HAMMER & BOLTER [N°14]

Bonjour à tous et bienvenue dans la critique du 14ème numéro de Hammer & Bolter ! Au menu de cette chronique de fin d’année, trois nouvelles peu folichonnes et le deuxième chapitre de Gilead’s Curse, objet littéraire non identifié et pour le moment assez décevant. Ah, ça vend du rêve, je sais.

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Gilead’s Curse – ch.2 – D. Abnett & N. Vincent [WFB] :

Gilead's CurseNous avions laissé Gilead en plein combat avec un « mystérieux » chevalier à la fin du chapitre 1. Le deuxième épisode du roman-feuilleton commence donc logiquement par la conclusion de cet affrontement épique (quelques heures de baston non stop, tout de même) entre l’elfe dépressif et sa némésis vampirique, dont les performances se trouvent réduites par l’arrivée du jour nouveau. Le duel est toutefois interrompu par l’arrivée inopinée d’une foule de paysans en colère, bien décidés à cueillir des champignons se débarrasser du suceur du sang squattant la forêt municipale depuis quelques mois.

Bien évidemment, Vincent n’explique pas comment ces bouseux ont réussi à trouver leur proie (que Gilead a mis deux jours entiers à débusquer), ni pourquoi ils ne se sont décidés à agir que maintenant : ce serait beaucoup trop convenu et rationnel. Toujours est-il que, d’un commun accord, nos deux bretteurs décident de mettre le match en pause et de filer à l’albionnaise avant l’arrivée des hooligans. Oui oui, Gilead laisse tranquillement partir le vampire qu’il avait juré de neutraliser, confiant dans le fait que ce dernier soit trop mal en point pour poursuivre ses déprédations, même s’il reconnaît néanmoins qu’aucun humain normalement constitué n’est capable de lui tenir tête. J’aurais plutôt tendance à penser que les nombreuses blessures subies par le disciple d’Abhorash ne l’incitent au contraire à picoler quelques litres de rouge dans la ville la plus proche afin de se refaire une santé, mais passons.

Après quelques jours passés à récupérer de ce premier rendez-vous galant, pendant lequel il a gagné quelques bleus et bosses, notre héros reprend sa quête, et finit par déboucher dans un village qui semble abandonné. Flairant le mauvais coup, il poursuit son enquête jusque dans les souterrains du bourg, où il tombe très logiquement sur l’inévitable colonie skavens locale, ainsi que sur les survivants hagards de la malheureuse expédition de dératisation montée par les citoyens du cru. Ayant réussi son jet de compassion (5+ sur 1D6), Gilead se met donc en travers du chemin de la horde scrofuleuse et la taille en rondelles, gagnant par la même occasion un side kick humain maniant la bêche avec un talent inné. Et le vampire dans tout ça, me demanderez-vous ? Et bien le vampire apparaît derrière les skavens au moment où Gilou décide de passer en mode shadow-fast (une sorte de bullet time elfique pendant lequel notre héros se transforme en Flash Gordon), et les deux compères ont tôt fait de mettre les hommes rats en déroute. Ce premier ennemi vaincu, Gilead décide-t-il de poursuivre sur sa lancée et d’en finir avec le chevalier mort-vivant pendant qu’il est encore en forme super saiyan ? Non, bien sûr (je suppose qu’il a raté son test de stupidité) : il lui fait coucou avec son épée et les deux se séparent bons amis. Fin du chapitre.

Vous l’aurez compris, je n’ai que très moyennement goûté ce deuxième épisode, qui n’a fait que confirmer mes craintes quant à la qualité de ce roman feuilleton, à tel point qu’il me semble préférable de faire abstraction de la (non) présence de Dan Abnett au casting de ce dernier, et de juger les travaux de sa chère et tendre indépendamment de ses propres écrits. Dans cette optique, peut-être que le style, très distinct de celui que l’on retrouve habituellement dans les productions estampillés Black Library*, sera plus appréciable pour le lecteur déboussolé que je suis. Comme dit dans la critique du numéro précédent, Vincent lorgne du côté des nouvelles fantastiques de la première moitié du XXème siècle (beaucoup de descriptions pour retransmettre au mieux l’ambiance au lecteur, champ lexical très riche, peu de dialogues, rythme lent, scènes violentes assez rares), ce qui, en soit, n’a rien de condamnable. Je ne sais pas si je pourrais un jour lire des phrases telles que « What had happened to the food chain ? », « Gilead separated another rat from its life force » ou « He counted the torches and worked out how long they might burn for and at what temperatures. » dans une nouvelle BL sans avoir envie de jeter mon ordinateur par la fenêtre, mais je ferai de mon mieux.

Plus grave en revanche sont les nombreuses incongruités qui parsèment le récit, et peuvent être séparées en deux catégories. D’un côté, on retrouve les incohérences d’ordre pratique (par exemple, Gilead arrive à poignarder le chevalier vampire en plein cœur, ce qui fait tomber ce dernier à la renverse : au lieu de capitaliser sur cet avantage chèrement acquis et achever son adversaire mal en point, l’elfe préfère ramasser un morceau d’étoffe pour essuyer sa lame, laissant à son ennemi le temps de se ressaisir**) qui empêchent le lecteur de s’immerger totalement dans l’histoire. De l’autre, on a l’impression que Vincent n’a pas pris le temps de s’imprégner du background de Warhammer, ce qui lui fait commettre des bourdes impardonnables. Les skavens deviennent ainsi sous sa plume des adversaires pathétiques, aux attaques aussi faibles et désordonnées que celles d’un enfant de 5 ans. Pire, ses hommes rats sont tout bonnement incapables de se relever tous seuls quand ils tombent par terre, tant ils semblent manquer de coordination. Pour une race dont l’une des factions principales est constituée d’implacables assassins adeptes des arts martiaux, c’est tout bonnement risible.

En conclusion, un deuxième chapitre guère différent du premier, tant sur le fond que sur la forme. Si la seconde est plus déroutante par sa différence avec le style BL que véritablement mauvaise, le premier est en revanche d’un niveau trop faible pour satisfaire le lecteur, quel que soit niveau d’attachement ou de compassion pour la prose de Ms Vincent et le personnage de Gilead. Mais qu’allaient-ils donc faire dans cette galère ?

* : Exemple notable : la rareté des dialogues dans la narration, caractéristique particulièrement présente dans ce deuxième chapitre, où seulement 25 mots seront prononcés par les personnages en 18 pages.
** : Autre exemple marrant, Gilead est décrit comme étant incapable de frapper un adversaire ne lui faisant pas face (honneur elfique oblige), et doit donc se démener pour se placer dans l’arc de vision des skavens qu’il attaque, à plus forte raison car ces derniers font tout leur possible pour fuir ses coups.

The Burning – N. Kyme [40K] :

The BurningAprès Nik, Nick. Il s’agit cette fois de Mr Kyme, auteur de The Fall of Damnos, roman dont un chapitre avait eu le privilège de figurer au sommaire du quatrième numéro de Hammer & Bolter. Foin d’Ultramarrants, Nick nous revient cette année avec une nouvelle consacrée à son chapitre de prédilection*, les Good Guys Greg d’un lointain futur ravagé par la guerre, l’Armée du Salut du 41ème millénaire, les géants verts du Segmentum Ultima, je veux bien sûr parler des Salamanders.

En guise d’introduction, l’auteur nous prévient d’emblée que le texte en question relate des évènements ayant pris place entre Salamander et Firedrake, les deux premiers tomes de la série consacrée par Kyme aux fiers guerriers de Nocturne. Traduction : « si tu n’as pas lu ces deux bouquins, tu risques de ne rien comprendre à ce qui va suivre** ». Même pas peur Nick, même pas peur : j’ai survécu à Curse of the Necrarch et Forged Into Battle ; c’est pas une petite nouvelle de rien du tout qui va me faire peur. Bring it on boy.

De quoi est-il donc question dans cet interlude ? Eh bien, de ce que j’en ai compris, The Burning projette le lecteur dans l’inconscient de Da’kir, alors que ce dernier revit les derniers moments de Jeanne d’Arc/Jean Hus/une allumette au cours du concours de combustion spontanée faisant office chez les Salamanders de test de potentiel psychique. Dans son délire, Da’kir revit/imagine (ce n’est pas très clair) la résistance de son village contre une expédition d’Eldars Noirs en maraude sur Nocturne. Ramené à son statut de simple humain pour l’occasion, ce qui le perturbe fortement (Putain, où est mon armure ? Qui est l’andouille qui m’a chouré mon deuxième cœur ? Et pourquoi est-ce que j’ai la voix de Christophe Willem ?), Da’kir termine sa vision par un affrontement symbolique contre Kadai, feu (haha) le capitaine de la 3ème Compagnie des Salamanders, carbonisé par un tir de fuseur lors d’une campagne contre le Chaos. La nouvelle s’achève par un debriefing entre les deux Archivistes en charge de la supervision de l’épreuve, qui, comme de juste 1) n’ont jamais vu auparavant une recrue potentielle d’un tel niveau 2) se demandent s’il ne vaudrait pas mieux coller un bolt dans la tête, pour éviter les problèmes 3) décident finalement de laisser à Da’kir, qui grésille dans son coin, le bénéfice du doute, car le Tome de Feu contient une vague prophétie de deux lignes qui pourrait désigner ce dernier contre le sauveur du chapitre dans les années à venir.

Si je ne dispose pas du bagage nécessaire pour m’avancer sur la qualité de l’intrigue développée par Kyme dans cette nouvelle, la lecture de cette dernière m’a laissé plutôt froid (un comble). Passe encore le fait que le style de l’auteur soit aseptisé au plus haut point, et que ce dernier n’ait pas fait de grands efforts pour s’assurer que les lecteurs n’ayant aucune connaissance de ses ouvrages consacrés aux descendants de Vulkan puissent comprendre de quoi il en retournait (à la différence des nouvelles écrites par Abnett dans le cadre de ses séries Eisenhorn et Ravenor***) : à mes yeux, les principaux défauts de The Burning sont de deux ordres.

Le premier est son caractère, peut-être pas réel, mais en tout cas ressenti en ce qui me concerne, tout à fait dispensable dans l’arc narratif. C’est triste à dire, mais le récit de l’épreuve de Da’kir m’a immédiatement fait penser aux dispensables aventures de Gileas Ur’Ten, capitaine Silver Skulls favori de Sarah Cawkwell, productions littéraires tenant plus du développement du fluff de l’armée de l’auteur que de nouvelles SF à proprement parler****. On en sait certes un peu plus sur le passé du personnage de Da’kir à la fin de The Burning, mais je doute que ces éléments supplémentaires ne se révèlent particulièrement importants ou même intéressants pour la suite de l’histoire. En tant que lecteur et client, j’en attends plus.

Le deuxième reproche que je ferai à The Burning est le manque d’attention porté par Kyme à la cohérence de son propos. Le diable se cache peut-être dans les détails, mais quand je lis qu’une bande de guerriers humains armés d’arcs et d’arquebuses arrive à faire exploser un Raider et à massacrer son équipage de Cabalites en trente secondes, j’attends que l’auteur m’explique comment les indigènes s’y sont pris pour avoir le dessus sur un adversaire intrinsèquement et technologiquement bien supérieur. Même sans rentrer dans un niveau de détail démentiel, quelques lignes justificatives auraient été les bienvenues, en ce qu’elles auraient prouvé que Kyme était bien conscient du problème causé par ce résultat contre-intuitif. Au lieu de ça, on a plutôt l’impression d’assister à l’adaptation de la bataille d’Endor avec les Nocturniens dans le rôle des Ewoks et les Eldars Noirs dans celui des Storm Troopers.

Au final, The Burning n’est pas la nouvelle qui me réconciliera avec l’œuvre de Nick Kyme, même si son cycle Salamanders me semble de bien meilleure facture que The Fall of Damnos. Oui, le contraire eut été étonnant (et désolant), mais on se console comme on peut.

* : On ne peut qu’admirer la productivité de Nick Kyme, dont la série compte déjà quatre romans (Salamander, Firedrake, Nocturne et Rebirth) et une dizaine de nouvelles.
** : Blague à part, je ne peux qu’encourager ce genre de pratiques de la part des éditeurs de Hammer & Bolter, qui permettrait aux lecteurs de ne pas devoir attendre la moitié de la nouvelle avant de réaliser que cette dernière est connectée à une autre histoire précédemment publiée dans le webzine.
***: Thorn Wishes Talon, Backcloth For A Crown Additional, et mon préféré, Playing Patience.
****: Pour reprendre la définition donnée par Marc Gascoigne, éditeur chef de la Black Library de 1997 à 2008, dans son introduction du recueil Let The Galaxy Burn, les nouvelles BL doivent se concentrer sur la résolution d’un problème (quelqu’un sait-il comment on éteint un monolithe nécron ?) ou explorer des situations de type « et si… », non couvertes dans le reste du background (et si l’Empereur était en fait un corgi ?).

In the Shadow of the Emperor – C. Dows [40K] :

La première publication de Chris Dows dans Hammer & Bolter est assez déconcertante, en ce qu’elle semble s’inscrire dans un cycle narratif, qui, sauf erreur de ma part, n’a pas encore été publié par la Black Library. Plus habitué à évoluer dans l’univers de Star Trek que celui de Warhammer 40.000, Dows livre une nouvelle à l’intrigue et au déroulé assez opaques, et dont le propos peut être résumé comme suit.

Surpris par la matérialisation soudaine hors du Warp de deux Space Hulks infestés d’Orks, le capitaine Barrabas (aucun rapport explicite avec le lauréat du titre de Mister Jérusalem 33 – Jésus finissant, comme chacun sait, premier dauphin) emmène les rescapés du croiseur impérial Merciless Fist (dont il était le capitaine) sur la surface d’une planète voisine. Poursuivis par des peaux vertes désireux d’aller jusqu’au bout de leur démarche d’extermination, notre petit groupe de survivants tente tant bien que mal de distancer ses assaillants, survivre à la faune locale et empêcher le Commissaire Abdiel de vider son pistolet bolter sur le pauvre Barrabas, pour lequel il voue une haine aussi profonde que succinctement expliquée par l’auteur. Apparemment, le grand-père de Barrabas, sous les ordres duquel Abdiel servait, s’est débrouillé pour détruire son cuirassé Emperor au cours d’un affrontement, ce qui a précipité la disgrâce du Commissaire, accusé par sa hiérarchie d’avoir failli à son rôle en n’exécutant pas le faquin avant qu’il commette l’irréparable. Ayant survécu à l’explosion du vaisseau, Abdiel s’est depuis arrangé pour suivre les descendants de papi Barrabas (eux aussi commandants de vaisseau, comme c’est pratique*) comme leur ombre, prêt à se venger des errements de ce dernier sur sa progéniture.

Ces rapports compliqués – Abdiel passant l’essentiel de son temps à menacer Barrabas d’une exécution sommaire, sans qu’on sache trop pourquoi il se ravise à chaque fois – entre les deux personnages principaux de la nouvelle s’appuient donc sur une histoire commune sommairement brossée par Dows, qui oublie se faisant que le lecteur lambda n’a qu’une notion limitée de la rivalité existant entre ces deux personnages. Pour tirer un parallèle avec un autre duo de la BL aux relations ambigües, c’est un peu comme si on nous demandait de comprendre pourquoi le major Rawne décide de ne pas tuer Gaunt sur son lit d’hôpital à la fin de Necropolis, sans avoir rien lu de la série des Gaunt’s Ghosts auparavant.

Les autres personnages qui gravitent autour du duo central sont traités de la même façon, Dows laissant entrevoir au cours de son récit des bribes d’épisodes antérieurs pouvant justifier les comportements, autrement inexpliqués, de chacun. Par exemple, il n’est jamais clairement expliqué pourquoi l’un des survivants (Barat) prend systématiquement le parti d’Abdiel, alors que le reste du groupe est plutôt enclin à suivre Barrabas. Cet attachement est d’ailleurs mutuel, le Commissaire faisant demi-tour sous le feu de l’ennemi pour chercher un Barat blessé par un tir de mortier. Cette absence d’informations, assez frustrante, se retrouve tout au long du récit, obligeant le lecteur à meubler lui-même les vides laissés par l’auteur, ce qui, à la longue, est assez fatigant.

À ce premier manquement, que j’ai trouvé très rédhibitoire, vient se greffer une narration des plus heurtées, dans laquelle les séquences s’enchaînent sans véritables transitions, ce qui m’a plus d’une fois amené à revenir en arrière afin de m’assurer que je n’avais pas raté un élément essentiel à la compréhension du passage présent. La rareté des connecteurs logiques dans le récit est en grande partie responsable de cette pagaille, et le temps semble parfois s’accélérer ou au contraire ralentir au gré de la fantaisie de Dows. Ce dernier fait ainsi surgir des antagonistes avec la brusquerie de diables en boîtes, qu’ils s’agissent de « banshees », sortes de ptérodactyles à ailes laser (comprendre : capables de fracturer la pierre) chassant en meute**, ou de bandes d’Orks vraiment très furtives (à moins que ce soient les éclaireurs humains qui soient particulièrement nuls, ce qui est très possible).

Enfin, à l’instar des textes précédents de ce numéro (et de manière encore plus accentuée), on a vraiment l’impression que In The Shadow of the Emperor a été écrit au fil de l’eau, sans se soucier que les idées couchées par le papier fonctionnent à peu près correctement, ou même ne soient simplement vraisemblables. Dans la première catégorie, on retrouve par exemple un lieu à la topographie très particulière, invoqué par Dows afin de mettre en scène un dernier carré héroïque entre les hordes peaux vertes et la poignée de survivants impériaux. Imaginez une espèce de promontoire rocheux à la surface plane, uniquement relié à la falaise qui lui fait face par un pont naturel dont le milieu est plus fin que les deux extrémités (Khazad-dum like en quelque sorte). Vous y êtes ? Maintenant, imaginez que ce pont soit constitué de sables mouvants, et vous aurez une assez bonne représentation du décor dans lequel se joue la dernière scène de la nouvelle.

Dans la seconde catégorie, outre l’acharnement et les talents de pisteurs peu communs des Orks de Dows, dont une demie Waaaaaagh semble être aux trousses de la quarantaine de survivants de la bataille navale introductive, et arrive à retrouver la trace de ces derniers à travers marécages impénétrables et souterrains effondrés, on ne peut que soupirer devant la désinvolture de Barrabas, qui ne consent à allumer la balise de localisation bricolée par ses hommes qu’au moment où les Orks arrivent en vue du lieu où les impériaux sont retranchés, soit trois bonnes heures après la découverte du fameux promontoire, formant selon ses propres mots une piste d’atterrissage idéale pour un vaisseau de secours. Vaisseau de secours qui arrive évidemment juste après que les Orks aient été repoussés manu militari, soit quelques minutes seulement après l’allumage de la balise. Il n’est donc pas absurde de penser que Barrabas et ses copains auraient pu s’échapper en douce de la planète si seulement ce dernier avait pensé à allumer son cerveau. Evidemment, le dénouement aurait perdu en héroïsme ce qu’il aurait gagné en vraisemblance, mais à tout prendre, j’aurais préféré que la rationalité l’emporte (pour une fois…) sur l’instinct de bourrinisme bas du front qui pousse certains auteurs de la BL à inclure des scènes de baston dès qu’ils le peuvent dans leurs écrits. Certes, il paraît que dans les ténèbres d’un lointain futur, il n’y a que la guerre, mais tout de même.

Bref, ce ne fut pas le grand coup de foudre avec la prose de Dows, dont l’unique autre contribution aux univers franchisés de Games Workshop a été (pour le moment) une deuxième nouvelle, publiée dans le numéro 22 de Hammer & Bolter. Rendez-vous dans quelques mois pour voir si le bonhomme a progressé.

* : Ils auraient choisi de devenir fleuristes, il aurait eu l’air fin.
** : Autre idée brillante s’il en est. N’y avait-il personne au sein de la Black Library pour suggérer à Dows de choisir un autre nom pour ses bestioles indigènes ? Ce n’est pas comme si le terme « Banshee » n’était pas légèrement connoté dans l’univers de Warhammer 40.000…

The Tilean’s Talisman – D. Guymer [WFB] :

The Tilean's TalismanOn termine avec un petit caméo de deux figures bien connues de tous les fidèles de la Black Library, j’ai nommé les iconiques Gotrek et Felix. Mine de rien, cela faisait plus d’un an (et le A Place of Quiet Assembly de John Brunner) que les compères n’avaient pas été mis à l’honneur dans une nouvelle de Hammer & Bolter, et il est donc revenu au petit nouveau David Guymer de corriger cet état de fait en soumettant un texte de son cru. Même si ce dernier ne m’a pas entièrement convaincu, et reste sensiblement en deçà des productions de King et Long, je pense néanmoins que Guymer a un potentiel certain en tant que contributeur à la BL, et suis tout prêt à lui donner une seconde chance si l’occasion présente.

Commençons par les points positifs. En premier lieu, la décision de l’auteur de choisir pour personnage principal Siskritt, obscur skaven de son état et dernier propriétaire du fameux médaillon donnant son titre à l’histoire, est intéressante, en ce qu’elle contraste agréablement avec l’approche classique adoptée par la plupart de ses prédécesseurs, à savoir utiliser Felix comme narrateur. Ce souci d’originalité est de plus renforcé par la construction du récit, qui se divise en deux parties distinctes. Dans la première, Siskritt essaie désespérément de sortir en un seul morceau de l’auberge dans laquelle il a fait l’acquisition du médaillon tiléen, rutilante babiole donnant à son propriétaire l’équivalent d’une sauvegarde invulnérable à 4+, ce qui est toujours appréciable (mais pas toujours suffisant, comme nous allons le voir tout de suite). Malheureusement pour notre ami poilu, un Gotrek très en verve se tient entre lui et la sortie, ce qui ne manquera pas d’avoir des conséquences fâcheuses et définitives pour le pauvre raton, en dépit de la protection accordée par son collier fashion. Dans la deuxième partie, on suit l’infiltration du même Siskritt dans la même auberge, à la recherche du médaillon, juste avant que le reste de l’armée skaven ne passe à l’attaque de Sartosa, théâtre de la nouvelle de Guymer. C’est donc une sorte de Pulp Fiction warhammer-esque que nous offre ce dernier, parti pris audacieux et assez réussi je dois dire.

Autre point fort de Guymer, sa capacité à faire ressortir le mélange d’ambition démesurée et de couardise pathologique qui se trouve au cœur de la psyché skaven. Siskritt passe ainsi la moitié de la nouvelle à s’imaginer siégeant au Conseil des Treize, et l’autre à se cacher sous les meubles au moindre bruit suspect. Le passage où il soutire à son ancien propriétaire le talisman à la pointe de l’épée, tout en étant au moins aussi terrifié que sa victime qu’elle l’est par lui, est ainsi particulièrement bien rendu.

D’un autre côté, on peut regretter que l’auteur n’ait pas pris le temps de donner quelques informations supplémentaires au sujet de la quête de Siskritt, dont on ne saura jamais comment il a appris l’existence et la localisation précise du médaillon. Le récit compte également quelques longueurs, particulièrement dans sa deuxième partie, durant laquelle Guymer décrit avec force détails les atermoiements de son héros à chaque fois qu’il doit passer près d’un humain sans se faire repérer, ou ouvrir une porte sans savoir ce qui l’attend derrière. Même si ces descriptions poussées des hésitations continuelles de Siskritt, mégalomane aussi sadique que poltron, aident à comprendre le personnage, elles ralentissent également l’action à tel point que l’on peut à juste titre considérer qu’il ne se passe pas grand-chose dans The Tilean’s Talisman, les péripéties pouvant se résumer ainsi : Siskritt monte à l’étage, prend le talisman, descend et se fait tuer par Gotrek. Sachant que cette nouvelle est vendue trois euros sur le site de la BL, j’ai du mal à considérer que l’acheteur en aurait pour son argent à ce tarif-là.

En définitive, je pense que David Guymer a l’étoffe pour devenir un auteur (skaven) qui compte au sein de l’écurie de la Black Library. La manière dont ce petit gars a su s’approprier l’exercice de style somme toute peu évident que constitue la narration d’une aventure de Gotrek et Felix augure du meilleur pour la suite. À ce titre, il n’est guère surprenant que le premier roman de notre homme, Headtaker, ait été sélectionné dans la shortlist du David Gemmell Morningstar Award 2014*.

* : Le Morningstar Award récompense le meilleur premier roman de fantasy, et si le trophée 2014 a finalement échappé à Guymer, on peut noter que l’édition 2011 a été remportée par Darius Hinks avec Warrior Priest (comme quoi, on peut écrire de mauvaises nouvelles et signer de bons bouquins). En 2010, ce bon vieux Graham McNeill s’était déjà adjugé la récompense suprême (le Legend Award) pour Empire, et était venu chercher sa hache-trophée en kilt et smoking.

Au final, pas grand-chose à se mettre sous la dent dans ce numéro. Nik et Nick se révèlent égaux à eux-mêmes, et il n’y a pas de quoi de rire (sauf de « What had happened to the food chain ? », là c’est permis). On ne se relèvera pas la nuit pour reprendre une dose de Dows, c’est sûr et certain. Il n’y a que Guymer qui vienne jeter une lueur incertaine sur ce morne tableau, et encore. Encore un numéro comme ça et je vais commencer à regretter Phalanx les gars, alors mettez-y un peu du vôtre !

À propos de Schattra

Égoïstement optimiste, çapourraitêtrebienpirologiste assumé. Selfishly optimistic, proud itcouldbemuchworsologist

Publié le décembre 27, 2014, dans Chronique, et tagué , , , , , , , , , , , , , . Bookmarquez ce permalien. Poster un commentaire.

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