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HAMMER AND BOLTER [N°13]

Bonjour à tous et bienvenue dans un nouvel épisode consacré au passage en revue de Hammer & Bolter, année 2 ! Qui dit nouvelle année dit nouveaux auteurs, nouveaux personnages, nouveaux extraits exclusifs (bon, ça en était à l’époque) et nouveau roman-feuilleton. Nous voilà donc partis pour un nouveau cycle de commentaires composés vindicatifs et sans concessions : attachez vos ceintures, ça va méchamment chroniquer.

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Gilead’s Curse – ch. 1 – D. Abnett & N. Vincent [WFB] :

Gilead's CurseAvant d’entrer dans le vif du sujet, je pense qu’il serait utile de toucher deux mots du contexte du nouveau fil rouge de H&B, dont l’écriture a été confiée à une paire bien connue des fidèles de la Black Library : Dan Abnett et Nik Vincent. Commençons par préciser que nos deux co-auteurs sont en couple (et pour ceux qui se posent la question, Nik est un prénom à la fois masculin – exemple: Nik Kershaw* – et féminin dans la langue anglaise : c’est un peu l’équivalent du Claude ou du Camille français), et que, dans leur jeune temps, ils ont déjà écrit plusieurs romans à quatre mains (voire 6, comme l’incunable Hammers Of Ulric, auquel a aussi collaboré James Walllis, l’auteur de la série Marks of Chaos) pour le compte de la BL.

L’un de ces travaux de jeunesse fut justement consacré au personnage de Gilead, haut elfe vadrouilleur et plus ou moins maudit, traînant sa carcasse longiligne, sa bad ass attitude et son side kick décrépit (Fithvael de son prénom) aux quatre coins du Vieux Monde à la recherche de son espèce en déclin. Tout cela respirait donc la joie de vivre et l’optimisme (même la figurine Forge World du personnage semble être sous Valium, c’est dire), et a connu un petit succès à la fin des années 90, mais n’a pas fait le poids face au succès du Commissaire Gaunt auprès des lecteurs (comprendre que le personnage n’a eu le droit qu’à un livre, Gilead’s Blood, avant de passer à la trappe). Cela faisait donc un petit paquet d’années que l’on n’avait plus reçu de nouvelles de la part de Gilead lorsque H&B a décidé de remettre le Buster Keaton de Tor Anrok sur le devant de la scène. Bewarrrrrre, bewarrrrrrrre.

N’ayant pas lu le premier ouvrage consacré à notre fringant héros, j’ai abordé cette séquelle avec un respect et un enthousiasme non dissimulés, certain que le résultat serait certainement supérieur à l’honnête mais pas transcendant Phalanx de l’année 1 de H&B. On parle de Mr Dan Abnett tout de même, les enfants. Quant à sa dulcinée, je partais du principe qu’elle s’alignerait sur le style de son compagnon, et que ce dernier s’arrangerait dans le pire des cas pour que le résultat soit d’un niveau convenable : après tout, Hammers Of Ulric était plutôt sympathique, malgré son intrigue un brin foutraque. Après avoir terminé ce premier chapitre, je ne pus que reconnaître que mes attentes devaient sans doute être revues à la baisse, et que ce nouveau roman feuilleton risquait fort de se retrouver cloué au pilori avec la même fréquence que son prédécesseur. Feth alors.

Pourquoi ce constat amer ? Eh bien, pour commencer, parce que (pour ce premier chapitre au moins), il y a manifestement tromperie sur le produit. Quand on m’annonce un roman co-écrit par Dan Abnett, je m’attends en effet à ce que Dan Abnett participe effectivement à l’écriture dudit roman. Ce qui n’a pas été le cas ici, ou alors de façon tellement marginale qu’elle est virtuellement indétectable. Pour avoir lu à date une quinzaine des bouquins d’Abnett, la majorité d’entre eux en anglais, je pense en toute bonne foi être capable de reconnaître son style d’écriture, et peux donc avancer sans grande crainte de me tromper que sa participation à ce premier chapitre a du se borner à relire (en diagonale) le manuscrit de Nik Vincent, à lui taper dans le dos en lui disant que c’était très bien et qu’il n’aurait pas fait mieux (menteur, menteur, MENTEUR !!!!) et à partager le chèque de la BL.

Si je suis tellement déçu par le manque d’implication d’Abnett sur ce premier chapitre, c’est parce que je n’ai absolument pas été convaincu par le travail de sa chère et tendre. Qu’on me qualifie de FBDM de base, mais je ne suis pas convaincu que la Black Library soit la maison d’édition rêvée pour l’auteur cherchant à utiliser tous les mots savants de son vocabulaire, comme je ne suis pas convaincu que le l’amateur moyen de la Black Library soit particulièrement sensible à ce effort d’érudition. En ma qualité de lecteur non-anglophone de naissance, j’ai pu cependant enrichir mon champ lexical d’une tripotée de nouveaux mots (poultice, tremulous, palfrey, strata, bleat, wobble, corm, culvert…), ce qui est toujours bon à prendre mais n’est pas vraiment ce que j’attends de ce genre de littérature (il y a Lovecraft –entre autres – pour ça).

Le rythme de narration m’a également semblé détonner très fortement du canon de la BL, s’attardant sur la description d’actions mineures et de détails marginaux avec un souci quasi scientifique. Pour donner un exemple, au début du chapitre, Gilead arrive à un carrefour et manque de se faire voir par un couple de paysans impériaux (Gilead est un sociopathe qui n’aime pas les gens et fuit donc la compagnie, à plus forte raison celle des humains). La femme, Brigida de son petit nom, voit cependant l’ombre de l’elfe se projeter sur la route et prend peur parce que, je cite, « l’ombre est trop longue, c’est un mauvais présage** ». Les péquenots finissent cependant par reprendre leur chemin (de toute façon, on voit mal ce qu’ils auraient pu faire d’autre).

Les pages suivantes sont consacrées aux ruminations de Gilead, qui était pourtant certain d’avoir fait bien attention, et finit par déduire que ce n’est pas son ombre que Brigida a vu (puisqu’en vertu de la position du soleil au moment de la rencontre, son ombre donnait dans la forêt et pas sur la route – ne rigolez pas, Vincent l’écrit noir sur blanc -), et décide en conséquence qu’il doit enquêter sur cette sinistre histoire. Ok les gars, on arrête tout, je pense que j’ai compris pourquoi Gilead tire en permanence une tronche de six pieds de long : sa malédiction le force à vérifier toutes les rumeurs répandues par les gens qu’il croise, même (surtout) si elles sont complètement dénués de fondement et d’un ridicule patenté***. Pour le coup, il se trouve que les craintes de Brigida avaient quelques fondements, Gilead finissant le chapitre à maraver la goule d’un (probable) Dragon de Sang. N’empêche que tout ça est bien laborieux ma petite Nik.

Enfin, et même si Nik Vincent a écrit plusieurs romans de genre, la plupart pour la BL, elle ne m’a pas semblé maîtriser à fond son sujet, tant sur le plan des connaissances de l’univers de Warhammer (pourquoi un vampire ferait-il du feu pour se réchauffer ou dormirait-il sous des couvertures ? un vampire peut-il avoir le souffle coupé ?) que sur celui de la cohérence générale de ses écrits. Gilead est ainsi décrit comme étant capable de se soustraire aux regards des curieux sans même avoir besoin de se cacher, ce qui est admirable et assez logique avec la race et le background du personnage. Par contre, Vincent n’explique pas comment Gilead peut maintenir ce subterfuge en voyageant à cheval : à moins que sa monture jouisse du même niveau de discrétion que son propriétaire, il est fort probable qu’une jument sellée et bridée attire l’attention des badauds, surtout si son cavalier est invisible.

Un autre exemple : Gilead se rend dans un village humain pour commencer son enquête, et se fait donc gauler par la populace en furie en raison du point exposé ci-dessus. Une bagarre éclate (qui dure plusieurs minutes, tout comme le duel de la fin du chapitre dure plus d’une heure : on est loin du fight time théorisé par Viktor Hark – et donc par Dan Abnett – ), et après avoir fait tourner en bourrique tous les péons qui voulaient lui bourrer le mou en évitant gracieusement leurs horions maladroits, Gilead décide que ça suffit et s’en va. Comme ça. Tranquillement. Explication sous-entendue par Vincent : la bagarre est devenue tellement générale (une battle royal comme dans les albums d’Astérix en quelque sorte) que plus personne ne fait attention à l’elfe, qui peut donc partir sans se faire remarquer (avec son cheval, évidemment). C’est vrai que ça passe tellement inaperçu, un elfe à cheval dans un village humain.

Bref, ce premier chapitre fut une franche déception pour moi. J’espère vivement que Dan y mettra un peu plus du sien par la suite, le reste de l’année risquant d’être bien long dans le cas contraire.

*: Si tu as eu besoin de te reporter à cet astérisque, ami lecteur, j’espère que c’est parce que tu raffoles des commentaires drolatiques qui sont souvent leur raison d’être (auquel cas je te remercie), et non pas parce que, trop jeune pour savoir qui est Nik Kershaw, tu t’es dit que tu trouverais la réponse ici (auquel cas je te félicite pour ton esprit logique – la réponse ici – et je ne te remercie pas car tu me fais soudainement sentir très vieux).
** : La réaction du mari.
*** : Ce qui explique pourquoi il préfère rester tout seul (et pourquoi il ne retournera plus jamais à Orléans).
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Reparation – A. Smillie [40K] :

ReparationAprès avoir tâté de l’Ogre dans sa première nouvelle publiée par H&B, Andy Smillie nous revient avec une histoire se déroulant dans un futur aussi lointain que violent. La science-fiction gothique siérait-elle mieux à cet auteur que l’heroic-fantasy musclée ? À peine, et c’est malheureux.

La première critique que j’adresserai à cette deuxième publication est qu’elle se situe dans la droite ligne de Mountain Eater sur le plan des transitions narratives brutales, ce qui est toujours aussi désagréable pour le lecteur, en ce que ça l’oblige à revenir fréquemment sur ses pas pour identifier formellement les changements de scènes. Plusieurs fois au cours du récit, on a ainsi l’impression qu’un personnage se matérialise soudainement aux côtés du narrateur, avant de réaliser que cette apparition impromptue s’explique par l’absence de connecteurs logiques entre une scène A (un seul personnage) et une scène B (deux personnages). Résultat : une lecture hachée et pénible, qui ne donne pas vraiment envie de passer l’éponge sur les autres défauts d’écriture de Mr Smillie*.

Le deuxième défaut de Reparation est inhérent à l’intrigue développée par Andy Smillie. Le personnage principal de la nouvelle est un certain Thorolf, Space Wolf fait prisonnier par les Eldars Noirs et contraint de se battre dans les arènes de Damorragh contre ses petits camarades de cellule (toute ressemblance avec Hammer Of Demons, le troisième opus de la série Grey Knights de Ben Counter, est évidemment fortuite). Thorolf fait la connaissance d’Ecanus, un Dark Angel ayant lui aussi oublié de croquer sa capsule de cyanure au moment opportun, et notre paire de surhommes va évidemment faire fi de la défiance millénaire entre lions et loups pour poutrer du mutant, du xenos et de l’hérétique dans la joie et la bonne humeur.

Arrivé au dernier quart de la nouvelle, coup de théâtre : Thorolf se révèle être Ramiel, Chapelain-Investigateur Dark Angel de son état ; et fait la peau à Ecanus, qui n’était lui qu’un sale Déchu perfide. Ce twist final, tout à fait acceptable en soi, est cependant si mal préparé par Smillie que, loin de sauver les meubles, il contribue au contraire à décrédibiliser davantage la nouvelle, qui se termine, comme la majorité de son casting, en eau de boudin.

Cette conclusion laisse en effet trop de questions sans réponses pour satisfaire le lecteur. On ne comprend ainsi pas pourquoi Ramiel choisit de se faire passer pour un Space Wolf auprès d’Ecanus, mensonge qui ne lui rapporte absolument rien (surtout compte tenu de la rivalité entre les fils de Russ et ceux d’El’jonson) et qu’il a toutes les peines du monde à faire avaler à son comparse**. Un millier de chapitres Space Marines, et il choisit le moins adapté à son dessein (enfin, presque : il aurait aussi pu dire qu’il faisait partie des Iron Hands et raconter qu’il s’était fait greffer une main organique à l’insu de son plein gré par un apprenti Tortionnaire qui voulait réviser avant les partiels) ! Mais après tout, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

On ne sait pas non plus comment Thorolf/Ramiel réussit à percer à jour Ecanus, ni pourquoi il choisit de se retourner contre un allié aussi balaise de manière « gratuite » (comprendre qu’il bute Ecanus à la fin du tournoi, alors que les deux auraient pu coopérer pour monter une évasion, et Ramiel attendre d’être tiré d’affaire pour régler ses comptes avec le renégat). Pour la beauté du geste dirons-nous.

Enfin, Reparation est desservi par l’utilisation peu finaude que fait Smillie du fluff de 40K, recraché de manière scolaire et bancale plutôt qu’incorporé de manière fluide au récit. L’auteur a potassé ses fiches d’organes SM, et il tient à nous le faire savoir ! Du cœur auxiliaire à l’hématopigment, de l’oreille de Lyman à la membrane cataleptique, sans oublier bien sûr les incontournables glandes de Betcher (qui seront mises à profit pour un special move ostensiblement piqué à Aaron Dembski-Bowden), Smillie met à profit ses connaissances en matière de physiologie marsouine sans saveur ni génie. Ajoutez à cela quelques faux raccords (qui apparaissent comme mineurs en comparaison des enchaînements sauvages et autres liaisons tronçonnées soulignées plus haut), comme la succube qui prend des douches de sang sans en recevoir une goutte, et vous obtiendrez une bien piètre nouvelle, et un début de réputation à la Sarah Cawkwell pour Andy Smillie. Aïe.

* : On dirait que Smillie a essayé de découper son histoire comme un monteur de cinéma, en se concentrant sur les passages les plus importants de l’intrigue et en évacuant toutes les scènes de transition n’apportant rien à cette dernière. Si cette technique est viable pour un film (car le spectateur reçoit suffisamment d’informations pour pouvoir immédiatement comprendre de quoi il en retourne), elle est en revanche très difficile à transposer pour une production écrite, où le lecteur a besoin d’être guidé en permanence.
** : « Eh dis-donc, ils ne sont pas censés avoir des canines surdimensionnées les loulous ? »
« Euh si, mais les Eldars Noirs me les ont limées pour me faire chier. »
« Ah. »
Ou encore
« Tu ne te bats pas du tout comme un Space Wolf en fait. »
« Haha, oui en fait c’est pour surprendre les Eldars Noirs. Ils s’attendent à ce que je sois féroce et impulsif, alors je préfère être calme et posé. »
« Seems legit. »

Deliverance Lost – G. Thorpe [HH] :

Deliverance LostQuel meilleur moyen de donner envie aux lecteurs de H&B de claquer 15 euros dans un bouquin que de leur donner en pâture un chapitre exclusif anti-climatique au possible ? Il y a du génie chez les commerciaux de la BL, tout de même.

L’extrait de Deliverance Lost proposé dans ce numéro n’a en effet rien du page-turner abnett-ien (Prospero Burns, Salvation’s Reach) ou dembski-bowden-esque (Aurelian). Il réussit même « l’exploit » de faire moins bien que les offrandes de Kyme (The Fall of Damnos) et de Cawkwell (The Gildar Rift), ne provoquant chez le lecteur qu’un ennui et une frustration croissants au fur et à mesure que les non-évènements s’enchaînent. Le Corax dépeint par Thorpe tient en effet plus de Rain Man (il guide son vaisseau furtif en calculant de tête les solutions de tir de l’armada hérétique) que de Superman, et apparaît davantage comme un rôdeur masochiste (« je vais empêcher mon corps de guérir de ses blessures pour bien montrer que j’ai la haine, tiens ») et associal (« je vous laisse vous démerder les ptits gars, j’ai besoin de passer les 10 prochaines heures tout seul dans le noir ») que comme un sur-surhomme charismatique et omnipotent.

Certes, le contexte est difficile pour le roi corbeau, dont la légion s’est faite sévèrement plumer par ses sœurs renégates sur Istvaan, forçant la poignée de survivants du massacre à retourner vers Terra la queue entre les jambes. Isolés derrière les lignes ennemies, Corax et ses derniers soldats approchent doucement mais sûrement de leur point de transfert Warp, en dépit des bordées balancées à l’aveugle par la flotte ennemie*. Ayant mis jusqu’à son iPhone 7 (et oui, c’est le futur coco) en veille pour tromper les systèmes de détection adverses, Corax guide l’Avenger (le nom de sa coquille de noix) jusqu’au point d’extraction, entraînant dans son sillage une frégate Word Bearers malchanceuse**. On sent bien que Gavin s’est fait plaisir à écrire cette traque, et qu’il a pour ce faire mis à profit ses connaissances de co-rédacteur de Battlefleet Gothic pour immerger ses lecteurs dans le quotidien d’un croiseur de guerre impérial. L’absence de véritable confrontation entre loyalistes et hérétiques ne rend toutefois pas ce passage très palpitant. N’empêche : Thorpe y démontre sa capacité à relater de manière prenante un (quasi) affrontement spatial.

En parallèle à cet arc narratif « macro », on apprend également qu’un légionnaire de l’Alpha Legion ayant usurpé l’identité d’un Raven Guard tombé au champ d’honneur (notamment par le biais d’une greffe de visage express…) est présent dans la soute de l’Avenger, prêt à saboter les efforts de Corax pour rebâtir sa légion exsangue. Cette intrigue annexe n’étant que brièvement évoquée au cours du chapitre, nous n’en saurons pas plus pour le moment. Pour ma part, les futures tribulations d’Alpharius Jr en pays corbeau étant le seul élément m’ayant donné la vague envie de continuer la lecture de Deliverance Lost, je suis resté sur ma faim. Bref, une mise en bouche assez mal foutue et pas vraiment appétissante pour ce nouveau volet de l’Hérésie d’Horus, critiqué en détail ici.

* : « AAX – 849 »
« Dans l’eau. »
« AAX – 850 »
« Dans l’eau »
« Je déteste ce job »

**: Par pure malveillance semble-t-il, Corax utilisant son syndrome d’Asperger génie mathématique pour attirer le vaisseau ennemi dans le Warp sans trop l’abimer (et condamne donc l’équipage de ce dernier à accueillir un projet X démoniaque), alors qu’il aurait été beaucoup plus facile de « simplement » le détruire. Le gentil de l’histoire est donc un type prêt à sacrifier ce qu’il reste de sa légion pour assurer la mort la plus horrible qu’il soit à une poignée de goons. Tu sens le gars bien dans son armure énergétique.

Dead Calm – J. Reynolds [WFB] :

Après Marshlight de C.L. Werner, retour à Marienburg pour une nouvelle rythmée et plaisante du deuxième Reynolds de la BL (Josh). Dead Calm (à ne pas confondre avec Dead Clam, la terrifiante histoire d’une palourde mort-vivante) met en scène le retour du Capitaine*, flibustier vampire au service d’une maison noble de la cité-état, venu chercher son dû après quelques siècles de piraterie. Son employeur actuel, le prince Hermann Eyll, souhaite cependant mettre fin au contrat le liant au mercenaire pourrissant et loue les services d’un nécromancien pour assujettir totalement le vampire à sa volonté. Oui, les ressorts de l’intrigue ne sont pas des plus limpides, et c’est le principal reproche que je ferai à Reynolds, qui n’explique jamais de manière satisfaisante pourquoi Eyll tient tant à « renégocier » les termes du contrat, alors qu’il est tout à fait prêt à payer le prix demandé par le Capitaine en échange de ses services.

Le reste de la nouvelle est toutefois un pur bonheur, mêlant action frénétique (dans la veine de ce qu’a réussi à faire Nathan Long dans sa saga Black Hearts), petites touches de fluff (description de l’unterdock et de la milice des égouts de Marienburg, détails donnés sur le culte et les rituels de Manann, petit passage sur le sifflet de Kadon**), ambiance à la croisée de Dread Fleet et de Pirates des Caraïbes***, et personnages attachants. Le héros de l’histoire, un templier de Manann bourru et grande gueule répondant au nom d’Erkhart Dubnitz, est particulièrement savoureux, tout comme sa veule nemesis, le nécromancien Franco Fiducci. La survie des deux compères à la fin de la nouvelle laisse espérer le début d’une série de courts formats dédiés aux aventures de Dubnitz, sur le modèle de la saga Silver Skulls déroulée par Sarah Cawkwell durant la première saison de H&B. Au vu de la qualité de l’épisode-pilote, on ne va pas se plaindre.

* : Qui s’appelle juste le Capitaine, pour bien montrer que c’est le plus capitaine de tous les capitaines. Bien entendu, il parle de lui à la troisième personne. J’aime ce type.
** : Dans la grande tradition des artefacts invocateurs de monstruosités diverses et variées (Ravenor Rogue, Blood Of The Dragon, meute dorée de Gehenna…), Kadon aurait donc façonné quelques goodies en plus de ses fameux parchemins d’asservissement. Le sifflet dont il est question dans Dead Calm attire tous les krakens, léviathans, requins, serpents de mer, murlocks, cabillauds et flétans à des lieus (haha) à la ronde. Contre-indiqué pour les maîtres-nageurs sauveteurs.
*** : Et dans la continuité de The Gods Demand, un nouveau clin d’œil appuyé à Lovecraft : l’apparition soudaine des enfants de Strommfels (sorte d’hommes-bêtes visqueux et squameux) fait fortement penser au Cauchemar d’Innsmouth. J’applaudis des deux nageoires.

Lesser Evils – T. Foster [40K] :

Lesser EvilsVous vous souvenez de The Rat Catcher’s Tail (H&B #2) ? C’était l’équivalent d’un épisode de Dora l’Exploratrice appliqué au monde de Warhammer : une découverte fade et hyper-prévisible du background skaven. Réjouissez-vous bonnes gens ! Grâce à Lesser Evils et au bon Tom Foster, 40K a maintenant son équivalent en terme de nouvelle « didactique ». Rassurez-vous : le résultat est tout aussi convenu et décevant que précédemment.

Le pitch est, comme de juste, d’une simplicité élégante : une équipe de soldats des forces spéciales prend d’assaut un couvent de Sœurs de Bataille pour récupérer une novice identifiée comme psyker latent. Evidemment, la sororité ne l’entend pas de cette oreille et l’extraction tourne rapidement au pugilat. N’ayant pas pensé à recharger son compteur de points de foi après la dernière soirée bingo, l’équipe locale se fait décimer dans les grandes longueurs, et les visiteurs repartent avec le gros lot.

Cette première partie, plutôt orientée action donc, n’est pas franchement mauvaise, Foster ayant convenablement intégré les codes de narration la BL. La valeur ajoutée apportée par l’auteur est en revanche pratiquement nulle, les personnages qu’il met en scène restant tous sans exception soit des stéréotypes sans saveur (l’homme de main tourmenté par sa conscience, la chanoinesse fanatique au dernier degré, l’inquisiteur totalement dépourvu de scrupules…), soit de simples ébauches d’individualités (nom + caractéristique différenciante : vieux/femme/ganger).

La deuxième partie de la nouvelle, qui voit le chef de l’équipe d’intervention faire son rapport à l’inquisiteur qu’il sert, tombe elle complètement à plat. Foster, comme Ford avant lui, nous vend une idée aussi vieille que l’Empereur (l’Inquisition sacrifiera volontiers des innocents pour arriver à ses fins) comme twist final, ce qui, évidemment, consternera l’immense majorité des lecteurs, qui s’attendait sans doute à un final un peu plus audacieux. Ce n’est pas comme si les séries Eisenhorn, Ravenor (et maintenant Bequin) n’avaient pas déjà exploré en détail – et de manière bien plus intéressante – les méthodes les moins honorables de l’Inquisition.

Décevant sur le fond et insipide sur la forme, Lesser Evils est donc une nouvelle tout à fait dispensable, qui ne risque d’intéresser que les inconditionnels de la page herbier de Taran (spiker, vous avez dit spiker ?).

Hunters (Campbell):

Vous vous souvenez de Commander Shadow (H&B #8) ? Pour être honnête, moi non plus. Et pourtant, il faut faire le lien entre cette nouvelle et Hunters afin de tirer le maximum de ce texte. Merci donc à la BL de n’avoir pas jugé bon de faire un petit mémo à l’attention des lecteurs têtes en l’air, les prévenant que Hunters était, non pas la suite (ce serait trop simple), mais le prélude de Commander Shadow. Ça fait toujours plaisir.

Retour donc sur la planète Cytheria, quelques semaines après l’invasion des Tau. La défense acharnée de la garnison Catachan ne semble pas être en mesure d’empêcher le Bien Suprême de rafler un nouveau monde, la supériorité technologique des « Bleus » réduisant à néant les courageuses actions d’arrière-garde des impériaux. Il faut dire que les Catachans de Campbell ressemblent plus à Cameron Mitchell dans Ultime Combat (surtout le passage où le héros jette son fusil à terre, encaisse sans ciller la demi-douzaine de balles qu’un sbire lui tire à bout portant, tranche le bras de ce dernier d’un coup de machette puis le tabasse à mort avec son propre membre*) qu’à Schwarzie dans Predator. Leur comportement comme leur stratégie est ainsi dicté par leurs énormes cojones plutôt que par de quelconques considérations tactiques ; et quand bien même les trois derniers commandants humains (on présume que les autres gradés sont glorieusement tombés au combat en essayant de détruire un cadre de Riptides au lance-pierre) réussissent à monter une opération un brin sensée – infiltrer le QG ennemi pour dégommer l’Ethéré de faction – , ils décident de se charger seuls de l’exécution de cette mission suicide, afin d’être sûrs de ne laisser aucun officier supérieur pour coordonner la résistance au cas où les membres de la fine équipe se feraient tous tuer ou capturer par l’ennemi.

Mais ce n’est pas grave, car les Catachans sont des headless snakes, dixit ce vieil Ezrah Mihalik (la malheureuse némésis du Commandeur Shadow dans la nouvelle éponyme : je ne spoile donc pas grand-chose en vous révélant qu’il finit Hunters en – presque – bonne santé) : même si on leur coupe la tête, ils peuvent continuer à se battre. C’est drôle, cette métaphore m’évoque plus le lombric que le cobra, mais on va dire qu’elle fait référence à un serpent natif de Catachan plutôt qu’à nos bêtes reptiles terrestres, qui eux ne font pas trop les malins une fois décapités. Ou peut-être est-ce un hommage discret de Campbell à la fameuse formule du grand Steven Savile**. Au vu du nombre de conneries dites ou faites par nos super soldats d’élite***, je pense qu’on pourrait plutôt parler de brainless snakes, mais je vous laisse seuls juges.

En dehors de cette mission d’infiltration, sorte de rapport de bataille Commandos scénarisé dont les meilleurs passages donnent à voir ce à quoi ressemble l’occupation Tau d’une ville humaine (et laissez-moi vous dire que ça évoque plus Paris pendant la seconde guerre mondiale que Woodstock pendant le Summer of Love), et les pires révèlent quel était le vrai objectif de nos trois chasseurs, Campbell fait naviguer le lecteur entre flashbacks récents (la mise sur pied de l’opération) et anciens (l’initiation de Mihalik sur Catachan, merveilleuse planète où les pré-adolescents servent d’appâts lors des campagnes de dédiabolisation – même principe que la dératisation, mais avec des diables de Catachan – ). Le hic, comme pour Reparation, est qu’il oublie de signaler de façon claire où commencent et finissent chacun de ces passages, ce qui amène à des quiproquos grotesques. La première partie de la nouvelle relate ainsi la prudente et pénible traversée d’une plaine herbeuse par nos héros, qui mettent plusieurs heures à couvrir les quelques mètres qui les séparent de leur objectif… puis semblent soudainement se matérialiser dans la tente de Mihalik, en plein milieu du camp de base des Catachans.

Le fait que ces changements de temporalités ne soient même pas signalés par un saut de ligne m’incite à penser que la faute repose sur le maquettiste de H&B plutôt que sur l’auteur de la nouvelle, car je ne pense pas que ce dernier aurait pu en son âme et conscience opter délibérément pour une mise en page aussi confuse. Toujours est-il que le lecteur en est quitte pour quelques rétropédalages perplexes, afin de reconstituer le puzzle narratif mis en place par Braden Campbell. Au final, Hunters est une nouvelle à l’image de ses héros : pleine de bonne volonté mais risible (et même attachante) d’inefficacité. Ce n’est pas une conclusion de la trempe de Grail Knight ou de Survivor, mais ça laisse le lecteur de meilleure humeur qu’à la fin de The Rat Catcher’s Tail (kill me…) ou de Mountain Eater (kill me with fire…).

* : Je parle du bras tranché du sbire hein, petits fripons. On n’est pas dans Clodo et les Vicieuses.
** : « He had lived with the notion that an army was like a snake, sever it head and another would grow to take its place. » Il fallait y penser.
*** : « On ne peut rien faire contre les Taus, ils sont capables de tirer des missiles sans avoir de ligne de vue sur leur cible ! Ce n’est pas naturel ! (sic) »
« Un peu comme un barrage d’artillerie quoi. C’est vrai que c’est une technologie tellement avancée que ça fait des millénaires qu’on l’utilise.»

Voilà qui conclut cette revue du numéro treize de Hammer & Bolter. Et il n’y a même pas eu de skavens dedans (tristesse). Je dois bien reconnaître que le début de cette nouvelle année est bien moins intéressant que ce qui avait été proposé douze mois auparavant, même Abnett (à supposer qu’il se soit impliqué dans l’écriture du premier chapitre de Gilead’s Curse, ce qui reste à démontrer) se révélant en deçà de son niveau habituel. Foster fait de très discrets débuts, Smillie confirme ses lacunes, Reynolds son potentiel, Campbell passe de potable à passable et Thorpe torpille pour passer le temps. Rien de bien folichon donc, mais ne perdons pas espoir : le meilleur reste à venir !

HAMMER AND BOLTER [N°8]

Salut à tous, et bienvenue dans cette huitième revue de Hammer & Bolter! Au programme de ce numéro de juin 2011 (aaah, les souvenirs remontent…), de la nouvelle et rien que de la nouvelle, l’insipide interview de 4 pages d’un auteur de la BL, sorte de très mauvais running gag qui ne permettait même pas d’aller faire le plein de chips et de soda (c’est ça le problème avec les livres, c’est tellement égocentrique comme support que ça refuse catégoriquement de continuer à jouer si le lecteur décide de faire autre chose), laissant cette fois sa place au premier chapitre d’un livre de la BL, et pas des moindres, puisqu’il s’agit de Salvation’s Reach, le dernier tome en date de la saga des Gaunt’s Ghosts de Dan Abnett. C’est pas moi qui va regretter ce changement. Et juste pour se marrer, c’était quoi déjà la précédente « preview » de Hammer & Bolter? Ah, oui, The Fall of Damnos de Nick Kyme. Mémorable. Je ne sais pas pour vous, mais ce numéro, je le sens plutôt bien…

Cause and Effect – S. Cawkwell [40K] :

Cause & EffectOn peut penser ce qu’on veut des rapports pas toujours sereins et apaisés que la BL entretient avec ses auteurs (voir le cas Steven Savile, détaillé à la suite de la revue du -mauvais- Curse of the Necrarch de ce dernier*), mais on ne peut pas lui reprocher de ne pas soutenir de toutes ses forces

Sarah Cawkwell, la « hot new talent » la plus sollicitée par Hammer & Bolter, puisque Cause And Effect constitue la troisième livraison de la demoiselle pour le webzine. On peut par contre s’interroger sur les raisons de cette préférence manifeste pour les écrits de Cawkwell, qui se sont pour l’instant révélés d’une constante banalité confinant parfois à la nullité la plus crasse, dans la catégorie reine du genre, l’histoire de Maroune bête et méchante pour newbies facilement impressionnables.

Passés les stade de l’indulgence pour Primary Instinct (c’est sa première nouvelle, c’est pas évident, c’est une histoire de Marines, c’est pas facile d’innover, elle fera mieux la prochaine fois!) et de la désillusion pour Action And Consequence** (euh, l’intrigue est toujours aussi creuse et le personnage principal inconsistant… Tu aurais pu faire un effort Sarah! Non, c’est pas une bonne id… Oh, bon, comme tu veux), on entre donc dans une sorte de zone grise de cynisme, qui amène à lire tous les textes de l’auteur concerné à l’affut de la moindre petite négligence, incohérence ou maladresse, au lieu de leur laisser le bénéfice du doute et l’opportunité de développer leur propos.

Malheur aux auteurs relégués dans cette catégorie peu enviable, car s’il leur est possible de regagner leur place parmi leurs confrères plus inspirés (Anthony Reynolds en a été capable, et Ben Counter fait régulièrement l’aller-retour), la route est longue et semée d’embuches.

C’est donc sans trop d’espoir que je me suis enquillé la nouvelle non-aventure du non-héros Gileas Ur’Ten, sergent d’une escouade d’assaut au sein du chapitre des Silver Skulls. Pour ceux qui ont eu la chance de vivre jusqu’ici dans la douillette ignorance de qui est ce zigue, un bref récapitulatif (vous me maudirez plus tard): issu d’une tribu de sauvages guerriers, même au vu des critères généralement assez coulants des Space Marines (ceux là ne devaient même pas avoir inventé le pagne et le papier toilette), Gileas est le prototype même du héros marsouin en devenir. Brave, efficace et respecté par ses frères d’armes, il a su toutefois resté humble et est comme de juste régulièrement victime de poussées métaphysiques, l’amenant à se poser toutes sortes de question plus ou moins existentielles. Sur ce gabarit usé jusqu’à la trame (duquel dérivent déjà Uriel Ventris, Alaric, Rafen, Loken… pour n’en citer que quelques uns parmi les moins ratés), Cawkwell essaie tant bien que mal de broder deux trois détails qui permettraient au lecteur de remarquer son gros bébé parmi la masse de ses concurrents. On est ainsi ravi d’apprendre que Gileas a la peau sombre et des tatouages. Super.

Après la mort ô combien prévisible du capitaine de la 8ème compagnie face aux vils Eldars Noirs dans Action And Consequence, Gileas se retrouve propulsé au poste de commandant de facto, et la moitié de la nouvelle est consacrée au récit de ses premières armes en temps qu’officier supérieur. Faisant preuve d’une audace inouïe, Sarah ose en effet se frotter au dédoublement des intrigues pour la première fois, ce qui lui permet de se distancier de son petit protégé et de balancer quelques infos sur le background des Silver Skulls. Ces derniers ne figurant pas dans le top 10 des chapitres Space Marines les plus suivis sur Twitter, on accueillera la nouvelle avec un certain détachement, d’autant plus que les révélations faites par Cawkwell ne cassent pas des briques (ni même des briquettes, ou des briquounettes***).

Chapitre dont l’origine remonte à la deuxième fondation (mais dont le primarque est, encore une fois, manque de bol, inconnu), dirigé par un Lord Argentius secondé d’une sorte de conseil chamanique nommé le Conseil d’Élucidation, les Silver Skulls prennent leur mission de défense du domaine de Pépé tellement à cœur qu’ils ont bien du mal à remplacer leurs pertes. Cela cause bien du tracas au Lord Argentius en place, qui craint que les Hauts Seigneurs ne démantèlent le chapitre (pour quel motif? Gestion inefficace des ressources humaines? Ça doit bien faire rigoler Pedro Kantor) quand ils s’apercevront que la dîme génétique envoyée par le chapitre est plutôt maigrelette.

Autre sujet de prise de tête pour le Maître du Chapitre, la promotion de Gileas au rang de Capitaine de la 8ème compagnie ne fait pas l’affaire de tout le monde, prouvant au passage que le racisme et la xénophobie existent toujours au 41ème millénaire. Comme en plus, le chef Archiviste des Silver Skulls passe ses nuits à rêver de crânes argentés tombant en morceau, l’affaire est aussi discutée qu’un amendement du Vatican au conseil de sécurité de l’ONU. Et pendant que Gileas et ses potes concassent du Druchii de l’espace, les huiles du chapitre se tirent la bourre pour savoir si l’avancement de ce dernier menace de provoquer la fin des Silver Skulls. Malheureusement pour les lecteurs qui trouveraient ce suspense insoutenable, Sarah Cawkwell décide de terminer sa nouvelle par un cliff-hanger tellement hors de propos qu’on en vient à se demander si elle a bien compris que ce n’était pas à elle d’écrire le roman-feuilleton de Hammer & Bolter.

Pour résumer, on se retrouve donc avec ce que l’on peut en tout état de cause considérer comme un chapitre de transition dans le récit de la folle épopée de Gileas Ur’Ten, Silver Skulls, c’est à dire les moins bonnes pages d’une saga en devenir dont personne n’a rien à carrer. Un choix audacieux? Certainement! Un choix judicieux? Euh…

*: j’autorise le premier modo qui lira ceci à me coller 20% pour cause d’autopub effrénée. Mais juste le premier hein, pas de blagues.

**: Dont on remarquera l’étonnante similitude avec le titre de la nouvelle qui nous intéresse aujourd’hui. Je prévois que la prochaine nouvelle de Sarah s’appellera Before and After, Up and Down, Bread and Butter ou I Love Pangolins (aucun rapport, mais ça serait vraiment cool).

***: Ce sont des petites briquettes.

Marshlight – C. L. Werner [WFB] :

Contributeur régulier de la BL, et auteur de quelques séries de bonne facture (Mathias Thulmann, Witch Hunter, Brunner The Bounty Hunter), C.L. Werner, alias l’homme au chapeau, alias Mr Skaven (une bonne partie de ses bouquins se déroulant dans le monde de Warhammer ayant parmi leurs protagonistes un ou plusieurs représentants de cette très noble race*) reste toutefois une figure assez mystérieuse parmi les auteurs de cette auguste maison. Et ce n’est pas la pauvre interview qui lui a été consacré dans le cinquième numéro de Hammer & Bolter qui a fait beaucoup pour le rendre plus familier du lecteur lambda (sachez toutefois que l’homme a créé un forum sur lequel les âmes perdues en quête de réponse peuvent lui soumettre leurs questions**).

Tout ça pour dire j’ai été plaisamment surpris de voir son nom apparaître sur la « couverture » de ce numéro, ne réalisant qu’après coup qu’il avait fallu attendre huit mois pour que le sieur Werner fasse sa première réelle apparition dans le webzine (alors qu’il avait été un des contributeurs les plus prolixes pour feu Inferno! -humour-). Ayant mieux saisi que la plupart de ses collègues le caractère sombre et non manichéen des univers de Warhammer et de 40K, les nouvelles de Werner sont généralement des petits bijoux glauques, réhaussés par une bonne dose de bon vieux fluff. J’étais donc impatient de m’y mettre, surtout après l’amère mise en bouche gracieusement offerte par miss Cawkwell.

Bienvenue donc à Marienburg, où les autorités sont confrontées à la disparition d’une proportion non négligeable des navires remontant le Reik jusqu’à la cité-état. Après qu’un survivant, rendu complétement fou par ce qu’il a vécu (faut dire que l’eau est froide à cette époque de l’année), ait raconté à ses sauveurs que ce sont les fameux démons des marécages qui ont fait le coup, les bourgmestres décident d’envoyer deux de leurs meilleurs agents tirer l’affaire au clair. Direction donc les bucoliques marais du Wasteland, pour une partie de pêche un peu particulière.

Disons le tout de suite, j’attendais beaucoup de cette nouvelle, et n’ai pas été déçu, Werner capitalisant sur chacun de ses points forts: le rythme, l’humour noir et surtout, surtout, le fluff. Car si CL (prononcer « ciel », ça lui fera plaisir) a choisi d’explorer cette zone du monde de Warhammer, c’est d’abord et avant tout pour rendre à la légende vieillissante qui rôde dans ces eaux saumâtres depuis les premiers temps du jeu un peu de son lustre d’antan. Devinette: qu’est-ce qui peut invoquer la plus épaisse des purées des poids, n’a qu’un seul œil et vit dans les marais? Werner aurait pu s’arrêter là, la simple présence de Fimirs dans une nouvelle de la BL publiée au XXIème siècle justifiant amplement la lecture de ladite nouvelle, mais il choisit d’aller un peu plus loin en rajoutant à l’équation la légendaire ingéniosité destroy des skavens, qui confirment à cette occasion avec panache leur amour immodéré pour les déguisements grands guignolesques. Mais, qu’on se rassure, il y a bien des vrais Fimirs dans Marshlight, qui feront une apparition brève mais remarquée*** au moment opportun.

Si le fluff est donc particulièrement mis à l’honneur dans cette nouvelle, on retrouve également la patte de Werner dans le rythme enlevé de l’action, qui après un début planplan, accélère brutalement à un tiers du récit pour ne plus ralentir (la nouvelle commençant réellement au moment où d’autres auteurs moins doués de la BL l’aurait terminée). Ciel réussit également là où tous ses prédécesseurs avaient échoué, en balançant dans les dents du lecteur un twist final vicieux et non prévu dix pages à l’avance (en ce qui me concerne en tout cas). Il était temps, et pour ceci comme pour tout le reste, chapeau Mr Werner.

*: Il a aussi écrit la trilogie Thaquol & Boneripper, qu’il faudrait que quelqu’un critique à un moment ou à un autre.

**: lien qui va bien

***: genre « qui c’est papa, bande de hamsters dégénérés? »

Phalanx – ch.9 – B. Counter [40K] :

PhalanxÇa lui a pris huit mois, mais Ben nous a enfin amenés là où il le voulait. Et par là, il faut comprendre au beau milieu d’une lutte sans merci entre les derniers Soul Drinkers et les Space Marines loyalistes venus assister à leur procès sur le Phalanx. Fini de rire bande de moules, c’est le moment de montrer à l’univers comment un marsouin meurt pour ses convictions. On bande ses muscles, on empoigne son bolter, on allume son épée-tronçonneuse et on saute dans le tas, non mais oh! Mais mais mais, avant d’entrer dans le vif sujet, le gars Counter tient à ce que nous comprenions bien que rien n’arrive par hasard dans cet univers pourri.

Le chapitre commence donc par un petit détour du côté de l’Hérésie d’Horus, ou plutôt, de la période qui a immédiatement suivi cette période légèrement agitée. Après que Pépé et les Quatre Affreux aient accepté la garde alternée pour les Légions Traîtresses (droit de visite pour le premier tous les 800 ans environs… c’est toujours le père qui morfle), ce fut sur les frêles épaules des Primarques loyaux survivants que reposa la tâche de nettoyer tout ce qui avait été salopé durant la surboom sauvage organisée par Horus.

Anecdote intéressante, on apprend ainsi que ce fut à Rogal Dorn d’aller fermer le portail de l’Oeil du Prédateur (sic), tâche éprouvante qui nécessita pas moins de trois jours et le sacrifice de nombreux Space Marines, et qui ne fut qu’une demi réussite, car si Dorn parvint à aveugler l’Oeil à force de coups de poing (sic encore), il comprit que ce n’était qu’un pis-aller, et jura de revenir plus tard finir le boulot une fois pour toutes, quand il aurait le temps. Malheureusement, il se fit renverser par une twingo avant d’avoir eu le temps de se repencher sur la question, et comme il avait pris le soin de ne dire à personne où se trouvait l’Oeil ni comment faire pour le crever une fois pour toutes (super comme stratégie), la mission « fermer ce foutu portail » figure toujours sur la to-do liste impériale dix millénaires plus tard.

Vous l’aurez compris, si Ben nous raconte tout ça, c’est parce que le Phalanx ne se trouve pas n’importe où dans la galaxie, mais pile dans le système solaire de l’Oeil du Prédateur, toujours dormant au début des festivités, mais pour plus très longtemps, soyez-en sûr. Car pendant que Soul Drinkers, Imperial Fists, Angel Encarmine et Howling Griffons achèvent de détruire par le fer et le feu les archives de la VIIème légion (avec quelques pertes notables de part et d’autres, sortez les mouchoirs), Iktinos et quelques copains sont très occupés à faire que la prophétie alambiquée promettant la réouverture du portail* se réalise. Secondé par un héros du chapitre que l’on pensait mort depuis des lustres (un dénommé Daenyathos, dreadnought philosophe de son état et chirurgien cardiaque à ses heures perdues) et par le toujours aussi peu chanceux N’Kalos (qui pour l’occasion donne de sa personne à sang pour cent), le chapelain renégat parvient en effet à ouvrir l’Oeil, précipitant le retour d’Abraxes! Pardon, qui est Abraxes? Mais si, vous savez bien! Le Prince Démon qui a manipulé les Soul Drinkers pendant des siècles, précipitant ainsi leur déchéance, jusqu’à que Sarpedon le renvoie compter fleurette à Tzeentch**!

Il y a fort à parier que ce come-back méticuleusement organisé ne force les Space Marines du Phalanx à mettre de côté leurs différents pour régler son compte à l’importun, ce qui devrait permettre à la poignée de Soul Drinkers qui survivra à cette épique bataille de filer à l’anglaise à la fin du combat***… Autant pour le dernier carré héroïque qu’on nous promettait depuis le début du bouquin. Il ne reste plus qu’à parier sur l’identité du Space Marine qui essaiera quand même de se farcir Sarpedon mais se fera buter par Abraxes ou un de ses sous-fifres dans l’opération… Tapis sur Reinez!

*: qui n’implique toutefois pas de gnome unijambiste ni de jambon, et pour la pleine lune, comme on est dans l’espace, c’est difficile à dire.

**: pouce vert si toi aussi tu n’as pas lu les trois premiers romans consacrés aux Soul Drinkers, et que du coup le retour d’Abraxes te passe légèrement au dessus de la tête.

***: de toute façon, ça a l’air tellement facile de feinter les Imperial Fists qu’on finit par se demander si l’évasion des Soul Drinkers n’était pas en fait qu’une opération de ravitaillement « chips et bière » qui a mal tourné.

Salvation’s Reach – ch.1 – D. Abnett [40K] :

Salvation's ReachLe grand retour de Steely Dan après sept mois d’absence (il avait offert deux textes au premier numéro de Hammer & Bolter). Je ne sais pas pour vous, mais il y a certains mots qui me mettent de bonne humeur quand je les lis. « Pheguth », « etogaur », « Blood Pact », ou encore « feth » en font partie. Et pour cause, puisqu’ils sont intimement liés à ce qui est peut-être (sans doute?) la meilleure série de la BL, celle qui permet à cette dernière de se démarquer de toutes les maisons d’édition liées à une franchise med-fan/sci-fi, Les Fantômes de Gaunt. On peut légitimement penser que les Space Marines sont les figures emblématiques de Warhammer 40.000, mais les petits gars de Tanith sont des sérieux challengers à la suprématie des colosses en céramite.

Comme il est impossible de résumer convenablement cette saga de centaines de pages en quelques lignes, je ne m’y essaierai pas, d’autant plus que comme dans toute bonne série, l’intérêt des Fantômes réside principalement dans les relations entre les personnages, auxquels le lecteur s’attache très vite (ah, Mkvenner, pourquoi es-tu resté sur Gereon?). Reste qu’encore une fois, la magie Abnett opère. Comme d’habitude, Dan fait développe son propos en prenant bien soin de laisser son lecteur dans le flou (ici, on croît que Rawne essaie d’assassiner celui qu’il qualifie de « monstre » malgré l’important dispositif de sécurité dont celui-ci bénéficie… ), injectant avec son brio habituel des passages de combats réalistes et hyper nerveux. Rien à faire, le bougre est toujours aussi fort, et la fin de la preview arrive bien trop vite. On quitte le premier chapitre de Salvation’s Reach avec l’envie d’en lire plus, et c’est bien ce que veut la BL (tout le monde est content donc). Allez Dan, dépêche toi d’en écrire un de plus, que l’on puisse chopper le quatrième omnibus (c’est la crise coco!)

Commander Shadow – B. Campbell [40K] :

Il flotte un parfum très actuel dans cette nouvelle de Braden Campbell, petit nouveau dans l’écurie BL, dont le premier texte n’est, surprise, pas consacré aux Space Marines (ça doit être une sorte de bizutage), mais à la difficile campagne de pacification d’un monde récemment tombé aux blanches mains (un peu bleues tout de même) du Bien Suprême.

Adoptant le point de vue du Commandeur Tau (deuxième -agréable- surprise) en charge du sale boulot, Campbell replace dans le cadre futuriste du 41ème millénaire une problématique des plus contemporaine, à savoir comment mettre vraiment fin à un conflit après que la guerre « classique » ait été gagnée? Car les Taus sur Cytheria (nom de la planète enlevée à l’Imperium par les guerriers de la caste du feu), c’est un peu comme la coalition en Afghanistan: une campagne remportée en quelques jours grâce à une supériorité technologique et logistique incontestable, une sincère envie de gagner la confiance et la sympathie de la population locale, que l’on fait bénéficier avec largesse des infrastructures modernes développées par les ingénieurs du Bien Suprême, sauf que, sauf que, une poignée de survivants revanchards retranchée dans une zone inaccessible fait tout son possible pour ruiner cette idylle naissante entre colonisateurs et colonisés en lançant des attaques « terroristes » sur des cibles emblématiques du nouveau pouvoir.

Dans le rôle des empêcheurs d’assimiler en rond, on retrouve donc Ezra Mihalik et sa bande de diables de Catachan* , reconvertis par la force des choses en moudjaïdins de l’Imperium, adeptes de la bombe sale (mais bio, faut pas déconner non plus) et du chantage à l’attentat. Face à cette bande de fous furieux pas vraiment adeptes du compromis et de la diplomatie, notre brave Commandeur, tout frais sorti de son école militaire, se retrouve bien dépourvu, jusqu’à ce qu’il décide à la jouer comme Beckham**, et se résolve à louer les services d’auxiliaires aussi bad ass que les Catachans.

Sur cette trame plutôt innovante et intéressante, Cambell se contente malheureusement de mettre l’accent sur l’assaut des Kroots contre les derniers loyalistes de Cytheria, passage obligé certes, mais qui aurait sans doute gagné à être mis en retrait par rapport à d’autres idées que l’auteur ne développe que pas ou peu.

Par exemple, Mihalik donne une semaine aux Taus pour quitter la planète, faute de quoi il utilisera ses bombes bactériologiques faites maison contre les métropoles où sont stationnés les soldats du Bien Suprême, sans la moindre considération pour les dommages collatéraux qu’une telle action pourrait entraîner parmi la population civile, prétextant que tous ceux n’ont pas pris les armes contre l’envahisseur ne sont que des traîtres en puissance. À titre personnel, j’aurais bien aimé voir les Catachans se livrer à quelques exactions envers les « collabos » de Cytheria, histoire de sortir de la finalement très manichéenne guerre inter-espèce.

Car même si le Commandeur Shas’o Rra (le surnom que lui a donné Mihalik, qui signifie « Commandeur Fantôme ») est indubitablement le héros de la nouvelle, on peine à ressentir une quelconque empathie pour lui, les résistants de Papy apparaissant toujours bien plus sympathiques que lui aux yeux du lecteur***. Le dénouement de la nouvelle, au cours duquel Shas’o Rra pète un câble et se transforme en tueur sadique (Ezrah finira un peu comme le Kevin de Sin City, pour ceux qui connaissent), ainsi que les toutes dernières lignes de l’histoire, qui laissent entrevoir la victoire « morale » des diables de Catachan, ne font que renforcer ce sentiment de distanciation. Non que ce dernier soit vraiment dérangeant en lui-même, certains des héros de la BL n’étant pas vraiment des enfants de chœur (le petit Malus en tête), mais le manque de maîtrise de l’auteur amène à penser que lui même considère son personnage comme un être vertueux, auquel le lecteur devrait pouvoir s’identifier, ce qui n’est malheureusement pas le cas.

Reste que Campbell réussit assez bien son premier test, en rendant une copie un brin plus exotique que la norme, dans laquelle le paradoxe que représente une guerre menée au nom du Bien Suprême est, sinon exploré, au moins évoqué avec une certaine justesse.

*: Ka’Tashun en Tau… Moi qui croyait que ça se prononçait « Katakan », me voilà fort marri.

**: Brutos Boucher Beckham, ou BBB, champion exalté de Khorne de la légion des World Eaters

***: Et c’est bien normal: Rambo est bien plus cool que le général Akbar. Fact.

Au final, un numéro qui bénéficie des contributions d’auteurs de classe comme Abnett et Werner pour se placer dans le peloton de tête des meilleurs crus de Hammer & Bolter. Counter met en place les conditions nécessaires à son grand final avec un enthousiasme communicatif, même pour les non-inités, et la nouvelle de Campbell rachète par son point de vue original une qualité d’écriture peu enthousiasmante (il faut dire que passer après Abnett n’est jamais facile). Seule ombre au tableau, les errements narratifs estampillés Silver Skulls que Sarah Cawkwell voudrait faire passer pour une histoire potable de Space Marines viennent ternir le bilan sinon fort honorable de cette huitième livraison.