par les hordes de morts sans repos au service de celui qui n’est pour le moment connu que sous le titre d’Usurpateur, Nagash la Ganache. Elle était la raison pour laquelle Masud s’était risqué à tenter la traversée du désert (pendant laquelle il a rencontré Cher et Steve Seagal), ne pouvant supporter d’être séparé de sa dulcinée, même par une marée de morts vivants affamés. Ayant pris un coup au moral à la suite de cette découverte, Masud erre donc comme une âme en peine entre les zombies, les goules et les fennecs de l’erg nehekharan, jusqu’à qu’un faux pas le fasse s’étaler de tout son long, avec des conséquences tragiques, mais floues. C’est le moment pour nous de faire un petit flashback…

Nous voilà donc sur les murs de Bhagar, quelques heures plus tôt, où Masud avait donné rendez-vous à son frère Fadil, officier de cavalerie dans l’armée du prêtre-roi local. Notre tourtereau, qui avait appris récemment que Naemah lui avait fait bond et était partie sur les routes avec sa famille en direction de Quatar, avait en effet besoin de son frangin pour quitter Bhagar et partir à sa poursuite, maintenant que les autorités ont interdit à quiconque de sortir de la ville. Non dissuadé par les conseils de prudence prodigués par son aîné, Masud était parvenu à convaincre ce dernier de lui filer un coup de main, et avait réussi à partir de la cité, prochaine cible sur la to kill liste de Nagash, en se faisant passer pour un prêtre d’Usirian. Ces malheureux ecclésiastiques avaient en effet suscité l’ire, assez compréhensible, du prêtre-roi et des habitants de Bhagar, par leur incapacité à empêcher les morts de revenir à la vie, ce qui était pourtant leur boulot. Chassés sans ménagement de la cité, ils étaient donc les seuls à pouvoir en franchir les murs, ce qui fit les affaires de Masud. Gagnant au passage quatre followers aussi silencieux qu’inutiles, le Dom Juan des pyramides s’était donc enfoncé dans le désert à la poursuite de son aimée, évitant autant que faire se peut l’avant-garde putréfiée et belliqueuse2 du Nécromancien. La suite et conclusion de cette course d’endurance nous est connue.

Retour à la nuit difficile de Masud, qui se réveille de sa mauvaise chute avec un bon mal de crâne et un gros mal de gorge. Pas de quoi l’empêcher de retourner vers Bhagar cependant, mué par le sentiment impérieux qu’il doit prévenir ses concitoyens du danger qu’ils courent, l’armée de Nagash étant plus proche qu’ils ne peuvent l’imaginer. Plus près de la cité, Fadil mène ses troupes montées à l’assaut de la première vague putride, espérant améliorer les chances de défenseurs en re-tuant le plus de zombies possible avant que le siège ne débute. Il lui faudra cependant mettre du cœur à l’ouvrage, car c’est une véritable légion de cadavres ambulants qui trace sa route en direction de la ville…

Début spoiler…Légion dont Masud est désormais l’une des recrues, car notre héros est apparemment mort d’une torsion fatale de la cheville, à moins qu’une gerbille zombie lui ait mordillé le lobe de l’oreille pendant son KO technique. Quoi qu’il en soit, Roméo a rejoint Juliette de l’autre côté du Styx, et c’est le cœur et le bras lourd que le brave Fadil accorde le repos éternel à son frère d’un revers de son tulwar. Quand t’es dans le désert… Depuis trop longtemps…Fin spoiler

1 : J’en veux pour preuve qu’ils passent la nouvelle à claquer des dents, au grand déplaisir du héros, qui trouve ça terrifiant. Sans doute un cryophobe décomplexé.
2 : On peut en effet affirmer qu’elle cherche la Bhagar.

AVIS:

Petite nouvelle à petit twist final, cet ‘A Small Victory’ de Paul Kemp est donc petit sur tous les plans. Si une (petite) plongée dans une époque et une culture peu mises en avant par la Black Library peut piquer l’intérêt du lecteur, ce bref aperçu de Nehekhara au moment de sa crise démographique la plus aiguë ne se compare pas au travail de Mike Lee dans sa trilogie ‘Nagash’, que je conseille donc en premier chef aux amateurs de sable et de palmiers. Pour le reste, c’est une (mes)aventure basique et convenue que Kemp met ici en scène, qui pourra peut-être surprendre le lecteur pendant un demi-paragraphe quand au sort du commandant Masud.

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Bloodraven – S. Cawkwell :

INTRIGUE:

BloodravenCe n’est pas la grosse ambiance chez les Nains de Karak Ghulg, forteresse prospère mais isolée dans le grand Nord des Montagnes du Bord du Monde. Nos braves Dawi doivent en effet composer depuis quelques semaines avec les assauts répétés et insistants d’une horde de maraudeurs de Khorne, bien décidés à passer les sujets du Roi Skaldi Ironjaw au fil de l’épée, pour le fun. La nouvelle commence d’ailleurs avec l’arrivée devant le noble souverain d’une estafette bien mal en point, annonçant dans un dernier râle à son suzerain que le dernier avant poste de Karak Ghulg a été pris par l’ennemi. Les choses sérieuses vont donc pouvoir commencer.

En attendant que les affreux cultistes aient fini de s’habiller et de se maquiller en coulisse (ce n’est pas si facile que ça d’enfiler une peau de bête du bon sens du premier coup, c’est vrai), nous soutirons quelques informations utiles pour la suite de notre histoire d’un échange, lugubre, entre Skaldi et son fils aîné Eldgrim. On apprend principalement que le premier préfère son benjamin, Felbjorn, au pauvre Eldgrim, qui ne lui en tient pas plus rigueur que ça. Felbjorn est parti accompagner une colonne de civils en direction de la forteresse alliée la plus proche, et son vieux pôpa se fait bien du souci à ce sujet, maintenant que la route du retour est coupée par une bande de malotrus homicidaires. Il faut toutefois à notre Roi faire contre mauvaise fortune bon cœur, et continuer à exercer ses fonctions régaliennes, comme par exemple, recevoir les émissaires envoyés par le chef adverse, une sombre (mais blonde) brute du nom de Bothvar, faire une proposition au Thane. Ce qui n’est pas gagné, d’une car les ambassadeurs ont le champ lexical d’une palourde analphabète, et de deux car leur chef, un petit comique du nom de Von, refuse catégoriquement de laisser son épée au vestiaire, comme les règles de la bienséance le demandent pourtant. Le fameux bon sens nain, et l’humeur conciliante de Skaldi, permettent cependant à l’entrevue d’avoir lieu, après que le garde de faction ait ingénieusement recouvert la garde du braquemart du barbare avec du chatterton (une invention naine peu connue mais fort pratique), empêchant Von de dégainer… ou en tout cas, de dégainer rapidement.

Comme on pouvait s’y attendre, la discussion ne donne rien de bien intéressant, jusqu’à ce que la délégation chaotique se souvienne qu’elle a apporté un petit cadeau à son hôte : la tête tranchée de Felbjorn, qu’elle balance aux pieds de Skaldi. Ce dernier, qui venait sans doute de faire passer la serpillière, prend très mal la chose, et les trois ruffians sont exécutés sans autre forme de procès1. On se doute bien que le moral des Nains, déjà aussi près du sol que ces derniers, a encore perdu quelques centimètres après ce coup du sort. Il est donc temps d’aller prendre des nouvelles de l’autre faction de l’histoire, occupée à ripailler joyeusement dans son camp dépenaillé en attendant la prochaine bataille. Bothvar, qui vient juste de corriger un prétendant un peu trop ambitieux d’une bonne paire de claques, est enchanté de la venue soudaine de son crush absolu, Valkia la sanglante, qui apprend à son champion comment réaliser un corbeau de sang grâce à l’aide précieuse de la dernière victime expiatoire du golgot de Khorne. C’est assez simple mais de très bon goût : il suffit de sortir les poumons de la victime à l’extérieur de sa cage thoracique après lui avoir fracassé les côtes. Et Valkia tient absolument à ce que tous les Nains de Karak Ghulg adoptent cet uniforme, morts ou vifs, lors de l’assaut sur la forteresse. C’est la mode à Nouille-Orque, paraît-il.

Vient ensuite l’assaut tant attendu sur le bastion des fils de Grugni, qui se passe très mal pour eux. J’en veux pour preuve que l’un de leurs canons explose tout seul au premier tir (alors qu’une petite Rune de Forge n’a jamais tué personne, précisément), et que leur porte2 cède sous les coups du bélier ennemi en un temps record. Pendant que son père rumine de sombres pensées bien au chaud dans son hall, c’est Eldgrim qui se tape le sale boulot de tenter de repousser la vague khorneuse, sans grand succès3. Pendant que ses séides, rendus positivement fous par la présence de Valkia, se ruent sur les défenseurs comme des chiens enragés, Bothvar suit les instructions de sa boss – trop occupée à faire des selfies duckface avec Locephax (le Prince Démon de Slaanesh dont elle a monté la tête sur son bouclier, après la tentative de manspreading de trop de ce dernier) pour participer à la bataille – et « corbeaute » tous les nabots lui tombant sous les paluches, au grand effroi d’Eldgrim, qu’un rien dérange4. La situation dégénère totalement pour les Nains lorsque le couple infernal dégaine son special move, un flutter jump avec Bothvar dans le rôle de Mario et Valkia dans celui de Yoshi. Déposé sur les remparts par les bons offices de sa n+1, le chef de guerre commence à tailler dans la masse, tandis que de son côté, Valoche engage Eldgrim en combat singulier, après avoir poussé quelques défenseurs au suicide5. Confronté à un personnage nommé spécialiste du corps à corps, le brave Capitaine ne fait pas de vieux os, faisant du vieux Skaldi un (na)inphelor (un orphelin, mais à l’envers). Les derniers barbus massacrés puis époumonés (et pas nécessairement dans cet ordre), malgré leur résistance acharnée – big up au Nain qui jette son dentier sur les chaoteux en signe de défiance – les crâneurs de Khorne peuvent enfin s’en rouler une sur le pallier des nabots. C’est mérité.

Ne souhaitant pas s’arrêter en si bon chemin, Bothvar entraîne ensuite ses troupes plus en avant dans le Karak, après avoir défoncé la porte intérieure de ce dernier presque à mains nues (comprendre qu’il s’est jeté dessus pendant une bonne minute avant que ses hommes n’aient apporté le bélier, ce qui a dû lui faire mal au crâne). Confrontés à quelques canons à flammes stratégiquement positionnés, une poignée de Tueurs complètement enrunés – dont l’un parvient à abîmer l’armure de Valkia –, puis à la botte ultime de Skaldi, une chorale a capella, M. et Mme Brutal massacrent cependant tout sur leur passage, finissant par le Roi en personne, dont la mâchoire de fer se montrera impuissante contre les mains baladeuses de la démone, qui arrachera le cœur de sa victime avant de le donner à son champion en gage de reconnaissance. C’en est donc fini de Karak Ghulg, même si Skaldi a envoyé le Livre des Rancunes local en sécurité avant son dernier carré héroïque et musical. Il n’aurait pas dû se donner cette peine, notez, car je doute que les envahisseurs sachent lire. Mais, après tout, les bons comptes font les bons ennemis.

1 : Comme je sais que cela vous tracasse, oui, Von réussira à dégainer son épée avant de se prendre un coup de marteau de guerre dans le buffet. Un petit miracle qui illustre bien la puissance des Dieux Sombres.
2 : En bois… Ils cherchaient les problèmes aussi j’ai envie de dire.
3 : Il faut dire qu’il manie la combinaison, fort peu naine, de deux épées au combat. Et les traditions alors, jeune homme ?
4 : Eldgrim manque d’ailleurs de s’écraser comme une bouse aux pieds de ses propres remparts en tirant à l’arquebuse sur le profanateur de cadavres, sans tenir compte du recul de sa pétoire. Quel maître d’armes.
5 : En fait, je soupçonne que les Nains qui se sont jetés du haut des murs à son arrivée l’ont fait après que Locephax leur ait sorti une blague particulièrement salace sur leur maman. On ne plaisante pas avec ça chez les Dawi.

AVIS:

Les familiers de l’époque Hammer & Bolter se souviennent sans doute que je n’avais pas été tendre avec les Space Marinades de Sarah Cawkwell publiées dans ce magazine (et mon opinion n’a pas changé depuis : c’était vraiment pas top). Mon jugement sur ce ‘Bloodraven’ ne sera pas aussi sévère, ce qui renforce la théorie émise en conclusion de la critique de ‘Born of Blood’ que Cawkwell a plus d’affinité avec le med-fan que le grimdark futuriste. Nous sommes en effet en présence d’une nouvelle tout ce qu’il y a de plus correcte, au vu des standards habituels de la Black Library, et exempte des nombreux problèmes de fond et de forme qui étaient la triste caractéristique des aventures des Silver Skulls chéris de Sarah Cawkwell. Sans particulièrement impressionner, ‘Bloodraven’ se révèle lisible d’un bout à l’autre de ses soixante pages, sans qu’il ne prenne au lecteur une envie folle de balancer le livre/la tablette par la fenêtre, ce qui est un progrès certain (si si).

Ce premier constat posé, on peut rentrer davantage dans les détails des points forts et points faibles/bizarres de cette longue nouvelle. Je dois ainsi reconnaître que le début de ‘Bloodraven’ m’a vraiment intéressé, l’auteur parvenant à distiller une atmosphère tendue et sinistre de bon aloi, jusqu’au moment où Valkia vient donner des cours de loisirs créatifs à Bothvar et sa bande. À partir de ce moment, et donc du début du siège à proprement parler, j’ai eu plus de mal à m’intéresser au sort des personnages, tant il semblait acquis que les Nains allaient se faire mettre minable par leurs assaillants. Toute cette partie m’a d’ailleurs semblé très longue, les scènes de combat se multipliant à l’envie sans apporter grand-chose à l’intrigue, Bothvar et Valkia étant proprement invulnérables. Dommage que Cawkwell n’ait pas mis un peu d’eau dans son vin de sang en permettant aux défenseurs de faire rendre gorge à Bothvar (le candidat idéal pour une mort héroïque et violente, du fait de son statut d’antagoniste n’étant pas un personnage nommé du fluff), ou de casser un ongle à sa Dominatrix1. Au chapitre des choix que je trouve discutables, j’ajouterai également la mentalité totalement défaitiste des Nains2, l’influence plutôt slaaneshi que khorneuse de Valkia sur ses groupies, et le peu d’intérêt du rite du corbeau de sang pour la conclusion de l’histoire (ça fait joli, mais c’est tout), alors que je m’attendais à ce que l’époumonage des Dawi serve à transformer Bothvar en démon, ou à faire basculer Karak Ghulg dans les Royaumes du Chaos. Rien de bien méchant, surtout comparé au reste du corpus de Sarah Cawkwell, mais juste de quoi mesurer la distance qui sépare cette dernière du peloton de tête des contributeurs de la BL.

1 : Dont l’armure ébréchée par un valeureux Tueur ne servira donc à rien dans la nouvelle.
2 : À rapprocher du gros coup de blues de la Chanoinesse Brigitta de l’Ordre de la Rose de Fer (‘Bitter End’), confrontée aux avances très beauf de ce fripon de Huron Sombrecoeur. On dirait donc que les personnages de Cawkwell ont lu le script de leur nouvelle avant d’y prendre place, ce qui déprime un peu les futurs perdants.

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City of Dead Jewels – N. Kyme :

INTRIGUE:

City of Dead JewelsLe Prince Darin est mort. Ça nous fait une belle jambe, me direz-vous. Mais ce qui est un détail pour vous veut dire beaucoup pour les compagnons du défunt Royal, qu’il nous faut présenter sans tarder. Premier à prendre la parole, Hegendour, garde du corps du petit prince, a fait tomber la chemise (de mailles) et la coupe corporate, et prêté le Serment du Tueur pour évacuer la honte d’un travail mal fait. Se sentant également un peu coupable de la mort de son chef, le Gardien des Portes (manager Martelier, pour les rustres parmi vous) Magnin se passe les nerfs en cherchant des poux au Ranger Raglan, qu’il a pris en grippe de longue date en raison de l’elfophilie supposée de son clan. Ajoutons à ce riant, ou presque, tableau le Prospecteur Vorgil et le Maître des Runes en contrat de professionnalisation Skalf, et le tour de table (ou ici, de bière) est terminé.

Passons maintenant au théâtre de notre nouvelle, qui, comme vous l’aurez sans doute deviné, sagaces lecteurs, a beaucoup à voir avec une cité de joyaux morts1. Et en effet, c’est bien dans le patelin bucolique en diable de Karak Azgal, f.k.a. Karak Izril a.k.a. la cité des joyaux, que se déroule notre histoire. Plus précisément dans les niveaux inférieurs de la forteresse, où peaux vertes et Skavens se battent comme des chiffonniers pour les places de parking disponibles, depuis que les légitimes propriétaires de l’immeuble ont été refoulés sur le balcon par ces nuisibles. Et qu’allaient donc faire Darin et ses copains Nains dans cette galère, vous entends-je demander ? Eh bien, le Prince avait juré à son vieux père et Roi, Durik, d’abattre un Troll particulièrement trollesque, aperçu en train de troller dans les tunnels du Karak. Cette mission un peu particulière nécessitant l’appui de spécialistes, c’est donc naturellement que nos survivants se sont retrouvés désignés volontaires pour accompagner l’héritier de la véranda de Karak Azgal dans son excursion verminicide. Qui s’est donc très mal terminée pour lui.

Poussés par un honneur inversement proportionnel à leur taille, les aventuriers ont tenu à poursuivre leur mission même après le trépas de leur chef, traînant le cadavre de ce dernier derrière eux pour faire bonne mesure. La dissension a toutefois gagné le petit groupe, certains (Raglan) souhaitant remonter à la surface pour aller chercher des renforts, tandis que d’autres tiennent absolument à se farcir la bête dont Darin avait promis la tête à son paternel. Ce passionnant et passionné débat est toutefois interrompu par l’arrivée d’un monstre aussi massif que flou, qui pousse Haagen Daz à charger bille en tête pour expier sa faute. Mal, ou bien, ça dépend des points de vue, en prend à notre Tueur, qui finit prestement sectionné en deux par une paire de mâchoires invisibles, et recraché sans cérémonie aux pieds de ses petits camarades. Ce n’est toutefois que le début, ou plutôt la continuation, des ennuis pour ces derniers, qui se font ensevelir par un éboulis déclenché par leur mystérieux visiteur, sans doute un peu plus qu’un simple Troll, à y réfléchir…

Pendant que nous laissons nos Nains se creuser 1) la cervelle et 2) un tunnel vers l’air libre, je vous propose une série de flashbacks expliquant un peu le contexte de cette quête. Premièrement, nous suivons la formation du petit groupe de traqueurs, missionnés par un Durik absolument certain que la bête chassée n’est pas le dragon Graug le Terrible (la preuve, il porte une cape faite avec sa peau), depuis son départ de la salle du trône de la machine à café (c’est la dèche) jusqu’au trépas de Darin, lors d’une participation involontaire de la fine équipe à une bataille rangée entre Gobelins et Skavens. Le Prince a été victime de la lame suintante d’un rassassin, qui a pu se glisser jusqu’à sa victime après que ce kéké de Magnin ait chargé dans le tas en gueulant « YOLO LA FAMILLE », brisant la formation défensive des Nains. Il y a des baffes avec rune majeure de discipline qui se perdent. Et en parlant de rune, la deuxième série de flashbacks est centrée sur Skalf, qui doit passer son grand oral de BTS Chaudronnerie, sous l’œil sévère du Philippe Etchebest de la forge. Sa mission est simple : fracasser un moellon de karadurak, le minerai de gromril, d’un seul coup de marteau. Pour cela, plus que de gros biscotos, il faut prononcer les mots magiques d’un air pénétré, ce qui n’est pas facile du tout. Résultat des courses, le vieux maître part à la bataille en laissant son novice détruire méthodiquement tous les outils de l’atelier dans ses vaines tentatives. Et comme tous les vieux maîtres, il s’arrange pour mourir tragiquement avant que son apprenti ait terminé sa formation, laissant Skalf reprendre ses fonctions de fraiseur-rémouleur en chef de Karak Azgal, et donc à participer à la descente fatale de Darin…sans avoir réussi à faire du gravier de karadurak. C’est la honte.

Revenons au présent, et à notre groupe de survivants, réduit à un simple trio, Vorgil ayant pris un gros rocher sur le coin du nez. Skalf, Magnin et Raglan n’ont pas le temps de tergiverser longtemps avant qu’une bande de peaux vertes, sans doute attirée par le bruit, ne leur tombe dessus. Pendant que ses deux compagnons, qui ont fini par s’apprécier, vendent chèrement leur vie pour ralentir la biodiversité locale, Skalf se glisse dans une crevasse ouverte par l’éboulement, qui le mène jusque dans la salle du trésor de, je vous le donne en mille, Graug le Terrible. Il faut croire que Durik a tué le petit neveu du célèbre dragon, Greg le Pas Terrible. Après avoir résisté à la tentation de piquer une tête, Picsou-like, dans le magot du saurien, Skalf cherche désespérément une arme pour se défendre contre les assauts du gros lézard, réveillé par l’arrivée du Nain. Coup de chance, il repère dans le bric à brac le cadavre du célèbre Daled Brise Tempête, dont la non moins célèbre hache runique pourrait faire l’affaire. Il lui faut pour cela libérer la relique des gantelets en gromril du héros décédé, ce qu’il parvient à faire grâce aux enseignements de son maître (après tout, le gromril n’est que de la karadurak qui a fait des études). Ceci fait, le destin de Graug est scellé, quelques vigoureux coups de hache permettant à Skalf d’occire la pénible bestiole, comme raconté dans les légendes. Un bonheur n’arrivant jamais seul, notre héros, de retour au bercail avec la tête de sa victime en remorque, apprend de la bouche des Marteliers du Roi que ce dernier a fait une rupture d’anévrisme peu de temps après le départ de l’expédition de son fils, ce qui a éteint de fait sa lignée. Partant, les Nains de Karak Azgal ne voient aucun problème à faire de Skalf Marteau Noir (car c’était lui) leur nouveau souverain. Après tout, il a tué un vrai dragon, lui.

1 : Expression poétique admirable mais un peu absconse tout de même car j’ai du mal à voir ce qu’un joyau vivant pourrait être. Je ne veux même pas le savoir en fait.

AVIS:

Nick Kyme applique la recette gagnante du développement du lore avec ‘City of Dead Jewels’, qui détaille un événement de l’histoire naine familier aux connaisseurs de cette race : la victoire de Skalf sur Graug le Terrible dans les sous-sols de Karak Azgal. C’est déjà suffisant pour me rendre cette nouvelle sympathique, du fait de mes tendances de fluffiste obsessionnel1, mais je dois dire que Kyme parvient à livrer une histoire non seulement intéressante par son sujet, mais prenante dans sa construction et son déroulé (ce qui est dans son cas loin d’être acquis). Entre les flashbacks insérés dans la narration, le choix de représenter la quasi-totalité des « classes » de guerriers nains parmi la petite bande de dédrakkiseurs de Darin, et la bonne représentation de la mentalité Dawi (importance de la parole donnée, résilience extrême doublée d’un fatalisme exacerbé, conscience amère que l’âge d’or est passé à jamais), les raisons d’apprécier cette quête souterraine ne manquent pas. Sans doute une des nouvelles les plus abouties ayant les Nains comme protagonistes (en mettant de côté le cas particulier de M. Gurnisson), ‘City of Dead Jewels’ mérite donc la lecture si vous vous intéressez à ces vaillants petits gars.

: Je note au passage que Kyme ne s’est pas contenté de donner un peu de profondeur (haha) à Skalf, mais il a aussi révélé que le tueur de dragon et le Maître des Runes ayant donné son nom à une rune majeure sont le même Nain (ce qui n’était pas indiqué dans le fluff précédemment si je ne m’abuse). C’est bien trouvé de sa part, je trouve.

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The Last Charge – A. Hoare :

INTRIGUE:

The Last ChargeLe lecteur se retrouve dans la cité bretonnienne de Brionne, à l’aube de la page la plus sanglante de son histoire, c’est à dire le siège mené par le Maître des Bêtes Rakarth en 19741.

Histoire de montrer à quel point sa nouvelle est chiadée, Hoare la fait précéder d’un petit paragraphe chargé d’introduire son propos avec toute la classe et le mystère que quelques lignes écrites à la manière d’un chroniqueur du XIIIème siècle2 (et en italiques, parce que plus c’est penché, plus c’est classe et mystérieux, c’est bien connu) peuvent apporter à une nouvelle d’heroic-fantasy. Et voici donc l’histoire de la cité de Brionne, bien-aimée du Duc Corentin… (traduction littérale de la dernière phrase de ce mini-prologue si tu ne frétilles pas d’anticipation sur ton siège ami lecteur, tu es un nécron avec la gueule de bois).

Bref, comme vous l’avez compris, c’est Corentin le citéphile qui endosse la défroque du héros dans ce compte-rendu bancal de la chute de Brionne. Visiblement inspiré par le personnage de Reinhardt Metzger, chevalier grabataire et cardiaque se découvrant une vocation de chasseur de vampires à la veille de la retraite (Curse Of The Necrarch), Corentin est une relique ambulante ayant tout vu, tout combattu et tout exterminu au cours de sa longue carrière martiale. Arrivé au point de quasi péremption pour ce qui concerne les choses de la guerre (et pour les bretonniens, ça passe systématiquement par des rhumatismes aux genoux3), notre paladin grisonnant se rend dans la chapelle du Graal de son château pour demander à la Dame du Lac de lui accorder une dernière bataille digne de ce nom avant qu’il ne commence à sucrer les fraises.

Magnanime, cette dernière consent, par demoiselle interposée, à sa requête. Mais un peu troll dans l’âme, elle ne se contente pas d’envoyer à son champion une petite manticore constipée ou quelques centaines d’orques en maraude, préférant plutôt le confronter à l’armada de Rakarth (que j’ai plutôt du mal à considérer comme un instrument de la Dame du Lac, mais les voies divines sont impénétrables). Sympa pour les pécores de Brionne, qui auraient sans doute préférés être laissés en dehors de ce dernier tour de piste. Mais bon, il s’agissait (d’après la manière dont Hoare présente son histoire) pour la déesse de donner une petite leçon d’humilité à Corentin, un noble dessein qui vaut bien qu’on lui sacrifie quelques milliers de manants.

La suite et le gros de la nouvelle sont consacrés à la préparation narrative de la bataille entre hommes et elfes, climax guerrier qui demande pas mal d’espace et passe par plusieurs étapes. Le débarquement des druchiis d’abord, qui donne à Hoare l’occasion de détailler la puissance de l’ost de Rakarth, puis la mobilisation des défenseurs de Brionne, afin d’équilibrer les descriptions. Vient ensuite l’entrevue entre les deux généraux, le Maître des Bêtes exposant ses conditions à son adversaire, qui s’empresse évidemment de les refuser avec toute la morgue chevaleresque dont il est capable, condamnant de fait les défenseurs à l’annihilation en cas de défaite (ce qui n’empêchera pas Brionne de se relever après le départ des pillards comme quoi les elfes noirs ont une grande gueule et peu de patience – ). Après une nuit passée en prières sur les remparts, malgré son grand âge, ses articulations douloureuses et les suppliques de ses conseillers, Corentin se réveille juste à temps pour le début de l’assaut druchii, qui a vite fait de déborder les défenseurs.

On note au passage que le héros de Hoare est un curieux mélange d’impétuosité suicidaire et de résignation désespérée: empêché par ses propres chevaliers de mener la glorieuse sortie qui apparemment constituait sa seule stratégie, sous prétexte de préserver la vie du général dont Brionne a besoin pour espérer triompher, Corentin sombre dans une apathie évidemment peu productive, et contemple d’un air détaché son élite se faire décapsuler par les hydres de Rakarth, puis ses miliciens déserter les murs au premier monstre venu. Conclusion: ne mettez jamais un cyclothymique à la tête de votre garnison les enfants, c’est contre-productif.

Arrivé à ce stade de déroute avancé, notre malheureux duc enfourche sa monture et part seul à la rencontre des assaillants. Enfin. Il se dirige lentement vers les portes défoncées de sa cité, sourd au tumulte de la bataille et aux cris d’agonie de ses sujets, tandis que défilent devant ses yeux les souvenirs d’une vie de batailles au service de la Dame et du Royaume. Ça va chier sévère. On tourne la page pour lire la suite, et… Fin de l’histoire. Oh. Retour en arrière pour voir si on n’a pas sauté la conclusion dans notre impatience… Ce sont des choses qui arrivent. Mais non, il faut bien se rendre à l’évidence, The Last Charge se termine bien sur ce plan du vieux héros chevauchant vers son destin. Au lecteur d’imaginer la suite. Andy, t’est vraiment gonflé.

1 : Siège qui se terminera par une victoire nette des visiteurs après que les hydres druchii aient fracassé les portes de la ville (LA Elfes Noirs V7).
2 : Les lecteurs ayant joué à Medieval II Total War sont appelés à se référer au baratin grandiloquent débité par le moine chauve pendant la cinématique d’introduction.
3 : Je suis sûr que ça a quelque chose à voir avec cette manie de tomber à genoux pour prier au début de chaque bataille. À force, ça doit bousiller les rotules.

AVIS:

Avec le recul, ce parti-pris de favoriser la dimension philosophique (grosso modo: le héros a compris qu’il aurait mieux fait de demander une retraite paisible qu’une dernière bataille glorieuse, et son sort passé cette réalisation n’est pas important) sur la dimension narrative (et voici quelle fut la fin du duc Corentin, finalement occis par l’ennemi après avoir décapité 28 corsaires, éventré 12 furies, empalé 3 hydres de guerre, tabassé à mains nues une sorcière suprême et craché dans l’œil de Rakarth), traditionnellement privilégiée par les auteurs de la BL, se défend.

Il aurait pu faire mouche si Hoare avait mieux mené sa barque, et laissé des indices aux lecteurs quant à son intention de conclure sa nouvelle de manière plus « détachée » que la moyenne. Malheureusement, tout indiquait au contraire un dénouement classique, avec un héros se frayant un chemin dans l’armée ennemie à la pointe de l’épée et un narrateur retranscrivant les moindres moulinets de cette dernière comme s’il était installé sur la croupe du destrier du noble paladin. Du coup, lors de ma première lecture de The Last Charge, j’ai vraiment eu l’impression que Hoare, manquant de place, avait dû terminer sa nouvelle en catastrophe, juste avant l’épique final promis depuis les premières lignes de l’histoire.

Bref, des ambitions louables sabotées par une mise en place trop classique et convenue, pour un résultat final tristement bancal. Dommage Andy.

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The Ninth Book – G. Thorpe :

INTRIGUE:

The Ninth BookParti avec 200 volontaires servir dans la légion étrangère d’un Empire divisé comme jamais par la querelle des π Empereurs1, le capitaine mercenaire Kurya Slavonich se retrouve pris dans un blizzard tenace dont Kislev a le secret. Plutôt que de mourir gelé dans la steppe ou de couper par les mines de la Moria, deux options respectables à tout point de vue, il décide d’emmener ses hommes dans une forêt toute proche, où ses éclaireurs ne tardent pas à découvrir un manoir de chasse abandonné. Bien que le naturaliste2 de la bande, un certain Lushka, fasse à plusieurs reprises part de ses soupçons quant à la salubrité de cet Air BnB providentiel, absence de lierre aux fenêtres et de toiles d’araignée sous les plafonds à l’appui, il faut plus que les soupçons d’un militant écolo pour convaincre les mercenaires frigorifiés de rebrousser chemin.

Nous suivons donc Kurya et sa bande visiter leur nouveau pied à terre, très semblable à une maison de vacances dont le propriétaire aurait rejoint la ville à la fin de la belle saison. Certes, la présence de quelques cadavres écorchés au dernier étage de la bâtisse vient quelque peu refroidir l’ambiance, mais après tout, chacun à le droit à ses hobbies, fut-ce l’anatomie appliquée. Épuisé par cette rude journée de marche, Kurya finit par piquer un petit roupillon dans la suite princière de son squat, qu’il a remporté à chifoumi contre son second Piotr quelques minutes plus tôt. Si si. Il ignore cependant qu’une mystérieuse et méprisante présence a suivi la progression de sa troupe depuis les profondeurs de la forêt, balançant son lot de remarques dédaigneuses sur la brave bande de boyards en maraude, tout en salivant sur leur potentiel sanguin. Il est donc acté qu’un vampire philosophe et misanthrope baguenaude dans les sous-bois, ce qui n’est pas une super nouvelle pour Slavonich et ses bonniches.

Le sommeil du juste de notre héros est brutalement interrompu sur ces entrefaites par un cri perçant provenant de la salle principale du manoir, où le gros de la troupe s’est installé. Un mouvement malheureux a en effet ouvert un passage secret près de la cheminée de la pièce, ce qui est suffisamment terrifiant pour pousser Lushka et ses cons de disciples à prendre leurs cliques et leurs claques et aller faire du camping dans la forêt, là où ils seront à l’abri de ces terribles portes dérobées. Pas de chances pour eux, ils feront bientôt la connaissance d’une bande de Maraudeurs du Chaos, menés par un Élu ceint de son écharpe tricolore3, et qui lâchera ses molosses affamés sur les hipsters alors que leur contre-soirée ne venait qu’à peine de commencer. Cette arrivée impromptue met notre vampire persifleur sur les dents (haha), car il comprend que les servants des Dieux Sombres en ont après la même chose que lui : un bouquin très spécial, gardé dans la crypte du manoir, où Piotr a entraîné quelques hommes pour une petite session de pillage.

Car en effet, c’est là que menait le fameux passage secret qui a conduit à la mort (indirectement, certes) Lushka et ses gars. Il ne faut pas longtemps à nos pilleurs de tomb- archéologues free lance pour soutirer à la dynastie locale, qui répond au nom obscur de von Carstein, tous ses bijoux, reliques et autres objets de valeur… dont un grimoire relié de peau humaine, gardé sous le coude par un cadavre resté à 1% de batterie depuis sa mise en bière, et qui accueille donc très défavorablement la tentative de vol à l’arraché dont il fait les frais de la part des Kislévites. Cela n’empêche absolument pas ces derniers de décapiter le pauvre petit vieux pour sa peine, et de repartir à la surface avec leur butin bien mal acquis.

Au rez-de-chaussée, les choses se sont toutefois précipitées. Un sombre inconnu au charisme diabolique s’est en effet présenté devant la porte, et a envoyé une telle œillade à Kurya que ce dernier l’a invité à entrer dans sa piaule, ce que le nouveau venu tenait à ce qu’il fasse (les vampires sont polis, après tout). Usant de son charme irrésistible, le mystérieux voyageur convainc sans mal le capitaine mercenaire de conclure un marché un peu particulier : son aide contre l’attaque des maraudeurs du Chaos, dont on voit déjà poindre les torches multicolores à l’horizon, en échange du bouquin que Piotr a ramené de sa virée dans les catacombes. TOUT CELA EST BIEN MYSTÉRIEUX ALORS. Kurya, qui est littéralement tombé amoureux de son hôte à ce stade, accepte également sans broncher d’aller défendre le terminal Sud du manoir, laissant la lumière et le statut d’« homme » providentiel à son invité. Et celui-ci ne va guère prendre de gants pour honorer sa part du marché, puisqu’il réanime OKLM toute la smala von Carstein pour venir lui prêter main forte lorsque les mercenaires commencent à donner des signes de fatigue, ce qui permet aux défenseurs de souffler un peu. Il faudra toutefois à notre vampire mettre la main à la pâte pour venir à bout des importuns, et en particulier de l’Élu de l’opposition, un peu trop costaud pour les sacs d’os convoqués par notre vampire. Rien toutefois que ce beau gosse de Vlad l’Emballeur (car c’était lui) ne puisse gérer en l’espace d’un demi-paragraphe. La routine quoi. Ceci fait, et les hordes du Chaos en fuite, il ne reste plus à Mr Good Deal qu’à empocher sa récompense, que Kurya lui remet traînant un peu des pieds, mais un marché est un marché. Le mercenaire ne peut pas imaginer les conséquences tragiques que cette transaction aura dans les années à venir, après que ce cancre de Vlad ait réussi à percer les secrets du 9ème Livre de Nagash, et matché sur Tinder avec une certaine Isabella de Sylvanie…

1 : Comprendre qu’il y en avait en au moins 3, mais souvent plus.
2 : Le naturiste de la bande étant, lui, mort de froid moins de dix kilomètres après le départ de la troupe du Kislev profond.
3 : Les légendes racontent qu’il s’agissait de Joachim Son-Forget, décidément dans la dèche après un tweet malheureux de plus.

AVIS:

Gav Thorpe joue sur ses points forts avec ‘The Ninth Book’, en livrant une histoire plus intéressante pour son sujet (les origines de Vlad von Carstein) et les éclaircissements fluffiques apportés par l’auteur que pour ses qualités narratives. On sent bien à la lecture que Thorpe maîtrise son sujet, et sait exactement ce qu’il cherche à accomplir avec cette nouvelle, c’est à dire révéler les motivations qui ont poussé l’un des antagonistes les plus célèbres du Vieux Monde à lancer sa carrière politique, avec le succès que l’on sait. Thorpe sait également que ce point de vue et ces informations intéresseront une grande partie de son public, ce qui n’est pas donné à tous les auteurs de la BL, et particulièrement les nouveaux-venus au sein de cette dernière. On peut également souligner qu’en plus de maîtriser l’aspect « géopolitique », Thorpe démontre qu’il connaît son personnage, en insistant bien sur l’aura de séduction et de charisme dont Papa von Carstein bénéficie, et qu’il utilise à son avantage pour parvenir à ses fins, ce qui est tout de même plus intéressant qu’un vampire1 se contentant d’être plus fort, plus rapide et plus endurant que le reste du casting de la nouvelle (même si on a également droit à une démonstration de ce type en fin de récit, histoire de répondre au cahier des charges). À mes yeux, cette bonne performance de fond compense largement la banalité de la forme, ‘The Ninth Book’ n’étant pas particulièrement inventif, prenant ou mémorable dans son exposition.

1 : Notons également que l’auteur maîtrise ses classiques vampiriques, en appliquant la règle « d’hospitalité sollicitée » à Vlad von Carstein (il ne peut pas entrer dans un bâtiment sans avoir été invité). Ce qui peut expliquer pourquoi notre anti-héros a dû attendre des siècles avant de pouvoir mettre la main sur le précieux grimoire.

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The Gods Demands – J. Reynolds :

INTRIGUE:

The Gods DemandPlace à de l’épique avec un grand E, en l’occurrence, le récit des dernières heures du siège de Hergig par les hordes du Seigneur des Bêtes Gorthor. Les protagonistes demeurent donc inchangés par rapport à la première publication de l’autre Reynolds (ne pas oublier Anthony, spécialiste Bretonnie et World Eaters de la BL), Hommes-Bêtes et Impériaux se mettant joyeusement sur le coin du museau pour la possession des ruines fumantes de la capitale provinciale du Hochland.

AVIS:

J‘ai déjà eu l’occasion de dire ici mon intérêt pour les nouvelles développant et donnant corps au fluff officiel (dans le cas de Hammer & Bolter, on pensera à Charandis et Feast Of Horrors), et je ne pouvais donc considérer The Gods Demand qu’avec un a priori favorable (doublement favorable même, mon passif de joueur de l’Empire et des Hommes-Bêtes concourant en outre à fausser mon jugement d’habitude si impartial -humour-). J’attendais beaucoup de cette histoire, et dois reconnaître que je n’ai pas été déçu par cette dernière, Josh Reynolds étant parvenu à insuffler dans son propos la dimension héroïque nécessaire à tout récit estampillé Time Of Legends. Ce succès repose en grande partie sur les mises en scène et description soignées des deux figures centrales de la nouvelle, Gorthor et Mikael. Le premier exsude une aura de grandeur funeste tout à fait appropriée, contrastant vivement avec le pragmatisme borné et animal de ses sous-fifres, dépeints par Reynolds comme une arme à double tranchant dont le Seigneur des Bêtes doit se servir avec précaution. En effet, le statut d’Elu des Dieux de Gorthor apparaît comme une source plutôt limitée de légitimité sur les chefs de sa horde, à moins de décapiter les plus remuants parmi ces derniers à une fréquence soutenue. Et quand les chamanes se mettent à leur tour à ruer dans les brancards, la situation devient incroyablement délicate pour le Seigneur des Bêtes, dont le génie stratégique doit céder devant les pulsions névrotiques de ses suivants (greuh, on fonce).

Sa Némésis est, quant à elle, décrite comme un leader à la résolution fanatique, refusant obstinément de reculer face à l’envahisseur bestial. On retrouve donc le Mikael cruel et impitoyable sommairement dépeint dans les Livres d’Armée de l’Empire, proche à bien des égards de la folie affligeant Marius Leitdorf. Reynolds va même jusqu’à suggérer à mots couverts que cette impétuosité sanguinaire pourrait être causée par les enchantements imprégnant les crocs runiques, hypothèse séduisante qui ne demande qu’à être développée plus avant dans le futur.

Logiquement conclu par l’affrontement final entre les deux généraux au moment où le siège est rompu par l’intervention des chevaliers du Soleil, The Gods Demand satisfera autant le fluffiste à la recherche d’informations sur l’organisation d’une horde d’Hommes-Bêtes et/ou la cour du Hochland que le lecteur en quête d’une nouvelle nerveuse et maîtrisée. Les clins d’œil adressés par Josh Reynolds à ses modèles littéraires (en particulier les références à l’œuvre de Lovecraft) et aux joueurs de Warhammer (pumbagors en furie, long fusil presque efficace) achèvent de faire de cette deuxième contribution à Hammer & Bolter une réussite indéniable.

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Plague Doktor – C. L. Werner :

INTRIGUE:

Plague DoktorAlors qu’ils cheminaient gaiement dans la cambrousse impériale, le duo mal assorti constitué du médecin disgracié et alcoolique Manfred Grau et de son garde du corps disgracié aussi et ancien chevalier de la Reiksguard Ernst Kahlenberg, tombe sur une scène macabre. Un cadavre atrocement griffé se trouve en effet sur la route, entouré par les affaires abandonnées de la carriole qui l’emmenait vers la ville la plus proche. C’est un coup de chance pour nos héros, que les temps difficiles (nous sommes à l’époque de la Grande Peste) ont forcé à devenir des Angelika Fleischer avant l’heure, et donc à récupérer les objets de valeur des charniers et communautés abandonnées pour les revendre au plus offrant. Bien que le noble et droit Kahlenberg, dont le tort aura été de se ranger du côté des manifestants demandant du pain à l’infâme Empereur Boris l’Avide, et donc de se faire à moitié piétiner par ses frères d’armes lorsque les forces de l’ordre sont intervenues, ne goûte pas à ces activités honteuses, il a cependant contracté une dette d’honneur envers le beaucoup plus moralement flexible Grau, et se plie donc aux ordres de ce dernier. C’est ainsi que nos marcheurs font l’acquisition d’une panoplie complète de docteur de la peste, déshonorable profession que le macchabée du bas-côté exerçait avant de rencontrer un destin tragique. Songeant probablement à revendre l’attirail à un cosplayer gothique sur le chemin de Japan Expo, Grau range l’ensemble dans le coffre de sa Kangoo, et les deux compères repartent de plus belle.

Rapidement rendus dans la petite ville d’Amorbach, dont les traditionnelles huttes de boue ont été classées au patrimoine imputrescible de l’humanité, ils cheminent entre les cahutes vides, sans s’apercevoir qu’ils sont épiés par quelque chose ressemblant fort à un Skaven, jusqu’à parvenir sur la grand place/terrain vague de la cité, où une foule en colère agonit d’injures un pauvre prêtre de Sigmar. Le prosélytisme de l’homme d’église passe en effet très mal auprès des péquenots, qui accusent Ziggie de leur avoir porté la poisse et être responsable de l’épidémie de peste bubonique à l’œuvre à Amorbach. Ce spectacle piteux ne laisse pas Kahlenberg de glace, et le palouf déshonoré s’empresse de voler au secours du prêtre isolé avant que les marauds ne commettent l’irréparable. Plus doué pour fendre des crânes que pour calmer les esprits, Kahlenberg est à son tour pris à parti par la foule, et aurait fini martyre sans l’intervention salutaire de Grau, que les Amorbacher ont pris pour le docteur de la peste qu’ils attendent depuis des lustres, après qu’une main baladeuse ait fait tomber la panoplie collectée quelques pages plus tôt de la charrette du duo. Sentant une ouverture et une opportunité, Grau marche à fond dans la méprise, et profite de son nouveau statut pour s’octroyer le meilleur lit de la ville ainsi qu’un minibar bien rempli, avant de commencer sa tournée le lendemain. À nouveau, la probité de Kahlenberg s’accommode mal du mensonge éhonté de son employeur, mais comme ce dernier lui a de nouveau sauvé les miches, il ne peut pas dire grand-chose.

Le jour suivant, comme convenu, Grau – en grande tenue d’apparat, canne cormoran comprise – accompagné de son garde du corps ronchon, part remplir son office, commençant par la maison de l’homme le plus important de la ville par disparition de tous les autres avant lui : le bedeau. C’est sa fille qui vient ouvrir, son père étant à l’article de la mort, et pas très loin de passer à la caisse, d’après la mine cadavérique qu’il arbore. Cela n’empêche pas l’ingénieux Grau de vendre un peu de rêve à la jouvencelle éplorée (et également contaminée, ce qui fait refuser à notre intègre praticien un paiement en nature), en lui indiquant d’attacher un crapaud sous les aisselles du malade pour aspirer les humeurs bilieuses qui l’affligent. Moi je dis, ça se tente (le crapaud n’est pas d’accord ceci dit). Cette bonne œuvre accomplie, les deux larrons quittent leurs patients, après leur avoir conseillé de régler le problème de rats dont leur domicile semble affligé, comme en témoigne la cavalcade persistante à l’étage de la maison…

Début spoiler…Et ce problème est plus sérieux qu’il n’y parait, car Grau et Kahlenberg se font attaquer sans prévenir par une petite bande de Skavens, tellement rapides qu’ils parviennent à blesser à mort le chevalier avant que ce dernier n’ait eu le temps de tirer son épée. Se sachant condamné, Kahlenberg enjoint à son employeur, également poignardé, de prendre la fuite pendant qu’il retiendra leurs assaillants… Ce qui ne fonctionnera pas. Rat-trappé par ses poursuivants au bout de quelques mètres, le médecin malgré lui paiera de sa vie son imitation un peu trop convaincante de docteur de la peste, les hommes rats ne souhaitant pas, et on les comprend, que leur belle épidémie se fasse enrayer par un obscur samaritain. Décidément, faire semblant d’aider son prochain n’est pas une sinécure dans le monde impitoyable de Warhammer.Fin spoiler

AVIS:

Soumission surprenante de la part d’un auteur chevronné comme C. L. Werner, ‘Plague Doktor’ donne l’impression d’un récit tronqué et inachevé, la faute en revenant à la brutalité avec laquelle l’histoire se conclut, sans que rien ne laisse présager un tomber de rideau aussi rapide pour notre paire de magouilleurs. Si l’on peut arguer que cela renforce le côté nihiliste et cruel du Vieux Monde, où les protagonistes ne sont à l’abri d’une fin prématurée que s’ils ont un profil dans un Livre d’Armée quelconque (et encore), le compte n’y est pas en matière de construction et d’équilibre de la nouvelle. Il aurait en effet été préférable que Werner introduise davantage la menace Skavens au début de son propos, où fasse interagir ses héros avec leurs Némésis avant l’embuscade fatale dont ils sont les victimes, plutôt que de les faire sortir de scène sans sommation ni préparation. C’est d’autant plus dommage que l’homme au chapeau a prouvé à maintes reprises qu’il était maître dans l’agencement et le cadencement de ce genre de nouvelles d’action (voir la série des ‘Brunner, Bounty Hunter’), et avait posé les bases d’un délicieux quiproquo quelques pages auparavant, dont je m’attendais à ce qu’il soit au cœur du dénouement de l’intrigue1 (les villageois se rendent compte que Grau est un charlatan, provoquant sa fuite, ou quelque chose comme ça). La seule réhabilitation possible que je vois pour ce ‘Plague Doktor’ serait d’apprendre que Grau et Kahlenberg sont des personnages utilisés par Werner dans sa trilogie sur la Grande Peste, et desquels il aurait souhaité se débarrasser une fois pour toutes. Là, oui (et encore, je demande à voir lire). Pour l’heure, et ne considérant cette nouvelle que pour ses propres mérites, je dois reconnaître qu’elle ne fait pas partie des meilleures réalisations de son auteur.

1 : D’une certaine manière, c’est bien le cas (Grau et Kahlenberg se font tuer parce qu’ils ont été pris au sérieux par tout le monde, même les Skavens), mais c’est vraiment trop « brutal » à mon goût.

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The City Is Theirs – P. Athans :

INTRIGUE:

The City Is TheirsNuln, un matin d’automne de 1707. Comme vous l’avez déjà compris si vous êtes incollables sur l’histoire de l’Empire, ça sent le sapin pour notre héros, le Comte Electeur d’Averland Brutus Leitdorf (ancêtre probable de qui vous savez), que l’on voit dire adieu à sa fille, Gisele, avant de commencer une dure journée de travail. Et si vous n’avez pas révisé vos Livres d’Armée, fieffés garnements que vous êtes, apprenez qu’un certain Gorbad Griff eud’Fer est en train de taper à la porte de la cité avec quelques centaines de milliers de copains. Beaucoup trop pour les défenseurs impériaux, dont la tâche sera de ralentir au maximum l’avancée des peaux vertes pour laisser le temps aux civils de traverser le Reik et de mettre le plus de distance entre la métropole assiégée et eux. Pour l’heure, Brutus a pris place au sommet de la tour de l’astronome local, et tient absolument à tirer le meilleur parti des deux euros qu’il a déboursé pour que le maître des lieux l’autorise à utiliser son télescope. Il reçoit donc les rapports, allant du défaitiste au désastreux, de ses lieutenants avec un œil détaché, et surtout attaché à l’objectif de la lunette, où il cherche sans doute l’inspiration nécessaire pour se sortir de ce beau pétrin.

Fort heureusement, la fortune finit par sourire à Brutus lorsqu’un collègue de l’astronome, un alchimiste asthmatique et insolent du nom d’Isaak Meitler, arrive à se traîner jusqu’en haut du perchoir du Comte, avec une drôle de malette sous le bras. Cette dernière contient deux fioles de verre contenant un « ex-plo-sif1 » extrêmement puissant aux dires de son heureux possesseur, et donc capable de faire partir le problème d’infestation de Nuln en fumée, de façon très littérale. Petit problème, la substance est tellement puissante qu’il faut trouver un moyen de la projeter sur l’ennemi à plus de quatre cents mètres, faute de quoi les torts (et les dégâts) seront partagés. Après mûre réflexion, la fine équipe de Brutus (lui-même, l’astronome, l’alchimiste, le Baron Leberecht, qui-passe-son-temps-à-râler-mais-est-sympa-dans-le-fond, le maître artilleur de Nuln, et un chevalier estafette qui passe une tête toutes les quinze pages et donne son avis de temps en temps) décide d’opter pour un envoi par Colissimo et par trébuchet, après avoir soigneusement emballé la première fiole dans du papier bulle pour éviter qu’elle ne se brise au décollage. Et ça marche. Ou presque. Car par un fâcheux coup de déveine, le projectile percute un plongeur de la mort en plein ciel, avec des effets spectaculaires, incluant la destruction d’une bonne partie de l’enceinte orientale de la ville. Que voilà un effet secondaire fâcheux.

Profitant du tumulte et du nuage de poussière (agrémenté d’une pluie de morceaux d’Orques) s’étant abattu sur la ville pour battre en retraite au niveau du pont sur le Reik, Brutus (qui a tellement aimé sa séance d’astronomie qu’il est reparti avec le télescope de son hôte sous le bras) et ses grouillots doivent se résoudre à organiser la destruction de l’ouvrage d’art pour stopper la marée verte. C’est là qu’ils font la rencontre d’une réfugiée Halfling du nom de Kätzchen, légèrement traumatisée par la dévastation de son Moot natal et la vision persistante de la participation involontaire de sa famille à Top Ork Chef, en tant que ramens plutôt que candidats. Dotée du solide bon sens et de l’érudition toute relative de la paysanne qu’elle est, au fond, Kätzchen convainc Brutus de lui remettre la deuxième fiole pour… faire un truc avec. J’imagine. En tout cas, elle reste derrière le gros des troupes, jusque là plus occupées à évacuer les bibliothèques de l’université qu’à combattre les envahisseurs, pendant que Leitdorf repart vers la citadelle à petites foulées, son fidèle télescope à la main, et que Leberecht prend la tête de la colonne des réfugiés. Malheureusement pour notre brave hobbit, son escapade furtive sur les toits de Nuln finira mal, puisque Kätzchen croisera la route d’une Archnaroc baveuse et affamée2 avant d’avoir pu mener à bien sa mystérieuse mission. Tenant à réussir sa sortie, l’altruiste Halfling enverra un gros clin d’œil à Brutus (oui c’est peu crédible, mais c’est bien ce qui est dit) avant de laisser tomber son flacon, réduisant la partie orientale de la ville, l’université, le pont et un quart de l’armée de Gorbad – qui demandait sans doute un trop gros cachet pour apparaître dans la nouvelle – en confetti. Et Brutus de conclure, avec une petite larme au coin de l’œil, que la cité, ou ce qu’il en reste, est désormais aux mains de l’ennemi. D’où le titre. Voilà voilà.

1 : J’en déduis à l’air étonné que prennent les personnages de la nouvelle au moment où Meitler lâche sa bombe (façon de parle) que les Nains n’avaient pas encore laissé passer le brevet de la poudre noire dans le domaine public.
2 : Ce qui manquera de faire défaillir de trouille ce voyeur de Leitdorf (il faut bien que ce téléscope serve à quelque chose, pas vrai), très probablement arachnophobe, dans une habile transposition de ‘Tintin et l’Etoile Mystérieuse’ dans le Vieux Monde.

AVIS:

Bien souvent, les nouveaux auteurs de la BL font preuve d’un style et d’une vision de leur sujet différents du standard de la maison, avec des résultats variant du rafraîchissant au déroutant. Je pencherai davantage vers la deuxième option pour ‘The City Is Theirs’, handicapé selon moi par plusieurs choix d’Athans dans lesquels je ne me retrouve pas (sans que ces derniers soient condamnables en eux-mêmes, comme une violation pure et simple du background établi peut l’être). Pour commencer, j’ai trouvé bizarre que l’auteur décide de ne pas utiliser le personnage nommé le plus célèbre de son époque (Gorbad Griff eud’ Fer1) dans une nouvelle écrite pour un recueil Time of Legends, et où il avait donc toute latitude pour apparaître. C’est son armée, après tout. Athans va même jusqu’à avancer l’idée que Gorbad n’existe pas, ce qui est un point de vue intéressant, mais pas adapté à la ligne éditoriale du bouquin auquel il contribue. À la place du plus grand chef de guerre Orque de tous les temps, nous nous retrouvons donc avec une petite bande d’Impériaux plus ou moins risibles, et beaucoup moins passionnants à voir évoluer que le géant vert sur son cochon vénère.

Un autre reproche que je ferai à cette nouvelle a d’ailleurs trait à Brutus et Kätzchen, les deux héros de notre histoire. Le premier est monté sur courant alternatif en termes de caractère, apparaissant parfois comme un seigneur hautain et froid, capable de lever la main sur un subalterne ayant légèrement mis en doute son honneur, parfois comme un boy scout prêt à rendre service à tout le monde et acceptant sans problème que ses sujets lui manquent de respect. Son amour déraisonnable pour les télescopes, pendant que sa cité est en train de se faire incendier par des milliers de peaux vertes, ne m’a pas non plus aidé à sympathiser avec ce personnage, qui semble tenir un petit grain qu’il a peut-être refilé à son lointain descendant Marius. Kätzchen, de son côté, ne semble être jamais être sortie de son trou, et fait plus Pygmée des Terres du Sud que Halfling du Moot, si on me demande mon avis. Enfin, l’inclusion d’armes nucléaires (parce qu’en toute franchise, ce que Meitler apporte avec lui, c’est de l’uranium enrichi) dans le background de Warhammer, même si cela n’a finalement pas d’impact significatif, m’a semblé un peu étrange. Comme le résultat du siège était connu d’avance, Athans aurait pu explorer d’autres pistes pour justifier son intérêt pour cet événement qu’une utilisation presque réussie de la bombe atomique par les défenseurs.

Bref, je suis resté sur ma faim avec ‘The City Is Theirs’, qui est plus une curiosité littéraire pour les archéo-fluffistes impériaux d’humeur magnanime (public de niche s’il en est) qu’une lecture recommandée pour les amateurs de lore.

1 : Parce que soyons honnêtes, des célébrités du Monde qui Fut du début du 18ème siècle, il n’y en a pas des masses.

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The Second Sun – B. Counter :

INTRIGUE:

The Second SunDans un coin perdu du Nord de la Norsca (Nornorsca?), l’explorateur impérial Sigtaal Whitehand fait ses adieux à son cheval, victime des éléments et de l’environnement hostiles de cette contrée peu hospitalière. Après avoir taillé une bavette dans la dépouille de l’animal, il reprend sa route et finit par arriver sur un glacier, où il surprend la cérémonie funéraire d’une bande de locaux patibulaires et mutiques, consistant à balancer les cadavres, et presque cadavres, car les Norses sont des gens pratiques qui n’aiment pas remettre à demain ce qui peut être fait aujourd’hui, de leurs proches dans une fissure du sol, ressemblant fortement à une bouche hérissée de dents/stalactites pointues. L’office terminée, la tribu repart, laissant Sigtaal seul face à la crevasse béante.

Notre héros, qui a sillonné le Vieux Monde, et même au-delà, à la poursuite de connaissances occultes, est persuadé d’être arrivé au bout du voyage de sa vie, car il sait que sous la glace sommeille un être capable de répondre aux questions qu’il se pose depuis des années. Mais pour pouvoir accéder au Deep Thought du monde de Warhammer, quelques travaux d’excavation sont nécessaires. Fort heureusement, Sigtaal ne s’est pas contenté de venir avec une pelle, mais est surtout un sorcier proto-flamboyant1 de grand pouvoir, dont la botte secrète est la convocation du Second Soleil, qui est très exactement ce que son nom indique qu’il est. Ayant endossé pour l’occasion son identité secrète de Malofex, son alter ego arcanique2, Sigtaal commence à incanter, et parvient après des efforts considérables à faire fondre le glacier, ce qui aura des conséquences calamiteuses sur le niveau des océans, j’imagine. Résultat plus important et plus immédiat, ce soudain coup de chaud révèle la forme titanesque et rocheuse d’un dragon-ogre oublié là par un cryothérapeute tête en l’air. Et ce dragon-ogre n’est autre que le célèbre Kholek Suneater, à qui Sigtaal/Malofex a quelques questions à poser.

Malheureusement pour notre interviewer de l’extrême, Kholek est colère ce jour là. Loin de remercier le sorcier pour l’avoir libéré des glaces, où il disposait semble-t-il d’une bonne connexion internet et d’un abonnement au câble, car il n’a pas raté une miette de la conquête du monde par les jeunes races, il refuse tout net de répondre à ses questions, éteint le Second Soleil à mains nues3, et gobe Sigtaal (Malofex, sentant le vent tourner, est sagement reparti dans la huitième dimension, laissant son hôte physique se dém*rder tout seul) sans sourciller. Ne reste du passage de notre héros dans le grand Nord que son masque de cosplayer de l’extrême et son journal de bord, qui seront récupérés bien des siècles plus tard par une expédition financée par le Collège Flamboyant d’Altdorf, et ramenés dans la capitale.

C’est là que nous faisons la rencontre de notre second protagoniste, le jeune sorcier de feu Henning Mohr, chargé par le Grand Maître Ulzheimer d’enquêter sur l’affaire Sigtaal Whitehand. Après quelques heures à craquer le code utilisé par son prédécesseur pour écrire ses notes, Mohr acquiert la conviction que Whitehand a réussi à conjurer un sort d’une puissance extraordinaire (le fameux Second Soleil), dépassant ce que les Maîtres de l’Ordre sont capables d’invoquer malgré leur entraînement et leur expérience. Après avoir porté ses conclusions à son maître de thèse, qui passe ses journées juché sur une plateforme en haut d’une tour à contempler les flammes de son barbecue personnel à la recherche de visions de l’avenir, Mohr reçoit une recommandation de la part de ce dernier pour aller poursuivre ses recherches dans le sous-sol du Collège, là où est conservé le légendaire, et très dangereux, ‘Apocrypha Incandescent’. Accueilli froidement mais chaudement (you know what I mean) par l’esprit désincarné d’un vieux Maître défunt faisant office de bibliothécaire, Mohr se plonge dans la lecture du tome, qui vient corroborer son hypothèse, et lui révéler que Whitehand et Malofex, le créateur du Second Soleil d’après l’Apocrypha Incandescent’ sont la même personne. Rejoint par Ulzheimer, qui s’inquiétait de ne pas voir reparaître son élève, dans les archives interdites, Mohr briefe son mentor sur ses dernières trouvailles, et lui annonce qu’il est proche de découvrir qui Whitehand cherchait à contacter lors de son dernier voyage en Norsca. Cela pourra toutefois attendre demain, Ulzheimer tenant à ce que son disciple prenne un peu de repos, et insistant pour le raccompagner jusqu’à la surface…

Début spoiler…Et lui planter une dague en plein cœur au passage, avant de se débarrasser du cadavre. Car Alzheimer faisait partie d’une société secrète chaotique au sein du Collège Flamboyant, dont le but est de favoriser l’invasion de l’Empire par les forces du Chaos4, ce que le réveil de Kholek pourrait évidemment favoriser. Mohr a été utilisé comme enquêteur et, ironiquement, pare-feu par le Grand Maître renégat, qui ne souhaitait pas prendre de risques en consultant lui-même des sources potentiellement dangereuses, beaucoup d’ouvrages de magie ayant été piégés par leur auteur pour empêcher que leurs secrets soient percés à jour. Bref, la conspiration du phénix a désormais toutes les informations nécessaires pour ramener à la vie le Gobe Soleil, ne lui reste plus qu’à localiser l’EHPAD où papy Kholek somnole en ce moment…Fin spoiler    

1 : L’histoire se déroule en 1730, quelques siècles avant que Teclis ne vienne fonder son institut à Altdorf.
2 : Qui ne craint qu’une seule chose, la xiatique.
3 : Ce qui est scandaleux quand on y réfléchit. Le type s’appelle tout de même Suneater, je m’attendais à mieux de sa part.
4 : À la question « qu’ont-ils à gagner dans cette histoire ? », la réponse doit être ceci.

AVIS:

Petite nouvelle plus intéressante par ce qu’elle apprend du Collège Flamboyant que par l’histoire qu’elle raconte (qui, malgré l’inclusion de quelques personnages nommés et la révélation finale qu’elle contient, ne fait pas vraiment avancer le schmilblick), ‘The Second Sun’ aurait pu jeter les bases d’un arc narratif intéressant, si Counter lui avait donné une suite1. Comme cela n’a pas été le cas avant la Fin des Temps, nous en sommes quitte pour quelques éléments de fluff bien sentis (malgré quelques problèmes au niveau des dates), un tête à tête assez peu transcendant avec Kholek Suneater, et un rappel sans frais que tout est pourri au sein de l’Empire. Sympathique mais pas enthousiasmant.

1 : On constate que l’auteur s’est montré particulièrement intéressé par le thème du sorcier impérial qui passe au Chaos, puisque son unique roman pour Warhammer Fantasy Battle a été consacré à Von Horstmann, le Hiérophante qui murmurait à l’oreille des dragons du Chaos.

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Aenarion – G. Thorpe :

INTRIGUE:

AenarionTout commence par quelques paragraphes qui n’auraient pas dépareillés dans la section background du dernier Livre d’Armée Hauts-Elfes, Thorpe retraçant rapidement de sa prose emphatique l’origine de la guerre entre les démons et les Zoneilles. Cette introduction se termine sur un avertissement sans frais : ce qui suit n’est rien moins que le moment le plus important de cette guerre, et donc de l’histoire de Warhammer, et donc de l’histoire de Games Workshop, et donc de l’histoire de l’Angleterre, et donc de l’histoire du monde. Il n’est pas trop tard pour faire demi-tour, lecteur impudent.

Nous voilà donc à la gorge de Caethrin, pas loin de la forge de Vaul. Une armée elfique est réunie pour faire ce qu’elle fait depuis une bonne centaine d’années : poutrer du démon. Particularité de l’ost d’Ulthuan, il ne semble n’être composé que de nobles et de princes, chacun stuffé comme un Sud-Coréen sur World of Warcraft. La horde démoniaque compense par un écrasant avantage numérique, qui, on s’en doute, ne va pas peser lourd face à l’awesomeness généralisée de ses adversaires. Et en effet, la bataille qui s’ensuit tient plus du massacre de bébés phoques sur la banquise arctique que de l’affrontement équilibré. Caledor invoque des Soleils Violets apocalyptiques sur 2+ relançables, Eoloran brandit une version upgradée de la Bannière du Dragon Monde (tous les démons dans un rayon de 50 pas se prennent 15D6 touches de force 19), Idraugnir carbonise des centaines d’adversaires à chaque attaque de souffle, la moindre flèche elfique se révèle être une grenade vortex et tout le monde a le coup fatal héroïque. Et Aenarion, me demandez-vous ? Eh bien, mes amis, Aenarion se fait chier, car il ne trouve pas le plus petit démon majeur à se mettre sous la dent.

D’ailleurs, cette absence lui semble assez suspecte, et il en fait part à ses conseillers lors du traditionnel pot d’après bataille (laquelle se termine sur le score sans appel de 865.942 à 0 pour les locaux1). Caledor en profite pour remettre sur le tapis une discussion qui traîne depuis un petit siècle, la création d’un vortex qui permettrait de se débarrasser une fois pour toutes des démons. Ce à quoi Aenarion répond que, minute papillon, t’es pas un peu fada de vouloir bannir la magie d’Ulthuan, étant donné que sans ça, on se serait fait exploser dans les grandes largeurs depuis belle lurette ? Et Caledor de contrer en disant que c’est le seul moyen de régler le problème définitivement, puisque les démons re-spawnent avec une régularité de mob dans une zone de didacticiel. Non franchement, sauf ton respect mon roi, tu me donnes le feu vert et je te concocte un enchantement aux petits oignons en deux temps, trois mouvements2. Ces agréables mondanités sont brutalement interrompues par l’arrivée d’un messager, qui vient confirmer le pressentiment d’Aenarion : l’armée écrasée par les Elfes dans la journée n’était qu’une diversion, le véritable objectif des démons était Averlorn, qui a été ravagé par les rejetons du Warp. Plus grave, toute la smala du Roi Phénix est supposée avoir péri dans la catastrophe, ce qui plonge l’auguste souverain dans le désespoir et le lecteur dans l’incompréhension.

De deux choses l’une : puisqu’Ulthuan est saturée de magie et que les démons sont libres de se matérialiser où bon leur semble (et sous-entendu que les Elfes soient au courant de ce point de détail, ce qui devrait être le cas étant donné que Caledor n’est rien de moins que le plus grand mage Elfe de tous les temps), soit Aenarion a commis une erreur stratégique impardonnable en prenant toute son armée avec lui et en laissant le reste du territoire à la merci des démons (auquel cas, bien fait pour sa tronche), soit il existait jusqu’à récemment une règle de fair play implicite entre les belligérants, stipulant qu’on avait pas le droit de s’en prendre aux villes non défendues (ce qui serait chevaleresque de la part des démons). Quoi qu’il en soit, Aenarion pète une durite, fracasse son trône, déchire sa bannière3, se met une coquille duf de dragon sur la tête et s’en va en hurlant que vraiment, c’est trop injuuuuuste et puisque c’est comme ça, il va aller chercher l’Epée de Khaine sur l’Île Blafarde et devenir Smaug (« I will become Death »). Ses conseillers tentent de lui faire comprendre que c’est peut-être pas la meilleure idée qu’il ait eu, Caledor se fendant même d’un petit poème prophétique en vers de huit pieds pour l’occasion. Las, Aenarion enfourche Idraugnir et part pour le Nord, à la rencontre de son funeste destin !

C’est à partir de ce moment que la nouvelle bascule dans une autre dimension, Thorpe reprenant les codes de l’épopée mythique pour terminer son récit. Exemple gratuit : pendant son voyage, Aenarion est abordé à quatre reprises par des démons lui conseillant de faire demi-tour (c’est sûr que quand les responsables de la mort de toute ta famille viennent te voir pour te supplier de ne pas faire quelque chose, tu te dépêches de leur obéir), ce qui donne lieu au même dialogue répété et légèrement adapté quatre fois de suite. Après avoir essuyé une tempête, frôlé la noyade et rembarré le fantôme de sa femme, Aenarion atteint enfin son objectif et extrait la Faiseuse de Veuves de sa gangue de pierre. Et Gav Thorpe d’achever son uvre par le genre de petite phrase satisfaite dont il a souvent l’usage : « Le sort des Elfes venait d’être scellé. »

Fin.

1 : Oui, vous avez bien lu, les démons n’ont tué aucun Elfe. Qui a dit que leur Livre d’Armée était fumé ?

2 : Je vulgarise le propos, le dialogue original étant autrement plus chiadé que ma misérable prose. N’est pas Gav Thorpe qui veut.

3 : Oui, celle qui dissout les démons à cinq cent mètres à la ronde. Heureusement qu’Aenarion n’était qu’un sale gosse incapable de gérer la contrariété, sinon Warhammer aurait été encore plus déséquilibré qu’il ne l’est aujourd’hui.

AVIS:

Une overdose de grandiloquence qui ne réconciliera certainement pas les Elfes avec ceux qui les trouvaient déjà pompeux et vains, et risque au contraire de faire sensiblement progresser la proportion des elfophobes parmi les lecteurs de la BL. À réserver à un public averti, ou avide de voir jusqu’à quel niveau Mr Thorpe peut élever son emphase. Ceux-là ne seront certes pas déçus.

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Et voilà qui conclut cette critique de ‘Age of Legend’, dernier recueil de nouvelles publié pour Warhammer Fantasy Battle. Si, comme c’est généralement le cas pour ce type d’ouvrage collectif, la qualité des histoires rassemblées ici varie assez largement, on doit reconnaître à Christian Dunn que la ligne éditoriale de cette anthologie n’est pas mensongère, et que les événements couverts dans ce bouquin sont bien légendaires pour une bonne partie d’entre eux. Appréciant à titre personnel que la GW-Fiction vienne compléter et enrichir le background présenté sommairement dans les suppléments de jeu, je ne pouvais qu’accueillir favorablement ce recueil, qui contient un certain nombre de nouvelles (‘The Last Charge’, ‘The City of Dead Jewels’, ‘The Ninth Book’, ‘The God Demands’, ‘Aenarion’) positionnée sur ce créneau.

Saluons également le cosmopolitisme de ‘Age of Legend’ qui parvient à aborder la plupart des races et des factions majeures de Warhammer Fantasy Battle (dommage pour les Hommes Lézards, les Elfes Sylvains et les Royaumes Ogres) à travers ses récits. Le seul regret qui me reste après avoir lu ce livre est sa publication tardive dans l’histoire de la franchise, dont le riche background aurait pu donner lieu au lancement d’une série de recueils de nouvelles Time of Legends, en plus de la gamme de romans que nous connaissons. Bref, si vous êtes nostalgiques du Monde qui Fut et souhaitez vous replonger dans sa glorieuse histoire, ce bouquin est sans doute ce qu’il vous faut.

RED THIRST [WFB]

Bonjour et bienvenue dans cette critique de Red Thirst, troisième et ultime recueil de nouvelles Warhammer Fantasy Battle sorti par GW Books, l’ancêtre lointain, disgracieux, mais coloré (sans blagues, jaugez-moi ces couvertures !) de notre Black Library. Si vous avez lu, parcouru ou survolé les deux épisodes précédents (ici et ), vous ne serez pas dépaysés par cette nouvelle descente dans le monde merveilleux, mais souvent daté, voire kitsch, des courts formats du tournant des années 901. Encore une fois – et c’est la dernière, alors profitez-en –, nous partirons à la découverte des pépites et pétoncles de cette époque fondatrice, ou en tout cas exploratoire, de la GW-Fiction, et tâcherons d’en apprendre un peu plus sur le (vraiment) Vieux Monde, tel qu’il apparaissait en ces temps antédiluviens.

Sommaire Red Thirst (WFB)

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Troisième round aidant, la majorité du casting de ce Red Thirst nous est déjà plus (Yeovil, King, Craig) ou moins (Baxter, Griffith) familière, seul l’énigmatique Neil Jones faisant ses débuts dans la carrière par l’intermédiaire de cette publication. Cette récurrence des auteurs se solde par le retour de personnages familiers : Gotrek et Felix, Genevieve et Vukotich, ou encore Sam Warble. On notera également que l’ouvrage regroupe des travaux plus conséquents que ses prédécesseurs, avec trois nouvelles (sur six, au lieu des huit « habituelles ») de plus de quarante pages au sommaire, ce qui se ressentira peut-être dans le rythme global du livre. Nous verrons bien. Ce qui ne change pas, en revanche, c’est l’usage délectable d’illustrateurs patentés qui ont égayé les pages de leurs esquisses2. Voilà qui me semble suffire en guide de propos liminaire : à table donc, pour s’en jeter un petit. C’est ma tournée.

1 : 1990, pour les petits malins. J’étais là (Gandalf…), déjà, à l’époque. Pas vieux, mais présent.
2 : Pour être honnête, j’ai même racheté un exemplaire du bouquin en version GW Books (mon premier achat était un Boxtree), pour pouvoir bénéficier de ces illustrations. La GW Fiction, cette passion ruineuse…

Red Thirt

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Red Thirst – J. Yeovil:

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INTRIGUE:

Réveil brutal pour Vukotich le mercenaire (dont nous avons croisé l’incarnation vénérable dans The Ignorant Armies), qui émerge d’un coma moins éthylique que concussé, conséquence regrettable mais prévisible de sa grande idée de vouloir s’encanailler dans une taverne clandestine de Zhufbar, alors que Claes Glinka et ses séides y avaient pris leurs quartiers d’hiver. Qui est Claes Glinka, me demanderez-vous ? Eh bien, pauvres incultes que vous êtes, Herr Glinka n’est rien de moins que le Frigide Barjot du Vieux Monde, soit un zélote obscurantiste horrifié par la décadence des mœurs contemporaines, mais possédant un talent marketing et événementiel certain, ce qui lui a permis de recruter assez de followers et d’influence auprès des autorités compétentes – ici l’Empereur Luitpold – pour organiser des manifs pour (et contre) tous d’un bout à l’autre du pays. Entre deux autodafés, fermeture de bordels et abattage de vignobles, Glinka trouve également le temps d’ouvrir des Starbucks à la place des estaminets dans les villes que sa caravane visite. Bref, un fléau.

Vuko, lui, est un jeune mercenaire en quête d’un nouvel employeur, à la suite du décès prématuré du précédent, et qui se disait que passer une tête – moustachue – dans la cité où se tenait le Festival d’Ulric (l’équivalent de l’Eurosatory de l’Empire) serait une riche idée pour se trouver une nouvelle affectation. Peu concerné, ou sensible, aux arguments du Gardien de la Moralité, notre héros s’est donc fait surprendre en plein stupre (la fornication était en projet) par quelques croisés à gourdins, et revient à lui à l’arrière d’une carriole l’emmenant, ainsi que quelques dizaines de malheureux, dans des camps de travail gobelins. C’est comme ça que la Glinka se finance. Seule consolation, il réalise que le compagnon de travée auquel il est enchaîné est une fort accorte escort, embarquée comme lui par la patrouille. En tête de wagon, nous faisons la connaissance de Dien Ch’ing, Cathayen d’origine, comme son nom l’indique, et fidèle suivant de Glinka… en apparence. En fait, Ch’ing est un disciple de Tsien-Tsin, où Tzeentch comme certains l’appellent également, expulsé de sa pagode par les moines guerriers du Roi Singe, l’ennemi mortel des Dieux du Chaos dans le grand Orient. Guidé par ses visions, Ch’ing a infiltré la croisade de Glinka afin de porter quelques plans retors du Grand Architecte à maturité, et n’attend que le bon moment pour retourner son kimono. En attendant, il s’amuse à convoyer les mauvais sujets de l’Empire au goulag, ce qui est une activité comme une autre.

Un arbre tombé en travers de la route donne toutefois l’occasion à Vukotich d’échapper à ce funeste destin, notre intrépide Kislévite saisissant sa chance ainsi que son infortunée voisine, et plongeant dans la forêt en contrebas de la route après l’immobilisation du wagon. Outré par ce manque de savoir-vivre, Ch’ing envoie un trio de grouillots régler leur compte aux déserteurs, qui n’ont cependant aucun mal à en venir à bout. Craignant initialement que sa camarade de chaîne ne se révèle être un boulet (ce qui aurait été logique, finalement), Vukotich est favorablement surpris, et même impressionné, par l’agilité et la dextérité de sa compagne, dont l’aide se révèle précieuse pour dézinguer les goons de Ch’ing. C’est donc avec regret qu’il se résout à lui trancher la main avec l’épée qu’il a récupérée sur un cadavre de PNG malchanceux, afin de regagner sa liberté… sans grand succès. Et pour cause, sa comparse n’est autre que la vampire Genevieve, dont les super pouvoirs incluent donc une peau en kevlar (pratique). Mi (plutôt que morte) vivante avec des principes, elle pardonne à Vukotich son coup de sang, et, ne pouvant pas non plus briser les menottes qui les lient – surtout que la sienne est plaquée argent –, le convainc de faire équipe jusqu’à la première forge qui se présentera à eux. Proposition acceptée par son (désormais) side-kick, qui réalise de toute façon qu’il a intérêt à filer droit s’il ne souhaite pas terminer en casse-dalle pour amphisbaenae1.

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Après quelques heures de marche, notre couple involontaire arrive dans un petit bled paumé, et réussit à squatter une cabane abandonnée pour permettre à Vukotich de reprendre des forces2. Par un hasard qui ne sera pas heureux pour tout le monde, comme nous allons le voir, cette même cabane a été choisie par deux individus de rang pour se rencontrer discrètement. Le premier est le Seigneur Maréchal de Zhufbar, Wladislaw Blasko, qui a laissé Glinka mettre la cité en coupe réglée sans faire trop de vagues… parce qu’il est lui aussi un agent du Chaos infiltré. Ça commence à faire beaucoup. Son interlocuteur est le Haut Prêtre de Tzeentch Yefimovich, ayant tiré le don « je suis une ampoule de feu rouge » dans la table des mutations, et habituellement stationné dans le Kislev, mais en goguette dans le Sud pour les vacances. Nos deux conspirateurs s’entretiennent de leur plan machiavélique, qui consiste en l’assassinat de Glinka lors d’une prochaine cérémonie, ce qui permettra à Blasko de prendre sa place à la tête de la croisade, et de laisser opportunément ouverts aux hordes orientales les cols des Montagnes Noires. Bien évidemment, Vukotich et Genevieve, camouflé sous un drap de scenarium, voient et entendent tout, et décident, à contre-cœur mais il le faut bien, d’aller sauver le Gardien de la Moralité pour éviter son remplacement.

Un peu plus loin, nous retrouvons Dien Ch’ing, perturbé par de sombres pressentiments et l’insatisfaction du devoir non-accompli. Ayant été chargé par Yefimovich d’occire Glinka, il ne veut rien laisser au hasard, et se lance dans une séance de divination à l’aide d’un bol tournant, ce qui lui permet d’assister par visio à la rencontre de son boss avec Blasko, mais également de s’apercevoir que ces derniers n’étaient pas seuls dans la piaule. Contrarié par ce coup du sort, il invoque le fantôme de l’un de ses vénérables ancêtres, l’honorable Xhou, aller négocier (ils sont urbains ces Cathayens) avec les contrevenants, afin qu’ils laissent les événements suivre leur cours. Malgré les trésors de courtoisie et de diplomatie dont fait preuve Xhou, qui se matérialise devant Vukotich et Genevieve alors qu’ils avaient repris la route de Zhufbar en charrette, il ne parvient pas à conclure un deal avec nos héros, qui finissent par le bannir comme l’ennuyeux pop-up spectral qu’il est. Au moins, Ch’ing aura essayé de résoudre le différent à l’amiable. Il passe à nouveau à l’action quelques heures plus tard en envoyant cinq élémentaux régler leur compte aux fâcheux à leur sortie de la ville de Chloesti, où les séides de Glinka avaient organisé un autodafé de la délation3 (c’est comme un pot de l’amitié, sauf que c’est différent), qui a fini dans une très chaude ambiance4. Dépassés par les événements, les aventuriers s’en sortent grâce à la culture G de Mme G, qui réussit à monter les démons les uns contre les autres en demandant innocemment qui avait la plus grosse… énergie mystique parmi le quintet, provoquant un affrontement fratricide aux résultats peu concluants.

Tout est prêt pour le grand final de cette longue nouvelle. Genevieve et ce gros dalleux de Vukotich arrivent sur les rivages de la Blackwater, trouvent un bateau de pêche et partent à la rame vers Zhufbar. Dans la cité, Ch’ing se prépare à commettre l’irréparable au cours d’une adresse publique de Glinka, organisée sur la plage municipale (pourquoi se priver ?). Le plan machiavélique et savamment planifié de nos affreux est toutefois contrarié par l’arrivée soudaine de Genny et Vuko, qui parviennent à créer une belle pagaille parmi l’auguste assemblée, peut-être en exhibant les parties charnues de leur anatomie à la cantonade. Hé, il faut ce qu’il faut. La dague magique de Ch’ing n’ayant pas eu le temps de charger totalement, le cultiste voit s’enfuir sa cible sans avoir pu tenter sa chance. Il a toutefois l’occasion de se venger des éléments perturbateurs et de leurs gros nez d’Occidentaux en leur faisant bénéficier d’un masterclass de MMA5.

Le combat qui s’engage voit le bonze démoniaque tenter de mettre des grands chassés dans la face de ses Némésis, avec des résultats peu concluants, la vampiritude de Genevieve lui permettant d’esquiver ou d’encaisser facilement les coups de pied retournés et manchettes cathayennes de Ch’ing. On suppose que Vukotich, toujours enchaîné à sa dulcinée, a dû avoir un bras disloqué à la fin de la journée. Frustré dans ses tentatives de muay-thaï, l’expat’ se rabat sur ses pouvoirs arcaniques pour finir le taf, mais se trouve là encore contrecarré, cette fois-ci par l’alliance, que dis-je, l’alliage, de circonstance entre le fer et l’argent des chaînes liant Genevieve et Vukotich, qui se révèle être l’anathème du choke-tilège jeté par Ch’ing sur le malheureux Glinka. L’homme sage connaissant ses limites, le moine Ch’(aol)ing décide enfin d’aller voir ailleurs si Tsien-Tsin y est, et prend son congé de Zhufbar, non sans promettre à Genevieve qu’il reprendra contact sous quinzaine (de jours, d’années ou de siècles, mystère). On se rend alors compte que Blasko, qui avait tenté d’aider son pote chaotique dans la mêlée en surinant Vukotich, est tombé dans la Blackwater en armure complète, et peut donc être rayé des cadres. Plus intéressant, l’inflexible puritain Glinka se révèle être un mutant, comme l’atteste la paire de bras surnuméraires qu’il dissimulait sous sa chasuble. C’en est fini de sa croisade, et probablement de son existence, si l’Empire se révèle fidèle à sa politique en matière de diversité.

Fatigué par les événements, Vukotich pique un gros roupillon de deux jours sitôt ses menottes ôtées par le forgeron de fonction, et apprend à son réveil que sa partner in crime-solving n’a pas fait de vieux os à Zhufbar, et est repartie vivre sa non-vie dans l’anonymat qui lui convient mieux. C’est l’affable Maximilian von Konigswald, père d’Oswald (le vainqueur de Drachenfels et compagnon d’armes de Genevieve), qui met le mercenaire au courant des dernières actualités, entre deux rasades d’eau de vie. Plaqué par son crush, Vukotich se sent tout d’un coup bien chose, mais, rassurez-vous, il s’en remettra.

1 : Vous ne savez pas ce que c’est ? Moins non plus. Seul Jack Yeovil est au courant, à mon avis.
2 : Et de rêver, prémonitoirement, d’une bataille au sommet du monde mettant aux prises une faune bigarrée. Il l’ignore encore, mais il s’agit de la conclusion d’Ignorant Armies.
3 : Et où Genevieve rencontre un tout jeune Dietlef Sierck (‘Drachenfels’) déjà sensible aux choses artistiques, et son acariâtre môman.
4 : Pour Vukotich aussi, notez, car une péripétie annexe mais distrayante voit nos héros passer la nuit dans un hôtel de passe reconverti en établissement honorable à la suite des puritains de Glinka, et profiter l’un de l’autre pour réaliser un échange de fluides. Surpris au réveil par une bande de clercs de notaires patibulaires, nos tourtereaux étaient sur le point de se marier sous la contrainte au moment où arriva le cinquième élément (et ses potes avec lui).
: Ce qui dans ce contexte veut dire Mystic Martial Arts.

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AVIS:

Red Thirst (baptisé ainsi en référence au penchant de Genevieve pour le gros rouge) est une des nouvelles qui justifient que l’on s’intéresse de plus près aux origines de la GW-Fiction. Jack Yeovil fait en effet très fort avec cet épisode de ce que l’on doit bien appeler son cycle Genevieve, en parvenant à cocher toutes les cases du cahier des charges de ce type de publication. On pourrait bien sûr parler de son choix de mettre en avant un pan mystérieux du fluff de Warhammer Fantasy, et ce faisant, de le développer, par l’inclusion du personnage de Ch’ing (à ma connaissance le seul Cathayen dépeint dans une œuvre de fiction). Il faudrait alors souligner qu’en quelques lignes, Yeovil parvient à donner une véritable impression d’exotisme et de profondeur à un concept sur lequel GW s’est assis pendant plus de trente ans. Les apports de background ne se cantonnent cependant pas à l’Extrême Orient : l’Empire en bénéficie également, tant au niveau culturel que géopolitique. Et que dire de la figure de Yefimovich, qui illumine (dans tous les sens du terme) de sa présence les quelques pages dans lesquelles il apparaît.

Une autre réussite à mettre au crédit de Jack Yeovil réside dans la construction et le déroulement de son propos, qui enchaîne les péripéties avec un rythme et une facilité déconcertants. La taille du résumé (qui porte bien son nom, car il en reste de là où ça vient) ci-dessus devrait vous donner une bonne idée de la richesse narrative de Red Thirst. C’est la marque des grands conteurs que d’arriver à agencer leur récit sans temps mort ni à coups, et Yeovil fait définitivement partie de cette catégorie. Soulignons en outre la belle variété d’ambiance dont bénéficie cette nouvelle, du grimdark as usual au vaudeville (la scène dans l’hôtel de passe est savoureuse) en passant par la fugace romance entre Vukotich et Genevieve et la légende orientale (l’attaque des élémentaux). Peu nombreux sont les textes de GW-Fiction disposant d’une telle amplitude, bien que l’on puisse également citer William King (un autre grand ancien) ici.

Terminons par la remarque que Jack Yeovil a sans doute été le premier auteur de GW à raisonner en termes d’univers narratif, bien des années avant qu’Abnett ne créé son Daniverse, imité par Graham McNeill et d’autres contributeurs de la Black Library au fil des années. Les liens d’intrigues tissés par Yeovil dans ce Red Thirst sont une autre très bonne raison de lire cette nouvelle… si vous êtes familiers avec la galerie de personnages créés par l’auteur. Genevieve, bien sûr, mais également Vukotich (Ignorant Armies, qui gagne ici son surnom d’Homme de Fer), la lignée des von Konigswald (Drachenfels), un Dietlef Sierck en culottes courtes (ibid)… et sans doute d’autres figures que Yeovil a repris dans d’autres nouvelles et romans lors de sa pige pour Games Workshop. Mine de rien, savoir que l’investissement dans le corpus d’un auteur sera récompensé par des caméos, clins d’œil et autres easter eggs constitue une motivation forte pour le lecteur, et je suis plus déterminé que jamais à combler mes lacunes en Yeovilerie1. Bref, une authentique pépite de la littérature GWesque, injustement condamnée à l’oubli par la politique éditoriale de Nottingham. Si cette critique ne vous donne ne serait-ce que l’envie de vous pencher sur le cas Jack Yeovil (toujours non-traduit à l’heure actuelle, et c’est tragique), elle aura atteint son objectif.

1 : Je suis sûr que cela fera de moi un nouvel homme. 😉

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The Dark Beneath the World – W. King:

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INTRIGUE:

Après avoir recouvré leur indépendance, à la suite de la tentative avortée de la dynastie des Von Diehl de bâtir leur petite baronnie dans la prairie des Principautés Frontalières (Wolf Riders), Gotrek et Felix prennent la route de Karak aux Huit Pics, toujours bien décidés (surtout pour le Tueur) à mettre la main sur le magot dont leur a parlé le tavernier Faragrim lors de leur dernier passage à Altdorf. Sur le chemin de la forteresse, le duo vole à la rescousse d’un petit groupe de voyageurs embusqués par une tribu de peaux vertes alors qu’ils traversaient une rivière. Alors que Gotrek parvient à rendre une copie propre, en débitant quelques Orques avec le professionnalisme qu’on lui connaît, cette mauviette de Felix trouve le moyen de tomber dans l’eau (normal pour une poule mouillée, me direz-vous) lors de son duel, et manque de basculer dans l’inévitable cascade qui s’écoule à proximité du gué. Il n’en rate décidément pas une. Les ruffians mis en fuite et/ou en morceaux, il est l’heure de procéder aux présentations, pendant que blondin se change1 : seuls survivants du groupe d’aventuriers partis faire la boucle de huit pics, le templier Aldred Keppler de l’ordre du Cœur Enflammé, le mage Johann Zauberlich et le pisteur bretonnien Jules Gascoigne sont fort aise de pouvoir compter sur la compagnie de Gotrek et de son commémorateur. Le désormais trio voyage en effet lui aussi en direction du chantier de réhabilitation du Roi Belegar, guidé par la vision que Keppler pense que Sigmar lui a envoyée, qui lui intime d’aller récupérer l’épée magique Karaghul, une relique de son ordre, perdue en même temps que son porteur – le propre frère de Keppler – lors de la tentative de reconquête de la forteresse. Bien que la proximité du trésor convoité par Gotrek rende ce dernier aussi méfiant qu’antisocial, il accepte toutefois de tracer la route avec ces compagnons d’infortune, sans rien révéler de ses propres motivations.

L’arrivée de la petite troupe dans la tête de pont sécurisée à grand peine par les survivants de l’expédition de Belegar, dépeint par King comme un mélange des pires aspects de Theoden et de Denethor (un vieillard cacochyme mais empli de morgue et de malice), se passe sans difficulté notable, tout comme l’obtention par l’un et l’autre groupe de l’autorisation de pénétrer dans les niveaux inférieurs du Karak, toujours aux mains des Gobelins et/ou des Skavens. Gotrek impressionne même la prêtresse de Vallaya locale – Magda Freyadotter – à tel point qu’elle lui remet une carte (en braille – ou son équivalent nain – ) des souterrains, en lui recommandant toutefois la prudence car des fantômes ont été aperçus par les colons. Et là, surprise, on découvre que le farouche Gotrek a une peur bleue des ectoplasmes. Attendons de voir comment il se débrouillera face aux Nighthaunts des Royaumes Mortels… Il en faut toutefois plus pour faire rebrousser chemin à un Tueur auquel on a promis un Troll et un trésor aussi gros l’un que l’autre. Prenant son courage comme sa hache, c’est-à-dire à deux mains, le petit rouquin teigneux quitte la zone des PNJ et part explorer la map, ses sidekicks sur les talons.

La descente dans les entrailles de la forteresse déchue réserve à nos aventuriers son lot de découvertes, recueillement et, inévitablement, emmerdes. En témoigne ce premier accrochage contre une bande de gobelinoïdes, menés par un Ogre ayant lui aussi fait le choix du mohawk (bicolore dans son cas), à moins que ça ne soit un gladiateur Goliath de Necromunda s’étant trompé de porte en allant bosser ce matin là; et qui permet à nos héros de faire montre de leur habileté dans le maniement des armes et des boules de feu2. Sauf Felix, qui rate son test de terrain dangereux en voulant corriger un Gobelin lui ayant tiré la langue, et s’étale de tout son long dans l’escalier qu’il était censé gardé en tant qu’avant dernier défenseur (heureusement que Jules Gascoigne veillait au grain) de la troupe. Ayant mis leurs ennemis en fuite, les aventuriers croisent un fantôme de Nain timide, ce qui n’est pas loin de provoquer une crise d’apoplexie chez Gotrek. Un peu plus tard, cette andouille de Felix, après avoir manqué de se suicider en buvant de l’eau contaminée avec de la malepierre, trouve le moyen de s’illustrer à nouveau, en accusant à demi-mot Zauberlich de fricoter avec le Chaos… avant de s’écraser comme une grosse bouse lorsque Keppler, et sa grande épée, viennent à la rescousse du mage. Décidément, il n’en rate pas une.

Après avoir négocié une infestation de mites géantes – true story, lisez la nouvelle – et s’être faits remettre une quête annexe – passer le balai dans la crypte locale – par une Fantômette courte sur patte, Gotrek et Cie finissent par toucher au but. La crypte en question est en fait celle décrite par Faragrim pendant la nuit de beuverie qui a déclenché le road trip du Tueur, et comme Keppler n’a pas de meilleure idée d’où peut se trouver l’épée qu’il recherche, il décide également de passer une tête… avant de la perdre de façon sanglante et définitive. Le mausolée est en effet le QG  d’un Troll du Chaos effectivement monstrueux, dont la consommation d’eau lourde n’a pas amélioré la photogénie. On comprend alors que Faragrim, dans son avidité, a cherché à faire main basse sur le trésor des rois défunts de Karak aux Huit Pics, en fracturant la porte scellée menant à leurs tombes. L’arrivée du Troll en question, peu de temps après, a mis un énorme, vorace et odoriférant bâton dans les roues du charognard, qui s’est enfui sans avoir pu récupérer son bien mal acquis. C’est la persistance de la présence de ce squatteur disgracieux qui a contraint nos braves Nains retraités à aller demander un coup de main à leurs descendants, sans succès jusqu’à l’arrivée salutaire de Gotrek (OSEF de Felix, vraiment).

Le combat qui s’engage voit rapidement périr les deux autres accompagnants du binôme héroïque, Gascoigne se prenant une torgnole fatale et Zauberlich finissant pincé à mort avant d’avoir pu balancer son Inferno. Pendant que Gotrek se tape tout le sale boulot, Felix réussit à grand mal à se défaire de la tête tranchée de nourrisson que le Troll arborait comme fleur à la boutonnière, et sombre dans son désespoir habituel de fin de nouvelle – comme à chaque fois que la Nemesis du Tueur pointe le bout de son anatomie – avant de se ressaisir et d’enfin servir à quelque chose. Bricolant un cocktail molotov avec le contenu de sa besace, il parvient en effet à enflammer le Troll, l’affaiblissant assez pour permettre à Gotrek de lui porter le coup de grâce. La situation de nos héros ne s’améliore cependant que marginalement après la mort du monstre, une armée de peaux vertes, attirée par le son et lumière organisé de façon impromptue par les aventuriers, décidant de venir se joindre aux mondanités. Résignés à mourir dignement, ces derniers sont toutefois sauvés par l’arrivée de l’armée des morts de petite taille, les esprits ancestraux de Karak aux Huit Pics venant finir le boulot commencé par leur factotum, jugeant sans doute le problème matériel (à défaut de l’être, eux). Ceci fait, il ne reste plus à notre vieux couple qu’à reprendre le chemin de la surface, Felix ayant gagné au passage l’épée Karaghul (qui se trouvait bien dans le trésor du Troll), tandis que Gotrek décide noblement de repartir sans le moindre petit loot, mais avec la promesse, faite par la Mimi (Mathy) Geignarde locale que sa fin serait grandiose. C’est déjà ça.

1 : On apprend ainsi que Felix voyage avec des capes de rechange. Ce qui explique pourquoi sa fameuse houppelande de laine rouge du Suddenland, que King nous ressort à toutes les sauces – c’est le troisième personnage principal de la saga, devant Ulrika et Snorri – résiste si bien aux aventures de son porteur.
2 : J’ai découvert en lisant la nouvelle que cette scène avait servi d’inspiration à une illustration vintage mais assez connue – puisqu’elle a été reprise en couverture de la première édition du JDR Warhammer – de WFB. Eh oui, le Tueur à barbe blanche, c’est bien Gotrek (qui a également regagné un œil au passage). On notera que le seul personnage absent du tableau est… Felix. Quelle surprise.

AVIS:

Avec The Dark Beneath the World, William King signe le dernier volet du corpus “fondateur” de la série Gotrek & Felix. Après avoir présenté les personnages dans Geheimnisnacht, puis avoir mis en scène une aventure où Felix, et le Vieux Monde, tenaient la vedette (Wolf Riders), l’auteur choisit cette fois de se concentrer sur la quête de mort de Gotrek, et à travers lui, la déchéance de l’empire nain, avec des résultats une nouvelle fois probants. Aventure empruntant fortement aux codes du RPG (ce qui semble n’avoir échappé à personne, même pas à GW – voir remarque ci-dessus –), The Dark… mise beaucoup sur ses scènes de combat, et sur l’ambiance particulière apportée par l’exploration des ruines mal fréquentées d’une ancienne forteresse naine. Très riche en fluff, même si ce dernier est parfois daté (notamment les fantômes nains, qui auraient pu gagner la guerre souterraine à eux tout seuls s’ils l’avaient voulu), cette nouvelle constitue également un tournant dans la saga de King, qui aurait pu choisir de tuer son héros de manière « satisfaisante » en conclusion de son propos. Après tout, quelle plus belle fin pour un Tueur nain que de mourir au combat contre un Troll, entouré des tombes et de l’or de ses ancêtres? Peut-être que King s’est réellement posé la question du devenir de son personnage en cette année 1990, ou bien peut-être qu’il avait toujours eu pour projet de faire vivre à ce dernier des aventures interminables (et interminées à ce jour). Qui peut dire ? En tout cas, The Dark… demeure pour moi un jalon essentiel dans le parcours, singulier et iconique, de Gotrek (que l’on découvre de plus capable d’émotion telles que la mélancolie, le désespoir et la peur, ce qui contribue à l’humaniser quelque peu), et à ce titre, sans doute l’un des textes les plus essentiels de la série.

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The Spells Below – N. Jones:

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INTRIGUE:

Katarina Kraeber, apprentie sorcière à l’IUT (Institut Universitaire de Thaumaturgie) de Waldenhof1 retournait tranquillement chez son tuteur, père adoptif et amant (ce qui fait beaucoup, même pour la Sylvannie), en s’amusant à faire tourner les girouettes contre le sens du vent malgré les froncements de narine des braves bourgeois du cru, lorsqu’elle se retrouve mêlée à une opération de gens d’armerie de grande ampleur. La maison où elle réside avec son cher et tendre Anton Freiwald, sorcier de grand renom, est en effet entourée par une véritable armée de gardes, envoyés par le Graf Jurgen von Stolzing mettre un terme aux recherches non sanctionnées du praticien des arts occultes. Un peu trop occultes donc. Révoltée autant qu’inquiète par ce revirement de situation, Katarina tente d’en apprendre plus sur le guêpier dans lequel Anton s’est fourré, non pas en lisant dans l’esprit des gardes aux alentours (trop simple), mais en leur lançant un sort de loquacité, qui les fait déblatérer de tout et de rien. Entre deux remarques sur la météo et le résultat du match de Blood Bowl de la veille, notre héroïne apprend que le Graf a donné pour ordre à ses nervis de capturer le sorcier vivant afin de lui soutirer ses secrets. Son petit tour de passe passe (ou plutôt de bla bla) a toutefois été remarqué par un autre mage, et non des moindres, puisque c’est le rival de Freiwald et maître de la guilde des mages locale, Gerhard Lehner, qui lui met la main au collet, et l’amène jusque devant la litière du Graf, pour un interrogatoire express. La séance de questions-réponses est rapidement interrompue par le début des opérations à proprement parler, et, plutôt que d’envoyer quelques hommes ouvrir la porte avec un bélier, les autorités compétentes décident de bombarder le domicile du sorcier avec une catapulte, OKLM. Fort heureusement pour les tuiles d’Anton Freiwald, un bouclier mystique arrête le projectile en pleine trajectoire, prodige magique estomaquant l’assistance assez longtemps pour que Katarina se libère et se rue vers la porte de son domicile.

Elle aussi sauvée par le champ de force magique qui ralentit les flèches que ne manque pas de lui décocher la maréchaussée, elle arrive à bon port et est accueillie par la figure sévère-mais-juste-et-tellement-beau-gosse de Freiwald, secondé par sa garde personnelle de mercenaires Kislevites et son homonculus contrefait. Jugeant la situation grave mais pas désespérée, le sorcier recherché annonce qu’il a besoin de renforcer ses capacités arcaniques dans son laboratoire souterrain, et qu’il a besoin d’y aller seul, malgré les protestations de Katarina. Ayant sécurisé la loyauté de ses gros bras en leur lançant un petit sort de loyauté sous le manteau – c’est contre le RGPD, mais on n’est pas à ça près –, il part donc en sous sol avec son familier, laissant Katarina à la porte. Bien évidemment, cette dernière décide finalement de rejoindre son sugar daddy, motivée en cela par l’arrivée impromptue dans les locaux d’un adepte de Khaine, dûment mandaté par le Graf pour mettre fin au bazar et lui économiser de devoir payer les heures supplémentaires de tous les fonctionnaires mobilisés en cas de siège interminable. Protégé par une amulette enchantée, le tueur assermenté n’a aucun mal à déjouer les différentes protections magiques que Freiwald a placé dans l’escalier menant à son étude… ce qui n’est pas le cas de la pauvre Katarina, que son amour pousse à poursuivre l’assassin.

Une alarme sonore et un serpent en 3D plus tard, la voilà en bas de l’escalier, où elle se fait mordiller la cheville par l’homonculus domestique du sorcier, décidément moins bien élevé que le regretté Dobby. Encore une porte à poignée brûlante-mais-pas-vraiment à ouvrir, et la voilà à l’intérieur… malheureusement un chouilla trop tard. Si l’assassin est décédé, victime d’une attaque imparable de filet à provision constrictor (Anton est décidémment le spécialiste des pièges à c*ns et autres farces et attrapes), il a eu le temps de planter une dague en plein cœur de sa cible, elle aussi tout à fait morte.  Désespoir de Katarina, qui ne peut qu’empêcher l’homonculus de son défunt protecteur de boulotter le cadavre de son créateur, en lui balançant une flasque à la tronche. C’est ça aussi que de ne pas nourrir ses animaux de compagnie…

Début spoiler…Kat’ ne met cependant pas longtemps à se rendre compte qu’elle éprouve beaucoup moins de chagrin qu’elle pensait en ressentir à la mort de son cher Anton, et pour cause… Les Kislevites laissé en arrière garde pour ralentir les troupes du Graf ne sont pas les seuls à avoir été victimes de l’emprise mentale du mage défunt : Katarina réalise brutalement qu’elle était sous la coupe de Freiwald, et que l’amour qu’elle éprouvait pour lui était aussi réel que celui des candidats de Love Island. Trahison (et du coup, détournement de mineur) ! Dégoûtée par cet abus de confiance2, elle décide de se faire la malle par le souterrain prolongeant le laboratoire du sorcier, après avoir mis la main sur son grimoire, afin de pouvoir continuer ses études en toute indépendance. Localiser le fameux bouquin n’est cependant pas chose facile, même si elle finit par déduire que le précieux livre est caché derrière l’imposant portrait qu’Anton avait fait faire de lui-même – en toute modestie – et gardé par un prototype de Tisse-Mort en fin de batterie, ce qui sauve Katarina du même destin que le cultiste de Khaine. Un tableau fracassé et un coffre-fort à moitié Mimic ouvert à coups de latte (véridique) plus tard, le manuel de sorcellerie est enfin récupéré.

Ces péripéties ont toutefois assez retardé Katarina pour qu’elle assiste à la réincarnation de son tourmenteur, qui prend possession de son homonculus, laissé à dessein en back-up par le mage. Ce n’est pas la première fois que Freiwald change de corps, comme son ancienne élève le découvre en voyant le crâne du cadavre du sorcier rejoindre les cinq autres artefacts similaires qui tournoient au milieu de la pièce, et dont le mage tirait une grande partie de ses pouvoirs. Un peu groggy par cette restauration de session après un arrêt non programmé, Freiwald a la surprise de constater que son esclave sexuelle ne le regarde plus avec les yeux de Chimène, et lui renvoie même le premier sort d’entrave qu’il tente de lui lancer dans les dents. Comprenant que rien ne sera plus comme avant, la chose qui était Anton Freiwald se résout au meurtre de son ancienne complice avant de prendre la fuite pour une nouvelle ville et nouvelle vie, avec ses crânes et son grimoire… sauf que Katarina ne l’entend pas de cette oreille, et parvient à se saisir de la dague toujours plantée dans le torse de l’ancien cadavre de Freiwald, avant de trucider le disque dur externe fait homme (unculus) qui lui fait des misères. Pris au dépourvu par ce revirement de ce situation, c’en est cette fois définitivement fini de notre grand méchant, qui n’avait pas penser à faire une sauvegarde de sa sauvegarde, comme le gros noob qu’il est. Sad! Enfin débarrassée de cette masculinité toxique, Katarina est libre de prendre la poudre d’escampette, et d’aller s’installer en praticienne libérale dans la banlieue de Bogenhafen, comme son vieux père l’aurait voulu.Fin spoiler

1 : La capitale de Sylvannie (tout comme Canberra est la capitale de l’Australie… c’est tout à fait vrai mais ce n’est pas à cette ville qu’on pense immédiatement), qui bénéficie donc d’une académie de magie d’après Neil Jones. Je prendrais cette info avec des pincettes.
2 : En même temps, Anton était un disciple de l’école de magie arc-en-ciel, et organisait la marche des fiertés de Waldenhof (l’une de ces affirmations est fausse, mais laquelle). Elle aurait dû le voir venir.

AVIS:

Si on met de côté les éléments ayant très mal vieilli de The Spells Below, qui sont suffisamment nombreux pour parasiter un chouilla la lecture pour ne rien vous cacher, on se retrouve avec une histoire de rape and revenge matinée de sword and sorcery, mélange à ma connaissance inédit dans la GW-Fiction. L’intrigue que déroule Neil Jones tient assez bien la route, et réserve quelques surprises bienvenues au lecteur ; quant au personnage de Katarina, il est loin d’être celui d’une simple potiche énamourée, comme le début – et l’illustration de Kev Walker – pouvaient le laisser craindre. On se trouve même en présence d’une nouvelle que l’on pourrait qualifier de féministe, ce qui se doit d’être souligné pour un texte aussi ancien (la lutte contre le patriarcat n’était pas un sujet aussi fort qu’il l’est devenu aujourd’hui). Bref, une nouvelle comme on en écrit plus depuis longtemps, signée par un auteur dont on est sans nouvelles depuis des lustres. Dépaysement, à défaut de satisfaction (c’est quand vraiment WTF sur les bords…), garanti.

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The Light of Transfiguration – B. Craig:

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INTRIGUE:

Fidèle à son approche résolument bretonnisante du background de Warhammer Fantasy, Brian Craig nous revient avec une nouvelle histoire se déroulant sur les terres du Roy, racontée par nul autre que le ménestrel itinérant Orfeo, protagoniste de la trilogie Zaragoz, Plague Daemon et Storm Warriors. Notre propos débute avec la croisade purificatrice ordonnée par un aïeul du bon souverain Charles contre les déprédations commises par le sorcier Khemis Kezula depuis la cité fortifiée de Selindre, à proximité des Voûtes. Chargeant son plus preux paladin Super Dupont Lanval de Valancourt d’aller apprendre les bonnes manières, le port du béret et la dégustation de cuisses de skinks à cet intégriste de Kezula, le noble Roy sort de notre conte, avec la satisfaction du devoir accompli. De son côté, LdV se met à la tâche sans tarder, et parvient à enlever la citadelle ennemie, mettant un point final au règne de terreur du mage noir, qui se révéla être un cultiste chaotique. Le bon sens franchouillard de Lanval lui fit également raser le donjon de Kezula, dont il soupçonnait – à raison – le caractère profondément néfaste, et pas seulement à cause de l’infestation de punaises de lit qu’il y constata une fois la victoire obtenue. Le temps suivit son cours, et les terres de Selindre passèrent aux descendants de Lanval après le décès de ce dernier, jusqu’à ce que son arrière-petit fils, Lanfranc, arrive aux affaires. Traumatisé par une méchante chute de cheval terminée tête la première sur un pavé mal placé alors qu’il faisait le kéké sur les lieux des exploits de son aïeul, le père de Lanfranc, Jehan, avait en effet couché sur son testament sa volonté que Selindre soit léguée au culte de Shallya, afin que les bonnes sœurs viennent purifier l’endroit de leurs saines prières.

Guère enthousiasmées par cette – pourtant généreuse – donation (il n’y a qu’à voir la tête qu’elles tirent sur l’illustration), les sistas acceptèrent toutefois de tenir un couvent sur le gazon maudit de Khemis Kezula, à condition que le nouveau comte mette à leur disposition quelques maçons pour construire le lieu de culte. Un peu chafouin d’avoir perdu un bout de fief des suites de la démence paternelle, Lanfranc se montra tout de même gentilhomme, et accéda à la requête des bonnes sœurs, avant de quitter à son tour l’intrigue pour de bon. Nous faisons alors la rencontre de la véritable héroïne de notre histoire, la jeune Adalia, envoyée avec quelques collègues s’occuper de la joint venture si habilement négociée par le culte. Fille d’un artisan vitrier réputé de Quenelles, Adalia avait démontré quelques aptitudes pour la magie durant son adolescence, provoquant son intégration dans les ordres (autre temps, autres mœurs…). Malheureusement pour elle, ces signes prometteurs ne débouchèrent sur rien de concret, condamnant la novice à végéter en bas de l’échelle régulière. Affectée aux tâches ménagères par sa supérieure, la Mère Thelinda, en support des manœuvres et artisans obligeamment prêtés par Lanfranc, Adalia occupe ses journées à faire du mortier et ses soirées à consacrer1 les murs de la cellule minable qu’elle a reçu en dotation, quotidien assez morne il faut bien le reconnaître.

Tout change lorsqu’elle reçoit une nouvelle mission de la part de Thelinda : inspecter les ruines de la forteresse de Kezula à la recherche d’objets récupérables. Lorsqu’elle trouve des éclats de verre colorés jonchant le sol, elle ne met pas longtemps à comprendre qu’il s’agit des restes d’un vitrail ayant orné l’ancienne bâtisse, et décide naturellement de… le reconstituer (sans que Thelinda s’émeuve beaucoup du projet un chouilla hérétique de sa charge). La suite de la nouvelle relate les longs mois de labeur qu’Adalia consacre à sa nouvelle marotte, entre la recherche de fragments dans les décombres et la mise en place de ces derniers dans sa chambre, deux processus longs et ingrats, mais pour lesquels elle se passionne néanmoins. Alors qu’elle est sur le point de toucher au but, et que les parties reconstituées de la rosace se mettent à briller d’eux-mêmes à la nuit tombée (ce qui n’est aaaabsolument pas inquiétant), permettant à Adalia de bosser sans éveiller les soupçons qu’une consommation disproportionnée de chandelles pourrait causer; notre héroïne réalise qu’il lui manque les pièces centrales du puzzle, ce qui la plonge dans l’embarras. Fort heureusement, un Nain, probablement du Chaos3, se présente à elle peu de temps après pour lui remettre le DLC dont elle a besoin pour terminer son ouvrage, contre la modique somme de son âme (probablement).

Dès lors, plus d’échappatoire possible pour la malheureuse Adalia, dont la ferveur et la considération pour Shallya avaient de toute façon baissées de façon drastique au cours des derniers mois. Par une nuit fatidique, elle termine la reconstitution du vitrail, au centre duquel se révèle être un homme oiseau à l’aspect peu amène. Cette complétion permet de débloquer complètement le mode photophore hallucinogène de la pièce, d’où Adalia voit apparaître Birdman en chair et en plumes. Extase mirifique pour notre nonne nerd, mais malheureusement de courte durée. Son cadavre est en effet retrouvé le lendemain par le reste de sa congrégation, carbonisé et incrusté des mêmes éclats qu’elle avait passé tant de soin à récupérer. L’autopsie conclura à une mal-fonction critique d’une cabine à UV dans laquelle se serait trouvée une boule à facettes, mais nous savons tous que la vérité est ailleurs…

1 : Ce qui n’est pas facile car ce diable de Kezula a visiblement traité les pierres (noires) de son donjon, récupérées pour servir de base au couvent des Sœurs, au PFAS, rendant leur blanchiment très compliqué. Et en plus, ça donne le cancer.
2 : La Mère Thelinda tient en effet plus de Thénardier que de Teresa. Le seul moment de la nouvelle où elle fait mine d’intervenir dans le hobby peu recommandable de sa subalterne est quand cette dernière explose son forfait bougie à force de travailler sur son 10.000 pièces toute la nuit.
3 : Une légende locale raconte en effet qu’un clan de Nains des Voûtes choisit d’abandonner Grugni pour se tourner vers une divinité capable de leur apprendre les mystères et merveilles de la confection du cristal. Les érudits supputent qu’il s’agit du dieu du Chaos mineur Bhakkara.

AVIS:

Une Craig-erie très classique et sérieuse que ce The Light of Transfiguration, qui est à ranger aux côtés de A Gardener in Parravon, dans la catégorie « Tentations Chaotiques » du corpus de cet auteur. Si les talent de conteur et le style particulier de ce dernier permettent au lecteur de suivre sans peine la tragique destinée d’Adalia, cette nouvelle ne s’avère toutefois pas aussi prenante, ni divertissante, que d’autres travaux de Craig, qui n’est jamais aussi pertinent que lorsqu’il s’attaque aux « bons côtés » du lore de WFB (Who Mourns a Necromancer ?, The Phantom of Yremi). La GW-Fiction regorgeant de récits dépeignant la déchéance vers le Chaos, et les conséquences, au mieux simplement fatales, de ce choix de carrière pour les malheureux qui se lancent/glissent sur cette voie, les contributions de Brian Craig à ce topos des plus classiques ne sont pas celles que je mettrais le plus en avant, même si la qualité reste présente. Vous voilà prévenus.

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The Song – S. Baxter:

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INTRIGUE:

Abordé à sa table fétiche du Tablier d’Esmeralda, son QG bistronomique du quartier halfling de Marienburg, par une poignée de congénères aussi bavards que dissipés, le détective privé Sam Warble tente tant bien que mal d’envoyer paître les nouveaux venus pour finir son repas en paix, sans grand succès. Refusant catégoriquement, et à la grande surprise de ses interlocuteurs, de participer à une partie de cartes pour célébrer ces retrouvailles moyennement appréciées, Warble se justifie en commençant le récit d’une mésaventure lui étant arrivé récemment, et qui lui a passé le goût du jeu.

Quelques jours plus tôt, en effet, notre limier de poche se trouvait engagé dans une partie de three cards pegasus, toujours au Tablier, contre un marchand Haut Elfe aussi insupportablement hautain que diablement chanceux. Voire un peu plus que chanceux. En fort mauvaise posture, mais refusant obstinément de s’avouer vaincu, Warble avait commis l’erreur de faire un tapis sur la foi d’une main quasiment imbattable… mais au final battue, ce qui avait eu pour conséquence de lui faire perdre littéralement l’esprit, confisqué par son adversaire (Eladriel) en guise de dette de jeu. Voilà pourquoi il ne faut jamais jouer avec des mages. S’étant réveillé une semaine plus tard avec la sensation désagréable d’avoir perdu la moitié de ses sens, Warble reçut une convocation pour se présenter dans une maison isolée du quartier elfique, où l’attendait son vainqueur, sa garde du corps contrefaite mais très costaude (à défaut d’avoir de la conversation), ainsi qu’une petite bouteille où Eladriel avait scellé une bonne partie de la sensibilité de notre héros, et qu’il n’accepterait de lui restituer que si ce dernier lui rendait un petit service. Le marchand kleptomane était en effet féru d’art, et, en plus d’être une sommité mondiale en matière de boucles de ceinture tiléennes, s’était piqué de chant lyrique et désirait ardemment entendre un récital – ou à défaut, une seule chanson – de la jeune Lora, chanteuse exceptionnelle dont l’un de ses congénères, le nabab Periel avait fait l’acquisition sur le marché au noir municipal. The Voice Marienburg, ça ne rigole vraiment pas. Charge à Warble de trouver un moyen de ramener à Eladriel l’objet de ses désirs, s’il voulait retrouver la pleine mesure de ses capacités.

Seulement équipé d’une fiole de verre enchantée semblable à celle dans laquelle Eladriel gardait son précieux, Warble prit le chemin de l’île privée où le puissant Periel avait fait bâtir sa demeure, persuadant un pêcheur cocu et complexé par sa calvitie (ce sont de vrais détails de la nouvelle) de le faire traverser contre quelques espèces sonnantes et trébuchantes. Une fois sur place, le halfling diminué avait eu la mauvaise surprise de croiser le chemin de l’Ogre domestique de Periel, qui semblait de prime abord bien décidé à le renvoyer sur l’autre rive à grands coups de massue. Pour diminué qu’il fut, sensitivement parlant, Warble demeurait toutefois assez vif d’esprit pour embrouiller le vigile, et le dépouiller de toutes ses possessions terrestres (y compris son inestimable – et inestimée – collection de fientes de chauve-souris géante) en quelques rounds de three cards pegasus. Profitant du désespoir de sa pauvre victime, l’impitoyable halfling l’avait alors assommé à l’aide de sa propre massue, confisquée en même temps que son pagne en recouvrement de dettes. Les ravages du jeu.

Cet obstacle écarté, Warble n’avait pas eu de mal à trouver le chemin des quartiers de Lora, dont le mécène s’occupait de façon attentive et loin d’être abusive. Profondément touché par la pureté du chant de la captive, Sam commença par échafauder des plans de libération audacieux, visant à ramener la belle auprès de ses parents, avant que cette dernière ne lui fasse comprendre qu’elle ne tenait pas spécialement à retourner dans la porcherie familiale, merci beaucoup. Comprenant que la partie était mal engagée, Warble eut toutefois la présence d’esprit de faire enregistrer à la cantatrice snob un single sur Snapchat, à l’aide de la bouteille remise (et heureusement d’ailleurs #CaTombeBien #FacilitéNarrative), dont l’enchantement protecteur lui permit de survivre aux vocalises ultrasoniques de Lora.

De retour chez Eladriel, Warble n’eut qu’à convaincre ce dernier de prêter une oreille attentive aux castafioreries de Lora, pour récupérer pleine possession de ses moyens lorsque la roucoulade de la prima donna vint fracasser la flasque dans laquelle le roué Elfe avait enfermé la mise perdue par son adversaire (c’était bien la peine de préciser un peu plus tôt que le carafon était indestructible…). Beau joueur, Eladriel accepta de laisser partir son prestataire sans le faire étriper par sa domestique, ayant eu comme convenu l’occasion d’écouter Lora se produire, ne fut-ce que pour une chanson (son tube en plus : Snowflake). Et voilà qui explique à la foi l’approche distanciée que Warble a développé envers les jeux de cartes, et le nouvel anneau d’or rehaussé d’éclats de cristal qu’il porte au doigt. À notre détective, et à Erik Satie, reviennent le mot de la fin : et tout cela m’est advenu par la faute de la musique.

AVIS:

Steve Baxter reprend impeccablement le flambeau de Sandy Mitchell, créateur du personnage de Sam Warble (The Tilean Rat), avec ce court récit d’enquête dans le dédale pittoresque de Marienburg, mettant en avant avec un second degré assumé la vie « normale » des habitants de la plus grande, riche et corrompue cité du Vieux Monde. Plus originale en termes d’intrigue que la soumission, totalement parodique, de Mitchell, The Song comporte cependant son lot de situations drôlatiques, à tel point que l’on se prend à rêver d’une adaptation du personnage de Warble sur le petit écran en format sitcom (il paraît que Games Workshop veut se positionner sur ce média, alors…). Sans prétention particulière au niveau de sa construction ou de ses apports de fluff, cette nouvelle constitue un petit entracte burlesque bienvenu entre deux œuvres plus caractéristiques, et donc plus sérieuses, de la GW-Fiction. Dommage que Baxter n’ait pas persévéré sur cette voie, il avait un talent certain pour l’exercice. Petit détail amusant (encore un), l’illustration réalisée par Martin McKenna pour cette nouvelle intègre une représentation de McKenna lui-même, en bas à droite du cadre.

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The Voyage South – N. Griffith:

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INTRIGUE:

Ariel et Isabel sont deux sœurs issues de la haute bourgeoisie de Quenelles, et profitant comme chaque année du domaine familial sur les hauteurs de la cité pour passer l’été en compagnie d’autres jeunes gens bien nés. Jusqu’ici, rien de bien méchant, jusqu’à ce que la partie fine slaaneshi à laquelle les frangines se sont rendues pour passer la soirée tourne au drame. Initiée par un autre convive au plaisir psychotrope du lait d’Olla, substance hallucinogène ramenée à grands frais d’Arabie par des marchands peu fréquentables (la meth du Vieux Monde, en quelque sorte), Isabel fait une overdose subite, et décède quelques jours plus tard après une agonie totalement biscor-« Nuh ». Saleté d’intolérance au lactose. Pour Ariel, qui culpabilise un petit peu de n’avoir pas su protéger sa sœur des ravages de la drooooooooogue, débute alors une quête de longue haleine afin de comprendre comment ce drame a pu avoir lieu1. Ayant fait analyser le reste du lait dont Isabel s’était enduit le visage, elle commence par découvrir que la substance a été coupée avec de la caronna, plante estalienne agissant comme un poison à haute dose. En cherchant à identifier le fournisseur du produit laitier avarié dont sa frangine à fait les frais, elle finit par s’engager sur la Rosamund, un navire marchand remontant la Brienne de Quenelles à Brionne, et profitant des étapes sur la route pour faire un peu de transport de fret, dont le fameux pâté de Cixous (ne rigolez pas, Griffith y revient souvent au cours de l’histoire). Cette décision, qui s’apparente plus à une crise d’adolescence un peu tardive qu’à un véritable choix réfléchi, lui permet de côtoyer quelques matelots forts en gueule, hauts en couleurs et avec un cœur gros comme ça, comme l’alcoolique mais secourable Marya (au physique de Capitaine Marlot, ou plutôt Merlot, du fait de son penchant prononcé pour la dîve bouteille), le bourru mais généreux Capitaine Holseher, ou encore son second Jean-Luc, qui ne sert pas à grand-chose dans l’histoire mais qui méritait qu’on le cite rien que pour son nom2.

La croisière fluviale n’est pas de tout repos, à la rudesse de la vie de matelot venant s’ajouter les signes inquiétants d’une traque dont Ariel est la cible de la part d’individus louches, dont un type très grand et très mince, qui trouve le moyen de s’introduire dans la cale où notre héroïne se retrouve confinée pour se dérober aux regards, et lui conseille fortement de stopper son enquête avant qu’il soit trop tard. Guère convaincue par l’argumentaire du slender man, Ariel lui saute dessus le couteau à la main… et se fait bolosser en deux secondes par son interlocuteur, qui se révèle porter d’étranges rembourrages sous ses vêtements. Spoiler, c’est un Elfe dont il s’agit, et qui cherche ainsi à estomper son manque de carrure par rapport à un être humain normalement constitué. Hit the gym, bro ! Résolument non violent, le visiteur se retire sans abuser de sa position de force, laissant Ariel nager en plein marasme sur les forces en présence dans ce trafic de yaourt. Un peu plus tard, la Rosamund tombe dans une embuscade alors que le navire venait de sortir d’une zone de rapides, forçant son équipage à se défendre bellement contre les ruffians qui montent à l’abordage, bien aidé il faut dire par le mystérieux skipper du pédalo qui suivait la barge de près depuis son départ de Cixous, et canarde les affreux avec un arc indubitablement elfique. Tiens tiens. En tout cas, sans son intervention salutaire, cela aurait senti le pâté pour Ariel et ses comparses, et pas seulement à cause de la cargaison embarquée.

Finalement arrivée à Brionne, où elle se rend compte que le dealer qu’elle poursuivait depuis Quenelles, et dont elle a appris qu’il travaillait pour l’amiral Escribano de Magritta, venait de quitter la ville pour l’Estalie, Ariel décide de lui emboîter le pas, et quitte la Rosamund pour s’engager sur un navire faisant la traversée jusqu’à Bilbali. Débarquant seule au terme de cette transat, elle est fort mal accueillie par la populace locale, qui prend ombrage de son teint pâle et de ses cheveux blonds et se met donc à la poursuivre dans les rues en la bombardant de salades. Les monstres. Tout cela aurait pu mal finir sans l’intervention opportune de Mr Corps de Lâche, qui entraîne la malheureuse dans sa maison en plein quartier elfique… Parce que oui, c’est un Elfe. En même temps, je vous avais prévenu. Par un mystérieux hasard, il s’avère que le sauveur d’Ariel, qui s’appelle Senduiuiel Cortengren, mais que ses amis tout le monde appelle Send (alors que Oui Oui aurait tout aussi bien fait l’affaire), a également une dent contre Escribano, qui rackette allègrement tous les navires croisant au large de Magritta, y compris les pacifiques voiliers elfiques. Après un entretien d’embauche rapidement expédié, Send accepte qu’Ariel lui file un coup de main dans son grand projet géo-politique. Cette confiance est rapidement récompensée lorsque la Bretonnienne en vadrouille sauve le Phil de fer de la capture des mains de la milice locale, alors qu’il faisait des signaux de lanterne au Uber naval qu’il avait commandé pour quitter Magritta incognito, après un repérage discret pendant lequel Ariel s’était surtout intéressée à la confection des pasteis de nata du Vieux Monde, et du dosage précis de farine de caronna que ces pâtisseries réputées nécessitent.

S’étant jetés à l’eau pour la bonne cause, nos deux espions sont repêchés par un sultan arabien qui chillait tranquillement sur son yacht de plaisance, en compagnie de sa famille et ses domestiques. Il s’avère rapidement que leur sauveur providentiel est de mèche avec Send pour calmer les velléités impérialistes d’Escribano, et que l’Elfe a conclu un accord avec le divin Hamqa – c’est son nom – pour que leurs flottes combinées aillent couler l’armada magrittane. Après un peu de stratégie et beaucoup de croquettes de poisson, nous passons enfin à la bataille finale, qui voit s’affronter la puissante alliance des Azur et des Arabiens et… la flotte mal réveillée d’Escribano, complètement prise au dépourvue, et qui n’a donc pas le temps de se mettre en position que déjà les assaillants ont envoyé leurs navires brûlots foutre le souk dans leur marina. Et bien que l’amiral estalien soit réputé avoir conclu un pacte avec le Dieu du Sang, ce partenariat impie ne donne rien de bien concluant pour les défenseurs, car Send, qui est un mage en plus d’un archer, invoque un Gardien des Secrets aquatique pour aller souffler dans les branchies du colérique Rhug’guari’ihlulan, démon majeur de Khorne de son état. Ce dernier ne trouve rien de plus malin à faire que de fracasser les navires de son propre camp, avant de chercher à faire boire la tasse – après tout, c’est un buveur –  à son rival parfumé, sans doute jaloux de son maillot deux pièces fuschia. Quoi qu’il en soit, la victoire est totale et sans appel pour nos héros, qui se séparent peu de temps après en léger froid (c’est souvent le cas lorsque votre collègue se révèle être un mage chaotique). Peu emballée par l’idée de revenir à Quenelles, Ariel résout de tenter sa chance dans le shipping longue distance, en partenariat avec l’une des filles du sultan Hamqa, elle aussi en quête d’indépendance. Le women empowerment, il n’y a que ça de vrai.

1 : On notera au passage que sa mère (et donc celle d’Isabel) se montre plus intéressée par la sauvegarde de la réputation familiale que par l’identification d’un éventuel coupable du décès de sa fille, qu’elle considère – à raison tout de même – comme une hédoniste délurée n’ayant pas volé ce qui lui est arrivé. Il faut croire qu’au début des années 90, on pouvait flirter avec le Chaos sans passer dans le camp des méchants.
2 : Avouez que c’est le premier Jean-Luc que vous croisez à Warhammer Battle. Le dernier aussi, sans doute.

AVIS:

Nicola Griffith s’offre un dernier tour de piste (à ce jour en tout cas) d’anthologie avec The Voyage South, OVNI de la GW-Fiction à bien des égards, et donc d’une lecture conseillée à tous les amateurs d’exotisme littéraire. Exit le grimdark pluvieux et désespéré caractéristique d’un Empire assailli/gangréné par des hordes d’ennemis, et bonjour au boat trip entre Quenelles et l’Arabie, en passant par les contrées ensoleillées d’Estalie. S’il est vrai que la région compte de nombreux périls, il flotte malgré tout un goût de soleil et de farniente sur cette longue nouvelle, dont l’héroïne bien née réalise un voyage initiatique dans des conditions un peu rudes mais loin d’être horribles, et qui pourraient être qualifiées de croisière touristique si on se réfère aux standards habituels de Warhammer Fantasy. Ajoutez à cela le manque de crédibilité induit (en tout cas pour un lectorat francophone) par l’intégration d’un personnage nommé Jean-Luc et la fixette que fait Griffith sur le pâté, et la prise au premier degré des tribulations d’Ariel se complique encore davantage. L’auteur a beau mettre en scène une intrigue finalement assez intéressante de trafic de drogue frelatée comme instrument de déstabilisation politique, mis en œuvre par des Estaliens qu’on ne savait pas si entreprenants, la petite histoire ne cesse de prendre le pas sur la grande, bien aidée en cela par le finalement tout petit rôle joué par le grand méchant Escribano et son âme damnée Jorge, qui n’apparaîtront jamais directement dans la nouvelle, même pas lors de la bataille finale, dont le déroulement à sens unique vient conclure ces cinquante pages de façon un peu terne. À titre personnel, j’aurais apprécié que Griffith développe un peu plus le personnage de Send, dont le positionnement ambigu (pour le dire poliment) renforce considérablement l’intérêt. Pour l’anecdote, on notera que Nicola Griffith avait indiqué dans il y a quelques temps considérer la possibilité de donner une suite aux aventures d’Ariel et Cie, en rebaptisant les personnages et enlevant toutes les références à l’univers de WFB de son propos afin de ne pas avoir de problème avec Games Workshop. Ce vœu pieux n’a pas encore réalisé à ce jour, mais tout vient à point à qui sait attendre…

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Et voilà qui termine (pour un temps en tout cas) cette plongée dans les profondeurs doublement vintage de la GW-Fiction à la sauce médiévale-fantastique. Si Red Thirst s’avère à bien des égards être la continuation de la ligne éditoriale déjà affirmée dans Ignorant Armies et Wolf Riders, le parti pris de David Pringle de se concentrer sur des nouvelles plus longues qu’à l’accoutumée se révèle avoir un vrai impact sur l’expérience de lecture. On a en effet l’impression d’une immersion plus poussée et profonde dans le Vieux Monde, sensation renforcée par le choix des auteurs d’intégrer des éléments assez exotiques dans leur récit : Cathay, Kislev, l’Estalie, l’Arabie, Karak aux Huits Pics, Marienburg… Il n’y a finalement que Neil Jones pour s’être cantonné à l’Empire. Si vous avez envie d’un peu plus de variété qu’à l’accoutumée dans vos lectures d’ouvrages GW, Red Thirst pourrait donc vous convenir, davantage en tout cas que les deux volumes précédents.

D’un point vue qualitatif, cet ouvrage s’avère également être assez solide, ne serait-ce que parce qu’il renferme une pépite de Jack Yeovil et probablement LA meilleure nouvelle de Gotrek et Felix jamais écrite par Bill King. The Voyage South, bien qu’un peu particulier dans son approche, mérite également le détour, tandis que les trois (plus) courts formats qui complètent le sommaire s’avèrent tout ce qu’il y a de plus lisibles, même si aucun d’entre eux ne peut prétendre à une distinction spéciale dans le corpus de la GW-Fiction. Finalement, on peut aussi remarquer que, bien des années avant que le sujet d’une meilleure représentation des genres ne soit vraiment considéré en haut lieu, Red Thirst était un recueil finalement assez féministe, puisque quatre de ses six nouvelles ont mises en avant une héroïne plutôt qu’un héros (même si cela ne s’est pas toujours bien fini pour cette dernière, comme Adalia peut en témoigner). Finalement, 1990 était une année très moderne…

 

INFERNO! [N°1]

Bonjour et bienvenue à tous dans la critique de ce premier numéro d’Inferno!, nouvelle mouture! On peut parler de retour aux sources pour la Black Library, qui reboote le magasine avec lequel tout a commencé pour elle, il y a un peu plus de vingt ans maintenant. Plus costaud que son petit frère en termes de contenu, un peu comme le Primaris à gode-ceinture de la couverture l’est pour le Space Marine lambda, cette version d’Inferno! joue également uniquement la carte de la prose: pas de comics, cosplay, carte, croquis ou chronique (c’est la maison qui régale sur ce dernier point, ne vous inquiétez pas) au menu cette fois, rien que de la nouvelle, mais par paquet de douze (onze en fait), excusez du peu. Dans la série des interdits littéraires, notons également l’absence de soumissions rattachées à l’Hérésie d’Horus, qui confirme par ce fait son statut de franchise d’exception dans le portefeuille de la BL.

Ces différences évoquées, il convient également de s’attarder un peu sur une caractéristique majeure de l’Inferno! initial, que l’on retrouve à nouveau dans la séquelle (et c’est heureux, si vous voulez mon avis): la publication de textes proposés par d’illustres inconnus, pour peu que la BL les juge d’un assez bon standing. L’occasion de découvrir les talents de demain, et, parfois, de faire de plaisantes et rafraichissantes lectures, bien éloignées des canons stylistiques de la maison (le fameux TGCM, c’est à dire Thorpe-Green-Counter-McNeill). Là où Hammer & Bolter et ses Hot New Talents s’était montré finalement assez conservateur dans son approche, privilégiant généralement les valeurs sûres par rapport aux impétrants, Inferno! joue lui franchement la carte de la nouveauté, avec pas moins de sept rookies crédités au sommaire, encadrés par les confirmés David Annandale, Josh Reynolds et Guy Haley. Alors, lecteur, que peux-tu attendre pour tes dix balles d’écot? Bien des choses, bien des choses en effet…

#1 - Cover

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The Unsung War –  Annandale :

The Unsung WarAnnandale propose un huis clos entre trois factions de 40K dans les entrailles du vaisseau impérial Summons of Faith. À ma droite, l’équipage du cargo, partageant tous une élégante calvitie et hébergeant gracieusement un gang de voleurs de Gênes. À ma gauche, une cabale Drukhari qui faisait du stop le long de l’Immaterium et a sournoisement investi les lieux quand le pilote du SoF a dû ralentir pour négocier un virage en épingle (tout est possible dans le Warp). Et au milieu de ce conflit latent entre propriétaires et locataires, trois honnêtes citoyens de l’Imperium, auxquels il reviendra la lourde tâche de calmer les ardeurs belliqueuses de leurs compagnons de croisière : Sebastia Hoven, alias le Rat (ou la Rat(t)e, l’anglais n’est pas clair à ce sujet), SDF kleptomane dont le plan de carrière a jusqu’ici consisté à passer incognito de vaisseau en vaisseau en volant et revendant des cure dents et du papier toilette au passage, et les frères Bogdanov du 41ème millénaire, c’est-à-dire le sergent Primaris Ultramarines Aetius et son sous-fifre Calenus, derniers rescapés d’une escouade d’Intercessors ayant eu le malheur de se lancer dans la purge du Summons of Faith au moment de l’arrivée impromptue des Eldars Noirs, et s’étant retrouvée dépassée par la tournure des évènements.

Notre histoire commence par la libération des deux Über Schtroumpfs par une Hoven dont la capacité à ouvrir des portes et à se matérialiser à côté des consoles de contrôle de manière aussi infaillible qu’instantanée jouera un grand rôle tout au long de la nouvelle. Terrifiée à égales mesures par les groupies de la Grande Dévoreuse et ceux de la Grande Avaleuse, la Rate, qui a assisté à la défaite et la capture des Ultramarines, décide en effet de la jouer comme Guilliman, comptant sur les gros biscotos de Cubitus et Jean-Claude Dusse pour la tirer d’affaire. Sitôt libérés de la cale où leurs geôliers les avaient remisés, et ayant repris possession de leurs fidèles carabolters (obligeamment localisés par une Rate décidément très bien informée), Rambo et son frère mettent au point une stratégie pour triompher de leurs adversaires malgré le très net désavantage numérique avec lequel ils doivent composer. Leur plan, d’une imparable simplicité, consiste à libérer l’équipage et leurs mascottes Xenos, eux aussi confinés dans la soute après le putsch des Drukhari, et de profiter de l’explication de texte qui ne manquera pas de s’en suivre pour achever les survivants de l’algarade.

Joignant l’action à la réflexion, Olibrius et Cirque Arlette Grüss pètent quelques cloisons à coups de bombes à fusion et partent s’embusquer à proximité de la salle de commandement. Ils n’ont pas à attendre longtemps avant qu’une horde de chauves, pas vraiment souriants, ne fasse son arrivée sur les lieux, insulte à la lèvre et acte d’expulsion à la main. En face, les scions de Commoragh, guère disposés à quitter leur Blablacar avant d’être arrivés à bon port, ont d’abord la partie facile, mais l’arrivée opportune de Château Petrus et Canal + et leur ciblage exclusif des Drukhari, ont tôt fait de rétablir l’équilibre des forces. Experts consommés du micromanagement en STR, sans doute grâce à toutes ces soirées passées en LAN sur Starcraft III, nos héros s’assurent qu’aucun camp ne prenne un trop grand ascendant sur l’autre, et retournent leurs vestes (énergétiques) avec un art consommé, ce qui ne les empêche pas de se retrouver en difficulté lorsque Papi Eugène Stiller (beaucoup moins sympa que son arrière-grand-père Ben) décide de passer une tête, puis un bras, puis deux, puis tous, à travers l’intégrité physique des galopins qui tourmentent sa smala. Littéralement éreinté par les fougueuses attentions du One-Man Chauve, Aetius doit se résoudre à jouer son joker (énergétique) pour mettre fin à la partie : à son appel plein de mâles accents, la Rate se téléporte sur le pont, et appuie sur le bouton « toit ouvrant » de la console. Même si on peut se demander pourquoi une option aussi incongrue avait été prise par le commanditaire du Summons of Faith (sans doute une petite mamie du Segmentum Obscurus abusée par un télévendeur peu scrupuleux), force est de constater que le résultat est des plus spectaculaires : comme dans la conclusion de la moitié des films de la série Alien, les odieux antagonistes sont catapultés dans les profondeurs stygiennes et glacées de l’espace infini, laissant nos héros seuls maîtres de la situation1. Hosanna, Magnificat et Biscopea, loué soit Lampe Erreur.

Les hasards de la vie ont fait que The Unsung War a été ma première rencontre littéraire avec les Space Marines Primaris. Après des dizaines de romans et nouvelles à la gloire du « simple » Space Marine lus au fil des ans, j’étais curieux de découvrir le traitement réservé par la Black Library au grand cousin de la tête de gondole de Games Workshop. Tout l’enjeu, de mon point de vue, était de montrer à la fois la proximité et l’altérité de ces deux versions du même modèle, comme cela avait été fait (parfois) entre Astartes « trentistes » et « quarantistes » via les publications de l’Hérésie d’Horus (voir par exemple Bloodline de James Swallow). Présentés dans les Codex et suppléments comme des Super Marines, plus grands, plus forts, plus résistants, mieux armés et équipés que leurs petits frères, les Primaris ne seraient-ils qu’un simple upgrade de ces derniers, ou une différence peut-elle également se percevoir au niveau psychologique (ce qui serait beaucoup plus intéressant que trois organes surnuméraires et un bolter qui tire plus loin, dans l’absolu) ? Dire que je préfère réserver mon jugement définitif sur la question après avoir pu lire d’autres travaux que celui du sieur Annandale suffit je pense à vous donner une idée de ce que j’ai pensé de sa soumission. Comment expliquer ces débuts poussifs ?

À mon sens, c’est la compréhension même d’Annandale de ce qu’est un Astartes (goût vanille ou goût stéroïdes) qui a pêché, état de fait à partir duquel il n’était tout simplement pas possible de bâtir quelque chose de correct. Sans connaître à fond le corpus du bonhomme (mis à part The Carrion Anthem Hammer & Bolter #11, guère folichon il faut le reconnaître, et au cours duquel il s’était déjà illustré par une utilisation assez contrintuitive du fluff établi), ce que j’ai pu lire dans The Unsung War ne le qualifie pas comme docteur es Spacemarinologie. D’un point de vue physique, tout d’abord, les héros d’Annadale se révèlent assez inconstants, capables de tenir tête à un Patriarche Genestealer à un moment, et infoutu de tenir en respect une doublette de Cérastes sans se faire perforer les poumons (et même s’ils en ont trois, ce n’est jamais agréable) à un autre. Leur plus haut fait d’armes de la nouvelle restera d’ailleurs le massacre de quelques serviteurs de réparation lobotomisés, seuls ennemis contre lesquels un clean sheet sera préservé. On remarquera également la non-utilisation des glandes de Betcher par Aetius et Calenus en début de récit, pourtant placés par l’auteur dans une situation (enfermés, désarmés mais laissés sans surveillance) où le recours à cet organe kikoolol était tout indiqué par le Codex.

C’est cependant au niveau mental que les Primaris d’Annadale détonnent le plus. Leur manque cruellement le fanatisme propre aux Astartes, qui aurait pu être moindre que celui des Space Marines classiques, formatés par dix millénaires de lutte implacable pour la survie de l’humanité, quand une certaine « candeur » de la part des nouveaux-venus Primaris n’aurait pas été déplacée, mais pas totalement absent tel qu’il semble l’être dans The Unsung War. Car c’est bien simple, à aucun moment Annandale ne parvient à faire transparaître un tant soit peu de zèle chez ses protagonistes, préférant l’approche scientifique (« il y a trop de variables en jeu pour pouvoir calculer nos chances de succès »), pince sans rire (« ils n’ont pas aimé ça » « alors ils aimeront encore moins ça ») ou fataliste (« laissons-nous mourir de froid dans l’espace au lieu de chercher à rejoindre la capsule d’évacuation et nous mettre en catalepsie pour ralentir l’action des toxines Drukhari, dans l’espoir que nous soyons retrouvés par le Chapitre »). Ajoutez à cela une nette propension de l’auteur de faire parler ses Ultras pour ne rien leur faire dire d’intéressant, et vous obtenez un honnête script de série B d’action, ce qui est un franc gâchis du potentiel intrinsèque de 40K en termes de construction narrative. Finalement, il n’y a que la Rate qui vienne (un peu) relever le niveau du casting, et encore, seulement lors de son introduction par Annandale, qui met en lumière un aspect intéressant, mais assez peu exploité par les auteurs de la BL (Ancient History d’Andy Chambers étant l’une des rares – à ma connaissance – exception à cette règle) du 41ème millénaire : la vie des milliards de serfs navaux (à ne pas confondre avec les cerfs-volants) nécessaires au bon fonctionnement de la flotte impériale. Malheureusement, une fois la libération des Primaris acquise, notre sympathique rongeur sortira largement du cadre, et ne fera plus office que de Deus Rattus ex Machina1 par la suite.

Enfin, on peut aussi s’amuser à relever quelques bourdes éparses de la part d’un Annandale qui faute tantôt par manque de cohérence (comme ces cultistes qu’il présente comme soucieux de reprendre le pont sans l’endommager… et qui arrosent les Drukhari au lance-missile), tantôt par manque de connaissance nerdique (c’est bien beau de mentionner les points de Geller, mais si c’est pour permettre l’abordage d’un vaisseau par un autre pendant qu’ils sont dans le Warp, ça ne relève pas vraiment le niveau). Parfois, tirer sur l’ambulance est le meilleur moyen d’abréger les souffrances d’un patient condamné.

Finalement, The Unsung War n’a pas grand-chose à apporter au lecteur que quelques scènes d’actions potables dans lesquelles figurent des Space Marines, qui se trouvent être des Primaris. Comme ce type de littérature se ramasse à la pelle dans les publications BL, on ne peut pas dire que cette soumission ait un quelconque intérêt, aficionados d’Annandale exceptés. Vous valez mieux que ça, ami lecteur.

1 : Grâce à leurs semelles magnétiques pour Carte à Puce et Ingérence Russe, et grâce à un trou de ver scénaristique pour la Rate, qui s’est glissée dans des passages bien plus étroits dans sa jeunesse, merci pour elle.

2 : On peut se demander, si on veut vraiment pousser le Dav’ dans ses retranchements de scénariste, pourquoi les Primaris se sont embêtés à participer à la baston sur le pont du Summons of Faith, une fois les cultistes sortis de leur quarantaine forcée. Il leur suffisait d’attendre que la Battle Royale soit engagée pour envoyer Hamtaro appuyer sur le bon bouton, au plus fort des combats.

No Hero – McLean :

Engagé dans une campagne désastreuse contre les Orks sur le monde jungle de Vardan IV, le 45ème Reslian reçoit l’ordre tant attendu de l’évacuation du redéploiement de la part du haut commandement, au grand soulagement de notre narrateur (surnommé Boy par ses camarades, peut-être à cause de son jeune âge – 19 ans – mais plus sûrement parce qu’il doit s’appeler Georges) et de ses comparses de la compagnie D. Cette dernière joue cependant de malchance lorsque la Valkyrie-taxi qui devait les transporter jusqu’au spatioport survole une bande de Frimeurs peu fans de Wagner, qui ont tôt fait de transformée la chevauchée en concassée. Ayant survécu au crash avec une poignée d’autres Gardes, Georges entame sans grand enthousiasme son « Rendez-Vous en Terre Inconnue » personnel, les petits aléas de ce genre de trek (chaleur étouffante, pluie constante, boue omniprésente, faune agressive, pièges à cons à base de grenades, scouts incompétents, blagues lourdingues de Frédéric Lopez…) ayant tôt fait de lui courir sur le haricot. Le comble est atteint lorsque nos Mike Horn en herbe se retrouvent embusqués par quelques éclaireurs Orks, rencontre pas vraiment amicale, qui verra toutefois la brute du groupe (Lopata) s’illustrer en un contre un face à un adversaire de son gabarit. Après toutes ces avanies, c’est avec un soulagement non feint que l’ultime quatuor de survivants finit par débouler, de manière totalement fortuite, sur un village humain perdu au milieu de rien. Joie. Ayant abandonné tout espoir d’être secouru par leurs frères d’armes (car la Garde meurt mais ne se rend pas à Ban Kha – en même temps, c’est loin –), les Reslians décident de défendre leurs hôtes jusqu’à la mort… avant de changer d’avis lorsqu’une Valkyrie se décide à pointer le bout de son fuselage. À quoi tient l’héroïsme désintéressé de nos jours, je vous jure. Alerté par un tir de fusée de détresse, l’appareil se pose et repart aussi sec avec nos héros. Tous ? Non. Tel l’irréductible gaulois qui fut peut-être son lointain aïeul, Georges a décidé d’honorer son serment, et est donc resté sur place, prêt à donner sa vie pour la défense de cette insignifiante communauté humaine. En tant que Garde Impérial, pouvait-il faire autrement1 ?

No Hero est une publication intéressante à plus d’un titre. Le choix de McLean d’utiliser la première personne pour relater son récit, choix assez peu usité par les auteurs de la BL, apporte une fraîcheur indéniable à l’exercice, et son style dénote également assez fortement des canons habituels, sans qu’il me soit possible de mettre le doigt sur une caractéristique particulièrement distinctive de ce dernier. C’est tout simplement différent à la lecture, sans que cette variation soit rédhibitoire, et c’est donc assez appréciable. Logique, me direz-vous, pour une revue comme Inferno!, qui publie les travaux de nouveaux venus, pas forcément imprégné (encore) du « BL-style » que l’on retrouve assez largement dans le corpus de la maison d’édition. D’autant plus logique que Peter McLean, présenté dans l’introduction de No Hero comme un auteur établi, dispose d’un pedigree déjà assez fourni (séries War for the Rose Throne et Burned Man). Ce n’est pas de l’Asimov ou du Lovecraft, certes, mais ce n’est pas du McNeill ou du Kyme non plus, et c’est déjà pas mal.

On peut également créditer McLean de quelques efforts en matière de character development, en particulier pour le personnage de Lopata, dont la dualité, progressivement révélée (il commence comme un pseudo Bragg, il finit comme lookalike Gilbear) ajoute du piment à l’intrigue. Sur un format aussi court, l’effet ne joue certes pas à plein, mais cette capacité à approfondir ses personnages est un bon point indéniable pour McLean, à garder en tête si le sieur se lance dans des travaux plus conséquents pour le compte de la Black Library.

À côté de cela, le propos couvert dans cette nouvelle est d’une banalité assez consommée, et donc guère mémorable pour lui-même. Le canevas du groupe de Gardes Impériaux en perdition sur un monde jungle hostile n’est en rien inédit (et on peut remonter jusqu’au Devil’s Marauders de Bill King – 1990, tout de même – pour s’en convaincre), et si l’approche « Platoonesque » choisie par McLean ajoute un peu de singularité à l’ensemble, un scénario un peu plus original n’aurait pas desservi la nouvelle, loin de là. Bref, une première soumission respectable, mais perfectible, qui m’a donné l’envie de pratiquer à nouveau le bonhomme à l’occasion, afin de voir comment il a transformé l’essai.

1 : Ce n’est pas pour jouer les rabat-joie, mais il est quasiment certain qu’il est plus bénéfique pour l’Imperium de récupérer un soldat, qui pourra être redéployé sur un autre champ de bataille et contribuer de cette façon à l’effort de guerre, plutôt que de retarder de 0,0000000000001% l’avancée d’une horde Orks grâce au sacrifice dudit soldat. Comme quoi Georges aurait dû accepter de retaper sa 3ème SEGPA et persévérer dans ses études plutôt que de s’engager dans la Garde. Stay in school kiddos.

The Path to Glory – Dicken :

Il y a des nouvelles dont la lecture vous dépayse plus que d’autres, et The Path to Glory d’Evan Dicken fait définitivement partie de ce genre de soumissions qui tirent le lecteur de sa zone de confort narratif. Bienvenue dans l’empire Lantique, au moment où ce dernier livre la plus grande bataille de son histoire contre les hordes assoiffées de sang d’Azakul the Winnower (soit, très littéralement, Azakul le Vanneur, ça c’est un patronyme à potentiel). Comment, qu’entends-je ? Vous n’avez pas la moindre idée de ce qu’est l’empire Lantique, et le nom d’Azakul ne vous évoque qu’une vague sensation de déjà lu (spoiler alert, vous confondez avec Asavar Kul) ? Cuistres que vous êtes. Les gens de bonne société savent tous que Lantia ( ?) était un royaume humain du plan de Chamon, dont l’avance technologique et la maîtrise de la metallarcanie (you know what I mean) ne furent pas suffisants pour résister aux assauts chaotiques, bien aidés il faut le reconnaître par la défection des Fyreslayers alliés de l’Empire et la destruction par ces derniers de la Ceinture d’Orvapeur (Gilded Steamgrid), qui avait défendu le domaine des humains pendant des siècles. Allez donc, maroufles, tout le monde sait ça.

Nous suivons donc, au cours de cette longue nouvelle (52 pages tout de même, soit le format novella de la BL), les dernières heures du malheureux empire, tel que vécues par trois de ses sujets. Honneur aux dames, nous commencerons donc par présenter le capitaine Sulla, officier dans les Légions Lantiques, et propulsée commandante des dernières forces armées de l’Empire à la suite du tragique décès de tous ses supérieurs, impératrice Xerastia comprise1. Survivante éprouvée par les combats, mais déterminée à faire son devoir jusqu’au bout, Sulla mène les restes de l’armée Lantique jusqu’à Uliashtai, cité du stuff et de l’embrayage (City of Gear), bastion de l’ordre doré, dont les sortilèges millimétrés ont réussi à maintenir en respect les suivants du Vanneur (car c’est bien connu, les métalleux n’ont pas d’humour).

À Uliashtai, soumise à un siège interminable par Skayne Bloodtongue et sa cabale de sorciers, nous faisons la rencontre du mage Kaslon, courageux mais pas téméraire, et prompt de ce fait à déserter le champ de bataille lorsque la savante géométrie arcanique de l’ordre est prise en défaut par un nouveau maléfice de Bloodtongue, avec des résultats pour le moins corrosifs. Unique survivant du carnage, Kaslon passe en coup de vent à la Tour d’Argent, QG des mages dorés, et prend connaissance du dernier message reçu par les maîtres de l’ordre, les alertant de la chute de l’Empire et les enjoignant à fuir avec leurs concitoyens jusqu’au portail menant à Azyr, pour se mettre sous la protection de Sigmar. Abasourdi par la nouvelle, Kaslon se ressaisit cependant vite et pense à aller looter la réserve d’artefacts trotrokwioul des métalleux, dont il ressort avec un magnifaïk bâton de cristal, aussi mystérieux que badass. Lui aussi mis par le destin à la tête de son peuple, il réussit à organiser l’évacuation rapide de la cité condamnée en direction du palais de l’Autarque, siège du pouvoir temporel d’Uliashtai et unique accès au tunnel menant à ce fameux portail. Il peut en cela compter sur le précieux soutien de Sulla et de ses troupes, arrivées juste à temps pour claquer le beignet de l’avant-garde chaotique, et la porte de la ville au nez crochu de Skayne.

C’est enfin dans le palais de l’Autarque, ravagé par une peste à l’efficacité toute biactolique (comprendre qu’elle a éliminé 99,9% de la population) que s’éveille notre troisième protagoniste, répondant au nom de Livius. Fils indigne d’une famille noble disgraciée, Livius peut toutefois se targuer d’être l’Empereur légitime d’Uliashtai, le décès impromptu du monarque précédent et des 1298 prétendants mieux placés que lui à la succession au trône de fer/bronze/plomb/palladium brossé ayant laissé le chemin vers le pouvoir grand ouvert. Ayant également hérité d’un sabre enchanté, Fléau des Veuves2 (Widowbane) suite au décès de ses chers ascendants, dont une mère castratrice dont il ne pourra s’empêcher de mutiler le cadavre au passage (hmmmm… okay), Livius se montrera rapidement utile à la progression de l’intrigue en ouvrant les portes du palais de l’Autarque à son peuple, chose que seul l’Empereur régnant peut accomplir, pour des raisons mystico-logiques. Soit. Laissé durement éprouvé par ce fait (que je ne qualifierai pas de haut, car faut pas déconner non plus), Livius est ramené à la vie par Kaslon et Sulla, et tous trois finissent par conclure que la seule option qui s’offre aux ultimes survivants de l’empire est de fuir vers le portail d’Azyr, en refermant les portes du palais pour gagner un peu de temps, même si cela revient à condamner les derniers réfugiés à un tête à tête avec Skayne et Sbarbie. Comme on dit chez les Papous, Fosse quille faux.

La suite de l’histoire verra nos trois héros mener leur colonne de survivants jusqu’au (possible) salut représenté par ce fameux portail vers Azyr, alors même que les forces de Skayne et d’Azakul se rapprochent pour la curée. Pour ne pas spoiler la fin de cet épique The Path to Glory, je m’arrêterai ici, mais sachez tout de même que vous risquez de finir le récit avec une image un peu différent de ce cher Sigmar, qui n’apparaît pas ici sous son meilleur profil (qu’il a aquilin), ce qui est tant mieux, si vous voulez mon avis.

Pour un début, c’est un beau début. Le newbie Dicken fait plus que servir la soupe ou se compromettre avec une Space Marinade réchauffée au micro-ondes, tenez-le-vous pour dit. Le choix de s’embarquer dès son galop d’essai dans une saga mêlant batailles, magie, exploration du background des Royaumes Mortels au temps de l’Âge du Chaos, et réflexion, certes classique, mais pas mal menée, sur le thème « l’enfer (ou en Chamon, l’en fer) est pavé de bonnes intentions », aurait pu se solder par un pataquès littéraire, boursoufflé et incohérent, mais force est de constater que le gars Evan réussit à mener sa barque avec un talent consommé. On ne s’ennuie pas à la lecture de The Path to Glory, que ce soit en découvrant la civilisation Lantique à travers le prisme de sa chute sous les assauts chaotiques, ou en suivant le cheminement de nos héros vers leur destinée, qui pourrait être tout autre que celle qu’ils envisageaient. Rien de bien neuf sous le soleil de ce point de vue, mais du moment que l’exécution est bonne, et ne sombre ni dans la caricature, ni dans la vacuité, il n’y a pas à bouder son plaisir. On pourrait même prêter à Dicken une finesse supplémentaire dans sa construction du récit, en plaçant la trajectoire de chacun de nos protagonistes sous le patronage de l’un des trois Dieux du Chaos « survivants », les aptitudes, tempéraments et péripéties vécues par Sulla, Kaslon et Livius – personnages d’une richesse appréciable, tout comme leurs némésis Skayne (a.k.a. Bad Santa) et Azakul (« Jonah Hill, sort de cette armure du Chaos ») – permettant d’établir ce genre de passerelles sans trop de difficultés. Il serait intéressant que l’auteur donne une suite à cette novella pour constater si cette hypothèse se vérifie. Bref, un coup d’essai de fort belle facture pour Evan Dicken, et un nom qui mérite d’être suivi dans les mois à venir, si j’en suis juge.

1 : Cette dernière, vainqueur du concours d’hardcore limbo improvisé par Azakul en plein champ de bataille, gagna un billet pour le monde merveilleux d’Azyr et un beau masque doré pour sa peine.

2 : Ça tombe plutôt bien, l’alcoolisme mondain de Livius lui avait également gagné le surnom de Fléau des Veuves Clicquot, ce qui est presque pareil, reconnaissez-le.

A Common Ground – Brooks :

Quelque part dans l’immensité bétonnée de Necromunda, dans l’arène gladiatoriale tenue par nul autre que le tristement célèbre Drost Khouren, un free for all suit son cours sous les ovations et rugissements d’un public conquis. Parfaitement dans son élément, notre héros, le combattant Goliath Jaxx, livre un masterclass de MMA et se débarrasse de ses adversaires les uns après les autres avec un talent consommé, dans l’espoir de cimenter son statut de challenger incontournable à Graw Hammerhand, champion en titre de l’arène, que Jaxx aimerait délester de sa ceinture (si tant est qu’on utilise des ceintures pour marquer les titres au 41ème millénaire, mais c’est un autre débat). Ayant réussi à mettre aux tapis ses petits camarades de jeu sans recourir à sa précieuse dose de stimms, Jaxx se prépare à en finir avec sa dernière adversaire, Malady Kaw, en passant à son tour en bullet mode. Malheureusement pour notre champion, c’est en boulet mode qu’il finit après avoir lancé l’injection, la faute à la dose frelatée remise par un Khouren préférant de loin faire durer la rivalité entre Jaxx et Graw pendant encore quelques mois plutôt que de laisser Big J. s’expliquer en tête à tête avec l’autre Gros.

De boulet à boulette, il n’y a qu’un pas (et deux lettres), et c’est dans l’état de cette fameuse spécialité suédoise que Jaxx s’éveille dans l’infirmerie de l’arène. Encore sonné par son bad trip et les touchantes attentions de Miss Kaw, il reçoit la visite d’une mystérieuse inconnue, qu’il avait aperçu aux côtés de son bon ami Khouren dans la loge présidentielle gouvernementale. Cette dernière, une Navigatrice répondant au nom de Chettamandey Vula Brobantis (Chetta pour les intimes et les Goliaths mous du bulbe comme Jaxx), vient proposer un marché au philistin déconfit: combattre dès le lendemain, et s’arranger pour faire mordre la moquette à son cher mari, en malheureuse victime collatérale du meurtre du fourbe Khouren par un Jaxx ivre de revanche et une balustrade trop basse pour empêcher ce dernier de lui tomber sur le râble comme la Pourriture de Nurgle sur Espandor, en échange de la prise en charge de la famille du berserker par la commanditaire du regrettable incident après l’inévitable décès du gladiateur. Ayant pesé ses options et conclus qu’il n’avait plus grand chose à perdre, Jaxx le Fataliste accepte le deal. Mais a-t-il raison de faire confiance à sa nouvelle meilleure amie ?

Mike Brooks livre avec A Common Ground une nouvelle dont l’intrigue minimaliste est contrebalancée par une exécution parfaitement maîtrisée, tant au niveau de la narration que du respect du fluff, assez spécifique sur certains aspects, de Necromunda et de 40K. En plus de décrire de manière à la fois prenante et “intellectualisée” le chaos d’une battle royale gladiatoriale, où tous les coups sont permis mais où la stratégie est également de mise de la part des combattants qui veulent avoir une chance de triompher, il se paie le luxe de mettre en relief de façon intéressante la condition du Goliath moyen (2m07 pour 136 kgs, donc), colosse cultivé en cuve et destiné à un prompt trépas, et cherchant par tous les moyens à donner un sens à sa courte existence. Pas mal du tout pour une première incursion dans les ténèbres de notre lointain futur, donc.

The Emperor’s Wrath – Fischer :

Sur l’agrimonde d’Halcyon, Caius et ses jeunes frère et sœur Remus et Rhea, laissés orphelins par le meurtre de leurs parents dix ans plus tôt par une milice pas très Charlie baptisée la Fureur de l’Empereur (The Emperor’s Wrath), cherchent à s’exfiltrer discrètement à la suite de l’arrivée en orbite d’une flotte impériale. Animé, et c’est compréhensible, d’une haine farouche envers l’Imperium, qu’il tient responsable de ses malheurs, Caius compte sur ses relations avec un trafiquant notoire possédant un vaisseau à même de percer le blocus impérial (non, ce n’est pas Han Solo) pour fausser une fois pour toute compagnie aux sbires de Pépé. Manque de bol, le trio arrive trop tard dans la planque du contrebandier, et est accueilli par le cadavre de ce dernier et de son équipage, avant que Caius ne fasse connaissance avec la crosse d’un fusil laser et se réveille attaché à une caisse et tout prêt à subir lui-aussi la fureur2 de l’Empereur.

Sauvé par l’arrivée opportune d’une escouade de survivants du 1109ème Cadien, qui a tôt fait de renvoyer les amateurs de la FdE à leurs chères études, Caius, d’abord franchement hostile envers ses bienfaiteurs du fait de leur allégeance au Trône de Terra, a la surprise d’apprendre que ces derniers sont des frères d’armes de son défunt paternel (l’Imperium est un village, vraiment), et qu’ils sont sur place pour reprendre la planète aux vilains Furieux, qui malgré leur nom ne sont autres qu’une faction chaotique. 30 ans de thérapie en perspective pour notre héros, qui réalise que l’Empereur est finalement le gentil de l’histoire, en contradiction avec ce qu’il avait cru pendant toute sa vie. Heckin bamboozled. Par solidarité envers les rejetons d’un ancien camarade, les Cadiens acceptent obligeamment de prendre la marmaille sous leur aile et de les accompagner jusqu’au spatioport d’Halcyon, où ils pourront être évacués vers une planète plus funky. Cependant, la route jusqu’à la fin du niveau ne sera pas une promenade de santé, d’autant plus que l’Empereur semble être bel et bien présent sur Halcyon, et qu’il est effectivement plutôt énervé…

Introduite comme une réflexion habile sur la manière dont les croyances et idéaux d’un individu peuvent et doivent être mis en perspective de la compréhension, parfois limitée, que ce dernier a de sa situation (tournure alambiquée #1), The Emperor’s Wrath rencontre beaucoup de difficultés à honorer cette promesse, et se contente pour la majeure part d’être une banale nouvelle de GI Joe(s) vs cultistes pas bô. Le mètre étalon en la matière restant le gars Abnett et ses Fantômes de Gaunt, dont Fischer s’inspire de façon peu inspirée (un comble), le lecteur vétéran de la BL ne trouvera guère d’intérêt dans cette nième resucée d’un topos éculé de la littérature 40Kesque (tournure alambiquée #2). Il aurait été à mon avis plus intéressant de limiter la partie action pure et dure de la nouvelle à sa portion congrue, et dédier le gros de cette dernière à la confrontation de points de vue entre un Caius méprisant l’Imperium pour les mauvaises raisons, et découvrant peut-être de meilleurs motifs d’ire au contact des survivants de Cadia, et le prosélytisme impérial, peut-être un peu ébranlé par le destin de leur monde, mais toujours chevillé au corps, de ces derniers (ouaaaaais, le hat trick des tournures alambiquées!). McNeill avait, de l’opinion générale (je n’ai pas, au moment de l’écriture de ces lignes, lu le bouzin) plutôt réussi son coup avec cette approche “intellectuelle” dans The Last Church, développement d’une idée somme toute assez proche de celle servant d’argument à The Emperor’s Wrath: il y avait à mon avis largement la place pour Fischer de s’inscrire dans cette logique. Ce n’a pas été le cas, tant pis.

Waking the Dragon – J. Reynolds :

Qui eut cru trouver une nouvelle se passant dans le Monde qui fut dans la nouvelle version d’Inferno! ? Certainement pas moi, qui m’attendait à une répartition entre travaux 40K et AoS (avec peut-être un peu de Blood Bowl pour épicer l’affaire), du fait de la disparition de WFB des tablettes de GW depuis plus de 3 ans au moment de la publication de ce numéro. C’était cependant sans compter sur le zèle nécrophile de Josh Reynolds, auteur Battle des plus dévoués à sa franchise de cœur, dont il a porté haut les couleurs depuis son introduction dans l’écurie BL, via ses piges (nombreuses et de bonne qualité) pour Hammer & Bolter, avant de lourdement contribuer à la destruction du Vieux Monde en tant que rédacteur de deux des tomes The End Times (dont le dernier de la série, The Lord of End Times, ultime clou dans le cercueil de WFB). Brûle ce que tu as adoré, etc… C’est d’ailleurs justement dans la tempête avant le dernier des calmes que Josh nous replonge, avec un inédit The End Times consacré au duo burlesque et billesque le plus en vue des Montagnes Grises : Heinrich Kemmler et Krell.

Notre propos débute par une nuit froide dans les ruines du village bretonnien de Blenois, où K&K ont organisé une petite réception à destination de cet empêcheur de réanimer en rond de Tancred, duc de Quenelles de son état et harceleur de nécromancien par passion. S’étant employé à massacrer la populace (pour Krell) et à construire des gibets où les cadavres de cette dernière ont été accrochés comme autant de lampions (pour… Kemmler, I guess ?), notre binôme attend l’arrivée de leur Némésis avec un enthousiasme non feint, mais qui finit par retomber (pour Kemmler, sans aucun doute possible) lorsqu’il s’avère que malgré toute leur bonne volonté, pièges à la con et autres moulinets de Hache Noire, Duduche ne passera pas l’arme à gauche ce jour. Réussissant à grand peine à rappeler un Krell tout prêt à faire des (mal)heures sup’, le Lichmeister prend la poudre d’escampette, désespérant de trouver un moyen de venir à bout du stalker qui le pourchasse depuis le regrettable incident de l’Abbaye de Maisontaal. Et puis, soudain, surgit l’illumination : pourquoi ne pas faire un crochet par le Fort du Sang, histoire de restocker de l’osselet ? L’endroit n’est qu’à quelques heures de trajet, et la richesse de son sous-sol pourrait permettre à Kemmler de mettre un point final à sa relation compliquée avec la noblesse bretonnienne.

Une fois sur place, nos deux loustics doivent toutefois se rendre à l’évidence qu’ils ne sont ni les premiers à avoir eu l’idée, ni très bienvenus aux yeux de leurs prédécesseurs. Goules, Stryges, squelettes, et finalement Dragons de Sang : le comité d’accueil est à la hauteur de la réputation du fameux duo, qui doit s’employer pour mettre un peu d’ordre dans cette cohue, à grand renfort de conjuration, décapitation et éclatage-de-tête-à-coup-de-talon (le Krell special). Ayant enfin pu se frayer un chemin jusqu’au manager Kastellan de garde, auquel il demande à (pour)parler, le rusé Heinrich parvient à convaincre les orgueilleux vampires d’affronter son revenant de compagnie en duel plutôt que de se prendre une charge de Chevaliers de Sang dans le buffet. Après quelques passes peu à l’avantage de la team canine, les perfides buveurs de sang abandonnent leur étiquette guerrière et se ruent sur l’invincible champion d’un commun accord, sans que ce dernier ne s’en émeuve plus que cela. En périphérie de la distribution de beignes, Kemmler et le Kastellan commencent à tailler le bout de gras, avant que le premier ne tente un bitch move en lançant les hordes de squelettes réanimés sous le manteau (qu’il a large et couvrant) sur son interlocuteur. Loin d’être pris au dépourvu par la manœuvre, ce dernier finit tout de même par tomber le masque, histoire de montrer au Lichemeister qu’il a trouvé à qui incanter : car le Kastellan n’était autre que Mannfred von Carstein, sans doute en tournage de Patron Incognito au moment de l’arrivée de Kemmler, et donc assez peu impressionné par les tours de passe-passe de Tonton Yoyo (keskya sous son graaaand chaaapôôô ?). Alors que les rutabagas semblent être bel et bien bouillis pour Kemmler, à la merci d’un adversaire bien trop coriace pour lui et sans possibilité de compter sur l’aide immédiate d’un Krell toujours occupé à faire du sashimi de Dragons de Sang, il se voit proposer une alliance par un Mannfred mandaté par le Nag’ à la mise sur pied d’une armée digne de la Fin des Temps qui s’annonce. Devant le peu d’options qui s’offrent à lui, le nécromancien accepte, et rejoint les rangs de l’armée de Daddy Death (pas pour longtemps ceci dit, cf The End Times).

Si ce texte de Reynolds s’avère, comme à son habitude, plaisant à lire tant pour l’amateur de hack & slash que pour le fluffiste amateur d’Easter eggs, il apparaît toutefois clairement que Waking the Dragon n’est pas grand-chose de plus qu’un fond de tiroir du matériel développé par Josh pour The End Times. Peut-être était-il prévu d’intégrer cette péripétie, assez mineure il faut le reconnaître, dans le premier tome de la série, avant que les éditeurs de la BL n’en décident autrement ? Toujours est-il que cette soumission aura bien du mal à être considérée autrement que comme un side-event, distrayant mais assez creux, d’évènements autrement plus épiques et capitaux pour le monde de Warhammer. Dans un genre assez similaire et du même auteur, The Fangs of the Asp, ultime nouvelle publiée dans la cadre de Hammer & Bolter, s’était révélé d’un niveau et d’une ambition littéraire significativement supérieurs. Mettons l’inclusion de Waking the Dragon dans ce premier numéro d’Inferno ! au crédit d’une BL peu encline à laisser se perdre des nouvelles déjà écrites, et intéressons-nous aux nouveaux travaux de Josh Reynolds pour voir s’il a réussi sa transition vers le nouveau monde (un comble pour un auteur américain travaillant pour une maison d’édition anglaise !).

The Enemy of my Enemy – Crowley :

Embourbé, dans tous les sens du terme, dans une guerre de positions stérile contre une pugnace Waaagh ! ork, le VIIIème régiment de Mystras, commandé par le général Nestor Pyrrhus, doit composer avec l’arrivée imminente d’une flotte ruche tyranide sur la planète minière de Cavernam Tertius. Ne pouvant compter sur aucun renfort impérial pour l’aider à défendre son caillou de troisième ordre, Pyrrhus décide d’offrir une alliance à son homologue, le colonel Taktikus, dans l’espoir que la combinaison du génie tactique et technologique des humains et de la sauvagerie et des innombrables effectifs des peaux vertes se révèle suffisante pour repousser les funestes locustes. Ayant convaincu Taktikus de coopérer, ce qui est déjà une victoire en tant que tel, Pyrrhus s’emploie ensuite à coordonner l’action de la coalition, qui, malgré des pertes importantes, parvient à tenir en respect les essaims de criquets jusqu’à ce qu’une chance de victoire se dessine à l’horizon. Ayant pris soin de laisser ses alliés encaisser les plus féroces assauts tyranides, le roué Pyrrhus subodore, à juste à titre, avoir la possibilité de joindre l’utile à l’agréable et de porter son xenocide au carré, en laissant les dernières forces orks et tyranides se compter fleurette sur le pré pendant que la Garde compterait, elle, les points. Mais ce faisant, ne sous-estimerait-il pas dangereusement la ruse bestiale de son allié de fortune ?

L’école « humoristique » de la BL compte désormais un nouvel adepte, le rookie Nate Crowley, dont la première publication s’inscrit dans la droite ligne des travaux d’Andy Jones et Sandy Mitchell, pour citer deux des figures de ce groupuscule. Jamais les derniers dès qu’il s’agit d’apporter un peu de gaudriole au futur nihilistico-millitariste de GW, ces boutes en train d’Orks étaient une valeur sûre à inclure au casting. Face à eux, et porteurs d’un autre style de comique, les nervis du général Nestor Pyhrrus cherchent à se convaincre qu’ils ne sont pas le squigon de la farce, la soudaine coopération d’un ennemi décennal, et totalement Xenos qui plus est, étant perçue comme hautement suspecte par les plus zélés des Mystrasiens. Pour le reste, The Enemy of my Enemy ne changera pas votre vision de 40K, la forme l’emportant assez nettement sur le fond.

How Vido Learned the Trick – J. Reynolds :

Deuxième soumission du numéro pour un Josh Reynolds qui, décidément, sait se rendre indispensable auprès des pontes de la Black Library, How Vido… remet en vedette américaine Naggarothi ( ?) les Sherlock Holmes et Dr Watson d’Altdorf, déjà convoqués par le même Reynolds dans une des ultimes parutions de Hammer & Bolter (The Problem of Three-Toll Bridge, H&B #25) : Zavant Konniger et son valet Vido.

Surpris dans l’exercice de ses fonctions, qui consistent, entre autres choses, à ravitailler son maître en fagots et en saucisse, Vido se retrouve nez à arbalète de poing cathayenne dans les appartements de Konniger, et pressé de questions par un assassin bretonnien aussi languide que déterminé, répondant au doux nom de Brochet (Pike en anglais – vous avouerez que Gardon ou Tanche n’auraient pas eu le même effet -). Exploitant l’indolence du reître, apparemment bien fatigué par l’escalade jusqu’à la fenêtre du Sage Détective et peu enclin à passer les lieux au peigne fin pour débusquer sa proie s’il peut exploiter le travail d’autrui à la place, Vido tente tant bien que mal de retracer le parcours de son maître au cours des dernières heures, autant afin d’empêcher le Bro’ d’utiliser son atout carreau que pour tenter de prévenir Konniger du péril en la demeure (c’est le cas de le dire). Pour ce faire, il faudra à notre cérébral Halfling mettre à profit tous les trucs et astuces glanés au contact de son infaillible employeur… sans oublier son propre bagage de compétences de mauvais sujet repenti, lorsque les choses commenceront à dégénérer. Pas étonnant que les métiers d’aide à la personne aient du mal à trouver preneur, si vous voulez mon avis.

Drôle d’exercice de style que cette courte nouvelle, qui oscille entre énigme « policière » (où est Konniger ?) et course poursuite sur les toits entre Vido et le Capitaine Brochet. Si le style de Josh Reynolds et sa familiarité avec les personnages qu’il met en scène lui assurent une soumission tout ce qu’il y a de plus correct, ce mash-up de partis pris littéraires n’apparaît pas comme l’œuvre la plus aboutie de l’auteur, d’autant plus que ce dernier ne se donne même pas la peine de révéler de façon claire le fin mot de l’histoire à propos du mystère posé en introduction. Mis à part l’utilisation de what mille miroirs par un Zavant adepte de la réflexion (ha ha), on ne ressort guère instruit de la lecture de How Vido Learned the Trick1 quant aux moyens utilisés par le célèbre détective pour tromper la vigilance de son assassin. C’est d’autant plus dommage car un twist final, ou en tout cas, l’exposition par l’auteur du raisonnement logique qui aurait pu/dû conduire le lecteur à résoudre le mystère auquel il a été confronté, fait clairement partie du cahier des charges de ce genre de nouvelle, ce qu’un auteur du standard de Josh Reynolds ne pouvait pas ne pas savoir. Bref, un nouveau fond de tiroir exhumé par la BL, dont la persistance à publier des histoires se déroulant dans feu le Monde qui Fut s’apparente plus à de l’opportunisme qu’à de la nostalgie. Espérons juste que Konniger et Vido ne tirent pas leur révérence sur ce demi-flop, et que l’on permettra à JR de corriger le tir avec une conclusion digne du statut de ces personnages dans un futur pas trop lointain. Ce serait bien la moindre des choses.

1 : Un clin d’oeil à une véritable nouvelle de Conan Doyle : How Watson Learned the Trick.

The First Daughter – Wiltgren :

Dans les ténèbres d’un lointain futur, la misogynie reste un fléau persistant, comme peut en témoigner la Lieutenant Ekaterina Idra, officier au sein du 86ème Vostroyan. Aînée d’un voyarin n’ayant eu que de filles, et trop d’amour propre pour accepter la disgrâce que constituerait une non-participation de sa lignée à la levée impériale, Kat, telle une Mulan steam-punk de Sibérie, s’est engagée dans la Garde Impériale, et a enduré depuis des tombereaux de mufleries. La campagne de Tovoga va toutefois lui changer agréablement de son morne, si dangereux, quotidien, en lui donnant l’occasion de combattre aux côtés d’un de ses héros, le Major Jorun Haskel en personne. Encore plus alpha que Vladimir Poutine chevauchant un ours dans le soleil couchant, Haskel est l’incarnation même de l’âme indomptable de Vostroya, un guerrier accompli maniant une relique clinquante et auréolé d’innombrables hauts faits guerriers, en plus de touffes de cheveux gras sous un chako pelé (ce qui ne fait que renforcer son charisme). Les hasards de la guerre ayant voulu que la section motorisée de Kat soit dans le coin au moment où le 262ème de Haskel enquillait une attaque en règle des traîtres Tovogans, c’est à Idra que revient l’insigne honneur de secourir les survivants de l’assaut, ce qu’elle fait avec compétence et distinction.

Elle ne tarde cependant pas à découvrir que son idole n’est pas sans avoir ses propres défauts, à commencer par une légère, mais néanmoins fâcheuse, tendance à fOnCeR dAnS lE tAs CoMmE uN ImMoNdE bOuRrIn, sans guère de considération pour les plus élémentaires notions de stratégie, ou pour les chances de survie de ses hommes. Ditto cette attaque frontale contre un adversaire plus nombreux et mieux armé que les Vostroyens, victoire coûteuse en vies impériales, mais victoire tout de même, arrachée de haute lutte par Haskel et son indomptable pénis foi en l’Empereur. Plus tard, alors qu’elle rumine sa déception de retour au campement, elle apprend que sa section, déjà bien affaiblie par la rigueur des combats, est réquisitionnée pour une opération des plus risquées : attirer une compagnie de rebelles dans la cité de Dolemino, et la tenir en respect assez longtemps pour permettre au reste du régiment de prendre les hérétiques en tenailles. Idée géniale, signée J.H. Résignée à faire son devoir, Kat mène donc ses hommes au contact de l’ennemi… qui se révèle être bien plus nombreux que prévu, ce qui ne fait évidemment pas les affaires de nos flegmatiques ruskoffs. Dans la mêlée qui s’ensuit, notre héroïne parvient une nouvelle fois à sauver les meubles, perdant au passage la majeure partie de ses soldats, tandis qu’un Haskel totalement berserk et de plus en plus dentu (si si) se charge de remporter la bataille sous le poids de sa paire de c……. du nombre. Kelôm.

Survivante bien amochée d’une nuit de combat intense, Idra sort du coltar à temps pour recevoir un sinistre debriefing de la part de son second : le régiment réduit à mi-force, la quasi-totalité du cadre de commandement passée en pertes et profits, Haskel seul aux commandes et bien décidé à finir le job sans pitié, sans support et sans attendre. Le temps de re-sombrer à nouveau dans un coma réparateur, la voilà réveillée par son officier de liaison, porteur de mauvaises nouvelles (c’est une constante, décidément) : les Vostroyens ont été trahis et sont piégés dans les ruines de Dolemino, sans espoir de renforts dans les heures à venir. Ni один, ni два, Idra embarque les plus mobiles des invalides de l’infirmerie au secours de leurs frères d’armes. Moults combats. Beaucoup violence. Très héroïsme. Wow. Finalement, arrive ce qui doit arriver, c’est à dire l’ultime combat entre Kat et Haskel, qui se révèle possédé par un démon de Khorne à la dentition de Fernandel et à la répartie d’Eric Zemmour, combinaison mortelle s’il en est, ce qui n’empêche pas notre héroïne de prévaloir, pour la plus grande gloire du camarade Staline et de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques de Pépé. Nous quittons le Lieutenant Idra sur un dernier échange avec son mentor, le sage et équitable Capitaine Twarienko, qui se met à rêver, non pas d’une galaxie en paix, ce serait hérétique, mais d’un âge prochain où les femmes de Vostroya auraient tout autant le droit que les hommes d’aller se faire tuer au service de l’Imperium. Après tout, avec des exemples positifs comme celui de Kat, tout est possible. Bref, osez le féminisme.

Copie plus que convenable pour la recrue Wiltgren, guère novatrice dans son approche mais solidement bâtie. L’ajout de passages en flashback, entrecoupant l’intrigue principale et éclairant le lecteur sur le passif, assez chargé, de Miss Idra avant les évènements de Tovoga, relève The First Daughter de façon sympathique, en plus de démontrer que le petit Filip est capable de manier sa barque, ou plutôt son stylo, de manière plus aboutie que bien des aspirants à la BL. Allons jusqu’à reconnaître que le gars Abnett était d’un niveau sensiblement similaire lors de ses premiers travaux Ghostiens, et vous aurez une idée du potentiel que je choisis de placer sur les frêles épaules de ce newbie. Reste à voir si l’approche Social Justice Warrior (assez peu courante au pays des bolters) de Mister Wilgren relevait du one-shot ou est un trait caractéristique de son style. Je ne juge pas, hein, je constate, et je m’interroge. Critico ergo sum.

Mercy – Ware :

Sur le monde de Lautis, isolé dans l’arrière-pays de l’Ultima Segmentus, une escouade de Sœurs de Bataille de l’Ordre de la Rose de Sang menée par la Sœur Supérieure Augusta Santorus explore les ruines d’une cathédrale impériale, peut-être dédiée à Sainte Mina, et peut-être dédiée à Saint Maclou (qui peut dire ?), à la recherche de… quelque chose. Escortées par un missionnaire de l’Ecclésiarchie (Lysimachus Tanichus), ayant pris sur lui de ranimer la flame de la foi en l’Empereur parmi la plèbe locale après des siècles d’isolement et d’obscurantisme, l’Adeptus Sororita s’est en effet lancé dans une quête aussi pressante que floue pour une statue pouvant être liée aux origines de l’Ordre. On ne saura jamais pourquoi l’identification du patrimoine sacré constitue une priorité telle pour les membres de la Rose de Sang, mais toujours est-il que nos intrépides sistas se retrouvent fort dépourvues quand la Waaagh ! locale fut venue.

Coincées dans les ruines de la maison de Pépé (Question : peut-on considérer les temples impériaux comme des Ehpads, de ce fait ?), Santorus et ses sous-fifres optent alors pour un dernier carré héroïque et commencent à arroser les peaux vertes de bolts et d’imprécations en Haut Gothique, avec des effets spectaculaires, tant sur les effectifs de la horde ork que sur la culture générale du lecteur. Las, cela ne suffit pas à décourager les belliqueux Xenos de forcer l’entrée du lieu saint sous le seul poids du nombre, forçant les fifilles survivantes à, je vous le donne en mille, engager les brutes au corps à corps. Et pas n’importe comment, qui plus est : à mains nues. Oui, vous avez bien lu, ô incrédules lecteurs : c’est bien à coup de poing et de pied (pas de crépage de chignon possible avec les Orks malheureusement) que Santorus et consœurs tombent sur le râble, plutôt costaud, des aliens mécréants. Et le meilleur dans tout ça, c’est qu’elles leur mettent une énorme race, à l’image d’une Sœur Supérieure déchainée et tenant facilement tête à un Warboss Blood Axe, avec et sans arme. Pourquoi avoir des progénoïdes quand on peut avoir des stéroïdes ?

Les Orks finalement mis en déroute, et leur chef exécuté d’un bolt en pleine tête après un sommaire interrogatoire ayant permis de mettre à jour la duplicité de ce traître de Tanichus (c’est un nom de fourbe, je l’ai toujours dit), il est temps pour Augusta de (se) rendre justice afin des réparer les torts subis (une Soeur décédée d’allergie à la grenade, et quatre permanentes totalement ruinées). Guidée par une inspiration soudaine, et sans doute divine, elle décrète donc la mort du félon, ignorant ses piteuses justifications pseudo humanitaires, et l’annexion de Lautis au sein du protectorat de l’Ordre. Pourquoi ? Parce que. The end.

Que garder de Mercy, première soumission de la newbie Dannie Ware pour la Black Library ? Pas grand-chose, malheureusement. Sur le fond, l’intrigue proposée tient en une demi-ligne (attention, vous êtes prêts ? “Sistas versus Orks dans une cathédrale”. Ta-daaaaa!), et le “twist” final gardé en réserve par l’auteur tombe tellement à plat qu’on aurait même du mal à le considérer comme tel. Que Tanichus ait mené son escorte dans un piège, soit. Mais apprendre que la motivation profonde des Orks, et la raison pour laquelle ils ont accepté la proposition du missionnaire, est la récupération des armes d’une pauvre escouade de cinq Sororitas, no way. L’histoire a beau se dérouler dans l’Ultima profond, plus cheap que ça, c’est fouiller les poubelles des colons locaux pour récupérer les bouteilles d’amasec consignées au Simply Market du coin. Respectez-vous tout de même, Messieurs les peaux vertes.

Sur la forme, on aura bien du mal à pardonner à Ware les libertés qu’elle prend avec quelques principes fondateurs et porteurs du fluff de GW, au premier du rang duquel on trouve l’axiome : “Les Orks sont des forces de la nature”. Faire triompher une escouade de Space Marines d’Assaut vétérans d’une empoignade contre ce type d’adversaires, pourquoi pas (et encore). Mais une poignée de Sœurs de Bataille qui tatane comme qui rigole dix fois leur nombre et cent fois leur poids en géants verts, sans subir une seule perte dans le feu de l’action, et en recourant à des prises de catch histoire de faire kwioul, non merci. Ajoutez à cela un character development aux abonnés absents et quelques incongruités (comme une statue disposée de telle façon à ce qu’elle soit tournée vers Sainte Terra… donc vers l’Ouest-Sud-Ouest, c’est bien connu) sans conséquences pour le récit mais pas pour la crédibilité de ce dernier, et vous obtenez une nouvelle à remiser dans le fond des cartons du second choix de la BL. Mercy ? Sans façons.

At the Sign of the Brazen Claw – Haley :

Dans la droite ligne des romans feuilletons des années I et II de Hammer & Bolter, la nouvelle version d’Inferno! propose à son tour un long format récurrent, tourné sous la forme d’une pastiche des Mille et Une Nuits par le quasi-vétéran Guy Haley.

Prise dans une tempête d’une sévérité peu commune, l’auberge de la Griffe Hardie se trouve être le théâtre d’une veillée forcée entre les tenanciers de l’établissement (Horrin, sa femme Ninian et leur palefrenier/fils adoptif Barnabas), un vénérable nain amateur de pipe (Idenkor Stonbrak), un quidam à l’air louche, aux manières nerveuses et au nom recélant sans doute une contrepèterie grivoise (Pludu Quasque), et, finalement, arrivant en dernier comme le prince qu’il est, l’elfe Maesa du Monde, nouvelle icône de la BL pour Age of Sigmar, accompagné comme de juste par son sidekick de bourse1, le farfadet Shattercap. Le dirigeable permettant de rejoindre Ghyran par le portail le plus proche ne s’étant pas éternisé pour éviter la drache (qui sur le plan de Shyish, s’appelle la Nagadrash), les hôtes décident de tuer le temps en se racontant à tour de rôle une histoire, activité tout ce qu’il y a de plus classique quand on est un personnage d’un univers médiéval-fantastique (c’est tout de même plus classe que se taper un Blanc Manger Coco édition Slaves of Darkness). Ayant initié l’idée, c’est tout naturellement que Horrin, fils de Juvamin, démarre le tour de table, en racontant la façon dont il est devenu l’aubergiste de la Griffe.

Jeune homme aventureux et peu tenté par la perspective de reprendre l’honorable charge de croque mort détenue par son paternel, Horrin partit donc voir ailleurs si l’herbe était plus violette (Shyish oblige) lorsque ce dernier voulut lui imposer son choix de carrière. Peu familier des immensités sauvages de cette morte plaine, notre héros ne tarda cependant pas à se perdre, jusqu’à arriver en vue de la fameuse Griffe Hardie, éminence rocheuse ayant la forme d’une main gigantesque, aux doigts tendus vers le ciel. Ayant trouvé une chaumière, habitée par une vieille femme (Michèle), à la base du monolithe, et passé la nuit au chaud et au sec grâce à l’hospitalité offerte par cette dernière, Horrin ne put refuser de lui rendre un petit service en reconnaissance de l’Air BnB gracieusement offert : apporter à son mari (Jacky), occupé au sommet de la Griffe, un panier de vivres et quelques fagots. Embrassant sa vocation de coursier Uber Eat avec diligence, Horrin s’exécuta, et fit la rencontre de son hôte, dont l’activité consistait en l’entretien du feu flambant dans une cheminée taillée à même la roche de la Griffe. “Ce brasier ne doit jamais s’éteindre” l’avertit le vieil homme pendant qu’ils cassaient la croute, “faute de quoi le géant dans la main duquel nous nous trouvons se réveillera (il est frileux), avec des conséquences des plus fâcheuses !” Moyennement convaincu par cette histoire, mais d’une politesse et/ou d’une crédulité incommensurable, Horrin accepta ensuite de relayer son comparse, en poste depuis trois ans sans interruption d’après ses dires, le temps d’une sieste crapuleuse (no joke) avec bobonne.

Je vous donne la suite, que vous aurez déjà deviné, gros malins que vous êtes, en mille : Jacques Cheminée (à ne pas confondre avec Jacques Cheminade) ne remonta jamais, laissant le trop bon et trop con…ciliant Horrin jouer du tisonnier en solo à sa place. Ayant bien tenté de prendre la poudre d’escampette à son tour après quelques nuits de camping plutôt frisquettes, Horrin réalisa cependant avec horreur que la légende du géant endormi avait plus qu’un fond de vérité, et résolut de tenir la baraque sans tenter le diable le temps de trouver un suppléant. De fil en aiguille, à force de patience et de troc fructueux, notre assigné à cheminée réussit toutefois à devenir assigné à résidence, puis finalement à auberge, gagnant une femme aimante et un garçon d’étable sans doute sous payé dans l’opération. Merci qui ? Merci Jacky et Michèle ! 

Ce premier épisode d’At the Sign of the Brazen Claw permet à Guy Haley de faire ronronner sa machine à débiter de la high fantasy impeccablement proprette, et très, mais alors très, proche dans l’esprit de ce que peut proposer World of Warcraft en termes d’atmosphère. Entre l’aubergiste très affable, le nain très ronchon, le haut elfe très noble, fourni avec monture stylée (un grand cerf) et mascotte collector, le gredin en puissance dont on flaire la duplicité à travers la tablette (c’est dire si l’odeur est forte), le système de zeppelin qui fait la jonction entre les différents royaumes, et l’aventure PEGI 13 (personne ne meurt, merde !) narrée par Horrin, on s’attendrait presque à voir débarquer Malfurion et Thrall dans le rade pour s’en jeter un petit. Alors que WFB se distinguait par son côté glauque et décadent, l’Age of Sigmar propose par Haley prend le contre-pied de son prédécesseur. Ce n’est pas mal fait pour autant, le gars Guy sachant tourner son propos de manière plutôt agréable, mais cela risqué de surprendre, et pas forcément en bien, les lecteurs nostalgiques du med-fan nihiliste qui était la marque de fabrique du Vieux Monde. Rendez-vous au prochain numéro pour voir si le sieur Haley a réussi à mettre un peu de malepierre dans son lait grenadine.

1 : C’est la même chose qu’un familier de poche, mais comme chacun sait, celles des jeans extra skinny des Elfes sont cousues. Question de style.

En conclusion de cette première revue critique, je dois dire que cette nouvelle offre récurrente de courts formats de la Black Library s’avère tout d’abord d’un très bon rapport quantité-prix, si les tarifs proposés n’évoluent pas. Alors que la nouvelle individuelle se facture désormais aux alentours des 4€, un recueil de la longueur de cet Inferno! est franchement donné pour ses 10€. Ce premier numéro fut de plus assez honnête d’un point de vue qualitatif, seuls les textes de Fischer et Ware se révélant peu convaincants. À l’opposé, Dicken, et dans une moindre mesure, McLean, Brooks et Wiltgren, méritent d’être surveillés à l’avenir. Bref, un retour concluant et gagnant de mon côté. Il n’y a plus qu’à prier l’Empereur pour qu’Inferno! bis ait la longévité de son aïeul, et se plonger dans le numéro 2, d’ores et déjà paru. I’m on it.

HAMMER & BOLTER [N°26]

Bonjour et bienvenue à tous dans la critique de ce 26ème numéro de Hammer & Bolter ! Cette fois, ça y est, nous y sommes : sept ans après le début du sujet, à l’époque où le monde qui fut était encore le monde qui est, où l’on ne savait ni ce qu’était un Stormcast Eternal, ni un Space Marine Primaris, où la Garde Impériale avait encore un nom potable et où les suppléments étaient traduits en totalité en français, où Blood Bowl et Necromunda n’étaient que des souvenirs émus dans les cervelles embrouillées de vétérans grabataires, et où les Sœurs de Bataille en plastique n’étaient encore qu’un vœu pieux (pour ne lister que quelques-uns des changements, plus ou moins majeurs, ayant touché, frappé, bouleversé – rayer les mentions inutiles –  le Zhobby depuis ces temps héroïques), nous touchons enfin au but de cette entreprise littéraire. M’étant fixé comme bonne résolution de 2018 la conclusion de cette série, je suis heureux de constater que j’ai, pour une fois, réussi à tenir un engagement de ce type. It’s something, comme le dit le poète meme designer (termes interchangeables en ce début décadent et nihiliste de troisième millénaire). Ceci dit, et l’hommage dû au gravitas propre à ce type de situation rendu, qu’est on en droit d’attendre de la part de cet ultime opus ?

Tout d’abord, le chapitre final de Gilead’s Curse, roman feuilleton de l’année II de Hammer & Bolter, qui ne passera certainement pas dans les annales pour la qualité de sa prose, mais qui aura au moins eu le mérite de nous « gagner » deux numéros de H&B (il est probable que les pontes de la BL n’ont consenti à ajouter deux mois à cette deuxième année que pour permettre à Vincent et Abnett d’achever ce qu’ils avaient commencé). Ensuite, mais également avant (je me comprends), une plongée/descente/chute dans les entrailles d’une cité-ruche en proie aux affres d’une insurrection chaotique (Kovos Falls), courtesy of Mr Latham. Egalement au programme, deux courts formats mettant en scène de méchants Space Marines jaunes et noirs. Méchants car totalement xénophobes, ce qui malheureux pour une époque aussi éclairée et positive que le 41ème millénaire. À ma droite, les Iron Warriors de C. L. Werner, pas vraiment jouasses à l’idée que leur gated community de Castellax se retrouve sur la route d’une caravane de migrants en quête de meilleures conditions de vie d’une bonne baston (The Siege of Castellax). À ma gauche, les Marines Malevolent de Nick Kyme, guère décidés à faire dans la dentelle pour reconduire les mêmes migrants dans leur shithole countries et rendre à Armageddon sa proverbiale tranquillité (Emperor’s Deliverance). Et tant pis si Mme Michu se prend une flash-ball dans la confusion. Enfin, c’est à l’infatigable et omniprésent Josh Reynolds, double recordman du nombre de soumissions à H&B, à la fois sur l’année II (6) et au total (8), qu’il revient de conclure le numéro et le webzine, avec le récit d’une réunion de famille assez tendue entre deux folles du désert : Neferata et Khalida1 (The Fangs of the Asp). Tout un symbole. Sur ma foi, voilà un programme des plus gouleyants. Hammer & Bolter se terminera-t-il sur un bang ou pschitt ? Je vous invite à en juger par vous-mêmes.

1: Priscilla n’était pas encore revenue de l’outback australien à ce moment.

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Kovos Falls – M. Latham [40K] :

Si le nom de Mark Latham peut apparaître comme familier à certains vétérans du Hobby, c’est que notre homme, avant de suivre la voie de l’auteur freelance, a exercé comme rédacteur en chef du White Dwarf entre 2007 et 2010. 13ème récipiendaire de cette noble charge instituée en 1977 et détenue à l’origine par nul autre que Ian Livingstone lui-même (l’équivalent d’un Primarque à l’échelle du petit monde de GW), Latham a tenu la baraque pendant 34 numéros, ce qui fait de lui l’une des incarnation les plus capées du Nain Blanc, après Pépé Ian, le légendaire Paul Sawyer et le discret Robin Dews. Mise à part ce Kovos Falls, les contributions de Latham au corpus de la BL se limitent à deux ristretti littéraires (format 1.000 mots) ainsi qu’à une introduction laudative d’une soumission du même genre de Nik Vincent1.

Kovos Falls prend place dans la cité-ruche de Kovos Rising, sur laquelle l’autorité impériale se fait de plus en plus tenue depuis quelques semaines. Capitale planétaire d’un monde en train de basculer au Chaos, et pour lequel le recours à l’Exterminatus n’est plus une question rhétorique mais logistique, Kovos Rising est effectivement coupée en deux au moment où nos fiers héros entrent en scène, la partie haute et privilégiée de la spire (le niveau 92, en quelque sorte) faisant office de petit village romain résistant encore et toujours aux hordes de Gaulois braillards et débauchés, avides de faire basculer cet ultime bastion de l’ordre, de la décence et du bon goût dans la rave party sauvage qui ambiance le reste de la ruche. Il revient au sergent Godric et à son escouade de Stormtroopers vétérans, les Hell’s Rejects, de mener à bien une périlleuse mission dans les bas-fonds de la séditieuse métropole, à la recherche d’une expédition du Mechanicus avec laquelle tout contact a été rompu depuis le début des troubles.

Débarqués en territoire inconnu et ennemi pour une raison non explicitée, mais apparemment fréquente dès lors que le déploiement en grav-chute est employé par la Garde Impériale (voir The Mouth of Chaos de Chris Dows, Hammer & Bolter #22), le premier souci de Godric et de ses hommes est de rejoindre la civilisation, les quelques goons chaotiques ayant eu la mauvaise idée de traîner leurs braies dans les environs immédiats de nos durs à cuire se faisant gentiment rappeler à l’ordre avec toute la délicatesse et le souci de la bienséance que l’on est en droit d’attendre de la part de troupes de choc impériales. Outre le fait de démontrer en termes non incertains que nos héros ne sont pas là pour enfiler des perles, cette première section permet également à Latham de familiariser le lecteur avec la galerie de personnages secondaires qu’il a choisi de convoquer et développer dans sa nouvelle, chacun des Hell’s Rejects se voyant nommé et décrit au fil des pages, pour un confortable total de 10 protagonistes2, auxquels viendront s’ajouter quelques seconds couteaux au fil des pages.

Ayant finalement pu rejoindre le Mur protégeant les Sept Royaumes des assauts des Sauvageons (/!\  Alerte Contamination Fluff /!\) et fait choir la bobinette après avoir tiré la chevillette, les HR rendent une petite visite de courtoisie au Gouverneur de Kovos, Lord Marchinus, qui a l’obligeance de mettre à leur disposition les reliquats de sa garde personnelle afin de guider nos héros jusqu’aux niveaux inférieurs de la ruche où l’expédition du Magos Explorator Korech est sensée se trouver. La suite et le gros de Kovos Falls est consacré à cette périlleuse descente, pendant laquelle les Hell’s Rejects s’emploient à démontrer que la dîme impériale a été sagement investie dans leur entraînement et leur matos, en disposant tranquillement des empêcheurs de tourner en rond plonger au fond jusqu’à que ce que ce bon vieux Godric puisse avoir sa minute Stanley en balançant un « Magos Korech, I wager ? » au techno-prêtre disparu. Ce dernier, nullement concerné par des choses aussi triviales qu’une insurrection chaotique, révèle au stormtroopers la raison de leur venue : la récupération et mise en sécurité de fragments SCS, chinés avec sang-froid par le rusé Magos dans un marché aux puces Ratskin. Petit problème : le précieux chargement ne tient pas sur une clé USB standard, et ce sont donc quelques centaines de kilos de classeurs d’archives que nos hardis paras vont devoir se trimballer jusqu’en orbite haute. Ayant fait comprendre au nerd de service qu’il aurait dû appeler Une Pièce en Plus plutôt que le standard du Militarum, Godric consent tout de même à filer un coup de main (peut-être convaincu de la nécessité de sa coopération par les dizaines de serviteurs de maintenance et de combat que Korech a apprivoisé depuis son arrivée à Kovos Rising, et qui le suivent obligeamment où qu’il aille), et est sur le point de commander un taxi pour rapatrier ses ouailles quand l’installation de Korech se fait soudainement hacker. Le lancement simultané de Snake Xenzia sur tous les ordinateurs du Magos, avec The Snake Song de Bob’s Burger en fond sonore laisse planer peu de doute quant à l’identité des cyber pirates, et c’est logiquement qu’un légionnaire de l’Alpha Legion fait son apparition et demande à ce que le grisbi lui soit remis.

Peu enclins à coopérer, les loyalistes optent pour une fin de non-recevoir polie mais ferme, Godric et ses hommes se repliant en bon ordre vers le point d’extraction le plus proche en emportant autant de data que possible, tandis que Korech lance une reconfiguration système, afin d’empêcher les STC de tomber entre de mauvaises mains. Hélas pour eux, leur opposant n’est autre que Mr Robot en personne, et a tôt fait de recruter les cohortes de Serviteurs de Korech à sa cause et de lancer ces dernières à la poursuite des Hell’s Rejects, avant de prendre personnellement les choses en main voyant ses nervis se faire refouler par la badassitude consommée des impériaux. Aussi à leur avantage face un Astartes (même un Astartes geek comme ceux de l’Alpha Legion, c’est-à-dire acnéique, binoclard et maigrichon par rapport à l’Astartes bully World Eaters) que Gilles Verdez face à Joey Starr, la bande à Godric subit quelques pertes mais parvient tout de même à rejoindre la surface grâce au sacrifice héroïque du Vostroyen de service. L’arrivée tardive de l’UberPOOL commandé, suite à la manifestation d’un autre passager dans une ruche proche obligeant le conducteur à un détour, coûte cependant très cher aux derniers survivants des Hell’s Rejects, DJ Snake revenant à la charge avec deux copains et une horde de fans en délire (littéralement) afin de mettre la main sur les infos personnelles de Godric et Cie, sans grand regard pour le RGPD. Au moment où tout semble perdu, l’arrivée providentielle d’une escouade de Space Marines d’Assaut Blood Angels permet à l’Imperium d’obtenir une victoire morale, et à Godric ainsi qu’à l’ultime survivant de son unité de regagner la sécurité de la Flotte Impériale. La nouvelle se termine sur la révélation de l’aura d’increvabilité (2++ relançable) de God’, qui lui a permis de se sortir des missions les plus mortelles depuis vingt ans alors que tous ses hommes mourraient autour de lui. Est-ce le début d’une carrière à la Colonel Schaeffer (avec inclusion au fluff, profil et figurine) pour notre quasi-Perpétuel ? Plutôt non, à ce jour, mais il ne faut pas désespérer.

Avec Kovos Falls, Latham démontre quelques solides aptitudes narratives, en livrant un récit rythmé et nerveux, tout en parvenant à faire bon usage de la tripotée de personnages nommés qu’il a fait le choix de convoquer dans son récit. Mine de rien, ce n’est pas évident d’arriver à donner à chacun son (ébauche d’) identité propre et sa (nano) seconde de gloire, sans ralentir outre mesure la progression d’une intrigue reposant en grande partie sur la confrontation entre nos héros (dont la pratique du macramé et du rempaillage n’est pas la spécialité) et les hordes hérétiques qui leur servent d’antagonistes. En cela, je considère « la nouvelle de GI » telle que Kovos Falls comme requérant un niveau d’écriture supérieur à l’autre archétype de la BL qu’est « la nouvelle de SM », genre ultra-permissif du fait de la surhumanité de ses protagonistes, autorisant un nombre élevé de TGCM (ou dans ce cas précis, TGC-S-M) pour pallier aux errements et incongruités commis par des auteurs débutants et/ou juste mauvais. Il est d’ailleurs intéressant de constater que l’année II de Hammer & Bolter a plutôt fait la part belle à cette première « famille » de récit (The Mouth of Chaos, Kovos Falls), alors que l’année I était la chasse gardée des Astartes, notamment à travers le cycle Silver Skulls de Sarah Cawkwell, ce qui pouvait être lié dans une certaine à une amélioration globale de la qualité des publications.

Un autre mérite de Mark Latham est son utilisation judicieuse d’éléments familiers du background de 40K, souvent traités de manière cavalière par d’autres auteurs. Ainsi, Kovos Falls rend justice aux dimensions inconcevables d’une cité-ruche, superstructure millénaire possédant son histoire et ses cultures et sous-cultures propres, tenant plus de la région que de la métropole, et dont la traversée se mesure en jours et non pas en heures. Autre source de satisfaction, l’emploi du Space Marines chaotique comme adversaire ultime, en cela qu’il est clairement établi que les Hell’s Rejects, malgré leur entraînement, expérience et équipement supérieurs, n’ont aucune chance d’espérer l’emporter face un seul Légionnaire renégat. Après avoir passé quinze pages à décrire les exploits martiaux de ses protégés, Latham n’hésite pas un instant à les faire tomber comme des mouches dès lors que le mâle Alpha pointe le bout de ses augmétiques. Certains auteurs de la BL, et pas des moindres (n’est-ce pas Mr Abnett…), ayant eu tendance à rapprocher, voire à mettre sur le même niveau, les capacités martiales de simples humains avec celles des Astartes, il est à mon avis salutaire que quelques bonnes âmes consciencieuses contribuent à replacer le Marines sur son piédestal de machine de guerre inégalable, qu’il n’aurait jamais dû quitter.

Sans briller par son originalité (on est davantage dans la figure imposée du rookie de la BI, mâtinée d’un clin d’œil aux travaux de grands anciens de la maison3), Kovos Falls introduit Mark Latham comme un contributeur compétent de la Black Library. Comme le dit la sagesse populaire, on n’a jamais deux fois l’occasion de faire une bonne première impression, aussi faut-il reconnaître à Marco une entrée des plus honnêtes, à défaut d’être spectaculaire et/ou mémorable, parmi le panthéon des auteurs GW-approved. C’est quand tu veux pour remettre ça, gamin.

1: Respectivement Judgement, Like Father, Like Son et The Third Wise Man.

2: Go-dric, Val-di-mar, Kra-ster, So-ro-kin, Mc-Leod, Ta-rek, Jo-a-chim, Sieg-fried, Ish-ma-el, Th-yrus… Hell’s Rejects, retenez les touuuuuuuus! Hell’s Rejects!

3: Abnett et ses Gaunt’s Ghosts pour le côté « en immersion avec la crème de la GI » et Thorpe et sa trilogie Last Chancers pour « l’immortalité » supposée du personnage principal.

Gilead’s Curse (ch. 12) – N. Vincent & D. Abnett [WFB] :

Gilead's CurseRetour à Nuln pour assister à la conclusion de l’épique quête de Gilead and friends visant à mettre un terme à la malédiction du Malaise (en français dans le texte) frappant le monde de Warhammer depuis, hum, un certain temps, et ayant fait un nombre incalculable, ou en tout cas incalculé1, de victimes. L’épisode précédent s’étant terminé sur le riff d’introduction d’Enter Sandman et la silication expresse de ce que tout la bonne cité impériale comptait de verre (c’est Afflelou qui doit se frotter les mains), suite à l’installation par le trio de charretiers d’une enceinte Böse dans un recoin stratégique de la ville, il est temps de prendre des nouvelles de notre fringante équipe en cette heure décisive. En raison des débuts laborieux de cet ultime chapitre, on permettra à l’auteur de ces lignes d’user de son droit d’ellipse de manière libérale afin de ne pas assommer le vaillant lecteur à coups de dissertations sur le but et l’intérêt de certaines des décisions les plus… originales des Vabnett en matière de conduite d’intrigue. Les âmes les plus courageuses pourront toujours se référer directement à l’objet du délit si elles souhaitent approfondir le sujet (à chacun ses délires). Dans le cas présent, je me contenterai de signifier que notre nouvel ami Surn Strallan a peur de beaucoup de choses (Mondelblatt vivant, Mondelblatt mort, les elfes – Gilead plus que Fithvael –, la charrette, la magie, un sablier, de ne pas transpirer…), et que le lecteur attentif sortira de l’étude de Gilead’s Curse avec une idée très précise des phobies de Herr S., complétée d’une ébauche de gradation des unes par rapport aux autres. Voilà pour l’entrée en matière.

De manière plus opérationnelle, si l’expression m’est passée, notre quintette a la surprise d’assister à la génération spontanée de milliers de bestioles appartenant à l’ordre du nuédéroadétombarien, c’est-à-dire scarabées, sauterelles, araignées, scorpions et autres serpents, jusqu’ici qui détails sculptés dans les objets locaux, qui sable de la collection de sabliers de Mondelblatt, et dont le premier souci une fois matérialisés est de se diriger à grande hâte vers un point mystérieux que le lecteur pas trop demeuré associera rapidement au Prêtre Liche beat boxant de manière poo-sey dans les caves de Nuln. Plus perplexes qu’autre chose devant ce phénomène pas ranormal du tout à première vue2, nos héros ne perdent pas une minute pour remonter jusqu’à l’origine de l’anomalie… ah, non, excusez-moi. On me signale dans l’oreillette que priorité a été donnée au sauvetage de ce vieux tromblon de Mondelblatt, dont l’échec au test d’Initiative demandé par cette dernière péripétie l’a conduit à se retrouver recouvert de grouillants en tout genre, pas vraiment hostiles mais pas vraiment amicaux non plus. Pressentant qu’il finira par avoir besoin des lumières – jusqu’ici éteintes – du professeur Fourmemolle pour terminer le niveau, Gilead passe donc deux minutes (c’est écrit dans le texte) à épouiller son comparse, d’abord de manière assez malhabile, puis avec un talent consommé lorsqu’il se décide à passer en mode shadowfast, s’offrant même le luxe d’occire chaque bestiole individuellement au fur et à mesure qu’il les détache de la forme chancelante de son acolyte. Ça c’est du professionnalisme. Cette déverminisation accomplie, et Mondelblatt prêt à remplir son office pour peu que ce dernier prenne place dans pas trop longtemps (piqûres de scorpion obligent), notre fière équipe finit par prendre le chemin du boss, qui, coïncidence des plus heureuses, a choisi d’établir son QG au sous-sol de l’université. Voilà toujours quelques lignes/paragraphes de description épargnés aux auteurs et aux lecteurs, qui à ce stade auront juste envie de voir le bout de tunnel et ne reprocheront pas outre mesure aux Vabnett la mesquinerie de la manœuvre.

Arrivé sur place sans encombres (en même temps, c’était pas loin), Gilead se jette bravement au combat, secondé par ses acolytes elfiques, non sans avoir pris le temps de mettre à l’abri ses humains de compagnie des déprédations des nuées suderonnes en installant quelques rouleaux tue-mouche écrivant « intairdis ô zinsekt » avec du sable piqué chez Mondy autour de ces derniers. S’ensuit une succession d’affrontements sans merci (ni enjeu) entre le trio elfique et les serviteurs du Prêtre Liche, dont la difficulté va, et cela pourrait étonner le lecteur dans un contexte plus normal que Gilead’s Curse, décroissant. On constate ainsi que ce sont les humbles squelettes invoqués par le Hiérophante comme premier rideau de défense3 qui se révèlent les adversaires les plus dangereux pour nos héros, l’une des bidasses osseuses parvenant à toucher Gilead, tandis qu’un autre goon réussit même à blesser Laban, ce qui a pour conséquence indirecte de déclencher la shadowfastittude de ce dernier, avec des résultats funestes pour la team tibia.

Cet échauffement terminé, les deux cousins n’auront aucun mal à démantibuler avec une lenteur perverse les deux Gardes des Tombes faisant office de second rideau (la faute peut-être à une IA complètement buggée), avant que Mondelblatt ne fasse finalement son office en révélant le pouvoir contenu dans l’amulette du Roi des Rats, qui se trouvait être un humidificateur d’atmosphère (no joke), et inflige un coup fatal aux machinations nehekhariennes en libérant deux litres de pisse (NO JOKE) prestement mis à profit par Gilead pour écrire « Haha té niké » avec du sable dans ce noble medium, ce qui conduit le Prêtre Liche au petit-suisside (NO F*****G JOKE !!!), empêchant du même coup la résurrection du Roi des Tombes si laborieusement transbahuté depuis les nécropoles de Khemri jusqu’aux caves de Nuln. And that’s all, folks : si on met de côté les descriptions annexes de la purge de Nuln de la menace mort-vivante (sable, pisse et pluie, pour aller vite), et l’inévitable séparation de la communauté de l’anneau à la fin des évènements, il ne se passera plus rien d’important dans Gilead’s Curse (bon, la narratrice finit par crever et son cadavre est jeté aux loups de Kislev, mais si vous voulez mon avis, elle l’a bien mérité), et dans la saga de Gilead par la même occasion, jusqu’à ce jour en tout cas. Un peu triste pour un personnage, qui, quoi qu’on puisse penser du présent opus, faisait partie des grands anciens du fluff de WHF, et pouvait donc prétendre à un minimum de respect. Malheureusement pour lui, pour Hammer & Bolter et pour les lecteurs, cela ne s’est pas vérifié, et au petit jeu des comparaisons entre les années I et II de H&B, c’est Phalanx qui remporte sans aucune contestation possible la palme du meilleur roman feuilleton. On m’aurait dit au commencement de ce sujet que je plébisciterai sans retenue une soumission SM de Counter par rapport au revival d’une légende Fantasy signée (en partie…) Abnett, j’aurai ri. Comme quoi, on ne peut définitivement pas juger un livre par sa couverture, comme le disent les Britons. Quant à toi, Gilead du monde-qui-fut, repose en paix à présent. Tu as bien mérité, si ce n’est de la patrie, au moins de la Black Library.

1: Mis à part le cousin Baneth, les victimes documentées de ce mystérieux fléau sont en grande majorité des ruminants et des légumes. De là à dire que le Ban’ était une fiotte, il y a un pas que je ne m’hasarderai pas à franchir.

2: Il faut dire que le Malaise semble, entre autres symptômes, attaquer fortement la zone du cerveau responsable de l’étonnement chez les sujets qu’il afflige. Les habitants de Nuln sont ainsi décrits comme endurant cet épisode qu’onques pourrait aisément qualifier de traumatisant avec un flegme suprême. À titre personnel, je soupçonne un expédient pratique de nos auteurs pour ne pas à avoir à intégrer une panique généralisée dans leur récit, ce qui est toujours plus fastidieux en terme de mise en scène qu’un bon « circulez, y a rien à voir ».

3: Gilead, Laban et Fithvael s’étant mis à exsuder de la citronnelle par la grâce d’Isha entre les pages 45 et 46 de Hammer & Bolter, la biodiversité des Rois des Tombes ne représente dès lors plus qu’une nuisance très mineure pour nos intrépides héros.

The Siege of Castellax (extrait) – C. L. Werner [40K] :

The Siege of CastellaxPour ce dernier numéro de Hammer & Bolter, saluons le retour d’une figure centrale mais discrète de la BL, l’incunable et indécoiffable C. L. Werner, dont une partie du voile de mystère est soulevée à l’occasion, le lecteur averti apprenant que le patronyme du bonhomme est Clint (c’est dommage, Chilperic était plus classe). Cette révélation fracassante évacuée, penchons-nous sur l’objet qui nous vaut l’honneur, la chance et l’avantage de revoir Bruno Lee sévir dans les eaux troubles d’un mensuel de la Black Library, lui qui avait été un contributeur de premier ordre d’Inferno ! dans des temps reculés. Bonnes feuilles du roman The Siege of Castellax, intronisé en 2016 au panthéon de la BL sur recommandation de Josh Reynolds (il y a pire comme parrain, honnêtement1), cet extrait nous permet de découvrir les forces en présence dans cette empoignade au pitch d’une simplicité élégante (♫ WAAAGH !!!! droit d’vant toi… ♪– air Ork connu – ) : d’un côté les Iron Warriors du Warsmith Andraaz, petit patron chaotique rangé des voitures après avoir fait les quatre cents coups pendant l’Hérésie, et à présent fournisseur attitré de matos aux bandes chaotiques de l’Œil de la Terreur, de l’autre les hordes vertes d’un illustre inconnu, probablement vert aussi, adeptes convaincues du porte à porte et sans aucune notion de ce « qu’espace personnel » veut dire.

Après une mise en bouche spatiale qui voit l’infortuné équipage du vaisseau de reconnaissance Vulture se mesurer à un Rok avec les résultats que l’on peut attendre de ce genre de confrontation équilibrée, nous faisons connaissance des gentils défenseurs, à savoir Andraaz et son conseil rapproché d’Iron Warriors, tâchant de mettre au point une riposte efficace au léger problème2 auxquels ils se retrouvent confrontés. C’est l’occasion pour Werner de dépeindre une galerie de rascals (rascaux ?) hauts en couleurs et pas vraiment solidaires les uns des autres, dont on prendra sans doute plaisir à les entendre bégayer en olympien après avoir fait connaissance avec le mauvais côté d’un kikoup’. Un plan d’action à peu près viable ayant été défini par les intéressés, nous retournons dans le vide intersidéral pour le voir imploser misérablement au contact de l’ennemi, la ruse orkoïde battant en brèche les savantes manœuvres de l’Archi-Commandant Vortsk et avec elles tout espoir des chaotiques de s’épargner la visite de quelques millions de peaux vertes. L’extrait se termine avec une séance de pose de cojones digne de l’ego monumental d’un Space Marines du Chaos, Andraaz prenant le parti de se débrouiller tout seul face à l’adversité et de mettre en déroute l’invasion sinople sans demander de l’aide auprès de ses anciens potes de la Légion. Sage décision ou orgueil mal placé ? Pour le savoir, lisez la suite !

Si Werner fait le travail plutôt proprement dans ces quelques pages introductives, donnant envie au lecteur d’en savoir plus sur cet affrontement plutôt original dans son choix de protagonistes (ce qui constitue déjà une raison valable de donner sa chance à The Siege of Castellax), la description du conseil de guerre des Iron Warriors ne m’a guère convaincu, la faute au caractère trop humain des sbires d’Andraaz, dont les tics respectifs (mention spéciale au Skylord « parce que je le vaux bien » Morax, qui passe son temps à se passer la main dans les cheveux comme un chanteur de K-Pop qu’il n’est – certainement – pas3), les gloussements flagorneurs et les basses manœuvres politiques et politiciennes pour se faire bien voir du patron tout en rabaissant les collègues aux yeux de ce dernier ne m’ont paru ni crédibles ni bienvenus pour des surhommes amers, froids et cliniques comme je me représente les scions de Perturabo. En l’état, l’auguste cénacle tient plus de l’assemblée de Skeksis que de celle de vétérans désabusés de la Longue Guerre. Il faut dire que leur Suprême Leader m’a semblé passablement sanguin, sa manie de défoncer la table du Stratégium à coup de poing pour marquer ou son irritation, ou sa détermination (à moins qu’il n’y ait simplement plus beaucoup de jus dans la zappette du projecteur PPT et qu’il lui faille recourir à l’énergie cinétique pour changer de slide), ne montrant guère l’exemple à ses ouailles.

Ce petit désagrément mis à part, on retrouve dans cette mise en bouche un Werner égal à lui-même, c’est-à-dire maître de son propos tant sur l’aspect purement narratif, chaque séquence se déroulant sans longueur ni à coup, que sur celui du fluff (pas d’atrocité constatée, et une évocation diablement émoustillante d’un Speaker, psyker de niveau Alpha réduit en catatonie par les Iron Warriors, et arme aussi puissante que dangereuse, dont l’utilisation risque de faire des étincelles). Ne manque au tableau que l’habituelle touche d’humour noir caractéristique du style du jeune Werner (pas le peintre Suisse hein, essayez de faire semblant de suivre), peut-être gardée en réserve pour les personnages Orks du récit, ce qui serait un choix tout à fait compréhensible. Bref, tous les indices semblent indiquer que The Siege of Castellax est un solide filler du catalogue de la BL, à l’instar de la majorité des travaux de son auteur, et peut-être, je dis bien peut-être, davantage. À choper à vil prix sur Amazon un de ces jours pour trancher cette question.

1: Comme tous les systèmes de cooptation, le népotisme reste fréquent. En témoignent les sélections de Headtaker et Death of Integrity, respectivement écrits et choisis par David Guymer et Guy Haley, à 2 mois d’intervalle. On peut toutefois se satisfaire de la présence de 3 bouquins d’Abnett parmi les 11 titres sélectionnés à ce jour.

2: Car dans l’espace, la faiblesse de la gravité diminue drastiquement le poids des objets.

3: À propos de cheveux, il faut aussi noter qu’un autre lieutenant IW a bénéficié d’un don démonique peu courant et très spectaculaire : la permanente chaotique (change de couleur selon l’humeur de son propriétaire). La légende raconte qu’Archaon a juré de porter un casque intégral jusqu’à qu’il tombe sur cet attribut sur le tableau des récompenses du Chaos.

Emperor’s Deliverance – N. Kyme [40K] :

Contributeur régulier de Hammer & Bolter, mais assez rarement en bien, le sieur Kyme a lui été aussi convié au pot de départ du webzine de la BL, et n’est pas venu les mains vides. Son Emperor’s Deliverance catapulte le lecteur sur Armageddon, le Geoffroy Guichard du Segmentum Solar (comprendre qu’il s’agit d’un lieu très animé où les prolos de l’industrie lourde et la couleur verte règnent en maîtres), pour un épisode de Faîtes Comme Chez Vous ! d’un genre un peu spécial. Voici le pitch : notre héroïne, la Sœur Sourire Scalpel Athena s’efforce d’apporter le peu de réconfort et de chaleur humaine aux milliers d’âmes perdues réfugiées dans le camp qu’elle dirige avec sa stagiaire (Betheniel), un homme de ménage philippin (Sanson) et le fils de la gardienne (Kolber). Malheureusement pour tout ce petit monde, leur fragile écosystème, jusque-là à peu près préservé des déprédations des ultras Stéphanois (les Verts, pour ceux qui ne suivent pas) se retrouve mis à mal quand la gardienne (le Colonel Hauptman) en question accepte une mutation à la droite de l’Empereur après un craquage de fumigènes mal négocié. La demande de remplacement du personnel dûment envoyée par Athena à la copro se solde par l’arrivée d’un duo de gorilles pas vraiment amènes (Nemiok et Varik, intérimaires Marines malveillants, malvoyants et malpolis, placés sur le poste par l’agence Manlpower locale), adeptes convaincus du itsnotmyjob-isme et jamais les derniers pour faire le coup de feu avec les footix du coin quand l’occasion se présente, sans considération pour le confort et la sécurité de leurs charges, ni pour les pétunias de Mme Ledoux, puisqu’il faut dire les choses. Ayant tenté, sans succès, d’obtenir une coopération plus active de la part de son nouveau service d’ordre, Athena finit par laisser les Marines malotrus vaquer à leurs occupations, encaissant de manière stoïque la surcharge de travail générée par la défection de ces malappris. La situation finit toutefois par tout à fait dégénérer lorsque les Magic Fans décident de faire une virée dans la propriété, profitant du portail laissé ouvert par les malavisés Nem’ et Var’. Dans le chaos qui s’ensuit, tout le staff d’Athena finit à l’hôpital (section morgue), cette dernière ne devant son salut qu’au retour tardif des Marines mal-embouchés, qui finissent par bouter les ultras hors de la place à grand renfort de gomme cogne et de grenades de désencerclement, dont l’usage inconsidéré et indiscriminé ne fait qu’ajouter à la confusion en plus de faire grimper le nombre de blessés (dont la pauvre Betheniel, élevée grande maîtresse de l’ordre de Rémi Fraisse après une rencontre malheureuse avec un flashball grognon). Hors d’elle, Athena enguirlande vertement (un comble !) les Marines malfaiteurs, et manque à son tour de se faire molester par ces derniers, n’étant sauvée que par le crochet du droit de Varik à Nemiok, le premier ayant manifestement jugé que son comparse était effectivement un malfrat.

La situation ayant fini par s’apaiser et les Magic Fans ayant écopé d’une interdiction de stade pour le prochain match, les Marines malfaisants sont convoqués à l’agence par le responsable (Capitaine Vinyar) pour s’expliquer sur les évènements. Loin de s’offusquer des débordements constatés, le maléfique individu se révèle au contraire tout à fait satisfait par la tournure prise par les évènements, la dérouillée subie par les Verts justifiant à ses yeux les sévices endurés par les quidams pris entre deux feux1. Ayant renvoyé ses malabars vaquer à leur manœuvres malsaines, Vinyar à la surprise d’entendre frapper à la porte peu de temps après leur départ, et décide de manière malavisée d’ouvrir. Entre alors nul autre que Jean-Claude Tu’shan, vert de rage et noir d’humeur d’avoir appris les déprédations commises par les Marines maladroits. Ne pouvant plus rien pour les innocentes victimes de ce carnage inutile, le Tu’sh les venge en (probablement, voir ci-dessous) maltraitant et malmenant malicieusement Vinyar pour malfaçon. Malaisant.

Kyme ne fait décidément rien comme les autres auteurs de la BL. Ayant pris le parti, comme certains avant lui, de développer un bout de fluff officiel pour lui donner souffle et vie, il choisit de se pencher sur une péripétie tout à fait mineure2 de l’histoire de son chapitre fétiche, et de s’arrêter, un peu comme son comparse Hoare dans The Last Charge, au moment où les choses commençaient à devenir intéressantes pour le fan-boy sommeillant en chacun de nous, c’est-à-dire l’explication de texte entre le défenseur des Droits de l’Hominidé (parce qu’il ne faut pas oublier les Ratlings, les Squats et les Ogryns) et Super Connard. Cette franche algarade aurait pu déboucher sur quelque chose d’intéressant, du fait du pedigree des participants, de la rareté de la situation et de l’incertitude qui plane sur le résultat de la confrontation. On a beau supposer que Tu’shan, en tant que gentil et Maître d’un chapitre bien connu, l’emporte sur Vinyar, qui n’est « qu’un » méchant Capitaine d’un chapitre très obscur, la tournure de la phrase sur laquelle Kyme a bâti sa nouvelle évoque simplement un échange de coups entre nos deux compaings, ce qui pourrait tout aussi bien signifier une égalité, voire la victoire de Vinyar sur son Bisounours de collègue. Ça, ce serait cool. Et ça aurait pu l’être, si Kyme n’avait pas perdu de précieuses pages à disserter sur les avanies d’Athena et Cie, ce qui sert bien entendu à exposer la vilénie des Marines Vol au Vent, mais ne méritait peut-être pas de constituer le corps du propos. Et quand bien même on garderait l’intégralité d’Emperor’s Deliverance, les 15 pages de la nouvelle auraient pu en accueillir 5 de plus sans problème, laissant à Nick assez de place pour dépeindre la controverse de Waaaghadolid de manière convaincante et imaginée. Pour une fois que je shippais une baston entre SM, il faut que l’on me la retire, destin cruel. Que t’ai-je dont fait, Pépé ?

Conclusion tronquée mise à part, il faut reconnaître que Kyme se sort honorablement de l’exercice, sa tendance à sombrer dans le ridicule à force de vouloir rendre ses scènes d’actions le plus cool possible, sans se soucier ni de la vraisemblance, ni des conséquences, ayant plus d’une fois desservi notre homme. Rien de tout ceci dans Emperor’s Deliverance donc, seulement du bon vieux BL-style, croustillant mais insipide, comme les galettes de riz complet bio Björg. C’est pas du lembas Nick, mais faute de grives3

1: Vinyar, arière-arrière-arrière78 petit fils de Jan-Meeshail Awlath, le fameux magnat Franc du début du IIIème millénaire ? C’est une piste sérieuse.

2: Introduite en une demi-ligne dans l’Index Astartes dédiée aux Salles à Manger, si je ne m’abuse.

3: « …mangez de la brioche. » (Roboute Robuchon). C’est plus une phrase de conclusion, c’est un cadavre nerdxquis. Vivement que ça s’arrête.

The Fangs of the Asp – J. Reynolds [WFB] :

On achève, cette fois-ci pour de bon, par une ultime offrande de Josh Reynolds, jack of all trades and master of many de Hammer & Bolter, se déroulant sous des latitudes plus ensoleillées, à défaut d’être plus clémentes, que les nôtres (les miennes en tout cas).

The Fangs of the Asp relate le quotidien d’un de ces personnages nommés sans être ultra connus du fluff canon de Warhammer Fantasy, la reine Khalida Neferher. Présence régulière des Livres d’Armées Rois des Tombes, Khalida ne jouit en effet pas de la même renommée que Settra l’Incontournable (en plus d’être Impérissable) parmi la communauté, malgré les indéniables atouts dont elle dispose(ait) d’un point de vue stratégique, un rôle loin d’être négligeable dans le background de sa faction (la chienne de garde vampirophobe de Nehekhara) et une relation d’amour-haine-it’s complicated que je trouve des plus intéressantes avec sa cousine Bécassine Neferata, autre figure majeure du petit monde de la non-vie. Que voulez-vous, on n’a pas toujours ce qu’on mérite.

Notre propos commence par le réveil en sursaut de notre héroïne à l’aube d’un nouveau Jour des Scorpions, évènement décennal pendant lequel il est permis à un prétendant de sang noble de défier le détenteur de la charge de gardien de Nagashizzar, job consistant à camper sur la zone de spawn du Nag’ pour lui péter la gueule s’il devait avoir la mauvaise idée de repointer le bout de son cartilage avec des visions hégémoniques sur la planète, ce qui est son péché mignon il faut bien le reconnaître. Malgré la bassesse de l’approche (👏 tout 👏 le 👏 monde 👏 déteste 👏 les 👏 campeurs 👏) et l’absence totale d’action pendant les derniers millénaires, le poste semble apporter une certaine notoriété à celui qui l’occupe, forçant Khalida à défendre son bien avec régularité. À l’échelle de la non-vie, 10 ans passent vite, et notre reine a donc l’impression de devoir remettre en jeu son titre tous les quatre matins, ce qui finit par ressentir dans la manière dont elle expédie les importuns, au grand désarroi du Prêtre Liche gâteux et traditionnaliste qui lui sert de chaperon. Le dernier challenger en date, Ushtep de Rasetra, venu frimer avec son Sphinx de Guerre (l’équivalent de la Twingo tunnée à Khemri), n’a ainsi même pas le temps de laisser son héraut décliner tous ses titres (l’équivalent d’un « wesh, bien ou bien ? » à Khemri) que Khalida lui est déjà tombé sur le râble, avec des conséquences fâcheuses pour son intégrité physique et la haute image qu’il avait de lui-même. L’affaire ainsi pliée, en même temps que le pauvre Ushtep, en deux-deux, Khalida a tout loisir de repartir dans les rêveries qui occupent la majeure partie de son éternité, et dans lesquelles son passif mal digéré (dans tous les sens du terme) avec Neferata occupe une place centrale.

Cette routine paisible touche cependant à sa fin lorsque Settra, dans les jupes duquel un grand nombre de prétendants violemment éconduits par the Great Khali sont allés pleurer, envoie son héraut personnel, le primesautier Nekaph, remettre un peu d’ordre dans le décorum nehekharien. Sommée d’aller voir ailleurs si Nagash y est et partager avec ses petits camarades de mort le privilège (douteux) de stationner en double file devant le pied à terre du grand nécromancien, Khalida ne s’en laisse pas conter et aurait sans doute fini par balancer son bâton à travers la goule de l’huissier du Roi des Rois, avec des conséquences pour le moins incertaines, sans l’arrivée opportune d’une armée d’intrus dans Nagashizzar, ce qui met temporairement fin au processus de médiation. Balançant un « je vous l’avais bien dit » narquois, Khalida part au grand trot avec sa légion régler leur compte aux importuns, talonnée par le contingent de Nekaph, jamais le dernier quand il s’agit de mettre des coups de têtes (Fléau des Crânes oblige). Par un heureux hasard, une pure coïncidence ou en préparation de la Fin des Temps, on découvre vite que les visiteurs sont menés par nulle autre que Neferata, ce qui donne lieu à de touchantes, blessantes et sauvegardantes retrouvailles familles, qui s’achèvent par la capture en bonne et due forme de la patronne des Lahmianes.

Alors que cette dernière attend, beaucoup trop tranquillement, son inévitable exécution, Khalida intervient auprès de Nekaph et obtient de pouvoir offrir le deal suivant à sa cousine, en récompense du service rendu qu’elle vient de rendre Khemri : la liberté si elle parvient à la vaincre en combat singulier. S’ensuit un crêpage de chignon des plus soutenus, dont l’issue semble incertaine jusqu’à ce que Khalida ne décide de laisser Neferata l’emporter, pour des raisons un peu vaseuses et mièvres à mon goût, mais qui ont au moins le mérite de laisser les deux futures Mortarques terminer la nouvelle en bon état pour la suite (et la fin) des évènements.

Josh Reynolds m’a habitué à de tels standards que le moindre petit coup de moins bien semble un crime de lèse-majesté, quand bien même l’objet du délit se révèlerait être de bien meilleure facture que la plupart des soumissions de la concurrence (ce qui est assez souvent le cas, il faut le reconnaître). The Fangs of the Asp tombe dans cette catégorie de second choix Reynoldsien, pénalisé qu’il est par son exploitation inaboutie de la rivalité ambigüe des mean girls du monde qui fut. Fil rouge des flashbacks insérés dans l’histoire principale et pièce de résistance de cette dernière, la confrontation récurrente de Khalida et Neferata ne débouche au final sur rien de très concret sur aucun de ces deux tableaux. J’aurais bien aimé que Reynolds nous livre sa version du premier duel entre les BFF, comme il l’avait fait pour Mikael et Gorthor dans The Gods Demand, mais cet épisode fondateur n’est guère qu’évoqué aux détours de quelques paragraphes. Les autres affrontements, pour plus développés qu’ils soient, n’apparaissent que comme autant d’actes manqués, la motivation de Khalida à tuer sa cousine finissant toujours par s’effriter au moment fatidique, prolongeant le statu quo pour des siècles et des siècles. Dans ce prélude à la Fin des Temps, Reynolds voudrait faire passer la faiblesse de caractère de l’Elue d’Asaph pour une tentative assumée de cette dernière de nuire à Nagash en laissant la (non) vie sauve à la moins fiable de ses lieutenants, qui finira fatalement par le trahir au pire moment, mais la pilule a du mal à passer, ce qui affaiblit la nouvelle au pire moment, c’est-à-dire sa conclusion. Dommage.

Cette petite déconvenue évacuée, Josh Reynolds assure comme à son habitude sur les autres tableaux. Ami lecteur, veux-tu du fluff, des idées intéressantes sur le fonctionnement de la société Rois des Tombes1, des personnages nommés faisant honneur à leur statut, des scènes d’actions efficaces, une narration efficace, et j’en passe ? Uncle Josh got you covered, fam. Quand on sait à quel point il peut être compliqué de n’avoir qu’une seule de ces cases cochées par certains auteurs de la BL, on se dit que tout ne va pas si mal finalement.

1: Ici, la schizophrénie latente qui afflige tout le monde, et empêche parfois les Nehekariens de faire la part des choses entre les souvenirs de leur vie mortelle, dans lesquels ils peuvent se plonger pendant de longues périodes de temps, et leur non-vie, forcément moins glamour. Citons aussi la position de « live and let live » de Khalida envers les Skavens, qu’elle laisse prospérer dans son arrière-cour en échange de renseignements et d’une surveillance mutualisée de Nagashizzar.   

Et voilà déjà le moment pour moi de clôturer cette ultime chronique de Hammer & Bolter, avec la traditionnelle évaluation globale du numéro disséqué. Les éditeurs de Nottingham auraient-ils ménagé leur sortie en gardant le meilleur pour la fin ? En toute franchise, non. Malgré des atouts certains (Latham, Werner, Reynolds), selon moi révélateurs d’une qualité qui m’avait semblé repartir à la hausse après une période de moins bien, ce numéro 26 n’est pas la publication la plus aboutie du lot, même si on peut au moins lui reconnaître que ses éléments les plus faibles (Gilead’s Curse, Kyme) ne sont pas les rebuts absolus que les lecteurs vétérans de H&B étaient en droit de redouter de la part des intéressés. Mention honorable donc.