BLACK LIBRARY CELEBRATION 2022 [Recueil]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue, un peu tardive je vous l’accorde, du recueil Black Library Celebration 2022. Véritable institution de la BL, cette petite anthologie a pour elle d’être gratuite, ce qui est bien, et désormais disponible dans les trois langages principaux de la GW-Fiction (celui de Shakespeare, de Molière et de Goethe). Diffusé comme chaque année en Février, à l’occasion des mirifiques festivités littéraires que la Black Library offre à ses hordes de disciples, le millésime 2022 comporte 5 nouvelles, représentatives de la fabuleuse diversité des franchises de Games Workshop.

Black Library Celebration 2022_EN

Black Library Celebration 2022_FR

Il est assez fréquent que les éditeurs de Nottingham, en bons hommes et femmes d’affaires qu’ils sont, bourrent ces produits d’appel de nouvelles déjà publiées, ce qui est de bonne guerre il faut le reconnaître. C’est une fois de plus le cas ici, puisque seule la soumission de C. L. Werner est un inédit, mais à grox donné, on ne regarde pas les crocs. Plus important que la fraîcheur du produit, c’est sa pertinence, c’est-à-dire sa capacité à donner envie aux primo-lecteurs de devenir des rats de bibliothèque Prophètes Gris, qui fera office de juge de paix Arbites ici. Alors, l’édition 2022 a-t-elle été à la hauteur de cette lourde tâche, aussi bien en anglais que in French ? Voyons cela sans tarder.  

Black Library Celebration 2022

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The Serpent’s Dance – M. Brooks [HH] :

INTRIGUE:

Désormais rattachée au service exclusif du Régent rageux de Terra, Malcador le Sigilite, l’ex Sœur du Silence Amendera Kendel participe à l’effort de guerre en menant à bien des missions de contre-espionnage pour identifier les traîtres à l’œuvre dans le système solaire. Une vraie mission de l’inspection générale comme on les aime. Son devoir la mène jusqu’à Jupiter, où elle infiltre incognito un événement mondain organisé pour l’élite locale, à la recherche de… n’importe quoi en fait, car on ne dirait pas qu’elle tient une piste très sérieuse au moment de faire son entrée sur le dancefloor jovien. Cette approche au pur talent verse de maigres dividendes, malgré les conseils avisés que lui glisse son associé, chaperon mondain et consultant en jet set Ruvier Dall, et la soirée progresse sans que sa patronne n’arrive à coincer le moindre petit hérétique. Kendel a beau dissimuler son aquila frontale sous un masque, son physique de tueuse sous des froufrous1 et son aura de Paria avec un torque de suppression, on ne s’improvise pas femme du monde. La spécialité de la maison serait plutôt de les détruire, d’ailleurs (remember Proxima Majoris).

Après une heure à échanger des platitudes avec le gratin jupitérien en pure perte, Kendel en a ras la queue de cheval et opte pour une tactique différente. Rencardée en douce sur les agissements suspects d’un convive, qui est le seul à se balader librement de groupes en groupes sans gardes du corps, notre héroïne fonce sur sa cible comme un missile à tête chercheuse (et à la grande horreur de Dall, offusqué par ce manque flagrant de savoir vivre), avec la ferme attention de… l’inviter à danser. Si si. Ma foi, pourquoi pas: peut-être que le DJ local avait eu la mauvaise idée de mettre ‘Cotton Eye Joe‘ pile à ce moment. Quoiqu’il en soit, la tentative de Kendel se heurte, non pas à un mur, mais au refus poli de l’assistante du nobliau en roue libre (Durian Jarandille), une jeunette timide du nom de Kristanna Moristat, qui fait remarquer à cette virago d’Amendera qu’on ne peut pas macarener les gens sans sommation et sans leur demander leur avis d’abord. Ne pouvant pas décemment lui mettre une manchette sans créer un scandale, la sista improvise et entraîne l’impétrante dans une carioca fougueuse. Faute de merles… Cette proximité lui permet de détecter que Kristanna est elle-même une Paria, constat dont va découler tout un tas de déductions qui, pour la faire courte, mène à la neutralisation de Jurandille, un affreux Psyker sous couverture dont les discussions avec l’élite jovienne ne pouvaient qu’avoir pour but de préparer subrepticement l’arrivée d’Horus dans le système solaire.

Alors qu’elle s’apprêtait à se mettre une claque dans le dos pour se féliciter d’une mission rondement menée (difficile de compter sur des marques de franche camaraderie de ce genre de la part d’autrui quand on donne la nausée aux gens à 10 mètres à la ronde), on souffle dans l’oreillette de Kendel que le deuxième compagnon de Jurandille, Jorud Gevaz, a filé à l’anglaise pendant qu’elle remportait sa battle de tektonik contre le Psyker infiltré. Comme l’homme en question est parti dans la direction générale des appartements du Haut Thane de Jupiter et qu’il laisse des cadavres de gardes derrière lui, il s’agit de le rattraper en vitesse afin d’éviter une gueulante de Sire Gilles l’Huître. Beaucoup plus à l’aise maintenant qu’elle a le droit de mettre des gros taquets dans les nougats, Kendel finit par confronter sa proie avant qu’elle ne pose ses sales pattes sur le nabab local, et parvient à la retarder suffisamment longtemps pour que l’indispensable Helig Gallor (Death Guard en disponibilité) arrive disperser l’importun d’une rafale de bolter bien placée. Pas assez vite cependant pour empêcher Gevaz, un agent de l’Alpha Legion, d’appuyer sur le détonateur caché dans la boucle de sa ceinture avant de passer de vice à trépas. Être lent et méthodique est parfois handicapant. Bilan des courses: deux tiers des invités du bal (ainsi que Ruvier Dall) finissent en carpaccio, victimes des bombinettes cachées par les cultistes dans les automates de service, ce qui n’est pas un superbe résultat pour notre espionne en herbe. Elle fera sans doute mieux la prochaine fois, si prochaine fois il y a.

1Notons au passage qu’elle a réussi à convaincre ce vieux pingre de Malcador de lui adjoindre les services de deux couturier.e.s. Deux fois le nombre de Space Marines de son équipe: on voit où vont ses priorités. 

AVIS:

Dans la série des « Que sont-ils devenus? » de l’Hérésie d’Horus, le cas d’Amendera Kendel méritait-il qu’on s’y attarde? Personnage récurrent de James Swallow, ses apparitions dans la série se sont logiquement espacées au fur et à mesure que celles de son auteur faisaient de même. À titre personnel, je vivais et lisais très bien sans mademoiselle Kendel, et je m’interroge sur les raisons qui ont poussées Mike Brooks à la choisir pour ses débuts dans l’Hérésie. Amendera ne m’apparaît en effet pas comme une figure brooksienne classique, n’étant ni trop sarcastique pour son propre bien, ni le détournement d’un archétype de 40K, ni particulièrement originale au niveau de ses pronoms1, ni un Ork. L’intrigue et la mise en scène, sans être indigentes, ne sont pas non plus mémorables, et, à moins d’un fantastique coup de théâtre, l’intégralité des événements narrés dans The Serpent’ Dance aura autant d’impact sur le reste de l’Hérésie d’Horus que la couleur des papiers peints du boudoir d’Eidolon, voire qu’Eidolon lui-même (c’est dire). Bref, c’est un double gâchis à mes yeux: des compétences et de l’originalité de l’auteur en premier lieu, et des possibilités scénaristiques (que ce soit en termes de développement ou de conclusion d’arcs narratifs) offertes par une saga aussi étoffée en second lieu. On appréciera tout de même le sérieux dont Brooks a fait preuve dans sa préparation, qui transparaît dans les références aux travaux de ses prédécesseurs (battlemark et thoughtmark, Lucifer Black…), mais également dans des clins d’œil un peu plus subtils, comme le choix de Kendel de prétendre être une aristocrate d’une certaine planète Mollita pour accéder au bal. En conclusion, je ne voue pas cette nouvelle aux gémonies mais j’affirme sans détour qu’il y a beaucoup mieux à lire de la part de Mike Brooks et de l’Hérésie d’Horus que cette danse serpentine.

1La danse entre Kendel et Kristanna est toutefois une péripétie que l’on n’aurait à mon avis pas pu trouver ailleurs que chez Brooks parmi les auteurs de la Black Library. Et on a bien un personnage non-genré dans l’histoire, mais c’est un garde tué hors champ dont Krendel récupère le fusil, donc ça ne compte pas vraiment.

ET POUR LES NOUVEAUX?

L’Hérésie d’Horus est la franchise “Experts” de la GW-Fiction, peu accessible par nature aux débutants du fait de la nécessité de maîtriser les bases du background de 40K et de 30K pour en tirer la substantifique moelle spectrale. Intégrer une nouvelle hérétique dans un recueil destiné aux nouveaux venus représente donc une gageure, et si la décision m’avait été confiée, ‘The Serpent’s Dance’ et ses personnages ultra niches embarqués dans une aventure pas du tout représentative du corpus de l’Hérésie (des Space Marines qui se tapent sur le coin du museau par paquets de mille, pour simplifier), aurait été mon avant-dernier choix, ou peu s’en faut. Jugement de valeur mis à part, il s’agit ici d’une histoire pour « faux-débutants », qui n’a donc rien à faire dans ce type d’anthologie.

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The Shapers of Scars – M. Collins [40K] :

INTRIGUE:

Dans l’infirmerie du Wyrmslayer Queen, la Reine Guerrière de Fenris (surtout) et Capitaine Libre Marchand (un peu) Katla Helvintr passe un sale moment. Ayant fait l’erreur de tendre l’autre joue dans un concours de crachat d’acide, notre héroïne donne du fil à retordre et des points de suture à poser à son équipe médicale, qui s’affaire pour sauver ce qui peut l’être de sa carnation délicate et de sa chevelure luxuriante. La situation est tellement grave que la vieille Bodil (à ne pas confondre avec sa sœur, Bursul), gothi fenrissienne tout ce qu’il y a de moins scientifique, a été appelée à la rescousse. Entre deux jets de runes en os (non désinfectées, j’en suis sûr) et prophéties mystiques sur le destin de Katla, qui finira soit dévorée par les Tyranides, soit étranglée par un ver de terre – c’est écrit –, Bodil trouve le temps de sortir son matériel de tatouage et commence à gribouiller sur le visage de sa Jarl, soit disant pour lui donner la force de vaincre le mal qui la hante, mais plus sûrement pour se venger de la dernière demande d’augmentation refusée par cette pingre de Katla. On se console comme on peut.

Pendant que la Tin-Tin du 41ème millénaire dessine des élans sur le front de sa patiente, nous remontons le temps pour comprendre comment cette dernière s’est retrouvée dans cette position peu enviable. La série de flashbacks que Marc Collins intègre dans son récit nous permet de suivre Katla dans ses œuvres, qui consistent principalement à sillonner le vide à la recherche d’adversaires de valeur à combattre. Drôle d’activité pour un Libre Marchand, mais après tout, certains tiennent visiblement à jouir de leur liberté plus que de leurs marchandises, et comme ils ont un mot d’excuse signé par Pépé en personne, nous ne sommes pas en droit de leur demander des comptes sur l’usage qu’ils font des ressources de l’Imperium. La cible du Wyrmslayer Queen se trouve être un vaisseau tyranide esseulé par la dispersion de sa flotte ruche, mais que sa soudaine solitude ne dissuade pas le moins du monde d’attaquer son traqueur bil(l)e en tête. Bien aidée par le désir manifeste et palpable de la Jarl de Fenris de régler l’affaire au corps à corps plutôt que par salves de missiles interposées, la bioconstruction Xenos arrive à portée de tentacules, et envoie quelques nuées de cafards enragés à l’abordage de son tourmenteur. Voilà une situation bien engagée et tout à fait optimale pour les impériaux, comme chacun peut en juger.

Short story shorter, Katla emmène sa bande joyeux huscarls à la rencontre de l’infestation tyranide qui s’oublie sur la moquette du troisième pont, et finit par croiser le fer avec un Prince particulièrement caustique et affligé d’un gros problème d’acné. À trop faire la maline avec ses hachettes viking, elle finit par percer le bouton de trop, et se fait asperger d’un acide autrement plus corsé que celui qu’elle a pris avant de se ruer à la bataille. Cela ne l’empêche pas de finir l’impudente bestiole proprement avant de faire une petite pause coma bien méritée, et la suite nous est connue. L’histoire se termine par le réveil de Katla, qui trouve le tatouage tribal que la fidèle Bodil lui a fait sur la moitié de la tronche méchamment bath. C’est ce qui s’appelle faire contre mauvais profil bon cœur.

AVIS:

Petite histoire très simple (j’aurais pu résumer le propos en trois phrases sans omettre grand-chose d’important) au nom très compliqué, ce ‘The Shapers of Scars’ intrigue et déçoit à égales mesures. Pour commencer par les reproches, je me désespère de lire encore des affrontements spatiaux complètement stupides car physiquement abscons après 30 ans de publications 40K. Ici, nous rencontrons le cas d’école de l’auteur n’ayant pas intégré qu’une bataille spatiale se déroule à une échelle de centaines de milliers de kilomètres, et pas à portée de jet de chaussure (ou ici, de tentacules pour les Tyranides et de harpons pour les impériaux1), ce qui est à mon avis un héritage néfaste des derniers Star Wars. Reconnaissons au moins à Collins d’avoir de la suite dans les idées, car mettre en scène une héroïne tellement obnubilée par le pugilat qu’elle abandonne son rôle de commandante en pleine bataille pour aller jeter des javelots à la gu*ule de pauvres Gaunts dans les coursives de son propre navire, accompagnés d’hommes de main équipés comme des Burgondes du haut Moyen Âge, est d’une originalité rafraichissante par rapport au reste du corpus de la Black Library. Il faut de tout pour faire un Imperium, même des Fenrissiens bas du front et des auteurs en roue libre.

Si on est d’humeur plus charitable, on peut s’interroger sur les raisons qui ont poussées Collins à être si spécifique dans le choix de ses protagonistes, la rencontre entre « cultures » Rogue Trader et Space Wolves dans une nouvelle de quelques pages ne se justifiant à mes yeux que si ‘The Shapers of Scars’ est le prélude à une œuvre plus conséquente. Certains auteurs de la BL, Dan Abnett et Aaron Dembski Bowden en tête, ont déjà prouvé qu’il était possible de réaliser des fusions plus improbables que celle-là de façon convaincante, et au final à donner plus de substance et de saveur au gigantesque patchwork socio-culturo-politique qu’est l’Imperium. Il se pourrait donc que nous recroisions Katla Helvintr et la bonne Bodil dans un futur proche, hypothèse d’autant plus plausible que Marc Collins est toujours dans l’attente d’un premier roman pour la BL, et que les créneaux Rogue Trader et Space Wolves ne sont pris par personne en ce moment. Faîtes vos jeux.

1 : Imaginez un peu la longueur, donc la place et le poids, de la chaîne nécessaire pour qu’une telle arme puisse « ferrer » une cible et la ramener à bon port. Déjà que sur un Titan, c’est limite, mais sur une frégate…

ET POUR LES NOUVEAUX?

Si on étudie la liste des cinq nouvelles sélectionnées par la Black Library pour constituer ce petit recueil introductif, on se rend compte que ‘The Shapers of Scars’ a la très lourde tâche de représenter la littérature 40K « classique » (c’est-à-dire hors franchises à part comme l’Hérésie d’Horus, Necromunda ou Warhammer Crime), qui constitue à l’heure actuelle et sans doute pour toujours le plus large corpus de la BL, soit des centaines de nouvelles publiées au cours des trois dernières décennies. Il aurait donc été logique, si ce n’est obligatoire, de choisir une Space Marinade – possiblement de bonne qualité car, oui, cela existe – en lieu et place du court format totalement random de Marc Collins. Imaginez un peu que cette lecture soit votre porte d’entrée dans le 41ème millénaire : vous penseriez sans doute que le puissant Imperium est une civilisation steampunkbarbarian ayant conquis les étoiles en jetant des javelines même pas énergétiques sur des cafards géants. Ce qui n’est pas l’image d’Epinal du grimdark, vous le reconnaîtrez. Bref, je ne valide absolument pas ce parti pris.  

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No Use for Good Men – G. Haley [40K] :

INTRIGUE:

Notre récit commence par un petit mail envoyé par l’humble et fidèle Probator Fyedor Blovast à l’honorable et exalté Chef Justicius Maksell Resk, annonçant des progrès notables dans le décryptage du journal intime d’un certain Symeon Dymaxion-Noctis, placé sous bonne garde pour une raison indéterminée par la maréchaussée du district de Nearsteel. La nouvelle qui suit est l’extrait traduit par le stagiaire Linguee du probatoriat, ce qui indique clairement qu’il ne faut pas s’attendre à un compte-rendu complet et exhaustif de la vie et de l’œuvre de Sym’. Et pour cause…

Les quelques pages que nous sert Guy Haley sont consacrées à la description d’une matinée assez banale de notre héros, un Probator plutôt nanti et qui ne s’en cache ni ne s’en plaint pas (il a eu sa phase « solidarité prolétaire », mais ça lui est passé), vivant dans un duplex en haut de spire, avec un felid et un bras augmétique. Il enquête posément sur la disparition de Xuliana Marchentska, fille idéaliste d’un notable local, supposée enlevée et probablement morte à l’heure qu’il est. Un suspect ayant été localisé dans une cité sensible toute proche, Symeon décide d’y faire un saut pour tenter de le cueillir, malgré le fait qu’une émeute de la faim est en train de couver dans le district, et que la riposte des gardiens de la paix l’épée se prépare de concert. Usant de son statut spécial pour négocier le cordon de Sanctioners qui s’apprête à casser du contestataire, le super flic arrive en vue du dernier domicile connu de sa proie (Yerzy Demedoi)… et se fait griller par ce dernier sur le pas de la porte. Pas de chance.

S’en suit une course poursuite haletante et mauvaise pour les rotules, alors qu’en arrière-plan les CRS de Varangantua commencent à bavurer dans les brancards, au terme de laquelle le bien portant Symeon (Haley insiste là dessus, alors moi aussi) rattrape presque Demedoi, mais décide finalement de lui coller une bastos dans la cuisse au lieu de couvrir les 10 derniers mètres et de tenter le placage cathédrale. Sa fainéantise lui jouera un sale tour, et plus encore au fugitif, car son tir au jugé perce l’artère fémorale du présumé coupable, qui décide de finir en beauté d’un saut de l’ange renversé plutôt que de se vider tranquillement de son sang en répondant aux questions de son meurtrier. C’est bien une ingratitude de pauvre, ça. Ce faisant, il passe de l’autre côté du voile de chaînes métalliques qui sépare le district civil de Nearsteel de l’enclave du Mechanicum de Steelmound, ce qui place son cadavre hors de la juridiction et de la portée de Symeon, qui n’a plus qu’à rentrer chez lui ouvrir une boîte de Ronron à son matou d’appartement. Et c’est tout. La suite dans ‘Flesh & Steel’, j’imagine…

AVIS:

Haley fait sa propre pub pour le roman ‘Flesh & Steel’, écrit également pour Warhammer Crime, et mettant en vedette l’Hercule Poivrot de Varangantua, Symeon Noctis. Je ne lui en aurais pas tenu rigueur si le message publicitaire en question (‘No Use for Good Men’) avait été une véritable nouvelle, avec une intrigue, un développement et une conclusion, ce qui n’est malheureusement pas le cas. À la place, on a le droit à vingt quatre heures dans la vie d’un fât, dans un récit mêlant description de la géopolitique de Nearsteel, considérations philosophiques du héros, course poursuite peu concluante et références appuyées à un passé/futur mystérieux qui seront explicitées dans le bouquin qui prendra la suite de ce teaser littéraire. Haley sachant tenir une plume, l’ensemble est très lisible, mais ça sent la grosse démotivation de sa part, ce qui se solde par une expérience décevante pour le lecteur. J’espère vraiment pour lui que la lecture de ce ‘No Use for Good Men’ jettera un éclairage nouveau sur ‘Flesh and Steel’ (ce qui pourrait à la rigueur justifier sa lecture), mais j’en doute assez fortement.

ET POUR LES NOUVEAUX?

Je n’ai pas grand-chose à ajouter au retour fait plus haut sur l’intérêt de cette courte nouvelle, dont le seul but est d’hameçonner le lecteur et de lui faire acheter ‘Flesh & Steel’. Même si je comprends l’approche, le fait qu’il soit possible de télécharger gratuitement un extrait de ce roman sur le site de la Black Library me fait me questionner sur la nécessité pour cette dernière de commander ce genre de publication, à l’âge du post-papier. Comme ‘No Use for Good Men’ est assez sympathique à parcourir, on peut défendre son utilisation comme produit d’appel pour Warhammer Crime, mais il y avait mieux et plus respectueux à proposer au lecteur, à commencer par un véritable stand alone. Ça fait que ce soit gratuit, mais…

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The Reaper’s Gift – R. Cluley [AoS] :

INTRIGUE:

Le milicien Rutger, confronté à une trop forte opposition lors de la dernière bataille livrée par sa compagnie franche à une bande d’Hommes Bêtes en maraude, a prudemment décidé de se faire porter pâle et quitté le champ de bataille pour le champ de maïs, laissant les copains se débrouiller sans lui. A sa décharge, notre héros courageux mais pas téméraire venait d’hériter d’une méchante estafilade sur le bedon, réduisant fortement son utilité au combat en même temps que son espérance de vie. Dans son malheur, Rutger a toutefois la chance de tomber sur une étable décrépite où il peut s’abriter de la pluie battante de Shyish, et recouvrer quelques forces avant de reprendre sa fuite éperdue. Dans cet abri de fortune, il fait la connaissance de Poll, le jeune fils d’une fermière du cru qui essaie tant bien que mal de survivre avec ses trois enfants et en l’absence de son mari, réquisitionné de force par l’armée locale il y a plusieurs mois. Ayant gagné la confiance du gamin grâce à ses talents de montreur d’ombres, Rutger parvient aussi à se mettre la mère (Maudeline) dans la poche, et est invité par cette dernière à dîner avec sa famille.

Pendant que le soldat se fait recoudre la bidoche et se gave de brouet, ses hôtes lui racontent la légende du Faucheur (Reaperman), un croquemitaine ayant l’apparence d’un épouvantail géant et venant punir les membres égoïstes de la communauté à grands coups de faux dans les gencives. Originellement, le Faucheur était un guérisseur dont le fils unique mourut écrasé par sa propre charrue, tragédie qui fit mourir sa femme de chagrin quelques semaines plus tard. Ses voisins n’ayant pas fait preuve d’une grande solidarité envers le pauvre homme dans ces moments difficiles, le désespoir et le ressentiment (et l’intervention de Nagash, aussi) le changèrent en spectre vengeur, que les paysans du coin tentent d’apaiser en se faisant des cadeaux entre eux, démontrant ainsi leur camaraderie. Il se trouve que Maudeline et Cie offrent des épouvantails, ce qui explique pourquoi l’étable où s’était réfugié Rutger était pleine de silhouettes tout à fait creepy. On est à Shyish, aussi.

Raccompagné par Maudeline jusqu’à la grange où elle accepte qu’il passe la nuit, Rutger réalise que la brave fermière dissimule en fait une ogresse en puissance, qui n’a pas hésité à tuer et découper les autres déserteurs amochés qui sont venus demander assistance au cours des derniers mois. Cela explique comment elle a pu confectionner autant d’épouvantails dans un endroit aussi reculé, où les fripes d’homme adulte sont rares. Pragmatique jusqu’au bout, Maudeline avoue que c’est l’infection qui commence à gagner sa plaie qui l’a convaincue de ne pas transformer Rutger en jambon, et qu’elle ne lui fera donc aucun mal. Cet échange de civilités est interrompu par l’arrivée d’un Ungor inquisiteur, qui se fait prestement occire par notre coriace agricultrice #LaMortEstDansLePré.

Il ne s’agit toutefois que d’un sursis pour la petite troupe, car il est certain que la disparition de l’éclaireur va donner l’idée au reste de la harde de passer une tête cornue dans le coin dans les prochaines heures. N’ayant aucun espoir de prendre de vitesse l’ennemi, Rutger propose de gagner du temps en utilisant la ruse…

Début spoiler 1…C’est-à-dire mettre à profit le stock d’épouvantails de ses hôtes pour donner l’impression à ces bêtes de Bêtes que la ferme est fortement gardée. Cela ne les trompera ni ralentira très longtemps, mais devrait permettre aux fuyards une chance d’atteindre les voisins les plus proches de Maudeline et sa marmaille. La journée qui s’en suit est donc tout entière consacrée à la préparation de ce musée Grévin hors les murs, mais alors l’après-midi avance, Rutger a une idée encore meilleure pour duper les Hommes-Bêtes en maraude…

Début spoiler 2…Laisser les femmes et les enfants derrière. Comme il se doute que Maudeline a peu de chance d’accepter, il lui colle un coup de hachette dans le crâne pour avoir les mains libres, et attache les orphelins avec les épouvantails pour donner l’illusion que son régiment de paille est bien vivant. A la guerre comme à la guerre, tout de même. C’est le culte de l’huître bleue qui avait raison, une fois de plus : don’t fear the reaper (fear the deserter).Fin spoiler

AVIS:

Pour sa deuxième contribution à la GW-Fiction (après ‘Flesh and Blood’), Ray Cluley corrige la mire et signe une histoire bien noire, et méritant tout à fait sa catégorisation dans la gamme Warhammer Horror. En distillant à petites touches les détails troublants, puis inquiétants, puis révoltants, l’auteur parvient à instiller une pure atmosphère de film de genre, où l’on comprend qu’il peut se passer quelque chose d’horrible à tout moment, et où tous les personnages, même (surtout) les protagonistes, peuvent partir en vrille sans crier gare. Il fait également preuve d’une maîtrise consommée de raconteur d’histoire en entraînant le lecteur sur la piste de l’épouvantail, figure horrifique s’il en est, pour au final donner à son récit un twist final bien plus prosaïque, mais d’autant plus marquant et efficace. Une vraie bonne soumission pour le sieur Cluley, qui remonte sensiblement dans mon estime.

ET POUR LES NOUVEAUX?

Ecrire une bonne nouvelle est difficile, et écrire une bonne nouvelle d’horreur l’est encore plus. Pour avoir lu quelques recueils siglés Warhammer Horror dans mon jeune temps, je peux témoigner du fait que ‘The Reaper’s Gift’ se place dans le haut du panier de ce que la BL peut proposer, et il est donc heureux que le choix des pontes de Nottingham se soit porté sur cette nouvelle comme représentante de la franchise horrifique de la GW-Fiction. Si cela ne donne pas envie aux nouveaux lecteurs d’explorer plus en détail cette collection de niche, c’est que cette dernière n’est pas faite pour eux. Il est aussi à mon sens approprié que ‘The Reaper’s Gift’ soit assez « dur » en termes de narration, là aussi pour permettre aux curieux d’acheter un recueil en toute connaissance de cause.

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The Wolf and the Rat – C. L. Werner [AoS] :

INTRIGUE:

The Wolf and the RatScandale à la cour de Radukar le Loup, sanguinaire car vampirique maître de la cité d’Ulfenkarn, en Shyish. Une précieuse relique a été dérobée dans la crypte où elle sommeillait depuis des lustres, plongeant notre atrabilaire héros dans une colère noire (logique) : on lui a volé son doudou !!! Ah, on me dit dans l’oreillette qu’il s’agit en fait de la pelisse du vampire qui lui donné le Baiser de Sang, ce qui est un peu plus classe, mais beaucoup moins drôle, que ma version des faits. Je m’incline de bonne grâce et reprends le cours de mon récit.

On apprend rapidement que le crime à peine commis est déjà revendiqué par une coterie de suceurs de sang ne goûtant pas au règne sans partage de Radukar sur son fief, et souhaitant, d’après les mots bredouillants de leur émissaire, le froussard Valac Chrobak, seulement remettre au goût du jour le conseil municipal, où Loulou aurait bien sûr un siège. Le messager ayant raté son test de charisme de façon critique, il est expédié dans la post non-vie par les gardes du corps Ogors de Radukar, qui décide de prendre les choses en main. Sachant que les ravisseurs de courtepointe lui ont donné rendez-vous dans le quartier des docks pour procéder à l’échange, il en prend le chemin sans tarder, confiant dans le fait que sa Sénéchale, l’ex-pirate tournée vampiresse (vive les reconversions professionnelles, franchement) Natasyia, sécurisera discrètement le périmètre avec les squelettes de la garde municipale, au cas où l’affaire s’envenimerait.

Sur place, il retrouve une vieille et funeste connaissance, le Prince des Rats Kritza, un noble dévoyé (vampire lui aussi, évidemment) qui a pris la tête de la cabale lupophobe après que Radukar l’ait laissé pour mort suite à un petit accrochage autour de la machine à café. Kritza et son corps de lâche ne sont évidemment pas venus seuls : une petite bande de petites frappes à canines pointues a fait le déplacement, afin d’équilibrer un peu les choses entre Rad’ the Chad et Kritza le Rat. Sans surprise, l’entrevue se passe moyennement, chacun campant sur ses positions, jusqu’à ce que Natasyia arrive avec les renforts promis pour précipiter la résolution du litige…

Début spoiler 1…Seulement, cette fourbe de flibustière repentie jouait en fait du côté de Kritza. C’est d’ailleurs elle qui a dérobé la peau du père de Radukar, et l’a remise aux conjurés. Les griefs de Nat’ sont simples : elle en veut à son boss de ne lui avoir pas dit qu’être un vampire créait un grand vide spirituel, ce qui était pourtant assez facile à prévoir en réfléchissant deux secondes au concept de non-vie. Heureusement qu’il n’y a pas de termes et conditions dans les Royaumes Mortels, ce serait un véritable carnage. Quoiqu’il en soit, Radukar se retrouve finalement isolé et encerclé au milieu des épaves pourries (je ne parle pas des vampires) du port, ce qui n’est pas une situation enviable. Le plan de Kritza est simple : mettre le feu à l’une d’entre elles et faire pousser le seigneur d’Ulfenkarn dans le brasier par le cordon de sécurité squelettique rameuté par Natasyia. Aussitôt dit, aussitôt fait. A moins que…

Début spoiler 2…A moins que ce rusé de Radukar ait flairé la combine à des kilomètre grâce à sa truffe de loup, et ait pris des mesures de contingence pour piéger les piégeurs. Il désactive ainsi les squelettes d’une simple commande vocale1, et fait signe à ses fidèles Ogors zombies de sortir des coulisses avec leurs pieux de fonction pour châtier les trublions. Ce retournement de situation pousse la clique de Kritza à tenter de rusher Radukar, avec des résultats… médiocres. Un peu plus réfléchie, Natasyia se saisit de la pelisse convoitée par son ex-patron, et fait mine de la jeter dans les flammes de l’épave s’il ne la laisse pas partir. Manque de bol, en tant que « fille » de Radukar, elle découvre bientôt que braver la volonté paternelle n’est pas une sinécure, et finit par apporter gentiment la fourrure au brasier, et elle avec par la même occasion, lorsque le pater familias lui ordonne. Reste Kritza, qui en tant que personnage nommé avec une figurine dispose d’une sauvegarde invulnérable en sigmarite, et se tire donc d’affaire avec son special move, l’effervescence murine. La nouvelle se termine sur ce tableau théâtral, Radukar jurant sur ses grands morts d’éradiquer la menace surmulote sans aucune merci. Prend des notes, Anne Hidalgo.Fin spoiler

1 : J’imagine que chacun squelette avait une dent bleue au fond de la mâchoire.

AVIS:

Nouvelle d’accompagnement du livre qu’il a consacré à la dynastie Vyrkos (‘Cursed City’), qui n’était lui-même qu’un produit dérivé de la boîte de jeu éponyme, ‘The Wolf and the Rat’ sent franchement le réchauffé. Les fortes contraintes scénaristiques avec lesquelles il a dû composer pour écrire cette nouvelle, dont tous les personnages nommés devaient réchapper, ont amené le vétéran Werner à nous servir de la soupe littéraire, qui n’intéressera à la rigueur que les lecteurs souhaitant creuser le lore d’Ulfenkarn, bourgade mineure de Shyish et bac(kground) à sable patenté. Mêmes les surprises que l’auteur souhaitait ménager en guise de twists finaux tombent à plat, faute d’alternatives crédibles à l’inénarrable trahison-du-bras-droit-secrètement-insatisfait, contrée aussi sec par la toute aussi fameuse prévoyance-de-vieux-briscard-qui-ne-faisait-que-donner-le-change-mais-qui-avait-tout-pigé-depuis-longtemps. C. L. Werner fait généralement beaucoup mieux quand on le laisse s’amuser avec des ratons, et on peut donc classer cette nouvelle parmi ses moins réussies pour le compte d’Age of Sigmar.

ET POUR LES NOUVEAUX?

En faisant porter son choix sur une nouvelle illustrant les bisbilles d’une micro-faction d’Age of Sigmar récemment mis à l’honneur dans une boîte de jeu, la BL fait passer le promotionnel avant le didactique, et c’est pour moi une faute grave au vu de la mission première des anthologies Black Library Celebration. Cela me brûle les doigts de l’écrire, mais dans ces circonstances, c’est la nouvelle de Stormcast Eternals basique(s) qui était à privilégier, afin de permettre aux primo-lecteurs la découverte des Royaumes Mortels à travers sa faction la plus iconique. Bien sûr, C. L. Werner a suffisamment de bouteille pour nous proposer un résultat acceptable, mais il y avait beaucoup plus évident (et mieux aussi). Hors sujet.

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L’Enfant du Chaos (Child of Chaos) – C. Wraight [HH] :

INTRIGUE:

Le Siège de Terra approche méchamment et quelque part en orbite du Monde Trône, un Astartes en arrêt maladie contemple la planète de Pépé avec un œil torve et un visage couvert de biafine. Notre protagoniste est, vous l’aurez deviné, Erebus. Sauf que en fait, non, mais nous y viendrons un peu plus tard. Passé à la râpe à fromage par Horus et slam dunk-é dans le bac à ordures dangereuses par Lorgar, le surhomme par qui le scandale éclata n’a pas vraiment d’épaule sur laquelle suinter, mais il s’en fout royalement car son auguste compagnie lui suffit. Et comme dit son deuxième proverbe favori (on parlera de son premier un peu plus loin): « plus on est de fous, plus on rit, moi je suis tout seul parce que personne ne m’aime alors je compense en étant complétement ravagé du bulbe et pouvoir rigoler un bon coup ». Quel dommage que seule la version abrégée de cette maxime si profonde nous soit parvenue. Toujours est-il qu’Erebus est décidé à se parler à lui-même pour passer le temps, et il embarque donc le lecteur dans le récit de son origin story, qu’il considère comme étant édifiante. Voyons cela.

Première confession: Bubus a toujours été mauvais. Et surtout en dictée. Il ne s’en cache ni ne s’en excuse, et il n’y a pas d’élément déclencheur à chercher pour explique sa chute, à part peut-être le fait qu’il ne supporte pas la chaleur. Mais bon, se dire que l’Hérésie aurait été évitée par un malheureux climatiseur, ce n’est pas très glamour, donc restons sur l’hypothèse de la malignité incarnée. Déjà tout môme, son passetemps favori était d’arracher les pattes de scorpion de Colchis, ce qui n’est guère charitable. Issu d’une famille miséreuse, il se mit à lorgner du côté des khôl gris du Covenant après avoir constaté que les prêtres menaient une vie de patachon. Après quelques mois à apprendre par cœur des cantiques et à apprendre à lire sur des bouquins piqués en douce dans le temple local, notre zéro accomplit ses premières armes en garrotant de sang froid un jeune dévôt de son quartier, auquel sa mufle de mère le comparait à longueur de journée pour le rabaisser. L’individu en question témoignait de sa foi envers les Puissances en se peignant des mots sacrés sur le visage, habitude que son assassin reprit, tout comme il lui emprunta son nom: Erebus. MIND BLOWN. On est passé à ça d’avoir l’Hérésie manigancée par un gonze appelé Post Malone ou Tekashi69, ça fait froid dans le dos tout de même. Heureusement que Môman Bubus n’aimait pas le rap.

Ce premier assassinat permit toutefois à l’usurpateur d’entrer dans les ordres sans coup férir, et de commencer à tailler son chemin vers le pire, soit le Pouvoir, l’Influence, la Richesse et l’Efferalgan. Car Erebus n’est pas vraiment croyant à la base, et avoue volontiers s’être piqué d’intérêt pour la chose religieuse de la même manière que tu as pris goût aux endives au jambon: à l’usure. BLIND MOWN. Pendant qu’il faisait ses classes, un certain Prophète commençait à faire parler de lui dans l’arrière pays colchitique, et il ne fallut pas longtemps avant qu’Erebus ne pose les yeux sur celui qui allait devenir son père adoptif (Lorgar), accompagné par sa future marâtre (Kor Phaeron). Ce ne fut pas le coup de foudre mais le jeunot comprit qu’il fallait qu’il se rapproche de Mr Tête d’Œuf pour son propre bien, ce qu’il fit.

Une arrivée impériale et une transformation en Space Marine plus tard, notre désormais fringant héros part sillonner la galaxie à la recherche des Dieux du Chaos, envers qui il sent une attirance particulière. Rien de très intéressant ne se produit jusqu’à l’arrivée sur Davin, et la visite qu’Erebus rend à un temple décati que lui ont révélé ses visions. Sur place, il rencontra un vieux prêtre ridé et impoli, ce qui n’est pas très malin quand on s’adresse à un type qui fait deux fois sa taille et trois fois son poids. Parmi les tags effacés et les inscriptions désobligeantes, les sens de sorceleur du surhomme firent clignoter en rouge un dessin de l’Anathame (qui ne se trouvait pas sur place, ce serait trop simple) ce qui fut apparemment suffisant pour son bonheur immédiat. Il repartit donc avec une envie folle de farmer du Wither squelette1, en ordonnant au vioque de faction de retaper un peu la bicoque, et en donnant rendez-vous dans quelques décennies à une très jeune Akshub (qui ironie de l’histoire, lui donnera des cours en chaotique appliqué lorsqu’il reviendra… quel fumiste tu fais Bubus alors). La suite de l’histoire, sans être parfaitement connue, l’est toutefois suffisamment pour pouvoir laisser Erebus à ses divagations fiévreuses et purulentes. Mais tel est le destin de ceux qui manquent de peau.

1Mais sans accès au Nether, il dut se contenter de piller les collections permanentes du musée de la vie rurale de l’Interex, comme chacun sait.

AVIS:

Chris Wraight lève le voile sur l’origine d’un des personnages les plus importants de l’Hérésie n’étant pas Pépé ou un Primarque : bonne idée dans l’absolu, et assez bien réalisée même si ‘Child of Chaos’ tient plus de la lecture complémentaire intéressante que du must read définitif. Il y a certes quelques révélations bien senties de la part d’un auteur qui a trop de métier pour ne pas jeter quelques bouts de fluff anecdotiques (au sens littéral) en pâture à son public de fanboys dans une nouvelle telle que celle-ci, mais rien qui changera la face du lore. On apprend par exemple que c’est à Erebus que l’on doit la maxime « béni soit l’esprit trop étroit pour le doute », ce qui est utile à savoir pour briller dans un centre GW mais relève de la trivia hérétique au final. Notons également que Wraight se retrouve piégé par cet ennemi acharné de l’auteur de l’Hérésie d’Horus qu’est la continuité temporelle (à égalité avec la bonne vieille logique cartésienne): si Erebus a pu devenir un Word Bearers, c’est qu’il était très jeune à l’arrivée de l’Empereur. Or on sait (‘Lorgar: Bearer of the Word’) que Kor Phaeron avait déjà mis des pensées non euclidiennes dans la tête de son pupille bien avant que Bubus soit en mesure de susurrer des salaceries à l’oreille de son Primarque : l’image d’Epinal d’instigateur de l’Hérésie qui accompagne le Chapel-Un depuis quelques années en prend donc un sacré coup dans les ratiches.

Bref, on tient ici une lecture sympathique et qui permet à Wraight de mettre un peu d’ordre1 dans, et de faire quelques clins d’œil à la suite de, l’histoire d’Erebus, ce qui peut, ou non, justifier les 3,49€ demandés par la Black Library pour tuyauter le lecteur/fluffiste sur ce VIP chaotique.

1J’ai bien aimé le fait qu’il cherche à couvrir les traces de Thorpe en indiquant au détour d’une phrase que, oui, les Dieux du Chaos avaient bien un œil (mais juste un œil) sur Colchis et le Covenant, respectivement élus « Planète chaotique la plus calme du Materium » et « Secte chaotique hégémonique la moins efficace de la galaxie » 10.000 ans de suite. Il ne pouvait guère faire plus que cela sans réécrire l’histoire.

ET POUR LES NOUVEAUX?

Comme pour ‘The Serpent’s Dance‘, on peut considérer que ‘L’Enfant du Chaos‘ n’est pas assez grand public dans son propos pour mériter sans contestation sa place dans une anthologie introductive. Ceci dit, comme Erebus est une figure incontournable de l’Hérésie, permettre à un nouveau lecteur de s’initier à cette dernière à travers cette nouvelle retraçant ses origines se défend, surtout quand le résultat est de bonne qualité (comme c’est le cas ici). De manière plus large, donner la vedette à un anti-héros tel que ce bon Chapelain est également un bon moyen d’illustrer l’approche grimdark de la GW-Fiction, univers impitoyable où la pureté de la cause et la noublesse des sentiments ne servent absolument à rien. Un choix pas évident, mais qui se défend, donc.

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Mort sur la Route de Svardheim (Death on the Road to Svardheim) – D. Hinks [AoS] :

INTRIGUE:

En route vers la cité de Svardheim pour une raison sans doute logique mais inconnue de l’auteur de ces lignes au moment de l’écriture de cette chronique, le duo le plus mal assorti des Royaumes Mortels1 passe le temps et les kilomètres sur la route 88 (c’est tout plat, désertique et décoré avec des monceaux de crânes) en discutant théologie, comme à leur habitude. Bien évidemment, la situation finit par gentiment dégénérer, l’anticléricalisme blasphématoire d’un Gotrek toujours chafouin de s’être fait rouler dans la farine par les Dieux du Monde Qui Fut mettant sur les dents, qu’elle a éclatante, la dévote Maleneth. À force d’enquiller les bornes, elle finit même par les dépasser, allant jusqu’à accuser son rusé et runé camarade de servir le Chaos, à l’aide de l’argument, bien connu de George W. Bush, du « si tu n’es pas avec moi (et Ziggie) tu es contre moi ». Avant que la situation ne dégénère trop franchement, et que le Tueur vétéran ne doive se trouver encore un nouveau sidekick, les comparses tombent sur le théâtre d’une embuscade ayant été fatale à une bande de prêtres sigmarites, dont les corps décapités jonchent les alentours d’une carriole incendiée.

Après une rapide enquête, il s’avère que les assaillants n’ont pas réussi le perfect en matière d’élimination de témoins, une pauvre nonne répondant au nom de Carmina se présentant à nos héros et leur expliquant que sa congrégation s’est fait dérober une relique irremplaçable, le Poing Incorruptible, dont elle avait la charge et promenait de ville en ville pour ranimer la foi des locaux. Avant que Gotrek n’ait pu marquer de nouveaux points d’athéisme hardcore en demandant à Carmina en quoi un poing pouvait être corrompu, pour commencer (il en serait capable le bougre), Maleneth se fait embringuer dans une mission de récupération du saint gantelet, qu’il s’agit simplement de reprendre des mains malpropres d’une petite vingtaine de bandits, retranchés dans une forteresse abandonnée à quelque distance de la route. Rien que de très banal pour notre Tueur, qui accepte toutefois de mettre les formes et de suivre un plan un minimum intelligent (attendre que Maleneth se soit mise en position derrière le bastion pour intercepter d’éventuels fuyards) avant d’aller toquer à la porte le plus naturellement du monde.

La prévoyance de l’Aelf paie rapidement car il se fait bientôt jour (enfin, nuit, mais je me comprends) que les brigands sont un peu plus qu’une bande de maraudeurs sanguinaires, mais bien une authentique secte de Khorne, en train d’invoquer un démon de fort belle taille à l’aide de leur collection bien mal acquise de grigris et talismans. Maleneth n’a pas le temps de signaler qu’il y a une courge dans le potage que Gotrek est cependant déjà en train de défoncer la porte et de se tailler un chemin à travers les mobs de bas niveau, jusqu’à poser l’œil sur une Némésis digne de lui, qu’il engage évidemment en combat singulier dans la plus pure tradition du genre. Etant un VIP incontournable du multivers, Gogo est reconnu par son adversaire, qui a la mauvaise idée d’insinuer que le Tueur a fui son monde au moment de la Fin des Temps au lieu de rester et de se battre pour le défendre. Cela met notre nabot en rogne, et les deux adversaires se balancent quelques baffes amicales, sans trop d’effet de part et d’autre, jusqu’à ce que Meleneth ait l’idée géniale de confisquer les reliques ayant été mise à profit pour invoquer le démon, et dont ce dernier a encore besoin pour maintenir sa présence dans les Royaumes Mortels. Au fur et à mesure que les héros shootent dans les breloques, leur adversaire perd en taille et en carrure, jusqu’à finir rachitique et malingre, et se faire décapiter sans cérémonie par un Gotrek enfin à la bonne taille pour jouer de la hache.

Ceci fait, le duo infernal n’a plus qu’à remettre le Poing Incorruptible à la brave (en fait pas trop) et reconnaissante Carmina, qui s’en va à cheval remettre le précieux héritage en sécurité, pendant que nos héros continuent à pied leur périple. Poing/t final de notre histoire ?

Début spoilerEh bien non (comme la balise spoiler ne le laissait pas du tout envisager), car lorsque nos voyageurs, fourbus (surtout pour Maleneth) et assoiffés (surtout pour Gotrek) tentent d’obtenir le gîte et le couvert d’un monastère sigmarite croisé un peu plus loin sur la route, se disant à juste titre que tous les culs bénis à la ronde leur sont redevables de leurs récents exploits, c’est pour entendre un son de cloche bien différent. Carmina était en fait une voleuse ayant mené sa bande, déguisée en prêtres, dérober le fameux Poing Incorruptible (mais pas Inatteignable) de la garde des vrais fidèles de Sigmar, en tuant quelques uns au passage. L’abbé outré qui fait ce récit aux voyageurs est persuadé que l’iconoclaste va briser la relique en mille morceaux pour revendre la Pierre de Royaume dont elle est faite au plus offrant, au mépris de tous les commandements de Sigmar. C’est donc une grosse boulette, sur laquelle Maleneth manque de s’étouffer, mais qui ne déclenche chez ce philosophe de Gotrek qu’un rire tonitruant. Il en a certes vu d’autres…Fin spoiler 

1 : Gotrek est un Nain (et pas un Duardin) roux exhibitionniste, et Maleneth est une Aelf brune gothique.

AVIS:

Eh bien ça y est : après avoir laissé Gotrek (et le regretté Felix) à leurs aventures dans le Monde Qui Fut, je renoue enfin avec ce héros mythique sous sa nouvelle incarnation, à travers ce court format signé du père adoptif #3 du Tueur de… trucs, Darius Hinks. Ce qui m’intéressait particulièrement dans ces retrouvailles était de voir ce qui avait changé, et ce qui était resté, des précédentes aventures de M. Gurnisson, qui constituaient un sous-genre de la littérature BL à elles seules. L’équilibre n’était pas facile à trouver entre respect servile du cahier des charges, forcément un peu obsolète, établi par King et Long en la matière, et innovations radicales, qui auraient enlevé tout le sel de ce come-back improbable. Et je dois dire que Darius Hinks s’en est plutôt bien sorti, tant sur le fond que sur la forme. On est bien en présence d’une aventure de Gotrek & Cie, avec notre petit rouquin teigneux, grincheux et pince sans rire s’embarquant dans un combat à haut risque contre un adversaire très balèze (sur le papier en tout cas), au grand désespoir de son partenaire attitré. Ce qui change ici est que Gotrek est devenu un mécréant militant, gardant sa dernière dent contre tout le panthéon divin (à commencer par Sigmar, qui s’en prend plein les tresses), alors que Maleneth est, sous ses abords de tueuse froide, une zélote du grand barbu, ce qui est à la fois surprenant (c’est le type qui la voyait comme une pseudo Assassin druchii qui parle) et intéressant. Notons également que Hinks ne se gêne pas pour glisser quelques références au passé proprement légendaire de son héros et donc à feu Warhammer Fantasy Battle, ce qui devrait faire plaisir autant qu’intriguer le lecteur historique de la saga. Bref, le contrat est bien rempli dans ce ‘Death on the Road to Svardheim’, qui tient son rang parmi les cohortes de nouvelles Gotrekesques publiées par la BL depuis des temps immémoriaux. Reste à savoir ce que cette dernière compte faire de son increvable héros sur le long terme, maintenant qu’il ne peut absolument plus mourir (ce serait un énorme fail), mais ceci est une autre histoire.

ET POUR LES NOUVEAUX?

On ne fait pas vraiment plus iconique que Gotrek parmi les personnages de la Black Library, aussi sa présence dans un recueil tel qu’un Black Library Celebration fait tout à fait sens. Cette nouvelle permet à la fois au lecteur de se familiariser avec cette figure tutélaire de la GW-Fiction, à travers une petite aventure représentative de l’esprit de la saga, et à la BL de faire le lien avec l’imposant catalogue de courts et longs formats qu’elle est toute prête à nous vendre en cas d’intérêt pour le petit rouquin teigneux. Tout le monde est content.

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Secteur 13 (Sector 13) – S. Mitchell [40K] :

INTRIGUE:

Après les événements de Desolatia (‘Fight or Flight’), le Commissaire Cain profite enfin de la vie et d’un théâtre d’opérations beaucoup plus calme sur l’agrimonde de Keffia, où une coalition de régiments impériaux est à pied d’œuvre pour purger une infestation de Genestealers. Son rattachement à une compagnie d’artilleurs et sa popularité naissante donnent en effet à notre héros beaucoup d’occasions de faire son devoir de façon plaisante : à des kilomètres de la ligne de front et/ou à proximité des hors d’œuvre du Gouverneur local. Une vraie sinécure en quelque sorte, que le talent de Cain pour se mettre tout seul dans de sales draps va bien sûr interrompre de la plus brutale des façons.

Au début de la nouvelle, le Commissaire pensait pourtant avoir finement joué en trouvant un prétexte en plasbéton de décliner l’invitation du Colonel Mostrue de participer à un briefing de haut niveau, honneur lui ayant certainement valu de finir en première ligne sur une quelconque offensive décisive. Très peu pour Cain, qui a donc fait remarquer à l’officier qu’il était de son devoir d’aller superviser le rapatriement d’une poignée de Gardes des Glaces mis au trou par l’Arbites local, à la suite de troubles du voisinage dans la ville de Pagus Parva. Une tâche ingrate, mais qu’il faut bien faire, surtout quand cela permet de passer du temps avec la plastique Sergent Wynetha Phu. L’Empereur le veut, toussa toussa.

Rendu sur place avec son fidèle Jurgen, Cain badine un peu avec l’accorte Arbites, tout en sortant son numéro de Commissaire c’est juste mais vert (et inversement) aux cinq pochtrons bagarreurs qui ont causé du grabuge la nuit dernière. Bien que peu intéressé par les accusations de ses charges envers les locaux, qui auraient mis des roofies dans leurs verres pour leur faire les poches en douce, Cain accepte d’aller faire une enquête de voisinage (avec Wynetha bien sûr) pour tirer les choses au clair. Ses pas le conduisent alors jusqu’au bar du Crescent Moon, où travaille la sculpturale Kamella, escort girl rurale et ultime souvenir que gardent les Gardes de leur dernière soirée. Confrontés à la méfiance du propriétaire, qui ne consent à ouvrir la porte que devant le risque élevé de se la faire enfoncer par les enforcers – un comble –, Cain, Wynetha et le planton qu’elle a amené avec elle pour faire le nombre et grimper le bodycount à peu de frais1 sont forcés de prendre leur grosse voix impériale pour convaincre l’habitant de les laisser accéder à la chambre de Kamella. Et c’est là que les choses se corsent pour nos héros, car les paumes de Cain se mettent à le chatouiller, super pouvoir indiquant de façon indubitable que quelque diablerie est à l’œuvre…

Début spoiler…Et en effet, Kamella se trahit en demandant au Commissaire s’il aime ce qu’il voit (elle était nue sous ses vêtements à ce moment là) en utilisant son patronyme, qu’elle n’avait aucun moyen de connaître. La seule explication logique (mises à part celles basées sur la relative célébrité de Cain ou une ouïe un peu plus fine que la moyenne) est que la donzelle est capable de communiquer par télépathie avec le barman, comme deux hybrides Genestealers peuvent le faire. C’est le début des ennuis pour nos héros, qui se retrouvent vite assaillis par un essaim entier de cultistes plus ou moins présentables. Laissant l’Arbites inconnu mourir au champ d’horreur, comme convenu, Cain et Wynetha parviennent à s’échapper de ce guêpier et à rejoindre le commissariat (pas le sien, le nôtre, enfin je me comprends), où les attendent Jurgen et les cinq Gardes biturés. Bien que la bâtisse soit solidement construite et capable de soutenir un siège, la situation des impériaux ne va pas en s’améliorant car il s’avère bientôt que deux des bidasses ont chopés une MST tyrannique à trop fricoter avec l’habitant.e, et sont tombés sous la coupe de l’essaim. Contraints de se replier sur le toit du bâtiment après que leurs collègues aient fait défection et ouverts la porte aux hordes baveuses et chitineuses de Pagus Parva, Cain et Cie ne doivent leur salut qu’à l’arrivée propice et totalement inespérée d’un régiment de Cadiens, qui venait sans doute prendre un peu de bon temps après une campagne éprouvante sur le front, le vrai, le dur, le velu. Pas de chance pour les troupes de choc, il faudra passer sur le corps des filles de joie locales avant de leur passer… C’est peu conseillé de toute façon.

L’histoire se termine triplement bien pour Cain, qui écope d’une médaille, d’une réputation héroïque encore grandie (alors qu’il a simplement et bêtement pété les plombs en plein combat), et d’un regard lascif de Wynetha lors de la soirée de remise des honneurs. Vu comme ça, on aurait presque envie de s’engager.Fin spoiler

1 : Mitchell ne se donne même pas la peine de le baptiser, c’est dire s’il était mal barré le garçon.

AVIS:

Comme l’illustration d’époque qui accompagne cette chronique le fait subtilement remarquer, ‘Sector 13’ (le nom de la zone autour de Pagus Parva) est une nouvelle collector, remontant aux tout premiers chapitres de la longue, troublée et caustique histoire de Ciaphas Cain. 2003, pour être précis. La recette est la même que pour toutes les autres soumissions de Sandy Mitchell pour cette série : une approche décomplexée (les Anglais ont la jolie formule de tongue-in-cheek) du background de Warhammer 40.000 avec un gros B, permettant au personnage de sitcom qu’est Cain de vivre des aventures palpitantes à son corps défendant. Après avoir enquillé de nombreuses itérations de cette formule consacrée, qui a offert une carrière respectable à Mitchell au sein de la Black Library, je dois reconnaître que certains épisodes sont plus réussis que d’autres, et ‘Sector 13’ fait partie du haut du panier. Il m’est difficile de quantifier précisément ce qui fait de cette nouvelle un succès, mais il me semble que le rythme est plus enjoué, et les blagues plus efficaces que pour d’autres courts formats de Sandy Mitchell. Bref, c’est une des (més)aventures les plus satisfaisantes de l’incorrigible et incorrigé Ciaphas Cain que nous tenons là, et un point d’entrée idéal pour tout novice cherchant à se frotter à cette légende de la Black Library.

ET POUR LES NOUVEAUX?

Comme Gotrek, Ciaphas Cain est un incontournable de la Black Library. Mon jugement sur l’intégration de ‘Secteur 13‘ dans cette anthologie introductive sera donc aligné sur celui donné plus haut: c’est un grand oui. Le fait que nous bénéficions ici d’une « bonne » nouvelle du Commissaire le plus cool du 41ème millénaire ne gâche évidemment rien.

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Les Réprouvés (Nightbleed) – P. Fehervari [40K] :

INTRIGUE:

Les journées de Chel Jarrow, medicae disgraciée et névrosée de Sarastus, sont hantées par un cauchemar récurrent dans lequel elle se revoit faire l’erreur qui lui a coûté sa carrière, ainsi que la vie d’une de ses patientes. Epuisée par un enchaînement de gardes, elle a en effet confondu un Death Guard « XIV » avec un Son of Horus « XVI » et injecté de l’eau de javel à une malade du COVID-19K, ou une joyeuseté de cet ordre, ce qui ne pouvait pas bien se terminer. Renvoyée par son employeur, elle enchaîne depuis les petits boulots minables, le dernier en date consistant à servir de technicienne de laboratoire dans une usine agroalimentaire. Affectée à des cycles nocturnes pour ne pas entraver la production, Chel passe ses journées à dormir et ses soirées à éviter son mari Lyle, dont elle ne supporte plus la petitesse et la servilité1. Une bonne crise de la quarantaine comme on les aime, en somme.

Alors qu’elle prend le chemin du turbin, elle remarque en attendant que l’ascenseur monte (131ème étage, tout de même) que de nouveaux tags ont fait leur apparition sur les murs de son couloir. L’un d’eux représente l’homme aiguille (Needleman), une sorte de croquemitaine local vivant dans les ténèbres et cherchant sans relâche à saboter les dômes abritant les cités ruches de Sarastus pour permettre à la Nuit Véritable de régner sans partage sur la planète. Le trouillomètre commence à s’affoler lorsque Chel entend des bruits suspects dans l’obscurité du couloir, hors de portée de sa fidèle lampe torche. Ou plutôt, aurait dû s’affoler car notre héroïne n’éprouve pas le moindre émoi à la pensée qu’un prédateur la guette peut-être depuis les ténèbres. C’est l’avantage d’avoir une vie vraiment pourrie : on voit toujours le bon côté des choses. Ceci dit, il ne se passera rien de bien méchant avant que l’ascenseur ne finisse enfin par arriver, et emmène Chel jusqu’au rez de chaussée de la tour Barka.

Il est temps pour nous de faire la connaissance de notre second personnage principal, un jeune à problème s’étant rebaptisé Screech (cri perçant en français) après avoir entendu sa mère pousser un hurlement inhumain lorsqu’il lui a crevé les yeux à l’aide d’une fourchette. Il venait de tuer son père de la même façon, et avait 14 ans à l’époque des faits. Voilà voilà. Obsédé par le mythe de l’homme aiguille, qui l’a fait basculer dans la folie homicidaire, Screech est devenu un grapheur marginal, laissant des messages aussi inquiétants que mal orthographiés2 sur les murs de la cité. En plus de cela, il lui arrive d’enfiler son cosplay de Needleman pour aller trucider du prolo au gré de ses envies. Cette nuit lui semble d’ailleurs propice à un nouveau crime, et alors qu’il erre dans la cité à la recherche de la bonne cible, son chemin finit par croiser celui de Chel, qui a pris place dans son TER habituel pour aller bosser. Pas de doute possible pour Screech, c’est elle que le destin a choisi pour rapprocher Sarastus de la Nuit Véritable, un meurtre sanguinaire à la fois.

De son côté, Chel, qui en a vu d’autres et se balade avec un taser dans la poche, sent bien que l’ado tatoué et crasseux qui s’est assis par terre en tête de wagon et l’épie sans en avoir l’air n’est pas animé d’intentions charitables envers sa personne. Une poussée de mauvaise humeur manque de la faire aller au clash contre son stalker (pas vraiment discret) à la sortie du train, mais ce dernier est trop perdu dans ses pensées (il a dû sniffer le reste de sa bombe de rose pour passer le temps) pour prendre la mouche. Laissant à sa victime un peu d’avance, il finit par la suivre jusqu’à l’usine où elle travaille, après avoir enfilé son habit de non-lumière : un masque de métal et les griffes de Freddie. Ainsi paré, il se sent possédé par l’esprit de Noël du Needleman, que l’on devine être un peu plus qu’un simple fantasme d’achluophobe. Et en effet, lorsque Screech se retrouve attaqué par un cyber molosse après être entré par effraction dans le périmètre de l’usine de Potton Vitapax, il ne doit son salut qu’à sa possession temporaire par son esprit totem, dont l’un des pouvoirs consiste à pouvoir tordre ses bras dans tous les sens, ce qui est pratique pour venir à bout d’un mastiff énergétique qui vous cloué au sol après vous avoir déchiqueté la cuisse. Mal en point mais toujours opérationnel, notre héraut reprend sa traque en traînant la jambe.

Pendant ce temps, Chel s’est remise à travailler sur le dernier échantillon qui lui a été remis, et dont elle suspecte la nature maléfique, ou en tout cas néfaste, sans pouvoir le prouver. Les tests du VLG-01 n’ont en effet rien détecté de suspect, mais la consistance de goudron pervers de la substance rend son utilisation dans des produits cuisinés, même pour des travailleurs de la caste Delta, impensable. En désespoir de cause, et prise d’une inspiration subite, Chel a résolu la veille d’ingérer un peu de cette mixture, ce qui a semble-t-il renforcé ses cauchemars. N’y tenant plus, et sans doute en manque, la technicienne décide d’aller visiter le lieu de stockage du VLG-01, convainquant pour ce faire un des gardes de nuit de la conduire jusqu’à l’entrepôt (forcément abandonné jusqu’il y a peu car il avait mauvaise réputation). Là, deux choses horribles se produisent coup sur coup. Premièrement, Chel sombre dans la folie et se sert une grande rasade d’élixir de noirceur à même la cuve (pochtronne !), ce qui ne lui fait pas du bien comme on peut s’en douter. Deuxièmement, Screech finit par la rattraper, après avoir égorgé le garde au passage, et s’apprête à lui jouer son grand classique : le concerto d’Edouard aux Mains d’Argent en Scie Mineure…

Début spoiler…Seulement voilà, le Needleman s’est trouvé un avatar plus méritant que ce petit péteux de taggeur, et Chel se fait un plaisir de corriger son agresseur d’un grand coup de taser dans la glotte, ce qui lui fait fondre la mâchoire et couler les yeux sur les joues, entre autres effets secondaires sympathiques. Ayant récupéré le masque de fonction de Screech sur son presque cadavre, Chel retourne à son laboratoire pour valider définitivement l’échantillon de VLG-01, qui pourra donc être distribué largement à la populace de Sarastus, avant d’embrasser définitivement son nouveau statut de femme de l’ombre. Première étape : son appartement de la tour Barka, où elle aura une petite discussion avec ce butor de Lyle à propos des radiateurs…Fin spoiler

1 : Et également sa froideur coupable, car monsieur refuse obstinément de monter le chauffage, quand bien même la température de leur HLM se rapproche sensiblement de zéro.
2 : Dernier chef d’œuvre en date de notre Banksy sociopathe « C 1 MENSSONJE » au Hello Kitty Pink. Sans point d’exclamation à la fin, car ce n’était pas nécessaire.

AVIS:

Comme on pouvait s’en doute, Peter Fehervari réussit sans problème son entrée dans la gamme Warhammer Horror avec ‘Nightbleed’, un petit concentré de noirceur (haha) à la sauce Dark Coil. Notons à ce propos que les références aux autres textes et arcs narratifs du Fehervariverse ne sont pas légions dans cette nouvelle (à moins qu’elles soient trop subtiles pour votre serviteur, ce qui est tout à fait possible), ce qui facilite sa compréhension pour le lecteur non familier de l’approche de l’auteur. Ceci dit, il n’est guère besoin de pousser loin l’analyse pour comprendre que ‘Nightbleed’ n’est pas un stand-alone, mais contient des éléments qui s(er)ont explicités ailleurs, à commencer par le sens des lettres « VLG », sur lequel Fehervari fait plancher son lecteur de façon très explicite1. Parmi les autres réussites indéniables de cette soumission, on peut citer la facilité déconcertante avec laquelle l’auteur arrive à « planter » son décor en quelques phrases, et à faire de Sarastus un monde impérial plus tangible et réel que bien des planètes auxquelles GW et la BL ont consacré des dizaines de pages (Necromunda ? Armaggedon ? Cadia ?), ce qui est la marque des vrais conteurs. De la même manière, Fehervari instille à son récit un véritable malaise (angoisse serait un peu fort), amplifié par les bribes de comptines qu’il met dans la bouche et dans l’esprit de Screech. Will you won’t you meet the Needleman ?

1 : À titre personnel, je penche pour un acronyme en haut gothique (latin donc) glorifiant les ténèbres/le Chaos, mais cela peut être chose. Je suis simplement à peu près sûr qu’il est possible pour un lecteur attentif de percer ce mystère à jour avec les indices que Fehervari a laissé ici et là…

ET POUR LES NOUVEAUX?

Si vous êtes familiers de mes retours, vous savez que je porte à la prose de Peter Fehervari une affection toute particulière parmi les contributeurs de la Black Library. Aussi, permettre aux lecteurs francophones de s’initier aux joies glauques de Warhammer Horror à travers une (bonne, évidemment) histoire écrite par mon chouchou est évidemment un choix que je valide, et plutôt 41.000 fois qu’une. Le seul risque pour les nouveaux venus serait de considérer que toute la gamme est au niveau de ce ‘Les Réprouvés‘, ce qui n’est malheureusement pas le cas. Too much of a good thing…

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Aberrations (Aberrant) – C. Wraigth [40K] :

INTRIGUE:

Agusto Zidarov, Probator gras du bide, marié, un enfant, est mis sur un sale coup par un prêtre aussi influent qu’extrémiste, Yvgen Asparev. L’Ecclésiaste a en effet eut vent par son réseau de fidèles de la présence d’individus peu amènes, et probablement un peu mutés sur les bords, dans une zone industrielle d’Urgeyena. Bien que moins chaud que son indic’, qui lui brûle littéralement d’impatience, d’aller à la chasse aux mutants dans les bas-fonds de Varangantua, Zidarov se rend sur place pour faire sa contre-enquête, obtenant la confirmation de la part des témoins identifiés par Asparev que quelque chose de pas très impérial se trame dans l’entrepôt proche de la gare locale. À la nuit tombée, notre héros se glisse discrètement à l’intérieur du bâtiment en question, et ne met pas longtemps à tomber sur le « dortoir » de travailleurs détachés d’un genre un peu particulier. Très grands, très costauds, avec une peau diaphane, des yeux noirs et trois slips à se partager pour deux cents individus, les humanoïdes enchaînés dans le sous sol du site industriel répondent parfaitement au cahier des charges de l’abhumain de contrebande, venant voler les emplois et le slab des honnêtes Alectiens.

Cette découverte ethnologique majeure ne peut toutefois être reportée aux autorités compétentes et/ou incandescentes, car Zidarov se fait surprendre par une bande de gorilles bourrés de stimms, qui se montrent assez peu impressionnés par son badge d’office. Il faut l’intervention salvatrice de la directrice de l’usine, Alissya Gordova, pour empêcher que le Probator n’aille rejoindre le panier à salade de l’Empereur. Cette dernière explique posément à son « invité » que les opérations du site sont placées sous la protection et la direction du vladar Aista Fyodor Meleta, qui, en sa qualité de sous-gouverneur planétaire, se contrefiche royalement de l’avis et des principes d’un flicaillon comme Zidarov. Reconduit sans ménagement à l’entrée, avec ordre de ne pas revenir de sitôt, notre héros s’exécute de bonne grâce, et parvient à poser un mouchard sur un véhicule de transport qu’il devine justement servir à l’acheminement de la main d’œuvre spécialisée qui trime dans les profondeurs.

Cette intuition le mène jusque dans la juridiction voisine de Korsk, sur les traces du semi-remorque en question, qui se gare au milieu de la pampa pour réceptionner une cargaison livrée par une navette spatiale banalisée. Le doute n’est à ce stade plus permis, mais Zidarov fait du zèle en rendant une visite de courtoisie au gros lard ayant supervisé l’opération dans la cabane minable qu’il occupe à proximité du site d’atterrissage clandestin, une fois le convoi reparti. Ayant menotté et bâillonné son hôte pour pouvoir explorer sa piaule en paix, Zidarov a la surprise et l’horreur de découvrir une femelle de la race des abhumains entraperçus dans l’usine d’Urgeyena attachée sur un lit. Gras double est en effet un petit pervers, qui aime jouer du fouet pour se sentir puissant (ce qui est somme toute moins dégoûtant que d’autres explications à cette situation particulière). Dilemme profond pour notre héros, qui ne sait pas trop s’il doit tuer la mutante de sang-froid, ou la libérer de son tortionnaire. Pris de doute, il commence à dialoguer avec la grande godiche, et se rend vite compte qu’elle est plutôt à plaindre qu’à exterminer. En définitive, il décide de la remettre en liberté, scellant du même coup le sort de l’Indiana Jones en surpoids qui se dandine sur la moquette de la pièce d’à côté, et donnant à la rescapée les informations nécessaires pour qu’elle puisse tenter d’aller libérer ses congénères de leur camp de travail.

La nouvelle se termine par la confrontation entre Zidarov et Asparev, durant laquelle on apprend qu’un regrettable accident s’est déclaré récemment dans l’usine du vladar, la réduisant en cendres et provoquant la mort d’une bonne partie de ses ouvriers. On n’a par contre pas trouvé trace du moindre mutant sur les lieux du drame, et d’ailleurs les Probators n’ont même pas été mandatés pour enquêter sur l’origine du sinistre, ce qui est assez bizarre quand on y réfléchit… Voire même aberrant.

AVIS:

Chris Wraight nous sert une nouvelle bien pensée (et mettant en scène son héros de Warhammer Crime, Agusto Zidarov, également au sommaire de ‘Bloodlines’), explorant le thème du rapport à la mutation – et donc à la différence – d’un Imperium dont la diversité intrinsèque devrait pousser à la tolérance sur le sujet, mais qui se complaît au contraire dans son obscurantisme. Dans les ténèbres d’un lointain futur, on n’est pas à un paradoxe près. S’il n’a pas été le premier à exploiter cette ficelle (je pense en particulier à Barrington J. Bayley et à son ‘Children of the Emperor’ et à Gav Thorpe avec ‘Suffer Not the Unclean to Live’), Wraight est un des rares auteurs contemporains de la BL à remettre l’idée au goût du jour, y ajoutant de façon (à mon avis) délibérée et pertinente des similitudes avec la situation des migrants fuyant la misère et la guerre de leurs pays pour finir exploités en Europe ou aux Etats-Unis. La réalisation de Zidarov que les êtres qu’il considère comme des animaux sont en fait des humains, au même titre, voire davantage, que lui et ses concitoyens de Varangantua, pourrait amener le lecteur à réfléchir à son tour sur la gestion actuelle de la crise migratoire, si le cœur lui en dit. C’est en tout cas l’un des textes les plus actuels et « réalistes » publiés par la Black Library depuis un bout de temps, et il mérite à ce titre largement la lecture.

Autre point fort de cet ‘Aberrant’, la réussite de Wraight au moment de dépeindre son héros comme un individu moralement ambigu, et loin d’être exemplaire. Les protagonistes de l’anthologie ‘No Good Men’ ont en effet tendance à avoir plutôt un bon fond, malgré leurs tendances auto-destructrices/associales, alors que Zidarov est, lui, objectivement compromis. La difficile décision qu’il prend de libérer celle qui est, selon toute évidence, une victime d’une exploitation sans vergogne de la part de Varangantua au sens strict, et de l’Imperium au sens large, fait de ce personnage une véritable incarnation des « types pas bien » que nous promet le titre du recueil. À côté de cela, le fait que Zidarov ne soit pas le flic/détective privé solitaire et alcoolique qui revient avec d’infimes variantes dans les autres nouvelles de l’ouvrage, mais un citoyen assez normal, intégré, rationnel et avec une famille, renforce encore la ligne de faille entre ce qu’il apparaît être et ce qu’il faillit devenir. Bref, si le suspens n’est ici pas au rendez-vous, cette nouvelle a bien d’autres qualités à mettre en avant, et est sans doute l’un des premiers classiques de Warhammer Crime.

ET POUR LES NOUVEAUX?

Une très bonne introduction à Warhammer Crime et à la réjouissante et complexe noirceur de la société civile impériale, ‘Aberrations‘ remplit sa mission didactique aussi proprement que Zidarov son enquête. Un choix tout à fait approprié de la part de la Black Library donc, qui aura réussi à très bien mettre en valeur ses nouvelles franchises dans cette anthologie francophone 2022, si vous voulez mon avis.

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***

Au final, et c’est assez rare pour le souligner, je peux affirmer sans détour que le recueil français du Black Library Celebration 2022 est supérieur à celui proposé en version originale, et ce malgré l’absence totale d’inédites dans le premier (par rapport au second). Si cela est dû en grande partie aux choix hasardeux de la BL en matière de sélection des nouvelles figurant au sommaire de ces ouvrages, je me permets de souligner en outre que la cuvée francophone de cette année est très solide ceteris paribus, et devrait à mon sens être privilégiée par les lecteurs débutants par rapport aux autres anthologies du même tonneau (comme elles sont toutes proposées en vrac en bas de la page My Download du site de la Black Library, cela vaut peut-être la peine de le préciser ici). Le mot de la fin consistera tout de même et avant tout à remercier Nottingham pour avoir reconduit une fois encore cette louable initiative, afin de permettre au tout venant de s’initier aux plaisirs (plus ou moins coupables) de la GW-Fiction à vil prix. Pourvu que ça dure!

À propos de Schattra

Égoïstement optimiste, çapourraitêtrebienpirologiste assumé. Selfishly optimistic, proud itcouldbemuchworsologist

Publié le septembre 4, 2022, dans Chronique, et tagué , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , . Bookmarquez ce permalien. Poster un commentaire.

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