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THE RESTING PLACES [Recueil]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue de ‘The Resting Places‘, recueil de nouvelles siglées Warhammer Horror publié en mars 2023 par la Black Library. Sorti quelques semaines après l’anthologie ‘Unholy: Tales of Horror and Woe from the Imperium‘, ce livre rassemble les nouvelles préalablement proposées lors des semaines thématiques Warhammer Horror Week de 2021 et 2022, complétées par deux inédits. Pour le prix très abordable de 6,49€, ça valait le coup (et le coût) d’attendre.

The Resting Places

Parmi les macabres auteurs que l’on retrouve au sommaire de ce volume, des têtes connues comme Richard Strachan et David Annandale (le premier étant en train de rattraper le second pour le titre du premier contributeur horrifique de la GW-Fiction), mais également – et c’est toujours appréciable – un grand nombre de nouveaux-venus : R. S. Wilt, J. H. Archer, Chris Winterton, Jeremy Lambert, Jamie Mistry-Evans ou encore Chris Thursten. Warhammer Horror ayant toujours été la franchise la plus « cosmopolite » de la Black Library, cette diversité n’est pas étonnante mais fera plaisir aux lecteurs vétérans plus intéressés par découvrir de nouvelles plumes et de nouvelles approches des univers de Games Workshop que par les sempiternelles variations de BL-style. Sans plus attendre, rentrons dans les choses concrètes et poussons le portail de ce primesautier cimetière où nous attendent les nouvelles du jour…

The Resting Places

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Collapse – J. H. Archer [40K] :

INTRIGUE :

Même si personne n’aime les accidents du travail, certaines professions sont particulièrement à plaindre dès lors qu’un impondérable se produit. Personne ne viendra, je pense, me corriger si je place les Navigateurs sur cette liste des jobs les plus risqués du monde de la galaxie, et certainement pas le héros de la nouvelle ‘Collapse’, Aelfric Gorst. Lui-même membre de cette honorable corporation, il commence notre histoire avec l’horrible mal de crâne causé par un passage de l’Immaterium au Materium un peu trop brutal. Il s’en sort cependant assez bien, le reste de l’équipage du vaisseau sur lequel il sert, le Vivat Rex, étant passé de vie à trépas – une autre forme de voyage, dirons-nous – comme les cadavres mutilés des membres de son équipe peuvent en attester.

Toujours fermement harnaché et câblé à son trône de commandement suite à la coupure de courant qui a frappé le Vivat Rex, Gorst est une version miniature de l’Empereur, à ceci près qu’il ne peut compter sur quelques solides Custodes pour le désincarcérer. Ses appels à l’aide ne sont entendus que par un chérubin décrépit, qui fait son entrée dans le sanctum du Navigateur en rade de la manière la plus terrifiante qui soit, et dont les capacités cognitives limitées n’en font pas un assistant très utile dans cette situation délicate.

Tout cela n’est cependant que le cadet des soucis de Gorst, car il sait que quelque chose est revenu avec le Vivat Rex dans l’univers réel, quelque chose qui n’y a pas sa place et qui est très intéressé par une information que le Navigateur est pour le moment le seul à posséder : la route permettant de rejoindre l’Imperium Sanctus depuis l’Imperium Nihilus, à travers la Cicatrix Maledictum. Notre héros impotent sait qu’il ne doit en aucun cas permettre au démon qui lui tient compagnie de mettre la griffe sur cet itinéraire très spécial, mais confronté à un interrogateur aussi retors et cruel qu’une entité du Warp, capable de replonger sa victime dans le passé et d’usurper l’identité de ses interlocuteurs afin de lui soutirer la précieuse information, mais aussi d’effacer ses plus chers souvenirs pour le contraindre à révéler ce qu’il sait, Gorst livre une bataille des plus inégales…

AVIS :

J. H. Archer réalise un authentique sans faute avec ‘Collapse’, qui dispose d’une bonne intrigue, d’un déroulé impeccable et très cinématographique, et d’une superbe utilisation des codes de l’angoisse et de l’horreur dans l’univers de 40K (c’est d’ailleurs étonnant que cet auteur ait été le premier à mettre le doigt sur le caractère creepy des chérubins). Une telle aisance sur tous les tableaux analytiques de ce qui constitue une bonne nouvelle de Warhammer Horror place Archer dans la catégorie des contributeurs à suivre, c’est un conseil que je vous donne…

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The Pharisene Paradox – R. S. Wilt [40K] :

INTRIGUE :

The Pharisene ParadoxLaissé en faction sur une station d’observation perdue au milieu de rien par son maître, l’Inquisiteur Astero Yarvais, le héros de notre histoire (Eleasar) commence à s’ennuyer ferme. Voilà maintenant trois bons mois qu’il règne sur une petite armée de Serviteurs décérébrés, sans rien d’autre à faire que de garder un œil sur la nébuleuse Rho-386-Cummings. Si cette dernière intéresse Yarvais à tel point, c’est qu’elle est réputée pour accueillir des anomalies temporelles de façon régulière, et comme l’Inquisiteur appartient à l’Ordo Chronos, une surveillance de ces phénomènes s’impose.

La vigile d’Eleasar prend fin de façon brutale et inopinée avec l’arrivée d’un vaisseau cargo à proximité de son poste d’observation. Le Pharisene émerge en effet du Warp sans crier gare, et se dirige droit vers la station. Tellement droit d’ailleurs que l’Interrogateur de faction comprend vite qu’il devra se rendre à bord de ce qui lui semble être une épave à la dérive, si son aspect décati permet d’en juger, pour corriger sa trajectoire avant qu’une collision ne se produise. Si notre héros remarque avant de sauter dans sa navette que le Pharisene semble avoir appareillé de Calth dans un mois par rapport à la date actuelle (et donc dans le futur), il ne prête pas plus attention que ça à cette bizarrerie chronologique. Au contraire, et compte tenu de la spécialisation de son patron, cela lui donne espoir que ce bon vieil Astero soit aux commandes du rafiot, et que cette incongruité ait été causée par l’une de ses expérimentations avec le Warp. On verra bien…

Une fois arrivé sur place, il se fraye un chemin malaisé vers l’Enginarium du vaisseau, balade de santé un peu gâchée par les innombrables cadavres, plus ou moins récents, qui jonchent les coursives du Pharisene. Encore moins rassurant, il entend des pas résonner à proximité alors qu’il s’approche de sa destination. S’il reste des survivants dans cette épave désemparée, pas sûr qu’ils lui veulent du bien…

Début spoiler…Et en effet, la première rencontre qu’il fait avec l’équipage du vaisseau n’est guère amicale. Un individu à l’air louche le met en joue avec son pistolet bolter alors qu’il était sur le point de toucher au but. Mais là, surprise : à y regarder de plus près, ce quidam patibulaire n’est autre que… lui-même, mais avec un sérieux coup de vieux. Et en effet, son double du Pharisene lui apprend que cela fait quarante-sept ans qu’il attend le retour de Yarvais, porté disparu corps et bien avec le reste de l’Ordos il y a des décennies. Laissé à poireauter dans sa station par ses collègues de l’Inquisition, qui avaient tous mieux à faire que de récupérer un Interrogateur sans mentor, old Eleasar vit sa chance arriver lorsque le Pharisene se matérialisa pour la première fois à proximité de la station. Depuis lors, il essaie de remonter le temps, un saut Warp à la fois, grâce à l’anomalie Warp qui touche cet endroit de la galaxie. Pour ce faire, il enclenche puis désactive les moteurs Warp du Pharisene, ce qui le renvoie à chaque fois un peu plus loin dans son passé, et profite de la curiosité de ses alter égos, qui choisissent tous de se rendre sur le vaisseau abandonné pour s’enquérir de la situation, pour récupérer le matériel nécessaire à la réalisation du saut suivant. Et accessoirement, leur coller un bolt dans le caisson, car ces rencontres du troisième type ne se passent jamais bien1.

« Notre » Eleasar ne fait malheureusement pas exception, et décède violemment après avoir révélé à son doppelganger que Yarvais l’a laissé trois mois plus tôt, soit un dernier petit saut Warp pour Vieileasar. Altruiste malgré les centaines de meurtres (techniquement des suicides) qu’il a sur les mains, il ne cherche désormais qu’à convaincre l’Inquisiteur disparu de prendre sa version originale avec lui lors de son départ fatidique, afin de lui éviter le demi-siècle d’isolement (et probablement la folie profonde qu’elle a engendrée) qu’il a dû vivre sur sa station enclavée. Un dessein aussi altruiste qu’égoïste quand on y réfléchit…Fin spoiler

1 : Comme on dit chez les Highlanders, il ne peut qu’en rester un.

AVIS :

Pour ses débuts dans Warhammer Horror, R. S. Wilt ne choisit pas la facilité en se frottant à la redoutable boucle temporelle, qu’il est si difficile de mettre en place de façon convaincante et opérationnelle. Il s’en sort ici avec les honneurs, son histoire de naufragé spatial cherchant à remonter le temps pour éviter à son jeune lui la vie pourrie qu’il a vécue fonctionnant convenablement. On pourrait arguer que l’horreur promise n’est pas tout à fait au rendez-vous, en tous cas pas pour les standards plutôt élevés auxquels la littérature 40K classique nous a habitué, mais quitte à tout prendre, je préfère encore un auteur qui sait construire une intrigue solide mais se rate sur « l’enrobage » horrifique, que l’inverse. On verra ce que donnent les prochaines tentatives…

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The Stacks – C. Winterton [40K] :

INTRIGUE :

The StacksC’est la panique à la grande bibliothèque de Fransoimiterandia1. Cette noble et ancienne institution a en effet reçu la visite, pas franchement amicale, des saints mais peu patients Ordos, qui ont besoin d’un ouvrage bien particulier pour faire avancer une de leurs enquêtes. Petit problème : si la bibliothèque qui nous intéresse est le lieu parfait pour stocker des documents, elle est en revanche beaucoup moins au point pour les retrouver de façon rapide et fiable. Des générations d’adeptes ont passé leur vie à tenter de mettre au point un système d’archivage et de classement digne de ce nom, en pure perte. Cela a d’ailleurs tellement énervé le dernier Inquisiteur qui voulait récupérer ‘Martine sur le Trône d’Or’ pour un babysitting non planifié que ce dernier a décrété l’autodafé d’une partie des ouvrages, avec quelques archivistes ineptes en guise de bougies décoratives sur le haut du bûcher. Aussi, notre héroïne, la pâlotte mais consciencieuse Archivist-Praefectus Livia Tirio, comprend qu’il est dans son intérêt et celui de ses collègues de mettre la main sur le bouquin demandé sans trop tarder, et de préférence avant que l’acolyte inquisitorial envoyé sur place ne le fasse lui-même. Question d’orgueil professionnel, sans doute.

Ayant réussi à identifier un secteur de recherche prometteur après des jours et des nuits de recherche effrénés, elle part sur le terrain équipée seulement d’un sac de bougies réglementaire et de son vœu de silence (eh, c’est une bibliothèque, what did you expect ?), accompagnée par un Servo-Crâne relayant ses progrès à ses supérieurs. On apprend à cette occasion qu’il est tout à fait possible, et même hautement probable, de disparaître corps et biens dans le rayonnage, qui s’étend sur des centaines de kilomètres carrés, triste destin qui a déjà été le lot de la majorité de ses collègues. Grosse motivation donc. Alors qu’elle progresse vers sa destination, elle fait quelques rencontres pas franchement sympathiques, à commencer par le cadavre d’un archiviste à la plume tellement leste qu’il a continué à écrire sur ses robes, puis sur sa peau (avec une plume en métal, ça coupe un peu beaucoup) après avoir recouvert toutes les pages de son cahier. Bilan des courses, le gonze s’est vidé de son sang pendant sa scarification manuscrite. Tout le monde n’a pas le talent d’un Erebus. Un peu plus tard, elle surprend un autre adepte très occupé à dévorer des livres, de façon beaucoup trop littérale (et pas littéraire) à son goût. Lorsqu’il se met à vomir des torrents d’encre après avoir avalé de travers, elle s’éclipse sans se faire remarquer. Pour ne rien arranger, une présence furtive et très possiblement hostile s’est mise en tête de la suivre dans le dédale des couloirs, la forçant à se passer des chandelles fort utiles pour se repérer dans l’obscurité de la bibliothèque afin de semer son poursuivant.

Enfin, elle parvient à la section où elle pense pouvoir trouver l’ouvrage tant convoité, et qui ne contient que des tomes frappés d’anathème et gardés dans des cages (ce qui n’est pas du tout inquiétant pour la suite, bien sûr). Guidée par le tapis de bougies qu’un collègue consciencieux a laissé derrière lui, elle arrive jusqu’à l’emplacement qu’elle avait repéré, où elle trouve un autre Archiviste totalement dément et/ou très impliqué dans son roleplay d’Inquisiteur. Il a avec lui un livre qui ne peut être que celui qu’elle recherche, mais n’a pas le temps de lui signaler poliment de le lui prêter que le malheureux bibliothécaire se prend deux tirs de pistolet laser dans le torse et finit raide mort. C’est l’agent inquisitorial, qu’elle n’avait finalement pas réussi à distancer, qui fait son apparition et l’aurait tout aussi bien trucidé, n’eut été pour sa malheureuse idée de se promener avec une fiole en cristal contenant de l’huile (inflammable) accrochée autour du cou. Dans la bagarre, Livia parvient à casser le récipient, puis à lancer une bougie sur son assaillant, qui décide de faire une Denethor et s’en va sans demander son reste.

Affaiblie et possiblement mourante (elle a pris elle aussi un tir de laser pour sa peine), Livia se saisit enfin de ce damné bouquin…

Début spoiler…Et décide de traverser le portail, catégoriquement démoniaque, qui s’est ouvert au-dessus du livre. Du moment qu’elle le rend dans les deux semaines et dans l’état dans lequel il lui a été remis, elle peut aller le lire où elle veut, pas vrai ?Fin spoiler

1 : Comprendre que la planète sur laquelle notre histoire se déroule n’est pas nommée, et que l’on sait juste qu’elle contient une graaaaaaaaaaaaaaaaaaaaande bibliothèque. Permettez que je m’adapte.

AVIS :

Chris Winterton réussit un sans faute remarquable pour sa première soumission siglée Warhammer Horror… jusqu’au moment de conclure son histoire, qui se termine de façon assez terne et indigne des trésors de montée en puissance atmosphérique mis en œuvre sur les pages précédentes. Dommage mais en rien rédhibitoire pour notre homme, qui s’impose comme un auteur très à l’aise dans l’école horrifique – ce qui est bien – et parfaitement à l’aise avec le concept de grimdark (une bibliothèque de la taille d’une cité, avec un système d’archivage et d’éclairage dignes du XIIème siècle, quoi de plus 40K ?) – ce qui est encore mieux. Si vous cherchiez le digne successeur de Peter Fehervari dans le genre « angoisse deluxe », Chris Winterton pourrait très bien vous plaire…

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King of Pigs – J. H. Archer [40K] :

INTRIGUE :

King of PigsLa guerre s’approche méchamment de la cité ruche de Blackbracken, mais cela ne peut et ne doit pas arrêter la production de se poursuivre dans les cadences imposées. Le protagoniste de notre histoire (aucun indice clair pour dire s’il s’agit d’un homme ou d’une femme, donc appelons-le.a Camille) travaille dans un abattoir spécialisé, non pas dans les grox comme on pouvait s’y attendre, mais dans les exotiques cochons. Des cochons génétiquement modifiés et cultivés en cuve amniotique, mais des cochons tout de même. Malgré les nouvelles inquiétantes qui s’accumulent, les très longues heures, la pénibilité du travail, les vacheries du superviseur et les souvenirs douloureux d’une petite fille emportée par une fièvre maligne, Camille continue à trimer du mieux qu’iel peut, jusqu’à ce qu’un événement peu commun prenne place pendant son shift. Au lieu d’un beau gros goret de 300 kilos, c’est un mignon porcelet qui se présente sur le tapis roulant. Profitant de l’enraiement opportun de son pistolet d’abattage, Camille a le temps de dissimuler la petite créature, qui pour une raison indéterminée mais pas encore sinistre lui rappelle sa fille (Sal), dans la fausse cloison de son box, avant que le mécanicien ne passe pour régler le problème et le cycle de production normal ne reprenne.

Les jours qui suivent voient notre héro.s.ïne de plus en plus paumé et déconnecté du réel faire des pieds et des mains pour garder l’existence de son animal de compagnie secrète, et ce dernier bien nourri. Profitant de la mobilisation forcée de son conjoint, Adar, qui est envoyé en première ligne lorsque Blackbracken est à son tour attaqué par l’ennemi (affilié à Nurgle, si les épais nuages de mouches et l’épidémie de gastro foudroyante qui s’abattent sur la ruche permettent d’en juger), et du bombardement de l’abattoir (ce qui fait un peu baisser les contrôles des allers et venues des travailleurs), Camille rapatrie son goret, devenu en un mois un fort beau spécimen, jusqu’à son appartement. Sur le chemin du retour, iel a une vision dérangeante d’un visage souriant qui apparaît à la surface distendue de la panse de l’animal, et un peu plus tard, un rêve lui vient dans lequel un vieil homme affable l’invite à pénétrer dans son magnifique jardin…

Dans la réalité, les choses vont de mal en pis et l’armée adverse progresse lentement mais sûrement dans Blackbracken. Camille n’est cependant plus en état de s’en soucier, et passe ses journées hallucinées à trouver de la nourriture pour le verrat de compétition qui trône désormais dans sa baignoire. Aussi lorsqu’un Adar blessé vient se réfugier chez eux et annonce que l’ennemi n’est plus qu’à quelques centaines de mètres, son premier réflexe sera…

Début spoiler…de le traîner jusqu’à la salle de bain pour offrir un snack à Babe, qui a définitivement des visages qui apparaissent sur son gros bide. Après tout, c’est ce que le Grand Père voulait en échange d’une entrée dans son merveilleux jardin, où Sal attend son Parent 1. Mais pour être tout à fait sûr de ne pas être refoulé au dernier moment, Camille décide de participer aussi aux frais, et va se présenter à son tour dans la mangeoire de Peppa Pig, en souhaitant bien du malheur à ce faux jeton d’Empereur. On retrouvera plus tard son journal, qui contient l’histoire relatée ci-dessous, à la libération/purification de Blackbracken.Fin spoiler

AVIS :

J’ai beau beaucoup aimer les cochons en règle générale (comme n’importe qui de sensé, il faut le dire), je me suis tenu aux mêmes critères de jugement de la qualité de ‘King of Pigs’ que pour les autres nouvelles de la Black Library, et je dois dire en toute objectivité qu’il s’agit d’une histoire horrifique bien menée et bien conclue, très bien intégrée dans le lore de 40K (même si les cochons n’en font pas vraiment partie de base) et développant quelques idées et concepts creepy à souhait. Archer parvient de manière limpide à nous faire comprendre comment un sujet impérial lambda peut basculer dans la vénération des Dieux du Chaos à son corps défendant, ce qui n’est pas donné à tous les contributeurs de la Black Library. Très impressionnant pour une première soumission.

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The Somewhere Sister – J. Lambert [AoS] :

INTRIGUE :

The Somewhere SisterDans une vallée perdue de Hyish, une famille aelfique vivote en hébergeant les voyageurs se dirigeant vers la cité mythique de Ar-Ennascath, dont l’accès est défendu par des montagnes aussi inhospitalières que dangereuses. L’auberge de la Sœur Errante (traduction par votre serviteur de la V.O. Somewhere Sister) a cependant connu des jours meilleurs, puisque seule notre héroïne, Vendriel réside encore entre ses murs décatis. Après avoir perdu sa mère, puis sa sœur jumelle, Velethir, toutes deux victimes de leur addiction aux éclats d’aetherquartz1 qui entourent le miroir de la matriarche, Vendriel doit gérer l’établissement par ses propres moyens, tout en restant persuadée que Velethir n’a pas vraiment quitté les lieux, rêves macabres (elle la voit hurler sans un bruit, une entité imprécise mais certainement maléfique coincée au fond du gosier) à l’appui. Fort heureusement, la Sœur Errante ne croule pas sous les visiteurs, et est même complètement vide au moment où se présente le forgeron Duardin Gryn Garinsson, bien décidé à présenter son heaume runique lors du festival de Syari, qui se tiendra dans quelques jours à Ar-Ennascath.

Prise de court par l’arrivée du nabot (mouahaha), Vendriel parvient à donner le change et à lui refiler sa piquette premier choix – alors que Gryn voulait de la bière, comme tout nain qui se respecte – malgré l’atmosphère décidément creepy qui baigne l’auberge. Après avoir été à nouveau témoin de l’apparition pas franchement rassurante de Velethir dans le cellier, elle abandonne son hôte pioncer devant la cheminée, mais, miracle, Gryn parvient à passer une nuit tranquille et repart en sifflotant le lendemain à l’aube. Il serait temps de laver le linge miroir sale en famille, maintenant…

Début spoiler…Ces choses là sont cependant plus faciles à entreprendre qu’à conclure, comme Vendriel s’en rend compte lorsqu’elle tente de se défaire du miroir en question. Son idée ne plait en effet pas du tout au démon de Slaanesh qui a possédé Velethir, ni à celui qui a fait de même avec sa mère auparavant, d’ailleurs (peut-être est-ce le même d’ailleurs, l’engeance du Prince du Chaos n’étant pas franchement connue pour être monogame). Confrontée à cette double menace, notre héroïne n’a pas d’autre choix que de rejoindre la petite affaire familiale, et de devenir à son tour une junkie hallucinée et pseudo-démoniaque. Lorsque Gryn repasse par la Sœur Errant pour faire coucou, une fois le festival terminé, il bénéficie d’un accueil dont il se souviendra… toute sa vie.Fin spoiler

1 : L’aetherquartz est la forme Hyishienne (?) des pierres de royaume, et a entre pouvoirs celui d’aspirer les sentiments tristes et négatifs de celui qui le contemple. Les éclats finissent cependant par se saturer de pensées néfastes, et doivent alors être purifiés, leur trop grande concentration pouvant les transformer en générateurs d’angoisse et de déprime.

AVIS :

Jeremy Lambert poursuit sur sa lancée aelfique (après ‘The House of Moons’) avec cette nouvelle où se perçoit nettement son passif de scénariste de comics, tant il semble à la lecture que cette histoire a été écrite avec des effets d’horreur « visuelle » en tête. Les jeux de miroir, de dédoublement (et plus si affinité), le basculement de la narration d’un point de vue de personnage à l’autre… sont autant de stratagèmes éprouvés pour créer un sentiment d’angoisse et de tension chez le spectateur, et si cela marche un peu moins bien sous format littéraire, le résultat reste tout à fait satisfaisant. Finalement, le seul reproche que je pourrais faire à ‘The Somewhere Sister’ est son manque de pédagogie à propos des éléments du fluff Lumineth nécessaires à la bonne compréhension de l’intrigue, à commencer par les éclats d’aetherquartz dont la famille de Vendriel fait si grande consommation, et les effets néfastes de cette dernière, particulièrement lorsque le recyclage en est négligé. Quand on vous dit que l’économie circulaire, c’est important…

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The Gnarled Bough – J. Mistry-Evans [AoS] :

INTRIGUE :

The Gnarled BoughAlors que les autres serviteurs du Seigneur Schreikwood partent dans leur village natal pour fêter avec leurs proches la Nocta Heldenfast, le jeune Arnvoe, garçon à tout faire de la propriété, surprend sans le vouloir une transaction entre le majordome (Kratchloc) et une ranger Aelf de passage dans la vallée Morrthawn, en Shyish. S’il n’arrive pas à apercevoir ce qui se dissimule dans le paquet que la voyageuse remet à l’antipathique Kratchloc en échange d’une quantité respectable de sable de tombe, il réussit toutefois son entrée, en s’écrasant du haut du (petit) beffroi jusqu’aux pieds des deux conspirateurs. Le majordome n’étant pas connu pour sa clémence, Arnvoe se prépare à passer une sale journée lorsque son boss trouvera le temps de s’occuper de son cas, ce qui est heureusement reporté à plus tard du fait d’une activité chargée (ces latrines ne vont pas se nettoyer toutes seules) et d’un effectif plus réduit que d’habitude, du fait des festivités prochaines.

Nous suivons alors Arnvoe dans son morne et pénible quotidien, fait de récurage, dépoussiérage et autre passage de serpillière dans les recoins les moins salubres du manoir de Schreikwood. N’étant pas natif de Shyish, mais de Ghyran, où il était enfant des rues jusqu’à ce que le Seigneur S. ne le ramène comme souvenir d’une des ses nombreuses escapades dans le Royaume de la Vie, auquel il voue une passion aussi dévorante que dispendieuse, Arnvoe ne s’est jamais pleinement intégré à ses collègues de servage, et ne bénéficie lui d’aucun jour de congés (motif officiel : ce n’est pas sa culture). Les travailleurs détachés sont toujours les plus mal lotis, ça, ça ne change pas. Seule la vieille cuisinière a un peu d’égard pour lui, et lui permet ainsi de se faire un petit gueuleton à base d’os – on est à Shysish, what did you expect ? – entre deux corvées.

Le sursis laissé par Kratchloc finit cependant par expirer, et après s’être fait copieusement corriger à coup de ceinture pour apprendre à espionner les gens et à pointer au boulot en retard, Arnvoe est envoyé nettoyer la cave où le Seigneur Schreikwood garde sa collection d’incunables ghyranites. Une tâche d’ampleur pour notre héros, et qui surtout le place à proximité d’une sinistre relique, que tous les membres de la maisonnée évitent comme la peste…

Début spoiler…Alors qu’il est occupé à épousseter un tas de glands, Arnvoe assiste au début d’une réaction en chaîne provoquée par la proximité entre le paquet ramené le matin même par l’aelf (et qui contient de la jadéite, la pierre de royaume de Ghyran) et l’inquiétante acquisition #83, précédemment évoquée. Comme cette dernière se trouvait être, non pas un cep de vigne particulièrement pittoresque, mais la « coquille » d’un Tree-Revenant, la situation dégénère rapidement au fur et à mesure que le réveil de l’esprit des bois s’accompagne par la pousse spontanée et rapide de ronces et d’épineux animés de sanguinaires attentions envers les humains qui leur passent à portée de tige. C’est la pauvre cuisinière qui est la première à se prendre une écharde mortelle dans le gras du talon, suivie par les gardes du château. Au bout de quelques minutes aussi confuses que vivaces, il ne reste plus que Arnvoe, Kratchloc et le Seigneur Schreikwood de vivants dans le manoir.

Lorsque le Tree-Revenant, un peu groggy après ces années à servir de cale porte, se présente finalement devant le trio de survivants, il peut compter sur un allié inattendu mais fort utile en la présence d’Arnvoe, dont les racines (mouahaha) ghyranites le rendent sensibles à la chanson d’Alarielle que l’esprit de la forêt marmonne. Alliant l’inconscient à l’agréable, il profite de l’inattention de ses boss pour planter une hache dans le dos du majordome lorsque celui-ci tente de transformer le Tree-Revenant en torche, et laisse le fantôme de Yannick Jadot faire son affaire au Seigneur Schreikwood sans s’interposer. La nouvelle se termine sur la perspective d’un compostage prochain et express de la biomasse que constitue le corps d’Arnvoe, mais avec le consentement de ce dernier. C’est dire à quel point la musique devait être bonne, bonne, bonne…Fin spoiler

AVIS :

Jamie Mistry-Evans n’est pas le premier à explorer la face sombre des Sylvaneth pour le compte de Warhammer Horror, et je dois dire qu’il n’est pas l’auteur dont la tentative m’a le plus impressionnée. Là où Lora Gray avait réussi à mettre en scène de façon viscérale la folie des Parias (‘Crimson Snow’), et Josh Reynolds donné un aperçu de la menace fongique posée par les suivants d’Alarielle (‘A Darksome Place’), Mistry-Evans reste assez convenu et réservé dans son approche, ce qui est un gros handicap pour susciter l’angoisse chez le lecteur à mon humble avis. A cela s’ajoute une intrigue qui devient dénuée de tout suspens à mi-chemin (une fois que le dormeur du val s’éveille), et qui donne la part belle à l’action (convenue et là encore assez peu marquante) aux dépends de l’atmosphère ou du suspens. Pas mauvais à proprement parler, mais assez quelconque.

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Pain Engine – C. Thursten [40K] :

INTRIGUE :

Pain EngineOù l’on suit la longue et – forcément – macabre quête d’un Haemonculus drukhari pour acquérir un modèle de Talos customisé, qui avait fureur/des ravages lors d’une olympiade à Commoragh où notre héros était présent. Nommé Steeve Seethe, cette belle bestiole ne se révèle pas d’une approche facile : après avoir sacrifié, comme il s’y attendait, tous ses suivants dans les divers pièges mortels protégeant le laboratoire du créateur d’Achille Talos, l’Haemonculus pénètre seul dans le repaire de son estimé mais insaisissable collègue.

Là, il se retrouve face à un prototype inachevé de Talos, et entouré par divers cadavres en état de décomposition plus ou moins avancé, à travers lesquels le constructeur de Seethe s’exprime. Notre héros, qui n’est pas né de la dernière pluie acide, comprend rapidement qu’il est soumis à un véritable entretien d’embauche, et doit ainsi répondre au grand classique « racontez-moi trois projets dont vous êtes particulièrement fier (et pourquoi) ». Jamais mal à l’aise quand il s’agit de parler de sa vie et de son œuvre, l’Haemonculus décrit par le menu les diverses tribulations et collaborations (s’étant toujours très mal finies pour ses partenaires, bizarrement) qui lui ont permis d’arriver jusqu’ici.

Il y a ainsi eu une joint-venture avec un Fleshcrafter du nom de Vyst, exécuté par le successeur de l’Archonte auquel nos compères avaient juré allégeance, et transformé en Grotesque après une éternité de résurrections débilitantes. Il y eut ensuite un M.O.U. avec la Boulangère Pain-Master Talec, vaporisée par un tir de destructeur bien placé après qu’elle se fut montrée plus intéressée par réaliser des tests de Rorschach dans des entrailles de Cabalites que de progresser dans la quête de Seethe. Enfin, notre Haemonculus trouva rigolo de contaminer un camarade (Sziadan) avec un parasite très spécialisé, qui fit fusionner son âme avec son squelette. Squelette qui demanda ensuite le divorce avec le reste du corps du malheureux Drukhari. Et l’obtint. Just a prank, bro. Impressionnant, certes, mais serait-ce suffisant pour gagner le respect d’un artisan aussi doué que Papa Steeve ?

Début spoiler…Et la réponse est oui. Mais comme les histoires d’Eldars Noirs ne peuvent pas bien se terminer (c’est contractuel), notre héros se rend bientôt compte qu’il ne va pas repartir avec Seethe. Plutôt, il va devenir Seethe, comme le modèle de Talos à moitié construit qui trônait au milieu du laboratoire depuis le début de la nouvelle le laissait à peine entrevoir. Appelez ça la poire d’angoisse de Tchekhov. Le rideau tombe sur le début de la transformation de l’Haemonculeur haemonculé, alors que le capot du Talos se referme sur la forme frêle de notre héros. Tel est pris qui croyait (ap)prendre…Fin spoiler

AVIS :

J’ai moyennement apprécié cette soumission de Chris Thursten, que j’ai trouvé très maniérée au niveau de son style (c’est rare pour des écrits de la Black Library, mais ça arrive, coucou Nik Vincent), et très lacunaire au niveau de son intrigue. Le fait que le twist final de la nouvelle soit éventé au cours des premières pages (la manière dont ‘Pain Engine’ est construit ne ménage aucun suspens sur sa conclusion) ne m’a pas non plus mis dans de très bonnes conditions, je dois avouer. Pour finir, l’aspect horrifique est assez limité, ce qui est un comble pour une histoire mettant en scène l’entrée la plus gore du Codex le plus dérangeant de Warhammer 40.000. Du potentiel, certainement, mais encore non réalisé pour autant que je puisse le dire.

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Old Soldiers – R. Strachan [AoS] :

INTRIGUE :

Le vieux Druner est un vétéran couturé et irascible des régiments de miliciens de Hammerhal, s’enorgueillissant d’avoir participé à la bataille du champ de Brennung, cinquante ans plus tôt. Lorsque l’anniversaire de cet affrontement fatidique arrive, le vieillard commence à manifester des signes d’inquiétude et de paranoïa, inquiétant fortement sa fille Amelya et son mari Vikter, chez lesquels il est logé. Druner voit en effet des gens qui sont morts, comme le dit l’expression consacrée, à savoir ses camarades des Ashpounders, le corps d’armée dans lequel il a servi il y a toutes ces années. Alors que lui a survécu à la bataille avec une jambe cassée, Lukas, Fynn et Ingryd n’ont pas eu cette chance, et où qu’il tourne les yeux, notre vieux héros voit les cadavres horriblement mutilés de ses compagnons le contempler d’une façon vaguement accusatrice. Se pourrait-il qu’il ait quelque chose à se reprocher ?

Début spoiler…Après quelques jours (et nuits) de cohabitation malaisée avec les corps démembrés du trio, Druner entreprend un pèlerinage jusqu’au lieu où s’est déroulé la bataille, il y a toutes ces années. À l’époque, il était le plus jeune servant d’une batterie Tonnerre de Feu, chargé exclusivement de la tâche subalterne mais essentielle du nettoyage des tubes de lancer entre deux volées. Ayant oublié son écouvillon dans les baraquements du régiment le jour précédent la bataille, il mentit à ses camarades sur l’état de propreté de la machine au moment où les Ashpounders se préparaient à envoyer une volée sur les Orruks chargeant leur position, causant un incident de tir qui coûta la vie au reste des servants.

Toujours accompagné des spectres de Lukas, Flynn et Ingryd, Druner se rend en pénitence jusqu’au lieu de l’accident, ayant cette fois pris soin de prendre son écouvillon avec lui. S’il croyait apaiser l’esprit vengeur de ses camarades par un honnête, même si tardif, mea culpa et l’offrande de la brossette manquante dans le cratère qui marque encore le lieu de l’accident, cinquante ans après, il en est cependant pour ses frais. Aussi revanchards que des Duardin auxquels on aurait pas rendu leur monnaie, les trois fantômes se matérialisent pour de bon dans le royaume des vivants et font son affaire au commis oublieux. You had ONE job, Druner !Fin spoiler

AVIS :

Ça partait sur de bonnes bases avec un mystère à élucider (pourquoi Druner est-il persécuté par ses frères d’armes alors qu’il se présente comme un héros décoré) et une bonne dose d’horreur graphique, mais (et vous reconnaîtrez avec moi que c’est exactement le bon endroit pour sortir cette métaphore) ‘Old Soldiers’ finit par faire long feu. Une fois que l’on comprend les causes des hallucinations macabres du héros, il ne faut pas longtemps pour deviner comment l’histoire va se terminer, et Strachan termine son récit sans le plus petit retournement de situation. Dommage, car les prémisses étaient intéressantes, notamment pour moi qui fut dans mon jeune temps un joueur de l’Empire à Warhammer Fantasy Battle, et qui a perdu un nombre conséquent de machines de guerre sur le combo bien connu « Incident de tir + 1 ». Hommage à tous les servants partis en fumée pour la défense de la patrie !

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The Vintage – D. Annandale [AoS] :

INTRIGUE :

The VintageIl y a des promotions qui valent un enterrement, et ce n’est pas Ullior Arkhant qui nous dira le contraire. Capitaine chevronné de l’armée de sigmarites s’étant ralliée aux Anvils of the Heldenhammer lors de leur campagne de libération de Shyish, Ullior caresse le secret espoir de devenir à son tour un des Elus du Grand Barbu, et a donc fait de son mieux pour soigner ses stats en combattant aux côtés des Stormcast Eternals. S’il s’est fixé cet ambitieux objectif, c’est parce qu’il est hanté depuis son enfance par le souvenir du jour où son village natal et tous ses habitants ont été passés au fil de la griffe et de la canine par une bande de vampires assoiffés, menés par nulle autre que la redoutable Anasta Malkorion. Ayant échappé au carnage par un gros coup de bol (il a été recouvert par un bout de charpente lorsqu’un Vargheist grognon a défoncé la hutte familiale), Ullior ne s’est jamais débarrassé de son complexe du survivant, et aspire donc à être reforgé pour laisser une bonne fois pour toute son passé derrière lui. Aussi, lorsque le Lord Celestant des Anvils of the Heldenhammer lui annonce qu’il l’a choisi pour garder la forteresse de Fovos, en grande partie parce qu’il est un natif de la région, pendant que les Stormcast poursuivront leur croisade dans le Royaume de la Mort, le brave Ullior présente une figure d’enterrement à son supérieur (qui ne relève pas, croyant sans doute qu’il s’agit de la manière dont les Shyishois marquent leur contentement). Il est toutefois trop obéissant et discipliné pour refuser cette mission, d’une importance vitale pour sécuriser les lignes d’approvisionnement des Stormcast Eternals.

Les premières semaines s’écoulent avec monotonie, rien ne venant perturber le calme mortuaire de Fovos, malgré les mauvais pressentiments qui pourchassent notre héros. Persuadé que le pire est à venir, ce dernier ne compte pas ses heures et prend si peu de repos que sa seconde finit par lui intimer d’aller piquer un roupillon pour reprendre du poil de la bête et convaincre ses hommes qu’il a confiance en eux. Ullior accepte et part faire un somme amplement mérité, mais est aussitôt assailli par un terrible cauchemar, et revient à lui dans une forteresse plongée dans un silence de mauvais augure…

Début spoiler…Et pour cause : la garnison a été massacrée par un ennemi sanguinaire, qui se révèle bien sûr être Anasta Malkorion en personne. On apprend alors que la survie d’Ullior ne devait rien au hasard ou à la chance, mais n’était qu’une manigance de la vampire pour créer un « grand cru de sang » à partir du traumatisme subi par notre héros, laissé à psychoter pendant quelques décennies comme on peut élever un vin de garde dans un (Monde qui) fût en chêne. Une telle patience ne peut que s’applaudir, et bien que l’issue de la nouvelle ne soit guère heureuse pour Ullior (qui mourra sans avoir été remarqué par Sigmar), il aura au moins la satisfaction de savoir que sa misérable existence a permis la création d’un fameux millésime. Boire ou périr, pourquoi choisir ?Fin spoiler

AVIS :

David Annandale et les personnages tourmentés, rattrapés et terminés par leur passé douloureux, c’est une des associations les plus pérennes de Warhammer Horror (‘A Deep and Steady Tread’, ‘The Hunt’, ‘From the Halls, the Silence’)… juste derrière David Annandale et les vampiresses manipulatrices et implacables (‘The Threshold’, ‘The Dance of the Skulls’, ‘The Gossip of Ravens’, ‘Obsidian’). Ici, notre homme réunit ses deux marottes avec une nouvelle d’ambiance assez bien construite, compensant son manque criant de suspens par la caractérisation réussie dont bénéficie Anasta Malkorion1, abomination morte-vivante alliant cruauté bestiale et raffinement aristocratique. Ca se laisse lire autant que le pauvre Ullior Arkhant se laisse boire, même s’il ne s’agit pas d’un chef d’œuvre horrifique.

1 : Le personnage nommé le plus énigmatique d’Age of Sigmar, puisqu’elle semble avoir été créée de toutes pièces lors du Warhammer Day 2021, et n’a plus jamais fait parler d’elle depuis. Cela n’a pas empêché la Black Library de sous-titrer ‘The Vintage’ comme étant « une histoire d’Anasta Malkorion », comme s’il s’agissait d’un personnage amené à bénéficier de sa propre série.

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The Isenbrach Horror – D. Hinks [40K] :

INTRIGUE :

The Isenbrach HorrorSur la planète féodale de Horthn IV, deux conspirateurs (Sabinus et Zurburan) de la Confrérie Terrane se sont donné rendez-vous dans les ruines de la basilique d’Isenbrach. Il s’agit d’un endroit parfait pour nos conjurés car les légendes locales murmurent que le lieu est hanté par un spectre meurtrier, ce qui assurera à leur entretien la confidentialité qu’il nécessite. La Confrérie Terrane s’est en effet donnée comme mission de débarrasser Horthn IV de son dirigeant (ou Sovran en langue locale), accusé d’avoir dévoyé le culte impérial et de n’être qu’un fieffé hérétique. Un tel projet ne peut pas tomber dans toutes les oreilles…

Sabinus arrive malheureusement porteur de mauvaises nouvelles : plusieurs conjurés ont récemment disparu sans laisser de trace, ce qui laisse à penser que quelqu’un a eu vent de la conspiration et s’est mis à supprimer ses participants les uns après les autres. Cette révélation inquiète Zurburan au point qu’il considère abandonner son dessein meurtrier pour se mettre au vert quelques temps, mais Sabinus le convainc qu’il est au contraire nécessaire de poursuivre les préparatifs pour mettre à bas le tyran. C’est alors qu’un grand bruit s’élève des niveaux inférieurs des ruines, ce qui ne peut qu’indiquer la présence d’un ou plusieurs intrus (pas très discrets), que les comploteurs ne peuvent évidemment pas laisser repartir en vie. Les deux compères dégainent donc leur épée et s’en vont explorer les sous-sols de la basilique, faisant fi de sa réputation sinistre ainsi que de l’odeur pestilentielle qui s’en dégage.

La cause de cette nuisance olfactive est bientôt percée à jour : un cadavre exsangue a été abandonné sur place. À la grande stupeur de Sab’ et Zurb’, il s’agit d’un autre membre de la Confrérie (Tauris). Le doute n’est plus permis : on les a attirés ici pour se débarrasser d’eux. Lorsque la voie par laquelle ils sont descendus est brutalement condamnée par l’inexplicable fermeture d’une porte blindée, puis qu’ils découvrent le corps d’un autre comploteur (Cimmerus), la psychose s’abat pour de bon sur nos héros. Ils n’auront cependant pas à attendre longtemps avant de se confronter à leur mystérieux adversaire, qui leur tombe dessus sans crier gare…

Début spoiler…Et que se révèle être un vampire. Si si. La vue d’une chauve-souris géante bipède n’étant pas la plus anodine qui soit, Zurburan n’a pas le temps de réagir avant que la bestiole lui charcute la carotide, scellant son destin mais permettant au moins à Sabinus de bénéficier d’une longueur d’avance pour tenter de trouver une sortie de secours, le temps que Batman finisse de se désaltérer. S’il parvient bien à retrouver le chemin de l’extérieur, notre héros reste toutefois en mauvaise posture, son cheval ayant été dévoré par l’insatiable créature, et cette dernière ne tardant pas à coincer le pauvre Confrère dans un coin de la basilique pour lui régler son affaire…

Début spoiler 2…Toutefois, surprise, le vampire fait preuve de retenue et se transforme sous les yeux ébahis de Sabinus pour prendre les traits du Sovran en personne, le Seigneur Marvil. Ce dernier semble exercer une emprise psychique sur son interlocuteur, et se contente de lui donner le nom de la prochaine conjurée (Miana) à faire disparaître avant de tourner les talons. On comprend alors que c’est Sabinus qui, involontairement, est responsable du fort taux de mortalité de ses complices, qu’il a amené les uns après les autres à Isenbrach, sans se souvenir des instructions implantées dans son esprit par Marvil. La chauve-souris et la taupe, voilà qui ferait un beau titre de fable…Fin spoiler

AVIS :

The Isenbrach Horror’ fait partie de ces nouvelles dont on se dit immédiatement après les avoir terminées « il me manquait une information cruciale pour comprendre les tenants et aboutissants de cette histoire ». Après recherche, je peux donc vous confirmer que Darius Hinks semble avoir repris et poursuivi un passage de fluff provenant de l’incontournable supplément Warhammer Siege, datant de… 1988. C’est là qu’est fait mention pour la première fois du monde de Horthn IV et du vampire qui le dirige. Et si je ne mets pas de majuscule à vampire, c’est parce qu’il s’agit d’une sous-espèce de démons bien identifiée dans le background de Rogue Trader (comme chacun sait). Bref, une mouche-troll semble avoir piqué Hinks au moment de plancher sur cette nouvelle : je ne m’explique pas autrement son choix de baser la chute de son histoire sur l’archéo-fluff le plus obscur.

Cette bizarrerie évoquée et évacuée, on se retrouve en présence d’une nouvelle d’horreur très moyenne, où il ne se passe pas grand-chose, et d’où aucune atmosphère de malaise ou d’angoisse ne se dégage. Les deux personnages principaux passent en effet l’essentiel du propos à péniblement explorer une crypte à 95% vide, et leur confrontation avec l’antagoniste se déroule sans qu’aucun retournement de situation ne vienne épicer le face à face. Entretien avec un vampire… qui est surtout expert-comptable. Assez WTFesque à la première lecture, et n’en méritant certainement pas une seconde.

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Aberration – J. Ozga [AoS] :

INTRIGUE :

AberrationMarianne est une jeune paysanne ayant passé toute son enfance dans un petit village de Shyish, entourée d’une famille nombreuse et (une fois n’est pas coutume) heureuse. Tout changea cependant lorsque la nation du feu a attaqué le nécroséisme se produisit, déclenchant des calamités localisées à travers les Royaumes Mortels. Pas de chance pour notre héroïne, la cabane où elle vivait avec parents et frères et sœurs fut frappée par un incendie magique pendant qu’elle était partie cueillir des champignons, tuant tous ses occupants et laissant la pauvrette seule au monde. Pour ne rien arranger, son absence sur les lieux du drame, loin de susciter la compassion du voisinage, la fit bientôt considérer avec suspicion par les péquenauds superstitieux des alentours, qui ne mirent pas longtemps à se convaincre qu’elle devait avoir ourdi la mort de ses proches pour gagner quelques pouvoirs magiques. Pas plus stupide qu’une autre, Marianne décida donc de changer d’air avant d’être à son tour réduite en cendres, et partit en direction du seul endroit où elle était sûre d’avoir une paix royale : le château en ruines surplombant la région.

Au terme d’une marche d’approche frigorifiante (c’est ça aussi de partir faire de la randonnée pieds nus dans la neige), Marianne arrive devant son nouveau chez-elle, qui n’est cependant pas aussi désert que son aspect décati semblait l’indiquer. Un châtelain, que nous appellerons Vyktor pour nous simplifier la tâche, habite en effet toujours les lieux, et il est clair au premier coup d’œil que notre homme est un Vyrkos (ce que l’on obtient lorsqu’on ne peut pas choisir entre la team Edward et la team Jacob dans Twilight) pur jus. Cela ne décourage pas pour autant Marianne, qui a rêvé que son destin se trouvait dans ces vieilles pierres, et qui est d’ailleurs fort civilement accueillie par son hôte.

S’en suivent quelques semaines où la jeune fille et le vampire cohabitent de manière très prosaïque en mangeant des anguilles dans la ruine qui leur sert de coloc, et sans qu’une quelconque alchimie de type ‘La Belle et la Bête’ ne se développe entre eux. C’est même plutôt l’inverse qui se produit, Vyktor finissant par délaisser complètement son invitée, jusqu’à une nuit funeste où il part régler son affaire à une bande de maraudeurs ayant eu l’outrecuidance d’envahir ses terres. A son retour, Marianne décide qu’il est grand temps de crever l’abcès entre eux, et énerve si bien Vyktor (en lui plantant son propre couteau dans le torse, il faut bien ça pour exciter le stoïque Vyrkos) qu’il lui croque le visage de la façon la moins sensuelle et la plus littérale possible. Les histoires d’amour (?) finissent mal…

Début spoiler…Sauf en Shyish, où rien ne finit vraiment. La nouvelle se termine sur une ultime scène qui voit la macchabée discuter avec les fantômes de ses sœurs, et partir errer dans la forêt voisine. So long, Marianne. Fin spoiler

AVIS :

On reconnaît dans cet ‘Aberration’ la patte (de loup) si particulière de Jake Ozga, mais je dois avouer que j’ai eu bien du mal à rentrer dans cette histoire d’orpheline solitaire qui va squatter chez le châtelain du coin pour des raisons obscures. Si le final macabre n’est pas vraiment une surprise, eut égard à la franchise dans laquelle Ozga écrit, j’aurais aimé comprendre de quoi il en retourne avant que la pauvre Marianne excède la patience de son bienfaiteur. Tout comme j’aurais aimé comprendre si elle meurt vraiment à la fin (dur à dire en Shyish), et qui sont les camarades de deuil qu’elle gagne après avoir été féminicidé. C’est bien beau d’être onirique, M. Ozga, mais un peu de clarté dans ses propos ne nuit pas non plus.

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Blood Drinker – J. Brogden [40K] :

INTRIGUE :

Blood DrinkerNous sommes de retour dans le Spike, le vaisseau spatial encalminé dans le Warp depuis des centaines d’années et transformé en mini cité-ruche par les descendants de son équipage d’origine1. Un nouveau dossier urgent est arrivé sur le bureau de la Prime Adjutant Galla Domitia : un des collecteurs de champignons chargé de la récolte de la ressource alimentaire de base du Spike (la moisissure qui s’accumule dans les tuyaux d’aération) a été retrouvé en état de choc, et persuadé d’avoir rencontré un monstre assoiffé de sang qui a réduit son collègue de travail en charpie. Après un rapide interrogatoire mené en compagnie d’un de ses subalternes (Darius Reiven), Domitia envoie ce dernier à la tête d’une patrouille enquêter sur les lieux de l’accident. Malgré les instructions très claires lui ayant été données par sa boss de ne pas jouer les héros dans le cas où la version du témoin serait corroborée – ce qui est le cas, la fine équipe ne tardant pas à retrouver les restes du malheureux racleur de fungus – Darius décide de suivre les traces de l’agresseur. Quoi de mieux pour obtenir une promotion rapide que de boucler avec brio sa première mission, hein ? Eh bien, peut-être survivre à cette dernière et espérer être mis sur un dossier un peu plus facile.

Car le meurtrier ne s’était pas beaucoup éloigné de la scène de son crime pour aller piquer un roupillon réparateur, et l’approche peu discrète de Darius et de ses hommes le réveille en sursaut. S’en suit un affrontement très déséquilibré entre les miliciens du Spike et la bête fauve qu’ils ont acculée sans le vouloir, au cours duquel tous les camarades de notre héros mordent la poussière les spores de champignons. Lui-même ne doit son salut qu’à l’aquila dénotant son statut qu’il porte à la boutonnière, et dont la seule vue provoque la fuite de son agresseur. Traumatisé par le tour qu’ont pris les événements, Darius décide sagement de s’octroyer un peu de repos et tombe dans les pommes après le départ du tueur. Son face à face avec la mort a cependant eu un témoin…

A son réveil, il découvre en effet qu’il n’est pas seul dans sa coursive. Une jeune femme se présentant comme Raidne patiente à proximité. Sous ses abords quelconques, elle cache toutefois un grand pouvoir (c’est une Psyker) ainsi qu’un lourd secret (elle appartient à la race des Crawlers, les mutants dégénérés qui peuplent les niveaux inférieurs du Spike), et s’intéresse depuis quelques temps aux déprédations du monstre qui sévit dans le périmètre. Elle a une idée assez précise de la nature de ce dernier, et de comment en venir à bout, mais a pour cela besoin d’un coup de main, que Darius lui donnera qu’il le veuille ou non…

Début spoiler…Il s’avère que le monstre est en fait un Space Marine du Chapitre des Blood Drinkers (Actaeon), suspendu en catatonie depuis des années et tiré de son coma artificiel par Raidne lors d’une de ses excursions dans le dédale du Spike. Sa grasse matinée prolongée n’a pas fait grand bien à notre Astartes, qui s’est réveillé en proie à la Soif Rouge et persuadé qu’une bête maléfique le traque à travers les coursives. Le seul moyen qu’a trouvé Actaeon pour confondre son poursuivant est de s’enduire du sang de ceux qu’il voit comme les acolytes de la bête, et qui ne sont autres que les habitants du Spike.

Grâce à ses pouvoirs et à la participation active de Darius, qu’elle peut faire apparaître au Space Marine en perdition comme une figure d’autorité, Raidne a bon espoir d’arriver à calmer le surhomme psychotique, qui même sans son armure (retirée par Raidne lors de son investigation) constitue un adversaire formidable. Après avoir préparé un rituel d’accueil pour maximiser ses chances d’influence psychique, Raidne manifeste son pouvoir Jingle entêtant pour attirer l’attention d’Actaeon et le diriger vers la salle où elle l’attend en compagnie de Darius.

La confrontation manque de se finir en eau de boudin pour l’audacieuse Psyker lorsqu’elle réalise que sa cible n’est pas victime d’hallucinations, mais que la bête qui le poursuit n’est autre que sa projection de la Rage Noire. Malgré les paroles inspirantes qu’elle lui fait passer via l’intermédiaire d’un Darius « déguisé » en Sergent Space Marine par ses bons soins, Raidne ne fait pas la maligne lorsqu’un Horus à tête de loup se présente à Acteon, et que le combat (mental) s’engage entre le Blood Drinker en cosplay Sanguinius et le Maître de Guerre. On sait tous comment ce duel se termine…

Début spoiler 2…Eh bien, pas cette fois. Actaeon finit en effet par se réveiller de sa transe, apparemment guéri de sa folie et totalement in love de Raidne, qui compte bien utiliser son nouveau gros copain pour aller se venger des fréquentes campagnes d’extermination lancées par les habitants du Spike envers les populations de Crawlers. Je serai Galla Domitia, je ne serais pas sereine… Et Darius, me demanderez-vous ? Eh bien, comme prévu par l’impitoyable Raidne, l’expérience lui a complétement grillé le cerveau, et s’il a techniquement survécu à son petit rôle dans la reconstitution des événements du Vengeful Spirit, il n’est plus qu’une épave démente essayant de dessiner des symboles impies avec ses sécrétions organiques. Et, malheureusement pour ses concitoyens du Spike, il s’améliore constamment…Fin spoiler

1 : Pour plus d’information, se référer à ‘The Cache’, du même auteur.

AVIS :

James Brogden donne une suite à ‘The Cache’, et ne choisit pas la facilité en intégrant à l’environnement déjà très haut en couleur du Spike un bout de lore 40K tout aussi évocateur, et généralement traité dans un cadre plus « neutre » par ses collègues de la Black Library. Il y a des gens qui n’ont vraiment peur de rien (et ce ne sont pas tous des Space Marines). Heureusement pour nous, le mélange se révèle être tout à fait digeste, et même si l’identité du monstre ne restera pas un mystère très longtemps pour le lecteur averti, Brogden a l’élégance de ne pas baser la conclusion de son propos sur cette révélation, qui sert simplement de tremplin à un final aussi épique qu’inattendu1.

Au final, ‘Blood Drinker’ n’est pas la nouvelle horrifique la plus aboutie qui soit, mais le Spikiverse mis en scène par Brogden est si différent des autres histoires 40K de la Black Library, et si riche de potentiel narratif, que je ne peux que saluer l’entreprise et espérer qu’elle se poursuive à travers d’autres courts et longs formats.

1 : Je ne croyais pas avoir ce genre de détails avant le deuxième volume de The End and the Death.

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Bird of Change – R. Strachan [AoS] :

INTRIGUE :

Bird of ChangeDans un petit village de Chamon, la jeune Vemari attend impatiemment que son corps change. Et, non, il n’est pas question de puberté ici, mais de bonne vieille mutation des familles (après tout, on fait de la fantasy, m*rde) : tous les habitants du bled où elle a grandit avec ses parents et sa jeune sœur Avaryn ont en effet été bénis par Tzeentch, et arborent fièrement qui un œil surnuméraire, qui des serres acérées, qui un petit tentacule du plus bel effet. Vemari, qui n’a pas eu la chance de développer de super pouvoir tumeur maligne au même titre que ses petits camarades, se sent un peu exclue de la vibe locale. Elle part donc souvent de nuit creuser le riche sous-sol chamonite en compagnie d’Avaryn (et de la tête supplémentaire qui lui pousse sur le cou), à la recherche de la changepierre1 qui pourrait lui permettre d’intégrer à son tour les X-Men, ou de confirmer qu’elle est bien un Pokémon. Les opinions divergent.

Malgré leurs meilleurs efforts, les frangines ne parviennent pas à déterrer autre chose que des cailloux brillants, et le jour tant attendu par les habitants de Mutanville fini par arriver sans que notre héroïne n’ait échappé à sa condition de normie. Tous les ans en effet, le Magister du village emmène neuf volontaires tirés au sort jusqu’à l’Arbre de Cristal qui surplombe la vallée, afin que les heureux élus puissent rejoindre l’Oiseau du Changement qui vit sous le majestueux végétal. La légende raconte que les visiteurs aident l’Oiseau à grandir, jusqu’au jour où il sera assez fort pour prendre son envol et apporter le changement dans tout le royaume. Le fait qu’on n’ait jamais revu les Nazgul festivaliers revenir au village n’est absolument pas vu comme la preuve qu’il leur est arrivé quelque chose d’horrible, cependant, et les candidats ne manquent jamais. La crédulité paysanne m’étonnera toujours.

Bien qu’il soit habituel que le sort « favorise » les plus mutés (comme dans l’Education Nationale) au cours du processus de sélection, Vemari décide de mettre son nom dans la coupe de feu, juste pour voir ce qu’il se passe. Après tout, qu’a-t-elle à perdre dans la tentative ? NE RÉPONDEZ PAS. Et, ô miracle, elle a le bonheur d’entendre son nom appelé par le Magister, ainsi que celui de son pote Mylin, également frappé par la malédiction de la normalité. Comme quoi, la diversité et l’inclusion sont vraiment des vertus cardinales chez les disciples de Tzeentch. Au terme des réjouissances de circonstance, les neuf élus sont emmenés jusqu’à l’Arbre de Cristal, et attachés par de solides chaînes à son tronc. Absolument rien d’inquiétant dans ces préparatifs, bien sûr. Après s’être fendu d’un petit prêche final, le Magister s’en retourne au village, laissant Vemari, Mylin et les autres attendre patiemment l’arrivée de l’Oiseau…

Début spoiler…Évidemment, ce dernier n’est pas Big Bird (ce serait donc ça qu’on aurait appelé le multiverse…), mais bien un authentique monstre assoiffé de sang, qui s’extrait péniblement de son terrier situé sous les racines de l’Arbre et tombe sur les villageois tétanisés comme un Homer Simpson sur un tas de donuts. Par un coup de chance, Vemari est seulement assommée par la bête, et se réveille dans une petite cellule dans l’antre de cette dernière. Ses camarades n’ont pas été aussi favorisés par Ranald, et ont tous été sauvagement dévorés par l’Oiseau, qui a y regarder plus près ressemble plus à un Varghulf qu’à un Duc du Changement… N’y aurait-il pas tromperie sur la marchandise ?

En fait, le dindon (très énervé) de notre farce est un seigneur vampire dégénéré répondant au nom de Krugar, que les hasards de la non-vie ont poussé à devenir le croquemitaine du village de cultistes précédemment présenté. N’ayant pas laissée tomber ses lubies de changegirl, Vemari se passionne rapidement pour le parcours de vie (?) de son geôlier, qui est passé d’ignoble suzerain à chauve-souris enragée : que voilà une trajectoire fluide ! Au fil des jours, et au contact de sa prisonnière, Krugar revient petit à petit à reprendre le dessus sur sa condition, et finit par laisser Vemari libre de retourner dans son village, pendant que lui ira régler ses comptes avec les descendants de sa lignée responsables de sa déchéance…

Début spoiler 2…Cependant, ce n’est pas vraiment le happy end que souhaite notre héroïne philosophe. Désireuse de changer elle aussi, elle ne trouve rien de plus malin que de venir taper sur l’épaule de Krugar pendant qu’il cherche désespérément quelque chose à se mettre dans sa vieille garde-robe, et lui présenter un miroir pour lui faire réaliser qu’il n’a plus vraiment une tête de porte bonheur2. Réaction extrême mais prévisible du vampire : sauter à la jugulaire de cette adolescente pénible, qui finit la nouvelle avec la satisfaction de savoir qu’elle va bientôt expérimenter le changement le plus radical qui soit. Qu’ils sont morbides alors, ces jeunes.Fin spoiler

1 : Le nom donné à l’uranium dans les Royaumes Mortels, j’en suis convaincu.
2 : Car oui, apparemment il ne s’en été pas rendu compte tout seul. Assez étrange.

AVIS :

Bird of Change’ ne manque pas d’idées intéressantes, à commencer par le concept du village de mutants vivant comme tout un chacun, loin de l’image d’Epinal des cultistes chaotiques dégénérés. De même, le twist sur l’identité de l’Oiseau du Changement est assez intrigant (et plus surprenant que le fait que le joli mythe du Magister ne soit qu’un gros bobard), et aurait pu déboucher sur un final vraiment intéressant, si Richard Strachan s’était donné la peine de développer son propos de manière convenable au lieu de « s’éparpiller » en tous sens. Les vingt pages que durent cette nouvelle sont en effet insuffisantes pour exploiter de manière convenable les fulgurances de Strachan, qui se permet en plus de mettre en scène des péripéties « orphelines ». Exemple gratuit : l’histoire commence par la scène de recherche de changepierre par Vemari et Avaryn, et notre héroïne reçoit un caillou spécial de la part de sa sœur… qui n’aura aucune espèce d’importance dans le reste de la nouvelle, alors qu’il semblait évident à la lecture qu’il s’agissait d’un fusil de Tchekov. Bref, une offrande qui se démarque par son originalité plus que par son aboutissement, ce qui est toujours un peu dommage.

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Et c’est ainsi que se termine cette revue de ‘The Resting Places‘, une anthologie assez agréable et dans laquelle se sont plutôt les nouveaux venus (Archer et Brogden en tête) qui tirent leur épingle du jeu. Il reste à voir si cette nouvelle garde poursuivra sa collaboration avec la Black Library, l’expérience montrant que les auteurs de Warhammer Horror sont les plus susceptibles de ne pas s’engager sur la durée ; en tout cas, si vous êtes un fan de la gamme horrifique de la GW-Fiction, il n’y a pas de raison de faire l’impasse sur ce recueil, qui fera honneur à votre collection.

SUMMER OF READING 2017 [40K-AoS]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue, franchement hivernale, du Summer of Reading 2017 de la Black Library. Pour ceux qui ne seraient pas familiers avec ce format, que la BL a abandonné en 2019 après plusieurs années d’usage, il s’agissait de l’ancêtre des semaines thématiques avec new content daily dont nous sommes maintenant abreuvés. Il faut croire qu’à l’époque, les gens avaient davantage le temps puisque cette les SoR couraient non pas sur une semaine, mais bien sur une saison (plus précisément, la période creuse des congés estivaux en Europe)1.

1 : On peut aussi remarquer que les réductions étaient plus avantageuses, avec 7 nouvelles pour le prix de 5. Quelle époque de cocagne nous vivions alors…

Summer of Reading 2017

Au programme de l’été, sept nouvelles en provenance directe de l’Hérésie d’Horus, du 41ème millénaire et des Royaumes Mortels. Si certaines de ces soumissions sont de purs stand alone, d’autres mettent sur le devant de la scène des figures (Lucius l’Eternel, Hamilcar Bear Eater) et des séries (Les Lamentations de Khorne de Reynolds, les Carcharodons de MacNiven) bien connues des habitués de la BL. De la même manière, les auteurs ici convoqués ne dépayseront pas grand-monde, à l’exception peut-être de Ian St. Martin, encore relativement nouveau dans la carrière à l’époque. Sans rien d’autre ajouter dans cette introduction, voyons maintenant ce que cette mini-série a sous le capot. 

Summer of Reading 2017

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Grandfather’s Gift – G. Haley [HH] :

INTRIGUE:

Grandfather's GiftLe propos de notre récit se situe dans un jardin public, où un clochard toxicomane émerge péniblement d’un sniff de crack frelaté, dans une tenue étrange et avec une très vague idée de qui il est et ce qu’il fait là. Vous allez me dire : « C’est pas une nouvelle de l’Hérésie ça, c’est la Villette un mardi matin classique ». Vous auriez raison, sagaces lecteurs, ne serait-ce que pour les quelques détails ci-après : le jardin est géré par le NURGLE (Node Urbain de la Régie Générale de Laval Est), le clochard est un Primarque, et la mémoire qui lui revient progressivement lui apprend, et nous avec, qu’il est Mortarion, seigneur de la Death Guard.

Malgré ces débuts prometteurs, Morty se demande bien comment il est arrivé dans ce bouge, lui qui aux dernières nouvelles travailllait tranquillement dans son laboratoire de la planète de la peste à quelque grand dessein arcano-technologique. Plus curieux qu’inquiet devant le charme sauvage de l’endroit, à mi chemin entre le jardin anglais dans toute sa bucolique liberté et le fond d’un baril d’eau lourde oublié dans un terrain vague de Chernobyl, notre Primarque décide de partir en vadrouille, espérant trouver un agent municipal qui lui indiquera la station de tram la plus proche pour l’Oeil de la Terreur. Au bout de quelques secondes/minutes/heures/jours/mois/années/siècles/éons, il finit par tomber sur un Grand Immonde, en chair autant qu’en larmes, auprès duquel il s’enquiert poliment des raisons de son tracas. On a beau dire ce qu’on veut des qualités paternelles de l’Empereur, il a su inculquer à ses fils des manières tout ce qu’il y a de plus urbaines.

Khu’gath, car c’était lui, se fait un plaisir de rafraîchir la mémoire du dormeur du val, le taquinant au passage sur son aveuglement volontaire, et hilarant, quant au fait qu’il soit un psyker, appellation que Mortarion refuse catégoriquement1. Toujours totalement perturbé par une enfance difficile et un complexe d’Oedipe asymétrique (il veut tuer son père et… tuer son père) mal digéré, notre héros atrabilaire ne démord pas qu’il est un scientifique et non un praticien des arts occultes, ce que Khu’gath, conciliant, finit par lui accorder. En guise de cadeau d’adieu, l’affable démon a la bonté de remodeler le Primarque a sa véritable image, ailes de bourdon (l’animal totem de Mortarion) incluses, et de lui souffler à l’oreille la raison de sa venue à Neverland. Le bon Papa Nurgle lui a organisé une chasse au trésor pour le récompenser de sa piété, et l’âme de son beau-père l’attend quelque part sous les frondaisons moites de son jardin.

« Bon sang, mais c’est bien sûr ! » s’exclame Mort Shuman, qui s’envole à tire d’aile chercher la récompense qu’il poursuit depuis si longtemps, et qu’il finit par trouver, disséquer et enfermer dans une fiole en un tour de faux. Satisfait d’avoir rayé cet important item de sa to do list personnelle, Mortarion peut enfin regagner ses pénates et appeler son psy pour convenir d’une prochaine séance, se jurant au passage qu’il finira par régler ses comptes avec son autre père, dont la lampe torche psychique clignote en lisière du jardin de Grand-Père Nurgle. Pépé ou Papy, il fallait choisir, et il a choisi !

1 : « Tu es un sorcier, Mort- » « AGNANANANA, JE N’ENTENDS RIEN-EUH !»

AVIS:

Grandfather’s Gift a beau se concentrer sur un épisode somme toute négligeable de la saga de Mortarion, personnage l’étant – jusqu’à récemment – tout autant en termes d’importance sur le lore de 40K, sa (courte) lecture n’en demeure pas moins intéressante, en ce qu’elle permet à Haley de poursuivre sa description pour le moins contrastée du Primarque de la Death Guard, déjà généreusement ébauchée dans Plague War : celui d’un être totalement paradoxal, qu’il est le seul à ne pas voir, ce qui a la fâcheuse tendance à miner son autorité naturelle. Prince Démon jurant ses grands dieux qu’il a réussi à dompter les forces du Chaos à force d’études et d’analyses tout ce qu’il y a de plus scientifiques, Morty apparaît comme un être aussi amer que pathétique, ce qui contribue à le rendre intéressant, même si la frontière est fine entre profondeur tourmentée et ridicule patenté. L’autre trait notable de son caractère, le mépris souverain qu’il semble éprouver envers toute chose (la condition humaine, ses frères, ses pères) pourrait tout autant le magnifier que le plomber, si utilisé de manière peu fine par un auteur en manque d’inspiration1. Affaire à suivre, donc.

Pour poursuivre mon fil rouge BLC-esque, enfin, je dois reconnaître que l’inclusion de cette nouvelle au recueil s’avère un choix assez pertinent, puisqu’elle offre au lecteur novice une bonne présentation d’un lieu (de) culte des franchises de Games Workshop : les fameux jardins de Nurgle, en plus d’une introduction intéressante au concept de « destruction créatrice » // « je meurs donc je ris » qui est à la base du dogme prouteux. L’utilisation de l’amnésie de Mortarion permet également à Haley de présenter le background de ce dernier de manière progressive et pédagogique, brossant en toile de fond les grandes lignes du fluff de 31K. Bref, une soumission qui répond plutôt bien au cahier des charges, sans pour autant se révéler être vide de substance pour les vieux BL-iscards. Pas mal du tout.

L’extrait gratuit de La Dague Enfouie de James Swallow me fait ainsi redouter le pire pour le DG de la DG, qui apparaît comme le pion d’un Typhus même pas respectueux de son père génétique, sans que ce dernier ne s’en offusque.

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The Hardest Word – D. Guymer [AoS] :

INTRIGUE:

The Hardest WordEn poste dans la forteresse des Sept Mots (sans doute construite par les sept nains) en Ghur, l’incommensurable Hamilcar Bear Eater reçoit la visite de la Lord-Veritant Vikaeus, qui arrive porteuse, outre de son heaume et d’une moue dédaigneuse, de troublantes nouvelles. Prophétesse reconnue à travers les osts de Sigmar, Vicky a eu la vision d’une horde de Skavens attaquant le bastion tenu par les Astral Templars et capturant l’insurpassable Hamilcar pour en faire le sujet d’une expérimentation aussi obscure dans ses motifs que douloureuse dans son application (d’après la description qui en faite, Hamilcar passerait de battant à batterie, ce qui n’est pas une évolution de carrière très désirable). Pour notre inarrêtable héros, il est clair qu’il faut saisir le rat-taupe par les bornes, et tant pis si la prophétie de son invitée n’est guère précise à propos du moment où le danger se matérialisera, et la direction d’où il viendra. Prédiction, mobilisation, comme dit le proverbe.

Lors donc, Hamilcar s’emploie à rassembler le ban et l’arrière-ban de son petit domaine, sans tenir compte du regard courroucé ni des réflexions désobligeantes de Vikaeus, qui est la première à reconnaître que ses annonces sont encore trop vagues pour mettre les Sept Mots sur le pied de guerre. C’est mal connaître l’inqualifiable Hamilcar, qui a une idée bien précise de la manière d’écarter le risque d’une future invasion de ratons : ayant laissé à la Lord-Veritant toute latitude (ainsi que son fidèle gryph hound, Crow) pour faire son enquête de terrain, notre héros va se planter à l’entrée de sa forteresse, et hurle un défi à la cantonade : si les Skavens arrivent à la vaincre en combat – et même pas en combat singulier, c’est dire s’il est sûr de son fait – les Sept Mots leur seront remis sans coup férir. Voilà une offre qui ne se refuse pas, et à la grande surprise de l’assistance réunie pour voir le patron faire ses pitreries, un émissaire Skaven se présente quelques instants plus tard pour annoncer à la grande-gueule en armure violette que le Warlock Ikrit accepte la confrontation.

Comme on pouvait s’y attendre de la part d’une race totalement étrangère au concept d’honneur martial, Ikrit ne se déplace pas en personne, mais envoie une de ses créations, que l’on peut décrire comme le fruit des amours illicites entre un Cuirassier Némésis et un Rat Ogre, s’emparer de l’indémodable Hamilcar, qui l’intéresse beaucoup plus que la possession des Sept Mots. Bien que le cédant à son adversaire mécanique en carrure et en force, et devant composer avec le feu nourri des Jezzails que le prudent Ikrit a également mis sur le coup (on n’est jamais trop prudent), le Lord-Castellant préféré de ton Lord-Castellant préféré réussi à vaincre son adversaire déséquilibrant l’exo-ratmure et la mettant sur le ventre. Ce triomphe est toutefois assombri par le retour de cette pimbêche de Vikaeus, très courroucée d’être tombée sur une bande d’éclaireurs Skavens pendant ses investigations, et d’avoir dû s’en débarrasser par elle-même. Avant de s’en aller bouder dans ses quartiers, elle assure à l’indécrottable Hamilcar que son récent exploit n’a fait que repousser l’échéance, et que les Hommes Rats en ont toujours après lui. Ce qui est fort possible – après tout, qui ne rêverait de posséder une copie conforme de Sigmar ? – mais sera l’affaire d’une autre histoire…

AVIS:

David Guymer prépare dans ce ‘The Hardest Word’ (rien à voir avec la chanson d’Elton John, pour autant que je puisse le dire) l’intrigue du roman qu’il consacrera à son personnage fétiche (‘Hamilcar : Champion of the Gods’), et dans lequel le Stormcast prodigue et prodige devra défendre son intégrité physique contre les assauts répétés d’un Skaven illuminé. On y voit un Hamilcar en grande forme faire ce dans quoi il excelle : prendre des décisions radicales sur un coup de tête, se battre comme un chiffonnier (et gagner à la fin), et plus important, balancer des vannes dirigées autant vers ses camarades que vers le lecteur, ce qui est une raison suffisante pour lire les travaux consacrés à ce personnage haut en couleurs d’Age of Sigmar, si vous voulez mon avis. Une honnête réussite pour Guymer, qui arrive à trouver le juste équilibre entre les nombreux composants d’une bonne histoire d’Hamilcar Bear Eater (intrigue, contextualisation, développement des personnages, style…), ce qu’il ne parvient pas à faire à tous les coups.   

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Shadows of Heaven – G. Thorpe [40K] :

INTRIGUE:

Shadows of HeavenContributeur infatigable au corpus Eldar de la Black Library, Gav Thorpe choisit de mettre en scène dans ce Shadows of Heaven le protagoniste de son Path of the Outcast, le Ranger/Prince Pirate Aradryan, que le lecteur retrouve en simple planton défendant un vibrocanon contre les assauts de la Black Legion. Malheureusement pour lui, la bataille tourne rapidement en défaveur des Zoneilles, qui, malgré l’avantage de la position, de l’armement et de la surprise, se font tailler des croupières par les Space Marines du Chaos dont ils cherchent à bloquer l’avancée1. Dans le chaos qui s’ensuit, notre héros s’illustre franchement, non pas par son courage suicidaire ou son intelligence tactique, mais par sa capacité à trouver des raisons de ne rien faire qui puisse mettre en danger sa précieuse personne. Si le bon-eldar en question n’avait pas réussi à devenir le maître d’une flotte de Pirates Zoneilles, ce qui doit logiquement impliquer une certaine implication personnelle dans les choses de la guerre, je l’aurais reversé dans la catégorie des trouillards patentés, ex-Ranger « no stranger to bloodshed/not afraid of death » ou pas.

Ayant vu sa camarade Gardienne se faire déchiqueter d’un bolt bien placé dans l’exercice de ses fonctions, Aradryan préfère ainsi disserter intérieurement sur les avantages et les inconvénients de voir son âme relâchée dans le circuit d’infinité du Vaisseau-Monde, et remettre en cause l’alliance des Eldars avec l’Impérium (il n’a pas supporté la V8 et le retour de Guilliman, comme certains joueurs), plutôt que d’aider ses petits copains en, je ne sais pas moi, essayant vraimentde participer à l’effort de guerre (pour tout dire, il n’utilise pas une seule fois son arme de toute la nouvelle). En même temps, il est sans doute vain d’espérer des trésors de bravoure de la part d’un gonze dont le métier est littéralement d’être pleureuse professionnelle (Mourner en VO, noble job qui ressemble fortement à ce qu’on appelle des auxiliaires de vie en EHPAD à notre époque). Mais alors qu’il se prépare à vendre chèrement sa vie, l’intervention décisive des Ynnari, menés par Yvraine et le Visarque en personne, renverse drastiquement le cours de la bataille, et permet à notre poule mouillée de héros d’évacuer les lieux la tête haute, non sans avoir ramassé la pierre esprit de son infortunée collègue.

La fin de la nouvelle voit Aradryan croiser le chemin d’une vieille connaissance, la Prophète Thirianna (dont l’histoire a été racontée dans le 2ème livre de la trilogie Path of the Eldar du sieur Thorpe – celui dédié à Aradryan étant le 3ème – Path of the Seer), ce qui lui donne l’occasion de faire son coming out de façon officielle : entendant lui aussi des voix, et pas seulement celle – passablement pleutre – de sa conscience, il a décidé de rejoindre les Ynnari et donc de quitter à nouveau Alaitoc. Dubitative mais compréhensive, Thithi lui fait un gros câlin d’adieu, dont la portée symbolique arrachera peut-être une larme au lecteur ayant lu l’intégralité de Path of the Eldar, mais qui laissera totalement froid les autres. Remarquant la pierre esprit qu’Aradryan a récupéré sur le champ de bataille, elle lui propose de lui confier le précieux objet afin de donner à l’âme de la défunte le repos qu’elle mérite… ce que notre héros refuse de faire, persuadé qu’il vaut mieux chiller dans un 12cm3 ad vitam eternam plutôt que de se retrouver mêlé à la foule du réseau d’éternité. Et ceci alors qu’il dit littéralement une seconde plus tôt qu’il ne connaissait pas bien sa camarade, et n’est donc pas vraiment en mesure de prendre une telle décision à sa place (à moins que les Eldars ne se baladent avec une carte de donneur d’âme, comme nous humains avons des cartes de donneur d’organes). Dans les ténèbres du lointain futur, l’opposition entre ProChoice et ProLife fait donc encore rage, tenez-le-vous pour dit !

1 : Il faut dire que le plan infaillible de leur Autarque est lamentablement tombé à l’eau quand les Légionnaires ont décidé d’aller se dégourdir les solerets avant de traverser le pont, ce qui n’était absolument pas prévu par le haut commandement Eldar et a donc précipité l’offensive des Alaitocii.
2 : Car il tente de mettre en batterie le vibrocanon de sa collègue décédée, mais une volée de bolts le revoit fissa derrière son mur. En même temps, on ne peut pas dire que ses supérieurs soient des monstres de charisme, ce qui ne donne pas envie d’en faire plus que le strict minimum.

AVIS:

La bibliographie de Gav Thorpe est aujourd’hui suffisamment fournie pour lui permettre d’inscrire ses nouvelles dans la continuité de travaux précédents (ici, la série Path of the Eldar). Cela ne serait pas gênant s’il prenait la peine de bien contextualiser son intrigue, en faisant le lien de manière claire et équivoque avec l’arc narratif utilisé, et en donnant au lecteur néophyte toutes les clés nécessaires à sa bonne compréhension, voire sa bonne appréciation, des tenants et aboutissants évoqués dans la petite et la grande histoire. Vous vous doutez bien que si je choisis de commencer mon retour critique de Shadows of Heaven par ce point, c’est que Thorpe a failli à remplir cette mission, ce qui est dommage à la fois pour cette soumission, et de la part d’un auteur aussi chevronné que le Gav. Pour ma part, je n’ai commencé à soupçonner qu’Aradryan était un personnage déjà connu de la BL qu’au dernier quart de la nouvelle, à l’arrivée de Thirianna, dont la non-présentation laissait peu de doutes quant au fait qu’il s’agissait d’une figure connue du Thorpiverse (donc pas vraiment connue en fait). De manière ironique, il aurait peut-être mieux fallu pour Thorpe que je – et avec moi, un certain nombre de lecteurs curieux – ne fasse pas le rapprochement avec ses bouquins Path… car j’ai eu l’impression d’un énorme « faux-raccord » narratif autour d’Aradryan, présenté comme un héros brave et respecté à un moment, et comme un grouillot trouillard à un autre. N’ayant pas lu Path of the Outcast, je ne peux être certain que la conclusion du roman ne fasse pas logiquement le lien avec la situation d’Aradryan telle qu’elle est présentée ici, mais je penche tout de même pour une maladresse ou un oubli de Thorpe à ce niveau.

Le sujet de l’inclusion de Shadows of Heaven dans l’ensemble plus large que représentent les travaux Eldars de Gav Thorpe évoqué, reste à discuter du reste, c’est à dire – malheureusement – pas grand-chose. L’action en elle même n’est absolument pas mémorable, même si la lâcheté chevillée au corps du héros change des poncifs habituels de la BL en matière de protagonistes. Cela dit, Aradryan n’apparaît pas spécialement sympathique pour autant, son égoïsme latent et la manière désinvolte avec laquelle il traite des sujets aussi importants pour les Eldars que le devenir de leur âme, ne lui attirant pas la bienveillance du lecteur. L’inclusion des Ynnari au récit, le temps d’un caméo lointain d’Yvraine et du Visarque (on connaît le goût du Gav pour l’utilisation des têtes d’affiche du background), apparaît enfin comme une tentative maladroite de rabibocher l’ancien et le nouveau fluff, tout comme la conversion spontanée d’Aradryan à Ynnead peut être interprétée (à mon niveau tout du moins) comme une manière pour Thorpe de « remettre à jour » des personnages créés avant que les dernières évolutions fluffiques ne prennent place (la trilogie Path of the Eldar ayant été publiée entre 2010 et 2012). Bref, une bien belle et terne brique dans le mur des publications thorpiennes que ce Shadows of Heaven (dont le titre, pour inspiré qu’il soit, n’a de plus rien à voir avec l’intrigue, à moins que le mur derrière lequel Aradryan passe le plus clair de la nouvelle à s’abriter s’appelle Heaven). Passez votre chemin.

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Death Warrant – R. MacNiven [40K] :

INTRIGUE:

Death WarrantPas de chance pour Anjelika Trayn, récente héritière de la lettre de marque de son défunt papounet, Libre Marchand de son état, et dont elle a pris la suite. A la recherche d’un premier coup juteux pour regonfler le moral (défaillant) de son équipage et payer de quoi retaper sa flotte, la jeunette avait décidé de réaliser des fouilles dans les temples antiques du monde jungle de Terix IX. Des légendes persistantes faisaient en effet état de la présence dans un de ces complexes abandonnés d’une relique capable de contrôler les créations du Mechanicus, le Périapte Rouge (aussi appelé Zapette Universelle), ce qui peut se revendre à un bon prix sur le premier monde forge venu. Après deux mois d’investigations pénibles et souvent dangereuses (la donzelle manque de se faire croquer par un lézard géant au début de la nouvelle), la fine équipe est sur le point de se lancer dans l’exploration du réseau de tunnels s’étendant sous la surface de l’un de ces temples lorsque des invités un peu particuliers arrivent sans crier gare. Il s’agit bien évidemment de ces coquins de Carcharodons, dont une escouade menée par le Sergent Kordi (Ani de son prénom) vient s’inviter à la fête.

Intimidée par ces Astartes peu commodes, mais instruits (ils parlent le haut et le bas gothique) et serviables (ils acceptent de laisser les explorateurs à la petite semaine les accompagner), Trayn décide de se la jouer en mode coopératif, et remet à Kordi la carte établie par ses soins, au grand dam de son second, l’ambitieux Moren. Le pacte de non-agression étant conclu, il est temps pour la fine équipe de passer en indoor et d’entamer sa descente dans les catacombes, qui se révèlent bien sûr être une nécropole Necron1.

Si Trayn et ses sbires ne savent pas dans quoi ils s’embarquent, et voient logiquement leurs effectifs diminuer après qu’ils aient commis l’erreur crasse de se séparer en petits groupes contre l’avis éclairé de leurs gros protecteurs, les Carcharodons, eux, nagent en terrain connu. Ils sont cependant bien contents que des humains normaux les aient accompagnés car les rusés Nécrons ont installé un plancher à capteur de poids dans la salle où est conservé le Périapte Rouge, que Trayn peut négocier mieux qu’un colosse en armure énergétique. Ce n’est toutefois qu’un court répit qui est ainsi gagné par nos héros, réduits à ce stade à l’escouade de Kordi, Trayn et le vieux scribe inutile Dros (devinez lequel des trois personnages va connaître une fin tragique dans quelques pages ?), Moren et le reste de l’équipage ayant décidé de faire bande à part par dépit de voir les Carcharodons récupérer le grisbi. Inutile de vous dire que ces brillants esprits iront vite rejoindre la droite de l’Empereur. Le vol de la relique active en effet le protocole de réanimation de la colonie Necron, et nous en sommes quitte pour une course contre la montre pour quitter la planète en un seul morceau amas cohérent de particules.

A ce petit jeu, les Space Marines partent avantagés, et mis à part quelques blessures mineures, les requins de l’espace parviennent tous à pointer dans leur Thunderhawk, malgré le manque de fair-play de Moren, qui viendra faire une attaque en rase motte dans la Valkyrie de sa patronne par pure jalousie (le triste sire se prendra une rafale de bolter lourd dans la carlingue en punition de ses méfaits et finira en tête à crâne avec une escouade de Guerriers Necrons, bien fait pour lui). Du côté des humains et assimilés, seule Trayn parvient à garder le rythme, et bien que les Carcharodons acceptent de la prendre à bord, Kordi poussant la galanterie jusqu’à s’interposer entre elle et la mitrailleuse de Moren, ils ne sont pas chauds du tout à l’idée de la déposer dans son vaisseau, ou où que ce soit dans l’Impérium. Le Chapitre cherche en effet à préserver le secret de son existence (pour des raisons sans doute expliquées, mais pas ici), et les Libres Marchands ne sont pas réputés pour être très discrets. On apprend pour finir que les Carcharodons étaient déjà venus sur Terix IX il y a quelques centaines d’années, une nouvelle fois pour empêcher le réveil des Necrons endormis sous la surface de la planète. Ils n’avaient pas hésité à cette occasion à massacrer les tribus primitives ayant fait l’erreur de considérer ces squelettes de métal comme des divinités. Leur intervention auprès de Trayn et de ses bras cassés poursuivait le même but, et la récupération du Périapte Rouge n’a été qu’un petit bonus bienvenu. Carcharodons : not the heroes the Imperium deserves, but the heroes it needs.

1 : Je ne mets pas de balise spoiler car c’était tout bonnement annoncé sur la couverture par ces génies de la Black Library.  

AVIS:

Je me fais sans doute trop vieux pour considérer les histoires d’exploration de nécropoles Nécron par des aventuriers peu au fait du danger qu’ils courent avec une once de bienveillance. Ces nouvelles sont tellement similaires dans leur construction et leur déroulé que j’en viens à toutes les confondre, et je suis persuadé qu’avant longtemps, ‘Death Warrant’ ne sera plus qu’un souvenir brumeux dans mon cerveau fatigué. Robbie MacNiven ne fait en effet que peu d’efforts pour pimenter sa copie et offrir à ses lecteurs un peu d’originalité à se mettre sous la dent, ce qui est assez dommage quand on considère qu’il a un Chapitre Space Marines au fluff encore quasi vierge sous la main comme protagoniste. Même si on peut se dire qu’il n’aurait pas été évident de faire le lien entre les Nécrons et les Carcharodons (à part si on cherche une rime avec saucisson), j’aurais apprécié que l’auteur tente quelque chose sur ce plan. Mais hélas, le seul particularisme de cette aventure aura été la présence au casting Xenos d’un trio de Moissonneurs, ce qui nous permet de dater plus précisément la date de publication de cette nouvelle qu’une datation au carbone 14.

Pour ne rien arranger, Robbie MacNiven ne se révèle pas particulièrement bon dans la gestion de la (nombreuse) galerie de personnages qu’il convoque et présente dans la première partie de son récit, tous les suivants d’Anjelika Trayn se faisant commodément exterminer hors champ, sauf le pauvre Dros. On terminera par les quelques incongruités présentes dans l’intrigue, comme le Dépéceur pacifique entraperçu par le même Dros quelques temps avant les évènements couverts dans la nouvelle, ou encore le fait que les très secrets Carcharodons empêchent Trayn de les quitter… mais pas l’équipage de son vaisseau, qui s’avère pourtant tout à fait capable d’identifier les Space Marines auprès des autorités compétentes et torturantes. Bref, à laisser dans l’Outer Dark.

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Auction of Blood – J. Reynolds [AoS] :

INTRIGUE:

Auction of BloodLes plans pour une soirée de bouquinage tranquille de Palem Bo(o)k, libraire d’incunables à Eauxgrises et accessoirement espion à la solde de Nefarata, sont brutalement et définitivement balayés lorsque notre fin lettré reçoit l’ordre de représenter sa généreuse patronne à une session d’enchères privées, se tenant le soir même au Nid de Pie, une institution bien connue par les habitués de la vie secrète de la métropole Ghyranite. Bien forcé d’accéder à la gracieuse et impérieuse requête de sa bienfaitrice s’il tient à conserver sa jugulaire intacte, Bok se rend sur place, et réussit à négocier son entrée, malgré une absence d’invitation (les grandes de ce monde ne prennent pas en compte des détails aussi triviaux) et une vigile elfique vraiment patibulaire du tout. Même pas briefé sur l’objet qu’il devra acquérir pour le compte de sa maîtresse, il a peine le temps de jeter un regard sur le reste de l’assistance, où se pressent pêle-mêle un mage lumineux et son dragonnet de compagnie, un Nain du Chaos essayant de camoufler son appartenance à une franchise défunte sous une épaisse capuche, et la Femme en Rouge locale (il en faut une dans tous les univers med-fan dignes de ce nom apparemment), beauté ténébreuse et balafrée au sourire qui aurait pu être avenant s’il ne dévoilait pas des dents taillées en pointe.

Attendant patiemment que son heure vienne pendant que les premiers lots trouvent preneurs, Bok finit par comprendre que la babiole que Nefarata veut ajouter à sa collection est l’étrange fouet à huit lannières que le commissaire priseur révèle être Charu, le Fouette-Âme, rien de moins que l’une des huit Lamentations de Khorne ! Pressentant que cette acquisition va le mettre sur la paille, à condition qu’il arrive à remporter l’enchère avec ses moyens somme toute limités (l’industrie du livre est en crise partout), Bok est sauvé de la faillite par l’intervention inattendue de Melissandre, qui se trouve être une activiste de Khorne et ne goutte pas du tout à ce que cette sainte relique soit vendue comme un vulgaire bibelot lantique. Preuve que la malabar de l’entrée n’a pas fait son job de façon correcte, une demi-douzaine de comparses de la Lady in Red (Kesh de son prénom), se lèvent pour appuyer la revendication de leur meneuse, et la situation dégénère tranquillement lorsque le préposé à la vente tente de prévenir le service d’ordre et se prend une hache de jet entre les deux yeux pour sa peine.

Dans la mêlée générale qui s’en suit, Bok a l’occasion d’assister aux premières loges à une démonstration de fouet que n’auraient renié ni Corax ni Indiana Jones, Kesh ayant réussi à mettre la main sur l’arme du crime, dont le deuxième effet kiss cool est de voler l’âme des malheureux qu’elle lacère. D’abord contraint de régler leur compte à quelques cultistes mugissants tout prêts à l’enkhorner, Bok est rapidement convaincu par le talent meurtrier de Kesh de mettre le Charu avant les boeufs. Malheureusement pour notre héros, this girl is on fire et sa pétoire, bien que de fabrication Duardin, ne suffit pas à mettre fin au tohu-bohu. Animée de mauvaises intentions, malgré la perte d’un hémisphère cervical consécutif à un headshot proprement exécuté, Kesh l’est également par la magie impie de son arme, et il faudra que quelqu’un se dévoue à lui prendre littéralement la main pour que l’ambiance, finalement, retombe. La seule autre survivante de la soirée étant l’Aelf de garde, à présent chômeuse et à laquelle il s’empresse de proposer un job, Bok n’a aucun mal à faire main basse sur la vieille Charu, dont on se doute que Nefarata fera un usage raisonné…

AVIS:

Voilà une nouvelle de Josh Reynolds telle qu’on les aime. Loin du fracas des combats de première ligne entre Stormcasts et indigènes, Enchères de Sang s’attache à dépeindre la vie dans une cité libre de Sigmar, où, si l’ordre règne, tous les citoyens n’épousent pas forcément les vues progressistes et altruistes du Dieu céleste. Comme le Monde qui Fut avant lui, les Royaumes Mortels sont gangrenés par les agissements souterrains d’individus peu recommandables, ce qui est dans l’ordre naturel des choses à mon avis, mais méritait quand même d’être couvert par une nouvelle ou deux afin que le lecteur, surtout novice, ne s’y trompe pas1. Les amateurs de la série Malus Darkblade apprécieront sans doute le récit de la soirée très compliquée de Bok, contraint comme son lointain et illustre prédécesseur de prendre tous les risques pour récupérer une relique impie pour le compte d’un employeur pas vraiment compréhensif. Les nostalgiques du Vieux Monde et de l’archéo-fluff souriront à la rencontre des quelques easter eggs que l’auteur a glissé au fil des pages2. Tous reconnaîtront que Reynolds sait s’y prendre pour dépeindre les côtés peu reluisants d’une métropole med-fan, quadrillée par les sociétés secrètes en tout genre, les cultes chaotiques de quartier et les exécuteurs des basses œuvres d’éminences d’un gris souvent très foncé. Une chose est sûre, cela donne plutôt envie de découvrir quelles sont les sept autres lamentations que ce distrait de Khorne a égaré dans les Royaumes Mortels, dans ce qui pourrait bien être la série la plus intéressante des premières années d’Age of Sigmar. Les paris (et les enchères) sont ouverts…

1 : À quand la sortie du supplément ‘Quelque chose de pourri à Hammerhal’ ?
2 : On peut d’ailleurs s’étonner que la BL ait laissé passer la mention faite à Necoho, divinité chaotique désavouée par GW depuis des lustres. Ne boudons pas notre plaisir, ce n’est sans doute pas demain la veille que nous recroiserons ce Dieu renégat.

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Pride & Fall – I. St. Martin [40K] :

INTRIGUE:

Lucius_Pride & FallDerrière ce titre Austen-ien en diable (bien que je ne voie aucun lien entre les errements romantico-philosophiques d’Elizabeth Bennet et ceux, salacio-psychotiques, de Lucius Leternel), on trouve le récit d’une (més)aventure vécue par le plus souriant des antagonistes décamillénaux (quand je fais l’effort d’apprendre de nouveaux mots, je les utilise tout de suite) de la franchise futuriste de GW, Lulu l’Ethernet.

L’histoire nous est narrée en parallèle à travers les yeux du reître scarifié des Emperor’s Children, occupé à attaquer une planète minière en compagnie d’une petite escorte de la Cohors Nasicae, et ceux d’un honnête travailleur impérial répondant au nom de Tobias. Alors que Lucius et ses champions s’enjaillent à tailler le bout de gras1 à la moitié du Codex Adeptus Mechanicus (Skitarii, Sicarians, Kastelan…), afin de pouvoir faire main basse, non sur les réserves minérales de leur cible, mais sur la main d’œuvre locale, Tobias voit sa vie austère mais heureuse d’ouvrier spécialisé/bon camarade/mari aimant/papa gâteau prendre un tour bien déplaisant, aux cauchemars, hallucinations visuelles et auditives et mal-être généralisé venant se greffer par dessus le marché une chute inadmissible de sa productivité. Enfin, l’inévitable finit par se produire, et le pater familias se mue en bretteur dégueulasse sous le regard incrédule autant qu’inquiet de ses collègues de chaîne d’assemblage.

Début spoiler « Comment se fait-ce ? » vous entends-je (en voilà des inversions sujet-verbe) demander à travers la Toile, « puisque Lucius ne possède que les individus l’ayant terrassé au combat, et que ce brave Tobias, pour doué qu’il soit avec la burette à huile et la clé à pipe de quatorze, n’est très probablement pas en mesure de faire rendre gorge à un élu des Dieux Sombres ». Vous avez tout à fait raison, sagaces lecteurs, et c’est en celà que la soumission de St. Martin se révèle intéressante. Alors qu’il batifolait joyeusement sur le champ de bataille, notre avenant héros a en effet eu la mauvaise idée de laisser traîner un sabot sur une mine anti-personnelle qui traînait dans le coin, avec des effets aussi radicaux que (presque) définitifs sur son intégrité : à la rue, le Lulu ! Que voulez-vous, tout le monde n’est pas fait pour jouer la fille de l’air Laer. Comme vous vous en doutez, cette mine avait été préalablement manufacturé par le malheureux Tobias, et c’est donc sur lui que le S.A.V. de Slaanesh a redirigé l’âme du champion du patron, la responsabilité du décès du sabreur extraordinaire lui incombant plus ou moins directement2.

Notre histoire se termine donc sur la matérialisation de Lucius sur le lieu de travail de feu Tobias, qui rejoint sa place sur la cuirasse de l’increvable champion, juste avant que ce dernier, réalisant sans doute qu’il n’aura pas la possibilité de déguster son Leerdamer quotidien, s’apprête à faire un malheur. Comme quoi, on a bien fait de ratifier la convention d’Ottawa les enfants. Fin spoiler

1 : Ou, dans ce cas de figure, de polymère.
En vrai, ça se discute, mais allez faire des due dilligence avec des chaînes de valeur galactisées…

AVIS:

En des temps très anciens, lorsque la Black Library était encore jeune et avait besoin de justifier ce qu’elle faisait, Marc Gascoigne, l’un des pères fondateurs d’icelle, avait donné une sorte de cahier des charges de la nouvelle BL. Il s’agissait selon lui, soit de donner davantage de détails sur de zones du background insuffisamment couvertes dans les publications classiques de Games Workshop, soit de répondre à des questions laissées en suspens dans ce dernier. Pride & Fall tombe nettement dans la seconde catégorie, en traitant un point de détail qui aura sans doute travaillé à un moment ou un autre tout fluffiste familier de la figure de Lucius l’Eternel. Disposant désormais d’une jurisprudence assez claire sur ce type de cas, il nous est désormais loisir de répandre l’information au plus grand nombre, et de contribuer ainsi à l’utile instruction des zhobbyistes petits et grands (qui n’en demandaient sans doute pas tant, mais c’est une autre histoire).

Le fond évacué, évoquons la forme. Le constat sera un peu plus contrasté à ce sujet, Ian St. Martin laissant à mon sens le lecteur non familier de son roman The Faultless Blade sur sa faim en ce qui concerne la galerie de personnages secondaires de la Cohors Nasicae, brièvement évoqués au fil des lignes sans être réellement présentés. Et c’est bien dommage, car la cohorte en question a l’air de compter son lot d’individualités hautes en couleurs, qu’il s’agisse du chatoyant Krysithius, du mutique Vyspirtilo, le Roi Aigle du Rypax (rien que ça, ça claque comme titre), ou du mystérieux Compositeur, escorté d’un garde du corps en armure Terminator répondant au doux nom d’Afilai (Cohen). Autre source de regrets, la mise en page de la nouvelle, qui aurait gagné à être agencé de façon plus claire. Les points de vue de Lucius et de Tobias étant présentés de façon croisée, avec des renvois entre les deux arcs de narration (exemple : un passage se termine avec Tobias recevant une injection de stimulants de la part de son bienveillant contremaître, le suivant commence avec la prise de stimms par Lucius en plein combat), sauter deux lignes/passer en italiques entre chaque passage aurait permis de fluidifier la lecture.

Ces petits désagréments évacués ou digérés, Pride & Fall demeure une soumission très correcte, et un exemple de ce à quoi une courte nouvelle (14 pages) de la BL devrait prétendre, en termes de qualité.

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Restorer – C. Wraight [HH] :

INTRIGUE:

RestorerRevenu bien esquinté sur Terra après avoir crapahuté de droite et de gauche pendant l’Hérésie, Shiban Khan bénéficie des bons mais douloureux soins de l’Adeptus Mechanicus et des largesses de Pépé pour se refaire une santé et une ossature. Débarrassé de ses Entraves bricolées pendant ses années de blitzkrieg, le Capitaine White Scars reprend des forces sur le monde Trône en attendant l’arrivée d’Horus, et en profite pour visiter de vieilles connaissances (la scribe Ilya, qui le bassine pour qu’il redevienne le poète qu’il était au début de sa carrière), et surtout faire la paix avec le souvenir de son ancien frère d’armes, ami et adversaire, Torghun.

Ce dernier lui est apparu dans une vision fiévreuse juste après l’opération, encore marqué par les coups de faux ramassés lors de son ultime combat contre Mortarion sur le Swordstorm. Se sentant une dette envers lui, Shiban emprunte une navette et se rend dans le village natal de son camarade afin de remettre à son arrière-petite-nièce et ultime descendante le tulwar dont il avait hérité à son entrée dans la Légion1. Petite surprise et preuve que Jaghatai Khan ne fait pas dans la discrimination : Torghun ne venait pas des steppes de Mongolie ou des plateaux du Xinjiang, mais… de la côte suédoise (ou son équivalent au M31, le Skandmark), comme son patronyme pré-scarification, Haren Svensellen, le laisse entendre.

Après avoir raconté à son interlocutrice à quel point son grand-oncle était un chic type, malgré ses penchants un chouilla hérétique de temps à autres, Shiban repart vers le Palais Impérial, et notre propos se termine sur une scène d’affrontement tirée tout droit du Siège de Terra, où le Capitaine restauré aura fort à faire…

1 : On apprend au détour de la conversation que la famille de Torghun est persuadée depuis près d’un siècle que l’enfant prodige avait intégré… les Luna Wolves. Il y a vraiment des Légions plus populaires que d’autres.

AVIS:

Encore une nouvelle qui sera bien cryptique pour qui n’est pas familier des épisodes précédents signée par Chris Wraight (ici les romans ‘Scars’ et ‘The Path of Heaven’). Pour ceux qui ont suivi la bromance contrariée entre Shiban et Torghun, ‘Restorer’ (le surnom du premier) fera office d’épilogue à cet arc de rivalité amicale. Les autres se contenteront de ramasser quelques bribes de fluff sur les White Scars et de comprendre à demi-mot que le héros cabossé de cette histoire a fait la paix avec un passé bien lourd, ce qui lui permettra de performer comme jamais au plus fort du Siège de Terra. Comme Wraight a suffisamment de bouteille et de style pour signer un court format propre sur la forme, et que ce dernier a le bon goût de ne pas trop traîner en longueur, l’expérience se tente.

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Et voilà pour cette revue du Summer of Reading 2017. Rien de super duper méga cool, et absolument immanquable si vous voulez mon avis, mais quelques bonnes soumissions dans le tas anyway (comme souvent). Je ne sais pas si je ferais un jour un benchmark des SoR, mais si cela arrive, je doute que le millésime truste les premières places. We shall see…

BLACK LIBRARY 2017 ADVENT CALENDAR [40K – AoS – HH]

Bonjour à tous et bienvenue dans une chronique franchement opportuniste, mais qui n’est tout de même pas totalement gratuite. Il sera ici question des nouvelles intégrées par la Black Library à son calendrier de l’avent…2017. Soumission de première fraîcheur donc, mais j’avais plusieurs raisons de consacrer un post à ce cru particulier.

Black Library 2017 Advent Calendar

La première d’entre elle était, je l’avoue sans mal, franchement prosaïque. Je me suis aperçu en mettant à jour mes fichiers de suivi (#IAmAFunGuy) qu’il ne me manquait que la revue de ‘The Tainted Axe’ de Josh Reynolds pour avoir chroniqué toutes les nouvelles de cette sélection (les audio dramas étant naturellement sortis de l’équation, car je n’ai jamais pu me faire à ce format). Si vous avez suivi mes publications sur le Warfo, je vous conseille donc de vous concentrer sur cette section de l’article, et de passer à autre chose, car le reste n’est pas inédit. En revanche (et c’est la deuxième raison), si vous ne connaissez que ce blog, j’ai le bonheur et l’avantage de vous annoncer que les nouveautés sont un peu plus fournies, car les nouvelles de l’Hérésie d’Horus ‘Duty Waits‘ (Guy Haley), ‘Magisterium‘ (Chris Wraight), ‘Now Peals Midnight‘ (John French) et ‘Dreams of Unity‘ (Nick Kyme) n’avaient pas été couvertes dans de précédents posts. C’est votre jour de chance!

Ce sujet de nouveau contenu évacué, il est enfin intéressant de revenir cinq ans en arrière – une période de temps importante pour la Black Library, pensez donc: c’était avant Warhammer Crime, Warhammer Horror et la série L’Aube de Feu – afin de juger de la qualité de cette sélection hivernale. 2017, grand cru ou récolte famélique? On va bien voir.

Black Library Advent Calendar 2017

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Endurance – C. Wraight [40K] :

INTRIGUE :

EnduranceSur le monde ruche de Lystra, l’escouade du frère Sarrien des Imperial Talons livre un combat d’arrière-garde aussi noble que vain contre les hordes innombrables des Zombies de la Peste ayant plus ou moins remplacées la population locale. Envoyés au casse-pipe pour permettre à un fonctionnaire de l’Adeptus Administratum obèse et tire au flanc (du moins, c’est comme ça que Sarrien se le représente) de maintenir son quota de dîme mensuel, ou autre raison purement technocratique, les braves Space Marines tiennent la ligne du mieux qu’ils peuvent, mais même leur constitution suprahumaine commence à donner d’inquiétants signes de fatigue. Pour ne rien arranger, les lignes de ravitaillement avec le reste de l’Imperium sont totalement coupées, ne laissant à nos fiers héros que la bonne vieille énergie cinétique pour défendre le domaine de l’immortel Empereur contre la corruption galopante titubante représentée par les Stumblers. Isolé de ses frères pour maximiser l’efficacité du soutien martial et moral que les Astartes représentent pour leurs alliés de la Garde, Sarrien débute la soirée comme toutes les autres auparavant : il chante chante chante ce rythme qui lui plaît (Endure ! For the Emperor ! Stand Fast ! Chihuahua !) et il tape tape tape (c’est sa façon d’aimer). On comprend cependant assez clairement que notre héros en a gros, et qu’il n’y a que son exemplaire éthique qui le pousse à suivre des ordres qui lui semblent totalement débiles.

À quelques encablures de cette planète condamnée, nous faisons la connaissance de notre deuxième protagoniste, le réfléchi (il ne court jamais) et hédoniste Dragan, Death Guard appartenant à la faction des Lords of Silence. Bénéficiant d’un quartier libre entre deux opérations de grande ampleur, Dragan a embarqué sa coterie sur son vaisseau personnel, l’Incaligant, et vogue là où le Warp le mène, massacrant tous les Impériaux qui lui tombent sous le moignon au passage. Les petits plaisirs de la vie, il n’y a que ça de vrai. Ayant fondu (dans tous les sens du terme) sur un transporteur de troupes de la Garde Impériale dépêché sans escorte en renforts de Lystra, Dragan décide sur un coup de tête, une fois le carnage expédié, d’emmener ses ouailles sur le monde en question, où il suppute (en même temps qu’il supure) qu’une distraction peut être trouvée.

Nous retrouvons ensuite Sarrien, toujours plus amer et toujours plus crevé, qui décide d’aller rôder derrière les lignes ennemies pour… le fun ? (étant donné que les défenseurs sont au bout du rouleau et s’attendent tous à crever, et que l’adversaire n’a aucune chaîne de commandement à décapiter ni de cibles stratégiques à prendre, l’utilité de la manœuvre me semble obscure). Bien que durement éprouvé par des semaines de combat sans répit, notre surhomme se révèle malgré tout capable de faire mordre la poussière à son poids en Stumblers, voire plus, jusqu’à ce qu’il tombe sur un Fatty dont l’odeur corporelle, ou l’aura de zenitude, c’est selon, est telle qu’il a bien du mal à lever la main sur lui. Malgré l’attitude résolument peace man du gros lard, Sarrien parvient à le décoller proprement, non sans que sa victime n’ait eu le temps de le prévenir 1) des dangers physiques et mentaux du surmenage (il devait être élu au CHSCT dans sa première vie), 2) de l’arrivée prochaine du Potencier (Gallowsman). Bien en peine de faire quelque chose de cette information, et sappé comme jamais, l’Imperial Talon décide de se rentrer, avec l’espoir futile de trouver un McDo encore ouvert sur le chemin pour s’envoyer un bon Coca bien frais.

De son côté, Dragan a fini par arriver en orbite autour de Lystra, et emmène sa bande sur les lieux du dernier conflit agitant encore la planète, dans l’espoir de trouver un adversaire de valeur. Escortés par quelques cohortes de die hard fans, les Lords of Silence progressent pondéreusement vers la ligne de front, où les attendent…

Spoiler Des Iron Warriors. Eh oui. Car en fait, Sarrien et Dragan ont visité Lystra à deux moments distincts, petite surprise savamment préparée par Wraight. Il est d’ailleurs fortement suggéré que Sarrien est devenu Glask (le second de Dragan, qui passe son temps à l’appeler Potencier – au grand ennui de son boss – et dont la jambe torse pourrait être la conséquence de la blessure subie par Sarrien au même endroit à la fin de la campagne) peu de temps après sa rencontre avec le gros plein de pus, lorsque, finalement submergé par le nombre de ses ennemis et l’amertume envers l’Imperium, il a décidé que sa survie était plus importante que son devoir. Ceci dit, le récit se termine sur un flou artistique et un amoncellement de Zombies affamés sur Sarrien, dont le salut final n’est pas garanti, ralliement à papa Nurgle bien acté par ce dernier ou pas. Quelques dizaines/centaines/milliers d’années plus tard, Dragan est quant à lui saisi d’une impression de déjà vu alors qu’il corrode les armures chromées de ces frimeurs de la IVème, ce qui ne fait que renforcer l’hypothèse de la défection de Mr Talon. Fin du spoiler

AVIS :

Mis à part le manque de clarté de sa conclusion (voir la partie spoiler ci-dessus), Endurance est une soumission solide de la part de l’ami Wraight, sans doute rédigée en accompagnement de son roman The Lords of Silence pour un galop d’essai littéraire. En quelques pages, Chris arrive ainsi à donner une véritable profondeur à ses répugnants héros, dont l’attitude chill, thrill & kill les distingue clairement des autres factions d’Astartes chaotiques et renégats de notre sombre galaxie, en plus de s’accorder parfaitement avec la philosophie débonnaire de Papa Nurgle, ce qui ne gâche rien. Sans rien galvauder de leur nature éminemment mauvaise, Wraight réussit également à rendre attachant (sans mauvais jeu de mots) le personnage de Dragan, dont le caractère égal et l’approche désinvolte de sa pestilentielle vocation le font apparaître comme éminemment plus sympathique que le Seigneur du Chaos lambda de la BL. De l’autre côté du ring, Sarrien s’avère moins mémorable, mais le récit que fait l’auteur de la lutte désespérée du loyaliste pour retarder l’inévitable, de part son caractère assez original (il combat en solo, et pas avec le reste de son escouade) et la bonne prise en compte des effets débilitants de la fatigue et des blessures sur la constitution d’un Space Marine – qui reste une machine de guerre insurpassable, mais peut se mettre dans le rouge s’il tire trop sur la corde – s’avère prenant et plaisant, sur les quelques pages qu’il dure. Une nouvelle SM comme je les aime donc : courte dans son propos, précise dans son dessein, efficace dans sa réalisation et à twist dans sa conclusion. Prenez-en de la graine, les rookies.

Gardant une nouvelle en fois en tête le but premier d’un recueil tel que celui dans lequel elle a été incluse, j’ajouterai pour conclure qu’Endurance fait un beau boulot de présentation d’une faction amenée à jouer un rôle important dans l’univers 40K (la Death Guard), en plus de donner assez envie de lire le long format mettant en vedette les Lords of Silence. Que l’exploration d’un concept central du fluff, le ralliement d’un Space Marine loyaliste au Chaos, soit également présente pour l’instruction des lecteurs novices ajoute encore a l’intérêt du propos, qui mérite donc largement sa place dans le Black Library Celebration 2019.

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Duty Waits – G. Haley [HH] :

INTRIGUE :

Duty WaitsSur Terra, les loyaux défenseurs de l’Empereur ne savent plus quoi inventer pour tuer le temps. Nous suivons ainsi le quotidien à la fois morne et stressant de deux Astartes de la VIIème Légion, le Capitaine Maximus Thane de la 22ème Compagnie, et le poussin Kolo, fraîchement diplômé de la promotion Eltaune Jaune, alors qu’Horus n’en finit plus de faire traîner son quart d’heure d’impolitesse. Alors que Max’ a au moins le loisir de faire un peu d’exercice à la tête de ses hommes, qu’il emmène régulièrement faire des joggings sur le mur d’enceinte du Palais1, Kolo est assigné au support informatique de ce dernier, et, entre deux appels d’un certain M. Alcador, qui éprouve toutes les peines du monde à envoyer un mail ou à ouvrir une pièce jointe (et qui oublie une fois sur deux d’allumer son écran), doit gérer une bien pesante inactivité. Car, il faut bien le reconnaître : il ne se passe pas grand-chose d’intéressant sur Terra d’un point de vue strictement apocalyptique. Bref, les journées sont longues2.

À défaut de s’améliorer franchement, les choses évoluent un peu pour nos protagonistes après le départ de la flotte en destination de Beta-Garmon. Bien qu’ils n’aient pas eu la « chance » de faire partie des heureux élus envoyés au casse-pipe contre les renégats, Thane et Kolo ont en effet reçu de nouvelles affectations. Le Capitaine a ainsi la chance, la joie et l’avantage de faire le planton à 300 mètres au dessus d’un square fréquenté par les civils du Palais, afin de rassurer et d’inspirer ces derniers. Malheureusement, les cadences infernales de travail auxquelles sont soumises les masses laborieuses de Terra, les conditions météorologiques détestables de la région, et le manque d’intérêt du spectacle (les gars restent vraiment plantés comme des piquets pendant des heures, à tel point que son Lieutenant manque de déclencher une alerte jaune quand il voit Thane lever les yeux vers le ciel) viennent contrarier cette noble initiative de propagande. Ils auraient jonglé avec leurs bolters, ça aurait eu plus de gueule, moi je dis. Pour se distraire, Maximus imagine ce qu’il se passerait s’il se laissait tomber depuis le mur, et calcule les probabilités jusqu’à la 15ème décimale de sa survie en fonction de paramètres divers, comme l’écartement de ses bras pendant la chute, l’atterrissage sur un quidam, ou encore la vitesse de croisière d’un Stormbird (africain) non chargé. Il soupçonne que le développement d’un passe-temps tel que le suicide mental pourrait peut-être trahir un léger début de névrose, mais cela ne l’empêche évidemment pas de faire son devoir.

De son côté, Kolo participe à l’opération Sentinelle II (la première ayant pris place 28.000 ans plus tôt, même si personne ne s’en souvient), ce qui lui donne l’occasion d’interagir avec les civils que Thane ne voit que de loin. Entre deux contrôles d’identité et palpations aléatoires, le voilà sommé avec son escouade d’intervenir en support des forces de l’ordre, débordées par une foule hostile car affamée. La distribution du pain quotidien ayant en effet annulée sans prévenir, une poignée d’Arbites doivent calmer les velléités meurtrières de quelques milliers de mal-contents. L’arrivée des gilets plastrons jaunes n’a pas l’effet escompté, pas plus que les talents oratoires et diplomatiques, assez limités il faut bien le reconnaître, du Sergent Benedict ne permettent de désamorcer le conflit latent. Ce qui doit arriver arrive, et les manifestants commettent l’erreur de charger leurs protecteurs, qui répondent par une rafale de bolter dans le plus grand des calmes. 80 douilles très exactement plus tard, l’incident est clos, au prix d’un petit millier de morts seulement. Voilà qui mérite bien un honneur balistique, il me semble. Bref, sur Terra il n’y a pas que le temps qu’on tue.

1 : En revanche, pas question de traverser la route avant que le petit bonhomme ne passe au vert jaune. Sous peine de mort.
: Il est d’ailleurs murmuré dans les cercles autorisés que c’est la surutilisation de leur membrane cataleptique pour faire passer le temps plus vite pendant leur interminable garnison sur Terra qui a entraîné la dysfonction de cette dernière chez les Imperial Fists et leurs successeurs.

AVIS :

Dans la série des nouvelles de C.A.L.T.H.1 constituant une partie non négligeable du recueil Heralds of the Siege, Duty Waits se place en tête de peloton par ses importants apports en termes de fluff, ainsi que par la réussite de Haley à faire ressortir la torture mentale que représente cette attente interminable pour les défenseurs, fussent-ils des transhumains conditionnés et entraînés pour faire face à toute situation. Et les Space Marines ont beau ne pas connaître la peur, l’Empereur n’a rien dit ni prévu en ce qui concerne l’ennui, ce qui peut mener même les soldats les plus disciplinés à commettre quelques regrettables boulettes. Dans cette ambiance de Désert des Tartares, Thane et Kolo vivent chacun leur propre enfer, et se retrouvent, sans le savoir, complices d’une exaction qui ne manquera pas de venir les hanter après l’Hérésie. Sur le thème, déjà couvert de nombreuses fois mais tellement central pour la série qu’on pardonnera aisément cette nouvelle itération, du sacrifice des fins en faveur des moyens, Haley parvient à brosser un portrait singulier et sinistre du Monde Trône avant que l’apocalypse ne s’y déchaîne, et préfigurant sans le savoir la dictature brutale, liberticide et usine-à-gazesque que deviendra l’Imperium, autrefois « simple » despotisme éclairé et progressiste, une fois la guerre civile terminée. Et si la question du « mais comment en est-on arrivés là ? » est la plus importante à laquelle l’Hérésie d’Horus doit répondre, alors on peut considérer Duty Waits comme une vraie réussite.

1 : Calme Avant La Tempête Horusienne.

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Gods’ Gift – D. Guymer [AoS] :

INTRIGUE :

Gods' GiftPrenant place après les évènements narrés dans Great Red et The Beasts of Cartha, pour ne citer que deux des précédentes aventures de notre fougueux héros, Gods’ Gift voit Hamilcar et quelques uns de ses potes des Astral Templars accomplir une mission d’intérêt général, sans doute pour avoir commis quelque tour pendable à une chambre rivale lors d’une permission à Hammerhall. Il s’agit en l’état de punir et faire stopper les exactions d’une bête monstrueuse s’amusant à disposer des hardis bûcherons d’un camp de colons récemment implanté dans les terres farouches de Ghur, tâche récréative pour des Stormcast Eternals de la trempe de nos gais lurons. Guidés par un local – Fage – qui malgré son âge vénérable semble tout émoustillé par la seule présence des Elus de Sigmar, Hamilcar & Cie s’embarquent donc dans une épopée aussi directe et rapide qu’une quête de zone de didacticiel de World of Warcraft.

Depuis le relevé de empreintes jusqu’à la constatation de l’heure du décès, ou plutôt, de l’abattage, il ne se passera ainsi qu’une petite journée, soit une vingtaine de pages pour le lecteur, juste le temps pour Ham’ de piquer un roupillon qui lui apportera un rêve plus ou moins prophétique, dans lequel un chêne vient lui chanter Je suis malade (ce qui est ‘achement dur pour un végétal, et mérite le respect), ce qui lui permettra de prendre une décision des plus inspirées quelques heures plus tard. La nouvelle se terminant pour un petit cliffhanger pas vraiment haletant, mais sans doute important pour la suite de la saga d’Hamilcar (Mark de son prénom), le lecteur en est quitte pour embrayer sur directement sur la première, ou plutôt le premier roman dédié à Guymer à sa coqueluche hirsute (Champion of the Gods), dans lequel il est presque certain que des réponses seront apportées aux questions laissées en suspens à la fin de Gods’ Gift.

: L’Homme Arbre qui s’était chargé de la besogne de déshumanisation – c’est comme la désinsectisation, mais avec des primates – servant de pied à terre racine à humus à une sylvaneth passablement enrhumée.

AVIS :

Malgré les dizaines de titres que compte sa bibliographie BL à l’heure actuelle, ce n’était que la deuxième soumission de Mr Guymer m’étant tombée sous la main depuis l’inaugural The Tilean Talisman, initialement publié en 2011. Et je dois dire que mon appréciation de l’œuvre du bonhomme est resté scrupuleusement identique, huit ans plus tard : des aptitudes certaines en terme de narration, avec des personnages au minimum distrayants, à défaut d’être immédiatement attachants (mention spéciale à Brouddican, l’Hillarion Lefuneste personnel de cette grande gueule d’Hamilcar), relevé par quelques notes boisées – c’est le cas de le dire – de fluff, plombées par une vacuité de l’intrigue assez rédhibitoire. C’est bien simple, celle de Gods’ Gift (d’ailleurs, on ne comprend pas vraiment quel est le don auquel Guymer fait référence dans le titre de sa nouvelle1) s’articule en deux temps trois mouvements, sans qu’on ait l’impression d’une quelconque progression entre le début et la fin de la nouvelle. Hamilcar traque un monstre. Hamilcar rêve d’un chêne. Hamilcar tombe dans une embuscade d’Hommes Bêtes (il faut bien qu’il montre qu’il est un cador du corps à corps). Hamilcar débouche sur un bosquet de chênes sacrés, gardé par… le monstre qu’il traquait. Coup de bol. Baston. Victoire. Fin.

Bref, rien de bien challengeant pour l’intellect du lecteur, qui aurait pu s’attendre à quelques liens de causalité entre les différents éléments constitutifs du propos de Guymer. Rien de tel ici, ou de manière tellement évidente et peu fine que les relever n’a pas grand intérêt. Comme dit plus haut, cela peut sans doute se justifier par le fait que Gods’ Gift est un rehaut littéraire à un travail plus conséquent, avec lequel l’auteur prend bien soin de faire la liaison. Telle la rondelle de tomate venant décorer une entrecôte frites, cette nouvelle peut être consommée si on a vraiment faim, mais ne remplira pas l’estomac pour autant. Et comme dit plus tôt (Décembre 2014, pour être précis), c’est plutôt cher payé pour ce que c’est. On me souffle dans l’oreillette que c’est fois ci, c’est gratuit. Bon. Mais avant cela, cela ne valait certes pas les 2,99€ demandés. Rem-bour-sez nos in-vi-tat-tions !

1 : Soit ce sont les visions vagues envoyées par Sigmar, soit c’est le photophore magique remis par icelui, et qui permettra à notre fier héros de venir à bout de Marylise Lebranchu. Au lecteur de décider s’il prend le messie ou la lanterne.

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Magisterium – C. Wraight [HH] :

INTRIGUE :

MagisteriumSortis très éprouvés de la Guerre dans la Toile, la première défaite qu’ils aient connu depuis leur fondation, et qui a réduit drastiquement leur nombre, les Custodes doivent à présent panser1 leurs plaies et se préparer pour l’arrivée prochaine d’Horus et ses Légions renégates. Nous suivons donc le Vestarios (soit littéralement, le préposé au vestiaire de la boîte de nuit, en grec ancien) Samonas, fidèle bras droit de imperturbable Constantin Valdor alors qu’il supervise la réhabilitation des gardes suisses de l’Empereur, qui, en plus d’avoir été nonagimés (mais si, mais si, c’est du haut gothique) par les hordes démoniaques, ont cabossé et égaré leur matériel dans des proportions abominables, ce qui force les services généraux de la custoderie à enquiller les heures sup’ sans compter. Au moins, le temps d’attente à la cantine et à la photocopieuse s’en trouve fortement réduit, et il n’y a plus de problème de place au parking des trottinettes électriques. C’est déjà ça.

Ayant obtenu une audience auprès de (son demi-frère ?) Rogal Dorn, avec lequel il entretient des relations aussi fraîches que le bloc Harpic qui orne ses toilettes personnelles, Valdor se rend dans les appartements du Seigneur Commandeur de l’Imperium, toujours escorté de son fidèle Samonas. Comme on peut s’y attendre, l’entrevue se passe assez mal, les deux surhommes se balançant des amabilités au visage sans prendre de gants, énergétiques ou pas. Tandis que le maître des Imperial Fists reproche à son interlocuteur sa roideur confinant parfois à l’autisme, dès lors qu’une directive lui ait été donnée par l’Empereur, ce qui a conduit les Custodiens à contenir seuls les brèches dans les niveaux inférieurs du Palais, alors qu’un retrait stratégique aurait permis d’épargner de nombreuses vies, Valdoche nous joue son air favori du « Oh-mais-vous-les-Primarques-vous-n-êtes-que-des-sales-gosses-pourris-gâtés-et-on-était-bien-mieux-avec-Pépé-avant-votre-naissance2 ». Le sentiment de supériorité de Darth Valdor est toutefois tout ce qui lui reste, Dorn soulignant avec à propos que les pertes subies par les 10.000 ont de facto condamnés ces derniers à jouer les seconds rôles dans le futur siège de Terra, et que le sort de l’Hérésie repose maintenant entre les gantelets des Legiones Astartes, qu’ils soient traîtres ou loyalistes. Bref, la garde aurique n’est plus bonne qu’à assurer le service d’ordre autour de la chaise d’affaires impériale, et doit laisser aux Space Marines la gestion des vrais dossiers.

La virulence des échanges entre la main droite et le poing gauche de l’Empereur n’est pas sans rappeler à Samonas, qui s’ennuie ferme pendant ce crêpage de chignon3, une conversation du même ordre qui avait pris place quelques années plus tôt sur Prospero, lorsque que les Custodiens étaient venus donner un coup de main aux Space Wolves dans le châtiment, que d’aucuns jugent mérités, de Magnus et ses Thousand Sons à la suite du poke un peu trop accentué que ce dernier avait envoyé à son paternel pour lui signaler le comportement déviant d’Horus. Bien que Leman Russ se soit révélé un tout autre animal (autant comparer un malamut à un poisson pierre), le zèle sanguinaire avec lequel le Fenrissien mena l’assaut sur Tizca, et sa volonté sans équivoque de ne pas faire de prisonnier, au mépris des instructions remises par l’Empereur au Capitaine-Général, ne furent pas sans générer des frictions entre les deux envoyés impériaux. Dans ce cas, comme plus tard avec Dorn, Valdor, en tant que Magisterium, disposait d’une autorité théoriquement absolue sur son vis à vis Primarque, mais cela n’a pas empêché ce dernier de n’en faire qu’à sa tête, avec des résultats spectaculaires, à défaut d’être satisfaisants. Et Constantin d’y aller de son petit « Primarque… » méprisant en voyant Russ hurler à la lune sur la grand-place de Tizca après la volatilisation du Cyclope. Décidément, ils n’ont pas les mêmes valeurs.

La nouvelle se termine sur une scène de remparts (comme beaucoup des histoires de Heralds of the Siege d’ailleurs), Valdor enjoignant son sous-fifre porte-cravate de ne pas désespérer que l’Empereur reprenne enfin contact avec ses Custodiens, malgré tous les travaux d’isolation des fondations du palais à terminer avant l’arrivée d’Horus, et qui l’occupent à plein temps depuis maintenant des mois. D’une manière ou d’une autre, la fin approche à grands pas…

1 : Et penser, ils ont tous passé l’agreg’ de philosophie après tout.
2 : Funfact : Sur les 1932 mots titres et qualificatifs gravés à l’intérieur de la cuirasse de Valdor, 93% sont des critiques adressées aux fistons du Patron.
3 : Dorn s’étant laissé pousser les tifs pendant ses sept années de permanence au domicile paternel, il y a largement de quoi faire un manbun.

AVIS :

Pure nouvelle de fluffiste, en ce qu’elle s’avère être beaucoup plus riche en petites révélations et lourdes insinuations de background qu’en action pure et dure, Magisterium est une soumission de qualité de la part de Chris Wraight. Son principal intérêt, et non des moindres pour les amateurs de grandes figures de l’Hérésie (c’est à dire la plupart des lecteurs de la série, soyons honnêtes), est d’apporter quelques os à ronger sur le discret mais crucial Constantin Valdor, et de le faire interagir avec d’autres VIP impériaux. Les bisbilles qui s’ensuivent permettent à Wraight de soumettre quelques concepts intéressants, et de soulever des questions l’étant tout autant, comme celles de l’origine de Valdor et du rôle que lui a attribué l’Empereur, qui semble dépasser celui de simple garde du corps et porte parole officiel de Son Altesse Suprêmissime (bien que la fonction de Magisterium, et les prérogatives qui vont avec, soient déjà une belle source de discussion). La rivalité latente entre l’aîné des surhommes de Pépé et la fratrie primarquielle, qui est venue après, ne sera pas sans susciter quelques folles hypothèses de la part du lecteur, et j’espère bien que l’auteur continuera sur cette prometteuse lancée dans le roman dédié à l’énigmatique Capitaine-Général. En sus, l’état des lieux dressé par Wraight du piteux état dans lequel la Guerre dans la Toile a laissé les Custodiens permet de faire le lien entre cet épisode bien couvert dans les dernières publications de l’Hérésie d’Horus et le Siège de Terra, ce qui est toujours bon à prendre. Bref, une lecture tout ce qu’il y a de plus conseillée pour celles et ceux qui prennent l’Hérésie à coeur.

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Now Peals Midnight – J. French [HH] :

INTRIGUE :

Now Peals MidnightAlors que l’horloge de l’ApocalypseTM se rapproche furieusement de l’heure fatidique du début de la plus grande bataille de Warhammer 40K de l’histoire de la galaxie, le capitaine de l’équipe loyaliste décide de passer le temps avant le lancement de la clock en se dégourdissant les jambes sur le chemin de ronde qu’il a passé le dernier lustre à bâtir. Rogal Dorn, Prétorien de Terra, a beau se répéter que lui et ses gars (et filles) sont aussi prêts qu’ils puissent l’être, il est difficile d’être certain de rien alors que l’express d’Isstvan V est sur le point d’entrer en gare système, rempli jusqu’à la gueule de félons et de traîtres. Un calme de mauvais augure est d’ailleurs tombé sur Terra, comme si la planète tout entière retenait son souffle dans l’attente de l’arrivée d’Horus et de ses ruffians.

Alors que le Primarque des Imperial Fists boucle son parcours en écoutant le podcast des meilleures prédictions pessimistes et autres maximes déprimantes de l’Hérésie, depuis Malcador dans The Lightning Tower1 jusqu’à Solomon Voss dans The Last Remembrancer2, en passant par… lui-même (il le vaut bien) dans The Crimson Fist3, il fait plusieurs rencontres aussi vides de sens que lourdes d’intérêt, ou peut-être est-ce le contraire. Après avoir demandé à l’astropathe et secrétaire de direction Armina Fel d’organiser un dîner de travail avec ses frangins, il passe une tête au PC Sécurité jauger des conditions de circulation sur le périphérique solaire. Vison Buté voit noir foncé. Zut. Juste le temps de donner sa soirée à l’Amiral Su-Kassen (qui ferait bien d’en profiter pour bingewatcher la saison IV de Stranger Things, elle n’aura plus le temps après), et Jauni est déjà reparti.

Un petit aparté littéraire nous permet de faire la connaissance de Seplin Tu et de son paternel (Tur-Lu’tu), banlieusards impériaux enrôlés de force dans la milice terrane, et qui feront peut-être/sûrement une apparition dans une des prochaines soumissions de French dans cette franchise. Hello Yellow. Retour sur les remparts, où Archamus-3 et Andromeda-17 attendent l’arrivée du taulier en discutant anthropologie et philosophie. On s’occupe comme on peut. Dorn finissant par pointer ses guêtres, le Huscarl et la Devineresse lui emboîtent le pas jusqu’au lieu de rendez-vous avec Sanguinius et le Khan… qui savent déjà ce qu’il avait à leur annoncer, à savoir que la flotte du Maître de Guerre vient de se matérialiser aux confins du système solaire, prélude à la guerre du même nom. La prochaine fois, utilisez Whatsapp les gars, ça ira plus vite.

Enfin, en orbite, dans l’assiette de guerre sur laquelle il est posté, le Capitaine Katafalque reçoit un message privé signé d’un « RD » très peu protocolaire, mais qui n’en contient pas moins une information de (pierre de) taille : l’ennemi vient d’arriver. Corporate jusqu’au bout, Dorn insiste toutefois pour que l’ordre de mobilisation générale ne soit passé dans un premier temps qu’à la 7ème Légion, les White Scars et les Blood Angels bénéficiant d’un léger sursis avant d’être mis au parfum. Pourquoi ? Mystère. Mais comme on le disait chez les tribus Franc à la fin de M2 : « Avant l’heure, c’est pas l’heure… »

1 : ‘He saw this Heresy coming in his visions. That is the truth you fear. You wish you had listened…’
2 : ‘The future is dead, Rogal Dorn. It is ashes running through our hands…’ C’est moche l’auto-citation, John.
3 : ‘You’re no son, you’re no son of maïïïïïne !’ Bon c’est Genesis (We Can’t Dance), mais vous saisissez l’idée.

AVIS :

Je pense que l’apprécation de cette nouvellinette de French variera fortement selon le contexte dans lequel elle sera lue. Prise individuellement, il serait facile (et exact) de souligner qu’il ne se passe vraiment pas grand-chose dans Now Peals Midnight, Dorn se contentant de faire ce qu’il fait depuis les prémices de l’Hérésie d’Horus (The Lightning Tower, 2007) : regarder le ciel d’un air pénétré en fronçant très fort les sourcils. Cette fois-ci, c’est vréééééééééément la bonne, Rogal ! Bien sûr, il a gagné quelques souvenirs et connaissances dans l’intervalle, certains d’entre elles convoquées pour quelques lignes de dialogue, mais dans l’ensemble, rien de nouveau sous la plateforme de défense orbitale. D’un autre côté, si Now Peals Midnight est la culmination du corpus (entier ou partiel) de l’Hérésie, et que le lecteur sait que la prochaine fois qu’il recroisera la route des personnages de la nouvelle (qu’il a appris à connaître au cours de ses précédentes lectures), l’acte final de cette tragédie galactique aura débuté, il y a de bonnes chances qu’il éprouve quelques trépidations de bon aloi en parcourant ces quelques pages. Bref, comme souvent avec ce genre de production purement atmosphérique, time is the essence. J’appose donc la mention « à conserver dans un endroit frais et sec, à l’abri de la lumière, de la chaleur et de la précipitation » sur cette soumission. On connaissait la slow food, nous voilà avec du slow reading. Ce siècle est décidément étrange.

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The Witch Takers – C. L. Werner [AoS] :

INTRIGUE :

The Witch TakersMis sur une sale histoire de meurtre dans la ruralité profonde du Khanat d’Arkl, en Chamon, les chasseurs de sorcières Esselt et Talorcan, unis à la scène comme à la ville, remontent une piste, forcément chaude, à travers les dunes du désert de Droost. De villages martyrs en tombes profanées et cadavres possédés il ne faut pas longtemps à notre fine équipe pour subodorer que quelque chose de pas sigmarite se cache au fond de ce dossier. Il semblerait que quelqu’un hante Droost avec pour seule mission de massacrer tout ceux ayant le malheur de croiser sa route. Quelqu’un… ou quelque chose, qui asservirait ses hôtes les uns après les autres, passant de main en main et ne laissant que les dépouilles de ses victimes et de ses porteurs derrière lui. Alors que les deux Répurgateurs approchent l’oasis de Tora Grae, miraculeusement épargnée par la folie environnante, il leur faudra agir rapidement et intelligemment pour empêcher le Tournetueur (pun intended) de commettre un nouveau carnage…

AVIS :

C.L. Werner qui met en scène un duo de Répurgateurs embarqués dans une quête qui les conduira dans quelque sinistre recoin de leur « circonscription » : du tout cuit pour l’auteur de la (plutôt bonne) série des Mathias Thulmann me direz-vous. C’est aussi ce que je pensais avant de commencer la lecture de ces Tueurs de Sorcières, et me suis donc surpris à reconsidérer légèrement ce postulat une fois passé le point final. Comme quoi, rien n’est gravé dans le marbre dans ce bas monde. La première divergence notable qui m’est apparue est la relation amoureuse unissant Esselt et Talorcan, ce qui n’a rien de rédhibitoire en soi (et est même suffisamment rare dans une publication de la Black Library pour qu’on puisse au contraire saluer l’audace de l’auteur), mais m’a semblé tellement éloignée des conventions usuelles de ce genre de littérature que mon expérience de lecture s’en est trouvée, pas polluée, le terme serait un peu fort, mais au moins perturbée par les roucoulades échangées par nos héros1. Passées ces considérations romantiques, l’intrigue que nous propose Werner ne s’avère pas être très haletante, la course poursuite par hôte interposé à laquelle se livrent Buffy, Xander et le bracelet perdu de Valkia la Sanglante suivant son cours avec une linéarité décevante, alors que la méconnaissance par nos héros de la nature et de la forme du mal qu’ils ont à combattre ouvrait la porte au développement de fausses pistes. Quant au binôme de choc proposé par l’auteur, il se révèle être d’une décevante platitude, Esselt et Talcoran ne s’écartant pas d’un pouce de leur stéréotype respectif (la paladine zélée et le rôdeur débrouillard), ce qui ne donne pas vraiment envie d’embrayer sur le roman que Werner leur a consacré (Le Cœur Corrompu//The Tainted Heart). Pour terminer, les apports fluff de cette nouvelle se comptent sur les doigts d’une main d’un Zombie de la Peste, le fait qu’elle se déroule dans un bout de désert perdu au milieu de nulle part ne jouant évidemment pas en la faveur d’inclusions significatives (même si ce genre de théâtre d’opérations n’est en rien rédhibitoire pour peu qu’on veuille s’en donner la peine, comme Guy Haley l’a prouvé avec Les Sables du Chagrin//The Sands of Grief). En conclusion, il ne reste guère que le métier de C. L. Werner pour faire tenir ces Tueurs de Sorcières debout, ce qui est suffisant pour une lecture rapide de l’ouvrage, mais à peine.

1 : Quand bien même ces dernières sont restées d’une sobriété bienvenue. C’est ainsi, j’ai du mal à voir des « Mon amour » apparaître dans une nouvelle de la Black Library.

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Dreams of Unity – N. Kyme [HH] :

INTRIGUE :

Dreams of Unity« Démobilisé » comme ses camarades à la fin des Guerres d’Unification, l’ancien (dans tous les sens du terme) Légionnaire Tonnerre Dahren Heruk s’est reconverti dans le gladiatorat avec une poignée de comparses afin de joindre les deux bouts. L’Empereur n’ayant visiblement pas prévu de plan épargne retraite digne de ce nom en faveur de ses premiers prototypes de post-humains, la joyeuse bande vivote sur les maigres bénéfices des combats auxquels elle participe dans le Swathe, bidonville Terran s’étendant en périphérie du Palais de leur ancien patron. Pour ne rien arranger, les vétérans sont affligés de divers troubles physiques et psychologiques, dont une forme particulièrement vivace et handicapante de PTSD, poétiquement nommée les Rêves d’Unité, qui les mène à revivre leurs souvenirs de bataille comme s’ils y étaient, avec des conséquences généralement fâcheuses pour les quidams évoluant à proximité. Les Blood Angels n’ont vraiment rien inventés.

Ayant été témoin de la mort d’un de ses comparses (Kabe) sur le sable de l’arène, des mains d’un chrono-gladiateur au final desservi par son propre sadisme, Heruk commence sa journée par un peu de manutention, ramenant les restes mortels de son défunt collègue jusqu’au domicile de son dominus et imprésario (Tarrigata), afin de procéder au recyclage, puis à l’incinération de ces derniers. Il part ensuite à la recherche d’un autre gladiateur de l’écurie (Gairok) aux abonnés absents depuis quelques heures, ce qui n’augure rien de bon. Pris en chemin d’une crise de somnambulisme aiguë, il revient à lui dans un bar dévasté du Swathe, où Gairok1 semble avoir organisé une reconstitution hyper réaliste du siège d’Abyssna, avec les piliers de comptoir comme figurants (involontaires). Jugeant son camarade trop atteint pour qu’une autre issue soit possible, Heruk l’euthanasie la mort dans l’âme, et poursuit sa mission de porteur d’os en charriant le cadavre jusqu’au QG de la bande.

Ailleurs dans le Swathe, le SWAT impérial (see what I did there ?) se déploie à grand renfort de gadgets, sous les traits aquilins mais masqués du Custodien Tagiomalchian. Ce dernier a été chargé de trouver et de neutraliser des éléments séditieux opérant depuis les dédales mal famés du bidonville, et se montre très intéressé par le carnage commis par Gairok au café PMU du coin. Alors qu’il est occupé à faire quelques relevés en mode les Experts : Terra, il est violemment attaqué par un agresseur non identifié, ce qui coupe la transmission envers la Tour de l’Hegemon. Sus-pense.

Nous retrouvons Heruk et son poids mort alors qu’ils arrivent enfin en vue de la bicoque de Tarrigata, qui se trouve être en proie des flammes. Décidément, ce n’est pas la journée de notre heruk. Réussissant à extraire son patron des décombres au péril de sa vie, le Guerrier Tonnerre n’arrive pas à lui sous-tirer d’informations vraiment utiles quant à l’identité des petits gougnafiers responsables de cette destruction de propriété privée avant que Papy Tarri’ n’aille rejoindre la droite de l’Empereur. Supputant que l’incident ait pu être causé par une autre crise de delirium tremens du dernier de ses corelégionnaires vivants (Vezulah Vult), Heruk se met à nouveau en chasse, et parvient à débusquer Vivi dans les égouts du Swathe. Ce dernier, également à l’article de la mort, et aveuglé par un Bitch Betcher move réalisé par son assassin, refait le coup du « je meurs avant d’avoir donné la bonne info à mon pote pour préserver le suspens de l’histoire mouahaha- couic » à Heruk. Au moins, l’honneur des Guerriers Tonnerre est sauf, car ce n’est pas Vult qui a foutu le feu aux pénates de son patron. C’est déjà ça. Résolu à tirer ce mystère au clair, et désormais libre de toute obligation professionnelle du fait du décès de tous ses collègues, Heruk poursuit son avancée dans les niveaux inférieurs du Swathe…

Début spoiler…et arrive à temps pour filer un salutaire coup de main à Tagiomalchian, fort occupé à maîtriser un Alpha Légionnaire possédé et son culte de groupies, que l’on devine être responsables du saccage du Balto pendant que Gairok s’en jetait un petit, ce qui lui a fait péter les plombs, et de l’attaque des locaux de Tarrigata… parce qu’il leur devait de l’argent, peut-être ? Toujours est-il que ce sont les méchants de la nouvelle, les vrais, en plus d’avoir été impliqués dans la tentative d’infiltration du Palais Impérial quelque temps auparavant, bien sûr. Prudence étant mère de sûreté, Heruk commence par s’occuper des goons chaotiques pendant que Tag’ et Alpharius (car c’était lui… c’est toujours lui) se roulent par terre en bonne intelligence, écopant de quelques légères blessures mais se montrant si convaincant dans son approche qu’il arrive même à convaincre la meneuse adverse de se suicider plutôt que de l’affronter2. Ceci fait, il ne reste plus à notre increvable vétéran qu’à régler son compte au bossédé de fin, en partenariat avec l’Adeptus Custodes, et en écopant d’une déchirure mortelle au passage (si seulement il s’était souvenu qu’il avait piqué le pistolet à radiations de Tarrigata avant que d’engager le renégat au corps à corps… les ravages de la grande vieillesse). Herruïque jusqu’au bout, notre briscard peut ainsi tirer sa révérence la tête haute, ayant bien mérité un honorable coup de grâce de la part de son camarade de jeu. Dreams are my reality… (air connu).Fin spoiler

1 : Pour être honnête, on ne sait pas trop qui blâmer pour ces troubles de voisinage, Heruk ayant été tout aussi parti que son poto à son arrivée sur les lieux. Dans ces cas là, mieux vaut reporter le problème sur le type d’en face c’est vrai.
2 : Il faut dire que voir un colosse écumant perforer la cage thoracique de Roger de la compta’ à coup de pied ne donne pas en vie d’engager le dialogue.

AVIS :

Cette nouvelle de Kyme s’avère être assez satisfaisante, et plus qualitative que nombre de ses travaux précédents, ce qui est appréciable pour le lecteur et peut laisser à penser que notre homme s’améliore au fil du temps. Tant qu’il y a de la vie… En plus de la généreuse dose de fluff relative aux Guerriers Tonnerre dont nous bénéficions ici, le petit thriller mis en scène par Kyme quant à l’identité des proies traquées par Tagiomalchian tient plutôt bien la route, dès lors qu’on ne le regarde pas de trop près. À titre personnel, j’ai trouvé que l’auteur s’inspirait lourdement des travaux de certains collègues (le Custodes est un clone Kymesque du Tauromachian d’Abnett dans Blood Games, le crachat venimeux un emprunt au Talos d’ADB), ce qui peut peut-être expliquer pourquoi cette soumission est de meilleure facture que d’ordinaire. La tendance de Kyme à saboter l’exécution d’idées pourtant intéressantes par la non prise en compte de détails mineurs (affliction baptisée annandalisme par votre serviteur) vient toutefois fragiliser l’édifice1, ce qui est dommage mais pas surprenant. Mais on progresse, on progresse…

1 : Exemple gratuit, le chrono-gladiateur du début de la nouvelle est d’abord décrit d’une telle manière à ce que le lecteur croit qu’il s’agit d’un Custodien (ce qui ferait sens car ce sont eux qui ont massacrés les Guerriers Tonnerre sur l’ordre de l’Empereur). Ce quiproquo assez malin est affaibli par le choix de Kyme de faire de son antagoniste un tueur sadique, qui prend son temps pour tuer sa victime au lieu de l’achever efficacement. Pour un guerrier vivant littéralement sur du temps emprunté, une telle procrastination est en effet très improbable.

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The Old Ways – N. Horth [AoS] :

INTRIGUE :

Callis and Toll_The Old WaysAffecté à la surveillance de la cité d’Excelsis, dans le royaume de Ghur, le répurgateur de l’Ordre d’Azyr Halliver Toll, escorté de son sidekick Armand Callis, est envoyé par ses supérieurs tirer au clair une sombre histoire de disparition à Marshpoint, une ville agricole située en périphérie de la Cité des Secrets. Le fils aîné de la puissante famille Junica n’a en effet plus donné signe de vie après avoir eu maille à partir avec quelques soldats de l’autre grande famille locale, les Dezraed, qui l’ont poursuivi jusque dans les profondeurs de la forêt d’Ulwhyr. L’entente entre Junica et Dezraed n’ayant jamais été cordiale, c’est une vendetta en bonne et due forme qui menace d’éclater entre les Capulet et les Montaigu de Ghur, gueguerre qui mettrait en péril l’approvisionnement des régiments d’Excelsis en précieuse soie d’acier, ressource collectée depuis les fermes arachnides de Marshpoint. Il va donc de l’interêt général que cette triste affaire soit réglée dans les meilleurs délais, et qui de plus qualifié qu’un répurgateur pour traiter ce problème ?

Nous suivons donc Thalys et Colle au cours de l’enquête à laquelle ils se livrent à leur arrivée dans le bourg miteux et boueux de Marshpoint. Après un interrogatoire croisé des patriciens des deux familles, l’énorme et suintant Fenrol var Dezraed, autoproclamé Gardien de Marshpoint du fait de sa capacité de bloquer à lui seul l’entrée de la ville s’il lui prenait l’envie de s’asseoir en travers du portail, et le sec et irritable Kiervaan Junica, nos experts se rendent sur les lieux de la disparition à proprement parler, escortés par l’homme de confiance du patricien Junica, un natif du nom de Ghedren, et par un trio de gardes Dezraed. Et s’il se pourrait bien que la rivalité larvée entre familles nobles ait bien fait couler le sang, les enquêteurs feraient bien de prendre au sérieux les rumeurs entourant la Sorcière Blanche d’Ulwyhr. Après tout, ils ont pénétré sur son domaine…

AVIS :

C’est avec enthousiasme que j’avais vu revenir la figure iconique du chasseur de sorcières/répurgateur dans le lore d’Age of Sigmar, que son inclinaison high fantasy aurait pu « immuniser » à l’introduction de ce type de personnage, très grimdark par nature. La lutte contre les cultes chaotiques gangrénant le nouvel ordre rutilant de Sigmar constitue en effet à mes yeux un axe de développement des plus intéressants, et une prise de recul bienvenue sur le manichéisme caractéristique des premières années d’AoS. Encore fallait-il que l’image d’Epinal Hammerhal de l’inquisiteur traquant le vice et la trahison parmi les sujets obéissants de l’autorité centrale (préférablement divine, c’est plus classe) soit convenablement adaptée dans cette nouvelle franchise, la profession en question exigeant une rigueur morale confinant à la psychose, ce qui n’est pas franchement la norme parmi la soldatesque sigmarite (ces martel-sans-rire de Celestial Vindicators mis à part), dépeinte à de nombreuses reprises comme adepte du compromis et de la tempérance. Qu’en est-il avec la paire Callis & Toll, promise à un bel avenir au sein de la BL à en juger de la façon dont leurs noms ressortent dans tous les ouvrages auxquels ils ont été inclus ? Eh bien, c’est plutôt pas mal, encore que pas spécialement pour les raisons détaillées ci-dessus. Je m’explique.

Si le fanatisme (dans le bon sens du terme, car, si si, dans la littérature med-fan, cela existe) de nos héros laisse à désirer, la retenue dont fait preuve Toll, sensé être le vrai bad guy du duo, dans le jugement qu’il délivre au coupable, le plaçant à un petit 2 sur l’échelle de Mathias Thulmann (le référentiel absolu de la maison à cet égard), Horth se rattrape néanmoins en glissant quelques remarques de bon aloi à propos d’un certain White Reaper (Cerrus Sentanus sur son état civil), Stormcast Eternal pas vraiment Charlie, à tel point que son nom est utilisé pour effrayer les enfants d’Excelsis. Voilà un type qui mérite que l’on suive, et j’espère bien que ça sera le cas dans un futur pas trop lointain. Celà étant dit, The Old Ways a d’autres qualités, la première étant de proposer une petite enquête policière pas trop mal troussée au vu du nombre de pages limité avec lequel elle doit composer1, l’atmosphère horrifique du passage « sylvestre » du récit étant une autre source de satisfaction. D’autre part, cette nouvelle présente également l’intérêt de creuser le background de la cité libre d’Excelsis, qui devrait normalement ne pas disparaître corps et bien dans les annales du fluff, au vu du nombre d’apparitions qu’elle a faite dans divers écrits depuis son introduction dans le background. En apprendre plus sur cette bourgade présente donc un intérêt pour le fluffiste, tellement bombardé d’informations géographiques par ailleurs qu’on ne peut lui reprocher de ne pas prendre note de tout ce qu’on lui soumet.

Enfin, de façon plus large, elle fait ressortir un concept intéressant : le fossé existant entre natifs d’Azyr et populations locales au sein des cités libres, les seconds étant généralement mal considérés, voire méprisés par les premiers, qui les qualifient « d’Amendés » (traduction personnelle de Reclaimed, qui peut aussi s’entendre comme « Récupéré ») ou de « Sang Maudit » (curseblood), ce qui n’est pas très sympathique, mais ajoute de la profondeur à la société sigmarite. Quand on lit que même un personnage « égalitariste » comme Toll n’aurait pas de problème à raser toutes les forêts de Ghur pour pouvoir accélérer la colonisation de ce Royaume, au grand désarroi des locaux qui ont appris à vivre dans les étendues sauvages et à les respecter, on se dit que la possibilité d’un soulèvement des indigènes contre la métropole et ses représentants est une possibilité réelle… et c’est tant mieux en termes de potentiel narratif ! Bref, une plongée satisfaisante dans l’arrière-pays d’Excelsis, et une nouvelle qui vaut le coup d’être lue pour qui s’intéresse au fluff des cités libres.

: On saluera également le twist proprement « meta » de Horth, qui fait dire à Toll qu’il avait identifié le coupable depuis belle lurette et attendait juste de voir combien de temps il faudrait à Callis (et donc au lecteur) pour faire de même. On ne me l’avait jamais faite celle-là.

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The Battle for Markgraaf Hive – J. D. Hill [40K] :

INTRIGUE :

The Battle of Markgraaf HiveComme les plus sagaces des lecteurs de cette chronique l’auront certainement deviné, la nouvelle du sieur Hill traite donc de la bataille pour la ruche Markgraaf1, opération de reconquête et pacification à laquelle l’unité de Minka Lensk, héroïne récurrente de l’auteur, à le plaisir et l’avantage de participer, en compagnie du \[|{™#{ème Cadien (comprendre qu’entre les pertes au combat non remplacées et les fusions régimentaires qui s’en suivent, les numéros défilent plus rapidement que lors d’une soirée bingo à l’Ehpad de Bois-Robert-sur-Veule).

Au menu de ce qui peut sans doute être considéré comme un séminaire annuel pour les derniers des Targaryen – cette manie de coller des yeux violets aux protagonistes pour les distinguer de la masse… –, une activité de team building dans les ténèbres des niveaux inférieurs de la ruche en question, avec les habituels cultistes hargneux-mais-bon-ça-va-on-a-vu-pire en lieu et place des assiettes en céramique à décorer, qui étaient à la mode en ce genre d’occasions quelques millénaires plus tôt. Une fois la séance initiale de laser game terminée, on enchaîne avec une découverte de la faune locale, qui consiste en des rats de la taille d’un rat et des asticots de la taille d’un chien (appelons-les maxticots), suivie par une session d’aqua-relax dans un bassin naturel, sous les ordres d’un Commissaire-Nageur un brin autoritaire.

À peine le temps de réaliser que les maxticots ne font pas de bons candidats au fish pédicure, à moins d’être un Ogryn peu chatouilleux, qu’il faut enchaîner avec une initiation à l’escrime médiévale/escape game sous la houlette de Philippe Chaos-therine (il coupe sa hache… et il rallume sa hache…), Space Marine renégat reconverti en coach de vie. Cette journée intense se termine par quelques longueurs de brasse coulée, un temps calme de 10 minutes devant une œuvre d’art moderne convenablement moche, et un ultime passage au hammam (mais habillé, ce qui est concept). Ce n’est pas tout le monde qui a la chance de vivre des séminaires aussi riches. Merci qui ? Merci Abby !

À ne pas confondre avec la ruche Steffigraaf, qui malgré quelques revers, est toujours au service de l’Empereur.

AVIS :

Propulsé directement dans le feu de l’action dès les premières lignes de The Battle… (au moins, le titre n’est pas mensonger), le lecteur aura sans doute quelques difficultés à comprendre les tenants et les aboutissants de cette successions de péripéties aussi guerrières que brouillonnes, expédiées sans tact, ni finesse, ni connecteurs logiques (ce qui surprend au début, irrite au milieu, et fait marrer à la fin) par un Justin Hill aussi maître de son propos qu’un élève de CM1 couchant par écrit le récit de ses vacances de printemps.

Si le début de la nouvelle fait illusion, tout se corse à l’arrivée sur la mare aux maxticots, théâtre d’une empoignade confuse, suivi de l’arrivée d’un groupe de survivants – dont un Valhallan, qui passait dans le coin – mené par un Commissaire, suivi de l’exécution d’un Garde qui trouvait l’eau trop froide, suivi de l’arrivée du random Chaotic Space Marine de base, suivi d’une ré-empoignade confuse, suivie d’une fuite éperdue de l’héroïne jusqu’au fond du bassin, suivi d’un questionnement philosophique sur la destinée des Cadiens survivants, suivi d’un séchage express, inexpliqué et interprété comme miraculeux par une Minka à laquelle il ne faut pas grand chose, des vêtements de nos héros, suivi de la fin du récit, qui s’achève donc davantage comme un chapitre de roman qu’un court format digne de ce nom, faute d’un dénouement digne de ce nom (sauf si être coincé à deux sans matos dans une caverne inondée peuplée de vers carnivores géants et squattée par des hordes d’hérétiques peu aimables et un Space Marine du Chaos altéré de sang constitue un explicit satisfaisant, bien sûr1).

Pauvre en termes de fluff, d’informations sur le passif de Mina Lensk, et d’une assez grande banalité dans son propos, The Battle… lorgnait peut-être du côté de la saga Gaunt’s Ghosts, et notamment du siège de Vervunhive couvert dans Necropolis, pour son inspiration, mais le fruit (plein d’asticots, donc) est tombé trèèèès loin de l’arbre. Pour laisser le mot de la fin, en même temps que du début, car j’aime bien boucler des boucles sur mon temps libre, à Hill en personne : « What the hell is happening ? »

1 : Si c’est le cas, vous êtes bizarre.

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A Brother’s Confession – R. MacNiven [40K] :

INTRIGUE :

A Brother's ConfessionSur la barge de bataille Ultramarines Spear of Macragge, l’Apothicaire Primaris Polixis se rend à confesse pour expier le crime qui lui pèse sur la conscience depuis le dernier engagement auquel il a participé aux côtés de ses comparses de la Fulminata, contingent de Necmarines1 rattaché au Chapitre natal de ce bon Roboute. Et quel crime ! Rien de moins que le meurtre d’un de ses frères de bataille, l’infortuné Artimeus Tulio. Avant que le sévère Chapelain Kastor, qui se trouve être le véritable frère de Popol (d’où la subtile référence mythologique que le lecteur sagace n’aura pas manqué d’identifier) et auquel pleins pouvoirs sont laissés pour traiter cette affaire, ne délivre son jugement, un petit flashback explicatif des familles (et pour cause) s’impose…

Nous voilà donc sur Atari, planète renommée dans tout l’Ultima Segmentum pour la rectitude de ses arcades et la qualité de ses bornes, et plus précisément dans le manoir du gouverneur local, où les Fulminata sont engagés dans une furieuse partie de FPS contre des hordes de cultistes de Tzeentch. Le monde est en effet la proie à une rébellion caractérisée contre la sainte autorité de l’Empereur, et la situation est suffisamment mal engagée pour que les grands bleus se retrouvent engagés dans une course contre la montre pour mettre le gouverneur De La Sario en sécurité, ou a défaut, lui coller un bolt dans le caisson, afin d’empêcher les dissidents chaotiques d’activer les plateformes orbitales de la planète, verrouillées génétiquement sur le profil du dirigeant légitime d’Atari.

Accompagnant une escouade d’Intercessors sur place, Polixis se trouve confronté à un choix difficile : voler à la rescousse de ses frères, dont certains ont été grièvement blessés par un assaut de cultistes à la férocité imprévue, à l’autre bout du palais, ou battre en retraite en compagnie des hommes du Sergent Nerva, comme ce dernier, le bon sens, et jusqu’au Codex Astartes le préconisent. Confiant en l’épaisseur de son armure en scenarium renforcé, l’intrépide Apothicaire décide de taper un sprint jusqu’à la position des surhommes à terre, ce qu’il parvient à faire sans trop de difficultés. Il est cependant déjà trop tard pour le pauvre Scaevola, plus perforé qu’une copie double à la sortie de la presse, et dans un état trop désespéré pour que Polixis ne puisse lui accorder autre chose que la Paix de l’Emper- ah, non, visiblement il n’y a même pas le temps pour ça, et c’est donc à une ablation de ses glandes progénoïdes pre-mortem (en atteste le fait que Polixis ait besoin de clamper l’incision cervicale pour éviter que la plaie se referme trop vite) à laquelle le doublement malchanceux Scav’ a droit. Il y a des jours comme ça…

L’affaire réglée en moins d’une minute, qui a dû tout de même paraître très longue au patient opéré2, Polixis, décidément très joueur, opte pour une action d’arrière garde afin de s’enquérir de la santé du dernier membre de l’escouade, qui se trouve être le fameux Tulio. Pendant que ses petits copains, qui ne connaissent ni la peur, ni la témérité, se replient sagement vers le point d’extraction, notre héroïque Apothicaire se glisse jusqu’à la position de Tutu, qui git dans une mare de sang et un monceau de cultistes du mauvais côté d’un pas de tir chaotique. Pas de quoi arrêter Polixis, que son statut de personnage principal racontant un flashback rend confiant quant à sa capacité de braver la mort, n’eut été la présence im- ou o- pportune de la fille du gouverneur de l’autre côté de la pièce. Cette dernière pouvant tout autant que son pôpa donner aux Ultramarines l’accès à la plateforme orbitale, c’est à un nouveau dilemme que Polixis doit faire face. Il ne peut en effet secourir qu’un des deux individus susnommés, et c’est peu dire que ses cœurs balancent. Optant finalement pour la fille (chez les Ultras, c’est pas « bros before hoes » donc), il récupère le précieux colis et repart enfin vers la sécurité du Thunderhawk garé en double file à l’extérieur du palais, les quelques blessures qu’il récolte au passage n’étant pas assez graves pour l’empêcher de mener sa mission à bien.

Et nous voilà de retour sur le Spear of Macragge, où l’inflexible Kastor doit bien se demander ce qu’il a fait pour avoir un tel Mary Sue comme frangin. Car non, Polixis n’a pas tué Tulio. Son « crime » est d’avoir sciemment abandonné le patrimoine génétique d’un frère tombé au combat, pour accomplir une mission qui lui semblait plus importante sur le moment. Oh mon Empereur, mais c’est absolument terribleuh ! Et Kastor de broder une jolie parabole sur le sauvetage d’un chiot tombé dans la rivière quand lui et Polixis étaient gamins, afin de convaincre son fragile de frère qu’il n’a rien fait de rédhibitoire. À se demander comment il a réussi à gagner sa carapace noire avec cette sensibilité malvenue. Je te l’enverrais vers un stage d’endurcissement chez les Iron Hands ou les Marines Malevolent, moi. MauviBleuette, va.

1 : Car comme le dit l’expression : « Nec plus ultra ».
2 : D’autant plus que le Sergent décide une fois les glandes extraites de repartir avec le corps de Scaevola. Sauf perissabilité extrême des progénoïdes, ce qui serait étonnant vu la résilience généralisée d’un Space Marine, on peut donc plaider la cause de l’acharnement thérapeutique sur le pauvre bougre.

AVIS :

Malgré une introduction prometteuse, augurant d’un fratricide en bonne et due forme commis par le plus insoupçonnable des coupables (un Primaris Ultramarine : plus droit dans ses bottes que ça, c’est un chausse-pied), cette courte nouvelle de McNiven se révèle être au final composée à 50% de bolter porn, et à 50% de publicité pour les organes supplémentaires des Primaris. À croire que le déclenchement de la Fournaise Belisarienne du frère Posthumus constitue une information cruciale à transmettre lorsqu’on est sous le feu ennemi. L’occasion pour les fans de Bonnet Bleu et Bleu Bonnet, héros du roman Blood of Iax/Le Sang d’Iax de retrouver les frangins dans un contexte un peu différent, mais qui ne devrait, sauf erreur de ma part, pas fondamentalement changer la vision que le lecteur a de nos deux larrons. Pas désagréable, mais très loin d’être indispensable.

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The Tainted Axe – J. Reynolds [AoS] :

INTRIGUE :

The Tainted AxePeu de temps après les événements relatés dans ‘Spear of Shadows’, nous retrouvons le chevalier – ou plutôt, demigryphier – Roggen de Ghyrwood March, de retour en Ghyran avec une main en moins et des souvenirs en plus. Ayant refusé l’offre de Grugni de remplacer son membre manquant par une réplique mécanique, au profit d’une solution plus naturelle, notre héros n’a toutefois pas trouvé chaussure à son pied ni prothèse à son moignon. Sa convalescence prend un tour particulier lorsqu’il se sent appelé une nuit dans le bosquet de ferbois consacré de son ordre, où l’attend une Branchwraith mutine, avec une nouvelle quête divine à lui confier.

Loin au Sud se trouve le Gaut Tors1, une forêt qui a cruellement souffert des déprédations de Nurgle et des ses séides au cours des dernières années. Un champion du Dieu des maladies y a jadis mené une expédition corruptrice, dont il n’est jamais revenu mais qui a résulté en l’abandon de sa hache maudite sous un tas de feuilles. Depuis lors, cette arme maléfique corrompt les bois aux alentours, comme une pile au mercure enterrée dans l’humus. La mission de Roggen consistera donc à localiser cette relique impie et à la ramener à sa commanditrice, qui en échange de ses bons et loyaux ordonnés services lui fera pousser une nouvelle menotte. Bien que notre héros ne soit pas né de la dernière pluie, et se méfie à juste titre des fantasques Sylvaneth, le serment d’allégeance à Alarielle qu’il a prêté en devenant chevalier, et l’attrait de retrouver la main, le convainquent rapidement d’accepter cette quête. Avant de retourner écouter pousser les fleurs, la Branchwraith a l’amabilité de lui adjoindre les services d’un sherpa forestier, en la personne compacte mais grincheuse d’un esprit de la forêt.

Nous suivons alors Roggen, son guide mal-luné (il passe son temps à appeler le chevalier « viande », ce qui n’est guère aimable) et sa farouche monture (Harrow) jusque dans les profondeurs mal famées du Gaut Tors. Bien que sa patronne lui a promis qu’il aurait un droit de passage auprès des Sylvaneth du cru, le fait que ces derniers soient perturbés par les émanations toxiques de la hache perdue d’une part, et leur allégeance à nulle autre que Drycha Hamadreth d’autre part (un petit détail que la Branchwraith avait omis de préciser à son prestataire pendant le briefing), n’incitent pas Roggen à la détente de son slip (en bois, comme le reste de sa garde-robe). Le trio finit toutefois par arriver dans une clairière, où un petit groupe de Rotbringers est à pied (gangréné) d’œuvre, et vient d’exhumer une sorte de cocon de racines calcifiées, qui ne peut être que le réceptacle de cette fameuse hache.

Confiant dans ses capacités de bretteur et l’effet de surprise, Roggen fonce dans le tas avec abandon, mais se retrouve rapidement en difficulté, notamment du fait que ses adversaires ont apporté avec eux des arbalètes, ce qui n’est pas très fluff tout de même. Avant que l’impétueux chevalier n’ait été transformé en hérisson manchot (ce qui vaut mieux qu’un échidné pingouin, qu’on se le dise), une voix tonitruante vient intimer aux Nurgoons de cesser le feu. Il s’agit du Blight Knight qui commande l’expédition des prouteux, et qui, en véritable chevalier de l’ordre de la mouche, propose à Roggen de régler l’affaire par un duel tout ce qu’il y a de plus honorable, et au gagnant le loot. N’ayant pas de meilleure option sous la main, notre héros accepte la proposition de son adversaire (Feculus), et les deux champions se mettent sans tarder à l’ouvrage.

Si sa monture parvient sans mal à vaincre le destrier démoniaque de sa Némésis, Roggen éprouve quant à lui les pires difficultés à tenir tête à cette dernière, qui est à la fois plus forte et plus résistante que lui. Au bout du compte, il faudra l’intervention, pas vraiment fair play mais très secourable, de son sidekick végétal (qui utilise l’attaque airbark) pour que Roggen parvienne à vaincre l’ignoble Feculus. La mort de leur patron libère toutefois les Rotbringers de leur serment de non-intervention, et le chevalier Dubois n’aurait pas fait long feu sans l’arrivée à point nommée des Sylvaneth du Gaut Tors, qui se font un plaisir d’offrir une démonstration de bio compostage express à leurs ennemis honnis. Cela laisse le temps à Roggen de repartir avec sa relique rouillée, et de se retrouver en bout du compte avec une greffe maniable. C’est tout le mal qu’on lui souhaite.    

1 : Je ne sais pas si cette nouvelle a été traduite en français, mais je suis hyper fier de ma proposition (Writhing Weald en VO).

AVIS :

On ne le savait pas encore à l’époque de sa publication, mais ‘The Tainted Axe’ constituait la dernière apparition du chevalier Roggen de de Ghyrwood March, l’un des personnages attachants1 créés par Josh Reynolds dans le cadre de sa saga – laissée inachevée – des Lamentations de Khorne. Si cette péripétie mineure ne se place pas parmi les meilleures soumissions de notre homme, on y retrouve toutefois les points forts habituels de sa prose, à savoir des personnages intéressants (mention spéciale au jovial Feculus, que l’on retrouve cité dans les écrits consacrés par Reynolds à l’ordre de la mouche), une intrigue et un développement qui tiennent la route, et une généreuse dose de fluff pour napper le tout. Des nouvelles comme ça, je pourrais en lire 10 par jour sans me lasser. A mettre entre toutes les mains (haha).

1 : Notamment parce qu’il a pas mal de traits communs avec Erkhart Dubnitz, du très saint et très violent ordre de Manann, un des héros les plus hauts en couleurs de la Black Library.

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Fireheart – G. Thorpe [40K] :

INTRIGUE :

FireheartEnvoyée par Yvraine comme émissaire auprès des Eldars du Saim Hann afin d’obtenir de l’aide dans la quête des mondes de Morai-Heg, la Céraste Druthkala Shadowspite (Drudru pour les intimes) a bien du mal à convaincre ses hôtes de prêter une oreille pointue attentive à ses doléances. Car étonnamment, les Zoneilles sont égoïstes et mesquins. Qui l’eut pensé, vraiment ? Alors que les Clans réunis en assemblés dans le bois de Vincennes du Vaisseau Monde n’en finissent plus de se crêper le chignon, et que Druthkala tue le temps, faute de mieux, en imaginant les sévices qu’elle pourrait infliger à ses lointains cousins, Nuadhu du Clan Fireheart fait son apparition, en retard comme à son habitude. Bien que seulement héritier putatif du Clan, l’état végétatif de son père lui donne le pouvoir de décider à sa place, et un seul regard sur les courbes généreuses et l’armure minimaliste de la diplomate Ynnari convainquent notre dalleux de héros qu’il doit lui venir en aide pour s’en faire bien voir, et plus si affinités. Le choix d’Yvraine d’envoyer une bombasse plutôt qu’un érudit fait tout d’un coup plus de sens…

La mission de Shadowspite et de ses nouveaux amis est assez simple : mener une reconnaissance sur le monde vierge d’Agarimethea, où un vaisseau Exodite patiente en double file orbitale depuis quelques semaines, ce qui indique que quelque chose ne tourne pas rond à la surface. Après un petit go fast dans la Toile, dans la plus pure tradition des Wild Riders, les bikers au serpent arrive sur place, où ils ne mettent pas longtemps à repérer un complexe Necron défigurant le paysage champêtre, comme un magasin Bricodépôt construit au milieu d’un parc naturel. La présence de l’ennemi primordial des Eldars sur une planète qui devrait pourtant être exempte de toute souillure provoque des réactions mitigées dans la compagnie. Ceux qui réfléchissent avec le cerveau (Caelledhin, la demi-sœur du héros) sont pour une retraite prudente, ceux qui réfléchissent avec un autre organe (Nuadhu, qui n’en finit plus de baver sur les jambes de Shadowspite) insistent pour aller jeter un œil sur site, afin de peut-être trouver une arme qui pourrait aider les Eldars dans leur lutte contre les Necrontyr. Nuadhu étant techniquement aux commandes (même si cet incapable a laissé le pilotage de sa Vyper à son chauffeur de fonction), l’expédition fait fi de toute prudence et va se garer devant la pyramide principale. Bien évidemment, le calme qui baigne les lieux n’est qu’apparent, et lorsque Nuadhu pose la main sur la surface inerte du monument aux des morts, une alarme se déclenche et le ciel se remplit bientôt de tirs de désintégrateurs et d’aéronefs Necrons.

La fuite éperdue qui s’en suit voit la disparition tragique d’un certain nombre de cousins Fireheart, victimes des tirs ennemis, du relief ou du troupeau de dinosaures local (obligatoire sur un monde vierge). J’imagine qu’il en reste encore plein de là où ils viennent, et on ne pleurera donc pas trop sur leur sort. Les Eldars, bien diminués par la tournure qu’ont pris les événements, et la stupidité crasse de leur chef, jurent toutefois de revenir pour rendre aux Necrons la monnaie de leur pièce, ce qui sera fait dans ‘Wild Rider’/’Le Cavalier Rebelle’, le deuxième bouquin consacré aux suivants d’Ynnead par Gav Thorpe.

AVIS :

Je dois avouer tout de suite que je n’ai pour le moment pas réussi à m’intéresser aux Ynnari, ce qui est un handicap pour qui veut effectuer une chronique impartiale d’une nouvelle consacrée à cette nouvelle faction de 40K. Toutefois, même si les cultistes d’Ynnead avaient bénéficié de ma légendaire bienveillante neutralité, je pense que mon jugement de ce ‘Fireheart’ serait resté sévère. Il n’y en a en effet pas grand-chose à tirer de cette histoire, mis à part quelques fragments de fluff sur l’organisation et la culture de Saim Hann, et le nom du canasson de Khaine, ce qui n’est pas lourd. Pour le reste, on assiste à un festival de gaffes, puis de baffes, provoqué par l’incompétence notoire de Nuadhu, dont la concupiscence irréfléchie mettra Saim Hann en danger, et, surtout, donnera à peu de frais à Thorpe le pitch d’un de ses bouquins. C’est à une nouvelle purement et crânement utilitaire que nous avons affaire ici, qu’il convient de lire à l’extrême limite en prologue de ‘Wild Rider’ et c’est bien tout.

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The Dance of the Skulls – D. Annandale [AoS] :

INTRIGUE :

The Dance of the SkullsInvitée à honorer de sa présence un bal donné par la reine Ahalaset et le seigneur Nagen dans la cité de Mortannis, Nefarata se doute bien que cet évènement mondain n’est qu’un prétexte commode pour permettre à ces deux grandes lignées d’agir à ses dépends, ce qui ne l’empêche pas d’accepter gracieusement de se rendre sur place, n’ayant de toute façon rien d’autre de prévu ce soir là. Voyant d’un mauvais oeil le rapprochement s’étant récemment opéré entre Ahalaset et Nagen, la Mortarque de Sang suppute avec raison qu’un piège va lui être tendu, et se réjouit d’avance de cette (més)aventure, le quotidien de Nulahmia devant apparemment être assez terne.

Après avoir été accueillie avec tout le faste et la pompe liés à son r/sang (et infligé rateau sur rateau à ce pauvre Nagen, auquel elle promet toutefois une danse plus tard dans la soirée1), Neffie se voit proposer par son hôte une dégustation privée de crus tirés de l’hématothèque personnelle d’Ahalaset, ce qui ne se refuse pas. Guidée jusqu’à un salon lounge où l’attendent une dizaine d’esclaves qui s’appellent tous Mathusalem ou Réhoboam, notre rusée vampire à tôt fait d’identifier l’aiguille d’argent se terrant sous la roche, en l’occurrence un assassin assermenté doté d’une fourchette à escargot à la place du bras (c’est la mode à Hammerhal). Ayant raté son test d’Initiative, le faquin est toutefois aisément neutralisé par sa victime supposée, qui l’attache à son service d’un langoureux battement de cils. Satisfaite de la tournure prise par les évènements, et comme toute quinqua-millénaire de la bonne société après une dure journée de labeur, Neferata s’accorde un petit verre (et fracasse au passage toutes les « bouteilles », qui espéraient peut-être qu’on les laisse tranquille le temps qu’elles refassent le plein) aux frais de ses hôtes avant de revenir se joindre à la fête.

Là, il est temps pour la Lahmiane de porter l’estocade aux traîtres débusqués, et en musique s’il vous plaît, la danse des crânes consentie à ce benêt de Nagen donnant amplement le temps à notre héroïne de cimenter sa victoire en enchantant légèrement son cavalier, qui ne trouvera rien de plus malin lorsque l’assassin d’Ahalaset viendra sonner les douze coups de minuit à son ancienne patronne à l’aide de son argenterie intégrée, de lancer sa devise dans le silence de mort (héhé) qui s’ensuit. Cette dernière tombera à plat comme la totalité de ses blagues, et, mal comprise par la garde de la reine défunte, aura des conséquences tragiques pour notre pauvre Nagen. Un verre ça va, trois verres…

1 : En même temps, cette coquetterie de laisser dépasser une canine par dessus sa lèvre inférieure ne doit pas aider à lui donner un air très intelligent.

AVIS :

C’est peu de chose de dire que la prose de Herr Annandale n’était pas tenue en haute estime de ce côté du clavier, depuis la chronique de ses débuts pour la BL (The Carrion AnthemHammer & Bolter #11) jusqu’à aujourd’hui. Les choses ont légèrement évolué avec cette Danse des Crânes, qui s’affirme facilement comme la meilleure soumission de notre homme que j’ai pu lire à ce jour. Certes, on parle ici en progrès relatif plutôt qu’en performance absolue, cette courte nouvelle ne se comparant guère aux travaux d’auteurs que je considère être plus méritants que David Annandale, Abnett, Dembski-Bowden, Farrer et Fehervari en tête, pour n’en citer que quelques uns (la liste serait assez longue sinon), mais j’aurais trop beau jeu de ne pointer que les trous dans la cuirasse ou les défauts dans la raquette des travaux de ce régulier de la BL, si je ne soulignais pas également les sources de satisfaction à la lecture de ces derniers. L’Empereur sait qu’ils sont encore rares à cette heure.

Alors, quels sont les éléments positifs de La Danse des Crânes ? Pour commencer, une absence de ce que l’on peut presque appeler une « annandalerie », terme forgé par votre serviteur et désignant une mauvaise, grossière ou grotesque exploitation d’une idée de départ pourtant assez sympathique, pour des résultats évidemment décevants. Le huis-clos victorien qui nous est proposé ici ne pêche ainsi pas par excès de zèle ou manque de structuration, les péripéties s’enchaînant de façon tout à fait convenable et crédible, ce qui pourrait sembler aller de soi mais n’était pas gagné d’avance au vu du pedigree de l’auteur. On sent que ce dernier a réfléchi à la manière dont il devait dérouler son récit pour que le plan alambiqué de Nefarata puisse se dérouler sans (trop) d’accroc, et même si l’usage d’un petit TGCM en fin de nouvelle pour parfaire le triomphe de Mama Lahmia peut être noté, c’est finalement peu de chose comparé aux problèmes structurels émaillant quelques unes des précédentes soumissions de David Annandale.

Autre source de contentement, la description intéressante qui nous est faite de la haute société mort-vivante, nid de vipères aux crocs acérés et n’hésitant pas un instant à comploter pour précipiter la chute de leurs prochains, alors même que les ennemis extérieurs se comptent par milliers, et qu’un brin de solidarité entre macchabées ne serait pas de trop pour défendre le pré carré de Nagash. Le fait que cette société, mêlant vampires et humains à tous les échelons, apparaisse comme fonctionnelle et pérenne (en même temps, c’est bien le minimum quand on est immortel) est une autre réussite d’Annandale, qui parvient à donner un volume fort bienvenu à une faction qui jusque là se réduisait à des légions de squelettes traînant leur mélancolie dans des déserts violacés. On peut s’amuser aussi en Shyish, telle est la morale de cette petite histoire.

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The Board is Set – G. Thorpe [HH] :

INTRIGUE :

The Board is SetSur le sol de cette bonne vieille Terra, les armées loyalistes se préparent à recevoir comme il se doit le retour du fils indigne et de sa bande de potes, dont on entend déjà les « boum boum boum » crachés par les enceintes de leurs Clio tunées résonner depuis le parking de la copropriété, brisant le calme légendaire du quartier1. Comme le petit vieux acariâtre qu’il est, Macaldor, après avoir balancé une ou deux références que les moins de 20.000 ans ne peuvent ni connaître, ni comprendre, s’en va en grommelant dans sa barbe psychique que Dorn est définitivement une grande et jaune godiche, et que son obsession pour les briquettes et les portails électriques n’est qu’une lubie de jeune crétin. Ca tombe bien, notez, c’est l’heure de la coinche à l’EHPAD Bon Séjour, et le Mac’ ne raterait pour rien au monde ce moment de la journée.

À peine a-t-il fini d’installer la table que son acolyte de jeu révèle (you see what I did there…) sa présence et engage sans plus tarder les hostilités. Dans les ténèbres mi-obscures du 31ème millénaire, l’antique jeu de belote se joue en effet à deux plutôt qu’à quatre, et sur un plateau de jeu avec figurines en plus du traditionnel paquet de cartes. En fait, ça ressemble furieusement à une version Shadespirée des échecs, et ça a l’air donc vachement cool, d’autant plus que toutes les pièces se trouvent être des représentations des Primarques engagés dans l’Hérésie d’Horus2. Comme à chaque partie depuis leur internement respectif, Pépé et… Mémé ? rejouent la bataille finale de l’Hérésie, avec l’Empereur dans son propre rôle et Malcador dans celui de ce fripon d’Horus. Et comme à chaque fois depuis le début de ces amicales sessions, le Sigillite constate que son adversaire passe son temps à tricher. Manipulation de la pioche, duplication de cartes, ajout de pièces non WYSIWYG en cours de jeu… s’il y avait un arbitre, celà ferait longtemps que le Maître de l’Humanité aurait mangé son ban. Malheureusement pour lui, Malky ne peut compter que sur lui même pour se faire justice, ce à quoi il s’emploie avec toute la rouerie et la malice qu’on lui connaît.

En face de lui, l’Empereur semble peu intéressé par le déroulé de la partie, et joue franchement comme une savate, seulement sauvé par sa capacité à top decker comme un porcasse avec une régularité des plus suspectes. Ajoutant l’insulte à l’outrage, il se permet même de tancer son partenaire sur son faible niveau de jeu, alors que Horus, lui, était un opposant digne de ce nom. Sans doute très fatigué par l’enchaînement des nuits blanches à pousser sur son trône (la constipation psychique est un problème commun chez les démiurges millénaires, tous les auxiliaires de vie vous le diront), Big E va même jusqu’à utiliser des mots très durs à l’encontre de son vieux comparse, au point d’arracher à ce dernier des larmes de collyre. Qu’à cela ne tienne, Malcador en a vu d’autres, et met à profit sa rogne pour sortir un enchaînement digne de Magnus Carlsen le Rouge, le laissant en position de remporter la partie au coup suivant. « Ha ha, tu l’avais pas vu venir celui-ci, bouffi » exulte notre vieillard échevelé, pas peu fier de tenir sa première victoire en 1.834.427 confrontations. Sauf que, sauf que… Sauf que l’Empereur est décidément un mauvais joueur à la main leste, et trouve le moyen de substituer à son Roi Empereur lui-même une nouvelle pièce, le Fou, qui va héroïquement se sacrifier pour lui permettre de gagner la partie. Comble de la bassesse, le Fou a la tête de Malcador, à qui il prend l’envie folle de fracasser l’échiquier sur le crâne de son suzerain.

Sur ces entrefaites, une estafette se présente à la porte, et vient apporter la nouvelle tant redoutée au Premier Seigneur de l’Impérium : la flotte d’Horus vient de se matérialiser dans le système solaire, et la plus grande bataille de l’Humanité est sur le point de s’engager. Cherchant du regard son boss, Malcador a la surprise de s’apercevoir qu’il est seul dans la pièce, et l’a apparemment toujours été, d’après le retour un peu honteux du messager, qui n’a pas osé déranger tout de suite l’aïeul vociférant qui faisait une tournante autour du plateau de jeu à son arrivée. Conclusion de l’histoire : la grande vieillesse est un naufrage, mais au moins, on ne s’ennuie pas.

1 : Et je ne rigole même pas, la nouvelle commence par un constat par Macaldor et le chef de l’Adeptus Astra Telepathica du tapage nocturne diurne warpurne généré par l’approche de la flotte traîtresse.
2 : On comprend mieux du coup pourquoi l’Empereur tenait absolument à avoir un nombre pair de rejetons. C’est mieux pour équilibrer les parties.

AVIS :

The Board is Set est une nouvelle intéressante, mais dont l’inclusion dans un BLC ne tombait pas, de mon point de vue, sous le sens. Parmi les qualités notables de cette soumission, on peut mettre en avant l’art consommé avec lequel Thorpe distille à la foi clins d’oeil aux évènements passés et à venir de l’Hérésie, à coups de manœuvres lourdes de sens des pièces sur l’échiquier et de remarques sibyllines soufflées par un Empereur plus que jamais omniscient au bras droit/fusible qu’il s’apprête à griller, mais également allusions fluffiques subtiles, sur lesquelles les fans hardlore passeront des pages et des pages à s’étriper, par les mêmes biais que ceux donnés ci-dessus. Même sans être un amateur transi du style du Gav, on peut lui reconnaître un certain talent de mise en scène de ces passages prophétiques, ce qui n’était pas gagné d’avance au vu du casting de monstres sacrés qu’il convoque.

À titre personnel, j’ai également apprécié la tirade que MoM (Master of Mankind) balance à son larbin dans le but de le mettre en rogne et de le forcer à la jouer comme Lupercal, qui est un condensé de remarques blessantes mettant en évidence que Malcador n’a été qu’un outil utilisé par l’Empereur pour arriver à ses fins, et qu’il n’aura absolument aucun scrupule à s’en débarrasser une fois qu’il n’en n’aura plus l’usage. Ce discours des plus cash trouve une résonnance particulière depuis Dark Imperium, où il est clairement indiqué la dualité de l’Empereur dans ses « sentiments » envers ses congénères : incapable d’aimer l’homme, mais absolument dévoué à l’Humanité. On peut alors se demander si les piques envoyées par Pépé ne sont pas simplement le fond de sa pensée, qu’il livre à un Malcador qui reste persuadé qu’il ne s’agit que de la manoeuvre d’un monarque bienveillant et attentionné pour lui faire donner le meilleur de lui-même. Chacun se fera sa religion sur le sujet, mais cette dualité d’interprétation est assez intéressante.

D’un autre côté, The Board is Set s’avère être l’antithèse absolue de la nouvelle à mettre dans les pattes d’un novice de la BL ! Regorgeant de sous-entendus et d’Easter eggs qui feront les gorges chaudes des lecteurs vétérans, pour peu qu’ils soient des fluffistes un minimum intéressés, cette soumission possède en effet une valeur ajoutée littéraire qui passera à 31.014 pieds au dessus de la tête du newbie. Il est plutôt probable que ce dernier ressorte du propos de Thorpe ou perplexe ou soulé par l’accumulation de mentions et notions « members only » qui lambrissent les pages d’un bout à l’autre du récit. D’une manière plus large, on peut considérer l’Hérésie d’Horus comme étant, de manière générale, une franchise trop spécialisée pour être incluse dans des ouvrages de « propagande » de la Black Library. Sans mettre en question l’intelligence et les capacités de déduction du novice moyen, je doute en effet qu’il ait la patience ou l’intérêt pour percer à jour les tenants et aboutissants de cette absconse partie de Cards against Humanity. Bref, la définition même de l’acquired taste, et en tant que tel, aussi surprenant qu’une douzaine d’huitres au fond d’un Happy Meal.

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Au final, je dois reconnaître que la cuvée 2017 envoyait plutôt du bois, surtout du côté de l’Hérésie d’Horus, avec des soumissions assez mémorables (et kudos à la BL pour avoir placé ‘The Board is Set‘ en dernière position pour impact maximal). Age of Sigmar a également bien tenu son rang, et seul 40K s’est montré globalement décevant, avec uniquement ‘Endurance’ d’intéressant dans le lot (as far as I am concerned). Comme la plupart de ces nouvelles ont trouvé leur chemin dans des recueils et anthologies (certains gratuits) depuis leur première sortie, j’espère que cette revue tardive aura été tout de même utile, et je vous donne rendez-vous bientôt pour de nouvelles aventures.

BLACK LIBRARY CELEBRATION 2021 [Recueil]

Bonjour et bienvenue dans cette revue critique des recueils de la Black Library Celebration 2021. Et le pluriel est définitivement de mise cette année car la BL has gone full trilingual (and full digital), et nous gratifie de versions anglaise et française (et allemande, mais je ne m’aventurerai pas si loin) aux sommaires radicalement différents, seul l’indéboulonnable Guy Haley (‘To Speak As One’/‘Parler d’une Seule Voix’/’Mit Einer Stimme‘) faisant office de dénominateur commun entre les trois langues pratiquées par la Black Library. Pour le reste, la VO fait preuve d’un peu plus de variété que ses contreparties traduites, en incluant à son sommaire une nouvelle siglée Warhammer Horror (‘Skull Throne’), tandis que la VF se concentre sur les grandes figures de 40K (‘Hiérarchie‘, ‘Les Echos de la Tombe’). Notons enfin que l’Hérésie d’Horus est aux abonnés absents du cru 2021, ce qui dénote peut-être de la volonté de la BL de commencer à tourner cette longue et riche page de son histoire, et préparer la transition vers de nouveaux projets. Your guess is as good as mine…

Sommaire du recueil VF :

Sommaire du recueil VO :

Comme c’est l’usage, toutes les nouvelles incluses dans ces anthologies ont déjà été publiées (mais pas forcément traduites) auparavant. Pour peu que vous soyez familiers du catalogue de la Black Library, il se peut que vous ne trouviez rien de neuf à vous mettre sous les yeux. Ceci dit, les vétérans couturés ne sont pas vraiment le coeur de cible de ces petits recueils introductifs, et la BL ne les a pas abandonnés pour autant (Black Library Celebration Week 2021), on ne les plaindra donc pas. En effet, il faut plutôt rapprocher ces opuscules des anthologies de nouvelles « Start Here » proposées par la maison d’édition de Nottingham depuis maintenant quelques années, et qui sont clairement destinées, autant par leur contenu que par leur (vil) prix, à introduire les franchises de la BL auprès de potentiels nouveaux lecteurs. Pour refléter cette vocation didactique, j’ajouterai aux habituelles rubriques « Intrigue » et « Avis » une troisième entrée, pour donner mon avis sur l’intérêt de faire figurer la nouvelle en question dans ce type d’ouvrage tout public. Le cadre étant posé, il est temps de nous attaquer sans plus tarder aux neufs nouvelles sélectionnées par les pontes des Midlands pour ce millésime 2021. Je passe devant.

Black Library Celebration 2021  

To Speak as One // Parler d’une Seule Voix – G. Haley [40K] :

To Speak as OneINTRIGUE :

Alors qu’il attend l’arrivée prochaine d’un collègue de l’Ordo Xenos sur une station prison inquisitoriale abandonnée orbitant autour de la planète Otranti, l’Inquisiteur Cehen-qui reçoit une missive émanant de Belisarius Cawl en personne, lui intimant l’ordre de remettre le Xenos retenu prisonnier dans la station de correction investie par lui et son équipe. Peu habitué à recevoir des ordres, quand bien même ils proviendraient d’une sommité galactique telle que l’Archimagos Dominus, et aient été contresignés par Guilliman en personne, Cehen-qui informe sa fine équipe d’acolytes (l’être à tout faire Callow, le porte-flingues livre1 Valeneez, le Magos hipster – Frenk – Gamma et la serpentiforme et mal réveillée psyker ShoShonai) qu’il n’a aucune intention de coopérer, et qu’il défendra son bien jusqu’à la mort… de tous ses suivants, et même la sienne si on en arrive jusque là. L’arrivée soudaine d’un vaisseau de l’Adeptus Mechanicus va lui donner l’occasion de mettre à l’épreuve sa résolution farouche.

À bord du croiseur de l’Omnimessie, élégamment nommé 0-101-0, nous faisons la connaissance du reste du casting de la nouvelle, constitué de l’Archiviste Primaris Alpha Primus, qui déteste tout et tout le monde (mais a un faible pour la confiture d’albaricoque) et d’un clone de Cawl, Qvo-87. Chargés par leur patron de lui ramener le sujet de ses désirs afin qu’il puisse continuer ses expériences, les deux larrons cohabitent difficilement du fait de leur différence de caractère. Si Primus est gai comme une porte de prison qui viendrait de perdre sa famille dans un accident de voiture, Qvo-87 est gai comme un pinson (Cawl a dû intégrer le coffret collector des Grosses Têtes dans sa banque de données internes), et même si ses boutades tombent systématiquement à plat, il ne se départit jamais de sa bonne humeur, qui énerve Primus au plus haut point. Comme tout le reste d’ailleurs. Confiant dans la capacité de son vaisseau à sortir vainqueur d’un échange de tirs avec la station où est retranchée la suite inquisitoriale, mais souhaitant laisser un chance à son interlocuteur de régler l’affaire à l’amiable avant de passer aux choses sérieuses, Qvo opte pour une approche diplomatique, mais envoie tout de même son stoïque collègue aborder discrètement le complexe, ce qu’il fait à la Roboute (comprendre qu’il se jette dans le vide depuis son vaisseau et rejoint sa cible à la nage). Grand bien lui en fait car les négociations avec Cehen-qui se révèlent rapidement infructueuses, et l’inévitable bataille spatiale s’engage après que les deux camps aient conclu à un accord sur leur désaccord…

Début spoilerL’affrontement tourne, comme prévu par ce dernier, rapidement en faveur de Qvo, qui décide de pimenter les choses en percutant la station afin d’accélérer sa chute vers la surface d’Otranti. Surpris et condamné par cette manœuvre, Cehen-qui n’a d’autres choix que d’ordonner l’évacuation de sa planque, non sans avoir récupérer le psyker Aeldari qu’il pense être la cible du Mechanicus… Sauf qu’il y a eu un malentendu fâcheux au niveau du communiqué envoyé par Cawl: l’Archmagos n’est pas le moins du monde intéressé par les capacités cognitives des Zoneilles, mais convoite la crête d’un Cryptek, oublié dans une des cellules du complexe inquisitorial au moment de sa première évacuation. Cela n’empêche évidemment pas Primus de faire le coup de feu au bénéfice des malheureuses troupes de choc qui croisent sa route, mais facilite grandement le travail de collecte de l’inflexible Archiviste, jusqu’à ce qu’il se retrouve nez à nez avec ShoShonai, la psyker de compagnie de Cehen-qui. Alors que le Primaris se prépare à une partie sans pitié de Mastermind, il a la surprise d’entendre son vis à vis solliciter son aide, qui consisterait en une euthanasie rapide. Et pour cause, sous son grand chapeau, Tata Shosho ne cache pas un grelot, mais un symbiote tentaculaire fermement accroché à son occiput. Et là où ça devient intéressant, même pour le suprêmement blasé Primus, c’est que c’est le Xenos qui demande à ce que l’on mette fin à ses services (probablement de disque dur externe), car c’est lui qui a été réduit en esclavage par ce radical de Cehen-qui, malgré des apparences trompeuses. Toujours prêt à rendre service à son prochain, surtout si cela implique un peu de xenocide, Primus met à profit son Magnificat et ses tendons d’acier pour broyer à main nue le parasite exploité, avant de finir le travail d’une rafale de bolts lorsque ShoShonai fait mine de lui chercher des noises. Ceci fait, il se téléporte sur 0-101-0, et repart avec son crispant sidekick pour de nouvelles aventures, laissant Cehen-qui et ses sbires réaliser avec effroi et outrage qu’ils se sont faits balader comme des cadets par les envoyés spéciaux de Cawl. Y a plus de respect, que voulez-vous.Fin spoiler

J’en aurais bien dit plus à son sujet, mais il ne fait littéralement que ça d’utile au cours de la nouvelle.

AVIS :

Nouvelle intéressante de la part du vétéran Haley, non pas par son intrigue, mais bien par son ton, qui, à ma grande surprise, s’est révélé flirter sans complexe du côté de la pastiche. Qu’il s’agisse de l’Inquisiteur Cehen-qui, éminence grise foncée aussi hautaine que précieuse, et qui n’aurait pas détonné comme méchant dans un sous James Bond philippin, ou du binôme de choc Alpha Primus (Bourriquet dans un corps de psyker Primaris) et Qvo-87 (Kev Adams dans un corps d’Archimagos), les personnages de To Speak as One manient la petite blague aussi facilement que le bolter, ce qui place cette nouvelle à part de l’écrasante majorité du corpus de la Black Library. Le résultat final, s’il est assez plaisant, n’est donc pas à mettre entre toutes les mains. Passée cette remarque introductive, cette soumission de Guy Haley gagnerait peut-être à être mise en relation avec les autres écrits que notre homme a consacré au Dark Imperium, afin de pouvoir établir si les personnages présentés ici se retrouvent ailleurs. Si c’est le cas, cela pourrait expliquer pourquoi l’auteur ne se donne pas la peine d’introduire convenablement Primus et Qvo, que le lecteur ne pourra identifier comme mari et femme Primaris et Replicae qu’au bout de quelques paragraphes. Primus reste malgré tout assez mystérieux, ni son Chapitre d’appartenance, ni les raisons qui expliquent son rattachement au service de Cawl, n’étant abordés au cours du récit. Enfin, on peut (en tout cas, je le fais) reprocher à Haley la légèreté avec laquelle il met en scène son twist final « principal », qui est à mes yeux celui d’après lequel la nouvelle a été baptisée, ou en tout cas qui aurait dû l’être compte tenu de ce choix. Quand le lecteur apprendra le fin mot de l’histoire à propos de cette double parole (To speak as one: parler d’une seule voix), il sera en droit d’être un peu déçu par la micro révélation apportée par ce développement, le « vrai » retournement de situation étant tout autre. Pinaillage peut-être, mais on ne bâcle pas un choix de titre, Mr Haley.

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Pour ceux qui ne le savent pas, Guy Haley est la plume principale de l’arc ‘Dark Imperium’, qui tente de faire avancer le fluff romancé de la BL au même rythme que celui détaillé dans les suppléments de jeu. Cette nouvelle est une bonne introduction à cette sous-franchise qui sera sans doute amenée à jouer un rôle central dans les années à venir, puisqu’elle met en scène quelques personnages récurrents et importants du grand oeuvre de Haley (Primus et Qvo-87). En plus de cela, ‘To Speak as One’ ne démérite pas d’un point de vue littéraire, puisqu’on y retrouve de l’action, de l’humour et un twist final digne de ce nom, ce qui est tout ce que l’on peut demander d’une nouvelle 40K. Une très bonne inclusion, donc.

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Hiérarchie // Chains of Command – G. McNeill [40K] :

Chains of CommandINTRIGUE :

Engagé dans la campagne de pacification de Thracia avec un contingent d’Ultramarines placé sous le commandement du Capitaine Idaeus, le Sergent Uriel Ventris a été chargé de mener l’assaut sur le pont 2-4, tenu par les rebelles ayant eu l’audace de se soulever contre le bienveillant Empereur, et qu’il convient de faire sauter pour éviter que la contre-attaque de la Garde Impériale en direction de la capitale planétaire ne soit prise de flanc. Après quelques paragraphes de « mes sens sont vraiment trop développés lolilol » #ImTheBest #YouCantWriteAstartesWithoutStar, qui expliquent en grande partie pourquoi personne n’aime les Ultramarines, Ventris accomplit sa mission, déclenchant un assaut en règle de ses petits copains bleu pervenche et vert sapin sur la position adverse. Désespérément surclassés, les défenseurs se font hacher menu, et les meilleurs de l’Empereur s’organisent pour tenir le pont assez longtemps pour permettre au vénérable Techmarine Tomasin de placer les explosifs qui permettront de faire écrouler l’ouvrage d’art dans la gorge en contrebas.

Nous faisons la connaissance du Capitaine Idaeus, un officier vétéran et proche de ses hommes, connu pour son approche distanciée du saint Codex Astartes, ce qui n’en finit pas de sidérer le rigoriste Ventris. Ce même Idaeus a d’ailleurs fait montre de ses tendances libertaires en menant la charge contre un nid de bolters lourds, au lieu d’attendre le soutien du reste de ses hommes, comme ce planqué de Guilliman l’avait pourtant préconisé dans ses écrits. Depuis cinquante ans qu’ils combattent ensemble, Idaeus n’a pas réussi à convaincre son bras droit de l’avantage de s’écarter de temps en temps du manuel d’utilisation de la guerre écrit par le Primarque, et ce n’est pas aujourd’hui que ça va ch… Ah, on me dit dans l’oreillette que c’est précisément l’objet de cette nouvelle. Bigre.

Comme tous les vétérans dignes de leurs médailles, Idaeus fait confiance à son instinct, et ce dernier lui hurle (il est un peu sourd) que quelque chose en tourne pas rond, malgré le fait que la mission se déroule jusqu’ici parfaitement comme prévu. Ce malaise le conduit à mener une mission d’inspection de l’autre côté du pont, Ventris à ses côtés, pour juger du boulot effectué par les Scouts déployés par les Ultramarines en territoire ennemi. Et, évidemment, il s’avère qu’une importante colonne blindée progressait discrètement (c’est possible si on met des patins sur les chenilles) en direction du pont, ce qui va devoir forcer le vénérable Tomasin à se bouger les vénérables miches, ce qui n’est pas facile quand on est plus refait qu’un Iron Hands en fin de carrière (souvenir d’une rencontre torride avec un Carnifex entreprenant sur Ichar IV). Tout aussi évidemment, rien ne se passe comme prévu à partir de ce moment, les Scouts, le Thunderhawk qui devait évacuer les Ultramarines, et le vénérable Tomasin tombant tous sous le feu de l’ennemi, ce qui force Idaeus et ses compagnons à monter une défense désespérée du pont, le temps que 1) un autre transport arrive, et 2) quelqu’un trouve une idée brillante pour faire péter la passerelle, ce qui reste tout de même l’objet principal de la mission de nos marsouins énergétiques.

Je vous passe les longues scènes de baston dont nous gratifie McNeill, et qui permettent à Ventris de montrer qu’il en a dans le slibard, pour aller directement au moment où notre futur héros réalise qu’il suffit de déclencher une charge de démolition à proximité des explosifs posés par l’irrécupérable Tomasin pour déclencher une réaction en chaîne qui devrait provoquer les résultats escomptés. Petit problème, l’escouade de Space Marines d’Assaut envoyés réaliser cette mission se fait pincer en chemin par les Night Lords qui coordonnent la rébellion chaotique, et les incapables finissent crucifiés sur le pare chocs des Rhinos des fils de Curze pour leur apprendre la vie. Devant ce spectacle insoutenable, Idaeus et Ventris sont très colère, et cette rage leur permet de repousser l’assaut des renégats au prix de lourdes pertes. Alors que le deuxième Thunderhawk approche de la position intenable des Ultramarines, l’heure des choix arrive pour la bleusaille…

Début spoiler…Le noble Idaeus décide de partir faire exploser le pont à la mano, malgré ses chances de réussite quasi nulles, et ordonne à Ventris de mener les quatre rescapés de cette folle nuit, ainsi que son épée énergétique de maître, jusqu’au point d’extraction. Les cœurs gros, le Sergent s’exécute, et est témoin de l’héroïque sacrifice de son mentor dans les poutrelles et les travées du pont 2-4, la bande de Raptors laissée en garnison par les Night Lords ne parvenant pas à lui régler son compte avant que le Capitaine fasse feu avec un pistolet plasma dérobé à l’ennemi sur une charge de démolition laissée négligemment sur place1. C’est donc une victoire indéniable pour l’Imperium, et le début de la saga d’Uriel Ventris, qui héritera du commandement de la 4ème Compagnie à la suite de la campagne de Thracia.Fin spoiler

1 : On pourrait aussi se demander pourquoi les Night Lords n’ont pas détaché les explosifs laissés par le vénérable Tomasin sur les piliers du pont quand ils en avaient l’occasion. Encore une preuve que l’abus de Chaos est mauvais pour le cerveau.

AVIS :

Si l’idée de lire une nouvelle d’action dont le héros est un Ultramarines peut sembler intrinsèquement barbante à un lecteur de 2020, qui a sans doute pu pratiquer l’exercice à de nombreuses reprises grâce/à cause de l’obsession de la Black Library pour ce genre de productions, il faut être juste avec Graham McNeill et Uriel Ventris, et rappeler que ‘Chains of Command’ a été à sa sortie (2001) une des premières et plus abouties Space Marinades (saveur vanille) qui soient. Les innombrables ersatz et proxys publiés depuis ne l’ont pas aidé à bien vieillir, ni le style de l’auteur, ni les personnages mis en scènes, ni l’intrigue exposée n’étant particulièrement dignes d’éloges, mais le résultat n’est pas indigne pour autant. À l’époque où il est attendu d’un héros Space Marines un peu plus qu’un grade de Capitaine et une vague tendance à se poser des questions existentielles (ce qui était suffisant il y a 15-20 ans), je laisse le soin au lecteur de décider si une figure comme Uriel Ventris est toujours pertinente, ou bien s’il est temps d’accorder une retraite bien méritée à l’aïeul de tous les héros d’action énergétique de la Black Library.

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Il ne faut pas être Eldrad Ulthran pour comprendre que l’inclusion de cette nouvelle dans l’anthologie Black Library Celebration 2021 est due à la sortie du dernier roman de la série Uriel Ventris au cours du même événement. C’est de bonne guerre de la part de la BL que de chercher à intéresser des nouveaux lecteurs à une de ses séries phares, et au vu de la bibliographie « ventrisloque » du sieur McNeill, on aurait pu bien plus mal tomber. ‘Chains of Command’ a été pensée comme une nouvelle d’exposition du personnage de Ventris, et malgré son âge avancé, elle fait toujours le job aujourd’hui. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une Space Marinade des plus classiques, mais si c’est votre première, vous ne vous en sortez pas trop mal amis lecteurs (croyez moi sur parole).

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Les Echos de la Tombe // Echoes of the Tomb – S. Mitchell [40K] :

40K_Echoes of the TombINTRIGUE :

Star montante du Commissariat après que les récits de ses premiers exploits se soient répandus dans le secteur, Ciaphas Cain a été muté contre son gré à l’échelon supérieur, et s’est retrouvé impliqué par ses admirateurs dans de nombreuses missions bien trop dangereuses et exposées à son goût. Appelez ça la rançon du succès. Aussi, lorsqu’il apprend que l’état-major a besoin d’un officier pour faire liaison avec la barge de bataille des Reclaimers, Chapitre Space Marines mobilisé dans une campagne de pacification dans le système de Veridia, il n’hésite pas à se porter bravement volontaire, jugeant l’entreprise moins périlleuse que de continuer à jouer les héros de service auprès de ses collègues de bureau.

Son taxi jusqu’au point de rendez-vous avec les meilleurs de l’Empereur sera un vaisseau du Mechanicus dirigé par le Magos Killian, qui a monté une expédition pour excaver des ruines prometteuses sur le monde mort d’Interitus Prime. Arrivés sur place avec quelques jours d’avance sur les Reclaimers, les tech-archéologues se mettent à pied d’œuvre avec enthousiasme, et Cain accepte de descendre à la surface, et même sous la surface, de la planète pour prodiguer ses conseils avisés au jeune et inexpérimenté Lieutenant Tarkus, en charge de la sécurité des cogboys. Je sais que cela va vous surprendre, mais Interitus Prime abritait une colonie de Necrons, qui se réveille sans tarder après que les envahissants humains aient cherché à recharger une innocente Mecarachnide qui s’était mise en veille prolongée après sa dernière mise à jour Windows. Bilan des courses : les Scarabées déferlent, les Spectres phasent et déphasent, les Guerriers se gaussent, et les Impériaux se font tailler en pièces, ne laissant que notre héros en un seul morceau après quelques pages de rencontre du 3ème type. Fort heureusement pour Cain, les Necrons d’Interitus Prime sont diablement woke car ils disposent d’un authentique et totalement legit… portail Warp, qui téléporte le Commissaire dans la soute d’un vaisseau spatial fraîchement abordé par ces lambins de Reclaimers. Et tout est bien qui finit bien.

AVIS :

Echoes of the Tomb’ n’est pas la meilleure nouvelle de Ciaphas Cain proposée par Sandy Mitchell, et la faute en revient principalement à un déroulé étrange (la première partie est consacrée aux diners fins et aux parties de solitaires de Cain, à l’exclusion du moindre élément vaguement 40Kesque) et à un dénouement tristement bâclé (en plus de ne pas respecter le fluff Necron tel qu’on le connaît). Cain reste un personnage sympathique et Mitchell un auteur compétent dans son style de prédilection, mais tous deux ont connu de meilleurs jours et pages.

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Ciaphas Cain est une institution de la Black Library, qui bénéficie depuis quelques mois d’un sérieux dépoussiérage de la part de cette dernière: on a vu ainsi quelques titres de la série être traduit en français après des années d’attente, ce qui est évidemment positif. Il n’est donc pas surprenant de voir le Commissaire le moins grimdark de 40K figurer au sommaire d’un recueil de ce type. On regrettera cependant que le choix de la BL se soit porté sur une des nouvelles les plus faibles du catalogue de Sandy Mitchell, et j’invite les lecteurs qui découvriront cette icône pince-sans-rire via ‘Les Echos de la Tombe’ à ne pas juger trop vite cette saga, qui a beaucoup mieux à offrir.

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Un Hymne Funèbre de Poussière et d’Acier // A Dirge of Dust and Steel – J. Reynolds [AoS] :

A Dirge of Dust and SteelINTRIGUE :

À la recherche de la légendaire cité corbeau de Caddow et de son Portail des Royaumes reliant à Shyish à Azyr, une petite force de Stormcast Eternals de la Chambre Vanguard des Hallowed Knights (soyons précis) a conclu un pacte avec les Duardin de Gazul-Zagaz, seuls à connaître l’emplacement de cette ville mystérieuse1. En échange de leur aide contre les hordes du Gardien des Secrets Amin’Hrith, connu sous le nom d’Ecorchâme, les nabots dépressifs (leur royaume est en ruines, leur Dieu s’est fait bouffer par Nagash et l’âme de leur dernier prince sert de skin au démon de Slaanesh) mèneront les guerriers du Lord Aquilor Sathphren Swiftblade jusqu’à bon port. Jamais le dernier à rendre service à son prochain, notre héros accepte bien entendu cette généreuse proposition, et se fait fort d’entraîner ce fât d’Amin’Hrith dans un piège ingénieux.

Ayant réussi à capter l’attention des Hédonistes, probablement en leur faisant remarquer que leurs soieries avaient fait fureur à Ghur il y a trois saisons de celà (ce qui, pour une fashionista des Royaumes Mortels, est une insulte mortelle), les prestes cavaliers de Sigmar emmènent leur nouveaux amis dans une course éperdue à travers les dunes, jusque dans les ruines de Gazul-Zagaz, où les attendent de pied ferme (et depuis un petit moment apparemment, à en juger par l’épaisse couche de poussière qui les recouvre) les guerriers Duardin. S’en suit une bataille des plus classiques, illustrant de fort belle manière l’intérêt de se rendre au combat avec une armure de plates et non une combinaison en viscose, dont le point culminant sera le duel entre Swiftblade et Amin’Hrith dans le temple de Zagaz, où le rusé Stormcast s’emploiera à faire un boucan à réveiller les morts…

1 : On peut donc dire qu’ils ont une carte Caddow. Mouahahaha.

AVIS :

À l’heure où cette chronique est écrite, Josh Reynolds est probablement le contributeur principal de la BL en matière de contenus siglés Age of Sigmar. Une telle prodigalité ne pouvant évidemment pas être synonyme de qualité exceptionnelle à chaque soumission, il est en somme tout à fait logique que certaines des nouvelles rédigées par notre homme ne s’avèrent pas être d’une lecture des plus passionnantes. C’est le cas de ce A Dirge of Dust and Steel (on me passera l’usage du titre original, à la fois plus poétique et plus élégant que le monstre qu’il est devenu en VF), qui se trouve être une nième variation du topos le plus employé de cette nouvelle franchise : la baston de Stormcast Eternals contre les forces du Chaos1. On pourra certes m’opposer que cet épisode particulier se distingue des dizaines qui l’ont précédé par l’emploi d’une Chambre relativement nouvelle (Vanguard), d’un héros inédit (Sathphren Swiftblade) et d’un environnement exotique en diable (l’Oasis de Gazul, en Shyish). Ce à quoi je répondrai que les Vanguard ne sont « que » des Stormcast sur demi-gryffs, et ne conservent de fait que très peu de temps l’attrait de la nouveauté. Swiftblade a quant à lui l’originalité d’une boîte Barbie et son Cheval, même son côté grande gueule n’étant plus vraiment novateur depuis l’arrivée d’Hamilcar Bear-Eater sur le créneau « humoristique » des SE. Pour terminer, Gazul a depuis lors sans doute rejoint l’interminable liste des lieux des Royaumes Mortels dans lesquels plus personne ne reviendra jamais, et ne mérite donc pas que l’on s’y interesse plus que de mesure.

Non, pour ma part, la seule vraie valeur ajoutée de ce Dirge… tient en l’inclusion d’une faction Duardin sortant franchement du lot par sa vénération d’un Dieu de la Mort mort (combo !) et sa capacité à invoquer des esprits, ce qui constitue des variations intéressantes par rapport au stéréotype du guerrier nain que tout lecteur connaissant ses classiques se représente de façon plus ou moins inconsciente. Pour le reste, c’est de la qualité Reynolds (Josh), donc un récit bien structuré et rythmé, s’intégrant parfaitement dans les conventions définies pour Age of Sigmar en termes de fluff et d’atmosphère, et s’avérant dans l’ensemble plaisant à lire. Ne lui retirons pas ça.

1 : Comme les dernières années ont vu apparaître d’autres types d’adversaires, comme les morts-vivants de Nagash pendant la Tempête des Âmes ou les Orruks Ironjaws de manière collatérale à la traque de Mannfred von Carstein, j’attends avec impatience le moment où les vertueux Sigmarines commenceront à taper sur d’autres factions de l’Ordre, en attendant l’inévitable guerre civile que le passif de GW en la matière nous promet depuis que le premier Stormcast a dévoilé le bout de son masque de guerre. ‘La Vilainie de Vanus’, ça c’est un titre qui claque !

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Fut un temps, heureusement révolu, où le plus gros de la littérature Age of Sigmar consistait en des récits de Stormcast Eternals tapant sur tout ce qui avait le malheur de passer à porter de leurs marteaux. Comme on peut aisément le concevoir, le Stormporn n’était pas très intéressant à lire passer la deuxième nouvelle (si on est gentil), et la sortie d’autres factions des Royaumes Mortels a permis de salutairement diversifier les points de vue et les intrigues. ‘Un Hymne Funèbre…’ est une des reliques de ce premier âge littéraire, et l’est même à double titre puisque son auteur a depuis claqué la porte de la BL, au grand désespoir des fans. Très honnêtement, je ne vois pas qui peut être intéressé par ce genre d’histoire, et j’invite donc les lecteurs à considérer cette nouvelle comme un avertissement sans frais (c’est le cas de le dire) plutôt que comme un placement promotionel.

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Les Vieux Us // The Old Ways – N. Horth [AoS] :

Callis and Toll_The Old WaysINTRIGUE :

Affecté à la surveillance de la cité d’Excelsis, dans le royaume de Ghur, le répurgateur de l’Ordre d’Azyr Halliver Toll, escorté de son sidekick Armand Callis, est envoyé par ses supérieurs tirer au clair une sombre histoire de disparition à Marshpoint, une ville agricole située en périphérie de la Cité des Secrets. Le fils aîné de la puissante famille Junica n’a en effet plus donné signe de vie après avoir eu maille à partir avec quelques soldats de l’autre grande famille locale, les Dezraed, qui l’ont poursuivi jusque dans les profondeurs de la forêt d’Ulwhyr. L’entente entre Junica et Dezraed n’ayant jamais été cordiale, c’est une vendetta en bonne et due forme qui menace d’éclater entre les Capulet et les Montaigu de Ghur, gueguerre qui mettrait en péril l’approvisionnement des régiments d’Excelsis en précieuse soie d’acier, ressource collectée depuis les fermes arachnides de Marshpoint. Il va donc de l’interêt général que cette triste affaire soit réglée dans les meilleurs délais, et qui de plus qualifié qu’un répurgateur pour traiter ce problème ?

Nous suivons donc Thalys et Colle au cours de l’enquête à laquelle ils se livrent à leur arrivée dans le bourg miteux et boueux de Marshpoint. Après un interrogatoire croisé des patriciens des deux familles, l’énorme et suintant Fenrol var Dezraed, autoproclamé Gardien de Marshpoint du fait de sa capacité de bloquer à lui seul l’entrée de la ville s’il lui prenait l’envie de s’asseoir en travers du portail, et le sec et irritable Kiervaan Junica, nos experts se rendent sur les lieux de la disparition à proprement parler, escortés par l’homme de confiance du patricien Junica, un natif du nom de Ghedren, et par un trio de gardes Dezraed. Et s’il se pourrait bien que la rivalité larvée entre familles nobles ait bien fait couler le sang, les enquêteurs feraient bien de prendre au sérieux les rumeurs entourant la Sorcière Blanche d’Ulwyhr. Après tout, ils ont pénétré sur son domaine…

AVIS :

C’est avec enthousiasme que j’avais vu revenir la figure iconique du chasseur de sorcières/répurgateur dans le lore d’Age of Sigmar, que son inclinaison high fantasy aurait pu « immuniser » à l’introduction de ce type de personnage, très grimdark par nature. La lutte contre les cultes chaotiques gangrénant le nouvel ordre rutilant de Sigmar constitue en effet à mes yeux un axe de développement des plus intéressants, et une prise de recul bienvenue sur le manichéisme caractéristique des premières années d’AoS. Encore fallait-il que l’image d’Epinal Hammerhal de l’inquisiteur traquant le vice et la trahison parmi les sujets obéissants de l’autorité centrale (préférablement divine, c’est plus classe) soit convenablement adaptée dans cette nouvelle franchise, la profession en question exigeant une rigueur morale confinant à la psychose, ce qui n’est pas franchement la norme parmi la soldatesque sigmarite (ces martel-sans-rire de Celestial Vindicators mis à part), dépeinte à de nombreuses reprises comme adepte du compromis et de la tempérance. Qu’en est-il avec la paire Callis & Toll, promise à un bel avenir au sein de la BL à en juger de la façon dont leurs noms ressortent dans tous les ouvrages auxquels ils ont été inclus ? Eh bien, c’est plutôt pas mal, encore que pas spécialement pour les raisons détaillées ci-dessus. Je m’explique.

Si le fanatisme (dans le bon sens du terme, car, si si, dans la littérature med-fan, cela existe) de nos héros laisse à désirer, la retenue dont fait preuve Toll, sensé être le vrai bad guy du duo, dans le jugement qu’il délivre au coupable, le plaçant à un petit 2 sur l’échelle de Mathias Thulmann (le référentiel absolu de la maison à cet égard), Horth se rattrape néanmoins en glissant quelques remarques de bon aloi à propos d’un certain White Reaper (Cerrus Sentanus sur son état civil), Stormcast Eternal pas vraiment Charlie, à tel point que son nom est utilisé pour effrayer les enfants d’Excelsis. Voilà un type qui mérite que l’on suive, et j’espère bien que ça sera le cas dans un futur pas trop lointain. Celà étant dit, The Old Ways a d’autres qualités, la première étant de proposer une petite enquête policière pas trop mal troussée au vu du nombre de pages limité avec lequel elle doit composer1, l’atmosphère horrifique du passage « sylvestre » du récit étant une autre source de satisfaction. D’autre part, cette nouvelle présente également l’intérêt de creuser le background de la cité libre d’Excelsis, qui devrait normalement ne pas disparaître corps et bien dans les annales du fluff, au vu du nombre d’apparitions qu’elle a faite dans divers écrits depuis son introduction dans le background. En apprendre plus sur cette bourgade présente donc un intérêt pour le fluffiste, tellement bombardé d’informations géographiques par ailleurs qu’on ne peut lui reprocher de ne pas prendre note de tout ce qu’on lui soumet.

Enfin, de façon plus large, elle fait ressortir un concept intéressant : le fossé existant entre natifs d’Azyr et populations locales au sein des cités libres, les seconds étant généralement mal considérés, voire méprisés par les premiers, qui les qualifient « d’Amendés » (traduction personnelle de Reclaimed, qui peut aussi s’entendre comme « Récupéré ») ou de « Sang Maudit » (curseblood), ce qui n’est pas très sympathique, mais ajoute de la profondeur à la société sigmarite. Quand on lit que même un personnage « égalitariste » comme Toll n’aurait pas de problème à raser toutes les forêts de Ghur pour pouvoir accélérer la colonisation de ce Royaume, au grand désarroi des locaux qui ont appris à vivre dans les étendues sauvages et à les respecter, on se dit que la possibilité d’un soulèvement des indigènes contre la métropole et ses représentants est une possibilité réelle… et c’est tant mieux en termes de potentiel narratif ! Bref, une plongée satisfaisante dans l’arrière-pays d’Excelsis, et une nouvelle qui vaut le coup d’être lue pour qui s’intéresse au fluff des cités libres.

On saluera également le twist proprement « meta » de Horth, qui fait dire à Toll qu’il avait identifié le coupable depuis belle lurette et attendait juste de voir combien de temps il faudrait à Callis (et donc au lecteur) pour faire de même. On ne me l’avait jamais faite celle-là.

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Comme dit plus haut, la littérature AoS s’est prgressivement diversifiée, et ‘Les Vieux Us’ en est un bon exemple. En tant que lecteur de med-fan, heroic fantasy ou SF, j’ai tendance à préférer les histoires qui décrivent l’ordinaire des habitants de l’univers abordé, et cette nouvelle de Nick Horth accomplit parfaitement cette mission. S’il est dommage que les éditeurs de la BL n’ait pas choisi d’inclure un court format siglé Warhammer Horror, comme c’est le cas dans la version originale, pour initier les lecteurs à ce genre particulier, ‘Les Vieux Us’ est un pis aller très acceptable, qui donne envie d’explorer plus amont les Royaumes Mortels.

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Death on the Road to Svardheim – D. Hinks [AoS] :

Death on the Road to SvardheimINTRIGUE :

En route vers la cité de Svardheim pour une raison sans doute logique mais inconnue de l’auteur de ces lignes au moment de l’écriture de cette chronique, le duo le plus mal assorti des Royaumes Mortels1 passe le temps et les kilomètres sur la route 88 (c’est tout plat, désertique et décoré avec des monceaux de crânes) en discutant théologie, comme à leur habitude. Bien évidemment, la situation finit par gentiment dégénérer, l’anticléricalisme blasphématoire d’un Gotrek toujours chafouin de s’être fait rouler dans la farine par les Dieux du Monde Qui Fut mettant sur les dents, qu’elle a éclatante, la dévote Maleneth. À force d’enquiller les bornes, elle finit même par les dépasser, allant jusqu’à accuser son rusé et runé camarade de servir le Chaos, à l’aide de l’argument, bien connu de George W. Bush, du « si tu n’es pas avec moi (et Ziggie) tu es contre moi ». Avant que la situation ne dégénère trop franchement, et que le Tueur vétéran ne doive se trouver encore un nouveau sidekick, les comparses tombent sur le théâtre d’une embuscade ayant été fatale à une bande de prêtres sigmarites, dont les corps décapités jonchent les alentours d’une carriole incendiée.

Après une rapide enquête, il s’avère que les assaillants n’ont pas réussi le perfect en matière d’élimination de témoins, une pauvre nonne répondant au nom de Carmina se présentant à nos héros et leur expliquant que sa congrégation s’est fait dérober une relique irremplaçable, le Poing Incorruptible, dont elle avait la charge et promenait de ville en ville pour ranimer la foi des locaux. Avant que Gotrek n’ait pu marquer de nouveaux points d’athéisme hardcore en demandant à Carmina en quoi un poing pouvait être corrompu, pour commencer (il en serait capable le bougre), Maleneth se fait embringuer dans une mission de récupération du saint gantelet, qu’il s’agit simplement de reprendre des mains malpropres d’une petite vingtaine de bandits, retranchés dans une forteresse abandonnée à quelque distance de la route. Rien que de très banal pour notre Tueur, qui accepte toutefois de mettre les formes et de suivre un plan un minimum intelligent (attendre que Maleneth se soit mise en position derrière le bastion pour intercepter d’éventuels fuyards) avant d’aller toquer à la porte le plus naturellement du monde.

La prévoyance de l’Aelf paie rapidement car il se fait bientôt jour (enfin, nuit, mais je me comprends) que les brigands sont un peu plus qu’une bande de maraudeurs sanguinaires, mais bien une authentique secte de Khorne, en train d’invoquer un démon de fort belle taille à l’aide de leur collection bien mal acquise de grigris et talismans. Maleneth n’a pas le temps de signaler qu’il y a une courge dans le potage que Gotrek est cependant déjà en train de défoncer la porte et de se tailler un chemin à travers les mobs de bas niveau, jusqu’à poser l’œil sur une Némésis digne de lui, qu’il engage évidemment en combat singulier dans la plus pure tradition du genre. Etant un VIP incontournable du multivers, Gogo est reconnu par son adversaire, qui a la mauvaise idée d’insinuer que le Tueur a fui son monde au moment de la Fin des Temps au lieu de rester et de se battre pour le défendre. Cela met notre nabot en rogne, et les deux adversaires se balancent quelques baffes amicales, sans trop d’effet de part et d’autre, jusqu’à ce que Meleneth ait l’idée géniale de confisquer les reliques ayant été mise à profit pour invoquer le démon, et dont ce dernier a encore besoin pour maintenir sa présence dans les Royaumes Mortels. Au fur et à mesure que les héros shootent dans les breloques, leur adversaire perd en taille et en carrure, jusqu’à finir rachitique et malingre, et se faire décapiter sans cérémonie par un Gotrek enfin à la bonne taille pour jouer de la hache.

Ceci fait, le duo infernal n’a plus qu’à remettre le Poing Incorruptible à la brave (en fait pas trop) et reconnaissante Carmina, qui s’en va à cheval remettre le précieux héritage en sécurité, pendant que nos héros continuent à pied leur périple. Poing/t final de notre histoire ?

Début spoilerEh bien non (comme la balise spoiler ne le laissait pas du tout envisager), car lorsque nos voyageurs, fourbus (surtout pour Maleneth) et assoiffés (surtout pour Gotrek) tentent d’obtenir le gîte et le couvert d’un monastère sigmarite croisé un peu plus loin sur la route, se disant à juste titre que tous les culs bénis à la ronde leur sont redevables de leurs récents exploits, c’est pour entendre un son de cloche bien différent. Carmina était en fait une voleuse ayant mené sa bande, déguisée en prêtres, dérober le fameux Poing Incorruptible (mais pas Inatteignable) de la garde des vrais fidèles de Sigmar, en tuant quelques uns au passage. L’abbé outré qui fait ce récit aux voyageurs est persuadé que l’iconoclaste va briser la relique en mille morceaux pour revendre la Pierre de Royaume dont elle est faite au plus offrant, au mépris de tous les commandements de Sigmar. C’est donc une grosse boulette, sur laquelle Maleneth manque de s’étouffer, mais qui ne déclenche chez ce philosophe de Gotrek qu’un rire tonitruant. Il en a certes vu d’autres…Fin spoiler 

1 : Gotrek est un Nain (et pas un Duardin) roux exhibitionniste, et Maleneth est une Aelf brune gothique.

AVIS :

Eh bien ça y est : après avoir laissé Gotrek (et le regretté Felix) à leurs aventures dans le Monde Qui Fut, je renoue enfin avec ce héros mythique sous sa nouvelle incarnation, à travers ce court format signé du père adoptif #3 du Tueur de… trucs, Darius Hinks. Ce qui m’intéressait particulièrement dans ces retrouvailles était de voir ce qui avait changé, et ce qui était resté, des précédentes aventures de M. Gurnisson, qui constituaient un sous-genre de la littérature BL à elles seules. L’équilibre n’était pas facile à trouver entre respect servile du cahier des charges, forcément un peu obsolète, établi par King et Long en la matière, et innovations radicales, qui auraient enlevé tout le sel de ce come-back improbable. Et je dois dire que Darius Hinks s’en est plutôt bien sorti, tant sur le fond que sur la forme. On est bien en présence d’une aventure de Gotrek & Cie, avec notre petit rouquin teigneux, grincheux et pince sans rire s’embarquant dans un combat à haut risque contre un adversaire très balèze (sur le papier en tout cas), au grand désespoir de son partenaire attitré. Ce qui change ici est que Gotrek est devenu un mécréant militant, gardant sa dernière dent contre tout le panthéon divin (à commencer par Sigmar, qui s’en prend plein les tresses), alors que Maleneth est, sous ses abords de tueuse froide, une zélote du grand barbu, ce qui est à la fois surprenant (c’est le type qui la voyait comme une pseudo Assassin druchii qui parle) et intéressant. Notons également que Hinks ne se gêne pas pour glisser quelques références au passé proprement légendaire de son héros et donc à feu Warhammer Fantasy Battle, ce qui devrait faire plaisir autant qu’intriguer le lecteur historique de la saga. Bref, le contrat est bien rempli dans ce ‘Death on the Road to Svardheim’, qui tient son rang parmi les cohortes de nouvelles Gotrekesques publiées par la BL depuis des temps immémoriaux. Reste à savoir ce que cette dernière compte faire de son increvable héros sur le long terme, maintenant qu’il ne peut absolument plus mourir (ce serait un énorme fail), mais ceci est une autre histoire.

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Il me faudrait plus que quelques lignes pour parler du personnage de Gotrek Gurnisson et de l’importance qu’il a eu pour la Black Library (et même pour ses prédécésseurs!) depuis plus de trente ans. Je me contenterai de dire que sa résurrection dans les Royaumes Mortels a d’abord surpris tout le monde, tant il semblait logique que cet habitant du Monde qui Fut ait enfin rencontré son destin lors de la destruction de ce dernier. ‘Death…’ constitue une bonne introduction/(re)découverte du Gotrek à la sauce AoS, ainsi que du sous-genre à part entière que sont les nouvelles de Gotrek & Cie (autrefois Felix, désormais Maleneth). Si vous vous intéressez à la production de la BL, il y a de grandes chances pour que votre route finisse par croiser celle de ce petit rouquin teigneux, alors pourquoi ne pas commencer ici et maintenant (en plus, c’est gratuit)?

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Champions, All – M. Collins [40K] :

Champions, AllINTRIGUE :

Alors que la Croisade d’Edioch approche gentiment de son cinquantenaire, nous faisons la connaissance de l’un des vertueux guerriers combattant en Son Nom depuis 47 ans : le Champion de l’Empereur Cenric. Déployé avec ses frères de bataille à la surface du monde de Daronch, récemment tombé aux mains des Orks, par le Maréchal Adelbert1, Cenric mène les forces impériales à l’assaut d’une cathédrale investie par les Xenos. Fort heureusement pour les infatigables, mais pas innombrables Space Marines, durement éprouvés par les dernières décennies de croisade, l’Ordre du Cœur Valeureux de la Chanoinesse Aurea est également de la partie, et son contingent de Soeurs Repentia se montre très utile dans la persécution des infâmes squatteurs de Sa Maison. Pendant que Cenrich peaufine ses stats, en utilisant le pouvoir divin d’identification des meneurs adverses que l’Empereur lui a accordé après son élévation, les Orks jouent un mauvais tour aux croisés, et font s’écrouler le champ de bataille dans les niveaux inférieurs des souterrains creusés en dessous de la cathédrale, séparant le Champ’ de ses bros.

Revenant à lui dans un obscur tunnel, Cenric résout de se laisser guider par la volonté de Big E (on suppose que son système de liaison radio n’était plus opérationnel), et part droit devant lui. Il ne lui faut pas longtemps avant de faire la connaissance d’une autre survivante, la Repentia Penance, qu’il aide à se défaire d’un trio de peaux vertes ayant du mal à considérer « non » comme une réponse #BalanceTonPork. Pour nos deux dévôts, c’est le début d’une ascension – littérale autant que spirituelle – vers le destin que leur a réservé l’Empereur, les signes identifiant Penance comme l’ange vengeur de sa dernière vision redoublant le zèle de son frère d’arme. Leur chemin a beau se révéler semé d’embûches, de Squigs difformes2 et de berger Ork (Bergork ? Bergeork ? Borkger ?) quasi-invulnérable, Cenric et Penance finissent par arriver – avec beaucoup de chance, mais les conseils de navigation GPS de l’Empereur sont infaillibles autant qu’impénétrables – dans le Strategium ennemi, où les attend se trouve le Big Boss Grashbakh…

Début spoiler…L’affrontement qui s’en suit permettra à Penance de se racheter une vertu, son sacrifice altruiste à la grenade permettant à Cenric de venir à bout du monstrueux Xenos, qui l’avait littéralement déchaîné au début du combat (un sacrilège impardonnable pour les Black Templars, qui ont la fâcheuse tendance à perdre toutes leurs affaires sinon). Ayant décapité la chaîne de commandement adverse, le Champion se met ensuite à pied d’oeuvre pour exterminer le reste des Orks, jusqu’à ce que fasse la jonction avec les autres survivants de l’assaut impérial. La victoire acquise, et apprenant la mort héroïque d’Adelbert au cours de la bataille, Cenric s’autoproclame Maréchal à la place du Maréchal, et jure de parachever l’oeuvre des morts victorieux en boutant les peaux vertes de Daronch une fois pour toutes… avant d’aller demander l’asile politique et la réintégration tactique au sein de la Croisade Helicos. L’homme sage connaît ses limites.Fin spoiler

1 : À ne pas confondre avec Aldebert un barde Franc de M2. Il n’aurait pas été convenable qu’un Black Templar ait peur du noir, après tout.
2 : Les bestioles de Collins ont des cous et des bras, ce qui n’est pas courant pour cette espèce.

AVIS :

Soumission assez classique de la part de Collins, ce Champions, All n’a pas grand-chose de plus à proposer au lecteur que le récit des prouesses martiales et de la foi inébranlable d’une paire de servants de l’Empereur, réunis par les aléas de la guerre et, peut-être, sa volonté omnipotente. Marc Collins fait le job sans faillir ni briller, et si ses héros font honneur à leurs entrées Codex respectives, ils s’avèrent aussi attachants et intéressants que les personnages créés à l’occasion des rapports de bataille du White Dwarf : il n’y a guère que leur nom qui les singularise des masses anonymes de leurs confrères (et sœurs), le reste de leur personnalité étant pour ainsi dire inexistante. Il va donc sans dire que votre degré d’appréciation de cette nouvelle risque de dépendre à un très haut point du nombre de travaux similaires que vous aurez lu avant celle-ci. Si ce nombre est supérieur à 1, je ne pourrai pas vous blâmer si vous choisissez de faire l’impasse sur les insipides exploits de frère Cenric.

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Une Space Marinade comme la BL en a écoulé des hectolitres, aussi qualitative que la moyenne des soumissions du genre (c’est à dire franchement passable) : c’est peut-être peu intéressant à lire, mais ça a le mérite d’initier à l’un des sous-genres rois (ou impériaux) de la maison. Vous voilà prévenus…

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Skull Throne – J. Ozga [WHR-AoS] :

Skull ThroneINTRIGUE :

Présence discrète dans le Royaume de Shyish, la narratrice de notre histoire, que nous appellerons Ninon faute de mieux (Ozga ne lui donnant pas de nom) évolue dans un univers cotonneux et incertain, où les choses ne semblent pas être ce qu’elles sont vraiment. Troublée par des rêves persistants dans lesquels elle se voit et se revoit être faite prisonnière, puis décapitée, par un trio de maraudeurs chaotiques adeptes de la prise de tête, Ninon ne sait plus très bien si elle est vivante ou morte, et consomme des quantités importantes de thé psychotrope pour tenter de chasser son mal-être existentiel. Cette routine macabre prend fin lorsque débarque un nouvel arrivant, se révélant être également un barbare assoiffé de sang, et tout aussi intéressé par le crâne de Ninon que les trois affreux précédemment évoqués. Son sinistre dessein, qu’il souhaitait mettre à exécution en chantant et dans la maison en ruines de notre héroïne – trop shootée pour prendre soin de son chez-elle – est toutefois contrarié par une traversée de plancher inopinée, permettant à Ninon d’échapper à une décollation sommaire. Prouvant qu’elle a bien gardé la tête sur les épaules, cette dernière ébouillante le rustre en lui déversant le contenu d’un chaudron d’eau bouillante sur le râble, avant de décider de partir en mission spéciale avec la tête du malotru sous le bras. Il s’avère en effet que le barbare était l’un des trois gredins l’ayant peut-être (it’s complicated) décapitée il y a quelque temps, et Ninon souhaite récupérer ce qui lui appartient de plein droit. On suppose à ce stade qu’elle considère un échange de caboches avec les envahisseurs de Shyish.

Après avoir un peu marché, et atteint une plage évoquant fortement le front de mer dunkerquois, Ninon finit par localiser les pillards, qui font bombance à côté du cadavre d’un léviathan à moitié dévoré par un banc d’anguilles1. Saisissant sa chance, elle se glisse jusqu’à la marmite dans laquelle les joyeux cannibales préparent leur rata, et y déverse ses réserves de racines de mhurghast. Le résultat ne se fait pas attendre, les maraudeurs sombrant dans ou succombant à la paralysie apportée par ce charmant condiment, ce qui permet à Ninon de chiller tranquillement dans le camp à son réveil. Identifiant son pseudo tueur parmi les cataleptiques à la hache monstrueuse qu’il porte à son côté, Ninon est frappée par l’inspiration : si elle veut récupérer la tête qu’on lui a prise, il lui faudra offrir un sacrifice digne de ce nom à la divinité compétente en la matière, cet entrôné de Khorne…

Début spoiler…Profitant du lag persistant de ses hôtes, qui ne peuvent que contempler leur fin arriver lorsqu’elle se présente avec la hache empruntée à leur champion pour leur offrir une coupe gratuite, Ninon passe sa journée à la plage à faire un château de crânes, n’oubliant pas au passage d’embrocher le meneur des maraudeurs avant que les effets débilitants de la racine de mhurghast ne s’estompent pour de bon. Ceci fait, elle propose un deal au Dieu du Sang, offrant le fruit de sa récolte en échange… de la tête de sa sœur jumelle. Ce qui explique pourquoi et comment Ninon a pu se voir se faire tuer en début de nouvelle. Seulement, Khorne est dur en affaires, et bien qu’il ne prononce pas un mot, la négociation finit par déboucher sur l’accord du Dieu pour que les sœurs se retrouvent dans l’au-delà, conduisant Ninon au suicide. Tout le monde n’a pas l’étoffe d’une Valkia.Fin spoiler

1 : Qui ne jouent aucun rôle dans l’intrigue à part ajouter un peu plus de glauque à une histoire qui n’en manquait pas. Un clin d’œil à A Cure for Wellness, peut-être ?

AVIS :

Soumission très atmosphérique de la part de Jake Ozga, ce Skull Throne joue habilement des caractéristiques uniques de Shyish pour dérouter le lecteur sur la condition de son héroïne, jusqu’à ce que sonne l’heure du dénouement, qui, s’il se révèle plus triste1 qu’horrifique, s’avère néanmoins réussi. Le choix de l’auteur de faire du Royaume de la Mort un endroit à la fois onirique, apaisé et sinistre, frappe l’imagination du lecteur, tout comme les zones d’ombre laissée à dessein par Ozga sur ce qu’il s’est vraiment passé lors de la rencontre entre blanche neige et les trois balourds. Ce manque orchestré de certitudes donne à Skull Throne un cachet particulier, très différent du standard habituel de la Black Library, mais aussi appréciable qu’intrigant. La première moitié de la nouvelle m’a ainsi faite penser à A Ghost Story, film dans lequel le personnage principal revient hanter (de manière plutôt passive) la maison qu’il habitait après son décès dans un accident de voiture. Ce film a reçu un accueil polarisé, et je pense que cette nouvelle pourra également dérouter le lecteur, mais pour ma part, je salue la prise de risque et l’exécution de Jake Ozga dans ce Skull Throne, qui se révèle au final bien moins sanglant que ce que son titre laissait envisager.

1 : C’est un peu la petite fille aux allumettes à la sauce Age of Sigmar.

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Contrepoint idéal du terne et convenu ‘Champions, All’, ‘Skull Throne‘ démontre que la BL sait aussi innover quand elle le veut. En créant des franchises de niche, comme Warhammer Horror par exemple, mais également en collaborant avec des auteurs ayant le bon goût de s’écarter du BL-style, comme Jake Ozga. Cette nouvelle est inhabituellement atmosphérique/cryptique pour de la GW-Fiction, mais on ne va pas s’en plaindre car le résultat en vaut la peine. Sans doute l’inclusion la moins évidente à un recueil d’initiation, mais également la plus intéressante à mes yeux.

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The Strong Among Us – S. Lyons [40K] :

INTRIGUE :

Tombé aux mains crochues et malpropres du Chaos, un monde forge spécialisé dans la production de matériel militaire pour la Garde Impériale est désormais assiégé par le Death Korps de Krieg, dont la réputation de spécialiste de ce genre d’affrontement n’est plus à faire. Piégé contre sa volonté du mauvais côté des murailles et de l’histoire, l’ouvrier non-spécialisé Jarrah tente tant bien que mal de survivre à cette épreuve, dissimulant sa loyauté en l’Empereur derrière une soumission de façade et un mutisme de circonstance. Assigné à l’opération d’un canon Trembleterre, Jarrah n’est pas vraiment heureux de contribuer à l’effort de guerre hérétique, mais la fin horrible rencontrée par les activistes impériaux dénoncés aux cultistes par leurs camarades ne l’incite pas vraiment à faire preuve d’héroïsme. Prudence étant mère de sûreté, il va même jusqu’à se scarifier une étoile à huit branches sur la joue pour convaincre ses nouveaux patrons de son enthousiasme pour la Chaose.

Fidèles à leur éthique professionnelle aussi impitoyable qu’efficace, les Krieg avancent toutefois de façon rapide à travers les lignes ennemies, incitant les hérétiques à envoyer des hordes d’ouvriers aussi peu armés que motivés en première ligne, afin d’enrayer la progression de la Garde. C’est ainsi que Jarrah se trouve pris dans un combat de hangar (une sous-spécialité du combat urbain) sans pitié, au cours duquel il frôle plusieurs fois la mort, des mains des DKK, de ses gardes chiourmes et suite à l’effondrement du bâtiment, et réalise surtout que l’Astra Militarum n’est pas venue ici pour rigoler, ou chercher à séparer le bon grain de l’ivraie. Les soldats de Krieg tiennent en effet autant de la machine à tuer sans état d’âme que le cultiste moyen, et notre héros doit même achever un Garde blessé après que ce dernier ait tenté de le tuer à la simple vue de son apparence débraillée1.

Début spoiler…Notre histoire se termine d’ailleurs par une reconversion idéologique totale et définitive de la part de Jarrah, qui épouse pleinement la cause chaotique et se met à haïr farouchement ceux qu’il considérait auparavant comme ses futurs sauveurs. Syndrome de Stockholm ou calcul rationnel sur ses chances de convaincre un Commissaire de Krieg que l’étoile tatouée sur son visage n’était qu’une habile couverture ? En tout cas, on ne prendra plus Jarrah à chanter les louanges de l’Empereur : en cette époque troublée, seuls les plus forts ont une chance de s’en sortir…Fin spoiler

1 : À la décharge du DKK, Jarrah s’est contenté de le regarder avec des yeux de merlan frit et un fusil laser pointé dans sa direction, ce qui n’est pas une attitude très constructive dans une zone de guerre.

AVIS :

Steve Lyons poursuit sa chronique en clair obscur des états de service et de l’idéologie particulière du Death Korps de Krieg, cette fois-ci en se plaçant du point de vue d’un de ses adversaires. Tout l’intérêt de cette nouvelle, plus psychologique que militaire, réside dans l’évolution que connaît le personnage de Jarrah, humble et insignifiant civil impérial contraint de naviguer en eaux troubles et à vue pour espérer survivre à un conflit qui le dépasse sans trahir (ou le moins possible) ses convictions, même dans des circonstances très difficiles. Grimdark oblige, on se doute bien que les louvoiements idéologiques du protagoniste risquent de mal finir pour lui, quelles que soient les intentions qu’il nourrit en son for intérieur, mais Lyons réussit à garder du suspens sur la destinée de son héros jusqu’à la fin de son récit, ce qui en fait une lecture intéressante à plus d’un titre, même si la mise en scène des prouesses martiales du DKK n’en fait pas vraiment partie (ce qui doit être précisé, au vu de la couverture).

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Une nouvelle de Gardes Impériaux où on ne parle finalement que peu de Gardes Impériaux, voilà un choix intéressant pour un recueil Black Library Celebration. C’est d’autant plus surprenant de la part de la BL que Steve Lyons et son Death Korps de Krieg ne sont pas des pièces majeures de la stratégie éditoriale de la maison d’édition de Nottingham (même si Lyons a écrit d’autres nouvelles et roman sur les Gardes les plus entêtés de l’Imperium) : les places étant chères, j’aurais pensé que d’autres régiments/factions plus populaires seraient mis en avant dans cette anthologie. Au final, je suis plutôt satisfait de cette inclusion car elle montre que même des nouvelles de guerre (le coeur de publication de la BL) peuvent sortir des sentiers battus et proposer autre chose que des fusillades et des démembrements à tout va.

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Et voilà qui termine cette revue des recueils de l’édition 2021 de la Black Library Celebration. La conclusion étant l’endroit idéal pour émettre un jugement global, je dois souligner avant de vous laisser que le cru 2020 m’a paru un peu meilleur que celui-ci, notamment en termes de variété des franchises mises en avant. Ceci étant dit, il reste compliqué de se montrer critique d’un recueil proposé gratuitement (et en format numérique cette année), et je recommande donc sans réserve à tous les hobbyistes qui hésitent à passer le pas de la BL de se procurer cette ou ces anthologie(s), afin de se rendre compte par eux-mêmes de leur appétence pour ce type de littérature. Je ne sais pas si l’on peut dire qu’il y a forcément un genre ou une franchise de la GW-Fiction qui vous correspond, mais cette dernière est désormais plus riche qu’elle ne l’a jamais été. Le moment est donc idéal pour tenter sa chance et peut-être se découvrir une nouvelle passion (100% confinement compatible en plus)!

OATHS & CONQUESTS [AoS]

Bonjour et bienvenue dans cette revue critique de Oaths & Conquests, la dernière anthologie de nouvelles d’Age of Sigmar publiée par la Black Library (à ce jour). Après avoir longtemps traîné des pieds et rechigné à traiter de ce genre d’ouvrage (après tout, entre les sorties 40K, les nouveaux numéros d’Inferno! et mon stock de vieilleries, j’ai largement de quoi m’occuper), je me jette dans le grand bain avec ce recueil, qui regroupe de nombreux (10 sur 13, pour être précis) courts formats déjà sortis par la BL, en tant que nouvelles individuelles et/ou dans d’autres publications. 

Sommaire Oaths & Conquests (AoS)

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Avant de rentrer dans le vif du sujet, remarquons la présence au sommaire de ce recueil de quelques nouveaux-venus, pour certains (Hollows, Stephens, Lucas) dans la GW-Fiction, et d’autres (Rath, et le grand ancien Bill King) dans les Royaumes Mortels. Pour le reste, notre casting est assez classique, bien que l’on puisse s’alarmer de l’absence de Josh Reynolds parmi les plumes convoquées ici. Le père nourricier d’Age of Sigmar serait il passé à autre chose, tel Sigmar décidant de se retirer des Royaumes après les avoir créés? Seul l’avenir nous le dira… Pour l’heure, contentons nous de partir à la découverte de ce copieux volume, et de ce qu’il peut nous apprendre du fluff d’Age of Sigmar en ce début troublé de 2020. Ça vaut mieux que d’attraper la scarlatine, pas vrai? 

Oaths & Conquests

The Fist of an Angry God – W. King :

INTRIGUE:

Assignés à la conquête de la forteresse d’Azumbard, dans le Royaume d’Aqshy, le Liberator-Prime Balthus1 et ses Knights Excelsior sont à la peine. Non seulement la décoration psychédélique et les relents d’encens bon marché de leurs adversaires Tzeentchiens sont un affront à leurs sur-sens de surhommes, mais, nombre sacré du Dieu Poulet oblige, ils ont passé des plombes à sécuriser les neuf tours du bastion adverse, ce qui pèsera lourdement sur leur rémunération variable de l’année, alors que les Hammers of Sigmar affectés au front Slaaneshi ont une charge de travail un tiers moindre. Saleté de numérologie cosmique. Faisant contre mauvaise fortune feu de tout bois, Balthus mène ses ouailles à l’assaut de l’ultime donjon adverse, sans réussir à se défaire d’une étrange sensation de déjà-vu, qui ne lui dit rien qui vaille. L’absence de résistance des disciples de Tzeentch lui semble en effet de mauvais augure, et cette sinistre prémonition se trouve vérifiée lorsque la petite force de Stormcast qu’il commande se retrouve embusquée et submergée par une horde d’emplumés vindicatifs. Ayant pris deux méchants coups sur l’occiput, notre héros tombe dans les bras de morphine, et se réveille enchaîné dans un laboratoire arcanique, où il fait la connaissance de la sorcière Aesha, qui à son grand étonnement, semble le connaître2.

Après quelques instants consacrés à tenter de se défaire de ses liens enchantés, sans grand succès (ces derniers se resserrant de plus en plus à chaque fois que Balthus force dessus, conséquence d’un puissant enchantement… ou de l’utilisation d’un simple demi-nœud), le Liberator prisonnier – ironie – accepte d’ouvrir le dialogue avec Aesha, qui, cornes et sabot mis à part, se révèle être une hôte plutôt décente, et se montre plus intéressée par la poursuite des examens initiés sur son sujet d’étude que sur le sacrifice de ce dernier. L’échange permet de comprendre que les motivations de la magus sont, en toute simplicité, de percer à jour les secrets ayant permis à Sigmar de créer les Stormcast Eternals, qu’Aesha considère comme la clé de la transcendance divine. Ayant appris, sans doute à la lecture des tomes de la Fin des Temps (trouvés en occasion sur e-bay), que beaucoup des membres du panthéon de l’Ordre et de la Mort ont commencé leur carrière comme de simples mortels dans le Monde qui Fut, notre ambitieuse sorcière ne voit pas de raison de ne pas tenter le coup à son tour. Horrifié par ce projet blasphématoire, et peut-être également par le résultat de l’IRM complet qu’Aesha lui a fait passé grâce à ses miroirs ensorcelés, Balthus décide de contrecarrer les plans de sa Némésis en… rage-quittant. Ou plutôt, en essayant de rage-quitter. Car sa tentative héroïque de se suicider en tirant à mort (littéralement) sur ses chaînes se fait contrecarrer par Aesha, qui le met en pause avant qu’il ne perde son dernier PV, et profite de son coma réparateur pour infiltrer ce rêve, étrange pénétrant, de la fin inconnue de Balthus.

En des temps très anciens, Balthus était en effet Leoric, prince héritier du royaume d’Asqualon. Son règne fut toutefois aussi court (3 minutes et 26 secondes) que sanglant, puisqu’il hérita de la couronne après la mort de son père pendant la défense du Temple de l’Orage, dernier bastion de l’Ordre face aux assauts du démon Arkatryx et de ses disciples indisciplinés. Garrotté par son adversaire, Leoric invoqua Sigmar pour venger son paternel, et fut exaucé lorsque le Dieu lui envoya un éclair salvateur, non pas directement sur le démon, ce qui aurait été trop simple, mais sur l’épée que notre héros brandissait toujours. Chargé à bloc, Leoric trouva la force d’électrocuter son adversaire d’un ultime horion, avant de partir en direction de la forge divine. Par un hasard qui n’en était sans doute pas un, Aesha était également présente ce jour là (après tout, c’est elle qui a coup fatalisé le roi Aldred), ce qui donne un nouveau sujet de discussion tout trouvé à nos deux personnages une fois Balthus émergé de sa torpeur. S’en suit une joute verbale digne d’un débat de la primaire démocrate, avec Aesha se posant en Bernie Sanders chaotique, en lutte contre le 1% asqualique ayant exploité le petit peuple et fait exécuter son père parce qu’il avait volé une miche de pain. Face à ce déferlement de progressisme, Balthus ne peut que se référer aux bullet points qui lui ont été inculqués pendant sa formation: « l’Ordre, c’est cool » et « Yes, Sig’ Can ».

Ce passionnant échange est toutefois écourté par la notification que reçoit Aesha sur son portable professionnel, l’informant de l’intrusion d’une meute de militants en sigmarite dans son QG, avanie qu’il lui faut gérer sans attendre. « Pas si vite poulette » lui répond Balthus, qui dégaine son special move et gueule « Par le pouvoir du <insert random stuff here> ancestral, je détiens la force toute puissante! », et parvient enfin à se défaire de ses chaînes par l’intervention du saint sigmarite esprit. La fin de la nouvelle voit nos deux protagonistes jouer au chat et à la souris dans le dédale du donjon d’Aesha, jusqu’à ce qu’ils arrivent dans la salle de téléportation aménagée par cette dernière, et qui se révèle être le Temple de l’Orage où ils se sont rencontrés pour la première fois il y a des millénaires. S’il ne parvient pas à stopper la bougresse avant qu’elle ne s’éclipse, Balthus a au moins la satisfaction de mettre la main sur son ancienne épée, qu’il était le seul à pouvoir retirer de la pierre dans laquelle il l’avait plantée en transperçant le démon (ça me dit vaguement quelque chose…). Un milliard de Tzaangors occis plus tard, notre héros est récupéré par ses frères d’armes, esquinté mais en vie, et ayant inscrit sur sa to do liste de caler un nouveau tête à tête avec Aesha pour discuter du bon vieux temps dès qu’elle se montrera disponible.

À ne pas confondre (je l’écris car je l’ai fait moi-même) avec Balthas Arum, la réincarnation de Balthazar Gelt dans les Royaumes Mortels. 
2 : Le plus étonnant pour le lecteur est surtout la question que pose Balthus à sa geôlière juste après qu’elle l’ait identifié. OSEF quoi mon grand.

AVIS:

King fait ses premiers pas dans les Royaumes Mortels de manière assez discrète avec The Fist of an Angry God. Comme on pouvait l’attendre, et peut-être l’espérer, son passif d’auteur historique pour Warhammer Fantasy Battle apparaît clairement dans cette nouvelle à travers le personnage d’Aesha, dont la connaissance du Monde Qui Fut apparaît comme un clin d’œil (je le vois comme ça en tout cas) au parcours de King. Ce dernier prend en marche le train du « Sigmar-bashing » qui sous-tend beaucoup des dernières publications mettant en scène des Stormcast Eternals, et dépeint les méthodes de recrutement du Dieu Roi sous un jour contrasté, tout en justifiant en partie le passage au Chaos d’Aesha. Pas de manichéisme ici donc, et c’est bien le moins qu’on attendait de la part d’un contributeur aussi expérimenté que Bill King, dont les écrits ont toujours mis en avant la « grisaille » ambiante des univers de GW.

À titre personnel, je suis toutefois déçu de l’articulation de la nouvelle, dont le début est finalement insignifiant (je m’attendais à ce que King fasse une révélation sur un stratagème spatio-temporel utilisé par les disciples de Tzeentch, ce qui aurait justifié la sensation de « déjà-combattu » de Balthus) et la fin hurle littéralement « À SUIVRE… » à la tête du lecteur1. Le fond étant, comme dit plus haut, assez intéressant à défaut d’être captivant (cela montre au moins que King a digéré le background de cette nouvelle franchise), je trouve dommage que la forme n’ait pas été plus pensée et soignée par l’auteur. Ceci dit, King ne s’est jamais montré très doué sur les très courts formats, ses meilleures nouvelles se situant sur la marque des 40/50 pages. Quoiqu’il en soit, il convient de suivre la suite des événements avec attention, et espérer que le King finisse par remettre la plume sur le fils spirituel ayant lui aussi réussi son passage de Warhammer Fantasy Battle à Age of Sigmar, un certain Mr G. Gurnisson…

1 : En plus de passer vraiment vite sur des éléments pas anodins du tout pour l’intrigue, comme la libération miraculeuse de Balthus.

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The Garden of Mortal Delights – R. Rath :

INTRIGUE:

Notre histoire prend place sur une île de Ghyran, où le seigneur slaaneshi Revish l’Epicurien tient cour et jardin. Contrairement à la majorité de ses collègues cultistes, Revish s’intéresse davantage aux plaisirs de la chère qu’à ceux de la chair, et occupe donc une bonne partie de son temps à se délecter des mets les plus recherchés et exotiques, comme le foie gras d’un homme de foi, ou encore les gariguettes bio dynamiques et permacultivées produites ultra-localement par bouturage sur des Dryades préalablement décapitées. Comme il fallait une petite main verte à notre gourmet pour s’assurer du bon approvisionnement de son garde-manger, et qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même un esclave hautement qualifié, notre Hannibal Lecter med-fan s’est assuré les services, pas vraiment librement consentis, d’une sorcebranche du nom de Wilde Kurdwen, capturée avec ses sœurs étêtées lors d’un raid sur un bosquet mal gardé. Bien qu’il lui en coûte, et qu’écouter les greffons décérébrés de ses congénères réciter en boucle leur jingle de bataille1 lui file un bourdon pas possible, Kurdwen a accepté le CDI gracieusement offert par son geôlier, et lui fourni légumes, fruits et baies de première qualité.

À l’occasion de la punition d’un larbin qui avait eu la mauvaise idée de grignoter quelques mûres ne lui étant pas destinées, Revish accompagne sa jardinière dans un petit tour du propriétaire, qui leur donne l’occasion de discuter des différences philosophiques entre hédonistes et botanistes. Kurdwen en profite également pour présenter à son boss son nouveau projet : la culture de graines âmes, qu’elle voit comme la première étape d’une future alliance entre Slaaneshi et Sylvaneth contre les armées de Nurgle qui ravagent Ghyran. Jouant sur la fibre paternaliste de Revish, elle use de tous ses charmes végétaux pour plaider sa cause auprès de l’Epicurien, qui se montre finalement assez intéressé par cette joint-venture bouture. Cependant, le projet est accueilli avec une froideur palpable par sa girlfiend Sybbolith2, plus intéressée par la quête de Slaanesh que par le reboisement à impact social. Suspectant que l’apathie gloutonne de Revish est le fruit (mouahaha) des minauderies de Kurdwen, Syb’ convainc ce dernier de placer la sorcebranche devant un choix qui lui permettra de juger de sa véritable allégeance : lorsque Revish revient le lendemain, accompagné par quelques guerriers de sa garde personnelle, il demande à la dryade de lui remettre la graine âme expérimentale qu’elle a fait pousser dans son coin, afin qu’il puisse la déguster. Un refus de sa part signifierait que la loyauté de Kurdwen n’est pas aussi absolue qu’elle voulait lui faire croire. Et devant le peu d’enthousiasme manifesté par la semencière à la demande cannibale de Revish, il semble bien que les carottes soient cuites pour la préposée aux espaces verts…

Début spoilerN’ayant guère le choix, Kurdwen remet finalement la précieuse cosse à Revish afin que ce dernier puisse y prendre un croc… qui lui est retourné, à sa grande surprise, par l’occupant de la gousse. Fort mécontente de cette mise au monde prématurée, l’âprelarve qui sommeillait dans la graine âme roule en effet un gros patin mandibulé à Revish, ce qui a pour effet de lui arracher un sourire, et la moitié du visage par la même occasion. Comprenant qu’il a été roulé dans la farine de châtaigne, le nabab navré s’élance à la poursuite de la sorcebranche, qui peut cependant compter sur le soutien d’une petite armée de Dryades, soigneusement cultivées depuis les étrons de Revish (on fait avec ce qu’on a).

Dans la bagarre qui s’en suit, Revish a l’occasion de se dérouiller un peu les haches en abattant les végétaux hostiles ayant envahi son île, perdant au passage la totalité des guerriers (dont Sybbolith, qui fait prudemment retraite sur le continent après avoir croisé le chemin d’un Homme Arbre nouveau-né à l’écorce trop épaisse pour son fouet de dominatrice), avant de se retrouver en face à face avec Kurdwen. Sans doute un peu fatigué par sa session de bûcheronnage intensive, l’hédoniste se fait hameçonner par sa prisonnière sans coup férir, et se retrouve ligoté sur son trône jusqu’à ce que mort s’en suive. Des décennies plus tard, les (sans doute rares) visiteurs de l’île peuvent en effet admirer une armure et un crâne à moitié absorbé par un chêne gigantesque. D’engraisseur à engrais, finalement, il n’y a que quelques lettres…Fin spoiler

1 : La légende raconte qu’il s’agit de la musique d’attente du standard téléphonique d’Alarielle.
2 : Que la traduction française a criminellement choisi de ne pas baptiser Ciboulette. C’était l’occasion pourtant.

AVIS:

Robert Rath réussit son coup, et son entrée dans Age of Sigmar, avec The Garden of Mortal Delights, qui offre au lecteur une exploration intéressante à plus d’un titre des particularités du lore de cette franchise. Mariant à la fois concepts intrigants mais tout à fait dans l’esprit du fluff (les Dryades servant de substrat aux plantations personnelles d’un slaaneshi gourmet) et mise en relief d’aspects développés dans les Battle Tomes mais pas encore trop dans la GW-Fiction (les différents courants de pensée à l’œuvre chez les hédonistes ; Revish étant un Invader – assez casanier sur ses vieux jours – alors que Sybbolith est une Godseeker pur jus), cette nouvelle est une vraie bonne surprise, qui illustre bien le potentiel dont dispose le background des Royaumes Mortels, dès lors qu’il est confié à un auteur inventif et concerné. Prometteur pour Robert Rath, qu’il faudra suivre à l’avenir.

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Shriekstone – E. Dicken :

INTRIGUE:

ShriekstoneRatgob, High Creeper – et donc nabab en chef – de la forteresse Gloomspite Gitz de Shriekstone est confronté à un problème littéralement existentiel. Alors qu’il avait mené quelques uns de ses gars massacrer l’habituelle expédition de Duardins malavisés ayant décidé d’explorer les ruines de leur ancienne demeure (Shriekstone étant auparavant connue sous le nom de Lachad, loge et logis de Fyreslayers), il recueille la confession rigolarde d’un des nabots, qui l’avertit que sa mort sera bientôt vengée par l’arrivée d’une armée de rouquins à hache, mobilisée par le Père des Runes Thunas-Grimnir l’inflexible1 pour reconquérir les lieux. Cette funeste prédiction se réalisant sous quelques jours, Ratgob est d’abord tenté de prendre la poudre d’escampette, mais réalise en chemin qu’il ne peut tout simplement pas laisser les avortons barbus lui arracher ce que ses ancêtres ont dérobé aux leurs sans se battre. Question de principe. En plus de ça, sa statue personnelle dans le Hall of Fame2 de Shriekstone n’est pas encore terminée, et ne le sera jamais s’il ne prend pas en charge la défense du bastion. 

Première étape pour notre verdâtre héros: convaincre sa myriade de sous-fifres de ne pas déserter leur poste, ce qui est loin d’être gagné à la vue de l’ost mobilisé par Thunas. Heureusement, Ratgob n’est pas devenu High Creeper par hasard, et parvient à rallier tout son monde à sa bannière rapiécée, en affirmant haut et fort qu’il a reçu une vision de la Mauvaise Lune en personne, qui lui a révélé les ruz’ nécessaires pour vaincre les Duardin. Devant un tel argument d’autorité, les autres Gobs ne peuvent qu’obtempérer, certains de plus mauvaise grâce que d’autres, comme le shaman et sceptique devant l’éternel Vishuz Spookfinger.

Si le siège tourne d’abord plutôt en faveur des défenseurs, qui, guidés par le génie tactique la fourberie mesquine de leur boss, jouent quelques mauvais tours aux Fyreslayers, à base d’attaques sur leur base arrière, de fosses à squigs affamés, de gaz hallucinogène, de lâchers de fanatiques, ou, encore plus mesquin, d’empoisonnement de leur réserve de bière3 (tous les coups sont permis); la férocité, discipline et haine ancestrale qui animent les attaquants contraignent les peaux-vertes à sans cesse reculer. Ayant joué son va tout en provoquant une attaque inconsidérée des Fyreslayers dans l’enclos des Troggoths locaux en poussant ses derniers esclaves dans ce dernier afin de pincer la corde honorable des Duardin, Ratgob n’a plus qu’à vendre chèrement sa vie et celles de ses derniers gars au cours d’un dernier carré davantage provoqué par les événements que choisi par les défenseurs. Notre héros s’est auparavant débarrassé de ce faux-jeton de Spookfinger, qui avait, de façon prévisible, tenté de lui faire la peau (et de façon même pas originale en plus, ce que Ratgob fait remarquer au traître avant de le laisser en pâture aux trolls). 

Encerclés par les survivants, bien éprouvés il est vrai, de l’armée du Père des Runes, les Gobelins vendent chèrement leur peau (verte), à l’image de Ratgob qui parvient, au terme d’un duel accroché au cours duquel il finit unijambiste, à refiler une souche ultra virulente du COVID 19 à Thunas-Grimnir. Le virus étant, comme chacun sait, plus mortel chez les personnes âgées, les 267 ans bien tassés de l’Inflexible vieillard le condamnent donc à une suffocation expresse, permettant au High Creeper d’arracher une victoire morale. Et alors que tout semble perdu pour notre héros, à la merci des derniers Fyreslayers, il a la satisfaction d’entendre approcher une horde de ses congénères dans les niveaux inférieurs de Shriekstone, qui se remet à geindre de plus belle après quelques minutes d’aphonie4. Comme dit le proverbe: pierre qui hurle n’amasse pas barbe. 

1Nommé ainsi à cause de son absence de souplesse légendaire: il n’arrive même pas à toucher ses genoux en se baissant.  
2 : Ou, comme on dit chez les Gitz, la Grotte of Grots.
3: On découvre à cette occasion que les Duardin des Royaumes Mortels ont « hérité » de leurs ancêtres Dawi du Vieux Monde l’habitude de baptiser leur binouze avec des X. Par respect pour la XXXXXX de Bugman, celle de l’armée de Thunas ne s’appelle que XXXX.
4En fait, la forteresse a été nommée Shriekstone (la pierre hurlante en VO) après que les Fyreslayers en aient été chassés, car la roche s’est mise à produire des sons similaires à des hurlements. On peut penser à de la magie runique ou de l’animisme, mais moi je pense simplement que les Duardin ont volontairement déclenché l’alarme du détecteur de fumée pour faire chier les Gobs. 

AVIS:

Très sympathique nouvelle de la part d’Evan Dicken, dont la construction minutieuse dénote d’une maîtrise appréciable des codes du genre et de l’univers d’Age of Sigmar. On peut ainsi mettre au crédit de l’auteur tant son choix de renverser les rôles classiquement attribués dans l’affrontement iconique entre Nains et Gobelins (en faisant des seconds les protagonistes et les défenseurs, ce qui est plutôt rare), que sa réussite à faire de Ratgob et de ses sbires des personnages plutôt attachants, en grande partie grâce à leur fibre comique, qui contraste agréablement avec la fureur vertueuse du malheureux Thunas. Au final, le lecteur a bien du mal à prendre un parti entre la cause, fondamentalement noble et justifiée, des Duardin, et celle du charismatique High Creeper, ce qui donne au duel final de la nouvelle une tension narrative très bienvenue. Autre preuve manifeste du soin apporté par Dicken à la construction de son propos, la symétrie parfaite de l’ouverture et de la conclusion de son propos, qui mettent tous deux en scène un personnage mourant annonçant à son vainqueur qu’il va être vengé par ses congénères. C’est net et précis, et ça fait du bien de la part de la Black Library, qui se contente souvent de publier des histoires à l’intrigue et au déroulement approximatifs. Et en plus, on a le droit à un peu de fluff intéressant sur Ghur. Pas grand chose à jeter dans ce Shriekstone, et un parcours de plus en plus intéressant pour Dicken, qui se positionne comme l’une des nouvelles plumes les plus intéressantes des Royaumes Mortels.

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The Serpent’s Bargain – J. Crisalli :

INTRIGUE:

The Serpent's BargainVictime des déprédations classées S (pour salaces) d’une bande de Maraudeurs de Slaanesh, le village de Varna ne doit son salut qu’à l’exploitation raisonnée décrétée par l’économe Seigneur Zertalian. Les pillards partis, pour mieux revenir quelques temps plus tard, les survivants sortent de leur trou (littéralement dans le cas de notre héroïne, la précautionneuse mais pas téméraire Laila) et tiennent conseil sur la marche à suivre. Malgré la position stoïque prônée par les anciens du village, qui préfèrent rester chiller au coin du feu dans l’espoir que les Slaaneshii trouvent une autre cible plus juteuse d’ici à leur prochaine crise d’ennui homicidaire, Laila, qui a déjà perdu son mari sous la lame des psychopathes princiers, est, elle, partisane d’une approche un peu plus proactive. Et pourquoi pas aller demander de l’aide aux Blonds1, ces mystérieux reclus qui vivent dans la vallée d’en face et que les légendes locales décrivent comme des adversaires acharnés du Chaos, et en particulier de ces margoulins dépravés d’Hédonistes ? Il paraîtrait même que ces gais lurons volent à la rescousse de ceux qui luttent contre de tels ennemis, ce qui est précisément le cas de nos Varnites.

Devant la réaction mitigée que sa proposition suscite auprès du conseil gériatrique du village, Laila décide de faire profil bas, mais n’en résout pas moins d’aller tenter sa chance auprès des Blonds, entraînant avec elle un vieux pote chasseur de niveau 3 (Stefen) et un lancier mercenaire gras du bide mais au pied léger (Ano). Le trio trace la route vers la blonde vallée, bravant pour ce faire le décret de confinement édicté par les anciens, et finit par arriver à bon port, n’ayant perdu qu’un seul de leur membre (Ano le stalker) en chemin. Faisant face à un temple décoré de moultes statues de donzelles en string et en rogne, les deux survivants commencent à douter du caractère véridique de leurs légendes, mais il est trop tard pour faire demi-tour,  et l’entrée du temple étant gratuit pour les filles et interdite pour les mecs, c’est seule que Laila pénètre à l’intérieur. Laissant prudemment le chaudron rempli de serpents à bonne distance, elle marche jusqu’à un petit jardin intérieur, où elle fait la connaissance de Cesse, jardinière manifestement elfique qui consent à écouter la doléance de son invitée. S’en suit une petite négociation, à l’issue de laquelle Cesse accepte d’aller combattre les Slaaneshii, qu’elle et le reste de ses Blondes détestent véritablement, en échange d’un paiement en sang de la part des humains. C’est alors que Laila révéle sa propre blonditude, croyant bêtement que la petite coupure qu’elle hérite pour sceller le pacte consiste en sa part du paiement en totalité. Aha. La cruche. Elle aurait ouvert un Battle Tome Daughters of Khaine, ou même eu la moindre notion en elfenoirologie qu’elle aurait compris qu’elle venait de se faire carroter dans les grandes largeurs. Les dangers de l’ignorance. Bref.

Ressortant du temple, Laila découvre avec effroi une flèche brisée et une flaque de sang là où elle avait laissé son chasseur de compagnie, et en conclut que ce dernier n’a pas fait de vieux os. Parvenant malgré tout à revenir jusqu’à Varna, elle relate son périple à ses concitoyens, s’attirant un regard lourd de reproches de la part des vieux de la vieille, qui se doutent bien que le marché passé avec les Blondes a de grandes chances de ne pas se résoudre en faveur des péquenauds. Avec raison. En effet, lorsque les scions de Zertalian décident de refaire une virée pillarde et paillarde en ville, ils ont beau se faire promptement méduser par Cesse et ses groupies, cette dernière demande ensuite que le tribut de sang leur soit remis. Incompréhension, puis mauvaise foi de la part de Laila, qui ne trouve pas ça très charlie. Qu’importe, un marché est un marché, et les Varnites ne sont de toute façon pas en mesure d’empêcher les Fifilles de Kékhaine de prendre leur dû, soit les faibles du village. Comme l’explique doctement Cesse à une Laila qu’elle précipité du haut du mur d’enceinte pour lui apprendre à mal lui parler, il n’y a qu’en supprimant les faibles que les forts pourront survivre, et il s’agit d’une mission de service public, vraiment. Cela ne convainc pas vraiment Laila, qui finit la nouvelle en pleurant comme une madeleine sur sa propre stupidité. Moralité : si les hommes préfèrent les blondes, la réciproque n’est pas toujours vraie.

1 : Fair Ones en VO. Ce qui peut se traduire par les Beaux, également. Voyez-y un hommage à Gad Elmaleh, ou à son inspirateur.

AVIS:

Retour mi-figue mi-raisin pour Jamie Crisalli, qui ne retrouve pas avec ce The Serpent’s Bargain la recette du succès de sa première soumission pour Inferno!. La faute à une intrigue cousue de fil blanc (le marché léonin conclu par un héros ignorant avec des « alliés » pas si sympathiques que cela), exploitée par d’innombrables auteurs dans autant d’ouvrages avant que Crisalli ne revisite à nouveau ce classique des classiques. Si son choix de ne pas faire de la révélation de la fourberie des Blondes le twist final de sa nouvelle est compréhensible, l’absence d’éléments venant enrichir l’intrigue et le déroulé du récit l’est moins. À titre personnel, j’aurais bien aimé que l’auteur passe plus de temps à justifier le positionnement des Filles de Khaine, et pourquoi leur mission d’épuration des faibles leur tient tellement à cœur (ce que Crisalli fait en quelques lignes en fin de nouvelle), ce qui aurait apporté un contrepoint bienvenu à la vision « gentillesque » autant qu’horrifiée de Laila. Je n’ai pas non plus compris ce que Crisalli voulait accomplir avec les personnages de Stefen et Ano, dont la relative importance dans le récit ne débouche sur pas grand-chose. Coup de moins bien, donc. Espérons qu’il ne soit que temporaire.

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A Tithe of Bone – M. Fletcher :

INTRIGUE:

A Tithe of BoneMarkash, champion de Tzeentch de son état et philosophe bavard à ses heures perdues (il commence la nouvelle en dictant ses pensées sur la destinée à son scribe Palfuss1) a été envoyé par ses patrons conquérir la ville de Knazziir, en Shyish, histoire d’apprendre à ce vieux chnoque de Nagash que le changement, c’est maintenant. Persuadé d’avoir hérité d’une destinée grandiose, il ne doute pas un instant de réussir là où son ancien mentor, le légendaire Ammerhan, a failli. Cet autre Élu de Tzeentch a en effet cessé de poster sur Instagram peu de temps après avoir commencé sa campagne necrophobe, ce qui laisse à penser que les indigènes ont eu sa peau, ou plutôt, ses os. Ayant réussi à enlever Knazziir en un après-midi de glorieux combat, Markash a passé les dernières semaines à la défendre contre les attaques, à vrai dire mollassonnes, des âmes damnées du grand Nécromancien, qui poppent au petit bonheur la chance de façon régulière. Cela lui laisse donc beaucoup de temps pour enrichir son corpus philosophique, même si son humeur reste, comme son épée démoniaque Ktchaynik2, massacrante (en témoignent les volutes de fumée noire exhalées par les joints de son armure). Alors qu’il était sur le point de revisiter ‘I Had a Dream‘ à la sauce samouraï architecte (du changement), il est interrompu dans son exposé par l’arrivée de son bras droit, le chevalier Stayn Lishik, qui lui annonce que des « morts bizarres » se sont présentés à la porte de Knazziir. Remisant ses souvenirs d’enfance dans sa psyché éclatée, Markash sort de son isolement pour voir de quoi il en retourne.

Effectivement, un petit groupe ossu patiente obligeamment devant les murs de la cité. Menés par un Mortisan Soulreaper très poli, les collecteurs de Nagash demandent que la dîme d’os leur soit remise. « Des os neufs » précise Morty, après que Markash lui ait fait remarquer que les alentours de la ville étaient tapissés de cadavres en plus en moins bon état. Le Nag’ ne fait pas dans la seconde main (ni pied, ni jambe, ni cage thoracique) pour son élite combattante, c’est bien connu. Peu impressionné par les envoyé mortifères, Markash décide d’aller se dérouiller les solerets et entraîne quelques uns de ses suivants avec lui – laissant la cité aux mains avides de Stayn Lishik en son absence – pour débiter de l’os à moelle. La bataille qui s’en suit se révèle cependant bien plus accrochée que ce à quoi s’attendait le champion de Tzeentch, qui voit ses guerriers se faire abattre, dépecer et recyclerpar les sac d’os, tandis que lui se trouve fort occupé à repousser les assauts d’un Necropolis Stalker en furie, dont l’un des aspects et des crânes se révèle être occupé par feu (rose de Tzeentch) Ammerhan. Après avoir mis son ancien professeur K.O./Chaos, Markash doit recommencer avec un duelliste Aelfe, un Stormcast Eternal, et une maîtresse bâtonnière bien vénère, qui prélèvent chacun un peu de son endurance et quelques éléments de son anatomie au passage. Finalement vainqueur de ce 1 vs 4 imprévu, et seul survivant de l’équipe anarchiste (je ne compte pas Palfuss, qui se contente de prendre des notes dans un coin), Markash exulte un court instant… avant de se faire prendre la tête d’un coup de faux par le Mortisan Soulreaper de garde. Pas très fair play, ça.

Par un étrange revirement de situation, peut-être dû à l’endroit où se déroule le récit, ce n’est pas la fin pour notre champion déchu, qui contemple d’un air (et d’un crâne) détaché son corps être collecté par les Ossiarchs, et sa tête incorporée au Stalker qu’il venait de vaincre, en remplacement de ce bon à rien d’Ammerhan. Sonné par l’expérience, il se « réveille » un peu plus tard dans son nouveau corps, totalement rallié à la cause du Nag’ grâce aux bons soins des Mortisans Soulmasons, qui ont remplacé toutes les mentions de Tzeentch dans son code interne par Nagash. Voilà un bel exemple d’économie circulaire appliquée. Les Soulmasons ne l’ont toutefois pas débarrassé de sa croyance en la destinée, et Markash se fixe donc le but de grimper dans la hiérarchie des Ossiarch Bonereapers jusqu’à devenir Katakros à la place du Katakros4. Il faut bien avoir des rêves dans la (non) vie. L’histoire se termine avec le retour de notre héros devant Knazziir, où il a le plaisir de défier en duel son ancien assistant de direction, qui n’a pas fait grand-chose pour venir à son secours lorsqu’il en avait eu besoin. Le combat entre un Markash calcifié et un Stayn Lishik sur-stuffé (il a récupéré l’épée de son patron) est rapidement expédié, et le vaincu mis à profit pour construire un petit Kavalos (triste destin pour un chevalier du Chaos). Comme quoi, il n’est jamais trop tard pour opérer une réorientation professionnelle dans le monde merveilleux d’Age of Sigmar.

1: Vu de loin, on aurait dit Hitler dictant ses pensées à Rudolf Hess, sauf que le livre se serait appelé ‘My Change’ au lieu de ‘Mein Kampf’.
2: D’où dérive ce cri de guerre bien connu: « Ktchaynik, Ktchaynik,Ktchaynik… Aïe Aïe Aïe ».
3: Les Ossiarch Reapers ont bien des défauts, mais ce sont les champions incontestés du tri sélectif des Royaumes Mortels.
4: Ce même sentiment le pousse à bolosser ses camarades de crâne, sur lesquels il a prouvé sa supériorité. Il existe donc dans les armées de Nagash un Necropolis Stalker qui n’utilise qu’un seul Aspect – l’aspect de Bogosserie – pour tataner ses adversaires. C’est ce qui s’appelle avoir une nuque roide. 

AVIS:

Soumission sympathique de la part de Michael Fletcher, A Tithe of Bone permet au lecteur d’en apprendre un peu plus sur la nouvelle faction des Ossiarch Bonereapers, et plus particulièrement, sur les mortels Necropolis Stalkers que notre héros finit par rejoindre, d’abord à sa tête défendante. Si le titre et la structure de la nouvelle permettent au lecteur d’anticiper le triste destin de Markash, que l’auteur arrive bien à « caractériser » dans les quelques pages qui précèdent sa dernière sortie en ville, le choix de Fletcher de poursuivre la narration après la décapitation de son héros, pour surprenante (dans le bon sens) qu’elle soit, lui permet d’explorer plus en profondeur les arcanes et le fonctionnement de troupes de choc de Nagash. On sort de cette nouvelle avec une meilleure idée du potentiel et de la dangerosité des Ossiarch Bonereapers, qui ne sont définitivement pas venus dans les Royaumes Mortels pour faire de la figuration. Do fear the reapers… ​​​​

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Beneath the Rust – G. Lyon :

INTRIGUE:

Beneath the RustJusqu’où faut-il aller pour conquérir un prospect? Pour Borri Kraglan, Endrinrigger (euse?) de son état, et rattachée par ses supérieurs de Barak-Nar à l’accompagnement de l’expédition de la Fraternité Sigmarite en Chamon, la réponse est assez simple: les Stormcast Eternals qu’elle et ses comparses Kharadron over-chapeautent ayant découvert un réseau de tunnels s’étendant en dessous du lieu qu’ils ont choisi pour bâtir un avant-poste, il faudra accompagner les surhumains azyrites dans leurs aventures cataphiles (contre monnaie sonnante et trébuchante après établissement d’un avenant au contrat, bien sûr). Pour être complet dans notre introduction, précisons en outre que le bout de terrain sélectionné par la Fraternité était auparavant squatté par une horde de disciples de Khorne mal léchés, dispersés à grands coups de marteau dans les gencives pour leur apprendre à respecter le droit de propriété. Sans blague. 

En plus de Borri Kraglan, les spéléologues en herbe et armures de plates complètes comptent Mr et Mme Steelfist, respectivement Capitaine Arkanaute et Endrinrigger (et meilleure amie – et bien plus encore – de Borri), accompagnés d’une bande de farouches corsaires Kharadron, et un petit groupe de Stormcast voltigeants (super choix pour explorer des tunnels), menés par le très zen Venator Ferram Drakesbane. Si tout se passe assez normalement pendant les premiers temps de la descente, les choses se compliquent cependant assez rapidement, les visiteurs se trouvant confrontés à une nouvelle vague de Khorneux assez chafouins que l’on vienne à nouveau violer leur intimité (un vrai truc de Slaaneshi!). Après une escarmouche rapidement remportée par les forces de l’Ordre, la tension a bien du mal à retomber entre les Kharadron, qui sont même à deux doigts de commencer à se mettre sur le masque. Grâce à ses super pouvoirs de Reforgé et sa pratique intensive de la méditation, Ferram met toutefois rapidement le doigt sur le problème: une influence maléfique rend les Duardin très irritables (lui-même et les autres Stormcast étant immunisés à ces effets délétères). Rendue consciente du problème, mais ayant bien du mal à ne pas claquer le beignet de Harek Steelfist, auquel elle n’a jamais vraiment pardonnée de lui avoir « volé » sa BFF Mala, Borri fait de son mieux pour ne pas piquer sa crise, d’autant plus que sa chère et tendre n’est pas revenue avec les Prosecutors de Ferram de la poursuite engagée des fuyards chaotiques.

Les recherches de nos héros finissent par les amener dans un cul de sac, ce qui énerve (logiquement) suffisamment Harek pour qu’il balance un coup de poing dans le mur… ce qui permet d’ouvrir une porte cachée, apparemment équipée d’un rage-o-mètre intégré1. Derrière cette paroi, l’expédition retrouve enfin Mala, allongée sur autel maculé de sang et entouré d’une douzaine de Bloodreavers, qui ne résiste pas longtemps à la mauvaise humeur ni aux munitions perforantes des Kharadron. Alors que les choses semblent s’améliorer, une remarque malheureuse de Borri à Harek fait déborder le vase à éther-or de ce dernier, qui se met en tête d’apprendre à cette mégère non apprivoisée à se mêler de ses affaires, à coup de hache si nécessaire. Dans la confusion qui s’ensuit, Borri met un coup de scie éthermatique mal placé dans l’autel, qui se fend en deux dans un déferlement de visions sanguinaires. Lorsque notre héroïne revient à elle, le boss de fin de la nouvelle a fait son entrée comme le prince démon de Khorne qu’il est, et s’active à massacrer tout ce qui a le malheur de croiser le chemin de sa hache. 

Le petit laïus explicatif de rigueur rapidement expédié par le toujours aussi chi​​​​​​​ll Ferram, il faut maintenant à nos héros trouver un moyen de bannir leur Némésis. Ceci sera fait grâce au détournement des enveloppes porteuses (mon dieu que ce terme est moche) de Borri et Mala, transformées en bombes artisanales en deux tours de clé à molette par les ingénieux Duardin. Il faudra tout de même que Ferram se sacrifie noblement pour aller faire détonner le deuxième drone piégé au contact du démon pour arracher la victoire, qui se soldera en outre par la mort de Mala, qui poussera cet empoté de Harek hors de la trajectoire de la hache de Dédé mais encaissera à sa place l’ultime horion du Khorneux. C’est ça aussi d’avoir une Initiative de 2. Unis dans leur chagrin, mais également dans leur détestation mutuelle, Borri et Harek remontent à la surface, et la nouvelle se termine avec la décision de la première d’aller explorer les Royaumes pour se changer les idées. Après tout, pourquoi pas. 

1: C’est un peu comme lorsqu’on arrive  faire fonctionner un appareil ménager en tapant dessus. Cette bonne vieille énergie cinétique a accompli bien des miracles que la science peine à expliquer.  

AVIS:

Pas grand-chose à se mettre sous la dent avec ce Beneath the Rust, tant au niveau de l’intrigue, d’une simplicité consommée, que des éléments fluff apportés par Lyon. C’est d’autant plus dommage que l’auteur aurait pu rendre son propos plus intéressant sans apporter de grands changements à son récit, par exemple en gardant la cause de l’énervement suspect des Kharadron pour la conclusion de la nouvelle, au lieu de l’éventer après la première escarmouche: la tension narrative en aurait été préservée. Je note également que Lyon s’inscrit à contre-courant de la tendance actuelle des auteurs d’Age of Sigmar de faire de la Reforge des Stormcast Eternals un événement traumatique et redouté par ceux qui y sont soumis: ce brave Ferram Drakesbane n’hésite en effet pas une seconde à se changer en kamikaze pour remporter la victoire, en justifiant sa décision par son immortalité. Il revient d’ailleurs en fin de nouvelle partager le deuil de ses camarades, sans apparaître avoir changé d’un iota: vu comme ça, c’est vraiment cool d’être un Stormcast. Finalement, l’élément le plus mémorable de Beneath the Rust restera sans doute le triangle amoureux entre Borri, Mala et Harek, inédit à bien des aspects. Ce n’est pas vraiment ce à quoi de m’attendais en commençant la lecture d’une histoire de Nains steampunk se déroulant dans un univers med-fan, mais (à nouveau) pourquoi pas.

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The Unlamented Archpustulent of Clan Morbidus – D. Guymer :

INTRIGUE:

The Unlamented Archpustulent of Clan MorbidusC’est un jour spécial qui se lève commence (le soleil brille-t-il ici ?) à Vile Ville pour Rattagan Borkris, l’honorable Malfaisant Supérieur de l’Eglise de la Ruine Rongeuse. À la suite du décès brutal, mais pas totalement imprévu de l’Archipustulent Heerak Gungespittle, la charge occupée par ce dernier est vacante, et notre héros compte bien la faire sienne. S’il parvient à ses fins, il occupera une position de choix au sein du clan Morbidus, et pourra rêver à siéger un jour au sein du Conseil des Treize, si le représentant actuel de sa faction devait lui aussi avoir un accident malheureux. Pour cela, il lui faut remporter l’élection du Lycée des Lecteurs, dont les vingt-et-un membres doivent se réunir sous peu pour désigner le nouveau chef spirituel du clan. Pouvant compter sur le soutien de huit des cardinaux, Borkris est pleinement confiant dans la suite des événements, n’ayant besoin que de convaincre deux autres votants de la qualité de sa candidature pour accéder à la fonction à laquelle il aspire.

Cependant, l’ambitieux Supérieur doit compter avec deux rivaux, tout aussi déterminés que lui à prendre en patte la destinée du clan. Hascrible, un simple moine de la Peste, compensant sa cécité et ses origines serviles par un zèle implacable et une dévotion exubérante envers le Grand Corrupteur, a l’oreille des masses laborieuses et du bas clergé Morbidus, et constitue donc une force avec laquelle il faut compter. Le Verminable Dengue Cruor, 500 ans bien tassés et de fait doyen de l’assemblée, est un autre prétendant valide à l’élévation, et le seul disposant d’une influence à même de rivaliser avec celle de Borkris. Coup de chance pour ce dernier cependant, Nicodemus a eu une panne de rat-veil ce matin, et avec l’absence simultanée d’un autre Lecteur, Drassik, il n’a besoin que d’un vote supplémentaire pour devenir rat-life à la place du rat-life.

À quelque distance du Temple Fendillé, où se tiennent les débats, nous retrouvons les deux absents, occupés à d’importants préparatifs. Cruor, en sa qualité de Sage Bilieux de la Voie Extirpée et maître des potions, s’active à une concoction un peu spéciale en vue de faciliter sa future élection. Drassik, de son côté, le seconde de son mieux, en lui fournissant une moustache, puis son dernier rât-le, deux ingrédients nécessaires à la réussite du gaspacho mitonné avec application, plutôt qu’avec amour, par l’ancien maître. N’ayant pas vu passer l’heure, il se hâte ensuite vers le concile, où les choses ont avancé plus vite qu’il ne l’avait prévu. Le premier tour de vote n’a en effet rien donné, Borkris ratant l’élection à une voix près, secondé de plus loin par Hascrible, qui demande de manière véhémente un recomptage des voix (ce n’est pas parce qu’il est aveugle qu’on peut la lui faire à l’envers), et, à la surprise générale, y compris la sienne, par un troisième larron, Salvik Rakititch, joueur du FC Rat-rcelone, plénipotentiaire du clan sur Aqshy. Les débats ayant été levés pour la journée, Borkris s’empresse d’aller à la rencontre de Rakititch afin de lui proposer une offre qu’il ne pourra pas refuser, et cimenter ainsi son prochain succès.

Alors que nos deux larrons étaient sur le point de conclure un accord, l’intrusion soudaine de Hascrible et de ses zélotes, animés de mauvaises intentions (ce qui est mal) et armés de fléau à malepierre (ce qui est pire), vient sonner la fin des pourparlers, et force les intrigants à chercher la protection de leurs escortes respectives. Il faudra l’intervention musclée autant que solidaire des septons du Temple Fendillé pour stopper l’alga-rat-de, au cours de laquelle Rakititch essaiera de zigouiller Borisk, sans succès (c’est résistant, un rat de Nurgle), qui lui rendra la pareille de façon plus efficace. Un de moins.

Le deuxième tour de vote débute donc sous des auspices très différents du premier, avec un Borisk un peu amoché et en situation de faiblesse, un Harscrible renforcé par son coup de force et l’attribution – certes imméritée, mais les voies du Rat Cornu sont tortueuses – de la mort de Rakititch, et un Cruor gardant sa botte secrète en réserve. Profitant de son droit d’adresse avant que le vote ne débute, le Verminable enjoint fortement ses collègues à le choisir, pour la bonne et simple raison qu’ils ont tous été contaminés à leur insu par le splintergut, une infection aussi mortelle qu’horriblement douloureuse, dont seul Cruor possède l’antidote. Consternation dans l’auguste assemblée, sauf de la part de Hascrible, tellement certain de la bénédiction dont il bénéficie de la part de sa divinité tutélaire qu’il n’hésite pas à envoyer grignoter le vieux croûton croûteux. Interprétant mal la défiance de son rival, et suspectant une entente secrète de ses adversaires, Borkris a alors la mauvaise idée de décapiter Cruor, certain que ce dernier se contente de bluffer. Sauf queue (de rat) non. La nouvelle se termine donc sur le renouvellement complet du haut clergé du clan Morbidus, l’ignoble Lycée des Lecteurs ayant pris un aller simple pour la bedaine du Rat Cornu suite à la gaffe de Borkris. Place aux jeunes !

AVIS:

Carton plein pour Guymer, depuis le titre savamment sophistiqué de sa nouvelle jusqu’à la conclusion, convenablement tragi-comique (ce terme a été inventé pour les Skavens) de cette dernière. Ayant pu lire beaucoup de bien à propos des ouvrages de notre homme pour la Black Library, sans avoir été personnellement emballé par rien de ce que j’avais pu lire de sa prose jusqu’à présent, que ce soit dans le Monde qui Fut (The Tilean Talisman) ou les Royaumes Mortels (God’s Gift), j’étais plus qu’un peu dubitatif sur la hype entourant le sieur Guymer. The Unlamented… est la soumission qui a mis tout le monde (c’est à dire votre serviteur et le reste de l’univers) d’accord sur le sujet, et plutôt à l’avantage de notre auteur, ce qui est le meilleur scénario possible (croyez-le ou pas, mais je préfère lire des textes qualitatifs, même si, je l’avoue, chroniquer des scories littéraires est généralement une entreprise assez rigolote).

Pour aller un peu plus loin dans l’exposition de mes louanges, je distinguerai trois sources principales de satisfaction : le fond, la forme, et le parti pris de narration. Par ce dernier terme, j’entends le choix fait par Guymer de plonger directement dans le lecteur dans le cœur du lore d’Age of Sigmar, sans prendre le temps de lui présenter/prémâcher le background de base des factions mises en scène (ici les nobles Skavens). Je n’ai aucun problème à reconnaître que les premières pages, et la première lecture en général, de The Unlamented… ont été un peu ardues pour moi, même si je me considère comme raisonnablement calé en matière antropomurine. Mon bagage de connaissances, hérité quasi-exclusivement de mes lectures WFB, s’est en effet avéré insuffisant pour couvrir l’organisation ecclésiastique du clan Morbidus1, autour de laquelle Guymer construit l’intrigue de la nouvelle. Entre les noms, les titres et les relations de pouvoirs des membres du Lycée des Lecteurs du Clan, il est assez facile de s’emmêler les moustaches au sujet de qui veut faire quoi et tuer qui. Personnellement, cette approche « rentre dedans » me plaît davantage que la tendance inverse, consistant à tout expliquer, souvent de façon très scolaire – et donc assez ennuyeuse – pour être sûr de ne pas perdre le lecteur, surtout si ce dernier a des chances d’être neuf dans le Zhobby. Inferno! étant un produit plutôt destiné aux vétérans de la BL, le choix de Guymer m’apparaît tout à fait valide, et assez valorisant pour le public, qui appréciera sans doute qu’on ne le prenne pas pour le dernier des noobs (même si nous sommes tous passés par là).

Deuxièmement, la forme est donc également une source de satisfaction. On se trouve en présence d’une vraie nouvelle, dont l’intrigue se développe et mature au fur et à mesure que les motivations et les projets des trois personnages principaux sont présentés. Les péripéties s’enchaînent de façon convaincante, alternant entre intrigues et confrontations, parfois violentes, de nos cardinaux scrofuleux. Enfin, la conclusion vient illustrer de façon adéquate pourquoi les Skavens, malgré tous les avantages à leur disposition par rapport aux autres factions d’Age of Sigmar, n’ont pas réussi à conquérir les Royaumes Mortels (et n’y arriveront sans doute jamais). Cette tendance à l’auto-destruction, de manière spectaculaire, douloureuse et distrayante (vue de l’extérieur) est en effet une marque de fabrique de cette noble race, et il aurait été déplacé de ne pas y faire référence.

Enfin, le fond est lui aussi à l’honneur dans The Unlamented…, Guymer parvenant à retranscrire de belle manière le fonctionnement et les luttes intestines du Clan Morbidus, tout en nourrissant généreusement son lectorat d’éléments fluff sur l’organisation de ce dernier, sa place dans la société skaven et son territoire au sein de Vile Ville. Même si la nouvelle ne contient pas de révélations majeures sur le background raton, elle est suffisamment bien écrite pour satisfaire l’amateur, qui en retirera des éléments intéressants, et une meilleure compréhension de l’organisation (ou de son manque) des suivants du Rat Cornu. Bref, un très bon cru que The Unlamented Archpustulent of Clan Morbidus, et un mètre étalon raton à garder en tête pour les prochaines soumissions de David Guymer.

Et pourtant, j’ai une copie des Uniformes et Héraldiques Skavens, dans lequel le Clan a été introduit

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The Siege of Greenspire – A. Stephens :

INTRIGUE:

The Siege of GreenspireAmbiance tendue dans la tour de guet de Greenspire, dirigée par la Capitaine vétéran Brida Devholm. Éprouvée par des accrochages de plus en plus fréquents avec les mutants et les Tzaangors hantant le Hexwood, sa garnison est en sous-effectif, et les nouvelles recrues qui lui ont affectée en renfort ne se montrent guère à la hauteur des espérances de l’officier. En témoignent les maladresses de Kende, un paysan fraîchement reconverti dans les choses militaires, et qui commence la nouvelle en fracassant un tonneau de poudre noire sur le sol, avant d’être pris en train de roupiller à son poste quelques heures plus tard en compagnie d’une autre novice, Raella. Fort heureusement, Brida peut également compter sur la compétence et le dévouement de ses frères d’armes, à commencer par ceux de son second, le Lieutenant Duardin Drigg, et du Sergent Brock, tout juste revenu d’une mission d’approvisionnement l’ayant mené à Fort Gardus. Chargeant chacun de la supervision d’un des pioupious mal dégourdis, elle organise avec une anxiété croissance la préparation de Greenspire à une nouvelle attaque chaotique, qui ne saurait malheureusement tarder.

Les choses prennent un tour encore plus sombre lorsque Drigg découvre à la faveur d’un contrôle de routine que l’un des canons de la tour a été saboté. Un peu plus tard dans la même journée, ce sont les cas de gastro-entérite aiguë qui se multiplient, reléguant une bonne partie de la garnison aux toilettes de l’infirmerie. La nature suspicieuse de Brida ne met pas longtemps à la convaincre qu’un traître est à l’oeuvre à l’intérieur de la tour, mais le temps lui manque pour effectuer une enquête poussée: la vigie signale en effet l’arrivée d’une horde d’emplumés, qu’il s’agit de repousser bellement avant que justice ne puisse être rendue. Malheureusement pour la milice de la Justice de la Dame, l’agent double n’a pas chômé, et ils découvrent bientôt que la totalité de leur stock de poudre est impropre à l’utilisation, tandis que le feu d’alerte au sommet de Greenspire refuse obstinément de passer au rouge (c’est bien la première fois que quelqu’un s’en plaint), et ainsi de signaler aux tours voisines la situation périlleuse dans laquelle Brida et ses hommes se trouvent. Les soupçons de cette dernière se portant sur ce bon à rien de Kende, ainsi que sur la préposée aux canons Orla, dont les agissements au cours des dernières heures lui apparaissent comme hautement suspects, la Capitaine ordonne à Brock de les placer en détention le temps que l’attaque soit repoussée, si elle peut encore l’être…

Début spoilerPrivés de la puissance de feu de leurs canons et arquebuses, les défenseurs ont toutefois les pires difficultés à calmer les ardeurs homicidaires de la ménagerie de Tzeentch, qui commence à escalader les murs avec abandon. Cette situation précaire est irrémédiablement compromise lorsque Brock, qui se révèle être le traître (son petit aller retour en solo sur les routes de campagne de Ghyran ne lui ayant pas porté chance), ouvre les portes de la tour aux assaillants, avant de se faire empaler par un magnifique jet de lance de sa boss. Bien que le mal soit fait, ce javelot cathartique permet au moins au feu alchimique de la tour de passer au rouge, le sort de greenwashing lancé par Brock sur la flamme s’interrompant avec sa mort. Comprenant sa méprise, Brida rallie les survivants pour un confinement héroïque au premier étage de Greenspire, et profite d’une bévue stratégique de la part des Hommes Bêtes pour leur clouer le bec d’une façon définitive, en concoctant une bombe artisanale coupée à la farine avec ses stocks de poudre impropres à la consommation. L’explosion fait un carnage chez les Tzaangors et leurs animaux de compagnie, qui battent en retraite de façon chaotique (c’est fluff), permettant à Brida et ses troupes de reprendre possession de leurs pénates.

Lorsque la cavalerie l’infanterie finit par arriver, la bataille est déjà remportée, laissant un goût amer à Brida du fait de la trahison d’un frère d’armes de vingt ans, dont la dernière infamie a été d’exécuter Kende et Orla au lieu de les emprisonner au moment de l’attaque. Moralité: ne jamais se séparer en groupes de un (depuis le temps qu’on vous le dit!), c’est vraiment contre-productif. Les états d’âme de la Capitaine sont toutefois rapidement remisés au second plan, car, une à une, toutes les tours voisines de Greenspire déclenchent leurs feux de warning, signe d’une attaque massive et coordonnée sur la Ligne Émeraude. Le Gondor appelle à l’aide! Ou quelque chose comme ça…Fin spoiler

AVIS:

Début satisfaisant de la part d’Anna Stephens, qui choisit pour l’occasion de disserter autour de thèmes classiques de ce genre de littérature: le dernier carré épique d’un petit groupe de héros et la présence d’un traître parmi ce même groupe de gens de bonnes mœurs. Mission remplie sur les deux tableaux, même si la brièveté de la nouvelle se ressent sur l’une et l’autre des dimensions narratives choisies: la bombe F (comme farine) concocté par Brida et Cie s’avère d’une efficacité redoutable, tout comme la culpabilité de Brock crèvera les yeux du lecteur familier des romans policiers. En 17 pages, difficile de faire mieux (c’est à dire plus complexe), et quand on compare The Siege of Greenspire à From the Deep, autre récit inaugural d’une auteur bien établie mettant en scène la défense par l’Ordre de ses terres (ou mers) devant l’attaque d’armées chaotiques, on se dit que l’on a définitivement gagné au change. On notera également la fin à suspens dont Stephens gratifie son récit, qui débouchera peut-être sur d’autres textes détaillant ce qui semble être un assaut de grande ampleur des Bêtes du Chaos sur Hammerhal-Ghyra. C’est osé pour une première soumission, mais après tout, les éditeurs de la BL ont laissé faire, donc pourquoi pas…

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Ghosts of Khapthar – M. A. Drake :

INTRIGUE:

Ghosts of KhaptharLa Mer de Khapthar, en Shyish, est tarie. Si on peut remercier les plombiers Skavens pour ce haut fait d’ingénierie appliquée (qui a tout de même provoqué de légers dégâts des eaux et des os dans Vile Ville), ce drainage sauvage n’a pas fait que des heureux, en particulier les habitants de l’enclave Idoneth de Khapthar, que cet assèchement subit autant que subi a placé sous le regard furibard de Nagash (qui n’apprécie guère qu’on lui pique des âmes quand il a le dos tourné). S’étant absentée avec sa partie de chasse pour faire du spiritisme sur les côtes avoisinantes au moment des faits, la Soulrender Akhlys ne peut que constater l’étendue (boueuse et salée) du désastre, et se détourner de sa patrie, désormais perdue, pour entreprendre le périlleux voyage jusqu’à l’enclave la plus proche, Mor’phann. En plus de devoir passer par des territoires tenus par les suivants du Grand Nécromancien, les Idoneth doivent également composer avec la rarification  des courants éthériques qu’ils mettent à profit pour se déplacer,  condamnant leurs poissons de guerre à une asphyxie rapide, et – plus grave – notre héroïne à se débarrasser de son casque cérémoniel, bien trop lourd et encombrant pour être porté à l’air libre. Bref, c’est la lose.

Escortée d’un Tidecaster traditionaliste (Tethyssian), d’un trio d’Akhelians démontés et d’un groupe de Namarti rendus encore plus obtus qu’à l’accoutumée par cette crise inédite de liquidité, Akhlys choisit de privilégier une approche furtive lors de la traversée de l’Isthme Blanchi, qui relie la nouvelle Mer Morte de Shyish – c’est dans l’esprit me direz-vous – au Quagmire qui abrite Mor’phann. Cependant, les survivants auraient grand besoin de récupérer des âmes en route, d’abord pour remettre sur pieds les blessés qu’ils transportent avec eux, mais également redonner du pep’s et des yeux runes brillantes à leur contingent de Namarti, et, pourquoi pas, avoir de quoi monnayer leur passage jusqu’à Mor’drechi auprès des autochtones1. Cela tombe bien, un village fortifié se trouve sur leur route, et nos Idoneth mettent à contribution les malheureuses sentinelles qui croisent leur route pour se requinquer, l’altruiste Akhlys décidant de claquer ses âmes mal acquises au bénéfice de la classe laborieuse des Idoneth, plutôt que les garder de côté pour plus tard.

La progression de la cinquième colonne finit toutefois par être repérée par les natifs, qui se mettent à donner la chasse aux militants de Sea Shepherd, juchés sur leurs échasses et tromblons à la main (un beau mélange). Ils peuvent également compter sur le support de la milice locale, constituée des cadavres animés de leurs anciens, et sur l’appui aérien prodigué par Batgirl, une vampire ailée à faux cils et faucille, ne se déplaçant jamais sans ses nuées de chauve-souris de compagnie. La nouvelle change alors de rythme, et se mue en retraite stratégique/course éperdue vers l’océan, qui n’est bien entendue pas sans prélever un lourd tribut parmi les Deepkin. Lorsque ces derniers parviennent, après avoir remporté de haute lutte cette course à la mer, à se mettre enfin à l’eau, ils ne sont plus qu’une poignée, dont l’increvable mais bien crevée Akhlys, dont la trépanation sauvage de la suceuse de sang a plongé le reste des poursuivants dans la confusion. Il sera temps plus tard de se soucier de l’accueil réservé par les Mor’phann à leurs cousins mergains, pour l’heure, notre héroïne profite d’une thalassothérapie bien méritée, même si les vagues de la Quagmire ont une qualité huileuse assez particulière. Comme quoi, l’herbe peut être plus verte chez le voisin, mais l’eau n’est pas forcément plus propre.

1C’est bien connu, les Mor’phann sont des morfales (d’âmes).

AVIS:

Cette nouvelle soumission consacrée par Drake aux Idoneth Deepkin s’inscrit dans la droite lignée de The Harrowing Deep, publié quelques jours avant la sortie de Oaths & Conquests. On y retrouve le parti pris de l’auteur de plonger sans ménagement son lecteur dans les arcanes du fluff de la faction des Aelfs nautiques, en abreuvant largement ce dernier de références (en particulier géographique) dont il devra se dépatouiller comme un(e) grand(e). Subtilité/complexité supplémentaire, Miles Drake intègre à son intrigue des éléments de background tirés de Malign Portents, où il est pour la première fois (à ma connaissance) fait mention de l’enclave de Khapthar, et des conséquences de ce relativement nouvel arc narratif, comme le drainage de la Mer de Khapthar. Au final, si vous n’êtes pas un minimum familier avec la civilisation des Idoneth (en particulier leur dépendance aux courants éthériques) et avec le néo-fluff des Royaumes Mortels, il se peut que vous ayez un peu de mal à vous repérer dans cette histoire, qui est sinon assez simple dans sa construction (une petite bande de survivants doit aller d’un point A à un point B sans se faire repérer). J’ai d’ailleurs trouvé The Harrowing Deep plus intéressant à lire, car Drake y livrait une double intrigue (la chasse au gros d’un côté et la rivalité entre les héros de l’autre), alors que Ghosts of Khapthar se rapproche de la nouvelle d’action made in BL, dont le but premier est de romancer une bataille pour permettre à une partie du bestiaire de la faction mise en avant de s’illustrer au combat. Dommage que l’auteur ait terminé son propos avant qu’Akhlys et ses derniers suivants n’aient fait leur jonction avec leurs cousins Mor’phann: assister à la rencontre des ressortissants de deux enclaves Idoneth aurait été intéressant, car les relations ne semblent pas au beau fixe (ou au Grand Bleu) entre les habitants de Bikini Bottom.

Au titre des satisfactions, relevons la touche d’exotisme que Drake insuffle à son récit avec sa description des pêcheurs de Shyish, qui avec leurs échasses, leurs arquebuses et leurs accessoires de bois flotté et plumes de mouettes, s’avèrent être hauts en couleurs. En comparaison, la vampire qui sert d’antagoniste principale apparaît comme assez quelconque, et pas vraiment mémorable. Une nouvelle plus compliquée que complexe au final, et s’adressant davantage aux fluffistes acharnés d’Age of Sigmar qu’aux lecteurs casu’ de la BL, même si la marche n’est pas inatteignable pour les seconds.   

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Bossgrot – E. Gregory :

INTRIGUE:

BossgrotGribblak, boss du Gobbolog Skrap, rencontre un problème de leadership des plus sévères, qui pourrait bien remettre sa place dans la hiérarchie, ainsi que son intégrité physique, en question. Après une nouvelle bataille catastrophique contre un ramassis de cultistes de Khorne ayant eu la mauvaise idée de faire du camping sauvage dans le parc privé du Loonking, s’étant soldée par une débâcle inqualifiable et la perte de nombreux bons Gits (et d’un Gargant nommé Hurg), Gribblak réunit son Gobex et lui soumet son projet de conquête du jusqu’ici inexpugnable Mont Pizmahr, sur lequel toutes les armées envoyées par Skargrott se sont jusqu’ici cassé le nez (qu’elles ont pointu). Rien de tel qu’une randonnée sous les boulets de canon pour booster le moral des troupes, pas vrai? À sa grande surprise, ses fidèles conseillers, par la voix du chamane Oghlott, expriment un avis contraire de façon très marquée, et enfoncent le clou en révélant au bienheureux Gribblak1 que sa côte de popularité auprès de l’homme de la rue, ou dans notre cas, du Gob’ du tunnel, est abyssalement basse, et qu’il ferait mieux de se faire oublier quelques temps s’il ne tient pas à finir en croquettes de squig. 

« Basses menteries et piteuses billevesées! » s’exclame Gribblak2, qui décide d’aller prendre le pouls de l’amour que ses troupes lui portent en se rendant incognito (une capuche noire suffit, c’est l’avantage avec les Gobelins de la Nuit) dans les baraquements du Skrap. Et là, surprise et désappointement, il se révèle bien que tous ceux auxquels il parle nourrissent de bien sombres desseins à son égard, et ne rêvent que de le voir périr de la façon la plus divertissante possible. Comprenant qu’il n’est plus le bienvenu parmi les siens, et proprement renversé par le putsch tramé par ce traître d’Oghlott pendant qu’il faisait du micro-trottoir, Gribblak décide de montrer au monde de quel bois il est fait et de prouver à tous que le peuple le plus brave de la Gaule, c’est lui! Ou quelque chose comme ça. En tout état de cause, il profite du tumulte pour aller chercher son véhicule de fonction (un beau duo de Manglers) au sous-sous-sol, et partir en catimini et en laissant ouvert l’enclos à squigs, car sinon c’est pas drôle.

Les problèmes se succédant les uns aux autres, il se rend rapidement compte qu’il n’a jamais passé le permis S, et s’il parvient à diriger sa deux chevaux squigs dans la bonne direction, il bute en revanche sur l’usage du levier de vitesse. Repéré par les gardiens du Mont Pizmahr, l’audacieux Git se fait canarder de toute part, crève un pneu, puis l’autre, pour finir catapulté sur le toit d’une des bâtisses du camp retranché maintenu par les cités de Sigmar sur cette montagne. N’ayant heureusement pas été repéré par les zoms qui ont bassement plombé ses montures, notre héros réalise qu’il s’est attaqué à un trop gros morceau, et qu’il sera déjà chanceux de faire ce que la Mauvaise Lune sait faire de mieux: s’éclipser. Trahi par la ferraille mal entretenue qu’il trimbale sur lui, Gribblak attire l’attention de la garnison, mais parvient à subtiliser une arquebuse à l’un de ses poursuivants avant de s’élancer dans un zig-zag éperdu qui finit par l’amener devant un Celestial Huricanum expérimental, en pleine opération de divination…

Début spoiler…Se souvenant sans doute qu’il appartenait à la Grande Alliance de la Destruction, et peu favorablement impressionné par la luminosité de l’engin, qui lui rappelle celle de son pire ennemi (le soleil), Gribblak commet l’inévitable et l’irréparable en déchargeant sa pétoire volée sur l’instrument arcanique, prestement imité en cela par une bande d’arquebusiers peu finauds cherchant à le mettre hors d’état de nuire. Bien évidemment, ces échanges de tir ont des conséquences catastrophiques, et le fort de Pizmahr finit par être réduit en poussière suite à l’explosion de la machine infernale, mais pas avant que Gribblak ait trouvé le moyen de se carapater. 

Ayant retrouvé par hasard le chemin de son Skrap, devenu SGF pour cause de dégâts des squigs majeurs, notre héros est tout prêt à se laisser abattre et manger (et pas nécessairement dans cet ordre) par ses congénères, lorsque ces derniers, rendus conciliants par l’ingestion de vastes quantités de space cake, sont témoins de la fin enflammée de Pizmahr, et comprennent que leur boss a tenu parole et conquis à lui tout seul cette place forte imprenable. Devant un tel exploit, il serait mesquin de leur part de lui tenir rigueur de ses erreurs passées, et voici Gribblak renommé séance tenante Boss du Gobbolog Skrap, sous les yeux dépités mais résignés d’Oghlott. A Star Moon is born.Fin spoiler

1: En même temps, ce serait déplacé que de lui reprocher d’avoir la tête dans la lune: il a tout fait pour et en est très fier, merci pour lui.
2Enfin, il aurait certainement dit ça s’il avait le vocabulaire nécessaire. En l’occurrence, il s’est contenté d’un « céfô ».

AVIS:

Eric Gregory signe une petite nouvelle très rigolote1, et presque émouvante par endroit (ce pauvre gobbo que personne n’aime alors qu’il se croyait populaire… c’est d’un triste!), qui ferait presque figure de fable dans le monde cruel et sanglant d’Age of Sigmar. Oubliez La Petite Poule Rousse (The Little Red Hen en VO, d’où vient l’expression « the little hen that could« ), place au Vaillant Petit Gobelin, qui a réussi – sur une succession de gros coups de bol, il faut le reconnaître – à regagner l’estime de sa tribu et enlever une forteresse qui résistait aux armées de Loonking. Bon, il a probablement causé la mort de quelques dizaines de braves soldats et mages humains, qui étaient sans doute de bons bougres, mais on n’est pas à quelques victimes collatérales près. Il est rassurant de voir que la Black Library n’a pas complément fermé les vannes du second degré en matière de GW-Fiction, et autorise de temps à autre un de ses auteurs à soumettre ce genre de nouvelles. Après le positivement répugnant Gloomspite d’Andy Clark, dépeignant la faction sous son (absence de) jour le plus détestable et sadique, une alternance plus légère complète bien le « spectre » gobelinoïde dans la littérature BL. Il en faut pour tous les goûts.

1: Ma punchline préférée étant « ‘You boys remember,’ Vork interrupted, ‘when we lost a lair to those trees? Trees in a cave. I never.’ »

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Ashes of Grimnir – M. Hollows :

INTRIGUE:

Ashes of GrimnirLa Loge d’Ealrung traverse une bien mauvaise passe. Située dans un petit volcan de Shyish, elle est assiégée ad vitam aeternam par les hordes désincarnées de Nagash, décidément guère partageur. Sentant la fin arriver sous peu, le Runemaster local, Orrag-Un, en est réduit aux mesures désespérées et se déverse un kilo de coke1 sur le pif, pendant que ses coreligionnaires chantent « pin-pon » (le chant secret des Fireslayers, qui leur permet de résister à la chaleur du magma) autour de lui. Inspiré par l’expérience, il subit plusieurs visions, à commencer par un petit teaser de la chute prochaine de la forteresse, mais parvient tout de même au bout de plusieurs tentatives à visionner le tuto « comment éviter l’annihilation (quand on est petit et roux) » sur la chaîne YouTube personnelle de Grimnir. La réponse divine, qu’il s’empresse de rapporter au Père des Rune Ealgrum-Grimnir et à sa cour (après avoir terminé son bad trip), est d’une simplicité enfantine : il faut que les Fireslayers aillent récupérer l’ur-or qui les attend dans la montagne de chez Smith d’en face. Problème, Ealgrum est moyen-chaud (un comble pour un Fireslayer) pour envoyer des guerriers dans une quête annexe, alors que la survie de la PME familiale est sévèrement menacée. Qu’à cela ne tienne, son unique fille, Varga (Agnès de son premier prénom), est prête à rendre son vieux pôpa fier en allant chercher le bling avec quelques volontaires pendant que ses douze frères se contentent de faire des nœuds dans leur barbe d’un air gêné. Girl powaaa.

Accompagnée par Groggni, Oncle des Runes par la force des choses, le fyrd de ce dernier, un apprenti Runesmither raté (Ongrad) et un Berzerker à l’épiderme plus brillant que sa conversation (Ardvig), Varga part en direction de la montagne que lui a indiqué Orrag-Un, qui se trouve être la même vers laquelle son 13ème frère Grumgran s’est dirigé il y a des années, lorsqu’il a tenté (sans succès notable) d’ouvrir une franchise indépendante. Bien évidemment, les morts sans repos ne comptent pas laisser passer les Duardin sans leur jouer de vilains tours, comme leur souffler froidement dans le cou au passage, ce qui est très désagréable. La première embuscade, coordonnée par une Gardienne des Âmes mal-aimable, permet à notre petite troupe de gagner des points de style en fourrageant des spectres de bas niveau (comprendre qu’aucun personnage nommé plus de deux lignes avant ne meurt). Varga fait sa part du travail et mène par l’exemple en (tentant de) piquer à re-mort les assaillants avec vigueur, mais des résultats aléatoires. Saleté de règle spéciale « Éthéré ». Heureusement, Advig le fan de runing2 est là pour dissoudre les ectoplasmes entreprenants, et la petite troupe peut bientôt repartir.

Arrivés à destination, les quêteux se rendent rapidement compte que cette dernière a été aménagée par la main de l’homme/du nain. Jonchées de cadavres plus ou moins décomposés, les galeries souterraines s’avèrent être désertes, mais alors qu’ils se rapprochent du cœur de la montagne, les morts se mettent soudainement à se réveiller…

Début spoiler…Je suis sûr que vous ne vous y attendiez pas. Tout comme vous ne vous doutiez pas qu’à leur tête se trouve Grumgran, un peu moisi mais toujours vaillant. Que de surprises. Bref, c’est de nouveau la baston, et c’est cette fois plus dur pour les Fyreslayers, qui perdent même leur meilleur combattant lorsqu’Ardvig se fait faire une cravate colombienne par ce farceur de Grumgran en combat singulier. Croyez-le ou non, l’expérience se révèle être fatale pour le Berzerker3. Pas de quoi décourager Varga, cependant, qui loote le cadavre en récupérant non seulement la hache runique de son comparse, mais également sa rune de gonflette (qu’Ongrad lui cloue sur le biceps en pleine bataille) pour pouvoir manier l’engin avec plus de facilité. Il n’en faut pas plus pour que notre héroïne calme les ardeurs sororicides de son bro’ en quelques moulinets. Trop facile.

Cette bataille remportée, les survivants sont libres d’aller piller la salle du trésor, qui contient une quantité faramineuse d’ur-or. Ayant rempli leurs coffres, ils prennent le chemin du retour le cœur léger… et arrivent trop tard pour sauver leur forteresse. Gag. Ils sont cependant aux premières loges (mouahaha) pour assister à la chute de cette dernière, et entendre le dernier cri d’Ealgrum-Grimnir (« Nagash, viens ici que j’te bute sale enc- ») avant que la poussière retombe sur les ruines de leur foyer. Jurant de revenir relever l’Ealfort et venger sa famille, Vagra est contrainte d’aller se chercher un autre QG ailleurs dans les Royaumes. C’est pas la mort après tout.Fin spoiler

1 : Hollows a beau dire qu’il s’agit des cendres des ancêtres de la Loge, je ne pense pas qu’une substance aussi banale aurait des effets aussi puissants.
2 :  À ne pas confondre avec le running. Le runing c’est comme le tuning, mais avec des runes.
3 : Je le souligne car l’auteur prend le soin de préciser qu’Ardvig était déjà mort lorsque Varga parvient à le rejoindre après qu’il ait été presque décapité par son frangin. Logique. Il aurait dû investir dans une Rune de Préservation.

AVIS:

Michael J. Hollows signe avec Ashes of Grimnir une honnête nouvelle filler, et fait donc ses débuts au sein de la Black Library sans se faire remarquer, ni en bien ni en mal1. En choisissant de mettre en scène une faction (les Fyreslayers) dans une de leurs occupations iconiques (le scrap-booking la recherche d’ur-or perdu), l’auteur fait œuvre de vulgarisation fluffique, ce qui est l’une des lignes éditoriales de Nottingham, ne l’oublions pas. Petit twist dans un tableau sinon très (trop) classique, l’utilisation par Hollows d’un personnage principal féminin, Varga, en lieu et place du héros velu2 que nous étions en droit d’attendre ici, pourra être perçu soit comme une addition bienvenue, soit comme un quota « diversité » requis par l’époque, selon le point de vue depuis lequel on se place.

La randonnée mortelle de la Sharon Stone de Shyish (vu son amour pour le meurtre au pic – peut-être à glace – ) et de ses ouailles, s’il elle se révèle aussi mémorable qu’un sommaire de Battle Tome, permet au moins à l’auteur de glisser quelques références culturelles et arcaniques bienvenues, comme ce « clouage de runes » improvisé pendant le combat final, que je ne m’imaginais pas vraiment comme ça, mais maintenant c’est canon. Reste à évoquer la conclusion du récit, et les conséquences aussi tragiques que surprenantes (en termes de déroulé de l’intrigue) du retour tardif de Varga jusqu’à son camp de base. Illustration que la prophétie n’est pas une science exacte, ou perche (magmatique) auto tendue par Michael J. Hollows pour convaincre la BL de le refaire bosser sur la suite de la saga de sa Fifi Brin d’Acier personnelle ? À vous de voir. À noter les points communs entre Ashes of Grimnir et La Route de Volturung (le Berzerker abruti, le Maître des Runes paria), même si la longue nouvelle de Haley est bien supérieure à celle de Hollows.

1Je m’attendais à bien pire après avoir lu sur le blog Track of Words (qui chronique de façon semi-officielle les sorties de la BL) que son auteur se refusait à faire une revue de ‘Ashes of Grimnir’, car il n’avait pas été emballé par la nouvelle et ne souhaitait pas écrire de critique négative (ce qu’il ne fait effectivement jamais, même lorsque votre humble serviteur considérerait qu’un peu de vitriol ne ferait pas de mal). À ma connaissance, le malheureux Hollows a été le seul contributeure de la BL à recevoir un tel traitement, j’étais donc aussi curieux qu’inquiet de lire de quoi il en retournait.
2Je ne me prononcerai pas sur la présence de barbe ici, le débat faisant encore rage parmi les experts.

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Blessed Oblivion – D. Lucas :

Blessed OblivionINTRIGUE:

S’il y a bien une constante dans le monde professionnel, ce sont les effets débilitants et démoralisants que la routine peut avoir sur les travailleurs. Dans le cas, certes assez extrême, de notre héros, le Liberator Klytos de l’ost des Celestial Vindicators, cette routine est littéralement mortelle. Comprendre que le (quasi) quotidien de notre armoire à glace turquoise est de se faire déboîter, éventrer, décapiter, piétiner, empaler, et j’en passe, ce qui le contraint à de fréquents passages sur l’Enclume de l’Apothéose, où il perd à chaque fois des souvenirs de sa vie passée. Et ça, Klytos le vit très mal1. Alors, avant chaque bataille, il passe en revue les éléments – de moins en moins concrets – qu’il lui reste de son existence de mortel : le visage de sa femme et de son bébé, les mains de son père (ou d’un vieux type, il ne sait plus trop). Déployé avec sa cohorte sur une mission humanitaire en Shyish, Klytos n’a pas à attendre longtemps avant d’être à nouveau renvoyé à la case l’enclume départ, après s’être fait ouvrir en deux comme une huître par un Exalted Deathbringer amateur de poésie (et de hache à deux mains).

Etant arrivé devant les Six Forgerons juste au retour de leur pause pipe (je les vois mal fumer autre chose), notre héros bénéficie d’une remise en état expresse, et est renvoyé sur le terrain très rapidement, où il retrouve ses camarades éprouvés mais victorieux. Ayant à nouveau perdu un peu de sa mémoire, il sombre dans une rêverie morose tandis les autres Liberators de son unité se livrent chacun à leurs propres rituels post-traumatiques (grosse ambiance chez les Stormcast Eternals). C’est dans cet état contemplatif que son supérieur, le Liberator-Prime Gracchus le trouve. Après avoir proféré quelques politesses mensongères mais motivantes2, Primo décide que le mieux pour Klytos est d’aller voir là-bas s’il y est, ou « mission de supervision de la sécurisation du périmètre allié », comme on dit à Azyrheim. Envoyé se dérouiller les solerets dans les collines avoisinantes, Kly’ tombe par hasard sur une scène de combat opposant un couple de hipsters à un groupe de beaufs. Classique. Sauf qu’à la place des hipsters, il s’agit en fait d’un bretteur et d’une sorcière Aelfe, le premier n’hésitant pas un instant à donner sa vie pour que la seconde puisse jeter un sort mortel aux importuns, en couchant la plupart. Les survivants, un duo de Skullreapers chaperonné par un Slaughterpriest faucheur, n’ont cependant pas de mal à capturer la donzelle pendant la recharge de son blast, et l’histoire se serait sans doute mal finie pour elle sans l’intervention héroïque de Klytos, qui parvient à occire les deux goons. Malmené par le maxi mini-boss, le Liberator se voit déjà repartir à la reforge, mais est à son tour sauvé par l’intervention de la sorcière, qui fait dévorer le prêtre par des lombrics de lumière. Awesome.

L’ennemi vaincu, les deux vainqueurs socialisent un peu. L’enchanteresse révèle s’appeler Lichis Evermourn, et être en mission secrète pour récupérer une pierre de royaume cachée dans une maison de campagne abandonnée par son couvent dans l’arrière-pays de Shyish. D’abord peu intéressé par la quête de celle qu’il considère avec méfiance après l’avoir vu égorger son malheureux compagnon (malgré le volontariat de ce dernier), Klytos se fait finalement convaincre par Litchi de lui servir de garde du corps, en échange d’une mémoire restaurée grâce à la magie de la pierre en question. Adieu, veau, Vindicators, cochon, couvée, notre héros déserte et s’embarque pour un trek en pays ennemi avec sa nouvelle patronne. Au bout de quelques jours de marche, les deux lascars arrivent en vue d’une bâtisse qui semble abandonnée… mais ne l’est pas tout à fait. Deux honnêtes cambrioleurs sont en effet à pied d’œuvre lorsque Klytos et Lichis arrivent, ce qui ne plait pas du tout à cette dernière, qui les bouledefeu-ise sur le champ afin de s’assurer qu’ils n’ont pas récupérer la précieuse pierre sur un malentendu. Evidemment, cela ne plaît pas vraiment à Klytos, qui, de rage… se débarrasse de son casque. Chacun ses méthodes de gestion de la colère.

Rassurée que le grisbi est toujours à sa place, Lichis entraîne son preux mais plus très motivé chevalier servant en sous-sol, où se trouve une crypte. Klytos réalise, un peu tard, que la sorcière n’est qu’une voleuse de tombes de bas étage, ce qui le rend chafouin, mais ses états d’âme sont remis à plus tard lorsque le gardien des lieux se matérialise après que Lichis ait commencé à incanter pour briser le sceau protégeant la pierre. Confronté au cousin germain de Kedrek, Klytos a bien du mal à se faire respecter du Knight of Shrouds en furie et en voix qui se met à le tataner sévère. Entre deux formules ésotériques, Lichis parvient toutefois à balancer un hack à son palouf de compagnie : « Utilise la Force Foi, andouille ! ». Et le pire dans tout ça, c’est que ça marche. Puisant dans des ressources insoupçonnées, Klytos parvient à aligner suffisamment de 6 sur ses jets de dés pour envoyer Shroudie au tapis. Bien joué gamin. Le gardien vaincu et la pierre du royaume récupérée, tout s’annonce pour le mieux pour notre héros, qui insiste pour que mémoire lui soit rendue, malgré la réticence de Lichis…

Début spoiler…Et pour cause, Klytos ne tarde pas à réaliser qu’il a, en fait, vécu une bonne vie de m*rde. Sa femme s’est fait tuer par un pillard, qui a enlevé sa fille alors qu’elle était bébé. Son père a fait une overdose de chloroquine avariée, et a fini comme un légume sans qu’il ne trouve la force de mettre fin à ses souffrances. Sa mère est morte quand il était jeune, frappé à la tête par le sabot d’une mule grincheuse. Les gens du village d’à côté se sont entre-dévorés lorsque la famine s’est déclarée un hiver. Il a eu plusieurs fois la gastro et s’est souvent cogné le petit orteil sur le coin de son armoire. Ça fait beaucoup. L’épilogue de notre histoire voit Klytos, que cette épiphanie malvenue a plongé dans la folie, ressortir de la crypte et tomber sur une nouvelle bande de brocanteurs opportunistes (ça commence à faire beaucoup), auxquels il demande gentiment de le tuer, sous peine de mort. Confus par cette requête aussi extrême que contradictoire, les pillards décident de battre en retraite, mais pas avant que Klytos le dingue en ait découpé deux pour leur peine. Si seule la mort met fin au devoir, il n’y a plus qu’à espérer qu’elle mette aussi fin à la mémoire, mais rien n’est moins sûr…Fin spoiler

1 : On pourrait arguer qu’il n’avait qu’à être meilleur à son taf’ au lieu de claquer aussi souvent, comme un noob. Ce serait vrai, mais peu charitable.
2 : Gracchus complimente Klytos en lui disant qu’il s’est bien battu ce jour. À moins qu’il ait aussi des problèmes de mémoire, il ne lui aura pas échappé que son protégé s’est fait sortir dans les deux premières minutes de la bataille…

AVIS:

Surfant sur la vague du Stormcast Blues, cette nouvelle introductive de Dale Lucas dépeint avec justesse l’autre côté du masque de bataille des colosses en sigmarite, qui malgré leurs abords stoïques, restent sujets à des doutes et peurs bien humains. Le personnage de Klytos, tenaillé par son devoir envers Sigmar, qu’il vénère par-dessus tout, et son désir – assez légitime – de ne pas perdre tout souvenir de sa vie précédente, offre un mélange complexe de sentiments tourmentés au lecteur, en plus de poser quelques questions intéressantes en matière de fluff (et si l’amnésie progressive des Stormcast Eternals était finalement une bonne chose pour eux ?). À ce rythme là, nous n’aurons guère à attendre avant que la BL ne nous propose des histoires de Stormcast renégats, ou en tout cas émancipés de leur curatelle divine, ce que je suis tout prêt à lire !

Plus sombre et psychologique que la nouvelle Stormcast Eternals classique, Blessed Oblivion a également la bonne idée de mettre en avant une sous-faction assez peu représentée jusqu’ici, les Darkling Covens, et leur rapport pour le moins particulier au concept d’Ordre. Les frictions entre Klytos et Lichis se font ainsi l’écho de l’hétérogénéité des philosophies des différentes cultures que Sigmar et son panthéon ont rallié sous leur bannière, thématique riche de potentiel encore peu explorée par les auteurs de la Black Library, qui ont pour le moment privilégié les coopérations « faciles » dans leurs ouvrages (ceux que j’ai lu en tout cas). Avec autant d’idées pertinentes, et plutôt bien développées, à son actif pour une première soumission, Dale Lucas se positionne naturellement parmi les rookies à suivre de la BL, en espérant que cette dernière poursuive sa collaboration avec cet auteur déjà établi.

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Blood of the Flayer – R. Strachan :

Blood of the FlayerINTRIGUE:

Dans la vie, il y a des gens qui ne sont jamais contents: Alain Souchon, la mère de l’artiste précédemment connu sous le nom de Prince, ou encore le Seigneur Huthor. Au hasard. Comme vous pouvez vous en douter, notre histoire porte sur le dernier de ces trois individus1, chef d’une bande de Maraudeurs chaotiques tout ce qu’il y a de plus vanille sévissant dans le Royaume de Chamon. Connu sous le nom d’Écorcheur, à cause de sa tendance à mal prononcer le nom de ses interlocuteurs, mais aussi son penchant pour le dépeçage, Huthor voue aux Kharadron Overlords une admiration mêlée de profonde détestation, et aimerait bien aller dépiauter les Duardin volants qui sillonnent les cieux du Royaume, vœu pieux pour le moment. Gardez bien ça en tête, on en aura besoin plus tard.

Approché par la sensuelle et aguicheuse Dysileesh, godseeker à plus d’un titre, au sortir d’un petit pillage de village, Huthor accepte de souscrire à une offre de découverte des plaisirs Slaaneshi, sans obligation d’achat. Car s’il y a bien une chose qui vénère notre ombrageux héros, c’est qu’on lui dise – justement – qui vénérer. En attendant, c’est la belle vie pour l’Écorcheur et ses disciples, qui se vautrent dans le stupre et la fornication avec abandon. À tel point que Dysileesh finit par accoucher d’un garçon, Vhorrun, dont la paternité reste sujette à débat entre les Maraudeurs. Ah, c’est ça aussi d’avoir des mœurs libres. Établis dans les ruines de la Forteresse Dorée, les affreux déprèdent aux alentours dans la joie et la bonne humeur, jusqu’à ce qu’il prenne à Huthor l’idée farfelue d’aller chercher des noises aux Rotbringers barbotant au Nord de son domaine, dans les marais d’Onoglop. L’expédition tourne au fiasco, et notre héros se prend une hache rouillée en plein torse en prime, le condamnant à une longue et douloureuse agonie… jusqu’à ce qu’il se réveille guéri (avec un petit coup de croûte de Nurgle, tout de même). Manque de pot, ses gais compagnons étaient tellement convaincus de son trépas imminent qu’ils ont, pour la plupart d’entre eux (y compris cette insatiable Dysileesh), baffré jusqu’à s’en faire littéralement péter la panse. Ralliant à lui ses derniers fidèles, dont Vhorrun et Vhoss, son plus vieux pote et fidèle bras droit, Huthor décide d’aller se mettre au vert pour un temps, abandonnant son train de vie de bobo dispendieux et vain pour aller au contact de la terre (pourrie). 

Accueillis à tentacules ouverts par les ploucs d’Onoglop, l’Ecorcheur et sa bande coulent des jours heureux pendant quelques semaines/mois/années2, mais un nouveau venu, le Magos Tyx’evor’eth, arrive un beau matin sur son disque à jantes alu pour tenter de rallier Huthor, décidément très demandé par les Pouvoirs, à la cause de Tzeentch. S’étant pris huit râteaux d’affilée, mais sentant que la neuvième tentative serait la bonne, Tyx’ repart une dernière fois à la charge, et parvient à piquer l’intérêt du bouseux en lui faisant remarquer qu’il est en train de gâcher ses plus belles années à faire du camping dans un marais. Vu comme ça, c’est plus la même, et Huthor se laisse enfin convaincre de s’habiller décemment et de perdre un peu de poids pour rejoindre les armées de l’Architecte du Changement (le Magos se chargeant de faire disparaître toutes les mutations disgracieuses affligeant notre héros et ses fidèles au passage). Comme vous devez vous en douter, ce ne sera à nouveau qu’une parenthèse dans l’existence de Huthor, qui finit par rejoindre Khorne après une bonne pige à se balader en toge et à (tenter d’) apprendre des sorts, et une rencontre décisive avec un Champion Bloodreaver malchanceux mais guère rancunier. 

La boucle est bouclée, l’Ecorcheur ayant fait le tour du Panthéon chaotique. Désormais accompagné seulement par son peut-être fils Vhorrun (il a buté Vhoss pendant sa période psychédélique, après que ce dernier ait tenté de l’assassiner) parmi ses compagnons initiaux, Huthor n’a plus qu’une chose à faire : aller casser du Kharadron. Je vous avais dit que c’était important. Et comme il a laissé sa collection de disques à Tyx’evor’eth lorsqu’il se sont séparés à l’amiable, il doit utiliser une technique un peu plus rudimentaire : l’assaut aéroporté à base de bestioles chaotiques. Ayant chargé ses suivants de domestiquer toutes les chimères, manticores et autres bêtes de guerre ailées des alentours, il mène son flying circus à l’assaut de la première flotte Duardin ayant eu la mauvaise idée de croiser dans le coin…

Début spoilerCependant, face à la puissance de feu des nains-génieurs, la rage sanguinaire des Khorneux ne fait pas le poids. Ou en tout cas pas assez. Qu’importe, Huthor is living the dream. Alors que ses troupes se font descendre comme des pigeons, il parvient à écraser sa monture sur le pont d’un vaisseau Kharadron, et à enfin massacrer quelques nabots. C’est le moment que choisit Vhorrun pour exprimer son complexe d’œdipe longtemps refoulé, et de tomber sur le râble de son père (c’est finalement confirmé), qu’il a toujours détesté, notamment à cause de son inconstance. À cela, Huthor n’a pas grand-chose à répondre, ayant lui-même tué son paternel à l’âge de sept ans, après que ce dernier l’ait abandonné en forêt pour se débarrasser de cet enfant turbulent. Le combat qui s’ensuit voit le vieux chef de guerre se faire botter les fesses par son fiston, qui le précipite par-dessus le bastingage par pure malice quand les Kharadron finissent par donner la charge et envoyer les voltigeurs mettre fin à la fête, afin de priver Huthor d’une mort honorable au combat. Alors qu’il voit Vhorrun se faire abattre par les forces de l’Ordre (encore une bavure !), et en attendant de toucher terre, Huthor a le temps de se remémorer de la prophétie qu’il lui avait été faite, et qui lui avait promis qu’il recouvrirait les plaines de Chamon de sang. Ce qui se révélera exact, mais pas de la façon dont il le pensait. Impact dans 3…2…1…Fin spoiler

1 : Ce que je trouve personnellement dommage, car j’aurais bien aimé voir Souchon tenter d’aller voir sous les jupes des Gloomspite Gitz. On avance. 
2 : M’est avis qu’ils ont du abuser de champignons et de lichens pour avoir ainsi perdu la notion du temps.

AVIS:

La troisième fois aura été la bonne, ou en tout cas la meilleure à ce jour, pour Richard Strachan. Après des débuts en demi-teinte dans la gamme horrifique de la Black Library (The Widow Tide et The Growing Seasons), il signe en effet avec Blood of the Flayer sa contribution la plus aboutie au corpus des Royaumes Mortels avec Blood of the Flayer, variation intéressante sur le thème bien connu de la destinée attendant les adorateurs du Chaos, et des répercussions, tant physiques et psychologiques, que leur allégeance envers l’unes des quatre Puissances auront sur eux et leurs suivants. Avec Huthor, véritable mercenaire de la dévotion, Strachan se paie le luxe de passer en revue toute l’anarchique fratrie au fur et à mesure des réorientations professionnelles de Mr I Can’t Get No Satisfaction​​​​. On notera, pour les plus anciens des lecteurs, la différence majeure entre la « rétractabilité » tolérée dans les Royaumes Mortels, et le caractère irrémédiable du ralliement à tel ou tel Dieu, qui était la norme (sauf exceptions vraiment rarissimes, comme Bel’akor et Archaon) dans le Monde qui Fut. Vous vous souvenez de l’époque où on choisissait son allégeance une fois pour toute, et on la conservait jusqu’à la mort (et plus si affinité)? Pepperidge Farm remembers.

Si on peut discuter de la validité fluffique de l’approche de Strachan (avant tout nécessaire à l’intrigue, et peut-être pas à graver dans la guimauve séance tenante), il faut lui reconnaître une belle maîtrise narrative, donnant à son récit un équilibre et une symétrie peu communs dans le corpus de la BL. À partir du moment où Huthor rallie les redgreen-necks des marais d’Onoglop, le lecteur est en mesure de comprendre où l’auteur veut en venir, ce qui ne gâche pas le plaisir de lecture pour autant, notamment grâce à l’inclusion de la rivalité latente entre le seigneur indécis et son héritier putatif, qui permet de garder un peu de suspens. On peut également saluer le petit twist final et sanguin de Strachan, plus sympathique que renversant (sauf pour Huthor, bien sûr), mais qui vient terminer son propos de façon opportune, tant sur le plan stylistique que fluffique. Après tout, une histoire où le protagoniste est un suivant des Dieux Sombres ne peut pas bien se terminer, c’est contractuel. Bref, une nouvelle bien sympathique, à conseiller à tous les amateurs des Fab 4 (et aux autres), de l’humble Nurgling au vénérable Prince Démon.

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À l’heure des comptes, je dois reconnaître que je suis plutôt satisfait de la qualité et de la consistance de cette anthologie (dont la couverture chromée et Stormcastée me faisait honnêtement craindre le pire). Comportant une majorité de nouvelles intéressantes, bien construites et/ou distrayantes, Oaths & Conquests a également pour lui de brasser large en matière de factions couvertes, y compris certaines jusqu’ici discrètes dans les pages de la Black Library. On attendra encore un peu pour les Seraphons, mais pour le reste, c’est un sans faute. Bien que ne bénéficiant pas d’un grand nombre de contributeurs établis parmi son casting (pas de Reynolds, Haley, Werner, Annandale ici), la jeune garde qui a suppléé ces derniers à la plume levée ne démérite dans l’ensemble pas, et donne envie d’être suivie dans les mois et années à venir. Moi qui m’était emparé de cet ouvrage plus par conscience « professionnelle » que par enthousiasme pur, me voici un peu plus rassuré dans la qualité des recueils de nouvelles siglés Age of Sigmar, et c’est avec curiosité et plaisir que je retenterai l’expérience à la prochaine sortie de ce type. D’ici là, il reste bien d’autres courts formats à chroniquer…

INFERNO! [N°4]

Bonjour et bienvenue dans la critique du quatrième numéro d’Inferno! nouvelle mouture ! Nous voilà, à peu de choses près, un an après le retour du mythique bi-mensuel de GW-fiction, transformé en anthologies de nouvelles à sortie trimestrielle. Un an, soit quatre numéros, c’est certes court pour tirer des conclusions définitives sur la pérennité de cette réincarnation, mais suffisant pour faire quelques retours sur cette nouvelle expérimentation de la BL, qui n’avait pas été convaincue par le format Hammer & Bolter (2011 – 2013), puisque ce webzine avait été stoppé après un peu plus de deux ans de publications. Quel sera le destin de ce nouvel Inferno !, il est encore trop tôt pour le dire, même si l’on sait déjà qu’un numéro 5 est sur les rails. Sachez également que, de l’aveu même des éditeurs de la BL, ce quatrième tome est le plus conséquent de tous, ce qui est un signe plutôt positif à mon avis.

Sommaire Inferno!#4'

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Le cap des un an permet également de jauger de la progression de quelques-uns des contributeurs de la Black Library ayant commencé leur service pour la maison d’édition de Nottingham dans ces mêmes pages. Nous assistons en effet au retour de certains de ces rookies, et pourrons déterminer de façon éminemment juste, fiable et objective (vous me connaissez), s’ils se sont maintenus/mis sur la bonne voie, ou bien s’il leur reste des efforts à consentir pour aboutir à des résultats intéressants. Ici, ce seront donc Filip Wiltgren, Thomas Parrott et Jamie Crisalli qui passeront sur le grill, nos trois auteurs signant tous leurs deuxièmes publications pour la BL dans les pages de ce numéro 4. Un peu plus familiers du lecteur, mais encore relativement neufs dans l’écurie, on pourra également s’intéresser à la suite du parcours d’Edoardo Albert, Eric Gregory et J. C. Stearns, et assister aux débuts de Denny Flowers, contributeurs n’ayant pas encore atteint le grade de « romancier » pour le compte de la Black Library. Mike Brooks, qui a lui passé ce stade assez récemment, aura l’honneur d’une double participation, avec la nouvelle au titre le plus inventif de toute l’histoire d’Inferno ! pour commencer, et un extrait du roman en question (Rites of Passage) dans un second temps. La position de Nick Horth est assez similaire, même si notre homme ne pourra se flatter que d’une seule nouvelle dans ce numéro. Enfin, que serait un Inferno ! sans la contribution de quelques vétérans blanchis sous le harnais ? Ici, ce seront le discret George Mann, l’incontournable Guy Haley, et le positivement ancien (il était au sommaire de l’Inferno! #0) Jonathan Green qui joueront le rôle des vieux de la vieille. In varietate concordia, ou en tout cas, infernia, comme dit le proverbe.

Inferno! #4

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The Karsharat Abomination – G. Mann [40K] :

INTRIGUE:

The Karsharat AbominationSur la lune de Karsharat, il pleut du sang. Ce n’est certes pas banal, mais cela n’empêchera pas l’Inquisitrice Sabbathiel et sa suite (Bledheim l’Interrogateur aussi seringuée qu’une tarte au mitron, la femme de main upcyclée Mercy, Brondel le Squat grenadier et le servo-crâne Fitch) d’aller faire leur devoir, qui consiste à stopper les machinations et la cavale d’un renégat martien du nom de Restak, quand bien même ça leur coûterait très cher en pressing après. Malheureusement pour le lecteur anxieux d’en savoir plus sur ce qui l’attend au détour des pages, le protagoniste de notre histoire, Bledheim, n’a de son propre aveu pas été très attentif pendant le briefing, et les motivations des Saints Ordos resteront des plus floues.

Avisant une entrée dans les ruines ecclésiarchiques squattées par le maroufle (et non pas marouflées par le Squat, ce qui arrive pendant les scènes coupées de la nouvelle), Sab’ et Cie décident de tenter leur chance et l’Inquisitrice, engoncée dans son armure Terminator sur mesure… toque à la porte. Ce choix des plus bizarres ayant résulté en un double échec à son test de furtivité (un corbeau espion s’envole en croassant) et d’infiltration (des méchadendrites peu amènes sortent du montant de la porte et commencent à ceinturer l’Inquisitrice), il est grand temps pour la petite bande de livrer sa première bataille de la nouvelle, qui est rapidement expédiée et évite à notre propos de virer au hentaï dès la troisième page, ce qui est toujours appréciable. Une fois rentrée, la fine équipe emprunte quelques couloirs à l’atmosphère convenablement angoissante, et Bledheim développe une tendinite palmaire aussi soudaine qu’handicapante. Cette arthrite fulgurante est le prélude à une crise d’angoisse carabinée, qui voit notre Interrogateur faire un very bad trip, tomber dans les pommes et se réveiller une fois la baston #2 remportée par la team Pépé. Ça fait toujours moins de boulot pour l’auteur. On apprend tout de même que le grand vilain utilise la peur comme arme, ce qui explique la terreur diurne de Bledheim. Nous voilà prévenus.

L’ambiance n’a pas vraiment le temps de monter plus que ça que Sabbathiel et sa clique arrive dans la salle du boss de fin, qui se révèle être (*jette un dé sur le tableau de génération des monstres) un savant fou bio-mécanique, accompagné de (*jette un D3) deux de ses créations bodybuildées, et défendant un (*jette un dé sur le tableau de génération de trésor) psyker apeurant. OK tout le monde, vous pouvez commencer à vous batter. L’empoignade qui s’en suit ne rentrera guère dans les annales des combats les plus épiques ni les plus prenants de l’histoire de la Black Library, Sabbathiel s’illustrant une nouvelle fois par la non-maîtrise manifeste de son matos (elle se fait arracher sa lance par un goon à la première passe d’armes, et manque de partir à la renverse lorsqu’elle tire au fulgurant à bout portant), alors que Brondel, lui, démontre une adresse folle au lancer-franc, et parvient à loger une grenade dans le trou laissé par un impact de bolt dans la carapace d’un robot tueur. Sentant la partie mal engagée, Restak appuie sur le bouton on de son joujou, et les vagues de terreur crachées par le mutant viennent calmer les ardeurs de l’Ordo Hereticus… sauf pour Bledheim, qui s’est découvert une résistance aux attaques Psy (peut-être que son père était un Tarinorme), et arrive à se rapprocher assez près pour anesthésier le faquin en tour de main (littéralement, notre homme a des canules à chaque doigt). Le charme rompu, Sabbathiel se fait forte de décapsuler Restak d’une légère torsion du poignet, et nos héros sont libres de repartir vers leur vaisseau avec leur butin léthargique, qui finira bien par servir à quelque chose, tenez-le-vous pour dit.

AVIS:

N’étant familier ni de George Mann, ni de l’Inquisitrice Sabbathiel1, deux figures discrètes mais établies de la GW-Fiction, je dois reconnaître que ma découverte de l’un comme avec l’autre m’a laissé dubitatif. Si l’héroïne de The Abomination… se révèle assez peu mémorable, autrement que par son look de kit-bashing raté (ou comment pousser le syndrome de la petite tête dans ses derniers retranchements) et ses maladresses martiales récurrentes, on ne peut toutefois pas lui en vouloir, la faute en incombant principalement à son metteur en scène. Ne se donnant pas la peine de contextualiser son récit ni de développer son intrigue au delà du « héros chasser méchant », Mann déroule sa nouvelle avec un manque consternant d’imagination et d’originalité, la traque de Restak se révélant être un Porte/Monstre/Trésor à la sauce 40K, plus terne et chiant que bête et méchant. Je dois remonter au tout aussi insipide Lesser Evils de Tom Foster (Hammer & Bolter #13) pour trouver trace d’une nouvelle inquisitoriale aussi meh… que The Kasharat Abomination, ce qui n’est guère flatteur pour Mr Mann. Passez votre chemin.

: Qui a été mise à l’honneur des comics Will of Iron, Revelations et Fallen, où elle cherche des noises à ces pauvres innocents de Dark Angels.

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The Hand of Harrow – D. Flowers [NDA] :

INTRIGUE:

The Hand of Harrow9ème homme le plus dangereux du sous-monde (voilà un classement qu’il est précis), Caleb Cursebound est mis sur un coup juteux par un indic’ Delaque disgracié du nom de Mr Kreep. D’après les informations dont dispose ce dernier, le légendaire artefact que possède la lignée des Harrow – une dynastie de la haute ruche – serait conservée dans un musée à la sécurité effrayamment létale mais étonnamment piratable. Cette relique, qui serait capable de faire des trucs de fou, pour reprendre la sagesse populaire (faire s’effondrer la spire, procurer la vie éternelle à son porteur, guérir toutes les maladies, réussir des soufflés au fromage…), a en effet le petit défaut d’être assez mal connue, et si Cursebound accepte la mission sans rechigner, il part à l’aventure, accompagne de sa comparse Ratskin Iktomi, sans savoir à quoi ressemble le grisbi.

Le plan de notre paire de cambrioleurs est d’une élégante simplicité : pendant qu’Iktomi grimpe jusqu’au niveau du musée par l’extérieur de la ruche, Caleb doit dérober l’anneau faisant office de passe-partout que le patriarche des Harrow a au doigt, et qui lui permettra d’accéder au cabinet des curiosités familiales sans se faire débiter en tranches et flamber au calva au passage. Se faisant passer pour un serviteur de la haute, Cursebound se fraie un chemin jusqu’à la loge privée de Papy Harrow, très occupé à regarder sa petite fille chérie faire ses débuts de la société mondaine de Necromunda en mimant un massacre de prolos sur un air de menuet (chacun ses rituels), et subtilise la bagouze à l’ancêtre d’un habile tour de passe passe. Ceci fait, il n’a plus qu’à se rendre dans l’aile culturelle du manoir des Harrow, et à retrouver une Iktomi un peu éprouvée par sa rencontre avec une colonie d’araignées géantes pendant son solo intégral.

Début spoilerLe temps presse pour les deux monte en l’air, et si Cursebound remarque que son acolyte manifeste quelques signes de méfiance assez inquiétants, il reste déterminé à mettre la main sur… la main (suivez un peu). Son exploration expresse et sans audio guide des collections privées des Harrow lui permet toutefois de se rendre compte que les sangs bleus sont également des tueurs de sang froid, ayant un goût immodéré pour la chasse et la prise de trophées de leurs concitoyens moins bien nés, avec un faible affirmé pour les Ratskins. Il fait d’ailleurs peu de doutes que les Harrow sont responsables du massacre de la Rivière Sanglante, épisode tragique au cours duquel la tribu d’Iktomi a été décimée par un assaillant mystérieux, ce qui a précipité sa rencontre avec Cursebound, qui devait sans doute passer dans le coin sur le chemin de la boulangerie. Bref, c’est un vrai petit musée des horreurs dans lequel Caleb et sa femme de main réalisent une nocturne (on était un jeudi, comme de juste).

C’est ce moment de révélation macabre que choisit Harrow l’ancien (qui devait sans doute s’appeller Rhaymow) pour faire son apparition, harnaché dans une combinaison de guerre que n’aurait pas renié Black Panther. Ayant mis KO la brave Brave d’une piqûre venimeuse, il prend un peu plus de temps pour discuter avec Cursebound, regrettant la fuite des années l’empêchant de descendre dans le sous monde traquer les pouilleux comme à la grande époque, ce qui l’a forcé à faire courir la rumeur de la Main des Harrow pour faire venir à lui quelques voleurs mal avisés. C’est du Deliveroo homicidaire, en quelque sorte. À force de parler et de remettre à deux minutes ce qu’il pourrait faire à l’instant, Pépé Harrow permet toutefois à son adversaire d’échafauder un plan de contingence, qui consiste à priver l’aristo génocidaire de son masque intégral, puis de sa bouteille d’oxygène, juste à temps pour qu’Iktomi, enfin réveillée de son coma vénéneux grâce à la résistance qu’elle a développé aux toxines arachnéennes employées par le chasseur, vienne venger les siens d’un coup de surin dans l’orbite du faquin. Bon sang ne saurait désormais plus occire. L’histoire ne dit pas si Caleb réussit à se faire payer la main tranchée de Harrow qu’il rapporte à Mr Kreeb comme souvenir de la haute ruche, mais cette visite au musée fut au moins des plus instructives et mémorables pour nos protagonistes.Fin spoiler

AVIS:

Débuts sympathiques sur la forme, et classiques sur le fond, pour Denny Flowers, qui fait faire à son personnage de Caleb Cursebound son galop d’essai avant la publication de la novella Low Lives’ en Novembre 2019. Grande gueule pleine de ressources, CC semble être le petit frère de Kal Jericho, ressemblance qui s’étend même jusqu’à la généalogie de leurs sidekicks respectifs (Scabbs étant lui aussi d’ascendance Ratskin). Y avait-il besoin de « rebooter » le personnage, qui venait de bénéficier d’un nouveau roman (‘Sinner’s Bounty’ de Josh Reynolds) quelques mois avant la publication de cette nouvelle ? Seul l’avenir nous le dira. Cette sensation de déjà-v/lu évacuée, nous nous retrouvons en présence d’un court-format assez bien construit, plutôt distrayant et doté d’un twist final qui, sans être renversant, ne tombe pas lamentablement à plat, et a le mérite de faire honneur au vieux fluff de Necromunda, en ressucitant les Spyriens pour la nostalgie des anciens et l’éducation des novices. Mine de rien, c’est un début tout à fait correct pour l’impétrant Flowers, qui fait mieux que beaucoup de ses petits camarades de plume. On n’a jamais qu’une seule fois l’occasion de faire une première bonne impression, et c’est ici chose faite. J’attends la suite avec une curiosité bienveillante, à défaut d’une impatience dévorante.

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A Firstborn Exile – F. Wiltgren [40K] :

INTRIGUE:

Nous retrouvons le 86ème Vostroyan First Born quelques jours après la conclusion de The First Daughter (Inferno! #1), et suivons nos héros éprouvés dans la suite de la campagne de Tovoga, monde gris et aigri ayant rejeté l’autorité bienveillante de l’Empereur par pur égoïsme. Toujours dirigés par la Lieutenant Ekaterina Idra, les Vostroyens sont appelés en renfort du Groupe de Commandement Gurlov, commandé par le Colonel du même nom, et actuellement engagé dans une opération de reconquête de la ville de Salomar, dont le Factorum (usine gigantesque produisant des blindés) est convoité par les deux camps. Une fois rendus sur place, Katie et sa centaine de survivants (The First Daughter n’a pas été clément avec les effectifs du 86ème) font la connaissance de Ramrod Gurlov, l’incarnation même de l’officier inflexible ne jurant que par le Tactica Imperium, le Treatis Elatii et/ou les ordres du Haut Commandement. Entre le Colonel vétéran et la dynamique Lieutenant, le courant passe évidemment très mal, mais cela ne les empêchera pas de collaborer pour chasser les infâmes Tovogans du Factorum de Salomar, ou de mourir en essayant1

AVIS:

Comme vous pouvez le constater à la lecture du paragraphe ci-dessous, Firstborn Exile est une nouvelle assez particulière en ceci qu’il ne s’y passe pas grand-chose de saillant. Certes, les péripéties militaires ne manquent pas (et on doit reconnaître à Wiltgren une bonne maîtrise de son sujet, même si sa tendance à l’ellipse peut parfois surprendre), mais l’intrigue en elle-même tient en quelques phrases, et je dois avouer qu’à la lecture, cette deuxième soumission de Wiltgren m’a davantage fait l’effet d’un chapitre de roman que d’une nouvelle indépendante. Un exemple concret de cet état de fait est le titre même de ce court format, que l’auteur révèle en cours de récit comme étant lié à l’histoire personnelle du Colonel Gurlov. Ce dernier a en effet participé à la bataille de Pulveron, durant laquelle les Vostroyens auraient apparemment fait preuve d’initiative et désobéi à leurs ordres (les monstres !), ce qui se serait soldé par une raclée magistrale pour la team Pépé, et aurait poussé Gurly à partir en exil, accompagné de ses fidèles. Nous n’en saurons pas plus sur cette anecdote, que Wiltgren a pourtant jugé comme assez importante pour qu’elle donne son titre à la nouvelle2. Pour ma part, je pense que l’auteur a pris le parti de sérialiser ses contributions à la Black Library, et que nous pouvons nous attendre à de nouvelles aventures et révélations de la geste Idrique au cours d’un prochain numéro d’Inferno !, ou d’un recueil de nouvelles 40K. Il ne reste plus qu’à espérer que ces dernières seront plus palpitantes que la trentaine de pages de filler auxquelles nous avons eu droit ici.

: Meilleure scène de la nouvelle : Idra qui charge les lignes ennemies avec Gurlov sur le dos, le vieux Colonel ayant perdu l’usage de sa jambe bionique dans la bagarre.

2 : On note également que Firstborn Exile se termine sur le teaser de ce fameux exil, un des compagnons survivants de Gurlov proposant à Idra de lui narrer ce dernier par le menu… La suite au prochain épisode ?

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At the Sign of the Brazen Claw – The Sorcerer’s Tale – G. Haley [AoS] :

INTRIGUE:

Nous retrouvons nos compagnons de boisson alors que la tempête s’abattant sur l’auberge de la Serre Effrontée (ou quelque chose comme ça) faiblit quelque peu. Ayant écouté le récit de l’alcoolique androgyne, les soiffards pressent désormais le dernier membre1 de la compagnie de leur régaler les esgourdes avec un racontar de son cru. Pludu Quasque, le bien-nommé, finit par s’exécuter et commence donc son histoire.

Né d’une noble famille de sorciers dans le Royaume d’Hysh, Pludu reconnaît ne pas avoir été très brillant (un comble) pendant sa jeunesse, tant en matière de relations familiales que d’études arcaniques. Ayant finalement obtenu son bac, ou l’équivalent local de ce précieux sésame, il partit étudier la magie à Poudlard  au Lyceum de Radiance, sans écouter les précieux conseils prodigués par son tendre pôpa au moment de son départ. Sur place, son manque d’humilité et de discipline lui joua un mauvais tour, l’empêchant de progresser aussi vite et aussi loin qu’il l’escomptait dans la rigide et codifiée hiérarchie hiérophantique. Comme tous les étudiants, Pludu n’était jamais le dernier à se rendre en soirée (si ce concept existe dans un Royaume où tout brille, tout le temps), ce qui finit par précipiter sa chute. Au cours d’un de ces événements mondains, et alors que les convives prêtaient de mignons petits serments de progrès et de réussite devant la statue du demi-dieu Adembi, greffier en mi-temps thérapeutique2 du panthéon Hyshien, Pludu eut la mauvaise idée de jurer de retrouver la fameuse larme divine volée par les Skavens, afin d’impressionner ses camarades de beuverie. Il ne s’attendait certes pas à ce que le Dieu en personne lui envoie un accusé de réception, condamnant l’impudent à quitter Hysh pour mener à bien cette quête.

S’en suivirent quelques années, voire décennies, difficiles, pendant lesquelles notre grande gueule de mage parcourut les différents Royaumes en quête de savoir et d’informations sur l’emplacement de cette larme. Ayant réussi à déterminer qu’elle se trouvait dans la dimension Skaven, aussi connue sous le nom de Ruine, à proximité du Royaume de Shyish, Pludu emprunta un portail de son cru jusqu’à cet espace de non droit, et se rendit dans la tour du Verminarque ayant commandité le vol de la babiole des siècles plus tôt. L’édifice en question se trouvant dans une zone contestée par Nagash, le sorcier enquêteur put admirer les légions des uns et des autres se mettre sur le coin, qui du museau, qui du cartilage septal, avant de procéder à son larcin. Ayant potassé l’intégralité des manuels D&D pendant ses études, et bien aidé par le fait que le boss de fin du donjon avait été précédemment occis par un héros malchanceux au cours d’éons passés, Pludu n’eut pas de grandes difficultés à mettre la main sur la larme, sans la déclencher (l’alarme – suivez un peu). Cela n’empêcha toutefois pas les scions de Nagash de fondre sur lui en toute hâte, le dieu des Morts s’étant lui aussi piqué d’intérêt pour la babiole d’Adembi.

Ayant réussi à leur fausser compagnie d’un nouveau coup de poignard subtil, Pludu finit son récit en s’excusant platement auprès de ses compagnons de beuverie pour le triste destin qu’il a attiré sur leurs têtes, le fracas tout proche que l’on entend désormais étant causé par la brigade des Stups Spectres de Naguy, toujours déterminée à mettre le scaphoïde sur la larme. Nos héros la passeront elles à gauche ? La suite au prochain épisode…

AVIS:

Meilleur épisode signé par Haley dans sa série Brazen Claw pour le moment, ce Sorcerer’s Tale bénéficie d’une dimension plus épique que les précédents récits, beaucoup plus terre à terre dans leur propos. En plaçant son intrigue dans deux lieux encore très mystérieux, et donc intéressants pour le lecteur, des Royaumes Mortels (le Royaume d’Hysh et Ruine), l’auteur remplit d’ores et déjà son contrat par les seules infos de background qu’il est possible de retirer de cette nouvelle. La quête de Pludu Quasque s’avère également être captivante, l’imagination et le style distinctif de Haley lui donnant une patine de Sword & Sorcery assez proche dans l’esprit des aventures de Conan le Cimmérien, récits très contextualisés et atmosphériques, mettant davantage l’accent sur le ressenti des personnages que sur la description hyper détaillée des scènes de combats (le pêché mignon et patte distinctive de la Black Library). Cerise sur le gâteau, le cliff-hanger final de ce quatrième épisode donne vraiment envie de savoir comment nos héros vont réussir à se tirer de la session de tear or trick qui se profile à l’horizon, ce qui donnera normalement l’occasion à Guy Haley de mettre en scène un peu de baston après ces débuts plutôt apaisés. Vivement la suite (et probablement la fin), donc.

1 : En tout cas, le dernier membre considéré comme important de la compagnie. Peut-être que la femme de Horrin et son fils adoptif auraient eu des choses intéressantes à raconter, mais Shyish semble être une patriarchie des plus rigides.

2 : Adembi est le Dieu devant lequel les résidents de Hysh prêtent serment. Incarné dans sa statue après s’être fait tailler les shakras en pointe au cours d’une bataille divine des temps jadis, Adembi s’est de plus fait voler une des précieuses larmes en pierre de royaume incrustées dans sa statue par un rôdeur Skaven. Choqué par ce larcin, il est devenu distant et n’enregistre plus que les serments portant sur la restitution de son précieux.

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Journey of the Magi – J. Green [40K] :

INTRIGUE:

Journey of the MagiLe Godstar1, monde machine Necrontyr et possession éteinte de la dynastie Nephrekh, dérive tranquillement dans le Halo, lorsqu’un portail démoniaque s’ouvre sans crier gare à sa surface, et en émergent bientôt trois superbes spécimens de Space Marines du Chaos. Mon premier est Prototokos (si si) le Clairvoyant, sorcier Thousand Sons de niveau 1. Il est à pinces mais peut tout de même se flatter de posséder une très jolie cape rouge sang. Mon second est le Sorcier-Magister Opados, Thousand Sons également, et justifiant d’un bon niveau 35, comme le prouve sa swagesque armure Terminator, ainsi que sa cape écarlate et ses deux cornes d’or, de platine et de lapis-lazuli. Mon troisième est l’honorable Arch-Magister Tritos, Thousand Sons toujours, monté sur un disque de Tzeentch et, surtout, arborant un jeu d’épaulières hololithiques2, comme preuve manifeste de son niveau 105. Si nos trois larrons se sont rendus sur le Godstar, ce n’est pas pour participer à la Fashion Week, non non, mais pour libérer un prisonnier retenu au cœur du complexe Nécron.

Comme on peut s’en douter, le trajet n’est pas de tout repos, et la suffisance des sorciers est assez rapidement battue en brèches par l’insistance du service d’ordre à leur mettre des pâtons dans les trous (ce qui est assez inconvenant). L’Affaire Louis’ Tri-os a beau multiplier les tours de cartes, les baguettes molles et les lapins tirés du chapeau, les Nécrons ne se montrent guère impressionnés, et l’inévitable finit par se produire : l’impotent Tritos se retrouve compromis, et, beau joueur, jette un sort de stase3 qui fait lagger tous les automates à dix mètres à la ronde, ce qui laisse le temps à ses compagnons de s’échapper. Ils ne sont cependant pas tirés d’affaire, car ce sont des Spectres immatériels par intermittence qui leur fondent bientôt dessus, forçant Opados à se lancer dans un pas de deux endiablé avec les rôdeurs pendant que Prototokos se hâte vers la salle du trésor.

Une fois à l’intérieur, le dernier survivant fait face à celui qu’il est venu chercher au péril de ses vies. Car Prototokos, en plus d’avoir un nom tout bonnement hilarant4, est également un membre du Culte du Temps, et maîtrise donc le voyage temporel. Il s’est donc rendu sur le Godstar en compagnie de ses futures incarnations – qui ont changé de nom pour marquer leur progression hiérarchique, suppose-t-on – pour libérer son lui du futur, qui se trouve être un Metabrutus du nom de Demis Roussos Thanatos. Enfin, libérer… Plutôt écarter un futur qui ne lui plaît pas, ce qui passe par le meurtre de Metabrutos, coupable de s’être fait capturer par le Dynaste Nephrekh après que la trahison d’un confrère légionnaire l’ait laissé en piteux état. Ne réfléchissez pas trop sur comment cela est sensé marcher, les boucles temporelles et les auteurs de SF font généralement mauvais ménage. Toujours est-il que Thanatos ne se montre pas très coopératif, et profite d’une erreur de jugement de… lui-même, pouvons-nous dire, qui est après tout jeune et con, pour libérer une de ses tentacules des entraves Necrons et garrotter le faquin de façon terminale. C’est donc un échec pour nos trois boloss, mais, comme vous pouvez vous en douter, la nouvelle se termine bien évidemment sur l’arrivée des Daltos sur le Godstar, prêts à retenter le coup pour la nième fois. Tant qu’il y a de la vie mana, il y a de l’espoir.

AVIS:

Pour ses retours à la Black Library, et qui plus est dans une franchise dans laquelle il ne s’était jamais montré très adroit (remember Salvation ?), Jonathan Green limite la casse. C’est triste à dire, mais je m’attendais à un plantage dans les grandes longueurs (et les grandes largeurs aussi, tant qu’à faire), et si le début de sa nouvelle lorgnait dangereusement avec l’exploration bête et méchante et fade et convenue et inimaginative d’un tombeau Nécron, intrigue tellement utilisée (et mal, qui plus est) par les auteurs de la BL qu’elle devrait être interdite d’emploi jusqu’à la reconstitution des stocks (de patience des lecteurs), son idée d’injecter un twist temporel à son récit est, ma foi, fort honorable. L’exécution est certes loin d’être parfaite, tant sur le fond que sur la forme5, mais on est très loin des calamiteuses soumissions commises par notre homme il y a une quinzaine d’années, lorsque les pontes de la BL s’échinaient, pour des raisons encore mystérieuses aujourd’hui, à le faire bosser sur du 40K. Coup de chance ou véritables progrès ? Il faudrait d’autres soumissions pour pouvoir se prononcer. Est-on sûrs de vouloir celà ? Eh bien, oui, pourquoi pas. Bring it on, Jon.

1 : À ne pas confondre avec le Go Sport, qui est encore plus rare en ce 41ème millénaire qu’un monde artefact Nécron.

2 : Comme à WOW, ce sont les épaulières qui établissent les rapports de pouvoir entre les PJ. Plus elles sont grosses, criardes et kitsch, mieux c’est.

3 : Je me plais à m’imaginer qu’il s’est contenté de proposer une formule à référence circulaire sur Excel, ce qui a fait planter les logiciels des Nécrons.

4 : Peut-être choisi à dessein par les Magisters Thousand Sons pour les apprentis sorciers, afin de leur donner une raison supplémentaire de progresser dans la hiérarchie pour pouvoir en changer.

5 : On remarquera le penchant certain de Green pour les descriptions vestimentaires, puis architecturales, au détriment du développement de ses personnages ou de la description de leurs actions. C’est un choix.

The Serpent’s Bargain – J. Crisalli [AoS] :

INTRIGUE:

The Serpent's BargainVictime des déprédations classées S (pour salaces) d’une bande de Maraudeurs de Slaanesh, le village de Varna ne doit son salut qu’à l’exploitation raisonnée décrétée par l’économe Seigneur Zertalian. Les pillards partis, pour mieux revenir quelques temps plus tard, les survivants sortent de leur trou (littéralement dans le cas de notre héroïne, la précautionneuse mais pas téméraire Laila) et tiennent conseil sur la marche à suivre. Malgré la position stoïque prônée par les anciens du village, qui préfèrent rester chiller au coin du feu dans l’espoir que les Slaaneshii trouvent une autre cible plus juteuse d’ici à leur prochaine crise d’ennui homicidaire, Laila, qui a déjà perdu son mari sous la lame des psychopathes princiers, est, elle, partisane d’une approche un peu plus proactive. Et pourquoi pas aller demander de l’aide aux Blonds1, ces mystérieux reclus qui vivent dans la vallée d’en face et que les légendes locales décrivent comme des adversaires acharnés du Chaos, et en particulier de ces margoulins dépravés d’Hédonistes ? Il paraîtrait même que ces gais lurons volent à la rescousse de ceux qui luttent contre de tels ennemis, ce qui est précisément le cas de nos Varnites.

Devant la réaction mitigée que sa proposition suscite auprès du conseil gériatrique du village, Laila décide de faire profil bas, mais n’en résout pas moins d’aller tenter sa chance auprès des Blonds, entraînant avec elle un vieux pote chasseur de niveau 3 (Stefen) et un lancier mercenaire gras du bide mais au pied léger (Ano). Le trio trace la route vers la blonde vallée, bravant pour ce faire le décret de confinement édicté par les anciens, et finit par arriver à bon port, n’ayant perdu qu’un seul de leur membre (Ano le stalker) en chemin. Faisant face à un temple décoré de moultes statues de donzelles en string et en rogne, les deux survivants commencent à douter du caractère véridique de leurs légendes, mais il est trop tard pour faire demi-tour,  et l’entrée du temple étant gratuit pour les filles et interdite pour les mecs, c’est seule que Laila pénètre à l’intérieur. Laissant prudemment le chaudron rempli de serpents à bonne distance, elle marche jusqu’à un petit jardin intérieur, où elle fait la connaissance de Cesse, jardinière manifestement elfique qui consent à écouter la doléance de son invitée. S’en suit une petite négociation, à l’issue de laquelle Cesse accepte d’aller combattre les Slaaneshii, qu’elle et le reste de ses Blondes détestent véritablement, en échange d’un paiement en sang de la part des humains. C’est alors que Laila révéle sa propre blonditude, croyant bêtement que la petite coupure qu’elle hérite pour sceller le pacte consiste en sa part du paiement en totalité. Aha. La cruche. Elle aurait ouvert un Battle Tome Daughters of Khaine, ou même eu la moindre notion en elfenoirologie qu’elle aurait compris qu’elle venait de se faire carroter dans les grandes largeurs. Les dangers de l’ignorance. Bref.

Ressortant du temple, Laila découvre avec effroi une flèche brisée et une flaque de sang là où elle avait laissé son chasseur de compagnie, et en conclut que ce dernier n’a pas fait de vieux os. Parvenant malgré tout à revenir jusqu’à Varna, elle relate son périple à ses concitoyens, s’attirant un regard lourd de reproches de la part des vieux de la vieille, qui se doutent bien que le marché passé avec les Blondes a de grandes chances de ne pas se résoudre en faveur des péquenauds. Avec raison. En effet, lorsque les scions de Zertalian décident de refaire une virée pillarde et paillarde en ville, ils ont beau se faire promptement méduser par Cesse et ses groupies, cette dernière demande ensuite que le tribut de sang leur soit remis. Incompréhension, puis mauvaise foi de la part de Laila, qui ne trouve pas ça très charlie. Qu’importe, un marché est un marché, et les Varnites ne sont de toute façon pas en mesure d’empêcher les Fifilles de Kékhaine de prendre leur dû, soit les faibles du village. Comme l’explique doctement Cesse à une Laila qu’elle précipité du haut du mur d’enceinte pour lui apprendre à mal lui parler, il n’y a qu’en supprimant les faibles que les forts pourront survivre, et il s’agit d’une mission de service public, vraiment. Cela ne convainc pas vraiment Laila, qui finit la nouvelle en pleurant comme une madeleine sur sa propre stupidité. Moralité : si les hommes préfèrent les blondes, la réciproque n’est pas toujours vraie.

AVIS:

Retour mi-figue mi-raisin pour Jamie Crisalli, qui ne retrouve pas avec ce The Serpent’s Bargain la recette du succès de sa première soumission pour Inferno!. La faute à une intrigue cousue de fil blanc (le marché léonin conclu par un héros ignorant avec des « alliés » pas si sympathiques que cela), exploitée par d’innombrables auteurs dans autant d’ouvrages avant que Crisalli ne revisite à nouveau ce classique des classiques. Si son choix de ne pas faire de la révélation de la fourberie des Blondes le twist final de sa nouvelle est compréhensible, l’absence d’éléments venant enrichir l’intrigue et le déroulé du récit l’est moins. À titre personnel, j’aurais bien aimé que l’auteur passe plus de temps à justifier le positionnement des Filles de Khaine, et pourquoi leur mission d’épuration des faibles leur tient tellement à cœur (ce que Crisalli fait en quelques lignes en fin de nouvelle), ce qui aurait apporté un contrepoint bienvenu à la vision « gentillesque » autant qu’horrifiée de Laila. Je n’ai pas non plus compris ce que Crisalli voulait accomplir avec les personnages de Stefen et Ano, dont la relative importance dans le récit ne débouche sur pas grand-chose. Coup de moins bien, donc. Espérons qu’il ne soit que temporaire.

1 : Fair Ones en VO. Ce qui peut se traduire par les Beaux, également. Voyez-y un hommage à Gad Elmaleh, ou à son inspirateur.

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Salvage Rites – T. Parrott [40K] :

INTRIGUE:

C’est le jour de chance de Ved Tregan, éboueur de l’espace, et de l’équipage de son vaisseau-benne, chargé par les autorités compétentes d’Effandor, monde ruche à l’orbite polluée, de collecter les milliards de déchets flottant autour de la planète, et compliquant grandement la logistique spatiale. Nos braves chiffoniers particuliers ont en effet décelé un débris d’un type très particulier, puisque c’est un authentique vaisseau capable de voyages Warp qui les attend dans le champ des possibles et des épaves effandorien. Avant de les suivre à bord de cette trouvaille miraculeuse, faisons la connaissance de notre fine équipe : en plus du bonhomme et capable capitaine Ved Tregan, cette dernière compte la pilote flemmarde Petin Hite, l’ex-ganger au grand cœur Adric Cale, la mais-non-ce-n-est-pas-une-psyker-elle-a-juste-une-sacrée-intuition Eusalia Zand, et la gestionnaire d’actifs Celia Vanar, chargée par la Maison Orend, généreuse sponsor de la petite PME de Tregan, de s’assurer de la bonne conduite des opérations et du paiement des traites du crédit contracté par le capitaine désargenté.

Nos intrépides explorateurs optent pour la fameuse tactique de la séparation en groupes de un pour optimiser l’exploration du mystérieux vaisseau, ne faisant que peu de cas du très mauvais pressentiment doublé d’une crise d’épilepsy qui saisit Zand alors que le sabot de Tregan termine son approche vers sa proie. Cette dernière est en effet trop tentante pour que le capitaine se montre compréhensif aux doléances geignardes de sa sous-fifre, ce qui aura bien entendu des conséquences fâcheuses. Comme de juste, l’un des groupes de un, celui mené par Cale (et secondé par lui-même) se fait promptement embusquer, et, bien que l’aventure ne se solde que par une coupure sans grande gravité pour le solide ruchier, la description qu’il fait de son assaillant, un humanoïde à la peau noire et aux yeux rouges, jette un froid sur l’assemblée qui s’est ruée à son secours. Se pourrait-il qu’ils aient abordé sans le savoir le yacht personnel de Vulkan, parti caboter dans la galaxie depuis quelques millénaires ? Ou plus sérieusement, que l’épave soit infestée par des tanglemouths, le nom que les locaux donnent aux Genestealers d’Ymgarl ? Mystère et narthécium.

Les savantes supputations de l’équipage sont écourtées par la dégradation rapide de la santé de Cale, qui se met à nécroser et baver de façon inquiétante. Et lorsque Hite annonce aux explorateurs que leur vaisseau a été saboté et ne peut plus repartir, un vieux froid tombe sur l’assemblée. Après avoir escorté l’impotent écumant jusqu’à l’infirmerie, les quatre rescapés décident de repartir dans l’épave à la recherche de pièces de rechange qui leur permettront de revenir sur Effandor…

Début spoiler…Bien évidemment, ce plan ne se déroulera pas sans accroc, la décision de Tregan de s’obstiner à faire du solo facilitant grandement la tâche de l’assaillant mystérieux des chineurs de l’espace. Hite disparaît en plein milieu d’une phrase, et la situation s’envenime encore davantage lorsque Vanar accuse Zand d’avoir attaqué la pilote sous ses yeux. Réussissant à grand peine à convaincre ses deux équipières de ne pas entre-tuer sur un malentendu, Tregan ordonne une retraite générale après avoir récupéré les précieux câbles que Hite avait identifié juste avant de tourner AWOL. Il est malheureusement trop tard pour Cale, qui a bavé sa dernière bulle pendant leur absence, et lorsque Vanar lui demande les mots de passe du coffre contenant les cartes spatiales d’Effandor, permettant au vaisseau de retourner sur la planète en sécurité, Tregan réalise un peu tard que cette question est des plus incongrues. Il arrive toutefois à mieux se maîtriser que Zand, qu’une crise d’angoisse terminale pousse au suicide sous le regard ébahi de son boss. Et pour cause, lorsque Vanar revient, le capitaine abandonné réalise qu’il s’est fait posséder. Sa comparse se révèle être… probablement une Callidus, qui émerge de son vaisseau d’emprunt sous les traits de feu son commandant quelques heures plus tard pour mener à bien sa sinistre mission. Décidément, l’économie circulaire n’est pas une sinécure. Fin spoiler

AVIS:

Thomas Parrott rectifie le tir d’une première soumission (Spiritus in Machina) assez quelconque avec ce Salvage Rites bénéficiant d’une atmosphère angoissante efficacement instillée, même si la mise en scène de l’exploration d’une mystérieuse épave se révélant peuplée de monstres est un sous-genre à part entière de la littérature 40Kesque (appelons ça le « space hulkisme » ) et donc guère original en tant que tel. Pour tirer un parallèle avec une nouvelle récente à peu près similaire à celle-ci, je trouve que Parrott a rendu une copie plus satisfaisante que Cassandra Khaw et son Nepenthe. Cela est dû en bonne partie au fait que l’on comprend sans trop de mal dans le premier cas ce que l’auteur a voulu faire, ainsi que l’identité et les motivations de l’antagoniste (encore que la révélation finale ne soit pas aussi claire que l’on aurait pu le souhaiter, à moins que je sois plus lent que le lecteur moyen de Parrott), ce qui n’était pas le cas chez Khaw. Retenons au final que notre homme a progressé depuis ses débuts pour la Black Library, et souhaitons lui de continuer sur cette voie pour la suite.  

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Green & Grey – E. Albert [40K] :

INTRIGUE:

Green &amp; GreyPris en flagrant de roupillon pendant le service, le tankiste de première classe Lucius Stilo se réveille doucement dans l’habitacle confiné du Leman Russ où il opère en temps que rechargeur d’obusier. Pour sa défense, cette brave bête de Sancta Fide (le petit nom de la monture mécanique de Lucius) s’est pris un barrage d’artillerie en pleine poire il y a quelques minutes, avec des conséquences catastrophiques pour son équipage, décimé jusqu’à son dernier homme, qui se trouve donc être Lulu. Vous parlez d’une première mission. Notre héros, déjà légèrement traumatisé par le choc et par la vision des cadavres de ses camarades, doit de plus composer avec la réalisation qu’il se trouve dangereusement exposé, son escadron ayant été envoyé par le haut commandement ralentir l’avancée des peaux vertes assaillant la planète de Calleva, le temps que les grosses têtes du génie fassent sauter le pont reliant les basses plaines au reste du continent. Dans son malheur, Lucius a toutefois la chance de pouvoir compter sur une écoutille fermement cadenassée et une radio en état de marche ; la première tenant la patrouille Ork venue inspecter les épaves à distance, la seconde permettant d’établir le contact avec le QG de la Garde Impériale, d’où le Colonel du 5ème Régiment Mécanisé d’Alphard le prend en direct.

Bien qu’ayant embrassé la carrière militaire pour suivre l’exemple de son paternel, Lucius sent son courage vaciller à l’idée de finir bientôt en punching ball pour peaux vertes, et il faut des trésors de patience et de fermeté paternaliste à son interlocuteur pour motiver son dernier homme à agir comme l’Empereur attend qu’il le fasse. Ayant quelque peu repris ses esprits et retrouvé son sang-froid, Lucius prend bonne note (normal pour un Stilo, vous allez me dire) des directives transmises par son chef, et apprend à ce dernier après avoir réussi à rétablir l’auspex du Sancta Fide que le pont est toujours debout, et que les Orks s’apprêtent à le traverser. La tuile. En attendant que les Valkyries envoyées dare dare sur place pour finir le job et récupérer Lucius arrivent, ce dernier est donc sommé de ralentir le plus possible la migration Xenos, ce qui passe nécessairement par l’ouverture du feu sur la Waaagh!, et n’enchante pas vraiment notre héros, plutôt partisan du ‘live and let leave’. Saleté de hippie, va.

Informé en termes non incertains par son Colonel que sa coopération n’était pas optionnelle, Lucius se résout enfin à faire son devoir, et commence donc à obuser les Orks, ce qui attire inévitablement l’attention et l’intérêt de ces derniers. Ayant annihilé l’avant-garde peau-verte d’un strike chanceux, Lulu poursuit ses bonnes œuvres en étrillant et artillant les Xenos, puis en les bolterisant une fois ces derniers trop près pour continuer son approche 120 millimétrée. Las, comme on peut se l’imaginer, les Orks finissent par déborder le vaillant petit tankiste, et c’est le Big Boss en personne qui s’approche pour rosser le Russ…

Début spoiler…Comprenant en définitive qu’il ne bénéficiera pas d’un sauvetage à la Ryan, ce que lui confirme le Colonel avec une tristesse non feinte, Lucius décide de vendre chèrement sa vie, et réussit à planter l’épée énergétique prise sur le cadavre de son Capitaine dans le crâne de sa Némésis après qu’elle ait réussi à décapsuler l’habitacle du Santa Fide. Surprise, cela n’est pas suffisant pour venir à bout de l’Ork (sûrement hydrocéphale), qui revient la charge après s’être délesté de l’encombrant bout de ferraille. Surprise (bis), Lucius a mis à profit ce court répit pour se saisir d’un pistolet de détresse, qu’il décharge dans l’intérieur inondé de prométhéum du tank, avec des résultats spectaculaires, mais malheureusement définitifs. À l’autre bout du fil, le Colonel Markus Stilo ne peut que constater que son fils a fait son devoir jusqu’au bout, et bien qu’éprouvé par la tournure prise par les événements, prend sur lui de continuer à coordonner la riposte impériale. Comme il l’a appris à feu Lucius, ‘the Emperor protects (parfois) but the Emperor expects (toujours)’.Fin spoiler

AVIS:

Très sympathique et efficace soumission que ce Green and Grey, qui permet au nouveau-venu Edoardo Albert de rafler à David Annandale le titre de meilleur metteur en scène de nouvelle se déroulant dans un Leman Russ, catégorie certes très spécifique, mais qui compte donc (au moins) deux récits à ce jour. Là où le Sarcophagus d’Annandale pêchait par son manque d’action et son propos incertain, l’offrande d’Albert se révèle à la fois rythmé, crédible et bien pensé. Si la triste, mais héroïque – et en définitive, pas si surprenante que ça – fin de Lucius Stilo creuse un peu plus le sillon du fondamentaliste grimdark de 40K, le talent de l’auteur aura consisté à nous ménager un très bon twist final, à la fois efficacement préparé (relisez Green and Grey et vous verrez quelques fusils laser de Tchekhov), parfaitement délivré et tout à fait there-is-only-war compatible. Albert (pas en Somme), un nom à suivre, en somme.

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The Fourfold Wound – E. Gregory [AoS] :

INTRIGUE:

Shinua Gan, cartographe freelance des Royaumes Mortels, poursuit un dessein bien particulier. Hantée par la mort de toute sa famille lors d’une attaque de brigands alors qu’elle s’était absentée de sa ferme natale, elle poursuit d’une haine tenace et implacable le milicien qui était censé monter la garde dans la tour de guet voisine, et dont le penchant pour la dive bouteille a permis aux marauds maraudeurs de fondre sur la PME familiale dans l’impunité la plus totale. Elle traque depuis la sentinelle alcoolisée, du nom de Halas, à travers les Royaumes, bien décidée à lui planter sa dague entre les omoplates pour lui apprendre à développer une éthique professionnelle. Classique, vous allez me dire. Là où cela devient intéressant, c’est que le Halas en question est mort. Et là où ça devient passionnant, c’est qu’il s’est attiré les bonnes grâces de Ziggie en expirant en combattant un Champion du Chaos, ce qui lui a permis de bénéficier d’une reforge gratuite et de devenir un Stormcast Eternal. Pas que cela décourage le moins du monde Shinua, notez : au contraire, dégoûtée par le choix divin, elle s’est rangée du côté des mémés (le mécontents mécréants), une société secrète dont les membres ne tiennent ni le Grand Barbu, ni ses sbires métallisés, en haute estime. En plus de se retrouver à intervalles réguliers pour baver sur les rouleaux en sigmarite de Charles Martel, les Sentinelles (Watchers en VO) collectent également des informations sur le déploiement et la composition des osts Eternals, qu’ils sont prêts à mettre à disposition des ennemis d’Azyrheim.

Nous arrivons ainsi à Ark’non, un village de pêcheurs de baleines et d’éleveurs de marmuts (pas besoin que je vous décrive à quoi ressemble cette petite grosse bête je pense), en compagnie de Shinua, qui cherche à tirer au clair un rapport mystérieux faisant état du déploiement des Marteaux de Sigmar, ost auquel Halas a été reversé après son recrutement manu divinii sur place, mais dans un futur proche au moment où elle prend connaissance. Ayant contacté la cellule de Sentinelles locales, elle est emmenée par la jeune Nor jusqu’au phare de fonction qu’occupe son frère Sgon, surnommé le Lordbreaker depuis qu’il a mené une révolte contre les Seigneurs qui exploitaient la population locale. Pas de bol, Sgon, qui avait pu prédire l’arrivée des Stormcasts en utilisant les visions conférées par la magie de sang des anciennes familles d’Ark’non, est irrémédiablement exsangue à l’arrivée de sa visiteuse, qui constate bientôt que ses prédictions météorologiques sont tout ce qu’il y a de plus fiables, de gros hommes de métal tombant des cieux pour purger Ark’non au nom de Sigmar, qui comptait sans doute les anciens Seigneurs parmi ses amis. It’s raining men, halle shit shit shit.

Entraînant la pauvre Nor1, qui après avoir perdu ses parents quelques semaines plus tôt, doit composer avec le suicide de son frère et la combustion de sa grand-mère, avec elle jusqu’au port d’Ark’non, Shinua croise sur son chemin un Liberator qui semble la reconnaître. Et pour cause, il s’agit bien sûr de Halas, très désolé de sa bévue pre-mortem, et qui se confond en excuses, puis en éclair, après que Shinua, très rancunière, lui ai planté une défense de morse dans le cortex. Il ne s’agit toutefois qu’une mise en bouche pour notre héroïne et sa pupille – tout aussi remontée contre le service d’Ordre, à raison – bien décidées à se venger de toutes les morts dont elles tiennent responsables l’impardonnable, et donc impardonné, Halas (hélas pour lui)…

AVIS:

Je ne connaissais pas Eric Gregory avant de donner sa chance à son The Fourfold Wound, mais oh boy, je vais désormais suivre de très près sa production pour la Black Library. C’est bien simple, cette nouvelle est, de très loin, le meilleur texte de fiction estampillé Age of Sigmar qu’il m’ait été donné de lire. Et pourtant, il y a des Stormcast Eternals dedans (ce qui est d’habitude un facteur aggravant). Eh bien, Gregory a réussi à me réconcilier avec les Maschinenmensch de GW, et avec l’univers de cette franchise en général, ce qui était loin d’être évident. L’angle d’attaque choisi par l’auteur, faisant des Stormcast les antagonistes, s’il n’est pas absolument novateur (Josh Reynolds fit de même dans The Iron Promise), est encore assez peu usité à l’heure où ces lignes sont écrites pour piquer l’intérêt du lecteur. La description d’une société secrète de ressortissants des Cités Libres, et donc théoriquement loyaux à Sigmar, la divinité tutélaire et protectrice de la civilisation et de l’Ordre dans des Royaumes Mortels en proie au Chaos, nourrissant une défiance forte pouvant aller jusqu’à la haine pure et simple, pour le « bon » dieu et ses super soldats, est une superbe trouvaille de la part de Gregory, faisant naturellement passer son récit dans la Twilight Zone, cet espace narratif délicieusement non-manichéen, où le lecteur est libre de choisir qui est son protagoniste. Serez-vous plutôt team Shinua, dont la quête vengeresse, pour justifiée qu’elle soit, va l’entraîner sur une pente de plus en plus glissante, et vers des alliances de circonstances de moins en moins moralement justifiables ? Ou préférerez vous prendre le parti de ce brave Halas, qui malgré son erreur de jeunesse, n’en demeure pas moins un authentique héros et un être qu’il est difficile de haïr, tant son désir de repentance est sincère ? Shinua, qui prend le parti des petites gens opprimées par la dictature militariste – car il faut bien appeler un gryphound un gryphound – de Sigmar, un dieu tellement bienveillant qu’il n’hésite pas à envoyer ses immortels raser un village de pêcheurs dont le tort aura été de se révolter de façon un peu trop sanglante ? Ou Halas, qui a chaque reforge, perd toujours plus de son humanité2, et ne peut pourtant pas se résoudre à faire du mal à sa meurtrière à chaque fois que leurs chemins se croisent ? À vous de voir.

Autre réussite notable à mettre au crédit de Gregory, sa description des Royaumes Mortels, qui se détache véritablement de l’influence de Warhammer Fantasy Battle. Ainsi, s’il peut sembler aux premiers abords de voir Shinua aller proposer un marché à l’armée de Rotbringers contre laquelle les Marteaux de Sigmar sont engagés, il faut bien reconnaître que cette réaction immédiate n’est en fait qu’une réminiscence de WFB, univers dans lequel il était inconcevable qu’un ressortissant d’un royaume « civilisé » du Vieux Monde et non engagé sur la voie du Chaos puisse espérer sortir vivant d’une telle rencontre. Autres temps, autres lieux et autres mœurs : bien que les disciples de Nurgle ne soient pas au-delà d’un peu de prosélytisme de bon aloi, et que le marché que Shinua conclut avec ces derniers pèsera sans doute lourd dans la balance au moment de rendre l’âme, la transaction se passera de façon tout à fait honnête, et chacun poursuivra sa route sans anicroches (enfin, peut-être le nez qui coule pour Shinua). À titre personnel, je suis assez favorable à cette rupture avec l’héritage de WFB, qui sera nécessaire pour qu’Age of Sigmar puisse se sortir de l’ombre de son glorieux aîné et gagner en singularité. Quitte à jouer la carte de la high fantasy, autant « dépassionner » les relations entre les différentes factions quand cela est possible, et Gregory réussit à faire cela de façon assez convaincante et naturelle.

Bref, une vraie et franche réussite pour cette première nouvelle, qui se révèle être la soumission la plus intéressante de cet Inferno! #4 et fait d’Eric Gregory un nom à suivre dans les prochaines publications de la Black Library.

1 : C’est un usage bien établi, il ne faut jamais perdre la Nor.

: Il finit d’ailleurs sa carrière comme sauveteur en mer sur une plage au fin fond d’Aqshy, ses trop nombreux décès l’ayant transformé en Hodor en plates complètes, aux capacités intellectuelles très limitées.

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Where Dere’s Da Warp Dere’s A Way – M. Brooks [40K] :

INTRIGUE:

Where dere's da warp dere's a wayAssistant de direction d’une bande de Pistol Boyz Bad Moon rattachée à la Waaagh ! de Da Meklord, Ufthak Blackhawk vit à fond le rêve américain Ork, fait de bagarres, d’abordages et de compétitions pour devenir le boss à la place du boss. Le o+1 de notre héros est Badgit Snazzhammer, charismatique, à défaut d’être cérébral, Nob et tirant son nom de son arme de prédilection, un combi marteau énergétique/lime à ongles, qu’il ne dédaigne pas utiliser pour motiver les troupes lorsque le besoin s’en fait sentir. Chargés par Da Meklord en personne de sécuriser la salle du réacteur Warp d’un vaisseau de l’Adeptus Mechanicus afin de permettre à un Mek inventif de jouer avec la tek’ des zoms, Ufthak, Badgit et consorks prennent le premier ‘Ullbreaker pour aller apporter leurs sentiments et bourre-pifs les meilleurs aux fidèles de l’Omnimessie.

Une fois sur place, et après avoir dérouillé une malheureuse patrouille qui tentait de faire son devoir, nos Orks se mettent à errer dans les coursives du croiseur martien, les indications du Mek à roulette1 leur servant de GPS manquant en précisions. Au petit jeu du porte/monstre/trésor, les peaux-vertes finissent par tomber sur plus fort et plus dur qu’eux, comme le malheureux Badgit en fait l’expérience lorsque lui prend la mauvaise idée de charger un Kastelan opérant comme physionomiste à l’entrée de la boite de Warp. Comme quoi, foncer tête baissée est le meilleur moyen pour la perdre. À toute chose malheur est bon, car le décès de son chef permet à Ufthak de s’improviser leader de la bande de Pistol Boyz, malgré les protestations de Mogrot Redtoof, l’autre bras droit de feu Snazzhammer. Ruzé mais brutal, Ufthak accouche d’une tactique de diversion qui lui permet d’arriver au contact de l’angry robot, récupérer l’arme de fonction de son boss, et terrasser l’ennuyeux androïde au cours d’un corps à corps épique et piquant, et même détonnant, l’usage malavisé d’une arme à contondante à champ de force sur le réacteur du Kastelan dispersant Ufthawk façon puzzle2.

Ce n’est toute fois pas la fin pour notre héros, les Orks étant, comme chacun sait, plutôt coriaces. Se réveillant très diminué, mais se réveillant tout de même (ce qui est déjà pas mal quand on n’est plus qu’une tête sur un demi-tronc), Ufthak se voit proposer par le Dok Drozfang, qui accompagnait la bande, un marché qu’il ne peut décemment pas refuser. En un tour de scie circulaire et quelques agrafes, voilà la tête du Boy greffée sur le corps de Badgit, sans trop d’effets secondaires. Ça c’est ce qu’on peut appeler de la chirurgie reconstructrice. Remis de ses émotions, bien qu’ayant – et c’est compréhensible – un peu mal aux cheveux qu’il n’a pas, Ufgit (Badthak ?) refait son retard sur le reste des Boyz, calme les ardeurs de ce parvenu de Mogrot et lui reprend le bâton marteau de parole, et invite le Mek à appuyer sur le gros bouton rouge qu’il a branché sur le moteur Warp du croiseur. Selon les savants calculs de l’ingéniork, cette machine devrait permettre au vaisseau de rebrousser chemin jusqu’à sa planète d’origine, monde forge plein de tek’ à piller…

Début spoilerMalheureusement, le buzzer magique a surtout pour effet de remplir le croiseur de démons, ce qui ne refroidit pas le légendaire enthousiasme peau-verte, bien au contraire. Ils commençaient justement à s’ennuyer…Fin spoiler

AVIS:

Nouvelle rigolork (c’est le dernier mot-valise à base d’Ork, je le jure) de Mike Brooks, et à laquelle je décerne la palme d’argent du titre le plus inventif (catégorie 5 mots et plus), derrière l’indétrônable Badlands Skelter’s Downhive Monster Show de Matthew Farrer, Were Dere’s… n’a pas grand-chose à offrir au lecteur à part une plongée humoristique dans le quotidien, forcément agité, d’un Boy. Les péripéties grand-guinorkesque (j’ai menti) s’enchaînent de manière plaisante, mais ne vous attendez pas à une conclusion édifiante, ou même intéressante, à cette nouvelle. C’est dommage, car Brooks avait prouvé dans Dead Drop qu’il savait terminer un court format comme il se doit. Nous tenons donc ici la pastille comique de l’Inferno! #4, et il ne faudra pas lui demander davantage.

1 : Car oui, il n’y en a qu’une dans son cas, on peut parler de monorkwheel.

2 : Après l’Interrogatrice Spinoza dans ‘Argent’, c’est la deuxième nouvelle de la BL qui souligne les dangers des masses énergétiques pour leur porteur. Faut-il voir une ligne éditoriale de Nottingham ?

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The Manse of Mirrors – N. Horth [AoS] :

INTRIGUE:

The Manse of MirrorsRecrutée par un influent marchand de la cité libre de Lethis pour « visiter » le manoir d’un des plus célèbres résidents de cette dernière, feu (ou plutôt, cendres) Phylebius Crade, Thaumaturge Suprême de Lethis que nul n’a revu depuis cinquante ans, l’archéologue militante Shevanya Arclis se retrouve à la tête d’une petite équipe de spécialistes pour mener à bien ce repérage d‘Un Trésor dans votre Château’. Son employeur a beau considérer comme acquis le décès du propriétaire, le home-jacking du (six) pied(s) à/sous terre d’un mage d’Améthyste de niveau 153 reste une expérience périlleuse pour l’aventurier moyen, comme Arclis et ses compagnons ne tardent pas à le découvrir.

Ayant bien négocié les premières salles de ce donjon un peu particulier, Arclis et Cie se retrouvent dans le mal dans la galerie des glaces du manoir, qui ont la particularité d’être des portails donnant sur Shadespire les Vignes, petite bourgade typique de Shyish au centre-ville décrépit mais aux chargés de tourisme très motivés, comme le maître-voleur Goolan ne tarde pas à en faire l’expérience. Tiré au sort pour passer une nuit/vie dans un Air B&B local, le monte en l’air se mue en passe à travers, et file de l’autre côté du miroir découvrir les merveilles architecturales de Shadespire. Quelques secondes plus tard, c’est au tour de la noble aventurière Nazira El-malia de se faire mettre la griffe dessus, ou plutôt à travers, par un Spectre très entreprenant. Il faut toute la science arcanique du dernier membre de la compagnie, le mage stagiaire Dhowner, pour permettre aux survivants de regagner leur intimité, à grands renforts de porte blindée et de poudre de perlimpinipin.

La pièce où Arclis et Dhowner ont trouvé refuge se révèle être le laboratoire et cabinet privé de Crade, et regorge de moultes reliques des plus dispendieuses, ainsi que d’un gigantesque miroir expérimental, dans lequel les intrus peuvent contempler tout ce qu’il reste de leur hôte. Ce dernier, peu rancunier, s’avère assez content d’avoir de la compagnie, et explique que cela fait cinquante ans qu’il est piégé dans la cité de Shadespire, sujet d’étude l’ayant littéralement absorbé, à son grand désespoir. Avertissant ses visiteurs que l’influence néfaste de la ville-miroir risque de s’étendre à Lethis à travers son prototype de catalyseur, et que seuls ses vaillants efforts ont préservé la cité corbeau d’un sort pire que la mort, Crade implore les gentlemen cambrioleurs de l’aider à clore une fois pour toute la ligne M du TER de Shyish. À Dhowner de refermer le passage malencontreusement ouvert par Crade – qui accepte noblement son sort de citoyen d’honneur et d’horreur de Shadespire – , et à Arclis de défendre son camarade le temps que le rituel soit accompli. Au grand énervement du maître des lieux, qui lui conseillait de se servir d’un espadon mythique dans sa collection personnelle pour tenir les morts sans repos en respect, notre aventurière choisit de s’équiper d’une dague de pierre sur la seule fois d’une inscription disant ‘feuklémor’ gravée sur la lame. Il n’y a plus de respect ma bonne dame.

Début spoilerLa suite de la nouvelle voit toutes les suppositions que le lecteur était en droit d’entretenir à propos de la conclusion de l’intrigue développée par Horth se réaliser. Comme de juste, Crade se révèle être un fieffé chenapan, dont l’altruisme cachait en fait des velléités de possession du malheureux Dhowner.  Comme de juste, l’arme sélectionnée plus ou moins au pif par Arclis se révèle être un athame pour personnes en situation de non-vie. Comme de juste, notre héroïne parvient in extremis à empêcher Crade de faire du crade, en bousillant son miroir juste avant que le thaumaturge ait pu prendre entièrement possession de son padawan. Une monumentale explosion plus tard, les deux malfrats, catapultés dans le jardin du manoir, se font cueillir par la Morréchaussée, sans doute pour tapage nocturne. Mais la saga d’Arclis est loin d’être terminée…Fin spoiler

AVIS:

Après une quinzaine de pages prometteuses, dans lesquelles Horth parvient à instiller une ambiance macabre tout à fait satisfaisante, son The Manse of Mirrors débouche sur une conclusion assez tristounette, n’exploitant pas vraiment le potentiel horrifique et mystérieux de Shadespire, et résolue de façon très peu imaginative. Comme d’autres courts-formats de la BL, je crains que nous ne nous trouvions en face d’un texte pensé dès le départ par son auteur comme une part intégrale d’une oeuvre plus conséquente, ici la novella Thieves’ Paradise mettant en vedette notre Indiana Jones à oreilles pointues1, ce qui se solde malheureusement par des lacunes en termes de « singularité » de l’histoire développée. Bref, The Manse of Mirrors pourrait bien être le chapitre 0 de Thieves’ Paradise, et ce de façon très (trop) visible pour que le lecteur puisse réellement apprécier cette nouvelle de façon indépendante. Tout le monde n’a pas le talent d’un Dan Abnett, d’un C. L. Werner ou d’un Nathan Long pour réussir à jouer la partition du e pluribus unum de façon satisfaisante, et c’est encore une fois bien dommage. On mettra tout de même au crédit de Nick Horth les quelques ajouts de fluff qui parsèment sa soumission, qui achèvent de placer cette dernière dans la tranche haute du convenable. Cela aurait pu et dû être mieux, pourtant…

1 : Je me suis d’ailleurs aperçu qu’Arclis semblait avoir en main la dague piquée à Crade sur l’illustration de couverture de la novella.

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Blackout – J. C. Stearns [40K] :

INTRIGUE:

Lorsqu’une panne de courant massive vient plonger Seidon City dans les ténèbres, les kids Chib, Zaylin, Bugeye et le reste des 77, gang de loubards vivotant dans un quartier défavorisé de cette cité-ruche, en sont réduits à échafauder des hypothèses plus ou moins farfelues pouvant expliquer cette nième interruption de l’alimentation électrique du voisinage. L’arrivée sanglante de deux comparses, Soter et Jerrick, vient toutefois mettre un point final à la joute oratoire entre polémistes sous acide, juste avant qu’ils ne se commencent à se mettre sur la gu*ule, comme souvent lorsqu’un consensus peine à être trouvé entre gangers. Les nouveaux-venus expliquent être tombés dans une embuscade alors qu’ils attendaient innocemment de régler leur compte à quelques membres d’un gang rival, et avoir fait les frais d’un arsenal très peu commun à ces niveaux de la ruche, comme peut en témoigner l’épaule du pauvre Jerrick, réduite à quelques filaments de barbaque après sa rencontre malheureuse avec une balle perdue.

Outrés par ce déchaînement de violence qu’ils sont presque certains de n’avoir pas mérités, les 77 optent pour la mise sur pied d’un raid punitif contre leurs mystérieux assaillants, mais n’ont même pas à sortir de leur planque que cette dernière se retrouve sous un feu nourri. Dans la confusion qui s’en suit, Chib, Zaylin et Bugeye, comprenant rapidement que leurs collègues n’ont pas la main haute dans cet affrontement, optent pour une prudente retraite tactique dans les profondeurs de la ruche, confiants dans leur capacité de distancer les bourreaux des 77.

Malheureusement pour nos stagiaires, leurs poursuivants s’avèrent être aussi rapides et tenaces que bien armés, et Chib se retrouve bientôt seul dans les égouts de la cité, après que ses deux acolytes soient tombés dans les griffes de l’anti-gang. Jouant le tout pour le tout, notre héros tend un piège à ses traqueurs en utilisant le cadavre d’un autre ruchier ayant eu la malchance de se trouver sur le passage de ces derniers, et arrive ainsi à poser les yeux, juste avant de tirer, sur sa mystérieuse Némésis…

Début spoiler…qui s’avère être un Space Marine, et accueille donc avec un haussement d’épaule blasé la fléchette que le kid lui loge dans l’aisselle. S’attendant à rencontrer une fin aussi violente et prématurée que ses camarades, dont l’équipement et les compétences n’ont pas servi à grand-chose face aux bolts et épées tronçonneuses des meilleurs de l’Empereur, Chib a la surprise de se faire manutentionner par son ennemi jusqu’à un entrepôt désert, où, vous l’avez deviné, sagace lecteur, les Space Marines ont reçu ordre de ramener leurs trouvailles, qui sont toutes de jeunes gangers terrorisés. La nouvelle se termine sur l’annonce par l’Apothicaire de service, un certain Herodytes du Chapitre des Crimson Shades, que le casting tenu sur Stratigardin avec la bénédiction du Gouverneur Galliarnos est maintenant terminé. Décidément, la télé-réalité du 41ème millénaire est un peu plus hardcore que la nôtre…Fin spoiler

AVIS:

Je pense que l’on peut porter deux jugements sur ce Blackout de Stearns, qui seront fonction de la « maturité » (parce que la « vétéranitude » n’existe pas en français, et c’est bien dommage) du lecteur. Pour le nouveau-venu dans l’univers de 40K et de la Black Library, et qui aura donc une chance d’être authentiquement surpris par la révélation finale de cette nouvelle, cette dernière devrait être tout à fait satisfaisante. Pour les hobbyistes un peu plus expérimentés, qui auront éventé l’identité des persécuteurs des 77 dès la description de la blessure de Jerrick, la lecture de Blackout se révélera bien moins passionnante, d’autant plus que Stearns ne glisse aucun easter eggs1 ou référence à du fluff « avancé » dans son récit, pour une conclusion tristement banale. On m’excusera (ou pas, en fait je m’en fiche) à nouveau de mettre en avant Peter Fehervari, qui, sur une trame très similaire, avait réussi à soigner sa sortie dans son Nightfall. Si j’osais, je dirais que Blackout est un épisode de Dora l’Exploratrice, et Nightfall un court-métrage de Pixar : là où le premier ne s’adresse qu’à un « jeune » public, le second est suffisamment bien construit pour intéresser toutes les générations de spectateurs. Bref, une nouvelle à ne pas mettre entre toutes les mains, mais pas pour les raisons habituelles.

1 : On pourrait toutefois argumenter que les Crimson Shades se livrent eux-mêmes à une chasse aux œufs (à la sauce 40K, certes), ce qui constituerait une habile mise en abyme.

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Comme souvent avec des recueils de nouvelles, ce 4ème numéro d’Inferno! est assez hétérogène dans sa composition. Si les débuts d’Eric Gregory constituent à mes yeux la plus grande réussite de cet opus, d’autres soumissions (Flowers, Haley, Albert) s’avèrent également être intéressantes, ou convenables (Wiltgren, Green, Crisalli, Parrott, Brooks, Horth, Stearns). Finalement, il n’y a guère que la pièce-titre (en termes d’illustration de couverture tout du moins) qui m’est apparue comme insatisfaisante, ce qui est un ratio tout à fait respectable.

Hasard du calendrier, la tenue du Black Library Weekender 2019 nous a permis de prendre connaissance de la couverture et du line-up du prochain numéro, qui sortira au cours du premier trimestre 2020. Je suis particulièrement ravi de voir que sur les douze contributeurs mis à l’honneur de ce 5ème opus, 10 sont des nouveaux-venus, ce qui confirme une nouvelle fois le rôle d’Inferno! comme tremplin des nouveaux talents de la Black Library. Un an après sa résurrection, on peut donc considérer que la nouvelle incarnation d’Inferno! porte haut les couleurs de son glorieux aîné de ce point de vue (on attend toujours les comics et les articles fluff, ceci dit), et je ne m’en plaindrai sûrement pas. En attendant la publication d’un petit best-of personnel de l’année écoulée, et probablement un nouvel Infernabulum! avant la fin de l’année, je vous salue bien bas et vous souhaite d’infernales, aventureuses et satisfaisantes lectures d’ici à 2020!

SUMMER OF READING 2019 [40K-AoS]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette critique des nouvelles proposées par la Black Library dans le cadre de son annuel Summer of Reading, à la fin du mois d’Août. L’occasion pour moi de me lancer dans un exercice de speed chronicking (si ce terme existe vraiment), en traitant chaque soumission dans la journée suivant sa sortie. Ce fut parfois assez éprouvant, et je ne ferai pas ça tous les jours, mais nous voilà rendus en ce dimanche 25 Août avec 7 nouvelles chroniques. Alors, ces 17,45€ ont ils été bien investis? Voyons ça de plus près.

Summer of Reading 2019

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Fangs of the Rustwood – E. Dicken [AoS]:

INTRIGUE:

Fangs of the RustwoodChargé d’escorter les trois suspects de l’assassinat du Gouverneur Bettrum de la cité d’Uliashtai, en Chamon, le Répurgateur Kantus Val(l)o de l’Ordre d’Azyr décide de couper à travers bois pour rallier au plus vite la cité d’Eshunna, où les geôles spacieuses et les tortionnaires attentionnés de l’Inquisition sigmarite auront tôt fait de délier – ou d’arracher, à défaut – les langues des gardés à vue. Ces derniers, mis à part un bon motif d’en vouloir à feu Bettrum, n’ont pas grand-chose en commun. Notre triumvirat de crapules se compose en effet du mage geignard et prophétique (un vrai Nighthaunter d’Age of Sigmar) Elabrin, de l’empoisonneuse patentée Garrula Heko, et de la Capitaine édentée de la garde d’Uliashtai, simplement nommée Lim.

Le choix de Kantus d’emprunter la route traversant le Bois de Rouille ne s’avère guère brillant (ce qui est normal, car l’oxydation du fer corrode le métal), mais plutôt tranchant, la flore acérée de Chamon forçant la petite troupe à jouer de la hache pour se frayer un chemin sous les frondaisons métallisées. Ayant profité d’une halte pour cuisiner ses prisonniers, le Répurgateur doit mettre en pause son interrogatoire lorsqu’une de ses gardes se prend les pieds dans le tapis et choit lourdement dans une fosse tapissée de pieux empoisonnés (piejâkon#1). N’écoutant que son courage, Kantus… accepte qu’un des collègues de la malheureuse aille la repêcher au fond de son trou. Il donne cependant de sa personne en faisant contrepoids au bout de la corde, mais une autre fausse manœuvre des plus ballotes déclenche prestement la détente d’une tige épineuse… empoisonnée (piejâkon#2), qui met le bon samaritain en PLS, juste avant que Kantus ne le laisse carrément aller se pieuter en sous-sol lorsqu’un Gobelin des Forêts juché sur une araignée géante décide de s’inviter à la fête en hurlant « I am Groot! ». L’invité mystère ayant intoxiqué l’un des deux gardes restants de notre héros, ce dernier est colère et règle leur compte aux nuisibles de quelques moulinets bien sentis, avant d’aller s’enquérir du bien-être de ses charges (une enquête de l’IGPN est si vite arrivée).

Le dialogue qui s’engage a vite fait de convaincre Kantus de l’impératif catégorique de laisser les gredins lui prêter main forte afin d’avoir une chance de se sortir du guêpier arachnéen dans lequel il s’est jeté. Rendant à ses prisonniers leurs armes et équipements en échange d’une vague promesse de bien se comporter (quel laxisme), Kantus les entraîne vers l’orée du bois, dans l’espoir un peu vain de distancer les Grots dont les tambours commencent à résonner dans les fougères. Ce qui devait arriver arrive lorsque notre petite troupe, au casting digne du JDR Age of Sigmar s’il était sorti (un Chasseur de Sorcières, un Mage, un Guerrier, un Rôdeur et un PNJ à DLC courte), débouche dans une clairière où l’embuscade des peaux vertes se déclenche. Bien aidé par le sort de pointeur laser inversé et préemptif d’Elabrin1, les humains ne s’en sortent pas trop mal dans un premier temps, les carreaux empoisonnés de Garrula et les coups d’épée de Kantus et Lim prélevant un lourd tribu dans la biodiversité du Bois de Rouille. Hélas, comme il l’avait prédit, le mage se fait capturer au lasso, et si son noble – et pas du tout consenti – sacrifice permet de gagner un peu de temps à ses comparses pendant qu’il se fait torturer à mort dans un bosquet, la situation n’est pas brillante pour ces derniers…

Début spoiler…réduits au nombre de deux après que Kantus ait constaté le décès inopiné de la dame de carreau(x). Fichtre. Enjoint par la vétérane Lim de quitter les lieux le plus rapidement possible, notre héros décide de faire du zèle en collectant les armes de Garrula, qui pourront peut-être permettre d’identifier le tueur du Gouverneur Bettrum, si on venait à retrouver une trace d’un poison similaire à celui utilisé pour pourrir (littéralement) l’édile sur les lames de l’empoisonneuse. Une bonne action ne restant jamais impunie, le Répurgateur se fait prestement attaquer par Brienne de Tarth (dans ta gu*ule), après avoir constaté que Garrula a connu la même fin que l’infortuné Gouverneur, révélant Lim comme la coupable des deux meurtres. Cette dernière trouvait en effet que cette grosse bête de Bettrum utilisait bien mal les forces de l’Ordre, et que son incapacité notoire à s’occuper de l’infestation Grot couvant dans le Bois de Rouille condamnerait à terme Uliashtai à la Destruction. Ca se tient, ça se tient, y a pas à dire. 

Insensible aux arguments de la soldate, Kantus l’est beaucoup moins à ses bottes vachardes, et l’idée de son trépas prochain lui travers l’esprit en même temps que l’épée de Lim fait de même avec sa panse. Abandonné à son triste sort par l’intraitable Capitaine Marlim, Kantus devrait se dépêcher de mourir s’il ne veut pas goûter à l’hospitalité légendaire des tribus Spiderfang…Fin spoiler

1 : En gros, on voit une petite lumière s’allume à l’endroit où un projectile va finir sa course une seconde avant que le coup parte, très pratique pour la balle au prisonnier et l’esquive de flash ball).

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AVIS:

Evan Dicken nous revient après ses débuts très convaincants (The Path to Glory), toujours à Chamon mais cette fois à l’époque contemporaine1, avec une histoire se voulant un match-up d’enquête policière (Mais qui a tué le Gouverneur Bettrum?) et de sword & sorcery. Si la brièveté de son propos ne lui donne pas la possibilité  d’exceller dans l’un ou l’autre de ces exercices, le meurtre de Bettrum se résolvant sans grande révélation, et la baston finale, pour honnête qu’elle soit, n’étant en rien mémorable, Dicken déroule cependant son récit avec sérieux, ce qui rend la lecture de The Fangs of the Rustwood plaisante. L’auteur réussit assez bien à faire ressortir la nature sauvage et dangereuse des Grots des Forêts, qui n’ont pas grand-chose de marrant lorsqu’on se retrouve nez à chitine avec leurs araignées géantes. Il parvient aussi à maintenir une tension narrative digne de ce nom, d’abord en jouant sur l’identité secrète du tueur, puis sur le destin attendant le héros. Venin sur le crochet, le fluff n’est pas absent de ces quelques pages, ce qui est tout bénef. Bref, ce (plus) court format permet à Dicken de cimenter son statut de Hot New Talent de la BL, et l’une des plumes à suivre d’Age of Sigmar dans les mois à venir.

1 : Même si des références à son cher empire Lantique et à la cité d’Uliashtai, qui avaient été mis à l’honneur dans cette première nouvelle, se retrouvent tout au long du texte.

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Forsaken – D. Ware [40K]:

INTRIGUE:

ForsakenNous retrouvons la Sœur de Bataille favorite et sans doute alter ego de Danie Ware, Augusta Santorus, quelques années avant les évènements couverts dans Mercy et The Bloodied Rose, alors qu’elle termine sa formation de jihadiste par une mission d’exploration du Santa Xenia, un navire de l’Ecclesiarchie dérivant tranquillement dans l’espace tous feux éteints et le moteur coupé, ce qui est pour le moins suspect. Sous le commandement sévère mais dur de la Sœur Supérieure Veradis, les intrépides Jeannettes parcourent les coursives sombres et glacées du vaisseau fantôme, la foi au cœur et le chant aux lèvres, comme les gentilles filles de Schola Progeniam qu’elles sont. Au bout du 18.457ème kilomètre à pied (qui use les souliers, même en céramite), c’est toutefois l’embuscade au détour d’un couloir. Fort heureusement menée par la porteuse de bolter lourd, aux nerfs d’acier et aux réflexes acérés, l’escouade réussit à se tirer de ce mauvais pas avec sang-froid et autorité, sourde aux ricanements bêtes des Orks qu’un rien1 amuse, vraiment. Cet obstacle bien négocié monte toutefois à la tête de notre héroïne, en même temps qu’un Gretchin yamakasi et hargneux, et la pauvre Augusta choit lamentablement de la passerelle qu’elle empruntait en compagnie de sa pote Lucienne (que je me devais de citer, même si elle ne sert à rien à part balancer des jurons – avec un nom pareil, ça se comprend -), et tombe, tel Gandalf avec la coupe de Mireille Mathieu, dans les profondeurs stygiennes de la soute du Santa Xenia, où elle atterrit avec un grand splash.

Ayant malgré tout réussi sa sauvegarde d’armure, Augusta reprend rapidement ses esprits, mais doit se rendre à l’évidence: son précieux bolter est tombé très loin d’elle, et dans les ténèbres absolues et humides qui règnent dans le pédiluve où elle évolue désormais, il lui sera impossible de remettre la main dessus. Shame! Shame! Shame! Faisant contre mauvais atterrissage bonne figure, elle dégaine sa dague de poche et s’enfonce dans l’immensité noire et (doublement) vague du 28ème sous-sol du vaisseau, à la recherche d’un mur et d’une échelle pour rejoindre le point de ralliement défini en début de mission. La solitude, le silence, le manque de repères et d’expérience dont souffre la novice se combinent toutefois rapidement pour menacer, d’abord le moral, puis la santé mentale, d’Augusta, qui a de surcroît la déveine de tomber sur des poteaux tagués de slogans aussi inquiétants que défaitistes. Lorsqu’un mystérieux rôdeur se décide à la prendre en chasse de loin, tel un frotteur de la ligne 4 repérant sa proie dans le dédale de Châtelet Les Halles, il faut à notre stagiaire toute la force de sa foi pour ne pas virer hystérique, et ce n’est pas la découverte d’une pyramide de cadavres (l’équipage du Santa Xantia) qui vient calmer sa crise d’angoisse. À toute chose, malheur est bon car le tas de macchabées se situe juste sous une coursive légèrement éclairée, qui sera sa porte de salut vers la civilisation. Il faudra cependant avant cela négocier le passage auprès de l’aubergine géante et savante2 qui se trouve là en… thalassothérapie, j’imagine? et qui se met en tête de feminicider Augusta. Il faut dire qu’elle venait de lui crever un œil sans sommation, ce qui n’est jamais agréable.

Le combat qui s’engage ne tourne logiquement pas en faveur de l’adolescente, même énergisée, et Gusta voit sa dernière heure arriver lorsque, miracle (c’est le cas de le dire), l’Empereur ou Ste Mina lui balance un point de foi qu’ils avaient dans la poche, ce qui permet à notre vierge farouche de renverser d’une seule main l’Ork qui l’écrasait de tout son poids en lui tordant le bras. Balèze Thérèse. Ayant littéralement pris le dessus sur son adversaire, Augusta finit proprement le travail, et parvient par des moyens détournés, et sans doute un peu de varappe post mortem, à rejoindre son point de chute (haha), où l’attend le reste de son escouade. Les Sœurs ont beau être contentes et soulagées de voir revenir leur camarade, cette peau de vache de Veradis sermonne la survivante, un peu sur la perte de son bolter et beaucoup sur la rupture de la cohésion d’unité, crime capital pour un personnage de fiction évoluant dans un univers découlant d’un wargame, comme chacun le comprendra aisément. C’est toutefois peu de chose pour Augusta, que la perspective de finir d’explorer un vaisseau grouillant d’Orks armée de son seul couteau à beurre effraie moins que sa séance de spéléologie improvisée. Et puis, l’important, c’est la rose, n’est-ce pas?

1 : Lire « bolt – ou ‘carbide fusion matrix’, parce que c’est quelque chose qui existe et qu’on peut tirer sur l’ennemi au 41ème millénaire, apparemment – en pleine tête ». 

2 : Pensez donc, un Ork violet et familier du culte de l’Empereur, ça n’existe pas voyons. 

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AVIS:

Ca partait plutôt pas mal pour Danie Ware avec ce Forsaken, dont l’ambiance anxiogène et l’affrontement « conventionnel » (comprendre, pas de prises de catch) contre les Orks en début de nouvelle positionnaient d’emblée comme (légèrement) supérieur à Mercy. Le pic était atteint lors du passage des errements métaphysiques et géographiques d’Augusta, et sa découverte des messages creepy à souhait (dont le Forsakendereliquit en haut gothique – éponyme) dans les ténèbres absolues du Santa Xantia… pour au final déboucher sur un amoncèlement d’incongruités et bizarreries venant parasiter le propos à tel point que la tension narrative n’y résista pas. Quel dommage. Sur le fond, on peut ainsi se poser la question, légitime, de savoir ce qui a bien pu pousser l’équipage du vaisseau à venir faire un Twister géant et léthal à la cave. Je veux bien croire qu’ils aient tous voulu profiter de la piscine sans penser à prendre les clés de l’escalier de service avec eux, et ont payé le prix de leur étourderie en mourant lentement de faim dans leur propre vaisseau (mon explication en vaut une autre, honnêtement), mais cela n’engage que moi. Quant à savoir ce que l’Ork pourpre faisait dans le coin alors que tous ses potes s’amusent dans les étages, c’est un autre et grand mystère, tout comme sa connaissance du credo impérial. Sur la forme, Ware donne encore dans l’invraisemblable en permettant à sa crevette d’héroïne de terrasser au corps à corps un adversaire beaucoup plus costaud, résistant et sauvage qu’elle sans autre forme de justification que le pouvoir de la foi. Certes, c’est une des caractéristiques de la faction. Mais cela mériterait une meilleure mise en scène et écriture pour être crédible, la bagarre finale semblant se terminer par l’ingestion par Augusta d’une rasade de potion magique plutôt que par un miracle en bonne et due forme. Bref, si Forsaken me semble un peu meilleur que Mercy, le progrès est des plus timides et l’amélioration pas vraiment franche. Essayons tout de même de garder la foi…

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Dead Drop M. Brooks [NDA]:

INTRIGUE:

Dead DropLa libre circulation des biens et des personnes n’étant pas un concept très familier aux autorités impériales, il est parfois nécessaire de recourir à des expédients un brin hasardeux, pour ne pas dire folkloriques, pour acheminer des marchandises à la légalité douteuse jusqu’à leur acquéreur. Sur ce sujet, Necromunda n’est guère mieux lotie que les autres planètes de l’Imperium, les zélés douaniers du Gouverneur Helmawr prenant un malin plaisir à inspecter les cargaisons qui auraient gagné à rester secrètes. Conséquence de cette absence scandaleuse de libre échange, il arrive que des colis d’un genre particulier soient expédiés directement dans les Désolations de Cendres qui entourent la Ruche Primus, dans l’attente du passage d’un gang coursier qui se chargera de la livraison à domicile contre espèces sonnantes et trébuchantes. C’est moins précis, mais parfois plus rapide, que Mondial Relay, notez. Le hic est que la profession est totalement dérégulée, et qu’il arrive souvent que plusieurs bandes convergent vers le même paquet, avec des résultats généralement sanglants. C’est précisément ce qui se passe ici, les Road Dogs du leader1 Danner Grimjack tendant une embuscade aux Steel Crescents de la Maison Van Saar afin de subtiliser aux geeks du sous-monde, la précieuse cargaison qu’ils avaient looté dans le désert.

Ayant révisé leur enchaînement accélération/embrayage et maté en boucle Mad Max: Fury Road pendant le week-end précédent, les Road Dogs s’abattent sur leurs proies comme un Ambull affamé sur un Crawler grassouillet, et harponnent sans coup férir l’utilitaire contenant le colis, dont ils se rendent maîtres après quelques échanges de tirs. L’opération, déjà endeuillée par la disparition tragique du fameux Sideswipe Eddy (mais si, Sideswipe Eddy quoi), manque cependant de tourner au fiasco lorsque la camionnette de location des Steel Crescents file droit vers la falaise la plus proche, la hampe de harpon ayant traversé et le volant, et le conducteur, venant prendre en défaut la robuste direction assistée des véhicules de Necromunda. Resté sur place plus longtemps qu’il n’aurait dû pour récupérer les restes mortels de son camarade (on n’abandonne pas Sideswipe Eddy, jamais) et mettre en marche son sécateur tronçonneur, le Juve Mungles se retrouve en mauvaise posture, pendu à bout de bras à un affleurement rocheux dépassant de la paroi de la falaise. Et il a beau hurler « j’veux pas des cendres » (on est dans les Désolations Cendreuses après tout), il semble que les Road Dogs sont bons pour une deuxième perte malgré l’intervention altruiste de Grimjack et sa cordelette moisie, jusqu’à ce que le reste du gang arrive et aide le boss à hisser le stagiaire sur le plancher des groxs. Chez les Orlocks, on est solidaires.

Cette menue péripétie évacuée, il est temps pour les Doges d’aller écouler leur bien mal acquis. Ayant récupéré un jeton portant la marque de Caradog Huws, un receleur de quelque renom dans le sous-monde, dans le food truck de leurs rivaux, les pirates décident fort logiquement d’aller proposer au trafiquant de leur racheter sa cargaison. Il leur faut pour cela affronter l’heure de pointe sur les Voies Arachnéennes, le périf de Necromunda, pour atteindre la Porte de la Chapelle Cendreuse, et plus précisément le charmant patelin de Port Mad Dog (ça commence à faire beaucoup de -dog), où ils disposent d’une planque pratique chez Deeno, méchano amateur et ancien membre du gang avant que la perte de sa jambe ne le force à se ranger des voitures. Rendant un hommage ému à Sideswipe Eddy et promettant de lui offrir très prochainement les funérailles nationales qu’il a amplement méritées, Grimjack et ses mastiffs empruntent les tunnels clandestins sillonnant le sous-sol poreux de Necromunda pour émerger à Dust Falls, où ils espèrent pouvoir une bonne âme qui leur indiquera la localisation de l’échoppe de Huws. Même si Grimjack fait chou blanc2, Mungles revient avec l’information nécessaire, et les Road Dogs se rendent prestement devant la porte supposée de l’Outlaw’s Deep…

Début spoiler 1…L’endroit a beau sembler parfaitement abandonné, ça ne décourage pas les Orlocks de tenter leur chance, ce qui au final ne paie pas. Mungles était en fait un indic bossant sous couverture pour les Enforcers, et a mené ses comparses droit dans un piège. Sommé par la maréchaussée de coopérer sous peine de se voir offrir une démonstration gratuite de fusil à pompe anti-émeute, Grimjack est contraint de remettre aux Arbites son magot. Aussi impatients que le lecteur de savoir enfin ce qui se cache dans la caisse trimballée de droite et de gauche depuis le début de la nouvelle, les flics dégainent leur pied de biche et en font sauter le couvercle, et là, ô surprise, ils se retrouvent nez à nez avec…Début spoiler 2…une boîte de tarama éventrée. Non, sans déconner. Bon, ok, ce sont des grappes d’œufs Xenos, mais vu l’absence très probable de morues3 sur Necromunda, ça revient au même. Déception (surtout pour le Spirien qui devra manger ses toasts tout secs, m’est avis). Il semble toutefois que quelques uns des pensionnaires de la caisse aient éclos avant terme et se soient faits la malle (ce qui est une douce ironie), à en croire les traînées de bave qui s’éloignent dans le sous-monde. Ca ne change pas grand-chose pour les Road Dogs toutefois, dont la complicité dans l’importation d’espèces Xenos rend passible de la peine de mort. Necromunda, c’est vraiment l’Australie post-apocalyptique en fait. Réalisant qu’il ne pourra pas tenir la promesse faite à SideswipeEddy, Grimjack décide de partir sur un coup d’éclat et réalise au débotté une trachéotomie assez grossière de cette balance de Mungles à l’aide du pied de biche subtilisé à un Enforcer hébété. Le rideau tombe sur nos protagonistes alors que gendarmes et voleurs règlent leurs comptes par pétoires interposées, affrontement dont les Road Dogs ont peu de chances de sortir vainqueurs malgré toute leur bonne volonté. Qu’importe, tant que chez les Orlocks, on reste solidaires.Fin spoilers

1 : L’usage de ce terme neutre n’est pas anodin. Brooks utilise en effet le pronom « they » à l’encontre de son héros, ce qui indique sa non-binarité. À noter que l’antagoniste de sa nouvelle A Common Ground était également genderqueer. 

2 : Quand un être patibulaire vous aborde dans la rue pour demander son chemin et que vous ne savez même pas si vous devez l’appeler Monsieur ou Madame – et supputez qu’il prendrait mal d’être misgenré -, il est plutôt normal de répondre que l’on ne sait pas.

3 : Et pas de blagues sur les Escher, hein. On reste classe dans une nouvelle où apparaît Sideway Eddy.

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AVIS:

Offrant au lecteur une excursion en plein air le temps d’une attaque de diligence, ou ce qui s’en rapproche le plus à Necromunda, Dead Drop est une variation appréciable de la nouvelle classique de ce sous-genre, permettant à Brooks d’explorer un peu de l’arrière-pays de la ruche Primus. Si les amateurs de suspens risquent de ressortir un peu déçus de cette lecture, le contenu de la caisse mystérieuse ne cassant pas trois pattes à un Van Saar, cette soumission brille en revanche par l’illustration qu’elle fait de la mentalité particulière des Orlocks, sans doute la Maison la plus sympathique du sous-monde en raison de la profonde solidarité qui unit ses membres. Dans les ténèbres d’un lointain futur, il semble que les concepts d’amitié, de sincérité et de confiance désintéressées ne soient pas totalement morts, ce qui offre une respiration bienvenue entre deux doses de grimdark vraiment sombre. Enfin, et c’est assez rare pour que je le souligne, j’ai trouvé la lecture de cette nouvelle sensiblement plus ardue que la publication moyenne de la BL, l’utilisation du pronom « they » (qui n’évoquera rien au lecteur francophone de but en blanc) et de tournures familières/argotiques par Mike Brooks compliquant l’entreprise. Rien d’insurmontable ceci dit.

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Heart of the Fallen – S. Cawkwell [WCY]:

INTRIGUE:

The Heart of the FallenDans les grandes plaines du Bloodwind Spoil, une double traque est en cours. Pendant qu’un mystérieux chasseur poursuit sa proie dans les étendues sauvages, trois jeunes guerriers Untamed Beasts, le sensible Dhyer et les frère et sœur Open Skies et Fleet-Foot, sont à la recherche du frère ainé du premier, un pisteur bravache du nom de Sharp Tongue. Ayant juré de traquer l’une des grandes bêtes qui hantent le territoire de la tribu afin de prouver sa valeur et de gagner en prestige, Langue de P*te est parti en solitaire il y a quelques jours, et son frangin s’inquiète de ne pas le voir revenir. Comme quoi, on peut vénérer une divinité chaotique assoiffée de sang1 et avoir le sens de la famille.

Les deux pistes finissent par converger à l’entrée d’une caverne d’un genre un peu particulier. Non pas qu’elle semble être un organisme géant, avec mur fourré (et probablement moquette du même acabit), ventilation pulmonaire et œils-de-bœuf plus vrais que nature. C’est finalement assez commun dans la région. C’est plutôt qu’elle possède des caractéristiques hydrographiques a priori inconciliables, la marque d’une véritable bénédiction des Dieux Sombres si vous voulez mon avis. Les Castueurs Juniors relèvent des indices de lutte, dont une dent humaine traînant dans la poussière, révélant que leur cher disparu n’est sûrement pas loin (et en effet, il a dû négocier un pétunia un peu envahissant à son arrivée dans la grotte, qui lui a prélevé quelques PV au passage). Redoublant de prudence, ils finissent par arriver dans une salle occupée par un lac de boue, au milieu duquel, unis dans la mort, se trouvent les cadavres d’un chasseur Untamed Beast et du monstre qu’il a tué avant de périr. Et quel monstre! Il s’agit rien de moins que d’un fort beau spécimen de Raptoryx2. On ne rigole pas dans le fond! Les ornithorynques du Chaos peuvent être dangereux quand ils sont acculés, et ce n’est pas Sharp Tongue qui soutiendra le contraire, raide mort qu’il est.

Bien qu’un peu tristes de cette conclusion tragique, US Open, Flip Flop et D’ailleurs décident de rendre au défunt l’hommage qu’il mérite, en dévorant rituellement son cœur afin de bénéficier de la force du macchabée. Le buffet froid est toutefois brutalement interrompu par le réveil du Raptoryx, qui, malgré la lance lui traversant le gésier de part en part, était loin d’avoir dit son dernier coin. La triplette de ploucville n’a guère le choix: il faut finir le boulot que ce peine-à-occire de Sharpie a salopé pour espérer sortir de l’antre de la bête. Malgré leur habileté à la sagaie en os, la hachette en silex et la dague en onyx, les Untamed Beasts ne s’en sortent pas indemnes, et Open Skies change rapidement son nom en Open Guts. Son sacrifice n’est toutefois pas vain, sa sœur et son (probablement futur) beauf combinant leurs forces pour euthanasier l’impossible palmipède. La nouvelle se termine sur un nouveau gueuleton, obligeamment offert par Open Skies, qui dans la mort comme dans la vie, avait le cœur dans la main (même si, ironiquement, c’est du coup aussi vrai de Dhyer et Fleet-Foot). Mais alors que nos tourtereaux se préparent à prélever le foie gras proprement monstrueux de leur proie, les eaux du pédiluve boueux se mettent de nouveau à trembler3

1 : D’ailleurs Cawkwell insiste pour appeler le Grand Dévoreur ‘Eater of Worlds’. Ca ne vous rappelle rien? Peut-être qu’Angron vient chiller dans les Huit Pointes lorsqu’il se fait expulser du Materium par les Chevaliers Gris. 

2 : Sachant que l’individu moyen arrive à l’épaule d’un être humain, celui-ci devait être aussi grand qu’un homme. Bon, ce n’est pas Thornwinder contre Harrow (voir The Devourer’s Demand), mais tout le monde ne peut pas se battre contre des vraies créatures semi-divines. 

3 : Et? Eh bien rien du tout. Ca se termine vraiment comme ça. Etrange.

AVIS:

Je suis un peu partagé au sujet de ce Heart of the Fallen. D’un côté, il m’est agréable de constater que Sarah Cawkwell ne semble pas partie pour retomber dans ses travers Hammer & Bolteresque, sa nouvelle étant solidement construite et, mises à part quelques incongruités (comme la caverne à la sécheresse humide) et erreurs de fluff (le Raptoryx présenté comme un prédateur solitaire alors qu’il a littéralement une règle qui indique qu’il chasse en meute – oui, je suis chiant -), somme toute assez mineures, plutôt agréable à lire. De plus, l’effet de nouveauté de Warcry joue encore à plein, justifiant d’autant plus la lecture de ce genre de soumissions, intrinsèquement originales (ce que ne peuvent pas dire les nouvelles de Space Marines et Stormcast Eternals qui constituent l’ordinaire de l’habitué de la BL). De l’autre, je suis assez déçu de la platitude de l’intrigue, alors que tout semblait indiquer qu’un twist final viendrait récompenser le quidam à la fin de la nouvelle. Jugez plutôt: et si le mystérieux chasseur, qui se révèle au final n’être que ce fier-à-bras-cassé de Sharp Tongue, avait été un guerrier d’un autre tribu que celle de nos héros, et que la bête qu’il traquait avait été Sharp Tongue, horriblement muté par le Chaos? J’avoue que je m’étais drôlement hypé sur cette hypothèse, que le refus catégorique de Cawkwell de nommer son premier protagoniste m’avait fait soupçonner, puis espérer, jusqu’à ce que le pot aux roses soit découvert. On ne me retirera pas de l’esprit que Heart of the Fallen aurait eu plus d’allure avec ce petit retournement de situation final, tout à fait grimdark dans l’esprit. Et puisqu’on parle de conclusion, ce qu’a voulu faire Cawkwell en achevant son propos sur ce que j’interprète comme l’arrivée d’un nouveau monstre dans la mare au canard (mais quel canard), sans plus de précisions ni d’indications sur son origine, m’échappe encore à l’heure actuelle. La nuit porte conseil paraît-il, alors…

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Born of the Storm – E. Albert [40K]:

INTRIGUE:

Born of the StormNotre histoire débute sur une scène peu commune pour une publication de la Black Library: un père lisant une histoire à son fils pour l’aider à s’endormir. Trop choupinet. Chose encore plus rare, l’histoire en question provient d’un vrai livre (avec des pages en plastique tout de même, il ne faut pas déconner), et non pas d’une liseuse, omniprésente dans les ténèbres du lointain futur. Le bouquin est une relique familiale1, et, bien qu’il ne le sache pas encore au moment où le sommeil l’emporte, le jeune Gus va vivre des aventures encore plus extraordinaires que celles contenues dans cet ouvrage à cause de ce dernier.

Quelques années plus tard, nous retrouvons le Cadet Augustin dans un camion de la Garde Impériale, en compagnie de quelques bidasses et d’un Sergent Instructeur convenablement feigneux (un mélange de feignasse et hargneux). Sur le chemin de la caserne, le convoi de conscrits s’arrête brusquement dans une zone urbaine prioritaire, qui se trouve être la banlieue craignos où notre héros a grandi. Jamais au-dessus d’un petit délit de faciès, le Sergent envoie donc le local de l’étape aller lui prendre un kébab au Grec du coin s’enquérir de la cause de cette pause non prévue à l’agenda. Augustin s’exécute, et constate avec horreur que son ancien quartier est en feu, ce qui augure du pire pour son vieux papa, toujours logé dans son petit HLM du 734ème étage (sans ascenseur). Soupçonnant que quelque chose de pas très net se trame, Gus commence à faire évacuer le transport de troupes, mais pas assez vite: une mine explose, puis une autre, et c’est bientôt Bagdad comme en M3 dans té-ci2. La raison de ce remue-ménage est révélée avec l’arrivée d’une troupe de gangers, en ayant après les armes et les munitions transportées par le convoi. Dans leur empressement, les crapules font toutefois l’erreur de ne pas méfier de l’ado hébété qui s’approche d’eux, et balance négligemment une grenade dans l’attroupement, avec des résultats spectaculaires. La Garde meurt mais ne prête pas ses affaires. Cette distraction évacuée, notre héros se précipite vers l’immeuble familial, cherchant sans doute à s’enquérir de l’état de santé de son paternel. On peut déduire de sa tentative, peu concluante, d’aller s’enrôler « pour de vrai » dans la Garde Impériale quelque temps plus tard, serrant seulement un livre roussi dans ses bras, que Papa Gus s’est fait fumer, un destin malheureusement trop commun dans les cités sensibles. Et si Augustin ne parvient pas à passer le stade du premier entretien, c’est parce que l’officier recruteur commet l’erreur de lui confisquer son précieux bouquin et de le balancer dans l’incinérateur en guise de bizutage, ce qui est mal pris par le volontaire, qui à défaut de se faire engager se fait enragé. Résultats: 72g de CO2 émis, 149 jours d’ITT cumulés pour le personnel de la station, et un Gus en attente d’exécution. Sa performance remarquable attire toutefois l’œil et la sympathie d’un officier de l’Astra Militarum (car oui, on parle aussi du Militarum dans cette nouvelle), qui redirige le jeune caïd vers une autre destination…

Envoyé sur Mars avec d’autres fortes têtes, Augustin a l’insigne privilège de se faire transformer en Space Marine Primaris, processus flou et douloureux, au cours duquel il perd progressivement tous ses souvenirs de sa vie terrane, et jusqu’à l’image de son propre père3. Nous reprenons contact avec notre héros à la toute fin de son parcours d’initiation, alors que lui et les cinq autres recrues ayant survécu aux rigueurs de leur entraînement (un peu) et aux plantages successifs de Parcoursup (surtout) sont emmenés dans le désert de la planète rouge pour passer leur dernier test. Il s’agit pour les Novices de rejoindre leur point de rendez-vous armés seulement d’un couteau et équipés d’un respirateur d’une autonomie de deux jours. Entre la faune biomécanique des grandes plaines ocres et les orages électriques qui tournent dans le ciel, les dangers ne manquent pas, mais Augustin réussit brillamment son épreuve d’EPS, en arrivant dans les temps pour la cérémonie de diplomation, qui plus est en portant un camarade attaqué par un Myr grincheux puis par un défibrillateur sur le chemin. Si avec ça, il n’a pas décroché la mention Assez Bien et les 20 euros qui vont avec, c’est à ne rien y comprendre. Bref, notre littéraire hardcore devient officiellement un Fulminator, juste à temps pour… être mis en stase. Il y a de quoi fulminer, pour sûr.

Suite et fin (provisoire) de l’auguste épopée, en vallée sur la planète de Chevreuse, où Gus, désormais Sergent d’une escouade de Reivers, a reçu l’ordre de sécuriser les reliques d’un saint local avant que le cantonnier municipal ne les verse à l’ossuaire, ou quelque autre infâme hérésie. Ayant un rendez-vous à honorer à 6H pétantes dans le cimetière local avec la résistance chevrotine, Augustin voit d’un mauvais œil un maquisard du cru se lancer dans une séance de tir au pigeon chaotique dans les environs immédiats de sa position. Il intervient donc rapidement et fermement pour faire cesser cette nuisance… et nous n’en saurons pas plus. Voilà une bien abrupte conclusion.

1 : Vu les sujets traités par ce recueil, on pourrait même imaginer qu’il s’agit d’une anthologie de la BL ayant traversé les millénaires. Ca ce serait un bel Easter Egg.

2 : D’ailleurs, ça pourrait très bien se passer à Bagdad, la suite de la nouvelle nous permettant d’affirmer qu’Augustin vient de Terra. 

3 : Par contre, je suis prêt à parier qu’il se rappelle toujours du nom de sa maîtresse de CE1. Ca c’est un souvenir inoubliable. 

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AVIS:

Soumission assez intéressante de par son parti pris de suivre la jeunesse et la genèse d’un Space Marine Primaris « historique » (dont la stase millénaire alors que l’Imperium pissait le sang à l’arrière plan me sort toujours par les augmétiques), et faisant montre d’un style plutôt agréable, ce Born of the Storm aurait toutefois gagné à disposer d’une contextualisation plus importante. Ne précisant formellement ni le lieu où (Terra?), ni l’époque à laquelle (M32 ?) elle débute, cette première nouvelle du rookie Albert peut parfois s’avérer obscure pour le lecteur non averti, et je dois confesser que j’ai dû me rendre sur le Lexicanum après avoir terminé cette histoire pour être certain d’avoir tous les éléments de background nécessaires à sa bonne compréhension en ma possession. Exemple gratuit: lorsque l’auteur met en scène le moment où les Fulminators apprennent qu’ils vont être mis en veille prolongée, l’auteur choisit de décrire l’officier qui leur fait passer le mémo comme portant une armure d’un bleu Ultramarine. N’étant précisé nulle part avant cela que le Chapitre d’adoption d’Augustin a une livrée de cette couleur (le nuancier était apparemment trop limité pour la Fondation Ultima), je m’étais imaginé que c’était un Maître de Chapitre Ultramarines, voire Guilliman en personne, qui était venu prêcher la bonne parole et faire passer la pilule parmi les Primaris. Ce qui est au final n’est sans doute pas le cas. Bref, Messieurs/dames les auteurs, merci de penser à vos lecteurs n’ayant pas le fluff infus dans vos écrits, cela évitera de bien fâcheux malentendus. Enfin, et comme dit plus haut, la conclusion-qui-n’en-est-pas-une de la nouvelle fait sérieusement penser qu’Albert a soumis les premières pages de sa novella à venir (Lords of the Storm1), qui traite justement de la sauvegarde des reliques de St Blaise sur Chevreuse par les Fulminators, plutôt que de se donner la peine d’achever proprement ce court format. Pour un auteur et une maison d’édition professionnels, ce n’est pas vraiment acceptable, et vient ternir inutilement une prestation autrement plus qu’encourageante.

1 : En bonus, dans la petite biographie de l’auteur à la fin de l’e-book, on apprend qu’il a écrit pour la BL une nouvelle encore ni annoncée ni publiée, Green & Grey

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Miracles – N. Wolf [HOR-40K]:

INTRIGUE:

MiraclesOuvrier dans une usine fabriquant des chargeurs de fusils laser sur le monde ruche d’Entorum, Jacen Hertz vit le rêve américain impérial dans son petit appartement de fonction, en compagnie de sa femme aimante (Myra) et de ses trois enfants (les jumeaux Markus et Arden et la petite Sophya). N’eut été son amour légèrement immodéré pour la dive bouteille, héritage d’une enfance traumatique qui le laissa orphelin de mère (évanouie dans la nature à la suite de visions psychotiques) et de père (mort de chagrin après le départ de cette dernière), et la fatigue chronique résultant de ses journées de travail de 16 heures, Jacen serait parfaitement heureux. Certes, les rumeurs insistantes de disparitions mystérieuses de citoyens de Praxis (la ruche où habite la famille Hertz) ont créé un climat de suspicion et de paranoïa parmi la population locale, en plus de multiplier les patrouilles – et donc les bavures – d’Enforcers, mais Entorum n’est pas sans connaître son lot de bonnes nouvelles, comme la guérison miraculeuse du mendiant et ex Garde Impérial Guryn Mansk, ayant retrouvé la vue un beau matin après qu’un ange lui ait rendu visite dans son sommeil. Loués soient Saint Jude et l’Empereur.

Un peu plus tard, nous retrouvons notre héros, un peu fatigué par le rythme de travail éreintant que nécessite la réalisation (où la limitation de la non-réalisation) des quotas de production fixés par l’Adeptus Terra, surtout depuis que les disparitions se sont multipliées, et ont forcé l’institution d’heures supplémentaires obligatoires pour compenser l’absentéisme galopant qui touche les forces vives de Praxis. Bref, Jacen a beau faire de son mieux pour produire ses batteries, il est lui-même presque à plat. Ces soucis de productivité deviennent cependant soudainement secondaires lorsqu’une surcharge critique du réacteur à plasma de l’usine se déclare, avec des conséquences catastrophiques pour cette dernière et ses milliers d’ouvriers. Pris dans le souffle de la conflagration, Jacen est visité par une vision, où un ange ayant pris les traits de sa mère lui annonce que l’Empereur l’a choisi pour mener à bien son dessein sur Entorum, et que sa vie sera donc préservée. En échange de cette protection divine, Jacen devra prouver sa dévotion à son Sauveur en sacrifiant sa petite dernière à la cause, seul moyen d’empêcher la planète de sombrer dans l’apocalypse. Les voies de l’Empereur sont décidément des plus impénétrables.

À son réveil dans les décombres de son lieu de travail, Jacen découvre que l’ange a tenu parole, lui seul ayant été épargné par l’explosion qui a réduit l’usine en ruines et ses collègues de chaîne d’assemblage en chiche-kebab. Cette exception statistique lui attire toutefois la suspicion des forces de l’ordre, qui l’interrogent sans ménagement afin de comprendre comment il a pu échapper au funeste destin de ses camarades. Peu convaincu par son explication angélique, l’Enforcer en chef laisse toutefois le bénéfice du doute au témoin assisté, et, au lieu de l’exécuter séance tenante comme son mandat impérial le lui permet (voilà qui doit désengorger les tribunaux et les prisons d’Entorum), le laisse partir avec la vie sauve. Notre héros se trouve toutefois en proie à un dilemme insoluble: exécuter la mission que lui a donné l’ange, dont les chuchotis motivateurs le suivent désormais où qu’il aille, ou prendre le risque de voir sa planète réduite en cendres, comme révélé dans le teaser visionnaire auquel il a assisté?

Début spoilerDe retour chez lui, Jacen prend la décision d’agir pour le bien commun, et, après avoir englouti une bouteille d’amasec pour se donner du courage, va border Sophya pour la dernière fois. Manque de pot, les protestations – fort légitimes – de cette dernière attirent l’attention de Myra, contraignant l’Abraham du 41ème millénaire à faire un tir, ou plutôt un prélèvement (l’ange ayant spécifiquement demandé s’il avait du cœur), groupé. Son sombre forfait accompli, Jacen demande un accusé de réception à son commanditaire, et la preuve qu’il a véritablement préservé Entorum de la catastrophe. À cela, l’ange répond qu’elle a une bonne et une mauvaise nouvelle. La mauvaise est qu’elle s’est jouée de la crédulité de notre héros, et que les meurtres commis par ce dernier, comme ceux perpétrés par les autres citoyens de Praxis auxquels elle a offert ses « services » (dont l’aveugle Guryn Mansk, qui s’est jeté sous un car scolaire, dévoré par le remords devant son acte monstrueux) ont au contraire servi les desseins génocidaires de l’entité démoniaque que l’ange se révèle être au final. Mais la bonne nouvelle est que Jacen a pu enfin reprendre contact avec sa chère maman, qui n’est autre que la psyker que le démon en question a possédé après que ses visions apocalyptiques l’aient mené à tuer son mari et à quitter le domicile familial. C’est sur ce triptyque Travail – Famille – Batterie (de fusil laser) que se termine l’histoire (et probablement la vie) de Jacen Hertz, l’homme qui en avait trop vu et bu.Fin spoiler

AVIS:

Fort belle soumission de la part de Nicholas Wolf que ce Miracles, qui parvient, à la différence de beaucoup d’autres histoires estampillées Warhammer Horror, à distiller une atmosphère réellement oppressante et angoissante, en exploitant quelques tropes du genre (la vision angélique dévoyée, les chuchotements/apparitions que seul le héros perçoit, le dilemme insoluble dont la résolution fait sombrer dans la folie…) de façon très efficace. De la même façon, le choix de l’auteur de choisir un citoyen lambda de l’Imperium comme protagoniste, et de le confronter à toute l’horreur gothique de Warhammer 40.000, donne des résultats convaincants. Cerise sur le gâteau, la petite révélation finale sur l’identité de l’entité qui a pris Jacen sous son aile permet de clôturer le récit de fort dérangeante manière, en plus de souligner l’un des concepts forts du fluff de la franchise, que Wolf maîtrise assez pour exploiter avec talent ses caractéristiques les plus dérangeantes et morbides. Bref, une vraie réussite que cette seconde nouvelle (la première étant Reborn1) du nouveau venu Wolf, qui mérite d’être suivi au cours des mois à venir.

1 : Et la troisième, encore une fois fuitée par la biographie de l’auteur à la fin de l’e-short, Negavolt.

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To Speak as One – G. Haley [40K]:

INTRIGUE:

To Speak as OneAlors qu’il attend l’arrivée prochaine d’un collègue de l’Ordo Xenos sur une station prison inquisitoriale abandonnée orbitant autour de la planète Otranti, l’Inquisiteur Cehen-qui reçoit une missive émanant de Belisarius Cawl en personne, lui intimant l’ordre de remettre le Xenos retenu prisonnier dans la station de correction investie par lui et son équipe. Peu habitué à recevoir des ordres, quand bien même ils proviendraient d’une sommité galactique telle que l’Archimagos Dominus, et aient été contresignés par Guilliman en personne, Cehen-qui informe sa fine équipe d’acolytes (l’être à tout faire Callow, le porte-flingues livre1 Valeneez, le Magos hipster – Frenk – Gamma et la serpentiforme et mal réveillée psyker ShoShonai) qu’il n’a aucune intention de coopérer, et qu’il défendra son bien jusqu’à la mort… de tous ses suivants, et même la sienne si on en arrive jusque là. L’arrivée soudaine d’un vaisseau de l’Adeptus Mechanicus va lui donner l’occasion de mettre à l’épreuve sa résolution farouche.

À bord du croiseur de l’Omnimessie, élégamment nommé 0-101-0, nous faisons la connaissance du reste du casting de la nouvelle, constitué de l’Archiviste Primaris Alpha Primus, qui déteste tout et tout le monde (mais a un faible pour la confiture d’albaricoque) et d’un clone de Cawl, Qvo-87. Chargés par leur patron de lui ramener le sujet de ses désirs afin qu’il puisse continuer ses expériences, les deux larrons cohabitent difficilement du fait de leur différence de caractère. Si Primus est gai comme une porte de prison qui viendrait de perdre sa famille dans un accident de voiture, Qvo-87 est gai comme un pinson (Cawl a dû intégrer le coffret collector des Grosses Têtes dans sa banque de données internes), et même si ses boutades tombent systématiquement à plat, il ne se départit jamais de sa bonne humeur, qui énerve Primus au plus haut point. Comme tout le reste d’ailleurs. Confiant dans la capacité de son vaisseau à sortir vainqueur d’un échange de tirs avec la station où est retranchée la suite inquisitoriale, mais souhaitant laisser un chance à son interlocuteur de régler l’affaire à l’amiable avant de passer aux choses sérieuses, Qvo opte pour une approche diplomatique, mais envoie tout de même son stoïque collègue aborder discrètement le complexe, ce qu’il fait à la Roboute (comprendre qu’il se jette dans le vide depuis son vaisseau et rejoint sa cible à la nage). Grand bien lui en fait car les négociations avec Cehen-qui se révèlent rapidement infructueuses, et l’inévitable bataille spatiale s’engage après que les deux camps aient conclu à un accord sur leur désaccord…

Début spoilerL’affrontement tourne, comme prévu par ce dernier, rapidement en faveur de Qvo, qui décide de pimenter les choses en percutant la station afin d’accélérer sa chute vers la surface d’Otranti. Surpris et condamné par cette manœuvre, Cehen-qui n’a d’autres choix que d’ordonner l’évacuation de sa planque, non sans avoir récupérer le psyker Aeldari qu’il pense être la cible du Mechanicus… Sauf qu’il y a eu un malentendu fâcheux au niveau du communiqué envoyé par Cawl: l’Archmagos n’est pas le moins du monde intéressé par les capacités cognitives des Zoneilles, mais convoite la crête d’un Cryptek, oublié dans une des cellules du complexe inquisitorial au moment de sa première évacuation. Cela n’empêche évidemment pas Primus de faire le coup de feu au bénéfice des malheureuses troupes de choc qui croisent sa route, mais facilite grandement le travail de collecte de l’inflexible Archiviste, jusqu’à ce qu’il se retrouve nez à nez avec ShoShonai, la psyker de compagnie de Cehen-qui. Alors que le Primaris se prépare à une partie sans pitié de Mastermind, il a la surprise d’entendre son vis à vis solliciter son aide, qui consisterait en une euthanasie rapide. Et pour cause, sous son grand chapeau, Tata Shosho ne cache pas un grelot, mais un symbiote tentaculaire fermement accroché à son occiput. Et là où ça devient intéressant, même pour le suprêmement blasé Primus, c’est que c’est le Xenos qui demande à ce que l’on mette fin à ses services (probablement de disque dur externe), car c’est lui qui a été réduit en esclavage par ce radical de Cehen-qui, malgré des apparences trompeuses. Toujours prêt à rendre service à son prochain, surtout si cela implique un peu de xenocide, Primus met à profit son Magnificat et ses tendons d’acier pour broyer à main nue le parasite exploité, avant de finir le travail d’une rafale de bolts lorsque ShoShonai fait mine de lui chercher des noises. Ceci fait, il se téléporte sur 0-101-0, et repart avec son crispant sidekick pour de nouvelles aventures, laissant Cehen-qui et ses sbires réaliser avec effroi et outrage qu’ils se sont faits balader comme des cadets par les envoyés spéciaux de Cawl. Y a plus de respect, que voulez-vous.Fin spoiler

1 : J’en aurais bien dit plus à son sujet, mais il ne fait littéralement que ça d’utile au cours de la nouvelle.  

AVIS:

Nouvelle intéressante de la part du vétéran Haley, non pas par son intrigue, mais bien par son ton, qui, à ma grande surprise, s’est révélé flirter sans complexe du côté de la pastiche. Qu’il s’agisse de l’Inquisiteur Cehen-qui, éminence grise foncée aussi hautaine que précieuse, et qui n’aurait pas détonné comme méchant dans un sous James Bond philippin, ou du binôme de choc Alpha Primus (Bourriquet dans un corps de psyker Primaris) et Qvo-87 (Kev Adams dans un corps d’Archimagos), les personnages de To Speak as One manient la petite blague aussi facilement que le bolter, ce qui place cette nouvelle à part de l’écrasante majorité du corpus de la Black Library. Le résultat final, s’il est assez plaisant, n’est donc pas à mettre entre toutes les mains. Passée cette remarque introductive, cette soumission de Guy Haley gagnerait peut-être à être mise en relation avec les autres écrits que notre homme a consacré au Dark Imperium, afin de pouvoir établir si les personnages présentés ici se retrouvent ailleurs. Si c’est le cas, cela pourrait expliquer pourquoi l’auteur ne se donne pas la peine d’introduire convenablement Primus et Qvo, que le lecteur ne pourra identifier comme mari et femme Primaris et Replicae qu’au bout de quelques paragraphes. Primus reste malgré tout assez mystérieux, ni son Chapitre d’appartenance, ni les raisons qui expliquent son rattachement au service de Cawl, n’étant abordés au cours du récit. Enfin, on peut (en tout cas, je le fais) reprocher à Haley la légèreté avec laquelle il met en scène son twist final « principal », qui est à mes yeux celui d’après lequel la nouvelle a été baptisée, ou en tout cas qui aurait dû l’être compte tenu de ce choix. Quand le lecteur apprendra le fin mot de l’histoire à propos de cette double parole (To speak as one: parler d’une seule voix), il sera en droit d’être un peu déçu par la micro révélation apportée par ce développement, le « vrai » retournement de situation étant tout autre. Pinaillage peut-être, mais on ne bâcle pas un choix de titre, Mr Haley.

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Au final, ce Summer of Reading 2019 aura été plutôt qualitatif, et aura permis de vérifier que la jeune garde de la Black Library avait du répondant. D’un point de vue personnel, mes favoris sont ainsi les soumissions de Wolf et Dicken, podium complété par la mignardise à l’Imperium noir commise par Guy Haley. Bien que le rapport qualité-prix de ce genre de package reste inférieur à ce que le lecteur peut obtenir en attendant la sortie d’une anthologie, je ne regrette donc pas mon achat et aurai sans doute plaisir à retenter l’aventure dans un an, ou pourquoi pour le Black Library Advent Calendar, qui propose rien de moins que 24 (ou peut-être 25) nouvelles et audio short pour attendre Noël. Nous verrons bien.

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SACROSAINT & AUTRES RECITS [AoS]

 

Bonjour à tous et bienvenue dans cette chronique du recueil Sacrosaint & Autres Récits (Sacrosanct & Other Stories en VO), premier épisode d’une – courte – série de deux billets, dédiée à l’analyse des anthologies introductives développées par la Black Library à destination des nouveaux arrivants dans le Hobby. Bénéficiant d’un prix de vente des plus attractifs (7€) et d’une traduction française et allemande (on ne sait jamais, ça peut vous intéresser), ces ouvrages proposent, en plus de la novella qui leur donne leur titre, une dizaine de nouvelles et un extrait de roman, soit quelques centaines de pages à se mettre sous la dent pour le lecteur. Le rapport quantité/prix étant très favorable, il nous faut maintenant nous frotter à la qualité des soumissions amoureusement regroupées par les éditeurs de la BL, afin de déterminer si ces recueils sont bien les portes d’entrées dans le monde merveilleux des franchises GW qui nous ont été promises, ou un projet inabouti ne méritant ni le détour ni l’investissement.

Sommaire Sacrosanct & Other Stories (AoS)

Sacrosaint… propose des textes de huit auteurs plus ou moins établis de la BL, dont l’intrigue prend place dans les Royaumes Mortels. Parmi les têtes d’affiche du line-up proposé, on retrouve C. L. Werner, en charge de la novella Sacrosaint et de deux autres courts formats, Josh Reynolds (3 soumissions), Guy Haley (2) et l’éternel Gav Thorpe (1). Les deux David de la Black Library (Annandale et Guymer), et les petits nouveaux Nick Horth et Andy Clark complètent ce panel, assez représentatif du catalogue actuel d’Age of Sigmar je dois dire.

Les wordful eight parviendront-ils à convaincre le lecteur de partir explorer les mystères des Royaumes Mortels, franchise sans cesse comparée – et assez peu souvent à son avantage – à sa glorieuse aînée Warhammer Fantasy Battle ? Pourquoi ne pas demander à un vieux de la vieille (au moins d’un point de vue littéraire) ce qu’il en pense ? Ca tombe bien, je m’avais justement sous la main ces temps-ci…

Sacrosaint & Autres Récits

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Sacrosaint // Sacrosanct – C. L. Werner :

INTRIGUE:

Sacrosaint &amp; Autres RécitsDans ce morceau de bravoure (107 pages tout de même), C. L. Werner prend les commandes d’une force de Stormcast Eternals appartenant à la Chambre Sacrosainte, spécialisée dans l’intervention contre les ennemis faisant joujou avec la magie1, et envoyée par le standard sigmarite régler le problème, non pas de connexion mais de possession, affligeant la ville de Wyrmsditt en Ghur. Mené par le Knight Invocator Arnhault, secondé par un duo de fidèles lieutenants opposés-mais-complémentaires (le psychorigide Penthius, qui attend avec une impatience non dissimulée que Sigmar finisse d’écrire le Codex Stormcastes, et l’instinctif Nerio, qui tire d’abord et se pose des questions après), nos armures ambulantes s’écrasent (littéralement) dans le bois de Gyr, rasant la forêt sur un rayon d’une centaine de mètres, mais arrivant au moins dans le bon Royaume, comme Arnhault le confirme après un bon sniff de la terre du point de chute2 et pas trop loin de leur théâtre d’opérations.

Notre héroïque compagnie n’est pas là depuis une minute qu’une première initiative malheureuse manque d’avoir des conséquences fâcheuses. Ayant sans doute repéré une souche particulièrement pittoresque, Nerio entraîne ses Castigators pour un squad selfie au delà du cordon de protection mis en place par les Sequitors de Penthius. Surgit alors un Mammochon sauvage corrompu par Khorne (c’est la version Rubis Oméga dirons-nous), pas vraiment content de l’arrivée fracassante et biocidaire des Stormcast, et qui décide de régler le problème à sa manière, c’est à dire en fonçant dans le tas. L’occasion pour les Sacrosaints de montrer qu’ils ne sont pas enfants de choeur, et que malgré les conneries de Nerio, ils sont largement capables de se sortir de cette cocasse situation sans problème. Comme notre irrascible pachyderme ne tarde pas à l’apprendre, à son corps défendant, le bien-être animal ne fait pas partie des centres d’intérêt d’Arnhault et consorts, qui, bien que sensibles au calvaire vécu par l’autrefois placide herbivore, ne font pas grand chose pour abréger ses souffrances. Brûlé au 8ème degré par les munitions ésotériques des Castigators, écorché vif par les sig-rafales et les sig-éclairs invoqués par le mage de guerre, la trompe arrachée par un sig-carreau bien placé, les pattes brisées à coup de sig-masse, les défenses fracassées… Babar passe un sale quart d’heure avant de livrer son dernier souffle et de voir son esprit capturé par Arnhault à l’aide de la Sigmar-Ball qu’il gardait en réserve pour une occasion de ce type.

Cette péripétie évacuée, la colonne prend le chemin de Wyrmsditt, rencontrant en chemin une fillette se livrant à de sombres mais innocents rituels dans un temple de Nagash en ruines, dans l’espoir d’empêcher son frère d’être emmené par le Roi-Voilé, précisément l’esprit frappeur que les Stormcast ont été chargés de bannir. Et puisque nous avons mentionné le vilain de l’histoire, passons quelques paragraphes en sa compagnie pour apprendre à le connaître. Notre ectoplasme alpha s’appelle en vérité Sabrodt, et est le dernier Prêtre-Roi du royaume de Kharza, qui occupait la région avant la venue du Chaos. Malgré le confort dont il jouit dans son tumulus et en particulier le magnifique Trône Dragon qu’il occupe, notre homme âme a des ambitions plus élevées. Il s’est donc mis à demander des tributs aux communuautés environnantes, qui, si elles sont pour le moment très modérées par rapport à son pouvoir de nuisance (une victime toutes les nouvelles lunes, c’est pas la mort non plus), ont suffi à générer suffisamment de prière à Sigmar pour que ce dernier consente à lancer une enquête. Et comme, justement, nous sommes au moment d’un changement de lune, nous voyons Sabrodt faire ses préparatifs pour sa tournée mensuelle à Wyrmsditt, sans savoir qu’un comité d’accueil un peu particulier l’attend sur place.

À quelque distance du squat du Roi-Voilé, Arnhault et ses ouailles ont atteint leur destination, et s’étonnent du manque d’entrain que suscite leur arrivée. C’est vrai quoi, d’habitude les péquenauds, ça aime les défilés militaires. Il faudra l’intervention extatique du prêtre de Sigmar local (Frère Mueller), un vieil aveugle pouvant repérer un Stormcast à son odeur3… de sainteté, et apparemment responsable à lui seul de la saturation du standard sigmarite, pour convaincre les Wyrmsdittois de faire bon accueil à leurs libérateurs. Celà donne l’occasion à Arnhault, Penthius et Nerio de remettre les pendules à l’heure auprès des autorités compétentes, et de faire preuve de l’intolérance religieuse que l’on est en droit d’attendre de la Muttawa de Sigmar en brutalisant l’honnête prêtre de Nagash (Mathias) qui avait eu l’idée d’apaiser les rêves de grandeur de Sabrodt en lui livrant une victime expiatoire à intervalles réguliers. Il aurait bien évidemment dû combattre le faquin les armes à la main au lieu de chercher à l’agréer, fulminent les Stormcast Eternals, un peu oublieux du fait que tout le monde n’est pas un guerrier immortel larger than life disposant d’arme et d’armure divines. Les villageois convenablement gourmandés, Arnhault décide de tendre un piège à son adversaire, en positionnant ses forces dans les maisons entourant le temple de Nagash et autorisant le Frère Mueller à endosser la chasuble de son collègue pour convaincre le Roi-Voilé que tout est en ordre. Ce savant stratagème est toutefois compromis par l’oubli regrettable d’Arnhault d’empêcher le fourbe Mathias de nuire, le prêtre défroqué ne trouvant rien de plus malin que d’aller prévenir Sabrodt du danger qu’il court alors qu’il approchait pépouze juché sur son destrier éthéré.

Fort heureusement pour les Sigmarines, leur ennemi est aussi caractériel qu’arrogant, et se contente donc d’exécuter son seul loyal serviteur pour sa peine et de continuer sa route vers le temple, où l’attend toujours le brave Mueller, inconscient du danger. Pas totalement stupide non plus, Sabrodt invoque quelques esprits pour aller reconnaître les lieux, déclenchant le feu et la fureur des Stormcast. L’arrivée d’Arnhault dans la bagarre semble toutefois avoir un effet particulier sur le Roi-Voilé, qui se met à gueuler « Volkhard ! » sur tous les toits, avec des effets dévastateurs sur l’équilibre mental de sa Némésis, frappée de plein fouet par un flashback aussi indistinct que massif. Il faudra le sacrifice de Mueller, dont le « Vous ne passerez pas ! » se termine à peu près bien pour lui que pour Gandalf le Gris et l’intervention musclée de ses troupes pour que le Knight Incantor se remette de ses émotions, et se mette lui aussi à braire un nom, celui de son adversaire.

Après un dialogue primé aux Oscars entre Nanar et RV, les nighthaunts finissent par déposer les armes, et le Roi-Voilé opte pour une prudente retraite, ayant lui aussi goûté aux sortilèges barbelés éructés par le capitaine de l’équipe adverse. La logique poursuite à laquelle Nerio voulait se lancer est toutefois réfrenée par son boss, qui trouve plus urgent de « trouver la source de la malédiction de la non-vie et s’assurer de sa purge ». Quand Arnhault réalise que cela passe bien par suivre à la trace Sabrodt jusqu’à sa planque, l’ectoplasme est déjà bien loin. Pas de bol. Heureusement, le Roi-Voilé a pris soin de laisser des traces manifestes de son passage pour permettre à ses poursuivants de le retrouver sans trop de difficulté, dans le but de pouvoir leur rendre la pareille et les attirer à son tour dans un traquenard. La marche d’approche des Stormcast les amène jusqu’au site d’une ancienne bataille, qu’Arnhault identifie comme le lieu du dernier carré des forces de Zharka contre les hordes du Chaos, du temps où il était aux affaires. Car, oui, les dernières heures ont permis à notre héros de recouvrer en partie la mémoire et de se souvenir qu’avant de balancer des éclairs pour le compte de Ziggy, il avait été le Prêtre Roi Volkhard de Zharka. Il se souvient également que la traîtrise de Sabrodt l’Usurpeur avait condamné ses loyaux sujets à la mort, ce qui lui donne une raison supplémentaire d’aller arracher la burka du Roi-Voilé. Avisant l’unique carré de verdure sur la plaine désolée où est situé le tumulus funéraire de Sabrodt, Arnhault/Volkhard ordonne à ses hommes de mettre le cap sur ce point de ralliement, sans savoir (encore) qu’il s’agit de l’endroit précis où son ancien lui est tombé il y a fort longtemps.

Parvenus à bon port grâce au recours à l’ingénieuse formation du Dragon et malgré quelques pertes consenties à la marée spectrale que Sabrodt n’a pas manqué d’invoquer pour défendre ses biens mal acquis, les Stormcast voient leur chef adoré virer berserk à peine arrivé sur son petit gazon (à moins qu’il ne s’agît d’un carré de chanvre, dur à dire d’aussi loin), et se ruer dans le tumulus de son ennemi en hurlant de façon incohérente. Confiant à Nerio le commandement, le brave Penthius emboîte prestement le pas à son commandant, jugeant avec sagesse que son intervention sera nécessaire d’ici à la fin de l’histoire. Laissé à la bonne gestion des affaires courantes, Nerio s’illustre par un duel de sidekicks l’opposant à un Dreadwarden mal luné, tandis que dans les ténèbres de l’antre du Roi-Voilé, Arnhault finit par remettre toutes les pièces à leur place. Sabrodt n’est pas seulement le traître qui a entraîné la chute du Royaume de Zharka, mais il est également son frère jumeau. Gasp. Cette révélation, finalement de peu d’impact sur l’histoire, encaissée, il faut bien terminer la confrontation, ce qu’Arnhault fait de façon professionnelle malgré la survenue d’un Lord-Executioner tranchant dans ses interventions (qui se prendra le Mammochon soigneusement stocké dans les tibias pour sa peine – de mort –). Secondé par Penthius, le Knight Incantor balance ensuite une punchline tellement vacharde à son frangin que ce dernier quitte l’invulnérabilité accordée par le Trône Dragon pour aller se faire justice lui-même. C’était bien entendu ce qu’attendait Arnhault, qui lui lance un come(t) at me, bro ainsi qu’un éclair arcanique fatal, trop lentement cela dit pour empêcher son frérot de le suriner à mort lui aussi.

Au final, les Stormcast Eternal sortent éprouvés mais vainqueurs de cette bataille, Penthius escortant son supérieur jusqu’au point de sauvegarde précedémment identifié afin qu’il puisse retourner en Azyrheim pour y être reforgé (et oublier à nouveau tous ses souvenirs si chèrement glanés). Les grouillots rentreront à pinces, eux.

1 : Les ghostbusters d’Azyrheim en quelque sorte. On peut même substituer les deux termes dans le générique des films et s’en sortir honorablement, c’est dire. Who you gonna call ?

: Apparemment, ce n’est pas toujours le cas, ce qui fait un peu peur tout de même.

: Malgré toutes les merveilleuses qualités de la sigmarite, on ne me fera pas croire qu’une armure de plates intégrale complétée par un masque de guerre, intégral lui aussi, sont des atours particulièrement respirants. Ca doit sentir le demi-gryff après une journée de marche.

AVIS:

Imaginez être un auteur régulier d’une franchise med-fan, pour laquelle vous écrivez depuis une bonne vingtaine d’années, avec quelques belles soumissions à votre actif. Imaginez être contacté pour écrire la novella introductive d’un recueil destiné aux nouveaux-venus, se déroulant dans l’univers de cette fameuse franchise. Imaginez recevoir un cahier des charges beaucoup plus restrictif qu’à l’habitude, et dont la principale exigence serait, en filigrane, de susciter l’envie du lecteur de se lancer dans la collection d’une armée de figurines. Imaginez que votre éditeur vous glisse de manière appuyée des références à la prochaine boîte de base qui sortira pour la franchise en question, et vous fasse comprendre sans équivoque qu’il serait de bon ton d’utiliser ce produit comme base de réflexion pour votre récit. Imaginez faire cela, et le faire de façon tellement scolaire, pataude et évidente que le lecteur/chroniqueur (hi Mom !) tombant sur votre soumission finisse par nourrir de sérieux doute sur votre démarche littéraire, et commence son retour critique sur votre novella par l’exposition d’une telle hypothèse. La question est : devez-vous être fier, ou honteux de ce résultat ? Vous avez quatre heures.

Au cas où cette introduction « picturesque » n’ait pas vendu la mèche, Sacrosaint n’est pas tenu en odeur de sainteté par l’auteur de ces lignes, qui en est le premier attristé. C. L. Werner est en effet à mes yeux l’un des contributeurs les plus robustes de la BL, et l’une des plumes derrière l’affirmation du style de la maison en termes d’approche et de narration, et plutôt dans ses aspects positifs que dans les gimmicks assomants qui caractérisent la prose des free lance de Nottingham dans certains cas. Au delà de l’histoire d’Arnhault et de ses sous-fifres, enchaînement de péripéties martiales d’un intérêt très moyen pour le consommateur acerbe et averti que je dois bien reconnaître être1, j’ai en effet décelé dans le style de Werner des lacunes et lourdeurs qui n’avaient pas lieu d’être dans un travail rédigé par ce bon vieux C. L. La maîtrise narrative dont il a fait la preuve dans les très nombreux romans et nouvelles publiés pour le compte de la Black Library, et en particulier lorsque ces derniers s’inscrivaient dans une série au long cours (appellant donc à un vrai travail de contextualisation à chaque nouvel « épisode » afin de permettre aux nouveaux lecteurs de ne pas être irrémédiablement perdus s’ils commençaient la saga par le mauvais bout2), ne transparaît nullement dans Sacrosaint, qui pêche plutôt par excès de « au-cas-où-vouv-l-auriez-oublié-isme ». On peut considérer ça comme une mise en abyme spirituelle de personnages maniant des armes contondantes de fort beau gabarit, mais se voir marteler toutes les 10 pages que la mission des Stormcast Eternals est de libérer Wyrmditt du mââââl, ça devient rapidement assez usant, et à la limite de l’insultant pour le lecteur. Il n’aura pas oublié, je vous l’assure, d’autant plus que les forces en présence sont suffisamment manichéennes (trop d’ailleurs, Werner sait d’habitude comment noircir convenablement ses gentils, encore une déception) pour que même le plus étourdi des newbies se rappelle qui est du bon côté de l’histoire.

De manière annexe – et j’y vois là encore la patte, ou au moins le souhait manifeste, de la BL de faire passer quelque message mercantile, à défaut d’être subliminal, à ses nouveaux fans – je vous invite à relever le nombre de fois où Werner énumère fastidieusement les noms des unités Stormcast Eternals, afin de ne laisser aucun flotter aucune espèce de doute sur qui manie les masses et qui décoche les carreaux3, histoire de pouvoir bien identifier les boîtes en boutique. Et on peut reconnaître que le respect de la nomenclature sigmarite, dans toute sa grandeur ampoulée et ses assonnances en -or, est pour le coup assuré. Il ne m’a ainsi fallu que trois minutes sur le site de GW pour retrouver le matériel sur lequel Werner s’est basé pour Sacrosaint, et le recul apporté par cette confirmation ne rend que plus évident le mal que l’auteur s’est donné pour que chaque type de troupe, chaque héros, ait ses quelques lignes de gloire dans la novella.

Le dessein de la BL percé à jour, on est en droit de se demander si cette approche low level était la plus pertinente, eut égard à l’objectif poursuivi (convertir le tout venant au Hobby). À vouloir prémacher tout le background et tenir en permanence la main du lecteur, Sacrosaint souffre d’une lourdeur qui risque de rebuter ce dernier, et lui donner une image peu flatteuse de l’univers d’Age of Sigmar, dépeint dans la novella comme tournant autour de l’affrontement entre surhommes4 aussi dévoués qu’amnésiques et esprits maléfiques à la solde d’éminences grises consumées par la rancoeur et la jalousie, avec d’innocents, et parfois malavisés, péons humains au milieu de tout ça. Je ne sais pas pour vous, mais ça ne me donnerait certainement pas envie d’aller plus loin si je découvrais AoS, en cette époque de surabondance d’univers med-fan. Et si Werner tente bien d’apporter un peu de complexité à son propos en évoquant les effets délétères de la reforge, il se contente de rappeler le Σ-Ω σω du concept dans ses écrits, bien qu’il emprunte à ce dernier le ressort narratif (assez mollasson d’ailleurs) de sa soumission. Dommage, j’aurais bien aimé qu’il partage plus de ses idées sur le sujet5.

Bref, une grosse centaine de pages qui vous donneront peut-être envie d’acheter Tempête d’Âmes, sous quelque forme que ce soit, en fonction de votre degré de fanboyisme. Pour ma part, une triste et décevante introduction à Age of Sigmar et au Hobby en général, indigne des standards habituels de son auteur. Thank you, next.

1 : Et sur lequel je ne m’étendrai pas, n’étant pas le public cible de ce « produit », qui, en tant qu’unique oeuvre originale du recueil, a vraiment été commissionné par la BL dans le but de faire découvrir Age of Sigmar de la façon la plus pédagogique aux nouveaux arrivants.

2 : Se référer à la série ‘Brunner, Bounty Hunter’, ou à défaut, à sa chronique par votre serviteur. Si vous n’avez vraiment pas le temps, allez faire un tour sur la chronique des nouvelles ‘Sickhouse’ et ‘Wolfshead’ pour voir l’homme au chapeau dans ses oeuvres.

3 : Jeu annexe pour les plus motivés : compter le nombre de fois où Werner précise que les têtes des carreaux des Sequitors contiennent le souffle d’un Dracoth (il doit y avoir de l’élevage industriel quelque part en Azyr pour répondre à la demande, c’est pas possible autrement), à même de dissoudre la matière aussi bien que la magie. Croyez-moi, le résultat est non nul. Enfin, si, mais on se comprend.

: Etonnant d’ailleurs pour un livre sorti en 2018 que les gentils ne comptent aucune femme parmi eux. D’autant plus que dans la boîte Tempête d’Âmes, le Knight Invocator est une donzelle. Werner serait-il meniniste ?

5 : Le plus intéressant reste le fait qu’Arnhault est persuadé que Sigmar voudrait que ses Stormcast gardent leurs souvenirs pendant leur reforge, et qu’il s’est fixé comme objectif de corriger le processus. Mais à bien y réfléchir, c’est tout bonus pour Sigmar que ses super-guerriers renaissent en n’ayant qu’une absolue loyauté envers lui à l’esprit. La vérité serait-elle ailleurs ?

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Un Hymne Funèbre de Poussière et d’Acier // A Dirge of Dust and Steel – J. Reynolds :

INTRIGUE:

A Dirge of Dust and SteelÀ la recherche de la légendaire cité corbeau de Caddow et de son Portail des Royaumes reliant à Shyish à Azyr, une petite force de Stormcast Eternals de la Chambre Vanguard des Hallowed Knights (soyons précis) a conclu un pacte avec les Duardin de Gazul-Zagaz, seuls à connaître l’emplacement de cette ville mystérieuse1. En échange de leur aide contre les hordes du Gardien des Secrets Amin’Hrith, connu sous le nom d’Ecorchâme, les nabots dépressifs (leur royaume est en ruines, leur Dieu s’est fait bouffer par Nagash et l’âme de leur dernier prince sert de skin au démon de Slaanesh) mèneront les guerriers du Lord Aquilor Sathphren Swiftblade jusqu’à bon port. Jamais le dernier à rendre service à son prochain, notre héros accepte bien entendu cette généreuse proposition, et se fait fort d’entraîner ce fât d’Amin’Hrith dans un piège ingénieux.

Ayant réussi à capter l’attention des Hédonistes, probablement en leur faisant remarquer que leurs soieries avaient fait fureur à Ghur il y a trois saisons de celà (ce qui, pour une fashionista des Royaumes Mortels, est une insulte mortelle), les prestes cavaliers de Sigmar emmènent leur nouveaux amis dans une course éperdue à travers les dunes, jusque dans les ruines de Gazul-Zagaz, où les attendent de pied ferme (et depuis un petit moment apparemment, à en juger par l’épaisse couche de poussière qui les recouvre) les guerriers Duardin. S’en suit une bataille des plus classiques, illustrant de fort belle manière l’intérêt de se rendre au combat avec une armure de plates et non une combinaison en viscose, dont le point culminant sera le duel entre Swiftblade et Amin’Hrith dans le temple de Zagaz, où le rusé Stormcast s’emploiera à faire un boucan à réveiller les morts…

1 : On peut donc dire qu’ils ont une carte Caddow. Mouahahaha.

AVIS:

À l’heure où cette chronique est écrite, Josh Reynolds est probablement le contributeur principal de la BL en matière de contenus siglés Age of Sigmar. Une telle prodigalité ne pouvant évidemment pas être synonyme de qualité exceptionnelle à chaque soumission, il est en somme tout à fait logique que certaines des nouvelles rédigées par notre homme ne s’avèrent pas être d’une lecture des plus passionnantes. C’est le cas de ce A Dirge of Dust and Steel (on me passera l’usage du titre original, à la fois plus poétique et plus élégant que le monstre qu’il est devenu en VF), qui se trouve être une nième variation du topos le plus employé de cette nouvelle franchise : la baston de Stormcast Eternals contre les forces du Chaos1. On pourra certes m’opposer que cet épisode particulier se distingue des dizaines qui l’ont précédé par l’emploi d’une Chambre relativement nouvelle (Vanguard), d’un héros inédit (Sathphren Swiftblade) et d’un environnement exotique en diable (l’Oasis de Gazul, en Shyish). Ce à quoi je répondrai que les Vanguard ne sont « que » des Stormcast sur demi-gryffs, et ne conservent de fait que très peu de temps l’attrait de la nouveauté. Swiftblade a quant à lui l’originalité d’une boîte Barbie et son Cheval, même son côté grande gueule n’étant plus vraiment novateur depuis l’arrivée d’Hamilcar Bear-Eater sur le créneau « humoristique » des SE. Pour terminer, Gazul a depuis lors sans doute rejoint l’interminable liste des lieux des Royaumes Mortels dans lesquels plus personne ne reviendra jamais, et ne mérite donc pas que l’on s’yn interesse plus que de mesure.

Non, pour ma part, la seule vraie valeur ajoutée de ce Dirge… tient en l’inclusion d’une faction Duardin sortant franchement du lot par sa vénération d’un Dieu de la Mort mort (combo !) et sa capacité à invoquer des esprits, ce qui constitue des variations intéressantes par rapport au stéréotype du guerrier nain que tout lecteur connaissant ses classiques se représente de façon plus ou moins inconsciente. Pour le reste, c’est de la qualité Reynolds (Josh), donc un récit bien structuré et rythmé, s’intégrant parfaitement dans les conventions définies pour Age of Sigmar en termes de fluff et d’atmosphère, et s’avérant dans l’ensemble plaisant à lire. Ne lui retirons pas ça.

1 : Comme les dernières années ont vu apparaître d’autres types d’adversaires, comme les morts-vivants de Nagash pendant la Tempête des Âmes ou les Orruks Ironjaws de manière collatérale à la traque de Mannfred von Carstein, j’attends avec impatience le moment où les vertueux Sigmarines commenceront à taper sur d’autres factions de l’Ordre, en attendant l’inévitable guerre civile que le passif de GW en la matière nous promet depuis que le premier Stormcast a dévoilé le bout de son masque de guerre. ‘La Vilainie de Vanus’, ça c’est un titre qui claque !

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Callis & Toll : Les Vieux Us // Callis & Toll : The Old Ways – N. Horth :

INTRIGUE:

Callis and Toll_The Old WaysAffecté à la surveillance de la cité d’Excelsis, dans le royaume de Ghur, le répurgateur de l’Ordre d’Azyr Halliver Toll, escorté de son sidekick Armand Callis, est envoyé par ses supérieurs tirer au clair une sombre histoire de disparition à Marshpoint, une ville agricole située en périphérie de la Cité des Secrets. Le fils aîné de la puissante famille Junica n’a en effet plus donné signe de vie après avoir eu maille à partir avec quelques soldats de l’autre grande famille locale, les Dezraed, qui l’ont poursuivi jusque dans les profondeurs de la forêt d’Ulwhyr. L’entente entre Junica et Dezraed n’ayant jamais été cordiale, c’est une vendetta en bonne et due forme qui menace d’éclater entre les Capulet et les Montaigu de Ghur, gueguerre qui mettrait en péril l’approvisionnement des régiments d’Excelsis en précieuse soie d’acier, ressource collectée depuis les fermes arachnides de Marshpoint. Il va donc de l’interêt général que cette triste affaire soit réglée dans les meilleurs délais, et qui de plus qualifié qu’un répurgateur pour traiter ce problème ?

Nous suivons donc Thalys et Colle au cours de l’enquête à laquelle ils se livrent à leur arrivée dans le bourg miteux et boueux de Marshpoint. Après un interrogatoire croisé des patriciens des deux familles, l’énorme et suintant Fenrol var Dezraed, autoproclamé Gardien de Marshpoint du fait de sa capacité de bloquer à lui seul l’entrée de la ville s’il lui prenait l’envie de s’asseoir en travers du portail, et le sec et irritable Kiervaan Junica, nos experts se rendent sur les lieux de la disparition à proprement parler, escortés par l’homme de confiance du patricien Junica, un natif du nom de Ghedren, et par un trio de gardes Dezraed. Et s’il se pourrait bien que la rivalité larvée entre familles nobles ait bien fait couler le sang, les enquêteurs feraient bien de prendre au sérieux les rumeurs entourant la Sorcière Blanche d’Ulwyhr. Après tout, ils ont pénétré sur son domaine…

AVIS:

C’est avec enthousiasme que j’avais vu revenir la figure iconique du chasseur de sorcières/répurgateur dans le lore d’Age of Sigmar, que son inclinaison high fantasy aurait pu « immuniser » à l’introduction de ce type de personnage, très grimdark par nature. La lutte contre les cultes chaotiques gangrénant le nouvel ordre rutilant de Sigmar constitue en effet à mes yeux un axe de développement des plus intéressants, et une prise de recul bienvenue sur le manichéisme caractéristique des premières années d’AoS. Encore fallait-il que l’image d’Epinal Hammerhal de l’inquisiteur traquant le vice et la trahison parmi les sujets obéissants de l’autorité centrale (préférablement divine, c’est plus classe) soit convenablement adaptée dans cette nouvelle franchise, la profession en question exigeant une rigueur morale confinant à la psychose, ce qui n’est pas franchement la norme parmi la soldatesque sigmarite (ces martel-sans-rire de Celestial Vindicators mis à part), dépeinte à de nombreuses reprises comme adepte du compromis et de la tempérance. Qu’en est-il avec la paire Callis & Toll, promise à un bel avenir au sein de la BL à en juger de la façon dont leurs noms ressortent dans tous les ouvrages auxquels ils ont été inclus ? Eh bien, c’est plutôt pas mal, encore que pas spécialement pour les raisons détaillées ci-dessus. Je m’explique.

Si le fanatisme (dans le bon sens du terme, car, si si, dans la littérature med-fan, cela existe) de nos héros laisse à désirer, la retenue dont fait preuve Toll, sensé être le vrai bad guy du duo, dans le jugement qu’il délivre au coupable, le plaçant à un petit 2 sur l’échelle de Mathias Thulmann (le référentiel absolu de la maison à cet égard), Horth se rattrape néanmoins en glissant quelques remarques de bon aloi à propos d’un certain White Reaper (Cerrus Sentanus sur son état civil), Stormcast Eternal pas vraiment Charlie, à tel point que son nom est utilisé pour effrayer les enfants d’Excelsis. Voilà un type qui mérite que l’on suive, et j’espère bien que ça sera le cas dans un futur pas trop lointain. Celà étant dit, The Old Ways a d’autres qualités, la première étant de proposer une petite enquête policière pas trop mal troussée au vu du nombre de pages limité avec lequel elle doit composer1, l’atmosphère horrifique du passage « sylvestre » du récit étant une autre source de satisfaction. D’autre part, cette nouvelle présente également l’intérêt de creuser le background de la cité libre d’Excelsis, qui devrait normalement ne pas disparaître corps et bien dans les annales du fluff, au vu du nombre d’apparitions qu’elle a faite dans divers écrits depuis son introduction dans le background. En apprendre plus sur cette bourgade présente donc un intérêt pour le fluffiste, tellement bombardé d’informations géographiques par ailleurs qu’on ne peut lui reprocher de ne pas prendre note de tout ce qu’on lui soumet.

Enfin, de façon plus large, elle fait ressortir un concept intéressant : le fossé existant entre natifs d’Azyr et populations locales au sein des cités libres, les seconds étant généralement mal considérés, voire méprisés par les premiers, qui les qualifient « d’Amendés » (traduction personnelle de Reclaimed, qui peut aussi s’entendre comme « Récupéré ») ou de « Sang Maudit » (curseblood), ce qui n’est pas très sympathique, mais ajoute de la profondeur à la société sigmarite. Quand on lit que même un personnage « égalitariste » comme Toll n’aurait pas de problème à raser toutes les forêts de Ghur pour pouvoir accélérer la colonisation de ce Royaume, au grand désarroi des locaux qui ont appris à vivre dans les étendues sauvages et à les respecter, on se dit que la possibilité d’un soulèvement des indigènes contre la métropole et ses représentants est une possibilité réelle… et c’est tant mieux en termes de potentiel narratif ! Bref, une plongée satisfaisante dans l’arrière-pays d’Excelsis, et une nouvelle qui vaut le coup d’être lue pour qui s’intéresse au fluff des cités libres.

: On saluera également le twist proprement « meta » de Horth, qui fait dire à Toll qu’il avait identifié le coupable depuis belle lurette et attendait juste de voir combien de temps il faudrait à Callis (et donc au lecteur) pour faire de même. On ne me l’avait jamais faite celle-là.

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La Danse des Crânes // The Dance of the Skulls – D. Annandale :

INTRIGUE:

The Dance of the SkullsInvitée à honorer de sa présence un bal donné par la reine Ahalaset et le seigneur Nagen dans la cité de Mortannis, Nefarata se doute bien que cet évènement mondain n’est qu’un prétexte commode pour permettre à ces deux grandes lignées d’agir à ses dépends, ce qui ne l’empêche pas d’accepter gracieusement de se rendre sur place, n’ayant de toute façon rien d’autre de prévu ce soir là. Voyant d’un mauvais oeil le rapprochement s’étant récemment opéré entre Ahalaset et Nagen, la Mortarque de Sang suppute avec raison qu’un piège va lui être tendu, et se réjouit d’avance de cette (més)aventure, le quotidien de Nulahmia devant apparemment être assez terne.

Après avoir été accueillie avec tout le faste et la pompe liés à son r/sang (et infligé rateau sur rateau à ce pauvre Nagen, auquel elle promet toutefois une danse plus tard dans la soirée1), Neffie se voit proposer par son hôte une dégustation privée de crus tirés de l’hématothèque personnelle d’Ahalaset, ce qui ne se refuse pas. Guidée jusqu’à un salon lounge où l’attendent une dizaine d’esclaves qui s’appellent tous Mathusalem ou Réhoboam, notre rusée vampire à tôt fait d’identifier l’aiguille d’argent se terrant sous la roche, en l’occurrence un assassin assermenté doté d’une fourchette à escargot à la place du bras (c’est la mode à Hammerhal). Ayant raté son test d’Initiative, le faquin est toutefois aisément neutralisé par sa victime supposée, qui l’attache à son service d’un langoureux battement de cils. Satisfaite de la tournure prise par les évènements, et comme toute quinqua-millénaire de la bonne société après une dure journée de labeur, Neferata s’accorde un petit verre (et fracasse au passage toutes les « bouteilles », qui espéraient peut-être qu’on les laisse tranquille le temps qu’elles refassent le plein) aux frais de ses hôtes avant de revenir se joindre à la fête.

Là, il est temps pour la Lahmiane de porter l’estocade aux traîtres débusqués, et en musique s’il vous plaît, la danse des crânes consentie à ce benêt de Nagen donnant amplement le temps à notre héroïne de cimenter sa victoire en enchantant légèrement son cavalier, qui ne trouvera rien de plus malin lorsque l’assassin d’Ahalaset viendra sonner les douze coups de minuit à son ancienne patronne à l’aide de son argenterie intégrée, de lancer sa devise dans le silence de mort (héhé) qui s’ensuit. Cette dernière tombera à plat comme la totalité de ses blagues, et, mal comprise par la garde de la reine défunte, aura des conséquences tragiques pour notre pauvre Nagen. Un verre ça va, trois verres…

1 : En même temps, cette coquetterie de laisser dépasser une canine par dessus sa lèvre inférieure ne doit pas aider à lui donner un air très intelligent.

AVIS:

C’est peu de chose de dire que la prose de Herr Annandale n’était pas tenue en haute estime de ce côté du clavier, depuis la chronique de ses débuts pour la BL (The Carrion Anthem, Hammer & Bolter #11) jusqu’à aujourd’hui. Les choses ont légèrement évolué avec cette Danse des Crânes, qui s’affirme facilement comme la meilleure soumission de notre homme que j’ai pu lire à ce jour. Certes, on parle ici en progrès relatif plutôt qu’en performance absolue, cette courte nouvelle ne se comparant guère aux travaux d’auteurs que je considère être plus méritants que David Annandale, Abnett, Dembski-Bowden, Farrer et Fehervari en tête, pour n’en citer que quelques uns (la liste serait assez longue sinon), mais j’aurais trop beau jeu de ne pointer que les trous dans la cuirasse ou les défauts dans la raquette des travaux de ce régulier de la BL, si je ne soulignais pas également les sources de satisfaction à la lecture de ces derniers. L’Empereur sait qu’ils sont encore rares à cette heure.

Alors, quels sont les éléments positifs de La Danse des Crânes ? Pour commencer, une absence de ce que l’on peut presque appeler une « annandalerie », terme forgé par votre serviteur et désignant une mauvaise, grossière ou grotesque exploitation d’une idée de départ pourtant assez sympathique, pour des résultats évidemment décevants. Le huis-clos victorien qui nous est proposé ici ne pêche ainsi pas par excès de zèle ou manque de structuration, les péripéties s’enchaînant de façon tout à fait convenable et crédible, ce qui pourrait sembler aller de soi mais n’était pas gagné d’avance au vu du pedigree de l’auteur. On sent que ce dernier a réfléchi à la manière dont il devait dérouler son récit pour que le plan alambiqué de Nefarata puisse se dérouler sans (trop) d’accroc, et même si l’usage d’un petit TGCM en fin de nouvelle pour parfaire le triomphe de Mama Lahmia peut être noté, c’est finalement peu de chose comparé aux problèmes structurels émaillant quelques unes des précédentes soumissions de David Annandale.

Autre source de contentement, la description intéressante qui nous est faite de la haute société mort-vivante, nid de vipères aux crocs acérés et n’hésitant pas un instant à comploter pour précipiter la chute de leurs prochains, alors même que les ennemis extérieurs se comptent par milliers, et qu’un brin de solidarité entre macchabées ne serait pas de trop pour défendre le pré carré de Nagash. Le fait que cette société, mêlant vampires et humains à tous les échelons, apparaisse comme fonctionnelle et pérenne (en même temps, c’est bien le minimum quand on est immortel) est une autre réussite d’Annandale, qui parvient à donner un volume fort bienvenu à une faction qui jusque là se réduisait à des légions de squelettes traînant leur mélancolie dans des déserts violacés. On peut s’amuser aussi en Shyish, telle est la morale de cette petite histoire.

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Rats de Cale // Shiprats – C. L. Werner :

INTRIGUE:

ShipratsLa malchance légendaire qui colle à la carène du Dragon de Fer et la peau de son capitaine, le Kharadron Brokrin Ullisson s’abat une nouvelle fois sur le fier navire et son équipage. N’ayant pas trouvé de filon d’aether-or au cours de sa dernière campagne, le navire Duardin s’est résigné à se faire cargo de grain pour au moins rentrer dans ses frais, et a chargé une cargaison de blé dans la ville de Greypeak, qu’il espère vendre à bon prix de retour à Barak-Zilfin. Ce beau projet est toutefois menacé par la présence de passagers clandestins dans la cale du Dragon, une colonie de rats bien décidée à faire bombance sur les stocks des Arkanautes. Entre les petits barbus et les encore plus petits moustachus, il ne saurait y avoir de terrain d’entente, mais que faire pour débarrasser le vaisseau de l’infestation de vermine sans endommager ce dernier ? Alors que Brokrin et ses hommes se trouvent réduits à chasser les importuns à coups de pelle, avec des résultats peu concluants, comme on peut se l’imaginer, une bonne et potentiellement riche idée est soumise : pourquoi ne pas faire un détour par la Lamaserie de Kheitar, dont les moines ont par le passé rendu un fier service aux Kharadrons en débarassant le Dragon de la nuée de crapauds célestes (car apparemment, c’est un aléa climatique assez courant dans les Royaumes Mortels) qui avait élu domicile sur le navire à l’aide d’une fumigation un peu spéciale ? Aussi dit, aussitôt acté, la possibilité de soutirer aux bonzes une de leurs fameuses tapisseries pouvant même permettre d’espérer un profit au trésorier de la petite bande, passablement dépité par le tour pris par les évènements. Après tout, quoi de mieux qu’un lama pour venir à bout d’un rat1 ?

Arrivé sur place, Brokrin emmène une poignée de ses gars à la rencontre des paisibles habitants de Kheitar, dont les ancêtres étaient tellement zens qu’ils ont réussi à apprendre à un démon les bienfaits de la méditation. Brokrin, qui connaît personnellement le grand Lama (Serge), est bien étonné de voir apparaître à la place de son vieux pote un nouveau père supérieur (Bernard), qui a la peine de lui apprendre que Serge n’est pas simplement malade (comme on pouvait s’y attendre), mais a carrément atteint l’illumination en commettant le suicide rituel du tulku, un lent empoisonnement débouchant sur une momification graduelle de l’ascète. Malgré cette triste nouvelle, Bernard se montre particulièrement conciliant avec ses hôtes, acceptant non seulement de procéder à la dératisation demandée (sous réserve que les Duardins permettent aux rats de quitter le navire, car telle est le niveau d’antispécisme des bonzes), mais offrant même à leurs hôtes non pas une, mais cinq de leurs précieuses tapisseries, pour une contribution laissée à la discrétion des bénéficiaires. En celà, Bernard fait une grave erreur car cette générosité excessive ne manque de déclencher l’alerte piège à khon que tous les Kharadrons possèdent dans un coin de leur esprit. Suspectant une entourloupe, Brokrin charge donc un de ses matelots d’escorter les moines tapissiers jusqu’à bon port, tandis que lui et le reste de son khrew acceptent l’offre de Bernard de rendre visite à Serge, qui serait, contre toute évidence, encore vivant. Bernard commet alors sa deuxième boulette (pas aussi grave que celle du Bordeaux – Paris de 93, mais pas loin) : soucieux de faire respecter les traditions non-violentes de Kheitar (où même les démons fument du chichon), il somme ses visiteurs de déposer leurs lames avant d’entrer dans le saint des saints. Toujours un à lire les petites lignes du contrat et à trouver les failles dans les termes et conditions qui lui sont proposés, Brokrin fait remarquer à ses hommes que l’injonction du grand Lama ne couvre pas les armes à feu, et emboîte donc le pas à Bernard toujours armé de sa pétoire.

Un peu plus loin, les mirrifiques carpettes de Kheitar sont entreposées sans heurts dans la cale du Dragon de Fer, sous l’oeil attentif et circonspect d’un rattophobe déclaré, le sergent arquebusier Drumark, dont le paternel a été fauché dans la fleur de l’âge lors d’une bataille contre les Skavens. Souhaitant s’assurer que la vermine qui grignote son grain ne s’attaque pas aux précieux tapis, il laisse remonter ses comparses et attend dans la pénombre de voir comment les choses vont évoluer. Quelle n’est pas sa surprise de voir s’extraire des rouleaux apportés par les bonzes une demi-douzaine d’hommes-rats, qui comptaient sans doute s’infiltrer discrètement dans le navire en attendant de jouer un tour pendable à ses occupants légitimes ! Les plaisanteries les plus courtes étant les moins longues, Drumark a tôt fait de sonner la fin de la rat-cré, l’arsenal Kharadron ayant rapidement raison des manigances skavens. Tout celà n’augure toutefois rien de bon pour Brokrin et ses suivants, qui ne tardent pas non plus à découvrir le pot au rat, à la suite d’une performance misérable du Jeff Panacluc Skaven, un dénommé Kilvolt ayant « jeanmarquisé » le cadavre de Serge. Sommé de révéler au véritable maître de Kheitar les secrets de l’ingénierie Kharadron, Brokrin refuse avec noblesse, et met à profit la bévue de Bernard pour arroser les hommes rats venus à la rescousse de Kilvolt avec du Kharaplomb. L’algarade ne dure cependant pas longtemps, l’arrivée de Drumark et de ses arquebusiers convainquant définitivement les Skavens de la futilité de leur approche. Profitant de l’accalmie, Brokrin et Cie repartent ventre à terre sur le Dragon, non sans avoir pris soin de looter quelques tapisseries supplémentaires en guise de dédommagement. De voleur à vendeur de tapis, il n’y a que peu de choses au fond.

1 : Si vous répondez : un chat, sachez que le félin apporté à bord par les Duardins a fait acte de mutinerie peu de temps après sa prise de fonction. C’est ce qu s’appelle avoir un poil dans la patte.

AVIS:

Accompagnement au roman qu’il a consacré aux plus blindés des Duardins (Corsaires du Dragon de Fer//Overlords of the Iron Dragon), ce Rats de Cale de Werner s’avère être d’une lecture globalement satisfaisante. Notre homme retrouve avec bonheur ses victimes favorites (les Skavens), qu’il gratifie comme à son habitude d’une inventivité et d’une ambition proportionnellement inverse à leur compétence, pour un résultat aussi spectaculaire que dérangeant1. S’il y a un contributeur de la BL qui sait s’y prendre pour donner aux hommes rats leurs lettres de bassesse, c’est bien l’homme au chapeau, et on ne peut que souhaiter que Nottingham lui confie davantage de commandes portant sur les funestes et fumistes machinations des rejetons du Rat Cornu. On appréciera également l’exotisme du propos, la visite guidée de la Lamaserie de Kheitar permettant au lecteur de se remémorer l’immensité des Royaumes Mortels, où la présence d’une communauté de bonzes vénérant un démon du Chaos ayant trouvé la paix intérieure en téléchargeant Petit Bambou sur son portable est tout à fait possible. On peut regretter que l’accent ne soit pas davantage mis sur la culture des protagonistes, abordée assez succinctement à travers la mention des différentes fonctions des membres de l’équipage de l’Ang Drak et du fameux Code des Kharadron (qui sanctuarise les partenaires de commerce équitable, ce qui doit indiquer que les bananes et le chocolat sont tenus en haute estime par le Geldraad), mais que voulez-vous, on ne peut pas tout avoir dans une nouvelle de 25 pages. Le casting très développé des Arkanautes, conséquence logique de leur inclusion dans le roman cité plus haut, est un autre facteur pouvant diminuer (légèrement) le plaisir de lecture, mais, rassurez-vous, savoir qui est qui n’a que peu d’intérêt au final. Le plus important restant bien sûr de souquer les artimuses.

1 : Sérieusement, imaginer la transformation d’un cadavre de bonze en marionnette animée, c’est un coup à faire des cauchemars.

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Enchères de Sang // Auction of Blood – J. Reynolds :

INTRIGUE:

Auction of BloodLes plans pour une soirée de bouquinage tranquille de Palem Bo(o)k, libraire d’incunables à Eauxgrises et accessoirement espion à la solde de Nefarata, sont brutalement et définitivement balayés lorsque notre fin lettré reçoit l’ordre de représenter sa généreuse patronne à une session d’enchères privées, se tenant le soir même au Nid de Pie, une institution bien connue par les habitués de la vie secrète de la métropole Ghyranite. Bien forcé d’accéder à la gracieuse et impérieuse requête de sa bienfaitrice s’il tient à conserver sa jugulaire intacte, Bok se rend sur place, et réussit à négocier son entrée, malgré une absence d’invitation (les grandes de ce monde ne prennent pas en compte des détails aussi triviaux) et une vigile elfique vraiment patibulaire du tout. Même pas briefé sur l’objet qu’il devra acquérir pour le compte de sa maîtresse, il a peine le temps de jeter un regard sur le reste de l’assistance, où se pressent pêle-mêle un mage lumineux et son dragonnet de compagnie, un Nain du Chaos essayant de camoufler son appartenance à une franchise défunte sous une épaisse capuche, et la Femme en Rouge locale (il en faut une dans tous les univers med-fan dignes de ce nom apparemment), beauté ténébreuse et balafrée au sourire qui aurait pu être avenant s’il ne dévoilait pas des dents taillées en pointe.

Attendant patiemment que son heure vienne pendant que les premiers lots trouvent preneurs, Bok finit par comprendre que la babiole que Nefarata veut ajouter à sa collection est l’étrange fouet à huit lannières que le commissaire priseur révèle être Charu, le Fouette-Âme, rien de moins que l’une des huit Lamentations de Khorne ! Pressentant que cette acquisition va le mettre sur la paille, à condition qu’il arrive à remporter l’enchère avec ses moyens somme toute limités (l’industrie du livre est en crise partout), Bok est sauvé de la faillite par l’intervention inattendue de Melissandre, qui se trouve être une activiste de Khorne et ne goutte pas du tout à ce que cette sainte relique soit vendue comme un vulgaire bibelot lantique. Preuve que la malabar de l’entrée n’a pas fait son job de façon correcte, une demi-douzaine de comparses de la Lady in Red (Kesh de son prénom), se lèvent pour appuyer la revendication de leur meneuse, et la situation dégénère tranquillement lorsque le préposé à la vente tente de prévenir le service d’ordre et se prend une hache de jet entre les deux yeux pour sa peine.

Dans la mêlée générale qui s’en suit, Bok a l’occasion d’assister aux premières loges à une démonstration de fouet que n’auraient renié ni Corax ni Indiana Jones, Kesh ayant réussi à mettre la main sur l’arme du crime, dont le deuxième effet kiss cool est de voler l’âme des malheureux qu’elle lacère. D’abord contraint de régler leur compte à quelques cultistes mugissants tout prêts à l’enkhorner, Bok est rapidement convaincu par le talent meurtrier de Kesh de mettre le Charu avant les boeufs. Malheureusement pour notre héros, this girl is on fire et sa pétoire, bien que de fabrication Duardin, ne suffit pas à mettre fin au tohu-bohu. Animée de mauvaises intentions, malgré la perte d’un hémisphère cervical consécutif à un headshot proprement exécuté, Kesh l’est également par la magie impie de son arme, et il faudra que quelqu’un se dévoue à lui prendre littéralement la main pour que l’ambiance, finalement, retombe. La seule autre survivante de la soirée étant l’Aelf de garde, à présent chômeuse et à laquelle il s’empresse de proposer un job, Bok n’a aucun mal à faire main basse sur la vieille Charu, dont on se doute que Nefarata fera un usage raisonné…

AVIS:

Voilà une nouvelle de Josh Reynolds telle qu’on les aime. Loin du fracas des combats de première ligne entre Stormcasts et indigènes, Enchères de Sang s’attache à dépeindre la vie dans une cité libre de Sigmar, où, si l’ordre règne, tous les citoyens n’épousent pas forcément les vues progressistes et altruistes du Dieu céleste. Comme le Monde qui Fut avant lui, les Royaumes Mortels sont gangrenés par les agissements souterrains d’individus peu recommandables, ce qui est dans l’ordre naturel des choses à mon avis, mais méritait quand même d’être couvert par une nouvelle ou deux afin que le lecteur, surtout novice, ne s’y trompe pas1. Les amateurs de la série Malus Darkblade apprécieront sans doute le récit de la soirée très compliquée de Bok, contraint comme son lointain et illustre prédécesseur de prendre tous les risques pour récupérer une relique impie pour le compte d’un employeur pas vraiment compréhensif. Les nostalgiques du Vieux Monde et de l’archéo-fluff souriront à la rencontre des quelques easter eggs que l’auteur a glissé au fil des pages2. Tous reconnaîtront que Reynolds sait s’y prendre pour dépeindre les côtés peu reluisants d’une métropole med-fan, quadrillée par les sociétés secrètes en tout genre, les cultes chaotiques de quartier et les exécuteurs des basses œuvres d’éminences d’un gris souvent très foncé. Une chose est sûre, cela donne plutôt envie de découvrir quelles sont les sept autres lamentations que ce distrait de Khorne a égaré dans les Royaumes Mortels, dans ce qui pourrait bien être la série la plus intéressante des premières années d’Age of Sigmar. Les paris (et les enchères) sont ouverts…

1 : À quand la sortie du supplément ‘Quelque chose de pourri à Hammerhal’ ?

2 : On peut d’ailleurs s’étonner que la BL ait laissé passer la mention faite à Necoho, divinité chaotique désavouée par GW depuis des lustres. Ne boudons pas notre plaisir, ce n’est sans doute pas demain la veille que nous recroiserons ce Dieu renégat.

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Les Sables du Chagrin // The Sands of Grief – G. Haley :

INTRIGUE:

The Sands of GriefNous retrouvons la trace du Prince Maesa, toujours accompagné de sa mascotte de poche Shattercap, dans la cité de Glymmsforge, métropole sigmarite sise dans le Royaume de Shyish, alors que Sa Hautesse Sublissime termine les emplettes nécessaires à la prochaine étape de son voyage orphique. Toujours fermement décidé à résusciter sa bien-aîmée Ellamar, qui est morte avant de lui dire où elle avait rangé les piles pour la télécommande, le noble Wanderer s’apprête à braver les étendues sauvages du Royaume de la Mort à la recherche d’un sable bien particulier. La sagesse populaire veut en effet que toute vie des Royaumes Mortels trouve un écho dans le désert de Zircona et se cristallise sous la forme de grains de sable colorés. Celui qui parvient à collecter tout le sable de vie d’un individu et à l’enfermer dans un sablier arcanique aura le pouvoir de rendre l’être en question immortel, tant que le sable ne se sera pas totalement écoulé (il faut juste penser à retourner l’engin souvent, encore une raison pour laquelle Maesa a kidnappé Shattercap à mon avis). Ainsi équipé d’un minuteur ésotérique et d’un compas à âme, Maesa quitte Glymmsforge juché sur son Grand Cerf et trace sa route en direction du filon de l’être aimé1.

Le chemin est toutefois long et semé d’embûches, à l’aridité naturelle du lieu se conjugant son caractère délétère, qui sappe la vitalité des explorateurs (et les contraint à des bains de bouche fréquents avec du Ghyxtril, solution brevetée made in Ghyran), la nécessité de laisser traverser les légions de mineurs de Nagash, les prospecteurs rivaux pas toujours aimables, sans compter les patrouilles de rangers Nightgaunts, à l’affaux de tout collecte non-autorisée de silice. Il en faudra cependant plus pour détourner Maesa de sa mission sacrée, sa détermination sans faille, son épée magique siphonneuse d’âmes, la diligence servile de Shattercap (dont le syndrome de Stockholm a tellement enflé qu’il atteint désormais Oslo), et la vitesse de pointe de son destrier cornu, lui permettant de triompher d’une épreuve qu’aucun mortel n’aurait pu réaliser. Mais alors qu’il retourne vers son point de départ, sifflotant sans doute du Deep Purple (Might Just Take You Life, probablement), notre Aelf nécrophile ne se doute pas que son familier a gardé à son insu un grain du sable de vie de sa dulcinée2. Les conséquences de ce vol seront sans doute terribles…

1 : Dont il trimballe le crâne partout avec lui : utile quand on justement besoin d’un échantillon organique pour amorcer la recherche GPS, mais un rien creepy tout de même. Je ne veux pas savoir ce qu’il a fait du reste du corps au décès de sa dulcinée, qui pourra, si elle revient à la vie, déclarer de façon définitive qu’elle a une dent contre son mari.

2 : Ce qui explique l’excentricité du farfadet : il a un grain.

AVIS:

Figure montante du panthéon de héros d’Age of Sigmar, le Prince Maesa gagne avec ces Sables du Chagrin une profondeur appréciable, surtout pour les lecteurs ne le connaissant qu’à travers la session d’Action ou Vérité relatée dans la nouvelle mouture d’Inferno ! Apprendre la nature de la quête du noble Wanderer permet de prendre la mesure du projet littéraire entrepris par Guy Haley, et justifie pleinement l’approche « contes et légendes » choisie par l’auteur pour narrer l’épopée de Maesa, veuf éploré cherchant un moyen de faire revenir à lui sa bien-aimée mortelle. Si la connotation grimdark de WFB aurait fatalement mené notre héros à sombrer dans les abysses de la nécromancie pour atteindre son objectif, la tonalité plus high fantasy d’Age of Sigmar ouvre la porte à une issue moins sinistre, même si nombreux seront les dangers qui guettent l’intrépide Aelf et son très trépide (et kleptomane) familier. Mine de rien, peu nombreux sont les contributeurs de la BL à proposer un style s’éloignant des canons habituels de la maison, et pour AoS, Haley est à ma connaissance le seul à le faire. Rien que pour cette raison, la lecture des Sables du Chagrin présente un intérêt, cette nouvelle positionnant son auteur en héritier putatif (et encore incertain à l’heure actuelle) de Brian Craig, chef de file historique de l’approche « contemplative » de la Black Library. Au-delà de ce parti pris narratif, que l’on peut aimer ou non, on peut apprécier l’exotisme de cette nouvelle, dont le théâtre n’a pas grand-chose à envier en termes d’étrangeté aussi onirique que léthale aux Désolations Nordiques du Monde qui Fut. Les visions convoquées par Haley au cours du périple de son héros, comme ces processions éternelles de squelettes rapportant grain à grain de la Pierre des Royaumes jusqu’au trône de Nagash, frappent l’imaginaire du lecteur et viennent enrichir la palette du fantastique de la BL, trop souvent confinée à sa portion congrue (sword & sorcery, pour faire court) afin, sans doute, de faire le lien avec le wargaming que cette dernière est sensée servir. On peut enfin mettre au crédit de Haley un souci d’apporter du grain à moudre au mordu de background, en livrant une description concise mais riche d’une cité libre de Shyish, d’instruments arcaniques au potentiel fluffique des plus évidents (Who wants… to live… foreveeeeeer ?) ou encore des bigarrés sables de vie, concept aussi sympathique que poétique. Bref, une lecture obligatoire pour qui s’intéresse la geste de Maesa (la Gaeste quoi), et pas loin de l’être pour ceux qui souhaitent découvrir Age of Sigmar à travers les publications de la Black Library (que je félicite au passage d’avoir intégré cette nouvelle dans le recueil Sacrosaint & Autres Récits, où il a tout à fait sa place).

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Les Tueurs de Sorcières // The Witch Takers – C. L. Werner :

INTRIGUE:

The Witch TakersMis sur une sale histoire de meurtre dans la ruralité profonde du Khanat d’Arkl, en Chamon, les chasseurs de sorcières Esselt et Talorcan, unis à la scène comme à la ville, remontent une piste, forcément chaude, à travers les dunes du désert de Droost. De villages martyrs en tombes profanées et cadavres possédés il ne faut pas longtemps à notre fine équipe pour subodorer que quelque chose de pas sigmarite se cache au fond de ce dossier. Il semblerait que quelqu’un hante Droost avec pour seule mission de massacrer tout ceux ayant le malheur de croiser sa route. Quelqu’un… ou quelque chose, qui asservirait ses hôtes les uns après les autres, passant de main en main et ne laissant que les dépouilles de ses victimes et de ses porteurs derrière lui. Alors que les deux Répurgateurs approchent l’oasis de Tora Grae, miraculeusement épargnée par la folie environnante, il leur faudra agir rapidement et intelligemment pour empêcher le Tournetueur (pun intended) de commettre un nouveau carnage…

AVIS:

C.L. Werner qui met en scène un duo de Répurgateurs embarqués dans une quête qui les conduira dans quelque sinistre recoin de leur « circonscription » : du tout cuit pour l’auteur de la (plutôt bonne) série des Mathias Thulmann me direz-vous. C’est aussi ce que je pensais avant de commencer la lecture de ces Tueurs de Sorcières, et me suis donc surpris à reconsidérer légèrement ce postulat une fois passé le point final. Comme quoi, rien n’est gravé dans le marbre dans ce bas monde. La première divergence notable qui m’est apparue est la relation amoureuse unissant Esselt et Talorcan, ce qui n’a rien de rédhibitoire en soi (et est même suffisamment rare dans une publication de la Black Library pour qu’on puisse au contraire saluer l’audace de l’auteur), mais m’a semblé tellement éloignée des conventions usuelles de ce genre de littérature que mon expérience de lecture s’en est trouvée, pas polluée, le terme serait un peu fort, mais au moins perturbée par les roucoulades échangées par nos héros1. Passées ces considérations romantiques, l’intrigue que nous propose Werner ne s’avère pas être très haletante, la course poursuite par hôte interposé à laquelle se livrent Buffy, Xander et le bracelet perdu de Valkia la Sanglante suivant son cours avec une linéarité décevante, alors que la méconnaissance par nos héros de la nature et de la forme du mal qu’ils ont à combattre ouvrait la porte au développement de fausses pistes. Quant au binôme de choc proposé par l’auteur, il se révèle être d’une décevante platitude, Esselt et Talcoran ne s’écartant pas d’un pouce de leur stéréotype respectif (la paladine zélée et le rôdeur débrouillard), ce qui ne donne pas vraiment envie d’embrayer sur le roman que Werner leur a consacré (Le Cœur Corrompu//The Tainted Heart). Pour terminer, les apports fluff de cette nouvelle se comptent sur les doigts d’une main d’un Zombie de la Peste, le fait qu’elle se déroule dans un bout de désert perdu au milieu de nulle part ne jouant évidemment pas en la faveur d’inclusions significatives (même si ce genre de théâtre d’opérations n’est en rien rédhibitoire pour peu qu’on veuille s’en donner la peine, comme Guy Haley l’a prouvé avec Les Sables du Chagrin//The Sands of Grief). En conclusion, il ne reste guère que le métier de C. L. Werner pour faire tenir ces Tueurs de Sorcières debout, ce qui est suffisant pour une lecture rapide de l’ouvrage, mais à peine.

1 : Quand bien même ces dernières sont restées d’une sobriété bienvenue. C’est ainsi, j’ai du mal à voir des « Mon amour » apparaître dans une nouvelle de la Black Library.

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Le Prisonnier du Soleil Noir // The Prisoner of the Black Sun – J. Reynolds :

INTRIGUE:

The Prisoner of the Black SunOn se bat méchamment dans le Val des Tourments, région montagneuse de Shyish où sont sensées être dissimulées les entrées vers le Stygxx, le sous-monde servant de repaire à Nagash d’après les sources de Sigmar. Le Dieu du Marteau souhaite organiser une réunion avec le Dieu de la Faucille afin de tenter de recoller les morceaux et de recréer l’Interdivine Communiste, qui a volé en éclats lorsque le camarade S. s’est mis à entretenir son culte de la personnalité de façon un peu trop visible. Logique pour une divinité, me direz-vous. Bref. Sigmar a chargé les Hallowed Knights sous le commandement du Lord-Celestant Tarsus de caler ce fameux meeting, et il ne sera pas dit que les Stormcast Eternals ont laissé tomber leur patron. L’exploration des contreforts du Val est toutefois ralentie par le grand nombre de cultistes de Khorne présents sur place à l’occasion d’une semaine sport divers1 dans le cadre du séminaire de team bruising annuel, et les Hallowed Knights doivent donner de la voix pour se faire respecter par les Khorneux en goguette. Ca tombe bien, c’est leur spécialité2.

Ayant arraché de haute lutte l’accès à une forteresse abandonnée après un nouvel accrochage avec les chaoteux, Tarsus, le Lord Relictor Remus de l’Âme Ombragée et leurs petits camarades de casse décrètent une pause syndicale. Profitant de l’accalmie, les deux officiers partent explorer le bastion qu’ils viennent d’investir, afin de s’assurer qu’il ne s’y dissimule pas un accès vers le Stygxx. On n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise. Tarsus est alors assailli par une forte sensation de déjà vu alors qu’il traverse les pièces désertes, ce qui pour un Stormcast n’a rien de surprenant, mais le plonge dans les affres d’une profonde réflexion, ce qui lui fait plutôt mal au crâne. Il n’a cependant pas le temps de s’apesantir sur cette remontée de souvenirs brumeux, car nos deux compaings débouchent dans une salle occupée par un planetarium géant, ce qui n’est déjà pas commun, mais qui l’est encore moins du fait de la présence d’un homme à l’intérieur de la sphère représentant le soleil, maintenu en place par des pieux de laiton fichés à travers ses poignets. How peculiar.

En se rapprochant un peu, Tarsus et Ramus doivent se rendre à l’évidence que l’homme est en fait un vampire, et assez affamé s’il faut en juger par sa tentative malheureuse de sauter au cou de ses visiteurs pour leur souhaiter la bienvenue. Peu impressionné par ces effusions, les Stormcast calment l’ardeur hémophile du suceur de sang à grands coups de marteaux, et commencent à l’interroger pour comprendre comment il a atterri ici. Il leur faut toutefois se rendre rapidement à l’évidence : le prisonnier du soleil noir est bien plus malin qu’eux, et ils n’arriveront pas à lui tirer les vers du nez sans lui tirer les pieux des poignets d’abord, ce qu’ils ne semblent pas pressés de faire. Ce badinage mondain permet au moins aux Stormcast d’apprendre qu’ils ont empiété sur le territoire d’un champion de Khorne nommé Tarka Porte-Malheur, qui ne devrait pas tarder à revenir de la supérette locale où il était parti acheter des croquettes pour ses nombreux animaux de compagnie. Et en effet, une sonnerie de cor retentit bientôt dans la vallée, annonciatrice du retour de Tarka et ses cathares.

Coincés comme des rats, mais des rats en armure de plate complète de sigmarite, les Hallowed Knights se préparent à faire ce qu’ils savent faire de mieux (à part brailler comme des putois en rut) : concasser du contestataire. Refusant de libérer leur nouvelle connaissance sur parole sous prétexte que les vampires sont rien que de menteurs, Tarsus et Ramus organisent la défense des bleus et blancs pendant que Tarka les harangue de loin sur l’illégalité du squattage des biens d’autrui, avant de lâcher sa meute de Khorgoraths, menée par son rottweiler Bloodswiller, sur les ZADistes. Dans la mêlée confuse qui s’ensuit, les Stormcast se retrouvent assez vite débordés, au point de reconsidérer la généreuse proposition du vampire, finalement dépunaisé en désespoir de cause par un Tarsus loin de prendre son pied (et pourtant, avec un nom pareil…), afin de sauver Ramus des papouilles frénétiques de Bloodswiller. Il faudra ensuite gérer les récriminations de Tarka et sa gueule de porte-bonheur en personne, venu avec le Dread Abyssal confisqué à son prisonnier en laisse, ce qui sera fait avec tact et courtoisie dans un premier temps (0,003 secondes pour être précis), puis avec une violence débridée, une horde de squelettes et un avaleur d’apathiques ne l’étant certes pas lui-même. Hallowed nan mais Hallowed quoi.

La nouvelle se termine sur la proposition de Mannfred von Carstein, car c’était bien lui, d’escorter ses nouveaux copains jusqu’au portail vers Stygxx le plus proche. Malgré le sombre pressentiment qui lui secoue les tripes, ou peut-être était-ce seulement la viande en sauce de la cantine du barraquement, Tarsus accepte le coup de main du Mortarque de la Nuit, et voilà les Stormcast partis vers d’autres aventures…

1 : Décapitation, démembrement, équarissage, duel à mort, lancer de hache, agility démoniaque, blood polo… Il y en a pour tous les goûts.

2 : On connait évidemment leur devise « Seuls les fidèles//Only the faithful », mais ce n’est pas le seul cri de ralliement de l’ost. Un autre très populaire est le classique « Liberators/Prosecutors/Judicators/Retributors/… on gueule, on gueule // … gueule le plus fort ».

AVIS:

Les histoires de Stormcast Eternals se suivent et se ressemblent, et malheureusement, pas en bien. Les bastons succèdent aux bastons, l’identité des malheureux tabassés et le lieu des exactions commises par les forces de l’Ordre (avec l’-O majuscule de rigueur) apportant seuls un peu de diversité dans ce corpus à l’intérêt de moins en moins évident pour le lecteur. En l’occurrence, le choix de Reynolds de mettre aux prises Hallowed Knights et Blades of Khorne pourrait même être considéré comme un retour aux sources de la fiction d’Age of Sigmar, au temps où la boîte de base opposant Sigmarines et Red Devils était l’alpha et l’omega de la nouvelle franchise de Games Workshop. Les esprits chagrins, dont je fais partie, ne manqueront pas de noter que ces prémices n’avaient rien de particulièrement mémorables, et ne méritaient pas spécialement qu’on leur rende hommage en recréant ce premier affrontement « mythique », mais on ne peut pas reprocher à Reynolds, qui s’embarquait avec ce Prisonnier du Soleil Noir dans une saga au long cours aux côtés des Hallowed Knights, de faire feu de tout bois (ou clou de toute ferraille, eut égard à la nature profonde de ses héros1).

Reste que cette nouvelle s’avère être aussi appétissante qu’un grand bol de protéines en poudre sans lait, ce qui constitue sans doute l’ordinaire des Stormcast Eternals et expliquerait pourquoi ils tirent généralement une tête de six pieds de long. On peut considérer cela comme l’incarnation « BLesque » des sempiternels et irritants au possible combats contre des mobs de bas niveau, que chaque RPG se fait un point d’honneur d’intégrer dans son gameplay, et qui, de vaguement intéressants en début d’aventure, finissent par devenir une véritable corvée après quelques temps. Reynolds a beau nous livrer en pâture quelques miettes de fluff sur les Hallowed Knights et bénéficier de la présence au casting d’une célébrité tout ce qu’il y a de plus legit, il faudra tout de même s’enquiller des pages de combats homériques entre Hallobots et Deceptikhornes, conclus en « beauté » par le duel (enfin, pas vraiment, les Stormcast Eternals n’étant pas vraiment grands joueurs sur le coup) entre capitaines des équipes bleu et rouge sur le mur des champions (le perdant repeignant le dit mur avec son sang). L’auteur a beau maîtriser son sujet et livrer une copie tout ce qu’il y a de plus propre, ce ne sera qu’une maigre consolation pour le lecteur n’étant que trop familier avec ce type de soumission. On pourra noter pour le fun que le seuil de résistance de Josh Reynolds envers les bibendums en sigmarite semble également s’amenuiser dangereusement, à en juger par la manière dont Mannfred arrive à faire passer Tarsus pour un abruti fini à chaque ligne de dialogue (ce même Mannfred qui gère en deux temps trois mouvement le Khorgorath de compagnie de Tarka la Crème, qui s’ébattait auparavant comme un chien dans un jeu de quilles). Maigre consolation pour nous, pauvres victimes collatérales de l’amour démesuré que GW porte à ses têtes d’affiche, mais tout est bon pour faire passer la sig-pilule.

1 : Après tout, quand on est con…tondant, on est c-

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Grand Rouge // Great Red – D. Guymer :

INTRIGUE:

Great RedDans la Mer des Os, les choses ne sont pas optimales pour Ramus de l’Âme Ombragée (c’est bien la seule chose qui l’est en ce moment), meneur de facto d’une coalition éprouvée d’Hallowed Knights et d’Astral Templars sous le commandement du bien nommé Vandalus, qui progresse péniblement en direction de la forteresse d’un chef de guerre Ironjaws connu sous le nom de Grand Rouge. Le but de la manoeuvre ? Convaincre cette grosse mais simple brute de s’allier avec les Stormcast Eternals et lancer un assaut décisif sur les positions de Mannfred von Carstein, qui s’est fait un ennemi (im)mortel en la personne de Ramus suite à sa trahison lors de la rencontre malheureuse des Hallowed Knights avec un Nagash imbuvable quelques mois plus tôt. Bilan des courses : une reforge supplémentaire pour tout le monde, sauf pour le malheureux Lord-Celestant Tarsus, dont l’âme s’est faite happée par le Dieu de la Mort avant d’avoir pu repasser par la case Sigmar. Depuis, Ramus poursuit le vampire félon à travers les Royaumes Mortels, bouclier magique en bandoulière et tête d’Ogor GPS1 au côté. Bref, it’s complicated.

Ce qui n’est pas compliqué, par contre, est le refus catégorique des Orruks locaux de se plier à l’exercice des pourparlers avec les Sigmarines, forçant ces derniers à massacrer tous les peaux vertes se plaçant en travers de leur route en gueulant (eh oui, ce sont les Hallowed Knights) « NOUS VENONS EN PAIX », ce qui est tout de même assez particulier. Ajoutez à cela les assauts réguliers de grindworms2 curieux, attirés par les coups sourds et réguliers des marteaux des Stormcasts sur les crânes épais des Ironjaws, et vous aurez tous les ingrédients d’un trek mémorable. Au four, au moulin et au reliquaire lance-éclairs, Ramus donne de sa personne pour accéler les négociations, jusque là peu fructueuses, avec les bandes de guerre nomades qui sillonnent le désert de Ghur, et finit par mener ses ouailles jusqu’au pied de la forteresse du Grand Rouge, où elles demandent à être reçues. Aux bataillons statutesques de Stormcast Eternals, les Orruks répondent par l’envoi d’un striker défoncé aux champignons et chantant l’intégrale de Crazy Frog en boucle, ce qui est perçu comme une offense délibérée de la part de locaux.

L’approche diplomatique ayant à nouveau échouée, Ramus, Vandalus et le reste de l’omnibus, dont ce bon vieux Cassos – que je tenais à citer car j’adore vraiment son patronyme – passent sur le corps de la garnison Ironjaws avec le professionnalisme qui les caractérise, et investissent les lieux dans l’attente du retour de leur propriétaire légitime. Sur place, Ramus a le temps de s’initier aux mystères insondables de l’écriture Orruk, où les mots veulent dire ce qu’ils disent (à sa grande perplexité), et Vandalus trouve même un Grot solitaire pour servir de guide du patrimoine à la troupaille pour passer le temps.

Fort heureusement pour tout le monde, à commencer par le lecteur, l’attente n’est pas longue, Grand Rouge et ses hordes qui… avaient oublié de couper le gaz avant de partir en migration vers le Portail du Royaume tenu par Mannfred, j’imagine, se présentant devant leur domicile de fonction en rangs serrés. Une nouvelle fois, Ramus invite courtoisement le chef adverse à venir discuter de leurs intérêts communs, et une nouvelle fois, il se retrouve à devoir défendre sa vie contre les assauts brutaux de son « partenaire3 ». Ca commence à être usant, même si Vandalus, en bon copain, prend rapidement la relève pour permettre à Delafon Dragée de souffler un peu. Les choses auraient pu suivre leur cours naturel n’eut été la manifestation soudaine et non sollicitée de ce vieux Skaggtuff, qui se révèle être une simple enceinte Bose depuis laquelle Mannfred en personne soufflait ses précieux conseils à Ramus. Consternation chez les Stormcast, hébétude chez Grand Rouge, hilarité chez le vampire, qui a la satisfaction de livrer un petit monologue de grand méchant victorieux à ses adversaires sidérés, avant de leur donner rendez-vous au Portail du Royaume pour une explication terminale. Comprenant enfin qu’il a été dupé, Grand Rouge repart en braillant à travers la Mer des Os à la tête de ses hordes, qui finalement se sont tapées un aller-retour pour rien. Honteux et contrit de s’être fait une nouvelle fois avoir, Ramus avale quant à lui le peu d’amour propre qui lui reste pour emboîter le pas du Megaboss et emmener ses troupes vers la bataille finale. Ca va zouker dans les chaumières.

1 : Ogor dont l’utilité est vraiment toute relative, puisque les indications qu’il donne sont de l’ordre du « Mannfred n’est pas loin. » La triangulation ne marche pas super bien on dirait.

2 : Population excessive de Shai-Hulud d’Arakis exportés vers une autre franchise fantastique pour dans le cadre d’un programme de préservation de l’espèce.

3 : En même temps, commencer les négociations en affirmant que le territoire de la partie adverse a été conquis au nom de Sigmar et balancer un éclair sur leur porte-parole ne doit pas aider à détendre l’ambiance autour de la table.

AVIS:

Commençons cette critique par le coup de clavier qui s’impose, portant envers la Black Library et ses éditeurs et non pas envers l’auteur de Grand Rouge (dont le tour viendra un peu plus tard, évidemment), dont je peine parfois à comprendre les fonctions et les missions. Il n’aura certes pas échappé au lecteur de Sacrosaint… que Le Prisonnier du Soleil Noir et Grand Rouge sont situés dans le même arc narratif, les similitudes en termes de personnages (Ramus et ses Hallowed Knights, Mannfred von Carstein) et d’intrigue (la traque du second par les premiers suite à quelque fourberie ourdie par le Mortarque de la Nuit) crevant littéralement les yeux. En outre, le positionnement de ces deux nouvelles l’une immédiatement après l’autre dans le recueil achève de lever le moindre doute qui pourrait exister quant aux liens qui les unissent. Les choses se gâtent toutefois après seulement quelques pages, lorsque les personnages se mettent à évoquer des évènements passés dont le lecteur n’est absolument pas familier. À ce stade, on se dit simplement qu’il s’agit d’une technique de narration de Guymer pour laisser planer un peu de mystère sur son propos, à la Abnett, mais que tout fera rapidement sens au fur et à mesure que l’auteur intègrera les éléments nécessaires à la bonne compréhension de son public au fil des pages. Sauf que. Non. Grand Rouge s’achève sur une espèce de révélation se voulant fracassante (Skraggtuff était Mannfred depuis le début – gasp ! –) mais qui finit plutôt fracassée sur l’ignorance relative, et bien légitime, du lecteur quant à l’importance de cette tête d’Ogor pour la quête de revanche des Hallowed Knights. Habité d’un sombre pressentiment devant l’accumulation de signes révélateurs d’une possible bourde de la BL, j’ai réalisé ma petite enquête… qui a conclu à l’existence de, non pas un, non pas deux, non pas trois, mais bien SIX épisodes entre Le Prisonnier… et Grand Rouge, laps de temps pendant lequel bien des choses se sont déroulées, dont la fameuse trahison de Mannfred envers ses libérateurs, qui eut pour conséquence le retour à la case reforge des Hallowed Knights mandatés par Sigmar pour arranger un déjeuner de travail avec Nagash, minus Tarsus, gardé en porte-clés souvenir par le Nag’. Il n’est donc guère étonnant que les pièces ne s’emboîtent pas bien pour le lecteur qui passerait innocemment d’une nouvelle à l’autre, de la même manière qu’un spectateur embrayant sur Le Réveil de la Force après La Menace Fantôme risquerait d’être un peu perdu. Passe encore que la BL ait choisi d’intégrer dans ce recueil une nouvelle « intermédiaire » (car il faudra attendre encore un épisode pour connaître le fin mot de l’histoire), avec tous les inconvénients que des soumissions de ce genre peuvent poser pour la compréhension et la satisfaction du lecteur, mais pourquoi, oui pourquoi, les insondables génies qui ont mis en forme Sacrosaint… n’ont-ils pas pris la peine de se fendre d’un petit paragraphe de re-contextualisation en ouverture de Grand Rouge (comme cela est fait au début de chaque film Star Wars, pour rester sur le même exemple) ? Cela aurait été tellement plus simple. Tellement. Trop peut-être. Vigilance permanente. Adesse reddat nullum tes sua, comme dit le poète. Cela étant dit, passons maintenant sur la nouvelle à proprement parler.

Grand Rouge est un travail difficile à évaluer de façon indépendante, son intégration dans un arc narratif s’étant considérablement complexifié depuis ses débuts (on parle du 7ème épisode d’une série en comptant 8) rendant l’entreprise assez peu aisée, surtout pour le lecteur non familier des épisodes précédents, ce qui est mon cas. On peut toutefois affirmer sans équivoque qu’il s’agit, encore une fois, d’une nouvelle où des Stormcast Eternals tapent sur des trucs, ici un échantillon représentatif du Battle Tome Ironjaws, avec des résultats toujours aussi con…cluants. Les puristes pourront mettre en avant le fait que les Orruks sont légèrement plus résistants, mais sensiblement moins vifs, que le guerrier du Chaos moyen, ce qui est perceptible dans la description du combat opposant Ramus à l’un des géants verts créchant dans la Mer des Os. Si on veut. Les amateurs de bataille rangée en auront également pour leur argent, la sortie effectuée par les Peaux Vertes après que les Stormcast Eternals aient frappé à la porte pour leur demander des friandises donnant lieu à un affrontement d’assez belle taille. Reste que si on enlève les parties belliqueuses de Grand Rouge, on se retrouve avec pas grand-chose de plus que des dialogues de meublage, qui paraitront assez abscons aux pauvres âmes n’ayant pas eu la chance et le privilège de lire les épisodes précédents de la geste des Hallowed Knights. Pareillement, le cliffhanger des familles venant terminer la nouvelle, et augurant d’une bataille finale proprement titanesque (j’en frétille d’avance…) risque fort de tomber à plat pour qui n’avait pas cotoyé Ramus de l’Âme Ombragée et de la Petite Tête pendant un laps de temps assez long pour être touché en plein cœur par la nouvelle fourberie de Mannfred. Cette connaissance des évènements précédents pourrait d’ailleurs peut-être expliquer de façon satisfaisante et logique pourquoi le grand méchant décide tout d’un coup de révéler sa présence, alors qu’il était bien parti pour obtenir que ses deux adversaires s’entretuent posément, ce qui aurait fait ses affaires, sans doute. Au lieu de ça, son désir d’être reconnu comme la personne la plus intelligente du Royaume a vraisemblablement conduit à l’établissement d’un cessez le feu entre Ramus et Grand Rouge, ce qui n’augure rien de bon pour notre taquin de Mortarque (je dirais même que ça lui Nuitget it ?). Bref, une nouvelle qui n’en est pas vraiment une au final, mais plutôt un chapitre de la saga compilée dans The Realmgate War : si vous n’avez pas lu le début de l’histoire, je vous dispense, dans mon infinie munificence, de vous infliger la lecture de la (presque) fin de cette dernière.

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La Source Courroucée // Wrathspring – G. Thorpe :

INTRIGUE:

WrathspringConfronté aux ravages de la pollution que les Skavens du Clan Pestilens déversent par bennes entières dans son domaine, le Vénérable Homme Arbre Diraceth, bien affaibli par des années de rejets de litière souillée directement dans les nappes phréatiques d’où sortent les eaux de la Source Courroucée, d’où la communauté Sylvaneth qu’il administre tire son nom, consent enfin à porter le combat aux infâmes hommes rats. Il est cependant sans doute déjà trop tard pour les militants de la Surf Rider Foundation, dont l’opération sous-bois propre se heurte rapidement à la mauvaise volonté des pollueurs-pilleurs, menés par un Verminarque grossier (il rote carrément à la face des défenseurs de la cause végétale, ce qui n’est pas très poli) et graisseux, bien décidé à hâter la biodégradation de Diraceth et de ses ouailles. Alors que notre létargique protagonniste est sur le point de se laisser abattre, un miracle se produit soudainement. Ce petit point dans le ciel, est-ce un oiseau, est-ce un avion Ironclad ? Mais non, c’est… le soleil. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour le bois ça veut dire beaucoup, cette légère éclaircie annonçant un retournement complet de la situation. Le Verminarque Pestilens étant sans doute un rat-taupe à la peau sensible à l’exposition, il décide de retourner se mettre à l’ombre à Vile-Ville, laissant ses ouailles fort dépourvues. Car ce soleil, ce n’est pas juste le soleil, c’est en fait Alarielle en mode super luciole, et la déesse n’est pas venue seule, les osts de guerre de sa cour royale ayant également fait le déplacement. Il ne faut pas longtemps avant que les ratons s’enfuient comme des dératés, laissant la Source Courroucée aux mains branches des Sylvaneth. Pas du genre à laisser traîner les détritus de façon indue, la déesse endosse ensuite son aspect ménager et se change en borne Rowenta géante afin de mieux purifier la forêt des déprédations de la vermine. C’est pas tout le monde qui sait faire ça.

La corvée terminée, un conseil de guerre est convoqué, où il doit être décidé du prochain objectif de l’arboretum ambulant qui sert de cour à Alarielle. Et là, c’est le drame. Tout le monde a une idée bien précise de l’endroit où l’intervention des huorns assarmentés est la plus nécessaire (c’est le problème quand 95% de votre Royaume est tenu par l’ennemi), on ne s’entend bientôt plus grincer. À ce petit jeu, c’est le Gardien de Dreadwood qui arrive à tirer sa brindille du fagot, rappelant à la déesse que son ost a combattu pour elle à la bataille des Landes d’Emeraude contre la promesse d’une assistance future. Soucieuse d’honorer sa parole, Alarielle ordonne à ses fidèles de se diriger vers le Val de Nuit d’Hiver, bastion d’un clan de Dreadwood investi par les fidèles de Nurgle. La bataille titanesque qui suit l’arrivée impromptue des Sylvaneth dans le terrain vague colonisé par les Rotbringers verra la Reine Eternelle monter au front en première ligne (enfin presque) pour jeter à bas l’oeuvre corruptrice des séides du Chaos. Gather round, children, et je vous raconterai l’histoire des Trois Petits Bubons et de la Grande Méchante Loupe des Bois1

1 : Confrontation inégale sur le papier qui faillit cependant se terminer comme dans le conte. Il se murmure dans les cernes autorisés murmurent qu’Alarielle avait, ce jour là, la gueule de bois.

AVIS:

Connu et craint à égales mesures pour son approche souvent grandiloquente du fluff de Warhammer Fantasy Battle et son amour immodéré pour les personnages nommés surpuissants, Gav Thorpe confirme avec cette Source Courroucée qu’il n’a rien appris ni rien oublié de cette glorieuse période. Après un petit échauffement de quelques pages consacré à la défense mollassonne de la Source Courroucée par cette vieille branche de Diraceth, plus vénérable que vénère dans sa lutte contre l’envahisseur skaven, l’arrivée dramatique d’Alarielle, plus efficace que Béatrice et Patricia de C’est du propre ! dans son genre, permet à notre homme de laisser court à ses coupables penchants pour la biographie romancée des grands de ce(s) monde(s). Exit le Yucca neurasthénique, qui fera tout de même acte de présence lors de l’assaut sur le Val de Nuit d’Hiver, et bonjour à la déesse de la Vie, que la plume élégiaque de Thorpe fait ressortir sous son meilleur j- ah non, pardon, qui apparaît comme une divinité passablement froussarde et – un comble – empotée, sauvée d’une fin honteuse des mains boudinées de trois petits sorciers de Nurgle par l’intervention altruiste d’un Homme Arbre de sa cour. Il n’y a pas à dire, il vaut mieux laisser les vrais bonhommesdieux, comme Sigmar et Grimnir, s’occuper de chasser les nuisibles et cantonner les déesses au ménage et aux compositions florales, activités bien plus adaptées à leurs capacités (#IronieInside). Blague à part, j’ai trouvé étonnant que Thorpe présente Alarielle si peu à son avantage, eut égard à son passif d’hagiographe superlatif. Peut-être a-t-il essayé d’illustrer la relative faiblesse de son héroïne à la sortie de sa cosse, au moment où Ghyran était encore largement aux mains des fidèles de Nurgle, et qu’Alarielle, bien que divine, n’était pas au top de sa forme et prenait donc des risques à mener le combat depuis sa quatre ailes1 ? Il est vrai que les Royaumes Mortels n’ont pas volé leur nom, et que même les divinités ne sont pas à l’abri d’une mauvaise surprise s’ils ne font pas attention où ils mettent les pieds/sabots/nageoires/tentacules, comme Kurnoth pourrait en témoigner s’il était encore parmi nous. La mise en œuvre de ce concept pêche cependant dans son exécution, Alarielle apparaissant comme une campeuse patentée préférant laisser monter ses fidèles en première ligne plutôt comme une incarnation de la nature vengeresse. C’est en tout cas mon ressenti à la lecture de cette nouvelle.

Autre constat regrettable, cette Source Courroucée ne s’avère être qu’un agrégat de rapports de bataille romancés, Thorpe consacrant le gros de son texte à narrer par le menu la levée du siège mis par les Skavens à la Source Courroucée, puis au retour des Berces du Caucase dans le Val de Nuit d’Hiver, tenu par les plus crades des locataires. Le mini conseil de guerre intercalé entre les deux épisodes de l’opération Mains Propres permet de grapiller quelques éléments de fluff sur la cour royale d’Alarielle, mais rien qui ne soit déjà disponible dans le Battle Tome correspondant, je gage. Nous nous retrouvons donc avec une « nouvelle de Stormcast Eternals » sans le moindre Sigmarine à l’intérieur, ce qui serait fort si ce n’était pas triste, au vu du peu d’intérêt de ce genre de publication. Thorpe oblige, la bataille prend des proportions épiques, avec l’intégralité du bois de Boulogne venant prêter branche forte à l’assaut final sur le Val (des dizaines d’Hommes Arbres, des centaines de Revenants, des milliers de Dryades…), mais en l’absence d’une véritable tension narrative, ces hordes végétales ne feront sans doute pas monter le cardio du fanboyeing transi qui sommeille en chacun de nous. Vivement qu’on permette au Gav de faire mumuse avec ses sujets de prédilection du Monde qui Fut (c’est-à-dire les personnages nommés elfiques de haut niveau), afin de voir si Mr Thorpe, à défaut ne pas l’avoir très verte, n’a pas perdu la main.

1 : Les coléoptères ayant, comme chacun sait, deux paires d’élytres.

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La Route de Volturung // The Volturung Road – G. Haley :

INTRIGUE:

The Volturung RoadAlors que l’anniversaire des cent-et-un ans du siège fait à la forteresse Fyreslayer de l’Ulmount par les hordes dépravées du Prince Démon Qualar Vo se rapproche, le Fils de Runes Ulgathern, descendant de l’auguste Père des Runes Karadrakk-Grimnir, est troublé par les similitudes perçues entre une ancienne prophétie déterrée par le Maître des Runes paria Drakki1 et la situation actuelle de l’entreprise familiale. Selon le poème en question, une place forte sera enlevée après un siège de 101 ans, mais pas avant que son seigneur ait été tué par ruse… ce qui ne manque pas de se produire au cours d’une sortie des plus anodines (après un siècle de combat, on ne s’alerte plus de grand-chose), précipitant du même coup l’élévation de notre héros au rang de Père des Runes de plein droit (mais sans attribution fixe, ce qui est tout de même moins bien). Attristé par la mort de son paternel, enchanté d’accéder au statut qui lui permettra d’obtenir la main2 de sa dulcinée, et tourmenté par les échos funestes de la prophétie que son fidèle sidekick lui rabache en boucle pour l’inciter à l’action, Ulgathern sait qu’il n’a pas le loisir d’attendre longtemps, et décide donc de tenter le tout pour le tout en entraînant sa poignée de fidèles sur la route du Volturung, forteresse mère, et même grand-mère des Loges de l’Ulmont.

Ayant informé ses oncles et frères de sa décision et échoué à convaincre quiconque de se joindre à son exode, Ulgathern prend le chemin des ruines de Gaenagrik, forteresse ancestrale de sa lignée ayant été abandonnée à la suite à une invasion encore une fois mal négociée par les petits rouquins il y a trois cents ans de celà. Si ce lieu intéresse particulièrement notre héros, malgré sa mauvaise réputation et les nombreux dangers qui y rôdent (on y aurait vu errer le fantôme de Valérie Damidot, sa raclette de marouflage à la main), c’est qu’il s’y cache un Portail des Royaumes reliant le bastion à Aqshy, où est situé le Volturung. Toujours fourré dans les bons coups, c’est encore une fois au zélé Drokki qu’il revient la tâche peu enviable de trouver un guide aux émigrés en partance, ce qu’il arrive à faire de justesse en recrutant les services d’un Grimwrath Berzerker plus cinglé que la moyenne, et traînant un lourd passif de duardicide, ce qui n’est guère rassurant. Ayant réussi à instaurer le dialogue avec cette perle rare de courtoisie et de savoir-vivre nommée Brokkengird avant que la perle en question ne le décapite et lui vole son ur-or, Drokki conclut un marché avec le crétin à crète, qui accepte de guider les partisans d’Ulgathern jusqu’au Portail en l’échange des décalcorunies apportées à dessein par le Maître des Runes.

Le voyage débute sans encombre mais prend rapidement un tour désagréable lorsque les Slaaneshi dépravés de Qualar Vo se lancent aux trousses des nabots, après avoir investi l’Ulmount à la suite de la trahison d’un des frères d’Ulgathern, n’ayant pas digéré d’être déshérité par son paternel dans son testament. La capacité de mouvement des Duardin étant ce qu’elle est, Ulga’ finit par opter pour une action d’arrière garde en compagnie d’une poignée de ses guerriers afin de laisser le temps aux civils de sa colonne d’atteindre le Portail, et à Drokki de l’ouvrir. Malgré l’avantage de la position et de la valeur, nos braves naturistes finissent par se retrouver en fâcheuse posture, surtout après l’arrivée de Qualar Vo en personne, qui ne trouve rien de plus malin que d’aller promener son pagne souillé sous le nez de notre héros. Respirant par la bouche, Ulgathern repart à l’assaut des Hédonistes, mais tombe rapidement en rade de runes, le pouvoir de ces dernières pouvant apparemment s’épuiser en cas de surconsommation (c’était mieux dans le Vieux Monde !). La saga du Père des Runes se serait sans doute arrêtée nette, sous le pagne de ce vicieux de Qualar Vo, sans l’intervention opportune de Brokkengird qui, s’il n’est pas capable d’aligner trois mots sans fumer du crâne, a suffisamment de piercings en ur-or pour transformer le Slaaneshi en sushi. Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, Ulgathern est également rejoint par les rescapés de l’Ulmount, menés par son frère punk à chien salamandre et un Maître des Runes au regard d’orve. Tout ce joli monde passe le Portail obigemment rebooté par Drokki et pénètre en Aqshy.

Ce n’est toutefois pas la fin des galères pour nos SFF : arrivé devant les portes de Volturung, ils se font sèchement éconduire par un Fils de Runes aussi ostentatoire que grossier (Trumpunnir Golgunnir), qui les informe en termes non incertains qu’ils ne sont pas les bienvenus chez leurs cousins (même si les femmes et les enfants peuvent être pris comme esclaves domestiques s’ils demandent poliment). Bon prince, l’agent aux frontières indique qu’une petite forteresse satellite, proprette mais sans lave courante installée, est disponible à l’emménagement à trois jours de marche d’ici, dans le mont Crètacier. Seul un léger problème de vermine viendrait compliquer l’installation de la loge d’Ulgathern, qui n’a cependant pas d’autre choix que d’accepter.

La dernière partie de la nouvelle est donc logiquement consacrée à l’opération de dératisation menée par notre bande de héros, qui se divise en trois groupes afin de mieux tromper la vigilance de l’ennemi. Pendant que Drokki et son vénérable maître emmènent une poignée de guerriers innonder les niveaux inférieurs de la forteresse (et pour les Fyreslayers, cela consiste à causer une éruption volcanique « contrôlée »), ce qui leur donne l’occasion de massacrer les mères porteuses des ratons au passage, Ulgathern et sa garde rapprochée se chargent d’occuper le gros de la garnison skaven, tandis que Brokkengird, Sala-man et le reste des Fyreslayers provoquent une sortie massive des hommes rats en montrant leurs fesses devant la porte (mais hors de portée des Jezzails tout de même, faut pas déconner). Malgré quelques pertes tragiques, et un gros coup de chaud pour Ulgathern, dont l’entraînement au sauna paye lorsqu’il se retrouve confronté à des lance-feu fonctionnels (tout arrive), la victoire sourit aux nabots, qui n’ont plus qu’à passer la mop et poser leurs affaires après toutes ces péripéties. Au menu du barbecue de la pendaison de cremaillère, auquel participe un Stormcast Eternal VRP qui volait dans le coin : grillade de Skaven !

1 : Représentez-vous Jamel Debbouze avec une barbe rousse et un casque à crète et vous aurez un portrait fidèle de notre Duardin, dont l’un des bras est atrophié et qui passe son temps à faire des remarques pseudo humoristiques qui tombent assez souvent à plat.

2 : Et encore mieux que ça, pouvoir lui voir les orteils. Car oui, ça a l’air d’être le summum de l’érotisme chez les Duardins, dont on devine que leurs femmes ne portent pas de tongs (une inégalité flagrante par rapport à leurs va nu pieds de maris).

AVIS:

Malgré le désir de considérer chaque nouvel ouvrage avec des yeux neufs, je dois avouer avoir parfois du mal à faire abstraction du passif que chaque auteur régulier de la BL accumule à mes yeux à force de lecture et d’analyse de sa prose. De là la conception, fausse et paresseuse, d’avoir pris définitivement l’aune de l’écrivain en question, et de cataloguer chacune de ses soumissions dans la case mentale qu’on lui a attribué, que cette dernière soit flatteuse ou non. Guy Haley faisait jusqu’à récemment les frais de cette politique que nous qualifierons poliment d’heuristique, ses travaux chroniqués au cours des mois et années précédents lui ayant valu une solide étiquette de contributeur moyen+ de la BL, n’ayant jamais été particulièrement impressionné, en bien comme en mal, par ses oeuvres. La Route du Volturung est venue sérieusement rebattre les cartes, et, j’ai plaisir à le dire, de façon très positive.

Pour faire simple, cette nouvelle est celle que j’attendais depuis maintenant un moment de la part de la Black Library, celle qui me convaincrait vraiment et totalement de l’intérêt et de la profondeur de ce nouvel univers, qui n’avait jusque là à mes yeux que l’honneur douteux d’avoir remplacé mon cher WFB sur le créneau med-fan de Games Workshop. Autrement dit : il faut bien faire avec1. Et avec l’hégémonie de fait des batailles de Stormcast Eternals vs léméshan dans la production littéraire de ces dernières années, généreusement complétée dans un second temps par les batailles des autres factions vs léméshanossi, force était de constater que l’amateur de récits n’étant pas du hammerporn n’avait pas grand-chose à retirer d’Age of Sigmar. Cerise sur le sig-gateau, ces productions annexes n’apportaient pas grand-chose de concret en termes de fluff, autre qu’une liste interminable de nouveaux lieux, villes et régions, n’étant pour la plupart jamais repris par la suite, et abolissant ainsi toute la tension narrative que nous avions connu lorsque le Vieux Monde (et surtout l’Empire) était le théâtre des aventures des héros et affreux de la BL. Pas d’approfondissement de l’historique, de la mentalité ou des objectifs des différentes factions d’Age of Sigmar à attendre dans ce premier corpus (ou alors j’ai mal cherché), rien que du concassage de crâne à tire larigot.

La Route du Volturung est je l’espère le révélateur qu’une nouvelle direction éditoriale a été actée à Nottingham, et que les lecteurs sont désormais en droit d’attendre autre chose des nouvelles qu’on leur propose. Des choses pas forcément simples (même si certaines le sont) mais essentielles au plaisir de lecture et au maintien de l’intérêt pour cette partie du catalogue de la Black Library : des histoires contextualisées, donnant à voir et à comprendre les tenants et les aboutissants des luttes qui secouent les Royaumes Mortels ; des intrigues originales2 tout en restant crédibles, auxquelles on donne le temps de se développer logiquement et d’aller jusqu’à leur terme (et tant pis – ou tant mieux – si cela nécessite plus de pages : la Fin de Temps ne s’est pas faite en un tweet) ; des apports réels sur le fluff des factions couvertes, afin de donner au lecteur une meilleure compréhension de ces dernières3 ; des personnages bien pensés, complexes et attachants/intéressants (le slash a été mis pour le Fils des Runes Golgunnir, une belle enflure mais qui mérite le détour) et, pour finir, moins de Stormcast Eternals, ou alors utilisé de manière adaptée, comme ce Knight-Azyros qui apparaît dans le dernier paragraphe pour proposer une alliance aux Fyreslayers. Croyez-le ou non, j’aurais aimé lire ce que ce rapprochement aurait donné, et n’aurais pas dit non à une petite bataille entre nouveaux potes. C’est suffisamment rare pour que je le précise.

En plus de ces nouveautés appréciables, Haley assure également sur les fondamentaux de la nouvelle med-fan, avec un rythme soutenu, des scènes de combats sympathiques et une bonne rasade d’héroïsme bien kioul (mention spéciale au berzerk allumé du bulbe et adepte du runing4 qui solote un Prince Démon et un régiment de Vermines de Choc dans la joie et la bonne humeur) en sus. Pourquoi s’arrêter en si bon chemin, après tout ? Bref, carton plein que cette La Route du Volturung, qui me servira désormais de mètre étalon pour toutes les nouvelles conséquentes d’Age of Sigmar, ainsi que pour les futures soumissions du sieur Haley, qui a prouvé de façon indéniable qu’il avait l’étoffe d’un cad(ur)or.

1 : Ou pour reprendre le titre de CS&N : If you can’t be with the one you love, love the one you’re with.

: C’est tout de même révélateur de la pauvreté actuelle des nouvelles Age of Sigmar qu’un classique des classiques comme la défense d’une forteresse naine assiégée par des hordes innombrables de bad guys apparaisse comme original !

3 : C’est d’autant plus crucial pour les Fyreslayers, qui sont encore largement vus dans l’imaginaire collectif du Hobby comme « les Tueurs de Troll d’Age of Sigmar », ce qu’ils ne sont pas du tout. Haley fait un super boulot à ce sujet, en décrivant une société riche et fonctionnelle, qui diffère en de nombreux points de ses illustres « ancêtres ».

4 : C’est comme le tuning, mais avec des runes.

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Blacktalon : First Mark (Extrait) – A. Clark :

INTRIGUE:

Black Talon_First MarkLe Code de Conduite de la Sigmar Corp. beau être très clair sur le refus absolu de toute discrimination, et la Direction Ressources Humaines d’Azyrheim mettre en avant la pratique très innovante de recrutement sans CV1 que le boss a mise en place pour constituer ses équipes, il ne reste pas moins que les rangs des Stormcast Eternals restent désespérément masculins à l’heure qu’il est (on ne parle même pas de l’intégration d’autres races dans les effectifs, c’est manifestement encore trop tôt). C’est donc avec un soulagement mêlé d’impatience que nous avons vu arriver les premières héroïnes reforgées dans les cohortes de colosses rutilants de Papy Ziggy. Jamais la dernière pour suivre les tendances insufflées par la maison-mère, la BL s’est même fendue d’un personnage à l’avenant, la Knight Zephyros Neave Blacktalon, qui a mené ses copains de chambrée contre les rednecks d’Horticulous Slimux à l’occasion de la Blightwar, lorsque Sigmar se lassa de faire du porte à porte.

C’est la même Blacktalon que nous retrouvons alors qu’elle tourne ses meurtrières attentions en direction du champion d’un autre Dieu du Chaos, en l’occurrence Xelkyn Xerkanos, champion de Scrabble, Elu de Tzeentch et renégat d’Azyrheim, qui organise un projet… X (c’était facile) avec une bande d’emplumés hauts en couleurs, comme tout maître de cabale qui se respecte. Ayant investi les ruines d’un village perdu dans la jungle d’Heironyme, bien au nord d’Hammerhal Aqsha, Xelkyn ne se doute pas un instant2 que sa fin est proche, en la personne de notre mystérieuse chasseresse, escortée pour l’occasion par un comparse Knight Venator (Tarion Arlor) et son piaf de fonction (Kerien).

À deux et quelques contre un culte entier, il faudra à nos traqueurs une stratégie des plus solides pour espérer l’emporter. Enfin, ça, c’est surtout vrai pour les péquenauds qui ne peuvent pas ressuciter, comme Neave le fait posément remarquer à son binôme circonspect. Prête à tout pour que justice soit rendue, Blacktalon tape donc un sprint digne Usaïn Bolt (of lightning), agrémenté d’un record de saut en hauteur (15 pieds de haut, soit environ 4,5 mètres, et ça de manière tout à fait posée s’il vous plaît), et commence à discuter féminisme avec les séides de Xelkyn, que sa venue laisse sans voix, sans bras, sans tête et sans vie (au choix). L’effet de surprise joue à plein, mais il faudra un peu plus pour que nos héros mènent à bien leur mission suicide…

AVIS:

Encore une histoire de Stormcast Eternals, encore un extrait centré sur épisode de baston pure, ou les caïds métallisés de la Hammer roulent copieusement sur tout ce qui a le malheur de se mettre en travers de leur route. C’était déjà moyennement intéressant en début de bouquin, alors en toute fin de recueil, on frôle le coma littéraire. Et le fait que le protagoniste n’ait pas de chromosomes Y n’apporte pas grand-chose à notre propos, j’en ai bien peur. Bref, cet extrait de First Mark fait office de biscuit chinois industriel à la fin d’une session débridée de buffet à volonté. On sait qu’on a la place nécessaire pour lui faire honneur, malgré l’impression de ne plus pouvoir ingérer quoi que ce soit, et on le consomme davantage par acquis de conscience que par intérêt ou appétit. Je serais bien en peine de vous dire ce que je pense de la prose du sieur Clark après avoir lu ces quelques pages, j’en ai peur.

1 : Dans ce cas de figure, ça veut dire Consentement Validé.

: Ou peut-être que si. C’est l’avantage avec l’Architecte du Changement, on peut toujours balancer un « comme je l’avais prédit… » dès qu’il se passe un truc louche, et compter sur la crédulité de son monde pour s’en sortir la tête haute.

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Alors, que retirer de cette anthologie introductive à la nouvelle franchise med-fan de GW ? Pour répondre à cette question, je commencerai par (essayer de) me placer dans la peau du public pour lequel cet ouvrage a été pensé en premier lieu : le nouveau-venu dans le Hobby, intéressé par une expérience complémentaire aux aspects de collection, modélisme et jeu de ce dernier. Faisons de plus l’hypothèse que notre honnête newbie ne soit pas encore très calé en termes de fluff, et ne connaisse que les très grandes lignes du background, glanées à la lecture des règles, suppléments de jeu et divers contenus numériques officiels. Une fois ce Sacrosaint… terminé, qu’aura-t-il vu et appris sur le background d’Age of Sigmar ?

Premièrement, il aura bénéficié d’un tour d’horizon assez complet des différentes factions qui se claquent le beignet dans les grands espaces des Royaumes Mortels. Bien que les Stormcast Eternals se taillent logiquement la part du Dracoth si l’on dénombre leurs apparitions au fil des pages (5 présences au casting, à chaque fois en tant que protagonistes), ils sont égalés par les Légions de Nagash, en grande partie grâce aux valeureux efforts des Mortarques de la Nuit et du Sang du Grand Nécromancien. Si on ajoute les Nighthaunts à l’addition (2), la grande alliance de la Mort peut se targuer de figurer dans plus de la moitié des nouvelles de Sacrosanct, devant les Playmobils de Sigmar. Ces derniers peuvent toutefois compter sur la contribution significative de l’Ordre d’Azyr (2 apparitions, à chaque fois avec une paire de Répurgateurs différente), qui sait se rendre indispensable à ses gros copains bronzés. Les Gens Libres, ramassis vague et hétéroclite de quidams majoritairement humains et d’allégeance « ordonnée », pèse enfin de son poids dans la balance des caméos (6 convocations), même s’il n’y a que Reynolds et ses Enchères de Sang qui fasse un autre usage de ces bons sigmaritains que celui de PNJ. Le reste de l’Ordre est moins bien servi, en particulier les Seraphons, les Filles de Khaine et les Idoneth Deepkin, tout bonnement absents de la grille de match. Surprenant pour les secondes, qui ont bénéficié de sorties spécifiques et d’un Battle Tome en bonne et due forme, preuve que GW ne les laissera pas tomber de sitôt. Pour les Deepkin, nous blamerons un timing trop serré pour une intégration à une anthologie ne contenant que du contenu « recyclé ». Quant aux Hommes Lézards de l’espace… Mystère et boule de Slann. Les Sylvaneth doivent se contenter de La Source Courroucée (consolation, Alarielle elle-même apparaît, encore que pas vraiment à son avantage), et les Duardin (Fyreslayers et Kharadron Overlords associés) de trois mises en avant. Notons tout de même qu’avec La Route de Volturung, les petits rouquins à crête bénéficient d’une superbe exposition, qui fait plus que compenser leur sous-utilisation préalable.

Finissons notre énumération avec les factions chaotiques et de la destruction. Ces dernières devront se contenter du Grand Rouge et de ses Ironjaws pour tenter de recruter notre Timmy. C’est peu, mais peu étonnant pour la plus petite des grandes alliances. Le Chaos est mieux servi, chacun des cinq dieux pouvant revendiquer au moins une apparition (même si dans le cas de Tzeentch, c’est via l’extrait de quelques pages du roman Blacktalon à la toute fin du livre). Khorne et le Rat Cornu se tirent la bourre en tête de peloton (3), suivis par Slaanesh (2). Bref, d’un point de vue diversité, le contrat est plutôt rempli.

Deuxièment, notre intrépide primo-lecteur aura eu la chance de côtoyer quelques grandes figures du fluff d’Age of Sigmar, certaines d’entre elles bénéficiant, comme c’est bizarre, de leur propre série de romans. Mannfred von Carstein, Neferata, Callis & Toll, Esselt & Talcoran, sans oublier le Prince Maesa : voilà des noms qui comptent dans les Royaumes Mortels. On notera tout de même qu’aucun Stormcast Eternal vraiment connu (Vandus Hammerhand, Gardus Steelsoul, Hamilcar Beareater…) n’a été placé en tête de gondole, ce qui est étonnant au vu du nombre incalculable d’ouvrages mettant en scène les osts de Sigmarines généré par la BL au cours des quatre premières années qui ont suivi le lancement de la nouvelle franchise. Certes, Naeve Blacktalon est, elle, présente, mais seulement dans un extrait de roman, alors qu’elle aurait pu bénéficier de l’inclusion d’une nouvelle (Hunting Shadows, When Cornered) pour briller davantage.

Troisièmement, Sacrosaint… convoque la plupart des plumes que la Black Library a chargé de donner corps et substance à Age of Sigmar de façon régulière. Reynolds, Werner, Annandale & Guymer, Haley, Clark, et dans une moindre mesure Horth et Thorpe : voilà les auteurs qui font vivre les Royaumes Mortels à ce jour, et si vous avez aimé ce que vous avez lu, il y a une floppée d’autres nouvelles, audio dramas et romans qui vous attendent pour tous ces larrons. On pourra jaser sur le choix des courts formats intégrés à ce recueil, qui ne font pas tous honneur au standing habituel de certains des contributeurs établis de la BL (Reynolds et Werner, en particulier), mais c’est une réflexion de vieux de la vieille qui n’a rien à faire dans cette partie du compte rendu. De plus, je laisse chacun juger de ce qu’il aime et aime moins dans le style des auteurs susnommés, et réserve mon avis bien tranché sur le sujet aux critiques des nouvelles en question. Encore une fois, force est de reconnaître que Sacrosaint… fait plutôt bien le taf.

Quatrièment, effleurons du doigt un sujet qui me tient particulièrement à coeur, sans doute parce que mon basculement (à ce jour) irrémédiable dans le Zhobby peut lui être en grande partie imputé : l’initiation au fluff. Je dirai que le constat est plus mitigé sur ce volet. Certaines nouvelles transportent le lecteur dans toute la richesse et la singularité des Royaumes Mortels, et permettent d’appréhender de façon satisfaisante les cultures, mentalités, technologies et objectif des factions qu’elles illustrent. Enchères de Sang et Les Vieux Us donnent ainsi vie à une cité de Sigmar, ce qui donne davantage de relief au combat des Stormcast Eternals dont on nous rabat les oreilles à longueur de fluff. La même chose peut être dite de La Danse des Crânes, qui dépeint de façon convaincante les délicats et mortels jeux de pouvoir auxquels s’adonnent les suivants de Nagash, à des lieux des champs de bataille dégorgeant de squelettes et de spectres. La Route de Volturung est une plongée très réussie dans une Loge de Fyreslayers, qui m’aura presque convaincu de me lancer dans cette armée (et c’est assez rare pour être souligné). Les Sables du Chagrin, dans un autre registre, démontre qu’Age of Sigmar n’a rien à envier à son illustre aîné en termes de lieux surnaturels et dérangeants. Et puis il y a le reste, et en particulier « les-histoires-de-Stormcast », qui ne sont que de la baston pure et simple dans la grande majorité des cas. Le sujet, pourtant tellement intéressant, de la reforge des Sigmalabars n’est que trop rapidement évoqué, ce qui est d’autant plus dommage que les auteurs sollicités avaient largement les épaules pour faire quelque chose de sympa sur le sujet. Grosse déception aussi pour La Source Courroucée, qui malgré un casting étincelant ne s’avère être qu’une resucée de la dernière marche des Ents, sans le conseil de Fangorn pour apporter un peu de contexte à la chose auparavant. Bref, il y a de chances non nulles pour que notre newbie ne soit pas accroché par le background des Royaumes Mortels à la lecture de Sacrosaint… (en particulier à cause du positionnement de la novella éponyme et d’Un Hymne Funèbre de Poussière et d’Acier en 1ère et 2nde position dans l’anthologie, soient près de 130 pages de Stormcasteries insipides avant d’accéder à quelque chose d’un peu plus intéressant), ce qui est un échec notable pour un ouvrage de ce type.

Cinquièmement, et pour conclure, Sacrosaint… permettra au tout venant de découvrir ce qu’est la Black Library. S’il lit en VF, il pourra s’initier aux standards de traduction de la maison (que je connais mal en toute honnêteté, lisant tout en VO), qui sont loin de faire l’unanimité. Autre baptême en perspective, les choix pas toujours compréhensibles des dévoués éditeurs de Nottingham au moment de mettre sur pied un recueil. Nous avons ici un magnifique exemple avec l’enchaînement entre Le Prisonnier du Soleil Noir et Grand Rouge, situés certes dans le même arc narratif, mais sans qu’il ne soit précisé à un quelconque moment que six nouvelles ont pris place entre les évènements relatés dans ces deux courts formats. Vous avez l’impression que certaines choses vous échappent ? C’est tout à fait normal car c’est le cas. Un travail de pro. Le bizut pourra également découvrir qu’il ne faut pas toujours grand-chose à la BL pour commissionner une nouvelle ou une novella, le contenu d’une boîte d’initiation faisant parfois l’affaire. Enfin, il aura la joie de découvrir l’inégale qualité des contenus de cette auguste maison, capable d’aligner le bon, le moyen, le médiocre et l’execrable avec un aplomb parfois déroutant. Quoi qu’on en pense, force est de constater que l’on s’ennuie rarement en lisant la BL, si l’on accepte de prendre un peu de recul sur cette activité. Entre le Goncourt et le Prix Nobel de Littérature, il faut bien se détendre. D’une certaine façon, je trouve salutaire et honnête que Sacrosaint… ne soit pas au delà de tout reproche sur cet aspect, car l’impétrant pourra ainsi décider sur pièce si cette ligne éditoriale le satisfait ou pas. Un ouvrage « trop » qualitatif aurait été trompeur, et aurait pu déboucher sur un achat malheureux dans un second temps…

Avant de terminer cette (interminable) chronique, j’aimerais faire un apparté en reprenant mon positionnement classique de lecteur vétéran de la BL, afin de faire un retour complémentaire à celui détaillé ci-dessus. Disons que vous êtes bien familier du Hobby, de GW et de l’univers d’Age of Sigmar : que peut vous apporter ce Sacrosaint… ? De mon point de vue, il s’agit d’un recueil des plus classiques, rendu intéressant par son vil prix et sa traduction en français. J’ai eu un coup de coeur pour les deux nouvelles de Guy Haley, un auteur que je connaissais sans particulièrement l’estimer, et que je suivrai désormais avec un peu plus d’intérêt. Même chose pour Annandale, qui se rachète un peu à mes yeux avec sa Danse des Crânes. Je suis cependant franchement déçu que les six contributions de Werner et Reynolds soient majoritairement à oublier, ces deux loustics m’ayant habitué à bien mieux que ça. Enfin, et de manière générale, j’ai appris tout de même beaucoup de chose sur l’univers d’Age of Sigmar, ce qui était une vraie lacune de mon côté, n’ayant acheté aucun Battle Tome ou supplément de jeu à ce jour. En un mot : je ne regrette pas cet achat, mais il ne rejoindra pas mon panthéon personnel de recueil de nouvelles GWesques, et trouve encore que les ouvrages 40K et WFB sont au dessus en termes d’intérêt pur.

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Et voilà qui termine cette revue de Sacrosaint & Autres Récits. J’espère pouvoir riposter dans pas trop longtemps avec le pendant grimdark du présent ouvrage, Croisade & Autres Récits, que je devine être plein de Primaris (brrrrrr…). Qui des deux est le meilleur, les paris sont ouverts !

 

INFERNO! [N°3]

Bonjour à tous, et bienvenue dans cette revue critique du 3ème numéro d’Inferno!, le recueil de nouvelles trimestriel de la Black Library ! Comme pour les deux précédents opus, nous nous trouvons en présence d’un ouvrage regroupant une dizaine de courts formats, majoritairement écrits par des nouveaux contributeurs de la BL, et couvrant un grand nombre de franchises de cette dernière (dont, et c’est une nouveauté, Blood Bowl, preuve que le jeu de football fantastique de GW n’est pas retombé dans les limbes de la non-vie).

Au programme de ce #3, le récit émouvant de l’adoption par le Prince Maesa de son NAC (The Prince Tale), et celui, tout aussi touchant, de l’amitié liant un Goliath à son sumpkrok (Bonegrinder), une soirée « Magos, fais moi peur » entre acolytes de l’Inquisiteur Covenant (The Spirit of Cogs), la couverture de l’élection pap(ul)ale du Clan Morbidus (The Unlamented Archpestilent of Clan Morbidus), une version gothique d’Un Indien dans la Ville (Empra), ou encore le journal de bord d’un apothicaire en quête du clofazimine (The Book of Transformations). Bref, une fois encore, il y en aura pour tous les goûts.

#3 - Cover

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The Spirit of Cogs – French [40K] :

John French a fait du chemin depuis ses humbles (mais déjà prometteurs) débuts au sein de la BL en 2011. Désormais contributeur régulier et reconnu de cette dernière, il creuse un triple sillon dans la franchise 40K en plus des travaux engagés dans les autres univers de Games Workshop (dont l’Hérésie d’Horus, qu’il aura l’honneur de contribuer à conclure en sa qualité de High Lord of Terra). On peut ainsi retrouver le petit grand Frenchie en confident de l’amatophobe de service (Ahriman : Exile/L’Exilé, Sorcerer/Le Sorcier, Unchanged/L’Immuable, The Dead Oracle, Hounds of Wrath, All is Dust, Hand of Dust, King of Ashes…), docteur ès Guerres Horusiennes (Incarnation/Incarnation, Resurrection/Résurrection, The Mistress of Threads, The Absolution of Swords, The Purity of Ignorance…) et chroniqueur auprès des agents très spéciaux de son altesse impériale (Ashes and Oaths, Truth and Dreams, Blood and Lies).

INTRIGUE:

The Spirit of CogsComme tous les Inquisiteurs dignes de leur rosette, Covenant est à la tête d’une petite bande de loyaux suivants et serviteurs, apportant chacun leurs compétences uniques à l’éternelle bataille pour la sauvegarde de l’Imperium. Coco étant parti refaire sa permanente au moment où notre histoire débute, c’est vers deux de ses nervis que le projecteur se braque. L’occasion est ainsi offerte au Magos défroqué reformaté Glavius-4-Rho de narrer à sa comparse, l’ex Soeur de Bataille Severita, une petite anecdote pas piquée des voraces, illustrant selon lui l’existence de fantômes, et non d’esprits, dans la machine.

L’histoire nécessitant une légère contextualisation pour être bien comprise, nous commençons donc par entendre Glaviot raconter son enfance et son éducation en tant que pupille de l’Adeptus Mechanicus, les améliorations successives dont il a bénéficié au fur et à mesure qu’il s’élevait dans les rangs de l’Omnimessie, et enfin sa prise de fonction sur le monde forge de Zhao-Arkkad une fois diplômé Magos en bonne et due forme. Spécialiste de l’acheminement énergétique (un héritage du temps où il était stagiaire en charge de distribuer les cafés, ou ce que les tech-adeptes insèrent dans leur système pour libérer de la mémoire vive après un reboot mal négocié), notre héros a à peine le temps de commencer à se familiariser avec ses nouvelles attributions que le voilà sommé de se rendre à l’autre bout de la planète à bord d’une navette banalisée, accompagné d’un Princeps au physique et à la discussion digne de Buzz l’Eclair (comprendre qu’il connaît 3 phrases, répétées en boucle). Soupçonnant un bizutage d’un style un peu particulier, il a toutefois l’occasion de discuter de l’étrangeté de la situation avec l’autre passagère du vaisseau, une Magotte (?) dénommée Ishta-1-Gamma, spécialiste en transmission de données (à mon époque, on appelait ça le bavardage), tout aussi intriguée que Glavius quant aux causes ayant motivé leur hiérarchie à monter ce parcours d’intégration d’un genre un peu particulier.

Arrivés sur place, et toujours escorté du charmant Princeps (Zavius), notre binôme fait la connaissance de leur futur n+1, un Archmagos (Atropos) peu pimpant mais très pimpé, qui les entraîne jusqu’à leur lieu de travail, toujours sous le sceau du secret. C’est là, au cœur d’une caverne sise au plus profond d’une montagne isolée, que les attend une surprise de taille (et pour cause) : une Légion Titanesque entière repose dans les ténèbres. Chargés par leur nouveau boss de remettre les Gundams en état de marche, Glavius et Ishta s’attèlent sans tarder à la tâche, mais ne tardent pas à découvrir que l’équation qui leur a été soumise comporte plus d’une inconnue. Ainsi, au cours de la première visite réalisée dans leur Titan pilote en compagnie de la chef-ingénieure (Thamus-91) de l’opération, ils découvrent que quelque chose semble aspirer toute forme d’énergie à proximité, ce qui les force à charger à fond les accus avant de partir en vadrouille dans la salle du réacteur. Sur place, Glavius a la surprise de découvrir que des composants cristallins, d’une nature et d’une fonction inconnue, ont été intégrés dans les circuits de Dormeur, mais ses savantes supputations sont rapidement écourtées par 1) la nécessité de quitter les lieux avant de tomber en panne sèche et 2) le karoshi inopiné de Thamus-91, grillée comme un fusible de s’être branchée à tort et à travers à l’interface titanesque. C’est le CHSCT qui va gueuler.

Profitant de l’inhibition sentimentale qui est le lot des servants du Dieu Machine, nos experts ne perdent cependant guère de temps à gamberger sur les tragiques événements et menues bizarreries entourant l’opération, et sont bientôt en capacité de proposer un mode opératoire expérimental à même de relancer les batteries de leur Titan. Ishta a beau faire part à Glavius de ses doutes et ses scrupules à réveiller celui qui à jamais dormait, ce dernier, tout à sa rationalité masculine, balaie d’un revers de mécha-dendrite les atermoiements de sa collègue. Sa belle assurance vole toutefois en éclats lorsque le protocole « Wake Up Big Susie » ne se déroule pas vraiment comme prévu, l’afflux massif d’énergie dans le réacteur du Titan entraînant une réaction en chaîne1 à base de terminaux HS, d’hallucinations auditives et visuelles, glaciation de principe et combustion de Princeps (ciao Zavius), pour finir par la dissolution terminale de la pauvre Ishta, qui fait don de sa personne pour stopper l’escalade2.

Le titanesque roupillon n’ayant finalement pas été interrompu, au grand soulagement d’un Glavius finalement convaincu que toute l’entreprise dissimulait quelque chose de pas très cathodique, notre Magos rescapé est sommairement démissionné par Atropos, qui insiste pour que toutes les données relatives à l’opération soient soigneusement purgées des banques de données de son sous-fifre. Ce dernier est tout de même autorisé à partir entier et à garder ses souvenirs de la mésaventure qui a faillit l’envoyer à la casse (au prix de la lobotomie, franchement, c’est une économie de bout de diode), sans quoi il aurait été fort en peine de raconter cette dernière à la brave Severita. Et si nul ne sait à ce jour ce qu’il est advenu de la Légion perdue de Zhao-Arkkad, une chose est sûre… utilisez toujours un VPN les enfants.

AVIS:

Il y a du bon et du moins bon dans cette incursion de French aux limites du récit horrifique 2.0 (je m’étonne d’ailleurs que la nouvelle n’ait pas été incluse dans le premier recueil de Warhammer Horror, elle y aurait eu sa place). Parmi les sources de satisfaction, je place l’immersion convaincante du lecteur dans le fonctionnement quotidien d’un monde forge, milieu à part même dans le vaste Imperium, car régi par des codes et des conventions bien particuliers. Peu d’auteurs avaient jusque là réussi à transmettre le caractère d’étrangeté (dans tous les sens du terme) des disciples de l’Omnimessie, la représentation récurrente de ce type de personnage les changeant plutôt en geeks steam punks jurant en binaire. C’est à une étude de caractère un peu plus poussée, et donc satisfaisante, que le lecteur a droit ici, à grand renfort d’aura noosphérique et de règle sacrée des cinq secondes (qui a donc réussi à survivre, sous une autre forme, jusqu’au 41ème millénaire).

Autre bon point à décerner, la construction réussie d’un suspense morbide autour du mystérieux Titan que notre équipe de choc essaie de réveiller. On comprend tout de suite que la placardisation dont a fait les frais la Légion étrange(re) exhumée par Atropos tire son origine d’une tragédie quelconque, et que nos héros auraient tout à gagner à suivre leur instinct et prendre leurs chenilles à leur cou. Les révélations que distille French tout au long du récit attisent la curiosité et permettent échafauder quelques hypothèses sur la nature du mal en question… et c’est pourquoi j’ai trouvé plutôt frustrant de terminer la nouvelle sans connaître le fin mot de l’histoire. Car à part le crime contre le bon goût que représente la livrée orange et verte du premier équipage des Titans oubliés, on n’est guère éclairé sur ce qui ne processe pas rond chez ces derniers. Certes, cela a à voir avec la tentative, pas franchement concluante au final, de lier l’âme de victimes sacrificielles aux divines machines, apparemment via le truchement de cristaux spéciaux, mais comme French ne se donne pas la peine de clarifier sa vision des choses, on termine la lecture de The Spirit of Cogs avec un fort goût d’inachevé3.  C’est bien dommage car je ne doute pas de la capacité de l’auteur de conclure ses œuvres de façon satisfaisante, ce qu’il a déjà eu l’occasion de prouver dans de précédents travaux. Bref, dear John, à trop vouloir faire le flupster (le hipster du fluff), on perd les normyistes (les normies du Zhobby). Tiens-le-toi pour écrit.

: Personnellement, j’attribue ce fiasco à l’utilisation malavisée d’un trans-uranic adjuster, qui plus est par du personnel non-formé au maniement de cet appareil bien particulier. Personne n’aime être réveillé par une décharge de tazer dans le fondement.
Comme quoi, on peut mourir de crier « Ta G**** » trop fort. C’est dur de couper la parole à quelqu’un qui parle à 280 décibels, il faut dire.
Après quelques recherches, j’ai pu établir que French a repris l’historique de la Legio Xestobiax, « améliorée » au cours des années précédent l’Hérésie d’Horus par un dispositif expérimental s’inspirant de la moelle spectrale Eldar, et baptisé Noyaux de Fer Noir par l’Imperium. Evidemment, ça a fini par déconner, et le fait que la Legion ait choisi de combattre aux côtés des Thousand Sons après qu’ils aient été déclarés Astartes Non Grata par l’Empereur n’a pas joué en sa faveur, même si un petit nombre de machines ont réussi à survivre à cet âge troublé. Pour plus d’informations, se référer au Livre VII de Forge World consacré à l’Hérésie, appelé (faut-il y voir un clin d’œil ?) Inferno.

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At the Sign of the Brazen Claw – The Prince Tale – Haley [AoS] :

INTRIGUE:

Après avoir écouté l’honorable Horin et le stoïque Stonbrak raconter leurs histoires respectives, il est temps de laisser la parole à la star de la série du sieur Haley, le prince Aelf Maesa. Sommé par l’irritable Duardin de narrer la manière dont il s’est entiché de son farfadet de compagnie et side-nick (side-kick aurait été un peu démesuré pour un être devant péniblement atteindre les vingt centimètres de haut) Shattercap, l’affable Zoneille s’exécute avec sa grâce et son équanimité coutumière, parfaitement à l’aise dans l’exercice de l’alcoolisation mondaine (c’est surtout ça qu’on apprend dans la haute société elfique, en fait). Les convives ayant été ravitaillés en victuailles solides et liquides par l’aubergiste – je ne vois pas pourquoi Haley prend la peine de passer un paragraphe sur le sujet, quitte à refaire passer Horin, qui avait juré la main sur le cœur dans le premier épisode que l’hospitalité était sa valeur cardinale, pour un hypocrite patenté – et certains étant même passé aux toilettes dans l’intervalle (#WhatDoIDoWithThisInformation), Maesa commence son récit.

Nous apprenons donc qu’à l’origine de l’errance du bellâtre se trouve une tragique histoire d’amour entre ce dernier et une humaine (Ellamar), qui finit comme on peut se l’imaginer bien trop tôt au goût de notre Elfe, et le poussa à prendre la route pour surmonter son deuil. Ce qui prit un peu de temps, mais lui permit de parcourir les Royaumes Mortels en long, large, travers, à cloche-pied, en échasses et en trottinette électrique, mais toujours en solo, tel que Jean-Jacques Goldman l’aurait voulu. Et puis, un beau jour, la mise à jour inespérée du logiciel de sociabilité de Maesa se finalisa, provoquant chez lui une soudaine poussée d’empathie. Avisant un village humain construit au milieu des ruines d’une cite de l’Âge des Mythes, en plein cœur de Ghyran, notre voyageur résolut de passer la nuit sur la branche d’un arbre proche, afin de se réhabituer doucement à la civilisation. Réveillé par des pleurs amers quelques heures plus tard, il se surprit lui-même à descendre de son perchoir pour aller s’enquérir des raisons du désespoir de ses nouveaux voisins. Résistant à la tentation de planter sa dague dans le dos de la jeune femme effondrée l’ayant tiré de son sommeil (alerte psychopathe), Maesa se souvint qu’il était un héros en puissance et s’enquit donc des raisons du désarroi de la pauvresse, comme il était sensé le faire.

Malgré l’accueil musclé et peu amical que son intrusion dans l’enceinte du village ne manqua pas de lui valoir, le Prince au bel air, conduit devant le doyen du village, un ivrogne nommé Gurd (ça ne s’invente pas), accepta la mission proposée par ses hôtes, c’est à dire retrouver et ramener saine et sauve la nièce de la pleureuse précédemment aperçue, enlevée la veille par les Sylvaneth locaux comme une demi-douzaine de jeunes enfants avant elle. Passant l’éponge sur le délit de faciès dont les humains, tout à leur ignorance crasse, commirent à son égard (comme s’il suffisait d’être un Aelf pour être pote avec toute les Dryades de la terre… c’est du racisme ça Madame), Maesa se mit donc en route, et sur un coup de chance ou de pif assez heureux, mais logique du fait de son statut de protagoniste, partit dans la bonne direction1. Traversant une forêt visiblement frappée d’un mal profond, ou tout simplement une sapinière alors qu’un nuage passait devant les soleils, le Prince finit par trouver des traces fraîches à exploiter, et rattrapa bientôt la bande de Farfadets transportant le bébé dérobé à la garde maternelle, alors que ces derniers s’apprêtaient à amener leur prise à l’Homme arbre patibulaire qui les attendait sur une île au milieu d’un lac souterrain2.

La raison de ce kidnapping apparut rapidement dans toute son horreur à Maesa: gravement brûlé par des flammes chaotiques au cours d’une précédente bataille contre les hordes du Seigneur Fangmaw, l’Ent de service (Svarkelbud) avait depuis recours à un type de terreau enrichi en protéines pour écourter sa convalescence, et faisait feu de tout bois (expression peut-être malheureuse au vu de la situation) pour retrouver la santé. Passablement dérangé, au point d’avoir immolé ses propres Dryades après qu’elles lui aient fait part de leur réticence à le seconder dans son idée d’ouvrir son business de capsules funéraires, et récupéré leur soulpods pour s’en faire un collier, Svarkelbud refuse bien évidemment l’offre raisonnable du Vagabond de laisser ce dernier repartir avec l’enfant, ce qui force l’Aelf à prendre des mesures plus radicales. Révélant quelques compétences en magie guerrière et au tir à l’arc, le Prince décime la clique des Farfadets, épargnant seulement celui qui fit preuve d’une retenue salutaire au moment d’égorger l’enfançon, qu’il se contente d’assommer et d’embarquer en même temps que le précieux colis. L’Homme Arbre, quant à lui, hérite d’une flèche enflammée en plein dans l’œil, ce qui a rapidement de lui. Quel dommage qu’il ne soit pas souvenu qu’il était au milieu d’un lac.

Le reste de l’aventure n’est qu’une formalité pour notre héros, qui dépose la miraculée devant chez ses parents avec une carte de visite glissée dans ses langes (ce n’est pas la modestie qui étouffe Maesa, qui a souligné à de nombreuses reprises au cours de son récit à quel point il était le plus doué, le plus fort et le plus rapide3, et qu’il aurait pu tuer tout le monde en un clignement d’œil s’il l’avait voulu), et repart sur la route, non sans avoir planté les soulpods récupérées au passage dans un bosquet tout proche. Vive l’économie circulaire. Quant au Farfadet magnanime, ou simplement indécis, on aura compris qu’il s’agit du fameux Shattercap, que Maesa a choisi de garder auprès de lui afin de lui apprendre les bonnes manières. Il avait apparemment vraiment besoin de compagnie. Peut-être un peu trop d’ailleurs.

AVIS:

Les épisodes se suivent et se ressemblent, en style tout du moins, pour Haley. Encore de la high fantasy siglée Age of Sigmar, univers de tolérance où les unions libres entre individus de races différentes sont apparemment possibles (même si ces couples ne peuvent pas avoir d’enfants), et tolérées. Le Vieux Monde était un chouilla plus conservateur sur le sujet, ou avait tendance à tomber dans le glauque dès qu’il abordait le sujet (coucou les Fimirs!), l’idylle entre Maesa et Ellamar est donc un nouveau marqueur du changement de braquet “atmosphérique” entre le fluff de la franchise qui fut et celle qui a pris sa place. D’un autre côté, il s’agit également du récit le plus sombre  du lot pour le moment, incluant des détails assez morbides/dérangeants dans sa narration, comme l’enlèvement de nourrisson à fin de sacrifice (et de consommation, comme l’avoue inconsciemment ce boute en train de Shattercap), ou les parures en organes (végétaux certes, mais tout de même) de cet incompris de Svarkelbud. The Prince Tale présente également l’avantage sur ses prédécesseurs (et probablement sur ses successeurs, sauf si l’impayable Pludu Quasque se révèle être le nouvel Heinrich Kemmler) de mettre en scène une demie célébrité d’Age of Sigmar, ce qui peut intéresser les fans inconditionnels du Prince Maesa (qu’ils se dénoncent). Pour le reste, c’est du Haley, pur jus encre, donc tout à fait lisible, et même parfois assez bien tourné, à défaut d’être passionnant.

: On notera au passage qu’il possède également un super-pouvoir assez intriguant : la capacité de déterminer le moment du passage d’êtres vivants à un endroit précis en jaugeant de la température au sol. Soit il a une vision infrarouge vachement précise, soit Haley a oublié de préciser, sans doute pour préserver l’aura romanesque de son personnage, qu’il a besoin d’un étron frais de sa proie pour réaliser cette prouesse.
: Et, détail fendard, assis sur un trône façonné dans un arbre. Moi je vois ça de cette façon.
: Pas trop rapide espérons le, sinon c’est Ellamar qui a dû s’ennuyer.

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City of Blood – Smith [40K] :

Avec un nom tel que celui-ci, il est assez facile de prendre Matt Smith pour quelqu’un d’autre (spoiler, ce n’est pas le 11ème Docteur Who), ou de survoler sa sombre bibliographie. Même si cette dernière n’est pas aussi imposante que celles de certains de ses confrères, il compte tout de même à son actif quatre soumissions, toutes pour 40K : In Service Eternal, The Twisted Runes, City of Blood et The Price of Duty.

INTRIGUE:

Alors qu’elle sirote tranquillement un cocktail dans un bar louche de Scavtown, quartier classé ZUS de la ruche Obergard Secundus, Jesca Veil, héroïne au passé trouble et à la gâchette facile, se fait aborder par un malabar animé d’intentions peu charitables. Peu encline à accepter son invitation à poursuivre la soirée dans un endroit plus calme, Jesca règle prestement son compte au malotru, et s’éclipse discrètement vers l’endroit où doit l’attendre le passeur avec lequel elle a conclu un marché pour quitter la planète dans les plus brefs délais. Elle ne tarde cependant pas à réaliser que le butor dont elle a si définitivement refroidi les avances n’avait pas fait le déplacement seul, et se retrouve finalement acculée dans une ruelle obscure, à la merci du Commissaire Timur Iovac et de son équipe de chasseurs de déserteurs, ce que Jesca semble être. Faisant mine d’accepter sa mise en état d’arrestation, Veil réussit à tromper la vigilance de sa Némésis et de ses sbires, dérobant au passage à cette dernière une des grenades d’apparat qui pendent à sa ceinture, et fonce ventre à terre vers le lieu de son rendez-vous galant, poursuivie par les invectives outrées d’Iovac (it’s okay) ainsi que par le mastiff robotique de l’officier (it’s not okay).

Au prix d’un combo steeple – saut en longueur parfaitement négocié, et surtout, de salutaire du contact de Veil, une grande brute atteinte d’une forme sévère de psoriasis répondant au nom de Heizer, qui euthanasie le clebs du Commissaire sans autre forme de procès, Jesca se reprend à espérer une conclusion rapide et sans problème de son transfert vers l’orbite haute, ce qui ne se produira évidemment pas (la nouvelle aurait été un peu courte sinon). Emmenée par son Sherpa urbain à travers une zone à hauts risques, et pas seulement à cause des mauvaises relations que Heizer entretient avec le gang qui occupe le territoire suite à une opération ne s’étant pas bien terminée, notre AWOL d’héroïne ne tarde pas à faire la connaissance des Affligés, variante locale des Zombies de la Peste ayant tous choisis l’option 3*500 mètres au bac, ce qui rend leur gestion assez délicate même pour notre duo de vétérans endurcis. Fort heureusement, la grenade lootée par Veil se révèle être une authentique bombe de stase1, et laisse assez de temps aux fugitifs pour sortir de la zone infectée.

Leur rencontre fortuite avec une escouade de miliciens locaux, chargés par le gouverneur de pacifier Scavtown suite à de légers débordements et la disparition suspecte de quelques enfants de la haute société dont le tort a été de s’improviser Spyriens (erreur de jeunesse, comment leur en vouloir?), leur fait toutefois perdre aussi vite le temps gagné par le gadget d’Iovac, et l’émeute éclate rapidement lorsque les effets pacificateurs de la grenade finissent par se dissiper. Si la boucherie qui s’en suit permet à Veil de fausser compagnie aux pauvres forces de l’ordre, très rapidement débordées, puis disséquées, par les événements, elle voit également Heizer lui fausser compagnie à la recherche d’un shoot de cortisone suite à une crise urticante carabinée, et, plus embêtant, permet à Iovac et ses nervis de refaire leur retard sur la fugitive. Très déçu par le comportement égoïste de sa proie, le Commissaire parvient presque à mettre la main au collet à cette dernière (ce qui se serait mal terminé pour elle, gantelet énergétique oblige), mais doit finalement déposer les armes après avoir rate la sauvegarde d’armure de trop – en même temps, sur cinq blessures, le contraire eut été hors stats –. Ce moment de relâchement lui coûte cher, son Feel No Pain salvateur ne faisant pas le poids face au Got No Brain de la demi-douzaine d’Affligés qui lui tombent sur le râble pendant que Jesca repart en petites foulées.

Ramassée par un Heizer luisant sous la biaffine, mais de nouveau maître de lui-même, dans une ambulance militaire détournée pour la cause, Jesca croit arriver au bout de ses peines, mais une dernière épreuve l’attend néanmoins. Témoin de la bad assitude consommée de sa cliente, le passeur gratteur profite de l’inattention de cette dernière pour lui coller la tête sur le tableau de bord en vue de lui soutirer des réponses au sujet de son véritable passif. Réalisant que la coopération de son seul allié est nécessaire au succès de ses plans, notre héroïne obtempère et lui avoue qu’elle sert l’Inquisition en enquêtant sur la cause de l’Affliction, et que le mandat d’arrêt dont elle fait l’objet n’est qu’une manœuvre de la part des responsables de l’infestation qui frappe Obergard Secundus pour l’empêcher de nuire. Convaincu par la réponse qui lui a été faite, Heizer accepte d’honorer sa part du marché et escorte Jesca jusqu’au point de ramassage scolaire stellaire le plus proche, en échange d’un logiciel de credit skimming pas piqué des vers. Il faut croire que le monde de la finance fait également partie des ennemis de la Sainte Inquisition (l’Ordo Fiscalus, en particulier)…

AVIS:

Débuts plutôt réussis pour Matt Smith en tant qu’auteur de la Black Library avec ce City of Blood. Parmi les éléments favorables à verser au dossier du rookie, citons par exemple sa maîtrise du rythme et du séquençage de l’action, qui permettent à sa nouvelle de proposer en peu de pages un nombre conséquents de péripéties variées au lecteur (scène de baston dans le bar, 1ère confrontation avec Iovac, fuite et rencontre avec Heizer, confrontation avec les Affligés, Affligés vs miliciens, 2ème confrontation avec Iovac, taxi avec Heizer & conclusion). Notons également le bel aplomb avec lequel Smith intègre des éléments “Necromund-esques” dans son propos, sans pour autant placer ce dernier sur la planète araignée. Mine de rien, cela révèle une bonne maîtrise du fluff de 40K et de la sous franchise que Necromunda représente, ce qui est prometteur pour la suite. Enfin, les Affligés sont dépeints de manière fort honorable, notamment leur entrée en scène dans les ténèbres de Scavtown, convenablement flippante dans le genre “on ne les voit pas mais on les entend”. La seule remarque un tant soit peu négative que je ferai à Smith sur ce texte inaugural concerne la contextualisation, ou plutôt son absence, de la relation entre Jesca et Iovac. Si on comprend sans mal ce que le second reproche à la première au fil du récit, les révélations faites à la fin de la nouvelle quant à l’identité secrète de l’héroïne tombent un peu à plat, puisque le lecteur ne sait rien de la mission de Jesca, ni de la manière dont elle s’est retrouvée piégée par les “Afflicteurs”, qui ont dépêché l’inflexible Commissaire à ses trousses. City of Blood a donc un arrière-goût prononcé de “2ème épisode”, ce qu’il n’est à ma connaissance pas, et en est un peu frustrant de ce fait. Espérons que les zones d’ombre du passé de Miss Veil seront au moins partiellement levées au cours d’une prochaine soumission Smithienne.

: On se demande ce qu’un Commissaire lambda faisait avec un matériel aussi sophistiqué sur lui. En même temps, c’est pratique de pouvoir immobiliser un suspect de façon non léthale quant on a besoin d’une petite exécution pour l’exemple pour remonter le moral des troupes.

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Dismember the Titans – Lyon [BB] :

Après des débuts lapidaires (The Hunter et ses 4 pages) dans Hammer & Bolter, Graeme Lyon a petit à petit étoffé sa bibliographie BL-esque, avec une tendance notable et notée à se tourner vers le monde impitoyable du Blood Bowl (Mazlocke’s Cantrip of Superior Substitution, Dismember the Titans). Autre contribution à la grande histoire du Monde qui Fut, Bride of Khaine, ou les relations pas toujours simple d’un couple à forte différence d’âge (le fait qu’il s’agisse de la Fin de Temps ne facilitant rien non plus).

INTRIGUE:

La saison prometteuse des Talabheim Titans se retrouve perturbée par des événements extra-sportifs impactant fortement la vie de l’équipe : une série de meurtres passablement gore (éventrement et amputations, ça commence à sentir l’acharnement) décime les joueurs de la franchise, sans que les autorités locales ne s’en émeuvent1. Par chance pour les Titans, leur duo de choc, la blitzeu…se (?) Juliana Tainer et le receveur Johann Walsh, prennent sur eux de mener l’enquête, épaulé dans cette lourde tâche par le nouvel apothicaire de l’équipe, l’excentrique, vaguement inquiétant et passablement obsédé par la nécromancie Dr Werner von Blaustein (un brave type). Ce dernier, après avoir examiné la dépouille mortelle de la plus récente victime du DéventramembreurTM, aiguille nos héros sur la piste d’un spécialiste de l’anatomie (comme lui), maniant des instruments très tranchants (comme les siens). Percevant la sagesse du raisonnement du bon docteur, J&J épluchent le courrier des fans à la recherche de récriminations particulièrement véhémentes, qui pourraient indiquer l’identité du tueur. Et, coup de bol, ils trouvent effectivement un suspect intéressant en la personne d’un barbier atrabilaire et très remonté, pour des motifs nébuleux, contre les Titans.

Ayant décidé de la jouer discrètement, les détectives en herbe astrogranite passent la nuit en planque devant l’échoppe de leur détracteur, mais s’endorment comme des masses avant de n’avoir décelé quoi que ce soit de compromettant, non sans avoir mis au point un système de commandes par tapotage de casque interposé, ce qui est toujours utile dans ce type de profession. Le coach ne leur ayant pas laissé toute la journée, Juliana et Johann décident à leur réveil de précipiter les choses en rendant une visite de courtoisie à l’aimable praticien, pour découvrir que lui aussi s’est fait décarcasser par l’insaisissable assassin. Comble de déveine, ce dernier a laissé derrière lui un trio de Zombies patchwork, composé de membres cousus ensemble, ce qui permet à nos héros de comprendre pourquoi les victimes précédentes ont été retrouvées fortement diminuées (c’est du kit bashing organique, au final). Une course déterminée, une passe longue réussie, et une lanterne pleine d’huile fracassée plus tard, J&J sortent de la boutique en feu de feu leur principal suspect, et retournent au bercail pour débriefer le reste de l’équipe.

Sur place, ils ont le déplaisir d’être accueillis par la nouvelle d’un autre décès dans l’équipe, signe que leur persécuteur n’a pas chômé ces derniers temps. Invités par von Blaustein à une réunion de travail dans son bureau, ils finissent par comprendre, suite à une remarque compromettante glissée par leur médecin traitant au cours de la discussion, que ce dernier est derrière cette sanglante série. Ayant eu la mauvaise idée d’accepter le thé préparé par l’apothicaire, ils sombrent cependant dans une inconscience malvenue avant d’avoir pu agir. Nos héros reviennent à eux dans la cave de la maison familiale de von Blaustein, qui a la bonté d’expliquer ses motivations avant de commencer ses sinistres opérations : fan éperdu des Titans, le jeune vB ne voulait rien tant que de rejoindre l’équipe, ce que ses faibles capacités physiques l’ont empêché de faire. Humilié par cette mésaventure, il jura de provoquer la perte de la franchise, puis de remplacer cette dernière par une équipe de cadavres réanimés, composés à partir des meilleurs morceaux des Titans. Quelques années plus tard, après avoir été diplômé en nécromancie à l’université de Sylvanie, il revint dans sa ville natale pour mettre à exécution son plan machiavélique. Le plaisir coupable du monologue satisfait de grand méchant coûtera cependant cher – comme d’habitude – à Scalpelator, puisque Johann trouvera le moyen de se délivrer de l’étreinte ferme mais faillible du Zombie le maintenant au sol avant que sa laparotomie ne débute. Une fois de retour sur leurs appuis, la puissance et l’expérience supérieurs des titulaires viendra sans problème à bout des malhabiles gesticulations de leurs remplaçants, l’action se terminant de façon péremptoire par une inflammation généralisée de l’équipe zombie, coach compris. L’illustration même de l’importance de maîtriser les fondamentaux dans les sports collectifs.

AVIS:

Il m’est venu à l’esprit en écrivant cette chronique que la plupart, si ce n’est tous, des prochaines nouvelles publiées par la BL et se déroulant dans l’univers de Fantasy Battle auraient pour cadre un match de Blood Bowl, pour la simple et bonne raison qu’il s’agit de la dernière franchise vivante prenant place dans le Monde que Fut. Raison de plus pour espérer que la qualité soit au rendez-vous, ce qui est plutôt le cas de Dismember the Titans. En 17 pages, ce qui est court, Lyon trousse en effet une petite enquête policière dans le monde impitoyable du sport professionnel de WFB, répondant à toutes les exigences du cahier des charges de ce type de publication, (micro) twist final inclus. Certes, la nécessité de garder le propos dans les limites fixées n’a pas permis à notre homme de perdre le lecteur dans un dédale de fausses pistes, et l’identité du meurtrier n’est donc pas longtemps sujette à discussion, mais on ne peut enlever à Lyon qu’il a fait le job de manière tout à fait satisfaisante, et est même allé au delà de l’acceptable, en prenant le temps d’intégrer un set-up utile au dénouement de l’intrigue au détour d’un paragraphe. Ça n’a l’air de rien comme ça, mais nombre d’auteurs de la BL auraient donné dans le TGCM/WIJH pour justifier le revirement de situation final, et il convient donc de distribuer un bon point à Lyon pour son application sur ce sujet.

En revanche, et malgré le fait que je reconnaisse pleinement le caractère humoristique et fantaisiste de Blood Bowl, j’ai trouvé que l’auteur avait forcé le trait a bien des endroits, enterrant définitivement tout espoir de faire cohabiter BB et WFB de manière cohérente, ce qui aurait – à mon avis – pu se faire avec un peu plus d’attention. L’exemple de l’émission télé (ou Cabalvision) de Zavant Konniger (voir Fluff) est ainsi révélateur d’un parti pris parodique poussé à l’extrême, et qui creuse un fossé infranchissable entre Fantasy Battle et Blood Bowl, le second ne pouvant prendre place que dans un univers alternatif du premier. À titre personnel, j’aurais aimé que Lyon mette la pédale douce sur les clins d’œil entendus à notre propre monde (les chaussures Orcidas et les spamburgers McMurty’s en tête), et cherche à intégrer de façon crédible ce noble sport au monde de Warhammer, comme Sandy Mitchell a réussi à faire de Ciaphas Cain une figure originale, mais crédible, de 40K. Rendez-vous au prochain quart temps pour voir si ce vœu pieux a été entendu.

: À Blood Bowl comme dans la vraie vie, la lutte des classes entre sportifs professionnels grassement payés et classes laborieuses exploitées empoisonne les relations entre les uns et les autres.

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The Unlamented Archpustulent of Clan Morbidus – Guymer [AoS] :

INTRIGUE:

The Unlamented Archpustulent of Clan MorbidusC’est un jour spécial qui se lève commence (le soleil brille-t-il ici ?) à Vile Ville pour Rattagan Borkris, l’honorable Malfaisant Supérieur de l’Eglise de la Ruine Rongeuse. À la suite du décès brutal, mais pas totalement imprévu de l’Archipustulent Heerak Gungespittle, la charge occupée par ce dernier est vacante, et notre héros compte bien la faire sienne. S’il parvient à ses fins, il occupera une position de choix au sein du clan Morbidus, et pourra rêver à siéger un jour au sein du Conseil des Treize, si le représentant actuel de sa faction devait lui aussi avoir un accident malheureux. Pour cela, il lui faut remporter l’élection du Lycée des Lecteurs, dont les vingt-et-un membres doivent se réunir sous peu pour désigner le nouveau chef spirituel du clan. Pouvant compter sur le soutien de huit des cardinaux, Borkris est pleinement confiant dans la suite des événements, n’ayant besoin que de convaincre deux autres votants de la qualité de sa candidature pour accéder à la fonction à laquelle il aspire.

Cependant, l’ambitieux Supérieur doit compter avec deux rivaux, tout aussi déterminés que lui à prendre en patte la destinée du clan. Hascrible, un simple moine de la Peste, compensant sa cécité et ses origines serviles par un zèle implacable et une dévotion exubérante envers le Grand Corrupteur, a l’oreille des masses laborieuses et du bas clergé Morbidus, et constitue donc une force avec laquelle il faut compter. Le Verminable Dengue Cruor, 500 ans bien tassés et de fait doyen de l’assemblée, est un autre prétendant valide à l’élévation, et le seul disposant d’une influence à même de rivaliser avec celle de Borkris. Coup de chance pour ce dernier cependant, Nicodemus a eu une panne de rat-veil ce matin, et avec l’absence simultanée d’un autre Lecteur, Drassik, il n’a besoin que d’un vote supplémentaire pour devenir rat-life à la place du rat-life.

À quelque distance du Temple Fendillé, où se tiennent les débats, nous retrouvons les deux absents, occupés à d’importants préparatifs. Cruor, en sa qualité de Sage Bilieux de la Voie Extirpée et maître des potions, s’active à une concoction un peu spéciale en vue de faciliter sa future élection. Drassik, de son côté, le seconde de son mieux, en lui fournissant une moustache, puis son dernier rât-le, deux ingrédients nécessaires à la réussite du gaspacho mitonné avec application, plutôt qu’avec amour, par l’ancien maître. N’ayant pas vu passer l’heure, il se hâte ensuite vers le concile, où les choses ont avancé plus vite qu’il ne l’avait prévu. Le premier tour de vote n’a en effet rien donné, Borkris ratant l’élection à une voix près, secondé de plus loin par Hascrible, qui demande de manière véhémente un recomptage des voix (ce n’est pas parce qu’il est aveugle qu’on peut la lui faire à l’envers), et, à la surprise générale, y compris la sienne, par un troisième larron, Salvik Rakititch, joueur du FC Rat-rcelone, plénipotentiaire du clan sur Aqshy. Les débats ayant été levés pour la journée, Borkris s’empresse d’aller à la rencontre de Rakititch afin de lui proposer une offre qu’il ne pourra pas refuser, et cimenter ainsi son prochain succès.

Alors que nos deux larrons étaient sur le point de conclure un accord, l’intrusion soudaine de Hascrible et de ses zélotes, animés de mauvaises intentions (ce qui est mal) et armés de fléau à malepierre (ce qui est pire), vient sonner la fin des pourparlers, et force les intrigants à chercher la protection de leurs escortes respectives. Il faudra l’intervention musclée autant que solidaire des septons du Temple Fendillé pour stopper l’alga-rat-de, au cours de laquelle Rakititch essaiera de zigouiller Borisk, sans succès (c’est résistant, un rat de Nurgle), qui lui rendra la pareille de façon plus efficace. Un de moins.

Le deuxième tour de vote débute donc sous des auspices très différents du premier, avec un Borisk un peu amoché et en situation de faiblesse, un Harscrible renforcé par son coup de force et l’attribution – certes imméritée, mais les voies du Rat Cornu sont tortueuses – de la mort de Rakititch, et un Cruor gardant sa botte secrète en réserve. Profitant de son droit d’adresse avant que le vote ne débute, le Verminable enjoint fortement ses collègues à le choisir, pour la bonne et simple raison qu’ils ont tous été contaminés à leur insu par le splintergut, une infection aussi mortelle qu’horriblement douloureuse, dont seul Cruor possède l’antidote. Consternation dans l’auguste assemblée, sauf de la part de Hascrible, tellement certain de la bénédiction dont il bénéficie de la part de sa divinité tutélaire qu’il n’hésite pas à envoyer grignoter le vieux croûton croûteux. Interprétant mal la défiance de son rival, et suspectant une entente secrète de ses adversaires, Borkris a alors la mauvaise idée de décapiter Cruor, certain que ce dernier se contente de bluffer. Sauf queue (de rat) non. La nouvelle se termine donc sur le renouvellement complet du haut clergé du clan Morbidus, l’ignoble Lycée des Lecteurs ayant pris un aller simple pour la bedaine du Rat Cornu suite à la gaffe de Borkris. Place aux jeunes !

AVIS:

Carton plein pour Guymer, depuis le titre savamment sophistiqué de sa nouvelle jusqu’à la conclusion, convenablement tragi-comique (ce terme a été inventé pour les Skavens) de cette dernière. Ayant pu lire beaucoup de bien à propos des ouvrages de notre homme pour la Black Library, sans avoir été personnellement emballé par rien de ce que j’avais pu lire de sa prose jusqu’à présent, que ce soit dans le Monde qui Fut (The Tilean Talisman) ou les Royaumes Mortels (God’s Gift), j’étais plus qu’un peu dubitatif sur la hype entourant le sieur Guymer. The Unlamented… est la soumission qui a mis tout le monde (c’est à dire votre serviteur et le reste de l’univers) d’accord sur le sujet, et plutôt à l’avantage de notre auteur, ce qui est le meilleur scénario possible (croyez-le ou pas, mais je préfère lire des textes qualitatifs, même si, je l’avoue, chroniquer des scories littéraires est généralement une entreprise assez rigolote).

Pour aller un peu plus loin dans l’exposition de mes louanges, je distinguerai trois sources principales de satisfaction : le fond, la forme, et le parti pris de narration. Par ce dernier terme, j’entends le choix fait par Guymer de plonger directement dans le lecteur dans le cœur du lore d’Age of Sigmar, sans prendre le temps de lui présenter/prémâcher le background de base des factions mises en scène (ici les nobles Skavens). Je n’ai aucun problème à reconnaître que les premières pages, et la première lecture en général, de The Unlamented… ont été un peu ardues pour moi, même si je me considère comme raisonnablement calé en matière antropomurine. Mon bagage de connaissances, hérité quasi-exclusivement de mes lectures WFB, s’est en effet avéré insuffisant pour couvrir l’organisation ecclésiastique du clan Morbidus1, autour de laquelle Guymer construit l’intrigue de la nouvelle. Entre les noms, les titres et les relations de pouvoirs des membres du Lycée des Lecteurs du Clan, il est assez facile de s’emmêler les moustaches au sujet de qui veut faire quoi et tuer qui. Personnellement, cette approche « rentre dedans » me plaît davantage que la tendance inverse, consistant à tout expliquer, souvent de façon très scolaire – et donc assez ennuyeuse – pour être sûr de ne pas perdre le lecteur, surtout si ce dernier a des chances d’être neuf dans le Zhobby. Inferno! étant un produit plutôt destiné aux vétérans de la BL, le choix de Guymer m’apparaît tout à fait valide, et assez valorisant pour le public, qui appréciera sans doute qu’on ne le prenne pas pour le dernier des noobs (même si nous sommes tous passés par là).

Deuxièmement, la forme est donc également une source de satisfaction. On se trouve en présence d’une vraie nouvelle, dont l’intrigue se développe et mature au fur et à mesure que les motivations et les projets des trois personnages principaux sont présentés. Les péripéties s’enchaînent de façon convaincante, alternant entre intrigues et confrontations, parfois violentes, de nos cardinaux scrofuleux. Enfin, la conclusion vient illustrer de façon adéquate pourquoi les Skavens, malgré tous les avantages à leur disposition par rapport aux autres factions d’Age of Sigmar, n’ont pas réussi à conquérir les Royaumes Mortels (et n’y arriveront sans doute jamais). Cette tendance à l’auto-destruction, de manière spectaculaire, douloureuse et distrayante (vue de l’extérieur) est en effet une marque de fabrique de cette noble race, et il aurait été déplacé de ne pas y faire référence.

Enfin, le fond est lui aussi à l’honneur dans The Unlamented…, Guymer parvenant à retranscrire de belle manière le fonctionnement et les luttes intestines du Clan Morbidus, tout en nourrissant généreusement son lectorat d’éléments fluff sur l’organisation de ce dernier, sa place dans la société skaven et son territoire au sein de Vile Ville. Même si la nouvelle ne contient pas de révélations majeures sur le background raton, elle est suffisamment bien écrite pour satisfaire l’amateur, qui en retirera des éléments intéressants, et une meilleure compréhension de l’organisation (ou de son manque) des suivants du Rat Cornu. Bref, un très bon cru que The Unlamented Archpustulent of Clan Morbidus, et un mètre étalon raton à garder en tête pour les prochaines soumissions de David Guymer.

: Et pourtant, j’ai une copie des Uniformes et Héraldiques Skavens, dans lequel le Clan a été introduit.

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In the Mists of Chaos – Hoskin [AoS] :

Rik Hoksin fait son entrée au sein du cénacle des auteurs de la BL, et s’asseoit à la table fort d’une carrière bien établie en tant qu’auteur de comics (Superman, Star Wars, Doctor Who, Spiderman & Friends, Disney…) et d’ouvrages de science-fiction. Il a été récompensé du Dragon Award pour son ouvrage White Sand, et est le contributeur principal de la série Outlander, sous le nom de plume de James Axler.

INTRIGUE:

Le village d’Ironvale a la mauvaise fortune de se trouver sur la seule voie menant à un Portail des Royaumes reliant Aqshy à… ailleurs, ce qui a provoqué un afflux massif ruffians littéralement mal dégrossis au cours des dernières semaines. Outrés par le manque de savoir-vivre de ces visiteurs indésirés autant qu’indésirables, les locaux, menés par les intraitables frères Weisz (Uffo et Moryn), ont fini par les envoyer balader, à grands coups d’épée et de marteaux pour les plus insistants des punks à chiens disques. Si l’opération Main Propre (en hommage au membre sectionné du sorcier du Chaos qui menait les loubards chaotiques) engagée par les véhéments Ironvalois est un succès, elle a cependant coûté cher aux honnêtes citoyens, aux pertes subies pendant l’échauffourée ayant pris place sur le parking de la supérette locale s’ajoutant la grave blessure subie par Moryn à cette occasion. Laissé presque unijambiste par cette franche explication de texte, Mo’ peine à se remettre de ses émotions, et c’est le cœur lourd que son héros de frangin, le laisse sur son grabat pour mener sa petite bande de voisins vigilants à la rencontre des vandales qui menacent à nouveau la quiétude d’Ironvale.

Coup de chance pour nos honnêtes Aqshyssais, leur plus si paisible que ça bourgade est nichée au cœur d’une vallée escarpée, dont la topographie n’est pas sans rappeler les Thermopyles. Ils sont donc en capacité de bloquer complètement la route des maraudeurs, toujours menés par leur gorfou doré1 de leader, Ty’Gzar (un breton donc, ça explique des choses). Encore heureux, car les assaillants ont l’avantage du nombre2, ce qui pourrait jouer des tours à nos vigilantes. Les sommations préliminaires n’ayant rien donné, étonnamment, Uffo décide fort logiquement de tenir la ligne et de laisser l’ennemi se fracasser sur les boucliers de ses sold- ah non, finalement il ordonne une charge générale sur les rangs des cultistes de Tzeentch, où lui et ses collègues commencent par prélever un lourd tribut (car il faut une vignette crit air pour circuler dans la périphérie d’Ironvale, c’est connu). Malheureusement pour notre impétueux héros, son homologue chaotique exhale une latte monstrueuse, qui engloutit prestement le champ de bataille et fait perdre toute cohésion au bataillon sigmarite. Coupé de ses soldats, dont seuls les cris lointains lui parviennent, Uffo continue toutefois à corriger du cultiste, ses horions vengeurs venant à bout de toutes les horreurs et Horreurs que le nuage de fumée met sur sa route.

Après ce qui lui semble être une éternité de combat sauvage, Uffo tombe finalement à court d’adversaires… et se rend compte peu de temps après que le silence de mort qui est tombé sur le champ de bataille s’explique par le fait qu’il a massacré dans son enthousiasme guerrier, abusé qu’il était par l’insidieuse fumette de Ty’Gzar, une bonne partie de ses soldats, et la plupart des habitants d’Ironvale (dont, très probablement, son propre frère), le flux des combats l’ayant ramené jusqu’à son village. Voilà qui est ballot. Et notre héros de comprendre tout d’un coup pourquoi ses ennemis étaient si soudainement si bavards, bien qu’il n’ait pas compris sur le coup que leur salmigondis délirant était en fait un appel à ce qu’il retrouve ses sens. Annihilé par cette révélation, Uffo le louf voit s’approcher Mano Solo, qui se délecte bien évidemment du tour pendable qu’il a joué au vertueux champion des bonnes mœurs. Il a cependant le tort, impardonnable, de commencer à incanter sans respecter les distances de sécurité une fois son monologue satisfait achevé, et se fait fort logiquement châtier de son outrecuidance par un Uffo vengeur, qui ne se gêne pas pour lui reprendre la main. Voilà ce que c’est de la jouer petit bras, maraud !

AVIS:

Ce n’est pas passé loin pour Hoskin, mais ses débuts au sein de la Black Library ne peuvent être considérés comme au dessus de reproches. Malgré l’utilisation d’un ressort narratif guère original, mais toujours efficace, et le métier apparent de notre homme en matière de storytelling, son In the Mists of Chaos pêche légèrement, mais significativement, sur deux points. Le premier est l’assimilation incomplète, non pas du fluff, convenablement traité dans l’ensemble, d’Age of Sigmar, mais plutôt de son atmosphère. À lire cette nouvelle, on ne devinerait jamais que le Chaos est l’adversaire ultime des Gens Libres, et non pas une « simple » menace du même ordre qu’une bande d’Orruks en maraude, ou qu’un banc d’Idoneth Deepkin en quête de butin. Héritage important du Monde qui Fut, et de l’univers GWesque en général, le Chaos est en effet l’éternelle Némésis des peuples civilisés, au premier rang desquels on retrouve les communautés humaines adorant Sigmar, sans doute le Dieu du Panthéon de l’Ordre nourrissant la haine la plus farouche pour les adorateurs du Club des Cinq. Entendre cette bonne pâte d’Uffo interpeller le général adverse comme s’il agissait d’un bandit de grand chemin, et pas d’un champion des Dieux Sombres, imbu de pouvoirs mystiques et à la tête d’une horde de mutants et de démons, s’inscrit donc franchement en faux avec les conventions dont le lecteur vétéran de la BL a l’habitude. On va dire que je radote, et c’est sans doute vrai, mais la high fantasy d’Age of Sigmar, où plus rien n’est vraiment tout à fait glauque, nihiliste, absurde ou amoral, vient encore de gagner du terrain. Je le déplore. Ce n’est que mon avis cependant.

Deuxième point d’achoppement, la construction de la nouvelle autour de son twist final, que j’ai trouvé un peu faible. In the Mists of Chaos est typiquement le genre de publication que l’on se dépêche de relire une fois le fin mot de l’histoire connu3, afin de relever tous les indices et suggestions que l’auteur n’aura pas manqué d’intégrer discrètement à son propos, afin de laisser une chance au lecteur d’éventer sa surprise finale à l’avance. Je n’ai pas trouvé que Hoskin avait excellé dans l’exercice, aucun détail savamment dissimulé aux yeux du tout venant, mais absolument révélateur pour l’initié, ne m’étant apparu lorsque je suis revenu sur mes pa(ge)s. C’est d’autant plus dommage qu’un autre auteur de la BL avait exploité (quasiment) la même idée dans une nouvelle publiée il y a quelques années4, avec des résultats que j’avais trouvé bien plus probants. Bref, une entrée acceptable de Rick Hoskin dans la sombre bibliothèque, mais rien de très enthousiasmant.

1 : C’est une espèce de manchot. Qui a dit que le wargaming ne permettait pas d’accroître sa culture générale ?
: Ca ne se joue pas à grand chose, ceci dit.
: Ici, c’est « Jeu de mains, jeu de villains ». You know why.
: Son of the Empire de Robert Allan, publiée dans le recueil The Cold Hand of Betrayal.

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The Book of Transformations – Keefe [AoS] :

Parcours intéressant que celui de Matt Keefe au sein de la Black Library. Bien que le gros de ses contributions soient relativement récentes et prennent place à Necromunda, sa première nouvelle (Fate’s Masters, Destiny’s Servants) pour une franchise de GW a été publiée en 2006, dans le recueil thématique Tales from the Dark Millenium, qui a accompagné le TCG éponyme de Sabertooth Games. Plus de dix ans après, le voilà de retour, et dans un univers totalement différent qui plus est.

The Book of TransformationsINTRIGUE:

Matt Keefe choisit de narrer la vie et l’oeuvre de l’apothicaire Mehrigus, établi dans une ville des Gens Libres du Royaume de Chamon. Ayant appris son art auprès d’un alchimiste au sens de l’humour et de la décoration un peu particuliers1, notre homme exerce sa noble et utile profession au service de la communauté, mais rêve et travaille en secret à d’autres projets, bien plus ambitieux que la confection de cataplasmes ou la réduction des fractures. Passionné par le concept de transformation de la matière, une lubie qu’il tient sans doute de son mentor, Mehrigus est persuade que la médecine pourrait progresser de façon notable si elle arrivait à mettre à profit la puissance du changement et de la mutation. Je sais à quoi vous pensez en ce moment même, amis lecteurs, et pour répondre à votre question, non, Mehrigus ne réalise pas que cette philosophie mène tout droit à l’ornithologie démoniaque. Tout le monde n’a pas la chance d’avoir une copie du Battletome Disciples of Tzeentch (neuf, de préférence, c’est plus fluff) sur son étagère, ou peut-être que c’est le libezard de compagnie de notre héros qui l’a bouffé avant qu’il ait eu le temps de le feuilleter. Qui peut dire.

Ayant eu le malheur d’exposer un peu trop directement ses idées lors d’un colloque scientifique il y a quelques années, avec des résultats pas franchement probants, Mehrigus a fait depuis profil bas, tout en continuant ses expérimentations dans son laboratoire personnel entre deux purges de nourrissons et séances de podologie à l’EHPAD du coin. La visite d’un confrère à la retraite, répondant au nom de Trimegast et apparemment lui aussi intéressé par le sujet d’étude de Mary Grüss, constitue donc une surprise de taille pour notre apothicaire, mais une surprise des plus heureuses, puisque son nouvel meilleur ami lui laisse en prêt une copie annotée du Livre des Transformations, lui demandant seulement de le tenir au courant des avancées qu’il pourrait réaliser au cours des prochains mois.

Bien aidé par ce grimoire providentiel, et profitant des malheurs de ses concitoyens, tracassés par les déprédations d’une bande de maraudeurs de Nurgle ayant décidé de squatter les égouts de la ville, Mehrigus a bientôt l’occasion de délaisser la recherche fondamentale pour quelques cas concrets, dont il fait bénéficier de sa nouvelle forme de médecine. Cette dernière commence par donner des résultats probants, les pommades hydratées à défaut d’être hydratantes et les poses de sangsues fluos s’avérant redoutablement efficaces pour combattre l’infection, en plus d’apporter une plus-value certaine en matière de chirurgie reconstructrice. Las, comme vous vous en doutez, l’état de grâce ne dure pas, et la survenue d’un cas désespéré, traité tout de même par un Mehrigus à mi-chemin entre Hippocrate et Mengele à ce stade, fait naître d’affreux soupçons chez notre héros quant à de potentiels effets secondaires indésirables de ses traitements. Un petit tour en ville le lendemain de l’accident le convainc rapidement que son protocole gagnerait à être revu, ses anciens patients se plaignant tous de s’être fait pigeonner (comprendre qu’ils se transforment littéralement en pigeons, ce qui n’est pas agréable).

C’est le moment que choisit Trimegast, ou plutôt Trimegastraxi’attar-i-qash (à vos souhaits), pour refaire son apparition, sous sa forme fringante et pédagogue, puisqu’il annonce posément à Mehrigus qu’il le prend comme apprenti avec effets immédiats, pour la plus grande gloire de Monsanto Tzeentch. Ne pouvant se rabattre sur aucun autre vœu sur Parcoursup – un classique – et pas vraiment emballé à l’idée de tenter de raisonner la foule en colère qu’il contemple de loin mettre à sac son domicile, notre héros accepte la proposition qui lui est faite, et fait ses premiers pas sur la voie mystique et tortueuse du… transformisme. Hé, il faut bien commencer quelque part.

AVIS:

Matt Keefe se donne les moyens de ses ambitions avec The Book of Transformations, nouvelle “deluxe” par rapport aux standards habituels de la BL, tant en termes de longueur (33 pages, ce qui la place dans les travaux les plus conséquents de la maison d’édition pour ce type de publication), que de découpage (un prologue et sept “chapitres”, chacun disposant de leur propre titre) et de narration. C’est en effet, si ce n’est toute, mais au moins une grande partie de la vie de Mehrigus qui défile au gré des pages, depuis son placement en apprentissage chez l’alchimiste pétrophile jusqu’à sa reprise d’études, bien des années plus tard, auprès d’un maître d’un autre genre. Mine de rien, les chroniques de ce type sont assez rares de la part de la BL, qui ne fait pas mystère de son amour pour la règle des trois unités. À titre personnel, j’ai tendance à tenir à l’œil les auteurs capables de sortir des sentiers battus – qui le sont parfois tellement qu’ils en deviennent creux, comme les travaux de ceux qui les empruntent – même si les résultats ne sont pas toujours à la hauteur. Cette audace littéraire est en effet souvent révélatrice d’un véritable potentiel, voué à se révéler à court ou moyen terme (c’est l’idée en tout cas). Quand le résultat est tout à fait correct, ce qui est ici le cas, cela ne gâche évidemment rien.

Autre source de satisfaction, l’approche à la fois respectueuse et old school qu’a Keefe du Chaos et de la façon dont il parvient à corrompre même les âmes les plus vertueuses. Laissez-moi enfiler ma toge de docteur en littérature GWesque pour préciser ma pensée, amis lecteurs. Au fil des publications de la BL (et avant elle, car il y a eu un avant!), différents courants se sont en effet faits jour, auxquels il est possible d’affilier les auteurs et les travaux des franchises de GW. Alors qu’Age of Sigmar semble, pour le moment en tout cas, favoriser une approche de high fantasy, tandis que les dernières années de Warhammer Fantasy Battle penchaient fortement vers le grimdark sans filtre, je rangerais davantage ce The Book of Transformations dans l’école “réaliste”, que l’on retrouve par exemple dans la prose d’un Brian Craig (nom de plume de Brian Stableford), un grand nom de la littérature de genre qui a enfanté un corpus assez conséquent de travaux estampillés WFB dans les années 90. Qu’est ce que le “réalisme” chaotique, me direz-vous? C’est une excellente question et je vous remercie de l’avoir posée. Eh bien, j’y vois le parti pris de l’auteur de faire interagir ses personnages de façon rationnelle et réfléchie avec la notion du Chaos, qui, bien qu’étant une force corruptrice, perverse et immensément dangereuse, n’est pas le repoussoir ultime qu’elle est devenue par la suite. Exemple gratuit : alors que le grimdark fait pousser des tentacules au quidam qui aurait la déveine de contempler un peu trop longtemps une étoile à huit branches, le réalisme admet que le petit grand-père qui vit de l’autre côté de la rue possède quelques curieux grimoires dans sa bibliothèque, qu’il a acquis sous le manteau en sachant que c’était mal, mais dont la possession n’a pas jeté son âme en pâture aux Quatre Fantastiques pour autant… ou en tout cas, pas en un claquement de doigts.

C’est cette approche que l’on voit à l’oeuvre dans The Book of Transformations, Mehrigus restant égal à lui même du début à la fin de la nouvelle, malgré la possession pendant une grande partie de cette dernière d’un ouvrage des plus “idéologiquement connotés” qui soit. Et si sa damnation finale et complète ne fait pas grand doute (d’ailleurs Keefe conclut intelligemment son propos en faisant remarquer que si les disciples de Tzeetch sont des maîtres de la transformation, la seule chose qu’ils ne pourront jamais changer est leur allégeance au Chaos), notre héros termine l’histoire comme le “type bien” qu’il était au départ. Merci donc à Matt Keefe pour cette résurgence, sans doute isolée mais pas inintéressante pour autant, de cette conception chaotique. Ah, c’est moche beau la vieillesse…

1 : Installer un petrulus dans son vestibule, ce n’est pas forcément du meilleur goût, même si ça fait un porte chapeau des plus pratiques.

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The Weight of Silver – Fischer [40K] :

Steven B. Fischer poursuit la noble carrière de medic médecin, et trouve apparemment le temps entre les gardes et les revues du Lancet pour sonder les profondeurs stygiennes de 40K à coup de stylo. Pour le moment, Cadia et ses survivants semblent être son sujet de predilection (The Emperor’s Wrath, The Weight of Silver).

INTRIGUE:

Sur la planète d’Ourea, le Lieutenant Glaviot Errant, heu, non pardon, Glavia Aerend vit une prise de fonction des plus compliquées. Alors qu’elle mène son bataillon de Cadiens dans une patrouille tout ce qu’il y a de plus classique, la découverte d’un hameau incendié par les cultistes du Chaos qui mènent la vie dure aux serviteurs de l’Empereur sur ce monde montagne (si si, ça existe apparemment) provoque chez notre héroïne un bad trip aussi étrange qu’handicapant, car il a la mauvaise idée de prendre place au moment même où ces fripons de rebelles déclenchent une embuscade contre les impériaux. Et même si ces derniers corrigent les impudents en deux temps, trois mouvements, et quatre grenades à fragmentation, ils subissent tout de même quelques pertes dans la bagarre, ce dont la consciencieuse Aerend ne peut s’empêcher de se reprocher.

Convoquée par la Colonel Yarin à la suite de ces débuts hésitants, Glavia hérite d’une mission de surveillance pas vraiment glorieuse en récompense de ses premiers exploits, pendant que le reste du régiment part écraser l’armée ennemie repérée à quelques kilomètres, dans l’espoir de mettre un point final à cette campagne qui s’éternise. Menés par le masochiste et dépressif (il a un collier en fil de fer barbelé dont chaque maillon commémore une défaite de son Chapitre) Lord Tarvarius des Storm Wings, les Cadiens désertent donc la forteresse d’Apex Inruptus, sans savoir qu’ils s’embarquent dans une chasse au dahu. Ce n’est que quelques heures plus tard, et après avoir passé la zone au peigne fin, qu’ils finissent en effet par comprendre qu’ils se sont fait possédés (non, pas dans ce sens là, Robert), et rappliquent donc à toute berzingue en direction de leur point de départ. La capture de ce bastion constituerait en effet une victoire tactique d’importance pour les insurgés, ce que le Haut Commandement aimerait donc éviter (on le comprend).

Prévenue par Tarvarius de la feinte ourdie par ces môôôdits cultistes, Aerend essaie tant bien que mal de motiver ses troupes à prendre position sur les remparts de la forteresse, mais, pas de bol, il pleut, et les bidasses préfèrent rester au sec pour jouer aux cartes. Malgré l’échec critique de son test de charisme, Aerend décide de mener par l’exemple et sort donc affronter la pluie, et possiblement toute l’armée adverse, seule. Un vague reflux de conscience professionnelle poussera le reste de son bataillon à lui emboîter le pas au bout de quelques minutes, juste à temps pour accueillir comme il se doit l’arrivée de l’infâme ennemi, dont l’assaut n’est stoppé à grand peine qu’avec la destruction des ponts gardant l’entrée de la position impériale.

La suite, et la fin, de la nouvelle verra Aerend, Tarvarius (qui trouve le moyen de se matérialiser dans l’enceinte de la forteresse sans que cela soit expliqué1) et quelques potes, dont le vétéran grincheux-et-plein-de-morgue-envers-les-jeunes-recrues-mais-avec-un-bon-fond-tout-de-même Olemark, aller bastonner un psyker renégat (qui trouve le moyen de se matérialiser aussi – et lui avec huit batteries externes humaines dans les poches qui plus est – dans l’enceinte de la forteresse2), présumant fort heureusement un peu trop de ses forces, et auquel la team Pépé se fait un plaisir d’émettre un avis d’expulsion. La bataille gagnée, notre propos se conclut par le mini conseil martial de notre héroïne, à laquelle ses défaillances initiales n’ont pas été pardonnées. Fort heureusement pour notre glaviot méritant, la Commissaire (eh oui, c’est une nouvelle placée sous le signe du Women’s Empowerment) en charge de l’instruction du dossier reçoit une missive polie de la part des Storm Wings, l’enjoignant en des termes courtois mais fermes à prononcer un non-lieu si elle sait ce qui est bon pour elle. Ingérence, ingérence votre honneur! N’empêche que ça marche, et Aerend hérite même pour sa peine d’un shrapnel dédicacé de la part de Tarvarius, au cas où elle aussi souhaiterait réaliser son propre cilice custom. À chacun ses délires.

AVIS:

Fischer revient en meilleure forme dans Inferno! avec The Weight of Silver, poursuite de ses travaux Cadiens n’ayant pas grand chose à voir avec son initial The Emperor’s Wrath, la couleur des yeux des protagonistes mise à part. Si là encore, ce n’est pas l’originalité de l’intrigue qui prime, j’ai trouvé cette seconde soumission de meilleure facture, peut-être parce qu’elle se concentre sur les fondamentaux de la nouvelle martiale de Warhammer 40K: une baston rythmée et clairement mise en scène, présentant des éléments intéressants pour toutes les factions impliquées, et dans le respect général des conventions fluffiques. C’est grosso modo ce que propose Fischer dans la seconde moitié de sa nouvelle, pleine d’héroïques Cadiens, de Space Marine bad ass et de cultistes torturés, dans un remake de Fort Alamo avec Aerend dans le rôle de Davy Crockett et les hordes chaotiques dans celui de l’armée mexicaine (qui aurait moins fait la fière si les défenseurs avaient eu le support d’un Space Marine). Lisible, mais loin d’être mémorable.

Le début de l’histoire, pour “apaisé” qu’il soit, était lui porteur de prémisses intéressantes, notamment le mini scare jump du cadavre qui ouvre les yeux, sur lesquelles Fischer n’a pas su capitaliser, la part belle ayant été donnée aux errements psychiques, puis moraux, puis psychologiques, de l’héroïne. N’ayant pas été plus touché que cela par les malheurs de Glavie, j’aurais en revanche apprécié en savoir plus sur le passif du mystérieux autant que masochiste Seigneur Tarvarius et de son choker en fils barbelés. Fischer tenait là une piste intéressante, l’exorcisme de la piteuse performance de leur Légion primogénitrice durant l’Hérésie à travers une philosophie particulière s’avérant être une idée digne de considération, et qui ne demandait qu’à être développée plus avant3. Malheureusement, nous n’en saurons pas plus cette fois-ci. Ceci dit, s’il continue sa montée en puissance, la troisième publication de notre homme devrait envoyer de la céramite.

1 : TGC(S)M
2 : TGCC
3 : On peut noter la très grande ressemblance, tant en termes d’héraldique que de mentalité, entre les Doom Eagles et les Storm Wings. La différence majeure entre ces deux Chapitres est que le premier descend des Ultramarines, et le second de la Raven Guard.

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Bonegrinder – J. Reynolds [NDA] :

INTRIGUE:

Alors que son âme de poète l’enjoint d’aller regarder la pluie réfrigérante tomber sur les rivières de métal en fusion des fonderies de Necromunda, au lieu d’aller taper le carton (et possiblement, celui qui le tient) avec ses camarades Goliaths, le sensible – mais pas doux quand même, faut pas déconner non plus – Topek Greel est rejoint par le bien nommé Irontooth Korg, chef du gang des Steelgate Kings, auquel notre héros appartient. Dent de Fer l’informe que ces petits arrivistes de Scrap Lords, une bande rivale de Goliaths squattant la périphérie de Steelgate (le fief des Kings) a sollicité des pourparlers, pour tenter de désamorcer le conflit larvé qui envenime les relations entre grosse brutasses à crêtes depuis quelques jours. Korg ayant choisi de répondre positivement à l’invitation de son homologue, Grinder Jax1, il somme Greel de l’accompagner sur le lieu du rendez-vous, où il agira comme son second. Honneur manifeste pour le ganger, qui n’a cependant pas la conscience très tranquille, le regain de violences entre Kings et Lords étant en grande partie de son fait.

Arrivés sur place, et une fois le traditionnel concours de bittes (nous sommes dans un port, rien de plus normal) entre Gogo bouncers expédié, Korg et son lieutenant accèdent à la jetée où les attend Jax. Prévoyant, ce dernier a amené deux chaises, qu’il a lui même construites, ce qui donne à nos larrons l’occasion de débuter leur tête à tête sur des amabilités mondaines un peu surprenantes dans la bouche de montagnes de muscles génétiquement augmentées et dopées au frenzon. Comme quoi, le délit de faciès, c’est mal. L’entente cordiale ne dure cependant pas très longtemps, Jax lorgnant avec insistance sur le territoire de King Korg, et étant prêt à tenter crânement sa chance pour augmenter la taille de son fief. Entre dent de fer et chicots d’or, l’affrontement semble inévitable, à la grande joie secrète de Greel, qui compte bien faire survenir un malheureux accident impliquant les deux leaders afin de pouvoir continuer son ascension sociale dans les meilleurs délais. C’est toutefois sans compter sur la rouerie d’Irontooth, qui propose soudainement à son adversaire de régler le contentieux de façon civilisée par un duel de seconds. Jax a beau accepter cette médiation un peu trop empressement au goût de Greel, notre héros n’a cependant pas d’autre choix que de s’exécuter, sous peine de l’être.

Un coup de sifflet plus tard, le bras droit du Grinder fait son apparition, et ô surprise, ô ébahissement, il s’agit d’une fille, ce qui, dans un gang de Goliaths, n’est pas banal. Greel est cependant chagriné de constater, grâce à son intellect affûté, que la demoiselle est également un fort beau spécimen de sumpkrok adulte, soit un crocodile mutant à six yeux et mauvais caractère, ce qui n’augure rien de bon. Faisant contre mauvaise fortune bons stimms, notre héros tente de transformer l’acariâtre Bonegrinder (son petit nom) en sac à main, à grands coups de dérouilleuse, mais c’est plutôt lui qui se fait dérouiller par la BG de service, qui n’a décidément pas voler sa réputation de croqueuse d’hommes. Un éclair de génie lui permettra toutefois d’exploiter à bon escient la fragilité structurelle de la jetée sur laquelle le duel a lieu, afin de remporter le combat par (quasi) noyade. Magnanime, il permet en effet à la malheureuse bestiole de s’échapper de la prison métallique où elle s’était prise les écailles, avant qu’elle ne vienne à manquer d’air. Quelle noblesse.

Ayant sauvé sa peau en même temps que l’intégrité territoriale des Steelgate Kings, Greel n’écope au final que d’un rappel à l’ordre de la part de son manager, pédagogiquement expliqué à l’aide d’un massage cervical effectué avec les pieds (les semelles des rangers cloutées de Korg, pour être précis). On se doute bien que la rivalité latente entre le boss et son lieutenant ne fait que commencer, et ne pourra se terminer que par la mort malheureuse d’un des deux caïds. Mais ceci est une autre histoire…

AVIS:

Josh Reynolds fait jouer ses muscles littéraires (ça rend mieux en anglais, il est vrai), qu’il a aussi saillants, puissants et huilés que le premier Goliath venu, dans cette courte nouvelle Necromundesque – sa une de ses premières à ce qu’il semble2 –. Si ce Bonegrinder n’est pas à ranger dans le best of de notre homme, que l’on sait capable de beaucoup mieux, tant en termes d’intrigue que de mise en scène, ce court format passe comme une lettre à la poste un Caryatide dans un conduit. En choisissant de dépeindre tout autant les luttes entre gangs que les luttes de pouvoir mettant aux prises les membres d’une même bande, Reynolds livre une mise en abyme intéressante de la société de Necromunda, où solidarité et loyauté bien ordonnées commencent par soi-même, et où l’on aurait tort de faire confiance à son prochain plus loin que l’on puisse le lancer (encore une expression anglaise qui perd de son charme dans la langue de Stéphane Escher). Ce qui, pour un Goliath, n’est pas très loin, il est vrai.

Parmi les satisfactions mineures, mais appréciables à mettre au compte de JR, on peut également citer la présence au casting d’une authentique bestiole de Necromunda, ce qui, connaissant l’amour de Reynolds pour l’exhumation de bouts de fluff baroque, mais tout à fait canon, n’est pas étonnant, ainsi l’ambiance Sons of Anarchy (une série qu’elle est bien), avec Greel en Clay (saison 5), Korg en Jax, et Jax en Marcus Alvarez, soit un beau panier de crabes où tout le monde se voit déjà régner en maître absolu sur Charming Steelgate. Comme quoi, même les Goliaths peuvent comploter derrière le dos de leurs camarades (et vu la taille de ce dernier, ils auraient tort de ne pas le faire).

1  : Un nom décidément commun chez les Goliaths (voir ‘A Common Ground’), le nombre de -x à la fin permettant de distinguer, au moins à l’écrit, qui est qui. Quel dommage que les Goliaths ne sachent pas lire.
: C’est l’ennui avec Reynolds. À peine le temps de lire une nouvelle qu’il a écrit une décalogie sur chacun des personnages, principaux et secondaires, de cette dernière. Pour Necromunda, on peut donc retrouver Greel, le Goliath intello – Goliathello ?- dans Death’s Head. Et il y a du rab’ (Half-Horn, Red Salvage) après cela.

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Empra – Crowley [40K] :

Nate Crowley fait partie de la jeune cohorte des collaborateurs de la BL, adoubé pourvoyeur officiel de background romancé via ses contributions à la nouvelle incarnation d’Inferno!. À l’heure actuelle, on peut lui attribuer deux nouvelles 40K : The Enemy of my Enemy et Empra.

INTRIGUE:

EmpraToa, de la tribu des Shellmakers, voit sa vie basculer lorsqu’au cours d’une chasse au fivejaw dans les ruines de la cité des premiers hommes, elle fait la connaissance d’une masse de tentacules métalliques enrobés dans des haillons écarlates, qui se révèle être, après inspection approfondie, un ange blessé d’Empra, la divinité vénérée par les farouches peuplades de la planète. Ramené au campement-forge de la tribu, où cette dernière s’emploie à réaliser des obus de fort belle taille qui sont régulièrement embarqués par Two-Birds, l’émissaire envoyé par Empra à la rencontre de ses fidèles, l’Ange récupère lentement de ses blessures et se familiarise avec le dialecte de ses sauveteurs, jusqu’à être capacité de faire une révélation terrible aux pieux indigènes: on leur a menti. Two-Birds n’est pas le messager d’Empra, mais son ennemi mortel, qui l’a grièvement blessé et profite de la dévotion des Shellmakers, ainsi que des autres tribus locales, pour exploiter le fruit de leur travail. Pire, Two-Birds est le responsable de la pollution galopante qui rend chaque jour la vie plus difficile sur la planète, moyen commode pour l’usurpateur de rendre les rations alimentaires qu’il largue à chaque venue indispensables aux tribus, et s’assurer ainsi de leur obéissance aveugle.

Estomaquée par ces révélations, qui battent en brèche toutes les valeurs et croyances entretenues par la tribu depuis des temps immémoriaux (en même temps, quand l’espérance de vie ne dépasse pas 30 ans et que l’on ne maîtrise pas très bien l’écriture, l’immémorial arrive vite), Toa et sa chamane de mère acceptent de venir en aide à l’Ange déchu, dont le dessein consiste à implanter un skrapkoad dans le système du Corps Céleste (Body’s Above), afin de permettre à l’esprit d’Empra de s’incarner à nouveau et de chasser Two-Birds. Ne pouvant pas entreprendre lui même cette mission des plus périlleuses, l’Ange charge Toa de la mener à bien. Le prochain jour de collecte pourrait fournir à nos conspirateurs l’occasion dont ils ont besoin pour accéder jusqu’au Corps Céleste, même s’il faudra pour cela que Toa traverse l’immensité glacée du voyd

AVIS:

Crowley effectue un spectaculaire retour dans Inferno !, après les vaudevillesques débuts de The Enemy of my Enemy. Abandonnant le second degré, il embarque le lecteur dans une épopée intense et rythmée, depuis les forges chamaniques d’une tribu de dévots primitifs, jusqu’aux ténèbres des niveaux inférieurs d’un vaisseau de la flotte impériale. Les péripéties s’enchaînent avec brio et inventivité, maintenant le public aux aguets alors que l’intrépide Toa progresse dans sa quête initiatique. La BL ayant plutôt tendance à surprendre en mal qu’en bien, l’impeccable exécution de Crowley n’en est que plus remarquable, et incite à souhaiter que soit confiée à notre homme l’écriture d’un roman, afin de voir s’il est capable de réitérer ce succès à l’échelle supérieure.

Mais la principale trouvaille de Crowley reste d’avoir choisi d’exploiter un aspect fascinant, et sous-employé, du background de 40K : l’asymétrie d’information existant entre les sujets de l’Imperium, et la manière dont les quelques éléments communs à ces derniers (comme le culte de l’Empereur) s’en trouveront déformés, modifiés et ré-assemblés, pour finir par ne plus ressembler du tout à ce que nous, hobbyistes omniscients, savons être la réalité. En braquant son regard sur le peuple de Toa, de braves indigènes fabriquant des munitions de macro-canons (qu’ils pensent être les dents d’Empra) pour un vaisseau spatial déglingué dont ils ne soupçonnent même pas l’existence, l’auteur illustre parfaitement toute la diversité constitutive de l’Imperium, trop souvent sacrifiée au profit des mondes ruches, forges et chapitraux que la BL nous ressort à tour de bras. Sur le million de mondes du domaine de Pépé, des dizaines, voire des centaines de milliers doivent en effet être peuplés d’habitants aussi au fait de l’état de la galaxie que Toa et ses camarades, et contribuant à l’effort d’une guerre dont ils n’ont pas idée par le biais d’un endoctrinement adapté à la culture locale.

Autre source de satisfaction, l’inclusion d’un passage conséquent sur le Princeps Misericordiae (le nom du vaisseau abordé par Toa), et la bonne description de la vie des pauvres hères qui constituent l’équipage des ponts inférieurs du navire. Car, et c’est une autre injustice criante du fluff, on ne parle que trop rarement de cette population se dénombrant en milliards d’individus, et absolument essentielle au bon fonctionnement des béhémoths métalliques que sont les navires de la Flotte Impériale. Condamnés à une vie de servitude dans des conditions que l’on qualifiera pudiquement de difficiles, les matelots de la Flotte constituent à mes yeux l’une des populations incarnant le mieux le côté grimdark de 40K, plus que le Garde Impérial, le Tech-Adepte ou le fonctionnaire de l’Administratum qui sont légèrement moins à plaindre que les galériens galactiques. Empra permet au lecteur de s’imprégner du quotidien de ces derniers, et met bien en perspective les échelles inhumainement gigantesques (tant d’un point de vue physique que temporel1) dans lesquelles se déroule leur existence. C’est rare, donc on en profite.

Bref, une très bonne nouvelle que cet Empra de la part de Nat Crowley, qui démontre à la fois qu’il a un potentiel certain, et plusieurs cordes à son arc en matière d’approche littéraire. Une combinaison intéressante s’il en est.

Le Misericordiae est en orbite pour réparation depuis des dizaines, voire des centaines d’années, la mère de Toa étant la 42ème Grande Chamane de la tribu.

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The Emperor’s Light – Leahy [40K] :

Rob Leahy nous a malheureusement quitté avant de ne pouvoir écrire sa légende au sein de la BL, dont il était un des employés. Belle joueuse, cette dernière a publié son premier – et dernier – draft de nouvelle, The Emperor’s Light.

INTRIGUE:

Alors qu’ils approchent de la Station Mausolus, forteresse tenue par la Death Watch au milieu d’un champ d’astéroïdes, l’Inquisiteur Deavos et les membres de sa suite finalisent leurs préparatifs pour une mission s’annonçant des plus délicates: convaincre les revêches moines soldats gardant le lieu de leur remettre l’arme secrète qui dort dans les cryptes de Mausolus. La raison motivant le besoin impérieux qu’éprouve Daevos de mettre la main sur ce qui semble être…un Paria, n’étant pas clairement défini dans les six pages de The Emperor’s Light1, le lecteur en est quitte pour une rapide présentation des différents spécialistes opérant aux côtés de l’Inquisiteur, et plus particulièrement de la sestra Silvana. Cette dernière semble être en froid avec son employeur, ce qui ne l’empêche pas d’obéir à l’ordre qu’il lui donne d’aller préparer ses sœurs en vue du déroulement de la mission. Transformées en archo-flagellantes en expiation d’un crime lui aussi passé sous silence, mais dans lequel on devine l’implication de Daevos en personne, Solvana et Sulvana se sont éveillées de leur sommeil béat, et attendent les bons soins de leur aînée afin d’être les plus belles pour aller purger. Trouveront-elles un bon parti parmi les gentlemen célibataires de Mausolus? That, my friends, is the question.

AVIS:

Nous ne saurons peut-être jamais ce qui attend l’Inquisiteur Daevos et sa suite dans les ténèbres de la Station Mausolus. Notre fine équipe a-t-elle seulement réussi à rejoindre bon port, ou s’est elle faite désintégrer par la garnison Death Watch en chemin? Ce ne serait pas la première fois que les farouches Xenocidaires ont éconduit une visite de courtoisie, même initiée par la plus haute autorité qui soit, m’est avis. Après tout, personne n’aime qu’on lui ordonne de ranger sa chambre (militante de l’Ordo Xenos). La tragédie entourant les sœurs de Silvana restera également secrète, et c’est bien dommage car cette intrigue en particulier exsudait de capiteux relents de trucs pas jojo, et promettait de jouer un grand rôle dans la suite des événements. Bref, nous n’en saurons pas plus, et c’est regrettable, car ces débuts étaient prometteurs. Good night, sweet prince.

: Peut-être que notre Inquisiteur était simplement jaloux du fait que toutes les stars de la BL disposent de ce petit accessoire fashion, et lui non.

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Shadowbreaker (extrait) – Parker [40K] :

Steve Parker n’est pas un régulier de la BL, mais a tout de même signé un certain nombre de publications pour le compte de la Sombre Bibliothèque. Plus intéressé par la science-fiction grimdark que par le med-fan (qu’il soit également grimdark ou high fantasy), notre homme a principalement prêté sa plume aux bidasses de la Garde Impériale (Gunheads, Rebel Winter, The Citadel, Survivor) aux fils hispaniques de Dorn (Le Monde de Rynn/Rynn’s World, Pedro Kantor : The Vengeful Fist, Culling the Horde ) et aux chasseurs de Xenos de la Deathwatch (Exhumed, Headhunted, Deathwatch, Shadowbreaker). Il semble établi que notre homme déteste les Orks autant qu’il aime les cétacés.

INTRIGUE:

Cueilli comme un bleu par l’équipe d’un Inquisiteur rival, l’agent Lyndon, inféodé à l’Inquisitrice Epsilon, se fait cuisiner avec art et inventivité par ses nouveaux meilleurs amis, bien décidés à lui faire cracher où se cache sa patronne, portée disparue depuis plusieurs mois en périphérie de l’empire T’au. Refusant obstinément de sortir de son silence, malgré les offres amicales et raisonnables que lui soumet l’Interrogateur Bastogne, Lyndon encaisse sans sourciller les corrections physiques, tentatives d’intrusion psychiques et insinuations psychologiques dont ses geôliers l’abreuvent. Peu confiant quant à l’issue heureuse de la garde à vue clandestine dont il fait l’objet, notre coriace et dévoué héros ne demande plus qu’à emporter les secrets de sa boss dans la tombe, mais c’est sans compter sur le bio-arsenal de ses bourreaux, qui, en bons agents de l’Inquisition, ont toujours sous la main le gadget adéquat pour parvenir à leurs fins, ici un tenianosaurus-rex, à même de siphonner l’information gardée par ce cachottier de Lyndon à même son cerveau. L’extrait se termine au moment fatidique où Bastogne, tel le Ramsay Bolton du 41ème millénaire qu’il est, agite l’objet du délit sous le nez de son prisonnier dans une dernière tentative de le faire revenir à la raison. Les a-tenias s’atteignirent-ils? Lisez la suite de Shadowbreaker pour le savoir…

AVIS:

Parker nous revient en grande forme, et la Talon Squad du Codicier Achille Karras avec lui. J’ai eu l’occasion de critiquer les extraits de roman mis en avant par la Black Library, qui présentaient le fâcheux problème de ne pas exposer l’intrigue de façon satisfaisante, et, dans une moindre mesure, de ne pas placer le lecteur dans une situation où il aurait envie de connaître la suite de l’histoire, une fois leurs quelques pages de teaser terminées. Rien de tout ça avec cette mise en bouche de Shadowbreaker, qui aborde de façon satisfaisante le propos de ce second tome (la disparition mystérieuse d’une Inquisitrice de l’Ordo Xenos dans l’espace T’au), et se conclut sur un cliff hanger des plus honorable quant au destin qui attend notre pauvre Lyndon, que nous laissons sur le point de faire connaissance avec un yirk, ce qui n’est jamais agréable.

En plus de répondre brillamment à ces exigences basiques, Parker intrigue – dans le bon sens du terme – par son usage des codes du roman noir, déclinés avec succès dans le petit monde, pas vraiment amical et solidaire, de l’Inquisition. Entre les différentes factions et équipes servant l’Empereur, tous les coups sont permis, et tous les moyens sont bons pour obtenir des réponses aux questions importantes. Le cuisinage de Lyndon permet ainsi à l’auteur de livrer une vision (encore plus) sombre, cruelle et cynique de cette sainte institution, histoire de remettre la cathédrale au milieu de la cité-ruche et de bien faire comprendre au lecteur, peut-être biberonné aux récits d’Inquisiteurs-sévères-mais-justes, que la survie de l’Imperium ne s’encombre pas de principes ronflants comme l’honneur, la droiture ou la confiance. Enfin, les quelques éléments fluff dont Parker agrémente son récit, notamment son petit précis de matériel et procédures inquisitoriales, achèvent de piquer l’intérêt du badaud, qui ne pouvait honnêtement pas demander meilleur free trial à Shadowbreaker. Si tous les extraits gratuits, et tous les auteurs de la BL, étaient de ce calibre, la maison d’édition de Nottingham serait sans doute sortie de sa niche à l’heure actuelle.

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Au final, ce 3ème numéro est un excellent cru, tant en termes de diversité que de qualité. À titre personnel, je me réjouis de constater que la ligne éditoriale de la BL pour Inferno! semble désormais faire la part belle à la publications de nouvelles plus ambitieuses, de par leur taille, leur sujet et/ou le parti pris adopté par l’auteur. Si ce choix rend Inferno! un peu moins accessible au hobbyiste débutant (et encore, il n’y a rien de rédhibitoire pour le newbie volontaire), il piquera l’intérêt des vétérans de la Black Library, chez qui les sempiternelles nouvelles de Space Marines et de Stormcast Eternals ne suscitent plus que des grognements de dépit. Cette liberté de ton et d’exploration des différents univers de Games Workshop est précieuse, et permettre à la nouvelle mouture d’Inferno ! de renouer avec ce qui a fait la légende de son auguste prédécesseur est à mon sens un choix cohérent et salutaire de la part de la BL. Bref, je ne saurai trop recommander aux lecteurs curieux de prendre la température de ce brasier littéraire que de commencer avec ce numéro 3, le meilleur du lot par une marge confortable. Quant à moi, je vous donne rendez-vous en Novembre prochain pour l’analyse détaillée du 4ème numéro, qui bouclera la première année néo-infernale, en beauté si possible. Comme toujours, vous pourrez retrouver ces chroniques, complétées des informations fluff recueillies dans chacune, dans les sujets centraux dédiés (40K // Warhammer Fantasy Battle // Age of Sigmar). À bientôt !