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SUMMER OF READING 2017 [40K-AoS]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue, franchement hivernale, du Summer of Reading 2017 de la Black Library. Pour ceux qui ne seraient pas familiers avec ce format, que la BL a abandonné en 2019 après plusieurs années d’usage, il s’agissait de l’ancêtre des semaines thématiques avec new content daily dont nous sommes maintenant abreuvés. Il faut croire qu’à l’époque, les gens avaient davantage le temps puisque cette les SoR couraient non pas sur une semaine, mais bien sur une saison (plus précisément, la période creuse des congés estivaux en Europe)1.

1 : On peut aussi remarquer que les réductions étaient plus avantageuses, avec 7 nouvelles pour le prix de 5. Quelle époque de cocagne nous vivions alors…

Summer of Reading 2017

Au programme de l’été, sept nouvelles en provenance directe de l’Hérésie d’Horus, du 41ème millénaire et des Royaumes Mortels. Si certaines de ces soumissions sont de purs stand alone, d’autres mettent sur le devant de la scène des figures (Lucius l’Eternel, Hamilcar Bear Eater) et des séries (Les Lamentations de Khorne de Reynolds, les Carcharodons de MacNiven) bien connues des habitués de la BL. De la même manière, les auteurs ici convoqués ne dépayseront pas grand-monde, à l’exception peut-être de Ian St. Martin, encore relativement nouveau dans la carrière à l’époque. Sans rien d’autre ajouter dans cette introduction, voyons maintenant ce que cette mini-série a sous le capot. 

Summer of Reading 2017

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Grandfather’s Gift – G. Haley [HH] :

INTRIGUE:

Grandfather's GiftLe propos de notre récit se situe dans un jardin public, où un clochard toxicomane émerge péniblement d’un sniff de crack frelaté, dans une tenue étrange et avec une très vague idée de qui il est et ce qu’il fait là. Vous allez me dire : « C’est pas une nouvelle de l’Hérésie ça, c’est la Villette un mardi matin classique ». Vous auriez raison, sagaces lecteurs, ne serait-ce que pour les quelques détails ci-après : le jardin est géré par le NURGLE (Node Urbain de la Régie Générale de Laval Est), le clochard est un Primarque, et la mémoire qui lui revient progressivement lui apprend, et nous avec, qu’il est Mortarion, seigneur de la Death Guard.

Malgré ces débuts prometteurs, Morty se demande bien comment il est arrivé dans ce bouge, lui qui aux dernières nouvelles travailllait tranquillement dans son laboratoire de la planète de la peste à quelque grand dessein arcano-technologique. Plus curieux qu’inquiet devant le charme sauvage de l’endroit, à mi chemin entre le jardin anglais dans toute sa bucolique liberté et le fond d’un baril d’eau lourde oublié dans un terrain vague de Chernobyl, notre Primarque décide de partir en vadrouille, espérant trouver un agent municipal qui lui indiquera la station de tram la plus proche pour l’Oeil de la Terreur. Au bout de quelques secondes/minutes/heures/jours/mois/années/siècles/éons, il finit par tomber sur un Grand Immonde, en chair autant qu’en larmes, auprès duquel il s’enquiert poliment des raisons de son tracas. On a beau dire ce qu’on veut des qualités paternelles de l’Empereur, il a su inculquer à ses fils des manières tout ce qu’il y a de plus urbaines.

Khu’gath, car c’était lui, se fait un plaisir de rafraîchir la mémoire du dormeur du val, le taquinant au passage sur son aveuglement volontaire, et hilarant, quant au fait qu’il soit un psyker, appellation que Mortarion refuse catégoriquement1. Toujours totalement perturbé par une enfance difficile et un complexe d’Oedipe asymétrique (il veut tuer son père et… tuer son père) mal digéré, notre héros atrabilaire ne démord pas qu’il est un scientifique et non un praticien des arts occultes, ce que Khu’gath, conciliant, finit par lui accorder. En guise de cadeau d’adieu, l’affable démon a la bonté de remodeler le Primarque a sa véritable image, ailes de bourdon (l’animal totem de Mortarion) incluses, et de lui souffler à l’oreille la raison de sa venue à Neverland. Le bon Papa Nurgle lui a organisé une chasse au trésor pour le récompenser de sa piété, et l’âme de son beau-père l’attend quelque part sous les frondaisons moites de son jardin.

« Bon sang, mais c’est bien sûr ! » s’exclame Mort Shuman, qui s’envole à tire d’aile chercher la récompense qu’il poursuit depuis si longtemps, et qu’il finit par trouver, disséquer et enfermer dans une fiole en un tour de faux. Satisfait d’avoir rayé cet important item de sa to do list personnelle, Mortarion peut enfin regagner ses pénates et appeler son psy pour convenir d’une prochaine séance, se jurant au passage qu’il finira par régler ses comptes avec son autre père, dont la lampe torche psychique clignote en lisière du jardin de Grand-Père Nurgle. Pépé ou Papy, il fallait choisir, et il a choisi !

1 : « Tu es un sorcier, Mort- » « AGNANANANA, JE N’ENTENDS RIEN-EUH !»

AVIS:

Grandfather’s Gift a beau se concentrer sur un épisode somme toute négligeable de la saga de Mortarion, personnage l’étant – jusqu’à récemment – tout autant en termes d’importance sur le lore de 40K, sa (courte) lecture n’en demeure pas moins intéressante, en ce qu’elle permet à Haley de poursuivre sa description pour le moins contrastée du Primarque de la Death Guard, déjà généreusement ébauchée dans Plague War : celui d’un être totalement paradoxal, qu’il est le seul à ne pas voir, ce qui a la fâcheuse tendance à miner son autorité naturelle. Prince Démon jurant ses grands dieux qu’il a réussi à dompter les forces du Chaos à force d’études et d’analyses tout ce qu’il y a de plus scientifiques, Morty apparaît comme un être aussi amer que pathétique, ce qui contribue à le rendre intéressant, même si la frontière est fine entre profondeur tourmentée et ridicule patenté. L’autre trait notable de son caractère, le mépris souverain qu’il semble éprouver envers toute chose (la condition humaine, ses frères, ses pères) pourrait tout autant le magnifier que le plomber, si utilisé de manière peu fine par un auteur en manque d’inspiration1. Affaire à suivre, donc.

Pour poursuivre mon fil rouge BLC-esque, enfin, je dois reconnaître que l’inclusion de cette nouvelle au recueil s’avère un choix assez pertinent, puisqu’elle offre au lecteur novice une bonne présentation d’un lieu (de) culte des franchises de Games Workshop : les fameux jardins de Nurgle, en plus d’une introduction intéressante au concept de « destruction créatrice » // « je meurs donc je ris » qui est à la base du dogme prouteux. L’utilisation de l’amnésie de Mortarion permet également à Haley de présenter le background de ce dernier de manière progressive et pédagogique, brossant en toile de fond les grandes lignes du fluff de 31K. Bref, une soumission qui répond plutôt bien au cahier des charges, sans pour autant se révéler être vide de substance pour les vieux BL-iscards. Pas mal du tout.

L’extrait gratuit de La Dague Enfouie de James Swallow me fait ainsi redouter le pire pour le DG de la DG, qui apparaît comme le pion d’un Typhus même pas respectueux de son père génétique, sans que ce dernier ne s’en offusque.

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The Hardest Word – D. Guymer [AoS] :

INTRIGUE:

The Hardest WordEn poste dans la forteresse des Sept Mots (sans doute construite par les sept nains) en Ghur, l’incommensurable Hamilcar Bear Eater reçoit la visite de la Lord-Veritant Vikaeus, qui arrive porteuse, outre de son heaume et d’une moue dédaigneuse, de troublantes nouvelles. Prophétesse reconnue à travers les osts de Sigmar, Vicky a eu la vision d’une horde de Skavens attaquant le bastion tenu par les Astral Templars et capturant l’insurpassable Hamilcar pour en faire le sujet d’une expérimentation aussi obscure dans ses motifs que douloureuse dans son application (d’après la description qui en faite, Hamilcar passerait de battant à batterie, ce qui n’est pas une évolution de carrière très désirable). Pour notre inarrêtable héros, il est clair qu’il faut saisir le rat-taupe par les bornes, et tant pis si la prophétie de son invitée n’est guère précise à propos du moment où le danger se matérialisera, et la direction d’où il viendra. Prédiction, mobilisation, comme dit le proverbe.

Lors donc, Hamilcar s’emploie à rassembler le ban et l’arrière-ban de son petit domaine, sans tenir compte du regard courroucé ni des réflexions désobligeantes de Vikaeus, qui est la première à reconnaître que ses annonces sont encore trop vagues pour mettre les Sept Mots sur le pied de guerre. C’est mal connaître l’inqualifiable Hamilcar, qui a une idée bien précise de la manière d’écarter le risque d’une future invasion de ratons : ayant laissé à la Lord-Veritant toute latitude (ainsi que son fidèle gryph hound, Crow) pour faire son enquête de terrain, notre héros va se planter à l’entrée de sa forteresse, et hurle un défi à la cantonade : si les Skavens arrivent à la vaincre en combat – et même pas en combat singulier, c’est dire s’il est sûr de son fait – les Sept Mots leur seront remis sans coup férir. Voilà une offre qui ne se refuse pas, et à la grande surprise de l’assistance réunie pour voir le patron faire ses pitreries, un émissaire Skaven se présente quelques instants plus tard pour annoncer à la grande-gueule en armure violette que le Warlock Ikrit accepte la confrontation.

Comme on pouvait s’y attendre de la part d’une race totalement étrangère au concept d’honneur martial, Ikrit ne se déplace pas en personne, mais envoie une de ses créations, que l’on peut décrire comme le fruit des amours illicites entre un Cuirassier Némésis et un Rat Ogre, s’emparer de l’indémodable Hamilcar, qui l’intéresse beaucoup plus que la possession des Sept Mots. Bien que le cédant à son adversaire mécanique en carrure et en force, et devant composer avec le feu nourri des Jezzails que le prudent Ikrit a également mis sur le coup (on n’est jamais trop prudent), le Lord-Castellant préféré de ton Lord-Castellant préféré réussi à vaincre son adversaire déséquilibrant l’exo-ratmure et la mettant sur le ventre. Ce triomphe est toutefois assombri par le retour de cette pimbêche de Vikaeus, très courroucée d’être tombée sur une bande d’éclaireurs Skavens pendant ses investigations, et d’avoir dû s’en débarrasser par elle-même. Avant de s’en aller bouder dans ses quartiers, elle assure à l’indécrottable Hamilcar que son récent exploit n’a fait que repousser l’échéance, et que les Hommes Rats en ont toujours après lui. Ce qui est fort possible – après tout, qui ne rêverait de posséder une copie conforme de Sigmar ? – mais sera l’affaire d’une autre histoire…

AVIS:

David Guymer prépare dans ce ‘The Hardest Word’ (rien à voir avec la chanson d’Elton John, pour autant que je puisse le dire) l’intrigue du roman qu’il consacrera à son personnage fétiche (‘Hamilcar : Champion of the Gods’), et dans lequel le Stormcast prodigue et prodige devra défendre son intégrité physique contre les assauts répétés d’un Skaven illuminé. On y voit un Hamilcar en grande forme faire ce dans quoi il excelle : prendre des décisions radicales sur un coup de tête, se battre comme un chiffonnier (et gagner à la fin), et plus important, balancer des vannes dirigées autant vers ses camarades que vers le lecteur, ce qui est une raison suffisante pour lire les travaux consacrés à ce personnage haut en couleurs d’Age of Sigmar, si vous voulez mon avis. Une honnête réussite pour Guymer, qui arrive à trouver le juste équilibre entre les nombreux composants d’une bonne histoire d’Hamilcar Bear Eater (intrigue, contextualisation, développement des personnages, style…), ce qu’il ne parvient pas à faire à tous les coups.   

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Shadows of Heaven – G. Thorpe [40K] :

INTRIGUE:

Shadows of HeavenContributeur infatigable au corpus Eldar de la Black Library, Gav Thorpe choisit de mettre en scène dans ce Shadows of Heaven le protagoniste de son Path of the Outcast, le Ranger/Prince Pirate Aradryan, que le lecteur retrouve en simple planton défendant un vibrocanon contre les assauts de la Black Legion. Malheureusement pour lui, la bataille tourne rapidement en défaveur des Zoneilles, qui, malgré l’avantage de la position, de l’armement et de la surprise, se font tailler des croupières par les Space Marines du Chaos dont ils cherchent à bloquer l’avancée1. Dans le chaos qui s’ensuit, notre héros s’illustre franchement, non pas par son courage suicidaire ou son intelligence tactique, mais par sa capacité à trouver des raisons de ne rien faire qui puisse mettre en danger sa précieuse personne. Si le bon-eldar en question n’avait pas réussi à devenir le maître d’une flotte de Pirates Zoneilles, ce qui doit logiquement impliquer une certaine implication personnelle dans les choses de la guerre, je l’aurais reversé dans la catégorie des trouillards patentés, ex-Ranger « no stranger to bloodshed/not afraid of death » ou pas.

Ayant vu sa camarade Gardienne se faire déchiqueter d’un bolt bien placé dans l’exercice de ses fonctions, Aradryan préfère ainsi disserter intérieurement sur les avantages et les inconvénients de voir son âme relâchée dans le circuit d’infinité du Vaisseau-Monde, et remettre en cause l’alliance des Eldars avec l’Impérium (il n’a pas supporté la V8 et le retour de Guilliman, comme certains joueurs), plutôt que d’aider ses petits copains en, je ne sais pas moi, essayant vraimentde participer à l’effort de guerre (pour tout dire, il n’utilise pas une seule fois son arme de toute la nouvelle). En même temps, il est sans doute vain d’espérer des trésors de bravoure de la part d’un gonze dont le métier est littéralement d’être pleureuse professionnelle (Mourner en VO, noble job qui ressemble fortement à ce qu’on appelle des auxiliaires de vie en EHPAD à notre époque). Mais alors qu’il se prépare à vendre chèrement sa vie, l’intervention décisive des Ynnari, menés par Yvraine et le Visarque en personne, renverse drastiquement le cours de la bataille, et permet à notre poule mouillée de héros d’évacuer les lieux la tête haute, non sans avoir ramassé la pierre esprit de son infortunée collègue.

La fin de la nouvelle voit Aradryan croiser le chemin d’une vieille connaissance, la Prophète Thirianna (dont l’histoire a été racontée dans le 2ème livre de la trilogie Path of the Eldar du sieur Thorpe – celui dédié à Aradryan étant le 3ème – Path of the Seer), ce qui lui donne l’occasion de faire son coming out de façon officielle : entendant lui aussi des voix, et pas seulement celle – passablement pleutre – de sa conscience, il a décidé de rejoindre les Ynnari et donc de quitter à nouveau Alaitoc. Dubitative mais compréhensive, Thithi lui fait un gros câlin d’adieu, dont la portée symbolique arrachera peut-être une larme au lecteur ayant lu l’intégralité de Path of the Eldar, mais qui laissera totalement froid les autres. Remarquant la pierre esprit qu’Aradryan a récupéré sur le champ de bataille, elle lui propose de lui confier le précieux objet afin de donner à l’âme de la défunte le repos qu’elle mérite… ce que notre héros refuse de faire, persuadé qu’il vaut mieux chiller dans un 12cm3 ad vitam eternam plutôt que de se retrouver mêlé à la foule du réseau d’éternité. Et ceci alors qu’il dit littéralement une seconde plus tôt qu’il ne connaissait pas bien sa camarade, et n’est donc pas vraiment en mesure de prendre une telle décision à sa place (à moins que les Eldars ne se baladent avec une carte de donneur d’âme, comme nous humains avons des cartes de donneur d’organes). Dans les ténèbres du lointain futur, l’opposition entre ProChoice et ProLife fait donc encore rage, tenez-le-vous pour dit !

1 : Il faut dire que le plan infaillible de leur Autarque est lamentablement tombé à l’eau quand les Légionnaires ont décidé d’aller se dégourdir les solerets avant de traverser le pont, ce qui n’était absolument pas prévu par le haut commandement Eldar et a donc précipité l’offensive des Alaitocii.
2 : Car il tente de mettre en batterie le vibrocanon de sa collègue décédée, mais une volée de bolts le revoit fissa derrière son mur. En même temps, on ne peut pas dire que ses supérieurs soient des monstres de charisme, ce qui ne donne pas envie d’en faire plus que le strict minimum.

AVIS:

La bibliographie de Gav Thorpe est aujourd’hui suffisamment fournie pour lui permettre d’inscrire ses nouvelles dans la continuité de travaux précédents (ici, la série Path of the Eldar). Cela ne serait pas gênant s’il prenait la peine de bien contextualiser son intrigue, en faisant le lien de manière claire et équivoque avec l’arc narratif utilisé, et en donnant au lecteur néophyte toutes les clés nécessaires à sa bonne compréhension, voire sa bonne appréciation, des tenants et aboutissants évoqués dans la petite et la grande histoire. Vous vous doutez bien que si je choisis de commencer mon retour critique de Shadows of Heaven par ce point, c’est que Thorpe a failli à remplir cette mission, ce qui est dommage à la fois pour cette soumission, et de la part d’un auteur aussi chevronné que le Gav. Pour ma part, je n’ai commencé à soupçonner qu’Aradryan était un personnage déjà connu de la BL qu’au dernier quart de la nouvelle, à l’arrivée de Thirianna, dont la non-présentation laissait peu de doutes quant au fait qu’il s’agissait d’une figure connue du Thorpiverse (donc pas vraiment connue en fait). De manière ironique, il aurait peut-être mieux fallu pour Thorpe que je – et avec moi, un certain nombre de lecteurs curieux – ne fasse pas le rapprochement avec ses bouquins Path… car j’ai eu l’impression d’un énorme « faux-raccord » narratif autour d’Aradryan, présenté comme un héros brave et respecté à un moment, et comme un grouillot trouillard à un autre. N’ayant pas lu Path of the Outcast, je ne peux être certain que la conclusion du roman ne fasse pas logiquement le lien avec la situation d’Aradryan telle qu’elle est présentée ici, mais je penche tout de même pour une maladresse ou un oubli de Thorpe à ce niveau.

Le sujet de l’inclusion de Shadows of Heaven dans l’ensemble plus large que représentent les travaux Eldars de Gav Thorpe évoqué, reste à discuter du reste, c’est à dire – malheureusement – pas grand-chose. L’action en elle même n’est absolument pas mémorable, même si la lâcheté chevillée au corps du héros change des poncifs habituels de la BL en matière de protagonistes. Cela dit, Aradryan n’apparaît pas spécialement sympathique pour autant, son égoïsme latent et la manière désinvolte avec laquelle il traite des sujets aussi importants pour les Eldars que le devenir de leur âme, ne lui attirant pas la bienveillance du lecteur. L’inclusion des Ynnari au récit, le temps d’un caméo lointain d’Yvraine et du Visarque (on connaît le goût du Gav pour l’utilisation des têtes d’affiche du background), apparaît enfin comme une tentative maladroite de rabibocher l’ancien et le nouveau fluff, tout comme la conversion spontanée d’Aradryan à Ynnead peut être interprétée (à mon niveau tout du moins) comme une manière pour Thorpe de « remettre à jour » des personnages créés avant que les dernières évolutions fluffiques ne prennent place (la trilogie Path of the Eldar ayant été publiée entre 2010 et 2012). Bref, une bien belle et terne brique dans le mur des publications thorpiennes que ce Shadows of Heaven (dont le titre, pour inspiré qu’il soit, n’a de plus rien à voir avec l’intrigue, à moins que le mur derrière lequel Aradryan passe le plus clair de la nouvelle à s’abriter s’appelle Heaven). Passez votre chemin.

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Death Warrant – R. MacNiven [40K] :

INTRIGUE:

Death WarrantPas de chance pour Anjelika Trayn, récente héritière de la lettre de marque de son défunt papounet, Libre Marchand de son état, et dont elle a pris la suite. A la recherche d’un premier coup juteux pour regonfler le moral (défaillant) de son équipage et payer de quoi retaper sa flotte, la jeunette avait décidé de réaliser des fouilles dans les temples antiques du monde jungle de Terix IX. Des légendes persistantes faisaient en effet état de la présence dans un de ces complexes abandonnés d’une relique capable de contrôler les créations du Mechanicus, le Périapte Rouge (aussi appelé Zapette Universelle), ce qui peut se revendre à un bon prix sur le premier monde forge venu. Après deux mois d’investigations pénibles et souvent dangereuses (la donzelle manque de se faire croquer par un lézard géant au début de la nouvelle), la fine équipe est sur le point de se lancer dans l’exploration du réseau de tunnels s’étendant sous la surface de l’un de ces temples lorsque des invités un peu particuliers arrivent sans crier gare. Il s’agit bien évidemment de ces coquins de Carcharodons, dont une escouade menée par le Sergent Kordi (Ani de son prénom) vient s’inviter à la fête.

Intimidée par ces Astartes peu commodes, mais instruits (ils parlent le haut et le bas gothique) et serviables (ils acceptent de laisser les explorateurs à la petite semaine les accompagner), Trayn décide de se la jouer en mode coopératif, et remet à Kordi la carte établie par ses soins, au grand dam de son second, l’ambitieux Moren. Le pacte de non-agression étant conclu, il est temps pour la fine équipe de passer en indoor et d’entamer sa descente dans les catacombes, qui se révèlent bien sûr être une nécropole Necron1.

Si Trayn et ses sbires ne savent pas dans quoi ils s’embarquent, et voient logiquement leurs effectifs diminuer après qu’ils aient commis l’erreur crasse de se séparer en petits groupes contre l’avis éclairé de leurs gros protecteurs, les Carcharodons, eux, nagent en terrain connu. Ils sont cependant bien contents que des humains normaux les aient accompagnés car les rusés Nécrons ont installé un plancher à capteur de poids dans la salle où est conservé le Périapte Rouge, que Trayn peut négocier mieux qu’un colosse en armure énergétique. Ce n’est toutefois qu’un court répit qui est ainsi gagné par nos héros, réduits à ce stade à l’escouade de Kordi, Trayn et le vieux scribe inutile Dros (devinez lequel des trois personnages va connaître une fin tragique dans quelques pages ?), Moren et le reste de l’équipage ayant décidé de faire bande à part par dépit de voir les Carcharodons récupérer le grisbi. Inutile de vous dire que ces brillants esprits iront vite rejoindre la droite de l’Empereur. Le vol de la relique active en effet le protocole de réanimation de la colonie Necron, et nous en sommes quitte pour une course contre la montre pour quitter la planète en un seul morceau amas cohérent de particules.

A ce petit jeu, les Space Marines partent avantagés, et mis à part quelques blessures mineures, les requins de l’espace parviennent tous à pointer dans leur Thunderhawk, malgré le manque de fair-play de Moren, qui viendra faire une attaque en rase motte dans la Valkyrie de sa patronne par pure jalousie (le triste sire se prendra une rafale de bolter lourd dans la carlingue en punition de ses méfaits et finira en tête à crâne avec une escouade de Guerriers Necrons, bien fait pour lui). Du côté des humains et assimilés, seule Trayn parvient à garder le rythme, et bien que les Carcharodons acceptent de la prendre à bord, Kordi poussant la galanterie jusqu’à s’interposer entre elle et la mitrailleuse de Moren, ils ne sont pas chauds du tout à l’idée de la déposer dans son vaisseau, ou où que ce soit dans l’Impérium. Le Chapitre cherche en effet à préserver le secret de son existence (pour des raisons sans doute expliquées, mais pas ici), et les Libres Marchands ne sont pas réputés pour être très discrets. On apprend pour finir que les Carcharodons étaient déjà venus sur Terix IX il y a quelques centaines d’années, une nouvelle fois pour empêcher le réveil des Necrons endormis sous la surface de la planète. Ils n’avaient pas hésité à cette occasion à massacrer les tribus primitives ayant fait l’erreur de considérer ces squelettes de métal comme des divinités. Leur intervention auprès de Trayn et de ses bras cassés poursuivait le même but, et la récupération du Périapte Rouge n’a été qu’un petit bonus bienvenu. Carcharodons : not the heroes the Imperium deserves, but the heroes it needs.

1 : Je ne mets pas de balise spoiler car c’était tout bonnement annoncé sur la couverture par ces génies de la Black Library.  

AVIS:

Je me fais sans doute trop vieux pour considérer les histoires d’exploration de nécropoles Nécron par des aventuriers peu au fait du danger qu’ils courent avec une once de bienveillance. Ces nouvelles sont tellement similaires dans leur construction et leur déroulé que j’en viens à toutes les confondre, et je suis persuadé qu’avant longtemps, ‘Death Warrant’ ne sera plus qu’un souvenir brumeux dans mon cerveau fatigué. Robbie MacNiven ne fait en effet que peu d’efforts pour pimenter sa copie et offrir à ses lecteurs un peu d’originalité à se mettre sous la dent, ce qui est assez dommage quand on considère qu’il a un Chapitre Space Marines au fluff encore quasi vierge sous la main comme protagoniste. Même si on peut se dire qu’il n’aurait pas été évident de faire le lien entre les Nécrons et les Carcharodons (à part si on cherche une rime avec saucisson), j’aurais apprécié que l’auteur tente quelque chose sur ce plan. Mais hélas, le seul particularisme de cette aventure aura été la présence au casting Xenos d’un trio de Moissonneurs, ce qui nous permet de dater plus précisément la date de publication de cette nouvelle qu’une datation au carbone 14.

Pour ne rien arranger, Robbie MacNiven ne se révèle pas particulièrement bon dans la gestion de la (nombreuse) galerie de personnages qu’il convoque et présente dans la première partie de son récit, tous les suivants d’Anjelika Trayn se faisant commodément exterminer hors champ, sauf le pauvre Dros. On terminera par les quelques incongruités présentes dans l’intrigue, comme le Dépéceur pacifique entraperçu par le même Dros quelques temps avant les évènements couverts dans la nouvelle, ou encore le fait que les très secrets Carcharodons empêchent Trayn de les quitter… mais pas l’équipage de son vaisseau, qui s’avère pourtant tout à fait capable d’identifier les Space Marines auprès des autorités compétentes et torturantes. Bref, à laisser dans l’Outer Dark.

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Auction of Blood – J. Reynolds [AoS] :

INTRIGUE:

Auction of BloodLes plans pour une soirée de bouquinage tranquille de Palem Bo(o)k, libraire d’incunables à Eauxgrises et accessoirement espion à la solde de Nefarata, sont brutalement et définitivement balayés lorsque notre fin lettré reçoit l’ordre de représenter sa généreuse patronne à une session d’enchères privées, se tenant le soir même au Nid de Pie, une institution bien connue par les habitués de la vie secrète de la métropole Ghyranite. Bien forcé d’accéder à la gracieuse et impérieuse requête de sa bienfaitrice s’il tient à conserver sa jugulaire intacte, Bok se rend sur place, et réussit à négocier son entrée, malgré une absence d’invitation (les grandes de ce monde ne prennent pas en compte des détails aussi triviaux) et une vigile elfique vraiment patibulaire du tout. Même pas briefé sur l’objet qu’il devra acquérir pour le compte de sa maîtresse, il a peine le temps de jeter un regard sur le reste de l’assistance, où se pressent pêle-mêle un mage lumineux et son dragonnet de compagnie, un Nain du Chaos essayant de camoufler son appartenance à une franchise défunte sous une épaisse capuche, et la Femme en Rouge locale (il en faut une dans tous les univers med-fan dignes de ce nom apparemment), beauté ténébreuse et balafrée au sourire qui aurait pu être avenant s’il ne dévoilait pas des dents taillées en pointe.

Attendant patiemment que son heure vienne pendant que les premiers lots trouvent preneurs, Bok finit par comprendre que la babiole que Nefarata veut ajouter à sa collection est l’étrange fouet à huit lannières que le commissaire priseur révèle être Charu, le Fouette-Âme, rien de moins que l’une des huit Lamentations de Khorne ! Pressentant que cette acquisition va le mettre sur la paille, à condition qu’il arrive à remporter l’enchère avec ses moyens somme toute limités (l’industrie du livre est en crise partout), Bok est sauvé de la faillite par l’intervention inattendue de Melissandre, qui se trouve être une activiste de Khorne et ne goutte pas du tout à ce que cette sainte relique soit vendue comme un vulgaire bibelot lantique. Preuve que la malabar de l’entrée n’a pas fait son job de façon correcte, une demi-douzaine de comparses de la Lady in Red (Kesh de son prénom), se lèvent pour appuyer la revendication de leur meneuse, et la situation dégénère tranquillement lorsque le préposé à la vente tente de prévenir le service d’ordre et se prend une hache de jet entre les deux yeux pour sa peine.

Dans la mêlée générale qui s’en suit, Bok a l’occasion d’assister aux premières loges à une démonstration de fouet que n’auraient renié ni Corax ni Indiana Jones, Kesh ayant réussi à mettre la main sur l’arme du crime, dont le deuxième effet kiss cool est de voler l’âme des malheureux qu’elle lacère. D’abord contraint de régler leur compte à quelques cultistes mugissants tout prêts à l’enkhorner, Bok est rapidement convaincu par le talent meurtrier de Kesh de mettre le Charu avant les boeufs. Malheureusement pour notre héros, this girl is on fire et sa pétoire, bien que de fabrication Duardin, ne suffit pas à mettre fin au tohu-bohu. Animée de mauvaises intentions, malgré la perte d’un hémisphère cervical consécutif à un headshot proprement exécuté, Kesh l’est également par la magie impie de son arme, et il faudra que quelqu’un se dévoue à lui prendre littéralement la main pour que l’ambiance, finalement, retombe. La seule autre survivante de la soirée étant l’Aelf de garde, à présent chômeuse et à laquelle il s’empresse de proposer un job, Bok n’a aucun mal à faire main basse sur la vieille Charu, dont on se doute que Nefarata fera un usage raisonné…

AVIS:

Voilà une nouvelle de Josh Reynolds telle qu’on les aime. Loin du fracas des combats de première ligne entre Stormcasts et indigènes, Enchères de Sang s’attache à dépeindre la vie dans une cité libre de Sigmar, où, si l’ordre règne, tous les citoyens n’épousent pas forcément les vues progressistes et altruistes du Dieu céleste. Comme le Monde qui Fut avant lui, les Royaumes Mortels sont gangrenés par les agissements souterrains d’individus peu recommandables, ce qui est dans l’ordre naturel des choses à mon avis, mais méritait quand même d’être couvert par une nouvelle ou deux afin que le lecteur, surtout novice, ne s’y trompe pas1. Les amateurs de la série Malus Darkblade apprécieront sans doute le récit de la soirée très compliquée de Bok, contraint comme son lointain et illustre prédécesseur de prendre tous les risques pour récupérer une relique impie pour le compte d’un employeur pas vraiment compréhensif. Les nostalgiques du Vieux Monde et de l’archéo-fluff souriront à la rencontre des quelques easter eggs que l’auteur a glissé au fil des pages2. Tous reconnaîtront que Reynolds sait s’y prendre pour dépeindre les côtés peu reluisants d’une métropole med-fan, quadrillée par les sociétés secrètes en tout genre, les cultes chaotiques de quartier et les exécuteurs des basses œuvres d’éminences d’un gris souvent très foncé. Une chose est sûre, cela donne plutôt envie de découvrir quelles sont les sept autres lamentations que ce distrait de Khorne a égaré dans les Royaumes Mortels, dans ce qui pourrait bien être la série la plus intéressante des premières années d’Age of Sigmar. Les paris (et les enchères) sont ouverts…

1 : À quand la sortie du supplément ‘Quelque chose de pourri à Hammerhal’ ?
2 : On peut d’ailleurs s’étonner que la BL ait laissé passer la mention faite à Necoho, divinité chaotique désavouée par GW depuis des lustres. Ne boudons pas notre plaisir, ce n’est sans doute pas demain la veille que nous recroiserons ce Dieu renégat.

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Pride & Fall – I. St. Martin [40K] :

INTRIGUE:

Lucius_Pride & FallDerrière ce titre Austen-ien en diable (bien que je ne voie aucun lien entre les errements romantico-philosophiques d’Elizabeth Bennet et ceux, salacio-psychotiques, de Lucius Leternel), on trouve le récit d’une (més)aventure vécue par le plus souriant des antagonistes décamillénaux (quand je fais l’effort d’apprendre de nouveaux mots, je les utilise tout de suite) de la franchise futuriste de GW, Lulu l’Ethernet.

L’histoire nous est narrée en parallèle à travers les yeux du reître scarifié des Emperor’s Children, occupé à attaquer une planète minière en compagnie d’une petite escorte de la Cohors Nasicae, et ceux d’un honnête travailleur impérial répondant au nom de Tobias. Alors que Lucius et ses champions s’enjaillent à tailler le bout de gras1 à la moitié du Codex Adeptus Mechanicus (Skitarii, Sicarians, Kastelan…), afin de pouvoir faire main basse, non sur les réserves minérales de leur cible, mais sur la main d’œuvre locale, Tobias voit sa vie austère mais heureuse d’ouvrier spécialisé/bon camarade/mari aimant/papa gâteau prendre un tour bien déplaisant, aux cauchemars, hallucinations visuelles et auditives et mal-être généralisé venant se greffer par dessus le marché une chute inadmissible de sa productivité. Enfin, l’inévitable finit par se produire, et le pater familias se mue en bretteur dégueulasse sous le regard incrédule autant qu’inquiet de ses collègues de chaîne d’assemblage.

Début spoiler « Comment se fait-ce ? » vous entends-je (en voilà des inversions sujet-verbe) demander à travers la Toile, « puisque Lucius ne possède que les individus l’ayant terrassé au combat, et que ce brave Tobias, pour doué qu’il soit avec la burette à huile et la clé à pipe de quatorze, n’est très probablement pas en mesure de faire rendre gorge à un élu des Dieux Sombres ». Vous avez tout à fait raison, sagaces lecteurs, et c’est en celà que la soumission de St. Martin se révèle intéressante. Alors qu’il batifolait joyeusement sur le champ de bataille, notre avenant héros a en effet eu la mauvaise idée de laisser traîner un sabot sur une mine anti-personnelle qui traînait dans le coin, avec des effets aussi radicaux que (presque) définitifs sur son intégrité : à la rue, le Lulu ! Que voulez-vous, tout le monde n’est pas fait pour jouer la fille de l’air Laer. Comme vous vous en doutez, cette mine avait été préalablement manufacturé par le malheureux Tobias, et c’est donc sur lui que le S.A.V. de Slaanesh a redirigé l’âme du champion du patron, la responsabilité du décès du sabreur extraordinaire lui incombant plus ou moins directement2.

Notre histoire se termine donc sur la matérialisation de Lucius sur le lieu de travail de feu Tobias, qui rejoint sa place sur la cuirasse de l’increvable champion, juste avant que ce dernier, réalisant sans doute qu’il n’aura pas la possibilité de déguster son Leerdamer quotidien, s’apprête à faire un malheur. Comme quoi, on a bien fait de ratifier la convention d’Ottawa les enfants. Fin spoiler

1 : Ou, dans ce cas de figure, de polymère.
En vrai, ça se discute, mais allez faire des due dilligence avec des chaînes de valeur galactisées…

AVIS:

En des temps très anciens, lorsque la Black Library était encore jeune et avait besoin de justifier ce qu’elle faisait, Marc Gascoigne, l’un des pères fondateurs d’icelle, avait donné une sorte de cahier des charges de la nouvelle BL. Il s’agissait selon lui, soit de donner davantage de détails sur de zones du background insuffisamment couvertes dans les publications classiques de Games Workshop, soit de répondre à des questions laissées en suspens dans ce dernier. Pride & Fall tombe nettement dans la seconde catégorie, en traitant un point de détail qui aura sans doute travaillé à un moment ou un autre tout fluffiste familier de la figure de Lucius l’Eternel. Disposant désormais d’une jurisprudence assez claire sur ce type de cas, il nous est désormais loisir de répandre l’information au plus grand nombre, et de contribuer ainsi à l’utile instruction des zhobbyistes petits et grands (qui n’en demandaient sans doute pas tant, mais c’est une autre histoire).

Le fond évacué, évoquons la forme. Le constat sera un peu plus contrasté à ce sujet, Ian St. Martin laissant à mon sens le lecteur non familier de son roman The Faultless Blade sur sa faim en ce qui concerne la galerie de personnages secondaires de la Cohors Nasicae, brièvement évoqués au fil des lignes sans être réellement présentés. Et c’est bien dommage, car la cohorte en question a l’air de compter son lot d’individualités hautes en couleurs, qu’il s’agisse du chatoyant Krysithius, du mutique Vyspirtilo, le Roi Aigle du Rypax (rien que ça, ça claque comme titre), ou du mystérieux Compositeur, escorté d’un garde du corps en armure Terminator répondant au doux nom d’Afilai (Cohen). Autre source de regrets, la mise en page de la nouvelle, qui aurait gagné à être agencé de façon plus claire. Les points de vue de Lucius et de Tobias étant présentés de façon croisée, avec des renvois entre les deux arcs de narration (exemple : un passage se termine avec Tobias recevant une injection de stimulants de la part de son bienveillant contremaître, le suivant commence avec la prise de stimms par Lucius en plein combat), sauter deux lignes/passer en italiques entre chaque passage aurait permis de fluidifier la lecture.

Ces petits désagréments évacués ou digérés, Pride & Fall demeure une soumission très correcte, et un exemple de ce à quoi une courte nouvelle (14 pages) de la BL devrait prétendre, en termes de qualité.

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Restorer – C. Wraight [HH] :

INTRIGUE:

RestorerRevenu bien esquinté sur Terra après avoir crapahuté de droite et de gauche pendant l’Hérésie, Shiban Khan bénéficie des bons mais douloureux soins de l’Adeptus Mechanicus et des largesses de Pépé pour se refaire une santé et une ossature. Débarrassé de ses Entraves bricolées pendant ses années de blitzkrieg, le Capitaine White Scars reprend des forces sur le monde Trône en attendant l’arrivée d’Horus, et en profite pour visiter de vieilles connaissances (la scribe Ilya, qui le bassine pour qu’il redevienne le poète qu’il était au début de sa carrière), et surtout faire la paix avec le souvenir de son ancien frère d’armes, ami et adversaire, Torghun.

Ce dernier lui est apparu dans une vision fiévreuse juste après l’opération, encore marqué par les coups de faux ramassés lors de son ultime combat contre Mortarion sur le Swordstorm. Se sentant une dette envers lui, Shiban emprunte une navette et se rend dans le village natal de son camarade afin de remettre à son arrière-petite-nièce et ultime descendante le tulwar dont il avait hérité à son entrée dans la Légion1. Petite surprise et preuve que Jaghatai Khan ne fait pas dans la discrimination : Torghun ne venait pas des steppes de Mongolie ou des plateaux du Xinjiang, mais… de la côte suédoise (ou son équivalent au M31, le Skandmark), comme son patronyme pré-scarification, Haren Svensellen, le laisse entendre.

Après avoir raconté à son interlocutrice à quel point son grand-oncle était un chic type, malgré ses penchants un chouilla hérétique de temps à autres, Shiban repart vers le Palais Impérial, et notre propos se termine sur une scène d’affrontement tirée tout droit du Siège de Terra, où le Capitaine restauré aura fort à faire…

1 : On apprend au détour de la conversation que la famille de Torghun est persuadée depuis près d’un siècle que l’enfant prodige avait intégré… les Luna Wolves. Il y a vraiment des Légions plus populaires que d’autres.

AVIS:

Encore une nouvelle qui sera bien cryptique pour qui n’est pas familier des épisodes précédents signée par Chris Wraight (ici les romans ‘Scars’ et ‘The Path of Heaven’). Pour ceux qui ont suivi la bromance contrariée entre Shiban et Torghun, ‘Restorer’ (le surnom du premier) fera office d’épilogue à cet arc de rivalité amicale. Les autres se contenteront de ramasser quelques bribes de fluff sur les White Scars et de comprendre à demi-mot que le héros cabossé de cette histoire a fait la paix avec un passé bien lourd, ce qui lui permettra de performer comme jamais au plus fort du Siège de Terra. Comme Wraight a suffisamment de bouteille et de style pour signer un court format propre sur la forme, et que ce dernier a le bon goût de ne pas trop traîner en longueur, l’expérience se tente.

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Et voilà pour cette revue du Summer of Reading 2017. Rien de super duper méga cool, et absolument immanquable si vous voulez mon avis, mais quelques bonnes soumissions dans le tas anyway (comme souvent). Je ne sais pas si je ferais un jour un benchmark des SoR, mais si cela arrive, je doute que le millésime truste les premières places. We shall see…

GODS & MORTALS [AoS]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue de Gods & Mortals, anthologie de nouvelles Age of Sigmar publiée par la Black Library en l’an de grâce 2019. Premier recueil de courts formats de l’ère « moderne » d’AoS1, ce copieux pavé de 512 pages regroupe pas moins de 18 nouvelles, ce qui en fait l’ouvrage le plus imposant de sa catégorie, à ce stade. Il fallait au moins cela pour tenter de livrer une synthèse un tant soit peu complète des nouvelles sorties entre 2016 et 2018 et prenant place dans les riants et primesautiers Royaumes Mortels.

Gods & Mortals

C’est qu’il s’en est passé des choses en l’espace de trois années, aussi bien dans qu’autour cette franchise de la GW-Fiction. Ainsi, si Josh Reynolds et David Guymer se taillent la part du lion parmi les contributeurs convoqués, avec quatre histoires chacun à leur crédit, il s’agissait pour le premier d’un chant du cygne2, alors que le second continue à l’heure actuelle sa collaboration avec la Black Library. Du côté des personnages mis en scène dans ce florilège de nouvelles, on découvre ou retrouve beaucoup de têtes de figure d’Age of Sigmar, tels que Hamilcar (présent dans 100% des soumissions de son créateur, David Guymer), Neferata, Neave Blacktalon, Callis & Toll et Esselt & Talorcan. Si certains d’entre eux ont réussi à inscrire leur nom au Panthéon des héros des Royaumes Mortels, d’autres n’ont pas eu cette chance et sont rapidement retombés dans l’oubli. La concurrence est rude…

A l’heure où d’autres auteurs (Richard Strachan, Dale Lucas, Anna Stephens…) et d’autres personnages (Drekki Flynt, Cado Ezechiar…) sont déjà venus remiser les travaux de Gods & Mortals dans le passé, certes récent, des Royaumes Mortels, l’heure est opportune pour donner à cette anthologie que l’on peut qualifier de classique le long and hard look que les anglo-saxons réservent aux choses qui méritent un jugement digne de ce nom.

1 : Qui peut se reconnaître grâce au modèle « binaire » utilisé pour les titres d’anthologies (‘Gods & Mortals’, ‘Myths & Revenants’, ‘Oaths & Conquests’, ‘Lords & Tyrants’…).
2 : Après un hiatus de quelques mois, Reynolds annoncera sa décision de cesser de travailler pour la BL en Mai 2020.

Gods & Mortals

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Force of Personality – D. Guymer:

INTRIGUE:

Force of PersonalityLa guerre opposant Sigmar aux Fab4 fait toujours rage dans les Royaumes Mortels, et les champs de bataille sur lesquels s’illustrer ne manquent pas pour les Stormcast Eternals. Certains sortent cependant franchement du lot, et c’est une remarque qui s’applique aux deux catégories précédemment citées. C’est ainsi qu’on retrouve le Lord Castellant Hamilcar Bear Eater en position de conseiller stratégique dans la ville flottante de Nemisuvik, assiégée par la flotte du redoutable Capitaine Blackjaw depuis de longs mois. Une affectation que notre grandiloquent héros n’apprécie guère à cause du choix de l’ennemi de bombarder la cité à distance respectable, ce qui rend impossible l’honnête confrontation d’homme à homme qu’Hamilcar considère comme la forme la plus civilisée du combat. De leur côté, les Nemisuvikois prennent les événements avec une décontraction et une résilience impressionnantes, heureux de passer le temps en regardant leur allié surhumain insulter les Khorneux depuis les remparts de la ville.

Les choses se décantent toutefois lorsque Hamilcar est témoin d’une émeute opposant une foule en colère à quelques gardes entourant ce qui ne semblait être à première vue qu’un bassin de plus dans cette cité portuaire maritime1. Les mécontents semblent réclamer la présence d’un certain Roi Gris, qui ne tarde pas à apparaître dans notre histoire après qu’une manifestante ait réussi à déjouer l’attention du service d’ordre et à plonger dans la cuvette. Elle a ainsi l’honneur de se faire ramasser par un immense tentacule, qui la jette dans une non moins immense gueule, celle du Roi Gris en question, ou Angujakkak pour les locaux, comme un notable de Nemisuvik l’explique ensuite à Hamilcar autour d’une soupe de poisson. A la fois protecteur et prisonnier de la cité flottante, le Roi Gris grandit lentement sous cette dernière jusqu’à atteindre la taille et la force nécessaires pour déchirer les filets qui l’emprisonnent, et finalement partir faire sa vie dans l’océan ghurite, non sans avoir laissé un œuf derrière lui pour que le cycle se perpétue. Les gilets jaunes de Nemisuvik essayaient donc d’accélérer le processus en sortant Angujakkak de sa léthargie grâce à un bon gueuleton, afin qu’il aille couler la flotte de Blackjaw avant que cette dernière n’ait rasé la cité. Un plan que ce bon Hamilcar trouve absolument génial, mais qui est fermement refusé par le conseil des anciens de Nemisuvik, car Jak n’a pas encore pondu de mini-lui2. S’il part maintenant, qui prendra sa place ?

Et la réponse sera au final : Sigmar. Pas littéralement, bien sûr (encore que, pour ce qu’il fait en ce moment pour aider l’effort de guerre dans les Royaumes Mortels, il pourrait barboter dans une piscine d’eau de mer sur le littoral de Ghur), mais philosophiquement. Suite à un strike chanceux d’une catapulte chaotique ayant envoyé Hamilcar et quelques défenseurs de Nemisuvik à la flotte, le Roi Gris décide enfin de se secouer les écailles et d’aller se servir dans les eaux très poissonneuses qui baignent la cité. Hamilcar se convainc tout seul que c’est son impayable personne qui est responsable de ce petit miracle, son combat acharné contre les multiples bestioles ayant tenté de le becqueter alors qu’il faisait de la brasse coulée ayant été sanglant, mais la vérité restera probablement un mystère. Toujours est-il qu’Angujakkak est de sortie, et que la flotte de Blackjaw n’était pas prête pour cette attaque de bête zodiacale. Les navires chaotiques sont réduits en allumettes les uns après les autres par les tentacules musclés du Roi Gris, en plus de servir de trompe de mûmak pour un Hamilcar qui passe en mode Legolas une fois sorti de sa trempette, et finit par arriver sur le pont du navire amiral de sa Némésis. Cette dernière étant visiblement plus à l’aise au tir qu’au corps à corps (shocking je sais, même Hamilcar n’en revient pas), le rideau tombe sur cette nouvelle avant même que ce duel déséquilibré ne soit conclu. Et c’est ainsi que Nemisuvik a banni à jamais le maintien en captivité de grands animaux marins, deux ans après Marineland. Une pratique barbare qui n’avait plus lieu d’être dans une époque aussi avancée que l’Âge de Sigmar, bien évidemment…

1 : Car les habitants de Nemisuvik ne maîtrisent pas l’art de la construction navale, ce qui explique aussi pourquoi ce siège prend aussi longtemps.
2 : Comment une bande d’Inuits hippies ne maîtrisant pas la technologie du kayak est capable d’asséner de grandes vérités sur la reproduction des poulpes géants me dépasse.

AVIS:

David Guymer nous donne une nouvelle de Hamilcar à son plus drôle avec ‘Force of Personality’, qui peut donc logiquement concourir pour le titre de meilleure entrée de cette saga haute en couleur, et mérite donc d’être lu par tous ceux qui souhaitent vivre l’Hamilcar experience dans des conditions idéales. En auteur vétéran et maître de l’exercice délicat de l’écriture comique, Guymer s’applique à faire de chaque élément de cette histoire autrement très classique une source d’amusement pour le lecteur, la palme revenant sans doute aux dialogues riches en one liners percutants et aux commentaires en aparté que Hamilcar distille à son auditoire alors qu’il narre ses invraisemblables exploits.

De plus, tout le monde agit stupidement dans cette histoire, depuis la flotte de Blackjaw qui n’arrive pas à toucher un éléphant dans un couloir avec ses catapultes mais s’obstine à bombarder Nemisuvik pendant des mois plutôt que de l’attaquer, jusqu’aux habitants de la cité qui préfèrent attendre que leur mascotte finisse de grandir plutôt que de hâter un peu les événements, et même jusqu’à Sigmar qui envoie le pire choix possible parmi ses Stormcast Eternals pour renforcer une ville soumise à un barrage d’artillerie. Comme il est clair que Guymer ne se prend pas du tout au sérieux, le résultat final n’est pas grotesque (ce qu’il aurait été si l’histoire avait été racontée au premier degré) mais ajoute à la folie ambiante de ce mélange entre un épisode d’American Dad et un rapport de bataille de ManoWar à la sauce Age of Sigmar. Très sympathique, si vous aussi vous aimez quand la BL sort de son paradigme grimdark de temps à autres.

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Pilgrim’s Trial – R. MacNiven:

INTRIGUE:

Vanik, aussi appelé le Pèlerin Noir (ça sonne mieux en anglais), est un seigneur de guerre chaotique poursuivant le rêve de toute une faction : rejoindre la Varanguard pour approcher le GOAT Archaon. Une telle position se mérite cependant (beaucoup d’Elus, mais peu d’appelés…), et ce n’est pas avec un CV aussi famélique que le sien que Vanik a la moindre chance de réussir son casting : notre héros doit en effet se contenter d’une modeste bande d’une vingtaine de chevaliers du chaos (la Fraternité de Fer) pour toute armée, ainsi que d’un écuyer froussard (Modred) et d’une épée qui coupe. Bien décidé à améliorer son inventaire afin de devenir un redouté Bling King, Vanik entraîne son monde jusqu’en Aqshy, et plus précisément à l’orée du Bois de Braises (Cinderwood), où il a le sentiment que, je cite, sa destinée l’attend. Sa destinée a du coup un point commun avec la Fraternité, qu’il laisse sur le parking de la forêt avec le cadavre de sa monture, sacrifiée pour des raisons aussi brumeuses que la visibilité locale (normal pour une forêt qui passe son temps à brûler, vous me direz). Il est en effet capital qu’il entreprenne la quête qui va suivre seul, et également en moins d’une journée (mais pourquoi, mystère) : s’il n’est pas revenu au premier champ du c(ha)oq, ses braves guerriers ont ordre d’aller porter la nouvelle de sa mort tragique, ou de son égarement gênant, à sa sœur Jevcha, Reine de Guerre de son état. Elle lui donnera un enterrement digne de ce nom, ou viendra le ramener à la maison, selon la situation.

Nous suivons donc Vanik alors qu’il explore le Bois des Braises à la recherche de quelque chose, ou de quelqu’un. Cette quête est entrecoupée par des passages narrés en italiques par un personnage qui semble flotter à quelques mètres de l’aspirant garde du corps sans que ce dernier s’en aperçoive, et qui se matérialise lentement grâce à la puissante émanation de… quête qui entoure Vanik. Ses vues sur ce dernier sont ambivalentes, pour dire le moins, mais c’est un problème que le Peignoir Nain devra gérer un peu plus tard, occupé qu’il est à défendre son intégrité physique contre la faune bigarrée qui hante la forêt. D’abord un Chien de Khorne à collerette verte (original), du nom de Korhel1, auquel il n’arrive pas à apprendre à donner la papatte en dépit de ses meilleurs efforts – qui consistent à lui balancer des grands coups d’épée dans la truffe, ceci dit. Ensuite à un duo de Chasseurs de Kurnoth équipés d’arcs, ayant mis en déroute le pauvre cabot avant de flécher la sortie à ce mortel égaré dans leur réserve naturelle. Ayant la vue très basse pour un champion du Chaos (ou ayant mis son heaume à l’envers ce matin-là), Vanik opte pour une fuite éperdue à travers les arbres, mais finit par se faire rattraper par les intraitables Sylvaneth, qui lui mettent une solide raclée au corps à corps et menacent d’interrompre brutalement sa quête de gloire. Ça commence à sentir le sapin…

Début spoiler…Heureusement, la cavalerie finit par arriver. Ou plutôt, la monture démoniaque finit par se matérialiser. Car c’était bien ça qui zieutait sans gêne le Pèlerin quelques pages plus tôt. Baptisée Tzatzo, la cavale infernale triomphe là où son (futur) maître avait échoué – un grand classique des wargames – et réduit les Kurnothi en granulés de biomasse en quelques secondes, un chouilla aidée par cet assisté de Vanik. C’est évidemment le début d’une grande amitié entre ces deux êtres que tout oppose, et la nouvelle se termine sur le retour triomphal de notre héros au camp de base de la Fraternité de Fer, et l’annonce de la nouvelle et dernière étape de sa classe quête préparatoire : aller chiner une épée démon aux puces de Saint Ouen. Ce sera risqué, mais il faut bien ça pour attirer l’œil des dieux…Fin spoiler

1 : On ne sait pas d’où vient cette connaissance poussée qu’a Vanik du nom des démons qu’il rencontre (sans doute un Pokédex chaotique ramassé dans un donjon mineur), mais en tout cas, cela ne lui rapporte aucun avantage au combat.

AVIS:

Introduction au roman qu’il a consacré à l’ascension carriériste (plutôt que démoniaque) de son héros Vanik le Pèlerin Noir, ‘Pilgrim’s Trial’ ne frappe pas par son originalité, tant au niveau de l’intrigue que du style ou des personnages mis en avant. J’irai même jusqu’à dire que sa lecture est hautement facultative, même si Robbie MacNiven ne livre pas une copie honteuse. Qui a dit que le cheval, c’était génial ?

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The Dance of the Skulls – D. Annandale:

INTRIGUE:

The Dance of the SkullsInvitée à honorer de sa présence un bal donné par la reine Ahalaset et le seigneur Nagen dans la cité de Mortannis, Nefarata se doute bien que cet évènement mondain n’est qu’un prétexte commode pour permettre à ces deux grandes lignées d’agir à ses dépends, ce qui ne l’empêche pas d’accepter gracieusement de se rendre sur place, n’ayant de toute façon rien d’autre de prévu ce soir là. Voyant d’un mauvais œil le rapprochement s’étant récemment opéré entre Ahalaset et Nagen, la Mortarque de Sang suppute avec raison qu’un piège va lui être tendu, et se réjouit d’avance de cette (més)aventure, le quotidien de Nulahmia devant apparemment être assez terne.

Après avoir été accueillie avec tout le faste et la pompe liés à son r/sang (et infligé râteau sur râteau à ce pauvre Nagen, auquel elle promet toutefois une danse plus tard dans la soirée1), Neffie se voit proposer par son hôte une dégustation privée de crus tirés de l’hématothèque personnelle d’Ahalaset, ce qui ne se refuse pas. Guidée jusqu’à un salon lounge où l’attendent une dizaine d’esclaves qui s’appellent tous Mathusalem ou Réhoboam, notre rusée vampire à tôt fait d’identifier l’aiguille d’argent se terrant sous la roche, en l’occurrence un assassin assermenté doté d’une fourchette à escargot à la place du bras (c’est la mode à Hammerhal). Ayant raté son test d’Initiative, le faquin est toutefois aisément neutralisé par sa victime supposée, qui l’attache à son service d’un langoureux battement de cils. Satisfaite de la tournure prise par les évènements, et comme toute quinqua-millénaire de la bonne société après une dure journée de labeur, Neferata s’accorde un petit verre (et fracasse au passage toutes les « bouteilles », qui espéraient peut-être qu’on les laisse tranquille le temps qu’elles refassent le plein) aux frais de ses hôtes avant de revenir se joindre à la fête.

Là, il est temps pour la Lahmiane de porter l’estocade aux traîtres débusqués, et en musique s’il vous plaît, la danse des crânes consentie à ce benêt de Nagen donnant amplement le temps à notre héroïne de cimenter sa victoire en enchantant légèrement son cavalier, qui ne trouvera rien de plus malin lorsque l’assassin d’Ahalaset viendra sonner les douze coups de minuit à son ancienne patronne à l’aide de son argenterie intégrée, de lancer sa devise dans le silence de mort (héhé) qui s’ensuit. Cette dernière tombera à plat comme la totalité de ses blagues, et, mal comprise par la garde de la reine défunte, aura des conséquences tragiques pour notre pauvre Nagen. Un verre ça va, trois verres…

1 : En même temps, cette coquetterie de laisser dépasser une canine par dessus sa lèvre inférieure ne doit pas aider à lui donner un air très intelligent.

AVIS:

C’est peu de chose de dire que la prose de Herr Annandale n’était pas tenue en haute estime de ce côté du clavier, depuis la chronique de ses débuts pour la BL (The Carrion AnthemHammer & Bolter #11) jusqu’à aujourd’hui. Les choses ont légèrement évolué avec cette Danse des Crânes, qui s’affirme facilement comme la meilleure soumission de notre homme que j’ai pu lire à ce jour. Certes, on parle ici en progrès relatif plutôt qu’en performance absolue, cette courte nouvelle ne se comparant guère aux travaux d’auteurs que je considère être plus méritants que David Annandale, Abnett, Dembski-Bowden, Farrer et Fehervari en tête, pour n’en citer que quelques uns (la liste serait assez longue sinon), mais j’aurais trop beau jeu de ne pointer que les trous dans la cuirasse ou les défauts dans la raquette des travaux de ce régulier de la BL, si je ne soulignais pas également les sources de satisfaction à la lecture de ces derniers. L’Empereur sait qu’ils sont encore rares à cette heure.

Alors, quels sont les éléments positifs de La Danse des Crânes ? Pour commencer, une absence de ce que l’on peut presque appeler une « annandalerie », terme forgé par votre serviteur et désignant une mauvaise, grossière ou grotesque exploitation d’une idée de départ pourtant assez sympathique, pour des résultats évidemment décevants. Le huis-clos victorien qui nous est proposé ici ne pêche ainsi pas par excès de zèle ou manque de structuration, les péripéties s’enchaînant de façon tout à fait convenable et crédible, ce qui pourrait sembler aller de soi mais n’était pas gagné d’avance au vu du pedigree de l’auteur. On sent que ce dernier a réfléchi à la manière dont il devait dérouler son récit pour que le plan alambiqué de Nefarata puisse se dérouler sans (trop) d’accroc, et même si l’usage d’un petit TGCM en fin de nouvelle pour parfaire le triomphe de Mama Lahmia peut être noté, c’est finalement peu de chose comparé aux problèmes structurels émaillant quelques unes des précédentes soumissions de David Annandale.

Autre source de contentement, la description intéressante qui nous est faite de la haute société mort-vivante, nid de vipères aux crocs acérés et n’hésitant pas un instant à comploter pour précipiter la chute de leurs prochains, alors même que les ennemis extérieurs se comptent par milliers, et qu’un brin de solidarité entre macchabées ne serait pas de trop pour défendre le pré carré de Nagash. Le fait que cette société, mêlant vampires et humains à tous les échelons, apparaisse comme fonctionnelle et pérenne (en même temps, c’est bien le minimum quand on est immortel) est une autre réussite d’Annandale, qui parvient à donner un volume fort bienvenu à une faction qui jusque là se réduisait à des légions de squelettes traînant leur mélancolie dans des déserts violacés. On peut s’amuser aussi en Shyish, telle est la morale de cette petite histoire.

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Tourney of Fate – J. Reynolds:

INTRIGUE:

Lorsque la plus totalement fraîche mais tout de même respectable Dame de Cankerwall, régente des Duchés Niellés, est enlevée par un Héraut de Tzeentch pendant un tournoi opposant la fine fleur (fanée) des chevaliers pesteux des environs, nombreux sont les braves qui jurent de libérer leur suzeraine et se mettent en quête de la tour ambulante où le faquin se terre avec sa victime. Parmi eux se trouve le jeune Carkus Gryme, qui doit encore gagner ses éperons et sa bedaine de Blightknight, mais qui compense son inexpérience et sa taille 36 par une dévotion et une noblesse indéniable. Ayant reçu l’autorisation de la Dame de participer au tournoi malgré son statut inférieur, il était bien décidé à l’impressionner de ses putrides prouesses1, et en veut donc mortellement au disciple du dieu poulet, Ompallious Zeyros. Accompagné d’un Pestigor cuisinier et fataliste (Blisterback), Carkus remonte la piste de la caravane de Zeyros, espérant la rattraper avant que les autres paladins enrhumés (qui ont des montures, eux) ne récoltent toute la gloire.

À toute chose lenteur est bonne cependant, car le peloton de tête a visiblement rencontré plus fort que lui. Carkus tombe en effet sur les cadavres épars de ses frères de pus, éparpillés façon puzzle par un adversaire mystérieux. Avant cela, il avait reçu la visite d’un vieux démon de Tzeentch asservi par Ompallious, et chargé par ce dernier de dissuader le blanc-bec de se frotter à lui. Ayant considéré cette offre comme la preuve que son adversaire avait peur de lui, notre héros avait refusé crânement. Pour sa peine, il se trouve donc confronté au plus Disney de tous les adversaires : un chevalier constitué entièrement d’une nuée de rossignols, grives et autres merles, contre lequel son épée est bien inutile. Heureusement, le sagace Blisterback parvient à identifier l’oiseau en chef, qu’il capture et gobe aussi sec, provoquant la désagrégation de la murmuration. Ce premier adversaire vaincu, Carkus et son sidekick sont libres d’accéder au logement de fonction d’Ompallious, dans lequel le pas encore chevalier pénètre seul, comme le panonceau interdisant l’entrée à nos amis les animaux situé à côté du paillasson le stipule.

La troisième épreuve de notre héros (la deuxième étant de ne pas s’arracher les yeux devant les choix de décoration intérieure très tzeentchy de son hôte) est d’affronter un autre serviteur de Lompallious, et en l’occurrence, une (quasi) célébrité : Mordrek le Maudit en personne. Bien que ce vénérable guerrier se plaigne que les petits jeunes chaoteux d’aujourd’hui ne le connaissent plus, il a gardé suffisamment de punch pour pousser Carkus dans ses derniers retranchements. Qui plus est, les Dieux du Chaos n’ont pas résilié son immortalité lors de son transfert de franchise, ce qui fait une fausse joie au pesteux après qu’un coup chanceux ait brisé la nuque de son adversaire, qui se relève sans broncher quelques secondes plus tard. Désespérément surclassé et n’ayant pas la caisse d’un véritable Blightknight, Carkus voit sa dernière heure son compostage arriver… mais réussit un deuxième coup critique d’affilée, ce qui convainc Mordrek de le laisser poursuivre sa quête et de se confronter enfin au maître des lieux.

Ce dernier l’attend en compagnie de la Dame de Cankerwall, qu’il a kidnappé pour qu’elle l’aide à guérir d’une maladie honteuse refilée par un champion de Nurgle avec lequel il a eu un duel non protégé il y a de cela bien longtemps. L’heure des révélations ayant sonné, Carkus apprend coup sur coup qu’Ompallious Zeyros faisait partie de l’ordre des chevaliers ayant juré allégeance à la Dame lors de son arrivée dans les Duchés, et que si le premier cherchait tant à éviter le combat, c’est parce qu’il est en fait son lointain ancêtre. Cette double annonce ne détourne cependant pas Carkus de son leitmotiv, mais son état de fatigue avancée ne lui permet pas d’inquiéter Ompallious, qui le flanque par terre sans ménagement. Il aurait incinéré son arrière petit fillot sans état d’âme n’eut été l’intervention conjointe de la Dame de Cankerwall et de Mordrek, la première acceptant de débarrasser Ooumpa Loompa de ses mycoses tenaces en échange de la vie de Carkus, et le second forçant son ex-patron (son contrat d’asservissement contenant une clause suspensive à la première défaite enregistrée) à tenir sa parole après sa guérison express.

Son problème sanitaire ayant été traité, Ompallious donne congé à ses invités (c’est fort civil de sa part) et met le cap sur un autre Royaume pour passer sa convalescence. De son côté, si Carkus n’a pas le bonheur d’être élevé au rang de Blightknight par sa Dame, il repart tout de même avec un lot de consolation fort sympathique, en l’occurrence un cor de chasse enchanté lui permettant d’invoquer le redoutable Mordrek (qui part faire du tourisme de l’Apocalypse dans cette franchise qu’il ne connaît pas) en soufflant dedans. Quant à la Dame, elle souhaitait en fait utiliser le Héraut de Tzeentch pour ressusciter un ancien champion après qu’il eut atteint un taux de moisissure satisfaisant (un peu comme un roquefort), et n’a donc pas vraiment apprécié l’intervention du morveux, mais se calme lorsque Carkus révèle qu’il a gardé un bout de la biopsie de son illustre aîné pendant qu’Ompallious passait le reste au lance-flamme, ce qui donne une réelle chance de revival à l’ancien. Quelqu’un aurait-il une boîte de Petri en rab ?

1 : Dessiner un blason en vomissant est le comble du chic chez les Maggotkin.

AVIS:

Josh Reynolds exerce son talent de conteur dans ce ‘Tourney of Fate’, qui parvient à donner leurs lettres de noblesse aux Maggotkin de Nurgle sans galvauder le moins du monde leur aspect foncièrement morbide et résigné, qui ne le destinait pas du tout à endosser le rôle de protagonistes (à mon humble avis). En faisant de son héros un parangon de chevalerie, certes putride mais animé des sentiments les plus honorables, Reynolds démontre sa capacité à questionner les stéréotypes de fantasy que nous avons tous intégrés – souvent sans nous en rendre compte –, ce qui contribue à en faire l’un des auteurs les plus intéressants et talentueux de la Black Library. Si l’aventure dans laquelle le jeune Carkus Gryme est, elle, relativement convenue (même si de bonne facture), ‘Tourney of Fate’ mérite donc la lecture rien que par son originalité par rapport aux autres nouvelles chaotiques d’Age of Sigmar.

Ceci dit, cette histoire a d’autres atouts à faire valoir, Josh Reynolds ayant été particulièrement motivé par son sujet. Ainsi, il prend soin de poser les jalons d’un arc narratif plus ambitieux que cette nouvelle, à laquelle répondent plusieurs autres de ses travaux. On peut retrouver Ompallious Zeyros dans ‘The Last Gift’, et Feculus dans ‘The Tainted Axe’, ce qui est suffisant pour parler d’un mini-Reyniverse des Royaumes Mortels. Dommage que son départ de la BL ne lui ait pas donné l’occasion de mener à bien son projet, par exemple en faisant intervenir Gryme et Zeyros dans la série des Huit Lamentations, aux côtés du champion de Khorne Ahazian Kel. Avec des antagonistes aussi charismatiques, et un auteur aussi doué que Reynolds à l’écriture, les épisodes suivants de la saga auraient été passionnants à suivre. Quoiqu’il en soit, ‘Tourney of Fate’ est une nouvelle qui sera d’autant plus intéressante que le lecteur est familier des histoires déclinées en parallèle de la quête de justice de Carkus Gryme.

Pour finir, il régale le fluffiste en réalisant un savoureux cross over entre Warhammer Fantasy Battle et Age of Sigmar, à travers la convocation du Comte Mordrek, personnage nommé de second ordre du Vieux Monde (et qui apparaissait déjà dans des productions écrites pour WFB par Reynolds). Il nous avait déjà fait le coup avec Aekold le Miraculeux dans ‘Hammerhal’, et cela ne fait que m’inciter à lire le reste de sa bibliographie AoSesque pour voir s’il n’y a pas d’autres easter eggs dissimulés au fil des pages. Bref, c’est du Josh Reynolds comme on adore le lire, et dont il serait dommage de se priver.

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The Hardest Word – D. Guymer:

INTRIGUE:

The Hardest WordEn poste dans la forteresse des Sept Mots (sans doute construite par les sept nains) en Ghur, l’incommensurable Hamilcar Bear Eater reçoit la visite de la Lord-Veritant Vikaeus, qui arrive porteuse, outre de son heaume et d’une moue dédaigneuse, de troublantes nouvelles. Prophétesse reconnue à travers les osts de Sigmar, Vicky a eu la vision d’une horde de Skavens attaquant le bastion tenu par les Astral Templars et capturant l’insurpassable Hamilcar pour en faire le sujet d’une expérimentation aussi obscure dans ses motifs que douloureuse dans son application (d’après la description qui en faite, Hamilcar passerait de battant à batterie, ce qui n’est pas une évolution de carrière très désirable). Pour notre inarrêtable héros, il est clair qu’il faut saisir le rat-taupe par les bornes, et tant pis si la prophétie de son invitée n’est guère précise à propos du moment où le danger se matérialisera, et la direction d’où il viendra. Prédiction, mobilisation, comme dit le proverbe.

Lors donc, Hamilcar s’emploie à rassembler le ban et l’arrière-ban de son petit domaine, sans tenir compte du regard courroucé ni des réflexions désobligeantes de Vikaeus, qui est la première à reconnaître que ses annonces sont encore trop vagues pour mettre les Sept Mots sur le pied de guerre. C’est mal connaître l’inqualifiable Hamilcar, qui a une idée bien précise de la manière d’écarter le risque d’une future invasion de ratons : ayant laissé à la Lord-Veritant toute latitude (ainsi que son fidèle gryph hound, Crow) pour faire son enquête de terrain, notre héros va se planter à l’entrée de sa forteresse, et hurle un défi à la cantonade : si les Skavens arrivent à la vaincre en combat – et même pas en combat singulier, c’est dire s’il est sûr de son fait – les Sept Mots leur seront remis sans coup férir. Voilà une offre qui ne se refuse pas, et à la grande surprise de l’assistance réunie pour voir le patron faire ses pitreries, un émissaire Skaven se présente quelques instants plus tard pour annoncer à la grande-gueule en armure violette que le Warlock Ikrit accepte la confrontation.

Comme on pouvait s’y attendre de la part d’une race totalement étrangère au concept d’honneur martial, Ikrit ne se déplace pas en personne, mais envoie une de ses créations, que l’on peut décrire comme le fruit des amours illicites entre un Cuirassier Némésis et un Rat Ogre, s’emparer de l’indémodable Hamilcar, qui l’intéresse beaucoup plus que la possession des Sept Mots. Bien que le cédant à son adversaire mécanique en carrure et en force, et devant composer avec le feu nourri des Jezzails que le prudent Ikrit a également mis sur le coup (on n’est jamais trop prudent), le Lord-Castellant préféré de ton Lord-Castellant préféré réussi à vaincre son adversaire déséquilibrant l’exo-ratmure et la mettant sur le ventre. Ce triomphe est toutefois assombri par le retour de cette pimbêche de Vikaeus, très courroucée d’être tombée sur une bande d’éclaireurs Skavens pendant ses investigations, et d’avoir dû s’en débarrasser par elle-même. Avant de s’en aller bouder dans ses quartiers, elle assure à l’indécrottable Hamilcar que son récent exploit n’a fait que repousser l’échéance, et que les Hommes Rats en ont toujours après lui. Ce qui est fort possible – après tout, qui ne rêverait de posséder une copie conforme de Sigmar ? – mais sera l’affaire d’une autre histoire…

AVIS:

David Guymer prépare dans ce ‘The Hardest Word’ (rien à voir avec la chanson d’Elton John, pour autant que je puisse le dire) l’intrigue du roman qu’il consacrera à son personnage fétiche (‘Hamilcar : Champion of the Gods’), et dans lequel le Stormcast prodigue et prodige devra défendre son intégrité physique contre les assauts répétés d’un Skaven illuminé. On y voit un Hamilcar en grande forme faire ce dans quoi il excelle : prendre des décisions radicales sur un coup de tête, se battre comme un chiffonnier (et gagner à la fin), et plus important, balancer des vannes dirigées autant vers ses camarades que vers le lecteur, ce qui est une raison suffisante pour lire les travaux consacrés à ce personnage haut en couleurs d’Age of Sigmar, si vous voulez mon avis. Une honnête réussite pour Guymer, qui arrive à trouver le juste équilibre entre les nombreux composants d’une bonne histoire d’Hamilcar Bear Eater (intrigue, contextualisation, développement des personnages, style…), ce qu’il ne parvient pas à faire à tous les coups.

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Auction of Blood – J. Reynolds:

INTRIGUE:

Auction of BloodLes plans pour une soirée de bouquinage tranquille de Palem Bo(o)k, libraire d’incunables à Eauxgrises et accessoirement espion à la solde de Nefarata, sont brutalement et définitivement balayés lorsque notre fin lettré reçoit l’ordre de représenter sa généreuse patronne à une session d’enchères privées, se tenant le soir même au Nid de Pie, une institution bien connue par les habitués de la vie secrète de la métropole Ghyranite. Bien forcé d’accéder à la gracieuse et impérieuse requête de sa bienfaitrice s’il tient à conserver sa jugulaire intacte, Bok se rend sur place, et réussit à négocier son entrée, malgré une absence d’invitation (les grandes de ce monde ne prennent pas en compte des détails aussi triviaux) et une vigile elfique vraiment patibulaire du tout. Même pas briefé sur l’objet qu’il devra acquérir pour le compte de sa maîtresse, il a peine le temps de jeter un regard sur le reste de l’assistance, où se pressent pêle-mêle un mage lumineux et son dragonnet de compagnie, un Nain du Chaos essayant de camoufler son appartenance à une franchise défunte sous une épaisse capuche, et la Femme en Rouge locale (il en faut une dans tous les univers med-fan dignes de ce nom apparemment), beauté ténébreuse et balafrée au sourire qui aurait pu être avenant s’il ne dévoilait pas des dents taillées en pointe.

Attendant patiemment que son heure vienne pendant que les premiers lots trouvent preneurs, Bok finit par comprendre que la babiole que Nefarata veut ajouter à sa collection est l’étrange fouet à huit lanières que le commissaire priseur révèle être Charu, le Fouette-Âme, rien de moins que l’une des huit Lamentations de Khorne ! Pressentant que cette acquisition va le mettre sur la paille, à condition qu’il arrive à remporter l’enchère avec ses moyens somme toute limités (l’industrie du livre est en crise partout), Bok est sauvé de la faillite par l’intervention inattendue de Melissandre, qui se trouve être une activiste de Khorne et ne goutte pas du tout à ce que cette sainte relique soit vendue comme un vulgaire bibelot lantique. Preuve que la malabar de l’entrée n’a pas fait son job de façon correcte, une demi-douzaine de comparses de la Lady in Red (Kesh de son prénom), se lèvent pour appuyer la revendication de leur meneuse, et la situation dégénère tranquillement lorsque le préposé à la vente tente de prévenir le service d’ordre et se prend une hache de jet entre les deux yeux pour sa peine.

Dans la mêlée générale qui s’en suit, Bok a l’occasion d’assister aux premières loges à une démonstration de fouet que n’auraient renié ni Corax ni Indiana Jones, Kesh ayant réussi à mettre la main sur l’arme du crime, dont le deuxième effet kiss cool est de voler l’âme des malheureux qu’elle lacère. D’abord contraint de régler leur compte à quelques cultistes mugissants tout prêts à l’enkhorner, Bok est rapidement convaincu par le talent meurtrier de Kesh de mettre le Charu avant les boeufs. Malheureusement pour notre héros, this girl is on fire et sa pétoire, bien que de fabrication Duardin, ne suffit pas à mettre fin au tohu-bohu. Animée de mauvaises intentions, malgré la perte d’un hémisphère cervical consécutif à un headshot proprement exécuté, Kesh l’est également par la magie impie de son arme, et il faudra que quelqu’un se dévoue à lui prendre littéralement la main pour que l’ambiance, finalement, retombe. La seule autre survivante de la soirée étant l’Aelf de garde, à présent chômeuse et à laquelle il s’empresse de proposer un job, Bok n’a aucun mal à faire main basse sur la vieille Charu, dont on se doute que Nefarata fera un usage raisonné…

AVIS:

Voilà une nouvelle de Josh Reynolds telle qu’on les aime. Loin du fracas des combats de première ligne entre Stormcasts et indigènes, Enchères de Sang s’attache à dépeindre la vie dans une cité libre de Sigmar, où, si l’ordre règne, tous les citoyens n’épousent pas forcément les vues progressistes et altruistes du Dieu céleste. Comme le Monde qui Fut avant lui, les Royaumes Mortels sont gangrenés par les agissements souterrains d’individus peu recommandables, ce qui est dans l’ordre naturel des choses à mon avis, mais méritait quand même d’être couvert par une nouvelle ou deux afin que le lecteur, surtout novice, ne s’y trompe pas1. Les amateurs de la série Malus Darkblade apprécieront sans doute le récit de la soirée très compliquée de Bok, contraint comme son lointain et illustre prédécesseur de prendre tous les risques pour récupérer une relique impie pour le compte d’un employeur pas vraiment compréhensif. Les nostalgiques du Vieux Monde et de l’archéo-fluff souriront à la rencontre des quelques easter eggs que l’auteur a glissé au fil des pages2. Tous reconnaîtront que Reynolds sait s’y prendre pour dépeindre les côtés peu reluisants d’une métropole med-fan, quadrillée par les sociétés secrètes en tout genre, les cultes chaotiques de quartier et les exécuteurs des basses œuvres d’éminences d’un gris souvent très foncé. Une chose est sûre, cela donne plutôt envie de découvrir quelles sont les sept autres lamentations que ce distrait de Khorne a égaré dans les Royaumes Mortels, dans ce qui pourrait bien être la série la plus intéressante des premières années d’Age of Sigmar. Les paris (et les enchères) sont ouverts…

1 : À quand la sortie du supplément ‘Quelque chose de pourri à Hammerhal’ ?
2 : On peut d’ailleurs s’étonner que la BL ait laissé passer la mention faite à Necoho, divinité chaotique désavouée par GW depuis des lustres. Ne boudons pas notre plaisir, ce n’est sans doute pas demain la veille que nous recroiserons ce Dieu renégat.

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Pantheon – G. Haley:

INTRIGUE:

PantheonÀ une époque lointaine et plus heureuse, Sigmar prit sur lui de faire construire l’équivalent de Strasbourg (une ville avec du cachet + un lieu de rassemblement pour les décideurs politiques) sur la plus haute montagne d’Azyr. Nommé Highheim, ce qui sonne convenablement alsacien vous le reconnaitrez, ce complexe accueillit pendant un temps, voire une ère, les Dieux (plus ou moins) civilisés qui formèrent le panthéon des Royaumes Mortels. Puis le Chaos arriva, et chacun repartit dans ses pénates, laissant le pauvre Ziggy errer comme une âme en peine dans les allées désertes de la Theopolis.

La guerre totale décrétée par le divin barbu contre les quatre affreux est toutefois l’occasion pour le premier de réactiver ses vieux réseaux, et par une belle mâtinée pas encore tout à fait ensoleillée, il invite Alarielle à faire un Teams (avec webcam) pour parler du bon vieux temps. Au début franchement sur la défensive – ne pas oublier que la blitzkrieg sigmarienne a failli très mal finir pour elle – la Déesse finit par se détendre un peu, et accepte d’accompagner son hôte jusqu’à la place centrale du Highheim, où se trouve comme de juste une pièce d’eau. Mais attention, ce n’est pas n’importe quoi : plutôt qu’un bête bassin avec une fontaine rococo et des fientes de pigeon sur la margelle, il s’agit d’un miroir argenté créé par le mage Sanasay Bayla, et offert au Panthéon comme cadeau, outil et avertissement. Bayla, qui n’était pas la moitié d’un abruti, a en effet réussi à réaliser une œuvre qui permet à qui la contemple de voyager dans l’espace et dans le temps. Si Sigmar a tenu à ce qu’Alarielle vienne avec lui devant le miroir, ce n’est pas pour tenter de conclure avec la seule Déesse un tant soit peu accorte de son entourage (on est d’accord que Morathi est un peu creepy sur les bords), mais pour mater ensemble la vie de Brian Bayla, qui en plus d’être distrayante – on parle tout de même d’un type qui a réussi à maîtriser cinq des huit formes de magie – pourrait se révéler instructive.

La caméra se braque donc sur le mage prodige, au moment où une crise existentielle le saisit. A force d’exceller en tout, notre homme ne sait plus quel but se donner dans la vie, et après mûre réflexion, il décide d’aller vérifier si les Royaumes Mortels ont bien une fin physique, just for the thrill of it. La première étape de cette odyssée est de fact checker le sujet auprès d’une sommité en la matière, et comme Bayla a le bras long et le cœur bien accroché, il monte tout en haut du minaret du temple de Teclis le plus proche, entre en transe et se téléporte directement auprès du Dieu, qui lui assure que l’on peut bien s’asseoir sur le rebord du monde1. Cependant, cela n’est pas donné au premier clampin venu, car il faut passer par une porte secrète qui ne peut s’ouvrir qu’avec une clé forgée exprès par Grugni, puis terrasser un monstre immortel. Ca fait cher le coup d’œil.

Ce topo ne fait cependant pas peur à Bayla, qui abandonne séance tenance femme et enfants pour se lancer dans ce trek de l’extrême, ce qui l’occupe pendant quelques années. S’il ne parvient pas à négocier une audience auprès du Dieu forgeron lorsqu’il se rend à son temple de Chamon, il réussit tout du moins à obtenir un double de la clé en partageant sa Rince-Cochon avec le Nain Blanc (qui passait dans le coin). Il trouve également une astuce pour venir à bout du loup géant (Afrener) qui garde l’accès au bord du monde en se suicidant à 99% pour pouvoir rencontre Nagash, qui accepte d’euthanasier l’encombrant clébard en échange de cinq siècles et cinq jours de servitude post-mortem. Faut ce qu’il faut.

Ces obstacles enfin négociés, Bayla peut enfin boucler son périple, et contempler l’immensité magique et chaotique où les Royaumes (ici Ghyran) commencent et s’achèvent. Il est cependant immédiatement alpagué par un Magister de Tzeentch, qui essaie de lui vendre un plan de carrière mirobolant en l’échange de son âme, mais qui commet l’erreur de révéler que l’équilibre perso-pro ne serait alors pas vraiment respecté. Car Bayla est, au fond de lui, un authentique pater familias, et toutes ses pérégrinations lui ont ouvert les yeux sur le fait qu’il n’a pas été très présent au cours de la dernière décennie. Raccrochant violemment au bec de son démarcheur (ou l’équivalent dans les Royaumes Mortels), il repart dare dare en direction de son foyer, non sans avoir eu la vision d’une époque lointaine où ce dernier serait frappé par la guerre. Sachant qu’il ne serait plus là pour le voir, et donc l’empêcher, il décide de créer son fameux miroir pour que les Dieux puissent s’en servir dans leur veille constante contre le Chaos. Ce qui nous ramène au point de départ et à Highheim.

La nouvelle se termine sur un petit speech de Sigmar à sa bonne amie, qu’il voudrait plus active auprès des mortels afin de contrecarrer les fake news répandues par le Chaos à propos de la vie éternelle qui attendrait les serviteurs des puissances de la ruine. Qui de plus qualifié que la Déesse de la Vie pour porter ce message optimiste et philosophique auprès des habitants des Royaumes Mortels, hein ? Alarielle lâche un gros « mouais, j’y penserais » et repart semer du gazon en Ghyran, laissant Sigmar passer la mop et fermer la lumière sur Higgheim. C’est pas tous les jours facile d’être un petit patron.

1 : C’est malin, je vois maintenant Teclis avec la moustache de Francis Cabrel.

AVIS:

On savait Guy Haley très à l’aise dans le registre « mythique », qu’il est l’un des seuls contributeurs de la Black Library à pratiquer de manière régulière1, et ‘Pantheon’ est sans doute sa soumission de référence en la matière. Il parvient en effet à mettre en scène une épopée légendaire comparable à celle Gilgamesh (un héros d’une puissance quasi-divine s’embarque dans une quête impossible), transposée dans l’univers d’Age of Sigmar, et même plus largement, de la GW-Fiction, comme les références au Monde qui Fut qui émaillent le récit le dénotent. On se laisse embarquer dans ce voyage très différent des nouvelles ordinaires de la BL, où le moindre personnage est un Dieu, une Bête Zodiacale ou un individu mythique, et qui se termine comme souvent dans ce type de littérature par un enseignement moral à méditer (ici un bon carpe diem des familles). C’est à la fois rafraichissant et bien réalisé, et mérite donc vraiment d’être lu par celles et ceux qui souhaitent explorer le catalogue de la Black Library à la sauce AoS. Un classique en devenir, à mon humble opinion.

1 : Voir sa série sur le Prince Maesa, par exemple.

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Vault of Souls – E. Dicken:

INTRIGUE:

Envoyés par Sigmar en personne explorer Shadespire à la recherche de toute information utile à l’amélioration du processus de Reforge des Stormcast Eternals, et en particulier l’effritement de leur personnalité au fil du temps (le fameux syndrome de délavage), le Knight Incantor Averon Stormsire et ses deux acolytes (Ammis et Rastus) sont sur une piste aussi prometteuse que dangereuse : celle du Katophrane Thalasar. Ce dernier est passé maître dans l’art nécromantique, ce qui pousse Stormsire à penser qu’il pourrait utiliser ses savoirs (un peu impies certes, mais on ne fait pas de surhommelettes sans casser des œufs) pour avancer dans sa propre thèse de recherche fondamentale. Problème, Thalasar est discret, et remonter sa piste n’est pas facile, même pour un arcaniste du talent de notre Knight Incantor. Problème bis, Thalasar était le gardien de la Briar Queen avant que le Nécroséisme ne vienne la libérer, et cette âme damnée n’a pas oublié les millénaires de tourments qu’elle a subi des mains de son geôlier. Son but dans la non-vie est donc de lui rendre la pareille, et elle hante (haha) elle aussi la Nightvault à la recherche de sa proie.

Les Cursebreakers disposent toutefois d’un coup d’avance grâce à leurs sacro-saints pouvoirs, qu’ils mettent à contribution pour localiser, immobiliser et fouiller une construction nécromantique de Thalasar, faisant office de raffinerie à âmes mobile. L’automate collecteur n’avait cependant pas été laissé sans surveillance par son propriétaire, et le trio de choc doit affronter un golem animé par une source d’énergie particulièrement détestable pour nos vertueux héros : l’âme d’un de leurs cousins de chambrée. Grâce au copieux grimoire de sort de Stormsire, la menace est neutralisée, et le chemin menant vers le laboratoire secret de Thalasar localisé grâce un rituel tellement limite-limite que l’acariâtre meneur de bande demande à ses sous-fifres de l’attendre dehors pendant qu’il fait sa petite affaire. Il me faut préciser ici que l’ambiance n’est pas au beau fixe chez les Cursebreakers, Stormsire étant l’archétype du vieux de la vieille aigri et cassant, tandis que Rastus est un newb plein d’enthousiasme affublé d’une fâcheuse tendance à foncer dans le tas sans réfléchir. Ammis quant à elle essaie de fluidifier les échanges entre ses collègues, mais souvent sans résultat.

Ces considérations psychologiques doivent cependant être remises à plus tard, car l’écho de la bataille et le rituel de Stormsire a attiré la Briar Queen et son épineuse cour de spectres, et une confrontation ne serait pas forcément en faveur des Stormcast Eternals (peut-être que c’est la méta qui veut ça). Guidé par sa vision, Stormsire peut toutefois entraîner sa troupe en direction du repaire de Thalasar, situé au plus profond de la Nightvault, et juste en dessous du trône où la Briar Queen a passé quelques siècles à se faire spiritboarder. Les Cursebreakers sont accueillis par une vision de mauvaise augure de Stormcast se faisant laminer et dépouiller de leur âme et de leur matos par les golems du Katophrane, ce qui explique pourquoi les pertes ont été si élevées lors de la première exploration de Shadespire par les larbins du divin barbu. Et bien évidemment, le piège que leur avait tendu Thalasar ne manque pas de se refermer sur eux…

Début spoiler…Le Katophrane reclus était en fait aussi intéressé par Stormsire que ce dernier, et cherchait à l’attirer dans son laboratoire afin de s’incarner dans son corps1. Terrassé par la douleur de cette tentative d’usurpation d’identité, Stormsire ne peut qu’assister du coin de l’œil à l’attaque brave mais futile de Rastus contre les sortes d’aimants à âmes que Thalasar a installé dans son sous-sol, et qu’il utilise pour animer ses golems. Les éclairs conjurés par l’Evocator sont en effet absorbés par la machinerie infernale au lieu de l’endommager, et les automates de Thalasar ne tardent pas à se mêler à la partie, pour ne rien arranger.

La solution viendra d’Ammis, qui sous ses airs de sainte nitouche, avait retenu les invocations pas très recommandables de son supérieur et les utilisera pour combattre l’influence néfaste de Thalasar. Ce léger sursis permet à Stormsire d’endommager le VPN arcanique déployé par le Katophrane sur son labo, attirant immédiatement l’attention de la Briar Queen, qui débarque avec pertes et fracas pour régler ses comptes avec son vieux copain, faisant s’écrouler le plafond sur les machines infernales de ce dernier et renversant par la même le cours de l’affrontement. Peu enclin à goûter sa propre médecine, Thalasar supplie Stormsire de le laisser crécher dans son cerveau pour échapper aux funestes intentions de la Briar Queen, et aurait sans doute obtenu un bail mental sans l’intervention d’Ammis, qui choisit de régler son compte au faquin d’un cri qui tue bien placé. Bien que Stormsire commence par lui reprocher sa prise d’initiative après que les Cursebreakers se soient tirés d’affaire dans la confusion de la bataille, il finit par réaliser que la prudence de l’Evocator était sans doute bien fondée. La journée n’a cependant pas été vaine, nos héros ayant recueilli l’âme de plusieurs Stormcast Eternals gardés comme batterie d’appoint par Thalasar dans leurs gourdes magiques, en plus d’avoir fait s’écrouler le laboratoire du Katophrane sur le suaire de la Briar Queen. Il faut parfois savoir remporter une partie grâce aux objectifs secondaires…Fin spoiler

1 : Petit rappel utile si vous n’êtes pas familier avec le fluff de Shadespire, les Katophrane ont été emprisonnés par Nagash dans des éclats de shadeglass (verre d’ombre ?). Pratique pour résister au passage du temps, mais plutôt restrictif en termes de mouvement.

AVIS:

Evan Dicken signe une masterclass dans le sous-genre particulièrement casse-gueule de la nouvelle d’Underwolds, sur lequel plus d’un contributeur de la Black Library s’est cassé les dents depuis que cette mini franchise dispose de son accompagnement littéraire, avec ce ‘Vaults of Souls’. Il y est parvenu en adoptant une approche pragmatique qui lui a permis d’éviter les écueils que les prémisses de cet univers (des bandes immortelles cherchant toutes à accomplir un objectif impossible) présentent à tout auteur cherchant à intéresser son lectorat à une aventure qui ne peut pas, par nature, s’achever. Voici comment il s’y est pris.

Premièrement, en créant un antagoniste original pour la bande à laquelle l’histoire est consacrée, ce qui a le grand intérêt de permettre aux héros de se débarrasser pour de bon de leur Némésis, au lieu de devoir souffrir l’infamie de la voir s’en tirer d’une manière ou d’une autre. Cela permet également d’éviter le classique, mais maladroit, « bande contre bande » que certains auteurs ont cherché à mettre en scène, avec des résultats généralement assez peu concluants (pour la raison ci-dessus, a.k.a. personne ne peut gagner). Notons tout de même qu’Evan Dicken a enrichi son histoire en intégrant les Epines de la Briar Queen à cette dernière, mais en prenant soin de ne jamais opposer directement les deux bandes sur le champ de bataille. À la place, leur rivalité pour embaucher Thalasar comme free lance permet de faire avancer l’intrigue de manière fluide, sans risquer de déboucher sur un bête statut quo.

Deuxièmement, en permettant à ses héros d’accomplir un objectif, même mineur, à la fin de leur aventure. Ici, il s’agit de la récupération des âmes de Stormcast : on est loin du secret de la Reforge sans déperdition d’énergie qui est le leitmotiv d’Averon et de ses gorilles, mais c’est tout de même une victoire notable pour ces derniers, et surtout, une progression nette par rapport au début de la nouvelle.

Troisièmement et pour terminer, en faisant évoluer ses protagonistes entre le début et la fin de la nouvelle, ce qui donne une bonne raison pour le lecteur de s’intéresser à leur sort. Le trio de Stormcast Eternals bénéficie de ces délicates attentions de character development : Averon Stormsire gagne en empathie envers ses camarades, Ammis sort de cette aventure légèrement corrompue par son utilisation de magie nécromantique, et Rastus a appris à réfréner sa nature impulsive. Bien qu’ils soient légers (et pour être honnête, il n’y avait pas grand-chose de plus que Dicken pouvait s’autoriser s’il ne voulait pas enfreindre son cahier des charges), ces changements donnent l’impression que les Cursebreakers ne sont pas un trio monolithique condamné à errer dans le sous monde jusqu’à la Fin des Temps (ou l’arrêt du jeu), mais une bande de héros affectés par leur quête.

Vous l’aurez compris, c’est une franche réussite en ce qui me concerne, et un, si ce n’est le, modèle à suivre pour les prochaines nouvelles de Warhammer Underworlds.

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The Road of Blades – J. Reynolds:

INTRIGUE:

The Road of BladesAhazian Kel est ce que l’on peut appeler un routard des Royaumes Mortels. Guerrier accompli et sans pitié, il a tout sacrifié (y compris sa famille et sa tribu) pour se vouer à Khorne et devenir le plus grand dresseur Pokémon la guerre incarnée, avec un certain succès il faut le dire. Au début de notre propos, nous cueillons cette grande baderne flegmatique (y a pas grand-chose qui touche sa hache qui fait bouger son marteau) au saut du cheval, sa monture ayant prise une flèche dans l’œil après qu’il ait été repéré par un groupe de maraudeurs de Caldera alors qu’il parcourait les Herbes Noires, une steppe d’Aqshy. Peu impressionné par cet accueil hostile, Ahazian découpe quelques-uns de ces faquins mongoloïdes, ce qui convainc les survivants d’aller voir ailleurs s’il y est. L’Elu de Khorne peut donc reprendre sa route, qui doit le mener… à une autre route, mais pas n’importe laquelle : il a en effet reçu des présages insistants l’enjoignant à rejoindre la légendaire cité de Soulmaw, située à la croisée des Royaumes et centre névralgique de la production d’armes et d’armures des hordes du Dieu du Sang. Pour cela, il est nécessaire d’emprunter une huit voies, connue sous le nom de Route des Lames.

L’appellation n’est pas mensongère, comme il ne tarde pas à s’en rendre compte, puisque cette route est littéralement constituée de lames fondues ensemble, comme si un conquérant Targaryen anonyme avait eu des envies de tapis plutôt que de fauteuil. A chacun ses goûts. Comme Khorne n’est pas du genre à ménager ses champions, Ahazian est confronté à quelques épreuves sur le chemin de Soulmaw : des Epées de Vive-Argent s’extirpent de la route et lui tombent sur le râble, des automates tueurs lui refusent la priorité, et d’autres aspirants attirés par les mêmes présages de carnage et de grandeur que lui cherchent querelle alors qu’il attend à la sortie de la bretelle de péage. Pas vraiment ce qu’on peut appeler de la mobilité douce. Le sanguin A-ha est bien décidé à resteeeeeer sur sa route, en recourant au meurtre si nécessaire, mais avant que l’irréparable ne se produise, il est téléporté à l’intérieur d’une forge spacieuse mais rustique, où le maître des lieux lui accorde audience.

L’hôte en question, le Skullgrinder Volundr, n’est pas n’importe qui. Il s’agit de l’un des huit Maîtres de Forge de Khorne, soit l’élite de la crème des forgerons chaotiques. Chacun d’entre eux a notamment créé l’une des huit Lamentations du Dieu du Sang, armes exceptionnelles que Khorne avait offert à ses frères1, et qui furent perdues pendant l’Âge du Sang. Vovo a ainsi confectionné l’épée Coupemoelle (Marrowcutter, c’est à peine moins ridicule), trempée dans le sang de cent démons. C’est lui qui a convoqué Ahazian, car il sait que les armées du Chaos auront bientôt besoin d’être menées par des héros maniant des armes légendaires, et il a pressenti que notre homme, s’il est le dernier des Kel, n’était pas le dernier des abrutis, et pourrait avoir l’étoffe nécessaire pour le job. Pour en être sûr, et comme c’est la tradition lors de recrutement à la Khorne Khorp., il défie Ahazian en duel, et se fait vaincre par une fourchette dans les yeux vicelarde mais réglementaire. Satisfait par le fighting spirit de sa recrue, il lui remet une hache bien stylée, et le prend à l’essai pour un premier contrat. La suite dans ‘The Spear of Shadows’.

1 : Ce qui est assez stupide de sa part car cela fait 2.666666666666667 armes par Dieu. Il en aurait fait 9, ça aurait été plus simple.

AVIS:

Nouvelle présentant les origines du principal antagoniste de ‘The Spear of Shadows’ et contextualisant la légende entourant les Lamentations de Khorne, ‘The Road of Blades’ n’a curieusement pas été nommément reliée au cycle éponyme par la Black Library, alors qu’elle y a toute sa place. Il n’en reste pas moins que cette histoire de champion chaotique embarqué dans une quête mortelle et affrontant des dangers aussi variés que surnaturels (Chaos oblige) se laisse lire sans problème, et permet à Reynolds de nous livrer un beau spécimen d’anti-héros aussi charismatique que détestable. Comme le dit l’adage, une bonne histoire repose en grande partie sur la qualité de son méchant, et Ahazian Kel est un (futur) antagoniste auquel on s’attache rapidement. Lecture essentielle si vous vous lancez dans la saga, malheureusement inachevée, de Reynolds pour Age of Sigmar, et sympathique sinon.

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Bear Eater – D. Guymer:

INTRIGUE:

Bear EaterToujours en maraude dans les Royaumes Mortels (ici en Ghur) avec ses Astral Templars pour le compte du patron, Hamilcar Bear Eater voit une occasion en or d’agrandir le protectorat sigmarite se présenter à lui lorsqu’il arrive en vue de la cité de Jercho. Miraculeusement épargnée des déprédations des hordes du Chaos, cette ville ferait un bastion idéal pour les croisés d’Azyr… si Hamilcar arrive à convaincre son monarque, le Roi Soleil Joraad el Ranoon, de rejoindre le camp de l’Ordre. Rien de plus facile pour notre héros, dont les prouesses martiales ne sont égalées que par ses talents de diplomate (du moins c’est comme ça qu’il voit les choses, en sa qualité de plus grand fan de lui-même).

Après une petite parade militaire réalisée dans des conditions éprouvantes (#SousLeSoleilExactement), même pour des immortels en sigmarite, Hamilcar et ses lieutenants (le vieux bougon Broudiccan et un random dude du nom de Thracius) sont pris à parti par une émissaire de Jojo et sommés de laisser leurs armes au vestiaire pour respecter le protocole officiel. Lorsque nos trois compères finissent par obtempérer, ils ont la désagréable de surprise de constater qu’ils sont tombés dans un piège, une petite armée de gardes se déversant dans le hall avec des velléités peu charitables envers les Stormcasts.

Punk à chien gryffhound dans l’âme, Hamilcar ne perd pas de temps à tenter de résoudre ce conflit par la parole, et commence à zlataner à tout va les malheureux mortels qui lui passent sous la main. Ayant manifestement sous-estimés la puissance de leurs adversaires, les miliciens de Jercho finissent par battre en retraite, laissant toute latitude à notre héros de monter une expédition punitive envers ce pendard de Joraad el Ranoon (officiellement) et d’annexer la cité pour la plus grande gloire de Sigmar (officieusement)1. Sur le chemin de la salle du trône, il rencontre une vieille connaissance, le général Sarmiel el Talame, avec qui il a fait le coup de feu contre les Sankrit quelques semaines auparavant, et qui l’avait mis sur la route de Jercho après la bataille de Heliopalis. Miraculeusement convaincu par Hamilcar en l’espace de deux répliques qu’il était dans le camp des méchants, Sarmiel fait défection de la Garde Solaire et accepte de guider ses gros copains jusqu’au Palais de la Lune, où le Roi Soleil tient sa cour.

En route vers son objectif, Hamilcar développe un point de côté persistant2 et se retrouve confronté, en plus des bidasses solaires qui défendent le Palais, à des vampires feulant, preuve irréfutable du passage de ce coquin de Mannfred von Castein (ennemi juré de notre héros depuis qu’il s’est fait tuer par le Mortarque3) par Jercho. Il en faut toutefois plus pour empêcher l’injouable Mimil – qui se paie le luxe d’infliger une Mike Tyson à un suceur de sang un peu trop sûr de lui – de se frayer un chemin jusqu’à l’affreux Jojo. Ce dernier ne peut compter que sur ses rayons, des serviteurs totalement assujettis à sa volonté, pour faire office de derniers défenseurs, et place Hamilcar devant un dilemme cornélien pour le héros du Bien (avec un grand B et un grand nez) qu’il est : massacrer des innocents pour atteindre son objectif, ou les épargner et laisser le Roi Soleil s’en tirer à peu de frais…

Début spoiler…Malheureusement pour Joraad el Ranoon, une troisième voie était possible, à savoir embrocher le lumineux monarque sur son trône d’un jet de hallebarde bien senti. La mort rapide et sanglante du roitelet permet au moins d’établir qu’il n’avait pas été changé en vampire par Mannfred von Carstein, ce qui est… une information. Et le savoir est le pouvoir, paraît-il. La nouvelle s’achève sur cette conquête nette et (presque) sans bavure d’une nouvelle Cité de Sigmar par les Astral Templars. Du travail bien fait.Fin spoiler

1 : On peut remercier Guymer d’adapter un grand classique de la culture britannique à la sauce d’Age of Sigmar. Appelons ça le Fardeau du Mangeur d’Ours Blanc.
2 : Qui ne sera pas expliqué dans la suite de la nouvelle et n’aura pas d’impact sur la conclusion de cette dernière, mais suggère fortement que Guymer avait quelque chose de particulier en tête au moment de l’écriture.
3 : Voir ‘Beasts of Cartha’.

AVIS:

Je ressors de ce ‘Bear Eater’ avec une persistante sensation de gâchis au fond de la gorge (ou peut-être du cerveau), ce qui me désole au plus haut point compte tenu de mon attachement pour le personnage de Hamilcar, une des premières têtes d’affiche moderne (comprendre, un brin complexe) des Royaumes Mortels, et qui faisait ici ses grands débuts dans la carrière. En cause, le choix de David Guymer de placer son intrigue dans un cadre exotique et singulier (donc intéressant) en diable, mais de confiner ce dernier à une toile de fond au profit d’une nième baston entre Stormcast Eternals et locaux impénitents. La deuxième moitié de la nouvelle vient ainsi ruiner le travail de world building de la première, en se focalisant uniquement sur les exploits martiaux du fortiche Hamilcar, qui parviendra une fois encore et sans aucune surprise à vaincre l’affreux vilain que la destinée lui a mis sur son chemin. Et comme les compétences martiales de sa Némésis du jour (ou de la nuit) culminent à « lever le bras d’un air vaguement menaçant », on n’a même pas le droit à un combat final digne de ce nom, comme cela avait été le cas lors d’épisodes précédents de la série.

De manière générale, il se perçoit bien trop clairement à la lecture que ‘Bear Eater’ n’est qu’un segment d’un arc narratif bien plus large, dans la droite ligne des événements relatés dans ‘The Realmgate Wars’, écrits à quatre mains par Guymer et Josh Reynolds lors des premières années d’Age of Sigmar. Les références à la traque de Mannfred von Carstein sont tellement nombreuses au fil des pages que je soupçonne que cette nouvelle devait initialement faire partie d’une nouvelle tétralogie (comme ‘The Hunt for Nagash’ et ‘Knights of Vengeance’), avant que le projet soit abandonné pour une raison non précisée. Cela expliquerait aussi cette fin des plus abruptes ainsi que le traitement bizarre réservé au personnage de Sarmiel el Talame, qui semble avoir un passif conséquent avec Hamilcar et ses Astral Templars : je suis prêt à mettre une pièce sur le fait que cette première rencontre aurait dû faire l’objet d’une nouvelle ou d’un audio drama. Bref, un véritable et regrettable accident de parcours pour la paire Guymer & Hamilcar, sans doute causé par les errements éditoriaux de la Black Library à l’époque.

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Gravesend Gold – C. L. Werner:

INTRIGUE:

Les affaires n’ont pas été bonnes ces derniers temps pour le capitaine Brokrin Ullisson et l’équipage de l’Iron Dragon. Après les tapisseries pleines de rats de la lamaserie de Kheitar (‘Shiprats’) et les manticores mal lunées de Silverreach (‘Overlords of the Iron Dragon’), les ports d’attache visités récemment par l’Ironclad n’ont pas permis aux Kharadrons de se refaire, et le spectre d’une campagne déficitaire plane désormais sur les Duardins. Aussi, lorsque la vigie repère l’épave d’un vieux modèle de cargo volant Kharadron encastré dans une falaise, Brokrin saute sur l’occasion et met le cap sur le lieux de l’accident afin de fouiller cette trouvaille miraculeuse à la recherche de quoi remplir sa cale.

La chance semble enfin sourire à l’Iron Dragon lorsque les explorateurs mettent la main sur une cargaison d’or profond, un minerai incroyablement rare dont la source s’est tarie depuis des siècles, pendant les soubresauts de l’Âge du Chaos. Bien que l’épave exsude une aura inquiétante, qui met mal à l’aise ceux qui s’en approchent trop, Brokrin et ses hommes repartent avec un lingot échantillon, et se promettent de transbahuter le reste du magot sur leur rafiot dès le lendemain, lorsque les conditions de luminosité permettront une opération sécurisée. Car si les Kharadrons sont avides, la sécurité sur le lieu de travail est strictement réglementée dans leur Code, et aucun capitaine digne de ce nom ne risquerait de se faire intenter un procès aux Prud’uardin pour mise en danger de ses employés.

Toutefois, la tombée de la nuit provoque un événement fâcheux : l’épave se transforme en vaisseau spectral, manœuvrée par un équipage d’esprits de Kharadrons des temps jadis, et part à la poursuite de l’Iron Dragon pour reprendre ce qui lui appartient. Malgré la diversité et la puissance de l’armement dont dispose l’Ironclad (canons, mine volante, harpon géant…), rien n’arrête la menace fantôme, et l’abordage tant redouté finit par se produire. Les pistolets et coutelas étant aussi inefficaces contre les ectoplasmes barbus qu’un déodorant sur un Grand Immonde, l’affaire semble bien mal engagée pour Brokrin et Cie

Début spoiler…Heureusement, le capitaine n’est pas le dernier des abrutis et comprend vite que ses visiteurs ne souhaitent que rentrer en possession de leur lingot. Bien qu’ils n’en ont guère l’usage dans l’état où il sont réduits, cela n’affaiblit pas le moins du monde la légitimité de leur requête, et Brokrin peut respecter cela. Cependant, il ne s’attendait pas à ce que son homologue mort-vivant demande en sus à être compensé pour le dommage moral subi. Mais le Code étant le Code, et lui-même guère en position de refuser quoi que ce soit à un adversaire éthéré au dernier degré, il n’a d’autre choix que de consentir à ce que les quelques marchandises que l’Iron Dragon ramenait à bon port soient accaparées par ses visiteurs nocturnes. Voilà qui lui apprendra à laisser les épaves abandonnées tranquilles…Fin spoiler

AVIS:

Ça sent très fort la panne d’inspiration du côté de C. L. Werner avec ce très quelconque ‘Gravesend Gold’, qui vient « conclure » le premier arc de l’équipage de l’Iron Dragon sans apporter le moindre développement digne de ce nom à ses personnages. Pour un scénariste aussi consommé que notre homme, se contenter d’une simple fouille d’épave qui se termine mal, sans aucune surprise dans le déroulé ni dans l’issue de l’histoire, est un aveu de je m’en foutisme assez patent. Sans doute une commande expédiée à la va-vite pour faire plaisir à la Black Library… Quoi qu’il en soit, on peut faire l’impasse sans problème sur cette micro-péripétie et se concentrer sur ‘Shiprats’ et/ou sur les nouvelles de Drekki Flynt de Guy Haley, si on est à la recherche de khourts formats digne de ce nom.

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The Tainted Axe – J. Reynolds:

INTRIGUE:

The Tainted AxePeu de temps après les événements relatés dans ‘Spear of Shadows’, nous retrouvons le chevalier – ou plutôt, demigryphier – Roggen de Ghyrwood March, de retour en Ghyran avec une main en moins et des souvenirs en plus. Ayant refusé l’offre de Grugni de remplacer son membre manquant par une réplique mécanique, au profit d’une solution plus naturelle, notre héros n’a toutefois pas trouvé chaussure à son pied ni prothèse à son moignon. Sa convalescence prend un tour particulier lorsqu’il se sent appelé une nuit dans le bosquet de ferbois consacré de son ordre, où l’attend une Branchwraith mutine, avec une nouvelle quête divine à lui confier.

Loin au Sud se trouve le Gaut Tors1, une forêt qui a cruellement souffert des déprédations de Nurgle et des ses séides au cours des dernières années. Un champion du Dieu des maladies y a jadis mené une expédition corruptrice, dont il n’est jamais revenu mais qui a résulté en l’abandon de sa hache maudite sous un tas de feuilles. Depuis lors, cette arme maléfique corrompt les bois aux alentours, comme une pile au mercure enterrée dans l’humus. La mission de Roggen consistera donc à localiser cette relique impie et à la ramener à sa commanditrice, qui en échange de ses bons et loyaux ordonnés services lui fera pousser une nouvelle menotte. Bien que notre héros ne soit pas né de la dernière pluie, et se méfie à juste titre des fantasques Sylvaneth, le serment d’allégeance à Alarielle qu’il a prêté en devenant chevalier, et l’attrait de retrouver la main, le convainquent rapidement d’accepter cette quête. Avant de retourner écouter pousser les fleurs, la Branchwraith a l’amabilité de lui adjoindre les services d’un sherpa forestier, en la personne compacte mais grincheuse d’un esprit de la forêt.

Nous suivons alors Roggen, son guide mal-luné (il passe son temps à appeler le chevalier « viande », ce qui n’est guère aimable) et sa farouche monture (Harrow) jusque dans les profondeurs mal famées du Gaut Tors. Bien que sa patronne lui a promis qu’il aurait un droit de passage auprès des Sylvaneth du cru, le fait que ces derniers soient perturbés par les émanations toxiques de la hache perdue d’une part, et leur allégeance à nulle autre que Drycha Hamadreth d’autre part (un petit détail que la Branchwraith avait omis de préciser à son prestataire pendant le briefing), n’incitent pas Roggen à la détente de son slip (en bois, comme le reste de sa garde-robe). Le trio finit toutefois par arriver dans une clairière, où un petit groupe de Rotbringers est à pied (gangréné) d’œuvre, et vient d’exhumer une sorte de cocon de racines calcifiées, qui ne peut être que le réceptacle de cette fameuse hache.

Confiant dans ses capacités de bretteur et l’effet de surprise, Roggen fonce dans le tas avec abandon, mais se retrouve rapidement en difficulté, notamment du fait que ses adversaires ont apporté avec eux des arbalètes, ce qui n’est pas très fluff tout de même. Avant que l’impétueux chevalier n’ait été transformé en hérisson manchot (ce qui vaut mieux qu’un échidné pingouin, qu’on se le dise), une voix tonitruante vient intimer aux Nurgoons de cesser le feu. Il s’agit du Blight Knight qui commande l’expédition des prouteux, et qui, en véritable chevalier de l’ordre de la mouche, propose à Roggen de régler l’affaire par un duel tout ce qu’il y a de plus honorable, et au gagnant le loot. N’ayant pas de meilleure option sous la main, notre héros accepte la proposition de son adversaire (Feculus), et les deux champions se mettent sans tarder à l’ouvrage.

Si sa monture parvient sans mal à vaincre le destrier démoniaque de sa Némésis, Roggen éprouve quant à lui les pires difficultés à tenir tête à cette dernière, qui est à la fois plus forte et plus résistante que lui. Au bout du compte, il faudra l’intervention, pas vraiment fair play mais très secourable, de son sidekick végétal (qui utilise l’attaque airbark) pour que Roggen parvienne à vaincre l’ignoble Feculus. La mort de leur patron libère toutefois les Rotbringers de leur serment de non-intervention, et le chevalier Dubois n’aurait pas fait long feu sans l’arrivée à point nommée des Sylvaneth du Gaut Tors, qui se font un plaisir d’offrir une démonstration de bio compostage express à leurs ennemis honnis. Cela laisse le temps à Roggen de repartir avec sa relique rouillée, et de se retrouver en bout du compte avec une greffe maniable. C’est tout le mal qu’on lui souhaite.

1 : Je ne sais pas si cette nouvelle a été traduite en français, mais je suis hyper fier de ma proposition (Writhing Weald en VO).

AVIS:

On ne le savait pas encore à l’époque de sa publication, mais ‘The Tainted Axe’ constituait la dernière apparition du chevalier Roggen de de Ghyrwood March, l’un des personnages attachants1 créés par Josh Reynolds dans le cadre de sa saga – laissée inachevée – des Lamentations de Khorne. Si cette péripétie mineure ne se place pas parmi les meilleures soumissions de notre homme, on y retrouve toutefois les points forts habituels de sa prose, à savoir des personnages intéressants (mention spéciale au jovial Feculus, que l’on retrouve cité dans les écrits consacrés par Reynolds à l’ordre de la mouche), une intrigue et un développement qui tiennent la route, et une généreuse dose de fluff pour napper le tout. Des nouvelles comme ça, je pourrais en lire 10 par jour sans me lasser. A mettre entre toutes les mains (haha).

1 : Notamment parce qu’il a pas mal de traits communs avec Erkhart Dubnitz, du très saint et très violent ordre de Manann, un des héros les plus hauts en couleurs de la Black Library.

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The Witch Takers – C. L. Werner:

INTRIGUE:

The Witch TakersMis sur une sale histoire de meurtre dans la ruralité profonde du Khanat d’Arkl, en Chamon, les chasseurs de sorcières Esselt et Talorcan, unis à la scène comme à la ville, remontent une piste, forcément chaude, à travers les dunes du désert de Droost. De villages martyrs en tombes profanées et cadavres possédés il ne faut pas longtemps à notre fine équipe pour subodorer que quelque chose de pas sigmarite se cache au fond de ce dossier. Il semblerait que quelqu’un hante Droost avec pour seule mission de massacrer tout ceux ayant le malheur de croiser sa route. Quelqu’un… ou quelque chose, qui asservirait ses hôtes les uns après les autres, passant de main en main et ne laissant que les dépouilles de ses victimes et de ses porteurs derrière lui. Alors que les deux Répurgateurs approchent l’oasis de Tora Grae, miraculeusement épargnée par la folie environnante, il leur faudra agir rapidement et intelligemment pour empêcher le Tournetueur (pun intended) de commettre un nouveau carnage…

AVIS:

C.L. Werner qui met en scène un duo de Répurgateurs embarqués dans une quête qui les conduira dans quelque sinistre recoin de leur « circonscription » : du tout cuit pour l’auteur de la (plutôt bonne) série des Mathias Thulmann me direz-vous. C’est aussi ce que je pensais avant de commencer la lecture de ces Tueurs de Sorcières, et me suis donc surpris à reconsidérer légèrement ce postulat une fois passé le point final. Comme quoi, rien n’est gravé dans le marbre dans ce bas monde. La première divergence notable qui m’est apparue est la relation amoureuse unissant Esselt et Talorcan, ce qui n’a rien de rédhibitoire en soi (et est même suffisamment rare dans une publication de la Black Library pour qu’on puisse au contraire saluer l’audace de l’auteur), mais m’a semblé tellement éloignée des conventions usuelles de ce genre de littérature que mon expérience de lecture s’en est trouvée, pas polluée, le terme serait un peu fort, mais au moins perturbée par les roucoulades échangées par nos héros1. Passées ces considérations romantiques, l’intrigue que nous propose Werner ne s’avère pas être très haletante, la course poursuite par hôte interposé à laquelle se livrent Buffy, Xander et le bracelet perdu de Valkia la Sanglante suivant son cours avec une linéarité décevante, alors que la méconnaissance par nos héros de la nature et de la forme du mal qu’ils ont à combattre ouvrait la porte au développement de fausses pistes. Quant au binôme de choc proposé par l’auteur, il se révèle être d’une décevante platitude, Esselt et Talcoran ne s’écartant pas d’un pouce de leur stéréotype respectif (la paladine zélée et le rôdeur débrouillard), ce qui ne donne pas vraiment envie d’embrayer sur le roman que Werner leur a consacré (Le Cœur Corrompu//The Tainted Heart). Pour terminer, les apports fluff de cette nouvelle se comptent sur les doigts d’une main d’un Zombie de la Peste, le fait qu’elle se déroule dans un bout de désert perdu au milieu de nulle part ne jouant évidemment pas en la faveur d’inclusions significatives (même si ce genre de théâtre d’opérations n’est en rien rédhibitoire pour peu qu’on veuille s’en donner la peine, comme Guy Haley l’a prouvé avec Les Sables du Chagrin//The Sands of Grief). En conclusion, il ne reste guère que le métier de C. L. Werner pour faire tenir ces Tueurs de Sorcières debout, ce qui est suffisant pour une lecture rapide de l’ouvrage, mais à peine.

1 : Quand bien même ces dernières sont restées d’une sobriété bienvenue. C’est ainsi, j’ai du mal à voir des « Mon amour » apparaître dans une nouvelle de la Black Library.

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The Old Ways – N. Horth:

INTRIGUE:

Callis and Toll_The Old WaysAffecté à la surveillance de la cité d’Excelsis, dans le royaume de Ghur, le répurgateur de l’Ordre d’Azyr Halliver Toll, escorté de son sidekick Armand Callis, est envoyé par ses supérieurs tirer au clair une sombre histoire de disparition à Marshpoint, une ville agricole située en périphérie de la Cité des Secrets. Le fils aîné de la puissante famille Junica n’a en effet plus donné signe de vie après avoir eu maille à partir avec quelques soldats de l’autre grande famille locale, les Dezraed, qui l’ont poursuivi jusque dans les profondeurs de la forêt d’Ulwhyr. L’entente entre Junica et Dezraed n’ayant jamais été cordiale, c’est une vendetta en bonne et due forme qui menace d’éclater entre les Capulet et les Montaigu de Ghur, gueguerre qui mettrait en péril l’approvisionnement des régiments d’Excelsis en précieuse soie d’acier, ressource collectée depuis les fermes arachnides de Marshpoint. Il va donc de l’interêt général que cette triste affaire soit réglée dans les meilleurs délais, et qui de plus qualifié qu’un répurgateur pour traiter ce problème ?

Nous suivons donc Thalys et Colle au cours de l’enquête à laquelle ils se livrent à leur arrivée dans le bourg miteux et boueux de Marshpoint. Après un interrogatoire croisé des patriciens des deux familles, l’énorme et suintant Fenrol var Dezraed, autoproclamé Gardien de Marshpoint du fait de sa capacité de bloquer à lui seul l’entrée de la ville s’il lui prenait l’envie de s’asseoir en travers du portail, et le sec et irritable Kiervaan Junica, nos experts se rendent sur les lieux de la disparition à proprement parler, escortés par l’homme de confiance du patricien Junica, un natif du nom de Ghedren, et par un trio de gardes Dezraed. Et s’il se pourrait bien que la rivalité larvée entre familles nobles ait bien fait couler le sang, les enquêteurs feraient bien de prendre au sérieux les rumeurs entourant la Sorcière Blanche d’Ulwyhr. Après tout, ils ont pénétré sur son domaine…

AVIS:

C’est avec enthousiasme que j’avais vu revenir la figure iconique du chasseur de sorcières/répurgateur dans le lore d’Age of Sigmar, que son inclinaison high fantasy aurait pu « immuniser » à l’introduction de ce type de personnage, très grimdark par nature. La lutte contre les cultes chaotiques gangrénant le nouvel ordre rutilant de Sigmar constitue en effet à mes yeux un axe de développement des plus intéressants, et une prise de recul bienvenue sur le manichéisme caractéristique des premières années d’AoS. Encore fallait-il que l’image d’Epinal Hammerhal de l’inquisiteur traquant le vice et la trahison parmi les sujets obéissants de l’autorité centrale (préférablement divine, c’est plus classe) soit convenablement adaptée dans cette nouvelle franchise, la profession en question exigeant une rigueur morale confinant à la psychose, ce qui n’est pas franchement la norme parmi la soldatesque sigmarite (ces martel-sans-rire de Celestial Vindicators mis à part), dépeinte à de nombreuses reprises comme adepte du compromis et de la tempérance. Qu’en est-il avec la paire Callis & Toll, promise à un bel avenir au sein de la BL à en juger de la façon dont leurs noms ressortent dans tous les ouvrages auxquels ils ont été inclus ? Eh bien, c’est plutôt pas mal, encore que pas spécialement pour les raisons détaillées ci-dessus. Je m’explique.

Si le fanatisme (dans le bon sens du terme, car, si si, dans la littérature med-fan, cela existe) de nos héros laisse à désirer, la retenue dont fait preuve Toll, sensé être le vrai bad guy du duo, dans le jugement qu’il délivre au coupable, le plaçant à un petit 2 sur l’échelle de Mathias Thulmann (le référentiel absolu de la maison à cet égard), Horth se rattrape néanmoins en glissant quelques remarques de bon aloi à propos d’un certain White Reaper (Cerrus Sentanus sur son état civil), Stormcast Eternal pas vraiment Charlie, à tel point que son nom est utilisé pour effrayer les enfants d’Excelsis. Voilà un type qui mérite que l’on suive, et j’espère bien que ça sera le cas dans un futur pas trop lointain. Celà étant dit, The Old Ways a d’autres qualités, la première étant de proposer une petite enquête policière pas trop mal troussée au vu du nombre de pages limité avec lequel elle doit composer1, l’atmosphère horrifique du passage « sylvestre » du récit étant une autre source de satisfaction. D’autre part, cette nouvelle présente également l’intérêt de creuser le background de la cité libre d’Excelsis, qui devrait normalement ne pas disparaître corps et bien dans les annales du fluff, au vu du nombre d’apparitions qu’elle a faite dans divers écrits depuis son introduction dans le background. En apprendre plus sur cette bourgade présente donc un intérêt pour le fluffiste, tellement bombardé d’informations géographiques par ailleurs qu’on ne peut lui reprocher de ne pas prendre note de tout ce qu’on lui soumet.

Enfin, de façon plus large, elle fait ressortir un concept intéressant : le fossé existant entre natifs d’Azyr et populations locales au sein des cités libres, les seconds étant généralement mal considérés, voire méprisés par les premiers, qui les qualifient « d’Amendés » (traduction personnelle de Reclaimed, qui peut aussi s’entendre comme « Récupéré ») ou de « Sang Maudit » (curseblood), ce qui n’est pas très sympathique, mais ajoute de la profondeur à la société sigmarite. Quand on lit que même un personnage « égalitariste » comme Toll n’aurait pas de problème à raser toutes les forêts de Ghur pour pouvoir accélérer la colonisation de ce Royaume, au grand désarroi des locaux qui ont appris à vivre dans les étendues sauvages et à les respecter, on se dit que la possibilité d’un soulèvement des indigènes contre la métropole et ses représentants est une possibilité réelle… et c’est tant mieux en termes de potentiel narratif ! Bref, une plongée satisfaisante dans l’arrière-pays d’Excelsis, et une nouvelle qui vaut le coup d’être lue pour qui s’intéresse au fluff des cités libres.

On saluera également le twist proprement « meta » de Horth, qui fait dire à Toll qu’il avait identifié le coupable depuis belle lurette et attendait juste de voir combien de temps il faudrait à Callis (et donc au lecteur) pour faire de même. On ne me l’avait jamais faite celle-là.

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The Library of Forgotten Moments – J. Reynolds:

INTRIGUE:

Peu après les événements de ‘Soul Wars’, le Lord-Arcanum Balthas Arum des Anvils of the Heldenhammer décide d’aller faire retraite dans une bibliothèque perdue dans les montagnes de Shyish, afin de creuser son sujet de mémoire professionnel : la Reforge des Stormcast Eternals, et comment l’améliorer (ils ont tous le même, ces escrocs). L’endroit n’est mentionné que dans quelques vieux grimoires poussiéreux, et son accès n’est pas facile, mais il en faut plus pour décourager Balthas, qui arrive comme un prince, monté sur son gryph-charger Quicksilver, et est froidement accueilli par les archivistes morts vivants qui s’occupent de ce temple du savoir. Ayant juré qu’il venait en paix et après avoir montré sa carte d’étudiant, le Stormcast peut pénétrer dans l’édifice, contenant des montagnes d’ouvrages plus exotiques les uns que les autres.

Cependant, Balthas n’est intéressé que par un type bien précis de littérature : les classiques préhistoriques. La rumeur court en effet que la bibliothèque des moments oubliés (son petit nom) contient des savoirs prédatant les Royaumes Mortels, et venant du Monde qui Fut. Persuadé que la clé de sa quête d’information se trouve dans le lointain passé, Balthas part donc à la recherche des livres les plus anciens qu’il puisse trouver, bien aidé par ses sens arcaniques aiguisés. Après quelques temps, il finit par localiser une zone prometteuse, mais remarque un détail curieux sur les codex qu’il feuillette : si leur contenu semble bien provenir d’un autre temps, comme en témoignent l’usage d’écritures inconnues et le sentiment persistant de déjà-lu qu’il éprouve en les consultant, leur reliure est récente. Qui aurait pu écrire l’histoire d’un monde détruit il y a des milliers d’années ?

Cette question académique devra cependant attendre un peu, car l’étude de Balthas est interrompue par l’arrivée d’un autre visiteur, qui s’il rit beaucoup, n’en est pas sympathique pour autant : Mannfred Von Carstein en personne. Le Mortarque de la Nuit ayant été déclaré ennemi d’Azyr par Sigmar, le Lord-Arcanum se sent dans l’obligation d’appréhender le maraud, mais ce dernier ne se laisse pas faire. L’affrontement magique qui s’en suit dévaste quelques sections de la bibliothèque, forçant ses gardiens à s’interposer et à proposer aux belligérants de faire une trêve, en échange de l’accès au secret le mieux gardé de ces archives (quasi) infinies. Balthas et Mannfred partageant le même amour pour les informations confidentielles, ils acceptent de mettre leur inimitié en veilleuse pour quelques minutes et sont escortés par leurs hôtes jusqu’à une caverne située sous la bibliothèque…

Début spoiler…Cette dernière a la particularité d’accueillir un authentique fragment de Mallus, a.k.a. le Monde qui Fut, dont les éclats sont utilisés par l’armée de scribes qui travaille dans la grotte pour retranscrire des connaissances datant de cette époque légendaire. Ceci explique comment des incunables comme ceux négligemment carbonisés et réduits en compost par les deux affreux quelques instants plus tôt ont pu être proposés à la lecture. Cette découverte enchante Mannfred, qui se doutait bien que l’endroit recelait un secret pouvant intéresser Nagash, et avait multiplié les visites depuis plusieurs années afin de mettre la griffe dessus, en pure perte jusqu’ici. Cependant, Balthas refuse de laisser le vampire repartir avec le caillou antédiluvien, redoutant l’usage que le Grand Nécromancien pourrait en faire, et le fragile cessez-le-feu vole en éclat. Dans la bataille qui s’en suit, le Stormcast et le Mortarque semblent revivre les (douloureux) souvenirs de vies antérieures, et le premier remporte le match en poignardant son adversaire avec une écharde tirée du rocher miraculeux. Le cringe est trop grand pour Mannfred, qui se téléporte hors de la bibliothèque, laissant Balthas seul avec les archivistes. Lorsqu’il les interroge sur les raisons qui les ont poussés à lui révéler leur secret, ils répondent que c’est Mallus qui leur a demandé de le faire, sans doute pour permettre à un être digne de lui de bénéficier de sa gnose. Quoi qu’il en soit, Balthas a maintenant accès au Verrah Rubicon, et si on n’a plus guère entendu parler de lui depuis lors, c’est qu’il doit être en train d’en dévorer le fluff…Fin spoiler

AVIS:

Josh Reynolds fait plaisir aux fluffistes et aux amoureux de Warhammer Fantasy Battle en proposant une nouvelle clin d’œil aux événements de la Fin de Temps (qu’il a écrit en grande partie). Comme vous l’aurez sans doute compris à ce stade, et c’est encore plus évident à la lecture de cette histoire, Balthas Arum n’est autre que la réincarnation de Balthasar Gelt, et si Mannfred Von Carstein semble persuadé qu’il a déjà rencontré le Lord-Arcanum masqué (bon je triche, ils le sont tous), c’est parce que c’est le cas : après avoir trahi l’Empire et s’être réfugié auprès de Vlad Von Carstein, Gelt se fit tuer par Mannfred lors de l’ultime bataille de cette campagne eschatologique. Inutile de dire que si vous êtes au courant de ce menu détail, ‘The Library of Forgotten Moments’ est une gourmandise délectable, Reynolds se faisant un plaisir de faire comprendre au lecteur qu’il sait qu’il sait (qu’il sait). Pour les autres, cette nouvelle sera sans doute moins intéressante – soyons honnête, il ne s’y passe pas grand-chose au final – mais elle reste suffisamment bien écrite pour pouvoir être lue avec plaisir par l’amateur de GW-Fiction.

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Gods’ Gift – D. Guymer:

INTRIGUE:

Gods' GiftPrenant place après les évènements narrés dans Great Red et The Beasts of Cartha, pour ne citer que deux des précédentes aventures de notre fougueux héros, Gods’ Gift voit Hamilcar et quelques uns de ses potes des Astral Templars accomplir une mission d’intérêt général, sans doute pour avoir commis quelque tour pendable à une chambre rivale lors d’une permission à Hammerhall. Il s’agit en l’état de punir et faire stopper les exactions d’une bête monstrueuse s’amusant à disposer des hardis bûcherons d’un camp de colons récemment implanté dans les terres farouches de Ghur, tâche récréative pour des Stormcast Eternals de la trempe de nos gais lurons. Guidés par un local – Fage – qui malgré son âge vénérable semble tout émoustillé par la seule présence des Elus de Sigmar, Hamilcar & Cie s’embarquent donc dans une épopée aussi directe et rapide qu’une quête de zone de didacticiel de World of Warcraft.

Depuis le relevé de empreintes jusqu’à la constatation de l’heure du décès, ou plutôt, de l’abattage, il ne se passera ainsi qu’une petite journée, soit une vingtaine de pages pour le lecteur, juste le temps pour Ham’ de piquer un roupillon qui lui apportera un rêve plus ou moins prophétique, dans lequel un chêne vient lui chanter Je suis malade (ce qui est ‘achement dur pour un végétal, et mérite le respect), ce qui lui permettra de prendre une décision des plus inspirées quelques heures plus tard. La nouvelle se terminant pour un petit cliffhanger pas vraiment haletant, mais sans doute important pour la suite de la saga d’Hamilcar (Mark de son prénom), le lecteur en est quitte pour embrayer sur directement sur la première, ou plutôt le premier roman dédié à Guymer à sa coqueluche hirsute (Champion of the Gods), dans lequel il est presque certain que des réponses seront apportées aux questions laissées en suspens à la fin de Gods’ Gift.

: L’Homme Arbre qui s’était chargé de la besogne de déshumanisation – c’est comme la désinsectisation, mais avec des primates – servant de pied à terre racine à humus à une sylvaneth passablement enrhumée.

AVIS:

Malgré les dizaines de titres que compte sa bibliographie BL à l’heure actuelle, ce n’était que la deuxième soumission de Mr Guymer m’étant tombée sous la main depuis l’inaugural The Tilean Talisman, initialement publié en 2011. Et je dois dire que mon appréciation de l’œuvre du bonhomme est resté scrupuleusement identique, huit ans plus tard : des aptitudes certaines en terme de narration, avec des personnages au minimum distrayants, à défaut d’être immédiatement attachants (mention spéciale à Brouddican, l’Hillarion Lefuneste personnel de cette grande gueule d’Hamilcar), relevé par quelques notes boisées – c’est le cas de le dire – de fluff, plombées par une vacuité de l’intrigue assez rédhibitoire. C’est bien simple, celle de Gods’ Gift (d’ailleurs, on ne comprend pas vraiment quel est le don auquel Guymer fait référence dans le titre de sa nouvelle1) s’articule en deux temps trois mouvements, sans qu’on ait l’impression d’une quelconque progression entre le début et la fin de la nouvelle. Hamilcar traque un monstre. Hamilcar rêve d’un chêne. Hamilcar tombe dans une embuscade d’Hommes Bêtes (il faut bien qu’il montre qu’il est un cador du corps à corps). Hamilcar débouche sur un bosquet de chênes sacrés, gardé par… le monstre qu’il traquait. Coup de bol. Baston. Victoire. Fin.

Bref, rien de bien challengeant pour l’intellect du lecteur, qui aurait pu s’attendre à quelques liens de causalité entre les différents éléments constitutifs du propos de Guymer. Rien de tel ici, ou de manière tellement évidente et peu fine que les relever n’a pas grand intérêt. Comme dit plus haut, cela peut sans doute se justifier par le fait que Gods’ Gift est un rehaut littéraire à un travail plus conséquent, avec lequel l’auteur prend bien soin de faire la liaison. Telle la rondelle de tomate venant décorer une entrecôte frites, cette nouvelle peut être consommée si on a vraiment faim, mais ne remplira pas l’estomac pour autant. Et comme dit plus tôt (Décembre 2014, pour être précis), c’est plutôt cher payé pour ce que c’est. On me souffle dans l’oreillette que c’est fois ci, c’est gratuit. Bon. Mais avant cela, cela ne valait certes pas les 2,99€ demandés. Rem-bour-sez nos in-vi-tat-tions !

1 : Soit ce sont les visions vagues envoyées par Sigmar, soit c’est le photophore magique remis par icelui, et qui permettra à notre fier héros de venir à bout de Marylise Lebranchu. Au lecteur de décider s’il prend le messie ou la lanterne.

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Obsidian – D. Annandale:

INTRIGUE:

ObsidianBien que la mort soit importante à Nulahmia, l’amour a également sa place dans la métropole vampire, et c’est lui qui réunit Karya Treveign et Evered Halorecht dans la Grande Chapelle de la Fringale (ok c’est Night’s Hunger en VO et je me suis un peu emballé dans ma traduction). Nourrissant l’un envers l’autre une passion dévorante et sincère, malgré les siècles d’inimitié opposant leurs dynasties, les deux tourtereaux sont décidés à utiliser la mort récente et tragique du conseiller du père de Karya (Vorst), afin d’obtenir la bénédiction de Neferata à leur union. Seule la souveraine est en effet en mesure d’imposer l’arrêt des hostilités entre les Capulet et Montaigu de Nulahmia, et comme elle ne peut manquer d’aller rendre hommage au cadavre du noble vampire qui repose dans la Grande Chapelle, Karya et Evered n’ont qu’à attendre qu’elle arrive pour lui soumettre leur projet nuptial. Dans un bon jour, ou une bonne nuit, Nefarata accepte de bénir cette union pourtant porteuse de danger pour elle, comme sa conseillère et maîtresse espionne Mereneth lui fait remarquer : Treveign et Halorecht s’affaiblissaient mutuellement à travers leur futile vendetta, mais réunis en une seule lignée, ils pourraient devenir une force redoutable. Cela ne semble pourtant pas inquiéter outre mesure la Mortarque du Sang, qui décide même d’assister à la noce en personne.

Le jour venu, la cérémonie se déroule sans anicroche jusqu’à l’échange des vœux sangs entre fiancés, puis sombre de manière assez prévisible dans le chaos et l’émeute après que non pas un, mais deux assassins se soient manifestés au cœur de l’assemblée. Le premier fait perdre la tête à la matriarche Halorecht, et le second fait mine d’attaquer Karya : lorsque le chevaleresque Evered s’interpose, c’est lui qui hérite d’une lame en argent plein cœur, et va donc rejoindre sa vieille maman au paradis des vampires. Bouleversée par la tournure tragique qu’a pris le plus beau jour de sa vie, Karya reste un temps hébétée sur le cadavre de son cher et tendre, oublieuse de l’affrontement rangé qui oppose Treveign et Halorecht autour d’elle. Lorsqu’elle revient à elle, elle surprend toutefois le regard mauvais d’un membre de l’assistance, et comprend en un éclair que cette personne est responsable de cette tragédie…

Début spoiler…Ce qui est fort, reconnaissons-le, mais surtout pratique pour accélérer la résolution de l’intrique. Le coupable s’avère donc être Vorst Treveign en personne, et lorsque que Karya parvient enfin à le rattraper au sommet du beffroi de la Grande Chapelle, pour obtenir des explications sur son geste insensé, elle manque de se faire défenestrer par son paternel. Seule l’intervention salutaire de Nefarata évite le pire à notre héroïne, qui ne tarde pas à devenir matriarche de sa dynastie après que la souveraine ait réglé son compte au mauvais noceur. Mais pourquoi a-t-il agi de la sorte ? me demanderez-vous. Eh bien, pour plaire à Neferata, bien sûr. Vorst avait en effet été convaincu par sa reine de prouver sa loyauté à la couronne en provoquant un bain de sang pendant le mariage de sa fille. Malheureusement pour lui, Neferata trouvait également plus sage de le remplacer par une dynaste lui étant totalement acquise, par exemple parce que convaincue que sa suzeraine lui a sauvé la vie. Au final, la Mortarque du Sang sort de cette journée maritale plus forte que jamais, de potentiels rivaux ayant été transformé en laquais affaiblis et dévoués. Et elle vécut heureuse et eut beaucoup de descendants…Fin spoiler

AVIS:

La Nefarata de David Annandale est décidément très occupée par la vie sociale et amoureuse des nobles de Nulahmia (voir ‘The Dance of the Skulls’), mais comme l’auteur parvient à utiliser ces cérémonies mondaines comme trame et excuse pour nous faire entrer dans la complexe géopolitique de Neferatia de manière originale et efficace, on ne lui en tiendra pas rigueur. Les quelques pages de cette nouvelle suffisent en effet à Annandale pour nous servir une petite conspiration assez réussie, en ce qu’elle démontre bien à quel point Neferata est retorse, et manipule son monde pour maintenir un statut quo qui consolide son pouvoir. Le fait que nous ne soyons pas en mesure de découvrir l’identité du commanditaire du double assassinat de la rue l’église Morgue par déduction logique n’est donc pas si rédhibitoire que ça, car notre propos n’est pas tant un Whodunit qu’une chronique de la realpolitik vampirique.

Finalement, le seul défaut que je trouve à ‘Obsidian’ est une petite incohérence logique1 oubliée par un David Annandale plus intéressé par le développement du background de sa faction de cœur que par des basses considérations terre à terre. Tels Neferata à la fin de cette histoire, faisons preuve de magnanimité et pardonnons-lui.

1 : Annandale explique que les familles de vampires nobles ne transforment que l’aîné de leurs enfants en immortels, afin de préserver la lignée (les vampires ne pouvant plus se reproduire après le Baiser de Sang). Or Karya et Evered sont tous les deux vampires, et tous les deux enfants uniques.

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Hunting Shadows – A. Clark:

INTRIGUE:

Hunting ShadowsNeave Blacktalon, Knight-Zephyros des Hammers of Sigmar et chasseuse de têtes personnelle du grand barbu, opère traditionnellement seule. La mission sur laquelle son divin boss l’a mise, et qui l’a conduite sur les terres désolées d’Ashy, s’avère cependant tellement délicate que les autorités compétentes ont jugé bon de lui adjoindre du renfort, sous la forme du Knight-Venator Tarion Arl (et son aigle étoilé Krien) et d’une unité de Vanguard-Palladors, menée par une vieille connaissance avec laquelle elle a déjà coopéré pour disperser une bande de hippies ayant monté une opération escargot1 dans les Royaumes Mortels, Kalparius Foerunner. Je sais, je sais, cela fait beaucoup de jargon sigmarite en peu de lignes, mais rassurez-vous, savoir qui fait quoi est moins important que de se souvenir de la hiérarchie héroïque à l’œuvre dans cette nouvelle, qui décidera qui devra mourir et à quel moment.

Blacktalon les traîne un peu à l’idée de devoir faire équipe avec des collègues, mais un ordre est un ordre, et si l’on en juge par les charniers calcinés que sa proie (qu’elle peut traquer avec l’espèce de GPS sensoriel peu précis dont Sigmar lui a fait don) a laissé derrière elle, un peu d’aide sera en effet utile. Passée les formalités d’usage, la petite bande part donc en courant/volant/transmutant dans la direction indiquée par la chasseresse, qui ressent de façon diffuse que sa cible possède un moyen de brouiller sa ΣG embarquée. En gros, si elle est toujours capable de savoir vers où se diriger, elle ne peut pas jauger de la distance qui la sépare de son gibier, ce qui aura son importance plus tard. Pour l’heure, la fine équipe, en retard sur l’abomination qu’elle pourchasse, doit faire un choix potentiellement lourd de conséquences à proximité de la ville de Sigenvale, qui a reçu la visite du monstre et a été réduite en miettes/cendres par ce dernier. Neave est plutôt partante pour se remettre en route sans tarder, mais Tarion parvient à la convaincre de faire un crochet rapide par les ruines, histoire de secourir d’éventuels survivants. Malheureusement pour l’altruiste voltigeur, la Marque ténébreuse n’en a laissé aucun, et bien que les chasseurs puissent se passer les nerfs sur un pauvre corpsejaw ne faisant que ce que la nature l’a équipé pour faire (c’est-à-dire bouffer les cadavres croisant sa route), il se fait vite jour que le mystérieux prédateur/incendiaire/décapiteur est déjà loin des lieux du crime. Il faut donc à nos héros repartir sans tarder, d’autant plus que le cogfort sensé participer à la traque semble être avoir fait une mauvaise rencontre quelques kilomètres plus loin, comme le bruit de ses canons l’atteste sans doute possible.

Bien évidemment, les traqueurs arrivent trop tard sur place pour secourir la machine de guerre (représentez vous le fruit des amours incestueux entre une Forteresse de la Rédemption et une Arachnarok), qui s’est faite éventrer et toute sa garnison massacrée par l’insaissable bestiole. Blacktalon est colère devant ce carnage dont elle impute en partie la responsabilité à ce gros sensible de Tarion, mais avant qu’elle puisse reprendre les choses en main et relancer la poursuite, une forme colossale émerge soudainement du lac de montagne à côté duquel reposait la carcasse du cogfort…

Début spoiler…Les pouvoirs de brouillage arcanique dont dispose la cible des chasseurs lui a en effet permis de tendre un piège à ces derniers, qui se retrouvent confronter à… pour faire simple, représentez vous Clifford le grand chien rouge, mais dont la maîtresse ne serait pas la gentille et aimante Emily, mais Valkhia la Sanglante. C’est donc à un pitbull mécanique de Khorne de fort belle taille (et crachant le feu) que les Stormcast Eternals doivent faire face, avec des résultats au début peu concluants, comme on peut s’en douter. Très étrangement, ce sont d’abord les Palladors qui sont envoyés pallader par le juggernaut, rapidement suivis par le brave Foerunner, ne laissant que Blacktalon et Tarion, tous les deux sévèrement blessés, pour tenter de renverser la situation. Ce n’est cependant pas chose facile car leur ennemi est très grand, très fort, très rapide, très costaud, et sans faiblesse apparente, mis à part l’écoutille chaînée qui lui sert de nombril.

Après quelques moments difficiles dans les décombres du cogfort où les deux héros ont trouvé un refuge précaire, le temps de décapsuler quelques potions de vie, le traditionnel plan de la dernière chance est conçu et immédiatement mis à exécution, permettant aux gardes chasses de Sigmar de remporter la victoire. Pour information, le haut fait en question nécessitera que Neave se déchaîne, et que son comparse loge un tir de l’aigle dans un cratère volcanique chatouilleux, ce qui aura pour effet final de noyer l’habitacle de la machine démon dans la lave. Statistiquement improbable je vous l’accorde, mais la high fantasy et les nouvelles d’action de la BL ne s’embarrassent pas de détails de ce genre. Ceci fait, les deux Knights-…, devenus bons copains dans l’adversité, peuvent reprendre le chemin d’Azyr, où ils pourront passer une convalescence bien méritée, ou se suicider pour être reforgés et ainsi redevenir opérationnels plus rapidement. Les politiques sociales sigmarites sont un peu particulières…Fin spoiler

1 : Organisée par l’incontournable Horticulous Slimux bien sûr.

AVIS:

Introduction au personnage de Neave Blacktalon (et à celui de son sidekick, Tarion Arl), ‘Hunting Shadows’ met particulièrement l’accent sur les caractéristiques de super héros des Stormcast Eternals (Blacktalon bénéficie en effet de sens ultra développés, et est capable de courir grotesquement vite – pensez Bip Bip et Vil Coyote), faisant de cette traque monstrueuse une sorte d’adaptation de comics Marvel dans les Royaumes Mortels. Je ne dis pas que c’est foncièrement désagréable, mais ça surprend tout de même un peu. Autre point saillant de cette nouvelle, son côté technique en matière de bestiaire et de hiérarchie Stormcast Eternals. C’est bien simple, on dirait qu’Andy Clark a fait exprès d’aller piocher dans les entrées les plus baroques du Battletome pour trouver ses protagonistes, ce qui peut aisément dérouter/saoûler le lecteur non averti. En cela, ‘Hunting Shadows’ n’est pas très newbie-friendly, même si l’intrigue reste relativement facile à suivre, du fait du schéma narratif très simple utilisé par l’auteur. En fait, le seul suspense de l’histoire repose dans l’identité de la proie traquée par Blacktalon et ses sous fifres, qui, manque de pot, se trouve être une création inédite de la part de Clark (à moins que la gamme chaotique d’Age of Sigmar comporte un modèle de chien de métal géant). Manque de pot car le lecteur ne peut même pas au final tenter de deviner qui est derrière ces exactions sanglantes et fumantes en se basant sur sa connaissance du fluff. Petite frustration, mais frustration quand même. Pour conclure, j’ai été très moyennement convaincue par cette démonstration de force de la Wonder Woman d’Azyrheim, héroïne certes très balaise mais assez peu attachante. Peut-être que cela est corrigé dans le roman qu’Andy Clark lui a consacré ?

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Et voilà qui conclut la revue de ‘Gods & Mortals, une anthologie de bonne facture dont le plus gros point faible est le manque de contextualisation des nouvelles qui la compose. C’est d’autant plus dommage qu’il y avait de quoi présenter Hamilcar Bear Eater et le « Lamentiverse » de Josh Reynolds d’une manière acceptable avec des efforts minimes, à commencer par un regroupement dans le sommaire et quelques paragraphes de présentation de l’intrigue de ces séries. Comme souvent, il revient au lecteur de faire ses propres recherches pour relier les points et faire sens de ce patchwork littéraire, ce qui me retient de conseiller ‘Gods & Mortals’ à tous les enthousiastes de GW-Fiction, en particulier ceux qui ne seraient pas familiers avec les personnages abordés ici. Les vétérans de cette franchise trouveront par contre dans ce recueil un contenu varié et solide, en grande partie grâce à la grande forme de Reynolds, bien épaulé par un Guy Haley très inspiré, un David Annandale irréprochable (soulignons le, ce n’est pas tout le temps) et un David Guymer souvent distrayant. Si C. L. Werner avait été égal à lui-même, on aurait tenu le mètre étalon des anthologies Age of Sigmar, c’est moi qui vous le dit!

CONQUEST UNBOUND [AoS]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue de ‘Conquest Unbound, anthologie de nouvelles se déroulant dans les Royaumes Mortels, et publiée par la Black Library en Novembre 2022. Avec 21 histoires au compteur, ce beau pavé concurrence ‘Gods & Mortals’ pour le titre de plus gros recueil Age of Sigmar mis sur le marché (à ce jour), ce qui en fait une très bonne affaire si on s’intéresse au ratio quantité/prix. À moins de 12€ pour sa version numérique, on en a pour son argent.

Conquest Unbound’ présente également des similitudes avec un autre omnibus, à savoir ‘The Hammer & the Eagle’ (chroniqué ici). Ce dernier ouvrage visait principalement les nouveaux arrivants dans la GW-Fiction, et présentait donc un florilège de nouvelles variées, présentant la plupart des factions les plus populaires de la franchise, à travers les personnages les plus iconiques de cette dernière. Ici, on retrouve un sommaire divisé en 6 parties1, chacune composée d’entre 3 et 5 courts formats, que je suppose avoir été choisis par les éditeurs de la BL dans un but de variété et d’exhaustivité. Le fait que certaines armées, pourtant majeures (Skavens, Filles de Khaine, Fyreslayers…), ne soient pas représentées dans cet épais grimoire est un peu dommage, mais cela est sans doute dû à l’absence de nouvelles récentes les mettant en avant à y faire figurer2.

Conquest Unbound

En effet, toutes les histoires figurant dans ‘Conquest Unbound’ sont relativement récentes, les plus anciennes ayant été initialement publiées en 2019. Comme c’est l’usage pour les anthologies de courts formats de la Black Library, une majorité (16) du sommaire a déjà été proposée au public. La présence de quelques inédits est cependant à souligner, et cet ouvrage pourrait donc intéresser les vétérans hobbyistes en plus des dénicheurs de bonnes affaires.

Terminons enfin par un mot sur les contributeurs sollicités pour l’écriture de cette ribambelle de nouvelles. Au nombre de 15, dont 6 (Werner, Guymer, Gregory, Dicken, Van Nguyen et Fletcher) bénéficiant d’une double apparition, ils sont pour la plupart bien connus des habitués de la BL. La présence d’inédits permet cependant à Adrian Tchaikovsky et Rhuairidh James de faire officiellement leurs premières armes, dans Age of Sigmar pour le premier, et dans la GW-Fiction pour le second. Souhaitons leur bonne chance pour ces débuts, et souhaitons nous bonne lecture pour venir à bout de cette brique…

1 : Les Royaumes Aelves (3 nouvelles), Les Elus de Sigmar (3), Les Anciens Empires Duardin (3), Les Guerriers du Chaos (3), Peaux-Vertes et Gargants (5), et Serviteurs de Nagash (3).
2 : A l’inverse, Gotrek et sa sidekick Maneleth réussissent à figurer dans pas moins de trois nouvelles différentes, en faisant les véritables star de ‘Conquest Unbound’.

Conquest Unbound

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The Warden in the Mountain – E. Gregory :

INTRIGUE:

The Warden in the MountainC’est la soirée du grand oral pour les apprentis garde-chasses (Wardens-in-the-Wild en VO) de la Grande Gardienne Tythrae. La petite poignée d’aspirants se rend au pied de la Beastgrave pour passer l’épreuve décisive : passer toute une nuit prosternés dans la poussière à l’entrée d’une des cavernes de la montagne magique, sous le regard sévère de Mémé Tythrae. Et si cela ne semble pas très compliqué de prime abord, il faut prendre en compte la fâcheuse tendance de la Beastgrave à venir souffler des propos peu amènes dans les oreilles de ceux qui s’en approchent trop. Imaginez-vous un podcast de 10 heures pendant lequel Alex Jones d’InfoWars ne ferait que hurler que personne ne vous aime, que votre race et vos dieux sont morts, et qu’il a mangé votre passé et votre futur avec des cuisses de grenouilles gay. Soumis à un tel traitement, il n’est pas étonnant que plusieurs novices pètent les plombs. Pour les chanceux, cela se termine par une reconduite au bas de la montagne, et une inscription en CAP chaudronnerie. Pour les autres, c’est un sprint malavisé directement dans la gueule du loup, ou plutôt de la montagne, ce qui force Tythrae à abandonner la supervision de l’épreuve pour ramener ses brebis perdues au bercail.

Leur professeur n’étant pas revenue au moment où le jour se lève et l’épreuve prend fin, les trois derniers participants (Maethys, Laeren et Weheol) décident de pénétrer à leur tour dans la caverne pour s’enquérir de la situation, et malgré les instructions très claires laissées par Tythrae à son départ de ne surtout pas la suivre. Aaaah, si jeunesse savait écoutait… Bien évidemment, ce noble dessein ne va pas tarder à rencontre la dure et froide (normale pour une montagne) réalité de la Beastgrave, d’où il est beaucoup plus facile d’entrer que de ressortir…

Le premier personnage à tirer sa révérence est Maethys, qui n’avait jamais été trop branché (haha) par la position de garde-chasse de toute façon, mais s’était accroché à cause de son béguin pour sa camarade Laeren, qui se trouve être la petite-fille de Tythrae. Lorsque le trio est embusqué par un monstre flou et maniant le couteau comme Philippe Etchebest, le chevaleresque Aelf s’interpose entre sa dulcinée et l’affreux jojo, et finit au fond d’une crevasse, les os en miettes. Son sacrifice permet toutefois à Laeren et Weheol de distancer leur agresseur, mais seulement pour un temps. Perdus dans le dédale des galeries, et retardés par la cécité de Weheol, les deux survivants se font rattraper par leur stalker, qui blesse l’aveugle mais ne rate pas Laeren. Dans son dernier souffle, elle expédie son camarade dans la rivière souterraine qui coule en contrebas, lui permettant d’échapper à nouveau au surineur de l’ombre.

Repêché par Tythrae, qui avoue ne pas avoir réussi à sauver l’aspirant qui avait piqué son meilleur sprint dans la Beastgrave, et être aussi totalement perdue, Weheol indique à sa mentor qu’il a mémorisé l’itinéraire emprunté par feu ses camarades et lui-même, et qu’il se fait donc fort de trouver la sortie si on le ramène à l’endroit où Laeren l’a initié au plongeon de 10 mètres. C’est dans les cordes de la Grande Gardienne, qui guide son dernier pupille dans la remontée, jusqu’à ce que la paire doive négocier un nid de stagwyrms endormis pour accéder au niveau supérieur.

Début spoiler…C’est le moment que choisit le monstre pour refaire parler de lui. On apprend qu’il s’agit d’un ancien aspirant garde-chasse (Ossifal), qui a raté son épreuve de passage du temps où cette inconsciente de Tythrae organisait cette dernière non pas devant, mais dans la Beastgrave. Perdu corps (seulement yeux et bras pour être exact, mais c’est déjà pas mal) et biens dans la montagne, Ossifal a toutefois trouvé une nouvelle vocation dans les ténèbres, s’autoproclamant Gardien des Wyrms et prenant sur lui de poignarder tous les aventuriers passant à sa portée. Désireux de tester le métal dont est fait Weheol pour s’assurer qu’il est digne de devenir garde-chasse, il se heurte au refus catégorique de Tythrae, et de dépit, siffle la fin de la récré. Cela réveille en sursaut les stagwyrms qui pionçaient pénards à proximité, et dans la confusion qui s’en suit, Weheol parvient à s’échapper en direction de la rivière, pendant que Tythrae et Ossifal s’entretuent à l’arrière-plan.

Un peu plus gaillard que son ancienne prof principale, Ossifal se traîne jusqu’à l’aveugle pour aller s’empaler de son plein gré sur le bout pointu de sa canne de marche, et lui proposer de prendre sa succession comme Gardiens des Wyrms. La position vient avec une super cape de bras spectraux, très pratique pour poignarder les intrus, et qu’Ossifal portait jusqu’à son récent suicide. En bon objet magique maléfique, la cape essaie de se greffer à son nouveau porteur, mais Weheol, après avoir considéré une reconversion, décide qu’il n’a pas envie de revivre le cauchemar de la plateforme Parcours Sup pour changer de filière, et bastonne la relique impie à mort (?) avant de repartir vers la sortie. On espère qu’il aura trouvé son chemin, après avoir trouvé sa voie…Fin spoiler

AVIS:

Très bonne nouvelle de la part d’Eric Gregory, qui parvient à se sortir de l’écueil narratif que représente Warhammer Underworlds en mettant en scène des personnages ne faisant partie d’aucune bande nommée, et donc dont il a tout loisir de pouvoir faire vivre et mourir comme il l’entend. L’ambiance de thriller/slasher qui se dégage de ces pages est une réussite, tout comme la manière dont l’auteur retranscrit la malignité de Beastgrave, qui vient plomber le moral de nos pauvres aspirants de manière à la fois directe et insidieuse. Seule micro-doléance de mon côté, le manque d’explications fournies à propos de la super cape d’Ossifal, qui semble être la véritable antagoniste de l’histoire, et la source des pouvoirs du Gardien des Wyrms. Rien qui ne vienne gâcher la lecture de ce qui est à mes yeux la meilleure nouvelle de cette sous-franchise (en même temps, la concurrente n’est ni nombreuse, ni rude), cependant.

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The Harrowing Deep – M. A. Drake :

INTRIGUE:

The Harrowng DeepLe Prince Cycladaean poursuit le noble but de l’unification de toutes les enclaves Idoneth, préférablement sous la férule de son boss, le Haut Roi Volturnos, à qui il sert d’émissaire et de diplomate itinérant. Ayant engrangé quelques succès notables, notre héroïque héraut trouve cependant dans l’enclave de Dhom-Hain, gouvernés par la Haute Reine Mheáve et son époux, le très consort (le -sort est silencieux), Roi Akhamar, un défi à la mesure de ses talents. Incarnations même des farouches péquenots de Ghur – qu’ils sont, dans une certaine mesure – les Idoneth de Dhom-Hain n’ont pas l’hospitalité facile envers leurs cousins ultramarins, et ne se montrent guère emballés par le projet de désenclavement (c’est le cas de le dire) que Cycladaean pilote. Il n’y a guère que Mheáve pour se montrer moins glaciale que le reste de ses sujets, et tolérer que Cy’ prenne la parole à la cour, quand son butor de mari ne fait pas le moindre effort pour masquer l’animosité qu’il nourrit à l’égard de son hôte. Et il paraît que l’air marin rend aimable1.

Ce délicat jeu de pouvoir et d’influence, dans lequel Cycladaean part perdant, est toutefois perturbé par les ravages causés par un mystérieux prédateur, ayant déjà rasé plusieurs hameaux périphériques de la cité de Rundhar, capitale de Dhom-Hain, et englouti corps et biens les trois expéditions de chasseurs envoyées lui faire les écailles. Saisissant sa chance, notre héros parvient à se faire inviter à la nouvelle partie de chasse montée par leurs altesses bassesses royales, contrariant tellement Akhamar au passage que le Roi décide de se joindre également aux réjouissances, afin de montrer que lui aussi, il en a (des branchies, sans doute). Empoignant sa fourchette magique Pontumahár et chevauchant sa fière monture tentaculaire Ishcetus, Malbrough Cycla s’en va en guerre mer, aux côtés d’une force conséquente d’Akhelians, tous montés sur des bestioles au nom décidément compliqué pour quiconque n’est pas familier de leur livre d’armée (sans blague). Sur la route des profondeurs, le Prince fait la connaissance de Saranyss, l’Isharann de garde, qui, eau surprise, se montre elle aussi plutôt sensible aux arguments fédéralistes, déistes et lumineux développés par l’onctueux VRP. Il faut dire que la donzelle a voyagé pendant sa jeunesse, et roulé sa vague d’enclaves en enclaves, ce qui lui a ouvert les yeux (façon de parler, voilà la fig’) sur les bienfaits de la coopération.

Sur ces entrefaites, l’expédition vengeresse autant que chasseresse arrive sur les lieux des dernières déprédations du monstre, que ses membres se mettent à fouiller à la recherche d’indices. Pas de chance pour eux, ils ne réalisent qu’un peu tard que l’absence de traces sortant du village dévasté ne peut signifier qu’une chose : la présence du monstre en question, qui, malin autant que rusé, s’était caché dans un espace fumeur pour s’en griller une petite en attendant que son dessert arrive. Confronté à un Kharibdyss pétant le feu (c’est le cas de le dire), les Deepkin ne sont pas à la fête, d’autant plus que la coopération entre Cycladaean et ses comparses est loin d’être optimale : passe encore que Saranyss reste dans sa bulle – après tout, c’est à ça qu’elle sert – mais l’approche prudentielle adoptée par Akhamar et ses sbires laisse notre preux paladin en fâcheuse posture. Esquivant tant bien que mal les suçons insistants de la bête, il parvient de justesse à se désengager, et décide de charger son rival pour se passer les nerfs. Bon en fait, pas vraiment, il s’arrête juste avant de commettre l’irréparable et se contente d’engueuler Akhalamar comme du poisson pourri, ce qui est assez fluff. Il faut l’arrivée salvatrice de Saranyss, et son expertise pour faire retomber la pression, pour que les alliés ne commencent pas à se fritter, et se lancent à la place à la poursuite du Kharibdyss importun, blessé mais loin d’être mort.

Après quelques minutes de marche, ou de nage, dans les profondeurs stygiennes de l’océan, les survivants arrivent en vue de l’antre du monstre, qui se trouve être le cadavre d’un autre monstre, mais plus gros (comme la plupart des bâtiments sur Ghur d’ailleurs). Comprenant que ses camarades de chasse ont toutes les dents de la mer contre lui, Cycladaean se décide à la jouer finement, et parvient à faire passer tous les PNJs restant en pertes et profits, à l’aide de sa science du placement (toujours mettre un gus entre soi et le concombre de mer polycéphale et enragé dont on viole l’intimité, c’est une règle d’or). Gardant le meilleur pour la fin, notre héros, un tout petit peu revanchard, joint l’utile à l’agréable en enchaînant un double kill grâce à son trident incendiaire2 : la bête et le bête. Émergeant seul, mais victorieux, de cette confrontation, le Prince rejoint Saranyss, qui avait une nouvelle fois décidé d’attendre prudemment à l’extérieur (dur de garer un leviadon, même en double file), et nos deux comparses se mettent en route pour Rundhar, où Cycladaean a maintenant bon espoir de convaincre Mheáve d’accepter le principe d’une reprise de contact avec les autres enclaves Idoneth. Après tout, la formule consacrée ne dit-elle pas : sans âme, ouvre-toi (au monde extérieur) ?

1 : On aurait beau jeu de me répondre que les Idoneth Deepkin n’en ont cure puisqu’ils vivent sous les flots. Ce que j’accepte.
2 : C’est encore plus fort sous l’eau.

AVIS:

Plongée (haha) réussie de la part de Miles A. Drake dans le monde baroque et exotique des Idoneth Deepkin, ‘The Harrowing Deep’ se montre plus intéressant dans sa contextualisation de la faction dont il traite (leur rapport à Teclis, la volonté unificatrice de Volturnos, l’isolationnisme de certaines enclaves…) que dans la traque du Kharibdyss qui occupe une bonne moitié du récit. Non pas que l’auteur pêche (qu’est-ce que je suis spirituel, vraiment) dans sa mise en scène des passages d’action, qui se révèlent tout ce qu’il y a de plus correct, même si sans enjeu (on ne doute pas un instant que le héros va s’en sortir), mais seulement que ces derniers n’apportent qu’une faible valeur ajoutée par rapport aux descriptions « géo-politiques » qui ont précédé. Le temps passé par Drake à présenter Cycladaean, et dans une moindre mesure Saranyss, me laisse à penser que nous pourrions retrouver notre/s héros dans de nouvelles aventures d’ici peu, ce que le titre de la nouvelle (‘Ghosts of Khaphtar’, qui est une autre enclave Idoneth) citée dans la bio de notre homme laisserait en effet supposer. Même si le Prince de Belle Eau ne m’a pas emballé outre mesure, le concept du diplomate errant est suffisamment riche pour que j’accueille avec curiosité une nouvelle soumission de cet acabit. On peut enfin reconnaître à Miles A. Drake son appropriation et utilisation poussées du lore des Idoneth Deepkin, à tel point que le profane se perd parfois dans le glossaire racial dont l’auteur imbibe son récit. Pas que je m’en plaigne, notez, je préfère de loin faire quelques recherches complémentaires en cours de lecture plutôt que d’avoir l’impression d’être pris pour un abruti fini incapable de la moindre extrapolation. Tous dans le grand bain !

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The Perfect Assassin – G. Kloster :

INTRIGUE:

The Perfect AssassinCoincée dans le bourg décati de Losten, en Ulgu, Maleneth Witchblade tourne en rond comme une lionne en cage pendant que Gotrek s’amuse à lentement drainer de sa bière une taverne qui croyait malin de proposer une offre « boisson à volonté » à celui qui battrait le champion local (un Ogor) au bras de fer. Les Nains ayant la constitution robuste et la rancune tenace, il ne fait aucun doute que le Tueur réformé arrivera à son objectif, une pinte à la fois, mais à son rythme de sénateur alcoolique, il s’en faudra d’encore quelques jours avant que le duo ne puisse quitter Losten. Aussi, lorsqu’une aristocrate du nom de Talm et se revendiquant comme l’une des notables de la ville se présente à elle et met un contrat sur la tête d’un mystérieux Seigneur des Ombres, accusé d’avoir assassiné deux aristocrates en autant de jours nuits pénombres (dur à dire en Ulgu), la cultiste de Khaine repentie se pique au jeu et se met à suivre son employeuse à bonne distance, laissant Gotrek chanter Les Lacs du Kone Mharag seul dans son bouge.

Plus intéressée par le challenge de se frotter à un collègue assassin semble-t-il compétent que par l’accomplissement scrupuleux de sa mission de protection de Talm, Maleneth laisse cette dernière et ses gardes se faire écharper par un assaillant mystérieux, semblant se matérialiser depuis les ombres, en plus d’être protégé des coups par une chappe d’obscurité. Elle note cependant que le reître porte autour du coup un pendentif orné d’une pierre pourpre, assez semblable à celui, vert, qu’arborait feu Talm au moment de sa mort. Comme elle ne tarde pas à l’apprendre en rendant une petite visite à l’Office de Tourisme local (l’Aethaneaum1), ces colliers sont l’apanage des sept grandes familles de Losten, et la lignée des Verska était celle qui avait choisie le magenta comme couleur. Les Verska étaient des maîtres assassins réputés, et de ce fait, les véritables maîtres de la cité, jusqu’à ce que leur patriarche, Novim, pousse le bouchon et le stylet un peu trop loin, et se mette à massacrer sans discrimination ennemis, critiques et mécontents. À sa mort, son héritier se révéla ne pas être aussi doué en ninjutsu que son prédécesseur, et se fit donc neutraliser par ses pairs de manière préemptive. Ce qui aurait dû mettre fin à la lignée des Verska. Mais rien n’est aussi simple qu’il n’y paraît.

Ainsi rencardée, Maleneth décide logiquement de se rendre dans l’ancien manoir des Verska, où elle trouve facilement le dernier rejeton de la famille, un avorton nommé Arvis, fort occupé à essayer de récupérer sa cape que le sang de sa dernière victime a malencontreusement taché. Si Arvis est un bretteur assez quelconque, la breloque qu’il a piquée dans le mausolée de son grand-père, l’illustre autant qu’obscur Novim, compense largement son jeu de jambes médiocre et sa synchronisation déficiente. Capable de se matérialiser depuis les ombres, qui parent à sa place les coups assenés par l’Aelf, le dernier Seigneur des Ombres donne du fil à retordre à Witchblade, jusqu’à ce qu’elle identifie le point faible de son adversaire : une aversion pour les liquides. Un jet de cire brûlante à la figure plus tard, voilà l’apprenti surineur en PLS sur le sol, paralysé par le poison dont Maleneth a enduit sa dague et délesté de son précieux colifichet. Malheureusement pour notre héroïne, la relique ne peut-être palpée que par un membre de la lignée des Verska, et lui glisse entre les doigts comme la savonnette que Gotrek n’a jamais utilisé depuis qu’il a prêté le serment du Tueur. Dommage. Elle rend toutefois son calme à Losten en exécutant sans état d’âmes le jouvenceau vengeur, dont la vendetta était motivée par le meurtre de ses parents par les autres familles nobles de la ville, comme vu plus haut. Ceci fait, elle peut retourner à l’auberge que le Duardin n’a toujours pas fini de tarir, et sonner la fin de la beuverie en mettant le feu au local comme elle l’avait pour le manoir des Verska. C’est un Gotrek bougon mais philosophe qui finit par émerger du brasier, un dernier tonneau de bière sous le bras pour solde de toute ardoise. Le déicide est une activité déshydratante, c’est bien connu.

1 : Où Gotrek était venu chercher quelques jours plus tôt des informations sur la meilleure façon de tuer un dieu. Sans grand succès d’ailleurs (une autre raison pour se saouler).

AVIS:

Depuis sa renaissance dans les Royaumes Mortels, Gotrek Gurnisson est passé sous la plume de nombre d’auteurs, perpétuant une tradition datant du Monde Qui Fut, où le petit rouquin a été mis en scène par un aéropage de collaborateurs de la Black Library, depuis King, Long et Reynolds jusqu’à Brunner, Guymer ou Goulding, pour n’en citer que six. Gary Kloster s’attaque avec ce ‘The Perfect Assassin2à un sous-sous-genre particulier : la nouvelle de Gotrek & Felix sans Gotrek (ni Felix, pour des raisons évidentes), qui permet de développer un peu plus le compagnon du nabot irascible sans que ce dernier ne vienne résoudre l’intrigue à grands coups de hache. Tout le monde n’a pas réussi à mener à bien ce genre de projet de façon convaincante (je pense en particulier à ‘The Oberwald Ripper’), mais Kloster s’en sort de manière honorable. Cette petite virée en tête à tête avec Maleneth Witchblade permet ainsi d’en apprendre plus sur le passif et les motivations de l’Aelf au couteau, tout en insistant sur ses points communs et ses différences par rapport à Gotrek. Ainsi, si les deux comparses peuvent être qualifiés de tueurs chevronnés, là où le Duardin est honorable (à sa manière) et frustre, l’agente de l’Ordre d’Azyr est sans pitié (comme le montre son exécution sans complexe d’un antagoniste pas foncièrement mauvais et qui ne lui avait rien fait) et raffinée. La dynamique intéressante que l’auteur souligne entre ces protagonistes mal assortis mais complémentaires fonctionne bien, et donne envie de voir ce que Kloster pourrait faire du duo le plus iconique d’Age of Sigmar si l’occasion se représente.

1 : Un homonyme presque parfait d’une autre nouvelle de la Black Library, ‘Perfect Assassin’ de Nick Kyme. Un hommage à l’éditeur senior de la part du nouveau-venu Kloster, ou une simple coïncidence ?

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Chain of Storms – E. Dicken :

INTRIGUE:

La glorieuse campagne de reconquête du royaume d’Eldingar, en Hysh, à laquelle le général Skeos a consacré tant de temps et d’efforts, est en passe de se solder par un échec cuisant et sanglant à peine initiée. Descendant d’une longue lignée de princes et princesses exilés de cette ancienne cité, frappée par le fléau du vampirisme il y a des siècles, Skeos a réussi à convaincre de généreux mécènes d’Hammerhal de financer son expédition, mais la petite armée sigmarite a été fraîchement accueillie par les hordes de goules d’Arakhir Boneblight, le seigneur mort-vivant (et lointain grand-oncle de notre héros) alors qu’elle touchait au but. Malgré les savantes formations inventées par Skeos pour repousser l’ennemi, ce dernier refuse de jouer le jeu et s’amuse au contraire à trucider et boulotter (et pas forcément dans cet ordre) les miliciens de la cité libre. Sauvé d’un tel destin par l’intervention d’un Prêtre Guerrier pragmatique et mal embouché (Trask), Skeos bénéficie d’une autre arrivée miraculeuse, en la personne du Knight-Azyros Telamon, dont la lanterne magique crache suffisamment de lumens pour convaincre les nécrophages de battre en retraite pour le moment. Comme l’Elu de Sigmar a fait le déplacement seul (le service public d’Azyr est lui-aussi concerné par des coupes dans les effectifs), la partie est loin d’être pliée en faveur de l’Ordre.

Sur les conseils avisés, et grâce au jet-pack angélique et bras musclés, de Telamon, Skeos décide d’aller rendre une nouvelle visite aux clans des Pics Prismatiques pendant que ses hommes fortifient le camp dans l’attente de la nouvelle attaque des Mordants. Nouvelle, car l’arrogant général a déjà tenté de s’attirer les bonnes grâces des autochtones dans sa lutte contre ce qu’il voyait comme un ennemi commun, mais les a pris tellement de haut lors de sa première entrevue qu’il n’a récolté que l’hostilité des péquenauds. Sous le regard scrutateur et insondable de son business angel, Skeos essaie donc de repartir du bon pied avec la cheffe de clan Ydri, avec des résultats encore une fois assez peu concluants. Il pense alors avoir une idée brillante en défiant son interlocutrice en duel, et en désignant le Stormcast comme son champion… mais ce dernier refuse (lol), laissant le freluquet se battre tout seul contre la robuste Ydri. C’est toutefois un mal pour un bien pour Skeos, qui écope de quelques bleus dans l’affrontement mais parvient à gagner le respect des clans dans la foulée, et arrive finalement à convaincre ces derniers de lui prêter main forte dans le combat contre Arakhir.

Cette quête secondaire rondement menée, nos deux personnages se séparent, Telamon partant faire de la reconnaissance au-dessus d’Eldingar en fredonnant ‘Ca plane pour moi’ tandis que Skeos retourne au camp à l’arrière d’un char à yak, les sympathiques montagnards ayant également accepté de ravitailler leurs nouveaux alliés afin qu’ils ne partent pas à la bataille le ventre creux. Une surprise désagréable attend toutefois le général diplomate à son arrivée : croyant à sa désertion, et assez peu impressionnés par la qualité de son leadership jusqu’ici, ses troupes ont placé Trask à leur tête, et ce dernier n’est pas très chaud à l’idée de laisser ce bon à rien de Skeos reprendre son rôle de commandant. Usant de la même tactique qu’il y a quelques heures (manger quelques gnons avant de finalement convaincre son interlocuteur), l’aristocrate mal aimé parvient tout de même à obtenir que « son » armée se rende sur le champ de bataille pour engager l’ennemi, au lieu d’attendre l’assaut des goules sur le campement fortifié, ce qui aurait empêché une coordination avec les clans montagnards.

Enfin, la bataille décisive s’engage, et comme on pouvait s’y attendre, la participation de Telamon et des tribus des Pics Prismatiques équilibre le rapport de force. Combattant en première ligne pour inspirer ses troupes, Skeos finit par se retrouver face à face avec Arakhir, tout à fait enchanté de faire connaissance avec un nouveau membre de sa famille. Les pas de danse du vampire ne lui servent pas à grand-chose contre la détermination de Telamon et l’opportunisme de Skeos, et l’affable nécrophage finit décapité par le second, scellant la défaite des Mordants. Avant de repartir sur un autre front, le Knight-Azyros fait promettre au nouveau souverain d’Eldingar de faire reforger le Collier Fendu, une des reliques de la dynastie régnante dont Skeos est l’héritier, et que le prince de Bel Air gardait sur lui par sentimentalisme (et parce que personne n’avait voulu lui acheter un bout de chaine de vélo rouillé, aussi). Telamon lui remet aussi un maillon portant le nom du dernier roi d’Eldingar avant l’usurpation d’Arakhir, révélant qu’il a été cet homme avant d’entrer au service de Sigmar (et donc également un ancêtre de Skeos). La famille, c’est important.

AVIS:

On a vu et lu tellement de nouvelles consacrées aux exploits guerriers des Stormcast Eternals depuis le lancement d’Age of Sigmar que ce créneau narratif est – à mon humble avis – largement épuisé. Heureusement pour les surhommes en sigmarite, certains auteurs parviennent tout de même à proposer des angles intéressants pour continuer à les mettre sur le devant de la scène (et d’autres, moins scrupuleux, se contenteront de nous servir encore et toujours la même sauce pour des siècles et des siècles1). Evan Dicken fait partie de ceux-là, et son ‘Chain of Storms’ constitue une variation rafraichissante du topos classique « les Stormcast arrivent à la dernière minute pour sauver les miches d’une armée de l’Ordre ». En plus d’être des formidables guerriers, ce que la fin de la nouvelle met bien en avant, les Elus de Ziggy peuvent aussi jouer le rôle de stratège, mentor, commémorateur, scout et chauffeur Uber, comme démontré dans ces quelques pages. Et cela est tout aussi intéressant à lire que la description d’une mêlée furieuse, quand celui ou celle qui tient la plume sait ce qu’il fait.

Une autre bonne idée de Dicken aura été de refléter toute la diversité culturelle des Royaumes Mortels, qui peut avoir tendance à disparaître derrière les images d’Epinal données par les figurines et les illustrations des Battle Tomes. Les Mordants d’Arakhir Boneblight en sont un parfait exemple, leurs manières raffinées et leurs cris de guerre en vieux François contrastant admirablement avec leur apparence très classique de marée de goules. Les clans de la montagne bénéficient aussi de ce traitement, Dicken parvenant en quelques paragraphes à nous donner l’impression d’une société avec son histoire, ses croyances et ses traditions. Pas étonnant de la part de l’auteur qui nous a donné le très dépaysant (en bien) ‘The Path to Glory’, mais appréciable quoi qu’il en soit. Bref, encore une preuve que vous pouvez vous diriger en confiance vers les écrits de cet homme, même (ou surtout) s’ils sont consacrés à l’une des factions les moins mystérieuses d’Age of Sigmar.

1 : Amen. On peut appeler ça la tragédie du Space Marine.

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Monsters – N. Van Nguyen :

INTRIGUE:

MonstersOù nous suivons la nouvelle1 chasseuse de monstres officielle de papa Sigmar dans l’une de ses traques dans les Royaumes Mortels, ici Shyish un soir de pluie et de brouillard. Déployée en soutien des Anvils of the Heldenhammer, occupés en contrebas à contenir une invasion de démons de Tzeentch, Yndrasta a fait le déplacement pour bannir un Duc du Changement si changeant qu’il n’a d’autre nom que l’Anomie. Super plan pour éviter d’être convoqué par des mortels ambitieux à tout bout de champ (et de chant), moi je dis. Ayant certainement compris qu’il était dans le viseur de la virago de Ziggy, l’Anomie se la joue cependant petit bras et se transforme en nuage de barbe à papa au lieu de livrer un honnête combat à la championne adverse. Sous cette forme, il se révèle aussi inoffensif qu’invulnérable, ce qui ne fait pas les affaires d’Yndrasta et de sa lance magique, Thengavar, qui disparaît corps et bien dans le protoplasme gazeux et ne revient pas dans la main de sa porteuse, comme c’est habituellement le cas.

Sigmar ayant pensé à lui fournir une arme de rechange, Yndie ne se laisse pas décontenancer par la tournure prise par les événements et se rue à l’assaut de sa Némésis pour finir les choses au corps à corps. Un nouveau shenanigan de l’Anomie l’envoie toutefois dans le décor, et l’intrépide héroïne fait une chute douloureuse mais pas mortelle jusque dans la piscine privée d’une grotte souterraine, Gandalf style. Elle serait repartie aussi sec (mais mouillée, je me comprends) castagner le démon si elle ne s’était pas rendu compte que son point de chute n’était pas aussi désert qu’il l’aurait dû être. Un vieil ermite d’une carrure peu commune et arborant une ‘stache de compétition a en effet assisté à sa culbute pas très légendaire, et comme le quidam exsude une aura mythique et possède une hache qui l’est tout autant (appelez ça l’intuition féminine si vous voulez), Yndrasta reste faire un brin de causette.

Il ne lui faut pas longtemps pour comprendre que cet inconnu n’est autre que Voyi. Si cela ne vous dit rien, c’est normal : Voyi, aussi connu sous les noms du Non Béni, du Traître et surtout de l’Oublié, était un héros de l’Âge de Mythes, élevé par Sigmar au rang de champion, mais qui choisit d’aller vivre sa vie en solitaire au lieu de défendre Sigmaron lorsque le besoin s’en fit sentir. Sigmar n’étant pas connu pour sa magnanimité envers ceux qui le déçoivent, et ayant un égo trop important pour reconnaître ses échecs, le nom de Voyi fut rayé de tous les registres officiels, et seuls une poignée d’Elus, dont Yndrasta fait partie, eut vent de l’existence de ce paria depuis lors. Dès lors, la chasseresse se trouve confronté à un dilemme peu évident : rapporter la tête du traître à son patron pour lui faire plaisir, ou tenter de négocier avec Voyi pour apprendre comment, il y a de cela des millénaires, il réussit à bannir l’Anomie…

Après un échange tendu, durant lequel Voyi se permit de comparer Yndrasta et les Stormcast Eternals aux monstres chassés par la première, ce qui n’est guère gentil, et ponctué par un duel rapidement conclu par un point de côté débilitant pour le champion grabataire, Yndrasta se résout à laisser l’ancêtre en paix rien que pour lui montrer qu’elle n’est pas si méchante que ça, et à retourner se battre contre l’Anomie, même s’en savoir comment le vaincre. Sa « générosité » est toutefois récompensée par Voyi, qui lui révèle avant qu’elle ne parte qu’il lui suffira de prélever un échantillon sur la forme blurbesque du démon pour l’exiler des Royaumes Mortels (et récupérer sa précieuse lance au passage). Armée de ce tuyau, Yndrasta peut enfin repartir au front, non sans promettre à son hôte de garder pour elle le secret de sa destinée. Ce sera la première fois qu’elle dissimulera des choses à Sigmar depuis sa Reforge : pourvu qu’il ne l’apprenne jamais…

1 : Eh oui, la position était déjà prise avant que la V3 ne fasse de Miss Yndrasta une des têtes d’affiche de la franchise. Remember Neave Blacktalon ?

AVIS:

Une très bonne entrée de la part de Noah Van Nguyen, qui part explorer l’une de mes facettes préférées du fluff des Royaumes Mortels : le côté sombre de Sigmar et de ses élus. Yndrasta en elle-même est très loin d’être une parangon de noblesse et d’humanité, puisqu’elle se décrit volontiers comme cruelle et intéressée uniquement par sa mission de chasseresse, ce qui en fait sans doute la première héroïne Stormcast Eternal de la BL ouvertement antipathique (un progrès, si vous me demandez). Sa confrontation avec Voyi m’a fortement rappelé la difficile transition entre Guerriers Tonnerre et Space Marines entre la fin de l’Unification de Terra et le début de la Grande Croisade, avec Sigmar dans le rôle de l’Empereur1, en plus de venir approfondir et complexifier le fluff de cette faction. Un choix très intéressant de la part de Van Nguyen (j’aurais moyennement apprécié me retrouver avec une nouvelle de Neave Blacktalon bis, pour être honnête), qui démontre ici qu’il est capable de sortir du manichéisme Stormcast Eternals = gentils // opposants des Stormcast Eternals = méchants dans lequel bon nombre de ses collègues ont donné. De bon augure pour son roman ‘Godeater’s Son’, qui traitera spécifiquement de ce thème, et pour la qualité et l’intérêt de la littérature AoS en général.

1 : On peut aussi faire un parallèle avec le ‘Misbegotten’ de Dan Abnett, où le savant fou Fo déclare à Horus qu’il considère les Primarques et les Space Marines comme beaucoup horribles que toutes créations.

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The Huntress of Ghur – N. Van Nguyen :

INTRIGUE:

Nous suivons Luda, traqueuse de monstres de Ghur, dans une cavalcade éperdue à travers les forêts et les montagnes qui entourent l’avant-poste azyrite de Far-Keep. La raison de tant d’empressement ? Son compagnon, un forgeron et vétéran des armées des cités libres, s’est enrôlé dans un des régiments rassemblés pour chasser les Skavens de cette partie du Royaume. Malheureusement, les vermines avaient d’autres idées derrière le crâne-tête et ont embusqué les humains sur la route, décimant leurs forces avant que la bataille n’ait pu avoir lieu.

Après avoir examiné le lieu de l’accrochage, Luda se convainc que son cher et tendre n’est pas mort, mais a été fait prisonnier par les Skavens et ramené avec quelques survivants dans leur repaire souterrain, dont elle trouve assez facilement une entrée. Bien que se défendant tout à fait au maniement de l’arc et de la lance à Troggoth, elle sait qu’elle n’est pas de taille à s’aventurer seule dans ces tunnels, et se hâte donc vers les clameurs d’un affrontement tout proche, espérant convaincre d’autres soldats de se joindre à elle pour augmenter ses chances de réussir ce raid audacieux. En fin de compte, elle parvint à embarquer une Stormcast Eternal, Greta Wolfclaw, après lui avoir sauvé la mise lors d’un face à face tendu avec des Stormfiends et Rats-Ogors. Se doutant qu’une Elue de Sigmar ne se rangerait pas à un argument aussi fleur bleue que « mon bien aimé a été kidnappé par des furries », Luda promet à sa nouvelle amie de la guider jusqu’au portail utilisé par les Skavens pour acheminer leurs renforts, et dont la destruction porterait un rude coup à leur effort de guerre.

S’étant enduites de bouse de rat (c’est gros un Rat-Ogor) pour masquer leur odeur, les deux chasseresses s’enfoncent dans les tunnels, et… se perdent. Au bout de quelques heures à tourner en rond, et alors que Greta commencer à regretter de s’être embarquée dans cette galère, elles tombent sur une patrouille de Vermines de Choc en train de faire une enquête de voisinage, et massacrent allégrement tout ce qui porte moustache, à l’exception d’un Guerrier des Clans. Luda veut l’utiliser comme guide pour accéder jusqu’au portail, où elle espère low key retrouver la trace de son compagnon, mais Greta, qui a pu expérimenter la fourberie des hommes rats au cours de ses nombreuses vies, est plutôt partisane de liquider le surmulot et de continuer en binôme. La discussion s’envenime (Luda révélant à Greta ses vraies raisons pour la faire participer à son excursion de spéléologie, ce que cette dernière prend moyennement bien) jusqu’à ce que le raton parvienne à tromper la vigilance de Luda et lui entailler la joue avec son canif empoisonné, avant de se faire proprement fendre en deux par la Stormcast pour lui apprendre à respecter les lay-dees. Greta utilise aussi ses pouvoirs (c’est une Evocator-Prime de la chambre Sacro-Sainte des Astral Templars) pour cautérifier la blessure, épargnant à sa comparse une mort longue et douloureuse. Suite à cet épisode cocasse, Luda se persuade que son significant other doit être mort (sans aucune raison particulière, je dois dire), et passe en mode vengeresse. Comme il y a bien un portail à faire péter dans le coin, autant y aller pour embêter le Rat Cornu, pas vrai ?

Le portail en question étant défendu par plus de ratons que deux viragos en colère peuvent gérer à elles seules, Greta décide prudemment de passer un coup de fil au standard des Reforgés pour demander des renforts, ou l’équivalent en rituel arcanique. Pendant ce temps-là, Luda est témoin de l’attaque d’une bande de soldats humains sur la position Skaven, menée par nul autre que son +1. Bien évidemment, elle ne peut se retenir de voler à sa rencontre, laissant Greta s’engu*ler avec les standardistes sigmarites à l’arrière-plan. Serait-ce enfin un happy end dans les Royaumes Mortels ?

Début spoilerEt non. Enfin, ça dépend de votre allégeance. Si vous êtes un fan des Stormcast Eternals, vous serez heureux d’apprendre que le chéri de Luda se fait drafter par Ziggy, et disparaît donc en un éclair devant les yeux ébahis de notre héroïne. Cette dernière prend évidemment beaucoup plus mal ce revirement de situation, au point de laisser Greta, qui avait à ce stade raccroché après avoir passé vingt minutes à attendre que son appel soit transféré, se débrouiller toute seule dans son combat contre un Verminarque venu se joindre aux réjouissances par le portail des hommes rats. Pire, elle refuse délibérément de lui passer son épée après que le démon l’ait désarmée, causant sa 47ème mort et scellant probablement le destin de Far-Keep, le portail ayant vomi suffisamment de Skavens pour balayer les défenseurs de l’avant-poste, même s’ils peuvent compter sur l’appui des Stormcast Eternals. Nous quittons Luda alors qu’elle part en courant vers la surface avec un nouvel objectif, encore plus ambitieux que le précédent : se rendre en Azyr pour reconquérir le cœur de son boyfriend. Et gare à Sigmar s’il fait mine d’intervenir…Fin spoiler

AVIS:

Il y a deux choses qui distinguent positivement ‘The Huntress of Ghur’ des autres récits mettant en avant les exploits guerriers des Stormcast Eternals. Premièrement, le choix d’une narration à la première personne, parti pris assez rare dans la GW-Fiction, et qui permet au lecteur de se mettre à la place du personnage dont l’histoire est racontée. Deuxièmement, et de manière assez complémentaire avec le premier point, la mentalité « tiers mondiste » de l’héroïne de l’histoire, qui balance durant toute cette dernière sur la manière dont elle considère Sigmar et ses serviteurs. Honorables frères (et sœurs) d’armes, alliés de circonstance ou simples esclaves d’un maître à l’égo surdimensionné, Luda passe part tous les états au cours de sa quête souterraine, ce qui permet à Noah Van Nguyen de ménager un véritable suspens au moment de conclure son récit. Une soumission qui ne manque pas d’intérêt, et dont j’aimerais bien qu’elle donne lieu à une suite, pour voir comment les retrouvailles entre Luda, son homme et Greta se passeraient. Quelque chose me dit que ça ne se terminerait pas en ménage à trois…

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The Age of Enlightenment – D. Guymer :

INTRIGUE:

The Age of EnlightmentNous retrouvons Hamilcar Bear-Eater après les événements narrés dans Champion of the Gods, et si vous n’avez pas lu ce bouquin, c’est bien dommage car Guymer ne s’embarrasse guère d’un compte rendu des aventures vécues par son héros. Juché sur une princesse aetar (une sorte d’aigle géant, de ce que j’en ai compris) et accompagné de son écuyer/garde du corps/conscience Nassam, le Mangeur de nounours en guimauve arrive dans les Terres Déchaînées (Unchained Lands), où une force des cités libres défend une forteresse isolée contre une armée de Nighthaunts. Jugeant certainement qu’il est de son devoir d’intervenir en faveur des assiégés, qui ont le bon goût de connaître son nom et de l’acclamer alors qu’il fait des loopings dans le ciel porcin1, Hamilcar atterrit avec la classe et le panache qu’on lui connaît, et n’a que le temps de se farcir un petit Morghast qui passait par là qu’un Liberator vient le chercher pour le mener jusqu’au commandant en chef des sigmarites.

Malheureusement pour notre grande gueule, l’officier en question se révèle être une connaissance, plus professionnelle qu’amicale : le sépulcral et très corporate Lord-Celestant Settrus. Qui est également une connaissance de tous les anciens de Warhammer Fantasy Battle, comme le démontre amplement le nom de la chambre militante qu’il dirige d’une main de fer : les Impérissables. Ça, et la décoration très nehekarienne dans l’esprit de son armure. Wink wink2. Plongé dans la contemplation d’une carte dessinée à l’encre antipathique (c’est à dire qu’elle se révèle petit à petit) de la forteresse qu’il défend, Settrus n’a que peu de temps à accorder à son franc tireur de collègue, qu’il considère être venu aider sur ordre du patron. Ce n’est pas vraiment le cas, Guymer révélant à mi-mot qu’Hamilcar est au contraire recherché pour déformation spirituelle, ou quelque chose comme ça, mais notre héros est trop heureux de donner le change pour éviter d’être âme-çonné par la patrouille. Bear-Eater apprend ainsi que les Anvils of the Heldenhammer sont chargés de défendre l’une des Stormvaults récemment révélée par le Necroséisme, le trésor qu’elle contient ou le monstre qu’elle enferme étant convoité par les scions de Nagash. Cela explique aussi pourquoi la carte du bastion reste relativement cryptique, la magie du Penumbral Engine de fonction jouant des tours à la mémoire, tant vive que réelle, des êtres et choses des alentours.

Alors que Settrus, tout à ses ordres, est absolument ininterressé par le contenu de la Stormvault, Hamilcar ne peut résister à la tentation d’aller y jeter un coup d’œil, et parvient sans aucun mal à trouver l’entrer du lieu (alors que les autres défenseurs évitent inconsciemment l’endroit, ce que Guymer ne justifie pas le moins du monde), toujours accompagné de son coffee boy Nassam. À l’intérieur, le duo trouve évidemment un neuralyzer arcanique construit par Grugni selon les plans de Teclis, mais également sa batterie intégrée, qui se trouve être la haute prêtresse Ansira, une vieille femme enfermée dans la crypte depuis des millénaires et dont la foi en Sigmar a alimenté la machine pendant tout ce temps. Seul petit problème dans cette parfaite symbiose, Ansira en a gros. Très gros. Peut-être du aux douloureux escarres que des éons passés sur un fauteuil, même rembourré, ont certainement causés, ou bien au fait que ce goujat de Sigmar ne lui a même pas installé le cable et la wifi avant de partir jouer à la guerre, la brave dame en a ras la carafe et est bien décidée à prendre sa retraite, l’âge pivot étant depuis longtemps dépassé. Malgré les arguments – assez médiocres, il faut le reconnaître – avancés par Hamilcar et Nassam, mamie supernova (ses yeux brillent très forts) ne veut plus rempiler pour servir de pile à la machine. D’ailleurs, sa foi en Sigmar s’est trouvée tellement ébranlée après tout ce temps qu’elle ne pourrait plus officier, même si elle le voulait. Na.

Cette joute oratoire est interrompue par la percée réalisée par les forces mortes vivantes, forçant les survivants sigmarites à un dernier carré (ou un dernier rhomboïde, la faute à ces damnés socles ronds) dans la crypte, tandis que Mannfred von Carstein, qui était le général en charge de l’assaut, emmène ses boys au pillage…

Début spoilerAyant déjà perdu la au moins une vie sous les coups du Mortarque, Hamilcar charge ce dernier pour obtenir sa revanche, décapiter l’armée adverse et se couvrir de gloire (dans l’ordre que vous voulez), tandis que Settrus et ses bien mal nommés Impérissables tentent de repousser les chevaliers vampiriques et Morghasts personnels du lieutenant de Nagash. Dans la fureur des combats, nos trois têtes d’affiche finissent par converger, au grand plaisir de Mannfred qui finit par se rendre compte qu’il connaît le sinistre Stormcast qui s’échine à lui faire bosseler la grève (sans grand succès). À moins qu’il ne s’agisse d’une vieille blague de Sigmar dont seuls les quelques transfuges du Monde qui Fut auraient le secret, ce que soupçonne le Manf’ devant la faiblesse de son adversaire. La rigolade s’arrête toutefois pour le vampire lorsque Settrus, totalement surclassé mais loyal jusqu’au bout à son patron, trouve le moyen de se connecter en dérivation au Penumbral Engine délaissé par Ansira, entrant en surcharge mystique et finissant sa carrière en fusible arcanique, non sans avoir illuminé/purifié/désinfecté (triple effet kiss cool) la crypte, avec des effets dévastateurs sur les morts vivants. Il n’y a guère que Mannfred qui s’en sorte à peu près, et trouve le moyen de ramper hors champ pour aller s’acheter un tube de biafine, profitant de l’amnésie commode d’Hamilcar au moment de porter le coup de gâce à sa Nemesis. Car, inspirée par le sacrifice altruiste de Settrus (qui pour le coup, est bel et bien mort, et ne pourra pas repasser à la case reforge), Ansira décide de reprendre ses fonctions de génératrice à communion nucléaire, permettant au Penumbral Engine de se remettre en marche de façon optimale. Comme disait Sigmaurice Thorez : « Il faut savoir terminer une grève ». À bon entendeur…Fin spoiler

1 : Sans rire, l’air de Ghur sent apparemment le sanglier.
2 : Ironiquement, Settra/us est lui incapable de faire des clins d’œil, le masque intégral couvrant son visage ne laissant apercevoir que des puits insondables à la place des yeux. Il paraîtrait que ce regard sévère aurait, par contre, fait ciller un Slann.

AVIS:

Je suis assez partagé par ce The Age of Enlightenment, qui comporte à mon sens autant de points forts que de faiblesses. Du côté de la coupe à moitié pleine, le personnage d’Hamilcar est toujours aussi distrayant à voir évoluer, son second degré assumé, parfois teinté d’un zeste d’amertume, le rendant très sympathique auprès du lecteur, surtout lorsqu’il est mis en contraste avec des Stormcast Eternals plus « classiques ». Et à ce titre, on ne pouvait pas trouver meilleur contrepoint à notre exubérant héros que le primesautier et gouleyant Settrus, dont le statut de demi-personnage nommé (si je puis dire) est un autre argument à mettre au crédit de cette nouvelle. D’ailleurs, le fait que notre very imperishable person rencontre ce qui semble être son destin dans The Age… ne fait que renforcer l’importance de cette lecture. Fans des Rois des Tombes, voici un incontournable absolu.

D’un autre côté, je reproche à Guymer d’avoir pensé cette nouvelle comme une sorte d’épilogue de Champion of the Gods, et n’avoir pas (ou en tout cas peu) pensé aux lecteurs qui aborderaient cette nouvelle sans connaissance particulière des événements relatés dans ce livre. Il faut donc s’accrocher pour replacer les personnages, leurs relations mutuelles et leurs motivations respectives, alors que quelques lignes de contextualisation auraient permis de reprendre le fil de façon satisfaisante. Peut-être en lien avec ce constat d’ignorance, j’ai trouvé que l’intrigue péchait par manque de vraisemblance sur certains points : comment les défenseurs Sigmarites ont-ils pu localiser une forteresse protégée par un appareil dissimulant magiquement sa présence, et toujours fonctionnel comme le montre la carte inutile de Settrus ? Comment se fait-ce qu’Hamilcar ne soit pas tout le temps affecté par cette magie, et beaucoup moins que les autres sigmarites, puisqu’il arrive à trouver la porte de la crypte en deux minutes montre en main ? Comment expliquer que le Penumbral Engine fonctionne tout court, puisqu’Ansira a perdu la foi quand Hamilcar la trouve ? Et comment arrive-t-elle à le remettre en marche, alors qu’elle semble plus résolue que convaincue à la fin de la nouvelle ? Peut-être que la réponse – logique, s’entend – à ces questions se trouve ailleurs dans les écrits de Guymer, mais sans éléments convaincants à exploiter de mon côté, mon impression finale est assez contrastée. Il faudra faire lumière sur tout cela.

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The Dead Hours – D. Guymer :

INTRIGUE:

The Dead HoursEreintés après une rude journée de tuerie en Shyish, Gotrek et Maneleth ont fait halte dans la petite ville de Skeltmorr pour se requinquer en attendant l’aube. Lorsque commence notre histoire, le Duardin a sombré dans le sommeil du juste après avoir vidé un tonneau de de bière et s’être fait un masque de beauté à base de jeune d’œuf et de bacon (c’est ça où il fait la vaisselle avec la langue et sans les mains). Maneleth s’est elle éclipsée pour prendre l’air, et, d’après la discussion entre les deux occupants de l’auberge investie par le vieux couple, aurait fait une mauvaise rencontre sur le chemin. Skeltmorr doit en effet un bon paquet d’os à Nagash, et les rares visiteurs sont donc invités à faire des donations en nature à l’œuvre de salut public municipale. Un tel destin attend également Gotrek, dont l’état comateux n’inspire pourtant pas confiance à Nieder Pedsen, le malabar chargé de l’amener, mort de préférence, jusqu’au repaire du redouté Tithekeeper.

La méfiance du reître était justifiée car le nabot émerge du coltard au moment où Pedsen s’apprête à lui faire tâter de son gourdin, et parvient à massacrer l’aubergiste (qui pour sa défense, venait de lui tirer dessus à la chevrotine) et à traîner son complice dans la rue malgré une gueule de bois carabinée. Sous ses abords bougons, Gotrek ne peut en effet laisser Maneleth dans les griffes des locaux, et demande donc à être conduit jusqu’à ce fameux Tithekeeper afin de plaider sa cause (un peu) et de planter sa hache (surtout). Sans doute nommé Lagardère sous sa cagoule de fonction, c’est le fonctionnaire tortionnaire qui vient toutefois à lui, en même temps que la moitié de la ville, réveillée par les beuglements imbibés du Duardin. Trop musclé/runé/ravagé pour être incapacité par les faibles attaques des Skeltmorriens, Gotrek massacre sans distinction tous ceux qui ont le malheur de croiser le chemin de sa hache, à commencer par le Tithekeeper. Le « boss final » de la nouvelle a donc mordu la poussière alors que nous n’en sommes qu’à la moitié du récit : comment Guymer va-t-il meubler la fin de ce dernier ?

La réponse est : avec des étagères Ikea et une petite visite dans la crypte du temple de Sigmar local, reconverti il y a quelques millénaires en entrepôt de stockage par les autorités de Skeltmorr. C’est en effet là qu’attend cette princesse de Maneleth que son chevalier servant vienne la secourir, ou plus précisément qu’un gentleman vienne lui rendre le couteau qu’elle a laissé planté dans la dépouille de son agresseur (ce sera Pedsen qui lui rendra ce service). Au passage, Gotrek réduira en cendres une meute de chiens issus de la filière de recyclage des déchets organiques de la ville, et que le Tithekeeper gardait pour lui tenir compagnie. Jamais à court de bonnes idées et toujours prêts à rendre service, les deux compagnons finissent la nouvelle en saccageant les stocks de cendres, d’os et d’âmes accumulés par leurs hôtes, actant par là leur « libération » de la tutelle de Nagash, mais signant plus certainement l’arrêt de mort des derniers habitants de Skeltmorr lorsque l’heure de la dîme aura sonné. Mais après tout, ils l’ont bien cherché.

AVIS:

Péripétie très mineure de la nième saison des aventures de Gotrek, ‘The Dead Hours’ est plus intéressant par les détails fournis sur la vie en Shyish que par ses péripéties combattantes, ni Gotrek ni Maneleth ne rencontrant ici un adversaire digne de ce nom1. Cela sent vraiment la panne d’inspiration devant un travail de commande pur et dur pour David Guymer, dont la tentative de s’écarter un peu du schéma classique de la nouvelle gotrekienne (embrouille, fessage de goons, gros monstre final) s’avère aussi peu concluante ici qu’elle l’avait été bien des années plus tôt avec ‘The Tilean Talisman’, son tout premier travail publié par Nottingham. Je sais bien qu’il est dur de faire des variations sur un thème usé jusqu’à la corde, mais une soumission classique mais sérieuse aurait été plus appréciable que cette improvisation assez peu concluante. Le mieux est l’ennemi du bien, du rien, et du Nain.

1 : Cela aurait été le cas si le Tithekeeper avait été la vieille qui se met à flécher Gotrek depuis sa fenêtre, avant de se faire fracasser les côtes d’un grand coup de boule. Sans doute le combat le plus mémorable de notre Nain depuis la Fin des Temps.

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Death on the Road to Svardheim – D. Hinks :

INTRIGUE:

Death on the Road to SvardheimEn route vers la cité de Svardheim pour une raison sans doute logique mais inconnue de l’auteur de ces lignes au moment de l’écriture de cette chronique, le duo le plus mal assorti des Royaumes Mortels1 passe le temps et les kilomètres sur la route 88 (c’est tout plat, désertique et décoré avec des monceaux de crânes) en discutant théologie, comme à leur habitude. Bien évidemment, la situation finit par gentiment dégénérer, l’anticléricalisme blasphématoire d’un Gotrek toujours chafouin de s’être fait rouler dans la farine par les Dieux du Monde Qui Fut mettant sur les dents, qu’elle a éclatante, la dévote Maleneth. À force d’enquiller les bornes, elle finit même par les dépasser, allant jusqu’à accuser son rusé et runé camarade de servir le Chaos, à l’aide de l’argument, bien connu de George W. Bush, du « si tu n’es pas avec moi (et Ziggie) tu es contre moi ». Avant que la situation ne dégénère trop franchement, et que le Tueur vétéran ne doive se trouver encore un nouveau sidekick, les comparses tombent sur le théâtre d’une embuscade ayant été fatale à une bande de prêtres sigmarites, dont les corps décapités jonchent les alentours d’une carriole incendiée.

Après une rapide enquête, il s’avère que les assaillants n’ont pas réussi le perfect en matière d’élimination de témoins, une pauvre nonne répondant au nom de Carmina se présentant à nos héros et leur expliquant que sa congrégation s’est fait dérober une relique irremplaçable, le Poing Incorruptible, dont elle avait la charge et promenait de ville en ville pour ranimer la foi des locaux. Avant que Gotrek n’ait pu marquer de nouveaux points d’athéisme hardcore en demandant à Carmina en quoi un poing pouvait être corrompu, pour commencer (il en serait capable le bougre), Maleneth se fait embringuer dans une mission de récupération du saint gantelet, qu’il s’agit simplement de reprendre des mains malpropres d’une petite vingtaine de bandits, retranchés dans une forteresse abandonnée à quelque distance de la route. Rien que de très banal pour notre Tueur, qui accepte toutefois de mettre les formes et de suivre un plan un minimum intelligent (attendre que Maleneth se soit mise en position derrière le bastion pour intercepter d’éventuels fuyards) avant d’aller toquer à la porte le plus naturellement du monde.

La prévoyance de l’Aelf paie rapidement car il se fait bientôt jour (enfin, nuit, mais je me comprends) que les brigands sont un peu plus qu’une bande de maraudeurs sanguinaires, mais bien une authentique secte de Khorne, en train d’invoquer un démon de fort belle taille à l’aide de leur collection bien mal acquise de grigris et talismans. Maleneth n’a pas le temps de signaler qu’il y a une courge dans le potage que Gotrek est cependant déjà en train de défoncer la porte et de se tailler un chemin à travers les mobs de bas niveau, jusqu’à poser l’œil sur une Némésis digne de lui, qu’il engage évidemment en combat singulier dans la plus pure tradition du genre. Etant un VIP incontournable du multivers, Gogo est reconnu par son adversaire, qui a la mauvaise idée d’insinuer que le Tueur a fui son monde au moment de la Fin des Temps au lieu de rester et de se battre pour le défendre. Cela met notre nabot en rogne, et les deux adversaires se balancent quelques baffes amicales, sans trop d’effet de part et d’autre, jusqu’à ce que Meleneth ait l’idée géniale de confisquer les reliques ayant été mise à profit pour invoquer le démon, et dont ce dernier a encore besoin pour maintenir sa présence dans les Royaumes Mortels. Au fur et à mesure que les héros shootent dans les breloques, leur adversaire perd en taille et en carrure, jusqu’à finir rachitique et malingre, et se faire décapiter sans cérémonie par un Gotrek enfin à la bonne taille pour jouer de la hache.

Ceci fait, le duo infernal n’a plus qu’à remettre le Poing Incorruptible à la brave (en fait pas trop) et reconnaissante Carmina, qui s’en va à cheval remettre le précieux héritage en sécurité, pendant que nos héros continuent à pied leur périple. Poing/t final de notre histoire ?

Début spoilerEh bien non (comme la balise spoiler ne le laissait pas du tout envisager), car lorsque nos voyageurs, fourbus (surtout pour Maleneth) et assoiffés (surtout pour Gotrek) tentent d’obtenir le gîte et le couvert d’un monastère sigmarite croisé un peu plus loin sur la route, se disant à juste titre que tous les culs bénis à la ronde leur sont redevables de leurs récents exploits, c’est pour entendre un son de cloche bien différent. Carmina était en fait une voleuse ayant mené sa bande, déguisée en prêtres, dérober le fameux Poing Incorruptible (mais pas Inatteignable) de la garde des vrais fidèles de Sigmar, en tuant quelques uns au passage. L’abbé outré qui fait ce récit aux voyageurs est persuadé que l’iconoclaste va briser la relique en mille morceaux pour revendre la Pierre de Royaume dont elle est faite au plus offrant, au mépris de tous les commandements de Sigmar. C’est donc une grosse boulette, sur laquelle Maleneth manque de s’étouffer, mais qui ne déclenche chez ce philosophe de Gotrek qu’un rire tonitruant. Il en a certes vu d’autres…Fin spoiler 

1 : Gotrek est un Nain (et pas un Duardin) roux exhibitionniste, et Maleneth est une Aelf brune gothique.

AVIS:

Eh bien ça y est : après avoir laissé Gotrek (et le regretté Felix) à leurs aventures dans le Monde Qui Fut, je renoue enfin avec ce héros mythique sous sa nouvelle incarnation, à travers ce court format signé du père adoptif #3 du Tueur de… trucs, Darius Hinks. Ce qui m’intéressait particulièrement dans ces retrouvailles était de voir ce qui avait changé, et ce qui était resté, des précédentes aventures de M. Gurnisson, qui constituaient un sous-genre de la littérature BL à elles seules. L’équilibre n’était pas facile à trouver entre respect servile du cahier des charges, forcément un peu obsolète, établi par King et Long en la matière, et innovations radicales, qui auraient enlevé tout le sel de ce come-back improbable. Et je dois dire que Darius Hinks s’en est plutôt bien sorti, tant sur le fond que sur la forme. On est bien en présence d’une aventure de Gotrek & Cie, avec notre petit rouquin teigneux, grincheux et pince sans rire s’embarquant dans un combat à haut risque contre un adversaire très balèze (sur le papier en tout cas), au grand désespoir de son partenaire attitré. Ce qui change ici est que Gotrek est devenu un mécréant militant, gardant sa dernière dent contre tout le panthéon divin (à commencer par Sigmar, qui s’en prend plein les tresses), alors que Maleneth est, sous ses abords de tueuse froide, une zélote du grand barbu, ce qui est à la fois surprenant (c’est le type qui la voyait comme une pseudo Assassin druchii qui parle) et intéressant. Notons également que Hinks ne se gêne pas pour glisser quelques références au passé proprement légendaire de son héros et donc à feu Warhammer Fantasy Battle, ce qui devrait faire plaisir autant qu’intriguer le lecteur historique de la saga. Bref, le contrat est bien rempli dans ce ‘Death on the Road to Svardheim’, qui tient son rang parmi les cohortes de nouvelles Gotrekesques publiées par la BL depuis des temps immémoriaux. Reste à savoir ce que cette dernière compte faire de son increvable héros sur le long terme, maintenant qu’il ne peut absolument plus mourir (ce serait un énorme fail), mais ceci est une autre histoire.

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Buyer Beware – G. Thorpe :

INTRIGUE:

Buyer BewareNotre histoire commence par une descente de boardercross Kharadron, qui, comme chacun sait, se court en combinaison intégrale de laine de goret à poils longs de Chamon. Partis à cinq de la ligne de départ, située dans le nid d’une Maw-Crusha en attente d’un heureux événement, seuls quatre Duardin parviennent à boucler la course dans les temps impartis et en un seul morceau. On portera longtemps le deuil de Rogoth (casaque, culotte et barbe jaune poussin), dont les tendances gauchistes lui ont été fatales. Les Nains sont un peuple de (virage à) droite, c’est bien connu.

Parvenus jusqu’à la sécurité – toute relative – de leur vaisseau (Night’s Daughter), le capitaine Karazi ‘Fairgold’ Zaynson et ses acolytes n’ont pas besoin de signaler au reste de l’équipage qu’il serait de bon ton de souquer les aethertibuses, comme on dit à Barak-Mhornar : les rugissements tonitruants et les attaques en piqué de la mère poule dérangée dans sa retraite étant une motivation suffisante. Un tir de mitraille bien senti plus tard, l’affaire est réglée aux torts partagés : une gueule et une épaule chevrotinée pour le Maw-Crusha, ce qui l’oblige à rejoindre le plancher des Squigs, et une méchante estafilade de coque pour la Night’s Daughter. Pas assez pour amener le fier vaisseau par le sol, mais assez pour occuper l’endrineer de bord et son assistant pendant une bonne partie du voyage jusqu’à la destination fixée par Fairgold : un avant poste Orruk où l’attend le deal de sa vie. Car oui, à Age of Sigmar, les Nains et les Orques ne sont pas irrémédiablement et définitivement fâchés, et peuvent (apparemment) faire affaire quand la situation l’exige. En l’état, Fairgold a besoin de renflouer les caisses en exploitant un filon d’aether-or localisé par la tribu peau-verte avec laquelle il a rendez-vous, afin de financer une nouvelle expédition pour localiser l’épave d’un navire familial, le Night’s Gift. Une raison qui en vaut une autre, et se révèle donc assez impérieuse pour justifier les tractations contre nature dans lesquelles le capitaine entraîne ses matelots.

Arrivés à bon port après ne s’être que légèrement écrasés dans la forêt proche du village Orruk (équipage secoué + immobilisation), les Kharadron envoient une délégation réduite négocier l’accord avec la partie adverse, tandis que le reste de l’équipage s’emploie à remettre le châssis en état, sous les ordres de Verna (l’endrineer susnommée). À terre, Fairgold et ses compagnons rencontrent finalement le massif Orgaggarok, chef de la tribu du Poing qui Tombe, qui possède ce qu’ils désirent : une carte localisant l’emplacement précis du gisement d’aether-or convoité, flairé par les pouvoirs surnaturels du Wardancer local1.  Mais en échange, Orgaggarok veut les trois œufs de Maw Crusha que ses invités ont apportés avec eux, ce qu’un négociateur vétéran comme Fairgold ne peut laisser passer sans froncer de la moustache. Après un marchandage vindicatif et énergique, l’accord est sur le point de sans conclure sans le moindre sang versé sur la base de deux filons contre trois œufs, lorsque l’expert en ruralité profonde que le chef Orruk a amené à la table au tronc de négociation, lui hurle dans l’oreille qu’il est en train de se faire avoir comme un bleu. Les taches caractéristiques qui ornent la coquille des œufs montrent en effet de façon formelle que ces derniers viennent des Pics de Fer… qui sont sur le domaine des Poings qui Tombent. Oupsie.

Vendre un bien que l’acheteur possédait déjà étant une pratique universellement condamnée, le dialogue tourne court et les lames sortent des fourreaux (pour ceux qui en ont). Bien que tenus en respect par l’arsenal de leurs visiteurs, les Orruks sont tout prêts à foncer dans le tas pour apprendre les bonnes manières leurs visiteurs, mais l’arrivée de deux catastrophes aériennes coup sur coup va donner à Fairgold et ses matelots la distraction nécessaire pour se sortir de ce guêpier. D’abord, Mama-Crushaw débarque au village, guidé par son instinct maternel infaillible, ou la puce de géolocalisation qu’elle avait placé sur ses œufs (allez savoir, c’est de la high fantasy, je ne serais même pas surpris). Puis, c’est la Night’s Daughter, enfin réparée, qui arrive à son tour, abat pour de bon le lézard volant en rut, défonce la palissade Orruk, et maintient les sauvages en respect assez longtemps pour permettre aux VRP de remonter à bord. Bien entendu, Fairgold a trouvé le moyen de chiper la carte d’Orgaggarok au passage, et tout est bien qui finit donc bien pour nos petits gars et filles. Même mieux que bien, car ils ont gardé le dernier œuf de Maw Crusha pour eux, et que ce dernier vient d’éclore. Et une mascotte pour la Night’s Daughter, une !

1 : Spécialisé dans les souffles (ou pets, si on demande à ce diplomate né de Fairgold) de Mork, nom donné par les Orruks à ce type de filon.

AVIS:

Après des débuts discrets à Age of Sigmar (comparé à sa production soutenue pour Warhammer Fantasy Battle ; 40.000 et l’Hérésie d’Horus), Gav Thorpe signe une petite nouvelle posant tous les jalons d’une suite plus ambitieuse avec ce ‘Buyer Beware’. J’en vux pour preuves la galerie conséquente de personnages qu’il prend le temps de nous présenter, ainsi que les relations particulières qui unissent certains d’entre eux (Fairgold et Verna semblent très proches), mais également la mise en perspective de la quête inlassable de Fairgold pour le Night’s Gift, qui justifie tous les événements narrés dans ce court format. Il est encore trop tôt (au moment où cette chronique est écrite) pour acter de la véracité de cette intuition, d’autant plus que Thorpe a déjà une série de romans sur le feu – ça se passe à Aqshy après tout – pour AoS, avec ‘The Red Feast’ (et sa.es suite.s), mais il y a des signes qui ne trompent pas. Pour le reste, ‘Buyer Beware’ tient assez bien la route, sans originalité folle ni style flamboyant, mais avec un dosage correct d’action et d’humour, et surtout sans les incongruités regrettables dont Gav Thorpe parsème parfois ses soumissions à écrire sans se poser de questions. Qualité naine, dirons-nous.

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Reflections in Steel – C. L. Werner :

INTRIGUE:

Reflections in SteelLe village de Kyoshima, attaqué par la bande du chef barbare Gharm, brûle bellement tandis que ses habitants sont passés au fil de l’épée par les pillards1. Tous ? Non ! Le jeune Kenji, qui revenait sans doute du casting de The Voice, est épargné in extremis par le boss en question, qui n’hésite pas à châtier un de ses sbires de son épée enchantée2 lorsque le rustre fait mine de hacher menu notre menu. La discipline, c’est sacré. La situation de Kenji ne s’améliore toutefois que marginalement suite à ce sauvetage, le coup de buzzer et d’espadon de Gharm ne débouchant que sur une douloureuse servitude aux mains du maître esclavagiste Sazaal, dont le sadisme et l’amour des châtiments corporels font honneur à cette belle profession. Placé tout en bas de la pyramide sociale de l’armée du chef de guerre Kravoth, Kenji tue le temps en tuant ses compagnons d’infortune pour nourrir les fringantes et carnassières cavales de l’ost chaotique, et en se jurant de vivre assez longtemps pour se venger de son infâme tortionnaire.

C’est à l’occasion d’un raid mené contre un nouveau village qu’une occasion se présente pour l’esclave de mener ses plans à exécution, et Sazaal également par la même occasion. Réquisitionné par les maraudeurs – qui apprécient sans nul doute sa jolie voix, même s’il est quasiment impossible de jouer de la guitare avec les mains enchaînées – Kenji se retrouve pris dans une embuscade montée par des Skavens en quête de loot, et qui s’abattent sur l’arrière garde piétonne de la bande pillarde alors que les cavaliers ont le dos tourné. Quand on vous disait que ces hautes herbes étaient dangereuses (saleté de Ratatas). Un coup de chance et une épée récupérée sur un cadavre plus tard, Kenji peut enfin laisser libre cours à sa revanche, et réduit Sazaal en purée une fois la vermine mise en déroute. Loin de s’offusquer de ce petit meurtre entre amis, Gharm, revenu sur ses pas constater pourquoi ses péons n’arrivaient pas, libère Kenji de ses chaînes et lui offre un CDI (carnage à durée indéterminée) dans son équipe, ce que Jiji accepte sans broncher.

Nous retrouvons notre héros quelques temps plus tard, à l’occasion d’une véritable bataille entre la horde de Kravoth et un ost de Fyreslayers probablement doublement discriminés du fait de leur peau noire et de leur poil roux (combo). L’affrontement donne l’occasion à Kenji de s’illustrer auprès de son n+1, en l’aidant à venir à bout d’une Salamandre souffrant d’un léger problème de coordination motrice, en s’acharnant comme le sadique qu’il est devenu sur le petit orteil de la bestiole. Ce qui est atrocement douloureux, comme quiconque a une table basse chez lui peut en témoigner. De hauts-(mé)faits en triomphes, la côte de Kenji continue de croître en même temps que son stuff se bonifie, ses chakrams de fer passant à l’or, au platine, puis au diamant, jusqu’à ce jour fatal où Gharm emmène ses ouailles piller un hameau absolument mi-na-bleuh, ce que notre self made man trouve très humiliant, en grande partie car cela lui rappelle douloureusement ses propres débuts. D’ailleurs, c’est lorsqu’il refuse d’épargner un jeune garçon qui se cachait dans les décombres de sa cahute que Gharm se retourne contre son suivant dissipé, et lui fait goûter à la même médecine métallique et auto-nettoyante qu’au faquin qui avait fait mine de lui porter le coup de grâce toutes ses années auparavant. La boucle est bouclée pour Kenji, qui ne peut constater la disparition de sa bonne étoile, tandis que son menton repart avec sa nouvelle trouvaille, Lilian Renau (sans doute).

1 : Ce qui permet de vérifier encore une fois que les noms se terminant en -shima semblent attirer les catastrophes (voir Hiroshima et Fukushima).
2 : Elle se nettoie toute seule en un clin d’œil… Voilà ce qui arrive quand on laisse ce farceur de Zuvassin s’occuper des dotations aux aspirants.

AVIS:

Après The Last of the Blood (Maledictions), C. L. Werner poursuit ses explorations japonisantes des Royaumes Mortels, avec cette nouvelle de belle facture, remettant au goût du jour deux classiques de la littérature « chaotique » : le cheminement (ou la déchéance) du héros, qui progresse insensiblement vers la damnation jusqu’à devenir ce qu’il avait toujours combattu d’une part (Les Cavaliers de la Mort, et plus récemment, The Path to Glory), et la saga épique se terminant de façon ignomieuse et prématurée, rappelant à quel point les Dieux du Chaos sont des maîtres cruels et inconstants (The Ignorant Armies, The Laughter of the Dark Gods, The Talon of Khorne). Si ce récit n’apprendra rien de nouveau aux vétérans de la BL, qui pourront tout de même bénéficier de la maîtrise de Werner en matière de conduite d’intrigue et de construction d’atmosphère – on regrettera seulement que les Skavens de l’histoire ne soient que des goons, alors que l’homme au chapeau s’est souvent illustré par son utilisation inspirée de cette noble race dans ses écrits – , les plus jeunes (ou en tout cas les plus neufs) des lecteurs en seront quitte pour un apprentissage des choses du lore, en compagnie d’un des professeurs les plus qualifiés et compétents qui soient. À mettre en toutes les mains/pattes/tentacules.

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The Inevitable Siege – R. James :

INTRIGUE:

La très longue vie de Kanem Sharu, sorcier de Tzeentch de profession, a pris un tour désagréable ces derniers temps. Membre de la légendaire troupe des Inévitables Chevaliers (ça rend sans doute mieux en VO), notre héros est techniquement immortel, ce qui est assez sympathique il faut le reconnaître. Ce don lui a été accordé après que lui et ses potes aient mis la main sur l’équivalent du Death Note des Royaumes Mortels, pendant le sac d’une bibliothèque Lumineth. Inscrire le nom et la manière dont une personne doit mourir dans le Livre des Fins Inévitables condamne en effet la première à décéder de cette façon… mais seulement de cette façon. Toujours prompts à exploiter les failles des règles, comme tout bons disciples de Tzeentch qui se respectent, les affreux ont couché sur le papier les morts les plus improbables qui soient (ex : décapitée par une plume), s’assurant de facto l’immortalité. Toutefois, rien n’est éternel sous le regard des Dieux, et la renommée des Chevaliers a fini par leur attirer l’attention soutenue des suivants de Khorne, toujours à la recherche de nouvelles têtes pour décorer le trône du Patron. Jugeant que celles de pseudo-immortels auraient plus de chances de leur accorder les faveurs du K, ils ont poursuivi Kanem et ses potes à travers les Royaumes (et usé d’une approche scientifique du problème à résoudre très étonnante pour des disciples du dieu du carnage) jusqu’à ce que seul ce dernier demeure en vie… pour le moment. Poursuivi par une tueuse du nom de Gulnar Thrax, le Sorcier s’est enfoncé dans un désert très hostile avec l’espoir que sa Némésis périrait avant lui, mais réalise bientôt qu’il se fera rattraper avant cela.

En désespoir de cause, il choisit d’utiliser un de ses derniers jokers et appelle un ami démoniaque pour lui demander conseil. Serviable, l’entité magique le téléporte un peu plus loin dans le désert, où une armée est censé l’attendre pour lui permettre de régler son compte à la tenace Thrax. Petit problème, l’ost en question a déjà un commandant, l’Elu de Tzeentch Tzymon Gul Techtvar, et est très occupé à assiéger la cité de Khulna Khesh, pour la plus grande gloire de Cui. Simon est persuadé que l’arrivée subite de Kanem est une intercession de l’Architecte du Changement en sa faveur, et que le légendaire Chevalier Inévitable va l’aider à conquérir la ville. De son côté, notre héros cherche juste à mettre le plus de distance et d’obstacles entre lui et sa poursuivante, et accepte donc la mission impossible qui lui est confiée : s’emparer seul de Khulna Khesh. Confiant dans son immortalité, il demande à son nouveau boss de le déposer au cœur de la cité, où il pourra se refaire une santé avant de se téléporter dans un voisinage plus sympathique (Khulna Khesh est affiliée à Khorne). Tzymon accède à sa requête et charge un de ses Tzaangors sur disque du convoyage, mais garde avec lui le précieux bâton cabalistique de Kanem, en partie pour le forcer à revenir le chercher, et en partie pour se venger du fait que le Sorcier ne se soit pas prosterné devant lui au début de leur entretien. #MeanBoss

Echoué dans une cité aussi inconnue qu’hostile, Kanem n’est toutefois pas totalement dépourvu. Usant de son mode opératoire favori (le micro-management des irritants), il créée des dizaines de petits incidents, entourloupes, quiproquos et autres émeutes sur le chemin qui le mène vers le temple central de Khulna Khesh, plongeant la ville dans une anarchie meurtrière encore plus grande que d’habitude, et lui permettant d’esquiver les gardes de faction pour accéder jusqu’au Hierofex, le seigneur de Khorne régnant sur la cité.

La confrontation entre notre héros au corps de lâche et l’idole à la peau d’airain qui se révèle être le Hierofex ne tourne logiquement pas en la faveur de Kanem. Bien qu’étant techniquement protégé par son immortalité, cette dernière ne sert qu’à prolonger ses souffrances face au champion de Khorne, qui cherche à attirer l’attention de son dieu en lui sacrifiant l’Inévitable Chevalier (sounds familiar), et est tout à fait au courant de la protection mystique dont son adversaire dispose. Résolu à littéralement tout tester pour parvenir à ses fins, et à celle de Kanem, le Hierofex multiplie les blessures débilitantes mais non mortelles, limitant drastiquement les options du sorcier. En désespoir de cause, ce dernier sort une baguette de sa besace, et la pointe de manière menaçante sur le colosse de métal, semblant oublier qu’il a reçu une bénédiction divine contre les sortilèges, et que quiconque tentera de l’abattre avec de la magie sera puni par Khorne en personne…

Début spoiler…Aussi, lorsque le Hierofex lui arrache son hochet des mains et le casse en deux sans y penser à deux fois, il ne se rend pas compte qu’il a commis une tragique erreur. La baguette contenait un charme de guérison mineur, invoqué par celui qui la brise. Le Hierofex est donc devenu, à son corps défendant, un utilisateur de magie, ce qui fâche Khorne tout rouge. Le champion disgracié fait donc une spectaculaire sortie du chemin de la gloire (alors que l’ascension était si proche, c’est triste) et se retrouve changé en Enfant du Chaos. Cela laisse à Kanem les mains libres pour saboter le plan qu’il avait établi pour vaincre les assiégeants, à savoir sonner la neuf fois (et pas huit) la grande cloche du temple, signalant à tous les défenseurs de Khulna Khesh de s’entretuer pour permettre à un ost de Sanguinaires de se matérialiser dans la cité. Le coup de cloche supplémentaire ayant douché l’enthousiasme des démons, la ville se retrouve sans chef ni renforts, et privée d’une bonne partie de ses troupes. Ce ne devrait plus être très compliqué d’en venir à bout, si ?

Eh bien, il semblerait que Tzymon rencontre tout de même quelques difficultés à remplir son objectif, même en mode facile. Lorsque Kanem sort de la cité, cette dernière est en effet toujours contestée, et l’Elu de Tzeentch n’est visiblement pas en maîtrise de la totalité de ses troupes. Ce ne sont toutefois pas les affaires de notre héros, qui veut simplement reprendre possession de son bâton avant de tailler la route. C’est alors que quelqu’un lui tape sur l’épaule pour attirer son attention…

Début spoiler 2…Horreur, il s’agit de Gulnar Thrax, qui a profité de son occupation récente dans une side quest débile pour refaire son retard. A la grande surprise, suivi d’un grand soulagement, de Kanem, sa poursuivante ne le reconnaît pas, et le prend au contraire pour un collègue (elle l’a vu sortir de la cité). En quête d’informations sur la localisation de sa proie, elle lui demande s’il ne pourrait pas la rencarder à ce sujet, et Kanem se fait une joie de lui indiquer qu’il a pris l’apparence de Tzymon Gul Techtvar pour tromper sa poursuivante, mais a fait la grossière erreur de conserver son bâton comme signe distinctif. Voilà qui devrait occuper ces deux fripouilles quelques temps, et laisser à notre héros éprouvé toute latitude pour disparaître des radars. Du passé, faisons inévitable rase…Fin spoiler

AVIS:

Ils sont peu nombreux les auteurs à avoir réussi à dompter le potentiel narratif du Chaos dans leurs écrits, la plupart se contentant de mettre en scène le parcours sanglant mais prévisible et assez ennuyeux au final, d’un héros parvenant à s’élever dans la hiérarchie chaotique et/ou à mourir dans la tentative. Rhuaridh James démontre ici qu’il fait partie de ce cercle très fermé d’Elus, en signant avec sa toute première nouvelle pour la Black Library un futur classique de la littérature chaotique.

The Inevitable Siege’ nous plonge en effet dans ce que l’on pourrait considérer comme « la vie de tous les jours » pour les servants mortels des Dieux Sombres, expression beaucoup trop mondaine pour rendre justice à l’anarchie et la folie ambiante qui est leur lot. Kanem Sharu, sorte de Rincevent des Royaumes Mortels (c’est-à-dire un personnage tout à fait banal et prosaïque, auquel le lecteur peut facilement s’identifier, mais maîtrisant parfaitement les codes et les règles de l’univers étrange dans lequel il évolue), tente tant bien que mal de gérer les petites complications de sa vie de champion-de-Tzeentch-immortel-mais-pas-tout-à-fait, avec l’enthousiasme de Carlo Tentacule et la roublardise de Thanquol (oui je sais, ça fait beaucoup d’univers différents convoqués en une phrase). Cette formule détonante fonctionne à merveille, bien aidée par le respect dont James fait preuve envers le background d’Age of Sigmar1. Il ne s’agit pas ici d’une parodie assumée, comme ont pu l’être les écrits d’Andy Jones à l’époque de Warhammer Fantasy Battle2, mais bien des aventures d’un anti-héros dans les Royaumes Mortels.

Bonus appréciable, ‘The Inevitable Siege’ contient tous les éléments nécessaires pour devenir le premier épisode d’une future série, qui serait très intéressante à lire si elle continue sur cette lancée : un héros charismatique (à son niveau), son impitoyable Némésis – qui finit aussi l’histoire en un seul morceau –, et un concept central suffisamment riche et original pour permettre à un auteur compétent de produire plusieurs nouvelles/romans pour l’explorer en profondeur. Bref, il va falloir apprendre à écrire correctement le nom de Rhuairidh James (comme celui d’ADB il y a quelques années), car ce petit gars a un vrai potentiel.

2 : Pas étonnant de la part d’un auteur qui a commencé par écrire du fluff pour Games Workshop.
2 : ‘Grunsonn’s Marauders’ et ‘Paradise Lost’.

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The Heart of the Fallen – S. Cawkwell :

INTRIGUE:

The Heart of the FallenDans les grandes plaines du Bloodwind Spoil, une double traque est en cours. Pendant qu’un mystérieux chasseur poursuit sa proie dans les étendues sauvages, trois jeunes guerriers Untamed Beasts, le sensible Dhyer et les frère et sœur Open Skies et Fleet-Foot, sont à la recherche du frère ainé du premier, un pisteur bravache du nom de Sharp Tongue. Ayant juré de traquer l’une des grandes bêtes qui hantent le territoire de la tribu afin de prouver sa valeur et de gagner en prestige, Langue de P*te est parti en solitaire il y a quelques jours, et son frangin s’inquiète de ne pas le voir revenir. Comme quoi, on peut vénérer une divinité chaotique assoiffée de sang1 et avoir le sens de la famille.

Les deux pistes finissent par converger à l’entrée d’une caverne d’un genre un peu particulier. Non pas qu’elle semble être un organisme géant, avec mur fourré (et probablement moquette du même acabit), ventilation pulmonaire et œils-de-bœuf plus vrais que nature. C’est finalement assez commun dans la région. C’est plutôt qu’elle possède des caractéristiques hydrographiques a priori inconciliables, la marque d’une véritable bénédiction des Dieux Sombres si vous voulez mon avis. Les Castueurs Juniors relèvent des indices de lutte, dont une dent humaine traînant dans la poussière, révélant que leur cher disparu n’est sûrement pas loin (et en effet, il a dû négocier un pétunia un peu envahissant à son arrivée dans la grotte, qui lui a prélevé quelques PV au passage). Redoublant de prudence, ils finissent par arriver dans une salle occupée par un lac de boue, au milieu duquel, unis dans la mort, se trouvent les cadavres d’un chasseur Untamed Beast et du monstre qu’il a tué avant de périr. Et quel monstre! Il s’agit rien de moins que d’un fort beau spécimen de Raptoryx2. On ne rigole pas dans le fond! Les ornithorynques du Chaos peuvent être dangereux quand ils sont acculés, et ce n’est pas Sharp Tongue qui soutiendra le contraire, raide mort qu’il est.

Bien qu’un peu tristes de cette conclusion tragique, US Open, Flip Flop et D’ailleurs décident de rendre au défunt l’hommage qu’il mérite, en dévorant rituellement son cœur afin de bénéficier de la force du macchabée. Le buffet froid est toutefois brutalement interrompu par le réveil du Raptoryx, qui, malgré la lance lui traversant le gésier de part en part, était loin d’avoir dit son dernier coin. La triplette de ploucville n’a guère le choix: il faut finir le boulot que ce peine-à-occire de Sharpie a salopé pour espérer sortir de l’antre de la bête. Malgré leur habileté à la sagaie en os, la hachette en silex et la dague en onyx, les Untamed Beasts ne s’en sortent pas indemnes, et Open Skies change rapidement son nom en Open Guts. Son sacrifice n’est toutefois pas vain, sa sœur et son (probablement futur) beauf combinant leurs forces pour euthanasier l’impossible palmipède. La nouvelle se termine sur un nouveau gueuleton, obligeamment offert par Open Skies, qui dans la mort comme dans la vie, avait le cœur dans la main (même si, ironiquement, c’est du coup aussi vrai de Dhyer et Fleet-Foot). Mais alors que nos tourtereaux se préparent à prélever le foie gras proprement monstrueux de leur proie, les eaux du pédiluve boueux se mettent de nouveau à trembler3

1 : D’ailleurs Cawkwell insiste pour appeler le Grand Dévoreur ‘Eater of Worlds’. Ca ne vous rappelle rien? Peut-être qu’Angron vient chiller dans les Huit Pointes lorsqu’il se fait expulser du Materium par les Chevaliers Gris. 
2 : Sachant que l’individu moyen arrive à l’épaule d’un être humain, celui-ci devait être aussi grand qu’un homme. Bon, ce n’est pas Thornwinder contre Harrow (voir The Devourer’s Demand), mais tout le monde ne peut pas se battre contre des vraies créatures semi-divines. 
3 : Et? Eh bien rien du tout. Ca se termine vraiment comme ça. Etrange.

AVIS:

Je suis un peu partagé au sujet de ce Heart of the Fallen. D’un côté, il m’est agréable de constater que Sarah Cawkwell ne semble pas partie pour retomber dans ses travers Hammer & Bolteresque, sa nouvelle étant solidement construite et, mises à part quelques incongruités (comme la caverne à la sécheresse humide) et erreurs de fluff (le Raptoryx présenté comme un prédateur solitaire alors qu’il a littéralement une règle qui indique qu’il chasse en meute – oui, je suis chiant -), somme toute assez mineures, plutôt agréable à lire. De plus, l’effet de nouveauté de Warcry joue encore à plein, justifiant d’autant plus la lecture de ce genre de soumissions, intrinsèquement originales (ce que ne peuvent pas dire les nouvelles de Space Marines et Stormcast Eternals qui constituent l’ordinaire de l’habitué de la BL). De l’autre, je suis assez déçu de la platitude de l’intrigue, alors que tout semblait indiquer qu’un twist final viendrait récompenser le quidam à la fin de la nouvelle. Jugez plutôt: et si le mystérieux chasseur, qui se révèle au final n’être que ce fier-à-bras-cassé de Sharp Tongue, avait été un guerrier d’un autre tribu que celle de nos héros, et que la bête qu’il traquait avait été Sharp Tongue, horriblement muté par le Chaos? J’avoue que je m’étais drôlement hypé sur cette hypothèse, que le refus catégorique de Cawkwell de nommer son premier protagoniste m’avait fait soupçonner, puis espérer, jusqu’à ce que le pot aux roses soit découvert. On ne me retirera pas de l’esprit que Heart of the Fallen aurait eu plus d’allure avec ce petit retournement de situation final, tout à fait grimdark dans l’esprit. Et puisqu’on parle de conclusion, ce qu’a voulu faire Cawkwell en achevant son propos sur ce que j’interprète comme l’arrivée d’un nouveau monstre dans la mare au canard (mais quel canard), sans plus de précisions ni d’indications sur son origine, m’échappe encore à l’heure actuelle. La nuit porte conseil paraît-il, alors…

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I, Behemat – E. Gregory :

INTRIGUE:

Exilé de son clan après avoir joué trop de sales tours à ses petits camarades, Yaggle le Git a trouvé refuge dans une ferme (dont il a tué le propriétaire, il faut tout de même le préciser), et médite sur sa condition de génie incompris auprès du cochon qui lui sert de thérapeute. Ses réflexions cathartiques sont interrompues par l’arrachage en règle du toit en chaume de la masure, et la descente d’une main gigantesque, qui vient rafler bétail, cadavre et gobelin, avant de tout fourrer dans une musette de fort belle taille. Yaggle, qui n’est pas le dernier des abrutis, comprend assez vite qu’il a été ramassé par un Gargant, situation peu favorable s’il en est1. Profitant de la gloutonnerie du géant, qui ne peut s’empêcher de piocher dans son sac comme s’il s’agissait d’un sachet de dragibus, Yaggle s’accroche à la vache sélectionnée par le Gargant et se retrouve face à face cagoule avec HRADOTH, le plus puissant des Mega-Gargants, ou du moins se présente-t-il ainsi. De son côté, notre ruzé héros s’introduit en toute simplicité comme étant la réincarnation de Behemat, le dieu et ancêtre de tous les Gargants. Hradoth faisant remarquer avec justesse qu’il est un peu petit pour une bête zodiacale, Yaggle assure qu’il vient de renaître, et qu’il grandira plus tard. Sentant le doute s’emparer de son public, le pseudo-Behemat propose à son pseudo-descendant de lui révéler une information que seul un dieu peut connaître, et qui se trouve être l’endroit où faire le meilleur repas de sa vie. Plus affamé que brillant, Hradoth accepte et son nouvel ami le dirige droit vers le campement de son ancien clan, pour une petite revanche par Gargant interposé…

Après avoir aplati, piétiné et englouti la plupart des Gitz et leurs animaux de compagnie, Hradoth se laisse aller à une confidence digestive auprès de Yaggle. Il a lui aussi été chassé par les siens, en l’occurrence la sévère Tantine et ses trois idiots de fils (Baldoth, Qu’un Œil et Junior), après qu’il ait commis l’affront de se servir en premier à manger. Bien que ne boxant pas dans la même catégorie, Yaggle est sensible au traitement injuste que son gros copain a subi, et lui souffle quelques conseils avisés pour lui permettre de se venger de sa famille indigne. Grâce à la ruse du Git et l’avantage de taille de Hradoth par rapport à sa parentèle (qui ne sont « que » des Gargants), le duo de choc remporte une victoire probante, les trois affreux cousins mordant la poussière et Tantine étant à son tour forcée à l’exil.

Cette nuit bien remplie a fatigué Hrodath, qui se dirige dans une forêt toute proche pour piquer un petit roupillon, mais pas avant que Yaggle ne lui ait raconté une histoire pour s’endormir. How cute. De son côté, le Git décide de ne pas plus forcer sa chance, et abandonne le grand dadais dans son sommeil pour reprendre une vie normale. Ce retour sur le plancher des Squigs se passe cependant moins bien que prévu, Yaggle tombant sur une bande de guerre de chevaucheurs d’araignées, bien décidés à régler son compte au Mega-Gargant avant qu’il ne leur fasse subir le sort de leurs cousins troglodytes, dont ils ont eu vent. Embarquant Yaggle au passage dans leur vendetta colossale, ils ne se doutent pas que le Git maigrichon qu’ils ont pris en stop est le commanditaire de l’extermination de leurs voisins. Par contre, le loonboss Wazzit, seul survivant du massacre et responsable de l’exil de Yaggle, est en mesure de les rencarder sur ce petit détail de l’histoire. Ce revirement de situation force notre héros à prendre ses robes à son cou et courir réveiller Hradoth avant que le venin des araignées ne le paralyse.

Profitant du nez chatouilleux du Gargant, Yaggle parvient à sortir ce dernier de sa torpeur à temps pour qu’il écrabouille les menaçantes bestioles, et Wazzit avec par la même occasion. Cette péripétie convainc le Git, qui avoue à Hradoth n’être pas vraiment Béhémat, mais son prophète, de finalement rester coacher le grand dadais, lui promettant de lui trouver les meilleurs plans pour casser la croûte à travers les Royaumes Mortels. Après tout, la fable ne dit-elle pas qu’on a toujours besoin d’un beaucoup plus gros que soi ?

1 : Au moins ce Gargant là avait un sac, et notre héros n’a pas fini dans le pantalon du colosse, comme ça aurait pu être le cas à Warhammer Fantasy Battle.

AVIS:

Petite nouvelle fun de la part d’Eric Gregory, dans la lignée de ‘Bossgrot’. Sans grande surprise, mais avec un plaisir curieux (c’est la première fois qu’une nouvelle donne le point de vue d’un Gargant), on suit les mésaventures de ce duo de choc, pas si différent l’un de l’autre une fois la question du gabarit évacuée1. L’intrigue est très simple, et Gregory a déjà montré qu’il savait faire mieux que ça, mais ça reste tout de même sympathique à lire.

1 : Ce qui est logique parce qu’il n’y a plus de gabarit à Age of Sigmar.

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A Taste of Lightning – A. Tchaikovsky :

INTRIGUE:

La ville minière d’Ort, en Ghur, n’est pas née sous une bonne étoile. A peine établie par une cohorte de hardis mineurs humains et Duardin pour exploiter les filons des montagnes toutes proches, elle s’est révélée être à proximité d’un portail de Royaume donnant sur Shyish, et a été promptement envahie et annexée par une légion d’Ossiarch Bonereapers. Pour ne rien arranger, les expulsés doivent aussi composer avec l’arrivée de gens du voyage d’un genre particulier : la tribu ogor du Tyran Krult. Ce dernier avait prévu d’assiéger la ville pour se repaître de ses habitants, mais a la flexibilité d’esprit nécessaire pour changer le programme de la journée lorsque ses éclaireurs viennent l’informer de l’identité des nouveaux occupants d’Ort, et décréter un « peekneek » (il a appris plein de mots savants lorsqu’il était Mangeur d’Hommes) de réfugiés à la place.

Avant que les Ogors n’aient pu se mettre en marche, une délégation menée par l’érudite Lumineth Celarais demande à parler au Tyran. L’Aelf propose à Krult de changer à nouveau de plan, et de se battre aux côtés de la milice d’Ort et des Stormcast Eternals qui les ont rejoints (représentés dans l’ambassade par le taciturne Stenarius) pour reprendre la ville. En dédommagement des services rendus, les Ogors seront payés en nature par l’organisation d’un grand festin, préparé par nul autre que le célèbre chef Hugh Pen Andual, que Celarais a également fait venir, contre son gré il faut le préciser. Intéressé par la proposition mais souhaitant vérifier les credentials de celui qu’il a immédiatement rebaptisé Poignée de Poêle1 avant de s’engager à quoi que ce soit, Krult met au défi le chétif humain de relever le brouet que la Bouchère de la tribu (Brugha) a fait bouillir pour le petit déjeuner des troupes. Une tâche que le chef accomplit aisément grâce à sa réserve d’épices (qui sort très entamée de la préparation, les concepts de « pincée » et « soupçon » étant absents du vocabulaire ogor), lui gagnant l’estime de Krult et de ses fins gourmets. Ce que ces derniers ne savent pas, c’est que Pen Andual a tenté de les empoisonner pour pouvoir filer à l’anglaise, une tentative qui n’avait aucune chance de réussir dixit Celarais (Céleri pour les intimes), qui se doutait que le cuisinier allait recourir au poison pour se sortir de ce guêpier. La Lumineth, spécialisée dans l’écriture de livres de cuisine, ou quelque chose comme ça, a en effet étudié la carrière de Pen Adual et compris qu’il avait tendance à laisser ses employeurs morts ou très malades une fois qu’il décidait d’aller voir ailleurs. Une technique de mobilité professionnelle comme une autre…

Du côté d’Ort, un gentlemen’s agreement a donc été trouvé entre les factions non-mortes, qui convergent sur la ville pour en chasser les squatteurs. Grâce à l’impact apporté par les Ogors, la coalition arrive à entrer dans l’enceinte fortifiée, mais la défense inspirée du général Ossiarch (Ankahnet), l’empêche de clamer victoire. Barricadés sur la place du centre-ville, les lanciers squelettiques se montrent intraitables. Pour ne rien arranger, Krult décide de retirer ses troupes de la bataille pour aller prendre un thé à l’extérieur de la cité, au grand désarroi de Celarais. Elle ne met pas longtemps à apprendre que le fourbe Manche de Poêle s’est mis sous la protection du Tyran, qui n’a donc plus besoin de remplir sa part du contrat pour bénéficier des services du chef. Il va falloir trouver un autre moyen de convaincre les Ogors de se remettre à table…

Début spoiler…Et c’est de Stenarius que vient l’illumination. Ayant entendu Krult se plaindre qu’il n’avait jamais eu la chance de déguster un Stormcast Eternal, du fait de leur fâcheuse tendance à partir en fumée au moment de leur mort, le serviable sigmarite accepte de remédier à cette lacune et de faire don de son corps à la panse, mais seulement si Krult arrive à l’attraper. Ceci fait, il part en courant vers les combats, entraînant à sa suite toute la tribu, et se fait un devoir d’aller défier en duel le général adverse, qui le renvoie voir Sigmar en un moulinet de son épée enchantée, sous les yeux horrifiés du Tyran. Ankahnet n’aura pas le temps de savourer sa victoire, son squelette finissant éparpillé façon puzzle par un Krult furieux qu’on lui ait piqué son goûter, et sa fière légion lui emboîte rapidement le pas.

Notre histoire se termine par le banquet promis aux mercenaires ventripotents, qui acceptent de mettre les voiles après avoir fini de lécher les assiettes. Il ne fait pas de doute que la tribu reviendra voir ses nouveaux amis dans quelques temps, et que la cohabitation pourrait ne pas aussi bien se passer, mais c’est un problème pour une autre fois…Fin spoiler

1 : Panhandle en VO, jeu de mots avec Pen Andual.

AVIS:

Pour sa première nouvelle siglée Age of Sigmar, Adrian Tchaikovsky a choisi de marcher dans les pas de Robert Earl, l’auteur de référence pour la noble race des Ogres à l’époque de Warhammer Fantasy Battle1. On peut aussi lui trouver une affiliation avec Sandy Mitchell, en raison de son approche décomplexée et humoristique d’une franchise autrement plus premier degré. Le résultat est en tout cas très distrayant, parfaitement lisible, et fera plaisir aux fans des Ogors et des Ossiarch Bonereapers, deux des factions les moins gâtées par la Black Library à ce jour2. On espère aussi avoir des nouvelles de Celery et Panhandle, un duo les plus mal assortis des Royaumes Mortels et dont la suite des aventures promet donc d’être passionnante, si le très occupé Tchaikovsky a du temps à y consacrer.

1 : ‘Wild Kingdoms’, ‘The Last Little Bit’.
2 : On peut tout de même signaler que gros lards et sacs d’os se retrouvaient déjà opposés dans la nouvelle ‘Strong Bones’ de Michael J. Fletcher. L’atmosphère était bien moins bon enfant, par contre.

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The Offering – A. Clark :

INTRIGUE:

The OfferingC’est la belle sombre nuit de Noël Nost’rnight, ce qui signifie une chose pour les habitants de Breaker’s Vale, avant-poste minier de Chamon : leur offrande doit être livrée au pied de l’arbre du don sans tarder, sous peine de terribles représailles. Guidée par leur Aîné, une petite délégation de péquenauds chemine donc péniblement jusqu’au point de drop ‘n collect le plus proche, chargée des maigres richesses que les locaux ont mis de côté à cette fin au cours de l’année écoulée. Au moment de repartir se calfeutrer dans les chaumines, le jeune Narry choisit cependant d’initier sa crise d’adolescence en questionnant tout haut le choix de ses concitoyens de détourner une partie de la production de Breaker’s Vale pour payer un tribut à ce qu’il considère n’être que de vulgaires brigands. Le moment a beau être très mal choisi, l’Aîné prend sur lui de remettre le petit rebelle à sa place, en lui racontant ce qui s’est passé l’année où l’offrande n’a pas été faite…

À l’époque, Breaker’s Vale venait d’accueillir son nouveau maire, Gustav Thatcher, fils exilé pour détournement de fonds d’une grande famille azyrite. Ce châtiment n’avait cependant pas suffi pour guérir Gus de sa sale manie de truquer les registres et s’en mettre plein les poches (ou dans le cas précis, le coffre), l’édile malgré lui de Breaker’s Vale ne comptant pas rester toute sa vie à moisir rouiller dans l’arrière-pays chamoniard, et ayant besoin d’accumuler un petit pécule pour pouvoir faire son retour dans le game. Un amoureux des livres (de compte) comme lui ne pouvait donc pas manquer de rapidement remarquer les discrètes mais visibles modifications apportées par un quidam tout aussi filou que lui à son propre registre, preuve indiscutable que le PIB de Breaker’s Vale se faisait siphonner par de multiples fripouilles. On pourrait presque parler de république bananière si Sigmar n’était pas un despote (et plutôt foudroyant qu’éclairé, si vous voulez mon avis).

Guère soucieux de partager, et encore moins ravi d’avoir été pris par une andouille par ses administrés, Gustav remonta rapidement à l’origine du problème, et fit main basse sur le butin collecté par les locaux, malgré les supplications de son majordome (Saul) de laisser les habitants déposer leur offrande annuelle aux Grobbi Blackencap, sous peine de représailles. Croyant avoir affaire à une vulgaire superstition paysanne, Gustav refusa tout net, ce qui mena Breaker’s Vale à connaître une nuit très agitée, comme vous pouvez vous en douter. Mécontents de n’avoir pas reçu leur dû, les Gits locaux organisèrent une soirée à thème « Spores sur la ville », résultant en de multiples vomissements et purulences fatales parmi la population. Sauvé par le dévouement de ses gardes et le bon cœur de Saul, Gustav parvint à s’enfermer dans son coffre alors que les séides de la Mauvais Lune prenaient d’assaut son manoir, laissant son majordome s’expliquer avec les intrus. Ce fut toutefois la fourberie de trop pour l’arnaqueur de la métropole, qui se rendit compte un peu trop tard que Saul connaissait lui aussi le code de la chambre forte, et n’avait plus aucun scrupule à laisser son employeur s’expliquer en tête à tête avec la mafia gobelinoïde chamoniarde (et le Troggoth du parrain à capuche local).

Son récit terminé, l’Aîné (un Saul un peu décrépit par le poids des années) constate avec satisfaction que cette grande gueule de Norry n’a plus rien à redire au versement de la dîme, et enjoint son monde à regagner ses pénates métalliques en attendant que le soleil se lève. Comme on dit dans le coin, entre la caverne et le fungus, mieux vaut ne pas mettre le doigt.

AVIS:

Andy Clark retourne aux champignons avec ‘The Offering’, nouvelle mettant à nouveau en lumière (de la Mauvaise Lune) les déprédations micellaires des Gloomspite Gitz, quelques mois après la sortie de son roman ‘Gloomspite’. Ce court format se suffit à lui même1, et nous sert une variante AoSesque du récit classique du tribut versé par une communauté démunie à une force maléfique pour éviter les ennuis. Le déroulement de cette petite fable sera donc familier à la majorité des lecteurs, l’originalité et la valeur ajoutée de ‘The Offering’ résidant (un peu) dans les quelques descriptions graphiques des maléfices dont sont capables ces farceurs de Gitz, et (un peu aussi) dans la révélation de l’identité « secrète » de l’Aîné, qui aurait pu être aussi bien un Thatcher assagi par son accrochage avec la ruralité profonde de Chamon que le très évident Saul. À titre personnel, et ayant lu à de nombreuses reprises que Clark avait produit pour ‘Gloomspite’ des passages proprement nauséeux (ce qui est une bonne chose pour de la littérature gobeline, j’imagine), je suis resté sur ma faim : mis à part la classique mouche dans le potage – ici livrée sous sa variante d’asticot dans le pudding – et quelques inhalations de spores aux effets dermatologiques regrettables, rien n’est vraiment dégoutant. Un peu trop insipide à mon goût donc, même si l’ensemble reste très correct.

1 : On notera tout de même la présence d’un personnage nommé Saul dans les deux histoires. Comme quoi, en cas d’infestation gobeline, better call Saul.

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Strong Bones – M. R. Fletcher :

INTRIGUE:

Strong BonesJeunes Ogors idéalistes (un peu) et affamés (beaucoup), Stugkor – Stug pour les intimes et les moins dégourdis, ce qui va assez souvent ensemble chez les ogres – , Chidder et Algok décident de fuguer de leur tribu. Le but de cette manifestation, somme toute assez classique du mal-être adolescent et de la remise en cause de l’autorité établie qui va avec, est simple : trouver un campement humain dans lequel se servir directement, la consommation des restes rapportés par les vrais chasseurs du clan ne suffisant plus à nos rebelles. Aussitôt dit, aussitôt fait : le trio enfourche ses scooters débridés Ferox et part à travers la taïga hivernale, à la recherche d’une proie digne de lui. Las, les vastes étendues et la faible densité démographique de cette partie de Ghur ont tôt fait d’épuiser l’enthousiasme juvénile des teen-agers, qui peinent dans la neige et le froid pendant quelques jours avant de tomber sur le village qu’ils appelaient de leurs vœux (et de leur estomac).

Manque de chance, Stug et Cie ont été devancé par une armée de constructions squelettiques, affairées à dépecer les cadavres de leurs victimes, dans le but de récupérer les os de ces dernières. Un comportement à la limite du sacrilège pour nos Ogors affamés, qui ne comprennent pas pourquoi les morts-vivants jettent de la viande de premier choix pour se concentrer sur les parties dures des cadavres. Il y a certes de la savoureuse moelle à l’intérieur, mais tout de même ! Leurs savantes supputations sont toutefois interrompues lorsque le Soulreaper en charge de l’opération de tri et de collecte, pose son regard perçant sur les badauds bedonnants, et envoie l’un de ses Deathriders kavaler aux alentours. Confiants dans leur capacité de règler son compte au scout ossu, les Ogors piquent des deux et contre-chargent, pour des résultats assez dramatiques. Le Kavalos n’a en effet aucun mal à coup-fataler les Ferox de la fine équipe, ne laissant que Stug en état de se battre après que ses comparses aient raté le test de terrain dangereux consécutif à leur désarçonnage. Et, si l’intraitable squelette finit en esquilles, ce n’est pas sans avoir gravement blessé notre héros, et l’avoir complimenté sur sa solide ossature (ce qui revient sans doute à une déclaration d’amour lorsqu’on est soit même constitué uniquement de cela).

En rade au milieu de nulle part et confrontés à une horde de fémurs pas vraiment amicale, les trois petits ogrons décident de mettre les bouts pour avertir leur tribu de l’arrivée de ces nouveaux voisins. La course de fond étant, comme chacun sait, une spécialité des morts-vivants, et voyant la partie mal engagée, les Ogors se séparent, espérant qu’au moins un d’entre eux parviennent à bon port. La fin de la nouvelle est ainsi centrée sur Stug, qui après un vaillant effort, finit par cesser sa course pour faire face à l’inévitable. Les Bonereapers prenant les choses de la guerre très au sérieux, notre vaillant gros lard a l’occasion de prouver sa valeur en concassant un certain nombre de champions ennemis, jusqu’à ce qu’un Stalker vienne finir le job. À l’agonie, Stug ne peut même pas tirer un peu de fierté de la réussite de son plan de contingence, Chidder et Algok ayant déjà été calcifiés par les sbires de Nagash, comme notre héros vaincu ne peut que le constater alors qu’il gît dans la neige. Et quant au sort de sa tribu, il est également scellé, comme lui apprend l’aimable Soulreaper de faction : ses sortilèges lui permettront de prendre possession des souvenirs de sa prochaine victime en même temps que de sa dépouille mortelle. Moralité : ventre affamé n’a pas d’oreilles, mais attention à ne pas tomber sur un os.

AVIS:

Fletcher signe une nouvelle aussi solide que les os de ses malheureux personnages, dont l’un des attraits est la mise en avant de deux factions encore assez peu couvertes par la Black Library à ce jour : les Ogors et les Ossiarch Bonereapers. Si le propos de ce Strong Bones est avant tout de permettre aux petits derniers de Nagash (décidément un family man) de faire leur entrée dans le monde (ou plutôt, dans les Royaumes), Fletcher se révèle également assez habile dans l’utilisation de Stugkor, Chidder et Algok, et parvient à donner une bonne image de la mentalité et du quotidien des Ogors. Au final, on ressort de cette lecture avec une meilleure image du danger que représentent les Ossiarch pour les autres factions d’Age of Sigmar, ainsi qu’avec une description crédible d’une des plus discrètes de ces dernières. Que du bonus.

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Fangs of the Rustwood – E. Dicken :

INTRIGUE:

Fangs of the RustwoodChargé d’escorter les trois suspects de l’assassinat du Gouverneur Bettrum de la cité d’Uliashtai, en Chamon, le Répurgateur Kantus Val(l)o de l’Ordre d’Azyr décide de couper à travers bois pour rallier au plus vite la cité d’Eshunna, où les geôles spacieuses et les tortionnaires attentionnés de l’Inquisition sigmarite auront tôt fait de délier – ou d’arracher, à défaut – les langues des gardés à vue. Ces derniers, mis à part un bon motif d’en vouloir à feu Bettrum, n’ont pas grand-chose en commun. Notre triumvirat de crapules se compose en effet du mage geignard et prophétique (un vrai Nighthaunter d’Age of Sigmar) Elabrin, de l’empoisonneuse patentée Garrula Heko, et de la Capitaine édentée de la garde d’Uliashtai, simplement nommée Lim.

Le choix de Kantus d’emprunter la route traversant le Bois de Rouille ne s’avère guère brillant (ce qui est normal, car l’oxydation du fer corrode le métal), mais plutôt tranchant, la flore acérée de Chamon forçant la petite troupe à jouer de la hache pour se frayer un chemin sous les frondaisons métallisées. Ayant profité d’une halte pour cuisiner ses prisonniers, le Répurgateur doit mettre en pause son interrogatoire lorsqu’une de ses gardes se prend les pieds dans le tapis et choit lourdement dans une fosse tapissée de pieux empoisonnés (piejâkon#1). N’écoutant que son courage, Kantus… accepte qu’un des collègues de la malheureuse aille la repêcher au fond de son trou. Il donne cependant de sa personne en faisant contrepoids au bout de la corde, mais une autre fausse manœuvre des plus ballotes déclenche prestement la détente d’une tige épineuse… empoisonnée (piejâkon#2), qui met le bon samaritain en PLS, juste avant que Kantus ne le laisse carrément aller se pieuter en sous-sol lorsqu’un Gobelin des Forêts juché sur une araignée géante décide de s’inviter à la fête en hurlant « I am Groot! ». L’invité mystère ayant intoxiqué l’un des deux gardes restants de notre héros, ce dernier est colère et règle leur compte aux nuisibles de quelques moulinets bien sentis, avant d’aller s’enquérir du bien-être de ses charges (une enquête de l’IGPN est si vite arrivée).

Le dialogue qui s’engage a vite fait de convaincre Kantus de l’impératif catégorique de laisser les gredins lui prêter main forte afin d’avoir une chance de se sortir du guêpier arachnéen dans lequel il s’est jeté. Rendant à ses prisonniers leurs armes et équipements en échange d’une vague promesse de bien se comporter (quel laxisme), Kantus les entraîne vers l’orée du bois, dans l’espoir un peu vain de distancer les Grots dont les tambours commencent à résonner dans les fougères. Ce qui devait arriver arrive lorsque notre petite troupe, au casting digne du JDR Age of Sigmar s’il était sorti (un Chasseur de Sorcières, un Mage, un Guerrier, un Rôdeur et un PNJ à DLC courte), débouche dans une clairière où l’embuscade des peaux vertes se déclenche. Bien aidé par le sort de pointeur laser inversé et préemptif d’Elabrin1, les humains ne s’en sortent pas trop mal dans un premier temps, les carreaux empoisonnés de Garrula et les coups d’épée de Kantus et Lim prélevant un lourd tribu dans la biodiversité du Bois de Rouille. Hélas, comme il l’avait prédit, le mage se fait capturer au lasso, et si son noble – et pas du tout consenti – sacrifice permet de gagner un peu de temps à ses comparses pendant qu’il se fait torturer à mort dans un bosquet, la situation n’est pas brillante pour ces derniers…

Début spoiler…réduits au nombre de deux après que Kantus ait constaté le décès inopiné de la dame de carreau(x). Fichtre. Enjoint par la vétérane Lim de quitter les lieux le plus rapidement possible, notre héros décide de faire du zèle en collectant les armes de Garrula, qui pourront peut-être permettre d’identifier le tueur du Gouverneur Bettrum, si on venait à retrouver une trace d’un poison similaire à celui utilisé pour pourrir (littéralement) l’édile sur les lames de l’empoisonneuse. Une bonne action ne restant jamais impunie, le Répurgateur se fait prestement attaquer par Brienne de Tarth (dans ta gu*ule), après avoir constaté que Garrula a connu la même fin que l’infortuné Gouverneur, révélant Lim comme la coupable des deux meurtres. Cette dernière trouvait en effet que cette grosse bête de Bettrum utilisait bien mal les forces de l’Ordre, et que son incapacité notoire à s’occuper de l’infestation Grot couvant dans le Bois de Rouille condamnerait à terme Uliashtai à la Destruction. Ca se tient, ça se tient, y a pas à dire. 

Insensible aux arguments de la soldate, Kantus l’est beaucoup moins à ses bottes vachardes, et l’idée de son trépas prochain lui travers l’esprit en même temps que l’épée de Lim fait de même avec sa panse. Abandonné à son triste sort par l’intraitable Capitaine Marlim, Kantus devrait se dépêcher de mourir s’il ne veut pas goûter à l’hospitalité légendaire des tribus Spiderfang…Fin spoiler

1 : En gros, on voit une petite lumière s’allume à l’endroit où un projectile va finir sa course une seconde avant que le coup parte, très pratique pour la balle au prisonnier et l’esquive de flash ball).

AVIS:

Evan Dicken nous revient après ses débuts très convaincants (The Path to Glory), toujours à Chamon mais cette fois à l’époque contemporaine1, avec une histoire se voulant un match-up d’enquête policière (Mais qui a tué le Gouverneur Bettrum?) et de sword & sorcery. Si la brièveté de son propos ne lui donne pas la possibilité  d’exceller dans l’un ou l’autre de ces exercices, le meurtre de Bettrum se résolvant sans grande révélation, et la baston finale, pour honnête qu’elle soit, n’étant en rien mémorable, Dicken déroule cependant son récit avec sérieux, ce qui rend la lecture de The Fangs of the Rustwood plaisante. L’auteur réussit assez bien à faire ressortir la nature sauvage et dangereuse des Grots des Forêts, qui n’ont pas grand-chose de marrant lorsqu’on se retrouve nez à chitine avec leurs araignées géantes. Il parvient aussi à maintenir une tension narrative digne de ce nom, d’abord en jouant sur l’identité secrète du tueur, puis sur le destin attendant le héros. Venin sur le crochet, le fluff n’est pas absent de ces quelques pages, ce qui est tout bénef. Bref, ce (plus) court format permet à Dicken de cimenter son statut de Hot New Talent de la BL, et l’une des plumes à suivre d’Age of Sigmar dans les mois à venir.

1 : Même si des références à son cher empire Lantique et à la cité d’Uliashtai, qui avaient été mis à l’honneur dans cette première nouvelle, se retrouvent tout au long du texte.

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The Threshold – D. Annandale :

INTRIGUE:

The ThresholdBien qu’il lui en ait beaucoup coûté, aussi bien physiquement (bras gauche, œil droit, rotules…) que mentalement, le Seigneur Ormand a réussi à atteindre le but qu’il s’était fixé : libérer sa cité de Lugol de la domination de Nagash et de Neferata. Ce qui n’est pas un mince exploit quand on réside au cœur de Nefaratia (le royaume personnel de la Mortarque du Sang), et que l’on ne peut plus compter sur les Stormcast Eternals de l’affable Sigmar pour faire service d’Ordre. Au prix de mesures drastiques (interdiction des cimetières, crémation obligatoire en dehors de la ville le jour même du décès) et arcaniques (mise en place d’un sceau magique autour de la ville pour en interdire l’accès à tous les morts vivants), Lugol est devenu indépendant, et Ormand a la satisfaction de pouvoir passer ses derniers jours avec la satisfaction du devoir accompli.

Alors qu’il effectuait sa balade quotidienne jusqu’aux ruines de la passerelle qui reliait précédemment la forteresse de la cité à la passe de Blindhallow, détruite lors de l’ultime siège subi par la cité1, notre héros à la désagréable surprise de se faire héler par nulle autre que Nefarata, venue par Adevore express tailler le bout de gras avec celui qui a osé la défier. Assise posément de l’autre côté de l’abîme, la Mortarque ne semble pas nourrir, ou boire, de mauvaise intention envers Ormand, et se montre simplement curieuse à propos des ambitions poursuivies par le mortel à travers cette émancipation « amortelle ». D’abord suspicieux, et on le comprend, Ormand se laisse finalement convaincre de revenir dialoguer le lendemain, malgré les protestations de sa fille et héritière Kristane, qui flaire un coup fourré de la part de la vamp. La conversation reprend donc, et après avoir flirté un moment avec la haute philosophie (Nefarata demandant à son interlocuteur que valait une liberté achetée au prix d’une peur et d’une vigilance constante2), finit par porter sur le crépi (Nefarata trouve que l’extérieur de Lugol est tristounet) et les divertissements (Nefarata est convaincue que les Lugolois s’ennuient à – presque, vue que c’est interdit – mourir). Ormand n’a beau ne pas être d’accord, il peine à contredire son adversaire, et passe une très mauvaise nuit à imaginer des répliques percutantes qu’il aurait pu lui sortir pour lui rabattre le caquet.

À son réveil, cela va tellement peu fort qu’il se persuade rapidement que son heure est arrivée. N’ayant donc plus rien à perdre, ni à craindre, il tue le temps en attendant d’aller poursuivre son entretien avec une vampire en faisant un petit tour en ville, où, effectivement, ce n’est pas la joie qui étouffe ses sujets. Qu’importe pour Ormand, dont la thanatophobie militante s’accommode bien de quelques sacrifices. C’est donc le cœur léger mais le souffle très court que le vieil homme rejoint son siège près du pont, pour une ultime joute verbale avec la Reine des Mystères…

Début spoiler…Qui évidemment, ne s’est pas tapée le voyage depuis Nulahmia et deux nuits en camping sauvage au pied des murailles de Lugol pour repartir bredouille. Comme craint par la sagace Kristane, Nefie avait un plan pour reprendre le contrôle de la cité : donner à Ormand le baiser de sang pour en faire son serviteur. Sans blague. La vraie question est de savoir comment elle va s’y prendre, étant donné que l’accès de la ville lui est impossible, et que notre héros n’est pas assez bête pour l’inviter à entrer. Eh bien, par l’hypnose, pardi ! Nefarata baratine quelque peu son public sur la « joie du sang » et la « beauté de la mort », et quand elle claque des doigts, Ormand est devenu son vassal. Simple, basique. // Ta Gueule, C’est Magique. Pas la peine d’être plus précis, cette histoire est déjà finie. Ormand pète le sceau protecteur le soir même, convertit sa fille à l’hématophilie, et l’envoie ouvrir la porte à Neferata, qui prend possession de Lugol comme si de rien n’était. Une reconquête sans arme ni haine ni violence, ça se respecte.Fin spoiler

1 : Quand il dit qu’il coupe les ponts, il ne fait pas semblant.
2 : Ormand, qui a fait un bac pro et pense que Kierkegaard est une marque de baskets, ne sait pas trop quoi répondre.

AVIS:

David Annandale retombe dans ses travers passés de jemenfoucécool-iste décomplexé avec la conclusion de ‘The Threshold’, qui était pourtant assez plaisant jusqu’à ces fatidiques deux dernières pages. Les bonnes idées de l’auteur, telles que donner le beau rôle à l’adversaire de Neferata, ou privilégier la réflexion (pseudo) philosophie à l’action frénétique, se retrouvent en effet battues en brèche par le dénouement proprement scandaleux que l’auteur nous sort de son stylo, justifié par une pauvre phrase balancée par Nefarata au détour d’un paragraphe1, comme si de rien n’était. Au-delà du fait qu’il ne faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour cafards volages, et que ce qu’a fait Annandale correspond à annoncer « bombe nucléaire !!! » dans une partie de chifoumi, cela ouvre une longue et large faille de « mais si…, alors… » dans le background, ce qui est cher payé pour pouvoir offrir un twist final à une nouvelle de 12 pages. À moins qu’il soit de notoriété publique et fluffique que dans Age of Sigmar, on peut donner le baiser de sang par message vocal, auquel cas, je retire mon accusation d’opportunisme narratif envers Annandale. Mais on ne me retirera pas de l’esprit qu’il y avait moyen de faire, et surtout, de finir, mieux que ça.

1 : “VaMpIrIsM cAn TaKe MaNy FoRmS.

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The Wolf and the Rat – C. L. Werner :

INTRIGUE:

The Wolf and the RatScandale à la cour de Radukar le Loup, sanguinaire car vampirique maître de la cité d’Ulfenkarn, en Shyish. Une précieuse relique a été dérobée dans la crypte où elle sommeillait depuis des lustres, plongeant notre atrabilaire héros dans une colère noire (logique) : on lui a volé son doudou !!! Ah, on me dit dans l’oreillette qu’il s’agit en fait de la pelisse du vampire qui lui donné le Baiser de Sang, ce qui est un peu plus classe, mais beaucoup moins drôle, que ma version des faits. Je m’incline de bonne grâce et reprends le cours de mon récit.

On apprend rapidement que le crime à peine commis est déjà revendiqué par une coterie de suceurs de sang ne goûtant pas au règne sans partage de Radukar sur son fief, et souhaitant, d’après les mots bredouillants de leur émissaire, le froussard Valac Chrobak, seulement remettre au goût du jour le conseil municipal, où Loulou aurait bien sûr un siège. Le messager ayant raté son test de charisme de façon critique, il est expédié dans la post non-vie par les gardes du corps Ogors de Radukar, qui décide de prendre les choses en main. Sachant que les ravisseurs de courtepointe lui ont donné rendez-vous dans le quartier des docks pour procéder à l’échange, il en prend le chemin sans tarder, confiant dans le fait que sa Sénéchale, l’ex-pirate tournée vampiresse (vive les reconversions professionnelles, franchement) Natasyia, sécurisera discrètement le périmètre avec les squelettes de la garde municipale, au cas où l’affaire s’envenimerait.

Sur place, il retrouve une vieille et funeste connaissance, le Prince des Rats Kritza, un noble dévoyé (vampire lui aussi, évidemment) qui a pris la tête de la cabale lupophobe après que Radukar l’ait laissé pour mort suite à un petit accrochage autour de la machine à café. Kritza et son corps de lâche ne sont évidemment pas venus seuls : une petite bande de petites frappes à canines pointues a fait le déplacement, afin d’équilibrer un peu les choses entre Rad’ the Chad et Kritza le Rat. Sans surprise, l’entrevue se passe moyennement, chacun campant sur ses positions, jusqu’à ce que Natasyia arrive avec les renforts promis pour précipiter la résolution du litige…

Début spoiler 1…Seulement, cette fourbe de flibustière repentie jouait en fait du côté de Kritza. C’est d’ailleurs elle qui a dérobé la peau du père de Radukar, et l’a remise aux conjurés. Les griefs de Nat’ sont simples : elle en veut à son boss de ne lui avoir pas dit qu’être un vampire créait un grand vide spirituel, ce qui était pourtant assez facile à prévoir en réfléchissant deux secondes au concept de non-vie. Heureusement qu’il n’y a pas de termes et conditions dans les Royaumes Mortels, ce serait un véritable carnage. Quoiqu’il en soit, Radukar se retrouve finalement isolé et encerclé au milieu des épaves pourries (je ne parle pas des vampires) du port, ce qui n’est pas une situation enviable. Le plan de Kritza est simple : mettre le feu à l’une d’entre elles et faire pousser le seigneur d’Ulfenkarn dans le brasier par le cordon de sécurité squelettique rameuté par Natasyia. Aussitôt dit, aussitôt fait. A moins que…

Début spoiler 2…A moins que ce rusé de Radukar ait flairé la combine à des kilomètre grâce à sa truffe de loup, et ait pris des mesures de contingence pour piéger les piégeurs. Il désactive ainsi les squelettes d’une simple commande vocale1, et fait signe à ses fidèles Ogors zombies de sortir des coulisses avec leurs pieux de fonction pour châtier les trublions. Ce retournement de situation pousse la clique de Kritza à tenter de rusher Radukar, avec des résultats… médiocres. Un peu plus réfléchie, Natasyia se saisit de la pelisse convoitée par son ex-patron, et fait mine de la jeter dans les flammes de l’épave s’il ne la laisse pas partir. Manque de bol, en tant que « fille » de Radukar, elle découvre bientôt que braver la volonté paternelle n’est pas une sinécure, et finit par apporter gentiment la fourrure au brasier, et elle avec par la même occasion, lorsque le pater familias lui ordonne. Reste Kritza, qui en tant que personnage nommé avec une figurine dispose d’une sauvegarde invulnérable en sigmarite, et se tire donc d’affaire avec son special move, l’effervescence murine. La nouvelle se termine sur ce tableau théâtral, Radukar jurant sur ses grands morts d’éradiquer la menace surmulote sans aucune merci. Prend des notes, Anne Hidalgo.Fin spoiler

1 : J’imagine que chacun squelette avait une dent bleue au fond de la mâchoire.

AVIS:

Nouvelle d’accompagnement du livre qu’il a consacré à la dynastie Vyrkos (‘Cursed City’), qui n’était lui-même qu’un produit dérivé de la boîte de jeu éponyme, ‘The Wolf and the Rat’ sent franchement le réchauffé. Les fortes contraintes scénaristiques avec lesquelles il a dû composer pour écrire cette nouvelle, dont tous les personnages nommés devaient réchapper, ont amené le vétéran Werner à nous servir de la soupe littéraire, qui n’intéressera à la rigueur que les lecteurs souhaitant creuser le lore d’Ulfenkarn, bourgade mineure de Shyish et bac(kground) à sable patenté. Mêmes les surprises que l’auteur souhaitait ménager en guise de twists finaux tombent à plat, faute d’alternatives crédibles à l’inénarrable trahison-du-bras-droit-secrètement-insatisfait, contrée aussi sec par la toute aussi fameuse prévoyance-de-vieux-briscard-qui-ne-faisait-que-donner-le-change-mais-qui-avait-tout-pigé-depuis-longtemps. C. L. Werner fait généralement beaucoup mieux quand on le laisse s’amuser avec des ratons, et on peut donc classer cette nouvelle parmi ses moins réussies pour le compte d’Age of Sigmar.

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A Tithe of Bone – M. R. Fletcher :

INTRIGUE:

A Tithe of BoneMarkash, champion de Tzeentch de son état et philosophe bavard à ses heures perdues (il commence la nouvelle en dictant ses pensées sur la destinée à son scribe Palfuss1) a été envoyé par ses patrons conquérir la ville de Knazziir, en Shyish, histoire d’apprendre à ce vieux chnoque de Nagash que le changement, c’est maintenant. Persuadé d’avoir hérité d’une destinée grandiose, il ne doute pas un instant de réussir là où son ancien mentor, le légendaire Ammerhan, a failli. Cet autre Élu de Tzeentch a en effet cessé de poster sur Instagram peu de temps après avoir commencé sa campagne necrophobe, ce qui laisse à penser que les indigènes ont eu sa peau, ou plutôt, ses os. Ayant réussi à enlever Knazziir en un après-midi de glorieux combat, Markash a passé les dernières semaines à la défendre contre les attaques, à vrai dire mollassonnes, des âmes damnées du grand Nécromancien, qui poppent au petit bonheur la chance de façon régulière. Cela lui laisse donc beaucoup de temps pour enrichir son corpus philosophique, même si son humeur reste, comme son épée démoniaque Ktchaynik2, massacrante (en témoignent les volutes de fumée noire exhalées par les joints de son armure). Alors qu’il était sur le point de revisiter ‘I Had a Dream‘ à la sauce samouraï architecte (du changement), il est interrompu dans son exposé par l’arrivée de son bras droit, le chevalier Stayn Lishik, qui lui annonce que des « morts bizarres » se sont présentés à la porte de Knazziir. Remisant ses souvenirs d’enfance dans sa psyché éclatée, Markash sort de son isolement pour voir de quoi il en retourne.

Effectivement, un petit groupe ossu patiente obligeamment devant les murs de la cité. Menés par un Mortisan Soulreaper très poli, les collecteurs de Nagash demandent que la dîme d’os leur soit remise. « Des os neufs » précise Morty, après que Markash lui ait fait remarquer que les alentours de la ville étaient tapissés de cadavres en plus en moins bon état. Le Nag’ ne fait pas dans la seconde main (ni pied, ni jambe, ni cage thoracique) pour son élite combattante, c’est bien connu. Peu impressionné par les envoyé mortifères, Markash décide d’aller se dérouiller les solerets et entraîne quelques uns de ses suivants avec lui – laissant la cité aux mains avides de Stayn Lishik en son absence – pour débiter de l’os à moelle. La bataille qui s’en suit se révèle cependant bien plus accrochée que ce à quoi s’attendait le champion de Tzeentch, qui voit ses guerriers se faire abattre, dépecer et recyclerpar les sac d’os, tandis que lui se trouve fort occupé à repousser les assauts d’un Necropolis Stalker en furie, dont l’un des aspects et des crânes se révèle être occupé par feu (rose de Tzeentch) Ammerhan. Après avoir mis son ancien professeur K.O./Chaos, Markash doit recommencer avec un duelliste Aelfe, un Stormcast Eternal, et une maîtresse bâtonnière bien vénère, qui prélèvent chacun un peu de son endurance et quelques éléments de son anatomie au passage. Finalement vainqueur de ce 1 vs 4 imprévu, et seul survivant de l’équipe anarchiste (je ne compte pas Palfuss, qui se contente de prendre des notes dans un coin), Markash exulte un court instant… avant de se faire prendre la tête d’un coup de faux par le Mortisan Soulreaper de garde. Pas très fair play, ça.

Par un étrange revirement de situation, peut-être dû à l’endroit où se déroule le récit, ce n’est pas la fin pour notre champion déchu, qui contemple d’un air (et d’un crâne) détaché son corps être collecté par les Ossiarchs, et sa tête incorporée au Stalker qu’il venait de vaincre, en remplacement de ce bon à rien d’Ammerhan. Sonné par l’expérience, il se « réveille » un peu plus tard dans son nouveau corps, totalement rallié à la cause du Nag’ grâce aux bons soins des Mortisans Soulmasons, qui ont remplacé toutes les mentions de Tzeentch dans son code interne par Nagash. Voilà un bel exemple d’économie circulaire appliquée. Les Soulmasons ne l’ont toutefois pas débarrassé de sa croyance en la destinée, et Markash se fixe donc le but de grimper dans la hiérarchie des Ossiarch Bonereapers jusqu’à devenir Katakros à la place du Katakros4. Il faut bien avoir des rêves dans la (non) vie. L’histoire se termine avec le retour de notre héros devant Knazziir, où il a le plaisir de défier en duel son ancien assistant de direction, qui n’a pas fait grand-chose pour venir à son secours lorsqu’il en avait eu besoin. Le combat entre un Markash calcifié et un Stayn Lishik sur-stuffé (il a récupéré l’épée de son patron) est rapidement expédié, et le vaincu mis à profit pour construire un petit Kavalos (triste destin pour un chevalier du Chaos). Comme quoi, il n’est jamais trop tard pour opérer une réorientation professionnelle dans le monde merveilleux d’Age of Sigmar.

1: Vu de loin, on aurait dit Hitler dictant ses pensées à Rudolf Hess, sauf que le livre se serait appelé ‘My Change’ au lieu de ‘Mein Kampf’.
2: D’où dérive ce cri de guerre bien connu: « Ktchaynik, Ktchaynik,Ktchaynik… Aïe Aïe Aïe ».
3: Les Ossiarch Reapers ont bien des défauts, mais ce sont les champions incontestés du tri sélectif des Royaumes Mortels.
4: Ce même sentiment le pousse à bolosser ses camarades de crâne, sur lesquels il a prouvé sa supériorité. Il existe donc dans les armées de Nagash un Necropolis Stalker qui n’utilise qu’un seul Aspect – l’aspect de Bogosserie – pour tataner ses adversaires. C’est ce qui s’appelle avoir une nuque roide. 

AVIS:

Soumission sympathique de la part de Michael Fletcher, A Tithe of Bone permet au lecteur d’en apprendre un peu plus sur la nouvelle faction des Ossiarch Bonereapers, et plus particulièrement, sur les mortels Necropolis Stalkers que notre héros finit par rejoindre, d’abord à sa tête défendante. Si le titre et la structure de la nouvelle permettent au lecteur d’anticiper le triste destin de Markash, que l’auteur arrive bien à « caractériser » dans les quelques pages qui précèdent sa dernière sortie en ville, le choix de Fletcher de poursuivre la narration après la décapitation de son héros, pour surprenante (dans le bon sens) qu’elle soit, lui permet d’explorer plus en profondeur les arcanes et le fonctionnement de troupes de choc de Nagash. On sort de cette nouvelle avec une meilleure idée du potentiel et de la dangerosité des Ossiarch Bonereapers, qui ne sont définitivement pas venus dans les Royaumes Mortels pour faire de la figuration. Do fear the reapers

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Voilà qui conclut cette revue de Conquest Unbound, et je me dois de terminer en soulignant que la qualité de cette anthologie m’a semblé être significativement supérieure à celle des autres recueils publiés par la Black Library ces dernières années. Certes, la sélection compte quelques points faibles (sur plus de vingt nouvelles, c’était couru d’avance), mais la grande majorité des soumissions méritent le détour. Ce constat concerne particulièrement les six inédits de Conquest Unbound, qui figurent tous dans la tranche haute des courts formats de la GW-Fiction, et font donc de ce bouquin une référence pour qui s’intéresse aux courts formats d’Age of Sigmar. Rendez-vous très prochainement pour la revue du pendant grimdark de ce pavé de high fantasy, Only War.

BLACK LIBRARY 2016 ADVENT CALENDAR [40K – HH – AoS – BB]

Bonjour et bienvenue dans une nouvelle chronique sponsorisée par Time Spiral, puisque publiée des années après la sortie de l’objet ici revu. Il faut croire que je deviens de plus en plus nostalgique avec le passage des années (et que j’ai davantage les moyens d’acheter au prix fort les nouvelles nécessaires à cette nouvelle passion que par le passé)… Il sera ici question des nouvelles (mais pas que) rassemblées par la Black Library dans son calendrier de l’Avent 2016. Vous savez, cette année que l’on a tous considéré comme étant la pire de notre vie (RIP toutes les stars) jusqu’à ce qu’un drôle de virus à couronne s’invite sur le devant de la scène. Aaaah, que nous étions jeunes et naïfs à cette époque.

Black Library 2016 Advent Calendar

Cette année-là, la BL avait fait le choix de mixer les nouvelles avec les audio dramas, que je laisse généralement en dehors de mes revues pour la bonne et simple raison que je n’ai jamais accroché avec ce format. La magie des rééditions successives a toutefois fait que certains des podcasts de 2016 ont bénéficié depuis lors d’une sortie papier, ou en tout cas écrite, en bonne et due forme. Cela m’a permis de ratisser plus large que prévu, et de ne laisser hors du coup que trois des vingt-quatre soumissions de cette édition. Pas mal du tout.

Au programme, l’une des sélections les plus éclectiques jamais proposées par l’Adeptus Nottinghamus, puisque l’on y trouve du 40K, de l’Hérésie d’Horus, de l’Age of Sigmar et du Blood Bowl (pour la seule et unique fois, so far), avec une forte teneur en grimdark (18/24) il faut toutefois le souligner. Côté contributeurs, que du classique, même si on peut souligner que J. C. Stearns fit ses débuts dans la GW-Fiction avec le ‘Wraithbound’ inclus dans ce calendrier (et que l’increvable Josh Reynolds signe 4 nouvelles à lui tout seul). A l’inverse, 2016 fut la dernière année où Dan Abnett et Rob Sanders nous firent l’honneur d’une participation (so far, là encore). Ceci étant dit, il est plus que temps de mettre en marche la machine à remonter le temps, et à revenir quelques années plus tôt pour juger de la qualité de la prose made in BL de l’époque.

Advent Calendar 2016

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Perpetual – D. Abnett [HH] :

INTRIGUE:

PerpetualNous avions laissé l’increvable Oll Persson (45 mille ans au compteur au dernier contrôle technique) et sa petite bande de survivants de Calth embarqués dans un trek spatiotemporel pour rejoindre Terra et… aider Pépé dans son heure de besoin (le soutien moral, ça compte aussi) à la fin de ‘Unmarked’. Il est temps de prendre des nouvelles des voyageurs intergalactiques, deux ans plus tard1, et leur situation n’est pas idéale. En fait, elle est même plutôt moyenne : cela fait deux ans que notre fine équipe végète sur une planète anonyme à la fin de M23, et la boussole magique utilisée par Persson pour trouver son chemin dans le multiverse of madness ne réagit absolument plus, malgré toutes les tentatives de relocalisation et de redémarrage initiées par le Perpétuel. En cause, soupçonne le sagace Persson, le graaaaaaaand trou dans le sol qui occupe le centre de la cité d’Andrioch à côté de laquelle les fugitifs se sont installés : probablement causé par un mechnivore affamé pendant la révolte des hommes de fer, il s’étend dans plusieurs dimensions, y compris celle du Warp, et rend donc le GPS de notre héros non-fonctionnel.

Alors qu’il réfléchit sérieusement à retourner sur ses pas, malgré les instructions spécifiques laissées par son pote (et également Perpétuel) John Grammaticus, qui l’a mis sur ce pire bail à sa place du fait de son absence de potentiel psychique, ce qui lui permettra de se faufiler sur Terra sans se faire griller par les alarmes Warp de Pépé, Oll reçoit la visite du Gram’ en personne. Il s’agit bien sûr d’une projection télépathique, mais à conseiller retraite disponible, on ne regarde pas les dents comme on dit à Andrioch. John révèle ainsi à son factotum qu’il est responsable de cet encalminage prolongé, ayant influencé sur l’astrolabe étherique de Persson pour l’envoyer dans cette impasse, afin de l’empêcher de rejoindre Cadia où l’attendait des assassins de la Cabale. Maintenant que cet impondérable est géré, il enjoint son compère pétuel de reculer d’une case planète afin de pouvoir reprendre sa course vers le monde Trône dans de meilleures conditions. Un petit demi-tour spatio-temporel, rien de grave…

Début spoiler…Seulement, n’est pas Grammaticus qui veut, et l’aimable interlocuteur de Persson n’est pas ce dear John, mais un agent de l’Alpha Legion avec un faux nez (et une falsehood cloak, ok). Vieille perssonne serait tombée dans le panneau sans l’intervention impromptue d’une de ses camarades (Katt), qui lui permet de remarquer que pour une projection psychique, John déplace tout de même beaucoup les graviers au sol quand il bouge. Un coup d’athame dans la carotide du faquin (l’usurpation d’identité, c’est moche) pour lui régler son compte, et il est temps pour nos héros de repartir en vadrouille, cette tentative d’assassinat démontrant que leur position a été détectée par leurs ennemis. En désespoir de cause, Oll propose à ses acolytes de tenter un saut dans l’inconnu et de se tailler une bavette divine avec son canif magique. La nouvelle se termine avec une séance de base jump dans le cratère d’Andrioch, suivie probablement d’un cri de rage de Khorne après qu’il se soit fait entailler la fesse gauche par l’opinel de Persson. La suite au prochain épisode.Fin spoiler

: Ce qui est marrant, c’est que ce délai est encore plus long in real life, Abnett ayant écrit ‘Unmarked’ en 2013 et ‘Perpetual’ en 2016. Encore un coup de la théorie de la relativité.

AVIS:

Dan Abnett revient faire (un peu) avancer l’intrigue de l’un des sous-arcs narratifs les plus singuliers et, je dois dire, plaisants de cette fin d’Hérésie dans ce ‘Perpetual’, qui donne finalement plus d’infos sur la mythique rébellion des hommes de fer des temps jadis que sur les tenants et les aboutissants de la quête de Persson et ses comparses. Comme on sait de longue date qu’il arrivera à bon port et aura son moment de gloire pendant le Siège de Terra, ce sur-place n’est pas rédhibitoire, et Abnett est suffisamment expérimenté pour meubler cette petite péripétie avec tout ce qui fera battre nos cœurs de fanboys et girls plus fort. Goûtu.

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The Maiden of the Dream – J. French [40K] :

INTRIGUE:

The Maiden of the DreamC’est l’heure du contrôle technique psychique pour Mylasa, Psyker Primaris recrutée par l’Inquisiteur Covenant pour le seconder dans sa lutte contre l’Archennemi. Surnommée la Demoiselle du Rêve, Mymy possède un pouvoir peu banal, celui de s’approprier les souvenirs des individus qu’elle côtoie, ce qui lui permet aussi bien de percer à jour leurs secrets les plus intimes que, au besoin, effacer de leur mémoire des informations trop dangereuses pour leur propre bien1. Pur produit de la Scholastia Psykana, notre héroïne a évidemment dû payer un tribut exorbitant pour devenir la Psyker accomplie et redoutable qu’elle est, en l’occurrence, sacrifier la totalité de ses propres souvenirs. Le test auquel elle est donc soumis consiste à une sorte de course poursuite mâtinée de visionnage de clips YouTube (sans les pubs, car l’Inquisition a les moyens de vous faire parler/de ses ambitions), pendant laquelle elle revit des bribes de la vie d’autres personnes, avant d’être confrontée – généralement après un épisode traumatique – par son examinateur, qui lui pose la même question : « qui est-elle ?2 »

Nous suivons donc les péripéties de Mylasa-Yaygus-l-assassin, Mylasa-Ilk-la-Psyker-embarquée-par-les-Vaisseaux-Noirs, Mylasa-Verrun-l-héritière-alcoolique-qui-deviendra-plus-tard-l-Inquisitrice-Idris, chaque flashback d’emprunt étant séparé du suivant par un passage par la loge commentateurs, où le brave prêcheur Josef est de plus en plus en nage de voir sa collègue de travail prendre physiquement très cher au cours de son grand oral. Enfin, le dernier tableau se met en place, et Mylasa fait face à son examinateur dans un ultime rêve, où la fatidique question lui est posée une ultime fois…

Début spoiler…Et à laquelle elle répond « Chais pô ». Ce qui est la bonne réponse, car le moindre souvenir de sa vie passée (durant laquelle, à un certain point, elle a subi le grave accident qui l’a laissée tétraplégique) l’aurait condamné à une exécution sommaire. La nouvelle se termine toutefois sur un sourire de connivence que Mylasa se fait à elle-même du fond de son inconscient le plus profond, ce qui pourrait signifier qu’elle cache en fait son jeu. Faudrait demander à Christopher Nolan de lire la nouvelle pour en être sûr.Fin spoiler

1 : Voir par exemple ‘The Purity of Ignorance’, également de French.
2 : Faut le dire avec la voix du Père Fourras, c’est beaucoup plus marrant.

AVIS:

John French se paie un petit trip à la Inception dans cette nouvelle où rien n’est ce qu’il semble être, et où les personnages sont à la recherche d’une réalité et d’une véracité qu’ils n’ont finalement pas vraiment intérêt à trouver. La plume de French rend l’expérience assez plaisante, et la construction en vignette lui permet d’intégrer des informations sur les autres personnages importants de sa série inquisitoriale de manière détournée, ce qui est appréciable pour les fans du Conv’. Pas la nouvelle la plus marquante/essentielle du cycle de courts-formats dédiés par l’auteur à sa galerie de seconds couteaux, mais une contribution solide malgré tout.

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Into Exile – A. Dembski-Bowden [HH] :

INTRIGUE:

Into ExileSommité reconnue de son domaine d’expertise (la techno-archéologie), le Magos Arkhan Land coulait des jours heureux sur Mars à diriger des fouilles dans les niveaux inférieurs de la planète rouge et à remettre la main sur des gadgets funky de l’Âge d’Or de la technologie (on raconte même qu’il a un Tamagotchi), quand l’Hérésie s’invita sur le monde forge. Bien que considérant cette guerre idéologique comme parfaitement en-dessous de lui, le Didier Raoult de M31 se retrouva à son corps défendant au cœur d’une lutte d’influence entre loyalistes et renégats, chacun des deux camps voulant bénéficier de son génie dans le meilleur des cas, et en priver son adversaire dans le pire. C’est ainsi que Malcador chargea Rogal Dorn de « convaincre » Land d’accepter un poste sur Terra, mission barbante que le Primarque se dépêcha de refiler à Sigismund, qui fit de même jusqu’à ce qu’elle échût au Légionnaire Nicanor, dont le statut de simple bidasse ne lui permettait pas de se défausser du job sur quelqu’un d’autre. Il aurait dû prendre un stagiaire, moi je dis.

Envoyé sur une Mars contrôlée en majorité par les forces du Fabricator General Kelbor-Hal, Nicanor parvint à se frayer un chemin jusqu’au laboratoire d’Arkhan Land, qui après avoir fait sa diva, conclut à la vision d’un bolter braqué sur son gros nez qu’il était dans son intérêt de suivre son nouveau copain tout jaune jusqu’au vaisseau de réfugiés qu’il lui servirait de ticket de sortie de la planète. Bien entendu, le voyage ne pouvait ne pas se passer sans encombres (bien que le complexe de supériorité chevillé au corps et le manque absolu de tact de Land menacent de faire dégénérer chaque conversation en pugilat), et les trois – Land emporte avec lui son singe mécanique de compagnie, Raghavan Sapien – ne tarde pas à découvrir qu’il est suivi…

Début spoiler…Leur stalker n’est autre qu’un automate Vorax, qui en a après les technomiches du technoarchélogiste, et n’accepte pas « non », ou même une rafale de bolts en pleine face, comme une réponse. Les nombreuses inimitiés que notre héros et sa grande gueule ont cultivé depuis des années rendent l’identification des commanditaires de cet assassinat impossible, mais il ne s’agit que d’un détail pour Nicanor, dont la mission reste de faire évacuer son colis en un seul morceau, quelqu’en soit le prix. Après avoir gagné un peu de temps en détruisant le pont où le Vorax avait lancé son attaque avec une charge melta, héritant au passage d’un criblage de chevrotine carabiné, le Space Marine choisit héroïquement de faire une Gandalf le Gris Jaune lorsque la machine tueuse les rattrapa à nouveau, à quelques centaines de mètres du Uber Pool réservé par ces radins d’Imperial Fists pour le transfert de Land.

Pas au mieux de sa forme et totalement surclassé par son adversaire mécanique, Nicanor réussit toutefois à tenir assez longtemps pour permettre à Arkhan Land et sa grosse pointe de vitesse de rejoindre bon port et prendre le chemin du monde Trône. Le rideau « tombe » (voir ci-dessous) sur le cadavre du brave Légionnaire reposant dans la poussière ocre de Mars, tandis que Land a un sursaut temporaire et passager d’humanité en pensant au sacrifice désintéressé de son protecteur.Fin spoiler 

AVIS:

On peut toujours compter sur Aaron Dembski-Bowden pour proposer quelque chose d’intéressant dans les nouvelles qu’il écrit pour la Black Library, et ce ‘Into Exile’ ne fait pas exception. Ici, notre homme s’aventure sur le terrain de la construction narrative, en optant pour une succession de vignettes (10 en tout) déroulant le récit de la fuite d’Arkhan Land, une des figures de l’Hérésie dont Dembski-Bowden s’est entiché, depuis Mars jusqu’à Terra, de manière antéchronologique. L’histoire s’ouvre donc avec le départ du Vorax des lieux du combat final avec Nicanor, et la navette spatiale prise par Land déjà partie en orbite. On remonte ensuite le temps, pour retracer l’histoire dont on connaît déjà la fin, mais qui se révèle être tout de même agréable à suivre et assez rythmée, malgré le manque de suspens qui est la conséquence logique de ce parti pris Memento-esque. Bref, un exercice de style des plus concluants de la part de la golden plume de la BL, qui mérite d’être lu (et pas seulement résumé).

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The Road of Blades – J. Reynolds [AoS] :

INTRIGUE:

The Road of BladesAhazian Kel est ce que l’on peut appeler un routard des Royaumes Mortels. Guerrier accompli et sans pitié, il a tout sacrifié (y compris sa famille et sa tribu) pour se vouer à Khorne et devenir le plus grand dresseur Pokémon la guerre incarnée, avec un certain succès il faut le dire. Au début de notre propos, nous cueillons cette grande baderne flegmatique (y a pas grand-chose qui touche sa hache qui fait bouger son marteau) au saut du cheval, sa monture ayant prise une flèche dans l’œil après qu’il ait été repéré par un groupe de maraudeurs de Caldera alors qu’il parcourait les Herbes Noires (une steppe d’Aqshy). Peu impressionné par cet accueil hostile, Ahazian découpe quelques-uns de ces faquins mongoloïdes, ce qui convainc les survivants d’aller voir ailleurs s’il y est. L’Elu de Khorne peut donc reprendre sa route, qui doit le mener… à une autre route, mais pas n’importe laquelle : il a en effet reçu des présages insistants l’enjoignant à rejoindre la légendaire cité de Soulmaw, située à la croisée des Royaumes et centre névralgique de la production d’armes et d’armures des hordes du Dieu du Sang. Pour cela, il est nécessaire d’emprunter une huit voies, connue sous le nom de Route des Lames.

L’appellation n’est pas mensongère, comme il ne tarde pas à s’en rendre compte, puisque cette route est littéralement constituée de lames fondues ensemble, comme si un conquérant Targaryen anonyme avait eu des envies de tapis plutôt que de fauteuil. A chacun ses goûts. Comme Khorne n’est pas du genre à ménager ses champions, Ahazian est confronté à quelques épreuves sur le chemin de Soulmaw : des Epées de Vive-Argent s’extirpent de la route et lui tombent sur le râble, des automates tueurs lui refusent la priorité, et d’autres aspirants attirés par les mêmes présages de carnage et de grandeur que lui cherchent querelle alors qu’il attend à la sortie de la bretelle de péage. Pas vraiment ce qu’on peut appeler de la mobilité douce. Le sanguin A-ha est bien décidé à resteeeeeer sur sa route, en recourant au meurtre si nécessaire, mais avant que l’irréparable ne se produise, il est téléporté à l’intérieur d’une forge spacieuse mais rustique, où le maître des lieux lui accorde audience.

L’hôte en question, le Skullgrinder Volundr, n’est pas n’importe qui. Il s’agit de l’un des huit Maîtres de Forge de Khorne, soit l’élite de la crème des forgerons chaotiques. Chacun d’entre eux a notamment créé l’une des huit Lamentations du Dieu du Sang, armes exceptionnelles que Khorne avait offert à ses frères1, et qui furent perdues pendant l’Âge du Sang. Vovo a ainsi confectionné l’épée Coupemoelle (Marrowcutter en VO, c’est à peine moins ridicule), trempée dans le sang de cent démons. C’est lui qui a convoqué Ahazian, car il sait que les armées du Chaos auront bientôt besoin d’être menées par des héros maniant des armes légendaires, et il a pressenti que notre homme, s’il est le dernier des Kel, n’était pas le dernier des abrutis, et pourrait avoir l’étoffe nécessaire pour le job. Pour en être sûr, et comme c’est la tradition lors de recrutement à la Khorne Khorp., il défie Ahazian en duel, et se fait vaincre par une fourchette dans les yeux vicelarde mais réglementaire. Satisfait par le fighting spirit de sa recrue, il lui remet une hache bien stylée, et le prend à l’essai pour un premier contrat. La suite dans ‘The Spear of Shadows’.  

1 : Ce qui est assez stupide de sa part car cela fait 2.666666666666667 armes par Dieu. Il en aurait fait 9, ça aurait été plus simple.    

AVIS:

Nouvelle présentant les origines du principal antagoniste de ‘The Spear of Shadows’ et contextualisant la légende entourant les Lamentations de Khorne, ‘The Road of Blades’ n’a curieusement pas été nommément reliée au cycle éponyme par la Black Library, alors qu’elle y a toute sa place. Il n’en reste pas moins que cette histoire de champion chaotique embarqué dans une quête mortelle et affrontant des dangers aussi variés que surnaturels (Chaos oblige) se laisse lire sans problème, et permet à Reynolds de nous livrer un beau spécimen d’anti-héros aussi charismatique que détestable. Comme le dit l’adage, une bonne histoire repose en grande partie sur la qualité de son méchant, et Ahazian Kel est un (futur) antagoniste auquel on s’attache rapidement. Lecture essentielle si vous vous lancez dans la saga, malheureusement inachevée, de Reynolds pour Age of Sigmar, et sympathique sinon.

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Fixed – R. MacNiven [BB] :

INTRIGUE:

FixedBien qu’il ait mené son équipe à la victoire contre une opposition farouche d’Hommes Lézards, Garr Greyg des Nordland Rangers a écopé d’une sale blessure à la cuisse pendant le match, victime d’un contact rugueux avec le Kroxigor adverse. Opéré contre son gré par le médecin des Rangers, l’alcoolique mais efficace Frisk, le meilleur Blitzer que le Nordland ait connu (it’s something) se remet doucement dans le calme dépouillé de son manoir, en attendant de pouvoir 1) participer à la finale contre les East End Boyz, pour une place en ligue majeure la saison prochaine, 2) trouver un moyen de rembourser ses dettes au Vampire Grizmund, qui lui a fait comprendre en des termes non incertains qu’il attendait que son dû lui soit payé avec impatience.

Veillé par son ogre à tout faire Nor, Garr reprend du poil de la bête, mais finit par se rendre compte que le doc a outrepassé ses prérogatives en lui greffant une jambe de Saurus à la place de son membre esquinté, ce qui lui pose plus des problèmes de style que physiologie, à la décharge de Frisk. Cette découverte sinistre est interrompue par la matérialisation près du lit du patient d’un individu louche et puant (mais qui est Bretonnien, ce qui suffit à justifier son accent étrange et sa drôle d’odeur, apparemment), se présentant comme Mister Squimper. L’impétrant fait une offre non-refusable à Garr : une convalescence rapide et complète, assortie d’une belle bourse de reikmarks, en échange d’un menu service lors du prochain match…

Comme on s’en doute, ce service consiste à s’assurer que les Rangers s’inclinent contre les peaux vertes, ce que le Blitzer s’emploie à faire de manière pas trop évidente. Malgré la mauvaise volonté, les deux mains gauches et les pieds carrés de leur joueur star, les humains parviennent cependant à faire jeu égal avec les East End Boyz de Krapnugg, et la partie va se jouer sur une ultime possession, alors que les deux équipes sont à égalité au tableau d’affichage. Alors que la balle atterrit dans ses bras, Garr va devoir prendre la décision la plus importante de sa vie…

Début spoiler…Qui consiste à jouer pour la gloire et la gagne plutôt que pour la vie et l’argent. C’est noble de sa part. Malgré la douleur insidieuse de son greffon, parasité par la magie néfaste de Mister Squimper qui regarde le match depuis les gradins, le Blitzer se fraie un chemin parmi les lignes adverses, évite le plaquage de Krapnugg, lui crève un œil pour faire bonne mesure, et envoie la passe victorieuse à un receveur de son équipe. Alors que le stade explose dans tous les sens du terme (les adversaires précédents des East End Boys ont eu la défaite mauvaise), Garr a la satisfaction finale de voir du coin de l’œil son fidèle Nor mettre la main sur Squimper, qui était en fait deux Prophètes Gris sous une toge. Le Rat Cornu, jamais réputé pour être très sports, ne sauve pas ses élus de la poigne de fer de l’Ogre domestique, qui fracasse le crâne des rongeurs truqueurs. Tout est bien qui finit bien donc (Garr pourra payer ses dettes grâce à la prime de victoire), si la foule ne piétine pas les joueurs à mort, s’entend…Fin spoiler

AVIS:

Robbie McNiven nous sert ce que l’on peut appeler une histoire classique de Blood Bowl avec cet aptement nommé ‘Fixed’ (truqué en français) : un joueur charismatique mais borderline, qui doit gérer des magouilles extra-sportives tout en mouillant tout de même le maillot sur le terrain. C’est honnête à défaut d’être follement excitant, mais l’impression d’ensemble reste pour ma part gâchée par deux points faibles de la prose de McNiven : un manque de clarté dans la description des passages sportifs pour commencer (au point que j’ai cru à un moment que le match se jouait avec deux balles, une par équipe), et aucune explication donnée pour justifier pourquoi l’énigmatique Mister Squimper a senti le besoin de se faire passer pour un humain dans cette histoire. Après tout, Blood Bowl est beaucoup plus tolérant et cosmopolite que Warhammer Fantasy Battle par nature : un Skaven n’a donc aucune véritable raison de se déguiser pour interagir avec des individus plus fréquentables que lui. Dommage dommage.

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The Grey Raven – G. Thorpe [HH] :

INTRIGUE:

The Grey RavenL’ex-mais-pas-tout-à-fait-finalement Archiviste de la Raven Guard Balsar Kurthuri a été renvoyé sur Terra par Corax en personne après les événements relatés dans ‘Weregeld’, où il doit recevoir le jugement de Malcador le Sigilite. Tel le bouc (ici corbeau) émissaire, notre surhomme endosse une responsabilité collective dans cette histoire, puisqu’à travers lui, c’est tout le Librarium de la XIXème Légion qui se trouvera amnistié ou frappé d’anathème. Le Primarque furtif n’assume en effet plus trop la permission qu’il a donné à ses fils de s’asseoir sur l’Edit de Nikea, bien qu’il n’ait pas fait le fin bec lorsque les pouvoirs psychiques de Kurthuri – catapulté Archiviste en chef de la Raven Guard après le désastre d’Isstvan V – l’aidèrent à récupérer le patrimoine génétique nécessaire à la reconstruction accélérée de sa Légion. Avec les résultats que l’on sait (#JamaisPlus, etc). Très chill dans l’âme, Kurthuri a accepté la mission sans rechigner, tout comme il a juré à Corax de ne pas faire usage de ses pouvoirs jusqu’au verdict de Malcador. Voici les termes posés.

Les hasards de la guerre ont fait que notre corbeau énergétique a fait le voyage non pas sur un vaisseau appartenant à sa Légion, mais s’est fait prendre en stop par des Imperial Fists sous le commandement du Capitaine Noriz. Il est également accompagné par le Custodes Arcatus Vindix Centurio, détaché par Valdor pour s’assurer que le patrimoine génétique remis à la Raven Guard était utilisé dans le respect des clauses établies, et un peu désœuvré depuis que Corax a bousillé son kit de petit chimiste. Alors que le Wrathful Vanguard sort du Warp pour pénétrer dans le système solaire, les revenants sont accueillis par une armada de vaisseaux et de stations de combat, preuves irréfutables que la guerre ne tourne pas en faveur des forces impériales. Il ne faut pas longtemps avant que les demandes d’authentification pleuvent sur le Uber de Kurthuri, qui laisse sagement Tchuck Noriz et AVC gérer l’administratif avec leurs vis-à-vis. Après tout, qui de plus qualifié qu’un Imperial Fists et un Custodes pour négocier un passage vers Terra ?

Malheureusement pour l’Archiviste déclassé, ses comparses ne font pas un super taf, et lorsque le stagiaire Custodes (Ludivicus) que Malcador a placé à la régulation du trafic solaire se met à faire du zèle auprès de son collègue, la situation dérape très rapidement. Kurthuri, trop honnête, a en effet eut le malheur de déclarer qu’il était sous le coup de l’Edit de Nikea, aveu suffisant pour que Ludivicus éructe un mot code secret sur la fréquence radio, transformant aussitôt Arcatus en ennemi mortel de ce pauvre Corneille. Et lorsque les bolts commencent à lui voler dans les plumes, Kurthuri décide de connaître un petit peu la peur, et bat prudemment en retraite pendant que Noriz, tout aussi surpris que son camarade Légionnaire par la réaction à brûle pourpoint du Custodes, tente de raisonner ce dernier.   

S’engage alors une partie de chasse d’une genre un peu particulier, les Custodes du Wrathful Vanguard se mettant à traquer Kurthuri dans les coursives, tandis que ce dernier cherche à s’échapper du vaisseau pour rejoindre Terra et plaider sa cause directement auprès du Régent de Pépé, bien aidé par les Imperial Fists dans ses manœuvres d’évasion. Comme ni les Jaunards ni les Dorés ne tiennent vraiment à causer des pertes dans l’autre camp, l’affrontement tient plus du match de paint ball que de la fusillade sans merci, jusqu’à ce qu’Arcatus rattrape Noriz et Kurthuri, et les engage au corps à corps.

Bien qu’en désavantage numérique, le Custodes a tôt fait de démontrer qu’il est une classe au-dessus de l’Astartes moyen, même gradé, et s’énerve tellement qu’il finit par empaler le pauvre Noriz sur sa lance gardienne. Comprenant qu’il n’a aucune chance de sortir vainqueur de ce combat à la régulière, Kurthuri décide de revenir sur sa parole et d’avoir recours à ses pouvoirs… jusqu’à qu’un froncement de sourcil dédaigneux de son adversaire lui fasse changer d’avis. Résigné à obéir à son Primarque, même au prix de sa vie, notre héros finit par se rendre, et est enfin mené jusqu’à Malcador…

Début spoiler…Qui avait en fait un job à lui proposer parmi ses Chevaliers Errants, et cherchait à tester… son self control j’imagine ? dans des conditions extrêmes avant de l’embrigader dans son organisation secrète. La nouvelle se termine donc avec l’arrivée de ce vieux lézard d’Umojen, chargé par le Sigilite de briefer le bizut sur ses missions à venir. L’histoire ne dit pas si Corax a été dédommagé pour ce détournement de ressources…Fin spoiler

AVIS:

Thorpe a beau être un expert de la Raven Guard, je n’ai pas trouvé cette histoire très aboutie. Outre le fait qu’elle n’apporte pas grand-chose à l’Hérésie d’Horus, et apparaît davantage comme un moyen pour l’auteur de faire faire des heures supplémentaires à l’un de ses personnages alors que la tendance générale est plutôt à l’écrémage sévère en préparation de la clôture de la saga, je reproche à Thorpe d’avoir dévoyé la loyauté fanatique des deux factions les plus Pépéphiles de l’époque, les Custodiens et les Imperial Fists, juste pour pouvoir mettre en scène à peu de frais le simulacre d’affrontement entre les deux gardes prétoriennes de l’Empereur sur le Wrathful Vanguard. Cette guéguerre sans (presque) victimes est totalement illogique à l’époque où l’histoire prend place (après la tentative d’infiltration de Terra par l’Alpha Legion), et la réaction imprévue d’Arcatus n’aurait dû selon moi avoir que deux conclusions : soit une coopération immédiate et totale entre Custodiens et Imperial Fists, même si les seconds ne comprennent pas les motivations des premiers, soit un combat sans merci, et autrement plus sanglant, entre les deux camps. On ne me fera pas croire qu’un Custodien qui a identifié un ennemi de l’Empereur retienne ses coups pour épargner quiconque se met sur son chemin, fut-il un Imperial Fists. Ajoutez à cela que le test de Malcador est, au fond, très bizarrement conçu (il cherchait une forte tête, mais pas trop quand même ?), et vous obtenez un résultat très passable. Espérons que Kurthuri justifie par la suite (et la fin) de l’Hérésie le traitement de faveur éhonté dont il bénéficie ici.

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Wraithbound – J. C. Stearns [40K] :

INTRIGUE:

WraithboundMobilisé avec la levée de Lugganath, complétée pour l’occasion par les troupes des seigneurs Corsaires Eidaear et Isbeil, le Crimson Hunter Seoci patiente en double file sur le périph’ de la Toile, l’Autarque menant l’armée Eldar ayant sans doute égaré sa carte bleue au moment de payer le péage. Accompagné de ses collègues de Temple, le novice Padruic – ayant récemment abandonné ses activités de proctologue1 pour devenir pilote de Mirage – et l’Exarque Lioda, notre héros n’a heureusement pas à se tourner les pouces très longtemps, et le portail menant sur – insert random planet name – s’ouvre, permettant aux Chasseurs sachant chasser sans chiens de débarquer à toute berzingue dans une cité ruche récemment envahie par les hordes du Big Mek Gorkog Chrometeef. Alors que les Eldars commencent un prompt carnage des peaux vertes très surpris de cette intrusion à l’improviste de leur espace de vie, nous apprenons que l’assaut du Vaisseau Monde constitue une frappe préemptive contre le par trop prometteur Chrometeef, qui finirait par s’attirer les foudres xénophobes indiscriminées de l’Imperium à force de sanglants massacres, scénario dans lequel Lugganath ne pourrait échapper à la destruction. Violence étant mère de sûreté, les Zoneilles se la jouent donc Terminator (d’assaut) et se lancent à la recherche de Sarah Connork pour s’assurer de lendemains qui chantent. Logique implacable.

Alors que les Crimson Hunters assurent les arrières dessus de leurs petits copains, Seoci a la surprise de croiser son ex, Ailios, dans les cieux de – 404 : planet name not found – ce qui lui provoque une montée de mélancol-èr-ie (masque tout vénère de Khaine oblige), et lui fait se souvenir du temps de leur rencontre, lorsqu’il était encore un poète anarcho-communiste et Ailios femme de chambre à l’Ibis Budget de Lugganath2. Aaah, folle jeunesse… Séparés par les hasards de la vie et les caprices des tout puissants conseillers d’orientation professionnelle Aeldari, nos tourtereaux se retrouvent donc quelques siècles plus tard, ce qui permet à Seoci de réaliser que sa dulcinée est devenue medium en EHPAD, ou quelque chose comme ça. Chargée d’encadrer les âmes des pilotes des Hemlock lors de leurs excursions culturelles, Ailios ne semble pas être contre prendre une tisane à la fin de la bataille, mais le flux des combats sépare rapidement les anciens amants. Assaillis par une nuée de Dakkajets, les Hunters perdent rapidement l’un des leurs (ce bon à rien de Padruic), ce qui rend Lioda d’humeur massacrante. Pour ne rien arranger, Chrometeef choisit ce moment pour mettre en marche les milliers de moteurs anti-gravitiques (ou les millions de ventilateurs, ce serait marrant) qu’il a fait installer sous la cité envahie, qui commence à s’élever dans les airs dans le plus grands des calmes, et se révèle être un terror ship bourré de chasseurs Orks.

Seul survivant de son escadre après que sa sanguine Exarque soit tombé dans le piège tendu par des Orks brutaux mais rusés, Seoci mène la charge jusqu’au cœur du château dans le ciel, et parvient à faire suffisamment de dégâts aux centrales énergétiques qui alimentent la répulsion urbaine pour que la ZUS de Chrometeef regagne le plancher des squigs, et plutôt plus rapidement que ce que son constructeur ne le souhaiterait. Tragiquement, Seoci ne vivra pas pour raconter l’histoire, comme on le dit chez les glaouiches, son biplan étant pris dans une explosion plasmique alors qu’il se frayait un chemin vers le bercail. Ayant oublié de boucler sa ceinture de sécurité, le pré-retraité (il s’était juré de tomber le masque pour de bon après ce dernier tour de piste) finit polytraumatisé dans son cockpit, et se console en songeant que son concassage fatal lui permettra sans doute de passer plus de temps avec sa sorrowrose. Un crash pour un crush, c’est pas si pire au final.

1 : La nouvelle dit qu’il suivait jusque-là la Voie du Soigneur, so why not. 
: La nouvelle dit qu’elle suivait la Voie du Service, donc vous ne pouvez pas me prouver que j’ai tort.

AVIS:

Débuts sérieux, même si un peu trop scolaires, de la part de J. C. Stearns, dont l’amour pour les Eldars ne s’est pas démenti à ce jour. En prenant soin de dépeindre une opération Eldar typique, tant dans sa forme (attaque soudaine par une force aussi mortelle que mobile) que dans son objectif (supprimer une cible de façon préventive, afin d’empêcher la réalisation d’une funeste prophétie), l’auteur démontre sa bonne compréhension des fondements du background de 40K. Même constat sur le plan purement narratif, sur lequel Stearns boucle la boucle en condamnant son héros, que le destin des co-pilotes des Hemlock Wraithfighters horrifie au plus haut point, à devenir l’un d’eux après son accident. Cette conclusion cruelle, mais attendue, s’inscrit tout à fait dans l’ambiance générale de la littérature BL, où, comme le disait Chirac (hommage !), les emmerdes volent en escadrilles, même – surtout ? – pour les pilotes de chasse. Si ces éléments positifs préfigurent un potentiel certain, on pourra regretter l’intrusion mal négociée du passif amoureux entre Seoci et Ailios dans l’intrigue, que Stearns traite à demi-mots et qui ne fait donc pas vraiment pas sens pour le lecteur, jusqu’aux dernières lignes de la nouvelle, où l’intérêt scénaristique de cette idylle est enfin révélé. Bref, une œuvre de jeunesse, prometteuse et perfectible, et en tout cas parfaitement lisible.

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The Soul-Severed – C. Wraight [HH] :

INTRIGUE:

The Soul, SeveredAprès les événements d’Iydris et l’abandon de poste de leur Primarque, les Emperor’s Children eurent une petite période de flottement pendant que la galaxie se déchirait autour d’eux. Bien que leur amour pour les belles choses et les plaisirs simples (mais intenses) de la vie les garda occupé pendant cet intérim, certains officiers prirent sur eux de tenter de redonner un cap et une unité à ce qui était pendant la Grande Croisade la fine fleur des Legiones Astartes, et était devenu un ramassis de glandeurs jouisseurs passant leurs journées à écouter de la dubstep à haute fréquence.

L’humilité et l’esprit d’équipe n’ayant jamais été des qualités fortes chez les Enfants (gâtés) de l’Empereur, il était à peu près certain que ces efforts hégémoniques déboucheraient sur des affrontements ouverts entre prétendants au climazon de Fulgrim (son bien le plus précieux et le symbole de son statut de Maître de Légion) plutôt que sur des tractations en bonne intelligence. Aussi, lorsque les Seigneurs Commandeurs Eidolon, dit Dondon la Raclure, et Archorian, dit l’Italique, (il parle toujours comme ça) acceptent de se rencontrer en terrain neutre, c’est-à-dire un terrain vague dans une friche industrielle de la planète Horvia, ravagée par la guerre, c’est forcément qu’ils ont un coup fourré caché dans leur manche énergétique. Reste à savoir qui aura le dernier mot dans cette partie de poker menteur dont la mise n’est rien de moins que le leadership sur la Légion…

Début spoiler…Archorian ouvre les hostilités le premier en lançant ses troupes à l’attaque de son rival et de son escorte de Kakophoni, mais Eidolon n’avait pas perdu la tête (hoho) et gardé sa propre armée en réserve. Le conflit tourne en faveur de ce dernier, forçant les hommes d’Archorian à se replier à travers les ruines d’un manufactorium en déréliction, poursuivis par leurs frères d’armes. Il s’agissait toutefois d’une feinte pour attirer le gros des forces d’Eidolon dans une zone piégée, et un tsunami de boue toxique s’abat sur les assaillants après qu’Archorian ait fait sauter les bombes placées sur la paroi des cuves de rétention qui surplombent la zone.

Seulement, on ne vient pas aussi facilement à bout d’une tache aussi tenace qu’Eidolon, qui se contente de hurler « MEUHHHH » à la face de son adversaire lorsqu’il vient terminer le travail au corps à corps. Comme les Kakophoni ont aussi survécu sans rétrécir au lavage, et donnent également de la voix à la suite de leur patron, le pauvre Archorian finit éparpillé aux quatre vents, et son armée suit rapidement. Comme on dit à Chemos, rira bien qui criera le dernier. Ces deux déluges consécutifs (l’un littéral, l’autre sonique) provoquent une frénésie de massacre et de sévices chez les Emperor’s Children, qui foncent assouvir leurs plus bas instincts sur la population locale de Horvia, qui n’en demandait pas tant et n’est pas assez nombreuse pour occuper longtemps cette bande d’esthètes en puissance. C’est alors qu’Eidolon a une idée de génie : sur Terra, il y a beaucoup plus de monde à torturer/distiller, de quoi tenir au moins quelques années en tout cas. Et c’est ainsi que la IIIème Légion prit le chemin de Terra, sur le caprice coup de tête de son commandant par défaut après qu’il ait pris un bain de boue. A quoi tient l’Imperium, finalement…Fin spoiler

AVIS:

Chris Wraight endosse le rôle peu glorieux mais nécessaire du manager de transition pour les Emperor’s Children1, Légion bien mise en avant au début de l’Hérésie puis laissée à son triste mais coloré destin à partir du milieu de la saga. Même si sa corruption était déjà bien amorcée au moment du congé sabbatique warpesque de Fulgrim, cette fière confrérie n’en était pas encore rendue à l’hédonisme désordonné qu’on lui connaitrait pendant le Siège de Terra, évolution qui nécessitait donc une justification digne de ce nom. C’est chose faite avec ‘The Soul-Severed’, qui utilise Eidolon plus qu’elle ne le met en valeur (et ça tombe bien, c’est le personnage favori d’absolument personne) pour mettre la IIIème Légion sur le chemin de Terra. On peut mettre cette petite nouvelle au même niveau que ‘Prince of Blood’ de Laurie Goulding, qui rend le même service à une autre Légion dont le Primarque n’était plus en état de la mener jusqu’au monde Trône (les World Eaters). Absolument indispensable si vous êtes un fluffiste acharné, car Wraight se pique de donner l’origine de pas mal de caractéristiques des Emperor’s Children « modernes » (héraldique, goût pour les poisons et l’esclavagisme…), seulement sympathique pour le reste.

1 : Il est assez surprenant que la BL ait confié cette tâche à un auteur qui n’avait jamais vraiment écrit pour cette faction jusqu’ici (spécialisation Space Wolves, Thousand Sons et White Scars pour notre homme).

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Prodigal – J. Reynolds [40K] :

INTRIGUE:

ProdigalAlors qu’il couve, quasi littéralement, sa nouvelle génération d’enfants-cobayes, spécimens de la nouvelle humanité qu’il appelle de ses vœux et crée de ses recherches, Fabius Bile reçoit la visite d’une présence démoniaque furtive et rigolarde, envoyée par l’un de ses nombreux ennemis pour mettre fin à ses expérimentations. Pas de chance pour le rejeton du Warp, Fab en a vu d’autres, et ordonne posément à l’esprit de la machine du Vesalius, son vaisseau amiral, de sceller son laboratorium pour lui permettre de localiser l’agent contaminateur importun et lui passer l’animus à l’eau de javel, comme la procédure le demande. Si la baston qui s’en suit ne fait de victimes que parmi la collection d’occulobes et de glandes de Betcher gardés par l’Apothicaire fou, les choses manquent de mal tourner pour ce dernier après que le premier démon assassin soit rejoint par un second. L’arrivée opportune de Melusine, la « fille » aînée de Bile, permet toutefois de mettre fin aux débats avant que le laboratoire ne soit complètement ravagé. Si Mel a pu intervenir en ce moment décisif, c’est parce qu’elle est elle-même plus qu’à moitié démoniaque, une orientation qui déçoit beaucoup son géniteur, mais qu’il accepte, en père modèle moderne et philosophe. S’en suit un dialogue entre les deux générations de Bile, qui génère plus de questions qu’il n’apporte de réponses, à commencer par les motivations ayant poussé Melusine à venir à la rescousse de son vieux, et à lui transmettre des avertissements à la demande de… Fantomas ? Jack l’Eventreur ? the masked singer ? Le suspens restera entier, en partie à cause de la folie manifeste de Fabienne (son vrai nom), qui a du mal à se situer entre le passé, le présent et le futur, et le choix de Fabius de ne pas poser la question qui pourtant le travaille autant que le lecteur. L’entrevue se termine sur le départ précipité de Melusine, qui « n’aime pas parler aux fantômes » (sic), et laisse donc son vieux pôpa méditer sur l’ingratitude de la jeunesse et sur l’inexorable passage des années, ou, dans son cas, des millénaires. Bile reste toutefois convaincu de l’intérêt et du caractère fondamental de ses recherches, qu’il continuera à mener en dépit de l’opposition d’une galaxie obscurantiste. C’est cela que d’être en avance sur son temps…

AVIS:

‘Prodigal’ apprend beaucoup de choses sur la vie et l’œuvre de Fabius Bile (et à travers lui sur les Emperor’s Children et les Légions renégates), ce qui en fait un bon point de départ pour quiconque souhaite se plonger dans le corpus que la Black Library a dédié à son charismatique et échevelé savant fou, écrit en bonne partie par le même Josh Reynolds. Je ne suis en revanche pas certain que les lecteurs familiers du personnage et de sa saga y trouvent de grandes sources de satisfaction, le retour de Melusine (la fille prodigue annoncée par le titre) ne faisant finalement pas progresser les relations entre les deux personnages d’un iota. Une bonne petite nouvelle d’ambiance/d’acclimatation donc, mais en rien essentielle à la bonne compréhension des chroniques bilieuses et billesques de Reynolds.

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Bear Eater – D. Guymer [AoS] :

INTRIGUE:

Bear EaterToujours en maraude dans les Royaumes Mortels (ici en Ghur) avec ses Astral Templars pour le compte du patron, Hamilcar Bear Eater voit une occasion en or d’agrandir le protectorat sigmarite se présenter à lui lorsqu’il arrive en vue de la cité de Jercho. Miraculeusement épargnée des déprédations des hordes du Chaos, cette ville ferait un bastion idéal pour les croisés d’Azyr… si Hamilcar arrive à convaincre son monarque, le Roi Soleil Joraad el Ranoon, de rejoindre le camp de l’Ordre. Rien de plus facile pour notre héros, dont les prouesses martiales ne sont égalées que par ses talents de diplomate (du moins c’est comme ça qu’il voit les choses, en sa qualité de plus grand fan de lui-même).

Après une petite parade militaire réalisée dans des conditions éprouvantes (#SousLeSoleilExactement), même pour des immortels en sigmarite, Hamilcar et ses lieutenants (le vieux bougon Broudiccan et un random dude du nom de Thracius) sont pris à parti par une émissaire de Jojo et sommés de laisser leurs armes au vestiaire pour respecter le protocole officiel. Lorsque nos trois compères finissent par obtempérer, ils ont la désagréable de surprise de constater qu’ils sont tombés dans un piège, une petite armée de gardes se déversant dans le hall avec des velléités peu charitables envers les Stormcasts.

Punk à chien gryffhound dans l’âme, Hamilcar ne perd pas de temps à tenter de résoudre ce conflit par la parole, et commence à zlataner à tout va les malheureux mortels qui lui passent sous la main. Ayant manifestement sous-estimés la puissance de leurs adversaires, les miliciens de Jercho finissent par battre en retraite, laissant toute latitude à notre héros de monter une expédition punitive envers ce pendard de Joraad el Ranoon (officiellement) et d’annexer la cité pour la plus grande gloire de Sigmar (officieusement)1. Sur le chemin de la salle du trône, il rencontre une vieille connaissance, le général Sarmiel el Talame, avec qui il a fait le coup de feu contre les Sankrit quelques semaines auparavant, et qui l’avait mis sur la route de Jercho après la bataille de Heliopalis. Miraculeusement convaincu par Hamilcar en l’espace de deux répliques qu’il était dans le camp des méchants, Sarmiel fait défection de la Garde Solaire et accepte de guider ses gros copains jusqu’au Palais de la Lune, où le Roi Soleil tient sa cour.

En route vers son objectif, Hamilcar développe un point de côté persistant2 et se retrouve confronté, en plus des bidasses solaires qui défendent le Palais, à des vampires feulant, preuve irréfutable du passage de ce coquin de Mannfred von Castein (ennemi juré de notre héros depuis qu’il s’est fait tuer par le Mortarque3) par Jercho. Il en faut toutefois plus pour empêcher l’injouable Mimil – qui se paie le luxe d’infliger une Mike Tyson à un suceur de sang un peu trop sûr de lui – de se frayer un chemin jusqu’à l’affreux Jojo. Ce dernier ne peut compter que sur ses rayons, des serviteurs totalement assujettis à sa volonté, pour faire office de derniers défenseurs, et place Hamilcar devant un dilemme cornélien pour le héros du Bien (avec un grand B et un grand nez) qu’il est : massacrer des innocents pour atteindre son objectif, ou les épargner et laisser le Roi Soleil s’en tirer à peu de frais…

Début spoiler…Malheureusement pour Joraad el Ranoon, une troisième voie était possible, à savoir embrocher le lumineux monarque sur son trône d’un jet de hallebarde bien senti. La mort rapide et sanglante du roitelet permet au moins d’établir qu’il n’avait pas été changé en vampire par Mannfred von Carstein, ce qui est… une information. Et le savoir est le pouvoir, paraît-il. La nouvelle s’achève sur cette conquête nette et (presque) sans bavure d’une nouvelle Cité de Sigmar par les Astral Templars. Du travail bien fait.Fin spoiler

1 : On peut remercier Guymer d’adapter un grand classique de la culture britannique à la sauce d’Age of Sigmar. Appelons ça le Fardeau du Mangeur d’Ours Blanc.
2 : Qui ne sera pas expliqué dans la suite de la nouvelle et n’aura pas d’impact sur la conclusion de cette dernière, mais suggère fortement que Guymer avait quelque chose de particulier en tête au moment de l’écriture.
3 : Voir ‘Beasts of Cartha’.

AVIS:

Je ressors de ce ‘Bear Eater’ avec une persistante sensation de gâchis au fond de la gorge (ou peut-être du cerveau), ce qui me désole au plus haut point compte tenu de mon attachement pour le personnage de Hamilcar, une des premières têtes d’affiche moderne (comprendre, un brin complexe) des Royaumes Mortels, et qui faisait ici ses grands débuts dans la carrière. En cause, le choix de David Guymer de placer son intrigue dans un cadre exotique et singulier (donc intéressant) en diable, mais de confiner ce dernier à une toile de fond au profit d’une nième baston entre Stormcast Eternals et locaux impénitents. La deuxième moitié de la nouvelle vient ainsi ruiner le travail de world building de la première, en se focalisant uniquement sur les exploits martiaux du fortiche Hamilcar, qui parviendra une fois encore et sans aucune surprise à vaincre l’affreux vilain que la destinée lui a mis sur son chemin. Et comme les compétences martiales de sa Némésis du jour (ou de la nuit) culminent à « lever le bras d’un air vaguement menaçant », on n’a même pas le droit à un combat final digne de ce nom, comme cela avait été le cas lors d’épisodes précédents de la série.

De manière générale, il se perçoit bien trop clairement à la lecture que ‘Bear Eater’ n’est qu’un segment d’un arc narratif bien plus large, dans la droite ligne des événements relatés dans ‘The Realmgate Wars’, écrits à quatre mains par Guymer et Josh Reynolds lors des premières années d’Age of Sigmar. Les références à la traque de Mannfred von Carstein sont tellement nombreuses au fil des pages que je soupçonne que cette nouvelle devait initialement faire partie d’une nouvelle tétralogie (comme ‘The Hunt for Nagash’ et ‘Knights of Vengeance’), avant que le projet soit abandonné pour une raison non précisée. Cela expliquerait aussi cette fin des plus abruptes ainsi que le traitement bizarre réservé au personnage de Sarmiel el Talame, qui semble avoir un passif conséquent avec Hamilcar et ses Astral Templars : je suis prêt à mettre une pièce sur le fait que cette première rencontre aurait dû faire l’objet d’une nouvelle ou d’un audio drama. Bref, un véritable et regrettable accident de parcours pour la paire Guymer & Hamilcar, sans doute causé par les errements éditoriaux de la Black Library à l’époque.

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The Painted Count – G. Haley [HH] :

INTRIGUE:

The Painted CountSi les lendemains de cuite sont difficiles, ceux de défaite cuisante le sont encore plus. Particulièrement quand on est aussi douillet que notre héros du jour, ou plutôt de la nuit, le Capitaine des Night Lords Gendor Skraivok, aussi connu sous le nom de Comte Peint du fait de son maquillage très bath. Dispersés, démoralisés et laissés orphelins après la bataille de Thramas et la capture de Konrad Curze (sans oublier ce bon vieux Sevatar), les Légionnaires de la VIIIème doivent faire face à une période de transition forcément chaotique, du fait de leur nature profonde et de leurs sales tendances au complot et au meurtre. Skraivok est l’un des prétendants les mieux placés pour devenir le nouveau meneur des Night Lords, notamment grâce à sa maîtrise du vaisseau amiral de la Légion, le redouté Nightfall, mais il doit se défaire de son rival Shang, qui dispose de nombreux soutiens et de l’aura d’avoir été l’Ecuyer de Hante-la-Nuit.

Cette lutte de pouvoir n’est cependant que l’un des problèmes qui tracassent le Comte. Il a aussi hérité sur Sotha d’une épée d’un genre un peu particulier, en cela qu’elle est très certainement démoniaque de nature, et plutôt collante dans ses attentions. Ainsi, malgré des efforts vigoureux, répétés et inventifs pour s’en débarrasser, elle a toujours trouvé le moyen de revenir à ses côtés pour le tenter. Dernière tentative en date, et donc dernier échec : le jeter dans l’espace depuis un sas ouvert (le tout sans casque, opa Guilliman style), qui n’a rien donné non plus, et s’est même montré contre-productif car Shang et deux Atramentar attendaient Skraivok à la sortie du vestiaire, et sans arme pour se défendre, se défaire d’un Capitaine et de Terminators est nettement moins facile, même pour un individu aussi talentueux que notre héros.

The Painted Count_IllustrationFort heureusement, Shang est plutôt chill pour un Night Lords, et se contente de balancer son rival dans le labyrinthe que Konrad Curze avait utilisé pour son animal de compagnie et néanmoins frère, Vulkan, au lendemain du massacre d’Isstvan. Comme l’élection du prochain maître de la Légion est prévue plus tard dans la journée, l’absence de Skraivok sera suffisante pour permettre à Shang de remporter les suffrages, où du moins le pense-t-il. Cela était sans compter sur l’aide apportée par l’épée, qui attendait comme de juste son porteur élu dans le labyrinthe, et grâce à son GPS intégré et son impressionnant bonus aux jets de pénétration d’armure, permet au Comte de se sortir de ce dédale beaucoup plus vite que cette chochotte de Vulkan. Bien sûr, il doit livrer son âme au démon enfermé dans l’arme, mais nécessité fait loi.

De retour sur le plancher des vaches chauves-souris, il se précipite jusqu’à la salle où le Kyreptoran Vicaria (Conseil d’Administration en bon nostraman) tient séance. Arrivant trop tard pour le vote, il a recours à la bonne vieille méthode du défi en duel à mort pour se défaire de ce fieffé coquin de Shang, qui finit promptement une demi-tête plus petit qu’au débit de la séance, grâce à la super-vitesse que lui confère son épée maudite. Cette démonstration de force ayant considérablement refroidi l’ambiance au sein de l’auguste assemblée, Skraivok est élu sans coup férir Overlord Nightest, et jure d’emmener sa Légion, ou ce qu’il en reste, participer au Siège de Terra pour faire les pieds à l’Empereur. Pas la motivation la plus noble ou la plus profonde, mais que peut-on attendre de la part d’un gonze dont le role model est Gene Simmons, je vous le demande.

AVIS:

Dans le sous-sous-sous genre des nouvelles de l’Hérésie d’Horus expliquant pourquoi et comment les Légions renégates sans Primarques décident de se rendre sur Terra, Guy Haley livre une histoire très correcte avec ce ‘The Painted Count’, qui s’inscrit fort bien dans la grande (la captivité de Vulkan et la capture de Konrad Curze) et la moyenne (la campagne de Pharos, couverte par le même Guy Haley dans le roman éponyme) histoires de l’Hérésie. Si l’utilisation du topos de l’épée maudite ne gagnera pas à l’auteur un prix d’originalité, le rendu est suffisamment propre et le personnage de Gendor Skraivok suffisamment distrayant – même si Sevatar reste, et de loin, le G.O.A.T – pour donner envie d’en savoir plus sur la destinée du Comte Peint, dont on devine qu’elle sera forcément fatidique et tragique. Sortez les mouchoirs et le popcorn.

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Becoming – A. Clark [40K] :

INTRIGUE:

BecomingDaniel et Luc doivent passer leur oral de français demain en matinée, mais plutôt que de se coucher tôt pour attaquer cette épreuve cruciale dans les meilleures conditions, ces deux garnements préfèrent traîner jusqu’à pas d’heure dans le gymnase de l’internat à se battre avec leurs sabres laser de geeks. Ah euh, wait. On me souffle dans l’oreillette que je me suis trompé de lieu et d’époque. Nos héros s’appellent Danial Tan Draconis et Luk Tan Chimaeros, ils sont écuyers sur le monde Chevalier d’Adrastapol, et ils ne passent pas leur baccalauréat mais s’apprêtent à DEVENIR. Devenir quoi ? Je vous en pose des questions ? Sur Adrastapol, le verbe est intransitif, ok?

Leur duel puéril est interrompu par l’arrivée propice d’une légende vivante de la planète, Sire Markos Dan Draconis, dont les deux newbies se récitaient justement la liste des exploits, plus badass les uns que les autres. Il paraîtrait même qu’il arriverait à lacer ses chaussures1, ce beau gosse. Markos les gronde un peu pour la forme, mais accepte bien vite de leur raconter l’histoire de son propre rite de DEVIENDANCE, sur une idée originale de… lui-même. C’était il y a bien des années, alors qu’Adrastapol luttait pour sa survie lors d’une invasion massive de peaux vertes belliqueux, menés par le terrible Skarjaw…

La situation avait tellement dégénéré que tous les pilotes aptes, même peu expérimentés, avaient été mobilisés pour tenter d’endiguer la Waaagh. Cela avait conduit le tout jeune Markos à coller un groooooos « A » sur la lunette arrière de son Chevalier de fonction, le Dracon’s Wrath, et de partir au front le jour même de son DEVENAGE, après que le commandement impérial se fut rendu compte que sa savante manœuvre d’encerclement de la horde adverse avait lamentablement échouée. Fort heureusement, les Orks seraient obligés de passer par une passe (how apt) pour atteindre la plaine centrale du continent quelconque où le conflit prenait place. Si les Chevaliers de la Maison Draconis, sous le commandement du Portier (Gatekeeper) et futur Haut Roi (et père de Danial) Talwyn Tan Draconis, se révèlent assez rapides, il serait possible de bloquer les affreux Xenos entre deux pièces de décor infranchissable et les pilonner à distance : technique de chien mais technique qui marche, comme on dit dans les conventions 40K. Après une marche forcée durant laquelle Markos eut tout le temps de se familiariser avec les voix des fantômes de ses prédécesseurs, qui hantaient toujours sa fière monture, la bataille s’engagea.

Sans surprise, les Chevaliers parvinrent à leurs fins (avec tout de même quelques pertes pour faire genre c’était dur), et Markos s’illustra particulièrement en donnant le coup de grâce à Skarjaw en personne, qui commandait à ses Boyz depuis le howdah de son Squiggoth personnel. Ce haut fait fut même bonifié par le sauvetage in extremis de Talwyn par le novice, le Portier ayant fait l’erreur de faire une sortie à la Manuel Neuer sur le Big Boss adverse, et s’être fait à moitié empalé par sa monture pour sa peine. Un acte chevaleresque qui fit rentrer directement son auteur dans la légende…

Début spoiler…Mais qui a été sérieusement enjolivé par le service Com’ d’Adrastapol pour booster le moral des locaux, comme le révèle le roué Markos à ses padawans ébahis. Car en fait, et tout à fait entre nous, celui qui a vraiment atomisé Skarjaw et remporté la bataille, c’est…

Début spoiler 2…Ben on sait pas. Ptêt que c’est bien Markos, qui a tiré au pif et a eu la chance du débutant. Ou ptêt que ce sont les esprits de ses prédécesseurs qui se sont cotisés pour lui acheter un PC de relance de son tir complètement foireux. Ou ptêt que ce sont les Orks qui ont fait le coup. Ou les Necrons. Ou l’Empereur. Ou Alexandre. Bref, c’est flou. En tout cas, Danial et Luk sont estomaqués par cette belle histoire, et promettent d’aller se coucher pour pouvoir eux aussi devenir de vrais pilotes de Chevalier dès le lendemain… s’ils réussissent l’ardue épreuve de DEVENIRATION bien sûr…Fin spoiler

1 : C’est nul quand on est une tortue mais essayez de faire ça aux commandes d’un Chevalier, bande de petits rigolos.

AVIS:

Andy Clark nous sert le B.A.BA de la nouvelle Chevaleresque, dégoulinant de bravoure désintéressée et de puissance martiale débridée, avec ce très convenu ‘Becoming’. On peut en partie lui pardonner en replaçant ce travail dans le contexte de la série qu’il a écrite sur cette faction, à l’époque assez nouvelle, de l’univers de 40K, et dont ce court format ne sert que de pièce d’introduction aux romans ‘Kingsblade’ et ‘Knighstblade’, dont Danial et Luk sont les protagonistes. Cependant, même ce lourd passif (jamais facile de devoir écrire de la GW-Fiction commerciale) n’excuse pas le manque assez total d’inspiration dont ‘Becoming’ est frappé. Le « twist » final est représentatif de cette carence fatale : c’est bien beau de révéler la face cachée, et donc moins glorieuse, d’une légende de propagande, mais ça aurait été plus efficace si on avait vraiment su le fin mot de l’histoire, au lieu de cette conclusion de Normand. Très dispensable.

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Doc Morgrim’s Vow – J. Reynolds [BB] :

INTRIGUE:

Doc Morgrim's VowLes Middenplatz Manglers ont accumulé les victoires depuis la mort tragique mais finalement bénéfique de leur Blitzer vedette (‘Manglers Never Lose’), et sont maintenant à la recherche de nouvelles opportunités de briller. Malgré les protestations répétées de leur apothicaire, le solide Morgrim Ironbane, le coach Tyros Bundt a accepté l’invitation qui lui a été faite de prendre part au Tournoi des Cent Malheurs, organisé dans la forteresse de Karaz Ankor. Gagner un match contre les redoutables, mais isolés, Dragon’s Hold Drakeslayers, permettrait aux Manglers de mettre la main sur l’Angry Dragon Cup, un trophée légendaire au sein de la communauté des fans. Dans le dirigeable Makaisson & Sons qui les emmène en Norsca, les Manglers discutent le bout de gras, Bundt et Franco Fiducci (le Nécromancien qui fait tenir en un morceau les deux tiers de l’équipe) essayant de découvrir pourquoi le Doc Morgrim se montre si récalcitrant à revenir dans sa cité natale, en vain.

La réponse se fait jour lorsque les visiteurs sont accueillis par une escouade d’Arquebusiers, et placés sous bonne garde le temps qu’un notable vienne leur rendre visite. Ce notable, c’est le Thane Thunor Thunorsson, figure importante de Karaz Ankor, coach des Drakeslayers, et accessoirement, père de Hrulda Thunorsdottir, capitaine de l’équipe, Tueuse de Trolls et… fiancée de Morgrim. On apprend ainsi que ce dernier s’est éclipsé sournoisement alors qu’il avait déjà échangé ses vœux avec Hrulda, préférant le deshonneur et l’errance au conservatisme rigide du Dragon’s Hold. En plus, c’était le seul moyen pour lui de jouer au Blood Bowl, sa passion, dans des conditions normales, l’équipe et le stade locaux étant très particuliers, comme nous allons le voir. Bien entendu, ce camouflet n’a pas été bien perçu par sa promise et sa lignée, et c’est donc assez naturellement que Morgrim se prend un bourre pif bien mérité de la part de Hrulda pour arriérés de paiement. Bien que Thunor souhaite enfin marier les deux tourtereaux, de force s’il le faut, pour restaurer son honneur, Morgrim parvient à négocier une échappatoire : si les Manglers gagnent le match, il sera libre de partir. Si les Drakeslayers restent invaincus, il épousera Hrulda. Les choses étant clarifiées et les parties en présence d’accord sur les termes, il est temps de passer aux choses sérieuses.

Le match se déroule selon les règles du Dungeon Bowl, un peu adaptées par les locaux. Foin de coffres explosifs ici, mais des monstres errants et des pièges mortels en tout genre, et un terrain en trois dimensions puisque placé à flanc de montagne. Morgrim apprend d’ailleurs à ses acolytes que la tactique préférée des Drakeslayers est de partir en PvE (tous leurs joueurs sont des Tueurs), et d’attendre que leurs adversaires se fassent tuer, plutôt que de chercher à jouer la balle. Une vraie approche naine, qui fait chaud au cœur. Fort heureusement, la forte teneur en morts vivants des Manglers leur donne une résistance accrue qui s’avère précieuse, et Marius Hertz, leur Blitzer vedette, est en grande forme. C’est d’ailleurs lui qui marque le touchdown de la victoire, après avoir arraché la balle de l’œsophage d’un Drake qui passait dans le coin, et s’était mis à harceler la pauvre Hrulda (galamment secourue par Morgrim, contre toutes les règles du Dungeon Bowl, ceci dit). Tout est bien qui finit bien donc, le Doc réalisant même que son ancienne fiancée ne lui en veut pas tant que ça, en fait. Ca aurait été des Elfes, on aurait eu le droit à un baiser langoureux en tomber de rideau, mais les Nains sont heureusement plus dignes, et Hrulda se contente de péter le pif de son sauveur pour intervention illicite, en tout bien tout honneur évidemment. Il y a des signes qui ne trompent pas…

AVIS:

Josh Reynolds poursuit sa saga Manglers avec la suite logique de ‘Manglers Never Lose’, qu’il n’est même pas nécessaire d’avoir lu pour comprendre de quoi il en retourne ici, l’auteur prenant la peine de bien contextualiser cette nouvelle, en vrai gentleman. L’accent a été ici mis sur l’intrigue plus que sur l’ambiance, ce qui fait de ‘Doc Morgrim’s Vow’ un bon contrepoint à l’épisode précédent : l’un est plus drôle, l’autre plus étoffé, mais les deux sont d’un très bon niveau, et Reynolds distille assez de punchlines (mention spéciale au dialogue portant sur la neige biologique et artisanale de Karaz Ankor) pour que le lecteur ne se sente pas dans une classique histoire de WFB… même si les ajouts fluffiques de cet incorrigible Josh Reynolds donnent vraiment envie de prendre cette historiette au sérieux. Encore un essai transformé pour l’auteur, qui honore ici sa réputation bien méritée de star writer de la BL.

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Valerius – G. Thorpe [HH] :

INTRIGUE:

ValeriusOù il sera question de Marcus Valerius et de la Cohorte Therion, compagnons de route de la Raven Guard pendant la Grande Croisade et l’Hérésie d’Horus, et envoyés pour une raison non explicitée ici se faire euthanasier par les renégats d’Horus sur le théâtre de Beta-Garmon par ce brave type de Corax. Nous retrouvons donc le Vice-Caesari Valerius au volant de sa forteresse Capitol Imperialis, et chargé de tenir la rive gauche de la Veule (une rivière locale) avec ses frères d’armes – dont son propre frère, Antonius, Princeps de Titan Reaver. Lorsque les forces du Maître de Guerre lancent une offensive majeure sur sa position, Valerius, qui a toujours sa foi impériale chevillée au corps, refuse de battre en retraite comme aurait fait n’importe qui, mais préfère au contraire saisir Horus à l’oreille et l’entraîner dans un maquis. Ou en l’absence du grand chauve barraqué, les Titans envoyés à l’assaut des positions loyalistes.

Valerius_IllustrationTout à fait réaliste sur ses chances quasi nulles de remporter la victoire, Valerius n’aspire plus qu’au martyre, persuadé qu’il est que Pépé ne l’aurait pas envoyé crever comme un rat dans une bataille mineure sans une très bonne raison. Chacun voit midi à sa porte. Après une prière rapidement conduite dans sa chapelle improvisée, Valoche ordonne donc à la Cohorte de se battre jusqu’au dernier soldat, assiste à la mort d’Antonius, carbonisé dans son Titan en emportant son vis-à-vis chaotique, sans verser une larme, puis ordonne dans le plus grand des calmes la surcharge du réacteur1 de son véhicule de fonction lorsque les Sons of Horus arrivent frapper à la vitre pour demander un constat à l’amiable.

Début spoilerCe n’est toutefois pas la fin pour Valerius. Peut-être. Une inspection du champ de bataille quelques heures plus tard par une force de reconnaissance impériale permet en effet d’identifier un survivant hébété se promenant le zguegue à l’air dans le cratère de l’explosion de la Capitol Imperialis. Incapable de décliner ses nom et profession aux soldats qui le prennent en charge, le nudiste inconnu se baladait toutefois avec une copie du Lectitio Divinitatus camouflé dans son anatomie (vous ne voulez pas de détails additionnels), et attribue sa survie surnaturelle à rien de moins qu’un miracle. On se demande bien de qui il peut s’agir…Fin spoiler

1 : C’est une manœuvre tellement classique à Warhammer 40K qu’on peut se demander pourquoi les commandants continuent à envoyer des troupes essayer de capturer les vaisseaux ennemis. Sans doute des escouades que Horus ne pouvait pas blairer.

AVIS:

Gav Thorpe offre une sortie de scène digne de ce nom à l’un de ses personnages fétiches de l’Hérésie, ce qui fera sans doute plaisir aux lecteurs que la destinée de Marcus Valerius intéressent. Ne faisant pas partie de ces « fidèles », je dois avouer que mon attention s’est concentrée davantage sur le la forme que sur le fond du récit, et je suis au regret de penser que Thorpe aurait pu rendre une meilleure copie. Mes principaux griefs portent sur la contextualisation très lacunaire de ce morceau de bravoure final, qui ne prend pas la peine de présenter de manière suffisante les personnages, leurs motivations et leur parcours, et nous laisse donc avec un illuminé de la première heure qui semble incapable de réfléchir par lui-même et considère tout ce qui se passe comme le résultat de la volonté de l’Empereur (ce qui est rassurant pour lui, mais pas vraiment approprié à un officier supérieur de l’Armée Impériale), son frère et son valet de pied, apparemment envoyé à la mort par un Primarque loyaliste plutôt sympathique jusqu’ici, sans plus d’explications. Une question me brûle les lèvres doigts à ce stade : WHY SHOULD I CARE ? Certes, on pourrait arguer que Thorpe avait trop peu d’espace à disposition pour briefer les nouveaux arrivants sur la saga Valerienne, mais pour une nouvelle censée pouvoir être lue de manière indépendante, le résultat laisse vraiment à désirer. Je reste convaincu que ces quelques pages relevaient plus du chapitre d’un roman que Gav Thorpe aurait dû écrire pour boucler son arc Raven Guard que d’un stand alone.

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The Aegidian Oath – L. Goulding [40K] :

INTRIGUE:

The Aegidian OathGoulding nous plonge dans le ventre mou de la (plus ou moins) Pax Imperialis, ces dix mille ans succédant à la fin de l’Hérésie d’Horus et à la mise sous cellophane de l’Empereur, et s’achevant aux alentours du fameux 41ème millénaire que nous avons appris à aimer. Malgré la couverture fluffique très limitée de cette époque, il est certain que les contemporains de cette dernière ne devaient pas se tourner les pouces, au vu de la fâcheuse tendance de la galaxie à partir en cacahouète juste au moment où l’on pensait la situation revenue sous contrôle. Bienvenue donc dans les toutes dernières années du 31ème millénaire, quelques neuf siècles après la grosse colère de (et la non moins grosse mandale paternelle à) Lulu Percale, et sur le monde – bien connu du fluffiste – de Sotha, où le devoir appelle le Chapelain Segas et le Frère-Vétéran Wenlocke, deux guerriers du Chapitre des Ultramarines.

Si nos deux acolytes ont fait le déplacement dans ce coin paumé du Greater-Ultramar, c’est qu’une mission bien particulière leur a été confiée par le Maître de Chapitre du moment, un certain Tigris Decon. Pour la mener à bien, ils doivent se rendre à la surface de la planète, et gravir la montagne interdite où, des centaines d’années plus tôt, s’est jouée une part non négligeable de l’Hérésie. Profitant de la présence, techniquement interdite mais néanmoins bienvenue, d’un berger local à la langue bien pendue et aux manières cavalières (appeler un Space Marine « guerrier châtré » en face à face, c’est sans doute faire preuve d’un peu trop de familiarité), Segas et Wenlocke rallient leur objectif sans tarder, et font bientôt la connaissance de l’homme qu’ils sont venus rencontrer : le Capitaine Oberdeii de la 199ème Compagnie des Ultramarines, du temps où le Chapitre était encore une Légion.

Vous me direz : « tout ça ne nous rajeunit pas », et vous aurez raison. Car Robert Déhi, comme son commandement (dont il est le seul survivant à l’arrivée des petits petits petits petits petits petits fils des ses anciens collègues), émargent à neuf cents ans bien tassés. Originellement affectée à la surveillance du Mont Pharos et à la protection de Sotha par Guilliman en personne pendant l’Hérésie, la 199ème, aussi connue sous le nom de Compagnie Egide, bénéficia d’un traitement particulier et pas vraiment orthodoxe de la part de Mister Codex une fois la tension retombée. Dans un élan d’hypocrisie jamais égalé depuis, Guilliman décréta en effet que l’Egide constituerait la 11ème Compagnie du Chapitre des Ultramarines, en prenant évidemment bien soin de ne pas ébruiter la nouvelle de cette non-conformité majeure à ses propres écrits. C’est ainsi que, pendant que les Légions de ses frérots étaient implacablement dépecées pour la bonne cause, le Grand Schtroumpf s’asseyait sur ses principes avec autant d’aplomb qu’il en avait eu au moment de créer l’Imperium Secondus, cinq minutes après que la connexion avec l’Astronomicon eut été coupée. Sacré RG, va.

Ce petit de secret de famille, connu d’une minorité d’initiés seulement, surtout après le placement de Roboute en soins stasatifs dans le siècle qui suivit son décret, aurait pu se perpétrer jusqu’à la disparition des derniers gardiens du Pharos, n’eut été l’idée, saugrenue et à la limite de l’hérésie pour les Ultramarines, ce qui est tout de même un chouilla hypocrite, de Rogal Dorn de procéder à une 3ème Fondation afin de renforcer à nouveaux les effectifs de l’Adeptus Astartes. Sans Guilliman pour faire obstacle de son large torse et de son aura primarquielle aux investigations des adeptes du Ministorum en charge des préparatifs de mitoses chapitrales, le risque de voir les errements du Robouteux de service être révélés au grand jour, avec des conséquences potentiellement pas très fun pour les surhommes en bleu, était simplement trop élevé pour que les instances dirigeantes des Ultras ne cherchent à effacer toute trace du caprice de leur géniteur. La mission de Segas et de Wenlocke est donc de faire disparaître la Compagnie Egide, préféremment de manière douce, le gars Oberdeii étant tout de même un héros de la Légion.

Une fois la raison de la visite établie, Oberdeii, que les envoyés de Decon ont surpris en train de tondre la pelouse à grands coups de faux (parce qu’il le faut, c’est bien connu), pête une durite de manière bien légitime, les siècles de placard qu’il a subi sans broncher, alors que ses compagnons d’armes mourraient les uns après les autres (comment, mystère, puisqu’il ne s’est pas passé grand chose sur Sotha en 900 ans), ne pouvant décemment pas se terminer par un plan de départ volontaire. Afin de sauver l’honneur, le Capitaine défroqué obtient un duel rituel contre Segas… et se fait rétamer la tronche en deux temps trois mouvement par le Chapelain, malgré l’avantage procuré par une attaque en traître au début du combat. Ramené à des dispositions plus urbaines à grands coups de Crozius, Oberdeii accepte finalement de faire faire à ses hôtes le tour du propriétaire, s’attardant longuement sur les mystérieux phénomènes agitants toujours sporadiquement le Pharos, ainsi que sur la petite galerie de saintes reliques que la Chapelle locale expose, dont le masque de protection du Warsmith loyaliste Dantioch, premier et plus illustre Gardien de Phare(os) qu’ait connu Sotha.

Arrive finalement l’heure du choix pour notre immortel autant qu’insomniaque héros : ou accepter une mutation au sein de la 5ème Compagnie des Ultramarines, avec un beau martyr à la clé dans des délais raisonnables, ou prendre la tête de son propre Chapitre successeur, en compagnie de Segas, Wenlocke et l’amicale des Vétérans de la conquête d’Orlan. Après avoir pesé le pour et le contre et grommelé comme le vieux ronchon qu’il est, Oberdeii finit par opter pour l’option sécessionniste, et la nouvelle se termine par le baptême en bonne et due forme des tout nouveaux Scythes of the Emperor par leur premier Maître de Chapitre, sous le regard ému et admiratif des deux transfuges de Macragge. Ca c’est de l’info, en plus d’être de la faux.

AVIS:

Goulding tape dans le mille avec cet intéressant The Aegidian Oath, qui donne une profondeur et une dimension prophético-tragique bienvenues à son Chapitre de prédilection, dont les déboires contre la flotte ruche Kraken n’étaient pas suffisants à les faire ressortir de la masse des fraternités de colosses en armures énergétiques (surtout depuis que le rôle des insecticides acculés a été repris par les Blood Angels) jusqu’ici. En plus d’abreuver le lecteur de notions fluffiques sur les Scythes, et à travers elles, sur les Ultramarines et les modalités de création d’un nouveau Chapitre Space Marines, ce qui est toujours intéressant, l’auteur déterre quelques potins croustillants à propos du comportement pas si irréprochable que cela de Rouboute Guilliman, dont certaines décisions ont même été remises en cause par ses fistons, avec le recul qu’un petit millénaire et la permissivité que le décès quasi établi de l’intéressé, peuvent apporter à la réflexion.

Sous la plume de Goulding, les insoupçonnables Ultramarines se grisent légèrement, leur farouche volonté de garder la face et de maintenir les squelettes bien au frais dans le placard (ou la boîte à gants du Land Raider de Guilliman, c’est selon), les faisant se rapprocher de leurs cousins des Dark Angels dans l’esprit. Rien qui ne révolutionne la vision que le lecteur aura du background établi de 40K, mais assez pour enrichir la compréhension que le premier a du second, et brouiller encore peu plus les lignes entre parangons de droiture (supposés) et sales types se battant du bon côté de l’histoire, que tout un chacun a défini en son for(t stellaire) intérieur d’hobbyiste pour classer les Chapitres loyalistes entre eux. Exclamons-nous à la suite de l’Empereur, s’il pouvait encore le faire, Tu quoque mi fili, à la réalisation des manigances pas très blanc bleu de Rob’, et savourons le plaisir d’une nouvelle SM (quasi) non-violente et (plutôt) réussie.

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The Reaping Time – R. MacNiven [40K] :

INTRIGUE:

The Reaping TimeVous est-il jamais arrivé de mal comprendre votre interlocuteur au cours d’une conversation, et de donner à l’un de ses mots ou phrases une interprétation tout à fait différente de celle de votre vis à vis ? Quiproquo ou malentendu, ce décalage involontaire entre ce que l’un a en tête et ce que l’autre comprend peut avoir de lourdes conséquences, comme peuvent en témoigner Thomas Beckett, Cyrano de Bergerac ou les Mantis Warriors. Ce n’est pas la population de la colonie minière de Zartak qui soutiendra le contraire, comme Robbie McNiven l’explicite dans la nouvelle qu’il consacre à son Chapitre d’adoption, les psychotiques Carcharodons Astra.

À leur charge, les Zartakois n’étaient pas exempts de tout reproche à l’arrivée – inopinée il faut bien le reconnaître, mais comme dit le proverbe, no one expects the spooky Carcharodons – des Astartes en orbite de leur planète. S’étant rebellé il y a quelques années contre le joug impérial et ayant envoyé par le fond vide le vaisseau de collecte de la dîme qui était revenu relever les compteurs, les pas si honnêtes que ça citoyens de Zartak s’attendaient donc à ce que les Carcharodons viennent pour mettre la main sur les stocks d’adamantium dus à Pépé, et fin aux velléités sécessionnistes du conseil des guildes, sorte de Sénat local en charge du gouvernement planétaire. Et effectivement, force-leur est de constater que l’escouade de Space Marines qui vient rapidement frapper à leur porte réclame de façon insistante que la dîme soit payée1. Doutant fortement de l’issue heureuse et indolore de cette visite de courtoisie si la vérité éclate au grand jour, les rusés maîtres de guildes vont d’abord tenter de noyer le poisson, avec des résultats très peu concluants, comme on peut s’y attendre. Non pas que les Astartes mutiques venus à leur rencontre soient de fins limiers, mais surtout grâce aux visions du Nomade Pâle, le Maître Archiviste des Carcharodons, qui permettent à ce dernier d’y voir clair dans les manigances de ses hôtes, et de réagir en conséquence. C’est bien pratique tout de même, la prescience.

Entraînés jusqu’aux niveaux les plus bas des mines de Zartak par le déclenchement des hostilités et un ascenseur piégé, Akia – Capitaine de la 3ème Compagnie – et son escorte vont alors s’engager dans une lente et sanglante remontée vers la surface, bien aidés ce faisant par les capacités de sauvegarde préemptives du Nomade Pâle – aussi connu sous le nom de Te Kahurangi –, ainsi que par la connaissance des lieux d’une paire de prisonniers politiques secourus sur le chemin. Malgré le dédain avec lequel ils considèrent ces simples humains, ce seront d’ailleurs ces derniers qui sauveront les fesses squameuses des Space Sharks, en prenant d’assaut le conseil des guildes avec une poignée de partisans loyalistes, et forçant les dirigeants félons à se rendre. Nos farouches Space Marines, trop gros pour ce travail d’infiltration, étaient en effet en train de prendre plutôt cher à l’extérieur de l’hémicycle, placés sous la protection d’une douzaine de Power Loaders opérés avec une maîtrise toute Ripley-ienne par les locaux.

Ce n’est qu’une fois le calme revenu, et alors que les masses laborieuses de Zartak commençaient déjà à préparer un happy end, à la suite du discours magnanime et inspirant donné par le jeune Caderick, dont la bravoure et la dévotion à l’Imperium ne font aucun doute, que le malentendu est révélé, dans toute son implacable horreur. Car la dîme convoitée par les Space Marines n’était pas constituée d’adamantium (encore que, je pense qu’ils ont pris ce qu’on leur avait préparé, ça peut toujours servir), mais bien de la population de Zartak, ressource indispensable tant au bon fonctionnement de la flotte du Chapitre qu’au recrutement des nouvelles générations de Frères de Bataille (il faut bien se requin-quer de temps en temps). Maigre consolation pour Caderick, la Pommade Sale semble détecter en lui l’étoffe, ou plutôt le cuir, d’un aspirant prometteur, ce qui lui fait sans doute une belle nageoire alors qu’il contemple ses concitoyens se faire déporter sur la barge de bataille de leurs libérateurs2. Quelques mois plus tard, les envoyés véritables de l’Imperium découvriront une colonie totalement déserte, ainsi qu’une note sibylline posée en évidence à proximité des corps des traîtres : « Squale-ala ! Nous sommes partis ! »

1 : En même temps, quand ton animal totem est le requin, c’est normal de faire une fixation sur les tithes (ceci est un jeu de mots bilingue hasardeux).

AVIS:

Mise en bouche aux ouvrages plus conséquents consacrés par McNiven aux disciples de Rangu (Red Tithe et Outer Dark), The Reaping Time contient son pesant d’informations fluff sur ce qui est probablement le plus célèbre des Chapitres méconnus de Warhammer 40K. N’étant pas familier de la couverture dont ont bénéficié les Carcharodons, à l’époque connus sous le nom de Space Sharks, dans les publications de Forge World dédiées à la guerre de Badab, il se peut que je sois passé à côté de conflits canoniques à la lecture de cette nouvelle, qui décrit ses protagonistes en descendants exilés de la Raven Guard, affligés par un patrimoine génétique dégradé et une tendance à sombrer dans une rage sanguinaire assez semblable à celle de leurs cousins Blood Angels, et d’inspiration mahori avouée. Toutes ces caractéristiques permettent de singulariser les Carcharodons par rapport aux autres Chapitres Space Marines, ce qui n’est pas plus mal, et même si je n’ai pas ressenti d’intérêt ntable pour cette confrérie particulière, on peut reconnaître que McNiven fait le job sérieusement sur ce point, trop souvent négligé par les auteurs de la BL dans leurs histoires de Marounes. Reste qu’une fois le fluff évoqué et évacué, The Reaping Time ne s’avère être qu’un condensé de bolter (and chainaxe) porn, articulé autour d’une intrigue des plus banales et débouchant sur un twist final insuffisamment préparé pour vraiment porter. Bref, rien de vraiment mémorable.

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Exocytosis – J. Swallow [HH] :

INTRIGUE:

ExocytosisDurement éprouvés par la poursuite féroce que leur livre l’implacable Corswain depuis leur affrontement dans le système de Perditus (‘The Lion’), Calas Typhon et ses Grave Wardens ont fait escale sur la planète féodale de Zaramund pour panser leurs plaies et réparer leurs vaisseaux. Accueillis à bras ouverts par Luther et ses Dark Angels renégats, qui pensent pouvoir se faire bien voir du Maître de Guerre en échange de leur coup de main (les Dark Angels ne font jamais rien de manière désintéressée, c’est connu), les Death Guards ont cependant choisi de limiter les interactions avec leurs cousins Légionnaires au minimum, ce qui chagrine fortement ces snobs de Calibanites. Officiellement, comme l’annonce Typhon à son homologue après avoir filtré ses appels pendant plusieurs jours, il s’agit de réduire le risque d’accident malheureux entre les deux contingents, certains Death Guards étant apparemment trop neuneus pour faire la différence entre un bon et un mauvais chasseur Dark Angel. Officieusement, le Premier Capitaine sent qu’il couve quelque chose de pas net depuis Perditus, comme les triades de bubons qui se développent sur son épiderme et l’intérêt que sa personne provoque chez la gent diptère lui laissent à penser. Redoutant sans doute le jugement de cet arbitre des élégances qu’est Luther (et sa barbe de hipster), Typhon refuse poliment mais fermement que ses nouveaux alliés lui envoient des Techmarines pour superviser les réparations, et consent seulement à venir au pot de l’amitié que l’état-major Dark Angels organisera à la fin des travaux.

Ce manque flagrant de reconnaissance est mal vécu du côté de la Première Légion, et un Capitaine gaffeur et désœuvré (Vastobal) convainc Luther de le laisser aller espionner le camp retranché de la Death Guard. En chemin, il tombe sur une caravane de civils locaux, bien décidés à rendre visite et hommage à un certain Typhus, sur lequel ils ne tarissent pas d’éloges. Profitant de la diversion offerte par ce troupeau de pèlerins, Vastobal se planque dans un bosquet tout proche de l’entrée du camp, et prend la pose d’un mélèze pour ne pas se faire repérer, tandis que Typhon en personne sort pour aller s’enquérir de la cause de tout ce raffut…

Début spoiler…Il ne lui faut pas longtemps pour comprendre qu’il est bien le Typhus dont ses groupies sont énamourés, et que ces derniers présentent tous les mêmes marques cutanées que lui. Appelé « Héraut du Grand-Père » par la petite mamie qui mène la congrégation, Typhon constate avec plus de fascination que de révulsion que ses visiteurs portent tous les symptômes de maladies graves, qui auraient dû les emporter depuis longtemps mais contre lesquelles ils semblent immunisés. Cette sympathique communion est toutefois interrompue par ce butor de Vastobal, qui sort de ses gonds et de ses bois lorsque les Zaramundois commencent à exsuder des essaims de mouches par tous leurs orifices. Fermement opposé aux choses du Warp, comme tout Calibanite qui se respecte, le Capitaine se met à massacrer les pèlerins à grands coups d’espadon, ce qui provoque la réaction de Typhon.

Le combat s’engage, au cours duquel le porteur de faux hérite d’une coupure au menton, ce qui le chagrine si fortement qu’il en devient authentiquement chaotique. Si si. Renforcé par les bienfaits de Nurgle, qui se manifestent pleinement après cette épiphanie barbière, Typhon décapite son adversaire, et part discrètement du système avant que les Dark Angels ne s’inquiètent de la disparition de Vastobal. Lorsque le Seigneur Cypher alerte Luther du départ en loucedé de ses invités, ces derniers sont déjà loin, et Typhon est fort occupé à précipiter la corruption de sa Compagnie en faisant goûter à ses officiers son hémoglobine suspecte lors du rituel des Coupes (encore un scandale de sang contaminé). Et ce n’est qu’un avant-goût de ce qu’il réservera à son vieux poto Mortarion lorsqu’ils seront à nouveau réunis…Fin spoiler

AVIS:

Si la déchéance de la Death Guard a été suggérée depuis les tout débuts de l’Hérésie (‘The Flight of the Eisenstein’), ‘Exocytosis’ marque véritablement le moment de la bascule définitive de cette Légion vers Nurgle, Calas Typhon servant de catalyseur à cette évolution fatidique. En cela, la lecture de cette nouvelle est obligatoire pour tous les amoureux du fluff de cette faction, et sert de prologue assez robuste aux événements couverts dans ‘The Buried Dagger’, où le même Swallow finira le travail et racontera le désastreux voyage de la Death Guard réunifiée jusqu’à Terra. Comme cet auteur prend un malin plaisir à faire passer Mortarion pour la dupe de son Premier Capitaine, l’absence du premier n’est absolument pas rédhibitoire, et permet même de relever le niveau de la nouvelle, si j’en suis seul juge. Les seules victimes de l’histoire sont finalement les Dark Angels, qui apparaissent comme les nice guys/dindons de cette farce. On peut s’interroger sur la nécessité de faire participer Luther à cette galéjade, d’où il ne sort pas vraiment grandi : vu l’importance qu’il a dans l’intrigue, n’importe quel Capitaine Dark Angels aurait pu tout aussi bien faire l’affaire. Peut-être que James Swallow avait des comptes à régler avec la Première Légion…

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Pantheon – G. Haley [AoS] :

INTRIGUE:

PantheonÀ une époque lointaine et plus heureuse, Sigmar prit sur lui de faire construire l’équivalent de Strasbourg (une ville avec du cachet + un lieu de rassemblement pour les décideurs politiques) sur la plus haute montagne d’Azyr. Nommé Highheim, ce qui sonne convenablement alsacien vous le reconnaitrez, ce complexe accueillit pendant un temps, voire une ère, les Dieux (plus ou moins) civilisés qui formèrent le panthéon des Royaumes Mortels. Puis le Chaos arriva, et chacun repartit dans ses pénates, laissant le pauvre Ziggy errer comme une âme en peine dans les allées désertes de la Theopolis.

La guerre totale décrétée par le divin barbu contre les quatre affreux est toutefois l’occasion pour le premier de réactiver ses vieux réseaux, et par une belle mâtinée pas encore tout à fait ensoleillée, il invite Alarielle à faire un Teams (avec webcam) pour parler du bon vieux temps. Au début franchement sur la défensive – ne pas oublier que la blitzkrieg sigmarienne a failli très mal finir pour elle – la Déesse finit par se détendre un peu, et accepte d’accompagner son hôte jusqu’à la place centrale du Highheim, où se trouve comme de juste une pièce d’eau. Mais attention, ce n’est pas n’importe quoi : plutôt qu’un bête bassin avec une fontaine rococo et des fientes de pigeon sur la margelle, il s’agit d’un miroir argenté créé par le mage Sanasay Bayla, et offert au Panthéon comme cadeau, outil et avertissement. Bayla, qui n’était pas la moitié d’un abruti, a en effet réussi à réaliser une œuvre qui permet à qui la contemple de voyager dans l’espace et dans le temps. Si Sigmar a tenu à ce qu’Alarielle vienne avec lui devant le miroir, ce n’est pas pour tenter de conclure avec la seule Déesse un tant soit peu accorte de son entourage (on est d’accord que Morathi est un peu creepy sur les bords), mais pour mater ensemble la vie de Brian Bayla, qui en plus d’être distrayante – on parle tout de même d’un type qui a réussi à maîtriser cinq des huit formes de magie – pourrait se révéler instructive.

La caméra se braque donc sur le mage prodige, au moment où une crise existentielle le saisit. A force d’exceller en tout, notre homme ne sait plus quel but se donner dans la vie, et après mûre réflexion, il décide d’aller vérifier si les Royaumes Mortels ont bien une fin physique, just for the thrill of it. La première étape de cette odyssée est de fact checker le sujet auprès d’une sommité en la matière, et comme Bayla a le bras long et le cœur bien accroché, il monte tout en haut du minaret du temple de Teclis le plus proche, entre en transe et se téléporte directement auprès du Dieu, qui lui assure que l’on peut bien s’asseoir sur le rebord du monde1. Cependant, cela n’est pas donné au premier clampin venu, car il faut passer par une porte secrète qui ne peut s’ouvrir qu’avec une clé forgée exprès par Grugni, puis terrasser un monstre immortel. Ca fait cher le coup d’œil.

Ce topo ne fait cependant pas peur à Bayla, qui abandonne séance tenance femme et enfants pour se lancer dans ce trek de l’extrême, ce qui l’occupe pendant quelques années. S’il ne parvient pas à négocier une audience auprès du Dieu forgeron lorsqu’il se rend à son temple de Chamon, il réussit tout du moins à obtenir un double de la clé en partageant sa Rince-Cochon avec le Nain Blanc (qui passait dans le coin). Il trouve également une astuce pour venir à bout du loup géant (Afrener) qui garde l’accès au bord du monde en se suicidant à 99% pour pouvoir rencontre Nagash, qui accepte d’euthanasier l’encombrant clébard en échange de cinq siècles et cinq jours de servitude post-mortem. Faut ce qu’il faut.

Ces obstacles enfin négociés, Bayla peut enfin boucler son périple, et contempler l’immensité magique et chaotique où les Royaumes (ici Ghyran) commencent et s’achèvent. Il est cependant immédiatement alpagué par un Magister de Tzeentch, qui essaie de lui vendre un plan de carrière mirobolant en l’échange de son âme, mais qui commet l’erreur de révéler que l’équilibre perso-pro ne serait alors pas vraiment respecté. Car Bayla est, au fond de lui, un authentique pater familias, et toutes ses pérégrinations lui ont ouvert les yeux sur le fait qu’il n’a pas été très présent au cours de la dernière décennie. Raccrochant violemment au bec de son démarcheur (ou l’équivalent dans les Royaumes Mortels), il repart dare dare en direction de son foyer, non sans avoir eu la vision d’une époque lointaine où ce dernier serait frappé par la guerre. Sachant qu’il ne serait plus là pour le voir, et donc l’empêcher, il décide de créer son fameux miroir pour que les Dieux puissent s’en servir dans leur veille constante contre le Chaos. Ce qui nous ramène au point de départ et à Highheim.

La nouvelle se termine sur un petit speech de Sigmar à sa bonne amie, qu’il voudrait plus active auprès des mortels afin de contrecarrer les fake news répandues par le Chaos à propos de la vie éternelle qui attendrait les serviteurs des puissances de la ruine. Qui de plus qualifié que la Déesse de la Vie pour porter ce message optimiste et philosophique auprès des habitants des Royaumes Mortels, hein ? Alarielle lâche un gros « mouais, j’y penserais » et repart semer du gazon en Ghyran, laissant Sigmar passer la mop et fermer la lumière sur Higgheim. C’est pas tous les jours facile d’être un petit patron.

1 : C’est malin, je vois maintenant Teclis avec la moustache de Francis Cabrel.

AVIS:

On savait Guy Haley très à l’aise dans le registre « mythique », qu’il est l’un des seuls contributeurs de la Black Library à pratiquer de manière régulière1, et ‘Pantheon’ est sans doute sa soumission de référence en la matière. Il parvient en effet à mettre en scène une épopée légendaire comparable à celle Gilgamesh (un héros d’une puissance quasi-divine s’embarque dans une quête impossible), transposée dans l’univers d’Age of Sigmar, et même plus largement, de la GW-Fiction, comme les références au Monde qui Fut qui émaillent le récit le dénotent. On se laisse embarquer dans ce voyage très différent des nouvelles ordinaires de la BL, où le moindre personnage est un Dieu, une Bête Zodiacale ou un individu mythique, et qui se termine comme souvent dans ce type de littérature par un enseignement moral à méditer (ici un bon carpe diem des familles). C’est à la fois rafraichissant et bien réalisé, et mérite donc vraiment d’être lu par celles et ceux qui souhaitent explorer le catalogue de la Black Library à la sauce AoS. Un classique en devenir, à mon humble opinion.

1 : Voir sa série sur le Prince Maesa, par exemple.

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Unearthed – R. Sanders [40K] :

INTRIGUE:

UnearthedÀ la poursuite de la bande d’Alpha Légionnaires (le nom sonne bizarre, mais on va dire que c’est techniquement correct et facilement compréhensible, donc…) responsable du décès tragique et prématuré de son supérieur hiérarchique, le regretté Inquisiteur Godefroy Pyramus, l’Interrogateur Kiefer atterrit sur le monde agricole de Grendl, lui aussi victime des (in)délicates attentions des fils putatifs d’Alpharius et Omegon. Les vastes champs céréaliers de la planète ont en effet été dévastés par une invasion de vermine Xenos, « malencontreusement » libérées à la surface de Grendl par ces farceurs de chaotiques, réduisant la mer de grains en bassin de poussière. Cette tragédie écologique est cependant le cadet des soucis de notre héros, qui, tout à son désir de vengeance, a réquisitionné les services d’un peloton de Rough Riders d’Attila ainsi que d’une escouade d’Ogryns, combinaison assez exotique il faut bien le reconnaître. Ayant localisé l’épave d’un cargo spatial à proximité de sa position, Kiefer entraîne ses ouailles sur place afin d’explorer ce qui pourrait être la planque de ses ennemis.

L’exploration de l’intérieur du vaisseau, bien que n’apportant dans un premier temps que la confirmation que les Honourless (le nom de la bande du Seigneur du Chaos Sysyphon Vail1, la Némésis de Pyramus et Kiefer) sont bien derrière le crime environnemental commis sur Grendl – ce que Sanders avait affirmé de façon péremptoire au début de la nouvelle, ce qui rend l’hésitation postérieure de son héros assez contre intuitive –, finit cependant pas porter ses fruits, Kiefer et Cie tombant dans l’embuscade tendue par les Space Marines du Chaos, dont les armures mises en veille prolongée ont trompé les scanners impériaux jusqu’à ce qu’il soit trop tard. Et pour tomber, ça, ils tombent. Déchiquetée par le barrage de bolts déchaîné par les renégats, la passerelle occupée par les troupes inquisitoriales s’écroule sur elle-même, entraînant avec elle la plupart des Attilans, qui font décidément moins les malins sans chevaux et sans lances explosives. Furieux à l’idée que ses hommes puissent avoir du plomb dans la cervelle, si tant est que les semelles des bottes énergétiques de l’Alpha Legion soient plombées (bah oui, les munitions ça coûte cher), Kiefer, rattrapé in extremis par le bout de sa cape et par son dévoué garde du corps, rate toutefois son test de stupidité, et se laisse choir à son tour dans la mêlée, se brisant la jambe et perdant son pistolet bolter à la réception, comme un grand. Avait-il bu pour prendre une décision aussi radicale ? Eh bien… oui. C’est Godefroy qui doit s’interroger sur son Interrogateur.

Fort heureusement pour notre héros peu inspiré, ses adversaires ne sont pas exactement des foudres de guerre non plus. En témoigne le Légionnaire qui s’approche pour lui régler son compte, et rate lui aussi son test, cette fois d’Initiative, ce qui laisse à Kiefer assez de temps pour se traîner jusqu’à son arme, la ramasser, mettre le chaotique en joue, et lui coller un bolt entre les augmétiques. La confusion généralisée régnant à ce moment du récit permet même à l’Interrogateur de sonner les Ogryns qui patientaient jusqu’alors à l’entrée du vaisseau, détestant comme chacun sait les espaces confinés (ce que Sanders soulignera un nombre non nul de fois au cours de la quinzaine de pages de sa nouvelle). L’arrivée des Abhumains offre un sursis bienvenu, mais de courte durée, aux impériaux, et c’est avec un regret non feint que Kiefer voit le fameux Sysyphon filer à l’anglaise avec quelques hommes sans que son fémur fracturé et son abdomen perforé de shrapnels ne lui permettent d’y faire grand chose. Comble de malheur, le fourbe Vail, en bon méchant de série Z Oméga qu’il est, avait eu le temps d’installer des booby traps dans l’épave, qui commence à se remplir de sable à une vitesse inquiétante sitôt après son départ.

Début spoilerIncapacité par ses blessures, Kiefer aurait certainement suffoqué dans la soute en compagnie de ses suivant, n’eut été la dévotion d’un Ogryn mieux équipé que la moyenne des ses camarades (pensez-donc, il avait un bandana et des lunettes de protection : un prix Nobel en puissance), qui sacrifie noblement sa vie pour permettre à sa nullité de patron de s’échapper par une fissure de la pièce. S’en suit une longue séance de reptation pour notre héros, qui ne pense à utiliser sa radio qu’un peu tard en chemin, et arrive évidemment trop tard pour assister son arrière-garde contre la percée des Honourless. Et la situation s’empire encore lorsque Kiefer se rend compte, après avoir tenté de contacter le reste de son équipe, en orbite autour de la planète sur son vaisseau de fonction, que ce dernier a été abordé et saisi sans coup férir par l’Alpha Légion. C’est un Sysyphon heureux qui annonce à son ennemi qu’il a bien pris connaissance des informations top secret que l’ordinateur de bord contenait à propos de l’Inquisition (Kiefer aurait dû fermer sa session avant de descendre sur le plancher des vaches), et qu’il va de ce pas point de Mandeville rendre une visite de courtoisie à la base inquisitoriale la plus proche.

Seule source de réconfort pour notre héros, il parvient à couper la communication avant que Sysyphon ait eu le temps de placer un rire machiavélique de rigueur, ce qui aurait constitué un déshonneur absolu pour le camp loyaliste. Au lieu de ça, Kiefer parvient à joindre ses derniers fidèles, barricadés dans la salle des machines du vaisseau, et à le convaincre de faire sauter ce dernier afin d’empêcher l’Alpha Legion de ruiner définitivement le groove de l’Empereur, et arracher une victoire morale pour l’Imperium. Ce qu’ils parviennent à faire. Bon. Kiefer voit donc un petit point lumineux s’allumer au firmament, et se diriger vers la surface. Certes. L’épave finit par s’écraser à la surface Grendl, ce qui réchauffe le cœur de l’Interrogateur avant que la mort ne le pr- ah, non, pardon, il est mort hors champ avant ça. Hmmm… Anti-climatique, vous avez dit anti-climatique ? Comme c’est anti-climatique.Fin spoiler

1 : Qui avait une soeur assez connue, Sysymone.

AVIS:

Nouvelle soumission plus que moyenne de la part de Rob Sanders, qui retrouvait cependant sa faction favorite pour l’occasion. L’Alpha Legion dépeinte dans ce Unearthed (pourquoi ce titre d’ailleurs, puisque l’intrigue ne fait pas mention d’un quelconque objet déterré) n’apparaît en effet pas comme l’implacable machine à manigancer qui avait signé la perte des Crimson Consuls de main de maître dans The Long Games at Carcharias, mais davantage comme une bande de sbires un peu plus furtifs que la moyenne, menés par un Seigneur du Chaos brillant plus par son œil jaune et noir que par son génie malveillant, ou même son implication dans le récit. Face à la nullité consommée de leurs adversaires, les renégats parviennent cependant à sauver la face d’Alpharius, mais que ce fut laborieux ! En choisissant d’articuler sa nouvelle autour de péripéties martiales des plus classiques, et donc assez peu intéressantes pour le lecteur habitué, Sanders ne capitalise pas vraiment sur le potentiel scénaristique de l’Alpha Legion, de la part de laquelle on serait en droit d’attendre coup fourré sur trahison (comme John French a réussi à le faire dans son très correct We Are One). Rien de tout ça ici, la seule fourberie à mettre au crédit des surhommes en canard (la couleur hein, pas l’animal) étant la mise de leurs armures énergétiques en mode nuit. Mouarf. Même la fin d’Unearthed est tristement sans équivoque, Sanders ne laissant à aucun moment soupçonner que l’insaisi (à défaut d’être vraiment insaisissable) Sysyphon Vail aurait pu mettre en scène sa disparition pour réapparaître quelques temps plus tard et continuer sa sinistre carrière. Bref, pas de quoi casser trois pattes à un canard (l’animal hein, pas la couleur).

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Da Bank Job – A. Hall [BB] :

INTRIGUE:

Da Bank JobLes Kostos de Brobrag ont passé une première saison mémorable, mais pas pour les bonnes raisons. Incapables de remporter le moindre match, et généreux fournisseurs de séquences d’anthologie pour le bêtisier de la ligue, l’équipe ne semble pas promise à un grand avenir. Cependant, les mystérieux Ger et Bil, homme et gobelin d’affaires à l’air louche et aux intentions suspectes, ont des projets grandioses pour Brobrag et ses joueurs : une participation au Reikland Invitational pendant l’intersaison, avec à la clé un match d’anthologie contre les célèbres Reavers pour la meilleure équipe de la phase de poules. Non pas que les Kostos aient des chances de parvenir jusqu’à ce stade de la compétition, mais surtout pour couvrir le cambriolage de la salle des coffres de l’Oldbowl d’Altdorf par quelques complices pendant que le reste des peaux vertes fera de la figuration sur le terrain.

Si le plan avait l’air solide sur le papier, il ne tarde pas à devenir caduque, dans la plus pure tradition des stratégies taqueutiques et tequeuniques d’avant match. Bien que l’excentrique sorcier humain (Chanzeenmitt) que Ger & Bil ont intégré à l’équipe ait rempli sa part du marché en ouvrant un portail où se sont engouffrés Fingurs, le bloqueur Orque noir et solide bras droit de Brobrag, et une poignée de goons destinés à déclencher les pièges à congres qui jonchent le chemin de la salle des coffres, les Kostos ont la désagréable surprise de se retrouver opposés non pas aux inoffensifs Merrywald Chums, mais directement aux Reikland Reavers. C’est un match que les peaux vertes ne peuvent pas gagner, mais qu’ils peuvent au moins essayer de faire durer assez longtemps pour permettre à leurs complices de récupérer le butin.

Comme prévu, Fingurs finit par se retrouver seul après la mort tragique mais pas surprenante de ses sous fifres, et, guidé par la voix dans sa tête, fait main basse sur… un sifflet. Ce qui le lui coupe1. Lorsqu’il fait son retour sur le banc de l’Oldbowl, c’est la mi-temps et les Kostos sont menés 4-0, avec déjà quelques pertes à déplorer. Les quinze minutes de répit réglementaires sont cependant bien mis à profit par Andy Hall pour débrouiller son intrigue (Chanzeenmitt est en fait deux sorciers de Tzeentch fusionnés dans le même corps, et il(s) a/ont doublé Ger & Bil pour récupérer le mythique sifflet de Nuffle pour son compte), et par Brobrag pour retourner la situation à son avantage. Car il est dit que quiconque énonce un commandement de Nuffle et siffle dans son sifflet voit son énoncé réalisé. That’s the rules, stoopid. Un mage maigrelet et skizophrène ne faisant pas le poids contre un chef Orque en rogne, notre héros récupère facilement l’instrument convoité, et décrète que « c’est celui qui siffle qui gagne ». S’en suit une remontada digne de Barcelone en 2017, aussi inexplicable pour les commentateurs que pour les spectateurs et surtout les Reavers, et, surtout, la première victoire, certes volée mais pas imméritée, de Brobrag et de ses Boyz. Bien sûr, le sifflet attise les convoitises et déchaîne les passions, mais heureusement, le Boss a un endroit beaucoup plus sûr qu’un bête coffre pour conserver son bien mal acquis : l’estomac du Troll de l’équipe. Il fallait y panser.

1 : Le squeeg. Ceci est une blague de niche.

AVIS:

Andy Hall se disperse un peu trop à mon goût dans ce ‘Da Bank Job’, tant au niveau de l’intrigue (quel besoin d’impliquer un/deux sorcier.s de Tzeentch et un match de Blood Bowl dans une histoire de casse ?) que des personnages (à quoi servent Ger & Bil ?). Moins grave mais également handicapant pour sa nouvelle, il bâcle totalement la fin de cette dernière d’un point de vue stylistique, ce qui laisse une sale impression au lecteur au moment d’en terminer. On lui accordera tout de même quelques points pour le grand nombre de célébrités croisées dans ces quelques pages, depuis Jim Johnson et Bob Bifford jusqu’à Lord Borak, le Mighty Zug et Griff Oberwald, ainsi que pour un ajout fluffique notable à l’univers parallèle de Blood Bowl avec le surpuissant sifflet de Nuffle. Mais c’est à peu près tout et ça ne suffit pas pour faire de ‘Da Bank Job’ une réussite.

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The Last Son of Prospero – C. Wraight [HH] :

INTRIGUE:

The Last Son of ProsperoRamené sur Terra grâce aux efforts conjoints des White Scars, qu’il a aidé à sortir de la tempête Warp dans laquelle ils étaient encalminés, et des Elus de Malcador le Sigilite, le Sergent Revuel Arvida des Thousand Sons n’est plus vraiment au pic de sa forme à son arrivée sur le monde Trône. En cause, cette cochonnerie de malédiction du changement, un temps contenue par Magnus le Rouge, mais à présent hors de tout contrôle. Exfiltré vers l’infirmerie privée du Régent de Terra au nez et à la moustache de Jaghatai Khan, pour que Papi Mougeot puisse jouer au docteur avec ses abattis, le pauvre Arvida n’est plus qu’un tas de chair décoloré et instable, mais auquel son âme s’accroche encore avec l’énergie du désespoir.

Pendant que Malcador joue du scalpel avec plus de ténacité que d’efficacité (6 heures d’opération, tout de même), puis doit expliquer à un Jag’ hors de lui pourquoi il a cru bon de lui emprunter celui que le Primarque considère comme étant son obligé – et notre gonze prend les serments très au sérieux – Arvida expérimente des visions mystiques, où le passé et le présent s’entremêlent. Après quelques flashbacks peu intéressants, il fait la rencontre de son progéniteur borgne, ou plutôt de l’un de ses éclats1, qui a choisi de rester sur Terra… pour demander pardon à l’Empereur, j’imagine ? Toujours est-il que cette fraction du Roi Ecarlate est tirée de sa stupeur hébétée par l’arrivée de celui qui peut prétendre être le dernier fils de Prospero, et commence à se matérialiser dans la salle d’opération, juste à temps pour éviter à Jaghatai de faire avaler son bâton à Malcador pour lui apprendre à piquer les sauvegardes invulnérables pupilles des autres.

Cette apparition, c’était sur quoi le rusé vieillard comptait, lui qui cherchait un moyen de sécuriser les niveaux inférieurs du Palais Impérial en y installant un concierge avec un DEUG en occultisme. Malheureusement, la mayonnaise ne prend pas, ce qui laisse le champ libre au motivational speaker de Chogoris pour venir hurler des encouragements dans l’oreille la direction générale de son poulain. Miracle des miracles, cela marche beaucoup mieux que la combine de Malcador, et l’âme d’Arvida finit par fusionner avec l’éclat de Magnus, gagnant au passage une cure de beauté spectaculaire (les jeunes disent un glow up), qui redonne à notre comateux héros forme humaine. C’est ce qu’on appelle dans le jargon un coup d’éclat. Le rideau tombe sur une séance de présentation en bonne et due forme entre les membres du casting de cette nouvelle. Plutôt que de se prénommer Marvidus ou Manuel le Vouge, comme il en avait pourtant le droit et la possibilité, le « nouveau-né » s’introduit sous le nom d’Ianius, qui était le tutélaire (i.e. la mascotte démoniaque) d’Arvida au cours de sa carrière dans la Légion. Quelque chose me dit qu’on n’a pas encore fini d’entendre parler de lui…

1 : Parce que n’est plus Magn-I, c’est Magn-Us.

AVIS:

Chris Wraight signe une nouvelle pour connoisseurs de l’Hérésie d’Horus avec ‘The Last Son of Prospero’, qui ne peut être pleinement compris et apprécié qu’en maîtrisant, outre l’arc consacré par cet auteur au personnage de Revuel Arvida (‘Rebirth’, ‘Allegiance’), ceux propres à Malcador le Sigilite et ses élus (‘The Sigillite’), à Magnus (‘The Crimson King’) et aux White Scars (‘The Path of Heaven’, ‘Scars’)… ce qui fait un sacré bagage, mine de rien. Pour les happy few ayant investi assez de temps dans la maîtrise de l’Hérésie littéraire, cette nouvelle est à la fois intéressante sur le plan narratif et fluffique, ce qui est suffisamment rare pour être souligné, et apprécié. Pour les autres, qui formeront je crois la majorité, le bilan risque d’être un peu moins positif. Même si Wraight livre un récit de rédemption miraculeuse qui reste compréhensible pour un faux débutant (si vous ne savez pas qui sont Magnus, Jaghatai Khan et Malcador, ça va picoter), c’est bien le contexte dans lequel ‘The Last Son of Prospero’ se déroule qui fait tout l’intérêt de cette nouvelle. A ne pas mettre entre toutes les mains donc, ou en tous cas, à ne pas aborder sans préparation.

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Voilà qui conclut cette revue du Black Library 2016 Advent Calendar, qui contenait avec le recul pas mal de nouvelles que l’on peut considérer comme étant devenu des incontournables de leurs franchises respectives. Même s’il n’est plus possible d’acheter ce pot-pourri de courts formats autrement qu’à l’unité, ou en faisant l’acquisition des recueils qui regroupent ces histoires (‘Heralds of the Siege’ pour l’Hérésie d’Horus, ‘Lords & Tyrants’ pour 40K, ‘Gods & Mortals’ pour Age of Sigmar, et ‘Death on the Pitch’ pour Bloodbowl… en gros), ce qui rend l’entreprise assez onéreuse, j’espère que cette critique vous aura donné envie de vous plonger dans les univers riches et dépaysants de la GW-Fiction, et peut-être même de vous offrir un calendrier de l’avent un peu spécial pour cette année…

 

BLACK LIBRARY CELEBRATION 2018 [Recueil]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue du recueil/échantillon gratuit sorti par la Black Library en 2018, à l’occasion de sa célébration annuelle. Si mes recherches sont exactes, il s’agissait de la première fois que l’auguste maison au marteau noir expérimentait avec ce format, qu’elle a continué à supporter jusqu’à aujourd’hui. A l’époque pas encore décliné en plusieurs langues, ni proposé en format numérique, ce petit livret contient six histoires, à raison de deux par franchise majeur de la BL (40K, Age of Sigmar et l’Hérésie d’Horus). Au niveau des contributeurs, on retrouve la fine fleur des auteurs de l’époque, dont pas moins de quatre Seigneurs de Terra (French, Haley, Dembski-Bowden et Wraight), ce qui en fait peut-être la mini-anthologie la plus premium du lot.

Black Library Celebration 2018

Comme d’habitude, l’examen qui suit portera sur une dimension supplémentaire à mes revues habituelles, à savoir la pertinence de proposer la nouvelle en question à un public par nature pas du tout au courant des publications de la BL. Une sélection forcément difficile, eut égard à la richesse et la complexité des univers de la GW-Fiction, mais dont la réussite ou l’échec pourrait avoir un effet important sur le développement de la fanbase de la maison d’édition de Nottingham. Le millésime 2018 a-t-il passé l’épreuve du feu noob ? C’est ce que nous allons voir.

Black Library Celebration 2018

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The Absolution of Swords – J. French [40K] :

INTRIGUE:

The Absolution of SwordsPar une nuit frisquette dont Dominicus Prime a le secret, un trio de figures enrobées se dirige vers la forme imposante de la Haute Chapelle, dont l’accès a pourtant été interdit par le Prefectus Prior Gul. Lorsqu’une patrouille de gardes a la mauvaise idée de leur barrer la route, les marcheurs jettent à bas leurs masques (et chasubles), et forcent leur chemin jusqu’au bâtiment où les attendent – sans le savoir encore – Aristas Gul et son bedaud Lumn, qui se croient avoir été convoqués par leur contact au sein de la 10ème Voie pour un point d’avancement surprise. Nos trois compères sont l’Inquisiteur Covenant, la Sœur Repentia Severita (qui ajoute pieusement le KO des deux gardes qu’elle a molestés dans l’exercice de leurs fonctions à son ardoise de péchés), et le Prieur Josef, et s’ils ont fait le voyage dans ce trou perdu de la galaxie alors qu’un Conclave est sur le point de débuter sur Ero, c’est qu’ils ont de bonnes raisons.

Un peu plus loin, sur la même planète, deux autres agents de l’homme au catogan tentent d’obtenir leurs entrées dans le night club le plus privé de Dominicus Prime : la salle de pause de la 10ème Voie. Ils ont dû pour cela négocier leur passage à travers des kilomètres de couloirs, fumoirs et dortoirs, graissant les pattes des pèlerins de faction tout du long, jusqu’à faire la connaissance d’un gros malabar peu aimable, qui accepte toutefois de les mener à confesse après avoir vu les (faux) tatouages et entendu les (bonnes) réponses de ces visiteurs impromptus. Pour continuer les présentations, il s’agit du blasé Cleander Von Castellan, marchand libre-mais-pas-vraiment-en-fait, et de l’imperturbable Koleg, ex-soldat aussi mortel que morne. Seul petit problème, la brute fait du zèle dans son interrogatoire, et pose une dernière question à laquelle Cleander n’a pas la réponse. Son improvisation ne donnant rien, le rogue trader est contraint d’écourter l’entrevue en dégainant ses fidèles pistolets à aiguilles, ce qui règle le problème de façon élégante (plus qu’un bolter, en tout cas). Ceci fait, les deux agents sont libres de s’engager dans l’escalier qui les mènera jusqu’à leur destination, peut-être finale.

Retour dans la Haute Chapelle, où de foie jaune de Gul en est quitte pour une petite leçon de catéchisme. Car le bon Prior couvre depuis trois ans les agissements démoniaques de la 10ème Voie, depuis qu’il a reçu la visite d’un Inquisiteur radical ayant confirmé ses doutes athéistes sur la non-divinité de l’Empereur. Bon prince, Covenant est venu offrir une chance d’absolution au grox égaré, en échange de quelques tuyaux sur son commanditaire, ce que Gul est plutôt prêt à faire, mais ce que Lumn, moins moinillon muet que démon déguisé, n’est pas très chaud pour autoriser. L’inévitable baston qui fait suite à ce léger différend est remportée de haute lutte par l’Inquisition, mais creuse un gros trou dans la réserve de points de vie (et la couche de graisse protectrice) de Josef, en plus de mettre Severita sur les rotules. Heureusement que le boss et sa grande épée énergétique sont là, tout de même.

Sous terre, c’est à peu près le même topo pour Cleander et Koleg, après qu’ils soient parvenus à une crypte contenant un pédiluve, un Psyker enchaîné, une foule de cultistes enragés, et un démon d’intérieur qui n’a pas été nourri depuis longtemps. Pendant que Koleg maintient les hostiles à distance à grand renfort de gomme cogne et grenades de désencerclement, Cleander, qui a eu une bonne éducation et se charge donc de réfléchir pour deux, réalise que la situation se simplifierait sans doute beaucoup si le Psyker captif était sorti de l’équation, ce qu’il fait d’une petite torsion des cervicales, avec la bénédiction de l’intéressé. Et en effet, cette déconnexion warpique brutale renvoie le démon dans les limbes, ce qui est suffisant pour permettre à Koleg de terminer les hostiles tout seul comme un grand. Leur mission accomplie, et peu emballés à l’idée de faire le ménage, les deux hommes reprennent le chemin de la surface pour prendre un Champomy.

Notre nouvelle se termine avec la fin de l’interrogatoire psychique de Gul, mené d’esprit de maître par Mylasa, la Psyker de fonction de Covenant. Cette dernière offre à son sujet un départ apaisé, après quelques semaines de franches tortures dont elle a effacé la trace de sa mémoire, en reconnaissance du manque de bol colossal de Gul, coupable d’avoir obéi à un Inquisiteur soupçonné d’être tombé du mauvais côté de la barrière. Les souvenirs du Prior seront utiles à Covenant pour exposer la duplicité de son collègue lors du Conclave de guerre qui prendra place dans quelques semaines à Ero, et auquel les deux hommes participeront. Cela n’est cependant plus l’affaire de Gul, qui finit sa vie un verre à la main et sur le bord de mer, de façon purement psychique certes, mais plus agréablement que la grande majorité des citoyens de l’Imperium. C’est l’Inquisition qui régale.

AVIS:

John French signe une très bonne introduction à sa saga inquisitoriale avec ‘The Absolution of Swords’, qui se déroule juste avant les événements de ‘Resurrection’ et permet de se familiariser en douceur avec la galerie de personnages gravitant autour de Covenant, et découvrir la rivalité professionnelle qu’il entretient avec Talicto. Considérant que les duels fratricides au sein de l’Inquisition donnaient les intrigues les plus intéressantes de ce sous-genre de la GW-Fiction, ‘The Absolution…’ a piqué mon intérêt et donné sérieusement envie d’en savoir plus sur l’héritier présomptif d’Eisenhorn1 (qui a aussi eu affaire à un collègue radical en son jeune temps). Pour ne rien gâcher, le récit en lui-même est tout à fait digeste, mélangeant scènes d’action efficaces et atmosphère poisseusement grimdark, comme on est en droit de l’attendre de la part d’une soumission de ce type. Bref, si vous débutez avec Coco, voici la nouvelle qu’il vous faut, loin devant les « introspections » que French a dédié à chacun des serviteurs de Catogan-man (‘The Purity of Ignorance’, ‘The Spirit of Cogs’), qui sont à réserver aux lecteurs déjà familiers du bon Inquisiteur.

1 : Ou plutôt contemporain, car les deux personnages ont été créés pour le jeu Inquisitor, il y a fort longtemps.

ET POUR LES NOUVEAUX?

Une très bonne introduction au côté grimdark de Warhammer 40K en général, doublée d’une très bonne introduction à la série des Guerres Horusiennes en particulier: la Black Library s’offre et nous offre un combo gagnant avec ‘The Absolution of Swords‘. Rien à dire sur ce coup là.

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A Trick of the Light – J. Reynolds [40K] :

INTRIGUE:

A Trick of the LightOù il sera question des premiers moments de ce fripon de Lukas parmi les Space Wolves, et de la façon dont ce turbulent ex-personnage nommé parvint à s’emparer de la pelisse d’un doppelgangrel, haut fait jamais égalé de mémoire de Long Croc. Notre histoire commence de façon assez classique par un gros plan sur un novice en petite tenue courant comme un dératé sur la banquise en direction du Croc, après avoir été jeté hors d’un Stormwolf par son tuteur Prêtre Loup. Comme tous les impétrants du Chapitre, Lukas doit maîtriser le Canis Helix et réussir à revenir à la forteresse des Space Wolves1, ce qui n’est pas une mince affaire. Forte tête devant l’éternel l’Allfather, Lulu va même jusqu’à se poser la question de sa coopération à cette épreuve brutale, et à laquelle il n’a jamais donné son consentement. Contrairement à la majorité des jeunes hommes de Fenris, il ne rêvait en effet pas de rejoindre les mythiques Guerriers du Ciel, mais était assez satisfait d’occuper le rôle du branleur/lover de sa communauté, au grand dam des époux et à la grande satisfaction des épouses de cette dernière. Embarqué contre son gré dans une expédition de chasse qui eut la malchance de contester un élan à un doppelgangrel peu partageur, Lukas vit tous ses camarades mourir les uns après les autres sous les griffes/crocs/tentacules/pinces du changeforme. Le flegmatique rouquin eut toutefois sa revanche lorsque la bête s’attaqua à son auguste personne, et la blessa grièvement au cours du combat, ce qui convainquit le Prêtre Loup qui suivait la confrontation à distance de récupérer cet individu prometteur avant qu’il ne se vide de son sang sur la toundra gelée.

Ce que Lukas ne tarde pas à découvrir, alors qu’il trotte en petites foulées vers le Croc sous un délicieux grésil fenrissien, c’est que sous son aspect pince-sans-rire, le Prêtre Loup qu’il l’a recueilli a lui aussi de l’humour. La preuve en est qu’il l’a laissé pile à l’endroit où il l’avait ramassé après sa bataille contre le doppelgangrel, et ce dernier – qui n’a apparemment pas bougé d’endroit pendant les quelques jours/semaines/mois nécessaires à la préparation des novices au test final de leur introduction – est bien décidé à régler ses comptes avec sa proie. Avant que les deux adversaires puissent s’expliquer, il faudra à Lukas se défaire des attentions d’un kraken affamé, et, pire, se faire faire la leçon par les fantômes de ses compagnons de chasse (son mentor Kvelduf, son cousin Thord et sa sex friend Gunnhild), ainsi que par les apparitions de son Prêtre Loup et de son Prêtre des Runes référents, pour faire bonne mesure2. Comme tout ce petit monde revient au moins deux fois hanter le pauvre Lukas, il passe au final plus de temps à essayer de détendre l’atmosphère en balançant quelques one liners dont il a le secret qu’à combattre la mégafaune de Fenris.

On a tout de même droit au récit circonstancié de la lutte, cette fois à mort, entre le Trompeur et le Trumpiste3, remportée comme prévu par le premier après quelques échanges accrochés. En hommage à ses comparses défunts, Lukas prélève la peau de la bête et refuse de la jeter à son arrivée au Croc. La suite appartient, si ce n’est à l’histoire, au moins au Codex Space Wolves V5…

: On peut donc dire qu’il est sur la route de la Rout, mouahaha.
2 : Il y a même Pépé qui vient dire bonjour à la fin, et repart en se tenant la bedaine après que Lukas lui ait raconté l’histoire de Guilliman qui repeint son plafond. Un grand classique.
3 : Une entité qui déforme en permanence la réalité pour duper ceux qui cherchent à le confronter. Et en plus, le changeforme avait une casquette MAGA (Make Asaheim Great Again), c’est presque certain.

AVIS:

Toujours à l’aise dans l’exercice délicat du développement du fluff sommairement présenté dans les suppléments de jeu (lire ‘The Gods Demand’ pour s’en convaincre), Josh Reynolds opère sa science narrative sur la figure de Lukas le Trompeur, à laquelle il consacrera un audio drama (‘The Art of Provocation’) et un roman (éponyme). Sans grande révélation pouvant expliquer pourquoi Lulu est aussi pénible (short story shorter : il a toujours été comme ça), cette nouvelle est plus sympathique qu’intéressante, et est sans doute à réserver aux lecteurs voulant en savoir plus sur cette figure du lore Space Wolves, et/ou à ceux qui cherchent à savoir si un (ici futur) Space Marine peut faire de l’humour, qu’au tout venant.   

ET POUR LES NOUVEAUX?

Choisir une nouvelle centrée autour d’un personnage pas vraiment connu (sorry Lukas) pour figurer dans un recueil introductif est une décision risquée : à mon humble avis, des têtes d’affiche du calibre d’Uriel Ventris ou Abaddon auraient mieux fait l’affaire. Comme l’histoire déroulée par Josh Reynolds couvre également un pan central du background (le trail du Canis Helix) d’un des Chapitres Space Marines les plus fameux qui soient, sa lecture est toutefois assez appropriée pour des nouveaux venus dans la GW-Fiction. On peut également souligner qu’inclure une nouvelle dont le ton varie un peu du grimdark premier degré, et donc un peu plombant, qui transpire largement des ouvrages de la Black Library, est également assez malin de la part des pontes de Nottingham. Bref, un bilan plutôt positif.

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Bear Eater – D. Guymer [AoS] :

INTRIGUE:

Bear EaterToujours en maraude dans les Royaumes Mortels (ici en Ghur) avec ses Astral Templars pour le compte du patron, Hamilcar Bear Eater voit une occasion en or d’agrandir le protectorat sigmarite se présenter à lui lorsqu’il arrive en vue de la cité de Jercho. Miraculeusement épargnée des déprédations des hordes du Chaos, cette ville ferait un bastion idéal pour les croisés d’Azyr… si Hamilcar arrive à convaincre son monarque, le Roi Soleil Joraad el Ranoon, de rejoindre le camp de l’Ordre. Rien de plus facile pour notre héros, dont les prouesses martiales ne sont égalées que par ses talents de diplomate (du moins c’est comme ça qu’il voit les choses, en sa qualité de plus grand fan de lui-même).

Après une petite parade militaire réalisée dans des conditions éprouvantes (#SousLeSoleilExactement), même pour des immortels en sigmarite, Hamilcar et ses lieutenants (le vieux bougon Broudiccan et un random dude du nom de Thracius) sont pris à parti par une émissaire de Jojo et sommés de laisser leurs armes au vestiaire pour respecter le protocole officiel. Lorsque nos trois compères finissent par obtempérer, ils ont la désagréable de surprise de constater qu’ils sont tombés dans un piège, une petite armée de gardes se déversant dans le hall avec des velléités peu charitables envers les Stormcasts.

Punk à chien gryffhound dans l’âme, Hamilcar ne perd pas de temps à tenter de résoudre ce conflit par la parole, et commence à zlataner à tout va les malheureux mortels qui lui passent sous la main. Ayant manifestement sous-estimés la puissance de leurs adversaires, les miliciens de Jercho finissent par battre en retraite, laissant toute latitude à notre héros de monter une expédition punitive envers ce pendard de Joraad el Ranoon (officiellement) et d’annexer la cité pour la plus grande gloire de Sigmar (officieusement)1. Sur le chemin de la salle du trône, il rencontre une vieille connaissance, le général Sarmiel el Talame, avec qui il a fait le coup de feu contre les Sankrit quelques semaines auparavant, et qui l’avait mis sur la route de Jercho après la bataille de Heliopalis. Miraculeusement convaincu par Hamilcar en l’espace de deux répliques qu’il était dans le camp des méchants, Sarmiel fait défection de la Garde Solaire et accepte de guider ses gros copains jusqu’au Palais de la Lune, où le Roi Soleil tient sa cour.

En route vers son objectif, Hamilcar développe un point de côté persistant2 et se retrouve confronté, en plus des bidasses solaires qui défendent le Palais, à des vampires feulant, preuve irréfutable du passage de ce coquin de Mannfred von Castein (ennemi juré de notre héros depuis qu’il s’est fait tuer par le Mortarque3) par Jercho. Il en faut toutefois plus pour empêcher l’injouable Mimil – qui se paie le luxe d’infliger une Mike Tyson à un suceur de sang un peu trop sûr de lui – de se frayer un chemin jusqu’à l’affreux Jojo. Ce dernier ne peut compter que sur ses rayons, des serviteurs totalement assujettis à sa volonté, pour faire office de derniers défenseurs, et place Hamilcar devant un dilemme cornélien pour le héros du Bien (avec un grand B et un grand nez) qu’il est : massacrer des innocents pour atteindre son objectif, ou les épargner et laisser le Roi Soleil s’en tirer à peu de frais…

Début spoiler…Malheureusement pour Joraad el Ranoon, une troisième voie était possible, à savoir embrocher le lumineux monarque sur son trône d’un jet de hallebarde bien senti. La mort rapide et sanglante du roitelet permet au moins d’établir qu’il n’avait pas été changé en vampire par Mannfred von Carstein, ce qui est… une information. Et le savoir est le pouvoir, paraît-il. La nouvelle s’achève sur cette conquête nette et (presque) sans bavure d’une nouvelle Cité de Sigmar par les Astral Templars. Du travail bien fait.Fin spoiler

1 : On peut remercier Guymer d’adapter un grand classique de la culture britannique à la sauce d’Age of Sigmar. Appelons ça le Fardeau du Mangeur d’Ours Blanc.
2 : Qui ne sera pas expliqué dans la suite de la nouvelle et n’aura pas d’impact sur la conclusion de cette dernière, mais suggère fortement que Guymer avait quelque chose de particulier en tête au moment de l’écriture.
3 : Voir ‘Beasts of Cartha’.

AVIS:

Je ressors de ce ‘Bear Eater’ avec une persistante sensation de gâchis au fond de la gorge (ou peut-être du cerveau), ce qui me désole au plus haut point compte tenu de mon attachement pour le personnage de Hamilcar, une des premières têtes d’affiche moderne (comprendre, un brin complexe) des Royaumes Mortels, et qui faisait ici ses grands débuts dans la carrière. En cause, le choix de David Guymer de placer son intrigue dans un cadre exotique et singulier (donc intéressant) en diable, mais de confiner ce dernier à une toile de fond au profit d’une nième baston entre Stormcast Eternals et locaux impénitents. La deuxième moitié de la nouvelle vient ainsi ruiner le travail de world building de la première, en se focalisant uniquement sur les exploits martiaux du fortiche Hamilcar, qui parviendra une fois encore et sans aucune surprise à vaincre l’affreux vilain que la destinée lui a mis sur son chemin. Et comme les compétences martiales de sa Némésis du jour (ou de la nuit) culminent à « lever le bras d’un air vaguement menaçant », on n’a même pas le droit à un combat final digne de ce nom, comme cela avait été le cas lors d’épisodes précédents de la série.

De manière générale, il se perçoit bien trop clairement à la lecture que ‘Bear Eater’ n’est qu’un segment d’un arc narratif bien plus large, dans la droite ligne des événements relatés dans ‘The Realmgate Wars’, écrits à quatre mains par Guymer et Josh Reynolds lors des premières années d’Age of Sigmar. Les références à la traque de Mannfred von Carstein sont tellement nombreuses au fil des pages que je soupçonne que cette nouvelle devait initialement faire partie d’une nouvelle tétralogie (comme ‘The Hunt for Nagash’ et ‘Knights of Vengeance’), avant que le projet soit abandonné pour une raison non précisée. Cela expliquerait aussi cette fin des plus abruptes ainsi que le traitement bizarre réservé au personnage de Sarmiel el Talame, qui semble avoir un passif conséquent avec Hamilcar et ses Astral Templars : je suis prêt à mettre une pièce sur le fait que cette première rencontre aurait dû faire l’objet d’une nouvelle ou d’un audio drama. Bref, un véritable et regrettable accident de parcours pour la paire Guymer & Hamilcar, sans doute causé par les errements éditoriaux de la Black Library à l’époque.

ET POUR LES NOUVEAUX?

Mettre un personnage récurrent de la BL en avant dans un recueil promotionnel est une tactique courante et sensée d’un point de vue marketing, et comme ‘Bear Eater‘ marque les débuts de Hamilcar dans la carrière, il s’agissait d’un choix logique. Cependant, cette nouvelle n’est pas la meilleure, ni la plus représentative du style « high fantasy détendu du slip » que Guymer a signé pour ce héros charismatique (‘The Hardest Word‘ est supérieur sur les deux plans, et a été initialement publié en 2017, donc à temps pour figurer dans ce recueil), ce qui fait de sa sélection une petite faute de goût.

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Pantheon – G. Haley [AoS] :

INTRIGUE:

PantheonÀ une époque lointaine et plus heureuse, Sigmar prit sur lui de faire construire l’équivalent de Strasbourg (une ville avec du cachet + un lieu de rassemblement pour les décideurs politiques) sur la plus haute montagne d’Azyr. Nommé Highheim, ce qui sonne convenablement alsacien vous le reconnaitrez, ce complexe accueillit pendant un temps, voire une ère, les Dieux (plus ou moins) civilisés qui formèrent le panthéon des Royaumes Mortels. Puis le Chaos arriva, et chacun repartit dans ses pénates, laissant le pauvre Ziggy errer comme une âme en peine dans les allées désertes de la Theopolis.

La guerre totale décrétée par le divin barbu contre les quatre affreux est toutefois l’occasion pour le premier de réactiver ses vieux réseaux, et par une belle mâtinée pas encore tout à fait ensoleillée, il invite Alarielle à faire un Teams (avec webcam) pour parler du bon vieux temps. Au début franchement sur la défensive – ne pas oublier que la blitzkrieg sigmarienne a failli très mal finir pour elle – la Déesse finit par se détendre un peu, et accepte d’accompagner son hôte jusqu’à la place centrale du Highheim, où se trouve comme de juste une pièce d’eau. Mais attention, ce n’est pas n’importe quoi : plutôt qu’un bête bassin avec une fontaine rococo et des fientes de pigeon sur la margelle, il s’agit d’un miroir argenté créé par le mage Sanasay Bayla, et offert au Panthéon comme cadeau, outil et avertissement. Bayla, qui n’était pas la moitié d’un abruti, a en effet réussi à réaliser une œuvre qui permet à qui la contemple de voyager dans l’espace et dans le temps. Si Sigmar a tenu à ce qu’Alarielle vienne avec lui devant le miroir, ce n’est pas pour tenter de conclure avec la seule Déesse un tant soit peu accorte de son entourage (on est d’accord que Morathi est un peu creepy sur les bords), mais pour mater ensemble la vie de Brian Bayla, qui en plus d’être distrayante – on parle tout de même d’un type qui a réussi à maîtriser cinq des huit formes de magie – pourrait se révéler instructive.

La caméra se braque donc sur le mage prodige, au moment où une crise existentielle le saisit. A force d’exceller en tout, notre homme ne sait plus quel but se donner dans la vie, et après mûre réflexion, il décide d’aller vérifier si les Royaumes Mortels ont bien une fin physique, just for the thrill of it. La première étape de cette odyssée est de fact checker le sujet auprès d’une sommité en la matière, et comme Bayla a le bras long et le cœur bien accroché, il monte tout en haut du minaret du temple de Teclis le plus proche, entre en transe et se téléporte directement auprès du Dieu, qui lui assure que l’on peut bien s’asseoir sur le rebord du monde1. Cependant, cela n’est pas donné au premier clampin venu, car il faut passer par une porte secrète qui ne peut s’ouvrir qu’avec une clé forgée exprès par Grugni, puis terrasser un monstre immortel. Ca fait cher le coup d’œil.

Ce topo ne fait cependant pas peur à Bayla, qui abandonne séance tenance femme et enfants pour se lancer dans ce trek de l’extrême, ce qui l’occupe pendant quelques années. S’il ne parvient pas à négocier une audience auprès du Dieu forgeron lorsqu’il se rend à son temple de Chamon, il réussit tout du moins à obtenir un double de la clé en partageant sa Rince-Cochon avec le Nain Blanc (qui passait dans le coin). Il trouve également une astuce pour venir à bout du loup géant (Afrener) qui garde l’accès au bord du monde en se suicidant à 99% pour pouvoir rencontre Nagash, qui accepte d’euthanasier l’encombrant clébard en échange de cinq siècles et cinq jours de servitude post-mortem. Faut ce qu’il faut.

Ces obstacles enfin négociés, Bayla peut enfin boucler son périple, et contempler l’immensité magique et chaotique où les Royaumes (ici Ghyran) commencent et s’achèvent. Il est cependant immédiatement alpagué par un Magister de Tzeentch, qui essaie de lui vendre un plan de carrière mirobolant en l’échange de son âme, mais qui commet l’erreur de révéler que l’équilibre perso-pro ne serait alors pas vraiment respecté. Car Bayla est, au fond de lui, un authentique pater familias, et toutes ses pérégrinations lui ont ouvert les yeux sur le fait qu’il n’a pas été très présent au cours de la dernière décennie. Raccrochant violemment au bec de son démarcheur (ou l’équivalent dans les Royaumes Mortels), il repart dare dare en direction de son foyer, non sans avoir eu la vision d’une époque lointaine où ce dernier serait frappé par la guerre. Sachant qu’il ne serait plus là pour le voir, et donc l’empêcher, il décide de créer son fameux miroir pour que les Dieux puissent s’en servir dans leur veille constante contre le Chaos. Ce qui nous ramène au point de départ et à Highheim.

La nouvelle se termine sur un petit speech de Sigmar à sa bonne amie, qu’il voudrait plus active auprès des mortels afin de contrecarrer les fake news répandues par le Chaos à propos de la vie éternelle qui attendrait les serviteurs des puissances de la ruine. Qui de plus qualifié que la Déesse de la Vie pour porter ce message optimiste et philosophique auprès des habitants des Royaumes Mortels, hein ? Alarielle lâche un gros « mouais, j’y penserais » et repart semer du gazon en Ghyran, laissant Sigmar passer la mop et fermer la lumière sur Higgheim. C’est pas tous les jours facile d’être un petit patron.

1 : C’est malin, je vois maintenant Teclis avec la moustache de Francis Cabrel.

AVIS:

On savait Guy Haley très à l’aise dans le registre « mythique », qu’il est l’un des seuls contributeurs de la Black Library à pratiquer de manière régulière1, et ‘Pantheon’ est sans doute sa soumission de référence en la matière. Il parvient en effet à mettre en scène une épopée légendaire comparable à celle Gilgamesh (un héros d’une puissance quasi-divine s’embarque dans une quête impossible), transposée dans l’univers d’Age of Sigmar, et même plus largement, de la GW-Fiction, comme les références au Monde qui Fut qui émaillent le récit le dénotent. On se laisse embarquer dans ce voyage très différent des nouvelles ordinaires de la BL, où le moindre personnage est un Dieu, une Bête Zodiacale ou un individu mythique, et qui se termine comme souvent dans ce type de littérature par un enseignement moral à méditer (ici un bon carpe diem des familles). C’est à la fois rafraichissant et bien réalisé, et mérite donc vraiment d’être lu par celles et ceux qui souhaitent explorer le catalogue de la Black Library à la sauce AoS. Un classique en devenir, à mon humble opinion.

1 : Voir sa série sur le Prince Maesa, par exemple.

ET POUR LES NOUVEAUX?

Même si cette nouvelle n’est pas la plus « didactique » qui soit (on n’apprend pas grand-chose sur les factions d’Age of Sigmar en tant que tel), son approche, que je qualifierais de surplombante, du lore, envisagé depuis la perspective exaltée des Dieux et puissants héros des Royaumes Mortels, en fait une lecture tout à fait appropriée pour des nouveaux venus. C’est tellement plus intéressant à lire qu’une banale empoignade entre une cohorte de Stormcast Eternals et une armée chaotique/de la mort/de la destruction (rayez les mentions inappropriées) qui constituait la majeure partie des nouvelles des premiers temps d’AoS! Un classique, je vous disais. 

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The Last Son of Prospero – C. Wraight [HH] :

INTRIGUE:

The Last Son of ProsperoRamené sur Terra grâce aux efforts conjoints des White Scars, qu’il a aidé à sortir de la tempête Warp dans laquelle ils étaient encalminés, et des Elus de Malcador le Sigilite, le Sergent Revuel Arvida des Thousand Sons n’est plus vraiment au pic de sa forme à son arrivée sur le monde Trône. En cause, cette cochonnerie de malédiction du changement, un temps contenue par Magnus le Rouge, mais à présent hors de tout contrôle. Exfiltré vers l’infirmerie privée du Régent de Terra au nez et à la moustache de Jaghatai Khan, pour que Papi Mougeot puisse jouer au docteur avec ses abattis, le pauvre Arvida n’est plus qu’un tas de chair décoloré et instable, mais auquel son âme s’accroche encore avec l’énergie du désespoir.

Pendant que Malcador joue du scalpel avec plus de ténacité que d’efficacité (6 heures d’opération, tout de même), puis doit expliquer à un Jag’ hors de lui pourquoi il a cru bon de lui emprunter celui que le Primarque considère comme étant son obligé – et notre gonze prend les serments très au sérieux – Arvida expérimente des visions mystiques, où le passé et le présent s’entremêlent. Après quelques flashbacks peu intéressants, il fait la rencontre de son progéniteur borgne, ou plutôt de l’un de ses éclats1, qui a choisi de rester sur Terra… pour demander pardon à l’Empereur, j’imagine ? Toujours est-il que cette fraction du Roi Ecarlate est tirée de sa stupeur hébétée par l’arrivée de celui qui peut prétendre être le dernier fils de Prospero, et commence à se matérialiser dans la salle d’opération, juste à temps pour éviter à Jaghatai de faire avaler son bâton à Malcador pour lui apprendre à piquer les sauvegardes invulnérables pupilles des autres.

Cette apparition, c’était sur quoi le rusé vieillard comptait, lui qui cherchait un moyen de sécuriser les niveaux inférieurs du Palais Impérial en y installant un concierge avec un DEUG en occultisme. Malheureusement, la mayonnaise ne prend pas, ce qui laisse le champ libre au motivational speaker de Chogoris pour venir hurler des encouragements dans l’oreille la direction générale de son poulain. Miracle des miracles, cela marche beaucoup mieux que la combine de Malcador, et l’âme d’Arvida finit par fusionner avec l’éclat de Magnus, gagnant au passage une cure de beauté spectaculaire (les jeunes disent un glow up), qui redonne à notre comateux héros forme humaine. C’est ce qu’on appelle dans le jargon un coup d’éclat. Le rideau tombe sur une séance de présentation en bonne et due forme entre les membres du casting de cette nouvelle. Plutôt que de se prénommer Marvidus ou Manuel le Vouge, comme il en avait pourtant le droit et la possibilité, le « nouveau-né » s’introduit sous le nom d’Ianius, qui était le tutélaire (i.e. la mascotte démoniaque) d’Arvida au cours de sa carrière dans la Légion. Quelque chose me dit qu’on n’a pas encore fini d’entendre parler de lui…

1 : Parce que n’est plus Magn-I, c’est Magn-Us.

AVIS:

Chris Wraight signe une nouvelle pour connoisseurs de l’Hérésie d’Horus avec ‘The Last Son of Prospero’, qui ne peut être pleinement compris et apprécié qu’en maîtrisant, outre l’arc consacré par cet auteur au personnage de Revuel Arvida (‘Rebirth’, ‘Allegiance’), ceux propres à Malcador le Sigilite et ses élus (‘The Sigillite’), à Magnus (‘The Crimson King’) et aux White Scars (‘The Path of Heaven’, ‘Scars’)… ce qui fait un sacré bagage, mine de rien. Pour les happy few ayant investi assez de temps dans la maîtrise de l’Hérésie littéraire, cette nouvelle est à la fois intéressante sur le plan narratif et fluffique, ce qui est suffisamment rare pour être souligné, et apprécié. Pour les autres, qui formeront je crois la majorité, le bilan risque d’être un peu moins positif. Même si Wraight livre un récit de rédemption miraculeuse qui reste compréhensible pour un faux débutant (si vous ne savez pas qui sont Magnus, Jaghatai Khan et Malcador, ça va picoter), c’est bien le contexte dans lequel ‘The Last Son of Prospero’ se déroule qui fait tout l’intérêt de cette nouvelle. A ne pas mettre entre toutes les mains donc, ou en tous cas, à ne pas aborder sans préparation.

ET POUR LES NOUVEAUX?

Comme souligné juste au-dessus, vraiment très peu, tant la nouvelle est destinée à un public de vétérans. C’est donc un raté assez phénoménal de la part de la BL que d’avoir choisi une des nouvelles les moins appropriées à figurer dans un recueil d’i-ni-tia-tion à la GW-Fiction de tout le corpus de l’Hérésie d’Horus, alors que ce dernier comptait déjà des dizaines de courts formats qui auraient beaucoup mieux fait l’affaire. Dans le doute, toujours mettre ‘La Tour Foudroyée‘, c’est pourtant simple!

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Into Exile – A. Dembski-Bowden [HH] :

INTRIGUE:

Into ExileSommité reconnue de son domaine d’expertise (la techno-archéologie), le Magos Arkhan Land coulait des jours heureux sur Mars à diriger des fouilles dans les niveaux inférieurs de la planète rouge et à remettre la main sur des gadgets funky de l’Âge d’Or de la technologie (on raconte même qu’il a un Tamagotchi), quand l’Hérésie s’invita sur le monde forge. Bien que considérant cette guerre idéologique comme parfaitement en-dessous de lui, le Didier Raoult de M31 se retrouva à son corps défendant au cœur d’une lutte d’influence entre loyalistes et renégats, chacun des deux camps voulant bénéficier de son génie dans le meilleur des cas, et en priver son adversaire dans le pire. C’est ainsi que Malcador chargea Rogal Dorn de « convaincre » Land d’accepter un poste sur Terra, mission barbante que le Primarque se dépêcha de refiler à Sigismund, qui fit de même jusqu’à ce qu’elle échût au Légionnaire Nicanor, dont le statut de simple bidasse ne lui permettait pas de se défausser du job sur quelqu’un d’autre. Il aurait dû prendre un stagiaire, moi je dis.

Envoyé sur une Mars contrôlée en majorité par les forces du Fabricator General Kelbor-Hal, Nicanor parvint à se frayer un chemin jusqu’au laboratoire d’Arkhan Land, qui après avoir fait sa diva, conclut à la vision d’un bolter braqué sur son gros nez qu’il était dans son intérêt de suivre son nouveau copain tout jaune jusqu’au vaisseau de réfugiés qu’il lui servirait de ticket de sortie de la planète. Bien entendu, le voyage ne pouvait ne pas se passer sans encombres (bien que le complexe de supériorité chevillé au corps et le manque absolu de tact de Land menacent de faire dégénérer chaque conversation en pugilat), et les trois – Land emporte avec lui son singe mécanique de compagnie, Raghavan Sapien – ne tarde pas à découvrir qu’il est suivi…

Début spoiler…Leur stalker n’est autre qu’un automate Vorax, qui en a après les technomiches du technoarchélogiste, et n’accepte pas « non », ou même une rafale de bolts en pleine face, comme une réponse. Les nombreuses inimitiés que notre héros et sa grande gueule ont cultivé depuis des années rendent l’identification des commanditaires de cet assassinat impossible, mais il ne s’agit que d’un détail pour Nicanor, dont la mission reste de faire évacuer son colis en un seul morceau, quelqu’en soit le prix. Après avoir gagné un peu de temps en détruisant le pont où le Vorax avait lancé son attaque avec une charge melta, héritant au passage d’un criblage de chevrotine carabiné, le Space Marine choisit héroïquement de faire une Gandalf le Gris Jaune lorsque la machine tueuse les rattrapa à nouveau, à quelques centaines de mètres du Uber Pool réservé par ces radins d’Imperial Fists pour le transfert de Land.

Pas au mieux de sa forme et totalement surclassé par son adversaire mécanique, Nicanor réussit toutefois à tenir assez longtemps pour permettre à Arkhan Land et sa grosse pointe de vitesse de rejoindre bon port et prendre le chemin du monde Trône. Le rideau « tombe » (voir ci-dessous) sur le cadavre du brave Légionnaire reposant dans la poussière ocre de Mars, tandis que Land a un sursaut temporaire et passager d’humanité en pensant au sacrifice désintéressé de son protecteur.Fin spoiler 

AVIS:

On peut toujours compter sur Aaron Dembski-Bowden pour proposer quelque chose d’intéressant dans les nouvelles qu’il écrit pour la Black Library, et ce ‘Into Exile’ ne fait pas exception. Ici, notre homme s’aventure sur le terrain de la construction narrative, en optant pour une succession de vignettes (10 en tout) déroulant le récit de la fuite d’Arkhan Land, une des figures de l’Hérésie dont Dembski-Bowden s’est entiché, depuis Mars jusqu’à Terra, de manière antéchronologique. L’histoire s’ouvre donc avec le départ du Vorax des lieux du combat final avec Nicanor, et la navette spatiale prise par Land déjà partie en orbite. On remonte ensuite le temps, pour retracer l’histoire dont on connaît déjà la fin, mais qui se révèle être tout de même agréable à suivre et assez rythmée, malgré le manque de suspens qui est la conséquence logique de ce parti pris Memento-esque. Bref, un exercice de style des plus concluants de la part de la golden plume de la BL, qui mérite d’être lu (et pas seulement résumé).

ET POUR LES NOUVEAUX?

On partait de très loin avec l’entrée précédente, mais la BL fait mieux que se rattraper en misant sur cette nouvelle, qui, si elle se bonifie également à la lecture si on connaît le lore de 30K et de 40K (ce qui est logique pour une franchise qui a été créée pour enrichir le fluff), présente la caractéristique d’être aussi intéressante sur la forme que sur le fond. Et si le dernier doit se mériter, la première est à la portée de tous, ce qui fait de ‘Into Exile‘ un bon produit promotionnel à mes yeux, qui pourrait même aider à casser l’image de sous-littérature qui colle à la Black Library, en montrant que cette dernière compte parmi ses contributeurs des auteurs assez imaginatifs et doués pour proposer des histoires du calibre de celle-ci. Pas énormément, c’est vrai, mais il y en a.

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Voilà qui conclut cette revue du recueil introductif 2018 de la Black Library. Comme toujours, saluons une nouvelle fois l’initiative de la maison d’édition de Nottingham de mettre à disposition de façon gracieuse ces quelques nouvelles: c’est un geste appréciable dans l’absolu, et auquel rien ne l’obligeait. En ce qui concerne la qualité et la pertinence des six courts formats décortiqués ci-dessus, je dois dire que le millésime 2018 se situe dans le haut du panier, avec deux histoires à la fois excellentes et grand public, et aucune soumission totalement dispensable, même si certaines étaient clairement destinées à une audience déjà familière des publications de la BL. L’exemple à suivre pour les recueils des années à venir.

 

BLACK LIBRARY 2017 ADVENT CALENDAR [40K – AoS – HH]

Bonjour à tous et bienvenue dans une chronique franchement opportuniste, mais qui n’est tout de même pas totalement gratuite. Il sera ici question des nouvelles intégrées par la Black Library à son calendrier de l’avent…2017. Soumission de première fraîcheur donc, mais j’avais plusieurs raisons de consacrer un post à ce cru particulier.

Black Library 2017 Advent Calendar

La première d’entre elle était, je l’avoue sans mal, franchement prosaïque. Je me suis aperçu en mettant à jour mes fichiers de suivi (#IAmAFunGuy) qu’il ne me manquait que la revue de ‘The Tainted Axe’ de Josh Reynolds pour avoir chroniqué toutes les nouvelles de cette sélection (les audio dramas étant naturellement sortis de l’équation, car je n’ai jamais pu me faire à ce format). Si vous avez suivi mes publications sur le Warfo, je vous conseille donc de vous concentrer sur cette section de l’article, et de passer à autre chose, car le reste n’est pas inédit. En revanche (et c’est la deuxième raison), si vous ne connaissez que ce blog, j’ai le bonheur et l’avantage de vous annoncer que les nouveautés sont un peu plus fournies, car les nouvelles de l’Hérésie d’Horus ‘Duty Waits‘ (Guy Haley), ‘Magisterium‘ (Chris Wraight), ‘Now Peals Midnight‘ (John French) et ‘Dreams of Unity‘ (Nick Kyme) n’avaient pas été couvertes dans de précédents posts. C’est votre jour de chance!

Ce sujet de nouveau contenu évacué, il est enfin intéressant de revenir cinq ans en arrière – une période de temps importante pour la Black Library, pensez donc: c’était avant Warhammer Crime, Warhammer Horror et la série L’Aube de Feu – afin de juger de la qualité de cette sélection hivernale. 2017, grand cru ou récolte famélique? On va bien voir.

Black Library Advent Calendar 2017

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Endurance – C. Wraight [40K] :

INTRIGUE :

EnduranceSur le monde ruche de Lystra, l’escouade du frère Sarrien des Imperial Talons livre un combat d’arrière-garde aussi noble que vain contre les hordes innombrables des Zombies de la Peste ayant plus ou moins remplacées la population locale. Envoyés au casse-pipe pour permettre à un fonctionnaire de l’Adeptus Administratum obèse et tire au flanc (du moins, c’est comme ça que Sarrien se le représente) de maintenir son quota de dîme mensuel, ou autre raison purement technocratique, les braves Space Marines tiennent la ligne du mieux qu’ils peuvent, mais même leur constitution suprahumaine commence à donner d’inquiétants signes de fatigue. Pour ne rien arranger, les lignes de ravitaillement avec le reste de l’Imperium sont totalement coupées, ne laissant à nos fiers héros que la bonne vieille énergie cinétique pour défendre le domaine de l’immortel Empereur contre la corruption galopante titubante représentée par les Stumblers. Isolé de ses frères pour maximiser l’efficacité du soutien martial et moral que les Astartes représentent pour leurs alliés de la Garde, Sarrien débute la soirée comme toutes les autres auparavant : il chante chante chante ce rythme qui lui plaît (Endure ! For the Emperor ! Stand Fast ! Chihuahua !) et il tape tape tape (c’est sa façon d’aimer). On comprend cependant assez clairement que notre héros en a gros, et qu’il n’y a que son exemplaire éthique qui le pousse à suivre des ordres qui lui semblent totalement débiles.

À quelques encablures de cette planète condamnée, nous faisons la connaissance de notre deuxième protagoniste, le réfléchi (il ne court jamais) et hédoniste Dragan, Death Guard appartenant à la faction des Lords of Silence. Bénéficiant d’un quartier libre entre deux opérations de grande ampleur, Dragan a embarqué sa coterie sur son vaisseau personnel, l’Incaligant, et vogue là où le Warp le mène, massacrant tous les Impériaux qui lui tombent sous le moignon au passage. Les petits plaisirs de la vie, il n’y a que ça de vrai. Ayant fondu (dans tous les sens du terme) sur un transporteur de troupes de la Garde Impériale dépêché sans escorte en renforts de Lystra, Dragan décide sur un coup de tête, une fois le carnage expédié, d’emmener ses ouailles sur le monde en question, où il suppute (en même temps qu’il supure) qu’une distraction peut être trouvée.

Nous retrouvons ensuite Sarrien, toujours plus amer et toujours plus crevé, qui décide d’aller rôder derrière les lignes ennemies pour… le fun ? (étant donné que les défenseurs sont au bout du rouleau et s’attendent tous à crever, et que l’adversaire n’a aucune chaîne de commandement à décapiter ni de cibles stratégiques à prendre, l’utilité de la manœuvre me semble obscure). Bien que durement éprouvé par des semaines de combat sans répit, notre surhomme se révèle malgré tout capable de faire mordre la poussière à son poids en Stumblers, voire plus, jusqu’à ce qu’il tombe sur un Fatty dont l’odeur corporelle, ou l’aura de zenitude, c’est selon, est telle qu’il a bien du mal à lever la main sur lui. Malgré l’attitude résolument peace man du gros lard, Sarrien parvient à le décoller proprement, non sans que sa victime n’ait eu le temps de le prévenir 1) des dangers physiques et mentaux du surmenage (il devait être élu au CHSCT dans sa première vie), 2) de l’arrivée prochaine du Potencier (Gallowsman). Bien en peine de faire quelque chose de cette information, et sappé comme jamais, l’Imperial Talon décide de se rentrer, avec l’espoir futile de trouver un McDo encore ouvert sur le chemin pour s’envoyer un bon Coca bien frais.

De son côté, Dragan a fini par arriver en orbite autour de Lystra, et emmène sa bande sur les lieux du dernier conflit agitant encore la planète, dans l’espoir de trouver un adversaire de valeur. Escortés par quelques cohortes de die hard fans, les Lords of Silence progressent pondéreusement vers la ligne de front, où les attendent…

Spoiler Des Iron Warriors. Eh oui. Car en fait, Sarrien et Dragan ont visité Lystra à deux moments distincts, petite surprise savamment préparée par Wraight. Il est d’ailleurs fortement suggéré que Sarrien est devenu Glask (le second de Dragan, qui passe son temps à l’appeler Potencier – au grand ennui de son boss – et dont la jambe torse pourrait être la conséquence de la blessure subie par Sarrien au même endroit à la fin de la campagne) peu de temps après sa rencontre avec le gros plein de pus, lorsque, finalement submergé par le nombre de ses ennemis et l’amertume envers l’Imperium, il a décidé que sa survie était plus importante que son devoir. Ceci dit, le récit se termine sur un flou artistique et un amoncellement de Zombies affamés sur Sarrien, dont le salut final n’est pas garanti, ralliement à papa Nurgle bien acté par ce dernier ou pas. Quelques dizaines/centaines/milliers d’années plus tard, Dragan est quant à lui saisi d’une impression de déjà vu alors qu’il corrode les armures chromées de ces frimeurs de la IVème, ce qui ne fait que renforcer l’hypothèse de la défection de Mr Talon. Fin du spoiler

AVIS :

Mis à part le manque de clarté de sa conclusion (voir la partie spoiler ci-dessus), Endurance est une soumission solide de la part de l’ami Wraight, sans doute rédigée en accompagnement de son roman The Lords of Silence pour un galop d’essai littéraire. En quelques pages, Chris arrive ainsi à donner une véritable profondeur à ses répugnants héros, dont l’attitude chill, thrill & kill les distingue clairement des autres factions d’Astartes chaotiques et renégats de notre sombre galaxie, en plus de s’accorder parfaitement avec la philosophie débonnaire de Papa Nurgle, ce qui ne gâche rien. Sans rien galvauder de leur nature éminemment mauvaise, Wraight réussit également à rendre attachant (sans mauvais jeu de mots) le personnage de Dragan, dont le caractère égal et l’approche désinvolte de sa pestilentielle vocation le font apparaître comme éminemment plus sympathique que le Seigneur du Chaos lambda de la BL. De l’autre côté du ring, Sarrien s’avère moins mémorable, mais le récit que fait l’auteur de la lutte désespérée du loyaliste pour retarder l’inévitable, de part son caractère assez original (il combat en solo, et pas avec le reste de son escouade) et la bonne prise en compte des effets débilitants de la fatigue et des blessures sur la constitution d’un Space Marine – qui reste une machine de guerre insurpassable, mais peut se mettre dans le rouge s’il tire trop sur la corde – s’avère prenant et plaisant, sur les quelques pages qu’il dure. Une nouvelle SM comme je les aime donc : courte dans son propos, précise dans son dessein, efficace dans sa réalisation et à twist dans sa conclusion. Prenez-en de la graine, les rookies.

Gardant une nouvelle en fois en tête le but premier d’un recueil tel que celui dans lequel elle a été incluse, j’ajouterai pour conclure qu’Endurance fait un beau boulot de présentation d’une faction amenée à jouer un rôle important dans l’univers 40K (la Death Guard), en plus de donner assez envie de lire le long format mettant en vedette les Lords of Silence. Que l’exploration d’un concept central du fluff, le ralliement d’un Space Marine loyaliste au Chaos, soit également présente pour l’instruction des lecteurs novices ajoute encore a l’intérêt du propos, qui mérite donc largement sa place dans le Black Library Celebration 2019.

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Duty Waits – G. Haley [HH] :

INTRIGUE :

Duty WaitsSur Terra, les loyaux défenseurs de l’Empereur ne savent plus quoi inventer pour tuer le temps. Nous suivons ainsi le quotidien à la fois morne et stressant de deux Astartes de la VIIème Légion, le Capitaine Maximus Thane de la 22ème Compagnie, et le poussin Kolo, fraîchement diplômé de la promotion Eltaune Jaune, alors qu’Horus n’en finit plus de faire traîner son quart d’heure d’impolitesse. Alors que Max’ a au moins le loisir de faire un peu d’exercice à la tête de ses hommes, qu’il emmène régulièrement faire des joggings sur le mur d’enceinte du Palais1, Kolo est assigné au support informatique de ce dernier, et, entre deux appels d’un certain M. Alcador, qui éprouve toutes les peines du monde à envoyer un mail ou à ouvrir une pièce jointe (et qui oublie une fois sur deux d’allumer son écran), doit gérer une bien pesante inactivité. Car, il faut bien le reconnaître : il ne se passe pas grand-chose d’intéressant sur Terra d’un point de vue strictement apocalyptique. Bref, les journées sont longues2.

À défaut de s’améliorer franchement, les choses évoluent un peu pour nos protagonistes après le départ de la flotte en destination de Beta-Garmon. Bien qu’ils n’aient pas eu la « chance » de faire partie des heureux élus envoyés au casse-pipe contre les renégats, Thane et Kolo ont en effet reçu de nouvelles affectations. Le Capitaine a ainsi la chance, la joie et l’avantage de faire le planton à 300 mètres au dessus d’un square fréquenté par les civils du Palais, afin de rassurer et d’inspirer ces derniers. Malheureusement, les cadences infernales de travail auxquelles sont soumises les masses laborieuses de Terra, les conditions météorologiques détestables de la région, et le manque d’intérêt du spectacle (les gars restent vraiment plantés comme des piquets pendant des heures, à tel point que son Lieutenant manque de déclencher une alerte jaune quand il voit Thane lever les yeux vers le ciel) viennent contrarier cette noble initiative de propagande. Ils auraient jonglé avec leurs bolters, ça aurait eu plus de gueule, moi je dis. Pour se distraire, Maximus imagine ce qu’il se passerait s’il se laissait tomber depuis le mur, et calcule les probabilités jusqu’à la 15ème décimale de sa survie en fonction de paramètres divers, comme l’écartement de ses bras pendant la chute, l’atterrissage sur un quidam, ou encore la vitesse de croisière d’un Stormbird (africain) non chargé. Il soupçonne que le développement d’un passe-temps tel que le suicide mental pourrait peut-être trahir un léger début de névrose, mais cela ne l’empêche évidemment pas de faire son devoir.

De son côté, Kolo participe à l’opération Sentinelle II (la première ayant pris place 28.000 ans plus tôt, même si personne ne s’en souvient), ce qui lui donne l’occasion d’interagir avec les civils que Thane ne voit que de loin. Entre deux contrôles d’identité et palpations aléatoires, le voilà sommé avec son escouade d’intervenir en support des forces de l’ordre, débordées par une foule hostile car affamée. La distribution du pain quotidien ayant en effet annulée sans prévenir, une poignée d’Arbites doivent calmer les velléités meurtrières de quelques milliers de mal-contents. L’arrivée des gilets plastrons jaunes n’a pas l’effet escompté, pas plus que les talents oratoires et diplomatiques, assez limités il faut bien le reconnaître, du Sergent Benedict ne permettent de désamorcer le conflit latent. Ce qui doit arriver arrive, et les manifestants commettent l’erreur de charger leurs protecteurs, qui répondent par une rafale de bolter dans le plus grand des calmes. 80 douilles très exactement plus tard, l’incident est clos, au prix d’un petit millier de morts seulement. Voilà qui mérite bien un honneur balistique, il me semble. Bref, sur Terra il n’y a pas que le temps qu’on tue.

1 : En revanche, pas question de traverser la route avant que le petit bonhomme ne passe au vert jaune. Sous peine de mort.
: Il est d’ailleurs murmuré dans les cercles autorisés que c’est la surutilisation de leur membrane cataleptique pour faire passer le temps plus vite pendant leur interminable garnison sur Terra qui a entraîné la dysfonction de cette dernière chez les Imperial Fists et leurs successeurs.

AVIS :

Dans la série des nouvelles de C.A.L.T.H.1 constituant une partie non négligeable du recueil Heralds of the Siege, Duty Waits se place en tête de peloton par ses importants apports en termes de fluff, ainsi que par la réussite de Haley à faire ressortir la torture mentale que représente cette attente interminable pour les défenseurs, fussent-ils des transhumains conditionnés et entraînés pour faire face à toute situation. Et les Space Marines ont beau ne pas connaître la peur, l’Empereur n’a rien dit ni prévu en ce qui concerne l’ennui, ce qui peut mener même les soldats les plus disciplinés à commettre quelques regrettables boulettes. Dans cette ambiance de Désert des Tartares, Thane et Kolo vivent chacun leur propre enfer, et se retrouvent, sans le savoir, complices d’une exaction qui ne manquera pas de venir les hanter après l’Hérésie. Sur le thème, déjà couvert de nombreuses fois mais tellement central pour la série qu’on pardonnera aisément cette nouvelle itération, du sacrifice des fins en faveur des moyens, Haley parvient à brosser un portrait singulier et sinistre du Monde Trône avant que l’apocalypse ne s’y déchaîne, et préfigurant sans le savoir la dictature brutale, liberticide et usine-à-gazesque que deviendra l’Imperium, autrefois « simple » despotisme éclairé et progressiste, une fois la guerre civile terminée. Et si la question du « mais comment en est-on arrivés là ? » est la plus importante à laquelle l’Hérésie d’Horus doit répondre, alors on peut considérer Duty Waits comme une vraie réussite.

1 : Calme Avant La Tempête Horusienne.

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Gods’ Gift – D. Guymer [AoS] :

INTRIGUE :

Gods' GiftPrenant place après les évènements narrés dans Great Red et The Beasts of Cartha, pour ne citer que deux des précédentes aventures de notre fougueux héros, Gods’ Gift voit Hamilcar et quelques uns de ses potes des Astral Templars accomplir une mission d’intérêt général, sans doute pour avoir commis quelque tour pendable à une chambre rivale lors d’une permission à Hammerhall. Il s’agit en l’état de punir et faire stopper les exactions d’une bête monstrueuse s’amusant à disposer des hardis bûcherons d’un camp de colons récemment implanté dans les terres farouches de Ghur, tâche récréative pour des Stormcast Eternals de la trempe de nos gais lurons. Guidés par un local – Fage – qui malgré son âge vénérable semble tout émoustillé par la seule présence des Elus de Sigmar, Hamilcar & Cie s’embarquent donc dans une épopée aussi directe et rapide qu’une quête de zone de didacticiel de World of Warcraft.

Depuis le relevé de empreintes jusqu’à la constatation de l’heure du décès, ou plutôt, de l’abattage, il ne se passera ainsi qu’une petite journée, soit une vingtaine de pages pour le lecteur, juste le temps pour Ham’ de piquer un roupillon qui lui apportera un rêve plus ou moins prophétique, dans lequel un chêne vient lui chanter Je suis malade (ce qui est ‘achement dur pour un végétal, et mérite le respect), ce qui lui permettra de prendre une décision des plus inspirées quelques heures plus tard. La nouvelle se terminant pour un petit cliffhanger pas vraiment haletant, mais sans doute important pour la suite de la saga d’Hamilcar (Mark de son prénom), le lecteur en est quitte pour embrayer sur directement sur la première, ou plutôt le premier roman dédié à Guymer à sa coqueluche hirsute (Champion of the Gods), dans lequel il est presque certain que des réponses seront apportées aux questions laissées en suspens à la fin de Gods’ Gift.

: L’Homme Arbre qui s’était chargé de la besogne de déshumanisation – c’est comme la désinsectisation, mais avec des primates – servant de pied à terre racine à humus à une sylvaneth passablement enrhumée.

AVIS :

Malgré les dizaines de titres que compte sa bibliographie BL à l’heure actuelle, ce n’était que la deuxième soumission de Mr Guymer m’étant tombée sous la main depuis l’inaugural The Tilean Talisman, initialement publié en 2011. Et je dois dire que mon appréciation de l’œuvre du bonhomme est resté scrupuleusement identique, huit ans plus tard : des aptitudes certaines en terme de narration, avec des personnages au minimum distrayants, à défaut d’être immédiatement attachants (mention spéciale à Brouddican, l’Hillarion Lefuneste personnel de cette grande gueule d’Hamilcar), relevé par quelques notes boisées – c’est le cas de le dire – de fluff, plombées par une vacuité de l’intrigue assez rédhibitoire. C’est bien simple, celle de Gods’ Gift (d’ailleurs, on ne comprend pas vraiment quel est le don auquel Guymer fait référence dans le titre de sa nouvelle1) s’articule en deux temps trois mouvements, sans qu’on ait l’impression d’une quelconque progression entre le début et la fin de la nouvelle. Hamilcar traque un monstre. Hamilcar rêve d’un chêne. Hamilcar tombe dans une embuscade d’Hommes Bêtes (il faut bien qu’il montre qu’il est un cador du corps à corps). Hamilcar débouche sur un bosquet de chênes sacrés, gardé par… le monstre qu’il traquait. Coup de bol. Baston. Victoire. Fin.

Bref, rien de bien challengeant pour l’intellect du lecteur, qui aurait pu s’attendre à quelques liens de causalité entre les différents éléments constitutifs du propos de Guymer. Rien de tel ici, ou de manière tellement évidente et peu fine que les relever n’a pas grand intérêt. Comme dit plus haut, cela peut sans doute se justifier par le fait que Gods’ Gift est un rehaut littéraire à un travail plus conséquent, avec lequel l’auteur prend bien soin de faire la liaison. Telle la rondelle de tomate venant décorer une entrecôte frites, cette nouvelle peut être consommée si on a vraiment faim, mais ne remplira pas l’estomac pour autant. Et comme dit plus tôt (Décembre 2014, pour être précis), c’est plutôt cher payé pour ce que c’est. On me souffle dans l’oreillette que c’est fois ci, c’est gratuit. Bon. Mais avant cela, cela ne valait certes pas les 2,99€ demandés. Rem-bour-sez nos in-vi-tat-tions !

1 : Soit ce sont les visions vagues envoyées par Sigmar, soit c’est le photophore magique remis par icelui, et qui permettra à notre fier héros de venir à bout de Marylise Lebranchu. Au lecteur de décider s’il prend le messie ou la lanterne.

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Magisterium – C. Wraight [HH] :

INTRIGUE :

MagisteriumSortis très éprouvés de la Guerre dans la Toile, la première défaite qu’ils aient connu depuis leur fondation, et qui a réduit drastiquement leur nombre, les Custodes doivent à présent panser1 leurs plaies et se préparer pour l’arrivée prochaine d’Horus et ses Légions renégates. Nous suivons donc le Vestarios (soit littéralement, le préposé au vestiaire de la boîte de nuit, en grec ancien) Samonas, fidèle bras droit de imperturbable Constantin Valdor alors qu’il supervise la réhabilitation des gardes suisses de l’Empereur, qui, en plus d’avoir été nonagimés (mais si, mais si, c’est du haut gothique) par les hordes démoniaques, ont cabossé et égaré leur matériel dans des proportions abominables, ce qui force les services généraux de la custoderie à enquiller les heures sup’ sans compter. Au moins, le temps d’attente à la cantine et à la photocopieuse s’en trouve fortement réduit, et il n’y a plus de problème de place au parking des trottinettes électriques. C’est déjà ça.

Ayant obtenu une audience auprès de (son demi-frère ?) Rogal Dorn, avec lequel il entretient des relations aussi fraîches que le bloc Harpic qui orne ses toilettes personnelles, Valdor se rend dans les appartements du Seigneur Commandeur de l’Imperium, toujours escorté de son fidèle Samonas. Comme on peut s’y attendre, l’entrevue se passe assez mal, les deux surhommes se balançant des amabilités au visage sans prendre de gants, énergétiques ou pas. Tandis que le maître des Imperial Fists reproche à son interlocuteur sa roideur confinant parfois à l’autisme, dès lors qu’une directive lui ait été donnée par l’Empereur, ce qui a conduit les Custodiens à contenir seuls les brèches dans les niveaux inférieurs du Palais, alors qu’un retrait stratégique aurait permis d’épargner de nombreuses vies, Valdoche nous joue son air favori du « Oh-mais-vous-les-Primarques-vous-n-êtes-que-des-sales-gosses-pourris-gâtés-et-on-était-bien-mieux-avec-Pépé-avant-votre-naissance2 ». Le sentiment de supériorité de Darth Valdor est toutefois tout ce qui lui reste, Dorn soulignant avec à propos que les pertes subies par les 10.000 ont de facto condamnés ces derniers à jouer les seconds rôles dans le futur siège de Terra, et que le sort de l’Hérésie repose maintenant entre les gantelets des Legiones Astartes, qu’ils soient traîtres ou loyalistes. Bref, la garde aurique n’est plus bonne qu’à assurer le service d’ordre autour de la chaise d’affaires impériale, et doit laisser aux Space Marines la gestion des vrais dossiers.

La virulence des échanges entre la main droite et le poing gauche de l’Empereur n’est pas sans rappeler à Samonas, qui s’ennuie ferme pendant ce crêpage de chignon3, une conversation du même ordre qui avait pris place quelques années plus tôt sur Prospero, lorsque que les Custodiens étaient venus donner un coup de main aux Space Wolves dans le châtiment, que d’aucuns jugent mérités, de Magnus et ses Thousand Sons à la suite du poke un peu trop accentué que ce dernier avait envoyé à son paternel pour lui signaler le comportement déviant d’Horus. Bien que Leman Russ se soit révélé un tout autre animal (autant comparer un malamut à un poisson pierre), le zèle sanguinaire avec lequel le Fenrissien mena l’assaut sur Tizca, et sa volonté sans équivoque de ne pas faire de prisonnier, au mépris des instructions remises par l’Empereur au Capitaine-Général, ne furent pas sans générer des frictions entre les deux envoyés impériaux. Dans ce cas, comme plus tard avec Dorn, Valdor, en tant que Magisterium, disposait d’une autorité théoriquement absolue sur son vis à vis Primarque, mais cela n’a pas empêché ce dernier de n’en faire qu’à sa tête, avec des résultats spectaculaires, à défaut d’être satisfaisants. Et Constantin d’y aller de son petit « Primarque… » méprisant en voyant Russ hurler à la lune sur la grand-place de Tizca après la volatilisation du Cyclope. Décidément, ils n’ont pas les mêmes valeurs.

La nouvelle se termine sur une scène de remparts (comme beaucoup des histoires de Heralds of the Siege d’ailleurs), Valdor enjoignant son sous-fifre porte-cravate de ne pas désespérer que l’Empereur reprenne enfin contact avec ses Custodiens, malgré tous les travaux d’isolation des fondations du palais à terminer avant l’arrivée d’Horus, et qui l’occupent à plein temps depuis maintenant des mois. D’une manière ou d’une autre, la fin approche à grands pas…

1 : Et penser, ils ont tous passé l’agreg’ de philosophie après tout.
2 : Funfact : Sur les 1932 mots titres et qualificatifs gravés à l’intérieur de la cuirasse de Valdor, 93% sont des critiques adressées aux fistons du Patron.
3 : Dorn s’étant laissé pousser les tifs pendant ses sept années de permanence au domicile paternel, il y a largement de quoi faire un manbun.

AVIS :

Pure nouvelle de fluffiste, en ce qu’elle s’avère être beaucoup plus riche en petites révélations et lourdes insinuations de background qu’en action pure et dure, Magisterium est une soumission de qualité de la part de Chris Wraight. Son principal intérêt, et non des moindres pour les amateurs de grandes figures de l’Hérésie (c’est à dire la plupart des lecteurs de la série, soyons honnêtes), est d’apporter quelques os à ronger sur le discret mais crucial Constantin Valdor, et de le faire interagir avec d’autres VIP impériaux. Les bisbilles qui s’ensuivent permettent à Wraight de soumettre quelques concepts intéressants, et de soulever des questions l’étant tout autant, comme celles de l’origine de Valdor et du rôle que lui a attribué l’Empereur, qui semble dépasser celui de simple garde du corps et porte parole officiel de Son Altesse Suprêmissime (bien que la fonction de Magisterium, et les prérogatives qui vont avec, soient déjà une belle source de discussion). La rivalité latente entre l’aîné des surhommes de Pépé et la fratrie primarquielle, qui est venue après, ne sera pas sans susciter quelques folles hypothèses de la part du lecteur, et j’espère bien que l’auteur continuera sur cette prometteuse lancée dans le roman dédié à l’énigmatique Capitaine-Général. En sus, l’état des lieux dressé par Wraight du piteux état dans lequel la Guerre dans la Toile a laissé les Custodiens permet de faire le lien entre cet épisode bien couvert dans les dernières publications de l’Hérésie d’Horus et le Siège de Terra, ce qui est toujours bon à prendre. Bref, une lecture tout ce qu’il y a de plus conseillée pour celles et ceux qui prennent l’Hérésie à coeur.

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Now Peals Midnight – J. French [HH] :

INTRIGUE :

Now Peals MidnightAlors que l’horloge de l’ApocalypseTM se rapproche furieusement de l’heure fatidique du début de la plus grande bataille de Warhammer 40K de l’histoire de la galaxie, le capitaine de l’équipe loyaliste décide de passer le temps avant le lancement de la clock en se dégourdissant les jambes sur le chemin de ronde qu’il a passé le dernier lustre à bâtir. Rogal Dorn, Prétorien de Terra, a beau se répéter que lui et ses gars (et filles) sont aussi prêts qu’ils puissent l’être, il est difficile d’être certain de rien alors que l’express d’Isstvan V est sur le point d’entrer en gare système, rempli jusqu’à la gueule de félons et de traîtres. Un calme de mauvais augure est d’ailleurs tombé sur Terra, comme si la planète tout entière retenait son souffle dans l’attente de l’arrivée d’Horus et de ses ruffians.

Alors que le Primarque des Imperial Fists boucle son parcours en écoutant le podcast des meilleures prédictions pessimistes et autres maximes déprimantes de l’Hérésie, depuis Malcador dans The Lightning Tower1 jusqu’à Solomon Voss dans The Last Remembrancer2, en passant par… lui-même (il le vaut bien) dans The Crimson Fist3, il fait plusieurs rencontres aussi vides de sens que lourdes d’intérêt, ou peut-être est-ce le contraire. Après avoir demandé à l’astropathe et secrétaire de direction Armina Fel d’organiser un dîner de travail avec ses frangins, il passe une tête au PC Sécurité jauger des conditions de circulation sur le périphérique solaire. Vison Buté voit noir foncé. Zut. Juste le temps de donner sa soirée à l’Amiral Su-Kassen (qui ferait bien d’en profiter pour bingewatcher la saison IV de Stranger Things, elle n’aura plus le temps après), et Jauni est déjà reparti.

Un petit aparté littéraire nous permet de faire la connaissance de Seplin Tu et de son paternel (Tur-Lu’tu), banlieusards impériaux enrôlés de force dans la milice terrane, et qui feront peut-être/sûrement une apparition dans une des prochaines soumissions de French dans cette franchise. Hello Yellow. Retour sur les remparts, où Archamus-3 et Andromeda-17 attendent l’arrivée du taulier en discutant anthropologie et philosophie. On s’occupe comme on peut. Dorn finissant par pointer ses guêtres, le Huscarl et la Devineresse lui emboîtent le pas jusqu’au lieu de rendez-vous avec Sanguinius et le Khan… qui savent déjà ce qu’il avait à leur annoncer, à savoir que la flotte du Maître de Guerre vient de se matérialiser aux confins du système solaire, prélude à la guerre du même nom. La prochaine fois, utilisez Whatsapp les gars, ça ira plus vite.

Enfin, en orbite, dans l’assiette de guerre sur laquelle il est posté, le Capitaine Katafalque reçoit un message privé signé d’un « RD » très peu protocolaire, mais qui n’en contient pas moins une information de (pierre de) taille : l’ennemi vient d’arriver. Corporate jusqu’au bout, Dorn insiste toutefois pour que l’ordre de mobilisation générale ne soit passé dans un premier temps qu’à la 7ème Légion, les White Scars et les Blood Angels bénéficiant d’un léger sursis avant d’être mis au parfum. Pourquoi ? Mystère. Mais comme on le disait chez les tribus Franc à la fin de M2 : « Avant l’heure, c’est pas l’heure… »

1 : ‘He saw this Heresy coming in his visions. That is the truth you fear. You wish you had listened…’
2 : ‘The future is dead, Rogal Dorn. It is ashes running through our hands…’ C’est moche l’auto-citation, John.
3 : ‘You’re no son, you’re no son of maïïïïïne !’ Bon c’est Genesis (We Can’t Dance), mais vous saisissez l’idée.

AVIS :

Je pense que l’apprécation de cette nouvellinette de French variera fortement selon le contexte dans lequel elle sera lue. Prise individuellement, il serait facile (et exact) de souligner qu’il ne se passe vraiment pas grand-chose dans Now Peals Midnight, Dorn se contentant de faire ce qu’il fait depuis les prémices de l’Hérésie d’Horus (The Lightning Tower, 2007) : regarder le ciel d’un air pénétré en fronçant très fort les sourcils. Cette fois-ci, c’est vréééééééééément la bonne, Rogal ! Bien sûr, il a gagné quelques souvenirs et connaissances dans l’intervalle, certains d’entre elles convoquées pour quelques lignes de dialogue, mais dans l’ensemble, rien de nouveau sous la plateforme de défense orbitale. D’un autre côté, si Now Peals Midnight est la culmination du corpus (entier ou partiel) de l’Hérésie, et que le lecteur sait que la prochaine fois qu’il recroisera la route des personnages de la nouvelle (qu’il a appris à connaître au cours de ses précédentes lectures), l’acte final de cette tragédie galactique aura débuté, il y a de bonnes chances qu’il éprouve quelques trépidations de bon aloi en parcourant ces quelques pages. Bref, comme souvent avec ce genre de production purement atmosphérique, time is the essence. J’appose donc la mention « à conserver dans un endroit frais et sec, à l’abri de la lumière, de la chaleur et de la précipitation » sur cette soumission. On connaissait la slow food, nous voilà avec du slow reading. Ce siècle est décidément étrange.

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The Witch Takers – C. L. Werner [AoS] :

INTRIGUE :

The Witch TakersMis sur une sale histoire de meurtre dans la ruralité profonde du Khanat d’Arkl, en Chamon, les chasseurs de sorcières Esselt et Talorcan, unis à la scène comme à la ville, remontent une piste, forcément chaude, à travers les dunes du désert de Droost. De villages martyrs en tombes profanées et cadavres possédés il ne faut pas longtemps à notre fine équipe pour subodorer que quelque chose de pas sigmarite se cache au fond de ce dossier. Il semblerait que quelqu’un hante Droost avec pour seule mission de massacrer tout ceux ayant le malheur de croiser sa route. Quelqu’un… ou quelque chose, qui asservirait ses hôtes les uns après les autres, passant de main en main et ne laissant que les dépouilles de ses victimes et de ses porteurs derrière lui. Alors que les deux Répurgateurs approchent l’oasis de Tora Grae, miraculeusement épargnée par la folie environnante, il leur faudra agir rapidement et intelligemment pour empêcher le Tournetueur (pun intended) de commettre un nouveau carnage…

AVIS :

C.L. Werner qui met en scène un duo de Répurgateurs embarqués dans une quête qui les conduira dans quelque sinistre recoin de leur « circonscription » : du tout cuit pour l’auteur de la (plutôt bonne) série des Mathias Thulmann me direz-vous. C’est aussi ce que je pensais avant de commencer la lecture de ces Tueurs de Sorcières, et me suis donc surpris à reconsidérer légèrement ce postulat une fois passé le point final. Comme quoi, rien n’est gravé dans le marbre dans ce bas monde. La première divergence notable qui m’est apparue est la relation amoureuse unissant Esselt et Talorcan, ce qui n’a rien de rédhibitoire en soi (et est même suffisamment rare dans une publication de la Black Library pour qu’on puisse au contraire saluer l’audace de l’auteur), mais m’a semblé tellement éloignée des conventions usuelles de ce genre de littérature que mon expérience de lecture s’en est trouvée, pas polluée, le terme serait un peu fort, mais au moins perturbée par les roucoulades échangées par nos héros1. Passées ces considérations romantiques, l’intrigue que nous propose Werner ne s’avère pas être très haletante, la course poursuite par hôte interposé à laquelle se livrent Buffy, Xander et le bracelet perdu de Valkia la Sanglante suivant son cours avec une linéarité décevante, alors que la méconnaissance par nos héros de la nature et de la forme du mal qu’ils ont à combattre ouvrait la porte au développement de fausses pistes. Quant au binôme de choc proposé par l’auteur, il se révèle être d’une décevante platitude, Esselt et Talcoran ne s’écartant pas d’un pouce de leur stéréotype respectif (la paladine zélée et le rôdeur débrouillard), ce qui ne donne pas vraiment envie d’embrayer sur le roman que Werner leur a consacré (Le Cœur Corrompu//The Tainted Heart). Pour terminer, les apports fluff de cette nouvelle se comptent sur les doigts d’une main d’un Zombie de la Peste, le fait qu’elle se déroule dans un bout de désert perdu au milieu de nulle part ne jouant évidemment pas en la faveur d’inclusions significatives (même si ce genre de théâtre d’opérations n’est en rien rédhibitoire pour peu qu’on veuille s’en donner la peine, comme Guy Haley l’a prouvé avec Les Sables du Chagrin//The Sands of Grief). En conclusion, il ne reste guère que le métier de C. L. Werner pour faire tenir ces Tueurs de Sorcières debout, ce qui est suffisant pour une lecture rapide de l’ouvrage, mais à peine.

1 : Quand bien même ces dernières sont restées d’une sobriété bienvenue. C’est ainsi, j’ai du mal à voir des « Mon amour » apparaître dans une nouvelle de la Black Library.

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Dreams of Unity – N. Kyme [HH] :

INTRIGUE :

Dreams of Unity« Démobilisé » comme ses camarades à la fin des Guerres d’Unification, l’ancien (dans tous les sens du terme) Légionnaire Tonnerre Dahren Heruk s’est reconverti dans le gladiatorat avec une poignée de comparses afin de joindre les deux bouts. L’Empereur n’ayant visiblement pas prévu de plan épargne retraite digne de ce nom en faveur de ses premiers prototypes de post-humains, la joyeuse bande vivote sur les maigres bénéfices des combats auxquels elle participe dans le Swathe, bidonville Terran s’étendant en périphérie du Palais de leur ancien patron. Pour ne rien arranger, les vétérans sont affligés de divers troubles physiques et psychologiques, dont une forme particulièrement vivace et handicapante de PTSD, poétiquement nommée les Rêves d’Unité, qui les mène à revivre leurs souvenirs de bataille comme s’ils y étaient, avec des conséquences généralement fâcheuses pour les quidams évoluant à proximité. Les Blood Angels n’ont vraiment rien inventés.

Ayant été témoin de la mort d’un de ses comparses (Kabe) sur le sable de l’arène, des mains d’un chrono-gladiateur au final desservi par son propre sadisme, Heruk commence sa journée par un peu de manutention, ramenant les restes mortels de son défunt collègue jusqu’au domicile de son dominus et imprésario (Tarrigata), afin de procéder au recyclage, puis à l’incinération de ces derniers. Il part ensuite à la recherche d’un autre gladiateur de l’écurie (Gairok) aux abonnés absents depuis quelques heures, ce qui n’augure rien de bon. Pris en chemin d’une crise de somnambulisme aiguë, il revient à lui dans un bar dévasté du Swathe, où Gairok1 semble avoir organisé une reconstitution hyper réaliste du siège d’Abyssna, avec les piliers de comptoir comme figurants (involontaires). Jugeant son camarade trop atteint pour qu’une autre issue soit possible, Heruk l’euthanasie la mort dans l’âme, et poursuit sa mission de porteur d’os en charriant le cadavre jusqu’au QG de la bande.

Ailleurs dans le Swathe, le SWAT impérial (see what I did there ?) se déploie à grand renfort de gadgets, sous les traits aquilins mais masqués du Custodien Tagiomalchian. Ce dernier a été chargé de trouver et de neutraliser des éléments séditieux opérant depuis les dédales mal famés du bidonville, et se montre très intéressé par le carnage commis par Gairok au café PMU du coin. Alors qu’il est occupé à faire quelques relevés en mode les Experts : Terra, il est violemment attaqué par un agresseur non identifié, ce qui coupe la transmission envers la Tour de l’Hegemon. Sus-pense.

Nous retrouvons Heruk et son poids mort alors qu’ils arrivent enfin en vue de la bicoque de Tarrigata, qui se trouve être en proie des flammes. Décidément, ce n’est pas la journée de notre heruk. Réussissant à extraire son patron des décombres au péril de sa vie, le Guerrier Tonnerre n’arrive pas à lui sous-tirer d’informations vraiment utiles quant à l’identité des petits gougnafiers responsables de cette destruction de propriété privée avant que Papy Tarri’ n’aille rejoindre la droite de l’Empereur. Supputant que l’incident ait pu être causé par une autre crise de delirium tremens du dernier de ses corelégionnaires vivants (Vezulah Vult), Heruk se met à nouveau en chasse, et parvient à débusquer Vivi dans les égouts du Swathe. Ce dernier, également à l’article de la mort, et aveuglé par un Bitch Betcher move réalisé par son assassin, refait le coup du « je meurs avant d’avoir donné la bonne info à mon pote pour préserver le suspens de l’histoire mouahaha- couic » à Heruk. Au moins, l’honneur des Guerriers Tonnerre est sauf, car ce n’est pas Vult qui a foutu le feu aux pénates de son patron. C’est déjà ça. Résolu à tirer ce mystère au clair, et désormais libre de toute obligation professionnelle du fait du décès de tous ses collègues, Heruk poursuit son avancée dans les niveaux inférieurs du Swathe…

Début spoiler…et arrive à temps pour filer un salutaire coup de main à Tagiomalchian, fort occupé à maîtriser un Alpha Légionnaire possédé et son culte de groupies, que l’on devine être responsables du saccage du Balto pendant que Gairok s’en jetait un petit, ce qui lui a fait péter les plombs, et de l’attaque des locaux de Tarrigata… parce qu’il leur devait de l’argent, peut-être ? Toujours est-il que ce sont les méchants de la nouvelle, les vrais, en plus d’avoir été impliqués dans la tentative d’infiltration du Palais Impérial quelque temps auparavant, bien sûr. Prudence étant mère de sûreté, Heruk commence par s’occuper des goons chaotiques pendant que Tag’ et Alpharius (car c’était lui… c’est toujours lui) se roulent par terre en bonne intelligence, écopant de quelques légères blessures mais se montrant si convaincant dans son approche qu’il arrive même à convaincre la meneuse adverse de se suicider plutôt que de l’affronter2. Ceci fait, il ne reste plus à notre increvable vétéran qu’à régler son compte au bossédé de fin, en partenariat avec l’Adeptus Custodes, et en écopant d’une déchirure mortelle au passage (si seulement il s’était souvenu qu’il avait piqué le pistolet à radiations de Tarrigata avant que d’engager le renégat au corps à corps… les ravages de la grande vieillesse). Herruïque jusqu’au bout, notre briscard peut ainsi tirer sa révérence la tête haute, ayant bien mérité un honorable coup de grâce de la part de son camarade de jeu. Dreams are my reality… (air connu).Fin spoiler

1 : Pour être honnête, on ne sait pas trop qui blâmer pour ces troubles de voisinage, Heruk ayant été tout aussi parti que son poto à son arrivée sur les lieux. Dans ces cas là, mieux vaut reporter le problème sur le type d’en face c’est vrai.
2 : Il faut dire que voir un colosse écumant perforer la cage thoracique de Roger de la compta’ à coup de pied ne donne pas en vie d’engager le dialogue.

AVIS :

Cette nouvelle de Kyme s’avère être assez satisfaisante, et plus qualitative que nombre de ses travaux précédents, ce qui est appréciable pour le lecteur et peut laisser à penser que notre homme s’améliore au fil du temps. Tant qu’il y a de la vie… En plus de la généreuse dose de fluff relative aux Guerriers Tonnerre dont nous bénéficions ici, le petit thriller mis en scène par Kyme quant à l’identité des proies traquées par Tagiomalchian tient plutôt bien la route, dès lors qu’on ne le regarde pas de trop près. À titre personnel, j’ai trouvé que l’auteur s’inspirait lourdement des travaux de certains collègues (le Custodes est un clone Kymesque du Tauromachian d’Abnett dans Blood Games, le crachat venimeux un emprunt au Talos d’ADB), ce qui peut peut-être expliquer pourquoi cette soumission est de meilleure facture que d’ordinaire. La tendance de Kyme à saboter l’exécution d’idées pourtant intéressantes par la non prise en compte de détails mineurs (affliction baptisée annandalisme par votre serviteur) vient toutefois fragiliser l’édifice1, ce qui est dommage mais pas surprenant. Mais on progresse, on progresse…

1 : Exemple gratuit, le chrono-gladiateur du début de la nouvelle est d’abord décrit d’une telle manière à ce que le lecteur croit qu’il s’agit d’un Custodien (ce qui ferait sens car ce sont eux qui ont massacrés les Guerriers Tonnerre sur l’ordre de l’Empereur). Ce quiproquo assez malin est affaibli par le choix de Kyme de faire de son antagoniste un tueur sadique, qui prend son temps pour tuer sa victime au lieu de l’achever efficacement. Pour un guerrier vivant littéralement sur du temps emprunté, une telle procrastination est en effet très improbable.

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The Old Ways – N. Horth [AoS] :

INTRIGUE :

Callis and Toll_The Old WaysAffecté à la surveillance de la cité d’Excelsis, dans le royaume de Ghur, le répurgateur de l’Ordre d’Azyr Halliver Toll, escorté de son sidekick Armand Callis, est envoyé par ses supérieurs tirer au clair une sombre histoire de disparition à Marshpoint, une ville agricole située en périphérie de la Cité des Secrets. Le fils aîné de la puissante famille Junica n’a en effet plus donné signe de vie après avoir eu maille à partir avec quelques soldats de l’autre grande famille locale, les Dezraed, qui l’ont poursuivi jusque dans les profondeurs de la forêt d’Ulwhyr. L’entente entre Junica et Dezraed n’ayant jamais été cordiale, c’est une vendetta en bonne et due forme qui menace d’éclater entre les Capulet et les Montaigu de Ghur, gueguerre qui mettrait en péril l’approvisionnement des régiments d’Excelsis en précieuse soie d’acier, ressource collectée depuis les fermes arachnides de Marshpoint. Il va donc de l’interêt général que cette triste affaire soit réglée dans les meilleurs délais, et qui de plus qualifié qu’un répurgateur pour traiter ce problème ?

Nous suivons donc Thalys et Colle au cours de l’enquête à laquelle ils se livrent à leur arrivée dans le bourg miteux et boueux de Marshpoint. Après un interrogatoire croisé des patriciens des deux familles, l’énorme et suintant Fenrol var Dezraed, autoproclamé Gardien de Marshpoint du fait de sa capacité de bloquer à lui seul l’entrée de la ville s’il lui prenait l’envie de s’asseoir en travers du portail, et le sec et irritable Kiervaan Junica, nos experts se rendent sur les lieux de la disparition à proprement parler, escortés par l’homme de confiance du patricien Junica, un natif du nom de Ghedren, et par un trio de gardes Dezraed. Et s’il se pourrait bien que la rivalité larvée entre familles nobles ait bien fait couler le sang, les enquêteurs feraient bien de prendre au sérieux les rumeurs entourant la Sorcière Blanche d’Ulwyhr. Après tout, ils ont pénétré sur son domaine…

AVIS :

C’est avec enthousiasme que j’avais vu revenir la figure iconique du chasseur de sorcières/répurgateur dans le lore d’Age of Sigmar, que son inclinaison high fantasy aurait pu « immuniser » à l’introduction de ce type de personnage, très grimdark par nature. La lutte contre les cultes chaotiques gangrénant le nouvel ordre rutilant de Sigmar constitue en effet à mes yeux un axe de développement des plus intéressants, et une prise de recul bienvenue sur le manichéisme caractéristique des premières années d’AoS. Encore fallait-il que l’image d’Epinal Hammerhal de l’inquisiteur traquant le vice et la trahison parmi les sujets obéissants de l’autorité centrale (préférablement divine, c’est plus classe) soit convenablement adaptée dans cette nouvelle franchise, la profession en question exigeant une rigueur morale confinant à la psychose, ce qui n’est pas franchement la norme parmi la soldatesque sigmarite (ces martel-sans-rire de Celestial Vindicators mis à part), dépeinte à de nombreuses reprises comme adepte du compromis et de la tempérance. Qu’en est-il avec la paire Callis & Toll, promise à un bel avenir au sein de la BL à en juger de la façon dont leurs noms ressortent dans tous les ouvrages auxquels ils ont été inclus ? Eh bien, c’est plutôt pas mal, encore que pas spécialement pour les raisons détaillées ci-dessus. Je m’explique.

Si le fanatisme (dans le bon sens du terme, car, si si, dans la littérature med-fan, cela existe) de nos héros laisse à désirer, la retenue dont fait preuve Toll, sensé être le vrai bad guy du duo, dans le jugement qu’il délivre au coupable, le plaçant à un petit 2 sur l’échelle de Mathias Thulmann (le référentiel absolu de la maison à cet égard), Horth se rattrape néanmoins en glissant quelques remarques de bon aloi à propos d’un certain White Reaper (Cerrus Sentanus sur son état civil), Stormcast Eternal pas vraiment Charlie, à tel point que son nom est utilisé pour effrayer les enfants d’Excelsis. Voilà un type qui mérite que l’on suive, et j’espère bien que ça sera le cas dans un futur pas trop lointain. Celà étant dit, The Old Ways a d’autres qualités, la première étant de proposer une petite enquête policière pas trop mal troussée au vu du nombre de pages limité avec lequel elle doit composer1, l’atmosphère horrifique du passage « sylvestre » du récit étant une autre source de satisfaction. D’autre part, cette nouvelle présente également l’intérêt de creuser le background de la cité libre d’Excelsis, qui devrait normalement ne pas disparaître corps et bien dans les annales du fluff, au vu du nombre d’apparitions qu’elle a faite dans divers écrits depuis son introduction dans le background. En apprendre plus sur cette bourgade présente donc un intérêt pour le fluffiste, tellement bombardé d’informations géographiques par ailleurs qu’on ne peut lui reprocher de ne pas prendre note de tout ce qu’on lui soumet.

Enfin, de façon plus large, elle fait ressortir un concept intéressant : le fossé existant entre natifs d’Azyr et populations locales au sein des cités libres, les seconds étant généralement mal considérés, voire méprisés par les premiers, qui les qualifient « d’Amendés » (traduction personnelle de Reclaimed, qui peut aussi s’entendre comme « Récupéré ») ou de « Sang Maudit » (curseblood), ce qui n’est pas très sympathique, mais ajoute de la profondeur à la société sigmarite. Quand on lit que même un personnage « égalitariste » comme Toll n’aurait pas de problème à raser toutes les forêts de Ghur pour pouvoir accélérer la colonisation de ce Royaume, au grand désarroi des locaux qui ont appris à vivre dans les étendues sauvages et à les respecter, on se dit que la possibilité d’un soulèvement des indigènes contre la métropole et ses représentants est une possibilité réelle… et c’est tant mieux en termes de potentiel narratif ! Bref, une plongée satisfaisante dans l’arrière-pays d’Excelsis, et une nouvelle qui vaut le coup d’être lue pour qui s’intéresse au fluff des cités libres.

: On saluera également le twist proprement « meta » de Horth, qui fait dire à Toll qu’il avait identifié le coupable depuis belle lurette et attendait juste de voir combien de temps il faudrait à Callis (et donc au lecteur) pour faire de même. On ne me l’avait jamais faite celle-là.

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The Battle for Markgraaf Hive – J. D. Hill [40K] :

INTRIGUE :

The Battle of Markgraaf HiveComme les plus sagaces des lecteurs de cette chronique l’auront certainement deviné, la nouvelle du sieur Hill traite donc de la bataille pour la ruche Markgraaf1, opération de reconquête et pacification à laquelle l’unité de Minka Lensk, héroïne récurrente de l’auteur, à le plaisir et l’avantage de participer, en compagnie du \[|{™#{ème Cadien (comprendre qu’entre les pertes au combat non remplacées et les fusions régimentaires qui s’en suivent, les numéros défilent plus rapidement que lors d’une soirée bingo à l’Ehpad de Bois-Robert-sur-Veule).

Au menu de ce qui peut sans doute être considéré comme un séminaire annuel pour les derniers des Targaryen – cette manie de coller des yeux violets aux protagonistes pour les distinguer de la masse… –, une activité de team building dans les ténèbres des niveaux inférieurs de la ruche en question, avec les habituels cultistes hargneux-mais-bon-ça-va-on-a-vu-pire en lieu et place des assiettes en céramique à décorer, qui étaient à la mode en ce genre d’occasions quelques millénaires plus tôt. Une fois la séance initiale de laser game terminée, on enchaîne avec une découverte de la faune locale, qui consiste en des rats de la taille d’un rat et des asticots de la taille d’un chien (appelons-les maxticots), suivie par une session d’aqua-relax dans un bassin naturel, sous les ordres d’un Commissaire-Nageur un brin autoritaire.

À peine le temps de réaliser que les maxticots ne font pas de bons candidats au fish pédicure, à moins d’être un Ogryn peu chatouilleux, qu’il faut enchaîner avec une initiation à l’escrime médiévale/escape game sous la houlette de Philippe Chaos-therine (il coupe sa hache… et il rallume sa hache…), Space Marine renégat reconverti en coach de vie. Cette journée intense se termine par quelques longueurs de brasse coulée, un temps calme de 10 minutes devant une œuvre d’art moderne convenablement moche, et un ultime passage au hammam (mais habillé, ce qui est concept). Ce n’est pas tout le monde qui a la chance de vivre des séminaires aussi riches. Merci qui ? Merci Abby !

À ne pas confondre avec la ruche Steffigraaf, qui malgré quelques revers, est toujours au service de l’Empereur.

AVIS :

Propulsé directement dans le feu de l’action dès les premières lignes de The Battle… (au moins, le titre n’est pas mensonger), le lecteur aura sans doute quelques difficultés à comprendre les tenants et les aboutissants de cette successions de péripéties aussi guerrières que brouillonnes, expédiées sans tact, ni finesse, ni connecteurs logiques (ce qui surprend au début, irrite au milieu, et fait marrer à la fin) par un Justin Hill aussi maître de son propos qu’un élève de CM1 couchant par écrit le récit de ses vacances de printemps.

Si le début de la nouvelle fait illusion, tout se corse à l’arrivée sur la mare aux maxticots, théâtre d’une empoignade confuse, suivi de l’arrivée d’un groupe de survivants – dont un Valhallan, qui passait dans le coin – mené par un Commissaire, suivi de l’exécution d’un Garde qui trouvait l’eau trop froide, suivi de l’arrivée du random Chaotic Space Marine de base, suivi d’une ré-empoignade confuse, suivie d’une fuite éperdue de l’héroïne jusqu’au fond du bassin, suivi d’un questionnement philosophique sur la destinée des Cadiens survivants, suivi d’un séchage express, inexpliqué et interprété comme miraculeux par une Minka à laquelle il ne faut pas grand chose, des vêtements de nos héros, suivi de la fin du récit, qui s’achève donc davantage comme un chapitre de roman qu’un court format digne de ce nom, faute d’un dénouement digne de ce nom (sauf si être coincé à deux sans matos dans une caverne inondée peuplée de vers carnivores géants et squattée par des hordes d’hérétiques peu aimables et un Space Marine du Chaos altéré de sang constitue un explicit satisfaisant, bien sûr1).

Pauvre en termes de fluff, d’informations sur le passif de Mina Lensk, et d’une assez grande banalité dans son propos, The Battle… lorgnait peut-être du côté de la saga Gaunt’s Ghosts, et notamment du siège de Vervunhive couvert dans Necropolis, pour son inspiration, mais le fruit (plein d’asticots, donc) est tombé trèèèès loin de l’arbre. Pour laisser le mot de la fin, en même temps que du début, car j’aime bien boucler des boucles sur mon temps libre, à Hill en personne : « What the hell is happening ? »

1 : Si c’est le cas, vous êtes bizarre.

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A Brother’s Confession – R. MacNiven [40K] :

INTRIGUE :

A Brother's ConfessionSur la barge de bataille Ultramarines Spear of Macragge, l’Apothicaire Primaris Polixis se rend à confesse pour expier le crime qui lui pèse sur la conscience depuis le dernier engagement auquel il a participé aux côtés de ses comparses de la Fulminata, contingent de Necmarines1 rattaché au Chapitre natal de ce bon Roboute. Et quel crime ! Rien de moins que le meurtre d’un de ses frères de bataille, l’infortuné Artimeus Tulio. Avant que le sévère Chapelain Kastor, qui se trouve être le véritable frère de Popol (d’où la subtile référence mythologique que le lecteur sagace n’aura pas manqué d’identifier) et auquel pleins pouvoirs sont laissés pour traiter cette affaire, ne délivre son jugement, un petit flashback explicatif des familles (et pour cause) s’impose…

Nous voilà donc sur Atari, planète renommée dans tout l’Ultima Segmentum pour la rectitude de ses arcades et la qualité de ses bornes, et plus précisément dans le manoir du gouverneur local, où les Fulminata sont engagés dans une furieuse partie de FPS contre des hordes de cultistes de Tzeentch. Le monde est en effet la proie à une rébellion caractérisée contre la sainte autorité de l’Empereur, et la situation est suffisamment mal engagée pour que les grands bleus se retrouvent engagés dans une course contre la montre pour mettre le gouverneur De La Sario en sécurité, ou a défaut, lui coller un bolt dans le caisson, afin d’empêcher les dissidents chaotiques d’activer les plateformes orbitales de la planète, verrouillées génétiquement sur le profil du dirigeant légitime d’Atari.

Accompagnant une escouade d’Intercessors sur place, Polixis se trouve confronté à un choix difficile : voler à la rescousse de ses frères, dont certains ont été grièvement blessés par un assaut de cultistes à la férocité imprévue, à l’autre bout du palais, ou battre en retraite en compagnie des hommes du Sergent Nerva, comme ce dernier, le bon sens, et jusqu’au Codex Astartes le préconisent. Confiant en l’épaisseur de son armure en scenarium renforcé, l’intrépide Apothicaire décide de taper un sprint jusqu’à la position des surhommes à terre, ce qu’il parvient à faire sans trop de difficultés. Il est cependant déjà trop tard pour le pauvre Scaevola, plus perforé qu’une copie double à la sortie de la presse, et dans un état trop désespéré pour que Polixis ne puisse lui accorder autre chose que la Paix de l’Emper- ah, non, visiblement il n’y a même pas le temps pour ça, et c’est donc à une ablation de ses glandes progénoïdes pre-mortem (en atteste le fait que Polixis ait besoin de clamper l’incision cervicale pour éviter que la plaie se referme trop vite) à laquelle le doublement malchanceux Scav’ a droit. Il y a des jours comme ça…

L’affaire réglée en moins d’une minute, qui a dû tout de même paraître très longue au patient opéré2, Polixis, décidément très joueur, opte pour une action d’arrière garde afin de s’enquérir de la santé du dernier membre de l’escouade, qui se trouve être le fameux Tulio. Pendant que ses petits copains, qui ne connaissent ni la peur, ni la témérité, se replient sagement vers le point d’extraction, notre héroïque Apothicaire se glisse jusqu’à la position de Tutu, qui git dans une mare de sang et un monceau de cultistes du mauvais côté d’un pas de tir chaotique. Pas de quoi arrêter Polixis, que son statut de personnage principal racontant un flashback rend confiant quant à sa capacité de braver la mort, n’eut été la présence im- ou o- pportune de la fille du gouverneur de l’autre côté de la pièce. Cette dernière pouvant tout autant que son pôpa donner aux Ultramarines l’accès à la plateforme orbitale, c’est à un nouveau dilemme que Polixis doit faire face. Il ne peut en effet secourir qu’un des deux individus susnommés, et c’est peu dire que ses cœurs balancent. Optant finalement pour la fille (chez les Ultras, c’est pas « bros before hoes » donc), il récupère le précieux colis et repart enfin vers la sécurité du Thunderhawk garé en double file à l’extérieur du palais, les quelques blessures qu’il récolte au passage n’étant pas assez graves pour l’empêcher de mener sa mission à bien.

Et nous voilà de retour sur le Spear of Macragge, où l’inflexible Kastor doit bien se demander ce qu’il a fait pour avoir un tel Mary Sue comme frangin. Car non, Polixis n’a pas tué Tulio. Son « crime » est d’avoir sciemment abandonné le patrimoine génétique d’un frère tombé au combat, pour accomplir une mission qui lui semblait plus importante sur le moment. Oh mon Empereur, mais c’est absolument terribleuh ! Et Kastor de broder une jolie parabole sur le sauvetage d’un chiot tombé dans la rivière quand lui et Polixis étaient gamins, afin de convaincre son fragile de frère qu’il n’a rien fait de rédhibitoire. À se demander comment il a réussi à gagner sa carapace noire avec cette sensibilité malvenue. Je te l’enverrais vers un stage d’endurcissement chez les Iron Hands ou les Marines Malevolent, moi. MauviBleuette, va.

1 : Car comme le dit l’expression : « Nec plus ultra ».
2 : D’autant plus que le Sergent décide une fois les glandes extraites de repartir avec le corps de Scaevola. Sauf perissabilité extrême des progénoïdes, ce qui serait étonnant vu la résilience généralisée d’un Space Marine, on peut donc plaider la cause de l’acharnement thérapeutique sur le pauvre bougre.

AVIS :

Malgré une introduction prometteuse, augurant d’un fratricide en bonne et due forme commis par le plus insoupçonnable des coupables (un Primaris Ultramarine : plus droit dans ses bottes que ça, c’est un chausse-pied), cette courte nouvelle de McNiven se révèle être au final composée à 50% de bolter porn, et à 50% de publicité pour les organes supplémentaires des Primaris. À croire que le déclenchement de la Fournaise Belisarienne du frère Posthumus constitue une information cruciale à transmettre lorsqu’on est sous le feu ennemi. L’occasion pour les fans de Bonnet Bleu et Bleu Bonnet, héros du roman Blood of Iax/Le Sang d’Iax de retrouver les frangins dans un contexte un peu différent, mais qui ne devrait, sauf erreur de ma part, pas fondamentalement changer la vision que le lecteur a de nos deux larrons. Pas désagréable, mais très loin d’être indispensable.

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The Tainted Axe – J. Reynolds [AoS] :

INTRIGUE :

The Tainted AxePeu de temps après les événements relatés dans ‘Spear of Shadows’, nous retrouvons le chevalier – ou plutôt, demigryphier – Roggen de Ghyrwood March, de retour en Ghyran avec une main en moins et des souvenirs en plus. Ayant refusé l’offre de Grugni de remplacer son membre manquant par une réplique mécanique, au profit d’une solution plus naturelle, notre héros n’a toutefois pas trouvé chaussure à son pied ni prothèse à son moignon. Sa convalescence prend un tour particulier lorsqu’il se sent appelé une nuit dans le bosquet de ferbois consacré de son ordre, où l’attend une Branchwraith mutine, avec une nouvelle quête divine à lui confier.

Loin au Sud se trouve le Gaut Tors1, une forêt qui a cruellement souffert des déprédations de Nurgle et des ses séides au cours des dernières années. Un champion du Dieu des maladies y a jadis mené une expédition corruptrice, dont il n’est jamais revenu mais qui a résulté en l’abandon de sa hache maudite sous un tas de feuilles. Depuis lors, cette arme maléfique corrompt les bois aux alentours, comme une pile au mercure enterrée dans l’humus. La mission de Roggen consistera donc à localiser cette relique impie et à la ramener à sa commanditrice, qui en échange de ses bons et loyaux ordonnés services lui fera pousser une nouvelle menotte. Bien que notre héros ne soit pas né de la dernière pluie, et se méfie à juste titre des fantasques Sylvaneth, le serment d’allégeance à Alarielle qu’il a prêté en devenant chevalier, et l’attrait de retrouver la main, le convainquent rapidement d’accepter cette quête. Avant de retourner écouter pousser les fleurs, la Branchwraith a l’amabilité de lui adjoindre les services d’un sherpa forestier, en la personne compacte mais grincheuse d’un esprit de la forêt.

Nous suivons alors Roggen, son guide mal-luné (il passe son temps à appeler le chevalier « viande », ce qui n’est guère aimable) et sa farouche monture (Harrow) jusque dans les profondeurs mal famées du Gaut Tors. Bien que sa patronne lui a promis qu’il aurait un droit de passage auprès des Sylvaneth du cru, le fait que ces derniers soient perturbés par les émanations toxiques de la hache perdue d’une part, et leur allégeance à nulle autre que Drycha Hamadreth d’autre part (un petit détail que la Branchwraith avait omis de préciser à son prestataire pendant le briefing), n’incitent pas Roggen à la détente de son slip (en bois, comme le reste de sa garde-robe). Le trio finit toutefois par arriver dans une clairière, où un petit groupe de Rotbringers est à pied (gangréné) d’œuvre, et vient d’exhumer une sorte de cocon de racines calcifiées, qui ne peut être que le réceptacle de cette fameuse hache.

Confiant dans ses capacités de bretteur et l’effet de surprise, Roggen fonce dans le tas avec abandon, mais se retrouve rapidement en difficulté, notamment du fait que ses adversaires ont apporté avec eux des arbalètes, ce qui n’est pas très fluff tout de même. Avant que l’impétueux chevalier n’ait été transformé en hérisson manchot (ce qui vaut mieux qu’un échidné pingouin, qu’on se le dise), une voix tonitruante vient intimer aux Nurgoons de cesser le feu. Il s’agit du Blight Knight qui commande l’expédition des prouteux, et qui, en véritable chevalier de l’ordre de la mouche, propose à Roggen de régler l’affaire par un duel tout ce qu’il y a de plus honorable, et au gagnant le loot. N’ayant pas de meilleure option sous la main, notre héros accepte la proposition de son adversaire (Feculus), et les deux champions se mettent sans tarder à l’ouvrage.

Si sa monture parvient sans mal à vaincre le destrier démoniaque de sa Némésis, Roggen éprouve quant à lui les pires difficultés à tenir tête à cette dernière, qui est à la fois plus forte et plus résistante que lui. Au bout du compte, il faudra l’intervention, pas vraiment fair play mais très secourable, de son sidekick végétal (qui utilise l’attaque airbark) pour que Roggen parvienne à vaincre l’ignoble Feculus. La mort de leur patron libère toutefois les Rotbringers de leur serment de non-intervention, et le chevalier Dubois n’aurait pas fait long feu sans l’arrivée à point nommée des Sylvaneth du Gaut Tors, qui se font un plaisir d’offrir une démonstration de bio compostage express à leurs ennemis honnis. Cela laisse le temps à Roggen de repartir avec sa relique rouillée, et de se retrouver en bout du compte avec une greffe maniable. C’est tout le mal qu’on lui souhaite.    

1 : Je ne sais pas si cette nouvelle a été traduite en français, mais je suis hyper fier de ma proposition (Writhing Weald en VO).

AVIS :

On ne le savait pas encore à l’époque de sa publication, mais ‘The Tainted Axe’ constituait la dernière apparition du chevalier Roggen de de Ghyrwood March, l’un des personnages attachants1 créés par Josh Reynolds dans le cadre de sa saga – laissée inachevée – des Lamentations de Khorne. Si cette péripétie mineure ne se place pas parmi les meilleures soumissions de notre homme, on y retrouve toutefois les points forts habituels de sa prose, à savoir des personnages intéressants (mention spéciale au jovial Feculus, que l’on retrouve cité dans les écrits consacrés par Reynolds à l’ordre de la mouche), une intrigue et un développement qui tiennent la route, et une généreuse dose de fluff pour napper le tout. Des nouvelles comme ça, je pourrais en lire 10 par jour sans me lasser. A mettre entre toutes les mains (haha).

1 : Notamment parce qu’il a pas mal de traits communs avec Erkhart Dubnitz, du très saint et très violent ordre de Manann, un des héros les plus hauts en couleurs de la Black Library.

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Fireheart – G. Thorpe [40K] :

INTRIGUE :

FireheartEnvoyée par Yvraine comme émissaire auprès des Eldars du Saim Hann afin d’obtenir de l’aide dans la quête des mondes de Morai-Heg, la Céraste Druthkala Shadowspite (Drudru pour les intimes) a bien du mal à convaincre ses hôtes de prêter une oreille pointue attentive à ses doléances. Car étonnamment, les Zoneilles sont égoïstes et mesquins. Qui l’eut pensé, vraiment ? Alors que les Clans réunis en assemblés dans le bois de Vincennes du Vaisseau Monde n’en finissent plus de se crêper le chignon, et que Druthkala tue le temps, faute de mieux, en imaginant les sévices qu’elle pourrait infliger à ses lointains cousins, Nuadhu du Clan Fireheart fait son apparition, en retard comme à son habitude. Bien que seulement héritier putatif du Clan, l’état végétatif de son père lui donne le pouvoir de décider à sa place, et un seul regard sur les courbes généreuses et l’armure minimaliste de la diplomate Ynnari convainquent notre dalleux de héros qu’il doit lui venir en aide pour s’en faire bien voir, et plus si affinités. Le choix d’Yvraine d’envoyer une bombasse plutôt qu’un érudit fait tout d’un coup plus de sens…

La mission de Shadowspite et de ses nouveaux amis est assez simple : mener une reconnaissance sur le monde vierge d’Agarimethea, où un vaisseau Exodite patiente en double file orbitale depuis quelques semaines, ce qui indique que quelque chose ne tourne pas rond à la surface. Après un petit go fast dans la Toile, dans la plus pure tradition des Wild Riders, les bikers au serpent arrive sur place, où ils ne mettent pas longtemps à repérer un complexe Necron défigurant le paysage champêtre, comme un magasin Bricodépôt construit au milieu d’un parc naturel. La présence de l’ennemi primordial des Eldars sur une planète qui devrait pourtant être exempte de toute souillure provoque des réactions mitigées dans la compagnie. Ceux qui réfléchissent avec le cerveau (Caelledhin, la demi-sœur du héros) sont pour une retraite prudente, ceux qui réfléchissent avec un autre organe (Nuadhu, qui n’en finit plus de baver sur les jambes de Shadowspite) insistent pour aller jeter un œil sur site, afin de peut-être trouver une arme qui pourrait aider les Eldars dans leur lutte contre les Necrontyr. Nuadhu étant techniquement aux commandes (même si cet incapable a laissé le pilotage de sa Vyper à son chauffeur de fonction), l’expédition fait fi de toute prudence et va se garer devant la pyramide principale. Bien évidemment, le calme qui baigne les lieux n’est qu’apparent, et lorsque Nuadhu pose la main sur la surface inerte du monument aux des morts, une alarme se déclenche et le ciel se remplit bientôt de tirs de désintégrateurs et d’aéronefs Necrons.

La fuite éperdue qui s’en suit voit la disparition tragique d’un certain nombre de cousins Fireheart, victimes des tirs ennemis, du relief ou du troupeau de dinosaures local (obligatoire sur un monde vierge). J’imagine qu’il en reste encore plein de là où ils viennent, et on ne pleurera donc pas trop sur leur sort. Les Eldars, bien diminués par la tournure qu’ont pris les événements, et la stupidité crasse de leur chef, jurent toutefois de revenir pour rendre aux Necrons la monnaie de leur pièce, ce qui sera fait dans ‘Wild Rider’/’Le Cavalier Rebelle’, le deuxième bouquin consacré aux suivants d’Ynnead par Gav Thorpe.

AVIS :

Je dois avouer tout de suite que je n’ai pour le moment pas réussi à m’intéresser aux Ynnari, ce qui est un handicap pour qui veut effectuer une chronique impartiale d’une nouvelle consacrée à cette nouvelle faction de 40K. Toutefois, même si les cultistes d’Ynnead avaient bénéficié de ma légendaire bienveillante neutralité, je pense que mon jugement de ce ‘Fireheart’ serait resté sévère. Il n’y en a en effet pas grand-chose à tirer de cette histoire, mis à part quelques fragments de fluff sur l’organisation et la culture de Saim Hann, et le nom du canasson de Khaine, ce qui n’est pas lourd. Pour le reste, on assiste à un festival de gaffes, puis de baffes, provoqué par l’incompétence notoire de Nuadhu, dont la concupiscence irréfléchie mettra Saim Hann en danger, et, surtout, donnera à peu de frais à Thorpe le pitch d’un de ses bouquins. C’est à une nouvelle purement et crânement utilitaire que nous avons affaire ici, qu’il convient de lire à l’extrême limite en prologue de ‘Wild Rider’ et c’est bien tout.

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The Dance of the Skulls – D. Annandale [AoS] :

INTRIGUE :

The Dance of the SkullsInvitée à honorer de sa présence un bal donné par la reine Ahalaset et le seigneur Nagen dans la cité de Mortannis, Nefarata se doute bien que cet évènement mondain n’est qu’un prétexte commode pour permettre à ces deux grandes lignées d’agir à ses dépends, ce qui ne l’empêche pas d’accepter gracieusement de se rendre sur place, n’ayant de toute façon rien d’autre de prévu ce soir là. Voyant d’un mauvais oeil le rapprochement s’étant récemment opéré entre Ahalaset et Nagen, la Mortarque de Sang suppute avec raison qu’un piège va lui être tendu, et se réjouit d’avance de cette (més)aventure, le quotidien de Nulahmia devant apparemment être assez terne.

Après avoir été accueillie avec tout le faste et la pompe liés à son r/sang (et infligé rateau sur rateau à ce pauvre Nagen, auquel elle promet toutefois une danse plus tard dans la soirée1), Neffie se voit proposer par son hôte une dégustation privée de crus tirés de l’hématothèque personnelle d’Ahalaset, ce qui ne se refuse pas. Guidée jusqu’à un salon lounge où l’attendent une dizaine d’esclaves qui s’appellent tous Mathusalem ou Réhoboam, notre rusée vampire à tôt fait d’identifier l’aiguille d’argent se terrant sous la roche, en l’occurrence un assassin assermenté doté d’une fourchette à escargot à la place du bras (c’est la mode à Hammerhal). Ayant raté son test d’Initiative, le faquin est toutefois aisément neutralisé par sa victime supposée, qui l’attache à son service d’un langoureux battement de cils. Satisfaite de la tournure prise par les évènements, et comme toute quinqua-millénaire de la bonne société après une dure journée de labeur, Neferata s’accorde un petit verre (et fracasse au passage toutes les « bouteilles », qui espéraient peut-être qu’on les laisse tranquille le temps qu’elles refassent le plein) aux frais de ses hôtes avant de revenir se joindre à la fête.

Là, il est temps pour la Lahmiane de porter l’estocade aux traîtres débusqués, et en musique s’il vous plaît, la danse des crânes consentie à ce benêt de Nagen donnant amplement le temps à notre héroïne de cimenter sa victoire en enchantant légèrement son cavalier, qui ne trouvera rien de plus malin lorsque l’assassin d’Ahalaset viendra sonner les douze coups de minuit à son ancienne patronne à l’aide de son argenterie intégrée, de lancer sa devise dans le silence de mort (héhé) qui s’ensuit. Cette dernière tombera à plat comme la totalité de ses blagues, et, mal comprise par la garde de la reine défunte, aura des conséquences tragiques pour notre pauvre Nagen. Un verre ça va, trois verres…

1 : En même temps, cette coquetterie de laisser dépasser une canine par dessus sa lèvre inférieure ne doit pas aider à lui donner un air très intelligent.

AVIS :

C’est peu de chose de dire que la prose de Herr Annandale n’était pas tenue en haute estime de ce côté du clavier, depuis la chronique de ses débuts pour la BL (The Carrion AnthemHammer & Bolter #11) jusqu’à aujourd’hui. Les choses ont légèrement évolué avec cette Danse des Crânes, qui s’affirme facilement comme la meilleure soumission de notre homme que j’ai pu lire à ce jour. Certes, on parle ici en progrès relatif plutôt qu’en performance absolue, cette courte nouvelle ne se comparant guère aux travaux d’auteurs que je considère être plus méritants que David Annandale, Abnett, Dembski-Bowden, Farrer et Fehervari en tête, pour n’en citer que quelques uns (la liste serait assez longue sinon), mais j’aurais trop beau jeu de ne pointer que les trous dans la cuirasse ou les défauts dans la raquette des travaux de ce régulier de la BL, si je ne soulignais pas également les sources de satisfaction à la lecture de ces derniers. L’Empereur sait qu’ils sont encore rares à cette heure.

Alors, quels sont les éléments positifs de La Danse des Crânes ? Pour commencer, une absence de ce que l’on peut presque appeler une « annandalerie », terme forgé par votre serviteur et désignant une mauvaise, grossière ou grotesque exploitation d’une idée de départ pourtant assez sympathique, pour des résultats évidemment décevants. Le huis-clos victorien qui nous est proposé ici ne pêche ainsi pas par excès de zèle ou manque de structuration, les péripéties s’enchaînant de façon tout à fait convenable et crédible, ce qui pourrait sembler aller de soi mais n’était pas gagné d’avance au vu du pedigree de l’auteur. On sent que ce dernier a réfléchi à la manière dont il devait dérouler son récit pour que le plan alambiqué de Nefarata puisse se dérouler sans (trop) d’accroc, et même si l’usage d’un petit TGCM en fin de nouvelle pour parfaire le triomphe de Mama Lahmia peut être noté, c’est finalement peu de chose comparé aux problèmes structurels émaillant quelques unes des précédentes soumissions de David Annandale.

Autre source de contentement, la description intéressante qui nous est faite de la haute société mort-vivante, nid de vipères aux crocs acérés et n’hésitant pas un instant à comploter pour précipiter la chute de leurs prochains, alors même que les ennemis extérieurs se comptent par milliers, et qu’un brin de solidarité entre macchabées ne serait pas de trop pour défendre le pré carré de Nagash. Le fait que cette société, mêlant vampires et humains à tous les échelons, apparaisse comme fonctionnelle et pérenne (en même temps, c’est bien le minimum quand on est immortel) est une autre réussite d’Annandale, qui parvient à donner un volume fort bienvenu à une faction qui jusque là se réduisait à des légions de squelettes traînant leur mélancolie dans des déserts violacés. On peut s’amuser aussi en Shyish, telle est la morale de cette petite histoire.

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The Board is Set – G. Thorpe [HH] :

INTRIGUE :

The Board is SetSur le sol de cette bonne vieille Terra, les armées loyalistes se préparent à recevoir comme il se doit le retour du fils indigne et de sa bande de potes, dont on entend déjà les « boum boum boum » crachés par les enceintes de leurs Clio tunées résonner depuis le parking de la copropriété, brisant le calme légendaire du quartier1. Comme le petit vieux acariâtre qu’il est, Macaldor, après avoir balancé une ou deux références que les moins de 20.000 ans ne peuvent ni connaître, ni comprendre, s’en va en grommelant dans sa barbe psychique que Dorn est définitivement une grande et jaune godiche, et que son obsession pour les briquettes et les portails électriques n’est qu’une lubie de jeune crétin. Ca tombe bien, notez, c’est l’heure de la coinche à l’EHPAD Bon Séjour, et le Mac’ ne raterait pour rien au monde ce moment de la journée.

À peine a-t-il fini d’installer la table que son acolyte de jeu révèle (you see what I did there…) sa présence et engage sans plus tarder les hostilités. Dans les ténèbres mi-obscures du 31ème millénaire, l’antique jeu de belote se joue en effet à deux plutôt qu’à quatre, et sur un plateau de jeu avec figurines en plus du traditionnel paquet de cartes. En fait, ça ressemble furieusement à une version Shadespirée des échecs, et ça a l’air donc vachement cool, d’autant plus que toutes les pièces se trouvent être des représentations des Primarques engagés dans l’Hérésie d’Horus2. Comme à chaque partie depuis leur internement respectif, Pépé et… Mémé ? rejouent la bataille finale de l’Hérésie, avec l’Empereur dans son propre rôle et Malcador dans celui de ce fripon d’Horus. Et comme à chaque fois depuis le début de ces amicales sessions, le Sigillite constate que son adversaire passe son temps à tricher. Manipulation de la pioche, duplication de cartes, ajout de pièces non WYSIWYG en cours de jeu… s’il y avait un arbitre, celà ferait longtemps que le Maître de l’Humanité aurait mangé son ban. Malheureusement pour lui, Malky ne peut compter que sur lui même pour se faire justice, ce à quoi il s’emploie avec toute la rouerie et la malice qu’on lui connaît.

En face de lui, l’Empereur semble peu intéressé par le déroulé de la partie, et joue franchement comme une savate, seulement sauvé par sa capacité à top decker comme un porcasse avec une régularité des plus suspectes. Ajoutant l’insulte à l’outrage, il se permet même de tancer son partenaire sur son faible niveau de jeu, alors que Horus, lui, était un opposant digne de ce nom. Sans doute très fatigué par l’enchaînement des nuits blanches à pousser sur son trône (la constipation psychique est un problème commun chez les démiurges millénaires, tous les auxiliaires de vie vous le diront), Big E va même jusqu’à utiliser des mots très durs à l’encontre de son vieux comparse, au point d’arracher à ce dernier des larmes de collyre. Qu’à cela ne tienne, Malcador en a vu d’autres, et met à profit sa rogne pour sortir un enchaînement digne de Magnus Carlsen le Rouge, le laissant en position de remporter la partie au coup suivant. « Ha ha, tu l’avais pas vu venir celui-ci, bouffi » exulte notre vieillard échevelé, pas peu fier de tenir sa première victoire en 1.834.427 confrontations. Sauf que, sauf que… Sauf que l’Empereur est décidément un mauvais joueur à la main leste, et trouve le moyen de substituer à son Roi Empereur lui-même une nouvelle pièce, le Fou, qui va héroïquement se sacrifier pour lui permettre de gagner la partie. Comble de la bassesse, le Fou a la tête de Malcador, à qui il prend l’envie folle de fracasser l’échiquier sur le crâne de son suzerain.

Sur ces entrefaites, une estafette se présente à la porte, et vient apporter la nouvelle tant redoutée au Premier Seigneur de l’Impérium : la flotte d’Horus vient de se matérialiser dans le système solaire, et la plus grande bataille de l’Humanité est sur le point de s’engager. Cherchant du regard son boss, Malcador a la surprise de s’apercevoir qu’il est seul dans la pièce, et l’a apparemment toujours été, d’après le retour un peu honteux du messager, qui n’a pas osé déranger tout de suite l’aïeul vociférant qui faisait une tournante autour du plateau de jeu à son arrivée. Conclusion de l’histoire : la grande vieillesse est un naufrage, mais au moins, on ne s’ennuie pas.

1 : Et je ne rigole même pas, la nouvelle commence par un constat par Macaldor et le chef de l’Adeptus Astra Telepathica du tapage nocturne diurne warpurne généré par l’approche de la flotte traîtresse.
2 : On comprend mieux du coup pourquoi l’Empereur tenait absolument à avoir un nombre pair de rejetons. C’est mieux pour équilibrer les parties.

AVIS :

The Board is Set est une nouvelle intéressante, mais dont l’inclusion dans un BLC ne tombait pas, de mon point de vue, sous le sens. Parmi les qualités notables de cette soumission, on peut mettre en avant l’art consommé avec lequel Thorpe distille à la foi clins d’oeil aux évènements passés et à venir de l’Hérésie, à coups de manœuvres lourdes de sens des pièces sur l’échiquier et de remarques sibyllines soufflées par un Empereur plus que jamais omniscient au bras droit/fusible qu’il s’apprête à griller, mais également allusions fluffiques subtiles, sur lesquelles les fans hardlore passeront des pages et des pages à s’étriper, par les mêmes biais que ceux donnés ci-dessus. Même sans être un amateur transi du style du Gav, on peut lui reconnaître un certain talent de mise en scène de ces passages prophétiques, ce qui n’était pas gagné d’avance au vu du casting de monstres sacrés qu’il convoque.

À titre personnel, j’ai également apprécié la tirade que MoM (Master of Mankind) balance à son larbin dans le but de le mettre en rogne et de le forcer à la jouer comme Lupercal, qui est un condensé de remarques blessantes mettant en évidence que Malcador n’a été qu’un outil utilisé par l’Empereur pour arriver à ses fins, et qu’il n’aura absolument aucun scrupule à s’en débarrasser une fois qu’il n’en n’aura plus l’usage. Ce discours des plus cash trouve une résonnance particulière depuis Dark Imperium, où il est clairement indiqué la dualité de l’Empereur dans ses « sentiments » envers ses congénères : incapable d’aimer l’homme, mais absolument dévoué à l’Humanité. On peut alors se demander si les piques envoyées par Pépé ne sont pas simplement le fond de sa pensée, qu’il livre à un Malcador qui reste persuadé qu’il ne s’agit que de la manoeuvre d’un monarque bienveillant et attentionné pour lui faire donner le meilleur de lui-même. Chacun se fera sa religion sur le sujet, mais cette dualité d’interprétation est assez intéressante.

D’un autre côté, The Board is Set s’avère être l’antithèse absolue de la nouvelle à mettre dans les pattes d’un novice de la BL ! Regorgeant de sous-entendus et d’Easter eggs qui feront les gorges chaudes des lecteurs vétérans, pour peu qu’ils soient des fluffistes un minimum intéressés, cette soumission possède en effet une valeur ajoutée littéraire qui passera à 31.014 pieds au dessus de la tête du newbie. Il est plutôt probable que ce dernier ressorte du propos de Thorpe ou perplexe ou soulé par l’accumulation de mentions et notions « members only » qui lambrissent les pages d’un bout à l’autre du récit. D’une manière plus large, on peut considérer l’Hérésie d’Horus comme étant, de manière générale, une franchise trop spécialisée pour être incluse dans des ouvrages de « propagande » de la Black Library. Sans mettre en question l’intelligence et les capacités de déduction du novice moyen, je doute en effet qu’il ait la patience ou l’intérêt pour percer à jour les tenants et aboutissants de cette absconse partie de Cards against Humanity. Bref, la définition même de l’acquired taste, et en tant que tel, aussi surprenant qu’une douzaine d’huitres au fond d’un Happy Meal.

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Au final, je dois reconnaître que la cuvée 2017 envoyait plutôt du bois, surtout du côté de l’Hérésie d’Horus, avec des soumissions assez mémorables (et kudos à la BL pour avoir placé ‘The Board is Set‘ en dernière position pour impact maximal). Age of Sigmar a également bien tenu son rang, et seul 40K s’est montré globalement décevant, avec uniquement ‘Endurance’ d’intéressant dans le lot (as far as I am concerned). Comme la plupart de ces nouvelles ont trouvé leur chemin dans des recueils et anthologies (certains gratuits) depuis leur première sortie, j’espère que cette revue tardive aura été tout de même utile, et je vous donne rendez-vous bientôt pour de nouvelles aventures.

THE HAMMER AND THE EAGLE [40K/AoS]

Bonjour et bienvenue dans cette critique du nouvel ouvrage introductif publié par la Black Library, un beau pavé de 621 pages sobrement nommé ‘The Hammer & the Eagle‘ (ou ‘L’Aigle & le Marteau‘ en version française, que Nottingham a eu l’amabilité de sortir en même temps que la VO). Cette large couverture est due en partie au fait que les nouvelles qui sont proposées au lecteur sont presque toutes des rééditions, pour certaines de textes assez anciens. Comme l’indique Nick Kyme dans sa préface, ce type de publication « universelle(s) » est assez rare pour la BL, qui a pour habitude de séparer les serviettes des torchons, et les bolters et des arquebuses (voir ‘Sacrosaint & Autres Récits et ‘Croisade & Autres Récits pour s’en convaincre). Cette fois-ci cependant, la ligne éditoriale choisie par la maison d’édition était assez large pour permettre aux deux franchises majeures de Games Workshop d’être représentées dans un même opus, et pour cause: il n’y a pas grand-chose de plus commun à une histoire que la présence de personnages.

Sommaire The Hammer & the Eagle (MIS)

Pour être tout à fait exact, ce sont bien les icônes de Warhammer 40.000 et d’Age of Sigmar qui sont ici mises en avant et célébrées, catégorie plus restrictive (encore que) que celle regroupant les myriades de héros et anti-héros peuplant les pages des romans et nouvelles de la Black Library. On devine sans mal que la sélection a dû être drastique1 pour déterminer qui méritait cette reconnaissance suprême, en particulier du côté des Royaumes Mortels, dont la relative jeunesse met ses protagonistes sur un pied d’égalité (les grands anciens Gotrek et Nefarata trichant un peu à ce titre). Si certains noms (Ibram Gaunt, Uriel Ventris, Gregor Eisenhorn, Abaddon2…) sonnent comme une évidence, d’autres seront sans doute moins familiers au lecteur, même chevronné. L’occasion de se familiariser avec de futures têtes d’affiche comme Severina Raine, Navradaran, Hamicar-Bear Eater et Callis & Toll. C’est en tout cas tout le mal qu’on leur souhaite.

Partons donc à la découverte de cette galerie de people haute en couleurs, et tentons de voir si la Black Library a réussi à son travail de sélection avec ces 27 nouvelles (pour 18 auteurs) et accouché d’un ouvrage digne d’intérêt. Sur le plan financier, c’est quasiment certain, mais sur le plan littéraire, cela reste à établir…

1 : Encore que je soupçonne Nick Kyme d’avoir pistonné les personnages dont il avait la charge, comme Cato Sicarius et Adrax Agatone. C’est en particulier vrai pour le second, dont le nom n’est pas (encore) universellement connu, et ne bénéficie que d’une couverture minime dans cette anthologie (nouvelle de 5 pages). Les ravages du népotisme…
2 : Bizarrement classé comme Space Marine, aux côtés de Mephiston et Astorath. Je penche pour une étourderie du maquettiste plutôt que pour une révélation sur la véritable allégeance du bonhomme. Mais ça pourrait expliquer pourquoi il lui a fallu 13 tentatives pour péter deux pylônes. 

The Hammer and the Eagle

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Endurance – C. Wraight [40K] :

EnduranceICÔNE : DRAGAN, POTENCIER DE LA DEATH GUARD

INTRIGUE :

Sur le monde ruche de Lystra, l’escouade du frère Sarrien des Imperial Talons livre un combat d’arrière-garde aussi noble que vain contre les hordes innombrables des Zombies de la Peste ayant plus ou moins remplacées la population locale. Envoyés au casse-pipe pour permettre à un fonctionnaire de l’Adeptus Administratum obèse et tire au flanc (du moins, c’est comme ça que Sarrien se le représente) de maintenir son quota de dîme mensuel, ou autre raison purement technocratique, les braves Space Marines tiennent la ligne du mieux qu’ils peuvent, mais même leur constitution suprahumaine commence à donner d’inquiétants signes de fatigue. Pour ne rien arranger, les lignes de ravitaillement avec le reste de l’Imperium sont totalement coupées, ne laissant à nos fiers héros que la bonne vieille énergie cinétique pour défendre le domaine de l’immortel Empereur contre la corruption galopante titubante représentée par les Stumblers. Isolé de ses frères pour maximiser l’efficacité du soutien martial et moral que les Astartes représentent pour leurs alliés de la Garde, Sarrien débute la soirée comme toutes les autres auparavant : il chante chante chante ce rythme qui lui plaît (Endure ! For the Emperor ! Stand Fast ! Chihuahua !) et il tape tape tape (c’est sa façon d’aimer). On comprend cependant assez clairement que notre héros en a gros, et qu’il n’y a que son exemplaire éthique qui le pousse à suivre des ordres qui lui semblent totalement débiles.

À quelques encablures de cette planète condamnée, nous faisons la connaissance de notre deuxième protagoniste, le réfléchi (il ne court jamais) et hédoniste Dragan, Death Guard appartenant à la faction des Lords of Silence. Bénéficiant d’un quartier libre entre deux opérations de grande ampleur, Dragan a embarqué sa coterie sur son vaisseau personnel, l’Incaligant, et vogue là où le Warp le mène, massacrant tous les Impériaux qui lui tombent sous le moignon au passage. Les petits plaisirs de la vie, il n’y a que ça de vrai. Ayant fondu (dans tous les sens du terme) sur un transporteur de troupes de la Garde Impériale dépêché sans escorte en renforts de Lystra, Dragan décide sur un coup de tête, une fois le carnage expédié, d’emmener ses ouailles sur le monde en question, où il suppute (en même temps qu’il supure) qu’une distraction peut être trouvée.

Nous retrouvons ensuite Sarrien, toujours plus amer et toujours plus crevé, qui décide d’aller rôder derrière les lignes ennemies pour… le fun ? (étant donné que les défenseurs sont au bout du rouleau et s’attendent tous à crever, et que l’adversaire n’a aucune chaîne de commandement à décapiter ni de cibles stratégiques à prendre, l’utilité de la manœuvre me semble obscure). Bien que durement éprouvé par des semaines de combat sans répit, notre surhomme se révèle malgré tout capable de faire mordre la poussière à son poids en Stumblers, voire plus, jusqu’à ce qu’il tombe sur un Fatty dont l’odeur corporelle, ou l’aura de zenitude, c’est selon, est telle qu’il a bien du mal à lever la main sur lui. Malgré l’attitude résolument peace man du gros lard, Sarrien parvient à le décoller proprement, non sans que sa victime n’ait eu le temps de le prévenir 1) des dangers physiques et mentaux du surmenage (il devait être élu au CHSCT dans sa première vie), 2) de l’arrivée prochaine du Potencier (Gallowsman). Bien en peine de faire quelque chose de cette information, et sappé comme jamais, l’Imperial Talon décide de se rentrer, avec l’espoir futile de trouver un McDo encore ouvert sur le chemin pour s’envoyer un bon Coca bien frais.

De son côté, Dragan a fini par arriver en orbite autour de Lystra, et emmène sa bande sur les lieux du dernier conflit agitant encore la planète, dans l’espoir de trouver un adversaire de valeur. Escortés par quelques cohortes de die hard fans, les Lords of Silence progressent pondéreusement vers la ligne de front, où les attendent…

Spoiler Des Iron Warriors. Eh oui. Car en fait, Sarrien et Dragan ont visité Lystra à deux moments distincts, petite surprise savamment préparée par Wraight. Il est d’ailleurs fortement suggéré que Sarrien est devenu Glask (le second de Dragan, qui passe son temps à l’appeler Potencier – au grand ennui de son boss – et dont la jambe torse pourrait être la conséquence de la blessure subie par Sarrien au même endroit à la fin de la campagne) peu de temps après sa rencontre avec le gros plein de pus, lorsque, finalement submergé par le nombre de ses ennemis et l’amertume envers l’Imperium, il a décidé que sa survie était plus importante que son devoir. Ceci dit, le récit se termine sur un flou artistique et un amoncellement de Zombies affamés sur Sarrien, dont le salut final n’est pas garanti, ralliement à papa Nurgle bien acté par ce dernier ou pas. Quelques dizaines/centaines/milliers d’années plus tard, Dragan est quant à lui saisi d’une impression de déjà vu alors qu’il corrode les armures chromées de ces frimeurs de la IVème, ce qui ne fait que renforcer l’hypothèse de la défection de Mr Talon. Fin du spoiler

AVIS :

Mis à part le manque de clarté de sa conclusion (voir la partie spoiler ci-dessus), Endurance est une soumission solide de la part de l’ami Wraight, sans doute rédigée en accompagnement de son roman The Lords of Silence pour un galop d’essai littéraire. En quelques pages, Chris arrive ainsi à donner une véritable profondeur à ses répugnants héros, dont l’attitude chill, thrill & kill les distingue clairement des autres factions d’Astartes chaotiques et renégats de notre sombre galaxie, en plus de s’accorder parfaitement avec la philosophie débonnaire de Papa Nurgle, ce qui ne gâche rien. Sans rien galvauder de leur nature éminemment mauvaise, Wraight réussit également à rendre attachant (sans mauvais jeu de mots) le personnage de Dragan, dont le caractère égal et l’approche désinvolte de sa pestilentielle vocation le font apparaître comme éminemment plus sympathique que le Seigneur du Chaos lambda de la BL. De l’autre côté du ring, Sarrien s’avère moins mémorable, mais le récit que fait l’auteur de la lutte désespérée du loyaliste pour retarder l’inévitable, de part son caractère assez original (il combat en solo, et pas avec le reste de son escouade) et la bonne prise en compte des effets débilitants de la fatigue et des blessures sur la constitution d’un Space Marine – qui reste une machine de guerre insurpassable, mais peut se mettre dans le rouge s’il tire trop sur la corde – s’avère prenant et plaisant, sur les quelques pages qu’il dure. Une nouvelle SM comme je les aime donc : courte dans son propos, précise dans son dessein, efficace dans sa réalisation et à twist dans sa conclusion. Prenez-en de la graine, les rookies.

Gardant une nouvelle en fois en tête le but premier d’un recueil tel que celui dans lequel elle a été incluse, j’ajouterai pour conclure qu’Endurance fait un beau boulot de présentation d’une faction amenée à jouer un rôle important dans l’univers 40K (la Death Guard), en plus de donner assez envie de lire le long format mettant en vedette les Lords of Silence. Que l’exploration d’un concept central du fluff, le ralliement d’un Space Marine loyaliste au Chaos, soit également présente pour l’instruction des lecteurs novices ajoute encore a l’intérêt du propos, qui mérite donc largement sa place dans le Black Library Celebration 2019.

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Execution – R. Harrison [40K] :

ExecutionICÔNE : SEVERINA RAINE, COMMISSAIRE

INTRIGUE :

Sur la morne plaine de Morne, surplombée par la forteresse du même nom, la Commissaire Severina Raine est confrontée à des problèmes d’autorité. Les gros flingues employés par les rebelles défendant le bastion convoité par le haut commandement impérial ont transformé les Fenwalkers du Sergent Keld en Bloodsplatters, ce qui a sérieusement entamé le moral de l’officier supérieur du 11ème Fusilier d’Antari, le Capitaine Tevar Lun. Pas de chance pour ce dernier, ses désirs de reconsidérer l’attaque sur les murs ennemis sont balayés d’un revers de main par Raine, qui n’a d’autre choix lorsque Lun persiste dans sa couardise que de lui coller un bolt entre les deux yeux devant le reste de ses troupes. Propulsée commandante de l’opération par la force (et l’impact) des choses, la première tâche de Raine sera de tourner la colère – légitime – de ses soldats vers les hérétiques Drastiens plutôt que son humble personne. Heureusement, les Antari sont des sujets pieux et disciplinés de l’Imperium, et la carrière de la Commissaire peut se poursuivre plus loin que la troisième page de sa première nouvelle, ce qui est un stade important pour cette classe de personnages. À propos de personnages, profitons-en pour faire un petit tour de table des VIP de la nouvelle, qui sont, histoire de Gardes Impériaux oblige, assez nombreux. Dans le désordre, nous faisons ainsi la connaissance du Capitaine Stormtrooper Andren Fel et ses Duskhounds, du Sergent Daven Wyck et ses Wyldfolk, de la Psyker sanctionnée Lydia Zane et de l’ingénieure militaire Yulia Crys, qui joueront tous un rôle dans la nouvelle.

Cette session de remotivation achevée, il faut maintenant négocier la prise des tranchées adverses pour arriver jusqu’au bouclier cinétique qui protège la forteresse du bombardement impérial, en exploitant les quelques minutes offertes par le rechargement des mitrailleuses lourdes ennemies. Inutile de dire que les Antari se sortent haut la main de cette épreuve, rencontrant quelques bidasses chaotiques en chemin, et perdant au passage une poignée de PNJ, comme le veut la tradition. Au contact de la muraille, Crys parvient à faire un beau trou dans la cloison des hérétiques, permettant aux Antari de pénétrer dans la place sans difficultés. Cette progression rondement menée est entrecoupée de passages en flashback remontant à la nuit précédant l’assaut, pendant laquelle Raine et Fel se sont livrés à leur rituel habituel de dégustation de thé et échange d’anecdotes. On en apprend ainsi plus sur le folklore d’Antari, très représenté dans les noms des escouades du régiment, et sur l’enfance, forcément difficile, de l’héroïne dans le Scholam de Gloam. Plus précisément, la fois où elle a mené deux de ses camarades dans une campagne de dératisation officieuse, s’étant soldée par un succès relatif (extermination du nid de vermine, mais début d’incendie du bâtiment et mort violente de ses comparses dans l’opération). L’occasion pour elle d’apprendre à assumer les conséquences de ses actes, comme elle continue à le faire à ce jour.

Retour à Morne, où les Antari doivent maintenant trouver un moyen de dissiper le bouclier cinétique qui protège toujours la forteresse pour permettre au reste des forces impériales de leur venir en aide. Pas grand-chose à dire sur cette section de combat urbain des plus classiques, qui verra nos personnages s’illustrer contre les hordes de cultistes (très semblables au Pacte du Sang, le masque en moins) et les renforts Ogryns de l’ennemi. L’indispensable Zane est au four et au moulin, protégeant ses camarades avec un bouclier psychique de son cru, et balançant des mandales mentales monumentales à quiconque a le malheur de la regarder de travers. Notons également le caractère sadique de Wyck, et son addiction aux drogues de combat, qui le placent à mi-chemin entre Rawne et Cuuh en matière d’équivalence Tanithienne. Il est déjà entendu que Raine aura à s’occuper de cet élément utile mais incontrôlable, et qui ne peut pas la blairer parce qu’elle n’est pas d’Antari, dans la suite de ses aventures.

Arrivés à l’étage où les rebelles ont stocké leurs munitions, les survivants de l’infiltration retiennent la contre-offensive adverse assez longtemps pour permettre à Crys d’installer un dispositif explosif qui devrait permettre la pacification expresse de ce théâtre, si employé correctement. Zane, dont les pouvoirs incluent la précognition, flaire le coup fourré de Raine, qui place le devoir avant des choses aussi triviales que le bien-être au travail ou la survie des troupes qu’elle a sous ses ordres, mais accepte tout de même de jouer le jeu, bien qu’elle révèle en aparté à la Commissaire que ses visions s’arrêtent après l’explosion de la poudrière de Morne. Raine ordonne alors la retraite jusqu’aux murs du bastion, avant que la situation des impériaux ne deviennent trop intenable, et les force à appuyer sur le bouton un peu plus tôt que prévu…

Début spoiler…S’en suit une explosion catastrophique, à la létalité exacerbée par l’effet couvercle du bouclier de Morne, qui empêche l’énergie dégagée de se diffuser aux alentours, et revient donc dans les dents et les tissus mous des troupes présentes dans la forteresse, qui n’ont d’autres choix que de tomber raides mortes. Cette fin renversante est toutefois épargnée au groupe de Raine, protégé par la MVP Zane, qui prend difficilement sur elle pour abriter ses collègues derrière son fameux bouclier psychique. L’effort consenti ruine toutefois irrémédiablement son rimmel et ses globes oculaires, qui lui coulent sur les joues dans la plus grande tradition des comédies romantiques hollywoodiennes. Voilà pourquoi elle ne voyait plus rien après cette détonation. Prix de la camaraderie pour Lydia Zane, vraiment. C’est toutefois une victoire indéniable pour l’Imperium qui se profile, accomplie grâce à la vaillance et au dévouement (en partie involontaire, Raine ayant menti à ses soldats en leur indiquant que les renforts étaient en chemin) du 11ème Fusilier d’Antari, qui n’a perdu que très peu de personnages nommés, et donc importants, dans la bagarre. C’est ce vieux Tevar Lun qui peut être fier de ses hommes (et femmes) depuis l’au-delà.Fin spoiler   

AVIS :

Si vous êtes familiers de la Black Library, il y a de bonnes chances que la lecture de cet ‘Execution’ vous fasse penser aux tribulations martiales du Premier et Unique de Tanith, ce qui n’est guère étonnant quand on compare les castings et les styles de Rachel Harrison et de Dan Abnett1. Etant donné le gouffre qui sépare ces deux séries en termes de publications, il faudra attendre un peu pour s’amuser à une analyse croisée de ces dernières, mais je dois dire que cette nouvelle introduit très proprement, et de façon satisfaisante, les personnages importants du 11ème Fusilier d’Antari, et constitue donc un point de départ tout indiqué pour qui souhaite suivre de plus près la trajectoire de ce nouveau régiment nommé de la GW-Fiction. Harrison présente bien sa galerie de protagonistes, souligne leurs affinités et inimitiés respectives, et ébauche quelques points saillants de leur histoire personnelle, qui sera sans doute au cœur de la suite de leurs aventures. On a également droit à une bone dose de fluff made in Antari, ce qui n’est certes pas essentiel pour la compréhension de Warhammer 40.000, mais dénote toutefois d’un sérieux travail de « caractérisation » de la part de l’auteur, et favorise l’immersion dans l’histoire et l’intérêt pour les personnages mis en scène dans cette dernière. Tant qu’on parle du background, je dois également souligner que cela fait plaisir de voir un.e Commissaire héroïque enfin faire son devoir, c’est-à-dire exécuter un officier refusant ses ordres, sans bénéficier de circonstances atténuantes. La disparition prématurée du Capitaine Lun, présenté comme un type bien et un bon soldat, est donc à savourer2 à sa juste valeur. Enfin, d’un point de vue purement narratif, Harrison rend une copie satisfaisante avec cette nouvelle de Gardes Impériaux de films d’action, nerveuse et sans temps morts. Rien d’exceptionnel ici, mais rien à jeter non plus. Pour boucler la boucle, je dirai que Rachel Harrison signe avec ‘Execution’ une nouvelle d’un meilleur niveau que ce que Dan Abnett avait publié au tout début des ‘Fantômes de Gaunt’. Reste à voir si la suite sera à la hauteur…

1 : Vu la manière dont le second remercie la première dans ses derniers bouquins, il y a de fortes chances que les deux aient l’habitude de travailler ensemble, et que Harrison ait voulu émuler le « maître » dans ses écrits. 
2 : Quelle belle remarque de psychopathe tout de même. Mais c’est vrai, toi-même tu le sais.

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The Battle for Markgraaf Hive – J. Hill [40K] :

The Battle of Markgraaf HiveICÔNE : MINKA LESK, GARDE DU 101EME CADIEN

INTRIGUE :

Comme les plus sagaces des lecteurs de cette chronique l’auront certainement deviné, la nouvelle du sieur Hill traite donc de la bataille pour la ruche Markgraaf1, opération de reconquête et pacification à laquelle l’unité de Minka Lensk, héroïne récurrente de l’auteur, à le plaisir et l’avantage de participer, en compagnie du \[|{™#{ème Cadien (comprendre qu’entre les pertes au combat non remplacées et les fusions régimentaires qui s’en suivent, les numéros défilent plus rapidement que lors d’une soirée bingo à l’Ehpad de Bois-Robert-sur-Veule).

Au menu de ce qui peut sans doute être considéré comme un séminaire annuel pour les derniers des Targaryen – cette manie de coller des yeux violets aux protagonistes pour les distinguer de la masse… –, une activité de team building dans les ténèbres des niveaux inférieurs de la ruche en question, avec les habituels cultistes hargneux-mais-bon-ça-va-on-a-vu-pire en lieu et place des assiettes en céramique à décorer, qui étaient à la mode en ce genre d’occasions quelques millénaires plus tôt. Une fois la séance initiale de laser game terminée, on enchaîne avec une découverte de la faune locale, qui consiste en des rats de la taille d’un rat et des asticots de la taille d’un chien (appelons-les maxticots), suivie par une session d’aqua-relax dans un bassin naturel, sous les ordres d’un Commissaire-Nageur un brin autoritaire.

À peine le temps de réaliser que les maxticots ne font pas de bons candidats au fish pédicure, à moins d’être un Ogryn peu chatouilleux, qu’il faut enchaîner avec une initiation à l’escrime médiévale/escape game sous la houlette de Philippe Chaos-therine (il coupe sa hache… et il rallume sa hache…), Space Marine renégat reconverti en coach de vie. Cette journée intense se termine par quelques longueurs de brasse coulée, un temps calme de 10 minutes devant une œuvre d’art moderne convenablement moche, et un ultime passage au hammam (mais habillé, ce qui est concept). Ce n’est pas tout le monde qui a la chance de vivre des séminaires aussi riches. Merci qui ? Merci Abby !

À ne pas confondre avec la ruche Steffigraaf, qui malgré quelques revers, est toujours au service de l’Empereur.

AVIS :

Propulsé directement dans le feu de l’action dès les premières lignes de The Battle… (au moins, le titre n’est pas mensonger), le lecteur aura sans doute quelques difficultés à comprendre les tenants et les aboutissants de cette successions de péripéties aussi guerrières que brouillonnes, expédiées sans tact, ni finesse, ni connecteurs logiques (ce qui surprend au début, irrite au milieu, et fait marrer à la fin) par un Justin Hill aussi maître de son propos qu’un élève de CM1 couchant par écrit le récit de ses vacances de printemps.

Si le début de la nouvelle fait illusion, tout se corse à l’arrivée sur la mare aux maxticots, théâtre d’une empoignade confuse, suivi de l’arrivée d’un groupe de survivants – dont un Valhallan, qui passait dans le coin – mené par un Commissaire, suivi de l’exécution d’un Garde qui trouvait l’eau trop froide, suivi de l’arrivée du random Chaotic Space Marine de base, suivi d’une ré-empoignade confuse, suivie d’une fuite éperdue de l’héroïne jusqu’au fond du bassin, suivi d’un questionnement philosophique sur la destinée des Cadiens survivants, suivi d’un séchage express, inexpliqué et interprété comme miraculeux par une Minka à laquelle il ne faut pas grand chose, des vêtements de nos héros, suivi de la fin du récit, qui s’achève donc davantage comme un chapitre de roman qu’un court format digne de ce nom, faute d’un dénouement digne de ce nom (sauf si être coincé à deux sans matos dans une caverne inondée peuplée de vers carnivores géants et squattée par des hordes d’hérétiques peu aimables et un Space Marine du Chaos altéré de sang constitue un explicit satisfaisant, bien sûr1).

Pauvre en termes de fluff, d’informations sur le passif de Mina Lensk, et d’une assez grande banalité dans son propos, The Battle… lorgnait peut-être du côté de la saga Gaunt’s Ghosts, et notamment du siège de Vervunhive couvert dans Necropolis, pour son inspiration, mais le fruit (plein d’asticots, donc) est tombé trèèèès loin de l’arbre. Pour laisser le mot de la fin, en même temps que du début, car j’aime bien boucler des boucles sur mon temps libre, à Hill en personne : « What the hell is happening ? »

1 : Si c’est le cas, vous êtes bizarre.

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The Smallest Detail – S. Mitchell [40K] :

The Smallest DetailICÔNE : CIAPHAS CAIN, COMMISSAIRE & HÉROS DE L’IMPERIUM

INTRIGUE :

À la recherche de petits extras pour égayer l’ordinaire de son cher Commissaire Cain, le brave Jurgen a pris sur lui de visiter les entrepôts de la milice de Helengon, monde banal sur lequel la Garde a été déployée pour écraser une insurrection l’étant tout autant. Usant de la considérable influence de son supérieur pour impressionner le responsable de l’entrepôt, un certain Sergent Merser, l’homme à tout faire du Héros de l’Imperium déambule longuement entre les travées et les étagères, emplissant sa musette des spécialités culinaires locales les plus appétissantes, à commencer par un saucisson d’anguille de sable tout simplement comestible, ce qui est déjà plus que ce que la majorité des rations du Ministorum peuvent revendiquer. Ces emplettes complétées, Jurgen se dirige tranquillement vers la sortie du site, mais remarque rapidement qu’il a été pris en filature par des amateurs, ce qui ne le trouble pas outre mesure1. Et en effet, l’embuscade dans laquelle il prend soin de tomber, et qu’il déjoue grâce à son entraînement et équipement supérieur, n’aurait pas cassé trois pattes à une Sentinelle. Seul petit problème, l’échange de tirs entre notre héros et son dernier adversaire a eu pour effet de déclencher un incendie (c’est ça que de s’abriter derrière des fûts de prométhéum), rendant l’identification des assaillants de Jurgen difficile.

Rejoint par la Prévôte Liana, qui se trouve en charge de l’enquête de cette tentative d’assassinat caractérisé, et par le Sergent Merser, qui accepte de jeter un œil sur les inventaires des autres entrepôts de la milice pour tenter de comprendre comment les tueurs en (im)puissance ont réussi à trouver uniformes et fusil laser2, Jurgen accepte de coopérer à l’investigation, mais seulement jusqu’au moment où il devra rentrer au camp pour préparer le jambon-purée de Cain. Très étrangement, l’étude des documents officiels ne donne rien, les inventaires inspectés par Merser étant trop mal tenus pour détecter des absences ou surplus de matériel (contrairement aux siens, d’une impeccable et implacable précision). Le dossier menaçant de piétiner, Jurgen prend congé, indiquant à ses comparses son intention de rentrer au bercail à pied, comme il est venu…

Début spoiler…Sauf qu’il était en fait venu en moto (une Salamander n’étant pas pratique dans une ville pas encore en ruines, et donc pleine de feux rouges, de livreurs Deliveroo et de petites mamies en déambulateur), et qu’il a fait exprès de mettre Merser sur une fausse piste, car il se doutait de la participation du Sergent dans la conspiration le visant. Aussi, lorsqu’il le voit sortir en courant de l’entrepôt quelques minutes après lui et sauter dans une camionnette qui part à fond de train pour rattraper le piéton qui n’en était pas un, Jurgen prévient Liana et se met en filature de la taupe, qu’il rattrape et immobilise au premier carrefour venu. Finalement, il s’avère que toute cette affaire n’a été qu’un énorme et regrettable (pour Merser, et plus encore pour ses complices) malentendu, le Sergent faisant partie d’un gang détournant de la nourriture pour la revendre à prix d’or sur le marché noir. Persuadé que Jurgen allait le dénoncer auprès de Cain (ce que l’aide de camp n’avait pas du tout l’intention de faire, car comme il le reconnaît lui-même, tout le monde fait ça), Merser a tenté de réduire le Valhallan odoriférant au silence, avec des résultats médiocres. Ironie de l’histoire, ce sont ses inventaires trop parfaits qui ont mis la puce à l’oreille de Jurgen, qui, en tant que Garde vétéran, sait bien que ce genre de documents sont par nature inexacts. Encore une fois, le mieux a été l’ennemi du bien !Fin spoiler

1 : Quand on est un vétéran ayant combattu les Tyranides et les Necrons à plusieurs reprises, plus grand-chose ne vous excite.
2 : L’absence de -s est volontaire, car sur les trois assaillants, un seul était convenablement armé.

AVIS :

Si cette petite nouvelle mettant à l’honneur le fidèle sidekick de Ciaphas Cain plutôt que ce dernier1 se laisse lire sans problème, et permet au lecteur non familier de l’approche particulière que Sandy Mitchell a du grimdark de découvrir cette dernière, je m’interroge sur la pertinence de l’intégrer dans un recueil dédié aux icônes de la GW-Fiction, dont Jurgen ne fait définitivement pas partie. Ce ne sont pourtant pas les courts formats où Cain tient la vedette qui manquent, et qui auraient à mes yeux bien mieux fait l’affaire ici. Je suis également un peu déçu que le titre équivoque de l’histoire n’ait au final débouché sur rien dans le dénouement de l’intrigue. Mitchell nous montre en effet Jurgen prendre en note mentale le nom d’un parfait inconnu, parce qu’on ne sait jamais, ça peut servir… sauf que ça n’a servi à rien ici. Le fusil de laser de Tchekov, ça te dit quelque chose ? Bref, ‘The Smallest Detail’ est loin d’être la meilleure, ni la plus adaptée, des nouvelles de Ciaphas Cain que l’on puisse parcourir, et je recommanderai donc au lecteur de retenter sa chance avec une autre soumission pour prendre la véritable mesure du Héros de l’Imperium.

1 : Ce n’est pas le premier texte de ce type, l’hyper court format ‘A Mug of Recaff’ étant également centré sur Jurgen.

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Of Their Lives in the Ruins of Their Cities – D. Abnett [40K] :

Of Their Lives...ICÔNE : IBRAM GAUNT, COMMISSAIRE GÉNÉRAL DU PREMIER & UNIQUE DE TANITH

INTRIGUE :

Nous suivons le premier et unique Commissaire-Colonel Ibram Gaunt, en charge du régiment du même statut, dans les premiers temps – assez difficiles – de son affectation à la tête des Tanith. Encore inexpérimentés, bien qu’ayant déjà soufflé dans les naseaux des Sang Bleu de Volpone en prenant la ville de Voltis à leur place, les futurs de Fantômes ont subi la vengeance mesquine de Noches Sturm et ont été chargés de mener une mission de reconnaissance dans les ruines de la seconde cité de Voltemand, Kosdorf, pendant que le gros de la croisade partait vers d’autres théâtres d’opération. L’équivalent de « va voir là bas si j’y suis » en termes militaires, ce qui n’aide pas vraiment à motiver la troupe. Cette dernière, toujours traumatisée par la perte de son monde natal, en veut méchamment à Gaunt, et le Commissaire a bien du mal à briser la glace avec ses nouvelles troupes, dont il ne pense pas grand-chose de positif pour le moment. Il songe même sérieusement à accepter l’offre que lui avait faite son vieux copain Blenner, un petit piston bien placé pour remettre sa carrière sur les rails, et laisser ces tree huggers de Tanith derrière lui. Il conserve à cet effet la lettre que son camarade lui a écrite dans la poche de son uniforme, comme un joker à abattre en cas de besoin.

La nouvelle décrit l’opération de reconnaissance montée par Gaunt et Corbec pour explorer Kosdorf avant que le gros du contingent impérial soit prêt à avancer, et qui, ô surprise, se passe très mal. Il s’avère rapidement que l’Archennemi a conservé des amis séides dans la ville, des cohortes de forces de défense planétaire rendues folles par les maléfices du Chaos et le manque de nourriture. Voulant gérer la situation comme un grand, Gaunt opte pour une retraite combattante, afin de laisser le temps à Caffran, son adjudant intérimaire depuis la mort de Sym sur Tanith (et avant que Gaunt n’embauche Milo pour ne plus avoir à entendre les « steuplé msieur steuplééééééééééééééé » du gamin), de prévenir le reste du régiment du problème rencontré (comme d’habitude, la radio ne marche pas, sinon c’est pas drôle). Cette situation stressante (les Doskorfers étant adeptes de la guerre psychologique et se faisant passer pour les véritables fantômes de Tanith pour saper le moral de l’adversaire) lui permettra de prendre la mesure des hommes qui le servent, depuis le cordial Corbec jusqu’à l’instable Larkin, en passant par l’imprécis (mais pas cette fois) Bragg, le clairvoyant Domor ou l’insaisissable Mkoll. Lorsque les renforts finissent enfin par arriver, menés par l’au fond pas si méchant que ça Major Rawne et sa bande de vauriens1, tout est bien qui finit bien pour les Tanith, qui sortent un peu plus unis de cette escarmouche. Symbole de l’enterrement de la hache en nalwood de guerre entre Gaunt et ses bidasses, le premier brûle la lettre de Blenner2 à son retour au campement, liant ainsi son destin avec celui de ses Fantômes. La suite fait partie de l’histoire de la GW-Fiction…

1 : Qui s’étaient amusés à faire les poches de leur officier et lui avait soutiré la lettre de Blenner, au grand désarroi de Gaunt. Ils lui ont toutefois rendu à la fin de la nouvelle.
2 : On peut supposer que la missive contenait l’adresse mail et le numéro de téléphone de Blenner, que Gaunt n’avait pas enregistrés ailleurs. Sinon je ne vois pas en quoi ce geste incendiaire empêcherait notre héros de saisir sa chance de mutation.

AVIS :

Longue nouvelle (50 pages tout de même) se taillant la part du lion dans tous les recueils dans lesquels elle a été incluse (dont ‘The Hammer & the Eagle’), ‘Of Their Lives…’ est le récit d’introduction ultime aux Fantômes de Gaunt, écrit par Dan Abnett avec ce but particulier en tête, au moment où la saga avait déjà atteint son statut légendaire parmi la communauté. Il est intéressant à ce titre de la comparer à des travaux plus anciens, mais sensiblement similaires car relatant l’apprivoisement mutuel entre le Commissaire-Colonel et ses nouvelles recrues. Les contributions d’Abnett à la première mouture d’Inferno ! (‘Ghostmaker’ – la nouvelle – , ‘A Blooding’, ‘The Hollows of Hell’) traitent ainsi de ce sujet de manière fort logique, à fins de présentation et d’établissement de cette nouvelle (à l’époque) série. Un peu plus tard, Abnett se fendit d’un ‘In Remembrance’ prenant place après ‘Necropolis’, et donnant à nouveau au lecteur novice un échantillon représentatif en même temps qu’un tour de table des personnalités importantes, du Premier et Unique de Tanith. ‘Of Their Lives…’ est la version revue, corrigée et probablement définitive de ce didacticiel narratif, présentant une fois encore les personnages « initiaux1 » de la série, leurs personnalités, leurs motivations et leurs rapports les uns par rapport aux autres. Ce côté social est particulièrement exploré ici, et justifie bien plus les 50 pages de la nouvelle que l’intrigue, relativement simple, qui sous-tend cette dernière.

Si ‘Of Their Lives…’ est d’abord destinée à un public non familier avec les Fantômes de Gaunt, Abnett n’oublie pas ses vétérans et s’amuse à glisser de nombreux clins d’œil à la suite des événements, que seuls les connaisseurs pourront détecter. La destinée de certains Tanith est esquissée de façon prophétique (Caffran, Feygor, Beltayn…) parfois jusqu’à un stade avancé de la saga (dialogue « bon pied bon œil » entre Larkin et Gaunt), tout comme celle de Noches Sturm, à qui Milo promet un retour de bâton karmique que le Volpone recevra bien quelques années plus tard. Notons également la référence croisée aux travaux inquisitoriaux d’Abnett, nouvelle passerelle/easter egg à recenser dans le « Daniverse ». Au final, cette nouvelle accomplit parfaitement son objectif, de façon peut-être un peu transparente pour le lecteur avisé, mais Dan Abnett, égal à lui-même, signe un texte suffisamment solide pour que tout le monde y trouve son compte. Si vous voulez découvrir un des mythes fondateurs et structurants de la Black Library, ‘Of Their Lives…’ est donc le point de départ idéal pour se familiariser avec une saga aussi colossale que celle des Fantômes de Gaunt.

1 : Note à l’attention des lecteurs ne connaissant par les Fantômes de Gaunt : Abnett a pris un malin plaisir à rajouter des personnages non Tanith à son casting au fur et à mesure des campagnes du régiment. Si vous pensez qu’il y a une foule de noms à retenir ici, attendez un peu de lire ‘The Lost’ ou ‘The Victory’.

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Mercy – D. Ware [40K] :

MercyICÔNE : AUGUSTA, SŒUR SUPÉRIEURE DE L’ORDRE DE LA ROSE DE SANG

INTRIGUE :

Sur le monde de Lautis, isolé dans l’arrière-pays de l’Ultima Segmentus, une escouade de Sœurs de Bataille de l’Ordre de la Rose de Sang menée par la Sœur Supérieure Augusta Santorus explore les ruines d’une cathédrale impériale, peut-être dédiée à Sainte Mina, et peut-être dédiée à Saint Maclou (qui peut dire ?), à la recherche de… quelque chose. Escortées par un missionnaire de l’Ecclésiarchie (Lysimachus Tanichus), ayant pris sur lui de ranimer la flame de la foi en l’Empereur parmi la plèbe locale après des siècles d’isolement et d’obscurantisme, l’Adeptus Sororita s’est en effet lancé dans une quête aussi pressante que floue pour une statue pouvant être liée aux origines de l’Ordre. On ne saura jamais pourquoi l’identification du patrimoine sacré constitue une priorité telle pour les membres de la Rose de Sang, mais toujours est-il que nos intrépides sistas se retrouvent fort dépourvues quand la Waaagh ! locale fut venue.

Coincées dans les ruines de la maison de Pépé (Question : peut-on considérer les temples impériaux comme des Ehpads, de ce fait ?), Santorus et ses sous-fifres optent alors pour un dernier carré héroïque et commencent à arroser les peaux vertes de bolts et d’imprécations en Haut Gothique, avec des effets spectaculaires, tant sur les effectifs de la horde ork que sur la culture générale du lecteur. Las, cela ne suffit pas à décourager les belliqueux Xenos de forcer l’entrée du lieu saint sous le seul poids du nombre, forçant les fifilles survivantes à, je vous le donne en mille, engager les brutes au corps à corps. Et pas n’importe comment, qui plus est : à mains nues. Oui, vous avez bien lu, ô incrédules lecteurs : c’est bien à coup de poing et de pied (pas de crépage de chignon possible avec les Orks malheureusement) que Santorus et consœurs tombent sur le râble, plutôt costaud, des aliens mécréants. Et le meilleur dans tout ça, c’est qu’elles leur mettent une énorme race, à l’image d’une Sœur Supérieure déchainée et tenant facilement tête à un Warboss Blood Axe, avec et sans arme. Pourquoi avoir des progénoïdes quand on peut avoir des stéroïdes ?

Les Orks finalement mis en déroute, et leur chef exécuté d’un bolt en pleine tête après un sommaire interrogatoire ayant permis de mettre à jour la duplicité de ce traître de Tanichus (c’est un nom de fourbe, je l’ai toujours dit), il est temps pour Augusta de (se) rendre justice afin des réparer les torts subis (une Soeur décédée d’allergie à la grenade, et quatre permanentes totalement ruinées). Guidée par une inspiration soudaine, et sans doute divine, elle décrète donc la mort du félon, ignorant ses piteuses justifications pseudo humanitaires, et l’annexion de Lautis au sein du protectorat de l’Ordre. Pourquoi ? Parce que. The end.

AVIS :

Que garder de Mercy, première soumission de la newbie Dannie Ware pour la Black Library ? Pas grand-chose, malheureusement. Sur le fond, l’intrigue proposée tient en une demi-ligne (attention, vous êtes prêts ? “Sistas versus Orks dans une cathédrale”. Ta-daaaaa!), et le “twist” final gardé en réserve par l’auteur tombe tellement à plat qu’on aurait même du mal à le considérer comme tel. Que Tanichus ait mené son escorte dans un piège, soit. Mais apprendre que la motivation profonde des Orks, et la raison pour laquelle ils ont accepté la proposition du missionnaire, est la récupération des armes d’une pauvre escouade de cinq Sororitas, no way. L’histoire a beau se dérouler dans l’Ultima profond, plus cheap que ça, c’est fouiller les poubelles des colons locaux pour récupérer les bouteilles d’amasec consignées au Simply Market du coin. Respectez-vous tout de même, Messieurs les peaux vertes.

Sur la forme, on aura bien du mal à pardonner à Ware les libertés qu’elle prend avec quelques principes fondateurs et porteurs du fluff de GW, au premier du rang duquel on trouve l’axiome : “Les Orks sont des forces de la nature”. Faire triompher une escouade de Space Marines d’Assaut vétérans d’une empoignade contre ce type d’adversaires, pourquoi pas (et encore). Mais une poignée de Sœurs de Bataille qui tatane comme qui rigole dix fois leur nombre et cent fois leur poids en géants verts, sans subir une seule perte dans le feu de l’action, et en recourant à des prises de catch histoire de faire kwioul, non merci. Ajoutez à cela un character development aux abonnés absents et quelques incongruités (comme une statue disposée de telle façon à ce qu’elle soit tournée vers Sainte Terra… donc vers l’Ouest-Sud-Ouest, c’est bien connu) sans conséquences pour le récit mais pas pour la crédibilité de ce dernier, et vous obtenez une nouvelle à remiser dans le fond des cartons du second choix de la BL. Mercy ? Sans façons.

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Thorn Wishes Talon – D. Abnett [40K] :

Thorn Wishes TalonICÔNE : GREGOR EISENHORN & GIDEON RAVENOR, INQUISITEURS DE L’ORDO XENOS

INTRIGUE :

Par une sombre nuit d’orage, un petit groupe de mystérieux individus débarque sur la planète Malinter, et prend la direction d’une tour en ruines où un rendez-vous a été fixé avec une tierce partie anonyme. Voilà qui est bien brumeux, voire fumeux, vous en conviendrez. Sur le chemin, les marcheurs sont attaqués par 6/7 hostiles, donnant l’occasion à Abnett de présenter ses protagonistes de façon convenable. À tout seigneur container, tout honneur, commençons par le meneur de la bande, l’Inquisiteur Gideon Ravenor, puissant Psyker réduit à l’état de loque humaine lors d’un attentat chaotique il y a bien longtemps, et confiné dans un fauteuil flottant énergétique depuis lors. Il a amené avec lui quelques copains pour lui servir de garde de la carrosserie : l’Interrogateur Carl Thonius, incarnation parfaite du hacker nerd passant la moitié de son temps à se plaindre, et l’autre à balancer des vannes caustiques, les hommes et femmes de main Harlon Nayl, Kara Swole et Zeph Mathuin, et la télékine Patience Kys. Seul Gigi sait ce qui les attend sur Malinter, et il refuse obstinément de s’en ouvrir à ses collaborateurs, même après que cette première embuscade, prélude à de nombreuses autres, se soit terminée en faveur des visiteurs (grâce à la combo mortellement efficace lévitation forcée + canon d’assaut rotatif).

La progression de nos héros devient de plus en plus difficile au fur et à mesure qu’ils s’approchent du sommet de la tour, des hordes des cultistes chaotiques se mettant en travers de leur route dans le but d’empêcher la rencontre de haut niveau (à tout point de vue) de se produire. Laissant Thonius, Nayl et Mathuin retenir la plèbe et échanger des blagounettes, ce Dom Juan de Ravenor entraîne Kys et Swole à sa suite jusqu’au rooftop du gratte ciel, où les attend ce bon vieux Gregor Eisenhorn, mentor de Gideon et ex-employeur de Kara. Disparu de la circulation depuis des lustres, et présumé mort ou radical par l’Imperium (voir la trilogie ‘Eisenhorn’ d’Abnett à ce sujet), Greg le Grabataire est toujours actif dans le game et déterminé à s’opposer au Chaos par tous les moyens nécessaires, y compris en retournant ses armes et méthodes contre lui. Le seul équipier conservé par Eisenhorn dans sa lutte contre l’anarchie galactique est ainsi le possédé Cherubael, qui lui sert de gros bras mais également d’auxiliaire de vie (dur de monter en haut d’une tour de 500 mètres – sans ascenseur – quand on est invalide à 93%1). Ces retrouvailles émouvantes entre les deux invalides tournent rapidement à la réunion professionnelle, Eisenhorn ayant voulu prévenir son disciple de l’intérêt que lui portent les membres de la Divine Fraternité, un culte chaotique spécialisé dans les catastrophes à venir. D’après leurs dernières (pré)visions, Ravenor, ou quelqu’un de son entourage, jouera un rôle décisif dans l’incarnation du démon Sliite dans notre dimension, ce qui aura évidemment des conséquences néfastes pour l’Imperium. Une barquette avertie en valant deux, Eisenhorn tenait à faire passer le message à son ancien Interrogateur, qui décide naturellement de… continuer ses investigations sur Eustis Majoris, précisément là où le démon fera son entrée dans le Matérium. Mais attention, en faisant attention.

Un peu plus bas, le Supreme NTM (Nayl, Thonius & Mathuin) a bien du mal à gérer le Dreadnought que les cultistes ont fait venir en renfort. Ils parviennent cependant à le retenir suffisamment longtemps avec leurs grenades krak (un peu) et chamailleries (surtout) pour que les Inquisiteurs se traînent enfin à leur niveau, leur conciliabule achevé, et règlent son compte à la menaçante machine. Le reste n’est qu’une formalité, et après un joyeux massacre de chaoteux et un salut au club des anciens (Nayl et Swole ayant commencé par servir Gregor avant de rejoindre Gideon), Ravenor et Eisenhorn se séparent à nouveau, peut-être pour la dernière fois. La suite sera racontée dans ‘Ravenor Returned’, le deuxième tome de la trilogie consacrée par Abnett au Stephen Hawkins du 41ème millénaire.

1 : Ce qui pose la question : pourquoi Eisenhorn a-t-il donné rendez-vous à son pupille, à la mobilité également réduite, dans un endroit aussi difficile à atteindre ? Autrement que pour le côté grandiose, s’entend ?

AVIS :

Abnett trouve un prétexte assez quelconque pour réunifier le temps d’une nouvelle la team GG de l’Inquisition, et on peut lui en être gré. Il est clair à la lecture de ‘Thorn Wishes Talon’ que l’équilibre des forces penche en faveur de Ravenor (dont la saga était en cours d’écriture au moment de la première publication de cette nouvelle), Eisenhorn en étant réduit à faire un cameo plutôt qu’à participer réellement à l’intrigue. En ce sens, cette nouvelle donnera sans doute plus envie au lecteur de se pencher sur les aventures de Gideon le gai luron plutôt que sur celles de Gregor Trompe-la-Mort, même si les deux séries méritent définitivement la lecture. On prend plaisir à voir opérer une équipe d’agents de l’Inquisition, constituée d’individus au caractère bien trempé et aux compétences uniques, ce qui donne un cocktail savamment mixé d’action et de punchlines, saupoudré par quelques éléments de fluff dignes d’intérêt, dans le plus pur style d’Abnett. Je place ‘Thorn Wishes Talon’ en dessous des histoires policières/roman noir (‘Missing in Action’, ‘Backcloth for a Coin Additional’) et détaillant l’origine/la destinée de personnages secondaires importants des travaux inquisitoriaux de Dan Abnett (‘Playing Patience’, ‘The Strange Demise of Titus Endor’), mais vous pouvez tout de même y aller les yeux fermés (ou pas, c’est tout de même plus pratique pour lire un texte).

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The Wreckage – D. Annandale [40K] :

The WreckageICÔNE : SEBASTIAN YARRICK, COMMISSAIRE

INTRIGUE :

Où il sera question des premières années de service de Sebastian Yarrick, avant qu’il ne devienne la légende acariâtre que l’Imperium connaît et adore redoute. Déjà engagé aux côtés de la Légion d’Acier d’Armaggedon, notre héros se retrouve en mauvaise posture lors de la traque d’une bande de pirates hérétiques ayant fait du vilain dans le secteur de Statheros, et qui semble avoir un coup d’avance sur ses adversaires impériaux. Débarqué à la surface d’Aionos, une lune servant de décharge à vaisseaux spatiaux en fin de vie, le 252ème Régiment de la Légion d’Acier tombe dans une embuscade qui le force à s’abriter derrière une épave (d’où le titre. Ça, c’est fait.), en attendant des jours meilleurs, ou un coup de génie militaire de la part du Capitaine Jeren Marsec, leader charismatique mais tête brûlée de l’expédition. Yarrick, bien moins dominateur que dans ses dernières années, se contente d’observer avec circonspection la tournure que prennent les événements, échangeant quelques remarques acerbes avec son pote Otto Hanoszek, Sergent expérimenté du 252ème, avec lequel il partage quelques doutes sur la qualité du Capitaine Marsec. Ce dernier, qui a vraiment la confiance, se permet de faire des blagues au sujet de son Commissaire, et propose en toute simplicité de charger en masse les lignes ennemies (situées en hauteur et mieux fortifiées que celles des impériaux) afin de forcer les hérétiques à se concentrer au même endroit pour repousser l’attaque, les transformant en cible facile pour la frégate d’Armaggedon (Castellan Belasco) qui stationne en orbite. Moyennement emballé par ce plan à 80% suicidaire, Yarrick accepte tout de même de marcher dans la combine, mais le coup de bluff de Marsec ne donne rien. Il semble en effet que le fourbe ennemi se soit fait la malle au lieu de tenir sa position, comme il était convenu qu’il le fasse.

Dépité autant que déboussolé par ce coup du sort, Marsec contacte la frégate pour annuler la frappe orbitale, mais réalise un peu tard qu’il vient de re-re-retomber dans un piège, les hérétiques ayant capturé le vaisseau et n’attendant que la confirmation du Capitaine que ses troupes forment un gros tas bien compact au sol pour donner du macrocanon. Le subtil accent nazillard de l’opérateur radio auquel Marsec s’adresse met toutefois la puce à l’oreille de Yarrick, qui parvient à sauver quelques meubles en ordonnant une dispersion stratégique quelques instants avant que la catastrophe ne frappe. La situation du 252ème est toutefois des plus précaires, réduit à quelques escouades éparses, mené par un officier totalement hébété par la tournure qu’on prit les événements, et confronté, en plus des pirates de l’espace, à une escouade de Space Marines du Chaos des tristement célèbres Harkanor’s Reavers (la Légion des Damnés, goût Hérésie).

Prenant en charge les opérations le temps que Marsec sorte de sa torpeur, Yarrick entraîne ses survivants dans un complexe de pyramides enfoui sous le sol de Aionos, et découvert par le bombardement spatial. Je ne vous ferai pas l’insulte de laisser planer l’ombre d’un suspens sur la présence de Necrons dans cette nécropole, car c’est évidement le cas. Pris entre le marteau du Chaos et l’enclume des Xenos, Yarrick parvient à feinter son monde en passant en mode furtif, laissant les hérétiques menés par leurs gros copains énergétiques se ruer sur les robots tueurs, avec des résultats concluants. Un bonheur n’arrivant jamais seul, nos héros apprennent que l’équipage du Castellan Belasco a réussi à se libérer et est sur le point de reprendre le contrôle du vaisseau, ce qui permettrait au 252ème de tirer sa révérence sur cette victoire mineure. Problème, le bombardement a séparé les Gardes Impériaux en deux, et le groupe mené par le Sergent Hanoszek est confronté à la même situation que celui de Yarrick (hérétiques, Space Marines du Chaos, pyramide…), sans bénéficier de la présence scénaristiquement salvatrice de ce dernier.

Conscient que la situation de ses camarades est sans espoir1, Yarrick essaie de convaincre Marsec, qui a enfin repris ses esprits, de ne pas jouer au héros en essayant de monter une opération de secours vouée à l’échec. En vain. Seb la Frite passe alors en mode Commissaire et colle un bolt dans la tête de l’officier, qui n’attendait que ça en fait, histoire de mourir en martyre au lieu de devoir justifier son incompétence auprès du haut commandement à son retour. Grand prince, Yarrick annonce lui-même à Hanoszek qu’il a été désigné volontaire pour mourir au nom de l’Empereur, ce que ce dernier accepte avec stoïcisme, et laisse sa radio ouverte jusqu’au bout pour recueillir les derniers râles des héroïques bidasses. Kelôm.

1 : Ils sont confrontés à 3 Astartes du Chaos. 3 ! C’est Gaunt qui doit doucement rigoler dans son coin.

AVIS :

Une nouvelle sur Yarrick où aucun Ork ne vient pointer le bout de son (absence de) nez, cela fait bizarre, tant cette race de Xenos est centrale dans la saga du vieux Commissaire. Le récit que fait Annandale du début de la carrière du héros d’Armaggedon, que l’on découvre déjà animé de puissantes convictions quant à la manière d’accomplir son devoir, même s’il se laisse ici marcher sur les pieds par cette fantoche de Marsec, ne s’avère pas vraiment mémorable, et je pense que le nombre très important de factions convoquées dans cette courte nouvelle joue un rôle important dans ce constat de bofitude. Était-il vraiment nécessaire de faire intervenir les Necrons (qui n’apparaissent même pas directement dans le récit d’ailleurs) dans cette péripétie mineure de la carrière de Yarrick ? Cela renforce en tout cas le running gag de la nécropole enfouie sous trois centimètres de sable, et qui se réveille dès que le chien du héros la déterre par inadvertance en creusant un trou pour son os. À vouloir jouer à la fois sur le tableau de la psychologie (Yarrick se retrouve confronté à un dilemme moral qui aura des conséquences sur la suite de sa vie) et de l’action (Yarrick doit mener ses hommes à la victoire en dépit des circonstances) en aussi peu de pages, Annandale score moyennement sur les deux dimensions, et ce faisant, ne rend pas vraiment service au héros qu’il est sensé glorifier.

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Rite of Pain – N. Kyme [40K] :

Rite of PainICÔNE : ADRAX AGATONE, CAPITAINE DE LA TROISIÈME COMPAGNIE DES SALAMANDERS

INTRIGUE :

Malgré leur réputation de gros nounours, les Salamanders ne sont pas exempts de pratiques douteuses. La scène qui se déroule en ouverture de ‘Rite of Pain’ (une nouvelle qui ne traite pas de la manière de faire une Tradition à la mie moelleuse et à la croûte ferme, ce qui est, de l’avis général, très dommage) le démontre bien. Un trio de tortionnaires s’amuse en effet à pyrograver le torse d’un prisonnier enchaîné à une table d’opération, en lui recommandant de « sentir le moment » et « accueillir la souffrance », préceptes admirables en théorie mais dont l’individu se trouvant du mauvais côté du fer rouge a du mal à faire usage. Nos trois larrons sont le Capitaine Adrax Agatone, le Chapelain manchot Elysius, et Jean-Alphonse Diplodocus, prêtre tisonnier. Ils semblent avoir des difficultés à convaincre leur invité des vertus de leur philosophie masochiste, pour des raisons qui seront gardées sous silence par Nick Kyme. On apprendra juste que le gonze qui joue le rôle du steak sur le grill de la cafétéria des Salamanders est sauvage et dangereux, et a déjà occis sept collègues de Jean-Alphonse avant d’être appréhendé.

Aux grands maux les grands remèdes, Elysius demande et obtient un tête à tête avec le prisonnier pour lui apprendre une bonne leçon. Pendant qu’Adrax et Jean-Alphonse prennent une pause clope à l’extérieur, le Chapelain libère sa victime… et lui refait le portrait d’une main experte, tout en continuant à le poker avec son tisonnier, jusqu’à ce que le malappris demande grâce et récite son catéchisme comme il faut. Avant que le rideau ne tombe, nous faisons donc la connaissance de frère Zartath, qui semble avoir été confirmé comme Salamander après ce bizutage en règle, et malgré le fait qu’il soit capable de faire pousser des griffes d’os depuis ses avant-bras. Ils prennent des mutants maintenant sur Nocturne ?

AVIS :

J’avoue avoir un peu triché en préparant la critique de cette nouvellinette (5 pages) de Kyme, que son auteur a gardé volontairement obscure pour qui n’est pas familier des travaux nocturnes de l’auteur-éditeur de la BL. Il s’avère que ‘Rite of Pain’ se situe à la croisée des événements relatés dans ‘Nocturne’ et ‘Rebirth’, et a certainement été sélectionnée pour l’inclusion dans ‘The Hammer & the Eagle’ sur la base de la participation du Capitaine Adrax Agatone à cet épisode très mineur du ‘Tome du Feu’, nom de l’anthologie consacrée par Kyme à ses chers lézards. Nouvelle figure de proue du Chapitre depuis la sortie de sa figurine et de son profil dans le Codex Space Marines, Agatone n’est cependant qu’un second rôle lointain dans la saga vulcanisée de Nick Kyme, par rapport au duo Dak’ir et Tsu’Gan sur lequel l’essentiel de la série repose. Faut-il voir un nouveau départ pour les Salamanders au sein de la BL ? Sans doute, mais on leur souhaite des écrits plus intéressants et détaillés que ce min…uscule ‘Rite of Pain’, qui ne présente ni ne suscite guère d’intérêt pour le lecteur.

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Chains of Command – G. McNeill [40K] :

Chains of CommandICÔNE : URIEL VENTRIS, CAPITAINE DE LA QUATRIÈME COMPAGNIE DES ULTRAMARINES

INTRIGUE :

Engagé dans la campagne de pacification de Thracia avec un contingent d’Ultramarines placé sous le commandement du Capitaine Idaeus, le Sergent Uriel Ventris a été chargé de mener l’assaut sur le pont 2-4, tenu par les rebelles ayant eu l’audace de se soulever contre le bienveillant Empereur, et qu’il convient de faire sauter pour éviter que la contre-attaque de la Garde Impériale en direction de la capitale planétaire ne soit prise de flanc. Après quelques paragraphes de « mes sens sont vraiment trop développés lolilol » #ImTheBest #YouCantWriteAstartesWithoutStar, qui expliquent en grande partie pourquoi personne n’aime les Ultramarines, Ventris accomplit sa mission, déclenchant un assaut en règle de ses petits copains bleu pervenche et vert sapin sur la position adverse. Désespérément surclassés, les défenseurs se font hacher menu, et les meilleurs de l’Empereur s’organisent pour tenir le pont assez longtemps pour permettre au vénérable Techmarine Tomasin de placer les explosifs qui permettront de faire écrouler l’ouvrage d’art dans la gorge en contrebas.

Nous faisons la connaissance du Capitaine Idaeus, un officier vétéran et proche de ses hommes, connu pour son approche distanciée du saint Codex Astartes, ce qui n’en finit pas de sidérer le rigoriste Ventris. Ce même Idaeus a d’ailleurs fait montre de ses tendances libertaires en menant la charge contre un nid de bolters lourds, au lieu d’attendre le soutien du reste de ses hommes, comme ce planqué de Guilliman l’avait pourtant préconisé dans ses écrits. Depuis cinquante ans qu’ils combattent ensemble, Idaeus n’a pas réussi à convaincre son bras droit de l’avantage de s’écarter de temps en temps du manuel d’utilisation de la guerre écrit par le Primarque, et ce n’est pas aujourd’hui que ça va ch… Ah, on me dit dans l’oreillette que c’est précisément l’objet de cette nouvelle. Bigre.

Comme tous les vétérans dignes de leurs médailles, Idaeus fait confiance à son instinct, et ce dernier lui hurle (il est un peu sourd) que quelque chose en tourne pas rond, malgré le fait que la mission se déroule jusqu’ici parfaitement comme prévu. Ce malaise le conduit à mener une mission d’inspection de l’autre côté du pont, Ventris à ses côtés, pour juger du boulot effectué par les Scouts déployés par les Ultramarines en territoire ennemi. Et, évidemment, il s’avère qu’une importante colonne blindée progressait discrètement (c’est possible si on met des patins sur les chenilles) en direction du pont, ce qui va devoir forcer le vénérable Tomasin à se bouger les vénérables miches, ce qui n’est pas facile quand on est plus refait qu’un Iron Hands en fin de carrière (souvenir d’une rencontre torride avec un Carnifex entreprenant sur Ichar IV). Tout aussi évidemment, rien ne se passe comme prévu à partir de ce moment, les Scouts, le Thunderhawk qui devait évacuer les Ultramarines, et le vénérable Tomasin tombant tous sous le feu de l’ennemi, ce qui force Idaeus et ses compagnons à monter une défense désespérée du pont, le temps que 1) un autre transport arrive, et 2) quelqu’un trouve une idée brillante pour faire péter la passerelle, ce qui reste tout de même l’objet principal de la mission de nos marsouins énergétiques.

Je vous passe les longues scènes de baston dont nous gratifie McNeill, et qui permettent à Ventris de montrer qu’il en a dans le slibard, pour aller directement au moment où notre futur héros réalise qu’il suffit de déclencher une charge de démolition à proximité des explosifs posés par l’irrécupérable Tomasin pour déclencher une réaction en chaîne qui devrait provoquer les résultats escomptés. Petit problème, l’escouade de Space Marines d’Assaut envoyés réaliser cette mission se fait pincer en chemin par les Night Lords qui coordonnent la rébellion chaotique, et les incapables finissent crucifiés sur le pare chocs des Rhinos des fils de Curze pour leur apprendre la vie. Devant ce spectacle insoutenable, Idaeus et Ventris sont très colère, et cette rage leur permet de repousser l’assaut des renégats au prix de lourdes pertes. Alors que le deuxième Thunderhawk approche de la position intenable des Ultramarines, l’heure des choix arrive pour la bleusaille…

Début spoiler…Le noble Idaeus décide de partir faire exploser le pont à la mano, malgré ses chances de réussite quasi nulles, et ordonne à Ventris de mener les quatre rescapés de cette folle nuit, ainsi que son épée énergétique de maître, jusqu’au point d’extraction. Les cœurs gros, le Sergent s’exécute, et est témoin de l’héroïque sacrifice de son mentor dans les poutrelles et les travées du pont 2-4, la bande de Raptors laissée en garnison par les Night Lords ne parvenant pas à lui régler son compte avant que le Capitaine fasse feu avec un pistolet plasma dérobé à l’ennemi sur une charge de démolition laissée négligemment sur place1. C’est donc une victoire indéniable pour l’Imperium, et le début de la saga d’Uriel Ventris, qui héritera du commandement de la 4ème Compagnie à la suite de la campagne de Thracia.Fin spoiler

1 : On pourrait aussi se demander pourquoi les Night Lords n’ont pas détaché les explosifs laissés par le vénérable Tomasin sur les piliers du pont quand ils en avaient l’occasion. Encore une preuve que l’abus de Chaos est mauvais pour le cerveau.

AVIS :

Si l’idée de lire une nouvelle d’action dont le héros est un Ultramarines peut sembler intrinsèquement barbante à un lecteur de 2020, qui a sans doute pu pratiquer l’exercice à de nombreuses reprises grâce/à cause de l’obsession de la Black Library pour ce genre de productions, il faut être juste avec Graham McNeill et Uriel Ventris, et rappeler que ‘Chains of Command’ a été à sa sortie (2001) une des premières et plus abouties Space Marinades (saveur vanille) qui soient. Les innombrables ersatz et proxys publiés depuis ne l’ont pas aidé à bien vieillir, ni le style de l’auteur, ni les personnages mis en scènes, ni l’intrigue exposée n’étant particulièrement dignes d’éloges, mais le résultat n’est pas indigne pour autant. À l’époque où il est attendu d’un héros Space Marines un peu plus qu’un grade de Capitaine et une vague tendance à se poser des questions existentielles (ce qui était suffisant il y a 15-20 ans), je laisse le soin au lecteur de décider si une figure comme Uriel Ventris est toujours pertinente, ou bien s’il est temps d’accorder une retraite bien méritée à l’aïeul de tous les héros d’action énergétique de la Black Library.

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Eclipse of Hope – D. Hinks [40K] :

Eclipse of HopeICÔNE : MEPHISTON, CHEF ARCHIVISTE DES BLOOD ANGELS

INTRIGUE :

Appelés à l’aide par la Garde de Fer de Mordia, elle-même sollicitée par les habitants de Supplicium Secundus en leur heure de besoin, les Blood Angels ont répondu en envoyant Mephiston et quelques potes dans le système en question. Les vampires énergétiques arrivent toutefois trop tard à la surface de la planète, et ne peuvent que constater que la totalité de sa population, ainsi que les braves Mordian débarqués pour faire le service d’ordre, se sont entre tués dans une orgie de massacre à faire se pâmer un héraut de Khorne. Mephiston trouve le spectacle de la plaine jonchée de cadavres jusqu’à l’horizon plutôt poétique, mais se garde bien de partager cette réflexion pas très Charlie avec ses sous fifres. Les questions que les Astartes et le lecteur se posent sont en partie résolues par l’arrivée de l’ultime survivant de cette battle royale planétaire, un Colonel Mordian complètement ravagé du bulbe, qui agresse violemment le brave Sergent Gamigin en grognant comme une bête enragée. Courtois mais un peu rude, le surhomme dans la pampa finit par tordre le cou au minus qui lui salit ses plates avec ses grosses mains pleines de doigts, mais semble récupérer le mal qui tourmentait son assaillant au passage, et commence à montrer des signes d’énervement qui n’augurent rien de bon venant d’un colosse génétiquement modifié et armé jusqu’aux canines. Heureusement, Mephiston est là pour faire un peu d’hypnose suggestive, ce qui permet à Gamigin de décompresser sans avoir tué personne (à part le Mordian bien sûr, mais il ne compte pas vraiment).

De retour sur leur vaisseau, les Blood Angels découvrent la flotte de secours des Mordians, complètement désertée et remplie de cadavres. Les puissantes capacités déductives de Mephiston ne mettent pas longtemps à soupçonner que les transports de troupe ont été victimes de la même rage irrépressible que celle qui a décimé Supplicium Secundus, et la réception d’un nouvel appel à l’aide, celui-là venant de Supplicum Tertius, située un peu plus loin dans le système, vient confirmer les craintes de Seigneur de la Mort. Le virus du VENER-40.000 circule encore dans la zone, et il est du devoir des Blood Angels d’en trouver la cause et la cure.

Parti dare dare vers la planète souffrante, dont les masses laborieuses commencent à s’entre-tuer avec méthode et enthousiasme, le croiseur d’attaque Crimson Exhortation manque d’être percuté en chemin par un vaisseau non identifié, ce qui ne peut pas être une coïncidence dans un milieu aussi espacé que… l’espace. Et en effet, le nouveau venu se révèle être l’Eclipse of Hope, ou plutôt son portrait robot dessiné par un enfant de 6 ans (comprendre que les proportions ne sont pas très bien respectées), une barge de bataille perdue par le Chapitre pendant la 5ème Croisade Noire. L’étude de la trajectoire du vaisseau fantôme ne laisse aucun doute à Mephiston : c’est bien la cause de la folie meurtrière qui a infecté Supplicum Secundus et Tertius, et il doit être détruit en conséquence. Plus facile à dire qu’à faire cependant, l’Eclipse encaissant sans problème et sans dégâts apparents un tir direct de canon nova. Comprenant que le Warp est à l’œuvre, Mephiston décide d’aller régler le problème à l’ancienne, B.A. style, c’est-à-dire en envoyant une poignée de vétérans purger l’épave de l’intérieur, comme cela a si bien réussi au Chapitre par le passé (remember Secoris ?). En plus de notre souriant héros et du Sergent Gamigin, résolu à prouver à l’univers combien il est cool, on retrouve un Chapelain, un Techmarine, un Prêtre Sanguinien et un Épistolier dans l’équipe des rouges. Tout ce petit monde aborde l’Eclipse, qui est une sorte de fantasme semi-solide, se nourrissant des souvenirs de ses hôtes pour prendre une forme concrète, et se dirige vers la salle de commandement du vaisseau, où se situe probablement le nœud du problème.

En chemin, la rage instillée par l’épave est gardée sous contrôle par les Blood Angels, qui ont tous pris un Lexomil dans leur lait fraise avant de partir en mission, mais la manifestation d’un petit groupe de Sanguinaires à proximité de l’objectif des Astartes force ces derniers à passer en mode agressif, avec des résultats mitigés, la sainte colère des meilleurs de l’Empereur provoquant le spawnage de plus en plus rapide de leurs adversaires. Il revient à Mephiston, comme le héros qu’il est, de prendre les choses en main et de remettre ses compagnons sur la bonne route. Ses pouvoirs psychiques lui ayant permis de déterminer que la source du problème se trouvait dans le Librarium, et non sur le pont, il convoque un bouclier d’apathie, ou quelque chose comme ça, permettant à ses gardes du corps de s’extirper de la mêlée et de progresser jusqu’à la bibliothèque de l’Eclipse, où la messe devra être dite…

Début spoiler…Laissant les normies monter la garde devant la porte, Mephiston et l’Epistolier Stolas pénètrent dans le saint des saints, où se trouvent des bouquins démoniaques de fort belle taille, une carte du système de Pallevon, ainsi qu’une statue de Mephiston zieutant un des grimoires de façon insistante. Le signal est clair, et bien que le Seigneur de la Mort ait la discipline nécessaire pour s’arracher de la contemplation de l’ouvrage maudit, une fois les premières pages parcourues, Stolas se fait corrompre comme un bleu entre le sommaire et la préface. Il brûlera donc avec le reste du Librarium, purifié de manière définitive par un Mephiston qui ne transige pas avec ses principes. L’Eclipse dûment désinfecté de sa peste warpique, et la situation revenue sous contrôle sur Supplicium Tertius, Mephiston est libre de poursuivre sa quête de réponses en direction de Pallevon, où l’attend un autre revenant du Chapitre…Fin spoiler

AVIS :

Avant que Darius Hinks ne reprenne en main la carrière littéraire de Mephiston, c’était David Annandale qui avait la charge du Seigneur de la Mort, auquel il a consacré cette nouvelle et le roman ‘Lord of Death’. Ces deux histoires s’inscrivent dans le même arc narratif, ‘Eclipse of Hope’ faisant office de prologue à ‘Lord of Death’, et accomplissant bien cette fonction, donnant envie au lecteur de connaître la suite des aventures du grand blond avec une humeur noire. Je dois également reconnaître avoir été agréablement surpris par le style déployé par Annandale dans sa narration, d’un niveau nettement supérieur à sa propre moyenne. Cela contribue grandement au caractère digeste d’une nouvelle qui ne serait sans cela rien d’autre qu’une énième Space Marinade. Une des soumissions les plus abouties d’Annandale hors de son créneau horrifique de prédilection, et donc à lire de préférence aux (nombreux) autres textes moins convaincants signés par cet auteur.

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Redeemer – G. Haley [40K] :

RedeemerICÔNE : ASTORATH, HAUT CHAPELAIN DES BLOOD ANGELS

INTRIGUE :

On a tous déjà été confronté à ce moment, plus ou moins long, pendant lequel une chanson – souvent débile, comme La Danse des Canards, T’Es Si Mignon ou Despacito – nous restait collée dans la tête malgré tous nos efforts pour forcer notre cerveau de passer à autre chose. Eh bien cette expérience abominable, c’est le quotidien d’Astorath l’Inflexible, Grand Chapelain des Blood Angels et Rédempteur des Égarés, dont il entend les fredaines pathétiques lui rabâcher les oreilles dès que l’un d’entre eux sombre totalement dans la Rage Noire. Il est alors de son devoir de rappliquer dare dare pour abréger les souffrances (les leurs et les siennes) à grands coups de hache, ce qui le conduit à passer sa vie dans l’espace, voyageant de zones de guerres en théâtres d’opérations dans son véhicule de fonction (l’Eminence Sanguis), accompagné de quelques fidèles acolytes. Aujourd’hui, direction Asque, d’où proviennent les échos lointains de Djadja joués à la flûte à bec par un Snotling asthmatique, ce qui est passablement désagréable, vous en conviendrez.

Laissant le fidèle Sergent Dolomen garder le vaisseau, comme il en a l’habitude1, Astorath part à la rencontre de l’escouade de Blood Angels affectés par le mâââl, escorté par le Prêtre Sanguinien Artemos et guidé par un trio de locaux, fortement impressionnés par la panoplie macabre de leur visiteur (qui fait moins le malin lorsque les ailes factices de son jet pack se prennent dans les branches sur le chemin, ceci dit). En chemin, les bouseux apprennent au Grand Chapelain que leur monde est victime depuis plusieurs décennies des attaques d’une race de Xenos peu sympathiques, baptisés les Silencieux par les pragmatiques Asquiens, et qui ont forcé ces derniers à abandonner leur cité ensoleillée pour se réfugier dans les forêts de champignons insalubres et humides recouvrant la majeure partie de la planète. Leurs appels à l’aide étant resté lettre morte pendant des décennies, l’ouverture de la Cicatrix n’aidant certainement pas, il leur a fallu prendre leur mal en patience et apprendre à vivre comme Yoda sur Dagobah, la Force en moins, le temps qu’une demi-escouade de Blood Angels soit dépêchée sur place pour botter le train aux Silencieux. Tout se passait très bien jusqu’à ce qu’un des Astartes ne pique une colère noire pour un motif indéterminé, et fausse compagnie à ses camarades pour aller baguenauder dans les sous-bois d’Asque.

Cette version est confirmée par le trio de Primaris qu’Astorath et Artemos rencontrent à leur retour de patrouille, et encore traumatisés par le pétage de plomb de leur mentor, le Sergent Erasmus, après que leurs hôtes leur aient apportés un steak d’ordes bien cuit au lieu de saignant. Détail important, Erasmus était un Space Marine de la vieille école, et pas un Primaris, dont la résistance à la Soif Rouge et à la Rage Noire relève encore de la théorie et des boniments de Belisarius Cawl. Ayant recueilli assez d’indices pour procéder à la traque et à la rédemption d’Erasmus, dont le séjour sur Asque sera le dernier échange culturel, Astorath se prépare à apporter la paix à la brebis énergétique égarée, siphonant un peu de rouge à la veine d’Artemos pour se donner du cœur à l’ouvrage, mais refusant catégoriquement que son acolyte vienne lui porter main forte dans sa mission sacrée. La confidentialité de la relation patient-thérapeute/confesseur/bourreau doit être respectée, que diable.

Après une petite partie de beat ‘em all sur le chemin de la ville abandonnée par les Asquais (les Silencieux trouvant malin de s’attaquer à Astorath à son passage, malgré leur corps de lâche et leur équipement rudimentaire), notre héros parvient enfin à localiser Erasmus, complètement enragé et donc persuadé de purger le Vengeful Spirit en lieu et place de son Primarque, alors qu’il massacre en fait la colonie de Silencieux ayant investi les habitations des colons après le départ de ces derniers. L’arrivée du Grand Chapelain fait définitivement pencher la balance en faveur de l’Imperium, et après que les derniers mobs aient été farmés, il est temps pour l’ultime séance de psychiatrie du Sergent Erasmus, administrée de main et de hache énergétique de maître par Astorath. Guidé par son amour fraternel et sa miséricorde absolue, le Rédempteur rédemptionne avec retenue, se contentant de saigner son patient pour saper sa force plutôt que de le décapiter sans sommation. Ah, il lui coupe une jambe aussi, mais seulement pour qu’Erasmus se tienne enfin tranquille, et qu’il puisse lui adresser une imposition des mains salutaire, permettant à l’égaré d’enfin refaire surface, et de mourir dans la lumière de Sanguinius et de l’Empereur. C’est presque une happy end, en fait. Ce problème résolu, et les glandes d’Erasmus récoltées, il est temps pour Astorath et Artemos de repartir sur les routes, la version de Bella exécutée au mirliton et à la scie musicale venant lui trotter dans la tête lui indiquant qu’un autre frère a besoin de ses bons offices…

1 : La planque ultime pour un Blood Angels tout de même. M’est avis que Dolomen a dû faire une remarque désobligeante lors du dernier vernissage de Dante pour avoir été affecté à une mission aussi chiante.

AVIS :

Guy Haley s’empare du personnage d’Astorath l’Inflexible (possiblement le Blood Angels doté du background au plus fort potentiel narratif) et nous sert une petite mise en situation dont il a le secret, soulignant à la fois les caractéristiques saillantes de son héros et levant le voile sur des aspects de sa personnalité et de son passé non abordés par les quelques paragraphes qui lui sont dédiés dans le Codex Blood Angels. Sur cette base éprouvée, Haley trouve également le moyen de faire le lien avec le lore avec un grand L (ce qui est approprié pour un personnage avec des grande ailes), en mentionnant l’ouverture de la Cicatrix et la dévastation de Baal, ainsi qu’en abordant la question fondamentale de la vulnérabilité potentielle des Primaris Blood Angels aux tares du matériel génétique de leur Primarque. Le résultat est très solide, à défaut d’être particulièrement original, et on se prend à espérer que la BL commissionne Haley pour d’autres travaux mettant l’Inspection Générale faite (sur)homme en vedette.

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Extinction – A. Dembski-Bowden [40K] :

ExtinctionICÔNE : EZEKYLE ABADDON, MAÎTRE DE GUERRE DE LA BLACK LEGION

INTRIGUE :

On ne le sait que trop, les lendemains de cuite sont difficiles. Quand la tournée des bars en question a duré sept ans, impliqué des centaines de milliards de participants sur des milliers de planètes, dont quelques dizaines ont brûlé au passage, et s’est terminée par un projet X débridé dans la maison familiale avec le capitaine de soirée qui s’étouffe dans son vomi sur la banquette arrière de sa Kangoo défoncée, il est somme toute logique d’avoir, très, mais alors trèèèèèèèèèèèèèèès mal aux cheveux pendant quelques temps. Surtout quand on s’appelle Ezekyle Abaddon, et qu’on a un goût immodéré pour les manbuns en palmier1. Nous reviendrons sur le cas de ce mauvais sujet un peu plus tard.

Extinction place donc son propos dans la période trouble qui succède à l’Hérésie d’Horus, qui, si elle n’a pas été une partie de plaisir pour l’Imperium, n’a pas été de tout repos non plus pour les Astartes rebelles, réfugiés dans l’Œil de la Terreur et en proie à de bien compréhensibles dissensions internes en l’absence d’un grand chauve costaud pour claquer le beignet aux éléments perturbateurs. Mais, comme l’éructe Borge Grassens, Prince Démon poète à la moustache remplie de Nurglings : « Or sous les cieux sous vergogne//C’est un usage bien établi//Dès qu’il s’agit de rosser des Sons of Horus//Tout le monde se réconcilie2 ». Tel le chouchou de la maîtresse ayant rappelé à cette dernière qu’elle avait oublié de ramasser les expressions écrites de la classe deux minutes avant la sonnerie, les guerriers de feu le Maître de Guerre se retrouvent en butte à l’hostilité non dissimulée de leurs petits camarades de jeu, qui leur reprochent, non sans raison, d’être responsables de la galère dans laquelle ils se trouvent désormais.

Nous faisons donc la rencontre, pour beaucoup d’entre eux juste avant une capture infamante, un décès prématuré, ou pire, de quelques fistons d’importance, alors qu’ils se retrouvent entraînés dans des explications de texte sans fin avec leurs cousins issus de germain. Le Sergent Kallen Garax peine à trouver les mots justes (pas facile quand on parle Chtonien et le gonze d’en face Nostraman) pour apaiser un gang de bikers Night Lords. Le Techmarine Sovan Khayral insiste impuissant à l’incendie de son véhicule de fonction des mains huileuses d’une bande de Death Guard désœuvrés. Le Capitaine Nebuchar Desh finit par rendre l’âme après une séance un peu trop soutenue avec son/sa Dominatrice Emperor’s Children, qui devra se trouver d’autres chats à fouetter. L’humble frère Zarien Sharak, coursé par une meute de World Eaters souhaitant lui voler son goûter (quand on n’a pas de monde à manger, il faut bien compenser), signe un bail de sous-location mal avisé avec un Démon mal élevé qui le met fissa à la porte de son âme à son corps défendant (ou le contraire). Erekan Juric, Capitaine Reaver, se fait incendier par la bande à Kahotep sur le chemin de la maison. Même la fameuse Kangoo d’Horus traîne son mal-être depuis la disparition du patron, remisée qu’elle a été dans un quelconque parking sous-terrain de l’Œil par ce galopin d’Abaddon.

C’est par un aparté dévolu à ce diable d’Ezekyle que se termine Extinction. Ayant tout bonnement pris un congé proprement sabbatique pour se ressourcer et faire le point sur sa vie, et voyageant de planète en planète pour visiter les attractions touristiques qu’elles ont à proposer (une pyramide ici, un mausolée là, un temple plus loin… c’est une sortie culturelle), Abby regarde de loin ses anciens frères se faire mettre la tête dans la cuvette des toilettes chimiques de leurs Rhinos, guère intéressé par les déboires de sa Légion. Quelque chose me dit toutefois que cela ne durera pas éternellement…

1 : Ca irrite le cuir chevelu comme pas possible et c’est très mauvais pour le bulbe.
2 : La rime est pauvre mais l’argent ne fait pas le bonheur.

AVIS :

Prologue à sa saga consacrée aux origines de la Black Legion, cette Extinction permet à Dembski-Bowden d’afficher sa maîtrise de la nouvelle d’ambiance. Il ne se passe en effet pas grand-chose dans ce court format, la succession de vignettes illustrant les déboires de la marmaille horusienne permettant seulement de prendre la mesure de la mauvaise passe que cette dernière traverse, orpheline de Primarque, traumatisée par sa défaite sur Terra, n’ayant plus d’objectif autre que la survie et ciblée à outrance par ses partenaires de crime. Pour autant, Extinction reste l’une des lectures les plus agréables de Croisade & Autres Récits, la patte d’ADB rendant chaque passage intéressant, chaque personnage attachant, et préparant parfaitement le terrain pour le début de la geste Abaddonienne, que le lecteur aura envie d’approfondir après en avoir terminé avec cet amuse-gueule, je gage. Il est fort l’animal, il est fort.

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Prodigal – J. Reynolds [40K] :

ProdigalICÔNE : FABIUS BILE, APOTHICAIRE DES EMPEROR’S CHILDREN

INTRIGUE :

Alors qu’il couve, quasi littéralement, sa nouvelle génération d’enfants-cobayes, spécimens de la nouvelle humanité qu’il appelle de ses vœux et crée de ses recherches, Fabius Bile reçoit la visite d’une présence démoniaque furtive et rigolarde, envoyée par l’un de ses nombreux ennemis pour mettre fin à ses expérimentations. Pas de chance pour le rejeton du Warp, Fab en a vu d’autres, et ordonne posément à l’esprit de la machine du Vesalius, son vaisseau amiral, de sceller son laboratorium pour lui permettre de localiser l’agent contaminateur importun et lui passer l’animus à l’eau de javel, comme la procédure le demande. Si la baston qui s’en suit ne fait de victimes que parmi la collection d’occulobes et de glandes de Betcher gardés par l’Apothicaire fou, les choses manquent de mal tourner pour ce dernier après que le premier démon assassin soit rejoint par un second. L’arrivée opportune de Melusine, la « fille » aînée de Bile, permet toutefois de mettre fin aux débats avant que le laboratoire ne soit complètement ravagé. Si Mel a pu intervenir en ce moment décisif, c’est parce qu’elle est elle-même plus qu’à moitié démoniaque, une orientation qui déçoit beaucoup son géniteur, mais qu’il accepte, en père modèle moderne et philosophe. S’en suit un dialogue entre les deux générations de Bile, qui génère plus de questions qu’il n’apporte de réponses, à commencer par les motivations ayant poussé Melusine à venir à la rescousse de son vieux, et à lui transmettre des avertissements à la demande de… Fantomas ? Jack l’Eventreur ? the masked singer ? Le suspens restera entier, en partie à cause de la folie manifeste de Fabienne (son vrai nom), qui a du mal à se situer entre le passé, le présent et le futur, et le choix de Fabius de ne pas poser la question qui pourtant le travaille autant que le lecteur. L’entrevue se termine sur le départ précipité de Melusine, qui « n’aime pas parler aux fantômes » (sic), et laisse donc son vieux pôpa méditer sur l’ingratitude de la jeunesse et sur l’inexorable passage des années, ou, dans son cas, des millénaires. Bile reste toutefois convaincu de l’intérêt et du caractère fondamental de ses recherches, qu’il continuera à mener en dépit de l’opposition d’une galaxie obscurantiste. C’est cela que d’être en avance sur son temps…

AVIS :

‘Prodigal’ apprend beaucoup de choses sur la vie et l’œuvre de Fabius Bile (et à travers lui sur les Emperor’s Children et les Légions renégates), ce qui en fait un bon point de départ pour quiconque souhaite se plonger dans le corpus que la Black Library a dédié à son charismatique et échevelé savant fou, écrit en bonne partie par le même Josh Reynolds. Je ne suis en revanche pas certain que les lecteurs familiers du personnage et de sa saga y trouvent de grandes sources de satisfaction, le retour de Melusine (la fille prodigue annoncée par le titre) ne faisant finalement pas progresser les relations entre les deux personnages d’un iota. Une bonne petite nouvelle d’ambiance/d’acclimatation donc, mais en rien essentielle à la bonne compréhension des chroniques bilieuses et billesques de Reynolds.

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Veil of Darkness – N. Kyme [40K] :

Veil of DarknessICÔNE : CATO SICARIUS, CAPITAINE DE LA SECONDE COMPAGNIE DES ULTRAMARINES

INTRIGUE :

Vous souvenez vous de Damnos et de sa chute, amis lecteurs ? Si l’épisode fut malheureux pour l’Imperium, il eut au moins l’avantage de mettre l’insupportable Cato Sicarius, Capitaine de la Seconde Compagnie des Ultramarines, en face de sa nullité crasse et d’un adversaire qui lui apprit bellement la vie, le Seigneur Necron « Immortel » (Undying), qui lui planta sa faux dans le bidon au terme d’un duel épique (selon Sicarius)/de cinq secondes (selon les observateurs présents). Un souvenir à chérir en ce millénaire hostile…

Notre histoire commence quelques temps après cet affrontement fatidique, Cato revenant à lui dans une cuve de bacta et, fidèle à lui-même, commençant le premier jour du reste de sa vie1 en rabrouant le fidèle Apothicaire Venatio, qui a pourtant passé les derniers jours à le remettre en forme. Apprenant la défaite des Ultramarines et la perte du vénérable Agrippen, Sicarius pique sa crise et fracasse d’un coup de poing la vitre de sa cuve amniotique pour se passer les nerfs (et il aurait fait pire s’il avait eu son épée). Et dire que les World Eaters sont accusés d’être psychopathes. Avant qu’il n’ait pu détruire de fond en comble l’Apothicarion, l’arrivée soudaine de son rival devant l’éternel, Severus Agemman, contraint notre turbulent zéro à retrouver son calme. Le Capitaine de la Première Compagnie est venu informer son collègue et inférieur qu’il est convoqué devant Marneus Calgar dans six heures pour expliquer pourquoi et comment il a cru bon de déféquer dans la super glu lors de la campagne de Damnos. Sicarius, qui n’est pas passé en conseil de discipline depuis la fin de ses études, prend évidemment très mal la nouvelle, et fidèle à la légendaire équanimité de Guilliman, balance quelques réflexions désagréables à Agemman pour extérioriser sa frustration, manquant de peu de se ramasser une baffe énergétique pour sa peine.

Avec si peu de temps pour préparer son dossier, Sicarius n’a bien sûr rien de plus pressé que d’aller récupérer ses armes et armures à l’Armourium, où il a la désagréable surprise de constater que des bouts de Guerriers Necrons décomposés ont été stockés pour étude par les Techmarines du Chapitre. Flairant une combine de la part de l’ennemi, maître incontesté du leave no trace2, Sicarius ne peut cependant convaincre Vantor, le techos en faction, de mettre à la benne ces déchets dangereux. Il expérimente à cette occasion une vision plutôt inquiétante de sa Némésis métallique, le laissant littéralement sur les genoux (pendant que Vantor, qui n’a absolument pas trouvé anormal que son interlocuteur s’effondre au sol en suffoquant comme un poisson hors de l’eau, est retourné vaquer à ses occupations). De nouveau maître de lui-même, Sicarius repart donc rédiger son rapp- taper le carton en salle d’entraînement avec le Sergent Daceus, qui mérite une statue au sein du Temple de la Correction pour supporter un supérieur aussi imbuvable que lui. On apprend à l’occasion du duel amical entre les deux Ultramarines qu’en plus d’être prétentieux au possible, Sicarius est également mauvais perdant et vicieusement mesquin, puisqu’il enfreint volontairement les règles du combat pour pouvoir scorer une touche contre Daceus, qui était sur le point de le vaincre. Une nouvelle vision ténébreuse s’abat alors sur le Capitaine, qui manque de tuer le Sergent en pensant revivre son duel contre le Roi Necron (mais ne s’excuse pas le moins du monde lorsque l’illusion se dissipe, évidemment). Tout à sa paranoïa, Cat’ éventre un pauvre Serviteur de combat qui ne lui avait rien fait, juste pour être sûr que le soulèvement des machines n’était pas d’actualité, avant de se rappeler qu’il ne lui reste que 10 minutes avant de comparaître devant Calgar, et qu’il n’a rien préparé pour sa défense. Accompagné par le bien brave Daceus, Sicarius se présente à son audience, certain que sa belle gueule et ses états de service lui éviteront le blâme qu’il mérite pourtant de toute évidence…

Début spoiler 1La correctionnelle lui est  évitée par la tentative d’assassinat dont est victime le pauvre Marneus, décidément dans tous les mauvais coups, de la part d’un Deathmark Necron sorti de nulle part, comme cela est son droit le plus strict. Ce n’est que le prélude à une invasion en règle de la Forteresse de Hera par les fourbes Xenos, qui profitent du goût des Ultramarines pour les souvenirs de campagne pour pénétrer en masse dans l’Armourium, faisant sa fête à Vantor au passage, avant de se diriger vers l’Apothecarion pour en terminer avec le Grand Schtroumpf. Isolés de leurs frères de bataille par les artifices Necrons, Sicarius, Daceus, Agemman et les gardes d’honneur de Calgar tentent de renverser la situation en déphasant le Vizir porteur du Voile de Ténèbres, ce qu’ils parviennent à faire, mais cela n’empêche pas le Roi Necron de faire son entrée sur le champ de bataille, et de porter le coup de grâce au Maître de Chapitre, après que tous ses défenseurs aient été passés au fil du khopesh. À moins que…

Début spoiler 2…À moins qu’il ne s’agisse que d’un rêve, évidemment. Ou plutôt, d’une vision du futur. Retour donc à la cuve de biactol du début de la nouvelle, d’où Sicarius réémerge, sa légendaire mauvaise humeur remplacée par un sentiment de déjà vu irrépressible. Et en effet, il a connaissance de tout ce que ses interlocuteurs cherchent à lui dire, ainsi que du stockage des pièces détachés Necron dans l’arrière boutique de l’Armourium, qu’il se dépêche d’aller valoriser énergétiquement (pour une fois, c’est approprié) malgré les protestations de Vantor. Ceci fait, il est libre d’aller répondre de ses actes devant Marneus Calgar sans craindre pour la vie de ce dernier, qui souhaitait simplement le voir pour lui annoncer qu’il a lui aussi eu ce rêve étrange et pénétrant, dans lequel le Roi Necron se paie sa tête. Ce crime de lèse majesté ne pouvant rester impuni, Calgar autorise son Capitaine à jouer la belle, lorsque l’occasion se présentera. Comme on disait à l’époque, Delenda Necrono.Fin spoiler

1 : C’était la première fois qu’un adversaire le blessait gravement lors d’un duel. Lui, Cato Sicarius, Maître du Guet, Chevalier Champion de Macragge, GrAnD dUc De TaLaSsAr et HaUt SuZeRaIn D’uLtRaMaR !!! Il se serait plaint au directeur, s’il avait pu.
2 : On peut reprocher beaucoup de choses aux Necrons, mais au moins, ils ne polluent pas.

AVIS :

Je suis face à un paradoxe au moment de donner mon avis sur ce ‘Veil of Darkness’. Je ne saurai dire en effet si le dégoût profond que m’inspire Cato Sicarius, aussi connu sous le nom de « Everything Wrong with the Ultramarines », est à considérer comme une réussite ou comme un échec de la part de Nick Kyme. Il ne fait aucun doute que ce dernier a volontairement accentué le trait pour donner à son protagoniste une personnalité marquée, pour ne pas dire autre chose, comme il l’avait déjà fait avec le personnage de Tsu’Gan dans sa série sur les Salamanders. Cependant, à faire de Sicarius une tête à claque absolue, il prend le risque de dégoûter le lecteur de ce héros infect, ce qui n’est pas conseillé lorsque l’on souhaite vendre des bouquins. En tout cas, il ne faudra pas compter sur moi pour suivre avec intérêt les péripéties de la Mimi Geignarde de l’Ultima Segmentum, qui pâtit sans doute du grand nombre d’icônes du Chapitre ayant également eu les honneurs de la BL (Ventris, Calgar, Chronus, Tellion, Kastor & Polixis… et maintenant Guilliman, sans compter la ménagerie hérétique de la Légion), et dont il lui faut bien se démarquer. La stratégie du sale gosse de Kyme, pour efficace qu’elle soit, est donc à double tranchant.

Si on fait abstraction du caractère difficile de son héros, ‘Veil of Darkness’ est une honnête nouvelle d’action, bénéficiant d’un twist final convenable, à défaut d’être particulièrement efficace (évidemment que Calgar et Agemman ne peuvent pas finir leur carrière au détour d’un paragraphe d’une obscure nouvelle consacrée à Sicarius), et présentant de façon convenable le passif et les motivations de son héros. L’un dans l’autre, c’est donc une bonne introduction aux aventures de Cato Sicarius, si tant est que vous ayez l’envie de les suivre, ce dont je vous laisse décider en votre âme et conscience…

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Fireheart – G. Thorpe [40K] :

FireheartICÔNE : YVRAINE, ÉMISSAIRE D’YNNEAD

INTRIGUE :

Envoyée par Yvraine comme émissaire auprès des Eldars du Saim Hann afin d’obtenir de l’aide dans la quête des mondes de Morai-Heg, la Céraste Druthkala Shadowspite (Drudru pour les intimes) a bien du mal à convaincre ses hôtes de prêter une oreille pointue attentive à ses doléances. Car étonnamment, les Zoneilles sont égoïstes et mesquins. Qui l’eut pensé, vraiment ? Alors que les Clans réunis en assemblés dans le bois de Vincennes du Vaisseau Monde n’en finissent plus de se crêper le chignon, et que Druthkala tue le temps, faute de mieux, en imaginant les sévices qu’elle pourrait infliger à ses lointains cousins, Nuadhu du Clan Fireheart fait son apparition, en retard comme à son habitude. Bien que seulement héritier putatif du Clan, l’état végétatif de son père lui donne le pouvoir de décider à sa place, et un seul regard sur les courbes généreuses et l’armure minimaliste de la diplomate Ynnari convainquent notre dalleux de héros qu’il doit lui venir en aide pour s’en faire bien voir, et plus si affinités. Le choix d’Yvraine d’envoyer une bombasse plutôt qu’un érudit fait tout d’un coup plus de sens…

La mission de Shadowspite et de ses nouveaux amis est assez simple : mener une reconnaissance sur le monde vierge d’Agarimethea, où un vaisseau Exodite patiente en double file orbitale depuis quelques semaines, ce qui indique que quelque chose ne tourne pas rond à la surface. Après un petit go fast dans la Toile, dans la plus pure tradition des Wild Riders, les bikers au serpent arrive sur place, où ils ne mettent pas longtemps à repérer un complexe Necron défigurant le paysage champêtre, comme un magasin Bricodépôt construit au milieu d’un parc naturel. La présence de l’ennemi primordial des Eldars sur une planète qui devrait pourtant être exempte de toute souillure provoque des réactions mitigées dans la compagnie. Ceux qui réfléchissent avec le cerveau (Caelledhin, la demi-sœur du héros) sont pour une retraite prudente, ceux qui réfléchissent avec un autre organe (Nuadhu, qui n’en finit plus de baver sur les jambes de Shadowspite) insistent pour aller jeter un œil sur site, afin de peut-être trouver une arme qui pourrait aider les Eldars dans leur lutte contre les Necrontyr. Nuadhu étant techniquement aux commandes (même si cet incapable a laissé le pilotage de sa Vyper à son chauffeur de fonction), l’expédition fait fi de toute prudence et va se garer devant la pyramide principale. Bien évidemment, le calme qui baigne les lieux n’est qu’apparent, et lorsque Nuadhu pose la main sur la surface inerte du monument aux des morts, une alarme se déclenche et le ciel se remplit bientôt de tirs de désintégrateurs et d’aéronefs Necrons.

La fuite éperdue qui s’en suit voit la disparition tragique d’un certain nombre de cousins Fireheart, victimes des tirs ennemis, du relief ou du troupeau de dinosaures local (obligatoire sur un monde vierge). J’imagine qu’il en reste encore plein de là où ils viennent, et on ne pleurera donc pas trop sur leur sort. Les Eldars, bien diminués par la tournure qu’ont pris les événements, et la stupidité crasse de leur chef, jurent toutefois de revenir pour rendre aux Necrons la monnaie de leur pièce, ce qui sera fait dans ‘Wild Rider’/’Le Cavalier Rebelle’, le deuxième bouquin consacré aux suivants d’Ynnead par Gav Thorpe.

AVIS :

Je dois avouer tout de suite que je n’ai pour le moment pas réussi à m’intéresser aux Ynnari, ce qui est un handicap pour qui veut effectuer une chronique impartiale d’une nouvelle consacrée à cette nouvelle faction de 40K. Toutefois, même si les cultistes d’Ynnead avaient bénéficié de ma légendaire bienveillante neutralité, je pense que mon jugement de ce ‘Fireheart’ serait resté sévère. Il n’y en a en effet pas grand-chose à tirer de cette histoire, mis à part quelques fragments de fluff sur l’organisation et la culture de Saim Hann, et le nom du canasson de Khaine, ce qui n’est pas lourd. Pour le reste, on assiste à un festival de gaffes, puis de baffes, provoqué par l’incompétence notoire de Nuadhu, dont la concupiscence irréfléchie mettra Saim Hann en danger, et, surtout, donnera à peu de frais à Thorpe le pitch d’un de ses bouquins. C’est à une nouvelle purement et crânement utilitaire que nous avons affaire ici, qu’il convient de lire à l’extrême limite en prologue de ‘Wild Rider’ et c’est bien tout.

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Blood Guilt – C. Wraight [40K] :

ICÔNE : NAVRADARAN, EPHOROI DE L’ADEPTUS CUSTODES

INTRIGUE :

Notre nouvelle débute avec une petite mise en contexte de la fonction de Custodiens, qui a connu bien des évolutions depuis les jours dorés de la Grande Croisade. On apprend ainsi que les Über Super Dupper de l’Empereur vivent dans une maison sans balcon sans toiture, où il n’y a même pas d’abeilles sur les pots de confiture1, même pas d’oiseaux, même pas la nature, et c’est même pas une maison. Ce qui est logique, puisque c’est la tour de l’Hégémon. Tour avalée par l’urbanisation galopante qu’a connu le Monde Trône au cours des derniers dix millénaires, mais tour tout de même. Parmi les 10.000 hauts fonctionnaires que compte cette noble institution, une majorité est affectée à la recherche fondamentale ou à la garde du Trône d’Or, et seuls quelques rares individus, les Ephoroi, ont l’occasion de se dégourdir les spalières en traquant les suspects désignés par leurs collègues du bureau des légendes. C’est à l’une de ces opérations très spéciales que nous convie Chris Wraight, aux côtés de Navradaran, enquêteur très spécial au service exclusif de sa Majesté.

C’est toutefois sur la proie de Nanar, le Seigneur Sleox, que la caméra se braque, alors que le noble se hâte vers le garage de son manoir en compagnie de son assistante Ysica. On devine sans mal que Sleox a des choses à se reprocher, et souhaite de toute urgence quitter Terra pour des cieux plus cléments plutôt que de devoir répondre de ses actes. Les éternels embouteillages du périphérique terran manquent toutefois de permettre au notable en fuite de se faire pincer avant d’arriver jusqu’au spatioport, un aéronef à l’allure menaçante ayant pris en chasse la limousine de Sleox sur le chemin du terminal. Au prix d’un sprint échevelé dans les coursives du bâtiment jusqu’à sa navette privée, le grand ponte et la petite main parviennent toutefois à rejoindre leur objectif avant d’être appréhendé par les forces de l’ordre. Une fois le vaisseau décollé et en route vers l’orbite, Sleox commence à se détendre, et se dirige vers le minibar pour s’en jeter un petit bien mérité…

Début spoiler…Mais découvre avec stupéfaction qu’un colosse en auramite a déjà fait main basse sur ses réserves, et sirote un jus de tomate (pas d’alcool en service) accoudé au comptoir. Un bolt non explosif (donc, une balle, j’imagine) dans le caisson plus tard, Sleox passe de vie à trépas dans l’incompréhension la plus totale. Et pour cause, la vraie cible de Navradaran n’était pas ce pantouflard de Seigneur, mais bien son assistante personnelle, qui cache sous une apparence banale un pouvoir de nuisance considérable, aiguisé par des millénaires de planque dans la haute société terrane. Le temps que la navette ne vienne se poser dans le QG des Arbites le plus proche, le Custodien et l’intrigante chaotique discutent de tout et de rien, le premier cherchant à percer à jour les motivations de sa captive, et la seconde à endormir sa vigilance pour pouvoir se suicider avant d’être soumise à l’interrogatoire, ce qu’elle ne parviendra pas à faire, malheureusement pour elle. On apprendra tout de même qu’elle considère que les Custodiens ne sont pas prêts du tout à s’opposer à la prochaine attaque d’Abaddon le Fléau, toujours partant pour aller pousser Pépé dans les orties.

La nouvelle se termine avec le compte rendu de Navradaran à Valoris, ce qui nous vaut un nouvel échange de graves platitudes sur l’état de l’Imperium et le devoir des Custodiens, ainsi qu’un petit aperçu de ce que le futur réserve au Sombre Imperium : un retour des filles de l’Empereur, qui devra être favorisé et encouragé par les 10.000 dans la mesure de leurs capacités, qui ne sont tout de même pas minables.Fin spoiler

1 : Mais qui est toujours éclairée avec des bougies en cire d’abeille, ce qui est un luxe indécent au 41ème millénaire.

AVIS :

Comme beaucoup de ses camarades de jeu, Chris Wraight écrit des nouvelles de liaison entre les romans de ses séries de long cours, et ‘Blood Guilt’ se place dans cette catégorie de publications charnières (‘The Emperor’s Legion’ et ‘The Regent’s Shadow’). Comme peu de ses camarades de jeu, Chris Wraight, parvient souvent (mais pas toujours, cf ‘Argent’) à donner à ce type de courts formats un intérêt pour le lecteur opportuniste. Ici, on a le droit à un petit cours d’histoire sur la Tour de l’Hegemon au fin des millénaires, puis à une révélation savamment mise en scène à propos de l’identité de la cible de Navradaran, et pour finir, à quelques considérations stratégico-politiques (la spécialité de Wraight) entre deux personnages très au fait de la situation de l’Imperium, ce qui donne trois bonnes raisons de s’atteler à la lecture de cette petite histoire, et donne plutôt envie d’en apprendre en plus sur la vie trépidante de Nanar et Valoche, gardiens émérites de Papy Mougeot.

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Argent – C. Wraight [40K] :

ArgentICÔNE : LUCE SPINOZA, INTERROGATRICE DE L’ORDO HERETICUS

INTRIGUE :

Je m’appelle Luce Spinoza, je suis Interrogatrice au service de l’Inquisiteur Joffen Tur, et ceci est mon histoire. Au moment où nous faisons connaissance, je gésis telle une loque sur le sommier de ma cellule, les deux bras dans le plâtre et la tête dans le Culexus. J’entends le pas lourd de mon tout aussi lourd (vous allez rapidement comprendre pourquoi) patron approcher dans le couloir, et je n’ai que le temps de me remémorer les événements qui m’ont conduit à l’état de grabataire que le voilà à mon chevet. Comme vous, il cherche à savoir comment diable Horus j’ai réussi à me mettre dans un tel état. Pour cela, un petit flashback s’impose. Je m’appelle Luce Spinoza, et ces dernières heures n’ont pas été de tout repos.

Tout avait pourtant commencé de manière très classique. Nous étions arrivés en orbite du monde ruche de Forfoda pour enquêter sur les raisons de la rébellion ayant mené la planète à entrer en sécession ouverte contre le règne éclairé et éclairant de notre bien-aimé Empereur. Tur avait insisté pour prendre son utilitaire de fonction plutôt que sa limousine, soi-disant pour faire passer le message auprès des autres forces impériales que ce théâtre d’opération l’intéressait à peine. Mouarf. Il était tout de même venu, et la seule conséquence pratique de cette démonstration de morgue cryptique fut que les copains et moi dûmes nous serrer sur les sièges arrière de sa Kangoo au lieu de chiller tranquille à côté du minibar, comme à notre habitude.

Lors du briefing de la mission, Tur nous avait fait part de son plan. Afin d’éviter que nos alliés Imperial Fists ne dessoudent les meneurs de la rébellion avant que nous n’ayons pu les cuisiner, il était impératif de leur griller la politesse là où c’était possible, ou de réfréner leurs ardeurs homicidaires lorsqu’ils étaient déjà à pied d’œuvre. Je m’attendais à être affectée à l’équipe du boss, comme c’est habituellement le cas, mais mes quinze minutes de retard au point équipe hebdomadaire du lundi précédent n’avaient de toute évidence été ni oublié, ni pardonné, car Tur m’a au contraire chargé de la supervision d’une opération annexe, en solo avec les Astartes. Ca m’apprendra à aller en boîte le dimanche soir.

Un peu plus tard, je fis connaissance avec la bande de surhommes que j’avais pour mission d’encadrer, afin d’assurer la capture de l’assistante de direction du gouverneur rebelle, une certaine Servia, localisée en haut d’une spire annexe de Forfoda (c’était sans doute son jour de télétravail – chanceuse –). Dès mon arrivée au Strategium, j’ai compris que la partie allait être tendue. Je n’ai en effet pas senti une grande sympathie envers ma personne de la part de mes collègues de bourreau (Jaune, Jaune d’Œuf, Jaune Trois, Jaune Quatre, Jaune Cinq, et un Chapelain, Erastus), confirmant les rumeurs insistantes dépeignant les Imperial Fists comme une bande de suprématistes meninistes. C’était bien ma veine. Heureusement que j’avais passé mon BAFA pour encadrer les pupilles de la Scholam lors des colonies pénales de vacances lorsque j’étais jeune fille au pair sur Dimmamar. J’ai donc remis en place ces butors dans le plus grand des calmes, et leur ai bien fait comprendre que c’était moi la boss. Non mais.

À partir de là, tout s’est enchaîné très rapidement. Notre taxi nous a déposé quelques étages en dessous du F3 de Servia, et mes gros copains souffrés faisant souffrir le service d’ordre des traîtres avec une brutalité consommée. J’aurais peut-être pu les aider à rentrer plus facilement (c’est comme en boîte, il vaut mieux laisser passer les filles devant quand on est une bande de mecs), mais ils étaient déterminés à finir la mission à temps pour ne pas rater le début de Dorna l’Exterminatrice, et je n’avançais visiblement pas assez vite pour eux. J’ai toutefois pu rattraper le groupe maillot jaune une fois l’appartement de Super Nanny investi, car cette dernière, ainsi que les amis qu’elle recevait à notre arrivée, étaient en pleine réunion Tupperware, avec des mutations pas vraiment ragoutantes à la place des contenants en plastique (de toutes façons, il vaut mieux utiliser du verre, c’est bien plus sain). La sain(t)e fureur des Mrs Propres, goût Paic Citron, eut beau s’abattre comme un ouragan de fraîcheur sur le taudis de Servia, l’issue du match restait incertaine, d’autant plus que le brave Erestus était franchement à la peine contre la maîtresse de maison, qui lui avait arraché sa mop énergétique des mains au moment où je suis arrivée sur place (rapide pause make up sur le pallier, pour ne pas rater ma première impression).

N’écoutant que mon courage, j’ai bondi entre le canapé et la table basse afin de récupérer l’instrument de travail de l’immaculé Chapelain. Par le pacemaker de l’Empereur, ce truc pesait le poids d’un grox mort ! Pas étonnant qu’ils soient aussi baraqués chez les Fists, s’ils n’utilisent que de la fonte pour réaliser leurs objets du quotidien. Voyant qu’Erestus était trop occupé à repousser les poisseuses avances de son hôte pour récupérer son hochet, j’ai pris le problème à bras le corps et ai assené à la maraude un horion digne de Jaune Henry en personne. Je me sentais trop fraîche… jusqu’à ce que je réalise que le champ disrupteur du bouzin était poussé au max, et que je n’avais ni l’armure, ni la musculature nécessaires pour encaisser le contrecoup de mon revers à deux mains. Résultat : un vol plané de trois mètres à travers le salon, une paire de radius concassée, une manucure ruinée, mais une victoire assurée pour l’Imperium, la résistance de Servia et Cie ayant été brisée en même temps que la colonne vertébrale de cette dernière. À peine le temps de m’assurer que les nettoyeurs de choc ne réglaient pas son compte à la grosse tache de gras (parce qu’en plus d’être misogynes, les Imperial Fists sont grossophobes : c’est la Ligue du Lol en fait) dans un excès de zèle, ce que j’aurais eu du mal à expliquer au boss, et j’ai sombré dans une salutaire et bien méritée inconscience, avec la satisfaction du devoir accompli. Vous savez tout.

Fondu au noir et lancement du générique, précédé du texte suivant :

L’Interrogratice Luce Spinoza poursuivit sa carrière au sein de l’Ordo Hereticus avec distinction, où elle sert désormais l’Inquisiteur Crawl sur Terra. Pendant sa convalescence, le Chapelain Erestus vint lui rendre visite afin de lui offrir le Crozius Arcanum avec lequel elle avait éreinté la vile Servia. Relique millénaire des Imperial Fists, cette arme nommée Argent ne pouvait être maniée que par des guerriers du Chapitre… jusqu’à ce que Spinoza ne vienne la looter en loucedé apparemment. Raccourci et allégé pour permettre à sa nouvelle porteuse de le manier sans risquer la PLS à chaque attaque, Argent continue à apporter le courroux de l’Empereur à Ses ennemis, et incarne la précieuse et indispensable collaboration entre les serviteurs du Maître de l’Humanité.

De son côté, Erestus fit une demande auprès des services généraux du Chapitre pour obtenir un modèle plus récent de Crozius, ce qui lui avait été précédemment refusé. Mis devant le fait accompli, le DRH du Phalanx n’eut d’autre choix que de s’exécuter. Tout le monde est gagnant.

AVIS :

Les habitués de ces chroniques savent quelle importance j’attache à la présence de twist final dans les nouvelles que je dissèque. Cet élément est en effet à mes yeux indissociable du genre en question, et c’est sur la présence et la pertinence de ce dernier que l’on peut souvent juger de la qualité d’un auteur et d’une soumission. La Black Library n’étant pas reconnue comme une maison d’édition aux standards très élevés (ce qui est logique au vu de sa mission première : fournir du fluff à foison pour faire rentrer des biffetons plutôt que de chercher à décrocher le Man Booker Prize), l’amateur de nouvelles devra souvent se résigner à des conclusions « plates », voire absconses s’il n’a vraiment pas de chance.

Le cas de cet Argent de Chris Wraight est un peu particulier, en ce que le twist final du récit s’avère être proprement méta, cas de figure que je n’avais rencontré jusqu’à présent. Tant la construction du récit à base de flashback que le pedigree respectable de l’auteur en matière de narration laissaient en effet entrevoir un dénouement un tant soit peu spectaculaire à cette nouvelle abordant le thème ma foi assez intéressant de la difficile coopération entre agents de l’Inquisition et guerriers de l’Adeptus Astartes. Le cadre posé, et l’incontournable séquence de Space Marines de films d’action évacuée, on se prépare à recevoir une conclusion édifiante de la part de Wraight, à même d’expliquer tant le titre que la finalité de la nouvelle… pour au final réaliser que nous sommes en présence d’une vulgaire digression n’ayant pour but que d’expliquer au lecteur comment Luce Spinoza, personnage récurrent de la série Vaults of Terra a reçu sa matraque de fonction (que l’on voit en couverture de The Hollow Mountain).

Pour une surprise, c’est une surprise, reconnaissons cela à Mr Wraight, qui nous avait cependant habitués à des soumissions un peu plus ambitieuses en termes de contenu. Drôle d’idée des éditeurs de la Black Library que d’avoir choisi de faire débuter le recueil Lords & Tyrants finalement très quelconque, et qui aurait eu davantage sa place en filler entre les tomes 1 et 2 de Vaults of Terra dans le futur omnibus de la série. Chris Wraight a beau avoir suffisamment de métier pour rendre l’expérience tout à fait supportable, on sort de cette dernière un rien blasé1, ce qui n’augure rien de bon pour les quinze nouvelles suivantes. Si plaie d’argent n’est pas mortelle (la preuve, Servia a survécu !), sa lecture, elle aussi, n’a rien de mortel. Et c’est bien le problème.

1 : Au risque de me répéter, tournons-nous une fois de plus vers l’étalon Abnett pour définir ce qu’une bonne nouvelle filler peut être. La comparaison la plus évidente à mes yeux est à faire avec Missing in Action (comment Eisenhorn a perdu la main, littéralement) et Playing Patience (comment Ravenor a recruté Miss Kys). Ces publications n’ont rien d’essentiel dans les arcs narratifs développé par Abnett pour ses personnages, mais sont suffisamment bien tournés pour pouvoir être lu par le tout venant, et non pas destinés uniquement aux plus dévots serviteurs des saints Ordos.

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The Absolution of Swords – J. French [40K] :

The Absolution of SwordsICÔNE : COVENANT, INQUISITEUR DE L’ORDO MALLEUS

INTRIGUE :

Par une nuit frisquette dont Dominicus Prime a le secret, un trio de figures enrobées se dirige vers la forme imposante de la Haute Chapelle, dont l’accès a pourtant été interdit par le Prefectus Prior Gul. Lorsqu’une patrouille de gardes a la mauvaise idée de leur barrer la route, les marcheurs jettent à bas leurs masques (et chasubles), et forcent leur chemin jusqu’au bâtiment où les attendent – sans le savoir encore – Aristas Gul et son bedaud Lumn, qui se croient avoir été convoqués par leur contact au sein de la 10ème Voie pour un point d’avancement surprise. Nos trois compères sont l’Inquisiteur Covenant, la Sœur Repentia Severita (qui ajoute pieusement le KO des deux gardes qu’elle a molestés dans l’exercice de leurs fonctions à son ardoise de péchés), et le Prieur Josef, et s’ils ont fait le voyage dans ce trou perdu de la galaxie alors qu’un Conclave est sur le point de débuter sur Ero, c’est qu’ils ont de bonnes raisons.

Un peu plus loin, sur la même planète, deux autres agents de l’homme au catogan tentent d’obtenir leurs entrées dans le night club le plus privé de Dominicus Prime : la salle de pause de la 10ème Voie. Ils ont dû pour cela négocier leur passage à travers des kilomètres de couloirs, fumoirs et dortoirs, graissant les pattes des pèlerins de faction tout du long, jusqu’à faire la connaissance d’un gros malabar peu aimable, qui accepte toutefois de les mener à confesse après avoir vu les (faux) tatouages et entendu les (bonnes) réponses de ces visiteurs impromptus. Pour continuer les présentations, il s’agit du blasé Cleander Von Castellan, marchand libre-mais-pas-vraiment-en-fait, et de l’imperturbable Koleg, ex-soldat aussi mortel que morne. Seul petit problème, la brute fait du zèle dans son interrogatoire, et pose une dernière question à laquelle Cleander n’a pas la réponse. Son improvisation ne donnant rien, le rogue trader est contraint d’écourter l’entrevue en dégainant ses fidèles pistolets à aiguilles, ce qui règle le problème de façon élégante (plus qu’un bolter, en tout cas). Ceci fait, les deux agents sont libres de s’engager dans l’escalier qui les mènera jusqu’à leur destination, peut-être finale.

Retour dans la Haute Chapelle, où de foie jaune de Gul en est quitte pour une petite leçon de catéchisme. Car le bon Prior couvre depuis trois ans les agissements démoniaques de la 10ème Voie, depuis qu’il a reçu la visite d’un Inquisiteur radical ayant confirmé ses doutes athéistes sur la non-divinité de l’Empereur. Bon prince, Covenant est venu offrir une chance d’absolution au grox égaré, en échange de quelques tuyaux sur son commanditaire, ce que Gul est plutôt prêt à faire, mais ce que Lumn, moins moinillon muet que démon déguisé, n’est pas très chaud pour autoriser. L’inévitable baston qui fait suite à ce léger différend est remportée de haute lutte par l’Inquisition, mais creuse un gros trou dans la réserve de points de vie (et la couche de graisse protectrice) de Josef, en plus de mettre Severita sur les rotules. Heureusement que le boss et sa grande épée énergétique sont là, tout de même.

Sous terre, c’est à peu près le même topo pour Cleander et Koleg, après qu’ils soient parvenus à une crypte contenant un pédiluve, un Psyker enchaîné, une foule de cultistes enragés, et un démon d’intérieur qui n’a pas été nourri depuis longtemps. Pendant que Koleg maintient les hostiles à distance à grand renfort de gomme cogne et grenades de désencerclement, Cleander, qui a eu une bonne éducation et se charge donc de réfléchir pour deux, réalise que la situation se simplifierait sans doute beaucoup si le Psyker captif était sorti de l’équation, ce qu’il fait d’une petite torsion des cervicales, avec la bénédiction de l’intéressé. Et en effet, cette déconnexion warpique brutale renvoie le démon dans les limbes, ce qui est suffisant pour permettre à Koleg de terminer les hostiles tout seul comme un grand. Leur mission accomplie, et peu emballés à l’idée de faire le ménage, les deux hommes reprennent le chemin de la surface pour prendre un Champomy.

Notre nouvelle se termine avec la fin de l’interrogatoire psychique de Gul, mené d’esprit de maître par Mylasa, la Psyker de fonction de Covenant. Cette dernière offre à son sujet un départ apaisé, après quelques semaines de franches tortures dont elle a effacé la trace de sa mémoire, en reconnaissance du manque de bol colossal de Gul, coupable d’avoir obéi à un Inquisiteur soupçonné d’être tombé du mauvais côté de la barrière. Les souvenirs du Prior seront utiles à Covenant pour exposer la duplicité de son collègue lors du Conclave de guerre qui prendra place dans quelques semaines à Ero, et auquel les deux hommes participeront. Cela n’est cependant plus l’affaire de Gul, qui finit sa vie un verre à la main et sur le bord de mer, de façon purement psychique certes, mais plus agréablement que la grande majorité des citoyens de l’Imperium. C’est l’Inquisition qui régale.

AVIS :

John French signe une très bonne introduction à sa saga inquisitoriale avec ‘The Absolution of Swords’, qui se déroule juste avant les événements de ‘Resurrection’ et permet de se familiariser en douceur avec la galerie de personnages gravitant autour de Covenant, et découvrir la rivalité professionnelle qu’il entretient avec Talicto. Considérant que les duels fratricides au sein de l’Inquisition donnaient les intrigues les plus intéressantes de ce sous-genre de la GW-Fiction, ‘The Absolution…’ a piqué mon intérêt et donné sérieusement envie d’en savoir plus sur l’héritier présomptif d’Eisenhorn1 (qui a aussi eu affaire à un collègue radical en son jeune temps). Pour ne rien gâcher, le récit en lui-même est tout à fait digeste, mélangeant scènes d’action efficaces et atmosphère poisseusement grimdark, comme on est en droit de l’attendre de la part d’une soumission de ce type. Bref, si vous débutez avec Coco, voici la nouvelle qu’il vous faut, loin devant les « introspections » que French a dédié à chacun des serviteurs de Catogan-man (‘The Purity of Ignorance’, ‘The Spirit of Cogs’), qui sont à réserver aux lecteurs déjà familiers du bon Inquisiteur.

1 : Ou plutôt contemporain, car les deux personnages ont été créés pour le jeu Inquisitor, il y a fort longtemps.

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Shadow Knight – A. Dembski-Bowden [40K] :

Shadow KnightICÔNE : TALOS VALCORAN, DIXIEME COMPAGNIE DES NIGHT LORDS

INTRIGUE :

À la recherche de matériel récupérable dans un Space Hulk, Talos et la première griffe de la dixième compagnie (Cyrion, Uzas, Xarl) tombent nez à nez avec une petite force de Blood Angels, bien décidés à reprendre l’épée que Talos a dérobée à un de leurs champions (cette obsession des Blood Angels pour Aurum – le nom de l’épée en question – constitue l’un des running gags de la saga, chaque tentative se soldant par un échec coûteux en vies d’Anges de la mort). Après avoir rapidement expédiés les pauvres scouts en combinaisons spatiales qui constituent la première vague des loyalistes, les quatre affreux se réunissent pour décider de la marche à suivre… et Talos est frappé par une vision, ce qui réduit drastiquement ses capacités de leader, et force ses acolytes à se débrouiller tout seuls. La narration restant malgré tout braquée sur le chef de la griffe, en dépit de son état comateux, la suite de l’accrochage entre Night Lords et Blood Angels est couverte en quelques lignes lapidaires, par le biais du compte rendu fait par Uzas et Xarl à Cyrion après les faits. Pareillement, la mini bataille spatiale entre les vaisseaux respectifs des deux forces est résumée en un paragraphe, ce qui est un peu court jeune homme.

AVIS :

Étrange nouvelle que ce Shadow Knight, commis par un Aaron Dembski-Bowden visiblement peu convaincu par son propos. Pour être honnête, ce texte semble être la réponse du berger à la bergère, cette dernière répondant au nom de Sarah Cawkwell et s’étant à de multiples reprises illustrée par la platitude navrante de ses écrits. Reprenant dans les grandes lignes le schéma narratif de Cause And Effect (à savoir, une sous-péripétie impliquant Gileas Ur’Ten, Space Marine du chapitre des Silver Skulls et héros récurrent de Miss Cawkwell – intérêt : nul – ), ADB livre ainsi un compte-rendu peu inspiré d’un épisode mineur de la vie de Talos, principal protagoniste de la (sinon) très bonne série des Night Lords.

Il va sans dire que la connaissance des personnages principaux de la série Night Lords ainsi que des événements relatés dans cette dernière constitue un prérequis appréciable (mais pas obligatoire) à la lecture de Shadow Knight, dont l’action se déroule peu avant l’attaque de la treizième croisade noire sur le système de Crythe, et constitue de fait une sorte d’avant-propos à la trilogie d’Aaron Dembski-Bowden. Au final, je pense que cette nouvelle aurait davantage eu sa place en introduction du (futur) omnibus Night Lords qu’en conclusion de ce onzième numéro de Hammer & Bolter, même si la lecture de ces quelques pages n’a absolument pas relevé du chemin de croix littéraire, le « pire » d’ADB surpassant allègrement le « meilleur » d’autres auteurs de la BL, il n’en demeure pas moins que Shadow Knight constitue à mes yeux la production la plus faible d’ADB à ce jour.

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Ghosts of Demesnus – J. Reynolds [AoS] :

Ghosts of DemesnusICÔNE : GARDUS STEELSOUL, LORD-CASTELLANT DES HALLOWED KNIGHTS

INTRIGUE :

Profitant d’une permission bien méritée, le Lord-Celestant Gardus Steel Soul, tourmenté par des rêves le ramenant sans cesse à son passé de mortel, s’embarque pour une croisière bucolique jusqu’à la cité où il a vécu sa première existence, dans l’espoir de pouvoir mettre des mots sur sa soudaine mélancolie. Débarqué incognito (enfin, aussi incognito qu’une taille et une stature de Stormcast Eternal peuvent conférer) dans la riante Demesnus, port fluvial d’importance du royaume de Ghyran, Gardus, autrefois Garradan, baguenaude pensivement de ruelles en parcs, à la recherche des bribes d’un passé déjà lointain. À peine a-t-il le temps de rosser un trio de faquins cherchant des noises à une accorte damoiselle en représailles de la lépreuse compagnie qu’elle entretient, et d’échanger quelques platitudes avec son professeur de philosophie de terminale, que les voix qui le hantent l’amènent droit dans les ruines de son ancien hospice. Dans une autre vie, Gardus était en effet ostéopathe guérisseur, et avait dédié sa vie et ses économies à accueillir les nécessiteux des alentours, avec un dévouement ayant fini par attirer l’œil de Sigmar en personne, qui, à la faveur d’une attaque de Skineaters1, drafta le malheureux praticien dans sa team de surhommes. Sûrement qu’il avait besoin d’un massage, aussi. Malgré l’aspect décrépit du lieu, laissé à l’abandon depuis belle lurette, Gardus a la surprise de tomber sur une communauté de squatteurs, pas vraiment présentables et majoritairement scrofuleux, pestiférés, voire pire, mais persuadés que Saint Garradan les a appelés en ce lieu pour qu’hommage lui soit rendu.

Un peu gêné par la situation, qu’il n’a en aucune mesure orchestrée, le probe Gardus accepte l’hospitalité de ses nouveaux amis, dont fait partie la pauvresse qu’il a secourue sur les docks quelques heures plus tôt. Cette dernière, et le Prêtre Guerrier de Sigmar invalide à 134% qui sert d’autorité morale à la croûteuse congrégation, attendent le prochain signe de Gare du Nord avec un zèle admirable, totalement oublieux aux réalités les plus basiques, comme le droit de propriété. D’où la visite de courtoisie que vient leur rendre le possesseur du terrain en question, un maquignon à la retraite du nom de Sargo Wale, bien décidé à lancer les travaux de réhabilitation de l’ancien hospice dans les meilleurs délais, et par la force s’il le faut. Il faut reconnaître qu’il a la loi de son côté, la trêve hivernale ayant expiré et le conseil municipal lui ayant délégué tout pouvoir pour faire triompher l’intérêt commun. Entre l’alignement légaliste bon de Wale et celui chaotique (un comble pour un Stormcast Eternal) bon de Gardus, aucun compromis ne peut être trouvé, mais, confiant dans son bon droit à défaut de l’être dans les chances de sa bande de ruffians face à l’opposition ferme et polie (comme son épée runique de deux mètres) du colosse servant de videur aux éclopés de l’hospice, le diplomate propriétaire laisse une journée entière de réflexion à la partie adverse, et s’en va comme un prince.

Ce délai supplémentaire sera mis à fort bon usage par Gardus, qui n’a pas toute l’éternité pour régler le problème qui le tourmente, tout comme Reynolds n’a pas 300 pages pour conclure son propos. La nuit suivante verra donc un esprit Kaonashi geignard s’extirper du sol pour aller se repaître des humeurs (de manière littérale et figurée) des malades endormis. Surpris par le Gardus de garde et son sixième sens de preux paladin, la mystérieuse entité se fait rapidement la malle, mais reparaît quelques heures plus tard, trop affamée pour prêter beaucoup d’attention au demi-Primarque qui patiente dans sa zone de spawn, des questions plein la bouche et une épée enchantée à la main. Manque de bol pour notre héros, l’amalgame pleurnichard qui lui fait face est plus intéressée par la boustifaille que par la discussion, et l’attaque sans sommation, sous le regard bienveillant de Wale, qui se révèle être un cultiste de Nurgle. Après avoir constaté que ses gros muscles ne sont d’aucune utilité face aux assauts de suçons de son adversaire, Gardus dégaine son special move, c’est à dire son énorme… empathie, et sert donc le démon dans ses bras puissants en lui susurrant des mots de réconfort aux oreilles. Et ça marche. Touché par tant de compassion, et sans doute un peu par la pure lumière céleste que Gardus est capable d’exsuder sur commande, telle une luciole d’Azyrheim (séquelle plutôt kioul de sa seconde reforge), la vilaine bête fond comme un lépreux dans un pédiluve, libérant une à une les âmes des malheureux qui lui servaient d’ancrage. Ceci fait, Gardus n’a plus qu’à régler son compte au traître Wale, qui malgré sa force démoniaque et son épée rouillée, ne fait pas le poids face au double quintal de JUSTICE du Stormcast Eternal. Convaincu d’avoir accompli sa mission, et débarassé Demesnus d’un détestable faux jeton, Steel Soul peut reprendre le ferry de 06:39 pour regagner sa caserne et l’éternelle lutte contre les ennemis de Sigmar. Voilà un week-end productif.

1 : Le nom peut faire peur, c’est vrai, mais si on y réfléchit deux secondes, il inclut également les Garra Rufa (poissons docteurs), d’excellents auxiliaires de pédicure. Du coup, la légende du Garra Dan en prend un coup.

AVIS :

Les turpitudes psychologiques de Gardus Steel Soul, pour lequel la conciliation du moi, surmoi et ça ne relève pas de la sinécure, ne m’ont que moyennement intéressées, comme la plupart des soumissions mettant au premier plan des Stormcast Eternals je dois le reconnaître. Reynolds m’ayant habitué à des nouvelles bien plus travaillées en termes d’intrigue et de progression narrative, la grande simplicité avec laquelle notre Action Man blanchi sous le harnais résout le problème auquel il est confronté, m’a laissé un goût d’inachevé. Toutefois, je dois reconnaître que l’inclusion de The Ghosts of Demesnus dans cette anthologie introductive est un choix des plus pertinents de la part des éditeurs de la BL, puisqu’il permet aux nouveaux lecteurs de découvrir une facette intéressante de la faction reine de l’univers (la difficile conciliation entre leur passif de mortels et leur mission de soldats de Sigmar par les Stormcast Eternals), tout en les immergeant dans le quotidien d’une cité libre de Ghyran, loin des batailles contre les forces du Chaos déjà abondamment couvertes dans le jeu de figurines et les suppléments s’y rattachant.

Ajoutez à cela des personnages un brin complexes (en particulier Sargo Wale, qui est loin d’être un chef de culte à tendance mégalo-anarchique, comme c’est souvent le cas) et l’habituel nappage de fluff que Josh Reynolds se fait un point d’honneur à servir, et vous obtenez un récit d’une honnêteté insoupçonnable. On peut cependant reprocher à Ghosts…, même si dans une moindre mesure que pour God’s Gift, son manque de singularité, évidemment causé par le fait que Gardus est, comme Hamilcar, un héros récurrent de la BL, dont les aventures passées rejaillissent fatalement sur les évènements narrés dans la nouvelle. Ici, c’est l’inclusion du vieux sensei Yare, compagnon d’aventure d’une précédente épopée, qui fait figure de passage obligé à la valeur ajoutée assez limitée. Rien d’horripilant là non plus, mais pas l’idéal pour accrocher le lecteur novice ou indifférent. Bref, une première incursion honorable, à défaut d’être mémorable, dans le monde métallisé des meilleurs de Sigmar.

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One, Untended – D. Guymer [AoS] :

One, UntendedICÔNE : GOTREK GURNISSON, TUEUR

INTRIGUE :

Une fois n’est pas rancune, nous retrouvons le Tueur préféré de ton Tueur préféré, Gotrek Gurnisson, dans le mal le plus complet au début de cette nouvelle aventure, qui sera sans aucun doute trépidante, mais qui commence par être vomissante. Notre héros est en effet pris d’un mal de ventre carabiné, ce qui, de son aveu même à son acolyte Maleneth, ne lui était jamais arrivé avant. Et si l’Aelfe sigmarite, en bonne compagnonne qu’elle est, prend soin de tenir la crête de Gotrek pour éviter que cette dernière ne prenne une couleur et une texture encore plus dégoûtantes qu’à l’accoutumée, elle n’est pas étrangère à cette gueule de bois subite. Bien au contraire, c’est elle-même qui en est la cause, ses tentatives d’empoisonner le Nain afin de lui dérober la rune majeure de Krag Marteau Noir pour la ramener à Azyrheim n’ayant eu pas d’autres effets qu’un émétique avarié sur la robuste constitution du Tueur1. Ses vaillants efforts de se débarrasser de Gotrek devront cependant attendre un peu, car les éructations du transfuge du Monde qui Fut sont dérangés par une scène de ménage entre plusieurs individus aussi louches qu’imbibés. La raison de ce tapage nocturne se fait bientôt jour : un jeune bambin du nom de Tambrin a échappé à la vigilance légère de ses parents (Junas et Magda), et s’est semble-t-il enfoncé dans les catacombes d’Hammerhal Ghyra, que l’on dit hantées par le spectre vengeur d’Hanberra (à ne pas confondre avec celui d’Harambe, même si ça lui donnerait une bonne raison de persécuter les garçonnets), un ancien héros local ayant renoncé à servir Sigmar sous la forme d’un Stormcast Eternal à sa mort, et à la recherche des enfants qu’il n’avait pas pu sauver de son vivant depuis lors. La perspective de se frotter à un spectre légendaire pique bien évidemment l’intérêt professionnel de Gotrek, qui insiste pour prendre la tête de l’expédition de secours mise sur pied par les habitués de la taverne où les deux compères ont passé la nuit. En plus de Junas, qui sert de videur à l’auguste établissement, on retrouve la Ranger retraitée Halik et le Prêtre d’Alarielle Alanaer, qui serviront donc de meatshields aux véritables héros de l’histoire. Dommage que personne ne les ait prévenus.

La descente s’engage donc, et après quelques heures de progression dans les boyaux insalubres de la cité, un premier ennemi pointe le bout de ses moustaches. Il ne s’agit pas de Philippe Martinez, mais d’une bande de Moines de la Peste, peut-être syndiqués, squattant le bas de la cage d’escalier comme un gang de trafiquants de la cité Péri. Et à propos de périr, laissez moi vous dire que les ratons ne font pas long feu face à la colère incandescente de Gotrek, qui peut désormais passer en mode super saiyan lorsqu’il est très énervé, et élever la température autour de lui à des niveaux insupportables. Sa nouvelle hache de fonction, si elle est sans doute un peu moins cheatée que l’ancienne (dur de battre une arme forgée par Grugni pour Grimnir, tout de même), s’avère également très efficace, et la menace murine est donc prestement éliminée par les aventuriers, qui peuvent poursuivre leur route sans autre dommage qu’un pif écrasé par un coup de matraque pour Junas.

Le moment tant attendu de la confrontation avec Hanberra finit enfin par arriver, l’esprit ayant bien dérobé/envoûté Tanbrin (qui dort comme un bienheureux) car il l’avait pris pour son propre fils, Hangharth. Némésis de Gotrek oblige, le combat est bien plus serré que précédemment, la pauvre Halik rendant les armes et l’âme au premier cri poussé par le poltergeist kidnappeur, qui prouve au monde entier qu’il existe des Banshees masculines. Non mais. L’évanescence intermittente du fantôme n’est pas sans poser quelque problème au Tueur, ce qui ferait plutôt les affaires de Maleneth, toujours déterminée à récupérer la rune majeure tant convoitée de sa dépouille, mais il lui faut pour cela donner une raison à Hanberra de se battre à fond, ce que sa main mise sur Tambrin l’empêche de faire. La cultiste de Khaine repentie puise donc au fond de sa sacoche un clou de ci-gît Rolf2, souverain contre les ectoplasmes tenaces (et les Mortarques collants), et le frotte vigoureusement sur le bras porteur d’Hanberra pour lui subtiliser son précieux. N’ayant plus rien à perdre, le spectre va certainement réduire Gotrek en bouillie…

Début spoiler…Eh bien non (quelle surprise). Mais le plus étonnant n’est pas tant le résultat final que le dénouement, non violent, de cet affrontement. Le Tueur parvient en effet à faire entendre raison à son adversaire par le dialogue au lieu de lui faire manger sa hache, et ce dernier se dissipe donc de lui-même, comme le malentendu qui l’avait mené à dérober les enfants des autres depuis quelques siècles. Tout est donc bien qui finit bien (sauf pour Halik et la bière que Gotrek avait laissé sur le comptoir3), mais Maleneth la malhonnête devra trouver une autre combine pour récupérer la précieuse broquille incrustée dans le plastron de son compagnon.Fin spoiler

1 : Maleneth ne sait pas que la glotte de sa cible est marquée de la rune majeure de Cubi, le dieu Nain de l’alcoolisme.
2 : Vous me pardonnerez le calembour, mais traduire ‘wightclove’ en français n’est pas facile.
3 : À ce propos, il est probable que ce soit elle qui ait donné son nom à la nouvelle (que l’on pourrait traduire par ‘Laissé(e) sans surveillance’) et non pas Tanbrin.

AVIS :

David Guymer, qui avait écrit les dernières aventures de Gotrek (et Felix) dans le Vieux Monde, signe avec ‘One, Untended’ un parfait récit de transition et d’acclimatation pour les lecteurs familiers du personnage mais pas des Royaumes Mortels. Au-delà du déroulé précis de cette quête, tout à fait classique sauf dans son dénouement, ce sont les informations que l’auteur donne sur ce nouvel univers, les changements subis par son héros (nouvelle arme, nouvelle rune, nouveau sidekick) depuis qu’il y a fait son entrée, et les motivations, pas vraiment charitables, de Maleneth, qui rendent cette lecture intéressante, et même indispensable pour qui voudrait reprendre la suite de la geste de Gotrek sans passer par la case romanesque (‘Realmslayer’). L’auteur parvient également à aborder des éléments de fluff relevant de la sociopolitique, comme l’acculturation progressive des habitants de Ghyran aux mœurs d’Azyr, qui donnent une profondeur et un réalisme très appréciables à une franchise qui en manquait (et en manque toujours) cruellement par rapport à Warhammer Fantasy Battle. Bref, c’est une transition très réussie que Gotrek Gurnisson doit à David Guymer, bien que le flambeau des rancunes soit passé peu de temps après à Darius Hinks.

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Gods’ Gift – D. Guymer [AoS] :

Gods' GiftICÔNE : HAMILCAR BEAR-EATER, LORD-CASTELLANT DES ASTRAL TEMPLARS

INTRIGUE :

Prenant place après les évènements narrés dans Great Red et The Beasts of Cartha, pour ne citer que deux des précédentes aventures de notre fougueux héros, Gods’ Gift voit Hamilcar et quelques uns de ses potes des Astral Templars accomplir une mission d’intérêt général, sans doute pour avoir commis quelque tour pendable à une chambre rivale lors d’une permission à Hammerhall. Il s’agit en l’état de punir et faire stopper les exactions d’une bête monstrueuse s’amusant à disposer des hardis bûcherons d’un camp de colons récemment implanté dans les terres farouches de Ghur, tâche récréative pour des Stormcast Eternals de la trempe de nos gais lurons. Guidés par un local – Fage – qui malgré son âge vénérable semble tout émoustillé par la seule présence des Elus de Sigmar, Hamilcar & Cie s’embarquent donc dans une épopée aussi directe et rapide qu’une quête de zone de didacticiel de World of Warcraft.

Depuis le relevé de empreintes jusqu’à la constatation de l’heure du décès, ou plutôt, de l’abattage, il ne se passera ainsi qu’une petite journée, soit une vingtaine de pages pour le lecteur, juste le temps pour Ham’ de piquer un roupillon qui lui apportera un rêve plus ou moins prophétique, dans lequel un chêne vient lui chanter Je suis malade (ce qui est ‘achement dur pour un végétal, et mérite le respect), ce qui lui permettra de prendre une décision des plus inspirées quelques heures plus tard. La nouvelle se terminant pour un petit cliffhanger pas vraiment haletant, mais sans doute important pour la suite de la saga d’Hamilcar (Mark de son prénom), le lecteur en est quitte pour embrayer sur directement sur la première, ou plutôt le premier roman dédié à Guymer à sa coqueluche hirsute (Champion of the Gods), dans lequel il est presque certain que des réponses seront apportées aux questions laissées en suspens à la fin de Gods’ Gift.

: L’Homme Arbre qui s’était chargé de la besogne de déshumanisation – c’est comme la désinsectisation, mais avec des primates – servant de pied à terre racine à humus à une sylvaneth passablement enrhumée.

AVIS :

Malgré les dizaines de titres que compte sa bibliographie BL à l’heure actuelle, ce n’était que la deuxième soumission de Mr Guymer m’étant tombée sous la main depuis l’inaugural The Tilean Talisman, initialement publié en 2011. Et je dois dire que mon appréciation de l’œuvre du bonhomme est resté scrupuleusement identique, huit ans plus tard : des aptitudes certaines en terme de narration, avec des personnages au minimum distrayants, à défaut d’être immédiatement attachants (mention spéciale à Brouddican, l’Hillarion Lefuneste personnel de cette grande gueule d’Hamilcar), relevé par quelques notes boisées – c’est le cas de le dire – de fluff, plombées par une vacuité de l’intrigue assez rédhibitoire. C’est bien simple, celle de Gods’ Gift (d’ailleurs, on ne comprend pas vraiment quel est le don auquel Guymer fait référence dans le titre de sa nouvelle1) s’articule en deux temps trois mouvements, sans qu’on ait l’impression d’une quelconque progression entre le début et la fin de la nouvelle. Hamilcar traque un monstre. Hamilcar rêve d’un chêne. Hamilcar tombe dans une embuscade d’Hommes Bêtes (il faut bien qu’il montre qu’il est un cador du corps à corps). Hamilcar débouche sur un bosquet de chênes sacrés, gardé par… le monstre qu’il traquait. Coup de bol. Baston. Victoire. Fin.

Bref, rien de bien challengeant pour l’intellect du lecteur, qui aurait pu s’attendre à quelques liens de causalité entre les différents éléments constitutifs du propos de Guymer. Rien de tel ici, ou de manière tellement évidente et peu fine que les relever n’a pas grand intérêt. Comme dit plus haut, cela peut sans doute se justifier par le fait que Gods’ Gift est un rehaut littéraire à un travail plus conséquent, avec lequel l’auteur prend bien soin de faire la liaison. Telle la rondelle de tomate venant décorer une entrecôte frites, cette nouvelle peut être consommée si on a vraiment faim, mais ne remplira pas l’estomac pour autant. Et comme dit plus tôt (Décembre 2014, pour être précis), c’est plutôt cher payé pour ce que c’est. On me souffle dans l’oreillette que c’est fois ci, c’est gratuit. Bon. Mais avant cela, cela ne valait certes pas les 2,99€ demandés. Rem-bour-sez nos in-vi-tat-tions !

1 : Soit ce sont les visions vagues envoyées par Sigmar, soit c’est le photophore magique remis par icelui, et qui permettra à notre fier héros de venir à bout de Marylise Lebranchu. Au lecteur de décider s’il prend le messie ou la lanterne.

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The Dance of the Skulls – D. Annandale [AoS] :

The Dance of the SkullsICÔNE : NEFERATA, MORTARQUE DU SANG

INTRIGUE :

Invitée à honorer de sa présence un bal donné par la reine Ahalaset et le seigneur Nagen dans la cité de Mortannis, Nefarata se doute bien que cet évènement mondain n’est qu’un prétexte commode pour permettre à ces deux grandes lignées d’agir à ses dépends, ce qui ne l’empêche pas d’accepter gracieusement de se rendre sur place, n’ayant de toute façon rien d’autre de prévu ce soir là. Voyant d’un mauvais oeil le rapprochement s’étant récemment opéré entre Ahalaset et Nagen, la Mortarque de Sang suppute avec raison qu’un piège va lui être tendu, et se réjouit d’avance de cette (més)aventure, le quotidien de Nulahmia devant apparemment être assez terne.

Après avoir été accueillie avec tout le faste et la pompe liés à son r/sang (et infligé rateau sur rateau à ce pauvre Nagen, auquel elle promet toutefois une danse plus tard dans la soirée1), Neffie se voit proposer par son hôte une dégustation privée de crus tirés de l’hématothèque personnelle d’Ahalaset, ce qui ne se refuse pas. Guidée jusqu’à un salon lounge où l’attendent une dizaine d’esclaves qui s’appellent tous Mathusalem ou Réhoboam, notre rusée vampire à tôt fait d’identifier l’aiguille d’argent se terrant sous la roche, en l’occurrence un assassin assermenté doté d’une fourchette à escargot à la place du bras (c’est la mode à Hammerhal). Ayant raté son test d’Initiative, le faquin est toutefois aisément neutralisé par sa victime supposée, qui l’attache à son service d’un langoureux battement de cils. Satisfaite de la tournure prise par les évènements, et comme toute quinqua-millénaire de la bonne société après une dure journée de labeur, Neferata s’accorde un petit verre (et fracasse au passage toutes les « bouteilles », qui espéraient peut-être qu’on les laisse tranquille le temps qu’elles refassent le plein) aux frais de ses hôtes avant de revenir se joindre à la fête.

Là, il est temps pour la Lahmiane de porter l’estocade aux traîtres débusqués, et en musique s’il vous plaît, la danse des crânes consentie à ce benêt de Nagen donnant amplement le temps à notre héroïne de cimenter sa victoire en enchantant légèrement son cavalier, qui ne trouvera rien de plus malin lorsque l’assassin d’Ahalaset viendra sonner les douze coups de minuit à son ancienne patronne à l’aide de son argenterie intégrée, de lancer sa devise dans le silence de mort (héhé) qui s’ensuit. Cette dernière tombera à plat comme la totalité de ses blagues, et, mal comprise par la garde de la reine défunte, aura des conséquences tragiques pour notre pauvre Nagen. Un verre ça va, trois verres…

1 : En même temps, cette coquetterie de laisser dépasser une canine par dessus sa lèvre inférieure ne doit pas aider à lui donner un air très intelligent.

AVIS :

C’est peu de chose de dire que la prose de Herr Annandale n’était pas tenue en haute estime de ce côté du clavier, depuis la chronique de ses débuts pour la BL (The Carrion AnthemHammer & Bolter #11) jusqu’à aujourd’hui. Les choses ont légèrement évolué avec cette Danse des Crânes, qui s’affirme facilement comme la meilleure soumission de notre homme que j’ai pu lire à ce jour. Certes, on parle ici en progrès relatif plutôt qu’en performance absolue, cette courte nouvelle ne se comparant guère aux travaux d’auteurs que je considère être plus méritants que David Annandale, Abnett, Dembski-Bowden, Farrer et Fehervari en tête, pour n’en citer que quelques uns (la liste serait assez longue sinon), mais j’aurais trop beau jeu de ne pointer que les trous dans la cuirasse ou les défauts dans la raquette des travaux de ce régulier de la BL, si je ne soulignais pas également les sources de satisfaction à la lecture de ces derniers. L’Empereur sait qu’ils sont encore rares à cette heure.

Alors, quels sont les éléments positifs de La Danse des Crânes ? Pour commencer, une absence de ce que l’on peut presque appeler une « annandalerie », terme forgé par votre serviteur et désignant une mauvaise, grossière ou grotesque exploitation d’une idée de départ pourtant assez sympathique, pour des résultats évidemment décevants. Le huis-clos victorien qui nous est proposé ici ne pêche ainsi pas par excès de zèle ou manque de structuration, les péripéties s’enchaînant de façon tout à fait convenable et crédible, ce qui pourrait sembler aller de soi mais n’était pas gagné d’avance au vu du pedigree de l’auteur. On sent que ce dernier a réfléchi à la manière dont il devait dérouler son récit pour que le plan alambiqué de Nefarata puisse se dérouler sans (trop) d’accroc, et même si l’usage d’un petit TGCM en fin de nouvelle pour parfaire le triomphe de Mama Lahmia peut être noté, c’est finalement peu de chose comparé aux problèmes structurels émaillant quelques unes des précédentes soumissions de David Annandale.

Autre source de contentement, la description intéressante qui nous est faite de la haute société mort-vivante, nid de vipères aux crocs acérés et n’hésitant pas un instant à comploter pour précipiter la chute de leurs prochains, alors même que les ennemis extérieurs se comptent par milliers, et qu’un brin de solidarité entre macchabées ne serait pas de trop pour défendre le pré carré de Nagash. Le fait que cette société, mêlant vampires et humains à tous les échelons, apparaisse comme fonctionnelle et pérenne (en même temps, c’est bien le minimum quand on est immortel) est une autre réussite d’Annandale, qui parvient à donner un volume fort bienvenu à une faction qui jusque là se réduisait à des légions de squelettes traînant leur mélancolie dans des déserts violacés. On peut s’amuser aussi en Shyish, telle est la morale de cette petite histoire.

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The Old Ways – N. Horth [AoS] :

Callis and Toll_The Old WaysICÔNES : ARMAND CALLIS & HANNIVER TOLL, ORDRE DE SIGMAR

INTRIGUE :

Affecté à la surveillance de la cité d’Excelsis, dans le royaume de Ghur, le répurgateur de l’Ordre d’Azyr Halliver Toll, escorté de son sidekick Armand Callis, est envoyé par ses supérieurs tirer au clair une sombre histoire de disparition à Marshpoint, une ville agricole située en périphérie de la Cité des Secrets. Le fils aîné de la puissante famille Junica n’a en effet plus donné signe de vie après avoir eu maille à partir avec quelques soldats de l’autre grande famille locale, les Dezraed, qui l’ont poursuivi jusque dans les profondeurs de la forêt d’Ulwhyr. L’entente entre Junica et Dezraed n’ayant jamais été cordiale, c’est une vendetta en bonne et due forme qui menace d’éclater entre les Capulet et les Montaigu de Ghur, gueguerre qui mettrait en péril l’approvisionnement des régiments d’Excelsis en précieuse soie d’acier, ressource collectée depuis les fermes arachnides de Marshpoint. Il va donc de l’interêt général que cette triste affaire soit réglée dans les meilleurs délais, et qui de plus qualifié qu’un répurgateur pour traiter ce problème ?

Nous suivons donc Thalys et Colle au cours de l’enquête à laquelle ils se livrent à leur arrivée dans le bourg miteux et boueux de Marshpoint. Après un interrogatoire croisé des patriciens des deux familles, l’énorme et suintant Fenrol var Dezraed, autoproclamé Gardien de Marshpoint du fait de sa capacité de bloquer à lui seul l’entrée de la ville s’il lui prenait l’envie de s’asseoir en travers du portail, et le sec et irritable Kiervaan Junica, nos experts se rendent sur les lieux de la disparition à proprement parler, escortés par l’homme de confiance du patricien Junica, un natif du nom de Ghedren, et par un trio de gardes Dezraed. Et s’il se pourrait bien que la rivalité larvée entre familles nobles ait bien fait couler le sang, les enquêteurs feraient bien de prendre au sérieux les rumeurs entourant la Sorcière Blanche d’Ulwyhr. Après tout, ils ont pénétré sur son domaine…

AVIS:

C’est avec enthousiasme que j’avais vu revenir la figure iconique du chasseur de sorcières/répurgateur dans le lore d’Age of Sigmar, que son inclinaison high fantasy aurait pu « immuniser » à l’introduction de ce type de personnage, très grimdark par nature. La lutte contre les cultes chaotiques gangrénant le nouvel ordre rutilant de Sigmar constitue en effet à mes yeux un axe de développement des plus intéressants, et une prise de recul bienvenue sur le manichéisme caractéristique des premières années d’AoS. Encore fallait-il que l’image d’Epinal Hammerhal de l’inquisiteur traquant le vice et la trahison parmi les sujets obéissants de l’autorité centrale (préférablement divine, c’est plus classe) soit convenablement adaptée dans cette nouvelle franchise, la profession en question exigeant une rigueur morale confinant à la psychose, ce qui n’est pas franchement la norme parmi la soldatesque sigmarite (ces martel-sans-rire de Celestial Vindicators mis à part), dépeinte à de nombreuses reprises comme adepte du compromis et de la tempérance. Qu’en est-il avec la paire Callis & Toll, promise à un bel avenir au sein de la BL à en juger de la façon dont leurs noms ressortent dans tous les ouvrages auxquels ils ont été inclus ? Eh bien, c’est plutôt pas mal, encore que pas spécialement pour les raisons détaillées ci-dessus. Je m’explique.

Si le fanatisme (dans le bon sens du terme, car, si si, dans la littérature med-fan, cela existe) de nos héros laisse à désirer, la retenue dont fait preuve Toll, sensé être le vrai bad guy du duo, dans le jugement qu’il délivre au coupable, le plaçant à un petit 2 sur l’échelle de Mathias Thulmann (le référentiel absolu de la maison à cet égard), Horth se rattrape néanmoins en glissant quelques remarques de bon aloi à propos d’un certain White Reaper (Cerrus Sentanus sur son état civil), Stormcast Eternal pas vraiment Charlie, à tel point que son nom est utilisé pour effrayer les enfants d’Excelsis. Voilà un type qui mérite que l’on suive, et j’espère bien que ça sera le cas dans un futur pas trop lointain. Celà étant dit, The Old Ways a d’autres qualités, la première étant de proposer une petite enquête policière pas trop mal troussée au vu du nombre de pages limité avec lequel elle doit composer1, l’atmosphère horrifique du passage « sylvestre » du récit étant une autre source de satisfaction. D’autre part, cette nouvelle présente également l’intérêt de creuser le background de la cité libre d’Excelsis, qui devrait normalement ne pas disparaître corps et bien dans les annales du fluff, au vu du nombre d’apparitions qu’elle a faite dans divers écrits depuis son introduction dans le background. En apprendre plus sur cette bourgade présente donc un intérêt pour le fluffiste, tellement bombardé d’informations géographiques par ailleurs qu’on ne peut lui reprocher de ne pas prendre note de tout ce qu’on lui soumet.

Enfin, de façon plus large, elle fait ressortir un concept intéressant : le fossé existant entre natifs d’Azyr et populations locales au sein des cités libres, les seconds étant généralement mal considérés, voire méprisés par les premiers, qui les qualifient « d’Amendés » (traduction personnelle de Reclaimed, qui peut aussi s’entendre comme « Récupéré ») ou de « Sang Maudit » (curseblood), ce qui n’est pas très sympathique, mais ajoute de la profondeur à la société sigmarite. Quand on lit que même un personnage « égalitariste » comme Toll n’aurait pas de problème à raser toutes les forêts de Ghur pour pouvoir accélérer la colonisation de ce Royaume, au grand désarroi des locaux qui ont appris à vivre dans les étendues sauvages et à les respecter, on se dit que la possibilité d’un soulèvement des indigènes contre la métropole et ses représentants est une possibilité réelle… et c’est tant mieux en termes de potentiel narratif ! Bref, une plongée satisfaisante dans l’arrière-pays d’Excelsis, et une nouvelle qui vaut le coup d’être lue pour qui s’intéresse au fluff des cités libres.

On saluera également le twist proprement « meta » de Horth, qui fait dire à Toll qu’il avait identifié le coupable depuis belle lurette et attendait juste de voir combien de temps il faudrait à Callis (et donc au lecteur) pour faire de même. On ne me l’avait jamais faite celle-là.

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Hunting Shadows – A. Clark [AoS] :

Hunting ShadowsICÔNE : NEAVE BLACKTALON, KNIGHT-ZEPHYROS

INTRIGUE :

Neave Blacktalon, Knight-Zephyros des Hammers of Sigmar et chasseuse de têtes personnelle du grand barbu, opère traditionnellement seule. La mission sur laquelle son divin boss l’a mise, et qui l’a conduite sur les terres désolées d’Ashy, s’avère cependant tellement délicate que les autorités compétentes ont jugé bon de lui adjoindre du renfort, sous la forme du Knight-Venator Tarion Arl (et son aigle étoilé Krien) et d’une unité de Vanguard-Palladors, menée par une vieille connaissance avec laquelle elle a déjà coopéré pour disperser une bande de hippies ayant monté une opération escargot1 dans les Royaumes Mortels, Kalparius Foerunner. Je sais, je sais, cela fait beaucoup de jargon sigmarite en peu de lignes, mais rassurez-vous, savoir qui fait quoi est moins important que de se souvenir de la hiérarchie héroïque à l’œuvre dans cette nouvelle, qui décidera qui devra mourir et à quel moment.

Blacktalon les traîne un peu à l’idée de devoir faire équipe avec des collègues, mais un ordre est un ordre, et si l’on en juge par les charniers calcinés que sa proie (qu’elle peut traquer avec l’espèce de GPS sensoriel peu précis dont Sigmar lui a fait don) a laissé derrière elle, un peu d’aide sera en effet utile. Passée les formalités d’usage, la petite bande part donc en courant/volant/transmutant dans la direction indiquée par la chasseresse, qui ressent de façon diffuse que sa cible possède un moyen de brouiller sa ΣG embarquée. En gros, si elle est toujours capable de savoir vers où se diriger, elle ne peut pas jauger de la distance qui la sépare de son gibier, ce qui aura son importance plus tard. Pour l’heure, la fine équipe, en retard sur l’abomination qu’elle pourchasse, doit faire un choix potentiellement lourd de conséquences à proximité de la ville de Sigenvale, qui a reçu la visite du monstre et a été réduite en miettes/cendres par ce dernier. Neave est plutôt partante pour se remettre en route sans tarder, mais Tarion parvient à la convaincre de faire un crochet rapide par les ruines, histoire de secourir d’éventuels survivants. Malheureusement pour l’altruiste voltigeur, la Marque ténébreuse n’en a laissé aucun, et bien que les chasseurs puissent se passer les nerfs sur un pauvre corpsejaw ne faisant que ce que la nature l’a équipé pour faire (c’est-à-dire bouffer les cadavres croisant sa route), il se fait vite jour que le mystérieux prédateur/incendiaire/décapiteur est déjà loin des lieux du crime. Il faut donc à nos héros repartir sans tarder, d’autant plus que le cogfort sensé participer à la traque semble être avoir fait une mauvaise rencontre quelques kilomètres plus loin, comme le bruit de ses canons l’atteste sans doute possible.

Bien évidemment, les traqueurs arrivent trop tard sur place pour secourir la machine de guerre (représentez vous le fruit des amours incestueux entre une Forteresse de la Rédemption et une Arachnarok), qui s’est faite éventrer et toute sa garnison massacrée par l’insaissable bestiole. Blacktalon est colère devant ce carnage dont elle impute en partie la responsabilité à ce gros sensible de Tarion, mais avant qu’elle puisse reprendre les choses en main et relancer la poursuite, une forme colossale émerge soudainement du lac de montagne à côté duquel reposait la carcasse du cogfort…

Début spoiler…Les pouvoirs de brouillage arcanique dont dispose la cible des chasseurs lui a en effet permis de tendre un piège à ces derniers, qui se retrouvent confronter à… pour faire simple, représentez vous Clifford le grand chien rouge, mais dont la maîtresse ne serait pas la gentille et aimante Emily, mais Valkhia la Sanglante. C’est donc à un pitbull mécanique de Khorne de fort belle taille (et crachant le feu) que les Stormcast Eternals doivent faire face, avec des résultats au début peu concluants, comme on peut s’en douter. Très étrangement, ce sont d’abord les Palladors qui sont envoyés pallader par le juggernaut, rapidement suivis par le brave Foerunner, ne laissant que Blacktalon et Tarion, tous les deux sévèrement blessés, pour tenter de renverser la situation. Ce n’est cependant pas chose facile car leur ennemi est très grand, très fort, très rapide, très costaud, et sans faiblesse apparente, mis à part l’écoutille chaînée qui lui sert de nombril.

Après quelques moments difficiles dans les décombres du cogfort où les deux héros ont trouvé un refuge précaire, le temps de décapsuler quelques potions de vie, le traditionnel plan de la dernière chance est conçu et immédiatement mis à exécution, permettant aux gardes chasses de Sigmar de remporter la victoire. Pour information, le haut fait en question nécessitera que Neave se déchaîne, et que son comparse loge un tir de l’aigle dans un cratère volcanique chatouilleux, ce qui aura pour effet final de noyer l’habitacle de la machine démon dans la lave. Statistiquement improbable je vous l’accorde, mais la high fantasy et les nouvelles d’action de la BL ne s’embarrassent pas de détails de ce genre. Ceci fait, les deux Knights-…, devenus bons copains dans l’adversité, peuvent reprendre le chemin d’Azyr, où ils pourront passer une convalescence bien méritée, ou se suicider pour être reforgés et ainsi redevenir opérationnels plus rapidement. Les politiques sociales sigmarites sont un peu particulières…Fin spoiler

1 : Organisée par l’incontournable Horticulous Slimux bien sûr.

AVIS :

Introduction au personnage de Neave Blacktalon (et à celui de son sidekick, Tarion Arl), ‘Hunting Shadows’ met particulièrement l’accent sur les caractéristiques de super héros des Stormcast Eternals (Blacktalon bénéficie en effet de sens ultra développés, et est capable de courir grotesquement vite – pensez Bip Bip et Vil Coyote), faisant de cette traque monstrueuse une sorte d’adaptation de comics Marvel dans les Royaumes Mortels. Je ne dis pas que c’est foncièrement désagréable, mais ça surprend tout de même un peu. Autre point saillant de cette nouvelle, son côté technique en matière de bestiaire et de hiérarchie Stormcast Eternals. C’est bien simple, on dirait qu’Andy Clark a fait exprès d’aller piocher dans les entrées les plus baroques du Battletome pour trouver ses protagonistes, ce qui peut aisément dérouter/saoûler le lecteur non averti. En cela, ‘Hunting Shadows’ n’est pas très newbie-friendly, même si l’intrigue reste relativement facile à suivre, du fait du schéma narratif très simple utilisé par l’auteur. En fait, le seul suspense de l’histoire repose dans l’identité de la proie traquée par Blacktalon et ses sous fifres, qui, manque de pot, se trouve être une création inédite de la part de Clark (à moins que la gamme chaotique d’Age of Sigmar comporte un modèle de chien de métal géant). Manque de pot car le lecteur ne peut même pas au final tenter de deviner qui est derrière ces exactions sanglantes et fumantes en se basant sur sa connaissance du fluff. Petite frustration, mais frustration quand même. Pour conclure, j’ai été très moyennement convaincue par cette démonstration de force de la Wonder Woman d’Azyrheim, héroïne certes très balaise mais assez peu attachante. Peut-être que cela est corrigé dans le roman qu’Andy Clark lui a consacré ?

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Shiprats – C. L. Werner [AoS] :

ShipratsICÔNE : BROKRIN ULLISSONN, CAPITAINE KHARADRON

INTRIGUE :

La malchance légendaire qui colle à la carène du Dragon de Fer et la peau de son capitaine, le Kharadron Brokrin Ullisson s’abat une nouvelle fois sur le fier navire et son équipage. N’ayant pas trouvé de filon d’aether-or au cours de sa dernière campagne, le navire Duardin s’est résigné à se faire cargo de grain pour au moins rentrer dans ses frais, et a chargé une cargaison de blé dans la ville de Greypeak, qu’il espère vendre à bon prix de retour à Barak-Zilfin. Ce beau projet est toutefois menacé par la présence de passagers clandestins dans la cale du Dragon, une colonie de rats bien décidée à faire bombance sur les stocks des Arkanautes. Entre les petits barbus et les encore plus petits moustachus, il ne saurait y avoir de terrain d’entente, mais que faire pour débarrasser le vaisseau de l’infestation de vermine sans endommager ce dernier ? Alors que Brokrin et ses hommes se trouvent réduits à chasser les importuns à coups de pelle, avec des résultats peu concluants, comme on peut se l’imaginer, une bonne et potentiellement riche idée est soumise : pourquoi ne pas faire un détour par la Lamaserie de Kheitar, dont les moines ont par le passé rendu un fier service aux Kharadrons en débarassant le Dragon de la nuée de crapauds célestes (car apparemment, c’est un aléa climatique assez courant dans les Royaumes Mortels) qui avait élu domicile sur le navire à l’aide d’une fumigation un peu spéciale ? Aussi dit, aussitôt acté, la possibilité de soutirer aux bonzes une de leurs fameuses tapisseries pouvant même permettre d’espérer un profit au trésorier de la petite bande, passablement dépité par le tour pris par les évènements. Après tout, quoi de mieux qu’un lama pour venir à bout d’un rat1 ?

Arrivé sur place, Brokrin emmène une poignée de ses gars à la rencontre des paisibles habitants de Kheitar, dont les ancêtres étaient tellement zens qu’ils ont réussi à apprendre à un démon les bienfaits de la méditation. Brokrin, qui connaît personnellement le grand Lama (Serge), est bien étonné de voir apparaître à la place de son vieux pote un nouveau père supérieur (Bernard), qui a la peine de lui apprendre que Serge n’est pas simplement malade (comme on pouvait s’y attendre), mais a carrément atteint l’illumination en commettant le suicide rituel du tulku, un lent empoisonnement débouchant sur une momification graduelle de l’ascète. Malgré cette triste nouvelle, Bernard se montre particulièrement conciliant avec ses hôtes, acceptant non seulement de procéder à la dératisation demandée (sous réserve que les Duardins permettent aux rats de quitter le navire, car telle est le niveau d’antispécisme des bonzes), mais offrant même à leurs hôtes non pas une, mais cinq de leurs précieuses tapisseries, pour une contribution laissée à la discrétion des bénéficiaires. En celà, Bernard fait une grave erreur car cette générosité excessive ne manque de déclencher l’alerte piège à khon que tous les Kharadrons possèdent dans un coin de leur esprit. Suspectant une entourloupe, Brokrin charge donc un de ses matelots d’escorter les moines tapissiers jusqu’à bon port, tandis que lui et le reste de son khrew acceptent l’offre de Bernard de rendre visite à Serge, qui serait, contre toute évidence, encore vivant. Bernard commet alors sa deuxième boulette (pas aussi grave que celle du Bordeaux – Paris de 93, mais pas loin) : soucieux de faire respecter les traditions non-violentes de Kheitar (où même les démons fument du chichon), il somme ses visiteurs de déposer leurs lames avant d’entrer dans le saint des saints. Toujours un à lire les petites lignes du contrat et à trouver les failles dans les termes et conditions qui lui sont proposés, Brokrin fait remarquer à ses hommes que l’injonction du grand Lama ne couvre pas les armes à feu, et emboîte donc le pas à Bernard toujours armé de sa pétoire.

Un peu plus loin, les mirrifiques carpettes de Kheitar sont entreposées sans heurts dans la cale du Dragon de Fer, sous l’oeil attentif et circonspect d’un rattophobe déclaré, le sergent arquebusier Drumark, dont le paternel a été fauché dans la fleur de l’âge lors d’une bataille contre les Skavens. Souhaitant s’assurer que la vermine qui grignote son grain ne s’attaque pas aux précieux tapis, il laisse remonter ses comparses et attend dans la pénombre de voir comment les choses vont évoluer. Quelle n’est pas sa surprise de voir s’extraire des rouleaux apportés par les bonzes une demi-douzaine d’hommes-rats, qui comptaient sans doute s’infiltrer discrètement dans le navire en attendant de jouer un tour pendable à ses occupants légitimes ! Les plaisanteries les plus courtes étant les moins longues, Drumark a tôt fait de sonner la fin de la rat-cré, l’arsenal Kharadron ayant rapidement raison des manigances skavens. Tout celà n’augure toutefois rien de bon pour Brokrin et ses suivants, qui ne tardent pas non plus à découvrir le pot au rat, à la suite d’une performance misérable du Jeff Panacluc Skaven, un dénommé Kilvolt ayant « jeanmarquisé » le cadavre de Serge. Sommé de révéler au véritable maître de Kheitar les secrets de l’ingénierie Kharadron, Brokrin refuse avec noblesse, et met à profit la bévue de Bernard pour arroser les hommes rats venus à la rescousse de Kilvolt avec du Kharaplomb. L’algarade ne dure cependant pas longtemps, l’arrivée de Drumark et de ses arquebusiers convainquant définitivement les Skavens de la futilité de leur approche. Profitant de l’accalmie, Brokrin et Cie repartent ventre à terre sur le Dragon, non sans avoir pris soin de looter quelques tapisseries supplémentaires en guise de dédommagement. De voleur à vendeur de tapis, il n’y a que peu de choses au fond.

1 : Si vous répondez : un chat, sachez que le félin apporté à bord par les Duardins a fait acte de mutinerie peu de temps après sa prise de fonction. C’est ce qu s’appelle avoir un poil dans la patte.

AVIS:

Accompagnement au roman qu’il a consacré aux plus blindés des Duardins (Corsaires du Dragon de Fer//Overlords of the Iron Dragon), ce Rats de Cale de Werner s’avère être d’une lecture globalement satisfaisante. Notre homme retrouve avec bonheur ses victimes favorites (les Skavens), qu’il gratifie comme à son habitude d’une inventivité et d’une ambition proportionnellement inverse à leur compétence, pour un résultat aussi spectaculaire que dérangeant1. S’il y a un contributeur de la BL qui sait s’y prendre pour donner aux hommes rats leurs lettres de bassesse, c’est bien l’homme au chapeau, et on ne peut que souhaiter que Nottingham lui confie davantage de commandes portant sur les funestes et fumistes machinations des rejetons du Rat Cornu. On appréciera également l’exotisme du propos, la visite guidée de la Lamaserie de Kheitar permettant au lecteur de se remémorer l’immensité des Royaumes Mortels, où la présence d’une communauté de bonzes vénérant un démon du Chaos ayant trouvé la paix intérieure en téléchargeant Petit Bambou sur son portable est tout à fait possible. On peut regretter que l’accent ne soit pas davantage mis sur la culture des protagonistes, abordée assez succinctement à travers la mention des différentes fonctions des membres de l’équipage de l’Ang Drak et du fameux Code des Kharadron (qui sanctuarise les partenaires de commerce équitable, ce qui doit indiquer que les bananes et le chocolat sont tenus en haute estime par le Geldraad), mais que voulez-vous, on ne peut pas tout avoir dans une nouvelle de 25 pages. Le casting très développé des Arkanautes, conséquence logique de leur inclusion dans le roman cité plus haut, est un autre facteur pouvant diminuer (légèrement) le plaisir de lecture, mais, rassurez-vous, savoir qui est qui n’a que peu d’intérêt au final. Le plus important restant bien sûr de souquer les artimuses.

1 : Sérieusement, imaginer la transformation d’un cadavre de bonze en marionnette animée, c’est un coup à faire des cauchemars.

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Vous êtes encore là ? Félicitations pour être venus à bout de cette copieuse chronique, qui vous a je l’espère préparé à la lecture de l’omnibus en question, si le cœur vous en dit. Essayons de rassembler nos pensées pour terminer sur une impression d’ensemble de ‘The Hammer & the Eagle’, après avoir passé tant de temps à disséquer chacune des nouvelles constituant ce pavé. La question qu’il convient de trancher est la suivante : cet ouvrage remplit il la mission que la Black Library lui a donnée, à savoir initier les nouveaux lecteurs aux icônes de Warhammer 40.000 et Age of Sigmar à travers une sélection de courts formats ? Comme vous pouvez vous en douter, si vous êtes familiers de ces critiques, la réponse est oui et non.

La force et l’attrait principal de ‘The Hammer & the Eagle’ est de proposer, clé en main et livre en poche (si vous arrivez à trouver une poche assez grande, ou avez opté pour un format digital), la couverture la plus complète qui soit de la GW-Fiction à l’heure actuelle. On peut reprocher à la BL de ne pas avoir inclus de textes pour Warhammer Fantasy Battle, qui compte également son lot de personnalités marquantes (Gotrek & Felix, Malus Darkblade, Tyrion & Teclis, Zavant Konniger, les Black Hearts…) et disposant de leurs propres séries de livres, ou, de façon plus pragmatique, d’avoir fait l’impasse sur l’Hérésie d’Horus, Necromunda et Blood Bowl, univers et sous univers riches en héros et vilains hauts en couleurs. On peut également s’interroger sur l’absence de certaines figures et auteurs de 40K au sommaire de ce recueil (Roboute Guiliman version Sombre Imperium, Ragnar Crinière Noire, Lukas, Ahriman, Khârn, Lucius, Honsou, Farsight, Peter Fehervari et son Dark Coil, Steve Parker et ses Deathwatch…), et sur la présence d’icônes mineures – à ce jour – dans ce qui semble être le catalogue des VIP de la Black Library. Mais si on passe outre ces considérations, on doit reconnaître que la base fournie ici est solide et, si ce n’est exhaustive, au moins très étoffée, le tout pour un prix très modeste au vu des tarifs habituels de la maison (on est proche des 50% de réduction par rapport à une anthologie classique).

Autre paramètre à considérer, la pertinence du choix des nouvelles collectées dans ‘The Hammer & the Eagle’, qui devraient dans l’idéal introduire le nouveau lecteur à un personnage marquant de 40K ou d’Age of Sigmar, et lui donner envie de poursuivre l’aventure en achetant le roman venant après le court format qu’il a pu lire ici. Sur ce point, c’est carrément le grand écart entre les textes qui ont été écrits avec cet objectif en tête par des auteurs de bon niveau (‘Of Their Lives…’, ‘Execution’, ‘The Absolution of Swords’, ‘One, Untended’…), et les courts formats mis au sommaire par pur pragmatisme, qui peuvent être obscurs pour qui n’est pas déjà familier de la série à laquelle ils se raccrochent (‘Rite of Pain’, ‘Prodigal’, ‘Shadow Knight’, ‘Gods’ Gift’), ne pas directement traiter des icônes qu’ils sont sensés introduire (‘The Smallest Detail’, ‘Fireheart’), ne pas aborder de façon satisfaisante le parcours, la personnalité et/ou les motivations de l’icône en question (‘The Wreckage’, ‘Argent’), ou être tout simplement mal écrits (‘The Battle for Markgraaf Hive’, ‘Mercy’). Pour faire court, si on m’avait demandé de soumettre une liste de nouvelles pour les icônes sélectionnées par la BL, la moitié des histoires rassemblées ici auraient été remplacées, pour une raison ou pour une autre. Il est in fine dommage que certains lecteurs décident d’ignorer des séries de qualité sur la base d’une erreur de casting de Nottingham, ce qui arrivera fatalement ici. J’invite donc à donner une deuxième chance à toutes les icônes ne sortant pas grandies de cet omnibus, pour s’assurer que la première impression a bien été la bonne. La tendance des auteurs de la BL à écrire des nouvelles semi-indépendantes (c’est-à-dire compréhensibles, mais pas vraiment autonomes) de leurs romans ne doit en effet pas être sous-estimée.

C’est sur ces mots de sagesse (?), ou en tout cas d’expérience, que se termine cette revue de ‘The Hammer & the Eagle’, ouvrage imparfait mais qui a tout pour devenir un incontournable de l’offre de la Black Library dans les mois et années à venir, et qui, j’en suis sûr, initiera bon nombre de lecteurs aux joies de la GW-Fiction.

BLACK LIBRARY ADVENT CALENDAR 2019 [40K – AoS]

Bonjour à tous et bienvenue dans ce qui se trouve être le résultat final d’une session de live reviewing (à suivre « en direct » sur le Warfo), sur la base de ce que j’avais initié pour le Summer of Reading 2019. Cette fois-ci, et comme le titre et/ou l’illustration de ce billet vous l’auront certainement déjà indiqués, je me suis lancé dans la revue critique des nouvelles (et pas des audio drama, ce qui a divisé la charge de travail par deux et m’a permis de faire autre chose de mes soirées de Décembre que du commentaire composé) proposées par la BL dans son traditionnel Calendrier de l’Avent, soit 12 courts formats publiés entre le 1er et le 24 Décembre (le 25 et le 26 étant consacrés à des romans, dont le grand et inespéré retour des Last Chancers de Gav Thorpe).

Au programme de ces réjouissances littéraires, des histoires diverses et variées, prenant place aussi bien dans le 41ème millénaire que dans les Royaumes Mortels, en passant par l’enfer urbain de Necromunda. On signalera également l’intégration de deux nouvelles siglées Warhammer Horror dans cette anthologie de fait, pour un tour d’horizon assez large des franchises de la GW-Fiction. À titre personnel, je regrette que ni Warcry, ni Blood Bowl n’aient été inclus au menu, et que les soumissions Blackstone Fortress et Hérésie d’Horus aient été cantonnées au format audio drama, que je goûte moins que le bon vieux format écrit.

Digital Advent Calendar 2019

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En termes de contributeurs, nous avons eu droit à une sélection plutôt orientée « nouvelle vague », C. L. Werner faisant office de vétéran, tandis que pas moins de la moitié du casting était constituée de rookies de la BL, ayant commencé à collaborer avec la maison d’édition de Nottingham en 2018 ou 2019. L’occasion de se familiariser avec les plumes les plus récentes de la Black Library, certaines faisant même leurs débuts dans la carrière et les univers fictionnels impitoyables de Games Workshop.

Alors, qu’est-ce que ce cru 2019, le dernier de la décennie (ce qui ne veut rien dire en soit mais fait tout de même cool), a donné? Le lecteur en a-t-il eu pour son argent – ce qui serait heureux, si il/elle a opté pour la formule globale à 88€ – ? Les réponses, les miennes en tout cas, ci-dessous…

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The Crystal Cathedral – D. Ware:

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The Crystal CathedralINTRIGUE:

Nous retrouvons la Sœur Augusta Santorus de l’Ordre de la Rose Sanglante, peu de temps après les événements couverts dans Forsaken. Toujours placée sous le patronage sévère mais juste de la Sœur Supérieure Veradis, l’escouade à laquelle notre héroïne appartient a reçu une nouvelle mission : assister à la reconsécration de la cathédrale de Clermont-Ferrand Caro, un ouvrage de cristal noir unique en son genre que la populace reconnaissante a élevé en souvenir de la victoire remportée il y a un millénaire par la Sœur Farus, elle aussi de la Rose Sanglante, sur l’infestation Xenos qui avait gagné cette petite lune1. Cette cérémonie est le point d’orgue des festivités organisées par les locaux pour célébrer le retour à la normale, et notamment la réouverture des fameuses mines de pierres précieuses dont Caro se targue. Et à ceux qui trouveraient que 1.000 ans, ça fait long pour passer le balai, je répondrai qu’obtenir un permis de détruire, puis un permis de construire, depuis le centre administratif du sous-Segementum, ça prend un certain temps, et que les travaux, on sait quand ça commence mais pas quand ça finit. Non mais. Toujours est il que nos pieuses Sœurs arrivent sur place, déposent leurs armes à l’entrée du lieu saint – car apparemment, il est blasphématoire d’entrer armé dans la maison de l’Empereur, comme tout Custodes vous ne le dira certainement pas2 – et pénètrent à l’intérieur de la nef, où une foule considérable s’est rassemblée pour assister à l’office.

Les Roses Sanglantes ont cependant à peine le temps de profiter du son et lumière grandiose qui s’offre à elle, et qui culmine en une conjonction astrale rarissime permettant à la rosace du chœur central de s’illuminer pour la première fois en mille ans (depuis le début de la construction de l’édifice, donc), qu’une tragédie s’abat sur la congrégation, sous la forme d’un Xenomorphe3 tyranide qui dégringole du plafond dans une cascade de verre brisé. 7 millénaires de malheur. Alors que la foule fuit piteusement les assauts meurtriers de la bestiole (sauf le Diacre en charge de l’office, tellement vénère d’être interrompu qu’il se met à injurier le maraud sans discontinuer : ça ne sert à rien mais c’est marrant), les Sœurs de Bataille réagissent avec leur efficacité coutumière, en opérant une retraite stratégique vers l’entrée de la cathédrale afin de récupérer leurs bolters et ainsi équilibrer les… Ah non. Sainte Barbie m’envoie une vision me prévenant que Verandis préfère envoyer la porteuse de bolter lourd repartir seule rechercher son arme, tandis que les autres membres de l’escouade engagent Tyty au corps à corps. J’avais oublié que nous étions dans une nouvelle de Danie Ware, où tout le monde est grand-maître de Krav Maga (sauf Verandis elle-même, qui préfère le judo et envoie donc son adversaire au tapis d’un Koshi Guruma bien senti).

Le combat qui s’ensuit, pour violent et sanglant qu’il soit, ne s’avère guère concluant. D’un côté, le Xenos bouge à la vitesse du son et est doté d’une force prodigieuse, ainsi que d’une chitine impénétrable pour les petites dagues que les Sororitas s’obstinent à utiliser contre lui, de l’autre, l’armure énergétique des meilleures de l’Empereur absorbent les horions de Tyty avec une facilité déconcertante (peut-être que les jets de sauvegarde se font sur un D66, ce qui rend le 3+ beaucoup plus favorable). Toujours est-il qu’il ne se passe pas grand-chose pendant quelques pages (un peu comme lors d’un corps à corps de la V3), jusqu’à ce que l’artilleuse de la sororité, une dénommée Leona, arrive avec son petit ami (Scarface like). Et là, c’est le drame. Doublement même. D’une part car l’une des Sœurs de Bataille, Pia, se retrouve dans la ligne de mire de sa comparse, et finit sa carrière en victime collatérale. C’est moche. Mais surtout, surtout, car Ware ose sortir un special move tellement débile et cartoonesque de la part de la même Pia, que l’Empereur a dû en faire des saltos dans le Trône d’Or. Jugez plutôt4. Hérésie ! HÉRÉSIE !! HÉRÉSIE !!! Toujours est-il que la douche de pruneaux explosifs finit par avoir raison de Tyty, qui mord enfin la poussière après avoir fait bien des dégâts (mais échoué à tuer la moindre Sœur).

L’orage étant passé, le temps du deuil et de l’exploration minutieuse des souterrains environnants afin de s’assurer que la grosse blatte était toute seule, arrive. Pour la petite histoire, il semblerait que c’est la lumière qui ait réveillé la bête au bois dormant, qui pionçait jusque là tranquillement… dans la voûte d’une cathédrale érigée il y a mille ans ? Et les ouvriers n’ont rien vu ? Quoi qu’il arrive, je pense que les habitants du coin peuvent faire jouer l’assurance, car il y a clairement eu malfaçon. En tout état de cause, le triste destin, ou martyr glorieux, de Soeur Pia fournit de quoi méditer à Augusta, qui n’oubliera plus de toujours garder avec elle son bolter. On n’est jamais trop prudente.

1 : La suite de la nouvelle nous apprend que les Xenos en question étaient des Tyranides. Comme une seule escouade de Soeurs de Bataille a suffi à les exterminer, on en déduit qu’ils sont venus en Kaptein plutôt qu’en vaisseau ruche.
2 : Et comme la même Santorus ne le fera certainement pas non plus lors de son exploration de la cathédrale de Mercy. En même temps, la leçon qu’elle s’apprête à recevoir l’a sans doute marquée.
3 : J’utilise cette dénomination peu précise car Ware n’identifie jamais clairement la bestiole. Ça pourrait tout aussi bien être un Carnifex qu’un gros Hormagaunt.
4 : Jugez aussi de la manière parfaitement naturelle dont la Sœur Supérieure donne l’ordre d’agir à sa Novice. À croire que c’était répété à l’entraînement.

AVIS:

Danie Ware persiste et signe avec ce nouvel épisode de la saga full contact d’Augusta Santorus, poussant encore un peu plus loin le concept du « jeu de main, jeu de vilain ». En clair, ses héroïnes sont tellement imprenables au corps à corps qu’elles pourraient sans problème mettre à Abbadon la tête dans le slip (malgré le fait qu’il soit en armure Terminator et qu’il ait un énorme catogan), si jamais ce dernier avait le malheur de croiser leur chemin. Donnez ne serait-ce qu’une épée tronçonneuse rouillée à ces viragos, et je vous garantis que la Cicatrix est fermée dans les 20 minutes qui suivent. On aime ou on déteste (je pense que mon choix a été fait de façon sans équivoque), mais c’est définitivement une caractéristique propre au style de Ware qui est ici à l’oeuvre. D’une certaine manière, j’ai hâte de lire la suite, comme le cinéphile déviant a hâte de voir Sharknado 7.

Si on veut aller plus loin dans la critique, on peut également noter que, slapstick mis à part, l’intrigue même de la nouvelle est friable. Qu’il s’agisse des mille ans de stase de la cathédrale, de l’exploit inaugural de Sœur Farus (et de sa sidekick Neva, citée une fois et passée à la trappe), de l’approche tactique du combat des Sororitas, ou du réveil opportun du petit ranide, rien ne semble pouvoir résister à un examen soutenu dans cette histoire. Heureusement que la sortie des Sœurs de Bataille en plastique est venue rendre euphorique tous les fans : « gagner » une Danie Ware comme auteur assermentée de faction aurait mis un coup fatal au moral de cette communauté qui a connu plus que son lot d’injustices (et James Swallow en faisait partie, encore que pas à ce niveau). Il ne reste plus qu’à espérer que Rachel Harrison a, elle, fait le job.

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Reflections in Steel – C. L. Werner:

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Reflections in Steel.pngINTRIGUE:

Le village de Kyoshima, attaqué par la bande du chef barbare Gharm, brûle bellement tandis que ses habitants sont passés au fil de l’épée par les pillards1. Tous ? Non ! Le jeune Kenji, qui revenait sans doute du casting de The Voice, est épargné in extremis par le boss en question, qui n’hésite pas à châtier un de ses sbires de son épée enchantée2 lorsque le rustre fait mine de hacher menu notre menu. La discipline, c’est sacré. La situation de Kenji ne s’améliore toutefois que marginalement suite à ce sauvetage, le coup de buzzer et d’espadon de Gharm ne débouchant que sur une douloureuse servitude aux mains du maître esclavagiste Sazaal, dont le sadisme et l’amour des châtiments corporels font honneur à cette belle profession. Placé tout en bas de la pyramide sociale de l’armée du chef de guerre Kravoth, Kenji tue le temps en tuant ses compagnons d’infortune pour nourrir les fringantes et carnassières cavales de l’ost chaotique, et en se jurant de vivre assez longtemps pour se venger de son infâme tortionnaire.

C’est à l’occasion d’un raid mené contre un nouveau village qu’une occasion se présente pour l’esclave de mener ses plans à exécution, et Sazaal également par la même occasion. Réquisitionné par les maraudeurs – qui apprécient sans nul doute sa jolie voix, même s’il est quasiment impossible de jouer de la guitare avec les mains enchaînées – Kenji se retrouve pris dans une embuscade montée par des Skavens en quête de loot, et qui s’abattent sur l’arrière garde piétonne de la bande pillarde alors que les cavaliers ont le dos tourné. Quand on vous disait que ces hautes herbes étaient dangereuses (saleté de Ratatas). Un coup de chance et une épée récupérée sur un cadavre plus tard, Kenji peut enfin laisser libre cours à sa revanche, et réduit Sazaal en purée une fois la vermine mise en déroute. Loin de s’offusquer de ce petit meurtre entre amis, Gharm, revenu sur ses pas constater pourquoi ses péons n’arrivaient pas, libère Kenji de ses chaînes et lui offre un CDI (carnage à durée indéterminée) dans son équipe, ce que Jiji accepte sans broncher.

Nous retrouvons notre héros quelques temps plus tard, à l’occasion d’une véritable bataille entre la horde de Kravoth et un ost de Fyreslayers probablement doublement discriminés du fait de leur peau noire et de leur poil roux (combo). L’affrontement donne l’occasion à Kenji de s’illustrer auprès de son n+1, en l’aidant à venir à bout d’une Salamandre souffrant d’un léger problème de coordination motrice, en s’acharnant comme le sadique qu’il est devenu sur le petit orteil de la bestiole. Ce qui est atrocement douloureux, comme quiconque a une table basse chez lui peut en témoigner. De hauts-(mé)faits en triomphes, la côte de Kenji continue de croître en même temps que son stuff se bonifie, ses chakrams de fer passant à l’or, au platine, puis au diamant, jusqu’à ce jour fatal où Gharm emmène ses ouailles piller un hameau absolument mi-na-bleuh, ce que notre self made man trouve très humiliant, en grande partie car cela lui rappelle douloureusement ses propres débuts. D’ailleurs, c’est lorsqu’il refuse d’épargner un jeune garçon qui se cachait dans les décombres de sa cahute que Gharm se retourne contre son suivant dissipé, et lui fait goûter à la même médecine métallique et auto-nettoyante qu’au faquin qui avait fait mine de lui porter le coup de grâce toutes ses années auparavant. La boucle est bouclée pour Kenji, qui ne peut constater la disparition de sa bonne étoile, tandis que son menton repart avec sa nouvelle trouvaille, Lilian Renau (sans doute).

1 : Ce qui permet de vérifier encore une fois que les noms se terminant en -shima semblent attirer les catastrophes (voir Hiroshima et Fukushima).
2 : Elle se nettoie toute seule en un clin d’œil… Voilà ce qui arrive quand on laisse ce farceur de Zuvassin s’occuper des dotations aux aspirants.

AVIS:

Après The Last of the Blood (Maledictions), C. L. Werner poursuit ses explorations japonisantes des Royaumes Mortels, avec cette nouvelle de belle facture, remettant au goût du jour deux classiques de la littérature « chaotique » : le cheminement (ou la déchéance) du héros, qui progresse insensiblement vers la damnation jusqu’à devenir ce qu’il avait toujours combattu d’une part (Les Cavaliers de la Mort, et plus récemment, The Path to Glory), et la saga épique se terminant de façon ignomieuse et prématurée, rappelant à quel point les Dieux du Chaos sont des maîtres cruels et inconstants (The Ignorant Armies, The Laughter of the Dark Gods, The Talon of Khorne). Si ce récit n’apprendra rien de nouveau aux vétérans de la BL, qui pourront tout de même bénéficier de la maîtrise de Werner en matière de conduite d’intrigue et de construction d’atmosphère – on regrettera seulement que les Skavens de l’histoire ne soient que des goons, alors que l’homme au chapeau s’est souvent illustré par son utilisation inspirée de cette noble race dans ses écrits – , les plus jeunes (ou en tout cas les plus neufs) des lecteurs en seront quitte pour un apprentissage des choses du lore, en compagnie d’un des professeurs les plus qualifiés et compétents qui soient. À mettre en toutes les mains/pattes/tentacules.

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A Question of Taste – D. Flowers:

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A Question of TasteINTRIGUE:

Invité par des amis nantis à venir dîner, le Guilder Tempes Sol de la Mercator Lux, spécialisée dans l’installation de panneaux solaires (sur Necromunda… comme quoi, il n’est jamais trop tard) se retrouve en retard à la suite d’un échange houleux avec le représentant borné et pro-carbone de son dernier client. Ayant fini par faire comprendre à son interlocuteur que le soleil ne risquait que très faiblement d’arrêter de briller, Tempes se rend en toute hâte à la Trump Tower locale, où l’attendent Credence Sorrow de la Mercator Pallidus, et Auroras Drift de la Mercator Temperium. Ce qui semble être une réunion informelle de jeunes cadres dynamiques Necromundans pourrait cependant être considéré comme un mini salon Produrable, Temperium étant spécialisée dans la purification atmosphérique, et Pallidus dans le recyclage de matière organique, ce qui dans une cité ruche va un peu plus loin que les épluchures de patates et les marcs de café. Disons simplement que l’amour de Sorrow pour les chandeliers en vertèbres de Goliath n’augure rien de réjouissant en ce qui concerne les ingrédients entrant dans la composition du repas qu’il a concocté pour ses convives. Rien ne se perd…

Alors que la soirée se passait agréablement, Tempes Sol, ayant un peu trop forcé sur la bouteille, commence à énoncer des menaces à peine voilées en direction de ses comparses, ayant tous deux bénéficié d’un « coup de chance » significatif il y a quelques semaines, lorsque les équipes de nettoyeurs de l’un se sont retrouvés à proximité d’une usine sinistrée par une fuite de nitrogène, à la suite d’un défaut du régulateur installé par l’autre. Cherchant à utiliser ce petit arrangement en sa faveur afin d’obtenir un nouveau contrat, Sol paye toutefois le prix de son approche brutale lorsque Drift, se sentant – assez justement – attaquée, attente à la vie de ses camarades, en ordonnant à son Zeph de compagnie de faire le vide dans la pièce, condamnant Sol et Sorrow à l’asphyxie (comme toute purificatrice digne de ce nom, Drift ne sort jamais sans son masque à gaz, qui, s’il l’empêche de siroter des cocktails avec distinction, s’avère pratique lorsque l’oxygène se raréfie). Trouvant que la représentante de Temperium ne manque pas d’air, et que sa vessie de porc domestique est carrément gonflée, ces messieurs pallient à la situation en électrocutant la faquine d’une ferme poignée de main, et perçant la baudruche d’un tir de digilaser bien placé (ce qui est tout de même plus classe qu’une vulgaire épingle). Ceci fait, les survivants partent prendre… l’air sur le balcon, en même temps qu’un café bien mérité, tandis que les serviteurs de Sorrow débarassent la table et les cadavres, en direction de la poubelle verte.

La tension étant retombée après que la pression soit remontée (c’est de la physique), Sol et Sorrow finissent de parler affaire, le second mettant le premier sur la piste de l’ultime survivant de l’incendie des plaines de Salvation, manigancé par les rivaux de la Mercator Lux, l’infâme et probablement charbonneuse et hydrocarburante Mercator Pyros. Le témoignage de cette malheureuse victime, brûlée au 17ème degré (même ses cloques ont pris des coups de soleil), serait précieux pour faire condamner les coupables, si seulement Sol arrive à localiser l’endroit où Drift l’a placée, après que Sorrow lui ait remise… La nouvelle se termine sur un aperçu de ce que le Burning Man a vu lors de la conflagration, c’est à dire une silhouette quasi humaine épargnée par les flammes. Rendez-vous au prochain épisode pour savoir si le gang des Carapuces a fait le coup.

AVIS:

Intéressante nouvelle que ce A Question of Taste, d’une car on n’a pas tous les jours l’occasion de lire une histoire de Neromunda n’étant pas centrée sur la guerre des gangs pour laquelle cette rieuse planète est bien connue, et de deux car Flowers démontre un vrai talent dans sa mise en scène de ce huis clos industriel, mêlant dialogues ciselés, considérations politiques, détails « culturels », et gadgets technologiques. La fin ouverte donnée par l’auteur à ce court format laisse penser (et espérer) que ce dernier sera suivi d’autres épisodes1 racontant la suite de la quête de vérité (et d’installation de centrales photovoltaïques) de Tempes Sol, qui sera peut-être l’écojusticier que la Ruche Primus mérite…

1 : Il est possible que la nouvelle ‘Salvation’s Crucible’ (le creuset de Salvation), incluse dans la ‘Black Library Events Anthology 2019/2020’ distribuée au dernier Black Library Weekender couvre également cette intrigue. Le titre le suggère en tout cas.

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Strong Bones – M. Fletcher:

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Strong BonesINTRIGUE:

Jeunes Ogors idéalistes (un peu) et affamés (beaucoup), Stugkor – Stug pour les intimes et les moins dégourdis, ce qui va assez souvent ensemble chez les ogres – , Chidder et Algok décident de fuguer de leur tribu. Le but de cette manifestation, somme toute assez classique du mal-être adolescent et de la remise en cause de l’autorité établie qui va avec, est simple : trouver un campement humain dans lequel se servir directement, la consommation des restes rapportés par les vrais chasseurs du clan ne suffisant plus à nos rebelles. Aussitôt dit, aussitôt fait : le trio enfourche ses scooters débridés Ferox et part à travers la taïga hivernale, à la recherche d’une proie digne de lui. Las, les vastes étendues et la faible densité démographique de cette partie de Ghur ont tôt fait d’épuiser l’enthousiasme juvénile des teen-agers, qui peinent dans la neige et le froid pendant quelques jours avant de tomber sur le village qu’ils appelaient de leurs vœux (et de leur estomac).

Manque de chance, Stug et Cie ont été devancé par une armée de constructions squelettiques, affairées à dépecer les cadavres de leurs victimes, dans le but de récupérer les os de ces dernières. Un comportement à la limite du sacrilège pour nos Ogors affamés, qui ne comprennent pas pourquoi les morts-vivants jettent de la viande de premier choix pour se concentrer sur les parties dures des cadavres. Il y a certes de la savoureuse moelle à l’intérieur, mais tout de même ! Leurs savantes supputations sont toutefois interrompues lorsque le Soulreaper en charge de l’opération de tri et de collecte, pose son regard perçant sur les badauds bedonnants, et envoie l’un de ses Deathriders kavaler aux alentours. Confiants dans leur capacité de règler son compte au scout ossu, les Ogors piquent des deux et contre-chargent, pour des résultats assez dramatiques. Le Kavalos n’a en effet aucun mal à coup-fataler les Ferox de la fine équipe, ne laissant que Stug en état de se battre après que ses comparses aient raté le test de terrain dangereux consécutif à leur désarçonnage. Et, si l’intraitable squelette finit en esquilles, ce n’est pas sans avoir gravement blessé notre héros, et l’avoir complimenté sur sa solide ossature (ce qui revient sans doute à une déclaration d’amour lorsqu’on est soit même constitué uniquement de cela).

En rade au milieu de nulle part et confrontés à une horde de fémurs pas vraiment amicale, les trois petits ogrons décident de mettre les bouts pour avertir leur tribu de l’arrivée de ces nouveaux voisins. La course de fond étant, comme chacun sait, une spécialité des morts-vivants, et voyant la partie mal engagée, les Ogors se séparent, espérant qu’au moins un d’entre eux parviennent à bon port. La fin de la nouvelle est ainsi centrée sur Stug, qui après un vaillant effort, finit par cesser sa course pour faire face à l’inévitable. Les Bonereapers prenant les choses de la guerre très au sérieux, notre vaillant gros lard a l’occasion de prouver sa valeur en concassant un certain nombre de champions ennemis, jusqu’à ce qu’un Stalker vienne finir le job. À l’agonie, Stug ne peut même pas tirer un peu de fierté de la réussite de son plan de contingence, Chidder et Algok ayant déjà été calcifiés par les sbires de Nagash, comme notre héros vaincu ne peut que le constater alors qu’il gît dans la neige. Et quant au sort de sa tribu, il est également scellé, comme lui apprend l’aimable Soulreaper de faction : ses sortilèges lui permettront de prendre possession des souvenirs de sa prochaine victime en même temps que de sa dépouille mortelle. Moralité : ventre affamé n’a pas d’oreilles, mais attention à ne pas tomber sur un os.

AVIS:

Fletcher signe une nouvelle aussi solide que les os de ses malheureux personnages, dont l’un des attraits est la mise en avant de deux factions encore assez peu couvertes par la Black Library à ce jour : les Ogors et les Ossiarch Bonereapers. Si le propos de ce Strong Bones est avant tout de permettre aux petits derniers de Nagash (décidément un family man) de faire leur entrée dans le monde (ou plutôt, dans les Royaumes), Fletcher se révèle également assez habile dans l’utilisation de Stugkor, Chidder et Algok, et parvient à donner une bonne image de la mentalité et du quotidien des Ogors. Au final, on ressort de cette lecture avec une meilleure image du danger que représentent les Ossiarch pour les autres factions d’Age of Sigmar, ainsi qu’avec une description crédible d’une des plus discrètes de ces dernières. Que du bonus.

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Serpents of Ardemis – M. Brooks:

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Serpents of ArdemisINTRIGUE:

Conviés sur la planète Ardemis par le Baron Zellanin à participer à son bal annuel, qui attire le gratin de la spacejet-set locale, Azariel et Chetta Brobantis arrivent sur Ardemis avec des objectifs bien plus élevés que se goinfrer de petits fours et vider la cave de leur hôte (quant à s’éclater sur le dance floor, la mauvaise hanche de Chetta s’avère tout à fait contre). Les roués Navigateurs ont en effet l’œil (haha) rivé sur les nombreuses richesses naturelles du système en question, et comptent bien conclure quelques juteux contrats avec leur hôte durant les réjouissances, même s’il leur faut pour cela faire échec aux offres des autres convives (facile) et collaborer étroitement (plus dur1).

Guère enchantée par les mondanités frivoles dans lesquelles Zellanin se complaît, Chetta tue le temps en se rencardant en douce sur les agendas des autres convives, et en volant au secours d’un malheureux serviteur ayant eu la mauvaise idée de passer avec son mousseux au moment où l’un des nobliaux invités au bal est pris d’une crise aiguë d’ennui mondain, et décide de martyriser un inférieur pour se distraire. Mal lui en prend, car Chetta, dont la lignée remonte certainement au mythique Brisdenis, se fait un plaisir de le fracasser d’une remarque assassine, tout comme elle fusille les autres nantis ayant eu l’indélicatesse de se ranger du côté du rustre. Oubliez Ciaphas Cain, Talos ou Horus-du-temps-où-il-avait-confiance-en-lui : le titre de personnage le plus sympathique de la Black Library vient d’être attribué à une petite mamie acariâtre, sans contestation aucune.

Cette bonne action porte rapidement ses fruits, les époux Brobantis trouvant un parchemin contenant de fortes utiles informations dans leurs quartiers à la fin de la journée. Plus fine que son balourd de mari, Chetta a tôt fait d’identifier son mystérieux bienfaiteur, dont les tuyaux permettent aux Brobantis de mettre leurs rivaux hors-jeu en un clin de troisième œil. Intriguée par ce coup de pouce salutaire, notre héroïne s’en va confronter sa nouvelle alliée, qui se trouve être la chamberlaine du Baron Zellanin, dotée comme la Navigatrice d’un sens de la justice développé, ainsi que d’un ardent désir de faire autre chose de sa vie que d’organiser les petites sauteries de son employeur (l’événementiel, ça lasse au bout d’un moment). Sentant un certain potentiel chez la donzelle DeShelle, Chetta lui propose de rejoindre son service, ce que cette dernière accepte.

C’est le moment que choisit Serranay KeWitt, Novator de la Maison du même nom et rival malheureux des Brobantis pour une concession accordée par le Baron Zellanin, pour faire une entrée flamboyante et colérique. Se jugeant atteint dans son honneur par la victoire bassement acquise par sa collègue ophtalmique, Serranay se pique de défier cette dernière en duel de regard – une pratique pas aussi bénigne que ça quand les participants sont des Navigateurs – mais un bluff heureux de l’impayable Chetta convainc le Kiwi courroucé de tourner son ire vers une cible moins dangereuse : la pauvre DeShelle, qui a pris bien soin de fermer les yeux sur le conseil de sa nouvelle patronne lorsque le Navigo s’en est venu.

Souhaitant seulement faire redescendre la pression avant que l’irréparable ne se produise, Chetta active la matraque électrique intégrée dans sa fidèle canne orthopédique et fauche le faquin sans penser à mal. Malheureusement, le maraud s’étale de tout son long et trouve le moyen de s’enfoncer le crâne sur une marche. 150.000 ans d’évolution pour ça, tout de même. Jugeant qu’il vaudrait mieux déguerpir avant que des questions inconfortables ne soient posées, Chetta et DeShelle repartent à toute hâte (enfin, aussi rapidement que possible) vers le vaisseau de la première, après que la seconde ait fait disparaître le cadavre du Novator navré, jeté en pâture aux serpents de mer géants endémiques de la planète. Comme quoi, dans la jungle des affaires, les grands prédateurs ne sont pas forcément ceux auxquels on pense…

1 : Pour la petite histoire (‘A Common Ground’, pour être précis), Chetta finira par faire assassiner son cher et tendre époux par un Goliath revanchard.

AVIS:

À force de croiser Mike Brooks dans mes lectures (et donc mes chroniques), j’ai l’impression que Chetta Brobantis est devenue une figure incontournable de la Black Library. Ce n’est certes pas encore le cas, mais, pour être tout à fait honnête, cela ne me déplairait absolument pas. Bien au contraire. Brook démontre avec cette pré-préquelle à son Rites of Passage qu’il maîtrise parfaitement son héroïne, dont la grande gueule, le grand cœur et les tares congénitales rendent particulièrement sympathiques. C’est bien simple, Chetta est l’opposée parfaite du Space Marine lambda qui sert de protagoniste à une proportion importante de romans de la BL, et cette opposition ne peut que la rendre intéressante aux yeux du lecteur blasé que nous sommes tous un peu, avouons-le. À moitié Whoopi Goldberg et à moitié Tatie Danielle, Chetta Brobantis est sans doute l’héroïne dont le 41ème millénaire a besoin (et pas celle qu’il mérite, il y a Sainte Celestine pour cela), histoire de faire un break de tout ce grimdark, tirer les oreilles des Aeldars et aplatir le nez des Carnifex à coups de canne (ou, plus réalistement, leur faire le gros œil).

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The Child Foretold – N. Kaufmann:

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The Child ForetoldINTRIGUE:

Fermier alcoolique, misanthrope et passablement instable, du fait de la méchante prothèse remplaçant sa jambe droite perdue à la guerre, Kavel Trake survit péniblement de ses récoltes de nafar, occupant ses journées à trimer dans les champs et à parler à son épouvantail de compagnie, et ses nuits à picoler et à espérer ne pas se réveiller le lendemain. Bref, l’archétype du joyeux drille. À ses malheurs habituels est venu s’ajouter une invasion de warrior weed, sorte de chiendent Xenos qu’une politique de contrôle laxiste a permis de prendre pied, ou plutôt racine, sur la planète de Ballard’s Run. Cet excès de biodiversité n’occupe cependant pas longtemps notre héros, qui reçoit le soir même la visite d’une voyageuse passablement esquintée et mortellement poignardée, tenant dans ses bras un poupon qu’elle supplie Kavel de protéger de la vindicte populaire, avant de fatalement décéder. Notre péquenot, qui a servi dans la milice locale avant que son amputation ne le force à lever le pied (le gauche, évidemment), n’est pas un péquenot totalement rustre, et comprend assez vite que sa petite protégée, Oshi, a quelque chose de différent. Ou plusieurs choses, pour être exact : quelques petites bosses sur le front pour commencer1, et la capacité assez intrigante d’attirer des feuilles de nafar dans sa menotte pour s’auto-chatouiller lorsqu’elle en a envie, ce qui est pratique mais suspect.

La journée de bonheur paternel qu’il expérimente avec le poupon se termine toutefois brutalement avec l’arrivée d’un quintette hostile, menée par le capitaine de la milice et souhaitant ardemment que le bébé leur soit remis. La défense, assez minable, il faut le reconnaître2, convoquée par Kavel ne convaincant pas les ruffians de faire demi-tour, notre fermier n’a d’autre choix que de prendre les armes contre les intrus, qui, heureusement pour lui, s’avèrent avoir claqué tous leurs points de profil en impavidité, laissant peu de place à l’intelligence et à la compétence (comprendre qu’ils n’ont aucun problème à se laisser consumer par les flammes du cocktail molotov improvisé par Kavel, sans même pousser un cri, ni chercher à éteindre le brasier). Vainqueur de l’affrontement, José Bovin décide de tenter sa chance jusqu’à l’astroport tout proche, afin d’emmener Oshi dans la sécurité – toute relative – de l’espace. Malheureusement pour cette âme bien intentionnée, un comité d’accueil aussi déterminé et silencieux que les sbires qu’il a enflammés un peu plus tôt, l’intercepte sur la route, et lui enlève sa précieuse charge, non sans qu’il ait eu le temps de presque – son fusil lui étant mystérieusement arraché des mains par une force inconnue – vider son chargeur sur les marauds…

Début spoiler…À sa grande surprise et son soulagement non feint, les villageois, menés par un certain Drameon exhibant, lui aussi, une construction cranienne particulière, ne se montrent pas menaçants envers Oshi, et semblent au contraire l’accueillir comme unes des leurs. Préférant emmener leur prisonnier avec eux dans la caverne où ils se sont installés, les membres du culte Genestealer de Ballard’s Run (car j’espère que vous aviez compris de quoi il en retournait à ce stade) récompensent les bons et loyaux services de babysitting de Kavel en l’introduisant dans la famille, grand papa Mordephus roulant une galoche de bienvenue à sa nouvelle ouaille, sous les gazouillis approbateurs d’Oshi, dont la destinée est de devenir la Magus et porte-parole du clan. Tout est donc bien qui finit bien, ou en tout cas, mieux, pour notre héros déprimé, qui pourra jouir d’une vie sociale beaucoup plus riche jusqu’à la fin de ses jours, dans l’environnement préservé d’un agrimonde impérial. Pas loin d’être la meilleure chose qui puisse arriver à un citoyen impérial, quand on y réfléchit.Fin spoiler

1 : La réponse est oui. Ne dîtes rien aux autres.
2 : Jugez plutôt. Comme argument, c’est aussi convaincant que « cet hérétique n’a pas tout à fait tort », ou « cet Ork n’a encore rien fait de mal ».

AVIS:

Pour ses débuts au sein de la Black Library, Kaufmann choisit de livrer sa version d’un classique de la maison, pour un résultat assez honnête. On peut d’ailleurs saluer la bonne maîtrise générale que l’auteur démontre du background de 40K, ce dont d’autres contributeurs « extérieurs » recrutés par la BL pour Warhammer Horror ne peuvent pas se targuer. L’appropriation n’est toutefois pas totale, comme le montre la réaction très meh de Kavel devant la mutation apparente de sa protégée (qui peut à la limite s’expliquer par les pouvoirs psychiques de cette dernière), mais surtout, et c’est plus embêtant, l’absence de justification apportée à l’élément de déclencheur de la nouvelle, c’est à dire la remise du bébé à Kavel par une inconnue blessée… par qui ? Le fluff indique en effet que les membres vulnérables/trop moches des cultes Genestealers, comme les mères porteuses, les jeunes et papi/mamie Mougeot, sont gardés à l’abri des regards par le reste des membres. Partant, on voit mal comment la mère et la tante d’Oshi ont pu se faire embusquer par des villageois lambda de façon réaliste. De plus, le fait que Kaufmann décrive les cinq miliciens venus menacer Kavel comme faisant également partie du culte ne permet pas d’identifier une quelconque faction « hostile » dans la nouvelle (à moins que Ballard’s Run compte deux cultes Genestealers ennemis, ce qui serait vraiment pas de bol pour une planète aussi peuplée que Figeac). Pour terminer, on peut aussi s’interroger sur le choix de la BL d’incorporer cette nouvelle dans son segment horrifique, l’histoire présentée ici étant finalement assez gentillette et convenue pour un lecteur familier des « joyeusetés » de 40K.

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Champions, All – M. Collins:

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INTRIGUE:Champions, All

Alors que la Croisade d’Edioch approche gentiment de son cinquantenaire, nous faisons la connaissance de l’un des vertueux guerriers combattant en Son Nom depuis 47 ans : le Champion de l’Empereur Cenric. Déployé avec ses frères de bataille à la surface du monde de Daronch, récemment tombé aux mains des Orks, par le Maréchal Adelbert1, Cenric mène les forces impériales à l’assaut d’une cathédrale investie par les Xenos. Fort heureusement pour les infatigables, mais pas innombrables Space Marines, durement éprouvés par les dernières décennies de croisade, l’Ordre du Cœur Valeureux de la Chanoinesse Aurea est également de la partie, et son contingent de Soeurs Repentia se montre très utile dans la persécution des infâmes squatteurs de Sa Maison. Pendant que Cenrich peaufine ses stats, en utilisant le pouvoir divin d’identification des meneurs adverses que l’Empereur lui a accordé après son élévation, les Orks jouent un mauvais tour aux croisés, et font s’écrouler le champ de bataille dans les niveaux inférieurs des souterrains creusés en dessous de la cathédrale, séparant le Champ’ de ses bros.

Revenant à lui dans un obscur tunnel, Cenric résout de se laisser guider par la volonté de Big E (on suppose que son système de liaison radio n’était plus opérationnel), et part droit devant lui. Il ne lui faut pas longtemps avant de faire la connaissance d’une autre survivante, la Repentia Penance, qu’il aide à se défaire d’un trio de peaux vertes ayant du mal à considérer « non » comme une réponse #BalanceTonPork. Pour nos deux dévôts, c’est le début d’une ascension – littérale autant que spirituelle – vers le destin que leur a réservé l’Empereur, les signes identifiant Penance comme l’ange vengeur de sa dernière vision redoublant le zèle de son frère d’arme. Leur chemin a beau se révéler semé d’embûches, de Squigs difformes2 et de berger Ork (Bergork ? Bergeork ? Borkger ?) quasi-invulnérable, Cenric et Penance finissent par arriver – avec beaucoup de chance, mais les conseils de navigation GPS de l’Empereur sont infaillibles autant qu’impénétrables – dans le Strategium ennemi, où les attend se trouve le Big Boss Grashbakh…

Début spoiler…L’affrontement qui s’en suit permettra à Penance de se racheter une vertu, son sacrifice altruiste à la grenade permettant à Cenric de venir à bout du monstrueux Xenos, qui l’avait littéralement déchaîné au début du combat (un sacrilège impardonnable pour les Black Templars, qui ont la fâcheuse tendance à perdre toutes leurs affaires sinon). Ayant décapité la chaîne de commandement adverse, le Champion se met ensuite à pied d’oeuvre pour exterminer le reste des Orks, jusqu’à ce que fasse la jonction avec les autres survivants de l’assaut impérial. La victoire acquise, et apprenant la mort héroïque d’Adelbert au cours de la bataille, Cenric s’autoproclame Maréchal à la place du Maréchal, et jure de parachever l’oeuvre des morts victorieux en boutant les peaux vertes de Daronch une fois pour toutes… avant d’aller demander l’asile politique et la réintégration tactique au sein de la Croisade Helicos. L’homme sage connaît ses limites.Fin spoiler

1 : À ne pas confondre avec Aldebert un barde Franc de M2. Il n’aurait pas été convenable qu’un Black Templar ait peur du noir, après tout.
2 : Les bestioles de Collins ont des cous et des bras, ce qui n’est pas courant pour cette espèce.

AVIS:

Soumission assez classique de la part de Collins, ce Champions, All n’a pas grand-chose de plus à proposer au lecteur que le récit des prouesses martiales et de la foi inébranlable d’une paire de servants de l’Empereur, réunis par les aléas de la guerre et, peut-être, sa volonté omnipotente. Marc Collins fait le job sans faillir ni briller, et si ses héros font honneur à leurs entrées Codex respectives, ils s’avèrent aussi attachants et intéressants que les personnages créés à l’occasion des rapports de bataille du White Dwarf : il n’y a guère que leur nom qui les singularise des masses anonymes de leurs confrères (et sœurs), le reste de leur personnalité étant pour ainsi dire inexistante. Il va donc sans dire que votre degré d’appréciation de cette nouvelle risque de dépendre à un très haut point du nombre de travaux similaires que vous aurez lu avant celle-ci. Si ce nombre est supérieur à 1, je ne pourrai pas vous blâmer si vous choisissez de faire l’impasse sur les insipides exploits de frère Cenric.

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The Age of Enlightment – D. Guymer:

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The Age of EnlightmentINTRIGUE:

Nous retrouvons Hamilcar Bear-Eater après les événements narrés dans Champion of the Gods, et si vous n’avez pas lu ce bouquin, c’est bien dommage car Guymer ne s’embarrasse guère d’un compte rendu des aventures vécues par son héros. Juché sur une princesse aetar (une sorte d’aigle géant, de ce que j’en ai compris) et accompagné de son écuyer/garde du corps/conscience Nassam, le Mangeur de nounours en guimauve arrive dans les Terres Déchaînées (Unchained Lands), où une force des cités libres défend une forteresse isolée contre une armée de Nighthaunts. Jugeant certainement qu’il est de son devoir d’intervenir en faveur des assiégés, qui ont le bon goût de connaître son nom et de l’acclamer alors qu’il fait des loopings dans le ciel porcin1, Hamilcar atterrit avec la classe et le panache qu’on lui connaît, et n’a que le temps de se farcir un petit Morghast qui passait par là qu’un Liberator vient le chercher pour le mener jusqu’au commandant en chef des sigmarites.

Malheureusement pour notre grande gueule, l’officier en question se révèle être une connaissance, plus professionnelle qu’amicale : le sépulcral et très corporate Lord-Celestant Settrus. Qui est également une connaissance de tous les anciens de Warhammer Fantasy Battle, comme le démontre amplement le nom de la chambre militante qu’il dirige d’une main de fer : les Impérissables. Ça, et la décoration très nehekarienne dans l’esprit de son armure. Wink wink2. Plongé dans la contemplation d’une carte dessinée à l’encre antipathique (c’est à dire qu’elle se révèle petit à petit) de la forteresse qu’il défend, Settrus n’a que peu de temps à accorder à son franc tireur de collègue, qu’il considère être venu aider sur ordre du patron. Ce n’est pas vraiment le cas, Guymer révélant à mi-mot qu’Hamilcar est au contraire recherché pour déformation spirituelle, ou quelque chose comme ça, mais notre héros est trop heureux de donner le change pour éviter d’être âme-çonné par la patrouille. Bear-Eater apprend ainsi que les Anvils of the Heldenhammer sont chargés de défendre l’une des Stormvaults récemment révélée par le Necroséisme, le trésor qu’elle contient ou le monstre qu’elle enferme étant convoité par les scions de Nagash. Cela explique aussi pourquoi la carte du bastion reste relativement cryptique, la magie du Penumbral Engine de fonction jouant des tours à la mémoire, tant vive que réelle, des êtres et choses des alentours.

Alors que Settrus, tout à ses ordres, est absolument ininterressé par le contenu de la Stormvault, Hamilcar ne peut résister à la tentation d’aller y jeter un coup d’œil, et parvient sans aucun mal à trouver l’entrer du lieu (alors que les autres défenseurs évitent inconsciemment l’endroit, ce que Guymer ne justifie pas le moins du monde), toujours accompagné de son coffee boy Nassam. À l’intérieur, le duo trouve évidemment un neuralyzer arcanique construit par Grugni selon les plans de Teclis, mais également sa batterie intégrée, qui se trouve être la haute prêtresse Ansira, une vieille femme enfermée dans la crypte depuis des millénaires et dont la foi en Sigmar a alimenté la machine pendant tout ce temps. Seul petit problème dans cette parfaite symbiose, Ansira en a gros. Très gros. Peut-être du aux douloureux escarres que des éons passés sur un fauteuil, même rembourré, ont certainement causés, ou bien au fait que ce goujat de Sigmar ne lui a même pas installé le cable et la wifi avant de partir jouer à la guerre, la brave dame en a ras la carafe et est bien décidée à prendre sa retraite, l’âge pivot étant depuis longtemps dépassé. Malgré les arguments – assez médiocres, il faut le reconnaître – avancés par Hamilcar et Nassam, mamie supernova (ses yeux brillent très forts) ne veut plus rempiler pour servir de pile à la machine. D’ailleurs, sa foi en Sigmar s’est trouvée tellement ébranlée après tout ce temps qu’elle ne pourrait plus officier, même si elle le voulait. Na.

Cette joute oratoire est interrompue par la percée réalisée par les forces mortes vivantes, forçant les survivants sigmarites à un dernier carré (ou un dernier rhomboïde, la faute à ces damnés socles ronds) dans la crypte, tandis que Mannfred von Carstein, qui était le général en charge de l’assaut, emmène ses boys au pillage…

Début spoiler.Ayant déjà perdu la au moins une vie sous les coups du Mortarque, Hamilcar charge ce dernier pour obtenir sa revanche, décapiter l’armée adverse et se couvrir de gloire (dans l’ordre que vous voulez), tandis que Settrus et ses bien mal nommés Impérissables tentent de repousser les chevaliers vampiriques et Morghasts personnels du lieutenant de Nagash. Dans la fureur des combats, nos trois têtes d’affiche finissent par converger, au grand plaisir de Mannfred qui finit par se rendre compte qu’il connaît le sinistre Stormcast qui s’échine à lui faire bosseler la grève (sans grand succès). À moins qu’il ne s’agisse d’une vieille blague de Sigmar dont seuls les quelques transfuges du Monde qui Fut auraient le secret, ce que soupçonne le Manf’ devant la faiblesse de son adversaire. La rigolade s’arrête toutefois pour le vampire lorsque Settrus, totalement surclassé mais loyal jusqu’au bout à son patron, trouve le moyen de se connecter en dérivation au Penumbral Engine délaissé par Ansira, entrant en surcharge mystique et finissant sa carrière en fusible arcanique, non sans avoir illuminé/purifié/désinfecté (triple effet kiss cool) la crypte, avec des effets dévastateurs sur les morts vivants. Il n’y a guère que Mannfred qui s’en sorte à peu près, et trouve le moyen de ramper hors champ pour aller s’acheter un tube de biafine, profitant de l’amnésie commode d’Hamilcar au moment de porter le coup de gâce à sa Nemesis. Car, inspirée par le sacrifice altruiste de Settrus (qui pour le coup, est bel et bien mort, et ne pourra pas repasser à la case reforge), Ansira décide de reprendre ses fonctions de génératrice à communion nucléaire, permettant au Penumbral Engine de se remettre en marche de façon optimale. Comme disait Sigmaurice Thorez : « Il faut savoir terminer une grève ». À bon entendeur…Fin spoiler

1 : Sans rire, l’air de Ghur sent apparemment le sanglier.
2 : Ironiquement, Settra/us est lui incapable de faire des clins d’œil, le masque intégral couvrant son visage ne laissant apercevoir que des puits insondables à la place des yeux. Il paraîtrait que ce regard sévère aurait, par contre, fait ciller un Slann.

AVIS:

Je suis assez partagé par ce The Age of Enlightment, qui comporte à mon sens autant de points forts que de faiblesses. Du côté de la coupe à moitié pleine, le personnage d’Hamilcar est toujours aussi distrayant à voir évoluer, son second degré assumé, parfois teinté d’un zeste d’amertume, le rendant très sympathique auprès du lecteur, surtout lorsqu’il est mis en contraste avec des Stormcast Eternals plus « classiques ». Et à ce titre, on ne pouvait pas trouver meilleur contrepoint à notre exubérant héros que le primesautier et gouleyant Settrus, dont le statut de demi-personnage nommé (si je puis dire) est un autre argument à mettre au crédit de cette nouvelle. D’ailleurs, le fait que notre very imperishable person rencontre ce qui semble être son destin dans The Age… ne fait que renforcer l’importance de cette lecture. Fans des Rois des Tombes, voici un incontournable absolu.

D’un autre côté, je reproche à Guymer d’avoir pensé cette nouvelle comme une sorte d’épilogue de Champion of the Gods, et n’avoir pas (ou en tout cas peu) pensé aux lecteurs qui aborderaient cette nouvelle sans connaissance particulière des événements relatés dans ce livre. Il faut donc s’accrocher pour replacer les personnages, leurs relations mutuelles et leurs motivations respectives, alors que quelques lignes de contextualisation auraient permis de reprendre le fil de façon satisfaisante. Peut-être en lien avec ce constat d’ignorance, j’ai trouvé que l’intrigue péchait par manque de vraisemblance sur certains points : comment les défenseurs Sigmarites ont-ils pu localiser une forteresse protégée par un appareil dissimulant magiquement sa présence, et toujours fonctionnel comme le montre la carte inutile de Settrus ? Comment se fait-ce qu’Hamilcar ne soit pas tout le temps affecté par cette magie, et beaucoup moins que les autres sigmarites, puisqu’il arrive à trouver la porte de la crypte en deux minutes montre en main ? Comment expliquer que le Penumbral Engine fonctionne tout court, puisqu’Ansira a perdu la foi quand Hamilcar la trouve ? Et comment arrive-t-elle à le remettre en marche, alors qu’elle semble plus résolue que convaincue à la fin de la nouvelle ? Peut-être que la réponse – logique, s’entend – à ces questions se trouve ailleurs dans les écrits de Guymer, mais sans éléments convaincants à exploiter de mon côté, mon impression finale est assez contrastée. Il faudra faire lumière sur tout cela.

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The Sanguinalia Day Massacre – J. Hill:

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The Sanguinalia Day MassacreINTRIGUE:

Fils d’un esclave Orlock affranchi par ses maîtres, plus par souci d’économiser de la nourriture que par grandeur d’âme, le jeune Thrax commet le crime impardonnable de parricide (et celui, moins sévèrement puni mais pas sympa également, de matricide) après une enfance difficile et la découverte d’un couteau rouillé. Une crise d’adolescence dans toute sa splendeur. Ayant commis la bêtise de pavaner devant les autorités avec la tête de son paternel à la ceinture après voir commis cette bavure sanglante, notre rebelle est rapidement appréhendé par la maréchaussée, battu jusqu’aux portes de la mort et condamné à cette dernière, comme de juste. Alors qu’il était destiné à finir en croquettes pour sumpkrocs (mode d’exécution pittoresque en diable, il faut bien le reconnaître), son port de tête hautain et sa hargne manifeste attirent l’œil du maître esclave Barras, toujours à la recherche de nouvelles recrues pour faire tourner sa chaîne d’arènes gladiatoriales. Commence alors pour Thrax une carrière couronnée de succès et détrempée de sang, qui le verra brûler les planches (s’il y en a sur Necromunda, ce dont je doute) et se faire un nom parmi les aficionados. Malheureusement pour beaucoup de monde (dont son patron), cette carrière sera cependant courte.

Opposés à un trio de Goliaths en armure de céraminable, et posant en tant que Space Marines du pauvre, Thrax et son gang de mauvais sujets pas repentis du tout commettent en effet l’erreur de massacrer les malheureux spectateurs ayant eu la mauvaise idée de tomber dans l’arène à force de se presser sur les grilles pour mieux voir se dérouler ce combat tant attendu. Punis par Barras pour avoir littéralement mordu (voire plus) les mains qui les nourrissaient, Thrax et ses gars doivent livrer bataille à de gangs de faible niveau avant que la revanche contre les Adeptus Ersatztartes ne soit organisée. C’est au cours d’une de ces batailles sans véritable enjeu que Thrax a la douleur de perdre son bras droit (au sens figuré, je précise), Unami1, dont Barras fait don du corps à la science de son vivant, ce qui rend notre héros très chafouin. À tel point qu’il décide de, tenez-vous bien, se mettre en grève (décidément, c’est la mode). Le monstre. Malgré les carottes narcotiques et les bâtons énergétiques utilisés par Barras pour convaincre son champion de reprendre le travail, rien n’y fait, et ce dernier finit par s’échapper de l’arène, entraînant avec lui Slab, un Goliath faisant office de Space Doublure, juste avant le festival de Sanguinalia, où les deux hommes étaient sensés se remettre sur le coin du nez.

Bien embêté par cette double défection, Barras doit concocter en urgence un spectacle de remplacement, qui tourne au massacre lorsque ses artistes démissionnaires s’invitent à la fête et se fraient un chemin sanglant jusqu’à l’impresario esclavagiste, qu’ils étripent bellement avec toute sa famille. Ceci fait, les mutins reprennent le large à la tête d’autres gladiateurs, et commencent à rallier à leur cause de nombreux parias, esclaves et fugitifs du sous-monde, dans une redite ruchère de Spartacus. Poursuivis par de nombreuses forces (dont certaines de l’ordre), soucieuses d’écraser celui que les autorités locales dépeignent comme un ennemi public > 0 – ce qui est vrai – et l’hérétique qui a assassiné le récemment béatifié Barras – ce qui est à moitié faux – , Thrax et ses cohortes arrivent à se sortir de la nasse dans laquelle leurs ennemis voulaient les enfermer, en massacrant quelques milliers au passage, et à parvenir jusque dans le sous-monde profond, où ils ont tout loisir de monter leur petite utopie privée, aussi bonne et sage et sévère que l’homme qui règne sur cette dernière. Le brutal-mais-juste Thrax, premier du nom, est ainsi libre de déposer les armes (métaphoriquement seulement, faut pas déconner), et de devenir le leader communautaire que ses origines d’esclave meurtrier et cannibale ne le destinait que moyennement à devenir. Les miracles de l’intégration. Il se trouve même un fils adoptif (Bran), dans lequel il se reconnaît sans doute, et auquel il offre le couteau…avec lequel il a tué son propre père, en conclusion de la nouvelle. C’est sans doute pas très malin ça, Thrax.

1 : Peut-être que Hill est suffisamment familier avec le français pour que l’hypothèse du jeu de mot « Unami » = « Un ami » soit considérée.

AVIS:

Le retour de Justin Hill sur (ou sous) Necromunda, après son roman Terminal Overkill, se fait de façon assez singulière, par le biais d’une nouvelle brossant les grandes étapes de la vie de l’esclave rebelle Thrax, depuis sa pas si tendre que ça enfance, jusqu’à son apothéose en tant que roi de sa propre cour des miracles. À travers une dizaine de vignettes, certaines de moins d’une page, Hill donne sa version de la légende Spartacus – où, pour la GW-Fiction, d’Angron – qui se termine étonnamment assez bien pour son héros. Comme quoi, le futur lointain n’est pas si sombre que ça, même s’il y a fort à parier que Thrax ne mourra dans son lit autrement que s’il y est poignardé par un de ses hommes. Cela ferait tout de même figure de happy end pour Necromunda, notez.

Pour appréciable que soit le choix de mise en scène un peu plus poussé qu’à l’ordinaire qu’a fait Hill, et prenant le récit du parcours initiatique sanglant de son héros, j’ai trouvé que l’auteur avait parfois tendance à redonner dans un défaut constaté à la lecture de The Battle for Markgraaf Hive, à savoir un usage très modéré de connecteurs logiques dans sa narration. La conséquence pour le lecteur est aussi frappante que désorientante : une espèce de fastforward littéraire, ou ellipse sauvage, qui l’amène à réaliser que l’action est passé d’un point A à un point B sans crier gare. The Sanguinalia… n’est pas aussi extrême que The Battle… de ce point de vue là, mais le retour de cette fâcheuse manie démontre que notre homme semble être coutumier du fait. À surveiller pour la suite, donc. Ceci dit, l’expérience reste assez plaisante (plus que la nouvelle précédente en tout cas), et les nombreux détails fluff que Hill intègre à son histoire achèvent d’emporter la décision de mon côté. Pollice alto.

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Skull Throne – J. Ozga:

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Skull ThroneINTRIGUE:

Présence discrète dans le Royaume de Shyish, la narratrice de notre histoire, que nous appellerons Ninon faute de mieux (Ozga ne lui donnant pas de nom) évolue dans un univers cotonneux et incertain, où les choses ne semblent pas être ce qu’elles sont vraiment. Troublée par des rêves persistants dans lesquels elle se voit et se revoit être faite prisonnière, puis décapitée, par un trio de maraudeurs chaotiques adeptes de la prise de tête, Ninon ne sait plus très bien si elle est vivante ou morte, et consomme des quantités importantes de thé psychotrope pour tenter de chasser son mal-être existentiel. Cette routine macabre prend fin lorsque débarque un nouvel arrivant, se révélant être également un barbare assoiffé de sang, et tout aussi intéressé par le crâne de Ninon que les trois affreux précédemment évoqués. Son sinistre dessein, qu’il souhaitait mettre à exécution en chantant et dans la maison en ruines de notre héroïne – trop shootée pour prendre soin de son chez-elle – est toutefois contrarié par une traversée de plancher inopinée, permettant à Ninon d’échapper à une décollation sommaire. Prouvant qu’elle a bien gardé la tête sur les épaules, cette dernière ébouillante le rustre en lui déversant le contenu d’un chaudron d’eau bouillante sur le râble, avant de décider de partir en mission spéciale avec la tête du malotru sous le bras. Il s’avère en effet que le barbare était l’un des trois gredins l’ayant peut-être (it’s complicated) décapitée il y a quelque temps, et Ninon souhaite récupérer ce qui lui appartient de plein droit. On suppose à ce stade qu’elle considère un échange de caboches avec les envahisseurs de Shyish.

Après avoir un peu marché, et atteint une plage évoquant fortement le front de mer dunkerquois, Ninon finit par localiser les pillards, qui font bombance à côté du cadavre d’un léviathan à moitié dévoré par un banc d’anguilles1. Saisissant sa chance, elle se glisse jusqu’à la marmite dans laquelle les joyeux cannibales préparent leur rata, et y déverse ses réserves de racines de mhurghast. Le résultat ne se fait pas attendre, les maraudeurs sombrant dans ou succombant à la paralysie apportée par ce charmant condiment, ce qui permet à Ninon de chiller tranquillement dans le camp à son réveil. Identifiant son pseudo tueur parmi les cataleptiques à la hache monstrueuse qu’il porte à son côté, Ninon est frappée par l’inspiration : si elle veut récupérer la tête qu’on lui a prise, il lui faudra offrir un sacrifice digne de ce nom à la divinité compétente en la matière, cet entrôné de Khorne…

Début spoiler…Profitant du lag persistant de ses hôtes, qui ne peuvent que contempler leur fin arriver lorsqu’elle se présente avec la hache empruntée à leur champion pour leur offrir une coupe gratuite, Ninon passe sa journée à la plage à faire un château de crânes, n’oubliant pas au passage d’embrocher le meneur des maraudeurs avant que les effets débilitants de la racine de mhurghast ne s’estompent pour de bon. Ceci fait, elle propose un deal au Dieu du Sang, offrant le fruit de sa récolte en échange… de la tête de sa sœur jumelle. Ce qui explique pourquoi et comment Ninon a pu se voir se faire tuer en début de nouvelle. Seulement, Khorne est dur en affaires, et bien qu’il ne prononce pas un mot, la négociation finit par déboucher sur l’accord du Dieu pour que les sœurs se retrouvent dans l’au-delà, conduisant Ninon au suicide. Tout le monde n’a pas l’étoffe d’une Valkia.Fin spoiler

1 : Qui ne jouent aucun rôle dans l’intrigue à part ajouter un peu plus de glauque à une histoire qui n’en manquait pas. Un clin d’oeil à A Cure for Wellness, peut-être ?

AVIS:

Soumission très atmosphérique de la part de Jake Ozga, ce Skull Throne joue habilement des caractéristiques uniques de Shyish pour dérouter le lecteur sur la condition de son héroïne, jusqu’à ce que sonne l’heure du dénouement, qui, s’il se révèle plus triste1 qu’horrifique, s’avère néanmoins réussi. Le choix de l’auteur de faire du Royaume de la Mort un endroit à la fois onirique, apaisé et sinistre, frappe l’imagination du lecteur, tout comme les zones d’ombre laissée à dessein par Ozga sur ce qu’il s’est vraiment passé lors de la rencontre entre blanche neige et les trois balourds. Ce manque orchestré de certitudes donne à Skull Throne un cachet particulier, très différent du standard habituel de la Black Library, mais aussi appréciable qu’intrigant. La première moitié de la nouvelle m’a ainsi faite penser à A Ghost Story, film dans lequel le personnage principal revient hanter (de manière plutôt passive) la maison qu’il habitait après son décès dans un accident de voiture. Ce film a reçu un accueil polarisé, et je pense que cette nouvelle pourra également dérouter le lecteur, mais pour ma part, je salue la prise de risque et l’exécution de Jake Ozga dans ce Skull Throne, qui se révèle au final bien moins sanglant que ce que son titre laissait envisager.

1 : C’est un peu la petite fille aux allumettes à la sauce Age of Sigmar.

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The Test of Faith – T. Parrott :

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The Test of FaithINTRIGUE:

Déployée à la surface du monde de Muz, dont les stations de collecte de prometheum mouvantes (à la Mortal Engines) sont suspectées d’abriter une forme de corruption encore mal définie, une petite force de Dark Angels part à l’assaut d’une de ces forteresses roulantes, le Meridian Secundus. Quittant l’abri confiné1 de leur Repulsor, les Intercessors du Sergent Raum, escortés par non pas un, mais deux Chapelains (l’Interrogateur Raguel et l’Interrogé Hadariel, qui est également un Primaris), se fraient un rapide et sanglant chemin à travers la première ligne de défense ennemie, dont le courage suicidaire et les EPI mal entretenus ne font pas le poids face à l’arsenal meurtrier et la détermination absolue des assaillants. Ces premiers moments sont l’occasion pour nous de faire la connaissance de Chapi et Chapo, dont la relation apparaît comme un peu trouble. Non pas que l’honorable Raguel donne des signes d’avoir abusé la confiance placée en lui par son pupille, mais plutôt que ce dernier apparaisse comme bizarrement mutique et renfermé auprès de ses camarades, ce qui est assez rédhibitoire pour un officier sensé insuffler un zèle sans failles dans le(s) cœur(s) des meilleurs de l’Empereur. D’ailleurs, la froideur d’Haradiel ne manque pas d’interroger l’un des vieux copains de Croisade Indomitus, le jovial Gnaeus, qui ne vivra pas assez longtemps pour investiguer le sujet en profondeur (ce qui est généralement une mauvaise idée quand on est un Dark Angels lambda).

Ce dont Gnaeus est mort, mis à part l’expulsion de ses deux cœurs et trois poumons hors de sa cage thoracique, est un assaut en bonne et due forme d’un essaim de Genestealers, révélant du même coup la nature de l’ennemi ainsi que les raisons de la bravoure inhabituelle des techniciens de forage massacrés quelques minutes plus tôt. Les Dark survivants prennent donc la direction de la salle de commandement du Meridian, où la jonction avec les autres escouades léonines est sensée s’opérer. Premiers sur les lieux, la team chapelure en prend plein la capuche de bure (ça rime), les lieux étant occupés par des représentants de la moitié des entrées du Codex Culte Genestealers (sauf les Jackals, évidemment), dont un Magos adepte du harcèlement psychologique. Il faudra l’intervention désintéressée d’Haradiel pour que son mentor parvienne à joindre les deux bouts (celui de son Crozius et celle de la colonne vertébrale du psyker mutant), permettant aux Space Marines de se rendre mettre des lieux, et aux renforts d’arriver sur place pour achever les survivants…

Début spoiler…Ayant décidé de rester aux côtés de son disciple le temps que l’Apothicaire de garde vienne prendre le relais, Raguel autorise le reste de la force d’intervention à poursuivre sa purge. Le Chapelain Interrogateur a alors la désagréable surprise d’entendre le blessé lui raconter ses vacances sur Malmar, dont il vient juste de se souvenir, sans doute une conséquence de l’attaque psychique dont il a récemment fait les frais. Bien qu’il ne soit jamais facile d’endurer stoïquement ce genre d’exposé, que l’on soit un Space Marines ou un employé de bureau, le récit incohérent de vagues et de noirceur d’Haradiel a un effet absolument dramatique sur Raguel, qui ramasse un couteau de combat tombé au sol dans la bagarre et met fin aux élucubrations (ainsi qu’aux souffrances) de son camarade de façon définitive. La raison de cet acte radical nous est donnée en conclusion de la nouvelle, à l’occasion d’un petit débriefing dans les profondeurs carcérales du Roc, entre Raguel et son boss, Asmodai.

Élément brillant des recrues Primaris intégrées au Chapitre sur ordre de Guilliman, Haradiel était le premier Chapelain de la nextgen à avoir été considéré pour une élévation au sein du Cercle Intérieur de la Légion. Sponsorisé par Raguel auprès des instances compétentes, l’impétrant fut envoyé sur Malmar à la pêche aux perles (avant d’obtenir le droit d’en enfiler, le rêve de tout Chapelain Dark Angels). Quelque chose se passa mal sur place cependant2, décidant ces mêmes instances à laver le cerveau du candidat avant de le renvoyer au front. La remontée des souvenirs d’Haradiel mettant les secrets des Dark Angels en danger, Raguel n’eut d’autres choix que de faire taire son stagiaire pour de bon. Pas de grand oral de rattrapage pour Haradriel donc, qui s’est révélé être un peu trop droit dans ses bottes énergétiques pour les vieux grincheux de la 1ère. Vivement le retour de Lionel pour dépoussiérer l’institution, moi je vous le dis…Fin spoiler

1 : Bien que le nombre précis des Anges de la Mort ne soit pas précisé, on sait qu’ils étaient plus nombreux que les six places réglementaires offertes par le transport. Et bien que l’un des participants au raid soit plus fluet qu’un Primaris, le compartiment du véhicule ne devait rien avoir à envier à une rame de métro de la ligne 13 en heure de pointe.
2 : Au hasard, le fait que notre idéaliste Primaris n’ait pas accueilli la révélation de l’histoire trouble de son Chapitre avec l’enthousiasme, ou au moins, l’impavidité, souhaités par le Cercle Intérieur ?

AVIS:

Les nouvelles sur les Dark Angels se suivent et se ressemblent, la question des Déchus occupant toujours une place centrale dans l’intrigue proposée par l’auteur, qui qu’il fût. Partant de ce constat, on ne peut pas dire que la tentative de Thomas Parrott soit particulièrement indigente, l’intégration du nouveau fluff apporté par les Primaris, et la difficile intégration de ces derniers au sein du Chapitre qui a sans doute été le moins content de voir arriver ces renforts inopinés, se révélant assez bien faite. Une plus grande place laissée à la préparation du retournement (ou plutôt, de la légère inflexion, l’effet de surprise étant proche du néant pour quiconque est familier du genre) de situation finale aurait été appréciable, le récit des combats contre le Culte Genestealer n’apportant en fin de compte rien d’autre à l’histoire que la toile de fond martiale que la BL semble considérer comme étant indispensable à une nouvelle de Space Marines. Au final, la valeur ajoutée de ce The Test of Faith repose quasi-exclusivement dans le petit bout de fluff qu’il délivre au lecteur, et le constat que la guéguerre entre les anciens et les modernes fait encore rage sur le Roc. Il ne fallait sans doute pas s’attendre à autre chose, pour être honnête.

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Divine Sanction – R. Rath :

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Divine SanctionINTRIGUE:

Thacceus Velso est un homme comblé. Plume de l’influent Confesseur Ilsandor, il écrit les sermons que son patron délivre aux foules béates de Viridian1 (et se plaît à les rejouer en live-karaoké, chacun ses délires). Certes, Ilsandor fricote avec les T’aus, et s’est fait l’agent propagateur de la dangereuse doctrine communiste suprêmiste portée par les Xenos, en échange d’un poste de Gouverneur et d’une liberté de prêche sans commune mesure avec ce que lui permet le dogme de l’Ecclésiarchie, mais Velso n’est pas homme à s’en offusquer. D’abord car, très prosaïquement, il n’est pas vraiment un homme (+30 en compétences de surinage de Roi Sorcier d’Angmar, -45 en égalité salariale). Ensuite car il n’est pas vraiment Thacceus Velso, mais l’Assassin Callidus Sycorax, dépêché(e ?) sur place pour supprimer et remplacer discrètement Ilsandor, afin de permettre à l’Imperium de châtier comme il se doit les rebelles en puissance.

Tout va pour le mieux pour Syssy l’usurpatrice, qui après des mois d’approche prudente, a réussi à infiltrer le premier cercle de sa cible, et se prépare à évincer cette dernière à la sortie de son dernier speech. Il ne lui fallait plus soutirer à l’honnête Ilsandor que quelques informations capitales afin de donner le change aux émissaires T’aus lorsque le Confesseur a la mauvaise idée de forcer la main de la Callidus, en décédant de mort violente avant qu’elle ait pu elle même l’occir. Et la vaporisation sanglante de la tête du prélat, ainsi que l’angle et la distance impossibles du tir ayant mené à la dite vaporisation (qui a ruiné quelques inestimables tapisseries au passage, ce qui est d’autant plus triste), ne laissent que peu de doutes sur l’identité du l’exécuteur précoce : un Vindicare vindicatif. N’ayant pas le temps de se pencher posément sur les raisons expliquant ce court-circuitage fâcheux, Sycorax se retrouve contraint(e ?) d’improviser. Surprise en pleine séance de polymorphination par la capitaine de la garde apostolique (Mascelle Rask) du défunt, l’Assassin a toutefois de la chance dans son malheur, ses traits rendus informes par l’opération menant la mercenaire sur une fausse piste, celle de la délégation T’au2. Donnant le change avec brio (les cours d’impro sont une part importante de la formation des Callidus), Sycorax a toutefois fort à faire lorsque les Machines de Pénitence de compagnie de feu Ilsandor, Leonine et Taurus, font leur apparition. Rien qu’une adepte hautement entraîné(e ?) comme Syco n’est capable de gérer, surtout à l’aide de son matos top moumoute, mais assez pour équilibrer la confrontation qui s’en suit entre le Métamorph impérial et la demi-sœur de bataille.

Cette dernière, toujours à ses illusions xénophobes, croit malin de proposer à Sycorax de prendre la place d’Ilsandor dans la Suprême combine, en échange du poste qui était promis au Confesseur félon. L’Assassin décide cependant de déciller la vénale Rask, et révèle la raison de sa venue avant de se débarrasser de l’intrigante d’une planchette japonaise bien envoyée, qui propulse la femme (presque) fatale des mauvais côtés – car il y en avait trois superposés, comme sur un rasoir Gillette – des champs de force protégeant le palais apostolique. Le temps que le reste de la garde arrive sur les lieux, Sycorax s’est fait la malle, laissant derrière elle quelques cadavres profanés au plus haut degré, ainsi qu’une moquette définitivement irrécupérable. La fin de de la nouvelle voit la Callidus se rendre dans la tour de St Goneril, où elle a calculé que son concurrent s’était positionné pour ruiner sa journée et son opération. Malgré la stabilité toute jenga-esque du lieu, et le grand nombre de pièges à cons laissés par Wesley Snipe, Coco parvient sur le lieu du crime, où elle trouve la chambre de la cartouche fatidique posée bien en évidence, et une micro-puce contenant le message Operation Vendetta. Affaire à suivre…

1 : À ne pas confondre avec Veridian, qui est un monde primitif que l’Ultima Segmentum. Et sans rapport connu avec les Viridian Consuls, un Chapitre de Space Marines ayant viré chaotique et s’étant rebaptisé The Broken. Soyons précis.
2 : Oui, c’est du racisme de base. Comme si une simple absence de nez était systématiquement synonyme de Bien Suprême. Ça aurait pu être Krilin qui a fait le coup.

AVIS:

Difficile de se prononcer définitivement sur le cas de ce Divine Sanction, qui est manifestement le premier acte d’une série de nouvelles, ou l’introduction d’un roman. Si l’on peut trouver étrange que la Black Library ait choisi de faire figurer cette soumission à la fin de son Calendrier de l’Avent 2019, indiquant clairement qu’aucune suite n’est à attendre dans un futur proche (ce qui est d’autant plus étrange que la BL a inclus trois audio dramas en trois actes cette même année), gardons nous de faire rejaillir la faute de ce timing abscons sur Rath, qui signe une nouvelle teaser plutôt honnête, en ce qu’elle donne envie de savoir ce qui attend Sycorax et son mystérieux comparse par la suite. Autre point fort de ce chapitre introductif, la bonne utilisation que fait l’auteur des Assassins qu’il convoque, et dont il illustre avec application et à propos les compétences spécifiques. On comprend ainsi mieux quel est l’intérêt pour l’Imperium d’envoyer une Callidus quand un autre temple pourrait parvenir à neutraliser la même cible de façon tout aussi définitive, et on a droit en prime à une démonstration assez bluffante d’une utilisation « urgente » de polymorphine. Quant au Vindicare, s’il n’y a que son ombre qui plane sur ce Divine Sanction, la simple description de son headshot est suffisante pour démontrer l’étendue des talents balistiques du franc tireur. Bref, un avant-goût convaincant, qui donnera je l’espère lieu à une suite avant l’Hérésie d’Horus (ça va, c’est large).

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Au final, ces 12 nouvelles se sont révélées être assez correctes, et, bien que le choix de les acheter à l’unité se soit avéré être ruineux (près de 42€ au total, alors qu’un recueil en format e-book coûte trois fois moins cher pour le même contenu), je ne regrette pas de m’être lancé dans cette aventure.

S’il faut mettre en avant les soumissions les plus marquantes (en bien) de ce Calendrier de l’Avent 2019, j’attribuerais la palme au nouveau venu Jake Ozga, qui, chose rare pour la BL, réussit à faire ressortir son style propre sans que ce dernier entre en dissonance avec les canons littéraires de son employeur. L’étoffe d’un Brian Craig, ou plus proche de nous d’un Matthew Farrer ou d’un Peter Fehervari? Nous verrons bien, mais suivez cet auteur, je pense qu’il en vaut la peine. Les mentions honorables sont attribuées (dans le désordre), au toujours solide C. L. Werner, à l’audacieux Denny Flowers, au divertissant Mike Brooks et à l’intrigant Robert Rath. À l’autre extrémité du spectre, il n’y a guère que la copie de Danie Ware que j’ai trouvé vraiment indigente, encore que sa chronique s’en est trouvée des plus distrayantes pour cette raison!

Il y a de bonnes chances pour que ce post soit le dernier de ce blog pour l’année 2019, et en tout cas il est certain qu’il s’agit du bon moment pour vous souhaiter un joyeux Noël, et, si l’on se croise pas d’ici là, une excellente année 2020! Pourvu qu’elle soit généreuse en publications de nouvelles de la BL, si possible de bonne qualité!

 

BLACK LIBRARY CELEBRATION 2019 [Recueil]

Bonjour et bienvenue dans cette critique du recueil introductif Black Library Celebration 2019 ! Sur la lancée de ce qui avait été proposé en 2018, la BL a donc eu la bonne idée de proposer un échantillon représentatif (ce qui est bien) et gratuit (ce qui est encore mieux) de sa prose au plus grand nombre. Pour chaque commande passée sur les sites Games Workshop ou Black Library, et jusqu’à épuisement des stocks, c’est donc un petit livre en format soft back qui est envoyé en sus des emplettes réalisées par le hobbyiste. Cerise sur le Stormcast, l’offre est proposée en VO et en VF, ce qui en fait une superbe introduction aux mondes merveilleux – si parfois un peu glauques – de GW. On ne peut que souhaiter que le succès soit au rendez-vous, et que les pontes de Nottingham continuent sur leur lancée philanthrope pour des siècles et des siècles (amen).

Sommaire Black Library Celebration 2019

Comptant 6 nouvelles, soit 2 soumissions pour chaque franchise majeure de Games Workshop (40K, Age of Sigmar et l’Hérésie d’Horus), complétées d’un extrait de la novella Sacrosanct de C. L. Werner (habile transition vers le recueil, lui payant, du même nom – I saw what you did there…), le cru de 2019 est-il une achat acquisition digne de ce nom, en particulier pour un novice des publications de la Sombre Bibliothèque, qui en profiterait pour faire ses premiers pas dans cette vénérable institution ? Eh bien, comptez sur moi pour avoir un avis sur la question, chers lecteurs. C’est bien le moins que je puisse faire.

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Black Library Celebration 2019

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The Board is Set // Les Pièces sont en Place – G. Thorpe [HH]:

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INTRIGUE:

The Board is SetSur le sol de cette bonne vieille Terra, les armées loyalistes se préparent à recevoir comme il se doit le retour du fils indigne et de sa bande de potes, dont on entend déjà les « boum boum boum » crachés par les enceintes de leurs Clio tunées résonner depuis le parking de la copropriété, brisant le calme légendaire du quartier1. Comme le petit vieux acariâtre qu’il est, Macaldor, après avoir balancé une ou deux références que les moins de 20.000 ans ne peuvent ni connaître, ni comprendre, s’en va en grommelant dans sa barbe psychique que Dorn est définitivement une grande et jaune godiche, et que son obsession pour les briquettes et les portails électriques n’est qu’une lubie de jeune crétin. Ca tombe bien, notez, c’est l’heure de la coinche à l’EHPAD Bon Séjour, et le Mac’ ne raterait pour rien au monde ce moment de la journée.

À peine a-t-il fini d’installer la table que son acolyte de jeu révèle (you see what I did there…) sa présence et engage sans plus tarder les hostilités. Dans les ténèbres mi-obscures du 31ème millénaire, l’antique jeu de belote se joue en effet à deux plutôt qu’à quatre, et sur un plateau de jeu avec figurines en plus du traditionnel paquet de cartes. En fait, ça ressemble furieusement à une version Shadespirée des échecs, et ça a l’air donc vachement cool, d’autant plus que toutes les pièces se trouvent être des représentations des Primarques engagés dans l’Hérésie d’Horus2. Comme à chaque partie depuis leur internement respectif, Pépé et… Mémé ? rejouent la bataille finale de l’Hérésie, avec l’Empereur dans son propre rôle et Malcador dans celui de ce fripon d’Horus. Et comme à chaque fois depuis le début de ces amicales sessions, le Sigillite constate que son adversaire passe son temps à tricher. Manipulation de la pioche, duplication de cartes, ajout de pièces non WYSIWYG en cours de jeu… s’il y avait un arbitre, celà ferait longtemps que le Maître de l’Humanité aurait mangé son ban. Malheureusement pour lui, Malky ne peut compter que sur lui même pour se faire justice, ce à quoi il s’emploie avec toute la rouerie et la malice qu’on lui connaît.

En face de lui, l’Empereur semble peu intéressé par le déroulé de la partie, et joue franchement comme une savate, seulement sauvé par sa capacité à top decker comme un porcasse avec une régularité des plus suspectes. Ajoutant l’insulte à l’outrage, il se permet même de tancer son partenaire sur son faible niveau de jeu, alors que Horus, lui, était un opposant digne de ce nom. Sans doute très fatigué par l’enchaînement des nuits blanches à pousser sur son trône (la constipation psychique est un problème commun chez les démiurges millénaires, tous les auxiliaires de vie vous le diront), Big E va même jusqu’à utiliser des mots très durs à l’encontre de son vieux comparse, au point d’arracher à ce dernier des larmes de collyre. Qu’à cela ne tienne, Malcador en a vu d’autres, et met à profit sa rogne pour sortir un enchaînement digne de Magnus Carlsen le Rouge, le laissant en position de remporter la partie au coup suivant. « Ha ha, tu l’avais pas vu venir celui-ci, bouffi » exulte notre vieillard échevelé, pas peu fier de tenir sa première victoire en 1.834.427 confrontations. Sauf que, sauf que… Sauf que l’Empereur est décidément un mauvais joueur à la main leste, et trouve le moyen de substituer à son Roi Empereur lui-même une nouvelle pièce, le Fou, qui va héroïquement se sacrifier pour lui permettre de gagner la partie. Comble de la bassesse, le Fou a la tête de Malcador, à qui il prend l’envie folle de fracasser l’échiquier sur le crâne de son suzerain.

Sur ces entrefaites, une estafette se présente à la porte, et vient apporter la nouvelle tant redoutée au Premier Seigneur de l’Impérium : la flotte d’Horus vient de se matérialiser dans le système solaire, et la plus grande bataille de l’Humanité est sur le point de s’engager. Cherchant du regard son boss, Malcador a la surprise de s’apercevoir qu’il est seul dans la pièce, et l’a apparemment toujours été, d’après le retour un peu honteux du messager, qui n’a pas osé déranger tout de suite l’aïeul vociférant qui faisait une tournante autour du plateau de jeu à son arrivée. Conclusion de l’histoire : la grande vieillesse est un naufrage, mais au moins, on ne s’ennuie pas.

1 : Et je ne rigole même pas, la nouvelle commence par un constat par Macaldor et le chef de l’Adeptus Astra Telepathica du tapage nocturne diurne warpurne généré par l’approche de la flotte traîtresse.

2 : On comprend mieux du coup pourquoi l’Empereur tenait absolument à avoir un nombre pair de rejetons. C’est mieux pour équilibrer les parties.

AVIS:

The Board is Set est une nouvelle intéressante, mais dont l’inclusion dans un BLC ne tombait pas, de mon point de vue, sous le sens. Parmi les qualités notables de cette soumission, on peut mettre en avant l’art consommé avec lequel Thorpe distille à la foi clins d’oeil aux évènements passés et à venir de l’Hérésie, à coups de manœuvres lourdes de sens des pièces sur l’échiquier et de remarques sibyllines soufflées par un Empereur plus que jamais omniscient au bras droit/fusible qu’il s’apprête à griller, mais également allusions fluffiques subtiles, sur lesquelles les fans hardlore passeront des pages et des pages à s’étriper, par les mêmes biais que ceux donnés ci-dessus. Même sans être un amateur transi du style du Gav, on peut lui reconnaître un certain talent de mise en scène de ces passages prophétiques, ce qui n’était pas gagné d’avance au vu du casting de monstres sacrés qu’il convoque.

À titre personnel, j’ai également apprécié la tirade que MoM (Master of Mankind) balance à son larbin dans le but de le mettre en rogne et de le forcer à la jouer comme Lupercal, qui est un condensé de remarques blessantes mettant en évidence que Malcador n’a été qu’un outil utilisé par l’Empereur pour arriver à ses fins, et qu’il n’aura absolument aucun scrupule à s’en débarrasser une fois qu’il n’en n’aura plus l’usage. Ce discours des plus cash trouve une résonnance particulière depuis Dark Imperium, où il est clairement indiqué la dualité de l’Empereur dans ses « sentiments » envers ses congénères : incapable d’aimer l’homme, mais absolument dévoué à l’Humanité. On peut alors se demander si les piques envoyées par Pépé ne sont pas simplement le fond de sa pensée, qu’il livre à un Malcador qui reste persuadé qu’il ne s’agit que de la manoeuvre d’un monarque bienveillant et attentionné pour lui faire donner le meilleur de lui-même. Chacun se fera sa religion sur le sujet, mais cette dualité d’interprétation est assez intéressante.

D’un autre côté, The Board is Set s’avère être l’antithèse absolue de la nouvelle à mettre dans les pattes d’un novice de la BL ! Regorgeant de sous-entendus et d’Easter eggs qui feront les gorges chaudes des lecteurs vétérans, pour peu qu’ils soient des fluffistes un minimum intéressés, cette soumission possède en effet une valeur ajoutée littéraire qui passera à 31.014 pieds au dessus de la tête du newbie. Il est plutôt probable que ce dernier ressorte du propos de Thorpe ou perplexe ou soulé par l’accumulation de mentions et notions « members only » qui lambrissent les pages d’un bout à l’autre du récit. D’une manière plus large, on peut considérer l’Hérésie d’Horus comme étant, de manière générale, une franchise trop spécialisée pour être incluse dans des ouvrages de « propagande » de la Black Library. Sans mettre en question l’intelligence et les capacités de déduction du novice moyen, je doute en effet qu’il ait la patience ou l’intérêt pour percer à jour les tenants et aboutissants de cette absconse partie de Cards against Humanity. Bref, la définition même de l’acquired taste, et en tant que tel, aussi surprenant qu’une douzaine d’huitres au fond d’un Happy Meal.

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Grandfather’s Gift – G. Haley [HH]:

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INTRIGUE:

Grandfather's GiftLe propos de notre récit se situe dans un jardin public, où un clochard toxicomane émerge péniblement d’un sniff de crack frelaté, dans une tenue étrange et avec une très vague idée de qui il est et ce qu’il fait là. Vous allez me dire : « C’est pas une nouvelle de l’Hérésie ça, c’est la Villette un mardi matin classique ». Vous auriez raison, sagaces lecteurs, ne serait-ce que pour les quelques détails ci-après : le jardin est géré par le NURGLE (Node Urbain de la Régie Générale de Laval Est), le clochard est un Primarque, et la mémoire qui lui revient progressivement lui apprend, et nous avec, qu’il est Mortarion, seigneur de la Death Guard.

Malgré ces débuts prometteurs, Morty se demande bien comment il est arrivé dans ce bouge, lui qui aux dernières nouvelles travailllait tranquillement dans son laboratoire de la planète de la peste à quelque grand dessein arcano-technologique. Plus curieux qu’inquiet devant le charme sauvage de l’endroit, à mi chemin entre le jardin anglais dans toute sa bucolique liberté et le fond d’un baril d’eau lourde oublié dans un terrain vague de Chernobyl, notre Primarque décide de partir en vadrouille, espérant trouver un agent municipal qui lui indiquera la station de tram la plus proche pour l’Oeil de la Terreur. Au bout de quelques secondes/minutes/heures/jours/mois/années/siècles/éons, il finit par tomber sur un Grand Immonde, en chair autant qu’en larmes, auprès duquel il s’enquiert poliment des raisons de son tracas. On a beau dire ce qu’on veut des qualités paternelles de l’Empereur, il a su inculquer à ses fils des manières tout ce qu’il y a de plus urbaines.

Khu’gath, car c’était lui, se fait un plaisir de rafraîchir la mémoire du dormeur du val, le taquinant au passage sur son aveuglement volontaire, et hilarant, quant au fait qu’il soit un psyker, appellation que Mortarion refuse catégoriquement1. Toujours totalement perturbé par une enfance difficile et un complexe d’Oedipe asymétrique (il veut tuer son père et… tuer son père) mal digéré, notre héros atrabilaire ne démord pas qu’il est un scientifique et non un praticien des arts occultes, ce que Khu’gath, conciliant, finit par lui accorder. En guise de cadeau d’adieu, l’affable démon a la bonté de remodeler le Primarque a sa véritable image, ailes de bourdon (l’animal totem de Mortarion) incluses, et de lui souffler à l’oreille la raison de sa venue à Neverland. Le bon Papa Nurgle lui a organisé une chasse au trésor pour le récompenser de sa piété, et l’âme de son beau-père l’attend quelque part sous les frondaisons moites de son jardin.

« Bon sang, mais c’est bien sûr ! » s’exclame Mort Shuman, qui s’envole à tire d’aile chercher la récompense qu’il poursuit depuis si longtemps, et qu’il finit par trouver, disséquer et enfermer dans une fiole en un tour de faux. Satisfait d’avoir rayé cet important item de sa to do list personnelle, Mortarion peut enfin regagner ses pénates et appeler son psy pour convenir d’une prochaine séance, se jurant au passage qu’il finira par régler ses comptes avec son autre père, dont la lampe torche psychique clignote en lisière du jardin de Grand-Père Nurgle. Pépé ou Papy, il fallait choisir, et il a choisi !

1 : « Tu es un sorcier, Mort- » « AGNANANANA, JE N’ENTENDS RIEN-EUH !»

AVIS:

Grandfather’s Gift a beau se concentrer sur un épisode somme toute négligeable de la saga de Mortarion, personnage l’étant – jusqu’à récemment – tout autant en termes d’importance sur le lore de 40K, sa (courte) lecture n’en demeure pas moins intéressante, en ce qu’elle permet à Haley de poursuivre sa description pour le moins contrastée du Primarque de la Death Guard, déjà généreusement ébauchée dans Plague War : celui d’un être totalement paradoxal, qu’il est le seul à ne pas voir, ce qui a la fâcheuse tendance à miner son autorité naturelle. Prince Démon jurant ses grands dieux qu’il a réussi à dompter les forces du Chaos à force d’études et d’analyses tout ce qu’il y a de plus scientifiques, Morty apparaît comme un être aussi amer que pathétique, ce qui contribue à le rendre intéressant, même si la frontière est fine entre profondeur tourmentée et ridicule patenté. L’autre trait notable de son caractère, le mépris souverain qu’il semble éprouver envers toute chose (la condition humaine, ses frères, ses pères) pourrait tout autant le magnifier que le plomber, si utilisé de manière peu fine par un auteur en manque d’inspiration1. Affaire à suivre, donc.

Pour poursuivre mon fil rouge BLC-esque, enfin, je dois reconnaître que l’inclusion de cette nouvelle au recueil s’avère un choix assez pertinent, puisqu’elle offre au lecteur novice une bonne présentation d’un lieu (de) culte des franchises de Games Workshop : les fameux jardins de Nurgle, en plus d’une introduction intéressante au concept de « destruction créatrice » // « je meurs donc je ris » qui est à la base du dogme prouteux. L’utilisation de l’amnésie de Mortarion permet également à Haley de présenter le background de ce dernier de manière progressive et pédagogique, brossant en toile de fond les grandes lignes du fluff de 31K. Bref, une soumission qui répond plutôt bien au cahier des charges, sans pour autant se révéler être vide de substance pour les vieux BL-iscards. Pas mal du tout.

1 : L’extrait gratuit de La Dague Enfouie de James Swallow me fait ainsi redouter le pire pour le DG de la DG, qui apparaît comme le pion d’un Typhus même pas respectueux de son père génétique, sans que ce dernier ne s’en offusque.

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Le Cadeau de Nurgle – G. Haley [40K]:

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INTRIGUE:

Nurgle's GiftDans un village sans nom d’une planète oubliée, la poussée annuelle de gastro-entérite a pris des proportions démesurées. Impuissants face à cette hécatombe, que même leurs prières à l’Empereur1 ne suffisent pas à enrayer, et profitant du décès inopiné du maire du village, qui avait de son vivant prôné une approche dévôte du problème, les habitants du lieu tentent le tout pour la toux, et laissent un message sur la boîte vocale (un magnifique triple gong auto-réparant) des cultistes de Nurgle les plus proches. Leurs prières sont exaucées lorsque, des brumes épaisses tombées depuis la montagne toute proche, six guerriers célestes se traînent péniblement jusqu’au centre du village un beau matin.

Aussi affligés par la souffrance des pauvres Insertdataherois que par les nombreuses attentions de Papa Nurgle, les Space Marines du Chaos proposent à leurs hôtes un marché qu’ils ne peuvent pas refuser. En échange de la remise du seul membre de la communauté ayant encore des caleçons propres, un frêle garçonnet répondant au nom de Marven, ils promettent de délivrer les villageois du mal qui les ronge. Les quelques remords nourris par les plus intègres des ploucs ayant été rapidement balayés par les appels au bien collectif éructés par la guérisseuse du cru, prête à tout pour récupérer un stock de Smecta, l’élunisé est amené devant les Astartes suintants, et se met à suer à grosses gouttes. Non pas parce qu’il a peur de ce qui va lui arriver (quoique), mais surtout car il s’est fait mordre par un Nurgling alors qu’il jardinait quelques minutes plus tôt, ce qui est autrement plus grave qu’une plaie infligée par un clou rouillé, reconnaissez-le.

Heureusement pour Marven, derrière leur aspect redoutable, les Space Marines se révèlent être des bonnes pâtes, à la recherche d’un aspirant qui leur permettrait de retrouver l’effectif magique de sept guerriers jurés de Nurgle (en plus de leur permettre de participer à la ligue d’Ultimate Frisbee de l’Oeil de la Terreur, ce qui est appréciable). C’est donc en compagnie de leur nouvelle recrue que les prouteux repartent du hameau pestiféré, au grand désespoir des villageois qui n’ont gagné au change qu’une éternité de tourment, le cadeau du Dieu jardinier à leur égard étant une bien amère immortalité. C’est ce qu’on appelle être damné par le gong.

1 : Les ravages de la proseuchopathie ne sont hélas plus à démontrer. Même l’homéopathie a de meilleurs résultats, c’est dire.

AVIS:

Pas grand chose à tirer ou à dire sur cette nouvelle format mignonette, qui aurait pu (et dû, si vous voulez mon avis) être intégré dans un encart background du Codex Space Marines du Chaos. Haley ne trousse ici guère plus qu’un texte d’ambiance, présenté sous forme d’un conte (un de ses formats fétiches, apparemment), mettant en garde le lecteur contre la tentation de négocier une rémission avec les élus de Nurgle. À moins d’être aussi neuf dans l’univers de 40K qu’un Primaris au sortir de sa cuve, le lecteur n’apprendra donc rien de ce Cadeau de Nurgle, qui tient plus de la réduction immédiate en caisse de 30 centimes sur une poire à lavement que du week-end de cure thermale sur Iax. Insister un peu plus sur une dualité intéressante de Papy Prout, à peine ébauchée dans le récit – Nurgle cherche à recruter des individus capables de résister à la déchéance physique et au désespoir, ce qui peut sembler contre-intuitif de prime abord et le distingue des autres Dieux du Chaos, dont les suivants embrassent pleinement les préceptes – aurait permis à la nouvelle de gagner en intérêt, mais ce ne sera pas pour cette fois.

Bref, et cela peut sembler paradoxal, je mettrais un avis défavorable à l’inclusion de cette nouvelle au recueil Black Library Celebration, pour des raisons inverses que l’autre soumission Hérésie d’Horus (comparaison d’ailleurs erronée car Le Cadeau de Nurgle est du 40K pur jus). L’une était trop avancée pour le newbie moyen, celle-ci est au contraire trop simple. L’équilibre est difficile à trouver…

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Endurance // Endurer – C. Wraight [40K]:

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INTRIGUE:

EnduranceSur le monde ruche de Lystra, l’escouade du frère Sarrien des Imperial Talons livre un combat d’arrière-garde aussi noble que vain contre les hordes innombrables des Zombies de la Peste ayant plus ou moins remplacées la population locale. Envoyés au casse-pipe pour permettre à un fonctionnaire de l’Adeptus Administratum obèse et tire au flanc (du moins, c’est comme ça que Sarrien se le représente) de maintenir son quota de dîme mensuel, ou autre raison purement technocratique, les braves Space Marines tiennent la ligne du mieux qu’ils peuvent, mais même leur constitution suprahumaine commence à donner d’inquiétants signes de fatigue. Pour ne rien arranger, les lignes de ravitaillement avec le reste de l’Imperium sont totalement coupées, ne laissant à nos fiers héros que la bonne vieille énergie cinétique pour défendre le domaine de l’immortel Empereur contre la corruption galopante titubante représentée par les Stumblers. Isolé de ses frères pour maximiser l’efficacité du soutien martial et moral que les Astartes représentent pour leurs alliés de la Garde, Sarrien débute la soirée comme toutes les autres auparavant : il chante chante chante ce rythme qui lui plaît (Endure ! For the Emperor ! Stand Fast ! Chihuahua !) et il tape tape tape (c’est sa façon d’aimer). On comprend cependant assez clairement que notre héros en a gros, et qu’il n’y a que son exemplaire éthique qui le pousse à suivre des ordres qui lui semblent totalement débiles.

À quelques encablures de cette planète condamnée, nous faisons la connaissance de notre deuxième protagoniste, le réfléchi (il ne court jamais) et hédoniste Dragan, Death Guard appartenant à la faction des Lords of Silence. Bénéficiant d’un quartier libre entre deux opérations de grande ampleur, Dragan a embarqué sa coterie sur son vaisseau personnel, l’Incaligant, et vogue là où le Warp le mène, massacrant tous les Impériaux qui lui tombent sous le moignon au passage. Les petits plaisirs de la vie, il n’y a que ça de vrai. Ayant fondu (dans tous les sens du terme) sur un transporteur de troupes de la Garde Impériale dépêché sans escorte en renforts de Lystra, Dragan décide sur un coup de tête, une fois le carnage expédié, d’emmener ses ouailles sur le monde en question, où il suppute (en même temps qu’il supure) qu’une distraction peut être trouvée.

Nous retrouvons ensuite Sarrien, toujours plus amer et toujours plus crevé, qui décide d’aller rôder derrière les lignes ennemies pour… le fun ? (étant donné que les défenseurs sont au bout du rouleau et s’attendent tous à crever, et que l’adversaire n’a aucune chaîne de commandement à décapiter ni de cibles stratégiques à prendre, l’utilité de la manœuvre me semble obscure). Bien que durement éprouvé par des semaines de combat sans répit, notre surhomme se révèle malgré tout capable de faire mordre la poussière à son poids en Stumblers, voire plus, jusqu’à ce qu’il tombe sur un Fatty dont l’odeur corporelle, ou l’aura de zenitude, c’est selon, est telle qu’il a bien du mal à lever la main sur lui. Malgré l’attitude résolument peace man du gros lard, Sarrien parvient à le décoller proprement, non sans que sa victime n’ait eu le temps de le prévenir 1) des dangers physiques et mentaux du surmenage (il devait être élu au CHSCT dans sa première vie), 2) de l’arrivée prochaine du Potencier (Gallowsman). Bien en peine de faire quelque chose de cette information, et sappé comme jamais, l’Imperial Talon décide de se rentrer, avec l’espoir futile de trouver un McDo encore ouvert sur le chemin pour s’envoyer un bon Coca bien frais.

De son côté, Dragan a fini par arriver en orbite autour de Lystra, et emmène sa bande sur les lieux du dernier conflit agitant encore la planète, dans l’espoir de trouver un adversaire de valeur. Escortés par quelques cohortes de die hard fans, les Lords of Silence progressent pondéreusement vers la ligne de front, où les attendent…

Spoiler Des Iron Warriors. Eh oui. Car en fait, Sarrien et Dragan ont visité Lystra à deux moments distincts, petite surprise savamment préparée par Wraight. Il est d’ailleurs fortement suggéré que Sarrien est devenu Glask (le second de Dragan, qui passe son temps à l’appeler Potencier – au grand ennui de son boss – et dont la jambe torse pourrait être la conséquence de la blessure subie par Sarrien au même endroit à la fin de la campagne) peu de temps après sa rencontre avec le gros plein de pus, lorsque, finalement submergé par le nombre de ses ennemis et l’amertume envers l’Imperium, il a décidé que sa survie était plus importante que son devoir. Ceci dit, le récit se termine sur un flou artistique et un amoncellement de Zombies affamés sur Sarrien, dont le salut final n’est pas garanti, ralliement à papa Nurgle bien acté par ce dernier ou pas. Quelques dizaines/centaines/milliers d’années plus tard, Dragan est quant à lui saisi d’une impression de déjà vu alors qu’il corrode les armures chromées de ces frimeurs de la IVème, ce qui ne fait que renforcer l’hypothèse de la défection de Mr Talon. Fin du spoiler

AVIS:

Mis à part le manque de clarté de sa conclusion (voir la partie spoiler ci-dessus), Endurance est une soumission solide de la part de l’ami Wraight, sans doute rédigée en accompagnement de son roman The Lords of Silence pour un galop d’essai littéraire. En quelques pages, Chris arrive ainsi à donner une véritable profondeur à ses répugnants héros, dont l’attitude chill, thrill & kill les distingue clairement des autres factions d’Astartes chaotiques et renégats de notre sombre galaxie, en plus de s’accorder parfaitement avec la philosophie débonnaire de Papa Nurgle, ce qui ne gâche rien. Sans rien galvauder de leur nature éminemment mauvaise, Wraight réussit également à rendre attachant (sans mauvais jeu de mots) le personnage de Dragan, dont le caractère égal et l’approche désinvolte de sa pestilentielle vocation le font apparaître comme éminemment plus sympathique que le Seigneur du Chaos lambda de la BL. De l’autre côté du ring, Sarrien s’avère moins mémorable, mais le récit que fait l’auteur de la lutte désespérée du loyaliste pour retarder l’inévitable, de part son caractère assez original (il combat en solo, et pas avec le reste de son escouade) et la bonne prise en compte des effets débilitants de la fatigue et des blessures sur la constitution d’un Space Marine – qui reste une machine de guerre insurpassable, mais peut se mettre dans le rouge s’il tire trop sur la corde – s’avère prenant et plaisant, sur les quelques pages qu’il dure. Une nouvelle SM comme je les aime donc : courte dans son propos, précise dans son dessein, efficace dans sa réalisation et à twist dans sa conclusion. Prenez-en de la graine, les rookies.

Gardant une nouvelle en fois en tête le but premier d’un recueil tel que celui dans lequel elle a été incluse, j’ajouterai pour conclure qu’Endurance fait un beau boulot de présentation d’une faction amenée à jouer un rôle important dans l’univers 40K (la Death Guard), en plus de donner assez envie de lire le long format mettant en vedette les Lords of Silence. Que l’exploration d’un concept central du fluff, le ralliement d’un Space Marine loyaliste au Chaos, soit également présente pour l’instruction des lecteurs novices ajoute encore a l’intérêt du propos, qui mérite donc largement sa place dans le Black Library Celebration 2019.

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A Company of Shadows // La Compagnie des Ombres – R. Harrison [40]:

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INTRIGUE:

A Company of ShadowsLes choses ne se passent pas tout à fait comme prévu sur le front de Gholl pour la Commissaire Severina Raine et ses Fusilières du 11ème régiment d’Antari, forcés d’effectuer un redéploiement stratégique depuis la cité de l’Arrête de Caulder suite à la poussée de ces diables de Clairvoyants. Escortant un officier impérial aussi important pour la suite de la campagne qu’insupportable de morgue, l’escouade de Raine embarque dans une Valkyrie, promptement descendue par un missile qui lui a grillé la priorité à droite, avec des conséquences variant du dommageable au définitif pour notre petite bande de personnages, qui se trouve encore réduite une fois le sol atteint. Perdus au milieu des contreforts escarpés et sous contrôle ennemi connus sous le nom de la Gueule, ralentis par leurs blessés et ne pouvant décemment laisser tomber leur charge entre les mains des cultistes, qui ont déjà démontré de manière graphique qu’ils faisaient grand et bon usage des gradés impériaux, Raine et ses hommes décident de tenter un bluff pour priver les Clairvoyants de leur proie. L’intrépide Commissaire endosse donc l’uniforme de la Tacticae Principal, et organise un dernier carré ne pouvant se terminer par autre chose que sa capture, mais permettant, l’Empereur aidant, au colis d’être récupéré ni vu ni connu par les renforts de la Garde. Téméraire mais pas suicidaire, Raine prend soin de confier au Sergent Wyck (Daven de son nom malheureusement, et pas Jöhn) sa montre de gousset, dont l’imprégnation psychique devrait permettre à un psyker digne de Lui de la retrouver jusque dans le bastion des chaotiques.

Le succès quasi total de la première partie de ce plan audacieux laisse donc nos héros séparés. D’un côté, un commando d’Antaris, incluant, outre les Farouches de Wyck, une escouade de Storm Troopers menée par le Capitaine Andren Fel, âme damnée et probable love interest de Miss Raine, ainsi que la psyker sanctionnée Lydia Zane, se lance dans une course contre la montre (mais avec le concours de cette dernière également, if you see what I mean) pour extraire leur petite camarade des griffes des Clairvoyants. De l’autre, cette dernière a la désagréable surprise d’apprendre que les cultistes ne sont absolument pas tombés dans le panneau, mais qu’ils voulaient la capturer depuis le début. C’est ce que lui apprend le magos en charge des opérations, un charmant individu répondant au nom d’Arcadius Verastus, alias 9/9. Il a en effet perçu dans l’âme de sa prisonnière un potentiel des plus alléchants, qu’il compte offrir à Tzeentch pour favoriser son avancement. Ayant manifestement un peu de temps à tuer avant Severina, il prend plaisir à soumettre l’inflexible Commissaire à un interrogatoire poussé, s’insinuant sans gène dans son esprit pour tenter de lui dérober ses secrets les plus honteux1. Même si ces introspections malpolies permettent au lecteur d’en apprendre un peu plus sur le passé de Raine, et notamment le fait qu’elle a repris le nom de sa mère (la Raine-Mère donc), Lord-General Militant de carrière, et choisi d’enterrer celui de son père, sommairement exécuté pour couardise, elles coûtent cher au psyker indélicat, qui se prend une mandale mentale dans les gencives pour sa peine. Victoire morale de l’Imperium.

Pendant ce temps, les intrépides sauveteurs en terre et Antari réussissent à franchir les cordons de sentinelles (pas si) Clairvoyantes (que ça) grâce à leur badasserie naturelle, et à pénétrer dans le bastion ennemi grâce au traqueur GPS de Zane, qui voit clair à travers les illusions tissées par les sorciers ennemis et emmène ses camarades dans la gueule du loup sous couvert d’un tour de passe-passe de son propre cru. Juste à temps pour empêcher l’énucléation et égorgement sauvage de Purple Raine (interrogatoire musclé oblige) par 9/9, qui apprécie moyennement l’intervention non scriptée des bidasses en folie, et se met à leur tailler des croupières psychiques pour la peine. Malheureusement pour Arcadius, Zane détient un MBA de Stanford en occultisme, alors que lui a à grand peine bouclé sa première année de BTS au Lycée Professionnel Ohrmuzd Ahriman de Vaulx-en-Velin, et la confrontation qui s’en suit est à sens unique. Bien que jurant son grand dieu que tout ça faisait partie de son plan, Arcadius a donc l’obligeance de décéder de mort violente quelques secondes plus tard, après que sa prisonnière lui ait mis un peu de plomb dans la cervelle.

Dès lors, il ne s’agit plus pour nos hardis Antaris (Anthardis donc) que d’évacuer les lieux avant que le Haut Commandement ne déclenche le bombardement orbital de la Gueule, ce qui n’est bien sûr qu’une formalité pour ces soldats d’élite. Voilà comment transformer une honteuse défaite en glorieuse victoire, et arracher l’initiative aux hordes damnées contestant la mainmise de Pépé sur la belle planète de Gholl. Comme on dit chez les Ogryns : Go Gholl !

1 : Comme le nom du Primarque sur lequel elle a écrit des fan fictions torrides pendant ses années à la Schola Progenium. On a tous été jeunes !

AVIS:

Nouvelle conséquente dédiée à la nouvelle égérie de la BL, catégorie Commissaire, A Company of Shadows permet à Rachel Harrison de donner du relief à son imposante galerie de personnages, ainsi que de situer le cadre dans lequel ils évoluent. Tout cela est fait de manière fort capable, et dénote d’une belle ambition en terme de construction d’intrigue , mais le grand nombre de points communs avec la saga Gaunt’s Ghosts (une Commissaire héroïque avec un lourd secret de famille et ses relations tantôt amicales – Fel = Corbec – tantôt à couteaux tirés – Wyck = Rawne – avec les officiers de son régiment, qui sont des super soldats venant d’un monde recouvert de forêts, et engagée dans une vaste campagne contre une faction chaotique…) ne risque-t-il pas d’être rédhibitoire à la dernière née de la Black Library ? Même s’il est plus que probable qu’Abnett approche de la toute fin de sa propre série, à supposer qu’il démarre un nouveau cycle après celui de La Victoire, et laissera donc le champ libre à d’autres auteurs dans un futur plus ou moins proche, il est loin d’être évident que les lecteurs de la BL adhèrent en masse à ce qui sera toujours perçu, plus ou moins consciemment, comme la resucée de la saga phare 40K. Le succès du premier roman de cette nouvelle série en puissance, Honourbound, sera sans doute déterminant pour le futur de Raine et de ses Antari, comme First and Only l’a été, en son temps, pour Gaunt et ses Tanith.

Comme à chaque fois, finissons par poser la question qui fâche : cette nouvelle a-t-elle sa place dans un recueil d’abord dédié aux novices de la BL ? Réponse contrastée de la part de votre humble serviteur en ce qui concerne A Company of Shadows. Bien que voyant l’intérêt pour GW de faire découvrir au plus grand nombre une de leurs nouvelles têtes d’affiche (comme Hamilcar peut l’être pour Age of Sigmar), et que cette soumission s’avère être d’assez bonne, même si classique1, facture, l’impression d’être plongé sans introduction dans un arc narratif déjà bien en place risque de désarçonner plus d’un nouveau client en puissance. Avec sa petite dizaine de protagonistes d’importance, et bien que certains meurent au cours du récit, dont les relations mutuelles semblent tomber sous le sens pour Harrison, on peut avoir l’impression de débarquer dans une série en milieu de saison, ce qui peut présenter un challenge intéressant d’un point de vue intellectuel, mais n’est pas de tout repos. Pour donner un exemple plus proche de notre propos, c’est comme si la BL avait inclus In Memoriam dans un hypothétique BLC 2001, à la place du plus didactique Ghostmaker. C’est très bien de faire confiance à la capacité d’adaptation du hobbyiste moyen, que je pense être naturellement plus élevée que la moyenne, mais attention à ne pas noyer bêtement des lecteurs potentiels en les balançant d’office dans le grand bain.

1 : Ce qui est plutôt un point fort dans ce contexte particulier, les expérimentations – mêmes concluantes – du type Seven View of Uhlguth’s Passing n’étant pas vraiment newbie friendly.

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Gods’ Gift // Don des Dieux – D. Guymer [AoS]:

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INTRIGUE:

Gods' GiftPrenant place après les évènements narrés dans Great Red et The Beasts of Cartha, pour ne citer que deux des précédentes aventures de notre fougueux héros, Gods’ Gift voit Hamilcar et quelques uns de ses potes des Astral Templars accomplir une mission d’intérêt général, sans doute pour avoir commis quelque tour pendable à une chambre rivale lors d’une permission à Hammerhall. Il s’agit en l’état de punir et faire stopper les exactions d’une bête monstrueuse s’amusant à disposer des hardis bûcherons d’un camp de colons récemment implanté dans les terres farouches de Ghur, tâche récréative pour des Stormcast Eternals de la trempe de nos gais lurons. Guidés par un local – Fage – qui malgré son âge vénérable semble tout émoustillé par la seule présence des Elus de Sigmar, Hamilcar & Cie s’embarquent donc dans une épopée aussi directe et rapide qu’une quête de zone de didacticiel de World of Warcraft.

Depuis le relevé de empreintes jusqu’à la constatation de l’heure du décès, ou plutôt, de l’abattage, il ne se passera ainsi qu’une petite journée, soit une vingtaine de pages pour le lecteur, juste le temps pour Ham’ de piquer un roupillon qui lui apportera un rêve plus ou moins prophétique, dans lequel un chêne vient lui chanter Je suis malade (ce qui est ‘achement dur pour un végétal, et mérite le respect), ce qui lui permettra de prendre une décision des plus inspirées quelques heures plus tard. La nouvelle se terminant pour un petit cliffhanger pas vraiment haletant, mais sans doute important pour la suite de la saga d’Hamilcar (Mark de son prénom), le lecteur en est quitte pour embrayer sur directement sur la première, ou plutôt le premier roman dédié à Guymer à sa coqueluche hirsute (Champion of the Gods), dans lequel il est presque certain que des réponses seront apportées aux questions laissées en suspens à la fin de Gods’ Gift.

: L’Homme Arbre qui s’était chargé de la besogne de déshumanisation – c’est comme la désinsectisation, mais avec des primates – servant de pied à terre racine à humus à une sylvaneth passablement enrhumée.

AVIS:

Malgré les dizaines de titres que compte sa bibliographie BL à l’heure actuelle, ce n’était que la deuxième soumission de Mr Guymer m’étant tombée sous la main depuis l’inaugural The Tilean Talisman, initialement publié en 2011. Et je dois dire que mon appréciation de l’œuvre du bonhomme est resté scrupuleusement identique, huit ans plus tard : des aptitudes certaines en terme de narration, avec des personnages au minimum distrayants, à défaut d’être immédiatement attachants (mention spéciale à Brouddican, l’Hillarion Lefuneste personnel de cette grande gueule d’Hamilcar), relevé par quelques notes boisées – c’est le cas de le dire – de fluff, plombées par une vacuité de l’intrigue assez rédhibitoire. C’est bien simple, celle de Gods’ Gift (d’ailleurs, on ne comprend pas vraiment quel est le don auquel Guymer fait référence dans le titre de sa nouvelle1) s’articule en deux temps trois mouvements, sans qu’on ait l’impression d’une quelconque progression entre le début et la fin de la nouvelle. Hamilcar traque un monstre. Hamilcar rêve d’un chêne. Hamilcar tombe dans une embuscade d’Hommes Bêtes (il faut bien qu’il montre qu’il est un cador du corps à corps). Hamilcar débouche sur un bosquet de chênes sacrés, gardé par… le monstre qu’il traquait. Coup de bol. Baston. Victoire. Fin.

Bref, rien de bien challengeant pour l’intellect du lecteur, qui aurait pu s’attendre à quelques liens de causalité entre les différents éléments constitutifs du propos de Guymer. Rien de tel ici, ou de manière tellement évidente et peu fine que les relever n’a pas grand intérêt. Comme dit plus haut, cela peut sans doute se justifier par le fait que Gods’ Gift est un rehaut littéraire à un travail plus conséquent, avec lequel l’auteur prend bien soin de faire la liaison. Telle la rondelle de tomate venant décorer une entrecôte frites, cette nouvelle peut être consommée si on a vraiment faim, mais ne remplira pas l’estomac pour autant. Et comme dit plus tôt (Décembre 2014, pour être précis), c’est plutôt cher payé pour ce que c’est. On me souffle dans l’oreillette que c’est fois ci, c’est gratuit. Bon. Mais avant cela, cela ne valait certes pas les 2,99€ demandés. Rem-bour-sez nos in-vi-tat-tions !

1 : Soit ce sont les visions vagues envoyées par Sigmar, soit c’est le photophore magique remis par icelui, et qui permettra à notre fier héros de venir à bout de Marylise Lebranchu. Au lecteur de décider s’il prend le messie ou la lanterne.

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The Ghosts of Demesnus // Les Fantômes de Demesnus – J. Reynolds [AoS]:

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INTRIGUE:

Ghosts of DemesnusProfitant d’une permission bien méritée, le Lord-Celestant Gardus Steel Soul, tourmenté par des rêves le ramenant sans cesse à son passé de mortel, s’embarque pour une croisière bucolique jusqu’à la cité où il a vécu sa première existence, dans l’espoir de pouvoir mettre des mots sur sa soudaine mélancolie. Débarqué incognito (enfin, aussi incognito qu’une taille et une stature de Stormcast Eternal peuvent conférer) dans la riante Demesnus, port fluvial d’importance du royaume de Ghyran, Gardus, autrefois Garradan, baguenaude pensivement de ruelles en parcs, à la recherche des bribes d’un passé déjà lointain. À peine a-t-il le temps de rosser un trio de faquins cherchant des noises à une accorte damoiselle en représailles de la lépreuse compagnie qu’elle entretient, et d’échanger quelques platitudes avec son professeur de philosophie de terminale, que les voix qui le hantent l’amènent droit dans les ruines de son ancien hospice. Dans une autre vie, Gardus était en effet ostéopathe guérisseur, et avait dédié sa vie et ses économies à accueillir les nécessiteux des alentours, avec un dévouement ayant fini par attirer l’œil de Sigmar en personne, qui, à la faveur d’une attaque de Skineaters1, drafta le malheureux praticien dans sa team de surhommes. Sûrement qu’il avait besoin d’un massage, aussi. Malgré l’aspect décrépit du lieu, laissé à l’abandon depuis belle lurette, Gardus a la surprise de tomber sur une communauté de squatteurs, pas vraiment présentables et majoritairement scrofuleux, pestiférés, voire pire, mais persuadés que Saint Garradan les a appelés en ce lieu pour qu’hommage lui soit rendu.

Un peu gêné par la situation, qu’il n’a en aucune mesure orchestrée, le probe Gardus accepte l’hospitalité de ses nouveaux amis, dont fait partie la pauvresse qu’il a secourue sur les docks quelques heures plus tôt. Cette dernière, et le Prêtre Guerrier de Sigmar invalide à 134% qui sert d’autorité morale à la croûteuse congrégation, attendent le prochain signe de Gare du Nord avec un zèle admirable, totalement oublieux aux réalités les plus basiques, comme le droit de propriété. D’où la visite de courtoisie que vient leur rendre le possesseur du terrain en question, un maquignon à la retraite du nom de Sargo Wale, bien décidé à lancer les travaux de réhabilitation de l’ancien hospice dans les meilleurs délais, et par la force s’il le faut. Il faut reconnaître qu’il a la loi de son côté, la trêve hivernale ayant expiré et le conseil municipal lui ayant délégué tout pouvoir pour faire triompher l’intérêt commun. Entre l’alignement légaliste bon de Wale et celui chaotique (un comble pour un Stormcast Eternal) bon de Gardus, aucun compromis ne peut être trouvé, mais, confiant dans son bon droit à défaut de l’être dans les chances de sa bande de ruffians face à l’opposition ferme et polie (comme son épée runique de deux mètres) du colosse servant de videur aux éclopés de l’hospice, le diplomate propriétaire laisse une journée entière de réflexion à la partie adverse, et s’en va comme un prince.

Ce délai supplémentaire sera mis à fort bon usage par Gardus, qui n’a pas toute l’éternité pour régler le problème qui le tourmente, tout comme Reynolds n’a pas 300 pages pour conclure son propos. La nuit suivante verra donc un esprit Kaonashi geignard s’extirper du sol pour aller se repaître des humeurs (de manière littérale et figurée) des malades endormis. Surpris par le Gardus de garde et son sixième sens de preux paladin, la mystérieuse entité se fait rapidement la malle, mais reparaît quelques heures plus tard, trop affamée pour prêter beaucoup d’attention au demi-Primarque qui patiente dans sa zone de spawn, des questions plein la bouche et une épée enchantée à la main. Manque de bol pour notre héros, l’amalgame pleurnichard qui lui fait face est plus intéressée par la boustifaille que par la discussion, et l’attaque sans sommation, sous le regard bienveillant de Wale, qui se révèle être un cultiste de Nurgle. Après avoir constaté que ses gros muscles ne sont d’aucune utilité face aux assauts de suçons de son adversaire, Gardus dégaine son special move, c’est à dire son énorme… empathie, et sert donc le démon dans ses bras puissants en lui susurrant des mots de réconfort aux oreilles. Et ça marche. Touché par tant de compassion, et sans doute un peu par la pure lumière céleste que Gardus est capable d’exsuder sur commande, telle une luciole d’Azyrheim (séquelle plutôt kioul de sa seconde reforge), la vilaine bête fond comme un lépreux dans un pédiluve, libérant une à une les âmes des malheureux qui lui servaient d’ancrage. Ceci fait, Gardus n’a plus qu’à régler son compte au traître Wale, qui malgré sa force démoniaque et son épée rouillée, ne fait pas le poids face au double quintal de JUSTICE du Stormcast Eternal. Convaincu d’avoir accompli sa mission, et débarassé Demesnus d’un détestable faux jeton, Steel Soul peut reprendre le ferry de 06:39 pour regagner sa caserne et l’éternelle lutte contre les ennemis de Sigmar. Voilà un week-end productif.

1 : Le nom peut faire peur, c’est vrai, mais si on y réfléchit deux secondes, il inclut également les Garra Rufa (poissons docteurs), d’excellents auxiliaires de pédicure. Du coup, la légende du Garra Dan en prend un coup.

AVIS:

Les turpitudes psychologiques de Gardus Steel Soul, pour lequel la conciliation du moi, surmoi et ça ne relève pas de la sinécure, ne m’ont que moyennement intéressées, comme la plupart des soumissions mettant au premier plan des Stormcast Eternals je dois le reconnaître. Reynolds m’ayant habitué à des nouvelles bien plus travaillées en termes d’intrigue et de progression narrative, la grande simplicité avec laquelle notre Action Man blanchi sous le harnais résout le problème auquel il est confronté, m’a laissé un goût d’inachevé. Toutefois, je dois reconnaître que l’inclusion de The Ghosts of Demesnus dans cette anthologie introductive est un choix des plus pertinents de la part des éditeurs de la BL, puisqu’il permet aux nouveaux lecteurs de découvrir une facette intéressante de la faction reine de l’univers (la difficile conciliation entre leur passif de mortels et leur mission de soldats de Sigmar par les Stormcast Eternals), tout en les immergeant dans le quotidien d’une cité libre de Ghyran, loin des batailles contre les forces du Chaos déjà abondamment couvertes dans le jeu de figurines et les suppléments s’y rattachant.

Ajoutez à cela des personnages un brin complexes (en particulier Sargo Wale, qui est loin d’être un chef de culte à tendance mégalo-anarchique, comme c’est souvent le cas) et l’habituel nappage de fluff que Josh Reynolds se fait un point d’honneur à servir, et vous obtenez un récit d’une honnêteté insoupçonnable. On peut cependant reprocher à Ghosts…, même si dans une moindre mesure que pour God’s Gift, son manque de singularité, évidemment causé par le fait que Gardus est, comme Hamilcar, un héros récurrent de la BL, dont les aventures passées rejaillissent fatalement sur les évènements narrés dans la nouvelle. Ici, c’est l’inclusion du vieux sensei Yare, compagnon d’aventure d’une précédente épopée, qui fait figure de passage obligé à la valeur ajoutée assez limitée. Rien d’horripilant là non plus, mais pas l’idéal pour accrocher le lecteur novice ou indifférent. Bref, une première incursion honorable, à défaut d’être mémorable, dans le monde métallisé des meilleurs de Sigmar.

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Au final, et même si certaines inclusions à ce mini recueil tiennent, selon moi, de l’erreur de casting au vu de l’objectif de « propagande » (dans le sens le moins néfaste du terme) poursuivi par ce genre d’ouvrage, ce Black Library Celebration 2019 constitue un début ou un ajout intéressant à toute collection Black Library. J’espère sincèrement que le concept fera florès et prend d’ores et déjà date pour une critique comparée de la version 2020 l’année prochaine, afin de voir si ma vision du sujet cadre avec celle de la maison mère. Les stocks disponibles pour ce millésime ayant déjà été écoulés au moment où sera publiée cette chronique, si j’en crois les quelques tests réalisés sur les sites GW et BL, il faudra faire vite l’année prochaine pour sécuriser sa copie. (Chaos) Godspeed, folks !