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CONQUEST UNBOUND [AoS]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue de ‘Conquest Unbound, anthologie de nouvelles se déroulant dans les Royaumes Mortels, et publiée par la Black Library en Novembre 2022. Avec 21 histoires au compteur, ce beau pavé concurrence ‘Gods & Mortals’ pour le titre de plus gros recueil Age of Sigmar mis sur le marché (à ce jour), ce qui en fait une très bonne affaire si on s’intéresse au ratio quantité/prix. À moins de 12€ pour sa version numérique, on en a pour son argent.

Conquest Unbound’ présente également des similitudes avec un autre omnibus, à savoir ‘The Hammer & the Eagle’ (chroniqué ici). Ce dernier ouvrage visait principalement les nouveaux arrivants dans la GW-Fiction, et présentait donc un florilège de nouvelles variées, présentant la plupart des factions les plus populaires de la franchise, à travers les personnages les plus iconiques de cette dernière. Ici, on retrouve un sommaire divisé en 6 parties1, chacune composée d’entre 3 et 5 courts formats, que je suppose avoir été choisis par les éditeurs de la BL dans un but de variété et d’exhaustivité. Le fait que certaines armées, pourtant majeures (Skavens, Filles de Khaine, Fyreslayers…), ne soient pas représentées dans cet épais grimoire est un peu dommage, mais cela est sans doute dû à l’absence de nouvelles récentes les mettant en avant à y faire figurer2.

Conquest Unbound

En effet, toutes les histoires figurant dans ‘Conquest Unbound’ sont relativement récentes, les plus anciennes ayant été initialement publiées en 2019. Comme c’est l’usage pour les anthologies de courts formats de la Black Library, une majorité (16) du sommaire a déjà été proposée au public. La présence de quelques inédits est cependant à souligner, et cet ouvrage pourrait donc intéresser les vétérans hobbyistes en plus des dénicheurs de bonnes affaires.

Terminons enfin par un mot sur les contributeurs sollicités pour l’écriture de cette ribambelle de nouvelles. Au nombre de 15, dont 6 (Werner, Guymer, Gregory, Dicken, Van Nguyen et Fletcher) bénéficiant d’une double apparition, ils sont pour la plupart bien connus des habitués de la BL. La présence d’inédits permet cependant à Adrian Tchaikovsky et Rhuairidh James de faire officiellement leurs premières armes, dans Age of Sigmar pour le premier, et dans la GW-Fiction pour le second. Souhaitons leur bonne chance pour ces débuts, et souhaitons nous bonne lecture pour venir à bout de cette brique…

1 : Les Royaumes Aelves (3 nouvelles), Les Elus de Sigmar (3), Les Anciens Empires Duardin (3), Les Guerriers du Chaos (3), Peaux-Vertes et Gargants (5), et Serviteurs de Nagash (3).
2 : A l’inverse, Gotrek et sa sidekick Maneleth réussissent à figurer dans pas moins de trois nouvelles différentes, en faisant les véritables star de ‘Conquest Unbound’.

Conquest Unbound

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The Warden in the Mountain – E. Gregory :

INTRIGUE:

The Warden in the MountainC’est la soirée du grand oral pour les apprentis garde-chasses (Wardens-in-the-Wild en VO) de la Grande Gardienne Tythrae. La petite poignée d’aspirants se rend au pied de la Beastgrave pour passer l’épreuve décisive : passer toute une nuit prosternés dans la poussière à l’entrée d’une des cavernes de la montagne magique, sous le regard sévère de Mémé Tythrae. Et si cela ne semble pas très compliqué de prime abord, il faut prendre en compte la fâcheuse tendance de la Beastgrave à venir souffler des propos peu amènes dans les oreilles de ceux qui s’en approchent trop. Imaginez-vous un podcast de 10 heures pendant lequel Alex Jones d’InfoWars ne ferait que hurler que personne ne vous aime, que votre race et vos dieux sont morts, et qu’il a mangé votre passé et votre futur avec des cuisses de grenouilles gay. Soumis à un tel traitement, il n’est pas étonnant que plusieurs novices pètent les plombs. Pour les chanceux, cela se termine par une reconduite au bas de la montagne, et une inscription en CAP chaudronnerie. Pour les autres, c’est un sprint malavisé directement dans la gueule du loup, ou plutôt de la montagne, ce qui force Tythrae à abandonner la supervision de l’épreuve pour ramener ses brebis perdues au bercail.

Leur professeur n’étant pas revenue au moment où le jour se lève et l’épreuve prend fin, les trois derniers participants (Maethys, Laeren et Weheol) décident de pénétrer à leur tour dans la caverne pour s’enquérir de la situation, et malgré les instructions très claires laissées par Tythrae à son départ de ne surtout pas la suivre. Aaaah, si jeunesse savait écoutait… Bien évidemment, ce noble dessein ne va pas tarder à rencontre la dure et froide (normale pour une montagne) réalité de la Beastgrave, d’où il est beaucoup plus facile d’entrer que de ressortir…

Le premier personnage à tirer sa révérence est Maethys, qui n’avait jamais été trop branché (haha) par la position de garde-chasse de toute façon, mais s’était accroché à cause de son béguin pour sa camarade Laeren, qui se trouve être la petite-fille de Tythrae. Lorsque le trio est embusqué par un monstre flou et maniant le couteau comme Philippe Etchebest, le chevaleresque Aelf s’interpose entre sa dulcinée et l’affreux jojo, et finit au fond d’une crevasse, les os en miettes. Son sacrifice permet toutefois à Laeren et Weheol de distancer leur agresseur, mais seulement pour un temps. Perdus dans le dédale des galeries, et retardés par la cécité de Weheol, les deux survivants se font rattraper par leur stalker, qui blesse l’aveugle mais ne rate pas Laeren. Dans son dernier souffle, elle expédie son camarade dans la rivière souterraine qui coule en contrebas, lui permettant d’échapper à nouveau au surineur de l’ombre.

Repêché par Tythrae, qui avoue ne pas avoir réussi à sauver l’aspirant qui avait piqué son meilleur sprint dans la Beastgrave, et être aussi totalement perdue, Weheol indique à sa mentor qu’il a mémorisé l’itinéraire emprunté par feu ses camarades et lui-même, et qu’il se fait donc fort de trouver la sortie si on le ramène à l’endroit où Laeren l’a initié au plongeon de 10 mètres. C’est dans les cordes de la Grande Gardienne, qui guide son dernier pupille dans la remontée, jusqu’à ce que la paire doive négocier un nid de stagwyrms endormis pour accéder au niveau supérieur.

Début spoiler…C’est le moment que choisit le monstre pour refaire parler de lui. On apprend qu’il s’agit d’un ancien aspirant garde-chasse (Ossifal), qui a raté son épreuve de passage du temps où cette inconsciente de Tythrae organisait cette dernière non pas devant, mais dans la Beastgrave. Perdu corps (seulement yeux et bras pour être exact, mais c’est déjà pas mal) et biens dans la montagne, Ossifal a toutefois trouvé une nouvelle vocation dans les ténèbres, s’autoproclamant Gardien des Wyrms et prenant sur lui de poignarder tous les aventuriers passant à sa portée. Désireux de tester le métal dont est fait Weheol pour s’assurer qu’il est digne de devenir garde-chasse, il se heurte au refus catégorique de Tythrae, et de dépit, siffle la fin de la récré. Cela réveille en sursaut les stagwyrms qui pionçaient pénards à proximité, et dans la confusion qui s’en suit, Weheol parvient à s’échapper en direction de la rivière, pendant que Tythrae et Ossifal s’entretuent à l’arrière-plan.

Un peu plus gaillard que son ancienne prof principale, Ossifal se traîne jusqu’à l’aveugle pour aller s’empaler de son plein gré sur le bout pointu de sa canne de marche, et lui proposer de prendre sa succession comme Gardiens des Wyrms. La position vient avec une super cape de bras spectraux, très pratique pour poignarder les intrus, et qu’Ossifal portait jusqu’à son récent suicide. En bon objet magique maléfique, la cape essaie de se greffer à son nouveau porteur, mais Weheol, après avoir considéré une reconversion, décide qu’il n’a pas envie de revivre le cauchemar de la plateforme Parcours Sup pour changer de filière, et bastonne la relique impie à mort (?) avant de repartir vers la sortie. On espère qu’il aura trouvé son chemin, après avoir trouvé sa voie…Fin spoiler

AVIS:

Très bonne nouvelle de la part d’Eric Gregory, qui parvient à se sortir de l’écueil narratif que représente Warhammer Underworlds en mettant en scène des personnages ne faisant partie d’aucune bande nommée, et donc dont il a tout loisir de pouvoir faire vivre et mourir comme il l’entend. L’ambiance de thriller/slasher qui se dégage de ces pages est une réussite, tout comme la manière dont l’auteur retranscrit la malignité de Beastgrave, qui vient plomber le moral de nos pauvres aspirants de manière à la fois directe et insidieuse. Seule micro-doléance de mon côté, le manque d’explications fournies à propos de la super cape d’Ossifal, qui semble être la véritable antagoniste de l’histoire, et la source des pouvoirs du Gardien des Wyrms. Rien qui ne vienne gâcher la lecture de ce qui est à mes yeux la meilleure nouvelle de cette sous-franchise (en même temps, la concurrente n’est ni nombreuse, ni rude), cependant.

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The Harrowing Deep – M. A. Drake :

INTRIGUE:

The Harrowng DeepLe Prince Cycladaean poursuit le noble but de l’unification de toutes les enclaves Idoneth, préférablement sous la férule de son boss, le Haut Roi Volturnos, à qui il sert d’émissaire et de diplomate itinérant. Ayant engrangé quelques succès notables, notre héroïque héraut trouve cependant dans l’enclave de Dhom-Hain, gouvernés par la Haute Reine Mheáve et son époux, le très consort (le -sort est silencieux), Roi Akhamar, un défi à la mesure de ses talents. Incarnations même des farouches péquenots de Ghur – qu’ils sont, dans une certaine mesure – les Idoneth de Dhom-Hain n’ont pas l’hospitalité facile envers leurs cousins ultramarins, et ne se montrent guère emballés par le projet de désenclavement (c’est le cas de le dire) que Cycladaean pilote. Il n’y a guère que Mheáve pour se montrer moins glaciale que le reste de ses sujets, et tolérer que Cy’ prenne la parole à la cour, quand son butor de mari ne fait pas le moindre effort pour masquer l’animosité qu’il nourrit à l’égard de son hôte. Et il paraît que l’air marin rend aimable1.

Ce délicat jeu de pouvoir et d’influence, dans lequel Cycladaean part perdant, est toutefois perturbé par les ravages causés par un mystérieux prédateur, ayant déjà rasé plusieurs hameaux périphériques de la cité de Rundhar, capitale de Dhom-Hain, et englouti corps et biens les trois expéditions de chasseurs envoyées lui faire les écailles. Saisissant sa chance, notre héros parvient à se faire inviter à la nouvelle partie de chasse montée par leurs altesses bassesses royales, contrariant tellement Akhamar au passage que le Roi décide de se joindre également aux réjouissances, afin de montrer que lui aussi, il en a (des branchies, sans doute). Empoignant sa fourchette magique Pontumahár et chevauchant sa fière monture tentaculaire Ishcetus, Malbrough Cycla s’en va en guerre mer, aux côtés d’une force conséquente d’Akhelians, tous montés sur des bestioles au nom décidément compliqué pour quiconque n’est pas familier de leur livre d’armée (sans blague). Sur la route des profondeurs, le Prince fait la connaissance de Saranyss, l’Isharann de garde, qui, eau surprise, se montre elle aussi plutôt sensible aux arguments fédéralistes, déistes et lumineux développés par l’onctueux VRP. Il faut dire que la donzelle a voyagé pendant sa jeunesse, et roulé sa vague d’enclaves en enclaves, ce qui lui a ouvert les yeux (façon de parler, voilà la fig’) sur les bienfaits de la coopération.

Sur ces entrefaites, l’expédition vengeresse autant que chasseresse arrive sur les lieux des dernières déprédations du monstre, que ses membres se mettent à fouiller à la recherche d’indices. Pas de chance pour eux, ils ne réalisent qu’un peu tard que l’absence de traces sortant du village dévasté ne peut signifier qu’une chose : la présence du monstre en question, qui, malin autant que rusé, s’était caché dans un espace fumeur pour s’en griller une petite en attendant que son dessert arrive. Confronté à un Kharibdyss pétant le feu (c’est le cas de le dire), les Deepkin ne sont pas à la fête, d’autant plus que la coopération entre Cycladaean et ses comparses est loin d’être optimale : passe encore que Saranyss reste dans sa bulle – après tout, c’est à ça qu’elle sert – mais l’approche prudentielle adoptée par Akhamar et ses sbires laisse notre preux paladin en fâcheuse posture. Esquivant tant bien que mal les suçons insistants de la bête, il parvient de justesse à se désengager, et décide de charger son rival pour se passer les nerfs. Bon en fait, pas vraiment, il s’arrête juste avant de commettre l’irréparable et se contente d’engueuler Akhalamar comme du poisson pourri, ce qui est assez fluff. Il faut l’arrivée salvatrice de Saranyss, et son expertise pour faire retomber la pression, pour que les alliés ne commencent pas à se fritter, et se lancent à la place à la poursuite du Kharibdyss importun, blessé mais loin d’être mort.

Après quelques minutes de marche, ou de nage, dans les profondeurs stygiennes de l’océan, les survivants arrivent en vue de l’antre du monstre, qui se trouve être le cadavre d’un autre monstre, mais plus gros (comme la plupart des bâtiments sur Ghur d’ailleurs). Comprenant que ses camarades de chasse ont toutes les dents de la mer contre lui, Cycladaean se décide à la jouer finement, et parvient à faire passer tous les PNJs restant en pertes et profits, à l’aide de sa science du placement (toujours mettre un gus entre soi et le concombre de mer polycéphale et enragé dont on viole l’intimité, c’est une règle d’or). Gardant le meilleur pour la fin, notre héros, un tout petit peu revanchard, joint l’utile à l’agréable en enchaînant un double kill grâce à son trident incendiaire2 : la bête et le bête. Émergeant seul, mais victorieux, de cette confrontation, le Prince rejoint Saranyss, qui avait une nouvelle fois décidé d’attendre prudemment à l’extérieur (dur de garer un leviadon, même en double file), et nos deux comparses se mettent en route pour Rundhar, où Cycladaean a maintenant bon espoir de convaincre Mheáve d’accepter le principe d’une reprise de contact avec les autres enclaves Idoneth. Après tout, la formule consacrée ne dit-elle pas : sans âme, ouvre-toi (au monde extérieur) ?

1 : On aurait beau jeu de me répondre que les Idoneth Deepkin n’en ont cure puisqu’ils vivent sous les flots. Ce que j’accepte.
2 : C’est encore plus fort sous l’eau.

AVIS:

Plongée (haha) réussie de la part de Miles A. Drake dans le monde baroque et exotique des Idoneth Deepkin, ‘The Harrowing Deep’ se montre plus intéressant dans sa contextualisation de la faction dont il traite (leur rapport à Teclis, la volonté unificatrice de Volturnos, l’isolationnisme de certaines enclaves…) que dans la traque du Kharibdyss qui occupe une bonne moitié du récit. Non pas que l’auteur pêche (qu’est-ce que je suis spirituel, vraiment) dans sa mise en scène des passages d’action, qui se révèlent tout ce qu’il y a de plus correct, même si sans enjeu (on ne doute pas un instant que le héros va s’en sortir), mais seulement que ces derniers n’apportent qu’une faible valeur ajoutée par rapport aux descriptions « géo-politiques » qui ont précédé. Le temps passé par Drake à présenter Cycladaean, et dans une moindre mesure Saranyss, me laisse à penser que nous pourrions retrouver notre/s héros dans de nouvelles aventures d’ici peu, ce que le titre de la nouvelle (‘Ghosts of Khaphtar’, qui est une autre enclave Idoneth) citée dans la bio de notre homme laisserait en effet supposer. Même si le Prince de Belle Eau ne m’a pas emballé outre mesure, le concept du diplomate errant est suffisamment riche pour que j’accueille avec curiosité une nouvelle soumission de cet acabit. On peut enfin reconnaître à Miles A. Drake son appropriation et utilisation poussées du lore des Idoneth Deepkin, à tel point que le profane se perd parfois dans le glossaire racial dont l’auteur imbibe son récit. Pas que je m’en plaigne, notez, je préfère de loin faire quelques recherches complémentaires en cours de lecture plutôt que d’avoir l’impression d’être pris pour un abruti fini incapable de la moindre extrapolation. Tous dans le grand bain !

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The Perfect Assassin – G. Kloster :

INTRIGUE:

The Perfect AssassinCoincée dans le bourg décati de Losten, en Ulgu, Maleneth Witchblade tourne en rond comme une lionne en cage pendant que Gotrek s’amuse à lentement drainer de sa bière une taverne qui croyait malin de proposer une offre « boisson à volonté » à celui qui battrait le champion local (un Ogor) au bras de fer. Les Nains ayant la constitution robuste et la rancune tenace, il ne fait aucun doute que le Tueur réformé arrivera à son objectif, une pinte à la fois, mais à son rythme de sénateur alcoolique, il s’en faudra d’encore quelques jours avant que le duo ne puisse quitter Losten. Aussi, lorsqu’une aristocrate du nom de Talm et se revendiquant comme l’une des notables de la ville se présente à elle et met un contrat sur la tête d’un mystérieux Seigneur des Ombres, accusé d’avoir assassiné deux aristocrates en autant de jours nuits pénombres (dur à dire en Ulgu), la cultiste de Khaine repentie se pique au jeu et se met à suivre son employeuse à bonne distance, laissant Gotrek chanter Les Lacs du Kone Mharag seul dans son bouge.

Plus intéressée par le challenge de se frotter à un collègue assassin semble-t-il compétent que par l’accomplissement scrupuleux de sa mission de protection de Talm, Maleneth laisse cette dernière et ses gardes se faire écharper par un assaillant mystérieux, semblant se matérialiser depuis les ombres, en plus d’être protégé des coups par une chappe d’obscurité. Elle note cependant que le reître porte autour du coup un pendentif orné d’une pierre pourpre, assez semblable à celui, vert, qu’arborait feu Talm au moment de sa mort. Comme elle ne tarde pas à l’apprendre en rendant une petite visite à l’Office de Tourisme local (l’Aethaneaum1), ces colliers sont l’apanage des sept grandes familles de Losten, et la lignée des Verska était celle qui avait choisie le magenta comme couleur. Les Verska étaient des maîtres assassins réputés, et de ce fait, les véritables maîtres de la cité, jusqu’à ce que leur patriarche, Novim, pousse le bouchon et le stylet un peu trop loin, et se mette à massacrer sans discrimination ennemis, critiques et mécontents. À sa mort, son héritier se révéla ne pas être aussi doué en ninjutsu que son prédécesseur, et se fit donc neutraliser par ses pairs de manière préemptive. Ce qui aurait dû mettre fin à la lignée des Verska. Mais rien n’est aussi simple qu’il n’y paraît.

Ainsi rencardée, Maleneth décide logiquement de se rendre dans l’ancien manoir des Verska, où elle trouve facilement le dernier rejeton de la famille, un avorton nommé Arvis, fort occupé à essayer de récupérer sa cape que le sang de sa dernière victime a malencontreusement taché. Si Arvis est un bretteur assez quelconque, la breloque qu’il a piquée dans le mausolée de son grand-père, l’illustre autant qu’obscur Novim, compense largement son jeu de jambes médiocre et sa synchronisation déficiente. Capable de se matérialiser depuis les ombres, qui parent à sa place les coups assenés par l’Aelf, le dernier Seigneur des Ombres donne du fil à retordre à Witchblade, jusqu’à ce qu’elle identifie le point faible de son adversaire : une aversion pour les liquides. Un jet de cire brûlante à la figure plus tard, voilà l’apprenti surineur en PLS sur le sol, paralysé par le poison dont Maleneth a enduit sa dague et délesté de son précieux colifichet. Malheureusement pour notre héroïne, la relique ne peut-être palpée que par un membre de la lignée des Verska, et lui glisse entre les doigts comme la savonnette que Gotrek n’a jamais utilisé depuis qu’il a prêté le serment du Tueur. Dommage. Elle rend toutefois son calme à Losten en exécutant sans état d’âmes le jouvenceau vengeur, dont la vendetta était motivée par le meurtre de ses parents par les autres familles nobles de la ville, comme vu plus haut. Ceci fait, elle peut retourner à l’auberge que le Duardin n’a toujours pas fini de tarir, et sonner la fin de la beuverie en mettant le feu au local comme elle l’avait pour le manoir des Verska. C’est un Gotrek bougon mais philosophe qui finit par émerger du brasier, un dernier tonneau de bière sous le bras pour solde de toute ardoise. Le déicide est une activité déshydratante, c’est bien connu.

1 : Où Gotrek était venu chercher quelques jours plus tôt des informations sur la meilleure façon de tuer un dieu. Sans grand succès d’ailleurs (une autre raison pour se saouler).

AVIS:

Depuis sa renaissance dans les Royaumes Mortels, Gotrek Gurnisson est passé sous la plume de nombre d’auteurs, perpétuant une tradition datant du Monde Qui Fut, où le petit rouquin a été mis en scène par un aéropage de collaborateurs de la Black Library, depuis King, Long et Reynolds jusqu’à Brunner, Guymer ou Goulding, pour n’en citer que six. Gary Kloster s’attaque avec ce ‘The Perfect Assassin2à un sous-sous-genre particulier : la nouvelle de Gotrek & Felix sans Gotrek (ni Felix, pour des raisons évidentes), qui permet de développer un peu plus le compagnon du nabot irascible sans que ce dernier ne vienne résoudre l’intrigue à grands coups de hache. Tout le monde n’a pas réussi à mener à bien ce genre de projet de façon convaincante (je pense en particulier à ‘The Oberwald Ripper’), mais Kloster s’en sort de manière honorable. Cette petite virée en tête à tête avec Maleneth Witchblade permet ainsi d’en apprendre plus sur le passif et les motivations de l’Aelf au couteau, tout en insistant sur ses points communs et ses différences par rapport à Gotrek. Ainsi, si les deux comparses peuvent être qualifiés de tueurs chevronnés, là où le Duardin est honorable (à sa manière) et frustre, l’agente de l’Ordre d’Azyr est sans pitié (comme le montre son exécution sans complexe d’un antagoniste pas foncièrement mauvais et qui ne lui avait rien fait) et raffinée. La dynamique intéressante que l’auteur souligne entre ces protagonistes mal assortis mais complémentaires fonctionne bien, et donne envie de voir ce que Kloster pourrait faire du duo le plus iconique d’Age of Sigmar si l’occasion se représente.

1 : Un homonyme presque parfait d’une autre nouvelle de la Black Library, ‘Perfect Assassin’ de Nick Kyme. Un hommage à l’éditeur senior de la part du nouveau-venu Kloster, ou une simple coïncidence ?

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Chain of Storms – E. Dicken :

INTRIGUE:

La glorieuse campagne de reconquête du royaume d’Eldingar, en Hysh, à laquelle le général Skeos a consacré tant de temps et d’efforts, est en passe de se solder par un échec cuisant et sanglant à peine initiée. Descendant d’une longue lignée de princes et princesses exilés de cette ancienne cité, frappée par le fléau du vampirisme il y a des siècles, Skeos a réussi à convaincre de généreux mécènes d’Hammerhal de financer son expédition, mais la petite armée sigmarite a été fraîchement accueillie par les hordes de goules d’Arakhir Boneblight, le seigneur mort-vivant (et lointain grand-oncle de notre héros) alors qu’elle touchait au but. Malgré les savantes formations inventées par Skeos pour repousser l’ennemi, ce dernier refuse de jouer le jeu et s’amuse au contraire à trucider et boulotter (et pas forcément dans cet ordre) les miliciens de la cité libre. Sauvé d’un tel destin par l’intervention d’un Prêtre Guerrier pragmatique et mal embouché (Trask), Skeos bénéficie d’une autre arrivée miraculeuse, en la personne du Knight-Azyros Telamon, dont la lanterne magique crache suffisamment de lumens pour convaincre les nécrophages de battre en retraite pour le moment. Comme l’Elu de Sigmar a fait le déplacement seul (le service public d’Azyr est lui-aussi concerné par des coupes dans les effectifs), la partie est loin d’être pliée en faveur de l’Ordre.

Sur les conseils avisés, et grâce au jet-pack angélique et bras musclés, de Telamon, Skeos décide d’aller rendre une nouvelle visite aux clans des Pics Prismatiques pendant que ses hommes fortifient le camp dans l’attente de la nouvelle attaque des Mordants. Nouvelle, car l’arrogant général a déjà tenté de s’attirer les bonnes grâces des autochtones dans sa lutte contre ce qu’il voyait comme un ennemi commun, mais les a pris tellement de haut lors de sa première entrevue qu’il n’a récolté que l’hostilité des péquenauds. Sous le regard scrutateur et insondable de son business angel, Skeos essaie donc de repartir du bon pied avec la cheffe de clan Ydri, avec des résultats encore une fois assez peu concluants. Il pense alors avoir une idée brillante en défiant son interlocutrice en duel, et en désignant le Stormcast comme son champion… mais ce dernier refuse (lol), laissant le freluquet se battre tout seul contre la robuste Ydri. C’est toutefois un mal pour un bien pour Skeos, qui écope de quelques bleus dans l’affrontement mais parvient à gagner le respect des clans dans la foulée, et arrive finalement à convaincre ces derniers de lui prêter main forte dans le combat contre Arakhir.

Cette quête secondaire rondement menée, nos deux personnages se séparent, Telamon partant faire de la reconnaissance au-dessus d’Eldingar en fredonnant ‘Ca plane pour moi’ tandis que Skeos retourne au camp à l’arrière d’un char à yak, les sympathiques montagnards ayant également accepté de ravitailler leurs nouveaux alliés afin qu’ils ne partent pas à la bataille le ventre creux. Une surprise désagréable attend toutefois le général diplomate à son arrivée : croyant à sa désertion, et assez peu impressionnés par la qualité de son leadership jusqu’ici, ses troupes ont placé Trask à leur tête, et ce dernier n’est pas très chaud à l’idée de laisser ce bon à rien de Skeos reprendre son rôle de commandant. Usant de la même tactique qu’il y a quelques heures (manger quelques gnons avant de finalement convaincre son interlocuteur), l’aristocrate mal aimé parvient tout de même à obtenir que « son » armée se rende sur le champ de bataille pour engager l’ennemi, au lieu d’attendre l’assaut des goules sur le campement fortifié, ce qui aurait empêché une coordination avec les clans montagnards.

Enfin, la bataille décisive s’engage, et comme on pouvait s’y attendre, la participation de Telamon et des tribus des Pics Prismatiques équilibre le rapport de force. Combattant en première ligne pour inspirer ses troupes, Skeos finit par se retrouver face à face avec Arakhir, tout à fait enchanté de faire connaissance avec un nouveau membre de sa famille. Les pas de danse du vampire ne lui servent pas à grand-chose contre la détermination de Telamon et l’opportunisme de Skeos, et l’affable nécrophage finit décapité par le second, scellant la défaite des Mordants. Avant de repartir sur un autre front, le Knight-Azyros fait promettre au nouveau souverain d’Eldingar de faire reforger le Collier Fendu, une des reliques de la dynastie régnante dont Skeos est l’héritier, et que le prince de Bel Air gardait sur lui par sentimentalisme (et parce que personne n’avait voulu lui acheter un bout de chaine de vélo rouillé, aussi). Telamon lui remet aussi un maillon portant le nom du dernier roi d’Eldingar avant l’usurpation d’Arakhir, révélant qu’il a été cet homme avant d’entrer au service de Sigmar (et donc également un ancêtre de Skeos). La famille, c’est important.

AVIS:

On a vu et lu tellement de nouvelles consacrées aux exploits guerriers des Stormcast Eternals depuis le lancement d’Age of Sigmar que ce créneau narratif est – à mon humble avis – largement épuisé. Heureusement pour les surhommes en sigmarite, certains auteurs parviennent tout de même à proposer des angles intéressants pour continuer à les mettre sur le devant de la scène (et d’autres, moins scrupuleux, se contenteront de nous servir encore et toujours la même sauce pour des siècles et des siècles1). Evan Dicken fait partie de ceux-là, et son ‘Chain of Storms’ constitue une variation rafraichissante du topos classique « les Stormcast arrivent à la dernière minute pour sauver les miches d’une armée de l’Ordre ». En plus d’être des formidables guerriers, ce que la fin de la nouvelle met bien en avant, les Elus de Ziggy peuvent aussi jouer le rôle de stratège, mentor, commémorateur, scout et chauffeur Uber, comme démontré dans ces quelques pages. Et cela est tout aussi intéressant à lire que la description d’une mêlée furieuse, quand celui ou celle qui tient la plume sait ce qu’il fait.

Une autre bonne idée de Dicken aura été de refléter toute la diversité culturelle des Royaumes Mortels, qui peut avoir tendance à disparaître derrière les images d’Epinal données par les figurines et les illustrations des Battle Tomes. Les Mordants d’Arakhir Boneblight en sont un parfait exemple, leurs manières raffinées et leurs cris de guerre en vieux François contrastant admirablement avec leur apparence très classique de marée de goules. Les clans de la montagne bénéficient aussi de ce traitement, Dicken parvenant en quelques paragraphes à nous donner l’impression d’une société avec son histoire, ses croyances et ses traditions. Pas étonnant de la part de l’auteur qui nous a donné le très dépaysant (en bien) ‘The Path to Glory’, mais appréciable quoi qu’il en soit. Bref, encore une preuve que vous pouvez vous diriger en confiance vers les écrits de cet homme, même (ou surtout) s’ils sont consacrés à l’une des factions les moins mystérieuses d’Age of Sigmar.

1 : Amen. On peut appeler ça la tragédie du Space Marine.

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Monsters – N. Van Nguyen :

INTRIGUE:

MonstersOù nous suivons la nouvelle1 chasseuse de monstres officielle de papa Sigmar dans l’une de ses traques dans les Royaumes Mortels, ici Shyish un soir de pluie et de brouillard. Déployée en soutien des Anvils of the Heldenhammer, occupés en contrebas à contenir une invasion de démons de Tzeentch, Yndrasta a fait le déplacement pour bannir un Duc du Changement si changeant qu’il n’a d’autre nom que l’Anomie. Super plan pour éviter d’être convoqué par des mortels ambitieux à tout bout de champ (et de chant), moi je dis. Ayant certainement compris qu’il était dans le viseur de la virago de Ziggy, l’Anomie se la joue cependant petit bras et se transforme en nuage de barbe à papa au lieu de livrer un honnête combat à la championne adverse. Sous cette forme, il se révèle aussi inoffensif qu’invulnérable, ce qui ne fait pas les affaires d’Yndrasta et de sa lance magique, Thengavar, qui disparaît corps et bien dans le protoplasme gazeux et ne revient pas dans la main de sa porteuse, comme c’est habituellement le cas.

Sigmar ayant pensé à lui fournir une arme de rechange, Yndie ne se laisse pas décontenancer par la tournure prise par les événements et se rue à l’assaut de sa Némésis pour finir les choses au corps à corps. Un nouveau shenanigan de l’Anomie l’envoie toutefois dans le décor, et l’intrépide héroïne fait une chute douloureuse mais pas mortelle jusque dans la piscine privée d’une grotte souterraine, Gandalf style. Elle serait repartie aussi sec (mais mouillée, je me comprends) castagner le démon si elle ne s’était pas rendu compte que son point de chute n’était pas aussi désert qu’il l’aurait dû être. Un vieil ermite d’une carrure peu commune et arborant une ‘stache de compétition a en effet assisté à sa culbute pas très légendaire, et comme le quidam exsude une aura mythique et possède une hache qui l’est tout autant (appelez ça l’intuition féminine si vous voulez), Yndrasta reste faire un brin de causette.

Il ne lui faut pas longtemps pour comprendre que cet inconnu n’est autre que Voyi. Si cela ne vous dit rien, c’est normal : Voyi, aussi connu sous les noms du Non Béni, du Traître et surtout de l’Oublié, était un héros de l’Âge de Mythes, élevé par Sigmar au rang de champion, mais qui choisit d’aller vivre sa vie en solitaire au lieu de défendre Sigmaron lorsque le besoin s’en fit sentir. Sigmar n’étant pas connu pour sa magnanimité envers ceux qui le déçoivent, et ayant un égo trop important pour reconnaître ses échecs, le nom de Voyi fut rayé de tous les registres officiels, et seuls une poignée d’Elus, dont Yndrasta fait partie, eut vent de l’existence de ce paria depuis lors. Dès lors, la chasseresse se trouve confronté à un dilemme peu évident : rapporter la tête du traître à son patron pour lui faire plaisir, ou tenter de négocier avec Voyi pour apprendre comment, il y a de cela des millénaires, il réussit à bannir l’Anomie…

Après un échange tendu, durant lequel Voyi se permit de comparer Yndrasta et les Stormcast Eternals aux monstres chassés par la première, ce qui n’est guère gentil, et ponctué par un duel rapidement conclu par un point de côté débilitant pour le champion grabataire, Yndrasta se résout à laisser l’ancêtre en paix rien que pour lui montrer qu’elle n’est pas si méchante que ça, et à retourner se battre contre l’Anomie, même s’en savoir comment le vaincre. Sa « générosité » est toutefois récompensée par Voyi, qui lui révèle avant qu’elle ne parte qu’il lui suffira de prélever un échantillon sur la forme blurbesque du démon pour l’exiler des Royaumes Mortels (et récupérer sa précieuse lance au passage). Armée de ce tuyau, Yndrasta peut enfin repartir au front, non sans promettre à son hôte de garder pour elle le secret de sa destinée. Ce sera la première fois qu’elle dissimulera des choses à Sigmar depuis sa Reforge : pourvu qu’il ne l’apprenne jamais…

1 : Eh oui, la position était déjà prise avant que la V3 ne fasse de Miss Yndrasta une des têtes d’affiche de la franchise. Remember Neave Blacktalon ?

AVIS:

Une très bonne entrée de la part de Noah Van Nguyen, qui part explorer l’une de mes facettes préférées du fluff des Royaumes Mortels : le côté sombre de Sigmar et de ses élus. Yndrasta en elle-même est très loin d’être une parangon de noblesse et d’humanité, puisqu’elle se décrit volontiers comme cruelle et intéressée uniquement par sa mission de chasseresse, ce qui en fait sans doute la première héroïne Stormcast Eternal de la BL ouvertement antipathique (un progrès, si vous me demandez). Sa confrontation avec Voyi m’a fortement rappelé la difficile transition entre Guerriers Tonnerre et Space Marines entre la fin de l’Unification de Terra et le début de la Grande Croisade, avec Sigmar dans le rôle de l’Empereur1, en plus de venir approfondir et complexifier le fluff de cette faction. Un choix très intéressant de la part de Van Nguyen (j’aurais moyennement apprécié me retrouver avec une nouvelle de Neave Blacktalon bis, pour être honnête), qui démontre ici qu’il est capable de sortir du manichéisme Stormcast Eternals = gentils // opposants des Stormcast Eternals = méchants dans lequel bon nombre de ses collègues ont donné. De bon augure pour son roman ‘Godeater’s Son’, qui traitera spécifiquement de ce thème, et pour la qualité et l’intérêt de la littérature AoS en général.

1 : On peut aussi faire un parallèle avec le ‘Misbegotten’ de Dan Abnett, où le savant fou Fo déclare à Horus qu’il considère les Primarques et les Space Marines comme beaucoup horribles que toutes créations.

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The Huntress of Ghur – N. Van Nguyen :

INTRIGUE:

Nous suivons Luda, traqueuse de monstres de Ghur, dans une cavalcade éperdue à travers les forêts et les montagnes qui entourent l’avant-poste azyrite de Far-Keep. La raison de tant d’empressement ? Son compagnon, un forgeron et vétéran des armées des cités libres, s’est enrôlé dans un des régiments rassemblés pour chasser les Skavens de cette partie du Royaume. Malheureusement, les vermines avaient d’autres idées derrière le crâne-tête et ont embusqué les humains sur la route, décimant leurs forces avant que la bataille n’ait pu avoir lieu.

Après avoir examiné le lieu de l’accrochage, Luda se convainc que son cher et tendre n’est pas mort, mais a été fait prisonnier par les Skavens et ramené avec quelques survivants dans leur repaire souterrain, dont elle trouve assez facilement une entrée. Bien que se défendant tout à fait au maniement de l’arc et de la lance à Troggoth, elle sait qu’elle n’est pas de taille à s’aventurer seule dans ces tunnels, et se hâte donc vers les clameurs d’un affrontement tout proche, espérant convaincre d’autres soldats de se joindre à elle pour augmenter ses chances de réussir ce raid audacieux. En fin de compte, elle parvint à embarquer une Stormcast Eternal, Greta Wolfclaw, après lui avoir sauvé la mise lors d’un face à face tendu avec des Stormfiends et Rats-Ogors. Se doutant qu’une Elue de Sigmar ne se rangerait pas à un argument aussi fleur bleue que « mon bien aimé a été kidnappé par des furries », Luda promet à sa nouvelle amie de la guider jusqu’au portail utilisé par les Skavens pour acheminer leurs renforts, et dont la destruction porterait un rude coup à leur effort de guerre.

S’étant enduites de bouse de rat (c’est gros un Rat-Ogor) pour masquer leur odeur, les deux chasseresses s’enfoncent dans les tunnels, et… se perdent. Au bout de quelques heures à tourner en rond, et alors que Greta commencer à regretter de s’être embarquée dans cette galère, elles tombent sur une patrouille de Vermines de Choc en train de faire une enquête de voisinage, et massacrent allégrement tout ce qui porte moustache, à l’exception d’un Guerrier des Clans. Luda veut l’utiliser comme guide pour accéder jusqu’au portail, où elle espère low key retrouver la trace de son compagnon, mais Greta, qui a pu expérimenter la fourberie des hommes rats au cours de ses nombreuses vies, est plutôt partisane de liquider le surmulot et de continuer en binôme. La discussion s’envenime (Luda révélant à Greta ses vraies raisons pour la faire participer à son excursion de spéléologie, ce que cette dernière prend moyennement bien) jusqu’à ce que le raton parvienne à tromper la vigilance de Luda et lui entailler la joue avec son canif empoisonné, avant de se faire proprement fendre en deux par la Stormcast pour lui apprendre à respecter les lay-dees. Greta utilise aussi ses pouvoirs (c’est une Evocator-Prime de la chambre Sacro-Sainte des Astral Templars) pour cautérifier la blessure, épargnant à sa comparse une mort longue et douloureuse. Suite à cet épisode cocasse, Luda se persuade que son significant other doit être mort (sans aucune raison particulière, je dois dire), et passe en mode vengeresse. Comme il y a bien un portail à faire péter dans le coin, autant y aller pour embêter le Rat Cornu, pas vrai ?

Le portail en question étant défendu par plus de ratons que deux viragos en colère peuvent gérer à elles seules, Greta décide prudemment de passer un coup de fil au standard des Reforgés pour demander des renforts, ou l’équivalent en rituel arcanique. Pendant ce temps-là, Luda est témoin de l’attaque d’une bande de soldats humains sur la position Skaven, menée par nul autre que son +1. Bien évidemment, elle ne peut se retenir de voler à sa rencontre, laissant Greta s’engu*ler avec les standardistes sigmarites à l’arrière-plan. Serait-ce enfin un happy end dans les Royaumes Mortels ?

Début spoilerEt non. Enfin, ça dépend de votre allégeance. Si vous êtes un fan des Stormcast Eternals, vous serez heureux d’apprendre que le chéri de Luda se fait drafter par Ziggy, et disparaît donc en un éclair devant les yeux ébahis de notre héroïne. Cette dernière prend évidemment beaucoup plus mal ce revirement de situation, au point de laisser Greta, qui avait à ce stade raccroché après avoir passé vingt minutes à attendre que son appel soit transféré, se débrouiller toute seule dans son combat contre un Verminarque venu se joindre aux réjouissances par le portail des hommes rats. Pire, elle refuse délibérément de lui passer son épée après que le démon l’ait désarmée, causant sa 47ème mort et scellant probablement le destin de Far-Keep, le portail ayant vomi suffisamment de Skavens pour balayer les défenseurs de l’avant-poste, même s’ils peuvent compter sur l’appui des Stormcast Eternals. Nous quittons Luda alors qu’elle part en courant vers la surface avec un nouvel objectif, encore plus ambitieux que le précédent : se rendre en Azyr pour reconquérir le cœur de son boyfriend. Et gare à Sigmar s’il fait mine d’intervenir…Fin spoiler

AVIS:

Il y a deux choses qui distinguent positivement ‘The Huntress of Ghur’ des autres récits mettant en avant les exploits guerriers des Stormcast Eternals. Premièrement, le choix d’une narration à la première personne, parti pris assez rare dans la GW-Fiction, et qui permet au lecteur de se mettre à la place du personnage dont l’histoire est racontée. Deuxièmement, et de manière assez complémentaire avec le premier point, la mentalité « tiers mondiste » de l’héroïne de l’histoire, qui balance durant toute cette dernière sur la manière dont elle considère Sigmar et ses serviteurs. Honorables frères (et sœurs) d’armes, alliés de circonstance ou simples esclaves d’un maître à l’égo surdimensionné, Luda passe part tous les états au cours de sa quête souterraine, ce qui permet à Noah Van Nguyen de ménager un véritable suspens au moment de conclure son récit. Une soumission qui ne manque pas d’intérêt, et dont j’aimerais bien qu’elle donne lieu à une suite, pour voir comment les retrouvailles entre Luda, son homme et Greta se passeraient. Quelque chose me dit que ça ne se terminerait pas en ménage à trois…

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The Age of Enlightenment – D. Guymer :

INTRIGUE:

The Age of EnlightmentNous retrouvons Hamilcar Bear-Eater après les événements narrés dans Champion of the Gods, et si vous n’avez pas lu ce bouquin, c’est bien dommage car Guymer ne s’embarrasse guère d’un compte rendu des aventures vécues par son héros. Juché sur une princesse aetar (une sorte d’aigle géant, de ce que j’en ai compris) et accompagné de son écuyer/garde du corps/conscience Nassam, le Mangeur de nounours en guimauve arrive dans les Terres Déchaînées (Unchained Lands), où une force des cités libres défend une forteresse isolée contre une armée de Nighthaunts. Jugeant certainement qu’il est de son devoir d’intervenir en faveur des assiégés, qui ont le bon goût de connaître son nom et de l’acclamer alors qu’il fait des loopings dans le ciel porcin1, Hamilcar atterrit avec la classe et le panache qu’on lui connaît, et n’a que le temps de se farcir un petit Morghast qui passait par là qu’un Liberator vient le chercher pour le mener jusqu’au commandant en chef des sigmarites.

Malheureusement pour notre grande gueule, l’officier en question se révèle être une connaissance, plus professionnelle qu’amicale : le sépulcral et très corporate Lord-Celestant Settrus. Qui est également une connaissance de tous les anciens de Warhammer Fantasy Battle, comme le démontre amplement le nom de la chambre militante qu’il dirige d’une main de fer : les Impérissables. Ça, et la décoration très nehekarienne dans l’esprit de son armure. Wink wink2. Plongé dans la contemplation d’une carte dessinée à l’encre antipathique (c’est à dire qu’elle se révèle petit à petit) de la forteresse qu’il défend, Settrus n’a que peu de temps à accorder à son franc tireur de collègue, qu’il considère être venu aider sur ordre du patron. Ce n’est pas vraiment le cas, Guymer révélant à mi-mot qu’Hamilcar est au contraire recherché pour déformation spirituelle, ou quelque chose comme ça, mais notre héros est trop heureux de donner le change pour éviter d’être âme-çonné par la patrouille. Bear-Eater apprend ainsi que les Anvils of the Heldenhammer sont chargés de défendre l’une des Stormvaults récemment révélée par le Necroséisme, le trésor qu’elle contient ou le monstre qu’elle enferme étant convoité par les scions de Nagash. Cela explique aussi pourquoi la carte du bastion reste relativement cryptique, la magie du Penumbral Engine de fonction jouant des tours à la mémoire, tant vive que réelle, des êtres et choses des alentours.

Alors que Settrus, tout à ses ordres, est absolument ininterressé par le contenu de la Stormvault, Hamilcar ne peut résister à la tentation d’aller y jeter un coup d’œil, et parvient sans aucun mal à trouver l’entrer du lieu (alors que les autres défenseurs évitent inconsciemment l’endroit, ce que Guymer ne justifie pas le moins du monde), toujours accompagné de son coffee boy Nassam. À l’intérieur, le duo trouve évidemment un neuralyzer arcanique construit par Grugni selon les plans de Teclis, mais également sa batterie intégrée, qui se trouve être la haute prêtresse Ansira, une vieille femme enfermée dans la crypte depuis des millénaires et dont la foi en Sigmar a alimenté la machine pendant tout ce temps. Seul petit problème dans cette parfaite symbiose, Ansira en a gros. Très gros. Peut-être du aux douloureux escarres que des éons passés sur un fauteuil, même rembourré, ont certainement causés, ou bien au fait que ce goujat de Sigmar ne lui a même pas installé le cable et la wifi avant de partir jouer à la guerre, la brave dame en a ras la carafe et est bien décidée à prendre sa retraite, l’âge pivot étant depuis longtemps dépassé. Malgré les arguments – assez médiocres, il faut le reconnaître – avancés par Hamilcar et Nassam, mamie supernova (ses yeux brillent très forts) ne veut plus rempiler pour servir de pile à la machine. D’ailleurs, sa foi en Sigmar s’est trouvée tellement ébranlée après tout ce temps qu’elle ne pourrait plus officier, même si elle le voulait. Na.

Cette joute oratoire est interrompue par la percée réalisée par les forces mortes vivantes, forçant les survivants sigmarites à un dernier carré (ou un dernier rhomboïde, la faute à ces damnés socles ronds) dans la crypte, tandis que Mannfred von Carstein, qui était le général en charge de l’assaut, emmène ses boys au pillage…

Début spoilerAyant déjà perdu la au moins une vie sous les coups du Mortarque, Hamilcar charge ce dernier pour obtenir sa revanche, décapiter l’armée adverse et se couvrir de gloire (dans l’ordre que vous voulez), tandis que Settrus et ses bien mal nommés Impérissables tentent de repousser les chevaliers vampiriques et Morghasts personnels du lieutenant de Nagash. Dans la fureur des combats, nos trois têtes d’affiche finissent par converger, au grand plaisir de Mannfred qui finit par se rendre compte qu’il connaît le sinistre Stormcast qui s’échine à lui faire bosseler la grève (sans grand succès). À moins qu’il ne s’agisse d’une vieille blague de Sigmar dont seuls les quelques transfuges du Monde qui Fut auraient le secret, ce que soupçonne le Manf’ devant la faiblesse de son adversaire. La rigolade s’arrête toutefois pour le vampire lorsque Settrus, totalement surclassé mais loyal jusqu’au bout à son patron, trouve le moyen de se connecter en dérivation au Penumbral Engine délaissé par Ansira, entrant en surcharge mystique et finissant sa carrière en fusible arcanique, non sans avoir illuminé/purifié/désinfecté (triple effet kiss cool) la crypte, avec des effets dévastateurs sur les morts vivants. Il n’y a guère que Mannfred qui s’en sorte à peu près, et trouve le moyen de ramper hors champ pour aller s’acheter un tube de biafine, profitant de l’amnésie commode d’Hamilcar au moment de porter le coup de gâce à sa Nemesis. Car, inspirée par le sacrifice altruiste de Settrus (qui pour le coup, est bel et bien mort, et ne pourra pas repasser à la case reforge), Ansira décide de reprendre ses fonctions de génératrice à communion nucléaire, permettant au Penumbral Engine de se remettre en marche de façon optimale. Comme disait Sigmaurice Thorez : « Il faut savoir terminer une grève ». À bon entendeur…Fin spoiler

1 : Sans rire, l’air de Ghur sent apparemment le sanglier.
2 : Ironiquement, Settra/us est lui incapable de faire des clins d’œil, le masque intégral couvrant son visage ne laissant apercevoir que des puits insondables à la place des yeux. Il paraîtrait que ce regard sévère aurait, par contre, fait ciller un Slann.

AVIS:

Je suis assez partagé par ce The Age of Enlightenment, qui comporte à mon sens autant de points forts que de faiblesses. Du côté de la coupe à moitié pleine, le personnage d’Hamilcar est toujours aussi distrayant à voir évoluer, son second degré assumé, parfois teinté d’un zeste d’amertume, le rendant très sympathique auprès du lecteur, surtout lorsqu’il est mis en contraste avec des Stormcast Eternals plus « classiques ». Et à ce titre, on ne pouvait pas trouver meilleur contrepoint à notre exubérant héros que le primesautier et gouleyant Settrus, dont le statut de demi-personnage nommé (si je puis dire) est un autre argument à mettre au crédit de cette nouvelle. D’ailleurs, le fait que notre very imperishable person rencontre ce qui semble être son destin dans The Age… ne fait que renforcer l’importance de cette lecture. Fans des Rois des Tombes, voici un incontournable absolu.

D’un autre côté, je reproche à Guymer d’avoir pensé cette nouvelle comme une sorte d’épilogue de Champion of the Gods, et n’avoir pas (ou en tout cas peu) pensé aux lecteurs qui aborderaient cette nouvelle sans connaissance particulière des événements relatés dans ce livre. Il faut donc s’accrocher pour replacer les personnages, leurs relations mutuelles et leurs motivations respectives, alors que quelques lignes de contextualisation auraient permis de reprendre le fil de façon satisfaisante. Peut-être en lien avec ce constat d’ignorance, j’ai trouvé que l’intrigue péchait par manque de vraisemblance sur certains points : comment les défenseurs Sigmarites ont-ils pu localiser une forteresse protégée par un appareil dissimulant magiquement sa présence, et toujours fonctionnel comme le montre la carte inutile de Settrus ? Comment se fait-ce qu’Hamilcar ne soit pas tout le temps affecté par cette magie, et beaucoup moins que les autres sigmarites, puisqu’il arrive à trouver la porte de la crypte en deux minutes montre en main ? Comment expliquer que le Penumbral Engine fonctionne tout court, puisqu’Ansira a perdu la foi quand Hamilcar la trouve ? Et comment arrive-t-elle à le remettre en marche, alors qu’elle semble plus résolue que convaincue à la fin de la nouvelle ? Peut-être que la réponse – logique, s’entend – à ces questions se trouve ailleurs dans les écrits de Guymer, mais sans éléments convaincants à exploiter de mon côté, mon impression finale est assez contrastée. Il faudra faire lumière sur tout cela.

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The Dead Hours – D. Guymer :

INTRIGUE:

The Dead HoursEreintés après une rude journée de tuerie en Shyish, Gotrek et Maneleth ont fait halte dans la petite ville de Skeltmorr pour se requinquer en attendant l’aube. Lorsque commence notre histoire, le Duardin a sombré dans le sommeil du juste après avoir vidé un tonneau de de bière et s’être fait un masque de beauté à base de jeune d’œuf et de bacon (c’est ça où il fait la vaisselle avec la langue et sans les mains). Maneleth s’est elle éclipsée pour prendre l’air, et, d’après la discussion entre les deux occupants de l’auberge investie par le vieux couple, aurait fait une mauvaise rencontre sur le chemin. Skeltmorr doit en effet un bon paquet d’os à Nagash, et les rares visiteurs sont donc invités à faire des donations en nature à l’œuvre de salut public municipale. Un tel destin attend également Gotrek, dont l’état comateux n’inspire pourtant pas confiance à Nieder Pedsen, le malabar chargé de l’amener, mort de préférence, jusqu’au repaire du redouté Tithekeeper.

La méfiance du reître était justifiée car le nabot émerge du coltard au moment où Pedsen s’apprête à lui faire tâter de son gourdin, et parvient à massacrer l’aubergiste (qui pour sa défense, venait de lui tirer dessus à la chevrotine) et à traîner son complice dans la rue malgré une gueule de bois carabinée. Sous ses abords bougons, Gotrek ne peut en effet laisser Maneleth dans les griffes des locaux, et demande donc à être conduit jusqu’à ce fameux Tithekeeper afin de plaider sa cause (un peu) et de planter sa hache (surtout). Sans doute nommé Lagardère sous sa cagoule de fonction, c’est le fonctionnaire tortionnaire qui vient toutefois à lui, en même temps que la moitié de la ville, réveillée par les beuglements imbibés du Duardin. Trop musclé/runé/ravagé pour être incapacité par les faibles attaques des Skeltmorriens, Gotrek massacre sans distinction tous ceux qui ont le malheur de croiser le chemin de sa hache, à commencer par le Tithekeeper. Le « boss final » de la nouvelle a donc mordu la poussière alors que nous n’en sommes qu’à la moitié du récit : comment Guymer va-t-il meubler la fin de ce dernier ?

La réponse est : avec des étagères Ikea et une petite visite dans la crypte du temple de Sigmar local, reconverti il y a quelques millénaires en entrepôt de stockage par les autorités de Skeltmorr. C’est en effet là qu’attend cette princesse de Maneleth que son chevalier servant vienne la secourir, ou plus précisément qu’un gentleman vienne lui rendre le couteau qu’elle a laissé planté dans la dépouille de son agresseur (ce sera Pedsen qui lui rendra ce service). Au passage, Gotrek réduira en cendres une meute de chiens issus de la filière de recyclage des déchets organiques de la ville, et que le Tithekeeper gardait pour lui tenir compagnie. Jamais à court de bonnes idées et toujours prêts à rendre service, les deux compagnons finissent la nouvelle en saccageant les stocks de cendres, d’os et d’âmes accumulés par leurs hôtes, actant par là leur « libération » de la tutelle de Nagash, mais signant plus certainement l’arrêt de mort des derniers habitants de Skeltmorr lorsque l’heure de la dîme aura sonné. Mais après tout, ils l’ont bien cherché.

AVIS:

Péripétie très mineure de la nième saison des aventures de Gotrek, ‘The Dead Hours’ est plus intéressant par les détails fournis sur la vie en Shyish que par ses péripéties combattantes, ni Gotrek ni Maneleth ne rencontrant ici un adversaire digne de ce nom1. Cela sent vraiment la panne d’inspiration devant un travail de commande pur et dur pour David Guymer, dont la tentative de s’écarter un peu du schéma classique de la nouvelle gotrekienne (embrouille, fessage de goons, gros monstre final) s’avère aussi peu concluante ici qu’elle l’avait été bien des années plus tôt avec ‘The Tilean Talisman’, son tout premier travail publié par Nottingham. Je sais bien qu’il est dur de faire des variations sur un thème usé jusqu’à la corde, mais une soumission classique mais sérieuse aurait été plus appréciable que cette improvisation assez peu concluante. Le mieux est l’ennemi du bien, du rien, et du Nain.

1 : Cela aurait été le cas si le Tithekeeper avait été la vieille qui se met à flécher Gotrek depuis sa fenêtre, avant de se faire fracasser les côtes d’un grand coup de boule. Sans doute le combat le plus mémorable de notre Nain depuis la Fin des Temps.

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Death on the Road to Svardheim – D. Hinks :

INTRIGUE:

Death on the Road to SvardheimEn route vers la cité de Svardheim pour une raison sans doute logique mais inconnue de l’auteur de ces lignes au moment de l’écriture de cette chronique, le duo le plus mal assorti des Royaumes Mortels1 passe le temps et les kilomètres sur la route 88 (c’est tout plat, désertique et décoré avec des monceaux de crânes) en discutant théologie, comme à leur habitude. Bien évidemment, la situation finit par gentiment dégénérer, l’anticléricalisme blasphématoire d’un Gotrek toujours chafouin de s’être fait rouler dans la farine par les Dieux du Monde Qui Fut mettant sur les dents, qu’elle a éclatante, la dévote Maleneth. À force d’enquiller les bornes, elle finit même par les dépasser, allant jusqu’à accuser son rusé et runé camarade de servir le Chaos, à l’aide de l’argument, bien connu de George W. Bush, du « si tu n’es pas avec moi (et Ziggie) tu es contre moi ». Avant que la situation ne dégénère trop franchement, et que le Tueur vétéran ne doive se trouver encore un nouveau sidekick, les comparses tombent sur le théâtre d’une embuscade ayant été fatale à une bande de prêtres sigmarites, dont les corps décapités jonchent les alentours d’une carriole incendiée.

Après une rapide enquête, il s’avère que les assaillants n’ont pas réussi le perfect en matière d’élimination de témoins, une pauvre nonne répondant au nom de Carmina se présentant à nos héros et leur expliquant que sa congrégation s’est fait dérober une relique irremplaçable, le Poing Incorruptible, dont elle avait la charge et promenait de ville en ville pour ranimer la foi des locaux. Avant que Gotrek n’ait pu marquer de nouveaux points d’athéisme hardcore en demandant à Carmina en quoi un poing pouvait être corrompu, pour commencer (il en serait capable le bougre), Maleneth se fait embringuer dans une mission de récupération du saint gantelet, qu’il s’agit simplement de reprendre des mains malpropres d’une petite vingtaine de bandits, retranchés dans une forteresse abandonnée à quelque distance de la route. Rien que de très banal pour notre Tueur, qui accepte toutefois de mettre les formes et de suivre un plan un minimum intelligent (attendre que Maleneth se soit mise en position derrière le bastion pour intercepter d’éventuels fuyards) avant d’aller toquer à la porte le plus naturellement du monde.

La prévoyance de l’Aelf paie rapidement car il se fait bientôt jour (enfin, nuit, mais je me comprends) que les brigands sont un peu plus qu’une bande de maraudeurs sanguinaires, mais bien une authentique secte de Khorne, en train d’invoquer un démon de fort belle taille à l’aide de leur collection bien mal acquise de grigris et talismans. Maleneth n’a pas le temps de signaler qu’il y a une courge dans le potage que Gotrek est cependant déjà en train de défoncer la porte et de se tailler un chemin à travers les mobs de bas niveau, jusqu’à poser l’œil sur une Némésis digne de lui, qu’il engage évidemment en combat singulier dans la plus pure tradition du genre. Etant un VIP incontournable du multivers, Gogo est reconnu par son adversaire, qui a la mauvaise idée d’insinuer que le Tueur a fui son monde au moment de la Fin des Temps au lieu de rester et de se battre pour le défendre. Cela met notre nabot en rogne, et les deux adversaires se balancent quelques baffes amicales, sans trop d’effet de part et d’autre, jusqu’à ce que Meleneth ait l’idée géniale de confisquer les reliques ayant été mise à profit pour invoquer le démon, et dont ce dernier a encore besoin pour maintenir sa présence dans les Royaumes Mortels. Au fur et à mesure que les héros shootent dans les breloques, leur adversaire perd en taille et en carrure, jusqu’à finir rachitique et malingre, et se faire décapiter sans cérémonie par un Gotrek enfin à la bonne taille pour jouer de la hache.

Ceci fait, le duo infernal n’a plus qu’à remettre le Poing Incorruptible à la brave (en fait pas trop) et reconnaissante Carmina, qui s’en va à cheval remettre le précieux héritage en sécurité, pendant que nos héros continuent à pied leur périple. Poing/t final de notre histoire ?

Début spoilerEh bien non (comme la balise spoiler ne le laissait pas du tout envisager), car lorsque nos voyageurs, fourbus (surtout pour Maleneth) et assoiffés (surtout pour Gotrek) tentent d’obtenir le gîte et le couvert d’un monastère sigmarite croisé un peu plus loin sur la route, se disant à juste titre que tous les culs bénis à la ronde leur sont redevables de leurs récents exploits, c’est pour entendre un son de cloche bien différent. Carmina était en fait une voleuse ayant mené sa bande, déguisée en prêtres, dérober le fameux Poing Incorruptible (mais pas Inatteignable) de la garde des vrais fidèles de Sigmar, en tuant quelques uns au passage. L’abbé outré qui fait ce récit aux voyageurs est persuadé que l’iconoclaste va briser la relique en mille morceaux pour revendre la Pierre de Royaume dont elle est faite au plus offrant, au mépris de tous les commandements de Sigmar. C’est donc une grosse boulette, sur laquelle Maleneth manque de s’étouffer, mais qui ne déclenche chez ce philosophe de Gotrek qu’un rire tonitruant. Il en a certes vu d’autres…Fin spoiler 

1 : Gotrek est un Nain (et pas un Duardin) roux exhibitionniste, et Maleneth est une Aelf brune gothique.

AVIS:

Eh bien ça y est : après avoir laissé Gotrek (et le regretté Felix) à leurs aventures dans le Monde Qui Fut, je renoue enfin avec ce héros mythique sous sa nouvelle incarnation, à travers ce court format signé du père adoptif #3 du Tueur de… trucs, Darius Hinks. Ce qui m’intéressait particulièrement dans ces retrouvailles était de voir ce qui avait changé, et ce qui était resté, des précédentes aventures de M. Gurnisson, qui constituaient un sous-genre de la littérature BL à elles seules. L’équilibre n’était pas facile à trouver entre respect servile du cahier des charges, forcément un peu obsolète, établi par King et Long en la matière, et innovations radicales, qui auraient enlevé tout le sel de ce come-back improbable. Et je dois dire que Darius Hinks s’en est plutôt bien sorti, tant sur le fond que sur la forme. On est bien en présence d’une aventure de Gotrek & Cie, avec notre petit rouquin teigneux, grincheux et pince sans rire s’embarquant dans un combat à haut risque contre un adversaire très balèze (sur le papier en tout cas), au grand désespoir de son partenaire attitré. Ce qui change ici est que Gotrek est devenu un mécréant militant, gardant sa dernière dent contre tout le panthéon divin (à commencer par Sigmar, qui s’en prend plein les tresses), alors que Maleneth est, sous ses abords de tueuse froide, une zélote du grand barbu, ce qui est à la fois surprenant (c’est le type qui la voyait comme une pseudo Assassin druchii qui parle) et intéressant. Notons également que Hinks ne se gêne pas pour glisser quelques références au passé proprement légendaire de son héros et donc à feu Warhammer Fantasy Battle, ce qui devrait faire plaisir autant qu’intriguer le lecteur historique de la saga. Bref, le contrat est bien rempli dans ce ‘Death on the Road to Svardheim’, qui tient son rang parmi les cohortes de nouvelles Gotrekesques publiées par la BL depuis des temps immémoriaux. Reste à savoir ce que cette dernière compte faire de son increvable héros sur le long terme, maintenant qu’il ne peut absolument plus mourir (ce serait un énorme fail), mais ceci est une autre histoire.

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Buyer Beware – G. Thorpe :

INTRIGUE:

Buyer BewareNotre histoire commence par une descente de boardercross Kharadron, qui, comme chacun sait, se court en combinaison intégrale de laine de goret à poils longs de Chamon. Partis à cinq de la ligne de départ, située dans le nid d’une Maw-Crusha en attente d’un heureux événement, seuls quatre Duardin parviennent à boucler la course dans les temps impartis et en un seul morceau. On portera longtemps le deuil de Rogoth (casaque, culotte et barbe jaune poussin), dont les tendances gauchistes lui ont été fatales. Les Nains sont un peuple de (virage à) droite, c’est bien connu.

Parvenus jusqu’à la sécurité – toute relative – de leur vaisseau (Night’s Daughter), le capitaine Karazi ‘Fairgold’ Zaynson et ses acolytes n’ont pas besoin de signaler au reste de l’équipage qu’il serait de bon ton de souquer les aethertibuses, comme on dit à Barak-Mhornar : les rugissements tonitruants et les attaques en piqué de la mère poule dérangée dans sa retraite étant une motivation suffisante. Un tir de mitraille bien senti plus tard, l’affaire est réglée aux torts partagés : une gueule et une épaule chevrotinée pour le Maw-Crusha, ce qui l’oblige à rejoindre le plancher des Squigs, et une méchante estafilade de coque pour la Night’s Daughter. Pas assez pour amener le fier vaisseau par le sol, mais assez pour occuper l’endrineer de bord et son assistant pendant une bonne partie du voyage jusqu’à la destination fixée par Fairgold : un avant poste Orruk où l’attend le deal de sa vie. Car oui, à Age of Sigmar, les Nains et les Orques ne sont pas irrémédiablement et définitivement fâchés, et peuvent (apparemment) faire affaire quand la situation l’exige. En l’état, Fairgold a besoin de renflouer les caisses en exploitant un filon d’aether-or localisé par la tribu peau-verte avec laquelle il a rendez-vous, afin de financer une nouvelle expédition pour localiser l’épave d’un navire familial, le Night’s Gift. Une raison qui en vaut une autre, et se révèle donc assez impérieuse pour justifier les tractations contre nature dans lesquelles le capitaine entraîne ses matelots.

Arrivés à bon port après ne s’être que légèrement écrasés dans la forêt proche du village Orruk (équipage secoué + immobilisation), les Kharadron envoient une délégation réduite négocier l’accord avec la partie adverse, tandis que le reste de l’équipage s’emploie à remettre le châssis en état, sous les ordres de Verna (l’endrineer susnommée). À terre, Fairgold et ses compagnons rencontrent finalement le massif Orgaggarok, chef de la tribu du Poing qui Tombe, qui possède ce qu’ils désirent : une carte localisant l’emplacement précis du gisement d’aether-or convoité, flairé par les pouvoirs surnaturels du Wardancer local1.  Mais en échange, Orgaggarok veut les trois œufs de Maw Crusha que ses invités ont apportés avec eux, ce qu’un négociateur vétéran comme Fairgold ne peut laisser passer sans froncer de la moustache. Après un marchandage vindicatif et énergique, l’accord est sur le point de sans conclure sans le moindre sang versé sur la base de deux filons contre trois œufs, lorsque l’expert en ruralité profonde que le chef Orruk a amené à la table au tronc de négociation, lui hurle dans l’oreille qu’il est en train de se faire avoir comme un bleu. Les taches caractéristiques qui ornent la coquille des œufs montrent en effet de façon formelle que ces derniers viennent des Pics de Fer… qui sont sur le domaine des Poings qui Tombent. Oupsie.

Vendre un bien que l’acheteur possédait déjà étant une pratique universellement condamnée, le dialogue tourne court et les lames sortent des fourreaux (pour ceux qui en ont). Bien que tenus en respect par l’arsenal de leurs visiteurs, les Orruks sont tout prêts à foncer dans le tas pour apprendre les bonnes manières leurs visiteurs, mais l’arrivée de deux catastrophes aériennes coup sur coup va donner à Fairgold et ses matelots la distraction nécessaire pour se sortir de ce guêpier. D’abord, Mama-Crushaw débarque au village, guidé par son instinct maternel infaillible, ou la puce de géolocalisation qu’elle avait placé sur ses œufs (allez savoir, c’est de la high fantasy, je ne serais même pas surpris). Puis, c’est la Night’s Daughter, enfin réparée, qui arrive à son tour, abat pour de bon le lézard volant en rut, défonce la palissade Orruk, et maintient les sauvages en respect assez longtemps pour permettre aux VRP de remonter à bord. Bien entendu, Fairgold a trouvé le moyen de chiper la carte d’Orgaggarok au passage, et tout est bien qui finit donc bien pour nos petits gars et filles. Même mieux que bien, car ils ont gardé le dernier œuf de Maw Crusha pour eux, et que ce dernier vient d’éclore. Et une mascotte pour la Night’s Daughter, une !

1 : Spécialisé dans les souffles (ou pets, si on demande à ce diplomate né de Fairgold) de Mork, nom donné par les Orruks à ce type de filon.

AVIS:

Après des débuts discrets à Age of Sigmar (comparé à sa production soutenue pour Warhammer Fantasy Battle ; 40.000 et l’Hérésie d’Horus), Gav Thorpe signe une petite nouvelle posant tous les jalons d’une suite plus ambitieuse avec ce ‘Buyer Beware’. J’en vux pour preuves la galerie conséquente de personnages qu’il prend le temps de nous présenter, ainsi que les relations particulières qui unissent certains d’entre eux (Fairgold et Verna semblent très proches), mais également la mise en perspective de la quête inlassable de Fairgold pour le Night’s Gift, qui justifie tous les événements narrés dans ce court format. Il est encore trop tôt (au moment où cette chronique est écrite) pour acter de la véracité de cette intuition, d’autant plus que Thorpe a déjà une série de romans sur le feu – ça se passe à Aqshy après tout – pour AoS, avec ‘The Red Feast’ (et sa.es suite.s), mais il y a des signes qui ne trompent pas. Pour le reste, ‘Buyer Beware’ tient assez bien la route, sans originalité folle ni style flamboyant, mais avec un dosage correct d’action et d’humour, et surtout sans les incongruités regrettables dont Gav Thorpe parsème parfois ses soumissions à écrire sans se poser de questions. Qualité naine, dirons-nous.

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Reflections in Steel – C. L. Werner :

INTRIGUE:

Reflections in SteelLe village de Kyoshima, attaqué par la bande du chef barbare Gharm, brûle bellement tandis que ses habitants sont passés au fil de l’épée par les pillards1. Tous ? Non ! Le jeune Kenji, qui revenait sans doute du casting de The Voice, est épargné in extremis par le boss en question, qui n’hésite pas à châtier un de ses sbires de son épée enchantée2 lorsque le rustre fait mine de hacher menu notre menu. La discipline, c’est sacré. La situation de Kenji ne s’améliore toutefois que marginalement suite à ce sauvetage, le coup de buzzer et d’espadon de Gharm ne débouchant que sur une douloureuse servitude aux mains du maître esclavagiste Sazaal, dont le sadisme et l’amour des châtiments corporels font honneur à cette belle profession. Placé tout en bas de la pyramide sociale de l’armée du chef de guerre Kravoth, Kenji tue le temps en tuant ses compagnons d’infortune pour nourrir les fringantes et carnassières cavales de l’ost chaotique, et en se jurant de vivre assez longtemps pour se venger de son infâme tortionnaire.

C’est à l’occasion d’un raid mené contre un nouveau village qu’une occasion se présente pour l’esclave de mener ses plans à exécution, et Sazaal également par la même occasion. Réquisitionné par les maraudeurs – qui apprécient sans nul doute sa jolie voix, même s’il est quasiment impossible de jouer de la guitare avec les mains enchaînées – Kenji se retrouve pris dans une embuscade montée par des Skavens en quête de loot, et qui s’abattent sur l’arrière garde piétonne de la bande pillarde alors que les cavaliers ont le dos tourné. Quand on vous disait que ces hautes herbes étaient dangereuses (saleté de Ratatas). Un coup de chance et une épée récupérée sur un cadavre plus tard, Kenji peut enfin laisser libre cours à sa revanche, et réduit Sazaal en purée une fois la vermine mise en déroute. Loin de s’offusquer de ce petit meurtre entre amis, Gharm, revenu sur ses pas constater pourquoi ses péons n’arrivaient pas, libère Kenji de ses chaînes et lui offre un CDI (carnage à durée indéterminée) dans son équipe, ce que Jiji accepte sans broncher.

Nous retrouvons notre héros quelques temps plus tard, à l’occasion d’une véritable bataille entre la horde de Kravoth et un ost de Fyreslayers probablement doublement discriminés du fait de leur peau noire et de leur poil roux (combo). L’affrontement donne l’occasion à Kenji de s’illustrer auprès de son n+1, en l’aidant à venir à bout d’une Salamandre souffrant d’un léger problème de coordination motrice, en s’acharnant comme le sadique qu’il est devenu sur le petit orteil de la bestiole. Ce qui est atrocement douloureux, comme quiconque a une table basse chez lui peut en témoigner. De hauts-(mé)faits en triomphes, la côte de Kenji continue de croître en même temps que son stuff se bonifie, ses chakrams de fer passant à l’or, au platine, puis au diamant, jusqu’à ce jour fatal où Gharm emmène ses ouailles piller un hameau absolument mi-na-bleuh, ce que notre self made man trouve très humiliant, en grande partie car cela lui rappelle douloureusement ses propres débuts. D’ailleurs, c’est lorsqu’il refuse d’épargner un jeune garçon qui se cachait dans les décombres de sa cahute que Gharm se retourne contre son suivant dissipé, et lui fait goûter à la même médecine métallique et auto-nettoyante qu’au faquin qui avait fait mine de lui porter le coup de grâce toutes ses années auparavant. La boucle est bouclée pour Kenji, qui ne peut constater la disparition de sa bonne étoile, tandis que son menton repart avec sa nouvelle trouvaille, Lilian Renau (sans doute).

1 : Ce qui permet de vérifier encore une fois que les noms se terminant en -shima semblent attirer les catastrophes (voir Hiroshima et Fukushima).
2 : Elle se nettoie toute seule en un clin d’œil… Voilà ce qui arrive quand on laisse ce farceur de Zuvassin s’occuper des dotations aux aspirants.

AVIS:

Après The Last of the Blood (Maledictions), C. L. Werner poursuit ses explorations japonisantes des Royaumes Mortels, avec cette nouvelle de belle facture, remettant au goût du jour deux classiques de la littérature « chaotique » : le cheminement (ou la déchéance) du héros, qui progresse insensiblement vers la damnation jusqu’à devenir ce qu’il avait toujours combattu d’une part (Les Cavaliers de la Mort, et plus récemment, The Path to Glory), et la saga épique se terminant de façon ignomieuse et prématurée, rappelant à quel point les Dieux du Chaos sont des maîtres cruels et inconstants (The Ignorant Armies, The Laughter of the Dark Gods, The Talon of Khorne). Si ce récit n’apprendra rien de nouveau aux vétérans de la BL, qui pourront tout de même bénéficier de la maîtrise de Werner en matière de conduite d’intrigue et de construction d’atmosphère – on regrettera seulement que les Skavens de l’histoire ne soient que des goons, alors que l’homme au chapeau s’est souvent illustré par son utilisation inspirée de cette noble race dans ses écrits – , les plus jeunes (ou en tout cas les plus neufs) des lecteurs en seront quitte pour un apprentissage des choses du lore, en compagnie d’un des professeurs les plus qualifiés et compétents qui soient. À mettre en toutes les mains/pattes/tentacules.

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The Inevitable Siege – R. James :

INTRIGUE:

La très longue vie de Kanem Sharu, sorcier de Tzeentch de profession, a pris un tour désagréable ces derniers temps. Membre de la légendaire troupe des Inévitables Chevaliers (ça rend sans doute mieux en VO), notre héros est techniquement immortel, ce qui est assez sympathique il faut le reconnaître. Ce don lui a été accordé après que lui et ses potes aient mis la main sur l’équivalent du Death Note des Royaumes Mortels, pendant le sac d’une bibliothèque Lumineth. Inscrire le nom et la manière dont une personne doit mourir dans le Livre des Fins Inévitables condamne en effet la première à décéder de cette façon… mais seulement de cette façon. Toujours prompts à exploiter les failles des règles, comme tout bons disciples de Tzeentch qui se respectent, les affreux ont couché sur le papier les morts les plus improbables qui soient (ex : décapitée par une plume), s’assurant de facto l’immortalité. Toutefois, rien n’est éternel sous le regard des Dieux, et la renommée des Chevaliers a fini par leur attirer l’attention soutenue des suivants de Khorne, toujours à la recherche de nouvelles têtes pour décorer le trône du Patron. Jugeant que celles de pseudo-immortels auraient plus de chances de leur accorder les faveurs du K, ils ont poursuivi Kanem et ses potes à travers les Royaumes (et usé d’une approche scientifique du problème à résoudre très étonnante pour des disciples du dieu du carnage) jusqu’à ce que seul ce dernier demeure en vie… pour le moment. Poursuivi par une tueuse du nom de Gulnar Thrax, le Sorcier s’est enfoncé dans un désert très hostile avec l’espoir que sa Némésis périrait avant lui, mais réalise bientôt qu’il se fera rattraper avant cela.

En désespoir de cause, il choisit d’utiliser un de ses derniers jokers et appelle un ami démoniaque pour lui demander conseil. Serviable, l’entité magique le téléporte un peu plus loin dans le désert, où une armée est censé l’attendre pour lui permettre de régler son compte à la tenace Thrax. Petit problème, l’ost en question a déjà un commandant, l’Elu de Tzeentch Tzymon Gul Techtvar, et est très occupé à assiéger la cité de Khulna Khesh, pour la plus grande gloire de Cui. Simon est persuadé que l’arrivée subite de Kanem est une intercession de l’Architecte du Changement en sa faveur, et que le légendaire Chevalier Inévitable va l’aider à conquérir la ville. De son côté, notre héros cherche juste à mettre le plus de distance et d’obstacles entre lui et sa poursuivante, et accepte donc la mission impossible qui lui est confiée : s’emparer seul de Khulna Khesh. Confiant dans son immortalité, il demande à son nouveau boss de le déposer au cœur de la cité, où il pourra se refaire une santé avant de se téléporter dans un voisinage plus sympathique (Khulna Khesh est affiliée à Khorne). Tzymon accède à sa requête et charge un de ses Tzaangors sur disque du convoyage, mais garde avec lui le précieux bâton cabalistique de Kanem, en partie pour le forcer à revenir le chercher, et en partie pour se venger du fait que le Sorcier ne se soit pas prosterné devant lui au début de leur entretien. #MeanBoss

Echoué dans une cité aussi inconnue qu’hostile, Kanem n’est toutefois pas totalement dépourvu. Usant de son mode opératoire favori (le micro-management des irritants), il créée des dizaines de petits incidents, entourloupes, quiproquos et autres émeutes sur le chemin qui le mène vers le temple central de Khulna Khesh, plongeant la ville dans une anarchie meurtrière encore plus grande que d’habitude, et lui permettant d’esquiver les gardes de faction pour accéder jusqu’au Hierofex, le seigneur de Khorne régnant sur la cité.

La confrontation entre notre héros au corps de lâche et l’idole à la peau d’airain qui se révèle être le Hierofex ne tourne logiquement pas en la faveur de Kanem. Bien qu’étant techniquement protégé par son immortalité, cette dernière ne sert qu’à prolonger ses souffrances face au champion de Khorne, qui cherche à attirer l’attention de son dieu en lui sacrifiant l’Inévitable Chevalier (sounds familiar), et est tout à fait au courant de la protection mystique dont son adversaire dispose. Résolu à littéralement tout tester pour parvenir à ses fins, et à celle de Kanem, le Hierofex multiplie les blessures débilitantes mais non mortelles, limitant drastiquement les options du sorcier. En désespoir de cause, ce dernier sort une baguette de sa besace, et la pointe de manière menaçante sur le colosse de métal, semblant oublier qu’il a reçu une bénédiction divine contre les sortilèges, et que quiconque tentera de l’abattre avec de la magie sera puni par Khorne en personne…

Début spoiler…Aussi, lorsque le Hierofex lui arrache son hochet des mains et le casse en deux sans y penser à deux fois, il ne se rend pas compte qu’il a commis une tragique erreur. La baguette contenait un charme de guérison mineur, invoqué par celui qui la brise. Le Hierofex est donc devenu, à son corps défendant, un utilisateur de magie, ce qui fâche Khorne tout rouge. Le champion disgracié fait donc une spectaculaire sortie du chemin de la gloire (alors que l’ascension était si proche, c’est triste) et se retrouve changé en Enfant du Chaos. Cela laisse à Kanem les mains libres pour saboter le plan qu’il avait établi pour vaincre les assiégeants, à savoir sonner la neuf fois (et pas huit) la grande cloche du temple, signalant à tous les défenseurs de Khulna Khesh de s’entretuer pour permettre à un ost de Sanguinaires de se matérialiser dans la cité. Le coup de cloche supplémentaire ayant douché l’enthousiasme des démons, la ville se retrouve sans chef ni renforts, et privée d’une bonne partie de ses troupes. Ce ne devrait plus être très compliqué d’en venir à bout, si ?

Eh bien, il semblerait que Tzymon rencontre tout de même quelques difficultés à remplir son objectif, même en mode facile. Lorsque Kanem sort de la cité, cette dernière est en effet toujours contestée, et l’Elu de Tzeentch n’est visiblement pas en maîtrise de la totalité de ses troupes. Ce ne sont toutefois pas les affaires de notre héros, qui veut simplement reprendre possession de son bâton avant de tailler la route. C’est alors que quelqu’un lui tape sur l’épaule pour attirer son attention…

Début spoiler 2…Horreur, il s’agit de Gulnar Thrax, qui a profité de son occupation récente dans une side quest débile pour refaire son retard. A la grande surprise, suivi d’un grand soulagement, de Kanem, sa poursuivante ne le reconnaît pas, et le prend au contraire pour un collègue (elle l’a vu sortir de la cité). En quête d’informations sur la localisation de sa proie, elle lui demande s’il ne pourrait pas la rencarder à ce sujet, et Kanem se fait une joie de lui indiquer qu’il a pris l’apparence de Tzymon Gul Techtvar pour tromper sa poursuivante, mais a fait la grossière erreur de conserver son bâton comme signe distinctif. Voilà qui devrait occuper ces deux fripouilles quelques temps, et laisser à notre héros éprouvé toute latitude pour disparaître des radars. Du passé, faisons inévitable rase…Fin spoiler

AVIS:

Ils sont peu nombreux les auteurs à avoir réussi à dompter le potentiel narratif du Chaos dans leurs écrits, la plupart se contentant de mettre en scène le parcours sanglant mais prévisible et assez ennuyeux au final, d’un héros parvenant à s’élever dans la hiérarchie chaotique et/ou à mourir dans la tentative. Rhuaridh James démontre ici qu’il fait partie de ce cercle très fermé d’Elus, en signant avec sa toute première nouvelle pour la Black Library un futur classique de la littérature chaotique.

The Inevitable Siege’ nous plonge en effet dans ce que l’on pourrait considérer comme « la vie de tous les jours » pour les servants mortels des Dieux Sombres, expression beaucoup trop mondaine pour rendre justice à l’anarchie et la folie ambiante qui est leur lot. Kanem Sharu, sorte de Rincevent des Royaumes Mortels (c’est-à-dire un personnage tout à fait banal et prosaïque, auquel le lecteur peut facilement s’identifier, mais maîtrisant parfaitement les codes et les règles de l’univers étrange dans lequel il évolue), tente tant bien que mal de gérer les petites complications de sa vie de champion-de-Tzeentch-immortel-mais-pas-tout-à-fait, avec l’enthousiasme de Carlo Tentacule et la roublardise de Thanquol (oui je sais, ça fait beaucoup d’univers différents convoqués en une phrase). Cette formule détonante fonctionne à merveille, bien aidée par le respect dont James fait preuve envers le background d’Age of Sigmar1. Il ne s’agit pas ici d’une parodie assumée, comme ont pu l’être les écrits d’Andy Jones à l’époque de Warhammer Fantasy Battle2, mais bien des aventures d’un anti-héros dans les Royaumes Mortels.

Bonus appréciable, ‘The Inevitable Siege’ contient tous les éléments nécessaires pour devenir le premier épisode d’une future série, qui serait très intéressante à lire si elle continue sur cette lancée : un héros charismatique (à son niveau), son impitoyable Némésis – qui finit aussi l’histoire en un seul morceau –, et un concept central suffisamment riche et original pour permettre à un auteur compétent de produire plusieurs nouvelles/romans pour l’explorer en profondeur. Bref, il va falloir apprendre à écrire correctement le nom de Rhuairidh James (comme celui d’ADB il y a quelques années), car ce petit gars a un vrai potentiel.

2 : Pas étonnant de la part d’un auteur qui a commencé par écrire du fluff pour Games Workshop.
2 : ‘Grunsonn’s Marauders’ et ‘Paradise Lost’.

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The Heart of the Fallen – S. Cawkwell :

INTRIGUE:

The Heart of the FallenDans les grandes plaines du Bloodwind Spoil, une double traque est en cours. Pendant qu’un mystérieux chasseur poursuit sa proie dans les étendues sauvages, trois jeunes guerriers Untamed Beasts, le sensible Dhyer et les frère et sœur Open Skies et Fleet-Foot, sont à la recherche du frère ainé du premier, un pisteur bravache du nom de Sharp Tongue. Ayant juré de traquer l’une des grandes bêtes qui hantent le territoire de la tribu afin de prouver sa valeur et de gagner en prestige, Langue de P*te est parti en solitaire il y a quelques jours, et son frangin s’inquiète de ne pas le voir revenir. Comme quoi, on peut vénérer une divinité chaotique assoiffée de sang1 et avoir le sens de la famille.

Les deux pistes finissent par converger à l’entrée d’une caverne d’un genre un peu particulier. Non pas qu’elle semble être un organisme géant, avec mur fourré (et probablement moquette du même acabit), ventilation pulmonaire et œils-de-bœuf plus vrais que nature. C’est finalement assez commun dans la région. C’est plutôt qu’elle possède des caractéristiques hydrographiques a priori inconciliables, la marque d’une véritable bénédiction des Dieux Sombres si vous voulez mon avis. Les Castueurs Juniors relèvent des indices de lutte, dont une dent humaine traînant dans la poussière, révélant que leur cher disparu n’est sûrement pas loin (et en effet, il a dû négocier un pétunia un peu envahissant à son arrivée dans la grotte, qui lui a prélevé quelques PV au passage). Redoublant de prudence, ils finissent par arriver dans une salle occupée par un lac de boue, au milieu duquel, unis dans la mort, se trouvent les cadavres d’un chasseur Untamed Beast et du monstre qu’il a tué avant de périr. Et quel monstre! Il s’agit rien de moins que d’un fort beau spécimen de Raptoryx2. On ne rigole pas dans le fond! Les ornithorynques du Chaos peuvent être dangereux quand ils sont acculés, et ce n’est pas Sharp Tongue qui soutiendra le contraire, raide mort qu’il est.

Bien qu’un peu tristes de cette conclusion tragique, US Open, Flip Flop et D’ailleurs décident de rendre au défunt l’hommage qu’il mérite, en dévorant rituellement son cœur afin de bénéficier de la force du macchabée. Le buffet froid est toutefois brutalement interrompu par le réveil du Raptoryx, qui, malgré la lance lui traversant le gésier de part en part, était loin d’avoir dit son dernier coin. La triplette de ploucville n’a guère le choix: il faut finir le boulot que ce peine-à-occire de Sharpie a salopé pour espérer sortir de l’antre de la bête. Malgré leur habileté à la sagaie en os, la hachette en silex et la dague en onyx, les Untamed Beasts ne s’en sortent pas indemnes, et Open Skies change rapidement son nom en Open Guts. Son sacrifice n’est toutefois pas vain, sa sœur et son (probablement futur) beauf combinant leurs forces pour euthanasier l’impossible palmipède. La nouvelle se termine sur un nouveau gueuleton, obligeamment offert par Open Skies, qui dans la mort comme dans la vie, avait le cœur dans la main (même si, ironiquement, c’est du coup aussi vrai de Dhyer et Fleet-Foot). Mais alors que nos tourtereaux se préparent à prélever le foie gras proprement monstrueux de leur proie, les eaux du pédiluve boueux se mettent de nouveau à trembler3

1 : D’ailleurs Cawkwell insiste pour appeler le Grand Dévoreur ‘Eater of Worlds’. Ca ne vous rappelle rien? Peut-être qu’Angron vient chiller dans les Huit Pointes lorsqu’il se fait expulser du Materium par les Chevaliers Gris. 
2 : Sachant que l’individu moyen arrive à l’épaule d’un être humain, celui-ci devait être aussi grand qu’un homme. Bon, ce n’est pas Thornwinder contre Harrow (voir The Devourer’s Demand), mais tout le monde ne peut pas se battre contre des vraies créatures semi-divines. 
3 : Et? Eh bien rien du tout. Ca se termine vraiment comme ça. Etrange.

AVIS:

Je suis un peu partagé au sujet de ce Heart of the Fallen. D’un côté, il m’est agréable de constater que Sarah Cawkwell ne semble pas partie pour retomber dans ses travers Hammer & Bolteresque, sa nouvelle étant solidement construite et, mises à part quelques incongruités (comme la caverne à la sécheresse humide) et erreurs de fluff (le Raptoryx présenté comme un prédateur solitaire alors qu’il a littéralement une règle qui indique qu’il chasse en meute – oui, je suis chiant -), somme toute assez mineures, plutôt agréable à lire. De plus, l’effet de nouveauté de Warcry joue encore à plein, justifiant d’autant plus la lecture de ce genre de soumissions, intrinsèquement originales (ce que ne peuvent pas dire les nouvelles de Space Marines et Stormcast Eternals qui constituent l’ordinaire de l’habitué de la BL). De l’autre, je suis assez déçu de la platitude de l’intrigue, alors que tout semblait indiquer qu’un twist final viendrait récompenser le quidam à la fin de la nouvelle. Jugez plutôt: et si le mystérieux chasseur, qui se révèle au final n’être que ce fier-à-bras-cassé de Sharp Tongue, avait été un guerrier d’un autre tribu que celle de nos héros, et que la bête qu’il traquait avait été Sharp Tongue, horriblement muté par le Chaos? J’avoue que je m’étais drôlement hypé sur cette hypothèse, que le refus catégorique de Cawkwell de nommer son premier protagoniste m’avait fait soupçonner, puis espérer, jusqu’à ce que le pot aux roses soit découvert. On ne me retirera pas de l’esprit que Heart of the Fallen aurait eu plus d’allure avec ce petit retournement de situation final, tout à fait grimdark dans l’esprit. Et puisqu’on parle de conclusion, ce qu’a voulu faire Cawkwell en achevant son propos sur ce que j’interprète comme l’arrivée d’un nouveau monstre dans la mare au canard (mais quel canard), sans plus de précisions ni d’indications sur son origine, m’échappe encore à l’heure actuelle. La nuit porte conseil paraît-il, alors…

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I, Behemat – E. Gregory :

INTRIGUE:

Exilé de son clan après avoir joué trop de sales tours à ses petits camarades, Yaggle le Git a trouvé refuge dans une ferme (dont il a tué le propriétaire, il faut tout de même le préciser), et médite sur sa condition de génie incompris auprès du cochon qui lui sert de thérapeute. Ses réflexions cathartiques sont interrompues par l’arrachage en règle du toit en chaume de la masure, et la descente d’une main gigantesque, qui vient rafler bétail, cadavre et gobelin, avant de tout fourrer dans une musette de fort belle taille. Yaggle, qui n’est pas le dernier des abrutis, comprend assez vite qu’il a été ramassé par un Gargant, situation peu favorable s’il en est1. Profitant de la gloutonnerie du géant, qui ne peut s’empêcher de piocher dans son sac comme s’il s’agissait d’un sachet de dragibus, Yaggle s’accroche à la vache sélectionnée par le Gargant et se retrouve face à face cagoule avec HRADOTH, le plus puissant des Mega-Gargants, ou du moins se présente-t-il ainsi. De son côté, notre ruzé héros s’introduit en toute simplicité comme étant la réincarnation de Behemat, le dieu et ancêtre de tous les Gargants. Hradoth faisant remarquer avec justesse qu’il est un peu petit pour une bête zodiacale, Yaggle assure qu’il vient de renaître, et qu’il grandira plus tard. Sentant le doute s’emparer de son public, le pseudo-Behemat propose à son pseudo-descendant de lui révéler une information que seul un dieu peut connaître, et qui se trouve être l’endroit où faire le meilleur repas de sa vie. Plus affamé que brillant, Hradoth accepte et son nouvel ami le dirige droit vers le campement de son ancien clan, pour une petite revanche par Gargant interposé…

Après avoir aplati, piétiné et englouti la plupart des Gitz et leurs animaux de compagnie, Hradoth se laisse aller à une confidence digestive auprès de Yaggle. Il a lui aussi été chassé par les siens, en l’occurrence la sévère Tantine et ses trois idiots de fils (Baldoth, Qu’un Œil et Junior), après qu’il ait commis l’affront de se servir en premier à manger. Bien que ne boxant pas dans la même catégorie, Yaggle est sensible au traitement injuste que son gros copain a subi, et lui souffle quelques conseils avisés pour lui permettre de se venger de sa famille indigne. Grâce à la ruse du Git et l’avantage de taille de Hradoth par rapport à sa parentèle (qui ne sont « que » des Gargants), le duo de choc remporte une victoire probante, les trois affreux cousins mordant la poussière et Tantine étant à son tour forcée à l’exil.

Cette nuit bien remplie a fatigué Hrodath, qui se dirige dans une forêt toute proche pour piquer un petit roupillon, mais pas avant que Yaggle ne lui ait raconté une histoire pour s’endormir. How cute. De son côté, le Git décide de ne pas plus forcer sa chance, et abandonne le grand dadais dans son sommeil pour reprendre une vie normale. Ce retour sur le plancher des Squigs se passe cependant moins bien que prévu, Yaggle tombant sur une bande de guerre de chevaucheurs d’araignées, bien décidés à régler son compte au Mega-Gargant avant qu’il ne leur fasse subir le sort de leurs cousins troglodytes, dont ils ont eu vent. Embarquant Yaggle au passage dans leur vendetta colossale, ils ne se doutent pas que le Git maigrichon qu’ils ont pris en stop est le commanditaire de l’extermination de leurs voisins. Par contre, le loonboss Wazzit, seul survivant du massacre et responsable de l’exil de Yaggle, est en mesure de les rencarder sur ce petit détail de l’histoire. Ce revirement de situation force notre héros à prendre ses robes à son cou et courir réveiller Hradoth avant que le venin des araignées ne le paralyse.

Profitant du nez chatouilleux du Gargant, Yaggle parvient à sortir ce dernier de sa torpeur à temps pour qu’il écrabouille les menaçantes bestioles, et Wazzit avec par la même occasion. Cette péripétie convainc le Git, qui avoue à Hradoth n’être pas vraiment Béhémat, mais son prophète, de finalement rester coacher le grand dadais, lui promettant de lui trouver les meilleurs plans pour casser la croûte à travers les Royaumes Mortels. Après tout, la fable ne dit-elle pas qu’on a toujours besoin d’un beaucoup plus gros que soi ?

1 : Au moins ce Gargant là avait un sac, et notre héros n’a pas fini dans le pantalon du colosse, comme ça aurait pu être le cas à Warhammer Fantasy Battle.

AVIS:

Petite nouvelle fun de la part d’Eric Gregory, dans la lignée de ‘Bossgrot’. Sans grande surprise, mais avec un plaisir curieux (c’est la première fois qu’une nouvelle donne le point de vue d’un Gargant), on suit les mésaventures de ce duo de choc, pas si différent l’un de l’autre une fois la question du gabarit évacuée1. L’intrigue est très simple, et Gregory a déjà montré qu’il savait faire mieux que ça, mais ça reste tout de même sympathique à lire.

1 : Ce qui est logique parce qu’il n’y a plus de gabarit à Age of Sigmar.

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A Taste of Lightning – A. Tchaikovsky :

INTRIGUE:

La ville minière d’Ort, en Ghur, n’est pas née sous une bonne étoile. A peine établie par une cohorte de hardis mineurs humains et Duardin pour exploiter les filons des montagnes toutes proches, elle s’est révélée être à proximité d’un portail de Royaume donnant sur Shyish, et a été promptement envahie et annexée par une légion d’Ossiarch Bonereapers. Pour ne rien arranger, les expulsés doivent aussi composer avec l’arrivée de gens du voyage d’un genre particulier : la tribu ogor du Tyran Krult. Ce dernier avait prévu d’assiéger la ville pour se repaître de ses habitants, mais a la flexibilité d’esprit nécessaire pour changer le programme de la journée lorsque ses éclaireurs viennent l’informer de l’identité des nouveaux occupants d’Ort, et décréter un « peekneek » (il a appris plein de mots savants lorsqu’il était Mangeur d’Hommes) de réfugiés à la place.

Avant que les Ogors n’aient pu se mettre en marche, une délégation menée par l’érudite Lumineth Celarais demande à parler au Tyran. L’Aelf propose à Krult de changer à nouveau de plan, et de se battre aux côtés de la milice d’Ort et des Stormcast Eternals qui les ont rejoints (représentés dans l’ambassade par le taciturne Stenarius) pour reprendre la ville. En dédommagement des services rendus, les Ogors seront payés en nature par l’organisation d’un grand festin, préparé par nul autre que le célèbre chef Hugh Pen Andual, que Celarais a également fait venir, contre son gré il faut le préciser. Intéressé par la proposition mais souhaitant vérifier les credentials de celui qu’il a immédiatement rebaptisé Poignée de Poêle1 avant de s’engager à quoi que ce soit, Krult met au défi le chétif humain de relever le brouet que la Bouchère de la tribu (Brugha) a fait bouillir pour le petit déjeuner des troupes. Une tâche que le chef accomplit aisément grâce à sa réserve d’épices (qui sort très entamée de la préparation, les concepts de « pincée » et « soupçon » étant absents du vocabulaire ogor), lui gagnant l’estime de Krult et de ses fins gourmets. Ce que ces derniers ne savent pas, c’est que Pen Andual a tenté de les empoisonner pour pouvoir filer à l’anglaise, une tentative qui n’avait aucune chance de réussir dixit Celarais (Céleri pour les intimes), qui se doutait que le cuisinier allait recourir au poison pour se sortir de ce guêpier. La Lumineth, spécialisée dans l’écriture de livres de cuisine, ou quelque chose comme ça, a en effet étudié la carrière de Pen Adual et compris qu’il avait tendance à laisser ses employeurs morts ou très malades une fois qu’il décidait d’aller voir ailleurs. Une technique de mobilité professionnelle comme une autre…

Du côté d’Ort, un gentlemen’s agreement a donc été trouvé entre les factions non-mortes, qui convergent sur la ville pour en chasser les squatteurs. Grâce à l’impact apporté par les Ogors, la coalition arrive à entrer dans l’enceinte fortifiée, mais la défense inspirée du général Ossiarch (Ankahnet), l’empêche de clamer victoire. Barricadés sur la place du centre-ville, les lanciers squelettiques se montrent intraitables. Pour ne rien arranger, Krult décide de retirer ses troupes de la bataille pour aller prendre un thé à l’extérieur de la cité, au grand désarroi de Celarais. Elle ne met pas longtemps à apprendre que le fourbe Manche de Poêle s’est mis sous la protection du Tyran, qui n’a donc plus besoin de remplir sa part du contrat pour bénéficier des services du chef. Il va falloir trouver un autre moyen de convaincre les Ogors de se remettre à table…

Début spoiler…Et c’est de Stenarius que vient l’illumination. Ayant entendu Krult se plaindre qu’il n’avait jamais eu la chance de déguster un Stormcast Eternal, du fait de leur fâcheuse tendance à partir en fumée au moment de leur mort, le serviable sigmarite accepte de remédier à cette lacune et de faire don de son corps à la panse, mais seulement si Krult arrive à l’attraper. Ceci fait, il part en courant vers les combats, entraînant à sa suite toute la tribu, et se fait un devoir d’aller défier en duel le général adverse, qui le renvoie voir Sigmar en un moulinet de son épée enchantée, sous les yeux horrifiés du Tyran. Ankahnet n’aura pas le temps de savourer sa victoire, son squelette finissant éparpillé façon puzzle par un Krult furieux qu’on lui ait piqué son goûter, et sa fière légion lui emboîte rapidement le pas.

Notre histoire se termine par le banquet promis aux mercenaires ventripotents, qui acceptent de mettre les voiles après avoir fini de lécher les assiettes. Il ne fait pas de doute que la tribu reviendra voir ses nouveaux amis dans quelques temps, et que la cohabitation pourrait ne pas aussi bien se passer, mais c’est un problème pour une autre fois…Fin spoiler

1 : Panhandle en VO, jeu de mots avec Pen Andual.

AVIS:

Pour sa première nouvelle siglée Age of Sigmar, Adrian Tchaikovsky a choisi de marcher dans les pas de Robert Earl, l’auteur de référence pour la noble race des Ogres à l’époque de Warhammer Fantasy Battle1. On peut aussi lui trouver une affiliation avec Sandy Mitchell, en raison de son approche décomplexée et humoristique d’une franchise autrement plus premier degré. Le résultat est en tout cas très distrayant, parfaitement lisible, et fera plaisir aux fans des Ogors et des Ossiarch Bonereapers, deux des factions les moins gâtées par la Black Library à ce jour2. On espère aussi avoir des nouvelles de Celery et Panhandle, un duo les plus mal assortis des Royaumes Mortels et dont la suite des aventures promet donc d’être passionnante, si le très occupé Tchaikovsky a du temps à y consacrer.

1 : ‘Wild Kingdoms’, ‘The Last Little Bit’.
2 : On peut tout de même signaler que gros lards et sacs d’os se retrouvaient déjà opposés dans la nouvelle ‘Strong Bones’ de Michael J. Fletcher. L’atmosphère était bien moins bon enfant, par contre.

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The Offering – A. Clark :

INTRIGUE:

The OfferingC’est la belle sombre nuit de Noël Nost’rnight, ce qui signifie une chose pour les habitants de Breaker’s Vale, avant-poste minier de Chamon : leur offrande doit être livrée au pied de l’arbre du don sans tarder, sous peine de terribles représailles. Guidée par leur Aîné, une petite délégation de péquenauds chemine donc péniblement jusqu’au point de drop ‘n collect le plus proche, chargée des maigres richesses que les locaux ont mis de côté à cette fin au cours de l’année écoulée. Au moment de repartir se calfeutrer dans les chaumines, le jeune Narry choisit cependant d’initier sa crise d’adolescence en questionnant tout haut le choix de ses concitoyens de détourner une partie de la production de Breaker’s Vale pour payer un tribut à ce qu’il considère n’être que de vulgaires brigands. Le moment a beau être très mal choisi, l’Aîné prend sur lui de remettre le petit rebelle à sa place, en lui racontant ce qui s’est passé l’année où l’offrande n’a pas été faite…

À l’époque, Breaker’s Vale venait d’accueillir son nouveau maire, Gustav Thatcher, fils exilé pour détournement de fonds d’une grande famille azyrite. Ce châtiment n’avait cependant pas suffi pour guérir Gus de sa sale manie de truquer les registres et s’en mettre plein les poches (ou dans le cas précis, le coffre), l’édile malgré lui de Breaker’s Vale ne comptant pas rester toute sa vie à moisir rouiller dans l’arrière-pays chamoniard, et ayant besoin d’accumuler un petit pécule pour pouvoir faire son retour dans le game. Un amoureux des livres (de compte) comme lui ne pouvait donc pas manquer de rapidement remarquer les discrètes mais visibles modifications apportées par un quidam tout aussi filou que lui à son propre registre, preuve indiscutable que le PIB de Breaker’s Vale se faisait siphonner par de multiples fripouilles. On pourrait presque parler de république bananière si Sigmar n’était pas un despote (et plutôt foudroyant qu’éclairé, si vous voulez mon avis).

Guère soucieux de partager, et encore moins ravi d’avoir été pris par une andouille par ses administrés, Gustav remonta rapidement à l’origine du problème, et fit main basse sur le butin collecté par les locaux, malgré les supplications de son majordome (Saul) de laisser les habitants déposer leur offrande annuelle aux Grobbi Blackencap, sous peine de représailles. Croyant avoir affaire à une vulgaire superstition paysanne, Gustav refusa tout net, ce qui mena Breaker’s Vale à connaître une nuit très agitée, comme vous pouvez vous en douter. Mécontents de n’avoir pas reçu leur dû, les Gits locaux organisèrent une soirée à thème « Spores sur la ville », résultant en de multiples vomissements et purulences fatales parmi la population. Sauvé par le dévouement de ses gardes et le bon cœur de Saul, Gustav parvint à s’enfermer dans son coffre alors que les séides de la Mauvais Lune prenaient d’assaut son manoir, laissant son majordome s’expliquer avec les intrus. Ce fut toutefois la fourberie de trop pour l’arnaqueur de la métropole, qui se rendit compte un peu trop tard que Saul connaissait lui aussi le code de la chambre forte, et n’avait plus aucun scrupule à laisser son employeur s’expliquer en tête à tête avec la mafia gobelinoïde chamoniarde (et le Troggoth du parrain à capuche local).

Son récit terminé, l’Aîné (un Saul un peu décrépit par le poids des années) constate avec satisfaction que cette grande gueule de Norry n’a plus rien à redire au versement de la dîme, et enjoint son monde à regagner ses pénates métalliques en attendant que le soleil se lève. Comme on dit dans le coin, entre la caverne et le fungus, mieux vaut ne pas mettre le doigt.

AVIS:

Andy Clark retourne aux champignons avec ‘The Offering’, nouvelle mettant à nouveau en lumière (de la Mauvaise Lune) les déprédations micellaires des Gloomspite Gitz, quelques mois après la sortie de son roman ‘Gloomspite’. Ce court format se suffit à lui même1, et nous sert une variante AoSesque du récit classique du tribut versé par une communauté démunie à une force maléfique pour éviter les ennuis. Le déroulement de cette petite fable sera donc familier à la majorité des lecteurs, l’originalité et la valeur ajoutée de ‘The Offering’ résidant (un peu) dans les quelques descriptions graphiques des maléfices dont sont capables ces farceurs de Gitz, et (un peu aussi) dans la révélation de l’identité « secrète » de l’Aîné, qui aurait pu être aussi bien un Thatcher assagi par son accrochage avec la ruralité profonde de Chamon que le très évident Saul. À titre personnel, et ayant lu à de nombreuses reprises que Clark avait produit pour ‘Gloomspite’ des passages proprement nauséeux (ce qui est une bonne chose pour de la littérature gobeline, j’imagine), je suis resté sur ma faim : mis à part la classique mouche dans le potage – ici livrée sous sa variante d’asticot dans le pudding – et quelques inhalations de spores aux effets dermatologiques regrettables, rien n’est vraiment dégoutant. Un peu trop insipide à mon goût donc, même si l’ensemble reste très correct.

1 : On notera tout de même la présence d’un personnage nommé Saul dans les deux histoires. Comme quoi, en cas d’infestation gobeline, better call Saul.

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Strong Bones – M. R. Fletcher :

INTRIGUE:

Strong BonesJeunes Ogors idéalistes (un peu) et affamés (beaucoup), Stugkor – Stug pour les intimes et les moins dégourdis, ce qui va assez souvent ensemble chez les ogres – , Chidder et Algok décident de fuguer de leur tribu. Le but de cette manifestation, somme toute assez classique du mal-être adolescent et de la remise en cause de l’autorité établie qui va avec, est simple : trouver un campement humain dans lequel se servir directement, la consommation des restes rapportés par les vrais chasseurs du clan ne suffisant plus à nos rebelles. Aussitôt dit, aussitôt fait : le trio enfourche ses scooters débridés Ferox et part à travers la taïga hivernale, à la recherche d’une proie digne de lui. Las, les vastes étendues et la faible densité démographique de cette partie de Ghur ont tôt fait d’épuiser l’enthousiasme juvénile des teen-agers, qui peinent dans la neige et le froid pendant quelques jours avant de tomber sur le village qu’ils appelaient de leurs vœux (et de leur estomac).

Manque de chance, Stug et Cie ont été devancé par une armée de constructions squelettiques, affairées à dépecer les cadavres de leurs victimes, dans le but de récupérer les os de ces dernières. Un comportement à la limite du sacrilège pour nos Ogors affamés, qui ne comprennent pas pourquoi les morts-vivants jettent de la viande de premier choix pour se concentrer sur les parties dures des cadavres. Il y a certes de la savoureuse moelle à l’intérieur, mais tout de même ! Leurs savantes supputations sont toutefois interrompues lorsque le Soulreaper en charge de l’opération de tri et de collecte, pose son regard perçant sur les badauds bedonnants, et envoie l’un de ses Deathriders kavaler aux alentours. Confiants dans leur capacité de règler son compte au scout ossu, les Ogors piquent des deux et contre-chargent, pour des résultats assez dramatiques. Le Kavalos n’a en effet aucun mal à coup-fataler les Ferox de la fine équipe, ne laissant que Stug en état de se battre après que ses comparses aient raté le test de terrain dangereux consécutif à leur désarçonnage. Et, si l’intraitable squelette finit en esquilles, ce n’est pas sans avoir gravement blessé notre héros, et l’avoir complimenté sur sa solide ossature (ce qui revient sans doute à une déclaration d’amour lorsqu’on est soit même constitué uniquement de cela).

En rade au milieu de nulle part et confrontés à une horde de fémurs pas vraiment amicale, les trois petits ogrons décident de mettre les bouts pour avertir leur tribu de l’arrivée de ces nouveaux voisins. La course de fond étant, comme chacun sait, une spécialité des morts-vivants, et voyant la partie mal engagée, les Ogors se séparent, espérant qu’au moins un d’entre eux parviennent à bon port. La fin de la nouvelle est ainsi centrée sur Stug, qui après un vaillant effort, finit par cesser sa course pour faire face à l’inévitable. Les Bonereapers prenant les choses de la guerre très au sérieux, notre vaillant gros lard a l’occasion de prouver sa valeur en concassant un certain nombre de champions ennemis, jusqu’à ce qu’un Stalker vienne finir le job. À l’agonie, Stug ne peut même pas tirer un peu de fierté de la réussite de son plan de contingence, Chidder et Algok ayant déjà été calcifiés par les sbires de Nagash, comme notre héros vaincu ne peut que le constater alors qu’il gît dans la neige. Et quant au sort de sa tribu, il est également scellé, comme lui apprend l’aimable Soulreaper de faction : ses sortilèges lui permettront de prendre possession des souvenirs de sa prochaine victime en même temps que de sa dépouille mortelle. Moralité : ventre affamé n’a pas d’oreilles, mais attention à ne pas tomber sur un os.

AVIS:

Fletcher signe une nouvelle aussi solide que les os de ses malheureux personnages, dont l’un des attraits est la mise en avant de deux factions encore assez peu couvertes par la Black Library à ce jour : les Ogors et les Ossiarch Bonereapers. Si le propos de ce Strong Bones est avant tout de permettre aux petits derniers de Nagash (décidément un family man) de faire leur entrée dans le monde (ou plutôt, dans les Royaumes), Fletcher se révèle également assez habile dans l’utilisation de Stugkor, Chidder et Algok, et parvient à donner une bonne image de la mentalité et du quotidien des Ogors. Au final, on ressort de cette lecture avec une meilleure image du danger que représentent les Ossiarch pour les autres factions d’Age of Sigmar, ainsi qu’avec une description crédible d’une des plus discrètes de ces dernières. Que du bonus.

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Fangs of the Rustwood – E. Dicken :

INTRIGUE:

Fangs of the RustwoodChargé d’escorter les trois suspects de l’assassinat du Gouverneur Bettrum de la cité d’Uliashtai, en Chamon, le Répurgateur Kantus Val(l)o de l’Ordre d’Azyr décide de couper à travers bois pour rallier au plus vite la cité d’Eshunna, où les geôles spacieuses et les tortionnaires attentionnés de l’Inquisition sigmarite auront tôt fait de délier – ou d’arracher, à défaut – les langues des gardés à vue. Ces derniers, mis à part un bon motif d’en vouloir à feu Bettrum, n’ont pas grand-chose en commun. Notre triumvirat de crapules se compose en effet du mage geignard et prophétique (un vrai Nighthaunter d’Age of Sigmar) Elabrin, de l’empoisonneuse patentée Garrula Heko, et de la Capitaine édentée de la garde d’Uliashtai, simplement nommée Lim.

Le choix de Kantus d’emprunter la route traversant le Bois de Rouille ne s’avère guère brillant (ce qui est normal, car l’oxydation du fer corrode le métal), mais plutôt tranchant, la flore acérée de Chamon forçant la petite troupe à jouer de la hache pour se frayer un chemin sous les frondaisons métallisées. Ayant profité d’une halte pour cuisiner ses prisonniers, le Répurgateur doit mettre en pause son interrogatoire lorsqu’une de ses gardes se prend les pieds dans le tapis et choit lourdement dans une fosse tapissée de pieux empoisonnés (piejâkon#1). N’écoutant que son courage, Kantus… accepte qu’un des collègues de la malheureuse aille la repêcher au fond de son trou. Il donne cependant de sa personne en faisant contrepoids au bout de la corde, mais une autre fausse manœuvre des plus ballotes déclenche prestement la détente d’une tige épineuse… empoisonnée (piejâkon#2), qui met le bon samaritain en PLS, juste avant que Kantus ne le laisse carrément aller se pieuter en sous-sol lorsqu’un Gobelin des Forêts juché sur une araignée géante décide de s’inviter à la fête en hurlant « I am Groot! ». L’invité mystère ayant intoxiqué l’un des deux gardes restants de notre héros, ce dernier est colère et règle leur compte aux nuisibles de quelques moulinets bien sentis, avant d’aller s’enquérir du bien-être de ses charges (une enquête de l’IGPN est si vite arrivée).

Le dialogue qui s’engage a vite fait de convaincre Kantus de l’impératif catégorique de laisser les gredins lui prêter main forte afin d’avoir une chance de se sortir du guêpier arachnéen dans lequel il s’est jeté. Rendant à ses prisonniers leurs armes et équipements en échange d’une vague promesse de bien se comporter (quel laxisme), Kantus les entraîne vers l’orée du bois, dans l’espoir un peu vain de distancer les Grots dont les tambours commencent à résonner dans les fougères. Ce qui devait arriver arrive lorsque notre petite troupe, au casting digne du JDR Age of Sigmar s’il était sorti (un Chasseur de Sorcières, un Mage, un Guerrier, un Rôdeur et un PNJ à DLC courte), débouche dans une clairière où l’embuscade des peaux vertes se déclenche. Bien aidé par le sort de pointeur laser inversé et préemptif d’Elabrin1, les humains ne s’en sortent pas trop mal dans un premier temps, les carreaux empoisonnés de Garrula et les coups d’épée de Kantus et Lim prélevant un lourd tribu dans la biodiversité du Bois de Rouille. Hélas, comme il l’avait prédit, le mage se fait capturer au lasso, et si son noble – et pas du tout consenti – sacrifice permet de gagner un peu de temps à ses comparses pendant qu’il se fait torturer à mort dans un bosquet, la situation n’est pas brillante pour ces derniers…

Début spoiler…réduits au nombre de deux après que Kantus ait constaté le décès inopiné de la dame de carreau(x). Fichtre. Enjoint par la vétérane Lim de quitter les lieux le plus rapidement possible, notre héros décide de faire du zèle en collectant les armes de Garrula, qui pourront peut-être permettre d’identifier le tueur du Gouverneur Bettrum, si on venait à retrouver une trace d’un poison similaire à celui utilisé pour pourrir (littéralement) l’édile sur les lames de l’empoisonneuse. Une bonne action ne restant jamais impunie, le Répurgateur se fait prestement attaquer par Brienne de Tarth (dans ta gu*ule), après avoir constaté que Garrula a connu la même fin que l’infortuné Gouverneur, révélant Lim comme la coupable des deux meurtres. Cette dernière trouvait en effet que cette grosse bête de Bettrum utilisait bien mal les forces de l’Ordre, et que son incapacité notoire à s’occuper de l’infestation Grot couvant dans le Bois de Rouille condamnerait à terme Uliashtai à la Destruction. Ca se tient, ça se tient, y a pas à dire. 

Insensible aux arguments de la soldate, Kantus l’est beaucoup moins à ses bottes vachardes, et l’idée de son trépas prochain lui travers l’esprit en même temps que l’épée de Lim fait de même avec sa panse. Abandonné à son triste sort par l’intraitable Capitaine Marlim, Kantus devrait se dépêcher de mourir s’il ne veut pas goûter à l’hospitalité légendaire des tribus Spiderfang…Fin spoiler

1 : En gros, on voit une petite lumière s’allume à l’endroit où un projectile va finir sa course une seconde avant que le coup parte, très pratique pour la balle au prisonnier et l’esquive de flash ball).

AVIS:

Evan Dicken nous revient après ses débuts très convaincants (The Path to Glory), toujours à Chamon mais cette fois à l’époque contemporaine1, avec une histoire se voulant un match-up d’enquête policière (Mais qui a tué le Gouverneur Bettrum?) et de sword & sorcery. Si la brièveté de son propos ne lui donne pas la possibilité  d’exceller dans l’un ou l’autre de ces exercices, le meurtre de Bettrum se résolvant sans grande révélation, et la baston finale, pour honnête qu’elle soit, n’étant en rien mémorable, Dicken déroule cependant son récit avec sérieux, ce qui rend la lecture de The Fangs of the Rustwood plaisante. L’auteur réussit assez bien à faire ressortir la nature sauvage et dangereuse des Grots des Forêts, qui n’ont pas grand-chose de marrant lorsqu’on se retrouve nez à chitine avec leurs araignées géantes. Il parvient aussi à maintenir une tension narrative digne de ce nom, d’abord en jouant sur l’identité secrète du tueur, puis sur le destin attendant le héros. Venin sur le crochet, le fluff n’est pas absent de ces quelques pages, ce qui est tout bénef. Bref, ce (plus) court format permet à Dicken de cimenter son statut de Hot New Talent de la BL, et l’une des plumes à suivre d’Age of Sigmar dans les mois à venir.

1 : Même si des références à son cher empire Lantique et à la cité d’Uliashtai, qui avaient été mis à l’honneur dans cette première nouvelle, se retrouvent tout au long du texte.

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The Threshold – D. Annandale :

INTRIGUE:

The ThresholdBien qu’il lui en ait beaucoup coûté, aussi bien physiquement (bras gauche, œil droit, rotules…) que mentalement, le Seigneur Ormand a réussi à atteindre le but qu’il s’était fixé : libérer sa cité de Lugol de la domination de Nagash et de Neferata. Ce qui n’est pas un mince exploit quand on réside au cœur de Nefaratia (le royaume personnel de la Mortarque du Sang), et que l’on ne peut plus compter sur les Stormcast Eternals de l’affable Sigmar pour faire service d’Ordre. Au prix de mesures drastiques (interdiction des cimetières, crémation obligatoire en dehors de la ville le jour même du décès) et arcaniques (mise en place d’un sceau magique autour de la ville pour en interdire l’accès à tous les morts vivants), Lugol est devenu indépendant, et Ormand a la satisfaction de pouvoir passer ses derniers jours avec la satisfaction du devoir accompli.

Alors qu’il effectuait sa balade quotidienne jusqu’aux ruines de la passerelle qui reliait précédemment la forteresse de la cité à la passe de Blindhallow, détruite lors de l’ultime siège subi par la cité1, notre héros à la désagréable surprise de se faire héler par nulle autre que Nefarata, venue par Adevore express tailler le bout de gras avec celui qui a osé la défier. Assise posément de l’autre côté de l’abîme, la Mortarque ne semble pas nourrir, ou boire, de mauvaise intention envers Ormand, et se montre simplement curieuse à propos des ambitions poursuivies par le mortel à travers cette émancipation « amortelle ». D’abord suspicieux, et on le comprend, Ormand se laisse finalement convaincre de revenir dialoguer le lendemain, malgré les protestations de sa fille et héritière Kristane, qui flaire un coup fourré de la part de la vamp. La conversation reprend donc, et après avoir flirté un moment avec la haute philosophie (Nefarata demandant à son interlocuteur que valait une liberté achetée au prix d’une peur et d’une vigilance constante2), finit par porter sur le crépi (Nefarata trouve que l’extérieur de Lugol est tristounet) et les divertissements (Nefarata est convaincue que les Lugolois s’ennuient à – presque, vue que c’est interdit – mourir). Ormand n’a beau ne pas être d’accord, il peine à contredire son adversaire, et passe une très mauvaise nuit à imaginer des répliques percutantes qu’il aurait pu lui sortir pour lui rabattre le caquet.

À son réveil, cela va tellement peu fort qu’il se persuade rapidement que son heure est arrivée. N’ayant donc plus rien à perdre, ni à craindre, il tue le temps en attendant d’aller poursuivre son entretien avec une vampire en faisant un petit tour en ville, où, effectivement, ce n’est pas la joie qui étouffe ses sujets. Qu’importe pour Ormand, dont la thanatophobie militante s’accommode bien de quelques sacrifices. C’est donc le cœur léger mais le souffle très court que le vieil homme rejoint son siège près du pont, pour une ultime joute verbale avec la Reine des Mystères…

Début spoiler…Qui évidemment, ne s’est pas tapée le voyage depuis Nulahmia et deux nuits en camping sauvage au pied des murailles de Lugol pour repartir bredouille. Comme craint par la sagace Kristane, Nefie avait un plan pour reprendre le contrôle de la cité : donner à Ormand le baiser de sang pour en faire son serviteur. Sans blague. La vraie question est de savoir comment elle va s’y prendre, étant donné que l’accès de la ville lui est impossible, et que notre héros n’est pas assez bête pour l’inviter à entrer. Eh bien, par l’hypnose, pardi ! Nefarata baratine quelque peu son public sur la « joie du sang » et la « beauté de la mort », et quand elle claque des doigts, Ormand est devenu son vassal. Simple, basique. // Ta Gueule, C’est Magique. Pas la peine d’être plus précis, cette histoire est déjà finie. Ormand pète le sceau protecteur le soir même, convertit sa fille à l’hématophilie, et l’envoie ouvrir la porte à Neferata, qui prend possession de Lugol comme si de rien n’était. Une reconquête sans arme ni haine ni violence, ça se respecte.Fin spoiler

1 : Quand il dit qu’il coupe les ponts, il ne fait pas semblant.
2 : Ormand, qui a fait un bac pro et pense que Kierkegaard est une marque de baskets, ne sait pas trop quoi répondre.

AVIS:

David Annandale retombe dans ses travers passés de jemenfoucécool-iste décomplexé avec la conclusion de ‘The Threshold’, qui était pourtant assez plaisant jusqu’à ces fatidiques deux dernières pages. Les bonnes idées de l’auteur, telles que donner le beau rôle à l’adversaire de Neferata, ou privilégier la réflexion (pseudo) philosophie à l’action frénétique, se retrouvent en effet battues en brèche par le dénouement proprement scandaleux que l’auteur nous sort de son stylo, justifié par une pauvre phrase balancée par Nefarata au détour d’un paragraphe1, comme si de rien n’était. Au-delà du fait qu’il ne faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour cafards volages, et que ce qu’a fait Annandale correspond à annoncer « bombe nucléaire !!! » dans une partie de chifoumi, cela ouvre une longue et large faille de « mais si…, alors… » dans le background, ce qui est cher payé pour pouvoir offrir un twist final à une nouvelle de 12 pages. À moins qu’il soit de notoriété publique et fluffique que dans Age of Sigmar, on peut donner le baiser de sang par message vocal, auquel cas, je retire mon accusation d’opportunisme narratif envers Annandale. Mais on ne me retirera pas de l’esprit qu’il y avait moyen de faire, et surtout, de finir, mieux que ça.

1 : “VaMpIrIsM cAn TaKe MaNy FoRmS.

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The Wolf and the Rat – C. L. Werner :

INTRIGUE:

The Wolf and the RatScandale à la cour de Radukar le Loup, sanguinaire car vampirique maître de la cité d’Ulfenkarn, en Shyish. Une précieuse relique a été dérobée dans la crypte où elle sommeillait depuis des lustres, plongeant notre atrabilaire héros dans une colère noire (logique) : on lui a volé son doudou !!! Ah, on me dit dans l’oreillette qu’il s’agit en fait de la pelisse du vampire qui lui donné le Baiser de Sang, ce qui est un peu plus classe, mais beaucoup moins drôle, que ma version des faits. Je m’incline de bonne grâce et reprends le cours de mon récit.

On apprend rapidement que le crime à peine commis est déjà revendiqué par une coterie de suceurs de sang ne goûtant pas au règne sans partage de Radukar sur son fief, et souhaitant, d’après les mots bredouillants de leur émissaire, le froussard Valac Chrobak, seulement remettre au goût du jour le conseil municipal, où Loulou aurait bien sûr un siège. Le messager ayant raté son test de charisme de façon critique, il est expédié dans la post non-vie par les gardes du corps Ogors de Radukar, qui décide de prendre les choses en main. Sachant que les ravisseurs de courtepointe lui ont donné rendez-vous dans le quartier des docks pour procéder à l’échange, il en prend le chemin sans tarder, confiant dans le fait que sa Sénéchale, l’ex-pirate tournée vampiresse (vive les reconversions professionnelles, franchement) Natasyia, sécurisera discrètement le périmètre avec les squelettes de la garde municipale, au cas où l’affaire s’envenimerait.

Sur place, il retrouve une vieille et funeste connaissance, le Prince des Rats Kritza, un noble dévoyé (vampire lui aussi, évidemment) qui a pris la tête de la cabale lupophobe après que Radukar l’ait laissé pour mort suite à un petit accrochage autour de la machine à café. Kritza et son corps de lâche ne sont évidemment pas venus seuls : une petite bande de petites frappes à canines pointues a fait le déplacement, afin d’équilibrer un peu les choses entre Rad’ the Chad et Kritza le Rat. Sans surprise, l’entrevue se passe moyennement, chacun campant sur ses positions, jusqu’à ce que Natasyia arrive avec les renforts promis pour précipiter la résolution du litige…

Début spoiler 1…Seulement, cette fourbe de flibustière repentie jouait en fait du côté de Kritza. C’est d’ailleurs elle qui a dérobé la peau du père de Radukar, et l’a remise aux conjurés. Les griefs de Nat’ sont simples : elle en veut à son boss de ne lui avoir pas dit qu’être un vampire créait un grand vide spirituel, ce qui était pourtant assez facile à prévoir en réfléchissant deux secondes au concept de non-vie. Heureusement qu’il n’y a pas de termes et conditions dans les Royaumes Mortels, ce serait un véritable carnage. Quoiqu’il en soit, Radukar se retrouve finalement isolé et encerclé au milieu des épaves pourries (je ne parle pas des vampires) du port, ce qui n’est pas une situation enviable. Le plan de Kritza est simple : mettre le feu à l’une d’entre elles et faire pousser le seigneur d’Ulfenkarn dans le brasier par le cordon de sécurité squelettique rameuté par Natasyia. Aussitôt dit, aussitôt fait. A moins que…

Début spoiler 2…A moins que ce rusé de Radukar ait flairé la combine à des kilomètre grâce à sa truffe de loup, et ait pris des mesures de contingence pour piéger les piégeurs. Il désactive ainsi les squelettes d’une simple commande vocale1, et fait signe à ses fidèles Ogors zombies de sortir des coulisses avec leurs pieux de fonction pour châtier les trublions. Ce retournement de situation pousse la clique de Kritza à tenter de rusher Radukar, avec des résultats… médiocres. Un peu plus réfléchie, Natasyia se saisit de la pelisse convoitée par son ex-patron, et fait mine de la jeter dans les flammes de l’épave s’il ne la laisse pas partir. Manque de bol, en tant que « fille » de Radukar, elle découvre bientôt que braver la volonté paternelle n’est pas une sinécure, et finit par apporter gentiment la fourrure au brasier, et elle avec par la même occasion, lorsque le pater familias lui ordonne. Reste Kritza, qui en tant que personnage nommé avec une figurine dispose d’une sauvegarde invulnérable en sigmarite, et se tire donc d’affaire avec son special move, l’effervescence murine. La nouvelle se termine sur ce tableau théâtral, Radukar jurant sur ses grands morts d’éradiquer la menace surmulote sans aucune merci. Prend des notes, Anne Hidalgo.Fin spoiler

1 : J’imagine que chacun squelette avait une dent bleue au fond de la mâchoire.

AVIS:

Nouvelle d’accompagnement du livre qu’il a consacré à la dynastie Vyrkos (‘Cursed City’), qui n’était lui-même qu’un produit dérivé de la boîte de jeu éponyme, ‘The Wolf and the Rat’ sent franchement le réchauffé. Les fortes contraintes scénaristiques avec lesquelles il a dû composer pour écrire cette nouvelle, dont tous les personnages nommés devaient réchapper, ont amené le vétéran Werner à nous servir de la soupe littéraire, qui n’intéressera à la rigueur que les lecteurs souhaitant creuser le lore d’Ulfenkarn, bourgade mineure de Shyish et bac(kground) à sable patenté. Mêmes les surprises que l’auteur souhaitait ménager en guise de twists finaux tombent à plat, faute d’alternatives crédibles à l’inénarrable trahison-du-bras-droit-secrètement-insatisfait, contrée aussi sec par la toute aussi fameuse prévoyance-de-vieux-briscard-qui-ne-faisait-que-donner-le-change-mais-qui-avait-tout-pigé-depuis-longtemps. C. L. Werner fait généralement beaucoup mieux quand on le laisse s’amuser avec des ratons, et on peut donc classer cette nouvelle parmi ses moins réussies pour le compte d’Age of Sigmar.

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A Tithe of Bone – M. R. Fletcher :

INTRIGUE:

A Tithe of BoneMarkash, champion de Tzeentch de son état et philosophe bavard à ses heures perdues (il commence la nouvelle en dictant ses pensées sur la destinée à son scribe Palfuss1) a été envoyé par ses patrons conquérir la ville de Knazziir, en Shyish, histoire d’apprendre à ce vieux chnoque de Nagash que le changement, c’est maintenant. Persuadé d’avoir hérité d’une destinée grandiose, il ne doute pas un instant de réussir là où son ancien mentor, le légendaire Ammerhan, a failli. Cet autre Élu de Tzeentch a en effet cessé de poster sur Instagram peu de temps après avoir commencé sa campagne necrophobe, ce qui laisse à penser que les indigènes ont eu sa peau, ou plutôt, ses os. Ayant réussi à enlever Knazziir en un après-midi de glorieux combat, Markash a passé les dernières semaines à la défendre contre les attaques, à vrai dire mollassonnes, des âmes damnées du grand Nécromancien, qui poppent au petit bonheur la chance de façon régulière. Cela lui laisse donc beaucoup de temps pour enrichir son corpus philosophique, même si son humeur reste, comme son épée démoniaque Ktchaynik2, massacrante (en témoignent les volutes de fumée noire exhalées par les joints de son armure). Alors qu’il était sur le point de revisiter ‘I Had a Dream‘ à la sauce samouraï architecte (du changement), il est interrompu dans son exposé par l’arrivée de son bras droit, le chevalier Stayn Lishik, qui lui annonce que des « morts bizarres » se sont présentés à la porte de Knazziir. Remisant ses souvenirs d’enfance dans sa psyché éclatée, Markash sort de son isolement pour voir de quoi il en retourne.

Effectivement, un petit groupe ossu patiente obligeamment devant les murs de la cité. Menés par un Mortisan Soulreaper très poli, les collecteurs de Nagash demandent que la dîme d’os leur soit remise. « Des os neufs » précise Morty, après que Markash lui ait fait remarquer que les alentours de la ville étaient tapissés de cadavres en plus en moins bon état. Le Nag’ ne fait pas dans la seconde main (ni pied, ni jambe, ni cage thoracique) pour son élite combattante, c’est bien connu. Peu impressionné par les envoyé mortifères, Markash décide d’aller se dérouiller les solerets et entraîne quelques uns de ses suivants avec lui – laissant la cité aux mains avides de Stayn Lishik en son absence – pour débiter de l’os à moelle. La bataille qui s’en suit se révèle cependant bien plus accrochée que ce à quoi s’attendait le champion de Tzeentch, qui voit ses guerriers se faire abattre, dépecer et recyclerpar les sac d’os, tandis que lui se trouve fort occupé à repousser les assauts d’un Necropolis Stalker en furie, dont l’un des aspects et des crânes se révèle être occupé par feu (rose de Tzeentch) Ammerhan. Après avoir mis son ancien professeur K.O./Chaos, Markash doit recommencer avec un duelliste Aelfe, un Stormcast Eternal, et une maîtresse bâtonnière bien vénère, qui prélèvent chacun un peu de son endurance et quelques éléments de son anatomie au passage. Finalement vainqueur de ce 1 vs 4 imprévu, et seul survivant de l’équipe anarchiste (je ne compte pas Palfuss, qui se contente de prendre des notes dans un coin), Markash exulte un court instant… avant de se faire prendre la tête d’un coup de faux par le Mortisan Soulreaper de garde. Pas très fair play, ça.

Par un étrange revirement de situation, peut-être dû à l’endroit où se déroule le récit, ce n’est pas la fin pour notre champion déchu, qui contemple d’un air (et d’un crâne) détaché son corps être collecté par les Ossiarchs, et sa tête incorporée au Stalker qu’il venait de vaincre, en remplacement de ce bon à rien d’Ammerhan. Sonné par l’expérience, il se « réveille » un peu plus tard dans son nouveau corps, totalement rallié à la cause du Nag’ grâce aux bons soins des Mortisans Soulmasons, qui ont remplacé toutes les mentions de Tzeentch dans son code interne par Nagash. Voilà un bel exemple d’économie circulaire appliquée. Les Soulmasons ne l’ont toutefois pas débarrassé de sa croyance en la destinée, et Markash se fixe donc le but de grimper dans la hiérarchie des Ossiarch Bonereapers jusqu’à devenir Katakros à la place du Katakros4. Il faut bien avoir des rêves dans la (non) vie. L’histoire se termine avec le retour de notre héros devant Knazziir, où il a le plaisir de défier en duel son ancien assistant de direction, qui n’a pas fait grand-chose pour venir à son secours lorsqu’il en avait eu besoin. Le combat entre un Markash calcifié et un Stayn Lishik sur-stuffé (il a récupéré l’épée de son patron) est rapidement expédié, et le vaincu mis à profit pour construire un petit Kavalos (triste destin pour un chevalier du Chaos). Comme quoi, il n’est jamais trop tard pour opérer une réorientation professionnelle dans le monde merveilleux d’Age of Sigmar.

1: Vu de loin, on aurait dit Hitler dictant ses pensées à Rudolf Hess, sauf que le livre se serait appelé ‘My Change’ au lieu de ‘Mein Kampf’.
2: D’où dérive ce cri de guerre bien connu: « Ktchaynik, Ktchaynik,Ktchaynik… Aïe Aïe Aïe ».
3: Les Ossiarch Reapers ont bien des défauts, mais ce sont les champions incontestés du tri sélectif des Royaumes Mortels.
4: Ce même sentiment le pousse à bolosser ses camarades de crâne, sur lesquels il a prouvé sa supériorité. Il existe donc dans les armées de Nagash un Necropolis Stalker qui n’utilise qu’un seul Aspect – l’aspect de Bogosserie – pour tataner ses adversaires. C’est ce qui s’appelle avoir une nuque roide. 

AVIS:

Soumission sympathique de la part de Michael Fletcher, A Tithe of Bone permet au lecteur d’en apprendre un peu plus sur la nouvelle faction des Ossiarch Bonereapers, et plus particulièrement, sur les mortels Necropolis Stalkers que notre héros finit par rejoindre, d’abord à sa tête défendante. Si le titre et la structure de la nouvelle permettent au lecteur d’anticiper le triste destin de Markash, que l’auteur arrive bien à « caractériser » dans les quelques pages qui précèdent sa dernière sortie en ville, le choix de Fletcher de poursuivre la narration après la décapitation de son héros, pour surprenante (dans le bon sens) qu’elle soit, lui permet d’explorer plus en profondeur les arcanes et le fonctionnement de troupes de choc de Nagash. On sort de cette nouvelle avec une meilleure idée du potentiel et de la dangerosité des Ossiarch Bonereapers, qui ne sont définitivement pas venus dans les Royaumes Mortels pour faire de la figuration. Do fear the reapers

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Voilà qui conclut cette revue de Conquest Unbound, et je me dois de terminer en soulignant que la qualité de cette anthologie m’a semblé être significativement supérieure à celle des autres recueils publiés par la Black Library ces dernières années. Certes, la sélection compte quelques points faibles (sur plus de vingt nouvelles, c’était couru d’avance), mais la grande majorité des soumissions méritent le détour. Ce constat concerne particulièrement les six inédits de Conquest Unbound, qui figurent tous dans la tranche haute des courts formats de la GW-Fiction, et font donc de ce bouquin une référence pour qui s’intéresse aux courts formats d’Age of Sigmar. Rendez-vous très prochainement pour la revue du pendant grimdark de ce pavé de high fantasy, Only War.

BLACK LIBRARY CELEBRATION 2020 [Recueil]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette critique du recueil Black Library Celebration 2020 (à ne pas confondre avec les nouvelles de la Black Library Celebration Week 2020, chroniquées ici). Avec un peu de retard, dû à la réception tardive de mon exemplaire VO, je vous propose donc d’analyser les six courts formats regroupés dans ce petit livret distribué largement et gratuitement par Games Workshop en célébration de la GW-Fiction.

Sommaire Black Library Celebration 2020

Un certain nombre (4 sur 6, pour être précis) de ces nouvelles ayant été critiquées par votre serviteur au cours des mois précédents, il n’est je pense pas inutile de préciser dès à présent ce que sera le contenu original de ce billet. En plus d’un retour sur Les Jardins des Plaisirs Mortels et Porteur de Tourments, vous aurez donc droit, pour chaque nouvelle, à un petit paragraphe qui s’attachera à discuter de la pertinence de son inclusion dans un recueil d’introduction à la Black Library, tel que celui-ci. On peut d’ores et déjà remarquer que Nottingham a fait les choses en grand cette année, en attribuant à chacune de ses franchises majeures (désolé Blood Bowl) une histoire. Cela compensera-t-il la « perte » d’un extrait de roman, comme cela avait été le cas en 2019 (je vois tout, c’est mon moindre défaut)? Nous n’allons pas tarder à le voir.

Black Library Celebration 2020

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Forsaken // Abandonnés D. Ware [40K]:

INTRIGUE:

Nous retrouvons la Sœur Augusta Santorus de l’Ordre de la Rose Sanglante, peu de temps après les événements couverts dans Forsaken. Toujours placée sous le patronage sévère mais juste de la Sœur Supérieure Veradis, l’escouade à laquelle notre héroïne appartient a reçu une nouvelle mission : assister à la reconsécration de la cathédrale de Clermont-Ferrand Caro, un ouvrage de cristal noir unique en son genre que la populace reconnaissante a élevé en souvenir de la victoire remportée il y a un millénaire par la Sœur Farus, elle aussi de la Rose Sanglante, sur l’infestation Xenos qui avait gagné cette petite lune1. Cette cérémonie est le point d’orgue des festivités organisées par les locaux pour célébrer le retour à la normale, et notamment la réouverture des fameuses mines de pierres précieuses dont Caro se targue. Et à ceux qui trouveraient que 1.000 ans, ça fait long pour passer le balai, je répondrai qu’obtenir un permis de détruire, puis un permis de construire, depuis le centre administratif du sous-Segementum, ça prend un certain temps, et que les travaux, on sait quand ça commence mais pas quand ça finit. Non mais. Toujours est il que nos pieuses Sœurs arrivent sur place, déposent leurs armes à l’entrée du lieu saint – car apparemment, il est blasphématoire d’entrer armé dans la maison de l’Empereur, comme tout Custodes vous ne le dira certainement pas2 – et pénètrent à l’intérieur de la nef, où une foule considérable s’est rassemblée pour assister à l’office.

Les Roses Sanglantes ont cependant à peine le temps de profiter du son et lumière grandiose qui s’offre à elle, et qui culmine en une conjonction astrale rarissime permettant à la rosace du chœur central de s’illuminer pour la première fois en mille ans (depuis le début de la construction de l’édifice, donc), qu’une tragédie s’abat sur la congrégation, sous la forme d’un Xenomorphe3 tyranide qui dégringole du plafond dans une cascade de verre brisé. 7 millénaires de malheur. Alors que la foule fuit piteusement les assauts meurtriers de la bestiole (sauf le Diacre en charge de l’office, tellement vénère d’être interrompu qu’il se met à injurier le maraud sans discontinuer : ça ne sert à rien mais c’est marrant), les Sœurs de Bataille réagissent avec leur efficacité coutumière, en opérant une retraite stratégique vers l’entrée de la cathédrale afin de récupérer leurs bolters et ainsi équilibrer les… Ah non. Sainte Barbie m’envoie une vision me prévenant que Verandis préfère envoyer la porteuse de bolter lourd repartir seule rechercher son arme, tandis que les autres membres de l’escouade engagent Tyty au corps à corps. J’avais oublié que nous étions dans une nouvelle de Danie Ware, où tout le monde est grand-maître de Krav Maga (sauf Verandis elle-même, qui préfère le judo et envoie donc son adversaire au tapis d’un Koshi Guruma bien senti).

Le combat qui s’ensuit, pour violent et sanglant qu’il soit, ne s’avère guère concluant. D’un côté, le Xenos bouge à la vitesse du son et est doté d’une force prodigieuse, ainsi que d’une chitine impénétrable pour les petites dagues que les Sororitas s’obstinent à utiliser contre lui, de l’autre, l’armure énergétique des meilleures de l’Empereur absorbent les horions de Tyty avec une facilité déconcertante (peut-être que les jets de sauvegarde se font sur un D66, ce qui rend le 3+ beaucoup plus favorable). Toujours est-il qu’il ne se passe pas grand-chose pendant quelques pages (un peu comme lors d’un corps à corps de la V3), jusqu’à ce que l’artilleuse de la sororité, une dénommée Leona, arrive avec son petit ami (Scarface like). Et là, c’est le drame. Doublement même. D’une part car l’une des Sœurs de Bataille, Pia, se retrouve dans la ligne de mire de sa comparse, et finit sa carrière en victime collatérale. C’est moche. Mais surtout, surtout, car Ware ose sortir un special move tellement débile et cartoonesque de la part de la même Pia, que l’Empereur a dû en faire des saltos dans le Trône d’Or. Jugez plutôt4. Hérésie ! HÉRÉSIE !! HÉRÉSIE !!! Toujours est-il que la douche de pruneaux explosifs finit par avoir raison de Tyty, qui mord enfin la poussière après avoir fait bien des dégâts (mais échoué à tuer la moindre Sœur).

L’orage étant passé, le temps du deuil et de l’exploration minutieuse des souterrains environnants afin de s’assurer que la grosse blatte était toute seule, arrive. Pour la petite histoire, il semblerait que c’est la lumière qui ait réveillé la bête au bois dormant, qui pionçait jusque là tranquillement… dans la voûte d’une cathédrale érigée il y a mille ans ? Et les ouvriers n’ont rien vu ? Quoi qu’il arrive, je pense que les habitants du coin peuvent faire jouer l’assurance, car il y a clairement eu malfaçon. En tout état de cause, le triste destin, ou martyr glorieux, de Soeur Pia fournit de quoi méditer à Augusta, qui n’oubliera plus de toujours garder avec elle son bolter. On n’est jamais trop prudente.

1 : La suite de la nouvelle nous apprend que les Xenos en question étaient des Tyranides. Comme une seule escouade de Soeurs de Bataille a suffi à les exterminer, on en déduit qu’ils sont venus en Kaptein plutôt qu’en vaisseau ruche.
2 : Et comme la même Santorus ne le fera certainement pas non plus lors de son exploration de la cathédrale de Mercy. En même temps, la leçon qu’elle s’apprête à recevoir l’a sans doute marquée.
3 : J’utilise cette dénomination peu précise car Ware n’identifie jamais clairement la bestiole. Ça pourrait tout aussi bien être un Carnifex qu’un gros Hormagaunt.
4 : Jugez aussi de la manière parfaitement naturelle dont la Sœur Supérieure donne l’ordre d’agir à sa Novice. À croire que c’était répété à l’entraînement.

AVIS:

Danie Ware persiste et signe avec ce nouvel épisode de la saga full contact d’Augusta Santorus, poussant encore un peu plus loin le concept du « jeu de main, jeu de vilain ». En clair, ses héroïnes sont tellement imprenables au corps à corps qu’elles pourraient sans problème mettre à Abbadon la tête dans le slip (malgré le fait qu’il soit en armure Terminator et qu’il ait un énorme catogan), si jamais ce dernier avait le malheur de croiser leur chemin. Donnez ne serait-ce qu’une épée tronçonneuse rouillée à ces viragos, et je vous garantis que la Cicatrix est fermée dans les 20 minutes qui suivent. On aime ou on déteste (je pense que mon choix a été fait de façon sans équivoque), mais c’est définitivement une caractéristique propre au style de Ware qui est ici à l’oeuvre. D’une certaine manière, j’ai hâte de lire la suite, comme le cinéphile déviant a hâte de voir Sharknado 7.

Si on veut aller plus loin dans la critique, on peut également noter que, slapstick mis à part, l’intrigue même de la nouvelle est friable. Qu’il s’agisse des mille ans de stase de la cathédrale, de l’exploit inaugural de Sœur Farus (et de sa sidekick Neva, citée une fois et passée à la trappe), de l’approche tactique du combat des Sororitas, ou du réveil opportun du petit ranide, rien ne semble pouvoir résister à un examen soutenu dans cette histoire. Heureusement que la sortie des Sœurs de Bataille en plastique est venue rendre euphorique tous les fans : « gagner » une Danie Ware comme auteur assermentée de faction aurait mis un coup fatal au moral de cette communauté qui a connu plus que son lot d’injustices (et James Swallow en faisait partie, encore que pas à ce niveau). Il ne reste plus qu’à espérer que Rachel Harrison a, elle, fait le job.

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Si votre première rencontre avec les Sœurs de Bataille dans la GW-Fiction s’est fait par l’intermédiaire de Danie Ware, vous êtes peu chanceux. N’allez pas croire que les filles de l’Empereur sont capables de coucher d’une baffe bien sentie n’importe quel adversaire, quel que soit sa taille, son poids et sa férocité, grâce aux supers pouvoirs accordés par leur foi en l’Empereur: Warhammer 40.000 ne fonctionne pas comme ça. Ou, tout du moins, quand il le fait – ça s’appelle un miracle -, les formes sont généralement respectées, ce qui n’est pas le cas ici.  Bref, un très mauvais choix de la part de la BL que d’avoir claqué sa cartouche (ou son bolt, si on veut rester dans le thème) 40K avec cette soumission très peu mémorable, ou fidèle à l’univers qu’elle est sensée illustrer.

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Dead Drop // Colis Mortel M. Brooks [NDA]:

INTRIGUE:

La libre circulation des biens et des personnes n’étant pas un concept très familier aux autorités impériales, il est parfois nécessaire de recourir à des expédients un brin hasardeux, pour ne pas dire folkloriques, pour acheminer des marchandises à la légalité douteuse jusqu’à leur acquéreur. Sur ce sujet, Necromunda n’est guère mieux lotie que les autres planètes de l’Imperium, les zélés douaniers du Gouverneur Helmawr prenant un malin plaisir à inspecter les cargaisons qui auraient gagné à rester secrètes. Conséquence de cette absence scandaleuse de libre échange, il arrive que des colis d’un genre particulier soient expédiés directement dans les Désolations de Cendres qui entourent la Ruche Primus, dans l’attente du passage d’un gang coursier qui se chargera de la livraison à domicile contre espèces sonnantes et trébuchantes. C’est moins précis, mais parfois plus rapide, que Mondial Relay, notez. Le hic est que la profession est totalement dérégulée, et qu’il arrive souvent que plusieurs bandes convergent vers le même paquet, avec des résultats généralement sanglants. C’est précisément ce qui se passe ici, les Road Dogs (Clébards Routards en VF) du leader1 Danner Grimjack (Moroz en VF) tendant une embuscade aux Steel Crescents de la Maison Van Saar afin de subtiliser aux geeks du sous-monde, la précieuse cargaison qu’ils avaient looté dans le désert.

Ayant révisé leur enchaînement accélération/embrayage et maté en boucle Mad Max: Fury Road pendant le week-end précédent, les Road Dogs s’abattent sur leurs proies comme un Ambull affamé sur un Crawler grassouillet, et harponnent sans coup férir l’utilitaire contenant le colis, dont ils se rendent maîtres après quelques échanges de tirs. L’opération, déjà endeuillée par la disparition tragique du fameux Sideswipe Eddy (mais si, Sideswipe Eddy quoi, ou Eddy Queue de Poisson en VF), manque cependant de tourner au fiasco lorsque la camionnette de location des Steel Crescents file droit vers la falaise la plus proche, la hampe de harpon ayant traversé et le volant, et le conducteur, venant prendre en défaut la robuste direction assistée des véhicules de Necromunda. Resté sur place plus longtemps qu’il n’aurait dû pour récupérer les restes mortels de son camarade (on n’abandonne pas Sideswipe Eddy, jamais) et mettre en marche son sécateur tronçonneur, le Juve Mungles se retrouve en mauvaise posture, pendu à bout de bras à un affleurement rocheux dépassant de la paroi de la falaise. Et il a beau hurler « j’veux pas des cendres » (on est dans les Désolations Cendreuses après tout), il semble que les Road Dogs sont bons pour une deuxième perte malgré l’intervention altruiste de Grimjack et sa cordelette moisie, jusqu’à ce que le reste du gang arrive et aide le boss à hisser le stagiaire sur le plancher des groxs. Chez les Orlocks, on est solidaires.

Cette menue péripétie évacuée, il est temps pour les Doges d’aller écouler leur bien mal acquis. Ayant récupéré un jeton portant la marque de Caradog Huws, un receleur de quelque renom dans le sous-monde, dans le food truck de leurs rivaux, les pirates décident fort logiquement d’aller proposer au trafiquant de leur racheter sa cargaison. Il leur faut pour cela affronter l’heure de pointe sur les Voies Arachnéennes, le périf de Necromunda, pour atteindre la Porte de la Chapelle Cendreuse, et plus précisément le charmant patelin de Port Mad Dog (ça commence à faire beaucoup de -dog), où ils disposent d’une planque pratique chez Deeno, méchano amateur et ancien membre du gang avant que la perte de sa jambe ne le force à se ranger des voitures. Rendant un hommage ému à Sideswipe Eddy et promettant de lui offrir très prochainement les funérailles nationales qu’il a amplement méritées, Grimjack et ses mastiffs empruntent les tunnels clandestins sillonnant le sous-sol poreux de Necromunda pour émerger à Dust Falls, où ils espèrent pouvoir une bonne âme qui leur indiquera la localisation de l’échoppe de Huws. Même si Grimjack fait chou blanc2, Mungles revient avec l’information nécessaire, et les Road Dogs se rendent prestement devant la porte supposée de l’Outlaw’s Deep…

Début spoiler 1…L’endroit a beau sembler parfaitement abandonné, ça ne décourage pas les Orlocks de tenter leur chance, ce qui au final ne paie pas. Mungles était en fait un indic bossant sous couverture pour les Enforcers, et a mené ses comparses droit dans un piège. Sommé par la maréchaussée de coopérer sous peine de se voir offrir une démonstration gratuite de fusil à pompe anti-émeute, Grimjack est contraint de remettre aux Arbites son magot. Aussi impatients que le lecteur de savoir enfin ce qui se cache dans la caisse trimballée de droite et de gauche depuis le début de la nouvelle, les flics dégainent leur pied de biche et en font sauter le couvercle, et là, ô surprise, ils se retrouvent nez à nez avec…Début spoiler 2…une boîte de tarama éventrée. Non, sans déconner. Bon, ok, ce sont des grappes d’œufs Xenos, mais vu l’absence très probable de morues3 sur Necromunda, ça revient au même. Déception (surtout pour le Spirien qui devra manger ses toasts tout secs, m’est avis). Il semble toutefois que quelques uns des pensionnaires de la caisse aient éclos avant terme et se soient faits la malle (ce qui est une douce ironie), à en croire les traînées de bave qui s’éloignent dans le sous-monde. Ca ne change pas grand-chose pour les Road Dogs toutefois, dont la complicité dans l’importation d’espèces Xenos rend passible de la peine de mort. Necromunda, c’est vraiment l’Australie post-apocalyptique en fait. Réalisant qu’il ne pourra pas tenir la promesse faite à SideswipeEddy, Grimjack décide de partir sur un coup d’éclat et réalise au débotté une trachéotomie assez grossière de cette balance de Mungles à l’aide du pied de biche subtilisé à un Enforcer hébété. Le rideau tombe sur nos protagonistes alors que gendarmes et voleurs règlent leurs comptes par pétoires interposées, affrontement dont les Road Dogs ont peu de chances de sortir vainqueurs malgré toute leur bonne volonté. Qu’importe, tant que chez les Orlocks, on reste solidaires.Fin spoilers

1 : L’usage de ce terme neutre n’est pas anodin. Brooks utilise en effet le pronom « they » à l’encontre de son héros, ce qui indique sa non-binarité. À noter que l’antagoniste de sa nouvelle ‘A Common Ground’ était également genderqueer. 
2 : Quand un être patibulaire vous aborde dans la rue pour demander son chemin et que vous ne savez même pas si vous devez l’appeler Monsieur ou Madame – et supputez qu’il prendrait mal d’être misgenré -, il est plutôt normal de répondre que l’on ne sait pas.
3 : Et pas de blagues sur les Escher, hein. On reste classe dans une nouvelle où apparaît Sideway Eddy.

AVIS:

Offrant au lecteur une excursion en plein air le temps d’une attaque de diligence, ou ce qui s’en rapproche le plus à Necromunda, Dead Drop est une variation appréciable de la nouvelle classique de ce sous-genre, permettant à Brooks d’explorer un peu de l’arrière-pays de la ruche Primus. Si les amateurs de suspens risquent de ressortir un peu déçus de cette lecture, le contenu de la caisse mystérieuse ne cassant pas trois pattes à un Van Saar, cette soumission brille en revanche par l’illustration qu’elle fait de la mentalité particulière des Orlocks, sans doute la Maison la plus sympathique du sous-monde en raison de la profonde solidarité qui unit ses membres. Dans les ténèbres d’un lointain futur, il semble que les concepts d’amitié, de sincérité et de confiance désintéressées ne soient pas totalement morts, ce qui offre une respiration bienvenue entre deux doses de grimdark vraiment sombre. Enfin, et c’est assez rare pour que je le souligne, j’ai trouvé la lecture de cette nouvelle sensiblement plus ardue que la publication moyenne de la BL, l’utilisation du pronom « they » (qui n’évoquera rien au lecteur francophone de but en blanc) et de tournures familières/argotiques par Mike Brooks compliquant l’entreprise. Rien d’insurmontable ceci dit.

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Si on peut arguer que Necromunda ne consiste généralement pas (ou pas encore) en des courses de quad à la Mad Max dans les plaines radioactives qui entourent la cité-ruche, il faut tout de même reconnaître que Brooks arrive à faire passer l’esprit de la franchise dans sa nouvelle: la vie de gang, ses dangers, ses relations hiérarchiques et amicales, mais également les rapports compliqués et souvent mortels que les différentes Maisons entretiennent avec les forces de l’ordre… tout y est, et c’est bien l’essentiel. De façon un peu plus « macro », le choix d’intégrer cette nouvelle dans un recueil introductif se révèle intéressant car il met le lecteur en présence d’un style narratif différent du traditionnel « BL-Style » que l’on retrouve partout ailleurs. Les tournures argotiques utilisées par Brooks colorent son récit, et ajoute au plaisir de lecture, en plus de démontrer que la BL est capable, de temps en temps, de varier son approche. Ce n’est pas souvent, certes, mais c’est mieux que rien. Enfin, on notera que le héros non-genré (si vous pensiez que les « iel » étaient une faute de frappe récurrente, vous aviez tort) est également un parti pris fort de la part de Brooks, et de la maison d’édition qui le publie. Necromunda est une franchise où la diversité n’est pas un vain mot!

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The Garden of Mortal Delights // Le Jardin des Plaisirs Mortels – R. Rath [AoS]:

INTRIGUE:

The Garden of Mortal DelightsNotre histoire prend place sur une île de Ghyran, où le seigneur slaaneshi Revish l’Epicurien tient cour et jardin. Contrairement à la majorité de ses collègues cultistes, Revish s’intéresse davantage aux plaisirs de la chère qu’à ceux de la chair, et occupe donc une bonne partie de son temps à se délecter des mets les plus recherchés et exotiques, comme le foie gras d’un homme de foi, ou encore les gariguettes bio dynamiques et permacultivées produites ultra-localement par bouturage sur des Dryades préalablement décapitées. Comme il fallait une petite main verte à notre gourmet pour s’assurer du bon approvisionnement de son garde-manger, et qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même un esclave hautement qualifié, notre Hannibal Lecter med-fan s’est assuré les services, pas vraiment librement consentis, d’une sorcebranche du nom de Wilde Kurdwen, capturée avec ses sœurs étêtées lors d’un raid sur un bosquet mal gardé. Bien qu’il lui en coûte, et qu’écouter les greffons décérébrés de ses congénères réciter en boucle leur jingle de bataille1 lui file un bourdon pas possible, Kurdwen a accepté le CDI gracieusement offert par son geôlier, et lui fourni légumes, fruits et baies de première qualité.

À l’occasion de la punition d’un larbin qui avait eu la mauvaise idée de grignoter quelques mûres ne lui étant pas destinées, Revish accompagne sa jardinière dans un petit tour du propriétaire, qui leur donne l’occasion de discuter des différences philosophiques entre hédonistes et botanistes. Kurdwen en profite également pour présenter à son boss son nouveau projet : la culture de graines âmes, qu’elle voit comme la première étape d’une future alliance entre Slaaneshi et Sylvaneth contre les armées de Nurgle qui ravagent Ghyran. Jouant sur la fibre paternaliste de Revish, elle use de tous ses charmes végétaux pour plaider sa cause auprès de l’Epicurien, qui se montre finalement assez intéressé par cette joint-venture bouture. Cependant, le projet est accueilli avec une froideur palpable par sa girlfiend Sybbolith2, plus intéressée par la quête de Slaanesh que par le reboisement à impact social. Suspectant que l’apathie gloutonne de Revish est le fruit (mouahaha) des minauderies de Kurdwen, Syb’ convainc ce dernier de placer la sorcebranche devant un choix qui lui permettra de juger de sa véritable allégeance : lorsque Revish revient le lendemain, accompagné par quelques guerriers de sa garde personnelle, il demande à la dryade de lui remettre la graine âme expérimentale qu’elle a fait pousser dans son coin, afin qu’il puisse la déguster. Un refus de sa part signifierait que la loyauté de Kurdwen n’est pas aussi absolue qu’elle voulait lui faire croire. Et devant le peu d’enthousiasme manifesté par la semencière à la demande cannibale de Revish, il semble bien que les carottes soient cuites pour la préposée aux espaces verts…

Début spoilerN’ayant guère le choix, Kurdwen remet finalement la précieuse cosse à Revish afin que ce dernier puisse y prendre un croc… qui lui est retourné, à sa grande surprise, par l’occupant de la gousse. Fort mécontente de cette mise au monde prématurée, l’âprelarve qui sommeillait dans la graine âme roule en effet un gros patin mandibulé à Revish, ce qui a pour effet de lui arracher un sourire, et la moitié du visage par la même occasion. Comprenant qu’il a été roulé dans la farine de châtaigne, le nabab navré s’élance à la poursuite de la sorcebranche, qui peut cependant compter sur le soutien d’une petite armée de Dryades, soigneusement cultivées depuis les étrons de Revish (on fait avec ce qu’on a).

Dans la bagarre qui s’en suit, Revish a l’occasion de se dérouiller un peu les haches en abattant les végétaux hostiles ayant envahi son île, perdant au passage la totalité des guerriers (dont Sybbolith, qui fait prudemment retraite sur le continent après avoir croisé le chemin d’un Homme Arbre nouveau-né à l’écorce trop épaisse pour son fouet de dominatrice), avant de se retrouver en face à face avec Kurdwen. Sans doute un peu fatigué par sa session de bûcheronnage intensive, l’hédoniste se fait hameçonner par sa prisonnière sans coup férir, et se retrouve ligoté sur son trône jusqu’à ce que mort s’en suive. Des décennies plus tard, les (sans doute rares) visiteurs de l’île peuvent en effet admirer une armure et un crâne à moitié absorbé par un chêne gigantesque. D’engraisseur à engrais, finalement, il n’y a que quelques lettres…Fin spoiler

1 : La légende raconte qu’il s’agit de la musique d’attente du standard téléphonique d’Alarielle.
2 : Que la traduction française a criminellement choisi de ne pas baptiser Ciboulette. C’était l’occasion pourtant.

AVIS:

Robert Rath réussit son coup, et son entrée dans Age of Sigmar, avec The Garden of Mortal Delights, qui offre au lecteur une exploration intéressante à plus d’un titre des particularités du lore de cette franchise. Mariant à la fois concepts intrigants mais tout à fait dans l’esprit du fluff (les Dryades servant de substrat aux plantations personnelles d’un slaaneshi gourmet) et mise en relief d’aspects développés dans les Battle Tomes mais pas encore trop dans la GW-Fiction (les différents courants de pensée à l’œuvre chez les hédonistes ; Revish étant un Invader – assez casanier sur ses vieux jours – alors que Sybbolith est une Godseeker pur jus), cette nouvelle est une vraie bonne surprise, qui illustre bien le potentiel dont dispose le background des Royaumes Mortels, dès lors qu’il est confié à un auteur inventif et concerné. Prometteur pour Robert Rath, qu’il faudra suivre à l’avenir.

ET POUR LES NOUVEAUX ?

On aurait pu s’attendre/craindre que la BL choisisse de mettre en avant ses têtedegondolesques Stormcast Eternals dans la nouvelle consacrée à Age of Sigmar du recueil. Il n’en est rien, et c’est tant mieux si vous voulez mon avis. Rath fait un beau boulot d’introduction à deux factions un peu moins connues du grand public, ce qui devrait donner envie au lecteur d’aller à leur découverte dans le reste de la littérature, relative au jeu ou au background, de cette franchise. Ni trop simpliste, ni trop spécialisée, cette nouvelle a tout à fait sa place dans un recueil tel que celui-ci.

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The Heart of the Fallen // Le Cœur du Vaincu S. Cawkwell [WRY]:

INTRIGUE:

Dans les grandes plaines du Bloodwind Spoil, une double traque est en cours. Pendant qu’un mystérieux chasseur poursuit sa proie dans les étendues sauvages, trois jeunes guerriers Untamed Beasts, le sensible Dhyer et les frère et sœur Open Skies et Fleet-Foot, sont à la recherche du frère ainé du premier, un pisteur bravache du nom de Sharp Tongue. Ayant juré de traquer l’une des grandes bêtes qui hantent le territoire de la tribu afin de prouver sa valeur et de gagner en prestige, Langue de P*te est parti en solitaire il y a quelques jours, et son frangin s’inquiète de ne pas le voir revenir. Comme quoi, on peut vénérer une divinité chaotique assoiffée de sang1 et avoir le sens de la famille.

Les deux pistes finissent par converger à l’entrée d’une caverne d’un genre un peu particulier. Non pas qu’elle semble être un organisme géant, avec mur fourré (et probablement moquette du même acabit), ventilation pulmonaire et œils-de-bœuf plus vrais que nature. C’est finalement assez commun dans la région. C’est plutôt qu’elle possède des caractéristiques hydrographiques a priori inconciliables, la marque d’une véritable bénédiction des Dieux Sombres si vous voulez mon avis. Les Castueurs Juniors relèvent des indices de lutte, dont une dent humaine traînant dans la poussière, révélant que leur cher disparu n’est sûrement pas loin (et en effet, il a dû négocier un pétunia un peu envahissant à son arrivée dans la grotte, qui lui a prélevé quelques PV au passage). Redoublant de prudence, ils finissent par arriver dans une salle occupée par un lac de boue, au milieu duquel, unis dans la mort, se trouvent les cadavres d’un chasseur Untamed Beast et du monstre qu’il a tué avant de périr. Et quel monstre! Il s’agit rien de moins que d’un fort beau spécimen de Raptoryx2. On ne rigole pas dans le fond! Les ornithorynques du Chaos peuvent être dangereux quand ils sont acculés, et ce n’est pas Sharp Tongue qui soutiendra le contraire, raide mort qu’il est.

Bien qu’un peu tristes de cette conclusion tragique, US Open, Flip Flop et D’ailleurs décident de rendre au défunt l’hommage qu’il mérite, en dévorant rituellement son cœur afin de bénéficier de la force du macchabée. Le buffet froid est toutefois brutalement interrompu par le réveil du Raptoryx, qui, malgré la lance lui traversant le gésier de part en part, était loin d’avoir dit son dernier coin. La triplette de ploucville n’a guère le choix: il faut finir le boulot que ce peine-à-occire de Sharpie a salopé pour espérer sortir de l’antre de la bête. Malgré leur habileté à la sagaie en os, la hachette en silex et la dague en onyx, les Untamed Beasts ne s’en sortent pas indemnes, et Open Skies change rapidement son nom en Open Guts. Son sacrifice n’est toutefois pas vain, sa sœur et son (probablement futur) beauf combinant leurs forces pour euthanasier l’impossible palmipède. La nouvelle se termine sur un nouveau gueuleton, obligeamment offert par Open Skies, qui dans la mort comme dans la vie, avait le cœur dans la main (même si, ironiquement, c’est du coup aussi vrai de Dhyer et Fleet-Foot). Mais alors que nos tourtereaux se préparent à prélever le foie gras proprement monstrueux de leur proie, les eaux du pédiluve boueux se mettent de nouveau à trembler3

D’ailleurs Cawkwell insiste pour appeler le Grand Dévoreur ‘Eater of Worlds’. Ca ne vous rappelle rien? Peut-être qu’Angron vient chiller dans les Huit Pointes lorsqu’il se fait expulser du Materium par les Chevaliers Gris. 
Sachant que l’individu moyen arrive à l’épaule d’un être humain, celui-ci devait être aussi grand qu’un homme. Bon, ce n’est pas Thornwinder contre Harrow (voir The Devourer’s Demand), mais tout le monde ne peut pas se battre contre des vraies créatures semi-divines. 
Et? Eh bien rien du tout. Ça se termine vraiment comme ça. Étrange.

AVIS:

Je suis un peu partagé au sujet de ce Heart of the Fallen. D’un côté, il m’est agréable de constater que Sarah Cawkwell ne semble pas partie pour retomber dans ses travers Hammer & Bolteresque, sa nouvelle étant solidement construite et, mises à part quelques incongruités (comme la caverne à la sécheresse humide) et erreurs de fluff (le Raptoryx présenté comme un prédateur solitaire alors qu’il a littéralement une règle qui indique qu’il chasse en meute – oui, je suis chiant -), somme toute assez mineures, plutôt agréable à lire. De plus, l’effet de nouveauté de Warcry joue encore à plein, justifiant d’autant plus la lecture de ce genre de soumissions, intrinsèquement originales (ce que ne peuvent pas dire les nouvelles de Space Marines et Stormcast Eternals qui constituent l’ordinaire de l’habitué de la BL). De l’autre, je suis assez déçu de la platitude de l’intrigue, alors que tout semblait indiquer qu’un twist final viendrait récompenser le quidam à la fin de la nouvelle. Jugez plutôt: et si le mystérieux chasseur, qui se révèle au final n’être que ce fier-à-bras-cassé de Sharp Tongue, avait été un guerrier d’un autre tribu que celle de nos héros, et que la bête qu’il traquait avait été Sharp Tongue, horriblement muté par le Chaos? J’avoue que je m’étais drôlement hypé sur cette hypothèse, que le refus catégorique de Cawkwell de nommer son premier protagoniste m’avait fait soupçonner, puis espérer, jusqu’à ce que le pot aux roses soit découvert. On ne me retirera pas de l’esprit que Heart of the Fallen aurait eu plus d’allure avec ce petit retournement de situation final, tout à fait grimdark dans l’esprit. Et puisqu’on parle de conclusion, ce qu’a voulu faire Cawkwell en achevant son propos sur ce que j’interprète comme l’arrivée d’un nouveau monstre dans la mare au canard (mais quel canard), sans plus de précisions ni d’indications sur son origine, m’échappe encore à l’heure actuelle. La nuit porte conseil paraît-il, alors…

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Inclure une nouvelle traitant de Warcry, franchise de niche par définition, dans un recueil introductif, est un choix fort de la part de la Black Library. Pour avoir lu la totalité des nouvelles appartenant à ce petit coin, pas vraiment paradisiaque, des Royaumes Mortels, je pense que d’autres avaient plus leur place dans cette anthologie que ce Coeur du Vaincu, ne serait-ce que parce que cette histoire ne présente qu’une seule faction, alors que d’autres mettent aux prises deux, voire trois tribus de castagneurs de la banlieue lointaine de Varanspire. En conclusion, rien de rédhibitoire, mais il y avait moyen de faire mieux (notamment Proving Ground de la même Cawkwell).

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Bringer of Sorrow // Porteur de Tourments A. Dembski-Bowden [HH]:

INTRIGUE:

Bringer of SorrowAlors que sur Terra, tout le monde se prépare à l’arrivée des horribles hordes horusiennes (Ho ho ho), nous retrouvons un couple de personnages des plus singuliers, coincés sur le Monde Trône par la force des choses. À ma droite, le génial mais asocial au plus haut point Arkhan Land, techo-archéologue de renom et polymathe à ses heures perdues, en plus d’être très certainement l’idole absolue de cet arriviste de Cawl. À ma gauche, le Capitaine Blood Angels Zephon (peut-être nommé ainsi à cause de sa tendance aux flatulences), victime d’une maladie auto-immune ayant conduit son organisme à rejeter ses implants de Space Marines, et assigné à l’inauguration des chrysanthèmes par sa hiérarchie en conséquence depuis quelques années. Une bien triste mise au placard pour le fameux Porteur de Tourments de la Grande Croisade!

Ayant fraternisé à l’occasion de la Guerre dans la Toile, à laquelle ils ont participé dans la mesure de leurs moyens (‘Le Maître de l’Humanité‘), les deux méta-hommes contemplent l’arrivée de la Légion de Sanguinius, qui n’est pas sans arracher quelques larmes de joie à ce fragile de Zephon. Land, qui est un être rationnel, lui, ne comprend pas bien la cause de ces épanchements hormonaux, démonstration imparable à l’appui. Qu’importe, Zephon est la patience et la bienveillance incarnées, et le techo-archéologue n’est pas loin de considérer le grabataire en armure rouge qui sert de perchoir à son psyber-macaque (les Jokaero, ça fait vraiment peuple) comme un ami, ce qui l’amène à lui proposer – à trois reprises car Zeph’ n’écoutait pas les deux premières – une séance de chirurgie réparatrice, ce que l’Astartes accepte de grand cœur.

Un peu plus tard, dans le laboratoire de Land, ce dernier débute une opération de grande ampleur visant à remplacer les ressorts de sommier, tringles à rideau et autres rustines en chewing-gum qu’il a mis à profit pour remettre sur pied son comparse lorsque les démons sont venus toquer à la porte pendant que Pépé était sur le trône. Pour efficace que se soit avéré ce bricolage, en effet, les conséquences de long terme pour Zephon ne se sont pas avérées plaisantes. Mettant à profit ses connaissances scientifiques poussées, son approche radicalement hétérodoxe (pour ne pas dire hérétique) du problème, et sa réserve personnelle de gadgets récupérés de ci de là au cours de ses fouilles précédentes (dont un implant cérébral très probablement piqué à un homme de fer), Land parvient à retaper à neuf le Blood Angel, qui déborde donc de gratitude à sa sortie de catalepsie. La pureté du moment est toutefois battue en brèche lorsque Zephon se rend compte que l’intervention du Martien en exil a été motivée, non pas par son sens de l’amitié, mais par son désir d’obtenir une entrevue avec Sanguinius pour le convaincre d’aller botter le joint de culasse du séditieux de Kelbor-Hal, ce que ce jean et jaune foutre de Dorn s’est montré incapable de faire. Blessé dans son for intérieur par la froideur de Land, Zephon promet toutefois de faire ce qu’il peut pour organiser la rencontre.

Quelques jours après cette opération à corps ouvert, Big Nose et son ouistiti attendent dans l’antichambre de la suite Aphelion, réquisitionnée par l’Ange pour la durée de son séjour sur Terra. Lorsqu’un membre de la Garde Sanguinienne se pose à ses côtés pour lui signifier que le Primarque attend son bon plaisir entre l’EAP de Raldoron et son Skype avec le Khan, Land ne met pas longtemps à comprendre que derrière l’armure clinquante et le masque doré du Rocket Man se cache Zephon, réintégré dans ses fonctions actives à la suite d’une visite médicale apparemment concluante. Ce qui fait chaud à son petit cœur de Martien, tout de même.

AVIS:

Exercice de style plus drolatique que dramatique de la part d’ADB, cette petite nouvelle remet en scène deux personnages déjà utilisés par l’auteur dans des travaux précédents, et permet à ce dernier de souligner un peu plus l’opposition/complémentarité fondamentale entre le noble, droit et émotif Zephon, et l’acariâtre, rationnel mais néanmoins génial Arkhan Land. Parfait en mouche du coche protégé par ses relations hauts placées (il a causé à l’Empereur, tout de même) et totalement étranger à la moindre notion de savoir-être et d’entregent, le Arkhan le Martien révèle un côté un peu plus sombre de sa personnalité sous la plume de Dembski-Bowden. De son côté, Zephon a bien du mal à sécuriser sa place d’autre personnage principal, concurrencé bassement par le singe adoptif de son comparse et la mention de Diocletian. C’est dire s’il est charismatique. Bref, un petit extra littéraire sans grandes conséquences pour l’Hérésie avec un grand H, mais qui bénéficie du savoir-faire d’ADB pour faire passer un bon moment au lecteur. 

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Comme Warcry, l’Hérésie d’Horus me semble être la chasse gardée des hobbyistes vétérans, tant le bagage fluffique nécessaire à la bonne appréciation des nouvelles se déroulant dans cette franchise s’avère conséquent. Au fur et à mesure que se rapproche la fin de l’Hérésie, ce constat ne fait que se renforcer, et ce Porteur de Tourments en est la parfaite illustration. Si toi, lecteur, tu ne sais pas qui est Arkhan Land, ce qu’est la Guerre dans la Toile, ou pourquoi notre matois de Martien a bien mal choisi son Primarque pour pétitionner la reprise de la planète rouge, il ne te reste pas grand-chose à apprécier, voire à comprendre, dans cette nouvelle. Certes, ADB a une belle plume, et les tenants et aboutissants de l’intrigue sont facilement saisissables, mais je ne suis pas convaincu que cela soit suffisant pour pousser les nouveaux venus dans les bras – puissants et fermes – du 31ème millénaire. C’est triste à dire, mais inclure de façon systématique La Tour Foudroyée dans un recueil introductif me semble être une décision bien plus sage de la part de Nottingham s’ils souhaitent recruter de nouveaux fanboys et girls. La marche est ici bien trop haute.

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The Hunt // La Traque D. Annandale [WHR – AoS]:

INTRIGUE:

Il y a des réalisations qui peuvent déprimer même le plus optimiste et enthousiaste des individus. Dans notre morne quotidien grimdull, cela peut être le changement climatique, la corruption politique ou la 16ème place du DFCO1. Pour les hardis habitants des Royaumes Mortels, les raisons peuvent s’avérer un peu plus exotiques, comme c’est le cas pour notre héros, le Chasseur de Sorcières Bered Ravan. La déprime de notre fier Répurgateur est en effet causée par le constat implacable qu’une véritable marée de Spectres renfrognés, qu’il est le seul à voir et à entendre, se rapproche insensiblement de lui chaque nuit. À la tête de cet ost sépulcral, une Banshee fort en voix n’en finit plus de roucouler, empêchant Bered de jouir du sommeil réparateur auquel chaque honnête citoyen sigmarite a droit. Bien que notre homme ignore la raison pour laquelle Casper et sa famille élargie en ont après lui, il se doute qu’il a peu de chances de pouvoir plaider sa cause une fois que les ectoplasmes lui auront mis la main dessus, ou plutôt, au travers. Vivant sur du temps emprunté, et ne pouvant que constater à chaque crépuscule l’approche inexorable de ces hordes diaphanes, Bered tire logiquement une tête de six pieds de long, ce qui ne l’empêche pas de répondre à l’appel du devoir lorsque nécessaire.

C’est donc avec empressement que l’inquisiteur répond à la sollicitation de la marchande Thevana Pasala, une ancienne connaissance avec laquelle il a rompu toutes relations il y a de cela bien des années, et pour une excellente raison : alors que tous deux servaient dans la milice locale de leur cité natale, Everyth, soumise aux déprédations régulières des bandes chaotiques de la région avant que Sigmar ne lance sa fameuse royaumetada, Bered fit le choix de déserter son poste de défenseur de la forteresse de Grenholm, assiégée par les séides de Nurgle, pour aller rejoindre les Stormcast Eternals fraîchement matérialisés. Thevana, elle, fit honneur à son serment et combattit jusqu’à la chute du bastion, dont elle fut l’une des rares survivantes. Rongé par la honte et le remords, Bered s’est tenu à distance de son ancienne amie pendant des lustres, mais accepte volontiers d’aller lui rendre une visite professionnelle, découvrant avec un soulagement non feint par la même occasion que la belle ne lui tient pas rigueur de son parjure. Voila qui fait la journée de notre homme, la nuit étant, comme dit plus haut, une toute autre affaire.

Si Thevana l’a fait venir, toutefois, c’est avant tout parce qu’elle a des preuves de l’existence d’un culte chaotique local, comme l’illustrent les gravures profanes retrouvées au flanc des tonneaux de vivres qu’elle comptait expédier à Mhurghast pour soutenir l’effort de guerre. Comme on peut l’imaginer, ces dégradations païennes ont eu un effet délétère sur la nourriture contenue dans les fûts, et la catastrophe n’a été évitée que de justesse (on suppose que les procédures de rappel de marchandises sont aussi efficaces dans les Royaumes Mortels que dans notre bas monde). Sans piste sérieuse à exploiter, Bered décide de rendre une petite visite au tonnelier fournisseur de sa comparse, qui a la mauvaise idée de ne pas faire de discrimination à l’embauche, suscitant de fortes suspicions de la part de notre intolérant zélote. Ayant fait sortir tout le monde pour mieux pouvoir inspecter l’atelier, Bered se fait surprendre dans ses recherches par un cultiste empressé mais maladroit, que notre héros occit d’un bon coup de torche en pleine tête (le danger d’avoir des cheveux gras…). La fouille du corps révélant un double marquage de cultiste Slaaneshi et de milicien de la forteresse de Grenholm, c’est assez logiquement2 que le Répurgateur opte pour se rendre sur place, afin de se confronter à ce mystère en même temps qu’à son passé…

Début spoiler…Ayant convaincu Thevana de l’accompagner (ce qui l’arrange bien car il se sent un peu pétochard sur le coup), ou en tout cas, n’ayant pas fait grand-chose pour la persuader de rester en ville, Bered arrive dans les ruines de la forteresse à la tombée du jour, et réalise que le grand soir est arrivé : les Spectres ne sont plus qu’à quelques kilomètres de sa position, et l’auront rattrapé avant la levée du jour. Déterminé à clore cette enquête avant de partir conter fleurette à tonton Nag’, notre héros pénètre dans la forteresse, Thevana à ses côtés. Sentant l’écurie approcher, les fantômes rattrapent toutefois les aventuriers en quelques minutes, et Bered a au moins la satisfaction de constater que sa collègue peut elle aussi les voir, ce qui le fait se sentir moins seul. Toujours en danger de mort, mais moins seul. Thevana, qui connaît bien les lieux pour y avoir été enterrée vive lorsque la forteresse a été envahie par les Maggotkins, entraîne alors Bered vers une cachette de sa connaissance, qui se révèle être un trou à la base d’un mur. Hésitant à faire le grand saut, Bered est pris totalement au dépourvu lorsque Thevana lui tranche les jarrets et le précipite dans la fosse en question, la marchande se révélant être elle aussi une membre du culte Hédoniste… qui aura décidément attendu bien longtemps pour prendre sa revanche sur celui qui l’a trahi il y a toutes ses années, la poussant de ce fait dans les bras aimants et protecteurs du Prince des Excès, le seul qui ait répondu à ses prières lorsque les sbires de Nurgle ont commencé à déféquer dans tous les couloirs de la forteresse condamnée. Sans doute l’application du principe bien connu du « plus on attend, meilleur c’est ». Enfin, ce que j’en dis… Le triomphe de la cultiste est toutefois de courte durée, la Banshee qui pistait Bered depuis tout ce temps lui tombant sur le râble dans les secondes qui suivent, sans doute dégoûtée de s’être faite coiffée sur le poteau. On apprend par là même que la légion des morts n’en voulait pas à Bered, mais cherchait simplement à le prévenir du triste destin qui l’attendait. Doublement raté donc. Quant à notre héros, littéralement au fond du trou, il ne tardera pas à faire la connaissance du narrateur de l’histoire, qui se trouve être un Gardien des Secrets cataphile, et meurt d’envie de prendre en main son nouveau joujou…Fin spoiler

1 : Au moment de l’écriture de cette chronique.
2 : Je suis assez généreux avec Annandale ici. Bered saute quelques étapes à mon goût en décidant de délocaliser son enquête sur la foi d’une coïncidence somme toute assez facilement explicable.

AVIS:

Connaissez-vous Le K, amis lecteurs ? Cette nouvelle du grand Dino Buzzati met en scène un héros passant toute sa vie à fuir l’approche menaçante d’un gigantesque requin (le fameux K), pensant à tort que le squale cherche à le gober, mais réalisant dans ses derniers instants que ce dernier voulait juste lui remettre une perle de bonheur, dont il meurt avant de pouvoir faire usage. Un classique des classiques, que je ne peux trop vous recommander. Il ne vous aura donc pas échappé que The Hunt est la version aos-ée de ce texte fondateur, qu’Annadale adapte à sa sauce et avec malheureusement plus de bonnes intentions que de réussite.

Si l’idée de la marée de fantômes pourchassant le héros est ainsi excellente dans le cadre d’une nouvelle Warhammer Horror, car elle apporte une dimension indéniablement angoissante à l’histoire, le twist final est trop rapidement expédié pour que la révélation qui l’accompagne fasse vraiment effet. La faute à mes yeux au choix d’Annandale de rajouter un deuxième coup de théâtre, qui tient plus du coup d’épée dans l’eau, avec la trahison de Thevana, qui, elle faisait beaucoup moins mystère (mais avait été « préparée » de façon assez bancale également). Comme cela arrive parfois avec les auteurs de la BL, l’excès de bonnes choses, ou en tout cas d’idées intéressantes, est parfois un mal, et je pense sincèrement que The Hunt aurait été d’un tout autre calibre si Annadale avait simplifié sa copie. On retiendra également de cette nouvelle l’usage, assez rare mais très sympathique je trouve, de la seconde personne du singulier par le narrateur, qui décrit donc en direct toutes les actions du héros jusqu’à ce que ce dernier fasse sa connaissance. En définitive, et malgré les réserves exprimées plus haut, je crois que nous tenons le texte le plus marquant et abouti d’Annadale à ce jour, ce qui est somme toute logique au vu de l’attrait que notre homme a pour le genre horrifique. Il n’y a plus qu’à attendre le prochain recueil pour voir si les progrès se poursuivent…

ET POUR LES NOUVEAUX ?

Chacun jugera si cette nouvelle est assez horrifique à son goût, mais elle fait toutefois le taf en présentant l’approche particulière qu’à cette franchise du 41ème millénaire et des Royaumes Mortels. Foin de guerriers héroïques et d’armées innombrables s’occissant à tout va pour la possession d’une plate-bande, nous sommes ici plongés dans le quotidien, guère plus riant, des citoyens lambda des univers de Games Workshop, parti pris original permettant de mieux envisager, ou en tout cas sous un angle différent, ce à quoi ressemble la vie de nos petites figurines entre deux batailles rangées. En bonus, et comme pour Colis Mortel, le style particulier adopté par Annandale dans son écriture, avec l’usage d’une narration à la deuxième personne du singulier, apporte une plus value appréciable au lecteur. Là encore, profitez en car l’ordinaire de la BL est beaucoup plus classique, mais bonne idée que d’avoir fait ce choix pour ce recueil introductif.

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Au final, le cru 2020 est à saluer sur sa variété stylistique et sa quasi-exhaustivité en matière de franchises couvertes. J’ajouterai également que la qualité moyenne de l’ouvrage me semble plutôt supérieure à celle de l’année dernière, qui avait pâti de quelques soumissions assez ternes, particulièrement dans sa version française. Si l’on peut s’interroger sur l’intégration de certaines nouvelles plutôt que d’autres, qui auraient mieux convenues à ce type de recueil volontairement grand public, je me dois de terminer sur un remerciement sincère à la Black Library pour ce geste de bienvenue, à nouveau réitéré, à l’encontre de tous les hobbyistes pouvant se montrer intéressés par la découverte de la GW-Fiction. Ça va peut-être vous surprendre venant de moi, mais je pense que vous devriez essayer…

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SUMMER OF READING 2019 [40K-AoS]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette critique des nouvelles proposées par la Black Library dans le cadre de son annuel Summer of Reading, à la fin du mois d’Août. L’occasion pour moi de me lancer dans un exercice de speed chronicking (si ce terme existe vraiment), en traitant chaque soumission dans la journée suivant sa sortie. Ce fut parfois assez éprouvant, et je ne ferai pas ça tous les jours, mais nous voilà rendus en ce dimanche 25 Août avec 7 nouvelles chroniques. Alors, ces 17,45€ ont ils été bien investis? Voyons ça de plus près.

Summer of Reading 2019

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Fangs of the Rustwood – E. Dicken [AoS]:

INTRIGUE:

Fangs of the RustwoodChargé d’escorter les trois suspects de l’assassinat du Gouverneur Bettrum de la cité d’Uliashtai, en Chamon, le Répurgateur Kantus Val(l)o de l’Ordre d’Azyr décide de couper à travers bois pour rallier au plus vite la cité d’Eshunna, où les geôles spacieuses et les tortionnaires attentionnés de l’Inquisition sigmarite auront tôt fait de délier – ou d’arracher, à défaut – les langues des gardés à vue. Ces derniers, mis à part un bon motif d’en vouloir à feu Bettrum, n’ont pas grand-chose en commun. Notre triumvirat de crapules se compose en effet du mage geignard et prophétique (un vrai Nighthaunter d’Age of Sigmar) Elabrin, de l’empoisonneuse patentée Garrula Heko, et de la Capitaine édentée de la garde d’Uliashtai, simplement nommée Lim.

Le choix de Kantus d’emprunter la route traversant le Bois de Rouille ne s’avère guère brillant (ce qui est normal, car l’oxydation du fer corrode le métal), mais plutôt tranchant, la flore acérée de Chamon forçant la petite troupe à jouer de la hache pour se frayer un chemin sous les frondaisons métallisées. Ayant profité d’une halte pour cuisiner ses prisonniers, le Répurgateur doit mettre en pause son interrogatoire lorsqu’une de ses gardes se prend les pieds dans le tapis et choit lourdement dans une fosse tapissée de pieux empoisonnés (piejâkon#1). N’écoutant que son courage, Kantus… accepte qu’un des collègues de la malheureuse aille la repêcher au fond de son trou. Il donne cependant de sa personne en faisant contrepoids au bout de la corde, mais une autre fausse manœuvre des plus ballotes déclenche prestement la détente d’une tige épineuse… empoisonnée (piejâkon#2), qui met le bon samaritain en PLS, juste avant que Kantus ne le laisse carrément aller se pieuter en sous-sol lorsqu’un Gobelin des Forêts juché sur une araignée géante décide de s’inviter à la fête en hurlant « I am Groot! ». L’invité mystère ayant intoxiqué l’un des deux gardes restants de notre héros, ce dernier est colère et règle leur compte aux nuisibles de quelques moulinets bien sentis, avant d’aller s’enquérir du bien-être de ses charges (une enquête de l’IGPN est si vite arrivée).

Le dialogue qui s’engage a vite fait de convaincre Kantus de l’impératif catégorique de laisser les gredins lui prêter main forte afin d’avoir une chance de se sortir du guêpier arachnéen dans lequel il s’est jeté. Rendant à ses prisonniers leurs armes et équipements en échange d’une vague promesse de bien se comporter (quel laxisme), Kantus les entraîne vers l’orée du bois, dans l’espoir un peu vain de distancer les Grots dont les tambours commencent à résonner dans les fougères. Ce qui devait arriver arrive lorsque notre petite troupe, au casting digne du JDR Age of Sigmar s’il était sorti (un Chasseur de Sorcières, un Mage, un Guerrier, un Rôdeur et un PNJ à DLC courte), débouche dans une clairière où l’embuscade des peaux vertes se déclenche. Bien aidé par le sort de pointeur laser inversé et préemptif d’Elabrin1, les humains ne s’en sortent pas trop mal dans un premier temps, les carreaux empoisonnés de Garrula et les coups d’épée de Kantus et Lim prélevant un lourd tribu dans la biodiversité du Bois de Rouille. Hélas, comme il l’avait prédit, le mage se fait capturer au lasso, et si son noble – et pas du tout consenti – sacrifice permet de gagner un peu de temps à ses comparses pendant qu’il se fait torturer à mort dans un bosquet, la situation n’est pas brillante pour ces derniers…

Début spoiler…réduits au nombre de deux après que Kantus ait constaté le décès inopiné de la dame de carreau(x). Fichtre. Enjoint par la vétérane Lim de quitter les lieux le plus rapidement possible, notre héros décide de faire du zèle en collectant les armes de Garrula, qui pourront peut-être permettre d’identifier le tueur du Gouverneur Bettrum, si on venait à retrouver une trace d’un poison similaire à celui utilisé pour pourrir (littéralement) l’édile sur les lames de l’empoisonneuse. Une bonne action ne restant jamais impunie, le Répurgateur se fait prestement attaquer par Brienne de Tarth (dans ta gu*ule), après avoir constaté que Garrula a connu la même fin que l’infortuné Gouverneur, révélant Lim comme la coupable des deux meurtres. Cette dernière trouvait en effet que cette grosse bête de Bettrum utilisait bien mal les forces de l’Ordre, et que son incapacité notoire à s’occuper de l’infestation Grot couvant dans le Bois de Rouille condamnerait à terme Uliashtai à la Destruction. Ca se tient, ça se tient, y a pas à dire. 

Insensible aux arguments de la soldate, Kantus l’est beaucoup moins à ses bottes vachardes, et l’idée de son trépas prochain lui travers l’esprit en même temps que l’épée de Lim fait de même avec sa panse. Abandonné à son triste sort par l’intraitable Capitaine Marlim, Kantus devrait se dépêcher de mourir s’il ne veut pas goûter à l’hospitalité légendaire des tribus Spiderfang…Fin spoiler

1 : En gros, on voit une petite lumière s’allume à l’endroit où un projectile va finir sa course une seconde avant que le coup parte, très pratique pour la balle au prisonnier et l’esquive de flash ball).

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AVIS:

Evan Dicken nous revient après ses débuts très convaincants (The Path to Glory), toujours à Chamon mais cette fois à l’époque contemporaine1, avec une histoire se voulant un match-up d’enquête policière (Mais qui a tué le Gouverneur Bettrum?) et de sword & sorcery. Si la brièveté de son propos ne lui donne pas la possibilité  d’exceller dans l’un ou l’autre de ces exercices, le meurtre de Bettrum se résolvant sans grande révélation, et la baston finale, pour honnête qu’elle soit, n’étant en rien mémorable, Dicken déroule cependant son récit avec sérieux, ce qui rend la lecture de The Fangs of the Rustwood plaisante. L’auteur réussit assez bien à faire ressortir la nature sauvage et dangereuse des Grots des Forêts, qui n’ont pas grand-chose de marrant lorsqu’on se retrouve nez à chitine avec leurs araignées géantes. Il parvient aussi à maintenir une tension narrative digne de ce nom, d’abord en jouant sur l’identité secrète du tueur, puis sur le destin attendant le héros. Venin sur le crochet, le fluff n’est pas absent de ces quelques pages, ce qui est tout bénef. Bref, ce (plus) court format permet à Dicken de cimenter son statut de Hot New Talent de la BL, et l’une des plumes à suivre d’Age of Sigmar dans les mois à venir.

1 : Même si des références à son cher empire Lantique et à la cité d’Uliashtai, qui avaient été mis à l’honneur dans cette première nouvelle, se retrouvent tout au long du texte.

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Forsaken – D. Ware [40K]:

INTRIGUE:

ForsakenNous retrouvons la Sœur de Bataille favorite et sans doute alter ego de Danie Ware, Augusta Santorus, quelques années avant les évènements couverts dans Mercy et The Bloodied Rose, alors qu’elle termine sa formation de jihadiste par une mission d’exploration du Santa Xenia, un navire de l’Ecclesiarchie dérivant tranquillement dans l’espace tous feux éteints et le moteur coupé, ce qui est pour le moins suspect. Sous le commandement sévère mais dur de la Sœur Supérieure Veradis, les intrépides Jeannettes parcourent les coursives sombres et glacées du vaisseau fantôme, la foi au cœur et le chant aux lèvres, comme les gentilles filles de Schola Progeniam qu’elles sont. Au bout du 18.457ème kilomètre à pied (qui use les souliers, même en céramite), c’est toutefois l’embuscade au détour d’un couloir. Fort heureusement menée par la porteuse de bolter lourd, aux nerfs d’acier et aux réflexes acérés, l’escouade réussit à se tirer de ce mauvais pas avec sang-froid et autorité, sourde aux ricanements bêtes des Orks qu’un rien1 amuse, vraiment. Cet obstacle bien négocié monte toutefois à la tête de notre héroïne, en même temps qu’un Gretchin yamakasi et hargneux, et la pauvre Augusta choit lamentablement de la passerelle qu’elle empruntait en compagnie de sa pote Lucienne (que je me devais de citer, même si elle ne sert à rien à part balancer des jurons – avec un nom pareil, ça se comprend -), et tombe, tel Gandalf avec la coupe de Mireille Mathieu, dans les profondeurs stygiennes de la soute du Santa Xenia, où elle atterrit avec un grand splash.

Ayant malgré tout réussi sa sauvegarde d’armure, Augusta reprend rapidement ses esprits, mais doit se rendre à l’évidence: son précieux bolter est tombé très loin d’elle, et dans les ténèbres absolues et humides qui règnent dans le pédiluve où elle évolue désormais, il lui sera impossible de remettre la main dessus. Shame! Shame! Shame! Faisant contre mauvais atterrissage bonne figure, elle dégaine sa dague de poche et s’enfonce dans l’immensité noire et (doublement) vague du 28ème sous-sol du vaisseau, à la recherche d’un mur et d’une échelle pour rejoindre le point de ralliement défini en début de mission. La solitude, le silence, le manque de repères et d’expérience dont souffre la novice se combinent toutefois rapidement pour menacer, d’abord le moral, puis la santé mentale, d’Augusta, qui a de surcroît la déveine de tomber sur des poteaux tagués de slogans aussi inquiétants que défaitistes. Lorsqu’un mystérieux rôdeur se décide à la prendre en chasse de loin, tel un frotteur de la ligne 4 repérant sa proie dans le dédale de Châtelet Les Halles, il faut à notre stagiaire toute la force de sa foi pour ne pas virer hystérique, et ce n’est pas la découverte d’une pyramide de cadavres (l’équipage du Santa Xantia) qui vient calmer sa crise d’angoisse. À toute chose, malheur est bon car le tas de macchabées se situe juste sous une coursive légèrement éclairée, qui sera sa porte de salut vers la civilisation. Il faudra cependant avant cela négocier le passage auprès de l’aubergine géante et savante2 qui se trouve là en… thalassothérapie, j’imagine? et qui se met en tête de feminicider Augusta. Il faut dire qu’elle venait de lui crever un œil sans sommation, ce qui n’est jamais agréable.

Le combat qui s’engage ne tourne logiquement pas en faveur de l’adolescente, même énergisée, et Gusta voit sa dernière heure arriver lorsque, miracle (c’est le cas de le dire), l’Empereur ou Ste Mina lui balance un point de foi qu’ils avaient dans la poche, ce qui permet à notre vierge farouche de renverser d’une seule main l’Ork qui l’écrasait de tout son poids en lui tordant le bras. Balèze Thérèse. Ayant littéralement pris le dessus sur son adversaire, Augusta finit proprement le travail, et parvient par des moyens détournés, et sans doute un peu de varappe post mortem, à rejoindre son point de chute (haha), où l’attend le reste de son escouade. Les Sœurs ont beau être contentes et soulagées de voir revenir leur camarade, cette peau de vache de Veradis sermonne la survivante, un peu sur la perte de son bolter et beaucoup sur la rupture de la cohésion d’unité, crime capital pour un personnage de fiction évoluant dans un univers découlant d’un wargame, comme chacun le comprendra aisément. C’est toutefois peu de chose pour Augusta, que la perspective de finir d’explorer un vaisseau grouillant d’Orks armée de son seul couteau à beurre effraie moins que sa séance de spéléologie improvisée. Et puis, l’important, c’est la rose, n’est-ce pas?

1 : Lire « bolt – ou ‘carbide fusion matrix’, parce que c’est quelque chose qui existe et qu’on peut tirer sur l’ennemi au 41ème millénaire, apparemment – en pleine tête ». 

2 : Pensez donc, un Ork violet et familier du culte de l’Empereur, ça n’existe pas voyons. 

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AVIS:

Ca partait plutôt pas mal pour Danie Ware avec ce Forsaken, dont l’ambiance anxiogène et l’affrontement « conventionnel » (comprendre, pas de prises de catch) contre les Orks en début de nouvelle positionnaient d’emblée comme (légèrement) supérieur à Mercy. Le pic était atteint lors du passage des errements métaphysiques et géographiques d’Augusta, et sa découverte des messages creepy à souhait (dont le Forsakendereliquit en haut gothique – éponyme) dans les ténèbres absolues du Santa Xantia… pour au final déboucher sur un amoncèlement d’incongruités et bizarreries venant parasiter le propos à tel point que la tension narrative n’y résista pas. Quel dommage. Sur le fond, on peut ainsi se poser la question, légitime, de savoir ce qui a bien pu pousser l’équipage du vaisseau à venir faire un Twister géant et léthal à la cave. Je veux bien croire qu’ils aient tous voulu profiter de la piscine sans penser à prendre les clés de l’escalier de service avec eux, et ont payé le prix de leur étourderie en mourant lentement de faim dans leur propre vaisseau (mon explication en vaut une autre, honnêtement), mais cela n’engage que moi. Quant à savoir ce que l’Ork pourpre faisait dans le coin alors que tous ses potes s’amusent dans les étages, c’est un autre et grand mystère, tout comme sa connaissance du credo impérial. Sur la forme, Ware donne encore dans l’invraisemblable en permettant à sa crevette d’héroïne de terrasser au corps à corps un adversaire beaucoup plus costaud, résistant et sauvage qu’elle sans autre forme de justification que le pouvoir de la foi. Certes, c’est une des caractéristiques de la faction. Mais cela mériterait une meilleure mise en scène et écriture pour être crédible, la bagarre finale semblant se terminer par l’ingestion par Augusta d’une rasade de potion magique plutôt que par un miracle en bonne et due forme. Bref, si Forsaken me semble un peu meilleur que Mercy, le progrès est des plus timides et l’amélioration pas vraiment franche. Essayons tout de même de garder la foi…

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Dead Drop M. Brooks [NDA]:

INTRIGUE:

Dead DropLa libre circulation des biens et des personnes n’étant pas un concept très familier aux autorités impériales, il est parfois nécessaire de recourir à des expédients un brin hasardeux, pour ne pas dire folkloriques, pour acheminer des marchandises à la légalité douteuse jusqu’à leur acquéreur. Sur ce sujet, Necromunda n’est guère mieux lotie que les autres planètes de l’Imperium, les zélés douaniers du Gouverneur Helmawr prenant un malin plaisir à inspecter les cargaisons qui auraient gagné à rester secrètes. Conséquence de cette absence scandaleuse de libre échange, il arrive que des colis d’un genre particulier soient expédiés directement dans les Désolations de Cendres qui entourent la Ruche Primus, dans l’attente du passage d’un gang coursier qui se chargera de la livraison à domicile contre espèces sonnantes et trébuchantes. C’est moins précis, mais parfois plus rapide, que Mondial Relay, notez. Le hic est que la profession est totalement dérégulée, et qu’il arrive souvent que plusieurs bandes convergent vers le même paquet, avec des résultats généralement sanglants. C’est précisément ce qui se passe ici, les Road Dogs du leader1 Danner Grimjack tendant une embuscade aux Steel Crescents de la Maison Van Saar afin de subtiliser aux geeks du sous-monde, la précieuse cargaison qu’ils avaient looté dans le désert.

Ayant révisé leur enchaînement accélération/embrayage et maté en boucle Mad Max: Fury Road pendant le week-end précédent, les Road Dogs s’abattent sur leurs proies comme un Ambull affamé sur un Crawler grassouillet, et harponnent sans coup férir l’utilitaire contenant le colis, dont ils se rendent maîtres après quelques échanges de tirs. L’opération, déjà endeuillée par la disparition tragique du fameux Sideswipe Eddy (mais si, Sideswipe Eddy quoi), manque cependant de tourner au fiasco lorsque la camionnette de location des Steel Crescents file droit vers la falaise la plus proche, la hampe de harpon ayant traversé et le volant, et le conducteur, venant prendre en défaut la robuste direction assistée des véhicules de Necromunda. Resté sur place plus longtemps qu’il n’aurait dû pour récupérer les restes mortels de son camarade (on n’abandonne pas Sideswipe Eddy, jamais) et mettre en marche son sécateur tronçonneur, le Juve Mungles se retrouve en mauvaise posture, pendu à bout de bras à un affleurement rocheux dépassant de la paroi de la falaise. Et il a beau hurler « j’veux pas des cendres » (on est dans les Désolations Cendreuses après tout), il semble que les Road Dogs sont bons pour une deuxième perte malgré l’intervention altruiste de Grimjack et sa cordelette moisie, jusqu’à ce que le reste du gang arrive et aide le boss à hisser le stagiaire sur le plancher des groxs. Chez les Orlocks, on est solidaires.

Cette menue péripétie évacuée, il est temps pour les Doges d’aller écouler leur bien mal acquis. Ayant récupéré un jeton portant la marque de Caradog Huws, un receleur de quelque renom dans le sous-monde, dans le food truck de leurs rivaux, les pirates décident fort logiquement d’aller proposer au trafiquant de leur racheter sa cargaison. Il leur faut pour cela affronter l’heure de pointe sur les Voies Arachnéennes, le périf de Necromunda, pour atteindre la Porte de la Chapelle Cendreuse, et plus précisément le charmant patelin de Port Mad Dog (ça commence à faire beaucoup de -dog), où ils disposent d’une planque pratique chez Deeno, méchano amateur et ancien membre du gang avant que la perte de sa jambe ne le force à se ranger des voitures. Rendant un hommage ému à Sideswipe Eddy et promettant de lui offrir très prochainement les funérailles nationales qu’il a amplement méritées, Grimjack et ses mastiffs empruntent les tunnels clandestins sillonnant le sous-sol poreux de Necromunda pour émerger à Dust Falls, où ils espèrent pouvoir une bonne âme qui leur indiquera la localisation de l’échoppe de Huws. Même si Grimjack fait chou blanc2, Mungles revient avec l’information nécessaire, et les Road Dogs se rendent prestement devant la porte supposée de l’Outlaw’s Deep…

Début spoiler 1…L’endroit a beau sembler parfaitement abandonné, ça ne décourage pas les Orlocks de tenter leur chance, ce qui au final ne paie pas. Mungles était en fait un indic bossant sous couverture pour les Enforcers, et a mené ses comparses droit dans un piège. Sommé par la maréchaussée de coopérer sous peine de se voir offrir une démonstration gratuite de fusil à pompe anti-émeute, Grimjack est contraint de remettre aux Arbites son magot. Aussi impatients que le lecteur de savoir enfin ce qui se cache dans la caisse trimballée de droite et de gauche depuis le début de la nouvelle, les flics dégainent leur pied de biche et en font sauter le couvercle, et là, ô surprise, ils se retrouvent nez à nez avec…Début spoiler 2…une boîte de tarama éventrée. Non, sans déconner. Bon, ok, ce sont des grappes d’œufs Xenos, mais vu l’absence très probable de morues3 sur Necromunda, ça revient au même. Déception (surtout pour le Spirien qui devra manger ses toasts tout secs, m’est avis). Il semble toutefois que quelques uns des pensionnaires de la caisse aient éclos avant terme et se soient faits la malle (ce qui est une douce ironie), à en croire les traînées de bave qui s’éloignent dans le sous-monde. Ca ne change pas grand-chose pour les Road Dogs toutefois, dont la complicité dans l’importation d’espèces Xenos rend passible de la peine de mort. Necromunda, c’est vraiment l’Australie post-apocalyptique en fait. Réalisant qu’il ne pourra pas tenir la promesse faite à SideswipeEddy, Grimjack décide de partir sur un coup d’éclat et réalise au débotté une trachéotomie assez grossière de cette balance de Mungles à l’aide du pied de biche subtilisé à un Enforcer hébété. Le rideau tombe sur nos protagonistes alors que gendarmes et voleurs règlent leurs comptes par pétoires interposées, affrontement dont les Road Dogs ont peu de chances de sortir vainqueurs malgré toute leur bonne volonté. Qu’importe, tant que chez les Orlocks, on reste solidaires.Fin spoilers

1 : L’usage de ce terme neutre n’est pas anodin. Brooks utilise en effet le pronom « they » à l’encontre de son héros, ce qui indique sa non-binarité. À noter que l’antagoniste de sa nouvelle A Common Ground était également genderqueer. 

2 : Quand un être patibulaire vous aborde dans la rue pour demander son chemin et que vous ne savez même pas si vous devez l’appeler Monsieur ou Madame – et supputez qu’il prendrait mal d’être misgenré -, il est plutôt normal de répondre que l’on ne sait pas.

3 : Et pas de blagues sur les Escher, hein. On reste classe dans une nouvelle où apparaît Sideway Eddy.

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AVIS:

Offrant au lecteur une excursion en plein air le temps d’une attaque de diligence, ou ce qui s’en rapproche le plus à Necromunda, Dead Drop est une variation appréciable de la nouvelle classique de ce sous-genre, permettant à Brooks d’explorer un peu de l’arrière-pays de la ruche Primus. Si les amateurs de suspens risquent de ressortir un peu déçus de cette lecture, le contenu de la caisse mystérieuse ne cassant pas trois pattes à un Van Saar, cette soumission brille en revanche par l’illustration qu’elle fait de la mentalité particulière des Orlocks, sans doute la Maison la plus sympathique du sous-monde en raison de la profonde solidarité qui unit ses membres. Dans les ténèbres d’un lointain futur, il semble que les concepts d’amitié, de sincérité et de confiance désintéressées ne soient pas totalement morts, ce qui offre une respiration bienvenue entre deux doses de grimdark vraiment sombre. Enfin, et c’est assez rare pour que je le souligne, j’ai trouvé la lecture de cette nouvelle sensiblement plus ardue que la publication moyenne de la BL, l’utilisation du pronom « they » (qui n’évoquera rien au lecteur francophone de but en blanc) et de tournures familières/argotiques par Mike Brooks compliquant l’entreprise. Rien d’insurmontable ceci dit.

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Heart of the Fallen – S. Cawkwell [WCY]:

INTRIGUE:

The Heart of the FallenDans les grandes plaines du Bloodwind Spoil, une double traque est en cours. Pendant qu’un mystérieux chasseur poursuit sa proie dans les étendues sauvages, trois jeunes guerriers Untamed Beasts, le sensible Dhyer et les frère et sœur Open Skies et Fleet-Foot, sont à la recherche du frère ainé du premier, un pisteur bravache du nom de Sharp Tongue. Ayant juré de traquer l’une des grandes bêtes qui hantent le territoire de la tribu afin de prouver sa valeur et de gagner en prestige, Langue de P*te est parti en solitaire il y a quelques jours, et son frangin s’inquiète de ne pas le voir revenir. Comme quoi, on peut vénérer une divinité chaotique assoiffée de sang1 et avoir le sens de la famille.

Les deux pistes finissent par converger à l’entrée d’une caverne d’un genre un peu particulier. Non pas qu’elle semble être un organisme géant, avec mur fourré (et probablement moquette du même acabit), ventilation pulmonaire et œils-de-bœuf plus vrais que nature. C’est finalement assez commun dans la région. C’est plutôt qu’elle possède des caractéristiques hydrographiques a priori inconciliables, la marque d’une véritable bénédiction des Dieux Sombres si vous voulez mon avis. Les Castueurs Juniors relèvent des indices de lutte, dont une dent humaine traînant dans la poussière, révélant que leur cher disparu n’est sûrement pas loin (et en effet, il a dû négocier un pétunia un peu envahissant à son arrivée dans la grotte, qui lui a prélevé quelques PV au passage). Redoublant de prudence, ils finissent par arriver dans une salle occupée par un lac de boue, au milieu duquel, unis dans la mort, se trouvent les cadavres d’un chasseur Untamed Beast et du monstre qu’il a tué avant de périr. Et quel monstre! Il s’agit rien de moins que d’un fort beau spécimen de Raptoryx2. On ne rigole pas dans le fond! Les ornithorynques du Chaos peuvent être dangereux quand ils sont acculés, et ce n’est pas Sharp Tongue qui soutiendra le contraire, raide mort qu’il est.

Bien qu’un peu tristes de cette conclusion tragique, US Open, Flip Flop et D’ailleurs décident de rendre au défunt l’hommage qu’il mérite, en dévorant rituellement son cœur afin de bénéficier de la force du macchabée. Le buffet froid est toutefois brutalement interrompu par le réveil du Raptoryx, qui, malgré la lance lui traversant le gésier de part en part, était loin d’avoir dit son dernier coin. La triplette de ploucville n’a guère le choix: il faut finir le boulot que ce peine-à-occire de Sharpie a salopé pour espérer sortir de l’antre de la bête. Malgré leur habileté à la sagaie en os, la hachette en silex et la dague en onyx, les Untamed Beasts ne s’en sortent pas indemnes, et Open Skies change rapidement son nom en Open Guts. Son sacrifice n’est toutefois pas vain, sa sœur et son (probablement futur) beauf combinant leurs forces pour euthanasier l’impossible palmipède. La nouvelle se termine sur un nouveau gueuleton, obligeamment offert par Open Skies, qui dans la mort comme dans la vie, avait le cœur dans la main (même si, ironiquement, c’est du coup aussi vrai de Dhyer et Fleet-Foot). Mais alors que nos tourtereaux se préparent à prélever le foie gras proprement monstrueux de leur proie, les eaux du pédiluve boueux se mettent de nouveau à trembler3

1 : D’ailleurs Cawkwell insiste pour appeler le Grand Dévoreur ‘Eater of Worlds’. Ca ne vous rappelle rien? Peut-être qu’Angron vient chiller dans les Huit Pointes lorsqu’il se fait expulser du Materium par les Chevaliers Gris. 

2 : Sachant que l’individu moyen arrive à l’épaule d’un être humain, celui-ci devait être aussi grand qu’un homme. Bon, ce n’est pas Thornwinder contre Harrow (voir The Devourer’s Demand), mais tout le monde ne peut pas se battre contre des vraies créatures semi-divines. 

3 : Et? Eh bien rien du tout. Ca se termine vraiment comme ça. Etrange.

AVIS:

Je suis un peu partagé au sujet de ce Heart of the Fallen. D’un côté, il m’est agréable de constater que Sarah Cawkwell ne semble pas partie pour retomber dans ses travers Hammer & Bolteresque, sa nouvelle étant solidement construite et, mises à part quelques incongruités (comme la caverne à la sécheresse humide) et erreurs de fluff (le Raptoryx présenté comme un prédateur solitaire alors qu’il a littéralement une règle qui indique qu’il chasse en meute – oui, je suis chiant -), somme toute assez mineures, plutôt agréable à lire. De plus, l’effet de nouveauté de Warcry joue encore à plein, justifiant d’autant plus la lecture de ce genre de soumissions, intrinsèquement originales (ce que ne peuvent pas dire les nouvelles de Space Marines et Stormcast Eternals qui constituent l’ordinaire de l’habitué de la BL). De l’autre, je suis assez déçu de la platitude de l’intrigue, alors que tout semblait indiquer qu’un twist final viendrait récompenser le quidam à la fin de la nouvelle. Jugez plutôt: et si le mystérieux chasseur, qui se révèle au final n’être que ce fier-à-bras-cassé de Sharp Tongue, avait été un guerrier d’un autre tribu que celle de nos héros, et que la bête qu’il traquait avait été Sharp Tongue, horriblement muté par le Chaos? J’avoue que je m’étais drôlement hypé sur cette hypothèse, que le refus catégorique de Cawkwell de nommer son premier protagoniste m’avait fait soupçonner, puis espérer, jusqu’à ce que le pot aux roses soit découvert. On ne me retirera pas de l’esprit que Heart of the Fallen aurait eu plus d’allure avec ce petit retournement de situation final, tout à fait grimdark dans l’esprit. Et puisqu’on parle de conclusion, ce qu’a voulu faire Cawkwell en achevant son propos sur ce que j’interprète comme l’arrivée d’un nouveau monstre dans la mare au canard (mais quel canard), sans plus de précisions ni d’indications sur son origine, m’échappe encore à l’heure actuelle. La nuit porte conseil paraît-il, alors…

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Born of the Storm – E. Albert [40K]:

INTRIGUE:

Born of the StormNotre histoire débute sur une scène peu commune pour une publication de la Black Library: un père lisant une histoire à son fils pour l’aider à s’endormir. Trop choupinet. Chose encore plus rare, l’histoire en question provient d’un vrai livre (avec des pages en plastique tout de même, il ne faut pas déconner), et non pas d’une liseuse, omniprésente dans les ténèbres du lointain futur. Le bouquin est une relique familiale1, et, bien qu’il ne le sache pas encore au moment où le sommeil l’emporte, le jeune Gus va vivre des aventures encore plus extraordinaires que celles contenues dans cet ouvrage à cause de ce dernier.

Quelques années plus tard, nous retrouvons le Cadet Augustin dans un camion de la Garde Impériale, en compagnie de quelques bidasses et d’un Sergent Instructeur convenablement feigneux (un mélange de feignasse et hargneux). Sur le chemin de la caserne, le convoi de conscrits s’arrête brusquement dans une zone urbaine prioritaire, qui se trouve être la banlieue craignos où notre héros a grandi. Jamais au-dessus d’un petit délit de faciès, le Sergent envoie donc le local de l’étape aller lui prendre un kébab au Grec du coin s’enquérir de la cause de cette pause non prévue à l’agenda. Augustin s’exécute, et constate avec horreur que son ancien quartier est en feu, ce qui augure du pire pour son vieux papa, toujours logé dans son petit HLM du 734ème étage (sans ascenseur). Soupçonnant que quelque chose de pas très net se trame, Gus commence à faire évacuer le transport de troupes, mais pas assez vite: une mine explose, puis une autre, et c’est bientôt Bagdad comme en M3 dans té-ci2. La raison de ce remue-ménage est révélée avec l’arrivée d’une troupe de gangers, en ayant après les armes et les munitions transportées par le convoi. Dans leur empressement, les crapules font toutefois l’erreur de ne pas méfier de l’ado hébété qui s’approche d’eux, et balance négligemment une grenade dans l’attroupement, avec des résultats spectaculaires. La Garde meurt mais ne prête pas ses affaires. Cette distraction évacuée, notre héros se précipite vers l’immeuble familial, cherchant sans doute à s’enquérir de l’état de santé de son paternel. On peut déduire de sa tentative, peu concluante, d’aller s’enrôler « pour de vrai » dans la Garde Impériale quelque temps plus tard, serrant seulement un livre roussi dans ses bras, que Papa Gus s’est fait fumer, un destin malheureusement trop commun dans les cités sensibles. Et si Augustin ne parvient pas à passer le stade du premier entretien, c’est parce que l’officier recruteur commet l’erreur de lui confisquer son précieux bouquin et de le balancer dans l’incinérateur en guise de bizutage, ce qui est mal pris par le volontaire, qui à défaut de se faire engager se fait enragé. Résultats: 72g de CO2 émis, 149 jours d’ITT cumulés pour le personnel de la station, et un Gus en attente d’exécution. Sa performance remarquable attire toutefois l’œil et la sympathie d’un officier de l’Astra Militarum (car oui, on parle aussi du Militarum dans cette nouvelle), qui redirige le jeune caïd vers une autre destination…

Envoyé sur Mars avec d’autres fortes têtes, Augustin a l’insigne privilège de se faire transformer en Space Marine Primaris, processus flou et douloureux, au cours duquel il perd progressivement tous ses souvenirs de sa vie terrane, et jusqu’à l’image de son propre père3. Nous reprenons contact avec notre héros à la toute fin de son parcours d’initiation, alors que lui et les cinq autres recrues ayant survécu aux rigueurs de leur entraînement (un peu) et aux plantages successifs de Parcoursup (surtout) sont emmenés dans le désert de la planète rouge pour passer leur dernier test. Il s’agit pour les Novices de rejoindre leur point de rendez-vous armés seulement d’un couteau et équipés d’un respirateur d’une autonomie de deux jours. Entre la faune biomécanique des grandes plaines ocres et les orages électriques qui tournent dans le ciel, les dangers ne manquent pas, mais Augustin réussit brillamment son épreuve d’EPS, en arrivant dans les temps pour la cérémonie de diplomation, qui plus est en portant un camarade attaqué par un Myr grincheux puis par un défibrillateur sur le chemin. Si avec ça, il n’a pas décroché la mention Assez Bien et les 20 euros qui vont avec, c’est à ne rien y comprendre. Bref, notre littéraire hardcore devient officiellement un Fulminator, juste à temps pour… être mis en stase. Il y a de quoi fulminer, pour sûr.

Suite et fin (provisoire) de l’auguste épopée, en vallée sur la planète de Chevreuse, où Gus, désormais Sergent d’une escouade de Reivers, a reçu l’ordre de sécuriser les reliques d’un saint local avant que le cantonnier municipal ne les verse à l’ossuaire, ou quelque autre infâme hérésie. Ayant un rendez-vous à honorer à 6H pétantes dans le cimetière local avec la résistance chevrotine, Augustin voit d’un mauvais œil un maquisard du cru se lancer dans une séance de tir au pigeon chaotique dans les environs immédiats de sa position. Il intervient donc rapidement et fermement pour faire cesser cette nuisance… et nous n’en saurons pas plus. Voilà une bien abrupte conclusion.

1 : Vu les sujets traités par ce recueil, on pourrait même imaginer qu’il s’agit d’une anthologie de la BL ayant traversé les millénaires. Ca ce serait un bel Easter Egg.

2 : D’ailleurs, ça pourrait très bien se passer à Bagdad, la suite de la nouvelle nous permettant d’affirmer qu’Augustin vient de Terra. 

3 : Par contre, je suis prêt à parier qu’il se rappelle toujours du nom de sa maîtresse de CE1. Ca c’est un souvenir inoubliable. 

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AVIS:

Soumission assez intéressante de par son parti pris de suivre la jeunesse et la genèse d’un Space Marine Primaris « historique » (dont la stase millénaire alors que l’Imperium pissait le sang à l’arrière plan me sort toujours par les augmétiques), et faisant montre d’un style plutôt agréable, ce Born of the Storm aurait toutefois gagné à disposer d’une contextualisation plus importante. Ne précisant formellement ni le lieu où (Terra?), ni l’époque à laquelle (M32 ?) elle débute, cette première nouvelle du rookie Albert peut parfois s’avérer obscure pour le lecteur non averti, et je dois confesser que j’ai dû me rendre sur le Lexicanum après avoir terminé cette histoire pour être certain d’avoir tous les éléments de background nécessaires à sa bonne compréhension en ma possession. Exemple gratuit: lorsque l’auteur met en scène le moment où les Fulminators apprennent qu’ils vont être mis en veille prolongée, l’auteur choisit de décrire l’officier qui leur fait passer le mémo comme portant une armure d’un bleu Ultramarine. N’étant précisé nulle part avant cela que le Chapitre d’adoption d’Augustin a une livrée de cette couleur (le nuancier était apparemment trop limité pour la Fondation Ultima), je m’étais imaginé que c’était un Maître de Chapitre Ultramarines, voire Guilliman en personne, qui était venu prêcher la bonne parole et faire passer la pilule parmi les Primaris. Ce qui est au final n’est sans doute pas le cas. Bref, Messieurs/dames les auteurs, merci de penser à vos lecteurs n’ayant pas le fluff infus dans vos écrits, cela évitera de bien fâcheux malentendus. Enfin, et comme dit plus haut, la conclusion-qui-n’en-est-pas-une de la nouvelle fait sérieusement penser qu’Albert a soumis les premières pages de sa novella à venir (Lords of the Storm1), qui traite justement de la sauvegarde des reliques de St Blaise sur Chevreuse par les Fulminators, plutôt que de se donner la peine d’achever proprement ce court format. Pour un auteur et une maison d’édition professionnels, ce n’est pas vraiment acceptable, et vient ternir inutilement une prestation autrement plus qu’encourageante.

1 : En bonus, dans la petite biographie de l’auteur à la fin de l’e-book, on apprend qu’il a écrit pour la BL une nouvelle encore ni annoncée ni publiée, Green & Grey

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Miracles – N. Wolf [HOR-40K]:

INTRIGUE:

MiraclesOuvrier dans une usine fabriquant des chargeurs de fusils laser sur le monde ruche d’Entorum, Jacen Hertz vit le rêve américain impérial dans son petit appartement de fonction, en compagnie de sa femme aimante (Myra) et de ses trois enfants (les jumeaux Markus et Arden et la petite Sophya). N’eut été son amour légèrement immodéré pour la dive bouteille, héritage d’une enfance traumatique qui le laissa orphelin de mère (évanouie dans la nature à la suite de visions psychotiques) et de père (mort de chagrin après le départ de cette dernière), et la fatigue chronique résultant de ses journées de travail de 16 heures, Jacen serait parfaitement heureux. Certes, les rumeurs insistantes de disparitions mystérieuses de citoyens de Praxis (la ruche où habite la famille Hertz) ont créé un climat de suspicion et de paranoïa parmi la population locale, en plus de multiplier les patrouilles – et donc les bavures – d’Enforcers, mais Entorum n’est pas sans connaître son lot de bonnes nouvelles, comme la guérison miraculeuse du mendiant et ex Garde Impérial Guryn Mansk, ayant retrouvé la vue un beau matin après qu’un ange lui ait rendu visite dans son sommeil. Loués soient Saint Jude et l’Empereur.

Un peu plus tard, nous retrouvons notre héros, un peu fatigué par le rythme de travail éreintant que nécessite la réalisation (où la limitation de la non-réalisation) des quotas de production fixés par l’Adeptus Terra, surtout depuis que les disparitions se sont multipliées, et ont forcé l’institution d’heures supplémentaires obligatoires pour compenser l’absentéisme galopant qui touche les forces vives de Praxis. Bref, Jacen a beau faire de son mieux pour produire ses batteries, il est lui-même presque à plat. Ces soucis de productivité deviennent cependant soudainement secondaires lorsqu’une surcharge critique du réacteur à plasma de l’usine se déclare, avec des conséquences catastrophiques pour cette dernière et ses milliers d’ouvriers. Pris dans le souffle de la conflagration, Jacen est visité par une vision, où un ange ayant pris les traits de sa mère lui annonce que l’Empereur l’a choisi pour mener à bien son dessein sur Entorum, et que sa vie sera donc préservée. En échange de cette protection divine, Jacen devra prouver sa dévotion à son Sauveur en sacrifiant sa petite dernière à la cause, seul moyen d’empêcher la planète de sombrer dans l’apocalypse. Les voies de l’Empereur sont décidément des plus impénétrables.

À son réveil dans les décombres de son lieu de travail, Jacen découvre que l’ange a tenu parole, lui seul ayant été épargné par l’explosion qui a réduit l’usine en ruines et ses collègues de chaîne d’assemblage en chiche-kebab. Cette exception statistique lui attire toutefois la suspicion des forces de l’ordre, qui l’interrogent sans ménagement afin de comprendre comment il a pu échapper au funeste destin de ses camarades. Peu convaincu par son explication angélique, l’Enforcer en chef laisse toutefois le bénéfice du doute au témoin assisté, et, au lieu de l’exécuter séance tenante comme son mandat impérial le lui permet (voilà qui doit désengorger les tribunaux et les prisons d’Entorum), le laisse partir avec la vie sauve. Notre héros se trouve toutefois en proie à un dilemme insoluble: exécuter la mission que lui a donné l’ange, dont les chuchotis motivateurs le suivent désormais où qu’il aille, ou prendre le risque de voir sa planète réduite en cendres, comme révélé dans le teaser visionnaire auquel il a assisté?

Début spoilerDe retour chez lui, Jacen prend la décision d’agir pour le bien commun, et, après avoir englouti une bouteille d’amasec pour se donner du courage, va border Sophya pour la dernière fois. Manque de pot, les protestations – fort légitimes – de cette dernière attirent l’attention de Myra, contraignant l’Abraham du 41ème millénaire à faire un tir, ou plutôt un prélèvement (l’ange ayant spécifiquement demandé s’il avait du cœur), groupé. Son sombre forfait accompli, Jacen demande un accusé de réception à son commanditaire, et la preuve qu’il a véritablement préservé Entorum de la catastrophe. À cela, l’ange répond qu’elle a une bonne et une mauvaise nouvelle. La mauvaise est qu’elle s’est jouée de la crédulité de notre héros, et que les meurtres commis par ce dernier, comme ceux perpétrés par les autres citoyens de Praxis auxquels elle a offert ses « services » (dont l’aveugle Guryn Mansk, qui s’est jeté sous un car scolaire, dévoré par le remords devant son acte monstrueux) ont au contraire servi les desseins génocidaires de l’entité démoniaque que l’ange se révèle être au final. Mais la bonne nouvelle est que Jacen a pu enfin reprendre contact avec sa chère maman, qui n’est autre que la psyker que le démon en question a possédé après que ses visions apocalyptiques l’aient mené à tuer son mari et à quitter le domicile familial. C’est sur ce triptyque Travail – Famille – Batterie (de fusil laser) que se termine l’histoire (et probablement la vie) de Jacen Hertz, l’homme qui en avait trop vu et bu.Fin spoiler

AVIS:

Fort belle soumission de la part de Nicholas Wolf que ce Miracles, qui parvient, à la différence de beaucoup d’autres histoires estampillées Warhammer Horror, à distiller une atmosphère réellement oppressante et angoissante, en exploitant quelques tropes du genre (la vision angélique dévoyée, les chuchotements/apparitions que seul le héros perçoit, le dilemme insoluble dont la résolution fait sombrer dans la folie…) de façon très efficace. De la même façon, le choix de l’auteur de choisir un citoyen lambda de l’Imperium comme protagoniste, et de le confronter à toute l’horreur gothique de Warhammer 40.000, donne des résultats convaincants. Cerise sur le gâteau, la petite révélation finale sur l’identité de l’entité qui a pris Jacen sous son aile permet de clôturer le récit de fort dérangeante manière, en plus de souligner l’un des concepts forts du fluff de la franchise, que Wolf maîtrise assez pour exploiter avec talent ses caractéristiques les plus dérangeantes et morbides. Bref, une vraie réussite que cette seconde nouvelle (la première étant Reborn1) du nouveau venu Wolf, qui mérite d’être suivi au cours des mois à venir.

1 : Et la troisième, encore une fois fuitée par la biographie de l’auteur à la fin de l’e-short, Negavolt.

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To Speak as One – G. Haley [40K]:

INTRIGUE:

To Speak as OneAlors qu’il attend l’arrivée prochaine d’un collègue de l’Ordo Xenos sur une station prison inquisitoriale abandonnée orbitant autour de la planète Otranti, l’Inquisiteur Cehen-qui reçoit une missive émanant de Belisarius Cawl en personne, lui intimant l’ordre de remettre le Xenos retenu prisonnier dans la station de correction investie par lui et son équipe. Peu habitué à recevoir des ordres, quand bien même ils proviendraient d’une sommité galactique telle que l’Archimagos Dominus, et aient été contresignés par Guilliman en personne, Cehen-qui informe sa fine équipe d’acolytes (l’être à tout faire Callow, le porte-flingues livre1 Valeneez, le Magos hipster – Frenk – Gamma et la serpentiforme et mal réveillée psyker ShoShonai) qu’il n’a aucune intention de coopérer, et qu’il défendra son bien jusqu’à la mort… de tous ses suivants, et même la sienne si on en arrive jusque là. L’arrivée soudaine d’un vaisseau de l’Adeptus Mechanicus va lui donner l’occasion de mettre à l’épreuve sa résolution farouche.

À bord du croiseur de l’Omnimessie, élégamment nommé 0-101-0, nous faisons la connaissance du reste du casting de la nouvelle, constitué de l’Archiviste Primaris Alpha Primus, qui déteste tout et tout le monde (mais a un faible pour la confiture d’albaricoque) et d’un clone de Cawl, Qvo-87. Chargés par leur patron de lui ramener le sujet de ses désirs afin qu’il puisse continuer ses expériences, les deux larrons cohabitent difficilement du fait de leur différence de caractère. Si Primus est gai comme une porte de prison qui viendrait de perdre sa famille dans un accident de voiture, Qvo-87 est gai comme un pinson (Cawl a dû intégrer le coffret collector des Grosses Têtes dans sa banque de données internes), et même si ses boutades tombent systématiquement à plat, il ne se départit jamais de sa bonne humeur, qui énerve Primus au plus haut point. Comme tout le reste d’ailleurs. Confiant dans la capacité de son vaisseau à sortir vainqueur d’un échange de tirs avec la station où est retranchée la suite inquisitoriale, mais souhaitant laisser un chance à son interlocuteur de régler l’affaire à l’amiable avant de passer aux choses sérieuses, Qvo opte pour une approche diplomatique, mais envoie tout de même son stoïque collègue aborder discrètement le complexe, ce qu’il fait à la Roboute (comprendre qu’il se jette dans le vide depuis son vaisseau et rejoint sa cible à la nage). Grand bien lui en fait car les négociations avec Cehen-qui se révèlent rapidement infructueuses, et l’inévitable bataille spatiale s’engage après que les deux camps aient conclu à un accord sur leur désaccord…

Début spoilerL’affrontement tourne, comme prévu par ce dernier, rapidement en faveur de Qvo, qui décide de pimenter les choses en percutant la station afin d’accélérer sa chute vers la surface d’Otranti. Surpris et condamné par cette manœuvre, Cehen-qui n’a d’autres choix que d’ordonner l’évacuation de sa planque, non sans avoir récupérer le psyker Aeldari qu’il pense être la cible du Mechanicus… Sauf qu’il y a eu un malentendu fâcheux au niveau du communiqué envoyé par Cawl: l’Archmagos n’est pas le moins du monde intéressé par les capacités cognitives des Zoneilles, mais convoite la crête d’un Cryptek, oublié dans une des cellules du complexe inquisitorial au moment de sa première évacuation. Cela n’empêche évidemment pas Primus de faire le coup de feu au bénéfice des malheureuses troupes de choc qui croisent sa route, mais facilite grandement le travail de collecte de l’inflexible Archiviste, jusqu’à ce qu’il se retrouve nez à nez avec ShoShonai, la psyker de compagnie de Cehen-qui. Alors que le Primaris se prépare à une partie sans pitié de Mastermind, il a la surprise d’entendre son vis à vis solliciter son aide, qui consisterait en une euthanasie rapide. Et pour cause, sous son grand chapeau, Tata Shosho ne cache pas un grelot, mais un symbiote tentaculaire fermement accroché à son occiput. Et là où ça devient intéressant, même pour le suprêmement blasé Primus, c’est que c’est le Xenos qui demande à ce que l’on mette fin à ses services (probablement de disque dur externe), car c’est lui qui a été réduit en esclavage par ce radical de Cehen-qui, malgré des apparences trompeuses. Toujours prêt à rendre service à son prochain, surtout si cela implique un peu de xenocide, Primus met à profit son Magnificat et ses tendons d’acier pour broyer à main nue le parasite exploité, avant de finir le travail d’une rafale de bolts lorsque ShoShonai fait mine de lui chercher des noises. Ceci fait, il se téléporte sur 0-101-0, et repart avec son crispant sidekick pour de nouvelles aventures, laissant Cehen-qui et ses sbires réaliser avec effroi et outrage qu’ils se sont faits balader comme des cadets par les envoyés spéciaux de Cawl. Y a plus de respect, que voulez-vous.Fin spoiler

1 : J’en aurais bien dit plus à son sujet, mais il ne fait littéralement que ça d’utile au cours de la nouvelle.  

AVIS:

Nouvelle intéressante de la part du vétéran Haley, non pas par son intrigue, mais bien par son ton, qui, à ma grande surprise, s’est révélé flirter sans complexe du côté de la pastiche. Qu’il s’agisse de l’Inquisiteur Cehen-qui, éminence grise foncée aussi hautaine que précieuse, et qui n’aurait pas détonné comme méchant dans un sous James Bond philippin, ou du binôme de choc Alpha Primus (Bourriquet dans un corps de psyker Primaris) et Qvo-87 (Kev Adams dans un corps d’Archimagos), les personnages de To Speak as One manient la petite blague aussi facilement que le bolter, ce qui place cette nouvelle à part de l’écrasante majorité du corpus de la Black Library. Le résultat final, s’il est assez plaisant, n’est donc pas à mettre entre toutes les mains. Passée cette remarque introductive, cette soumission de Guy Haley gagnerait peut-être à être mise en relation avec les autres écrits que notre homme a consacré au Dark Imperium, afin de pouvoir établir si les personnages présentés ici se retrouvent ailleurs. Si c’est le cas, cela pourrait expliquer pourquoi l’auteur ne se donne pas la peine d’introduire convenablement Primus et Qvo, que le lecteur ne pourra identifier comme mari et femme Primaris et Replicae qu’au bout de quelques paragraphes. Primus reste malgré tout assez mystérieux, ni son Chapitre d’appartenance, ni les raisons qui expliquent son rattachement au service de Cawl, n’étant abordés au cours du récit. Enfin, on peut (en tout cas, je le fais) reprocher à Haley la légèreté avec laquelle il met en scène son twist final « principal », qui est à mes yeux celui d’après lequel la nouvelle a été baptisée, ou en tout cas qui aurait dû l’être compte tenu de ce choix. Quand le lecteur apprendra le fin mot de l’histoire à propos de cette double parole (To speak as one: parler d’une seule voix), il sera en droit d’être un peu déçu par la micro révélation apportée par ce développement, le « vrai » retournement de situation étant tout autre. Pinaillage peut-être, mais on ne bâcle pas un choix de titre, Mr Haley.

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Au final, ce Summer of Reading 2019 aura été plutôt qualitatif, et aura permis de vérifier que la jeune garde de la Black Library avait du répondant. D’un point de vue personnel, mes favoris sont ainsi les soumissions de Wolf et Dicken, podium complété par la mignardise à l’Imperium noir commise par Guy Haley. Bien que le rapport qualité-prix de ce genre de package reste inférieur à ce que le lecteur peut obtenir en attendant la sortie d’une anthologie, je ne regrette donc pas mon achat et aurai sans doute plaisir à retenter l’aventure dans un an, ou pourquoi pour le Black Library Advent Calendar, qui propose rien de moins que 24 (ou peut-être 25) nouvelles et audio short pour attendre Noël. Nous verrons bien.

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WARCRY: THE ANTHOLOGY [AoS]

Bonjour et bienvenue dans la revue critique de Warcry : the Anthology, un recueil de nouvelles dédié, de manière trèèèès originale, au jeu d’escarmouche chaotique récemment sorti par Games Workshop. Se déroulant en périphérie de la Varanspire, dans ce qui peut être considéré comme les Désolations Nordiques du Vieux Monde pour Age of Sigmar, Warcry remet au goût du jour de vieux (Mordheim), voire très vieux (Path to Glory), voire carrément anciens (Chaos Marauders1) concepts de GW, qui, s’il a souvent insisté sur la nature belliqueuse et autodestructrice du Chaos, a généralement préféré donner à ce dernier des adversaires appartenant à d’autres factions plutôt que d’explorer les guerres intestines et incessantes opposant ses fidèles les uns aux autres.

Comme beaucoup de vétérans nostalgiques (pléonasme ?) je pense, j’ai accueilli l’annonce de la sortie de Warcry avec une curiosité bienveillante, le parti pris de GW de développer un pan entier du fluff des Royaumes Mortels en mettant le projecteur sur des bandes d’adorateurs de l’octogramme, et personne d’autre (du moins dans un premier temps), apparaissant à la fois comme une décision un peu osée et une déclaration d’intention envers les plus vieux fans de la maison, sans doute plus sensibles à cet appel du pied venant flatter leur attachement au background du Chaos (l’une des rares constantes fluff ayant survécu à la disparition du Monde qui Fut) que les nouveaux venus biberonnés aux Stormcast Eternals, Sylvaneth et autres Idoneth Deepkin. Maintenant que le produit est entre nos mains fébriles, et alors que les premières parties sont jouées et les premières campagnes organisées, je n’avais guère le choix que de donner sa chance à l’anthologie accompagnant la première vague de plastique siglé Warcry afin d’ajouter ma petite pierre au cairn du retour d’expérience, plutôt positif à ce qu’il m’a semblé, de la communauté.

Warcry_The Anthology (AoS)

Comme d’habitude, il s’agira pour moi de vous faire découvrir le contenu des six nouvelles (une pour chacune des bandes d’adorateurs du Chaos que compte le jeu à son lancement) de ce recueil, autant au niveau de leur intrigue que de leurs apports en termes de background (ce qui est particulièrement intéressant pour Warcry, dû au fait que le jeu ne dispose que d’un livret de règles pour poser les bases de son « univers »). Vous aurez également la chance ou le déplaisir de connaître mon avis sur ces courts formats, rédigés par six auteurs que les habitués de la BL connaissent bien, mais qui ont fait pour certains d’entre eux leurs premiers pas sous les soleils des Royaumes Mortels avec cet omnibus. Gardant ce contexte en tête, je m’efforcerai d’établir pour chaque soumission si elle répond de manière convenable aux attentes que le hobbyiste est en droit de nourrir à son égard, à savoir : communication d’éléments sur le background de la faction mise en avant, éclairage sur ses motivations à se rendre dans le Bloodwind Spoil, relations avec les autres bandes baguenaudant dans le bac à sable d’Archaon, ou encore rapports entretenus avec le concept de Chaos, sensé être le dénominateur commun entre culturistes en scaphandre de combat, barbares zoophiles, artistes martiaux masqués ou encore ornithologues ravagés du bulbe. Prenez donc place, le direct pour Carngrad est sur le point de partir…

: Bon, ok, c’était un jeu sur un Warboss Orc essayant de montrer au monde qu’il avait la plus grosse… armée. Mais le nom est tout à fait dans l’esprit.

Warcry_The Anthology

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The Harrower – D. Annandale :

INTRIGUE:

Nous suivons Gravskein, Bienheureuse Unmade menant sa petite bande de cannibales écorchés dans les désolations du Bloodwind Spoil à la recherche de la mythique Tour Festive (Tower of Revels). Si Gravskein tient tant à mettre la main faucille sur ce bâtiment en particulier, c’est que ce dernier occupe une place centrale dans les croyances de sa faction, ayant été conquis il y a de cela fort longtemps par le légendaire Roi Ecorché, qui initia son peuple de bobos intellos coincés aux joies de l’automutilation après une virée sauvage dans les Eightpoints. Ayant malheureusement omis de prendre une carte avec eux dans ces temps héroïques, les Unmade ne connaissent plus l’emplacement de cet HLM mythique et chargent donc leurs guerriers les plus prometteurs d’en retrouver le chemin. Persuadée qu’elle sera celle qui parviendra à ramener la Tour dans le giron des résidents de Tzlid, Gravskein suit donc les visions qu’elle reçoit de temps à autre lorsqu’elle passe en mode veille (difficile de dormir quand on n’a plus de paupières), accueillant chaque nouvelle déconvenue et rencontre mortelle avec fatalisme et bonne humeur. Voilà pour le cadre de notre histoire.

Après avoir bénéficié d’un flashback inaugural, permettant au lecteur de découvrir la façon dont l’héroïne a gagné ses galons et ses moignons1, suite à un accrochage sanguinolent avec une bande de morts vivants menés par un Dragon de Sang et son loup funeste de compagnie, nous accompagnons nos joyeux masochistes dans leurs tribulations désertiques, leur goût pour la chair humaine leur permettant de se sustenter en toutes occasions dès lors que l’un d’entre eux éprouve un petit coup de mou. Guidée par une précédente vision, l’enjoignant à rechercher le poison, Gravskein décide d’interpréter cet augure en remontant le cours aride d’une rivière polluée, malgré les soupirs défaitistes de son second, le (finalement pas très) Joyeux Bulsurrus. Etant parvenu à tracer l’origine de l’onde amère, les Unmade s’engagent dans une prairie herbeuse et très inhospitalière, du fait de la nature carnivore de sa végétation. Fort heureusement, la formation et l’équipement de derviche tondeuse de leur meneuse, qui se met à tourner sur elle même en fauchant la verdure comme une moissonneuse batteuse de Khorne, permettent aux survivants de se sortir de ce gazon maudit, et d’arriver dans les ruines d’une cité, où ils trouvent les cadavres d’une autre bande Unmade. Après un petit buffet froid pour se remettre de leurs émotions, Gravie (qui a looté un cor relique sur la dépouille du chef des défunts2) et ses sidekicks poursuivent leur route, la rasade prise par cette grande folle de Bienheureuse à la fontaine empoisonnée de la ville lui ayant apporté une nouvelle vision des plus encourageantes.

Leur chemin les mène à travers une sorte d’arène jonchée de cadavres et d’armes abandonnées, où ils tombent bien évidemment dans une embuscade. Ce sont ces fourbes de Splintered Fang qui leur tombent sur la couenne, et l’usage pas vraiment fair play de lames empoisonnées prélève un lourd tribut dans les rangs des Unmade. Encore sous l’effet de sa potion magique, lui ayant donné une immunité à toutes les substances toxiques moins agressives que le Novitchok, Gravskein aux mains d’argent prend ses responsabilités et démarre l’enchaînement de Flashdance jusqu’à rester seule maîtresse du dance floor (ce qui prend assez peu de temps quand on a des lames et pas des pattes d’ef au bout des jambes). Réduite à un trio, la bande de guerre finit cependant par (enfin) arriver en vue de son objectif. Léger problème, la Tour Festive est occupée par une garnison Splintered Fang, et les Unmade plus assez nombreux pour pouvoir espérer les déloger.

Gravskein est toutefois allée trop loin pour faire demi-tour maintenant, et se lance donc à l’assaut en hurlant comme une banshee. Zigzagant entre les flèches, elle finit par se jeter dans la rivière qui coule jusqu’au pied de la tour, Bulsurrus à sa suite, et parvient à retenir sa respiration assez longtemps pour déboucher jusqu’au niveau inférieur de cette dernière, malgré le pH non euclidien et les substances innommables du cours d’eau. S’étant sans doute insensibilisée en nageant dans la Seine étant petite, Gravskein s’extrait du bassin intérieur, et réalise que la mythique Tour Festive est en fait une vulgaire station de traitement des eaux, qui fonctionne assez mal maintenant qu’elle est squattée par les cultistes du Splintered Fang. Comme quoi, la réalité est toujours enjolivée. Mais maintenant qu’elle est là, autant finir le boulot. Laissant cette petite nature de Bulsurrus cracher ses poumons près du pédiluve, la Bienheureuse se fraie un chemin sanglant jusqu’au sommet de la Tour, en prenant le soin d’initier les cultistes qu’elle croise aux joies du toboggan hématique (c’est comme un toboggan aquatique, mais avec du sang, généralement le vôtre), non sans avoir effectué quelques réglages de bon aloi dans la salle des machines auparavant. Pas pour rendre aux eaux de la rivière leur pureté originelle, bien sûr (on n’est pas chez les Sylvaneth ici, baby), mais pour diminuer la léthalité du poison qui y coule, afin que ceux qui en boivent puissent expérimenter la glorieuse souffrance qui est le lot des Unmade. Bref, diarrhée pour tout le monde !

Ceci fait, Gravskein redescend ramasser Bulsurrus, qui a bien mérité de passer sa retraite (2 jours) avec un panorama digne de ce nom sur le Bloodwind Spoil. C’est un bonheur bien fugace cependant, une nouvelle bande de guerre se présentant rapidement à la porte de la Tour pour en prendre possession, sûrement pas content de l’état dans lequel les bidouillages de Gravskein ont mis leurs pantalons. Qu’importe, la Bienheureuse a accompli sa destinée, et accueille les challengers avec la fameuse Horn Intro de Modest Mouse avant de lancer Dancing Queen sur sa boom box. Let’s jive, boys & girls.

: La philosophie Unmade se rapprochant assez de celle de l’Adeptus Mechanicus, en délestant ses adeptes de leurs parties charnues au fur et à mesure qu’ils progressent dans la hiérarchie. La différence principale étant le refus catégorique du recours à l’anesthésie des Unmade.

2 : Dont on se demande bien comment elle arrivera à en sonner. À côté de ça, jouer du violon avec des gants de boxe, c’est easy peasy.

AVIS:

Sur la lancée de sa Danse des Crânes, Annandale continue de progresser et d’impressionner le lecteur dubitatif envers sa prose que j’étais. Je n’ai en effet pas pu prendre en défaut The Harrower par rapport au cahier des charges que je m’étais défini pour cette première anthologie Warcry. Du fluff sur les Unmade ? On en a, et plutôt deux fois qu’une. Sont abordés les sujets de la philosophie particulière de cette faction de masochistes cannibales (et comme vous vous en doutez, il y a des choses à dire) ainsi que leurs motivations à déambuler paisiblement dans les étendues du Bloodwind Spoil. En bonus, et contrairement à la majorité de ses camarades, David Annandale fournit quelques éléments sur l’histoire de ses petits favoris, menés sur le chemin de la déchéance et du don d’organes par la figure tutélaire du Roi Ecorché. De l’action « chaotique » (à ne pas confondre avec de l’action chaotique, la spécialité de notre ami Andy Smillie) ? Là aussi, la maison Annandale régale, les tribulations de Gravskein et consorts portant la marque – sans doute gravée au fer rouge, vu les penchants coupables des Unmade pour la simulation synaptique – des Dieux Sombres, cocktail entêtant de sang, de fanatisme et de folie. La petite bande d’écorchés vifs s’en prend plein la poire du début à la fin de sa quête, ce qui leur donne pleinement l’occasion de mettre en pratique les tenants de leur foi douloureuse.

En outre, dans sa construction elle-même, The Harrower tient bien la route, la quête mystique de Gravie & Cie bénéficiant de la dizaine de pages additionnelles par rapport à la longueur classique d’une nouvelle BL pour gagner en profondeur (flashback à l’appui) en intensité et en variété. Le grand final dans la Tour Festive ne vole ainsi pas son nom, le lecteur ayant été convenablement préparé par l’auteur à cette ultime épreuve attendant les survivants Unmade, et n’a donc pas l’impression que la quête de ces derniers a duré 2h35, ce qui arrive assez souvent lorsque les lignes viennent à manquer. Finalement, l’ouverture qui vient terminer le récit, parce qu’elle souligne toute la vacuité des agissements des suivants des Dieux Sombres, achève sur une touche grimdark tout à fait bienvenue cette soumission fort solide.

On passera avec indulgence sur certains aspects pratico-pratiques (certains diront secondaires) non explicités par Annandale, comme la mobilité et la dextérité merveilleuse de son héroïne, dont l’absence de mains et de pieds devrait pourtant compliquer bien des choses, comme le simple fait de se mettre debout et manger, sans parler de jouer du cor (allez jeter un œil sur la figurine de Blissful One pour vous en convaincre). C’est cette même Gravskein qui a soloté un Vampire à cloche-pied cela dit, ce qui en dit long sur sa motivation et son acharnement. Ces quelques incohérences sont toutefois très mineures par rapport au reste de la soumission de David Annandale, qui fixe avec The Harrower son record personnel de lisibilité. Vous pouvez fav.

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The Method of Madness – P. McLean :

INTRIGUE:

The Method of MadnessQuittant le confort de ses quartiers de Nochseed, le Thrallmaster Vignus Daneggia entraîne ses Hands of Darkness (qui ne sont pas un groupe de doom metal) jusque dans les bas-fonds de Carngrad, afin de mettre en œuvre le plan subtil que son esprit malade a concocté pour attirer l’attention d’Archaon. Désireux d’obtenir le poste convoité de maître espion et chef des assassins de l’Elu des Dieux, Daneggia a grand besoin de gagner en visibilité auprès de ce dernier, ses innombrables envois de candidatures spontanées (on est civilisé à Nochseed) étant restées sans réponses à ce jour. C’est ainsi que le Thrallmaster et son staff entrent dans la cité pillarde, et se fraient (difficilement, les rues étant trop étroites pour la limousine du boss) un chemin jusqu’à une forge du district de la chair, où ils sont accueillis à bras ouverts crucifiés par le maître des lieux, qui accepte rapidement de leur laisser la pleine jouissance de ses locaux. Las, la réception n’est pas partout aussi chaleureuse pour les exilés d’Hysh, une bande de coureurs de toits ne trouvant rien de plus malin que d’arroser la petite troupe de carreaux alors qu’elle explore les environs, ce qui donne l’occasion à la Mirrorblade de Vignus, Calcis, et à ses apprentis, de s’illustrer de bien sanglante façon. Ce petit interlude permet également au Thrallmaster de commencer à réseauter, et à identifier les puissants de Carngrad, qui pourront l’aider à se mettre en relation avec le Haut Courtisan Claudius Malleficus, pour lequel il a un cadeau un peu particulier…

Au fil des jours qui suivent, les séides de Vignus lui taillent un empire dans son district d’adoption, à coups de glaive et de chakrams pour le trio de Mirrorblades, et à grand renfort de bombinettes à fumée hallucinogène pour sa Luminate (Palania). De son côté, le Thrallmaster déballe son matériel d’alchimie et s’emploie à concocter un cocktail des plus relevés, à destination de ce cher, mais pour le moment inatteignable, Mauvais Ficcus. Ce n’est qu’après avoir atteint la barre des trois chiffres sur le compteur de massacre que Calcis et ses padawans finissent par mettre la main sur un individu digne d’intérêt, extrait manu militari d’une maison de jeu au bec et au jabot de la Cabale Corvus. Notre homme, un digne marchand d’esclaves du nom de Nasharian, est invité à une dégustation privée des dernières concoctions de Vignus, pour lesquelles il ne peut que fondre (littéralement). Le but de la manœuvre, pour notre intrigant Thrallmaster, est de récupérer la peau du visage de son hôte, dont le malheur était d’avoir ses entrées au Palais des Serres, afin d’usurper sa place et d’introduire le Cypher Lord à ses amis hauts placés. Ceci fait, Vignus retourne prestement dans son QG, où il doit préparer le baril de vin de feu de Nochseed qu’il a promis au minordome de Malleficus pour le soir même.

Un peu plus tard, et ayant troqué son masque de chair par son, beaucoup plus seyant, masque d’argent, Vignus retourne au Palais avec son précieux chargement de sangria, qu’il présente à la majordome (il a gagné en importance) du Haut Courtisan. Advient alors une cocasse mésaventure, lorsqu’Alfreda exige qu’il goûte devant elle le cru afin qu’elle puisse s’assurer qu’il n’est pas empoisonné (comme dit le proverbe, il faut le boire pour le croire). Vignus, qui pensait que la recommandation de feu Nafarian suffirait pour que son présent soit accepté, commence à suer sous son argenterie, n’ayant pas prévu d’ingérer sa propre création, dont il connaît trop bien les effets secondaires indésirables. Sans autre échappatoire, il siffle donc un petit verre et s’en retourne fissa à son laboratoire, où il passe la plus longue nuit de sa vie à concocter un antidote au poison, luttant contre la folie qui menace de l’engloutir à tout instant. Saleté de delirium tremens.

Ce menu désagrément valait toutefois la peine pour Vignus, puisqu’il reçoit quelque jour plus tard la visite de la majordome de Malleficus, qui l’implore de lui fournir un nouveau baril afin de satisfaire l’addiction que son maître a développé pour le nectar de Nochseed. Le Thrallmaster accepte, encaissant quelques espèces sonnantes et trébuchantes au passage, et finit par obtenir l’audience qu’il convoite auprès du Haut Courtisan lors du deuxième passage de réapprovisionnement du staff de ce dernier, dont la dépendance envers le vin de feu va croissante. Introduit en tant qu’hôte de marque dans la cour de Malleficus, à présent épave avinée, hallucinée et incontinente grâce à la potion magique du Thrallmaster, Vignus n’a plus qu’à tendre la main pour que lui soit remis le bâton de général des armées du Courtisan. Sa première action est de rendre une visite de courtoisie au squat de ces pestes de cabalistes, responsables entre autres maux de la mort de l’un des apprentis Mirrorblades des Hands of Darkness, en compagnie de ses nouveaux copains. Une fois les corbeaux plumés, Vignus accomplit à Carngrad ce que Ra’s al Ghul n’a pas pu faire à Gottham : empoisonner le réseau d’eau courante avec son poison hallucinogène, pour des résultats sans doute spectaculaires (la nouvelle s’arrête à ce moment, sur une petite comptine récitée par le Thrallmaster, qui avait sans doute besoin de repos), mais peut-être pas. On est à Carngrad après tout, tout le monde est déjà fou…

AVIS:

Des six nouvelles que compte l’anthologie Warcry, je dois reconnaître que The Method of Madness s’est avérée être ma préférée. Comme pour les autres soumissions de cet ouvrage, la présentation détaillée de la bande confiée à McLean par ce dernier a évidemment joué dans mon ressenti, et je ne pourrais trop conseiller au hobbyiste souhaitant en savoir plus sur les mystérieux Cypher Lords de s’atteler à la lecture de cette nouvelle. Du misérable Mindbound au majestueux Thrallmaster, en passant par les Mirrorblades et les Luminates, McLean décrit en détail le rôle que chacun joue dans l’écosystème bien réglé qu’est une bande de guerre de Nochseed. L’agenda poursuivi par les envoyés d’Hysh est également explicité, et la quête entreprise par ce vieux brigand de Daneggia n’en apparaît que plus capitale. Au fil des victoires et des obstacles que rencontrent les Hands of Darkness à leurs grands projets d’ascension sociale, McLean réussit en outre à nous les rendre plutôt sympathiques, la fibre familiale de Calcis et le coup de folie passager de Daneggia humanisant quelque peu des individus par ailleurs totalement abjects. On peut également noter que les fameuses méthodes utilisées par la cabale masquée (ohé ohé), parce qu’elles diffèrent profondément de ce qu’on a l’habitude de voir et de lire de la part de séides des Fab Four, risquent fort de piquer l’intérêt du lecteur même le plus blasé. On savait de longue date que Jean-Kévin Chaos cartonne en EPS (surtout en boxe française en escrime médiévale), on sait maintenant qu’il se débrouille aussi en physique-chimie, et que ses ateliers œnologie et rhétorique sur l’heure du midi ont également porté leurs fruits.

En plus de cela, la bonne idée de Peter McLean aura été d’offrir au lecteur une visite guidée de la cité de Carngrad, métropole chaotique placée sur la carte à l’occasion de la sortie de Warcry (à ma connaissance), et reflet perverti des Hammerhal, Greywater Fastness et Excelsis sigmarites. Pour qui s’intéresse au fluff d’Age of Sigmar, l’existence de Carngrad est une information capitale, et une des clés à la réponse de nombreuses questions « pratiques » se posant pour les hordes du Chaos, dont l’existence même n’était pas sans poser d’épineux problèmes démographiques, économiques et logistiques depuis les temps reculés de Warhammer Fantasy Battle. Savoir qu’il existe des agglomérations affiliées aux Dieux Sombres permet ainsi de limiter le recours au TGCM, ce qui est toujours appréciable. Les nombreux éléments de fluff donnés par McLean sur la cité pillarde permettent en outre de se faire une image assez précise et colorée de cette dernière, qui sera je l’espère complétée et enrichie par les publications des GW et de la BL dans les années à venir.

En conclusion, The Method of Madness est une vraie bonne nouvelle (haha), qui justifierait à elle seule l’achat de cette anthologie. McLean ne rate décidément pas ses débuts dans Age of Sigmar, et démontre qu’il est un des nouveaux auteurs sur lesquels on peut et devra compter pour porter haut les couleurs de la BL. Affaire à suivre…

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The Devourer’s Demand – B. Counter :

INTRIGUE:

Fraîchement débarqués depuis leur savane natale dans le Bloodwind Spoil, les guerriers Untamed Beasts de la tribu du Venom Fang livrent bataille à une cohorte d’Unmade dont le tort aura été d’ériger des murets autour de leur camp de base. Car les murets, comme toutes les constructions en dur d’ailleurs, C’EST PAS CHAOTIQUE. C’est en tout cas le credo des Beasts, qui vénèrent le Chaos sous la forme du Dévoreur, une sorte de Taz haïssant les tours, les murs et les couronnes. Chacun son trip. Parmi les combattants Venom Fang, la caméra se braque sur notre héros, le jeune gringalet Thornwinder, toléré dans l’expédition car il fallait bien que quelqu’un meure en premier, et quitte à tout prendre, autant que ça soit lui (grosse ambiance chez les Untamed Beasts). Bien décidé à prouver sa valeur, Thornwinder se rue à l’assaut des écorchés vifs, et parvient à terrasser leur meneur en lui grignotant la trachée, ce qui lui vaut le respect du reste de la tribu et lui permet d’obtenir son pins de blood courser, décerné par l’Ancien (28 ans) Speartongue en personne.

Quelques mois plus tard, nous retrouvons Thorny en pleine chasse d’une proie un peu particulière, le drac de sang Harrow. Cette créature mythique autant qu’hémophile est considérée par les Untamed Beast comme une incarnation du Dévoreur, et c’est donc tout naturellement que notre héros, toujours poursuivi par son complexe d’infériorité, souhaite la buter pour prouver ses talents de chasseur. Si la traque en elle-même n’est pas compliquée, les flaques de sang et les arbres renversés par le gros lézard permettant de suivre sa trace sans difficultés, Thornwinder sait bien que Harrow est plus malin qu’il n’y paraît, et qu’il lui faudra une stratégie imparable pour espérer triompher. Ayant rattrapé sa proie et pris une position idéale pour lui balancer sa sagaie dans les branchies, le blood courser a toutefois la désagréable surprise de voir son gibier réussir son test d’Initiative (et au vu des conséquences de ce dernier, il a du faire -39 au dé), attraper sa lance au vol et la recracher avec une moue dédaigneuse. Gloups. Les rôles étant inversés, Thornwinder réussit in extremis à échapper à son destin de poche à sang pour Harrow en plongeant dans une cascade scintillante, dont le glitter le rend à moitié aveugle.

Littéralement repêché par ses comparses alors qu’il flottait le ventre à l’air dans son bassin, Thornwinder se requinque doucement au campement du Venom Fang, mais ses problèmes de d’énervement lui jouent un vilain tour lorsque, vexé de se faire gourmander par l’Ancien (28 ans et 4 mois) Speartongue, qui voit d’un mauvais œil la chasse d’une espèce protégée, Thornwinder pique une crise et lui fait une tête au carré. Je précise bien au carré, et pas au cube, car quand il en eut finit avec Papy Mougeot, le contenu de la boîte crânienne de l’ancêtre était étalé en deux dimensions. Banni par sa tribu en punition de ce méfait, Thorny erre dans les étendues sauvages du Bloodwind Spoil jusqu’à ce que ses visions enfiévrées le ramènent à l’endroit de la bataille contre les Unmade, et à la tête du champion qu’il a vaincu, laissée à pourrir sur une pique. De façon tout à fait naturelle, cette dernière commence à lui parler, ranimant la flamme de sa motivation, et faisant même office de potion de vie (un peu galère à ouvrir, ceci dit), permettant à notre héros, complètement aliéné à ce stade, de reprendre la chasse de Harrow, et, cette fois, d’en venir à bout (d’une façon particulièrement peu subtile et gore).

Fort de ce haut fait, et bénéficiant manifestement du patronage d’une quelconque entité démoniaque, Thornwinder retourne frapper à la porte (façon de parler, ce n’est pas une technologie qu’ils maîtrisent) des Venom Fang, et s’impose rapidement comme le chef de la tribu, massacrant tout ceux qui osent se mettre sur son chemin (et allant jusqu’à déterrer le cadavre de l’Ancien – 28 ans, 4 mois, 2 jours, 12 heures, 23 minutes et 8 secondes – Speartongue pour se faire une ceinture avec sa peau). Son règne sanguinaire s’achève toutefois brutalement lorsqu’au cours d’un accrochage avec une bande d’Iron Golems ayant eu le malheur de vouloir bâtir une résidence secondaire dans le Bloodwind Spoil, il réalise brusquement que le simple concept de tribu est déjà trop organisé pour le Dévoreur, et qu’il est de son devoir d’y remédier. Ce qui le conduit à massacrer aussi bien ses alliés que ses ennemis, qui finissent par faire front commun pour mettre hors d’état de nuire ce psychopathe, même du point de vue, pourtant assez tolérant, de suivants des Dieux Sombres. Ce n’est toutefois pas tout à fait la fin pour Thornwinder. À son tour reconditionné en tête parlante fichée sur une lance, il reçoit en effet la visite d’une chef de tribu Untamed Beasts engagée dans la traque d’une autre bête légendaire du coin… Apéro !

AVIS:

Je commence à sérieusement penser que la prise de recul de Counter par rapport à son activité d’auteur pour la Black Library a eu des répercussions positives sur la qualité de son travail. Non pas que je fisse parti des détracteurs les plus véhéments de notre homme à l’origine, notez, mais j’avais comme tout un chacun je pense, expérimenté quelques lectures peu mémorables (ou trop, à l’inverse) de son fait, et considérait donc ses soumissions avec les précautions d’usage. Cette réserve est en train de fondre au fur et à mesure que je parcoure les derniers travaux BLesques de Mr Counter, qui s’avèrent d’une robustesse enviable, surtout quand ils sont comparés à ceux de certains ses successeurs, dont on pourrait dire bien des choses (et c’est d’ailleurs ce que je fais assez souvent). Cette introduction évacuée, passons aux choses sérieuses : pourquoi que c’est bien ?

Premièrement, Counter, comme la plupart de ses camarades de cri de guerre, parvient à rendre justice à la mentalité et à la culture de la bande qu’il traite, ici les farouches Untamed Beasts, chasseurs des grandes plaines de Ghur aux tendances anarchistes développées. Si vous cherchiez les héritiers du défunt parti Chasse Pêche Nature et Traditions, n’allez pas plus loin, vous avez trouvé à qui parler, ou feuler, avec ces ours mal léchés. La tentation pour l’auteur non inspiré aurait ici été de dépeindre ces survivalistes ossus en vulgaires barbares assoiffés de sang et de pillages, dans la droite ligne des maraudeurs du Chaos de feu WFB, auxquels je dois bien admettre qu’ils ressemblent fortement. Cette solution de facilité, Counter ne l’a heureusement pas choisie, et ses Venom Fang en sortent renforcés et crédibilisés. En insistant dès le départ sur le paradoxe auquel les Untamed Beasts sont confrontées (chercher la faveur du type dont le job est d’unifier les factions du Chaos et qui vit dans la plus grande forteresse des Royaumes Mortels, est-ce raccord avec la position nihiliste du Dévoreur ?), et amenant son héros à réaliser que ce dernier est impossible à résoudre, avec des conséquences sanglantes et définitives, l’auteur parvient, à mon sens mieux que les autres contributeurs de l’anthologie, à illustrer la fondamentale inhumanité du Chaos. Thornwinder a beau se plier aux exigences draconiennes de sa ligne philosophique (un mot qu’il ne connaît sans doute pas, et qu’il aurait du mal à prononcer à cause de son grand nombre de syllabes) avec diligence et application, force-lui est de constater que seule la folie et la mort l’attendent au bout du chemin, comme ce sera probablement le cas de la pauvresse qui termine la nouvelle en lui prenant la tête. Telle est la nature du Chaos, qui n’a que faire du devenir de ses suivants, et dont les dons ne pourront que retarder l’inévitable descente aux enfers qui attend ceux qui empruntent le sentier octuple. Ce message, peut-être le plus fondamental du lore des univers GW, Counter l’a parfaitement compris, et arrive à le transmettre de bien belle manière dans son The Devourer’s Demand1.

Passée cette réflexion de fond, on peut également souligner que cette nouvelle, de par son approche exhaustive de la saga funeste de Thornwinder, depuis ses débuts prometteurs dans le Bloodwind Spoil lorsqu’il n’était qu’un gringalet chétif mais énervé, jusqu’à son apothéose sanglante quelques années plus tard, alors qu’il n’avait toujours pas résolu ses problèmes d’emportement mais avait fréquenté la salle de muscu’ de façon assidue dans l’intervalle, possède un souffle épique, digne (à sa petite échelle) des sagas de Beowulf ou de Siegfried, avec lesquelles il partage la présence d’un gros monstre pas beau en guise de Némésis du héros. Sur cette trame assez peu commune pour un court format de la BL, Counter déroule son propos avec compétence et sérieux, faisant de la lecture de The Devourer’s Demand une expérience à la fois intéressante et gratifiante. Counter, le conteur de la Black Library ? Ca commence à prendre forme…

1 : En prenant en compte le tout aussi excellent The Gods’ Demand de Josh Reynolds, je commence à me dire que les nouvelles contiennent ce terme sont naturellement bonnes. La loi de l’offre et de la demande, sans doute.

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Proving Ground – S. Cawkwell :

INTRIGUE:

Il est temps pour Lock, Spire Stalker de la Cabale Corvus, de voler de ses propres ailes. Ayant reçu la bénédiction de sa chef de volée de lancer sa Grande Chasse, qui lui permettra de faire ses preuves aux yeux du Grand Amasseur, l’impétrant décide que sa Bar Mitzvah se fera aux dépends de ces serpents de cultistes du Splintered Fang. Il vient justement de régler leur compte à trois des leurs, plus à leur aise à ramper dans les rues de Carngrad qu’à poursuivre l’agile rôdeur sur les toits de la cité. Pour attirer les reptiles au sang froid hors de leur trou, Lock a un plan infaillible : faire courir le bruit que la Lance de Nagendra, une relique sacrée aux yeux fendus de ses adorateurs, a été retrouvée, et se trouve en possession d’une caravane esclavagiste de la Cabale, de retour vers Carngrad. Ayant reçu la confirmation que le Fang, mené par l’ambitieuse Prêtresse Ophidia, est tombé dans le panneau1, Lock invite quelques amis à le seconder dans son expédition initiatique.

Malheureusement pour nos Spring Breakers, leur virée dans la banlieue bucolique de la cité pillarde tourne rapidement au fiasco. Sous prétexte de gagner du temps en empruntant un raccourci, Lock et ses comparses débouchent dans un quartier très mal famé, et reçoivent un accueil acerbe de la part des Furies qui squattent les lieux. Bien que réussissant au final à se dépêtrer de ce mauvais pas, les cabalistes sortent de l’altercation très affaiblis, avant même d’avoir trouvé la piste de leurs proies. C’est ballot. La prochaine fois, il faudra suivre scrupuleusement les indications du GPS, hein. Déterminé à mener sa mission à terme, Lock entraîne les survivants dans un mortel jeu de cache-cache aux dépends des cultistes du Splintered Fang, qui disparaissent les uns après les autres au grand énervement d’Ophidia. La confrontation finale prendra place dans le bosquet de la Mère, lieu sacré pour la Cabale où Lock aura l’avantage du terrain…

1 : Se faire pigeonner par des corbeaux, c’est navrant.

AVIS:

Le retour de Sarah Cawkwell en tant que contributrice de la Black Library et ses débuts dans les nouveaux mondes d’Age of Sigmar ne pouvaient sans doute pas mieux se passer (enfin, si, mais on ne va pas exiger la perfection à tous les coups). La Hot New Talent de la BL, révélée par les Hammer & Bolter de l’année I, m’avait laissé une impression assez peu favorable, ses histoires de Space Marines s’étant avérées être d’une systématique incongruité. Il avait fallu attendre sa dernière soumission (Born of BloodHammer & Bolter #21), cette fois ci rattachée à WFB, pour constater une progression dans sa prose. Depuis, plus rien… jusqu’à ce Proving Ground, qui est donc la bonne surprise de l’anthologie.

Au titre des satisfactions que je tire de la lecture de cette longue nouvelle, on peut d’abord citer l’absence d’éléments abscons dans le déroulé de cette dernière. Vous me direz que cela devrait aller de soit. Je vous inviterais à jeter un œil à mes chroniques consacrées à la série Silver Skulls de notre autrice (il paraît que ce mot existe) pour réaliser le chemin parcouru depuis 2012. À aucun moment, Proving Ground n’a provoqué de face palm chez votre serviteur, ni ne lui a donné envie de jeter sa tablette par la fenêtre. Victory, sweet victory. Deuxième amélioration notable par rapport à l’historique Cawkwellien, un rapport apaisé et normalisé envers le background. Un problème récurrent des écrits de Sarah Cawkwell était en effet son utilisation malhabile des concepts sous tendant le fluff de 40K, comme ce terrible The Pact où la race Eldar a failli. Born of Blood dénotait déjà des signes d’amélioration sur ce sujet, ce qui m’avait amené à conclure que Cawkwell était plus une contributrice WFB que 40K, ce qui aurait pu s’entendre. Proving Ground poursuit sur cette lancée, en livrant une vision intéressante, et, de ce qu’il m’a semblé, juste, des deux factions qu’elle met en scène. On pourrait rétorquer que Warcry est tellement neuf qu’il aurait été difficile de violer son lore, à l’inverse des innombrables textes écrits pour 40K depuis trente ans, et on aurait raison. On pourrait également arguer que Cawkwell, comme les autres contributeurs à Warcry : The Anthology, a probablement été briefé en détail par les concepteurs du jeu sur l’ancrage de ce dernier dans Age of Sigmar, et a sans doute brodé quelques détails de son cru sur cette base plutôt que de se lancer dans une création totale de fluff. On aurait probablement encore raison. Reste que le résultat est plutôt satisfaisant (même si en deçà de ce que les autres auteurs du recueil ont pu faire, l’historique et les motivations de la Cabale restant assez flous), et que je me devais de le souligner.

Enfin, on peut certainement attribuer le plein mérite de la construction et du déroulé de l’intrigue à Cawkwell, qui signe quelques passages intéressants, comme cette introduction en traveling, depuis Varanspire jusqu’à Carngrad. Ca pêche par contre à certains endroits, comme durant l’accrochage avec les Furies en dehors de la ville, qui n’apporte pas grand chose au récit et bénéficie d’une ellipse commode pour justifier la victoire des cabalistes contre leurs ennemis ailés (à moins que le mot Avenge les ait fait passer en god mode). Au final, vous l’aurez compris, c’est une soumission plutôt qualitative que nous recevons de la part de Sarah Cawkwell, et la meilleure qui m’ait été donnée de lire de sa part à ce jour. Ce qui veut tout dire.

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Eight-Tailed Naga – D. Guymer :

INTRIGUE:

Réveillé par le contact déplaisant d’un serpent lui rampant sur le visage, Malik à la désagréable surprise de découvrir qu’il a été jeté au fond d’un puits rempli de rampants, ce qui ne colle pas du tout avec le souvenir qu’il avait de sa journée précédente. Par chance, il n’est pas le seul dans cette galère, les cris stridents de sa femme le menant très logiquement à… chercher où il a mis son couteau. Malik semble en effet avoir un petit problème avec la gent féminine, comme nous le verrons plus tard. En attendant, et toujours au fond du trou, Malik voit sa chère et sèche (on n’est pas tendre dans le Deepsplinter) se faire mordre par une des bestioles avec lesquelles ils partagent la fosse, avec des conséquences définitives pour la pauvre fermière. De son côté, il s’en sort mieux, non pas qu’il réussisse à passer entre les gouttes de venin des serpents avec lesquels il cohabite, mais en survivant à leur morsure, et en étant gratifié en sus d’une vision prophétique, l’enjoignant à se rendre dans les Collines de Cuivre à la recherche du Naga aux Huit Queues.

À son (deuxième) réveil, Malik apprend de la bouche de son nouveau sidekick, Klitalash, qu’il fait maintenant parti du Splintered Fang, sa résistance au poison du serpent sacré Blan Loa l’ayant désigné comme un disciple de Nagendra. Il a aussi gagné un nouveau nom dans l’opération, et se fera désormais appeler Ma’asi (Ma’anon étant un prénom féminin). Après avoir grignoté un bout de Khaga pour se remettre de ses émotions, Ma’asi emboîte le pas de son guide et traverse le campement du Fang, qui a squatté sans gêne le hameau de Malik après s’être débarrassé de ses occupants, jusqu’à la tente du chef de la bande, Yaga Kushmer, affectueusement nommé Papa Yaga par ses ouailles. Yaga, en tant qu’émissaire des Coiling Ones, a pour charge de guider le culte en suivant les visions envoyées par Nagendra, mais son accoutumance aux diverses drogues ingérées, inhalées, étalées ou absorbées de façon quotidienne par les adeptes du Splintered Fang a eu des effets néfastes sur sa « réceptivité » aux signaux de sa divinité, et il se montre donc très intéressé par le potentiel chamanique de sa dernière recrue. Cette dernière, après avoir un peu râlé pour la forme, accepte de coopérer avec Papa Yaga, bien aidée en cela par la correction infligée par le Pureblood de la bande en punition de sa mauvaise volonté.

Ma’asi guide donc ses nouveaux amis jusque dans les Collines de Cuivre, malgré les conditions climatiques épouvantables s’abattant sur la petite troupe pendant le voyage1. Problème, la zone est vaste, et la vision peu précise. Heureusement, une embuscade d’Untamed Beasts, eux aussi sur la piste d’un gros gibier, permettra au Splintered Fang, après avoir repoussé les belliqueux naturistes (et massacré une Femen vindicative dans le cas de Ma’asi – quand je vous disais qu’il n’aimait pas les femmes –), de s’attacher le service d’un guide compétent, en la personne de Thruka, Heart-Eater et ultime survivant des malheureux assaillants. La bande arrive donc en périphérie d’un campement Grotkins, très occupés à miner les riches filons de cuivre dont les Collines tirent leur nom, qu’ils parviennent à valoriser grâce au venin corrosif d’une grande bête parquée dans un enclos non loin2. Persuadés d’avoir trouvé le fameux Naga de la prophétie, Papa Yage entraîne ses guerriers à l’attaque de la colonie peau-verte…

Début spoiler…Et doit vite déchanter, quant, à l’ouverture de l’enclos, ce n’est pas un serpent qui s’en extrait, mais une Arachnarok copieusement mutée (elle pue tellement des pieds que ses pattes sont venimeuses, c’est dire) et de très méchante humeur. Spécialisé dans les bêtes squameuses et pas chitineuses, le Splintered Fang paie très cher sa méprise, et perd nombre de guerriers dans la bataille qui s’en suit. Finalement, c’est Ma’asi qui s’en sort le mieux, le venin de l’Arachnarok lui permettant d’atteindre le grade de Trueblood en trois battements de cœur, et la disgrâce de Papa Yaga de rallier à lui les survivants du Fang pour débuter sa propre bande. Le malheur des uns…Fin spoiler

1 : Quand il pleut des hallebardes sur le Bloodwind Spoil, vous pouvez être certains que ce n’est pas au sens figuré.

2 : On remarquera aussi qu’ils font un grand usage d’éoliennes, ce qui est au fond logique. Qui mieux qu’un Grot pour utiliser de l’énergie verte ?

AVIS:

La vision (un concept important ici, comme vous l’aurez compris) que David Guymer a du Splintered Fang s’avère être à part égale déroutante et satisfaisante. Je ne m’attendais en effet pas à l’inspiration Les Cavaliers de la Mort qu’on trouve dans la nouvelle, avec un protagoniste s’initiant et s’intégrant progressivement à la culture de ses ennemis, jusqu’à devenir un champion de ces derniers. Si le roman d’Abnett était bon, la nouvelle de Guymer, faute d’espace, parvient moins à entraîner son monde, mais réussit toutefois à singulariser les cultistes du Fang par rapport aux autres factions chaotiques du Bloodwind Spoil, beaucoup plus restrictives en termes d’admission. La mentalité assez inclusive des scions de Nagendra est un bon révélateur de la diversité des sociétés chaotiques, pas forcément « mauvaises » au dernier degré dans leur rapport au monde, ou en tout cas pas sur tous les sujets. Tant qu’on discute (ou en tout cas, que je parle) de l’approche choisie par l’auteur, notez qu’il est également le seul à avoir joué la carte de l’humour dans son récit, encore que légèrement (et c’est tant mieux, ayant tendance à penser que les Chaoteux se fendent la tronche de façon littérale plutôt que figurée la plupart du temps). En témoigne le personnage de ce roué de Papa Yaga1, fidèle dévoué mais pragmatique, qui fait confiance à son Dieu surtout quand ça l’arrange. De même, la mention de l’art délicat du silans, ou le talent de ne pas faire de bruit, me semble être un petit clin d’œil de Guymer à son lectorat à travers le quatrième mur.

L’histoire en tant que telle est assez convaincante, l’intégration d’antagonistes un peu exotiques, par l’intermédiaire d’une tribu de Grots très loin de chez elle, mais assez bien accompagnée, permettant de varier un peu des affrontements fratricides qui sont la norme dans l’anthologie (à raison, ceci dit, et Eight-Tailed Naga ne fait d’ailleurs pas exception). On pourra toutefois reprocher à Guymer son manque de clarté en ce qui concerne la prophétie éructée par son héros après que son épreuve de Fort Boyard se soit mal terminée. En ce qui me concerne, je n’ai pas compris qui faisait figure de naga à huit queues, ni pourquoi. Peut-être ai-je mal lu un paragraphe important, mais si la clarté n’est pas la qualité première de toute vision prophétique qui se respecte, il est en revanche important que le lecteur puisse saisir sans équivoque possible le fin mot de l’histoire, sans quoi l’auteur passera pour un jambon. Si quelqu’un à une interprétation définitive des élucubrations de Ma’asi, c’est volontiers que je prendrais connaissance de cette dernière.

Enfin, Guymer fait le job au niveau de l’éclairage du background du Splintered Fang, avec un soin particulier apporté à la description de la société qu’entretiennent les cultistes, sorte de Woodstock perpétuel à la fois sanglant et tolérant. En plus de quelques notions culinaires, on en apprend également plus sur Nagendra et les Coiling Ones, ce qui est toujours bon à prendre. En revanche, les motivations du Fang envers Archaon restent assez floues, et je vois mal le Maréchal de l’Apocalypse tolérer qu’une caravane de drogués viennent squatter devant la Varanspire s’ils n’ont pas de solides arguments à faire valoir2. Il va falloir bosser votre présentation les gars.

1 : Dont le nom seul est suspect. Lorsqu’une nouvelle commence par « papayagapapayagapapayaga », on est en droit de se demander si la Reine de la Nuit ne va pas pointer le bout de son nez quelques pages plus loin.

2 : Et « t’en veux ? » n’en fait à mon avis pas partie.

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The Iron Promise – J. Reynolds :

INTRIGUE:

Vos Stalis, Dominar démotivé1, est envoyé avec sa bande de guerre par son cousin germain Mithraxes, s’enquérir de la raison de l’arrêt du versement de la dîme due aux Iron Golems par leurs alliés Duardin du Chaos. Traversant à pied les dangereuses Skullpike Mountains, territoire de chasse de Harpies affamées et de Polypes cristallins… déterminés, les Légionnaires finissent par arriver devant les portes du bastion de Khoragh Ar-Nadras Has’ut (à vos souhaits), où, devant l’absence de réponse à leurs coups de sonnettes, ils décident de camper en attendant qu’on vienne leur ouvrir. Parce que oui, on peut ressembler à une bouche d’incendie adepte de black metal, et avoir des manières. D’ailleurs, nos bidasses étaient en train de se livrer à leur activité favorite, le bivouac-philo, quand la grille de la forteresse s’est ouverte, invitant les hommes de main du parrain de Chamon à entrer.

Là, Vos et ses sous-fifres doivent d’abord faire face aux assauts patauds des nains de jardin d’un genre un peu spécial que leur hôte a disposé dans sa cour pour décourager les démarcheurs à domicile. Membre historique du FLNJ2, le fier Dominar n’a aucun mal à calmer les ardeurs tiédasses des Fyreslayers zombifiés de Droghar, qui finit par se présenter devant ses racketteurs protecteurs, escortés de deux Ocorps en guise de gardes du gors. Ou l’inverse. Bref. Droghar explique à l’envoyé de Mithraxes qu’il est tout à fait prêt à honorer sa parole et délivrer le chargement de minerai de fer dû aux Iron Golems, si ces derniers voulaient bien l’aider à venir à bout d’une nuisance étant venue nicher dans les niveaux inférieurs de sa forge. Malgré l’énergie employée, et les cohortes de sbires envoyées sur place, pour régler le problème, le monstre en question n’a pu être vaincu, ne laissant pas d’autres choix au maître des lieux que de condamner les issues de son propre bastion, et d’attendre l’arrivée de la Légion pour venir à bout de l’intrus. Poussé à agir par les piques envoyées par le roué nabot, Vos accepte de ramener la tête de l’empêcheur de forger en rond et entraîne sa fine équipe dans les ténèbres de la forteresse de Droghar, sans trop savoir ce qui les attend à l’intérieur…

Début spoiler…La surprise sera donc (presque) totale lorsque la bête en question se révélera être un Prosecutor (je pense, mais je ne suis pas expert en Stormcast Eternals) bien amoché, s’étant matérialisé dans la place à la suite de l’excavation par Dragoth d’une relique sigmarite dans les niveaux inférieurs de sa forteresse, autrefois siège d’une Loge Fyreslayers. Bloqué sur place, mais pas découragé pour autant de propager le message de Sigmar en ce lieu de ténèbres, Prozy s’est livré à une guérilla sanglante contre les contremaîtres et mercenaires de Droghar, libérant les esclaves de ce dernier au passage, et foutant suffisamment le boxon pour que ce dernier décide de boucler le périmètre pour arrêter les frais. Confronté aux Iron Golems, il repart vaillamment à l’assaut, mais finira par rendre l’âme sous les horions de la Légion, non sans avoir prélevé un lourd tribut parmi ses adversaires.

Cette sale besogne accomplie, Vos boitille jusqu’à la sortie, où le vil chipotage de Droghar, qui lui fait remarquer que comme le Stormcast s’est évanoui dans la nature et que le Dominar n’a pas de tête à rapporter pour prouver ses dires, il n’a pas tenu sa parole et l’arrangement conclus avec les Iron Golems ne tient donc plus (nananèr-reuh), ne trouve pas une oreille compréhensive chez les Légionnaires éprouvés. Puisant dans ses dernières réserves, Vos concasse les gros bras du fourbe Duardin, avant de balancer ce dernier dans sa propre rivière de lave pour lui apprendre à chercher à entourlouper son monde. Ceci fait, il prend officiellement possession de la forteresse au nom de Mithraxes, car après tout, on n’est jamais mieux serti que par soi-même.Fin spoiler

1 : Il commence la nouvelle en poussant littéralement un soupir d’ennui.

: Front de Lamination des Nains de Jardin. La Libération, ce sera pour plus tard.

AVIS:

Comme à son habitude, Reynolds rend une copie propre et plutôt qualitative, permettant au lecteur de se familiariser avec les éléments saillants du fluff des Iron Golems. Occupant le créneau de la faction des gros balèzes en armure de l’écosystème de Warcry, un archétype chaotique des plus connus, le travail de contextualisation à réaliser pour cette bande était sans doute moins important que pour d’autres, mais si Josh Reynolds l’a joué relativement sobre et classique ici (à supposer qu’il ait eu son mot à dire), il a aussi pris le soin de ne pas laisser le lecteur en terrain totalement familier. Apprendre que les Golems, malgré leur apparence frustre et leur organisation militariste, philosophent de concert le soir au coin du feu, permet de leur donner un début d’originalité dans l’esprit du lecteur, ce dont ils ont sans doute plus besoin que les Unmade ou la Cabale Corvus.

La véritable de trouvaille de Reynolds repose toutefois dans son choix d’antagoniste, et dans la manière dont ce dernier est introduit dans le récit. Si le lecteur devine assez rapidement que le briefing lapidaire, laconique et lacunaire d’Hatshoum cache quelque chose de pas très net, et que les indices parsemés en cours de récit permettent de cerner l’identité du coupable, l’arrivée finale de ce dernier fait tout de même son effet, et place l’observateur dans une situation aussi paradoxale que savoureuse, en remettant en cause son « allégeance » à Vos et ses Légionnaires, suffisamment dépeints comme des braves types au cours des pages précédentes pour que leur décès ne nous soit pas agréable, mais restant au demeurant des servants des Dieux Sombres, et ne pouvant donc revendiquer une supériorité morale sur leur adversaire (c’est même plutôt l’inverse). De là, l’installation d’une tension narrative certaine, quand les autres nouvelles du recueil en étaient plutôt dénuées (crevez tous, chiens du Chaos !). Contributeur prodigue de la littérature d’Age of Sigmar, on peut vraiment dire avec The Iron Promise que Reynolds boucle la boucle, en ayant trouvé le moyen de faire endosser au héros la pelisse du méchant, et de façon assez réussie je dois dire.

Pour le reste, on n’est pas sur un travail remarquable en termes de parti pris narratif ou d’exécution littéraire, Josh Reynolds se reposant sur ses très solides acquis pour dérouler son histoire d’enquête de voisinage dans l’environnement bigarré du Bloodwind Spoil. Comme toujours, ça se lit très bien, et on sort de The Iron Promise sans avoir l’impression d’avoir perdu son temps. C’est déjà ça.

***

Alors, que retenir de cette anthologie Warcry au final ? De mon côté, beaucoup de bien, et la certitude que la Black Library devrait définitivement publier davantage de ce genre d’ouvrage thématique1, et si possible, en privilégiant le format des « longues nouvelles » (une trentaine de pages minimum), qui permet aux auteurs de proposer des récits bien plus détaillés et ambitieux que la soumission classique de la maison. En parlant de ces derniers, le fait que les contributeurs choisis pour Warcry : The Anthology soient tous des vétérans (Peter McLean mis à part, mais la qualité de sa nouvelle démontre amplement qu’il a plus que pris la mesure de son sujet) de la collaboration avec GW a certainement aidé à hausser le niveau et l’intérêt de cet opuscule. Il aurait été étonnant que la BL mette des rookies sur ce genre de projet, notez, le niveau de connaissance relatif au background d’Age of Sigmar d’une part, et au concept du Chaos d’autre part, nécessaire à la réalisation d’un travail correct étant significativement plus élevé qu’à l’ordinaire. Mais s’il y a une chose qu’on ne peut pas enlever à la maison d’édition de Nottingham, c’est sa capacité à sortir des sentiers battus et à faire des choix que d’aucuns pourraient considérer comme curieux, voire stupides dans certains cas. Ici, la BL a joué la carte de la sécurité, et la qualité du livrable s’en ressent fortement.

Variant du très solide au franchement excellent, les six nouvelles de ce recueil remplissent pleinement leur office, et introduisent avec succès le lecteur au background des factions de Warcry. Je peux révéler ici que lorsque la liste des auteurs sélectionnés pour ce livre a été révélée, l’intégration de certaines de mes têtes d’Orruk au casting m’a fait craindre le pire. En cela, j’avais tort, Annadale et Cawkwell (pour les citer) réussissant à tenir leur rang, et à livrer ce que je considère comme étant leurs meilleurs travaux à ce jour et à ma connaissance. Doit-on y voir la preuve de la puissance des Dieux du Chaos ? Je vous laisse seuls juges, mais sors en tout cas content de cette lecture, qui n’a pas révélé de mauvaises surprises, à la grande mienne. La question est ouverte de savoir si ce succès n’est pas à mettre au crédit, au moins en partie, des concepteurs du lore de Warcry, qui ont défini les caractéristiques de chacune des bandes chaotiques et ont fait un travail absolument remarquable en cela. Un simple regard aux figurines suffit à s’en convaincre, et un auteur professionnel un minimum compétent n’aura aucun mal à faire fructifier ces bases d’une excellente qualité pour en tirer un récit digne d’intérêt. Je n’ai pour ma part aucun problème à partager le mérite entre créateurs et rédacteurs, auxquels je tire donc mon chapeau.

Comme toujours dans un ouvrage collectif, certaines pièces sont plus abouties que d’autres, les travaux les plus réussis à mes yeux parvenant, en plus de mettre en exergue la culture et l’histoire de la bande traitée, à faire comprendre les motivations de cette dernière à s’aventurer dans les terres internationales du Chaos et la manière dont elle compte s’y prendre pour gagner les faveurs d’Archaon, qui est bien souvent révélatrice de la « philosophie » chaotique qu’elle entretient. À ce petit jeu, The Method of Madness et The Devourer’s Demand sortent clairement du lot, la première en offrant une visite détaillée de Carngrad et de sa gouvernance complexe, tout en déroulant une histoire à rebondissements sur les desseins de grandeur d’un Cypher Lord et de sa clique, la seconde en poussant jusqu’à son terme la réflexion sur la nature destructrice, voire nihiliste et donc fondamentalement inhumaine, du Chaos.

Pour conclure, je recommande donc la lecture de ce Warcry : The Anthology, à tous les lecteurs (anglophones seulement à ce jour) amateurs d’Age of Sigmar, qu’ils viennent pour l’intrigue ou pour le fluff. J’irai même plus loin en étendant cette recommandation aux enthousiastes chaotiques, quelle que soit leur franchise favorite. Même les mordus du lointain futur pourront trouver leur bonheur dans cet ouvrage, qui, parce qu’il met le Chaos au centre des débats, leur parlera sans doute plus que les aventures de Stormcast Eternals. Enfin, je place cette anthologie au sommet de la liste de lecture de tous ceux qui souhaiteraient débuter dans le monde, parfois merveilleux, parfois ingrat, mais toujours distrayant, des courts formats de la Black Library. Quitte à se lancer dans l’aventure, autant commencer par une valeur sûre, et vous tenez entre vos mains un futur classique du (sous-sous-sous-sous) genre. Il n’y a plus qu’à espérer que le jeu fonctionne assez bien en termes de ventes pour que GW commissionne une suite à cet ouvrage. Après tout, deux des Royaumes Mortels n’ont toujours pas « leur » faction chaotique résidente connue à ce jour2, sans compter les Skavens, les Hommes-Bêtes et les Guerriers du Chaos (les factions non chaotiques étant à mes yeux moins intéressantes à couvrir). Bref, il y a largement de quoi faire. All praise the Dark Lords !

1 : J’ai donc hâte de voir ce que ‘Vaults of Obsidian’, le recueil consacré à Blackstone Fortress, va donner. Rendez-vous en Novembre pour le savoir !

2 : Aqshy et, d’un potentiel fluffique beaucoup plus important, Azyr. On ne me fera pas croire que Sigmarland est totalement imperméable au Chaos, les gens n’étant, après tout, jamais contents de leur sort, même quand ils ont la chance de vivre dans des dictatures militaristes éclairées.