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INFERNO! AN AGE OF SIGMAR COLLECTION [AOS]

Bonjour et bienvenue dans cette revue critique de l’anthologie Inferno! An Age of Sigmar Collection, titre mosaïquement proche s’il en est, mais nécessaire à ne pas confondre le sujet de cet article avec son frère jumeau grimdark (Inferno! A Warhammer 40,000 Collection, chroniqué ici). La même formule s’applique ici: prendre toutes les nouvelles siglées AoS1 des numéros 1 à 6 d’Inferno! nouvelle version, et les republier dans un ouvrage thématique. Simple, basique et financièrement intéressant pour tout le monde (bien que l’omnibus sigmarite soit un tiers moins important que son homologue futuriste, avec « seulement » 21 courts formats contre 31 pour son grand et gros frère). Que demande le peuple2?

Inferno! AOS.

Comptant 19 auteurs et la grande majorité des factions des Royaumes Mortels (pour une fois que les Stormcast Eternals ne prennent pas toute la place, on ne va pas se plaindre), ce recueil présente une diversité intéressante, qui pourrait le placer avantageusement dans la lutte impitoyable opposant les milliards de publications de ce type de la Black Library. Et puisqu’il ne faut pas juger un bouc par ses performances au karaoké, allons au cœur des choses et examinons de plus près ce que cet IAAOSC a dans le ventre.

1 : Sauf celles écrites par Guy Haley dans le cadre du fil rouge des numéros 1 à 5, la nuit de beuverie et de récits passée par le Prince Maesa et Shattercap à l’auberge de la Griffe Braisée. Dommage pour le lecteur, car cette novella feuilleton faisait partie des meilleures soumissions infernales, mais j’imagine qu’elle bénéficiera d’une publication séparée dans les prochains mois.
2 : Un numéro #7 d’ferno! ce serait pas mal.

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inferno-aos.

Red Knight – M. A. Drake :

INTRIGUE :

C’est jour de match pour Saroglek l’Amarkhaian et son banderium de guerriers d’élite. Envoyée par le bon roi Vlagorescu à l’assaut du dernier bastion de leurs ennemis honnis, les barbares Atrogai, la fine fleur du Domaine Reconnaissant se prépare à mettre un terme aux déprédations de cette peuplade sauvage. Toutefois, le maréchal Saroglek a reçu des instructions précises de la part de son suzerain : offrir à tous ceux qui se rendront la vie sauve et le pardon de leurs crimes passés s’ils consentent à jurer fidélité à l’impuissant monarque1.

Si Vlagorescu a envoyé une bande de tirailleurs plutôt que de déployer son armée, c’est parce que les Atrogai, malgré leur manque de bonnes manières, disposent de machines de guerre d’une puissance inégalée, qui auraient prélevé un lourd tribut dans les rangs de ses guerriers. Le banderium est toutefois un adversaire trop rapide et mortel pour que cet avantage technologique puisse être mis à profit par les défenseurs de la forteresse, pris de court par l’assaut impromptu que lancent Charro le Grec et ses comparses. Et une fois le corps à corps engagé, les prouesses martiales des serviteurs du roi font rapidement la différence, avec une efficacité un peu trop sanglante au goût de notre héros, qui se chagrine de constater que personne n’accepte l’honnête proposition de reddition qu’il offre pourtant à ses adversaires terrifiés dès que la mêlée s’interrompt (généralement lorsque tous les Atrogai ont été démembrés par le bandonéon, soit un peu trop tard pour être utile). Après avoir pris les murs, puis vaincus les défenseurs du donjon où se terre Nashan, le seigneur adverse, Saroglek mène ses vétérans à la rencontre des ultimes guerriers ennemis, retranchés dans une chapelle pour un dernier carré…

Début spoiler…Là encore, il ne peut que constater que sa proposition d’amnistie tombe dans l’oreille d’un sourd. Cependant, il comprend mieux pourquoi ses tests de charisme se sont tous soldés par des échecs critiques en contemplant son reflet dans les miroirs qui recouvrent les murs de la chapelle. Au lieu des fiers et nobles guerriers en armure de son banderium, ce sont des goules recouvertes de viscères et maniant des fémurs à moitié rongés qui lui apparaissent. Il s’agit évidemment d’un maléfice jeté par un sorcier Atrogai, et en l’absence de terrain d’entente possible entre assaillants et défaillants, les premiers massacrent les seconds de manière remarquablement horrible2. Un peu traumatisé de se voir si moche en ce miroir, Saroglek finit par lever le malentendu en fracassant les glaces à coup de masse, lui permettant de se refaire une beauté et une noblesse. L’histoire se termine par l’arrivée de Vlagorescu à la tête de son armée, un peu triste que son fidèle lieutenant n’ait pas réussi à rallier quelques survivants à sa cause, mais tout prêt à lui pardonner car avec l’annexion des terres des Atrogai, c’est un nouveau chapitre du Domaine, que dis-je, de l’Empire Reconnaissant qui va s’ouvrir. Et qui serait plus qualifié que le nouvellement appointé Grand Duc Saroglek pour mener les armées de son seigneur et maître à la conquête de Chamon ? Comme on dit dans les cercles autorisés : quand on l’attaque, le vampire contre-attaque. Fin spoiler

1 : Je vous jure que c’est son titre officiel.
2 : On salue le talent de Saroglek, qui parvient à éviscérer un adversaire par la gorge. C’est ce qui s’appelle avoir le bras long.

AVIS :

Il est difficile de donner un avis sur ‘Red Knight’ sans gâcher le plaisir de la lecture de cette nouvelle, aussi resterai-je volontairement cryptique1 dans mon analyse. Je commencerai par attribuer un carton rouge indiscutable à la Black Library, qui se permet de spoiler la fin de l’histoire dans le paragraphe introductif à cette dernière dans Inferno ! #6 (ne dîtes pas que je vous n’aurais pas prévenu). Non mais what the fluff, guys ? Il y a tout de même une raison pour laquelle Psychose ne commence pas avec Hitchock alertant le public que Norman Bates est sans doute complètement fou, mais cette dernière a visiblement échappé aux éditeurs de la BL. Ce (gros) grief mis à part, on se retrouve en présence d’un facsimilé d’une autre nouvelle de Drake, publiée quelques mois avant ‘Red Knight’, ‘Claws of Famine’ (‘Direchasm’). Si l’exécution est très satisfaisante, et l’auteur s’est indéniablement donné du mal pour donner de la consistance au royaume dans lequel l’histoire prend place, cette déclinaison du même thème par Miles A. Drake m’apparaît tout de même comme un signe de paresse narrative : dans un univers aussi riche qu’Age of Sigmar, resasser ses vieilles rengaines est encore moins pardonnable que dans d’autres franchises, moins permissives en matière d’invention. J’espère sincèrement, pour Drake et sa nouvelle faction de cœur que ni l’un ni l’autre ne resteront cantonnés à broder sur le même thème ad vitam aeternam. Autrement, il n’y a pas que leurs héros qui risquent de sombrer dans la désillusion…

1 : Mon Dieu, déjà un indice…

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Mourning in Rainhollow – D. Gross :

INTRIGUE :

La chasseuse de primes Janneke Ritter s’est mise sur la piste d’une nouvelle proie, un déserteur parti de Glymmsforge vers l’arrière-pays de Shyish. Sur le chemin qui l’amène à Rainhollow, la petite bourgade où elle rattrape enfin le fugitif, on apprend à mieux connaître cette héroïne droite dans ses bottes et hautement pragmatique, comme les noms qu’elle donne à ses armes (Coupeur, Attrapeur et Souffleur) et monture (Bidet), le démontrent. Cette grande professionnelle n’est toutefois pas en-dessous d’une bonne et gratuite action de temps à autre, comme le sauvetage qu’elle effectue en chemin d’une famille de colons attaqués par deux cadavres de cougars animés (de mauvaises intentions) le démontre. Cette péripétie mineure lui permet également de prendre la mesure de son gibier, le mage fantasque Eldredge Duul, qui a généreusement donné son âne aux voyageurs pour aider leur poney à tirer leur chariot. On est loin du mercenaire sanguinaire ou tueur psychotique, donc.

Lorsqu’elle parvient à Rainhollow, Ritter est guidée par les locaux jusqu’à la place centrale de la ville, où elle trouve Duul en plein combat contre un Bladegheist Revenant ayant décidé de s’installer dans la fontaine municipale. Malgré sa maîtrise magique appréciable, le bon samaritain n’en mène pas large face au spectre, et ce n’est qu’en coopérant avec celle dont il ne sait pas encore qu’elle est venue pour l’arrêter qu’il parvient à bannir l’insistant ectoplasme. Une fois le danger écarté, Ritter se fait un devoir d’annoncer à sa cible qu’elle est en état d’arrestation, mais cette dernière ne s’en formalise pas plus que ça, et parvient grâce à son charme naturel à entraîner l’austère matamore jusqu’à la porte d’une maison toute proche. C’est ici que vit celle pour laquelle il a décidé de prendre un congé sabbatique et non validé par sa hiérarchie, son amour de jeunesse et ex-femme, Zora.

Malheureusement pour le jovial Duul, Zora a été victime de la micro-invasion de Nighthaunt que Rainhollow a connu depuis le passage fugace mais remarqué d’un touriste tellement mécontent de l’accueil qu’il a reçu des locaux (il a dû attendre des plombes à l’entrée de la ville avant qu’on lui ouvre) qu’il a réanimé les morts au lieu de se contenter de laisser des avis incendiaires sur Trip Advisor. Zora, qui n’avait pas la langue dans poche ni l’habitude de se laisser marcher sur les pieds, a eu la mauvaise idée d’engrainer ce visiteur peu commode, et est passée de vie à trépas dans l’opération. Double peine pour ses maris (Duul et Ritter sont accueillis et mis au courant par Gerren, le veuf de Zora – qui s’était remarié après son divorce d’avec son premier amour1), il est de notoriété publique que les victimes du springbreaker fou reviennent hanter leurs proches sous la forme d’entrées du Battletome Nighthaunts à la nuit tombée. En même temps, c’est comme le Port Salut, c’était écrit dessus.

Peu confiant dans sa capacité à faire le nécessaire pour bannir son grand amour, Duul convainc la finalement assez serviable Ritter de participer à une veillée d’armes, et au bout de la nuit, du suspense, du soleil violet de rigueur, et d’une engueulade de vieux couple (et personne ne veut s’engueuler avec une Banshee, croyez moi…), Zora la Blanche trouve enfin la paix de l’au-delà, non sans avoir estafilé à mort son second époux avec le couteau à pain qu’il lui avait offert pour leurs noces de kouisine. Il le méritait aussi un peu, tout de même. Désormais plus intéressée par la conquête que par la capture de Duul (if you see what I mean), Ritter décide d’aller apprendre les bonnes manières au touriste mal en groin responsable des malheurs de Rainhollow plutôt que de traîner le mage AWOL en justice, et ce dernier s’avère partant pour donner un coup de main à la vigilante Vigilante. Et à Bidet, évidemment.

1 : Comme quoi, on peut vivre dans un Royaume des morts sans repos gouvernés par Skeletor, Premier du Nom, et avoir des mœurs très modernes.

AVIS :

Il flotte sur ce ‘Mourning in Rainhollow’ un parfum de fantasy fantasque et espiègle, pas si éloigné dans l’esprit et le style de ce que le regretté Terry Pratchett était capable de mettre en scène avec sa série du Disque Monde. Eldredge Duul campe un Rincevent des Royaumes Mortels assez convaincant (mais beaucoup plus doué), tandis que Janneke Ritter semble être un mélange de Mémé Ciredutemps et Sam Vines. L’intrigue proposée par Gross n’est certes pas très complexe, mais la fraîcheur que ce nouvel contributeur apporte à la GW-Fiction, tout en prenant soin de ne pas galvauder le background établi (et donc de s’aliéner les fluffistes qui constituent une bonne partie de son lectorat potentiel), compense amplement cette simplicité assumée. Je ne sais pas si Dave Gross s’acclimatera aux contrées généralement sinistrement sérieuses de la Black Library, ou si son passage parmi nous n’est qu’éphémère, à l’image de celui d’un Andy Jones il y a plus de vingt ans de cela, mais cette petite nouvelle « exotique » vaut le détour à mon sens.

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Blood Drought – E. Fomley :

INTRIGUE :

Une sévère crise des liquidités guette la bande de Mylox l’Ecorcheur, champion de Khorne dans le désert de Callidium, en Aqshy. Depuis plusieurs semaines, les victimes sacrificielles se sont faites rares, et le moral des troupes s’en est trouvé atteint. Avant que son statut de chef de meute ne soit remis en question par ses bidasses, Mylox doit donc impérativement trouver du péon à charcuter. Dur dur d’être un be…rzerker. Aussi, lorsqu’il tombe sur une colonne de Flagellants emmenés par un Prêtre Guerrier purifier cette région des déprédations chaotiques, il ne perd qu’un tout petit peu de temps1 avant d’emmener sa bande à l’assaut des Sigmarites en vadrouille.

Plus doués en EPS qu’en statistiques, les Blood Warriors se retrouvent cependant assez rapidement dans le mal. À cinq contre cent en effet, le combat finit logiquement par tourner en faveur des défenseurs, qui malgré des pertes effroyables ne lâchent pas un pouce de terrain. Alors que les deux derniers Khorneux se préparent à vendre chèrement leur vie, un autre joueur rejoint cependant la partie : Skyrut le Slaughterpriest (et sa bande de benis oui oui). Mylox a un gros passif avec le nouvel arrivant, car ce dernier l’a plus d’une fois devancé dans le massacre des caravanes traversant le désert de Callidium au cours des dernières semaines, et comme le dit le proverbe : même la plus belle fille du monde ne peut être décapitée qu’une seule fois. Il est donc hors de question de laisser cet arriviste mettre l’épée sur le cou parcheminé du Prêtre Guerrier que Mylox se réserve, et cette jalousie puérile donne un tel coup de fouet (de Khorne) à notre héros qu’il parvient à enfoncer les lignes ennemies, taper son meilleur sprint, établir un nouveau record de saut en hauteur, enfourcher un cheval qui traînait dans le coin, et finalement engager le combat contre le meneur adverse2, en toute intimité.

Le duel ne se passe cependant pas comme prévu pour Mylox, fatigué par la première mi-temps qu’il a dû livrer contre les mobs enragés pour réussir à chopper le cureton entre quatre yeux (ou plutôt trois, puisqu’il en a perdu un dans la bataille). Mis à terre par son adversaire, il est sauvé par un assist déterminant de son rival, qui décapite le Prêtre Guerrier en loucedé, rien que pour faire bisquer notre brave petit psychopathe. Les Royaumes Mortels sont décidément bien injustes. Evidemment, un tel affront à son honneur martial ne peut se solder que par un nouveau duel à mort, mais Skyrut choisit de se la jouer petit bras en invoquant une hache de colère pour faire le boulot à sa place. Confronté à la manifestation de la haine de Khorne, Mimile n’en mène pas large, mais parvient tout de même à tenir jusqu’à la fin du timer et la dissipation du jugement divin. Sentant la faveur patronale changer de camp, Skyrut daigne enfin donner de sa personne, et le tête à tête qu’il engage avec Mylox se termine par la perte de cette dernière par le Slaughterpriest. Comme quoi, ce n’est pas la taille qui compte.

Après avoir assené à son adversaire vaincu une punchline digne d’une cour de récré et/ou de Vladimir Poutine (un autre champion de Khorne reconnu), Mylox ramasse ses trophées chèrement acquis et retourne sur les lieux de la bataille principale, non sans avoir débloqué une nouvelle récompense divine (des khornes rasoir) au passage. À la vue de ses nouveaux attributs, les survivants des deux bandes rivales s’accordent pour dire que notre héros est le fenec des hottes de ce boa, comme on leur a appris à l’école, et à enterrer pour un temps la hache de guerre pour se mettre à son service inconditionnel. A Skarr is born.

1 : À faire comprendre à ses sous-fifres que le crâne du meneur adverse lui revient (et à personne d’autre). Et vous savez ce que l’on dit : le Blood Warrior comprend vite, mais il faut lui expliquer longtemps.
2 : Soit la liste des épreuves du pentathlon fantastique.

AVIS :

Eric Fomley nous renvoie à l’époque de ‘Call of Chaos’, et ses récits de bandes de guerriers chaotiques luttant pour s’attirer la faveur de leur Dieu (ou le retrouver, dans le cas de Slaanesh), avec ‘Blood Drought’. Comme on pouvait s’y attendre avec un tel casting, c’est l’action sanglante qui prédomine au long de ces 13 pages, le brave Mylox se taillant la part du lion en s’offrant pas moins de trois duels de boss (la hache de Khorne compte comme un, je suis désolé), pour au final être khokhufié par sa divinité. Mais il le prend bien, merci pour lui. Si Fomley parvient à maintenir l’intérêt du lecteur malgré la nature répétitive « Kill Maim Burn » de sa prose, ‘Blood Drought’ est trop limité d’un point de vue narratif pour faire de sa lecture une expérience mémorable. À réserver aux Khorneux les plus zélés (à condition qu’ils sachent lire, bien sûr).

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The Nefarious Antipustulent of Clan Morbidus – D. Guymer :

INTRIGUE :

Nous avions laissé le Clan Morbidus empêtré dans les putrides subtilités de l’élection de son meneur spirituel, l’Archipustulent, à la fin de la nouvelle éponyme1 consacrée par le petit rat-porter David Guymer à cet événement d’importance. La situation s’est quelque peu décantée lorsque notre histoire débute, car c’est Makulitt Pus, acolyte du défunt Verminable Cruor, qui a endossé la chasuble souillée et la mitre mitée de Pape des Pestes. Son autorité est toutefois contestée par Moldrent Sour, qui a déclenché un schisme religieux à l’intérieur du Clan et s’est fait proclamer Antipustulent. Les deux factions sont à couteaux et gourdins tirés, et se sont lancées dans de grandes campagnes évangéliques pour rat-meuter de nouveaux fidèles à leur cause. L’un de leurs terrains d’affrontement est le district de Fleshstink, un quartier industriel de Vile-Ville contrôlé par le Clan Moulder, et le duel d’o-rat-eurs qui s’apprête à s’y dérouler va donner un tour nouveau à cette querelle épiscopale.

Du côté de…euh… l’ordre (?) établi, c’est le Poxmaster Gagrik, rat de confiance de l’Archipustulent, qui est chargé de défendre les couleurs (vert caca d’oie et marron vomi) de son éminence. Son challenger est Weep Dripclaw, simple prêtre du Corrupteur mais conseiller proche de l’Antipustulent (casaque vert vomi et marron caca d’oie). Dans la plus pure tradition skaven, les concurrents ont fait construire leurs estrades de prêche à une distance stratégique l’une de l’autre (assez loin pour ne pas risquer de se faire tabasser par la faction ennemie, assez proche pour entendre ce que l’autre camp raconte), et le match de gospel reste longtemps indécis… jusqu’à ce que la plateforme de Dripclaw s’effondre à cause du zèle de ses propres partisans. L’avantage passe alors à Gagrik, plus doué avec les clous qu’avec les mots, jusqu’à ce qu’une émeute religieuse vienne dévaster les rues, déjà dangereuses et sales, de Fleshstink. La situation dégénère totalement lorsque Makulitt Pus en personne décide de se joindre à la querelle, et qu’une catapulte de la peste amenée en douce dans le voisinage par un bedeau trop enthousiaste, commence à arroser le quartier de manière indiscriminée (un évènement qui restera gravé dans les mémoires comme le Bloody Squeekday).

Cette guerre ouverte entre zélotes pestilentiels sur son territoire ne faisant pas les affaires de Zhurn Aelf-Eater, maître Moulder du Clan Dregg et membre du Conseil des Treize, il convoque le Prophète Gris Ratskitten, diplomate skaven reconnu, pour négocier la fin des hostilités, ou en tout cas des affrontements, entre Archie et Andy Pustulent. P-rat-gmatique, Ratskitten décide d’inviter les deux chefs de faction à des négociations privées et sécurisées par les vermines de choc personnelles de Zhurn. Après avoir recueilli l’avis favorable de Pus, et un grognement presque apaisé de Sour (qui est tellement béni par le Rat Cornu que ses propres fidèles le gardent enfermé avec camisole et muselière hors du champ de bataille), le Prophète Gris invite tout ce beau monde à le rejoindre dans la Tour de Kavzar, où se tiendront les pourparlers.

Bien évidemment, les deux camps ne se tiennent pas aux clauses de non-agression édictées par Ratskitten, et trouvent le moyen de déjouer la surveillance du service d’ordre dans le but de se débarrasser du chef adverse. L’Archipustulent dissimule ainsi des assassins dans le châssis du char de la peste de son rival, tandis que l’Antipustulent coupe les coffres d’épices apportés comme cadeau de Pus à Zhurn avec de la poudre à canon. Sour n’attend cependant même pas que sa manigance fasse effet : sortant un encenseur à peste de sous ses robes (la palpation des Vermines de Choc laisse vraiment à désirer), il part rejoindre la mêlée générale qui s’est déclarée à peu près 13 secondes après que Ratskitten, Pus et lui-même se soient retirés dans la chambre de négociations. Ce choix intrigue (mais soulage aussi un peu, soyons honnêtes) le Prophète Gris, qui ne comprend pas pourquoi Sour n’a pas profité de la situation pour réduire l’Archipustulent en archiporridge, et réunifier ainsi le Clan Morbidus sous sa bannière. La réponse est, très prosaïquement, que Sour n’a pas envie de prendre la place de son rival, et préfère de loin répandre la corruption sur les champs de bataille, occupation peu compatible avec la fonction d’Archipustulent. Pus, de son côté, ne rêve que de retourner à l’anonymat qui était le sien avant que la mort de tous les autres prétendants à l’élection rat-pale ne le fasse devenir Archipustulent (et donc la cible d’innombrables complots), contre sa volonté. Voyant dans le chaos complet qui descend sur la Tour de Kavzar sa chance de filer à l’ulguaise, il enclenche sa skitterstone et se téléporte loin, très loin des intrigues néfastes et malodorantes de Vile-Ville…

Début spoiler…Mais pas assez loin pour empêcher ses fidèles, toujours plus nombreux depuis son audacieux assassinat de l’Antipustulent dans l’édifice le plus sacré de la race skaven, de le retrouver dans sa retraite d’Aqshy, et de le ramener aux affaires. Après tout, le Clan Morbidus n’a jamais été plus puissant depuis que le schisme s’est résorbé, et il est de notoriété publique que le très pieux et très rusé Makulitt Pus a les yeux tournés sur le siège de Zhurn Aelf-Eater au Conseil des Treize. ‘Twas ze plan all along, of course…Fin spoiler 

1 : ‘The Unlamented Archpustulent of Clan Morbidus’ (Inferno! #3).

AVIS :

David Guymer donne une suite de haute volée à sa fantastique nouvelle explorant les arcanes de la politique et de la religion skavens avec ‘The Nefarious Antipustulent of Clan Morbidus’. Les ingrédients qui ont fait le succès du premier opus (du fluff, du fun et du sale) sont à nouveau au rendez-vous, et si je place ‘The Nefarious…’ un peu en deçà de ‘The Unlamented…’ (comment surpasser le potentiel littéraire d’une élection papale chez les Skavens, ceci dit ?), il ne fait aucun doute que si vous avez apprécié l’original, la lecture de la copie vous est plus que recommandée.

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Roadwarden – L. Merciel :

INTRIGUE :

Recrutée par une bande d’aventuriers convenablement hétéroclite (un sorcier à masque mécanique, un Aelf à dagues cristallines, une Duardin chauve et cinq cultistes de Khorne repentis) pour leur servir de guide à travers les terres brûlées au vent des landes de pierre d’Aqshy, la patrouilleuse (roadwarden) Fereyne s’embarque sans le savoir dans la quête d’une vie. Le but de l’expédition montée par le mage Veskil est, sur le papier, très simple : il s’agit de localiser la légendaire Fontaine d’Eshael, dont le pouvoir regénérant pourrait permettre de redonner vie au désert désolé qui couvre une bonne partie du Royaume de Feu, et peut-être même de faire pousser des choux-fleurs sur place. On rigole, on rigole, mais ça coûte cher à l’import, ces petites choses là. Quoi qu’il en soit, les indices rassemblés par le sorcier indiquent que l’artefact se trouve au cœur du territoire d’une des nombreuses tribus qui essaient tant bien que mal de survivre dans cet environnement aride, les Smokescars. Coup de chance, ces derniers ont toujours farouchement repoussés l’influence corruptrice de Khorne, et sont restés des « bons » sauvages, avec lesquels il serait techniquement possible de palabrer. En revanche, le fait que la moitié de la troupe de Fereyne soit marquée (au fer rouge) comme de confession khorny, même si la situation est plus nuancée qu’il n’y parait, incite la patrouilleuse à la prudence et l’évitement de la confrontation. Après tout, il n’est pas dit que les Smokescars soient des adeptes de la pensée complexe, même si les experts débattent encore de la couleur de leurs gilets.

Cependant, le manque d’eau et de vivres finit par pousser les aventuriers à tenter d’aller dormir chez les autres, mais en vain : tous les sites où la tribu s’est établie sont déserts, ce qui apparaît à Fereyne, guère sereyne, comme un mauvais pressentiment. Même l’EHPAD de Beau Séjour, où les Smokescars font résider leurs vieux et leurs malades à l’année, semble déserté. Semble seulement, car les cadavres putréfiés des quelques locaux qui sont restés sur place portent la marque indéniable de Nurgle. Il semblerait que le Seigneur des Pestes ait jeté son dévolu et ses germes sur ce petit bout d’Aqshy, ce qui s’expliquerait par la proximité de la Fontaine d’Eshael, seule capable de faire subsister la forêt de cuivrécailles (copperscales) s’étendant à proximité du campement, et accessoirement, de donner de la biomasse à moudre à ce grand cultivateur qu’est Nurgle (qui aime moyen le sable et les cendres). Ayant purifié l’endroit grâce aux pouvoirs aseptisants et cautérisants de Veskil, qui découvre par la même occasion que Fereyne est une mage en puissance, les voyageurs peuvent remonter la trace des habitants du campement, qui se dirigent vers le cœur de ladite forêt.

Comme on pouvait s’y attendre, les Smokescars ont été corrompus jusqu’au trognon, et tendent rapidement une embuscade aux aventuriers, qui la repoussent sans trop de pertes. Un peu plus loin, ils tombent sur un crop circle d’un style particulier, puisque fait avec des Sylvaneth corrompus figés dans du mucus solidifié. Cette vision de nature morte vivante fait comprendre à Veskil, qui n’est pas le dernier des abrutis, que la Fontaine est en fait un Portail des Royaumes reliant Aqshy à Ghyran, ce qui ne va pas être très pratique à transporter. Le mage commet toutefois l’erreur de trop réchauffer la gangue emprisonnant les esprits de la forêt avec son fer à friser magique, ce qui contraint la petite bande à faire un peu de bucheronnage avant de pouvoir repartir.

Laissant la corruption derrière eux, les survivants se dirigent vers la partie la plus saine de la forêt, et tombent sur un combat titanesque entre un Homme Arbre et un Rotbringer. Se découvrant une fibre écolo, Fereyne vole au secours du végétal malmené, malgré son pauvre niveau 2 et sa spécialisation Ranger, entraînant le reste de sa team avec elle. Si la magie enflammée de Veskil semble faire effet sur le seigneur Maggotkin, l’absence de tank dans l’équipe pour prendre l’aggro et le gros permet au boss pansu d’engager le corps à corps avec le sorcier (horreur !) avec son gros tentacule (malheur !), et on sait tous comment ce genre de plan finit en général. Fort heureusement, une inspiration géniale de Fereyne, couplée à une indigestion sévère et un haut niveau de stress des remurants servant de bêtes de somme aux aventuriers, permettent à la patrouilleuse de terminer le boulot. Un gros rototo à tendance lance-flamme plus tard, il ne reste plus du jovial Nurgleux que la semelle de ses bottes et une odeur tenace de graillon.

La situation n’est cependant pas brillante du côté de l’alliance Ordre et Engrais : Veskil a choppé une maladie sporiquement transmissible et préfère s’immoler par le feu plutôt que de finir corrompu, les autres comparses de Fereyne sont dans un coma profond, et l’Homme Arbre que le prouteux avait couché d’un coup de masse est en train de finir de croquer sa feuille. Avant de demander à la patrouilleuse de l’allumer à son tour, il lui passe quelques lamentiri, remet sur pied ses camarades, et lui demande d’aller alerter Alarielle en personne que les gardiens de la clairière de Taelrhunil ont choppé le mildiou, et qu’il ne faudra pas compter sur eux pour la prochaine kermesse. Désormais investie d’une mission, la patrouilleuse/mage (matrouilleuse ?) emmène ses side kicks à travers le Portail pour mener à bien ses toutes premières quêtes comme véritable chef de groupe. On est tous passé par là.

AVIS :

Débuts appliqués dans la GW-Fiction pour Liane Merciel, qui démontre avec cette quête initiatique à forte teneur en high fantasy son savoir-faire en matière de sword & sorcery. En tant qu’auteur établie dans ce genre littéraire, cela tenait plus de sa part de la confirmation attendue que de la plaisante surprise. À ce compte là, ce sont les nombreux détails fluff qui parsèment son récit, et viennent donner une épaisseur bienvenue au coin d’Aqshy où se déroule l’histoire, qui me sont apparus comme de vrais bonus. Du côté des points d’amélioration, je mettrai principalement en avant le caractère assez terne des personnages convoqués par Merciel, qui ne dépassent pas leur fonction de quota de race/classe, et ont bien du mal à justifier leur « présence nommée » dans la nouvelle. Cette dernière se finissant comme le premier épisode d’une série au long cours (il faudra bien que quelqu’un apporte ces graines à Alarielle), il n’est pas interdit d’envisager une suite à ce ‘Roadwarden’, qui permettrait peut-être à Khensev, Whyrlin et Brokkar de justifier leur statut de personnages secondaires-mais-pas-marginaux, si vous voyez l’idée. On verra bien.

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Trail of Ash – G. Lyon :

INTRIGUE:

Dernière magister de la cité détruite de Tantalum, en Chamon, Jaqlyn Kouslo, accompagnée par un régiment de survivants de la ville, poursuit un monstre insaisissable depuis plusieurs mois à travers les étendues sauvages de Ghur. La bête en question, qui ne laisse sur son sillage que ruines et cadavres carbonisés (les derniers en date appartenant au petit village de Farhold, dont le défaut fut de ne pas connaître le secret de la potion magique), a été libérée pendant la défense de Tantalum contre les assauts des morts vivants réveillés par le nécro-séisme de Nagash et les Hommes-Bêtes opportunistes des Bois de Fer voisins, ayant décidé que c’était un bon moment pour aller régler leurs comptes avec leurs voisins civilisés, d’une façon qui ne l’était guère. Responsable, mais pas coupable (ou quelque chose comme ça), de ce fiasco1 arcanique, Jaqlyn a juré de mettre ce nouveau danger pour les habitants des Royaumes Mortels hors d’état de nuire, et mène donc sa petite bande de conscrits sur la trace de la mystérieuse calamité, malgré les reproches qui lui sont adressés à mi-voix par la soldatesque, et le poil dans la main de son second, le Sergent Archus2.

Entre deux séances d’orientation en forêt et cauchemars la ramenant dans les ruines de Tantalum, où, dans son zèle d’interrompre le lancement d’un sort par un chaman Homme-Bête, elle a concocté l’imbuvable cocktail magique (une base d’Azyr, un peu de Hysh, un zeste de Ghyran, une pincée de Chamon…) qui a donné naissance au monstre qu’elle poursuit depuis, Jaqlyn finit enfin par refaire son retard avec ce dernier, alors qu’il était sur le point de réduire en charpie un malheureux Duardin isolé…

Début spoiler…Ayant trouvé le moyen de se téléporter avec ses hommes dans la clairière où le drame était sur le point de se dérouler, ou de courir très très vite une fois sa vision terminée, Jaqlyn engage le combat avec la monstruosité, qui se révèle être un Wildfire Taurus de fort belle taille et de méchante humeur. Quand on vous disait que ces sorts étaient persistants, on ne vous a pas menti. Pensez à les dissiper à la fin de la bataille, ce serait sympa pour les voisins. Malgré leur courage et leur discipline, les soldats de Tantalum ne font pas le poids face à la mugissante manifestation, et finissent tous piétinés et encornés, 1D3 blessures mortelles à la fois. Dernier défenseur, Archus se rachète de sa fainéantise passée en mourant bravement au combat contre Mad-guerite, et gagnant le droit de devenir un Stormcast Eternal dans sa prochaine vie3. De son côté, Jaqlyn a bien du mal à mettre à profit le temps acheté par ses protecteurs de leur vie, sa méthode de « dé-tricotage » magique se révélant inefficace contre la Vache qui Cuit. Elle bénéficie toutefois de l’aide inattendue du Duardin précédemment sauvé par son intervention, qui balance pokéball sur pokéball sur l’entité magique, faisant à chaque fois tomber quelques HP, mais ne semblant que retarder l’inévitable.

Comprenant qu’il lui faut changer d’approche si elle veut avoir une chance de remporter ce combat bien mal engagé, notre sorcière se résout à refaire usage de la magie (elle était réticente à le faire depuis la catastrophe de Tantalum), et… invoque un nouveau sort persistant. What could go wrong, après tout? Et pas n’importe quel sort persistant, notez : Pacman. Oui, Pacman. Après tout, on est en Ghur. Au final, la combinaison des assauts du dentier géant, des gadgets astucieux de son allié de petite taille, et la découverte d’un fil de magie un peu décousu, finiront par sonner le glas de la vachette en furie, dans une spectaculaire déflagration. À son réveil, Jaqlyn, laissé désœuvrée par l’accomplissement de sa quête réparatrice, accepte l’offre du providentiel Duardin, l’ingénieur expérimental et doctorant en ectoplasmologie (les Nains ne sont plus ce qu’ils étaient), Thorri Steelfist, de devenir son associée et d’aller combattre les mages maléfiques et leurs créations à travers les Royaumes Mortels. Toss a coin…Fin spoiler  

1 : Ceci est un meta jeu de mots.
2 : Il commence en effet la nouvelle par proposer à sa cheffe de monter le camp dans les ruines de Farhold. On apprend deux lignes plus loin qu’il était à peine midi…
3 : Fun fact : À chaque fois qu’il récupère une âme valeureuse pour ses armées, on peut voir la tête de Sigmar apparaître dans le ciel, et entendre un gros « Yaaaasssss ».

AVIS:

Cela partait pas mal pour Graeme Lyon, son idée de sorts vraiment persistants1 étant bien trouvée, et capitalisant sur une des innovations les plus iconiques d’Age of Sigmar par rapport à son prédécesseur. Un sujet parfait pour une nouvelle AoS, donc. Si la première partie de Trail of Ash, jouant sur le mystère de l’identité du tueur poursuivi par l’inspectrice Klouso et ses séides, et les flashbacks ramenant cette dernière au moment de la création de Buffalo Bill2, se passe plutôt bien, la confrontation finale entre le monstre et la sorcière est en revanche bien moins convaincante. En cause, une combinaison de facilités narratives, permettant certes à Lyon de terminer son histoire (même si le partenariat entre Steelfist et Kouslo laisse à penser que l’auteur est parti sur une série de nouvelles), mais pas de manière très satisfaisante.

Ainsi, entre la convocation, celle-ci sans aucun problème de long terme, d’un nouveau sort persistant pour combattre le mana par le mana (si ça n’a pas marché la première fois, pourquoi cela fonctionnerait la seconde?), l’intervention d’un random Ghostbuster, introduit de façon purement opportuniste dans le récit, ou encore le mode opératoire try again-iste de Jaqlyn (comprendre que sa méthode de dé-tricotage commence par se monter parfaitement inefficace, avant de parvenir à décomposer Raging Bull sans trop de problèmes quelques minutes plus tard), le dénouement de cette traque de longue haleine tient plus de la queue de poisson que de l’apothéose. On ne répétera jamais assez qu’il est important pour un auteur de nouvelle de soigner sa sortie, que cette dernière se fasse à travers un twist final (si possible) bien trouvé, ou bien par l’intermédiaire d’un bon vieux combat entre protagonistes et antagonistes. Et même si la première solution est généralement plus complexe à mettre en scène, la seconde n’est pas beaucoup plus facile à orchestrer de façon satisfaisante, comme de nombreux dénouements de courts formats de la BL au cours des siècles3 l’ont démontré. Better luck next time !

1 : Le pitch a dû se passer comme ça :
“Dude, you know these endless spells stuff? What if… ‘hits joint’…they were really endless? Like they are running away from the battlefield. And you have to chase them.”
“Dude.”
“Bro.”
2 : Pas le chasseur de bisons, hein, le tueur en série.
3 : J’ai techniquement le droit d’utiliser cette formule, et je ne vais pas me gêner.

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No Matter the Cost – M. R. Fletcher :

INTRIGUE:

Réveil douloureux, comme tous les matins, pour le vieil ermite Fell. Son rituel de lever consiste en effet à constater l’étendue des dégâts infligés par une longue vie et des capacités de guérison très limitées. Et pour cause, notre héros accuse plus de cinq siècles au compteur, et ne peut tout simplement pas se remettre de la moindre blessure, fracture ou luxation. Pourquoi ? Nous n’allons pas tarder à le savoir. Pour l’heure, après avoir rappelé à ses pieds, mains, doigts, genoux et dos à quel point il les détestait (et c’est réciproque), Fell se traîne jusqu’à la cuisine de son petit deux-pièces, où il ne tarde pas à recevoir la visite de sa jeune voisine, Rita. Cette dernière est une bonne âme, qui, en plus de lui apporter quelques victuailles sous la forme de pain et pommes de terre (et, devinez quoi ? Fell déteste les patates), lui fait sa vaisselle, la conversation et l’invite à rejoindre le reste de la communauté à la taverne locale ce soir, où l’aubergiste lui paiera un coup à boire et où il pourra entendre chanter la divine Terese, qui semble avoir le béguin pour l’irascible vieillard, si ses dons réguliers de tubercule peuvent être considérés comme une tentative de flirt (après tout, on est dans un pauvre village de Shyish). Malgré les tombereaux d’insultes et de menaces qu’il déverse sur la fillette, Fell finit par se laisser convaincre d’aller s’en jeter un petit ce soir, histoire de briser sa solitude. Et seul, il l’est…

Un flash-back intercalé avec la trépidante vie sociale de Hollow’s Dell (le hameau en question) nous permet en effet d’en apprendre un plus sur le Grouch du Royaume de la Mort. Scribe employé par les magisters de Glymmsforge, Fell avait, en des temps très anciens, une femme (Ruhinn) et une fille (Leona). Lorsque cette dernière tomba malade et mourut, il mit à profit sa mémoire eidétique pour recopier de tête un grimoire de nécromancie qu’un riche commanditaire lui avait commandé (on ne pose visiblement pas de questions d’éthiques à Glymmsforge), ainsi qu’un dictionnaire bilingue lui permettant de décoder les pages qu’il avait auparavant copié sans comprendre. Ce choix de vie ayant reçu l’approbation de son épouse, tout aussi désespérée que lui par la mort de leur fille, Fell avait passé la décennie suivante à bûcher sa méthode Assimil nécromantique, plongeant le couple dans une misère noire mais lui permettant de se consacrer pleinement à sa nouvelle vocation. L’apprentissage du sort de résurrection ultime s’avérant trop compliqué pour notre autodidacte, il avait fini par accepter l’aide d’une professeur un peu particulière, ayant remarqué à ses prunelles enfiévrées (et sans doute à son teint blafard et ses cernes marquées) que Fell en était, tout comme elle. Appelée Misère, cachant son Âge1 derrière une plastique parfaite, et au service d’une mystérieuse Dame Oh, elle s’était engagée à apprendre à l’amateur les mystères des arcanes, en échange d’un service éternel. Au pied du mur et bientôt au bord de la tombe, Fell avait accepté, mais s’était carapaté discrètement avec sa petite famille une fois la connaissance acquise et le sort final jeté, espérant s’installer avec les femmes de sa vie dans un coin pas trop lugubre de Shyish pour rattraper le temps perdu.

Malheureusement, Misère avait vu clair dans son jeu, et confronté la petite famille sur le bateau les menant vers leur nouvelle vie. Mettant son élève au défi de la stopper, elle avait dissipé le sort lancé sur Leona, renvoyant cette dernière conter fleurette à Nagash, et desséché sur pied la pauvre Ruhinn, avant de jeter à Fell une malédiction d’un genre un peu particulier : l’immortalité doublée d’une incapacité de guérir. C’est ainsi que notre héros en arriva à traîner sa mélancolie et sa carcasse fragile de village en village pendant des siècles, refusant à échéances régulières les offres faites par Misère de reprendre ses études, et se coupant volontairement du monde avec son comportement grossier pour ne pas donner de nouveaux moyens de chantage émotionnel à la vampiresse. Tout un programme.

Alors qu’il se rend au bar du coin, ce soir là, Fell réalise que quelqu’un l’épie du haut de la colline voisine, et, comme de juste, c’est la Misère qui attend de se jeter sur le bas-peuple (lui, en l’occurrence). La tuile. Jugeant qu’il a au moins quelques heures devant lui avant de devoir évacuer les lieux, et souhaitant saluer une dernière fois ses gentils voisins, notre fringant vieillard va s’asseoir au bar, mais est bientôt abordé par un mercenaire patibulaire, envoyé par Misère lui faire la même offre que les décennies passées : rejoindre le service de Dame Oh, ou avoir le saccage de son village d’adoption et le massacre de tous ses habitants et particulièrement celui de Rita, qui s’inscruste sans gêne dans la discussion, sur la conscience. Bien que bluffant à mort que ses concitoyens ne représentent rien pour lui, Fell ne convainc ni le matamore, qui repart en jurant de revenir avec ses troupes dans deux heures, ni lui-même. Décidé à empêcher les ruffians de mettre leur forfait à exécution, notre héros décide donc de rompre le serment qu’il avait fait sur les cendres et ossements de sa famille de ne plus jamais recourir à la Nécromancie, et s’en va donc clopin-clopant rendre une petite visite au cimetière local…

La suite et fin de la nouvelle voit Fell et ses légions de morts sans repos embusquer les reîtres de Misère à leur entrée dans le village, pendant que le reste de la population de ce dernier reste sagement enfermée dans l’auberge, comme leur mascotte édentée leur avait demandée. Le poids du nombre ayant remporté les débats, Fell résout d’aller traiter le problème à la racine, et mettre un terme à la non-vie de sa stalkeuse immortelle. Avant de s’embarquer dans sa croisade personnelle à la tête de ses troupes, il profite de sa nouvelle résolution pour annuler la malédiction que Misère lui avait lancé, et siphonne allègrement l’énergie vitale du menaçant mercenaire, fait prisonnier au cours de la bagarre, pour se refaire une santé et une jeunesse. À nous deux maintenant Misère ! Tu vas bientôt t’en mordre les dents, bougresse.

1 : Oui, son Âge, pas son âge. Ça vous donne une idée du nombre de kilomètres au compteur

AVIS:

Bien qu’il ait déserté pour l’occasion ses bien aimés Ossiarch Bonereapers, Michael Fletcher continue son odyssée Shyishesque de belle manière avec ce No Matter the Cost, dont la plus grande réussite repose à mes yeux dans la variété d’atmosphères que l’auteur convoque. Depuis les débuts plutôt humoristiques de l’histoire, où le lecteur fait la connaissance du cacochyme et ronchon Fell, jusqu’à sa conclusion résolument grimdark, où le même Fell passe enfin full Nécromancien et décide d’aller résoudre l’épineux problème de la Misère dans le monde, en passant par la tragédie personnelle qui l’a poussé à se lancer dans des études occultes, et même la petite touche émotionnelle qui traverse le récit lorsque notre antihéros réalise que, finalement, il s’est attaché à ses concitoyens de Hollow’s Dell et décide de les défendre, Fletcher parvient à habilement changer l’éclairage de la nouvelle au fil des pages, ce qu’il n’avait encore fait que partiellement (Strong Bones) et ce que peu d’auteurs de la BL sont capables de réaliser dans leurs courts formats. Cela démontre donc une maîtrise narrative certaine de la part de ce contributeur, et m’incite d’autant plus à suivre ses prochaines soumissions avec intérêt. Après tout, si un auteur passable peut faire illusion en traitant un sujet foncièrement intéressant, un auteur accompli peut maintenir un niveau de qualité appréciable quelque soit le thème qu’il choisit d’aborder. Partant, il vaut mieux investir son temps et son argent sur les écrivains faisant preuve d’une « technique » suffisante, lorsque cette dernière est détectable. C’est en tout cas mon avis.

À côté de cela, une autre satisfaction que je retire de cette lecture est le choix de Fletcher d’avoir dépeint son héros de Nécromancien sous un jour positif, ce qui n’était pas arrivé depuis…Who Mourns A Necromancer (Brian Craig) ? Même si on se doute que les choix de Fell vont finir par lui monter à la tête, et que le chemin sur lequel il s’est finalement engagé après quelques siècles d’atermoiements, va le mener droit en enfer (ou l’équivalent des Royaumes Mortels), notre protagoniste finit la nouvelle comme un « gentil » avéré, et on se met à rêver de le suivre dans la suite de sa vendetta (ou vendett-Oh) personnelle contre la machiavélique Misère et sa mystérieuse – ou pas – protectrice. S’il est trop tôt pour dire si la BL autorisera Fletcher à poursuivre ses chroniques Fêllées, ce dernier a en tout cas réussi à piquer mon intérêt pour le Nécromancien Blanc de Shyish, qui retourne les armes de ses adversaires contre eux pour lutter contre la tyrannie des Mortarques et de leurs agents. À 40K, ça s’appelle être un radical, et c’est parfois toléré, alors pourquoi pas dans les Royaumes Mortels ?

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Mournclaw – B. Galley :

INTRIGUE:

Notre propos débute avec la course effrénée mais peu rapide d’un Duardin esseulé dans un marais putride aux abords de la ville de Kurchok, en Ghur. Se sachant épié et poursuivi, notre nabot embourbé interrompt un moment son mud day dusk pour envoyer sa hache dans le thorax de son stalker, un coureur de boue – plutôt que d’égoût – Skaven. Si le rôdeur n’a pas réussi à arrêter sa proie, c’est sans doute parce qu’il s’agit d’un vulgaire ersratz des ninjas du Clan Eshin, notre raton étant en effet un membre du Clan Skryre. Avant de rejoindre le Royaume de la Ruine, il a toutefois l’obligeance d’expliquer à son tueur qu’il était à la recherche de la Mournclaw, provoquant une réalisation subite chez ce dernier, qu repart en petites foulée en direction de Kurchok.

Dans la ville en question, nous faisons la rencontre de notre véritable héros, le voleur Mallon Tein, alors qu’il se trouve en repérage dans la taverne locale. Ayant choisi de tenter sa chance auprès de la bourse d’un marchand Aelf, il parvient à la faire sienne en un tour de main et un renversement de pinte sur le carnet de notes de sa cible, mais se fait griller comme un bleu en lançant à cette dernière une pièce pour sa peine avant de prendre le chemin de la sortie. Car la pièce venait de la bourse subtilisée, et portait donc la rune personnelle de son propriétaire légitime, qui ne manque pas de saisir l’entourloupe. Ah, Mallon… Ta générosité te perdra ! Ou plutôt, aurait pu te perdre, si un chevalier assis en compagnie d’un groupe de gens louches, dont le Duardin susnommé, arrivé en cours de soirée à l’auberge, n’était intervenu auprès de la foule en colère pour sauver les miches du voleur malchanceux, prétendant le connaître et donnant au marchand déconfit une authentique pépite d’or torope en guise de dédommagement.

La situation s’étant calmée, Mellon est entraîné par son sauveur, Ulriker, jusqu’à son groupe de parole. Les autres membres de la compagnie sont les mercenaires que le chevalier a recrutés pour l’accompagner dans la quête d’un artefact magique : la masse d’armes Mournclaw. Cette dernière serait enterrée dans un tombeau Duardin bâti par les ancêtres de l’avorton boueux et grincheux croisé un peu plus tôt (Durbrord Grimbelly), qui possède une clé capable d’ouvrir la crypte familiale. Seul petit problème se tenant entre Ulriker et ses Lames Rouillées (le nom, qu’il considère sans doute stylé, qu’il a donné à sa franche-compagnie personnelle) et la reconnaissance que le don désintéressé de cette inestimable relique au Stormhost le plus proche ne manquera pas de leur valoir : aucun de nos larrons ne sait où se trouve le tombeau en question. Ceci dit, l’ingénieux Ulriker a un plan aussi simple que rat-dical pour contourner cette difficulté : kidnapper l’individu possédant l’information qu’il recherche, et qui n’est autre que le Warlock Volz Flayfang, du Clan Skryre.

Peu emballé par la perspective d’aller prendre un otage directement chez les Skavens des Fiend Crags, Mellon est toutefois contraint d’accepter de marcher dans la combine, les Lames ayant besoin d’un voleur (même pas très bon) pour compléter les talents de l’équipe, et notre larron n’étant de toute façon pas en mesure de rembourser la dette contractée auprès d’Ulriker pour son sauvetage. Notre joyeuse bande de lurons (Ulriker et son gryph-hound Malefitz, Durbrord et sa bedaine renfrognée, le duo mère fils farouchement anti-Skavens Elfrun et Oddone, le mage de feu non-diplômé Adalbero, le guerrier endormi Lundrich Twice-Killed et notre pickpocket récalcitrant) s’embarque donc dans un périple à travers les paysages pittoresques du Royaume des Bêtes, en direction du terrier de leur proie…

Début spoiler 1…Si leur mission quasiment impossible se déroule d’abord sans trop d’anicroches, puisqu’ils parviennent à pénétrer le repaire de Flayfang, à se frayer un chemin jusqu’à ce dernier et à repartir avec le rat de laboratoire sur l’épaule pour la somme modique d’un mort (Lundrich, qui se prend une gomme-cogne goût malepierre en plein dans le pif) et d’un blessé (Adalbero, victime d’un coup de queue barbelée à l’estomac), la suite s’avère beaucoup plus compliquée pour nos bras cassés. Ayant convaincu leur otage de les mener jusqu’au tombeau Duardin que ses équipes ont commencé à excaver, les Lames Rouillées sont bientôt en proie à une dissension interne de plus en plus marquée, Mallon et Durbrord soupçonnant Ulriker de vouloir récupérer la Mournclaw pour son propre compte plutôt que de la remettre à qui de droit, et ce malgré les avertissements récurrents donnés par le Passe-Partout de la bande1 à son vieux pote à propos de la nature maléfique de l’arme qu’il convoite. En plus de cela, Mallon découvre que son généreux sauveur s’est en fait joué de lui, et du marchand Aelf du début, en utilisant des bouts de ferraille dorés à la place de ses prétendues pépites d’or torope, et Flayfang propose au cambrioleur démotivé de conclure un pacte de non-agression pour sauver sa vie lorsque son armée personnelle aura mis la griffe sur les rat-visseurs de leur boss, ce qui ne saurait tarder.  

Les Lames Rouillées parviennent cependant à atteindre leur objectif, situé dans les montagnes de Cornecroc, perdant ce blaireau d’Adalbero, victime d’un mal d’estomac persistant et en rade de Pantoprazole, sur le chemin, rapidement suivi par Oddone et Elfrun. Bien que l’ambiance ne soit pas au beau fixe entre les survivants, ils finissent toutefois par arriver devant la porte de la salle où Mournclaw est entreposée, mais, problème, cette dernière ne pourra s’ouvrir que si le sang d’un descendant de la lignée est répandu sur la serrure, ce que Dubrord se refuse obstinément de faire. Il en faut toutefois plus pour décourager Ulriker, désormais totalement sous la coupe de Mournclaw,  et qui tranche la main de son compagnon après un court duel et utilise le moignon pour ouvrir l’ultime porte de ce donjon un peu particulier. Le chevalier disgracié n’aura cependant pas le loisir de looter l’arme héritage sur laquelle il avait des vues, ce fourbe de Post Mallon profitant de ses attributs de classe pour lui trancher la gorge en traître (ce qui n’est pas cool), et faisant subir le même sort au loyal Malefitz lorsqu’il tente de secourir son maître (ce qui est impardonnable). Ceci fait, le renégat s’empresse de jeter la masse aux pattes de Flayfang, bientôt rejoint par ses guerriers, espérant que son coup de main lui vaudra la reconnaissance du Warlock…

Début spoiler 2…Malheureusement, un Skaven ne tient jamais sa parole, surtout lorsqu’il est en position de force et cherche à se venger des mauvais traitements subis au cours de sa garde à vue musclée. Si Flayfang accepte donc volontiers Mournclaw, que sa race avait bien corrompue après l’avoir dérobée aux Duardin, c’est uniquement pour jouer au polo avec la tête de son allié. Vous aurez plus de chance à la prochaine session de JDR, les gars !Fin spoiler

1 : Hé, il est petit et porte la clé de son équipe. Je ne pouvais pas laisser passer cette opportunité.

AVIS:

Pour ses débuts au sein de la Black Library, Ben Galley démontre sa maîtrise de la nouvelle de sword & sorcery en mettant en scène la quête d’une bande d’aventuriers pour une mystérieuse relique, qui se révélera, comme de juste, maléfique. Si le sujet en lui-même n’a rien de particulièrement original1, l’auteur réussit à nous embarquer dans les aventures de son groupe de mercenaires rouillés sans coup férir, et parvient à mettre en scène son imposante galerie de personnages (8 au total, si on compte le gryph-hound d’Ulriker) sans donner l’impression que certains d’entre eux ne sont là que pour décorer. Autre réalisation technique à mettre au crédit de Galley, l’introduction narrée du point de vue de Durbrord, qui vient « enrichir » l’expérience de lecture. Ça peut paraître un procédé facile de prime abord (et pour être honnête, ça l’est), mais rien de tel qu’un changement de perspective au cours du récit pour immerger le lecteur dans ce dernier, et si l’astuce est souvent mis à profit dans les romans, il est bien plus rare dans les nouvelles. À cela je dis donc : well done sir.

S’il apparaît rapidement que la conclusion de ce Mournclaw ne sera pas heureuse pour nos protagonistes, dont le nombre descend graduellement au fur et à mesure que les embûches se présentent, ce manque de suspens est compensé par le désir de savoir qui restera le dernier debout, et comment les autres rencontreront leur fin. Il n’y a que la révélation des manigances du cérébral Flayfang, qui se targue d’avoir tout orchestré mais que l’on n’aura finalement pas vu à l’œuvre autrement qu’en pistolero, punching-ball et gossip rat, qui aurait pu être mieux amorcée par Galley. Pour le reste, nous sommes en présence d’une soumission des plus solides, faisant de notre homme un nom à suivre dans le cas où cette collaboration avec la BL serait amenée à continuer.

1 : La comparaison qui me vient avec une nouvelle de la BL serait ‘A Good Thief’ de Simon Jowett, racontant l’histoire d’un voleur recruté contre son gré par un puissant commanditaire pour dérober un livre magique à un seigneur brigand. On peut également penser au tire-laine ayant subtilisé l’anneau des Von Carstein du doigt de Vladd pendant le siège d’Altdorf.

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River of Death – A. Stephens [AoS] :

INTRIGUE:

Alors que l’aurore pointe à peine sur les maisons endormies de la ville fluviale de Demesnus, en Ghyran, un trio de jeunes gens attend un dernier compagnon sur les quais. Nos héros sont Brida Devholm, pas encore engagée dans les armées de Sigmar (The Siege of Greenspire), et les jumeaux Sati et Cahn, tous trois issus des classes laborieuses de la cité, et chargés par leurs familles d’aller récolter les joncs dont l’industrie locale fait grand usage, pour la teinture et la vannerie. Leur camarade est le mieux né Eron Rush, fils d’une grande famille locale, et néanmoins énamouré de Brida, à laquelle il compte se fiancer prochainement. Cette dernière l’a donc invité à faire la connaissance de ses amis d’enfance prolos, en espérant que quelques heures passées ensemble à faucher du roseau et se pinter à la bière rapprocheront ces deux mondes que tout oppose (sauf elle, bien sûr).

Force est de constater que son plan de copinage se déroule initialement sans problèmes, la bonhomie naturelle et les clowneries outrées d’Eron parvenant à vaincre la suspicion et les préjugés que les jumeaux entretenaient à son égard. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur plus vivace des Royaumes, la petite barque du quator remontant la rivière Quamus jusqu’aux bancs de joncs, atteints ces derniers temps par une sorte de maladie mal identifiée, comme c’est bizarre, lorsque, soudain, c’est la chute. Jetée à la flotte par le choc inattendu de son esquif contre un corps solide, Brida sent un corps sinueux et squameux lui frôle le mollet, ce qui n’est pas pour la rassurer. Sitôt remontée dans la barque, la cause de la collision apparaît clairement aux travailleurs de la rivière : une énorme anguille atteinte de la fièvre aphteuse a des vues peu charitables sur leurs carcasses. Équipés seulement de leurs rames et serpettes de kolkhoziens, les teenagers ne font pas tellement les malins, d’autant plus que les coups de boutoirs de la tanche en rut ont tôt fait de provoquer une voix d’eau inécopable (mais si, ça existe, la preuve) et d’assommer Eron, qui se prend un morceau de pagaie en plein dans le pif. Contraints et forcés, ils abandonnent leur pédalo pour gagner à la nage une île toute proche, Brida restant bravement en arrière garde pour ralentir l’anguille le temps que ses compagnons amènent son cher et tendre en sécurité. Et même si elle ne pourrait pas faire longtemps illusion comme Garde Morrsarr, chevauchée peu concluante de l’inamicale bestiole à l’appui, notre héroïne réussit toutefois à distraire suffisamment longtemps la bête pour que le quatuor parvienne à regagner la sécurité de la terre ferme. Sécurité relative, car l’îlot sur lequel ils ont débarqué est réputé être la demeure de Guette-Rivière, l’esprit tutélaire de la Quamus…

Début spoiler 1…Et en effet, il ne leur faut pas longtemps avant de croiser le maître des lieux, un vieil ermite encapuchonné, qui se présente comme étant le mythique Guette-Rivière, et leur promet de régler son compter à l’ennuyeuse poiscaille après avoir entendu le récit de leur mésaventure. Leur hôte parti à la pêche, nos ados éprouvés sombrent rapidement dans un profond sommeil. À leur réveil, plusieurs heures plus tard, Brida et Eron découvrent que les jumeaux ont disparu, et commencent fort naturellement à s’inquiéter, lorsque Sati et Cahn font finalement leur retour. Ils étaient partis casser la croûte en compagnie de Guette-Rivière, qui a préparé à ses visiteurs un petit-déjeuner des plus délicieux, et qu’il serait impoli de décliner. Peu rassurés par la situation, et interloqués par l’enthousiasme démontré par leurs amis pour les talents culinaires de Jo le Clodo, les amoureux finissent toutefois par leur emboîter le pas, et arrivent devant le camp de base de Guette-Rivière, où bout un grand chaudron rempli de ragoût. Les signes bizarres d’ascendant flippants allant en s’accentuant (Sati et Cahn, s’empiffrant littéralement, allant jusqu’à saisir la marmite brûlante à mains nues pour se resservir, le brouet de l’ermite étant glacé en dépit des flammes), Brida et Eron décident sagement de sauter le petit-déjeuner, et de fausser au plus vite compagnie à leur hôte. La fausse bonne idée d’Eron de balancer son bol à la tête de ce dernier pour faire diversion se retourne cependant contre l’initiateur de la bataille de bouffe, Guette-Rivière jetant bas les masques et la capuche, pour se révéler être un Rotbringer, aussi jovial et enthousiaste qu’une Maïté nécrosée. Sa transformation entraîne également celle des jumeaux, que leur consommation non raisonnable de soupe d’anguille pestiférée a changé en séides de Nurgle.

Ce constat posé, il ne reste plus grand-chose d’autre à faire pour nos héros que de pratiquer un peu de distanciation sociale, et prendre leurs jambes à leurs cous pour échapper aux miasmes et à la fringale persistante de leurs anciens camarades. Après une course éprouvante, Brida et Eron arrivent à mettre suffisamment de distance entre eux et les gros tas pour confectionner un radeau de fortune et partir de l’île maudite en battant très fort des jambes. Malheureusement, si la brioche des Maggotkins ne les avantage pas lors des épreuves de course de fond, elle leur permet en revanche de nager comme des poissons dans l’eau, et nos deux tourtereaux se retrouvent donc contraints à repousser les assauts sous-marins de leurs anciens amis à grands coups de latte. Le salut arrivera sous la forme d’une flotte de pêcheurs locaux, qui, en venant à leur secours, fera diversion assez longtemps pour que le courant emporte le radeau de la méduse, maintenu en un seul morceau par l’étreinte ferme d’Eron, jusqu’à la sécurité d’un banc de sable…

Début spoiler 2…Le soulagement de Brida est toutefois de courte durée, puisqu’elle découvre que son chevalier servant s’est sacrifié pour permettre à leur coquille de noix de rester à flot, et s’est fait béqueter une bonne partie des bras par l’insatiable Cahn en chemin. Les pansements à base d’algues n’ayant pas eu l’effet purgatif escompté, Brida ne peut que constater la détérioration de l’état d’Eron, qu’elle décide d’achever par compassion avant que sa transformation en morfale cannibale sclérosé ne soit complète. Ceci fait, et jugeant Demesnus probablement perdue (il suffit qu’un seul pêcheur mordu revienne à bon port pour que l’état d’urgence sanitaire soit déclaré), elle décide d’embrasser la voie martiale et d’aller se faire fille de fer au régiment le plus proche. On sait maintenant pourquoi elle passe son temps à se laver les mains dans la suite des ses aventures1Fin spoiler

1 : C’est bien sûr absolument faux.

AVIS:

Il y a des origin stories qui valent la peine d’être racontées, et celle de Brida Devholm, passée de fille du coupeur de joints joncs à capitaine revêche d’une garnison de la Ligne Émeraude (The Siege of Greenspire) fait partie de celles-ci. Ce qui commence comme une petite virée en bateau un peu mièvre passe en effet rapidement au (script de) film d’horreur par l’intermédiaire d’un goujon méchamment grippé, permettant à Anna Stephens de démontrer sa science de la mise en scène et de l’angoisse au cours des quelques pages suivantes. Depuis l’ambiance « Les Dents de la Mer » lorsque le quator tente tant bien que mal d’échapper à l’anguille putréfiée, jusqu’au final à la « Walking Dead » (prévisible mais bien réalisé) où Brida se trouve contrainte et forcée de plaquer son fiancé pour raisons sanitaires, en passant par l’épisode îlien très influencé par « La Colline a des Yeux » (l’ermite fou qui « convertit » les jumeaux aux joies du Nurglisme) et « Massacre à la Tronçonneuse » (la fuite éperdue de Brida et Eron)1, cette expédition nautique emprunte avec bonheur – sauf celui des protagonistes, évidemment – aux différents classiques du genre, pour un résultat prenant et intense. Seule petite ombre au tableau d’une soumission autrement très maîtrisée, la révélation par la BL que Brida poursuit ses aventures anti-chaotiques dans The Siege of Greenspire enlève un peu de suspens au récit, en prévenant le lecteur que ce personnage, au moins, s’en sortira. Il aurait été plus malin de la part des éditeurs de faire le lien avec l’autre nouvelle d’Anna Stephens en fin de River of Death, mais ce type de mise en contexte étant encore trop rare de la part de Nottingham, on ne leur en tiendra pas trop rigueur. En définitive, une vraie bonne nouvelle (haha), qui surprendra – en bien – peut-être ceux qui se sont familiarisés avec la prose AoSesque de Stephens via son plus classique Siege…, a le bon goût de faire le lien avec les autres récits de la BL traitant de Demesnus (Les Fantômes de Demesnus de Josh Reynolds en particulier) et aurait tout à fait eu sa place dans le prochain recueil de Warhammer Horror

1 : Et un petit clin d’œil plus récent à « Action ou Vérité » avec le sourire figé de Cahn et Sati à l’heure du petit-déjeuner.

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Watchers of Battle – B. Counter :

INTRIGUE:

Dans un remake audacieux des Bronzés font du Ski, une coalition de gladiateurs des Spire Tyrants part en direction de la Bonebreak Pass (que l’on peut sans doute traduire par passe de la fracture), qui permet le passage depuis Carngrad à Varanspire à travers les montagnes des Crocs, afin d’y gagner une gloire éternelle. Car s’il ne tombe pas de neige dans ce coin du Bloodwind Spoil (il pleut du sang par contre), c’est là qu’Archaon envoie régulièrement quelques recruteurs scruter les combats et repérer les guerriers de valeur, dignes de rejoindre les armées de l’Everchosen. Voilà l’objectif professionnel que s’est fixé notre héroïne, l’imposante Voleska, qui compte bien taper dans l’œil la visière des taciturnes observateurs qu’elle a aperçus en effectuant une mission de reconnaissance du campement de la Cabale Corvus1, cible toute désignée de la furie martiale des Tyrants. Ayant fait son rapport au Preneur de Tête Ferenk Sunder-Spine, qui en profite pour lui propose de devenir son bras droit, voire de prendre sa place si jamais il devait lui arriver malheur au cours de la bataille du lendemain, Voleska, dont le comportement cabotin et la maîtrise du marteau de guerre lui ont valu le titre de « Donneuse de Cadeaux » (Gift-Giver) auprès des aficionados2, repart sans donner de réponses définitives à cette offre de promotion, persuadée qu’un destin bien plus glorieux qu’assistante de direction des Red Sand Raiders l’attend si elle brille au combat.

Et pour briller, Voleska brille. Fille illégitime de Hulk Hogan et Brienne de Torth, la gladiatrice rend une tête et trente kilos au plus costauds de ses camarades de lutte. Quant aux frêles cabalistes emplumés, ils ne font littéralement pas le poids. L’accrochage entre culturistes enragés et gothiques homicidaires finit donc par tourner en faveur des premiers, Vovo enchaînant les kills spectaculaires (dont sa spécialité, le nut-buster3), allant jusqu’à concasser un Shrike Talon (Achille de son prénom) pour asseoir son statut de best entertainer de la bataille. Cependant, les observateurs d’Archaon ne donnent pas signe d’être très impressionnés par sa performance avicide…

Début spoiler 1…Qu’à cela ne tienne, Voleska tourne son marteau vers ses alliés une fois les cabalistes vaincus. Commençant par refaire le portrait à son side-kick Kyryll, elle fracasse ensuite sans discrimination ses anciens frères et sœurs d’armes de droite et de gauche, finissant par un duel au sommet (ou presque) avec Ferenk, qui mordra lui aussi la poussière4 après un combat accroché. Last woman standing parmi ce carnage indiscriminé, Voleska a enfin la satisfaction de voir deux Elus s’approcher d’elle et lui faire signe de les suivre en direction de la Varanspire, où son destin l’attend…

Début spoiler 2…Mais pas forcément de la façon qu’elle l’imaginait. En effet, amenée dans les forges qui entourent la citadelle d’Archaon, notre survivante est sommairement décapitée au-dessus d’un abreuvoir par ses recruteurs, son sang étant utilisé, comme celui des autres guerriers valeureux draftés par les sbires de l’Everchosen, pour tremper les armes et armures confectionnés pour les osts des véritables Guerriers du Chaos, statut auquel Voleska a eu l’erreur de prétendre. Décidément, le plafond de verre (ou de fer) n’est pas un mythe, même dans les Royaumes Mortels.Fin spoiler

1 : Les Scions (du bois) étaient attendus à la Bonebreak Pass, mais n’ont finalement pas pu décaler leurs prières enflammées pour se libérer. Dommage.
2 : Les cadeaux en question étant les têtes de ses adversaires malheureux, qu’elle arrive à faire voler dans la foule d’un moulinet expert de marteau.
3 : Comme quoi, la Distributrice de Cadeaux était également Castratrice de Corbeaux.
4 : Façon de parler, le coup fatal asséné par Voleska faisant passer son crâne en deux dimensions, d’où quelques difficultés à mastiquer. 

AVIS:

Excellente nouvelle de la part de Ben Counter, qui s’affirme de plus en plus comme l’expert du Bloodwind Spoil, dont il maîtrise comme personne d’autre le côté brutal et nihiliste. Après avoir décrit l’ascension sanguinaire et illusoire d’un guerrier maigrichon des Untamed Beasts (The Devourer’s Demand), il remet ici le couvert avec la quête de reconnaissance professionnelle d’une gladiatrice de Carngrad, prête à tout pour être remarquée par son senpai1. Et, une fois encore, la nature même du Chaos viendra briser les rêves de gloire du héros, avec des conséquences cruellement définitives. Il n’est jamais inutile pour la BL de rappeler que l’adage « beaucoup d’appelés, peu d’Elus » est absolument correct quand il s’agit de décrire la méritocratie chaotique, et quel meilleur moyen pour cela que de mettre en scène des histoires se terminant mal au sein de cette faction ? Après tout, pour un guerrier parvenant à gagner son armure de plates complète, des centaines d’autres ont passé l’arme à gauche dans l’indifférence la plus totale. Ainsi va la vie (et ainsi s’arrête-t-elle) dans les Royaumes Mortels… Prenant dans son déroulé, percutant par sa conclusion, et recouvert d’un discret vernis de gore qui fait tout le charme des nouvelles Warcry, Watchers of Battle est une autre réussite à mettre au crédit du revenant Ben Counter, qui n’a – à mes yeux – jamais été meilleur que depuis qu’il a réduit le rythme de ses contributions. Comme quoi, on a toujours intérêt à choisir ses batailles, et ce n’est pas Voleska qui nous contredira…

1 : Au petit jeu des ressemblances avec les travaux précédents de Counter, il serait dommage de ne pas citer ‘Sacrifice’, nouvelle rattachée au cycle Alaric (Chevaliers Gris), et qui montre comment les armes et armures de ces preux paladins sont réalisées. Là encore, l’opération est plutôt consommatrice en main d’œuvre…

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The Manse of Mirrors – N. Horth :

INTRIGUE:

The Manse of MirrorsRecrutée par un influent marchand de la cité libre de Lethis pour « visiter » le manoir d’un des plus célèbres résidents de cette dernière, feu (ou plutôt, cendres) Phylebius Crade, Thaumaturge Suprême de Lethis que nul n’a revu depuis cinquante ans, l’archéologue militante Shevanya Arclis se retrouve à la tête d’une petite équipe de spécialistes pour mener à bien ce repérage d‘Un Trésor dans votre Château’. Son employeur a beau considérer comme acquis le décès du propriétaire, le home-jacking du (six) pied(s) à/sous terre d’un mage d’Améthyste de niveau 153 reste une expérience périlleuse pour l’aventurier moyen, comme Arclis et ses compagnons ne tardent pas à le découvrir.

Ayant bien négocié les premières salles de ce donjon un peu particulier, Arclis et Cie se retrouvent dans le mal dans la galerie des glaces du manoir, qui ont la particularité d’être des portails donnant sur Shadespire les Vignes, petite bourgade typique de Shyish au centre-ville décrépit mais aux chargés de tourisme très motivés, comme le maître-voleur Goolan ne tarde pas à en faire l’expérience. Tiré au sort pour passer une nuit/vie dans un Air B&B local, le monte en l’air se mue en passe à travers, et file de l’autre côté du miroir découvrir les merveilles architecturales de Shadespire. Quelques secondes plus tard, c’est au tour de la noble aventurière Nazira El-malia de se faire mettre la griffe dessus, ou plutôt à travers, par un Spectre très entreprenant. Il faut toute la science arcanique du dernier membre de la compagnie, le mage stagiaire Dhowner, pour permettre aux survivants de regagner leur intimité, à grands renforts de porte blindée et de poudre de perlimpinipin.

La pièce où Arclis et Dhowner ont trouvé refuge se révèle être le laboratoire et cabinet privé de Crade, et regorge de moultes reliques des plus dispendieuses, ainsi que d’un gigantesque miroir expérimental, dans lequel les intrus peuvent contempler tout ce qu’il reste de leur hôte. Ce dernier, peu rancunier, s’avère assez content d’avoir de la compagnie, et explique que cela fait cinquante ans qu’il est piégé dans la cité de Shadespire, sujet d’étude l’ayant littéralement absorbé, à son grand désespoir. Avertissant ses visiteurs que l’influence néfaste de la ville-miroir risque de s’étendre à Lethis à travers son prototype de catalyseur, et que seuls ses vaillants efforts ont préservé la cité corbeau d’un sort pire que la mort, Crade implore les gentlemen cambrioleurs de l’aider à clore une fois pour toute la ligne M du TER de Shyish. À Dhowner de refermer le passage malencontreusement ouvert par Crade – qui accepte noblement son sort de citoyen d’honneur et d’horreur de Shadespire – , et à Arclis de défendre son camarade le temps que le rituel soit accompli. Au grand énervement du maître des lieux, qui lui conseillait de se servir d’un espadon mythique dans sa collection personnelle pour tenir les morts sans repos en respect, notre aventurière choisit de s’équiper d’une dague de pierre sur la seule fois d’une inscription disant ‘feuklémor’ gravée sur la lame. Il n’y a plus de respect ma bonne dame.

Début spoilerLa suite de la nouvelle voit toutes les suppositions que le lecteur était en droit d’entretenir à propos de la conclusion de l’intrigue développée par Horth se réaliser. Comme de juste, Crade se révèle être un fieffé chenapan, dont l’altruisme cachait en fait des velléités de possession du malheureux Dhowner.  Comme de juste, l’arme sélectionnée plus ou moins au pif par Arclis se révèle être un athame pour personnes en situation de non-vie. Comme de juste, notre héroïne parvient in extremis à empêcher Crade de faire du crade, en bousillant son miroir juste avant que le thaumaturge ait pu prendre entièrement possession de son padawan. Une monumentale explosion plus tard, les deux malfrats, catapultés dans le jardin du manoir, se font cueillir par la Morréchaussée, sans doute pour tapage nocturne. Mais la saga d’Arclis est loin d’être terminée…Fin spoiler

AVIS:

Après une quinzaine de pages prometteuses, dans lesquelles Horth parvient à instiller une ambiance macabre tout à fait satisfaisante, son The Manse of Mirrors débouche sur une conclusion assez tristounette, n’exploitant pas vraiment le potentiel horrifique et mystérieux de Shadespire, et résolue de façon très peu imaginative. Comme d’autres courts-formats de la BL, je crains que nous ne nous trouvions en face d’un texte pensé dès le départ par son auteur comme une part intégrale d’une oeuvre plus conséquente, ici la novella Thieves’ Paradise mettant en vedette notre Indiana Jones à oreilles pointues1, ce qui se solde malheureusement par des lacunes en termes de « singularité » de l’histoire développée. Bref, The Manse of Mirrors pourrait bien être le chapitre 0 de Thieves’ Paradise, et ce de façon très (trop) visible pour que le lecteur puisse réellement apprécier cette nouvelle de façon indépendante. Tout le monde n’a pas le talent d’un Dan Abnett, d’un C. L. Werner ou d’un Nathan Long pour réussir à jouer la partition du e pluribus unum de façon satisfaisante, et c’est encore une fois bien dommage. On mettra tout de même au crédit de Nick Horth les quelques ajouts de fluff qui parsèment sa soumission, qui achèvent de placer cette dernière dans la tranche haute du convenable. Cela aurait pu et dû être mieux, pourtant…

1 : Je me suis d’ailleurs aperçu qu’Arclis semblait avoir en main la dague piquée à Crade sur l’illustration de couverture de la novella.

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The Fourfold Wound – E. Gregory :

INTRIGUE:

Shinua Gan, cartographe freelance des Royaumes Mortels, poursuit un dessein bien particulier. Hantée par la mort de toute sa famille lors d’une attaque de brigands alors qu’elle s’était absentée de sa ferme natale, elle poursuit d’une haine tenace et implacable le milicien qui était censé monter la garde dans la tour de guet voisine, et dont le penchant pour la dive bouteille a permis aux marauds maraudeurs de fondre sur la PME familiale dans l’impunité la plus totale. Elle traque depuis la sentinelle alcoolisée, du nom de Halas, à travers les Royaumes, bien décidée à lui planter sa dague entre les omoplates pour lui apprendre à développer une éthique professionnelle. Classique, vous allez me dire. Là où cela devient intéressant, c’est que le Halas en question est mort. Et là où ça devient passionnant, c’est qu’il s’est attiré les bonnes grâces de Ziggie en expirant en combattant un Champion du Chaos, ce qui lui a permis de bénéficier d’une reforge gratuite et de devenir un Stormcast Eternal. Pas que cela décourage le moins du monde Shinua, notez : au contraire, dégoûtée par le choix divin, elle s’est rangée du côté des mémés (le mécontents mécréants), une société secrète dont les membres ne tiennent ni le Grand Barbu, ni ses sbires métallisés, en haute estime. En plus de se retrouver à intervalles réguliers pour baver sur les rouleaux en sigmarite de Charles Martel, les Sentinelles (Watchers en VO) collectent également des informations sur le déploiement et la composition des osts Eternals, qu’ils sont prêts à mettre à disposition des ennemis d’Azyrheim.

Nous arrivons ainsi à Ark’non, un village de pêcheurs de baleines et d’éleveurs de marmuts (pas besoin que je vous décrive à quoi ressemble cette petite grosse bête je pense), en compagnie de Shinua, qui cherche à tirer au clair un rapport mystérieux faisant état du déploiement des Marteaux de Sigmar, ost auquel Halas a été reversé après son recrutement manu divinii sur place, mais dans un futur proche au moment où elle prend connaissance. Ayant contacté la cellule de Sentinelles locales, elle est emmenée par la jeune Nor jusqu’au phare de fonction qu’occupe son frère Sgon, surnommé le Lordbreaker depuis qu’il a mené une révolte contre les Seigneurs qui exploitaient la population locale. Pas de bol, Sgon, qui avait pu prédire l’arrivée des Stormcasts en utilisant les visions conférées par la magie de sang des anciennes familles d’Ark’non, est irrémédiablement exsangue à l’arrivée de sa visiteuse, qui constate bientôt que ses prédictions météorologiques sont tout ce qu’il y a de plus fiables, de gros hommes de métal tombant des cieux pour purger Ark’non au nom de Sigmar, qui comptait sans doute les anciens Seigneurs parmi ses amis. It’s raining men, halle shit shit shit.

Entraînant la pauvre Nor1, qui après avoir perdu ses parents quelques semaines plus tôt, doit composer avec le suicide de son frère et la combustion de sa grand-mère, avec elle jusqu’au port d’Ark’non, Shinua croise sur son chemin un Liberator qui semble la reconnaître. Et pour cause, il s’agit bien sûr de Halas, très désolé de sa bévue pre-mortem, et qui se confond en excuses, puis en éclair, après que Shinua, très rancunière, lui ai planté une défense de morse dans le cortex. Il ne s’agit toutefois qu’une mise en bouche pour notre héroïne et sa pupille – tout aussi remontée contre le service d’Ordre, à raison – bien décidées à se venger de toutes les morts dont elles tiennent responsables l’impardonnable, et donc impardonné, Halas (hélas pour lui)…

AVIS:

Je ne connaissais pas Eric Gregory avant de donner sa chance à son The Fourfold Wound, mais oh boy, je vais désormais suivre de très près sa production pour la Black Library. C’est bien simple, cette nouvelle est, de très loin, le meilleur texte de fiction estampillé Age of Sigmar qu’il m’ait été donné de lire. Et pourtant, il y a des Stormcast Eternals dedans (ce qui est d’habitude un facteur aggravant). Eh bien, Gregory a réussi à me réconcilier avec les Maschinenmensch de GW, et avec l’univers de cette franchise en général, ce qui était loin d’être évident. L’angle d’attaque choisi par l’auteur, faisant des Stormcast les antagonistes, s’il n’est pas absolument novateur (Josh Reynolds fit de même dans The Iron Promise), est encore assez peu usité à l’heure où ces lignes sont écrites pour piquer l’intérêt du lecteur. La description d’une société secrète de ressortissants des Cités Libres, et donc théoriquement loyaux à Sigmar, la divinité tutélaire et protectrice de la civilisation et de l’Ordre dans des Royaumes Mortels en proie au Chaos, nourrissant une défiance forte pouvant aller jusqu’à la haine pure et simple, pour le « bon » dieu et ses super soldats, est une superbe trouvaille de la part de Gregory, faisant naturellement passer son récit dans la Twilight Zone, cet espace narratif délicieusement non-manichéen, où le lecteur est libre de choisir qui est son protagoniste. Serez-vous plutôt team Shinua, dont la quête vengeresse, pour justifiée qu’elle soit, va l’entraîner sur une pente de plus en plus glissante, et vers des alliances de circonstances de moins en moins moralement justifiables ? Ou préférerez vous prendre le parti de ce brave Halas, qui malgré son erreur de jeunesse, n’en demeure pas moins un authentique héros et un être qu’il est difficile de haïr, tant son désir de repentance est sincère ? Shinua, qui prend le parti des petites gens opprimées par la dictature militariste – car il faut bien appeler un gryphound un gryphound – de Sigmar, un dieu tellement bienveillant qu’il n’hésite pas à envoyer ses immortels raser un village de pêcheurs dont le tort aura été de se révolter de façon un peu trop sanglante ? Ou Halas, qui a chaque reforge, perd toujours plus de son humanité2, et ne peut pourtant pas se résoudre à faire du mal à sa meurtrière à chaque fois que leurs chemins se croisent ? À vous de voir.

Autre réussite notable à mettre au crédit de Gregory, sa description des Royaumes Mortels, qui se détache véritablement de l’influence de Warhammer Fantasy Battle. Ainsi, s’il peut sembler aux premiers abords de voir Shinua aller proposer un marché à l’armée de Rotbringers contre laquelle les Marteaux de Sigmar sont engagés, il faut bien reconnaître que cette réaction immédiate n’est en fait qu’une réminiscence de WFB, univers dans lequel il était inconcevable qu’un ressortissant d’un royaume « civilisé » du Vieux Monde et non engagé sur la voie du Chaos puisse espérer sortir vivant d’une telle rencontre. Autres temps, autres lieux et autres mœurs : bien que les disciples de Nurgle ne soient pas au-delà d’un peu de prosélytisme de bon aloi, et que le marché que Shinua conclut avec ces derniers pèsera sans doute lourd dans la balance au moment de rendre l’âme, la transaction se passera de façon tout à fait honnête, et chacun poursuivra sa route sans anicroches (enfin, peut-être le nez qui coule pour Shinua). À titre personnel, je suis assez favorable à cette rupture avec l’héritage de WFB, qui sera nécessaire pour qu’Age of Sigmar puisse se sortir de l’ombre de son glorieux aîné et gagner en singularité. Quitte à jouer la carte de la high fantasy, autant « dépassionner » les relations entre les différentes factions quand cela est possible, et Gregory réussit à faire cela de façon assez convaincante et naturelle.

Bref, une vraie et franche réussite pour cette première nouvelle, qui se révèle être la soumission la plus intéressante de cet Inferno! #4 et fait d’Eric Gregory un nom à suivre dans les prochaines publications de la Black Library.

1 : C’est un usage bien établi, il ne faut jamais perdre la Nor.
: Il finit d’ailleurs sa carrière comme sauveteur en mer sur une plage au fin fond d’Aqshy, ses trop nombreux décès l’ayant transformé en Hodor en plates complètes, aux capacités intellectuelles très limitées.

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The Serpent’s Bargain – J. Crisalli :

INTRIGUE:

The Serpent's BargainVictime des déprédations classées S (pour salaces) d’une bande de Maraudeurs de Slaanesh, le village de Varna ne doit son salut qu’à l’exploitation raisonnée décrétée par l’économe Seigneur Zertalian. Les pillards partis, pour mieux revenir quelques temps plus tard, les survivants sortent de leur trou (littéralement dans le cas de notre héroïne, la précautionneuse mais pas téméraire Laila) et tiennent conseil sur la marche à suivre. Malgré la position stoïque prônée par les anciens du village, qui préfèrent rester chiller au coin du feu dans l’espoir que les Slaaneshii trouvent une autre cible plus juteuse d’ici à leur prochaine crise d’ennui homicidaire, Laila, qui a déjà perdu son mari sous la lame des psychopathes princiers, est, elle, partisane d’une approche un peu plus proactive. Et pourquoi pas aller demander de l’aide aux Blonds1, ces mystérieux reclus qui vivent dans la vallée d’en face et que les légendes locales décrivent comme des adversaires acharnés du Chaos, et en particulier de ces margoulins dépravés d’Hédonistes ? Il paraîtrait même que ces gais lurons volent à la rescousse de ceux qui luttent contre de tels ennemis, ce qui est précisément le cas de nos Varnites.

Devant la réaction mitigée que sa proposition suscite auprès du conseil gériatrique du village, Laila décide de faire profil bas, mais n’en résout pas moins d’aller tenter sa chance auprès des Blonds, entraînant avec elle un vieux pote chasseur de niveau 3 (Stefen) et un lancier mercenaire gras du bide mais au pied léger (Ano). Le trio trace la route vers la blonde vallée, bravant pour ce faire le décret de confinement édicté par les anciens, et finit par arriver à bon port, n’ayant perdu qu’un seul de leur membre (Ano le stalker) en chemin. Faisant face à un temple décoré de moultes statues de donzelles en string et en rogne, les deux survivants commencent à douter du caractère véridique de leurs légendes, mais il est trop tard pour faire demi-tour,  et l’entrée du temple étant gratuit pour les filles et interdite pour les mecs, c’est seule que Laila pénètre à l’intérieur. Laissant prudemment le chaudron rempli de serpents à bonne distance, elle marche jusqu’à un petit jardin intérieur, où elle fait la connaissance de Cesse, jardinière manifestement elfique qui consent à écouter la doléance de son invitée. S’en suit une petite négociation, à l’issue de laquelle Cesse accepte d’aller combattre les Slaaneshii, qu’elle et le reste de ses Blondes détestent véritablement, en échange d’un paiement en sang de la part des humains. C’est alors que Laila révéle sa propre blonditude, croyant bêtement que la petite coupure qu’elle hérite pour sceller le pacte consiste en sa part du paiement en totalité. Aha. La cruche. Elle aurait ouvert un Battle Tome Daughters of Khaine, ou même eu la moindre notion en elfenoirologie qu’elle aurait compris qu’elle venait de se faire carroter dans les grandes largeurs. Les dangers de l’ignorance. Bref.

Ressortant du temple, Laila découvre avec effroi une flèche brisée et une flaque de sang là où elle avait laissé son chasseur de compagnie, et en conclut que ce dernier n’a pas fait de vieux os. Parvenant malgré tout à revenir jusqu’à Varna, elle relate son périple à ses concitoyens, s’attirant un regard lourd de reproches de la part des vieux de la vieille, qui se doutent bien que le marché passé avec les Blondes a de grandes chances de ne pas se résoudre en faveur des péquenauds. Avec raison. En effet, lorsque les scions de Zertalian décident de refaire une virée pillarde et paillarde en ville, ils ont beau se faire promptement méduser par Cesse et ses groupies, cette dernière demande ensuite que le tribut de sang leur soit remis. Incompréhension, puis mauvaise foi de la part de Laila, qui ne trouve pas ça très charlie. Qu’importe, un marché est un marché, et les Varnites ne sont de toute façon pas en mesure d’empêcher les Fifilles de Kékhaine de prendre leur dû, soit les faibles du village. Comme l’explique doctement Cesse à une Laila qu’elle précipité du haut du mur d’enceinte pour lui apprendre à mal lui parler, il n’y a qu’en supprimant les faibles que les forts pourront survivre, et il s’agit d’une mission de service public, vraiment. Cela ne convainc pas vraiment Laila, qui finit la nouvelle en pleurant comme une madeleine sur sa propre stupidité. Moralité : si les hommes préfèrent les blondes, la réciproque n’est pas toujours vraie.

AVIS:

Retour mi-figue mi-raisin pour Jamie Crisalli, qui ne retrouve pas avec ce The Serpent’s Bargain la recette du succès de sa première soumission pour Inferno!. La faute à une intrigue cousue de fil blanc (le marché léonin conclu par un héros ignorant avec des « alliés » pas si sympathiques que cela), exploitée par d’innombrables auteurs dans autant d’ouvrages avant que Crisalli ne revisite à nouveau ce classique des classiques. Si son choix de ne pas faire de la révélation de la fourberie des Blondes le twist final de sa nouvelle est compréhensible, l’absence d’éléments venant enrichir l’intrigue et le déroulé du récit l’est moins. À titre personnel, j’aurais bien aimé que l’auteur passe plus de temps à justifier le positionnement des Filles de Khaine, et pourquoi leur mission d’épuration des faibles leur tient tellement à cœur (ce que Crisalli fait en quelques lignes en fin de nouvelle), ce qui aurait apporté un contrepoint bienvenu à la vision « gentillesque » autant qu’horrifiée de Laila. Je n’ai pas non plus compris ce que Crisalli voulait accomplir avec les personnages de Stefen et Ano, dont la relative importance dans le récit ne débouche sur pas grand-chose. Coup de moins bien, donc. Espérons qu’il ne soit que temporaire.

1 : Fair Ones en VO. Ce qui peut se traduire par les Beaux, également. Voyez-y un hommage à Gad Elmaleh, ou à son inspirateur.

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The Unlamented Archpustulent of Clan Morbidus – D. Guymer :

INTRIGUE:

The Unlamented Archpustulent of Clan MorbidusC’est un jour spécial qui se lève commence (le soleil brille-t-il ici ?) à Vile Ville pour Rattagan Borkris, l’honorable Malfaisant Supérieur de l’Eglise de la Ruine Rongeuse. À la suite du décès brutal, mais pas totalement imprévu de l’Archipustulent Heerak Gungespittle, la charge occupée par ce dernier est vacante, et notre héros compte bien la faire sienne. S’il parvient à ses fins, il occupera une position de choix au sein du clan Morbidus, et pourra rêver à siéger un jour au sein du Conseil des Treize, si le représentant actuel de sa faction devait lui aussi avoir un accident malheureux. Pour cela, il lui faut remporter l’élection du Lycée des Lecteurs, dont les vingt-et-un membres doivent se réunir sous peu pour désigner le nouveau chef spirituel du clan. Pouvant compter sur le soutien de huit des cardinaux, Borkris est pleinement confiant dans la suite des événements, n’ayant besoin que de convaincre deux autres votants de la qualité de sa candidature pour accéder à la fonction à laquelle il aspire.

Cependant, l’ambitieux Supérieur doit compter avec deux rivaux, tout aussi déterminés que lui à prendre en patte la destinée du clan. Hascrible, un simple moine de la Peste, compensant sa cécité et ses origines serviles par un zèle implacable et une dévotion exubérante envers le Grand Corrupteur, a l’oreille des masses laborieuses et du bas clergé Morbidus, et constitue donc une force avec laquelle il faut compter. Le Verminable Dengue Cruor, 500 ans bien tassés et de fait doyen de l’assemblée, est un autre prétendant valide à l’élévation, et le seul disposant d’une influence à même de rivaliser avec celle de Borkris. Coup de chance pour ce dernier cependant, Nicodemus a eu une panne de rat-veil ce matin, et avec l’absence simultanée d’un autre Lecteur, Drassik, il n’a besoin que d’un vote supplémentaire pour devenir rat-life à la place du rat-life.

À quelque distance du Temple Fendillé, où se tiennent les débats, nous retrouvons les deux absents, occupés à d’importants préparatifs. Cruor, en sa qualité de Sage Bilieux de la Voie Extirpée et maître des potions, s’active à une concoction un peu spéciale en vue de faciliter sa future élection. Drassik, de son côté, le seconde de son mieux, en lui fournissant une moustache, puis son dernier rât-le, deux ingrédients nécessaires à la réussite du gaspacho mitonné avec application, plutôt qu’avec amour, par l’ancien maître. N’ayant pas vu passer l’heure, il se hâte ensuite vers le concile, où les choses ont avancé plus vite qu’il ne l’avait prévu. Le premier tour de vote n’a en effet rien donné, Borkris ratant l’élection à une voix près, secondé de plus loin par Hascrible, qui demande de manière véhémente un recomptage des voix (ce n’est pas parce qu’il est aveugle qu’on peut la lui faire à l’envers), et, à la surprise générale, y compris la sienne, par un troisième larron, Salvik Rakititch, joueur du FC Rat-rcelone, plénipotentiaire du clan sur Aqshy. Les débats ayant été levés pour la journée, Borkris s’empresse d’aller à la rencontre de Rakititch afin de lui proposer une offre qu’il ne pourra pas refuser, et cimenter ainsi son prochain succès.

Alors que nos deux larrons étaient sur le point de conclure un accord, l’intrusion soudaine de Hascrible et de ses zélotes, animés de mauvaises intentions (ce qui est mal) et armés de fléau à malepierre (ce qui est pire), vient sonner la fin des pourparlers, et force les intrigants à chercher la protection de leurs escortes respectives. Il faudra l’intervention musclée autant que solidaire des septons du Temple Fendillé pour stopper l’alga-rat-de, au cours de laquelle Rakititch essaiera de zigouiller Borisk, sans succès (c’est résistant, un rat de Nurgle), qui lui rendra la pareille de façon plus efficace. Un de moins.

Le deuxième tour de vote débute donc sous des auspices très différents du premier, avec un Borisk un peu amoché et en situation de faiblesse, un Harscrible renforcé par son coup de force et l’attribution – certes imméritée, mais les voies du Rat Cornu sont tortueuses – de la mort de Rakititch, et un Cruor gardant sa botte secrète en réserve. Profitant de son droit d’adresse avant que le vote ne débute, le Verminable enjoint fortement ses collègues à le choisir, pour la bonne et simple raison qu’ils ont tous été contaminés à leur insu par le splintergut, une infection aussi mortelle qu’horriblement douloureuse, dont seul Cruor possède l’antidote. Consternation dans l’auguste assemblée, sauf de la part de Hascrible, tellement certain de la bénédiction dont il bénéficie de la part de sa divinité tutélaire qu’il n’hésite pas à envoyer grignoter le vieux croûton croûteux. Interprétant mal la défiance de son rival, et suspectant une entente secrète de ses adversaires, Borkris a alors la mauvaise idée de décapiter Cruor, certain que ce dernier se contente de bluffer. Sauf queue (de rat) non. La nouvelle se termine donc sur le renouvellement complet du haut clergé du clan Morbidus, l’ignoble Lycée des Lecteurs ayant pris un aller simple pour la bedaine du Rat Cornu suite à la gaffe de Borkris. Place aux jeunes !

AVIS:

Carton plein pour Guymer, depuis le titre savamment sophistiqué de sa nouvelle jusqu’à la conclusion, convenablement tragi-comique (ce terme a été inventé pour les Skavens) de cette dernière. Ayant pu lire beaucoup de bien à propos des ouvrages de notre homme pour la Black Library, sans avoir été personnellement emballé par rien de ce que j’avais pu lire de sa prose jusqu’à présent, que ce soit dans le Monde qui Fut (The Tilean Talisman) ou les Royaumes Mortels (God’s Gift), j’étais plus qu’un peu dubitatif sur la hype entourant le sieur Guymer. The Unlamented… est la soumission qui a mis tout le monde (c’est à dire votre serviteur et le reste de l’univers) d’accord sur le sujet, et plutôt à l’avantage de notre auteur, ce qui est le meilleur scénario possible (croyez-le ou pas, mais je préfère lire des textes qualitatifs, même si, je l’avoue, chroniquer des scories littéraires est généralement une entreprise assez rigolote).

Pour aller un peu plus loin dans l’exposition de mes louanges, je distinguerai trois sources principales de satisfaction : le fond, la forme, et le parti pris de narration. Par ce dernier terme, j’entends le choix fait par Guymer de plonger directement dans le lecteur dans le cœur du lore d’Age of Sigmar, sans prendre le temps de lui présenter/prémâcher le background de base des factions mises en scène (ici les nobles Skavens). Je n’ai aucun problème à reconnaître que les premières pages, et la première lecture en général, de The Unlamented… ont été un peu ardues pour moi, même si je me considère comme raisonnablement calé en matière antropomurine. Mon bagage de connaissances, hérité quasi-exclusivement de mes lectures WFB, s’est en effet avéré insuffisant pour couvrir l’organisation ecclésiastique du clan Morbidus1, autour de laquelle Guymer construit l’intrigue de la nouvelle. Entre les noms, les titres et les relations de pouvoirs des membres du Lycée des Lecteurs du Clan, il est assez facile de s’emmêler les moustaches au sujet de qui veut faire quoi et tuer qui. Personnellement, cette approche « rentre dedans » me plaît davantage que la tendance inverse, consistant à tout expliquer, souvent de façon très scolaire – et donc assez ennuyeuse – pour être sûr de ne pas perdre le lecteur, surtout si ce dernier a des chances d’être neuf dans le Zhobby. Inferno! étant un produit plutôt destiné aux vétérans de la BL, le choix de Guymer m’apparaît tout à fait valide, et assez valorisant pour le public, qui appréciera sans doute qu’on ne le prenne pas pour le dernier des noobs (même si nous sommes tous passés par là).

Deuxièmement, la forme est donc également une source de satisfaction. On se trouve en présence d’une vraie nouvelle, dont l’intrigue se développe et mature au fur et à mesure que les motivations et les projets des trois personnages principaux sont présentés. Les péripéties s’enchaînent de façon convaincante, alternant entre intrigues et confrontations, parfois violentes, de nos cardinaux scrofuleux. Enfin, la conclusion vient illustrer de façon adéquate pourquoi les Skavens, malgré tous les avantages à leur disposition par rapport aux autres factions d’Age of Sigmar, n’ont pas réussi à conquérir les Royaumes Mortels (et n’y arriveront sans doute jamais). Cette tendance à l’auto-destruction, de manière spectaculaire, douloureuse et distrayante (vue de l’extérieur) est en effet une marque de fabrique de cette noble race, et il aurait été déplacé de ne pas y faire référence.

Enfin, le fond est lui aussi à l’honneur dans The Unlamented…, Guymer parvenant à retranscrire de belle manière le fonctionnement et les luttes intestines du Clan Morbidus, tout en nourrissant généreusement son lectorat d’éléments fluff sur l’organisation de ce dernier, sa place dans la société skaven et son territoire au sein de Vile Ville. Même si la nouvelle ne contient pas de révélations majeures sur le background raton, elle est suffisamment bien écrite pour satisfaire l’amateur, qui en retirera des éléments intéressants, et une meilleure compréhension de l’organisation (ou de son manque) des suivants du Rat Cornu. Bref, un très bon cru que The Unlamented Archpustulent of Clan Morbidus, et un mètre étalon raton à garder en tête pour les prochaines soumissions de David Guymer.

: Et pourtant, j’ai une copie des Uniformes et Héraldiques Skavens, dans lequel le Clan a été introduit.

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In the Mists of Chaos – R. Hoskin :

INTRIGUE:

Le village d’Ironvale a la mauvaise fortune de se trouver sur la seule voie menant à un Portail des Royaumes reliant Aqshy à… ailleurs, ce qui a provoqué un afflux massif ruffians littéralement mal dégrossis au cours des dernières semaines. Outrés par le manque de savoir-vivre de ces visiteurs indésirés autant qu’indésirables, les locaux, menés par les intraitables frères Weisz (Uffo et Moryn), ont fini par les envoyer balader, à grands coups d’épée et de marteaux pour les plus insistants des punks à chiens disques. Si l’opération Main Propre (en hommage au membre sectionné du sorcier du Chaos qui menait les loubards chaotiques) engagée par les véhéments Ironvalois est un succès, elle a cependant coûté cher aux honnêtes citoyens, aux pertes subies pendant l’échauffourée ayant pris place sur le parking de la supérette locale s’ajoutant la grave blessure subie par Moryn à cette occasion. Laissé presque unijambiste par cette franche explication de texte, Mo’ peine à se remettre de ses émotions, et c’est le cœur lourd que son héros de frangin, le laisse sur son grabat pour mener sa petite bande de voisins vigilants à la rencontre des vandales qui menacent à nouveau la quiétude d’Ironvale.

Coup de chance pour nos honnêtes Aqshyssais, leur plus si paisible que ça bourgade est nichée au cœur d’une vallée escarpée, dont la topographie n’est pas sans rappeler les Thermopyles. Ils sont donc en capacité de bloquer complètement la route des maraudeurs, toujours menés par leur gorfou doré1 de leader, Ty’Gzar (un breton donc, ça explique des choses). Encore heureux, car les assaillants ont l’avantage du nombre2, ce qui pourrait jouer des tours à nos vigilantes. Les sommations préliminaires n’ayant rien donné, étonnamment, Uffo décide fort logiquement de tenir la ligne et de laisser l’ennemi se fracasser sur les boucliers de ses sold- ah non, finalement il ordonne une charge générale sur les rangs des cultistes de Tzeentch, où lui et ses collègues commencent par prélever un lourd tribut (car il faut une vignette crit air pour circuler dans la périphérie d’Ironvale, c’est connu). Malheureusement pour notre impétueux héros, son homologue chaotique exhale une latte monstrueuse, qui engloutit prestement le champ de bataille et fait perdre toute cohésion au bataillon sigmarite. Coupé de ses soldats, dont seuls les cris lointains lui parviennent, Uffo continue toutefois à corriger du cultiste, ses horions vengeurs venant à bout de toutes les horreurs et Horreurs que le nuage de fumée met sur sa route.

Après ce qui lui semble être une éternité de combat sauvage, Uffo tombe finalement à court d’adversaires… et se rend compte peu de temps après que le silence de mort qui est tombé sur le champ de bataille s’explique par le fait qu’il a massacré dans son enthousiasme guerrier, abusé qu’il était par l’insidieuse fumette de Ty’Gzar, une bonne partie de ses soldats, et la plupart des habitants d’Ironvale (dont, très probablement, son propre frère), le flux des combats l’ayant ramené jusqu’à son village. Voilà qui est ballot. Et notre héros de comprendre tout d’un coup pourquoi ses ennemis étaient si soudainement si bavards, bien qu’il n’ait pas compris sur le coup que leur salmigondis délirant était en fait un appel à ce qu’il retrouve ses sens. Annihilé par cette révélation, Uffo le louf voit s’approcher Mano Solo, qui se délecte bien évidemment du tour pendable qu’il a joué au vertueux champion des bonnes mœurs. Il a cependant le tort, impardonnable, de commencer à incanter sans respecter les distances de sécurité une fois son monologue satisfait achevé, et se fait fort logiquement châtier de son outrecuidance par un Uffo vengeur, qui ne se gêne pas pour lui reprendre la main. Voilà ce que c’est de la jouer petit bras, maraud !

AVIS:

Ce n’est pas passé loin pour Hoskin, mais ses débuts au sein de la Black Library ne peuvent être considérés comme au dessus de reproches. Malgré l’utilisation d’un ressort narratif guère original, mais toujours efficace, et le métier apparent de notre homme en matière de storytelling, son In the Mists of Chaos pêche légèrement, mais significativement, sur deux points. Le premier est l’assimilation incomplète, non pas du fluff, convenablement traité dans l’ensemble, d’Age of Sigmar, mais plutôt de son atmosphère. À lire cette nouvelle, on ne devinerait jamais que le Chaos est l’adversaire ultime des Gens Libres, et non pas une « simple » menace du même ordre qu’une bande d’Orruks en maraude, ou qu’un banc d’Idoneth Deepkin en quête de butin. Héritage important du Monde qui Fut, et de l’univers GWesque en général, le Chaos est en effet l’éternelle Némésis des peuples civilisés, au premier rang desquels on retrouve les communautés humaines adorant Sigmar, sans doute le Dieu du Panthéon de l’Ordre nourrissant la haine la plus farouche pour les adorateurs du Club des Cinq. Entendre cette bonne pâte d’Uffo interpeller le général adverse comme s’il agissait d’un bandit de grand chemin, et pas d’un champion des Dieux Sombres, imbu de pouvoirs mystiques et à la tête d’une horde de mutants et de démons, s’inscrit donc franchement en faux avec les conventions dont le lecteur vétéran de la BL a l’habitude. On va dire que je radote, et c’est sans doute vrai, mais la high fantasy d’Age of Sigmar, où plus rien n’est vraiment tout à fait glauque, nihiliste, absurde ou amoral, vient encore de gagner du terrain. Je le déplore. Ce n’est que mon avis cependant.

Deuxième point d’achoppement, la construction de la nouvelle autour de son twist final, que j’ai trouvé un peu faible. In the Mists of Chaos est typiquement le genre de publication que l’on se dépêche de relire une fois le fin mot de l’histoire connu3, afin de relever tous les indices et suggestions que l’auteur n’aura pas manqué d’intégrer discrètement à son propos, afin de laisser une chance au lecteur d’éventer sa surprise finale à l’avance. Je n’ai pas trouvé que Hoskin avait excellé dans l’exercice, aucun détail savamment dissimulé aux yeux du tout venant, mais absolument révélateur pour l’initié, ne m’étant apparu lorsque je suis revenu sur mes pa(ge)s. C’est d’autant plus dommage qu’un autre auteur de la BL avait exploité (quasiment) la même idée dans une nouvelle publiée il y a quelques années4, avec des résultats que j’avais trouvé bien plus probants. Bref, une entrée acceptable de Rick Hoskin dans la sombre bibliothèque, mais rien de très enthousiasmant.

1 : C’est une espèce de manchot. Qui a dit que le wargaming ne permettait pas d’accroître sa culture générale ?
: Ca ne se joue pas à grand chose, ceci dit.
: Ici, c’est « Jeu de mains, jeu de villains ». You know why.
: Son of the Empire de Robert Allan, publiée dans le recueil The Cold Hand of Betrayal.

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The Book of Transformations – M. Keefe :

INTRIGUE:

The Book of TransformationsMatt Keefe choisit de narrer la vie et l’oeuvre de l’apothicaire Mehrigus, établi dans une ville des Gens Libres du Royaume de Chamon. Ayant appris son art auprès d’un alchimiste au sens de l’humour et de la décoration un peu particuliers1, notre homme exerce sa noble et utile profession au service de la communauté, mais rêve et travaille en secret à d’autres projets, bien plus ambitieux que la confection de cataplasmes ou la réduction des fractures. Passionné par le concept de transformation de la matière, une lubie qu’il tient sans doute de son mentor, Mehrigus est persuade que la médecine pourrait progresser de façon notable si elle arrivait à mettre à profit la puissance du changement et de la mutation. Je sais à quoi vous pensez en ce moment même, amis lecteurs, et pour répondre à votre question, non, Mehrigus ne réalise pas que cette philosophie mène tout droit à l’ornithologie démoniaque. Tout le monde n’a pas la chance d’avoir une copie du Battletome Disciples of Tzeentch (neuf, de préférence, c’est plus fluff) sur son étagère, ou peut-être que c’est le libezard de compagnie de notre héros qui l’a bouffé avant qu’il ait eu le temps de le feuilleter. Qui peut dire.

Ayant eu le malheur d’exposer un peu trop directement ses idées lors d’un colloque scientifique il y a quelques années, avec des résultats pas franchement probants, Mehrigus a fait depuis profil bas, tout en continuant ses expérimentations dans son laboratoire personnel entre deux purges de nourrissons et séances de podologie à l’EHPAD du coin. La visite d’un confrère à la retraite, répondant au nom de Trimegast et apparemment lui aussi intéressé par le sujet d’étude de Mary Grüss, constitue donc une surprise de taille pour notre apothicaire, mais une surprise des plus heureuses, puisque son nouvel meilleur ami lui laisse en prêt une copie annotée du Livre des Transformations, lui demandant seulement de le tenir au courant des avancées qu’il pourrait réaliser au cours des prochains mois.

Bien aidé par ce grimoire providentiel, et profitant des malheurs de ses concitoyens, tracassés par les déprédations d’une bande de maraudeurs de Nurgle ayant décidé de squatter les égouts de la ville, Mehrigus a bientôt l’occasion de délaisser la recherche fondamentale pour quelques cas concrets, dont il fait bénéficier de sa nouvelle forme de médecine. Cette dernière commence par donner des résultats probants, les pommades hydratées à défaut d’être hydratantes et les poses de sangsues fluos s’avérant redoutablement efficaces pour combattre l’infection, en plus d’apporter une plus-value certaine en matière de chirurgie reconstructrice. Las, comme vous vous en doutez, l’état de grâce ne dure pas, et la survenue d’un cas désespéré, traité tout de même par un Mehrigus à mi-chemin entre Hippocrate et Mengele à ce stade, fait naître d’affreux soupçons chez notre héros quant à de potentiels effets secondaires indésirables de ses traitements. Un petit tour en ville le lendemain de l’accident le convainc rapidement que son protocole gagnerait à être revu, ses anciens patients se plaignant tous de s’être fait pigeonner (comprendre qu’ils se transforment littéralement en pigeons, ce qui n’est pas agréable).

C’est le moment que choisit Trimegast, ou plutôt Trimegastraxi’attar-i-qash (à vos souhaits), pour refaire son apparition, sous sa forme fringante et pédagogue, puisqu’il annonce posément à Mehrigus qu’il le prend comme apprenti avec effets immédiats, pour la plus grande gloire de Monsanto Tzeentch. Ne pouvant se rabattre sur aucun autre vœu sur Parcoursup – un classique – et pas vraiment emballé à l’idée de tenter de raisonner la foule en colère qu’il contemple de loin mettre à sac son domicile, notre héros accepte la proposition qui lui est faite, et fait ses premiers pas sur la voie mystique et tortueuse du… transformisme. Hé, il faut bien commencer quelque part.

AVIS:

Matt Keefe se donne les moyens de ses ambitions avec The Book of Transformations, nouvelle “deluxe” par rapport aux standards habituels de la BL, tant en termes de longueur (33 pages, ce qui la place dans les travaux les plus conséquents de la maison d’édition pour ce type de publication), que de découpage (un prologue et sept “chapitres”, chacun disposant de leur propre titre) et de narration. C’est en effet, si ce n’est toute, mais au moins une grande partie de la vie de Mehrigus qui défile au gré des pages, depuis son placement en apprentissage chez l’alchimiste pétrophile jusqu’à sa reprise d’études, bien des années plus tard, auprès d’un maître d’un autre genre. Mine de rien, les chroniques de ce type sont assez rares de la part de la BL, qui ne fait pas mystère de son amour pour la règle des trois unités. À titre personnel, j’ai tendance à tenir à l’œil les auteurs capables de sortir des sentiers battus – qui le sont parfois tellement qu’ils en deviennent creux, comme les travaux de ceux qui les empruntent – même si les résultats ne sont pas toujours à la hauteur. Cette audace littéraire est en effet souvent révélatrice d’un véritable potentiel, voué à se révéler à court ou moyen terme (c’est l’idée en tout cas). Quand le résultat est tout à fait correct, ce qui est ici le cas, cela ne gâche évidemment rien.

Autre source de satisfaction, l’approche à la fois respectueuse et old school qu’a Keefe du Chaos et de la façon dont il parvient à corrompre même les âmes les plus vertueuses. Laissez-moi enfiler ma toge de docteur en littérature GWesque pour préciser ma pensée, amis lecteurs. Au fil des publications de la BL (et avant elle, car il y a eu un avant!), différents courants se sont en effet faits jour, auxquels il est possible d’affilier les auteurs et les travaux des franchises de GW. Alors qu’Age of Sigmar semble, pour le moment en tout cas, favoriser une approche de high fantasy, tandis que les dernières années de Warhammer Fantasy Battle penchaient fortement vers le grimdark sans filtre, je rangerais davantage ce The Book of Transformations dans l’école “réaliste”, que l’on retrouve par exemple dans la prose d’un Brian Craig (nom de plume de Brian Stableford), un grand nom de la littérature de genre qui a enfanté un corpus assez conséquent de travaux estampillés WFB dans les années 90. Qu’est ce que le “réalisme” chaotique, me direz-vous? C’est une excellente question et je vous remercie de l’avoir posée. Eh bien, j’y vois le parti pris de l’auteur de faire interagir ses personnages de façon rationnelle et réfléchie avec la notion du Chaos, qui, bien qu’étant une force corruptrice, perverse et immensément dangereuse, n’est pas le repoussoir ultime qu’elle est devenue par la suite. Exemple gratuit : alors que le grimdark fait pousser des tentacules au quidam qui aurait la déveine de contempler un peu trop longtemps une étoile à huit branches, le réalisme admet que le petit grand-père qui vit de l’autre côté de la rue possède quelques curieux grimoires dans sa bibliothèque, qu’il a acquis sous le manteau en sachant que c’était mal, mais dont la possession n’a pas jeté son âme en pâture aux Quatre Fantastiques pour autant… ou en tout cas, pas en un claquement de doigts.

C’est cette approche que l’on voit à l’oeuvre dans The Book of Transformations, Mehrigus restant égal à lui même du début à la fin de la nouvelle, malgré la possession pendant une grande partie de cette dernière d’un ouvrage des plus “idéologiquement connotés” qui soit. Et si sa damnation finale et complète ne fait pas grand doute (d’ailleurs Keefe conclut intelligemment son propos en faisant remarquer que si les disciples de Tzeetch sont des maîtres de la transformation, la seule chose qu’ils ne pourront jamais changer est leur allégeance au Chaos), notre héros termine l’histoire comme le “type bien” qu’il était au départ. Merci donc à Matt Keefe pour cette résurgence, sans doute isolée mais pas inintéressante pour autant, de cette conception chaotique. Ah, c’est moche beau la vieillesse…

1 : Installer un petrulus dans son vestibule, ce n’est pas forcément du meilleur goût, même si ça fait un porte chapeau des plus pratiques.

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From the Deep –  J. Fenn :

INTRIGUE :

From the DeepUne chose que l’on ne peut pas retirer à l’univers d’Age of Sigmar par rapport à Warhammer Fantasy Battle, c’est l’étendue bien plus vaste qu’il couvre en termes strictement géographiques. Avec ses huit royaumes mortels, les portails et la dimension du Chaos en sus, et jusqu’aux Séraphons qui squattent le cosmos, il n’y a pas de risque d’empiéter sur les plates bandes du voisin, pour peu qu’on veuille s’en donner la peine. Si on ajoute la dimension temporelle à l’équation, les possibilités, déjà vastes, se trouvent encore démultipliées jusqu’au vertige, ce qui devrait permettre à chacun de trouver encrier à sa plume, même (ou surtout) aux petits nouveaux de la BL, dont la maîtrise de l’historique de la franchise n’est peut-être pas optimale (tout le monde ne s’appelle pas Josh Reynolds). C’est sans doute pourquoi que Jaine Fenn a décidé de nous entraîner dans le lagon de la Mer des Serpents du royaume de Ghyran pour son galop d’essai en terre sigmarite, à la rencontre du mystérieux peuple des algues que l’on nomme les Néréïdes.

Notre héroïne, Kelara, occupe la noble fonction de maraîchère des forêts de kelp et gardienne des bancs de nektons qui s’y ébattent joyeusement, et tout pourrait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes royaumes si les hordes du Chaos, encore elles, n’avaient pas décidé de poursuivre leur campagne d’extinction de masse dans un nouveau milieu, après avoir consciencieusement ravagé le littoral. Notre candide Néréïde a ainsi la désagréable surprise de découvrir un VRP vérolé à sa porte un beau matin, tenant mordicus à lui vendre une séance d’acupuncture à base de lance rouillée, ce à quoi Kelara est plutôt opposée. Déconfit par ce refus, le scion de Nurgle se répand en invectives, puis en nuage de corruption, après que Kelara, à qui il ne faut pas baver longtemps sur les branchies, lui ai fait goûter à sa propre médecine. À son grand ennui, ces épanchements ont pour effet immédiat de faire crever une partie non négligeable de ses plantes vertes, et elle s’empresse de prêter secours à ses ouailles, toutes également importunées par des Blightkins trop insistants pour leur propre bien. Cette première vague gérée, Kelara réalise qu’elle se retrouve en première ligne de la guerre de la Vie, et se mue alors en général aussi enthousiaste qu’inepte1.

Gardant un œil attentif sur les activités ennemies à la surface, Kel’ tente également de convaincre ses cousins des profondeurs, spécialistes de l’élevage de serpents marins d’un fort beau gabarit, de rejoindre le combat, avec de très maigres résultats. Surprise en pleins pourparlers avec les voisins du dessous par le cri de douleur déchirant d’Alarielle, qui s’était alors cognée le petit orteil dans une racine qui dépassait du sol (comprendre que ça a dû lui faire très mal sur le coup, mais qu’il ne s’est strictement rien passé de grave dans les minutes, heures et jours qui ont suivi pour la gent Sylvaneth), Kelara remonte en catastrophe dans les eaux du lagon et décrète la mobilisation générale… et pas grand chose d’autre. Ou comment perdre une journée. Un peu plus tard, elle doit gérer une crise d’un genre particulier, lorsque la surface de la Mer des Serpents se met soudainement à geler sur plusieurs mètres, emprisonnant et broyant les malheureuses Néréïdes ayant eu la mauvaise idée de traîner dans le coin à ce moment. Persuadée d’une manigance de l’ennemi2, Kelara envoie des patrouilles se renseigner sur les actions de ce dernier, et découvre que les Blightkins ont tiré parti de ce soudain âge polaire pour confectionner des Nurglaçons, qu’ils larguent dans les eaux internationales pour poursuivre leur travail de sape. Avec succès, car, comme Fenn le note, Kelara n’a aucun moyen de lutter contre ces cacatovs d’un genre particulier. Sale guerre que celle-ci.

Un peu plus tard, et bien décidée à reprendre l’offensive, Kelara dévoile une nouvelle facette de son caractère : une couardise pathologique. Cherchant désespérément à se rendre utile, notre héroïne voit en effet son heure de gloire poindre à l’horizon, sous la forme d’une petite bande d’Hommes-Bêtes occupée à faire une bataille de boules de neige sur la banquise. Confiante dans le fait que ses forces sont quatre fois plus nombreuses que l’adversaire, que celui-ci ne les a pas vu arriver, et qu’elles disposent d’armes de jet pour débuter les hostilités sur la bonne nageoire, Kelara se retrouve tout de même prise en flagrant délit de fuite éperdue, après que le Gor désarmé qu’elle attaquait par surprise ait réussi à lui arracher sa lance des mains. On ne peut pas gagner à tous les coups.

Cette escarmouche malgré tout remportée par les forces de l’Ordre, Kelara emmène ensuite ses sœurs à la rescousse d’une petite force de leurs cousins Sylvaneth branchus (à défaut d’être branchés), livrant bataille à une horde chaotique non loin de là. D’abord chaude comme la braise à l’idée de se joindre au combat, Kelara voit son trouillomètre monter dans les tours à la vue de l’ost ennemi, et ne réussit à sauver la face que grâce à la rencontre fortuite avec un des Stormcast Eternals combattant aux côtés des militants de CPNT, qui l’informe obligeamment que lui et ses camarades effectuent une action d’arrière garde pour permettre à la Lady of Vines (Dame des Rameaux ?) de porter le cuir dans l’en-but adverse Alarielle sous sa forme de cosse jusqu’au portail des royaumes le plus proche. Toujours une à fuir le combat dès qu’une occasion se présente, Kelara s’empresse de fausser compagnie aux braves Stormcasts, dans le but avoué d’aider la suite divine à parvenir à bon port.

La promenade de santé tourne toutefois au parcours du combattant lorsqu’un trio de serpents de mer corrompus par le Chaos décide de littéralement briser la glace avec les défenseurs d’Alarielle, confondant certainement cette dernière avec une cacahouète. L’occasion pour Kelara, capitaine Albacore, de prouver sa valeur ; ce qu’elle fait avec zèle, à défaut d’efficacité. En même temps, personne n’a jamais stoppé un cachalot berserk en lui lançant des cure-dents (ce qui est la stratégie choisie par notre général-nul-issime), tenez-le-vous pour dit. Malgré tout, notre héroïne parvient à triompher de l’adversité en transperçant le cerveau de la bête furieuse avec sa lance… qui se trouve être faite d’une dent de serpent de mer. Anatomiquement parlant, cela m’a semblé tiré par les écailles, à moins que le serpent de mer moyen tienne autant du smilodon (pour la longueur des dents) que du brontosaure (pour la taille du cerveau), mais passons.

Durement éprouvée par cette bataille des plus épiques, Kelara se réveille entourée de ses sœurs survivantes, qui lui demandent des nouvelles d’Alagraine, perdue de vue au cours de l’esclandre. Tirant parti de sa connexion 4G (comme Ghyran), Kelara arrive à localiser le précieux chargement, qui continue sa route vers la terre (haha) promise. Et c’est sur cette consultation de traqueur GP que From the Deep se termine. Non ? Si.

AVIS :

Vous l’aurez compris au ton adopté pour cette chronique, cette nouvelle ne m’a guère convaincu. N’ayant rien lu de Mme Fenn jusqu’à présent, que quelques recherches m’ont permis de considérer comme un écrivain SF établi, et donc normalement capable de raconter une histoire de façon satisfaisante, je n’ai pas trouvé mon compte dans From the Deep. Outre le fait que l’héroïne de l’histoire passe son temps à nager en rond en faisant soit des conneries, soit preuve d’une pleutrerie assez étrange au vu de la faction à laquelle elle appartient, on n’apprend finalement pas grand chose d’intéressant sur l’historique d’Age of Sigmar à la lecture de cet opus, ce qui est tout de même rédhibitoire pour un univers aussi jeune et en besoin de cadrage que celui-ci. La « création » d’une sous faction Sylvaneth (je n’ai pas trouvé trace de Néréïdes ailleurs dans le fluff), qui plus est assez proche dans l’esprit de la nouvelle race, cette fois-ci officielle, des Idoneth Deepkin ne m’a pas semblé des plus opportunes, car potentiellement porteuse de confusion à un moment où les mots d’ordre devraient plutôt être la clarification et concentration. Je vois d’ailleurs l’actuelle prédominance des Stormcast Eternals dans le corpus Age of Sigmar comme l’expression de cette logique, qui fait sens même si elle peut s’avérer pénible pour le lecteur. Bref, à ne briller ni par son approche, ni par son exécution, From the Deep ne peut logiquement revendiquer, et recevoir, qu’une appréciation des plus moyennes. Try again, Jaine.

: Reconversion ratée qui se devinait d’ores et déjà dans la décision pleine de bon sens qu’elle avait prise d’armer ses Néréïdes en prévision d’une attaque… mais de stocker toutes les armes dans une caverne éloignée des forêts de kelp, laissant ses soeurs totalement dépourvues quand les pesteux furent venus. Astounding move.
: Alors que pas du tout, il s’agissait d’une manoeuvre des suivants d’Alarielle pour faciliter et accélérer son extraction vers le Portail le plus proche. Après le feu ennemi, on est donc en présence du concept de « glace amie », la chute brutale du thermostat ayant coûté la vie à quelques ondines.

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Faith in Thunder – R. Charles :

INTRIGUE :

Prisonnière d’une bande de brutes nourrissant une passion dévorante pour les jeux du cirque, notre héroïne, le sergent Niara Sydona de la garde de Concordia (une des cités des gens libres du royaume de Ghur), commence la nouvelle en vis à vis d’un croc de sabre malingre et grincheux, et animé d’intentions peu amicales envers sa personne. Un lundi habituel en somme pour Niara, dont l’occupation des derniers jours à consister à divertir ses geôliers en combattant contre quelques specimens choisis de leur ménagerie. Une fois Gros Minet transformé en croquettes, Niara est autorisée à passer au self et à rejoindre ses quartiers, où l’attendent le reste du casting de Faith in Thunder : son comparse Lothran Horst, ultime survivant de la patrouille dirigée par la donzelle au moment de l’embuscade Ogor, une mercenaire Kharadron délestée de sa ferraille, et une armoire glasse à la zénitude consommée (maître yogi 13ème Bambou), ce qui ne l’empêche pas de tataner sans sourciller tout ce qui a le malheur de lui tomber sous la masse, comme le troll qui était décidé à en faire son dîner ne tarde pas à le découvrir à ses dépends1. Notre colosse, Valruss de son prénom, n’a qu’un défaut : son individualisme forcené, qui le conduit à refuser de coopérer avec le plan d’évasion fomenté par ses compagnons d’infortune, à la raison qu’il considère avoir mérité son sort de gladiateur, et doit expier le déshonneur d’avoir survécu alors que tous ses compagnons ont péri lors d’une précédente bataille contre les forces du Chaos.

À ce stade de l’histoire, il ne fait guère de doute que Valruss est, non pas l’Egg Man (pas plus que les Ogors ne sont les Egg Men), mais badum tss goo goo g’joob, un Stormcast Eternal disgracié, comme il le reconnaît à demi-mot à une Niara qui tentait malgré tout de convaincre le meilleur guerrier de leur petite bande de rejoindre leur projet de mutinerie, en vain. Cette fin de non recevoir polie mais ferme adressée, Valruss ouvre grand ses chakras et enchaîne sur un Parivrttaikapada Shirshasana boudeur, signifiant à sa groupie que l’entretien est terminé, et renvoyant Niara, non pas à ses chères études, mais au limage des barreaux de sa cage en vue de la mise en exécution prochaine de son plan. À nouveau désignée par les Ogors pour descendre dans l’arène le lendemain, notre héroïne trouve cette fois à qui parler en la personne d’un Yéti très tactile, et, si elle parvint finalement à s’en défaire au prix de quelques ecchymoses et fractures, doit composer avec la boulette de Horst, dont les efforts peu discrets pour se désincarcérer finissent par attirer l’attention du maton. Malgré l’intervention généreuse de la naine de garde, qui se fait feminicider à coup de trique pour sa peine, nos deux loustics voient leurs rêves de grands espaces se réduire à peau de chagrin, et sont convoqués par le Tyran en personne pour s’expliquer de ce comportement inadmissible.

Alors que Horst finit collé (au mur de l’arène par un revers de merlin Ogor ayant fait perdre une dimension à sa cage thoracique) pour sa peine et que Niara s’attend au même traitement dans les meilleurs délais, un éclair très vénère s’abat sur l’arène, que les Gnoblars de la tribu avaient semble-t-il construits à partir de cagettes et de futs d’essence, car il prend immédiatement, totalement et irrémédiablement feu. Sursis bienvenu pour M’zelle Sydona, mais véritable épiphanie pour Valruss, qui décide que c’est Sigmar en personne qui a zappé le campement Ogor, et interrompt sa méditation pour accélérer la réincarnation du Tyran en esquirgot (un progrès !), d’une estocade bien sentie. Notre propos se termine dans le campement sommaire que Valruss a installé à quelques distances des ruines du bivouac de feu les suppôts de la Gueule, où il promet à Niara de l’accompagner jusqu’à Concordia afin qu’elle puisse accomplir le grand destin qu’il lui pressent, tandis que lui retournera à Azyrheim pour reprendre du service après son congé sabbatique. Il faut bien cotiser pour sa retraite.

AVIS :

Petite nouvelle sans prétentions, Faith in Thunder aurait pu être franchement sympathique si Charles avait davantage exploité les pistes qu’il ne fait qu’esquisser dans son propos. Qu’il s’agisse du fluff des cités libres, de celui des Kharadron, ou de la culture Ogor dans l’univers d’Age of Sigmar, le lecteur pourra en retrouver quelques bribes parsemées au détour des lignes, mais guère plus que cela. Même le sujet qui semble être le centre de l’intrigue, à savoir la déchéance morale d’un Stormcast Eternal, ce qui constitue une forme de rébellion de sa part contre la volonté de Sigmar, même sous couvert d’une pénitence volontairement recherchée, est traité de manière superficielle par Robert Charles, qui fait de son Valrrus un exégète kéraunique au raisonnement des plus nébuleux. Ne reste donc que quelques scènes de baston peu mémorables à se mettre sous la dent, ce qui n’est pas lourd, ni vraiment gratifiant pour le lecteur. Tu peux mieux faire, Robert.

1 : Et ce n’est que justice, car comme le dit l’immortel adage : don’t feed the troll.

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Ties of Blood – J. Crisalli :

INTRIGUE :

Ties of BloodSavrian, Seigneur du Chaos inféodé à Slaanesh, emmène une petite bande de ses plus fidèles lieutenants dans une opération d’infiltration à haut risque, dont le but n’est autre que la libération de son fils Verigon, kidnappé alors qu’il n’était qu’un bambin joufflu, par un chef Maraudeur servant le Dieu du Sang (Chogorath). Localisé bien des années plus tard par le réseau d’espions de son père, qui entre autres choses règne sur le royaume de Sarn, nommé d’après un mythique ancêtre ayant très bien connu la déesse disparue, Verigon languit dans une cellule du Bastion de la Poussière Rouge, état de fait intolérable pour notre flamboyant héros, qui malgré des défauts certains, possède une véritable fibre familiale. Escorté de sa concubine plus qu’à moitié démoniaque (Cirine), son bras droit (Issaya) et sa moucharde en chef (Yeneya), Savrian pénètre donc dans les ténèbres de la forteresse de sa Nemesis, dont la petite entreprise de pillage à domicile a fructifié au fil des ans, et fait de Chagorath un propriétaire foncier au dessus de tout soupçon (en même temps, les soupçons de trois mètres, il n’y en a pas des masses).

Cette petite virée dans le quotidien de ses ennemis tutélaires donne à Savrian, esthète sûr de sa force mais laissé amoindri par une tentative d’empoisonnement fomentée par un rival, l’occasion de constater le fossé qui sépare l’homme de l’animal, tant il est vrai que les bipèdes bestiaux et malodorants qui servent de suivants au Chag’ ne peuvent être considérés comme des individus à part entière. Ce jugement fât est toutefois relativisé lorsqu’après la promenade de santé qu’a constitué la pénétration (hmmmmm) des niveaux inférieurs du bastion, Savrian and Cie finissent par libérer le fils prodigue, qui, au lieu de tomber dans les bras de son paternel avec reconnaissance, préfère lui tomber sur le râble avec un hachoir rouillé. L’ingrat. La crise d’adolescence, sans doute. Dérouté par cet accueil des plus froids, Savrian – qui a potassé son Dolto avant de venir – tente de raisonner son fiston et réussit presque à lui faire lâcher son coupe-chou, quand les retrouvailles familiales sont interrompues par l’arrivée importune de Chogorath et de ses sbires. Père beau et beau-père (moche) ne pouvant s’accorder sur un régime de garde partagée, le maître des lieux insiste pour que l’affaire soit tranchée de la seule manière qu’un disciple de Khorne puisse le concevoir : un combat à mort dans une arène gorgée de sang.

Guère impressionné par les hordes de berserkers que Chogorath lui sert en apéritif, qui d’écervelés passent à décervelés sous la caresse de Malicette, son sabre enchanté (pas du nom qui lui a été donné, si vous voulez mon avis), Savrian réalise rapidement que la plus sûre façon de pouvoir prendre congés du cloaque visqueux dans lequel il est en train de ruiner ses mocassins à pampilles en cuir de Cocatrix, son fiston sous le bras, et sans devoir percer la rate (ce qui est plus fun que de graisser la patte) de tous les Khorneux de la place pour ce faire, est de triompher du Choggoth en combat singulier. Quelques piques savamment envoyées suffisent heureusement à convaincre la brute que son honneur ne peut être lavé que par le sang, sans doute parfumé, du monarque de Sarn, et nos deux Elus débutent donc leur duel au milieu de la gigantesque mêlée ouverte qui s’est emparée de l’arène. Après quelques réglages de bon aloi, et malgré la « descente » subie à la dissipation des effets fortifiants de l’infusion verveine réglisse consommée au début de sa mission, Savrian finit par venir à bout de son butor d’ennemi, et entraîne femme et enfant à la plage, où l’attend le navire qui l’a amené sur place.

Satisfait de la tournure prise par les évènements, et planifiant déjà une prochaine offensive sur le Bastion du regrettable Chogorath, promettant une prochaine extension de son royaume, aux dépends de cette brutasse de Khorne qui plus est, ce qui ne gâche rien, Savrian est tiré de ses douces rêveries par une série d’évènements incommodants. Tout d’abord, sa chère Cirine lui sert une crise de jalousie fort déplacée, arguant que le ralliement de Verigon à sa cause ne serait qu’un calcul de la part du cher bambin. La mijaurée. Puis c’est au tour de Verigon de s’y mettre, en égarant sa hache dans le torse de sa belle mère alors que Savrian avait le dos tourné. Le garnement. Enfin, et pour ne rien arranger, notre père aimant finit la nouvelle avec un rein et trois litres de sang en moins, lui aussi victime des espiègleries d’un Verigon décidément très taquin, et peu enclin à attendre plus longtemps que nécessaire pour hériter du royaume familial (surtout que l’on a tendance à être immortel du côté paternel), pour lequel il a de grands et sanglants projets. Le rejeton était un faux jeton ! Tout d’un coup très fatigué, et blâmant les effets de ces saletés de perturbateurs endocriniens, nous disons adieu à Savrian alors qu’il s’apprête à tirer sa révérence avec l’élégance d’un Seigneur de Slaanesh, à peine attristé par l’absence persistante de sa chère divinité, qu’il aurait pourtant tant aimé revoir avant de redevenir glitter (car la poussière, c’est pour les ploucs, darling). Que voulez-vous, les divas savent se faire désirer, c’est ainsi.

AVIS :

Cette première soumission de Jamie Crisalli est une des nouvelles les plus abouties se déroulant dans l’univers d’Age of Sigmar qu’il m’ait été donné de lire, ce qui ne représente à l’heure actuelle qu’une douzaine de travaux, mais se doit malgré tout d’être souligné. Mieux que la majorité de ses condisciples, Jamie a en effet su tirer parti des caractéristiques les plus intéressantes de ce nouvel univers, pour proposer un récit fortement ancré dans ce dernier, sans avoir, pour une fois et c’est heureux, recours à la sempiternelle figure du Stormcast Eternal pour estampiller sa soumission AoS. Ici, c’est tout « simplement » l’utilisation d’un Seigneur du Chaos civilisé, opposé à d’autres suivants des Dieux Sombres bien moins éduqués et cultivés que lui-même, qui place d’emblée le lecteur dans un cadre bien différent de celui du Monde qui Fut. Tout à son opposition entre Chaos et civilisation, Warhammer Fantasy Battle n’avait ainsi que très rarement fait dévier son archétype du Seigneur chaotique du mono-maniaque de la destruction, ne rêvant à rien d’autre qu’à l’annihilation du Vieux Monde. Les motifs pouvaient à la limite légèrement différer d’un affreux Jojo à l’autre, mais tous les Elus des Fab Four, période Vieux Monde, étaient des adeptes convaincus de la tabula rasa. À l’inverse, le Savrian de Crisalli est lui un gouverneur et un gestionnaire, ce qui ne l’empêche pas d’être totalement dévoué à Madame S. Rien que ce changement, que l’on pourrait regarder comme mineur mais qui est pourtant fondamental, suffit à faire de Ties of Blood une lecture intéressante.

À côté de celà, Crisalli met en scène plutôt habilement quelques oppositions d’ordre philosophique, s’appuyant pour l’occasion sur les différences entre Slaanesh et Khorne. Civilisation contre sauvagerie, donc, mais également famille contre individualisme, ou aristocratie contre mérite personnel, sont autant de thèmes questionnés par l’auteur sur fond de nouvelle d’heroic fantasy, ce qui reflète un certain niveau de réflexion au moment de l’écriture. Ajoutons enfin que les personnages de Jamie Crisalli se révèlent beaucoup complexes, et donc intéressants que les suivants des Dieux Sombres lambdas, et vous aurez encore une raison de parcourir Ties of Blood1 avec un a priori positif. En sa qualité de protagoniste, c’est bien entendu Savrian qui retient le plus l’attention, l’investissement émotionnel envers ses proches dont il semble véritablement capable, jusqu’à la jalousie la plus puérile dans certains cas, contrastant fortement avec les trésors de sadisme et de cruauté gratuite que l’on est en droit d’attendre de la part d’un Elu de Slaanesh. On pourrait d’ailleurs se demander si le libre arbitre dont semblent disposer les disciples de cette dernière, par rapport aux autres Dieux du Chaos, Khorne en tête, ne pourrait pas être lié à sa disparition actuelle. À creuser, à débattre, à argumenter. En tout cas, c’est toujours intéressant de voir des personnages prendre un peu d’épaisseur par rapport au stéréotype leur servant de « moule », ce que Crisalli a plutôt réussi avec son flamboyant Sevrian.

Bref, un premier jet plus que digne d’intérêt, qui donne envie d’en lire plus dans les mois à venir, et peut-être de découvrir si le mioche Verigon a réussi à son entrée dans la haute société de Sarn.

1 : Ce titre est d’ailleurs à double sens. Parle-t-on des liens du sang d’un point de vue figuré ou littéral ?

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No Honour Among Vermin – C. L. Werner :

INTRIGUE :

No Honour AMong VerminMembre d’un commando d’élite missionné par le Prophète Gris Nezslik pour lui rapporter une cloche démoniaque1, dont les actuels propriétaires, une petite congrégation de cultistes de Khorne, n’étaient pas disposés à se séparer, même contre tout le cheddar de Vile Ville, le rat à tout faire Fylch Tattertail doit composer avec un certain nombre d’aléas venant compliquer une mission pourtant pensée dans ses moindres détails. Ayant pris soin de repérer les lieux en prévision de leur casse, les skavens ont beau connaître sur le bout des griffes les horaires et le déroulé des offices, au cours desquels un bien heureux fidèle a le privilège de servir de snack au démon clochard (formule adaptée, autant en profiter), et bénéficier de l’avantage de la surprise, de la préparation et de la puissance de feu, le proverbial grain de sable qui semble poursuivre la noble race des hommes rats dans toutes leurs entreprises ne manque pas de se matérialiser avec volupté dans l’engrenage bien huilé des manigances de Fylch & Cie. Crotte-zut.

Pour notre héros, cette poisse persistante s’exprimera par un corps à corps mal négocié avec les gardes du corps de Cloclo, permettant au prêtre suppléant (le titulaire ayant du s’excuser suite à une balle de jezzail prise en pleine poire un peu plus tôt) de mettre le précieux carillon en sécurité dans un sarcophage enchanté avant d’être victime d’une combustion spontanée, ce qui obligera Fylch a un crochetage express et en mode contre la montre dudit caisson, sous le regard sévère et sanguin du technomage en charge de l’opération (Skowl Scorchpaw). Il lui faudra ensuite transporter la future cloche à fromage de Nezslik jusqu’au point de collecte le plus proche, en évitant soigneusement de la faire vibrer, le pope Khorne officiant dans icelle étant un glouton patenté, ne sachant pas dire non à un petit gueuleton sur le pouce, dès lors qu’on le sonne.

Pour les camarades de Tattertail, tous des experts dans leurs disciplines respectives, les conséquences seront malheureusement bien plus graves et définitives : incident de tir explosif pour le tireur d’élite, masque à gaz défaillant pour le globadier, rat incendiaire trop collant pour le dresseur, trahison bête et méchante pour le gros bras de service et le géo trouve-tout de la bande, jusqu’à ce qu’il ne reste plus que Fylch et son patron pour se partager le butin promis par leur puissant commanditaire. Ayant trempé de près ou de loin dans tous les regrettables « accidents » ayant fauché ses braves camarades dans la fleur de l’âge (pour un skaven, c’est 5 mois et 20 jours), à la demande expresse d’un Scorchpaw guère partageur, Fylch ne nourrit guère de doute sur le destin qui l’attend s’il laisse le technomage aux commandes de l’opération. Fort heureusement, notre héros est un rat plein de ressources, et comme on dit au Conseil des Treize, « passe-moi la salade, je t’envoie la rhubarbe rira bien le rat qui rira le dernier ».

AVIS :

Werner et les skavens, c’est une affaire qui roule depuis maintenant des années, et ce sympathique No Honour Among Vermin ne vient pas déroger à la règle. Peu d’auteurs de la BL ont en effet pris la mesure des particularités de nos chers hommes rats comme C. L. l’a fait, ce qu’il démontre de manière magistrale dans cette nouvelle au rythme enlevé, et – c’est à signaler – absolument pas connotée Age of Sigmar (jugez un peu : ni Stormcast, ni Royaumes, ni portails… rien que des Khorneux bas du front contre des skavens astucieux), au point que j’en viens à soupçonner la récupération d’un travail écrit avant la disparition de WFB, et « habillé » aux couleurs de la nouvelle franchise med-fan de GW. Quoi qu’il en soit, le plaisir de lecture n’en est pas affecté, et c’est bien le principal.

La réussite première de Werner pour cette soumission aura ainsi de mettre en scène de manière probante, à travers l’exemple de l’ingénieux Fylch Tattertail et de ses comparses de l’agence Tooreesk, le quotidien mouvementé de nos ratons favoris, dont on ne sait jamais trop s’ils vivent la pire journée de leur vie (les premiers deux tiers de la nouvelle) ou s’ils sont en maîtrise totale des évènements (la conclusion). La réponse se situe sans doute entre ces deux extrêmes, les sujets médiocres ou malchanceux ne vivant pas assez longtemps pour apprendre de leurs erreurs, tandis que les individus suffisamment retors et intelligents arrivent (presque) toujours à se sortir de situations que le commun des mortels considèrerait comme inextricables. La société skaven, une impitoyable méritocratie ? Vous avez 10 minutes (le temps de lire la nouvelle).

1 : Les skavens et les cloches, c’est décidément une histoire d’amour, quelle que soit la franchise.

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The Path to Glory – E. Dicken :

INTRIGUE :

Il y a des nouvelles dont la lecture vous dépayse plus que d’autres, et The Path to Glory d’Evan Dicken fait définitivement partie de ce genre de soumissions qui tirent le lecteur de sa zone de confort narratif. Bienvenue dans l’empire Lantique, au moment où ce dernier livre la plus grande bataille de son histoire contre les hordes assoiffées de sang d’Azakul the Winnower (soit, très littéralement, Azakul le Vanneur, ça c’est un patronyme à potentiel). Comment, qu’entends-je ? Vous n’avez pas la moindre idée de ce qu’est l’empire Lantique, et le nom d’Azakul ne vous évoque qu’une vague sensation de déjà lu (spoiler alert, vous confondez avec Asavar Kul) ? Cuistres que vous êtes. Les gens de bonne société savent tous que Lantia ( ?) était un royaume humain du plan de Chamon, dont l’avance technologique et la maîtrise de la metallarcanie (you know what I mean) ne furent pas suffisants pour résister aux assauts chaotiques, bien aidés il faut le reconnaître par la défection des Fyreslayers alliés de l’Empire et la destruction par ces derniers de la Ceinture d’Orvapeur (Gilded Steamgrid), qui avait défendu le domaine des humains pendant des siècles. Allez donc, maroufles, tout le monde sait ça.

Nous suivons donc, au cours de cette longue nouvelle (52 pages tout de même, soit le format novella de la BL), les dernières heures du malheureux empire, tel que vécues par trois de ses sujets. Honneur aux dames, nous commencerons donc par présenter le capitaine Sulla, officier dans les Légions Lantiques, et propulsée commandante des dernières forces armées de l’Empire à la suite du tragique décès de tous ses supérieurs, impératrice Xerastia comprise1. Survivante éprouvée par les combats, mais déterminée à faire son devoir jusqu’au bout, Sulla mène les restes de l’armée Lantique jusqu’à Uliashtai, cité du stuff et de l’embrayage (City of Gear), bastion de l’ordre doré, dont les sortilèges millimétrés ont réussi à maintenir en respect les suivants du Vanneur (car c’est bien connu, les métalleux n’ont pas d’humour).

À Uliashtai, soumise à un siège interminable par Skayne Bloodtongue et sa cabale de sorciers, nous faisons la rencontre du mage Kaslon, courageux mais pas téméraire, et prompt de ce fait à déserter le champ de bataille lorsque la savante géométrie arcanique de l’ordre est prise en défaut par un nouveau maléfice de Bloodtongue, avec des résultats pour le moins corrosifs. Unique survivant du carnage, Kaslon passe en coup de vent à la Tour d’Argent, QG des mages dorés, et prend connaissance du dernier message reçu par les maîtres de l’ordre, les alertant de la chute de l’Empire et les enjoignant à fuir avec leurs concitoyens jusqu’au portail menant à Azyr, pour se mettre sous la protection de Sigmar. Abasourdi par la nouvelle, Kaslon se ressaisit cependant vite et pense à aller looter la réserve d’artefacts trotrokwioul des métalleux, dont il ressort avec un magnifaïk bâton de cristal, aussi mystérieux que badass. Lui aussi mis par le destin à la tête de son peuple, il réussit à organiser l’évacuation rapide de la cité condamnée en direction du palais de l’Autarque, siège du pouvoir temporel d’Uliashtai et unique accès au tunnel menant à ce fameux portail. Il peut en cela compter sur le précieux soutien de Sulla et de ses troupes, arrivées juste à temps pour claquer le beignet de l’avant-garde chaotique, et la porte de la ville au nez crochu de Skayne.

C’est enfin dans le palais de l’Autarque, ravagé par une peste à l’efficacité toute biactolique (comprendre qu’elle a éliminé 99,9% de la population) que s’éveille notre troisième protagoniste, répondant au nom de Livius. Fils indigne d’une famille noble disgraciée, Livius peut toutefois se targuer d’être l’Empereur légitime d’Uliashtai, le décès impromptu du monarque précédent et des 1298 prétendants mieux placés que lui à la succession au trône de fer/bronze/plomb/palladium brossé ayant laissé le chemin vers le pouvoir grand ouvert. Ayant également hérité d’un sabre enchanté, Fléau des Veuves2 (Widowbane) suite au décès de ses chers ascendants, dont une mère castratrice dont il ne pourra s’empêcher de mutiler le cadavre au passage (hmmmm… okay), Livius se montrera rapidement utile à la progression de l’intrigue en ouvrant les portes du palais de l’Autarque à son peuple, chose que seul l’Empereur régnant peut accomplir, pour des raisons mystico-logiques. Soit. Laissé durement éprouvé par ce fait (que je ne qualifierai pas de haut, car faut pas déconner non plus), Livius est ramené à la vie par Kaslon et Sulla, et tous trois finissent par conclure que la seule option qui s’offre aux ultimes survivants de l’empire est de fuir vers le portail d’Azyr, en refermant les portes du palais pour gagner un peu de temps, même si cela revient à condamner les derniers réfugiés à un tête à tête avec Skayne et Sbarbie. Comme on dit chez les Papous, Fosse quille faux.

La suite de l’histoire verra nos trois héros mener leur colonne de survivants jusqu’au (possible) salut représenté par ce fameux portail vers Azyr, alors même que les forces de Skayne et d’Azakul se rapprochent pour la curée. Pour ne pas spoiler la fin de cet épique The Path to Glory, je m’arrêterai ici, mais sachez tout de même que vous risquez de finir le récit avec une image un peu différent de ce cher Sigmar, qui n’apparaît pas ici sous son meilleur profil (qu’il a aquilin), ce qui est tant mieux, si vous voulez mon avis.

AVIS :

Pour un début, c’est un beau début. Le newbie Dicken fait plus que servir la soupe ou se compromettre avec une Space Marinade réchauffée au micro-ondes, tenez-le-vous pour dit. Le choix de s’embarquer dès son galop d’essai dans une saga mêlant batailles, magie, exploration du background des Royaumes Mortels au temps de l’Âge du Chaos, et réflexion, certes classique, mais pas mal menée, sur le thème « l’enfer (ou en Chamon, l’en fer) est pavé de bonnes intentions », aurait pu se solder par un pataquès littéraire, boursoufflé et incohérent, mais force est de constater que le gars Evan réussit à mener sa barque avec un talent consommé. On ne s’ennuie pas à la lecture de The Path to Glory, que ce soit en découvrant la civilisation Lantique à travers le prisme de sa chute sous les assauts chaotiques, ou en suivant le cheminement de nos héros vers leur destinée, qui pourrait être tout autre que celle qu’ils envisageaient. Rien de bien neuf sous le soleil de ce point de vue, mais du moment que l’exécution est bonne, et ne sombre ni dans la caricature, ni dans la vacuité, il n’y a pas à bouder son plaisir. On pourrait même prêter à Dicken une finesse supplémentaire dans sa construction du récit, en plaçant la trajectoire de chacun de nos protagonistes sous le patronage de l’un des trois Dieux du Chaos « survivants », les aptitudes, tempéraments et péripéties vécues par Sulla, Kaslon et Livius – personnages d’une richesse appréciable, tout comme leurs némésis Skayne (a.k.a. Bad Santa) et Azakul (« Jonah Hill, sort de cette armure du Chaos ») – permettant d’établir ce genre de passerelles sans trop de difficultés. Il serait intéressant que l’auteur donne une suite à cette novella pour constater si cette hypothèse se vérifie. Bref, un coup d’essai de fort belle facture pour Evan Dicken, et un nom qui mérite d’être suivi dans les mois à venir, si j’en suis juge.

1 : Cette dernière, vainqueur du concours d’hardcore limbo improvisé par Azakul en plein champ de bataille, gagna un billet pour le monde merveilleux d’Azyr et un beau masque doré pour sa peine.
2 : Ça tombe plutôt bien, l’alcoolisme mondain de Livius lui avait également gagné le surnom de Fléau des Veuves Clicquot, ce qui est presque pareil, reconnaissez-le.

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Comme d’habitude, on trouve donc du bon et du moins bon parmi la vingtaine de nouvelles proposées dans cette anthologie, mais je dois dire que cette dernière se situe dans la tranche supérieure des recueils Age of Sigmar, et je pense que la liberté dont ont bénéficié les auteurs (qui faisaient tous, ou peu s’en faut, leurs premiers pas comme contributeurs de la Black Library et ne travaillaient donc pas sur commande) y est pour beaucoup. Je conseille donc cette anthologie aux lecteurs curieux de découvrir ou approfondir leur connaissances des Royaumes Mortels, devant les recueils « initiatiques » tels que ‘Thunderstorm & Other Stories‘, surtout depuis que leur novella ne sert que de supplément narratif à la dernière boîte de base d’AoS. A bon entendeur…

INFERNO! [N°4]

Bonjour et bienvenue dans la critique du quatrième numéro d’Inferno! nouvelle mouture ! Nous voilà, à peu de choses près, un an après le retour du mythique bi-mensuel de GW-fiction, transformé en anthologies de nouvelles à sortie trimestrielle. Un an, soit quatre numéros, c’est certes court pour tirer des conclusions définitives sur la pérennité de cette réincarnation, mais suffisant pour faire quelques retours sur cette nouvelle expérimentation de la BL, qui n’avait pas été convaincue par le format Hammer & Bolter (2011 – 2013), puisque ce webzine avait été stoppé après un peu plus de deux ans de publications. Quel sera le destin de ce nouvel Inferno !, il est encore trop tôt pour le dire, même si l’on sait déjà qu’un numéro 5 est sur les rails. Sachez également que, de l’aveu même des éditeurs de la BL, ce quatrième tome est le plus conséquent de tous, ce qui est un signe plutôt positif à mon avis.

Sommaire Inferno!#4'

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Le cap des un an permet également de jauger de la progression de quelques-uns des contributeurs de la Black Library ayant commencé leur service pour la maison d’édition de Nottingham dans ces mêmes pages. Nous assistons en effet au retour de certains de ces rookies, et pourrons déterminer de façon éminemment juste, fiable et objective (vous me connaissez), s’ils se sont maintenus/mis sur la bonne voie, ou bien s’il leur reste des efforts à consentir pour aboutir à des résultats intéressants. Ici, ce seront donc Filip Wiltgren, Thomas Parrott et Jamie Crisalli qui passeront sur le grill, nos trois auteurs signant tous leurs deuxièmes publications pour la BL dans les pages de ce numéro 4. Un peu plus familiers du lecteur, mais encore relativement neufs dans l’écurie, on pourra également s’intéresser à la suite du parcours d’Edoardo Albert, Eric Gregory et J. C. Stearns, et assister aux débuts de Denny Flowers, contributeurs n’ayant pas encore atteint le grade de « romancier » pour le compte de la Black Library. Mike Brooks, qui a lui passé ce stade assez récemment, aura l’honneur d’une double participation, avec la nouvelle au titre le plus inventif de toute l’histoire d’Inferno ! pour commencer, et un extrait du roman en question (Rites of Passage) dans un second temps. La position de Nick Horth est assez similaire, même si notre homme ne pourra se flatter que d’une seule nouvelle dans ce numéro. Enfin, que serait un Inferno ! sans la contribution de quelques vétérans blanchis sous le harnais ? Ici, ce seront le discret George Mann, l’incontournable Guy Haley, et le positivement ancien (il était au sommaire de l’Inferno! #0) Jonathan Green qui joueront le rôle des vieux de la vieille. In varietate concordia, ou en tout cas, infernia, comme dit le proverbe.

Inferno! #4

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The Karsharat Abomination – G. Mann [40K] :

INTRIGUE:

The Karsharat AbominationSur la lune de Karsharat, il pleut du sang. Ce n’est certes pas banal, mais cela n’empêchera pas l’Inquisitrice Sabbathiel et sa suite (Bledheim l’Interrogateur aussi seringuée qu’une tarte au mitron, la femme de main upcyclée Mercy, Brondel le Squat grenadier et le servo-crâne Fitch) d’aller faire leur devoir, qui consiste à stopper les machinations et la cavale d’un renégat martien du nom de Restak, quand bien même ça leur coûterait très cher en pressing après. Malheureusement pour le lecteur anxieux d’en savoir plus sur ce qui l’attend au détour des pages, le protagoniste de notre histoire, Bledheim, n’a de son propre aveu pas été très attentif pendant le briefing, et les motivations des Saints Ordos resteront des plus floues.

Avisant une entrée dans les ruines ecclésiarchiques squattées par le maroufle (et non pas marouflées par le Squat, ce qui arrive pendant les scènes coupées de la nouvelle), Sab’ et Cie décident de tenter leur chance et l’Inquisitrice, engoncée dans son armure Terminator sur mesure… toque à la porte. Ce choix des plus bizarres ayant résulté en un double échec à son test de furtivité (un corbeau espion s’envole en croassant) et d’infiltration (des méchadendrites peu amènes sortent du montant de la porte et commencent à ceinturer l’Inquisitrice), il est grand temps pour la petite bande de livrer sa première bataille de la nouvelle, qui est rapidement expédiée et évite à notre propos de virer au hentaï dès la troisième page, ce qui est toujours appréciable. Une fois rentrée, la fine équipe emprunte quelques couloirs à l’atmosphère convenablement angoissante, et Bledheim développe une tendinite palmaire aussi soudaine qu’handicapante. Cette arthrite fulgurante est le prélude à une crise d’angoisse carabinée, qui voit notre Interrogateur faire un very bad trip, tomber dans les pommes et se réveiller une fois la baston #2 remportée par la team Pépé. Ça fait toujours moins de boulot pour l’auteur. On apprend tout de même que le grand vilain utilise la peur comme arme, ce qui explique la terreur diurne de Bledheim. Nous voilà prévenus.

L’ambiance n’a pas vraiment le temps de monter plus que ça que Sabbathiel et sa clique arrive dans la salle du boss de fin, qui se révèle être (*jette un dé sur le tableau de génération des monstres) un savant fou bio-mécanique, accompagné de (*jette un D3) deux de ses créations bodybuildées, et défendant un (*jette un dé sur le tableau de génération de trésor) psyker apeurant. OK tout le monde, vous pouvez commencer à vous batter. L’empoignade qui s’en suit ne rentrera guère dans les annales des combats les plus épiques ni les plus prenants de l’histoire de la Black Library, Sabbathiel s’illustrant une nouvelle fois par la non-maîtrise manifeste de son matos (elle se fait arracher sa lance par un goon à la première passe d’armes, et manque de partir à la renverse lorsqu’elle tire au fulgurant à bout portant), alors que Brondel, lui, démontre une adresse folle au lancer-franc, et parvient à loger une grenade dans le trou laissé par un impact de bolt dans la carapace d’un robot tueur. Sentant la partie mal engagée, Restak appuie sur le bouton on de son joujou, et les vagues de terreur crachées par le mutant viennent calmer les ardeurs de l’Ordo Hereticus… sauf pour Bledheim, qui s’est découvert une résistance aux attaques Psy (peut-être que son père était un Tarinorme), et arrive à se rapprocher assez près pour anesthésier le faquin en tour de main (littéralement, notre homme a des canules à chaque doigt). Le charme rompu, Sabbathiel se fait forte de décapsuler Restak d’une légère torsion du poignet, et nos héros sont libres de repartir vers leur vaisseau avec leur butin léthargique, qui finira bien par servir à quelque chose, tenez-le-vous pour dit.

AVIS:

N’étant familier ni de George Mann, ni de l’Inquisitrice Sabbathiel1, deux figures discrètes mais établies de la GW-Fiction, je dois reconnaître que ma découverte de l’un comme avec l’autre m’a laissé dubitatif. Si l’héroïne de The Abomination… se révèle assez peu mémorable, autrement que par son look de kit-bashing raté (ou comment pousser le syndrome de la petite tête dans ses derniers retranchements) et ses maladresses martiales récurrentes, on ne peut toutefois pas lui en vouloir, la faute en incombant principalement à son metteur en scène. Ne se donnant pas la peine de contextualiser son récit ni de développer son intrigue au delà du « héros chasser méchant », Mann déroule sa nouvelle avec un manque consternant d’imagination et d’originalité, la traque de Restak se révélant être un Porte/Monstre/Trésor à la sauce 40K, plus terne et chiant que bête et méchant. Je dois remonter au tout aussi insipide Lesser Evils de Tom Foster (Hammer & Bolter #13) pour trouver trace d’une nouvelle inquisitoriale aussi meh… que The Kasharat Abomination, ce qui n’est guère flatteur pour Mr Mann. Passez votre chemin.

: Qui a été mise à l’honneur des comics Will of Iron, Revelations et Fallen, où elle cherche des noises à ces pauvres innocents de Dark Angels.

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The Hand of Harrow – D. Flowers [NDA] :

INTRIGUE:

The Hand of Harrow9ème homme le plus dangereux du sous-monde (voilà un classement qu’il est précis), Caleb Cursebound est mis sur un coup juteux par un indic’ Delaque disgracié du nom de Mr Kreep. D’après les informations dont dispose ce dernier, le légendaire artefact que possède la lignée des Harrow – une dynastie de la haute ruche – serait conservée dans un musée à la sécurité effrayamment létale mais étonnamment piratable. Cette relique, qui serait capable de faire des trucs de fou, pour reprendre la sagesse populaire (faire s’effondrer la spire, procurer la vie éternelle à son porteur, guérir toutes les maladies, réussir des soufflés au fromage…), a en effet le petit défaut d’être assez mal connue, et si Cursebound accepte la mission sans rechigner, il part à l’aventure, accompagne de sa comparse Ratskin Iktomi, sans savoir à quoi ressemble le grisbi.

Le plan de notre paire de cambrioleurs est d’une élégante simplicité : pendant qu’Iktomi grimpe jusqu’au niveau du musée par l’extérieur de la ruche, Caleb doit dérober l’anneau faisant office de passe-partout que le patriarche des Harrow a au doigt, et qui lui permettra d’accéder au cabinet des curiosités familiales sans se faire débiter en tranches et flamber au calva au passage. Se faisant passer pour un serviteur de la haute, Cursebound se fraie un chemin jusqu’à la loge privée de Papy Harrow, très occupé à regarder sa petite fille chérie faire ses débuts de la société mondaine de Necromunda en mimant un massacre de prolos sur un air de menuet (chacun ses rituels), et subtilise la bagouze à l’ancêtre d’un habile tour de passe passe. Ceci fait, il n’a plus qu’à se rendre dans l’aile culturelle du manoir des Harrow, et à retrouver une Iktomi un peu éprouvée par sa rencontre avec une colonie d’araignées géantes pendant son solo intégral.

Début spoilerLe temps presse pour les deux monte en l’air, et si Cursebound remarque que son acolyte manifeste quelques signes de méfiance assez inquiétants, il reste déterminé à mettre la main sur… la main (suivez un peu). Son exploration expresse et sans audio guide des collections privées des Harrow lui permet toutefois de se rendre compte que les sangs bleus sont également des tueurs de sang froid, ayant un goût immodéré pour la chasse et la prise de trophées de leurs concitoyens moins bien nés, avec un faible affirmé pour les Ratskins. Il fait d’ailleurs peu de doutes que les Harrow sont responsables du massacre de la Rivière Sanglante, épisode tragique au cours duquel la tribu d’Iktomi a été décimée par un assaillant mystérieux, ce qui a précipité sa rencontre avec Cursebound, qui devait sans doute passer dans le coin sur le chemin de la boulangerie. Bref, c’est un vrai petit musée des horreurs dans lequel Caleb et sa femme de main réalisent une nocturne (on était un jeudi, comme de juste).

C’est ce moment de révélation macabre que choisit Harrow l’ancien (qui devait sans doute s’appeller Rhaymow) pour faire son apparition, harnaché dans une combinaison de guerre que n’aurait pas renié Black Panther. Ayant mis KO la brave Brave d’une piqûre venimeuse, il prend un peu plus de temps pour discuter avec Cursebound, regrettant la fuite des années l’empêchant de descendre dans le sous monde traquer les pouilleux comme à la grande époque, ce qui l’a forcé à faire courir la rumeur de la Main des Harrow pour faire venir à lui quelques voleurs mal avisés. C’est du Deliveroo homicidaire, en quelque sorte. À force de parler et de remettre à deux minutes ce qu’il pourrait faire à l’instant, Pépé Harrow permet toutefois à son adversaire d’échafauder un plan de contingence, qui consiste à priver l’aristo génocidaire de son masque intégral, puis de sa bouteille d’oxygène, juste à temps pour qu’Iktomi, enfin réveillée de son coma vénéneux grâce à la résistance qu’elle a développé aux toxines arachnéennes employées par le chasseur, vienne venger les siens d’un coup de surin dans l’orbite du faquin. Bon sang ne saurait désormais plus occire. L’histoire ne dit pas si Caleb réussit à se faire payer la main tranchée de Harrow qu’il rapporte à Mr Kreeb comme souvenir de la haute ruche, mais cette visite au musée fut au moins des plus instructives et mémorables pour nos protagonistes.Fin spoiler

AVIS:

Débuts sympathiques sur la forme, et classiques sur le fond, pour Denny Flowers, qui fait faire à son personnage de Caleb Cursebound son galop d’essai avant la publication de la novella Low Lives’ en Novembre 2019. Grande gueule pleine de ressources, CC semble être le petit frère de Kal Jericho, ressemblance qui s’étend même jusqu’à la généalogie de leurs sidekicks respectifs (Scabbs étant lui aussi d’ascendance Ratskin). Y avait-il besoin de « rebooter » le personnage, qui venait de bénéficier d’un nouveau roman (‘Sinner’s Bounty’ de Josh Reynolds) quelques mois avant la publication de cette nouvelle ? Seul l’avenir nous le dira. Cette sensation de déjà-v/lu évacuée, nous nous retrouvons en présence d’un court-format assez bien construit, plutôt distrayant et doté d’un twist final qui, sans être renversant, ne tombe pas lamentablement à plat, et a le mérite de faire honneur au vieux fluff de Necromunda, en ressucitant les Spyriens pour la nostalgie des anciens et l’éducation des novices. Mine de rien, c’est un début tout à fait correct pour l’impétrant Flowers, qui fait mieux que beaucoup de ses petits camarades de plume. On n’a jamais qu’une seule fois l’occasion de faire une première bonne impression, et c’est ici chose faite. J’attends la suite avec une curiosité bienveillante, à défaut d’une impatience dévorante.

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A Firstborn Exile – F. Wiltgren [40K] :

INTRIGUE:

Nous retrouvons le 86ème Vostroyan First Born quelques jours après la conclusion de The First Daughter (Inferno! #1), et suivons nos héros éprouvés dans la suite de la campagne de Tovoga, monde gris et aigri ayant rejeté l’autorité bienveillante de l’Empereur par pur égoïsme. Toujours dirigés par la Lieutenant Ekaterina Idra, les Vostroyens sont appelés en renfort du Groupe de Commandement Gurlov, commandé par le Colonel du même nom, et actuellement engagé dans une opération de reconquête de la ville de Salomar, dont le Factorum (usine gigantesque produisant des blindés) est convoité par les deux camps. Une fois rendus sur place, Katie et sa centaine de survivants (The First Daughter n’a pas été clément avec les effectifs du 86ème) font la connaissance de Ramrod Gurlov, l’incarnation même de l’officier inflexible ne jurant que par le Tactica Imperium, le Treatis Elatii et/ou les ordres du Haut Commandement. Entre le Colonel vétéran et la dynamique Lieutenant, le courant passe évidemment très mal, mais cela ne les empêchera pas de collaborer pour chasser les infâmes Tovogans du Factorum de Salomar, ou de mourir en essayant1

AVIS:

Comme vous pouvez le constater à la lecture du paragraphe ci-dessous, Firstborn Exile est une nouvelle assez particulière en ceci qu’il ne s’y passe pas grand-chose de saillant. Certes, les péripéties militaires ne manquent pas (et on doit reconnaître à Wiltgren une bonne maîtrise de son sujet, même si sa tendance à l’ellipse peut parfois surprendre), mais l’intrigue en elle-même tient en quelques phrases, et je dois avouer qu’à la lecture, cette deuxième soumission de Wiltgren m’a davantage fait l’effet d’un chapitre de roman que d’une nouvelle indépendante. Un exemple concret de cet état de fait est le titre même de ce court format, que l’auteur révèle en cours de récit comme étant lié à l’histoire personnelle du Colonel Gurlov. Ce dernier a en effet participé à la bataille de Pulveron, durant laquelle les Vostroyens auraient apparemment fait preuve d’initiative et désobéi à leurs ordres (les monstres !), ce qui se serait soldé par une raclée magistrale pour la team Pépé, et aurait poussé Gurly à partir en exil, accompagné de ses fidèles. Nous n’en saurons pas plus sur cette anecdote, que Wiltgren a pourtant jugé comme assez importante pour qu’elle donne son titre à la nouvelle2. Pour ma part, je pense que l’auteur a pris le parti de sérialiser ses contributions à la Black Library, et que nous pouvons nous attendre à de nouvelles aventures et révélations de la geste Idrique au cours d’un prochain numéro d’Inferno !, ou d’un recueil de nouvelles 40K. Il ne reste plus qu’à espérer que ces dernières seront plus palpitantes que la trentaine de pages de filler auxquelles nous avons eu droit ici.

: Meilleure scène de la nouvelle : Idra qui charge les lignes ennemies avec Gurlov sur le dos, le vieux Colonel ayant perdu l’usage de sa jambe bionique dans la bagarre.

2 : On note également que Firstborn Exile se termine sur le teaser de ce fameux exil, un des compagnons survivants de Gurlov proposant à Idra de lui narrer ce dernier par le menu… La suite au prochain épisode ?

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At the Sign of the Brazen Claw – The Sorcerer’s Tale – G. Haley [AoS] :

INTRIGUE:

Nous retrouvons nos compagnons de boisson alors que la tempête s’abattant sur l’auberge de la Serre Effrontée (ou quelque chose comme ça) faiblit quelque peu. Ayant écouté le récit de l’alcoolique androgyne, les soiffards pressent désormais le dernier membre1 de la compagnie de leur régaler les esgourdes avec un racontar de son cru. Pludu Quasque, le bien-nommé, finit par s’exécuter et commence donc son histoire.

Né d’une noble famille de sorciers dans le Royaume d’Hysh, Pludu reconnaît ne pas avoir été très brillant (un comble) pendant sa jeunesse, tant en matière de relations familiales que d’études arcaniques. Ayant finalement obtenu son bac, ou l’équivalent local de ce précieux sésame, il partit étudier la magie à Poudlard  au Lyceum de Radiance, sans écouter les précieux conseils prodigués par son tendre pôpa au moment de son départ. Sur place, son manque d’humilité et de discipline lui joua un mauvais tour, l’empêchant de progresser aussi vite et aussi loin qu’il l’escomptait dans la rigide et codifiée hiérarchie hiérophantique. Comme tous les étudiants, Pludu n’était jamais le dernier à se rendre en soirée (si ce concept existe dans un Royaume où tout brille, tout le temps), ce qui finit par précipiter sa chute. Au cours d’un de ces événements mondains, et alors que les convives prêtaient de mignons petits serments de progrès et de réussite devant la statue du demi-dieu Adembi, greffier en mi-temps thérapeutique2 du panthéon Hyshien, Pludu eut la mauvaise idée de jurer de retrouver la fameuse larme divine volée par les Skavens, afin d’impressionner ses camarades de beuverie. Il ne s’attendait certes pas à ce que le Dieu en personne lui envoie un accusé de réception, condamnant l’impudent à quitter Hysh pour mener à bien cette quête.

S’en suivirent quelques années, voire décennies, difficiles, pendant lesquelles notre grande gueule de mage parcourut les différents Royaumes en quête de savoir et d’informations sur l’emplacement de cette larme. Ayant réussi à déterminer qu’elle se trouvait dans la dimension Skaven, aussi connue sous le nom de Ruine, à proximité du Royaume de Shyish, Pludu emprunta un portail de son cru jusqu’à cet espace de non droit, et se rendit dans la tour du Verminarque ayant commandité le vol de la babiole des siècles plus tôt. L’édifice en question se trouvant dans une zone contestée par Nagash, le sorcier enquêteur put admirer les légions des uns et des autres se mettre sur le coin, qui du museau, qui du cartilage septal, avant de procéder à son larcin. Ayant potassé l’intégralité des manuels D&D pendant ses études, et bien aidé par le fait que le boss de fin du donjon avait été précédemment occis par un héros malchanceux au cours d’éons passés, Pludu n’eut pas de grandes difficultés à mettre la main sur la larme, sans la déclencher (l’alarme – suivez un peu). Cela n’empêcha toutefois pas les scions de Nagash de fondre sur lui en toute hâte, le dieu des Morts s’étant lui aussi piqué d’intérêt pour la babiole d’Adembi.

Ayant réussi à leur fausser compagnie d’un nouveau coup de poignard subtil, Pludu finit son récit en s’excusant platement auprès de ses compagnons de beuverie pour le triste destin qu’il a attiré sur leurs têtes, le fracas tout proche que l’on entend désormais étant causé par la brigade des Stups Spectres de Naguy, toujours déterminée à mettre le scaphoïde sur la larme. Nos héros la passeront elles à gauche ? La suite au prochain épisode…

AVIS:

Meilleur épisode signé par Haley dans sa série Brazen Claw pour le moment, ce Sorcerer’s Tale bénéficie d’une dimension plus épique que les précédents récits, beaucoup plus terre à terre dans leur propos. En plaçant son intrigue dans deux lieux encore très mystérieux, et donc intéressants pour le lecteur, des Royaumes Mortels (le Royaume d’Hysh et Ruine), l’auteur remplit d’ores et déjà son contrat par les seules infos de background qu’il est possible de retirer de cette nouvelle. La quête de Pludu Quasque s’avère également être captivante, l’imagination et le style distinctif de Haley lui donnant une patine de Sword & Sorcery assez proche dans l’esprit des aventures de Conan le Cimmérien, récits très contextualisés et atmosphériques, mettant davantage l’accent sur le ressenti des personnages que sur la description hyper détaillée des scènes de combats (le pêché mignon et patte distinctive de la Black Library). Cerise sur le gâteau, le cliff-hanger final de ce quatrième épisode donne vraiment envie de savoir comment nos héros vont réussir à se tirer de la session de tear or trick qui se profile à l’horizon, ce qui donnera normalement l’occasion à Guy Haley de mettre en scène un peu de baston après ces débuts plutôt apaisés. Vivement la suite (et probablement la fin), donc.

1 : En tout cas, le dernier membre considéré comme important de la compagnie. Peut-être que la femme de Horrin et son fils adoptif auraient eu des choses intéressantes à raconter, mais Shyish semble être une patriarchie des plus rigides.

2 : Adembi est le Dieu devant lequel les résidents de Hysh prêtent serment. Incarné dans sa statue après s’être fait tailler les shakras en pointe au cours d’une bataille divine des temps jadis, Adembi s’est de plus fait voler une des précieuses larmes en pierre de royaume incrustées dans sa statue par un rôdeur Skaven. Choqué par ce larcin, il est devenu distant et n’enregistre plus que les serments portant sur la restitution de son précieux.

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Journey of the Magi – J. Green [40K] :

INTRIGUE:

Journey of the MagiLe Godstar1, monde machine Necrontyr et possession éteinte de la dynastie Nephrekh, dérive tranquillement dans le Halo, lorsqu’un portail démoniaque s’ouvre sans crier gare à sa surface, et en émergent bientôt trois superbes spécimens de Space Marines du Chaos. Mon premier est Prototokos (si si) le Clairvoyant, sorcier Thousand Sons de niveau 1. Il est à pinces mais peut tout de même se flatter de posséder une très jolie cape rouge sang. Mon second est le Sorcier-Magister Opados, Thousand Sons également, et justifiant d’un bon niveau 35, comme le prouve sa swagesque armure Terminator, ainsi que sa cape écarlate et ses deux cornes d’or, de platine et de lapis-lazuli. Mon troisième est l’honorable Arch-Magister Tritos, Thousand Sons toujours, monté sur un disque de Tzeentch et, surtout, arborant un jeu d’épaulières hololithiques2, comme preuve manifeste de son niveau 105. Si nos trois larrons se sont rendus sur le Godstar, ce n’est pas pour participer à la Fashion Week, non non, mais pour libérer un prisonnier retenu au cœur du complexe Nécron.

Comme on peut s’en douter, le trajet n’est pas de tout repos, et la suffisance des sorciers est assez rapidement battue en brèches par l’insistance du service d’ordre à leur mettre des pâtons dans les trous (ce qui est assez inconvenant). L’Affaire Louis’ Tri-os a beau multiplier les tours de cartes, les baguettes molles et les lapins tirés du chapeau, les Nécrons ne se montrent guère impressionnés, et l’inévitable finit par se produire : l’impotent Tritos se retrouve compromis, et, beau joueur, jette un sort de stase3 qui fait lagger tous les automates à dix mètres à la ronde, ce qui laisse le temps à ses compagnons de s’échapper. Ils ne sont cependant pas tirés d’affaire, car ce sont des Spectres immatériels par intermittence qui leur fondent bientôt dessus, forçant Opados à se lancer dans un pas de deux endiablé avec les rôdeurs pendant que Prototokos se hâte vers la salle du trésor.

Une fois à l’intérieur, le dernier survivant fait face à celui qu’il est venu chercher au péril de ses vies. Car Prototokos, en plus d’avoir un nom tout bonnement hilarant4, est également un membre du Culte du Temps, et maîtrise donc le voyage temporel. Il s’est donc rendu sur le Godstar en compagnie de ses futures incarnations – qui ont changé de nom pour marquer leur progression hiérarchique, suppose-t-on – pour libérer son lui du futur, qui se trouve être un Metabrutus du nom de Demis Roussos Thanatos. Enfin, libérer… Plutôt écarter un futur qui ne lui plaît pas, ce qui passe par le meurtre de Metabrutos, coupable de s’être fait capturer par le Dynaste Nephrekh après que la trahison d’un confrère légionnaire l’ait laissé en piteux état. Ne réfléchissez pas trop sur comment cela est sensé marcher, les boucles temporelles et les auteurs de SF font généralement mauvais ménage. Toujours est-il que Thanatos ne se montre pas très coopératif, et profite d’une erreur de jugement de… lui-même, pouvons-nous dire, qui est après tout jeune et con, pour libérer une de ses tentacules des entraves Necrons et garrotter le faquin de façon terminale. C’est donc un échec pour nos trois boloss, mais, comme vous pouvez vous en douter, la nouvelle se termine bien évidemment sur l’arrivée des Daltos sur le Godstar, prêts à retenter le coup pour la nième fois. Tant qu’il y a de la vie mana, il y a de l’espoir.

AVIS:

Pour ses retours à la Black Library, et qui plus est dans une franchise dans laquelle il ne s’était jamais montré très adroit (remember Salvation ?), Jonathan Green limite la casse. C’est triste à dire, mais je m’attendais à un plantage dans les grandes longueurs (et les grandes largeurs aussi, tant qu’à faire), et si le début de sa nouvelle lorgnait dangereusement avec l’exploration bête et méchante et fade et convenue et inimaginative d’un tombeau Nécron, intrigue tellement utilisée (et mal, qui plus est) par les auteurs de la BL qu’elle devrait être interdite d’emploi jusqu’à la reconstitution des stocks (de patience des lecteurs), son idée d’injecter un twist temporel à son récit est, ma foi, fort honorable. L’exécution est certes loin d’être parfaite, tant sur le fond que sur la forme5, mais on est très loin des calamiteuses soumissions commises par notre homme il y a une quinzaine d’années, lorsque les pontes de la BL s’échinaient, pour des raisons encore mystérieuses aujourd’hui, à le faire bosser sur du 40K. Coup de chance ou véritables progrès ? Il faudrait d’autres soumissions pour pouvoir se prononcer. Est-on sûrs de vouloir celà ? Eh bien, oui, pourquoi pas. Bring it on, Jon.

1 : À ne pas confondre avec le Go Sport, qui est encore plus rare en ce 41ème millénaire qu’un monde artefact Nécron.

2 : Comme à WOW, ce sont les épaulières qui établissent les rapports de pouvoir entre les PJ. Plus elles sont grosses, criardes et kitsch, mieux c’est.

3 : Je me plais à m’imaginer qu’il s’est contenté de proposer une formule à référence circulaire sur Excel, ce qui a fait planter les logiciels des Nécrons.

4 : Peut-être choisi à dessein par les Magisters Thousand Sons pour les apprentis sorciers, afin de leur donner une raison supplémentaire de progresser dans la hiérarchie pour pouvoir en changer.

5 : On remarquera le penchant certain de Green pour les descriptions vestimentaires, puis architecturales, au détriment du développement de ses personnages ou de la description de leurs actions. C’est un choix.

The Serpent’s Bargain – J. Crisalli [AoS] :

INTRIGUE:

The Serpent's BargainVictime des déprédations classées S (pour salaces) d’une bande de Maraudeurs de Slaanesh, le village de Varna ne doit son salut qu’à l’exploitation raisonnée décrétée par l’économe Seigneur Zertalian. Les pillards partis, pour mieux revenir quelques temps plus tard, les survivants sortent de leur trou (littéralement dans le cas de notre héroïne, la précautionneuse mais pas téméraire Laila) et tiennent conseil sur la marche à suivre. Malgré la position stoïque prônée par les anciens du village, qui préfèrent rester chiller au coin du feu dans l’espoir que les Slaaneshii trouvent une autre cible plus juteuse d’ici à leur prochaine crise d’ennui homicidaire, Laila, qui a déjà perdu son mari sous la lame des psychopathes princiers, est, elle, partisane d’une approche un peu plus proactive. Et pourquoi pas aller demander de l’aide aux Blonds1, ces mystérieux reclus qui vivent dans la vallée d’en face et que les légendes locales décrivent comme des adversaires acharnés du Chaos, et en particulier de ces margoulins dépravés d’Hédonistes ? Il paraîtrait même que ces gais lurons volent à la rescousse de ceux qui luttent contre de tels ennemis, ce qui est précisément le cas de nos Varnites.

Devant la réaction mitigée que sa proposition suscite auprès du conseil gériatrique du village, Laila décide de faire profil bas, mais n’en résout pas moins d’aller tenter sa chance auprès des Blonds, entraînant avec elle un vieux pote chasseur de niveau 3 (Stefen) et un lancier mercenaire gras du bide mais au pied léger (Ano). Le trio trace la route vers la blonde vallée, bravant pour ce faire le décret de confinement édicté par les anciens, et finit par arriver à bon port, n’ayant perdu qu’un seul de leur membre (Ano le stalker) en chemin. Faisant face à un temple décoré de moultes statues de donzelles en string et en rogne, les deux survivants commencent à douter du caractère véridique de leurs légendes, mais il est trop tard pour faire demi-tour,  et l’entrée du temple étant gratuit pour les filles et interdite pour les mecs, c’est seule que Laila pénètre à l’intérieur. Laissant prudemment le chaudron rempli de serpents à bonne distance, elle marche jusqu’à un petit jardin intérieur, où elle fait la connaissance de Cesse, jardinière manifestement elfique qui consent à écouter la doléance de son invitée. S’en suit une petite négociation, à l’issue de laquelle Cesse accepte d’aller combattre les Slaaneshii, qu’elle et le reste de ses Blondes détestent véritablement, en échange d’un paiement en sang de la part des humains. C’est alors que Laila révéle sa propre blonditude, croyant bêtement que la petite coupure qu’elle hérite pour sceller le pacte consiste en sa part du paiement en totalité. Aha. La cruche. Elle aurait ouvert un Battle Tome Daughters of Khaine, ou même eu la moindre notion en elfenoirologie qu’elle aurait compris qu’elle venait de se faire carroter dans les grandes largeurs. Les dangers de l’ignorance. Bref.

Ressortant du temple, Laila découvre avec effroi une flèche brisée et une flaque de sang là où elle avait laissé son chasseur de compagnie, et en conclut que ce dernier n’a pas fait de vieux os. Parvenant malgré tout à revenir jusqu’à Varna, elle relate son périple à ses concitoyens, s’attirant un regard lourd de reproches de la part des vieux de la vieille, qui se doutent bien que le marché passé avec les Blondes a de grandes chances de ne pas se résoudre en faveur des péquenauds. Avec raison. En effet, lorsque les scions de Zertalian décident de refaire une virée pillarde et paillarde en ville, ils ont beau se faire promptement méduser par Cesse et ses groupies, cette dernière demande ensuite que le tribut de sang leur soit remis. Incompréhension, puis mauvaise foi de la part de Laila, qui ne trouve pas ça très charlie. Qu’importe, un marché est un marché, et les Varnites ne sont de toute façon pas en mesure d’empêcher les Fifilles de Kékhaine de prendre leur dû, soit les faibles du village. Comme l’explique doctement Cesse à une Laila qu’elle précipité du haut du mur d’enceinte pour lui apprendre à mal lui parler, il n’y a qu’en supprimant les faibles que les forts pourront survivre, et il s’agit d’une mission de service public, vraiment. Cela ne convainc pas vraiment Laila, qui finit la nouvelle en pleurant comme une madeleine sur sa propre stupidité. Moralité : si les hommes préfèrent les blondes, la réciproque n’est pas toujours vraie.

AVIS:

Retour mi-figue mi-raisin pour Jamie Crisalli, qui ne retrouve pas avec ce The Serpent’s Bargain la recette du succès de sa première soumission pour Inferno!. La faute à une intrigue cousue de fil blanc (le marché léonin conclu par un héros ignorant avec des « alliés » pas si sympathiques que cela), exploitée par d’innombrables auteurs dans autant d’ouvrages avant que Crisalli ne revisite à nouveau ce classique des classiques. Si son choix de ne pas faire de la révélation de la fourberie des Blondes le twist final de sa nouvelle est compréhensible, l’absence d’éléments venant enrichir l’intrigue et le déroulé du récit l’est moins. À titre personnel, j’aurais bien aimé que l’auteur passe plus de temps à justifier le positionnement des Filles de Khaine, et pourquoi leur mission d’épuration des faibles leur tient tellement à cœur (ce que Crisalli fait en quelques lignes en fin de nouvelle), ce qui aurait apporté un contrepoint bienvenu à la vision « gentillesque » autant qu’horrifiée de Laila. Je n’ai pas non plus compris ce que Crisalli voulait accomplir avec les personnages de Stefen et Ano, dont la relative importance dans le récit ne débouche sur pas grand-chose. Coup de moins bien, donc. Espérons qu’il ne soit que temporaire.

1 : Fair Ones en VO. Ce qui peut se traduire par les Beaux, également. Voyez-y un hommage à Gad Elmaleh, ou à son inspirateur.

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Salvage Rites – T. Parrott [40K] :

INTRIGUE:

C’est le jour de chance de Ved Tregan, éboueur de l’espace, et de l’équipage de son vaisseau-benne, chargé par les autorités compétentes d’Effandor, monde ruche à l’orbite polluée, de collecter les milliards de déchets flottant autour de la planète, et compliquant grandement la logistique spatiale. Nos braves chiffoniers particuliers ont en effet décelé un débris d’un type très particulier, puisque c’est un authentique vaisseau capable de voyages Warp qui les attend dans le champ des possibles et des épaves effandorien. Avant de les suivre à bord de cette trouvaille miraculeuse, faisons la connaissance de notre fine équipe : en plus du bonhomme et capable capitaine Ved Tregan, cette dernière compte la pilote flemmarde Petin Hite, l’ex-ganger au grand cœur Adric Cale, la mais-non-ce-n-est-pas-une-psyker-elle-a-juste-une-sacrée-intuition Eusalia Zand, et la gestionnaire d’actifs Celia Vanar, chargée par la Maison Orend, généreuse sponsor de la petite PME de Tregan, de s’assurer de la bonne conduite des opérations et du paiement des traites du crédit contracté par le capitaine désargenté.

Nos intrépides explorateurs optent pour la fameuse tactique de la séparation en groupes de un pour optimiser l’exploration du mystérieux vaisseau, ne faisant que peu de cas du très mauvais pressentiment doublé d’une crise d’épilepsy qui saisit Zand alors que le sabot de Tregan termine son approche vers sa proie. Cette dernière est en effet trop tentante pour que le capitaine se montre compréhensif aux doléances geignardes de sa sous-fifre, ce qui aura bien entendu des conséquences fâcheuses. Comme de juste, l’un des groupes de un, celui mené par Cale (et secondé par lui-même) se fait promptement embusquer, et, bien que l’aventure ne se solde que par une coupure sans grande gravité pour le solide ruchier, la description qu’il fait de son assaillant, un humanoïde à la peau noire et aux yeux rouges, jette un froid sur l’assemblée qui s’est ruée à son secours. Se pourrait-il qu’ils aient abordé sans le savoir le yacht personnel de Vulkan, parti caboter dans la galaxie depuis quelques millénaires ? Ou plus sérieusement, que l’épave soit infestée par des tanglemouths, le nom que les locaux donnent aux Genestealers d’Ymgarl ? Mystère et narthécium.

Les savantes supputations de l’équipage sont écourtées par la dégradation rapide de la santé de Cale, qui se met à nécroser et baver de façon inquiétante. Et lorsque Hite annonce aux explorateurs que leur vaisseau a été saboté et ne peut plus repartir, un vieux froid tombe sur l’assemblée. Après avoir escorté l’impotent écumant jusqu’à l’infirmerie, les quatre rescapés décident de repartir dans l’épave à la recherche de pièces de rechange qui leur permettront de revenir sur Effandor…

Début spoiler…Bien évidemment, ce plan ne se déroulera pas sans accroc, la décision de Tregan de s’obstiner à faire du solo facilitant grandement la tâche de l’assaillant mystérieux des chineurs de l’espace. Hite disparaît en plein milieu d’une phrase, et la situation s’envenime encore davantage lorsque Vanar accuse Zand d’avoir attaqué la pilote sous ses yeux. Réussissant à grand peine à convaincre ses deux équipières de ne pas entre-tuer sur un malentendu, Tregan ordonne une retraite générale après avoir récupéré les précieux câbles que Hite avait identifié juste avant de tourner AWOL. Il est malheureusement trop tard pour Cale, qui a bavé sa dernière bulle pendant leur absence, et lorsque Vanar lui demande les mots de passe du coffre contenant les cartes spatiales d’Effandor, permettant au vaisseau de retourner sur la planète en sécurité, Tregan réalise un peu tard que cette question est des plus incongrues. Il arrive toutefois à mieux se maîtriser que Zand, qu’une crise d’angoisse terminale pousse au suicide sous le regard ébahi de son boss. Et pour cause, lorsque Vanar revient, le capitaine abandonné réalise qu’il s’est fait posséder. Sa comparse se révèle être… probablement une Callidus, qui émerge de son vaisseau d’emprunt sous les traits de feu son commandant quelques heures plus tard pour mener à bien sa sinistre mission. Décidément, l’économie circulaire n’est pas une sinécure. Fin spoiler

AVIS:

Thomas Parrott rectifie le tir d’une première soumission (Spiritus in Machina) assez quelconque avec ce Salvage Rites bénéficiant d’une atmosphère angoissante efficacement instillée, même si la mise en scène de l’exploration d’une mystérieuse épave se révélant peuplée de monstres est un sous-genre à part entière de la littérature 40Kesque (appelons ça le « space hulkisme » ) et donc guère original en tant que tel. Pour tirer un parallèle avec une nouvelle récente à peu près similaire à celle-ci, je trouve que Parrott a rendu une copie plus satisfaisante que Cassandra Khaw et son Nepenthe. Cela est dû en bonne partie au fait que l’on comprend sans trop de mal dans le premier cas ce que l’auteur a voulu faire, ainsi que l’identité et les motivations de l’antagoniste (encore que la révélation finale ne soit pas aussi claire que l’on aurait pu le souhaiter, à moins que je sois plus lent que le lecteur moyen de Parrott), ce qui n’était pas le cas chez Khaw. Retenons au final que notre homme a progressé depuis ses débuts pour la Black Library, et souhaitons lui de continuer sur cette voie pour la suite.  

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Green & Grey – E. Albert [40K] :

INTRIGUE:

Green & GreyPris en flagrant de roupillon pendant le service, le tankiste de première classe Lucius Stilo se réveille doucement dans l’habitacle confiné du Leman Russ où il opère en temps que rechargeur d’obusier. Pour sa défense, cette brave bête de Sancta Fide (le petit nom de la monture mécanique de Lucius) s’est pris un barrage d’artillerie en pleine poire il y a quelques minutes, avec des conséquences catastrophiques pour son équipage, décimé jusqu’à son dernier homme, qui se trouve donc être Lulu. Vous parlez d’une première mission. Notre héros, déjà légèrement traumatisé par le choc et par la vision des cadavres de ses camarades, doit de plus composer avec la réalisation qu’il se trouve dangereusement exposé, son escadron ayant été envoyé par le haut commandement ralentir l’avancée des peaux vertes assaillant la planète de Calleva, le temps que les grosses têtes du génie fassent sauter le pont reliant les basses plaines au reste du continent. Dans son malheur, Lucius a toutefois la chance de pouvoir compter sur une écoutille fermement cadenassée et une radio en état de marche ; la première tenant la patrouille Ork venue inspecter les épaves à distance, la seconde permettant d’établir le contact avec le QG de la Garde Impériale, d’où le Colonel du 5ème Régiment Mécanisé d’Alphard le prend en direct.

Bien qu’ayant embrassé la carrière militaire pour suivre l’exemple de son paternel, Lucius sent son courage vaciller à l’idée de finir bientôt en punching ball pour peaux vertes, et il faut des trésors de patience et de fermeté paternaliste à son interlocuteur pour motiver son dernier homme à agir comme l’Empereur attend qu’il le fasse. Ayant quelque peu repris ses esprits et retrouvé son sang-froid, Lucius prend bonne note (normal pour un Stilo, vous allez me dire) des directives transmises par son chef, et apprend à ce dernier après avoir réussi à rétablir l’auspex du Sancta Fide que le pont est toujours debout, et que les Orks s’apprêtent à le traverser. La tuile. En attendant que les Valkyries envoyées dare dare sur place pour finir le job et récupérer Lucius arrivent, ce dernier est donc sommé de ralentir le plus possible la migration Xenos, ce qui passe nécessairement par l’ouverture du feu sur la Waaagh!, et n’enchante pas vraiment notre héros, plutôt partisan du ‘live and let leave’. Saleté de hippie, va.

Informé en termes non incertains par son Colonel que sa coopération n’était pas optionnelle, Lucius se résout enfin à faire son devoir, et commence donc à obuser les Orks, ce qui attire inévitablement l’attention et l’intérêt de ces derniers. Ayant annihilé l’avant-garde peau-verte d’un strike chanceux, Lulu poursuit ses bonnes œuvres en étrillant et artillant les Xenos, puis en les bolterisant une fois ces derniers trop près pour continuer son approche 120 millimétrée. Las, comme on peut se l’imaginer, les Orks finissent par déborder le vaillant petit tankiste, et c’est le Big Boss en personne qui s’approche pour rosser le Russ…

Début spoiler…Comprenant en définitive qu’il ne bénéficiera pas d’un sauvetage à la Ryan, ce que lui confirme le Colonel avec une tristesse non feinte, Lucius décide de vendre chèrement sa vie, et réussit à planter l’épée énergétique prise sur le cadavre de son Capitaine dans le crâne de sa Némésis après qu’elle ait réussi à décapsuler l’habitacle du Santa Fide. Surprise, cela n’est pas suffisant pour venir à bout de l’Ork (sûrement hydrocéphale), qui revient la charge après s’être délesté de l’encombrant bout de ferraille. Surprise (bis), Lucius a mis à profit ce court répit pour se saisir d’un pistolet de détresse, qu’il décharge dans l’intérieur inondé de prométhéum du tank, avec des résultats spectaculaires, mais malheureusement définitifs. À l’autre bout du fil, le Colonel Markus Stilo ne peut que constater que son fils a fait son devoir jusqu’au bout, et bien qu’éprouvé par la tournure prise par les événements, prend sur lui de continuer à coordonner la riposte impériale. Comme il l’a appris à feu Lucius, ‘the Emperor protects (parfois) but the Emperor expects (toujours)’.Fin spoiler

AVIS:

Très sympathique et efficace soumission que ce Green and Grey, qui permet au nouveau-venu Edoardo Albert de rafler à David Annandale le titre de meilleur metteur en scène de nouvelle se déroulant dans un Leman Russ, catégorie certes très spécifique, mais qui compte donc (au moins) deux récits à ce jour. Là où le Sarcophagus d’Annandale pêchait par son manque d’action et son propos incertain, l’offrande d’Albert se révèle à la fois rythmé, crédible et bien pensé. Si la triste, mais héroïque – et en définitive, pas si surprenante que ça – fin de Lucius Stilo creuse un peu plus le sillon du fondamentaliste grimdark de 40K, le talent de l’auteur aura consisté à nous ménager un très bon twist final, à la fois efficacement préparé (relisez Green and Grey et vous verrez quelques fusils laser de Tchekhov), parfaitement délivré et tout à fait there-is-only-war compatible. Albert (pas en Somme), un nom à suivre, en somme.

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The Fourfold Wound – E. Gregory [AoS] :

INTRIGUE:

Shinua Gan, cartographe freelance des Royaumes Mortels, poursuit un dessein bien particulier. Hantée par la mort de toute sa famille lors d’une attaque de brigands alors qu’elle s’était absentée de sa ferme natale, elle poursuit d’une haine tenace et implacable le milicien qui était censé monter la garde dans la tour de guet voisine, et dont le penchant pour la dive bouteille a permis aux marauds maraudeurs de fondre sur la PME familiale dans l’impunité la plus totale. Elle traque depuis la sentinelle alcoolisée, du nom de Halas, à travers les Royaumes, bien décidée à lui planter sa dague entre les omoplates pour lui apprendre à développer une éthique professionnelle. Classique, vous allez me dire. Là où cela devient intéressant, c’est que le Halas en question est mort. Et là où ça devient passionnant, c’est qu’il s’est attiré les bonnes grâces de Ziggie en expirant en combattant un Champion du Chaos, ce qui lui a permis de bénéficier d’une reforge gratuite et de devenir un Stormcast Eternal. Pas que cela décourage le moins du monde Shinua, notez : au contraire, dégoûtée par le choix divin, elle s’est rangée du côté des mémés (le mécontents mécréants), une société secrète dont les membres ne tiennent ni le Grand Barbu, ni ses sbires métallisés, en haute estime. En plus de se retrouver à intervalles réguliers pour baver sur les rouleaux en sigmarite de Charles Martel, les Sentinelles (Watchers en VO) collectent également des informations sur le déploiement et la composition des osts Eternals, qu’ils sont prêts à mettre à disposition des ennemis d’Azyrheim.

Nous arrivons ainsi à Ark’non, un village de pêcheurs de baleines et d’éleveurs de marmuts (pas besoin que je vous décrive à quoi ressemble cette petite grosse bête je pense), en compagnie de Shinua, qui cherche à tirer au clair un rapport mystérieux faisant état du déploiement des Marteaux de Sigmar, ost auquel Halas a été reversé après son recrutement manu divinii sur place, mais dans un futur proche au moment où elle prend connaissance. Ayant contacté la cellule de Sentinelles locales, elle est emmenée par la jeune Nor jusqu’au phare de fonction qu’occupe son frère Sgon, surnommé le Lordbreaker depuis qu’il a mené une révolte contre les Seigneurs qui exploitaient la population locale. Pas de bol, Sgon, qui avait pu prédire l’arrivée des Stormcasts en utilisant les visions conférées par la magie de sang des anciennes familles d’Ark’non, est irrémédiablement exsangue à l’arrivée de sa visiteuse, qui constate bientôt que ses prédictions météorologiques sont tout ce qu’il y a de plus fiables, de gros hommes de métal tombant des cieux pour purger Ark’non au nom de Sigmar, qui comptait sans doute les anciens Seigneurs parmi ses amis. It’s raining men, halle shit shit shit.

Entraînant la pauvre Nor1, qui après avoir perdu ses parents quelques semaines plus tôt, doit composer avec le suicide de son frère et la combustion de sa grand-mère, avec elle jusqu’au port d’Ark’non, Shinua croise sur son chemin un Liberator qui semble la reconnaître. Et pour cause, il s’agit bien sûr de Halas, très désolé de sa bévue pre-mortem, et qui se confond en excuses, puis en éclair, après que Shinua, très rancunière, lui ai planté une défense de morse dans le cortex. Il ne s’agit toutefois qu’une mise en bouche pour notre héroïne et sa pupille – tout aussi remontée contre le service d’Ordre, à raison – bien décidées à se venger de toutes les morts dont elles tiennent responsables l’impardonnable, et donc impardonné, Halas (hélas pour lui)…

AVIS:

Je ne connaissais pas Eric Gregory avant de donner sa chance à son The Fourfold Wound, mais oh boy, je vais désormais suivre de très près sa production pour la Black Library. C’est bien simple, cette nouvelle est, de très loin, le meilleur texte de fiction estampillé Age of Sigmar qu’il m’ait été donné de lire. Et pourtant, il y a des Stormcast Eternals dedans (ce qui est d’habitude un facteur aggravant). Eh bien, Gregory a réussi à me réconcilier avec les Maschinenmensch de GW, et avec l’univers de cette franchise en général, ce qui était loin d’être évident. L’angle d’attaque choisi par l’auteur, faisant des Stormcast les antagonistes, s’il n’est pas absolument novateur (Josh Reynolds fit de même dans The Iron Promise), est encore assez peu usité à l’heure où ces lignes sont écrites pour piquer l’intérêt du lecteur. La description d’une société secrète de ressortissants des Cités Libres, et donc théoriquement loyaux à Sigmar, la divinité tutélaire et protectrice de la civilisation et de l’Ordre dans des Royaumes Mortels en proie au Chaos, nourrissant une défiance forte pouvant aller jusqu’à la haine pure et simple, pour le « bon » dieu et ses super soldats, est une superbe trouvaille de la part de Gregory, faisant naturellement passer son récit dans la Twilight Zone, cet espace narratif délicieusement non-manichéen, où le lecteur est libre de choisir qui est son protagoniste. Serez-vous plutôt team Shinua, dont la quête vengeresse, pour justifiée qu’elle soit, va l’entraîner sur une pente de plus en plus glissante, et vers des alliances de circonstances de moins en moins moralement justifiables ? Ou préférerez vous prendre le parti de ce brave Halas, qui malgré son erreur de jeunesse, n’en demeure pas moins un authentique héros et un être qu’il est difficile de haïr, tant son désir de repentance est sincère ? Shinua, qui prend le parti des petites gens opprimées par la dictature militariste – car il faut bien appeler un gryphound un gryphound – de Sigmar, un dieu tellement bienveillant qu’il n’hésite pas à envoyer ses immortels raser un village de pêcheurs dont le tort aura été de se révolter de façon un peu trop sanglante ? Ou Halas, qui a chaque reforge, perd toujours plus de son humanité2, et ne peut pourtant pas se résoudre à faire du mal à sa meurtrière à chaque fois que leurs chemins se croisent ? À vous de voir.

Autre réussite notable à mettre au crédit de Gregory, sa description des Royaumes Mortels, qui se détache véritablement de l’influence de Warhammer Fantasy Battle. Ainsi, s’il peut sembler aux premiers abords de voir Shinua aller proposer un marché à l’armée de Rotbringers contre laquelle les Marteaux de Sigmar sont engagés, il faut bien reconnaître que cette réaction immédiate n’est en fait qu’une réminiscence de WFB, univers dans lequel il était inconcevable qu’un ressortissant d’un royaume « civilisé » du Vieux Monde et non engagé sur la voie du Chaos puisse espérer sortir vivant d’une telle rencontre. Autres temps, autres lieux et autres mœurs : bien que les disciples de Nurgle ne soient pas au-delà d’un peu de prosélytisme de bon aloi, et que le marché que Shinua conclut avec ces derniers pèsera sans doute lourd dans la balance au moment de rendre l’âme, la transaction se passera de façon tout à fait honnête, et chacun poursuivra sa route sans anicroches (enfin, peut-être le nez qui coule pour Shinua). À titre personnel, je suis assez favorable à cette rupture avec l’héritage de WFB, qui sera nécessaire pour qu’Age of Sigmar puisse se sortir de l’ombre de son glorieux aîné et gagner en singularité. Quitte à jouer la carte de la high fantasy, autant « dépassionner » les relations entre les différentes factions quand cela est possible, et Gregory réussit à faire cela de façon assez convaincante et naturelle.

Bref, une vraie et franche réussite pour cette première nouvelle, qui se révèle être la soumission la plus intéressante de cet Inferno! #4 et fait d’Eric Gregory un nom à suivre dans les prochaines publications de la Black Library.

1 : C’est un usage bien établi, il ne faut jamais perdre la Nor.

: Il finit d’ailleurs sa carrière comme sauveteur en mer sur une plage au fin fond d’Aqshy, ses trop nombreux décès l’ayant transformé en Hodor en plates complètes, aux capacités intellectuelles très limitées.

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Where Dere’s Da Warp Dere’s A Way – M. Brooks [40K] :

INTRIGUE:

Where dere's da warp dere's a wayAssistant de direction d’une bande de Pistol Boyz Bad Moon rattachée à la Waaagh ! de Da Meklord, Ufthak Blackhawk vit à fond le rêve américain Ork, fait de bagarres, d’abordages et de compétitions pour devenir le boss à la place du boss. Le o+1 de notre héros est Badgit Snazzhammer, charismatique, à défaut d’être cérébral, Nob et tirant son nom de son arme de prédilection, un combi marteau énergétique/lime à ongles, qu’il ne dédaigne pas utiliser pour motiver les troupes lorsque le besoin s’en fait sentir. Chargés par Da Meklord en personne de sécuriser la salle du réacteur Warp d’un vaisseau de l’Adeptus Mechanicus afin de permettre à un Mek inventif de jouer avec la tek’ des zoms, Ufthak, Badgit et consorks prennent le premier ‘Ullbreaker pour aller apporter leurs sentiments et bourre-pifs les meilleurs aux fidèles de l’Omnimessie.

Une fois sur place, et après avoir dérouillé une malheureuse patrouille qui tentait de faire son devoir, nos Orks se mettent à errer dans les coursives du croiseur martien, les indications du Mek à roulette1 leur servant de GPS manquant en précisions. Au petit jeu du porte/monstre/trésor, les peaux-vertes finissent par tomber sur plus fort et plus dur qu’eux, comme le malheureux Badgit en fait l’expérience lorsque lui prend la mauvaise idée de charger un Kastelan opérant comme physionomiste à l’entrée de la boite de Warp. Comme quoi, foncer tête baissée est le meilleur moyen pour la perdre. À toute chose malheur est bon, car le décès de son chef permet à Ufthak de s’improviser leader de la bande de Pistol Boyz, malgré les protestations de Mogrot Redtoof, l’autre bras droit de feu Snazzhammer. Ruzé mais brutal, Ufthak accouche d’une tactique de diversion qui lui permet d’arriver au contact de l’angry robot, récupérer l’arme de fonction de son boss, et terrasser l’ennuyeux androïde au cours d’un corps à corps épique et piquant, et même détonnant, l’usage malavisé d’une arme à contondante à champ de force sur le réacteur du Kastelan dispersant Ufthawk façon puzzle2.

Ce n’est toute fois pas la fin pour notre héros, les Orks étant, comme chacun sait, plutôt coriaces. Se réveillant très diminué, mais se réveillant tout de même (ce qui est déjà pas mal quand on n’est plus qu’une tête sur un demi-tronc), Ufthak se voit proposer par le Dok Drozfang, qui accompagnait la bande, un marché qu’il ne peut décemment pas refuser. En un tour de scie circulaire et quelques agrafes, voilà la tête du Boy greffée sur le corps de Badgit, sans trop d’effets secondaires. Ça c’est ce qu’on peut appeler de la chirurgie reconstructrice. Remis de ses émotions, bien qu’ayant – et c’est compréhensible – un peu mal aux cheveux qu’il n’a pas, Ufgit (Badthak ?) refait son retard sur le reste des Boyz, calme les ardeurs de ce parvenu de Mogrot et lui reprend le bâton marteau de parole, et invite le Mek à appuyer sur le gros bouton rouge qu’il a branché sur le moteur Warp du croiseur. Selon les savants calculs de l’ingéniork, cette machine devrait permettre au vaisseau de rebrousser chemin jusqu’à sa planète d’origine, monde forge plein de tek’ à piller…

Début spoilerMalheureusement, le buzzer magique a surtout pour effet de remplir le croiseur de démons, ce qui ne refroidit pas le légendaire enthousiasme peau-verte, bien au contraire. Ils commençaient justement à s’ennuyer…Fin spoiler

AVIS:

Nouvelle rigolork (c’est le dernier mot-valise à base d’Ork, je le jure) de Mike Brooks, et à laquelle je décerne la palme d’argent du titre le plus inventif (catégorie 5 mots et plus), derrière l’indétrônable Badlands Skelter’s Downhive Monster Show de Matthew Farrer, Were Dere’s… n’a pas grand-chose à offrir au lecteur à part une plongée humoristique dans le quotidien, forcément agité, d’un Boy. Les péripéties grand-guinorkesque (j’ai menti) s’enchaînent de manière plaisante, mais ne vous attendez pas à une conclusion édifiante, ou même intéressante, à cette nouvelle. C’est dommage, car Brooks avait prouvé dans Dead Drop qu’il savait terminer un court format comme il se doit. Nous tenons donc ici la pastille comique de l’Inferno! #4, et il ne faudra pas lui demander davantage.

1 : Car oui, il n’y en a qu’une dans son cas, on peut parler de monorkwheel.

2 : Après l’Interrogatrice Spinoza dans ‘Argent’, c’est la deuxième nouvelle de la BL qui souligne les dangers des masses énergétiques pour leur porteur. Faut-il voir une ligne éditoriale de Nottingham ?

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The Manse of Mirrors – N. Horth [AoS] :

INTRIGUE:

The Manse of MirrorsRecrutée par un influent marchand de la cité libre de Lethis pour « visiter » le manoir d’un des plus célèbres résidents de cette dernière, feu (ou plutôt, cendres) Phylebius Crade, Thaumaturge Suprême de Lethis que nul n’a revu depuis cinquante ans, l’archéologue militante Shevanya Arclis se retrouve à la tête d’une petite équipe de spécialistes pour mener à bien ce repérage d‘Un Trésor dans votre Château’. Son employeur a beau considérer comme acquis le décès du propriétaire, le home-jacking du (six) pied(s) à/sous terre d’un mage d’Améthyste de niveau 153 reste une expérience périlleuse pour l’aventurier moyen, comme Arclis et ses compagnons ne tardent pas à le découvrir.

Ayant bien négocié les premières salles de ce donjon un peu particulier, Arclis et Cie se retrouvent dans le mal dans la galerie des glaces du manoir, qui ont la particularité d’être des portails donnant sur Shadespire les Vignes, petite bourgade typique de Shyish au centre-ville décrépit mais aux chargés de tourisme très motivés, comme le maître-voleur Goolan ne tarde pas à en faire l’expérience. Tiré au sort pour passer une nuit/vie dans un Air B&B local, le monte en l’air se mue en passe à travers, et file de l’autre côté du miroir découvrir les merveilles architecturales de Shadespire. Quelques secondes plus tard, c’est au tour de la noble aventurière Nazira El-malia de se faire mettre la griffe dessus, ou plutôt à travers, par un Spectre très entreprenant. Il faut toute la science arcanique du dernier membre de la compagnie, le mage stagiaire Dhowner, pour permettre aux survivants de regagner leur intimité, à grands renforts de porte blindée et de poudre de perlimpinipin.

La pièce où Arclis et Dhowner ont trouvé refuge se révèle être le laboratoire et cabinet privé de Crade, et regorge de moultes reliques des plus dispendieuses, ainsi que d’un gigantesque miroir expérimental, dans lequel les intrus peuvent contempler tout ce qu’il reste de leur hôte. Ce dernier, peu rancunier, s’avère assez content d’avoir de la compagnie, et explique que cela fait cinquante ans qu’il est piégé dans la cité de Shadespire, sujet d’étude l’ayant littéralement absorbé, à son grand désespoir. Avertissant ses visiteurs que l’influence néfaste de la ville-miroir risque de s’étendre à Lethis à travers son prototype de catalyseur, et que seuls ses vaillants efforts ont préservé la cité corbeau d’un sort pire que la mort, Crade implore les gentlemen cambrioleurs de l’aider à clore une fois pour toute la ligne M du TER de Shyish. À Dhowner de refermer le passage malencontreusement ouvert par Crade – qui accepte noblement son sort de citoyen d’honneur et d’horreur de Shadespire – , et à Arclis de défendre son camarade le temps que le rituel soit accompli. Au grand énervement du maître des lieux, qui lui conseillait de se servir d’un espadon mythique dans sa collection personnelle pour tenir les morts sans repos en respect, notre aventurière choisit de s’équiper d’une dague de pierre sur la seule fois d’une inscription disant ‘feuklémor’ gravée sur la lame. Il n’y a plus de respect ma bonne dame.

Début spoilerLa suite de la nouvelle voit toutes les suppositions que le lecteur était en droit d’entretenir à propos de la conclusion de l’intrigue développée par Horth se réaliser. Comme de juste, Crade se révèle être un fieffé chenapan, dont l’altruisme cachait en fait des velléités de possession du malheureux Dhowner.  Comme de juste, l’arme sélectionnée plus ou moins au pif par Arclis se révèle être un athame pour personnes en situation de non-vie. Comme de juste, notre héroïne parvient in extremis à empêcher Crade de faire du crade, en bousillant son miroir juste avant que le thaumaturge ait pu prendre entièrement possession de son padawan. Une monumentale explosion plus tard, les deux malfrats, catapultés dans le jardin du manoir, se font cueillir par la Morréchaussée, sans doute pour tapage nocturne. Mais la saga d’Arclis est loin d’être terminée…Fin spoiler

AVIS:

Après une quinzaine de pages prometteuses, dans lesquelles Horth parvient à instiller une ambiance macabre tout à fait satisfaisante, son The Manse of Mirrors débouche sur une conclusion assez tristounette, n’exploitant pas vraiment le potentiel horrifique et mystérieux de Shadespire, et résolue de façon très peu imaginative. Comme d’autres courts-formats de la BL, je crains que nous ne nous trouvions en face d’un texte pensé dès le départ par son auteur comme une part intégrale d’une oeuvre plus conséquente, ici la novella Thieves’ Paradise mettant en vedette notre Indiana Jones à oreilles pointues1, ce qui se solde malheureusement par des lacunes en termes de « singularité » de l’histoire développée. Bref, The Manse of Mirrors pourrait bien être le chapitre 0 de Thieves’ Paradise, et ce de façon très (trop) visible pour que le lecteur puisse réellement apprécier cette nouvelle de façon indépendante. Tout le monde n’a pas le talent d’un Dan Abnett, d’un C. L. Werner ou d’un Nathan Long pour réussir à jouer la partition du e pluribus unum de façon satisfaisante, et c’est encore une fois bien dommage. On mettra tout de même au crédit de Nick Horth les quelques ajouts de fluff qui parsèment sa soumission, qui achèvent de placer cette dernière dans la tranche haute du convenable. Cela aurait pu et dû être mieux, pourtant…

1 : Je me suis d’ailleurs aperçu qu’Arclis semblait avoir en main la dague piquée à Crade sur l’illustration de couverture de la novella.

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Blackout – J. C. Stearns [40K] :

INTRIGUE:

Lorsqu’une panne de courant massive vient plonger Seidon City dans les ténèbres, les kids Chib, Zaylin, Bugeye et le reste des 77, gang de loubards vivotant dans un quartier défavorisé de cette cité-ruche, en sont réduits à échafauder des hypothèses plus ou moins farfelues pouvant expliquer cette nième interruption de l’alimentation électrique du voisinage. L’arrivée sanglante de deux comparses, Soter et Jerrick, vient toutefois mettre un point final à la joute oratoire entre polémistes sous acide, juste avant qu’ils ne se commencent à se mettre sur la gu*ule, comme souvent lorsqu’un consensus peine à être trouvé entre gangers. Les nouveaux-venus expliquent être tombés dans une embuscade alors qu’ils attendaient innocemment de régler leur compte à quelques membres d’un gang rival, et avoir fait les frais d’un arsenal très peu commun à ces niveaux de la ruche, comme peut en témoigner l’épaule du pauvre Jerrick, réduite à quelques filaments de barbaque après sa rencontre malheureuse avec une balle perdue.

Outrés par ce déchaînement de violence qu’ils sont presque certains de n’avoir pas mérités, les 77 optent pour la mise sur pied d’un raid punitif contre leurs mystérieux assaillants, mais n’ont même pas à sortir de leur planque que cette dernière se retrouve sous un feu nourri. Dans la confusion qui s’en suit, Chib, Zaylin et Bugeye, comprenant rapidement que leurs collègues n’ont pas la main haute dans cet affrontement, optent pour une prudente retraite tactique dans les profondeurs de la ruche, confiants dans leur capacité de distancer les bourreaux des 77.

Malheureusement pour nos stagiaires, leurs poursuivants s’avèrent être aussi rapides et tenaces que bien armés, et Chib se retrouve bientôt seul dans les égouts de la cité, après que ses deux acolytes soient tombés dans les griffes de l’anti-gang. Jouant le tout pour le tout, notre héros tend un piège à ses traqueurs en utilisant le cadavre d’un autre ruchier ayant eu la malchance de se trouver sur le passage de ces derniers, et arrive ainsi à poser les yeux, juste avant de tirer, sur sa mystérieuse Némésis…

Début spoiler…qui s’avère être un Space Marine, et accueille donc avec un haussement d’épaule blasé la fléchette que le kid lui loge dans l’aisselle. S’attendant à rencontrer une fin aussi violente et prématurée que ses camarades, dont l’équipement et les compétences n’ont pas servi à grand-chose face aux bolts et épées tronçonneuses des meilleurs de l’Empereur, Chib a la surprise de se faire manutentionner par son ennemi jusqu’à un entrepôt désert, où, vous l’avez deviné, sagace lecteur, les Space Marines ont reçu ordre de ramener leurs trouvailles, qui sont toutes de jeunes gangers terrorisés. La nouvelle se termine sur l’annonce par l’Apothicaire de service, un certain Herodytes du Chapitre des Crimson Shades, que le casting tenu sur Stratigardin avec la bénédiction du Gouverneur Galliarnos est maintenant terminé. Décidément, la télé-réalité du 41ème millénaire est un peu plus hardcore que la nôtre…Fin spoiler

AVIS:

Je pense que l’on peut porter deux jugements sur ce Blackout de Stearns, qui seront fonction de la « maturité » (parce que la « vétéranitude » n’existe pas en français, et c’est bien dommage) du lecteur. Pour le nouveau-venu dans l’univers de 40K et de la Black Library, et qui aura donc une chance d’être authentiquement surpris par la révélation finale de cette nouvelle, cette dernière devrait être tout à fait satisfaisante. Pour les hobbyistes un peu plus expérimentés, qui auront éventé l’identité des persécuteurs des 77 dès la description de la blessure de Jerrick, la lecture de Blackout se révélera bien moins passionnante, d’autant plus que Stearns ne glisse aucun easter eggs1 ou référence à du fluff « avancé » dans son récit, pour une conclusion tristement banale. On m’excusera (ou pas, en fait je m’en fiche) à nouveau de mettre en avant Peter Fehervari, qui, sur une trame très similaire, avait réussi à soigner sa sortie dans son Nightfall. Si j’osais, je dirais que Blackout est un épisode de Dora l’Exploratrice, et Nightfall un court-métrage de Pixar : là où le premier ne s’adresse qu’à un « jeune » public, le second est suffisamment bien construit pour intéresser toutes les générations de spectateurs. Bref, une nouvelle à ne pas mettre entre toutes les mains, mais pas pour les raisons habituelles.

1 : On pourrait toutefois argumenter que les Crimson Shades se livrent eux-mêmes à une chasse aux œufs (à la sauce 40K, certes), ce qui constituerait une habile mise en abyme.

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Comme souvent avec des recueils de nouvelles, ce 4ème numéro d’Inferno! est assez hétérogène dans sa composition. Si les débuts d’Eric Gregory constituent à mes yeux la plus grande réussite de cet opus, d’autres soumissions (Flowers, Haley, Albert) s’avèrent également être intéressantes, ou convenables (Wiltgren, Green, Crisalli, Parrott, Brooks, Horth, Stearns). Finalement, il n’y a guère que la pièce-titre (en termes d’illustration de couverture tout du moins) qui m’est apparue comme insatisfaisante, ce qui est un ratio tout à fait respectable.

Hasard du calendrier, la tenue du Black Library Weekender 2019 nous a permis de prendre connaissance de la couverture et du line-up du prochain numéro, qui sortira au cours du premier trimestre 2020. Je suis particulièrement ravi de voir que sur les douze contributeurs mis à l’honneur de ce 5ème opus, 10 sont des nouveaux-venus, ce qui confirme une nouvelle fois le rôle d’Inferno! comme tremplin des nouveaux talents de la Black Library. Un an après sa résurrection, on peut donc considérer que la nouvelle incarnation d’Inferno! porte haut les couleurs de son glorieux aîné de ce point de vue (on attend toujours les comics et les articles fluff, ceci dit), et je ne m’en plaindrai sûrement pas. En attendant la publication d’un petit best-of personnel de l’année écoulée, et probablement un nouvel Infernabulum! avant la fin de l’année, je vous salue bien bas et vous souhaite d’infernales, aventureuses et satisfaisantes lectures d’ici à 2020!