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INFERNO! – ANNEE 5

Bonjour à tous et bienvenue dans cette rétrospective de l’année 5 d’Inferno!, dont vous devez très certainement savoir à ce stade qu’il s’agissait d’un bimensuel publié par la Black Library au premier et au second millénaire de notre ère (peu de revues ont eu une telle longévité, vous le reconnaitrez). Les six numéros qui seront disséqués ci-dessous sont toutefois fermement ancrés dans les années 2000, puisqu’ils couvrent la période allant de juillet 2001 à mai 2002. Une époque riche en événements, comme vous vous en souvenez sûrement ou l’avez probablement appris à l’école (dur de suivre le contenu des programmes scolaires ces temps-ci).

Inferno!_Année 5

Si cette année se révèle moins riche que la précédente en termes de soumissions, avec seulement 21 nouvelles, elle présente quelques innovations intéressantes, comme le premier numéro « mono-franchise » (#25, avec seulement du Battle), et le premier numéro thématique d’Inferno! (#30), consacré exclusivement aux Fantômes de Gaunt. Elle s’avère également assez généreuse en matière d’aventures de personnages amenés à marquer de leur empreinte l’histoire de la GW-Fiction. Le pistolero de Necromunda, Nathan Creed, revient faire parler la poudre à deux reprises (‘Firestarter’ et ‘Bad Medicine’), tout comme le Sergent Priad des Iron Snakes (‘Crimson Storm’), Torben Badenov et sa bande de mercenaires débraillés (‘The Nagenhof Bell’), et l’incorrigible et impardonné Kage de la 13ème Légion Pénale (‘Liberty’). Cette année 5 voit aussi les premières armes en format réduit d’Uriel Ventris (‘Chains of Command’), Gregor Eisenhorn (‘Missing in Action’) et Angelika Fleischer (‘Meat and Bone’).

Une autre caractéristique notable de cette tranche infernale est son homogénéité au niveau des auteurs sollicités. Avec « seulement » dix plumes différentes sur l’année, on commence à percevoir que la Black Library a constitué un groupe de contributeurs principaux, auxquels viennent s’ajouter quelques nouveaux arrivants et free-lance occasionnels. L’exubérante diversité des débuts d’Inferno! se police quelque peu, et laisse place à une approche plus uniforme et conventionnelle : le « BL Style » venait de naître. Sans surprise, c’est à nouveau Dan Abnett qui remporte la coupe du premier contributeur de cette cinquième année (comme sur les années 1, 2 et 3) avec pas moins de quatre nouvelles à son nom. Il est suivi de près par Graham McNeill et Jonathan Green (3 soumissions), et Brian Craig, C. L. Werner et Gav Thorpe (2 soumissions).

On ne le savait pas encore à l’époque, mais cette auguste revue avait déjà passé son zénith et était plus proche de sa fin que de son début. C’est sur cette remarque funeste et totalement gratuite que je vous propose de clore cette introduction et de passer sans plus attendre à la revue à proprement parler. Ça nous changera les idées.

Inferno! Année 5

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The Ambassador – G. McNeill [WFB] – #25 :

INTRIGUE :

WFB_The AmbassadorFraîchement nommé ambassadeur impérial à la cour de la Tsarine de Kislev, le général à la retraite Kaspar von Velten enchaîne les déconvenues à peine arrivé sur le lieu de son affectation. Accompagné d’un vieux serviteur manchot un peu trop familier (Stefan) et d’une escorte de Chevaliers Panthères frileux (à croire que ces pelisses ne sont pas de bons isolants thermiques), l’apprenti diplomate commence par déloger son prédécesseur, l’incompétent et corrompu Andreas Teugenheim (ça veut littéralement dire « taverne » en reikspiel, faut pas s’étonner que le type soit un jouisseur) de l’ambassade saccagée que ce dernier occupait, s’attirant du même coup l’hostilité goguenarde du parrain de la Bratva locale, un colosse bedonnant répondant au nom de Vassily Chekatilo, très occupé à fumer des cigares avec son bon ami Teugenheim dans le boudoir de ce dernier à l’arrivée de la relève.

Réalisant qu’il est bon pour quelques jours de ménage et de chinage intensifs s’il souhaite redonner à son nouveau chez-lui le faste et le cachet qu’on est en droit d’attendre d’une ambassade impériale (sans compter la formation du service d’ordre local, qui aurait fort à faire à repousser les assauts de  Gnoblars hémiplégiques), von Velten est sauvé de la corvée de mob par l’arrivée impromptue d’une de ses anciennes connaissances, l’ex-Lancier Ailé Pavel Korovic, compagnon d’armes fidèle et alcoolique notoire, qui insiste bruyamment pour que les retrouvailles soient célébrée à grand renfort de kvas. Acceptant l’invitation, Kaspar se rend au domicile de son comparse et s’embarque dans une soirée arrosée suivie d’une nuit enfumée, son repos réparateur se trouvant interrompu par le début d’incendie allumé par un trio de brutes pyromanes, auxquelles von Velten règle leurs comptes sans penser qu’il aurait été pertinent de garder un séide en vie pour pouvoir lui soutirer des informations sur son commanditaire. Erreur de débutant.

C’est donc à une prise de fonction des plus mouvementées qu’a droit celui qui passera à la postérité sous le nom d’Ambassadeur, ses premières heures kislevites lui ayant en outre permis de se familiariser avec le sinistre parcours du tueur en série cannibale local, simplement nommé le Boucher (les Kislevites sont des gens pratiques et peu imaginatifs), et avec lequel on devine que Kaspar aura rapidement maille à partir. Ajoutez à cela une ambiance plutôt morose du fait de la tenue prochaine de la traditionnelle invasion chaotique, le froid, la neige et le mal du pays, et vous avez le début d’un séjour qui s’annonce mémorable pour notre pré-retraité. Everrrrytting fill bi olrrrraïtt, da ?

AVIS :

Mes souvenirs nébuleux de la duologie (L’Ambassadeur//The Ambassador et Les Dents d’Ursun//Ursun’s Teeth) consacrée par Graham McNeill aux jeux complexes de la realpolitik entre l’Empire et le Kislev1 me font écrire avec une certitude assez grande que cette nouvelle est en fait le chapitre introductif du premier de ces deux romans, avec lequel elle partage son nom. Nous sommes clairement en face d’une introduction à une intrigue destinée à être traitée sur des centaines de pages, et les douze que constituent ce The Ambassador sont toutes entières consacrées à l’exposition de la situation dans laquelle Kaspar von Velten trouve Kislev à son arrivée et la présentation des protagonistes et antagonistes principaux du roman. En cela, il serait petit bras de critiquer le caractère inachevé de ce texte, qui n’est pas, comme annoncé par Inferno ! une nouvelle en tant que tel, mais l’extrait d’un ouvrage que McNeill n’avait pas encore finalisé à l’époque. La vraie question est donc de savoir si ces quelques pages donnent envie d’en savoir plus sur le long format qu’elles introduisent, et la réponse est plutôt positive. Graham McNeill brasse suffisamment large pour que la grande majorité de ses lecteurs trouve au moins une raison de suivre les aventures de son héros grisonnant au pays de l’alcoolisme morbide et des moustaches en fer à cheval. Thriller gore, péripéties med-fan, intrigues politiciennes, pourvoyeur de fluff, The Ambassador coche toutes ces cases, et probablement d’autres (il faudrait que je relise les bouquins), et est une lecture conseillée2 pour tous les hobbyistes s’intéressant au traitement réservé au Monde qui Fut par la Black Library. Je sais qu’il en reste.

1 : Et à la pratique du jogging par les chevaliers impériaux. Les vieux s’en souviendront.
Ce n’est pas pour rien que l’ouvrage a été élevé au Black Library Hall of Fame en 2016. Une distinction d’assez peu de poids, je vous l’accorde, mais méritée quoi qu’il en soit.

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Tybalt’s Battle – G. Thorpe [WFB] – #25 :

INTRIGUE :

WFB_Tybalt's BattleLe brave (dans tous les sens du terme) Tybalt, Chevalier bretonnien de son état, a répondu à l’appel du fantôme du Duc Laroche, et mis le cap sur le distant archipel d’Albion avec une petite armée pour y combattre le Mââââl. Si vous trouvez que c’est un ordre de mission un peu succinct, je suis d’accord avec vous1, mais en Bretonnie, on n’est pas du genre à avoir besoin de beaucoup plus que trois lignes de texte débitées par le PNJ le moins précis du monde pour partir en croisade. A croire que les nobles n’ont littéralement que ça à faire de leurs journées.

Après une traversée des plus banales, le bataillon débarque à grand-peine sur l’île principal de cette terre aussi mystique qu’humide, perdant quelques hommes lorsqu’un de ses canots se renverse pendant le transbahutage. Rien de trop grave (enfin, pour les survivants évidemment), mais alors que le navire qui les amené jusqu’à bon port s’éloigne pour se mettre à l’abri, Tybalt réalise brutalement qu’il n’a absolument aucune idée de ce qui lui est demandé d’accomplir sur cette lande aussi lugubre que l’arrière-pays brestois en février. C’est la boulette.

Fort heureusement, un nouveau PNJ donneur de quêtes du nom royal de Charl se présente au nobliau désorienté une fois la nuit tombée et le camp des Bretonniens installé dans la partie la moins spongieuse du marais qu’ils ont passé la journée à traverser (dans le doute, autant marcher tout droit dans une direction générée au dé de déviation, c’est vrai). Charlie est un authentique Oracle d’Albion, comme sa coupe de cheveux improbable, sa musculature imposante, sa lance custom et surtout, sa déperlance absolue (les Oracles sont immergés dans un bain de Teflon pendant leur apprentissage, ce qui leur donne une longévité et une imperméabilité exceptionnelle) le démontrent sans appel. Il connaît aussi ce vieux brigand de Laroche, qu’il a convaincu de lui envoyer le premier pigeon aventurier venu pour l’aider dans son combat contre Bebe’lakor et ses Emissaires Noirs. Grâce à sa maîtrise approximative du bretonnien (un peu) et au caractère très influençable de Tybalt (surtout), Charl entraîne ses nouveaux copains dans une vendetta dirigée contre… un autre seigneur bretonnien, dont l’erreur aura été de se ranger du côté d’un Emissaire Noir. C’est limite du racisme présenté comme ça, mais je m’égare.

Dès le lendemain, l’Oracle utilise ses pouvoirs de druide météorologue guide local pour emmener ses alliés sur un raccourci leur permettant de couvrir des centaines de kilomètres en une seule journée2. Perdant à nouveaux quelques hommes (et un poney) aux pittoresques conditions locales – ici un selfie malavisé avec un troupeau de vaches Highland mal disposées – les croisés finissent par arriver en face de l’armée adverse alors que le jour est sur le point de tomber, ce qui est évidemment le meilleur moment pour mener une bataille. Pendant que ses troupes se préparent à défendre le bloc de tourbe le moins humide du périmètre (un grand avantage quand on se bat sur Albion), Tybalt va s’entretenir avec son vis-à-vis, le redoutable Morlant, accompagné par l’Emissaire Noir qui l’a recruté. Sa proposition de régler l’affaire par un duel d’honneur étant refusée, la bataille fratricide peut alors s’engager, au cours de laquelle, ô surprise, les gentils bretonniens collent une rouste aux méchants bretonniens, malgré le clair avantage numérique de ces derniers. Au plus fort de la mêlée, et en dépit de la malédiction de malaise cardiaque que l’Emissaire Noir lui jette en douce (le domaine de l’hypocondrie, cette petite pépite de la V6), Tybalt vainc honorablement Morlant et lui intime de se rendre. Malheureusement pour lui, le contrat signé par le mercenaire Bretonnien3 contenait une clause de non-défection passible de mort, et le pauvre Morlant se fait dessecher par la plus noire des magies avant d’avoir pu s’exécuter. Outragé par ce coup du sort, Tybalt part à la poursuite de l’Emissaire Noir qui s’était discrètement eclipsé lorsqu’il a réalisé que la bataille était perdue, et lui fait son affaire est à nouveau victime d’une crise de tachycardie ventriculaire, laissant la responsabilité du kill à son fidèle destrier. Exactement comme à Warhammer.

Tout est bien qui finit bien dans les marais du bout du monde, mais lorsque Tybalt fait mine de donner l’ordre de se diriger vers la plage où le navire de retour les attend, Charl prend un air tellement misérable que son nouvel associé décide de prolonger un peu son séjour sur la perfide et pluvieuse Albion, afin d’aider à mettre en échec les manigances de Be’lakor. Et en pro bono, encore une fois. Quelle noblesse, vraiment.

1 : Et encore, c’est pas le pire. Ce troll ectoplasmique de Laroche et son amour consommé des paraphrases ont fait perdre des mois à son obligé, le temps qu’il localise avec précision la fameuse « île des tempêtes » que son oublieux mentor lui a demandé d’explorer. Si la vieillesse est un naufrage, la non-vie est une épave…
2 : Enfin ça, c’est lui qui le dit. Comme Tybalt et compagnie n’ont jamais mis les pieds en Albion et que la route se fait dans un tunnel de brouillard à couper au couteau, on peut aussi considérer que l’armée ennemie se trouvait à trois kilomètres, mais que Charl a passé son temps à se perdre.
3 : On peut en rigoler, mais ça veut dire que lui au moins se battait contre rémunération. Alors que cet idéaliste de Tybalt a pris la mer avec ses hommes sans demander aucune contrepartie (c’est peut-être pour ça que Laroche a tendance à se dissiper si rapidement une fois qu’il a donné sa quête…).

AVIS :

Gav Thorpe remet en selle son personnage de Tybalt « Dieudonné » de Quenelles, déjà croisé dans l’abysmal ‘Tybalt’s Quest’, à l’occasion de la campagne Shadows over Albion, qui prit place pendant l’été 2001. Contrairement au premier épisode de cette geste bretonienne très peu inspirée, le véritable héros de ‘Tybalt’s Battle’ n’est pas le nobliau hanté et froussard qui a donné son nom au titre de cette histoire, mais les terres sauvages (et humides, trèèèèès humides) d’Albion, ce qui constitue une amélioration notable si vous voulez mon avis.

Si on passe sur le caractère très artificiel de l’intrigue, le manque de profondeur des personnages et le caractère très convenu des péripéties (ce qui fait beaucoup, je l’avoue), cette nouvelle nous offre une petite balade dans un coin iconique et mystérieux du Monde Qui Fut, et comme la concurrence est loin d’être féroce sur ce créneau1, on pourra – si on est d’humeur magnanime – apprécier l’effort fait par Thorpe pour dépayser son lectorat. Notons pour conclure qu’il s’agit de la seconde et dernière apparition du jeune Tybalt (pour autant que je le sache) sous la plume d’un auteur de la Black Library, à moins que l’omniscient Josh Reynolds ne l’ait mentionné (et fait mourir d’une manière appropriée) dans sa chronique de la Fin des Temps. Je me plais à croire qu’après avoir épuisé la patience de ses hommes en menant des campagnes sans fin dans l’arrière-pays albionais, Tybalt ouvrit un petit fish & chips en compagnie de Charl. Un vrai exemple d’assimilation réussie.

1 : À moins de se tourner vers le pas terrible du tout ‘Giantslayer’, commis par un Bill King moins motivé que jamais (ce fut d’ailleurs son dernier bouquin pour la série), ou de remonter aux origines de la GW-Fiction avec le très ancien ‘Storm Warriors’ de Brian Craig.

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A Fool’s Bargain – B. Maycock [WFB] – #25 :

INTRIGUE :

WFB_A Fool's BargainAlfredo Landi Naddeo est un marchand de curiosités prospère, son vaste achalandage de biens merveilleux autant qu’utiles (et parfois efficaces), sa science du négoce et le trio de gardes du corps mutants qui empêchent les clients potentiels de sortir de son échoppe avant d’avoir acheté un petit quelque chose lui ayant permis de vivre confortablement depuis la regrettable mise à sac de son précédent commerce. Lorsqu’un mercenaire ayant connu de meilleurs jours pousse la porte de sa boutique à la recherche d’une arme magique qui lui permettrait de se tailler un chemin sanglant dans la hiérarchie des condottiere tiléens, Alfredo se fait une joie de proposer à sa nouvelle victime connaissance d’acquérir la légendaire épée du Seigneur Mobach, une lame enchantée qu’il vient justement d’intégrer à sa collection…

AVIS :

À la question, des plus légitimes ici, de savoir combien de pages sont nécessaires à l’écriture d’une nouvelle à twist (la catégorie reine du genre) se déroulant dans l’une des franchises de la Black Library, Brian Maycock répond posément « 5 », et délivre une véritable masterclass de construction narrative avec A Fool’s Bargain. Ne négligeant aucun aspect de sa prose, qu’il s’agisse de l’instillation d’une atmosphère distinctive ou le développement du caractère de ses personnages, Maycock agence avec talent les multiples éléments nécessaires au récit d’une histoire digne de ce nom, pour un résultat simplement satisfaisant. Cela peut paraître peu, mais, je vous l’assure, c’est une des plus hautes distinctions que je puisse accorder à une nouvelle.

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The Deep – R. Davidson [WFB] – #25 :

INTRIGUE :

WFB_The DeepAlors qu’ils venaient de quitter le port de Luccini à bord d’un sous-marin de leur conception afin d’explorer les légendaires ruines de Thantis Tor, Hundri et ses compagnons de la Guilde des Ingénieurs sont envoyés par le fond à la suite de l’explosion de la chaudière du submersible. Échoué par grand fond à proximité d’une fosse océanique et à moitié enseveli par les rochers qui ont freiné sa chute, le vaisseau des Dawi est en piteux état, mais pourrait tout de même les ramener à la surface s’il est convenablement dégagé et réparé. Alors que les survivants s’activent pour se tirer de ce mauvais pas et qu’une ambiance délétère s’installe dans l’équipage1, les disparitions suspectes et les incidents malheureux s’enchaînent à un rythme inquiétant. Hundri en est convaincu, un saboteur est présent à bord, mais qui est-il, et quels objectifs poursuit-il ? Se pourrait-il vraiment que les mystérieux gardiens de Thantis Tor soient responsables des déboires de l’équipage du Beardy McBeardface ?

1 : Davidson propose une version grimdark des 7 Nains (on ne sait pas qui est Blanche-Neige par contre), avec un casting du tonnerre : Hundri, Cramé, Noyé, Suicidé, Tabassé, Fou à Lier et… Thon. Oui, Thon. Pour un sous-marinier, avouez qu’il a le nom de l’emploi. 

AVIS :

Un thriller mâtiné d’horreur se déroulant dans l’environnement claustrophobique à souhait d’un sous-marin nain échoué au fond de l’océan à proximité d’un temple englouti ? Relisez cette phrase lentement et essayez de trouver un seul élément qui ne soit pas super cool. Franchement, les contributeurs de la BL savaient pitcher des idées géniales à l’époque, et on ne peut que s’interroger sur le choix de cette dernière de ne pas inclure The Deep dans un des nombreux recueils ou anthologies de nouvelles publiés au fil des ans, où il aurait eu tout à fait sa place. En plus de proposer au lecteur une plongée (wink wink) des plus originales dans le background, voire carrément l’underground de WFB, Davidson tient le lecteur en haleine en mettant en scène avec brio la descente aux enfers des passagers du sous-marin, alors que la suspicion, la dépression et l’aliénation s’abattent sur eux au fur et à mesure que leur nombre décroît. Thantis Tor et ses mystérieux gardiens ajoutent une couche de surnaturel très bienvenue aux tribulations désespérées de l’équipage du sous-marin, dans une adaptation libre et réussie des 10 Petits Nègres (ou peut-être devrait-on parler des 7 Petits Nains ?) à la sauce Abyss. Seule la conclusion de l’histoire laisse un peu à désirer, les motivations du coupable n’étant jamais vraiment explicitées, ni suggérées. Il serait toutefois dommage de bouder son plaisir devant cette authentique pépite du corpus de la Black Library, une de celles qui vous motive à persévérer dans cette occupation, qui peut se révéler assez frustrante à la longue. Seven little dwarves playing hide-and-seek. One was never found and then there were…

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The Winter Wind – B. Craig [WFB] – #26 :

INTRIGUE :

WFB_The Winter WindLe petit village de Sezrach, blotti haut dans les hauteurs des Monts du Milieu, est la proie d’un prédateur aussi mystérieux que persistant, venant enlever les enfants de la communauté au plus fort de l’hiver et les emportant au cœur d’un glacier voisin, où ses traces s’arrêtent brutalement. Jeune maire dynamique de Szerach ayant pris la relève de son père, qui, comme ses aïeux avant lui, prenait ces rapts récurrents avec un fatalisme paysan, Heinz von Aist décide de mettre fin à ce fléau quoi qu’il en coûte, pour améliorer la qualité de vie de ses chers administrés. Voyageant jusqu’à la ville de Leiswitz pour rencontrer l’érudit controversé Eric Zemmour Dietmar Fichte, il se fait prescrire des verres correctifs (le gonze est opticien arcanique, c’est très pointu comme spécialité) d’un genre un peu particulier, qui lui permettront de pister le démon des glaces (car c’est bien de cela qu’il s’agit) jusqu’à son repaire souterrain, là où ses seuls yeux se révéleraient insuffisants pour la tâche. Fichte prévient toutefois son visiteur que ces lunettes lui révéleront bien plus que sa proie et ses empreintes, et qu’il pourra s’avérer difficile de les retirer une fois mises.

Il faut toutefois bien plus que la menace de marques de bronzage disgracieuses pour décourager notre héros de mener à bien sa mission, et von Aist réussit, après quelques tentatives peu concluantes, à façonner ces fameux culs de bouteilles selon les caractéristiques fournies par Fichte, en utilisant de la glace extraite du glacier voisin. Grand bien lui en fait, car, peu de temps après, c’est la jeune Gretchen qui disparaît de son lit douillet, forçant notre justicier appareillé à l’action. Emmenant les hommes du village jusqu’à l’entrée du fameux glacier démoniaque, il s’aventure seul dans la galerie des glaces, n’emportant avec lui que son épée et sa lanterne. Sur le chemin vers sa destination finale, ses lunettes 5D (il faut au moins ça pour voir le Warp) lui révèlent tout un paquet de scènes plus ou moins dérangeantes, depuis le classique reflet multiplié à l’infini *2 de lui-même (avec murmures plus défaitistes que maléfiques en option) jusqu’aux armées de thérianthropes courant de droite et de gauche, en passant par des bancs de Channichthyidae peu amènes, et même la 782ème rediffusion de Sur la Terre des Dinosaures (avec la voix off de Zavant Konniger à la place de notre André Dussolier national).

Concentré sur son objectif, Heinz trace cependant sa route et finit par parvenir dans le duplex du rôdeur des glaces, où il trouve Gretchen allongée sur la table du salon en état d’hypothermie sévère. Sommant son ennemi de venir voir de quel bois il se chauffe, notre traqueur a la surprise de voir émerger des ténèbres son jumeau de glace, qui ne se fait pas prier pour engager le combat. Problème pour von Aist, la ressemblance avec son assaillant n’est que superficielle, et ce dernier a apparemment suivi des cours du soir en escrime médiévale sur son temps libre. Résultat des courses, le brave édile de Szerach se trouve rapidement en mauvaise posture, et il a beau rappeler à son assaillant qu’on ne frappe pas les gens à lunettes, ce dernier n’en continue pas moins à molester son visiteur. Une idée bizarre mais efficace traverse cependant l’esprit du héros avant que le pseudo Marcheur Blanc ne l’embroche sur son épée stalactite (ou peut-être stalagmite) : acceptant de se faire désarmer suite à une parade mal négociée à dessein, von Aist met à profit les deux secondes d’incompréhension de son adversaire pour asperger ce dernier d’huile et lui mettre le feu à l’aide de sa lanterne, ce qui a raison du Roi de la Nuit (regrets éternels, Michou).

Le reste n’est qu’une formalité pour Heinz, qui repart au petit trot avec Gretchen sur l’épaule et parvient à retrouver le chemin de la sortie sans trop de difficulté, tout comme il n’a aucun mal à enlever ses lunettes de vue en chemin, malgré les avertissements de Fichte. Célébré comme le héros qu’il est par son village, Heinz von Aist vivra encore de longues années (au moins 5 ans, ce qui est vieux pour le Hochland), traînant avec lui la malédiction du démon qu’il a vaincu, aussi mineure que ce dernier au final : pour le reste de ses jours, il aura très froid aux mains l’hiver. Dur. Plus insidieuse est l’expérience d’une fatalité profonde quant au caractère éphémère de la civilisation que le maire de Szerach développe en sus de ce menu problème. C’était sans doute ça que Fichte voulait dire quand il parlait de lunettes difficiles à enlever… J’ai toujours été nul en prophétie.

AVIS :

Auteur accompli au style reconnaissable entre cent contributeurs de la Black Library, Craig est un incontournable pour qui s’intéresse à la fiction produite par Games Workshop, et, même si son approche détonne largement des canons de la maison d’édition de Nottingham (déjà à l’époque et encore plus aujourd’hui), tout lecteur devrait donner sa chance à la prose de Mr Stableford, et partir à la (re)découverte du monde de Warhammer avec lui comme guide. À la clé, une vision un peu différente du grimdark généralisé qui teinte, voire imbibe, la plupart des publications de la BL, et que j’aurais bien du mal à décrire, sans parler de lui rendre justice, en quelques mots. Pour vous donner malgré tout une idée, je dirais que c’est à la fois différent de, et littérairement supérieur à, l’écrasante majorité des soumissions BL.

Ce Wind of Winter ne fait pas exception, le récit de la quête quasi initiatique de Heinz von Aist dans les glaces éternelles des Monts du Milieu donnant l’occasion à Craig de peindre le Chaos et la menace qu’il représente d’une façon bien particulière, mais loin d’être déplacée. La métaphore des lunettes de glace, qui peut sembler étrange de prime abord, fait passer son message d’une façon visuelle et poétique, et on ne peut douter à la lecture des descriptions hallucinées qui hantent le héros sur le chemin de sa destinée que l’auteur a bien assimilé ce concept fondamental des univers de Games Workshop. Le combat du héros contre sa Némésis peut certes sembler un peu ampoulé dans sa mise en scène (et à raison, le hack & slash n’étant pas du goût de Craig en règle générale), et le rythme de narration, bien long et « mou » pour les habitués de l’action frénétique qui caractérise généralement les œuvres de la BL, mais on aurait à mon avis tort de rejeter d’un bloc le corpus proprement « exotique » rédigé par Brian Craig dans les âges reculés où il prenait les commissions de vendeurs de figurines en métal blanc. Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans…

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Firestarter – J. Green [NDA] – #26 :

INTRIGUE :

NDA_FirestarterNecromunda. Quelque part dans le sous-monde, le redouté Antrobus Vecht voit ses plans de promotion sociale1 contrariés par le capotage complet d’une opération qu’il préparait depuis des mois. Cherchant à se venger des responsables de ce fiasco, il charge son larbin (Gravalax Mune) de faire parler le chef du gang Delaque (Sisken) qui a tuyauté ses ennemis sur le lieu et la date de la livraison, condition sine qua non à toute représaille envers ces derniers. Anticipant le manque de coopération de Sisken, Mune engage deux « libéraux » pour le seconder sur ce coup : le chasseur de primes Nathan Creed est chargé de ramener le Delaque, de gré ou de force, et le docteur Haze de pratiquer une opération chirurgicale afin de soutirer au ganger l’identité de son client. Vous suivez? Très bien, nous allons pouvoir entrer dans le vif du sujet.

Haze, qui n’a pas trop le choix, accepte de collaborer avec Mune, sans savoir que son futur patient n’est autre que Sisken, qui l’a rencardé au sujet de la venue de l’ork de Vecht. C’est en effet le doc qui est responsable de l’échec des plans du parrain du crime et qui a prévenu les autorités de l’arrivée du colis spécial de Vecht2. Lorsque Creed arrive avec Sisken, Haze réalise qu’il est dans de très sales draps, et n’est sauvé que par l’attaque du reste du gang Delaque sur le QG de Mune, ce qui lui donne l’occasion de saboter les résultats de l’opération d’extraction de souvenirs de Sisken, sans que son employeur ne s’en rende compte. Simple, non ?

Manque de pot pour les associés du bon docteur, les Delaque ont également fait appel à un spécialiste pour les épauler dans la libération de leur leader, à présent plus qu’à moitié lobotomisé. Il s’agit d’un psyker mercenaire répondant au nom d’Ignus Mander, dont le pouvoir consiste à envoyer des boules de feu sur les gens dont la tête ne lui revient pas. Mander est un ancien patient de Haze, dont les infructueuses tentatives de lui retirer une balle du cerveau ont eu la conséquence inattendue de développer le potentiel psychique, jusque-là inactif, de Mander, au prix d’une souffrance permanente pour ce dernier. C’est donc animé des pires intentions que le psyker pyromane fait irruption dans la salle d’opération installée par Mune (qui se fait la malle par une issue secrète avec une fiole remplie de ce qu’il croit être le liquide cérébral de Sisken), bien décidé qu’il est à faire payer Haze pour sa condition actuelle. Toujours là ? Ok, on continue.

Mander ayant empêché Creed et Haze de s’échapper en même temps que Mune d’une boule de feu bien placée, les deux compères sont forcés de s’enfuir à travers les niveaux inférieurs de la ruche, poursuivis par le psyker incendiaire. Après quelques péripéties diverses, le prévisible face à face final entre les deux camps a lieu, et Creed règle son compte à Mander grâce à une feinte indigne même de la pire bisserie d’action. Merci Jonathan. De son côté, Mune va faire son rapport à Vecht, qui injecte le contenu de la fiole ramenée par son séide dans le cerveau de ce dernier. Au final, Mune avoue à son patron que c’est lui qui a mis les Arbites sur le coup3, et tout le monde est content (sauf Mune bien sûr). Fin.

1 : Vecht voulait offrir un Ork au zoo privé du gouverneur Helmawr afin de mettre un pied dans la haute société de Necromunda. C’est sûr que c’est plus original qu’une boîte de chocolats.
: Haze voulait étudier le spécimen importé par Vecht afin de mieux comprendre le fonctionnement des capacités régénératrices supérieures de cette race xenos, et pouvoir ainsi mieux se vendre auprès des gangs locaux.
: Je ne comprends toujours pas comment Green a pu arriver à une telle conclusion, qui va à l’encontre des éléments exposés plus tôt. Et c’est la troisième fois que je relis Firestarter.

AVIS :

Je ne m’attendais pas à ce que Green (dont le patronyme a été changé à Jonathon pour l’occasion), qui ne s’était jusqu’ici pas vraiment illustré par la complexité de ses scénarii, donne à Firestarter une intrigue aussi sinueuse. Dans un sens, il s’agit d’une plaisante surprise, démontrant que même un auteur que je croyais incapable de livrer autre chose que des nouvelles d’une morne et fade simplicité peut accoucher de projets plus ambitieux. Cependant, n’est pas Nathan Long qui veut, et le texte de Green présente au final trop d’incohérences pour susciter autre chose qu’un froncement de sourcils perplexe de la part du lecteur.

Outre le fait que la « confession » finale de Mune n’est étayée par aucun élément concret, j’ai par exemple du mal à comprendre pourquoi Sisken n’a pas balancé à Mune que le responsable du fiasco de l’opération de Vecht était Haze, au lieu de se laisser sagement ponctionner par ce dernier, ni pourquoi le même Haze a décidé de changer d’air immédiatement après avoir opéré Mander, alors qu’il ne savait pas que ce dernier avait développé des pouvoirs psychiques ainsi qu’une migraine persistante à la suite de ses bons soins. Bref, il y a de sacrés trous dans ta raquette, Jon.

D’autre part, je n’ai pas de grande affinité avec le personnage de Nathan Creed, qui de l’aveu même de son créateur, n’est rien d’autre qu’une transposition du « cool badass shooter » dans l’univers de Necromunda1. Stéréotype sans saveur ni épaisseur, Creed n’arrive pas à la cheville du Brunner de CL Werner, et se fait facilement voler la vedette par Mander, qui n’est pourtant pas vraiment original non plus.

Firestarter est donc au final une Greenerie des plus classiques, avec toutes les conséquences habituelles de cette appellation pas vraiment flatteuse pour la nouvelle qui en est affublée. À oublier, comme son héros.

1: Pour les anglophones, Green retrace la genèse et le parcours de Nathan Creed sur son site personnelOutre les jolis dessins illustrant l’article, et établissant de façon irréfutable le total manque de profondeur du personnage (Lee Van Cleef avec des sceaux de pureté et des crânes, my gosh), le principal intérêt de cette chronique fut d’apprendre que les éditeurs de la BL ont refusé plusieurs drafts soumis par Green pour de nouveaux épisodes, n’ont republié que deux des cinq nouvelles mettant Creed en vedette, et ont carrément refusé que le personnage apparaisse dans les textes d’ambiance du livre de règles de la seconde édition de Necromunda. De la part d’une maison d’éditions qui a publié sans sourciller des bouquins du calibre de Forged in Battle et Curse of the Necrarch, c’est une rebuffade qui en dit long sur la qualité du travail de Jonathan Green.

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The Small Ones – C. L. Werner [WFB] – #26 :

INTRIGUE :

WFB_The Small OnesLa vie paisible du village de Marburg, perdu au milieu du Stirland profond (aussi appelé Stirland), est bouleversée par l’arrivée impromptue d’un Sorcier du Chaos mal en point (Thyssen Krotzigk), en fuite après que sa congrégation ait été passée par l’épée par la Garde Noire de Morr du Capitaine Ernst Ditmarr. Prêtre de Morr à l’esprit mal tourné, Thyssen avait profité de sa nomination dans une paroisse reculée pour se vouer à l’étude et à la vénération des Dieux du Chaos avec une totale impunité, jusqu’à ce que le rectorat lui envoie un inspecteur (auquel il arriva un regrettable accident), puis un bataillon de Templiers. La bataille qui fit rage entre cultistes et gothiques se solda par la victoire de ces derniers, mais Thyssen parvint malgré tout à s’enfuir (en clopinant, du fait d’une jambe cassée), laissant Ditmarr avec une manche vide (le feu, ça brûle) et un désir de vengeance inextinguible.

Les Fab Four faisant bien les choses, Thyssen est découvert par une bande d’enfants du coin alors qu’ils jouaient dans la forêt. Ayant tiré le don « sosie d’Alf, mais en grimdark » sur le tableau de l’Œil des Dieux (comprendre qu’il ressemble au fruit des relations incestueuses entre un Gamorréen et un Ewok), le petit Sorcier se fait instantanément adopter par Keren, fille du meunier de Marburg, fan de furries et forme non évoluée de Karen, qui convainc tout aussi rapidement ses camarades (Paul, Therese et Kurt) de cacher celui qu’elle considère comme un prince victime d’une malédiction dans le moulin abandonné du rival de son père (auquel il arriva un regrettable accident, bis). C’est le jackpot pour Thyssen, qui peut se rétablir tranquillement et confortablement grâce aux victuailles que les enfants de Marburg prélèvent dans le garde-manger familial pour son bénéfice, tout en commençant à corrompre son jeune public grâce aux contes séditieux sur Sigmar et les Quatre Princes dont il les abreuve. Après tout, c’est vrai qu’il ressemble beaucoup à Père Castor.

La situation de Thyssen est toutefois précaire, les Marburgeois ne restant pas les bras croisés devant la disparition d’un nombre croissant de leurs rejetons, qui préfèrent squatter dans le moulin de leur copain porcin plutôt que de trimer sang et eau pour leurs vieux (on les comprend). Ils commencent par engager un pisteur pour remonter la trace des disparus… auquel il arrive un regrettable accident, ter. Un peu plus tard, Thyssen mène une vendetta contre le vieux prêtre de Sigmar Hackl, proche de convaincre le conseil municipal de mettre des Répurgateurs sur le coup. Bien que le combat reste longtemps indécis entre le vieillard chétif et l’avorton boiteux (un match d’une violence insoutenable, retransmis à travers les Royaumes du Chaos), Thyssen finit par avoir raison du sigmarite, et met en scène son cadavre pour que, vous l’avez deviné, cela ait l’air d’un regrettable accident. Je ne sais pas si le concept de l’assurance-vie existait dans l’Empire avant la Fin des Temps, mais si c’est le cas, l’activité devait être implantée dans le Stirland.

C’est le moment que choisissent Ditmarr et sa gueule de porte-bonheur pour arriver à Marburg. Toujours sur la piste de sa Némésis poilue, le Garde de Morr disgracié (il s’est fait virer par l’ordre pour abandon de poste) n’est pas contre donner un coup de la seule main qu’il lui reste aux bouseux du coin dans leur problème de fugues infantiles. De son côté, Thyssen considère la venue fortuite de son persécuteur comme un nouveau cadeau des Dieux Noirs, et envoie donc l’un de ses enfants perdus attirer le Templier jusqu’à son QG, pendant qu’il réfléchit à la mise en scène d’un nouvel accident regrettable. Cependant, le messager en culottes courtes sous-estime la méfiance du Garde Noir, qui comprend rapidement que quelque chose ne tourne pas rond dans l’histoire qu’on lui sert, et ne se rend pas seul sur les lieux, comme il aurait dû le faire. En effet, il ordonne aux placides Marburgeois de mettre le feu au moulin au moindre bruit suspect, et, bien qu’ils aient conscience que la plupart de leurs rejetons soient présents dans l’édifice, ils suivent à la lettre les consignes de Ditmarr après que ce dernier se soit fait submerger par ses petits adversaires. Encore une arnaque à l’assurance, ça.

Dans le chaos qui s’ensuit, le Templier ne parvient qu’à crever un œil à Thyssen avant que ce dernier ne prenne à nouveau la poudre d’escampette, laissant ses cultistes puérils faire le coup de feu. L’un d’eux se fait d’ailleurs brièvement posséder par un Buveur de Sang (c’est les hormones) alors qu’il était sur le point de sacrifier Ditmarr pour la plus grande gloire de Khorne, et bastonne le Garde Noir comme plâtre pendant les trente secondes que durent son feat. Bien que le coriace chevalier parvienne à se sortir du brasier après cette tannée surprise, il décède de ses blessures le lendemain, après que les villageois lui aient fait croire que le corps de Thyssen avait été retrouvé dans les décombres du moulin…

Début spoiler…Alors qu’en fait, le Sorcier de poche était déjà loin de Marburg, mais pas dans une situation idéale. La nouvelle se termine en effet sur sa rencontre avec une bande de Gors qui semblent plus emballés par une dégustation de saucisson que par l’accueil d’un nouveau mutant. On ne peut pas leur en vouloir cela dit : le Pumbagor ne faisait pas encore partie du bestiaire des Bêtes du Chaos au moment où cette nouvelle a été écrite…Fin spoiler

AVIS :

Si on ne compte plus les nouvelles de GW-Fiction où des guerriers surhumains s’affrontent pour faire triompher leurs idéaux, celles mettant en scène leurs exacts opposés sont en revanche beaucoup plus rares. On peut donc remercier C. L. Werner d’avoir livré sa version de ‘Sa Majesté des Mouches1 pour Warhammer Fantasy Battle avec ce ‘The Little Ones’, sorte de huis-clos psychologique où le potentiel malaisant d’une bande d’enfants manipulés par un être maléfique est exploité de bien belle façon. Je mets aussi au crédit de l’auteur un séquençage impeccable du récit, qui alterne entre Thyssen, ses petits protégés, et Ditmarr, ainsi que les contes de Sigmar et des Quatre Princes, sorte d’histoire dans l’histoire qui aurait mérité d’être racontée dans une nouvelle séparée. Seul petit bémol : une conclusion un peu bâclée, qui ne donne pas d’indication sur le sort des enfants de Marburg (si Ditmarr a réussi à s’échapper du moulin après avoir boxé deux rounds contre un Sanguinaire, la marmaille chaotique a de bonnes chances de s’en être tirée) et laisse le destin de Thyssen en suspens. On reste cependant en présence d’une très bonne soumission de la part de Werner, dont l’originalité se doit d’être reconnue.

1 : Une comparaison d’autant plus apte que le grand méchant de l’histoire a/est dans les deux cas une tête de cochon.

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Chains of Command – G. McNeill [40K] – #26 :

INTRIGUE :

Chains of CommandEngagé dans la campagne de pacification de Thracia avec un contingent d’Ultramarines placé sous le commandement du Capitaine Idaeus, le Sergent Uriel Ventris a été chargé de mener l’assaut sur le pont 2-4, tenu par les rebelles ayant eu l’audace de se soulever contre le bienveillant Empereur, et qu’il convient de faire sauter pour éviter que la contre-attaque de la Garde Impériale en direction de la capitale planétaire ne soit prise de flanc. Après quelques paragraphes de « mes sens sont vraiment trop développés lolilol » #ImTheBest #YouCantWriteAstartesWithoutStar, qui expliquent en grande partie pourquoi personne n’aime les Ultramarines, Ventris accomplit sa mission, déclenchant un assaut en règle de ses petits copains bleu pervenche et vert sapin sur la position adverse. Désespérément surclassés, les défenseurs se font hacher menu, et les meilleurs de l’Empereur s’organisent pour tenir le pont assez longtemps pour permettre au vénérable Techmarine Tomasin de placer les explosifs qui permettront de faire écrouler l’ouvrage d’art dans la gorge en contrebas.

Nous faisons la connaissance du Capitaine Idaeus, un officier vétéran et proche de ses hommes, connu pour son approche distanciée du saint Codex Astartes, ce qui n’en finit pas de sidérer le rigoriste Ventris. Ce même Idaeus a d’ailleurs fait montre de ses tendances libertaires en menant la charge contre un nid de bolters lourds, au lieu d’attendre le soutien du reste de ses hommes, comme ce planqué de Guilliman l’avait pourtant préconisé dans ses écrits. Depuis cinquante ans qu’ils combattent ensemble, Idaeus n’a pas réussi à convaincre son bras droit de l’avantage de s’écarter de temps en temps du manuel d’utilisation de la guerre écrit par le Primarque, et ce n’est pas aujourd’hui que ça va ch… Ah, on me dit dans l’oreillette que c’est précisément l’objet de cette nouvelle. Bigre.

Comme tous les vétérans dignes de leurs médailles, Idaeus fait confiance à son instinct, et ce dernier lui hurle (il est un peu sourd) que quelque chose en tourne pas rond, malgré le fait que la mission se déroule jusqu’ici parfaitement comme prévu. Ce malaise le conduit à mener une mission d’inspection de l’autre côté du pont, Ventris à ses côtés, pour juger du boulot effectué par les Scouts déployés par les Ultramarines en territoire ennemi. Et, évidemment, il s’avère qu’une importante colonne blindée progressait discrètement (c’est possible si on met des patins sur les chenilles) en direction du pont, ce qui va devoir forcer le vénérable Tomasin à se bouger les vénérables miches, ce qui n’est pas facile quand on est plus refait qu’un Iron Hands en fin de carrière (souvenir d’une rencontre torride avec un Carnifex entreprenant sur Ichar IV). Tout aussi évidemment, rien ne se passe comme prévu à partir de ce moment, les Scouts, le Thunderhawk qui devait évacuer les Ultramarines, et le vénérable Tomasin tombant tous sous le feu de l’ennemi, ce qui force Idaeus et ses compagnons à monter une défense désespérée du pont, le temps que 1) un autre transport arrive, et 2) quelqu’un trouve une idée brillante pour faire péter la passerelle, ce qui reste tout de même l’objet principal de la mission de nos marsouins énergétiques.

Je vous passe les longues scènes de baston dont nous gratifie McNeill, et qui permettent à Ventris de montrer qu’il en a dans le slibard, pour aller directement au moment où notre futur héros réalise qu’il suffit de déclencher une charge de démolition à proximité des explosifs posés par l’irrécupérable Tomasin pour déclencher une réaction en chaîne qui devrait provoquer les résultats escomptés. Petit problème, l’escouade de Space Marines d’Assaut envoyés réaliser cette mission se fait pincer en chemin par les Night Lords qui coordonnent la rébellion chaotique, et les incapables finissent crucifiés sur le pare chocs des Rhinos des fils de Curze pour leur apprendre la vie. Devant ce spectacle insoutenable, Idaeus et Ventris sont très colère, et cette rage leur permet de repousser l’assaut des renégats au prix de lourdes pertes. Alors que le deuxième Thunderhawk approche de la position intenable des Ultramarines, l’heure des choix arrive pour la bleusaille…

Début spoiler…Le noble Idaeus décide de partir faire exploser le pont à la mano, malgré ses chances de réussite quasi nulles, et ordonne à Ventris de mener les quatre rescapés de cette folle nuit, ainsi que son épée énergétique de maître, jusqu’au point d’extraction. Les cœurs gros, le Sergent s’exécute, et est témoin de l’héroïque sacrifice de son mentor dans les poutrelles et les travées du pont 2-4, la bande de Raptors laissée en garnison par les Night Lords ne parvenant pas à lui régler son compte avant que le Capitaine fasse feu avec un pistolet plasma dérobé à l’ennemi sur une charge de démolition laissée négligemment sur place1. C’est donc une victoire indéniable pour l’Imperium, et le début de la saga d’Uriel Ventris, qui héritera du commandement de la 4ème Compagnie à la suite de la campagne de Thracia.Fin spoiler

1 : On pourrait aussi se demander pourquoi les Night Lords n’ont pas détaché les explosifs laissés par le vénérable Tomasin sur les piliers du pont quand ils en avaient l’occasion. Encore une preuve que l’abus de Chaos est mauvais pour le cerveau.

AVIS :

Si l’idée de lire une nouvelle d’action dont le héros est un Ultramarines peut sembler intrinsèquement barbante à un lecteur de 2020, qui a sans doute pu pratiquer l’exercice à de nombreuses reprises grâce/à cause de l’obsession de la Black Library pour ce genre de productions, il faut être juste avec Graham McNeill et Uriel Ventris, et rappeler que ‘Chains of Command’ a été à sa sortie (2001) une des premières et plus abouties Space Marinades (saveur vanille) qui soient. Les innombrables ersatz et proxys publiés depuis ne l’ont pas aidé à bien vieillir, ni le style de l’auteur, ni les personnages mis en scènes, ni l’intrigue exposée n’étant particulièrement dignes d’éloges, mais le résultat n’est pas indigne pour autant. À l’époque où il est attendu d’un héros Space Marines un peu plus qu’un grade de Capitaine et une vague tendance à se poser des questions existentielles (ce qui était suffisant il y a 15-20 ans), je laisse le soin au lecteur de décider si une figure comme Uriel Ventris est toujours pertinente, ou bien s’il est temps d’accorder une retraite bien méritée à l’aïeul de tous les héros d’action énergétique de la Black Library.

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Missing in Action – D. Abnett [40K] – #27 :

INTRIGUE :

40K_Missing in ActionÀ peu près remis de son aventureuse traque du Necroteuch (‘Xenos’), au cours de laquelle il a débloqué le skin exclusif Buster Keaton, Gregor Eisenhorn a été remis en service actif par les Saints Ordos, qui lui ont donné une mission bidon sur Sameter pour lui remettre le pied à l’étrier en douceur. Comme quoi, on peut ordonner des Exterminatus sans sourciller et gérer ses subalternes avec une profonde humanité. L’affaire n’ayant rien donné, les enquêteurs s’apprêtent à plier bagage lorsqu’un ministre du gouverneur sollicite une audience pour avoir l’avis d’un expert reconnu sur une série de meurtres qui ont tout l’air d’être l’œuvre d’un culte chaotique. Les quatre victimes identifiées à ce jour ont en effet toutes eu les mains, les yeux et la langue enlevés (voire plus si affinités). Flairant un défi digne de ses talents, Greg’ accepte de reprendre le dossier, et commence sa petite enquête de voisinage en compagnie de ses associés (la Paria fashion victim Bequin, l’ex-Arbites Fischig, le pilote Betancore et le Savant Aemos).

Les interrogatoires des voisins, l’examen des cadavres des victimes et d’un suspect trop lent, les informations déterrées par Aemos et le flair éprouvé d’Eisenhorn ne mettent que quelques heures/pages à identifier une piste prometteuse, qui mène nos héros sur les traces d’un régiment de Sameter ayant combattu sur Surealis il y a une vingtaine d’années. Marqués autant par les horreurs du Chaos que par les rayons UV des soleils de ce système, les vétérans qui ont regagné leurs pénates lorsque le régiment a été débandé auraient basculé dans la psychose et se seraient mis à fliquer en douce leurs compatriotes, en faisant disparaître les individus suspectés d’hérésie. C’est l’hypothèse qui reçoit les faveurs grimaçantes d’Eisenhorn en tout cas, et qui le mène jusqu’au lieu de conscription du régiment en question, laissé depuis longtemps à l’abandon…

Début spoiler…Et où une trentaine de vétérans, se sachant traqués à titre préventif par les Arbites locaux après que l’Inquisiteur se soit ouvert de ses soupçons, se sont regroupés pour se rappeler le bon vieux temps. Le petit cœur sensible de Greg saigne devant le spectacle des délaissés de Sameter, abandonnés comme des vieilles chaussettes par l’Imperium à la fin de leur service, sans même une réserve de biaffine suffisante pour traiter leur peau carbonisée. Beau joueur, notre héros décide donc de raisonner ces brebis égarées et trop bronzées, mais fait un jet critique sur son jet de persuasion et l’affaire tourne rapidement au méchoui. Trop coriace pour être mis en difficulté par une bande de mobs de bas étage, Eisenhorn perd tout de même sa main gauche dans la bagarre, victime d’un tir de sniper à gros doigts malhabiles. L’affaire est toutefois résolue, et l’Inquisiteur peut retourner sur Gudrun avec la satisfaction du devoir accompli, et un sale goût de grimdark au fond du gosier.Fin spoiler

AVIS :

Petit interlude inquisitorial comme Abnett en a signé quelques uns au cours de l’écriture des trilogies ‘Eisenhorn’ et ‘Ravenor’, ‘Missing In Action’ voit Greg le missionnaire mener une enquête en deux temps trois mouvements en compagnie d’une bonne partie de sa clique (il manque Harlon Nayl et Kara Swolle, sans compter la barquette Ravenor), dans une ambiance empruntant plus au film noir qu’à la SF « spectaculaire » (pouvoirs psychiques et Xenos en folie). C’est simple, on pourrait assez facilement adapter cette histoire à notre époque, pour en faire un récit policier tel que Grange, Vargas ou Cohen pourraient en écrire. Tout cela est plus sympathique qu’essentiel, et permet de constater, si besoin était, que Dan Abnett est un auteur plus accompli que la plupart des auteurs de la BL, et est tout à fait capable de signer une nouvelle à la fois sans prétention et de très bon standing. À savourer sans modération pour les lecteurs familiers de la série, et à découvrir sans réserve par ceux qui ne le sont pas (encore).

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The Nagenhof Bell – J. Green [WFB] – #27 :

INTRIGUE :

WFB_The Nagenhof BellNotre histoire commence avec un paragraphe descriptif expliquant en quelques lignes aussi imagées qu’un mur de classe maternelle1 que, par une nuit sombre et sinistre, frappée par un temps sombre sinistre, et digne du sombre et sinistre dieu de la mort (qui est sombre et sinistre) Morr, un bâtiment sombre et sinistre – le temple de Morr de Nagenhof – est sur le point d’être témoins d’évènements… sinistres et sombres. Ha ! Vous ne l’avez pas vu venir, celui là ! Et, de fait, un trio de ruffians est surpris par le lecteur déjà un petit peu blasé par les effets stylistiques sombres et sinistres de Jonathan Green, très à l’aise dans son rôle de MJ pour CE2, en train de hisser une cloche en haut du beffroi du temple. Le groupe est mené par la figure contrefaite mais très musclée du bossu Otto, recueilli à sa naissance par le prêtre local, Ludwik, après que sa bohémienne de mère soit venue mourir en couches dans son presbytère. En même temps, what did you expect d’un temple de Morr ? Moi je dis que ce n’est pas du tout un fail, à l’inverse de la tentative de Green de pomper discrètement des idées dans des classiques de la littérature. Mais revenons-en à nos bourdons. Otto et ses comparses sont parvenus à installer la nouvelle cloche, qui luit d’un éclat verdâtre peu engageant, à la place de l’ancienne, et le bossu a tôt fait de se débarrasser de ses complices désormais inutiles, dont il empile les cadavres dans la crypte de son lieu de travail. Voilà qui termine le prélude de notre histoire, qui sera, comme vous l’avez compris, sombre et sinistre.

Trois jours plus tard, la bande de mercenaires du charismatique (c’est lui qui le pense en tout cas) Torben Badenov est à pied d’œuvre dans la taverne de la Main de Gloire de Nagenhof, tenue par un de leurs anciens frères d’armes, le manchot Dietrich Hassner. Rangé des voitures depuis dix ans, date à laquelle il a perdu la main, Dietrich se voit malgré tout proposer par Badenov de reprendre du service pour aller faire les quatre cents coups dans le Vieux Monde, comme à la bonne époque. Autour de lui, ses compagnons se pintent généreusement à la bière, et il me faut vous les présenter sans plus attendre, par ordre de participation active à la suite de la nouvelle. Commençons par le nobliau maussade mais futé Pieter Valburg, recruté dans la bande à la suite des événements relatés dans Heart of Darkness, qui l’ont vu venger la perte de sa fiancée. Nous avons ensuite le Kislévite à tête de fouine Oran Scarfen, le jeune et incertain Stanislav Hagar, et le colossal trappeur Yuri Gorsk (qui ne servira à rien, vous pouvez donc l’oublier). Ces plaisantes retrouvailles sont toutefois interrompues par un angélus d’un genre un peu particulier, à la fois lancé à l’heure indue de 9h53, et sonné par une cloche à la sonorité…euh…clivante. Sortis hors de la taverne pour s’enquérir de la source de ce raffut, les ivrognes décident, l’alcool aidant, d’aller jeter un œil dans le temple de Morr d’où provient ce vacarme.

Dans le temple en question, Otto vient d’avoir une petite discussion avec son père et Père, Ludwik, tout juste rentré d’une veille mortuaire dans l’arrière-pays. Le vieil homme était sur le point de filer une trempe de tous les diables à son fils adoptif pour avoir oublié ses corvées de taillage des cierges, balayage des feuilles et exterminage des rats, qui semblent avoir pullulé en son absence, lorsque le lancement du carillon funeste l’a averti d’un problème bien plus pressant. Un rapide coup d’œil à la crypte, grouillante de vermine et contenant deux cadavres bien mâchonnés par cette dernière, lui a en effet permis de constater que la cloche que les habitants de la ville avaient conservé comme souvenir de leur victoire contre les Skavens il y a dix ans, avait disparu. Pas plus bête que le lecteur de la BL moyen, Ludwik a compris que c’est elle qui sonne désormais, et que c’est son infernal bedeau qui tire sur la corde, dans tous les sens du terme. L’explication de texte entre les deux hommes ne s’est toutefois pas passée aussi bien que le prêtre l’avait espéré, le bossu ayant finalement compris que l’ecclésiastique était son vrai père (qui avait abusé de sa mère), et réglé son complexe d’Œdipe de façon littérale en balançant Ludwik du haut du beffroi, dans un remake essoufflé (le contraire d’inspiré) de Notre Dame de Paris. Car Otto a décidé qu’il était un furry, et compte bien se faire adopter par une nouvelle famille aimante de Skavens, qu’il convoque en faisant sonner la cloche hurlante municipale. Question : pourquoi ? Réponse : La Mer Noire. En tous cas, les ratons ont l’ouïe fine, et la marée murine qui a empli les rues de Nagenhof fait présager du pire pour les braves péquenauds.

Nous faisons alors un crochet dans les égouts de la ville, où une cohorte de Skavens menée par le chef de meute Nikkit Skar se dirige vers la crypte du temple, emportant avec elle le Rat Ogre Mâchecrâne. Vous pouvez oublier ces noms dès à présent, car ils ne reviendront plus de la nouvelle, Skar ayant bouclé son cameo et Mâchecrâne redevenant un Rat Ogre anonyme après cela. Contentons nous de nous préparer à un peu de baston sombre et sinistre.

Du côté des gentils, la bande de Badenov, suivie par Dietrich, est arrivée devant le temple, a constaté l’heure du décès de Ludwik, écrasé sur le pavé, ainsi que l’infestation ratière dont semble souffrir le lieu de culte. Prouvant à nouveau que son supérieur est une andouille, Pieter a la bonne réaction de monter dans le beffroi pour faire cesser le carillon, alors que Badenov souhaitait simplement poursuivre l’état des lieux. Toutefois, l’arrivée de l’avant-garde Skavens met un terme définitif à son projet, et il résout à la place de retenir les hommes rats à l’intérieur du temple en compagnie de Dietrich, pendant qu’Oran, Stanislas et Yuri y mettront le feu pour empêcher les mutants d’envahir la cité. Aussitôt dit… pas tout de suite fait. D’une part car les Nagenhofer ne se laissent pas immédiatement convaincre de la nécessité d’incendier leur patrimoine culturel, et qu’il faut un beau discours inspirant de la part de Stanislas pour les y pousser (l’approche injurieuse d’Oran ayant bizarrement donné des résultats contrastés). D’autre part car, après avoir contenu à grand-peine les premières vagues Skavens, Badenov et Dietrich se retrouvent confrontés à un Rat-Ogre très en colère, ce qui les pousse à une prudente retraite dans le beffroi. Heureusement pour eux, les assaillants sont aussi abrutis que notre héros, et ne profitent pas de l’occasion pour s’échapper du bâtiment en flammes, et préfèrent lancer leur monstre sur les talons des mercenaires. Un escalier qui s’effondre plus tard, Badenov est contraint de laisser Dietrich s’expliquer en tête à tête avec Mâchecrâne pendant que lui essaie de se rendre utile en s’enquérant du silence radio de Pieter. Ce dernier, d’abord surpris et presque garrotté à mort par Otto, a toutefois fini par prendre le dessus sur son assaillant, et l’a pendu par le cou jusqu’à ce que mort s’en suive, mettant fin à ses projets d’adoption. Aidé par son incapable de boss, il parvient à décrocher la cloche infernale de sa poutre porteuse, l’envoyant écraser le Rat Ogre en contrebas juste avant qu’il ne puisse donner le coup de grâce à Dietrich, qui mourra avec la satisfaction du devoir accompli. Ceci fait, il ne reste plus à nos deux loustics qu’à effectuer un petit saut de la foi dans une charrette de foin astucieusement positionnée par leurs comparses pour compléter leur mission, et la ruine totale du temple. Il serait cependant litigieux de revendiquer une victoire totale pour l’Empire, la cloche hurlante ayant cassé les oreilles (et pas que) de Nagenhof n’étant pas retrouvée dans les décombres fumantes le lendemain…

1 : Comprendre qu’il y a beaucoup d’images mais qu’elles sont vraiment pas terribles.

AVIS :

Tristement égal à lui-même, Jonathan Green livre avec La Cloche de Nagenhof une nouvelle aventure des plus insipides de sa bande de mercenaires fétiche. Pénalisée par le manque d’inspiration de l’auteur, qui recycle péniblement un classique de la littérature pour meubler son intrigue, ainsi que par le style lourd de Green (champion du monde des « comme (si) » et « eh bien »), l’histoire ne brille ni par le fond (mais pourquoi est-ce qu’Otto pensait qu’il serait accueilli à pattes ouvertes par les Skavens ?) ni par la forme (mais pourquoi est-ce que Green informe le lecteur que Dieter a perdu sa main en combattant Mâchecrâne dix ans plus tôt seulement deux lignes avant que les deux personnages ne se rencontrent à nouveau1 ?). Comme à son habitude, Badenov se révèle être un abruti fini, guidé par la sagacité de l’indispensable Pieter Valburg plutôt que par ses propres réflexions brumeuses, et quant au reste de sa bande, elle sert essentiellement de décor humain au drame qui se noue à Nagenhof, démontrant les lacunes qu’a l’auteur à faire évoluer un groupe de personnages de façon crédible et intéressante. Tout le monde n’est pas Dan Abnett ou C. L. Werner. En définitive, on retiendra simplement que Jonathan Green pourrait poursuivre Assassin’s Creed en justice pour plagiat du saut de la foi2, et que le titre de l’omnibus collectant les nouvelles de la bande de Badenov, « les damnés et les morts » tire son origine de la remarque que se fait son leader minimo à la fin de La Cloche de Nagenhof. Ce qui n’est pas lourd, certes.

1 : C’était pourtant un moyen facile et efficace de faire monter un peu la tension avant l’affrontement. Si Green avait écrit l’Hérésie d’Horus, on aurait appris que l’Empereur était le père de ce dernier au livre 59, pendant une discussion anodine entre Pépé et ses Primarques dans l’ascenseur les menant au téléporteur du Palais Impérial.
2 : La nouvelle ayant été publiée en 2001, 6 ans avant la première édition du jeu.

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Liberty – G. Thorpe [40K] – #27 :

INTRIGUE :

40K_LibertyÀ la suite des événements couverts dans le premier tome de la saga des Last Chancers (‘13th Legion’), le Colonel Schaeffer passe en coup de vent sur la planète prison de Ghovul pour y mettre au frais le seul survivant du concours de survie organisé par l’intraitable et intuable officier ces trois dernières années : Kage. Ce dernier, officiellement pardonné à la fin du roman mais ayant raté sa réinsertion en trucidant quelques officiers un soir de beuverie, s’est vu accordé une Lastest Chance par Schaeffer, bien conscient du potentiel de cette machine à tuer. Comme on peut s’en douter, cet épisode carcéral ne va pas se dérouler sans anicroche.

Outre le fait que la tour que partage Kage avec 200 autres gibiers de potence n’a rien à envier à la Talaudière, et que son compagnon de cellule, le velu et vorace Marn1, ronfle comme un Squig enrhumé, c’est surtout le manque d’activité physique et le sentiment d’abandon qu’il ressent au bout de quelques semaines qui fait péter les plombs à notre héros. Quand un de ses codétenus insiste lourdement pour avoir son tour avec le sac de frappe que l’ex-Légionnaire Pénal martyrise depuis trente minutes à grands coups de latte, Kage saute à la gorge du faquin et lui administre une correction terminale, fracassant quelques os chez les matons qui essaient de s’interposer au passage. L’administration pénitentiaire tenant à conserver le monopole de la violence (pas forcément légitime) dans son établissement, ce déchainement de violence vaut à Kage seulement quelques coups de knout, Schaeffer ayant explicitement ordonné au gouverneur Skandlegrist de trop endommager cet élément prometteur pendant son absence.

Cela ne décourage pourtant pas le K. de persévérer dans ses comportements séditieux. Dès que son dos en lambeaux a suffisamment cicatrisé pour lui permettre de regagner sa cellule, il commence à organiser une tentative d’évasion. Ayant récupéré une cuillère laissée sans surveillance à la cantine, il passe quelques nuits à l’aiguiser en secret sur les murs de sa cellule, avant de passer à l’action d’une façon aussi brutale que court-termiste (sa signature). Après avoir à moitié étouffé Marn avec son oreiller (bien fait) et perforé le poumon avec son scalpel de fortune pour faire croire aux matons que son compagnon de cellule faisait un œdème pulmonaire, Kage se fraie un chemin sanglant à travers les malheureux gardiens dépêchés dans sa cellule, puis grimpe jusqu’en haut de la tour en faisant monter son body count à un niveau stratosphérique. Seul point d’échappatoire du vincularum, le sommet est l’endroit idéal pour passer à l’étape suivant de cette grande évasion un peu improvisée, et fausser compagnie aux sbires de Schaeffer…

Début spoiler…Sauf que dans un Impérium d’un million de mondes, il est tout à fait possible de construire des prisons sur des planètes absolument vides. C’est ce dont Kage se rend compte lorsqu’il contemple le paysage lunaire et désolé de Ghovul qui s’étend jusqu’à l’horizon. N’ayant littéralement nulle part où aller, il se rend sans faire d’histoires lorsque la huitième vague de gardes chiourmes le met en joue, et se met à espérer du fond du cœur que Schaeffer vienne lui rendre visite sans tarder. Putain qu’il est blême, le HLM…Fin spoiler

1 : Qui s’appelle comme ça car il engloutit ses repas en trente secondes montre en main. D’où l’expression « Marn l’a avalé ».

AVIS :

Petite nouvelle de transition entre ‘13th Legion’ et ‘Annihilation Squad’, ‘Liberty’ nous offre une sorte de seul en scène de Kage, qui démontre de manière probante qu’il est vraiment un très sale type. La narration à la première personne et le ton décalé utilisés par Thorpe rendent toutefois son anti-héros assez sympathique, et le récit de ses mésaventures carcérales se lit sans problème. La conclusion de l’histoire ne surprendra pas les lecteurs familiers de la série, mais Thorpe garde son propos suffisamment court et rythmé pour que cette absence de suspens ne soit pas rédhibitoire. Ça passe.

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Totentanz – B. Craig [WFB] – #27 :

INTRIGUE :

WFB_TotentanzCapturé par le despote osseux mais éclairé Cimejez à l’issue d’une campagne en Arabie, l’émir Amaimon se retrouve entraîné dans un débat des plus étranges alors que son vainqueur lui fait l’honneur de sa collection personnelle d’antiquités (car Cimejez aime bien parler philosophie avec les vivants éduqués sur lesquels il peut poser la main) : qui des vivants ou des morts sont les meilleurs danseurs ? Chaque camp étant convaincu de la supériorité de sa race faction situation, un concours est organisé pour tirer les choses au clair une bonne fois pour toutes. Côté chair, Amaimon, qui s’y connaît un peu en magie, réanime la statue de la danseuse (Celome) dont la contemplation a mené à la dispute entre son hôte et lui. Côté os, Cimejez se fait représenter par un danseur macabre confirmé (mais anonyme).

Celome a l’honneur de commencer, et livre une interprétation flamboyante de la danse des sept voiles, représentation stylisée et burlesque de la lutte incessante de l’humanité contre les sept fléaux qui sont la faim, le froid, la maladie, la solitude, le deuil, la stérilité et Juul la mort. Bien que le public de Squelettes et de Zombies qui assiste à la représentation ne montre pas le moindre intérêt devant les contorsions dénudées de Celome, Amaimon reste confiant dans l’issue du duel. Après tout, c’est la danseuse elle-même qui fera office de jury, Cimejez lui ayant promis de prolonger sa vie (car le sort d’Amaimon ne marche qu’une seule heure) ou de la transformer en morte-vivante en fonction de son jugement final. Devant une telle alternative, il est évident que le choix est tout tracé, pas vrai ?

Début spoiler…Cependant, lorsque le champion du Roi des Tombes pénètre à son tour sur le dance floor, et malgré le caractère minimaliste de sa prestation (il fait le tour de la piste à tout petits pas pendant qu’un de ses potes joue une chamade au djembé), Amaimon réalise avec effroi que personne ne peut résister à ce tempo chaloupé. Tous les vivants assistant au concours, y compris Celome, se retrouvent bientôt engagés dans cette macarena macabre, et écopent d’un coup de faux fatal pour leur peine. Seul Amaimon, que Cimejez a maintenu de force sur son siège, survit à cette démonstration implacable de la supériorité chorégraphique des légions de Nagash, et sera donc condamné à servir ce nouveau maître dans cette vie et dans la suivante. Un pari est un pari.Fin spoiler

AVIS :

Pour son avant-dernière soumission à la GW-Fiction (à ce jour), Brian Craig marque définitivement sa sigularité par rapport au reste de ses co-auteurs en signant une courte nouvelle/fable/essai philosophique à la sauce med-fan, d’une violence stylistique absolue pour qui est habitué aux canons de la Black Library. Les premières pages en particulier, qui pourraient être tirées d’une dissertation dont le sujet serait « Existe-t-il une éthique de la mort ? », sont tellement différentes de ce à quoi on s’attend en lisant ce genre de prose qu’il est étonnant que les pontes de Nottingham n’aient pas tout bonnement refusé de publier cette nouvelle. Même si j’ai abordé ‘Totentanz’ en connaissance de cause, ce début sans concession m’a fait forte (si ce n’est bonne, car Craig a été plus « pédagogue » dans son approche par le passé, et je pense qu’il aurait pu faire plus d’efforts ici) impression.

La suite, si elle se révèle plus classique – encore que les concours de danse entre vivants et morts ne sont pas le sujet le plus fréquent de la GW-Fiction –, reste très marquée de la patte Craigesque, et permet à l’auteur d’illustrer avec son style si particulier l’opposition entre vivants ignorants et morts impassibles. Je ne suis pas sûr d’avoir compris la morale profonde de cette histoire (à part de ne jamais défier les Rois des Tombes à une battle), mais le déroulé du duel chorégraphique entre la pauvre Celome, qui aurait peut-être préférée rester statue, et Benjamin Milletarse est décrit avec suffisamment de détails par Craig pour que l’on sache de quoi il en retourne. À réserver aux fans les plus insatiables du vieux maître, et à (sans doute) laisser de côté pour les autres.

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Defixio – B. Counter [40K] – #28 :

INTRIGUE :

40K_DefixioNous embarquons à bord du Leman Russ Exterminator Defixio, rattaché à un contingent de Chem-Dogs de Savlar, au cours de la campagne menée par la Garde Impériale contre une Waaagh ! Ork sur le monde de Jaegersweld. Parmi les membres d’équipage, le jeune Samiel peine à se faire une place pour une raison aussi simple que stupide : ayant survécu par miracle à la destruction de son précédent véhicule de fonction, ses nouveaux camarades (Karra-Vrass, Graek, Damrid, Dniep et Kallin) considèrent qu’il a « consommé » toutes ses réserves de chance, et que cela va porter la poisse au Defixio. Un accrochage rugueux avec une bande de Bikers Orks, pendant lequel le tank hérite d’une belle balafre de coque et l’horrible Graek d’une balle perdue fatale, ne fait pas grand-chose pour les convaincre de réviser leur jugement.

Isolé en territoire ennemi, le Leman Russ déglingué doit maintenant se frayer un chemin jusqu’au camp impérial le plus proche, tenu par le 24ème régiment de Cadia. Cela représente près de trois jours de route dans un environnement hostile, mais, sans autre perspective, les Chem-Dogs se lancent à corps perdu et à tombeau ouvert dans ce raid de tous les dangers. Alors qu’ils avançaient à bon rythme, un champ de mines posées par des Orks farceurs les force à faire une halte dans la pampa, le temps que Samiel leur ouvre un passage en identifiant les explosifs, permettant au bricoleur Dniep de les désamorcer plus rapidement dans un second temps. Cet arrêt au stand prend une tournure funeste lorsqu’un autre Kult’ de la Vitess’ tombe sans crier gare sur le Defixio alors qu’il patientait en double file que Samiel ait fini sa petite affaire. Assistant de loin à l’attaque, ce dernier décide d’aider ses camarades par une action aussi brave que suicidaire : utiliser le pistolet lance-fusée qu’on lui avait remis pour attirer l’attention des peaux vertes. Et ça marche. Intrigué par la belle rouge tirée par notre héros, les Orks se ruent sur sa position, ne réalisant que trop tard qu’ils s’engagent littéralement en terrain miné. Le bouquet final qui s’en suit permet à la fois de se débarrasser des motards indésirables, et d’accélérer le processus de déminage débuté par Samiel (qui survit encore une fois miraculeusement à une situation improbable). C’est ce qu’on appelle un win-win.

Sans d’autres difficultés techniques ou autochtones grognons pour les empêcher de reprendre leur route, les hardis tankistes filent à toute berzingue vers la terre promise, et finissent par arriver à proximité du camp de leurs camarades de lutte. Encore une colline à passer, et ce sera la quille…

Début spoiler…Qui se transforme toutefois en tuile lorsque nos héros découvrent que le QG Cadien a été attaqué et squatté par une tribu d’Orks. Pour une culture qui s’enorgueillit tellement de tenir la ligne, c’est une faute professionnelle autant qu’éthique, si vous voulez mon avis. C’est surtout une cruelle désillusion pour les Chem-Dogs, qui se voyaient déjà engloutir leur pâtée bien méritée et se lover dans leur coucouche panier. Il faut toute la fortitude du chef de char Karra-Vrass pour remobiliser ses hommes et leur rappeler que leur devoir en tant que soldats impériaux est de mourir au combat en emportant le plus possible de Xenos avec eux dans la tombe. N’ayant c’est vrai rien de mieux à faire, les servants du Defixio reprennent du poil de la bête et livrent un combat homérique contre la patrouille d’Orks qui finit par les localiser. Submergé par les vagues vertes, le brave petit châssis finit par rompre sous les coups de boutoirs des Boyz, mais pas avant d’avoir clairsemé leurs rangs de manière drastique. Une fin honorable pour de telles crapules (et je ne parle pas des Orks)…

Début spoiler 2…Enfin, presque pour tout le monde. Fidèle à sa réputation de catalyseur de chatte, Samiel se débrouille une fois encore pour survivre à la baston, alors que tout le monde meurt autour de lui. Récupéré quelques heures plus tard sous l’épave carbonisée du Defixio par un bataillon de Cadiens qui passait dans le coin, le chien chimique le plus chanceux de l’univers en est quitte pour quelques semaines chez le véto, le temps que ses pattes brûlées cicatrisent. Il se fait la réflexion qu’il aura encore plus de mal à trouver une nouvelle unité de rattachement avec un casier aussi chargé que le sien, mais ce sera une préoccupation pour plus tard…Fin spoiler

AVIS :

Sans doute une des premières nouvelles « embarquées » (c’est-à-dire prenant place dans un char ou un aéronef) de la GW-Fiction, mais loin d’être la plus marquante ou intéressante de ce sous-genre, ‘Defixio’ permet au moins d’en apprendre un peu plus sur les Chem-Dogs de Savlar, l’un des régiments de Gardes Impériaux à l’histoire la plus particulière qui soit. Pour le reste, c’est de l’action très classique, avec un peu de camaraderie virile et quelques gros coups de chance pour napper le tout. Counter a fait mieux.

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Meat & Bone – R. D. Laws [WFB] – #28 :

INTRIGUE :

WFB_Meat & BoneQuelles que soient les latitudes sous lesquelles on vit, une constante demeure : la nécessité de gagner sa croûte. Le Vieux Monde de Warhammer Fantasy Battle ne fait pas exception, et parmi les choix de carrière s’offrant à ses habitants, certains sont plus exotiques que d’autres. Prenez le cas d’Angelika Fleischer par exemple : eh bien, notre héroïne a embrassé la voie de la pilleuse de champ de bataille, profession que l’on ne peut pas qualifier de noble, mais qui est tout à la fois nécessaire (le recyclage, c’est l’avenir1) et suffisamment lucrative pour permettre à Angie de subvenir à ses besoins. Et dans un univers aussi violent que WFB, le travail ne manque pas, la proximité du Col du Feu Noir fournissant à notre récupératrice experte de nombreuses opportunités de valoriser les possessions mortelles des malheureux cadavres jonchant l’arrière-pays du Reikland.

Alors qu’elle vaque tranquillement à ses occupations, Angelika est distraite par des appels à l’aide émanant d’un tas de cadavres soigneusement empilé par les Orques qui en sont responsables (quoi de plus logique pour des peaux vertes que d’avoir une fibre de même couleur ?). Pas tellement encline à aider son prochain du fait de sa nature éminemment pessimiste et d’une première expérience malheureuse avec un survivant peu reconnaissant aux débuts de sa carrière, elle décide tout de même d’aller s’enquérir de la source de cette nuisance sonore, ne serait-ce que pour être en capacité de la faire cesser, dusse-t-elle menacer de faire rappliquer les Orques qui rôdent dans les parages. Nous faisons alors la connaissance du malheureux Franziskus, d’une car son patronyme est d’un ridicule consommé2, et de deux à cause de son enfouissement quasi complet sous une montagne de barbaque en voie de décomposition, mauvais pas dont il ne peut se tirer sans la main secourable d’Angelika. Problème, cette dernière refuse tout net d’accéder à sa requête, préférant jouer la sûreté qu’améliorer son karma. Leur discussion, qui finit par déboucher sur des hautes considérations éthiques, est toutefois interrompue par l’arrivée d’une bande de peaux-vertes, déterminés à trouver un survivant impérial pour des raisons obscures. Surprise à découvert, Angelika n’a que le temps de se cacher sous une charrette retournée et se préparer à vendre chèrement sa vie, sûre qu’elle est que Franziskus indiquera à ses futurs collecteurs l’emplacement de la garce qui lui a refusé son aide. Elle est donc (agréablement) surprise par la fortitude et la bravitude du soldat, qui se laisse empaqueter par les Orques sans piper mot, permettant à notre héroïne de rester incognito.

L’histoire aurait pu s’arrêter là si Angelika était aussi dure qu’elle voulait le faire croire, mais bien évidemment, Miss Fleischer, sans doute tenaillée par sa conscience, dirige ses pas sur la piste des ravisseurs de Franziskus et assiste alors à un spectacle peu banal. En contrebas de la vallée, un char de fort belle taille est tracté par une foule de peaux-vertes enthousiastes. Sur la plateforme de ce véhicule, une colossale statue représentant un chef de guerre Orque a été placée, et cette dernière dispose, preuve des capacités cognitives, souvent sous-estimées, des peaux-vertes, d’un bras articulé terminé par un tout aussi imposant marteau. Le tableau est complété par un Big Boss patibulaire, dont le pied repose nonchalamment sur le sac contenant Franziskus. Pas plus bête que le lecteur moyen de la BL, ce qui veut tout dire, Angelika comprend que le malheureux prisonnier va être purée-ifié au cours d’une cérémonie marquant la prise de pouvoir du nouveau chef sur la horde de son prédécesseur. Ce qui est déplaisant, je vous l’accorde.

À son corps défendant, Fleischer finit par se rapprocher suffisamment du transpalette orkoïde pour pouvoir se dissimuler sous l’essieu de ce dernier, position inconfortable mais qui lui permet d’assister aux premières loges aux rites funéraires, particulièrement méconnus je dois dire, des peaux vertes. L’occasion pour le nouveau PDG de faire un petit discours très émouvant en la mémoire du défunt, de lui rouler une pelle, et de balancer son cadavre dans la foule enthousiaste, pour une ultime session de crowd surfing très orque dans l’esprit, puisque la dépouille du Big Boss sera consciencieusement démembrée par ses fans éplorés, chacun souhaitant conserver une relique du Lider Maximork. Alors que la cérémonie de passation est sur le point d’atteindre son parorksisme, avec Franziskus dans le rôle de la bouteille de champagne que l’on fracasse sur la coque d’un bateau lors de son baptême, Angelika croise le regard du Big Boss et n’a d’autre choix que de monter à son tour sur scène pour un interlude impromptu mais hautement comique, pendant lequel elle utilisera à bon escient le décor et la suffisance de son adversaire pour lui remettre les idées, et le crâne par la même occasion, bien à plat.

Dans la cohue monstre qui suit cette péripétie non prévue au programme, les deux humains parviennent à s’échapper sans se faire remarquer par la foule en délire, peu motivés à l’idée de mourir sur scène, comme leur infortuné partenaire d’impro. C’est le début d’une relation fusionnelle entre la Lara Croft des charniers et celui qui se considère désormais comme son obligé, qui ne sera pas sans rappeler celle du Capitaine Haddock avec son morceau de sparadrap ou du Loup avec Droopy. Méfiez-vous des gens qui veulent vous rendre service…

1 : On remarquera le caractère précurseur de Robin D. Laws, qui dès le tournant du 21ème siècle, souligna l’importance cruciale de l’économie circulaire. Angelika Fleischer, c’est la Greta Thunberg de l’Empire, en fait.
2 : Etant le 4ème enfant de ses parents, on supposera que ces derniers n’avaient plus d’idée de prénom convenable à sa naissance.

AVIS :

Personnage historique, mais discret, de la Black Library, Angelika Fleischer (bientôt rejointe par son sidekick Franziskus) fait ses débuts dans la carrière avec une petite nouvelle ma foi fort respectable. Cela peut sembler peu novateur aujourd’hui, où la représentation féminine, et des minorités en général, s’est considérablement développée dans les franchises de Games Workshop, et donc dans les publications de la BL, mais au moment de la publication initiale de cette histoire, au début des années 2000, Miss Fleischer était une création doublement originale, voire triplement si on prend en compte la profession très particulière que son auteur lui a dégoté. Le simple intérêt de lire une nouvelle sortant de l’ordinaire peut convaincre le lecteur de donner sa chance à cette héroïne d’un nouveau genre, mais l’intrigue en elle-même est suffisamment distrayante (même si on pourrait arguer que les Orques de Laws sont un peu datés de par la dimension comique qui ne les quitte pas vraiment d’un bout à l’autre du récit), à défaut d’être spectaculairement complexe ou épique, pour ajouter une autre raison de s’enquiller ce ‘Meat & Bone’.

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Barathrum – J. Curran [40K] – #28 :

INTRIGUE :

40K_BarathrumLorsque l’Inquisiteur Anselm est appelé par un vieil ami sur la planète de Barathrum pour élucider la série de morts violentes ayant endeuillé l’expédition de l’Adeptus Mechanicus en charge de l’excavation de la cité souterraine découverte à la surface de ce monde mort, il ne s’attendait pas à recroiser la route de son ancien mentor, Grogan. Les deux hommes se sont séparés en mauvais terme après une enquête bâclée sur Tantalus il y a bien des années de cela, à la suite de laquelle le puritain Grogan a déclaré un Exterminatus que son élève trouvait bien précipité. Guère enchanté par la présence de son collègue et néanmoins rival sur cette affaire sordide (rapport aux cadavres horriblement mutilés laissés par le tueur) et poussiéreuse (rapport aux interminables tunnels que nos héros passent la moitié de la nouvelle à parcourir), Anselm fait contre mauvaise fortune bon cœur et collabore en bonne intelligence avec Grogan, que le passage du temps n’a pas du tout adouci.

Une analyse poussée des victimes permet à Anselm, dont l’une des spécialités semble être la médecine légale, d’établir que ces dernières ont toutes été amputées d’un membre ou d’un organe différent, avec une précision chirurgicale qui plus est. Cette conclusion des plus sinistres passe au second plan lorsque les deux fins limiers des Ordos sont alertés par le Magos Explorator en charge de l’expédition (Eremet) qu’un portail gigantesque a été découvert par ses équipes. Scellé et couvert d’inscriptions écrites dans une langue indéchiffrable (à court terme tout du moins), l’édifice est également protégé par un champ électrique qui carbonise le premier Technoprêtre ayant eu la mauvaise idée d’y poser la méchadendrite. Pour le bouillant Grogan, cet incident est la preuve irréfutable que le Chaos est à l’œuvre sur Barathrum, et il s’empresse de suspendre les fouilles, au grand désespoir d’Eremet. Connaissant les méthodes employées par son ancien boss, Anselm se doute que les malheureux archéologistes ne tarderont pas à être soumis à un interrogatoire serré dont pas un ne sortira indemne. Cherchant à éviter à son vieil ami Cantor ce sort peu enviable, il poursuit donc les recherches de son côté… en piquant un somme. Dans un rêve que l’on peut qualifier de prémonitoire, il est mis en présence de l’Empereur en personne, fièrement juché sur sa chaise percée plaquée or, mais les traits aquilins du Maître de l’Humanité se transforment en ceux d’une hyène, et très mauvaise actrice avec cela1.

Ce pénible cauchemar est heureusement interrompu par l’arrivée d’Eremet, qui apporte à son hôte le résultat de l’expertise (expresse) réalisée par les savants de l’Inquisition sur le texte mystérieux gravé sur le portail récemment mis à jour. Comme on peut s’en douter, ce n’est pas la recette de l’aligot que les précédents habitants de Barathrum ont tenu à transmettre aux générations futures, mais un avertissement sans frais sur l’indicible (et illisible) menace dormant dans la crypte ainsi condamnée. Car ce n’est rien de moins que le Prince Démon Szarach’il qui patiente dans la cité morte, enfermé dans ce tombeau par les efforts de l’Inquisiteur Amaril il y a des milliers d’années. Grogan avait donc raison ! Mais d’ailleurs, où est-il ?

Eh bien, sur les lieux du crime pardi. Ayant surpris Cantor bravant le couvre-feu qu’il avait déclaré, l’Inquisiteur a suivi discrètement le Technoprêtre réfractaire jusqu’au portail interdit, et l’a chopé en train de se livrer à un rituel passablement chaotique. Il s’avère que le servant du Dieu Machine s’est fait hacker par l’esprit néfaste de Szarach’il, qui compte bien profiter de l’arrivée de l’expédition pour se faire la malle. Mais notre démon est très exigeant : alors qu’il aurait pu se contenter de posséder le premier humain passant à sa portée, comme le pauvre Cantor, il cherche également à se venger d’Amaril en infiltrant les rangs de l’Inquisition, et a pour cela besoin qu’un représentant des saints Ordos tombe sous son influence. Et tant qu’à faire, Anselm, qui est plus jeune et plus swag (il ne porte pas de moustaches) que ce vieux tromblon de Grogan, serait le candidat idéal. Tout cela nous est longuement raconté par un Szarach’il dont la passion pour le monologue de grand méchant ne présage rien de bon pour le succès de son entreprise…

Pour l’heure, Grogan croise le fer avec la terrible créature que Cantor a mis sur pied avec les organes de ses collègues… et l’abat sans trop de difficulté. Ce n’était toutefois qu’une diversion, permettant à un Cantor lévitant de desceller le portail et de libérer le terrible Démon… ou en tout cas son essence, qui s’empresse de posséder Grogan (Cantor s’écrase sur le sol comme une bouse et meurt après avoir présenté ses plus plates excuses). Sur ces entrefaites, Anselm arrive in da club et un (court) duel s’engage entre les deux Inquisiteurs. Ayant réussi à reprendre le contrôle de son corps pour un instant, Grogan décharge son hellgun sur le plafond en lave mi-cuite de la crypte, provoquant son enfouissement en même temps qu’incinération sous quelques tonnes/mètres cube de magma coagulé. Son sacrifice altruiste autant que le coup de moins bien de Szarach’il, qui ne parvient plus à sauter d’hôte en hôte comme il l’avait fait précédemment, permet de mettre un terme à cette escapade démoniaque, et de préserver l’Imperium d’une (sans doute) terrible menace.

1 : N’ayant qu’une version papier de cette nouvelle à disposition, je ne peux pas faire de capture d’écran pour prouver mes dires, mais sachez que l’apparition démoniaque interpelle notre héros somnolent de la sorte : “Anselm ! Anselm my servant, you have come to me. Anselm ! Anselm, Anselm ! Open the door!”

AVIS :

La tentative de Jonathan Curran de dépeindre les activités inquisitoriales ne s’avère guère probantes dans ce ‘Barathrum’ très moyen, qui explore plusieurs ambiances (slasher, thriller, roman noir, horreur…) sans réussir à s’en approprier aucune. Cette base bancale est de plus handicapée par le manque de maîtrise du lore de 40K par Curran, qui semble considérer les Inquisiteurs comme des détectives privés de choc, envoyés par leur hiérarchie enquêter en solitaire sur des affaires étranges. Pour ne rien arranger, les machinations de l’antagoniste sont inutilement complexes, et l’auteur ne semble même pas avoir pris le soin de se relire1. Ça fait beaucoup de problèmes pour une nouvelle qui peut être mis en comparaison avec les travaux inquisitoriaux, autrement plus réussis, de Dan Abnett, publiés pour les premiers d’entre eux à la même époque que ‘Barathrum’. Comme la nécropole d’où elle tire son nom, cette histoire mérite l’oubli profond dans lequel elle a été plongée depuis des millénaires.

1 : “The Inquisition is a tool” (Grogan, p. 9). “The Inquisition is not a tool” (Grogan, p. 23).

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Crimson Storm – D. Abnett [40K] – #29 :

INTRIGUE :

40K_Crimson StormAprès des années de conflits l’ayant menée à travers le Segmentum, l’escouade Damocles est enfin de retour sur la fière Ithaka afin de faire le plein de recrues pour regonfler ses effectifs sévèrement diminués. La vue de son monde natal suffit à arracher des larmes de tendresse au Sergent Priad, qui sous son allure de gros dur cache des petits cœurs sensibles, et le vivifiant air iodé qui baigne cette planète marine amène avec lui des effluves familières et chéries, comme le parfum si délicat de la bave de moule. Si si. Nos héros ne peuvent pas s’attarder trop longtemps cependant, car ils sont attendus dans la forteresse monastère du Chapitre, qui se situe – et c’est important pour la suite de l’hisoire – à la surface de la lune Karybdis, et non sur Ithaka même. Après avoir rituellement vidés leurs gourdes de potion magique (les Iron Snakes ne voyagent jamais sans une flasque d’eau de mer ithakienne) et confiés les cendres de leurs chers disparus au vent du large, les Damocles repartent en direction de l’orbite.

En tant qu’officier, il revient à Priad de se charger de tout l’administratif et il confère donc avec le Lexicanium Phrastus, qui sert l’Empereur comme chargé de support staffing (un champ de bataille des plus traîtres), au sujet des potentiels candidats qui pourraient renforcer son escouade. Si le sergent n’a aucune objection à ce que les meilleurs aspirants du Chapitre lui soit présenté pour qu’il jauge lui-même de leur qualité, il a en revanche une idée très précise de qui il souhaite recruter pour remplacer l’Apothicaire Memnes, mort au combat sur Ceres. Ayant appris que l’escouade Ridates avait été exterminée lors d’une campagne récente contre les forces du Chaos, ne laissant que l’expérimenté Khiron en vie, Priad comptait bien drafter ce dernier pendant le merkhato. Phrastus lui fait cependant comprendre à mots couverts que Khiron est intransférable, et qu’il devra se rabattre sur d’autres candidats. Notre héros reçoit le même son de cloche de la part du Maître de Chapitre Seydon, qui semble passer ses journées à errer dans les couloirs de sa forteresse à la recherche d’un public auquel raconter ses anecdotes sur le moindre Iron Snake ayant servi sous ses ordres au cours du dernier millénaire1. Il lui faudra cependant papoter avec son vieux poto Strabo pour avoir le fin mot de l’histoire : Khiron a eu un coup de folie et a mis un bolt dans la tête d’un frère de bataille qui se remettait de ses blessures dans l’infirmerie de la forteresse, sans aucune raison valable. Il languit depuis en prison dans l’attente de son jugement.

Cet étrange coup de folie de la part d’un vétéran chevronné comme Khiron intrigue Priad, qui décide d’aller lui rendre visite dans sa cellule pour avoir sa version de l’histoire. L’Apothicaire lui révèle alors qu’il a agi de la sorte car il était convaincu que le frère Krates avait été, à son insu, possédé par le démon responsable de la mort de l’escouade Ridates après que son ost ait été vaincu par les Iron Snakes. Khiron indique à Priad que la créature en question a une odeur particulière, et que c’est ainsi qu’il a acquis la certitude de la corruption de Krates. Le seul regret de l’Apothicaire est de ne pas avoir utilisé le feu purificateur pour « purger » son frère, car cela a permis au démon de s’échapper après la mort de son hôte et d’infecter un autre Iron Snake. Résigné à son sort, Khiron a demandé à être jugé par oethanar, une tradition du Chapitre à laquelle il n’y a pas d’issue heureuse : soit le suspect est dévoré par les grands wyrms d’Ithaka, auquel cas il est innocenté à titre posthume, soit il survit pendant six heures et est exécuté par ses frères à la fin de l’épreuve. Priad ressort de cet entretien troublé, mais ses obligations lui laissent peu de temps pour réfléchir à cette épineuse situation. Notons juste qu’il manque de se faire noyer dans la piscine chapitrale par les membres de l’escouade Phocis, à laquelle appartenait le défunt Krates, pour avoir osé discuter avec Khiron. Il faut l’intervention du Capitaine Skander, à laquelle Phocis est rattachée, pour empêcher Priad de finir avec la tête au fond du maillot de bain. Le harcèlement au travail, ce fléau qui n’épargne aucune organisation.

Le lendemain, alors que l’escouade Damocles supervise l’entraînement de ses nouvelles recrues au gymnase chapitral, Priad se fait éclater le pif par le bizut Dyognes au cours d’un duel au bâton. Pas de quoi perturber un Space Marine bien sûr, même si l’orgueil et le profil de notre héros sortent affectés de cet incident. A toute chose malheur est bon cependant, car cette péripétie ouvre grand les chakras (et les narines) de Priad, qui sent une odeur particulière flotter dans le dojo. Pas de la sueur transhumaine (encore que), mais quelque chose d’autre, qui ne peut être que le parfum démoniaque auquel Khiron a fait référence ! N’écoutant que son instinct et son blaze ensanglanté, Priad se rue sur l’individu dont émane l’horrible fumet, et qui se révèle être le Capitaine Skander. Pas le temps d’expliquer ce qui ne serait de toute façon pas compris par le tout-venant, notre impulsif héros compte sur l’esprit de corps de son escouade pour ne pas se retrouver seul contre dix, et finit par tout bonnement immoler le pauvre Skander sans autre forme de procès (on s’entraîne au lance-flammes en indoor chez les Iron Snakes). Stupeur et terrassement chez les serpents de fer, estomaqués par le coup de folie de Priad. Fort heureusement pour ce dernier, le démon qui possédait bien Skander a l’obligeance de se matérialiser lors de la combustion de son hôte, ce qui permet de blanchir rapidement le Sergent homicidaire. L’un est cuit, l’autre cru, c’est beau tout de même.

Le happy end devra toutefois attendre, car la situation de Khiron reste des plus précaires. Le jugement de l’Apothicaire a en effet été avancé sur l’ordre de Skander, et le condamné est déjà en train de se morfondre sur son roc en pleine mer, tel un Andromède du 41ème millénaire. L’affaire est tellement urgente que l’escouade Damocles ne prend même pas le temps de se changer, et part donc pour Ithaka en yoga pants et marcel sauver les miches de Khiron. Pourquoi passer un coup de fil pour régler une question de vie ou de mort quand on peut faire la route soit même, hein ? Autre détail amusant, le vaisseau qui emmène notre bande de gais lurons sur Ithaka est apparemment infoutu de faire du vol stationnaire à proximité de l’îlot où Khiron poireaute. Trop de vent, pas assez de visibilité, la totale. Qu’à cela ne tienne, Priad saute dans son zodiac de fonction et fend la houle pour collecter son loot secourir son camarade. Vous vous en doutez, les grands serpents de mer d’Ithaka se joignent aux réjouissances pour offrir un final à suspens à cette aventure. Malgré des dimensions fort respectables (et parfois assez rigolotes…), les wyrms ont la politesse de ne boulotter que des personnages non nommés, et de perdre la moitié de leur HP à chaque fois qu’un harpon les touche, ce qui permet à Khiron d’échapper à son funeste destin. Cette andouille manque de mourir lors de son plongeon pour rejoindre l’embarcation de Priad, mais c’est une autre histoire.

Au final, l’escouade Damocles peut repartir pacifier la galaxie au nom de l’Empereur à pleine capacité, ce qui est bien, et des gourdes remplies à ras bord d’eau de mer made in Ithaka, ce qui est encore mieux.

1 : On apprend au cours du dialogue entre Priad et Seydon que c’est ce dernier qui a permis à Damocles de former l’escouade qui porte son nom. Dans ‘Red Rain’, Priad se rememore la lignée de sergents ayant porté la griffe éclair de Damocles depuis cette époque, une liste qui comprend au moins une dizaine de noms et remonte à plusieurs générations !

AVIS :

Si, en toute objectivité, Dan Abnett s’améliore sensiblement dans sa saga Iron Snakes avec cette quatrième nouvelle, je dois avouer qu’il était déjà trop tard pour moi à ce stade, et je n’arrive pas/plus à prendre les héroïques aventures du Sergent Priad et de l’escouade Damocles au sérieux, comme la teneur de résumé ci-dessus vous l’a peut-être fait remarquer. Entre les rites débiles, les informations fluffiques grotesques et les personnages hors sol, difficile de prendre ce ‘Crimson Storm’ au premier degré, et cela même avant de se pencher sur les défauts plus structurels de cette nouvelle, comme l’identification totalement WIJH du possédé1, ou les prises de liberté avec le background quand cela sert l’intrigue (il n’y avait pas de Land Speeders disponibles pour évacuer Khyron de son rocher, plutôt que de jouer un remake philippin de ‘Moby Dick’ ?). Dans l’absolu, Abnett arrive à condenser en une quinzaine de pages une mini-enquête policière avec un final à spectacle, relevés par une dose généreuse de character development et saupoudrés de fluff, ce qui n’est pas à la portée de n’importe quel contributeur de la Black Library. S’il s’était donné la peine de soigner son travail, cette ossature solide aurait pu déboucher sur une de ses toutes meilleures soumissions… mais ce n’a pas été le cas ici, pour les raisons évoquées plus haut. La preuve que même les meilleurs peuvent avoir des coups de moins bien, ou une motivation défaillante.

1 : Et pourtant Abnett sait comment construire des nouvelles de type polar beaucoup plus abouties, comme ses travaux inquisitoriaux le démontrent. Je reste persuadé qu’il n’avait juste pas envie de se donner à fond sur cette série, et l’a fait clairement sentir à ses commanditaires… qui n’ont rien vu, ou rien voulu voir.

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The Doom That Came to Wulfhafen – C. L. Werner [WFB] – #29 :

INTRIGUE :

WFB_The Doom that Came to WulfhafenC’est une nuit particulière qui commence pour le jeune Karel, pêcheur comme son père (et la chaîne entière de ses aïeux) avant lui. Ayant atteint l’âge de la majorité dans le coin paumé de l’Empire où il habite, il lui est demandé de participer pour la première fois à un rituel très important dans la vie du village de Wulfhafen : la chasse à la galinette cendrée le naufrageage de navires passant le long du cap où le hameau a été fondé, il y a de cela bien des siècles, par le pirate Wulfaert. Pour Karel, conscient des activités illicites des hommes de Wulfhafen depuis sa prime enfance, mais dont le quotidien consistait jusqu’ici à ramener des casiers de homards (l’autre spécialité locale) à la surface, le changement est brutal. Accompagné par son vieux papa (Gastoen), il vient donc donner un coup de main à l’entretien du feu de joie géant que les villageois ont allumé sur la plage, sous le regard sévère de Vetyman, chef naufrageur en fonction du fait de son ascendance (il est le petit-petit-petit-fillot de Wulfaert) et de la rapière de belle facture qui pend à sa ceinture. Le stuff, c’est important.

Pour cette première nuit de la saison, les attentes de nos hardis pêcheurs sont assez faibles, mais Manann leur sourit toutefois en leur envoyant un navire au capitaine un peu trop naïf pour espérer triompher des eaux et des mœurs traitresses du coin. Attirée sur les brisants par ce qu’il croyait être la lumière et la corne de brume d’un phare, l’embarcation finit promptement éventrée par les récifs affleurants, et le vrai boulot des naufrageurs peut commencer. Par petits groupes, ils parcourent la grève à la recherche d’objets de valeur rejetés par les vagues, et n’hésitent pas à mettre fin aux souffrances des quelques survivants trempés jusqu’aux os qui ont la malchance d’arriver jusqu’à la plage avec un pouls. C’est ainsi que Karel est témoin du meurtre de sang froid d’un jeune homme échoué sur les galets en compagnie de son livre de croquis, commis par Gastoen et son vieux pote Emil à grand coups de hache et de gourdin. Ne pleurez pas trop sur son sort, car le bougre arborait un médaillon à la gloire de Tzeentch autour du cou. Le carnet contient des dessins de la faune et de la flore de ce qui semble être la Lustrie, et comme des specimens de plantes inconnues finissent par trouver leur chemin jusqu’au rivage, il ne faut pas longtemps au sagace mais traumatisé Karel pour établir que le navire coulé ce soir ramenait des specimens locaux à fin d’études sur le Vieux Monde.

La bonne humeur générale qui règne autour du brasier est toutefois mise à mal lorsque le dénommé Bernard arrive en hurlant auprès de ses comparses, et leur annonce que son frère Claeis, avec lequel il inspectait la ligne de marée, a été happé par un monstre sorti des vagues. Paranoïaque comme tout bon chef de bande de criminels se respectant, Vetyman ne croit pas un mot de ce récit et se convainc au contraire d’une magouille entre frangins afin de dérober une trouvaille digne de ce nom au partage collectif. Les patrouilles envoyées sur place pour vérifier la version de Bernard ne donnant rien, il décide d’aller interroger le lanceur d’alerte de manière serrée dans la maison commune du village, afin de lui faire cracher la vérité. Peine perdue, car Bernie n’en démord pas, même sous la torture : un démon est apparu à Wulfhafen…

Début spoiler…Sa version est corroborée par un autre témoin, hélas pas plus crédible que lui aux yeux de Vetyman : la femme alcoolique et mythomane du pêcheur (et philosophe) Enghel, Una. La vieille débarque comme une furie en plein interrogatoire pour annoncer à la cantonade que son mari a été attaqué et estourbi par un monstre de la taille d’une maison. Ses déboires avec de mystérieux Gobelins invisibles, une fois qu’elle avait forcé sur le rhum, étant encore dans toutes les mémoires, les hommes de Wulfhafen ne la prenne pas vraiment au sérieux, et seul un naufrageur consent à aller inspecter les lieux de la disparition d’Enghel pour établir la réalité des faits. Lorsqu’il revient, l’assistance ne peut manquer de remarquer les profondes entailles qui lui déchirent le dos, ainsi que son décès soudain après qu’il ait fait trois pas dans la salle commune. Il semblerait bien que les versions de Bernard et d’Una aient un fond de vérité, après tout.

C’est le branle bas de combat dans le village, et la petite armurerie constituée au fil des saisons de naufrage de navires est vidée pour l’occasion. Menée par Vetyman, la foule en colère retourne sur les lieux de la disparition présumée d’Enghel, et se retrouve confrontée à un authentique Kroxigor, que la météo locale, bien plus frisquette que la chaleur lustrienne, a rendu très soupe au lait. Il semblerait que le navire envoyé par le fond n’avait pas que des échantillons de plantes dans sa cale… Bien que les humains disposent de l’avantage du nombre et de l’intelligence, la force brute et la vitesse de pointe du gros lézard sont suffisantes pour remporter ce match d’une manière éclatante et passablement sanglante. Les survivants se replient en panique dans la salle commune, où est conservée l’huile utilisée pour allumer les brasiers naufrageurs : il s’agit sans doute de la dernière chance de terrasser ce monstre, insensible aux attaques perçantes et contendantes des locaux.

Malheureusement pour les Wulfhafenois, Kroxy vient toquer à la porte avant que les préparations ne soient terminées, et le massacre reprend de plus belle. Karel voit mourir son père sous ses yeux, rapidement suivi par Vetyman, éventré d’un coup de griffe après avoir aspergé le lézard d’huile. Dans la confusion, le jeunot a le temps de balancer une torche sur la bestiole enragée avant de s’eclipser en barricadant la porte de la salle, condamnant le Kroxigor à une combustion fatale. Cet épisode traumatisant a toutefois eu raison du poids de la tradition chez Karel, qui décide de partir dès le lendemain pour Marienburg afin de rejoindre le temple de Manann et d’expier les crimes de son village. Ou peut-être ne tenait-il pas à tout nettoyer (presque tout seul) après cette nuit de folie ? L’histoire reste silencieuse sur ce point…Fin spoiler

AVIS :

C. L. Werner nous offre une petite déclinaison med-fan du thème classique du village de naufrageurs, punis de leurs mauvaises actions par l’arrivée d’un monstre sanguinaire (ici Bob le Kroxigor). Si l’intrigue suit un chemin assez convenu, j’ai particulièrement apprécié la complexité que Werner a donné à ses personnages principaux, à commencer par Vetyman qui se révèle être un véritable anti-héros, à la fois détestable par ses actions (perpétuer la tradition de ses naufrageurs d’ancêtres, torturer un de ses camarades parce qu’il ne croit pas à ses histoires) et meneur courageux, charismatique et plein de ressources de sa bande de ruffians. On appréciera également les références faites par l’auteur à la geek culture dans son récit, depuis le nom de la nouvelle (un clin d’œil à ‘The Doom That Came To Sarnath’ de H. P. Lovecraft1) jusqu’aux dialogues entre personnages. Une soumission très solide de la part de l’homme au chapeau2.

1 : On peut d’ailleurs noter que le choix de Werner de faire d’un Kroxigor échoué la Némésis des villageois de Wulfhafen est en cohérence avec le « grand lézard d’eau », le qualificatif du dieu Bokrug qui détruit Sarnath dans la nouvelle de Lovecraft.
2 : Ma seule remarque négative portera sur la mention, inexpliquée pour autant que je puisse le dire, du médaillon marqué du symbole de Tzeentch que le dessinateur massacré par Gastoen et Emil arborait autour du cou. Un petit Easter egg destiné à souligner que de grands changements n’allaient pas tarder à se produire à Wulfhafen ?

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Bad Medicine – J. Green [NDA] – #29 :

INTRIGUE :

NDA_Bad MedicineDans les ténèbres – forcément très sombre – du sous monde de Necromunda, un agent de Nurgle a conclu un marché avec un bonimenteur de grand chemin, le « docteur » Ludvan Marvo, afin de propager la redoutée peste neuronale parmi la population locale. Le moyen de diffusion est redoutablement efficace, puisque c’est dans l’elixir miracle que Marvo propose aux foules crédules de ce Far West urbain que des probiotiques assez carabinés ont été injectés. Trois communautés ont déjà été ravagées par le mal, et leurs habitants transformés en Zombies de la Peste, mais le Porteur de Mort a.k.a. le Faiseur de Cadavres a.k.a. le Seigneur des Os a.k.a. le Roi de la Peste a.k.a. le Marchemort a.k.a. le Preneur d’Âmes a.k.a. Joe le Pilier ne compte pas s’arrête en si bon chemin. Il donne donc un refill à son sbire, et lui donne carte blanche pour la suite des opérations.

Heureusement pour la lie necromundesque, les manigances du vilain prouteux vont se trouver contrecarrées par l’intervention du seul et unique Nathan Creed, qui débute la nouvelle en charmante compagnie à l’étage du saloon de Tunner Town, avec sa bonne amie Maisy-Lou. La torpeur post-coïtale du pistolero des bas fonds est alors brutalement interrompue par une fusillade nourrie au rez de chaussée. N’écoutant que son instinct de héros de bas étage, c’est donc très logiquement que Creed quitte son lit d’amour et se rue en contrebas, où sa maestria pistolière a tôt fait de refroidir définitivement les ardeurs homicidaires de l’ahuri au lance-plasma qui arrosait le voisinage. Après identification, il s’avère que le coupable était un marginal sans feu ni lieu, et l’examen de sa dernière planque permet à notre héros de mettre la main sur une bouteille à moitié vide portant la mention de Panacée Patentée du Dr Marvo. Une discussion avec ce bon vieux Doc Haze (‘Firestarter, ‘Boyz in the Hive’), opérant comme coroner local le temps de se faire oublier, révèle également que le forcené (Plaz Tyburn) était en train de se transformer en Zombie de la Peste, précisément à cause de son ingestion répétée du cordial miraculeux. Jamais le dernier à investiguer des affaires louches, Creed décide de remonter la piste en se rendant jusqu’à Ferro’s Gulch, ville dont Tyburn revenait après avoir travaillé dans une ferme de fungis locale.

Comme on peut l’imaginer, la visite de courtoisie tourne vite à la foire d’empoigne. La faute au succès retentissant du bon docteur Marvo lors de son dernier passage dans la bourgade, qui a eu pour conséquence de transformer la totalité de la population en figurants de Zombicide : Dead or Alive. Creed s’amuse comme un petit fou avec ses pétoires, ses grenades et sa moto (les chevaux sont rares à Necromunda), et après avoir « sécurisé » le périmètre dans la mesure du possible, il décide de rattraper Marvo avant que ce dernier n’ait pu écouler sa came(lote) dans une autre ville, en suivant pour cela les traces laissées par son chariot. Notre héros arrive à point nommé pour ruiner le groove de l’empoisonneur, qui venait de miraculeusement faire remarcher un paralytique devant une foule ébahie. Quelques tirs de sommation font fuir les badauds, laissant Creed faire face à Marvo et sa bande de sbires, qui ne tient évidemment pas longtemps face aux prouesses ballistiques de notre héros. Assez toutefois pour laisser le temps au Docteur Maboul de s’enfuir à bord de sa carriole, ce qui permet à notre nouvelle de se terminer par une course poursuite trépidante et pétaradante. Au final, et comme on peut s’y attendre, Creed parvient à stopper sa proie d’une acrobatie taumekrouzienne, et Marvo finit empalé sur l’aiguille de la seringue qu’il réservait à son poursuivant. Comme la seringue en question contenait un concentré du poison dilué dans sa pernicieuse panacée, Marvo se décompose littéralement sur pied avant que le gunslinger n’ait pu lui mettre la main au collet et le morigéner bellement sur la mauvaiseté de ses actions. He got a taste of his own medicine, comme on dit à Nottingham. Notre propos s’achève sur un plan fixe sur l’horrible Joe le Pilier, qui jure intérieurement vengeance contre cet empêcheur de polluer en rond de Creed. Nul doute que ces deux là finiront par se croiser pour mettre les poings sur les scies…

AVIS :

Je ne m’attendais pas à grand-chose avec ce ‘Bad Medicine’, nouvelle de Nathan Creed oblige, mais je dois reconnaître que cette pilule là a été assez facile à avaler (see what I did here ?). Le scénario tient plutôt la route et n’est pas défiguré par des plot holes de la taille d’un cratère d’obus, le rythme est soutenu sans virer dans le frénétique, Green arrive à positionner cette petite aventure dans la chronologie creedienne à travers un cameo du bon docteur Haze et un rappel des épisodes précédents, les personnages sont toujours aussi clichés mais font illusion pendant les dix pages que dure la nouvelle, et on a même le droit à un peu de fluff en bonus. Si tous les épisodes de la geste du deuxième pistolero (sur deux, derrière Kal Jerico) le plus célèbre de Necromunda était du même acabit, l’humanité en serait sortie grandie. Contentons-nous de faire de ‘Bad Medicine’ le prime du chasseur d’icelles (celle-là est plus dure, je l’avoue), et restons-en là.

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Three Knights – G. McNeill [WFB] – #29 :

INTRIGUE :

WFB_Three KnightsLes trois frères Massone, Luc, Fontaine (?) et Belmonde (!?!), ont entrepris une quête d’aucuns considèreraient comme ambitieuse, pour le dire poliment : purger à eux seuls les ruines du Fort du Sang, autrefois bastion des tristement célèbres Vampires Dragons de Sang, et soigneusement évité par tous les voyageurs sains d’esprit depuis sa destruction il y a des décennies. Cette idée chevaleresquement stupide est celle de l’aîné du trio, Luc, qui s’est taillé une réputation de bretteur sans égal d’un bout à l’autre du Vieux Monde. Ses cadets (et par vertu de leur noms débiles, side kicks) ont accepté de lui prêter main forte dans son entreprise hardie, bien que ne disposant pas d’un pedigree aussi ronflant que Lulu. D’ailleurs, Belmonde n’est même pas encore un véritable chevalier du Royaume, ce qui vous situe le niveau moyen de la fine équipe.

Après avoir fait leur arrêt réglementaire dans le village bretonnien puant et boueux (Gugarde) situé sur la route du Fort, et avoir tout aussi réglementairement refusé d’écouter les sages conseils du vétéran couturé qui picolait à la taverne locale, et avait pu en son jeune temps se rendre compte par lui-même qu’un Vampire n’était pas un adversaire à prendre à la légère1, les frangins repartent le lendemain avec un guide en direction de la forteresse maudite. Les choses sérieuses et mortelles commencent réellement à la tombée de la nuit, lorsque les quatre montagnards amateurs se font attaquer par une meute de loups funestes, qui croquent prestement le guide et la mule de bât de l’équipe. Une nuit passée à prélever de la biodiversité pourrissante, et une journée à peiner dans la neige et le froid plus tard, c’est enfin le Fort du Sang qui se présente devant nos héros, qui entrent prestement se mettre au sec et se remettre de leurs émotions.

Guidés par Luc jusqu’à la salle des festins de la bâtisse abandonnée, les frères Massone se font cueillir comme des bleus par une vague de squelettes s’étant animés à la nuit tombée, et qui voient d’une mauvaise orbite trois punks à cheval venir squatter chez leurs ex-patrons. La quantité venant toujours à bout de la qualité, les chevaliers se font acculer dans un coin de la salle, et Fontaine finit embroché comme un döner kebab, au grand désarroi de ses frérots. Luc prend alors sa grosse voix et exige à parler au(x) directeur(s)… ce qui fait battre en retraite les squelettes et arriver un trio de Dragons de Sang, plus intrigués par la déclaration du paladin qu’il a réussi à tuer l’un des leurs qu’animés de chrétiennes (et pour cause, c’est pas le bon univers) intentions envers leurs hôtes du soir…

Début spoiler 1…Ayant prouvé ses dires en solotant une des brutes qui lui avait mal parlé, Luc abat ensuite ses cartes en décapitant en traître Belmonde, afin de prouver aux Dragons de Sang qu’il possède à la fois le talent martial et la fibre morale, ou plutôt son absence, nécessaires pour rejoindre leur ordre. En effet, le chevalier désire bénéficier de la vie éternelle dont disposent les Vampires, et ses grands discours de purge du Fort du Sang n’étaient en fait qu’une ruse pour attirer ses idéalistes de frangins jusqu’au repaire des fils de Harkon. Interloqué par cette demande excentrique, le Kastellan finit par s’exécuter et s’approche de Luc pour lui donner le baiser de sang…

Début spoiler 2…Ou plutôt lui cracher dans la jugulaire, car on se rend compte lors de l’attaque punitive sur Gugarde qui termine la nouvelle que le fier et brave chevalier s’est reconverti, contre sa volonté sans doute, en nécrophage ahuri. Pas le plan de carrière auquel Luc aspirait, mais une salutaire, si définitive, leçon de modestie inculquée à ce dernier par les très select Dragons de Sang. Après tout, le Roy dit nous voulons…Fin spoiler

1 : En bonus, Fontaine et Belmonde participent à la soirée open mic’ en reprenant leurs rôles de plus mauvais duo d’acteurs du Monde qui Fut.

AVIS :

Nouvelle très solide de la part de Graham McNeill, ‘Three Knights’ offre un concentré de grimdark à la sauce WFB à son lecteur à travers les péripéties plus ou moins chevaleresques de ses héros. En plus de mettre en perspective la proverbiale droiture des paladins de Bretonnie, qui tient finalement assez souvent de la légende urbaine rurale, cette nouvelle dispose d’une intrigue bien pensée et mise en place (une deuxième lecture de ‘Three Knights’ permet de repérer les jalons laissés par McNeill au cours des premières pages pour préparer sa conclusion), ainsi que d’une chute impeccable en termes d’exécution. Peut-être le meilleur court format de cet auteur pour Warhammer Fantasy Battle.

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In Remembrance – D. Abnett [40K] – #30 :

INTRIGUE :

40K_In RemembranceCommissionné par la Maison Chass de Vervunhive pour réaliser une statue commémorant l’héroïsme des Gardes Impériaux du Premier & Unique de Tanith (et seulement eux, feth les Narmeniens), le sculpteur Jeshua Thoru débarque dans les ruines de la ruche de Vervunhive peu de temps après la défaite des cultistes de Ferrozoica et la levée du siège de la spire. Autorisé à cotoyer les farouches et odoriférants Fantômes afin de prendre la mesure de ses sujets, notre artiste en sera quitte pour une plongée des plus réalistes dans la dureté de la guerre urbaine.

Accueilli à son arrivée par nul autre que le Colonel Corbec et quelques troupiers, Thoru commence son immersion par une visite à l’hopital militaire où Gaunt se remet péniblement de son tête à tête intense avec l’Héritier Asphodel. Sur le chemin, il commence à percevoir la grandeur d’âme des Tanith sous leurs abords débraillés, lorsque Corbec se met à lui parler de « ses vieux » avec des trémolos dans la voix tandis que Varl distribue altruistement des barres de ration aux orphelins de guerre. Let this man give his cookies, ou quelque chose comme ça. Un peu plus tard, le sculpteur est placé sous la large et poilue aile de Bragg, le temps d’une patrouille de routine dans le no man’s land de Vervunhive, dont le but est de traquer les derniers survivants de l’ost chaotique. Une activité tout à fait appropriée pour un commémorateur (qui s’ignore), et parfaitement sans danger, bien évidemment1.

Bien évidemment, l’escouade tombe dans une embuscade fomentée par les perfides Ferrozoicans, et, bien que Thoru prouve son utilité à deux reprises, d’abord en identifiant la position initiale de l’ennemi (pas aussi doué que les Tanith pour camoufler leur présence), puis en réparant sur le pouce le lance-flammes de Brostin, il ressort durablement marqué par l’expérience, et notamment la mort tragique d’une des seules victimes possibles d’Abnett, qui ne tuait pas encore ses personnages nommés à l’époque où prend place cet épisode2. Cette découverte sans filtre de la brutalité de l’existence des Gardes Impériaux plonge notre innocent Pygmalion dans les affres des PTSD, dont il parvient cependant à s’extraire en deux deux devant le magnifique esprit de corps dont font preuve les Tanith, et la dévotion manifeste qu’inspire le Commissaire Gaunt, veillé par une foule de fans transis de Verhunhive venant tout juste de s’engager sous les drapeaux pour ses beaux yeux3… qu’il ouvre d’ailleurs au moment même où Rawne vient lui faire une déclaration d’amour toute chimènique4. Cette brève immersion sera suffisante pour lui permettre de créer ce qui deviendra son chef d’œuvre, une statue de Garde Impériale coulée dans le métal des armes des béligérants de la batailled de Vervunhive, empruntant à chacun des Fantômes rencontrés par l’artiste durant son stage ouvrier. Passant, va dire à Terra que nous gisons ici pour avoir obéi aux ordres…

1 : Sauf pour les pauvres troupiers participant à la patrouille n’ayant pas la chance d’être des personnages nommés. Voyons voir… Bragg (non), Larkin (non), Milo (non), Brostin (non), Domor (non), Feygor (non), Baffels (non), Doyl (non), Yael (possible) et Mktag (possible). Et, guess what ?
2 : Mais qui avait déjà commencé à le faire au moment de l’écriture de cette nouvelle, comme il le fait perfidement remarquer au détour d’une phrase.
: Du temps où il en avait encore, mais je m’égare…
4 : « Va, je ne te hais point » devenant « Guéris crevard, que je puisse te tuer moi-même ». C’est beau tout de même.

AVIS :

Dans la saga des ‘Fantômes de Gaunt’, la défense de Vervunhive (‘Necropolis’) constitue l’un des épisodes les plus marquants, notamment parce qu’elle se traduit par une injection de sang neuf dans le régiment : Kolea, Soric, Daur, Criid, Curth… Autant de personnages faisant leur entrée dans le 1er et Unique à l’occasion de cette épique bataille urbaine, et considérés par de nombreux lecteurs comme aussi importants que les natifs de Tanith. Par ailleurs, ce roman, ainsi que celui qui le suit (‘Garde d’Honneur’) constituent ce que je considère comme étant l’Âge d’Or des Fantômes, ou la période bénie où toute notre petite galerie de bidasses vécut heureuse et (relativement) tranquille, avant qu’Abnett ne se mette à assassiner ses créations, choix compréhensible mais traumatique pour les fans que nous sommes.

‘In Remembrance’, parce qu’il se situe dans la droite ligne de Necropolis, est donc à considérer à la fois comme un épilogue de cet affrontement mémorable, et une préparation du second arc narratif de la série, au casting enrichi de quelques solides Vervunhivers. Abnett semble faire le bilan de son œuvre fantômatique, et prend soin de présenter de manière quasi exhaustive (il ne doit manquer que Caffran à l’appel) les têtes d’affiche de la série, depuis le convalescent Gaunt (dont la seule action sera d’ouvrir les yeux) jusqu’aux nouvelles recrues de Vervunhive, en passant par les bien connus Major Rawne, Try Again Bragg, Mad Larkin et autre Brin Milo. Performance notable, ce passage en revue n’est ni rébarbatif pour le lecteur vétéran (petites private jokes et autres références cachées à l’appui), ni cryptique pour le nouveau-venu, ce qui démontre encore une fois les solides compétences de Dan Abnett en matière de narration. Bien qu’assez classique dans son « intrigue » de nouvelle de Gardes  Impériaux, qui, bien sûr, devront faire le coup de feu face à une opposition musclée, ‘In Remembrance’ se laisse lire sans problème, et, malgré son caractère sérieux, voire  tragique à certains moments, adopte un ton singulièrement léger de temps à autres, comme lors du numéro de stand up improvisé de just joking Feygor, ou la conjuration farfelue de l’arrivée de l’Empereur sur une chèvre par le narrateur.

Présentant les Fantômes (privés de Gaunt pour cette fois) sous leur meilleur jour, peu de temps avant que ne s’engage la sanglante mais palpitante fuite en avant de ‘The Saint’, ‘The Lost’ et ‘The Victory’, ‘In Remembrance’ continue encore aujourd’hui à faire honneur à son titre, et reste dans doute la nouvelle qui concluerait le mieux la saga de Tanith, si une anthologie de cette dernière est un jour réalisée. En attendant, elle rappelera aux aficionados du Premier et Unique le « bon vieux temps », où les Fantômes n’en voyaient pas encore… I’m not crying, you’re crying.

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Vermilion Level – D. Abnett [40K] – #30 :

INTRIGUE :

40K_Gaunt's GhostsGoûtant d’un repos bien mérité de quatre jours à Cracia, centre de club Med de la taille d’une cité-ruche sur la planète de Pyrites, Gaunt et ses Fantômes s’occupent comme ils le peuvent, chacun trouvant un moyen original et potentiellement dangereux d’enfreindre les consignes données par les autorités militaires à propos de ce bref interlude dans leur vie de bidasses galactiques. Pour Bragg, Larkin, Varl, Caffran et consorts, cela consiste simplement en une petite excursion buissonnière en dehors du périmètre alloué aux braves permissionnaires, les activités récréatives proposées par les G.O. de Cracia n’étant semble-t-il pas à la hauteur des attentes des Tanith1. Tout ce beau monde est donc parti s’enjailler en zone froide, ou, bizarrement, l’ambiance semble plus chaude qu’à la soirée karaoké de leur hôtel.

Pour Rawne et son âme damnée de Feygor, vite rejoints par l’omniprésent Corbec, l’objectif est de constituer un stock de produits de contrebande à écouler par la suite à leurs camarades contre crédits sonnants et trébuchants. N’ayant pas les moyens de leurs ambitions, nos deux crapules optent pour la manière forte et descendent de sang-froid le parrain local qui leur avait obligeamment mis à disposition les denrées demandées. Comme quoi, on a bien raison de se méfier des émigrants, surtout quand on est un honnête mafieux. Pris en chasse par les gros bras du caïd décédé, le trio parvient à attirer ses poursuivants dans un hangar désaffecté, où leurs talents meurtriers d’experts infiltrateurs jouent à plein et leur permettent de ressortir de cette session d’escape game matinée de laser quest avec un score parfait de 20/20 (gangsters tués/coups tirés).

Gaunt, quant à lui, est arraché de l’enfer mondain que constitue une soirée entre gradés de la Garde par un message urgent et mystérieux transmis par une ancienne connaissance2. Accompagné de son fidèle Milo, coursier et chauffeur à ses heures, et d’un vieux camarade de la Scholam, le Commissaire Blenner, Gaunt débarque dans les bas-fonds de Cracia, et n’a que le temps récupérer un cristal contenant une information ultra confidentielle et potentiellement incriminante pour les plus hauts échelons du commandement de la Croisade de Sabbat, qu’une bande de commandos intente lâchement à sa vie, en plus de réduire son informateur en carpaccio. Il en faut cependant plus pour arrêter Ibra(m), qui réussit sans trop de peine, et avec l’aide de ses complices, à refroidir les ardeurs homicidaires du GIGN local.

Sur le chemin de retour, les rescapés croisent la route de cette vieille baderne de Gilead, huilé comme jamais et bien décidé, à l’aide de quelques-uns de ses braves compaings, à bastonner tous les fantômes sur lesquels ils arriveront à poser le gourdin, en punition d’une offense faite à l’honneur des sourcilleux Blue Blood de Volpone au cours d’une campagne précédente. Déclinant poliment mais fermement cette invitation, Gaunt, Milo et Blenner démarrent sur les chapeaux de roue et atteignent le lieu de la contre soirée régimentaire, où Corbec soigne sa popularité en distribuant largement le butin de ses propres aventures, sous le regard abattu de Rawne et Feygor. Courageaires mais pas témereux, Gilbear et ses nervis décident de passer leur tour, permettant à la petite fête de battre son plein jusqu’au bout de la nuit. Une fois encore, les Fantômes s’en sont sortis, mais Gaunt possède désormais une information qui risque fort de lui attirer quelques puissants ennemis…

 1 : En même temps, quand on doit gérer 500.000 Gardes le temps d’un gros week-end, j’imagine qu’on a d’autres chats à fouetter.
2 : Avec laquelle il a fait les 400 coups sur le monde d’Estragon Prime. Ca ne devait pas manquer de piment.

AVIS :

Il est de notoriété publique que Gaunt et ses ectoplasmes ont commencé leur illustre carrière dans les pages d’Inferno! à la faveur de nouvelles soumises par un tout jeune Dan Abnett, et qui furent plus tard collectées dans le deuxième opus de la série éponyme, Ghostmaker. Ce Vermilion Level est, comme expliqué en introduction du texte, une « victime collatérale » du succès rencontré par les martiales péripéties de l’héroïque Commissaire et de ses sbires, ayant été rédigé par Abnett juste avant que la commande du premier roman en bonne et due forme de la saga par la Black Library1 ne tombe. Conséquence de ce succès d’estime, qui se transformera bientôt en succès d’édition (à l’échelle du Hobby, s’entend), les événements couverts dans les 12 pages de Vermilion Level furent largement recyclés dans l’intrigue de First and Only. On peut toutefois noter une différence majeure, et potentiellement riche en conséquences pour la suite de la saga, entre la version originale et son héritière « romancée », en la personne du grand méchant cherchant désespérément à mettre la main sur le message confisqué par les amis de Gaunt, et remis à ce dernier en désespoir de cause. Alors que c’est le Lord High Militant General Dravere qui endosse la défroque de l’intrigant dans la Vdef, c’est bien Macaroth lui-même qui est soupçonné de pensées séditieuses dans le premier draft, ce qui ouvrait la porte à rien de moins qu’une séquelle de l’Hérésie d’Horus dans le Segmentum Pacificus. A-t-on gagné, ou perdu, au change, le lecteur en sera seul juge.

Ce contexte établi, on trouve en Vermillion Level une petite nouvelle d’action assez bien fichue, et démontrant pleinement le talent d’Abnett dans le « petit périmètre ». En l’espace de 12 pages, notre homme arrive en effet à articuler trois sous-intrigues distinctes de façon complète et convaincante, en utilisant de façon inspirée et appropriée des éléments antérieurs au récit (notamment Gilpanda et ses Cordons Bleus) pour enrichir ce dernier sans perdre le nouveau lecteur, et terminant son propos de façon nette et satisfaisante, en plus de laisser envisager les palpitants lendemains (qui saignent plutôt qu’ils ne chantent, mais c’est comme ça qu’on les aime) attendant Gaunt et Cie. Et quand je dis 12 pages, vous pouvez en retrancher les 3 pages introductives retraçant les derniers instants des vaisseaux impériaux ayant reçu le MMS crypté, contrepoint appréciable à la suite de l’action. Bref, si Abnett n’avait pas déjà validé son ticket de hot new talent avant la sortie de Vermilion Level, nul doute que cette nouvelle lui aurait obtenu le précieux sésame, étant une soumission objectivement supérieure, car plus riche, à ses précédents courts formats. Et, connaissant la suite des événements, on aurait tort de s’en plaindre.

1 :  Premier roman à plus d’un titre car First and Only a constitué l’une des toutes premières publications de la récemment fondée maison d’édition, en Août 1999. Cela ne nous rajeunit pas.

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Et voilà qui termine cette revue de l’année cinquième d’Inferno!, qui a présenté une agréable diversité de contenu tout au long de sa vingtaine de nouvelles, et permis de découvrir ou redécouvrir bon nombre de figures marquantes de cette époque flamboyante et révolue de la GW-Fiction. Rendez-vous dans quelques temps pour la suite de cette escapade infernale, avec l’année 6 !

BLACK LIBRARY GAMES DAY ANTHOLOGY 2012/13 [Recueil]

Bonjour et bienvenue dans cette revue de la Black Library Games Day Anthology 2012-2013. <reprend son souffle> Comme son prédécesseurs, que l’on appellera seulement la BLGDA1112 pour des raisons de praticité, ce petit volume fut publié par la maison d’édition de Nottingham à seule fin d’être distribuée pendant les Games Days (un événement que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître…), avec un tirage ridiculement faible de 3.000 copies. Il n’en faut pas plus pour expliquer pourquoi il s’agit probablement de l’une des anthologies les plus confidentielles de la GW-Fiction, que votre humble serviteur n’a lui-même découvert que tout récemment – et pourtant, j’étais déjà actif au moment de la sortie de ce volume…

Black Library Games Day Anthology 2012_13

Nous sont proposées sous cette couverture aussi impressionnante que mensongère (pas de Rubric à signaler dans les nouvelles qui suivent, désolé) six nouvelles inédites – pour l’époque – et tirées des trois franchises majeures de la BL. De manière assez prémonitoire, le ratio de Warhammer Fantasy Battle/40K penche en faveur du lointain futur (1 pour 4, tout de même), signe avant-coureur du tragique destin qui attendait le Monde qui Allait Être (vous m’avez compris), et si l’Hérésie d’Horus est logée à la même enseigne que WFB, on peut faire remarquer que cette franchise s’est toujours faite rare dans les recueils « généralistes » de la BL.

Au niveau des contributeurs, c’est du lourd (Abnett, Dembski-Bowden, Josh Reynolds) et/ou du connu (Sanders, Farrer, Anthony Reynolds), et si la majorité des nouvelles sélectionnées de la BLGDA1213 peuvent être lues sans effort de contextualisation particulier, signalons tout de même que ‘Perihelion’ signait le grand retour aux affaires de deux personnages majeurs de la GW-Fiction, les Inquisiteurs Gregor Eisenhorn et Gideon Ravenor, dont on était sans nouvelles depuis plusieurs années à ce stade. Cette présence de VIP, réels et fictifs, est-elle une raison suffisante de tenter de dénicher cette relique introuvable in our days and age ? On ne va pas tarder à le savoir…

Black Library Games Day Anthology 2012_2013

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Distant Echoes of Old Night – R. Sanders [HH] :

INTRIGUE :

Distant Echoes of Old NightAlors qu’elle était tranquillement en train de ravager un bout d’Imperium très rural, un biocide à la fois (et en variant les agents pathogènes, ce qui est la marque des vrais artisans), la force commandée par Vitas Phorgal croisa la route d’une frégate Imperial Fists, le Xanthus, en route vers le système solaire. Bien que les renégats eussent la haute main lors de l’affrontement spatial, et provoquèrent l’écrasement du vaisseau adverse sur la lune d’Algonquis, le prudent Phorgal décida d’envoyer quelques hommes sur le terrain, s’assurer que le travail avait été fait correctement et qu’aucun survivant ne risquait de… sauver la forêt primaire et la biodiversité locale ? Je ne vois pas vraiment quel autre impact les loyalistes rescapés auraient pu avoir dans le grand ordre des choses, mais après tout, les fils de Mortarion sont méticuleux, tout le monde sait ça.

Il revient donc au Chapelain Murnau (et à son fat casque) de mener à bien cette mission d’une haute importance, tellement d’ailleurs que Phorgal lui annonce dès son arrivée dans le bourbier littéral qu’est devenu Algonquis suite aux déprédations méphitiques de la Death Guard, que le Barbarus’ Sting s’en va traquer un convoi de vaisseaux loyalistes un peu plus loin dans le système. Mais, qu’il ne s’en fasse pas : le taxi reviendra les prendre, lui et l’escouade Destroyer du Sergent Grull Gorphon, dès que les combats seront terminés. Charge à eux de finir le boulot d’ici là.

Après avoir envoyé ses ardentes salutations par message radio à son adversaire du jour, le Capitaine Latham, Murnau patauge pesamment dans la gadoue jusqu’au bout d’épave où ses hommes sont engagés dans une fusillade très sale avec un groupe de survivants de la frégate. Les défenseurs peuvent en effet compter sur un macro canon remis en état (mais d’usage assez peu pratique, c’est certain) pour envoyer des grandes gerbes de boue sur leurs adversaires. Les Destroyers, quant à eux, ont amené leur arsenal radioactif, mutagène et reprotoxique habituel, ce qui a surtout pour effet (additionnel s’entend, ça reste de la munition explosive) de tuer des mouches et de faire tomber les cheveux. On comprend mieux pourquoi Fulgrim s’est opposé à l’utilisation d’armes aussi terrifiantes pendant la Grande Croisade.

La situation pour les Imperial Fists est désespérée, et le Sergent Gorphon est donc heureux d’empêcher les défenseurs de s’échapper de l’épave alors que cette dernière est en train de couler au fond du marigot. Cette approche raisonnable, efficace et économe en vie de Space Marines est toutefois battue en brèche par le bouillant Murnau, qui tient à vérifier de ses yeux que ses ennemis sont tous morts, et dans les plus brefs délais. Un assaut est donc lancé contre la position loyaliste, et les Destroyers parviennent à acculer les derniers Imperial Fists dans un coin du vaisseau, non sans avoir subi quelques pertes au passage1. Décidé à régler l’affaire, Gorphon ordonne à ses hommes de balancer quelques grenades au phosphex dans la soute où sont retranchés les jaunards, ce qui leur sera fatal dans de courts délais. C’était sans compter sur Murnau, qui décide qu’il est absolument essentiel de contempler les cadavres adverses de visu, et entraîne donc ses ouailles dans une plongée dans un environnement corrosif.  Sans casque bien sûr, sinon c’est pas du jeu.

Cette décision absconse nous permet toutefois de faire la connaissance d’un possible Space Wolf (il s’appelle Varskjøld, je ne veux pas faire de la discrimination mais c’est pas Fist comme blaze) possiblement devenu Chevalier Errant (dur à dire comme le phosphex attaque la peinture des armures), et possiblement responsable de la défense acharnée des loyalistes malgré la mort de Latham. Varskjøld a le temps de faire deux choses avant que Murnau lui fende le crâne avec son crozius : abattre le pauvre Gorphon et donner le signal à un de ses hommes de déclencher l’explosion qui précipite l’engloutissement de l’épave du Xanthus dans le bayou. Aucun des Death Guards ne sortira à temps pour échapper à la mort, ce qui permettra à Morgax ‘Premier Degré’ Murnau de mourir avec le sentiment du devoir accompli. A.U.C.U.N. S.U.R.V.I.V.A.N.T.

1 : On apprend aussi que le pauvre Latham a vécu un faceplant fatal pendant la dislocation du Xanthus sur Algonquis, et n’est dont plus en charge de quoi que ce soit. C’est dommage, Murnau avait vraiment pondu un freestyle de qualité au début de la nouvelle.

AVIS :

On ne m’enlèvera pas de l’idée que Rob Sanders avait sans doute vu plus grand que les événements couverts dans ‘Distant Echoes of Old Night’, mais que les hasards de la vie ont fait que seule cette nouvelle a été finalement publiée. J’en veux pour indice (« preuve » serait un peu trop fort) l’importance qu’il accorde à certains personnages, dont la participation au déroulé de l’histoire est pourtant très minime (Vitas Phorgal, dont Sanders ne prend pas la peine d’expliquer le statut de Moritat, qui ne va pourtant pas de soi, et Varskjøl), voire absolument nulle (Oriel Latham). Comme s’ils avaient eu une importance bien plus grande au cours d’événements relatés précédemment, et méritaient donc qu’on s’intéresse à nouveaux à eux. De même, un tel scénario rendrait plus compréhensible le choix de l’auteur de terminer son propos sur un twist final aussi inefficace (« Et le gentil en chef était un Chevalier Errant… et il est mort. Cool. »). Comme Sanders a déjà prouvé qu’il était capable de bien mieux, je suis prêt à lui laisser le bénéfice du doute sur ce coup-là.

Je serai en revanche moins conciliant sur le reste de ‘Distant Echoes of Old Night’, qui oscille entre cliché grand guignolesque (Murnau qui se fend d’un monologue de grand méchant… pour le bénéfice d’un ennemi qui ne l’écoute sans doute pas… alors qu’il n’est même pas à portée des combats…), combats peu inspirés, et décisions tout bonnement injustifiables, faisant passer Murnau et ses Destroyers pour des crétins finis. Décider d’aller se suicider avec son propre phosphex pour s’assurer qu’il n’y aura pas de survivants, alors que 1) tout le monde sait que le phosphex est mortel, 2) l’épave est en train de sombrer dans le marais, 3) même en considérant que la frégate de transport soit très rapide dans sa mission d’interception, il lui faudra au minimum plusieurs heures (ou jours) pour faire l’aller-retour jusqu’à Algonquis, ce qui laisse le temps nécessaire aux Death Guards pour monter une stratégie digne de ce nom et 4) les loyalistes qui survivraient par miracle à tout ça se retrouveraient isolé sur une lune hostile, sans moyen de contacter leurs alliés ; c’est un niveau de débilité qui m’interroge. Rien que pour ça (et franchement, c’est déjà beaucoup), je condamne ‘DEoON’ à une quarantaine de quelques millénaires, le temps que son taux de radioactivité stupidité redescende à un niveau acceptable.

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Extinction – A. Dembski-Bowden [40K] :

INTRIGUE :

ExtinctionOn ne le sait que trop, les lendemains de cuite sont difficiles. Quand la tournée des bars en question a duré sept ans, impliqué des centaines de milliards de participants sur des milliers de planètes, dont quelques dizaines ont brûlé au passage, et s’est terminée par un projet X débridé dans la maison familiale avec le capitaine de soirée qui s’étouffe dans son vomi sur la banquette arrière de sa Kangoo défoncée, il est somme toute logique d’avoir, très, mais alors trèèèèèèèèèèèèèèès mal aux cheveux pendant quelques temps. Surtout quand on s’appelle Ezekyle Abaddon, et qu’on a un goût immodéré pour les manbuns en palmier1. Nous reviendrons sur le cas de ce mauvais sujet un peu plus tard.

‘Extinction’ place donc son propos dans la période trouble qui succède à l’Hérésie d’Horus, qui, si elle n’a pas été une partie de plaisir pour l’Imperium, n’a pas été de tout repos non plus pour les Astartes rebelles, réfugiés dans l’Œil de la Terreur et en proie à de bien compréhensibles dissensions internes en l’absence d’un grand chauve costaud pour claquer le beignet aux éléments perturbateurs. Mais, comme l’éructe Borge Grassens, Prince Démon poète à la moustache remplie de Nurglings : « Or sous les cieux sous vergogne//C’est un usage bien établi//Dès qu’il s’agit de rosser des Sons of Horus//Tout le monde se réconcilie2 ». Tel le chouchou de la maîtresse ayant rappelé à cette dernière qu’elle avait oublié de ramasser les expressions écrites de la classe deux minutes avant la sonnerie, les guerriers de feu le Maître de Guerre se retrouvent en butte à l’hostilité non dissimulée de leurs petits camarades de jeu, qui leur reprochent, non sans raison, d’être responsables de la galère dans laquelle ils se trouvent désormais.

Nous faisons donc la rencontre, pour beaucoup d’entre eux juste avant une capture infamante, un décès prématuré, ou pire, de quelques fistons d’importance, alors qu’ils se retrouvent entraînés dans des explications de texte sans fin avec leurs cousins issus de germain. Le Sergent Kallen Garax peine à trouver les mots justes (pas facile quand on parle Chtonien et le gonze d’en face Nostraman) pour apaiser un gang de bikers Night Lords. Le Techmarine Sovan Khayral insiste impuissant à l’incendie de son véhicule de fonction des mains huileuses d’une bande de Death Guard désœuvrés. Le Capitaine Nebuchar Desh finit par rendre l’âme après une séance un peu trop soutenue avec son/sa Dominatrice Emperor’s Children, qui devra se trouver d’autres chats à fouetter. L’humble frère Zarien Sharak, coursé par une meute de World Eaters souhaitant lui voler son goûter (quand on n’a pas de monde à manger, il faut bien compenser), signe un bail de sous-location mal avisé avec un Démon mal élevé qui le met fissa à la porte de son âme à son corps défendant (ou le contraire). Erekan Juric, Capitaine Reaver, se fait incendier par la bande à Kahotep sur le chemin de la maison. Même la fameuse Kangoo d’Horus traîne son mal-être depuis la disparition du patron, remisée qu’elle a été dans un quelconque parking sous-terrain de l’Œil par ce galopin d’Abaddon.

C’est par un aparté dévolu à ce diable d’Ezekyle que se termine Extinction. Ayant tout bonnement pris un congé proprement sabbatique pour se ressourcer et faire le point sur sa vie, et voyageant de planète en planète pour visiter les attractions touristiques qu’elles ont à proposer (une pyramide ici, un mausolée là, un temple plus loin… c’est une sortie culturelle), Abby regarde de loin ses anciens frères se faire mettre la tête dans la cuvette des toilettes chimiques de leurs Rhinos, guère intéressé par les déboires de sa Légion. Quelque chose me dit toutefois que cela ne durera pas éternellement…

1 : Ça irrite le cuir chevelu comme pas possible et c’est très mauvais pour le bulbe.
2 : La rime est pauvre mais l’argent ne fait pas le bonheur.

AVIS :

Prologue à sa saga consacrée aux origines de la Black Legion, cette Extinction permet à Dembski-Bowden d’afficher sa maîtrise de la nouvelle d’ambiance. Il ne se passe en effet pas grand-chose dans ce court format, la succession de vignettes illustrant les déboires de la marmaille horusienne permettant seulement de prendre la mesure de la mauvaise passe que cette dernière traverse, orpheline de Primarque, traumatisée par sa défaite sur Terra, n’ayant plus d’objectif autre que la survie et ciblée à outrance par ses partenaires de crime. Pour autant, Extinction reste l’une des lectures les plus agréables de Croisade & Autres Récits, la patte d’ADB rendant chaque passage intéressant, chaque personnage attachant, et préparant parfaitement le terrain pour le début de la geste Abaddonienne, que le lecteur aura envie d’approfondir après en avoir terminé avec cet amuse-gueule, je gage. Il est fort l’animal, il est fort.

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Master of Mourkain – J. Reynolds [WFB] :

INTRIGUE :

Master of MourkainTout le monde n’utilise pas des moyens aussi conventionnels qu’un réveil ou une alarme de téléphone portable pour commencer sa journée. Prenez Ushoran par exemple : depuis qu’il a été chassé de Lahmia puis de Nagashizzar, et a trouvé refuge dans la cité de Mourkain, le prince déchu est réveillé par les murmures d’une voix passionnée par deux choses : la mort et les maths (ce qui est souvent la même chose). Les esprits chagrins feront remarquer que le Monde qui Fut n’était de toute façon pas aussi technologiquement avancé que le nôtre, mais vous reconnaîtrez sans mal la faiblesse de cet argument.

Ushoran, déjà à moitié bestial à ce point de sa non-vie, ne s’intéresse guère à l’origine de cette voix, mais est incapable de résister à ses injonctions. Et comme sa speakerine mentale l’incite à se rendre sans délai dans le palais du nécromancien Kadon, qui règne en maître pourrissant sur la cité montagnarde depuis des siècles, il s’enfile un petit espressanguino pour la route et file dare dare en direction de la grossière pyramide que le despote a fait construire par ses fidèles sujets. Ce n’est pas une visite de courtoisie qui l’amène, mais un combat pour la ceinture, ou plutôt à la couronne, de Mourkain, que la Voix lui a promise. Bien que Kadon soit toujours un mage formidable, sa frêle enveloppe corporelle est en train de partir en cacahouète, donnant une chance au vampire sauvageon de lui dérober son bien. Les esprits chagrins feront remarquer que ça ne sert pas grand-chose de porter couronne lorsque le seul autre accessoire qu’on arbore est un slip sale, mais encore une fois, ce sont des fâcheux.

Attiré par son ami imaginaire, qui fait aussi GPS pour se repérer dans le dédale minéral du palais Kadonal, Ushoran arrive dans la salle du trône, où son futur adversaire l’attend tranquillement. Comptant sur l’élément de surprise pour remporter la victoire (car, de son propre, aveu, Ushoran n’est pas courageux), Papa Stryge se renfrogne, mais lève tout de même la griffe sur le vieillard cacochyme qui bave devant lui… et se fait renvoyer dans ses 22 d’un simple geste. Kadon est en effet toujours gaillard, et surtout, il peut compter sur les pouvoirs de la couronne de Nagash, car c’était elle, qui ceint son front ridé. Cette même couronne, apparemment lassée de son porteur, a aiguillé la convoitise d’Ushoran pour qu’il vienne tenter sa chance à la galette des rois (Mourkain style), mais comme elle ne semble pouvoir émettre que sur une seule fréquence, Kadon a tout entendu et est bien sûr fou de jalousie.

Tout règlement à l’amiable étant impossible, le combat reprend et Ushoran finit par porter un coup de croc sérieux à la jugulaire de son adversaire, dont les sortilèges et les gardes du corps squelettiques ne suffisent pas à terrasser le vampire mort de faim. Comme tout boss de fin sentant son dernier PV lui échapper, Kadon s’enfuit comme un drama king à travers les corridors de son palais déserté, descendant au cœur de son cromlech jusqu’à arriver devant une dalle de pierre, marquant l’entrée d’une salle scellée. Retardé par sa sale manie de regarder les dessins sur les murs des couloirs (on n’est pas au Louvre, que diable), Ushoran arrive trop tard pour empêcher sa Némésis de tracer de son sang une formule de pouvoir sur la dalle. Bien que l’effort se révèle fatal à Kadon, qui s’effondre raide mort avant qu’Ushoran ait eu le temps de lui mettre une dernière mandale, le mal est fait et une présence aussi ténébreuse qu’imposante se matérialise devant le vampire au moment où il allait ramasser la couronne de Big Nag…

Début spoiler…Le nouvel arrivant n’est autre que le possesseur légitime (si on peut dire) de l’artefact : Alcadizaar, ou plutôt son esprit vengeur. Si vous vous souvenez de vos courts de 5ème (version de WFB), le souverain déchu de Khemri erra sans but après avoir découpé Nagash en sashimi grâce au katana de malepierre remis par ses alliés Skavens, la couronne de son ennemi à la main. Cette dernière fut récupérée par un jeune Kadon bien plus tard, et il semblerait que le futur nécromancien ait tenu à rendre hommage à ce cadavre aussi providentiel que bien stuffé en lui construisant un tombeau dans les niveaux inférieurs de son palais. Sympa, vraiment.

Comme on peut s’y attendre, l’apparition ne porte pas les vampires dans son (absence de) cœur, et envoie un gros stop enflammé à Ushoran, qui bat prudemment en retraite plutôt que de finir carbonisé, laissant la couronne au véritable maître de Mourkain, comme Reynolds nous le présente. En lot de consolation, Usho’ pourra toujours prendre le trône de la cité, ce qui n’est pas mal non plus. Enfin, tant qu’une horde d’Orques ne débarque pour faire du tourisme, bien sûr, mais je m’avance sans doute un peu…Fin spoiler

AVIS :

Il n’y a que Josh Reynolds pour s’amuser à mettre en scène une rencontre entre deux personnages assez mineurs du fluff de Warhammer Fantasy Battle1, et terminer son propos par un twist final reposant lui aussi sur une figure de second plan2 (et sans formellement nomme ce dernier, sinon c’est pas drôle et trop facile). Cela fait de ‘Master of Mourkain’ une lecture à réserver aux fluffistes et/ou Reynoldistes acharnés – les deux catégories se confondant souvent, il est vrai – plutôt qu’une histoire à mettre entre toutes les mains, comme cet auteur a prouvé qu’il savait les écrire. Considérant que cette nouvelle est certainement une commande de la BL pour garder l’attention des fans sur les travaux vampiriques de notre homme (‘Nefarata’, ‘Master of Death’, ‘Ghoul King’), il faut modérer ses attentes et juger ce probable filler pour ce qu’il est probablement : un filler (je répète pour ne pas vous perdre, je suis plus sympa que Reynolds sur ce coup-là). Moyen moyen.

1 : Par mineur, j’entends « hors du top 5 des personnages nommés de la faction considérée », et je crois qu’on peut tomber d’accord sur le fait qu’Ushoran et Kadon ne jouent pas dans cette ligue.
2 : Ce n’est pas pour manquer de respect à Alcadizaar, mais tout le monde considère que Settra a été le souverain (vivant) le plus emblématique de Khemri.

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The Blessing of Iron – A. Reynolds [40K] :

INTRIGUE :

The Blessing of IronLa lune pénitentiaire de Penatora IV est en proie à une émeute terrible depuis qu’un malheuruex incident technique a déverrouillé la totalité des cellules de ce complexe accueillant plus d’un million de prisonniers (pour 32 places disponibles). Soumis à la légendaire rigueur des maisons de correction du 41ème millénaire, renforcée ici par la nécessité de remplir les quotas de production fixés par l’Adeptus Mechanicus, les Penatorans ne laissent pas passer l’occasion d’exprimer leur mécontentement directement aux oreilles du personnel pénitentiaire, avec des conséquences fatales pour les malheureux matons se trouvant sur leur route. Bref, there’s a riot going on in cellblock number 9, mais malheureusement pour les détenus dissipés, ce n’est pas Dr. Feelgood que les autorités impériales envoient remettre de l’ordre dans cette pagaille, mais une escouade d’Iron Hands riants comme la porte de la prison qu’ils sont venus purger.

La caméra se braque sur le Frère Dolmech, qui hait tout le monde et méprise le reste, alors qu’il participe à la défense d’un des centaines de rouages (les unités de production de Penatora) aux côtés de gardes lambda et d’un duo de Skitarii. Malgré l’efficacité clinique dont il fait preuve dans l’exercice de ses fonctions, sa position ne tarde pas à être submergée par les vagues d’assaillants qui s’abattent sans discontinuer sur l’atelier, forçant l’impassible mais pas impassable cyborg à battre en retraite en compagnie de l’unique être humain pour lequel il éprouve un peu de respect, le Beneficiari Armicus. En charge de la direction du rouage 349 depuis 17 ans, Armicus a toujours mis un point d’honneur à respecter les consignes de ses supérieurs, et a donc continué de travailler pour honorer les objectifs de production d’œil bionique (sa spécialité) fixés par la direction de Penatora alors que le complexe était en proie à un marasme monstre. Ce flegme à toute épreuve a impressionné Dolmech, qui décide de donner la Bénédiction du Fer à ce contre-maître méritant. Un insigne honneur pour un simple mortel, mais pour cela, il faut que le duo mal assorti parvienne à rejoindre le point de ralliement fixé par le Sergent Haldaarn, à plusieurs kilomètres de là.

Comme on peut s’y attendre, le chemin est jonché d’embuches et de mauvais sujets impériaux à mettre hors d’état de nuire. Malgré la froideur caractéristique dont fait preuve Dolmech envers son nouveau protégé, ce dernier parvient à briser (un toooouuuut petit peu) la glace en faisant remarquer à son nouveau gros copain que l’œil bionique qu’il porte a été confectionné ici-même, au rouage 349. La galaxie est vraiment toute petite. Armicus révèle également au Space Marine qu’il s’attendait plutôt à ce que ce dernier l’abatte sans sommation plutôt qu’il ne le sauve, à cause de sa connaissance d’informations compromettantes au sujet des responsables de la guerre civile ayant déferlé sur Penatora IV. En étudiant les flux de données depuis son poste de travail, Armicus a en effet réalisé que le déverrouillage généralisé a été causé par des Space Marines…

Début spoiler…Dénégation formelle de la part de Dolmech, dont l’escouade n’a rien à voir dans ce boxon. Et pour cause, ce sont encore une fois ces fripons de Dark Angels qui sont responsables du malheur d’autrui, mais trop maladroits ou arrogants pour dissimuler leurs traces. Leur traque des Déchus les a en effet amené à créer une émeute généralisée sur Penatora pour pouvoir kidnapper tranquillement un prisonnier en possession d’informations (peut-être) utiles à la capture d’un des membres du Hall of Shame de la Première Légion. La fin >>> les moyens, on connaît la chanson.

Un Chapelain encapuchonné et ses deux porte-flingues en armure vert sapin embusquent ainsi Dolmech et Armicus alors qu’ils sortent de l’ascenseur les ramenant vers le point de rendez-vous des Iron Hands, et demandent à avoir « une petite discussion » avec le superviseur, qui pourrait mettre leur Chapitre de fourbes dans l’embarras s’il venait à partager ses connaissances. Pas dupe du caractère hautement suspect de cette demande (mais pas au courant de la duplicité des nouveaux venus), Dolmech refuse catégoriquement de remettre son nouveau copain à ces bullies de Dark Angels, et l’histoire aurait pu mal se finir si l’Iron Hand n’avait pas révélé le destin qu’il réserve à son protégé, et si le Chapelain Interrogateur, si antipathique qu’il soit, n’avait pas eu la culture nécessaire pour savoir ce que cela impliquait pour l’heureux élu. Les fils du Lion laissent donc finalement partir leur cousin et son sidekick, ce qui n’augure pas grand-chose de bon pour le pauvre Armicus…

Début spoiler 2…Et en effet, une fois la mission des Iron Hands menée à bien (sans aucune perte à déplorer de leur côté), l’escouade Haldaarn repart sur sa Barge de Bataille, et Armicus reçoit la fameuse Bénédiction de Fer, qui consiste à être transformé en Serviteur. S’il s’agit d’un sort enviable pour les Space Robots, dont l’attirance pour la pureté de la machine n’est plus à démontrer, il est probable qu’Armicus avait un tout autre avis sur la question, mais personne ne lui a demandé. Upgradé dans sa chair et lobotomisé dans son esprit, c’est une longue carrière de (plus tellement) homme à tout faire qui s’offre à notre chanceux héros. C’est une bonne position, ça, Serviteur ?Fin spoiler  

AVIS :

Pour ne rien vous cacher, et puisqu’on se dit tout (moi en tout cas), je dois vous avouer que jusqu’aux dernières pages de ‘The Blessing of Iron’, je m’étais préparé à attribuer un retentissant « BHÔFH » à cette nouvelle au moment d’émettre mon avis sur icelle. Une Space Marinade aussi bourrine et inimaginative ne mérite pas mieux à mes yeux, même si on pourrait me répondre que cela correspond tout à fait à l’état d’esprit de ce brave Frère Dolmech et à son reste de Chapitre de poètes, et qu’Anthony Reynolds nous a donc servi une habile mise en abyme. J’aurais alors répondu « Naaaaaaaaaaaaaaaaaaah fam tho » et on en serait resté là.

Pour une fois, l’arrivée de random Dark Angels (évidemment en train de traquer du Déchu, parce que c’est tout ce qu’ils faisaient dans la GW-Fiction à cette époque) dans une intrigue ne vient pas affaiblir ou affadir cette dernière, et permet au contraire de piquer l’intérêt du lecteur, auquel il est demandé de choisir les « gentils » à qui il préfère mettre des baffes. Et je peux vous dire que l’hésitation a été réelle de mon côté. Le twist final très grimdark et assez réussi de Reynolds (même si la révélation sur le destin d’Armicus est éventée un chouilla trop tôt par une technique narrative manquant de percussion) a achevé de me convaincre de ne pas jeter ‘The Blessing of Iron’ dans la pile du franchement dispensable de la littérature 40K, qui n’avait pas besoin de ça pour surplomber de très haut le contenu véritablement appréciable. C’est même une des meilleures soumissions que j’ai lues de cet auteur pour cette franchise le lointain futur1… Ce qui n’est pas non plus démentiel, mais je me devais de le souligner.

1 : A date, je n’ai lu que deux nouvelles d’Anthony Reynolds se déroulant au 41ème millénaire, ‘Torment’ (qui était franchement bien) et ‘The Blessing of Iron’. Par contre, les trois nouvelles qu’il a signées pour l’Hérésie d’Horus et que j’ai lues (‘Scions of the Storm’, ‘Dark Heart’ et ‘Children of Sicarus’) sont vraiment moyennes.

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The Memory of Flesh – M. Farrer [40K] :

INTRIGUE :

The Memory of FleshSur la lune de Regnan Drey, l’escouade d’Iron Hands du Sergent Vétéran Dolmech (déjà croisé dans ‘The Memory of Flesh’) est de corvée de xenocide. Les Space Marines les plus ironiques de la galaxie chassent le Breg-Shei, une race mineure d’alien dont la principale caractéristique est d’utiliser des armes à décharge synaptique au combat, ce qui inflige des syndromes Gilles de la Tourette carabinés à leurs victimes organiques, et fait disjoncter les circuits imprimés de leurs cibles mécanisées. Bien que l’affrontement ne soit qu’une formalité pour les Astartes, dont la constitution, le matériel et le mental, tous d’acier trempé, compensent sans mal la vitesse et les effectifs de leurs ennemis, Dolmech a des objectifs minutés à atteindre, et décide donc de ruser pour nettoyer son périmètre en vitesse. Ayant compris que les Breg-Shei sont capables d’intercepter et de comprendre les communications radio des Iron Hands, le Sergent ordonne au Serviteur chargé du pilotage du Rhino de ravitaillement de l’escouade de rejoindre la ligne de front. Il sait en effet qu’un groupe de Xenos a contourné la position avancée de ses hommes, et espère bien qu’ils ne résisteront pas à l’opportunité de détruire un véhicule faiblement défendu. (Roulement) habile.

Le Serviteur en question est une autre vieille connaissance : le Beneficiairi Armicus (déjà croisé dans ‘The Memory of Flesh’, pour changer), transformé par les bons et douloureux soins du Dolmecano en créature lobotomisée, répondant au doux nom de Jothael-004. En matière d’ouverture ou d’étroitesse d’esprit, les Iron Hands suivent une doctrine simple : la data, oui ; le doute, non. Obéissant aux instructions qui lui ont été communiquées, Jothael remonte à bord, se met au volant et passe la première, sans évidemment se douter le moins du monde que son véhicule de fonction bourré de matériel et de munitions est sur le point de subir un assaut en règle de la part d’une bande de Breg-Shei patibulaires.

Si le blindage épais du char et l’intervention rapide (il arrive en jet pack) de Dolmech permettent de limiter les dégâts au strict minimum, l’armement particulier des Xenos a un effet imprévu sur le placide Serviteur. Le choc synaptique efface une partie des protocoles d’asservissement que son créateur lui avait très littéralement mis en tête, et lui redonne une (petite) partie de son ancienne personnalité ainsi que quelques souvenirs, malheureusement centrés autour de sa désastreuse rencontre avec Dolmech sur Penatora IV. Bien que cet émoi aussi soudain que profond ne se manifeste que par des bouts de phrases sans queue ni tête débitées sur le Discord de l’escouade (ce qui fout une honte terrible à Dolmech, dont le corps de métal dissimule de gros problèmes d’estime personnelle), le mal est bien plus profond que cela, et lorsque le Sergent furibard ordonne au Serviteur en roue libre de se garer sur le bas-côté pour un contrôle technique rapide…

Début spoiler…Jothael ouvre le feu sur son créateur avec l’armement du Rhino, causant d’abord plus de peur surprise que de mal chez le coriace Iron Hand. L’insistance colérique de Dolmech signera toutefois sa perte, Jothael déclenchant l’explosion du stock de munitions qu’il transportait lorsque ce qu’il lui restait de cerveau détermine que le Space Marine en rut en train de fracasser la porte du véhicule à main nue ne peut être neutralisé par d’autres moyens. La nouvelle se termine sur un gros plan dramatique sur le visage inanimé de Dolmech, et sur l’œil bionique dont Armicus avait supervisé la construction dans son autre vie…Fin spoiler

AVIS :

Simple, direct et efficace. Matthew Farrer prend la suite d’Anthony Reynolds et de son ‘The Blessing of Iron’ et clôt d’une manière convaincante l’arc Master & Servant de l’impitoyable Dolmech et de sa recrue devenue création, Armicus/Jothael-004. La comparaison entre ces deux histoires est clairement favorable à ‘The Memory of Flesh1, et Farrer remporte sans contestation possible le derby australien (eh oui) de la BL. Il a déjà fait mieux par le passé, c’est sûr, mais on reste sur de la GW-Fiction de haut de panier.

1 : J’avais regretté la technique narrative hésitante de Reynolds dans mon retour sur ‘The Blessing of Iron’, dont la conclusion aurait gagné à être plus percutante pour maximiser le choc du destin d’Armicus pour le lecteur. Par un heureux hasard, Farrer donne un bon exemple de comment finir une nouvelle d’une manière efficace dans sa propre copie.

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Perihelion – D. Abnett [40K] :

INTRIGUE :

PerihelionDes nouvelles du front aussi immense que ridé de ce brave Gregor Eisenhorn. Des décennies ont passé depuis que l’Inquisiteur le plus crâneur de Gudrun s’est radicalisé et a disparu des radars, sans doute motivé par son passage sur la liste des Most Wanted du sous-secteur pour connivences un peu trop appuyées avec l’Archennemi, au moins en ce qui concerne les moyens employés pour accomplir ses objectifs. C’est vrai qu’avoir son propre Possédé, c’est assez dur à justifier auprès de la hiérarchie (mais n’oublions pas que Greg a commencé dans l’Ordo Xenos, qui ne traite pas vraiment de ces choses). Poussé par une nostalgie bien compréhensible, Eisenhorn décide de tenter le diable et de se rendre, sous déguisement bien sûr, au conclave réuni dans le manoir de feu Bader Vecum, souverain de l’Islande gudrunaise et grand lettré devant l’Eternel Empereur, pour liquider l’imposant bibliothèque que le défunt, et ses ancêtres avant lui, avaient accumulé au fil des siècles. Le but de notre héros encapuchonné sous sa falsehood est de parvenir à échanger quelques mots avec son ancien pupille et ami, l’homme frigo Gideon Ravenor, lui aussi tombé en disgrâce auprès de ses chefs après le Slight incident, comme on l’appelle avec tact.

La famille Vecum étant entrée en possession de quelques volumes un peu trop lestes au goût des Ordos, le conclave a pour but de décider du sort des ouvrages légèrement tendancieux de la collection : soit leur mise à l’index, soit leur versement aux collections des fameuses bibliothèques de Shurfath. Le processus est assez long et ennuie rapidement Eisenhorn, qui en bon radical libertarien aurait dit amen à tout et serait parti s’en jeter un petit avec les copains depuis belle lurette, mais les événements prennent un tour particulier au bout d’une heure de plaidoiries passionnées, lorsqu’un garde de la maison Vecum décide de ficher le côté aiguisé de sa hallebarde de cérémonie dans le torse du garde du corps de l’un des Inquisiteurs présents. L’importun hérite d’une rafale de lasers dans le buffet en punition de son impertinence, mais pour un Psyker aussi affuté qu’Eisenhorn, il ne fait aucun doute que le malheureux a agi sous la contrainte d’un esprit puissant, et l’embrochage de l’Inquisiteur Karnot Vesher par un autre quidam, là encore sans aucune raison valable, vient confirmer sa suspicion.

Tout le monde n’étant pas aussi perceptif que le vieux Greg, l’assemblée dégénère très rapidement en pugilat sans queue ni tête, le Psyker anonyme sautant d’hôte en hôte pour continuer ses ravages sans que les participants au colloque ne comprennent trop ce qu’il se passe. Pensant être la cible de cette attaque, Eisenhorn et son gros égo décident de filer à l’anglaise, mais se font surprendre par le mystérieux assaillant, très surpris de découvrir que cette ancienne gloire déchue se trouve sur son terrain de jeux. Après une petite session de karaoké Whosienne en diable, Papy Horny parvient à arracher à son adversaire deux fragments d’information : Grael Ochre et le Roi en Jaune. Vexé de s’être fait avoir par un vioque, le télépathe inconnu fait revivre à Eisenhorn la totalité des événements traumatiques et douloureux de sa longue existence en l’espace d’une seconde, sonnant le paria et rappelant au bon souvenir du lecteur les moments marquants de la trilogie ‘Eisenhorn’. Un mal pour un bien.

Le hasard faisant bien les choses, cette joute mentale a pris place dans la pièce où Ravenor s’était lui aussi réfugié, et le perceptif Gideon engage la conversation avec son ancien maître une fois que ce dernier a repris ses esprits. L’accueil qu’il lui fait est beaucoup moins enthousiaste que ce à quoi Eisenhorn s’attendait, mais il y a de quoi : jugé pendant quinze longues années par ses pairs après sa traque cataclysmique de Zigmunt Molotch, Ravenor a eu le choix : être retiré du service actif et condamné à ne plus utiliser ses pouvoirs psychiques, ou accepter de traquer le tristement célèbre Eisenhorn pour le compte des Saints Ordos. Ayant refusé de se retourner contre son mentor, Gigi R. vit dans un placard au sens propre et figuré depuis des décennies. Le temps doit lui paraître un peu long.

Malgré les différends qui les séparent, les deux hommes ont toutefois un point commun, en ce qu’ils sont tous deux persuadés que le mystérieux agent du Roi en Jaune est venu pour leur régler leur compte (Ravenor pensant que c’est un moyen de l’inciter à utiliser ses pouvoirs, et ainsi donner une raison à ses ennemis de lui tomber sur le caisson). Comprenant que son ancien disciple boude méchamment, Eisenhorn prend congé sans demander son reste, laissant ses anciens collègues gérer l’incident psychique de leur côté. Bien qu’il ne s’attende pas à recroiser la route de Ravenor par la suite, il se trouve qu’il se fourvoie totalement sur ce Point…

AVIS :

Nouvelle teaser par excellence, ‘Perihelion’ (titre stylé mais que ne veut rien dire de particulier dans ce contexte) permet à Abnett de remettre sur le devant de la scène ses anciens héros Eisenhorn et Ravenor, et de les confronter à leur Némésis commune, le fameux Roi en Jaune. C’est à peu près tout ce qu’on peut retenir de cette petite histoire, qu’Abnett essaiera tant bien que mal de relier au reste de son corpus inquisitorial dans un second temps1. Nul doute que sa lecture a dû vous faire très plaisir si elle a pris place au moment où Abnett a annoncé qu’il bûchait sur la conclusion de son tricycle inquisitorial (‘Eisenhorn’, ‘Ravenor’, ‘Pequin Bequin’), mais si vous êtes tombé dessus des années après les faits, il est très possible que la vacuité du propos vous ait refroidi. C’est mon cas. Aurait pu se donner plus de mal, franchement.

1 : L’Interrogateur Voriet, ici rattaché à l’Inquisiteur Cyriaque (et ne servant absolument à rien dans la nouvelle) sera un personnage important de ‘The Magos’.

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Et voilà qui termine cette revue de la BLGDA1213, qui sera heureusement le dernier recueil affublé d’un nom aussi imbittable par les génies du marketing de la Black Library. Comme d’habitude, du bon et du moins bon, mais surtout une sorte de malédiction ayant frappé la plupart des contributeurs de ce petit livret. Sur les six auteurs au sommaire, seul l’inoxydable Abnett est en effet encore fermement engagé aux côtés de la maison d’édition de Nottingham dix ans après la sortie de cette anthologie, tous ses collègues ayant tourné cette page (see what I did here ?) ou pris un congé sabbatique depuis cette période pas si lointaine. Je n’ai aucune explication à vous fournir, mais comme ce n’est pas toujours facile de trouver quoi dire à ce moment de la chronique, je n’allais pas laisser passer cette occasion. À la prochaine !

WAY OF THE DEAD [WFB]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette chronique de ‘Way of the Dead’, recueil de nouvelles se déroulant dans le monde de la bataille de la fantaisie du marteau de guerre (voilà un concept qu’il est profond). Comme ses prédécesseurs directs (‘Realms of Chaos’ et ‘Lords of Valour’), ‘Way of the Dead’ est composé1 de courts formats publiés dans les pages d’Inferno!, plus précisément entre les numéros 24 et 34, ce qui correspond à la période 2001 à 2002. Il est à noter qu’il s’agit de la dernière anthologie proprement « infernale » pour WFB, les nouvelles de fantasy publiées par la suite dans le bimensuel de la BL ayant été compilées sans grande logique dans plusieurs ouvrages (‘Tales of the Old World’, ‘The Cold Hand of Betrayal’, ‘Swords of the Empire’…). On y retrouve un certain nombre de têtes connues du lecteur habitué de la maison, comme Brunner le chasseur de primes, Angelika Fleischer la pillarde récupératrice de champs de bataille, ou encore la tristement célèbre bande de mercenaires de Torben Badenov. À la différence de ses prédécesseurs directs cependant, ‘Way of the Dead’ est toujours (au moment où cette chronique est écrite) disponible à l’achat sur le site de la Black Library – mais seulement en format numérique, faut pas déconner non plus – ce qui en facilite grandement l’accès et la découverte par le public intéressé.

Way of the Dead

Si on se penche sur les contributeurs de cet insigne opus, il convient de reconnaître que Brian Craig (une novella) et C. L. Werner (deux nouvelles) occupent les premiers rôles dans la distribution concoctée par les compères Gascoigne et Dunn. Ils sont épaulés par les plumes capables de Matthew Farrer (première – et unique – soumission pour WFB), Graham McNeill, Jonathan Green, Robin D. Laws, et des deux Simon (Jowett et Spurrier). Un casting assez représentatif des débuts des années 2000 au sein de la BL, avec quelques noms qui parleront au lecteur d’aujourd’hui, j’en suis sûr. Notre propos étant ainsi introduit, il est plus que temps de nous hasarder sur le chemin des morts, en espérant qu’il ne soit pas aussi mal famé que celui emprunté par Aragorn et Cie dans leur quête d’un raccourci vers Minas Tirith…

1 : En majorité, pas exclusivement, car la novella ‘The Road to Damnation’ de Brian Craig constitue un inédit. Logique pour une histoire de plus de cinquante pages.

Way of the Dead

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Glow – S. Spurrier :

INTRIGUE :

GlowC’est la fin de l’automne à Talabheim, et le Temple de Sigmar local, dirigé par le capitaine Richt ‘Hmm’ Karver, enquête sur une addiction d’un nouvel ordre qui s’étend dans les bas-fonds de la cité. Le Glow, une poudre verte de composition inconnue, fait en effet des ravages parmi les déshérités de la métropole cratérisée. Très addictif, il a en outre comme fâcheux effet secondaire de provoquer des mutations spontanées chez ses utilisateurs réguliers, ce qui n’est pas du tout du goût de ce gentleman de Karver. Après avoir mené un raid dans un taudis dont l’adresse lui avait été donnée par un suspect, l’impeccable capitaine repart avec un cadavre frais de junkie agressif ainsi qu’une petite réserve de la substance en question, qu’il choisit d’ajouter à la diète du rat géant skaven qu’il a adopté comme animal de compagnie après une purge des souterrains de Talabheim l’année passée. Le savoir fait le pouvoir, c’est bien connu.

Les mois passent et l’hiver arrive sur l’Empire, sans que la filière locale de Glow soit démantelée malgré les meilleurs efforts de Karver et de ses hommes (Kubler, Holst et Spielmunn). L’épidémie ne fait au contraire que progresser, ce qui force les chasseurs de sorcières crackheads à muscler leurs méthodes, déjà assez viriles. Interrogatoires menés au tison, menaces d’envoyer leurs indics au bûcher s’ils ne s’activent pas et autres descentes dans la ville tous flingues dehors se multiplient. C’est au cours de l’une d’entre elles que Karver commet une bavure : surpris par la réaction de l’occupant d’un laboratoire clandestin où le Glow était produit, il déchargea sa pétoire sur ce qui se révéla être, après inspection post mortem, une fillette réduite en esclavage par le maître du cartel pour la confection des tablettes inondant la cité. Enchaînée dans son local et ayant été privée de langue par son tortionnaire, elle cherchait seulement à expliquer pourquoi elle n’était pas en capacité d’obtempérer aux ordres des Templiers lorsqu’un Karver sur les nerfs lui envoya un pruneau dans le caisson pour slow play. Ce sont des choses qui arrivent…

L’opération ne fut cependant pas un total échec, notre héros mettant le gant sur la poudre entrant dans la composition du Glow en fouillant le laboratoire. Ayant fait pression sur un sorcier de Jade pour obtenir une expertise express, il reçut la confirmation de ses soupçons : l’ingrédient actif du Glow était bien de la malepierre. Une erreur de manipulation de la part du thaumaturge lui permit de recevoir une autre information utile : la substance toxique se trouvait à la fois dans le gant utilisé pour recueillir la poudre dans le laboratoire, mais également à l’extérieur de ce dernier, indiquant sans équivoque que Karver avait manipulé de la malepierre peu de temps auparavant. Un résultat étrange, à moins que…

Début spoiler…À moins que la broche ornée d’une pierre verte que son meilleur disciple, Kubler, portait à la boutonnière ce jour-là n’ait pas été montée d’une émeraude, comme il le pensait, mais d’un minéral bien plus sinistre. La confrontation entre les deux hommes prend place dans la chambre froide creusée sous le Temple de Sigmar, dans lequel les répurgateurs stockent leurs cadavres contaminés dans l’attente du dégel. Ayant participé à la purge des terriers skavens en compagnie de son mentor, Kubler avait eu la mauvaise idée de s’intéresser à la malepierre utilisée comme monnaie d’échange par ces derniers, et qui le transforma rapidement en méchant de série B.

Ayant dupé la vigilance de son supérieur jusqu’à son fashion faux pas en matière d’accessorisation de sa tenue, Kubler est pris au dépourvu lorsque Karver le trouve en train de faire les poches des corps de Guerriers des Clans gardés en réserve par les Templiers à la recherche de cailloux verts. La surprise change toutefois de camp après qu’un Kubler gravement blessé par le tir de son patron passe en mode Technomage et avale d’un seul coup tous les éclats de malepierre qu’il trimballait sur lui, se transformant en mutant à la force et à la rapidité décuplés. C’est au tour de Karver de se retrouver dans les cordes, mais notre héros avait gardé un atout dans sa manche, ou plutôt au bout d’une chaîne : son rat de compagnie. Transformé en abomination (et pas Abomination, ça ne serait pas rentré dans son bureau) poilue par sa consommation régulière de Glow, Ratatouille est libéré par son maître et ne perd pas une seconde pour creuser un terrier dans la bedaine de Kubler afin d’accéder à la malepierre récemment consommée par le ruffian. Cet affrontement sans merci résulte en la mort simultanée des deux adversaires, laissant Karver le seul survivant de ce truel chaotique. Il faudra penser à passer un coup de mop, tout de même.Fin spoiler

AVIS :

Spurrier transpose avec succès une enquête des stups dans le monde de Warhammer Fantasy Battle avec ce ‘Glow’, qui illustre le sombre mais palpitant quotidien des Templiers de Sigmar lorsqu’ils n’ont pas de sorcières à se mettre sous la dent. Ambiance poisseuse, action rythmée, twist final bien amené… Simon Spurrier démontre l’étendue de ses talents de scénariste et sa valeur comme contributeur à la GW-Fiction avec cette nouvelle, qui sera malheureusement sa seule incursion dans le Monde qui Fut. Comme le hamster adoptif de Richt Karver, on aurait bien aimé avoir du rab’.

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Head Hunting – R. D. Laws :

INTRIGUE :

Head HuntingRetour au Col du Feu Noir (car c’est là que ça se Passe… mouéhéhé) en compagnie d’Angelika Fleischer et de son protecteur (ce qu’il pense) /stalker (ce qu’elle pense), Franziskus. C’est une journée normale pour Angie, qui exerce l’utile profession de récupératrice des champs de bataille, et a localisé le site d’une embuscade grâce aux croassements des corbeaux faisant bombance sur les cadavres abandonnés. Bien que Franziskus, en aristocrate principiel qu’il est, trouve la pratique dégradante, il faut bien que quelqu’un se charge de remettre sur le marché les biens et espèces qui resteraient sinon à prendre la pluie sur leurs défunts propriétaires, au lieu de créer du PIB, comme Baltazar Gelt le voudrait. La moisson du jour est plutôt bonne (un anneau nain pouvant servir de bracelet – les Dawi ont des doigts boudinés – et quelques pièces pour s’acheter un Sub’ en rentrant), mais se fait interrompre par un bruit caractéristique et de mauvais augure : celui d’une hache taillant de la barbaque. Prudents, les deux looters se cachent sur le bord de la route et surprennent peu de temps après un voyageur marchant avec une hache sur l’épaule et un sac suspect à la ceinture.

L’explication de texte entre les trois larrons permet au nouvel arrivant, qui se présente comme le professeur Victor Schreber, de dissiper tout malentendu quant à son accoutrement. Certes, il se balade avec un sac de têtes tranchées, et certes, c’est lui qui les a séparées de leurs précédents propriétaires, mais il l’a fait pour la science. Schreber est en effet un expert en phrénologie, et collectionne les crânes afin de percer le mystère des humeurs et des sentiments de ses semblables. Voyant que le bougre est seulement un gros nerd, et pas un psychopathe en puissance, Angelika et Franziskus ne le retiennent pas plus, mais à leur grande surprise, le prof a eu proposition à leur faire. Il revient en effet du petit village de Verldorf, situé en amont du Col, où il espérait pouvoir collecter un spécimen unique : le crâne du malandrin notoire appelé Potocki, récemment capturé et exécuté pour ses mauvaises actions par les Verldorfer. Ces derniers n’ont pas accepté l’offre, pourtant généreuse, de Schreber de leur prendre la tête (on les comprend), et l’ont chassé à coup de pierres lorsqu’il a insisté. Déterminé à agrandir sa collection, il propose donc deux cents shillings à nos héros en l’échange du crâne tant convoité, à collecter après livraison du paquet à son domicile. Il leur remet également une boîte rembourrée pour faciliter le transport et éviter toute casse pendant le voyage. La présence d’un cadenas pour fermer ladite boîte ne manque par contre pas d’interroger Franziskus…

Après un voyage sans encombre, Angie et Frankie arrivent à Verldorf, hameau misérable dont la principale attraction est le gibet où croupit un cadavre bien amoché, suspendu dans une cage en fer. Malgré son état décati, Potocki terrifie visiblement les locaux, qui refusent de parler de lui en dépit des perches que leur tend une Angelika preneuse d’informations pour faciliter son futur larcin. Ce n’est pas grave, elle fera sans, en bonne professionnelle qu’elle est. Ayant pris résidence dans l’auberge locale, les deux Bonereapers avant l’heure se glissent dehors au cœur de la nuit pour aller perpétrer leur forfait, neutralisant au passage l’alarme que l’aubergiste avait installé à sa fenêtre pour empêcher les mauvais payeurs de s’échapper sans régler l’addition. C’est du moins ce qu’Angelika et son side kick supputent, jusqu’à que l’horrible vérité leur saute littéralement à la figure…

Début spoiler…Potocki n’était en fait pas aussi mort qu’il n’y paraissait, et lorsqu’Angelika fait mine de le raser à l’œil, le cadavre s’anime et l’attaque furieusement. Bien qu’elle s’en sorte sans dommage, le raffut causé par l’affrontement réveille Verldorf, forçant notre héroïne à sortir une masterclass d’improvisation. Elle n’a pas été prise la main dans le sac en train d’attenter à l’intégrité d’un cadavre, non non : elle a été prise d’une crise de somnambulisme causée par l’influence maligne de la goule locale, dont personne, absolument personne ne l’a mis au courant. SKANDHAL !!! Totalement mystifiés par la prestation de leur hôte, les Verldorfer retournent se coucher sans faire d’esclandres, après avoir expliqué que la situation actuelle est le seul moyen qu’ils ont trouvé pour tenir à l’œil l’increvable et intenable Potocki, qui les tourmente depuis des générations et dont la vitalité maléfique défie l’imagination. Faute avouée étant à demi pardonnée, Angelika et Franziskus retournent également se pieuter…

…Et refont une sortie sans tarder, utilisant cette fois-ci la clé qu’Angelika a dérobé à l’aubergiste pendant qu’il lui présentait ses plus plates excuses, ce qui simplifie grandement l’opération « Louis XVI » planifiée par nos héros. Bien que Potocki ne se laisse pas faire, et que le bruit attire à nouveau les villageois hors de leurs masures, la tête finit par être collectée, et les deux gredins peuvent s’enfuir à toutes jambes en direction du manoir de Schreber.

Comme on pouvait s’y attendre de la part d’un employeur ayant omis de préciser ce « petit » détail au moment du briefing, Schreber se révèle être un mauvais payeur, qui sort un pistolet de son armoire au lieu des deux cents shillings promis. Angie avait toutefois prévu le coup, et se contente d’ouvrir la boîte contenant la tête de Potocki en direction de l’érudit félon. Pris au dépourvu par la manœuvre et par le crâne pourrissant qui lui saute à la jugulaire, Schreber est rapidement hors du coup (et hors de cou), ce qui laisse à Angelika et Franziskus toute latitude pour fouiller son domicile à la recherche d’un dédommagement, une fois qu’ils ont pris soin de réduire la tête enragée en bouillie, bien sûr. Au final, les deux comparses repartent avec un nouveau pistolet, ce qui n’est pas beaucoup mais déjà mieux que rien. Ils constatent d’un air détaché que la traînée informe qui était la tête de Potocki semble également être sur le départ, mais à la vitesse où elle progresse, le bougre ne devrait pas faire parler de lui avant cent vingt cinq ans. La Fin des Temps n’attend pour personne…Fin spoiler

AVIS :

Seconde (et à ma connaissance dernière) nouvelle consacrée par Laws à son personnage fétiche d’Angelika Fleischer, ‘Head Hunting’ semble tout droit sorti de l’imagination d’un DM facétieux, et peut se lire comme tel. Malgré l’horreur que représente un cadavre animé (de mauvais sentiments) et apparemment invulnérable, le ton léger avec lequel Robin D. Laws narre cette histoire la fait basculer dans le royaume de la comic fantasy, mais pas dans la parodie pure et simple de Warhammer Fantasy Battle, ce qui est appréciable. Un sympathique interlude entre deux lectures plus sombres.

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The Small Ones – C. L. Werner :

INTRIGUE :

The Small OnesLa vie paisible du village de Marburg, perdu au milieu du Stirland profond (aussi appelé Stirland), est bouleversée par l’arrivée impromptue d’un Sorcier du Chaos mal en point (Thyssen Krotzigk), en fuite après que sa congrégation ait été passée par l’épée par la Garde Noire de Morr du Capitaine Ernst Ditmarr. Prêtre de Morr à l’esprit mal tourné, Thyssen avait profité de sa nomination dans une paroisse reculée pour se vouer à l’étude et à la vénération des Dieux du Chaos avec une totale impunité, jusqu’à ce que le rectorat lui envoie un inspecteur (auquel il arriva un regrettable accident), puis un bataillon de Templiers. La bataille qui fit rage entre cultistes et gothiques se solda par la victoire de ces derniers, mais Thyssen parvint malgré tout à s’enfuir (en clopinant, du fait d’une jambe cassée), laissant Ditmarr avec une manche vide (le feu, ça brûle) et un désir de vengeance inextinguible.

Les Fab Four faisant bien les choses, Thyssen est découvert par une bande d’enfants du coin alors qu’ils jouaient dans la forêt. Ayant tiré le don « sosie d’Alf, mais en grimdark » sur le tableau de l’Œil des Dieux (comprendre qu’il ressemble au fruit des relations incestueuses entre un Gamorréen et un Ewok), le petit Sorcier se fait instantanément adopter par Keren, fille du meunier de Marburg, fan de furries et forme non évoluée de Karen, qui convainc tout aussi rapidement ses camarades (Paul, Therese et Kurt) de cacher celui qu’elle considère comme un prince victime d’une malédiction dans le moulin abandonné du rival de son père (auquel il arriva un regrettable accident, bis). C’est le jackpot pour Thyssen, qui peut se rétablir tranquillement et confortablement grâce aux victuailles que les enfants de Marburg prélèvent dans le garde-manger familial pour son bénéfice, tout en commençant à corrompre son jeune public grâce aux contes séditieux sur Sigmar et les Quatre Princes dont il les abreuve. Après tout, c’est vrai qu’il ressemble beaucoup à Père Castor.

La situation de Thyssen est toutefois précaire, les Marburgeois ne restant pas les bras croisés devant la disparition d’un nombre croissant de leurs rejetons, qui préfèrent squatter dans le moulin de leur copain porcin plutôt que de trimer sang et eau pour leurs vieux (on les comprend). Ils commencent par engager un pisteur pour remonter la trace des disparus… auquel il arrive un regrettable accident, ter. Un peu plus tard, Thyssen mène une vendetta contre le vieux prêtre de Sigmar Hackl, proche de convaincre le conseil municipal de mettre des Répurgateurs sur le coup. Bien que le combat reste longtemps indécis entre le vieillard chétif et l’avorton boiteux (un match d’une violence insoutenable, retransmis à travers les Royaumes du Chaos), Thyssen finit par avoir raison du sigmarite, et met en scène son cadavre pour que, vous l’avez deviné, cela ait l’air d’un regrettable accident. Je ne sais pas si le concept de l’assurance-vie existait dans l’Empire avant la Fin des Temps, mais si c’est le cas, l’activité devait être implantée dans le Stirland.

C’est le moment que choisissent Ditmarr et sa gueule de porte-bonheur pour arriver à Marburg. Toujours sur la piste de sa Némésis poilue, le Garde de Morr disgracié (il s’est fait virer par l’ordre pour abandon de poste) n’est pas contre donner un coup de la seule main qu’il lui reste aux bouseux du coin dans leur problème de fugues infantiles. De son côté, Thyssen considère la venue fortuite de son persécuteur comme un nouveau cadeau des Dieux Noirs, et envoie donc l’un de ses enfants perdus attirer le Templier jusqu’à son QG, pendant qu’il réfléchit à la mise en scène d’un nouvel accident regrettable. Cependant, le messager en culottes courtes sous-estime la méfiance du Garde Noir, qui comprend rapidement que quelque chose ne tourne pas rond dans l’histoire qu’on lui sert, et ne se rend pas seul sur les lieux, comme il aurait dû le faire. En effet, il ordonne aux placides Marburgeois de mettre le feu au moulin au moindre bruit suspect, et, bien qu’ils aient conscience que la plupart de leurs rejetons soient présents dans l’édifice, ils suivent à la lettre les consignes de Ditmarr après que ce dernier se soit fait submerger par ses petits adversaires. Encore une arnaque à l’assurance, ça.

Dans le chaos qui s’ensuit, le Templier ne parvient qu’à crever un œil à Thyssen avant que ce dernier ne prenne à nouveau la poudre d’escampette, laissant ses cultistes puérils faire le coup de feu. L’un d’eux se fait d’ailleurs brièvement posséder par un Buveur de Sang (c’est les hormones) alors qu’il était sur le point de sacrifier Ditmarr pour la plus grande gloire de Khorne, et bastonne le Garde Noir comme plâtre pendant les trente secondes que durent son feat. Bien que le coriace chevalier parvienne à se sortir du brasier après cette tannée surprise, il décède de ses blessures le lendemain, après que les villageois lui aient fait croire que le corps de Thyssen avait été retrouvé dans les décombres du moulin…

Début spoiler…Alors qu’en fait, le Sorcier de poche était déjà loin de Marburg, mais pas dans une situation idéale. La nouvelle se termine en effet sur sa rencontre avec une bande de Gors qui semblent plus emballés par une dégustation de saucisson que par l’accueil d’un nouveau mutant. On ne peut pas leur en vouloir cela dit : le Pumbagor ne faisait pas encore partie du bestiaire des Bêtes du Chaos au moment où cette nouvelle a été écrite…Fin spoiler

AVIS :

Si on ne compte plus les nouvelles de GW-Fiction où des guerriers surhumains s’affrontent pour faire triompher leurs idéaux, celles mettant en scène leurs exacts opposés sont en revanche beaucoup plus rares. On peut donc remercier C. L. Werner d’avoir livré sa version de ‘Sa Majesté des Mouches1 pour Warhammer Fantasy Battle avec ce ‘The Little Ones’, sorte de huis-clos psychologique où le potentiel malaisant d’une bande d’enfants manipulés par un être maléfique est exploité de bien belle façon. Je mets aussi au crédit de l’auteur un séquençage impeccable du récit, qui alterne entre Thyssen, ses petits protégés, et Ditmarr, ainsi que les contes de Sigmar et des Quatre Princes, sorte d’histoire dans l’histoire qui aurait mérité d’être racontée dans une nouvelle séparée. Seul petit bémol : une conclusion un peu bâclée, qui ne donne pas d’indication sur le sort des enfants de Marburg (si Ditmarr a réussi à s’échapper du moulin après avoir boxé deux rounds contre un Sanguinaire, la marmaille chaotique a de bonnes chances de s’en être tirée) et laisse le destin de Thyssen en suspens. On reste cependant en présence d’une très bonne soumission de la part de Werner, dont l’originalité se doit d’être reconnue.

1 : Une comparaison d’autant plus apte que le grand méchant de l’histoire a/est dans les deux cas une tête de cochon.

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Three Knights – G. McNeill :

INTRIGUE :

WFB_Three KnightsLes trois frères Massone, Luc, Fontaine (?) et Belmonde (!?!), ont entrepris une quête d’aucuns considèreraient comme ambitieuse, pour le dire poliment : purger à eux seuls les ruines du Fort du Sang, autrefois bastion des tristement célèbres Vampires Dragons de Sang, et soigneusement évité par tous les voyageurs sains d’esprit depuis sa destruction il y a des décennies. Cette idée chevaleresquement stupide est celle de l’aîné du trio, Luc, qui s’est taillé une réputation de bretteur sans égal d’un bout à l’autre du Vieux Monde. Ses cadets (et par vertu de leur noms débiles, side kicks) ont accepté de lui prêter main forte dans son entreprise hardie, bien que ne disposant pas d’un pedigree aussi ronflant que Lulu. D’ailleurs, Belmonde n’est même pas encore un véritable chevalier du Royaume, ce qui vous situe le niveau moyen de la fine équipe.

Après avoir fait leur arrêt réglementaire dans le village bretonnien puant et boueux (Gugarde) situé sur la route du Fort, et avoir tout aussi réglementairement refusé d’écouter les sages conseils du vétéran couturé qui picolait à la taverne locale, et avait pu en son jeune temps se rendre compte par lui-même qu’un Vampire n’était pas un adversaire à prendre à la légère1, les frangins repartent le lendemain avec un guide en direction de la forteresse maudite. Les choses sérieuses et mortelles commencent réellement à la tombée de la nuit, lorsque les quatre montagnards amateurs se font attaquer par une meute de loups funestes, qui croquent prestement le guide et la mule de bât de l’équipe. Une nuit passée à prélever de la biodiversité pourrissante, et une journée à peiner dans la neige et le froid plus tard, c’est enfin le Fort du Sang qui se présente devant nos héros, qui entrent prestement se mettre au sec et se remettre de leurs émotions.

Guidés par Luc jusqu’à la salle des festins de la bâtisse abandonnée, les frères Massone se font cueillir comme des bleus par une vague de squelettes s’étant animés à la nuit tombée, et qui voient d’une mauvaise orbite trois punks à cheval venir squatter chez leurs ex-patrons. La quantité venant toujours à bout de la qualité, les chevaliers se font acculer dans un coin de la salle, et Fontaine finit embroché comme un döner kebab, au grand désarroi de ses frérots. Luc prend alors sa grosse voix et exige à parler au(x) directeur(s)… ce qui fait battre en retraite les squelettes et arriver un trio de Dragons de Sang, plus intrigués par la déclaration du paladin qu’il a réussi à tuer l’un des leurs qu’animés de chrétiennes (et pour cause, c’est pas le bon univers) intentions envers leurs hôtes du soir…

Début spoiler 1…Ayant prouvé ses dires en solotant une des brutes qui lui avait mal parlé, Luc abat ensuite ses cartes en décapitant en traître Belmonde, afin de prouver aux Dragons de Sang qu’il possède à la fois le talent martial et la fibre morale, ou plutôt son absence, nécessaires pour rejoindre leur ordre. En effet, le chevalier désire bénéficier de la vie éternelle dont disposent les Vampires, et ses grands discours de purge du Fort du Sang n’étaient en fait qu’une ruse pour attirer ses idéalistes de frangins jusqu’au repaire des fils de Harkon. Interloqué par cette demande excentrique, le Kastellan finit par s’exécuter et s’approche de Luc pour lui donner le baiser de sang…

Début spoiler 2…Ou plutôt lui cracher dans la jugulaire, car on se rend compte lors de l’attaque punitive sur Gugarde qui termine la nouvelle que le fier et brave chevalier s’est reconverti, contre sa volonté sans doute, en nécrophage ahuri. Pas le plan de carrière auquel Luc aspirait, mais une salutaire, si définitive, leçon de modestie inculquée à ce dernier par les très select Dragons de Sang. Après tout, le Roy dit nous voulons…Fin spoiler

1 : En bonus, Fontaine et Belmonde participent à la soirée open mic’ en reprenant leurs rôles de plus mauvais duo d’acteurs du Monde qui Fut.

AVIS :

Nouvelle très solide de la part de Graham McNeill, ‘Three Knights’ offre un concentré de grimdark à la sauce WFB à son lecteur à travers les péripéties plus ou moins chevaleresques de ses héros. En plus de mettre en perspective la proverbiale droiture des paladins de Bretonnie, qui tient finalement assez souvent de la légende urbaine rurale, cette nouvelle dispose d’une intrigue bien pensée et mise en place (une deuxième lecture de ‘Three Knights’ permet de repérer les jalons laissés par McNeill au cours des premières pages pour préparer sa conclusion), ainsi que d’une chute impeccable en termes d’exécution. Peut-être le meilleur court format de cet auteur pour Warhammer Fantasy Battle.

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The Road to Damnation – B. Craig :

INTRIGUE :

The Road to DamnationQu’est-ce qui peut pousser un noble estalien (Luis Quintal) et un pirate arabien (Memet Ashraf) à collaborer au lieu de se tailler des croupières, dans la plus pure tradition de leurs nations respectives ? Dans le monde hostile et cruel de Warhammer, où les gens civilisés sont rares, la réponse est : bien des choses. Dans le cas présent, il s’avère que nos deux comparses se sont retrouvés échoués dans les Badlands après que leurs navires aient fait naufrage. Cette région du Vieux Monde étant largement plus connue pour ses innombrables dangers que pour ses petits ports de pêche bucoliques, Quintal et Ashraf ont eu tôt fait de mettre leur bisbille de côté pour maximiser leurs chances de survie. Un choix d’autant plus sensé lorsqu’on est poursuivi par une bande de maraudeurs Orques & Gobelins, comme c’est le cas pour nos deux héros.

Bien qu’étant capables de se défendre (Ashraf à l’arc et Quintal au sabre), leur désavantage numérique et l’épuisement de leurs montures ne les incite pas à l’optimisme. Les compadres se sont en effet enfoncés profondément dans les terres sauvages, à la recherche de la mystérieuse cité antique que le cousin de Quintal avait découvert lors d’une précédente expédition, et qui regorgeait selon lui de gemmes et de trésors. Ce périple les a amenés aux portes du désert nehekharien, dont la chaleur et le sable ont prélevé un lourd tribut sur leurs montures. Sans accès rapide à une source, le fataliste Ashraf considère que les chevaux ne passeront pas la journée (alors qu’un sanglier orque peut cavaler des jours sans boire, encore une preuve de la supériorité de la gent porcine), ce qui condamnera les humains à une mort lente des mains des peaux vertes. La chance des aventuriers semble toutefois tourner lorsqu’ils trouvent une ancienne route, puis repèrent un vol de vautours tournoyant au-dessus d’un sanglier en détresse. Cela n’inspire rien d’autre à Quintal qu’une envie de saucisson, mais son compagnon a tôt fait de comprendre que l’animal avait localisé une source d’eau grâce à son flair, mais n’a pas pu y accéder pour la bonne et simple raison qu’il s’agissait d’un puits couvert. Cette découverte fortuite requinque nos héros, qui feront cependant trajectoire à part pour la suite de la nouvelle, la corde utilisée pour descendre Quintal dans le puits afin de remplir leurs gourdes cédant brutalement, faisant choir l’Estalien dans une rivière souterraine qui l’emporte aussitôt en aval. Envoyer le gars qui s’appelle littéralement « 100 kilos » faire de la varappe n’était peut-être pas le meilleur plan qui soit…

Cette séance de de canyoning improvisée n’est toutefois pas fatale à Quintal, qui finit par arriver dans un bassin donnant sur les niveaux inférieurs d’une sorte de temple. Après quelques heures à errer dans les ténèbres à la recherche d’une sortie, il finit par arriver dans une grande salle où plusieurs arbres centenaires ont poussé, et dont les branches lui permettront de rejoindre les ouvertures ménagées en hauteur, et donnant sur l’extérieur. Il repère aussi un peu de loot à récupérer au passage, à savoir un sceptre rehaussé de pierres précieuses dans la main d’une grande statue dominant ce qui se trouve être un autel sacrificiel, et présentant la particularité d’être moitié homme et moitié femme (#NousSachons). Se croyant tiré d’affaire, il s’autorise donc un petit somme réparateur pour recharger ses batteries… et ne tarde pas à s’en mordre les doigts lorsqu’il est surpris à son réveil par l’arrivée des peaux-vertes dans le temple. Bien que disposant d’une longueur d’avance, ses poursuivants devant élargir les ouvertures à moitié effondrées pour accéder au bâtiment, son isolation et son absence d’arme (il avait confié son sabre à Ashraf avant de partir en spéléo) semblent le condamner à court terme. S’étant réfugié dans les niveaux inférieurs du temple pour tenter de mettre le plus de distance entre ses bullies et lui, il a la surprise d’entendre une voix résonner dans sa tête et lui proposer un marché : son âme contre un bundle de cadeaux fantastiques, dont une vision infrarouge et un service de protection assuré par une vingtaine d’Ushabtis. A court d’options, Quintal accepte (sans même savoir ce qu’est un Ushabti, il y aurait pu avoir entourloupe si la voix avait été celle d’un Démon de Zuvassin), et constate grâce à sa nouvelle acuité visuelle que ce qu’il avait considéré comme étant de simples statues de crocodiles se mettent effectivement à bouger, et à poursuivre les Gobelins envoyés en éclaireurs dans le temple par leurs gros copains verts.

De son côté, Ashraf s’est aventuré dans la cité déserte après avoir abreuvé les chevaux, jugeant probable que son compagnon ait été emporté dans cette direction par le courant. Il assiste aux travaux d’excavation sauvage menés par les peaux vertes pour accéder au temple, sans se douter d’abord des raisons de leur enthousiasme pour cette ruine, et se glisse à l’intérieur du bâtiment à leur suite pour tenter d’en éliminer le plus possible tant que la bande n’est pas au complet. Juché sur un des arbres du temple, il assiste aux premières loges à un match de catch par équipe des plus originaux, les Orques et Gobelins faisant face à des Ushabtis visiblement plus intéressés par faire de gros câlins à leurs adversaires qu’à les réduire en morceaux. Hésitant sur la conduite à suivre et en faveur de qui intervenir, Ashraf se retrouve lui aussi désarmé après que des serpents venimeux aient décidé de s’installer sur son arc et ses flèches, forçant l’Arabien à les laisser tomber pour éviter une morsure. Il assiste ensuite à l’arrivée d’un Quintal visiblement pas dans son état normal, et dont l’entrée en jeu permet à la team Crocos de remporter le match sans coup férir (#ImpactPlayer).

La cérémonie de sacrifice des peaux vertes à laquelle Quintal se livre ensuite (en même temps qu’à un monologue digne du méchant de série B qu’il est devenu) est interrompue par l’incendie déclenché par Ashraf dans les branches de l’arbre où il s’était réfugié, manière pour lui de détourner l’attention de son ex-collègue et de ses gardes du corps sauriens, le temps qu’il puisse se glisser dans les niveaux inférieurs du temple, où il pense avoir de meilleures chances de survie. Cette stratégie fonctionne, mais Quintal prend l’interruption de séance et la combustion de ses Ushabtis (très inflammables) avec un recul digne d’un paresseux sous tranquillisants, et se contente de ramasser le sceptre que tenait l’idole – définitivement Slaaneshi – du temple lorsque la chaleur du brasier la fait tomber en morceaux, avant de suivre Ashraf.

La réunion entre les deux partenaires, si elle s’engage de manière très courtoise, menace de dégénérer à tout moment, Ashraf étant à ce stade convaincu que son camarade est devenu le serviteur d’une puissance néfaste. Lorsque Quintal lui propose de renouveler leur collaboration, et de le suivre sur la route de la damnation, l’Arabien pèse soigneusement ses options…

Début spoiler…Et décide finalement d’accepter. Après tout, et comme il le reconnaît lui-même sans honte, il n’est pas un enfant de chœur, et ses chances de se sortir du guêpier dans lequel il s’est mis sans l’assistance de Quintal et de ses nouveaux pouvoirs sont infinitésimales, pour le dire poliment. C’est ainsi qu’une nouvelle grande puissance (régionale) fit son apparition sur la mappemonde géopolitique du Vieux Monde : les Rois des Tombes du Chaos. Que voilà un exemple d’assimilation réussie !Fin spoiler   

AVIS :

Brian Craig s’est toujours tenu à part des autres auteurs de la Black Library, même à l’époque où ce contingent était si réduit qu’il en formait une bonne partie à lui seul. Son approche personnelle de la fantasy était en effet bien trop classique et, osons le terme, intellectuelle, pour une GW-Fiction plutôt portée sur l’action et l’aventure (une inclinaison normale pour la division littéraire d’un jeu de batailles fantastiques, il faut le reconnaître). ‘The Road to Damnation’, une de ses dernières nouvelles publiées pour le compte de cette franchise, peut être considérée comme sa soumission la plus alignée avec le BL-style que les éditeurs vétérans Marc Gascoigne et Christian Dunn établirent dans les premières années d’existence de la Black Library1. Mais si son intrigue ne détonne pas avec celles des travaux de ses camarades d’écurie, ‘The Road to Damnation’ porte très clairement la patte de Craig, tant sur le fond que sur la forme.

Le récit des mésaventures de Quintal et Ashraf se fait en effet à un rythme relativement posé, loin de la frénésie d’action que l’on associe avec les courts formats de la BL (un sentiment renforcé par la tendance de Craig à intégrer à sa narration les réflexions de ses personnages), et reste particulièrement prosaïque et « à hauteur d’homme » pour une nouvelle se déroulant dans le monde Warhammer Fantasy Battle, un univers défini en grande partie par l’action de forces divines et surnaturelles, auxquelles les mortels ne peuvent en général pas se soustraire. Cela se percevait dans d’autres travaux de Brian Craig (‘Who Mourns a Necromancer ?’, ‘The Winter Wind’), mais l’auteur vétéran pousse ici le paradoxe encore plus loin, puisque cette novella met en scène une authentique corruption chaotique, immédiatement identifiée comme telle par Quintal et Ashraf (ce qui fait une grosse différence par rapport au sort des héros de ‘A Gardener in Parravon’ et ‘The Light of Transfiguration’, qui tombent – parfois littéralement – dans le Chaos sans s’en rendre compte), mais qui semble être sous sa plume devenir un processus presque banal, et non un événement traumatisant. Pour un contributeur moins talentueux que Craig, cette approche aurait fini en hors sujet total, mais la pilule passe ici très bien, dès lors que le lecteur s’acclimate aux particularités narratives et stylistiques de l’auteur. On en est quitte pour cinquante pages d’exploration d’un temple antique dédié à une divinité maléfique, à la manière d’une aventure de Conan le Cimmérien ou de Solomon Kane, et il serait dommage de bouder son plaisir.

Le seul bémol que je mettrai à ‘The Road to Damnation’ est relative au background. Alors que Craig avait toujours montré des bonnes dispositions à respecter le lore de Warhammer Fantasy Battle, il nous sert ici un crossover très (trop) ambitieux entre le fluff des Rois des Tombes et celui des serviteurs du Chaos, et dont on dira pudiquement qu’il n’a pas fait école. Ironiquement, lorsque la BL lèvera le voile sur les origines de Nagash, bien des années plus tard, l’hypothèse d’un culte de Slaanesh clandestin à Nehekhara se fera moins farfelue2. Cela ne gène pas le plaisir de lecture, mais invite à considérer les informations fluffiques relayées dans la nouvelle avec des pincettes. Un petit prix à payer pour profiter de la Craig’s touch

1 : ‘The Road to Damnation’ a été publiée dans le recueil ‘Way of the Dead’ (ça en fait des noms de rues sympathiques !), en 2003.
2 : Nagash apprenant la magie noire d’une cabale d’Elfes Noirs menée par une Sorcière, peut-être familière avec les croyances de Morathi…

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Mark of the Beast – J. Green :

INTRIGUE :

Mark of the BeastSoldat de carrière dans l’armée du Tzar de Kislev, Torben Badenov a gravi les échelons jusqu’à devenir le commandant d’une unité d’éclaireurs montés (15 exactement, et tous présentés par Green dès la première page de la nouvelle1). Pour son grand malheur, il sert sous le Capitaine Arman Yasharov, un noble kislevite aussi incompétent que méprisant, et bien décidé à faire tout ce qui est en son pouvoir pour revenir le plus tôt possible vidanger le samovar de la Reine des Glaces (en tout bien tout honneur, bien sûr). La bande d’Hommes Bêtes que son armée poursuit, et qui signe ses méfaits en apposant la titulaire « marque de la bête » dans les décombres des villages qu’elle a rasée2, bénéficie donc d’un avantage certain sur ses adversaires humains, et le pauvre Badenov en est réduit à limiter les dégâts causés par le leadership exécrable de son officier.

Envoyés par Yasharov pister la trace de la harde, qui semble avoir fait des prisonniers lors de sa dernière attaque, comme le faible nombre de cadavres trouvés dans les ruines du hameau où la nouvelle débute le laisse à penser, Badenov et ses scouts se font surprendre en rase taïga par une bande d’Ungors dépêchés par le Seigneur des Bêtes Gashrakk Blackhoof pour faire le service d’ordre à proximité de son campement. Gashrakk est en effet un visionnaire, dont le grand dessein est de réveiller le Seigneur du Dawa (Lord of Misrule en V.O.), une déité 100% chaotique que les légendes des Bêtes du Chaos font reposer en dessous de la pierre des hardes de la tribu de la Corne Noire. Pour permettre au Dawaster de sortir de son trou et de régner à nouveau sur son « royaume de confusion » (sicoù on n’écoute que du Genesis à fond les ballons, j’imagine), le big G. a un plan : sacrifier un nombre suffisant de prisonniers au Chaos, en mettant le feu à une effigie géante d’Homme Bête construit avec des cages en bois. Et moi qui pensait qu’ils ne savaient rien faire de leurs dix (?) doigts (?), me voilà corrigé. L’approche peu subtile de Yasharov ayant alerté le chamane Cathbad, Gashrakk sait que son projet X risque d’être interrompu par des Kislevites en maraude, et a donc envoyé quelques bandes désœuvrées contrecarrer la manœuvre. Il a aussi envoyé une doublette de chars à sangleboucs, malheureusement pour les cavaliers légers de Badenov, qui sont contraints à se replier en désordre après l’intervention des panzers adverses, abandonnant quelques morts et blessés sur le champ de bataille.

De retour au campement kislévite, Badenov réussit à obtenir de son Capitaine l’autorisation de lancer une mission d’infiltration de la base adverse (repérée par d’autres scouts, plus doués, eux) pour tenter de libérer ses camarades prisonniers, et peut-être secourir quelques civils au passage. Yasharov n’est absolument pas convaincu par la menace posée par un rituel sacrificiel qu’il s’agirait d’empêcher avant que l’attaque de son armée ne débute, mais il laisse tout de même à son sous-fifre jusqu’à la tombée de la nuit pour mettre à exécution son plan, après quoi il donnera l’assaut. Réduits à mi-effectifs à ce stade de la nouvelle, les Badenov’s Baddies profitent d’un coup de pouce de la part du script pour progresser vers leur objectif : le campement des Hommes Bêtes a été établi sur un ancien oppidum ungol, et compte bien entendu un souterrain secret reliant le centre de la place forte à l’extérieur. Haaa. Et nos héros trouvent bien sûr ce souterrain secret en l’espace de trois minutes. Hooo. Leur chance tourne cependant lorsqu’ils découvrent que les Gors ont décidé d’installer leurs latrines à l’endroit où le tunnel émerge dans leur campement. Un petit prix à payer pour speed runner cette quête, cependant.

De son côté, Gashrakk ne s’est pas tourné les sabots et a entamé le rite de réveil démoniaque/feu de joie païen avec Cathbad. L’arrivée imminente de l’armée kislevite, que sa bande d’Ungors n’a manifestement pas arrêtée (comme c’est bizarre) force toutefois le Seigneur des Hardes à accélérer le protocole, et à balancer une torche sur son bonhomme (bête) carnaval avant que le chamane n’ait pu terminer de réciter « je te tiens par la barbichette » 666 fois de suite. C’est le moment que choisissent Badenov et ses hommes pour lancer leur attaque sur les mutants, confiants dans le fait qu’il ne leur faudra tenir que quelques minutes avant que le reste de leurs forces n’arrivent en renfort, pas vrai ? PAS VRAI ? En cela, ils ont sous-estimé le jemenfoutisme de Yasharov, qui se contente d’envoyer quelques cavaliers barricader les portes du campement (?) pour empêcher les Hommes Bêtes de sortir. Car apparemment, ces derniers savent construire des statues en bois de 10 mètres de haut, mais le concept de distance de sécurité par rapport à un foyer de combustion leur est inconnu. La magie du scénario…

Toujours est-il que cette défection de dernière minute ne fait pas les affaires de nos héros. Si Cathbad se fait assez facilement soloter par Arnwolf le Norse, Badenov n’a pas la partie facile contre Gashrakk. Finalement, un anneau nasal trop solidement fixé, un crochet attaché à une chaîne elle-même fixée à la pierre des hardes, et surtout un positionnement malheureux du Seigneur des Blettes vis-à-vis de l’angle de chute de son effigie enflammée, auront raison du pauvre Blackhoof. C’est ce qu’on appelle un bûcher des vanités, vraiment. S’il ne réussit pas à réveiller le Dawaster et perd toute sa tribu en même temps que sa vie dans cette folle soirée (les Hommes Bêtes le sont vraiment, faut croire), il peut au moins se réconforter en songeant que tous les villageois capturés ont également fini en marshmallow (donc je ne comprends pas pourquoi son plan n’a pas marché… à moins que les invocations de Cathbad soient vraiment capitales), ainsi que la plupart des hommes de Badenov. En comptant l’évasion miraculeuse d’Oran et de Manfred, qui avaient été faits prisonniers par les Ungors, nos héros ne sont plus que six, et c’est assez naturellement qu’ils décident de déserter pour devenir des mercenaires, loin de l’incompétente brutalité des officiers placés là par leur famille. D’ailleurs, à ce propos…

Début spoiler…Il n’est jamais trop tard pour se venger de mauvais traitements, surtout quand on n’a plus rien à perdre. Badenov et Oran rendent donc visite à Yasharov au cœur de la nuit, et procèdent à un échange du meilleur goût : ils laissent la tête calcinée de Gashrakk dans le lit de l’aristocrate, Le Parrain-style, et vont planter la sienne sur une pique à l’extérieur du camp kislévite, avant de partir voir ailleurs s’ils y sont. On connaît la suite…Fin spoiler

1 : Et si vous pensez que je n’ai pas la patience ou la mesquinerie nécessaire pour relayer l’information, vous devez être nouveau ici : Torben Badenov, Oran Scarfen, Vladimir Grozny, Alexi, Arkady et Andrei Tolyev, Manfred, Oleg Chenkov, Arnwolf, Zabrov, Mikhail Polenko, Yuri Gorsk Kiryl, Evgenii, Cheslav, Stefan. Il n’en resteraque six  à la fin, ne vous attachez pas trop.
2 : Parfois en utilisant des matériaux… plus biodégradables que d’autres.

AVIS :

S’il ne s’agit pas de la première nouvelle écrite par Jonathan Green pour sa bande de mercenaires préférés, ‘Mark of the Beast’ peut au moins se prévaloir d’être le premier épisode de la série qui donnera au final le recueil ‘The Dead and the Damned’. Le résultat n’est pas aussi navrant qu’il a pu être dans d’autres péripéties badenoviennes, la haute teneur en action (bas du front) injectée par Green dans cette aventure l’empêchant de trop s’empêtrer dans son scénario, même si ce dernier apparaît tout de même très fragile dès lors qu’on a le malheur de s’intéresser un peu trop à lui. Si le héros s’appelle Badenov, l’auteur a pour sa part bien mérité le nom de Good Enough… De la cheap fantasy très peu intéressante, à moins que vous ne cherchiez à voir ce que le BL style a produit de plus suranné.

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Jahama’s Lesson – M. Farrer :

INTRIGUE :

Jahama's LessonLe Seigneur Khreos Maledict a quitté sa cité de Karond Kar avec armes et bagages pour mener un raid sur les côtes bretonniennes. Pillard invétéré, il a laissé la fougue de sa jeunesse derrière lui et cherche désormais à remporter ses campagnes en évitant de passer par la case « bataille rangée ». C’est à cette fin qu’il a recruté la Matriarche Miharan Diamo, et surtout son protégé, l’assassin Jahama, pour mener une opération de diversion au cœur du château du Duc d’Argent, dont l’armée pourrait s’opposer à celle des Elfes Noirs. Maledict a aussi embarqué son neveu (Khrait), officiellement pour le former au métier, mais d’abord et surtout pour pouvoir débiter d’interminables et pompeux monologues sur son génie stratégique. Nos quatre personnages débarquent en avance des troupes druchii pour accompagner Jahama jusqu’à l’endroit où sa mission d’infiltration doit commencer. Après avoir reçu la bénédiction de sa tutrice, le tueur prend la clé des champs et se dirige vers la forteresse ennemie.

Sur le chemin les ramenant vers l’Arche Noire que le Dynaste a affrétée pour sa virée shopping ultramarine, Khreos et Miharan échangent quelques piques au sujet des qualités de l’assassin. Le noble se fait un plaisir de révéler à la Matriarche que son élève va se retrouver confronté à une opposition exceptionnelle, le Duc d’Argent étant une force de la nature au tableau de chasse impressionnant, sans parler de son entourage de chevaliers endurcis et de fidèles hommes d’armes. Supprimer le commandant bretonnien ne sera donc pas une partie de plaisir pour Jahama, dont c’est pourtant la mission. Miharan ne se montre cependant pas très inquiète, et commence à raconter à l’oncle et au neveu la dernière épreuve à laquelle Jahama a dû se soumettre pour gagner ses galons d’assassin. Hellebron étant cette année-là d’une humeur particulièrement massacrante (on suppose qu’elle était en rade d’anti-rides), la mégère avait défié les impétrants de pénétrer dans son manoir bourré de pièges, et de prendre à son assassin personnel, le redouté (autant qu’inconnu, mais c’est plutôt flatteur dans ce métier) Hakoer, son collier d’argent serti d’un rubis. Comme ledit Hakoer avait hérité de l’Epée de Mort de son employeuse le temps de l’épreuve pour en relever encore un peu la difficulté, les bookmakers de Har Ganeth avaient mis une côte stratosphérique sur la promotion Kermit1. Le trio remonte à bord et se sépare pour se préparer à l’assaut contre les humains avant que la Matriarche ait pu finir son histoire, laissant Khreos et Khrait dubitatifs sur la véracité de son récit.

De son côté, Jahama ne traîne pas en besogne, et parvient à se glisser à l’intérieur du château d’Argent alors qu’un banquet célébrant une campagne victorieuse contre une harde d’Hommes Bêtes en maraude bat son plein. Mais eu lieu de se rendre dans la chambre du Duc pour se cacher dans un placard pour le surprendre en pyjama, l’assassin préfère foutre un bordel monstre dans les festivités bretonniennes, et de façon tout à fait visible qui plus est. Après avoir suriné/fléchetté/garrotté/savaté une dizaine de convives et de serviteurs, l’alerte générale est donnée et le Druchii meurtrier se retrouve confronté à une horde d’adversaires compensant leur manque d’armure et leur alcoolémie élevée par les vertus du juste courroux et de la motivation implacable. Malgré ses talents de combattant et d’acrobate, Jahama finit par se retrouver en mauvaise posture, et le Duc d’Argent en personne se fraie un chemin jusqu’à lui pour le défier en duel, dans la plus pure tradition locale. Peu intéressé par la proposition, l’Elfe Noir se contente d’envoyer sa dernière dague de jet dans la poitrine d’une Demoiselle qui avait commis l’erreur de traîner dans le coin, avant de littéralement tirer sa révérence et de s’enfuir du château, poursuivi par une meute d’humains vengeurs.

Retour du côté Druchii, où l’armée de Maledict progresse sans se presser vers la forteresse d’Argent. Khreos révèle en aparté à son neveu qu’il a mis Jahama sur une mission suicide, dont le but était de désorganiser les Bretonniens plutôt que de tuer leur Duc, et qu’il a pour projet d’arranger un regrettable accident pour Miharan avant que l’expédition ne se termine, afin qu’elle ne puisse pas lui tenir rigueur de la mort de son pupille. Ces confidences sont toutefois interrompues par une clameur qui retentit à l’horizon, alors que les Elfes Noirs sont encore en ordre dispersé…

Début spoiler…C’est l’armée du Duc d’Argent qui s’est portée à leur rencontre, et qui roule sur les pillards comme un 4×4 sur un crapaud (gothique). Dans la mêlée qui s’ensuit, Khreos est mortellement blessé par l’ennemi, et tente péniblement de ramper hors du champ de bataille pour rejoindre le littoral et l’Arche Noire qui y est amarrée. Sa lente progression est stoppée par Jahama, qui lui révèle qu’il a « malencontreusement » laissé tomber la carte sur laquelle l’itinéraire des Elfes Noirs était indiqué au moment où il quittait le château du Duc. C’est vraiment ballot, mes plus confuses dude ! Il s’agissait pour lui de donner une leçon à un noble arrogant, qui prétendait utiliser le culte de Khaine comme de vulgaires mercenaires, et d’inculquer le respect de cette ignoble institution au reste des puissants de Naggaroth. Avant qu’il ne soit abandonné par Jahama, qui après tout a un bateau à prendre, Khreos a le temps de remarquer que le responsable de sa chute porte un collier d’argent où brille un rubis…Fin spoiler

1 : Les classes d’Assassins Elfes Noirs sont baptisés en honneur des marionnettes du Muppets Show. Nul ne sait d’où vient cette tradition.

AVIS :

Pour sa seule incursion recensée dans le Vieux Monde, Matthew Farrer signe une petite fable grinçante illustrant parfaitement le caractère impitoyable et retors de la société elfe noire, un genre d’histoire dont on peut difficilement se lasser, dès lors que la qualité est au rendez-vous, ce qui est ici le cas. De plus, il prolonge le plaisir en mettant en scène avec un luxe de détails et une vraisemblance rarement atteints (à ma connaissance) dans la GW-Fiction deux pans incontournables du fluff des Druchii : piller les côtes du Vieux Monde d’une part, et assassiner leurs rivaux d’autre part. Si les Elfes Noirs sont votre faction de cœur, ‘Jahama’s Lesson’ est un must read absolu, et tant pis pour Khreos Maledict.

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A Good Thief – S. Jowett :

INTRIGUE :

A Good ThiefFrançois Villon est un poète (naaaaaan ???) à l’esprit vif et à la langue bien pendue, ce qui lui cause autant de problèmes que d’opportunités. Forcé à l’exil de sa Marienburg natale après que les vers qu’il a composés sur les activités extra-maritales de la femme de l’un des princes marchands de la cité soient parvenus aux oreilles du mari cocu, il a trouvé refuge dans la petite ville de Wallenholt, et est devenu le poète de cour du Graf local. Une occupation indigne de ses talents, qui sont de son avis de spécialiste, superlatifs, mais qui lui permet de vivoter tranquillement aux crochets de son mécène.

La situation de Villon se complique lorsque le Graf de Wallenholt reçoit la visite d’une délégation de notables impériaux, dans laquelle se trouve un parent de la Frau von Klacht, dont les frasques libertines ont été mises en vers (et contre tous) par notre poète. Reconnu par le visiteur, Villon est fissa envoyé à la case prison par son employeur, qui préfère logiquement se séparer de son flagorneur licencié plutôt que d’hériter d’une guerre commerciale avec l’un des marchands les plus influents du Vieux Monde. Par chance pour Villon, la petite soirée pendant laquelle son destin s’est joué s’est déroulée devant un autre témoin, d’opinion plus favorable envers le rimailleur de cour. Le Magister (puisqu’on ne le connaîtra pas sous d’autres noms) organise l’évasion de notre héros pendant son transfert vers Marienburg, et lui remet une mission très spéciale en échange de ce coup de pouce inespéré : il doit se rendre dans un village du Reikwald tombé sous la coupe du bandit Gerhard Kraus, et mettre la main sur un artefact magique que le même Kraus a acquis pour le compte du Magister, avant de décider de le garder pour lui. Tout cela est bien mystérieux.

A son arrivée à Krausberg, Villon ne perd pas de temps à s’encanailler avec les hommes du seigneur brigand, qui reste lui complètement reclus dans ses quartiers. Il lui faudra attendre une nuit de beuverie pendant laquelle son public lui demande de réciter pour la énième fois son ode épique sur Frau von Klacht pour que Kraus daigne faire son apparition, et défie Villon à un duel… de poésie. Original, n’est-ce pas ? Le brigand n’est cependant pas un adepte du free style, et se contente de réciter les strophes tirées d’un petit livre qu’il a amené avec lui, et dont la nature arcanique ne fait rapidement pas de doute à Villon, qui se fait happer par la déclamation de Kraus au même titre que le reste de l’assemblée. Il est évident que c’est l’objet que le Magister l’a envoyé reprendre au mercenaire indélicat, et Villon décide d’agir la nuit même, profitant du gros coup de mou subi par Kraus après la fin de sa prestation. L’art est épuisant, c’est vrai.

Voleur avant d’être poète, Villon n’a aucun mal à se glisser dans la chambre du bandit et à mettre la main sur le livre en question, dont l’influence néfaste n’est pas à sous-estimer. Ne pouvant corrompre directement notre héros (qui est analphabète, et c’est bien pour cela que le Magister l’a choisi en premier lieu) comme il l’a fait pour Kraus, le grimoire possède ce dernier et un combat féroce s’engage entre les deux chineurs d’antiquités pour la possession du grimoire. Villon finit par remporter le match et s’enfuit par la fenêtre avec son butin sous le bras, laissant Kraus éborgné et exposé comme fraude littéraire (une double sanction bien sévère, si vous voulez mon avis). Après un voyage vers Altdorf, où le Magister lui a donné rendez-vous, le poète remet le bouquin tant convoité à son commanditaire, qui le jette immédiatement dans le feu, OPA Gandalf-style. Contrairement à l’Anneau Unique, le parchemin est inflammable et l’ouvrage maudit (askip) finit en fumée. Voilà une nouvelle menace qui planait insidieusement sur l’Empire écartée pour de bon…

Début spoiler…Enfin presque. Villon a en effet jugé malin de donner au Magister un livre dérobé au hasard dans la bibliothèque municipale la plus proche, préférant trouver un riche gogo pour lui acheter le vrai grimoire un peu plus tard. A malin, malin et demi cependant : le Magister ne met pas longtemps à se rendre compte qu’il a été dupé, et se fait un plaisir de faire arrêter Villon pour lui apprendre à jouer des tours aux puissants de ce monde. Par chance pour notre poète-escroc, M a une nouvelle mission à lui confier, ce qui est toujours mieux que danser la gigue des pendus (en attendant d’en composer la ballade, bien sûr)…Fin spoiler

AVIS :

Simon Jowett prend son temps et déroule une histoire originale de poète-voleur missionné pour dérober un grimoire de sonnets à un seigneur bandit trop cultivé pour son propre bien (je vous défie de trouver une intrigue comparable dans tout le corpus de la GW-Fiction) dans ce ‘A Good Thief’, dont la moitié des pages est finalement consacrée à la présentation du héros. Jowett est suffisamment doué avec sa plume pour que le lecteur n’ait pas l’impression de se faire flouer dans la manœuvre, mais il ne reste pas moins que cette nouvelle ressemble plus à l’introduction d’un roman, qui n’aura au final pas été écrit1, qu’à une œuvre indépendante. Une sympathique curiosité.

1 : Un puissant et mystérieux commanditaire œuvrant en secret pour le bien de l’Empire recrute des agents doués de talents particuliers parmi le gibier de potence impérial ? Ça me dit vaguement quelque chose

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What Price Vengeance? – C. L. Werner :

INTRIGUE :

What Price VengeanceLa bande de mercenaires tiléens du Capitaine Ursio a connu de meilleurs jours : engagée par le rusé Vicomte Augustine de Chegney pour brigander en son nom sur les terres de ses voisins, elle a failli à sa mission et a en conséquence essuyé une attaque meurtrière de la part d’autres sbires de l’implacable Bretonien, peu enclin à laisser des témoins de sa vilénie ternir sa réputation. Il paraît que les chevaliers du Royaume sont h.o.n.o.r.a.b.l.e.s après tout. Malheureusement pour Gus, les reitres ont survécu, et sont maintenant assoiffés de vengeance. Profitant de la bonté de Claudan de Chegney (fils du premier), ils investissent donc la place forte que ce dernier occupe au nom de son père – et qu’il a dérobé à un autre voisin, impérial celui-ci – en prétextant chercher à s’abriter des terribles orages des Montagnes Grises… et passent tous les habitants du château par le fil de l’épée pour se passer les nerfs. Tous ? Pas tout à fait. À malin, malin à demi : Ursio repart donc se cacher dans la campagne avoisinante avec le jeune fils de feu Claudan et sa nourrice, et charge le gouverneur du noble trucidé d’aller porter sa demande de rançon à Augustine.

Bien que n’étant pas vraiment un enfant de chœur, comme on a pu le voir plus haut, le Vicomte est un family man, ne serait-ce que parce qu’il est trop bête d’agrandir le fief familial uniquement pour le voir disparaître à sa mort, faute d’héritiers. N’ayant plus que Claudan Junior (que nous appellerons Cloclo) de ce côté-là, il est prêt à dépenser sans compter pour retrouver l’usufruit de son petit-fils, mais est convaincu par son conseiller (Plaisant) de ne pas négocier avec des terroristes, et de recruter à la place un tueur professionnel pour aller récupérer le bébé à ses ravisseurs. Cela tombe bien, Plaisant a justement un nom à souffler à son patron : celui du redoutable Brunner, un impérial que l’on dit de noble ascendance (ça compte pour les Bretonniens), et n’ayant jamais failli à la tâche. Augustine envoie donc son sénéchal recruter le chasseur de primes… qui refuse de prendre la mission, malgré les 200 couronnes d’or sonnantes et trébuchantes que le bon Plaise lui fait miroiter. Enfin, il fait mine de refuser plutôt, le temps de laisser un Plaisant très colère repartir de la taverne dans laquelle le rendez-vous a pris place, et se faire embusquer quelques mètres plus loin par un groupe de truands de bas étage, qui n’ont pas pu résister à la grosse bourse (au singulier ça va) du sénéchal. Cette avidité leur sera fatale, Brunner sortant des ombres au moment fatidique pour leur régler leur compte avec une efficacité consumée, et empocher au passage les quelques pièces d’argent que la mort de ces soudards lui rapporteront. Y a pas de petits profits.

Un peu plus tard, nous retrouvons le taciturne mercenaire sur les terres du Vicomte, qu’il semble très bien connaître. Ayant joué le rôle de l’innocent (mais tout de même très bien armé) voyageur pour attirer trois des hommes d’Ursio à se montrer auprès de son feu de camp, il a tôt fait d’en envoyer deux chez Morio (le Morr tiléen), gardant le troisième en vie pour qu’il lui indique où se sont cachés ses petits camarades. Et si la tour de guet abandonnée que les kidnappeurs ont choisi comme repaire semblait être un endroit parfait pour surveiller les environs, on s’aperçoit bien vite que Brunner joue vraiment à domicile, puisqu’il pénètre dans le donjon au nez et à la barbe des sentinelles grâce à sa connaissance du passage secret reliant l’édifice à un tunnel à proximité. Cet avantage lui permet de neutraliser discrètement (au début) les hommes d’Ursio, laissant ce dernier seulement accompagné de ses deux derniers lieutenants, et de ce cher Cloclo (la nourrice ayant été étranglée par un mercenaire nerveux après que Brunner ait arrêté le mode silencieux, et commencé à castagner du sbire sans retenue), dans la salle principale de la tour.

Ce remake Battle de ‘Trois Hommes et un Couffin’ ne se termine pas aussi bien que l’œuvre originale pour le trio en question. Les compagnons d’Ursio tombent rapidement sous les balles et les lames du chasseur de primes, ce qui laisse leur Capitaine s’échapper en courant avec le bébé dans les bras… jusqu’à ce qu’il fasse la rencontre des chausse-trapes que Brunner a pris soin de semer en bas de l’escalier de la tour, ce qui ruine ses sneakers et l’envoie au tapis (et le pauvre Cloclo avec, encore un drame des bébés secoués). Lorsque le Tiléen voit sa Némésis apparaître sur le pallier, il tente de le convaincre de le ramener avec lui chez de Chegney, ce que Brunner accepte… partiellement. Comme il le révèle à sa victime, le Vicomte n’a en effet payé que pour sa tête, le reste de son anatomie peut donc rester sur place.

La nouvelle se termine avec un face à face entre Brunner et de Chegney, le premier annonçant à son employeur que, malheureusement, Cloclo n’a pas survécu à sa capture. Dévasté par la nouvelle, le noble accepte tout de même d’honorer sa part du contrat et remet à son chasseur de tête (qui n’est pas revenu les mains vides) la moitié restante de la somme convenue, avant de lui donner congé…

Début spoiler…Mais la scène « post-credit » (si je puis dire) révèle que Brunner a menti, et gardé le bébé avec lui. Ne pouvant l’élever seul, il le confie à un couple de marchands, auxquels il remet également la prime versée par de Chegney. On comprend quand il présente Cloclo comme étant également son petit-fils que le chasseur de primes était en fait le Graf Von Drakenburg dont de Chegney a usurpé le domaine, marié de force la fille à son fils, et vendu à des esclavagistes pour s’en débarrasser. Cela explique la connaissance approfondie des terres des Von Drakenburg dont Brunner dispose, et son peu d’empressement à rendre Cloclo à Gus. La garde partagée est un plat qui se mange froid.Fin spoiler

AVIS :

Après nous avoir fait don de Mathias Thulmann quelques infernaux numéros plus tôt, C. L. Werner remet le couvert avec ‘What Price Vengeance ?’, nouvelle introductive de l’un de ses personnages les plus marquants, le chasseur de primes Brunner. Le charme opère immédiatement dans cette histoire de prise d’otage (violente) et d’opération de libération (tout aussi violente), l’auteur parvenant à nous embarquer d’un tour de plume dans les bas-fonds du Vieux Monde en compagnie de brigands sanguinaires, de nobles cauteleux et de mercenaires impitoyables. L’intrigue est très solide, le déroulé plaisant à lire et idéalement dosé (Werner fait partie de ces bons écrivains qui savent prendre leur temps sans qu’on ait l’impression qu’ils meublent, qualité trop souvent absente des écrits de la Black Library à mon goût), la conclusion apporte sa petite révélation bien sentie et finement préparée par Werner au cours des pages précédentes, il y a du fluff et des one liners bien sentis… Que demande le peuple ?

Le seul petit défaut qu’on pourrait reprocher à cette masterclass med-fan est la tonne de descriptions vestimentaires dont Werner nous abreuve dès lors qu’un personnage important nous est introduit pour la première fois, une excentricité qu’on ne retrouve chez personne d’autre au sein de la BL à ma connaissance. A part ça, on a affaire à une nouvelle de très haute volée, tout comme l’anti-héros qu’elle nous présente.

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Et voilà qui termine cette revue de ‘Way of the Dead’, une anthologie qui a ma foi fort bien vieillie quand on la compare aux autres recueils de nouvelles de Warhammer Fantasy Battle, et même à ceux d’Age of Sigmar, à tel point que je le conseille comme point d’entrée dans cette franchise pour tous les lecteurs souhaitant découvrir le Monde qui Fut. La qualité est en effet largement au rendez-vous, et même l’histoire la plus faible du lot (désolé Jonathan Green) se révèle intéressante à lire d’un point de vue académique (le mot est lâché), puisqu’elle permet de déterminer le « plancher » qualitatif de la GW-Fiction moderne1. Par ailleurs, ‘Way of the Dead’ se paie également le luxe d’être assez diversifié pour un recueil de seulement neuf nouvelles, des soumissions assez classiques cohabitant avec le charme un peu suranné de Brian Craig ou le second degré presque assumé de Robin D. Laws. Enfin, il faut souligner que cet opus met en avant quelques un des héros majeurs de WFB, et qui plus est, au début de leurs aventures, ce qui achève de faire de ‘Way of the Dead’ le recueil introductif par excellence.

1 : Je garde les très vieux recueils de nouvelles, prédatant la Black Library (‘Ignorant Armies’, ‘Red Thirst’ et ‘Wolf Riders’, chroniqués , et si ça vous intéresse) à part. Si certaines de leurs histoires s’intègrent parfaitement dans le corpus classique de Warhammer Fantasy Battle, d’autres sont par contre tellement différentes de ce que nous considérons comme étant la norme de la GW-Fiction qu’il serait déloyal d’établir un comparatif.

INFERNO! – ANNEE 2

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue des nouvelles publiées dans les numéros #7 à #12 d’Inferno !, soit la seconde année de publication de cet auguste et vénérable bimensuel (Juillet 98 à Mai 99). Si l’on jette un œil sur les auteurs mis à contribution pour ces six numéros, on constate qu’Abnett le jeune caracole en tête des charts avec pas moins de quatre soumissions à son nom, en majorité consacrée à Warhammer Fantasy Battle. Il est suivi d’assez loin (2 nouvelles) par deux autres figures de la Black Library : l’inoxydable Gav Thorpe et l’immarcescible Bill King. Notons enfin l’arrivée pendant cette période de plusieurs plumes notables : Matthew Farrer (‘Badlands Skelter’s Downhive Monster Show’) et Ben Counter (‘Daemonblood’), Hall of Famers de la BL, et Barrington J. Bayley (‘Children of the Emperor’) comme invité de marque et caution SF de ce jeune magazine.

Inferno!_Année 2

Les 21 nouvelles regroupées ici présentent la GW-Fiction dans toute sa foisonnante diversité, explorant les recoins les plus reculés du Monde qui Fut et du 41ème millénaire (y compris Necromunda) avec une liberté et une inventivité qui laisseront progressivement la place à plus de contrôle de la part des maîtres du fluff de Nottingham. Que vous soyez à la recherche d’une romance avec un loup-garou (‘Wolf in the Fold’), ou de Space Marines se frottant à la réalité virtuelle (‘Hell in a Bottle’), il n’y a qu’ici que vous trouverez quelque chose tout ce qu’il y a de plus officiel à vous mettre sous la dent.

On trouve également dans cette anthologie de vrais classiques, qui peuvent se comparer favorablement avec des nouvelles écrites plus de vingt ans plus tard, comme ‘In the Belly of the Beast’ (King) ou ‘Acceptable Losses’ (Thorpe). C’est également en cette fin de millénaire que l’indispensable Zavant Konniger fit ses premiers pas et savantes déductions sous la plume de Gordon Rennie (‘The Affair of the Araby Exhibit’). Vous l’aurez compris, cette deuxième année infernale mérite le coup d’œil pour tous les amateurs de GW-Fiction, qu’ils soient nostalgiques de ce passé mythique ou pas. En selle pour un petit tour du propriétaire bibliothécaire.

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A Company of Wolves – D. Abnett [WFB] – #7 :

INTRIGUE :

WFB_A Company of WolvesUne compagnie de Chevaliers du Loup Blanc plongée en plein doute existentielle à la suite de la mort de leur commandant au cours d’un raid mal négocié dans la Drakwald quelques mois plus tôt retourne en forêt pour une session de teambuilding mâtinée de skullbashing. Les problèmes affligeant nos héros, que l’on ne peut pas qualifier de sans peur (le vétéran Gruber a le trouillomètre à zéro depuis le décès tragique de son supérieur et ami Jurgen) ni de sans reproche (dans le désordre : Morgenstern a un gros problème d’alcool, Anspach est un parieur pathologique, Vandam une tête brûlée carriériste, et le nouveau chef, Ganz, a moins de charisme que la tête de loup qui orne son armure) sont nombreux, mais le Grand Maître de l’ordre a bon espoir que l’air pur, la nature préservée et les hordes de mutants assoifées de sang qui hantent la Drakwald parviendront à guérir la compagnie rouge de son spleen persistant. Preuve de sa confiance dans ses hommes, il leur a même confié le précieux étendard de Vess1 pour cette virée forestière, ce qui relève un peu le moral des troupes.

Le plan de Ganz consistant à errer dans les bois jusqu’à tomber sur une bande de néfastes à massacrer au nom d’Ulric, notre petite bande baguenaude cavalièrement jusqu’à faire la rencontre de quelques Hommes-Bêtes venus se recueillir devant une idole païenne. L’escarmouche qui s’en suit, si elle ne dure pas longtemps et se termine par une victoire sans appel pour le camp impérial, révèle toutefois de façon criante les maux profonds qui affectent la compagnie. Gruber refuse ainsi de charger l’ennemi, prétextant la perte de fer de sa monture, Morgenstern est couché net par une branche basse qu’il n’a pas pu esquiver, Vandam fonce tête baissée à la poursuite des fuyards malgré les ordres de Ganz, et Von Glick, sommé de le faire revenir au bercail, se fait grièvement blesser par un Ungor embusqué sur le chemin du retour. Cette blessure force les templiers à monter le camp pour la nuit en plein cœur de la Drakwald, et à perdre un des leurs sous les flèches des Hommes-Bêtes (on peut saluer la prescience d’Abnett sur le sujet) pour couronner le tout.

Alors que la compagnie semble sur le point de se désagréger, tel le premier boys band venu après un second album décevant, l’inspiration finit par frapper les loulous, qui décident de tenter le tout pour le tout. Faisant mine de laisser derrière eux leurs morts, blessés et étendard sous faible garde, les chevaliers tournent bride vers Middenheim, espérant ainsi attirer le reste de la harde à découvert. Ce qui ne manque évidemment pas d’arriver. La vaillante action d’arrière-garde conduite par Aric, Gruber et Von Glick permet de retenir les mutants assez longtemps pour que la cavalerie arrive revienne, et annihile les cornus d’une dévastatrice charge de flanc d’école. Bonus appréciable : il s’agissait de la même bande de fieffés violeurs de poules responsables de la mort de Jurgen, qui se trouve donc vengé de façon satisfaisante. Au final, et malgré la mort au combat de Vandam (sans doute en plein grand écart facial) et de Von Glick, nos héros peuvent prendre le chemin du retour unis comme jamais et à nouveau pleinement opérationnels. Une vraie fin de loup(s), en somme.

: Car Vess de Loup (blanc), évidemment. Je ne vois pas d’autres explications satisfaisantes et n’accepterai pas de contestations.

AVIS :

Dans la foulée du lancement réussi de la série des Fantômes de Gaunt dans les pages d’Inferno!, Abnett se livre à un exercice similaire avec ce ‘A Company of Wolves’, introduisant au lecteur une confrérie de templiers du Loup Blanc, dont les exploits seront relatés dans une succession de nouvelles, puis compilées et conclues dans le roman ‘Hammers of Ulric’. Bien que cette péripétie inaugurale soit relatée avec l’aisance habituelle de la plume Alpha de la Black Library, j’ai trouvé le résultat final un peu moins réussi qu’à l’accoutumée. Parmi les raisons de ce (léger) coup de moins bien, j’identifie le nombre important de protagonistes et la « singularisation » moins aboutie de ces derniers (sauf pour Morgenstern, catalogué comic relief de façon outrageuse, ce qui est un autre défaut), une intrigue somme toute assez banale combinée à une mise en scène parfois complaisante1, ou encore la très nette sensation qu’Abnett avait déjà acté qu’il ferait vivre ses nouveaux héros sur plusieurs nouvelles, et a traité A Company… comme un chapitre introductif plutôt qu’un stand-alone (ce qui relève plus de la faute de goût que de la catastrophe industrielle, certes). Pour autant, on a tout de même droit à du Dan Abnett tout ce qu’il y a de plus solide, avec des personnages attachants dès lors qu’on arrive à les différencier les uns des autres, des scènes d’action prenantes où la mort frappe sans prévenir, et une exécution globalement propre. Rien de grave donc.

1 : La possibilité qu’un chevalier puisse se prendre une flèche dans le cou alors qu’il dort au milieu de ses frères d’armes, protégé par des sentinelles habituées des choses de la guerre, et n’être découvert qu’au petit matin, ne me semble pas des plus réalistes. À un autre niveau, le « tour de pâté de maisons » effectué par le gros des troupes (et je ne parle pas de Morgenstern) pour surprendre la harde d’Hommes-Bêtes… qui se trouve être la même que celle qui a tué Jurgen quelques mois plus tôt (#WIJH) est un expédient un peu trop facile à mon goût.  

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Children of the Emperor – B. J. Bayley [40K] – #7 :

INTRIGUE :

Ayant échappé de justesse à la destruction du vaisseau qui transportait son régiment jusqu’à sa nouvelle affectation, le Garde Impérial Floscan Hartoum n’a d’autre choix que de faire atterrir sa capsule de sauvetage à la surface d’une planète mystérieuse dans l’attente d’être secouru. Recueilli par une tribu d’abhumains (deux paires de jambes) dont la mutation a été volontairement déclenchée par leurs ancêtres colons afin de lutter contre la forte gravité de leur monde d’adoption, Hartoum verra son courage et sa vision de l’Imperium sérieusement testés au cours de son séjour chez les enfants perdus de l’Empereur.

AVIS :

Children of the Emperor est une petite gemme, et sa lecture est fortement conseillée à tous les esprits curieux familiers des publications de la Black Library. Cette nouvelle jette en effet un éclairage particulier et très dépaysant sur l’univers de Warhammer 40.000, en prenant toutefois garde de bien respecter le background qui existait à l’époque, attention aussi délicate que louable de la part d’un auteur aussi établi que Barrington J Bayley. L’un des charmes de Children of the Emperor est ainsi son absence d’aberrations fluffiques, preuve indubitable du sérieux travail de « documentation » effectué par Bayley avant la rédaction de ce texte1 (tous les contributeurs de la BL ne peuvent en dire autant, pas vrai Nik Vincent ?).

Mais les principales plus-values apportées par la plume experte de Bayley restent son style, affirmé, maîtrisé et très différent des canons de la BL (ce qui fait tout son intérêt), ainsi que son expérience d’écrivain de SF vétéran, qui lui permet d’attirer l’attention du lecteur sur des points jamais soulevés jusqu’ici par les autres auteurs de la maison (comme les variations de gravité d’une planète à l’autre, et les conséquences de ce changement sur un organisme humain normal) ; mais également d’amener son public à réfléchir sur des questions aussi centrales que celle de la tolérance envers la mutation (et donc du droit à la différence de manière plus large) au sein d’un Imperium dont la psychorigidité sur ce sujet – personnifiée par le personnage du Commissaire Leminkanen, zélote écumant et pas très futé – apparaît comme assez grotesque, eut égard à son histoire millénaire et au million de planètes qui le compose. Bref, on peut remercier Barrington J Bayley pour l’amical coup de pied dans la fourmilière qu’il a mis dans le background de Warhammer 40.000, qui n’était (et n’est toujours) pas au-dessus de tous reproches à l’époque, malgré le soin que lui a apporté Priestley et Cie au moment de son élaboration.

1 : Il va même jusqu’à faire mention d’éléments de background un peu avancés, tels que les fameux Schémas de Construction Standardisés. Chapeau l’artiste.

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The Chaos Beneath – M. Brendan [WFB] – #7 :

INTRIGUE :

WFB_The Chaos BeneathÀ la suite d’une cérémonie d’invocation quelque peu salopée par des cultistes amateurs, un Prince Démon de Tzeentch se retrouve coincé dans le corps d’un hôte mort. Assumant l’identité du cadavre qu’il habite, c’est-à-dire celle d’Obediah Cain, chasseur de sorcières un brin malchanceux, le démon convainc Michael de La Lune (si si), apprenti sorcier fraîchement renvoyé du Collège de Magie de Marienburg pour manque d’aptitudes à l’exercice des arts occultes, de lui rapporter une copie du 3ème Tome du Liber Nagash. Cette dernière repose en effet dans une bibliothèque du Collège, protégée par de puissants enchantements que le Prince Démon n’est pas en mesure de briser en son état actuel. Michael va-t-il s’apercevoir des noirs desseins poursuivis par son acolyte avant qu’il ne soit trop tard ?

AVIS :

Encore une déclinaison sur le thème de l’objet magique maléfique que le héros doit rapporter au méchant à son insu. The Chaos Beneath n’est donc pas la nouvelle la plus originale de la Black Library, ni la mieux écrite d’ailleurs : que peut-on donc avancer afin de justifier sa lecture ? Pour être tout à fait honnête, pas grand-chose si ce n’est le ton assez léger employé par Brendan, transformant du même coup le Prince Démon en méchant de cartoon plutôt qu’en implacable antagoniste. Ajoutez une pincée de fluff, et vous aurez fait le tour de tous les points forts de The Chaos Beneath. Ce qui ne fait pas lourd, je vous l’accorde.

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The Hollows of Hell – D. Abnett [40K] – #8 :

INTRIGUE :

The Hollows of HellNouvel épisode de La Croisade s’amuse et nouveau théâtre d’opérations pour Gaunt et ses Fantômes, qui participent à l’invasion du monde ruche de Caligula, en compagnie de millions d’autres Gardes Impériaux. Déployés par navettes à la surface de la planète depuis le transporteur Navarre, les Tanith doivent essuyer une DCA nourrie (ce qui était attendu), ainsi qu’une tempête psychique conjurée au pire moment par les assiégés (ce qui est plus surprenant). Résultat des courses : le transport de Gaunt, où se trouvaient également le Major Rawne, Bragg, Caffran et Milo (pour ne citer que les têtes d’affiche fantômatiques), dévie fortement de son cap, et s’écrase dans l’une des cuvettes parsemant la planète, qui se trouve être colonisée par une forêt tropicale. Protégés par leur invincibilité scénaristique, nos héros émergent crânement des décombres de l’appareil et se préparent au long trekk jusqu’aux lignes amies qui les attend, le crochet imprévu initié par le blow-out de leur Astropathe1 les ayant conduits trente miles au nord de leur cible, en plein territoire ennemi. Cette réalisation inspirera à Bragg cette phrase immortelle, qui constitue la meilleure citation de toute la série, point à la ligne. Pas de quoi perturber l’inflexible Commissaire cependant, qui entraîne les survivants dans une excursion verte vers une base isolée située à proximité du crash.

Cette avanie technique laisse Corbec seul en charge des Tanith ayant réussi à atterrir sans problèmes, et le Colonel se tire fort honnêtement de sa mission. Confrontés à une atmosphère oppressante et teintée de corruption psychique, les braves forestiers progressent du mieux qu’ils peuvent dans la jungle urbaine que constitue la banlieue de la ruche Nero, jusqu’à ce que leur rencontre avec un polyplacophore démoniaque, heureusement mis en fuite par une crise de nerfs de Larkin (qui sort de ses gonds après avoir vu des Furbies crucifiés par les cultistes – des poupées d’accord, mais des Furbies, c’est trop – ), ne force Corbec à faire une pause technique. Se sentant dépassée par la situation, notre barbouze barbue décide d’utiliser un de ses jokers pour progresser dans la partie, et passe donc un coup de fil à un ami, qui se trouve être officier sur le Navarre. Usant de ses influences, ce dernier parvient à mettre en application le plan de Maître Corbec : la macro cannonisation de la cité sensible où les Fantômes sont embourbés, opération peu régulière mais couronnée de succès, comme la fin brutale de la tempête psychique suite à l’arasement de la ZUS le démontre. Problem solved.

De son côté, Gaunt finit par arriver en vue de l’installation convoitée, défendue à son grand dam par quelques Serviteurs de combat un peu trop zélés. Ce regrettable malentendu sera toutefois rapidement réglé, sans qu’aucune perte ne soit à déplorer parmi les forces en présences disposant d’un cerveau intégral. À l’intérieur, le Commissaire a la surprise de découvrir une de ses vieilles connaissances, l’agent de renseignement Rael Tagore, qui, quand il n’essaie pas d’entre en contact avec les Elohim, enquête sur le réseau d’espions mis en place par le très paranoïaque Maccaroth depuis sa prise de fonctions. Soupçonnant beaucoup de choses mais sans l’ombre d’une preuve tangible (un point commun avec notre Raël), Tagore accepte toutefois de ramener ses hôtes sur le front grâce à la navette qu’il avait utilisée pour se mettre au vert peu avant le début de l’offensive impériale. La nouvelle se termine ainsi par une heureuse réunification régimentaire, et la conjuration par Gaunt et Tagore du bon vieux temps sur Estragon Prime. Ah, Estragon Prime. Il y aurait beaucoup à dire sur cette singulière planète, mais ceci est une autre histoire…

1 : Maladresse ou mauvaise appréciation fluffique de la part d’Abnett, la présence dudit Astropathe dans une navette de déploiement de troupes de la Garde Impériale laisse à penser que l’opération a mobilisé quelques centaines de milliers de psykers assermentés du côté impérial.

AVIS :

Pour la première fois depuis le début de sa série, Abnett marque le coup avec une soumission sensiblement inférieure à ce dont il nous avait habitués précédemment. En plus de se révéler d’un intérêt assez quelconque en termes d’intrigue, que soit côté cour (Corbec et ses hommes jouent à la guéguerre avec quelques cultistes, avant d’appeler l’artillerie spatiale et revendiquer une victoire assez mesquine) ou jardin (Gaunt fait de la randonnée et s’inscrit sur Copains d’Avant), l’auteur prend des libertés assez grandes avec le fluff de 40K, tendance que l’on avait déjà vu à l’œuvre dans de précédentes nouvelles – notamment à travers les World Eaters gérés en 2-2 par les Fantômes dans ‘A Blooding’ – mais qui prend une autre dimension dans ‘The Hollows of Hell’. En plus de l’intégration malheureuse d’un Astropathe à l’histoire, l’identification immédiate par l’impayable Varl du caractère démoniaque du mollusque géant rencontré par les Tanith, et l’absence de censure inquisitoriale suite à cette entrevue malaisante au possible, interrogent. N’ayant que de vagues souvenirs de ‘Ghostmaker’, second tome de la série des ‘Fantômes de Gaunt’ dans lequel Abnett a collecté toutes les nouvelles publiées dans Inferno ! avant l’écriture de ‘Premier & Unique’, je ne pourrais dire si ‘The Hollows of Hell’ a été retravaillée par son auteur avant la sortie de ce roman-recueil. Toujours est-il que nous tenons ici l’un des maillons les plus faibles d’une saga autrement plus robuste.

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Gilead’s Fate – D. Abnett [WFB] – #8 :

INTRIGUE :

WFB_GIlead's FateRevenus de leur quête de vengeance décennale (‘Gilead’s Wake’), Gilead et Fithvael ont réinvesti le domaine de Tor Anrok, propriété légitime autant que décatie du premier. La traque du tueur de Galeth, le jumeau de notre héros, a en effet porté un coup fatal à la lignée déjà périclitante de Lothain, dont Gilou est le dernier représentant, et Fithvael l’unique suivant encore vivant. Alors que son majordome préfère camper en forêt et se consacrer à l’entretien de ses domaines horticoles, Gilead a lui sombré dans la dépression et l’alcoolisme, et attend la cirrhose fatale qui aura raison de son spleen (ainsi que de son foie) et de son Endurance de 3. Un événement imprévu va toutefois forcer notre héros dépravé à sortir de sa stupeur…

Entre ainsi en scène Betsen Corpath (Serge de son prénom1), qui, comme Gilead, se trouve être la dernière survivante de sa lignée. Fille de marchands de Munzig, Betsen a perdu toute sa famille au cours d’une terrible soirée, où l’intégralité des Corpath ainsi que tous leurs servants ont été massacré dans leur maison par un meurtrier inconnu. La jeune fille n’a dû son salut qu’à son absence du domaine familial au moment des faits, ses parents l’ayant envoyé faire un stage de demoiselle de compagnie à la cour de Middenheim. Eprouvée par cette tragédie, mais résolue à obtenir justice, Betsen s’est livrée au cours des deux années qui suivirent le Munzig Zweihander Massacre, comme le crime aurait été surnommé par les locaux si j’en avais fait partie, à une investigation fouillée, lui ayant permis de concentrer ses soupçons sur la personne de Lugos, autre marchand de Munzig à la réputation sulfureuse. Malheureusement pour la teenager vengeresse, ses capacités à confronter Lulu sont pratiquement inexistantes, le bougre ayant l’influence et la richesse nécessaires pour entretenir une garde personnelle rivalisant avec la milice locale. En désespoir de cause, Betsen décide donc d’utiliser les bonnes vieilles méthodes de sa défunte (elle aussi) nourrice, à savoir aller déposer plainte au tribunal elfique local, qui se trouve être à côté de la source d’Eilonthay. Les légendes populaires veulent en effet que les habitants de la Tour de Tor Anrok portent secours aux malheureux qui établissent une main courante en ce lieu, à supposer qu’ils le trouvent – ce qui n’est pas facile – et que leur cause soit juste.

Ayant localisé cette fameuse source après des mois de trekking dans les Principautés Frontalières, et ouvert 4 GR Pays dans la foulée, Betsen s’en retourne fréquemment plaider sa cause auprès de l’onde aussi amère qu’elle-même, et finit par émouvoir (ou importuner, c’est selon) Fithvael, qui élaguait à proximité. Notre bonelfe décide d’aller informer son patron de la doléance de la jeune fille, à laquelle il serait de son devoir et de son honneur de répondre. Malheureusement pour le majordome au grand cœur, Gilead, qui a bu trois dés à coudre de cidre brut la soirée précédente, a horriblement mal aux cheveux (qu’il a longs) et ne se montre ni empathique, ni coopératif, en dépit du heroshaming éhonté auquel se livre Fithvael. Ayant échappé aux jets de boutanche de son maître furibard, Fifi décide d’aller régler lui-même le problème… et échoue comme une bouse. Ramassé à l’article de la mort devant l’entrée de Tor Anrok par un Gilead un peu plus sobre le lendemain matin, le vieillard se retrouve cloué au lit, mais peut au moins se réconforter en réalisant qu’il a atteint son but, le calvaire de son meilleur ami ayant donné à Gilead, comme à Rocky Balboa, John Wick et Robert McCall avant/après lui, la motivation nécessaire pour botter quelques fesses.

Après avoir pris contact avec Betsen et reçu un briefing sommaire de la situation, notre vigilante titubant se met en chasse, emmenant sa commanditaire avec lui pour… le fun on dirait, son aide n’étant absolument pas nécessaire. Plutôt que de s’embêter à corroborer les allégations de Miss Corpath, qui, après tout, aurait pu faire fausse route du haut de ses quinze ans, Gilou opte pour une approche radicale, et se fraye un chemin sanglant dans la demeure de sa cible, jusqu’à faire intrusion dans sa salle à manger en plein milieu de son dîner, ce qui n’est pas très poli. S’en suit une séquence d’action frénétique, où la shadowfasttitude de Gilead en fait voir de toutes les couleurs – mais surtout du rouge sang – aux sbires de Lugos. Détail marrant, ce n’est qu’après avoir occis la majorité du personnel du marchand, qui n’avait sans doute rien à voir avec les meurtres des Corpath, que notre héros demande la confirmation qu’il est bien chez Mr Lugos, qui a alors la meilleure réaction possible au vu de la situation : 1) balancer une réplique badass, 2) gagner du temps en confessant ses crimes jusqu’à l’arrivée de son garde du corps personnel, une montagne de muscles chaotiques (ou une montagne chaotique de muscles, ça marche aussi) du nom de Siddroc.

Confronté à un adversaire un peu plus coriace, et sans aucun doute responsable de la triste et graphique fin de la famille Corpath, Gilead fait moins le malin, et casse même son épée sur l’armure de plates du Sid. Il faudra une attaque suicidaire, dans tous les sens du terme, pour tromper la vigilance et la protection quasi-intégrale du colosse, provoquant la fuite éperdue mais d’assez courte durée de Lugos, dégommé en pleine course par une Betsen planquée avec son arbalète à la sortie du manoir. Détail marrant bis, cette dernière (la fille, pas l’arbalète hein) demandera elle aussi une confirmation qu’elle a bien descendu la bonne personne après avoir appuyé sur la détente. Dans les Principautés Frontalières, on tire d’abord, on pose les questions après (#MutantLivesMatter).

Cette quête vengeresse terminée, Gilead laisse Betsen gérer les indélébiles traumatismes et névroses provoqués par la perte de sa famille et le meurtre du responsable de cette dernière à sa convenance (easy peasy quand on a quinze ans, personne sur qui compter, et bientôt soupçonné du meurtre d’un notable et de tout son personnel) et repart au chevet de son domestique. Une fois remis sur pied, les deux compères décident de repartir à l’aventure, non sans avoir mis le feu à la Tour de Tor Anrok afin de tirer un trait définitif sur leur passé2. Le destin de Gilead (et donc de Fithvael) sera d’écumer le Vieux Monde en quête d’innocents à secourir, de torts à venger, et de couteaux à remouler. Il n’y a pas de sottes professions.

1 : Ce n’est pas vrai et il y a des chances que les plus jeunes des lecteurs ne comprennent pas la référence, mais je trouve ça fendard d’imaginer une frêle donzelle de 15 ans sous les traits du French Reaper.
2 : En fait, c’était une arnaque à l’assurance. Mais ça ferait mauvais genre dans une saga épique.

AVIS :

Après avoir posé ses personnages dans l’introductif et probablement pensé comme un one shotGilead’s Wake’, Abnett remet Gilead et Fithvael sur le devant de la scène dans une petite nouvelle plus intéressante dans ce qu’elle dit de la déchéance morale et physique d’un héros dont la race pouvait laisser penser qu’il serait immunisé à ce genre de désagréments, que dans la narration de la revanche prise par Betsen sur les meurtriers de sa famille. Cela ne veut pas dire pour autant que cette soumission ne mérite pas le détour (ne serait-ce que pour la réalisation que Gilead est en fait le Batman du Vieux Monde – ou au moins de Munzig – et Fithvael son Alfred), mais plutôt que ses points forts (à mes yeux) sont plus « périphériques », si l’on me passe l’expression, que d’habitude pour un récit de Dan Abnett. Ainsi la scène d’ouverture, qui débute sur la charmante description d’une fratrie de jeunes enfants régalés de contes par leur nourrice, et qui bascule en un éclair sur la description bien gore de leur cadavre, illustre la maestria de l’auteur en termes de narration. Pour le reste, Abnett prend soin de préparer la suite, et l’on sait d’ores et déjà que l’on aura des nouvelles des deux comparses à l’avenir. On the road again

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The Raven’s Claw – J. Curran [40K] – #8 :

INTRIGUE :

Début de journée difficile pour Veronique Sanson, le héros de The Raven’s Claw (nouvelle au titre potterien s’il en est). Tiré d’une gueule de bois carabinée par le quasi-crash de son vaisseau en plein cœur d’une zone de guerre urbaine, notre protagoniste se rend rapidement compte que 1) il n’a absolument aucun souvenir de qui il est, et 2) il fait visiblement partie d’un régiment de Légionnaires Pénaux. Vivement le week-end.

AVIS :

Jouant honnêtement de cette ficelle narrative bien connue qu’est l’amnésie du héros, Curran trousse une petite nouvelle ma foi fort potable, si on la replace dans son contexte (c’est-à-dire 1999, une époque où les contributeurs de la BL n’étaient pas tenus d’être docteurs -es fluff pour proposer leur travail1). Le background est en effet quelque peu malmené au cours du récit, en particulier au moment de la conclusion de l’histoire, qui aurait pu être mieux négociée, surtout au vu du choix effectué par l’auteur à son endroit2. Ce manque de maîtrise du background de Warhammer 40.000 est d’autant plus gênant que Curran termine son histoire avec un exposé bancal sur la nature de l’Imperium, dont il donne une image biaisée, et finalement assez fausse3. Bref, une mention passable bien méritée.

1 : Non pas que ce soit actuellement le cas aujourd’hui d’ailleurs (l’espoir fait vivre).
2 : Vero se révèle être un (et non pas une – d’après le fluff, c’est rare mais pas impossible – ) assassin Callidus, envoyé sur le terrain afin de faire la peau à un Gouverneur planétaire félon. Sauf que l’utilisation faite par Vero (Averius de son vrai nom) de la fameuse polymorphine est complètement marginale (« Et hop, je passe de L à M en taille de veste ! Ils ne me reconnaîtront jamais ! »), ce qui est tout de même dommage étant donné que c’est cette dernière qui fait tout le charme de cette caste particulière. Étant donné les spécificités de cette mission (à savoir, la présence d’un psyker prescient aux côtés du Gouverneur), un Culexus aurait à mon sens bien mieux fait l’affaire. Quant à la Raven’s Claw qui donne son titre à la nouvelle, il s’agit d’une sorte de neuro-gantelet subdermal, arme appartenant davantage à l’arsenal des assassins Eversor qu’à leurs consœurs Callidus.
3 : Selon Curran, l’Imperium a envoyé Vero recueillir la confession du Gouverneur renégat, car, ayant trahi la confiance de l’Empereur, ce dernier se trouve être un hérétique (nié ?), et tout hérétique doit se repentir avant de recevoir sa punition (nié ?). Et Vero d’expliquer que la rébellion aurait pu être matée en deux deux, et qu’une force d’intervention constituée de plusieurs régiments de Gardes Impériaux ainsi que d’un contingent de White Scars attend tranquillement en orbite son feu vert avant de débarquer sur la planète remettre un peu d’ordre dans tout ce bordel. Et tout ce temps gâché, toutes ces ressources dépensées, toutes ces vies perdues, pour quoi ? Pour permettre à Vero d’absoudre sa cible de ses pêchés. Amen.

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Hell in a Bottle – S. Jowett [40K] – #8 :

INTRIGUE :

40K_Hell in a BottleLe Sergent Instructeur Tydaeus des Iron Hearts doit faire face à une situation inédite: la machine Mimesis, simulateur de conflits utilisé pour l’entraînement des recrues du Chapitre, a été envahie par un ost démoniaque, mené par le prince démon Kargon. N’ayant pas réalisés que leur dernière conquête était un monde virtuel, les démons se retrouvent bloqués dans la réalité numérique de la machine, à la merci d’un Tydaeus qui doit maintenant décider s’il préfère la jouer safe (débrancher Mimesis et l’envoyer à l’incinérateur) ou héroïque (débuter une « partie » et aller botter les fesses calleuses de Kargon en live).

AVIS :

Hell in a Bottle est sans doute la nouvelle la plus étrange d’Into the Maelstrom, voire de toutes les publications 40K de la Black Library. L’argument du récit, déjà très peu banal en lui-même (« et si les Space Marines s’entraînaient sur des bornes de shoot ‘em up ? »), se combine en effet à une interprétation pour le moins libérale du fluff de la part de Simon Jowett, qui n’hésite pas à nommer un des Primarques inconnus dans le cours du récit, ou encore à dépeindre son héros en employé de bureau désabusé plutôt qu’en inflexible moine-guerrier. Il faut dire que Tydaeus n’est, à proprement parler, pas vraiment un Space Marines, son corps ayant rejeté les implants génétiques lui étant destiné au cours de son initiation. Le Chapitre des Iron Hearts étant néanmoins très humain (malgré ce que laisse penser leur nom), notre héros a été reclassé à un poste de non-combattant au lieu d’être transformé en serviteur, ou pire. Dans les ténèbres d’un lointain futur, la loi handicap de 2005 est toujours en vigueur. Bravo.

De l’autre côté de la matrice, le prince démon Kargon n’est pas vraiment reste, sa diction sifflante et ses pratiques sexuelles peu banales (ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle Seed-Bearer, monsieur inséminant personnellement les planètes qu’il a conquis avec des spermatozoïdes chaotiques) faisant de lui une Nemesis pittoresque pour Tydaeus, qui, bien sûr, ne résistera pas à l’envie d’aller casser du démon, pensant (à tort) qu’il ne pourrait rien lui arriver de plus fâcheux que d’être déconnecté du serveur une fois tous ses points de vie envolés.

Parenthèse parodique (volontaire ou non) de l’univers gothique de Warhammer 40.000, Hell in a Bottle est un souvenir d’une époque révolue de l’histoire de la Black Library, pendant laquelle les contributeurs pouvaient se permettre d’écrire tout ce qui leur passait par la tête. Et, rien que pour ça, cette nouvelle mérite d’être lue.

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A Wolf in Sheep’s Clothing – D. Abnett [WFB] – #9 :

INTRIGUE :

WFB_Wolf in Sheep's ClothingAprès le succès de leur session de team building dans la Drakwald (‘A Company of Wolves’), nous retrouvons les chevaliers de la Compagnie Blanche de l’ordre du Loup Blanc (the whitest of the white) alors qu’ils s’apprêtent à partir dans une nouvelle mission, beaucoup moins funky qu’ils ne l’espéraient de prime abord. Le Graf de Middenheim a en effet reçu une missive désespérée d’un de ses cousins, le Margrave Ganmark, dont le domaine a été attaqué et incendié par une bande de galapiats, et qui se retrouve donc SDF par la force des choses. Alors qu’il revient aux pompeux et hautains Chevaliers Panthères de traquer les coupables de cet abominable forfait, les Loups Blancs doivent se contenter d’escorter cousin Hubert, sa famille et ses gens, jusqu’à la sécurité de Middenheim. Autant dire que le Commandant Ganz doit essuyer une grogne bien compréhensible de la part de ses hommes, parmi lesquels on compte deux nouveaux : le bleu-bite Krieg Drakken, et le sang bleu Lowenhertz.

Après un aller sans embûches, nos templiers prennent en charge leurs protégés, et se consolent légèrement en constatant que la femme du Margrave, Gudrun, est vraiment bonnasse. Il n’y a que le jeune Drakken pour reluquer davantage la servante Lenya que la plantureuse maîtresse de maison, que le cousin Hub’ a épousé quelque temps après la mort de sa première femme. Les introductions étant faites et le barda chargé dans les chariots, la troupe repart vers la cité, pendant que les Panthères de Von Volk/t se lancent à la poursuite des mécréants. Bien évidemment, ces derniers éviteront facilement la confrontation avec leurs traqueurs, et se concentreront sur les loulous et les migrants. Surpris une première fois par un assaut de Nazguls puant la cannelle, qui laissera le pauvre Drakken tout estafilé, les chevaliers devront relever le plus difficile des défis : utiliser leurs neurones. Car, si pour le lecteur, il ne fait rapidement aucun doute que les stoners spectraux1 sont à la recherche de quelque chose ou de quelqu’un voyageant avec les templiers, pour ces derniers, le mystère est à la limite de l’insoluble. C’est d’ailleurs tout juste si Ganz ne condamne pas Lowenhertz au bûcher pour avoir émis l’hypothèse précédente, qui relevait pourtant du bon sens plus que de la mise en pratique de savoirs interdits…

Début spoilerAu final, et après avoir essuyé une nouvelle vague de goons à la faveur d’un bivouac en pleine forêt, les Loups Blancs finiront par identifier la source de tous leurs maux, qui se trouve être, non pas l’exotique bimbo avec qui le Margrave a refait sa vie, comme le soupçonnait ce misogyne de Gruber, mais la vieille nourrice rom’ des enfants du pater familias, elle aussi arrivée récemment dans l’entourage de l’aristocrate. Plus particulièrement, l’aïeule trimballe avec elle un bijou en forme de griffe, qui lui porte apparemment chance mais que ses ancêtres ont certainement dérobé dans une tombe arabienne, et que ses propriétaires légitimes souhaitent vivement récupérer. Leurs adversaires pouvant respawner toutes les deux heures, Ganz, dans un éclair de génie inhabituel, réalise qu’il doit prendre des mesures drastiques pour arracher la victoire avant que ses hommes se fassent massacrer. Peu enclin à restituer la babiole avec un petit mot d’excuse, comme on le ferait de nos jours, le fier chevalier préfère réduire en poudre le colifichet sépulcral, bousillant le marteau de Lowenhertz dans la manœuvre (c’est du bizutage). Nazguls jusqu’au bout, les assaillants se dissipent alors dans un gémissement piteux, permettant à nos héros de reprendre leur route au matin sans plus d’interruptions. La nouvelle se termine sur leur retour triomphal à Middenheim, et sur la remise par Ganz à Lowenhertz du marteau de feu Von Glick, en dédommagement de l’arme perdue en chemin. Dans l’Empire plus qu’ailleurs, les bons comtes électeurs font les bons amis.Fin spoiler

1 : Ils ont les yeux rouges et ne s’expriment qu’en grognements inintelligibles.

AVIS :

Abnett poursuit sa série (louve) blanche sur des bases sensiblement similaires à celles posées dans ‘A Company of Wolves’, même si l’intrigue se montre un peu plus fouillée et complexe que lors des débuts de Ganz et Cie. Si la révélation de l’identité du responsable des malheurs du Margrave ne risque pas de surprendre grand-monde, on peut tout de même mettre au crédit de Dan Abnett l’inclusion d’une authentique et valable fausse piste dans sa nouvelle, ce qui, pour une soumission de 12 pages, est un accomplissement notable. Pour le reste, on se contentera d’un peu de character development pour nos vaillants chevaliers, qui gagnent deux nouvelles recrues dans ce second épisode, dont au moins une (Lowenhertz) semble tenir à cœur à l’auteur ; ainsi que quelques scènes d’actions très potables.

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Wolf in the Fold – B. Chessell [WFB] – #9 :

INTRIGUE :

WFB_Wolf in the FoldLe sommeil de l’Archidiacre Kaslain de Nuln est interrompu en pleine nuit par l’arrivée impromptue d’un visiteur de marque, venu chercher l’absolution que seul un haut prêtre de Sigmar peut conférer. Mortellement blessé, l’assassin légendaire connu comme la Guêpe Tiléenne (Tilean Wasp) se vide de son sang dans les appartements privés du prélat, dédiant ses derniers instants au récit du seul crime de sa longue carrière pour lequel il éprouve le besoin de se confesser : l’assassinat d’un prêtre.

AVIS :

Si l’histoire narrée par Ben Chessell dans Wolf in the Fold n’est pas aussi aboutie que son Hatred, et que la conclusion de cette courte nouvelle ne s’avère pas être une grande surprise, sa lecture n’en est pas moins agréable, et ce pour deux raisons principales.

La première, c’est l’audace manifestée par ce novice de la Black Library, qui pour sa deuxième soumission, s’offre le privilège de tuer un personnage nommé (l’archilecteur Kaslain, abordé dans les Livres Armées de l’Empire – c’est était un électeur impérial – et dans quelques suppléments du jeu de rôle). Bon, d’accord, il ne s’agissait pas vraiment d’une figure de premier plan du fluff, mais tout de même.

La seconde, et la plus importante à mes yeux, c’est le complet changement de style opéré par Chessell entre Hatred et Wolf in the Fold, sans que ses talents de conteur ne pâtissent de cette transformation. La grande majorité des auteurs de la BL ayant une patte facilement identifiable (pour le meilleur ou le pire) et abordant toujours leur sujet avec le même angle d’attaque, il est remarquable qu’une plume de cette auguste maison soit d’une « agilité » littéraire suffisante pour proposer deux récits si différents l’un de l’autre que l’on aurait pu sans mal les attribuer à deux contributeurs distincts. Si Hatred possédait une ambiance mélancolique et désincarnée, Wolf in the Fold se caractérise au contraire par un style riche et un goût prononcé pour le détail, assez proche dans l’esprit de celui de Brian Craig.

En conclusion, une autre excellente livraison de la part de Ben Chessell, dont la très courte carrière au sein de la Black Library apparaît décidément comme une de ces injustices dont la vie a le secret.

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The Lake – T. R. Summers [NDA] – #9 :

INTRIGUE :

Les dernières semaines ont été dures pour le gang des Brassers de Lord Orl, meneur Orlock qui se rêvait seigneur éboueur du sous-monde. Affaibli par une guerre territoriale constante contre les Goliaths de la Main Noire (encore eux1), les Orlocks ont de plus perdu leur précieux puits lors d’un récent tremblement de ruche, les laissant à la merci d’individus peu scrupuleux pour se sortir de ce mauvais pas. D’individus comme le Guilder Rorget Ahn, par exemple, qui a proposé à Lord Orl de s’associer dans une affaire a priori juteuse : la chasse aux mulk spiders infestant un petit lac souterrain que le même séisme qui a enfoui le puits des Brassers a rendu accessible, après des siècles coupé du reste de Necromunda. Les yeux de ces bestioles, semblables à des gemmes, sont très recherchés par les riches du haut de ruche, et leur vente devrait permettre aux Orlock de se remettre d’aplomb. Bien entendu, chasser des argyronètes géantes ayant colonisé une mare hautement toxique monté sur un pédalo fatigué (le semi rigide proposé par Rorget coûtait trop cher à la location) n’est pas une entreprise de tout repos, mais il en faut plus pour décourager nos hardis Gangers, qui jettent donc leurs lignes sur le plan d’eau de liquide sans tarder.

Les péripéties violentes et humides ne tarderont pas à leur tomber dessus comme un mange-visage de Catachan sur l’arrière-arrière-arrière374 petit fils de Logan Paul2, aux inévitables morts causées par l’agressive faune locale venant s’ajouter celles provoquée par l’épique bataille navale entre Brassers et Main Noire, également embauchés par ce traître de Rorget Ahn pour cette mission lacustre. Lord Orl, en bon leader, n’hésite pas une seconde à mouiller le maillot, mais sans doute plus qu’il ne l’avait prévu. Une baignade involontaire dans les boues de vidange violacées faisant office de lac lui est en effet imposée à la suite de l’explosion de son canoë, et s’il parvient à regagner son QG avec ses quelques hommes restants et un sac d’yeux de mulk spiders pour leur peine, il ne tarde pas à développer une forte fièvre et une purulence de mauvais aloi, que les bons soins du Dokker Hack’n’Slash ne parviennent pas à traiter. Comble de déveine, les précieuses gemmes collectées lors de la mémorable partie de pêche ne tardent pas à fondre comme neige radioactive au soleil, laissant les Brassers dans une situation encore plus désespérée que précédemment.

Fort heureusement, il reste encore sa légitime vengeance contre Rorget Ahn pour motiver Lord Orl, de moins en moins présentable à mesure que les jours passent et que les mutations causées par sa baignade impromptue se manifestent. S’étant surpris à boulotter goulument un bras gardé par Dokker comme pièce détachée dans son officine (on ne sait jamais de quoi on aura besoin pour rafistoler un Ganger de passage), Orl décide de s’isoler du reste de ses hommes pour leur propre bien, et retourne vers le lac, inexplicablement attiré par une pulsion inconsciente… ou peut-être par le secret espoir de retrouver l’Apple Watch qu’il a perdue sur place lors de sa dernière visite…

Début spoiler…Une nouvelle séquence de baignade, suivie d’une épiphanie aussi totale que brutale et non expliquée (il arrive sur une île au milieu du lac et paf, l’illumination le frappe), mènent assez logiquement à la réalisation par Lord Orl et le lecteur que les mulk spiders qui vivent dans cet écosystème unique en son genre ne sont autres que les formes mutées des malheureux qui ont bu la tasse et la crasse mutagène, cancérigène et reprotoxique de cette onde véritablement amère3. D’ailleurs, notre héros reconnaît son bras droit R’daff, emporté par le fond par une araignée entreprenante lors de la première expédition, parmi le comité d’accueil qui s’est réuni pour lui souhaiter la bienvenue dans sa nouvelle communauté. Acceptant son sort sans se plaindre, Lord Orl a toutefois une dernière virée dans le monde civilisé à faire avant de prendre définitivement sa retraite et d’aller faire des bulles dans l’eau avec ses petits copains. Sa cible : ce bougre de Rorget Ahn, à qui il offre gracieusement le pot de l’amitié pour solde de tout compte. Je vous laisse deviner ce qu’il y avait dans le verre…Fin spoiler

1 : Déjà croisés dans ‘The Day of Thirst’, du même auteur. Comme on le verra plus loin, les Goliaths de Krug n’arrivent pas à prendre les points à l’extérieur, ce qui est embêtant quand on lutte pour le maintien la survie.
2 : Youtuber trololol comme son aïeul.
3 : Les mystérieux « Gene Lords », et leur sale manie de collecter et stocker l’ADN des formes de vie croisant leur route dans la cuve recherche qui est devenue ce fameux lac après des millénaires d’abandon, sont à blâmer ici.

AVIS :

Summers mène assez bien sa barque (mouahaha) avec ‘The Lake’, qui présente les deux qualités appréciables pour une nouvelle d’une intrigue n’étant pas prévisible des pages à l’avance – au moins dans la première moitié du récit – et d’une construction bien fichue, où la boucle se retrouve bouclée à la fin du récit. On appréciera également le cadre assez original de cette histoire pour une soumission siglée Necromunda, sans doute l’une des franchises de la GW-Fiction où l’on s’attend le moins à ce qu’un « lac » serve de décor. Le seul reproche que je ferai à Summers est relatif à son inclusion très artificielle, et à mes yeux inutile, des « Gene Lords » dans son propos. Pourquoi faire entrer une faction de démiurges mystérieux et une réalisation proprement miraculeuse de leur implication par Orl dans ses déboires, quand un bon vieux recours au Chaos (après tout, il est question de mutation ici) aurait pu faire l’affaire plus simplement et « proprement » ? Comme le mieux, le tarabiscoté est l’ennemi du bien, et je pense que ‘The Lake’ aurait gagné à rester en terrain fluffique connu. Mais le résultat reste tout de même satisfaisant.

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Acceptable Losses – G. Thorpe [40K] – #9 :

INTRIGUE :

40K_Acceptable LossesNommé à la tête du tristement célèbre escadron de Maraudeurs Raptor, le commandant Jaeger a l’occasion de prouver la valeur de ses hommes au cours d’une mission aussi vitale que périlleuse : la destruction des réacteurs d’un Space Hulk grouillant d’orks. Livrés à eux-mêmes dans l’immensité hostile de l’espace, les Raptors se rendront rapidement compte qu’il n’y a pas d’ennemi plus mortel que l’ami dans lequel on a placé (à tort) sa confiance.

AVIS :

Après les Nains et les Hauts Elfes, Battlefleet Gothic est l’une des lubies du bon Gav Thorpe, qui ne manque jamais une occasion de mettre en scène une petite bataille spatiale dans ses écrits futuristes. Sachant qu’Into the Maelstrom (et donc Acceptable Losses, par la même occasion) a été publié en 1999, soit l’année de sortie du livre de règles BFG, il était inévitable que cette nouvelle fasse la part belle à des héros maîtrisant l’art subtil de la guerre dans l’espace.

Cette nouvelle conséquente (33 pages, ce qui en fait la plus longue du recueil) se divise ainsi en deux parties distinctes. La première (un tiers) voit Jaeger et ses hommes faire connaissance, les premières impressions mitigées faisant rapidement place à une véritable camaraderie entre un commandant sévère-mais-humain et des équipages indisciplinés-mais-courageux-et-loyaux (et l’Oscar du meilleur scénario original est attribué à…). Thorpe sait qu’il doit en passer par là pour que la suite de son récit tienne la route et s’exécute de bonne grâce, son style passe-partout lui permettant d’expédier cette introduction sans trop lasser le lecteur (en partie grâce à la partie « contes et légendes de l’Imperium »).

La deuxième partie (deux tiers) est une description minutieuse de la mission plus ou moins suicide de l’escadron Raptor, sur lequel s’acharne bien entendu un sort contraire : escorte de Thunderbolts retirée au dernier moment, Rok en maraude à négocier en solo, rencontre inopinée avec une escadrille de chassa-bombas, cible protégée par une hénôrme batterie de lance-plasma… autant de petits riens qui font que la vie d’un pilote de Maraudeur vaut d’être vécue (et se termine de manière prématurée). Fort de son expertise dans le sujet, Thorpe réussit à faire de ce compte rendu une expérience plaisante, tant par son originalité que par son enthousiasme perceptible pour cette forme de combat, dont les règles diffèrent considérablement de la classique bataille rangée de fantassins et de véhicules à laquelle l’amateur de 40K a droit d’habitude.

Bon, ça reste du Thorpe, et du Thorpe « primitif » qui plus est, ce qui signifie que l’histoire en elle-même ne vole pas beaucoup plus haut qu’un plongeur de la mort ayant fait un six sur son jet d’incident de tir (ouais, j’ai pas peur des mélanges). En même temps, difficile de révolutionner l’art de la nouvelle de science-fiction avec un pitch aussi ingrat qu’une bataille spatiale vue depuis l’intérieur d’un cockpit de Maraudeur. On a donc le droit à une triple dose d’héroïsme désintéressé et de sacrifice pour la bonne cause, généreusement saupoudrés de « bon sang, c’était moins une »1 et de « mais où est notre écran de chasseurs ? » : une fois de temps en temps, pourquoi pas.

Bref, Thorpe réussit assez bien son coup avec Acceptable Losses, un de ses meilleurs courts formats pour la BL à date, et fait mieux que tenir la comparaison avec beaucoup des nouvelles plus récentes intégrées à On Wings of Blood.

1 : Appelons ça le syndrome de l’Etoile de la Mort.

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In the Belly of the Beast – W. King [40K] – #10 :

INTRIGUE :

40K_In the Belly of the BeastUne escouade de Griffes Sanglantes menée par un Garde Loup est envoyée explorer l’intérieur d’un vaisseau tyranide. Même si la Grande Dévoreuse a la tête dans le biomorphe après quelques éons passés à dériver dans la galaxie, les Loulous vont vite se rendre compte qu’entrer par effraction chez les cafards de l’espace est une très, très mauvaise idée.

AVIS :

In the Belly of the Beast est la nouvelle de type « et si ? » par excellence. Son principal intérêt est de permettre au lecteur de découvrir un pan jusqu’ici peu exploré du fluff, ici la structure et le fonctionnement d’un bio vaisseau tyranide. King accomplit cette mission avec sérieux et réussite, et parvient à décrire ce petit monde complétement alien (c’est le cas de le dire) à l’esprit humain de manière convaincante, insistant bien sur sa perfection organique et son aspect oppressant. Il enrichit en outre son propos en décrivant la progression des Space Wolves depuis le point de vue de chacune des Griffes Sanglantes, dont les réactions varient entre rage bestiale (Egil), prémonition funeste (Njal), légèreté feinte (Gunnar) ou encore crainte dissimulée (Sven). L’éveil progressif de l’écosystème tyranide en réponse à l’intrusion des marounes donne enfin l’occasion à l’auteur de relever son texte de quelques passages d’action tout à fait convenables, et d’une poignée de décès astucieusement gores (mention spéciale à la disparition de Njal).

On peut en revanche regretter le manque flagrant d’inspiration de King au moment d’insérer In the Belly of the Beast dans l’univers de 40K. Comment, en effet, justifier l’envoi d’une (seule) escouade de Space Marines inexpérimentés dans une mission aussi dangereuse que l’exploration d’un vaisseau tyranide, même inerte ? Réponse de l’intéressé : nos héros sont assignés à un navire marchand (et quand je dis assigné, c’est en mode larbin hein : à côté, la Wolfblade c’est une nomination honorifique), dont le capitaine, apparemment ignare au dernier stade, n’est pas foutu de repérer une bioconstruction tyranide quand il en croise une (manque évident de culture générale également partagé par le sergent Hakon, ceci dit). Le navigateur de bord – un homme cultivé, lui – a beau insister lourdement pour que ce mystérieux vaisseau soit détruit sur le champ, le capitaine envoie tout de même ses loulous de compagnie explorer ce dernier dans l’espoir de « découvrir quelque chose dont l’Imperium pourrait avoir l’utilité ». Pour un point de départ pourri, c’est un point de départ pourri. Dans la même veine, on ne peut que s’émerveiller de l’innocence des Space Wolves, qui ne réalisent qu’ils sont au cœur d’un vaisseau tyranide qu’au moment où ils débarquent dans la salle centrale et assistent au réveil d’une tripotée de guerriers. Allo nan mais allo quoi.

En dépit des quelques couleuvres que King tente de faire avaler au lecteur pour justifier les actions stupides de ses personnages, In the Belly of the Beast est une nouvelle honorable, dont l’ambiance d’horreur lovecraftienne détonne agréablement des productions classiques de la BL, où l’action omniprésente laisse peu de place au développement d’atmosphères oppressantes dignes de ce nom.

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The Affair of the Araby Exhibit (Buried Secrets) – G. Rennie [WFB] – #10 :

INTRIGUE :

La tranquille soirée de réflexion-chichon sur la théorie du Chaos1 de Zavant Konniger, érudit iconoclaste et détective privé de l’extrême, est interrompue par l’arrivée impromptue d’un émissaire du culte de Sigmar au domicile du Sage Enquêteur. Un cambriolage a eu lieu dans les archives de l’institution, et l’expertise de l’ancien prêtre est requise pour remonter la piste des ruffians, qui n’ont pas hésité à stranguler deux pauvres gardes qui ne faisaient que leur devoir pour faire main basse sur… quelque chose2. Sa propre demande d’accréditation à l’accès de la nouvelle exposition arabienne, où s’est déroulée ce regretable incident, lui ayant été refusée il y a quelques jours, Zavant saute sur l’occasion de mettre son nez, qu’il a prononcé et arqué, dans les réserves du culte, et part sur les lieux du crime en compagnie du factotum sigmarite et de son fidèle serviteur Halfling, Vido.

Sur place, les capacités d’observation et d’analyse du fin limier, doublées de sa prodigieuse culture générale, et de sa correspondance épistolaire avec le frère Wollen, jeune archiviste passionné de culture arabienne, et principal suspect du double meurtre du fait de sa disparition mystérieuse, permettent à Zavant d’identifier en quelques minutes les coupables de cet effroyable forfait : le culte d’Ishmail, des adorateurs de démons made in Arabie, contactés par le mal-avisé Wollen (retrouvé garroté au fond d’un sarcophage) pour la vente d’une des jarres démoniaques dans laquelle ont été scellés les sombres maîtres du culte, il y a fooooooort longtemps. Ce n’est pas la première transaction Le Bon Coin qui tourne mal, mais il convient désormais d’agir prestement pour empêcher les cultistes, qui ont profité des nombreux passages secrets reliant le district sigmarite d’Altdorf au reste de la cité, de profiter de leur bien mal acquis. Ayant repéré dans le registre fluvial, qu’il lit tous les matins avec son verre de lait de quinoa bio dynamique, l’arrivée d’une nef arabienne dans le port de la ville, c’est vers les quais que Konniger entraîne son monde et la cavalerie, espérant arraisonner les fuyards avant qu’ils n’aient pu se faire la malle.

Bien évidemment, les cultistes ne s’en laissent pas compter, et pendant que son patron les corrige bellement à grands coups de gaffe dans les gencives, Vido doit trouver un moyen de stopper le vaisseau avant qu’il ait passé les portes de la cité. Une heureuse réaction en chaîne (de cabestan) fera jeter l’ancre au navire avant la ligne d’arrivée, le ralentissant assez pour que les zélés zélotes de Sigmar y mettent le feu à grand renfort de flèches embrasées. Un plongeon dans les eaux saumâtres du Reik, et une quasi noyade dans le cas de Vido, plus tard, l’amphore maudite gît par le fond du fleuve, ce qui devrait la mettre à l’abri des attentions déplacées de cultistes chaotiques pendant quelques millénaires. Après tout, quelles sont les chances qu’une paire de Halflings aille pêcher le gros à cet endroit, le jour de l’anniversaire de celui qui s’appelle Smeagol ? Négligeable, très négligeable…

: Qui est moins funky que notre théorie du chaos. Sur l’axe Goldblum, on se rapproche plus de Seth Brundle que d’Ian Malcolm.
2 : Ces archives ne seraient pas dignes de ce nom si elles étaient correctement archivées, bien sûr.

AVIS :

Grand début du personnage de Zavant Konniger dans les pages d’Inferno !, et, par la même occasion, dans la GW-Fiction, ‘The Affair of the Araby Exhibit’ établit en une quinzaine de pages les prémisses de la série de Rennie, pastiche décomplexée du Sherlock Holmes de Conan Doyle à la sauce Warhammer, et mélange bien équilibré d’enquête policière et d’action frénétique, à haute teneur en fluff et comique de situation (ce qui n’empêche pas l’auteur d’insérer une bonne dose de grimdark à son propos de temps à autre, comme dans ‘The Scarlet Case’). La brieveté de la nouvelle ne permet pas à Gordon Rennie de développer un whodunit digne de ce nom, mais sa maîtrise de la narration et du rythme, provenant sant doute de ses compétences de scénariste de comics, compense largement cette absence de challenge intellectuel pour le lecteur (à vrai dire, la série des Konniger ne se positionnera jamais vraiment sur ce créneau). De la pulp fiction rondement écrite, et assez originale par rapport au reste des publications de la Black Library : en a-t-on jamais assez ?

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Sisters – N. Rutledge [NDA] – #10 :

INTRIGUE :

La dernière empoignade auquel son gang d’Eschers a participé s’est mal passé pour Blades : malgré la victoire sans conteste obtenue contre la patriarchie, les féministes du sous-monde ont perdu l’une des leurs, Katz, la sœur de leur bien-aimée leader.e. Et même pas aux mains de l’ennemi qui plus est, mais bêtement et salement, la jouvencelle ayant glissé sur une flaque d’huile et étant tombée dans une mare de boue toxique. Tout le monde n’étant pas Harley Queen, c’en fut fait de Katz, qui aurait pourtant pu et dû retomber sur ses patz. Monde cruel.

Après avoir tenté sans succès de noyer son chagrin dans l’alcool (impossible quand on ne tient pas ce dernier), Blades décide de partir en mission de nettoyage dans les environs d’Ashcliff, le village qu’elle et ses filles « protègent » des menaces extérieures. À la fois pour s’occuper l’esprit, mais également pour montrer à ses subordonnées qu’elle est toujours la patronne, et ne pas laisser croire que la place de Pacha Mama est à prendre. Au menu de ce soir (après le fameux ragoût de Licksy, le barman sénile mais gentil du seul rade d’Ashcliff), un Zombie égaré, comme il en vient de temps en temps dans le voisinage. Guidé par le scout Ratskin qui a repéré la créature décérébrée, Blades part en chasse avec son fidèle fusil à pompe et une paire de lunettes de vision nocturne.

En chemin, le duo s’arrête chez le prospecteur Jakey, fils de Jake, fils de Joe, dont un des oncles a eu la mauvaise idée de braver le couvre-feu sans attestation, et s’est fait salement esquinter par le Zombie pour sa peine. Bien que Ma Honka, sa sœur, semble déterminée à soigner le blessé, les règles sont les règles et Blades se fait un devoir de les appliquer et de planter un stylet dans le cœur de l’inconscient inconscient. Le respect des gestes barrières, on connaît la chanson. Ceci fait, l’Escher de garde emboîte le pas à son guide indigène, qui l’emmène dans les galeries de la mine où le mort vivant s’est enterré, et qui se trouve être l’endroit où Blades et Katz ont passé une bonne partie de leur enfance à chasser l’araignée géante et le rat mutant. Que de souvenirs…

Début spoiler…Comme vous vous en doutez si vous savez comment une intrigue de nouvelle fonctionne, le Zombie en question se trouve être Katz. #SansBlague Il n’y a que Blades que cela surprend, et choque fortement, à tel point que c’est au Ratskin que revient la tâche de mettre fin aux souffrances errances de la revenant d’un tir de mousquet bien placé. Cette bonne action ne sera cependant pas récompensée, Blades ne pouvant supporter la sale blague qu’elle croit que le Ratskin lui a fait (il savait que c’était Katz et qu’elles étaient sœurs, mais n’a rien dit), ni prendre le risque qu’il révèle à tout le monde que Blades a probablement tué un innocent par excès de zèle, Katz n’étant techniquement pas un Zombie, mais quelque chose comme The Toxic Avenger.e (et donc non contagieuse, en tout cas pas de cette façon). Un tir de fusil à pompe a l’arrière du crâne règle l’affaire de façon définitive à défaut d’être élégante, laissant enfin toute latitude à Blades pour commencer/terminer son deuil. La morale pourrait être quelque chose comme ‘Souvent femme (à fusil) varie, bien fol qui s’y fie (bouffi)’. En tout cas, c’est empowering.Fin spoiler

AVIS :

Neil Rutledge livre une histoire qui lorgne franchement du côté du Western (une inspiration assez évidente de Necromunda), et qui se laisse lire sans problème malgré le manque total de surprise au niveau de l’identité du Zombie. Cette déception est toutefois compensée par le soin qu’a pris l’auteur de soigner l’authenticité de son récit, par exemple en incluant du jargon local (worms pour les habitants d’Ashcliff, scragger pour être tué…), et par la conclusion glorieusement immorale (c’est le véritable héros de l’histoire qui se fait descendre par derrière et pour couvrir la bévue de sa partenaire), et donc tout à fait adaptée, de cette nouvelle sororitaire (?).

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Ulric’s Children – W. King [WFB] – #11 :

INTRIGUE :

WFB_Ulric's ChildrenUne nouvelle fois égarés dans une impénétrable forêt des moins accueillantes (décidément, c’est une constante), Gotrek et Felix, backpackers de l’extrême1, doivent braver la neige, le froid et la perspective d’une meute de loups affamés lorsque le rideau se lève sur Ulric’s Children. Quant aux fameux enfants d’Ulric qui ont donné leur nom à cette nouvelle, nous apprenons bientôt qu’il s’agit du nom populaire des loups-garous, considérés comme les descendants des relations tumultueuses du Dieu avec quelques accortes mortelles dans des temps très anciens. Figures légendaires du bestiaire impérial, leur existence paraît soudainement bien plus probable à Felix alors qu’il s’échine dans les congères à la suite du Tueur, des vocalises lupines plein les oreilles. Le grand blond à la cape rouge n’a toutefois guère le temps de ressasser son habituelle litanie misérabiliste que Gotrek, dont l’ouïe est aussi fine que son animal totem (l’acraga coa2), part en sprint dans les sous-bois en direction de la clameur d’une bataille toute proche… et disparaît corps et bien de notre histoire, tel un vulgaire PNJ de Skyrim, laissant Felix seul aux commandes de cette dernière.

Arrivé sur les lieux de l’esclandre, Felix se retrouve confronté à la méfiante hostilité d’une petite troupe de soldats, venant de repousser non sans mal les assauts d’une harde lupine. Prudence étant mère de sûreté, les survivants décident de faire prisonnier le bon samaritain, qui se retrouve menotté comme un vulgaire gilet jaune à l’arrière de la carriole des routiers – pas vraiment sympas pour le coup – où il fait la connaissance d’une autre prisonnière du comte Hrothgar, une dénommée Katarina dont le calme glacial et les remarques sibyllines semblent indiquer une inquiétante proximité avec la meute aux trousses de la soldatesque impériale. Pour ne rien arranger, Felix attire l’attention du sorcier de compagnie de son ravisseur, un certain Voorman dont ni l’haleine fétide, ni l’intérêt déplacé pour sa personne, ne sont au goût de notre héros, qui ne peut que maudire les oreilles aiguisées et les courtes jambes de son compagnon d’infortune.

Rendue quelques heures plus tard au pavillon de chasse de Hrothgar, la troupe investit les lieux et jette Felix et sa camarade dans une geôle sombre, froide mais pas vraiment bien fermée, ce qui se révélera assez utile par la suite, comme nous allons le voir. La visite de Voorman permet à Blondin d’en apprendre un peu plus sur sa situation, qui se révèle être assez précaire : le comte et son thaumaturge s’avèrent être des cultistes de Tzeentch, fomentant quelque obscur et indubitablement dangereux dessein, dont la réalisation nécessite l’implication du père de Katarina, loup-garou au pedigree impeccable. Ergo la capture de la gente demoiselle, ergo les attaques répétées de la part de la gent lupine que Hrothgar (du Nord) et ses sbires ont subi jusqu’ici. Si Felix ne souhaite pas ingérer dans les affaires des uns et des autres, il ne lui faut pas longtemps pour déterminer qu’il a davantage intérêt à coopérer avec Katarina que de faire cavalier seul. Profitant de l’étourderie manifeste de Voorman, qui repart sans verrouiller la porte, et de la confusion générale générée par l’intrusion de la meute dans l’enceinte fortifiée, la faute, une fois encore, à un verrou oublié, les gardés à vue se font la malle et se séparent rapidement.

Pendant que Katarina va faire ami ami avec les quadrupèdes, Felix erre dans les couloirs, et finit par surprendre une conversation entre Hrothgar et Voorman venant confirmer ses sombres pressentiments sur le dessein poursuivi par les deux crapules. Le sorcier parti euthanasier quelques clebards à grand coup de boules de feu, Felix sort de sa cachette, assomme Hrothgar et lui subtilise la dague magique avec laquelle le faquin avait menacé le mage quelques instants auparavant. Tout est alors prêt pour que le dénouement tant attendu (ou pas) prenne place. Un autre coup de chance (décidément, Felix n’a pas volé son nom) conduit le Baudelaire impérial dans une pièce où Voorman se confronte au grand méchant loup, que l’on devine être le père aimant de Katarina. Le triomphe du lycanthrope, qui décapite le sorcier d’un revers de patte, est toutefois de courte durée, l’esprit vengeur de l’arcaniste venant posséder son assassin quelques secondes après la décollation du premier par le second. C’était en effet l’objectif poursuivi par Voorman, qui souhaitait faire siennes l’immortalité et l’invulnérabilité supposées des loups-garous, et ainsi attendre pépouze la fin des temps. Bien entendu, sa rencontre avec Felix, et surtout, sa dague enchantée dérobée à Hrothgar, viendra mettre un terme définitif aux rêves de grandeur de notre ami le furry. Il reste alors 10 lignes à King pour terminer son histoire, ce qu’il fait en faisant arriver Gotrek (enfin !) et Katarina, la seconde prisonnière du premier. Quel sort le duo réservera-t-il à l’orpheline, pas vraiment innocente certes, mais qui ne leur a rien fait de mal à proprement parler ? Eh bien, on ne le saura pas (dans cette nouvelle en tout cas). Concluons sur ce constat, toujours d’actualité, que lorsqu’il y a un flou, c’est qu’il y a un loup. Et inversement.

1 : Dommage que la Fin des Temps ait pris place avant que le projet ‘J’irai occire chez vous’ se soit concrétisé. Je suis sûr que ça aurait fait un carton d’audience.
2 : D’où croyez-vous que la teinte orange de sa crète venait, enfin ? Et, oui, les mites font partie des espèces dotées de l’audition la plus performante du règne animal.

AVIS :

Il est assez dommage que Ulric’s Children laisse le lecteur sur sa faim (de loup, donc), car le récit brossé par King avait un potentiel certain, que la brieveté de l’histoire empêche de s’exprimer de manière aboutie. Je suis persuadé qu’une dizaine de pages supplémentaires après que Felix et Katarina soient sortis de leur cachot aurait pu permettre à cette nouvelle de se terminer de façon plus convaincante que l’enchaînement de non-péripéties qui mène au dénouement lapidaire et lacunaire qui est le sien. Pour tout dire, la dernière demi-page d’Ulric’s Children mérite la lecture afin de prendre la pleine mesure du caractère comiquement abrupt de sa conclusion. Il y avait pourtant beaucoup de pistes intéressantes à explorer avant de rayer la ligne « Tueur de Loup » de la bucket slaying list du petit rouquin teigneux, et notamment le personnage de Katarina, sorte d’Ulrika1 avant l’heure que King place au cœur de son récit avant de laisser totalement tomber. Un vrai loupé, si on me permet l’usage de cette tournure.

Si le choix de King de se passer de son personnage tutélaire pour cette soumission peut surprendre le lecteur, le pari aurait pu s’avérer payant si l’auteur avait permis à Herr Jaeger de s’illustrer de façon convaincante et spécifique : si Gotrek est une machine de guerre invincible, qui résout tous les problèmes auquel il est confronté à coup de hache, Felix aurait pu compenser par une approche un peu plus cérébrale et astucieuse de la situation. Ce n’est pas le cas ici, notre héros enchaînant les coups de chance critiques sans véritable réflexion de sa part. En cela, la comparaison avec l’élève Long n’est clairement pas à l’avantage du maître King, le premier faisant preuve d’une véritable aisance scénaristique, quand le second a davantage tendance à passer en maniaque automatique, les prouesses martiales du Nain disgracié venant meubler les intrigues simplistes concoctées par son auteur. Si la passation n’était pas encore proche au moment de la publication de Ulric’s Children (Mars 1999, soit 4 ans avant la sortie de Tueur de Géant, le dernier roman de King dans la série – à ce jour –), il est possible qu’une certaine lassitude ait déjà été à l’œuvre chez King à ce moment, ce qui expliquerait le caractère inachevé de cette nouvelle. Quoi qu’il en soit, cette dernière ne fait définitivement pas partie des bonnes pages de la saga de Gotrek et Felix, et sa lecture n’est indispensable qu’aux fans transis de la série.

1 : C’est-à-dire la jeune fille frappée d’une malédiction passible de mort dans les sociétés civilisées du Vieux Monde (la lycanthropie pour l’une, le vampirisme pour l’autre), mais dont les motivations ne sont pas intrinsèquement mauvaises, et qui demande juste à ce qu’on la laisse tranquille.

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Badlands Skelter’s Downhive Monster Show – M. Farrer [NDA] – #11 :

INTRIGUE :

NDA_Badlands Skelter's Downhive Monster ShowSkelter et sa bande de joyeux saltimbanques, acrobates et spécimens de foire voyagent de ville en ville dans la banlieue des ruches necromundiennes, garant leurs roulottes et dressant leur barnum sur les grand-places pour le bonheur des petits et des grands. De passage à Fever’s Break, la troupe ne va pas tarder à découvrir que cette charmante bourgade compte une forte proportion de résidents très, mais alors très conservateurs, que l’arrivée de baladins bariolés, basanés et écailleux (il y a un Scaly dans le lot) n’enchante pas le moins du monde. Et bien que la première confrontation avec l’éructant Jago, chef de la milice Cawdor locale, se solde par une victoire sans appel des visiteurs, grâce aux talents de pistolero de Skelter et à la charge de la brigade légère (des sump toads), ce n’est évidemment que partie remise pour l’affrontement entre carnavaleux et porteurs de masque. Une rivalité haute en couleurs et spectaculaire, s’il en est.

L’acte deux de cette bisbille se joue devant le tribunal local, quelques heures plus tard : le procédurier Jago a fait accuser les forains de ne pas respecter les diverses lois en vigueur à Necromunda en ce qui concerne le transport d’espèces menacées et menaçantes, le paiement des heures supplémentaires d’intermittents du spectacle, ou encore le contrôle de l’inertie psychique des sujets impériaux. Si le timing du dépôt de ces plaintes contraint Skelter à rembourser les billets de sa première représentation (un sort pire que la mort pour notre honnête bateleur), pour cause d’annulation de dernière minute, notre héros dispose bien de tous les permis et licenses nécessaires pour exercer sa noble et utile profession, ce qui rabat le clapet de son détracteur, dont l’éloquence ampoulée ne sauve pas du ridicule. Ce n’est toutefois pas la fin des ennuis pour les artistes persécutés, qui devront faire face à une attaque en bonne et due forme de la part du gang Cawdor au grand complet pendant leur représentation suivante, une bonne partie de leur public se révélant être des cultistes en civils n’attendant que le signal de leur chef pour mettre à bas les masques. Ou le contraire.

Dans la confusion qui s’en suit, nous emboîtons le pas à quelques personnages de la troupe (Skelter, le chasseur de primes retraité Kamusz, la dresseuse Tara, le Scaly Issig) alors qu’ils corrigent bellement les zélotes, plus doués pour chanter à la messe le dimanche que pour purger un cirque au lance-flamme. Pour des raisons qui m’ont échappé, les Cawdors semblent en avoir particulièrement contre les (nombreux) enfants de la troupe, ce qui n’est pas très gentil pour commencer, et met logiquement nos héros en rogne. Acculé à une roulotte avec le fils de Skelter comme otage, Jago rate sa sortie comme il a à peu près tout raté avant cela, et finit projeté dans l’enclos à ripper-jacks avec des conséquences aussi sanglantes que définitives, sans avoir pu mener à bien ses sombres desseins infanticides. Tout est donc bien qui finit bien, et la petite bande peut quitter sans regret Fever’s Break pour sa prochaine étape, qu’on leur souhaite moins agitée que celle-ci.

AVIS :

Farrer avait les cartes en main et le talent nécessaire pour faire de cette nouvelle au titre artistiquement alambiqué1 un petit OVNI drôlatique dans l’univers autrement plus violent et bas du front de Necromunda, mais force est de constater que la sauce n’a pas superbement pris dans ce ‘Badlands…’, et j’en suis le premier désolé. Si cette nouvelle a quelques moments de grâce comique, comme le trilogue de sourds entre Skelter, Kamusz et Tara dans l’antichambre du juge de Fever’s Break, elle semble hésiter entre un traitement au premier ou second degré de son sujet, avant de se terminer sur une scène d’action aux enjeux confus (pourquoi les Cawdors en ont-ils spécifiquement après la marmaille ?) et à l’exécution sans saveur. Pour les amateurs de GW-fiction loufoque mettant en vedette une troupe de baladins, leur ménagerie à la limite de la légalité et leurs déboires avec le bon peuple de la ville où ils ont planté leurs tentes, on conseillera donc l’ancien mais plus abouti ‘Pulg’s Grand Carnival’, preuve incontestable que la production littéraire commanditée par Games Workshop est d’une richesse insoupçonnée.

1 : En même temps, venant de l’auteur de ‘The Headstone and the Hammerstone Kings’, ce n’est pas très étonnant. Bon, il a écrit ‘Faces’ aussi, c’est donc qu’il sait faire simple quand il a envie.

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The Blessed Ones – R. Kellock [WFB] – #11 :

INTRIGUE :

Truand minable, Jurgen Kuhnslieb se voit forcer d’accepter une mission un peu particulière afin de pouvoir rembourser les nombreuses dettes de jeu qu’il a contractées. Chargé par un jeune noble décadent de voler un tableau dont son propriétaire ne souhaite pas se séparer, Jurgen va rapidement se rendre compte qu’il s’est empêtré dans une affaire aux proportions insoupçonnées, et que ses employeurs ne sont pas du genre à laisser un cambrioleur à la petite semaine se mettre en travers de leur chemin.

AVIS :

The Blessed Ones aurait sans doute gagné à être développé en « moyen format » (50 – 100 pages), plutôt que de se retrouver confiné à la vingtaine de pages de sa version définitive. La banalité de l’intrigue proposée par Rani Kellock, cousue de fil blanc et à la conclusion courue d’avance dès les premières lignes1, aurait pu ainsi être compensée par la mise en place d’une ambiance réellement oppressante, soulignant la traque impitoyable dont Jurgen fait l’objet de la part de ses clients. L’instillation d’une atmosphère de roman noir ne pouvant se faire que sur la durée, la relative brièveté de la nouvelle de Kellock ne lui a pas permis de parvenir à un résultat concluant, ce qui s’avère au final être assez dommageable.

1 : C’est bien simple, si un riche notable engage une petite frappe pour récupérer un artefact d’un genre un peu spécial, il y a environ 143,87% de chances que le commanditaire se révèle être un cultiste du Chaos/nécromancien/membre d’une organisation secrète.

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Ancient Lances – A. Hammond [40K] – #11 :

INTRIGUE :

40K_Ancient LancesDe retour sur son Attila natale après des années de bons et loyaux services, le commandeur Al’Kahan découvre avec stupeur que son monde et ses compatriotes se sont détournés de leur mode de vie ancestral, et se font exploiter sans vergogne par les marchands de l’Imperium. Outré par cette infamie, il rejoint ce qu’il reste de sa tribu, et l’entraine dans une vendetta sanglante contre des voisins indélicats, ayant fait leurs les pâturages et les troupeaux des clans environnants. La victoire acquise, il repart aussi sec dans le vaisseau par lequel il est arrivé, ayant visiblement décidé de passer sa retraite ailleurs que de ce bled paumé. Merde, ils n’ont même pas la wifi.

AVIS :

SAncient Lances s’avère plus consistant qu’Emperor’s Grace (dont le personnage principal, le Commissaire Streck, fait deux brèves apparitions en début et fin de nouvelle, sans qu’on comprenne trop ce qu’il vient faire dans cette histoire1), la seconde publication d’Alex Hammond comporte elle aussi son lot d’imperfections. On notera tout d’abord que l’auteur orthographie « Atilla » la planète d’Al’Kahan, ce qui laisse planer un gros doute aussi bien sur sa maitrise du background de la Garde Impériale que sur son niveau de culture générale. Deuxièmement, la meilleure progression narrative d’Ancient Lances par rapport à Emperor’s Grace (comprendre que la première se termine de manière un peu plus compréhensible que la seconde) n’empêche pas Hammond de perdre le lecteur par endroits, la faute à une absence de mise en exergue de points importants pour la compréhension de son propos.

Par exemple, lorsqu’Al’Kahan sort du vaisseau spatial qui l’a ramené sur Attila au début de la nouvelle, il se fait contrôler par deux Gardes Impériaux d’un autre régiment, qui lui demandent de présenter ses papiers. Notre héros s’exécute… et leur casse la gueule. Violence gratuite d’un vétéran psychotique ? Pas exactement, les victimes d’Al’Kahan appartenant au XIIIème régiment de Prakash, sauvé de la destruction quelques pages plus tôt par le sacrifice de la cavalerie Attilane. On peut donc comprendre que le vieux commandeur n’ait pas apprécié l’intervention des Prakashiens, et le leur ai fait savoir de manière appuyée. Seulement voilà, Hammond ne facilite pas ce travail de déduction, puisqu’il ne prend pas la peine de rappeler de manière explicite la cause de la rancune d’Al’Kahan envers ces deux pauvres bidasses, (trop) confiant qu’il est dans la capacité du lecteur à faire le lien entre les trois micro-passages où est mentionné le XIIIème Prakashien (dispersés sur neuf pages). Faut pas baisser la garde.

J’ai également eu du mal à accrocher au personnage d’Al’Kahan, vétéran couturé aux motivations aussi nébuleuses que son sens tactique2. Comme le fait remarquer le méchant de l’histoire juste avant de se faire trucider par le Zapata des grandes steppes, notre héros a beau gueuler contre les ravages de la galaxisation (c’est le même principe que la mondialisation, mais à l’échelle supérieure) sur Attila et se faire le défenseur des anciennes traditions de la planète, il ne se gêne pas pour utiliser l’arsenal de la Garde Impériale, beaucoup plus avancé que les armes de fer et de corne utilisées par ses compatriotes, afin de faire triompher sa cause. Bref, faîtes ce que je dis, mais ne regardez pas comment je le fais. On notera aussi qu’Al’kahan se barre juste après la victoire de son camp (abandonnant une deuxième fois sa femme et son – second – mari, mutilé par ses bons soins au passage), très probablement pour prendre possession de la province d’un autre monde lui ayant été promise en récompense de ses impeccables états de service. C’est ce qu’on appelle avoir de la suite dans les idées.

Toutefois, Ancient Lances est toutefois plus sympathique que pénible, en grande partie grâce aux détails de fluff apportés par un Hammond assez crédible dans son propos. Cette nouvelle a également le mérite de traiter des frictions pouvant naître de la rencontre de plusieurs cultures d’un niveau technologique très différent, sujet intéressant à aborder dans le cadre d’un empire galactique d’un million de mondes, où cette question doit évidemment se poser de manière récurrente sur pas mal de planètes. En conclusion, si vous ne deviez lire qu’un seul texte de Hammond, c’est celui-là que je vous recommande, et de loin.

1Ancient Lances se déroule un peu avant Emperor’s Grace, mais les deux nouvelles n’ont d’autre point commun que la présence de Streck dans l’un et l’autre. Je n’ai d’ailleurs pas bien compris pourquoi Ancient Lances figure après The Emperor’s Grace dans Into the Maelstrom, soit à l’inverse de l’ordre chronologique. Peut-être Hammond avait-il pour projet de développer une série dont Sterck serait le héros ? Malheureusement pour lui, Ibram Gaunt (et plus tard Ciaphas Cain) avait déjà pris la place du Commissaire héroïque au sein de la Black Library.
2« Salut tout le monde, c’est Al’Kahan ! Ça fait 30 ans que je vous ai quitté, mais maintenant que je suis revenu, vous allez tous faire exactement ce que je dis. »
« Et pourquoi ? »
« Parce que sinon, je vais devenir très méchant. Et comme presque tous les hommes en âge de se battre sont morts, je ne vois pas comment vous pourriez m’empêcher de devenir le nouveau chef de tribu. D’ailleurs, voilà la femme que j’ai épousée juste avant de partir me battre pour l’Empereur (je suis un vrai gentleman). Elle n’a pas l’air très contente de me voir, mais je vais lui offrir la main tranchée de son deuxième mari, ça lui fera plaisir. »
« Bon ok. On n’a pas le choix de toute façon. Mais on te prévient, on s’est fait volé tout notre cheptel par le clan d’à côté, dont le chef a construit une forteresse imprenable depuis laquelle il pille les terres alentours en toute impunité. »
« Pas de problème, j’en fais mon affaire. En ma qualité de soldat vétéran, je vous propose ce plan infaillible : nous allons charger les murs de son bastion à cheval, comme on le faisait à mon époque ! »
« C’est complètement con. »
« Et toi, à la prochaine remarque désobligeante, t’es complètement mort. Nan, mais en fait, je vous ai ramené quelques lances à têtes explosives, ça devrait faire de gros trous dans les murs, qui nous permettront de passer. »
« Ok, mais comment on arrive à s’approcher assez près pour utiliser ces armes fabuleuses ? La forteresse est entourée de pieux en acier, spécialement conçus pour briser une charge de cavalerie. »
« C’est pas un problème, j’ai également un fusil plasma, qui me permettra de détruire ces obstacles pendant notre glorieuse chevauchée ! »
« Heu, tu veux dire avant notre glorieuse chevauchée, non ? Genre on envoie un éclaireur préparer le terrain pour éviter les mauvaise surprises. »
« Pas du tout, on charge comme des débiles un ennemi bien retranché et mieux armé que nous, en faisant une confiance aveugle à mes talents de tireur. C’est non négociable. »
« C’est complètement c- »

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Daemonblood – B. Counter [40K] – #12 :

INTRIGUE :

DaemonbloodSur la planète (forcément bleeue) de Saafir, Papy Nurgle est sur le point de rafler le vote populaire, au grand dam des défenseurs impériaux dépéchés par Pépé (l’autre) pour passer la serpilière. Isolés par les aléas de la guerre, la Sœur de Bataille Aescarion et le Sergent Ultramarines Castus se retrouvent dans les souterrains de la capitale planétaire (éponyme), où se trouve s’étend une station d’épuration possédée par le Warp, forme physique imposante du Prince Démon Parmenides le Vil. Comme il est difficile de passer par l’épée, ou, dans le cas de cette brutale d’Aescarion par la hache énergétique, une flaque de morve et d’excréments couvrant plusieurs hectares, M. et Mme Meilleurs de l’Empereur sont bien embêtés. Profitant de leur désarroi, le vil Parmenides lave/salit le cerveau du Space Marine avec ses confidences crasseuses sur l’état de la galaxie, transformant le pauvre Castus en séide chaotique. Immunisée à cet insidieux virus par sa foi dévorante et absolue, Aescarion n’est cependant pas de taille à achever les souffrances et les errances métaphysiques de son compagnon, et ne doit son salut qu’à la robustesse de son jetpack, qui la ramène à la surface avant qu’elle ne se retrouve féminicidée par le renégat.

On n’échappe cependant pas aussi facilement à cette force puissante qu’est la Destinée au 41ème millénaire, et les routes d’Aescarion et de Castus se croiseront à deux nouvelles reprises pendant les décennies suivantes. La première fois lors de la purge d’un Space Hulk squaté par les suivants de Parmenides, dont Castus est devenu le porte-parole officiel. Castoche aurait pu se faire trouer les pores par un peloton de Sistas judicieusement gardé en réserve par Aescarion, n’eut été la compétence « corps de mouches » développée par le M. Impropre de Saafir, et qui lui permet de tirer sa révérence sans dommage. La seconde, et dernière fois, se déroule sur le vaisseau du Seigneur du Chaos, le Defixio1, et avec la bénédiction de l’Inquisition, qui souhaitait contenir l’expansion cancéreuse de l’empire spatial de Parmenides en envoyant un petit Exterminatus bien senti sur Saafir. Il fallait bien ça à la Canonnesse de l’Ordre du Calice d’Ebène, auquel Aescarion appartient, pour autoriser l’impulsive et revancharde vétérante à se mesurer une nouvelle fois avec sa Némésis. Les deux précédentes tentatives ayant eu un coût élevé en termes de vies de Sœurs de Bataille aguerries, on comprend sa réticence à permettre à sa sous-fifre de sortir à nouveau le karscher. La connaissance intime de notre héroïne de la mentalité et des forces et faiblesses de Castus en faisait toutefois la meilleure candidate pour mener l’expédition impériale jusqu’à bonne orbite, en dépit de la défense acharnée orchestrée par le fidèle Castus du pré de la décharge carrée de son seigneur et maître.

Ayant soigneusement préparé son combat en oignant sa hache de gel Harpic, Aescarion parvient assez facilement à vaincre son adversaire, mais ne l’achève pas immédiatement. Elle souhaite en effet le faire revenir du côté lumineux, et aseptisé, de la force avant qu’il ne soit trop tard, et parvient (assez facilement *2) à convaincre Castus de retourner sa veste énergétique. Cachant une balise de visée, ou quelque chose comme ça, entre deux bourrelets du champion déchu, elle envoie son ancien camarade apporter ses salutations les plus distinguées à Parmenides dans les profondeurs de Saafir, permettant à l’ex Ultramarine de partir avec les mains sales, certes, mais une ardoise propre2. C’est ce qu’on appelle passer l’éponge, grimdark style.

1 : Je précise car Counter a écrit une autre nouvelle portant ce nom, pour ceux que ça intéresse.
2 : Le fait que Parmenides ne se souvienne même pas du nom de son champion après toutes ces décennies de collaboration à également dû convaincre ce dernier d’envoyer tout balader.

AVIS :

Bien des années ont passé et bien des textes ont été écrits depuis, mais il faut se rappeler que c’est avec ‘Daemonblood’ qu’un tout jeune Ben Counter a fait ses débuts pour la Black Library, dans un numéro d’Inferno ! Si je ne placerais pas cette petite nouvelle parmi les meilleures soumissions de cet auteur, capable du moins convaincant1 comme du meilleur, cette première tentative a plutôt bien vieillie (notamment quand on la compare à certaines nouvelles publiées au début des années 2000), et s’avère assez solide dans sa réalisation, même si très peu originale dans son propos. Les milliards de Space Marinades qui nous ont été servies par la BL au cours des dernières décennies y sont sûrement pour quelque chose…

Ici, on peut tout de même mettre au crédit de Counter une conclusion un peu plus originale que le traditionnel « le-méchant-chaoteux-meurt-sur-un-gros-malentendu-avant-d’avoir-pu-mettre-son-plan-presque-infaillible-à-exécution », avec l’exploration d’un thème assez rare dans l’univers grimdark de 40K : la rédemption.  Cela compense largement à mes yeux les points techniques sur lesquels on pourrait venir lui chercher des noises, comme l’apparente facilité avec laquelle une « simple » Sœur de Bataille vétérante arrive à tailler des croupières à un Seigneur de la Peste. On apprendra d’ailleurs par la suite que la bonne Aescarion est une véritable héroïne d’action, ayant plus d’un Space Marine à son tableau de chasse, ce qui pourrait être perçu comme du féminisme de GW-Fiction avant-gardiste de la part de Ben Counter. Quel visionnaire alors…

1 : Vus les loustics qui ont bossé pour la BL, je ne peux pas décemment utiliser le qualificatif de pire pour la prose de Ben Counter. Il y a bien plus mauvais que lui.

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Deliverance – G. Thorpe [40K] – #12 :

INTRIGUE :

Sur la planète Georgia, ou un nom équivalent étant donné que sa « capitale » se nomme Deliverance et que ses habitants sont des rednecks tout ce qu’il y a de plus primitif, le hagard Araga, chasseur-cueilleur (de champignons hallucinogènes) de son état voit son trip roots tourner au psychédélique morbide lorsqu’une spore mycétique contenant un Lictor sautillant s’écrase à quelque distance de sa position. Trop stone pour faire autre chose que contempler le Xenos s’approcher en faisant des claquettes et agitant son chapeau haut de forme (il n’y a pas à dire, c’est de la bonne), notre brave McGuffin est sauvé d’une descente brutale et d’une mort certaine par l’arrivée à point nommé d’un peloton de Last Chancers, mené par notre ami et confident Kage, qui fait sa fête à l’immigrant clandestin avec une brutale efficacité qui aurait arraché des larmes de joie à Trump en personne.

Cette menue péripétie est le point de départ du récit de la défense de Deliverance par une force impériale regroupant, en plus des Légionnaires Pénaux de choc de l’impayable Colonel Schaeffer, une milice de braves indigènes et un contingent de Sœurs de Bataille, contre les hordes chitineuses du Grand Dévoreur. L’occasion pour Thorpe de confronter ses petits chouchous à une galerie de créatures sanguinaires et décérébrées, aux noms aussi étranges que Franx, Letts, Feonix, Truko et Kruzo, pour ne citer que quelques-unes de ces immondes formes de vie. Bref, la vie d’un organisme Tyranide n’est pas rose tous les jours, à supposer qu’il distingue la couleur. De son côté, le Lieutenant Kage narre avec son style inimitable la défense inspirée du périmètre impérial qu’il assure avec ses hommes. Et lui aussi est bon pour un passage en revue du bestiaire opposé, aux Gargouilles succédant des Termagaunts, Guerriers et même, Hormagaunt Ormahgard un petit Carnifex plutôt farouche. Il laisse toutefois le soin à son increvable autant qu’inflexible supérieur le soin de se farcir le Prince Tyranide qui mène l’assaut, ce que Schaeffer fait avec professionnalisme1 (et hors champ, ce qui est encore plus rapide). Bénéficiant de son armure en scenarium, même s’il finit la nouvelle à l’infirmerie, tout l’enjeu pour Kage est de conserver intacte la motivation fluctuante de sa mauvaise troupe, ce qu’il fait en alternant argumentaire pessimiste2, discours inspirant et mensonges éhontés, lorsqu’il aperçoit l’arrivée de transports de gardes impériaux et comprend que cette bonne nouvelle risque d’entrainer un coupable relâchement chez ses Légionnaires. Décidément, même au 41ème millénaire, le management reste un art délicat.

1 : Quel dommage qu’il n’ait pas été là sur Macragge pour baby-sitter cet empoté de Calgar contre le Maître des Essaims. Avec lui, ça n’aurait pas traîné.
2 : Top Ten Reasons of NOT Running Away From A Fight Against Tyranids (Number 3 Will SHOCK You ! – normal c’est un Trygon – ).

AVIS :

La défense d’un bastion quelconque contre une attaque de Tyranides est devenue au fil des années l’un des scénarios les plus communs dans le catalogue de la Black Library, et même si Deliverance1 peut se targuer d’être l’un des premiers textes couvrant le sujet publié par la BL, il y a fort à parier que le lecteur soit déjà familier de ce type de propos. L’approche méthodique que Thorpe utilise pour mener sa barque, en passant d’un type de bestiole hargneuse à l’autre et présentant pour chacune ses principales caractéristiques dans la foulée, à défaut d’être follement originale, remplit convenablement sa mission. La gouaille habituelle de Kage permet de faire passer plus facilement la pilule pour les lecteurs les plus blasés, et les insinuations du caractère paranormal de Schaeffer, qui donne également de sa personne lors des combats (chose assez rarement couverte dans les récits Last Chancers, généralement centrés sur Kage et les pauvres malheureux qui lui servent de réservoir à points de vie), apportent un supplément d’intérêt à Deliverance, même si cette piste intéressante n’est qu’à peine effleurée par Thorpe. Pour le reste, cette nouvelle est tout ce que l’on est en droit d’attendre de la part d’un affrontement entre la Garde Impériale et les cafards de l’espace, avec un body count des plus respectables et de l’héroïsme cheap à foison.

1 : On peut voir dans ce choix de nom un présage de la future relation particulière entretenue par Gav Thorpe et Corax. Nous étions au moment de la publication initiale de cette nouvelle huit ans avant le début de l’Hérésie d’Horus.

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The Doorway Between – R. Davidson [WFB] – #12 :

INTRIGUE :

WFB_The Doorway BetweenFrantz Heidel, chasseur de sorcières agoraphobe, est engagé par le baron von Kleist pour retrouver le pendentif qui lui a été dérobé par une bande de mutants sur la route de Bechafen. Escorté par un pisteur à tête de fouine du nom de Karl Sassen, notre héros se lance à la poursuite des voleurs dans l’arrière-pays de la capitale de l’Ostermark, sans se douter que son employeur ne lui pas dit toute la vérité au sujet de l’artefact qu’il doit récupérer.

AVIS :

The Doorway Between est un récit très classique (la quête d’un objet magique qui se révèle être maléfique), conduit d’une manière tout aussi classique par Rjurik Davidson. Sans être mauvaise, cette nouvelle est toutefois loin d’être mémorable, et ne mérite au mieux qu’une lecture rapide, tant il est possible de trouver mieux ailleurs dans le catalogue de la Black Library (pour les amateurs de chasseurs de sorcières, la trilogie Mathias Thulmann de C.L. Werner est à mon goût bien supérieure).

Lorgnant sur la fin vers la buddy story, lorsque Heidel et son rival Immanuel Mendelsohn sont contraints de faire équipe pour contrecarrer les plans de leur ennemi commun, The Doorway Between aurait sans doute gagné en intérêt si Davidson s’était davantage écarté des chemins battus de l’heroic-fantasy.

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Et voilà qui conclut ce voyage dans la memory lane infernale, plus de vingt ans après la publication initiale de ces nouvelles de l’An II d’Inferno!. À l’heure où le futur de cette revue devenue recueil est plus incertain que jamais1, revisiter ce glorieux et fantasque passé ne peut pas faire de mal. Rendez-vous prochainement ici-même pour le troisième volet de cette saga au long cours…

1 : Amazon nous informe (au moment où cette revue est postée) qu’un recueil thématique ‘Inferno! presents The Emperor’s Finest’, similaire à celui proposé l’année dernière (‘Inferno! presents The Inquisition’) sortira en Novembre 2022. Après ça, on ne peut plus qu’espérer…

EMPIRE AT WAR [WFB]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue de ‘Empire at War’, une copieuse anthologie fleurant bon le Monde qui Fut et Warhammer Fantasy Battle, ce qui se fait de plus en plus rare de la part de la Black Library ces temps-ci (pour des raisons valables, il est vrai). Comme le titre et la couverture de cet opus l’indiquent, nous sommes en présence d’un ouvrage thématique, se concentrant sur une seule faction. Je ne vous ferai pas l’affront de vous révéler laquelle.

Empire at War

Bien que trois noms de contributeurs (Dan Abnett, Nick Kyme et Darius Hinks) soient mis en avant, ‘Empire at War’ brasse plus large que les trois romans qui constituent la plus grande partie de son contenu, et dont il ne sera pas question ici1 en application stricte de ma ligne éditoriale (que du court format). Ce ne sont en effet pas moins de 11 nouvelles, écrites par 8 auteurs (en plus de nos trois premiers larrons, on retrouve C. L. Werner, Robert Earl, Gordon Rennie, James Wallis et Jonathan Green), qui viennent compléter cette triade, et offrir au lecteur une vision complémentaire de la plus grande nation du Vieux Monde. C’est tout à fait mérité si vous me demandez, et en tant qu’ancien et inconsolable joueur de l’Empire, je suis d’une impartialité à toute épreuve.

Si la liste de ces courts formats additionnels vous semble étrangement familière, c’est parce que les pontes de Nottingham se sont livrés à un peu de repackaging opportuniste, et ont carrément recyclés l’antique anthologie ‘Swords of the Empire‘, sortie en 2004 et contenant 6 des 11 nouvelles de ‘Empire at War‘. Au prix où ce nouvel ouvrage est vendu (15.99€ en format numérique), on peut toutefois considérer qu’on rentre tout de même largement dans nos frais, surtout quand on compare ‘Empire at War‘ avec son prédécesseur impérial (nommé très logiquement ‘The Empire’), et qui pour le même prix ne comportait que 6 nouvelles. Il faut également noter que parmi les 5 nouvelles qui ne faisaient pas partie du sommaire de ‘Swords of the Empire‘, on trouve quelques raretés comme ‘Shyi-Zar‘ de Dan Abnett, à ma connaissance uniquement publié dans le mega-mnibus WFB ‘Tales of the Old World‘. 

Tout cela fait de ‘Empire at War’ une acquisition de prix pour tout enthousiaste de la GW-Fiction qui se respecte, au moins sur le papier (héhé). Il est temps de rentrer dans le fond des choses et déterminer si l’offre est effectivement aussi intéressante qu’elle en a l’air. Heureusement pour vous, vous avez un expert sous la main pour vous épauler dans ce travail. Up and at’ em, lads!

1 : Je peux tout de même vous recommander chaudement ‘Riders of the Dead’, un classique absolu de la première ère de la Black Library, et qui me fait rêver à ce qu’aurait pu être la GW-Fiction si Abnett avait tranché en faveur de WFB au lieu de 40K au début des années 2000…

Empire at War

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The Vampire Hunters – R. Earl :

INTRIGUE:

Bienvenue à Novograd, petit village kislevite blotti dans la nature sauvage de cette contrée septentrionale. Nous arrivons juste à temps pour surprendre un trio de natifs confinés dans l’auberge locale, absorbés par l’activité reine de la mauvaise saison : écouter la tempête secouer les maisons tout en fantasmant sur sa mort prochaine et se cuitant à la vodka pour passer le temps. Voilà bien toute l’âme indomptable du Kislev résumée en quelques mots. Plongés dans cette introspection profonde et alcoolisée, nos personnages sont surpris par les coups donnés sur la porte de leur gîte par une force mystérieuse. Délaissant un instant la mastication de sa moustache, autre passe-temps très populaire dans le pays, l’aubergiste Grigori1 va s’enquérir de la cause de ce raffut pendant que ses compagnons dégainent leurs couteaux à saucisson, dès fois que ce serait Peppa Pig qui viendrait demander l’hospitalité. À l’extérieur, ce sont deux voyageurs assez bien mis, Calixte Lesec et son valet Viento, qui demandent à s’abriter de la tempête. Après avoir hésité un moment, car, comme tout homme civilisé, Grigori à entendu parler de la déplorable réputation des Lesec (remontant jusqu’à leur patriarche, Noisy), le tavernier finit par laisser les visiteurs entrer après qu’ils aient prononcé le mot magique : « nous avons croisé Petrokov sur la route ». Car Petrokov est le fils de Grigori, et s’il est parti en direction de la capitale au cœur de l’hiver, c’est pour y chercher de l’aide. En effet, Novograd a un problème. Un gros, vorace et nudiste problème.

Une fois à l’intérieur, les nouveaux venus confirment qu’ils sont bien venus pour aider les locaux à se débarrasser de leur nuisance vampirique, car c’est bien de cela dont il s’agit, avec une confiance et une désinvolture qui ne leur attire pas les faveurs de Grigori. Pressé de questions par les mercenaires, il donne une description de l’individu suspect collant parfaitement avec le portrait type d’un Stryge (grand, baraqué, naturiste, avec une tête de chauve-souris), et accepte de mener ses hôtes dans les cavernes servant de repaire à la bête dès le lendemain. Sur la route dès potron minet – mais pas avant que Grigori ait pris son petit-déjeuner complet à base de porridge et de thé au miel (de Lustrie), car c’est le repas le plus important de la journée – les trois hommes progressent dans la poudreuse toute la matinée, et finissent par arriver devant les Dents de l’Ours, percées par un réseau de grottes dans lesquelles les locaux ont vu disparaître le vampire avec une proie sous le bras il y a quelques semaines…

Début spoiler…Une fois la partie lancée en indoor, c’est au tour de Grigori de se retrouver à la peine, les rapides et athlétiques Calixte et Viento redoublant de yamakaseries pour coller deux bonnes longueurs d’avance à leur « guide », laissant ce dernier former l’arrière-garde du groupe avec sa phlébite et son couteau. Guère rassuré par la situation, et seulement éclairée par la lueur tremblotante de sa torche, Grigori a beau se répéter que tout est sous contrôle, le bruit d’une cavalcade de griffes sur la roche, se rapprochant de plus en plus de sa position, n’a rien de très rassurant. Et lorsqu’un vieux réflexe de victime de film d’horreur le pousse à lever les yeux vers le plafond de la grotte, il ne peut que constater que la situation est compromise, ce coquinou de Stryge ayant opté pour une approche verticale et se trouvant à quelques centimètres de la tête de notre héros. Paralysé par une abjecte terreur, ce dernier en vient à lâcher son fidèle surin, mais, lorsque la bête se met en tête de lui fouailler la carotide, il a le bon réflexe de lui balancer un bon gros « parle à ma main » pour lui mettre un stop. Comme la main en question portait sa torche, le vampire en est quitte pour une bouchée de braise, ce qui n’est jamais agréable.

C’est le moment choisi par Calixte et Viento pour passer à l’attaque, de façon aussi coordonnée qu’acrobatique, les mercenaires prenant leur proie à son petit jeu de varappe en sautant eux aussi de prise en prise avec l’habileté d’un Alex Honnold sous speed. Sentant que l’on n’a plus vraiment besoin de lui, et plus qu’un peu dégoûté par la BO de la bataille et l’averse de sang qui commence à l’arroser, Grigori opte pour un petit évanouissement réparateur. À son réveil, et après avoir laborieusement retrouvé et rallumé sa torche, il peut constater que le Stryge a été vaincu, mais que ses problèmes, loin de disparaître, ont doublé. Car Calixte et Viento étaient eux aussi des vampires, que leur bataille contre leur lointain cousin skinhead a mis en appétit. Ils somment donc leur hôte de les ramener à Novograd, afin qu’ils puissent bénéficier du gîte et du couvert promis pendant une saison complète que l’offre d’embauche transmise par le délicieux Petrokov mentionnait. Ayant réalisé que son fils était très probablement mort, et que le reste du village ne tarderait pas à les suivre, Grigori, logiquement abattu par le tour qu’ont pris les événements, se met toutefois en route avec diligence, entraînant derrière lui les deux tueurs hémophiles.

Derrière son air de désespoir abêti, Grigori a toutefois un plan, et part au diable vau vert en compagnie des parasites, profitant de la tempête de neige s’étant levée entre temps pour les éloigner de Novograd. Lorsque Calixte finit par se rendre compte de la situation, il est trop tard pour les deux vamps, et la fringale qui travaille Viento pousse ce dernier à attaquer le Kislévite sans réfléchir aux conséquences de son geste, lorsque ce dernier lui balance quelques insultes savamment choisies. En plus de saigner à mort leur seul lien avec la civilisation, l’assoiffé ne s’est pas rendu compte que ce dernier se tenait à dessein sur le bord d’une corniche surplombant un abîme, et les trois randonneurs finissent donc par basculer dans le ravin après que Calixte ait tenté, sans résultat, de calmer les ardeurs de son séide. Ce n’est toutefois pas la fin pour Grigori, qui parvient à regagner la route quelques heures plus tard, malgré des blessures plus graves les unes que les autres, et la perte de 4 litres de sang. Réalisant qu’il est sur le point de devenir un vampire à son tour2, le dévoué aubergiste décide de se sacrifier pour la cause, et sort son meilleur saut de l’ange pour allez à nouveau s’écraser en contrebas. C’en est cette fois fini du petit Grigori, dont on retrouvera le cadavre flottant dans la rivière locale au dégel. Encore un mystère non éclairci…Fin spoiler

1 : Qui a contracté cette sale habitude il y a quarante ans, et qui en a quarante-deux. On vieillit vite à Kislev, c’est connu.
2 : On suppose que Viento a mis la langue pendant leur séance de base jumping en amoureux ?

AVIS:

Soumission solide de la part d’un Robert Earl pas encore obnubilé par les aventures de Florin et Lorenzo (bien que la paire Calixte – Viento s’avère assez semblable à son équivalente bretonienne dans ses relations maître – serviteur), ce Chasseurs de Vampire permet au lecteur de découvrir le Vieux Monde dans toute sa dureté, tant climatique que « sociologique », et de prendre la mesure du fameux tempérament kislévite, garant de la survie de ce peuple plus exposé que les autres aux déprédations des forces du mâââââl. Bénéficiant d’une intrigue bien trouvée et mise en scène, notamment le passage de la grotte et l’approche angoissante du Stryge, qui n’aurait pas dépareillée dans une nouvelle de Warhammer Horror, cette histoire met à profit les éléments constitutifs de la GW-Fiction que sont l’action, le suspense et le grimdark, pour un résultat des plus convaincants. À placer parmi les modèles du genre.

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Meat Wagon – C. L. Werner :

INTRIGUE:

Votre attention s’il vous plaît. La nouvelle qui va suivre comprenant un nombre élevé de personnages nommés (plus ou moins) importants pour notre intrigue, nous vous remercions par avance de suivre attentivement les présentations qui vont vous être faites de notre casting. Vous aurez été prévenus.

Et nous voici donc catapultés dans un relais routier minable sur la route reliant Erengrad à Zandri en passant par Nuln, où une belle bande de personnages attend que leur personnel de bord ait fait le plein et chargé les plateaux repas. Les écouter un instant suffit au lecteur sagace pour deviner où chacun se positionne sur l’organigramme de la nouvelle d’action med-fan1. Nous avons ainsi, par ordre d’apparition : le joueur de cartes (en os, because why not2)/escroc/joli cœur Feldherrn, le gras, riche, désagréable et xénophobe marchand de vodka Emil Steinmetz, sa « fiancée »/chaufferette achetée en soldes à son vieux père Lydia, et son garde du corps couturé et patibulaire, Ravna (surnommé un demi car il utilise une épée bâtarde). À cela, nous nous devons d’ajouter la Baronne von Raeder, vieille fille maniérée et hautaine, mais se baladant avec une rapière au côté, et le jeune ingénieur Nain Fergrim Pointefer, transportant avec lui des caisses frappées de runes auxquelles il tient comme à la prunelle de ses yeux. Pour finir, un mot sur les chauffeurs de ces messieurs-dames : l’Ostlander au fouet et aux chicots pourris, Ocker, et son comparse Strigani à tête de fouine et à moustache pleine de miettes (un signe sûr que c’est un filou… ou une fouine qui vient de tomber sur une baguette), Bresh. Pfiou, une bonne chose de faite.

Tout ce petit monde se dirige donc vers Nuln et doit cohabiter pour quelques heures, même si des tensions se manifestent déjà au sein du groupe. Le voyage du coche est cependant interrompu avant son terme par un fiacre-stopper planté au bord de la route. Reconnaissant un Répurgateur à la forme de son chapeau, les deux gredins tenant les rênes, et que le lecteur avait surpris quelques temps auparavant à échanger des remarques lourdes de sens hors d’écoute de leurs passagers, sont d’abord tentés de l’écraser, mais Mathias Thulmann (car c’était lui) avait habilement prévu le coup en demandant à son homme de main et tortionnaire particulier, Streng, de se positionner stratégiquement avec une arbalète chargée à proximité. Si Thulmann joue du pouce sur les grands chemins, c’est que son cheval à perdu un fer et qu’il a donc besoin d’être dépanné jusqu’à la forge la plus proche. Ne prenant pas les dénégations polies des conducteurs pour argent comptant, il s’installe donc posément dans la diligence, laissant son acolyte suivre cette dernière avec leurs chevaux, et propose un tour de table amical pour briser la glace entre les compagnons de voyage. Venant d’un type qui peut vous condamner au bûcher si vous éternuez de façon bizarre, pas sûr que cela fonctionne beaucoup.

En tous cas, cette rencontre fortuite n’empêche pas Ocker & Bresh de dérouler la suite de leur plan, et donc d’amener leur véhicule jusqu’au charmant petit village de Mureiste, Sylvanie. « Dites donc, c’est étrange que nous fûmes allâtes en direction du Nord-Est alors que la logique voullasse que nous nous dirigeassionnèrent vers le Sud-Ouest » commente ce finaud de Thulmann, à qui on a appris le Reikspiel littéraire et la géographie au Temple de Sigmar. Il ne faut donc pas s’étonner que notre héros dégaine une de ses pétoires de service lorsque l’équipage annonce une pause de quelques minutes à ses passagers, et interdise en des termes non incertains aux ruffians de bouger de leur siège. Cette situation des plus tendues (Streng étant venu appuyer les dires de son employeur avec sa propre arbalète) dégénère cependant tout à fait lorsque les habitants de Mureiste arrivent en masse taper au carreau du fiacre, et pas pour demander s’ils peuvent laver le pare-brise, non non. Car les locaux sont des goules, elles ont faim, et de bien mauvaises manières. Dans le tumulte qui s’en suit, notre compteur de mort horrible se déclenche enfin, grâce à la participation active d’Ocker, qui prend un carreau dans le bide de la part de Streng en tentant de dégainer son tromblon, tombe de son siège, se fait rouler dessus par la voiture qui s’emballe, et dévorer vivant par les relations professionnelles des son collègue. Pas mal pour un début. Bresh, de son côté, réussit à faire décrire des cercles à l’attelage devenu fou jusqu’à ce que le poison des cannibales fasse effet et terrasse les chevaux3. Le coche se renverse, manquant d’écraser Pointefer, mais ne faisant pas d’autres victimes que les chausses de Steinmetz, dont le transit intestinal est accéléré par la vue des goules. Toutefois, tous nos personnages, y compris Bresh, que Thulmann amène manu militari avec lui pour qu’il s’explique, réussissent à se réfugier dans le temple de Sigmar local, et à en barricader les portes.

Dès lors, il s’agit pour nos héros de s’organiser. Pendant que ses camarades fortifient leur position ou sanglotent dans leur coin, le Répurgateur torture un peu son suspect, arrivant à tirer de ce dernier la promesse d’une mort abominable délivrée d’une main de Maître par ce dernier. Il ne faut pas longtemps à Thulmann pour comprendre que les goules ne sont qu’un avant-goût d’une nuit très agitée qui s’annonce, et le zélote va donc prêter main-forte à ses acolytes, qu’il positionne à des endroits stratégiques dans l’attente du prochain assaut. À la tombée du jour, une chauve-souris géante vient déverser des litres de guano sur la grand-place où patientent les Muriestois, avant de se poser et de se changer en, je vous le donne en mille, Ozzy Osbourne. Ou presque. En vampire Stryge. Après s’être fait briefer sur les derniers événements, et avoir repris quelques forces en sirotant le messager4, il lance ses ouailles à l’attaque du monument, en leur indiquant de penser à faire le tour, cette fois-ci. Si la marée de viande écumante (voir « ils l’ont écrit ») ne parvient pas à faire autre chose que trembler les portes dans un premier temps, les nerfs fragiles de cette fiotte de Steinmetz manquent de condamner la team Sigmar lorsque le pleutre décide d’aller libérer Bresh dans l’espoir que ce dernier parvienne à le sauver. Malheureusement pour lui, et pour son nouvel obligé, Lydia donne l’alerte à Thulmann avant que le Strigani n’ait eu le temps de lui planter un couteau dans le dos. Privé de l’avantage de la surprise, les vingt centimètres d’acier du ruffian ne font pas le poids ni la longueur face à l’épée bénite du Répurgateur5, et le malappris se fait posément transpercer la gorge par son adversaire, qui peut aller redonner un coup de main très bienvenu à ses comparses.

C’est le moment que choisit le Stryge pour faire son entrée dans la place, par la fenêtre s’il vous plaît. Chemin faisant, il charcute horriblement la pauvre Baronne von Raeder6, pulvérise un banc et éventre Steinmetz, faisant un peu de ménage dans notre casting. Ses tentatives de griffer à mort Thumann sont cependant mises en échec par le jet d’eau bénite qu’il se prend dans la figure (ça brûle), et par les gros débuffs de zone que lui inflige le sol consacré du lieu saint dans lequel il se trouve. C’est ça aussi de ne pas demander à ses goules de raser le temple de Sigmar du village en temps et en heure. Devant tant de diableries, ou peut-être l’inverse, le vampire décide d’aller prendre l’air, entraînant avec lui ses hordes de groupies décérébrés. L’occasion pour les défenseurs de souffler un peu et de faire leurs comptes, le pauvre Ravna, méchamment tailladé par un ongle sale de goule, n’en ayant plus pour très longtemps…

C’est alors que Pointefer se souvient que le contenu de ses caisses n’est autre que de la poudre à canon. Gag. Jouant leur va-tout, les survivants envoient donc le Nain et le mourant poser une mèche dans les décombres de la diligence, pendant que Thulmann tente de distraire le Stryge. Cela marche tellement bien que, lorsque l’héroïque Ravna se sacrifie pour mettre le feu aux poudres, le buveur de sang est encore occupé à envoyer des gros doigts, ou griffes dans son cas , au Répurgateur depuis le sommet de la diligence. Bilan des courses : un centre ville dévasté, une vingtaine de goules déchiquetées, et un vampire en piteux état, que Thulmann achève d’un coup d’épée en plein cœur en punition de son tapage nocturne7. Ici s’achève notre histoire, les deux chasseurs de sorcières décidant de repartir avec leurs montures (habilement garées dans le temple par Streng un peu plus tôt), même déferrées, plutôt que de s’éterniser plus longtemps dans ce patelin paumé qu’est Mureiste. Et Thulmann de donner ce conseil avisé aux trois survivants de notre échappée belle (voyez si vous pouvez les identifier) : « je suis sûr que ça va marcher ».

1 : Et dans une certaine mesure, de déterminer qui a le plus de chances de mourir dans d’atroces souffrances au cours des prochaines pages.
2 : Même si le matériau utilisé me semble un peu saugrenu. Sans compter de la taille du squelette nécessaire pour tailler des cartes d’une taille suffisante. Sans doute un moyen pour les forces impériales de monétiser les cadavres d’Orques qui s’accumulent comme des feuilles mortes en automne après la Waaagh ! hebdomadaire.
3 : Qui n’ont pas reçu de nom et que je n’inclue donc pas à ma liste, à grand regret.
4 : Don’t shoot the runner, but drink them? Yes you can.
5 : Annule les sauvegardes invulnérables des Démons, coup fatal sur les sorciers à cœur noir.
6 : Dont le tort fut d’être une femme répudiée indépendante, et donc indigne de confiance pour ce misogyne de Thulmann.
7 : Non sans avoir balancé la petite réplique qui va bien juste avant, ici librement empruntée à ‘Le Bon, La Brute et le Truand’ (déjà pastiché par Werner dans sa série ‘Brunner, Bounty Hunter’.

AVIS:

On savait Werner particulièrement à son aise pour la mise en scène de nouvelles d’actions sérialisées, qu’il s’agisse pour lui de suivre une traque du chasseur de primes Brunner, ou une purification expresse dispensée par le zélé Mathias Thulmann. Cette réputation n’est pas usurpée ici, car cette Charcuterie Ambulante tient beaucoup mieux la route, et c’est heureux, que la diligence empruntée par nos héros pour se rendre à Nuln. En plus de bénéficier d’une atmosphère tendue tout à fait appréciable, en grande partie grâce au rythme soutenu imposé par l’auteur, et les quelques descriptions gore à souhait qu’il glisse au fil des pages, cette nouvelle parvient également à faire « vivre » (et mourir, dans beaucoup de cas) sa belle brochette de personnages de façon naturelle et équilibrée, et emprunte avec bonheur au genre du western, dont Werner est un fan assumé. La fameuse scène de l’attaque de la diligence par les Indiens, ou, plus proche de nous, l’attente tendue des 8 Salopards, partagent ainsi des similarités fortes avec le siège de temple de Sigmar par un Stryge et ses goules, preuve que dans la pop culture, tout est dans tout et inversement. Au final, encore une nouvelle solide à mettre au crédit d’un des chasseurs de lignes les plus réputés du Vieux Monde plutôt que du Far West, et une très bonne introduction du personnage de Mathias Thulmann aux non-initiés, si nécessaire.

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The Case of the Scarlet Cell – G. Rennie :

INTRIGUE:

Les temps sont rudes à Altdorf pour la devineresse décrépite Varra, qui peine à extorquer de quoi payer son loyer et acheter du mou à son chat à la populace locale. En cause, l’absence de la moindre petite catastrophe depuis quelques temps, qu’il s’agisse d’une Waaagh ! Orque ravageant l’arrière-pays, d’une invasion des hordes chaotiques depuis le Nord, ou même une épidémie de peste noire, comme au bon vieux temps de Mandred. Ce sont des événements de ce genre qui donne l’envie aux braves quidams de claquer quelques pièces dans la lecture de leur avenir, et la paix relative dont bénéficie l’Empire au moment où notre histoire prend place ne fait donc pas les affaires de notre pythie au rabais. Aussi, lorsque le traditionnel rideau de perles marquant l’entrée de son cabinet se met à bruire, annonçant l’arrivée d’un gogo client en puissance, Varra se dépêche de prendre un air pénétré et de scruter les profondeurs mystérieuses de sa boule de verre (le cristal, c’est cher). À défaut d’avoir de vrais pouvoirs de divination, un simple coup d’œil au nouveau venu aurait peut-être pu sauver la voyante amateur du triste destin qui l’attend. Lorsque Varra daigne en effet lever les yeux sur son visiteur pour s’enquérir de la raison des ses grognements courroucés, il est trop tard pour elle. Fondu au rouge…

Quelques heures plus tard, c’est l’impeccable Zavant Konniger, Sage-Détective (c’est écrit sur sa carte de visite) qui se rend sur le lieu de ce qui s’est avéré être un crime (sans blagues), suivi de son fidèle serviteur halfling Vido. Si l’illustre personnage a daigné descendre dans la rue des Pythonisses, c’est qu’il réfléchit à prendre l’affaire que lui propose le marchand Gustav von Hassen, fondateur du Comité de vigilance des citoyens d’Altdorf, initiative populaire mise sur pied il y a quelques mois pour aider les autorités incompétentes à mettre fin aux déprédations d’un tueur en série sanguinaire connu sous le nom du Boucher de Reikerbahn (le quartier le plus mal famé d’Altdorf). Bien que le charcutier en question ait fini par être appréhendé, envoyé en prison, jugé et exécuté, von Hassen semble prêt à payer les coquets émoluments demandés par Konniger pour bénéficier de sa légendaire gnose. Dès lors, ce dernier se fait un devoir de visiter les quartiers de la pauvre Varra, éparpillée façon puzzle dans son F3. Le regard acéré de notre enquêteur ne met pas longtemps à remarquer que la victime n’a ni les yeux, ni la langue dans sa poche, ni à leurs emplacements habituels d’ailleurs, et conclut donc que le meurtrier devait avoir des motivations bien spécifiques. En effet, voler les yeux et la langue d’une devineresse semble obéir à une logique particulière.

Sur le chemin du retour, dans le fiacre que Konniger et Vido partagent avec von Hassen et son jouvenceau de neveu, Sigmund, le Sage-Détective n’a pas longtemps à attendre pour tirer les vers du nez de son nouvel employeur, qui révèle deux faits très intéressants à l’enquêteur. Le premier est que le meurtre de Varra n’est que le dernier d’une série en cours, ayant vu un Archilecteur salace perdre cœur (et la vie) dans le lit d’une prostituée de luxe, et pas moins de trois sorciers des collèges de magie perdre la tête (et le contenu de leur boîte crânienne) au cours des dernières semaines. La seconde est relative au fameux Boucher de Reikerbahn, dont la population a été privée de l’exécution publique pour la simple est bonne raison que le suspect était un cultiste de Khorne déjà bien avancé sur le chemin de la mutation (professionnelle ou pas), plus semblable à une bête qu’à un homme, et doué d’une capacité de régénération extraordinaire. Pensez à Wolverine croisé avec Jack l’Éventreur et vous aurez une bonne représentation du joyeux drille. N’ayant rien pu tirer de lui, ni aveu, ni confession, ni parole intelligible, les autorités décidèrent de le brûler dans l’enceinte de sa prison pour clore l’affaire une fois pour toutes.

Une fois rendu à son domicile, Konniger commence à phosphorer avec son efficacité habituelle, faisant remarquer à son domestique que von Hassen, pour concerné qu’il ait l’air d’être par le salut du petit peuple, dissimule sans doute ses véritables motivations, comme l’indique… l’absence de chevalière à sa main droite. Imparable. Cela dit, il faut à notre héros amasser davantage d’indices et de preuves sur cette affaire, et la paire part bientôt en direction de la Kaiserplatz à la rencontre d’une vieille connaissance, travaillant comme geôlier en chef dans la prison municipale de Mundsen, où le Boucher a passé ses dernières heures. Bien aidé par la corruption quasi-totale de son interlocuteur, et pendant qu’il déguste une savoureuse saucisse dans la taverne de la Robuste Matraque, Konniger ne met pas longtemps à convaincre le maton qu’il est dans son meilleur intérêt de lui faire faire une visite guidée de la cellule où était enfermé Boubou, même si les Répurgateurs de Sigmar ont formellement interdit à quiconque d’y pénétrer depuis l’exécution…

Début spoiler…Et pour cause, car exécution il n’y a pas eu. La nuit précédent la mise à mort, le Boucher s’est en effet découvert des talents de scream queen, et lorsque la garde a fini par venir s’enquérir des causes de ce raffut, elle ne put que s’apercevoir que le gonze était également un as de la maroufle. Résultat, des murs (et un plafond) de cellule refaits de neuf avec une épaisse couche de sang, et une disparition totale du détestable artisan. La cellule écarlate continuant à suinter de l’hémoglobine fraîche depuis cette nuit fatidique1, l’Inquisition avait logiquement décidé de noyer l’affaire en faisant croire que tout s’était déroulé normalement, ce qui n’est évidemment pas le cas. Qui peut dire ce qu’il est advenu du Roucher de Beikerbahn ? La visite terminée, Konniger insiste pour ne pas rentrer chez lui directement mais se rendre discrètement au domicile de von Hassen, qu’il soupçonne fortement d’être un disciple de Slaanesh, engagé dans une vendetta très intéressée contre le tueur Khornu qu’il a contribué à faire arrêter la première fois.

Et, effectivement, il ne faut pas longtemps aux deux détectives pour filer Gustav et Sigmund jusqu’à un entrepôt du quartier marchand, qui se révèle être un lieu de débauche des plus païennes. Le temps que Konniger et Vido parviennent à crocheter une serrure et accéder au lieu de la petite sauterie, cependant, il est déjà trop tard, car le Boucher, que Khorne a récompensé de ses bons et loyaux services en lui donnant le pouvoir « brumisateur de sang », ce qui lui a permis de s’extirper de sa cellule, et plus tard, de contourner les mécanismes de protection mis en place par ses proies2, s’est matérialisé en pleine orgie en montant depuis les égouts à travers le sol, que ces crétins de cultistes n’avaient pas pensé à isoler. Et pourtant, tous les chauffagistes vous diront que c’est important. Cette aérosolisation réussie, le tueur a repris forme presque humaine et s’est mis à débiter de l’aristocrate corrompu et du notable concupiscent à tour de griffes, jusqu’à ce que Sigmund, qui se trouvait être la démonette de compagnie de Gustav (en sa qualité de Magister du culte), tombe les masques (de Slaanesh, évidemment) et engage la brutasse au corps à corps. Son intervention courageuse n’est cependant pas suffisante pour arrêter les ravages du fidèle du Dieu du Sang, même si elle permet d’affaiblir ce dernier et donne une chance à Konniger de régler le problème en solo. Saisissant le bâton corrompu encore étreint par la main de Gustav, chairàpâtis-é juste avant son escort démoniaque, Zavant commence à zlataner l’Élu de Khorne de belle manière, parvenant finalement à l’empaler avec le symbole de l’ennemi juré de son Dieu, sur l’autel de l’ennemi juré de son Dieu. C’est la combo fatale pour le Boucher, qui se fait déboucher pour de bon et repart dans les royaumes du Chaos se faire prendre la tête par son suzerain.

À Altdorf, c’est l’incendie opportun de l’entrepôt, suivi d’une opération de nettoyage très poussée menée par les Templiers de Sigmar, et la prise de vacances pour durée indéterminée d’un certain nombre de sommités locales, qui permet à la vie de retrouver une certaine normalité. On espère en tous cas que Konniger s’est fait payer par avance pour cette affaire, car quelque chose me dit que sinon, il l’aura dans l’os…Fin spoiler

1 : Ce qui est certes dégoûtant (en plus d’être dégouttant) mais très utile pour les banques de sang d’Altdorf.
2 : Insaisissabilité renforcée par les dons « anti-magiques » accordés à la suite de la consommation du cœur, cerveaux, yeux et langue de ses victimes précédentes.

AVIS:

Adaptation très convaincante d’une enquête de polar bien noir dans l’univers de Warhammer, L’Affaire de la Cellule Écarlate permet à Gordon Rennie d’entraîner son lecteur dans le tumulte d’Altdorf, depuis ses tavernes animées et son riche quartier marchand jusqu’aux prisons les plus glauques et au tristement célèbre Reikerbahn, ce qui en fait une nouvelle incontournable pour tout amateur de fluff qui se respecte, ainsi que pour les rôlistes à l’affût d’informations (quasi) officielles pour enrichir leurs parties. Mettant à profit son aisance narrative pour plonger son public dans son propos, par exemple en alternant les passages suivants Konniger et Vido avec ceux racontés du point de vue du tueur (ce qui permet de comprendre son douloureux parcours et ses motivations) ou des ses victimes, convoquant avec maestria des descriptions de la vie d’Altdorf, dialogues efficaces (à défaut d’être savoureux) et scènes d’actions rythmées, le tout parsemé de quelques trouvailles gores et saillies humoristiques, Rennie livre ici l’une des toutes meilleures aventures de son héros fétiche, qui tombera malheureusement dans un relatif anonymat1 lorsque son auteur décidera d’arrêter sa collaboration avec la Black Library. Donc, profitez-en car il y en pas des milliers, ni des centaines, ni même des dizaines comme celle-là2 !

1 : Même si le brave Josh Reynolds sortira Zavant de sa pré-retraite le temps de quelques nouvelles au cours des années 2010.
2 : Et en français, je pense que c’est même l’une des seules.

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Rest for the Wicked – J. Wallis :

INTRIGUE:

Altdorf, et ses rues bruissantes de vie, ses marchés bien achalandés, ses honnêtes citoyens faisant leurs courses… Et, bien entendu, ses forces de police luttant au jour le jour contre les déprédations des mauvais sujets de l’Empereur, ou, dans le cas qui nous intéresse aujourd’hui, celles de dangereux immigrants, comme ce Kislévite à moustache de Kislévite (ok) et aux yeux de Kislévite (plus dur), qui se fait courser comme un lapin par nos héros, les officiers des Lices Dirk Grenner (aka Astérix) et Karl Johansen (aka Lucky Luke1), qui cherchent ainsi à boucler une enquête de trois mois de façon probante. Manque de bol pour les Starsky et Hutch impériaux, leur course poursuite les amène jusqu’aux portes de la ville, où le cortège de Leopold von Bildhofen, Comte Électeur du Middenland, fait son entrée en grande pompe. Le périmètre de sécurité étant strictement maintenu par la garde civile, nos héros ne peuvent que constater la disparition de leur proie dans la foule massée pour l’occasion… jusqu’à ce que le suspect moustachu trouve intelligent de passer en courant devant le cheval de l’Électeur, pile au moment où ce dernier reçoit un carreau en pleine encolure (le cheval, pas le bonhomme). La suite est assez facile à prédire : la bête s’emballe et part au triple galop dans les rues pavées d’Altdorf, en direction de la Königplatz (à ne pas confondre avec la Kaiserplatz) et de son marché bondé. Serait-ce la fin de ce bon vieux Leopold ? NON, car les héroïques Johansen et Grenner subtilisent deux montures à leurs balourds de collègues, piquent des deux et parviennent in extremis à se saisir de l’aristocrate avant que son destrier n’aille s’emboutir dans un food truck, avec des résultats dévastateurs. Malgré leur intervention salutaire, ce snob de von Bildhofen remercie à peine ses sauveurs, et repart avec sa troupe jusqu’à son Air BnB.

De retour au poste, les officiers doivent à présent amadouer la colère de leur patron et chef des Lices d’Altdorf, le Général Hoffmann, devant le capotage complet de l’opération Kosachok. Ce fiasco a toutefois libéré le duo, qui peut enquêter sur la tentative d’assassinat dont l’influent aristocrate vient de faire les frais. Ayant déjà reçu le résultat des expertises du laboratoire alchémico-légal avec lequel les Lices travaillent, qui a établi que le carreau était d’origine tiléenne, Johansen et Grenner partent en direction de la petite Tilée pour creuser la piste d’un assassin étranger engagé par un mystérieux commanditaire pour se débarasser de von Bildhofen. L’héritier du Comte étant son frère Siegfried, marié à une Tiléenne, c’est donc vers ce dernier que les premiers soupçons se portent. Après une rencontre fructueuse avec le signor Argentari, parrain de la pègre italienne tiléenne locale, les deux équipiers filent jusqu’à la Marianstrasse, où leur indic leur a confié que se trouvait le tireur d’élite recruté pour effectuer ce sale boulot. Bien qu’ils parviennent sur place avant que ce dernier n’ait pu retenter sa chance, profitant du passage du Comte Électeur à la sortie de la messe, ils perdent l’élément de surprise lorsque Grenner ne parvient pas à enfoncer la porte de la planque du premier coup. S’en suit un face à face tendu entre les officiers et leur suspect, qui se prend la dague de jet de Johansen dans l’estomac pour commencer, mais riposte en logeant un carreau dans la poitrine de ce dernier. Ce tilean stand-off, qui aurait pu durer longtemps vu la stupidité des participants2, est toutefois interrompu par une boule de feu impromptue, qui ravage la piaule et réduit le sniper en cendres. Comprenant que cette intervention enflammée était probablement celle du commanditaire, peu soucieux de laisser les enquêteurs interroger le tueur à gages, Johansen indique à son partenaire qu’il serait judicieux qu’il aille rendre une visite de courtoisie à la DGSI impériale, une cellule de la Reiksguard (en civil) enquêtant sur les complots et manigances agitant l’entourage de l’Empereur. Cette organisation moyennement secrète (puisque un simple officier des Lices sait qu’elle existe et où elle opère3), du nom d’Untersuchung, s’est faite une spécialité d’enquêter sur les mages renégats, et pourrait donc aider l’enquête à progresser. Pendant que son collègue passe aux urgences se faire recoudre, Grenner se rend donc sur place.

Là, il se fait poliment mais fermement éconduire par ses interlocuteurs, qui ont l’air d’en savoir beaucoup plus qu’ils ne veulent bien en dire sur cette affaire, et ne consentent qu’à lui expliquer la différence entre une boule de feu et une explosion flamboyante. Car non, ce n’est pas la même chose. De retour au poste, Johansen est toutefois briefé par Hoffmann, qui a reçu les infos refusées à son sous fifre par fax pigeon voyageur, sur la situation très délicate dans laquelle ils doivent opérer. La sorcière pyromane se révèle être une certaine Emilie Trautt, mage flamboyante passée libérale depuis quelques années et concubine notoire du fils de Leopold von Bildhofen, Udo, qui passe du coup suspect #1 de l’enquête. Cependant, l’Untersuchung a formellement interdit à ses collègues d’intenter quoi que ce soit envers Trautt, qui pourrait mener le Bureau des Légendes d’Altdorf à de plus gros poissons. Cela n’empêche toutefois pas les Lices de monter un plan audacieux pour protéger le mal-aimé Leopold de ses persécuteurs…

Début spoiler…Et notre duo infernal, maintenu sur l’affaire par un Hoffmann très peu progressiste quand au concept d’ITT et de congés maladie, de se rendre à la place de leur boss au rendez-vous organisé par Udo afin de discuter des mesures de protection prises par les Lices envers le Comte Électeur. Tout aussi odieux que son paternel, Udo gobe toutefois sans broncher les bobards débités par un Johansen imperturbable, qui lui fait croire que les suspects principaux sont les Kislévites (décidément, il ne les aime pas), et lui révèle les dispositions super secrètes prises par son équipe pour protéger le convoi qui amènera le Comte et sa famille à la réception organisée par l’Empereur en leur honneur le soir même, lorsqu’Udo se met à flipper des tables pour exprimer son mécontentement d’être tenu hors de la confidence. Le piège étant tendu, il est maintenant temps de voir si le poisson va mordre…

Aussi, lorsque les rusés officiers changent l’ordre des carrosses banalisés transportant les huiles Middenlander, positionnant celui d’Udo en deuxième position, à la place de celui de Leopold et Siegfried, c’est sans surprise qu’ils constatent la combustion spontanée mais peu naturelle du fiacre. C’est ce qui s’appelle un retour de flamme, je suppose. Bravant les ordres, l’intenable Johansen s’élance ensuite à la poursuite de Trautt sur les toits, ne parvenant pas à refaire son retard (et pourtant, elle était en robe longue) avant que la magicienne utilise ses pouvoirs enflammés pour… partir en lévitation et franchir le mur d’enceinte de la ville, évitant facilement la dague de jet que Johansen lui avait lancée sans sommation. C’en est fini de notre enquête, mais pas du boulot de notre paire de choc, qui devra dès le lendemain faire porter le chapeau de ces tentatives d’assassinat répétées aux, je vous le donne en mille, Kislévites. Comme on dit par chez nous, pas de pitié pour les croissants Cosaques.Fin spoiler

1 : Comprendre que le premier est un petit blond raleur, et le second un grand brun à la gâchette facile.
2 : Ainsi, l’assassin parvient à se surprendre lui-même lorsque sa manœuvre de diversion à l’encontre de Johansen le mène à regarder également dans la direction vers laquelle il pointait son arbalète, permettant à l’officier de lui balancer un pied de chaise dans la tronche en toute impunité.
3 : Rendant son utilisation de mot de passe alambiqué à l’entrée un peu ridicule.

AVIS:

Pastiche assez transparent de la série policière classique des années 80, mettant en scène des flics débrouillards aux méthodes non conventionnelles mais efficaces pour combattre le crime, Pas de Répit pour les Braves souffre des grosses ficelles parodiques utilisées par l’auteur, d’un duo de héros pas vraiment attachants, et de l’intégration assez grossière de l’Untersuchung (que Wallis mettra au centre de son roman La Marque de la Damnation) à l’intrigue pour des raisons relevant selon moi du teasing pur et simple. Si on peut reconnaître à cette nouvelle un rythme enlevé et une enquête potable, même si pas vraiment spectaculaire en termes de rebondissements1, ainsi que quelques détails fluffiques sur Altdorf et ses forces de po-Lices, à prendre avec des pincettes car reprises par personne d’autre depuis, la Black Library a beaucoup mieux à offrir en termes de nouvelles « policières » se déroulant dans le Vieux Monde, à commencer par L’Affaire de la Cellule Écarlate dans la même anthologie, supérieure sur tous les points à Pas de Répit pour les Braves.

1 : En même temps, avec deux suspects identifiés en tout et pour tout, difficile de faire planer longtemps un suspens étouffant. Wallis avait fait beaucoup mieux ceci dit avec sa série Dieter Brossmann (‘The Dead Among Us’ et ‘The Bretonnian Connection’).

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The Nagenhof Bell – J. Green :

INTRIGUE:

Notre histoire commence avec un paragraphe descriptif expliquant en quelques lignes aussi imagées qu’un mur de classe maternelle1 que, par une nuit sombre et sinistre, frappée par un temps sombre sinistre, et digne du sombre et sinistre dieu de la mort (qui est sombre et sinistre) Morr, un bâtiment sombre et sinistre – le temple de Morr de Nagenhof – est sur le point d’être témoins d’évènements… sinistres et sombres. Ha ! Vous ne l’avez pas vu venir, celui là ! Et, de fait, un trio de ruffians est surpris par le lecteur déjà un petit peu blasé par les effets stylistiques sombres et sinistres de Jonathan Green, très à l’aise dans son rôle de MJ pour CE2, en train de hisser une cloche en haut du beffroi du temple. Le groupe est mené par la figure contrefaite mais très musclée du bossu Otto, recueilli à sa naissance par le prêtre local, Ludwik, après que sa bohémienne de mère soit venue mourir en couches dans son presbytère. En même temps, what did you expect d’un temple de Morr ? Moi je dis que ce n’est pas du tout un fail, à l’inverse de la tentative de Green de pomper discrètement des idées dans des classiques de la littérature. Mais revenons-en à nos bourdons. Otto et ses comparses sont parvenus à installer la nouvelle cloche, qui luit d’un éclat verdâtre peu engageant, à la place de l’ancienne, et le bossu a tôt fait de se débarrasser de ses complices désormais inutiles, dont il empile les cadavres dans la crypte de son lieu de travail. Voilà qui termine le prélude de notre histoire, qui sera, comme vous l’avez compris, sombre et sinistre.

Trois jours plus tard, la bande de mercenaires du charismatique (c’est lui qui le pense en tout cas) Torben Badenov est à pied d’œuvre dans la taverne de la Main de Gloire de Nagenhof, tenue par un de leurs anciens frères d’armes, le manchot Dietrich Hassner. Rangé des voitures depuis dix ans, date à laquelle il a perdu la main, Dietrich se voit malgré tout proposer par Badenov de reprendre du service pour aller faire les quatre cents coups dans le Vieux Monde, comme à la bonne époque. Autour de lui, ses compagnons se pintent généreusement à la bière, et il me faut vous les présenter sans plus attendre, par ordre de participation active à la suite de la nouvelle. Commençons par le nobliau maussade mais futé Pieter Valburg, recruté dans la bande à la suite des événements relatés dans Heart of Darkness, qui l’ont vu venger la perte de sa fiancée. Nous avons ensuite le Kislévite à tête de fouine Oran Scarfen, le jeune et incertain Stanislav Hagar, et le colossal trappeur Yuri Gorsk (qui ne servira à rien, vous pouvez donc l’oublier). Ces plaisantes retrouvailles sont toutefois interrompues par un angélus d’un genre un peu particulier, à la fois lancé à l’heure indue de 9h53, et sonné par une cloche à la sonorité…euh…clivante. Sortis hors de la taverne pour s’enquérir de la source de ce raffut, les ivrognes décident, l’alcool aidant, d’aller jeter un œil dans le temple de Morr d’où provient ce vacarme.

Dans le temple en question, Otto vient d’avoir une petite discussion avec son père et Père, Ludwik, tout juste rentré d’une veille mortuaire dans l’arrière-pays. Le vieil homme était sur le point de filer une trempe de tous les diables à son fils adoptif pour avoir oublié ses corvées de taillage des cierges, balayage des feuilles et exterminage des rats, qui semblent avoir pullulé en son absence, lorsque le lancement du carillon funeste l’a averti d’un problème bien plus pressant. Un rapide coup d’œil à la crypte, grouillante de vermine et contenant deux cadavres bien mâchonnés par cette dernière, lui a en effet permis de constater que la cloche que les habitants de la ville avaient conservé comme souvenir de leur victoire contre les Skavens il y a dix ans, avait disparu. Pas plus bête que le lecteur de la BL moyen, Ludwik a compris que c’est elle qui sonne désormais, et que c’est son infernal bedeau qui tire sur la corde, dans tous les sens du terme. L’explication de texte entre les deux hommes ne s’est toutefois pas passée aussi bien que le prêtre l’avait espéré, le bossu ayant finalement compris que l’ecclésiastique était son vrai père (qui avait abusé de sa mère), et réglé son complexe d’Œdipe de façon littérale en balançant Ludwik du haut du beffroi, dans un remake essoufflé (le contraire d’inspiré) de Notre Dame de Paris. Car Otto a décidé qu’il était un furry, et compte bien se faire adopter par une nouvelle famille aimante de Skavens, qu’il convoque en faisant sonner la cloche hurlante municipale. Question : pourquoi ? Réponse : La Mer Noire. En tous cas, les ratons ont l’ouïe fine, et la marée murine qui a empli les rues de Nagenhof fait présager du pire pour les braves péquenauds.

Nous faisons alors un crochet dans les égouts de la ville, où une cohorte de Skavens menée par le chef de meute Nikkit Skar se dirige vers la crypte du temple, emportant avec elle le Rat Ogre Mâchecrâne. Vous pouvez oublier ces noms dès à présent, car ils ne reviendront plus de la nouvelle, Skar ayant bouclé son cameo et Mâchecrâne redevenant un Rat Ogre anonyme après cela. Contentons nous de nous préparer à un peu de baston sombre et sinistre.

Du côté des gentils, la bande de Badenov, suivie par Dietrich, est arrivée devant le temple, a constaté l’heure du décès de Ludwik, écrasé sur le pavé, ainsi que l’infestation ratière dont semble souffrir le lieu de culte. Prouvant à nouveau que son supérieur est une andouille, Pieter a la bonne réaction de monter dans le beffroi pour faire cesser le carillon, alors que Badenov souhaitait simplement poursuivre l’état des lieux. Toutefois, l’arrivée de l’avant-garde Skavens met un terme définitif à son projet, et il résout à la place de retenir les hommes rats à l’intérieur du temple en compagnie de Dietrich, pendant qu’Oran, Stanislas et Yuri y mettront le feu pour empêcher les mutants d’envahir la cité. Aussitôt dit… pas tout de suite fait. D’une part car les Nagenhofer ne se laissent pas immédiatement convaincre de la nécessité d’incendier leur patrimoine culturel, et qu’il faut un beau discours inspirant de la part de Stanislas pour les y pousser (l’approche injurieuse d’Oran ayant bizarrement donné des résultats contrastés). D’autre part car, après avoir contenu à grand-peine les premières vagues Skavens, Badenov et Dietrich se retrouvent confrontés à un Rat-Ogre très en colère, ce qui les pousse à une prudente retraite dans le beffroi. Heureusement pour eux, les assaillants sont aussi abrutis que notre héros, et ne profitent pas de l’occasion pour s’échapper du bâtiment en flammes, et préfèrent lancer leur monstre sur les talons des mercenaires. Un escalier qui s’effondre plus tard, Badenov est contraint de laisser Dietrich s’expliquer en tête à tête avec Mâchecrâne pendant que lui essaie de se rendre utile en s’enquérant du silence radio de Pieter. Ce dernier, d’abord surpris et presque garrotté à mort par Otto, a toutefois fini par prendre le dessus sur son assaillant, et l’a pendu par le cou jusqu’à ce que mort s’en suive, mettant fin à ses projets d’adoption. Aidé par son incapable de boss, il parvient à décrocher la cloche infernale de sa poutre porteuse, l’envoyant écraser le Rat Ogre en contrebas juste avant qu’il ne puisse donner le coup de grâce à Dietrich, qui mourra avec la satisfaction du devoir accompli. Ceci fait, il ne reste plus à nos deux loustics qu’à effectuer un petit saut de la foi dans une charrette de foin astucieusement positionnée par leurs comparses pour compléter leur mission, et la ruine totale du temple. Il serait cependant litigieux de revendiquer une victoire totale pour l’Empire, la cloche hurlante ayant cassé les oreilles (et pas que) de Nagenhof n’étant pas retrouvée dans les décombres fumantes le lendemain…

1 : Comprendre qu’il y a beaucoup d’images mais qu’elles sont vraiment pas terribles.

AVIS:

Tristement égal à lui-même, Jonathan Green livre avec La Cloche de Nagenhof une nouvelle aventure des plus insipides de sa bande de mercenaires fétiche. Pénalisée par le manque d’inspiration de l’auteur, qui recycle péniblement un classique de la littérature pour meubler son intrigue, ainsi que par le style lourd de Green (champion du monde des « comme (si) » et « eh bien »), l’histoire ne brille ni par le fond (mais pourquoi est-ce qu’Otto pensait qu’il serait accueilli à pattes ouvertes par les Skavens ?) ni par la forme (mais pourquoi est-ce que Green informe le lecteur que Dieter a perdu sa main en combattant Mâchecrâne dix ans plus tôt seulement deux lignes avant que les deux personnages ne se rencontrent à nouveau1 ?). Comme à son habitude, Badenov se révèle être un abruti fini, guidé par la sagacité de l’indispensable Pieter Valburg plutôt que par ses propres réflexions brumeuses, et quant au reste de sa bande, elle sert essentiellement de décor humain au drame qui se noue à Nagenhof, démontrant les lacunes qu’a l’auteur à faire évoluer un groupe de personnages de façon crédible et intéressante. Tout le monde n’est pas Dan Abnett ou C. L. Werner. En définitive, on retiendra simplement que Jonathan Green pourrait poursuivre Assassin’s Creed en justice pour plagiat du saut de la foi2, et que le titre de l’omnibus collectant les nouvelles de la bande de Badenov, « les damnés et les morts » tire son origine de la remarque que se fait son leader minimo à la fin de La Cloche de Nagenhof. Ce qui n’est pas lourd, certes.

1 : C’était pourtant un moyen facile et efficace de faire monter un peu la tension avant l’affrontement. Si Green avait écrit l’Hérésie d’Horus, on aurait appris que l’Empereur était le père de ce dernier au livre 59, pendant une discussion anodine entre Pépé et ses Primarques dans l’ascenseur les menant au téléporteur du Palais Impérial.
2 : La nouvelle ayant été publiée en 2001, 6 ans avant la première édition du jeu.

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Swords of the Empire – D. Abnett :

INTRIGUE:

« Cher journalle en pô de shèvre, si je prens la plume aujour dui, bien ke je ne soyes pa un skribhe, mésun chevalié de la Reiksguard, cé ke j’en nai greau et ke le monde doigt savoir. »  Ainsi commence l’histoire narrée par velin caprin interposé par notre narrateur, Jozef von Kassen, qui, pour tromper les longs mois de l’hiver kislévite, s’est mis en tête de chroniquer par le menu les aventures l’ayant amené à squatter avec ses hommes la stanitsa de Kzarla. C’est donc à la chronique d’une chronique, exercice meta en diable, que l’auteur de ces lignes se prête ici, sur un support bien moins classe qu’un parchemin de biquette je le reconnais, mais nécessité fera loi.

Notre récit débute à Altdorf, où von Kassen est chargé par ses supérieurs d’escorter la vadrouille d’Udo Jochrund, maître sorcier du Collège Lumineux et spécialiste de la magie tribale kislévite, sur son terrain de prédilection. Accompagnés d’une vingtaine d’hommes d’armes, notre héros doit assurer la sécurité de sa charge pendant qu’elle recensera les fascinantes traditions chamaniques des peuplades du grand Nord, entreprise qui semble occuper la plus grande partie des étés de Jochrund. Von Kassen, qui est une âme simple, se méfie d’abord des pouvoirs occultes dont son compagnon de voyage dispose, mais la pédagogie dont ce dernier fait usage pour convaincre son protecteur un peu concon qu’il n’a rien à craindre, et la gentillesse manifeste de l’érudit1, finissent par gagner la confiance du soldat. Commence alors un périple long de plusieurs mois, permettant à l’expédition de visiter quantité de communautés kislévites, au lecteur d’apprendre pas mal de choses sur nos personnages (à commencer par l’intérêt fort et sincère que porte von Kassen à tout ce qui à trait aux chèvres2) et sur la culture locale, à Jochrund de collecter des tonnes d’échantillons et de témoignages, et à Abnett de remplir facilement une vingtaine de pages, ou une peau de chèvre entière dans le cas de son héros. Ceci dit, le périple n’est pas sans rencontrer quelques difficultés occasionnelles, comme la fois où les aventuriers ont dû batailler pendant une heure pour repousser l’assaut de brigands locaux, pour un résultat sans appel – mais un peu surprenant si on prend compte la longueur de l’affrontement – de quatre morts à zéro3.

Les choses deviennent un peu plus sérieuses lorsque la petite troupe atteint le village septentrional de Svedora, nommé ainsi à cause du chapeau traditionnel que tous les hommes célibataires avec collier de barbe portent. Eprouvés par des mois de marche à travers les plaine du Kislev, les impériaux ont une allure plutôt miteuse, ce qui mène le krug local à leur barrer la route d’un air menaçant. Von Kassen parvient toutefois à dissiper ce fâcheux malentendu, gagnant la confiance de son homologue, un beau gosse à l’armure et l’épée étincelantes, et à la moustache soyeuse, du nom de Subarin. Accueillis en grande pompe par leurs hôtes, les voyageurs savent qu’il ne leur reste que peu de temps pour faire demi-tour, l’arrivée prochaine de l’automne menaçant de les isoler pour la mauvaise saison dans une stanitsa de troisième ordre. Aussi, c’est avec une lassitude non feinte que von Kassen s’entend réclamer par le sorcier un nouveau délai, pour aller visiter une ultime communauté située à quelques jours de voyage au Nord de Svedora.

Guidés par un trio de guerriers locaux, dont Subarin qui souhaite apparemment concrétiser sa bromance naissante avec von Kassen, les impériaux parviennent à leur destination, Kzarla, mais non sans avoir essuyé une embuscade de la part d’une bande de Kuls agressifs, et perdus quelques membres de l’équipée au passage. Après avoir à nouveau négocié leur entrée dans le village auprès du krug local, les riders de l’extrême sont envoyés crécher dans une yourte à l’extérieur de la communauté, qui est sur le point de célébrer un rituel important pendant lequel aucun étranger n’est toléré intra muros, exception faite de Jochrund et de son assistant, Sigert. Le comportement maniaque de sorcier a cependant alerté von Kassen, et lorsqu’il assiste à ce qui ressemble beaucoup à une procession sacrificielle emmenant une accorte damoiselle locale jusqu’à l’île où se situe le temple local, le preux chevalier ne peut rester dans sa tente à se saoûler au koumiss, comme ses camarades. Faisant fi de l’interdit, il se précipite donc dans le village, épée à la main…

Début spoiler…Ses suspicions se trouvent confirmées lorsqu’il aperçoit Jochrund et Sigert en train d’assister le chamane de Kzarla dans ce qui ne peut être qu’un sacrifice païen de la pauvre vierge droguée. Sans chercher à réfléchir, et comme le vrai GOAT qu’il est, von Kassen interrompt la cérémonie, se saisit de la fille et repart dare-dare vers sa yourte, ayant poussé le chamane dans la flotte gelée et décapité ce fourbe de Sigert au passage, lorsque l’acolyte lui avait planté une dague dans la cuisse. Quant à Jochrund, dont la manie de toujours porter des gants a trouvé une explication logique mais chaotique pendant ce tohu-bohu (les mains du sorcier étaient en fait des griffes), il a écopé d’une javeline de la part de l’estimable Subarin dans la hanche pour sa peine.

La perfidie du sorcier est confirmée par le recueil du témoignage de la donzelle (Mariya), une fois redescendue de son bad trip. Von Kassen apprend ainsi que ce jocrisse de Jochrund a convaincu le chamane local de procéder à un véritable sacrifice – auparavant, les Kislévites se contentaient d’en mimer un, n’étant pas les brutes épaisses pour lesquelles von Kassen les tenait – afin de s’assurer de la réussite d’un rituel de clémence météorologique. Ce qui n’a l’air de rien dit comme ça, mais aurait permis aux hordes de cet obscur chef de guerre du nom d’Arcachon, ou quelque chose comme ça, d’envahir le Kislev et l’Empire plus tôt que normalement possible. Avant de pouvoir alerter ses supérieurs de la duplicité du mage et du grave péril dans lequel le Vieux Monde se trouve, von Kassen doit toutefois négocier un ultime contretemps : l’arrivée d’une large bande de Kurgans convoqués par Jochrund, qui compte bien laver Mariya de tous ses péchés d’un coup de surin enchanté, pour offrir un hiver clément à son boss. Se battant à plus de un contre quatre, le krug local ayant été envoyé chasser le dahut par les manigances de Jochrund quelques jours plus tôt, nos vaillants héros livrent toutefois bataille avec bravoure, perdant la majorité des leurs sous les coups des maraudeurs mais prélevant un lourd tribut parmi leurs assaillants. Alors que tout semblait perdu, le retour inespéré de lanciers ailés de Kzarla scelle la déroute des chaoteux, tandis que Jochrund se fait occire par l’incontournable Subarin d’un revers de sa prodigieuse épée. Il est toutefois trop tard pour que von Kassen et ses survivants puissent faire demi-tour, et c’est ce qui explique le zèle littéraire de notre héros, déterminé à laisser une trace de son passage même s’il devait périr de la grippe saisonnière avant le retour des beaux jours. Voilà un dévouement digne d’éloges.Fin spoiler

1 : Ne jamais sous-estimer le pouvoir du mystérieux sourire de (la) Jochrund.
2 : Ainsi, il prend bien soin de préciser que le départ s’est fait à la St Talve, le patron de l’agnelage, information notable sans aucun doute. Après tout, comme il le dit lui-même : « tout ce qui compte aujourd’hui pour moi peut se mesurer en chèvres ».
3 : À moins que le différent n’ait été réglé par une partie de Blood Bowl, ce qui reste une possibilité.

AVIS:

Dan Abnett poursuit sur la lancée (et les lanciers) des Cavaliers de la Mort avec Les Epées de l’Empire, récit d’aventures dans les steppes du Kislev mettant un noble héros aux prises avec les infâmes forces du Chaos, qui peuvent parfois revêtir des traits familiers. Parvenant à nouveau à embarquer le lecteur dans l’exotisme de cette civilisation méconnue sous bien des aspects, l’auteur combine avec maestria action trépidante, intrigue satisfaisante et immersion fluffique poussée. C’est propre, c’est net, c’est Abnett à son meilleur en matière de nouvelles siglées Warhammer Fantasy Battle, et en plus, c’est traduit en français : que demande le peuple ?

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Shyi-Zar – D. Abnett :

INTRIGUE:

La Fin des Temps se prépare doucement mais sûrement dans le grand Nord du Vieux Monde, et les clans des tribus nomades se rassemblent dans la steppe au sortir de l’hiver afin de descendre souffler dans les bronches de Karlito France, sous la houlette du Haut Zar Surtha Lenk. Si participer à une invasion chaotique est déjà une chance et un privilège pour tous les Kurgans, Dolgans et autres Gospodars vivants à cette époque remarquable, certains visent encore plus haut, et tant pis pour l’adage de Pierre de Coubertin. C’est le cas du Zar Karthos, qui malgré son nombre limité de followers (dix guerriers, un sorcier et une chèvre), décide après avoir reçu le feu vert de son chaman, de déposer sa candidature au The Voice chaotique : l’élévation au rang de Shyi-Zar.

Sur le chemin de la cérémonie, présidée par Lenk en personne, Karthos croise la route de vieilles connaissances, certaines amicales et d’autres hostiles, comme le Zar Blayda et son tempérament de petite frappe. Ce blédard de Blayda a aussi mis son nom dans le Gobelet de Feu, ce qui en fait un rival officiel de notre héros. L’épreuve qui est proposée aux candidats est d’une simplicité élégante : Surtha Lenk sort une griffe de fort belle taille de sa boîte à rabiots, et promet le job à quiconque parviendra à lui ramener une copie conforme (sans doute pour terminer une conversion ambitieuse en vue du prochain Golden Demon). Sans plus d’indications sur quoi et où chercher, les impétrants s’égaient du campement principal dans toutes les directions, à la recherche d’indices ou d’inspiration.

Suivant les conseils de son sorcier (la chèvre était encore plus smart, mais elle n’est plus en état d’aider quiconque maintenant), Karthos entraîne sa bande de maraudeurs en direction du campement de Tehun Dudek, occupé par une communauté d’oracles. Ces derniers devraient être en mesure de donner aux baroudeurs de la pampa quelques tuyaux bien juteux et ainsi faciliter l’accomplissement de la quête de Surtha Lenk. Il s’avère rapidement que notre petite bande n’a pas été la seule à avoir cette idée, et comme elle a fait la grasse matinée au lieu de partir au petit jour, elle a été devancée par une partie de Dolgans dont le chef est un des candidats au titre de Shyi-Zar. Comme les Dolgans sont en train de massacrer les oracles au lieu de leur poser des questions, Karthos ordonne immédiatement la charge de la brigade légère, qui se solde par un 20 – 0 des familles. Si ce n’est pas un signe que Tzeentch favorise notre héros, je ne sais pas ce que c’est.

Après une longue et fumeuse discussion avec les oracles survivants, le mystère sur l’origine de la bête recherchée par les traqueurs est levé. Il s’agit d’une griffe de… griffon (ça donne mieux en anglais, faut le reconnaître). Le hic est que cette créature, aussi appelée annonciateur par les Kurgans, qui croient que sa venue présage de grands événements, est tenue pour sacrée par les tribus du grand Nord, ce qui fait d’abord craindre à Karthos que ses suivants crient au blasphème et refusent de l’épauler. Fort heureusement, le chef réussit son jet de charisme et aucun de ses guerriers ne fait défection, ce qui lui permet d’accéder au niveau final de sa quête avec une équipe complète.

Et ce support n’est pas de trop, car le spécimen sur lequel nos braves barbares tombent présente un fort beau gabarit ainsi qu’un caractère peu facile. Au terme d’un combat bien plus accroché que l’empoignade avec les Dolgans (quatre morts dans la Karteam tout de même), les maraudeurs terrassent l’acariâtre volatile, ce qui permet à Karthos de repartir en direction du campement tribal avec la griffe tant désirée. Les survivants croisent Blayda et ses loubards sur le chemin du retour, mais le rival de notre héros est suffisamment fair play pour ne pas tirer parti des plaies et des bosses de ses concurrents pour leur arracher le vif d’or. C’est tout à son honneur. Une fois rendu sur place, Karthos se présente devant Surtha Lenk et demande à ce que la récompense promise lui soit remise…

Début spoiler…Ce qui consiste à être sacrifié avec sa bande pour servir de wingmen au Haut Zar auprès des Dieux du Chaos, au cas où l’invasion de l’Empire se passerait mal pour lui. Et il paraît que c’est un grand honneur chez les Kurgan ? Très peu pour moi. La nouvelle se termine donc sur la vision du cadavre Karthos et de ses hommes, disposés comme s’ils partaient à cheval en direction de l’Est, afin de préparer l’arrivée de Surtha Lenk dans l’au-delà. J’espère qu’on leur paie les heures sup’.Fin spoiler

AVIS:

Vous reprendrez bien un peu de ‘Riders of the Dead’ ? ‘Shyi-Zar’ se présente en effet comme un complément et préquel (comme la présence de ce bon vieux Blayda, également présent dans le roman susnommé) du bouquin consacré par Dan Abnett aux prémisses de la Tempête du Chaos, et la magie de conteur de Papa Gaunt agit encore une fois. C’est tout à la fois prenant, exotique, violent, cruel et mystique, généreusement garni en fluff et très bien construit d’un point de vue narratif : bref une masterclass en bonne et due forme de la part d’Abnett, pour ce qui a été l’un des derniers textes qu’il ait écrit pour Warhammer Fantasy Battle. On peut s’accorder à dire qu’il a réussi sa sortie.

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As Dead as Flesh – N. Kyme :

INTRIGUE:

WFB_As Dead as FleshAlors qu’ils purgeaient tranquillement1 sereinement quelques Zombies dans une localité non identifiée mais définitivement mal famée de l’Empire, la bande de Templiers de Morr du Capitaine Reiner doit composer avec les blessures assez sévères de quelques-uns de ses membres, forçant la sinistre compagnie à faire grand train vers la bourgade la plus proche (Hochsleben) afin de confier ces derniers aux bons soins de l’hospice de Shallya qui s’y trouve. L’ambiance n’est toutefois pas rose dans le patelin, comme le rapporte le diacre alcoolique (Dolmoth) qui tient la permanence morrienne du lieu. Notre homme a des raisons de forcer sur la piquette en effet : tous les jours depuis plusieurs mois, un cadavre frais, et la plupart du temps, délesté d’une partie de son épiderme, est déposé sur les marches de son office, ce qui lui fait faire des heures supplémentaires excessives. N’ayant rien d’autre à faire en attendant que leurs blessés soient remis ou rejoignent le big boss, Reiner et ses sbires (Mikael, Halbranc, Kalten) offrent leur aide afin de débusquer le sinistre Reaper qui tourmente la cité.

L’enquête commence par une autopsie en bonne et due forme, réalisée au sous-sol du temple de Morr par un acolyte dénommé Merrick, qui s’est trouvé un bon petit business au vu du taux de criminalité de Hochsleben. Le malheur des uns… Notre homme n’a toutefois pas grand-chose de neuf à apporter aux investigations, le cadavre présentant toutes les marques habituelles de ce farceur de Reaper. On apprend toutefois au détour de la conversation, que le doc’ a récemment perdu son fils, piétiné par la brigade montée impériale pendant une manifestation de surcôts flaves s’étant mal terminée. Triste. Tout le monde ne s’appelle Felix Jaeger et ne dispose pas d’un pote Tueur Nain imbutable et imbitable pour lui servir de garde du corps. Utilisant les quelques indices glanés au cours des mois précédents et de leur solide bon sens, les Templiers procèdent à quelques interrogatoires de suspects, dont le tanneur de la ville (Lothmar), qui vit reclus dans son échoppe et arbore un masque de cuir pour camoufler les graves brûlures que ses activités professionnelles lui ont valu. Le délit de faciès n’étant pas combattu dans l’Empire, le vaillant petit tanneur est à deux doigts de finir en coupable tout désigné, lorsque de nouveaux évènements viennent relancer l’enquête.

Alors qu’ils se détendaient à l’auberge après cette rude journée, les chevaliers de Morr sont alertés par les cris perçants d’une honnête péripatéticienne, qui a croisé un individu portant ce qui lui a semblé être un cadavre sur son dos. Comme quoi, si on n’est pas très malin à Hochsleben, on est au moins ponctuel. La course poursuite qui s’en suit, mettant aux prises Mikael et Halbranc avec le mystérieux portefaix, se solde toutefois par un échec complet pour les nobles Templiers, le second s’écroulant par la faute d’un point de côté après quelques pas, et le premier faisant de même lorsque sa proie réussit à le poignarder au détour d’une allée, ce qui le met KO pour quelques temps. Il a toutefois la présence d’esprit d’arracher à son agresseur une partie de ses effets, qui se révèlent être un masque très similaire à celui porté par le tanneur. L’enquête progresse ! Se réveillant à la taverne (à croire que l’hospice local était bondé), Mik’ dégaine toutefois l’arme fatale des guerriers de Morr et des auteurs peu inspirés, une bonne vision prophétique des familles, qui lui a montré toute sa compagnie zombifiée. C’est plus qu’il n’en faut pour convaincre notre héros, accompagné du prêtre de la bande (Sigson), de se lancer à la poursuite de leurs frères d’armes afin de s’enquérir de leur bonne forme (en commençant évidemment par les valides, parce que les comateux peuvent se défendre tous seuls, c’est bien connu)…

Début spoiler…Pendant ce temps, Reiner et Cie se sont rendus chez le fameux Lothmar pour une petite explication de texte, mais encore une fois, l’entreprise s’est terminée par des plaies et des bosses, l’intraitable Capitaine mordant à son tour la poussière sous les horions d’un guignol maléfique. Rattrapé par Mikael et Sigson, qui ont croisé Halbranc en compagnie de Merrick sur le chemin (mais non, c’est pas compliqué), Reiner explique à ses hommes que Lothmar était déjà mort à son arrivée, ce qui le retire de la liste des suspects2. Cependant, la disparition de Kalten, qui accompagnait son supérieur sur les lieux, constitue une nouvelle énigme que les Maures doivent résoudre. Heureusement, Sigson connaît un rituel qui permet aux enquêteurs de mener un interrogatoire express de feu Lothar, révélant un indice capital : son tueur puait. Aha.

Sur ces entrefaites, débarquent de nouveaux personnages (comme si l’intrigue n’était déjà pas assez embrouillée comme ça), un Prêtre Guerrier de Sigmar (Rathorne) et son sidekick renifleur Vislen. Il s’avère que Rathorne est également sur la piste du Reaper, et, plutôt que de se présenter à ses confrères de culte, a préféré suivre leurs progrès du coin de l’œil, jusqu’à maintenant. Son aide, ou plutôt celle de son larbin, s’avère toutefois précieuse car elle permet d’identifier l’odeur qui colle aux habits de Mikael comme celle de liquides d’embaumement. Bref, c’est Merrick le coupable, comme tout lecteur avec deux neurones fonctionnels l’avait compris dès l’instant où Kyme avait révélé la mort tragique du fils de ce dernier.

La nouvelle peut enfin entrer dans sa phase finale, avec les héros en état de combattre faisant s’abattre leur juste colère sur le repaire du malfaisant. Pour équilibrer un peu les choses, le doc’ peut compter sur l’appui de l’entité maléfique qu’il a réussi, on ne sait trop comment, à ramener depuis les morts, et qui lui a promis son aide pour ressusciter son fils en échange de cadavres frais (mais jamais assez, si cela fait trois mois que Merrick surine à tout va). La baston qui s’engage se termine comme de juste par un incendie généralisé du temple de Morr, qui a raison de l’hôte de Voldemorr (ce pauvre Kalten), et permet donc à Hochsleben de refermer cette page douloureuse de son histoire. Cependant, l’absence du cadavre de Merrick dans les décombres du lieu saint, et la vision fugace de ce dernier respirant une mystérieuse fumée noire3 exhalée par un Kalten possédé, fait craindre le pire à nos zélés Templiers…Fin spoiler

1 : Difficile d’être tranquille quand on se bat contre des adversaires capables de percer l’acier d’une cuirasse à main nue. Les Zombies de Kyme ont pris des stéroïdes, ce n’est pas possible autrement.
2 : En fait, le tanneur était albinos, ce qui explique pourquoi il ne sortait pas le jour. On s’en fout au final mais Kyme tenait à ce détail, donc autant le préciser ici.
3 : Le qualificatif est important, car au milieu d’un incendie, des fumées noires classiques, ce n’est pas ce qui manque.

AVIS:

Avec ce As Dead as Flesh, Kyme livre une nouvelle réussissant l’exploit d’être à la fois trop simple et inutilement complexe dans son intrigue. D’un côté, l’enquête à laquelle se livrent les héros se trouve être résolue par le lecteur un minimum familier des techniques narratives du genre (« oh, un personnage secondaire sur lequel l’auteur nos donne des précisions nous permettant de l’identifier facilement par la suite, et disposant d’une bonne raison d’en vouloir à ses concitoyens… ») moins d’une page après avoir été commencée. De l’autre, les allers et venues de la galerie conséquente de personnages convoqués par Nick Kyme pour soutenir son propos brassent de l’air et des pages, et leurs chassés croisés occupent la majeure partie du propos. Si on ajoute à cela le fait que les personnages en question n’ont pas grand-chose d’intéressant ou d’attachant (même si la pusillanimité de Mikael, qui a peur de beaucoup de choses depuis le jugement de Reiner jusqu’à la grosse voix du tavernier, se révèle être une caractéristique « mémorable »), on se retrouve avec une sorte de mauvaise pièce de théâtre de boulevard tragico-fantastique, mélange assez indigeste et surtout, très peu intéressant. Je ne peux donc pas assez conseiller aux amateurs du genre de se pencher sur les travaux, assez similaires dans l’esprit mais beaucoup plus aboutis dans la forme, que Josh Reynolds a consacré au très saint et très violent Ordre de Manann, afin de plonger dans le quotidien trépidant de Templiers impériaux. Malheureusement pour Kyme, less is Morr…

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Dead Man’s Hand – N. Kyme :

INTRIGUE:

Dans une geôle humide et froide d’une forteresse du Stirland profond, un prisonnier patibulaire parvient à fausser compagnie à ses gardes en s’échappant par les égouts. Bien que se sachant recherché, notre homme prend le temps de marquer les cadavres des infortunés matons ayant croisé sa route avec un signe de scarabée, ce qui ne lui sert absolument à rien mais permettra à l’intrigue de tenir à peu près la route, donc merci bonhomme (Krieger de son patronyme), tu gères. Ce sinistre individu prend la route de la ville de Galstadt, où Kyme nous apprend qu’il va pouvoir mettre à exécution sa VENGEANCE vengeresse. Quel suspens mes aïeux.

On passe ensuite à l’introduction de nos héros, la bande de Templiers de Morr du Capitaine Reiner, déjà croisée dans ‘As Dead as Flesh’. Les chevaliers ont été chargés par leur hiérarchie de seconder un Chasseur de Sorcières sigmarite (Dieter Lenchard) dans une mission dont la teneur est restée secrète. On peut dire que le respect est Morr. Lenchard était chargé d’interroger puis d’exécuter Krieger pour hérésie, mais sa disparition prématurée vient plomber le mood de la journée. L’ambiance était de toute façon assez lourde chez les Men in Black, Reiner détestant tout le monde de base et soupçonnant sa plus jeune recrue, Mikael, de lui avoir caché les visions prophétiques que ce dernier a effectivement eu au précédent épisode. Après une petite séance de spiritisme menée par le prêtre guerrier de la bande (Sigson), qui fait office de légiste et medium, la troupe prend elle aussi le chemin de Galstadt sur l’ordre de Lenchard, qui semble avoir une idée précise de ce que recherche le fugitif, mais sans évidemment juger bon de s’en ouvrir à ses gardes du corps.

Dans la cité en question, deux événements majeurs prennent place en simultané : uno, le Comte local, Gunther Halstein, revient d’une expédition menée au Pays des Morts (aussi appelé Nehekhara) en compagnie des chevaliers du Cœur Ardent, d’où il a ramené une mystérieuse relique qu’il s’empresse de faire mettre sous clé, ainsi qu’une sale blessure non cicatrisée et probablement mortelle à moyen terme, héritée de ce gredin de Krieger. Deuzio, la rivière locale menace d’entrer en crue, ce qui ne sert pas à grand-chose au final à part permettre à Kyme de faire courir sa petite ménagerie de personnages entre la caserne et le lieu où les PNJ cherchent à endiguer l’impétueux torrent. Parler des risques physiques dès 2007, il fallait être précurseur. Bravo Nick Kyme.

Comme on pouvait s’en douter, les Templiers de Morr ne mettent pas longtemps à rencontrer Halstein et sa clique, et le résultat fait des étincelles. Non pas que cette assemblée d’augustes personnages parviennent à faire la lumière sur les agissements de Krieger, qui s’amuse à trucider des troufions pendant que les vrais héros vaquent à leurs occupations, mais plutôt que les deux factions manquent de se mettre sur le heaume dès qu’ils s’adressent la parole. Je ne savais pas que les ordres de chevalerie de l’Empire souffraient d’Animosité, mais on en apprend tous les jours.

Après quelques péripéties très dispensables, on finit par y voir un peu plus clair : la relique ramenée par Gunther Halstein n’est autre que Falken Halstein, son propre père, qui disparut dans le grand Sud il y a des années après avoir occis le Roi des Tombes Setti-Ra (rien à voir avec Settra, bien sûr). Le hic est que 7-I avait des fans, le culte des Scarabées (appelé ainsi parce que ses membres fondateurs se nomment John, Paul, George et Ringo), persuadés que leur idole peut être ressuscitée par un rituel qui nécessite le cœur du vainqueur du grand roi. Ou à défaut, celui de son héritier. Donc Gunther. Sauf que Setti-Ra a pris les devants, et possédé le cadavre de Falken Halstein. Et c’est en fait lui qui est responsable des morts suspectes qui s’accumulent depuis le retour de l’expédition, et pas ce gredin de Krieger (lui aussi un petit Scarabée), qui d’ailleurs se fait étrangler par son patron sur un affreux malentendu et sans que Kyme se donne la peine de mettre la mort de son personnage principal (jusqu’ici) en scène. Tout cela est d’une limpidité absolue.

Au final, et comme attendu, l’histoire se règle par une baston classique entre les Templiers de Morr, Lenchard et Halstein d’un côté, et Setti-Ra Halstein de l’autre. Pour équilibrer un peu les débats, Kyme donne à la momie 7 en Force et 8 en Endurance, ce qui permet de faire durer le match quelques pages, jusqu’à ce qu’une habile combinaison tapisserie enrouleuse + torche enflammée vienne à bout du revenant. Tout est bien qui finit bien ?

Début spoiler…EH NON. Je ne sais pas pourquoi j’utilise un spoiler pour ça, c’est faire trop d’honneur à cette histoire navrante, mais comme il s’agit techniquement d’un twist final, je vais jouer le jeu. Il s’avère donc que les Scarabées étaient venus au nombre démentiel de deux, dont un gus qui s’était déguisé en prêtre mendiant aveugle, et qui profite de la crédulité et de la dévotion du Comte Halstein pour lui tomber sur le râble et lui voler le cœur après s’être proposé de bénir les cendres paternelles. Ce qui veut dire que Setti-Ra va pouvoir être ressuscité <gasp>. Comme Lenchard ne veut absolument pas que cela se produise pour une raison qui ne sera jamais révélée ici, la nouvelle se termine sur le départ en trombe des Morrons de Galstadt, dans l’espoir de rattraper le dernier cultiste avant qu’il ne soit trop tard. C’est ce qui s’appelle prendre sa mission très à cœur. Mouarf.Fin spoiler

AVIS:

Dans la droite lignée de ‘As Dead as Flesh’, dont cette nouvelle prend la suite directe, Nick Kyme nous sert une nouvelle se voulant être un whodunit à la sauce impériale, mais qui se révèle être un enchaînement de péripéties oscillant entre le suranné et l’incohérence. Une fois encore, le propos pâtit d’un trop grand nombre de personnages, dont seuls quelques-uns parviennent à faire suffisamment impression au lecteur pour que ce dernier parvienne à les resituer dans le récit au fil de leur apparition, et souvent pour des mauvaises raisons. Entre Reiner et Lenchard qui se disputent le titre de Mister Connard, Mikael qui a toujours peur de son ombre et essaie de son mieux d’imiter Brin Milo1 sans susciter autre chose que de la crispation, Gunther et son armée de chevaliers interchangeables, ou les Templiers de Morr qui pourraient aussi bien s’appeler « Grokosto », « Jumeaux » et « Vieussage » sans perdre une once de personnalité, c’est un festival de têtes à claque auquel on a droit ici. Et quand l’intrigue part en roue libre (j’ai un antagoniste qui est le personnage le plus important de l’histoire… jusqu’à ce qu’il se fasse buter hors champ et qu’on en parle plus jamais) et que l’action devient confuse (baston dans la crypte où tout le monde sort/entre/tombe/court en même temps), difficile d’éprouver de la bienveillance pour la prose du (à l’époque) jeune Kyme. Comme notre homme a fait encore pire en son temps, et que ces travaux-là avaient au moins le bon goût d’être totalement nanaresques (et donc beaucoup plus drôle), on peut tout à fait s’épargner la lecture de ‘Dead Man’s Hand’ et se concentrer sur le meilleur du pire (ou l’inverse) de cet auteur. Ou lire des bons bouquins. Ça marche aussi ?

1 : Un personnage des ‘Fantômes de Gaunt’ (Dan Abnett, 40K), qui se découvre lui aussi des pouvoirs de divination bien utiles pour l’intrigue, mais dangereux pour sa survie.

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Sanctity – N. Kyme :

INTRIGUE:

Alors qu’on les avait laissés en compagnie d’un Chasseur de Sorcières à traquer une secte dédiée à la résurrection d’un Roi des Tombes au cœur du Stirland à la fin de l’épisode précédent (‘Dead Man’s Hand’), nous retrouvons la compagnie de Templiers de Morr de ce joyeux drille de Reiner 1) sans chaperon, 2) dans la Drakwald, 3) à la recherche d’un mage de feu appartenant au culte de la Main Enflammée, et 4) renforcée par un chevalier inconnu au bataillon (Köller), dont la particularité est de partir en courant dans une direction aléatoire à la poursuite d’une mystérieuse apparition qu’il est le seul à voir toutes les deux pages et demi. La continuité, c’est surfait1. On retrouve à part cela les têtes de Morr renfrognées mais connues de cette fine équipe, à savoir le visionnaire et pusillanime Mikael, le stoïque et robuste Halbranc, le sagace et chenu Sigson, et les jumeaux Valen et Vaust.

La chasse à l’homme engagée par les chevaliers est vite oubliée lorsque Köller tape son meilleur sprint sans crier gare et amène tout ce beau monde jusqu’au village de Hochenheim, dont l’aspect décati indique qu’il a connu des jours meilleurs. Et en effet, la bourgade a récemment fait l’erreur de laisser entrer en son sein un Carnaval du Chaos, qui eut tôt fait de convertir les honnêtes villageois au charme discret de la bourgeoisie Nurgle. Avant que Köller n’ait pu s’expliquer sur les raisons de sa course folle auprès de son supérieur, les clameurs d’un combat retentissent un peu plus loin dans le village, ce qui pousse les Templiers à aller s’enquérir de la situation. Constatant qu’une petite force de chevaliers impériaux se fait malmener par les hordes putrides de Nurgle, nos héros n’hésitent pas longtemps avant de prendre fait et cause pour leurs collègues, mais se font finalement repousser par le nombre jusqu’au temple local, que les défenseurs barricadent pour tenir en respect les prouteux.

Profitant d’un temps Morr dans les hostilités, les deux confréries se présentent officiellement, et on apprend ainsi que les nouveaux venus sont des chevaliers de Krugedorf, un noble local dont le blason figure (c’est important pour la suite) deux cerfs barbus (?) se faisant face. Bien bien. Ils ont été envoyés par leur seigneur récupérer une sainte relique dans le temple dans lequel la troupe a trouvé refuge, mais l’opération s’est trouvée retardée par la présence d’une sorcière capable d’invoquer des spectres dans la salle du tabernacle. Si si. Qu’à cela ne tienne, Reiner envoie le brave Sigson exorciser tout ça dans le plus grand des calmes, pendant que le reste de la compagnie défend la position contre les intermittents du spectacle. Il faut cependant croire que ces derniers sont partis manifester pour leur retraite pendant l’après-midi, car il ne se passe rien pendant suffisamment longtemps pour que Mikael s’endorme et, je vous le donne en mille, ait une vision dans laquelle il voit deux cerfs barbus s’affronter. Je ne suis pas expert mais je pense que Nick Kyme nous donne un indice sur la suite des événements ici.

Finalement, les hostilités finissent par reprendre et les covidés repartent à l’assaut des cervidés et de leurs alliés. Une vaillante défense de ces derniers permet de gagner un court répit, mais les survivants décident de se replier jusque dans la salle des reliques, où Sigson est occupé à bannir les esprits sans repos. Il parvient à ses fins juste au moment où les Nurgleux repartent à l’attaque, ce qui va déclencher une perfect storm narrative…

Début spoiler…Pour commencer, le chef des chevaliers de Krugedorf (Heinrich), abandonne le combat pour se ruer vers le saint des saints, juste au moment où Mikael réalise en pliant un bout de tissu qu’il avait ramassé pour lui servir de bandage quelques heures plus tôt que l’emblème de ses nouveaux copains n’est pas deux cerfs barbus, mais une main enflammée2. Car oui, les Krugedorfer étaient en fait des MECHANTS. Et pour prouver leur vilénie, il leur pousse soudainement des mutations très visibles (crocs, langue serpentine, armure fusionnée au corps…), que personne n’avait jusqu’à présent remarqué. Heinrich se met ensuite à supplier un certain Dormamu (avec un seul -m) de le suivre sur Instagram, pendant qu’un free for all bordelique à souhait s’engage entre les Templiers de Morr, les chevaliers du Chaos, les cultistes de Nurgle, et les spectres que la sorcière-qui-était-en-fait-une-enchanteresse parvient à réinvoquer après trente secondes de cool down. Quand la poussière retombe, un paragraphe et demi plus tard, tous les affreux ont été miraculeusement tués/bannis/incinérés, ne laissant plus que les gentils dans le temple.

Il est alors temps pour Kyme de tenter de clore son propos avec un peu de dignité en donnant quelques explications salutaires à son lectorat. L’enchanteresse révèle qu’elle est la dernière d’une longue lignée de gardiens de ce lieu, sacré pour une raison pas vraiment claire, et qui est attaqué tous les cent ans par des vilains très vilains (Mikael avait eu un rêve de cet ordre en début de nouvelle). Fort heureusement, à chaque fois des nobles paladins sont venus défendre la relique et son gardien, et l’un d’entre eux a toujours endossé le rôle du protecteur de ce lieu consacré après la bataille. « Ah je crois que c’est de moi dont on parle » annonce Mikael… sauf que non. Enorme râteau et gros moment de solitude : c’est en fait Köller qui est chargé de ramener l’équilibre dans la Force. Ouh la gênance. La rustine narrative étant posée, l’enchanteresse meurt de vieillesse, Kökö la remplace poste pour poste, et les Templiers de Morr repartent faire un rapport à la commanderie la plus proche. La légende raconte qu’ils y sont toujours.Fin spoiler

1 : J’ai tout de même poussé le vice jusqu’à faire quelques recherches pour m’assurer que je n’avais rien raté dans l’ordre de publication de cette série, mais il semble bien que non.
2 : Il est à peu près certain que Kyme a dû faire des dessins pour construire ce retournement de situation, et je paierais cher pour les voir.

AVIS:

Cette dernière soumission Morresque de Kyme s’avère encore plus confuse que les deux précédentes, ce qui constitue un authentique exploit. Un exploit en nullité mais un exploit quand même. C’est bien simple, absolument rien n’est logique1 ni bien amené dans les choix opérés par l’auteur, et si on arrive tout de même à suivre à peu près où il souhaite en venir, l’expérience est très loin d’être agréable2. Il est tout de même surprenant qu’aucun éditeur de la BL n’ait intimé à ce contributeur dont les ambitions dépassaient de très loin les capacités de mettre en scène une intrigue simple mais robuste, plutôt que de le laisser divaguer sur trente pages et signer un gloubiboulga de nouvelle dont on sort écœuré et/ou sardonique. C’est très dommage pour les Templiers de Morr, qui étaient pourtant taillés pour faire des héros très intéressants de la GW-Fiction, et pour le Carnival du Chaos, qui avait aussi un gros potentiel que Kyme n’a pas su révéler. La vie est injuste, c’est ainsi.

1 : Kyme consacre ainsi la première dizaine de pages de sa nouvelle à présenter le meneur du Carnaval de Nurgle (Zanikoff) et son animal de compagnie (Molmoth) pour ne plus jamais les mentionner nommément par la suite.  
2 : Hasard de la littérature, un concept d’histoire très similaire a été exploré par un autre contributeur de la Black Library (Robert Allan, dans ‘Son of the Empire’). C’est autrement plus réussi et restera la référence du genre « chevalier(s) défendant un temple ».

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The Miracle at Berlau – D. Hinks :

INTRIGUE:

The Miracles at BerlauDuel au sommet assommant entre un Prêtre-Guerrier de Sigmar hanté par son passé (Jakob Wolff) et le chef d’une bande de maraudeurs du Chaos (the Reaver) dans un temple abandonné. Entre deux échanges de mandales et de French kisses – the Reaver se battant principalement à coup de suçons – le mystère des origines de Wolff est également (partiellement) levé, sans que cela ait le moindre impact sur le reste de la nouvelle d’ailleurs.

AVIS:

Il n’y a pas grand-chose à sauver de cette soumission de Darius Hinks, qui a décidément du mal à faire sien le genre du court format1. Schéma narratif bancal, développements sans liens avec l’intrigue principale, progression hachée, conclusion tronquée : les 13 pages de ‘The Miracle at Berlau’ sont davantage une succession de passages de pulp fantasy agglomérés les uns aux autres pour essayer de donner l’illusion d’un tout cohérent (en vain) qu’une nouvelle digne de ce nom. On en aurait presque l’impression que l’auteur a volontairement amputé des passages de son texte, afin d’obtenir le manuscrit le plus compact possible (dans quel but, mystère).

Autre explication possible : les évènements relatés dans ‘The Miracle at Berlau’ pourraient s’inscrire dans un arc narratif plus développé (ce qui, après vérification, semble être le cas, puisque le protagoniste de ‘Warrior Priest’ se nomme également Jakob Wolff), sans que Hinks ne fasse beaucoup d’efforts pour faciliter la compréhension de ses lecteurs. Bref, ce teaser – puisqu’il semble bien que ce soit le but premier de ce texte – tombe lamentablement à plat, et ne donnera envie qu’aux bibliophiles les plus acharnés et/ou déviants de se plonger plus avant dans les chroniques de la famille Wolff. Bouh.

1 : Étant donné que son roman ‘Warrior Priest’ a remporté le Gemmell Morningstar Award (meilleur première publication fantasy) en 2011, on peut supposer que Darius se débrouille mieux en mode no limit. Ne comptez pas sur moi pour vérifier ceci dit.

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Ainsi se termine cette revue de ‘Empire at War‘, qui contient de l’excellent et du beaucoup moins bon. Le rapport quantité/prix et la présence de quelques gemmes signées Abnett, Werner, Rennie et Earl justifie pour moi l’achat de cette anthologie pour tout fan du Monde qui Fut à la sauce de la Black Library, mais il reste vrai qu’une sélection un peu plus exigeante aurait pu transformer cette honnête anthologie en classique des classiques. Comme la BL adore repackager ses vieilleries, peut-être que le prochain recueil de ce style sera de cet ordre? Rendez-vous dans quelques années pour le savoir…

 

INFERNABULUM! – HAMMERS & SLAYERS

Bonjour à tous et bienvenue dans ce cinquième numéro d’Infernabulum!, la revue des nouvelles les plus obscures jamais publiées par la Black Library dans les pages de la première version du magazine Inferno! Les plus observateurs parmi vous auront sans doute noté que l’existence même de ce nouveau numéro s’inscrit en faux de la conclusion du précédent (chroniqué ici), qui avait traité des derniers courts formats « introuvables » de cette auguste publication. Ce format de chronique m’a toutefois tellement plu que j’ai décidé de poursuivre un peu l’expérience, en incluant cette fois-ci des nouvelles certes un peu plus accessibles, mais pas non plus à la portée du premier courte-barbe venu, et en essayant de donner un thème à chaque nouveau numéro. Tout un programme.

Infernabulum! - Slayer &amp; Hammers

Ce cinquième volet sera ainsi consacré à deux franchises que l’on peut qualifier comme historiques de la BL, du fait de leur âge respectable. Leurs destinées ont toutefois été radicalement différentes: alors qu’on n’a guère besoin de présenter Gotrek (accompagné de Felix à l’époque), qui poursuit encore aujourd’hui ses massacres littéraux et littéraires après avoir été téléporté du Monde qui Fut aux Royaumes Mortels, il y a fort à parier que les lecteurs familiers avec les Chevaliers du Loup Blanc de Dan Abnett et du taciturne prêtre de Morr/détective privé Dieter Brossmann (James Wallis) soient beaucoup moins nombreux. Il faut dire que les uns comme l’autre n’ont pas connu de nouvelles aventures depuis la publication du roman choral ‘Hammers of Ulric‘ en 2000, ce qui fait tout de même un petit bout de temps. 

L’occasion est donc rêvée pour remettre ces héros oubliés de la Black Library sur le devant de la scène, ne serait-ce qu’à mon humble niveau. Qui sait, peut-être que cela créera des envies de lecture de l’autre côté de l’écran? Sans plus tarder, place à l’action!

Infernabulum!#5

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Ulric’s Children (Inferno! #11) – W. King [WFB]:

INTRIGUE:

WFB_Ulric's ChildrenUne nouvelle fois égarés dans une impénétrable forêt des moins accueillantes (décidément, c’est une constante), Gotrek et Felix, backpackers de l’extrême1, doivent braver la neige, le froid et la perspective d’une meute de loups affamés lorsque le rideau se lève sur Ulric’s Children. Quant aux fameux enfants d’Ulric qui ont donné leur nom à cette nouvelle, nous apprenons bientôt qu’il s’agit du nom populaire des loups-garous, considérés comme les descendants des relations tumultueuses du Dieu avec quelques accortes mortelles dans des temps très anciens. Figures légendaires du bestiaire impérial, leur existence paraît soudainement bien plus probable à Felix alors qu’il s’échine dans les congères à la suite du Tueur, des vocalises lupines plein les oreilles. Le grand blond à la cape rouge n’a toutefois guère le temps de ressasser son habituelle litanie misérabiliste que Gotrek, dont l’ouïe est aussi fine que son animal totem (l’acraga coa2), part en sprint dans les sous-bois en direction de la clameur d’une bataille toute proche… et disparaît corps et bien de notre histoire, tel un vulgaire PNJ de Skyrim, laissant Felix seul aux commandes de cette dernière.

Arrivé sur les lieux de l’esclandre, Felix se retrouve confronté à la méfiante hostilité d’une petite troupe de soldats, venant de repousser non sans mal les assauts d’une harde lupine. Prudence étant mère de sûreté, les survivants décident de faire prisonnier le bon samaritain, qui se retrouve menotté comme un vulgaire gilet jaune à l’arrière de la carriole des routiers – pas vraiment sympas pour le coup – où il fait la connaissance d’une autre prisonnière du comte Hrothgar, une dénommée Katarina dont le calme glacial et les remarques sibyllines semblent indiquer une inquiétante proximité avec la meute aux trousses de la soldatesque impériale. Pour ne rien arranger, Felix attire l’attention du sorcier de compagnie de son ravisseur, un certain Voorman dont ni l’haleine fétide, ni l’intérêt déplacé pour sa personne, ne sont au goût de notre héros, qui ne peut que maudire les oreilles aiguisées et les courtes jambes de son compagnon d’infortune.

Rendue quelques heures plus tard au pavillon de chasse de Hrothgar, la troupe investit les lieux et jette Felix et sa camarade dans une geôle sombre, froide mais pas vraiment bien fermée, ce qui se révélera assez utile par la suite, comme nous allons le voir. La visite de Voorman permet à Blondin d’en apprendre un peu plus sur sa situation, qui se révèle être assez précaire : le comte et son thaumaturge s’avèrent être des cultistes de Tzeentch, fomentant quelque obscur et indubitablement dangereux dessein, dont la réalisation nécessite l’implication du père de Katarina, loup-garou au pedigree impeccable. Ergo la capture de la gente demoiselle, ergo les attaques répétées de la part de la gent lupine que Hrothgar (du Nord) et ses sbires ont subi jusqu’ici. Si Felix ne souhaite pas ingérer dans les affaires des uns et des autres, il ne lui faut pas longtemps pour déterminer qu’il a davantage intérêt à coopérer avec Katarina que de faire cavalier seul. Profitant de l’étourderie manifeste de Voorman, qui repart sans verrouiller la porte, et de la confusion générale générée par l’intrusion de la meute dans l’enceinte fortifiée, la faute, une fois encore, à un verrou oublié, les gardés à vue se font la malle et se séparent rapidement.

Pendant que Katarina va faire ami ami avec les quadrupèdes, Felix erre dans les couloirs, et finit par surprendre une conversation entre Hrothgar et Voorman venant confirmer ses sombres pressentiments sur le dessein poursuivi par les deux crapules. Le sorcier parti euthanasier quelques clebards à grand coup de boules de feu, Felix sort de sa cachette, assomme Hrothgar et lui subtilise la dague magique avec laquelle le faquin avait menacé le mage quelques instants auparavant. Tout est alors prêt pour que le dénouement tant attendu (ou pas) prenne place. Un autre coup de chance (décidément, Felix n’a pas volé son nom) conduit le Baudelaire impérial dans une pièce où Voorman se confronte au grand méchant loup, que l’on devine être le père aimant de Katarina. Le triomphe du lycanthrope, qui décapite le sorcier d’un revers de patte, est toutefois de courte durée, l’esprit vengeur de l’arcaniste venant posséder son assassin quelques secondes après la décollation du premier par le second. C’était en effet l’objectif poursuivi par Voorman, qui souhaitait faire siennes l’immortalité et l’invulnérabilité supposées des loups-garous, et ainsi attendre pépouze la fin des temps. Bien entendu, sa rencontre avec Felix, et surtout, sa dague enchantée dérobée à Hrothgar, viendra mettre un terme définitif aux rêves de grandeur de notre ami le furry. Il reste alors 10 lignes à King pour terminer son histoire, ce qu’il fait en faisant arriver Gotrek (enfin !) et Katarina, la seconde prisonnière du premier. Quel sort le duo réservera-t-il à l’orpheline, pas vraiment innocente certes, mais qui ne leur a rien fait de mal à proprement parler ? Eh bien, on ne le saura pas (dans cette nouvelle en tout cas). Concluons sur ce constat, toujours d’actualité, que lorsqu’il y a un flou, c’est qu’il y a un loup. Et inversement.

1 : Dommage que la Fin des Temps ait pris place avant que le projet ‘J’irai occire chez vous’ se soit concrétisé. Je suis sûr que ça aurait fait un carton d’audience.
2 : D’où croyez-vous que la teinte orange de sa crête venait, enfin ? Et, oui, les mites font partie des espèces dotées de l’audition la plus performante du règne animal.

AVIS:

Il est assez dommage que Ulric’s Children laisse le lecteur sur sa faim (de loup, donc), car le récit brossé par King avait un potentiel certain, que la brieveté de l’histoire empêche de s’exprimer de manière aboutie. Je suis persuadé qu’une dizaine de pages supplémentaires après que Felix et Katarina soient sortis de leur cachot aurait pu permettre à cette nouvelle de se terminer de façon plus convaincante que l’enchaînement de non-péripéties qui mène au dénouement lapidaire et lacunaire qui est le sien. Pour tout dire, la dernière demi-page d’Ulric’s Children mérite la lecture afin de prendre la pleine mesure du caractère comiquement abrupt de sa conclusion. Il y avait pourtant beaucoup de pistes intéressantes à explorer avant de rayer la ligne « Tueur de Loup » de la bucket slaying list du petit rouquin teigneux, et notamment le personnage de Katarina, sorte d’Ulrika1 avant l’heure que King place au cœur de son récit avant de laisser totalement tomber. Un vrai loupé, si on me permet l’usage de cette tournure.

Si le choix de King de se passer de son personnage tutélaire pour cette soumission peut surprendre le lecteur, le pari aurait pu s’avérer payant si l’auteur avait permis à Herr Jaeger de s’illustrer de façon convaincante et spécifique : si Gotrek est une machine de guerre invincible, qui résout tous les problèmes auquel il est confronté à coup de hache, Felix aurait pu compenser par une approche un peu plus cérébrale et astucieuse de la situation. Ce n’est pas le cas ici, notre héros enchaînant les coups de chance critiques sans véritable réflexion de sa part. En cela, la comparaison avec l’élève Long n’est clairement pas à l’avantage du maître King, le premier faisant preuve d’une véritable aisance scénaristique, quand le second a davantage tendance à passer en maniaque automatique, les prouesses martiales du Nain disgracié venant meubler les intrigues simplistes concoctées par son auteur. Si la passation n’était pas encore proche au moment de la publication de Ulric’s Children (Mars 1999, soit 4 ans avant la sortie de Tueur de Géant, le dernier roman de King dans la série – à ce jour –), il est possible qu’une certaine lassitude ait déjà été à l’œuvre chez King à ce moment, ce qui expliquerait le caractère inachevé de cette nouvelle. Quoi qu’il en soit, cette dernière ne fait définitivement pas partie des bonnes pages de la saga de Gotrek et Felix, et sa lecture n’est indispensable qu’aux fans transis de la série.

1 : C’est-à-dire la jeune fille frappée d’une malédiction passible de mort dans les sociétés civilisées du Vieux Monde (la lycanthropie pour l’une, le vampirisme pour l’autre), mais dont les motivations ne sont pas intrinsèquement mauvaises, et qui demande juste à ce qu’on la laisse tranquille.

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Redhand’s Daughter (Inferno! #36) – W. King [WFB]:

INTRIGUE:

WFB_Redhand's DaughterAprès avoir fait les 400 coups (de hache runique) en Arabie, quelques temps après leur retour d’Albion (Tueur de Géants), Gotrek et Felix se retrouvent sur le cuirassé nain du Capitaine Ahabsson, croisant sur les eaux du golfe d’Arabie depuis la forteresse de Barak Varr. Toujours à la recherche d’une fin glorieuse, le célèbre Tueur doit ronger son frein pendant la croisière, ce qu’il fait en s’enfilant pinte sur pinte et en gueulant sur Ceniormeteo, le dieu elfique des dépressions, tandis que Felix préfère meubler ses journées en regardant les dauphins et entretenant des pensées sinistres, comme à son habitude. Nos plaisanciers ne tardent cependant pas à être mis à l’épreuve (autrement, cela aurait été la nouvelle de Gotrek & Felix la plus ch*ante du monde), d’abord par la survenue d’un grain sévère, qui endommage bellement le Storm Hammer, puis par la rencontre avec un navire de pirates Orcs, qu’Ahabsson décide, en corsaire assermenté, d’aller piller. L’enthousiasme fiévreux du capitaine se heurte toutefois à quelques dures réalités, à commencer par les projectiles enflammés projetés par la catapulte de proue du vaisseau adverse, qui cabossent suffisamment le steamer nain pour que ce dernier se retrouve à portée d’abordage par l’équipage peaux-vertes, beaucoup plus nombreux que ses vis-à-vis. La bataille qui s’en suit permet à Gotrek de se dégourdir les orteils (pas mieux à espérer contre de simples boyz), et à Felix de voler à la rescousse d’une prisonnière de l’infâme Capitaine Goldtusk, qu’il réussit à escorter jusqu’au Storm Hammer avant que ce dernier ne parvienne à se désengager.

Vainqueurs éprouvés de l’affrontement, les Nains décident d’aller mouiller l’ancre sur l’une des îles toutes proches, encouragés en cela par le récit fait par la rescapée (Katja Murillo) du légendaire trésor que le pirate Redhand, qui se trouve être son père, a dissimulé sur cette dernière. Elle-même capitaine au long cours, elle promet à ses sauveurs de partager les bénéfices de son héritage s’ils l’aident à mettre la main dessus. Capturée par Goldtusk alors qu’elle voguait vers le butin avec son propre équipage, Katja n’a dû son salut qu’à l’avidité de l’Orc, qui a épargné sa vie en échange d’un aller simple vers le magot familial. Jamais les derniers à se lancer dans la quête de richesses mal acquises, Ahabsson et ses gars acceptent la proposition qui leur est faite, et tout ce petit monde (plus deux humains) débarque sur une île volcanique couverte d’une épaisse forêt où est sensé se trouver la fortune de Redhand.

Bien que charmé par le ravissant minois de la donzelle (ce qui est la raison pour laquelle il s’est rué à son secours en premier lieu), Felix se montre assez suspect des motivations de cette dernière, et ne peut s’empêcher de penser que Katja dissimule quelque chose à ses partenaires. Gotrek de son côté s’avère plus intéressé par la perspective de se frotter au monstrueux gardien d’une gemme légendaire conservée dans l’un des temples en ruines de l’île (dixit Katja, toujours), ou a défaut, par la régulation de la population locale de peaux vertes. L’enthousiasme général est à peine entamé par la disparition mystérieuse de plusieurs membres d’équipage au fur et à mesure que l’expédition s’enfonce dans la jungle, énigme rapidement résolue par un Gotrek peu tolérant envers les facéties des Gobelins arboricoles du cru. Après un pittoresque trail tropical, les aventuriers parviennent jusque dans la cité abandonnée promise par leur guide, qui se trouve être un lieu de villégiature couru par la gent orcoïde (un club Mork, sans doute), forçant nos héros à la plus grande discrétion. Même Gotrek, dont le premier but était pourtant de tailler des croupières aux locaux, accepte de faire crête basse jusqu’à ce que ses camarades aient pu sécuriser le trésor, ce qui est fort urbain de sa part. En même temps, ils sont sortis de la forêt, donc…

Une fois rendu dans le temple où Redhand aurait déposé ses bagages, et après avoir négocié de façon soupçonneusement facile au goût de ce rabat-joie de Felix l’accès jusqu’au cœur de l’édifice, qui dispose d’une installation géothermique de pointe sous la forme de puits de lave intégrés à la structure du bâtiment (attention à ne pas se brûler en prenant sa douche, tout de même), l’expédition se retrouve confrontée à un défi de taille, en la présence d’un Elémental de lave qui surgit de son jaccuzzi pour empêcher les intrus de faire main basse sur le trésor du pirate ainsi que sur l’énorme gemme qui fait office de décoration d’intérieur. Au lieu de s’émerveiller de la culture du gardien des lieux, qui s’exprime en Reikspiel parfait alors que sa prise de fonction remonte à des millénaires (ce sont les Anciens qui ont signé son contrat de travail), l’esprit mesquin de Felix ne peut s’empêcher de se concentrer sur le fait que MagMan semble connaître Katja, qu’il qualifie de sorcière (ce qui n’est pas très sympathique). De son côté, Gotrek se contente de foncer dans le tas (de roches en fusion) avec son ardeur habituelle, distrayant la Chose assez longtemps pour que Katja réussisse à s’emparer de la gemme, avant de disparaître dans un éclat de rire sardonique. On comprend alors que la capitaine corsaire n’était pas la fille, mais la femme de Redhand, qu’elle a poussé à prendre d’assaut le temple pour récupérer le diam’s des années plus tôt, sans succès. On comprend aussi que le joyau en question n’avait pas qu’une utilité symbolique, mais servait surtout de régulateur de l’activité tellurique du volcan local, qui se réveille violemment une fois la gemme dérobée.

Ayant tout de même réussi à refroidir les ardeurs du gardien, puis à le(s lui) briser menu, Gotrek et Felix en sont quittes pour une session de hack’n’slash intense pour sortir du temple avant que ce dernier ne soit noyé par la lave. Laissant leurs camarades survivants se débrouiller tous seuls comme des grands petits, le duo se fraie un chemin sanglant à travers les hordes de Gobelins que Goldtusk, arrivé sur place après le naufrage de son navire, a recruté pour… visiter le temple également je suppose1. Cette louable idée de sortie culturelle prend donc un tour funeste lorsque le Tueur et son comparse décident de couper la file, résultant en des centaines de morts parmi les visiteurs, dont Goldtusk en personne, décapité par un Gotrek littéralement chauffé à blanc. Ceci fait, il ne reste plus à nos inséparables qu’à partir en petites foulées vers la plage où mouille le Storm Hammer, avant que l’éruption du Krakatorka ne mette un terme honteux et cendreux à la carrière du Tueur. Spoiler alert : Ils s’en sortent. Si si.

1 : King ne donnant aucun signe que les Nains aient été détectés par les peaux vertes à leur arrivée.

AVIS:

Cette aventure conséquente (28 pages) permet à William King de renouer avec les origines littéraires de Gotrek & Felix, héros de nouvelles conduits plus tard par le succès à évoluer dans de plus longs formats. Se déroulant après les événements relatés dans Tueur de Géants, dernier roman signé de la série signé par King (et le moins réussi du lot à mon humble avis, comme quoi il a bien fait d’arrêter), Redhand’s Daughter peut être considéré comme l’ultime tour de piste des deux troublions sous la plume de leur créateur, et un écho aux longues nouvelles originelles du duo (Wolf Riders, The Dark Beneath the World). Bénéficiant d’une localisation exotique (je ne pense pas que quiconque se soit aventuré dans la Chaîne Mégaleane – qui n’apparaît sur aucune carte à ma connaissance – depuis lors), de péripéties rythmées et, elles aussi, assez innovantes pour le lecteur, comme la bataille navale introductive entre corsaires Nains et pirates peaux vertes, Redhand’s Daughter a un petit goût de pastiche de The Queen of the Black Coast (a.k.a. Conan en croisière), avec Katja en Belit et Gotrek & Felix se partageant le rôle du ténébreux Cimmerien. Ces considérations évacuées, on se retrouve cependant avec une soumission assez classique du sous-genre créé par King, qui déroule son propos et coche les cases du cahier des charges avec aisance plus que maestria. On notera pour terminer que l’auteur n’a pas encore tenu sa promesse de faire remettre Katja Murillo sur le chemin de nos baroudeurs, et qu’avec la destruction du monde de Warhammer (et donc celle de Katja et Felix), il lui sera assez difficile de tenir sa parole…

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A Company of Wolves (Inferno! #7)- D. Abnett [WFB]:

INTRIGUE:

WFB_A Company of WolvesUne compagnie de Chevaliers du Loup Blanc plongée en plein doute existentielle à la suite de la mort de leur commandant au cours d’un raid mal négocié dans la Drakwald quelques mois plus tôt retourne en forêt pour une session de teambuilding mâtinée de skullbashing. Les problèmes affligeant nos héros, que l’on ne peut pas qualifier de sans peur (le vétéran Gruber a le trouillomètre à zéro depuis le décès tragique de son supérieur et ami Jurgen) ni de sans reproche (dans le désordre : Morgenstern a un gros problème d’alcool, Anspach est un parieur pathologique, Vandam une tête brûlée carriériste, et le nouveau chef, Ganz, a moins de charisme que la tête de loup qui orne son armure) sont nombreux, mais le Grand Maître de l’ordre a bon espoir que l’air pur, la nature préservée et les hordes de mutants assoifées de sang qui hantent la Drakwald parviendront à guérir la compagnie rouge de son spleen persistant. Preuve de sa confiance dans ses hommes, il leur a même confié le précieux étendard de Vess1 pour cette virée forestière, ce qui rélève un peu le moral des troupes.

Le plan de Ganz consistant à errer dans les bois jusqu’à tomber sur une bande de néfastes à massacrer au nom d’Ulric, notre petite bande baguenaude cavalièrement jusqu’à faire la rencontre de quelques Hommes-Bêtes venus se recueillir devant une idole païenne. L’escarmouche qui s’en suit, si elle ne dure pas longtemps et se termine par une victoire sans appel pour le camp impérial, révèle toutefois de façon criante les maux profonds qui affectent la compagnie. Gruber refuse ainsi de charger l’ennemi, prétextant la perte de fer de sa monture, Morgenstern est couché net par une branche basse qu’il n’a pas pu esquiver, Vandam fonce tête baissée à la poursuite des fuyards malgré les ordres de Ganz, et Von Glick, sommé de le faire revenir au bercail, se fait grièvement blesser par un Ungor embusqué sur le chemin du retour. Cette blessure force les templiers à monter le camp pour la nuit en plein cœur de la Drakwald, et à perdre un des leurs sous les flèches des Hommes-Bêtes (on peut saluer la prescience d’Abnett sur le sujet) pour couronner le tout.  

Alors que la compagnie semble sur le point de se désagréger, tel le premier boys band venu après un second album décevant, l’inspiration finit par frapper les loulous, qui décident de tenter le tout pour le tout. Faisant mine de laisser derrière eux leurs morts, blessés et étendard sous faible garde, les chevaliers tournent bride vers Middenheim, espérant ainsi attirer le reste de la harde à découvert. Ce qui ne manque évidemment pas d’arriver. La vaillante action d’arrière-garde conduite par Aric, Gruber et Von Glick permet de retenir les mutants assez longtemps pour que la cavalerie arrive revienne, et annihile les cornus d’une dévastatrice charge de flanc d’école. Bonus appréciable : il s’agissait de la même bande de fieffés violeurs de poules responsables de la mort de Jurgen, qui se trouve donc vengé de façon satisfaisante. Au final, et malgré la mort au combat de Vandam (sans doute en plein grand écart facial) et de Von Glick, nos héros peuvent prendre le chemin du retour unis comme jamais et à nouveau pleinement opérationnels. Une vraie fin de loup(s), en somme.

: Car Vess de Loup (blanc), évidemment. Je ne vois pas d’autres explications satisaisantes et n’accepterai pas de contestations.

AVIS:

Dans la foulée du lancement réussi de la série des Fantômes de Gaunt dans les pages d’Inferno!, Abnett se livre à un exercice similaire avec ce ‘A Company of Wolves’, introduisant au lecteur une confrérie de templiers du Loup Blanc, dont les exploits seront relatés dans une succession de nouvelles, puis compilées et conclues dans le roman ‘Hammers of Ulric’. Bien que cette péripétie inaugurale soit relatée avec l’aisance habituelle de la plume Alpha de la Black Library, j’ai trouvé le résultat final un peu moins réussi qu’à l’accoutumée. Parmi les raisons de ce (léger) coup de moins bien, j’identifie le nombre important de protagonistes et la « singularisation » moins aboutie de ces derniers (sauf pour Morgenstern, catalogué comic relief de façon outrageuse, ce qui est un autre défaut), une intrigue somme toute assez banale combinée à une mise en scène parfois complaisante1, ou encore la très nette sensation qu’Abnett avait déjà acté qu’il ferait vivre ses nouveaux héros sur plusieurs nouvelles, et a traité A Company… comme un chapitre introductif plutôt qu’un stand-alone (ce qui relève plus de la faute de goût que de la catastrophe industrielle, certes). Pour autant, on a tout de même droit à du Dan Abnett tout ce qu’il y a de plus solide, avec des personnages attachants dès lors qu’on arrive à les différencier les uns des autres, des scènes d’action prenantes où la mort frappe sans prévenir, et une exécution globalement propre. Rien de grave donc.

1 : La possibilité qu’un chevalier puisse se prendre une flèche dans le cou alors qu’il dort au milieu de ses frères d’armes, protégé par des sentinelles habituées des choses de la guerre, et n’être découvert qu’au petit matin, ne me semble pas des plus réalistes. À un autre niveau, le « tour de pâté de maisons » effectué par le gros des troupes (et je ne parle pas de Morgenstern) pour surprendre la harde d’Hommes-Bêtes… qui se trouve être la même que celle qui a tué Jurgen quelques mois plus tôt (#WIJH) est un expédient un peu trop facile à mon goût.  

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A Wolf in Sheep’s Clothing (Inferno! #9)- D. Abnett [WFB]:

INTRIGUE:

WFB_Wolf in Sheep's ClothingAprès le succès de leur session de team building dans la Drakwald (‘A Company of Wolves’), nous retrouvons les chevaliers de la Compagnie Blanche de l’ordre du Loup Blanc (the whitest of the white) alors qu’ils s’apprêtent à partir dans une nouvelle mission, beaucoup moins funky qu’ils ne l’espéraient de prime abord. Le Graf de Middenheim a en effet reçu une missive désespérée d’un de ses cousins, le Margrave Ganmark, dont le domaine a été attaqué et incendié par une bande de galapiats, et qui se retrouve donc SDF par la force des choses. Alors qu’il revient aux pompeux et hautains Chevaliers Panthères de traquer les coupables de cet abominable forfait, les Loups Blancs doivent se contenter d’escorter cousin Hubert, sa famille et ses gens, jusqu’à la sécurité de Middenheim. Autant dire que le Commandant Ganz doit essuyer une grogne bien compréhensible de la part de ses hommes, parmi lesquels on compte deux nouveaux : le bleu-bite Krieg Drakken, et le sang bleu Lowenhertz.

Après un aller sans embûches, nos templiers prennent en charge leurs protégés, et se consolent légèrement en constatant que la femme du Margrave, Gudrun, est vraiment bonnasse. Il n’y a que le jeune Drakken pour reluquer davantage la servante Lenya que la plantureuse maîtresse de maison, que le cousin Hub’ a épousé quelque temps après la mort de sa première femme. Les introductions étant faites et le barda chargé dans les chariots, la troupe repart vers la cité, pendant que les Panthères de Von Volk/t se lancent à la poursuite des mécréants. Bien évidemment, ces derniers éviteront facilement la confrontation avec leurs traqueurs, et se concentreront sur les loulous et les migrants. Surpris une première fois par un assaut de Nazguls puant la cannelle, qui laissera le pauvre Drakken tout estafilé, les chevaliers devront relever le plus difficile des défis : utiliser leurs neurones. Car, si pour le lecteur, il ne fait rapidement aucun doute que les stoners spectraux1 sont à la recherche de quelque chose ou de quelqu’un voyageant avec les templiers, pour ces derniers, le mystère est à la limite de l’insoluble. C’est d’ailleurs tout juste si Ganz ne condamne pas Lowenhertz au bûcher pour avoir émis l’hypothèse précédente, qui relevait pourtant du bon sens plus que de la mise en pratique de savoirs interdits…

Début spoiler…Au final, et après avoir essuyé une nouvelle vague de goons à la faveur d’un bivouac en pleine forêt, les Loups Blancs finiront par identifier la source de tous leurs maux, qui se trouve être, non pas l’exotique bimbo avec qui le Margrave a refait sa vie, comme le soupçonnait ce misogyne de Gruber, mais la vieille nourrice rom’ des enfants du pater familias, elle aussi arrivée récemment dans l’entourage de l’aristocrate. Plus particulièrement, l’aïeule trimballe avec elle un bijou en forme de griffe, qui lui porte apparemment chance mais que ses ancêtres ont certainement dérobé dans une tombe arabienne, et que ses propriétaires légitimes souhaitent vivement récupérer. Leurs adversaires pouvant respawner toutes les deux heures, Ganz, dans un éclair de génie inhabituel, réalise qu’il doit prendre des mesures drastiques pour arracher la victoire avant que ses hommes se fassent massacrer. Peu enclin à restituer la babiole avec un petit mot d’excuse, comme on le ferait de nos jours, le fier chevalier préfère réduire en poudre le colifichet sépulcral, bousillant le marteau de Lowenhertz dans la manœuvre (c’est du bizutage). Nazguls jusqu’au bout, les assaillants se dissipent alors dans un gémissement piteux, permettant à nos héros de reprendre leur route au matin sans plus d’interruptions. La nouvelle se termine sur leur retour triomphal à Middenheim, et sur la remise par Ganz à Lowenhertz du marteau de feu Von Glick, en dédommagement de l’arme perdue en chemin. Dans l’Empire plus qu’ailleurs, les bons comtes électeurs font les bons amis.Fin spoiler

1 : Ils ont les yeux rouges et ne s’expriment qu’en grognements inintelligibles.

AVIS:

Abnett poursuit sa série (louve) blanche sur des bases sensiblement similaires à celles posées dans ‘A Company of Wolves’, même si l’intrigue se montre un peu plus fouillée et complexe que lors des débuts de Ganz et Cie. Si la révélation de l’identité du responsable des malheurs du Margrave ne risque pas de surprendre grand-monde, on peut tout de même mettre au crédit de Dan Abnett l’inclusion d’une authentique et valable fausse piste dans sa nouvelle, ce qui, pour une soumission de 12 pages, est un accomplissement notable. Pour le reste, on se contentera d’un peu de character development pour nos vaillants chevaliers, qui gagnent deux nouvelles recrues dans ce second épisode, dont au moins une (Lowenhertz) semble tenir à cœur à l’auteur ; ainsi que quelques scènes d’actions très potables.  

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The Bretonnian Connection (Inferno! #13)- J. Wallis [WFB]:

INTRIGUE:

WFB_The Bretonnian ConnectionNous retrouvons l’homme qui tua Liberty Valance Frère Gilbertus (‘The Dead Among Us’), l’ex-marchand devenu Prêtre de Morr Dieter Brossmann, peu de temps après la conclusion de la première nouvelle dont il était le (sombre, taciturne et antisocial) héros. Alors que le temple dans lequel notre ecclésiastique est encore en réparation, et que le clergé survivant tente tant bien que mal de creuser des tombes dans la terre encore gelée du Morrspark, une nouvelle d’importance parvient à leurs oreilles rougies par le froid de ce début de printemps : la Comtesse Sophia d’Altdorf, représentante de Karl Franz auprès de la cour du Graf, et, accessoirement, femme séparée du Dauphin de Bretonnie, a été retrouvée morte dans ses appartements, et pas de causes naturelles. Sophia étant une figure populaire dans la Cité du Loup Blanc, les Prêtres se préparent à quelques jours d’intense activité, la populace de Middenheim se tournant en grand nombre vers les Croque-Morrs pour obtenir un réconfort spirituel dans cette période troublée.

Cette agitation ne concerne cependant que marginalement notre héros, que son nouveau supérieur, Père Ralf, envoie collecter un cadavre de mendiant dans un hospice de l’Altquartier au lieu de le mobiliser pour répondre aux atermoiements de la foule. Ceci est somme toute assez logique car Dieter déteste tout le monde, lui y compris, et manque donc de l’empathie nécessaire pour cette tâche. Nous suivons donc Didi alors qu’il se rend là où sa fonction l’appelle, en fredonnant sa chanson préférée. Sur place, il a la surprise de constater que le macchabée était connu de lui, du temps où il était un des marchands les plus en vue de Middenheim : c’est bien ce vieux Reinhold, homme à tout faire, et surtout les mauvais coups, qui gît raide comme une planche sur une des paillasses de l’hospice. Passée la vague nostalgie suscitée par cette découverte, Dieter se livre à un rapide examen du cadavre, et n’est pas long à découvrir que les causes de la mort sont loin d’être naturelles. Déterminé à démasquer le coupable du meurtre de son ancien sous-fifre, Brossmann repart de l’Altquartier à la recherche d’une certaine Louise, désignée par le propriétaire des lieux comme la bonne amie du défunt, et qui est la dernière personne avec laquelle Reinhold a été vu.

Une fois la donzelle localisée, Dieter apprend qu’un de ses vieux ennemis est de retour en ville, et certainement pas pour lui conter fleurette. Du temps où il était aux affaires, notre héros a en effet cru malin de piéger un concurrent potentiel, le marchand Claus Grubheimer, surnommé Grubworm, qui souhaitait ouvrir un comptoir d’herbes de Loren dans la cité. Sous ses abords bonnasses, Brossmann s’est arrangé pour faire trouver par la milice urbaine des substances illicites dans les quartiers du Middenheimer d’origine Bretonnienne (c’est important), provoquant sa disgrâce et sa fuite. On savait rire à l’époque. Reinhold ayant aidé Brossmann à réaliser ce tour pendable (littéralement, le recel de lotus noir étant puni de mort), il suppute fortement que le décès violent de son ex-associé implique Grubworm, et que ce dernier ne va pas tarder à lui rendre une visite de courtoisie. Une fois ces informations obtenues de Louise, qui, comme son nom l’indique, est également une Bretonnienne d’origine, le Prêtre repart vers le temple, où il compte bien réaliser une autopsie de la dépouille de Reinhold.

Ces nobles projets sont toutefois contrariés par le déplaisir manifeste du Père Ralf, qui trouve que l’empathie de son inférieur laisse singulièrement à désirer, et insiste donc pour le faire participer à la messe funèbre donnée en l’honneur de Sophia, en pénitence de sa froideur manifeste. Contraint par cet impondérable, et de plus en plus inquiet pour son intégrité physique, Dieter change de plan et s’en va se rencarder auprès d’une autre de ses vieilles et interlopes connaissance, le bien nommé Grizzly Bruno (Koala Bob était absent ce jour là), qui accepte d’envoyer un de ses hommes localiser Grubworm au bénéfice du Prêtre. Ceci fait, ce dernier retrouve Louise, qu’il a sèchement rabroué au cours de leur précédent échange, au moment même où elle s’apprêtait à lui donner une information importante. C’est ballot. Bien heureusement, Dieter est un crack, et parvient sans mal à connecter entre elles toutes les pièces du puzzle à la seconde tentative. Prenez note : c’est Reinhold, dont la connaissance des tunnels sous Middenheim et les compétences de crochetage rendaient très qualifié pour le job, qui a assassiné la Comtesse Sophia. Pourquoi ? Eh bien, il semblerait que ce mauvais garçon, ayant eu vent du retour de Grubworm et devinant que ses heures étaient comptées, ait agi pour tirer sa révérence de façon « glorieuse »1, tout en vengeant sa chère et tendre au passage, qui s’était faite lourdée sans ménagement par Sophia quelques années plus tôt. Des motifs très profonds, comme vous pouvez le voir. Ayant convaincu la « veuve » de Reinhold de lui remettre l’anneau de fiançailles de la Comtesse, dérobée par le coupe-gorge comme preuve de son crime et moyen pour lui de se faire une place dans l’histoire, Dieter repart dare dare vers le temple, où la messe doit commencer sous peu.

Les choses s’accélèrent à son arrivée sur place, trop tard pour prendre la sienne dans la cérémonie (au grand déplaisir de Père Ralf), mais pile au bon moment pour croiser Grubworm. Peu confiant en ses chances de sortir d’un vainqueur d’une confrontation avec sa Némésis (pour tabasser les Nécromanciens rachitiques, il y a du monde par contre), Dieter s’enfuit dans l’aile résidentielle du bâtiment, jusqu’à sa cellule où il trouve un sac de poudre de lotus noir placé bien en évidence. Comprenant que Grubworm cherche à lui refaire la bonne blague qu’il avait organisé à ses dépends quelques années plus tôt, notre héros se saisit de la bourse incriminante, et profite de l’arrivée impromptue d’un de ses collègues, Frère Jakob, pour lui refiler en douce le chichon. Bien lui en prend, car la paire se fait arrêter à la sortie du temple par une patrouille de miliciens, rencardés par Grubworm, comme Dieter s’y attendait. Notre héros va-t-il laisser son innocent coreligionnaire se faire alpaguer à sa place ? Que nenni. Tirant parti des tours de passe passe que Reinhold lui a enseigné, il fait mine de sortir l’anneau de la comtesse du pourpoint de son accusateur, en gueulant « OH MAIS REGARDEZ CE QU’IL A DANS LA POCHE-EUH » à la cantonnade. Cette preuve très incriminante, couplée aux origines Bretonniennes de Grubworm, placent ce dernier dans une situation des plus délicates, et entraînent une réaction malheureuse (surtout pour Jakob) de sa part : dégainant un couteau, il tente de se faire justice lui-même, mais c’est sans compter l’égoïsme patenté de Dieter, qui prend soin de placer son collègue dans la trajectoire. Bilan des courses : Grubworm se fait lui-même occire séance tenante par un quidam révolté (qui se trouve être le complice de Grizzly Bruno), Jakob passe du statut de Prêtre de Morr à celui de Prêtre mort (notez la subtile différence), mais Dieter a réussi à sauver sa tonsure, ce qui est bien tout ce qui lui importe. La guerre probable entre l’Empire et la Bretonnie causée par cet incident diplomatique n’est d’ailleurs que le cadet de ses soucis, tout comme le fait que, si on regarde bien, c’est lui le méchant de l’histoire. Que voulez-vous, le Vieux Monde est un endroit cruel…

1 : On a affaire au Mark David Chapman du Vieux Monde, ou en tout cas, à un sévère syndrome d’Erostrate.

AVIS:

James Wallis relève la barre (qui était déjà assez haute) de sa série consacrée à Dieter Brossmann, le Dexter de Middenheim, avec cet excellent ‘The Bretonnian Connection’. Le lecteur a droit à une transposition réussie du roman noir dans le monde de Warhammer, qui se révèle être naturellement assez glauque, injuste et immorale pour que cette adaptation fonctionne à plein régime. En plus de proposer un récit d’enquête tout à fait correct, cette nouvelle permet de placer le héros de Wallis sous un nouvel angle, dont il sort plus approfondi que grandi. Exit le Prêtre de Morr ayant adopté la chasuble pour pouvoir continuer ses investigations sur la disparition de sa femme et de son fils : Brossmann apparaît comme un authentique salopard, prêt à tout pour éliminer la concurrence et préserver sa précieuse personne. Malgré ces révélations peu ragoutantes, Wallis parvient à conserver un fond de sympathie dans son personnage, que le lecteur aura bien du mal à haïr en dépit du caractère trouble de son passé, son réseau et ses agissements. Intéressant à plus d’un titre, autant par la plongée dans le Middenheim profond et la géopolitique du Vieux Monde qu’il offre, que dans la mise en scène de personnages plus complexes que la moyenne (pour la Black Library), ‘The Bretonnian Connection’ est l’une des toutes meilleures soumissions de James Wallis, ainsi que l’une des tentatives les plus abouties de la BL en termes de récit policier (ce qui est un peu triste pour Warhammer Crime, mais bon).

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Voilà qui conclut ce premier numéro thématique d’Infernabulum! Je ne dirais pas qu’il en reste plein de là où il vient, mais j’ai assez de matériel pour poursuivre la série pendant quelques temps, donc à très bientôt pour une nouvelle plongée dans le monde (littéraire) qui fut.

DEATH ON THE PITCH : EXTRA TIME [BB]

Bonjour et bienvenue dans cette revue critique de ‘Death on the Pitch : Extra Time’, entreprise littéraire extra ordinaire pour l’auteur de ces lignes. C’est en effet la première fois que je traite d’un ouvrage de la Black Library entièrement consacré au noble sport du Blood Bowl. Pour ma défense, ce type d’opuscule n’a jamais constitué le cœur des publications de la maison d’édition de Nottingham, tout comme ce jeu de ballon (à pointes) n’a jamais été celui de Games Workshop. Toutefois, s’il est une qualité que Blood Bowl peut revendiquer, c’est le peu commun engouement qu’il a réussi à créer et à soutenir parmi sa communauté de joueurs et d’enthousiastes, ce qui a permis à ce jeu de négocier avec succès plusieurs traversées du désert, notamment entre ses troisième et quatrième éditions, séparées par un véritable gouffre de 26 ans. Aujourd’hui, la franchise semble mieux se porter que jamais, avec un suivi régulier de la part de la maison mère, plusieurs jeux vidéos à son actif, et une nouvelle version publiée en novembre 2020, et qui a donné lieu à la (re)sortie du présent ouvrage1.

Sommaire Death on the Pitch_Extra Time (BB)

« Qu’est-ce que Blood Bowl? » me demanderez-vous peut-être pour commencer. Eh bien, pour schématiser grossièrement, c’est une adaptation du football américain dans l’univers de Warhammer Fantasy Battle. On doit cette pastiche, devenue culte, au vénérable Jarvis Johnson, qui coucha les premières règles de ce jeu de plateau d’un style particulier sur l’astrogranit en 1987. Il convient ici de souligner que si Blood Bowl reprend les références, les races, les lieux et l’histoire de WFB, il ne s’intègre pas vraiment dans ce que l’on peut appeler la réalité canonique du Monde Qui Fut. En effet, les relations entre les différentes factions représentées à Blood Bowl ne furent jamais si cordiales qu’elles purent conclure de faire une trêve le temps d’organiser une ligue ou un tournoi (sans compter les difficultés logistiques inhérentes à un match entre des Hommes Lézards et des Nains du Chaos, par exemple). Ce qui a permis à la dimension parallèle de Blood Bowl de continuer à vivre alors que le Vieux Monde mit le pied en touche en 2015, comme chacun sait. Pour vivre heureux longtemps, vivons cachés? 

Nous retrouvons sur la feuille de match de cette copieuse anthologie (14 nouvelles, plus de 250 pages) beaucoup de têtes et plumes connues de l’amateur éclairé de la prose BLesque (Josh Reynolds, Gav Thorpe, Guy Haley, David Guymer, David Annandale2), ainsi que quelques spécialistes de la littérature sportive de la GW Fiction : Matt Forbeck (auteur de la quadrilogie ‘Blood Bowl‘), Andy Hall, dont toute la carrière pour la BL se résume aux deux nouvelles incluses dans cette anthologie, et Graeme Lyon, également double contributeur d’icelle. Enfin un trio de nouveaux auteurs (McNiven, Rath et Worley) viennent compléter ce rooster hétéroclite, mais que l’on espère tout de même qualitatif. Sera-ce le cas? Eh bien, il n’y a qu’une seule manière de s’en assurer…

1 : Comme le titre le laisse un peu deviner, ‘Death on the Pitch : Extra Time’ est une réédition de ‘Death on the Pitch‘, agrémenté de deux nouvelles supplémentaires : ‘The Freelancer’ et ‘Dismember the Titans’. La seconde ayant été initialement publiée dans ‘Inferno #3’ en 2019, la soumission de Robert Rath est techniquement la seule pure nouveauté que cette prolongation apporte à l’aficionado. La BL n’ayant pas retiré de la vente le premier recueil, qui est vendu le même prix que son successeur, il faut faire preuve de vigilance pour éviter de faire une mauvaise affaire en ligne…
2 : Pour ce qui est, sauf erreur de ma part, sa seule nouvelle liée à Warhammer Fantasy Battle. 

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Manglers Never Lose – J. Reynolds :

INTRIGUE :

Tyros Bundt, coach des Presque célèbres Middenplatz Manglers, et confronté à un problème de taille à quelques heures du début du match décisif de son équipe contre les Haakenstadt Screechers, dans les phases finales du Doom Bowl de Drachenstadt. Son joueur star, le Blitzer Marius Hertz, a en effet été retrouvé nu, violacé, en compagnie de deux pom-pom girls Elfes, et surtout, totalement et irrémédiablement mort, comme l’habile diagnostic du Doc Morgrim ne tarde pas à le confirmer. Après avoir passé quelques minutes à se bercer d’illusions sur une résurrection miraculeuse de son poulain, et constaté que beaucoup de personnes devaient lui en vouloir (4 types de poisons différents utilisés, tout de même1), Bundt passe en mode manager et charge Morgrim d’aller lui dégotter un Nécromancien raisonnablement capable et aux tarifs abordables, pendant que lui se chargera d’apporter le cadavre du Blitzer jusqu’au stade. En effet, l’effectif des Manglers a été sévèrement diminué au cours des premiers matchs du tournoi, et sans la présence de Marius au coup d’envoi, l’équipe devra déclarer forfait, ce qui est contre l’éthique sportive de Bundt et les traditions de l’institution. Après tout, Manglers never lose2 !

Après quelques péripéties (et un illustre caméo), le coach parvient à amener le cadavre flasque et plus vraiment étanche de Marius jusque dans les vestiaires gagnés de haute lutte par les Manglers contre l’adversité et les équipes rivales au début du Doom Bowl. Le temps que Morgrim arrive avec son spécialiste, Bundt a le temps de découvrir que son joueur a été soudoyé par le coach de l’équipe adverse, qui a de plus envoyé deux fans Orques rappeler au Blitzer qu’il compte sur lui pour ne pas opposer de résistance aux Screechers lors du prochain match. Résultat des courses : Marius écope d’une nouvelle blessure mortelle dans l’algarade, mais vu son état, cela ne s’avère guère dommageable. À toute chose, corruption est bonne ceci dit, car le pécule mal gagné du parjure permet à Bundt de s’attacher les services du Nécromancien de Morgrim3, qui ne paie pas de mine (les plumes de pigeon teintes en noir pour imiter le corbeau, ça fait cheap), mais parvient à transformer Marius en Zombie baveux mais docile à temps pour le début du match. Comme l’exige la tradition sportive, Bundt livre un discours enflammé à ses joueurs (vivants) avant qu’ils entrent sur l’astrogranit, ce qui permet de découvrir que Marius Hertz a été victime d’une véritable cabale de la part de ses coéquipiers, qui avaient (presque) tous une bonne raison de vouloir sa mort, pour des causes sportives (« il était trop perso »), morales (« il a déshonoré ma sœur, mes frères, mes cousins, leur chèvre… »), financières (« il m’a laissé son ardoise au bar ») ou personnelles (« il me fouettait avec sa serviette sous la douche »). Au moins, l’abcès est crevé. Dommage qu’il ait fallu que Marius le devienne également.

Il sera cependant temps plus tard de régler ses comptes et d’inculquer un peu d’éthique aux survivants (et de trouver un nouveau sponsor, le chevaleresque ‘Errance Magazine’ appréciant moyennement être représenté par un athlète mort vivant), car c’est désormais l’HEURE DU MAAAAAATCH ! Eh bien que la nouvelle se termine avant la fin du temps réglementaire, les choses semblent bien se passer pour les Manglers, qui peuvent compter sur la résistance écœurante de Marius pour scorer (touchdown sans bras et à cloche-pied, la grande classe), et sur les bons offices de Franco Fiducci pour relever les pertes à la mi-temps. Avec de tels atouts, ce serait malheureux que les Manglers ne fassent pas honneur à leur réputation de gagneurs !

1 : Sans compter le couteau retrouvé dans son estomac, que Morgrim n’a pas relevé dans son autopsie car, après tout, ce que font les humains avec la coutellerie et leur système digestif ne regarde qu’eux.
2 : Except when they do. Ce qui arrive finalement assez fréquemment.
3 : Un certain Franco Fiducci, déjà croisé par Erkhart Dubnitz dans la série de nouvelles consacrées par Reynolds au très saint et très violent Ordre de Manann.

AVIS :

Josh Reynolds nous sert une nouvelle comme il sait si bien les écrire et nous si bien les aimer : drolatique, érudite (les clins d’œil et easter eggs de vieux fluff parsèment le récit), bien construite et diablement rythmée. En plus de tout cela, on retrouve dans ce ‘Manglers Never Lose’ la figure familière et livide de Franco Fiducci, perdue de vue pour ma part au détour d’un ‘Hammer & Bolter’ il y a quelques années, ce qui fait de chouettes retrouvailles. Dans la droite ligne de l’impayable ‘Dead Man’s Party’, cette nouvelle est un carton plein qui vient rappeler à point nommé, et malheureusement à titre « posthume » (maintenant que Reynolds est parti voir ailleurs si l’encre était plus verte), que la BL a eu beaucoup de chance de compter Josh Reynolds parmi ses contributeurs.

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Fixed – R. McNiven :

FixedINTRIGUE :

Bien qu’il ait mené son équipe à la victoire contre une opposition farouche d’Hommes Lézards, Garr Greyg des Nordland Rangers a écopé d’une sale blessure à la cuisse pendant le match, victime d’un contact rugueux avec le Kroxigor adverse. Opéré contre son gré par le médecin des Rangers, l’alcoolique mais efficace Frisk, le meilleur Blitzer que le Nordland ait connu (it’s something) se remet doucement dans le calme dépouillé de son manoir, en attendant de pouvoir 1) participer à la finale contre les East End Boyz, pour une place en ligue majeure la saison prochaine, 2) trouver un moyen de rembourser ses dettes au Vampire Grizmund, qui lui a fait comprendre en des termes non incertains qu’il attendait que son dû lui soit payé avec impatience.

Veillé par son ogre à tout faire Nor, Garr reprend du poil de la bête, mais finit par se rendre compte que le doc a outrepassé ses prérogatives en lui greffant une jambe de Saurus à la place de son membre esquinté, ce qui lui pose plus des problèmes de style que physiologie, à la décharge de Frisk. Cette découverte sinistre est interrompue par la matérialisation près du lit du patient d’un individu louche et puant (mais qui est Bretonnien, ce qui suffit à justifier son accent étrange et sa drôle d’odeur, apparemment), se présentant comme Mister Squimper. L’impétrant fait une offre non-refusable à Garr : une convalescence rapide et complète, assortie d’une belle bourse de reikmarks, en échange d’un menu service lors du prochain match…

Comme on s’en doute, ce service consiste à s’assurer que les Rangers s’inclinent contre les peaux vertes, ce que le Blitzer s’emploie à faire de manière pas trop évidente. Malgré la mauvaise volonté, les deux mains gauches et les pieds carrés de leur joueur star, les humains parviennent cependant à faire jeu égal avec les East End Boyz de Krapnugg, et la partie va se jouer sur une ultime possession, alors que les deux équipes sont à égalité au tableau d’affichage. Alors que la balle atterrit dans ses bras, Garr va devoir prendre la décision la plus importante de sa vie…

Début spoiler…Qui consiste à jouer pour la gloire et la gagne plutôt que pour la vie et l’argent. C’est noble de sa part. Malgré la douleur insidieuse de son greffon, parasité par la magie néfaste de Mister Squimper qui regarde le match depuis les gradins, le Blitzer se fraie un chemin parmi les lignes adverses, évite le plaquage de Krapnugg, lui crève un œil pour faire bonne mesure, et envoie la passe victorieuse à un receveur de son équipe. Alors que le stade explose dans tous les sens du terme (les adversaires précédents des East End Boys ont eu la défaite mauvaise), Garr a la satisfaction finale de voir du coin de l’œil son fidèle Nor mettre la main sur Squimper, qui était en fait deux Prophètes Gris sous une toge. Le Rat Cornu, jamais réputé pour être très sports, ne sauve pas ses élus de la poigne de fer de l’Ogre domestique, qui fracasse le crâne des rongeurs truqueurs. Tout est bien qui finit bien donc (Garr pourra payer ses dettes grâce à la prime de victoire), si la foule ne piétine pas les joueurs à mort, s’entend…Fin spoiler

AVIS :

Robbie McNiven nous sert ce que l’on peut appeler une histoire classique de Blood Bowl avec cet aptement nommé ‘Fixed’ (truqué en français) : un joueur charismatique mais borderline, qui doit gérer des magouilles extra-sportives tout en mouillant tout de même le maillot sur le terrain. C’est honnête à défaut d’être follement excitant, mais l’impression d’ensemble reste pour ma part gâchée par deux points faibles de la prose de McNiven : un manque de clarté dans la description des passages sportifs pour commencer (au point que j’ai cru à un moment que le match se jouait avec deux balles, une par équipe), et aucune explication donnée pour justifier pourquoi l’énigmatique Mister Squimper a senti le besoin de se faire passer pour un humain dans cette histoire. Après tout, Blood Bowl est beaucoup plus tolérant et cosmopolite que Warhammer Fantasy Battle par nature : un Skaven n’a donc aucune véritable raison de se déguiser pour interagir avec des individus plus fréquentables que lui. Dommage dommage.

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Da Bank Job – A. Hall :

Da Bank JobINTRIGUE :

Les Kostos de Brobrag ont passé une première saison mémorable, mais pas pour les bonnes raisons. Incapables de remporter le moindre match, et généreux fournisseurs de séquences d’anthologie pour le bêtisier de la ligue, l’équipe ne semble pas promise à un grand avenir. Cependant, les mystérieux Ger et Bil, homme et gobelin d’affaires à l’air louche et aux intentions suspectes, ont des projets grandioses pour Brobrag et ses joueurs : une participation au Reikland Invitational pendant l’intersaison, avec à la clé un match d’anthologie contre les célèbres Reavers pour la meilleure équipe de la phase de poules. Non pas que les Kostos aient des chances de parvenir jusqu’à ce stade de la compétition, mais surtout pour couvrir le cambriolage de la salle des coffres de l’Oldbowl d’Altdorf par quelques complices pendant que le reste des peaux vertes fera de la figuration sur le terrain.

Si le plan avait l’air solide sur le papier, il ne tarde pas à devenir caduque, dans la plus pure tradition des stratégies taqueutiques et tequeuniques d’avant match. Bien que l’excentrique sorcier humain (Chanzeenmitt) que Ger & Bil ont intégré à l’équipe ait rempli sa part du marché en ouvrant un portail où se sont engouffrés Fingurs, le bloqueur Orque noir et solide bras droit de Brobrag, et une poignée de goons destinés à déclencher les pièges à congres qui jonchent le chemin de la salle des coffres, les Kostos ont la désagréable surprise de se retrouver opposés non pas aux inoffensifs Merrywald Chums, mais directement aux Reikland Reavers. C’est un match que les peaux vertes ne peuvent pas gagner, mais qu’ils peuvent au moins essayer de faire durer assez longtemps pour permettre à leurs complices de récupérer le butin.

Comme prévu, Fingurs finit par se retrouver seul après la mort tragique mais pas surprenante de ses sous fifres, et, guidé par la voix dans sa tête, fait main basse sur… un sifflet. Ce qui le lui coupe1. Lorsqu’il fait son retour sur le banc de l’Oldbowl, c’est la mi-temps et les Kostos sont menés 4-0, avec déjà quelques pertes à déplorer. Les quinze minutes de répit réglementaires sont cependant bien mis à profit par Andy Hall pour débrouiller son intrigue (Chanzeenmitt est en fait deux sorciers de Tzeentch fusionnés dans le même corps, et il(s) a/ont doublé Ger & Bil pour récupérer le mythique sifflet de Nuffle pour son compte), et par Brobrag pour retourner la situation à son avantage. Car il est dit que quiconque énonce un commandement de Nuffle et siffle dans son sifflet voit son énoncé réalisé. That’s the rules, stoopid. Un mage maigrelet et skizophrène ne faisant pas le poids contre un chef Orque en rogne, notre héros récupère facilement l’instrument convoité, et décrète que « c’est celui qui siffle qui gagne ». S’en suit une remontada digne de Barcelone en 2017, aussi inexplicable pour les commentateurs que pour les spectateurs et surtout les Reavers, et, surtout, la première victoire, certes volée mais pas imméritée, de Brobrag et de ses Boyz. Bien sûr, le sifflet attise les convoitises et déchaîne les passions, mais heureusement, le Boss a un endroit beaucoup plus sûr qu’un bête coffre pour conserver son bien mal acquis : l’estomac du Troll de l’équipe. Il fallait y panser.

1 : Le squeeg. Ceci est une blague de niche.

AVIS :

Andy Hall se disperse un peu trop à mon goût dans ce ‘Da Bank Job’, tant au niveau de l’intrigue (quel besoin d’impliquer un/deux sorcier.s de Tzeentch et un match de Blood Bowl dans une histoire de casse ?) que des personnages (à quoi servent Ger & Bil ?). Moins grave mais également handicapant pour sa nouvelle, il bâcle totalement la fin de cette dernière d’un point de vue stylistique, ce qui laisse une sale impression au lecteur au moment d’en terminer. On lui accordera tout de même quelques points pour le grand nombre de célébrités croisées dans ces quelques pages, depuis Jim Johnson et Bob Bifford jusqu’à Lord Borak, le Mighty Zug et Griff Oberwald, ainsi que pour un ajout fluffique notable à l’univers parallèle de Blood Bowl avec le surpuissant sifflet de Nuffle. Mais c’est à peu près tout et ça ne suffit pas pour faire de ‘Da Bank Job’ une réussite.

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The Hack Attack – M. Forbeck :

The Hack AttackINTRIGUE :

Les Pascal et Fontaine de Warhammer Fantasy Battle, Jim Johnson et Bob Bifford, animent une émission live de ‘Que sont ils devenus ?’, consacré à la légende des Bad Bay Hackers, Dirk Heldmann. Ayant déchaussé les crampons pour devenir coach en binôme de son ancienne équipe, Dirk se plie de plus ou moins bonne grâce au petit jeu de la nostalgie (son frère Dunk, sa belle-sœur Spinne Schönheit, M’Grash K’Thragsh, Edgar l’Homme Arbre…) et de la commémoration de sa période active. Bien évidemment, il est question du match contre les Chaos All-Stars de Serby Triomphe, où le sort de l’Empire s’est joué. L’interview se termine de façon assez brutale par…

Début spoiler…Le meurtre de Bob Bifford par Dirk Heldmann, après que sa petite amie Lästiges Weibchen, journaliste de terrain virée par le duo infernal pour incompétence caractérisée, lui ait envoyé une balle de Blood Bowl contenant un pieux, qu’il plante dans le torse de l’ogre retraité. Apparemment pour lui piquer sa place de présentateur. La nouvelle s’arrête et la pub se déclenche alors que Jim Johnson semble sur le point de subir le même sort que son comparse. La fin d’une époque. FinFin spoiler

AVIS :

Il n’y a que deux choses à retenir de cette très courte nouvelle (9 pages) de Matt Forbeck. Primo, il s’agit de la conclusion de sa quadrilogie de romans Blood Bowl consacrés aux Bad Bay Hackers et aux frères Heldmann. Si certains auteurs plus doués que la moyenne parviennent sans mal à tourner leurs propos de telle manière que même un novice complet puisse comprendre et apprécier de quoi il en retourne lorsqu’il traite d’une série bien établie, avec de nombreux personnages ayant vécu des aventures variées et entretenant des rapports complexes les uns par rapport aux autres (Dan Abnett fait ça très bien dans ‘Les Fantômes de Gaunt’ par exemple), Forbeck ne s’est pas donné cette peine ici. Pour être honnête, n’ayant pas lu les romans en question, j’ai compris que quelque chose clochait à la moitié de l’histoire et à l’évocation du dixième personnage nommé en cinq pages, ce qui est un ratio peu commun. Et effectivement, une lecture du résumé de l’anthologie ‘Blood Bowl’ permet de comprendre que Matt Forbeck a un historique conséquent avec les frangins Dirk et Dunk. Dommage qu’il se montre si « exclusif » dans son approche de ‘The Hack Attack’ car reconnaissons-le : les souvenirs émus et les histoires de couple/fesse de Dirk Heldmann n’intéressent pas grand-monde  mis à part la poignée de fans transis de ce dernier.

Secundo, la fin de cette nouvelle, si elle a le mérite de surprendre le lecteur, m’a semblé relever du crime de lèse-majesté concernant deux personnalités aussi centrales et vénérables de Blood Bowl que le duo Bifford & Johnson. À moins que Forbeck ait créé ce dernier (ce qui est possible, mais me semble incertain au vu de l’ancienneté des illustrations du regretté Wayne England), quel droit avait-il de siffler la fin de leur match, et de manière si cavalière qui plus est ? Les personnages nommés de Warhammer Fantasy Battle eurent droit à un requiem digne de ce nom avec The End Times en 2015, ceux de Blood Bowl devront se contenter de ‘The Hack Attack’ deux ans plus tard. Assez indigne, tant sur le fond que sur la forme.

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Mazlocke’s Cantrip of Superior Substitution – G. Lyon :

Mazlocke's Cantrip of Superior SubstitutionINTRIGUE :

Le Light’s Hope Stadium de Talabheim accueille un match de ligue mineure entre les presque redoutables Talabheim Titans et les positivement nuls Black Water Boyz. Tellement nuls d’ailleurs que leur coach, Borgut, a résolu de tenter le tout pour le tout pour arracher la victoire, et a placé ses dernières économies entre les mains d’un sorcier non homologué, Mazlocke. Ce dernier maîtrise en effet un sort au nom aussi compliqué (Cantrip of Superior Substitution) que ses effets sont spectaculaires : remplacer les plots verts de l’équipe visiteuse par des légendes de Blood Bowl, le temps d’un match. Sur le papier, le plan est brillant, mais comme vous vous en doutez, les choses ne vont pas se passer de manière optimale.

Il est temps pour nous de faire la connaissance des rivaux des Black Water Boyz, et en particulier du receveur Johann Walsh et du blitzer Kurt Grafstein. Ils partagent tous deux le statut de joueur vedette de leur équipe, mais là où Johann est gentil et serviable (il est même copain avec l’Ogre de l’équipe, Ghurg, c’est dire s’il est cool), Kurt se la pète méchamment et drague lourdement/harcèle sexuellement la pom pom girl Juliana, qui est également un personnage important. Pour le moment, contentons-nous de dire qu’elle préférerait pratiquer sa passion sur l’astrogranit plutôt que de se déhancher devant des hordes de fans mal dégrossis, mais la nature patriarcale de l’Empire l’a contrainte de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Enfin, dans les gradins du stade, le fan #1 de Kurt Grafstein, Gerhardt Mannheim, est venu assister à la rencontre comme à chacune de celles des Talabheim Titans. Gerhardt est l’incarnation du fan de sport aussi incollable en historique et statistiques qu’incapable de courir 50 mètres sans cracher ses poumons ni de monter un escalier sans passer au rouge vif. La passion qu’il voue à Grafstein, qui a son âge et vient du même village que lui, est une sorte d’amour jaloux flirtant avec le malsain, et totalement à sens unique, son idole n’ayant jugé bon de répondre aux douzaines de lettres enthousiastes qu’il lui a envoyées.

Si cette exposition détaillée de la galerie de personnages a été nécessaire, c’est que le sort de Mazlocke va se solder par un demi-échec, et permuter les personnalités et les corps de certains des individus présents au Light’s Hope Stadium. Ainsi, Johann se retrouve à devoir jouer du pom-pom le long du virage nord, tandis que Juliana réalise son rêve de jouer un match de Blood Bowl en étant propulsée receveur des Titans. Bien entendu, Kurt et Gerhardt forment un autre couple d’inversion, ce qui leur permet de découvrir que la vie d’un fan/blitzer n’est pas de tout repos. Enfin, le receveur Gobelin (c’est son vrai nom) des Black Water Boyz a la chance d’être catapulté aux manettes de l’imposant châssis de l’Ogre Ghurg (et vice-versa), ce qui va lui permettre de se venger dans le sang et la violence des brimades et mauvais traitements que lui ont fait subir le reste de l’équipe depuis des années. Un comportement presque normal de la part de Ghurg, si on réfléchit, et qui n’attire donc pas l’œil de Jim Bifford et Bob Johnson en tribunes (qui ont leur propres problèmes, comme le lecteur avisé l’aura reconnu).

Comme on peut s’en douter, les effets du cantrip de Mazlocke, qui a essayé de partir avec la caisse mais s’est téléporté dans les gradins du stade au lieu de partir en Bretonnie comme il l’escomptait (c’est ça aussi de s’auto-former), mettent un beau boxon sur le terrain. Lorsqu’un mage assermenté parvient enfin à remettre chaque chose et conscience à sa place, tous nos personnages en auront été quitte pour une expérience marquante, aussi bien au sens intellectuel que physique du terme. Ainsi, Juliana, qui a réussi à marquer un beau touchdown en solo, se fait signer par la coach d’une équipe Amazone, tandis que Johann devient un ally de la lutte contre le sexisme ordinaire. Kurt et Gerhardt finissent voisins de lit à l’hôpital, en grande partie à cause de Gobelin et Ghurg, le second ayant négligemment balancé le premier dans la foule, avec une retombée funeste sur le fan ventripotent (Kurt ayant pour sa part été projeté dans les gradins par un Orque taquin). La leçon du jour est la suivante : tant qu’à tricher, autant se faire épauler par des professionnels capables de garantir des résultats de qualité plutôt que de s’appuyer sur des amateurs incompétents. Non mais.

AVIS :

Graeme Lyon signe avec ‘Mazlocke’s Cantrip of Superior Substitution’ une nouvelle marquante, et pas seulement grâce à son titre extravagant (même s’il faut reconnaître que cela joue, et que le catalogue de la BL compte quelques challengers). L’intrigue mise en place par l’auteur nécessitait une construction rigoureuse, pour ne pas perdre le lecteur entre les péripéties vécues par les 3 « couples » (4 si on inclue le transfert entre Jim Johnson et Bob Bifford dans la loge des commentateurs), qui s’entremêlent les unes aux autres jusqu’au dénouement final, et Lyon s’en sort très bien je trouve. J’ai également apprécié l’intégration d’éléments additionnels à une nouvelle de Blood Bowl classique, comme les réflexions féministes de l’arc Johana, et la figure du fan transi/névrosé via Gerhardt Mannheim. Bref, le résultat est se montre à la hauteur des ambitions poursuivies par l’auteur de cette opérette sportive, et mérite certainement la lecture par les amateurs de littérature Blood Bowl.

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Pride and Penitence – A. Worley :

Pride and PenitenceINTRIGUE :

Les Bright Crusaders, l’équipe la plus fair play qui soit (un cruel désavantage à Blood Bowl, il faut le reconnaître), disputent la finale de la Purity Cup contre les Doomtown Rats, et la mi-temps vient de sonner. De retour au vestiaire avec un avantage au tableau d’affichage, mais trois joueurs passés ad patres du fait du Rat Ogre de l’équipe adverse, les Crusaders doivent mettre au point une stratégie robuste pour espérer conserver leur avance jusqu’à la fin du match. Bien que techniquement plus doués que leurs adversaires du jour, la férocité de Skrut Manpeeler, la vitesse des coureurs d’égouts et la supériorité numérique des ratons sont autant de désavantages que le coach Dolph ‘Le Saint’ Gutmann essaie de gommer dans sa causerie de mi-match. Comme si cela ne suffisait pas, le joueur star de l’équipe, Gerhardt le Pénitent, est pris d’une nouvelle crise expiatoire, comme cela lui est arrivé à de nombreuses reprises au cours de la saison. Ex-flagellant puritain et masochiste, Gerhardt est un blitzer d’un talent et d’une endurance rares, quelque peu diminués par sa tendance à se punir de manière extrême dès que son sens aigu de la justice lui indique que son adversaire a souffert d’un handicap injuste. Cela l’a ainsi amené à s’immoler, s’enterrer, tenter de se casser les membres, ou encore vouloir jouer sans protection, comme il insiste pour le faire après avoir entendu Gutmann avancer que la supériorité technique des huit Crusaders survivants leur donnait un avantage sur les Skavens d’en face.

Fort heureusement pour ses coéquipiers, ils peuvent faire appel au sens moral hypertrophié de Gerhardt pour lui faire entendre raison, en lui rappelant qu’ils doivent à tout prix remporter la Purity Cup pour pouvoir éponger les dettes de Sœur Bertilda et de ses orphelins, qui ont écrit de nombreuses lettres touchantes et pathétiques au Pénitent au cours de la saison. Ce dernier accepte donc avec regret de se rhabiller pour cette fois, mais fait promettre aux Crusaders de l’accompagner dans une séance de pénitence de son choix une fois le match gagné, ce qu’ils acceptent sans rechigner.

Une fois les choses remises en ordre et la coquille de Gerhardt en place, la deuxième mi-temps peut commencer, et le lecteur voir le blitzer prodigue en action. Et il faut bien reconnaître qu’il fait honneur à sa réputation altruiste (en prenant un rocher envoyé par un fan taquin à la place d’un coéquipier) et sportive (en corrigeant bellement Skrut Manpeeler en un contre un), ce qui n’empêche pas les Crusaders d’encaisser le touchdown qui ramène les deux équipes à égalité. Dès lors, la tactique du coach Gutmann consiste à tenir la balle en espérant un miracle, schéma tactique dans lequel Gerhardt doit se contenter d’occuper le plus de joueurs adverses possibles, ce qu’il fait parfaitement en se colletinant trois trois quarts Skavens. C’est alors que deux Crusaders parviennent à passer la ligne d’avantage et à foncer vers l’en but adverse, où les attend toutefois un Skrut revanchard et très énervé. Dur dilemme moral pour Gerhardt, piétiné dans la boue par ses adversaires : s’en tenir au plan de jeu ou voler aux secours de ses partenaires ?

C’est finalement pour la deuxième option que se décide notre héros, qui échappe à ses tortionnaires en se glissant hors de son armure et finit donc par jouer à poil, comme il le souhaitait. Ce manque d’équipement ne réduit en rien son talent, puisqu’il parvient à décocher un coup de boule tellement parfait à Skrut que ce dernier finit dans les tribunes, sort peu enviable pour un joueur de Blood Bowl, comme chacun le sait. La partie se termine sur le score de 3 à 2, faisant des Bright Crusaders les récipiendaires de la Purity Cup, et permettant à l’orphelinat de Sœur Bertilda d’être sauvé de la destruction. D’ailleurs, la grâcieuse créature a fait le déplacement avec ses protégés, et c’est vers eux que Gerhardt se précipite lorsque le coup de sifflet final retentit dans le stade…

Début spoiler…Seulement pour découvrir que Bertilda était en fait l’assistant du coach déguisé en religieuse (paire de navets à l’appui), et les orphelins une troupe d’intermittents du spectacle Gobelins, qui profitent de l’occasion pour aller tabasser le pauvre Skrut à coups de béquille, obéissant à la nature profonde des enfants humains et des peaux vertes. Cette ruse, indigne des Crusaders, était le seul moyen trouvé par Dolph Gutmann pour canaliser son joueur, qui tombe des nues devant ce stratagème honteusement filou. Beau jeu jusqu’au bout, Gutmann et les Crusaders se tiennent prêts à abandonner la victoire au profit de leurs adversaires en contrition de leur péché de mensonge, mais Gerhardt ne l’entend pas de cette oreille : la Purity Cup a été remportée sans tricher et revient donc de droit aux Bright Crusaders. Il sera bien temps plus tard d’expier cette faute collective lors de la séance de pénitence à laquelle ses camarades ont accepté un peu vite de se plier…

Et en effet, la nouvelle se termine par l’interview de Gutmann par une journaliste Halfling, alors que le coach et son équipe (y compris Gerhardt) sont enterrés jusqu’au cou dans la pelouse du stade, pour une durée d’un mois. Un temps nécessaire pour songer à leur faute morale, et qui ne leur sera peut-être pas fatal à tous, car le Pénitent a permis à l’assistant du coach de venir nourrir et faire boire les joueurs pendant leur retraite spirituelle. Il faudra cependant se méfier du jardinier aveugle et alcoolique lorsqu’il passera la tondeuse…Fin spoiler

AVIS :

Alec Worley capte parfaitement l’ambiance délurée propre à Blood Bowl dans cette nouvelle posant une des questions les plus intéressantes de cette franchise en prémisse de son intrigue : « et si une équipe tenait absolument à jouer sans tricher ? ». Les Bright Crusaders et leur parangon de vertu mortificatrice Gerhardt le Pénitent, répondent à cette interrogation, sans doute purement rhétorique avant ‘Pride and Penitence’ de façon aussi convaincante que distrayante, faisant de cette nouvelle une vraie réussite et un must read pour les aficionados de Blood Bowl.

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The Skeleton Key – D. Annandale :

The Skeleton KeyINTRIGUE :

Quittons un instant l’astrogranit pour nous intéresser à une variante populaire du Blood Bowl, le Dungeon Bowl. Si les règles sont à peu près les mêmes, et la violence tout aussi répandue que dans le jeu de base, le Dungeon Bowl a la particularité de se jouer, le croirez-vous, dans un donjon. Deux équipes de six joueurs doivent explorer ce terrain peu banal à la recherche de la balle, cachée dans un des coffres répartis dans les salles du labyrinthe, puis l’apporter dans l’en-but adverse, qui doit également être découvert. Variante oblige, la victoire appartient à la première équipe à marquer un touchdown, c’est donc un système à mort subite qui est utilisé ici. Voilà pour les présentations.

Le match que nous allons suivre oppose les honorables Bright Crusaders aux vénérables Champions of Death, menés par l’authentiquement réac Ramtut the Third (à ne pas confondre avec son avorton de frangin, Ramthit the Turd). C’est bien simple, rien de ce qui est moderne – c’est-à-dire à moins de deux mille ans – ne trouve grâce aux yeux desséchés du Fat des Tombes, et c’est d’ailleurs à se demander ce qui l’a convaincu de participer à cet événement, où lui et ses squelettes occupent le rôle des monstres opposés aux héroïques et vertueux Crusaders. Il ne s’en doute pas, mais il n’est pas le seul à désirer la défaite de ces derniers : une bande de Gobelins fans de Da Deff Skwad, la dernière équipe battue par nos paloufs, est bien décidée à venger ses idoles et à se faire un paquet de blé au passage, en forçant les Bright Crusaders à tricher contre leur gré, ce qui serait du jamais vu dans l’histoire de la franchise (et offre donc une côte intéressante chez les bookmakers). Comme toujours avec les Gobelins, le plan est aussi retors que vicieux, et consiste donc à installer des faux coffres explosifs à proximité de la zone de départ des Crusaders… pour les ralentir j’imagine ? Ayant graissé la patte d’un arbitre Halfling corruptible, les conspirateurs ont accès au donjon quelques minutes avant le coup d’envoi début des hostilités, et se mettent à pied d’œuvre sans traîner.

La partie en elle-même se déroule de façon assez confuse, principalement à travers les bandelettes de Ramtut. Ce dernier perd tous ses squelettes dans les premières minutes du match, victimes de collisions frontales avec les Crusaders ou de pièges explosifs, mais parvient tout de même à se saisir de la balle… plusieurs fois de suite. Car la fâcheuse tendance de cette dernière de tomber dans la lave hache un peu le jeu, même si les organisateurs ont la bonne idée de remettre un ballon sur le terrain dès que le besoin s’en fait sentir. De leur côté, les humains perdent également des joueurs à un rythme soutenu, et parfois de façon complètement ridicule1, jusqu’à ce que le match vire à la catastrophe à la suite d’un trop grand afflux de Squelettes dans les téléporteurs (la règle stipule que les équipes commencent avec six joueurs, pas qu’elles ne peuvent pas en recevoir davantage en cours de jeu). Pris dans un geyser de magie brute, Ramtut et Sternright, le capitaine des Crusaders, sont aspirés dans un autre monde, et surtout, dans une autre époque. Une époque futuriste et puissamment grimdark, if you see what I mean. Tellement grimdark d’ailleurs qu’ils emportent avec eux un Hormagaunt sur le chemin du retour, qui leur subtilise la balle et remonte tout le donjon pour aller marquer un touchdown. Pour qui ? Mystère…

Le cataclysme magique ayant fragilisé la structure du stade, le terrain commence à disparaître dans la lave, ce qui pose problème à tout le monde… sauf à Ramtut, qui saute dans le magma la balle en main pour aller marquer l’essai de la victoire au nez et à la barbe des deux derniers Bright Crusaders. Car dans la dimension parallèle de Blood Bowl, les momies ne sont pas inflammables, qu’on se le dise. Cette issue défavorable n’atteint toutefois pas à l’honneur des Crusaders, toutes les manigances gobelines pour les pousser à la faute et à la triche ayant échoué les unes après les autres. Victoire sportive pour les uns, victoire morale pour les autres : tout le monde est content !

1 : Mention spéciale à Guy Gallant, qui se fait berner par un Gobelin sur échasse déguisée en demoiselle en détresse (véridique), et qui tombe dans le magma de manière très Looney Tunesque.

AVIS :

David Annandale voulait indubitablement bien faire en mettant en scène une partie de Dungeon Bowl mettant aux prises deux équipes bien connues des fans, mais la mise en scène pêche malheureusement trop pour que l’on puisse qualifier ‘The Skeleton Key’ (titre qui m’échappe je dois le reconnaître, car il n’y a aucun passe-partout dans la nouvelle, et le jeu de mots avec « squelette » me semble tiré par les cheveux) de réussite. Dès lors que les choses sérieuses commencent, l’avalanche de règles spéciales propres à ce format, et davantage complexifiées par les manigances des Gobelins mauvais perdants, viennent brouiller l’intrigue jusqu’à ce qu’on ne distingue plus que des joueurs courant de salle en salle, parfois avec la balle, parfois non, en évitant les flaques de lave (et parfois non), sans aucune logique ni stratégie. Annandale convoque également une belle galerie de personnages, sans que la plupart ne joue vraiment un rôle important dans l’histoire, seul Ramtut faisant office de véritable protagoniste. Tout cela ajoute encore à l’impression de foire d’empoigne échevelée et par moment incohérente qui se dégage de ce récit, ce qui n’est pas un compliment, même pour une nouvelle de Blood Bowl. On peut noter au passage que David Annandale réussit à caser du 40K même dans sa seule (à ma connaissance) contribution à la BL se déroulant dans l’univers de WFB, ce que l’on peut considérer comme un clin d’œil appuyé ou une dépendance incurable, selon la perspective. En tout état de cause, ‘The Skeleton Key’ ne joue pas dans la première division du corpus de Blood Bowl. Triste, mais pas vraiment surprenant, si ?

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Scrape to Glory – G. Thorpe :

Scrape to VictoryINTRIGUE :

Joueur du dimanche de Blood Bowl au sein des parfaitement nommés Crookback Cretins, le Skaven Kikkit a toutefois attiré l’œil des recruteurs des célèbres Skavenblight Scramblers, qui l’ont convié à une session d’essai de présaison à la condition qu’il batte le record du nombre d’adversaires blessés alors qu’ils étaient au sol de la ligue SCABB. Avec 42 unités au compteur et un match à jouer contre les redoutables Morglum’s Marauders, Kikkit n’a qu’un coup bas à assener pour rat-ffler la mise et s’ouvrir les portes d’une carrière professionnelle, loin de sa vie misérable et industrieuse de Rats des Clans passant ses journées à limer des engrenages pour les ateliers du clan Skryre. Un nouveau départ lui permettrait également de laisser derrière lui les dettes accumulées auprès de maîtres des bêtes peu commodes du clan Moulder, qui lui réclament la coquette somme de 50.000 couronnes d’or pour passer l’éponge. Bref, la motivation est à bloc pour cette ultime rencontre, et pas seulement parce qu’une défaite condamnerait les Cretins de l’Alpe à être sacrifiés au Rat Cornu, comme le trio de Prophètes Gris qui sponsorisent l’équipe le soulignent clairement dans leur causerie d’avant match.

La chance sourit aux ratons cependant, car ce ne sont pas les terribles Marauders Orques qui se présentent dans le stade de Crookback Mountain, mais leurs adversaires malheureux des demi-finales, les nettement moins impressionnants Tinklebrook Trotters, qui se trouvent être des Halflings. Tout à fait confiant dans l’issue de ce match, Kikkit s’explique avant les hymnes pour aller parier toutes ses économies chez un bookmaker Gobelin de sa connaissance, qui lui fait une cote pas encore mise à jour et donc diablement lucrative. Après tout, quand on ne peut pas investir dans le Bitcoin, on fait du profit comme on peut. Ceci fait, notre héros à moustaches retourne dare-dare au stade pour prendre sa place sur le pré. Il alors la mauvaise surprise de constater que les Halflings se sont fait accompagner par deux Hommes Arbres, qui fermaient la colonne des visiteurs du fait de leur train de sénateurs, et qu’il n’a donc pas vu avant de partir placer son magot. Voilà qui rat-joute un peu de suspense.

Le match s’engage et s’avère assez disputé, les grandes baffes épineuses distribuées les frères Tronc (Georges et Mega) et la consommation de substances énergisantes des petits gloutons empêchant les Cretins de prendre le large, et à Kikkit de faire une dernière victime. Au terme du temps réglementaire, le score est de trois partout, ce qui mène logiquement aux traditionnelles prolongations en mort subite. Par un curieux hasard dont Nuffle est sans aucun doute responsable, Kikkit se retrouve dans une position délicate, où il doit choisir de faire un bloc qui permettra sans aucun doute à son équipe de marquer le touchdown de la victoire, ou d’aller maraver la goule d’un Halfling sonné à proximité de la zone d’en but des Trotters. N’écoutant que son intérêt propre, en bon Skaven qu’il est, notre héros choisit évidemment la seconde option, et pique son meilleur sprint à travers la défense adverse pour aller jeanclaudevandamiser la mâchoire de l’avorton vulnérable. Un choix doublement récompensé, car en plus de porter son total de victimes à 43, Kikkit marque également le point décisif de la partie, s’étant débrouillé pour emporter avec lui la balle crevée sur une des piques de son épaulière, après qu’il « par mégarde » tacler son lanceur pour éviter que le match ne s’arrête trop tôt. Et c’est sur cette victoire sur tous les tableaux que se termine notre histoire, qui finit scandaleusement bien pour une nouvelle de Skavens, si vous voulez mon avis.

AVIS :

Gav Thorpe se frotte aux Hommes Rats de Warhammer Fantasy Battle (pas une de ses factions de cœur pour cette franchise) et signe une petite nouvelle qui se place dans la moyennement très légèrement haute du genre. C’est raisonnablement drôle, le fluff Skavens (et Halflings !) est respecté, et on retrouve l’ambiance propre au Blood Bowl, sans que l’intrigue soit particulièrement fouillée, la mise en scène impeccable ou le background significativement enrichi. Le seul petit reproche que je pourrais faire à ‘Scrape to Victory’ est, comme dit ci-dessus, son absence de ratage final, tant il est vrai que les séides du Rat Cornu sont célèbres pour arracher la catastrophe des griffes du triomphe avec une constance remarquable. Outre ce manquement de ca-rat-ctérisation, je n’ai rien à dire de cette histoire, qui se laisse tout à fait lire.

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Doc Morgrim’s Vow – J. Reynolds :

Doc Morgrim's VowINTRIGUE :

Les Middenplatz Manglers ont accumulé les victoires depuis la mort tragique mais finalement bénéfique de leur Blitzer vedette (‘Manglers Never Lose’), et sont maintenant à la recherche de nouvelles opportunités de briller. Malgré les protestations répétées de leur apothicaire, le solide Morgrim Ironbane, le coach Tyros Bundt a accepté l’invitation qui lui a été faite de prendre part au Tournoi des Cent Malheurs, organisé dans la forteresse de Karaz Ankor. Gagner un match contre les redoutables, mais isolés, Dragon’s Hold Drakeslayers, permettrait aux Manglers de mettre la main sur l’Angry Dragon Cup, un trophée légendaire au sein de la communauté des fans. Dans le dirigeable Makaisson & Sons qui les emmène en Norsca, les Manglers discutent le bout de gras, Bundt et Franco Fiducci (le Nécromancien qui fait tenir en un morceau les deux tiers de l’équipe) essayant de découvrir pourquoi le Doc Morgrim se montre si récalcitrant à revenir dans sa cité natale, en vain.

La réponse se fait jour lorsque les visiteurs sont accueillis par une escouade d’Arquebusiers, et placés sous bonne garde le temps qu’un notable vienne leur rendre visite. Ce notable, c’est le Thane Thunor Thunorsson, figure importante de Karaz Ankor, coach des Drakeslayers, et accessoirement, père de Hrulda Thunorsdottir, capitaine de l’équipe, Tueuse de Trolls et… fiancée de Morgrim. On apprend ainsi que ce dernier s’est éclipsé sournoisement alors qu’il avait déjà échangé ses vœux avec Hrulda, préférant le deshonneur et l’errance au conservatisme rigide du Dragon’s Hold. En plus, c’était le seul moyen pour lui de jouer au Blood Bowl, sa passion, dans des conditions normales, l’équipe et le stade locaux étant très particuliers, comme nous allons le voir. Bien entendu, ce camouflet n’a pas été bien perçu par sa promise et sa lignée, et c’est donc assez naturellement que Morgrim se prend un bourre pif bien mérité de la part de Hrulda pour arriérés de paiement. Bien que Thunor souhaite enfin marier les deux tourtereaux, de force s’il le faut, pour restaurer son honneur, Morgrim parvient à négocier une échappatoire : si les Manglers gagnent le match, il sera libre de partir. Si les Drakeslayers restent invaincus, il épousera Hrulda. Les choses étant clarifiées et les parties en présence d’accord sur les termes, il est temps de passer aux choses sérieuses.

Le match se déroule selon les règles du Dungeon Bowl, un peu adaptées par les locaux. Foin de coffres explosifs ici, mais des monstres errants et des pièges mortels en tout genre, et un terrain en trois dimensions puisque placé à flanc de montagne. Morgrim apprend d’ailleurs à ses acolytes que la tactique préférée des Drakeslayers est de partir en PvE (tous leurs joueurs sont des Tueurs), et d’attendre que leurs adversaires se fassent tuer, plutôt que de chercher à jouer la balle. Une vraie approche naine, qui fait chaud au cœur. Fort heureusement, la forte teneur en morts vivants des Manglers leur donne une résistance accrue qui s’avère précieuse, et Marius Hertz, leur Blitzer vedette, est en grande forme. C’est d’ailleurs lui qui marque le touchdown de la victoire, après avoir arraché la balle de l’œsophage d’un Drake qui passait dans le coin, et s’était mis à harceler la pauvre Hrulda (galamment secourue par Morgrim, contre toutes les règles du Dungeon Bowl, ceci dit). Tout est bien qui finit bien donc, le Doc réalisant même que son ancienne fiancée ne lui en veut pas tant que ça, en fait. Ca aurait été des Elfes, on aurait eu le droit à un baiser langoureux en tomber de rideau, mais les Nains sont heureusement plus dignes, et Hrulda se contente de péter le pif de son sauveur pour intervention illicite, en tout bien tout honneur évidemment. Il y a des signes qui ne trompent pas…

AVIS :

Josh Reynolds poursuit sa saga Manglers avec la suite logique de ‘Manglers Never Lose’, qu’il n’est même pas nécessaire d’avoir lu pour comprendre de quoi il en retourne ici, l’auteur prenant la peine de bien contextualiser cette nouvelle, en vrai gentleman. L’accent a été ici mis sur l’intrigue plus que sur l’ambiance, ce qui fait de ‘Doc Morgrim’s Vow’ un bon contrepoint à l’épisode précédent : l’un est plus drôle, l’autre plus étoffé, mais les deux sont d’un très bon niveau, et Reynolds distille assez de punchlines (mention spéciale au dialogue portant sur la neige biologique et artisanale de Karaz Ankor) pour que le lecteur ne se sente pas dans une classique histoire de WFB… même si les ajouts fluffiques de cet incorrigible Josh Reynolds donnent vraiment envie de prendre cette historiette au sérieux. Encore un essai transformé pour l’auteur, qui honore ici sa réputation bien méritée de star writer de la BL.

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A Last Sniff of Glory – D. Guymer :

A Last Sniff at GloryINTRIGUE :

Red Claw” Rurrk est une légende du Blood Bowl Skaven. Blitzer vedette des célèbres Skavenblight Scramblers, il a été de tous les succès notables de l’équipe, comme ce match de légende contre le Princedom of Pain, à Erengrad. La première défaite en trois siècles pour le Prince Amaranth l’Inviolé, un qualificatif pas vraiment mérité au vu du score final… Enfin, ça, c’était il y a sept ans, bien longtemps pour un Skaven. Rurrk se fait bien vieux aujourd’hui, et n’a plus la forme d’antan, comme son match catastrophique contre les Mootland Raiders en début de saison l’a démontré. Lent, ankylosé, courbaturé et à moitié aveugle, il ne lui reste plus guère que son vice naturel, son expérience prodigieuse et sa consommation effrénée de malepierre pour faire illusion. L’heure de la retraite, ou l’équivalent pour les Skavens, a sonné depuis longtemps pour le vénérable champion, mais ce dernier s’est fixé un dernier objectif avant de raccrocher (ou plutôt, d’enterrer) son iconique griffe rouge : participer à l’Eight Point Star Cup à Drakenhof, afin de pouvoir affronter une nouvelle fois Amaranth.

Il lui faut pour cela convaincre le nouveau coach des Scramblers, le Prophète Gris Razzel, de lui laisser une place sur la feuille de match, ce qui est loin d’être évident. Rurrk est cependant prêt à tous les sacrifices (y compris ceux des membres de son équipe) pour revenir dans les bonnes grâces du sélectionneur, et parvient à ses fins après avoir massacré deux coéquipiers au cours d’un match d’entraînement, et menacé de faire subir le même sort au Rat Ogre de l’équipe. Il n’y a guère que le Coureur d’Egout Silkpaw qui se trouve à l’abri de la rivalité « amicale » du vétéran, leurs styles de jeu étant diamétralement opposés, ce qui préserve le jeunot des tacles appuyés de Rurrk. Soucieux d’éviter une hécatombe pré-tournoi, Razzel finit donc par accepter la requête du Blitzer, ce qui promet des retrouvailles touchantes avec le Princedom of Pain…

Début spoiler…Et en effet, les fans en délire assistent à un match dans le match entre les deux rivaux, qui se tabassent avec entrain au milieu du terrain pendant que leurs équipes respectives tentent tant bien que mal de jouer la balle. Si Rurrk s’est dopé jusqu’au moustaches pour pouvoir tenir son rang, il ne fait cependant pas le poids face à Amaranth, dont la puissance a augmenté (merci la possession démoniaque) au cours des insignifiantes sept années qui se sont écoulées depuis leur première rencontre. Le duel de mandales finit donc par tourner en faveur du Prince possédé, qui empale son adversaire sur le bout de sa pince, bien aidé en cela par la discrète poussette que ce fourbe de Silkpaw inflige à son équipier au pire moment. Pour la défense du Coureur d’Egout, les deux capitaines monopolisaient la balle sans rien en faire, et son intervention décisive permet aux Scramblers de marquer un précieux touchdown. C’est avec le hurlement des fans en délire dans les oreilles, scandant son nom comme à la belle époque, que le vieux champion tire donc sa révérence, après avoir grignoté une dernière croûte de gloire comme il le souhaitait. J’en verserais presque une larme tiens.Fin spoiler

AVIS :

David Guymer prend le lecteur à contre pied comme un receveur feinte un trois-quart avec ‘A Last Sniff of Glory’, qui joue la carte de la nostalgie plutôt que de l’humour sadique et nihiliste, qu’on était doublement en droit d’attendre de la part d’une nouvelle de Skavens jouant au Blood Bowl. On ne lui en tiendra toutefois pas rigueur, car en plus d’être originale, cette histoire est bigrement réussie. Ce n’était pas un mince défi de rendre la figure de Rurrk sympathique, voire même pathétique, tant l’anti héros de cette soumission exemplifie tous les traits les plus vils et veules de son ignoble race, mais Guymer y parvient de manière probante. On termine ‘A Last Sniff of Glory’ dans le même état émotionnel que ‘The Wrestler’, Mickey Rourke ayant seulement été remplacé par une Vermine de Choc en armure lourde, et le ring de catch par un terrain de Blood Bowl. Cette nouvelle mérite la lecture par sa singularité autant que par sa qualité d’exécution (même le niveau d’anglais est plus recherché qu’à l’accoutumée, pour autant que je puisse en juger), ce qui font deux bonnes raisons d’assister au jubilé du Petit Tâcheron Rouge…

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Foul Play – A. Hall :

Foul PlayINTRIGUE :

Rangé des voitures et des crampons après une sale blessure alors qu’il jouait trois quart pour les Marauders, Gulden von Sulkenhof, alias Sulk, s’est reconverti dans le crime organisé. Il sert désormais les frères Kobassi, gangsters Ogres bien établis dans le milieu d’Altdorf, et a été chargé par ces derniers de cambrioler le domicile de Gerald Frost-Thumbs, le présentateur météo vedette de CabalVision, à la recherche d’éléments compromettants pour le faire chanter. Quelle n’est pas sa surprise de voir ses employeurs débarquer sur les lieux de son forfait alors qu’il farfouille dans les caleçons du Louis Bodin du Vieux Monde, ce qui ne peut que signifier qu’ils ont compris qu’il était une balance et s’apprêtent à le châtier à leur manière, pas vrai ? Eh bien… non. Les Kobassi se sont déplacés pour faire à Sulk une proposition qu’il ne peut vraiment pas refuser, comme le dit l’expression consacrée. Les truands ont parié gros sur la prochaine victoire des Gouged Eyes sur les Dwarf Giants, malgré le statut de favoris de ces derniers. Ils comptent donc sur leur agent pour s’assurer de ce résultat, en sa qualité d’arbitre du match, reconversion tout à fait logique pour un ancien joueur il faut bien le reconnaître.

Le hic, c’est que l’autre patron de Sulk, le Lord Chamberlain d’Altdorf, souhaite au contraire que les Giants gagnent afin de fragiliser la position des Kobassi. Et comme notre héros a été recruté par le réseau d’espion du notable, ses Yeux, il n’est pas vraiment en position de refuser. Le Lord Chamberlain sait en effet qu’il a recueilli la chèvre mascotte (Janet) de son ancienne équipe, la pauvre bête étant sur le point d’être abattue après que des fans particulièrement obtus aient prétendu qu’il s’agissait d’un Gor marchant à quatre pattes. Un moyen de chantage comme un autre, Sulk étant un défenseur de la cause animale devant l’éternel. On devine donc le dilemme devant lequel l’ex-joueur, futur arbitre et agent double se trouve : quel que soit le résultat du match, l’un de ses employeurs sera très mécontent de lui, avec des résultats potentiellement mortels…

Ces considérations morbides ne reculent cependant pas le jour de la rencontre, qui finit par avoir lieu dans un Oldbowl rempli à bloc. Surveillé de près par les frères Kobassi en tribunes, et par un autre agent de Chamberlain, Hinter (qui s’est fait nommer arbitre assistant), sur le terrain, Sulk essaie de ménager la chèvre et le chou pour sauver la première sans se prendre le second. Enfin je me comprends. Craignant davantage la vengeance brutale et immédiate des Ogres, l’arbitre torturé commence par sanctionner sévèrement les Nains, notamment en refusant toute intrusion de matériel de guerre (dont les roulemorts) sur le terrain, mais se fait contrecarrer par Hinter, qui use des règles les plus triviales du Blood Bowl pour équilibrer les débats. À la mi-temps, les Giants mène 1-0, et Hinter vient menacer Sulk de remettre les preuves de sa duplicité, qu’il conserve dans le livret qu’il garde dans la poche, aux Kobassi s’il continue à faire sa tête de mule. Cette intimidation donne toutefois une idée à l’homme au sifflet, qui finit par autoriser les Nains à faire entrer leur roulemort à quelques minutes de la fin du match, et pousse négligemment son adjoint sous le rouleau de la machine lors de la remise en jeu, faisant disparaître le gêneur et les éléments à charge contre lui, avant de redonner la possession aux Gouged Eyes pour aggression caractérisée du corps arbitral par les Giants. CQFD. Ce retournement de situation permet aux peaux vertes de marquer le touchdown de la victoire au bout du suspense, ce qui fait les affaires des Kobassi. Bien sûr, le Lord Chamberlain n’est pas content, mais Sulk parvient à le convaincre de l’intérêt de pouvoir compter sur ses services maintenant qu’il est plus populaire que jamais auprès des gangsters pour l’empêcher de méchouiller la pauvre Janet. Au final, il s’avère même que les Kobassi étaient également au courant que Sulk travaillait dans leur dos, ce qu’ils ont toléré car cela leur permet de donner de fausses informations à leur rival. Notre héros en est quitte pour se fendre un beau statut « Situation professionnelle : it’s complicated » sur sa page FaceTome, avant d’aller secourir Rolf le terrier, mascotte des Dwarf Giants menacée de mort par les fans de Gouged Eyes. No rest for the wicked !

AVIS :

La Black Library a son lot de nouvelles et de romans mettant en scène des intrigues damned if I do and damned if I don’t1 et Andy Hall adapte ce classique à l’univers de Blood Bowl avec ‘Foul Play’. Tout l’enjeu de ce type de soumission, si on demande mon avis, est d’arriver à trouver une issue élégante à un dilemme a priori insoluble, et Hall ne casse pas la baraque ici. Sa soumission reste malgré tout convenable, et permet d’approcher des « fameux » frères Kobassi, qui ont eu l’honneur de figurer dans la campagne du jeu vidéo Blood Bowl II (et peut-être aussi le premier, I don’t know). C’est à peu près tout ce que je retiens de notable de cette nouvelle, qui n’est guère plus qu’un honnête filler, comme les équipes de Blood Bowl ont leurs ternes trois quarts. Tout le monde ne peut pas être une star.

1 : ‘The Assassin’s Dilemma’ (David Earle), mais aussi ‘Tainted Blood’, le 3ème tome de la série ‘Black Hearts’ (Nathan Long), par exemple.

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Hoppo’s Pies – G. Haley :

Hoppo's PiesINTRIGUE :

Coach des positivement médiocres Grotty Stealers depuis que sa carrière de receveur s’est trouvée engloutie en même temps que son bras gauche par un Squig-ball affamé, Diglit doit gérer de multiples problèmes. Et, croyez-le ou non, la nullité crasse de ses joueurs, un ramassis de Gobelins amateurs complété par un Orque rigolard mais bas du front et un lanceur Troll ayant la sale manie de boulotter les Snotlings qui lui sont confiés, n’est que le cadet de ses soucis. Car son sponsor a perdu patience devant la série de défaites des Stealers et décidé de vendre leur stade à un promoteur immobilier (Nain, qui plus es), et que notre héros doit de l’argent à Boris le Pervers (un…Elfe noir), qui insiste lors d’un tête à tête rugueux pour être remboursé à l’issue du match de demain. Joué contre une équipe de Minotaures. Bref, la situation est très compliquée pour Diglit, qui erre dans les rues à trois heures du matin après avoir été jeté de la carriole de son créditeur par ses malabars Orques. Un mardi classique pour un Gobelin.

Son errance l’amène jusqu’à une ruelle d’où se dégage une irrésistible odeur de tourte, et comme rien ne vaut un petit gueuleton nocturne pour se remonter le moral, et qu’en plus il a presque de quoi payer, le coach éprouvé décide de faire un crochet sur le chemin du stade pour casser la croûte. Il est acceuilli par une roulotte colorée, un poney obèse et un Halfling jovial, qui se présente comme Hoppo Longfoot, tourtier itinérant et fournisseur régulier de snacks de premier choix aux fans de Blood Bowl. En préparation de la rencontre de la journée, il termine une fournée un peu spéciale, dont il accepte de céder une tourte à Diglit devant l’air déconfit et tuméfié du peau verte. Les Halfling ont bon cœur, c’est connu. Sans révéler l’ingrédient secret de sa préparation, qu’il prend tout de même soin de sortir du four avec des gantelets de plomb, il sert son client nocturne qui n’en croit pas ses papilles. La pâtisserie produit sur lui un effet prodigieux, et assez similaire à un rail de coke aromatisé à la morphine quand on y réfléchit. Ce boost soudain donne une idée à Diglit pour remporter le prochain match, et il kidnappe donc caravane, poney et Halfling, direction le stade.

La suite ne fait pas un pli, comme vous vous en doutez, sagaces lecteurs : les Grotty Stealers se gavent de tourtes et entrent sur le terrain pumpés comme jamais, ce qui leur permet de faire tourner en bourrique leurs imposants adversaires et de prendre le large au tableau d’affichage. Cependant, rien n’est gratuit dans le cruel monde de Warhammer, et la consommation irraisonnée de malepierre (car c’était évidemment ça l’ingrédient secret des tourtes de Hoppo, qui compte des Skavens parmi sa clientèle) de l’équipe locale finit par avoir des conséquences aussi visibles qu’handicapantes. Flairant une tricherie, les fans des Bovine Brawlers envahissent le terrain, et le match par à vau l’eau au grand désespoir de Diglit. Sa seule consolation consiste en la repousse miraculeuse de son bras (certes rose pétant désormais), ce qui entre autres mutations, lui permettra de reprendre une licence de joueur et peut-être d’intégrer une équipe du Chaos lors de la prochaine saison. S’il arrive à convaincre ce vieux Boris d’étaler une nouvelle fois ses traites, s’entend…

AVIS :

Guy Haley adapte le concept de la potion magique à l’univers tout aussi humoristique mais bien moins bon enfant de Blood Bowl avec ce ‘Hoppo’s Pies’. On l’a connu plus efficace et inspiré dans la réalisation (on pourrait enlever la première moitié de la nouvelle sans problème, ça fait un peu remplissage pour atteindre la vingtaine de pages), mais comme d’habitude avec cet auteur vétéran de la BL, une qualité minimale est assurée, ce qui fait de cette histoire une lecture pas essentielle mais tout à fait correcte.

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The Freelancer – R. Rath :

INTRIGUE :

Arbitre de Blood Bowl disgracié après que sa corruption ait été mise à jour, et reconverti dans les tâches les moins glamour de l’industrie de ce noble sport, Mort d’Arthur a été chargé par le patron des Nuln Gunners de veiller à l’intégrité physique et physiologique du joueur star de l’équipe, le turbulent Kaspar Hoozier. Ce dernier dispose par contrat d’une nuit de bamboche hors du stade avant chaque match, et l’avisé Cherbourg (le propriétaire de la franchise) se doute bien que laissé sans surveillance, le lanceur vedette sombrera dans ses vieilles addictions, ce qui le disqualifiera d’office lors du test médical de pré-rencontre. Pour parer à ce fâcheux désagrément, qui risquerait de faire perdre aux Gunners leur demi-finale sur tapis vert et poudre blanche, mais mènerait également à l’exclusion à vie de Hoozier de la ligue (ce qui n’est pas top pour vendre des maillots à son effigie), Mort a été engagé pour baby sitter le colosse jusqu’au début du match, une mission qui frôle dangereusement l’impossible à cause du manque de coopération de sa charge.

Ainsi, alors qu’il croit avoir gagné quelques précieuses minutes en envoyant une serveuse du bar où le duo s’est réfugié monter quelques bières à Hoozier dans le salon VIP, Mort est accosté par sa Némésis murine, Skellig Queem. Reporter à Spike !, le Skaven a révélé au grand jour les petites combines de Mort lorsque ce dernier était encore appelé l’Incorruptible, ce qui a précipité sa déchéance. Queem cherche à présent un scoop impliquant Hoozier et une quantité non négligeable de bonnet de fou, ce que Mort cherche bien entendu à éviter… mais qu’il a provoqué par inadvertance en envoyant une barmaid dealeuse servir son protégé. Résultat des courses : Hoozier est désormais convaincu qu’il est un Prêtre Mage Slaan, et lorsque son garde du corps cherche à faire quitter les lieux à Queem avant qu’il ait eu le temps de prendre une photo compromettante, le colosse passe en mode berzerk devant l’outrage causé par l’intrusion d’un Skaven dans son temple. Un coup de sifflet enchanté et un assomage à coup de plastron d’acier plus tard, Mort a réussi à reprendre le dessus, en bon professionnel qu’il est. Il arrive même à convaincre le rat-porter de ne pas faire son papier en l’échange de la révélation d’une combine utilisée par le staff de joueurs dissipés pour nettoyer leur système avant le début d’un match important. Intrigué par cette offre, qui se double d’une interview de Cherbourg en personne, Skellig Queem accepte et le trio part dans les bas fonds de Nuln avant que la garde de nuit ne rapplique.

C’est chez le Docteur Piotr Klenblüd, alias Cleanblood (mais il deteste le sobriquet) que Mort amène ses acolytes. Piotr est un vampire, assez disgracieux et chétif certes, mais un vampire tout de même, et est donc en mesure de réaliser une dialyse expresse de Hoozier pendant que ce dernier est toujours dans les vapes. L’importante concentration de bonnet de fou dans l’hémoglobine du joueur a toutefois raison de la résistance naturelle et de la flegme professionnelle du bon docteur, qui sombre dans une frénésie sanguinaire digne de Konrad von Carstein. Il faudra l’intervention décisive de Queem, qui ne sort jamais sans une dague de secours, pour calmer la soif de sang hallucinée du praticien vampirique. Ceci dit, l’opération a été un succès, et Hoozier peut prendre le chemin du stade dans une forme étincelante pour sa visite médicale d’avant match, échappant juste à une embuscade tendue par les fans adverses en route. Ce qui commence à faire beaucoup de coïncidences malheureuses, tout de même…

Début spoiler…Et en effet, lorsque Mort va récupérer sa paie auprès de Cherbourg, il expose à ce dernier ses suspicions (renforcées par la présence de la barmaid de la veille parmi les pom pom girls des Nuln Gunners) : quelqu’un voulait véritablement empêcher Hoozier de disputer ce match, par tous les moyens possibles. Quelqu’un qui toucherait l’assurance placée sur ce joueur capital, par exemple, ce qui lui permettrait de se refaire une santé financière, et tant pis si un freelancer comme Mort se trouvait impliqué dans la magouille, pas vrai ? Se croyant à l’abri des regards et des oreilles indiscrets, Cherbourg confesse sans tarder son forfait, avant de dégainer un pistolet pour faire taire le fouineur. Mal lui en a pris car Mort, en bon professionnel, était entré dans le bureau du manager avec micro et camra discrète pour donner à Queem l’interview de Cherbourg qu’il avait promise, et qui a été retransmise en direct sur les écrans du stade. Pour skoop, c’est un skoop.Fin spoiler

AVIS :

Robert Rath vient braconner sur les terres rigolardes de Josh Reynolds avec ce ‘The Freelancer’, dont l’intrigue n’est pas si différente du ‘Dead Man’s Party’ de son confrère. Et il a très bien fait, aussi bien dans l’idée que dans la réalisation, ce qui est tout au bénéfice du lecteur. On a donc le droit à des scènes d’une absurdité rafraichissante (comme l’intreview que donne Hoozier, persuadé être un Slaan qui doit se faire passer pour lui-même, à Skellig Queem), de l’action nerveuse, des références en pagaille (et on voit la spécialisation de Rath – c’est un historien – ressortir dans le nom de son héros), et même, touchdown sur l’astrogranit, une petite enquête policière pour conclure cette nouvelle menée tambour battant. Il n’y a rien à jeter dans cette première, et pour le moment seule, contribution de Rath au corpus bloodballique, et j’espère que cet héritier putatif et stylistique du regretté Reynolds aura d’autres occasions de prouver ce qu’il sait faire dans un futur pas trop lointain1.

1 : Points de bonification accordés s’il trouve le moyen d’inviter Trazyn à la fête. Après tout, ce serait techniquement possible.

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Dismember the Titans – G. Lyon :

INTRIGUE :

La saison prometteuse des Talabheim Titans se retrouve perturbée par des événements extra-sportifs impactant fortement la vie de l’équipe : une série de meurtres passablement gore (éventrement et amputations, ça commence à sentir l’acharnement) décime les joueurs de la franchise, sans que les autorités locales ne s’en émeuvent1. Par chance pour les Titans, leur duo de choc, la blitzeu…se (?) Juliana Tainer et le receveur Johann Walsh, prennent sur eux de mener l’enquête, épaulé dans cette lourde tâche par le nouvel apothicaire de l’équipe, l’excentrique, vaguement inquiétant et passablement obsédé par la nécromancie Dr Werner von Blaustein (un brave type). Ce dernier, après avoir examiné la dépouille mortelle de la plus récente victime du DéventramembreurTM, aiguille nos héros sur la piste d’un spécialiste de l’anatomie (comme lui), maniant des instruments très tranchants (comme les siens). Percevant la sagesse du raisonnement du bon docteur, J&J épluchent le courrier des fans à la recherche de récriminations particulièrement véhémentes, qui pourraient indiquer l’identité du tueur. Et, coup de bol, ils trouvent effectivement un suspect intéressant en la personne d’un barbier atrabilaire et très remonté, pour des motifs nébuleux, contre les Titans.

Ayant décidé de la jouer discrètement, les détectives en herbe astrogranite passent la nuit en planque devant l’échoppe de leur détracteur, mais s’endorment comme des masses avant de n’avoir décelé quoi que ce soit de compromettant, non sans avoir mis au point un système de commandes par tapotage de casque interposé, ce qui est toujours utile dans ce type de profession. Le coach ne leur ayant pas laissé toute la journée, Juliana et Johann décident à leur réveil de précipiter les choses en rendant une visite de courtoisie à l’aimable praticien, pour découvrir que lui aussi s’est fait décarcasser par l’insaisissable assassin. Comble de déveine, ce dernier a laissé derrière lui un trio de Zombies patchwork, composé de membres cousus ensemble, ce qui permet à nos héros de comprendre pourquoi les victimes précédentes ont été retrouvées fortement diminuées (c’est du kit bashing organique, au final). Une course déterminée, une passe longue réussie, et une lanterne pleine d’huile fracassée plus tard, J&J sortent de la boutique en feu de feu leur principal suspect, et retournent au bercail pour débriefer le reste de l’équipe.

Sur place, ils ont le déplaisir d’être accueillis par la nouvelle d’un autre décès dans l’équipe, signe que leur persécuteur n’a pas chômé ces derniers temps. Invités par von Blaustein à une réunion de travail dans son bureau, ils finissent par comprendre, suite à une remarque compromettante glissée par leur médecin traitant au cours de la discussion, que ce dernier est derrière cette sanglante série. Ayant eu la mauvaise idée d’accepter le thé préparé par l’apothicaire, ils sombrent cependant dans une inconscience malvenue avant d’avoir pu agir. Nos héros reviennent à eux dans la cave de la maison familiale de von Blaustein, qui a la bonté d’expliquer ses motivations avant de commencer ses sinistres opérations : fan éperdu des Titans, le jeune vB ne voulait rien tant que de rejoindre l’équipe, ce que ses faibles capacités physiques l’ont empêché de faire. Humilié par cette mésaventure, il jura de provoquer la perte de la franchise, puis de remplacer cette dernière par une équipe de cadavres réanimés, composés à partir des meilleurs morceaux des Titans. Quelques années plus tard, après avoir été diplômé en nécromancie à l’université de Sylvanie, il revint dans sa ville natale pour mettre à exécution son plan machiavélique. Le plaisir coupable du monologue satisfait de grand méchant coûtera cependant cher – comme d’habitude – à Scalpelator, puisque Johann trouvera le moyen de se délivrer de l’étreinte ferme mais faillible du Zombie le maintenant au sol avant que sa laparotomie ne débute. Une fois de retour sur leurs appuis, la puissance et l’expérience supérieurs des titulaires viendra sans problème à bout des malhabiles gesticulations de leurs remplaçants, l’action se terminant de façon péremptoire par une inflammation généralisée de l’équipe zombie, coach compris. L’illustration même de l’importance de maîtriser les fondamentaux dans les sports collectifs.

À Blood Bowl comme dans la vraie vie, la lutte des classes entre sportifs professionnels grassement payés et classes laborieuses exploitées empoisonne les relations entre les uns et les autres.

AVIS :

Il m’est venu à l’esprit en écrivant cette chronique que la plupart, si ce n’est tous, des prochaines nouvelles publiées par la BL et se déroulant dans l’univers de Fantasy Battle auraient pour cadre un match de Blood Bowl, pour la simple et bonne raison qu’il s’agit de la dernière franchise vivante prenant place dans le Monde que Fut. Raison de plus pour espérer que la qualité soit au rendez-vous, ce qui est plutôt le cas de ‘Dismember the Titans’. En 17 pages, ce qui est court, Lyon trousse en effet une petite enquête policière dans le monde impitoyable du sport professionnel de WFB, répondant à toutes les exigences du cahier des charges de ce type de publication, (micro) twist final inclus. Certes, la nécessité de garder le propos dans les limites fixées n’a pas permis à notre homme de perdre le lecteur dans un dédale de fausses pistes, et l’identité du meurtrier n’est donc pas longtemps sujette à discussion, mais on ne peut enlever à Lyon qu’il a fait le job de manière tout à fait satisfaisante, et est même allé au delà de l’acceptable, en prenant le temps d’intégrer un set-up utile au dénouement de l’intrigue au détour d’un paragraphe. Ça n’a l’air de rien comme ça, mais nombre d’auteurs de la BL auraient donné dans le TGCM/WIJH pour justifier le revirement de situation final, et il convient donc de distribuer un bon point à Lyon pour son application sur ce sujet1.

Lors de ma première chronique de cette nouvelle, à l’occasion de sa publication dans ‘Inferno!’ #3, j’avais poursuivi en regrettant l’humour un peu too much de ‘Dismember the Titans’. Mais je n’avais pas bien compris à l’époque que Blood Bowl était un univers parallèle et déconnecté de Warhammer Fantasy Battle, et que ce côté déluré et outrancier faisait partie de son ADN. Je retire donc cette critique, M. Lyon.

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Et voilà qui termine cette revue de ‘Death on the Pitch : Extra Time’. À quelques jours près, j’aurais pu faire un parallèle facile avec les résultats du Super Bowl LV, mais je n’ai pas été assez prompt à la finition pour cela (comme les Kansas City Chiefs, d’ailleurs). Quoi qu’il en soit, ce recueil reste une réussite notable de la part de la Black Library, qui a produit suffisamment d’ouvrages collectifs moyens (plus ou mois) pour que l’on prenne le temps de souligner les tomes qui sortent du lot. On retrouve bien dans ces quatorze histoires toute l’atmosphère rigolarde, vicieuse et irrévérencieuse-envers-le-fluff-de-Warhammer-Fantasy-Battle-tout-en-respectant-ce-dernier propre au Blood Bowl, sans se retrouver, comme cela a été le cas pour d’autres anthologies de niche, confrontés à la même variation sur un thème commun, ce qui a tendance à décourager même les meilleures volontés. Ici, les auteurs se complémentent plutôt qu’ils ne rivalisent : Josh Reynolds et Robert Rath jouent la carte du comique et du second degré, tandis que Graeme Lyon préfère étoffer ses intrigues, David Guymer verser dans la nostalgie, Matt Forbeck conclure sa saga en faisant intervenir des célébrités, et Andy Hall utiliser le Blood Bowl comme prétexte pour raconter une toute autre histoire (entre autres exemples).

Cette variété contentera tant le nouvel arrivant (comme l’auteur de ces lignes) que l’aficionado acharné, et donnera je gage l’envie à plus d’un lecteur de se mettre au jeu (de figurines et/ou vidéo). Il est heureux que ce recueil, qui restera sans doute pendant un certain temps le seul proposé par la BL sur ce créneau, se soit avéré aussi qualitatif, car on aurait pu penser que cette franchise mineure de Games Workshop serait traitée de façon cavalière par la division littéraire de l’entreprise. Que celui ou celle qui n’a jamais lu une nouvelle ou un roman médiocre pour Warhammer 40,000, Age of Sigmar ou l’Hérésie d’Horus me jette la première pierre. Le tout puissant Nuffle devait cependant veiller sur la genèse de cet ouvrage, qui pourrait même convaincre certains nostalgiques du « véritable » Vieux Monde de lui donner une chance, en attendant que GW nous révèle enfin ses plans pour la franchise qui fut. C’est donc un touchdown propre, net et sans besoin de référer à la VAR que nous avons ici, et cela fait plaisir, tout simplement.

HAMMER & BOLTER [N°26]

Bonjour et bienvenue à tous dans la critique de ce 26ème numéro de Hammer & Bolter ! Cette fois, ça y est, nous y sommes : sept ans après le début du sujet, à l’époque où le monde qui fut était encore le monde qui est, où l’on ne savait ni ce qu’était un Stormcast Eternal, ni un Space Marine Primaris, où la Garde Impériale avait encore un nom potable et où les suppléments étaient traduits en totalité en français, où Blood Bowl et Necromunda n’étaient que des souvenirs émus dans les cervelles embrouillées de vétérans grabataires, et où les Sœurs de Bataille en plastique n’étaient encore qu’un vœu pieux (pour ne lister que quelques-uns des changements, plus ou moins majeurs, ayant touché, frappé, bouleversé – rayer les mentions inutiles –  le Zhobby depuis ces temps héroïques), nous touchons enfin au but de cette entreprise littéraire. M’étant fixé comme bonne résolution de 2018 la conclusion de cette série, je suis heureux de constater que j’ai, pour une fois, réussi à tenir un engagement de ce type. It’s something, comme le dit le poète meme designer (termes interchangeables en ce début décadent et nihiliste de troisième millénaire). Ceci dit, et l’hommage dû au gravitas propre à ce type de situation rendu, qu’est on en droit d’attendre de la part de cet ultime opus ?

Tout d’abord, le chapitre final de Gilead’s Curse, roman feuilleton de l’année II de Hammer & Bolter, qui ne passera certainement pas dans les annales pour la qualité de sa prose, mais qui aura au moins eu le mérite de nous « gagner » deux numéros de H&B (il est probable que les pontes de la BL n’ont consenti à ajouter deux mois à cette deuxième année que pour permettre à Vincent et Abnett d’achever ce qu’ils avaient commencé). Ensuite, mais également avant (je me comprends), une plongée/descente/chute dans les entrailles d’une cité-ruche en proie aux affres d’une insurrection chaotique (Kovos Falls), courtesy of Mr Latham. Egalement au programme, deux courts formats mettant en scène de méchants Space Marines jaunes et noirs. Méchants car totalement xénophobes, ce qui malheureux pour une époque aussi éclairée et positive que le 41ème millénaire. À ma droite, les Iron Warriors de C. L. Werner, pas vraiment jouasses à l’idée que leur gated community de Castellax se retrouve sur la route d’une caravane de migrants en quête de meilleures conditions de vie d’une bonne baston (The Siege of Castellax). À ma gauche, les Marines Malevolent de Nick Kyme, guère décidés à faire dans la dentelle pour reconduire les mêmes migrants dans leur shithole countries et rendre à Armageddon sa proverbiale tranquillité (Emperor’s Deliverance). Et tant pis si Mme Michu se prend une flash-ball dans la confusion. Enfin, c’est à l’infatigable et omniprésent Josh Reynolds, double recordman du nombre de soumissions à H&B, à la fois sur l’année II (6) et au total (8), qu’il revient de conclure le numéro et le webzine, avec le récit d’une réunion de famille assez tendue entre deux folles du désert : Neferata et Khalida1 (The Fangs of the Asp). Tout un symbole. Sur ma foi, voilà un programme des plus gouleyants. Hammer & Bolter se terminera-t-il sur un bang ou pschitt ? Je vous invite à en juger par vous-mêmes.

1: Priscilla n’était pas encore revenue de l’outback australien à ce moment.

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Kovos Falls – M. Latham [40K] :

Si le nom de Mark Latham peut apparaître comme familier à certains vétérans du Hobby, c’est que notre homme, avant de suivre la voie de l’auteur freelance, a exercé comme rédacteur en chef du White Dwarf entre 2007 et 2010. 13ème récipiendaire de cette noble charge instituée en 1977 et détenue à l’origine par nul autre que Ian Livingstone lui-même (l’équivalent d’un Primarque à l’échelle du petit monde de GW), Latham a tenu la baraque pendant 34 numéros, ce qui fait de lui l’une des incarnation les plus capées du Nain Blanc, après Pépé Ian, le légendaire Paul Sawyer et le discret Robin Dews. Mise à part ce Kovos Falls, les contributions de Latham au corpus de la BL se limitent à deux ristretti littéraires (format 1.000 mots) ainsi qu’à une introduction laudative d’une soumission du même genre de Nik Vincent1.

Kovos Falls prend place dans la cité-ruche de Kovos Rising, sur laquelle l’autorité impériale se fait de plus en plus tenue depuis quelques semaines. Capitale planétaire d’un monde en train de basculer au Chaos, et pour lequel le recours à l’Exterminatus n’est plus une question rhétorique mais logistique, Kovos Rising est effectivement coupée en deux au moment où nos fiers héros entrent en scène, la partie haute et privilégiée de la spire (le niveau 92, en quelque sorte) faisant office de petit village romain résistant encore et toujours aux hordes de Gaulois braillards et débauchés, avides de faire basculer cet ultime bastion de l’ordre, de la décence et du bon goût dans la rave party sauvage qui ambiance le reste de la ruche. Il revient au sergent Godric et à son escouade de Stormtroopers vétérans, les Hell’s Rejects, de mener à bien une périlleuse mission dans les bas-fonds de la séditieuse métropole, à la recherche d’une expédition du Mechanicus avec laquelle tout contact a été rompu depuis le début des troubles.

Débarqués en territoire inconnu et ennemi pour une raison non explicitée, mais apparemment fréquente dès lors que le déploiement en grav-chute est employé par la Garde Impériale (voir The Mouth of Chaos de Chris Dows, Hammer & Bolter #22), le premier souci de Godric et de ses hommes est de rejoindre la civilisation, les quelques goons chaotiques ayant eu la mauvaise idée de traîner leurs braies dans les environs immédiats de nos durs à cuire se faisant gentiment rappeler à l’ordre avec toute la délicatesse et le souci de la bienséance que l’on est en droit d’attendre de la part de troupes de choc impériales. Outre le fait de démontrer en termes non incertains que nos héros ne sont pas là pour enfiler des perles, cette première section permet également à Latham de familiariser le lecteur avec la galerie de personnages secondaires qu’il a choisi de convoquer et développer dans sa nouvelle, chacun des Hell’s Rejects se voyant nommé et décrit au fil des pages, pour un confortable total de 10 protagonistes2, auxquels viendront s’ajouter quelques seconds couteaux au fil des pages.

Ayant finalement pu rejoindre le Mur protégeant les Sept Royaumes des assauts des Sauvageons (/!\  Alerte Contamination Fluff /!\) et fait choir la bobinette après avoir tiré la chevillette, les HR rendent une petite visite de courtoisie au Gouverneur de Kovos, Lord Marchinus, qui a l’obligeance de mettre à leur disposition les reliquats de sa garde personnelle afin de guider nos héros jusqu’aux niveaux inférieurs de la ruche où l’expédition du Magos Explorator Korech est sensée se trouver. La suite et le gros de Kovos Falls est consacré à cette périlleuse descente, pendant laquelle les Hell’s Rejects s’emploient à démontrer que la dîme impériale a été sagement investie dans leur entraînement et leur matos, en disposant tranquillement des empêcheurs de tourner en rond plonger au fond jusqu’à que ce que ce bon vieux Godric puisse avoir sa minute Stanley en balançant un « Magos Korech, I wager ? » au techno-prêtre disparu. Ce dernier, nullement concerné par des choses aussi triviales qu’une insurrection chaotique, révèle au stormtroopers la raison de leur venue : la récupération et mise en sécurité de fragments SCS, chinés avec sang-froid par le rusé Magos dans un marché aux puces Ratskin. Petit problème : le précieux chargement ne tient pas sur une clé USB standard, et ce sont donc quelques centaines de kilos de classeurs d’archives que nos hardis paras vont devoir se trimballer jusqu’en orbite haute. Ayant fait comprendre au nerd de service qu’il aurait dû appeler Une Pièce en Plus plutôt que le standard du Militarum, Godric consent tout de même à filer un coup de main (peut-être convaincu de la nécessité de sa coopération par les dizaines de serviteurs de maintenance et de combat que Korech a apprivoisé depuis son arrivée à Kovos Rising, et qui le suivent obligeamment où qu’il aille), et est sur le point de commander un taxi pour rapatrier ses ouailles quand l’installation de Korech se fait soudainement hacker. Le lancement simultané de Snake Xenzia sur tous les ordinateurs du Magos, avec The Snake Song de Bob’s Burger en fond sonore laisse planer peu de doute quant à l’identité des cyber pirates, et c’est logiquement qu’un légionnaire de l’Alpha Legion fait son apparition et demande à ce que le grisbi lui soit remis.

Peu enclins à coopérer, les loyalistes optent pour une fin de non-recevoir polie mais ferme, Godric et ses hommes se repliant en bon ordre vers le point d’extraction le plus proche en emportant autant de data que possible, tandis que Korech lance une reconfiguration système, afin d’empêcher les STC de tomber entre de mauvaises mains. Hélas pour eux, leur opposant n’est autre que Mr Robot en personne, et a tôt fait de recruter les cohortes de Serviteurs de Korech à sa cause et de lancer ces dernières à la poursuite des Hell’s Rejects, avant de prendre personnellement les choses en main voyant ses nervis se faire refouler par la badassitude consommée des impériaux. Aussi à leur avantage face un Astartes (même un Astartes geek comme ceux de l’Alpha Legion, c’est-à-dire acnéique, binoclard et maigrichon par rapport à l’Astartes bully World Eaters) que Gilles Verdez face à Joey Starr, la bande à Godric subit quelques pertes mais parvient tout de même à rejoindre la surface grâce au sacrifice héroïque du Vostroyen de service. L’arrivée tardive de l’UberPOOL commandé, suite à la manifestation d’un autre passager dans une ruche proche obligeant le conducteur à un détour, coûte cependant très cher aux derniers survivants des Hell’s Rejects, DJ Snake revenant à la charge avec deux copains et une horde de fans en délire (littéralement) afin de mettre la main sur les infos personnelles de Godric et Cie, sans grand regard pour le RGPD. Au moment où tout semble perdu, l’arrivée providentielle d’une escouade de Space Marines d’Assaut Blood Angels permet à l’Imperium d’obtenir une victoire morale, et à Godric ainsi qu’à l’ultime survivant de son unité de regagner la sécurité de la Flotte Impériale. La nouvelle se termine sur la révélation de l’aura d’increvabilité (2++ relançable) de God’, qui lui a permis de se sortir des missions les plus mortelles depuis vingt ans alors que tous ses hommes mourraient autour de lui. Est-ce le début d’une carrière à la Colonel Schaeffer (avec inclusion au fluff, profil et figurine) pour notre quasi-Perpétuel ? Plutôt non, à ce jour, mais il ne faut pas désespérer.

Avec Kovos Falls, Latham démontre quelques solides aptitudes narratives, en livrant un récit rythmé et nerveux, tout en parvenant à faire bon usage de la tripotée de personnages nommés qu’il a fait le choix de convoquer dans son récit. Mine de rien, ce n’est pas évident d’arriver à donner à chacun son (ébauche d’) identité propre et sa (nano) seconde de gloire, sans ralentir outre mesure la progression d’une intrigue reposant en grande partie sur la confrontation entre nos héros (dont la pratique du macramé et du rempaillage n’est pas la spécialité) et les hordes hérétiques qui leur servent d’antagonistes. En cela, je considère « la nouvelle de GI » telle que Kovos Falls comme requérant un niveau d’écriture supérieur à l’autre archétype de la BL qu’est « la nouvelle de SM », genre ultra-permissif du fait de la surhumanité de ses protagonistes, autorisant un nombre élevé de TGCM (ou dans ce cas précis, TGC-S-M) pour pallier aux errements et incongruités commis par des auteurs débutants et/ou juste mauvais. Il est d’ailleurs intéressant de constater que l’année II de Hammer & Bolter a plutôt fait la part belle à cette première « famille » de récit (The Mouth of Chaos, Kovos Falls), alors que l’année I était la chasse gardée des Astartes, notamment à travers le cycle Silver Skulls de Sarah Cawkwell, ce qui pouvait être lié dans une certaine à une amélioration globale de la qualité des publications.

Un autre mérite de Mark Latham est son utilisation judicieuse d’éléments familiers du background de 40K, souvent traités de manière cavalière par d’autres auteurs. Ainsi, Kovos Falls rend justice aux dimensions inconcevables d’une cité-ruche, superstructure millénaire possédant son histoire et ses cultures et sous-cultures propres, tenant plus de la région que de la métropole, et dont la traversée se mesure en jours et non pas en heures. Autre source de satisfaction, l’emploi du Space Marines chaotique comme adversaire ultime, en cela qu’il est clairement établi que les Hell’s Rejects, malgré leur entraînement, expérience et équipement supérieurs, n’ont aucune chance d’espérer l’emporter face un seul Légionnaire renégat. Après avoir passé quinze pages à décrire les exploits martiaux de ses protégés, Latham n’hésite pas un instant à les faire tomber comme des mouches dès lors que le mâle Alpha pointe le bout de ses augmétiques. Certains auteurs de la BL, et pas des moindres (n’est-ce pas Mr Abnett…), ayant eu tendance à rapprocher, voire à mettre sur le même niveau, les capacités martiales de simples humains avec celles des Astartes, il est à mon avis salutaire que quelques bonnes âmes consciencieuses contribuent à replacer le Marines sur son piédestal de machine de guerre inégalable, qu’il n’aurait jamais dû quitter.

Sans briller par son originalité (on est davantage dans la figure imposée du rookie de la BI, mâtinée d’un clin d’œil aux travaux de grands anciens de la maison3), Kovos Falls introduit Mark Latham comme un contributeur compétent de la Black Library. Comme le dit la sagesse populaire, on n’a jamais deux fois l’occasion de faire une bonne première impression, aussi faut-il reconnaître à Marco une entrée des plus honnêtes, à défaut d’être spectaculaire et/ou mémorable, parmi le panthéon des auteurs GW-approved. C’est quand tu veux pour remettre ça, gamin.

1: Respectivement Judgement, Like Father, Like Son et The Third Wise Man.

2: Go-dric, Val-di-mar, Kra-ster, So-ro-kin, Mc-Leod, Ta-rek, Jo-a-chim, Sieg-fried, Ish-ma-el, Th-yrus… Hell’s Rejects, retenez les touuuuuuuus! Hell’s Rejects!

3: Abnett et ses Gaunt’s Ghosts pour le côté « en immersion avec la crème de la GI » et Thorpe et sa trilogie Last Chancers pour « l’immortalité » supposée du personnage principal.

Gilead’s Curse (ch. 12) – N. Vincent & D. Abnett [WFB] :

Gilead's CurseRetour à Nuln pour assister à la conclusion de l’épique quête de Gilead and friends visant à mettre un terme à la malédiction du Malaise (en français dans le texte) frappant le monde de Warhammer depuis, hum, un certain temps, et ayant fait un nombre incalculable, ou en tout cas incalculé1, de victimes. L’épisode précédent s’étant terminé sur le riff d’introduction d’Enter Sandman et la silication expresse de ce que tout la bonne cité impériale comptait de verre (c’est Afflelou qui doit se frotter les mains), suite à l’installation par le trio de charretiers d’une enceinte Böse dans un recoin stratégique de la ville, il est temps de prendre des nouvelles de notre fringante équipe en cette heure décisive. En raison des débuts laborieux de cet ultime chapitre, on permettra à l’auteur de ces lignes d’user de son droit d’ellipse de manière libérale afin de ne pas assommer le vaillant lecteur à coups de dissertations sur le but et l’intérêt de certaines des décisions les plus… originales des Vabnett en matière de conduite d’intrigue. Les âmes les plus courageuses pourront toujours se référer directement à l’objet du délit si elles souhaitent approfondir le sujet (à chacun ses délires). Dans le cas présent, je me contenterai de signifier que notre nouvel ami Surn Strallan a peur de beaucoup de choses (Mondelblatt vivant, Mondelblatt mort, les elfes – Gilead plus que Fithvael –, la charrette, la magie, un sablier, de ne pas transpirer…), et que le lecteur attentif sortira de l’étude de Gilead’s Curse avec une idée très précise des phobies de Herr S., complétée d’une ébauche de gradation des unes par rapport aux autres. Voilà pour l’entrée en matière.

De manière plus opérationnelle, si l’expression m’est passée, notre quintette a la surprise d’assister à la génération spontanée de milliers de bestioles appartenant à l’ordre du nuédéroadétombarien, c’est-à-dire scarabées, sauterelles, araignées, scorpions et autres serpents, jusqu’ici qui détails sculptés dans les objets locaux, qui sable de la collection de sabliers de Mondelblatt, et dont le premier souci une fois matérialisés est de se diriger à grande hâte vers un point mystérieux que le lecteur pas trop demeuré associera rapidement au Prêtre Liche beat boxant de manière poo-sey dans les caves de Nuln. Plus perplexes qu’autre chose devant ce phénomène pas ranormal du tout à première vue2, nos héros ne perdent pas une minute pour remonter jusqu’à l’origine de l’anomalie… ah, non, excusez-moi. On me signale dans l’oreillette que priorité a été donnée au sauvetage de ce vieux tromblon de Mondelblatt, dont l’échec au test d’Initiative demandé par cette dernière péripétie l’a conduit à se retrouver recouvert de grouillants en tout genre, pas vraiment hostiles mais pas vraiment amicaux non plus. Pressentant qu’il finira par avoir besoin des lumières – jusqu’ici éteintes – du professeur Fourmemolle pour terminer le niveau, Gilead passe donc deux minutes (c’est écrit dans le texte) à épouiller son comparse, d’abord de manière assez malhabile, puis avec un talent consommé lorsqu’il se décide à passer en mode shadowfast, s’offrant même le luxe d’occire chaque bestiole individuellement au fur et à mesure qu’il les détache de la forme chancelante de son acolyte. Ça c’est du professionnalisme. Cette déverminisation accomplie, et Mondelblatt prêt à remplir son office pour peu que ce dernier prenne place dans pas trop longtemps (piqûres de scorpion obligent), notre fière équipe finit par prendre le chemin du boss, qui, coïncidence des plus heureuses, a choisi d’établir son QG au sous-sol de l’université. Voilà toujours quelques lignes/paragraphes de description épargnés aux auteurs et aux lecteurs, qui à ce stade auront juste envie de voir le bout de tunnel et ne reprocheront pas outre mesure aux Vabnett la mesquinerie de la manœuvre.

Arrivé sur place sans encombres (en même temps, c’était pas loin), Gilead se jette bravement au combat, secondé par ses acolytes elfiques, non sans avoir pris le temps de mettre à l’abri ses humains de compagnie des déprédations des nuées suderonnes en installant quelques rouleaux tue-mouche écrivant « intairdis ô zinsekt » avec du sable piqué chez Mondy autour de ces derniers. S’ensuit une succession d’affrontements sans merci (ni enjeu) entre le trio elfique et les serviteurs du Prêtre Liche, dont la difficulté va, et cela pourrait étonner le lecteur dans un contexte plus normal que Gilead’s Curse, décroissant. On constate ainsi que ce sont les humbles squelettes invoqués par le Hiérophante comme premier rideau de défense3 qui se révèlent les adversaires les plus dangereux pour nos héros, l’une des bidasses osseuses parvenant à toucher Gilead, tandis qu’un autre goon réussit même à blesser Laban, ce qui a pour conséquence indirecte de déclencher la shadowfastittude de ce dernier, avec des résultats funestes pour la team tibia.

Cet échauffement terminé, les deux cousins n’auront aucun mal à démantibuler avec une lenteur perverse les deux Gardes des Tombes faisant office de second rideau (la faute peut-être à une IA complètement buggée), avant que Mondelblatt ne fasse finalement son office en révélant le pouvoir contenu dans l’amulette du Roi des Rats, qui se trouvait être un humidificateur d’atmosphère (no joke), et inflige un coup fatal aux machinations nehekhariennes en libérant deux litres de pisse (NO JOKE) prestement mis à profit par Gilead pour écrire « Haha té niké » avec du sable dans ce noble medium, ce qui conduit le Prêtre Liche au petit-suisside (NO F*****G JOKE !!!), empêchant du même coup la résurrection du Roi des Tombes si laborieusement transbahuté depuis les nécropoles de Khemri jusqu’aux caves de Nuln. And that’s all, folks : si on met de côté les descriptions annexes de la purge de Nuln de la menace mort-vivante (sable, pisse et pluie, pour aller vite), et l’inévitable séparation de la communauté de l’anneau à la fin des évènements, il ne se passera plus rien d’important dans Gilead’s Curse (bon, la narratrice finit par crever et son cadavre est jeté aux loups de Kislev, mais si vous voulez mon avis, elle l’a bien mérité), et dans la saga de Gilead par la même occasion, jusqu’à ce jour en tout cas. Un peu triste pour un personnage, qui, quoi qu’on puisse penser du présent opus, faisait partie des grands anciens du fluff de WHF, et pouvait donc prétendre à un minimum de respect. Malheureusement pour lui, pour Hammer & Bolter et pour les lecteurs, cela ne s’est pas vérifié, et au petit jeu des comparaisons entre les années I et II de H&B, c’est Phalanx qui remporte sans aucune contestation possible la palme du meilleur roman feuilleton. On m’aurait dit au commencement de ce sujet que je plébisciterai sans retenue une soumission SM de Counter par rapport au revival d’une légende Fantasy signée (en partie…) Abnett, j’aurai ri. Comme quoi, on ne peut définitivement pas juger un livre par sa couverture, comme le disent les Britons. Quant à toi, Gilead du monde-qui-fut, repose en paix à présent. Tu as bien mérité, si ce n’est de la patrie, au moins de la Black Library.

1: Mis à part le cousin Baneth, les victimes documentées de ce mystérieux fléau sont en grande majorité des ruminants et des légumes. De là à dire que le Ban’ était une fiotte, il y a un pas que je ne m’hasarderai pas à franchir.

2: Il faut dire que le Malaise semble, entre autres symptômes, attaquer fortement la zone du cerveau responsable de l’étonnement chez les sujets qu’il afflige. Les habitants de Nuln sont ainsi décrits comme endurant cet épisode qu’onques pourrait aisément qualifier de traumatisant avec un flegme suprême. À titre personnel, je soupçonne un expédient pratique de nos auteurs pour ne pas à avoir à intégrer une panique généralisée dans leur récit, ce qui est toujours plus fastidieux en terme de mise en scène qu’un bon « circulez, y a rien à voir ».

3: Gilead, Laban et Fithvael s’étant mis à exsuder de la citronnelle par la grâce d’Isha entre les pages 45 et 46 de Hammer & Bolter, la biodiversité des Rois des Tombes ne représente dès lors plus qu’une nuisance très mineure pour nos intrépides héros.

The Siege of Castellax (extrait) – C. L. Werner [40K] :

The Siege of CastellaxPour ce dernier numéro de Hammer & Bolter, saluons le retour d’une figure centrale mais discrète de la BL, l’incunable et indécoiffable C. L. Werner, dont une partie du voile de mystère est soulevée à l’occasion, le lecteur averti apprenant que le patronyme du bonhomme est Clint (c’est dommage, Chilperic était plus classe). Cette révélation fracassante évacuée, penchons-nous sur l’objet qui nous vaut l’honneur, la chance et l’avantage de revoir Bruno Lee sévir dans les eaux troubles d’un mensuel de la Black Library, lui qui avait été un contributeur de premier ordre d’Inferno ! dans des temps reculés. Bonnes feuilles du roman The Siege of Castellax, intronisé en 2016 au panthéon de la BL sur recommandation de Josh Reynolds (il y a pire comme parrain, honnêtement1), cet extrait nous permet de découvrir les forces en présence dans cette empoignade au pitch d’une simplicité élégante (♫ WAAAGH !!!! droit d’vant toi… ♪– air Ork connu – ) : d’un côté les Iron Warriors du Warsmith Andraaz, petit patron chaotique rangé des voitures après avoir fait les quatre cents coups pendant l’Hérésie, et à présent fournisseur attitré de matos aux bandes chaotiques de l’Œil de la Terreur, de l’autre les hordes vertes d’un illustre inconnu, probablement vert aussi, adeptes convaincues du porte à porte et sans aucune notion de ce « qu’espace personnel » veut dire.

Après une mise en bouche spatiale qui voit l’infortuné équipage du vaisseau de reconnaissance Vulture se mesurer à un Rok avec les résultats que l’on peut attendre de ce genre de confrontation équilibrée, nous faisons connaissance des gentils défenseurs, à savoir Andraaz et son conseil rapproché d’Iron Warriors, tâchant de mettre au point une riposte efficace au léger problème2 auxquels ils se retrouvent confrontés. C’est l’occasion pour Werner de dépeindre une galerie de rascals (rascaux ?) hauts en couleurs et pas vraiment solidaires les uns des autres, dont on prendra sans doute plaisir à les entendre bégayer en olympien après avoir fait connaissance avec le mauvais côté d’un kikoup’. Un plan d’action à peu près viable ayant été défini par les intéressés, nous retournons dans le vide intersidéral pour le voir imploser misérablement au contact de l’ennemi, la ruse orkoïde battant en brèche les savantes manœuvres de l’Archi-Commandant Vortsk et avec elles tout espoir des chaotiques de s’épargner la visite de quelques millions de peaux vertes. L’extrait se termine avec une séance de pose de cojones digne de l’ego monumental d’un Space Marines du Chaos, Andraaz prenant le parti de se débrouiller tout seul face à l’adversité et de mettre en déroute l’invasion sinople sans demander de l’aide auprès de ses anciens potes de la Légion. Sage décision ou orgueil mal placé ? Pour le savoir, lisez la suite !

Si Werner fait le travail plutôt proprement dans ces quelques pages introductives, donnant envie au lecteur d’en savoir plus sur cet affrontement plutôt original dans son choix de protagonistes (ce qui constitue déjà une raison valable de donner sa chance à The Siege of Castellax), la description du conseil de guerre des Iron Warriors ne m’a guère convaincu, la faute au caractère trop humain des sbires d’Andraaz, dont les tics respectifs (mention spéciale au Skylord « parce que je le vaux bien » Morax, qui passe son temps à se passer la main dans les cheveux comme un chanteur de K-Pop qu’il n’est – certainement – pas3), les gloussements flagorneurs et les basses manœuvres politiques et politiciennes pour se faire bien voir du patron tout en rabaissant les collègues aux yeux de ce dernier ne m’ont paru ni crédibles ni bienvenus pour des surhommes amers, froids et cliniques comme je me représente les scions de Perturabo. En l’état, l’auguste cénacle tient plus de l’assemblée de Skeksis que de celle de vétérans désabusés de la Longue Guerre. Il faut dire que leur Suprême Leader m’a semblé passablement sanguin, sa manie de défoncer la table du Stratégium à coup de poing pour marquer ou son irritation, ou sa détermination (à moins qu’il n’y ait simplement plus beaucoup de jus dans la zappette du projecteur PPT et qu’il lui faille recourir à l’énergie cinétique pour changer de slide), ne montrant guère l’exemple à ses ouailles.

Ce petit désagrément mis à part, on retrouve dans cette mise en bouche un Werner égal à lui-même, c’est-à-dire maître de son propos tant sur l’aspect purement narratif, chaque séquence se déroulant sans longueur ni à coup, que sur celui du fluff (pas d’atrocité constatée, et une évocation diablement émoustillante d’un Speaker, psyker de niveau Alpha réduit en catatonie par les Iron Warriors, et arme aussi puissante que dangereuse, dont l’utilisation risque de faire des étincelles). Ne manque au tableau que l’habituelle touche d’humour noir caractéristique du style du jeune Werner (pas le peintre Suisse hein, essayez de faire semblant de suivre), peut-être gardée en réserve pour les personnages Orks du récit, ce qui serait un choix tout à fait compréhensible. Bref, tous les indices semblent indiquer que The Siege of Castellax est un solide filler du catalogue de la BL, à l’instar de la majorité des travaux de son auteur, et peut-être, je dis bien peut-être, davantage. À choper à vil prix sur Amazon un de ces jours pour trancher cette question.

1: Comme tous les systèmes de cooptation, le népotisme reste fréquent. En témoignent les sélections de Headtaker et Death of Integrity, respectivement écrits et choisis par David Guymer et Guy Haley, à 2 mois d’intervalle. On peut toutefois se satisfaire de la présence de 3 bouquins d’Abnett parmi les 11 titres sélectionnés à ce jour.

2: Car dans l’espace, la faiblesse de la gravité diminue drastiquement le poids des objets.

3: À propos de cheveux, il faut aussi noter qu’un autre lieutenant IW a bénéficié d’un don démonique peu courant et très spectaculaire : la permanente chaotique (change de couleur selon l’humeur de son propriétaire). La légende raconte qu’Archaon a juré de porter un casque intégral jusqu’à qu’il tombe sur cet attribut sur le tableau des récompenses du Chaos.

Emperor’s Deliverance – N. Kyme [40K] :

Contributeur régulier de Hammer & Bolter, mais assez rarement en bien, le sieur Kyme a lui été aussi convié au pot de départ du webzine de la BL, et n’est pas venu les mains vides. Son Emperor’s Deliverance catapulte le lecteur sur Armageddon, le Geoffroy Guichard du Segmentum Solar (comprendre qu’il s’agit d’un lieu très animé où les prolos de l’industrie lourde et la couleur verte règnent en maîtres), pour un épisode de Faîtes Comme Chez Vous ! d’un genre un peu spécial. Voici le pitch : notre héroïne, la Sœur Sourire Scalpel Athena s’efforce d’apporter le peu de réconfort et de chaleur humaine aux milliers d’âmes perdues réfugiées dans le camp qu’elle dirige avec sa stagiaire (Betheniel), un homme de ménage philippin (Sanson) et le fils de la gardienne (Kolber). Malheureusement pour tout ce petit monde, leur fragile écosystème, jusque-là à peu près préservé des déprédations des ultras Stéphanois (les Verts, pour ceux qui ne suivent pas) se retrouve mis à mal quand la gardienne (le Colonel Hauptman) en question accepte une mutation à la droite de l’Empereur après un craquage de fumigènes mal négocié. La demande de remplacement du personnel dûment envoyée par Athena à la copro se solde par l’arrivée d’un duo de gorilles pas vraiment amènes (Nemiok et Varik, intérimaires Marines malveillants, malvoyants et malpolis, placés sur le poste par l’agence Manlpower locale), adeptes convaincus du itsnotmyjob-isme et jamais les derniers pour faire le coup de feu avec les footix du coin quand l’occasion se présente, sans considération pour le confort et la sécurité de leurs charges, ni pour les pétunias de Mme Ledoux, puisqu’il faut dire les choses. Ayant tenté, sans succès, d’obtenir une coopération plus active de la part de son nouveau service d’ordre, Athena finit par laisser les Marines malotrus vaquer à leurs occupations, encaissant de manière stoïque la surcharge de travail générée par la défection de ces malappris. La situation finit toutefois par tout à fait dégénérer lorsque les Magic Fans décident de faire une virée dans la propriété, profitant du portail laissé ouvert par les malavisés Nem’ et Var’. Dans le chaos qui s’ensuit, tout le staff d’Athena finit à l’hôpital (section morgue), cette dernière ne devant son salut qu’au retour tardif des Marines mal-embouchés, qui finissent par bouter les ultras hors de la place à grand renfort de gomme cogne et de grenades de désencerclement, dont l’usage inconsidéré et indiscriminé ne fait qu’ajouter à la confusion en plus de faire grimper le nombre de blessés (dont la pauvre Betheniel, élevée grande maîtresse de l’ordre de Rémi Fraisse après une rencontre malheureuse avec un flashball grognon). Hors d’elle, Athena enguirlande vertement (un comble !) les Marines malfaiteurs, et manque à son tour de se faire molester par ces derniers, n’étant sauvée que par le crochet du droit de Varik à Nemiok, le premier ayant manifestement jugé que son comparse était effectivement un malfrat.

La situation ayant fini par s’apaiser et les Magic Fans ayant écopé d’une interdiction de stade pour le prochain match, les Marines malfaisants sont convoqués à l’agence par le responsable (Capitaine Vinyar) pour s’expliquer sur les évènements. Loin de s’offusquer des débordements constatés, le maléfique individu se révèle au contraire tout à fait satisfait par la tournure prise par les évènements, la dérouillée subie par les Verts justifiant à ses yeux les sévices endurés par les quidams pris entre deux feux1. Ayant renvoyé ses malabars vaquer à leur manœuvres malsaines, Vinyar à la surprise d’entendre frapper à la porte peu de temps après leur départ, et décide de manière malavisée d’ouvrir. Entre alors nul autre que Jean-Claude Tu’shan, vert de rage et noir d’humeur d’avoir appris les déprédations commises par les Marines maladroits. Ne pouvant plus rien pour les innocentes victimes de ce carnage inutile, le Tu’sh les venge en (probablement, voir ci-dessous) maltraitant et malmenant malicieusement Vinyar pour malfaçon. Malaisant.

Kyme ne fait décidément rien comme les autres auteurs de la BL. Ayant pris le parti, comme certains avant lui, de développer un bout de fluff officiel pour lui donner souffle et vie, il choisit de se pencher sur une péripétie tout à fait mineure2 de l’histoire de son chapitre fétiche, et de s’arrêter, un peu comme son comparse Hoare dans The Last Charge, au moment où les choses commençaient à devenir intéressantes pour le fan-boy sommeillant en chacun de nous, c’est-à-dire l’explication de texte entre le défenseur des Droits de l’Hominidé (parce qu’il ne faut pas oublier les Ratlings, les Squats et les Ogryns) et Super Connard. Cette franche algarade aurait pu déboucher sur quelque chose d’intéressant, du fait du pedigree des participants, de la rareté de la situation et de l’incertitude qui plane sur le résultat de la confrontation. On a beau supposer que Tu’shan, en tant que gentil et Maître d’un chapitre bien connu, l’emporte sur Vinyar, qui n’est « qu’un » méchant Capitaine d’un chapitre très obscur, la tournure de la phrase sur laquelle Kyme a bâti sa nouvelle évoque simplement un échange de coups entre nos deux compaings, ce qui pourrait tout aussi bien signifier une égalité, voire la victoire de Vinyar sur son Bisounours de collègue. Ça, ce serait cool. Et ça aurait pu l’être, si Kyme n’avait pas perdu de précieuses pages à disserter sur les avanies d’Athena et Cie, ce qui sert bien entendu à exposer la vilénie des Marines Vol au Vent, mais ne méritait peut-être pas de constituer le corps du propos. Et quand bien même on garderait l’intégralité d’Emperor’s Deliverance, les 15 pages de la nouvelle auraient pu en accueillir 5 de plus sans problème, laissant à Nick assez de place pour dépeindre la controverse de Waaaghadolid de manière convaincante et imaginée. Pour une fois que je shippais une baston entre SM, il faut que l’on me la retire, destin cruel. Que t’ai-je dont fait, Pépé ?

Conclusion tronquée mise à part, il faut reconnaître que Kyme se sort honorablement de l’exercice, sa tendance à sombrer dans le ridicule à force de vouloir rendre ses scènes d’actions le plus cool possible, sans se soucier ni de la vraisemblance, ni des conséquences, ayant plus d’une fois desservi notre homme. Rien de tout ceci dans Emperor’s Deliverance donc, seulement du bon vieux BL-style, croustillant mais insipide, comme les galettes de riz complet bio Björg. C’est pas du lembas Nick, mais faute de grives3

1: Vinyar, arière-arrière-arrière78 petit fils de Jan-Meeshail Awlath, le fameux magnat Franc du début du IIIème millénaire ? C’est une piste sérieuse.

2: Introduite en une demi-ligne dans l’Index Astartes dédiée aux Salles à Manger, si je ne m’abuse.

3: « …mangez de la brioche. » (Roboute Robuchon). C’est plus une phrase de conclusion, c’est un cadavre nerdxquis. Vivement que ça s’arrête.

The Fangs of the Asp – J. Reynolds [WFB] :

On achève, cette fois-ci pour de bon, par une ultime offrande de Josh Reynolds, jack of all trades and master of many de Hammer & Bolter, se déroulant sous des latitudes plus ensoleillées, à défaut d’être plus clémentes, que les nôtres (les miennes en tout cas).

The Fangs of the Asp relate le quotidien d’un de ces personnages nommés sans être ultra connus du fluff canon de Warhammer Fantasy, la reine Khalida Neferher. Présence régulière des Livres d’Armées Rois des Tombes, Khalida ne jouit en effet pas de la même renommée que Settra l’Incontournable (en plus d’être Impérissable) parmi la communauté, malgré les indéniables atouts dont elle dispose(ait) d’un point de vue stratégique, un rôle loin d’être négligeable dans le background de sa faction (la chienne de garde vampirophobe de Nehekhara) et une relation d’amour-haine-it’s complicated que je trouve des plus intéressantes avec sa cousine Bécassine Neferata, autre figure majeure du petit monde de la non-vie. Que voulez-vous, on n’a pas toujours ce qu’on mérite.

Notre propos commence par le réveil en sursaut de notre héroïne à l’aube d’un nouveau Jour des Scorpions, évènement décennal pendant lequel il est permis à un prétendant de sang noble de défier le détenteur de la charge de gardien de Nagashizzar, job consistant à camper sur la zone de spawn du Nag’ pour lui péter la gueule s’il devait avoir la mauvaise idée de repointer le bout de son cartilage avec des visions hégémoniques sur la planète, ce qui est son péché mignon il faut bien le reconnaître. Malgré la bassesse de l’approche (👏 tout 👏 le 👏 monde 👏 déteste 👏 les 👏 campeurs 👏) et l’absence totale d’action pendant les derniers millénaires, le poste semble apporter une certaine notoriété à celui qui l’occupe, forçant Khalida à défendre son bien avec régularité. À l’échelle de la non-vie, 10 ans passent vite, et notre reine a donc l’impression de devoir remettre en jeu son titre tous les quatre matins, ce qui finit par ressentir dans la manière dont elle expédie les importuns, au grand désarroi du Prêtre Liche gâteux et traditionnaliste qui lui sert de chaperon. Le dernier challenger en date, Ushtep de Rasetra, venu frimer avec son Sphinx de Guerre (l’équivalent de la Twingo tunnée à Khemri), n’a ainsi même pas le temps de laisser son héraut décliner tous ses titres (l’équivalent d’un « wesh, bien ou bien ? » à Khemri) que Khalida lui est déjà tombé sur le râble, avec des conséquences fâcheuses pour son intégrité physique et la haute image qu’il avait de lui-même. L’affaire ainsi pliée, en même temps que le pauvre Ushtep, en deux-deux, Khalida a tout loisir de repartir dans les rêveries qui occupent la majeure partie de son éternité, et dans lesquelles son passif mal digéré (dans tous les sens du terme) avec Neferata occupe une place centrale.

Cette routine paisible touche cependant à sa fin lorsque Settra, dans les jupes duquel un grand nombre de prétendants violemment éconduits par the Great Khali sont allés pleurer, envoie son héraut personnel, le primesautier Nekaph, remettre un peu d’ordre dans le décorum nehekharien. Sommée d’aller voir ailleurs si Nagash y est et partager avec ses petits camarades de mort le privilège (douteux) de stationner en double file devant le pied à terre du grand nécromancien, Khalida ne s’en laisse pas conter et aurait sans doute fini par balancer son bâton à travers la goule de l’huissier du Roi des Rois, avec des conséquences pour le moins incertaines, sans l’arrivée opportune d’une armée d’intrus dans Nagashizzar, ce qui met temporairement fin au processus de médiation. Balançant un « je vous l’avais bien dit » narquois, Khalida part au grand trot avec sa légion régler leur compte aux importuns, talonnée par le contingent de Nekaph, jamais le dernier quand il s’agit de mettre des coups de têtes (Fléau des Crânes oblige). Par un heureux hasard, une pure coïncidence ou en préparation de la Fin des Temps, on découvre vite que les visiteurs sont menés par nulle autre que Neferata, ce qui donne lieu à de touchantes, blessantes et sauvegardantes retrouvailles familles, qui s’achèvent par la capture en bonne et due forme de la patronne des Lahmianes.

Alors que cette dernière attend, beaucoup trop tranquillement, son inévitable exécution, Khalida intervient auprès de Nekaph et obtient de pouvoir offrir le deal suivant à sa cousine, en récompense du service rendu qu’elle vient de rendre Khemri : la liberté si elle parvient à la vaincre en combat singulier. S’ensuit un crêpage de chignon des plus soutenus, dont l’issue semble incertaine jusqu’à ce que Khalida ne décide de laisser Neferata l’emporter, pour des raisons un peu vaseuses et mièvres à mon goût, mais qui ont au moins le mérite de laisser les deux futures Mortarques terminer la nouvelle en bon état pour la suite (et la fin) des évènements.

Josh Reynolds m’a habitué à de tels standards que le moindre petit coup de moins bien semble un crime de lèse-majesté, quand bien même l’objet du délit se révèlerait être de bien meilleure facture que la plupart des soumissions de la concurrence (ce qui est assez souvent le cas, il faut le reconnaître). The Fangs of the Asp tombe dans cette catégorie de second choix Reynoldsien, pénalisé qu’il est par son exploitation inaboutie de la rivalité ambigüe des mean girls du monde qui fut. Fil rouge des flashbacks insérés dans l’histoire principale et pièce de résistance de cette dernière, la confrontation récurrente de Khalida et Neferata ne débouche au final sur rien de très concret sur aucun de ces deux tableaux. J’aurais bien aimé que Reynolds nous livre sa version du premier duel entre les BFF, comme il l’avait fait pour Mikael et Gorthor dans The Gods Demand, mais cet épisode fondateur n’est guère qu’évoqué aux détours de quelques paragraphes. Les autres affrontements, pour plus développés qu’ils soient, n’apparaissent que comme autant d’actes manqués, la motivation de Khalida à tuer sa cousine finissant toujours par s’effriter au moment fatidique, prolongeant le statu quo pour des siècles et des siècles. Dans ce prélude à la Fin des Temps, Reynolds voudrait faire passer la faiblesse de caractère de l’Elue d’Asaph pour une tentative assumée de cette dernière de nuire à Nagash en laissant la (non) vie sauve à la moins fiable de ses lieutenants, qui finira fatalement par le trahir au pire moment, mais la pilule a du mal à passer, ce qui affaiblit la nouvelle au pire moment, c’est-à-dire sa conclusion. Dommage.

Cette petite déconvenue évacuée, Josh Reynolds assure comme à son habitude sur les autres tableaux. Ami lecteur, veux-tu du fluff, des idées intéressantes sur le fonctionnement de la société Rois des Tombes1, des personnages nommés faisant honneur à leur statut, des scènes d’actions efficaces, une narration efficace, et j’en passe ? Uncle Josh got you covered, fam. Quand on sait à quel point il peut être compliqué de n’avoir qu’une seule de ces cases cochées par certains auteurs de la BL, on se dit que tout ne va pas si mal finalement.

1: Ici, la schizophrénie latente qui afflige tout le monde, et empêche parfois les Nehekariens de faire la part des choses entre les souvenirs de leur vie mortelle, dans lesquels ils peuvent se plonger pendant de longues périodes de temps, et leur non-vie, forcément moins glamour. Citons aussi la position de « live and let live » de Khalida envers les Skavens, qu’elle laisse prospérer dans son arrière-cour en échange de renseignements et d’une surveillance mutualisée de Nagashizzar.   

Et voilà déjà le moment pour moi de clôturer cette ultime chronique de Hammer & Bolter, avec la traditionnelle évaluation globale du numéro disséqué. Les éditeurs de Nottingham auraient-ils ménagé leur sortie en gardant le meilleur pour la fin ? En toute franchise, non. Malgré des atouts certains (Latham, Werner, Reynolds), selon moi révélateurs d’une qualité qui m’avait semblé repartir à la hausse après une période de moins bien, ce numéro 26 n’est pas la publication la plus aboutie du lot, même si on peut au moins lui reconnaître que ses éléments les plus faibles (Gilead’s Curse, Kyme) ne sont pas les rebuts absolus que les lecteurs vétérans de H&B étaient en droit de redouter de la part des intéressés. Mention honorable donc.

HAMMER & BOLTER [N°25]

Bonjour à tous, et bienvenue dans cette chronique du 25ème numéro de Hammer & Bolter ! 25, c’est un beau chiffre, qui l’aurait été encore plus s’il ne s’était s’agi de la pénultième publication de feu le webzine de la Black Library (Inferno ! avait fait 20 de mieux, en tenant jusqu’au numéro 461). Un mal pour un bien me direz-vous, car cela nous rapproche fortement de la fin de cette épopée chroniqueuse, initiée il y a déjà quelques années par l’auteur de ces lignes. Encore un petit coup de collier à donner, et la boucle sera bouclée.

Au menu du dolce de H&B, les débuts (à ma connaissance) de Phil Kelly dans la fiction narrative, après une grosse dizaine de Codices 40K et rien de moins que deux GBN, et croyez-le ou non, cela se passe chez les techno-barbares d’un monde féodal. Shocking. On assistera également au retour d’une autre figure bien connue du studio GW, Andy « Peroxide » Hoare, qui fera le chemin inverse de son comparse en délaissant les vaches rousses, blanches et noires et les pommiers dans la prairie made in Normandie Bretonnie pour longer les bordures de l’Imperium en compagnie de la Brienne (à prononcer comme Stallone dans Rocky), figure centrale de ses écrits Rogue Trader-esques. En parlant de retour, ce sera à Josh Reynolds de revenir dire bonjour à Hammer & Bolter, avec un cross over encore plus ambitieux que celui d’Infinity War. Pas de spoil, pas de spoil, lisez plutôt. Enfin, ce sera double (ou 1,5, selon comment on calcule) dose d’Abnett, à la fois à cause du chapitre de Gilead’s Curse de rigueur (et le terme est approprié) mais également grâce à un extrait de son (à l’époque) nouveau roman, Pariah. Bonne lecture !

1: Et de ce que j’ai pu voir en baguenaudant récemment sur le site de la Black Library, l’illustre aïeul de Hammer & Bolter a rejailli de ses cendres, au moins de manière ponctuelle, sous un format totalement numérique. Je sais ce qu’il me reste à faire…

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The Court Beneath – P. Kelly [WFB] :

Comme un grand nombre de ses condisciples du studio de création de Games Workshop, Phil Kelly a, après la longue et honorable carrière qu’on lui connaît en tant que game designer,  cédé aux sirènes du fluff et contribué de sa modeste pierre à l’édifice du background des univers GW. Spécialiste du Bien Suprême (Blood Oath, Blades of Damocles, Farsight), et ayant récemment couvert la (forcément) difficile intégration des Primaris au sein des Dark Angels (War of Secrets), il a également quelques travaux med-fan à son actif, dont rien de moins que le déclenchement de la Fin des Temps (Sigmar’s Blood).

Notre histoire débute sur une route boueuse des Hauts de Bretonnie, en compagnie de notre tout aussi boueux héros. Bien que noble, ce dernier fait pâle figure, des années de quête infructueuse du Graal l’ayant durement marqué. Couturé de cicatrices, marque par la teigne, quelques dents et son destrier en moins, Loulou (appelons comme ça pour le moment) est l’incarnation parfaite du chti chevalier errant, et bien qu’il lui en coûte de se présenter sous ce jour défavorable à la cour, la survenue d’une menace de grande ampleur (un Nécromant du nom de Myldeon ratisse le nord des terres du Roy à la recherche de followers) le pousse à venir quémander une armée auprès des autorités locales afin de mettre un terme aux déprédations du sorcier. Arrivé à Marcq en Baroeul Couronne, Loulou se fait d’abord gentiment mais fermement enjoindre par le service d’ordre (Iron Eye et le Joker, rien que ça) d’aller se faire ausculter chez les Tiléens, avant que notre héros ne se sorte de ce mauvais pas en rappelant qu’il est le fils du taulier, et mérite donc un peu plus de respect. Car Loulou, notre chouchou foufou, est Louen de Couronne, et The Court Beneath n’est rien de moins que le How I Got My Moniker du futur souverain Breton.

Quelques heures plus tard, c’est escorté de quinze chevaliers et des écuyers de ces derniers que Louen ressort de Couronne, guère enchanté de la pingrerie paternelle (il semblerait que la parabole du retour du fils prodigue n’ait pas atteint les lointaines latitudes bretoniennes) mais déjà mieux mis qu’à son arrivée. Ayant pu tout du moins compter sur le soutien de son ami Brocard, réputé à des lieues à la ronde pour sa maîtrise du pop shove-it et du heelflip (les fameuses figures de Brocard1), Louen fait contre mauvaise fortune bon cœur et finit par rattraper les hordes chancelantes de Myldeon à proximité d’un lac. Après la traditionnelle causerie d’avant-match, le XV de Couronne se met en branle pour mettre sa branlée aux groupies de Mymie M’a tuer. Et là, grossière erreur : sans doute peu familier des arcanes du Livre d’Armée Bretonnien, Louen ordonne l’attaque sans chercher la bénédiction de la Dame, ce qui est particulièrement con lorsque l’ennemi n’aligne aucune machine de guerre ni arme de tir, a une caractéristique de Mouvement inférieure à la vôtre et ne peut pas faire de marche forcée à plus de 12 pas de son général. Stay in school, kiddos. La suite, vous la devinez : la magnifique fléchette bretonnienne s’enfonce sans mal dans le ventre mou de l’armée adverse (de façon littérale et figurée), mais arrive la phase de corps à corps fatidique où les chevaux ont un coup de moins bien, et qui se solde par une défaite sans appel de nos preux paladins, dont les moulinets enthousiastes ne font pas le poids face aux imposants bonus fixes de l’adversaire. Sentant la situation mal engagée, Brocard tente de rentrer un boardslide sur le nez crochu de Myldeon, mais un regard (désapprobateur) de Nagash suffit à faire avorter la tentative, et à griller la street credibility de LeBroc James, en même temps que l’enveloppe corporelle de ce dernier. Isolé au milieu de la mer morte, Louen tente à son tour de rallier sa Némésis, mais ne parvient qu’à se faire acculer (acculer, j’ai dit) sur la rive du lac, dans lequel il finit par sombrer corps et bien.

Piégé par son armure, notre héros s’enfonce dans les profondeurs stygiennes du plan d’eau, et découvre avec surprise qu’il reste capable de respirer dans cet environnement peu familier. Son soulagement est toutefois de courte durée, son arrivée n’étant pas passée inaperçue parmi les résidents des abysses, comme le confirme l’attaque soudaine d’un Leviator sauvage. Un instant pris au dépourvu par ce choc de franchise, Louen se ressaisit rapidement, et lance l’Archéomire qui lui servait jusque-là de bouclier au combat2, avec des résultats plutôt probants. Asticoté with extreme prejudice, l’assaillant de Louen finit par passer l’arme à gauche, ce qui vaut à Loulou l’insigne honneur d’être invité au banquet que donnait à quelques encablures de là, je vous le donne en mille, la Dame du Lac. Entourée d’une cour résolument United Colors of Tête de Thon, cette dernière réserve d’abord un accueil assez froid à son pauvre champion, avant de consentir à lui faire boire au Graal (ce qui était attendu), de lui rouler une pelle (ce qui est un à-côté appréciable) et de le renvoyer à la surface en compagnie d’une armée digne de ce nom (ce qui fait toujours plaisir), constituée des jeunes hommes doués de capacités magiques que cette cougar de Dame enlève à leurs parents sans le moindre scrupule.

Transcendé par l’expérience, notre nouveau Chevalier du Graal se rue à l’assaut de la cohorte mort-vivante, qui ne s’était guère éloignée du lac en raison de ses minables capacités motrices. Bien aidé par le vigoureux concours de ses nouveaux amis aquatiques, Louen se fraie un chemin jusqu’à Myldeon, en passant sur le corps des anciens camarades ranimés par le Nécromant au passage, et, en hommage à Brocard, met un point final aux manigances de ce dernier d’un superbe anhyzer décapitant, démontrant ainsi sa maîtrise de la vertu de bogossitude et ajoutant un nouveau chapitre à sa légende. Loué soit Louen.

Les lecteurs réguliers de ces chroniques connaissent mon intérêt pour la mise en scène d’épisodes importants, ou au moins significatifs, du fluff de WHB jusque-là seulement évoqués dans les Livres d’Armées. En plus de mettre au premier plan des personnages bien connus du Vieux Monde (ou d’ailleurs), ces récits enrichissent souvent le background et donnent du grain à moudre à tous les fluffistes acharnés, prêts à vendre père et mère pour connaître la pointure de Nagash ou l’émission de radio préférée d’Aenarion. Encore faut-il pour cela que l’auteur à la manœuvre ait pris la mesure du « matériel narratif » mis à sa disposition, et parvienne à exploiter les qualités intrinsèques de ce dernier sans donner dans la timidité ou dans l’excès. Fort heureusement, Phil Kelly parvient à tirer son épingle du jeu de manière convaincante, et rend une copie sérieuse, d’un niveau similaire à Feast of Horrors (Wraight – Hammer & Bolter #5), et juste en deçà de The Gods Demand (J. Reynolds – Hammer & Bolter #11). Rythmée, prenante et généreusement dotée en termes de détails fluff (notamment le devenir des garçons enlevés par la Dame du Lac, et qui contrairement à leurs homologues féminines, ne retournent jamais parmi les hommes), The Court Beneath est une nouvelle très honorable, ce qui n’est pas rien pour une première soumission, et est d’autant plus méritoire que la Bretonnie est une des factions de WFB les moins gâtées par les publications BL en règle générale (Tybalt’s Quest, Faith, The Last Charge, Rest Eternal, Questing Knight).

1: Essayez de faire ça avec un destrier caparaçonné bretonnien en lieu et place d’un skateboard. Ça vous place le niveau du bonhomme.

2: Fun fact : J’ai découvert qu’il existait bien un Pokémon en forme de bouclier au moment de l’écriture de cette chronique. Le pire étant que ce dernier appartient à la 4ème génération, et que nous en sommes maintenant à la 7ème. À quand les Pokémons Tupperware, Balais à Chiotte et Ephéméride ?

Gilead’s Curse (ch. 11) – N. Vincent & D. Abnett [WFB] :

Gilead's CurseAlors que la fin s’approche à grands pas pour Glilead’s Curse, petit retour sur la situation à l’ouverture de cet avant-dernier chapitre : arrivé à Nuln sur la seule base d’une expertise torchée en 5 secondes par un ancien stagiaire chez Drouot devenu Vampire Dragon de Sang par la suite, et un vieux souvenir de Gilead dont le principal intéressé a reconnu lui-même qu’il n’avait qu’une très faible chance de se montrer utile à sa quête, notre trio d’Elfes kidnappe un professeur caduque, cacochyme et un peu troll sur les bords, séquestre et torture l’honnête aubergiste chez lequel ils ont trouvé refuge en compagnie de leur otage, puis se dispersent dans la cité impériale à la recherche de nouveaux méfaits à commettre. Pendant ce temps-là, la charrette des méchants de l’histoire (car cela ne peut être qu’eux, même les Vabnett n’oseraient pas tirer un nouvel antagoniste de leur chapeau à deux chapitres de la fin) arrive en mode pépouze à Nuln, passe l’octroi sans (presque) éveiller l’attention et s’enfonce dans le dédale de la vieille ville vers sa destination ultime, suivie de loin par the only living boy in New York, Tom Surn Strallan. Pour rappel, au même moment de son année de « feuilletonage », le brave Ben Counter faisait s’abattre une horde de Démons sur le Phalanx, en même temps que le feu et la fureur de Sarpedon sur Iktinos, deux climax dignes de ce nom et préparant la conclusion d’une saga épique. L’année II d’ Hammer & Bolter se révèle donc légèrement moins-disante en termes d’intensité scénaristique, la partie de Mario Kart auquelle s’adonne notre intrépide SS étant, et de loin, la péripétie la plus haletante dont a bénéficié Gilead’s Curse depuis quelques chapitres maintenant. Comme la voix off nous l’indique dans son laïus introductif, ce récit est vraiment maudit, et cela aurait dû finir avec des skavens. Truer words have never been spoken.

Les lecteurs attentifs se souviendront que le chapitre précédent s’était conclu par une répartition des tâches incombant à chacun de nos héros, ficelle narrative un peu épaisse mais ayant au moins le mérite de structurer un tant soit peu un récit dont l’absence de colonne vertébrale l’apparentait jusqu’ici au gracieux, vivace et versatile lombric, dont la capacité à transformer de la boue en étron fait l’envie du règne animal. Las, à peine entré de quelques pages dans notre propos, force fut de constater que cette bonne résolution était restée lettre morte, Gilou n’ayant rien de trouvé de plus malin que de rester avec Mondelblatt et Laban (alors qu’il aurait dû être partout, dixit lui-même), ce qui a pour conséquence de faire passer le jeune elfe de la catégorie des personnages à celui des décors1, le droit d’aînesse de Gilou lui donnant la priorité pour tenir le crachoir aux divagations de Mondelblatt, destin pire que la mort certes, mais permettant au moins de justifier l’inclusion de l’intéressé au casting du roman.

De son côté, Fithvael, lui, essaie très dur de se rendre utile et de coller au script (brave petit vieux). D’abord en allant chercher une carte détaillée de Nuln chez le buraliste le plus proche, à laquelle il ajoute le plan des caves de la cité sur un coup de tête (un réflexe que je devine utile pour la conclusion de notre récit, et sans doute hérité de nombreuses sessions de Diablo II). Ensuite en identifiant un à un tous les signes révélateurs de la présence des Rois des Tombes dans la ville, qu’il s’agisse de scarabées, araignées ou de scolopendres, ce qui l’occupe un certain temps et lui permet de remplir sa master map de gribouillis. Enfin en capturant à l’improviste, tel le pedobear qu’il est, le jeune et vigoureux Surn Strallan, qui avait commis l’imprudence de prendre en filature l’entomologiste amateur après avoir échoué à attirer la bienveillante attention des autorités compétentes sur la mystérieuse charrette sableuse. Ramené chez Mondelblatt par son nouvel éraste, il a tôt fait de révéler ses tendances scientologues scientophobes, et a le privilège de constater, en même temps que ses nouveaux copains, la transformation des carreaux de la fenêtre de l’universitaire en sable, ce qui, en plus de constituer un vice de forme évident, annonce de manière indubitable qu’ « ils » ont commencé leur sinistre besogne (qui pour le moment, consiste en petite activité de livraison à domicile de mobilier encombrant, type sarcophage). Et voici qui plante le décor du grand dénouement de Gilead’s Curse. Je dirai bien que ça va déménager, mais ce serait mensonger, à double titre.

Chapitre dans la droite ligne des deux précédents (c’est-à-dire assez quelconque, mais beaucoup plus lisible que les premiers épisodes de la saga), cette mise en place du grand final du roman feuilleton de l’année II de Hammer & Bolter manque du souffle épique que l’on était en droit d’attendre pour une saga mettant un Haut Elfe aux prises avec une malédiction civilisationnelle. A contrario, l’épisode onze est sans doute le plus scatologique du lot (deux mentions de fèces, une de défécation, qui qui qui dit mieux ?), ce qui va sans doute à l’encontre de l’effet recherché. Ça me fait mal aux doigts de l’écrire, mais n’a pas l’emphase ampoulée d’un Gav Thorpe qui veut, et c’est peut-être ce qui aurait été utile à Gilead’s Curse en ce moment décisif. Rendez-vous au prochain numéro pour connaître le fin mot de l’histoire.

1: Décor qui parle, tout de même (un mot, ce qui il y a encore quelques chapitres, aurait été le summum de l’éloquence).

Cold Trade – A. Hoare [40K] :

Bien qu’on ne puisse pas vraiment le considérer comme un contributeur régulier de la Black Library, Andy Hoare trace sa route de free-lance avec persévérance et singularité, en témoigne l’hétérogénéité manifeste que l’on constate quant aux thèmes et factions qu’il a choisi de traiter au cours de sa carrière d’écrivain semi-pro : des White Scars aux Bretonniens, de la Lustrie aux colonies pénitentiaires1, c’est une palette pour le moins contrastée qui s’offre aux regards curieux. Néanmoins, on ne peut nier un penchant plus marqué pour une de ses créations littéraires en particulier, cette dernière se trouvant être Brielle Gerrit, fille de Lucian Gerrit, qui constitue avec son demi-frère Korvane et son papounet chéri le trio de protagonistes du plus important effort narratif du sieur Hoare : la saga (osons le terme, à défaut du féminisme) du clan Rogue Trader Arcadius. Outre les deux tomes consacrés à la petite entreprise qui connaît bien la crise de Lulu et Cie (Rogue Star et Star of Damocles), Hoare a en effet poussé le bouchon jusqu’à remettre Brielle sur le devant de la scène dans deux nouvelles : Ambition Knows No Bounds (pas terrible, et qui sera sans doute chroniquée un de ces jours ici), et plus récemment le présent Cold Trade.

Tout commence par une approche simple, basique, de la navette contenant la Brielle susnommée, ainsi que le pilote privé d’icelle (le clan Arcadius a beau être dans la dèche, ils ont tenu à garder leur petit personnel, c’est tout à leur honneur) en direction de la capitale d’un monde marais situé en périphérie de l’Impérium, et pas franchement bien tenu. Nullement intimidée par l’accueil un peu froid qu’elle reçoit de la part de la tour de contrôle locale, dont le lance-pierres reste braqué sur son vaisseau pendant la durée de sa descente, Brielle a tôt fait d’entraîner son larbin (Ganna) ainsi que deux serviteurs portant une énaûrme caisse dans l’effervescence animée de Quagtown, renommée dans tout le sous-secteur pour le cabaret sauvage qu’elle abrite. C’est vers ce dernier que l’héritière des Arcadius se dirige d’un pas décidé, et finit par parvenir après s’être jouée d’un trio de Blood Axes pas vraiment physionomistes ainsi qu’un piquet de plantons assez impressionnables.

Arrivé à bon port, notre quatuor a à peine le temps de se commander à boire auprès d’une serveuse si vicieuse qu’elle a dû venir directement de Paris intramuros (du Marais aux marais, c’est le karma) et de jeter un œil au show barnumesque faisant office d’animation que le propriétaire des lieux fait son entrée et convie menonctueusement  (mais si, vous avez compris) nos héros à s’isoler avec lui pour parler affaire. Tant que nous y sommes, présentons un peu notre bonhomme car il vaut certainement le détour : le Baron Gussy est en effet un homme patchwork, constitué de petits bouts d’autres personnes patiemment assemblés pour obtenir un individu totalement flamboyant2, comme son titre et son nom l’auront déjà révélé aux plus anglophones de nos lecteurs. BG étant un bg, il commence par tailler le bout de gras avec la plantureuse Brielle, après avoir séparée cette dernière de son escorte, dont le rusé personnage a supposé, non sans justesse, qu’elle ne servait qu’à détourner l’attention des faquins du vrai trésor apporté par Voyelle, et qui se trouve être un anneau de transmutation. De son côté, notre héroïne insiste également pour reluquer la camelote, et Gussy s’exécute en déballant le grand jeu : un phallus chromatique porte-clé collector (sans doute le Tamagotchi McDonalds de 1997, il coûtait déjà 20 balles 20 ans après, alors imaginez 38.000 ans plus tard…), qu’un fan die-hard est prêt à acquérir pour la coquette somme d’un monde vierge.

Comme on peut se l’imaginer, les négociations qui s’engagent immédiatement ne sont badines qu’en apparence, Gus’ ayant la mauvaise idée de vouloir prendre Brielle en otage pour obtenir le beurre, l’argent du beurre et le c…ourire de la crémière, en extorquant au clan Arcadius quelques-unes de ses possessions terrestres (littéralement) en échange d’un retour de la fille chérie du patriarche en un seul morceau. Malheureusement pour lui, la donzelle dissimulait un gadget joakero dans l’une de ses dread, et la fatuité satisfaite de l’homme coupon se mue rapidement en rage impuissante lorsque Bridelle donne l’ordre à son vaisseau en orbite de dégommer une à une les pieds à terre quagesques de l’aristo mégalo. N’ayant pas les nerfs nécessaires pour rester dans la partie, et peu aidé il est vrai par le niveau d’amateurisme profond de ses nervis, Gussy, pris à son tour en otage par Brielle, ne peut qu’assister au départ triomphale de cette dernière, qui repart de Quag avec anneau, babiole et sans avoir payé sa consommation, ce qui est la porte ouverte à toutes les fenêtres et la mort assurée du petit commerce. Rouges (et pour une fois, ce n’est pas une faute d’accord, vu le pedigree du bonhomme) de colère et de honte, l’infortuné Baron rentre au bercail pour s’en jeter un petit, et découvre le dernier cadeau que lui a fait son invitée avant de partir : la caisse apportée par les deux serviteurs briellois n’était en effet pas vide du tout, mais contenait une charge plasma au bord de la surcharge et astucieusement mis sous stase, jusqu’à récemment. Bilan des courses : une déco d’intérieur complètement refaite, même s’il faudra attendre quelques millénaires que la peinture sèche. Rendez-vous en 45K.

Pour être tout à fait honnête, j’ai entamé Cold Trade avec un manque d’enthousiasme non dissimulé, la précédente tentative d’Andy Hoare de faire vivre à Dame Brielle de trépidantes aventures s’étant soldée par un ratage dans les grandes longueurs3. Toutefois, au fur et à mesure que s’enchaînaient les pages, je dus reconnaître que ce deuxième jet était bien plus abouti que le premier, à mon grand plaisir. Outre le fait que le casting réduit contribue grandement à dynamiser l’action, le propos assez novateur, ou en tout cas peu fréquemment utilisé (et quand c’est le cas, généralement par des auteurs de bon niveau, Abnett en tête) de la rencontre professionnelle entre gens louches de l’Impérium, sans que la baston soit – nécessairement – à l’ordre du jour, constitue une bouffée d’air frais dans une littérature BL-esque n’ayant jamais eu ni honte ni assez de distribuer bourre-pifs et bolts nuit et jour, à tout venant. Personnellement, je suis fort aise que Hoare ait opté pour l’approche diplomatique dans Cold Trade, d’autant plus qu’il arrive à dérouler son propos avec aisance et cadence, les péripéties et descriptions (arrivée sur Quag, recrutement de mercenaires, confrontation avec les Orks, puis avec les gardes, freak show, négo’, évasion, conclusion) s’enchaînant sans temps morts. Je le félicite également pour avoir donné à sa nouvelle un méchant digne de l’univers baroque et dépravé qu’est Warhammer 40K, la particularité physique du Baron Gussy étant suffisamment plastique et mémorable (même si le mérite en revient, encore une fois, en grande partie à Abnett) pour lui gagner une place dans le panthéon des trognes les plus singulières de la cosmogonie du 40ème millénaire. On en regretterait presque qu’Andy ait (jusqu’à présent) cessé de mettre en scène son héroïne, qu’il commençait à manier avec quelque chose approchant l’habileté. L’Empereur m’en soit témoin, c’est loin d’être donné à tout le monde au sein de la BL.

1: Dans l’ordre: Savage Scars, The Last Charge, Tomb of the Golden Idol et Commissar. Ca rimerait presque.

2: Et à peiiiiiiine inspiré d’Armand Wessaen (Ravenor : Renaissance), mais on ne pique que les bonnes idées, c’est bien connu.

3: Il y a toujours des attractions touristiques qui semblent bien sur le papier et qui se révèlent être d’horribles attrape-nigauds au final. Dans l’univers des nouvelles 40K, ce sont les tombes nécrons.

The Problem of Three-Toll Bridge – J. Reynolds [WFB] :

Considérez-moi comme un excentrique patenté si vous le devez, mais il m’arrive de temps à autre d’éprouver des bouffées de fanboy-isme aigu à la lecture de certaines publications, pourtant guère folichonnes dans leur immense majorité, de la Black Library. Pour limitée que soit la portée de cette dernière, et (relativement) étroite la bibliographie qui s’y rapporte, on ne peut passer plusieurs années de sa vie à baigner dans le zhobby sans développer des marottes et attachements incompréhensibles au commun des mortels, pouvant déboucher dans les bonnes conditions en des crises d’enthousiasme aussi jubilatoires qu’injustifiables, à moins de se trouver en compagnie d’individus pareillement affligés. Pour ma part, cela a pu s’exprimer lors de l’apparition de l’Empereur et des Primarques au cours des premiers romans de l’Hérésie d’Horus, ou encore par le discret caméo de Mkvenner dans The Armour of Contempt (eh oui, un rien m’émeut). Cela faisait bien longtemps cependant qu’une telle occasion ne s’était plus produite, et je dois donc créditer Josh Reynolds pour le petit frisson d’excitation causé par la seule lecture de l’incipit de The Problem…, signifiant le retour d’une figure mythique de la BL : Zavant Konniger.

Créé par Gordon Rennie il y a maintenant presque 20 ans, le personnage de Konniger a connu son heure de gloire au début des années 2000, période à laquelle il eut droit à son propre recueil de nouvelles (sombrement appelé Zavant – 2002) ainsi qu’à une figuration dans une autre anthologie, assez connue du public francophone car traduite par la BI peu de temps après sa publication : Swords of the Empire/Les Epées de l’Empire (2001). Adaptation/pastiche de Sherlock Holmes à la sauce WFB, Zavant Konniger s’inscrit dans la lignée des héros de la BL pour qui le recours à la violence constitue un échec plutôt qu’une raison de vivre ou un passe-temps agréable, cénacle très restreint dans lequel on retrouve les grands anciens Sam Warble et Orfeo, ainsi que le trublion Ciaphas Cain pour le riant univers de 40K. Cette inclinaison « pacifiste » s’inscrivant en faux de la ligne éditoriale prise par la BL depuis maintenant une bonne quinzaine d’années, il est somme toute normal, même si regrettable, que les représentants de cette école non-violentes aient (presque) tous disparus des radars du lecteur de la Black Library. L’apparition de cette vieille ganache de Konniger, dix ans après sa dernière pige, constituait donc un surprise de taille, heureuse cela va de soi, et à savourer comme il se doit car n’ayant débouché sur rien de concret, un deuxième court format commis par le même Reynolds dans la foulée de The Problem… (The Riddle of Scorpions) mis à part. Les lecteurs souhaitant approfondir cette petite note de cadrage sont invités à consulter la chronique détaillée que leur serviteur a dédiée au bouquin Zavant il y a quelques années, et les autres peuvent enchaîner de suite avec la suite de cette analyse.

Nous retrouvons donc notre duo (car Konniger est toujours accompagné de son serviteur halfling, Vido) de héros dans une chambre froide d’Altdorf, occupé à inspecter le cadavre d’un duelliste malheureux répondant au nom de Wolfgang Krassner. Ce dernier a en effet récemment croisé le chemin d’un adversaire apparemment meilleur que lui au maniement des armes, un dénommé Felix Jaeger, étudiant à tendance révolutionnaire, aspirant poète et pas encore commémorateur du fameux Gotrek, qui languit depuis dans une cellule en attendant son exécution prochaine. Alors que tous la observateurs s’attendaient à ce que Krassner, duelliste semi-professionnel et tueur à sang froid homologué, ne fasse qu’une bouchée du novice Jager, l’impensable s’est produit, conduisant au final le père de Felix à louer les services de Zavant pour tenter de sauver son fiston de la potence (spoiler alert qui n’en est pas une : il va réussir).

Suivant le schéma classique d’une investigation criminelle, The Problem… nous entraîne à la suite du grand Zavant et du petit Vido sur les différents lieux de l’enquête, depuis la morgue improvisée de Luitpolstrasse jusqu’aux bouges mal famés du vieil Altdorf, en passant par la cellule de Felix dans un pilier du fameux Three-Toll Bridge, à la rencontre des témoins clés de cette sinistre affaire et à la recherche des indices qui permettront à Konniger et son énorme cerveau (il doit surcompenser quelque chose, c’est évident) de tirer les choses au clair. Alors que l’agitation gronde dans la capitale impériale et qu’une nuit d’émeutes se prépare dans une tension palpable1, notre duo de choc parviendra-t-il à faire éclater la vérité, et à résoudre le problème (fiscal en même temps que policier, car trois taxes sur un seul bâtiment, c’est vraiment excessif) du pont tri-péagé ?

Ayant déjà pu dire tout le bien que je pensais (en règle générale) de Josh Reynolds à l’occasion des critiques de ses précédentes soumissions dans Hammer & Bolter, je vais essayer d’innover en abordant un aspect de son style qui n’avait jusqu’alors eu peu de place pour s’exprimer, et que The Problem… a permis de mettre sur le devant de la scène : sa miscibilité avec l’œuvre de ses petits camarades de jeu. Par ce terme barbare, je souhaite mettre l’accent sur la capacité assez rare parmi les auteurs de la BL de tirer parti des publications de leurs camarades dans leurs propres récits (ce qui conduit généralement à un « cloisonnement » de ces derniers les uns par rapport aux autres, les seules passerelles étant les informations générales données dans les GBR/N et les Livres d’Armée ou Codex), et au-delà, d’emprunter de manière non empruntée (c’est là l’enjeu) les personnages d’un tiers. Outre une solide connaissance du background établi, et ce dans le sens le plus large qui soit, cela nécessite également un pouvoir d’assimilation des caractéristiques essentielles des personnages en questions, doublé d’un remarquable talent de restitution, afin de pouvoir « donner le change » de manière convaincante. On aurait pu penser que le lancement de l’Hérésie d’Horus aurait naturellement poussé les auteurs de la BL à perfectionner cette facette de leur talent, mais l’expérience (et quelques dizaines de bouquins) ont amplement démontré que c’était loin d’être le cas pour tout le monde. Principales victimes de cette inégale répartition des compétences, les guest stars de l’HH (Pépé & Sons), qui louvoient entre brillance surhumaine et imbécilité crasse selon qu’ils aient la chance ou le malheur d’être mis en scène par un cador ou un tâcheron.

Si on repasse du côté med-fan, il n’y a guère que Nathan Long qui a su faire ses preuves dans l’exercice, en redonnant à Gotrek et Felix un peu de leur lustre d’antan, après que Bill King se soit consciencieusement savonné la planche en sombrant, tome après tome, dans les bas-fonds du hack & slash. Il est d’ailleurs instructif de pousser un peu plus cet exemple en se remémorant les tentatives, unanimement peu concluantes, d’autres auteurs de se frotter au couple le plus iconique de la BL dans les pages de Hammer & Bolter. Que l’on considère A Place of Quiet Assembly de John Brunner (H&B #1), The Tilean’s Talisman de David Guymer (H&B #14) ou The Oberwald Ripper de Laurie Goulding (H&B 18), aucun ne correspond vraiment au cahier des charges G&F, tel qu’il a été posé, nouvelle après roman (et vice versa), par King et Long. Cela ne veut pas dire que toutes ces tentatives aient été mauvaises, mais il est flagrant qu’elles ont été écrites par des auteurs ne maîtrisant pas totalement leur sujet, pour une raison ou pour une autre. Là où Reynolds fait fort, c’est qu’il réussit un exercice de double appropriation, puisqu’il se saisit à la fois de la moitié blonde et pimbêche de la paire tueuse, mais également de l’impayable Zavant Konniger de Gordon Rennie, avec des résultats franchement convaincants. Et je ne m’attarderai même pas sur les easter eggs fluffiques que Josh a glissé dans ses lignes à destination des lecteurs les plus assidus de la BL, et qui dénotent encore une fois d’une solide, très solide, culture warhammeristique. Je ne sais pas si c’est bien sur un CV, mais en tout cas, c’est plaisant à lire.

Afin de ne pas passer pour un flagorneur éhonté, je reprocherai tout de même à The Problem… le peu d’effort investi par l’auteur pour livrer une enquête un tant soit peu challengeante  au lecteur. En d’autres termes, il ne sert à rien de lire avec le plus grand soin cette nouvelle à la recherche d’indices cachés annonçant de manière discrète un dénouement spectaculaire mais soigneusement préparé, car il n’en est rien. Vous identifierez sans mal la faction responsable des problèmes du pauvre Felix si vous avez des connaissances rudimentaires de fluff et quatre sous de bon sens, mais ne pourrez en faire autant avec le malfaiteur en lui-même, à moins d’être incollable sur la petite galerie de personnages gravitant autour de Konniger dans les nouvelles de Rennie. Ce n’est pas ça qui ternira le plaisir de lecture d’une nouvelle qui, rien que pour la balade à laquelle Reynolds nous convie dans l’Altdorf du fraîchement élu Karl Franz, encore loin des heures sombres de la Fin des Temps2 mérite amplement le détour, mais après tout ce que le bonhomme a démontré comme talent, je ne peux m’empêcher de penser que ce dernier aurait pu soigner cet aspect avec des résultats satisfaisants, voire superlatifs. Que voulez-vous que je vous dise, je m’habitue vite à la compétence…

1: Sans rire, c’est les Gilets Jaunes (Surcôts d’Or ?) à Warhammer cette histoire. Des bandes de manifestants énervés contre les taxes décrétées par le nouvel Empereur, et prêts à tout péter pour se faire entendre, ça ne vous évoque rien ? Méfions-nous du parallèle ceci dit, car le Vieux Monde n’était plus qu’à un quart de siècle de sa destruction à partir de ce moment…

2: Ironie de l’histoire, ces dernières étaient sûrement en train d’être ébauchées par le même homme au moment de la publication de The Problem…

Pariah (extrait) – D. Abnett [40K] :

PariahOn termine le numéro avec une petite mignardise qui en réjouira plus d’un : un extrait du Pariah de Dan Abnett, un habitué du teasing chez Hammer & Bolter puisque ce n’est rien de moins que la troisième fois qu’il bénéficie de ce traitement de faveur. Cette soumission aura toutefois une saveur et un attrait particuliers pour bien des lecteurs, puisqu’elle a été emprunté à la dernière publication d’une série des plus mythiques de la Black Library, j’ai nommé la saga Inquisitioriale du bon Dan, commencée en 2001 avec la trilogie des Eisenhorn (le père), poursuivie par un triptyque dévolu à son disciple Ravenor (le fils), et à présent complétée par le cycle Bequin (la simple d’esprit – littéralement – ), encore en cours d’écriture à l’heure actuelle. Familier des premiers tomes de cette œuvre fondatrice de la BL, et considérée à bien des égards, et à mon avis à juste titre, comme un des travaux de meilleure qualité de la maison d’édition de GW, je n’ai pas (encore) lu ce fameux Pariah, précédé par un Perihelion augurant sans doute d’un fil rouge allitératif en –p et –r pour les prochains titres du cycle, ce qui est certes charmant mais ne fait guère avancer le schmilblick.

Introduisant le lecteur directement au cœur du propos (le chapitre 8 du roman, en d’autres termes), cet extrait permet de renouer avec l’Abnett que l’on aime et respecte, c’est-à-dire le formidable conteur d’histoires ayant trouvé le juste milieu entre humanisation (capacité à faire apparaître les personnages comme crédibles et donc à amplifier l’empathie du lecteur à leur égard) et singularisation (le petit détail sympathique qui transforme le stéréotype/archétype classique de 40K en personnage unique et instantanément reconnaissable par le lecteur), fond, forme et style, et respect de l’univers et inventivité, pour passer les caractéristiques les plus marquantes de sa patte narrative. Mais l’une des choses que j’apprécie le plus chez Abnett, c’est la familiarité avec laquelle il traite son public, en ce qu’il ne se donne presque jamais la peine d’introduire de manière évidente et graduelle son propos, y compris les éléments importants à la bonne compréhension de ces derniers. Le postulat de départ est (et demeure) que le lecteur est suffisamment malin et informé pour relier de lui-même les éléments de contexte disséminés par ce farceur de Dan dans ses écrits, qui finissent par faire sens de la manière la plus naturelle qui soit, après quelques lignes, pages ou chapitres de rodage. Bien sûr, derrière cette idée simple mais efficace en diable se cache une maîtrise technique et stylistique bien supérieure à la moyenne, sans quoi ses textes resteraient abscons de la première à la dernière page. Bien des émules de Papa Gaunt se sont brulés les ailes en se frottant à l’exercice, et n’ont réussi qu’à passer pour des billes auprès de leur lectorat. Il est donc bon que Dan se livre à un petit masterclass de temps à autre, afin de rappeler à tous qu’en matière de bille, l’important est de toucher la sienne, ce qu’il fait assurément.

Pour rentrer plus précisément dans l’intrigue, nous suivons une soirée peu ordinaire pour le personnage de Beta (à rapprocher d’Alpha plutôt que de Simplet, si on m’autorise un avis), qui a de fortes chances d’être Alizabeth Bequin herself. Cette dernière, paria de son état, appartient à une école très spéciale (the Maze Undue), chargée d’éduquer les individus disposant de cette caractéristique génétique très rare et très utile, même si assez handicapante pour la vie sociale de ses porteurs, le plus souvent afin qu’ils puissent se rendre utiles auprès d’agents de l’Inquisition. C’est justement le retour d’un des anciens diplômés du Maze, évènement inédit dans l’histoire de ce vénérable établissement, qui va faire basculer ce crépuscule jusque-là ordinaire en aventure trépidante. Ayant à peine eu le temps de se remettre de l’émotion causée par la réapparition, elle aussi indue, de son ancien crush, Beta se retrouve à investiguer les combles de l’école à la recherche d’une fenêtre laissée ouverte, ce qui, en plus de faire grimper la note de chauffage pour rien (et vu le prix du loyer, ce n’est pas négligeable), dénote de l’intrusion d’un externe forcément animé d’intentions peu amicales dans le Labyrinthe, dont l’existence est censée rester secrète pour sa propre sécurité.

Ayant finalement mis la main sur le maraudeur, Beta va vite découvrir pourquoi il reste une très mauvaise idée de se retrouver seul(e) avec un(e) ecclésiastique trop entreprenant(e) dans un endroit où personne ne peut vous entendre appeler à l’aide. Que voulez-vous, il y a des vérités qui se conservent, quel que soit le millénaire. Fort heureusement, être un paria n’a pas que des inconvénients, surtout quand Sœur Sourire se révèle être une psyker de haut niveau, et même si Beta doit composer avec un gros bêta (son ancien coup de foudre, dont la rosette d’Interrogateur est apparemment mal ajustée et bloque l’afflux sanguin au cerveau, car le bellâtre pêche sérieusement en matière stratégique), ses propres ressources et la colonie de termites ayant élu domicile dans le grenier dans un premier temps, puis l’arrivée du professeur Xavier1 pour un bon gros cliffhanger des familles dans un deuxième, achève cet extrait en beauté et donne définitivement envie d’en savoir plus. C’était le but, je suppose.

1: Chez Abnett, cela se dénote par des dialogues plus gras plus. +Tu es un psyker, Harry.+ Visuellement impactant et efficace en matière de storytelling.

En conclusion, tout simplement un des meilleurs, si ce n’est le meilleur numéro Hammer & Bolter depuis le très sympathique #1. Kelly, Hoare et Reynolds livrent tous une prestation fluctuant du très honorable au franchement sympathique, un sans-faute qualitatif qui n’avait jamais été atteint jusqu’ici, ou en tout cas, pas à ce niveau. Ajoutez à cela un extrait yummy  en diable commis par un Abnett enfin égal à lui-même, et il n’y a guère que le chapitre de Gilead co-signé avec sa moitié qui vient jeter une ombre au tableau. Et quand on considère que même ce relatif coup de moins bien s’avère être sensiblement meilleur que les chapitres « primitifs » de Gilead’s Curse, on peut se laisser aller à un élan de munificence, qualité qui ne s’exprime vraiment que dans la profondeur et l’infini, comme chacun sait. Ce numéro 25 est-il pour autant le meilleur du lot ? Pour avoir la réponse à cette question, rendez-vous prochainement pour le grand final de cette chronique. J’ai hâte.

HAMMER & BOLTER [N°24]

Bonjour à tous, et bienvenue dans cette chronique du 24ème numéro de Hammer & Bolter ! Bien qu’il marque scientifiquement la fin de la deuxième (et malheureusement dernière) année de publication du webzine de la BL, ce numéro sera suivi par deux ultimes publications avant que les pontes de Nottingham ne sifflent la fin de la récréation. On peut sans doute remercier pour ce rab de cheap & sharp short stories le rythme de sénateur avec lequel les compères Abnett et Vincent ont distillé les tortueuses aventures de Gilou et compagnie dans les pages de H&B, les douze chapitres réglementaires ayant pris quatorze mois à voir le jour dans leur douloureuse intégralité1.

En plus de votre ration mensuelle de malédiction gileadique, qu’il convient d’appréhender comme une version littéraire de la mithridatisation à mon humble avis, vous aurez droit à une dégustation d’un petit rouge de derrière les fagots en provenance de Catria (The Rite of Holos), et une double ration de McNeill version épique, d’abord via la conclusion de l’entretien préalable au licenciement bannissement de Krell mené à quatre trois mains par Sigmar Heldenmanager et Alaric le Fourbe (Let the Great Axe Fall), puis par un extrait d’Angel Exterminatus, le very bad trip de Perturabo et Fulgrim dans l’Ocularis Terribus à la recherche de celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom. Bonne lecture !

1: Tout l’inverse du Phalanx de Counter, qui a livré ses 14 chapitres en 12 mois. On peut penser ce qu’on veut du gars Ben et de ses talents d’écrivain, mais force est de reconnaître qu’il sait tenir un délai.

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The Rite of Holos – G. Haley [40K] :

The Rite of HolosPremière soumission dans Hammer & Bolter pour le sieur Haley, à l’époque guère plus qu’un rookie au sein de l’écurie BL. Ayant depuis travaillé sur un nombre significatif de projets de la Sombre Librairie (The Horus Heresy, The Beast Arises, The Realmgate Wars…) et trempé sa plume dans les recoins les plus baroques du fluff GW (Prophets of Waagh – Gorkamorka –, Death on the Pitch – Bloodbowl –, Emp-rah’s Eye – Necromunda –…), on peut considérer que le bon Guy a réussi à faire son trou dans le monde sans foi ni loi de la Black Library. Tant mieux pour lui.

Pour les lecteurs non familiers avec les subtilités périphériques de l’historique des Anges du Sang, dont je faisais partie avant de m’attaquer à cette nouvelle, le titre de cette dernière ne dira sans doute rien. Les happy few familiers des arcanes du background de la marmaille de Sanguinius auront quant à eux compris au premier coup d’œil que Guy Haley allait consacrer son propos aux Blood Drinkers, chapitre descendant des Blood Angels et très, mais alors très porté sur la boisson, avec des penchants aussi irrépressibles que coupables pour le gros rouge qui tache. Tout le monde a ses problèmes.

Notre histoire débute dans l’astroport du monde de Catria, planète de 43ème ordre en proie depuis quelques mois à un schisme profond. Détail mineur du récit, mais source potentiellement inépuisable de blagues lamentables (dont les écrits de votre serviteur font une consommation invétérée) que je ne peux donc (in)décemment passer sous silence, la population de Catria a pour particularité d’être à majorité féminine, les individus mâles étant chétifs et n’atteignant généralement pas l’âge adulte. L’immense majorité des protagonistes et antagonistes locaux de The Rite of Holos sont donc des représentants du beau sexe, dont la confrontation avec ce parangon d’uber virilité patriarcale qu’est le Space Marine impérial ne peut logiquement que faire des étincelles. Fin de la parenthèse et début de la beauferie.

Dépassée par les évènements, la garnison locale a donc fini par contacter le SAC (Service Après Colonisation) impérial, demandant l’envoi de renforts pour mater la rébellion initiée par une certaine Hesta, sainte vivante autoproclamée ayant le goût des choses simples. Par chance pour les loyalistes, le chapitre des Blood Drinkers passait dans le coin au moment des faits, lancé qu’il était dans la traque de l’origine d’une infection Genestealers dans ce même sous-secteur1. Jamais un à laisser être bafouées saintes prérogatives de Pépé, le Maître de Chapitre des Buveurs (Caedis) accepte la requête des Catrians et se téléporte sur place en compagnie de sa garde rapprochée.

Rapidement briefé sur la situation par la Colonel Indrana au cours d’une visite des abords du Reliquary Sanctum, place forte des rebelles s’étant révélée jusqu’ici inexpugnable, Caedis rejoint ensuite ses potes à la morgue pour procéder à l’étude d’un spécimen de mutant abattu à grand peine par les Gardes de Catria alors qu’il procédait à une distribution de (pâtes à) tartes sur les positions loyalistes. Trahie par de subtils détails, invisibles pour le tout-venant mais évidents pour les yeux entraînés des Blood Drinkers (absence de manucure, jean boyfriend sans talons, carapace chitineuse, troisième bras…), l’appartenance du mutant à un culte Genestealers apparaît au grand jour, au grand plaisir de Caedis et de ses lieutenants, le Réclusiarque Mazrael et le Maître Sanguinien Teale (qu’à partir de maintenant, j’appellerai frère Canardo). Ayant gentiment mais fermement envoyé la Colonel Indara lui préparer un sandwich pour pouvoir discuter de manière privée, Caedis expose son plan de bataille à ses sous-fifres pendant que Canardo eviscère le cadavre de Gennie avec un entrain déplacé : afin de pouvoir localiser l’origine de l’infection Xenos, il sera nécessaire pour les meilleurs de l’Empereur d’accéder au cœur du culte, là où la Matriarche et les jeunes ont trouvé refuge. Ce n’est en effet qu’en tirant parti de l’écho Warp des appels vers la Grande Dévoreuse de ces derniers que l’Archiviste de service (Guinian) pourra remonter à la source du problème. Il faudra donc faire le sale boulot soi-même au lieu de régler le problème d’une petite frappe orbitale bien placée, ce qui convient tout à fait à la philosophie martiale des Blood Drinkers. En guise d’ultime mais nécessaire préparation à cet assaut, Caedis autorise Ma et Canardo à réaliser le fameux rite d’Holos afin de préparer les frères de bataille à la confrontation avec l’ennemi et « aiguiser » leur Soif Rouge. Si les détails de l’opération ne sont pas donnés par Haley, on comprend assez facilement qu’une quantité significative de sang sera nécessaire à cette dernière, et que les brave Blood Drinkers ne seraient pas contre une participation active de la populace locale. Voilà qui est bien suspect.

La suite de la nouvelle est consacrée à l’attaque sur Reliquary Sanctum, menée de main de maître par des Blood Drinkers ayant bien compris que cribler une femme de bolts est la plus belle preuve de respect qu’on puisse lui donner au 41ème millénaire. À la pointe de l’assaut, Caedis, Canardo, Guinian et une escouade de Terminators se fraient un chemin dans les niveaux inférieurs de la cathédrale de Sainte Catria, devant à la foi se garder des embuscades des genestealers et des pulsions meurtrières induites par la Soif Rouge, qui les incite à foncer tête baissée dans la mêlée et les place donc à la merci de leurs perfides adversaires. Malgré toute l’expérience et la discipline qui caractérisent les vétérans Blood Drinkers, frère Metrion est le premier à péter une durite, la vue des cheveux ternes (et probablement gras) des cultistes ayant outragé l’esthète qui sommeille au cœur de chaque descendant de Sanguinius. C’en est fini de la progression méthodique des Buveurs, qui tourne à la fuite en avant matinée de battle royale, les frères de bataille les plus posey tentant tant bien que mal de venir au secours des mâles en rut qui leur servent de compagnons d’armes, avec des résultats plus ou moins concluants.

Ayant malgré tout atteint le cœur des positions ennemies (la cuisine de la cathédrale), les Blood Drinkers survivants se retrouvent face à face avec la magos Hesta, dont les pouvoirs psychiques et les lâches insinuations à propos de la virilité de nos héros les maintiennent un temps en respect. Heureusement pour les meilleurs de l’Empereur, le statu quo fini par être pulvérisé, en même temps qu’un des murs de la cathédrale, par l’intervention salutaire du Dreadnought Endarmiel. Ayant astucieusement fait le tour de la zone de combat grâce à sa capacité à lire des cartes, il effectue ensuite un parfait créneau qui met le canon de son fulgurant à hauteur du sternum de cette mégère d’Hesta, et transforme cette dernière en dés de poitrine fumé. La suite n’est plus qu’une formalité pour les Blood Drinkers survivants, qui peuvent repartir de Catria avec la satisfaction du travail bien fait et l’information cruciale qu’ils recherchaient depuis plusieurs mois, et laissant à leurs obligées le soin de faire le ménage de leurs sanglants exploits (cadavres de Gardes saignées comme des cochettes pour les besoins de leur potion magique secrète inclus). Voilà ce qui s’appelle une juste répartition des tâches.

The Rite of Holos s’avère être une nouvelle assez sympathique à lire, même si la vacuité de son propos n’en fait pas une expérience mémorable. À ce titre, c’est bien la première partie du récit, pendant laquelle Haley réussit à peindre de manière assez convaincante la dangereuse dualité des Blood Drinkers, dont l’apparence angélique et la bienveillance manifeste dont ils font preuve envers leurs compagnons d’armes humains dissimulent un besoin viscéral et impérieux de satisfaire (de manière littérale et figurée) leur soif de sang, à n’importe quel prix, qui constitue le principal intérêt du récit. À titre personnel, j’aurais apprécié qu’Haley passe plus de temps sur ce fameux rite d’Holos, dont les modalités ne laissent que peu de doutes mais dont l’intérêt pour les Blood Drinkers est loin d’être évident, si on en juge par la facilité avec laquelle ils succombent à la Soif Rouge. Boire ou occire, il faudrait donc choisir.

Au crédit de Haley, on peut également mettre son souci d’intégrer à son récit des éléments de fluff que la plupart des auteurs de la BL auraient tout bonnement ignorés (ici le souci de l’esthétisme chez un chapitre héritier des Blood Angels, dont le Maître de Chapitre préfère attaquer une position ennemie que la bombarder afin de préserver autant que possible les reliques architecturales du site), ainsi que sa capacité à soumettre des idées pertinentes et originales (comme une planète peuplée seulement de femmes, ce qui doit exister dans un Impérium d’un million de mondes2).

Les scènes de combat sont, elles, d’une platitude consommée, l’auteur ne parvenant pas à faire ressortir du lot cette nème confrontation entre Space Marines et ennemis de l’Imperium des dizaines, voire centaines de passages similaires produits par la BL au cours des dernières décennies. Bien sûr, la Soif Rouge vient pimenter un peu les choses, mais on reste là encore sur le territoire très connu du « ouhlala-ça-n’a-jamais-été-aussi-dur-mais-je-dois-absolument-résister », sur lequel Swallow (saga Rafen) et Smillie (Beneath the Flesh) ont déjà bâti des arcs narratifs entiers3.

Dernier point d’insatisfaction, une « individualité » de la nouvelle pas assez marquée de la part de Haley. Si cela n’est pas rédhibitoire à la lecture, il est en revanche très clair que The Rite of Holos n’est qu’une bouture d’une œuvre plus conséquente (dans ce cas précis, Death of Integrity), et dont la raison d’être consiste à apporter quelques détails supplémentaires à cette dernière. Cela se perçoit particulièrement à travers le nombre important de personnages BD que Haley convoque (Caedis, Ma, Canardo, Guinian, Endarmiel), sans que ces derniers ne jouent un rôle vraiment important dans le récit. Un casting un peu plus réduit aurait sans doute permis à l’auteur de s’investir plus fortement sur ses protagonistes, et les rendre ainsi plus intéressant pour le lecteur.

Ceci dit, la balance reste tout de même positive pour The Rite of Holos, et on peut qualifier les débuts de Guy Haley dans Hammer & Bolter de succès, certes pas éclatant, mais pas bradé non plus.

1: Arc narratif qui se conclura dans Death of Integrity, commis par the same Guy.

2: Peu d’auteurs de la BL ont pris la liberté d’explorer toutes les possibilités ouvertes par un cadre proprement galactique, les mondes impériaux en particulier étant en particulier touchés par une standardisation qui n’a pas lieu d’être. Guy Haley reprend le flambeau de Barrington J. Bayley, qui n’avait pas hésité à s’amuser franchement avec les planètes et cultures convoquées dans ses soumissions BL.

3: La référence en la matière d’utilisation « optimisée » de la tare génétique des descendants de Sanguinius reste Aaron Dembski-Bowden et son At Gaius Point.

Gilead’s Curse (ch. 10) – N. Vincent & D. Abnett [WFB] :

Gilead's CurseRetour à Nuln, où Gilead et son cénacle de sidekicks étaient en train de se racheter une conduite en même temps que de débrouiller l’impossible intrigue enfantée par Abnett et Vincent. Après un neuvième chapitre ayant largement assaini le marigot littéraire que constituait Gilead’s Curse jusqu’ici, la progression vers des lendemains épisodes meilleurs allait elle se poursuivre ou s’enrayer ? Que d’enjeux mes amis, que d’enjeux.

Première surprise, passée la traditionnelle introduction écrite depuis la perspective d’une conteuse proche de casser sa pipe, sorte de générique des tribulations gileadesques et inépuisable réservoir de citations what the fuck, la perspective est placée au niveau d’un groupe de miliciens de Nuln, en charge de la porte Sud de la cité. Notre joyeuse bande de blacknecks était en train de déguster quelques tourtes au mouton, diligemment apportées par leur stagiaire (il faut croire que le concept de stage de découverte de l’entreprise existe également dans l’Empire), quand une mystérieuse charrette se présente à l’entrée de la ville. Mystérieuse d’abord car arrivant très tôt le matin, et hors des jours de marché. Mystérieuse encore car dirigée et tirée par un trio de personnages dont les traits sont dissimulés sous d’épais capuchons. Mystérieuse toujours car contenant des jarres et un sarcophage recouverts de hiéroglyphes. Mystérieuse enfin car laissant derrière elle une traînée de sable là où sont passées ses roues.

Malgré tous ces éléments suspicieux, l’attelage pénètre tranquillement dans l’enceinte de la cité, aidé en cela par le fait que le seul milicien nourrissant quelques doutes sur les intentions de l’équipage (le stagiaire, Surn Strallan de son petit nom), manque de s’étouffer sur un bout de mouton au moment même où il s’apprêtait à attirer l’attention de ses condisciples sur cette fameuse charrette. Sauvé par l’énergique intervention de son supérieur, qui pratique une manœuvre de Heimlich sur son infortuné nervi pour lui dégager la trachée avec un calme olympien, Strallan tente de convaincre ses camarades de se lancer à la poursuite de la carriole, mais ne parvient qu’à négocier la permission de la prendre en filature. Notre héroïque stagiaire se lance donc à la poursuite de la charrette, dont le passage, en plus d’ensabler considérablement les rues de Nuln, semble avoir un effet déshydratant sur les choses et les êtres situés dans un rayon proche, jusqu’à transformer en momie un pauvre enfant des rues ayant eu la malchance de se trouver sur le passage de la caravane du tour.

Pendant ce temps, Gilead et sa clique poursuivent leur huis clos dans l’auberge investie pour les besoins de leur enquête. N’ayant pas réussi à conserver secrète leur identité, les elfes ont pris le parti de remiser l’aubergiste, guère intéressé par la perspective de servir d’hôte à des non-humains, à l’étage, au grand plaisir de sa fille et bonniche, qui prend le trio à la bonne et lui permet de se servir largement dans les réserves paternelles en récompense du service rendu. Elle-même joue un rôle non négligeable dans la progression de l’intrigue, en démontrant à Gilead qu’il ne pourra rien tirer de Mondelblatt s’il ne lui donne pas plus d’informations sur la nature de sa quête, ce que notre misanthrope elfique semblait jusque-là bien décidé à éviter1. De questions laconiques en réponses absconses, le lecteur parvient finalement à comprendre que la ville de Nuln est parsemée de signes permettant à qui saura les lire d’accéder au lieu d’où le Malaise prend sa source. Briefés par Mondelblatt sur l’apparence de ces signes et leur localisation, les Elfes se mettent rapidement en chasse, Laban raccompagnant Mondelblatt à l’université, Fithvael se coltinant la cartographie des symboles de Nuln, et Gilead, en bon maurassien, étant partout. M’est avis que ça va bientôt chauffer grave.

Après un chapitre neuf de synthèse et recentrage, les Vabnett se permettent de recomplexifier un chouilla leur intrigue, en incorporant à cette dernière un personnage (Strallan) qui a toutes les chances de se révéler important pour la conclusion du récit, éclatant le groupe principal de héros, et introduisant les antagonistes finaux (à défaut d’être finauds) du roman. Rien qui ne soit a priori gérable pour un auteur professionnel, mais vu le passif de nos compères en matière d’embourbement narratif, une saine et honnête suspicion du lecteur est tout à fait légitime, d’autant plus que ce dixième chapitre comporte quelques réminiscences stylistiques que l’on peut relier sans mal aux délires ampoulés de l’arc narratif du Roi des Rats (qu’il brûle en enfer). Qu’il s’agisse d’une exposition savante sur les différents types de terre que l’on peut trouver dans les environs de Nuln ou d’une incapacité chronique à faire passer les informations importantes de manière claire et directe, Gilead’s Curse est encore loin du pic de forme littéraire. Vincent et Abnett réussiront-ils à tirer leur révérence de manière à peu près potable, ou la malédiction qui afflige Gilead se révèlera-t-elle trop puissante pour être vaincue ? Il reste deux numéros pour répondre à cette question ô combien importante (si si).

1: C’est ainsi qu’une humaine inculte de 14 ans remit à sa place un prince elfique pluri-centenaire. Vous entendez ce râle de douleur ? C’est le fluff de WFB qui vient de se prendre un nouveau chassé dans les gencives.

Let the Great Axe Fall (partie II) – G. McNeill [WFB] :

On se souvient que la première partie de Let the Great Axe Fall (un clin d’œil à la hache de Shakespeare et à la pièce de Krell, ou peut-être l’inverse, dixit McNeill himself), s’était conclue sur une parade skavens devant le bivouac de notre expédition punitive pour le bénéfice du seul Sigmar, ses compagnons ayant sombré dans une inconscience suspecte avant l’arrivée des bataillons de ratons. Sauvés de l’annihilation pure et simple par l’intervention du mystérieux Bransùil et de son sourire Colgate, les dormeurs du val finissent par s’éveiller à l’arrivée du jour, et la deuxième partie du diptyque commence par une franche explication de texte entre compagnons de cordée, chacun rejetant sur les autres son inattention qui aurait pu être fatale, tout en cherchant à comprendre par quel miracle il est encore en vie. À ce petit jeu-là, c’est Alaric le Fou qui se montre le plus véhément, son orgueil de Nain et de Maître des Runes étant cruellement blessé par la réalisation qu’il a été ensorcelé, puis sauvé, par un mage humain. Il faut donc toute la diplomatie de Sigmar pour éviter à l’Homme Corbeau une découverte viscérale de la magie des runes majeures naines, démonstration qu’Alaric était tout prêt à offrir à son nouveau camarade de jeu.

Chacun ayant pu trouver glaçon à son slip (variante de chaussure à son pied particulièrement adaptée au monde testostéroné du med-fan), nos héros repartent donc à la chasse au Krell, Bransùil profitant de l’omniscience narrative qui est le trait de classe des mages errants1 pour briefer ses compagnons sur la destination et les motivations de leur proie. On apprend ainsi que le last man standing de la Nagash army a pour but de siphonner l’énergie nécromantique du sépulcre d’un général de Khemri, enterré dans un avant-poste bâti dans le cratère d’un météore s’étant abattu sur les Montagnes Noires il y a des millénaires. Bien que ralenti par la présence des sceaux magiques laissés par les Hiérophantes pour protéger la sépulture des pillards (ainsi que par la nécessité de parapher toutes les pages et de faire précéder sa signature de la mention « lu et approuvé » sur les constats de déprédation lui étant soumis à chaque nouvelle salle), ce n’est plus qu’une question d’heures avant que le champion de Khorne ne parvienne à ses fins, avec des conséquences potentiellement funestes pour le jeune Empire de Ziggie. Fort heureusement pour notre expédition, aucune péripétie notable ne vient ralentir sa progression, et c’est à temps qu’Hommes et Nains pénètrent dans les ruines de la cité nehekharienne, et parviennent à rattraper ce coquin de Krell alors que ce dernier s’apprête à compléter l’ultime formulaire de demande d’un crédit à la dévastation.

S’en suit l’inévitable bataille finale entre nos vaillants héros et ce mauvais sujet non repenti de Krell, dont les capacités martiales et la résistance hors du commun s’avèrent de prime abord être des obstacles majeurs à une conclusion heureuse. Il faudra un enchaînement au sol de toute beauté (frappe brise-casque de Leodan + tir de l’aigle de Mark Landers Cuthwin + danse de la fusion de Sigmar et Alaric + moulage au cristal de Bransùil) pour venir à bout de l’indéboulonnable revenant. Victorieux mais éprouvés, les survivants du raid se replient en bon ordre hors de la nécropole, qui aura la bonté de s’écrouler sur elle-même puis d’être noyée sous les eaux d’un lac conjuré par un nouveau mystérieux sorcier (vêtu d’une peau de loup et manchot, avis aux érudits). Cela n’empêchera pas Heinrich Kemmler de trouver le moyen de ramener Krell à la vie quelques siècles plus tard2, mais en attendant, Sigmar peut clore son épopée McNeillesque avec la satisfaction du devoir accompli.

En guise d’introduction de la critique de cette deuxième et dernière partie de Let the Great Axe Fall, posons d’emblée la question qui fâche : cette nouvelle méritait-elle le traitement de faveur qu’elle a reçu en termes de longueur, ou bien aurait-elle pu être traitée de manière convaincante en une vingtaine de pages, comme la majorité des soumissions de Hammer & Bolter ? Au risque de courroucer les fans du Mac, je penche sérieusement pour la deuxième option, tant la nécessité d’étirer le récit de la traque de Krell au-delà du minimum syndical m’apparaît non justifiée.

J’avais déjà souligné le manque de substance de la première partie de la nouvelle, qui constituait surtout de dialogues entre personnages que McNeill tenait absolument à convoquer du fait de leurs rôles (sans doute) centraux dans la trilogie Heldenhammer/Empire/Godking. J’espérais que la suite du récit serait plus riche en péripéties et en character development (car à quoi bon faire venir toute la smala de Sigmar si ce n’est pour faire évoluer/disparaître au moins certains des individus susnommés ?), mais ces deux attentes sont malheureusement restées vaines.

Certes, l’affrontement promis entre Krell, Sigmar et Alaric s’est révélé être prenant, mais c’était bien le minimum syndical que l’on était en droit d’attendre pour un combat mettant aux prises pas moins de trois personnages nommés du fluff de Warhammer Battle. De plus, McNeill ne s’est pas vraiment foulé pour la mise en scène de cette franche explication de texte, nos héros n’ayant « qu’à » taper sur leur Nemesis en laissant opérer la puissance de leurs armes runiques pour venir à bout de cette dernière. En ce sens, les interventions des sidekicks sigmarites (Leodan, Cuthwin, Gorseth) apparaissent davantage comme opportunes que vitales, ce qui réduit d’autant l’utilité de leur inclusion dans le récit. Ajoutons à cela que toute cette clique de second couteau émerge de Let the Great Axe Fall sans avoir progressé d’un iota (il n’y a que Gorseth qui va peut-être mourir, suite à sa rencontre fortuite avec le coupe-chou de Krell) pour poser à nouveau la question de leur présence dans la nouvelle3. À titre personnel, je m’attendais à ce que Leodan trouve une fin héroïque lors de la bataille finale, vu la présentation que McNeill avait fait du personnage (dernier survivant de son unité, annihilée par les forces de Nagash lors de la bataille de Reiksdorf, obnubilé par la destruction des morts vivants), mais lui aussi termine l’aventure en pleine possession de ses moyens. Les death wish ne sont plus ce qu’ils étaient.

Avant cela, la progression de l’intrigue s’était en outre cantonnée à sa plus simple et littérale expression, nos héros ne faisant rien d’autre que de marcher du bivouac « dératisé » du premier acte jusqu’à la sépulture du général roi des tombes, sans que rien de particulier ne se passe. Ce n’était pourtant pas les occasions de rajouter quelques péripéties qui manquaient, entre la tanière du monstre investie pour se mettre à l’abri des éléments, et l’entrée dans le tombeau nehekharien (civilisation dont l’amour pour les pièges à la con contre les pilleurs de tombe n’est plus à démontrer). À chaque fois, McNeill a commencé à mettre en place les conditions pour qu’un imprévu se produise, avant de laisser tomber en cours de route. Résultat : une deuxième partie de quinze pages, mais dont seule la moitié est digne d’intérêt. Combinées avec la dizaine de pages « utiles » de la première partie, on se retrouve bien avec une nouvelle qui aurait pu être exécutée de manière satisfaisante sur les vingt à vingt-cinq pages qui constituent la norme des nouvelles Hammer & Bolter. Je pense même qu’un « Editor Cut » aurait relevé la qualité de l’ensemble, plombé comme dit plus haut par des longueurs assez dommageables.

Pour conclure, un travail assez quelconque de la part de Graham McNeill, comme il a malheureusement parfois l’habitude d’en produire. Le caractère épique que confère à l’ouvrage la participation d’une tête d’affiche de l’univers WHB, et les quelques éléments de fluff qui en découlent logiquement, ne viennent pas à eux-seuls sauver une nouvelle qui aurait pu être d’un tout autre niveau, si son auteur avait bien voulu s’en donner la peine.

1: Ça et la manie de rappeler à tous ses interlocuteurs le nom de leur père, apparemment. Vachement pratique, surtout quand deux personnes portent le même nom et que l’on veut éviter toute confusion (+1 en Cdt//-3 en Initiative)

2: On le sait peu, mais Kemmler était un apnéiste de haut niveau.

3: Mention spéciale à Wenyld, qui à part brandir haut la bannière de son boss, n’accomplit pas la moindre action constructive de toute la nouvelle.

Angel Exterminatus (extrait) – G. McNeill [HH] :

23. Angel ExterminatusOn termine ce 24ème numéro avec une nouvelle soumission de GMN, cette fois tirée de son roman Angel Exterminatus (2012). Pour ceux n’ayant pas eu le loisir de repasser leur Hérésie (les affreux), ce bouquin relate la quête de Perturabo et Fulgrim pour l’Angel Exterminatus, nom impérial du Maelsaha’eil Atherakhia, demi dieu Eldar convoqué puis combattu par les frères Wesh (EldaWesh et UltraWesh) il y a des éons de cela. Vaincu et exilé hors de la réalité par l’intervention expresse d’Asuryan alors que les jumeaux se faisaient méchamment latter la goule, l’Angel Exterminatus reste une légende vivace chez les Elfes de l’espace, assez en tout cas pour convaincre Lolorus d’envoyer deux de ses frangins tenter de débaucher le bâtard de Khaine. Voilà pour l’introduction. Sachez que maintenant que cette dernière n’a absolument rien à voir avec l’extrait publié dans Hammer & Bolter, et que vous ne verrez ni Pervers Pépère, ni l’autre Primarque1, ni Angèle-Esther-Mina Tuche dans ce dernier. Voili voilou.

Ce qu’on retrouve en revanche dans ces quelques pages, ce sont une palanquée de seconds couteaux Iron Warriors, ayant pour beaucoup d’entre eux eu l’insigne honneur d’apparaître dans l’une des publications précédentes de l’Hérésie d’Horus, voire la geste de Honsou pour les plus coriaces d’entre eux. Citons par exemple le spéciste Kydomor Forrix, tueur de titans et de libellules, son futur boss Barban Falk, pas encore Zeouarsmiss à l’époque, Yves (voir critique de The Iron Without, Hammer & Bolter #17), et jusqu’à ce tourne-casaque de Barabas Dantioch qui a droit à sa petite citation au détour d’une ligne. Tout ce beau monde est en villégiature sur la planète d’Hydra Cordatus et assiège gentiment un bastion auto-cicatrisant tenu par les Imperial Fists. Voilà un synopsis qu’il est original, Graham. On va dire que c’est un clin d’œil à Storm of Iron (l’auto-like, c’est moche tout de même ; les enfants, ne faîtes pas ça chez vous). Alors que Forrix et Falk seraient contents de tailler la bavette en attendant l’arrivée de l’artillerie lourde, et se complimentent mutuellement sur leur capacité à survivre aux épisodes de rage cyclothymique de Perturabo, de plus en plus fréquents depuis la mésaventure de Phall, cet excité de Harkor passe en mode hardcore (haha) et décide de précipiter la fin du siège par une bonne vieille attaque frontale des familles. CA C’EST METAL.

Pendant ce temps, où en tout cas quelques pages plus loin, l’infortuné Capitaine Berossus s’éveille doucement dans la cuve de liquide amniotique qui lui servira de QG pour les dix prochains millénaires. Le pauvre Bébert a eu en effet la mauvaise idée de faire remarquer à son estimé Primarque qu’il était en train de se faire mettre minable par la flotte Imperial Fists, pourtant grandement amoindrie par la survenue d’une tempête Warp et piégée par cette dernière pendant trois mois autour du système de Phall, alors qu’il avait à peu près tous les avantages pour lui. Ce à quoi Perturabo répondit « parle à ma masse », avec des effets assez dommageables sur l’intégralité physique du Blaireau Russe. Cette lente remontée vers la conscience permet à Berossus de se remémorer toutes les fois où il a morflé, ce qui semble avoir été souvent et beaucoup. Chacun ses hobbies. Le passage se termine par l’éveil de notre héroïque boîte de corned-beef, qui a la joie d’apprendre de la bouche du Techmarine Galias Carron qu’il a été upgradé au statut de Dreadnought, ce qui pour un Iron Warrior constitue une vraie promotion. En tout cas, c’est comme ça qu’il devrait le prendre.

Pour finir, retour sur le théâtre du conflit d’Hydra Cordatus, cette fois-ci du côté des gentils. Menés par le Capitaine Felix Cassander, les assiégés se préparent à vendre chèrement leur peau, étant tombés à peu près à court d’expédients pour repousser les attaques des légionnaires de la IVème. Alors que les hommes de Harkor s’élancent à l’assaut, les Imperial Fists déclenchent leur dernier booby trap et s’apprêtent à recevoir comme il se doit la venue de leurs chers cousins. Spoiler, ça va mal se terminer.

Je dois dire que ces quelques pages m’ont donné une opinion plutôt favorable d’un roman de l’Hérésie qui ne m’attirait jusque-là que très moyennement, malgré la présence promise de non pas un, mais deux Primarques. Si McNeill a prouvé quelque chose au cours de ses années de gratte-papier de service de la BL, c’est qu’il savait mettre en scène de belles scènes de sièges, et ce tout premier assaut sur Hydra Cordatus ne fait pas exception à la règle. L’inclusion du ban et de l’arrière-ban des personnages un tant soit peu connus de la IVème Légion ne fait évidemment pas de mal non plus, autant pour les lecteurs familiers avec les tribulations 30K-esques des guerriers de fer que pour les inconditionnels d’Honsou (après tout, Honsou est Honsou). C’est donc un oui de ma part.

1: Je vous défie de trouver qui est qui.

Au final, c’est un numéro assez maigrelet, et sans doute révélateur de la fin prochaine qui attendait Hammer & Bolter dans un futur très proche, que ce #24. Avec une seule nouvelle individuelle sur les quatre soumissions que compte ce numéro, complétée par un chapitre d’un roman globalement médiocre, la conclusion d’une nouvelle en deux parties qui ne le méritait vraiment pas, et un extrait d’un bouquin qui aurait été publié de toute façon et n’a donc pas du coûter grand-chose à intégrer à la maquette, c’est le fond du chaudron de la BL que les éditeurs du webzine sont allés gratter, pour une qualité encore une fois honnête mais sans plus. À la prochaine !