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INFERNO! A WARHAMMER 40K COLLECTION [40K]

Bonjour et bienvenue dans cette revue critique de l’anthologie Inferno! A Warhammer 40,000 Collection, titre prosaïquement moche s’il en est, mais nécessaire à ne pas confondre l’objet du présent article avec son frère jumeau sigmarite (Inferno! An Age of Sigmar Collection, chroniqué ici). Le manque d’inspiration manifeste des puissants cerveaux de la Black Library au moment de nommer ce recueil reflète est un reflet assez fidèle du contenu de ce dernier, constitué uniquement de nouvelles publiées dans les numéros 1 à 6 d’Inferno ! nouvelle mouture1.

Inferno! 40K

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Sans inédit à se mettre sous la dent, ce produit est donc à réserver aux amateurs exclusifs de prose grimdark n’ayant pas acquis les 31 courts formats (pour 24 auteurs) repackagés ici lors de leur première publication. Le nombre conséquent de nouvelles proposés dans cette collection fait de son acquisition une bonne affaire sur le plan strictement financier, mais qu’en est-il de la qualité littéraire ? C’est ce à quoi nous (enfin, je surtout) allons tenter de répondre dans les lignes ci-dessous.

1 : Le seul particularisme à se mettre sous la dent pour les amateurs de fun-ish facts est que le sommaire du livre a été totalement expurgé des soumissions de Thomas Parrott, contributeur de la BL tellement blacklisté par cette dernière que je commence à penser qu’il est un des Primarques disparus.

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Inferno! 40K

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Raised in Darkness – A. Tchaikovsky :

INTRIGUE :

L’agrimonde de Shargrin reçoit la visite, pas vraiment amicale, de deux membres des Saints Ordos, les Inquisiteurs Vulpern et Jerrin, après qu’un de leurs collègue (Harghesh), ait disparu sans laisser de trace au cours d’une inspection de routine. Le dernier message envoyé par la rosette manquante faisant état de « difformité physiologiques régulières et persistantes » parmi la population de la planète, les deux compères arrivent sur place avec une jauge de suspicion déjà bien élevée, ainsi qu’une forte escorte de Space Marines de la Deathwatch. En effet, le jargon d’Harghesh, s’il rendrait fier n’importe quel fonctionnaire de l’Education Nationale, semble surtout indiquer que Shargrin a été infectée par la menace Xenos. Cela expliquerait pourquoi le premier Inquisiteur a si brutalement cessé de donner des nouvelles…

Accueilli par le Gouverneur en personne, ainsi que son statut le prévoit, le vieux et passablement désabusé Vulpern donne le change du côté des petits fours pendant que sa jeune, énergique et ambitieuse collègue va faire quelques prélèvements sur un site de transformation de la principale ressource de la planète : les champignons. Shargrin est en effet connu pour la richesse de sa biodiversité fongique, ayant colonisé les cavernes s’étendant sous la surface désolée de la planète. Sous le leadership avisé du Gouverneur Linus Donaghl, ancien officier de la Garde Impériale jouissant du statut de héros du sous-sous-sous secteur pour avoir flanqué en raclée aux Zoneilles en son jeune temps, Shargrin a réussi à faire croître sa production de bolets, girolles, morilles et autres vesses de grox de manière significative d’année en année, attirant l’intérêt professionnel des adeptes de l’Administratum, toujours prêts à augmenter les seuils de la dîme impériale à la moindre opportunité. Mieux vaut éviter de faire du zèle dans l’Imperium, c’est bien connu. Par un coup de chance ou une intervention de l’Empereur, l’intuition de Jerrin se trouve confirmée par la détection dans l’échantillon de travailleurs sélectionnés par l’Inquisitrice de plusieurs spécimens d’hybrides Genestealers, dûment exécutés par son escorte de Space Marines après que leur crâne allongé, yeux rouges et troisième bras recouvert de chitine aient été exposés au grand jour.

Commence alors une campagne de purge dans laquelle Jerrin joue le rôle de la zélote incendiaire, Donaghl celui du défenseur de son peuple (mais surtout de sa capacité de production, car le bougre est corporate), et Vulpern tente tant bien que mal de ménager la fièvre et le mou. La résistance acharnée qu’oppose un nombre croissant de Shargrinois à l’avancée impériale, le caractère opportun des attaques qui s’abattent sur les imperturbables et inoxydables Space Marines, et les multiples tentatives d’assassinat ciblant les Inquisiteurs font cependant réaliser à ces derniers que la corruption Xenos est profondément ancrée dans la société locale. Identifier les agents doubles au service du culte devient donc la priorité de nos envoyés spéciaux, avant même de jouer du lance-flamme dans les champignonnières (ce qui est dangereux quand les spores sont en suspension dans l’air, d’ailleurs)…

Début spoiler…À ce petit jeu, c’est Vulpern qui finit par gagner, ou plutôt Donaghl qui finit par perdre. Le brave Gouverneur était en effet de mèche avec le culte, seul capable de lui permettre de remplir et même dépasser ses quotas de production, grâce à la main d’œuvre robuste et motivée qu’une colonie de Genestealers est capable d’engendrer. Avec quatre bras, on cueille deux fois plus pleurotes à l’heure, c’est logique. Derrière ses apparences farouches et son passif de soldat inflexible, Donnie cachait cependant un cœur d’artichaud et/ou des nerfs fragiles, puisqu’il avoue de but en blanc à l’Inquisiteur au bout d’à peine neuf jours de campagne sa pleine et entière duplicité. Ses motivations resteront cependant à jamais un mystère pour la postérité et pour le lecteur, puisqu’il intervient personnellement en défense de ce vieux croulant de Vulpern, à nouveau attaqué par un hybride pendant la confession de Donaghl, alors que ses gardes du corps de la Deathwatch faisaient un bière pong dans la salle d’à côté. Cette intervention salutaire n’épargnera toutefois pas au Gouverneur une exécution sommaire, précédée de la longue séance de torture prévue par la procédure inquisitoriale afférente. Voilà ce qu’il en coûte de prendre les légats de l’Empereur pour des truffes.Fin spoiler

AVIS :

Adrian Tchaikovsky livre une copie intéressante pour ses premiers pas au 41ème millénaire, avec une histoire inquisitoriale jouant habilement sur quelques uns des contrastes et paradoxes centraux de cet univers grimdark à l’envie. La méthode forte est-elle toujours la seule qui soit valable ? La foi en un Empereur distant et en un Imperium inhumain passe-t-elle systématiquement avant le bonheur de leurs sujets ? La fraternité offerte par un culte Genestealers ne compense-t-elle pas la corruption de ses membres ? Si ces questions ne sont pas nouvelles au sein de la GW-Fiction, Tchaikovsky prouve ici qu’il maîtrise ses fondamentaux en les posant dans ‘Raised in Darkness’, allégorie à la fois des fungus de Shargrin, des hybrides du culte mais également des bons et honnêtes sujets impériaux, dont ne demande rien d’autre que l’obéissance aveugle à un système brutal et obscurantiste. Ambiance ambiance. En plus de ce fond solide, la forme de cette nouvelle bénéficie du style affirmé et différent des canons habituels de la BL qu’Adrian Tchaikovsky a développé au cours de sa carrière d’auteur vétéran. Bref, je suis curieux de lire davantage des œuvres BLesques de cet invité de choix dans le futur, s’il juge bon de poursuivre sur cette voie.

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The Exorcism of Karsa V – M. Smith :

INTRIGUE :

Sur la planète Karsa V, une insurrection surprise de cultistes du Chaos dans la capitale (Karsavaal) s’est soldée par la prise du palais du gouverneur, le Palacea Aeternum. La situation s’est depuis enlisée, les insurgés se contentant de faire des raids sur les quartiers environnants afin de capturer des otages pour des raisons aussi mystérieuses que certainement sinistres. De leur côté, les forces loyalistes du General Torres se montrent assez timides dans leurs assauts sur le bastion adverse, sans doute pour ne pas abimer ce joyau d’architecture qui fait la gloire et la fierté de Karsa V depuis plus de huit millénaires. Notre histoire s’ouvre sur une intervention presque concluante de la crème de la crème, les Karsan Cazadores du Major Nico Abatido. S’il faut leur reconnaître une pointe de vitesse impressionnante et une discipline de fer, on repassera en revanche pour la précision au tir. La course poursuite entre cultistes chargés de civils et loyalistes chargés de les rattraper finit par mener tout ce petit monde jusqu’aux abords du Palacea Aeternum, trop bien défendu pour que Nico et ses bidasses se risquent à continuer leur traque. L’épisode n’a toutefois pas été une totale perte de temps puisqu’en plus d’avoir sauvé une otage (qui s’est probablement fracassé le crâne sur le pavé lorsqu’Abatido a descendu son porteur en pleine course, mais c’est un détail), les Cazadores ont repéré dans le mur extérieur du complexe un pylône de défense en piteux état : s’il venait à être neutralisé, une offensive sur le palais deviendrait possible.

L’Empereur ayant de la suite dans les idées, c’est le moment que choisissent les Exorcists pour faire leur apparition sur ce théâtre d’opérations, sans avoir prévenu le QG de Kasra V avant évidemment, « une précaution nécessaire » d’après le meneur des Space Marines, le Sergent Vétéran Jago Sabarren. Comme on peut s’y attendre, le courant passe assez mal entre les Astartes laconiques mais très exigeants en matière d’autonomie (« vous nous laissez faire ce qu’on veut »), de soutien (« vous allez envoyer toutes vos Valkyries faire diversion pour péter ce pylône ») et d’aménagement urbain (« vous devrez raser le Palacea Aeternum quand on aura maté l’insurrection »), et le commandement des forces karsanes. Comme on peut s’y attendre également, le petit Général décide sagement d’obtempérer aux directives du grand, gros, moche et nauséeux Sergent Space Marine1, avant que ce dernier ne dégaine le moulin à baffes énergétiques. Plus surprenante est l’autorisation qu’il donne au dévoué et altruiste Major Abatido (toujours déterminer à sauver des otages) d’emmener quarante Cazadores à l’intérieur du Palacea une fois que la brèche a été ouverte, contre les recommandations explicites de Sabarren.

Une fois dans l’enceinte du palais, les choses vont rapidement de mal en pis pour les braves bidasses, que l’entraînement n’a pas préparé à faire face aux assauts insidieux du Warp. Malgré tout, les Cazadores arrivent à se rendre utiles entre deux crises de larmes (de sang) et affrontements internes, en sabotant une batterie d’Hydres d’abord, puis en prenant à revers un groupe de Serviteurs de combat qui faisaient la misère aux Exorcists, eux aussi à pied d’œuvre. C’est toutefois sur les larges épaules de Sabarren et de ses hommes que reposent les meilleures chances impériales, et après avoir enfoncé les défenses chaotiques, les Space Marines finissent par localiser leur cible principale, le Maître des Possessions et Sorcier de la Black Legion Belphegor. Comme le veut la tradition, ils arrivent une seconde trop tard pour empêcher ce professionnel de Bebel de terminer son rituel, qui se solde par l’arrivée dans le Materium du Prince des Cieux Brûlants, un Démon ayant déjà eu maille à partir avec les Exorcists au cours de sa longue son éternelle existence. Il reviendra à Sabarren, encore une fois aidé par Abatido (et son dernier point de vie) d’appréhender le malandrin, au terme d’un combat disputé qui verra l’Exorcist mettre à profit ses connaissances secrètes et ses talents de tatoueur-scarificateur pour emprisonner le Prince anciennement connu sous le nom de l’artiste Fi’ax’ra’fel dans le cadavre de son hôte (le Gouverneur local), et repartir avec le spécimen vers Banish, pour que ses camarades de la Basilica Malefex puissent l’étudier en détail. Ces informations seront sans doute utiles pour localiser le fuyant Belphegor, qui s’est téléporté hors du Palacea Aeternum une fois son forfait accompli. De son côté, le Général Torres a fini par accepter de donner l’ordre de détruire le précieux bâtiment, sous la menace à peine voilée d’une visite surprise de l’Inquisition s’il faisait signe de vouloir classer le complexe au patrimoine impérial de l’humanité pour le protéger d’une purge nécessaire. On ne dira rien à Stéphane Bern, promis.

1 : Dont les méthodes pour assurer le secret des réunions de crise sont aussi surprenantes qu’efficaces (comprendre que la manœuvre des loyalistes ne sera pas transmise aux insurgés par des traîtres).

AVIS :

Matt Smith livre une Space Marinade assez quelconque avec ‘The Exorcism of Kasra V’, ce qui est d’autant plus dommage que le pedigree des Astartes convoqués pour faire le coup de feu dans cette nouvelle était des plus prometteurs. S’il se rattrape quelque peu en livrant quelques éléments fluffiques intéressants sur le Chapitre des Exorcists, Smith ne parvient pas pour autant à les singulariser de la masse de leurs congénères énergétiques, et arrête son récit précisément au moment où je commençais à vouloir en apprendre plus (c’est vrai quoi, comment on « instille la peur » chez un Démon ?). Pour le reste, on a le droit à trente pages de combat sans interruptions ni subtilités, au service d’une intrigue ne recelant pas la moindre surprise. À ce jour, c’est donc à mes yeux Steve Parker qui reste l’auteur de référence pour quiconque s’intéresse aux demi-frères des Chevaliers Gris, alors même qu’il n’a intégré qu’un seul ressortissant de ce Chapitre borderline (Rauth//Watcher) dans ses travaux ‘Deathwatch’.

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Vova’s Climb – N. Van Nguyen :

INTRIGUE :

L’Arbites Vovamir, Vova pour les intimes et pour le narrateur, s’est lancé un défi de taille au cours des douze prochaines heures : traîner en justice la Gouverneur Laiana, coupable à ses inflexibles yeux de trahison envers la Lex Imperialis. Si ses prérogatives professionnelles lui permettent en théorie de mener cette tâche à bien, Vova doit cependant opérer dans des circonstances particulières : son équipe embusquée et massacrée par la milice locale, il est seul, blessé et doit remonter jusqu’en haut de la proto-ruche Noth Secundus jusqu’au palais gouverneurial, évitant au passage les gangs et les forces de l’ordre, ainsi que les Scions de l’Inquisiteur Truan, qui protège Laiana contre la juste justice impériale. Qui a débloqué le niveau de difficulté légendaire ?

Son sacerdoce et son ascension en solo très expo’ sont toutefois aidés par une rencontre fortuite avec la chef de gang Harkeen, qu’il convainc de l’aider à mener à bien sa mission punitive. Comme Laiana a décrété une guerre au crime d’un niveau qui ferait pâlir le préfet Lallemant, ayant mené les innocents gangers de Noth au bord de l’extermination, le discours de Vova porte, et ce dernier peut bientôt compter sur l’appui d’une foule en colère, armée de briques laser et de brocs énergétiques, et suffisamment nombreuse pour mobber la défense croisée de la milice et de l’Inquisition. En chemin, les justiciers d’allégeance chaotique (tout un concept) se font attaquer par une escouade de Scions de ce truand de Truan, armés de carabines à plasma t’au : la preuve indiscutable de la culpabilité de Laiana et de ses alliés, dont le crime aura été d’écouter d’une oreille un peu trop attentive le baratin des VRP du Bien Suprême.

Par une heureuse ellipse, permettant à Van Nguyen de ne pas expliquer comment Vova et ses auxiliaires ont réussi à se frayer un chemin jusqu’à leur cible (ce qui avait l’air de tenir du miracle deux lignes plus haut), nous retrouvons notre héros quelques instants avant qu’il ne mette en examen, juge, condamne et exécute Laiana, le tout en moins de trois secondes. On rappellera tout de même que la défunte a le droit de faire appel si elle le souhaite, car la justice impériale n’est pas inhumaine à ce point. Ceci fait, il ne reste plus à Vova qu’à s’expliquer franchement avec Truan, venu en personne mais sans escorte (ce qui est très stupide de sa part) commettre une bavure sur une personne détentrice de l’autorité. On comprend que si l’Inquisiteur a fait obstacle à l’investigation de l’Arbites, c’est parce qu’il avait besoin du matériel t’au pour mener à bien sa propre croisade contre le Warp et les forces chaotiques, ce qui est une preuve flagrante d’un évident manque de foi pour Vova. Ce dernier apprend en retour à son interlocuteur qu’il a été défroqué par contumace quelques années plus tôt, et est donc coupable de faux et usage de faux, crime passible de mort (comme beaucoup d’autres) dans le Code Imperialis. La médiation entre les deux fonctionnaires impériaux ayant lamentablement échouée, chacun se considérant comme au dessus de la juridiction de l’autre, les deux compères se mettent logiquement à échanger des bourre-pifs, et à ce petit jeu, c’est Vova et ses ouailles qui finissent par l’emporter. Notre héros perd toutefois des points de style en recourant à une carabine à plasma pour exécuter sa sentence, ouvrant la porte à une possible investigation à son encontre pour utilisation de matériel prohibé. Dura lex sed lex.

Notre histoire se termine donc sur la victoire sans appel de la Lex Imperialis sur la chienlit radicale, hérétique et xenophile, ce qui est bel et bien. Avant de retourner au poste taper son rapport en trois exemplaires, il reste toutefois deux choses importantes à faire pour notre procédurier protagoniste : primo, abattre Hakeen, qui avait été condamnée pour couardise par son Commissaire lorsqu’elle servait dans la Garde, et était depuis en attente d’exécution ; et secundo, demander à ses auxiliaires survivants d’empiler les cadavres en deux lignes bien nettes, pour faciliter le travail de l’équipe de nettoyage. C’est à ce genre de petites attentions que l’on reconnaît les gens de bien, pas vrai ?

AVIS :

Noah Van Nguyen poursuit son intégration dans la GW-Fiction avec une nouvelle plus originale que sa première publication (‘The Last Crucible’), mais explorant une nouvelle fois le thème de l’opposition entre la fin et les moyens. Le personnage de Vova, sorte de Judge Dredd grimdarkisé qui passe une bonne partie de l’histoire à peser le pour et le contre de ses actions, et semble plus préoccupé par la perspective de créer un précédent dans l’application de la Lex Imperialis que par le coût humain de sa croisade personnelle, incarne parfaitement cette dualité, mais on peut en dire autant de Laiana, qui est parvenue à pacifier et développer son monde grâce à une alliance avec les T’au, et de Truan, à la recherche du meilleur matos pour purger du démon et prêt à fermer les yeux sur des combines qu’il juge mineures par rapport à sa mission. L’utilisation par Van Nguyen de la figure de l’Arbites, qui connut sa fugitive heure de gloire avec la trilogie des Shira Calpurnia de Matthew Farrer au début des années 2000, permet d’illustrer de façon intéressante les complexes rapports qu’entretiennent entre elles les institutions « sécuritaires » de l’Impérium. Il ne manquait plus qu’un Space Marine laissé en garnison sur Noth pour que la confusion juridictionnelle soit totale, et le bain de sang qui fait suite au différent entre les factions impériales était sans doute la seule et unique sortie de crise possible. Que cet Impérium de l’Humanité est bien construit, alors ! Comme dit plus haut, je regrette toutefois le choix de l’auteur d’avoir coupé au montage une bonne partie de la fameuse ascension de Vova et de ses troupes, alors qu’il avait jusque là (et plus tard) donné tous les signes qu’il s’agissait d’une nouvelle d’action. Il aurait donc été logique de suivre la progression des justiciers d’un bout à l’autre de leur traque, au lieu de passer sous silence la partie la plus « complexe » des péripéties. Il s’agit toutefois d’un défaut assez mineur au final, et ‘Vova’s Climb’ prend donc sa place parmi les meilleures nouvelles d’escalade urbaine de la BL1.

1 : Qui est un sous-sous-sous-sous genre qui existe, puisqu’avec ‘Tower of Blood’ de Tony Ballantine, on arrive à deux nouvelles.

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The Stuff of Nightmares – S. Lyons :

INTRIGUE :

La jeune Nirri est sur le chemin de Terra pour réaliser le rêve de toutes les pieuses et dévouées adolescentes de son âge : rencontrer l’Empereur en personne. Cette chance inouïe lui est échue en raison de sa condition particulière : diagnostiquée Psyker par son médecin de famille, elle a été débusquée par les autorités de sa planète et remise au premier Vaisseau Noir qui croisait dans le coin. Dans ses moments de lucidité, notre héroïne se souvient de ses adieux déchirants (surtout pour elle il faut dire) avec le reste de sa famille, et se demande comment toute cette histoire va se terminer. Pour le moment, enchaînée à un mur en compagnie de centaines de ses camarades mutants et soumise à un cocktail explosif d’éclairage stroboscopique et de porridge au Xanax, elle passe le plus clair de son temps à halluciner, et ses visions sont de plus en plus sombres. Une bande de sémillants Démons a en effet décidé de flashback-bomber ses souvenirs de jeunesse, et par-dessus le marché, elle a eu le pressentiment de la destruction imminent du Vaisseau Noir au cours d’une tempête Warp. Bien que n’ayant pas réussi à convaincre les Serviteurs en charge de la popotte de l’importance vitale de sa révélation, ses pitoyables plaintes ont été enregistrées (probablement dans le cadre de l’amélioration de la qualité du service fourni, comme c’est l’usage depuis M3), et lorsque le vaisseau commence à traverser une zone de fortes turbulences, un petit détachement de gardes mené par une Sœur du Silence dévouée à Ste Mila plutôt que Mina (rapport à sa coloration violette du plus bel effet) se présente pour l’escorter là où son devoir semble l’appeler.

Bien évidemment, le transfert ne se passera pas comme prévu. Après avoir dû calmer quelques Psykers un peu trop forts en gueule dans les quartiers carcéraux du vaisseau, l’escouade se fait embusquer par des Démons branchés sur courant alternatif (un coup physique, un coup incorporel), preuve manifeste d’une fuite dans les champs de Geller du navire. Laissée sans chaperon dans la bagarre, Nirri erre dans les couloirs sans trop savoir que faire, et décide en désespoir de cause de revenir sur ses pas pour qu’on puisse au moins lui donner la direction de la cafeteria. Qui sait, ils auront peut-être des Pumpkin Latte. Pas de bol pour notre ado, la seule survivante du groupe chargé de son transfert est la Sœur du Silence, que sa mort prochaine ne convainc pas de briser son vœu de mutisme pour autant. Nirri devra donc se contenter de vagues directions pour reprendre sa route après le décès de sa garde chiourme, mais finira tout de même par tomber entre de bonnes et impériales mains quelques temps plus tard.

Amenée sur le pont de commandement du vaisseau, elle (ou plutôt, le lecteur) finit par comprendre qu’elle a été convoquée pour remplacer d’urgence le Navigateur du bord, très incapacité par la tempête et plus en état de guider le bâtiment hors de cette dernière. Comme plus d’un membre d’équipage le fait remarquer alors que Nirri est placée dans l’habitacle de son prédécesseur avec autant de soin qu’une pomme de terre utilisée en TP de SVT pour produire de l’électricité, ses chances de succès ne sont pas minces, elles sont photoshoppées. Qu’importe pour notre brave petite patate, qui s’est prise de passion pour la lumière bizarre pénétrant depuis la fissure du parebrise du vaisseau, et va donc tenter de retrouver le chemin du Materium1 en pure autodidacte… Et mourir sur le coup dans la tentative. The Stuff of Nightmares Legends.

Ce qui ne l’empêche pas de se réveiller quelques jours plus tard, preuve manifeste que tout ceci n’était qu’un rêve, pas vrai ? PAS VRAI ? En tout cas, son voisin de chambrée, ou plutôt de travée, décapité pour outrage à agent par Sœur Sourire lors de l’exfiltration de Nirri, est de nouveau à ses côtés, et en raisonnablement bonne santé. En tous cas, cette expérience transcendantale a raffermi la foi de notre héroïne en l’Empereur, qu’elle se jure à nouveau de servir du mieux qu’elle le pourra lorsqu’elle aura enfin la chance de faire un selfie duckface avec son idole. Cela passera sans doute par quelques heures à apprendre les rudiments de Warp Flight Simulator 18, car il y a indéniablement du boulot…

1 : Ou plus exactement, de dégager un vaisseau à moitié (?) sorti du Warp. Appelons ça « Opération Ever Given ».

AVIS :

Steve Lyons aurait-il tenter d’émuler Peter Fehervari (‘Requiem Infernal’) avec cette nouvelle horrifique et démoniaque ? Les points communs entre ce texte et le premier chapitre du roman de son collègue au sein de la BL sont en effet assez marqués, la jeune Nirri comme la Sœur Asenath Hyades se retrouvant prisonnières d’un vaisseau où la présence du Warp est manifeste, sans possibilité de savoir si elles vivent ou rêvent leur rencontre avec les joyeux et farceurs habitants de l’Immaterium. Au jeu des comparaisons, c’est toutefois Fehervari qui l’emporte, tant par sa capacité à convoquer des images malaisantes1 (tandis que Lyons se contente de va et vient dans les couloirs et de scènes de baston confuses et classiques) que par le soin qu’il apporte à clore les (possibles) hallucinations de sa protagonistes de façon à la fois équivoque mais compréhensible : si on ne peut pas dire si Hyades a tout inventé ou a vraiment été visitée par le Warp lors de sa traversée agitée, il n’y a rien qui vienne formellement invalider l’une ou l’autre de ces options. À l’inverse, le fait que Nirri se réveille au même endroit qu’avant le début de la tempête, et surtout discute avec un personnage qu’elle a vu mourir dans le « passé », rend caduque toute autre hypothèse que celle d’un cauchemar. Je pense qu’il aurait été bien plus réussi et efficace de laisser planer un vrai doute à ce niveau en clôture de nouvelle.

Par ailleurs, il m’a semblé que Steve Lyons prenait des largesses inhabituelles de sa part avec le fuff dans ‘The Stuff of Nightmares’. Cela passe notamment par le pouvoir incapacitant trèèèèèèès léger que la Sœur Violetta a sur les Psykers et les Démons, mais se perçoit aussi dans le dénouement de l’intrigue. Qu’est-ce que l’équipage du Vaisseau Noir espérait de l’utilisation sauvage d’une Psyker non formée en remplacement d’un Astropathe ? Nirri a-t-elle réussi à sauver le vaisseau (et donc à le faire sortir du Warp alors que les champs de Geller étaient désactivés, ce qui la positionnerait dans le top 10 des Psykers les plus puissants de son époque), ou bien est-elle seulement et bêtement morte sous la surcharge psychique, ce qui paraîtrait à la fois beaucoup plus logique et totalement anti-climatique ? Bref, on a connu mieux de la part de Steve Lyons2, qui rate quelque peu ses retours dans Inferno ! avec cette nouvelle en demi-teinte.

1 : Ici, c’est un compliment.
2 : Et notamment, dans un style « intimiste » similaire, ‘The Shadow in the Glass’.

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The Last Knight: Part 1 – G. G. Smith :

INTRIGUE:

Notre histoire se déroule sur le monde chevalier de Leucosia, dont la proximité syllabique avec Leukemia n’est pas totalement anodine. En effet, la planète a particulièrement souffert de l’ouverture de la Cicatrix Maledictum, et des incursions démoniaques l’ayant frappé avec régularité en conséquence de la signature des accords de Schengen entre le Materium et l’Immaterium. Notre héros, le noble Lacutus de la maison Honaratus, porte d’ailleurs un souvenir cuisant de la dernière excursion organisée1 par les hordes démoniaques depuis la Tempête de la Sirène (l’anticyclone warpien local), une engeance chaotique mal embouchée lui ayant craché dans l’œil avec des résultats corrosifs. Envoyé par son père et Gouverneur planétaire en exercice, Forganus, reprendre contact avec les communautés placées sous la protection de sa lignée, Lacutus arrive dans le petit village côtier d’Innsport, où il remarque l’épave d’un vaisseau spatial s’étant écrasé dans la lagune. D’abord content de la découverte, qui lui permettra peut-être de retaper le chevalier familial, le brinquebalant Wargod, en maintenance depuis la dernière bataille contre les springWarpbreakers en goguette sur Leucosia, Lacutus va rapidement déchanter. Sa rencontre avec les autorités locales se passe en effet très mal, l’ancien Fisher étant resté au règne d’Ignatius Honaratus, grand-père de notre héros, refusant de lui donner du « Monseigneur » et de lui faire une petite courbette, et finissant même par lui ordonner de mettre le pied à terre, et le faisant obtempérer d’une pichenette psychique à laquelle Lacutus ne s’attendait pas le moins du monde.

Sauvé par la ruade de son fidèle destrier Augustus, qui fidèle à sa réputation de monture d’un univers de Games Workshop, se charge d’infliger les blessures à l’adversaire quand son cavalier rate toutes ses attaques, Lacutus se relève, dégaine son épée énergétique branchée sur courant alternatif (elle marche un jour sur deux), et fend le faquin à tête bulbeuse en presque deux d’un horion bien placé. Il n’a cependant pas le temps de finir le dernier PV de l’increvable Fisher, qu’un duo de Genestealers émerge d’un taudis tout proche et commence à se rapprocher de façon aussi preste que menaçante. Décidant qu’il est de son devoir de porter la mauvaise nouvelle à la cour de son père plutôt que de mourir bravement au combat, Lacutus enfourche sa monture, pique des deux et arrive à se tirer de ce bien mauvais pas, aidé par sa maîtrise de l’arbalète et les carreaux à tête explosive2 que lui a préparé l’adepte du Mechanicus (formée en MOOG, car les contacts avec le monde forge le plus proche, Metalica, ont été interrompus par les tempêtes récentes3) locale. Une longue chevauchée plus tard, il arrive à bon port, c’est-à-dire le château paternel et capitale planétaire de fait, Landfall Castle, où il fait un rapport sommaire de sa mésaventure à son pôpa avant de tomber dans les pommes.

À son réveil, il est chargé par le vieux Gouverneur, rendu grabataire par sa dernière virée dans Wargod, de prendre la tête de l’armée locale pour aller brûler le village infesté, solution drastique mais efficace au problème rencontré par Leucosia. Les options ne sont en effet pas nombreuses pour les défenseurs de Landfall Castle, dont l’unique Chevalier n’a pas fini d’être retapé par Lydia (l’adepte du Mechanicus en question), et que Lacutus ne peut de toutes façons pas encore conduire, n’ayant jamais passé son permis poids lourd. Quant à l’astropathe local, Vervus, il a simplement déclaré qu’il était trop vieux pour cette m*rde après la dernière incursion démoniaque, et s’est mis de lui-même en pré-retraite clandestine dans les collines avoisinantes, craignant que son prochain envoi de mail soit le dernier. Ayant appelé la milice paysanne aux armes (principalement des arcs longs), Forganus est cependant pris de court par l’arrivée d’une horde de mécontents horriblement mutés, le Culte Genestealer local ayant décidé que l’occasion était bonne pour lancer une petite révolution contre la noblesse leucosiane. Après tout, elle n’a pas été vraiment capable de les protéger ces derniers temps.

C’est donc un siège en bonne et due forme qui s’engage, donnant à Lacutus l’occasion de démontrer ses talents de général (on attendra un peu pour juger ses performances martiales), bien aidé par les trébuchets et balistes customisés par Lydia, l’œil sûr et la main ferme (à défaut des dents) des archers Gult et One-Arrow Nokes, et les gros biscotos du palefrenier Ogryn Kark et de sa petite famille. Face au courage et la technologie rudimentaire des défenseurs, les milliers de cultistes et de mutants déployés par l’ancien Fisher, qui s’est apparemment recousu tout seul comme un grand dans l’intervalle, peuvent compter sur une supériorité numérique écrasante ainsi que sur des tours de siège quasiment efficaces. Car lorsque la dernière d’entre elles arrive finalement au contact des murs, condamnant très probablement les Bretonniens impériaux, Wargod émerge finalement des stands, et se charge de repousser la vague à grands coups d’épée tronçonneuse et de rafales de canon thermique. Face à la fureur mécanique du Chevalier, les Genies décident de ne pas être hasty, et se replient en désordre, permettant aux défenseurs de remporter la première victoire du conflit. Cependant, le prix est lourd pour les Leucosians, particulièrement pour Lacutus, qui ne peut que constater que le baroud d’honneur de son père lui a coûté la vie, le cœur du vieux Gouverneur ayant lâché sous l’effort. Notre héros est maintenant en charge des opérations, et il serait grand temps qu’il apprenne à se servir d’un pédalier et d’un levier de vitesse…

1 : C’est le Chaos après tout. Il y avait bien un Portepeste qui essayait de faire l’appel, mais c’est tout.
2 : Comme un carreau d’arbalète se dit « bolt » en anglais, on peut donc dire que Lacutus utilise des bolts ressemblant furieusement à des bolts.
3 : Comme le dit la sagesse populaire : « Metalica, c’est trop loin pour toi ».

AVIS:

Débuts intéressants de la part de Smith, dont les prémices de The Last Knight rappelleront sans doute quelques souvenirs aux lecteurs familiers des tous premiers temps de la GW-Fiction, époque mythique pendant laquelle des auteurs de SF bien établis s’étaient amusés à mettre l’Imperium en face de ses contradictions, en particulier celles provoquées par la grande diversité des mondes le composant. Qu’il s’agisse de Charles Stross dans Monastery of Death, Bryan Ansell et Bill King dans Deathwing ou encore Barrington J. Bayley dans Children of the Emperor ou Battle of the Archeosaurs, les rencontres entre cultures obscurantistes et merveilles de technologie étaient fréquentes, et c’était ma foi assez sympathique. L’avenir nous dira si Smith se place dans la droite ligne de ces grands anciens, ou bien s’il choisir de tracer sa voie, mais l’initiative est en tout cas à saluer.

Ce premier épisode permet également de se rendre compte que, bien que nouveau dans les ténèbres du futur lointain, Smith maîtrise bien le fluff de la franchise, y compris ses derniers développements, comme l’ouverture de la Cicatrix Maledictum, ou, tout simplement, l’existence des mondes chevaliers de l’Imperium, qui n’ont été mis sur la carte galactique que relativement récemment par Games Workshop. Comme tous les auteurs recrutés par la BL ne se donnent pas forcément la peine de se documenter sur leur univers d’adoption avant de prendre la plume (et l’Empereur sait à quel point il est facile de partir en hors sujet dans les franchises de GW), il convient de le mettre en avant comme point positif. À cela on peut ajouter une bonne capacité à dérouler une histoire prenante, particulièrement grâce à des personnages naturellement attachants, depuis notre adolescent borgne ninja, l’adepte du Bricolicum, les archers patibulaires, ou encore la famille d’Ogryns qui murmuraient à l’oreille des chevaux1. Finalement, le seul reproche que je peux formuler à Smith pour le moment est sa description parfois assez confuse du siège, particulièrement quand les tours de siège se joignent à la fête. On peut également regretter, à la marge, qu’il ait arrêté son propos dans un temps faible de l’intrigue, les hordes chitineuses repoussées pour le moment et la victoire remportée par les héros. Un cliffhanger facile (mais efficace) aurait été de mettre l’histoire sur pause au moment où le pont-levis est abaissé, au grand désespoir de Lacutus. Cela aurait nous amené à attendre le deuxième épisode avec encore plus d’impatience, mais de ce point de vue, Gavin Smith n’a pas de grands soucis à ce faire. Bring it on boy…

1 : Je suis déjà certain que je serais triste s’il leur arrive quelque chose dans les prochains épisodes.

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The Last Knight: Part 2 – G. G. Smith :

INTRIGUE :

Retour sur Leucosia après le premier acte de ‘The Last Knight’, où la situation est précaire pour les défenseurs de Landsfall Castle. Ayant tout donné pour repousser l’assaut des cultistes Genestealers de l’Ancien Fisher1, Lacutus Honaratus, maintenant Gouverneur de la planète, et ses fidèles péons se creusent la tête pour arracher leur qualification survie dans un match retour qui s’annonce très compliqué. Pas foutu de passer son permis Chevalier, comme son père et la troupe entière de ses aïeux avant lui, Lac’ décide après une nouvelle simulation non concluante, pendant laquelle il revit la purge de Landsfall City ayant pris place trois ans plus tôt (et lui a coûté un œil) sous le regard sévère et critique de ses ancêtres qui essaient désespérément de lui trouver des défauts, de passer au plan B. Ou plutôt V. Pas comme Vendetta, mais comme Vervius, le nom du vieil Astropathe de la cour de son père, ayant décidé de faire retraite dans la montagne il y a quelques temps, soi-disant pour éviter qu’une utilisation trop poussée de ses pouvoirs ne lui coûte sa vie et son âme (la planète Leucosia étant dangereusement proche de la Cicatrix Maledictum). Encore un auquel il faut expliquer que seule la mort met fin au devoir. C’est pourtant pas compliqué, hein.

Ayant mâlement repoussé les protestations de sa bonne amie et mecano et probable love interest mais bon on n’a pas le temps pour ça, Lydia, qui voudrait que son altesse reste sur place pour remonter le moral des troupes plutôt que d’aller risquer sa couenne dans une sortie aux chances de succès des plus minces, Lacutus part sur son fidèle destrier Augustus, armé de son épée énergétique sur courant alternatif Woundthirst et son bouclier boucliant Faith2. Par un heureux hasard, il arrive à proximité de la bicoque de Vervius au même moment qu’une bande d’hybrides et de néophytes qui passait dans le coin, et a ainsi l’occasion de prouver sa valeur au combat, à peine aidé par les pouvoirs télékinesiques de son hôte. Problème, Vervius n’est toujours pas décidé à faire un come back, jusqu’au moment où Lacutus abat sa carte maîtresse : plutôt que de prendre le risque de se faire exécuter par son suzerain pour défection, pourquoi le vieil Astropathe ne ferait pas deux jours de cheval à fond de train, traverserait les lignes de défense du culte Genestealers, puis tenterait d’envoyer un message de détresse au reste de l’Imperium à proximité de puissants Psykers Xenos, au risque de se faire posséder par le Warp ? Après tout, Lacutus lui a promis d’abréger ses souffrances le cas échéant. Devant un raisonnement aussi perché, Vervius ne peut que se ranger à la voix de la déraison, et se met en croupe d’Augustus (le cheval, pour ceux qui suivent pas), direction le château assiégé.

À Landsfall Castle, la situation n’a guère évolué au cours des quelques jours qui ont été nécessaires à Lacutus pour faire la navette. Ah, si : un unique bio-vaisseau tyranide s’est mis en orbite de Leucotis (coupe des budgets, réduction des effectifs, toussa toussa…). Comme il a apparemment fallu toute la concentration des Genestealers du culte pour maintenir la connexion avec l’Esprit de la Ruche, cette arrivée a au moins permis aux défenseurs de ne pas être confrontés à l’élite adverse, qui est maintenant libre de… faire un five au quartier, j’imagine ? En tous cas, les terrifiants Xenos n’apparaissent pas dans le récit que fait Smith de l’assaut des cultistes sur la forteresse. De leur côté, Lacutus, Vervius mais surtout Augustus parviennent à traverser le rideau défensif adverse à la manière d’un Antoine Dupont des grands jours, mais dans la bagarre confuse qui s’engage autour du porteur du cuir, l’Ogryn Kark (croisé au précédent épisode) se retrouve coincé du mauvais côté d’une herse impossible à remonter. La tuile. Courant sur les remparts à la recherche d’une solution, Lacutus ne peut que constater l’arrivée du Patriarche Genestealer, enfin réveillé après une murge de plusieurs semaines (il n’a pas participé à la première attaque de ses troupes sur le château). L’affrontement déséquilibré entre le vaillant abhumain et l’abomination extraterrestre, s’il vendait un peu de rêve sur le papier, se cantonne malheureusement à un duel de regard, vite perdu par Kark, qui titube en direction du monstre qui l’a hypnotisé pour recevoir un gros poutou. Tout n’est cependant pas perdu pour les défenseurs, qui disposent encore d’une baliste prête à tirer, et qui fait feu sur l’ordre de Lacutus… sur Kark. Et pas sur le Patriarche. Parce que ce dernier était apparemment insensible aux flèches, because of reasons. Avec un ami pareil, pas besoin d’avoir des ennemis.

Tout s’enchaîne alors très vite dans une dernière ligne droite digne d’un 200 mètres olympique. Lacutus va coacher Vervius dans sa tentative de remise de message d’alerte au reste de l’Imperium, mais l’Astropathe se fait apparemment tout de suite gauler et posséder par le Magos adverse (Fisher), convainquant le vaillant paladin de décapiter sur le champ son fidèle serviteur pour limiter la casse. Et l’Oscar du second rôle le plus inutile est attribué à… On apprendra au détour d’une ligne un peu plus tard que Vervius a peut-être malgré tout réussi à lancer son SOS. Appelons ça l’instinct, car de la part d’un personnage ne disposant pas de capacités psychiques comme Lacutus, on ne peut pas expliquer cette certitude autrement. Ceci fait, notre héros décide de retenter sa chance et de passer son épreuve pratique de Chevalerie en candidat libre. Très étonnamment, il parvient cette fois-ci à passer la seconde, après avoir annoncé à son examinateur spectral (son père) qu’il s’en balekait de ses jugements. Et c’était apparemment ça qui était attendu de lui, puisque le bon gros osef des familles de Lacutus empli son pôpa de fierté. Ca me fait furieusement penser à la réponse à la question « qu’est-ce que le courage » au bac de philo, d’après la légende urbaine. On est pas à ça près, ceci dit.

Enfin en selle, Lacutus Wargod Honaratus sort découper du Xenos, qui avaient pour des raisons non élucidées par la science moderne décidés de ne pas envahir le château et massacrer ses défenseurs dans l’intervalle. Comme c’est sportif. En guise de boss de fin, le Chevalier se coltine un (1) Trygon envoyé sur la surface de Leucosia par le SUV ruche stationné en orbite haute. Chez les Genestealers, tout le monde décide alors de partir à la plage et met les voiles, mais l’Ancien Fisher s’emmêle les pieds dans sa toge et finit grillé par le canon thermique de Wargod, alors même que ce dernier s’étale également de tout son long. Et l’Oscar de la mort la plus décevante est attribué à…  

Tout ça ne règle pas les affaires des défenseurs de Leucosia, vous allez me dire. Ils doivent en effet faire face à un culte Genestealers disposant encore de son Patriarche (non violent, certes), et soutenu (timidement, certes) par l’Esprit de la Ruche. Sauf que, sauf que : voilà qu’apparaissent à l’horizon les vaisseaux du monde ruche Metalica, tellement plus fort que toi qu’ils ont réussi à arriver sur place moins d’une journée après l’appel de Vervius (estimation large de votre serviteur). Je suppose que l’on peut en conclure que la planète est sauvée, mais le plus important est que cette histoire est finie. Bye Lacutus, ouvre l’œil et le bon.

1 : Qui ne vit pas dans une cabane, comme dit la chanson, mais dans un barnum.
2 : On pourrait penser que ce n’est pas important de tout nommer comme ça, mais Smith n’est pas de cet avis.

AVIS :

Gavin G. Smith rend une copie bâclée pour achever ‘The Last Knight’, rendant caduques tous les points forts du premier volet de cette novella. Les personnages présentés et esquissés précédemment sont les premiers à en pâtir, Lydia, Gult, One-Arrow Nokes et le regretté Kark apparaissant dans de petits cameos sans intérêt, pendant que les seconds rôles sont tenus par un Astropathe ne servant à rien/tout (selon que l’on se place du point de vue du spectateur ou du scénariste) et un cheval. Lacutus ne semble pas progresser d’un iota dans sa quête de réalisation personnelle, jusqu’au moment où les étoiles s’alignent et qu’il parvient miraculeusement à faire honneur à son rang. De l’autre côté du ring, il n’y a tout simplement personne pour endosser le peignoir d’antagoniste principal, Fisher et le Patriarche se contentant d’apparitions nonsensiques de temps à autres. Leurs troupes ne sont pas en reste de ce point de vue, notez, car on ne comprend pas ce qui retarde ou empêche les hordes si menaçantes du premier épisode de submerger les défenseurs à tout moment (ils ont même 50% de plus de tours de guet cette fois-ci !). Tout aussi grave et décevant, la maîtrise du fluff que je reconnaissais à Smith à l’issue de la première partie de la novella est ici sérieusement remise en question, comme l’apparition miraculeuse d’un littéral deus (ex) machina à la fin de l’histoire, et avant cela, la convocation étrange et anémique d’une flottille-ruche, l’illustrent. Au final, ‘The Last Knight’ se termine en queue de Mawloc, ce qui est bien dommage pour les débuts de Gavin G. Smith au sein de la BL, mais également pour nous autres lecteurs.

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Respite’s End – M. Collins :

INTRIGUE:

Sur la planète Respite, les affaires vont pour le mieux pour le Medicae Primus Arlen Cedano, responsable de la production des médicaments qui constitue la principale activité du monde en question. On connaissait les mondes forges, il faudra s’habituer aux mondes pharmacies. Après tout, la Garde Impériale consomme des quantités astronomiques de Mercurochrome, c’est bien connu. Cedano vaque tranquillement à ses occupations dans le complexe de Valderos, qui consistent principalement à développer de nouvelles molécules miraculeuses, telles que le Prime (le redbull du 41ème millénaire), à s’assurer de la santé de la main d’œuvre locale, et accessoirement de faire des rapports réguliers à sa bonne amie Vector Phi, Magos entubée (comprendre qu’elle vit dans un tube), et à l’envoyé plénipotentiaire de ses actionnaires, un progenitor Genestealer. Car derrière ses apparences proprettes de Sanofi véritablement mondialisé, Respite est tombé sous la coupe du culte de l’Hélice Altérée, et répond donc aux commandements de Vejovium III. À chacun ses petits secrets.

Cette tranquillité industrieuse va toutefois voler en éclats lorsque les premiers cas d’une maladie mystérieuse commencent à se manifester parmi les laborantins, et dont les victimes se transformant en Zombies certes décérébrés mais pétés de rire. En première ligne pour trouver un remède au COVID-40.148 (à peu près), Cedano se fait contacter par radio par un certain Jast alors qu’il planche sur son vaccin. Ce dernier lui apprend qu’il est responsable de cette nouvelle pandémie, et qu’il l’a déclenchée uniquement pour mettre à l’épreuve la compétence de celui qu’il voit comme un digne un adversaire. Profitant de la tendance à l’épanchement de ce fan inconnu, Cedano convoque discrètement son vieux copain Heinrich, Clamavus de son état et donc spécialiste en communication, pour qu’il l’aide à trouver l’origine de l’appel et donc l’adresse de ce petit plaisantin. Dans l’intervalle, notre héroïque docteur donne de sa personne pour endiguer la contagion, n’hésitant pas à manier le lance-flamme pour traiter les patients les plus atteints, ce qui le met assez logiquement sur les dents et le plonge temporairement dans les abîmes de la dépression… dont une idée géniale (la chloroquine, peut-être) le sort. Malgré les coups de fil incessants de son groupie pestilentiel, Cedano arrive finalement à mettre au point un protocole a priori efficace, laissant espérer une fin prochaine à la crise.

De leurs côtés, Heinrich et le reste du Comex n’ont pas chômé non plus, le premier localisant l’origine du signal pirate, et les autres mobilisant les forces du culte pour aller purger les importuns une fois pour toutes, dans la cité-usine de Queveron où ils semblent s’être installés. Pendant que l’armée, menée par Heinrich et Vector Phi, sortie de sa boîte pour l’occasion, encercle le complexe, Cedano prépare un plan de contingence et donne la permission de minuit à sa smala d’Aberrants, avant d’entreprendre la longue descente jusqu’aux niveaux inférieurs de Valderos, où son intuition lui indique que se terre sa Némésis.

Et effectivement, pendant que le gros des forces de l’ordre se coltine l’extermination des Zombies ayant remplacé la population de Queveron, Cedano débusque un trio de Death Guards squattant la cave de son propre immeuble. Le leader de l’infecte trinité est bien Jast, Hektor de son prénom, venu proposer un CDI au bon docteur, dont la compétence l’a impressionnée. Cependant, le refus de ce dernier de faire une croix sur ses recherches et de reconnaître le crime de xenophilie, qui reste même en travers de la gorge – ou équivalent – d’un Space Marine du Chaos, provoque l’ire du débonnaire infectiologue. Qu’à cela ne tienne, Cedano n’est pas venu seul, et sa famille élargie tombe sur le râble – ou équivalent – des importuns. Après une mêlée générale plus serrée que ce que le rapport de force initial ne le laissait penser, les Astartes pétomanes sont mis hors d’état de nuire, laissant le seul Cedano en piteux état parmi les cadavres des combattants. À son réveil, un Heinrich très mécontent l’informe que ses petites cachotteries sur la composition des vitamines administrées aux forces chargées de la pacification de Queveron ont eu des effets indésirables, comme la transformation des auxiliaires humains en berserkers ayant chargé dans le tas sans réfléchir, ce qui a conduit à des pertes colossales qui auront des lourdes répercussions sur les projections de croissance du culte. Inacceptable ! Cette dérogation à l’éthique de l’Hélice a tellement mécontenté le Conseil d’Administration que le Medicae Primus est convoqué sur Vejovium III pour un tête à tête avec le Prime Specimen. Et en plus de ça, il a choppé un virus. La médecine du travail n’est décidément pas une sinécure…

AVIS:

Si la deuxième contribution de Marc Collins à la Black Library1 s’avère être une lecture plus intéressant que ses travaux initiaux, j’avoue que la restitution d’un avis sur la qualité de ce ‘Respite’ End’ m’a posé davantage de problèmes que je ne me l’imaginais. En cause, un facteur que je n’ai pas souvent abordé ici, mais qui à mes yeux mérite qu’on le prenne en compte : la familiarité du lecteur avec le background spécifique que l’auteur utilise pour mettre en scène son histoire. En ce qui me concerne, ayant arrêté de longue date de suivre les avancées du fluff avec le zèle des mes jeunes années, où je me faisais un point d’honneur d’acheter les Codex de toutes les factions du jeu (même si je n’ai jamais joué à ce dernier), les Cultes Genestealers restent une race assez mystérieuse. Aussi, j’ai dû « découvrir » par moi-même que la planète Respite était sous leur contrôle au fur et à mesure du récit, à travers les indications, loin d’être transparentes pour le tout venant, de Collins. Ainsi, je n’ai réalisé que l’Hélice Altérée et le culte Verjovian étaient canon, et pas une simple création de Collins, qu’en faisant des recherches annexes pour tenter de confirmer le vieux soupçon qui me tenaillait sur la nature pas très orthodoxe du crédo du héros. Découvrir que la planète modèle est en fait sous la coupe d’un culte Xenos en cours de lecture a donc rendu l’expérience plus plaisante que si ma connaissance du fluff m’avait permis d’identifier le problème à sa première mention. Bref, il se peut très bien qu’un lecteur mieux au fait que votre serviteur des arcanes du background récent trouve ce ‘Respite’s End’ d’une platitude consommée, son principal intérêt ayant été ce qui me concerne cette épiphanie peut-être pas du tout recherchée par l’auteur2.

Car il faut bien reconnaître que l’enquête menée par Cedano et sa fine équipe de freaks pour retrouver les petits malins ayant jeté des boules puantes dans leur magnifique monde-pharmacie ne casse pas trois bras à un Aberrant, tout comme le règlement compte final entre le Professeur Raoult du 41ème millénaire et ce parasite de Jast. Certes, Collins arrive à relever son propos avec quelques trouvailles bien senties, comme les Zombies de la Peste hilares (clin d’œil au Smilex du Joker ?) ou le jugement sévère porté par un Space Marines du Chaos sur l’infestation Genestealers, qu’il considère être un crime terrible envers l’Humanité (alors que se révolter contre l’Empereur et vouer son âme à Nurgle, c’est chill), mais dans l’ensemble, l’intrigue en elle-même est vraiment très classique. À lire pour ceux qui seraient intéressés par une plongée dans ce que Collins présente comme une « utopie tyrani(di)que », soit une planète complètement sous la coupe des agents de la Grande Dévoreuse, mais dont les habitants ont l’air de mieux s’en sortir que ceux du monde-ruche moyen. Je serai intéressé de connaître votre retour sur cette nouvelle (qui a au moins le mérite de s’affranchir de la malédiction du titre jeu de mots3), pour voir si mon relatif noviciat en matière d’infestation extraterrestre à véritablement faussé mon jugement…

1 : La première étant ‘Champions, All’, publiée pendant le Black Library Advent Calendar 2019.
2 : Bien que sa non-utilisation du terme « Genestealer » d’un bout à l’autre de la nouvelle me laisse tout de même penser qu’il savait ce qu’il faisait.
3 : Qui veut que ce type de nouvelle paie les velléités humoristiques de son auteur par un contenu généralement médiocre. Allez lire ‘Virtue’s Reward’ pour vous en convaincre.

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Castle of the Exile – G. Hanrahan :

INTRIGUE:

Sur un monde féodal inconnu au bataillon, un trio de voyageurs progresse difficilement vers un lieu baigné de légendes dans la culture locale : le château de l’Exilé. Si on en croit les chroniques, un puissant guerrier est descendu du ciel sur un chariot de feu à cet endroit il y a plus de trois siècles, et a amené la paix sur la planète en jetant à bas le maléfique royaume de Calbech, puis en vainquant à lui seul les armées des trois autres royaumes s’étant alliés contre lui à la bataille du champ d’Esstesea1. Devant tant de puissance, les souverains défaits préfèrent capituler plutôt que de connaître le même sort que leur collègue de Calbech et finir eux aussi la tête dans le calbut, ouvrant ainsi une ère de paix centenaire en application de l’édit de l’Exilé, interdisant à l’homme de se battre comme l’homme. Seulement, n’est pas Leto II qui veut, et le sentier d’or imposé par Bob le Conquérant n’a pas résisté très longtemps à la disparition de ce dernier, qui s’est retiré dans le château qu’il a fait construire sur le site de son arrivée par les artisans locaux il y a bien longtemps. Alors que leur planète est sur le point de retomber dans ses vieilles habitudes belliqueuses, le noble Lanig emmène donc le vieil érudit Wrmonoc et le mercenaire Elorn sur les lieux du prodige afin de déterminer si les légendes disaient vrai.

Après avoir bravé la jungle hostile ayant colonisé le parc du château, les voyageurs arrivent enfin devant la bâtisse, qui se révèle être… particulièrement moche et fermée à clé. Flûte. Qu’à cela ne tienne, un léger détour le long des murailles leur permet d’identifier un passage escaladable pour accéder au chemin de ronde. Leurs problèmes ne s’arrêtent cependant pas là, car la cour du château se révèle être envahie par des singes-loups géants, dont certains ont profité du crapahutage de nos héros pour aller se servir dans leurs montures. Il ne reste donc plus aux explorateurs qu’à se glisser discrètement à l’intérieur du bâtiment pour éviter tout prob- en fait non, car cette andouille de Wrmonoc fait tomber une pierre sous le nez des primates carnassiers, ce qui suscite une réaction outrée de ces derniers. Bien que les prouesses martiales d’Elorn parviennent à tenir les brutes affamées en respect, c’est toutefois l’étrange gant lanceur de cristaux que Lanig sort de son sac, et utilise pour aveugler la meute sanguinaire, qui sauve véritablement nos héros d’un destin funeste. Ce petit impondérable ayant été géré, il est grand temps pour eux d’enfin faire leur entrée dans la demeure de l’Exilé…

Début spoiler…Et cette dernière se révèle fidèle en tous points aux légendes locales, en plus de receler d’or et de joyaux. Elorn, dont le père l’a élevé dans le respect du Culte de l’Homme fondé par l’Exilé, avant de se faire trucider pour ses croyances par la milice locale, est profondément marqué par cette découverte, et manque de tomber en pâmoison devant l’armure dorée du guerrier légendaire. Lanig se révèle quant à lui bien moins impressionné, et même plutôt énervé, par cette découverte, et entraîne Wrmonoc à sa suite pour explorer le reste du château, laissant le mercenaire garder leurs arrières. Finissant par retrouver ses esprits, Elorn entreprend de délester un autel richement orné de ses pierreries pour rentrer dans ses frais, ce qui déclenche l’ouverture d’une trappe secrète, contenant un caisson gravé du mot « Calbech » et dans lequel notre insatiable curieux découvre le squelette d’un Eldar Noir2 ainsi qu’un éclat de cristal très similaire à ceux utilisés par son employeur pour repousser la faune locale3. Comprenant qu’il y a Mawloc sous gravillon, Elorn sèche ses larmes – c’est un tueur sensible – et s’empresse de partir à la recherche de ses compagnons, pressentant l’arrivée d’un drame.

En chemin, il découvre le lieu où le chariot de feu de l’Exilé s’est posé sur la planète, ou plutôt s’est écrasé au sol, si on doit en juger par le piteux état de la carrosserie du vaisseau spatial. Ce dernier a cependant subi de légères réparations, dont la pose d’une antenne de fortune fabriquée par les artisans locaux, et dont le but semble d’être de relayer le message à l’aide d’un certain frère de bataille Cromadus de la 4ème Compagnie, seul survivant de l’équipage. Un peu plus loin, Elorn tombe sur le presque cadavre de Wrmonoc, blessé à mort par Lanig alors que les deux hommes étaient sur le point d’accéder au lieu de repos de l’Exilé. Se précipitant dans la crypte pour empêcher son employeur de commettre l’irréparable, le mercenaire se retrouve victime d’un autre gadget de Lanig, qui, en bon méchant de série B qu’il se révèle être, explique longuement qu’il descend en droite ligne de la dernière reine de Calbech, exécutée par l’Exilé à son arrivée sur la planète. Son crime aura été de tolérer les  « Gens Pâles » vivre à sa cour, et dont Lanig a hérité quelques accessoires bien pratiques, dont une télécommande synaptique qu’il compte utiliser pour mettre douloureusement fin au sommeil et à la vie du bourreau de son aïeule, après l’avoir calibré en utilisant son homme de main comme cobaye. Et en effet, l’Exilé, bien qu’endormi, est bien vivant, comme prouve le sang qui s’écoule de la blessure que Lanig lui a fait sur la joue.  

Bien évidemment, la tendance de Lanig à déblatérer d’un air satisfait finira par lui jouer des tours, puisqu’elle permettra à Elorn de prononcer le nom du Beau au Bois Dormant, provoquant un spasme de ce dernier. Profitant de la panique de son tortionnaire, Elorn lui subtilise son gant de pouvoir et lui décoche un cristal en pleine gorge, mettant fin pour de bon à sa traître lignée. Cromadus, lui, retombe dans les bras de Morphée Sus-an, et ne regagnera jamais pleine conscience avant que, cinquante ans après les faits relatés ici, une force de Space Marines arrive finalement sur la planète et vienne le récupérer, au grand désarroi du vieil Elorn, ayant embrassé la vocation de concierge de l’Exilé après avoir sauvé ce dernier. On notera également que notre rusé héros a utilisé la reproduction de l’armure de son idole pour maintenir la paix mondiale, faisant bon usage de l’aura de terreur entourant son personnage pour convaincre les belligérants de regagner leurs pénates avant de se faire claquer le beignet, comme au bon vieux temps. C’est ainsi que se termine la villégiature de Cromadus dans la ruralité galactique profonde, mais, un bonheur/malheur n’arrivant jamais seul, la planète d’Elorn sera désormais rattachée à l’Impérium de l’Humanité, et va pouvoir découvrir que la paix imposée par leur figure tutélaire, finalement, avait ses bons côtés…Fin spoiler

1 : Fun fact, le rapport de force a été estimé par les historiens à 40.000 contre 1.
2 : Pas qu’Elorn soit particulièrement calé en xenologie, mais c’est le squelette lui-même qui lui souffle son origine à l’oreille.
3 : Dont la description fait fortement penser aux Bêtes Griffues utilisées par les Drukhari comme bichons. Comme quoi, il n’y a pas que des mauvais côtés dans la culture Xenos.

AVIS:

Peut-on se lasser de nouvelles dont l’intrigue repose sur l’hétérogénéité des mondes de l’Impérium, dont beaucoup disposent d’un niveau technologique bien rudimentaire par rapport à ce que nous considérons comme étant « la norme » dans le jeu? Pour ma part, la réponse est non, en tout cas tant que des auteurs inspirés comme Gareth Hanrahan arriveront à mettre en scène leurs histoires de façon aussi satisfaisante que c’est le cas ici1. L’auteur prend en effet bien soin de ménager quelques mystères et révélations pour l’amusement de son lectorat, qui s’associe donc rapidement avec les héros archéologues-pillards de Castle of the Exile. Cet exilé mythique est-il bien celui que l’on pense être, ou bien les siècles s’étant écoulés depuis sa distribution de torgnoles généralisée ont-ils déformé la réalité2 ? Qu’est-il devenu après être revenu prendre sa retraite dans son château ? Et pourquoi notre trio tient-il tant à connaître la vérité ? Hanrahan apporte une réponse, au moins partielle, à toutes ces questions, et rehausse au passage le blason des meilleurs de l’Empereur, capables de pacifier une planète littéralement à la mano. Abnett avait posé ce postulat il y a fort longtemps dans Frères du Serpent, et nous assistons donc ici à une remise au goût du jour de la badasserie naturelle de l’Astartes. Nécessaire ou too much, à vous d’en juger, mais l’histoire qui est livrée ici tient en tout cas bien la route, et se termine de façon élégante sur un retournement de perspective sur l’identité de l’exilé : finalement, ce n’était pas le belliqueux surhomme de Cromagnon qui était perdu dans une galaxie hostile, mais bien sa planète d’adoption de transit, qui va désormais pouvoir bénéficier des « largesses » et de la « bonté » de l’Impérium. Elle est pas belle la vie ?

1 : Un autre exemple intéressant de l’exploitation de cette idée peut être trouvée dans le ‘Angels’ de Robert Earl.
2 : Je m’étais hypé pour une révélation de l’Exilé comme étant un Space Marines du Chaos (hypothèse renforcée par le symbole de ce dernier, un crâne ailé). Mais Hanrahan a préféré donne une conclusion « heureuse » à son histoire.

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Best Death Wins – S. Grigsby :

INTRIGUE:

Alors que la planète Malum vit ses dernières heures de bio-intégrité, un trio de Gardes Impériaux réfugiés dans un bunker blindé doit parvenir à un consensus pour trancher l’épineuse question de leur fin de vie. En effet, les Tyranides ayant infesté ce théâtre d’opérations de manière totale et définitive, il ne reste plus qu’à nos héros, Regula Morrison (l’arrière petite-fille376 de Jim), Consus et Amulius qu’à décider de la manière dont ils rejoindront la droite de l’Empereur. Alors que Regula serait favorable à une charge héroïque, tous fusils laser dehors, Amulius souhaiterait lui mettre à profit les charges de démolition entreposées dans la casemate pour faire un gros trou dans la nuée chitineuse qui commence à faire ses griffes sur la porte. Quant à Consus, dont la jambe a servi de casse-croûte à un Hormagaunt affamé il y a peu, ce qui semble générer chez lui plus d’énervement que de souffrance, et dont l’espérance de vie se compte donc en minutes, il est prêt à partir en cloche-pied botter des derches de cafards de l’espace – très compliqué à faire sans une excellente coordination musculaire ceci dit – ou à participer à la sur-BOOM qu’Amulius appelle de ses vœux. Problème, comme Regula n’est pas du tout chaude pour set the night on fire, comme aurait dit son lointain ancêtre, ce qu’elle considère comme étant une solution de facilité, et qu’Amulius ne veut pas faire de l’entomologie militante, il faut trouver un moyen de résoudre cette opposition de façon civilisée. Mumu propose donc que chacun raconte le récit de la meilleure mort à laquelle il a assistée, et le gagnant du vote populaire décidera de la façon dont la Garde mourra (c’est ce qu’elle sait faire de mieux après tout).

C’est Regula qui commence le tour de table, en racontant la manière dont elle a envoyé son insupportable Sergent, le bien nommé Bernard Wellsmith, rejoindre ses ancêtres en rejouant la bataille du pont 2-4 sur Thracia, avec Bernie le Dingue dans le rôle d’Idaeus et elle-même dans celui du pistolet plasma utilisé par le Capitaine Ultramarines pour provoquer la destruction du pont en question. Il faut dire que Wellsmith s’était montré un bien mauvais officier jusqu’ici, sa recherche permanente de gloire l’ayant conduit à charger régulièrement dans le tas au mépris de ses ordres, entraînant à sa suite son escouade considérablement blasée, et menant cette dernière à subir de nombreuses pertes, dont certaines causées par la CT pitoyable de leur bien-aimé leader.

C’est ensuite à Consus, qui sent son heure approcher, de prendre le mic’ et de narrer la manière dont son pote de régiment et mascotte de peloton, un gringalet du nom de Veritus, a donné ses vies au service de l’Empereur. Oui, ses vies. Capturés par les Orks au cours d’une mission de scoutisme mal négociée, Consus, Veritus et quelques autres bidasses furent amenés dans le camp des peaux-vertes et remis aux bons soins du Painboy local, un nommé Kutrag. Veritus eut alors le bonheur d’être choisi par le dorkteur pour une expérimentation électrifiante aussi novatrice que douloureuse. Le principe était d’une élégante simplicité : tuer le sujet, puis essayer de le ramener à la vie par tous les moyens possibles. À ce petit jeu, Veritus se révéla être particulièrement doué, revenant d’un tir de fling’ en pleine tête, d’une noyade, d’une amputation et d’une bastonnade… et sans doute d’autres morts tout aussi inventives, dont on ne saura malheureusement jamais la teneur, le narrateur décédant en cours de récit. En tout cas, il tient la corde auprès des bookmakers, c’est certain.

Finalement, et bien que le décès de leur comparse ait rendu la perspective d’un vote décisif assez illusoire, c’est au tour d’Amulius de se mettre à table. Et là, surprise, le vétéran raconte simplement comment il a choisi de se réfugier dans ce bunker quelques heures plus tôt, laissant son escouade à la porte par égoïsme, jusqu’à ce que Regula et Consus soient arrivés. Amulius reconnait être un poltron, dont les nerfs l’ont lâché à l’idée de combattre les Tyranides, et qui souhaite simplement une mort rapide et indolore. Ne sachant pas comment déclencher les charges de démolition entreposées dans le bunker, il espérait bénéficier d’un coup de main de la part des nouveaux arrivants, ou, à défaut, d’une exécution sommaire de leur part, sa couardise allant jusqu’à l’empêcher de retourner son arme contre lui. Bref, son histoire ne répond pas du tout au cahier des charges, et est donc disqualifiée. Sur ces entrefaites, un Guerrier Tyranide au bras long parvient à empaler le pleutre sur le bout de sa griffe par un trou dans le plafond, laissant Regula toute latitude quant à la manière dont elle mènera sa vie. Pour les quelques secondes que durera cette dernière, s’entend…

AVIS:

Malgré un titre, un concept et une ouverture alléchants (notamment à cause des petites touches d’humour pince sans rire que Grigsby intègre dans sa narration), Best Death Wins se révèle un peu décevant sur le long-terme. Ceci est dû en bonne partie au déroulé et à la conclusion en demi-teinte de cette nouvelle, qui ne contient finalement qu’un seul récit de mort vraiment spectaculaire (celle de Veritus), que l’auteur laisse d’ailleurs inachevé, et se termine de façon tout à fait classique, ce qui pose la question de l’intérêt du format « porte-manteaux1 » choisi par Grigsby. Puisque rien de surprenant ne se passe dans les dernières pages qui justifie cette version sanglante et futuriste du Decameron, Best Death Wins apparaît davantage comme le moyen pour son auteur de signer une nouvelle d’une longueur suffisante en assemblant des histoires indépendantes les unes aux autres, plutôt qu’un ensemble de récits certes disparates, mais liés par un dénouement unificateur. Je pense qu’il y avait moyen de faire mieux dans l’exploitation de cette idée sympathique, particulièrement dans un univers comme Warhammer 40.000 où la mort est omniprésente.

1 : C’est ainsi que l’anglais désigne une histoire qui contient d’autres histoires.

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No Quarter – R. J. Hayes :

INTRIGUE:

Le Sergent Malvian Craw et son escouade font partie des forces déployées par l’Imperium pour lutter contre les Eldars sur un monde inconnu, dont on saura juste qu’il comporte au moins une forêt. Craw et ses hommes font partie de la Légion d’Acier d’Armaggedon et… ouaiteuh minüteuh. Armaggedon ? Comme Armaggedon ? La planète consumée par une guerre apocalyptique depuis que Ghazghkull y a décidé de planter sa tente pour les vacances? Celle-là même. Il faut croire que la situation n’est pas si grave que ça, puisque le Gouverneur peut se permettre d’envoyer des troupes prêter main-forte aux copains du Segmentum1. Nous n’en sommes qu’à la troisième ligne de l’histoire, et le lecteur circonspect fronce déjà les sourcils. Voyons ce que donne la suite.

Craw et Cie (le vétéran Kule, le presque Medic Maine, le cadavre Rorak, le futur cadavre Benson, et les soldats Bidule, Truc, Machin, Chose et Laraiponsedaix, dont on n’entendra bien sûr jamais parler) sont donc en vadrouille dans la seule forêt identifiée par l’auteur, et sont tombés dans une embuscade tendue par les perfides Zoneilles. La tuile. Jusqu’alors, les Eldars auxquels ils avaient eu affaire s’étaient laisser expulser sans problème à coup de crosse dans le dos, et… hmmm… my bullshit sense is tingling, comme dirait l’autre. Je me demande bien d’où cela peut venir. Ah, oui, ça y est. Le fait que la Garde Impériale se comporte comme une brigade de CRS mobilisée pour évacuer une ZAD tenue par des Xenos, et pas comme le marteau de l’Empereur. Le lecteur circonspect tombe de sa chaise, mais ne se fait pas trop mal. Poursuivons.

Pris à parti par des tireurs de shurikens habilement camouflés par la verdure environnante, les impériaux sont bloqués sur place, et la mauvaise qualité de leur matos les empêche de prévenir le QG de leurs déboires. Pour passer le temps, Craw va donc s’enquérir de la santé de ses hommes, et plus particulièrement de celle de Benson, qui s’est pris un peu de ferraille dans le bide et geint donc comme la petite pleureuse qu’il est. Demandant au fidèle Kule de le couvrir pendant qu’il sprinte jusqu’au blessé, couché en évidence contre un tronc d’arbre, et désarmé par la rafale qui l’a mis à terre, Craw arrive à bon port, ramasse l’engagé Mauviette, et repart en courant vers la sécurité relative des lignes amies, confiant son fusil à Benson pour qu’il puisse les couvrir. Malgré sa nature sensible, Benson fait mieux que ça, puisqu’il arrive à abattre l’un des assaillants de l’escouade, qui dégringole de son arbre et se cogne la tête sur une racine. Ouille. Ce spectacle insoutenable pousse alors les autres Eldars à balancer une grenade à plasma sur les mon-keigh. Pourquoi ne l’ont-ils pas fait avant ? Mystère. En tout cas, la déflagration carbonise le pauvre Benson. RIP.

Le deuil du malheureux attendra un peu, cependant, car un tout autre problème se matérialise littéralement sous le nez, ou en tout cas dans le ciel, de la planète inconnue. Un Rok vient en effet de se téléporter en orbite très proche, et s’écrase au sol dans les secondes qui suit. Qu’on ne vienne pas me dire que la technologie peau-verte est imprécise après cela. L’onde de choc secoue violemment les arbres sous lesquels le drame se noue, et, après être émergé de la torpeur dans laquelle la chute d’une pomme de pin extraterrestre l’avait plongée, notre brave Sergent se rend compte qu’il est le seul survivant de son escouade. Maine s’est fait enterrer vivant avant d’avoir pu mettre son respirateur, et Kule, qui avait jusqu’ici évité les blessures, à l’exception de cette fois où il s’était fait mordre le derche par un Ork sur Armaggedon (true story), a été écrasé par la chute d’un arbre. Un malheur n’arrivant jamais seul, le premier Ork de la nouvelle fait bientôt son apparition, car, c’est bien connu, certains Boyz sautent de leur Rok avant l’impact pour être les premiers à la castagne. Je veux bien que les Orks soient solides, mais là… Je doute un peu. Le lecteur circonspect est maintenant au troisième sous-sol, entraîné vers les abysses par une force mystérieuse. Où s’arrêtera sa chute ?

Surpris et privé de fusil laser, Craw se prépare à vendre chèrement sa vie, et fait face au Xenos le couteau à la main, lorsque le peau-verte se la fait percer (la peau) par une rafale de shurikens. L’Eldar tombée du nid n’était en fait qu’inconsciente, et a choisi son camp et sa couleur dans la lutte entre le règne animal et végétal (ou mycétique). Cette intervention salutaire permet à Craw de se débarrasser de son adversaire, et avisant que toute combativité semble avoir déserté l’Eldar, peut-être à cause de la blessure qu’elle a récolté à la jambe, il décide donc… de la prendre avec lui pour fuir l’arrivée des Orks. Un Garde Impérial. D’Armageddon (donc naturellement xénophobe, m’est avis). Dont la moitié de l’escouade a été butée par les Eldars même pas deux minutes plus tôt. On m’informe dans l’oreillette que le lecteur circonspect a percé le manteau terrestre, et que sa vitesse continue à croître. Il nous faut pourtant continuer notre chronique.

Bref, Craw et Feuran (c’est le nom de l’elfette cosmique) font contre mauvais karma bon cœur, et cheminent clopin-clopant vers le salut incertain représenté par l’orée de la forêt, s’arrêtant de temps à autre pour flinguer les Orks les plus rapides qui sont partis explorer leur nouveau terrain de jeu. Je vous passe les dialogues mirifiques à base de « Vous les humains, vous êtes tous des monstres/comme les Orks » « Mais non » « Mais si » « C’est celui qui dit qui y est », qui meublent un peu et permettent surtout à nos deux héros d’apprendre à mieux se connaître. C’est d’ailleurs au cours d’une agréable discussion de ce genre que Feuran fait l’erreur fatale d’expliquer à son camarade d’infortune à quoi sert la pierre esprit qu’elle porte sur son armure. Et ça, c’est l’équivalent du flic qui dit qu’il part à la retraite à la fin de la semaine dans un film des années 80. Il est absolument certain que le personnage va crever dans les vingt minutes qui vont suivre. Tant mieux, j’ai envie de vous dire.

Au bout de quelques minutes de course d’orientation, notre duo choqué arrive finalement à découvert, mais poursuivi de près par une foule d’Orks très en colère. La radio de Craw se remet miraculeusement en marche, et l’acariâtre Commissaire-Speaker-DJ de garde, Vanx, lui apprend que les renforts ne vont pas tarder à arriver. Et en effet, une barge de bataille se matérialise par miracle dans le ciel, et largue quelques drop pods pile sur la position de nos fuyards. J’ai envie d’écrire WIJH. Et je le mets en gras. Et en rouge. Et en énorme (et tant pis si ça salope le paragraphe, c’est mérité).

WIJH.

Ça fait du bien. Et le lecteur circonspect s’extirpe d’un cratère, quelque part en Nouvelle Zélande. Je ne pense pas qu’il pourra aller plus loin.

Finissons-en avec notre histoire. Craw est fou de joie devant la tournure prise par les événements. Feuran, elle, tire un peu la tête, sans doute parce qu’elle a lu le Codex Space Marines. En effet, le Sergent Ultramarines2 Shatopethrus qui mène l’assaut des Astartes flingue la Xenos sans sommation, malgré l’air chagrin de Craw, avant d’intimer à ce dernier d’aller rejoindre la bataille. Enfin une décision logique, mais elle arrive bien trop tard pour sauver notre récit. Dégoûté par la tournure prise par les événements (il espérait peut-être conclure, après tout il trouvait les Eldars très similaire aux Humains quelques minutes plus tôt), Craw ramasse la pierre esprit de son ex meilleure pote, et lui promet d’aller la rendre à ses semblables. Peut-être croisera-t-il dans l’espace le cadavre gelé et outré du lecteur circonspect, victime collatérale, comme Feuran, de la terrible littérature de Hayes…

1 : Pour ceux qui argueraient que l’intrigue se passe peut-être avant ou pendant les deux guerres susnommées, la réponse est un grand et massif NON. C’est le héros lui-même qui le dit : il est né peu après la fin de la première, et a participé à la seconde. Seule hypothèse valable restante, ‘No Quarter’ se déroule en M42, et Craw a plus de cent balais.  
2 : Toujours dans les coups foireux ceux-là… Remember ‘Salvation’.

AVIS:

Je me souviens très clairement, au moment de l’écriture de la critique de la nouvelle Salvation de Jonathan Green, m’être dit : « certes, c’est comiquement mauvais et cela entre en conflit frontal avec le fluff le plus basique sur un grand nombre de points, mais cela a été écrit il y a fort longtemps, à une époque où la Black Library venait à peine d’être créée, et où le contrôle éditorial était en conséquence bien plus faible que ce ce que nous connaissons maintenant ». En d’autres termes : cela ne se reproduira plus. Eh bien, j’avais tort. En 2020, la BL est toujours capable de publier des soumissions tellement WTF que l’on peut légitimement se demander si elles n’ont pas été relues et approuvées par un opossum alcoolique, analphabète et surtout aveugle. Comme disait Brassens, rien n’est jamais acquis à l’homme, ni sa faiblesse, ni sa force, ni la qualité des nouvelles de GW-Fiction qu’il lit pour se détendre1. Je nous croyais à l’abri de ce genre de déconvenues, tellement 2000’s, voire 2010’s pour les dernières d’entre elles. Naïf que j’étais. Et le malheureux Rius est donc mort pour rien.

Comme indiqué dans la description de l’intrigue, ce ne sont en effet pas les entorses sauvages au lore qui manquent dans No Quarter, titre pouvant aussi bien faire référence à l’action qui se déroule dans ses pages qu’à la volonté de Hayes de sabrer la guimauve comme rarement avant lui. Et, si je veux bien admettre que tout peut se défendre en termes de background dans une franchise SF couvrant la galaxie entière sur une période de plusieurs millénaires, il faudrait cependant que ces libertés soient argumentées et mises en contexte par l’auteur pour convaincre le lecteur de leur validité. Un peu comme une articulation raide qui gagnerait en souplesse à force d’échauffement et de mise en condition, l’historique peut être permissif, si l’auteur s’en donne les moyens2. Ce n’est pas le cas ici, le fluff se prenant clé de bras sur clé de bras, et finissant la nouvelle en PLS terminale. Ajoutez à cela une intrigue d’une fadeur consommée, une fois toutes les incongruités la parsemant évacuée, ainsi qu’une narration fainéante au possible (ne nommer que quatre soldats d’une escouade de Gardes Impériaux, parce que les autres « ne servent à rien », vraiment…) et vous obtenez ce qui a de grandes chances de définir le nadir absolu de la soumission à Inferno !, nouvelle génération. Rendez-vous en 2040 pour voir si les successeurs de Rob J. Hayes ont réussi à briser la malédiction.

1 : Ce vers n’a été chanté que sur une obscure version bootleg, lors d’un concert à Nottingham.
2 : C’est d’ailleurs ce que Nate Crowley a démontré dans ces mêmes pages avec ‘The Enemy of my Enemy’. On pouvait aimer ou pas le résultat final, mais son raisonnement tenait beaucoup mieux la route que celui de Hayes.

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The Karsharat Abomination – G. Mann :

INTRIGUE:

The Karsharat AbominationSur la lune de Karsharat, il pleut du sang. Ce n’est certes pas banal, mais cela n’empêchera pas l’Inquisitrice Sabbathiel et sa suite (Bledheim l’Interrogateur aussi seringuée qu’une tarte au mitron, la femme de main upcyclée Mercy, Brondel le Squat grenadier et le servo-crâne Fitch) d’aller faire leur devoir, qui consiste à stopper les machinations et la cavale d’un renégat martien du nom de Restak, quand bien même ça leur coûterait très cher en pressing après. Malheureusement pour le lecteur anxieux d’en savoir plus sur ce qui l’attend au détour des pages, le protagoniste de notre histoire, Bledheim, n’a de son propre aveu pas été très attentif pendant le briefing, et les motivations des Saints Ordos resteront des plus floues.

Avisant une entrée dans les ruines ecclésiarchiques squattées par le maroufle (et non pas marouflées par le Squat, ce qui arrive pendant les scènes coupées de la nouvelle), Sab’ et Cie décident de tenter leur chance et l’Inquisitrice, engoncée dans son armure Terminator sur mesure… toque à la porte. Ce choix des plus bizarres ayant résulté en un double échec à son test de furtivité (un corbeau espion s’envole en croassant) et d’infiltration (des méchadendrites peu amènes sortent du montant de la porte et commencent à ceinturer l’Inquisitrice), il est grand temps pour la petite bande de livrer sa première bataille de la nouvelle, qui est rapidement expédiée et évite à notre propos de virer au hentaï dès la troisième page, ce qui est toujours appréciable. Une fois rentrée, la fine équipe emprunte quelques couloirs à l’atmosphère convenablement angoissante, et Bledheim développe une tendinite palmaire aussi soudaine qu’handicapante. Cette arthrite fulgurante est le prélude à une crise d’angoisse carabinée, qui voit notre Interrogateur faire un very bad trip, tomber dans les pommes et se réveiller une fois la baston #2 remportée par la team Pépé. Ça fait toujours moins de boulot pour l’auteur. On apprend tout de même que le grand vilain utilise la peur comme arme, ce qui explique la terreur diurne de Bledheim. Nous voilà prévenus.

L’ambiance n’a pas vraiment le temps de monter plus que ça que Sabbathiel et sa clique arrive dans la salle du boss de fin, qui se révèle être (*jette un dé sur le tableau de génération des monstres) un savant fou bio-mécanique, accompagné de (*jette un D3) deux de ses créations bodybuildées, et défendant un (*jette un dé sur le tableau de génération de trésor) psyker apeurant. OK tout le monde, vous pouvez commencer à vous batter. L’empoignade qui s’en suit ne rentrera guère dans les annales des combats les plus épiques ni les plus prenants de l’histoire de la Black Library, Sabbathiel s’illustrant une nouvelle fois par la non-maîtrise manifeste de son matos (elle se fait arracher sa lance par un goon à la première passe d’armes, et manque de partir à la renverse lorsqu’elle tire au fulgurant à bout portant), alors que Brondel, lui, démontre une adresse folle au lancer-franc, et parvient à loger une grenade dans le trou laissé par un impact de bolt dans la carapace d’un robot tueur. Sentant la partie mal engagée, Restak appuie sur le bouton on de son joujou, et les vagues de terreur crachées par le mutant viennent calmer les ardeurs de l’Ordo Hereticus… sauf pour Bledheim, qui s’est découvert une résistance aux attaques Psy (peut-être que son père était un Tarinorme), et arrive à se rapprocher assez près pour anesthésier le faquin en tour de main (littéralement, notre homme a des canules à chaque doigt). Le charme rompu, Sabbathiel se fait forte de décapsuler Restak d’une légère torsion du poignet, et nos héros sont libres de repartir vers leur vaisseau avec leur butin léthargique, qui finira bien par servir à quelque chose, tenez-le-vous pour dit.

AVIS:

N’étant familier ni de George Mann, ni de l’Inquisitrice Sabbathiel1, deux figures discrètes mais établies de la GW-Fiction, je dois reconnaître que ma découverte de l’un comme avec l’autre m’a laissé dubitatif. Si l’héroïne de The Abomination… se révèle assez peu mémorable, autrement que par son look de kit-bashing raté (ou comment pousser le syndrome de la petite tête dans ses derniers retranchements) et ses maladresses martiales récurrentes, on ne peut toutefois pas lui en vouloir, la faute en incombant principalement à son metteur en scène. Ne se donnant pas la peine de contextualiser son récit ni de développer son intrigue au delà du « héros chasser méchant », Mann déroule sa nouvelle avec un manque consternant d’imagination et d’originalité, la traque de Restak se révélant être un Porte/Monstre/Trésor à la sauce 40K, plus terne et chiant que bête et méchant. Je dois remonter au tout aussi insipide Lesser Evils de Tom Foster (Hammer & Bolter #13) pour trouver trace d’une nouvelle inquisitoriale aussi meh… que The Kasharat Abomination, ce qui n’est guère flatteur pour Mr Mann. Passez votre chemin.

: Qui a été mise à l’honneur des comics Will of Iron, Revelations et Fallen, où elle cherche des noises à ces pauvres innocents de Dark Angels.

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A Firstborn Exile – F. Wiltgren :

INTRIGUE:

Nous retrouvons le 86ème Vostroyan First Born quelques jours après la conclusion de The First Daughter (Inferno! #1), et suivons nos héros éprouvés dans la suite de la campagne de Tovoga, monde gris et aigri ayant rejeté l’autorité bienveillante de l’Empereur par pur égoïsme. Toujours dirigés par la Lieutenant Ekaterina Idra, les Vostroyens sont appelés en renfort du Groupe de Commandement Gurlov, commandé par le Colonel du même nom, et actuellement engagé dans une opération de reconquête de la ville de Salomar, dont le Factorum (usine gigantesque produisant des blindés) est convoité par les deux camps. Une fois rendus sur place, Katie et sa centaine de survivants (The First Daughter n’a pas été clément avec les effectifs du 86ème) font la connaissance de Ramrod Gurlov, l’incarnation même de l’officier inflexible ne jurant que par le Tactica Imperium, le Treatis Elatii et/ou les ordres du Haut Commandement. Entre le Colonel vétéran et la dynamique Lieutenant, le courant passe évidemment très mal, mais cela ne les empêchera pas de collaborer pour chasser les infâmes Tovogans du Factorum de Salomar, ou de mourir en essayant1

AVIS:

Comme vous pouvez le constater à la lecture du paragraphe ci-dessous, Firstborn Exile est une nouvelle assez particulière en ceci qu’il ne s’y passe pas grand-chose de saillant. Certes, les péripéties militaires ne manquent pas (et on doit reconnaître à Wiltgren une bonne maîtrise de son sujet, même si sa tendance à l’ellipse peut parfois surprendre), mais l’intrigue en elle-même tient en quelques phrases, et je dois avouer qu’à la lecture, cette deuxième soumission de Wiltgren m’a davantage fait l’effet d’un chapitre de roman que d’une nouvelle indépendante. Un exemple concret de cet état de fait est le titre même de ce court format, que l’auteur révèle en cours de récit comme étant lié à l’histoire personnelle du Colonel Gurlov. Ce dernier a en effet participé à la bataille de Pulveron, durant laquelle les Vostroyens auraient apparemment fait preuve d’initiative et désobéi à leurs ordres (les monstres !), ce qui se serait soldé par une raclée magistrale pour la team Pépé, et aurait poussé Gurly à partir en exil, accompagné de ses fidèles. Nous n’en saurons pas plus sur cette anecdote, que Wiltgren a pourtant jugé comme assez importante pour qu’elle donne son titre à la nouvelle2. Pour ma part, je pense que l’auteur a pris le parti de sérialiser ses contributions à la Black Library, et que nous pouvons nous attendre à de nouvelles aventures et révélations de la geste Idrique au cours d’un prochain numéro d’Inferno !, ou d’un recueil de nouvelles 40K. Il ne reste plus qu’à espérer que ces dernières seront plus palpitantes que la trentaine de pages de filler auxquelles nous avons eu droit ici.

: Meilleure scène de la nouvelle : Idra qui charge les lignes ennemies avec Gurlov sur le dos, le vieux Colonel ayant perdu l’usage de sa jambe bionique dans la bagarre.
2 : On note également que Firstborn Exile se termine sur le teaser de ce fameux exil, un des compagnons survivants de Gurlov proposant à Idra de lui narrer ce dernier par le menu… La suite au prochain épisode ?

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Journey of the Magi – J. Green :

INTRIGUE:

Journey of the MagiLe Godstar1, monde machine Necrontyr et possession éteinte de la dynastie Nephrekh, dérive tranquillement dans le Halo, lorsqu’un portail démoniaque s’ouvre sans crier gare à sa surface, et en émergent bientôt trois superbes spécimens de Space Marines du Chaos. Mon premier est Prototokos (si si) le Clairvoyant, sorcier Thousand Sons de niveau 1. Il est à pinces mais peut tout de même se flatter de posséder une très jolie cape rouge sang. Mon second est le Sorcier-Magister Opados, Thousand Sons également, et justifiant d’un bon niveau 35, comme le prouve sa swagesque armure Terminator, ainsi que sa cape écarlate et ses deux cornes d’or, de platine et de lapis-lazuli. Mon troisième est l’honorable Arch-Magister Tritos, Thousand Sons toujours, monté sur un disque de Tzeentch et, surtout, arborant un jeu d’épaulières hololithiques2, comme preuve manifeste de son niveau 105. Si nos trois larrons se sont rendus sur le Godstar, ce n’est pas pour participer à la Fashion Week, non non, mais pour libérer un prisonnier retenu au cœur du complexe Nécron.

Comme on peut s’en douter, le trajet n’est pas de tout repos, et la suffisance des sorciers est assez rapidement battue en brèches par l’insistance du service d’ordre à leur mettre des pâtons dans les trous (ce qui est assez inconvenant). L’Affaire Louis’ Tri-os a beau multiplier les tours de cartes, les baguettes molles et les lapins tirés du chapeau, les Nécrons ne se montrent guère impressionnés, et l’inévitable finit par se produire : l’impotent Tritos se retrouve compromis, et, beau joueur, jette un sort de stase3 qui fait lagger tous les automates à dix mètres à la ronde, ce qui laisse le temps à ses compagnons de s’échapper. Ils ne sont cependant pas tirés d’affaire, car ce sont des Spectres immatériels par intermittence qui leur fondent bientôt dessus, forçant Opados à se lancer dans un pas de deux endiablé avec les rôdeurs pendant que Prototokos se hâte vers la salle du trésor.

Une fois à l’intérieur, le dernier survivant fait face à celui qu’il est venu chercher au péril de ses vies. Car Prototokos, en plus d’avoir un nom tout bonnement hilarant4, est également un membre du Culte du Temps, et maîtrise donc le voyage temporel. Il s’est donc rendu sur le Godstar en compagnie de ses futures incarnations – qui ont changé de nom pour marquer leur progression hiérarchique, suppose-t-on – pour libérer son lui du futur, qui se trouve être un Metabrutus du nom de Demis Roussos Thanatos. Enfin, libérer… Plutôt écarter un futur qui ne lui plaît pas, ce qui passe par le meurtre de Metabrutos, coupable de s’être fait capturer par le Dynaste Nephrekh après que la trahison d’un confrère légionnaire l’ait laissé en piteux état. Ne réfléchissez pas trop sur comment cela est sensé marcher, les boucles temporelles et les auteurs de SF font généralement mauvais ménage. Toujours est-il que Thanatos ne se montre pas très coopératif, et profite d’une erreur de jugement de… lui-même, pouvons-nous dire, qui est après tout jeune et con, pour libérer une de ses tentacules des entraves Necrons et garrotter le faquin de façon terminale. C’est donc un échec pour nos trois boloss, mais, comme vous pouvez vous en douter, la nouvelle se termine bien évidemment sur l’arrivée des Daltos sur le Godstar, prêts à retenter le coup pour la nième fois. Tant qu’il y a de la vie mana, il y a de l’espoir.

AVIS:

Pour ses retours à la Black Library, et qui plus est dans une franchise dans laquelle il ne s’était jamais montré très adroit (remember Salvation ?), Jonathan Green limite la casse. C’est triste à dire, mais je m’attendais à un plantage dans les grandes longueurs (et les grandes largeurs aussi, tant qu’à faire), et si le début de sa nouvelle lorgnait dangereusement avec l’exploration bête et méchante et fade et convenue et inimaginative d’un tombeau Nécron, intrigue tellement utilisée (et mal, qui plus est) par les auteurs de la BL qu’elle devrait être interdite d’emploi jusqu’à la reconstitution des stocks (de patience des lecteurs), son idée d’injecter un twist temporel à son récit est, ma foi, fort honorable. L’exécution est certes loin d’être parfaite, tant sur le fond que sur la forme5, mais on est très loin des calamiteuses soumissions commises par notre homme il y a une quinzaine d’années, lorsque les pontes de la BL s’échinaient, pour des raisons encore mystérieuses aujourd’hui, à le faire bosser sur du 40K. Coup de chance ou véritables progrès ? Il faudrait d’autres soumissions pour pouvoir se prononcer. Est-on sûrs de vouloir celà ? Eh bien, oui, pourquoi pas. Bring it on, Jon.

1 : À ne pas confondre avec le Go Sport, qui est encore plus rare en ce 41ème millénaire qu’un monde artefact Nécron.
2 : Comme à WOW, ce sont les épaulières qui établissent les rapports de pouvoir entre les PJ. Plus elles sont grosses, criardes et kitsch, mieux c’est.
3 : Je me plais à m’imaginer qu’il s’est contenté de proposer une formule à référence circulaire sur Excel, ce qui a fait planter les logiciels des Nécrons.
4 : Peut-être choisi à dessein par les Magisters Thousand Sons pour les apprentis sorciers, afin de leur donner une raison supplémentaire de progresser dans la hiérarchie pour pouvoir en changer.
5 : On remarquera le penchant certain de Green pour les descriptions vestimentaires, puis architecturales, au détriment du développement de ses personnages ou de la description de leurs actions. C’est un choix.

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Green and Grey – E. Albert :

INTRIGUE:

Green & GreyPris en flagrant de roupillon pendant le service, le tankiste de première classe Lucius Stilo se réveille doucement dans l’habitacle confiné du Leman Russ où il opère en temps que rechargeur d’obusier. Pour sa défense, cette brave bête de Sancta Fide (le petit nom de la monture mécanique de Lucius) s’est pris un barrage d’artillerie en pleine poire il y a quelques minutes, avec des conséquences catastrophiques pour son équipage, décimé jusqu’à son dernier homme, qui se trouve donc être Lulu. Vous parlez d’une première mission. Notre héros, déjà légèrement traumatisé par le choc et par la vision des cadavres de ses camarades, doit de plus composer avec la réalisation qu’il se trouve dangereusement exposé, son escadron ayant été envoyé par le haut commandement ralentir l’avancée des peaux vertes assaillant la planète de Calleva, le temps que les grosses têtes du génie fassent sauter le pont reliant les basses plaines au reste du continent. Dans son malheur, Lucius a toutefois la chance de pouvoir compter sur une écoutille fermement cadenassée et une radio en état de marche ; la première tenant la patrouille Ork venue inspecter les épaves à distance, la seconde permettant d’établir le contact avec le QG de la Garde Impériale, d’où le Colonel du 5ème Régiment Mécanisé d’Alphard le prend en direct.

Bien qu’ayant embrassé la carrière militaire pour suivre l’exemple de son paternel, Lucius sent son courage vaciller à l’idée de finir bientôt en punching ball pour peaux vertes, et il faut des trésors de patience et de fermeté paternaliste à son interlocuteur pour motiver son dernier homme à agir comme l’Empereur attend qu’il le fasse. Ayant quelque peu repris ses esprits et retrouvé son sang-froid, Lucius prend bonne note (normal pour un Stilo, vous allez me dire) des directives transmises par son chef, et apprend à ce dernier après avoir réussi à rétablir l’auspex du Sancta Fide que le pont est toujours debout, et que les Orks s’apprêtent à le traverser. La tuile. En attendant que les Valkyries envoyées dare dare sur place pour finir le job et récupérer Lucius arrivent, ce dernier est donc sommé de ralentir le plus possible la migration Xenos, ce qui passe nécessairement par l’ouverture du feu sur la Waaagh!, et n’enchante pas vraiment notre héros, plutôt partisan du ‘live and let leave’. Saleté de hippie, va.

Informé en termes non incertains par son Colonel que sa coopération n’était pas optionnelle, Lucius se résout enfin à faire son devoir, et commence donc à obuser les Orks, ce qui attire inévitablement l’attention et l’intérêt de ces derniers. Ayant annihilé l’avant-garde peau-verte d’un strike chanceux, Lulu poursuit ses bonnes œuvres en étrillant et artillant les Xenos, puis en les bolterisant une fois ces derniers trop près pour continuer son approche 120 millimétrée. Las, comme on peut se l’imaginer, les Orks finissent par déborder le vaillant petit tankiste, et c’est le Big Boss en personne qui s’approche pour rosser le Russ…

Début spoiler…Comprenant en définitive qu’il ne bénéficiera pas d’un sauvetage à la Ryan, ce que lui confirme le Colonel avec une tristesse non feinte, Lucius décide de vendre chèrement sa vie, et réussit à planter l’épée énergétique prise sur le cadavre de son Capitaine dans le crâne de sa Némésis après qu’elle ait réussi à décapsuler l’habitacle du Santa Fide. Surprise, cela n’est pas suffisant pour venir à bout de l’Ork (sûrement hydrocéphale), qui revient la charge après s’être délesté de l’encombrant bout de ferraille. Surprise (bis), Lucius a mis à profit ce court répit pour se saisir d’un pistolet de détresse, qu’il décharge dans l’intérieur inondé de prométhéum du tank, avec des résultats spectaculaires, mais malheureusement définitifs. À l’autre bout du fil, le Colonel Markus Stilo ne peut que constater que son fils a fait son devoir jusqu’au bout, et bien qu’éprouvé par la tournure prise par les événements, prend sur lui de continuer à coordonner la riposte impériale. Comme il l’a appris à feu Lucius, ‘the Emperor protects (parfois) but the Emperor expects (toujours)’.Fin spoiler

AVIS:

Très sympathique et efficace soumission que ce Green and Grey, qui permet au nouveau-venu Edoardo Albert de rafler à David Annandale le titre de meilleur metteur en scène de nouvelle se déroulant dans un Leman Russ, catégorie certes très spécifique, mais qui compte donc (au moins) deux récits à ce jour. Là où le Sarcophagus d’Annandale pêchait par son manque d’action et son propos incertain, l’offrande d’Albert se révèle à la fois rythmé, crédible et bien pensé. Si la triste, mais héroïque – et en définitive, pas si surprenante que ça – fin de Lucius Stilo creuse un peu plus le sillon du fondamentaliste grimdark de 40K, le talent de l’auteur aura consisté à nous ménager un très bon twist final, à la fois efficacement préparé (relisez Green and Grey et vous verrez quelques fusils laser de Tchekhov), parfaitement délivré et tout à fait there-is-only-war compatible. Albert (pas en Somme), un nom à suivre, en somme.

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Where Dere’s Da Warp Dere’s A Way – M. Brook :

INTRIGUE:

Where dere's da warp dere's a wayAssistant de direction d’une bande de Pistol Boyz Bad Moon rattachée à la Waaagh ! de Da Meklord, Ufthak Blackhawk vit à fond le rêve américain Ork, fait de bagarres, d’abordages et de compétitions pour devenir le boss à la place du boss. Le o+1 de notre héros est Badgit Snazzhammer, charismatique, à défaut d’être cérébral, Nob et tirant son nom de son arme de prédilection, un combi marteau énergétique/lime à ongles, qu’il ne dédaigne pas utiliser pour motiver les troupes lorsque le besoin s’en fait sentir. Chargés par Da Meklord en personne de sécuriser la salle du réacteur Warp d’un vaisseau de l’Adeptus Mechanicus afin de permettre à un Mek inventif de jouer avec la tek’ des zoms, Ufthak, Badgit et consorks prennent le premier ‘Ullbreaker pour aller apporter leurs sentiments et bourre-pifs les meilleurs aux fidèles de l’Omnimessie.

Une fois sur place, et après avoir dérouillé une malheureuse patrouille qui tentait de faire son devoir, nos Orks se mettent à errer dans les coursives du croiseur martien, les indications du Mek à roulette1 leur servant de GPS manquant en précisions. Au petit jeu du porte/monstre/trésor, les peaux-vertes finissent par tomber sur plus fort et plus dur qu’eux, comme le malheureux Badgit en fait l’expérience lorsque lui prend la mauvaise idée de charger un Kastelan opérant comme physionomiste à l’entrée de la boite de Warp. Comme quoi, foncer tête baissée est le meilleur moyen pour la perdre. À toute chose malheur est bon, car le décès de son chef permet à Ufthak de s’improviser leader de la bande de Pistol Boyz, malgré les protestations de Mogrot Redtoof, l’autre bras droit de feu Snazzhammer. Ruzé mais brutal, Ufthak accouche d’une tactique de diversion qui lui permet d’arriver au contact de l’angry robot, récupérer l’arme de fonction de son boss, et terrasser l’ennuyeux androïde au cours d’un corps à corps épique et piquant, et même détonnant, l’usage malavisé d’une arme à contondante à champ de force sur le réacteur du Kastelan dispersant Ufthawk façon puzzle2.

Ce n’est toute fois pas la fin pour notre héros, les Orks étant, comme chacun sait, plutôt coriaces. Se réveillant très diminué, mais se réveillant tout de même (ce qui est déjà pas mal quand on n’est plus qu’une tête sur un demi-tronc), Ufthak se voit proposer par le Dok Drozfang, qui accompagnait la bande, un marché qu’il ne peut décemment pas refuser. En un tour de scie circulaire et quelques agrafes, voilà la tête du Boy greffée sur le corps de Badgit, sans trop d’effets secondaires. Ça c’est ce qu’on peut appeler de la chirurgie reconstructrice. Remis de ses émotions, bien qu’ayant – et c’est compréhensible – un peu mal aux cheveux qu’il n’a pas, Ufgit (Badthak ?) refait son retard sur le reste des Boyz, calme les ardeurs de ce parvenu de Mogrot et lui reprend le bâton marteau de parole, et invite le Mek à appuyer sur le gros bouton rouge qu’il a branché sur le moteur Warp du croiseur. Selon les savants calculs de l’ingéniork, cette machine devrait permettre au vaisseau de rebrousser chemin jusqu’à sa planète d’origine, monde forge plein de tek’ à piller…

Début spoilerMalheureusement, le buzzer magique a surtout pour effet de remplir le croiseur de démons, ce qui ne refroidit pas le légendaire enthousiasme peau-verte, bien au contraire. Ils commençaient justement à s’ennuyer…Fin spoiler

AVIS:

Nouvelle rigolork (c’est le dernier mot-valise à base d’Ork, je le jure) de Mike Brooks, et à laquelle je décerne la palme d’argent du titre le plus inventif (catégorie 5 mots et plus), derrière l’indétrônable Badlands Skelter’s Downhive Monster Show de Matthew Farrer, Were Dere’s… n’a pas grand-chose à offrir au lecteur à part une plongée humoristique dans le quotidien, forcément agité, d’un Boy. Les péripéties grand-guinorkesque (j’ai menti) s’enchaînent de manière plaisante, mais ne vous attendez pas à une conclusion édifiante, ou même intéressante, à cette nouvelle. C’est dommage, car Brooks avait prouvé dans Dead Drop qu’il savait terminer un court format comme il se doit. Nous tenons donc ici la pastille comique de l’Inferno! #4, et il ne faudra pas lui demander davantage.

1 : Car oui, il n’y en a qu’une dans son cas, on peut parler de monorkwheel.
2 : Après l’Interrogatrice Spinoza dans ‘Argent’, c’est la deuxième nouvelle de la BL qui souligne les dangers des masses énergétiques pour leur porteur. Faut-il voir une ligne éditoriale de Nottingham ?

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Blackout – J. C. Stearns :

INTRIGUE:

Lorsqu’une panne de courant massive vient plonger Seidon City dans les ténèbres, les kids Chib, Zaylin, Bugeye et le reste des 77, gang de loubards vivotant dans un quartier défavorisé de cette cité-ruche, en sont réduits à échafauder des hypothèses plus ou moins farfelues pouvant expliquer cette nième interruption de l’alimentation électrique du voisinage. L’arrivée sanglante de deux comparses, Soter et Jerrick, vient toutefois mettre un point final à la joute oratoire entre polémistes sous acide, juste avant qu’ils ne se commencent à se mettre sur la gu*ule, comme souvent lorsqu’un consensus peine à être trouvé entre gangers. Les nouveaux-venus expliquent être tombés dans une embuscade alors qu’ils attendaient innocemment de régler leur compte à quelques membres d’un gang rival, et avoir fait les frais d’un arsenal très peu commun à ces niveaux de la ruche, comme peut en témoigner l’épaule du pauvre Jerrick, réduite à quelques filaments de barbaque après sa rencontre malheureuse avec une balle perdue.

Outrés par ce déchaînement de violence qu’ils sont presque certains de n’avoir pas mérités, les 77 optent pour la mise sur pied d’un raid punitif contre leurs mystérieux assaillants, mais n’ont même pas à sortir de leur planque que cette dernière se retrouve sous un feu nourri. Dans la confusion qui s’en suit, Chib, Zaylin et Bugeye, comprenant rapidement que leurs collègues n’ont pas la main haute dans cet affrontement, optent pour une prudente retraite tactique dans les profondeurs de la ruche, confiants dans leur capacité de distancer les bourreaux des 77.

Malheureusement pour nos stagiaires, leurs poursuivants s’avèrent être aussi rapides et tenaces que bien armés, et Chib se retrouve bientôt seul dans les égouts de la cité, après que ses deux acolytes soient tombés dans les griffes de l’anti-gang. Jouant le tout pour le tout, notre héros tend un piège à ses traqueurs en utilisant le cadavre d’un autre ruchier ayant eu la malchance de se trouver sur le passage de ces derniers, et arrive ainsi à poser les yeux, juste avant de tirer, sur sa mystérieuse Némésis…

Début spoiler…qui s’avère être un Space Marine, et accueille donc avec un haussement d’épaule blasé la fléchette que le kid lui loge dans l’aisselle. S’attendant à rencontrer une fin aussi violente et prématurée que ses camarades, dont l’équipement et les compétences n’ont pas servi à grand-chose face aux bolts et épées tronçonneuses des meilleurs de l’Empereur, Chib a la surprise de se faire manutentionner par son ennemi jusqu’à un entrepôt désert, où, vous l’avez deviné, sagace lecteur, les Space Marines ont reçu ordre de ramener leurs trouvailles, qui sont toutes de jeunes gangers terrorisés. La nouvelle se termine sur l’annonce par l’Apothicaire de service, un certain Herodytes du Chapitre des Crimson Shades, que le casting tenu sur Stratigardin avec la bénédiction du Gouverneur Galliarnos est maintenant terminé. Décidément, la télé-réalité du 41ème millénaire est un peu plus hardcore que la nôtre…Fin spoiler

AVIS:

Je pense que l’on peut porter deux jugements sur ce Blackout de Stearns, qui seront fonction de la « maturité » (parce que la « vétéranitude » n’existe pas en français, et c’est bien dommage) du lecteur. Pour le nouveau-venu dans l’univers de 40K et de la Black Library, et qui aura donc une chance d’être authentiquement surpris par la révélation finale de cette nouvelle, cette dernière devrait être tout à fait satisfaisante. Pour les hobbyistes un peu plus expérimentés, qui auront éventé l’identité des persécuteurs des 77 dès la description de la blessure de Jerrick, la lecture de Blackout se révélera bien moins passionnante, d’autant plus que Stearns ne glisse aucun easter eggs1 ou référence à du fluff « avancé » dans son récit, pour une conclusion tristement banale. On m’excusera (ou pas, en fait je m’en fiche) à nouveau de mettre en avant Peter Fehervari, qui, sur une trame très similaire, avait réussi à soigner sa sortie dans son Nightfall. Si j’osais, je dirais que Blackout est un épisode de Dora l’Exploratrice, et Nightfall un court-métrage de Pixar : là où le premier ne s’adresse qu’à un « jeune » public, le second est suffisamment bien construit pour intéresser toutes les générations de spectateurs. Bref, une nouvelle à ne pas mettre entre toutes les mains, mais pas pour les raisons habituelles.

1 : On pourrait toutefois argumenter que les Crimson Shades se livrent eux-mêmes à une chasse aux œufs (à la sauce 40K, certes), ce qui constituerait une habile mise en abyme.

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The Spirit of Cogs – J. French :

INTRIGUE:

The Spirit of CogsComme tous les Inquisiteurs dignes de leur rosette, Covenant est à la tête d’une petite bande de loyaux suivants et serviteurs, apportant chacun leurs compétences uniques à l’éternelle bataille pour la sauvegarde de l’Imperium. Coco étant parti refaire sa permanente au moment où notre histoire débute, c’est vers deux de ses nervis que le projecteur se braque. L’occasion est ainsi offerte au Magos défroqué reformaté Glavius-4-Rho de narrer à sa comparse, l’ex Soeur de Bataille Severita, une petite anecdote pas piquée des voraces, illustrant selon lui l’existence de fantômes, et non d’esprits, dans la machine.

L’histoire nécessitant une légère contextualisation pour être bien comprise, nous commençons donc par entendre Glaviot raconter son enfance et son éducation en tant que pupille de l’Adeptus Mechanicus, les améliorations successives dont il a bénéficié au fur et à mesure qu’il s’élevait dans les rangs de l’Omnimessie, et enfin sa prise de fonction sur le monde forge de Zhao-Arkkad une fois diplômé Magos en bonne et due forme. Spécialiste de l’acheminement énergétique (un héritage du temps où il était stagiaire en charge de distribuer les cafés, ou ce que les tech-adeptes insèrent dans leur système pour libérer de la mémoire vive après un reboot mal négocié), notre héros a à peine le temps de commencer à se familiariser avec ses nouvelles attributions que le voilà sommé de se rendre à l’autre bout de la planète à bord d’une navette banalisée, accompagné d’un Princeps au physique et à la discussion digne de Buzz l’Eclair (comprendre qu’il connaît 3 phrases, répétées en boucle). Soupçonnant un bizutage d’un style un peu particulier, il a toutefois l’occasion de discuter de l’étrangeté de la situation avec l’autre passagère du vaisseau, une Magotte (?) dénommée Ishta-1-Gamma, spécialiste en transmission de données (à mon époque, on appelait ça le bavardage), tout aussi intriguée que Glavius quant aux causes ayant motivé leur hiérarchie à monter ce parcours d’intégration d’un genre un peu particulier.

Arrivés sur place, et toujours escorté du charmant Princeps (Zavius), notre binôme fait la connaissance de leur futur n+1, un Archmagos (Atropos) peu pimpant mais très pimpé, qui les entraîne jusqu’à leur lieu de travail, toujours sous le sceau du secret. C’est là, au cœur d’une caverne sise au plus profond d’une montagne isolée, que les attend une surprise de taille (et pour cause) : une Légion Titanesque entière repose dans les ténèbres. Chargés par leur nouveau boss de remettre les Gundams en état de marche, Glavius et Ishta s’attèlent sans tarder à la tâche, mais ne tardent pas à découvrir que l’équation qui leur a été soumise comporte plus d’une inconnue. Ainsi, au cours de la première visite réalisée dans leur Titan pilote en compagnie de la chef-ingénieure (Thamus-91) de l’opération, ils découvrent que quelque chose semble aspirer toute forme d’énergie à proximité, ce qui les force à charger à fond les accus avant de partir en vadrouille dans la salle du réacteur. Sur place, Glavius a la surprise de découvrir que des composants cristallins, d’une nature et d’une fonction inconnue, ont été intégrés dans les circuits de Dormeur, mais ses savantes supputations sont rapidement écourtées par 1) la nécessité de quitter les lieux avant de tomber en panne sèche et 2) le karoshi inopiné de Thamus-91, grillée comme un fusible de s’être branchée à tort et à travers à l’interface titanesque. C’est le CHSCT qui va gueuler.

Profitant de l’inhibition sentimentale qui est le lot des servants du Dieu Machine, nos experts ne perdent cependant guère de temps à gamberger sur les tragiques événements et menues bizarreries entourant l’opération, et sont bientôt en capacité de proposer un mode opératoire expérimental à même de relancer les batteries de leur Titan. Ishta a beau faire part à Glavius de ses doutes et ses scrupules à réveiller celui qui à jamais dormait, ce dernier, tout à sa rationalité masculine, balaie d’un revers de mécha-dendrite les atermoiements de sa collègue. Sa belle assurance vole toutefois en éclats lorsque le protocole « Wake Up Big Susie » ne se déroule pas vraiment comme prévu, l’afflux massif d’énergie dans le réacteur du Titan entraînant une réaction en chaîne1 à base de terminaux HS, d’hallucinations auditives et visuelles, glaciation de principe et combustion de Princeps (ciao Zavius), pour finir par la dissolution terminale de la pauvre Ishta, qui fait don de sa personne pour stopper l’escalade2.

Le titanesque roupillon n’ayant finalement pas été interrompu, au grand soulagement d’un Glavius finalement convaincu que toute l’entreprise dissimulait quelque chose de pas très cathodique, notre Magos rescapé est sommairement démissionné par Atropos, qui insiste pour que toutes les données relatives à l’opération soient soigneusement purgées des banques de données de son sous-fifre. Ce dernier est tout de même autorisé à partir entier et à garder ses souvenirs de la mésaventure qui a faillit l’envoyer à la casse (au prix de la lobotomie, franchement, c’est une économie de bout de diode), sans quoi il aurait été fort en peine de raconter cette dernière à la brave Severita. Et si nul ne sait à ce jour ce qu’il est advenu de la Légion perdue de Zhao-Arkkad, une chose est sûre… utilisez toujours un VPN les enfants.

AVIS:

Il y a du bon et du moins bon dans cette incursion de French aux limites du récit horrifique 2.0 (je m’étonne d’ailleurs que la nouvelle n’ait pas été incluse dans le premier recueil de Warhammer Horror, elle y aurait eu sa place). Parmi les sources de satisfaction, je place l’immersion convaincante du lecteur dans le fonctionnement quotidien d’un monde forge, milieu à part même dans le vaste Imperium, car régi par des codes et des conventions bien particuliers. Peu d’auteurs avaient jusque là réussi à transmettre le caractère d’étrangeté (dans tous les sens du terme) des disciples de l’Omnimessie, la représentation récurrente de ce type de personnage les changeant plutôt en geeks steam punks jurant en binaire. C’est à une étude de caractère un peu plus poussée, et donc satisfaisante, que le lecteur a droit ici, à grand renfort d’aura noosphérique et de règle sacrée des cinq secondes (qui a donc réussi à survivre, sous une autre forme, jusqu’au 41ème millénaire).

Autre bon point à décerner, la construction réussie d’un suspense morbide autour du mystérieux Titan que notre équipe de choc essaie de réveiller. On comprend tout de suite que la placardisation dont a fait les frais la Légion étrange(re) exhumée par Atropos tire son origine d’une tragédie quelconque, et que nos héros auraient tout à gagner à suivre leur instinct et prendre leurs chenilles à leur cou. Les révélations que distille French tout au long du récit attisent la curiosité et permettent échafauder quelques hypothèses sur la nature du mal en question… et c’est pourquoi j’ai trouvé plutôt frustrant de terminer la nouvelle sans connaître le fin mot de l’histoire. Car à part le crime contre le bon goût que représente la livrée orange et verte du premier équipage des Titans oubliés, on n’est guère éclairé sur ce qui ne processe pas rond chez ces derniers. Certes, cela a à voir avec la tentative, pas franchement concluante au final, de lier l’âme de victimes sacrificielles aux divines machines, apparemment via le truchement de cristaux spéciaux, mais comme French ne se donne pas la peine de clarifier sa vision des choses, on termine la lecture de The Spirit of Cogs avec un fort goût d’inachevé3.  C’est bien dommage car je ne doute pas de la capacité de l’auteur de conclure ses œuvres de façon satisfaisante, ce qu’il a déjà eu l’occasion de prouver dans de précédents travaux. Bref, dear John, à trop vouloir faire le flupster (le hipster du fluff), on perd les normyistes (les normies du Zhobby). Tiens-le-toi pour écrit.

: Personnellement, j’attribue ce fiasco à l’utilisation malavisée d’un trans-uranic adjuster, qui plus est par du personnel non-formé au maniement de cet appareil bien particulier. Personne n’aime être réveillé par une décharge de tazer dans le fondement.
Comme quoi, on peut mourir de crier « Ta G**** » trop fort. C’est dur de couper la parole à quelqu’un qui parle à 280 décibels, il faut dire.
Après quelques recherches, j’ai pu établir que French a repris l’historique de la Legio Xestobiax, « améliorée » au cours des années précédent l’Hérésie d’Horus par un dispositif expérimental s’inspirant de la moelle spectrale Eldar, et baptisé Noyaux de Fer Noir par l’Imperium. Evidemment, ça a fini par déconner, et le fait que la Legion ait choisi de combattre aux côtés des Thousand Sons après qu’ils aient été déclarés Astartes Non Grata par l’Empereur n’a pas joué en sa faveur, même si un petit nombre de machines ont réussi à survivre à cet âge troublé. Pour plus d’informations, se référer au Livre VII de Forge World consacré à l’Hérésie, appelé (faut-il y voir un clin d’œil ?) Inferno.

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City of Blood – M. Smith :

INTRIGUE:

Alors qu’elle sirote tranquillement un cocktail dans un bar louche de Scavtown, quartier classé ZUS de la ruche Obergard Secundus, Jesca Veil, héroïne au passé trouble et à la gâchette facile, se fait aborder par un malabar animé d’intentions peu charitables. Peu encline à accepter son invitation à poursuivre la soirée dans un endroit plus calme, Jesca règle prestement son compte au malotru, et s’éclipse discrètement vers l’endroit où doit l’attendre le passeur avec lequel elle a conclu un marché pour quitter la planète dans les plus brefs délais. Elle ne tarde cependant pas à réaliser que le butor dont elle a si définitivement refroidi les avances n’avait pas fait le déplacement seul, et se retrouve finalement acculée dans une ruelle obscure, à la merci du Commissaire Timur Iovac et de son équipe de chasseurs de déserteurs, ce que Jesca semble être. Faisant mine d’accepter sa mise en état d’arrestation, Veil réussit à tromper la vigilance de sa Némésis et de ses sbires, dérobant au passage à cette dernière une des grenades d’apparat qui pendent à sa ceinture, et fonce ventre à terre vers le lieu de son rendez-vous galant, poursuivie par les invectives outrées d’Iovac (it’s okay) ainsi que par le mastiff robotique de l’officier (it’s not okay).

Au prix d’un combo steeple – saut en longueur parfaitement négocié, et surtout, de salutaire du contact de Veil, une grande brute atteinte d’une forme sévère de psoriasis répondant au nom de Heizer, qui euthanasie le clebs du Commissaire sans autre forme de procès, Jesca se reprend à espérer une conclusion rapide et sans problème de son transfert vers l’orbite haute, ce qui ne se produira évidemment pas (la nouvelle aurait été un peu courte sinon). Emmenée par son Sherpa urbain à travers une zone à hauts risques, et pas seulement à cause des mauvaises relations que Heizer entretient avec le gang qui occupe le territoire suite à une opération ne s’étant pas bien terminée, notre AWOL d’héroïne ne tarde pas à faire la connaissance des Affligés, variante locale des Zombies de la Peste ayant tous choisis l’option 3*500 mètres au bac, ce qui rend leur gestion assez délicate même pour notre duo de vétérans endurcis. Fort heureusement, la grenade lootée par Veil se révèle être une authentique bombe de stase1, et laisse assez de temps aux fugitifs pour sortir de la zone infectée.

Leur rencontre fortuite avec une escouade de miliciens locaux, chargés par le gouverneur de pacifier Scavtown suite à de légers débordements et la disparition suspecte de quelques enfants de la haute société dont le tort a été de s’improviser Spyriens (erreur de jeunesse, comment leur en vouloir?), leur fait toutefois perdre aussi vite le temps gagné par le gadget d’Iovac, et l’émeute éclate rapidement lorsque les effets pacificateurs de la grenade finissent par se dissiper. Si la boucherie qui s’en suit permet à Veil de fausser compagnie aux pauvres forces de l’ordre, très rapidement débordées, puis disséquées, par les événements, elle voit également Heizer lui fausser compagnie à la recherche d’un shoot de cortisone suite à une crise urticante carabinée, et, plus embêtant, permet à Iovac et ses nervis de refaire leur retard sur la fugitive. Très déçu par le comportement égoïste de sa proie, le Commissaire parvient presque à mettre la main au collet à cette dernière (ce qui se serait mal terminé pour elle, gantelet énergétique oblige), mais doit finalement déposer les armes après avoir rate la sauvegarde d’armure de trop – en même temps, sur cinq blessures, le contraire eut été hors stats –. Ce moment de relâchement lui coûte cher, son Feel No Pain salvateur ne faisant pas le poids face au Got No Brain de la demi-douzaine d’Affligés qui lui tombent sur le râble pendant que Jesca repart en petites foulées.

Ramassée par un Heizer luisant sous la biaffine, mais de nouveau maître de lui-même, dans une ambulance militaire détournée pour la cause, Jesca croit arriver au bout de ses peines, mais une dernière épreuve l’attend néanmoins. Témoin de la bad assitude consommée de sa cliente, le passeur gratteur profite de l’inattention de cette dernière pour lui coller la tête sur le tableau de bord en vue de lui soutirer des réponses au sujet de son véritable passif. Réalisant que la coopération de son seul allié est nécessaire au succès de ses plans, notre héroïne obtempère et lui avoue qu’elle sert l’Inquisition en enquêtant sur la cause de l’Affliction, et que le mandat d’arrêt dont elle fait l’objet n’est qu’une manœuvre de la part des responsables de l’infestation qui frappe Obergard Secundus pour l’empêcher de nuire. Convaincu par la réponse qui lui a été faite, Heizer accepte d’honorer sa part du marché et escorte Jesca jusqu’au point de ramassage scolaire stellaire le plus proche, en échange d’un logiciel de credit skimming pas piqué des vers. Il faut croire que le monde de la finance fait également partie des ennemis de la Sainte Inquisition (l’Ordo Fiscalus, en particulier)…

AVIS:

Débuts plutôt réussis pour Matt Smith en tant qu’auteur de la Black Library avec ce City of Blood. Parmi les éléments favorables à verser au dossier du rookie, citons par exemple sa maîtrise du rythme et du séquençage de l’action, qui permettent à sa nouvelle de proposer en peu de pages un nombre conséquents de péripéties variées au lecteur (scène de baston dans le bar, 1ère confrontation avec Iovac, fuite et rencontre avec Heizer, confrontation avec les Affligés, Affligés vs miliciens, 2ème confrontation avec Iovac, taxi avec Heizer & conclusion). Notons également le bel aplomb avec lequel Smith intègre des éléments “Necromund-esques” dans son propos, sans pour autant placer ce dernier sur la planète araignée. Mine de rien, cela révèle une bonne maîtrise du fluff de 40K et de la sous franchise que Necromunda représente, ce qui est prometteur pour la suite. Enfin, les Affligés sont dépeints de manière fort honorable, notamment leur entrée en scène dans les ténèbres de Scavtown, convenablement flippante dans le genre “on ne les voit pas mais on les entend”. La seule remarque un tant soit peu négative que je ferai à Smith sur ce texte inaugural concerne la contextualisation, ou plutôt son absence, de la relation entre Jesca et Iovac. Si on comprend sans mal ce que le second reproche à la première au fil du récit, les révélations faites à la fin de la nouvelle quant à l’identité secrète de l’héroïne tombent un peu à plat, puisque le lecteur ne sait rien de la mission de Jesca, ni de la manière dont elle s’est retrouvée piégée par les “Afflicteurs”, qui ont dépêché l’inflexible Commissaire à ses trousses. City of Blood a donc un arrière-goût prononcé de “2ème épisode”, ce qu’il n’est à ma connaissance pas, et en est un peu frustrant de ce fait. Espérons que les zones d’ombre du passé de Miss Veil seront au moins partiellement levées au cours d’une prochaine soumission Smithienne.

: On se demande ce qu’un Commissaire lambda faisait avec un matériel aussi sophistiqué sur lui. En même temps, c’est pratique de pouvoir immobiliser un suspect de façon non léthale quant on a besoin d’une petite exécution pour l’exemple pour remonter le moral des troupes.

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Empra – N. Crowley :

INTRIGUE:

EmpraToa, de la tribu des Shellmakers, voit sa vie basculer lorsqu’au cours d’une chasse au fivejaw dans les ruines de la cité des premiers hommes, elle fait la connaissance d’une masse de tentacules métalliques enrobés dans des haillons écarlates, qui se révèle être, après inspection approfondie, un ange blessé d’Empra, la divinité vénérée par les farouches peuplades de la planète. Ramené au campement-forge de la tribu, où cette dernière s’emploie à réaliser des obus de fort belle taille qui sont régulièrement embarqués par Two-Birds, l’émissaire envoyé par Empra à la rencontre de ses fidèles, l’Ange récupère lentement de ses blessures et se familiarise avec le dialecte de ses sauveteurs, jusqu’à être capacité de faire une révélation terrible aux pieux indigènes: on leur a menti. Two-Birds n’est pas le messager d’Empra, mais son ennemi mortel, qui l’a grièvement blessé et profite de la dévotion des Shellmakers, ainsi que des autres tribus locales, pour exploiter le fruit de leur travail. Pire, Two-Birds est le responsable de la pollution galopante qui rend chaque jour la vie plus difficile sur la planète, moyen commode pour l’usurpateur de rendre les rations alimentaires qu’il largue à chaque venue indispensables aux tribus, et s’assurer ainsi de leur obéissance aveugle.

Estomaquée par ces révélations, qui battent en brèche toutes les valeurs et croyances entretenues par la tribu depuis des temps immémoriaux (en même temps, quand l’espérance de vie ne dépasse pas 30 ans et que l’on ne maîtrise pas très bien l’écriture, l’immémorial arrive vite), Toa et sa chamane de mère acceptent de venir en aide à l’Ange déchu, dont le dessein consiste à implanter un skrapkoad dans le système du Corps Céleste (Body’s Above), afin de permettre à l’esprit d’Empra de s’incarner à nouveau et de chasser Two-Birds. Ne pouvant pas entreprendre lui même cette mission des plus périlleuses, l’Ange charge Toa de la mener à bien. Le prochain jour de collecte pourrait fournir à nos conspirateurs l’occasion dont ils ont besoin pour accéder jusqu’au Corps Céleste, même s’il faudra pour cela que Toa traverse l’immensité glacée du voyd

AVIS:

Crowley effectue un spectaculaire retour dans Inferno !, après les vaudevillesques débuts de The Enemy of my Enemy. Abandonnant le second degré, il embarque le lecteur dans une épopée intense et rythmée, depuis les forges chamaniques d’une tribu de dévots primitifs, jusqu’aux ténèbres des niveaux inférieurs d’un vaisseau de la flotte impériale. Les péripéties s’enchaînent avec brio et inventivité, maintenant le public aux aguets alors que l’intrépide Toa progresse dans sa quête initiatique. La BL ayant plutôt tendance à surprendre en mal qu’en bien, l’impeccable exécution de Crowley n’en est que plus remarquable, et incite à souhaiter que soit confiée à notre homme l’écriture d’un roman, afin de voir s’il est capable de réitérer ce succès à l’échelle supérieure.

Mais la principale trouvaille de Crowley reste d’avoir choisi d’exploiter un aspect fascinant, et sous-employé, du background de 40K : l’asymétrie d’information existant entre les sujets de l’Imperium, et la manière dont les quelques éléments communs à ces derniers (comme le culte de l’Empereur) s’en trouveront déformés, modifiés et ré-assemblés, pour finir par ne plus ressembler du tout à ce que nous, hobbyistes omniscients, savons être la réalité. En braquant son regard sur le peuple de Toa, de braves indigènes fabriquant des munitions de macro-canons (qu’ils pensent être les dents d’Empra) pour un vaisseau spatial déglingué dont ils ne soupçonnent même pas l’existence, l’auteur illustre parfaitement toute la diversité constitutive de l’Imperium, trop souvent sacrifiée au profit des mondes ruches, forges et chapitraux que la BL nous ressort à tour de bras. Sur le million de mondes du domaine de Pépé, des dizaines, voire des centaines de milliers doivent en effet être peuplés d’habitants aussi au fait de l’état de la galaxie que Toa et ses camarades, et contribuant à l’effort d’une guerre dont ils n’ont pas idée par le biais d’un endoctrinement adapté à la culture locale.

Autre source de satisfaction, l’inclusion d’un passage conséquent sur le Princeps Misericordiae (le nom du vaisseau abordé par Toa), et la bonne description de la vie des pauvres hères qui constituent l’équipage des ponts inférieurs du navire. Car, et c’est une autre injustice criante du fluff, on ne parle que trop rarement de cette population se dénombrant en milliards d’individus, et absolument essentielle au bon fonctionnement des béhémoths métalliques que sont les navires de la Flotte Impériale. Condamnés à une vie de servitude dans des conditions que l’on qualifiera pudiquement de difficiles, les matelots de la Flotte constituent à mes yeux l’une des populations incarnant le mieux le côté grimdark de 40K, plus que le Garde Impérial, le Tech-Adepte ou le fonctionnaire de l’Administratum qui sont légèrement moins à plaindre que les galériens galactiques. Empra permet au lecteur de s’imprégner du quotidien de ces derniers, et met bien en perspective les échelles inhumainement gigantesques (tant d’un point de vue physique que temporel1) dans lesquelles se déroule leur existence. C’est rare, donc on en profite.

Bref, une très bonne nouvelle que cet Empra de la part de Nat Crowley, qui démontre à la fois qu’il a un potentiel certain, et plusieurs cordes à son arc en matière d’approche littéraire. Une combinaison intéressante s’il en est.

Le Misericordiae est en orbite pour réparation depuis des dizaines, voire des centaines d’années, la mère de Toa étant la 42ème Grande Chamane de la tribu.

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The Weight of Silver – S. B. Fischer :

INTRIGUE:

Sur la planète d’Ourea, le Lieutenant Glaviot Errant, heu, non pardon, Glavia Aerend vit une prise de fonction des plus compliquées. Alors qu’elle mène son bataillon de Cadiens dans une patrouille tout ce qu’il y a de plus classique, la découverte d’un hameau incendié par les cultistes du Chaos qui mènent la vie dure aux serviteurs de l’Empereur sur ce monde montagne (si si, ça existe apparemment) provoque chez notre héroïne un bad trip aussi étrange qu’handicapant, car il a la mauvaise idée de prendre place au moment même où ces fripons de rebelles déclenchent une embuscade contre les impériaux. Et même si ces derniers corrigent les impudents en deux temps, trois mouvements, et quatre grenades à fragmentation, ils subissent tout de même quelques pertes dans la bagarre, ce dont la consciencieuse Aerend ne peut s’empêcher de se reprocher.

Convoquée par la Colonel Yarin à la suite de ces débuts hésitants, Glavia hérite d’une mission de surveillance pas vraiment glorieuse en récompense de ses premiers exploits, pendant que le reste du régiment part écraser l’armée ennemie repérée à quelques kilomètres, dans l’espoir de mettre un point final à cette campagne qui s’éternise. Menés par le masochiste et dépressif (il a un collier en fil de fer barbelé dont chaque maillon commémore une défaite de son Chapitre) Lord Tarvarius des Storm Wings, les Cadiens désertent donc la forteresse d’Apex Inruptus, sans savoir qu’ils s’embarquent dans une chasse au dahu. Ce n’est que quelques heures plus tard, et après avoir passé la zone au peigne fin, qu’ils finissent en effet par comprendre qu’ils se sont fait possédés (non, pas dans ce sens là, Robert), et rappliquent donc à toute berzingue en direction de leur point de départ. La capture de ce bastion constituerait en effet une victoire tactique d’importance pour les insurgés, ce que le Haut Commandement aimerait donc éviter (on le comprend).

Prévenue par Tarvarius de la feinte ourdie par ces môôôdits cultistes, Aerend essaie tant bien que mal de motiver ses troupes à prendre position sur les remparts de la forteresse, mais, pas de bol, il pleut, et les bidasses préfèrent rester au sec pour jouer aux cartes. Malgré l’échec critique de son test de charisme, Aerend décide de mener par l’exemple et sort donc affronter la pluie, et possiblement toute l’armée adverse, seule. Un vague reflux de conscience professionnelle poussera le reste de son bataillon à lui emboîter le pas au bout de quelques minutes, juste à temps pour accueillir comme il se doit l’arrivée de l’infâme ennemi, dont l’assaut n’est stoppé à grand peine qu’avec la destruction des ponts gardant l’entrée de la position impériale.

La suite, et la fin, de la nouvelle verra Aerend, Tarvarius (qui trouve le moyen de se matérialiser dans l’enceinte de la forteresse sans que cela soit expliqué1) et quelques potes, dont le vétéran grincheux-et-plein-de-morgue-envers-les-jeunes-recrues-mais-avec-un-bon-fond-tout-de-même Olemark, aller bastonner un psyker renégat (qui trouve le moyen de se matérialiser aussi – et lui avec huit batteries externes humaines dans les poches qui plus est – dans l’enceinte de la forteresse2), présumant fort heureusement un peu trop de ses forces, et auquel la team Pépé se fait un plaisir d’émettre un avis d’expulsion. La bataille gagnée, notre propos se conclut par le mini conseil martial de notre héroïne, à laquelle ses défaillances initiales n’ont pas été pardonnées. Fort heureusement pour notre glaviot méritant, la Commissaire (eh oui, c’est une nouvelle placée sous le signe du Women’s Empowerment) en charge de l’instruction du dossier reçoit une missive polie de la part des Storm Wings, l’enjoignant en des termes courtois mais fermes à prononcer un non-lieu si elle sait ce qui est bon pour elle. Ingérence, ingérence votre honneur! N’empêche que ça marche, et Aerend hérite même pour sa peine d’un shrapnel dédicacé de la part de Tarvarius, au cas où elle aussi souhaiterait réaliser son propre cilice custom. À chacun ses délires.

AVIS:

Fischer revient en meilleure forme dans Inferno! avec The Weight of Silver, poursuite de ses travaux Cadiens n’ayant pas grand chose à voir avec son initial The Emperor’s Wrath, la couleur des yeux des protagonistes mise à part. Si là encore, ce n’est pas l’originalité de l’intrigue qui prime, j’ai trouvé cette seconde soumission de meilleure facture, peut-être parce qu’elle se concentre sur les fondamentaux de la nouvelle martiale de Warhammer 40K: une baston rythmée et clairement mise en scène, présentant des éléments intéressants pour toutes les factions impliquées, et dans le respect général des conventions fluffiques. C’est grosso modo ce que propose Fischer dans la seconde moitié de sa nouvelle, pleine d’héroïques Cadiens, de Space Marine bad ass et de cultistes torturés, dans un remake de Fort Alamo avec Aerend dans le rôle de Davy Crockett et les hordes chaotiques dans celui de l’armée mexicaine (qui aurait moins fait la fière si les défenseurs avaient eu le support d’un Space Marine). Lisible, mais loin d’être mémorable.

Le début de l’histoire, pour “apaisé” qu’il soit, était lui porteur de prémisses intéressantes, notamment le mini scare jump du cadavre qui ouvre les yeux, sur lesquelles Fischer n’a pas su capitaliser, la part belle ayant été donnée aux errements psychiques, puis moraux, puis psychologiques, de l’héroïne. N’ayant pas été plus touché que cela par les malheurs de Glavie, j’aurais en revanche apprécié en savoir plus sur le passif du mystérieux autant que masochiste Seigneur Tarvarius et de son choker en fils barbelés. Fischer tenait là une piste intéressante, l’exorcisme de la piteuse performance de leur Légion primogénitrice durant l’Hérésie à travers une philosophie particulière s’avérant être une idée digne de considération, et qui ne demandait qu’à être développée plus avant3. Malheureusement, nous n’en saurons pas plus cette fois-ci. Ceci dit, s’il continue sa montée en puissance, la troisième publication de notre homme devrait envoyer de la céramite.

1 : TGC(S)M
2 : TGCC
3 : On peut noter la très grande ressemblance, tant en termes d’héraldique que de mentalité, entre les Doom Eagles et les Storm Wings. La différence majeure entre ces deux Chapitres est que le premier descend des Ultramarines, et le second de la Raven Guard.

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The Emperor’s Light – Leahy :

INTRIGUE:

Alors qu’ils approchent de la Station Mausolus, forteresse tenue par la Death Watch au milieu d’un champ d’astéroïdes, l’Inquisiteur Deavos et les membres de sa suite finalisent leurs préparatifs pour une mission s’annonçant des plus délicates: convaincre les revêches moines soldats gardant le lieu de leur remettre l’arme secrète qui dort dans les cryptes de Mausolus. La raison motivant le besoin impérieux qu’éprouve Daevos de mettre la main sur ce qui semble être… un Paria, n’étant pas clairement défini dans les six pages de The Emperor’s Light1, le lecteur en est quitte pour une rapide présentation des différents spécialistes opérant aux côtés de l’Inquisiteur, et plus particulièrement de la sestra Silvana. Cette dernière semble être en froid avec son employeur, ce qui ne l’empêche pas d’obéir à l’ordre qu’il lui donne d’aller préparer ses sœurs en vue du déroulement de la mission. Transformées en archo-flagellantes en expiation d’un crime lui aussi passé sous silence, mais dans lequel on devine l’implication de Daevos en personne, Solvana et Sulvana se sont éveillées de leur sommeil béat, et attendent les bons soins de leur aînée afin d’être les plus belles pour aller purger. Trouveront-elles un bon parti parmi les gentlemen célibataires de Mausolus? That, my friends, is the question.

AVIS:

Nous ne saurons peut-être jamais ce qui attend l’Inquisiteur Daevos et sa suite dans les ténèbres de la Station Mausolus. Notre fine équipe a-t-elle seulement réussi à rejoindre bon port, ou s’est elle faite désintégrer par la garnison Death Watch en chemin? Ce ne serait pas la première fois que les farouches Xenocidaires ont éconduit une visite de courtoisie, même initiée par la plus haute autorité qui soit, m’est avis. Après tout, personne n’aime qu’on lui ordonne de ranger sa chambre (militante de l’Ordo Xenos). La tragédie entourant les sœurs de Silvana restera également secrète, et c’est bien dommage car cette intrigue en particulier exsudait de capiteux relents de trucs pas jojo, et promettait de jouer un grand rôle dans la suite des événements. Bref, nous n’en saurons pas plus, et c’est regrettable, car ces débuts étaient prometteurs. Good night, sweet prince.

: Peut-être que notre Inquisiteur était simplement jaloux du fait que toutes les stars de la BL disposent de ce petit accessoire fashion, et lui non.

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The Thirteenth Psalm – P. Fehervari :

INTRIGUE:

The Thirteenth PsalmFehervari entraîne le lecteur dans les pas du Chapelain Castigant Bjargo Rathana, du Chapitre des Angels Penitent, alors que ce dernier médite gravement devant une rédaction des plus compliquées. Non pas que le brave Bjargo passe son bac blanc de français et ait fait l’impasse sur le commentaire composé et la dissertation : il s’agit pour lui de trouver la bonne approche pour mettre hors d’état de nuire une relique impie, le miroir d’Athazanius, qui, à sa grande honte, a été façonné par ses prédécesseurs, au temps où les Angels Penitent s’appelaient encore Angels Resplendent.

Narré sous forme de flashbacks « centripètes » (se rapprochant de plus en plus de l’instant présent, qui voit Rathana rire de se voir si beau en ce miroir), The Thirteenth Psalm nous embarque dans une expédition de la Compagnie de l’Absolution, bande de joyeux drilles ayant fait voeu d’écumer la galaxie à la recherche des oeuvres d’art dispersées par le Chapitre à l’époque où l’option Craftbooking/Macramé/Flûte à Bec était obligatoire dans le cursus des aspirants, et cherchant ainsi à racheter les moeurs dissolues de leur confrérie, tant aux yeux de l’Empereur qu’à ceux du mystérieux Martyr Immortel, sorte de Calvin puissance 40.000, ayant récemment réalisé une OPA hostile sur Malpertuis (le monde chapitral des Angels), et convaincu les Astartes que l’art, c’était mal1. Incarnation vivante, et odoriférante (serment de sainte craditude oblige2) du nouveau converti zélé, Bjargo Rathana était un des artisans les plus doués des Angels Resplendent avant la Purge, ayant depuis laissé son passé de sculpteur de pierre derrière lui, pour devenir Chapelain Castigant, membre de la Couronne d’Epines, instance dirigeante des Angels Penitent, et patron de la Compagnie de l’Absolution.

Ayant localisé ce fameux miroir sur le monde glacé d’Oblazt, dont la proximité avec le Golfe de Damocles et l’empire bleuâtre qui s’y love (nan, je ne parle pas d’Ultramar) a généré une insurrection en bonne et due forme contre l’Imperium, Bjargo emmène une poignée de ses hommes à la surface de la planète pour une mission de déménagement un peu spéciale. La glace en question étant devenu la propriété de la Konteza Esseker, sorte d’Elisabeth Bathory du 41ème millénaire, et jamais la dernière pour organiser une orgie décadente dans son petit F666 de Zakhalin, sobrement nommé le Foyer de la Concupiscence (la Villa Sam’Suffit étant déjà prise par les voisins de gauche), Bjar Bjar Inks et ses potes optent pour le porte-à-porte, et sont rapidement plongés dans un dédale chaotique… à tout niveau. Malgré l’absence de la maîtresse de maison et l’état de décomposition avancée de tous les invités de la dernière petite sauterie organisée par Mam’ Esseker (plus adepte de la cryogénisation et de l’éviscération de crémaillère que de sa banale pendaison), les Anges trouvent malgré tout à qui parler, c’est à dire à eux mêmes, l’ambiance délétère, les motifs psychédéliques du lino de la salle de bain, et peut être la maléfique influence du fantôme de la Konteza, ayant rapidement raison de la raison du frère Veland, dont l’écart de conduite coûte la vie à deux de ses compères (Laurent3, prude puceau, et Salvatore, brosseur à sec impénitent) avant que Bjargho unchained ne se déchaîne, puis enchaîne sur la rédaction (nom du rituel de fracassage d’une œuvre d’art) en elle même.

Ebranlé dans sa foi par la corruption expresse d’une de ses charges, ainsi que par la duplicité de certains de ses frères d’armes, ayant poursuivi leurs activités artistiques extra-scolaires malgré l’interdiction formelle du conseil de classe (fourberie en partie démasquée par le miroir d’Athazanius, qui a le pouvoir de révéler la vérité profonde à celui qui le regarde) Rathana vacille dans ses certitudes. Si la Compagnie de l’Absolution, et jusqu’à l’élite du Chapitre, la Garde des Epines elle-même, comptaient des brebis galeuses, n’est-ce pas la preuve de l’échec patent des Chapelains Castigant à purger le passé des Angels Resplendent ? Ne devrait-il pas épargner, au moins temporairement, cette relique pour sonder la pureté de Angels Penitent, et exposer les tartuffes et les hypocrites au grand jour ? Mais s’il endosse l’habit du juge des consciences de ses frères, ne doit-il pas d’abord s’assurer que lui-même, autrefois pécheur parmi les pécheurs, est désormais exempt de toute tache ? C’est sur cette question lourde de conséquences que se termine The Thirteenth Psalm, alors que Rathana déclipse arrache le masque de fer rituel qui lui couvrait le visage et lève les yeux vers le miroir d’Athazanius afin de prendre la mesure de qui il est vraiment.

AVIS:

N’étant pas familier des travaux de Peter Fehervari, malgré une bibliographie BL déjà conséquente, cette nouvelle m’a très agréablement surpris. Rare en effet sont les auteurs à réussir à rendre intéressant leurs « histoires de Space Marines », pour mettre un nom – certes simpliste – sur cette catégorie de soumission typique du catalogue de la maison d’édition de Nottingham. La faute a une tendance aussi lourde que répandue à tout miser sur des scènes d’action généralement peu inspirées, sans chercher à donner un peu de contexte et de profondeur aux actions des surhommmes en armures énergétiques obligeamment convoqués par l’auteur, et dont le nom, le Chapitre et les motivations sont trop souvent aussi interchangeables que les charnières du XV de France sous le mandat de Jacques Brunel (il y a de fortes chances que cette comparaison vieillisse mal – comme Jacques Brunel – mais puisque cette chronique a été écrite pendant un tournoi des VI Nations calamiteux, autant que les avanies bleues servent à quelque chose). Dans l’histoire récente de la BL, ce fut ainsi la pénible saga Silver Skulls de Sarah Cawkwell (Hammer & Bolter) qui eut le douteux privilège de faire vivre ce genre ô combien casse-gueule, sans grand succès d’ailleurs. Loin de sombrer dans les mêmes poncifs éculés, Fehervari signe un travail des plus intéressants, qui pourrait bien réconcilier les lecteurs les plus blasés de la BL (dont votre humble serviteur fait partie) avec le protagoniste Adeptus Astartes. Comment s’y est-il pris ?

Tout d’abord, en prenant soin de doter sa confrérie génétiquement modifiée d’un background aussi riche qu’intrigant. Je ne connaissais pas les Angels Resplendent/Penitent avant de commencer The Thirteenth Psalm, et je ne sais pas s’il s’agit d’une création originale de Fehervari, ou d’une remise à jour d’un obscur bout de fluff, mais force est de constater que ces petits gars ont un historique des plus intéressants. Un Chapitre Space Marines qui préfère se dédier à la création artistique plutôt qu’à la destruction aveugle ? Ma foi, pourquoi pas ? Ce sont des descendants de Sanguinius après tout, Primarque esthète et progressiste s’il en était (le contraire eut été étonnant de la part d’un psyker mutant, ceci dit). Une purge initiée par un mystérieux prophète, dont on ne sait pas bien pour le moment s’il s’agit d’un véritable saint ou d’un suppôt des Dieux Sombres en mission d’infiltration (et c’est ça qui est bon !), et qui a transformé les préraphaélites en philistins obtus et intolérants ? En voilà une riche idée ! J’ajoute que le concept de la Compagnie de l’Absolution, Monuments (Uber)Men d’un genre un peu particulier, est une jolie trouvaille, qui fait écho aux honteuses tribulations des Dark Angels à la recherche de leurs sales secrets de famille. Un schisme quasi certain, mais tenu secret, entre les Penitent pur jus et Resplendent reformés (d’autant plus que le Maître du Chapitre n’était pas sur Malpertuis au moment de l’arrivée du Martyr Immortel, et qu’il risque de ne pas aimer du tout le virage pris par ses ouailles si/quand il reviendra au bercail), chacun étant persuadé de la justesse de sa cause et de l’hérésie de ses adversaires ? Je signe des deux mains. Ajoutez à cela un nappage considérable de détails fluff sur l’histoire des Angels avant et après leur épiphanie forcée, et vous obtenez du Space Marine de littérature sur-choix. Je n’hésiterai même pas à dire qu’il y a des Chapitres au pedigree bien plus impressionnant que les Angels Resplendent/Penitent qui s’avèrent être au final bien plus fades à voir évoluer que ces petits nouveaux, c’est dire.

En plus de cela, on peut reconnaître au gars Peter une maîtrise consommée de l’écriture de nouvelle, ce qui ne gâche rien. Certes, ce n’est pas du Lovecraft ou du Maupassant, mais force est de constater que le type mène sa barque avec autorité et distinction. On comprend sans équivalence possible que Fehervari a choisi de livrer sa version de la maison hantée (ce qui est déjà un accomplissement quand on connaît la tendance du contributeur moyen de la BL à balancer des idées sans se donner la peine de les déployer de manière sérieuse), et il se tient à son cahier des charges de manière appliquée, mais pas scolaire, pour un résultat convaincant. L’utilisation de la narration en flashback, la bonne exploitation « cinégénique » (lirez et vous comprendrez) des caractéristiques du miroir de l’Etirév, et la conclusion sur un cliffhanger bien posé, sont autant de « complications littéraires » venant enrichir l’expérience de lecture, pour un résultat que j’ai trouvé captivant d’un bout à l’autre. J’espère donc que cet arc narratif se poursuivra dans les années à venir, par nouvelles, novellas ou romans interposés, afin que nous puissions avoir le fin mot de l’histoire tragique des Angels Penisplendent.

1 : Et pourtant, on ne peut écrire Astartes sans « art ».
2 : Il a fait voeu de ne jamais laver ou entretenir son matériel jusqu’à la fin de sa pénitence (ce qui le rapproche de ce bon vieux Reinez des Crimson Fists, tel que décrit par Ben Counter dans sa série Soul Drinkers)… because of reasons. L’odeur doit être suffisante pour faire fuire les vaisseaux mondes Eldars à des années lumières à la ronde.
3 : Oui, il s’appelle vraiment comme ça. Et sur un million de Marines, il y a fort à parier qu’on puisse aussi trouver des frères Norbert, Polycarpe et Jean-Kevin.

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What Wakes in the Dark – M. A. Drake :

INTRIGUE:

Affecté à la surveillance de la zone tampon séparant l’Imperium des sinistres Etoiles Fantômes, le sergent Achairas du Chapitre des Death Spectres est sujet à un rêve humide1, qui le pousse à rejoindre la station de recherche de Thirsis 41-Alpha, afin d’investiguer sur les raisons du silence de mauvais augure qui frappe le lieu depuis quelques semaines. Faisant équipe avec l’Inquisiteur Senerbus Astolyev de l’Ordo Xenos et le Magos Explorator Vemek, dont la coopération a permis la mise en place de la station, Achairas a tôt fait de se rendre sur place en compagnie de son escouade et des VIP susnommés, afin de tenter de tirer les choses au clair.

Accueillie par les cadavres mutilés d’une bonne partie du personnel de la station, la fine équipe se perd en conjonctures explicatives et suppositions érudites à même de justifier ce massacre, jusqu’à ce qu’elle tombe dans une embuscade de techno-adeptes un peu trop fans d’Edward au Mains d’Argent au goût de notre taskforce, qui administre aux faquins la paix de l’Empereur avec une brutale efficacité. Cette péripétie permet en tout cas de lever un peu le voile de mystère entourant Thirsis 41-Alpha, les scions corrompus du Mechanicus ayant tous le nom de Llandu Gor aux lèvres (ou aux enceintes, pour les plus tunés d’entre eux). Si on ajoute à cela que la joint venture Mechanisitoriale avait pour mission de percer à jour les secrets d’une construction Xenos vieille de plusieurs millions d’années et constituée d’un métal disposant de capacités auto-régénératrices d’un grand intérêt technologique, il ne fait plus guère de doute pour le lecteur avisé que vous êtes qu’Achairas et Cie ne vont pas tarder à goûter à la proverbiale hospitalité necrontyr, reconnue à sa juste valeur à travers toute la galaxie.

Malheureusement pour nos héros, la mauvaise couverture wifi du secteur de Tharsis les empêche de checker le Lexicanum en temps et en heure, et c’est sans plus d’informations qu’ils pénètrent à l’intérieur de la structure Xenos, cherchant à comprendre la cause de l’activité électromagnétique croissante qui est reportée sur leurs auspex. Accueillis par des ténèbres stygiennes, des dimensions non-euclidiennes, une décoration d’intérieure très clivante, et une gardienne Canoptek aussi insaisissable que tranchante dans ses interventions, les Impériaux doivent de plus composer avec des tensions de plus en plus fortes entre Astolyev et Vemek, le premier soupçonnant le second d’avoir trempé dans l’usurpation de son compte admin, utilisé de manière frauduleuse pour autoriser l’entrée des équipes de recherche dans la structure nécron. Bien que jurant sur le processeur du Fabricateur Général (le serment le plus grave qu’un suivant de l’Omnimessie puisse faire) qu’il n’y est pour rien, Vemek a tout de même trouvé plus prudent de suivre l’expédition par servo-crâne interposé, et ses remarques admiratives à propos du potentiel technologique Xenos, tout autant que son insistance à capturer des spécimens de Roomba V3-Kρον qui semblent servir de service d’entretien2, contribuent à jeter le trouble sur les véritables allégeances du Magos renégat.

Au terme d’une descente éprouvante, les survivants débouchent sur ce qui ne peut être décrit que comme la salle du réacteur, et doivent se rendre à l’évidence : l’édifice était une tombe, la tombe était un vaisseau spatial, et le vaisseau spatial est sur le point de décoller. Résolu à empêcher ce qu’il considère – à raison – comme une nouvelle menace pour l’Imperium de partir folâtrer dans les plates-bandes de Pépé, Achairas convainc l’Inquisiteur de lui prêter la grenade vortex que ce dernier avait intelligemment emmené avec lui (dans le pire des cas, ça peut servir à déboucher les chiottes de l’appart’ d’un pote, et s’éviter ainsi une conversation gênante) et de remonter à la surface pour organiser la riposte de l’Imperium contre ce menaçant OVNI, pendant que lui et ce qu’il reste de son escouade mèneront un baroud d’honneur pour tenter de casser le joint de culasse, saboter la courroie de transmission, sucrer le réservoir, ou tout autre moyen menant à l’immobilisation du véhicule suspect. Cette juste répartition des tâches est toutefois compliquée par l’arrivée impromptue de Vemek et ses skitarii, fervents adeptes de la méthode douce en dépit du peu de succès qu’elle a rencontré jusqu’ici. Ce qui doit arriver arrive, et notre triumvirat impérial implose dans la joie et la bonne humeur, sous le regard inexpressif mais certainement interloqué des Nécrons qui se rassemblent non loin pour mettre fin à la fête.

Laissant Astorlyev et Vemek régler leur querelle de couple de leur côté, Achairas tente une relance depuis ses 22 pour apporter sa sainte grenade en terre promise, bien que les trombes d’eau lui faisant office de bande son indiquent clairement que sa tentative a peu de chance de réussir3. Stoppé dans son élan par un raffut brutal assené par le Seigneur Nécron de garde, le Death Spectre a le chagrin de périr son devoir non accompli, sa grenade s’avérant au final n’être qu’un vulgaire litchi. De son côté, Astorlyev réussit à émerger du tombeau en compagnie de la dernière de ses goons, ayant eu la satisfaction de carbiner au passage Vemek le vil. Profitant de la relative léthargie du croiseur Xenos, qui s’extrait pesamment de sa gangue de roche, l’Inquisiteur parvient à regagner le vaisseau qui l’attend en orbite de Tharsis 41-Alpha, et s’éclipse sans tarder afin d’apporter la mauvaise nouvelle au Segmentum Ultima : they are back.

AVIS:

Soumission plus qu’honorable pour l’ami Drake, qui n’avait pourtant pas choisi la facilité en combinant deux des partis pris les plus tartes à la crème de la littérature 40K : l’utilisation de Space Marines (qui plus est, d’un Chapitre relativement peu connu) comme protagonistes d’une part, et l’exploration d’une Nécropole Nécron d’autre part. Bien que What Wakes In The Dark ne soit pas une expérience littéraire marquante, ce n’est pas non plus le fiasco que tout lecteur familier du catalogue de la BL était en droit de redouter, au vu des nombreuses nouvelles d’un niveau médiocre ayant tenté de capitaliser sur l’un ou l’autre de ces hypothèses au fil des ans. Bien que l’on n’échappe ni aux scènes de baston « Astartes Approved » (efficacité brutale : check ; supériorité par rapport aux humains normaux : check ; capacité à endurer des blessures mortelles : check ; perte occasionnelle pour montrer que l’ennemi est très dangereux : check ; bravoure suicidaire du héros : check), ni au schéma classique d’une excursion dans un sépulcre necrontyr (Phase 1 : « On va se faire un fric dingue avec ces reliques ! » ; Phase 2 : « C’est quoi cette lumière verte qui s’allume tout d’un coup ? » ; Phase 3 : « Macragge, nous avons un prob- »), l’inclusion par Drake d’éléments annexes venant enrichir son propos permettent à ce dernier de sombrer dans l’océan de platitudes bourrino-grimdark dans lequel tant de contributions précédentes ont coulé corps et bien. Citons par exemple la large place dédiée au fluff des Death Spectres, Chapitre de la Fondation Maudite dont le système de gouvernance et la philosophie morbide sont autant d’aspects distinctifs, et donc intéressants, par rapport aux hordes de confréries vanilles bénéficiant de temps à autre d’un coup de projecteur de la part de la Black Library. Autre bon point : la fragile alliance entre un Inquisiteur radical et un Magos renégat, qui permet d’ajouter une dimension thriller au récit lorsqu’il devient évident que l’intérêt des deux parties n’était pas aussi partagé qu’il n’y paraissait. Enfin, l’utilisation du virus Dépeceur du côté des Terminators comateux vient donner une (légère, mais bienvenue) profondeur supplémentaire à ces derniers, dont la sempiternelle perfection mécanique se trouve battue en brèche par les effets débilitants du cadeau d’adieu de ce mauvais joueur de Llandu’Gor. Bref, une nouvelle très correcte pour notre rookie, qui devrait servir à l’instruction des prochaines promotions des bébés BL, histoire de leur montrer comment réussir une « figure imposée » se déroulant dans les ténèbres d’un lointain futur, où il n’y a que la guerre des histoires de Space Marines.

1 : La culture des Death Spectres, confrérie de surhommes passablement pessimistes, voire nihilistes, est profondément marquée par la Rivière Noire d’Occludus (leur monde chapitral), qui sépare les vivants des morts. Le fait que le bureau du Maître du Chapitre se trouve du « mauvais » côté du fleuve est révélateur du rapport très sain que les Spectres entretiennent avec le concept de mortalité. Lorsque leur fin approche, ou lorsqu’une situation potentiellement mortelle se présente, les membres du Chapitres entendent distinctement couler la Rivière Noire au fond de leur esprit.
: Avec autant d’efficacité que leurs contreparties humaines, à savoir qu’ils passent leur temps à tourner en rond en se percutant, et à déplacer la poussière matière d’un point A à un point B au lieu de l’aspirer proprement. Il y a des problèmes si complexes que même les C’Tan ne peuvent les résoudre.
3 : Fun fact : Depuis qu’un problème de fuite d’une chasse d’eau du dortoir des Néophytes Death Spectres a conduit au suicide d’une promotion entière d’aspirants, ayant cru à tort que leur dernière heure était arrivée, le Menrahir a fait installer des toilettes sèches dans la forteresse chapitrale.

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Solace – Lyons :

INTRIGUE:

Séparés du reste de leur régiment et coupés de la civilisation après un accrochage avec des Exodites Eldars refusant obstinément d’évacuer leur ZAD, le Garde de Fer Maximillian Stürm et les survivants de son escouade errent dans la jungle de Silva Proxima, à la recherche d’un endroit sûr pour passer la nuit. Coup de chance pour nos bidasses bien éprouvées, elles tombent au détour d’un bosquet sur un cadavre de Zoneille pendu à une branche (ce qui fait chaud au cœur), signe irréfutable que des gens de bonnes et saines mœurs ne sont pas loin. Et en effet, c’est le petit village de Solace qui se dresse dans une clairière toute proche, bastion d’irréductibles colons résistant encore et toujours à l’envahis… à non, c’est vrai, ce sont eux les envahisseurs. En tout cas, les Solaçois ont semble-t-il trouvé un moyen de tenir en respect leurs acariâtres voisins, ce qui intrigue nos Mordians, mais ne les décourage pas d’accepter l’hospitalité gracieusement offerte par le Magister Gideon Lymax, shérif en titre de la communauté.

Amenés au saloon local pour se remettre de leurs émotions, nos héros font la rencontre de deux autres figures d’importance, le Vieux Jerebeus, qui donnait sa fête d’adieu au même moment, et la jeune Alyce, candide et blonde fillette adoptée par Solace après le décès prématuré de ses géniteurs. Quelque peu fatigués par la dure journée qu’ils viennent de vivre, et ne pouvant de plus pas boire pendant leur service, les Mordians décident d’aller se pieuter sans tarder, et se séparent en deux groupes : les valides avec Stürm, tandis que le Sergent Kramer, blessé par un tir de boule de pétanque « shurikenée », est accompagné à l’office du médecin de Solace par le garde Zolansky (Stürm, Kramer, Zolansky… Mordian, c’est le Märkisch-Oderland en fait). Malgré la fatigue, Max n’arrive pas à trouver le sommeil et décide d’aller rôder en ville pour tenter de percer le secret de la potion magique ayant permis aux habitants de Solace de tenir en respect les Eldars.

Peu habitué aux missions d’infiltration, il se fait toutefois gauler en quelques minutes par une Alyce elle aussi en vadrouille (le couvre-feu est un concept assez vague pour les bonnes gens de Solace), et fermement renvoyé repasser sa capote et cirer ses godillots par un Lymax pas dupe des motivations de son remuant invité. Nullement découragé par ce premier échec, Stürm réussit à localiser l’infirmerie pour faire part à ses camarades de ses suspicions, mais ne peut que constater la disparition de son sergent et le décès de Zolansky (dans les films allemands, c’est toujours les Polonais qui meurent en premier, c’est connu), avant de devoir défendre sa vie contre une bande de Solaciens résolus à garder leurs secrets intacts. Capturé après une brève algarade et placé en cellule de dégrisement, notre héros apprend de la bouche de Lymax que les Mordians vont être utilisés par les locaux dans le cadre d’un pacte mystérieux, expliquant la subsistance du village dans une jungle grouillante d’Eldars. À l’aide d’un chantage au suicide savamment orchestré (vous ne pouvez pas me tuer si je suis déjà mort, na !) et d’un nœud de galère réalisé avec art, Stürm parvient à tromper la vigilance de l’adjoint, et sort de sa geôle à temps pour assister au rituel des Solaçais, avec Kramer dans le rôle du dindon de la farce. À chaque nouvelle lune, un sacrifice doit en effet être réalisé pour renouveler la protection dont bénéficie Solace, et l’arrivée des hommes en bleu de GDF a offert un sursis bienvenu aux candidats au suicide altruiste, le Vieux Jerebeus en tête.

Réalisant qu’il n’a aucune chance de réussir à libérer son supérieur des intentions homicidaires d’une centaine de villageois avec un chargeur de seulement 6 balles (on ne plaisante pas avec l’option maths sur Mordian), il se résout à offrir une mort digne à Kramer… mais le rate. Pas le temps de recharger qu’Alyce, décidément insomniaque, lui tombe sur le râble. Entre le Garde de Fer et la fluette fillette, le combat est bien sûr inégal, l’un des deux se révélant être un psyker de haut niveau. Avant qu’Alyce ne puisse lui sortir le coup du lapin (blanc), Stürm réussit toutefois à ajuster un tir fatal, avec des conséquences aussi définitives pour la mutante, qui passe de l’autre côté du miroir l’arme à gauche aussi sec, que pour le reste des habitants de Solace, soudainement à la merci des intentions monkeighcides des Eldars, qui n’attendaient que ça pour payer à leurs chers voisins une visite de courtoisie. Dans le chaos qui s’ensuit, Stürm arrive trop tard pour sauver son sergent du couteau de Jerebeus, qui voulait voir si l’opération avait une chance de réussir sur un malentendu (avec le Warp, on ne sait jamais), et se prend un pruneau dans le buffet pour la peine. Mis en joue à son tour par un Lymax peiné par la tournure prise par les évènements (on le serait à moins), Max ne doit son salut qu’à l’intervention fortuite d’un surineur Exodite1, laissant notre héros libre de se frayer un chemin jusqu’à ses camarades survivants, et laisser Solace à son triste destin. Il faut choisir ses combats.

AVIS:

Soumission 40K mâtinée de western et de rednecksploitation2, Solace est une variation intéressante proposée par Lyon au format classique de la nouvelle BL, comme The Shadow in the Glass (Hammer & Bolter #16) l’avait été quelques années plus tôt, sur un autre registre (le fantastique pur). Plus que son intrigue (facilement résolue par le lecteur un tant soit peu averti), ses personnages (tous plus ou moins stéréotypés, y compris Alyce, la triplette Apex perdue) ou ses apports en termes de fluff (assez limités), c’est donc son atmosphère particulière qui fait le charme et l’intérêt de cette petite mignardise littéraire, dont Lyons s’avère être un pourvoyeur régulier.

1 : Sous la plume de Lyons, les Zoneilles bénéficient d’une animation à 40K FPS, les rendant quasi indétectables à l’œil nu pour de simples humains. De l’initiative 4 de film d’action !
2 : Le nom de Solace – réconfort – est d’ailleurs sans doute un clin d’œil à Deliverance ­­– …vous allez trouver, je vous fais confiance – , film culte de John Boorman sorti en 1972, dans lequel un quatuor de citadins doivent composer avec une nature et des natifs hostiles lors d’une expédition en canöe.

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The Turn of the Adder – J. C. Stearns :

INTRIGUE:

Turn of the AdderStupeur et tremblements au sein de la Cabale du Lotus Acéré (Bladed Lotus1). Leurs alliées Cérastes du Labyrinthe de Jade ont soudainement fait défection pour rejoindre les rangs des disciples du nouveau Dieu des Morts Eldar, les privant des bénéfices promis par la vente des prises de leurs derniers raids (laisser les femmes marchander pour obtenir les meilleurs prix, ça marche aussi chez les Drukaris) en plus de les faire passer pour des abrutis auprès du tout Commoragh. Le ridicule étant une arme de destruction massive dans la société Eldar Noir, le patriarche de la CLA, K’Shaic, n’a d’autre choix que de déclarer une vendetta expresse et définitive contre les nouvelles converties afin de laver dans le sang l’impardonnable affront. Il peut compter pour celà sur le soutien aussi inconditionnel qu’intéressé – les deux n’étant pas incompatibles – de ses deux fils, Qeine et Naeddre, dont la pas si saine que ça rivalité pour obtenir ses faveurs et se placer en pôle position pour lui planter un klaive dans le dos est une source d’éternel amusement pour le vieil Archonte. Chargeant les deux garnements de libérer le chemin de la place forte ennemie en prenant les deux garnisons défendant l’accès à cette dernière, K’Shaic embarque sur son trimaran de combat et donne rendez-vous aux frangins sur le champ de bataille.

Optant pour le benjamin (Naeddre), Stearns entraîne le lecteur à la suite de ce dernier et de ses troupes alors qu’ils partent à l’assaut des positions Ynnari. Ne pouvant rivaliser avec la richesse, l’influence et le prestige de ses père et frère, Naed’ a choisi de se démarquer en devenant un caïd de banlieue, chevauchant un surf custom à la guerre et recrutant ses suivants parmi la mauvaise société (mais y en a t-il une bonne ?) Drukhari, Hellions en tête. Ces fréquentations plus que limite ne l’empêchent pas de prendre assez facilement pied dans le périmètre ennemi, où il a la surprise de rencontrer des cousins BCBG d’un Vaisseau Monde voisin, venus apporter leur aide aux Cérastes en leur heure de besoin. Ayant proprement trucidé une petite escouade de Rangers dont l’erreur aura été d’amener un fusil de sniper à un combat au couteau, Naeddre constate bientôt, non pas une perturbation dans la force, mais une fadeur suspecte de l’âme de ses victimes, en partie siphonée par une source inconnue avant qu’il n’ait pu en tirer la substantifique moelle. Bizarre autant qu’étrange.

Un peu plus loin, notre punk à Khymeræ, rejoint tant bien que mal par un trio d’Incubes agissant comme ses chaperons sur ordre de son père aimant méfiant, se fait embusquer par un Scorpion Foudroyant prêté lors du mercato d’été par le FC Karandras, dont le prosélytisme manifeste épargne à Naeddre de commencer sa partie d’1 2 3 Slaanesh de manière prématurée. Visiblement plus intéressé par le recrutement d’un jeune cadre dynamique comme notre héros au bénéfice de sa cause que par des préoccupations bassement matérielles telles que la victoire ou la survie, l’affable Scorpion pousse même la gentillesse jusqu’à s’empaler sur sa propre épée tronçonneuse pour démontrer par l’exemple et l’absurde qu’Ynnead est bien capable de capter les âmes de ses suivants avant que la Goulue ne puisse y planter les crocs. Fort aimable de sa part, n’est-ce pas ? Convaincu par cette démonstration imparable, Naeddre, qui entendait lui aussi des voix depuis quelques temps, décide qu’il est temps pour lui de faire son com(moragh)ing out et décrète la fin des hostilités contre les Ynnari, exécutant au passage le dernier Incube financé par son paternel, estimant avec raison que ce dernier n’allait certainement pas approuver son choix2.

La suite et fin de The Turn of the Adder voit Naeddre et ses gangers prendre les forces caballites à revers, ce qu’elles apprécient moyennement, n’en déplaise à la culture populaire et aux blagues potaches des Primaris, au cri de « L’avenir appartient aux Aeldari ». Fureur et balbutiements de la part de K’Shaic, qui n’avait pas vu le coup venir et dégaine sa sandale (électrique) pour corriger le galapiat. Les choses manquent de mal se passer pour notre héros, violemment tasé pendant la passe d’armes et laissé plus tremblant qu’un oscillographe parkisonien par l’expérience, mais son éloquence enfiévrée et son attitude badass ont heureusement convaincu l’une des sous fifres de l’Archonte de rejoindre sa cause, avec des conséquences fâcheuses pour l’intégrité physique de ce dernier. À K’Shaic, à K’Shaic, à K’Shaic ? Aïe aïe aïe. Vainqueur par KO, mais n’ayant pas réussi à empêcher son frère de lui piquer la moitié de la cabale dans l’opération, Naeddre devra désormais trouver les meilleurs moyens de servir sa nouvelle cause, mais ceci est une autre histoire…

AVIS:

Ayant abandonné depuis longtemps le suivi régulier des évolutions du fluff via l’ingestion des parties background des suppléments de jeu publiés par GW, je suis personnellement reconnaissant à Stearns de contribuer à me maintenir un tant soit peu aux prises avec les bouleversements frappant le Sombre Imperium depuis quelques décennies. L’ascension des Ynnari, entre autres choses, m’était ainsi passée au dessus de la pierre esprit, ce qui, avec le recul apporté par la lecture cette nouvelle et de quelques articles du Lexicanum, était plutôt dommage en raison du potentiel fluffique et narratif de cette faction de Zoneilles « unifiés ».

Le principal mérite de The Turn of the Adder est ainsi selon moi de poser et de répondre à deux questions cruciales pour tous ceux s’intéressant un tant soit peu à la condition Eldar au 41ème millénaire, à savoir : « tous les Aeldari ont-ils entendu l’appel d’Ynnead ? », et « est-on sûr que ce nouveau Dieu n’est pas un bon gros clickbait de Slaanesh pour se goinfrer d’âmes candides ? ». Même si le statut de rookie de Stearns doit inciter le lecteur à ne pas graver dans le marbre la vision qu’a JC de ces problèmes, force est de constater que sa démonstration est plutôt convaincante, ce qui est suffisant pour justifier une lecture « académique » de cette nouvelle. À côté de ça, les quelques détails fluff Eldars Noirs à grappilller dans le texte ne gâchent rien non plus, tout comme le potentiel héroïque de Naeddre, qui vaut largement celui d’Yvraine, la nouvelle tête de gondole des personnages nommés Eldars. Affaire à suivre…

1 : Fun fact : Cette cabale tire son nom et sa réputation de cruauté de l’idée de son premier Archonte de dissimuler des lames de rasoir dans les feuilles du papier toilette utilisé par ses ennemis.
2 : Et il fait bien de tirer avant de discuter, au vu du faible niveau rhétorique du gorille en question, adepte décomplexé du « c’est celui qui dit qui y est ». Pathétique.

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The Unsung War –  D. Annandale :

INTRIGUE:

The Unsung WarAnnandale propose un huis clos entre trois factions de 40K dans les entrailles du vaisseau impérial Summons of Faith. À ma droite, l’équipage du cargo, partageant tous une élégante calvitie et hébergeant gracieusement un gang de voleurs de Gênes. À ma gauche, une cabale Drukhari qui faisait du stop le long de l’Immaterium et a sournoisement investi les lieux quand le pilote du SoF a dû ralentir pour négocier un virage en épingle (tout est possible dans le Warp). Et au milieu de ce conflit latent entre propriétaires et locataires, trois honnêtes citoyens de l’Imperium, auxquels il reviendra la lourde tâche de calmer les ardeurs belliqueuses de leurs compagnons de croisière : Sebastia Hoven, alias le Rat (ou la Rat(t)e, l’anglais n’est pas clair à ce sujet), SDF kleptomane dont le plan de carrière a jusqu’ici consisté à passer incognito de vaisseau en vaisseau en volant et revendant des cure dents et du papier toilette au passage, et les frères Bogdanov du 41ème millénaire, c’est-à-dire le sergent Primaris Ultramarines Aetius et son sous-fifre Calenus, derniers rescapés d’une escouade d’Intercessors ayant eu le malheur de se lancer dans la purge du Summons of Faith au moment de l’arrivée impromptue des Eldars Noirs, et s’étant retrouvée dépassée par la tournure des évènements.

Notre histoire commence par la libération des deux Über Schtroumpfs par une Hoven dont la capacité à ouvrir des portes et à se matérialiser à côté des consoles de contrôle de manière aussi infaillible qu’instantanée jouera un grand rôle tout au long de la nouvelle. Terrifiée à égales mesures par les groupies de la Grande Dévoreuse et ceux de la Grande Avaleuse, la Rate, qui a assisté à la défaite et la capture des Ultramarines, décide en effet de la jouer comme Guilliman, comptant sur les gros biscotos de Cubitus et Jean-Claude Dusse pour la tirer d’affaire. Sitôt libérés de la cale où leurs geôliers les avaient remisés, et ayant repris possession de leurs fidèles carabolters (obligeamment localisés par une Rate décidément très bien informée), Rambo et son frère mettent au point une stratégie pour triompher de leurs adversaires malgré le très net désavantage numérique avec lequel ils doivent composer. Leur plan, d’une imparable simplicité, consiste à libérer l’équipage et leurs mascottes Xenos, eux aussi confinés dans la soute après le putsch des Drukhari, et de profiter de l’explication de texte qui ne manquera pas de s’en suivre pour achever les survivants de l’algarade.

Joignant l’action à la réflexion, Olibrius et Cirque Arlette Grüss pètent quelques cloisons à coups de bombes à fusion et partent s’embusquer à proximité de la salle de commandement. Ils n’ont pas à attendre longtemps avant qu’une horde de chauves, pas vraiment souriants, ne fasse son arrivée sur les lieux, insulte à la lèvre et acte d’expulsion à la main. En face, les scions de Commoragh, guère disposés à quitter leur Blablacar avant d’être arrivés à bon port, ont d’abord la partie facile, mais l’arrivée opportune de Château Petrus et Canal + et leur ciblage exclusif des Drukhari, ont tôt fait de rétablir l’équilibre des forces. Experts consommés du micromanagement en STR, sans doute grâce à toutes ces soirées passées en LAN sur Starcraft III, nos héros s’assurent qu’aucun camp ne prenne un trop grand ascendant sur l’autre, et retournent leurs vestes (énergétiques) avec un art consommé, ce qui ne les empêche pas de se retrouver en difficulté lorsque Papi Eugène Stiller (beaucoup moins sympa que son arrière-grand-père Ben) décide de passer une tête, puis un bras, puis deux, puis tous, à travers l’intégrité physique des galopins qui tourmentent sa smala. Littéralement éreinté par les fougueuses attentions du One-Man Chauve, Aetius doit se résoudre à jouer son joker (énergétique) pour mettre fin à la partie : à son appel plein de mâles accents, la Rate se téléporte sur le pont, et appuie sur le bouton « toit ouvrant » de la console. Même si on peut se demander pourquoi une option aussi incongrue avait été prise par le commanditaire du Summons of Faith (sans doute une petite mamie du Segmentum Obscurus abusée par un télévendeur peu scrupuleux), force est de constater que le résultat est des plus spectaculaires : comme dans la conclusion de la moitié des films de la série Alien, les odieux antagonistes sont catapultés dans les profondeurs stygiennes et glacées de l’espace infini, laissant nos héros seuls maîtres de la situation1. Hosanna, Magnificat et Biscopea, loué soit Lampe Erreur.

AVIS:

Les hasards de la vie ont fait que The Unsung War a été ma première rencontre littéraire avec les Space Marines Primaris. Après des dizaines de romans et nouvelles à la gloire du « simple » Space Marine lus au fil des ans, j’étais curieux de découvrir le traitement réservé par la Black Library au grand cousin de la tête de gondole de Games Workshop. Tout l’enjeu, de mon point de vue, était de montrer à la fois la proximité et l’altérité de ces deux versions du même modèle, comme cela avait été fait (parfois) entre Astartes « trentistes » et « quarantistes » via les publications de l’Hérésie d’Horus (voir par exemple Bloodline de James Swallow). Présentés dans les Codex et suppléments comme des Super Marines, plus grands, plus forts, plus résistants, mieux armés et équipés que leurs petits frères, les Primaris ne seraient-ils qu’un simple upgrade de ces derniers, ou une différence peut-elle également se percevoir au niveau psychologique (ce qui serait beaucoup plus intéressant que trois organes surnuméraires et un bolter qui tire plus loin, dans l’absolu) ? Dire que je préfère réserver mon jugement définitif sur la question après avoir pu lire d’autres travaux que celui du sieur Annandale suffit je pense à vous donner une idée de ce que j’ai pensé de sa soumission. Comment expliquer ces débuts poussifs ?

À mon sens, c’est la compréhension même d’Annandale de ce qu’est un Astartes (goût vanille ou goût stéroïdes) qui a pêché, état de fait à partir duquel il n’était tout simplement pas possible de bâtir quelque chose de correct. Sans connaître à fond le corpus du bonhomme (mis à part The Carrion Anthem Hammer & Bolter #11, guère folichon il faut le reconnaître, et au cours duquel il s’était déjà illustré par une utilisation assez contrintuitive du fluff établi), ce que j’ai pu lire dans The Unsung War ne le qualifie pas comme docteur es Spacemarinologie. D’un point de vue physique, tout d’abord, les héros d’Annadale se révèlent assez inconstants, capables de tenir tête à un Patriarche Genestealer à un moment, et infoutu de tenir en respect une doublette de Cérastes sans se faire perforer les poumons (et même s’ils en ont trois, ce n’est jamais agréable) à un autre. Leur plus haut fait d’armes de la nouvelle restera d’ailleurs le massacre de quelques serviteurs de réparation lobotomisés, seuls ennemis contre lesquels un clean sheet sera préservé. On remarquera également la non-utilisation des glandes de Betcher par Aetius et Calenus en début de récit, pourtant placés par l’auteur dans une situation (enfermés, désarmés mais laissés sans surveillance) où le recours à cet organe kikoolol était tout indiqué par le Codex.

C’est cependant au niveau mental que les Primaris d’Annadale détonnent le plus. Leur manque cruellement le fanatisme propre aux Astartes, qui aurait pu être moindre que celui des Space Marines classiques, formatés par dix millénaires de lutte implacable pour la survie de l’humanité, quand une certaine « candeur » de la part des nouveaux-venus Primaris n’aurait pas été déplacée, mais pas totalement absent tel qu’il semble l’être dans The Unsung War. Car c’est bien simple, à aucun moment Annandale ne parvient à faire transparaître un tant soit peu de zèle chez ses protagonistes, préférant l’approche scientifique (« il y a trop de variables en jeu pour pouvoir calculer nos chances de succès »), pince sans rire (« ils n’ont pas aimé ça » « alors ils aimeront encore moins ça ») ou fataliste (« laissons-nous mourir de froid dans l’espace au lieu de chercher à rejoindre la capsule d’évacuation et nous mettre en catalepsie pour ralentir l’action des toxines Drukhari, dans l’espoir que nous soyons retrouvés par le Chapitre »). Ajoutez à cela une nette propension de l’auteur de faire parler ses Ultras pour ne rien leur faire dire d’intéressant, et vous obtenez un honnête script de série B d’action, ce qui est un franc gâchis du potentiel intrinsèque de 40K en termes de construction narrative. Finalement, il n’y a que la Rate qui vienne (un peu) relever le niveau du casting, et encore, seulement lors de son introduction par Annandale, qui met en lumière un aspect intéressant, mais assez peu exploité par les auteurs de la BL (Ancient History d’Andy Chambers étant l’une des rares – à ma connaissance – exception à cette règle) du 41ème millénaire : la vie des milliards de serfs navaux (à ne pas confondre avec les cerfs-volants) nécessaires au bon fonctionnement de la flotte impériale. Malheureusement, une fois la libération des Primaris acquise, notre sympathique rongeur sortira largement du cadre, et ne fera plus office que de Deus Rattus ex Machina1 par la suite.

Enfin, on peut aussi s’amuser à relever quelques bourdes éparses de la part d’un Annandale qui faute tantôt par manque de cohérence (comme ces cultistes qu’il présente comme soucieux de reprendre le pont sans l’endommager… et qui arrosent les Drukhari au lance-missile), tantôt par manque de connaissance nerdique (c’est bien beau de mentionner les points de Geller, mais si c’est pour permettre l’abordage d’un vaisseau par un autre pendant qu’ils sont dans le Warp, ça ne relève pas vraiment le niveau). Parfois, tirer sur l’ambulance est le meilleur moyen d’abréger les souffrances d’un patient condamné.

Finalement, The Unsung War n’a pas grand-chose à apporter au lecteur que quelques scènes d’actions potables dans lesquelles figurent des Space Marines, qui se trouvent être des Primaris. Comme ce type de littérature se ramasse à la pelle dans les publications BL, on ne peut pas dire que cette soumission ait un quelconque intérêt, aficionados d’Annandale exceptés. Vous valez mieux que ça, ami lecteur.

1 : Grâce à leurs semelles magnétiques pour Carte à Puce et Ingérence Russe, et grâce à un trou de ver scénaristique pour la Rate, qui s’est glissée dans des passages bien plus étroits dans sa jeunesse, merci pour elle.
2 : On peut se demander, si on veut vraiment pousser le Dav’ dans ses retranchements de scénariste, pourquoi les Primaris se sont embêtés à participer à la baston sur le pont du Summons of Faith, une fois les cultistes sortis de leur quarantaine forcée. Il leur suffisait d’attendre que la Battle Royale soit engagée pour envoyer Hamtaro appuyer sur le bon bouton, au plus fort des combats.

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No Hero – P. McLean :

INTRIGUE:

Engagé dans une campagne désastreuse contre les Orks sur le monde jungle de Vardan IV, le 45ème Reslian reçoit l’ordre tant attendu de l’évacuation du redéploiement de la part du haut commandement, au grand soulagement de notre narrateur (surnommé Boy par ses camarades, peut-être à cause de son jeune âge – 19 ans – mais plus sûrement parce qu’il doit s’appeler Georges) et de ses comparses de la compagnie D. Cette dernière joue cependant de malchance lorsque la Valkyrie-taxi qui devait les transporter jusqu’au spatioport survole une bande de Frimeurs peu fans de Wagner, qui ont tôt fait de transformée la chevauchée en concassée. Ayant survécu au crash avec une poignée d’autres Gardes, Georges entame sans grand enthousiasme son « Rendez-Vous en Terre Inconnue » personnel, les petits aléas de ce genre de trek (chaleur étouffante, pluie constante, boue omniprésente, faune agressive, pièges à cons à base de grenades, scouts incompétents, blagues lourdingues de Frédéric Lopez…) ayant tôt fait de lui courir sur le haricot. Le comble est atteint lorsque nos Mike Horn en herbe se retrouvent embusqués par quelques éclaireurs Orks, rencontre pas vraiment amicale, qui verra toutefois la brute du groupe (Lopata) s’illustrer en un contre un face à un adversaire de son gabarit. Après toutes ces avanies, c’est avec un soulagement non feint que l’ultime quatuor de survivants finit par débouler, de manière totalement fortuite, sur un village humain perdu au milieu de rien. Joie. Ayant abandonné tout espoir d’être secouru par leurs frères d’armes (car la Garde meurt mais ne se rend pas à Ban Kha – en même temps, c’est loin –), les Reslians décident de défendre leurs hôtes jusqu’à la mort… avant de changer d’avis lorsqu’une Valkyrie se décide à pointer le bout de son fuselage. À quoi tient l’héroïsme désintéressé de nos jours, je vous jure. Alerté par un tir de fusée de détresse, l’appareil se pose et repart aussi sec avec nos héros. Tous ? Non. Tel l’irréductible gaulois qui fut peut-être son lointain aïeul, Georges a décidé d’honorer son serment, et est donc resté sur place, prêt à donner sa vie pour la défense de cette insignifiante communauté humaine. En tant que Garde Impérial, pouvait-il faire autrement1 ?

AVIS:

No Hero est une publication intéressante à plus d’un titre. Le choix de McLean d’utiliser la première personne pour relater son récit, choix assez peu usité par les auteurs de la BL, apporte une fraîcheur indéniable à l’exercice, et son style dénote également assez fortement des canons habituels, sans qu’il me soit possible de mettre le doigt sur une caractéristique particulièrement distinctive de ce dernier. C’est tout simplement différent à la lecture, sans que cette variation soit rédhibitoire, et c’est donc assez appréciable. Logique, me direz-vous, pour une revue comme Inferno!, qui publie les travaux de nouveaux venus, pas forcément imprégné (encore) du « BL-style » que l’on retrouve assez largement dans le corpus de la maison d’édition. D’autant plus logique que Peter McLean, présenté dans l’introduction de No Hero comme un auteur établi, dispose d’un pedigree déjà assez fourni (séries War for the Rose Throne et Burned Man). Ce n’est pas de l’Asimov ou du Lovecraft, certes, mais ce n’est pas du McNeill ou du Kyme non plus, et c’est déjà pas mal.

On peut également créditer McLean de quelques efforts en matière de character development, en particulier pour le personnage de Lopata, dont la dualité, progressivement révélée (il commence comme un pseudo Bragg, il finit comme lookalike Gilbear) ajoute du piment à l’intrigue. Sur un format aussi court, l’effet ne joue certes pas à plein, mais cette capacité à approfondir ses personnages est un bon point indéniable pour McLean, à garder en tête si le sieur se lance dans des travaux plus conséquents pour le compte de la Black Library.

À côté de cela, le propos couvert dans cette nouvelle est d’une banalité assez consommée, et donc guère mémorable pour lui-même. Le canevas du groupe de Gardes Impériaux en perdition sur un monde jungle hostile n’est en rien inédit (et on peut remonter jusqu’au Devil’s Marauders de Bill King – 1990, tout de même – pour s’en convaincre), et si l’approche « Platoonesque » choisie par McLean ajoute un peu de singularité à l’ensemble, un scénario un peu plus original n’aurait pas desservi la nouvelle, loin de là. Bref, une première soumission respectable, mais perfectible, qui m’a donné l’envie de pratiquer à nouveau le bonhomme à l’occasion, afin de voir comment il a transformé l’essai.

1 : Ce n’est pas pour jouer les rabat-joie, mais il est quasiment certain qu’il est plus bénéfique pour l’Imperium de récupérer un soldat, qui pourra être redéployé sur un autre champ de bataille et contribuer de cette façon à l’effort de guerre, plutôt que de retarder de 0,0000000000001% l’avancée d’une horde Orks grâce au sacrifice dudit soldat. Comme quoi Georges aurait dû accepter de retaper sa 3ème SEGPA et persévérer dans ses études plutôt que de s’engager dans la Garde. Stay in school kiddos.

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The Emperor’s Wrath – S. B. Fischer :

INTRIGUE:

Sur l’agrimonde d’Halcyon, Caius et ses jeunes frère et sœur Remus et Rhea, laissés orphelins par le meurtre de leurs parents dix ans plus tôt par une milice pas très Charlie baptisée la Fureur de l’Empereur (The Emperor’s Wrath), cherchent à s’exfiltrer discrètement à la suite de l’arrivée en orbite d’une flotte impériale. Animé, et c’est compréhensible, d’une haine farouche envers l’Imperium, qu’il tient responsable de ses malheurs, Caius compte sur ses relations avec un trafiquant notoire possédant un vaisseau à même de percer le blocus impérial (non, ce n’est pas Han Solo) pour fausser une fois pour toute compagnie aux sbires de Pépé. Manque de bol, le trio arrive trop tard dans la planque du contrebandier, et est accueilli par le cadavre de ce dernier et de son équipage, avant que Caius ne fasse connaissance avec la crosse d’un fusil laser et se réveille attaché à une caisse et tout prêt à subir lui-aussi la fureur2 de l’Empereur.

Sauvé par l’arrivée opportune d’une escouade de survivants du 1109ème Cadien, qui a tôt fait de renvoyer les amateurs de la FdE à leurs chères études, Caius, d’abord franchement hostile envers ses bienfaiteurs du fait de leur allégeance au Trône de Terra, a la surprise d’apprendre que ces derniers sont des frères d’armes de son défunt paternel (l’Imperium est un village, vraiment), et qu’ils sont sur place pour reprendre la planète aux vilains Furieux, qui malgré leur nom ne sont autres qu’une faction chaotique. 30 ans de thérapie en perspective pour notre héros, qui réalise que l’Empereur est finalement le gentil de l’histoire, en contradiction avec ce qu’il avait cru pendant toute sa vie. Heckin bamboozled. Par solidarité envers les rejetons d’un ancien camarade, les Cadiens acceptent obligeamment de prendre la marmaille sous leur aile et de les accompagner jusqu’au spatioport d’Halcyon, où ils pourront être évacués vers une planète plus funky. Cependant, la route jusqu’à la fin du niveau ne sera pas une promenade de santé, d’autant plus que l’Empereur semble être bel et bien présent sur Halcyon, et qu’il est effectivement plutôt énervé…

AVIS:

Introduite comme une réflexion habile sur la manière dont les croyances et idéaux d’un individu peuvent et doivent être mis en perspective de la compréhension, parfois limitée, que ce dernier a de sa situation (tournure alambiquée #1), The Emperor’s Wrath rencontre beaucoup de difficultés à honorer cette promesse, et se contente pour la majeure part d’être une banale nouvelle de GI Joe(s) vs cultistes pas bô. Le mètre étalon en la matière restant le gars Abnett et ses Fantômes de Gaunt, dont Fischer s’inspire de façon peu inspirée (un comble), le lecteur vétéran de la BL ne trouvera guère d’intérêt dans cette nième resucée d’un topos éculé de la littérature 40Kesque (tournure alambiquée #2). Il aurait été à mon avis plus intéressant de limiter la partie action pure et dure de la nouvelle à sa portion congrue, et dédier le gros de cette dernière à la confrontation de points de vue entre un Caius méprisant l’Imperium pour les mauvaises raisons, et découvrant peut-être de meilleurs motifs d’ire au contact des survivants de Cadia, et le prosélytisme impérial, peut-être un peu ébranlé par le destin de leur monde, mais toujours chevillé au corps, de ces derniers (ouaaaaais, le hat trick des tournures alambiquées!). McNeill avait, de l’opinion générale (je n’ai pas, au moment de l’écriture de ces lignes, lu le bouzin) plutôt réussi son coup avec cette approche “intellectuelle” dans The Last Church, développement d’une idée somme toute assez proche de celle servant d’argument à The Emperor’s Wrath: il y avait à mon avis largement la place pour Fischer de s’inscrire dans cette logique. Ce n’a pas été le cas, tant pis.

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The Enemy of my Enemy – N. Crowley :

INTRIGUE:

Embourbé, dans tous les sens du terme, dans une guerre de positions stérile contre une pugnace Waaagh ! ork, le VIIIème régiment de Mystras, commandé par le général Nestor Pyrrhus, doit composer avec l’arrivée imminente d’une flotte ruche tyranide sur la planète minière de Cavernam Tertius. Ne pouvant compter sur aucun renfort impérial pour l’aider à défendre son caillou de troisième ordre, Pyrrhus décide d’offrir une alliance à son homologue, le colonel Taktikus, dans l’espoir que la combinaison du génie tactique et technologique des humains et de la sauvagerie et des innombrables effectifs des peaux vertes se révèle suffisante pour repousser les funestes locustes. Ayant convaincu Taktikus de coopérer, ce qui est déjà une victoire en tant que tel, Pyrrhus s’emploie ensuite à coordonner l’action de la coalition, qui, malgré des pertes importantes, parvient à tenir en respect les essaims de criquets jusqu’à ce qu’une chance de victoire se dessine à l’horizon. Ayant pris soin de laisser ses alliés encaisser les plus féroces assauts tyranides, le roué Pyrrhus subodore, à juste à titre, avoir la possibilité de joindre l’utile à l’agréable et de porter son xenocide au carré, en laissant les dernières forces orks et tyranides se compter fleurette sur le pré pendant que la Garde compterait, elle, les points. Mais ce faisant, ne sous-estimerait-il pas dangereusement la ruse bestiale de son allié de fortune ?

AVIS:

L’école « humoristique » de la BL compte désormais un nouvel adepte, le rookie Nate Crowley, dont la première publication s’inscrit dans la droite ligne des travaux d’Andy Jones et Sandy Mitchell, pour citer deux des figures de ce groupuscule. Jamais les derniers dès qu’il s’agit d’apporter un peu de gaudriole au futur nihilistico-millitariste de GW, ces boutes en train d’Orks étaient une valeur sûre à inclure au casting. Face à eux, et porteurs d’un autre style de comique, les nervis du général Nestor Pyhrrus cherchent à se convaincre qu’ils ne sont pas le squigon de la farce, la soudaine coopération d’un ennemi décennal, et totalement Xenos qui plus est, étant perçue comme hautement suspecte par les plus zélés des Mystrasiens. Pour le reste, The Enemy of my Enemy ne changera pas votre vision de 40K, la forme l’emportant assez nettement sur le fond.

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The First Daughter – F. Wiltgren :

INTRIGUE:

Dans les ténèbres d’un lointain futur, la misogynie reste un fléau persistant, comme peut en témoigner la Lieutenant Ekaterina Idra, officier au sein du 86ème Vostroyan. Aînée d’un voyarin n’ayant eu que de filles, et trop d’amour propre pour accepter la disgrâce que constituerait une non-participation de sa lignée à la levée impériale, Kat, telle une Mulan steam-punk de Sibérie, s’est engagée dans la Garde Impériale, et a enduré depuis des tombereaux de mufleries. La campagne de Tovoga va toutefois lui changer agréablement de son morne, si dangereux, quotidien, en lui donnant l’occasion de combattre aux côtés d’un de ses héros, le Major Jorun Haskel en personne. Encore plus alpha que Vladimir Poutine chevauchant un ours dans le soleil couchant, Haskel est l’incarnation même de l’âme indomptable de Vostroya, un guerrier accompli maniant une relique clinquante et auréolé d’innombrables hauts faits guerriers, en plus de touffes de cheveux gras sous un chako pelé (ce qui ne fait que renforcer son charisme). Les hasards de la guerre ayant voulu que la section motorisée de Kat soit dans le coin au moment où le 262ème de Haskel enquillait une attaque en règle des traîtres Tovogans, c’est à Idra que revient l’insigne honneur de secourir les survivants de l’assaut, ce qu’elle fait avec compétence et distinction.

Elle ne tarde cependant pas à découvrir que son idole n’est pas sans avoir ses propres défauts, à commencer par une légère, mais néanmoins fâcheuse, tendance à fOnCeR dAnS lE tAs CoMmE uN ImMoNdE bOuRrIn, sans guère de considération pour les plus élémentaires notions de stratégie, ou pour les chances de survie de ses hommes. Ditto cette attaque frontale contre un adversaire plus nombreux et mieux armé que les Vostroyens, victoire coûteuse en vies impériales, mais victoire tout de même, arrachée de haute lutte par Haskel et son indomptable pénis foi en l’Empereur. Plus tard, alors qu’elle rumine sa déception de retour au campement, elle apprend que sa section, déjà bien affaiblie par la rigueur des combats, est réquisitionnée pour une opération des plus risquées : attirer une compagnie de rebelles dans la cité de Dolemino, et la tenir en respect assez longtemps pour permettre au reste du régiment de prendre les hérétiques en tenailles. Idée géniale, signée J.H. Résignée à faire son devoir, Kat mène donc ses hommes au contact de l’ennemi… qui se révèle être bien plus nombreux que prévu, ce qui ne fait évidemment pas les affaires de nos flegmatiques ruskoffs. Dans la mêlée qui s’ensuit, notre héroïne parvient une nouvelle fois à sauver les meubles, perdant au passage la majeure partie de ses soldats, tandis qu’un Haskel totalement berserk et de plus en plus dentu (si si) se charge de remporter la bataille sous le poids de sa paire de c……. du nombre. Kelôm.

Survivante bien amochée d’une nuit de combat intense, Idra sort du coltar à temps pour recevoir un sinistre debriefing de la part de son second : le régiment réduit à mi-force, la quasi-totalité du cadre de commandement passée en pertes et profits, Haskel seul aux commandes et bien décidé à finir le job sans pitié, sans support et sans attendre. Le temps de re-sombrer à nouveau dans un coma réparateur, la voilà réveillée par son officier de liaison, porteur de mauvaises nouvelles (c’est une constante, décidément) : les Vostroyens ont été trahis et sont piégés dans les ruines de Dolemino, sans espoir de renforts dans les heures à venir. Ni один, ni два, Idra embarque les plus mobiles des invalides de l’infirmerie au secours de leurs frères d’armes. Moults combats. Beaucoup violence. Très héroïsme. Wow. Finalement, arrive ce qui doit arriver, c’est à dire l’ultime combat entre Kat et Haskel, qui se révèle possédé par un démon de Khorne à la dentition de Fernandel et à la répartie d’Eric Zemmour, combinaison mortelle s’il en est, ce qui n’empêche pas notre héroïne de prévaloir, pour la plus grande gloire du camarade Staline et de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques de Pépé. Nous quittons le Lieutenan Idra sur un dernier échange avec son mentor, le sage et équitable Capitaine Twarienko, qui se met à rêver, non pas d’une galaxie en paix, ce serait hérétique, mais d’un âge prochain où les femmes de Vostroya auraient tout autant le droit que les hommes d’aller se faire tuer au service de l’Imperium. Après tout, avec des exemples positifs comme celui de Kat, tout est possible. Bref, osez le féminisme.

AVIS:

Copie plus que convenable pour la recrue Wiltgren, guère novatrice dans son approche mais solidement bâtie. L’ajout de passages en flashback, entrecoupant l’intrigue principale et éclairant le lecteur sur le passif, assez chargé, de Miss Idra avant les évènements de Tovoga, relève The First Daughter de façon sympathique, en plus de démontrer que le petit Filip est capable de manier sa barque, ou plutôt son stylo, de manière plus aboutie que bien des aspirants à la BL. Allons jusqu’à reconnaître que le gars Abnett était d’un niveau sensiblement similaire lors de ses premiers travaux Ghostiens, et vous aurez une idée du potentiel que je choisis de placer sur les frêles épaules de ce newbie. Reste à voir si l’approche Social Justice Warrior (assez peu courante au pays des bolters) de Mister Wilgren relevait du one-shot ou est un trait caractéristique de son style. Je ne juge pas, hein, je constate, et je m’interroge. Critico ergo sum.

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Mercy – D. Ware :

INTRIGUE:

Sur le monde de Lautis, isolé dans l’arrière-pays de l’Ultima Segmentus, une escouade de Sœurs de Bataille de l’Ordre de la Rose de Sang menée par la Sœur Supérieure Augusta Santorus explore les ruines d’une cathédrale impériale, peut-être dédiée à Sainte Mina, et peut-être dédiée à Saint Maclou (qui peut dire ?), à la recherche de… quelque chose. Escortées par un missionnaire de l’Ecclésiarchie (Lysimachus Tanichus), ayant pris sur lui de ranimer la flame de la foi en l’Empereur parmi la plèbe locale après des siècles d’isolement et d’obscurantisme, l’Adeptus Sororita s’est en effet lancé dans une quête aussi pressante que floue pour une statue pouvant être liée aux origines de l’Ordre. On ne saura jamais pourquoi l’identification du patrimoine sacré constitue une priorité telle pour les membres de la Rose de Sang, mais toujours est-il que nos intrépides sistas se retrouvent fort dépourvues quand la Waaagh ! locale fut venue.

Coincées dans les ruines de la maison de Pépé (Question : peut-on considérer les temples impériaux comme des Ehpads, de ce fait ?), Santorus et ses sous-fifres optent alors pour un dernier carré héroïque et commencent à arroser les peaux vertes de bolts et d’imprécations en Haut Gothique, avec des effets spectaculaires, tant sur les effectifs de la horde ork que sur la culture générale du lecteur. Las, cela ne suffit pas à décourager les belliqueux Xenos de forcer l’entrée du lieu saint sous le seul poids du nombre, forçant les fifilles survivantes à, je vous le donne en mille, engager les brutes au corps à corps. Et pas n’importe comment, qui plus est : à mains nues. Oui, vous avez bien lu, ô incrédules lecteurs : c’est bien à coup de poing et de pied (pas de crépage de chignon possible avec les Orks malheureusement) que Santorus et consœurs tombent sur le râble, plutôt costaud, des aliens mécréants. Et le meilleur dans tout ça, c’est qu’elles leur mettent une énorme race, à l’image d’une Sœur Supérieure déchainée et tenant facilement tête à un Warboss Blood Axe, avec et sans arme. Pourquoi avoir des progénoïdes quand on peut avoir des stéroïdes ?

Les Orks finalement mis en déroute, et leur chef exécuté d’un bolt en pleine tête après un sommaire interrogatoire ayant permis de mettre à jour la duplicité de ce traître de Tanichus (c’est un nom de fourbe, je l’ai toujours dit), il est temps pour Augusta de (se) rendre justice afin des réparer les torts subis (une Soeur décédée d’allergie à la grenade, et quatre permanentes totalement ruinées). Guidée par une inspiration soudaine, et sans doute divine, elle décrète donc la mort du félon, ignorant ses piteuses justifications pseudo humanitaires, et l’annexion de Lautis au sein du protectorat de l’Ordre. Pourquoi ? Parce que. The end.

AVIS:

Que garder de Mercy, première soumission de la newbie Dannie Ware pour la Black Library ? Pas grand-chose, malheureusement. Sur le fond, l’intrigue proposée tient en une demi-ligne (attention, vous êtes prêts ? “Sistas versus Orks dans une cathédrale”. Ta-daaaaa!), et le “twist” final gardé en réserve par l’auteur tombe tellement à plat qu’on aurait même du mal à le considérer comme tel. Que Tanichus ait mené son escorte dans un piège, soit. Mais apprendre que la motivation profonde des Orks, et la raison pour laquelle ils ont accepté la proposition du missionnaire, est la récupération des armes d’une pauvre escouade de cinq Sororitas, no way. L’histoire a beau se dérouler dans l’Ultima profond, plus cheap que ça, c’est fouiller les poubelles des colons locaux pour récupérer les bouteilles d’amasec consignées au Simply Market du coin. Respectez-vous tout de même, Messieurs les peaux vertes.

Sur la forme, on aura bien du mal à pardonner à Ware les libertés qu’elle prend avec quelques principes fondateurs et porteurs du fluff de GW, au premier du rang duquel on trouve l’axiome : “Les Orks sont des forces de la nature”. Faire triompher une escouade de Space Marines d’Assaut vétérans d’une empoignade contre ce type d’adversaires, pourquoi pas (et encore). Mais une poignée de Sœurs de Bataille qui tatane comme qui rigole dix fois leur nombre et cent fois leur poids en géants verts, sans subir une seule perte dans le feu de l’action, et en recourant à des prises de catch histoire de faire kwioul, non merci. Ajoutez à cela un character development aux abonnés absents et quelques incongruités (comme une statue disposée de telle façon à ce qu’elle soit tournée vers Sainte Terra… donc vers l’Ouest-Sud-Ouest, c’est bien connu) sans conséquences pour le récit mais pas pour la crédibilité de ce dernier, et vous obtenez une nouvelle à remiser dans le fond des cartons du second choix de la BL. Mercy ? Sans façons.

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Sans surprise, on peut donc conclure que cet Inferno! A Warhammer 40,000 Collection souffle le chaud (logique) et le froid (moins logique) en termes de contenu : un constat s’appliquant à l’écrasante majorité des recueils de la Black Library, mais qui ne demeure pas moins vrai. A titre personnel, et en tant que fan de longue date du format et de la ligne éditoriale d’Inferno !, je trouve que cette bundlisation sans âme ni valeur ajoutée constitue une faute de goût de la part des éditeurs de la BL, qui y ont sans doute vu l’occasion de vendre quelques bouquins de plus à très peu de frais. Comme ils l’ont fait à un prix très abordable, je ne leur en tiens pas grande rigueur, mais aurais tout de même préféré qu’ils se consacrent à la publication de nouveaux numéros plutôt qu’à celle de ce qui ressemble fort à un enterrement de première classe d’Inferno ! Jr. J’espère que la sortie du #7 viendra me faire ravaler ces présages de mauvais augure, cependant. Until we meet again…

INFERNO! [N°4]

Bonjour et bienvenue dans la critique du quatrième numéro d’Inferno! nouvelle mouture ! Nous voilà, à peu de choses près, un an après le retour du mythique bi-mensuel de GW-fiction, transformé en anthologies de nouvelles à sortie trimestrielle. Un an, soit quatre numéros, c’est certes court pour tirer des conclusions définitives sur la pérennité de cette réincarnation, mais suffisant pour faire quelques retours sur cette nouvelle expérimentation de la BL, qui n’avait pas été convaincue par le format Hammer & Bolter (2011 – 2013), puisque ce webzine avait été stoppé après un peu plus de deux ans de publications. Quel sera le destin de ce nouvel Inferno !, il est encore trop tôt pour le dire, même si l’on sait déjà qu’un numéro 5 est sur les rails. Sachez également que, de l’aveu même des éditeurs de la BL, ce quatrième tome est le plus conséquent de tous, ce qui est un signe plutôt positif à mon avis.

Sommaire Inferno!#4'

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Le cap des un an permet également de jauger de la progression de quelques-uns des contributeurs de la Black Library ayant commencé leur service pour la maison d’édition de Nottingham dans ces mêmes pages. Nous assistons en effet au retour de certains de ces rookies, et pourrons déterminer de façon éminemment juste, fiable et objective (vous me connaissez), s’ils se sont maintenus/mis sur la bonne voie, ou bien s’il leur reste des efforts à consentir pour aboutir à des résultats intéressants. Ici, ce seront donc Filip Wiltgren, Thomas Parrott et Jamie Crisalli qui passeront sur le grill, nos trois auteurs signant tous leurs deuxièmes publications pour la BL dans les pages de ce numéro 4. Un peu plus familiers du lecteur, mais encore relativement neufs dans l’écurie, on pourra également s’intéresser à la suite du parcours d’Edoardo Albert, Eric Gregory et J. C. Stearns, et assister aux débuts de Denny Flowers, contributeurs n’ayant pas encore atteint le grade de « romancier » pour le compte de la Black Library. Mike Brooks, qui a lui passé ce stade assez récemment, aura l’honneur d’une double participation, avec la nouvelle au titre le plus inventif de toute l’histoire d’Inferno ! pour commencer, et un extrait du roman en question (Rites of Passage) dans un second temps. La position de Nick Horth est assez similaire, même si notre homme ne pourra se flatter que d’une seule nouvelle dans ce numéro. Enfin, que serait un Inferno ! sans la contribution de quelques vétérans blanchis sous le harnais ? Ici, ce seront le discret George Mann, l’incontournable Guy Haley, et le positivement ancien (il était au sommaire de l’Inferno! #0) Jonathan Green qui joueront le rôle des vieux de la vieille. In varietate concordia, ou en tout cas, infernia, comme dit le proverbe.

Inferno! #4

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The Karsharat Abomination – G. Mann [40K] :

INTRIGUE:

The Karsharat AbominationSur la lune de Karsharat, il pleut du sang. Ce n’est certes pas banal, mais cela n’empêchera pas l’Inquisitrice Sabbathiel et sa suite (Bledheim l’Interrogateur aussi seringuée qu’une tarte au mitron, la femme de main upcyclée Mercy, Brondel le Squat grenadier et le servo-crâne Fitch) d’aller faire leur devoir, qui consiste à stopper les machinations et la cavale d’un renégat martien du nom de Restak, quand bien même ça leur coûterait très cher en pressing après. Malheureusement pour le lecteur anxieux d’en savoir plus sur ce qui l’attend au détour des pages, le protagoniste de notre histoire, Bledheim, n’a de son propre aveu pas été très attentif pendant le briefing, et les motivations des Saints Ordos resteront des plus floues.

Avisant une entrée dans les ruines ecclésiarchiques squattées par le maroufle (et non pas marouflées par le Squat, ce qui arrive pendant les scènes coupées de la nouvelle), Sab’ et Cie décident de tenter leur chance et l’Inquisitrice, engoncée dans son armure Terminator sur mesure… toque à la porte. Ce choix des plus bizarres ayant résulté en un double échec à son test de furtivité (un corbeau espion s’envole en croassant) et d’infiltration (des méchadendrites peu amènes sortent du montant de la porte et commencent à ceinturer l’Inquisitrice), il est grand temps pour la petite bande de livrer sa première bataille de la nouvelle, qui est rapidement expédiée et évite à notre propos de virer au hentaï dès la troisième page, ce qui est toujours appréciable. Une fois rentrée, la fine équipe emprunte quelques couloirs à l’atmosphère convenablement angoissante, et Bledheim développe une tendinite palmaire aussi soudaine qu’handicapante. Cette arthrite fulgurante est le prélude à une crise d’angoisse carabinée, qui voit notre Interrogateur faire un very bad trip, tomber dans les pommes et se réveiller une fois la baston #2 remportée par la team Pépé. Ça fait toujours moins de boulot pour l’auteur. On apprend tout de même que le grand vilain utilise la peur comme arme, ce qui explique la terreur diurne de Bledheim. Nous voilà prévenus.

L’ambiance n’a pas vraiment le temps de monter plus que ça que Sabbathiel et sa clique arrive dans la salle du boss de fin, qui se révèle être (*jette un dé sur le tableau de génération des monstres) un savant fou bio-mécanique, accompagné de (*jette un D3) deux de ses créations bodybuildées, et défendant un (*jette un dé sur le tableau de génération de trésor) psyker apeurant. OK tout le monde, vous pouvez commencer à vous batter. L’empoignade qui s’en suit ne rentrera guère dans les annales des combats les plus épiques ni les plus prenants de l’histoire de la Black Library, Sabbathiel s’illustrant une nouvelle fois par la non-maîtrise manifeste de son matos (elle se fait arracher sa lance par un goon à la première passe d’armes, et manque de partir à la renverse lorsqu’elle tire au fulgurant à bout portant), alors que Brondel, lui, démontre une adresse folle au lancer-franc, et parvient à loger une grenade dans le trou laissé par un impact de bolt dans la carapace d’un robot tueur. Sentant la partie mal engagée, Restak appuie sur le bouton on de son joujou, et les vagues de terreur crachées par le mutant viennent calmer les ardeurs de l’Ordo Hereticus… sauf pour Bledheim, qui s’est découvert une résistance aux attaques Psy (peut-être que son père était un Tarinorme), et arrive à se rapprocher assez près pour anesthésier le faquin en tour de main (littéralement, notre homme a des canules à chaque doigt). Le charme rompu, Sabbathiel se fait forte de décapsuler Restak d’une légère torsion du poignet, et nos héros sont libres de repartir vers leur vaisseau avec leur butin léthargique, qui finira bien par servir à quelque chose, tenez-le-vous pour dit.

AVIS:

N’étant familier ni de George Mann, ni de l’Inquisitrice Sabbathiel1, deux figures discrètes mais établies de la GW-Fiction, je dois reconnaître que ma découverte de l’un comme avec l’autre m’a laissé dubitatif. Si l’héroïne de The Abomination… se révèle assez peu mémorable, autrement que par son look de kit-bashing raté (ou comment pousser le syndrome de la petite tête dans ses derniers retranchements) et ses maladresses martiales récurrentes, on ne peut toutefois pas lui en vouloir, la faute en incombant principalement à son metteur en scène. Ne se donnant pas la peine de contextualiser son récit ni de développer son intrigue au delà du « héros chasser méchant », Mann déroule sa nouvelle avec un manque consternant d’imagination et d’originalité, la traque de Restak se révélant être un Porte/Monstre/Trésor à la sauce 40K, plus terne et chiant que bête et méchant. Je dois remonter au tout aussi insipide Lesser Evils de Tom Foster (Hammer & Bolter #13) pour trouver trace d’une nouvelle inquisitoriale aussi meh… que The Kasharat Abomination, ce qui n’est guère flatteur pour Mr Mann. Passez votre chemin.

: Qui a été mise à l’honneur des comics Will of Iron, Revelations et Fallen, où elle cherche des noises à ces pauvres innocents de Dark Angels.

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The Hand of Harrow – D. Flowers [NDA] :

INTRIGUE:

The Hand of Harrow9ème homme le plus dangereux du sous-monde (voilà un classement qu’il est précis), Caleb Cursebound est mis sur un coup juteux par un indic’ Delaque disgracié du nom de Mr Kreep. D’après les informations dont dispose ce dernier, le légendaire artefact que possède la lignée des Harrow – une dynastie de la haute ruche – serait conservée dans un musée à la sécurité effrayamment létale mais étonnamment piratable. Cette relique, qui serait capable de faire des trucs de fou, pour reprendre la sagesse populaire (faire s’effondrer la spire, procurer la vie éternelle à son porteur, guérir toutes les maladies, réussir des soufflés au fromage…), a en effet le petit défaut d’être assez mal connue, et si Cursebound accepte la mission sans rechigner, il part à l’aventure, accompagne de sa comparse Ratskin Iktomi, sans savoir à quoi ressemble le grisbi.

Le plan de notre paire de cambrioleurs est d’une élégante simplicité : pendant qu’Iktomi grimpe jusqu’au niveau du musée par l’extérieur de la ruche, Caleb doit dérober l’anneau faisant office de passe-partout que le patriarche des Harrow a au doigt, et qui lui permettra d’accéder au cabinet des curiosités familiales sans se faire débiter en tranches et flamber au calva au passage. Se faisant passer pour un serviteur de la haute, Cursebound se fraie un chemin jusqu’à la loge privée de Papy Harrow, très occupé à regarder sa petite fille chérie faire ses débuts de la société mondaine de Necromunda en mimant un massacre de prolos sur un air de menuet (chacun ses rituels), et subtilise la bagouze à l’ancêtre d’un habile tour de passe passe. Ceci fait, il n’a plus qu’à se rendre dans l’aile culturelle du manoir des Harrow, et à retrouver une Iktomi un peu éprouvée par sa rencontre avec une colonie d’araignées géantes pendant son solo intégral.

Début spoilerLe temps presse pour les deux monte en l’air, et si Cursebound remarque que son acolyte manifeste quelques signes de méfiance assez inquiétants, il reste déterminé à mettre la main sur… la main (suivez un peu). Son exploration expresse et sans audio guide des collections privées des Harrow lui permet toutefois de se rendre compte que les sangs bleus sont également des tueurs de sang froid, ayant un goût immodéré pour la chasse et la prise de trophées de leurs concitoyens moins bien nés, avec un faible affirmé pour les Ratskins. Il fait d’ailleurs peu de doutes que les Harrow sont responsables du massacre de la Rivière Sanglante, épisode tragique au cours duquel la tribu d’Iktomi a été décimée par un assaillant mystérieux, ce qui a précipité sa rencontre avec Cursebound, qui devait sans doute passer dans le coin sur le chemin de la boulangerie. Bref, c’est un vrai petit musée des horreurs dans lequel Caleb et sa femme de main réalisent une nocturne (on était un jeudi, comme de juste).

C’est ce moment de révélation macabre que choisit Harrow l’ancien (qui devait sans doute s’appeller Rhaymow) pour faire son apparition, harnaché dans une combinaison de guerre que n’aurait pas renié Black Panther. Ayant mis KO la brave Brave d’une piqûre venimeuse, il prend un peu plus de temps pour discuter avec Cursebound, regrettant la fuite des années l’empêchant de descendre dans le sous monde traquer les pouilleux comme à la grande époque, ce qui l’a forcé à faire courir la rumeur de la Main des Harrow pour faire venir à lui quelques voleurs mal avisés. C’est du Deliveroo homicidaire, en quelque sorte. À force de parler et de remettre à deux minutes ce qu’il pourrait faire à l’instant, Pépé Harrow permet toutefois à son adversaire d’échafauder un plan de contingence, qui consiste à priver l’aristo génocidaire de son masque intégral, puis de sa bouteille d’oxygène, juste à temps pour qu’Iktomi, enfin réveillée de son coma vénéneux grâce à la résistance qu’elle a développé aux toxines arachnéennes employées par le chasseur, vienne venger les siens d’un coup de surin dans l’orbite du faquin. Bon sang ne saurait désormais plus occire. L’histoire ne dit pas si Caleb réussit à se faire payer la main tranchée de Harrow qu’il rapporte à Mr Kreeb comme souvenir de la haute ruche, mais cette visite au musée fut au moins des plus instructives et mémorables pour nos protagonistes.Fin spoiler

AVIS:

Débuts sympathiques sur la forme, et classiques sur le fond, pour Denny Flowers, qui fait faire à son personnage de Caleb Cursebound son galop d’essai avant la publication de la novella Low Lives’ en Novembre 2019. Grande gueule pleine de ressources, CC semble être le petit frère de Kal Jericho, ressemblance qui s’étend même jusqu’à la généalogie de leurs sidekicks respectifs (Scabbs étant lui aussi d’ascendance Ratskin). Y avait-il besoin de « rebooter » le personnage, qui venait de bénéficier d’un nouveau roman (‘Sinner’s Bounty’ de Josh Reynolds) quelques mois avant la publication de cette nouvelle ? Seul l’avenir nous le dira. Cette sensation de déjà-v/lu évacuée, nous nous retrouvons en présence d’un court-format assez bien construit, plutôt distrayant et doté d’un twist final qui, sans être renversant, ne tombe pas lamentablement à plat, et a le mérite de faire honneur au vieux fluff de Necromunda, en ressucitant les Spyriens pour la nostalgie des anciens et l’éducation des novices. Mine de rien, c’est un début tout à fait correct pour l’impétrant Flowers, qui fait mieux que beaucoup de ses petits camarades de plume. On n’a jamais qu’une seule fois l’occasion de faire une première bonne impression, et c’est ici chose faite. J’attends la suite avec une curiosité bienveillante, à défaut d’une impatience dévorante.

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A Firstborn Exile – F. Wiltgren [40K] :

INTRIGUE:

Nous retrouvons le 86ème Vostroyan First Born quelques jours après la conclusion de The First Daughter (Inferno! #1), et suivons nos héros éprouvés dans la suite de la campagne de Tovoga, monde gris et aigri ayant rejeté l’autorité bienveillante de l’Empereur par pur égoïsme. Toujours dirigés par la Lieutenant Ekaterina Idra, les Vostroyens sont appelés en renfort du Groupe de Commandement Gurlov, commandé par le Colonel du même nom, et actuellement engagé dans une opération de reconquête de la ville de Salomar, dont le Factorum (usine gigantesque produisant des blindés) est convoité par les deux camps. Une fois rendus sur place, Katie et sa centaine de survivants (The First Daughter n’a pas été clément avec les effectifs du 86ème) font la connaissance de Ramrod Gurlov, l’incarnation même de l’officier inflexible ne jurant que par le Tactica Imperium, le Treatis Elatii et/ou les ordres du Haut Commandement. Entre le Colonel vétéran et la dynamique Lieutenant, le courant passe évidemment très mal, mais cela ne les empêchera pas de collaborer pour chasser les infâmes Tovogans du Factorum de Salomar, ou de mourir en essayant1

AVIS:

Comme vous pouvez le constater à la lecture du paragraphe ci-dessous, Firstborn Exile est une nouvelle assez particulière en ceci qu’il ne s’y passe pas grand-chose de saillant. Certes, les péripéties militaires ne manquent pas (et on doit reconnaître à Wiltgren une bonne maîtrise de son sujet, même si sa tendance à l’ellipse peut parfois surprendre), mais l’intrigue en elle-même tient en quelques phrases, et je dois avouer qu’à la lecture, cette deuxième soumission de Wiltgren m’a davantage fait l’effet d’un chapitre de roman que d’une nouvelle indépendante. Un exemple concret de cet état de fait est le titre même de ce court format, que l’auteur révèle en cours de récit comme étant lié à l’histoire personnelle du Colonel Gurlov. Ce dernier a en effet participé à la bataille de Pulveron, durant laquelle les Vostroyens auraient apparemment fait preuve d’initiative et désobéi à leurs ordres (les monstres !), ce qui se serait soldé par une raclée magistrale pour la team Pépé, et aurait poussé Gurly à partir en exil, accompagné de ses fidèles. Nous n’en saurons pas plus sur cette anecdote, que Wiltgren a pourtant jugé comme assez importante pour qu’elle donne son titre à la nouvelle2. Pour ma part, je pense que l’auteur a pris le parti de sérialiser ses contributions à la Black Library, et que nous pouvons nous attendre à de nouvelles aventures et révélations de la geste Idrique au cours d’un prochain numéro d’Inferno !, ou d’un recueil de nouvelles 40K. Il ne reste plus qu’à espérer que ces dernières seront plus palpitantes que la trentaine de pages de filler auxquelles nous avons eu droit ici.

: Meilleure scène de la nouvelle : Idra qui charge les lignes ennemies avec Gurlov sur le dos, le vieux Colonel ayant perdu l’usage de sa jambe bionique dans la bagarre.

2 : On note également que Firstborn Exile se termine sur le teaser de ce fameux exil, un des compagnons survivants de Gurlov proposant à Idra de lui narrer ce dernier par le menu… La suite au prochain épisode ?

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At the Sign of the Brazen Claw – The Sorcerer’s Tale – G. Haley [AoS] :

INTRIGUE:

Nous retrouvons nos compagnons de boisson alors que la tempête s’abattant sur l’auberge de la Serre Effrontée (ou quelque chose comme ça) faiblit quelque peu. Ayant écouté le récit de l’alcoolique androgyne, les soiffards pressent désormais le dernier membre1 de la compagnie de leur régaler les esgourdes avec un racontar de son cru. Pludu Quasque, le bien-nommé, finit par s’exécuter et commence donc son histoire.

Né d’une noble famille de sorciers dans le Royaume d’Hysh, Pludu reconnaît ne pas avoir été très brillant (un comble) pendant sa jeunesse, tant en matière de relations familiales que d’études arcaniques. Ayant finalement obtenu son bac, ou l’équivalent local de ce précieux sésame, il partit étudier la magie à Poudlard  au Lyceum de Radiance, sans écouter les précieux conseils prodigués par son tendre pôpa au moment de son départ. Sur place, son manque d’humilité et de discipline lui joua un mauvais tour, l’empêchant de progresser aussi vite et aussi loin qu’il l’escomptait dans la rigide et codifiée hiérarchie hiérophantique. Comme tous les étudiants, Pludu n’était jamais le dernier à se rendre en soirée (si ce concept existe dans un Royaume où tout brille, tout le temps), ce qui finit par précipiter sa chute. Au cours d’un de ces événements mondains, et alors que les convives prêtaient de mignons petits serments de progrès et de réussite devant la statue du demi-dieu Adembi, greffier en mi-temps thérapeutique2 du panthéon Hyshien, Pludu eut la mauvaise idée de jurer de retrouver la fameuse larme divine volée par les Skavens, afin d’impressionner ses camarades de beuverie. Il ne s’attendait certes pas à ce que le Dieu en personne lui envoie un accusé de réception, condamnant l’impudent à quitter Hysh pour mener à bien cette quête.

S’en suivirent quelques années, voire décennies, difficiles, pendant lesquelles notre grande gueule de mage parcourut les différents Royaumes en quête de savoir et d’informations sur l’emplacement de cette larme. Ayant réussi à déterminer qu’elle se trouvait dans la dimension Skaven, aussi connue sous le nom de Ruine, à proximité du Royaume de Shyish, Pludu emprunta un portail de son cru jusqu’à cet espace de non droit, et se rendit dans la tour du Verminarque ayant commandité le vol de la babiole des siècles plus tôt. L’édifice en question se trouvant dans une zone contestée par Nagash, le sorcier enquêteur put admirer les légions des uns et des autres se mettre sur le coin, qui du museau, qui du cartilage septal, avant de procéder à son larcin. Ayant potassé l’intégralité des manuels D&D pendant ses études, et bien aidé par le fait que le boss de fin du donjon avait été précédemment occis par un héros malchanceux au cours d’éons passés, Pludu n’eut pas de grandes difficultés à mettre la main sur la larme, sans la déclencher (l’alarme – suivez un peu). Cela n’empêcha toutefois pas les scions de Nagash de fondre sur lui en toute hâte, le dieu des Morts s’étant lui aussi piqué d’intérêt pour la babiole d’Adembi.

Ayant réussi à leur fausser compagnie d’un nouveau coup de poignard subtil, Pludu finit son récit en s’excusant platement auprès de ses compagnons de beuverie pour le triste destin qu’il a attiré sur leurs têtes, le fracas tout proche que l’on entend désormais étant causé par la brigade des Stups Spectres de Naguy, toujours déterminée à mettre le scaphoïde sur la larme. Nos héros la passeront elles à gauche ? La suite au prochain épisode…

AVIS:

Meilleur épisode signé par Haley dans sa série Brazen Claw pour le moment, ce Sorcerer’s Tale bénéficie d’une dimension plus épique que les précédents récits, beaucoup plus terre à terre dans leur propos. En plaçant son intrigue dans deux lieux encore très mystérieux, et donc intéressants pour le lecteur, des Royaumes Mortels (le Royaume d’Hysh et Ruine), l’auteur remplit d’ores et déjà son contrat par les seules infos de background qu’il est possible de retirer de cette nouvelle. La quête de Pludu Quasque s’avère également être captivante, l’imagination et le style distinctif de Haley lui donnant une patine de Sword & Sorcery assez proche dans l’esprit des aventures de Conan le Cimmérien, récits très contextualisés et atmosphériques, mettant davantage l’accent sur le ressenti des personnages que sur la description hyper détaillée des scènes de combats (le pêché mignon et patte distinctive de la Black Library). Cerise sur le gâteau, le cliff-hanger final de ce quatrième épisode donne vraiment envie de savoir comment nos héros vont réussir à se tirer de la session de tear or trick qui se profile à l’horizon, ce qui donnera normalement l’occasion à Guy Haley de mettre en scène un peu de baston après ces débuts plutôt apaisés. Vivement la suite (et probablement la fin), donc.

1 : En tout cas, le dernier membre considéré comme important de la compagnie. Peut-être que la femme de Horrin et son fils adoptif auraient eu des choses intéressantes à raconter, mais Shyish semble être une patriarchie des plus rigides.

2 : Adembi est le Dieu devant lequel les résidents de Hysh prêtent serment. Incarné dans sa statue après s’être fait tailler les shakras en pointe au cours d’une bataille divine des temps jadis, Adembi s’est de plus fait voler une des précieuses larmes en pierre de royaume incrustées dans sa statue par un rôdeur Skaven. Choqué par ce larcin, il est devenu distant et n’enregistre plus que les serments portant sur la restitution de son précieux.

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Journey of the Magi – J. Green [40K] :

INTRIGUE:

Journey of the MagiLe Godstar1, monde machine Necrontyr et possession éteinte de la dynastie Nephrekh, dérive tranquillement dans le Halo, lorsqu’un portail démoniaque s’ouvre sans crier gare à sa surface, et en émergent bientôt trois superbes spécimens de Space Marines du Chaos. Mon premier est Prototokos (si si) le Clairvoyant, sorcier Thousand Sons de niveau 1. Il est à pinces mais peut tout de même se flatter de posséder une très jolie cape rouge sang. Mon second est le Sorcier-Magister Opados, Thousand Sons également, et justifiant d’un bon niveau 35, comme le prouve sa swagesque armure Terminator, ainsi que sa cape écarlate et ses deux cornes d’or, de platine et de lapis-lazuli. Mon troisième est l’honorable Arch-Magister Tritos, Thousand Sons toujours, monté sur un disque de Tzeentch et, surtout, arborant un jeu d’épaulières hololithiques2, comme preuve manifeste de son niveau 105. Si nos trois larrons se sont rendus sur le Godstar, ce n’est pas pour participer à la Fashion Week, non non, mais pour libérer un prisonnier retenu au cœur du complexe Nécron.

Comme on peut s’en douter, le trajet n’est pas de tout repos, et la suffisance des sorciers est assez rapidement battue en brèches par l’insistance du service d’ordre à leur mettre des pâtons dans les trous (ce qui est assez inconvenant). L’Affaire Louis’ Tri-os a beau multiplier les tours de cartes, les baguettes molles et les lapins tirés du chapeau, les Nécrons ne se montrent guère impressionnés, et l’inévitable finit par se produire : l’impotent Tritos se retrouve compromis, et, beau joueur, jette un sort de stase3 qui fait lagger tous les automates à dix mètres à la ronde, ce qui laisse le temps à ses compagnons de s’échapper. Ils ne sont cependant pas tirés d’affaire, car ce sont des Spectres immatériels par intermittence qui leur fondent bientôt dessus, forçant Opados à se lancer dans un pas de deux endiablé avec les rôdeurs pendant que Prototokos se hâte vers la salle du trésor.

Une fois à l’intérieur, le dernier survivant fait face à celui qu’il est venu chercher au péril de ses vies. Car Prototokos, en plus d’avoir un nom tout bonnement hilarant4, est également un membre du Culte du Temps, et maîtrise donc le voyage temporel. Il s’est donc rendu sur le Godstar en compagnie de ses futures incarnations – qui ont changé de nom pour marquer leur progression hiérarchique, suppose-t-on – pour libérer son lui du futur, qui se trouve être un Metabrutus du nom de Demis Roussos Thanatos. Enfin, libérer… Plutôt écarter un futur qui ne lui plaît pas, ce qui passe par le meurtre de Metabrutos, coupable de s’être fait capturer par le Dynaste Nephrekh après que la trahison d’un confrère légionnaire l’ait laissé en piteux état. Ne réfléchissez pas trop sur comment cela est sensé marcher, les boucles temporelles et les auteurs de SF font généralement mauvais ménage. Toujours est-il que Thanatos ne se montre pas très coopératif, et profite d’une erreur de jugement de… lui-même, pouvons-nous dire, qui est après tout jeune et con, pour libérer une de ses tentacules des entraves Necrons et garrotter le faquin de façon terminale. C’est donc un échec pour nos trois boloss, mais, comme vous pouvez vous en douter, la nouvelle se termine bien évidemment sur l’arrivée des Daltos sur le Godstar, prêts à retenter le coup pour la nième fois. Tant qu’il y a de la vie mana, il y a de l’espoir.

AVIS:

Pour ses retours à la Black Library, et qui plus est dans une franchise dans laquelle il ne s’était jamais montré très adroit (remember Salvation ?), Jonathan Green limite la casse. C’est triste à dire, mais je m’attendais à un plantage dans les grandes longueurs (et les grandes largeurs aussi, tant qu’à faire), et si le début de sa nouvelle lorgnait dangereusement avec l’exploration bête et méchante et fade et convenue et inimaginative d’un tombeau Nécron, intrigue tellement utilisée (et mal, qui plus est) par les auteurs de la BL qu’elle devrait être interdite d’emploi jusqu’à la reconstitution des stocks (de patience des lecteurs), son idée d’injecter un twist temporel à son récit est, ma foi, fort honorable. L’exécution est certes loin d’être parfaite, tant sur le fond que sur la forme5, mais on est très loin des calamiteuses soumissions commises par notre homme il y a une quinzaine d’années, lorsque les pontes de la BL s’échinaient, pour des raisons encore mystérieuses aujourd’hui, à le faire bosser sur du 40K. Coup de chance ou véritables progrès ? Il faudrait d’autres soumissions pour pouvoir se prononcer. Est-on sûrs de vouloir celà ? Eh bien, oui, pourquoi pas. Bring it on, Jon.

1 : À ne pas confondre avec le Go Sport, qui est encore plus rare en ce 41ème millénaire qu’un monde artefact Nécron.

2 : Comme à WOW, ce sont les épaulières qui établissent les rapports de pouvoir entre les PJ. Plus elles sont grosses, criardes et kitsch, mieux c’est.

3 : Je me plais à m’imaginer qu’il s’est contenté de proposer une formule à référence circulaire sur Excel, ce qui a fait planter les logiciels des Nécrons.

4 : Peut-être choisi à dessein par les Magisters Thousand Sons pour les apprentis sorciers, afin de leur donner une raison supplémentaire de progresser dans la hiérarchie pour pouvoir en changer.

5 : On remarquera le penchant certain de Green pour les descriptions vestimentaires, puis architecturales, au détriment du développement de ses personnages ou de la description de leurs actions. C’est un choix.

The Serpent’s Bargain – J. Crisalli [AoS] :

INTRIGUE:

The Serpent's BargainVictime des déprédations classées S (pour salaces) d’une bande de Maraudeurs de Slaanesh, le village de Varna ne doit son salut qu’à l’exploitation raisonnée décrétée par l’économe Seigneur Zertalian. Les pillards partis, pour mieux revenir quelques temps plus tard, les survivants sortent de leur trou (littéralement dans le cas de notre héroïne, la précautionneuse mais pas téméraire Laila) et tiennent conseil sur la marche à suivre. Malgré la position stoïque prônée par les anciens du village, qui préfèrent rester chiller au coin du feu dans l’espoir que les Slaaneshii trouvent une autre cible plus juteuse d’ici à leur prochaine crise d’ennui homicidaire, Laila, qui a déjà perdu son mari sous la lame des psychopathes princiers, est, elle, partisane d’une approche un peu plus proactive. Et pourquoi pas aller demander de l’aide aux Blonds1, ces mystérieux reclus qui vivent dans la vallée d’en face et que les légendes locales décrivent comme des adversaires acharnés du Chaos, et en particulier de ces margoulins dépravés d’Hédonistes ? Il paraîtrait même que ces gais lurons volent à la rescousse de ceux qui luttent contre de tels ennemis, ce qui est précisément le cas de nos Varnites.

Devant la réaction mitigée que sa proposition suscite auprès du conseil gériatrique du village, Laila décide de faire profil bas, mais n’en résout pas moins d’aller tenter sa chance auprès des Blonds, entraînant avec elle un vieux pote chasseur de niveau 3 (Stefen) et un lancier mercenaire gras du bide mais au pied léger (Ano). Le trio trace la route vers la blonde vallée, bravant pour ce faire le décret de confinement édicté par les anciens, et finit par arriver à bon port, n’ayant perdu qu’un seul de leur membre (Ano le stalker) en chemin. Faisant face à un temple décoré de moultes statues de donzelles en string et en rogne, les deux survivants commencent à douter du caractère véridique de leurs légendes, mais il est trop tard pour faire demi-tour,  et l’entrée du temple étant gratuit pour les filles et interdite pour les mecs, c’est seule que Laila pénètre à l’intérieur. Laissant prudemment le chaudron rempli de serpents à bonne distance, elle marche jusqu’à un petit jardin intérieur, où elle fait la connaissance de Cesse, jardinière manifestement elfique qui consent à écouter la doléance de son invitée. S’en suit une petite négociation, à l’issue de laquelle Cesse accepte d’aller combattre les Slaaneshii, qu’elle et le reste de ses Blondes détestent véritablement, en échange d’un paiement en sang de la part des humains. C’est alors que Laila révéle sa propre blonditude, croyant bêtement que la petite coupure qu’elle hérite pour sceller le pacte consiste en sa part du paiement en totalité. Aha. La cruche. Elle aurait ouvert un Battle Tome Daughters of Khaine, ou même eu la moindre notion en elfenoirologie qu’elle aurait compris qu’elle venait de se faire carroter dans les grandes largeurs. Les dangers de l’ignorance. Bref.

Ressortant du temple, Laila découvre avec effroi une flèche brisée et une flaque de sang là où elle avait laissé son chasseur de compagnie, et en conclut que ce dernier n’a pas fait de vieux os. Parvenant malgré tout à revenir jusqu’à Varna, elle relate son périple à ses concitoyens, s’attirant un regard lourd de reproches de la part des vieux de la vieille, qui se doutent bien que le marché passé avec les Blondes a de grandes chances de ne pas se résoudre en faveur des péquenauds. Avec raison. En effet, lorsque les scions de Zertalian décident de refaire une virée pillarde et paillarde en ville, ils ont beau se faire promptement méduser par Cesse et ses groupies, cette dernière demande ensuite que le tribut de sang leur soit remis. Incompréhension, puis mauvaise foi de la part de Laila, qui ne trouve pas ça très charlie. Qu’importe, un marché est un marché, et les Varnites ne sont de toute façon pas en mesure d’empêcher les Fifilles de Kékhaine de prendre leur dû, soit les faibles du village. Comme l’explique doctement Cesse à une Laila qu’elle précipité du haut du mur d’enceinte pour lui apprendre à mal lui parler, il n’y a qu’en supprimant les faibles que les forts pourront survivre, et il s’agit d’une mission de service public, vraiment. Cela ne convainc pas vraiment Laila, qui finit la nouvelle en pleurant comme une madeleine sur sa propre stupidité. Moralité : si les hommes préfèrent les blondes, la réciproque n’est pas toujours vraie.

AVIS:

Retour mi-figue mi-raisin pour Jamie Crisalli, qui ne retrouve pas avec ce The Serpent’s Bargain la recette du succès de sa première soumission pour Inferno!. La faute à une intrigue cousue de fil blanc (le marché léonin conclu par un héros ignorant avec des « alliés » pas si sympathiques que cela), exploitée par d’innombrables auteurs dans autant d’ouvrages avant que Crisalli ne revisite à nouveau ce classique des classiques. Si son choix de ne pas faire de la révélation de la fourberie des Blondes le twist final de sa nouvelle est compréhensible, l’absence d’éléments venant enrichir l’intrigue et le déroulé du récit l’est moins. À titre personnel, j’aurais bien aimé que l’auteur passe plus de temps à justifier le positionnement des Filles de Khaine, et pourquoi leur mission d’épuration des faibles leur tient tellement à cœur (ce que Crisalli fait en quelques lignes en fin de nouvelle), ce qui aurait apporté un contrepoint bienvenu à la vision « gentillesque » autant qu’horrifiée de Laila. Je n’ai pas non plus compris ce que Crisalli voulait accomplir avec les personnages de Stefen et Ano, dont la relative importance dans le récit ne débouche sur pas grand-chose. Coup de moins bien, donc. Espérons qu’il ne soit que temporaire.

1 : Fair Ones en VO. Ce qui peut se traduire par les Beaux, également. Voyez-y un hommage à Gad Elmaleh, ou à son inspirateur.

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Salvage Rites – T. Parrott [40K] :

INTRIGUE:

C’est le jour de chance de Ved Tregan, éboueur de l’espace, et de l’équipage de son vaisseau-benne, chargé par les autorités compétentes d’Effandor, monde ruche à l’orbite polluée, de collecter les milliards de déchets flottant autour de la planète, et compliquant grandement la logistique spatiale. Nos braves chiffoniers particuliers ont en effet décelé un débris d’un type très particulier, puisque c’est un authentique vaisseau capable de voyages Warp qui les attend dans le champ des possibles et des épaves effandorien. Avant de les suivre à bord de cette trouvaille miraculeuse, faisons la connaissance de notre fine équipe : en plus du bonhomme et capable capitaine Ved Tregan, cette dernière compte la pilote flemmarde Petin Hite, l’ex-ganger au grand cœur Adric Cale, la mais-non-ce-n-est-pas-une-psyker-elle-a-juste-une-sacrée-intuition Eusalia Zand, et la gestionnaire d’actifs Celia Vanar, chargée par la Maison Orend, généreuse sponsor de la petite PME de Tregan, de s’assurer de la bonne conduite des opérations et du paiement des traites du crédit contracté par le capitaine désargenté.

Nos intrépides explorateurs optent pour la fameuse tactique de la séparation en groupes de un pour optimiser l’exploration du mystérieux vaisseau, ne faisant que peu de cas du très mauvais pressentiment doublé d’une crise d’épilepsy qui saisit Zand alors que le sabot de Tregan termine son approche vers sa proie. Cette dernière est en effet trop tentante pour que le capitaine se montre compréhensif aux doléances geignardes de sa sous-fifre, ce qui aura bien entendu des conséquences fâcheuses. Comme de juste, l’un des groupes de un, celui mené par Cale (et secondé par lui-même) se fait promptement embusquer, et, bien que l’aventure ne se solde que par une coupure sans grande gravité pour le solide ruchier, la description qu’il fait de son assaillant, un humanoïde à la peau noire et aux yeux rouges, jette un froid sur l’assemblée qui s’est ruée à son secours. Se pourrait-il qu’ils aient abordé sans le savoir le yacht personnel de Vulkan, parti caboter dans la galaxie depuis quelques millénaires ? Ou plus sérieusement, que l’épave soit infestée par des tanglemouths, le nom que les locaux donnent aux Genestealers d’Ymgarl ? Mystère et narthécium.

Les savantes supputations de l’équipage sont écourtées par la dégradation rapide de la santé de Cale, qui se met à nécroser et baver de façon inquiétante. Et lorsque Hite annonce aux explorateurs que leur vaisseau a été saboté et ne peut plus repartir, un vieux froid tombe sur l’assemblée. Après avoir escorté l’impotent écumant jusqu’à l’infirmerie, les quatre rescapés décident de repartir dans l’épave à la recherche de pièces de rechange qui leur permettront de revenir sur Effandor…

Début spoiler…Bien évidemment, ce plan ne se déroulera pas sans accroc, la décision de Tregan de s’obstiner à faire du solo facilitant grandement la tâche de l’assaillant mystérieux des chineurs de l’espace. Hite disparaît en plein milieu d’une phrase, et la situation s’envenime encore davantage lorsque Vanar accuse Zand d’avoir attaqué la pilote sous ses yeux. Réussissant à grand peine à convaincre ses deux équipières de ne pas entre-tuer sur un malentendu, Tregan ordonne une retraite générale après avoir récupéré les précieux câbles que Hite avait identifié juste avant de tourner AWOL. Il est malheureusement trop tard pour Cale, qui a bavé sa dernière bulle pendant leur absence, et lorsque Vanar lui demande les mots de passe du coffre contenant les cartes spatiales d’Effandor, permettant au vaisseau de retourner sur la planète en sécurité, Tregan réalise un peu tard que cette question est des plus incongrues. Il arrive toutefois à mieux se maîtriser que Zand, qu’une crise d’angoisse terminale pousse au suicide sous le regard ébahi de son boss. Et pour cause, lorsque Vanar revient, le capitaine abandonné réalise qu’il s’est fait posséder. Sa comparse se révèle être… probablement une Callidus, qui émerge de son vaisseau d’emprunt sous les traits de feu son commandant quelques heures plus tard pour mener à bien sa sinistre mission. Décidément, l’économie circulaire n’est pas une sinécure. Fin spoiler

AVIS:

Thomas Parrott rectifie le tir d’une première soumission (Spiritus in Machina) assez quelconque avec ce Salvage Rites bénéficiant d’une atmosphère angoissante efficacement instillée, même si la mise en scène de l’exploration d’une mystérieuse épave se révélant peuplée de monstres est un sous-genre à part entière de la littérature 40Kesque (appelons ça le « space hulkisme » ) et donc guère original en tant que tel. Pour tirer un parallèle avec une nouvelle récente à peu près similaire à celle-ci, je trouve que Parrott a rendu une copie plus satisfaisante que Cassandra Khaw et son Nepenthe. Cela est dû en bonne partie au fait que l’on comprend sans trop de mal dans le premier cas ce que l’auteur a voulu faire, ainsi que l’identité et les motivations de l’antagoniste (encore que la révélation finale ne soit pas aussi claire que l’on aurait pu le souhaiter, à moins que je sois plus lent que le lecteur moyen de Parrott), ce qui n’était pas le cas chez Khaw. Retenons au final que notre homme a progressé depuis ses débuts pour la Black Library, et souhaitons lui de continuer sur cette voie pour la suite.  

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Green & Grey – E. Albert [40K] :

INTRIGUE:

Green & GreyPris en flagrant de roupillon pendant le service, le tankiste de première classe Lucius Stilo se réveille doucement dans l’habitacle confiné du Leman Russ où il opère en temps que rechargeur d’obusier. Pour sa défense, cette brave bête de Sancta Fide (le petit nom de la monture mécanique de Lucius) s’est pris un barrage d’artillerie en pleine poire il y a quelques minutes, avec des conséquences catastrophiques pour son équipage, décimé jusqu’à son dernier homme, qui se trouve donc être Lulu. Vous parlez d’une première mission. Notre héros, déjà légèrement traumatisé par le choc et par la vision des cadavres de ses camarades, doit de plus composer avec la réalisation qu’il se trouve dangereusement exposé, son escadron ayant été envoyé par le haut commandement ralentir l’avancée des peaux vertes assaillant la planète de Calleva, le temps que les grosses têtes du génie fassent sauter le pont reliant les basses plaines au reste du continent. Dans son malheur, Lucius a toutefois la chance de pouvoir compter sur une écoutille fermement cadenassée et une radio en état de marche ; la première tenant la patrouille Ork venue inspecter les épaves à distance, la seconde permettant d’établir le contact avec le QG de la Garde Impériale, d’où le Colonel du 5ème Régiment Mécanisé d’Alphard le prend en direct.

Bien qu’ayant embrassé la carrière militaire pour suivre l’exemple de son paternel, Lucius sent son courage vaciller à l’idée de finir bientôt en punching ball pour peaux vertes, et il faut des trésors de patience et de fermeté paternaliste à son interlocuteur pour motiver son dernier homme à agir comme l’Empereur attend qu’il le fasse. Ayant quelque peu repris ses esprits et retrouvé son sang-froid, Lucius prend bonne note (normal pour un Stilo, vous allez me dire) des directives transmises par son chef, et apprend à ce dernier après avoir réussi à rétablir l’auspex du Sancta Fide que le pont est toujours debout, et que les Orks s’apprêtent à le traverser. La tuile. En attendant que les Valkyries envoyées dare dare sur place pour finir le job et récupérer Lucius arrivent, ce dernier est donc sommé de ralentir le plus possible la migration Xenos, ce qui passe nécessairement par l’ouverture du feu sur la Waaagh!, et n’enchante pas vraiment notre héros, plutôt partisan du ‘live and let leave’. Saleté de hippie, va.

Informé en termes non incertains par son Colonel que sa coopération n’était pas optionnelle, Lucius se résout enfin à faire son devoir, et commence donc à obuser les Orks, ce qui attire inévitablement l’attention et l’intérêt de ces derniers. Ayant annihilé l’avant-garde peau-verte d’un strike chanceux, Lulu poursuit ses bonnes œuvres en étrillant et artillant les Xenos, puis en les bolterisant une fois ces derniers trop près pour continuer son approche 120 millimétrée. Las, comme on peut se l’imaginer, les Orks finissent par déborder le vaillant petit tankiste, et c’est le Big Boss en personne qui s’approche pour rosser le Russ…

Début spoiler…Comprenant en définitive qu’il ne bénéficiera pas d’un sauvetage à la Ryan, ce que lui confirme le Colonel avec une tristesse non feinte, Lucius décide de vendre chèrement sa vie, et réussit à planter l’épée énergétique prise sur le cadavre de son Capitaine dans le crâne de sa Némésis après qu’elle ait réussi à décapsuler l’habitacle du Santa Fide. Surprise, cela n’est pas suffisant pour venir à bout de l’Ork (sûrement hydrocéphale), qui revient la charge après s’être délesté de l’encombrant bout de ferraille. Surprise (bis), Lucius a mis à profit ce court répit pour se saisir d’un pistolet de détresse, qu’il décharge dans l’intérieur inondé de prométhéum du tank, avec des résultats spectaculaires, mais malheureusement définitifs. À l’autre bout du fil, le Colonel Markus Stilo ne peut que constater que son fils a fait son devoir jusqu’au bout, et bien qu’éprouvé par la tournure prise par les événements, prend sur lui de continuer à coordonner la riposte impériale. Comme il l’a appris à feu Lucius, ‘the Emperor protects (parfois) but the Emperor expects (toujours)’.Fin spoiler

AVIS:

Très sympathique et efficace soumission que ce Green and Grey, qui permet au nouveau-venu Edoardo Albert de rafler à David Annandale le titre de meilleur metteur en scène de nouvelle se déroulant dans un Leman Russ, catégorie certes très spécifique, mais qui compte donc (au moins) deux récits à ce jour. Là où le Sarcophagus d’Annandale pêchait par son manque d’action et son propos incertain, l’offrande d’Albert se révèle à la fois rythmé, crédible et bien pensé. Si la triste, mais héroïque – et en définitive, pas si surprenante que ça – fin de Lucius Stilo creuse un peu plus le sillon du fondamentaliste grimdark de 40K, le talent de l’auteur aura consisté à nous ménager un très bon twist final, à la fois efficacement préparé (relisez Green and Grey et vous verrez quelques fusils laser de Tchekhov), parfaitement délivré et tout à fait there-is-only-war compatible. Albert (pas en Somme), un nom à suivre, en somme.

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The Fourfold Wound – E. Gregory [AoS] :

INTRIGUE:

Shinua Gan, cartographe freelance des Royaumes Mortels, poursuit un dessein bien particulier. Hantée par la mort de toute sa famille lors d’une attaque de brigands alors qu’elle s’était absentée de sa ferme natale, elle poursuit d’une haine tenace et implacable le milicien qui était censé monter la garde dans la tour de guet voisine, et dont le penchant pour la dive bouteille a permis aux marauds maraudeurs de fondre sur la PME familiale dans l’impunité la plus totale. Elle traque depuis la sentinelle alcoolisée, du nom de Halas, à travers les Royaumes, bien décidée à lui planter sa dague entre les omoplates pour lui apprendre à développer une éthique professionnelle. Classique, vous allez me dire. Là où cela devient intéressant, c’est que le Halas en question est mort. Et là où ça devient passionnant, c’est qu’il s’est attiré les bonnes grâces de Ziggie en expirant en combattant un Champion du Chaos, ce qui lui a permis de bénéficier d’une reforge gratuite et de devenir un Stormcast Eternal. Pas que cela décourage le moins du monde Shinua, notez : au contraire, dégoûtée par le choix divin, elle s’est rangée du côté des mémés (le mécontents mécréants), une société secrète dont les membres ne tiennent ni le Grand Barbu, ni ses sbires métallisés, en haute estime. En plus de se retrouver à intervalles réguliers pour baver sur les rouleaux en sigmarite de Charles Martel, les Sentinelles (Watchers en VO) collectent également des informations sur le déploiement et la composition des osts Eternals, qu’ils sont prêts à mettre à disposition des ennemis d’Azyrheim.

Nous arrivons ainsi à Ark’non, un village de pêcheurs de baleines et d’éleveurs de marmuts (pas besoin que je vous décrive à quoi ressemble cette petite grosse bête je pense), en compagnie de Shinua, qui cherche à tirer au clair un rapport mystérieux faisant état du déploiement des Marteaux de Sigmar, ost auquel Halas a été reversé après son recrutement manu divinii sur place, mais dans un futur proche au moment où elle prend connaissance. Ayant contacté la cellule de Sentinelles locales, elle est emmenée par la jeune Nor jusqu’au phare de fonction qu’occupe son frère Sgon, surnommé le Lordbreaker depuis qu’il a mené une révolte contre les Seigneurs qui exploitaient la population locale. Pas de bol, Sgon, qui avait pu prédire l’arrivée des Stormcasts en utilisant les visions conférées par la magie de sang des anciennes familles d’Ark’non, est irrémédiablement exsangue à l’arrivée de sa visiteuse, qui constate bientôt que ses prédictions météorologiques sont tout ce qu’il y a de plus fiables, de gros hommes de métal tombant des cieux pour purger Ark’non au nom de Sigmar, qui comptait sans doute les anciens Seigneurs parmi ses amis. It’s raining men, halle shit shit shit.

Entraînant la pauvre Nor1, qui après avoir perdu ses parents quelques semaines plus tôt, doit composer avec le suicide de son frère et la combustion de sa grand-mère, avec elle jusqu’au port d’Ark’non, Shinua croise sur son chemin un Liberator qui semble la reconnaître. Et pour cause, il s’agit bien sûr de Halas, très désolé de sa bévue pre-mortem, et qui se confond en excuses, puis en éclair, après que Shinua, très rancunière, lui ai planté une défense de morse dans le cortex. Il ne s’agit toutefois qu’une mise en bouche pour notre héroïne et sa pupille – tout aussi remontée contre le service d’Ordre, à raison – bien décidées à se venger de toutes les morts dont elles tiennent responsables l’impardonnable, et donc impardonné, Halas (hélas pour lui)…

AVIS:

Je ne connaissais pas Eric Gregory avant de donner sa chance à son The Fourfold Wound, mais oh boy, je vais désormais suivre de très près sa production pour la Black Library. C’est bien simple, cette nouvelle est, de très loin, le meilleur texte de fiction estampillé Age of Sigmar qu’il m’ait été donné de lire. Et pourtant, il y a des Stormcast Eternals dedans (ce qui est d’habitude un facteur aggravant). Eh bien, Gregory a réussi à me réconcilier avec les Maschinenmensch de GW, et avec l’univers de cette franchise en général, ce qui était loin d’être évident. L’angle d’attaque choisi par l’auteur, faisant des Stormcast les antagonistes, s’il n’est pas absolument novateur (Josh Reynolds fit de même dans The Iron Promise), est encore assez peu usité à l’heure où ces lignes sont écrites pour piquer l’intérêt du lecteur. La description d’une société secrète de ressortissants des Cités Libres, et donc théoriquement loyaux à Sigmar, la divinité tutélaire et protectrice de la civilisation et de l’Ordre dans des Royaumes Mortels en proie au Chaos, nourrissant une défiance forte pouvant aller jusqu’à la haine pure et simple, pour le « bon » dieu et ses super soldats, est une superbe trouvaille de la part de Gregory, faisant naturellement passer son récit dans la Twilight Zone, cet espace narratif délicieusement non-manichéen, où le lecteur est libre de choisir qui est son protagoniste. Serez-vous plutôt team Shinua, dont la quête vengeresse, pour justifiée qu’elle soit, va l’entraîner sur une pente de plus en plus glissante, et vers des alliances de circonstances de moins en moins moralement justifiables ? Ou préférerez vous prendre le parti de ce brave Halas, qui malgré son erreur de jeunesse, n’en demeure pas moins un authentique héros et un être qu’il est difficile de haïr, tant son désir de repentance est sincère ? Shinua, qui prend le parti des petites gens opprimées par la dictature militariste – car il faut bien appeler un gryphound un gryphound – de Sigmar, un dieu tellement bienveillant qu’il n’hésite pas à envoyer ses immortels raser un village de pêcheurs dont le tort aura été de se révolter de façon un peu trop sanglante ? Ou Halas, qui a chaque reforge, perd toujours plus de son humanité2, et ne peut pourtant pas se résoudre à faire du mal à sa meurtrière à chaque fois que leurs chemins se croisent ? À vous de voir.

Autre réussite notable à mettre au crédit de Gregory, sa description des Royaumes Mortels, qui se détache véritablement de l’influence de Warhammer Fantasy Battle. Ainsi, s’il peut sembler aux premiers abords de voir Shinua aller proposer un marché à l’armée de Rotbringers contre laquelle les Marteaux de Sigmar sont engagés, il faut bien reconnaître que cette réaction immédiate n’est en fait qu’une réminiscence de WFB, univers dans lequel il était inconcevable qu’un ressortissant d’un royaume « civilisé » du Vieux Monde et non engagé sur la voie du Chaos puisse espérer sortir vivant d’une telle rencontre. Autres temps, autres lieux et autres mœurs : bien que les disciples de Nurgle ne soient pas au-delà d’un peu de prosélytisme de bon aloi, et que le marché que Shinua conclut avec ces derniers pèsera sans doute lourd dans la balance au moment de rendre l’âme, la transaction se passera de façon tout à fait honnête, et chacun poursuivra sa route sans anicroches (enfin, peut-être le nez qui coule pour Shinua). À titre personnel, je suis assez favorable à cette rupture avec l’héritage de WFB, qui sera nécessaire pour qu’Age of Sigmar puisse se sortir de l’ombre de son glorieux aîné et gagner en singularité. Quitte à jouer la carte de la high fantasy, autant « dépassionner » les relations entre les différentes factions quand cela est possible, et Gregory réussit à faire cela de façon assez convaincante et naturelle.

Bref, une vraie et franche réussite pour cette première nouvelle, qui se révèle être la soumission la plus intéressante de cet Inferno! #4 et fait d’Eric Gregory un nom à suivre dans les prochaines publications de la Black Library.

1 : C’est un usage bien établi, il ne faut jamais perdre la Nor.

: Il finit d’ailleurs sa carrière comme sauveteur en mer sur une plage au fin fond d’Aqshy, ses trop nombreux décès l’ayant transformé en Hodor en plates complètes, aux capacités intellectuelles très limitées.

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Where Dere’s Da Warp Dere’s A Way – M. Brooks [40K] :

INTRIGUE:

Where dere's da warp dere's a wayAssistant de direction d’une bande de Pistol Boyz Bad Moon rattachée à la Waaagh ! de Da Meklord, Ufthak Blackhawk vit à fond le rêve américain Ork, fait de bagarres, d’abordages et de compétitions pour devenir le boss à la place du boss. Le o+1 de notre héros est Badgit Snazzhammer, charismatique, à défaut d’être cérébral, Nob et tirant son nom de son arme de prédilection, un combi marteau énergétique/lime à ongles, qu’il ne dédaigne pas utiliser pour motiver les troupes lorsque le besoin s’en fait sentir. Chargés par Da Meklord en personne de sécuriser la salle du réacteur Warp d’un vaisseau de l’Adeptus Mechanicus afin de permettre à un Mek inventif de jouer avec la tek’ des zoms, Ufthak, Badgit et consorks prennent le premier ‘Ullbreaker pour aller apporter leurs sentiments et bourre-pifs les meilleurs aux fidèles de l’Omnimessie.

Une fois sur place, et après avoir dérouillé une malheureuse patrouille qui tentait de faire son devoir, nos Orks se mettent à errer dans les coursives du croiseur martien, les indications du Mek à roulette1 leur servant de GPS manquant en précisions. Au petit jeu du porte/monstre/trésor, les peaux-vertes finissent par tomber sur plus fort et plus dur qu’eux, comme le malheureux Badgit en fait l’expérience lorsque lui prend la mauvaise idée de charger un Kastelan opérant comme physionomiste à l’entrée de la boite de Warp. Comme quoi, foncer tête baissée est le meilleur moyen pour la perdre. À toute chose malheur est bon, car le décès de son chef permet à Ufthak de s’improviser leader de la bande de Pistol Boyz, malgré les protestations de Mogrot Redtoof, l’autre bras droit de feu Snazzhammer. Ruzé mais brutal, Ufthak accouche d’une tactique de diversion qui lui permet d’arriver au contact de l’angry robot, récupérer l’arme de fonction de son boss, et terrasser l’ennuyeux androïde au cours d’un corps à corps épique et piquant, et même détonnant, l’usage malavisé d’une arme à contondante à champ de force sur le réacteur du Kastelan dispersant Ufthawk façon puzzle2.

Ce n’est toute fois pas la fin pour notre héros, les Orks étant, comme chacun sait, plutôt coriaces. Se réveillant très diminué, mais se réveillant tout de même (ce qui est déjà pas mal quand on n’est plus qu’une tête sur un demi-tronc), Ufthak se voit proposer par le Dok Drozfang, qui accompagnait la bande, un marché qu’il ne peut décemment pas refuser. En un tour de scie circulaire et quelques agrafes, voilà la tête du Boy greffée sur le corps de Badgit, sans trop d’effets secondaires. Ça c’est ce qu’on peut appeler de la chirurgie reconstructrice. Remis de ses émotions, bien qu’ayant – et c’est compréhensible – un peu mal aux cheveux qu’il n’a pas, Ufgit (Badthak ?) refait son retard sur le reste des Boyz, calme les ardeurs de ce parvenu de Mogrot et lui reprend le bâton marteau de parole, et invite le Mek à appuyer sur le gros bouton rouge qu’il a branché sur le moteur Warp du croiseur. Selon les savants calculs de l’ingéniork, cette machine devrait permettre au vaisseau de rebrousser chemin jusqu’à sa planète d’origine, monde forge plein de tek’ à piller…

Début spoilerMalheureusement, le buzzer magique a surtout pour effet de remplir le croiseur de démons, ce qui ne refroidit pas le légendaire enthousiasme peau-verte, bien au contraire. Ils commençaient justement à s’ennuyer…Fin spoiler

AVIS:

Nouvelle rigolork (c’est le dernier mot-valise à base d’Ork, je le jure) de Mike Brooks, et à laquelle je décerne la palme d’argent du titre le plus inventif (catégorie 5 mots et plus), derrière l’indétrônable Badlands Skelter’s Downhive Monster Show de Matthew Farrer, Were Dere’s… n’a pas grand-chose à offrir au lecteur à part une plongée humoristique dans le quotidien, forcément agité, d’un Boy. Les péripéties grand-guinorkesque (j’ai menti) s’enchaînent de manière plaisante, mais ne vous attendez pas à une conclusion édifiante, ou même intéressante, à cette nouvelle. C’est dommage, car Brooks avait prouvé dans Dead Drop qu’il savait terminer un court format comme il se doit. Nous tenons donc ici la pastille comique de l’Inferno! #4, et il ne faudra pas lui demander davantage.

1 : Car oui, il n’y en a qu’une dans son cas, on peut parler de monorkwheel.

2 : Après l’Interrogatrice Spinoza dans ‘Argent’, c’est la deuxième nouvelle de la BL qui souligne les dangers des masses énergétiques pour leur porteur. Faut-il voir une ligne éditoriale de Nottingham ?

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The Manse of Mirrors – N. Horth [AoS] :

INTRIGUE:

The Manse of MirrorsRecrutée par un influent marchand de la cité libre de Lethis pour « visiter » le manoir d’un des plus célèbres résidents de cette dernière, feu (ou plutôt, cendres) Phylebius Crade, Thaumaturge Suprême de Lethis que nul n’a revu depuis cinquante ans, l’archéologue militante Shevanya Arclis se retrouve à la tête d’une petite équipe de spécialistes pour mener à bien ce repérage d‘Un Trésor dans votre Château’. Son employeur a beau considérer comme acquis le décès du propriétaire, le home-jacking du (six) pied(s) à/sous terre d’un mage d’Améthyste de niveau 153 reste une expérience périlleuse pour l’aventurier moyen, comme Arclis et ses compagnons ne tardent pas à le découvrir.

Ayant bien négocié les premières salles de ce donjon un peu particulier, Arclis et Cie se retrouvent dans le mal dans la galerie des glaces du manoir, qui ont la particularité d’être des portails donnant sur Shadespire les Vignes, petite bourgade typique de Shyish au centre-ville décrépit mais aux chargés de tourisme très motivés, comme le maître-voleur Goolan ne tarde pas à en faire l’expérience. Tiré au sort pour passer une nuit/vie dans un Air B&B local, le monte en l’air se mue en passe à travers, et file de l’autre côté du miroir découvrir les merveilles architecturales de Shadespire. Quelques secondes plus tard, c’est au tour de la noble aventurière Nazira El-malia de se faire mettre la griffe dessus, ou plutôt à travers, par un Spectre très entreprenant. Il faut toute la science arcanique du dernier membre de la compagnie, le mage stagiaire Dhowner, pour permettre aux survivants de regagner leur intimité, à grands renforts de porte blindée et de poudre de perlimpinipin.

La pièce où Arclis et Dhowner ont trouvé refuge se révèle être le laboratoire et cabinet privé de Crade, et regorge de moultes reliques des plus dispendieuses, ainsi que d’un gigantesque miroir expérimental, dans lequel les intrus peuvent contempler tout ce qu’il reste de leur hôte. Ce dernier, peu rancunier, s’avère assez content d’avoir de la compagnie, et explique que cela fait cinquante ans qu’il est piégé dans la cité de Shadespire, sujet d’étude l’ayant littéralement absorbé, à son grand désespoir. Avertissant ses visiteurs que l’influence néfaste de la ville-miroir risque de s’étendre à Lethis à travers son prototype de catalyseur, et que seuls ses vaillants efforts ont préservé la cité corbeau d’un sort pire que la mort, Crade implore les gentlemen cambrioleurs de l’aider à clore une fois pour toute la ligne M du TER de Shyish. À Dhowner de refermer le passage malencontreusement ouvert par Crade – qui accepte noblement son sort de citoyen d’honneur et d’horreur de Shadespire – , et à Arclis de défendre son camarade le temps que le rituel soit accompli. Au grand énervement du maître des lieux, qui lui conseillait de se servir d’un espadon mythique dans sa collection personnelle pour tenir les morts sans repos en respect, notre aventurière choisit de s’équiper d’une dague de pierre sur la seule fois d’une inscription disant ‘feuklémor’ gravée sur la lame. Il n’y a plus de respect ma bonne dame.

Début spoilerLa suite de la nouvelle voit toutes les suppositions que le lecteur était en droit d’entretenir à propos de la conclusion de l’intrigue développée par Horth se réaliser. Comme de juste, Crade se révèle être un fieffé chenapan, dont l’altruisme cachait en fait des velléités de possession du malheureux Dhowner.  Comme de juste, l’arme sélectionnée plus ou moins au pif par Arclis se révèle être un athame pour personnes en situation de non-vie. Comme de juste, notre héroïne parvient in extremis à empêcher Crade de faire du crade, en bousillant son miroir juste avant que le thaumaturge ait pu prendre entièrement possession de son padawan. Une monumentale explosion plus tard, les deux malfrats, catapultés dans le jardin du manoir, se font cueillir par la Morréchaussée, sans doute pour tapage nocturne. Mais la saga d’Arclis est loin d’être terminée…Fin spoiler

AVIS:

Après une quinzaine de pages prometteuses, dans lesquelles Horth parvient à instiller une ambiance macabre tout à fait satisfaisante, son The Manse of Mirrors débouche sur une conclusion assez tristounette, n’exploitant pas vraiment le potentiel horrifique et mystérieux de Shadespire, et résolue de façon très peu imaginative. Comme d’autres courts-formats de la BL, je crains que nous ne nous trouvions en face d’un texte pensé dès le départ par son auteur comme une part intégrale d’une oeuvre plus conséquente, ici la novella Thieves’ Paradise mettant en vedette notre Indiana Jones à oreilles pointues1, ce qui se solde malheureusement par des lacunes en termes de « singularité » de l’histoire développée. Bref, The Manse of Mirrors pourrait bien être le chapitre 0 de Thieves’ Paradise, et ce de façon très (trop) visible pour que le lecteur puisse réellement apprécier cette nouvelle de façon indépendante. Tout le monde n’a pas le talent d’un Dan Abnett, d’un C. L. Werner ou d’un Nathan Long pour réussir à jouer la partition du e pluribus unum de façon satisfaisante, et c’est encore une fois bien dommage. On mettra tout de même au crédit de Nick Horth les quelques ajouts de fluff qui parsèment sa soumission, qui achèvent de placer cette dernière dans la tranche haute du convenable. Cela aurait pu et dû être mieux, pourtant…

1 : Je me suis d’ailleurs aperçu qu’Arclis semblait avoir en main la dague piquée à Crade sur l’illustration de couverture de la novella.

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Blackout – J. C. Stearns [40K] :

INTRIGUE:

Lorsqu’une panne de courant massive vient plonger Seidon City dans les ténèbres, les kids Chib, Zaylin, Bugeye et le reste des 77, gang de loubards vivotant dans un quartier défavorisé de cette cité-ruche, en sont réduits à échafauder des hypothèses plus ou moins farfelues pouvant expliquer cette nième interruption de l’alimentation électrique du voisinage. L’arrivée sanglante de deux comparses, Soter et Jerrick, vient toutefois mettre un point final à la joute oratoire entre polémistes sous acide, juste avant qu’ils ne se commencent à se mettre sur la gu*ule, comme souvent lorsqu’un consensus peine à être trouvé entre gangers. Les nouveaux-venus expliquent être tombés dans une embuscade alors qu’ils attendaient innocemment de régler leur compte à quelques membres d’un gang rival, et avoir fait les frais d’un arsenal très peu commun à ces niveaux de la ruche, comme peut en témoigner l’épaule du pauvre Jerrick, réduite à quelques filaments de barbaque après sa rencontre malheureuse avec une balle perdue.

Outrés par ce déchaînement de violence qu’ils sont presque certains de n’avoir pas mérités, les 77 optent pour la mise sur pied d’un raid punitif contre leurs mystérieux assaillants, mais n’ont même pas à sortir de leur planque que cette dernière se retrouve sous un feu nourri. Dans la confusion qui s’en suit, Chib, Zaylin et Bugeye, comprenant rapidement que leurs collègues n’ont pas la main haute dans cet affrontement, optent pour une prudente retraite tactique dans les profondeurs de la ruche, confiants dans leur capacité de distancer les bourreaux des 77.

Malheureusement pour nos stagiaires, leurs poursuivants s’avèrent être aussi rapides et tenaces que bien armés, et Chib se retrouve bientôt seul dans les égouts de la cité, après que ses deux acolytes soient tombés dans les griffes de l’anti-gang. Jouant le tout pour le tout, notre héros tend un piège à ses traqueurs en utilisant le cadavre d’un autre ruchier ayant eu la malchance de se trouver sur le passage de ces derniers, et arrive ainsi à poser les yeux, juste avant de tirer, sur sa mystérieuse Némésis…

Début spoiler…qui s’avère être un Space Marine, et accueille donc avec un haussement d’épaule blasé la fléchette que le kid lui loge dans l’aisselle. S’attendant à rencontrer une fin aussi violente et prématurée que ses camarades, dont l’équipement et les compétences n’ont pas servi à grand-chose face aux bolts et épées tronçonneuses des meilleurs de l’Empereur, Chib a la surprise de se faire manutentionner par son ennemi jusqu’à un entrepôt désert, où, vous l’avez deviné, sagace lecteur, les Space Marines ont reçu ordre de ramener leurs trouvailles, qui sont toutes de jeunes gangers terrorisés. La nouvelle se termine sur l’annonce par l’Apothicaire de service, un certain Herodytes du Chapitre des Crimson Shades, que le casting tenu sur Stratigardin avec la bénédiction du Gouverneur Galliarnos est maintenant terminé. Décidément, la télé-réalité du 41ème millénaire est un peu plus hardcore que la nôtre…Fin spoiler

AVIS:

Je pense que l’on peut porter deux jugements sur ce Blackout de Stearns, qui seront fonction de la « maturité » (parce que la « vétéranitude » n’existe pas en français, et c’est bien dommage) du lecteur. Pour le nouveau-venu dans l’univers de 40K et de la Black Library, et qui aura donc une chance d’être authentiquement surpris par la révélation finale de cette nouvelle, cette dernière devrait être tout à fait satisfaisante. Pour les hobbyistes un peu plus expérimentés, qui auront éventé l’identité des persécuteurs des 77 dès la description de la blessure de Jerrick, la lecture de Blackout se révélera bien moins passionnante, d’autant plus que Stearns ne glisse aucun easter eggs1 ou référence à du fluff « avancé » dans son récit, pour une conclusion tristement banale. On m’excusera (ou pas, en fait je m’en fiche) à nouveau de mettre en avant Peter Fehervari, qui, sur une trame très similaire, avait réussi à soigner sa sortie dans son Nightfall. Si j’osais, je dirais que Blackout est un épisode de Dora l’Exploratrice, et Nightfall un court-métrage de Pixar : là où le premier ne s’adresse qu’à un « jeune » public, le second est suffisamment bien construit pour intéresser toutes les générations de spectateurs. Bref, une nouvelle à ne pas mettre entre toutes les mains, mais pas pour les raisons habituelles.

1 : On pourrait toutefois argumenter que les Crimson Shades se livrent eux-mêmes à une chasse aux œufs (à la sauce 40K, certes), ce qui constituerait une habile mise en abyme.

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Comme souvent avec des recueils de nouvelles, ce 4ème numéro d’Inferno! est assez hétérogène dans sa composition. Si les débuts d’Eric Gregory constituent à mes yeux la plus grande réussite de cet opus, d’autres soumissions (Flowers, Haley, Albert) s’avèrent également être intéressantes, ou convenables (Wiltgren, Green, Crisalli, Parrott, Brooks, Horth, Stearns). Finalement, il n’y a guère que la pièce-titre (en termes d’illustration de couverture tout du moins) qui m’est apparue comme insatisfaisante, ce qui est un ratio tout à fait respectable.

Hasard du calendrier, la tenue du Black Library Weekender 2019 nous a permis de prendre connaissance de la couverture et du line-up du prochain numéro, qui sortira au cours du premier trimestre 2020. Je suis particulièrement ravi de voir que sur les douze contributeurs mis à l’honneur de ce 5ème opus, 10 sont des nouveaux-venus, ce qui confirme une nouvelle fois le rôle d’Inferno! comme tremplin des nouveaux talents de la Black Library. Un an après sa résurrection, on peut donc considérer que la nouvelle incarnation d’Inferno! porte haut les couleurs de son glorieux aîné de ce point de vue (on attend toujours les comics et les articles fluff, ceci dit), et je ne m’en plaindrai sûrement pas. En attendant la publication d’un petit best-of personnel de l’année écoulée, et probablement un nouvel Infernabulum! avant la fin de l’année, je vous salue bien bas et vous souhaite d’infernales, aventureuses et satisfaisantes lectures d’ici à 2020!