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TALES OF THE OLD WORLD [WFB]

Bonjour et bienvenue dans la revue de ‘Tales of the Old World’, anthologie pansue publiée en 2007 par la Black Library, et regroupant pas moins de 36 courts formats siglés Warhammer Fantasy Battle. Contrepartie de ‘Let the Galaxy Burn’ (chroniquée ici) pour la franchise med-fan de la GW-Fiction, ‘Tales of the Old World’ est constitué en grande partie de nouvelles initialement publiées dans le légendaire magazine Inferno!, et plus précisément de celles datant de la période 1997 – 2000 (compilées lors d’une première réédition dans les recueils ‘Realms of Chaos’ et ‘Lords of Valour’). Ce sommaire majoritairement recyclé dissimule toutefois cinq inédits, dont deux (‘Haute Cuisine’ et ‘Rat Trap’) signés de Robert Earl et un (‘Ill Met in Mordheim’) du tout aussi inédit Robert Waters. Graham McNeill (‘Freedom’s Home or Glory’s Grave’), Sandy Mitchell (‘The Man Who Stabbed Luther Van Groot‘) et Nathan Long (‘Rotten Fruit’) viennent également faire souffler un peu de fraicheur dans ces pages poussiéreuses, avec de nouvelles aventures pour leurs héros respectifs (Leofric Carrard et les Black Hearts).

Tales of the Old World [WFB]

Divisé en sept parties plus ou moins thématiques (les histoires de Warhammer Fantasy Battle ont tout de même tendance à se ressembler), ‘Tales of the Old World’ propose un panorama assez complet de ce que la Black Library avait en stock sur le Monde qui Fut/Monde des Légendes à cette époque fondatrice de la GW-Fiction. Comme dans ‘Let the Galaxy Burn’, on note l’absence de figures récurrentes de la franchise, comme Gotrek & Felix, Gilead ou Torben Badenov (bien que Stefan Kumansky passe une tête dans ‘Path of Warriors’ et Mathias Thulmann dans ‘A Choice of Hatreds’) au profit de one shots (ou two shots, dans le cas des maraudeurs de Grunsonn d’Andy Jones), ce qui fait de cet ouvrage une brique assez peu connue dans le foisonnant catalogue de la Black Library. Cela ne veut pas dire pour autant qu’elle mérite d’être délaissée par les lecteurs nostalgiques de l’univers si particulier qu’était WFB : comptez sur moi pour être votre guide dans cet endroit bucolique qu’est le Vieux Monde au cours des prochaines minutes.

Tales of the Old World

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Tales of Honour & Heroism

Freedom’s Home or Glory’s Grave – G. McNeill :

INTRIGUE :

Enfin sorti du bois après ses aventures forestières (‘Guardians of the Forest’), le chevalier bretonnien Leofric Carrard1 poursuit sa carrière martiale de la manière la plus classique qui soit pour un noble du Royaume : harceler la Dame du Lac pour essayer de lui piquer son eco cup, pratique aussi appelée quête du Graal pour se donner un vernis de respectabilité. Accompagné de l’écuyer Havelock, brandissant la Lame de Minuit et juché sur la croupe du destrier elfique Aeneor (tous deux lootés lors de ses précédentes aventures en Athel Loren), Leofric traverse les duchés à la recherche de hauts faits à accomplir et de monstres à trucider, ce qui l’amène à rendre service au Seigneur d’Epée, vieil original partageant sa forteresse dynastique avec un revenant peu amène : le/a Dereliche.

La mission de notre héros consiste à ramener à son commanditaire une précieuse relique abandonnée par d’Epée dans une section du château désormais squattée par ce mauvais voisin (il passe son temps à organiser des bals qui durent toute la nuit et font un vacarme de tous les diables, c’est affligeant) : une épée un bouclier une armure une amulette un pot à crayons une tête de cerf empaillée. Eh oui. Stort shory shorter, Leofric et Havelock parviennent à vaincre les maléfices du Dereliche, qui révèle dans son dernier souffle (?) au Graaleux que sa destinée est inextricablement liée à celle du fameux Duc Rouge d’Aquitaine, porté disparu depuis des lustres certes, mais dont le retour ne saurait désormais plus tarder. Ni une ni deux, Leo dépose la tête mitée sur le paillasson du Seigneur d’Epée et s’en va en direction de la forêt de Châlons, où les légendes bretonniennes situent le lieu de repos du Duc Rouge.

Sur le chemin qui mène les deux hommes jusqu’à leur destination, on apprend qu’un village d’Aquitaine du nom de Derevin s’est récemment révolté contre son seigneur légitime, et subsiste depuis quelques mois en totale autonomie grâce à l’appui qu’il a reçu d’une bande de Herrimaults (brigands principiels, pensez à Robin des Bois en Bretonnie) des environs… et au fait que les seigneurs du coin ont été pour le moment trop occupés à se foutre sur le coin du heaume pour monter une expédition militaire capable de reconquérir ce territoire perdu du féodalisme. Comme on peut s’en douter, le chevalier et l’écuyer ont des avis très différents sur le précédent que créé par le Derevin Libre (son petit nom), ce qui donne à McNeill une excuse parfaite pour un petit débat sur ce qu’est une société juste dans le contexte de la Bretonnie (vous avez quatre heures).

Quelques jours et pages plus tard, on repasse en mode action lorsque Leofric et Havelock arrivent à proximité d’une tour en ruines, au beau milieu de la forêt de Châlons. Entourée par les restes d’une bataille entre Elfes et peaux vertes s’étant déroulé il y a fort longtemps, la bâtisse est loin d’être aussi inoccupée qu’elle en a l’air, et une petite armée de Squelettes pointe bientôt le bout de son absence de nez pour signifier son mécontentement aux intrus. Menés par un Nécromancien anonyme et un Revenant elfique, tous deux au service du Duc Rouge – qui pionce encore à cette heure – les morts vivants encerclent nos hardis aventuriers, et c’est fort logiquement qu’un « duel »2 s’engage entre le chevalier et sa Némésis, duel finalement remporté par cette dernière au terme d’un combat assez relevé. Avant que l’Elfe décati n’ait eu le temps de porter le coup de grâce à son adversaire blessé, Havelock intervient cependant pour sauver les nobles miches de son patron et pique des deux pour quitter la clairière hantée. Grâce à la vigueur proverbiale des montures elfiques, les deux hommes parviennent à s’échapper, et viennent chercher refuge dans le premier village sur leur route, qui se trouve bien sûr être Derevin Libre. Sinon ça ne serait pas drôle, reconnaissez-le.

Tiré d’affaire par les soins de la guérisseuse locale, Leofric émerge du coltar après deux jours à comater sur sa paillasse, et fait la connaissance du charismatique Carlomax, chef des Herrimaults s’étant érigé en protecteurs du village rebelle. Très chill, Carlo n’empale pas le nobliau sur le premier pic venu, comme il en aurait pourtant le droit, mais se contente de lui démontrer que la révolte des Derevinois a d’abord et principalement été causée par la déchéance de leur suzerain, qui s’était voué à Nurgle dans ses vieux jours, comme le cadavre putréfié et marqué que les villageois ont gardé dans leur cellier communautaire en atteste sans l’ombre d’un doute. Cette réalisation chamboule Leofric, dont le monde manichéen se pare tout d’un coup de nuances de gris (moins de cinquante, espérons-le, sinon c’est Slaanesh qui va se ramener), et qui n’est plus si sûr qu’il faille raser le hameau et pendre ses habitants, comme il le pensait (secrètement, il n’est pas totalement débile non plus) jusqu’à présent.

Ces puissantes réflexions sont toutefois interrompues par l’arrivée de la horde de Squelettes de Nekro et Elfy, toujours aussi déterminés à recruter Leofric pour le compte de leur patron, en grand besoin de cadres dynamiques pour mener ses armées. Le siège est donc mis à Derevin, ce qui donne à chacun des protagonistes l’occasion de s’illustrer au combat, dans la mesure de ses capacités. Ainsi, tandis que Leofric concasse du Squelette à grands moulinets de Lame de Minuit, Havelock et Carlomax se contentent de flécher l’ennemi à bonne distance, combinaison efficace s’il en est puisqu’elle permettra aux Bretonniens de remporter la victoire après que le chevalier ait réussi à terrasser le Revenant lors de la revanche du duel de l’avant-veille, et que le Nécromancien se soit fait abattre à longue distance par les arcs des roturiers. La nouvelle se termine sur le départ de Leofric et de son écuyer, qui jurent à Carlomax qu’ils tenteront de plaider la cause du Derevin Libre auprès du Duc d’Aquitaine, sans se faire d’illusion sur le destin qui attend la ZAD bretonnienne à court ou moyen terme cependant. Parfois, c’est le combat qui importe plus que son issue. ¡Viva la Revolución!

1 : A ne pas confondre avec Calard, le chevaleresque héros d’Anthony Reynolds.
2 : Je mets des guillemets car Leofric se bat sur le dos d’Aeneor avec Havelock en croupe, ce qui compte comme un 3 vs 1 de mon point de vue.

AVIS :

Graham McNeill livre avec ‘Freedom’s…’ une nouvelle débordante d’idées, pas toutes exploitées de manière satisfaisante ou aboutie, mais dont la générosité nappée de sword and sorcery d’assez bon aloi suffit pour faire de la lecture de cette suite du roman ‘Guardians of the Forest’ un moment agréable. Parmi les points forts de cette histoire, on peut citer le prologue donné par McNeill à son propos principal (je dois avouer que je trouve ce procédé narratif assez élégant), la bonne dose de fluff que nous sert McNeill, ainsi que la réflexion portée sur la société bretonnienne par les discussions entre Leofric, Hevelock et Carlomax, et qui reste à ce jour l’approche la plus intéressante et nuancée que j’ai pu lire de ce sujet épineux dans la GW-Fiction1. J’aurais d’ailleurs apprécié que la bien nommée République Paysanne Autonome du Derevin Libre soit d’avantage mise en avant, voire que son histoire – qui se serait forcément conclue de façon tragique, je sais – soit complétée dans d’autres publications, ce qui n’a pas été le cas à ma connaissance.

En revanche, la partie « affrontement avec les morts vivants » de ‘Freedom’s…’ ne restera pas dans les annales de la Black Library, tant le motif que le déroulé et la conclusion de cette quête sans grand intérêt apparaissent comme bâclés par un Graham McNeill en panne d’inspiration. Mention spéciale au Nécromancien de service, qui n’a même pas le droit à un nom ou à une ligne de dialogue de toute la nouvelle (alors que c’est véritablement lui l’antagoniste principal), et qui se fait honteusement sniper par les side kicks du héros en arrière-plan de la revanche entre Leofric et le bretteur elfe, alors que son seul boulot était d’incanter hors de portée des arcs bretonniens… Heureusement que tout n’était pas de cet acabit dans ‘Freedom’s…’, ou mon jugement aurait été beaucoup plus salé.

1 : Bien loin devant les tentatives de Robert Earl (‘Faith’) et Anthony Reynolds (série Calard).

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Ancestral Honour – G. Thorpe :

INTRIGUE :

La vie de Grimli (oui oui, je sais… l’oliphant dans la pièce) ‘Blacktooth’ Skrundigor à Karaz A Karak est aussi sombre et désespérée que le surnom que notre nabot de héros se trimballe. Nain à tout faire dans une taverne fréquentée par des mineurs bruyants, ivrognes et rancuniers, Grimli a passé une décennie à se faire snober par la grande majorité des clients de son établissement, pour la simple et bonne raison qu’il descend d’une lignée maudite par le Haut Roi en personne il y a plusieurs millénaires de cela. Son arrière15 grand-père Okrinok a en effet commis la faute grave, lourde et impardonnable de fuir un combat contre les Grobis, laissant en plan la fille chérie du souverain se faire friser les tresses par les peaux vertes en furie. À défaut d’avoir pu être retrouvé pour passer en conseil de discipline à l’époque des faits, Okrinok a condamné sa famille sur dix-sept générations à devenir la lie, ou plutôt, le fond de fût, de la société naine, ce qui explique les problèmes de connexion dont Grimli souffre au quotidien1. Après un nouveau shift misérable, il décide cependant de rendre son tablier et de prêter le serment du Tueur, se disant qu’il aura au moins la chance de se faire quelques potes avant de probablement mourir dans de tragiques circonstances et un futur assez proche. Après tout, 200 ans à faire la plonge sans espérer le moindre pourboire, ça fait beaucoup.

Alors qu’il s’apprête à pénétrer dans le temple de Grimnir de la forteresse, il est arrêté par un Tueur blanchi sous le harnais et sa coloration au henné naturel, répondant au nom de Dammaz (rancune en Khazalide). Ce dernier semble lire dans les pensées du jeune Nain, et lui propose tout de go de partir avec lui visiter Karak Azgal, où il a quelque chose d’important à lui montrer, avant que Grimli ne devienne un rouquin assermenté. Cette destination n’est pas anodine, car c’est là qu’Okrinok s’est couvert d’opprobre en laissant ses employeurs (il était garde du corps physionomiste pour les Nains de la haute – un peu contradictoire, je sais) se faire découper en rondelles alors qu’ils visitaient les mines de la forteresse, juste avant la chute de cette dernière. N’ayant rien d’autre à faire et à l’abri du besoin pour quelques mois grâce à la rupture conventionnelle négociée avec son patron, Grimli accepte, et la paire part pour le Sud.

Cette randonnée sauvage en duo permet à notre héros, qui n’avait jamais tenu une arme auparavant, de s’aguerrir en chemin, jusqu’à être capable d’occire un Troll en solo, comme Dammaz lui apprend patiemment. Après des centaines de kilomètres avalés, et autant de Gobelins et de Skavens occis au passage, les compagnons de la baston finissent par arriver dans la place to be. Les mystérieux pouvoirs de la mémoire ancestrale des Nains se réveillent alors, permettant à Grimli de revivre en rêve le drame ayant sali le blason des Skrundigor il y a tant d’années…

Début spoiler…Et comme on pouvait s’y attendre, la réalité était un peu plus complexe que ce que le seul survivant de l’embuscade a raconté à son suzerain, lorsqu’il s’est réveillé parmi les cadavres mais n’a pas vu celui d’Okrinok dans le tas. La mort du Prince et de la Princesse qu’il avait juré de protéger a fait basculer l’acariâtre nabot dans une folie sanguinaire, le menant à charger droit devant lui pour tuer le plus de Grobis possible, sans se soucier du qu’en dira-t-on ni de la cohésion de son unité. Cette percée funèbre a été mal perçue par ses collègues, et en absence de VAR (la technologie ne sera inventée de que 379 ans plus tard), le mal était fait et la messe dite pour Okrinok.

Ce n’est toutefois pas la fin des révélations pour Grimli, car à son réveil, Dammaz l’entraîne jusque dans une caverne naturelle, où se trouve une stalagmite géante constituée des restes calcifiés et empilés de centaines de Gobelins. Au sommet, piétinant ses innombrables victimes, c’est le cadavre d’Okrinok, figé dans la mort et par la magie d’un Shamane commissionné par un Grand Chef sportif dans l’âme, qui attend depuis des siècles que la vérité éclate enfin à son sujet. Et ce n’est pas une pure spéculation de ma part, mais bien le dessein du défunt, qui s’est réincarné en Dammaz pour sauver les miches et les tifs de son ultime descendant. Il aurait certes pu le faire avant (les seize générations séparant Okrinok de Grimli doivent se retourner dans leurs tombes), mais un Nain ne se hâte pas, c’est bien connu. Avant de disparaître, et de laisser son petit fillot se dém*erder seul pour sortir d’une forteresse infestée de peaux vertes et d’hommes rats, Dammaz/Okrinrok indique à Grimli de ramener avec lui son marteau gravé de la rune majeure de Sur La Vie De Ma Mère, faisant que son porteur est automatiquement cru sur parole2, afin de prouver ses dires. L’honneur des Skrundigor est en enfin lavé, ce qui correspond au happy end ultime chez les Dawi à ce qu’il me semble. Grimli peut mourir tranquille, et on me souffle d’ailleurs dans l’oreillette qu’il y a de grandes chances pour que ça soit effectivement passé comme ça…Fin spoiler

1 : Il se serait appelé Bluetooth, ça aurait pas été la même, je gage.
2 : Je ne vois pas comment Grimli peut convaincre autrement ce vieux ronchon de Thorgrim de rayer une rancune de son bottin autrement.

AVIS :

Si on met de côté les petites maladresses d’un Thorpe encore novice dans l’écriture de nouvelles au moment de la publication de cet ‘Ancestral Honour’ (le clin d’œil tellement appuyé qu’il en devient pastiche au ‘Seigneur des Anneaux’, la décision arbitraire du héros de changer de vie deux minute après le début de l’histoire), cette soumission s’avère assez plaisante pour un amateur de background romancé nain. Thorpe est à son aise pour dépeindre cette société dans ses particularismes et ses paradoxes, et la description qu’il fait de la vie d’un paria déshonoré comme Grimli est particulièrement intéressante à mes yeux. On comprend ainsi tout le « jusqu’au boutisme » des Nains, dont la rigueur morale est telle qu’ils ne voient pas de problèmes à punir les leurs sur des générations pour le crime isolé d’un seul individu. L’auteur emploie également le mythe, très spécifique à cette faction, de l’ancêtre réincarné pour venger un affront à son honneur tellement grave qu’il ne peut pas trouver le repos dans l’au-delà. C’est une caractéristique fascinante en termes de lore et de potentiel narratif des Nains (on peut penser à Grombrindal et aux ancêtres de Belegar, mais cela apparaît également dans la nouvelle ‘The Dark Beneath the World’ de William King), qui n’a été que peu mise en avant dans le fluff des suppléments de jeu (pour autant que je le sache), et je suis content que Gav Thorpe l’ait intégré à son récit, même si de manière un peu téléphonée. Une soumission qui démontre surtout que Thorpe est capable de faire honneur à son statut quand il travaille sur un sujet qui lui plaît et l’inspire visiblement, alors qu’il peut à l’inverse sombrer dans la caricature la plus indéfendable si le cœur n’y est pas1. ‘Ancestral Honour’ n’est pas spectaculaire, mais très solide, comme les œuvres de la race qu’elle dépeint.

1 : Voir ‘Tybalt’s Quest’, également publié dans ‘Lords of Valour’ pour s’en convaincre.

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A Gentleman’s War – N. Rutledge :

INTRIGUE :

WFB_A Gentleman's WarLa première campagne militaire d’Otto von Eisenkopf, jeune noble impérial à la tête farcie de glorieuses batailles et d’affrontements chevaleresques, ne se passe pas comme il l’avait prévu. Assigné à un contingent de Pistoliers mercenaires, menés par un vétéran à la barbe douteuse et à l’accent suspect (Molders), Otto fait ses classes d’une manière un peu trop terre à terre (comprendre qu’il rampe beaucoup dans les broussailles) à son goût. Chargé par le Graf von Eisenkopf, père de notre héros, de repérer l’avance d’une colonne de Bretonniens en vadrouille au bord de la frontière entre les deux nations, les tireurs montés ont tendu une embuscade à leurs adversaires, mais Otto, faisant mentir son patronyme, n’arrive pas à garder la tête froide et se plante soudainement au milieu du chemin pour annoncer aux éclaireurs du Duc de Boncenne qu’ils sont en état d’arrestation. Plus honorable, certes, mais beaucoup moins efficace. Fort heureusement pour les impériaux, Molders et ses hommes ne sont pas nés de la dernière pluie et parviennent à refermer leur piège sans trop de mal, tandis qu’Otto a l’occasion de rayer une ligne de sa bucket list en vainquant le chevalier menant les troupes bretoniennes en duel honorable, après un affrontement épique d’au moins deux secondes. Faisant honneur au code de la guerre entre gens riches, von Eisenkopf traite son prisonnier, Guillaume de Montvert, avec tous les égards dus à son rang, allant même jusqu’à lui laisser sa tente et son écuyer lors de son retour au campement du Graf. Un vrai gentilhomme.

Cette prévenance lui joue toutefois des tours car elle l’empêche de faire son rapport à son père avant que le Pistolier lui servant de nounou, une brute dénommée Lutyens, le fasse, et bitche méchamment sur le comportement inadapté du nobliau. Otto n’a pas le temps de s’appesantir sur le sujet toutefois, ni de déguster quelques cuisses de grenouille avec de Montvert au dîner, comme il l’avait prévu, car le Graf renvoie aussi sec les Pistoliers reconnaître la voie probable de l’arrivée des troupes du Duc, dont les vues sur les mines de charbon impériales ne font de mystère pour personne. C’est une petite victoire pour Otto, qui soutenait contre l’avis de Molders que les nobles et honnêtes Bretonniens passeraient forcément par la grand-route, en jouant du luth et déclamant des quatrains à la gloire de la Dame, avec un béret et une baguette pas trop cuite sous le bras. Mais avant de crier victoire (pas trop fort pour ne pas se faire repérer, évidemment), il faut galoper pendant une nuit depuis le camp impérial, une expérience qui laisse Toto un peu déconfit.

La déconvenue ne s’arrête pas là toutefois, puisqu’il s’avère rapidement que les Bretonniens ne sont pas en dessous du recours à de basses manœuvres, comme le cosplay de chevaliers pour faire croire à leurs ennemis que leur force principale passe bien par la grand-route. Cette supercherie ne résiste cependant pas à la longue-vue de facture naine de Molders, qui repart aussi sec vers le camp pour prévenir le Graf de la combine, un Otto bien penaud et de plus en plus fatigué à la traîne. Pour ne rien arranger, ce dernier apprend à son retour que le fourbe de Montvert a abusé de son hospitalité en volant un cheval et (probablement) assassinant son écuyer au passage, contre toutes les règles de la chevalerie. Et il faut déjà se remettre en selle, car il reste une chance aux impériaux de contrecarrer les plans de de Boncenne en tendant une embuscade à ses troupes alors que ces dernières progressent vers l’Empire.

Quelques heures de canasson plus tard, l’avant-garde du Graf débusque un site parfait pour un guet apens, et en attendant que l’ennemi daigne pointer le bout de ses chausses, Otto peut enfin se reposer un peu et méditer sur la réalité de la guerre, qui diffère beaucoup de ce à quoi il s’attendait, et pas en bien. Notre héros est toutefois suffisamment lucide et intègre pour réaliser que cette remise en question lui a été salutaire, en lui permettant de réévaluer la piètre opinion qu’il avait de Molders, des Pistoliers, des mercenaires, des Pistoliers mercenaires, et des tactiques de son père (dans le désordre). Lorsque la bataille finit par éclater, le jeune premier a finalement l’occasion de s’illustrer, en sauvant la vie de son capitaine, puis en vainquant à nouveau le meneur ennemi (de Boncenne) en combat singulier, au terme d’un duel bien plus accroché (et plus mortel aussi, le Duc perdant la tête à la fin du troisième round) que celui contre ce poseur de Guillaume de Montvert. Tout est bien qui finit bien en Karlfrancie, et Otto von Eisenkopf aura appris une bonne leçon au cours de cette première campagne : mieux vaut éviter de s’allonger sur une fourmilière, quand on peut éviter.

AVIS :

Neil Rutledge nous sert une nouvelle de campagne militaire/initiation d’un blanc bec à la vie assez convaincante, dans la même veine que ce Dan Abnett avait fait dans ‘Les Cavaliers de la Mort’, en un peu plus léger toutefois. Je pense que j’aurais davantage aimé ce ‘A Gentleman’s War’ si l’auteur avait choisi d’être un peu plus grimdark dans son approche, les Bretonniens de Rutledge tenant plus du stéréotype de Français moyen-âgeux à la sauce Monty Python que d’authentiques fidèles de la Dame du Lac, même si l’ensemble est encore une fois très correct. Un autre petit regret porte sur le choix de Rutledge de laisser tomber le personnage de Guillaume de Montvert, traître en puissance dont la duplicité ne faisait pas de doute, après l’arrivée au camp impérial, c’est-à-dire avant qu’il ait pu exprimer son véritable potentiel dramatique. Quelques petits détails que Neil Rutledge, et/ou son éditeur au sein de la BL, auraient pu travailler davantage, mais rien de rédhibitoire non plus.

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The Doorway Between – R. Davidson :

INTRIGUE :

WFB_The Doorway BetweenFrantz Heidel, chasseur de sorcières agoraphobe, est engagé par le baron von Kleist pour retrouver le pendentif qui lui a été dérobé par une bande de mutants sur la route de Bechafen. Escorté par un pisteur à tête de fouine du nom de Karl Sassen, notre héros se lance à la poursuite des voleurs dans l’arrière-pays de la capitale de l’Ostermark, sans se douter que son employeur ne lui pas dit toute la vérité au sujet de l’artefact qu’il doit récupérer.

AVIS :

‘The Doorway Between’ est un récit très classique (la quête d’un objet magique qui se révèle être maléfique), conduit d’une manière tout aussi classique par Rjurik Davidson. Sans être mauvaise, cette nouvelle est toutefois loin d’être mémorable, et ne mérite au mieux qu’une lecture rapide, tant il est possible de trouver mieux ailleurs dans le catalogue de la Black Library (pour les amateurs de chasseurs de sorcières, la trilogie Mathias Thulmann de C.L. Werner est à mon goût bien supérieure).

Lorgnant sur la fin vers la buddy story, lorsque Heidel et son rival Immanuel Mendelsohn sont contraints de faire équipe pour contrecarrer les plans de leur ennemi commun, ‘The Doorway Between’ aurait sans doute gagné en intérêt si Davidson s’était davantage écarté des chemins battus de l’heroic-fantasy.

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Birth of a Legend – G. Thorpe :

INTRIGUE :

‘Birth of a Legend’ relate un épisode central du background de Warhammer, à savoir le sauvetage du Haut Roi Kurgan par une cohorte d’Unberogens en vadrouille.

Capturé par le Big Boss Vagraz Head Stomper alors qu’il se rendait dans les Montagnes Grises pour un tournoi de belote, notre pauvre nain est sur le point de finir dans la marmite des peaux vertes lorsque ses ravisseurs se font soudainement attaquer par une bande d’humains hirsutes menés par un adolescent très énervé. Ce dernier, bien aidé par le marteau que lui prête obligeamment son nouveau pote barbu, renverse le cours de la bataille en concassant le crâne de Vagraz d’un revers à une main (long de ligne)1. La nouvelle se termine par une présentation en règle des nouveaux BFF, le sauveur providentiel n’étant nul autre que Laurent Delahousse2.

1 : Punk jusqu’au bout, le Big Boss envoie un bon gros fuck des familles à Sigmar juste avant que ce dernier ne l’achève. That’s the spirit.
2 : Bon, ok, en fait c’était ΣR. Il n’y a que Gav pour ménager de telles « surprises » à ses lecteurs.

AVIS :

Dix ans avant le lancement de la collection Time of Legends, Gavin Thorpe se paie donc le luxe de mettre en scène un évènement qui n’était jusqu’alors couvert que dans la partie fluff des livres d’armées de Warhammer. Et force est de reconnaître qu’il s’en tire plutôt honorablement (bien mieux en tout cas que pour ‘Aenarion’, methinks), sa version de ce passage marquant de la geste Sigmarienne s’inscrivant dans la droite ligne de ce qu’on savait déjà du personnage, et permettant au fluffiste sommeillant dans chaque lecteur de la BL de grappiller quelques détails supplémentaires sur la vie du Musclor de GW. Je ne suis pas loin de penser que Gav n’est jamais aussi bon que lorsqu’il donne dans le background romancé (surtout quand il y a du nain dedans) plutôt que dans la pure fiction. En fait, je le pense vraiment.

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Tales of Adventure & Mystery

Haute Cuisine – R. Earl :

INTRIGUE :

Revenus de Lustrie avec quelques compagnons et une fortune dérobée aux Hommes Lézards de la cité temple qu’ils ont visité pendant leur périple mouvementé (‘The Burning Shore’), Florin d’Artaud et Lorenzo (tout court) ont utilisé leurs biens mal acquis pour ouvrir une taverne à Bordeleaux. Quelques mois après leur retour, ils reçoivent la visite pas vraiment amicale du Maître du Port et de sa garde : bien au courant de la réputation de « Héros de Lustrie » qui entoure Florin, le notable demande aux deux larrons de l’aider à tirer au clair le meurtre sauvage du marchand Flangei Neuf Panses, dévoré vif par ce qui est apparu aux témoins de ce regrettable accident comme une bande de lézards bipèdes ayant surgi du dessous des quais où le défunt avait son entrepôt. Ne pouvant pas refuser une faveur à cet influent officiel, nos héros se mettent en chasse dès le lendemain, de plus (Florin, qui aime juste tuer des choses) ou moins (Lorenzo, dont l’humeur naturelle est « too old for this shit ») bon gré.

Après avoir inspecté les restes décomposés par l’étouffante chaleur bordelaise du pauvre Flangei, comme tous bons limiers qui se respectent, Flo & Lo rendent une visite de courtoisie à la veuve éplorée du défunt, que ce Dom Juan de Florin ajoute à son tableau de chasse sous couvert d’un interrogatoire en tête à tête. Parfois, il faut donner de sa personne pour faire avancer les choses. Convaincu que les Skinks – car il ne fait plus l’ombre d’un doute à ce stade que ce sont eux qui ont fait le coup – qui ont embusqué Flangei se sont installés en dessous du ponton, Florin réquisitionne une barque, quelques arbalètes et une paire de coutelas, et entraîne son complice dans un tour de gondole underground se terminant fort logiquement par une mêlée confuse dans les ténèbres moites des bas-fonds de Bordeleaux.

Sortis tout aussi logiquement vainqueurs de cette empoignade contre une poignée de Skinks anonymes, les Bretonniens poursuivent les survivants jusqu’à une caverne creusée dans la roche par un être d’une stature bien plus imposante que celle des petits Hommes Lézards, et pour cause : les aventuriers sont accueillis par un Kroxigor territorial et affamé, probablement éclos de l’œuf rapporté par inadvertance par leur expédition l’année passée. Les espèces invasives finissent toujours par poser des problèmes, c’est la triste réalité. Ce combat inégal entre la brute écailleuse et deux humains maigrichons trouve toutefois une conclusion miraculeuse après un coup de stylet chi-rur-gi-cal de la part de Florin directement dans le cerveau du Kroxigor, laissant nos héros libres de nettoyer l’antre des sauriens (tapissés d’œufs que Kroxxie couvait sans doute comme une mère poule) et empocher la récompense placée par le Maître du Port sur chaque tête d’Homme Lézard lui étant rapporté. Il faut bien gagner sa croûte1

1 : Et la nouvelle se termine d’ailleurs par le service d’un filet mignon de Kroxigor aux invités de Monsieur Lafayette, toujours prêt à mettre la main au portefeuille pour épater la galerie. Il parait que ça ressemble à du chapon au goût…

AVIS :

Robert Earl nous propose une suite à ‘The Burning Shore’, premier roman de la trilogie consacrée à Florin et Lorenzo, le duo d’aventuriers du Vieux Monde ayant eu la mauvaise idée de tenter de concurrencer Gotrek et Felix (et assez lamentablement échoué), avec ce ‘Haute Cuisine’. Si l’intrigue qu’il déroule est d’une simplicité limpide, l’intérêt de la nouvelle réside dans ses personnages principaux, et plus particulièrement Florin d’Artaud, mélange de Detlef Sierck (pour son amour des beaux-arts) et de Sigvald le Magnifique (rapport à son goût pour les plaisirs charnels, dans tous les sens du terme), combinaison assez originale il faut le souligner.

Cependant, si le mal-nommé Héros de Lustrie n’est pas à votre goût, il ne reste pas grand-chose d’autre pour sauver cette histoire que les noms extravagants donnés par Robert Earl aux plats concoctés par le chef de Mr Lafayette (« vin et bile d’aigle » ou « os de poissons gellés », en français dans le texte), ce qui ne fait pas lourd. Plus ennuyeux, l’auteur ne se donne pas la peine d’expliquer comment ses antagonistes se sont retrouvés à squatter les quais de Bordeleaux1, ce qui est tout de même problématique du fait de l’incongruité de la situation. Un mélange littéraire et culinaire assez malheureux…

1 : L’histoire s’ouvre par une scène durant laquelle le capitaine du navire qui ramène les survivants de l’expédition lustrienne en Bretonnie balance un (1) œuf de Kroxigor par-dessus bord après que personne de l’équipage ne l’ait revendiqué comme sa part. On ne saura jamais comment les Skinks sont arrivés jusqu’à la métropole bretonienne.

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Paradise Lost – A. Jones :

INTRIGUE :

Nous retrouvons les maraudeurs de Grunsonn dans une bien mauvaise passe : à la dérive au milieu de l’océan sur une coquille de noix, sans eau ni nourriture, et délestés de la cargaison d’or qu’ils avaient soutirée de la cale d’un galion abandonné par un pirate indélicat. Heureusement pour notre quatuor de choc, le salut finit par poindre à l’horizon, sous la forme d’une île où accoster afin de se refaire une santé. Et lorsque les indigènes (une colonie de skinks) se mettent en tête que les maraudeurs ne sont autres que Losteriksson et ses guerriers, revenus après des siècles d’absence régner sur leurs adorateurs à sang froid, il ne fait plus de doute que le temps des vacances a sonné pour nos quatre aventuriers.

AVIS :

Deuxième et dernier épisode de la (courte) saga consacrée par Andy Jones à Grimcrag Grunsonn et ses maraudeurs, ‘Paradise Lost’ est une soumission sensiblement supérieure à ‘Grunsonn’s Maraudeurs’, et ce sur tous les plans. Fidèle à son approche décomplexée du monde de Warhammer, Jones continue en effet sur sa lancée de med-fan parodique, tout en dotant son récit d’une intrigue bien plus charpentée (appréciable attention), et en s’arrangeant pour combler – à sa manière – les blancs laissés dans le background officiel au lieu de chercher à réécrire ce dernier à sa sauce. Autre point positif, l’inclusion de véritables personnages secondaires (shout out à Froggo, le skink de compagnie de Johan Anstein, qui se rêvait méchant de James Bond), permettant à l’auteur de confronter ses héros à des antagonistes à leur hauteur, c’est-à-dire complètement barrés.

Au final, ‘Paradise Lost’ n’est rien de moins que la tentative la plus aboutie de la part d’un auteur de la Black Library de tourner en dérision l’univers de Battle, et rien que pour ça, cette nouvelle vaut le détour.

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Night Too Long – J. Wallis :

INTRIGUE :

WFB_Night too LongLa penultième soirée de l’année civile est une journée de boulot comme les autres pour Dirk Jenner (a.k.a. le Kardashian caché) et Karl Johanssen, agents des Lices d’Altdorf. Les Lices, c’est un peu la PJ de l’Empire, sauf que les effectifs sont très limités – surtout depuis que cet abruti de Schmidt s’est fait liquider par un gang de Bretonniens : en cette période festive pour le quidam moyen, et avec tous leurs csollègues partis fêter la fin de l’année à la campagne, Dirk et Karl sont au four et au moulin sur tous les dossiers chauds du moment. En plus d’enquêter sur les disparitions mystérieuses de jeunes femmes depuis plusieurs semaines, ils doivent à présent mettre leur traditionnel afterwork à la taverne de la Chèvre Noire en standby pour tenter d’élucider une nouvelle affaire… fumante. L’auberge des Septs Etoiles vient en effet d’exploser, faisant quelques victimes mais surtout manquant d’emporter avec elle un personnage de haut rang : rien de moins que le Comte Electeur Valmir von Raukov d’Ostland, venu s’encanailler avec sa dernière conquête à l’abri des regards inquisiteurs. Heureusement, Valoche s’est eclipsé quelques minutes avant la détonation, mais il semble clair à Hoffman (qui n’est pas conte mais qui aimerait bien1), le supérieur de nos héros, que c’est le noble qui a été visé. L’affaire étant politique, c’est aux Lices qu’elle revient, et même en sous-effectif et en carence de sommeil, il va falloir obtenir des résultats.

Après une enquête de voisinage qui ne donne rien, quelques suspicions portées sur un groupe de terrassiers s’activant sur la Königplatz pour réparer les alentours de l’auberge soufflée avant que les célébrations de la Hexensnacht (notre St Sylvestre) et sur un marchand de vin bretonnien essayant de vendre du beaujolais nouveau au prix d’un Château Petrus, et une discussion rapide avec von Raukov à propos de sa cocotte (Anastasia), Jenner et Johanssen finissent par trouver une piste solide. Ils trouvent chez Anastasia l’adresse d’un entrepôt, où ils trouvent 1) son cadavre, encore frais et 2) des empreintes de tonneaux récemment déplacés, et que Karl suppose être utilisés pour stocker la poudre qui a volatilisé les Septs Etoiles. Malaise : il y avait là beaucoup plus de tonneaux que nécessaire pour réaliser l’attentat de la veille, ce qui laisse à penser que les coupables vont commettre un nouveau forfait. Persuadé que le marchand de vin bretonnien, qui après tout, utilise des tonneaux et a une charrette, est impliqué dans cette conspiration des poudres, Dirk est à deux doigts de le coffrer préventivement lorsque leurs chemins se croisent à nouveau, mais Karl l’en empêche, pour la bonne et simple raison qu’une suspicion ne suffira pas à convaincre le proc’ (ou quelque chose comme ça). Une série de coïncidences remet toutefois nos deux limiers sur la bonne voie, lorsqu’ils réalisent que le chef des terrassiers aperçus le matin même n’est autre que le frère d’Anastasia, ce qui en fait un suspect de premier ordre…

Début spoiler…De retour à toute berzingue sur la Königplatz, à présent noire de badauds en goguette, Jenner et Johanssen arrivent à temps pour se castagner avec les maçons du cœur d’Altdorf, qui se révèlent être d’odieux fondamentalistes Ulricains n’ayant pas digéré que von Raukov devienne sigmarite sur ses vieux jours. Le nouvel objectif des talibans de Middenheim est de perpétre une attaque à la bombe pendant les festivités de la Hexensnacht afin de déstabiliser Karl Franz et encourager la sécession des provinces nordiques. Malgré leur talent à l’arbalète et au couteau de lancer, nos héros échouent à rattraper une bête torche enflammée lancée par un random goon sur la traditionnelle traînée d’huile courant jusqu’à la poudrière, et c’est la caca, c’est la cata, c’est la große Katastrophen. Bilan des courses : des dizaines de morts et de blessés, une Konigplatz ravagée et toutes les statues des empereurs et impératrices qui la bordaient (y compris celle de Sigmar) à concasser pour faire du gravier, ou à mettre à la décharge. Pas le meilleur résultat pour notre équipe de choc/choquée, mais au moins cela met fin à l’enquête, pas vrai ? PAS VRAI ???

Début spoiler 2…Eh bien non. Car il s’avère que ces fieffé coquins d’Ulricains ont encore de la poudre en stock, d’après les calculs de Johanssen. Et comme l’Empereur insiste pour donner une grande messe dans la cathédrale de Sigmar dès le lendemain, et en présence de tous les officiels présents à Altdorf, en l’honneur des victimes de l’attentat, Hoffman pressent que les barbus vont encore frapper. Il accorde donc royalement une heure de sommeil à ses sous-fifres avant d’aller inspecter les lieux à la recherche d’entourloupes… mais part sur place avant qu’ils ne se réveillent. Jenner et Johanssen se ruent donc à la recherche de leur supérieur, et repèrent sa cape rouge flottant à la fenêtre du dernier étage du bâtiment. Il est toutefois assez peu aisé de se frayer un chemin dans l’édifice le plus sécurisé de l’Empire, sauf si on a des amis bien placés (Valmir von Raukov, dans le cas présent, auquel J&J promettent d’apporter la tête des assassins de sa maîtresse). Une cavalcade échevelée plus tard, nos héros se retrouvent face à face avec une nouvelle sULRICide squad, qui a pris en otage l’imprudent Hoffman et menace de lui régler son compte si les officiers s’approchent trop près. Bien entendu, cela n’arrête pas le poing de la justice, qui s’abat sans coup férir sur les malotrus, et parvient cette fois-ci à éviter un son et lumière pirate, qui aurait fait s’effondrer le plafond de la cathédrale sur l’auguste assemblée réunie en ces lieux. Tout est bien qui finit bien. A moins que…

Début spoiler 3…À moins que la route de Jenner rencontre à nouveau celle de sa Némésis (le marchand de vin bretonnien), alors que cette dernière s’apprête à quitter la ville. Beau joueur, il présente ses excuses à l’honnête commerçant qu’il a rudoyé sans raison… et réalise qu’un marchand de vin qui retourne chez lui après avoir vendu sa cargaison mais en emportant ses tonneaux, ce n’est pas normal. Et en effet, à l’examen, les fûts suspects ne contiennent pas de pinard, mais des jeunes femmes baillonnées et ligotées, que ce môdit franssais essayait de trafiquer hors de la ville. Deux affaires résolues en quelques heures, tu parles d’un coup de chance. Mais parfois, c’est mérité.Fin spoiler 

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AVIS :

Si la nuit a été longue pour les J&J d’Altdorf, le rythme de cette nouvelle est quant à lui d’une rapidité fulgurante, ce qui est à mettre au crédit du sieur Wallis. Les 15 pages de ‘Night Too Long’ débordent en effet de fausses pistes, péripéties et autres rebondissements, et, chose assez rare pour le souligner, cette abondance ne se manifeste pas aux dépends de l’intrigue, qui reste logique d’un bout à l’autre du récit. Cette savante alchimie permet à la présente nouvelle de dépasser haut la main l’assez médiocre ‘Rest for the Wicked’ que James Wallis avait également consacré aux officiers Jenner et Johanssen. Autre caractéristique notable de ‘Night Too Long’, ce court format met en scène des événéments marquants d’un point de vue fluff (la destruction des statues de la Königplatz, y compris celle de Sigmar), ce qui est là encore l’exception plutôt que la règle. Certes, les dégâts causés par les fondamentalistes ulricains ne sont pas irréparables dans l’absolu, et la confidentialité qui a entouré les écrits de Wallis pendant sa période de contribution à la Black Library peut mener à penser que l’attentat de la Hexensnacht n’est pas vraiment (poudre à) canon, mais cela fait toujours plaisir de voir un auteur de la BL laisser une empreinte, même minime1, sur le fluff avec un grand F plutôt que de faire évoluer ses personnages dans une sorte de dimension parallèle où aucune action n’a de conséquence sur le background décrit dans les suppléments. Pour ces deux raisons, cette nouvelle vaut le détour, et si vous avez l’occasion de mettre la main dessus, laissez vous tenter.

1 : Hommage se doit d’être rendu ici à Simon Jowett, qui n’a pas hésité à nommer un Primarque dans une de ses nouvelles. A true legend.

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Grunsonn’s Marauders – A. Jones :

INTRIGUE :

Les maraudeurs de Grunsonn (un nain crado, un elfe libidineux, un barbare chermanik et un impérial benêt) sont engagés par un sorcier pour retrouver une relique enchantée, le « mythique » Doigt de Vie (Finger of Life), qui repose sous bonne garde dans une caverne oubliée des Montagnes Grises.

AVIS :

Attention, OVNI. S’il n’est pas rare pour le lecteur de la BL de rire un bon coup en parcourant les textes des contributeurs les moins doués de cette auguste maison d’édition, il est en revanche bien moins courant que cette hilarité ait été sciemment recherchée par l’auteur au moment de l’écriture de son texte.

C’est toutefois indéniablement le cas avec ce ‘Grunsonn’s Marauders’, première des deux nouvelles consacrées par Andy Jones (également co-éditeur du recueil ‘Realm of Chaos’ dans laquelle ce texte a été publié pour la première fois) au plus improbable quatuor de héros de l’histoire de la Black Library. Faisant feu de tout bois, Andy enchaîne dialogues absurdes, comportements parodiques, péripéties grotesques et calembours de comptoir (mention spéciale au barbare de la bande, le bien nommé Keanu the Reaver), pour un résultat dans la droite ligne de bouquins tels que ‘Lord of the Ringards’, ‘Bilbo the Postit’ ou encore ‘La Der des Etoiles’. Etant donnée la brièveté de l’opus et son caractère résolument novateur par rapport au med-fan premier degré qui caractérise la BL, la sauce prend toutefois mieux que pour les « chefs d’œuvre » précédemment cités, ce qui n’est pas plus mal.

Bref, ‘Grunsonn’s Marauders’ est une lecture indispensable pour tous les acharnés de la Black Library, une curiosité tout autant qu’une relique d’une époque où Games Workshop ne se prenait pas encore (trop) au sérieux. Un vrai collector1.

1: Pour la petite histoire, les maraudeurs de Grunsonn étaient les personnages de la bande Heroquest d’Andy Jones et de son cercle d’amis. Ce qui explique beaucoup de choses.

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The Man Who Stabbed Luther Van Groot – S. Mitchell :

INTRIGUE :

Le quotidien tranquille et roboratif du détective privé Halfling Sam Warble est légèrement dérangé un soir qu’il prenait son dîner dans sa gargote préférée de Marienbourg par le cas que lui apporte le boulanger Alfons de Wit, modeste artisan propulsé au rang de célébrité locale et homme politique en puissance après qu’il ait réglé son compte au chef de gang Luther Van Groot lorsque ce dernier tenta de le racketter à la sortie de son échoppe. Si cet acte héroïque fit de de Wit la coqueluche du quartier, et lui ouvrit les portes d’une prometteuse carrière de notable, elle attira aussi l’attention d’un maître chanteur, bien décidé à faire pression sur la nouvelle idole du Winkelmarkt pour son propre intérêt. Ayant reçu de vagues menaces faisant état d’ébruiter une vérité compromettante pour lui, de Wit fit ce que n’importe qui avec deux sous de jugeotte et un solide compte en banque aurait fait à sa place, et s’en alla trouver le fin limier qu’est Warble pour lui demander d’identifier son admirateur secret, contre espèces sonnantes et trébuchantes, bien sûr.

Après avoir accepté l’affaire et un premier acompte, notre limier de poche décide de se rendre chez lui pour se pieuter, car il ne sert à rien de commencer une enquête en soirée (c’est très mauvais pour la digestion). Le retour est cependant plus mouvementé qu’à l’accoutumée, Warble se faisant embusquer par un duo de malfrats bien décidés à lui faire la peau, pour une raison inconnue mais sans doute sérieuse pour les pousser à de telles extrémités dans l’impolitesse. Bien que l’un des assaillants soit un sorcier, comme ses contours crépitants le laissèrent apercevoir sans équivoque à notre héros, ce dernier, grâce à ses réflexes développés et la résistance passive à la magie dont bénéficie la noble race Halfling, parvient à échapper au maléfice que lui réservait le thug-maturge et lui plante sa dague dans la jugulaire pour règlement de tout compte. Rejoint par une patrouille de miliciens quelques instants après l’algarade, Warble évite de peu de terminer la nuit au poste pour se justifier de ses actions (merci le népotisme marienbourgeois), et s’en retourne dans ses pénates pour prendre un bon bain et quelques heures de repos bien mérité.

Le lendemain, Warble se met enfin en quête du maître chanteur de son commanditaire, tout en tentant d’élucider les raisons ayant mené à la tentative d’halficide dont il a fait les frais la veille. Au menu (au sens figuré, hélas), un entretien avec un mage freelance de sa connaissance (Kris) pour avis d’expert, et deux interrogatoires de lieutenants de feu Luther Van Groot (Jan Alten et Karin Van Meeren), s’étant divisé les restes de l’empire criminel de leur patron après la mort de celui-ci. Bien que les deux jurent solennellement ne rien savoir des déboires de l’honorable de Wit, un faisceau d’indices apparait bientôt devant les yeux aiguisés de Sam Warble, et il donne rendez-vous le soir même à Alfons devant une maison assez ordinaire du Winkelmarkt…

Début spoiler 1…La sagacité légendaire de l’Hercule Poirot de Marienbourg lui a en effet permis de découvrir que Luther Van Groot, en plus d’être une crapule consommée, fricotait également avec un culte chaotique à ses heures perdues. Ayant trouvé malin de sacrifier une des filles du bordel tenu par Karin Van Meeren à une quelconque déité néfaste pour épater la galerie, il aurait dû expliquer à cette dernière la disparition suspecte de sa protégée, mais fit sa rencontre fatale avec Alfons de Wit avant que la mère maquerelle ne puisse lui mettre le grapin dessus. Elle assista tout de même de loin au face à face mortel entre le boulanger sans le sou (seule raison pour laquelle il avait refusé de graisser la patte du truand) et le racketteur malchanceux, et put donc se rendre compte que contrairement à la rumeur populaire, de Wit n’était pour rien dans le trépas prématuré de Van Groot, poignardé par un mystérieux assaillant alors qu’il était sur le point de corriger le mitron téméraire.

C’est donc Van Meeren qui tentait de faire chanter de Wit (et l’attaque sur Sam Warble a été causé par la paranoïa des cultistes fréquentés par Van Groot, convaincus que le limier enquêtait sur eux et non sur le maître chanteur), mais Warble a tôt fait de rassurer son client. L’aura de vertu entourant le boulanger sera bientôt tellement grande qu’elle le mettra totalement à l’abri des médisances de la mère maquerelle, et pour cause : en plus d’avoir « liquidé » Van Groot, n’a-t-il pas mené les autorités de Marienbourg jusqu’à une dangereuse secte chaotique, hein ? C’est en effet la version de l’histoire que Sam Warble a donnée au régiment de miliciens et de Templiers qu’il convoqué pour nettoyer le repaire des cultistes, et tout est bien qui finit mieux pour les honnêtes gens de la cité état. Une question demeure, cependant : qui a vraiment suriné Luther Van Groot ?

Début spoiler 2…Et la réponse est Sam Warble, pour toucher la prime placée sur la tête de la fripouille par les autorités de Marienbourg après que Van Groot ait eu la mauvaise idée de tenter de trafiquer avec des marchands impériaux dans le dos de la municipalité, très attachée à son monopole sur l’import-export avec Ulthuan et le nouveau monde. Comme Luther l’a appris à ses dépens, ce n’est pas toujours la taille qui compte…Fin spoiler

AVIS :

Pour sa dernière apparence (à ce jour !) dans la littérature WFB, Sandy Mitchell fait vivre à son personnage de Sam Warble un whodunit très resserré (12 pages seulement), dont la conclusion m’a laissé un peu sur ma faim – un comble pour une histoire dont le héros est un Halfling. Bien que tout s’emboîte et s’enchaîne sans erreur ni lacune dans cette nouvelle assez tortueuse (ça s’est sans doute perçu à la lecture des paragraphes ci-dessus, et je m’en excuse), Mitchell ne propose pas au lecteur une véritable énigme policière « participative », ce qui fait tout l’intérêt du genre, mais se contente de démontrer que son héros est vraiment très sagace, sans laisser la possibilité à son public de se mesurer au Sherlock Holmes Zavant Konniger du Winkelmarkt. Pour être honnête, ça avait déjà été le cas pour les deux autres enquêtes de Warble publiées dans la GW-Fiction (‘The Tilean Rat’ et ‘The Song’), mais leur caractère ouvertement parodique les rendait plus intéressantes que ‘The Man…’, qui lorgne beaucoup plus franchement vers le polar premier degré. D’autre part, je trouve que l’identité du meurtrier de Luther Van Groot ne colle pas vraiment avec l’image que j’ai du personnage, que je ne m’imaginais pas comme le tueur de sang froid que Mitchell nous présente à la fin de son récit. Une assez triste affaire, en somme.

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Tales of Revenge & Betrayal

The Faithful Servant – G. Thorpe :

INTRIGUE :

WFB_The Faithful ServantAu sortir d’une bataille perdue par l’Empire contre une armée chaotique dans le nord du Kislev, le prêtre guerrier Markus revient à lui dans un champ de cadavres. Piégé sous la dépouille de sa monture, il ne peut se dérober lorsqu’un guerrier des puissances noires se présente devant lui. À sa grande surprise, son ennemi ne semble pas tant être intéressé par sa vie que son âme, ses sombres maîtres lui ayant promis l’immortalité en échange de la corruption d’un certain nombre d’individus vertueux. Markus pourrait être la dernière victime d’Estebar, le maître du massacre, dont l’ost se débanderait après l’élévation de son général au rang de Prince Démon, épargnant ainsi les vies de milliers d’innocents. Mais notre héros est-il prêt à consentir au sacrifice ultime pour préserver ses compatriotes des ravages des hordes du Chaos ?

AVIS :

La damnation et les chemins, souvent détournés et pavés de bonnes intentions, qui y mènent, font partie des thèmes de prédilection de Gav Thorpe, qui a consacré au sujet sa première trilogie en tant qu’auteur de la Black Library (‘Slaves to Darkness’). ‘The Faithful Servant’, publié quelques années avant ces romans, peut donc être considéré comme un galop d’essai de la part du Gav. On retrouve ainsi dans cette nouvelle un héros placé face à un choix cornélien, dont les répercussions ne manqueront pas d’ébranler le Vieux Monde (c’est du Thorpe après tout).

Construit exclusivement comme « écrin narratif » à sa question centrale, ‘The Faithful Servant’ tient davantage du conte philosophique (même si une telle appellation est un peu galvaudée par son enrobage med-fan) que de la nouvelle de sword and sorcery classique, et ce n’est pas plus mal. Sans s’avérer particulièrement mémorable ni éloquent, le débat opposant Markus à Estebar se révèle être assez plaisant à lire. En choisissant de conclure son propos avant que le prêtre guerrier n’ait fait son choix, Thorpe gratifie de plus sa nouvelle d’une conclusion, que dis-je, d’une ouverture, d’une élégante sobriété (pour changer).

Si elle s’adresse en premier chef aux lecteurs récemment initiés au background de Warhammer (les vétérans n’y trouvant rien que de déjà très connu d’eux), ‘The Faithful Servant’ est sans doute l’une des meilleures soumissions de Gavin Thorpe.

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The Sound Which Wakes You – B. Chessell :

INTRIGUE :

Le jeune Tomas, fils cadet du forgeron du petit village de Montreuil, perdu dans les contreforts bretonniens des Montagnes Grises, en a gros. Comme tous les adolescents de son âge, il éprouve de grandes difficultés à respecter l’autorité, mais la colère de notre héros n’est pas seulement dirigée contre son père (Pierro), mais également et surtout contre le Marquis Gilbert de la Roserie, seigneur de Montreuil, despote impénitent et surtout ordonnateur de l’exécution du frère aîné de Tomas, après que ce dernier ait tué un des Sergents d’armes du village pour venger la mort de sa bien-aimée. Dégoûté par l’attitude placide et servile des Montreuillois devant les exactions de leur suzerain, Tomas occupe ses journées à planifier la Révolution avec un grand -R et des grands airs, qui permettra à son bled de jeter à bas la tyrannie gilbertienne.

Après une cuite au brandy avec son pote Luc, le blanc bec se décide à passer à l’action, ce qui consiste en son cas à aller foutre le feu à la haie entourant le château de Gilbert, et dont le domaine tire son nom. Cet acte plus délinquant que criminel fait grand bruit au sein du village, mais la réputation de hooligan de notre héros est de notoriété tellement publique que c’est chez lui que le Marquis fait une descente de police gendarmerie le soir même. Si Tomas, prévenu par son père du risque qu’il court, parvient à s’échapper en passant par le toit de la forge, le brave Pierro ne survit pas à sa tentative d’arrestation par la maréchaussée, et meurt l’épée à la main pour couvrir la fuite de son fiston. Désormais hors la loi, notre héros se rend dans la forêt toute proche où son père lui a indiqué d’aller, sans trop d’idée précise sur la suite qu’il souhaite donner à sa carrière de repris de justice…

Début spoiler…Sur place, il est rejoint par une douzaine d’hommes de Montreuil, qui lui expliquent qu’il est vraiment trop c*n vilain. Son feu de joie et les conséquences macabres de ce dernier sont venus faire obstacle au patient projet d’insurrection qu’ils planifiaient depuis des années, sous la houlette de Pierro. Le forgeron n’avait en effet pas pardonné non plus au Marquis la mort de son fils aîné, mais plutôt que de s’en plaindre bruyamment et futilement comme ce trublion de Tomas, avait patiemment réuni autour de lui des partisans et des épées, forgées incognito avec ses vieux stocks de minerai.

Désemparés par la disparition de leur chef, les conjurés consanguins décident de mettre Tomas aux affaires, le management héréditaire apparaissant sans doute comme d’une familiarité rassurante pour ces âmes simples. Fidèle à son approche cavalière et opportuniste, qui lui a si bien réussie jusqu’ici il faut le dire (…), Toto décide que cette nuit est le moment idéal pour déposer le Marquis, et sans plus de préparation, entraîne ses guérilleros en sabots jusqu’au château de leur Némésis.

Ayant réussi à mettre hors de combat une poignée de gardes grâce à l’effet de surprise, les Jacques en furie finissent par se retrouver confrontés à une forte troupe (environ 12) de Sergents d’armes. Laissant ses troupes se débrouiller face à la maréchaussée, Tomas s’introduit dans les quartiers privés de l’horrible Gilbert avec un compagnon pour pétitioner son suzerain à coup de colichemarde dans les ratiches. Ce dernier, réveillé par le tumulte de l’insurrection, est toutefois frais et dispos pour un duel au saut du lit, et malgré toute leur bonne volonté, Tomas et son sidekick ne sont pas de taille à lutter contre un escrimeur aguerri comme la Roserie. L’erreur de son excellence sera toutefois de vouloir jouer avec ses adversaires au lieu de les coucher fissa, et de faire un peu trop confiance à la solidité de la rapière fashion que lui avait forgé Pierro. Cassée nette après avoir rencontré un os un peu trop calcifié, la lame du joujou de Gigi fait défaut à son porteur au pire moment, et permet à Tomas de remporter le combat d’un horion de gueux bien dégueu’, mais indéniablement efficace.

La mort de leur maître et, surtout, la perspective de ne plus recevoir de solde, ayant conduit les Sergents survivants à déposer les armes, la vie peut reprendre son court à Montreuil. Sentant que sa place n’est plus parmi les siens, Tomas part tenter sa chance sur les routes de Bretonnie, tandis que le château de la Roserie tombe à l’abandon. Pour le reste, c’est bonnet blanc et flanc de poney, comme on dit du côté de Montsoir en Barreuil. Au moins, les roses ont repoussé…Fin spoiler

AVIS :

Ben Chessell se positionne comme le chaînon manquant entre la prose contemplative de Brian Craig1 et les productions classiques de la Black Library avec ‘The Sound Which Wakes You’ et son histoire de jacquerie à la petite semaine dans un village perdu de Bretonnie. Le style neutre et détaché utilisé par l’auteur pour décrire l’insurrection de Montreuil contre son cruel suzerain détonne fortement avec ce que l’on a l’habitude de lire en matière de GW-Fiction (hors Craig, encore une fois), mais l’expérience n’en est pas désagréable pour autant. Cette approche dépassionnée de son sujet permet même à Chessell de terminer la nouvelle avec un des excipits les plus sinistrement percutants (et donc en quelque sorte, grimdark) que la BL ait connu. ‘The Sound Which Wakes You’ est la chronique sociale de Bretonnie que personne n’attendait et qui n’a (très bizarrement…) pas fait école, mais qui mérite le détour pour son originalité et pour son exécution, dans la pure veine des travaux précédents de Ben Chessell, qui termine ici son parcours au sein de la GW-Fiction.

1 : Un autre auteur dont la Bretonnie est plus médiévale que fantastique.

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The Sleep of the Dead – D. Hinks :

INTRIGUE :

WFB_The Sleep of the DeadAu cours d’une nuit de murge avec quelques gentilhommes de ses amis, le Comte Rothenburg met au défi son jeune cousin Gormont de régaler l’assistance, passablement éméchée à ce stade, d’une histoire d’horreur dont les bois sont tant friands. Après s’être fait longtemps désirer, arguant du caractère confidentiel et illicite du récit qu’il s’apprêtait à livrer, Gormont finit par sortir de sa redingotte un journal, écrit de la main de son médecin de famille, Gustav Insel. Ce dernier avait brusquement disparu après des années de bons et loyaux services, pour prendre part à l’expédition montée par le Baron Fallon von Kelspar, destinée à localiser la légendaire cité de Yin-Chi, sensée se trouver quelque part dans les étendues inhospitalières des Désolations du Chaos. Un super plan, donc. Récemment revenu de son périple nordique, encore que dans un état plus tertiaire que second, Insel fut repris par ses ancien employeurs, mais son comportement imprévisible et franchement pénible fit de sa nouvelle disparition soudaine, il y a deux jours de cela, un soulagement pour la maisonnée. C’est donc le journal du bon docteur dont il sera fait lecture ici.

Menée par l’enthousiaste von Kelspar, l’expédition partit sur le navire Heldenhammer du capitaine Hausenblas en direction des hautes latitudes… et ne tarda pas à s’égarer. Mais vraiment. On parle de « au lieu d’aller tout droit, je me suis retrouvé à vue de la côte de Clar Karond » en niveau de perdition. Vivement que les Skavens inventent le GPS, moi je dis. Bien évidemment, cette boulette ne fut pas sans conséquence pour nos hardis marins, qui durent essuyer un abordage en règle de la part de Corsaires Elfes Noirs ravis par cette aubaine. Les humains parvinrent cependant à repousser les Druchiis au prix de lourdes pertes, et les survivants de ce début de voyage mouvementé purent enfin poser le pied sur la toundra gelée, étape suivante de leur périple.

Les lecteurs avisés que vous êtes en matière de géographie du Vieux Monde ne seront guère surpris d’apprendre que ce trek de l’extrême ne tarda pas à rencontrer des difficultés, aussi bien causées par les conditions climatiques que par la faune indigène, rendue aussi sauvage que résistante par les rafales de vent chaotique soufflant en tempête dans le grand Nord. C’est ainsi qu’un shoggoth une bête de sang (sorte d’Enfant du Chaos, goût pastèque) tomba sur le groupe d’aventuriers et en réduisit une bonne partie en charpie, avant que l’implacable Baron ne la fasse décamper sans demander son reste. Ce ne fut cependant qu’un répit temporaire, Insel découvrant les cadavres atrocement mutilés et décapités des trois derniers participants non nommés (on ne compte pas les chiens de traineau) de l’expédition, quelques jours plus tard…

Début spoiler…A ce stade, le bon docteur n’avait plus qu’une envie : faire demi-tour pour retourner à l’Heldenhammer. Von Kelspar n’était cependant pas du tout de cet avis, convaincu que les montagnes vers lesquelles les deux hommes se dirigeaient marquaient l’entrée de la mythique Yin-Chi. En désespoir de cause, Insel attaqua par surprise son compagnon alors que ce dernier était en train de manipuler le coffre rempli d’explosifs dont l’expédition aurait besoin pour pénétrer dans la cité (Indiana Jones style). Au cours de l’empoignade, Insel réussit à casser la jambe de son patron, mais également à renverser le contenu du coffre, qui s’avéra être les têtes tranchées des trois aventuriers précédemment nommés mentionnés, et avec lesquelles von Kelspar avait l’intention de payer son passage dans le royaume du Dieu du Sang. Désormais convaincu de la folie homicidaire du Baron, Insel laissa ce dernier se dém*rder tout seul avec sa jambe en vrac et son couteau planté dans le torse pour faire bonne mesure, et reprit le chemin du Sud, où il finit par croiser la route de l’Heldenhammer qui le ramena à sa chère étude… Au moins temporairement.

Ce récit fait forte impression auprès des participants à la petite soirée de Rothenburg, au point que le narrateur entend au moment de prendre son congé le Comte demander discrètement à son cousin où trouver plus d’informations sur le mystérieux chamane Mansoul et la carte que ce dernier aurait remis à von Kelspar, déclenchant la fièvre exploratice de l’aristocrate. Quelque chose me dit que la course au pôle n’est pas près de s’arrêter…Fin spoiler

AVIS :

Après C. L. Werner dans ‘The Doom That Came To Sarnath’, c’est au tour de Darius Hinks de revisiter ses classiques lovecraftiens en signant un pastiche très convenable de ‘At the Mountains of Madness’ avec ‘The Sleep of the Dead1. Je dois dire que le parallèle fait par l’auteur entre l’horreur indicible des Grands Anciens (dans la mythologie originelle de Lovecraft) et celle du Chaos dans l’univers de Warhammer est tout à fait pertinent, et la copie qu’il rend est assez originale – notamment la narration autobiographique, rarement utilisée dans la GW-Fiction – et propre pour que sa lecture en soit intéressante. Mon seul (léger) reproche concerne l’intégration des Corsaires Elfes Noirs dans l’intrigue, qui n’avait à mes yeux pas lieu d’être, tant au niveau de son « utilité » narrative que dans l’établissement de l’atmosphère si particulière de l’horreur lovecraftienne (où les batailles rangées sont assez rares, reconnaissons-le). Une petite pépite du catalogue de la Black Library.

1 : Le titre est pour moi une référence claire à la fameuse phrase “That is not dead which can eternal lie, and with strange aeons even death may die”, issue de ‘The Nameless City’ (toujours Lovecraft).

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The Path of Warriors – N. McIntosh :

INTRIGUE :

WFB_The Path of WarriorsOn le sait, la vie en Kislev n’est pas de tout repos. En plus du rude climat et de l’isolement qui frappe la plupart des communautés éparpillées sur ces vastes steppes, la menace d’une visite de « courtoisie » rendue par des voisins nordiques avides de pillage plane en permanence au-dessus des chapkas des braves sujets du Tsar. C’est donc avec plus de fatalisme que d’appréhension que Fedor Kumansky, pêcheur buriné par ses années à taquiner la tanche dans l’estuaire du Lynsk, voit approcher une flotille de maraudeurs venus tout droit de la Mer des Griffes. Il a même reçu un songe prémonitoire de la tuile qui n’allait pas tarder à tomber sur le petit village d’Odensk la nuit passée, c’est dire s’il est au fait des événements.

Accompagné par son fils aîné, Stefan, il se hâte de porter la mauvaise nouvelle à ses concitoyens, et prend la tête de la milice de farouches péquenauds bien décidée à repousser les Norscans s’ils leur venaient l’idée de s’arrêter à Odensk avant de remonter jusqu’à Erengrad. Il laisse son autre fils, Mikhal, aux bons soins de l’aîné, et fait promettre à ce dernier de protéger son cadet comme il l’avait lui-même juré à sa défunte femme sur son lit de mort. À ce stade, vous devez sans doute vous dire qu’un tel comportement ne peut signifier qu’une chose pour le brave Fedor : une mort prématurée d’ici à la fin de la nouvelle. Et vous avez raison, futés que vous êtes. Sans beaucoup de surprise, mais tout de même hors champ (donc il s’est peut-être simplement empalé sur son épée en trébuchant sur un caillou, laissons le bénéfice du doute aux maraudeurs), Papa Kumansky ne passe pas la nuit, vaincu avec ses camarades par la furie sanguinaire des hommes du Nord.

De leur côté, les fistons Kumansky s’en sortent beaucoup mieux. Planqués dans la maison familiale, ils commettent l’erreur de quitter leur refuge au premier bruit de bottes venu, confondant en cela la démarche chaloupée des Kislevites avec celle, chaloupée aussi à leur décharge, des Norscans. Livrés à eux-mêmes dans la scène de chaos (c’est fluff) que constitue le pillage d’Odensk, les frérots parviennent à échapper aux sales pattes d’un duo de maraudeurs mal-intentionnés, dont un se fait éborgner par le petit couteau de Stefan au passage. S’étant tapis au fond d’une barrique remplie de tripes de poissons (on ne jette rien à Kislev), le temps que le jour se lève et que la poussière retombe, Stefan et Mikhal sortent de leur cachette une fois le calme revenu à Odensk, et se rendent compte qu’ils sont probablement les seuls survivants de cette terrible nuit. Sans autre recours, les orphelins prennent le chemin de la terrible et dangereuse civilisation (sans doute Erengrad, tbh), empruntant par là-même le chemin des guerriers (wink wink), qui les mènera des années plus tard à exercer leur VENGEANCE sur les méchants qui leur ont fait du tort et navré à mort leur pauvre papounet. Sans doute que les chemins des mages et des voleurs étaient en travaux, à ce moment.

AVIS :

Neil McIntosh lève le voile sur la tragic origin story des frères Kumansky, qui servent de héros à la trilogie ‘Star of Erengrad’/’Tainted Faith’/’Keeper of the Faith’ que cet auteur a signé pour la Black Library en des temps très anciens ; dans ce très honnête ‘The Path of Warriors’. Si le déroulé des événements ne surprendra pas grand-monde, et que le cameo du maraudeur éborgné (que l’on retrouve plus tard dans les bouquins, mais dont le nom m’échappe au moment d’écrire cette chronique) risque de ne résonner qu’auprès de la toute petite communauté des fans hardcore de cette série aujourd’hui tombée dans l’anonymat le plus complet, on peut apprécier d’être enfin en présence de personnages un minimum complexe et sympathique, ce qui n’est pas le cas dans la majeure partie des Kumanskynneries que j’ai pu lire avant. La meilleure nouvelle de la trilogie de courts formats que McIntosh a écrit pour accompagner les romans, à mon humble avis.

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Rat Trap – R. Earl :

INTRIGUE :

Les libations du mercenaire Hoffman dans une taverne de Nuln sont interrompues par l’arrivée d’un petit homme plaintif et hors de forme, qui se présente comme le tanneur Reinhard Bosse. Sur la recommandation d’un boulanger de sa connaissance (Schilburg), auquel Hoffman a donné un coup de main par le passé pour « régler » un problème avec un client indélicat, Bosse cherche à recruter les gros biscotos et le swag naturel du matamore afin de régler un problème réputationnel concernant le puits situé dans la cour de son atelier.

Entre deux chtis canons de gros rouge qui tâche et anecdotes sans intérêt, Bosse raconte à son interlocuteur, moyennement intéressé par l’histoire mais à l’affût de toute opportunité professionnelle pour pouvoir se payer une nouvelle veste à crevé Lagerfeld (un tailleur Ostlander très reconnu), les déboires qui le frappent depuis plusieurs semaines. Il s’est trouvé que sa sœur, Bertha, a  cru voir un rat bipède géant faire des longueurs au fond du puits un matin qu’elle était de corvée de flotte, et a tapé un tel scandale qu’un nombre croissant des domestiques et ouvriers des Bosse l’ont rejoint dans la psychose, créant une ambiance lourde au domicile et paralysant l’activité de la tannerie familiale. La solution pour le pragmatique Bosse serait d’envoyer Hoffman au trou, littéralement parlant, afin de démontrer par l’exemple à ses pleutres employés que le puits est parfaitement sain et sûr.

Après une nuit à négocier autour de la dive bouteille, les deux hommes tombent d’accord sur une compensation adéquate pour qu’Hoffman accepte de risquer sa tenue dans l’humidité des dépendances du tanneur, et dès le lendemain, on retrouve nos larrons à pied d’œuvre. Un peu surpris que son employeur lui demande de procéder à son audit sur site avant même que ses domestiques n’aient pris leur service, le pragmatique Hoffman, s’attendant à gagner facilement sa paie du jour, ne se fait pas prier pour commencer sa descente…

Début spoiler…Et s’il ne trouve pas de Skavens ou de ragondins dans le puits des Bosse, c’est que 1) il n’y en a jamais eu, et 2) il ne s’agit pas du puits des Bosse mais de celui des Klumper. Klumper, comme le nom du malheureux qu’il a occis il y a quelques semaines à la demande de Schilburg, auquel il ne faut apparemment pas baver sur les miches. Il se trouve que le macchabée en question était Klumper père, et que Reinhard Bosse est en fait Klumper fils, bien décidé à se venger de l’assassin de son paternel, mais incapable de se faire justice sans recourir à la ruse (et on le comprend). Une corde coupée plus tard, Hoffman dégringole au fond du puits et ne tarde pas à couler corps et bien, alourdi par sa quincaillerie professionnelle. La vengeance est un plat qui se boit froid…Fin spoiler

AVIS :

En six pages, Robert Earl trousse un petit conte d’Hoffman à la sauce Warhammer Fantasy Battle, convenablement construit et déroulé même si un peu prévisible quant à sa conclusion. Si on se doute bien que quelque chose va arriver au fier à bras recruté par le tanneur tanné, Earl parvient cependant à jouer sur la légendaire clandestinité de la race skaven pour laisser planer un doute sur ce qui attend Hoffman au fond de cette citerne. Un très court format très potable (à la différence de l’eau du puits de Herr Bosse), même si en deçà du ‘A Fool’s Bargain’ de Brian Maycock, le mètre étalon des « mignardises » med-fan de la Black Library.

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Tales of Deceit & Obsession

Rotten Fruit – N. Long :

INTRIGUE :

Bien qu’ils aient joué un rôle important dans la victoire contre une horde de Kurgans en incursion dans le Middenheim, en tuant un noble félon et détruisant la bannière enchantée lui ayant permis de retourner une partie du contingent impérial contre leur employeur, le comte Manfred Valdenheim (‘Valnir’s Bane’), la seule récompense accordée à Reiner Hetzau et à ses comparses (Giano, Franz/Franka, Hals et Pavel) est d’assister à « leur » exécution, ou plutôt celle des pauvres bougres choisis par Valdenheim pour laver son honneur familial meurtri – le traître n’étant autre que son propre frère – et faire disparaître ses agents très spéciaux des radars. Quand on est un noble influent à la cour impériale, avoir à sa solde des agents compétents prêts à exécuter le sale boulot en toute discrétion est en effet fort utile. De leur côté, Reiner et Cie, s’ils n’approuvent pas les manigances de leur patron, n’ont guère voix au chapitre : sous l’emprise d’un sortilège permettant à Manfred de les faire mourir à distance quand bon lui semble, ils sont contraints de se plier au bon vouloir de l’aristocrate, au moins jusqu’au moment où ils trouveront la combine pour se tirer de ce mauvais pas.

Accompagnant le comte et sa suite de chevaliers de Middenheim1 à Altdorf, les Black Hearts se retrouvent pris dans une nouvelle sale histoire lorsque le château isolé dans lequel ils passent la nuit se révèle être menacé par un culte de Slaanesh mené par une sorcière passionnée par le naturisme (ce qui est normal) et par l’horticulture (ce qui l’est moins). Ayant distribué des pommes d’amour parfumées au LSD à une bonne partie de la population locale, la bougresse est à la tête d’une petite armée de hippies aussi fanatiques que dévêtus, dont le fils (Udo) de l’hôte de Manfred et de ses gens. Totalement sous la coupe de Cerise de Groupama – appelons-la comme ça – le jouvenceau plein de fructose et de sève est prêt à tout pour la carpe diem, même à assassiner son paternel, ce qu’il n’arrive heureusement pas à faire grâce à l’intervention salutaire de Reiner et de Franka, dont les propres ébats sont interrompus, au grand désespoir de notre charo de héros, par les tentatives bruyantes et malhabiles d’Udo de serrer sa go.

La sorcière ayant cependant réussi à échapper à la capture, la tentative de Manfred de filer à l’anglaise en laissant son pote se débrouiller tout seul est contrecarrée par le mur de ronces empoisonnées et la pluie de flèches l’étant tout autant que l’enchanteresse conjure pour s’assurer que nul n’ira ébruiter le secret de sa présence aux autorités impériales. Contraints de se replier sur le château à moitié en ruines de son hôte pour y livrer un dernier carré à l’issue bien incertaine, Manfred et ses hommes n’en mènent pas large, mais peuvent heureusement compter sur l’esprit d’initiative et la langue bien pendue de Reiner, qui s’éclipse pendant la veillée d’armes pour parlementer avec la troupe de brigands locaux, et les convainc d’allier leurs forces à celles du comte en l’échange de la clémence, et peut-être même de la reconnaissance pécuniaire de celui-ci.

Renforcés par ce contingent de farouches hors la loi, les Black Hearts s’illustrent à nouveau dans le siège du manoir, parvenant à régler son compte à la sorcière exhibitionniste (et à Udo, toujours aussi épris de la Poison Ivy du Reikland, au passage) grâce à un moment Eowynien de Franka2, ce qui désorganise suffisamment les cultistes survivants pour permettre aux défenseurs de les mettre en fuite. Tout aussi fin politique que son boss, Reiner prend soin d’enjoliver le récit de la mort d’Udo à son père éploré pour sauver les apparences, et tout est bien qui peut bien finir…

Début spoiler…Sauf pour les bandits recrutés par les Black Hearts, traités avec la plus grande fermeté par Manfred malgré le fier service qu’ils lui ont rendu, et pendus aux murailles du château dès le lendemain matin pour leur apprendre à violer les lois impériales. Consterné par l’ingratitude de son employeur, et se sentant (à juste titre) responsable du sort tragique de ses compagnons d’armes, Reiner repart vers Altdorf avec le moral dans les chaussettes et une envie décuplée de fausser compagnie de ce triste sire, mais cela ne sera pas pour tout de suite…Fin spoiler

1 : Présentée dans l’histoire comme ayant repoussé l’assaut d’Archaon. C’est la version du multivers Battle que j’aime le mieux !
2 : Cerise (complètement nue et dégoulinante de patchouli) : « Je suis vraiment trop bonnasse, aucun homme ne peut me résister. »
Franka : « Eh bien ma vieille, figure-toi que… »

AVIS :

Après avoir présenté ses Black Hearts dans ‘Hetzau’s Follies’, Nathan Long nous livre une nouvelle de transition entre ‘Valnir’s Bane’ et ‘The Broken Lance’, les premier et second tome de sa sombre trilogie. Même s’il est préférable d’avoir lu le premier ouvrage, qui présente en détails le casting de cette histoire (Reiner Hetzau et ses acolytes, ainsi que le Comte Manfred Valdenheim), pour pleinement apprécier ‘Rotten Fruit’, Long est un auteur suffisamment compétent pour faire passer à son public un bon moment, quelque soit le niveau de connaissance de ce dernier à propos des Black Hearts.

On a ainsi droit à une vingtaine de pages rythmées en compagnie de personnages attachants (ou tout bonnement odieux dans le cas de Valdenheim, mais ce n’est pas une mauvaise chose pour capter l’attention du lecteur), embarqués dans une péripétie mineure mais bien conduite, et exposant parfaitement les enjeux principaux de la série : une très bonne (ré)introduction à cette dernière, en somme.

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Faith – R. Earl :

INTRIGUE :

WFB_FaithLe chevalier Gilles de Moreaux et son vieil écuyer perclus de rhumatismes, Claude Blanquette1, campent à la dure dans le massif d’Orquemont alors que l’automne est déjà bien avancé. Si les deux hommes s’obstinent à barouder hors saison, c’est que Gillou est à la recherche d’un trophée digne de ce nom pour l’armoire familiale. Notre héros l’a en effet un peu mauvaise que son frérot Léon ait bouclé sa quête du Graal et emballé la Dame du Lac en deux semaines chrono (on a connu la déesse plus minaudière), et soit revenu au château paternel avec une tête de Troll de fort beau gabarit. De son côté, il n’a eu que des bêtes Orques à se mettre sous la lame, et désespère de trouver un adversaire digne de lui attirer la bénédiction de la Dame. Claude, plus prosaïquement, désespère de ne pas être rentré se mettre au chaud alors que l’hiver approche à grands pas, mais doit se contenter pour le moment de siroter son thé au coin du feu, enroulé dans sa fidèle courtepointe. Dans son malheur, le gueux doit reconnaître qu’il a de la chance, car Gilles est le premier de Moreaux qu’il sert à entretenir lui-même ses armes, et il a même poussé la sollicitude jusqu’à réaliser des cataplasmes pour les articulations douloureuses de son serviteur. C’est Martrud de Monfort qui serait fier.

Lorsque le duo rencontre par hasard un paysan envoyé par l’ancien de son village (Celliers) trouver de l’aide pour débarrasser la communauté d’un monstre responsable de la disparition d’une dizaine d’habitants, Gilles se dit qu’il tient sa chance de prouver sa bretonnitude autrement qu’en vidant des bouteilles de chouchen et en jouant du biniou, ce qui est appréciable. Ayant terminé les trois Witchers en mode hardcore lorsqu’il était ado, le chevalier n’a aucun mal à identifier le fléau de Celliers après une entrevue avec l’ancien du village, François. Il s’agit bien sûr d’un Vampire, because of reasons, et il n’aura qu’à attendre la bête à proximité de la crypte locale pour lui faire sa fête et enfin taper dans l’œil de cette mijaurée de Dame. Ayant laissé comme instructions à ses hôtes de rester groupés et de ne pas se séparer, même pour aller aux latrines, le temps qu’il règle leur problème, Gilles s’installe pour une veillée sépulcrale à côté du cimetière local, toujours accompagné par son fidèle Claude. Ce dernier, qui n’est plus tout jeune, finit par s’endormir avec la bénédiction de son maître, qui dispose quant à lui de la vertu de mise en veille de longue durée pour rester alerte toute la nuit durant.

Lorsque Claude se réveille, il se découvre seul à côté des cendres du feu de la veille, et craint d’abord qu’il soit arrivé malheur à son maître pendant qu’il sciait des bûches. Cependant, Gilles était seulement parti constater le décès d’une nouvelle victime de la bête, mordillée à mort par des mâchoires humaines. Comme les bouseux ont respecté les consignes du noble noble, et que le compagnon qui escortait le pauvre Jules au petit coin a disparu sans laisser de traces, Gilles en conclut que c’est ce fieffé coquin de Jacques qui est responsable des morts de Celliers, et jure sur son honneur de traquer le maraud. C’était surtout une ruse pour s’en aller au plus vite du village, maintenant que l’affaire semble être tirée au clair. Bien que satisfait d’avoir accompli son devoir, Gilles n’a toujours pas trouvé d’adversaires à sa valeur, et pense sérieusement à hiverner à Orquemont pour accélérer sa quête. Dans son infinie mansuétude, il renvoie Claude à Celliers pour lui éviter des engelures qui pourraient lui être fatales… et se fait rappeler sur place par son serviteur, car quelque chose d’inattendu se passe au village.

En effet, les paysans sont sur le départ, car la découverte du corps mutilé de Jacques peu après que Gilles et Claude se soient mis en chasse de ce dernier ne laisse que peu de doutes sur le fait que le monstre est toujours dans les parages. Touché dans son honneur et dans son amour propre par la réalisation de sa propre nullité, Gilles supplie François et ses gens de rester encore une nuit sur place, afin qu’il ait une ultime chance de se rattraper. Ne pouvant pas décemment dire non à un psychopathe en armure lourde, l’ancien accepte de surseoir son départ, et le chevalier décide d’aller prier à une mare toute proche pour trouver l’inspi’ qui lui manque tant…

Début spoiler…Lorsque Claude rejoint son maître après avoir ordonné aux péquenauds de se constituer en milice civile et de ne se déplacer que par packs de douze, une vision peu commune vient s’offrir à ses yeux fatigués : la Dame du Lac en personne vient crever la surface de l’étang devant lequel Gilles s’est agenouillé en prière, et s’approche langoureusement du chevalier pour lui rouler un bon gros patin. Déesse ou pas déesse, ce sont toutefois des manières de prédateur/rice sexuel.le, et Gilles décapite l’entreprenante couguar en hurlant « Mitou, hache dague balance ta gorre ! ». Claude, beaucoup plus vieux jeu que son maître, est d’abord horrifié de ce qu’il considère comme une horrible méprise, mais la transformation rapide qui frappe le cadavre de la « Dame », et révèle qu’elle tenait plus de la guenaude aquatique que de la pucelle romantique, le convainc bientôt que Gilles était dans son bon droit. Le mystère de Celliers est résolu pour de bon, et les deux compagnons peuvent prendre la route de Moreaux pour ajouter ce nouveau trophée au mur de la salle de billard du château. Lorsque Claude demande à son boss ce qui lui a fait comprendre qu’il y avait anguille sous roche, le chevalier répond que cette Dame n’avait pas les yeux marrons qu’une pure beauté bretonienne se doit d’avoir, comme toutes les légendes et chansons l’attestent. Ce qui est une raison valable, jusqu’à ce que l’écuyer rappelle à son maître que la Dame qui est apparue à son frère Léon avait les yeux verts, d’après les dires de ce dernier. Bref, c’est pas demain la veille qu’edgy Gilles va rencontrer son idole, moi je vous le dis…Fin spoiler

1 : En fait il n’a pas de nom de famille comme tous les paysans qui se respectent, mais comme son kif ultime c’est de se faire des capes de superhéros avec des couvertures, je crois qu’on peut l’appeler Blanket Man.

AVIS :

Robert Earl revisite le mythe du chevalier de la Quête avec une petite nouvelle qui montre que tout ce brille n’est pas forcément or. Si l’auteur nous gratifie d’un twist final digne de ce nom, il aurait à mon sens été bien inspiré de chercher à l’intégrer de manière convaincante dans le reste de son histoire. En l’état, la rencontre entre Gilles et la Dame de la Mare tient plus de la péripétie accidentelle que de la conclusion logique d’une intrigue bien construite, et tout ce qu’il s’est passé avant ce moment fatidique n’a, scénaristiquement parlant, servi à rien, ou à pas grand-chose. Je reconnais que les Bretonniens ne sont pas les protagonistes les plus faciles à mettre en scène de façon intéressante, leur noblesse et droiture intrinsèques ne laissant que peu d’opportunités à un auteur pour complexifier un peu le tableau de façon cohérente avec le fluff de la faction. On en a ici un bon exemple avec good guy Gilles, qui fait un protagoniste aussi mémorable que le Moxostoma anisurum moyen. Comme pour la quête du Graal, beaucoup d’appelés, mais peu d’élus.

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Portrait of my Undying Lady – G. Rennie :

INTRIGUE :

WFB_Portrait of my Undying LadyLe génial Giovanni Gottio, portraitiste reconnu mais un peu trop attaché à la représentation de la vérité crue et sans fard chez ses modèles pour son propre bien, est approché dans une taverne de Trantio par un généreux mécène, cherchant à le convaincre d’accepter une commission d’un genre un peu particulier. Malgré les trois pichets de vinasse royalement avancés par son interlocuteur, l’incorrigible Gottio, blessé dans son orgueil par l’accueil glacial que sa représentation de la femme de Lorenzo Lupo a reçu de la part de son commanditaire, refuse avec emphase d’accepter cette commande et tire sa révérence avec toute l’élégance permise par une cuite au gros rouge. Il est cependant difficile de refuser la proposition d’un Vampire quand on fait un mètre cinquante, avec un petit bedon et 3 grammes d’alcool dans le sang, comme l’immense Gottio ne tarde pas à le découvrir à ses dépends. Ramené manu militari par son nouveau meilleur ami (Mariato) jusqu’à son véhicule de fonction, le peintre sombre dans l’inconscience avant que le fiacre n’arrive à destination.

Se réveillant à l’intérieur d’une villa de campagne des environs de Trantio passablement délabrée, l’illustre Gottio est conduit jusqu’à celle qui va devenir sa muse, de gré ou de force : Dame Khemalla de Lahmia. Comme son titre, sa pâleur morbide et les nombreux portraits d’elle peints par des artistes ayant vécus il y a des siècles l’indiquent, Khemalla est une Vampire, dont l’un des vices les plus innocents est de se faire peindre par les maîtres de chaque époque, afin de pallier à son incapacité d’utiliser un miroir. Cela l’aide à ne pas sombrer dans la folie sanguinaire qui guette les buveurs de sang les plus vénérables, comme elle révèle sans ambages à son hôte. N’ayant pas d’autres choix que de s’exécuter sous peine de l’être, l’incomparable Gottio se met au travail pour accoucher de sa meilleure ou de sa dernière œuvre, comme il le remarque sombrement.

Au cours des nuits suivantes, notre héros va peu à peu découvrir la réalité, pas forcément toujours glamour, d’une cour vampirique. En plus de devoir squatter une demeure abandonnée, et donc franchement insalubre sur les bords, il doit s’habituer au rythme décalé auquel vivent ses geôliers, les bruits de succion persistants qui résonnent près de sa cellule, les ballets de chauves souris géantes jusqu’à pas d’heure, ou encore les interruptions brutales de sessions pour cause de vendettas contre une autre lignée. Pire que tout, l’époustouflant Gottio se fait carrément menacer par cette fouine de Mariato, très jaloux de l’intérêt que sa maîtresse porte au scribouillard. Il aurait dû apprendre à dessiner au lieu de menacer gratuitement son prochain ceci dit, car peu de temps après que l’extraordinaire(ment effrayé) Gottio ait balancé son camarade à Khemalla, Mariato devient boursier (c’est-à-dire que l’insondable Gottio trouve ses cendres à l’intérieur d’une bourse glissée sous son lit). Le harcèlement professionnel, c’est un vrai sujet chez les Lahmianes apparemment.

Enfin, la toile est complétée et l’exténué Gottio peut la présenter à sa commanditaire, qui s’apprête à partir pour des cieux plus cléments. Satisfaite du travail de son invisonnier, elle lui remet une coquette somme en dédommagement de ses services, ainsi qu’un élixir de longue vie dans la dernière coupe qu’ils partagent avant le départ de l’une et le coma de l’autre. De retour dans son gourbi minable par l’opération du sang esprit, le miraculé Gottio se découvre une nouvelle jeunesse grâce au tonique à l’hémoglobine de Dame Khemalla, et entreprend de mettre un peu d’ordre dans sa vie pour permettre à son talent d’être reconnu comme il se doit. C’est ce qui s’appelle être en veine.

AVIS :

Gordon Rennie s’autorise une aventure extra Zavantale avec ‘Portrait of My Undying Lady’, mettant en scène la Némésis du sage détective d’Altdorf, Dame Khemalla, dans un huis clos où elle n’apparaît pas comme la maléfique éminence grise de service (pour changer). Cette petite nouvelle, si elle ne s’avère pas spécialement rythmée ou palpitante, et n’apporte rien à l’arc narratif de Zavant en tant que tel, se laisse toutefois lire sans problème, et a le bon goût de comporter quelques détails fluffiques qui pourront intéresser les plus curieux des lecteurs. Un amuse-gueule littéraire tout à fait convenable, en quelque sorte.

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The Seventh Boon – M. Scanlon :

INTRIGUE :

WFB_The Seventh BoonL’ambiance est pesante dans l’orphelinat Notre Dame Shallya du Cœur Béni de Marienburg, dont les petits pensionnaires sont amenés par douzaines devant un couple de riches notables, Herr et Frau Forst, à la recherche d’un petit animal de compagnie mignon pour bien paraître en société. C’est toutefois l’avis de la brave sœur Altruda après plusieurs heures de « casting » infructueuses, la jeune Madame Forst (Greta) se montrant aussi exigeante que vague sur les qualités recherchées de son futur héritier. Son mari étant un des bienfaiteurs principaux de l’établissement depuis de nombreuses années, Altruda est toutefois toute disposée à laisser Greta épuiser ses stocks d’enfants abandonnés, jusqu’à ce que, miracle, elle jette son dévolu sur un garçon de huit ans aussi mutique qu’innocent. L’affaire étant entendue, les époux Frost repartent en calèche avec leur acquisition artistiquement emballée dans une pochette cadeau, petit geste commercial réservé aux membres du club Platinum.

Il s’avère rapidement que cette adoption n’a pas grand-chose de désintéressée, et que si Gunther Forst a laissé sa femme jouer le premier rôle auprès de Sœur Altruda, c’est bien lui qui a planifié l’opération Marine1. Notre homme est en effet sous ses abords respectables un cultiste chaotique accompli, dont les activités interlopes nécessiteront dans un futur très proche un être à la pureté irréprochable, et certainement pas pour répondre à des questions de Steve Harvey, croyez-moi. Comme même à Marienburg, un homme célibataire de quarante ans ne peut pas adopter un gamin des rues sans que cela ne fasse jaser, et que Gunther tient absolument à ne pas attirer l’attention sur sa précieuse personne, il a embauché les services de Greta, prosti…sane de son état, pour jouer le rôle de sa tendre moitié et ainsi détourner les soupçons des nonnes. Cette mascarade tarifée prend brutalement fin lorsque le fiacre dans lequel le trio a pris place est arrêté par deux malfrats, dont l’un se révèle être le souteneur de Greta. Ayant compris que l’enfant soigneusement sélectionné par sa complice avait une valeur certaine sur le marché noir, le dénommé Ruprecht ne reculera pas devant un meurtre de sang froid pour s’emparer de la marchandise, mais c’est sans compter les talents de Gunther au couteau. Aussi efficace avec sa lame, tant au corps à corps qu’à distance, que Filthy Harald en personne, Herr Forst règle leur affaire aux malfrats, avant de repartir en petites foulées vers sa destination, son sidekick sur le dos. Une fin méritée pour ces trafiquants d’êtres humains en puissance, si vous voulez mon avis.

La caméra se braque ensuite sur les décombres des Six Couronnes, autrefois taverne fréquentée par les individus les plus louches de Marienburg et des environs, et désormais ruines abandonnées à la suite d’un malheureux incendie. Alors que Gunther se prépare à réaliser un rituel à l’importance cruciale tandis que son petit compagnon se gave de bonbons bourrés de somnifères (ça vaut mieux pour lui), on en apprend plus sur le passif et les motivations de notre héros.

Il y a de cela 150 ans, Gunther se rendit à un rencard très particulier à ce même endroit, et fit la rencontre de Samael, Prince Démon de Slaanesh undercover et collectionneur d’âmes patenté. Obsédé par l’atteinte de l’immortalité, Gunther était prêt à se séparer de son essence en échange de la vie éternelle que seul un puissant Démon tel que Samael était en mesure de lui accorder. Au bout d’une négociation serrée, les deux larrons tombèrent d’accord sur un deal satisfaisant tout le monde : à Gunther sept fois 25 ans de non-sénescence2, à Samael l’exaucement de sept faveurs pas trop compliquées par son associé mortel, et la pleine propriété de l’âme de ce dernier une fois le contrat terminé3. Ce petit arrangement tint pendant de nombreuses années, mais à l’approche de son septième et ultime rendez-vous intermédiaire avec son protecteur, le prudent Gunther se rendit compte que ce dernier allait probablement essayer de l’empapaouter dès la réalisation de sa septième requête, et récupérer ainsi son dû avant que les vingt-cinq dernières années prévues au contrat ne s’écoulent. Après tout, les Démons ne sont pas connus pour être les créatures les plus réglos qui soient (à l’exception de ceux de Solkan bien sûr).

Fort heureusement, un siècle et demi est plus que suffisant pour peaufiner ses connaissances ésotériques, et Gunther a eu tout loisir de dénicher dans d’antiques grimoires une solution à son problème existantiel (littéralement). Pour la faire simple, son plan consiste à piéger Samael entre deux cercles de conjuration, et à renvoyer le Démon patienter mille ans dans le Warp grâce à une balle enchantée et ointe du sang d’un être à la pureté absolue (pléonasme, vous me direz). Lorsque le ponctuel Samael se présente sur le lieu du rendez-vous à minuit précise, Gunther est prêt à le recevoir comme il se doit…

Début spoiler…Si la première partie de son stratagème se réalise sans anicroche, Sam se retrouvant coincé entre un graffiti magique et une mini douve d’eau bénite, le sacrifice du frêle enfançon ne se passe pas comme prévu. L’orphelin mutique était en effet une Démonette déguisée, un être à la pureté irréprochable si l’on se réfère au 2) de la définition du Petit Larousse, et pas au 3) comme Gunther l’a fait. Le tête à tête entre le cultiste dupé et le Démon mineur se termine de façon expéditive et définitive pour le pauvre M. Forst, qui aurait dû se douter qu’on n’arnaque pas si facilement une créature millénaire. Son grand œuvre ne reste toutefois pas inachevé, Samael utilisant le sang de sa créature pour terminer la réalisation de la balle dem-dem, car après tout, ce genre de munition peut s’avérer précieuse…Fin spoiler

1 : Comme Marine Lorphelin. J’espère que vous l’aviez.
2 : Comme le fait remarquer justement Samael, des cas de forces majeures peuvent s’appliquer.
3 : Je sais ce que vous vous dîtes : ça aurait été plus fluff pour un Prince Démon de Slaanesh de partir sur une base six plutôt qu’une base sept. Mais les temps sont durs, ma pauvre dame…

AVIS :

De toutes les nouvelles mettant en scène un pacte ou une invocation démoniaque (et les conséquences souvent hilarantes, salissantes et/ou catastrophiques qui en découlent) que la GW-Fiction nous a proposé au fil des années, ‘The Seventh Boon’ est sans doute l’une des plus réussies. Mitchel Scanlon met en scène de manière habile ce jeu de dupes entre un homme prêt à tout et un Démon faussement débonnaire, avec suffisamment de rebondissements (mention spéciale à cet échange, qui joue habilement avec les codes du pacte démoniaque) et de suspens1 pour garder l’intérêt du lecteur du début jusqu’à la fin. Chose appréciable, Scanlon se permet également quelques ajouts fluffiques qui, s’ils ne révolutionneront pas la face du Vieux Monde, méritent la lecture pour quiconque s’intéresse à ce genre de choses. A real boon.

1 : Et de mots savants pour enrichir le vocabulaire de son public. Je ne savais pas ce qu’était un trocart jusqu’à aujourd’hui, je le reconnais humblement.

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Rattenkrieg– R. Earl :

INTRIGUE :

WFB_RattenkriegUn vieux Prêtre de Morr fan de jardinage et ami des petits oiseaux voit sa paisible retraite interrompue en pleine nuit par l’arrivée d’un visiteur imprévu. Sous ses abords de clochard odoriférant et plus qu’à moitié fou, le nouveau venu se révèle être un Capitaine mercenaire du nom d’Otto van Delft, ayant fait de la dératisation sa spécialité et son gagne-pain. Ereinté par les épreuves qu’il a traversé au cours des derniers jours, le chien de guerre accepte volontiers la soirée boutanche et anecdotes que lui propose l’aimable ecclésiastique pour apaiser son âme troublée. Nous voilà donc plongés dans le Rattenkrieg, ou guerre contre les rats pour ceux qui n’ont ni fait allemand au collège, ni joué à Return to Castle Wolfenstein, menée par la cité impériale de Magdeburg contre ses voisins du dessous.

La casus belli était tout à fait respectable, reconnaissons-le, la jeune et blonde fille du Bourgmestre de la ville, Freda (son papa s’appelle Gottlieb, by the way) s’étant fait enlever par une bande de Coureurs d’Egouts ayant creusé un tunnel jusqu’à dans l’armoire de sa chambre, au nez et à la barbe moustache de son paternel, trop occupé à s’envoyer la jeune fille au pair pour prêter attention aux crises de terreur nocturne de sa chérubine. Déterminé à la retrouver, Gottlieb engagea un expert en dératisation pour aider sa milice à purger les terriers des envahissantes bestioles, ce qui se passa plutôt bien au début. Avec le recul, Otto réalise que cela aurait dû lui mettre la puce à l’oreille, mais pour une fois qu’une expédition dans les souterrains ne se termine pas en eau de boudin au bout de deux heures, pourquoi s’en plaindre, hein ?

D’autres indices incriminants a posteriori furent les cartes très détaillées des galeries Skaven que Gottlieb parvint on ne sait trop comment à fournir à ses hommes, leur permettant de nettoyer plusieurs colonies mineures avec une facilité insolente. Confrontés à rien de plus méchant qu’une meute d’Esclaves à moitié moribonds, Otto et ses miliciens remportèrent leurs premières escarmouches sans coup férir, mais ce n’était malheureusement qu’un gigantesque traquenard mis en place par un ennemi beaucoup trop sournois pour notre brave Capitaine. La bascule eut lieu lorsqu’un de ses lieutenants, Krinvaller, fut retrouvé seul et à l’agonie dans une galerie, serrant dans ses poings une des précieuses cartes utilisées par les impériaux. Le corps dévoré par les poisons utilisés par les Assassins lui ayant planté un surin entre les côtes quelques instants plus tôt, Krinvaller délivra un message incohérent à son supérieur, l’avertissant de l’échec de leur mini croisade et le suppliant d’empêcher Gottlieb de consulter ces fameuses cartes. Otto n’eut pas le temps de se creuser la tête sur ce message cryptique avant qu’une nouvelle attaque ne se produise, celle-ci menée par des Vermines de Choc. Malgré les ravages causés par le tromblon custom de notre héros (affectueusement surnommé Gudrun), l’affrontement se transforma rapidement en débandade échevelée, les humains étant canalisés par leurs adversaires jusqu’à une chambre souterraine afin de permettre l’utilisation de lance-feu dans des conditions optimales.

Fort heureusement, le joueur Skaven fit une série d’incidents de tir au moment de lancer les dés de touche, causant plus de dégâts parmi les Guerriers des Clans amassés pour le son et lumière promis par leur Technomage et à la structure de la caverne qu’aux quelques miliciens encore debout à ce stade avancé de la déroute impériale. L’éboulement qui s’en suivit força les deux camps à stopper les hostilités, au moins temporairement, et si Otto parvint à s’extirper par miracle des décombres et à regagner la surface, aucun de ses compagnons ne fut aussi chanceux.

Cela n’empêche pas le Capitaine déterré et déterminé de repartir aussi sec vers Magdeburg une fois son récit et la bouteille de gnôle du Prêtre terminés. Bien que sa réputation soit aussi ruinée que sa garde-robe, nous avons affaire à un professionnel, qui utilisera toutes ses ressources et ses dernières forces à mener à bien sa mission. C’est beau. La détestation qu’il voue à la noble race anthropomurine n’a en outre qu’été renforcée par la réalisation de la manipulation dont il a fait l’objet, les cartes lui ayant été remises ayant guidé ses forces vers trois clans mineurs, dont l’extermination a fait les affaires d’un quatrième clan, ayant probablement tout manigancé depuis le départ. Et à ce propos…

Début spoiler…Le vieux Prêtre ne tarde pas à comprendre pourquoi son hôte lui a laissé ses cartes au moment de partir. Un examen approfondi de ces dernières permet en effet d’établir sans l’ombre d’un doute qu’elles ont été faites avec de la peau humaine, et très probablement celle de la pauvre Freda, dont l’enlèvement a déclenché la malheureuse Rattenkrieg. Ou comment joindre l’utile à l’agréable, Skaven style…Fin spoiler

AVIS :

Robert Earl fait partie des auteurs de la BL maîtrisant particulièrement bien la mise en scène de l’insidieuse menace Skaven dans leurs écrits (je place C. L. Werner dans cette même catégorie), et il le démontre dans ce ‘Rattenkrieg’ efficace et atmosphérique. Plutôt que de nous abreuver d’une litanie de scènes d’actions sanguinolentes, il fait le choix de relater cette campagne condamnée dès sa première heure à travers une série de flashbacks, ce qui lui permet de couvrir tous les événements marquants de cet affrontement souterrain d’une manière concise et prenante. La petite révélation finale, si elle n’approche pas grand-chose à l’intrigue à ce stade, est une addition narrative bien trouvée, soulignant avec à propos à quel point les Skavens sont infréquentables. La seule chose que je peux reprocher à cette histoire est l’importance un peu trop grande accordée à des personnages qui finalement ne servent pas à grand-chose dans le déroulé du récit, qu’il s’agisse du Prêtre de Morr (qui bénéficie de sa petite scène d’introduction « au jardin », pas très utile à mes yeux) ou du lieutenant Gunter, qui disparait purement et simplement de la nouvelle à un certain moment.

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Tales of Tragedy & Darkness

Mormacar’s Lament – C. Pramas :

INTRIGUE :

WFB_Mormacar's LamentFait prisonnier par les Elfes Noirs au cours d’une mission d’infiltration à Naggaroth, le Guerrier Fantôme Mormacar profite de l’effondrement d’une galerie dans la mine où il était retenu comme esclave pour se faire la malle, accompagné d’un barbare de Norsca. Leur but est de rallier Arnheim, tête de pont des Hauts Elfes en territoire Druchii, en empruntant le dédale de souterrains s’étendant sous les fondations de Hag Graef. Il leur faudra pour cela se frayer un chemin dans les profondeurs glacées et hostiles de la terre du grand froid, en évitant les patrouilles elfes noires, les expéditions hommes-lézards (eh oui, ils ont dû prendre la mauvaise sortie sur l’autoroute) et les formes de vie les plus agressives de l’écosystème local. Bref, une véritable promenade de santé.

AVIS :

Chris Pramas nous sert un honnête récit d’évasion et d’aventure, dont l’intérêt vient autant du cadre exotique dans lequel il situe son propos que de la vision très sombre qu’à l’auteur du monde de Warhammer1, dans la droite ligne du background officiel. Sans être particulièrement mémorable le duo Mormacar – Einar (le nordique) fonctionne assez correctement, le « choc des cultures » des premières pages se transformant comme de juste en collaboration sincère, puis en amitié réelle.

On peut par contre regretter que les antagonistes, et en particulier le personnage de Lady Bela, sorcière ayant un gros faible pour le cuir et les cravaches, n’aient pas été plus développés, Pramas assurant le service minimum en matière de cruauté et de sadisme druchii. Il y avait sans doute moyen de faire mieux, et de relever du même coup le niveau général de la nouvelle, qui de sympathique aurait pu passer à remarquable.

En résumé, ‘Mormacar’s Lament’ est une soumission sérieuse et d’assez bonne facture, mais dont les « finitions » auraient gagné à être davantage travaillées par l’auteur.

1 : C’est une constante chez Pramas : les héros de ses nouvelles finissent toujours très mal.

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The Chaos Beneath – M. Brendan :

INTRIGUE :

WFB_The Chaos BeneathÀ la suite d’une cérémonie d’invocation quelque peu salopée par des cultistes amateurs, un Prince Démon de Tzeentch se retrouve coincé dans le corps d’un hôte mort. Assumant l’identité du cadavre qu’il habite, c’est-à-dire celle d’Obediah Cain, chasseur de sorcières un brin malchanceux, le démon convainc Michael de La Lune (si si), apprenti sorcier fraîchement renvoyé du Collège de Magie de Marienburg pour manque d’aptitudes à l’exercice des arts occultes, de lui rapporter une copie du 3ème Tome du Liber Nagash. Cette dernière repose en effet dans une bibliothèque du Collège, protégée par de puissants enchantements que le Prince Démon n’est pas en mesure de briser en son état actuel. Michael va-t-il s’apercevoir des noirs desseins poursuivis par son acolyte avant qu’il ne soit trop tard ?

AVIS :

Encore une déclinaison sur le thème de l’objet magique maléfique que le héros doit rapporter au méchant à son insu. ‘The Chaos Beneath’ n’est donc pas la nouvelle la plus originale de la Black Library, ni la mieux écrite d’ailleurs : que peut-on donc avancer afin de justifier sa lecture ? Pour être tout à fait honnête, pas grand-chose si ce n’est le ton assez léger employé par Brendan, transformant du même coup le Prince Démon en méchant de cartoon plutôt qu’en implacable antagoniste. Ajoutez une pincée de fluff, et vous aurez fait le tour de tous les points forts de ‘The Chaos Beneath‘. Ce qui ne fait pas lourd, je vous l’accorde.

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Wolf in the Fold – B. Chessell :

INTRIGUE :

WFB_Wolf in the FoldLe sommeil de l’Archidiacre Kaslain de Nuln est interrompu en pleine nuit par l’arrivée impromptue d’un visiteur de marque, venu chercher l’absolution que seul un haut prêtre de Sigmar peut conférer. Mortellement blessé, l’assassin légendaire connu comme la Guêpe Tiléenne (Tilean Wasp) se vide de son sang dans les appartements privés du prélat, dédiant ses derniers instants au récit du seul crime de sa longue carrière pour lequel il éprouve le besoin de se confesser : l’assassinat d’un prêtre.

AVIS :

Si l’histoire narrée par Ben Chessell dans ‘Wolf in the Fold’ n’est pas aussi aboutie que son ‘Hatred‘, et que la conclusion de cette courte nouvelle ne s’avère pas être une grande surprise, sa lecture n’en est pas moins agréable, et ce pour deux raisons principales.

La première, c’est l’audace manifestée par ce novice de la Black Library, qui pour sa deuxième soumission, s’offre le privilège de tuer un personnage nommé (l’archilecteur Kaslain, abordé dans les Livres Armées de l’Empire – c’est était un électeur impérial – et dans quelques suppléments du jeu de rôle). Bon, d’accord, il ne s’agissait pas vraiment d’une figure de premier plan du fluff, mais tout de même.

La seconde, et la plus importante à mes yeux, c’est le complet changement de style opéré par Chessell entre ‘Hatred’ et ‘Wolf in the Fold’, sans que ses talents de conteur ne pâtissent de cette transformation. La grande majorité des auteurs de la BL ayant une patte facilement identifiable (pour le meilleur ou le pire) et abordant toujours leur sujet avec le même angle d’attaque, il est remarquable qu’une plume de cette auguste maison soit d’une « agilité » littéraire suffisante pour proposer deux récits si différents l’un de l’autre que l’on aurait pu sans mal les attribuer à deux contributeurs distincts. Si ‘Hatred‘ possédait une ambiance mélancolique et désincarnée, ‘Wolf in the Fold’ se caractérise au contraire par un style riche et un goût prononcé pour le détail, assez proche dans l’esprit de celui de Brian Craig.

En conclusion, une autre excellente livraison de la part de Ben Chessell, dont la très courte carrière au sein de la Black Library apparaît décidément comme une de ces injustices dont la vie a le secret.

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The Blessed Ones – R. Kellock :

INTRIGUE :

Truand minable, Jurgen Kuhnslieb se voit forcer d’accepter une mission un peu particulière afin de pouvoir rembourser les nombreuses dettes de jeu qu’il a contractées. Chargé par un jeune noble décadent de voler un tableau dont son propriétaire ne souhaite pas se séparer, Jurgen va rapidement se rendre compte qu’il s’est empêtré dans une affaire aux proportions insoupçonnées, et que ses employeurs ne sont pas du genre à laisser un cambrioleur à la petite semaine se mettre en travers de leur chemin.

AVIS :

‘The Blessed Ones’ aurait sans doute gagné à être développé en « moyen format » (50 – 100 pages), plutôt que de se retrouver confiné à la vingtaine de pages de sa version définitive. La banalité de l’intrigue proposée par Rani Kellock, cousue de fil blanc et à la conclusion courue d’avance dès les premières lignes1, aurait pu ainsi être compensée par la mise en place d’une ambiance réellement oppressante, soulignant la traque impitoyable dont Jurgen fait l’objet de la part de ses clients. L’instillation d’une atmosphère de roman noir ne pouvant se faire que sur la durée, la relative brièveté de la nouvelle de Kellock ne lui a pas permis de parvenir à un résultat concluant, ce qui s’avère au final être assez dommageable.

1 : C’est bien simple, si un riche notable engage une petite frappe pour récupérer un artefact d’un genre un peu spécial, il y a environ 143,87% de chances que le commanditaire se révèle être un cultiste du Chaos/nécromancien/membre d’une organisation secrète.

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Dead Man’s Hand – N. Kyme :

INTRIGUE :

Dans une geôle humide et froide d’une forteresse du Stirland profond, un prisonnier patibulaire parvient à fausser compagnie à ses gardes en s’échappant par les égouts. Bien que se sachant recherché, notre homme prend le temps de marquer les cadavres des infortunés matons ayant croisé sa route avec un signe de scarabée, ce qui ne lui sert absolument à rien mais permettra à l’intrigue de tenir à peu près la route, donc merci bonhomme (Krieger de son patronyme), tu gères. Ce sinistre individu prend la route de la ville de Galstadt, où Kyme nous apprend qu’il va pouvoir mettre à exécution sa VENGEANCE vengeresse. Quel suspens mes aïeux.

On passe ensuite à l’introduction de nos héros, la bande de Templiers de Morr du Capitaine Reiner, déjà croisée dans ‘As Dead as Flesh’. Les chevaliers ont été chargés par leur hiérarchie de seconder un Chasseur de Sorcières sigmarite (Dieter Lenchard) dans une mission dont la teneur est restée secrète. On peut dire que le respect est Morr. Lenchard était chargé d’interroger puis d’exécuter Krieger pour hérésie, mais sa disparition prématurée vient plomber le mood de la journée. L’ambiance était de toute façon assez lourde chez les Men in Black, Reiner détestant tout le monde de base et soupçonnant sa plus jeune recrue, Mikael, de lui avoir caché les visions prophétiques que ce dernier a effectivement eu au précédent épisode. Après une petite séance de spiritisme menée par le prêtre guerrier de la bande (Sigson), qui fait office de légiste et medium, la troupe prend elle aussi le chemin de Galstadt sur l’ordre de Lenchard, qui semble avoir une idée précise de ce que recherche le fugitif, mais sans évidemment juger bon de s’en ouvrir à ses gardes du corps.

Dans la cité en question, deux événements majeurs prennent place en simultané : uno, le Comte local, Gunther Halstein, revient d’une expédition menée au Pays des Morts (aussi appelé Nehekhara) en compagnie des chevaliers du Cœur Ardent, d’où il a ramené une mystérieuse relique qu’il s’empresse de faire mettre sous clé, ainsi qu’une sale blessure non cicatrisée et probablement mortelle à moyen terme, héritée de ce gredin de Krieger. Deuzio, la rivière locale menace d’entrer en crue, ce qui ne sert pas à grand-chose au final à part permettre à Kyme de faire courir sa petite ménagerie de personnages entre la caserne et le lieu où les PNJ cherchent à endiguer l’impétueux torrent. Parler des risques physiques dès 2007, il fallait être précurseur. Bravo Nick Kyme.

Comme on pouvait s’en douter, les Templiers de Morr ne mettent pas longtemps à rencontrer Halstein et sa clique, et le résultat fait des étincelles. Non pas que cette assemblée d’augustes personnages parviennent à faire la lumière sur les agissements de Krieger, qui s’amuse à trucider des troufions pendant que les vrais héros vaquent à leurs occupations, mais plutôt que les deux factions manquent de se mettre sur le heaume dès qu’ils s’adressent la parole. Je ne savais pas que les ordres de chevalerie de l’Empire souffraient d’Animosité, mais on en apprend tous les jours.

Après quelques péripéties très dispensables, on finit par y voir un peu plus clair : la relique ramenée par Gunther Halstein n’est autre que Falken Halstein, son propre père, qui disparut dans le grand Sud il y a des années après avoir occis le Roi des Tombes Setti-Ra (rien à voir avec Settra, bien sûr). Le hic est que 7-I avait des fans, le culte des Scarabées (appelé ainsi parce que ses membres fondateurs se nomment John, Paul, George et Ringo), persuadés que leur idole peut être ressuscitée par un rituel qui nécessite le cœur du vainqueur du grand roi. Ou à défaut, celui de son héritier. Donc Gunther. Sauf que Setti-Ra a pris les devants, et possédé le cadavre de Falken Halstein. Et c’est en fait lui qui est responsable des morts suspectes qui s’accumulent depuis le retour de l’expédition, et pas ce gredin de Krieger (lui aussi un petit Scarabée), qui d’ailleurs se fait étrangler par son patron sur un affreux malentendu et sans que Kyme se donne la peine de mettre la mort de son personnage principal (jusqu’ici) en scène. Tout cela est d’une limpidité absolue.

Au final, et comme attendu, l’histoire se règle par une baston classique entre les Templiers de Morr, Lenchard et Halstein d’un côté, et Setti-Ra Halstein de l’autre. Pour équilibrer un peu les débats, Kyme donne à la momie 7 en Force et 8 en Endurance, ce qui permet de faire durer le match quelques pages, jusqu’à ce qu’une habile combinaison tapisserie enrouleuse + torche enflammée vienne à bout du revenant. Tout est bien qui finit bien ?

Début spoiler…EH NON. Je ne sais pas pourquoi j’utilise un spoiler pour ça, c’est faire trop d’honneur à cette histoire navrante, mais comme il s’agit techniquement d’un twist final, je vais jouer le jeu. Il s’avère donc que les Scarabées étaient venus au nombre démentiel de deux, dont un gus qui s’était déguisé en prêtre mendiant aveugle, et qui profite de la crédulité et de la dévotion du Comte Halstein pour lui tomber sur le râble et lui voler le cœur après s’être proposé de bénir les cendres paternelles. Ce qui veut dire que Setti-Ra va pouvoir être ressuscité <gasp>. Comme Lenchard ne veut absolument pas que cela se produise pour une raison qui ne sera jamais révélée ici, la nouvelle se termine sur le départ en trombe des Morrons de Galstadt, dans l’espoir de rattraper le dernier cultiste avant qu’il ne soit trop tard. C’est ce qui s’appelle prendre sa mission très à cœur. Mouarf.Fin spoiler

AVIS :

Dans la droite lignée de ‘As Dead as Flesh’, dont cette nouvelle prend la suite directe, Nick Kyme nous sert une nouvelle se voulant être un whodunit à la sauce impériale, mais qui se révèle être un enchaînement de péripéties oscillant entre le suranné et l’incohérence. Une fois encore, le propos pâtit d’un trop grand nombre de personnages, dont seuls quelques-uns parviennent à faire suffisamment impression au lecteur pour que ce dernier parvienne à les resituer dans le récit au fil de leur apparition, et souvent pour des mauvaises raisons. Entre Reiner et Lenchard qui se disputent le titre de Mister Connard, Mikael qui a toujours peur de son ombre et essaie de son mieux d’imiter Brin Milo1 sans susciter autre chose que de la crispation, Gunther et son armée de chevaliers interchangeables, ou les Templiers de Morr qui pourraient aussi bien s’appeler « Grokosto », « Jumeaux » et « Vieussage » sans perdre une once de personnalité, c’est un festival de têtes à claque auquel on a droit ici. Et quand l’intrigue part en roue libre (j’ai un antagoniste qui est le personnage le plus important de l’histoire… jusqu’à ce qu’il se fasse buter hors champ et qu’on en parle plus jamais) et que l’action devient confuse (baston dans la crypte où tout le monde sort/entre/tombe/court en même temps), difficile d’éprouver de la bienveillance pour la prose du (à l’époque) jeune Kyme. Comme notre homme a fait encore pire en son temps, et que ces travaux-là avaient au moins le bon goût d’être totalement nanaresques (et donc beaucoup plus drôle), on peut tout à fait s’épargner la lecture de ‘Dead Man’s Hand’ et se concentrer sur le meilleur du pire (ou l’inverse) de cet auteur. Ou lire des bons bouquins. Ça marche aussi ?

1 : Un personnage des ‘Fantômes de Gaunt’ (Dan Abnett, 40K), qui se découvre lui aussi des pouvoirs de divination bien utiles pour l’intrigue, mais dangereux pour sa survie.

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Tales of Death & Corruption

Shyi-Zar – D. Abnett :

INTRIGUE :

La Fin des Temps se prépare doucement mais sûrement dans le grand Nord du Vieux Monde, et les clans des tribus nomades se rassemblent dans la steppe au sortir de l’hiver afin de descendre souffler dans les bronches de Karlito France, sous la houlette du Haut Zar Surtha Lenk. Si participer à une invasion chaotique est déjà une chance et un privilège pour tous les Kurgans, Dolgans et autres Gospodars vivants à cette époque remarquable, certains visent encore plus haut, et tant pis pour l’adage de Pierre de Coubertin. C’est le cas du Zar Karthos, qui malgré son nombre limité de followers (dix guerriers, un sorcier et une chèvre), décide après avoir reçu le feu vert de son chaman, de déposer sa candidature au The Voice chaotique : l’élévation au rang de Shyi-Zar.

Sur le chemin de la cérémonie, présidée par Lenk en personne, Karthos croise la route de vieilles connaissances, certaines amicales et d’autres hostiles, comme le Zar Blayda et son tempérament de petite frappe. Ce blédard de Blayda a aussi mis son nom dans le Gobelet de Feu, ce qui en fait un rival officiel de notre héros. L’épreuve qui est proposée aux candidats est d’une simplicité élégante : Surtha Lenk sort une griffe de fort belle taille de sa boîte à rabiots, et promet le job à quiconque parviendra à lui ramener une copie conforme (sans doute pour terminer une conversion ambitieuse en vue du prochain Golden Demon). Sans plus d’indications sur quoi et où chercher, les impétrants s’égaient du campement principal dans toutes les directions, à la recherche d’indices ou d’inspiration.

Suivant les conseils de son sorcier (la chèvre était encore plus smart, mais elle n’est plus en état d’aider quiconque maintenant), Karthos entraîne sa bande de maraudeurs en direction du campement de Tehun Dudek, occupé par une communauté d’oracles. Ces derniers devraient être en mesure de donner aux baroudeurs de la pampa quelques tuyaux bien juteux et ainsi faciliter l’accomplissement de la quête de Surtha Lenk. Il s’avère rapidement que notre petite bande n’a pas été la seule à avoir cette idée, et comme elle a fait la grasse matinée au lieu de partir au petit jour, elle a été devancée par une partie de Dolgans dont le chef est un des candidats au titre de Shyi-Zar. Comme les Dolgans sont en train de massacrer les oracles au lieu de leur poser des questions, Karthos ordonne immédiatement la charge de la brigade légère, qui se solde par un 20 – 0 des familles. Si ce n’est pas un signe que Tzeentch favorise notre héros, je ne sais pas ce que c’est.

Après une longue et fumeuse discussion avec les oracles survivants, le mystère sur l’origine de la bête recherchée par les traqueurs est levé. Il s’agit d’une griffe de… griffon (ça donne mieux en anglais, faut le reconnaître). Le hic est que cette créature, aussi appelée annonciateur par les Kurgans, qui croient que sa venue présage de grands événements, est tenue pour sacrée par les tribus du grand Nord, ce qui fait d’abord craindre à Karthos que ses suivants crient au blasphème et refusent de l’épauler. Fort heureusement, le chef réussit son jet de charisme et aucun de ses guerriers ne fait défection, ce qui lui permet d’accéder au niveau final de sa quête avec une équipe complète.

Et ce support n’est pas de trop, car le spécimen sur lequel nos braves barbares tombent présente un fort beau gabarit ainsi qu’un caractère peu facile. Au terme d’un combat bien plus accroché que l’empoignade avec les Dolgans (quatre morts dans la Karteam tout de même), les maraudeurs terrassent l’acariâtre volatile, ce qui permet à Karthos de repartir en direction du campement tribal avec la griffe tant désirée. Les survivants croisent Blayda et ses loubards sur le chemin du retour, mais le rival de notre héros est suffisamment fair play pour ne pas tirer parti des plaies et des bosses de ses concurrents pour leur arracher le vif d’or. C’est tout à son honneur. Une fois rendu sur place, Karthos se présente devant Surtha Lenk et demande à ce que la récompense promise lui soit remise…

Début spoiler…Ce qui consiste à être sacrifié avec sa bande pour servir de wingmen au Haut Zar auprès des Dieux du Chaos, au cas où l’invasion de l’Empire se passerait mal pour lui. Et il paraît que c’est un grand honneur chez les Kurgan ? Très peu pour moi. La nouvelle se termine donc sur la vision du cadavre Karthos et de ses hommes, disposés comme s’ils partaient à cheval en direction de l’Est, afin de préparer l’arrivée de Surtha Lenk dans l’au-delà. J’espère qu’on leur paie les heures sup’.Fin spoiler

AVIS :

Vous reprendrez bien un peu de ‘Riders of the Dead’ ? ‘Shyi-Zar’ se présente en effet comme un complément et préquel (comme la présence de ce bon vieux Blayda, également présent dans le roman susnommé) du bouquin consacré par Dan Abnett aux prémisses de la Tempête du Chaos, et la magie de conteur de Papa Gaunt agit encore une fois. C’est tout à la fois prenant, exotique, violent, cruel et mystique, généreusement garni en fluff et très bien construit d’un point de vue narratif : bref une masterclass en bonne et due forme de la part d’Abnett, pour ce qui a été l’un des derniers textes qu’il ait écrit pour Warhammer Fantasy Battle. On peut s’accorder à dire qu’il a réussi sa sortie.

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Tybalt’s Quest – G. Thorpe :

INTRIGUE :

WFB_Tybalt's QuestDans le brouillard brumeux d’une nuit nocturne, le noble chevalier Tybalt se rend en direction d’un cimetière de tombes, accomplissant ainsi le désir de volonté d’un fantôme spectral lui étant apparu dans ses rêves oniriques… Hum. Je pourrais continuer longtemps comme ça, mais les plaisanteries les plus courtes étant les moins longues, nous allons repasser sur une narration un peu moins lourdement pesante. Merci Gav. Ayant passé plusieurs longues minutes, et autant de pages, à attacher son cheval à un piquet, ouvrir la grille du cimetière, trébucher sur un rat, et occire un pauvre sanglier innocent qui passait seulement dans le coin1, Tyty finit enfin par arriver jusqu’à la crypte où repose le Duc de Laroche, qui lui a demandé d’accourir en toute hâte pour combattre un terrible danger s’étant manifesté dans le cimetière de Moreux. Mais évidemment, ce gros troll de Laroche n’a pas pensé à se présenter ni à donner les coordonnées GPS de son mausolée au pauvre Tybalt, vous pensez bien. Un coup d’œil sur son blason a fait l’affaire, évidemment. Ce qui a conduit notre héros à perdre quatre mois à éplucher tous les registres d’héraldique à sa disposition pour finalement identifier les armes du brave (c’était un Graaleux, tout de même) Pierrot et localiser sa dernière demeure. Moi je dis que le fantôme aurait dû apparaître à un gueux livreur Deliveroo, l’affaire était pliée en 25 minutes. Menfin.

Une fois sur place, Tybalt est à nouveau visité par Laroche, posay comme jamay dans son petit pied à terre. Mis à part des tournures de phrases un peu rigolotes, le vioque se révèle être un hôte affable et charmant, qui avait juste besoin de trouver un champion de ce nom pour contrecarrer les plans d’un Nécromancien de bas niveau (puisqu’il n’a pas été foutu de lever une armée depuis l’envoi du SOS (du) fantôme…). Toujours cette histoire de quatre mois de latence, ça ne devrait pas mais ça m’énerve. Le cimetière de Moreux est en effet très spécial. En plus de servir d’ossuaire depuis des temps immémoriaux, il s’agit de l’endroit très précis où Gilles le Breton a reçu sa première vision de la Dame. On pouvait se demander ce qu’il faisait à camper dans un tel endroit pour commencer, mais ce serait une autre histoire. Toujours est-il que l’honneur de la Bretonnie impose que Tybalt empêche un pratiquant des arts noirs de souiller de sa présence et de sa nullité crasse ce monument historique classé au patrimoine imputrescible de l’humanité. Le jouvenceau n’est franchement pas chaud à l’idée de partir à la chasse d’un sorcier capable de relever les morts, seul dans un cimetière, mais Laroche ne lui laisse pas le choix. Il lui prête cependant son heaume enchanté et sa mirifique Résistance à la Magie (3) pour lui faciliter un peu la tâche.

La suite, cela ne vous surprendra guère, est consacrée à la « traque » du Nécromancien par Tybalt. Après une première rencontre pendant laquelle on a tout loisir d’admirer que la camelote de Laroche works just fine, et de réaliser que Tybalt est vraiment pathétique (il se fait sonner par un coup de bâton sur son heaume, donné par un vieillard boiteux d’un mètre cinquante), le preux chevalier erre un peu entre les tombes, repasse en mode facile avec une petite prière à la Dame (qui lui permet soudainement d’entendre les incantations du Nécromancien à 300 mètres), rencontre quatre squelettes animés dont il a le plus grand mal à se défaire, et finit par confronter enfin son affreuse Némésis, protégée par une puissante escorte de… six squelettes. Qui tombent en morceaux dès que Tybalt s’approche. On peut se demander pourquoi ça n’a pas fait la même chose pour les morts vivants précédents, mais la réponse est « on s’en fout ». S’en suit un dialogue relativement interminable (quand on le compare à la longueur de la nouvelle et à son intérêt intrinsèque), pendant lequel on apprend que si le Nécromancien était si méchant, c’est parce qu’il avait lui-même peur de la mort. On s’en fout là aussi, merci. Au bout du suspense, Tybalt finit par décapiter le maraud, ramener l’équilibre dans la Force et la paix dans le voisinage, et la nouvelle se termine avec l’ajout d’une nouvelle corvée d’utilité publique sur la to do list des vilains de Moreux : entretenir un peu mieux leur cimetière, décidément très mal fréquenté. Voilà qui ne va pas arranger le déficit des collectivités locales, c’est moi qui vous le dit.

1 : Il a aussi essayé de voir des sons. Sans succès.

AVIS :

Gav Thorpe se cherche comme auteur de nouvelles fantastiques dans ce ‘Tybalt’s Quest’, et malheureusement pour tout le monde, il ne se trouve pas. Le style est aussi pâteux et cartonné qu’un mauvais pudding, l’intrigue tient en une demi-ligne (police 54), les péripéties sont sont plus dignes d’un nanar fauché que d’une production littéraire libérée de la prosaïque contrainte d’un budget à respecter : si on veut être aussi miséricordieux que l’aimable Duc de Laroche, on accordera quelque point à Thorpe pour les bouts de fluff (pas vraiment reluisants) qu’il a glissé dans sa copie. Pour le reste, le seul point fort de ‘Tybalt’s Quest’ est de faire moins de vingt pages, ce qui rend sa lecture, à défaut d’agréable, courte. Un mauvais moment de et à passé/er.

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A Choice of Hatreds – C. L. Werner :

INTRIGUE :

Alors que le petit village Petitvillage (Kleinsdorf en Reikspiel) se prépare à fêter comme il se doit le Wilhemstag en dansant, buvant, flirtant, et tirant des enclumes d’artifice1, deux cavaliers entrent dans la ville sans se soucier de la joyeuse ambiance qui y règne. Il s’agit du Répurgateur et fashion victim Mathias Thulmann et de son associé et tortionnaire de fonction, Streng2, en route pour aller chasser la sorcière dans le Stirland. C’est la saison. Pendant que son homme de main est heureux de passer la nuit à s’envoyer des pintes en racontant ses meilleures anecdotes de brodequins, dans l’espoir de matcher avec une locale, Thulmann préfère aller sagement se pieuter pour pouvoir reprendre la route dès potron minet le lendemain. Avisant une auberge convenable, il va ruiner le groove de son propriétaire en s’installant dans la meilleure chambre (la sienne), pour un quart du prix habituel, et en se faisant servir un copieux dîner pour se remettre de sa chevauchée. C’est Volkmar qui paie, après tout. L’arrivée du Chasseur de Sorcières n’est cependant pas passée inaperçue, et deux individus aux motivations diverses vont agir en conséquence…

Le premier d’entre eux est un noble du nom de Reinhardt von Lichtberg, promis à un brillant avenir dans la Reiksguard jusqu’à peu, mais désormais déterminé à faire la peau à Thulmann depuis que ce dernier a condamné sa fiancée Mina au bûcher (il l’a aussi un peu torturée avant, pour ne rien arranger). Le second est un marchand local, Gerhardt Knauf, qui est devenu cultiste de Tzeentch et sorcier amateur pour arranger ses affaires, et qui est convaincu que si le Répurgateur est arrivé en ville, c’est pour lui régler son compte. Il paie donc grassement une bande de mercenaires pour se débarrasser de l’importun, et va se barricader chez lui en attendant que ses gros bras viennent lui annoncer la bonne nouvelle. Comme on peut s’y attendre, Reinhardt et les reîtres de Knauf arrivent dans la chambre de Thulmann à peu près au même moment, ce qui permet à notre héros de jouer de la surprise commune pour tuer ou blesser les brutes locales, et menotter l’aristocrate revanchard à son lit, non pas pour une mise en scène improvisée de Fifty Shades (grim)Darker, mais pour empêcher le nobliau de lui chercher des noises pendant qu’il va s’expliquer franchement avec l’Herr Knauf, honteusement balancé par l’un de ses nervis. Car, contrairement à ce que son image de zélote fanatique le laisse à penser, Thulmann n’est pas insensible à la pitié ou à la miséricorde, et ne se contente pas d’exécuter froidement Reinhardt malgré son assaut caractérisé sur personne détentrice de l’autorité. Il prend même le temps de donner sa version de l’affaire Mina à son ancien amant, et de lui révéler que la belle a en fait été corrompue par une pilule du lendemain à base de malepierre que son médecin de famille lui avait remis pour arrêter une grossesse non désirée et ainsi permettre à Reinhardt de poursuivre sa carrière militaire au lieu de devoir se marier tôt pour élever son gosse. Rien ne vaut les préservatifs en peau de squig, c’est moi qui vous le dit.

Un peu plus loin, Knauf se ronge les sangs en attendant le retour de ses tueurs, mais comprend lorsque sa porte est ouverte d’un coup de pistolet qu’il va lui falloir trouver un plan B. Ou plutôt, recourir au système D, comme démoniaque. Notre homme grimpe donc dans son grenier pour invoquer une Horreur Rose, dans l’espoir qu’elle le défende contre le Répurgateur. Seulement, dans sa hâte, il oublie de se placer dans un pentacle répulsif, et devient donc la première victime du démon, qui le pèle puis l’avale comme une banane. Ca nous fait déjà deux victimes de protections défectueuses dans cette histoire : plus que jamais, sortez couverts les jeunes. C’est sur ces entrefaites que le beau, le grand, le brave Mathias Thulmann arrive à l’étage, pistolet et rapière à la lame d’argent bénie par le Grand Théogoniste en personne à la main… et se fait misérablement bolosser par l’Horreur qui lui fait face. Mais vraiment bien. Du niveau du « poussé dans les escaliers » + « piétiné comme un paillasson ». Heureusement que Knauf n’était pas un cultiste de Nurgle ou de Slaanesh (et ne parlons pas de Khorne, mais c’est rare pour un marchand) hein. Et le plus drôle dans tout ça, c’est quand notre héros parvient enfin sur un vieux malentendu à empaler le démon sur âme consacrée… il prend encore plus cher des mains des Horreurs Bleues qui arrivent ensuite. On repassera plus tard pour tenter de vaincre un Vampire, hein.

Il faut l’arrivée providentielle de Reinhardt, qui a pu se libérer en piquant la hachette que Thulmann avait laissé traîner sur un cadavre de mercenaire dans sa chambre, pour mettre fin aux tourments de Répurgateur. En bien mauvais état, il fait remarquer au jeune premier qu’un duel à l’épée ne serait guère équitable, et lorsque Reinhardt lui propose de régler ça au pistolet à la place, il accepte et prête à son adversaire une de ses pétoires… celle qui est déchargée, évidemment. De son côté, il n’a pas de scrupules pour loger une balle dans l’épaule du Capitaine Fracassé, histoire de lui apprendre à faire confiance à des inconnus et surtout le mettre hors d’état de nuire assez longtemps pour passer une nuit sereine. La nouvelle se termine avec un Reinhardt qui jure à Thulmann de revenir pour se venger, mais ceci sera une autre histoire…

1 : Une spécialité bucolique mais bougrement dangereuse, en plus d’être assez peu spectaculaire lorsqu’elle a lieu de nuit.
2 : Qui a fait sien l’adage bien connu « le gras c’est la vue ».

AVIS :

Première nouvelle consacrée par C. L. Werner (qui fait ainsi ses débuts au sein de la BL) à son personnage de Mathias Thulmann, anti-héros taciturne, antipathique mais vertueux (un peu comme le chasseur de primes Brunner, un autre favori de Werner), ‘A Choice of Hatreds’ démontre déjà la science de l’homme au chapeau en termes de mise en scène de courts formats très rythmés. En l’espace de 25 pages, on a ainsi droit à une intrigue assez complexe, ponctuée par des rebondissements, confrontations et explications savamment séquencés par un Werner maître de son art et de ses effets de narration. Si Thulmann lui-même ne se révèle pas être particulièrement mémorable ou attachant, on prend plaisir à lire le récit de sa nuit agitée, grâce à laquelle C. L. Werner réussit son entrée dans le monde de la GW-Fiction.

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Who Mourns a Necromancer? – B. Craig :

INTRIGUE :

WFB_Who Mourns a NecromancerC’est jour d’enterrement à Gisoreux, mais le défunt qui est emporté jusqu’à sa tombe, dans le cimetière de Colaincourt, ne peut se targuer de laisser une foule éplorée derrière lui. Et pour cause, seul un homme est venu rendre un dernier hommage à Lanfranc Chazal, Magister au sein de l’université locale : son vieil ami et collègue (et accessoirement Haut Prêtre de Verena), Alpheus Kalispera. Si ce dernier se retrouve seul à souffler comme un phoque – il a pas de cardio – sur la colline, devant une tombe anonyme et un prêtre de Morr pas franchement ravi d’officier, c’est à cause de la détestable réputation que se traînait le clerc Chazal sur ses vieux jours, celle d’un Nécromancien. Bien qu’il tienne à faire bonne figure dans cette situation à la fois tragique et humiliante, Kalispera est désolé de constater que ces petites biatches de l’université, qui n’avaient pourtant rien à reprocher à Chazal de son vivant, se soient faites toutes porter pâles plutôt que de l’accompagner. Aussi est il sincèrement ému lorsque surgit au milieu de l’office un jeune cavalier, certes en retard, mais décidé lui aussi à assister à la mise en terre du macchabée.

Le nouveau venu, du nom de Cesar Barbier, a été l’élève des deux Magisters il y a quelques années, avant de repartir sur le domaine de son père se préparer à prendre la succession du noble. Il avoue à Kalispera avoir gardé contact avec Chazal après sa diplomation, considérant le professeur comme un mentor ainsi que comme le père qu’il aurait bien aimé avoir, son géniteur étant l’archétype de l’homme de guerre totalement insensible aux sentiments et à la notion de respect de ses inférieurs. N’ayant pas d’autres choses à faire une fois la tombe rebouchée, Barbier et Kalispera se rendent chez le second pour poursuivre leur deuil autour d’un petit verre et d’un bon feu. L’ancien étudiant en profite pour faire une révélation lourde de sens à son hôte : contrairement à ce qu’il pensait, Lanfranc Chazal était bien un Nécromancien (comme son teint macabre et ses yeux enfoncés le laissaient pourtant à deviner). Mais, attention, un gentil Nécromancien. Ce qui change tout, ou en tout cas ouvre le débat.

Barbier se lance alors dans une chronique de sa vie tumultueuse depuis son retour dans sa famille, et de son mariage clandestin avec une charmante roturière du nom de Siri. Qui évidemment tomba enceinte1. Les deux tourtereaux avaient pour projet de tout plaquer et d’aller passer quelques années en exil dans l’Empire, le temps que la colère de papa Barbier (Christophe, sans doute) retombe, mais mirent trop longtemps à faire leurs bagages. Ramené au château paternel sous bonne garde, Cesar ne put qu’assister au meurtre de sang froid de sa bien aimée par son salopard de père, qui ne voyait vraiment pas le problème. Fort heureusement, le nobliau éploré parvint à convaincre Chazal, qui lui avait confié travailler de façon tout à fait théorique sur la Nécromancie afin de prouver que cette forme de magie n’était pas naturellement mauvaise, de passer à la pratique pour dépanner un pote dans le mal. Résultat des courses : le fantôme de Siri accepta de venir hanter la petite maison dans laquelle les jeunes mariés s’étaient installés, grâce un rituel certes interdit, et qui laissa des stigmates visibles sur la tronche et la santé du pauvre Chazal, mais parfaitement exécuté (et avec des extras sympas).

Troublé par la réalisation que son bon ami était finalement un pratiquant des arts sombres, et peut-être aussi surtout qu’il a été le dindon de la farce pendant toutes ces années, Kalispera ne sait trop quoi penser de la situation décrite pas son invité, qui se fait un devoir de lui sortir un discours sur l’injustice du monde digne d’un tracteur Solidaires Etudiant-e-s pour le persuader que, en vrai, la nécrophilie, c’est pas si pire (#ngl #tmtc). Le vieux maître n’en est pas si convaincu, mais il n’est pas d’humeur à débattre pendant des plombes avec Barbier, à qui il souhaite simplement de rester éternellement amoureux de son fantôme de femme, et de commencer dès à présent à réfléchir à l’organisation de la succession de son père (maintenant qu’il n’a plus de Nécropoto pour installer sa petite famille dans un autre bled). Pour le reste, les deux comparses tombent d’accord que Chazal était un vrai type bien, et on peut supposer qu’ils finissent la soirée ronds comme des queues de pelle, ainsi que de vrais Bretonniens le doivent en cette occasion particulière.

1 : Et dire que si j’avais chroniqué ‘Tales of the Old World’ au moment de ma première lecture, je n’aurais pas pu sortir cette vanne. Je ne sais pas Dieu existe, mais Loec oui.

AVIS :

Nouvelle craigesque par excellence, ‘Who Mourns a Necromancer?’ apporte au lecteur une perspective neuve sur un aspect notable et éminemment fantastique du monde de Warhammer, d’une manière que l’on peut qualifier de posée ou de planplan, selon ses goûts personnels1. Après avoir traité du Chaos dans ses précédents courts formats, Brian Craig s’attaque ici à la non-vie, mais c’est surtout l’occasion pour lui de poser la question du respect des normes, et du caractère artificiel, voire inique, de ces dernières dès lors que l’on y réfléchit un peu. Lanfranc Chazal doit il être condamné parce qu’il a pratiqué la Nécromancie, même s’il l’a fait de la manière la plus éthique qui soit ? Et que dire du père de Cesar Barbier, qui était dans son droit d’assassiner sa bru d’après les lois de Bretonnie, mais n’en demeure pas moins un meurtrier et un sale type en puissance ? On peut regretter que Craig n’ait pas choisi de mettre un peu plus en avant ce qui à mes yeux rendait cette incitation à la réflexion plus palpitante qu’une version romancée d’une conf’ sur Kelsen : la présence dans le monde de Warhammer Fantasy Battle de divinités et de magie (ce qui est la même chose au final). Alors que dans notre bête monde aseptisé, la réponse restera purement théorique, Craig aurait pu conclure que le mal existe réellement et dans l’absolu dans le Monde Qui Fut, comme en témoigne le spectaculaire glow down du plus gentil Nécromancien ever (ou le développement de maladies honteuses chez Barbier ?). Il ne l’a pas fait, tant pis : à chacun de se faire une opinion.

1 : Apparemment, l’artiste engagé par Inferno ! pour faire l’illustration de la nouvelle (John Wigley) ne savait pas à qui il avait affaire, et/ou n’a pas jugé bon de lire autre chose que le titre. 

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The Hanging Tree – J. Green :

INTRIGUE :

WFB_The Hanging TreeeLe petit village de Viehdorf, situé à la frontière entre le Middenland et le Hochland, n’a pas la chance de bénéficier des voisins les plus conciliants qui soient. Isolé dans l’épaisse forêt qui recouvre le Nord de l’Empire, il doit composer avec les déprédations fréquentes des hardes d’Hommes Bêtes qui hantent les bosquets de la région. En cette situation, rien de tel que de pouvoir compter sur un protecteur tellement balèze que même un Wargor en rut hésiterait à deux fois avant de le défier, et, par chance, c’est justement le cas des Viehdorfer, qui paient tribut depuis des générations à… un arbre. Pas un bête chêne ou un simple frêne, bien sûr, mais un terrible frêche (Georges de son prénom), plus friand d’âmes de victimes sacrificielles que d’eau fraîche et de soleil1. Bien sûr, cette relation de symbiose interespèce est tenue secrète aux étrangers, les locaux considérant avec sagesse que leurs pratiques de répulsion des nuisibles, pour naturelles qu’elles soient, seraient mal perçues par les autorités. Hélas, cette harmonie ancestrale va être irrémédiablement perturbée par une funeste nuit de printemps.

Dans la salle commune de l’auberge du Veau Massacré (un nom poétique en diable), deux étrangers sont venus s’abriter des caprices de la météo locale. Le premier à s’être présenté est le patrouilleur Ludwig Hoffenbach, qui avait rencard avec un répurgateur de ses connaissances, un dénommé Sch(w)eitz (encore une fois, la relecture n’a pas été très attentive du côté de la BL). Le second est le Mage de Bataille disgracié Gerhart Brennend, du Collège Flamboyant. Pendant que Gégé se remet de ses émotions (il déteste la pluie, c’est lui qui le dit, et c’est compréhensible vu son choix de carrière) en se jetant un petit shot de luska sous le manteau, Hoffenbach demande et redemande au tavernier (Grolst) s’il n’a pas vu passer son comparse. Dénégation aussi formelle que gênée de la part de l’aubergiste, qui ne convainc ni le lecteur ni le patrouilleur, mais en l’absence d’autres éléments, Hoffenbach repart arpenter les chemins de traverse à la recherche de Brigands.

Si Grolst était si mal à l’aise, c’est que les Viehdorfer ont fait son affaire à Sch(w)eitz il y a quelques temps de cela, peu ravis qu’ils étaient de recevoir la visite d’un chasseur de sorcières. Livré en patûre bouture au terrible Georges, Sch(w)eitz pourrit maintenant au bout d’une branche, mais en cette époque troublée, il est nécessaire de nourrir l’arbre prédateur de façon régulière, et l’arrivée de Brennend donne une idée à Grolst. Plutôt que sacrifier la petite Gertrud, comme ils en avaient initialement le projet, les villageois n’ont qu’à livrer l’étranger en robe à leur protecteur branché. Un peu de jus de graine de coquelicot dans le verre de Brennend, et voilà le Sorcier plongé dans un profond sommeil, et emmené sans cérémonie jusqu’à la clairière où Georges a pris racine.

Dans son malheur, Brennend a toutefois la chance de pouvoir compter sur le professionnalisme de Hoffenbach, qui s’était caché à quelque distance de l’auberge pour observer les allées et venues des habitués, et n’a pas manqué la sortie furtive de Grolst et de ses complices. Lorsque ces derniers font mine de pendre le malheureux Mage à la première branche venue, le manque de coopération de Brennend, qui se réveille brutalement au moment où il sent la corde commencer à l’étrangler (un souvenir doux-amer de sa dernière rencontre avec une Démonette, sans doute), et la prise en revers de Hoffenbach et de son gros marteau, jettent une sacrée panique parmi les horticulteurs anonymes. Pris en tenaille entre les capacités martiales du patrouilleur et les talents arcaniques du Sorcier (un peu groggy certes, mais on n’oublie pas comment jeter une boule de feu), les villageois meurent ou s’enfuient, laissant nos héros faire connaissance devant un Georges affamé…

Début spoiler…Malheureusement pour lui, Hoffenbach finira donc comme son camarade Sch(w)eitz, réduit en terreau organique par et pour l’arbre chaotique, après s’être fait empaler puis écarteler par les branches de ce gourmand de Georges. Brennend aurait sans doute subi le même sort s’il n’avait pas pu compter sur ses flamboyants pouvoirs pour réduire le végétal carnassier en feu de joie. C’est pas Balthasar Gelt qui aurait pu faire ça, c’est moi qui vous le dit ! L’histoire se termine sur la promesse que se fait notre héros pyromane d’aller chaleureusement saluer les habitants de Viehdorf pour les remercier de leur grande hospitalité…Fin spoiler

1 : On pourrait se demander ce qui empêche les Hommes-Bêtes de raser un village placé sous la protection d’un arbre, qui part définition, est assez peu mobile. À cela, Green n’apporte pas de réponse, et on peut donc imaginer ce que l’on veut. Pour ma part, je choisis de penser que le pollen de Georges est très irritant pour les Gors et Ungors.

AVIS :

Une fois n’est pas coutume, Jonathan Green délaisse la bande de Torben Bad Enough et tourne ses talents de conteur vers d’autres personnages de l’Empire. Comme les occasions de voir un Sorcier de Bataille faire usage de ses pouvoirs ont été assez rares dans le catalogue de la Black Library (je pense à ‘The Judgement of Crows’ de Chris Wraight et au final de ‘Manslayer’ de Nathan Long), on peut tourner un œil charitable sur cette nouvelle très simple, qui vient compléter le ‘Magestorm’ écrit par le même Green en 2004, et au cours duquel on suit les exploits, forcément flamboyants, de Gerhart Brennend lors de la défense de Wolfenburg.

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Tales of Madness & Ruin

The Doom that Came to Wulfhafen – C. L. Werner :

INTRIGUE :

WFB_The Doom that Came to WulfhafenC’est une nuit particulière qui commence pour le jeune Karel, pêcheur comme son père (et la chaîne entière de ses aïeux) avant lui. Ayant atteint l’âge de la majorité dans le coin paumé de l’Empire où il habite, il lui est demandé de participer pour la première fois à un rituel très important dans la vie du village de Wulfhafen : la chasse à la galinette cendrée le naufrageage de navires passant le long du cap où le hameau a été fondé, il y a de cela bien des siècles, par le pirate Wulfaert. Pour Karel, conscient des activités illicites des hommes de Wulfhafen depuis sa prime enfance, mais dont le quotidien consistait jusqu’ici à ramener des casiers de homards (l’autre spécialité locale) à la surface, le changement est brutal. Accompagné par son vieux papa (Gastoen), il vient donc donner un coup de main à l’entretien du feu de joie géant que les villageois ont allumé sur la plage, sous le regard sévère de Vetyman, chef naufrageur en fonction du fait de son ascendance (il est le petit-petit-petit-fillot de Wulfaert) et de la rapière de belle facture qui pend à sa ceinture. Le stuff, c’est important.

Pour cette première nuit de la saison, les attentes de nos hardis pêcheurs sont assez faibles, mais Manann leur sourit toutefois en leur envoyant un navire au capitaine un peu trop naïf pour espérer triompher des eaux et des mœurs traitresses du coin. Attirée sur les brisants par ce qu’il croyait être la lumière et la corne de brume d’un phare, l’embarcation finit promptement éventrée par les récifs affleurants, et le vrai boulot des naufrageurs peut commencer. Par petits groupes, ils parcourent la grève à la recherche d’objets de valeur rejetés par les vagues, et n’hésitent pas à mettre fin aux souffrances des quelques survivants trempés jusqu’aux os qui ont la malchance d’arriver jusqu’à la plage avec un pouls. C’est ainsi que Karel est témoin du meurtre de sang froid d’un jeune homme échoué sur les galets en compagnie de son livre de croquis, commis par Gastoen et son vieux pote Emil à grand coups de hache et de gourdin. Ne pleurez pas trop sur son sort, car le bougre arborait un médaillon à la gloire de Tzeentch autour du cou. Le carnet contient des dessins de la faune et de la flore de ce qui semble être la Lustrie, et comme des specimens de plantes inconnues finissent par trouver leur chemin jusqu’au rivage, il ne faut pas longtemps au sagace mais traumatisé Karel pour établir que le navire coulé ce soir ramenait des specimens locaux à fin d’études sur le Vieux Monde.

La bonne humeur générale qui règne autour du brasier est toutefois mise à mal lorsque le dénommé Bernard arrive en hurlant auprès de ses comparses, et leur annonce que son frère Claeis, avec lequel il inspectait la ligne de marée, a été happé par un monstre sorti des vagues. Paranoïaque comme tout bon chef de bande de criminels se respectant, Vetyman ne croit pas un mot de ce récit et se convainc au contraire d’une magouille entre frangins afin de dérober une trouvaille digne de ce nom au partage collectif. Les patrouilles envoyées sur place pour vérifier la version de Bernard ne donnant rien, il décide d’aller interroger le lanceur d’alerte de manière serrée dans la maison commune du village, afin de lui faire cracher la vérité. Peine perdue, car Bernie n’en démord pas, même sous la torture : un démon est apparu à Wulfhafen…

Début spoiler…Sa version est corroborée par un autre témoin, hélas pas plus crédible que lui aux yeux de Vetyman : la femme alcoolique et mythomane du pêcheur (et philosophe) Enghel, Una. La vieille débarque comme une furie en plein interrogatoire pour annoncer à la cantonade que son mari a été attaqué et estourbi par un monstre de la taille d’une maison. Ses déboires avec de mystérieux Gobelins invisibles, une fois qu’elle avait forcé sur le rhum, étant encore dans toutes les mémoires, les hommes de Wulfhafen ne la prenne pas vraiment au sérieux, et seul un naufrageur consent à aller inspecter les lieux de la disparition d’Enghel pour établir la réalité des faits. Lorsqu’il revient, l’assistance ne peut manquer de remarquer les profondes entailles qui lui déchirent le dos, ainsi que son décès soudain après qu’il ait fait trois pas dans la salle commune. Il semblerait bien que les versions de Bernard et d’Una aient un fond de vérité, après tout.

C’est le branle bas de combat dans le village, et la petite armurerie constituée au fil des saisons de naufrage de navires est vidée pour l’occasion. Menée par Vetyman, la foule en colère retourne sur les lieux de la disparition présumée d’Enghel, et se retrouve confrontée à un authentique Kroxigor, que la météo locale, bien plus frisquette que la chaleur lustrienne, a rendu très soupe au lait. Il semblerait que le navire envoyé par le fond n’avait pas que des échantillons de plantes dans sa cale… Bien que les humains disposent de l’avantage du nombre et de l’intelligence, la force brute et la vitesse de pointe du gros lézard sont suffisantes pour remporter ce match d’une manière éclatante et passablement sanglante. Les survivants se replient en panique dans la salle commune, où est conservée l’huile utilisée pour allumer les brasiers naufrageurs : il s’agit sans doute de la dernière chance de terrasser ce monstre, insensible aux attaques perçantes et contendantes des locaux.

Malheureusement pour les Wulfhafenois, Kroxy vient toquer à la porte avant que les préparations ne soient terminées, et le massacre reprend de plus belle. Karel voit mourir son père sous ses yeux, rapidement suivi par Vetyman, éventré d’un coup de griffe après avoir aspergé le lézard d’huile. Dans la confusion, le jeunot a le temps de balancer une torche sur la bestiole enragée avant de s’eclipser en barricadant la porte de la salle, condamnant le Kroxigor à une combustion fatale. Cet épisode traumatisant a toutefois eu raison du poids de la tradition chez Karel, qui décide de partir dès le lendemain pour Marienburg afin de rejoindre le temple de Manann et d’expier les crimes de son village. Ou peut-être ne tenait-il pas à tout nettoyer (presque tout seul) après cette nuit de folie ? L’histoire reste silencieuse sur ce point…Fin spoiler

AVIS :

C. L. Werner nous offre une petite déclinaison med-fan du thème classique du village de naufrageurs, punis de leurs mauvaises actions par l’arrivée d’un monstre sanguinaire (ici Bob le Kroxigor). Si l’intrigue suit un chemin assez convenu, j’ai particulièrement apprécié la complexité que Werner a donné à ses personnages principaux, à commencer par Vetyman qui se révèle être un véritable anti-héros, à la fois détestable par ses actions (perpétuer la tradition de ses naufrageurs d’ancêtres, torturer un de ses camarades parce qu’il ne croit pas à ses histoires) et meneur courageux, charismatique et plein de ressources de sa bande de ruffians. On appréciera également les références faites par l’auteur à la geek culture dans son récit, depuis le nom de la nouvelle (un clin d’œil à ‘The Doom That Came To Sarnath’ de H. P. Lovecraft1) jusqu’aux dialogues entre personnages. Une soumission très solide de la part de l’homme au chapeau2.

1 : On peut d’ailleurs noter que le choix de Werner de faire d’un Kroxigor échoué la Némésis des villageois de Wulfhafen est en cohérence avec le « grand lézard d’eau », le qualificatif du dieu Bokrug qui détruit Sarnath dans la nouvelle de Lovecraft.
2 : Ma seule remarque négative portera sur la mention, inexpliquée pour autant que je puisse le dire, du médaillon marqué du symbole de Tzeentch que le dessinateur massacré par Gastoen et Emil arborait autour du cou. Un petit Easter egg destiné à souligner que de grands changements n’allaient pas tarder à se produire à Wulfhafen ?

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Hatred – B. Chessell :

INTRIGUE :

La vie tranquille de Kurtbad, un village en déréliction situé en plein cœur de l’Averland, est bouleversée par le meurtre de l’un de ses habitants, puis par l’arrivée soudaine d’un chasseur de sorcières mal en point. Alors que la traque du tueur s’organise, la destinée de quatre Kurtbader (-iens? -ois? -ais?) va être changée à jamais.

AVIS :

‘Hatred’ s’avère être un huis-clos à l’ambiance particulière et la construction soignée, deux caractéristiques faisant l’originalité et l’intérêt de cette nouvelle de Ben Chessell.

Le style purement factuel déployé par l’auteur pour raconter le drame se jouant à Kurtbad, les vérités énoncées à demi-mot et ne faisant sens que bien plus tard dans le récit, l’inclusion de passages écrits à la première personne depuis le point de vue de l’antagoniste (dont on ignore l’identité jusqu’aux dernières pages) entre le récit des péripéties, ou encore l’approche résolument anticonformiste qu’à Chessell du Chaos et de son effet sur les êtres vivants qu’il touche et transforme, sont autant de raisons de lire et d’apprécier ‘Hatred’, qui est assurément l’un des meilleurs « très courts formats » (15 pages) de la Black Library.

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Son and Heir – I. Winterton :

INTRIGUE :

WFB_Son &amp; HeirAlors qu’il patrouillait gentiment sur le domaine de son patron, le Baron Gregory de Chambourt, le Chevalier du Graal Gilles Ettringer surprend un groupe d’Hommes Bêtes traînant sans masque ni attestation ni respect des gestes barrières à proximité d’une chapelle de la Dame. N’écoutant que son devoir, il se rue sur les mutants l’épée au clair et les met à l’amende (135 horions par tête de pipe), avant d’aller investiguer sur la raison qui poussait les Gors à squatter à côté d’un lieu saint. Il ne tarde pas à découvrir, monceaux de déchets et de cadavres torturés et/ou putréfiés à l’appui, que la chapelle a été profanée par des adorateurs du Chaos, dont un grand costaud en tenu d’Adam doté d’une énorme… capacité de régénération, et d’un sens de l’humour un peu particulier. Maîtrisé sans coup férir par Gilles, qui veut faire les choses dans les règles et offrir une expérience de torture judiciaire avant exécution interminable complète à son prisonnier, l’anarcho-nudiste est ramené jusqu’au château de Chambourt, en compagnie d’une complice également alpaguée sur les lieux du crime, et qui se révèle être la jeune sœur (Juliette) du Baron…

Ce dernier, comme le veut la tradition locale, était en train de se pinter la gueule avec quelques copains pendant que sa femme, la Dame Isobella, donnait naissance au premier enfant du couple. Dégrisé par la nouvelle de la souillure de ses terres et, très probablement, de sa sœur, considérée jusqu’ici comme un modèle de pureté, Greg pète une durite et donne carte blanche à ses tortionnaires pour attendrir un peu le suspect, qui n’a même pas consenti à donner son nom au Baron. Une heure, une tonsure expresse, une dizaine de dents et deux doigts en moins et une flagellation en bonne et due forme plus tard, le cultiste impénitent est ramené devant son juge, mais continue à prendre la situation à la légère. Il va mène jusqu’à annoncer qu’il est la Némésis du noble, et qu’il lui prendra absolument tout ce qui lui est cher dans les années à venir, à commencer par sa femme (il félicite tout de même l’heureux papa pour la naissance de son fils, parce que c’est pas un monstre absolu). Et en effet, lorsque Gregory se rue au chevet de sa femme après qu’un serviteur lui ait porté la nouvelle de la fin de l’accouchement, il est impuissant à stopper la gingivite foudroyante qui emporte Isobella dans ses bras. Le lendemain, c’est la fourbe Juliette qui se fait décapiter par un garde en situation de légitime défense, après qu’elle ait fait exploser la tête de deux de ses camarades d’un simple mot lorsqu’ils étaient venus lui apporter son petit déjeuner en cellule. Ca devait pas être le mot magique auquel ils s’attendaient, pour sûr. Pour ne rien arranger, le cultiste parvient, lui, à disparaître sans laisser de traces, même s’il laisse sa langue dans la poche du Baron (de plus en plus énervé, et on le comprend) au passage.

Avec tout ça, il n’est pas difficile de comprendre la paranoïa exacerbée de Gregory envers la sécurité de son fils (également appelé Gregory), qu’il maintient enfermé dans son château jusqu’à ses douze ans révolus. Finalement convaincu par l’adolescent de l’emmener à la chasse pour célébrer son anniversaire, Old Greg regrette rapidement son choix lorsque la colonne bretonienne tombe dans une embuscade d’Homme Bêtes. Bien que les assaillants soient repoussés au prix de lourdes pertes, Young Greg et Gilles Ettringer font partie des disparus, présumés capturés par la harde du Chaos. Et en effet, lorsque Gillou se réveille, il découvre avec stupeur que toute l’opération a été montée par une vieille connaissance : le streaker cultiste, (re)venu avec son grand couteau et son énorme b…onhommie. Un peu handicapé par son absence de langue, il arrive tout de même à faire comprendre au chevalier qu’il a des grands plans pour ses prisonniers, dont Greg Junior, grâce à ses compétences de mime. En douze ans, on a le temps de s’améliorer au Time’s Up, c’est vrai. Mais c’est sans compter sur la détermination de Gilles, qui parvient à se libérer de ses liens et à perturber le rituel sacrificiel des hordes chaotiques armé seulement d’un couteau à pain Monoprix ébréché, mais aussi et surtout sur l’arrivée providentielle de Papou Greg et de ses hommes, qui ont trouvé la trace des Hommes Bêtes et leur tombent dessus with extreme prejudice. Bilan des courses, le cultiste en chef se fait refaire le portrait par Gilles avant d’avoir pu exécuter le fils prodigue, et est ramené manu militari au château pour enfin répondre de ses crimes…

Début spoiler…Dûment torturé pendant les quelques jours qui ont été nécessaires à monter le bûcher sur lequel il est conduit en grande cérémonie, la Némésis de Chambourt ne fait plus le malin lorsqu’il est attaché au poteau. Il semble même demander grâce au Baron, mais sans langue ni dents et avec une mâchoire démantibulée, c’est dur de se faire comprendre. Gilles, qui a été salement amoché au cours de son héroïque intervention, assiste à l’exécution depuis le balcon de sa chambre, accompagné de Baby Greg. Intrigué par le changement radical de comportement du cultiste depuis sa seconde arrestation, le vieux chevalier finit par réaliser que quelque chose ne tourne pas rond… mais n’aura pas le temps de partager son horrible réalisation avec quiconque, car son compagnon lui balance la mère de tous les « OK Boomers » dans la face, ce qui lui brise littéralement son petit cœur fragile. Pendant qu’il agonise, « Greg » lui confirme ce qu’il vient de comprendre : le rituel interrompu quelques jours plus tôt avait pour but d’échanger les corps du cultiste et du fils du Baron, et c’est donc ce dernier qui a été brûlé en place publique. Le mot qu’il essayait de faire comprendre à son bourreau était « Père », mais ce dernier n’a évidemment pas capté le message. Ce petit secret emporté dans sa tombe par Gilles, Gregory the Kid a maintenant toute latitude pour poursuivre sa vendetta personnelle contre son bien aimé paternel…Fin spoiler

AVIS :

Ian Winterton n’a peut-être pas laissé derrière lui un corpus aussi impressionnant que d’autres contributeurs de la Black Library, mais ce dont son œuvre manque en quantité, elle le rattrape en qualité. C’est bien simple, à chaque fois que je lis ‘Son and Heir’, je termine cette nouvelle en concluant qu’il s’agit d’une des toutes meilleures jamais publiées pour Warhammer Fantasy Battle, et pour la GW-Fiction en général. En l’espace de 20 pages, Winterton déroule une histoire captivante, surprenante, et d’une noirceur exemplaire, soit tout ce que l’on peut attendre d’une soumission de la BL. Ce résultat spectaculaire est en grande partie atteinte grâce à la maîtrise impressionnante que notre homme a du rythme de sa narration (ce qui lui permet d’amener des rebondissements de manière brusque, ce qui n’est pas donné à tout le monde en littérature), et son usage consommé des allusions, qui terminent de façon percutante bon nombre des courtes séquences qui découpent le récit. Cela fait totalement oublier les petites approximations fluffiques de l’auteur (sorcier masculin, « ordre » des chevaliers du Graal…), pas parfaitement au fait des us et coutume de la maison. C’est pas grave hein. Pas grave du tout. J’incite vivement tout ceux qu’ils le peuvent et le souhaitent à lire ‘Son and Heir’, car voir Winterton à l’œuvre est beaucoup plus gratifiant que de s’enquiller ma morne prose. Clairement, l’un des joyaux cachés et oubliés de la GW-Fiction, que j’estime être de mon devoir que de faire sortir de son anonymat1.

1 : Même l’illustration d’Adrian Smith dans Inferno ! pète la classe. Une réussite absolue.

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Ill Met in Mordheim – R. Waters :

INTRIGUE :

La bromance passionnée entre Heinrich Gogol (que nous appellerons Heinrich à partir de maintenant, pour des raisons faciles à comprendre) et son bras droit Broderick, respectivement Capitaine et second d’une bande de hardis et pieux Reiklanders, est brutalement interrompue par la mort au combat du second lors d’une escarmouche contre les Skavens. Ce sont des choses qui arrivent lorsqu’on gagne sa croûte à Mordheim au troisième millénaire après Sigmar, c’est vrai, mais l’expérience n’en est pas moins traumatisante pour Heinrich, qui perd son plus vieux pote et camarade de lutte (ils se sont connus sur les bancs de l’école les sables de l’arène) sur ce coup du sort/de pétoire à malepierre. Pour ajouter l’injure à la blessure (mortelle), comme on dit chez les glaouiches, les hommes rats se sauvent en emportant le précieux Cœur de Sigmar après lequel les Reiklanders en avaient, et qu’Heinrich s’est juré de ramener au Grand Théogoniste à Altdorf pour accomplir une prophétie annonçant la venue du second Reich – tant que c’est pas le troisième, ça va – et des lendemains qui chantent lorsqu’un élu au cœur pur et à la foi absolue en Sigmar entrera en possession de la relique. Tout un programme.

L’échec n’a toutefois pas été total pour Heinrich et ses survivants (le vieux Prêtre affectueusement Daddy Père, un Flagellant et deux molosses), car ils ont été rejoints lors de l’affrontement par un quatuor de Marienburgers apprêtés mais aguerris, qui les a aidés à mettre en fuite la vermine. Menés par le très stylé Bernardo Rojas (from Estalie, olé), les nouveaux venus en ont aussi après les Skavens, et bien que Heinrich voie ces bretteurs pomponnés d’un mauvais œil, il accepte de joindre ses forces aux leurs pour mener un raid sur le QG des ratons, dont Bernardo prétend avoir trouvé l’emplacement (grâce à sa demi-sœur, qui est apparemment éclaireuse aguerrie, mais qu’on ne verra pas de toute la nouvelle).

Après avoir rendu un dernier hommage à ses chers disparus, la bande unifiée taille donc la route en direction d’un mausolée situé à proximité de l’abbaye des Sœurs de Sigmar, et dont les fantômes sans repos confirment aux nouveaux arrivants que les lieux ont été squattés et profanés par les disciples du Rat Cornu. Comme on peut l’imaginer, le chemin de nos aventuriers est semé d’embûches (des pentes très pentues, des nids de rats agressifs, l’humeur exécrable de Heinrich…), et cela avant même que les Skavens lancent leur inévitable contre-attaque, qui finit par envoyer tout ce beau monde au troisième sous-sol après que les combats aient provoqué un glissement de terrain.

C’est à l’ombre d’une idole représentant El Raton Supremo et faite à partir des squelettes du mausolée que s’engage le combat final, durant lequel Heinrich et Bernardo parviennent à coincer le meneur de la bande adverse et porteur du fameux Cœur de Sigmar, et à lui faire son affaire à grand coup de rapière et de katana (quand je vous disais que Bernardo était stylé), perdant bien sûr quelques compagnons dans l’histoire. La mort la plus tragique revient sans l’ombre d’un doute à Père, doublement poignardé par les lames suintantes maniées par le chef Skaven après s’être interposé héroïquement pour sauver son bon à rien de Capitaine de la mort infâmante qu’il méritait pourtant. Et j’emploie le mot tragique au sens propre, car le même Père avait remis à Heinrich une fiole de Larmes de Shallya au début de la mission, ayant eu le pressentiment que ses jours étaient en danger. Tout à son chagrin (ou à sa pingrerie), Heinrich oublie qu’il est en possession d’une panacée pouvant neutraliser le poison des lames skavens, et le vieux Prêtre s’en va rejoindre sa divinité dans d’atroces souffrances. On n’est jamais mieux servi que par soi-même, ça ça ne bouge pas.

Notre propos s’achève sur le constat qu’une franche et virile amitié s’est instaurée entre nos deux héros (c’est toujours ça de pris), et que leur route les mène désormais vers Altdorf, où ils ont un petit colis à livrer au Grand Théogoniste. Ce ne sera cependant qu’un aller-retour express, tous ceux ayant goûté à la vie nocturne de Mordheim étant voué à y retourner vivre… et mourir, très probablement.

AVIS :

Aussi étrange que cela puisse paraître, le jeu d’escarmouche Mordheim n’a été que très sommairement couvert dans les publications de la Black Library, alors que l’on compte plusieurs dizaines de publications pour son pendant grimdark, Necromunda1. Si on met de côté le roman ‘City of the Damned’ de la série des Gotrek & Felix, et la nouvelle ‘Virtue’s Reward’ de Darius Hinks, ‘Ill Met in Mordheim’ est la seule histoire prenant place dans cette pittoresque cité que Nottingham nous ait accordé, et il semble peu probable que ces lacunes soient comblées à court, moyen ou long terme. Nous sommes donc en présence d’une authentique rareté de la GW-Fiction, et plutôt deux fois qu’une, car ‘Ill Met…’ se trouve également être l’unique contribution de Robert Waters pour le compte de la Black Library. Sa lecture en est donc tout à fait indispensable si vous voulez entrer dans la (toute) petite élite des amateurs de fiction de Games Workshop, au même titre que celle des ouvrages Dark Future.

L’argument de l’exotisme écarté, ‘Ill Met in Mordheim’ se révèle être une petite novella construite autour d’une quête assez simple, mais enrichie par Waters de scènes d’action bien développées et mettant en scène des personnages plus définis que la majorité des protagonistes de courts formats de la GW-Fiction, ce qui est toujours appréciable. A titre personnel, je n’ai pas vraiment accroché avec Heinrich Gogol et Bernardo Rojas, la-paire-mal-assortie-qui-finit-malgré-tout-par-nouer-une-solide-amitié, la cyclothymie2 du premier et l’absence d’aspérités du second m’empêchant de m’investir dans leurs tragiques aventures, mais je salue tout de même l’effort consenti par l’auteur pour prendre son temps dans le déroulé de son histoire, plutôt que de multiplier les péripéties de façon frénétique comme c’est malheureusement souvent le cas à la Black Library.

Au final, on se retrouve avec ce qui devait sans doute être le premier volet d’une série plus longue, comme les références non utilisées (la belle-sœur de Bernardo, les larmes de Shallya remises à Heinrich par Père…) de la nouvelle, ainsi que sa fin très ouverte, le laissent envisager. On ne saura sans doute jamais ce qui a poussé Nottingham à tirer une croix sur ce projet, dont ‘Ill Met in Mordheim’ demeure la seule trace visible à ce jour.

1 : Et déjà quelques-unes pour Warcry, l’adaptation du concept à Age of Sigmar.

2 : Le comble du cringe étant atteint lorsque Heinrich laisse son partenaire mettre le feu à un nid de rats en sachant pertinemment qu’il s’agit d’une très mauvaise idée, uniquement pour lui montrer qu’il n’est qu’un bleu dans l’univers cruel et sans pitié de Mordheim. Cette leçon coûtera la vie à un des membres de la bande, ce qui fait cher payé.

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Totentanz – B. Craig :

INTRIGUE :

WFB_TotentanzCapturé par le despote osseux mais éclairé Cimejez à l’issue d’une campagne en Arabie, l’émir Amaimon se retrouve entraîné dans un débat des plus étranges alors que son vainqueur lui fait l’honneur de sa collection personnelle d’antiquités (car Cimejez aime bien parler philosophie avec les vivants éduqués sur lesquels il peut poser la main) : qui des vivants ou des morts sont les meilleurs danseurs ? Chaque camp étant convaincu de la supériorité de sa race faction situation, un concours est organisé pour tirer les choses au clair une bonne fois pour toutes. Côté chair, Amaimon, qui s’y connaît un peu en magie, réanime la statue de la danseuse (Celome) dont la contemplation a mené à la dispute entre son hôte et lui. Côté os, Cimejez se fait représenter par un danseur macabre confirmé (mais anonyme).

Celome a l’honneur de commencer, et livre une interprétation flamboyante de la danse des sept voiles, représentation stylisée et burlesque de la lutte incessante de l’humanité contre les sept fléaux qui sont la faim, le froid, la maladie, la solitude, le deuil, la stérilité et Juul la mort. Bien que le public de Squelettes et de Zombies qui assiste à la représentation ne montre pas le moindre intérêt devant les contorsions dénudées de Celome, Amaimon reste confiant dans l’issue du duel. Après tout, c’est la danseuse elle-même qui fera office de jury, Cimejez lui ayant promis de prolonger sa vie (car le sort d’Amaimon ne marche qu’une seule heure) ou de la transformer en morte-vivante en fonction de son jugement final. Devant une telle alternative, il est évident que le choix est tout tracé, pas vrai ?

Début spoiler…Cependant, lorsque le champion du Roi des Tombes pénètre à son tour sur le dance floor, et malgré le caractère minimaliste de sa prestation (il fait le tour de la piste à tout petits pas pendant qu’un de ses potes joue une chamade au djembé), Amaimon réalise avec effroi que personne ne peut résister à ce tempo chaloupé. Tous les vivants assistant au concours, y compris Celome, se retrouvent bientôt engagés dans cette macarena macabre, et écopent d’un coup de faux fatal pour leur peine. Seul Amaimon, que Cimejez a maintenu de force sur son siège, survit à cette démonstration implacable de la supériorité chorégraphique des légions de Nagash, et sera donc condamné à servir ce nouveau maître dans cette vie et dans la suivante. Un pari est un pari.Fin spoiler

AVIS :

Pour son avant-dernière soumission à la GW-Fiction (à ce jour), Brian Craig marque définitivement sa sigularité par rapport au reste de ses co-auteurs en signant une courte nouvelle/fable/essai philosophique à la sauce med-fan, d’une violence stylistique absolue pour qui est habitué aux canons de la Black Library. Les premières pages en particulier, qui pourraient être tirées d’une dissertation dont le sujet serait « Existe-t-il une éthique de la mort ? », sont tellement différentes de ce à quoi on s’attend en lisant ce genre de prose qu’il est étonnant que les pontes de Nottingham n’aient pas tout bonnement refusé de publier cette nouvelle. Même si j’ai abordé ‘Totentanz’ en connaissance de cause, ce début sans concession m’a fait forte (si ce n’est bonne, car Craig a été plus « pédagogue » dans son approche par le passé, et je pense qu’il aurait pu faire plus d’efforts ici) impression.

La suite, si elle se révèle plus classique – encore que les concours de danse entre vivants et morts ne sont pas le sujet le plus fréquent de la GW-Fiction –, reste très marquée de la patte Craigesque, et permet à l’auteur d’illustrer avec son style si particulier l’opposition entre vivants ignorants et morts impassibles. Je ne suis pas sûr d’avoir compris la morale profonde de cette histoire (à part de ne jamais défier les Rois des Tombes à une battle), mais le déroulé du duel chorégraphique entre la pauvre Celome, qui aurait peut-être préférée rester statue, et Benjamin Milletarse est décrit avec suffisamment de détails par Craig pour que l’on sache de quoi il en retourne. À réserver aux fans les plus insatiables du vieux maître, et à (sans doute) laisser de côté pour les autres.

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The Ultimate Ritual – N. Jones & W. King :

INTRIGUE :

WFB_The Ultimate RitualSur le campus de l’université de Nuln, deux hommes s’apprêtent à tenter une expérience à haut risque pour faire progresser les connaissances arcaniques de l’Empire. L’enthousiasme n’est pas égal entre le jeune Lothar von Diehl, qui piaffe littéralement d’impatience, et son ancien professeur Gerhardt Kleinhoffer, dont le trouillomètre se rapproche dangereusement de zéro au fur et à mesure que les préparatifs s’achèvent. C’est pourtant lui qui a traduit ‘Le Livre des Changements’ d’où von Diehl a tiré la formule de l’ultime rituel, promettant rien de moins qu’un aller-retour jusqu’à la Mer des Âmes, cette dimension parallèle où se trouve le loft des Dieux du Chaos. Mais de la théorie à la pratique, il y a un monde, et il faut toute la force de persuasion (et la superbe éloquence) de son disciple pour que Kleinhoffer accepte de jouer son rôle dans la suite des événements.

Si von Diehl a autant insisté pour avoir un témoin, c’est que son billet pour le néant est un Pass Duo, et que le Disque de Tzeentch qu’il invoque pour partir en vadrouille ne consent à partir qu’à plein, c’est à dire avec deux personnes sur le dos. Je peux comprendre que lorsqu’on vient d’aussi loin que le Warp, on apprécie de ne pas faire le voyage à vide, ceci dit. Une fois les usagers installés et les ceintures bouclées, le sous-boc volant fend l’air et l’espace, et part en direction du pôle Nord pour passer sur le périphérique cosmique. Le go fast qui s’en suit n’est pas de tout repos, car le Démon se fait prendre en chasse par des congénères affamés et attirés par l’âme de ses passagers. Fort heureusement, le Disque s’avère être un as du volant, qui parvient à semer ses poursuivants en faisant des sauts de puce de l’Immaterium au Materium, visitant quelques planètes très 40K dans l’esprit au passage. Enfin, nos héros arrivent devant la chambre du Grand Architecte, qui, coup de chance, accepte de les recevoir sans tarder.

Tzeentch est toutefois une divinité surbookée, qui n’a pas le temps de donner dans les mondanités. Il demande donc à ses visiteurs ce qui les amène et ce qu’il peut faire pour eux, et le manque de préparation (et la terreur panique) de Kleinhoffer lui joue un vilain tour. Comptant sur son acolyte pour meubler le blanc malaisant qui s’installe après la demande divine, il se fait avoir dans les grandes largeurs lorsque von Diehl explique candidement que l’estimé professeur est à la recherche de savoir. « OK » répond Tzeentch, qui, un peu troll sur les bords, débute un transfert de 999 Eo en direction du cerveau du pauvre prof, dont le cerveau entre en surchauffe au 3,963,635,619ème meme de Pepe the Frog qu’il reçoit en l’espace d’une demi-seconde. Von Diehl, qui a lancé un sort de streaming en pirate de la base de données de son acolyte, peut quant à lui déguster cette dankness avec plus de confort, même s’il doit cependant jurer allégeance à Tzeentch pour pouvoir repartir jusque dans le Monde Qui Etait Encore. C’était son projet depuis le début toutefois, et il n’a aucune difficulté à se délester de son âme en échange d’un apport infini de contenu Reddit. Revenu dans sa piaule universitaire, avec un Kleinhoffer rempli jusqu’au lorgnon d’infos confidentielles, et à peu près aussi incontinent que Wikileaks, von Diehl peut désormais se consacrer à préparer la Fin des Temps… ou à devenir une légende de 9Gag. Au choix.

AVIS :

Petite nouvelle d’ambiance et de fluff écrite à quatre mains, ‘The Ultimate Ritual’ multiplie les clins d’œil (à l’œuvre de King1 mais également à Warhammer 40.000) et offre au lecteur une visite romancée inédite (à ma connaissance) de la Mer des Âmes, ainsi qu’un authentique dialogue entre de simples mortels et un Dieu du Chaos, ce qui n’est pas banal. Par contre en termes d’intrigue, c’est aussi terne et sans surprise qu’un tronçon d’autoroute hors heures de pointe et vacances scolaires : peu étonnant pour une nouvelle de seulement treize pages, mais certains contributeurs de la BL ont prouvé qu’ils étaient capables de faire plus rythmé que ça sur ce genre de format, donc on peut légitimement reprocher à messieurs Jones et King de ne pas s’être trop foulés sur ce coup là.

1 : Les von Diehl sont la lignée récurrente de l’auteur, puisqu’on croise Kurt dans ‘The Laughter of Dark Gods’ et Gottfried et Manfred dans ‘Wolf Riders’. Famille assez malchanceuse au final car tous ses membres ont connu une mort violente et souvent chaotique (pas nécessairement dans cet ordre).

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Et voilà qui conclut cette revue de ‘Tales of the Old World’, et avec elle celle des ouvrages infernaux (!) de la Black Library, au moins en ce qui concerne Warhammer Fantasy Battle. Comme souvent avec les recueils de nouvelles de cette maison d’édition, le constat est mitigé et les authentiques pépites côtoient les soumissions beaucoup moins abouties. Je note également quelques choix éditoriaux pas très heureux, comme celui d’avoir placé ‘Paradise Lost’ avant ‘Grunsonn’s Maraudeurs’ au sommaire, alors que la seconde histoire prend place avant la première, ou encore de ne pas avoir pensé à indiquer aux lecteurs souhaitant en apprendre plus sur les héros bénéficiant d’autres nouvelles et romans à leur nom l’existence et le nom de ces derniers. Malgré ces scories et étourderies, la lecture de ‘Tales of the Old World’ a suscité chez votre serviteur une telle nostalgie pour ce bon vieux Vieux Monde qu’il ne peut se résoudre à terminer cette chronique sur une note négative. Le Vieux Monde est mort, vive le Vieux Monde !

INFERNO! – ANNEE 6

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue de la 6ème année d’Inferno!, le magazine bi-mensuel publié par la Black Library entre 1997 et 2005, et dédié à la GW-Fiction sous toutes ses formes. Les six numéros dont il sera fait mention ici sont sortis entre juillet 2002 et mai 2003, et regroupent entre eux pas moins de 21 nouvelles, tirées de façon quasi paritaire des franchises Warhammer Fantasy Battle (11 histoires) et Warhammer 40.000 (10 histoires). Pour les plus attentifs et/ou fidèles d’entre vous, l’absence de nouvelles Necromundesques, qui ont pourtant fait partie du périmètre infernal depuis le premier numéro (‘The Demon Bottle’) s’explique à mes yeux par la concurrence faite par un autre jeu « spécialistes » futuriste, et qui venait de sortir à l’époque : Inquisitor1. Un clou chasse l’autre, comme on dit.

1 : J’en veux pour preuve la nouvelle ‘Payback’ de Graham McNeill, qui prend place sur Karis Cephalon, la planète où se déroulent les événements du livret de campagne ‘Death of an Angel’ (2003).

Inferno!_Année 6

Que les admirateurs éperdus de Nathan Creed et de Kal Jericho se consolent, s’ils le peuvent, avec la promesse d’une très haute concentration de personnages nommés (et parfois fameux) dans les numéros qui nous intéressent aujourd’hui. En plus de Gotrek & Felix (‘Redhand’s Daughter’), qui bénéficient, comme les Fantômes de Gaunt avant eux, d’un numéro (#36) à leur gloire, cette année sixième vit le retour d’Uriel Ventris (‘Leviathan’), Mathias Thulmann (‘Meat Wagon’), Angeika Fleischer (‘Head Hunting’), le Sergent Priad (‘Blue Blood’), Torben Badenov (‘Mark of the Beast’), sans oublier l’affable Gregor Eisenhorn (‘Backcloth for a Crown Additional’). Le millésime 2002/2003 vit également la création de figures importantes de la GW-Fiction, à commencer par l’impayable Ciaphas Cain (‘Fight or Flight’, ‘The Beguiling’) et l’efficace Brunner (‘What Price Vengeance?’). Moins gâtés par le passage des ans, mais méritants tout de même une mention spéciale, signalons enfin la présence des agents des lices Dirk Grenner et Karl Johansen (‘Rest for the Wicked’), du Magos Biologis Valentin Drusher (‘The Curiosity’) et du flamboyant corsaire Luka Silvaro (‘A Ship Called Rumour’), que nous aurons l’occasion de recroiser plus tard.

En ce qui concerne les contributeurs de cette année 6, il ne surprendra sans doute personne d’apprendre que ce fut une fois de plus Dan Abnett qui se révéla être le primo plumo (ouais je parle italien) de cette série, avec pas moins de quatre nouvelles à son nom. Suivent les sieurs McNeill, Werner, Mitchell et Spurrier (dont il s’agit pour les deux derniers des premières collaborations avec la Black Library), avec deux contributions par têtes de pipe. Et puisque nous avons commencé notre propos par un rappel de la disparition de Necromunda des pages infernales, terminons par une accolade aux auteurs qui ne reviendront plus nous faire bénéficier de leur talent dans le futur (du passé, mais je me comprends) : Brian Craig et Neil McIntosh. Mention spectrale à Robin D. Laws et Simon Jowett, qui poursuiveront encore quelque temps leur collaboration avec la BL, mais qui n’écriront plus pour Inferno!  par la suite.

Le cadre étant, je le pense, suffisamment planté, il est temps de passer aux choses sérieuses et de partir à la découverte de cette année slaaneshi (allez directement à ‘The Beguiling’ si vous voulez rester dans le thème)…

Inferno! Année 6

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Backcloth for a Crown Additional – D. Abnett [40K] – #31 :

INTRIGUE :

40K_Backcloth for a Crown AdditionalEn villégiature dans son domaine de Gudrun, l’Inquisiteur Gregor Eisehorn doit interrompre ses vacances pour enquêter sur la mort suspecte d’un de ses amis notables. Le seigneur Froigre a en effet passé l’arme à gauche à la suite de la fête organisée pour le retour de son fils sur la planète, à l’âge déçu de 82 ans. Par considération pour la famille, Eisenhorn accepte de jeter un œil au dossier, même si l’affaire lui semble d’une banalité consommée. Pourtant, au fur et à mesure que les indices s’accumulent, Greg va devoir admettre que ce cas n’est peut-être pas aussi éloigné de ses enquêtes habituelles. Le Chaos ne respecte rien, pas même les RTT des fonctionnaires de l’Ordo Xenos. Vilain Chaos, vilain.

AVIS :

Backcloth for a Crown Additional est la réponse d’Abnett à la question que nous nous sommes tous posés un jour : « mais que font les Inquisiteurs pendant leurs congés ? ». Plutôt que de partir à la pêche à la mouche ou faire des paniers en rotin, Gregor Eisenhorn joue donc au Cluedo avec quelques-unes de ses connaissances, ce qui ne doit pas vraiment le changer du boulot. Pour le lecteur, c’est toutefois l’occasion de découvrir l’iconique héros d’Abnett et ses plus proches collaborateurs (Bequin et Aemos) dans un cadre de quasi normalité.

La « gratuité » de cette nouvelle1, qui relate une anecdote assez inconséquente de la longue et difficile carrière d’Eisenhorn, permet à l’auteur de faire la démonstration de sa maîtrise du tempo romanesque : le rythme posé des vingt premières pages, au cours desquelles Abnett fait siens tous les codes du polar d’enquête, s’accélère brusquement et débouche sur un final enlevé, pendant lequel le bon Gregorbotte le cul calleux d’une bouteille de mercure possédée. 

Si la Black Library compte des contributeurs capables d’écrire de bons textes d’action pure, et (mais c’est plus rare) de bons textes « contemplatifs », ils sont en revanche très peu nombreux à savoir marier les deux approches de manière convaincante, ce qui est une autre raison de placer Dan Abnett en tête de peloton.

1 : Comprendre que, contrairement aux autres courts formats prenant place dans la saga inquisitoriale d’Abnett, Backcloth… n’a aucune incidence sur le reste de la série (Thorn Wishes Talon), ni ne révèle d’éléments intéressants sur le passé (Missing in Action, Playing Patience) ou le destin (The Strange Demise of Titus Endor) d’un personnage important de cette dernière.

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Head Hunting – R. D. Laws [WFB] – #31 :

INTRIGUE :

WFB_Head HuntingRetour au Col du Feu Noir (car c’est là que ça se Passe… mouéhéhé) en compagnie d’Angelika Fleischer et de son protecteur (ce qu’il pense) /stalker (ce qu’elle pense), Franziskus. C’est une journée normale pour Angie, qui exerce l’utile profession de récupératrice des champs de bataille, et a localisé le site d’une embuscade grâce aux croassements des corbeaux faisant bombance sur les cadavres abandonnés. Bien que Franziskus, en aristocrate principiel qu’il est, trouve la pratique dégradante, il faut bien que quelqu’un se charge de remettre sur le marché les biens et espèces qui resteraient sinon à prendre la pluie sur leurs défunts propriétaires, au lieu de créer du PIB, comme Baltazar Gelt le voudrait. La moisson du jour est plutôt bonne (un anneau nain pouvant servir de bracelet – les Dawi ont des doigts boudinés – et quelques pièces pour s’acheter un Sub’ en rentrant), mais se fait interrompre par un bruit caractéristique et de mauvais augure : celui d’une hache taillant de la barbaque. Prudents, les deux looters se cachent sur le bord de la route et surprennent peu de temps après un voyageur marchant avec une hache sur l’épaule et un sac suspect à la ceinture.

L’explication de texte entre les trois larrons permet au nouvel arrivant, qui se présente comme le professeur Victor Schreber, de dissiper tout malentendu quant à son accoutrement. Certes, il se balade avec un sac de têtes tranchées, et certes, c’est lui qui les a séparées de leurs précédents propriétaires, mais il l’a fait pour la science. Schreber est en effet un expert en phrénologie, et collectionne les crânes afin de percer le mystère des humeurs et des sentiments de ses semblables. Voyant que le bougre est seulement un gros nerd, et pas un psychopathe en puissance, Angelika et Franziskus ne le retiennent pas plus, mais à leur grande surprise, le prof a eu proposition à leur faire. Il revient en effet du petit village de Verldorf, situé en amont du Col, où il espérait pouvoir collecter un spécimen unique : le crâne du malandrin notoire appelé Potocki, récemment capturé et exécuté pour ses mauvaises actions par les Verldorfer. Ces derniers n’ont pas accepté l’offre, pourtant généreuse, de Schreber de leur prendre la tête (on les comprend), et l’ont chassé à coup de pierres lorsqu’il a insisté. Déterminé à agrandir sa collection, il propose donc deux cents shillings à nos héros en l’échange du crâne tant convoité, à collecter après livraison du paquet à son domicile. Il leur remet également une boîte rembourrée pour faciliter le transport et éviter toute casse pendant le voyage. La présence d’un cadenas pour fermer ladite boîte ne manque par contre pas d’interroger Franziskus…

Après un voyage sans encombre, Angie et Frankie arrivent à Verldorf, hameau misérable dont la principale attraction est le gibet où croupit un cadavre bien amoché, suspendu dans une cage en fer. Malgré son état décati, Potocki terrifie visiblement les locaux, qui refusent de parler de lui en dépit des perches que leur tend une Angelika preneuse d’informations pour faciliter son futur larcin. Ce n’est pas grave, elle fera sans, en bonne professionnelle qu’elle est. Ayant pris résidence dans l’auberge locale, les deux Bonereapers avant l’heure se glissent dehors au cœur de la nuit pour aller perpétrer leur forfait, neutralisant au passage l’alarme que l’aubergiste avait installé à sa fenêtre pour empêcher les mauvais payeurs de s’échapper sans régler l’addition. C’est du moins ce qu’Angelika et son side kick supputent, jusqu’à que l’horrible vérité leur saute littéralement à la figure…

Début spoiler…Potocki n’était en fait pas aussi mort qu’il n’y paraissait, et lorsqu’Angelika fait mine de le raser à l’œil, le cadavre s’anime et l’attaque furieusement. Bien qu’elle s’en sorte sans dommage, le raffut causé par l’affrontement réveille Verldorf, forçant notre héroïne à sortir une masterclass d’improvisation. Elle n’a pas été prise la main dans le sac en train d’attenter à l’intégrité d’un cadavre, non non : elle a été prise d’une crise de somnambulisme causée par l’influence maligne de la goule locale, dont personne, absolument personne ne l’a mis au courant. SKANDHAL !!! Totalement mystifiés par la prestation de leur hôte, les Verldorfer retournent se coucher sans faire d’esclandres, après avoir expliqué que la situation actuelle est le seul moyen qu’ils ont trouvé pour tenir à l’œil l’increvable et intenable Potocki, qui les tourmente depuis des générations et dont la vitalité maléfique défie l’imagination. Faute avouée étant à demi pardonnée, Angelika et Franziskus retournent également se pieuter…

…Et refont une sortie sans tarder, utilisant cette fois-ci la clé qu’Angelika a dérobé à l’aubergiste pendant qu’il lui présentait ses plus plates excuses, ce qui simplifie grandement l’opération « Louis XVI » planifiée par nos héros. Bien que Potocki ne se laisse pas faire, et que le bruit attire à nouveau les villageois hors de leurs masures, la tête finit par être collectée, et les deux gredins peuvent s’enfuir à toutes jambes en direction du manoir de Schreber.

Comme on pouvait s’y attendre de la part d’un employeur ayant omis de préciser ce « petit » détail au moment du briefing, Schreber se révèle être un mauvais payeur, qui sort un pistolet de son armoire au lieu des deux cents shillings promis. Angie avait toutefois prévu le coup, et se contente d’ouvrir la boîte contenant la tête de Potocki en direction de l’érudit félon. Pris au dépourvu par la manœuvre et par le crâne pourrissant qui lui saute à la jugulaire, Schreber est rapidement hors du coup (et hors de cou), ce qui laisse à Angelika et Franziskus toute latitude pour fouiller son domicile à la recherche d’un dédommagement, une fois qu’ils ont pris soin de réduire la tête enragée en bouillie, bien sûr. Au final, les deux comparses repartent avec un nouveau pistolet, ce qui n’est pas beaucoup mais déjà mieux que rien. Ils constatent d’un air détaché que la traînée informe qui était la tête de Potocki semble également être sur le départ, mais à la vitesse où elle progresse, le bougre ne devrait pas faire parler de lui avant cent vingt cinq ans. La Fin des Temps n’attend pour personne…Fin spoiler

AVIS :

Seconde (et à ma connaissance dernière) nouvelle consacrée par Laws à son personnage fétiche d’Angelika Fleischer, ‘Head Hunting’ semble tout droit sorti de l’imagination d’un DM facétieux, et peut se lire comme tel. Malgré l’horreur que représente un cadavre animé (de mauvais sentiments) et apparemment invulnérable, le ton léger avec lequel Robin D. Laws narre cette histoire la fait basculer dans le royaume de la comic fantasy, mais pas dans la parodie pure et simple de Warhammer Fantasy Battle, ce qui est appréciable. Un sympathique interlude entre deux lectures plus sombres.

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Liberation Day – M. Farrer & E. Rusk [40K] – #31 :

INTRIGUE :

40K_Liberation's DayFarrer et Rusk nous plongent dans les entrailles d’un Space Hulk colonisés par les orks, et dans lequel une communauté d’esclaves humains en fuite tente tant bien que mal de survivre. Profitant de la taille cyclopéenne du vaisseau et de la nature paresseuse des peaux vertes, nos héros ont en effet réussi à installer un camp de fortune dans le dédale de coursives et de ponts abandonnés du Hulk.

Les orks étant, comme chacun sait, des voisins abominables (tapage nocturne, poubelles renversées, murs taggés, voitures volées, crottes de squigs non ramassées…), la petite bande de survivants se venge comme elle peut en organisant des raids réguliers en territoire xenos, à la recherche de matériel utile et d’esclaves pas trop esquintés à libérer. Un de ces derniers ayant réussi à convaincre le leader des évadés (Challis) que le Space Hulk convergeait vers la Waaagh ! la plus proche, nos guérilleros décident de monter une expédition jusqu’à la salle des communications1 afin de faire connaître leur situation au reste de l’Imperium.

Coup de chance, ils arrivent à contacter l’astropathe de garde du Ragnarok, une barge de bataille Space Marines, et à convaincre le commandant de cette dernière de leur venir en aide. Mais pour cela, il faudra que Challis et ses potes réussissent à faire taire les défenses du Hulk, faute de quoi la libération tant espérée ne pourra avoir lieu.

1 : Ou plus exactement, l’enclos à bizarboys.

AVIS :

Liberation Day est une nouvelle intéressante à plus d’un titre. D’un point de vue strictement narratif, tout d’abord, elle présente une construction impeccable, les deux auteurs étant parvenus à optimiser leur séquençage du récit avec brio, permettant à l’intrigue de suivre son cours sans temps mort ni faux raccords. Le découpage du texte en cinq parties distinctes, relatant chacune un évènement important ayant pris place avant le fameux jour de la libération1, laisse ainsi apparaître la trame de la nouvelle2. Le résultat aurait pu être scolaire et décousu, mais Farrer et Rusk ont assez de métier pour éviter cet écueil et agrémenter l’ossature du récit de péripéties plaisantes à lire.

Deuxièmement, le fluff de 40K est non seulement respecté, mais également mis en perspective de manière intéressante. C’est indéniablement l’une des forces de Matthew Farrer (je ne me prononcerai pas sur le cas d’Edward Rusk, dont c’est la seule contribution à la Black Library) que de proposer un angle de vue à la fois original et pertinent de l’univers de Warhammer 40.000. Ici, il rappelle ainsi au lecteur que l’écrasante majorité des citoyens de l’Imperium n’a qu’une compréhension très limitée de la technologie et de l’organisation de ce dernier, ce qui n’est pas sans poser des problèmes que la plupart des autres auteurs de la BL auraient balayés d’un revers de plume, en conférant à leurs héros la confortable (quasi3) omniscience qui est la leur. Ainsi, le héros de Liberation Day a beau venir d’un monde assez développé, il n’a aucune connaissance en matière de voyage spatial (et n’a donc pas la moindre idée de la manière dont faire parvenir un SOS au reste de l’Imperium depuis le Space Hulk qu’il squatte), et rit carrément au nez de l’intello du groupe lorsque ce dernier lui affirme que les Space Marines existent bel et bien. Ça fait bizarre au début, tant l’Astartes est une figure centrale de la Black Library, mais c’est tout à fait cohérent d’un point de vue fluff, et je remercie Farrer de placer (pour une fois) la caméra au niveau du Mr Tout le monde de l’Imperium. C’est tellement rare4.

Troisièmement, la nouvelle se termine par un twist final pas trop mal introduit.

Au final, Liberation Day est une livraison plus que correcte de la part d’un des tout meilleurs (à mes yeux) contributeurs de la Black Library. On est assez loin du niveau de Faces, le must read absolu de Matthew Farrer, mais c’est tout de même suffisant pour faire passer un bon moment au lecteur gavé de Thorperies, Cawkwelleries et autres Swalloweries qui désespère en chacun de nous. C’est déjà pas mal. .

1 : Le premier chapitre s’intitule ainsi « 115 jours avant la libération », le deuxième « 112 jours avant la libération », et le dernier « Jour de libération ».
2 : Passage 1 : Challis libère un petit groupe d’esclaves.
Passage 2 : Un des nouveaux membres de la bande informe Challis que le Space Hulk approche d’une zone de guerre, et qu’il sera donc potentiellement possible d’envoyer un SOS à l’Imperium. Problème : comment s’y prendre ?
Passage 3 : Découverte d’un stock d’armes et de l’emplacement de la salle des communications du Space Hulk. Problème du passage 2 résolu.
Passage 4 : Raid chez les bizarboys, communication avec les Space Marines.
Passage 5 : Attaque des défenses orques afin de permettre la téléportation des Space Marines dans le Hulk. Pas de chance, c’étaient des Iron Warriors. C’est ballot.
3 : Il n’y a guère que les trois choses que le héros moyen de la Black Library découvre par lui-même au cours de ses aventures : 1) Le KO cé vrément pa kool 2) Ne jamais faire confiance à l’Inquisition 3) Ce n’est pas une bonne idée de partir en randonnée dans une mystérieuse nécropole peuplée de statues en métal à l’air patibulaire.
4 : Sur les 102 nouvelles 40K lues jusqu’à présent par votre serviteur (rq : c’était il y a bien longtemps, et surtout avant le lancement de Warhammer Horror et Warhammer Crime, mais j’ai la flemme de remettre à jour, donc ça restera comme ça) , seules 8 ont été écrites depuis le point de vue du sujet de l’Imperium lambda :  Liberation Day donc, mais aussi Warped Stars (Ian Watson), Nightmare (Gavin Thorpe), Angels (Robert Earl), Ancient History (Andy Chambers), Faces (Matthew Farrer), Survivor (Steve Parker) et The Shadow in the Glass (Steve Lyons). Les trois dernières sont des pépites que je recommande à tout le monde.

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A Matter of Evidence – B. Craig [WFB] – #31 :

INTRIGUE :

WFB_A Matter of EvidenceL’hiver est long et la vie est courte dans le grand Nord de Kislev, et de ces deux constats irréfutables vient peut-être l’attrait que Danila, cousine de la Reine des Glaces en personne et Electrice de la cité de Volkolamsk, éprouve pour les beaux jeunes hommes. Incarnation même de la noblesse guerrière de cette contrée inhospitalière, adulée de ses troupes pour sa bravoure au combat, qui lui a valu une cicatrices d’étoile sous l’œil gauche à la suite d’un accrochage avec une bande de chevaucheurs de loup Gobelins1, Danila a porté son dévolu sur Ivan Skavinsky, un modeste archer de la ville ayant pour particularité de posséder des yeux presque entièrement noirs. Et alors, me demandez-vous ? Et alors, ces yeux de chiot lui permettent de mentir avec aplomb, car ils rendent toute détection de ses bobards quasi-impossible, personne ne pouvant affirmer que la pupille de notre homme grossit ou diminue, signes indéniables de la véracité, ou non, d’un propos.

Les premiers temps de la passion entre nos deux tourtereaux se passent splendidement, mais Ivan commence bientôt à tourner autour d’une autre femme, plus de son âge que cette cougar de Danila. Cette dernière, informée de l’infidélité de son amant, lui laisse toutefois une chance de renoncer à sa folie, en lui faisant jurer sur ses yeux qu’il n’aime qu’elle, ce que le jeune freluquet, un peu trop confiant dans la noirceur de ses quinquets, accepte sans ciller. Arrive ce qui doit arriver, Danila surprend un peu plus tard un regard lourd de sens entre son rigolo de gigolo et une servante du nom de Natasha, et les bâtonnets de carotte sont cuits pour Ivan. Rancunière mais inventive dans sa jalousie, l’Electrice fait arracher les yeux du parjure, avant de les remplacer par des billes de bois qu’elle enchante pour que notre homme ne voit plus qu’elle, jour et nuit (en fait elle a inventé le FaceTime du Vieux Monde).

Ayant appris sa leçon sur les serments un peu trop hâtifs, et se disant sans doute qu’il n’a plus rien à perdre, Ivan décide de passer en mode mari honnête – même s’il n’est qu’un amant, bien sûr – et ne cherche plus à dissimuler la vérité à sa Dominatrice. Cette dernière peut ainsi jouir d’un sursis d’affection avant que l’archer aveugle (très utile à la défense de la ville donc) ne retombe amoureux des doux roucoulements de Natasha, et se permette même de lui balancer un « so what ? (bitch) » lorsqu’il est pris sur le fait. Déçue mais pas surprise, et au-dessus de ces petites mesquineries, Danila se contente de lui faire casser les doigts et arracher les ongles, et jeter en prison jusqu’à la fin de ses jours, où il pourra entendre jacasser les commères qu’elle envoie à dessein raconter les anecdotes croustillantes sur les coucheries de Volkolamsk, les siennes et celles de Natasha en priorité bien entendue. Moralité : mieux vaut garder ses yeux dans ses poches, pour ne pas finir comme tel.

 1 : Ils semblent toujours viser au même endroit, comme peut en témoigner Gotrek.

AVIS :

Brian Craig déroule une histoire d’amour, de jalousie et de vengeance, bâtie sur une caractéristique physique des plus spécifiques (la rétractation pupillaire, rien que ça) dans le monde impitoyable de Warhammer Fantasy Battle. Il aurait pu le faire n’importe où ailleurs que cela aurait marché, son talent de conteur entraînant sans mal le lecteur à sa suite, et pour ma part, j’ai plutôt apprécié ce petit texte à valeur de conte, avertissant des dangers de se faire de ses amis puissants des ennemis l’étant tout autant. On peut toutefois reprocher à ce A Matter of Evidence de ne pas vraiment remplir le cahier des charges d’une publication de la Black Library, l’utilisation du Vieux Monde comme trame d’une histoire d’amour dysfonctionnelle apparaissant comme un détournement, plutôt qualitatif il faut dire, de la mission première du contributeur de la maison d’édition de Nottingham : donner vie et enrichir le background des franchises de GW, sans trop s’éloigner des choses de la guerre qui constituent le cœur du sujet quand on donne dans le wargame. Peut-être ne faut-il donc pas trop s’étonner de constater que cette nouvelle fut la dernière de Brian Craig publiée dans Inferno! (à ce jour), tout comme sa non inclusion dans les recueils et anthologies de la Black Library tombe naturellement sous le sens. Les Liaisons Dangereuses ne s’accordent en effet pas facilement au hack’n’slash et au sword and sorcery, et la BL a choisi son camp depuis longtemps.

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On Mournful Wings – S. Spurrier [40K] – #32 :

INTRIGUE :

40K_On Mournful WingsLes jumeaux Ica et Delus1, seuls membres de leur tribu ayant survécu à l’ouragan qui a frappé leur village, voyagent jusqu’à la capitale de Gathis II afin de participer au processus de sélection des aspirants du Chapitre des Doom Eagles. Shortlistés par l’Archiviste faisant office de DRH en raison de leur imperturbable pessimisme, les deux adolescents se retrouvent engagés dans une course contre la montre, la mort et le désespoir ;  leur parcours d’initiation consistant à s’échapper de l’intérieur d’un volcan sur le point d’entrer en éruption afin de rejoindre la forteresse monastère du Chapitre.

Alors que leurs condisciples périssent les uns après les autres, victime des nombreux dangers parsemant la voie menant vers le salut et l’honneur de rejoindre les meilleurs consommateurs de Prozac de l’Empereur, Ica et Dalus triomphent de toutes leurs épreuves et se présentent ensemble devant les portes de l’Aire des Doom Eagles. Un ultime test les attend toutefois avant de pénétrer dans le sanctuaire des Astartes, qui fera ressortir l’unique, mais crucial, point de divergence entre les deux frères.

1 : Un exemplaire dédicacé de La Mythologie Grecque pour les Nuls à celui qui identifie la légende à laquelle ces noms font référence. Exemplaire remporté.

AVIS :

En choisissant de centrer son récit sur la psyché si particulière des Doom Eagles, le plus emo des Chapitres loyalistes, Simon Spurrier n’a pas opté pour la facilité. Il est en effet assez compliqué de rendre justice au mélange de fatalisme et de résolution qui caractérise les locataires de Ghostmountain, et dont l’état d’esprit morbide se révèle être une force (il n’y a pas grand-chose qui puisse effrayer un Space Marine qui se considère comme étant déjà mort) plutôt qu’un handicap. Si la force de la foi et le psycho-conditionnement des surhommes du 41ème millénaire constituent des pistes crédibles pour expliquer ce paradoxe, ces justificatifs bien pratiques ne peuvent pas être avancés pour les recrues du Chapitre, qui, en tant qu’êtres humains normaux, ont la fâcheuse tendance à se noyer dans leur désespoir au lieu de s’en servir comme bouclier.

Bref, Spurrier marchait écrivait sur des œufs, et je trouve qu’il s’en est remarquablement tiré. Outre le fait que sa présentation des Doom Eagles rend hommage à ces derniers (plus que le portrait qu’en a fait Ben Counter dans son Phalanx) en faisant ressortir à la fois leur singularité et leur noblesse, la rivalité latente des deux héros de la nouvelle est rendue avec justesse et suffisamment bien mise en contexte pour que la conclusion d’On Mournful Wings (même le titre a grave la classe) fasse mouche1. On appréciera également l’art consommé avec lequel Spurrier entremêle scènes d’actions, flashbacks et contemplations d’Ica sur son sort, pour un résultat aussi digeste qu’élégant. Inspirée, conséquente et bien construite, On Mournful Wings est définitivement l’une de ces nouvelles justifiant à elles seules l’achat du recueil (‘Crucible of War’) entier2.

1 : Arrivés devant l’entrée de la forteresse des Doom Eagles, les jumeaux sont sondés psychiquement par l’Archiviste en charge du recrutement des novices du Chapitre. Ica a la mentalité nécessaire pour devenir un Doom Eagle, mais Dalus, qui toute sa vie n’a cherché qu’à sortir de l’ombre de son frère en surpassant ce dernier à la moindre occasion (en pure perte, Ica restant le favori des parents des jumeaux, à cause de sa – relative – aînesse), est jugé trop amer et torturé pour être introduit dans l’Aire…et est donc condamné à mourir de faim, de froid et d’épuisement au pied du portail que seul son frère a eu le droit de franchir.
2 : Et au prix dudit recueil (Crucible of War) sur le marché de l’occasion, on aurait tort de se priver.

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A Good Thief – S. Jowett [WFB] – #32 :

INTRIGUE :

A Good ThiefFrançois Villon est un poète (naaaaaan ???) à l’esprit vif et à la langue bien pendue, ce qui lui cause autant de problèmes que d’opportunités. Forcé à l’exil de sa Marienburg natale après que les vers qu’il a composés sur les activités extra-maritales de la femme de l’un des princes marchands de la cité soient parvenus aux oreilles du mari cocu, il a trouvé refuge dans la petite ville de Wallenholt, et est devenu le poète de cour du Graf local. Une occupation indigne de ses talents, qui sont de son avis de spécialiste, superlatifs, mais qui lui permet de vivoter tranquillement aux crochets de son mécène.

La situation de Villon se complique lorsque le Graf de Wallenholt reçoit la visite d’une délégation de notables impériaux, dans laquelle se trouve un parent de la Frau von Klacht, dont les frasques libertines ont été mises en vers (et contre tous) par notre poète. Reconnu par le visiteur, Villon est fissa envoyé à la case prison par son employeur, qui préfère logiquement se séparer de son flagorneur licencié plutôt que d’hériter d’une guerre commerciale avec l’un des marchands les plus influents du Vieux Monde. Par chance pour Villon, la petite soirée pendant laquelle son destin s’est joué s’est déroulée devant un autre témoin, d’opinion plus favorable envers le rimailleur de cour. Le Magister (puisqu’on ne le connaîtra pas sous d’autres noms) organise l’évasion de notre héros pendant son transfert vers Marienburg, et lui remet une mission très spéciale en échange de ce coup de pouce inespéré : il doit se rendre dans un village du Reikwald tombé sous la coupe du bandit Gerhard Kraus, et mettre la main sur un artefact magique que le même Kraus a acquis pour le compte du Magister, avant de décider de le garder pour lui. Tout cela est bien mystérieux.

A son arrivée à Krausberg, Villon ne perd pas de temps à s’encanailler avec les hommes du seigneur brigand, qui reste lui complètement reclus dans ses quartiers. Il lui faudra attendre une nuit de beuverie pendant laquelle son public lui demande de réciter pour la énième fois son ode épique sur Frau von Klacht pour que Kraus daigne faire son apparition, et défie Villon à un duel… de poésie. Original, n’est-ce pas ? Le brigand n’est cependant pas un adepte du free style, et se contente de réciter les strophes tirées d’un petit livre qu’il a amené avec lui, et dont la nature arcanique ne fait rapidement pas de doute à Villon, qui se fait happer par la déclamation de Kraus au même titre que le reste de l’assemblée. Il est évident que c’est l’objet que le Magister l’a envoyé reprendre au mercenaire indélicat, et Villon décide d’agir la nuit même, profitant du gros coup de mou subi par Kraus après la fin de sa prestation. L’art est épuisant, c’est vrai.

Voleur avant d’être poète, Villon n’a aucun mal à se glisser dans la chambre du bandit et à mettre la main sur le livre en question, dont l’influence néfaste n’est pas à sous-estimer. Ne pouvant corrompre directement notre héros (qui est analphabète, et c’est bien pour cela que le Magister l’a choisi en premier lieu) comme il l’a fait pour Kraus, le grimoire possède ce dernier et un combat féroce s’engage entre les deux chineurs d’antiquités pour la possession du grimoire. Villon finit par remporter le match et s’enfuit par la fenêtre avec son butin sous le bras, laissant Kraus éborgné et exposé comme fraude littéraire (une double sanction bien sévère, si vous voulez mon avis). Après un voyage vers Altdorf, où le Magister lui a donné rendez-vous, le poète remet le bouquin tant convoité à son commanditaire, qui le jette immédiatement dans le feu, OPA Gandalf-style. Contrairement à l’Anneau Unique, le parchemin est inflammable et l’ouvrage maudit (askip) finit en fumée. Voilà une nouvelle menace qui planait insidieusement sur l’Empire écartée pour de bon…

Début spoiler…Enfin presque. Villon a en effet jugé malin de donner au Magister un livre dérobé au hasard dans la bibliothèque municipale la plus proche, préférant trouver un riche gogo pour lui acheter le vrai grimoire un peu plus tard. A malin, malin et demi cependant : le Magister ne met pas longtemps à se rendre compte qu’il a été dupé, et se fait un plaisir de faire arrêter Villon pour lui apprendre à jouer des tours aux puissants de ce monde. Par chance pour notre poète-escroc, M a une nouvelle mission à lui confier, ce qui est toujours mieux que danser la gigue des pendus (en attendant d’en composer la ballade, bien sûr)…Fin spoiler

AVIS :

Simon Jowett prend son temps et déroule une histoire originale de poète-voleur missionné pour dérober un grimoire de sonnets à un seigneur bandit trop cultivé pour son propre bien (je vous défie de trouver une intrigue comparable dans tout le corpus de la GW-Fiction) dans ce ‘A Good Thief’, dont la moitié des pages est finalement consacrée à la présentation du héros. Jowett est suffisamment doué avec sa plume pour que le lecteur n’ait pas l’impression de se faire flouer dans la manœuvre, mais il ne reste pas moins que cette nouvelle ressemble plus à l’introduction d’un roman, qui n’aura au final pas été écrit1, qu’à une œuvre indépendante. Une sympathique curiosité.

1 : Un puissant et mystérieux commanditaire œuvrant en secret pour le bien de l’Empire recrute des agents doués de talents particuliers parmi le gibier de potence impérial ? Ça me dit vaguement quelque chose

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Payback – G. McNeill [40K] – #32 :

INTRIGUE :

40K_PaybackLe trafiquant d’armes Cornelius Barden se retrouve dans une situation difficile après qu’une transaction avec des activistes de la cause mutante ait été interrompue par l’arrivée impromptue du baron du crime local (« Red » Ivan Constantine) et de ses hommes, pas très jouasses à l’idée de laisser Barden marcher sur leurs plates-bandes en écoulant sa came sur leur territoire. Blessé dans la fusillade qui s’en suit, trahi par son partenaire qui s’enfuit avec le magot, et recherché à la fois par Constantine et par les mutants, Barden va devoir la jouer fine pour espérer sortir entier du pétrin dans lequel il s’est fourré.

AVIS :

Ecrite à la suite de la sortie du jeu Inquisitor (dont le background est en grande partie centré sur la planète Karis Cephalon, où se déroule également la nouvelle de McNeill), Payback est selon son auteur1 un hommage au style de James Ellroy (le pape du roman noir moderne, auteur notamment du Dahlia Noir et de L.A. Confidential), arrangé à la sauce Warhammer 40.000.

À l’image de son anti-héros violent et cynique mais droit dans ses bottes, Payback est un agrégat de clichés mis en forme de manière très cinématique par un McNeill égal à lui-même, c’est-à-dire sensiblement meilleur que la moyenne des contributeurs de la BL, mais pas mémorable non plus. Il manque ainsi une véritable profondeur à ses personnages, que le lecteur cerne totalement à leur première réplique, ce qui n’est certes pas vraiment un problème pour une nouvelle « one-shot », mais aurait pu se transformer en handicap si Payback n’avait été que le prélude d’un travail plus conséquent (comme Kinstrife a préfiguré le diptyque Defenders of Ulthuan et Sons of Ellyrion par exemple).

S’il n’est pas exclu que Cornelius Barden revienne faire un petit tour de piste dans les années à venir, j’espère sincèrement que McNeill parviendra à développer son Harlon Naye (le gros bras des séries Eisenhorn et Ravenor) personnel de manière un peu plus poussée que dans ce premier jet.

1 : Le site de Graham McNeill comporte une partie « short story », dans laquelle chaque publication est commentée et resituée dans son contexte d’écriture.

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Rest for the Wicked – J. Wallis [WFB] – #32 :

INTRIGUE :

WFB_Rest for the WickedAltdorf, et ses rues bruissantes de vie, ses marchés bien achalandés, ses honnêtes citoyens faisant leurs courses… Et, bien entendu, ses forces de police luttant au jour le jour contre les déprédations des mauvais sujets de l’Empereur, ou, dans le cas qui nous intéresse aujourd’hui, celles de dangereux immigrants, comme ce Kislévite à moustache de Kislévite (ok) et aux yeux de Kislévite (plus dur), qui se fait courser comme un lapin par nos héros, les officiers des Lices Dirk Grenner (aka Astérix) et Karl Johansen (aka Lucky Luke1), qui cherchent ainsi à boucler une enquête de trois mois de façon probante. Manque de bol pour les Starsky et Hutch impériaux, leur course poursuite les amène jusqu’aux portes de la ville, où le cortège de Leopold von Bildhofen, Comte Électeur du Middenland, fait son entrée en grande pompe. Le périmètre de sécurité étant strictement maintenu par la garde civile, nos héros ne peuvent que constater la disparition de leur proie dans la foule massée pour l’occasion… jusqu’à ce que le suspect moustachu trouve intelligent de passer en courant devant le cheval de l’Électeur, pile au moment où ce dernier reçoit un carreau en pleine encolure (le cheval, pas le bonhomme). La suite est assez facile à prédire : la bête s’emballe et part au triple galop dans les rues pavées d’Altdorf, en direction de la Königplatz (à ne pas confondre avec la Kaiserplatz) et de son marché bondé. Serait-ce la fin de ce bon vieux Leopold ? NON, car les héroïques Johansen et Grenner subtilisent deux montures à leurs balourds de collègues, piquent des deux et parviennent in extremis à se saisir de l’aristocrate avant que son destrier n’aille s’emboutir dans un food truck, avec des résultats dévastateurs. Malgré leur intervention salutaire, ce snob de von Bildhofen remercie à peine ses sauveurs, et repart avec sa troupe jusqu’à son Air BnB.

De retour au poste, les officiers doivent à présent amadouer la colère de leur patron et chef des Lices d’Altdorf, le Général Hoffmann, devant le capotage complet de l’opération Kosachok. Ce fiasco a toutefois libéré le duo, qui peut enquêter sur la tentative d’assassinat dont l’influent aristocrate vient de faire les frais. Ayant déjà reçu le résultat des expertises du laboratoire alchémico-légal avec lequel les Lices travaillent, qui a établi que le carreau était d’origine tiléenne, Johansen et Grenner partent en direction de la petite Tilée pour creuser la piste d’un assassin étranger engagé par un mystérieux commanditaire pour se débarasser de von Bildhofen. L’héritier du Comte étant son frère Siegfried, marié à une Tiléenne, c’est donc vers ce dernier que les premiers soupçons se portent. Après une rencontre fructueuse avec le signor Argentari, parrain de la pègre italienne tiléenne locale, les deux équipiers filent jusqu’à la Marianstrasse, où leur indic leur a confié que se trouvait le tireur d’élite recruté pour effectuer ce sale boulot. Bien qu’ils parviennent sur place avant que ce dernier n’ait pu retenter sa chance, profitant du passage du Comte Électeur à la sortie de la messe, ils perdent l’élément de surprise lorsque Grenner ne parvient pas à enfoncer la porte de la planque du premier coup. S’en suit un face à face tendu entre les officiers et leur suspect, qui se prend la dague de jet de Johansen dans l’estomac pour commencer, mais riposte en logeant un carreau dans la poitrine de ce dernier. Ce tilean stand-off, qui aurait pu durer longtemps vu la stupidité des participants2, est toutefois interrompu par une boule de feu impromptue, qui ravage la piaule et réduit le sniper en cendres. Comprenant que cette intervention enflammée était probablement celle du commanditaire, peu soucieux de laisser les enquêteurs interroger le tueur à gages, Johansen indique à son partenaire qu’il serait judicieux qu’il aille rendre une visite de courtoisie à la DGSI impériale, une cellule de la Reiksguard (en civil) enquêtant sur les complots et manigances agitant l’entourage de l’Empereur. Cette organisation moyennement secrète (puisque un simple officier des Lices sait qu’elle existe et où elle opère3), du nom d’Untersuchung, s’est faite une spécialité d’enquêter sur les mages renégats, et pourrait donc aider l’enquête à progresser. Pendant que son collègue passe aux urgences se faire recoudre, Grenner se rend donc sur place.

Là, il se fait poliment mais fermement éconduire par ses interlocuteurs, qui ont l’air d’en savoir beaucoup plus qu’ils ne veulent bien en dire sur cette affaire, et ne consentent qu’à lui expliquer la différence entre une boule de feu et une explosion flamboyante. Car non, ce n’est pas la même chose. De retour au poste, Johansen est toutefois briefé par Hoffmann, qui a reçu les infos refusées à son sous fifre par fax pigeon voyageur, sur la situation très délicate dans laquelle ils doivent opérer. La sorcière pyromane se révèle être une certaine Emilie Trautt, mage flamboyante passée libérale depuis quelques années et concubine notoire du fils de Leopold von Bildhofen, Udo, qui passe du coup suspect #1 de l’enquête. Cependant, l’Untersuchung a formellement interdit à ses collègues d’intenter quoi que ce soit envers Trautt, qui pourrait mener le Bureau des Légendes d’Altdorf à de plus gros poissons. Cela n’empêche toutefois pas les Lices de monter un plan audacieux pour protéger le mal-aimé Leopold de ses persécuteurs…

Début spoiler…Et notre duo infernal, maintenu sur l’affaire par un Hoffmann très peu progressiste quand au concept d’ITT et de congés maladie, de se rendre à la place de leur boss au rendez-vous organisé par Udo afin de discuter des mesures de protection prises par les Lices envers le Comte Électeur. Tout aussi odieux que son paternel, Udo gobe toutefois sans broncher les bobards débités par un Johansen imperturbable, qui lui fait croire que les suspects principaux sont les Kislévites (décidément, il ne les aime pas), et lui révèle les dispositions super secrètes prises par son équipe pour protéger le convoi qui amènera le Comte et sa famille à la réception organisée par l’Empereur en leur honneur le soir même, lorsqu’Udo se met à flipper des tables pour exprimer son mécontentement d’être tenu hors de la confidence. Le piège étant tendu, il est maintenant temps de voir si le poisson va mordre…

Aussi, lorsque les rusés officiers changent l’ordre des carrosses banalisés transportant les huiles Middenlander, positionnant celui d’Udo en deuxième position, à la place de celui de Leopold et Siegfried, c’est sans surprise qu’ils constatent la combustion spontanée mais peu naturelle du fiacre. C’est ce qui s’appelle un retour de flamme, je suppose. Bravant les ordres, l’intenable Johansen s’élance ensuite à la poursuite de Trautt sur les toits, ne parvenant pas à refaire son retard (et pourtant, elle était en robe longue) avant que la magicienne utilise ses pouvoirs enflammés pour… partir en lévitation et franchir le mur d’enceinte de la ville, évitant facilement la dague de jet que Johansen lui avait lancée sans sommation. C’en est fini de notre enquête, mais pas du boulot de notre paire de choc, qui devra dès le lendemain faire porter le chapeau de ces tentatives d’assassinat répétées aux, je vous le donne en mille, Kislévites. Comme on dit par chez nous, pas de pitié pour les croissants Cosaques.Fin spoiler

1 : Comprendre que le premier est un petit blond raleur, et le second un grand brun à la gâchette facile.
2 : Ainsi, l’assassin parvient à se surprendre lui-même lorsque sa manœuvre de diversion à l’encontre de Johansen le mène à regarder également dans la direction vers laquelle il pointait son arbalète, permettant à l’officier de lui balancer un pied de chaise dans la tronche en toute impunité.
3 : Rendant son utilisation de mot de passe alambiqué à l’entrée un peu ridicule.

AVIS :

Pastiche assez transparente de la série policière classique des années 80, mettant en scène des flics débrouillards aux méthodes non conventionnelles mais efficaces pour combattre le crime, Pas de Répit pour les Braves souffre des grosses ficelles parodiques utilisées par l’auteur, d’un duo de héros pas vraiment attachants, et de l’intégration assez grossière de l’Untersuchung (que Wallis mettra au centre de son roman La Marque de la Damnation) à l’intrigue pour des raisons relevant selon moi du teasing pur et simple. Si on peut reconnaître à cette nouvelle un rythme enlevé et une enquête potable, même si pas vraiment spectaculaire en termes de rebondissements1, ainsi que quelques détails fluffiques sur Altdorf et ses forces de po-Lices, à prendre avec des pincettes car reprises par personne d’autre depuis, la Black Library a beaucoup mieux à offrir en termes de nouvelles « policières » se déroulant dans le Vieux Monde, à commencer par L’Affaire de la Cellule Écarlate dans la même anthologie, supérieure sur tous les points à Pas de Répit pour les Braves.

1 : En même temps, avec deux suspects identifiés en tout et pour tout, difficile de faire planer longtemps un suspens étouffant. Wallis avait fait beaucoup mieux ceci dit avec sa série Dieter Brossmann (‘The Dead Among Us’ et ‘The Bretonnian Connection’).

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Blue Blood – D. Abnett [40K] – #33 :

INTRIGUE :

40K_Blue BloodLa nouvelle affectation de l’escouade Damocles, fraîchement de retour à plein effectif après son passage au stand sur Ithaka (‘Crimson Storm’) ne ravit guère le Sergent Priad. Il s’agit en effet de faire de la figuration protocolaire lors des cérémonies de couronnement du nouveau souverain d’Iorgu, planète d’importance des mondes récifs dont les Iron Snakes sont les défenseurs attitrés. Priad et ses hommes espéraient faire un peu de team building sur le front, histoire que les grands nouveaux et les petits anciens1 puissent sympathiser en situation de travail, mais les ordres sont les ordres. Bien que l’accueil réservé par leurs hôtes soit impeccable, et permette à nos spartiates (haha) héros de découvrir des concepts d’une opulence inouïe – comme celui du lit – l’ennui guette rapidement les Space Marines, qui commencent à développer des TOC à force de banquets et de processions.

Fort heureusement, cette festive monotonie est brisée par l’arrivée d’une tête connue, celle de l’Inquisiteur Mabuse (‘Red Rain’). King Mab est présent sur Iorgu incognito, car il soupçonne que la disparition de la vieille reine n’était pas due à son âge avancé, mais bien à une conspiration dont il doit percer à jour les tenants et aboutissants. La suite des événements lui donne rapidement raison : la ferveur bon enfant d’Iorgu City tourne vite au vinaigre et à l’émeute alors qu’une pluie diluvienne se met à tomber sur la ville. C’est peut-être un détail pour vous, mais comme Iargu connaît un léger crachin une fois tous les vingt ans, on peut comprendre que les citoyens commencent à paniquer à l’idée de devoir acheter des bottes en caoutchouc pour marcher dans rue. La situation dégénère tellement rapidement que la jet set ayant fait le déplacement décide de quitter les lieux sans tarder, et Priad se trouve noyé sous les demandes d’escorte émanant des plus hautes sphères, sollicitations que même son psycho-endoctrinement rigoureux ne l’a pas préparé à encaisser.

Le salut vient, une fois de plus, de Mabuse, qui envoie un doigt aux Iron Snakes afin de solliciter leur assistance immédiate sur le Mont Sacré, où les reliques les plus anciennes d’Iorgu (dont les regalia utilisés pour le couronnement) sont gardées. Cette bonne excuse permet à Priad d’envoyer balader un Lord Militant irritant et de réquisitionner la limousine d’une princesse royale pourrie gâtée, ce qui est tout de même satisfaisant. Les Iron Snakes rejoignent l’Inquisiteur après avoir été témoins de phénomènes paranormaux, une sûre indication que le Warp est de la partie. Le briefing qu’ils reçoivent est simple : escorter Mabuse dans la crypte du Mont Sacré où les regalia sont conservés, et les remettre à leur place. Ces objets ne sont en effet pas uniquement des symboles un peu kitsch, mais font partie intégrante du dispositif de stase que les premiers habitants d’Iorgu ont installé pour exiler un démon local, peu après leur arrivée. Les cultistes du Chaos que l’escouade Damocles doit affronter en cours de route cherchent évidemment à réveiller celui que Mabuse appelle le Dormeur (sans doute un crabe gigantesque), et cela aurait des conséquences assez graves pour la Pax Imperialis, donc autant éviter.

Après moultes péripéties, le crypt rush se solde par une victoire sur le gong pour le camp impérial, qui n’a à déplorer que la perte de l’Inquisiteur, criblé de balles lors d’un accrochage sur le chemin. Dans son dernier souffle, il a cependant l’amabilité d’enregistrer un vlog élogieux sur le dévouement de Damocles à destination du Maître de Chapitre des Iron Snakes, permettant de contrebalancer la shit storm de revues négatives laissées par les pontes que les Space Marines ont ignoré/rudoyé/spolié lors de leur intervention urgente. L’image de marque, ça reste important au 41ème millénaire.

1 : Les Space Marines de Dan Abnett ont la morphologie d’une équipe de rugby des années 80, ça doit être pratique lors des essayages de matériel.

AVIS :

Il lui aura fallu cinq tentatives et une soixantaine de pages, mais Dan Abnett a finalement réussi à faire sortir les Iron Snakes de l’océan de médiocrité littéraire dans lequel les fiers fils de la fière Ithaka pataugeaient (fièrement, sans nul doute) depuis ‘White Heat’. On retrouve ici les talents de conteur d’histoires et de distillateur d’atmosphère et d’univers1 de l’Abnett des séries Eisenhorn et Ravenor (et le retour gagnant – sauf pour lui – de l’Inquisiteur Mabuse y est sans doute pour quelque chose), capable de camper un monde impérial et sa culture propre en l’espace de quelques paragraphes bien sentis. Je ne pouvais donc pas aborder cette critique sans remettre à ‘Blue Blood’ les lauriers de meilleure nouvelle de la pentalogie chromatique reptilienne (vous êtes au 3ème millénaire, moi je suis déjà au 30ème) de Dan Abnett. Pas que la concurrence ait été très rude, notez bien, mais cette soumission n’est pas seulement la moins pire du lot, elle est objectivement satisfaisante, ce qui change agréablement.

Malheureusement, et c’est très ironique, cette amélioration notable se fait aux dépends des Iron Snakes eux-mêmes, qui sont ici relégués au rang de simples super soldats sans personnalité2. Inutile donc de s’être enfilé les quatre épisodes précédents, et surtout le Space Marines-onlyCrimson Storm’ pour apprécier à sa juste valeur cette nouvelle. L’escouade Damocles est juste une escouade tactique classique, et son Sergent n’a rien de particulier qui le distingue des milliers d’autres officiers Astartes de la Black Library. C’est comme si Abnett avait finalement décidé de ne pas écrire une histoire de Space Marines – ce qu’il ne sait, ou savait en tous cas, pas vraiment faire – mais une histoire avec des Space Marines – ce qui ne lui pose aucun problème. Le résultat est convaincant, mais on ne retrouvera plus trace des Iron Snakes dans Inferno ! après ‘Blue Blood’, alors que le magazine sera encore publié pendant deux ans à la suite de ce numéro #33. On peut expliquer cet abandon par de multiples raisons, mais je choisis de penser qu’Abnett a gagné son bras de fer avec la BL sur ce sujet, et est parvenu à démontrer par l’absurde qu’il ne servait à rien de s’acharner dans cette direction. ‘Blue Blood’ a donc une saveur particulière, et mérite donc la lecture à plus d’un titre.

1 : La description de l’intérieur du Mont Sacré m’a également fait penser à ce qu’on pourrait lire quelques années plus tard dans ‘Legion’, lorsque sont décrits les pouvoirs d’invocation et d’illusion des cultistes du Chaos de Nurth.
2 : Il est donc assez savoureux de lire dans la nouvelle que Priad s’insurge contre ce même constat, qui est appliqué à l’escouade Damocles par le nouveau roi d’Iorgu. Eh oui mon pauvre choupinet, ce n’est pas la carrure ou la taille qui sont d’une grande utilité sur ce plan…

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What Price Vengeance? – C. L. Werner [WFB] – #33 :

INTRIGUE :

What Price VengeanceLa bande de mercenaires tiléens du Capitaine Ursio a connu de meilleurs jours : engagée par le rusé Vicomte Augustine de Chegney pour brigander en son nom sur les terres de ses voisins, elle a failli à sa mission et a en conséquence essuyé une attaque meurtrière de la part d’autres sbires de l’implacable Bretonien, peu enclin à laisser des témoins de sa vilénie ternir sa réputation. Il paraît que les chevaliers du Royaume sont h.o.n.o.r.a.b.l.e.s après tout. Malheureusement pour Gus, les reitres ont survécu, et sont maintenant assoiffés de vengeance. Profitant de la bonté de Claudan de Chegney (fils du premier), ils investissent donc la place forte que ce dernier occupe au nom de son père – et qu’il a dérobé à un autre voisin, impérial celui-ci – en prétextant chercher à s’abriter des terribles orages des Montagnes Grises… et passent tous les habitants du château par le fil de l’épée pour se passer les nerfs. Tous ? Pas tout à fait. À malin, malin à demi : Ursio repart donc se cacher dans la campagne avoisinante avec le jeune fils de feu Claudan et sa nourrice, et charge le gouverneur du noble trucidé d’aller porter sa demande de rançon à Augustine.

Bien que n’étant pas vraiment un enfant de chœur, comme on a pu le voir plus haut, le Vicomte est un family man, ne serait-ce que parce qu’il est trop bête d’agrandir le fief familial uniquement pour le voir disparaître à sa mort, faute d’héritiers. N’ayant plus que Claudan Junior (que nous appellerons Cloclo) de ce côté-là, il est prêt à dépenser sans compter pour retrouver l’usufruit de son petit-fils, mais est convaincu par son conseiller (Plaisant) de ne pas négocier avec des terroristes, et de recruter à la place un tueur professionnel pour aller récupérer le bébé à ses ravisseurs. Cela tombe bien, Plaisant a justement un nom à souffler à son patron : celui du redoutable Brunner, un impérial que l’on dit de noble ascendance (ça compte pour les Bretonniens), et n’ayant jamais failli à la tâche. Augustine envoie donc son sénéchal recruter le chasseur de primes… qui refuse de prendre la mission, malgré les 200 couronnes d’or sonnantes et trébuchantes que le bon Plaise lui fait miroiter. Enfin, il fait mine de refuser plutôt, le temps de laisser un Plaisant très colère repartir de la taverne dans laquelle le rendez-vous a pris place, et se faire embusquer quelques mètres plus loin par un groupe de truands de bas étage, qui n’ont pas pu résister à la grosse bourse (au singulier ça va) du sénéchal. Cette avidité leur sera fatale, Brunner sortant des ombres au moment fatidique pour leur régler leur compte avec une efficacité consumée, et empocher au passage les quelques pièces d’argent que la mort de ces soudards lui rapporteront. Y a pas de petits profits.

Un peu plus tard, nous retrouvons le taciturne mercenaire sur les terres du Vicomte, qu’il semble très bien connaître. Ayant joué le rôle de l’innocent (mais tout de même très bien armé) voyageur pour attirer trois des hommes d’Ursio à se montrer auprès de son feu de camp, il a tôt fait d’en envoyer deux chez Morio (le Morr tiléen), gardant le troisième en vie pour qu’il lui indique où se sont cachés ses petits camarades. Et si la tour de guet abandonnée que les kidnappeurs ont choisi comme repaire semblait être un endroit parfait pour surveiller les environs, on s’aperçoit bien vite que Brunner joue vraiment à domicile, puisqu’il pénètre dans le donjon au nez et à la barbe des sentinelles grâce à sa connaissance du passage secret reliant l’édifice à un tunnel à proximité. Cet avantage lui permet de neutraliser discrètement (au début) les hommes d’Ursio, laissant ce dernier seulement accompagné de ses deux derniers lieutenants, et de ce cher Cloclo (la nourrice ayant été étranglée par un mercenaire nerveux après que Brunner ait arrêté le mode silencieux, et commencé à castagner du sbire sans retenue), dans la salle principale de la tour.

Ce remake Battle de ‘Trois Hommes et un Couffin’ ne se termine pas aussi bien que l’œuvre originale pour le trio en question. Les compagnons d’Ursio tombent rapidement sous les balles et les lames du chasseur de primes, ce qui laisse leur Capitaine s’échapper en courant avec le bébé dans les bras… jusqu’à ce qu’il fasse la rencontre des chausse-trapes que Brunner a pris soin de semer en bas de l’escalier de la tour, ce qui ruine ses sneakers et l’envoie au tapis (et le pauvre Cloclo avec, encore un drame des bébés secoués). Lorsque le Tiléen voit sa Némésis apparaître sur le pallier, il tente de le convaincre de le ramener avec lui chez de Chegney, ce que Brunner accepte… partiellement. Comme il le révèle à sa victime, le Vicomte n’a en effet payé que pour sa tête, le reste de son anatomie peut donc rester sur place.

La nouvelle se termine avec un face à face entre Brunner et de Chegney, le premier annonçant à son employeur que, malheureusement, Cloclo n’a pas survécu à sa capture. Dévasté par la nouvelle, le noble accepte tout de même d’honorer sa part du contrat et remet à son chasseur de tête (qui n’est pas revenu les mains vides) la moitié restante de la somme convenue, avant de lui donner congé…

Début spoiler…Mais la scène « post-credit » (si je puis dire) révèle que Brunner a menti, et gardé le bébé avec lui. Ne pouvant l’élever seul, il le confie à un couple de marchands, auxquels il remet également la prime versée par de Chegney. On comprend quand il présente Cloclo comme étant également son petit-fils que le chasseur de primes était en fait le Graf Von Drakenburg dont de Chegney a usurpé le domaine, marié de force la fille à son fils, et vendu à des esclavagistes pour s’en débarrasser. Cela explique la connaissance approfondie des terres des Von Drakenburg dont Brunner dispose, et son peu d’empressement à rendre Cloclo à Gus. La garde partagée est un plat qui se mange froid.Fin spoiler

AVIS :

Après nous avoir fait don de Mathias Thulmann quelques infernaux numéros plus tôt, C. L. Werner remet le couvert avec ‘What Price Vengeance?’, nouvelle introductive de l’un de ses personnages les plus marquants, le chasseur de primes Brunner. Le charme opère immédiatement dans cette histoire de prise d’otage (violente) et d’opération de libération (tout aussi violente), l’auteur parvenant à nous embarquer d’un tour de plume dans les bas-fonds du Vieux Monde en compagnie de brigands sanguinaires, de nobles cauteleux et de mercenaires impitoyables. L’intrigue est très solide, le déroulé plaisant à lire et idéalement dosé (Werner fait partie de ces bons écrivains qui savent prendre leur temps sans qu’on ait l’impression qu’ils meublent, qualité trop souvent absente des écrits de la Black Library à mon goût), la conclusion apporte sa petite révélation bien sentie et finement préparée par Werner au cours des pages précédentes, il y a du fluff et des one liners bien sentis… Que demande le peuple ?

Le seul petit défaut qu’on pourrait reprocher à cette masterclass med-fan est la tonne de descriptions vestimentaires dont Werner nous abreuve dès lors qu’un personnage important nous est introduit pour la première fois, une excentricité qu’on ne retrouve chez personne d’autre au sein de la BL à ma connaissance. A part ça, on a affaire à une nouvelle de très haute volée, tout comme l’anti-héros qu’elle nous présente.

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Fight or Flight – S. Mitchell [40K] – #33 :

INTRIGUE :

40K_Fight or FlightAyant récemment achevé ses classes de Commissaire, Ciaphas Cain intègre le 12ème régiment d’artillerie de campagne de Valhalla. Cette affectation sied tout à fait au futur Héros de l’Imperium, sensible aux nombreux avantages procurés par le fait que sa nouvelle unité contribue à l’effort de guerre depuis une distance confortable du front et de ses dangers. Malheureusement pour Cain, ses grands projets de pré-retraite avant l’heure vont être contrariés par l’arrivée inopinée d’un fragment de la flotte ruche Kraken en orbite de la planète Desolatia IV. L’occasion pour notre anti-héros de commencer à écrire sa légende, tout à fait malgré lui bien sûr.

AVIS :

Fight or Flight est la première consacrée par Sandy Mitchell à son personnage fétiche de Ciaphas Cain, le Commissaire le plus cool de la Garde Impérial. Même si le concept du petit rigolo perdu dans l’univers gothique du 41ème millénaire a fini par s’épuiser au fil des publications, cette introduction conserve encore aujourd’hui une indéniable fraîcheur, résultant de l’approche mesurée qu’à Mitchell de son sujet : même s’il s’agit pour lui de divertir le lecteur en usant des ressorts comiques de Cain (« mais non, je n’étais pas en train de m’enfuir ! ») et de son fidèle Jurgen (« mon odeur corporelle est une arme de destruction massive), et plus tard de l’Inquisitrice Amberley « girl next door » Vail, il prend en effet soin de ne pas sombrer dans la caricature, ce qui ne rend que plus attachant la bande de bras cassés qui lui sert de héros.

Pour résumer, si la lecture de la saga de Ciaphas Cain (neuf romans à date) n’est pas recommandée aux inconditionnels de la science-fiction « premier degré » de la Black Library, celle de Fight or Flight, parce qu’elle permet justement de se faire une religion sur les travaux du trublion Sandy Mitchell, est elle fortement conseillée par l’auteur de ces lignes.

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The Path of Warriors – N. McIntosh [WFB] – #33 :

INTRIGUE :

WFB_The Path of WarriorsOn le sait, la vie en Kislev n’est pas de tout repos. En plus du rude climat et de l’isolement qui frappe la plupart des communautés éparpillées sur ces vastes steppes, la menace d’une visite de « courtoisie » rendue par des voisins nordiques avides de pillage plane en permanence au-dessus des chapkas des braves sujets du Tsar. C’est donc avec plus de fatalisme que d’appréhension que Fedor Kumansky, pêcheur buriné par ses années à taquiner la tanche dans l’estuaire du Lynsk, voit approcher une flotille de maraudeurs venus tout droit de la Mer des Griffes. Il a même reçu un songe prémonitoire de la tuile qui n’allait pas tarder à tomber sur le petit village d’Odensk la nuit passée, c’est dire s’il est au fait des événements.

Accompagné par son fils aîné, Stefan, il se hâte de porter la mauvaise nouvelle à ses concitoyens, et prend la tête de la milice de farouches péquenauds bien décidée à repousser les Norscans s’ils leur venaient l’idée de s’arrêter à Odensk avant de remonter jusqu’à Erengrad. Il laisse son autre fils, Mikhal, aux bons soins de l’aîné, et fait promettre à ce dernier de protéger son cadet comme il l’avait lui-même juré à sa défunte femme sur son lit de mort. À ce stade, vous devez sans doute vous dire qu’un tel comportement ne peut signifier qu’une chose pour le brave Fedor : une mort prématurée d’ici à la fin de la nouvelle. Et vous avez raison, futés que vous êtes. Sans beaucoup de surprise, mais tout de même hors champ (donc il s’est peut-être simplement empalé sur son épée en trébuchant sur un caillou, laissons le bénéfice du doute aux maraudeurs), Papa Kumansky ne passe pas la nuit, vaincu avec ses camarades par la furie sanguinaire des hommes du Nord.

De leur côté, les fistons Kumansky s’en sortent beaucoup mieux. Planqués dans la maison familiale, ils commettent l’erreur de quitter leur refuge au premier bruit de bottes venu, confondant en cela la démarche chaloupée des Kislevites avec celle, chaloupée aussi à leur décharge, des Norscans. Livrés à eux-mêmes dans la scène de chaos (c’est fluff) que constitue le pillage d’Odensk, les frérots parviennent à échapper aux sales pattes d’un duo de maraudeurs mal-intentionnés, dont un se fait éborgner par le petit couteau de Stefan au passage. S’étant tapis au fond d’une barrique remplie de tripes de poissons (on ne jette rien à Kislev), le temps que le jour se lève et que la poussière retombe, Stefan et Mikhal sortent de leur cachette une fois le calme revenu à Odensk, et se rendent compte qu’ils sont probablement les seuls survivants de cette terrible nuit. Sans autre recours, les orphelins prennent le chemin de la terrible et dangereuse civilisation (sans doute Erengrad, tbh), empruntant par là-même le chemin des guerriers (wink wink), qui les mènera des années plus tard à exercer leur VENGEANCE sur les méchants qui leur ont fait du tort et navré à mort leur pauvre papounet. Sans doute que les chemins des mages et des voleurs étaient en travaux, à ce moment.

AVIS :

Neil McIntosh lève le voile sur la tragic origin story des frères Kumansky, qui servent de héros à la trilogie ‘Star of Erengrad’/’Tainted Faith’/’Keeper of the Faith’ que cet auteur a signé pour la Black Library en des temps très anciens ; dans ce très honnête ‘The Path of Warriors’. Si le déroulé des événements ne surprendra pas grand-monde, et que le cameo du maraudeur éborgné (que l’on retrouve plus tard dans les bouquins, mais dont le nom m’échappe au moment d’écrire cette chronique) risque de ne résonner qu’auprès de la toute petite communauté des fans hardcore de cette série aujourd’hui tombée dans l’anonymat le plus complet, on peut apprécier d’être enfin en présence de personnages un minimum complexe et sympathique, ce qui n’est pas le cas dans la majeure partie des Kumanskynneries que j’ai pu lire avant. La meilleure nouvelle de la trilogie de courts formats que McIntosh a écrit pour accompagner les romans, à mon humble avis.

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Leviathan – G. McNeill [40K] – #34 :

INTRIGUE :

40K_LeviathanLeviathan prend place entre les deux premiers tomes de la saga d’Uriel Vent Triste, Nightbringer et Warriors of Ultramar. La sorte de prologue qui ouvre la nouvelle voit le nouveau capitaine de la 4ème compagnie des Ultramarines se forger une épée pour remplacer l’arme dont il a hérité à la mort d’Idaeus, son prédécesseur à la tête des schtroumpfs verts. Euh… soit. La suite est plus classique, Uriel menant ses hommes dans le Space Hulk Death of Virtue dans le but de détruire ce dernier en posant quelques bombes à des endroits clés. Bien évidemment, les Space Marines vont rencontrer une opposition aussi féroce que prévisible, d’abord sous la forme d’Orks poltrons, puis de Genestealers grognons. Ce qui ne les empêchera pas de compléter leur mission, bien entendu. Le texte se termine par la détection de l’ombre dans le Warp par les astropathes du croiseur d’attaque Vae Victus, ce qui permet à McNeill de faire le lien avec la campagne de Tarsis Ultra. Ils arrivent…

AVIS :

Il y a des nouvelles dont on se demande à quoi elles servent, et Leviathan fait indéniablement partie de ces travaux à l’intérêt des moins évidents. Selon les mots mêmes de l’auteur, il s’agit d’une histoire « très simple », ce qui ne suffit pas à excuser le profond sentiment d’ennui qui émane de la quarantaine de pages consacrée par McNeill à cet épisode de transition, qui, s’il n’aurait sans doute pas pu être intégré au corps de Warriors of Ultramar sans ralentir considérablement le rythme de ce dernier, ne méritait pas franchement non plus de se voir dédier une nouvelle entière (et une nouvelle assez longue qui plus est). Pour résumer le fond de ma pensée, Leviathan est du proto-Cawkwell, ce qui est loin d’être un compliment.

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Glow – S. Spurrier [WFB] – #34 :

INTRIGUE :

GlowC’est la fin de l’automne à Talabheim, et le Temple de Sigmar local, dirigé par le capitaine Richt ‘Hmm’ Karver, enquête sur une addiction d’un nouvel ordre qui s’étend dans les bas-fonds de la cité. Le Glow, une poudre verte de composition inconnue, fait en effet des ravages parmi les déshérités de la métropole cratérisée. Très addictif, il a en outre comme fâcheux effet secondaire de provoquer des mutations spontanées chez ses utilisateurs réguliers, ce qui n’est pas du tout du goût de ce gentleman de Karver. Après avoir mené un raid dans un taudis dont l’adresse lui avait été donnée par un suspect, l’impeccable capitaine repart avec un cadavre frais de junkie agressif ainsi qu’une petite réserve de la substance en question, qu’il choisit d’ajouter à la diète du rat géant skaven qu’il a adopté comme animal de compagnie après une purge des souterrains de Talabheim l’année passée. Le savoir fait le pouvoir, c’est bien connu.

Les mois passent et l’hiver arrive sur l’Empire, sans que la filière locale de Glow soit démantelée malgré les meilleurs efforts de Karver et de ses hommes (Kubler, Holst et Spielmunn). L’épidémie ne fait au contraire que progresser, ce qui force les chasseurs de sorcières crackheads à muscler leurs méthodes, déjà assez viriles. Interrogatoires menés au tison, menaces d’envoyer leurs indics au bûcher s’ils ne s’activent pas et autres descentes dans la ville tous flingues dehors se multiplient. C’est au cours de l’une d’entre elles que Karver commet une bavure : surpris par la réaction de l’occupant d’un laboratoire clandestin où le Glow était produit, il déchargea sa pétoire sur ce qui se révéla être, après inspection post mortem, une fillette réduite en esclavage par le maître du cartel pour la confection des tablettes inondant la cité. Enchaînée dans son local et ayant été privée de langue par son tortionnaire, elle cherchait seulement à expliquer pourquoi elle n’était pas en capacité d’obtempérer aux ordres des Templiers lorsqu’un Karver sur les nerfs lui envoya un pruneau dans le caisson pour slow play. Ce sont des choses qui arrivent…

L’opération ne fut cependant pas un total échec, notre héros mettant le gant sur la poudre entrant dans la composition du Glow en fouillant le laboratoire. Ayant fait pression sur un sorcier de Jade pour obtenir une expertise express, il reçut la confirmation de ses soupçons : l’ingrédient actif du Glow était bien de la malepierre. Une erreur de manipulation de la part du thaumaturge lui permit de recevoir une autre information utile : la substance toxique se trouvait à la fois dans le gant utilisé pour recueillir la poudre dans le laboratoire, mais également à l’extérieur de ce dernier, indiquant sans équivoque que Karver avait manipulé de la malepierre peu de temps auparavant. Un résultat étrange, à moins que…

Début spoiler…À moins que la broche ornée d’une pierre verte que son meilleur disciple, Kubler, portait à la boutonnière ce jour-là n’ait pas été montée d’une émeraude, comme il le pensait, mais d’un minéral bien plus sinistre. La confrontation entre les deux hommes prend place dans la chambre froide creusée sous le Temple de Sigmar, dans lequel les répurgateurs stockent leurs cadavres contaminés dans l’attente du dégel. Ayant participé à la purge des terriers skavens en compagnie de son mentor, Kubler avait eu la mauvaise idée de s’intéresser à la malepierre utilisée comme monnaie d’échange par ces derniers, et qui le transforma rapidement en méchant de série B.

Ayant dupé la vigilance de son supérieur jusqu’à son fashion faux pas en matière d’accessorisation de sa tenue, Kubler est pris au dépourvu lorsque Karver le trouve en train de faire les poches des corps de Guerriers des Clans gardés en réserve par les Templiers à la recherche de cailloux verts. La surprise change toutefois de camp après qu’un Kubler gravement blessé par le tir de son patron passe en mode Technomage et avale d’un seul coup tous les éclats de malepierre qu’il trimballait sur lui, se transformant en mutant à la force et à la rapidité décuplés. C’est au tour de Karver de se retrouver dans les cordes, mais notre héros avait gardé un atout dans sa manche, ou plutôt au bout d’une chaîne : son rat de compagnie. Transformé en abomination (et pas Abomination, ça ne serait pas rentré dans son bureau) poilue par sa consommation régulière de Glow, Ratatouille est libéré par son maître et ne perd pas une seconde pour creuser un terrier dans la bedaine de Kubler afin d’accéder à la malepierre récemment consommée par le ruffian. Cet affrontement sans merci résulte en la mort simultanée des deux adversaires, laissant Karver le seul survivant de ce truel chaotique. Il faudra penser à passer un coup de mop, tout de même.Fin spoiler

AVIS :

Spurrier transpose avec succès une enquête des stups dans le monde de Warhammer Fantasy Battle avec ce ‘Glow’, qui illustre le sombre mais palpitant quotidien des Templiers de Sigmar lorsqu’ils n’ont pas de sorcières à se mettre sous la dent. Ambiance poisseuse, action rythmée, twist final bien amené… Simon Spurrier démontre l’étendue de ses talents de scénariste et sa valeur comme contributeur à la GW-Fiction avec cette nouvelle, qui sera malheureusement sa seule incursion dans le Monde qui Fut. Comme le hamster adoptif de Richt Karver, on aurait bien aimé avoir du rab’.

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The Curiosity – D. Abnett [40K] – #34 :

INTRIGUE :

40K_The CuriosityChargé par le gouverneur de Gershom d’établir la taxinomie complète des espèces animales de la planète, le magos biologis Valentin Drusher est sur le point de remettre son rapport lorsqu’il a vent des ravages causés par un mystérieux prédateur dans la région reculée de l’Udar Extérieur. Ayant consacré les sept dernières années à étudier la faune locale sans jamais rencontrer une créature pouvant être tenue responsable des attaques, la curiosité et l’orgueil professionnel de Drusher sont piqués au vif par ces échos lointains, et il décide en conséquence de répondre à l’invitation du baron du cru afin de tirer les choses au clair.

Associé à une Arbites (Germaine Macks) et à un chasseur de gros gibier (Fernal Skoh1), Drusher va rapidement se rendre compte que la « curiosité » de l’Udar est une réalité tangible, et que ses exploits sanglants et son élusivité ne doivent pas grand-chose au hasard. Quelqu’un se sert de la bête pour faire passer un message, mais qui, et pourquoi ?

1 : On retrouve d’autres membres de la famille Skoh (Feaver et Fernan, tous deux impliqués dans le juteux business de l’import de créatures exotiques destinées à combattre dans les arènes impériales) mêlés à l’intrigue de la trilogie Ravenor. Car-car-carnivora !

AVIS :

Si vous avez vu le film Le Pacte des Loups1, ni l’intrigue ni la conclusion de The Curiosity ne vous sembleront très originales, ce qui ne devrait pas vous empêcher de goûter malgré tout à cette première enquête de Valentin Drusher (que l’on retrouve également dans Gardens of Tycho, toujours en compagnie de Germaine Macks).

Très à son aise pour dépeindre la vie quotidienne des sujets de l’Imperium, à la fois dans sa normalité (Drusher étant l’incarnation même du fonctionnaire désabusé par son travail, et Macks celle du flic de province à qui on ne la fait pas) et son anormalité2, Abnett prouve qu’il maîtrise les codes du polar et est capable de les transposer dans l’univers gothique de 40K. Merci à Dan de démontrer sans équivoque que l’envers de l’Imperium (le côté civil) est au moins aussi passionnant que l’endroit (le côté militaire), et qu’il est possible de satisfaire le lecteur de la Black Library sans impliquer la moindre faction de Warhammer 40.000 au récit3. Avis aux autorités compétentes…

1 : Le long métrage de Christophe Gans étant sorti en 2001 et le recueil Crucible of War en 2003, il n’est pas interdit de voir en The Curiosity un pastiche volontaire de ce gros succès du box-office français.
2 : La bête du Gévaudan d’Abnett se révèle être un bête hormagaunt (bien qu’il nous l’ait plutôt vendu comme la Mort Bondissante en personne), ramené en sous-main par un membre de l’Ecclésiarchie cherchant à assurer la fidélité de ses ouailles aux offices dominicales (ou leur équivalent du 41ème millénaire), et auquel on a implanté une sorte de puce électronique dans le crâne afin de réguler son humeur mutine.
3 : Bon, ok, il y 1 hormagaunt qui vient contredire cette affirmation. Mais cette affectueuse bestiole est ici utilisée dans un rôle à contre-emploi (on est très loin des hordes chitineuses noircissant l’horizon), ce qui justifie à mon sens le fait qu’on ne puisse pas parler d’histoire de tyranides pour The Curiosity.

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Mark of the Beast – J. Green [WFB] – #34 :

INTRIGUE :

Mark of the BeastSoldat de carrière dans l’armée du Tzar de Kislev, Torben Badenov a gravi les échelons jusqu’à devenir le commandant d’une unité d’éclaireurs montés (15 exactement, et tous présentés par Green dès la première page de la nouvelle1). Pour son grand malheur, il sert sous le Capitaine Arman Yasharov, un noble kislevite aussi incompétent que méprisant, et bien décidé à faire tout ce qui est en son pouvoir pour revenir le plus tôt possible vidanger le samovar de la Reine des Glaces (en tout bien tout honneur, bien sûr). La bande d’Hommes Bêtes que son armée poursuit, et qui signe ses méfaits en apposant la titulaire « marque de la bête » dans les décombres des villages qu’elle a rasée2, bénéficie donc d’un avantage certain sur ses adversaires humains, et le pauvre Badenov en est réduit à limiter les dégâts causés par le leadership exécrable de son officier.

Envoyés par Yasharov pister la trace de la harde, qui semble avoir fait des prisonniers lors de sa dernière attaque, comme le faible nombre de cadavres trouvés dans les ruines du hameau où la nouvelle débute le laisse à penser, Badenov et ses scouts se font surprendre en rase taïga par une bande d’Ungors dépêchés par le Seigneur des Bêtes Gashrakk Blackhoof pour faire le service d’ordre à proximité de son campement. Gashrakk est en effet un visionnaire, dont le grand dessein est de réveiller le Seigneur du Dawa (Lord of Misrule en V.O.), une déité 100% chaotique que les légendes des Bêtes du Chaos font reposer en dessous de la pierre des hardes de la tribu de la Corne Noire. Pour permettre au Dawaster de sortir de son trou et de régner à nouveau sur son « royaume de confusion » (sicoù on n’écoute que du Genesis à fond les ballons, j’imagine), le big G. a un plan : sacrifier un nombre suffisant de prisonniers au Chaos, en mettant le feu à une effigie géante d’Homme Bête construit avec des cages en bois. Et moi qui pensait qu’ils ne savaient rien faire de leurs dix (?) doigts (?), me voilà corrigé. L’approche peu subtile de Yasharov ayant alerté le chamane Cathbad, Gashrakk sait que son projet X risque d’être interrompu par des Kislevites en maraude, et a donc envoyé quelques bandes désœuvrées contrecarrer la manœuvre. Il a aussi envoyé une doublette de chars à sangleboucs, malheureusement pour les cavaliers légers de Badenov, qui sont contraints à se replier en désordre après l’intervention des panzers adverses, abandonnant quelques morts et blessés sur le champ de bataille.

De retour au campement kislévite, Badenov réussit à obtenir de son Capitaine l’autorisation de lancer une mission d’infiltration de la base adverse (repérée par d’autres scouts, plus doués, eux) pour tenter de libérer ses camarades prisonniers, et peut-être secourir quelques civils au passage. Yasharov n’est absolument pas convaincu par la menace posée par un rituel sacrificiel qu’il s’agirait d’empêcher avant que l’attaque de son armée ne débute, mais il laisse tout de même à son sous-fifre jusqu’à la tombée de la nuit pour mettre à exécution son plan, après quoi il donnera l’assaut. Réduits à mi-effectifs à ce stade de la nouvelle, les Badenov’s Baddies profitent d’un coup de pouce de la part du script pour progresser vers leur objectif : le campement des Hommes Bêtes a été établi sur un ancien oppidum ungol, et compte bien entendu un souterrain secret reliant le centre de la place forte à l’extérieur. Haaa. Et nos héros trouvent bien sûr ce souterrain secret en l’espace de trois minutes. Hooo. Leur chance tourne cependant lorsqu’ils découvrent que les Gors ont décidé d’installer leurs latrines à l’endroit où le tunnel émerge dans leur campement. Un petit prix à payer pour speed runner cette quête, cependant.

De son côté, Gashrakk ne s’est pas tourné les sabots et a entamé le rite de réveil démoniaque/feu de joie païen avec Cathbad. L’arrivée imminente de l’armée kislevite, que sa bande d’Ungors n’a manifestement pas arrêtée (comme c’est bizarre) force toutefois le Seigneur des Hardes à accélérer le protocole, et à balancer une torche sur son bonhomme (bête) carnaval avant que le chamane n’ait pu terminer de réciter « je te tiens par la barbichette » 666 fois de suite. C’est le moment que choisissent Badenov et ses hommes pour lancer leur attaque sur les mutants, confiants dans le fait qu’il ne leur faudra tenir que quelques minutes avant que le reste de leurs forces n’arrivent en renfort, pas vrai ? PAS VRAI ? En cela, ils ont sous-estimé le jemenfoutisme de Yasharov, qui se contente d’envoyer quelques cavaliers barricader les portes du campement (?) pour empêcher les Hommes Bêtes de sortir. Car apparemment, ces derniers savent construire des statues en bois de 10 mètres de haut, mais le concept de distance de sécurité par rapport à un foyer de combustion leur est inconnu. La magie du scénario…

Toujours est-il que cette défection de dernière minute ne fait pas les affaires de nos héros. Si Cathbad se fait assez facilement soloter par Arnwolf le Norse, Badenov n’a pas la partie facile contre Gashrakk. Finalement, un anneau nasal trop solidement fixé, un crochet attaché à une chaîne elle-même fixée à la pierre des hardes, et surtout un positionnement malheureux du Seigneur des Blettes vis-à-vis de l’angle de chute de son effigie enflammée, auront raison du pauvre Blackhoof. C’est ce qu’on appelle un bûcher des vanités, vraiment. S’il ne réussit pas à réveiller le Dawaster et perd toute sa tribu en même temps que sa vie dans cette folle soirée (les Hommes Bêtes le sont vraiment, faut croire), il peut au moins se réconforter en songeant que tous les villageois capturés ont également fini en marshmallow (donc je ne comprends pas pourquoi son plan n’a pas marché… à moins que les invocations de Cathbad soient vraiment capitales), ainsi que la plupart des hommes de Badenov. En comptant l’évasion miraculeuse d’Oran et de Manfred, qui avaient été faits prisonniers par les Ungors, nos héros ne sont plus que six, et c’est assez naturellement qu’ils décident de déserter pour devenir des mercenaires, loin de l’incompétente brutalité des officiers placés là par leur famille. D’ailleurs, à ce propos…

Début spoiler…Il n’est jamais trop tard pour se venger de mauvais traitements, surtout quand on n’a plus rien à perdre. Badenov et Oran rendent donc visite à Yasharov au cœur de la nuit, et procèdent à un échange du meilleur goût : ils laissent la tête calcinée de Gashrakk dans le lit de l’aristocrate, Le Parrain-style, et vont planter la sienne sur une pique à l’extérieur du camp kislévite, avant de partir voir ailleurs s’ils y sont. On connaît la suite…Fin spoiler

1 : Et si vous pensez que je n’ai pas la patience ou la mesquinerie nécessaire pour relayer l’information, vous devez être nouveau ici : Torben Badenov, Oran Scarfen, Vladimir Grozny, Alexi, Arkady et Andrei Tolyev, Manfred, Oleg Chenkov, Arnwolf, Zabrov, Mikhail Polenko, Yuri Gorsk Kiryl, Evgenii, Cheslav, Stefan. Il n’en resteraque six  à la fin, ne vous attachez pas trop.
2 : Parfois en utilisant des matériaux… plus biodégradables que d’autres.

AVIS :

S’il ne s’agit pas de la première nouvelle écrite par Jonathan Green pour sa bande de mercenaires préférés, ‘Mark of the Beast’ peut au moins se prévaloir d’être le premier épisode de la série qui donnera au final le recueil ‘The Dead and the Damned’. Le résultat n’est pas aussi navrant qu’il a pu être dans d’autres péripéties badenoviennes, la haute teneur en action (bas du front) injectée par Green dans cette aventure l’empêchant de trop s’empêtrer dans son scénario, même si ce dernier apparaît tout de même très fragile dès lors qu’on a le malheur de s’intéresser un peu trop à lui. Si le héros s’appelle Badenov, l’auteur a pour sa part bien mérité le nom de Good Enough… De la cheap fantasy très peu intéressante, à moins que vous ne cherchiez à voir ce que le BL style a produit de plus suranné.

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A Ship Called Rumour – D. Abnett [WFB] – #35 :

INTRIGUE :

WFB_A Ship Called RumourDe retour à Sartosa, la cité pirate du Vieux Monde, après avoir effectué un séjour dans les geôles tilléennes, Luka Silvaro compte bien reprendre en main sa petite affaire familiale, récupérée par son demi-frère Guido après sa malheureuse incarcération. Très originalement pour l’endroit, Luka est un capitaine pirate, et pour rentrer en possession de ses biens (et personnes), il lui faut vaincre en « duel » – lui doit se battre seul, son adversaire non – son fourbe de parent. Ce qu’il fait avec les formes, dans le cadre bucolique d’une taverne enfumée, et sous les yeux d’un compagnon (Sesto) qui l’a suivi depuis Luccini pour s’assurer qu’il mettrait à profit sa liberté retrouvée pour accomplir une mission d’importance : traquer et couler le Butcher’s Ship, un vaisseau pirate semant la terreur sur le Grand Océan. Gentleman jusqu’au bout, Luka se contente d’amputer son gredin de frérot de sa main gauche (de toute façon, il ne lui restait plus que deux doigts de ce côté-là) plutôt que de l’achever, comme il en avait pourtant le droit et l’envie.

La suite de la nouvelle suit la préparation du capitaine abandonné réhabilité et de ses principaux lieutenants pour partir en chasse, sur les deux vaisseaux (la Rumeur et le Saphir) que compte la petite flotte de Silvaro. Les coques calfatées et les cambuses remplies, il est temps pour ce beau monde de cingler les voiles afin de… trouver un tuyau sur la localisation du Bucher’s Ship. Car malgré toute sa bonne volonté, Luka n’a pas la moindre idée d’où se cache sa proie, ce qui ne va pas faciliter la levée de sa probation et le versement des mille couronnes promises par Luccini en échange de l’accomplissement de sa mission. Il croit que sa chance a tourné lorsque se présente au loin les galères du collègue pirate arabien Ru’Af, mais ce qui devait n’être qu’une discussion informelle entre gens de mer se transforme soudainement et sans crier gare en bataille navale rangée. En cause : encore ce maudit Boucher, qui a tellement vidé les eaux internationales de leur trafic habituel que les pirates en sont réduits à s’attaquer les uns les autres pour tenter de survivre. Quelle époque mes pauvres amis.

Cueilli à froid par la traîtrise de Ru’Af, il faut bien quelques pages de féroces combats, et la perte d’un membre du casting, pour que Luka Silvaro parvienne à se tirer de cette mauvaise passe. La nouvelle se termine sur l’annonce officielle faite à son équipage de la mission qui lui a été confiée par ses employeurs tiléens, et sur un peu de name dropping de bon aloi. Il se pourrait que ce soit ce triste sire d’Henri le Breton qui se cache derrière la barre du Butcher’s Ship. Encore les Bretons (pourquoi ne suis-je pas surpris, sans déconner ?). Quelle mafia alors.

AVIS :

Comme il sait si bien le faire (lire ‘Les Cavaliers de la Mort’ pour s’en convaincre), Dan Abnett donne souffle et vie à un petit bout du Vieux Monde de manière aussi convaincante que prenante dans ce ‘A Ship Call Rumor’. On se fait rapidement happer par cette histoire de flibustiers au long cours, aussi exotique que fascinante pour l’habitué de la GW-Fiction, et suffisamment bien écrite pour être à la portée des nouveaux venus (après tout, tout le monde sait ce qu’est un pirate). Si on peut reprocher à ces quinze pages d’être très chargées en personnages, qui ne font pas forcément grand-chose d’intéressant une fois les présentations effectuées, et à l’action en elle-même de traîner en longueur, il s’agit d’un petit et logique prix à payer pour poser les fondations d’une serie feuilleton, qui semble avoir été pensée dès sa conception par Abnett et la BL comme publiable à terme comme un roman dont les chapitres seraient les nouvelles1 (ce qui sera le cas au final : ‘Fell Cargo’). On termine ce segment introductif avec une intrigue bien mise en place et une envie certaine de connaître la suite des aventures de Luka Silvaro et de ses hommes : c’est donc mission accomplie par Dan Abnett.

1 : Une pratique très courante à cette époque pour la Black Library, dont une bonne partie du catalogue lors de ses premières années était constitué de romans patchworks, aussi bien pour Warhammer Fantasy Battle (‘Tueur de Trolls’, ‘Hammers of Ulric’, ‘Gilead’s Blood’) que pour 40K (‘Ghostmaker’, ‘Brothers of the Snake’). On constate qu’Abnett a contribué à quatre de ces cinq exemples, ce qui en fait le champion du repackaging littéraire !

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The Beguiling – S. Mitchell [40K] – #35 :

INTRIGUE :

Nous retrouvons le Commissaire préféré de ton Garde Impérial préféré peu de temps après la campagne de Keffia (‘Sector 13’), sur la planète de Slawkenberg et engagé, aux côtés du 12ème Régiment d’artillerie de campagne de Valhalla (Jurgen, Divas et Mostrue sont de la partie), dans la purge du culte chaotique ayant déclenché une insurrection sur ce monde autrement paisible. Ou plutôt, des cultes chaotiques, comme nous allons le voir. Après quelques mois de routine agréable, passés à bombarder les positions ennemies à 71,99 pouces de la ligne de front le matin, déjeuner dans des petits bistrots sympathiques, et déguster de l’amasec vintage en charmante compagnie l’après-midi, notre fringant mais prudent héros se rend compte qu’il s’ennuie quelque peu, et décide de suivre une patrouille d’observateurs avancés de son régiment, accompagné de son fidèle Jurgen, pour voir du paysage et soigner sa réputation d’officier héroïque et proche de ses hommes.

Ce qui ne devait être qu’une simple balade en Salamander va bien sûr mal tourner, d’abord en raison d’une météo capricieuse et de l’absence de capote (livrée en option sur ce type de véhicule), puis à cause d’une embuscade maladroitement commise par un groupe de Prouteux en vadrouille, forçant les Valhallans à s’enfoncer dans une forêt profonde sur un petit chemin au lieu de rester sur la route (détruite par leur botte secrète : l’appel à un ami qui a une batterie de Basilisks sous ses ordres). Au bout de quatre heures de rallye pluvieux, Cain et ses charges retournent enfin à la civilisation, représentée par un manoir isolé mais apparemment occupé, comme son illumination l’atteste.

Ayant garé leur Salamander à quelque distance de la bâtisse afin de pouvoir la reconnaître discrètement, les Gardes sont surpris par l’arrivée désespérée d’une jeune fille affolée et fort peu vêtue, poursuivie par un petit groupe de cultistes de Nurgle. Si les maraudeurs pestiférés sont rapidement mis hors d’état de nuire, à défaut de puire, par les bidasses en goguette, et que la demoiselle en détresse, rapidement rejointe par quelques accortes amies, tombe dans les bras de ses sauveurs, Cain éprouve un vague mal-être (et une démangeaison palmaire de mauvais augure) devant la tournure prise par les événements. Quelque chose ne sent pas bon dans cette affaire, et ce n’est pas Jurgen (pas que, en tous cas)…

Début spoiler…Et en effet, la petite soirée que nos quatre militaires passent à l’Académie pour jeunes filles du monde de St Trynia, si elle s’avère mémorable, ne l’est pas pour les bonnes raisons, et se révèle aussi être la dernière pour deux des camarades de Cain. Alors que ce dernier se retrouve dans les quartiers privés de la directrice pour une séance de tantrisme extra-curriculum, l’ambiance retombe brutalement lorsque la voluptueuse Mademoiselle Duboir confie à son coup d’un soir qu’elle l’a tout de suite identifié comme un fidèle de Slaanesh. Ce que Cain ne pense pas qu’il est (encore1), merci pour lui. Il prend d’ailleurs la mouche au point d’abattre sans sommation son hôte après cette petite confidence. Et à propos de mouche, voici les Nurgleux qui reviennent à la charge, et prennent d’assaut le manoir et ses habitantes, offrant à Cain et à Jurgen (mis très mal à l’aise par le rentre dedans qu’il a subi toute la soirée de la part des prêtresses du plaisir sous camouflage) la couverture parfaite pour s’éclipser discrètement, laissant les dépouilles de leurs camarades malheureux au milieu du champ de bataille. Un petit coup de fil au Colonel Mostrue et un bombardement de la Chaos Star Academy plus tard, tout est bien qui finit bien pour le Héros de l’Imperium, qui décide suite à cette aventure de reprendre en main son hygiène de vie afin de ne plus être pris pour sex addict par la première cultiste venue. Non mais.Fin spoiler

1 : D’ailleurs à l’époque, Cain ne sait même pas trop qui sont les Dieux du Chaos (il l’apprendra plus tard en traînant avec l’Inquisitrice Vail). Mais comme Mitchell est partisan de la théorie des signes chaotiques (les noms et symboles des Dieux du Chaos sont tellement horribles que les entendre ou les voir provoque une réaction épidermique même chez les profanes), la confidence sur l’oreiller de Miss Duboir suffit à convaincre notre héros qu’il y a slaanguille sous resh.

AVIS :

Mitchell livre une nouvelle Cainesque tout ce qu’il y a de plus classique avec ce ‘The Beguiling’, qui mélange action, humour, grimdark et second degré avec un goût certain. Si l’expérience de lecture est assez plaisante, comme souvent avec les aventures du Commissaire le plus cool1 et coulant de tout le Segmentum, je regrette toutefois que Sandy Mitchell n’ait fait aucun effort pour ménager un peu de suspens sur l’opposition entre les deux factions antagonistes (Prout vs Meuh), qui nous est annoncée dès la première page, puis est mise en scène de façon très directe dès l’arrivée de Cain et ses hommes dans le manoir de Duboir. Etant certain de la capacité de Mitchell, en tant que scénariste et narrateur, à obtenir un résultat plus palpitant que ce très et trop convenu ‘The Beguiling’ (comme il a pu le montrer dans ‘Last Night at the Resplendent’ par exemple) s’il avait voulu s’en donner la peine, je reste un peu sur ma faim avec cette nouvelle, et ne la place donc pas parmi les tout meilleurs épisodes de la saga de Ciaphas Cain. Peut mieux faire et a mieux fait.

1 : Logique pour un officier rattaché à un régime de Valhalla, vous me direz.

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Meat Wagon – C. L. Werner [WFB] – #35 :

INTRIGUE :

WFB_Meat WagonVotre attention s’il vous plaît. La nouvelle qui va suivre comprenant un nombre élevé de personnages nommés (plus ou moins) importants pour notre intrigue, nous vous remercions par avance de suivre attentivement les présentations qui vont vous être faites de notre casting. Vous aurez été prévenus.

Et nous voici donc catapultés dans un relais routier minable sur la route reliant Erengrad à Zandri en passant par Nuln, où une belle bande de personnages attend que leur personnel de bord ait fait le plein et chargé les plateaux repas. Les écouter un instant suffit au lecteur sagace pour deviner où chacun se positionne sur l’organigramme de la nouvelle d’action med-fan1. Nous avons ainsi, par ordre d’apparition : le joueur de cartes (en os, because why not2)/escroc/joli cœur Feldherrn, le gras, riche, désagréable et xénophobe marchand de vodka Emil Steinmetz, sa « fiancée »/chaufferette achetée en soldes à son vieux père Lydia, et son garde du corps couturé et patibulaire, Ravna (surnommé un demi car il utilise une épée bâtarde). À cela, nous nous devons d’ajouter la Baronne von Raeder, vieille fille maniérée et hautaine, mais se baladant avec une rapière au côté, et le jeune ingénieur Nain Fergrim Pointefer, transportant avec lui des caisses frappées de runes auxquelles il tient comme à la prunelle de ses yeux. Pour finir, un mot sur les chauffeurs de ces messieurs-dames : l’Ostlander au fouet et aux chicots pourris, Ocker, et son comparse Strigani à tête de fouine et à moustache pleine de miettes (un signe sûr que c’est un filou… ou une fouine qui vient de tomber sur une baguette), Bresh. Pfiou, une bonne chose de faite.

Tout ce petit monde se dirige donc vers Nuln et doit cohabiter pour quelques heures, même si des tensions se manifestent déjà au sein du groupe. Le voyage du coche est cependant interrompu avant son terme par un fiacre-stopper planté au bord de la route. Reconnaissant un Répurgateur à la forme de son chapeau, les deux gredins tenant les rênes, et que le lecteur avait surpris quelques temps auparavant à échanger des remarques lourdes de sens hors d’écoute de leurs passagers, sont d’abord tentés de l’écraser, mais Mathias Thulmann (car c’était lui) avait habilement prévu le coup en demandant à son homme de main et tortionnaire particulier, Streng, de se positionner stratégiquement avec une arbalète chargée à proximité. Si Thulmann joue du pouce sur les grands chemins, c’est que son cheval à perdu un fer et qu’il a donc besoin d’être dépanné jusqu’à la forge la plus proche. Ne prenant pas les dénégations polies des conducteurs pour argent comptant, il s’installe donc posément dans la diligence, laissant son acolyte suivre cette dernière avec leurs chevaux, et propose un tour de table amical pour briser la glace entre les compagnons de voyage. Venant d’un type qui peut vous condamner au bûcher si vous éternuez de façon bizarre, pas sûr que cela fonctionne beaucoup.

En tous cas, cette rencontre fortuite n’empêche pas Ocker & Bresh de dérouler la suite de leur plan, et donc d’amener leur véhicule jusqu’au charmant petit village de Mureiste, Sylvanie. « Dites donc, c’est étrange que nous fûmes allâtes en direction du Nord-Est alors que la logique voullasse que nous nous dirigeassionnèrent vers le Sud-Ouest » commente ce finaud de Thulmann, à qui on a appris le Reikspiel littéraire et la géographie au Temple de Sigmar. Il ne faut donc pas s’étonner que notre héros dégaine une de ses pétoires de service lorsque l’équipage annonce une pause de quelques minutes à ses passagers, et interdise en des termes non incertains aux ruffians de bouger de leur siège. Cette situation des plus tendues (Streng étant venu appuyer les dires de son employeur avec sa propre arbalète) dégénère cependant tout à fait lorsque les habitants de Mureiste arrivent en masse taper au carreau du fiacre, et pas pour demander s’ils peuvent laver le pare-brise, non non. Car les locaux sont des goules, elles ont faim, et de bien mauvaises manières. Dans le tumulte qui s’en suit, notre compteur de mort horrible se déclenche enfin, grâce à la participation active d’Ocker, qui prend un carreau dans le bide de la part de Streng en tentant de dégainer son tromblon, tombe de son siège, se fait rouler dessus par la voiture qui s’emballe, et dévorer vivant par les relations professionnelles des son collègue. Pas mal pour un début. Bresh, de son côté, réussit à faire décrire des cercles à l’attelage devenu fou jusqu’à ce que le poison des cannibales fasse effet et terrasse les chevaux3. Le coche se renverse, manquant d’écraser Pointefer, mais ne faisant pas d’autres victimes que les chausses de Steinmetz, dont le transit intestinal est accéléré par la vue des goules. Toutefois, tous nos personnages, y compris Bresh, que Thulmann amène manu militari avec lui pour qu’il s’explique, réussissent à se réfugier dans le temple de Sigmar local, et à en barricader les portes.

Dès lors, il s’agit pour nos héros de s’organiser. Pendant que ses camarades fortifient leur position ou sanglotent dans leur coin, le Répurgateur torture un peu son suspect, arrivant à tirer de ce dernier la promesse d’une mort abominable délivrée d’une main de Maître par ce dernier. Il ne faut pas longtemps à Thulmann pour comprendre que les goules ne sont qu’un avant-goût d’une nuit très agitée qui s’annonce, et le zélote va donc prêter main-forte à ses acolytes, qu’il positionne à des endroits stratégiques dans l’attente du prochain assaut. À la tombée du jour, une chauve-souris géante vient déverser des litres de guano sur la grand-place où patientent les Muriestois, avant de se poser et de se changer en, je vous le donne en mille, Ozzy Osbourne. Ou presque. En vampire Stryge. Après s’être fait briefer sur les derniers événements, et avoir repris quelques forces en sirotant le messager4, il lance ses ouailles à l’attaque du monument, en leur indiquant de penser à faire le tour, cette fois-ci. Si la marée de viande écumante (voir « ils l’ont écrit ») ne parvient pas à faire autre chose que trembler les portes dans un premier temps, les nerfs fragiles de cette fiotte de Steinmetz manquent de condamner la team Sigmar lorsque le pleutre décide d’aller libérer Bresh dans l’espoir que ce dernier parvienne à le sauver. Malheureusement pour lui, et pour son nouvel obligé, Lydia donne l’alerte à Thulmann avant que le Strigani n’ait eu le temps de lui planter un couteau dans le dos. Privé de l’avantage de la surprise, les vingt centimètres d’acier du ruffian ne font pas le poids ni la longueur face à l’épée bénite du Répurgateur5, et le malappris se fait posément transpercer la gorge par son adversaire, qui peut aller redonner un coup de main très bienvenu à ses comparses.

C’est le moment que choisit le Stryge pour faire son entrée dans la place, par la fenêtre s’il vous plaît. Chemin faisant, il charcute horriblement la pauvre Baronne von Raeder6, pulvérise un banc et éventre Steinmetz, faisant un peu de ménage dans notre casting. Ses tentatives de griffer à mort Thumann sont cependant mises en échec par le jet d’eau bénite qu’il se prend dans la figure (ça brûle), et par les gros débuffs de zone que lui inflige le sol consacré du lieu saint dans lequel il se trouve. C’est ça aussi de ne pas demander à ses goules de raser le temple de Sigmar du village en temps et en heure. Devant tant de diableries, ou peut-être l’inverse, le vampire décide d’aller prendre l’air, entraînant avec lui ses hordes de groupies décérébrés. L’occasion pour les défenseurs de souffler un peu et de faire leurs comptes, le pauvre Ravna, méchamment tailladé par un ongle sale de goule, n’en ayant plus pour très longtemps…

C’est alors que Pointefer se souvient que le contenu de ses caisses n’est autre que de la poudre à canon. Gag. Jouant leur va-tout, les survivants envoient donc le Nain et le mourant poser une mèche dans les décombres de la diligence, pendant que Thulmann tente de distraire le Stryge. Cela marche tellement bien que, lorsque l’héroïque Ravna se sacrifie pour mettre le feu aux poudres, le buveur de sang est encore occupé à envoyer des gros doigts, ou griffes dans son cas , au Répurgateur depuis le sommet de la diligence. Bilan des courses : un centre ville dévasté, une vingtaine de goules déchiquetées, et un vampire en piteux état, que Thulmann achève d’un coup d’épée en plein cœur en punition de son tapage nocturne7. Ici s’achève notre histoire, les deux chasseurs de sorcières décidant de repartir avec leurs montures (habilement garées dans le temple par Streng un peu plus tôt), même déferrées, plutôt que de s’éterniser plus longtemps dans ce patelin paumé qu’est Mureiste. Et Thulmann de donner ce conseil avisé aux trois survivants de notre échappée belle (voyez si vous pouvez les identifier) : « je suis sûr que ça va marcher ».

1 : Et dans une certaine mesure, de déterminer qui a le plus de chances de mourir dans d’atroces souffrances au cours des prochaines pages.
2 : Même si le matériau utilisé me semble un peu saugrenu. Sans compter de la taille du squelette nécessaire pour tailler des cartes d’une taille suffisante. Sans doute un moyen pour les forces impériales de monétiser les cadavres d’Orques qui s’accumulent comme des feuilles mortes en automne après la Waaagh ! hebdomadaire.
3 : Qui n’ont pas reçu de nom et que je n’inclue donc pas à ma liste, à grand regret.
4 : Don’t shoot the runner, but drink them? Yes you can.
5 : Annule les sauvegardes invulnérables des Démons, coup fatal sur les sorciers à cœur noir.
6 : Dont le tort fut d’être une femme répudiée indépendante, et donc indigne de confiance pour ce misogyne de Thulmann.
7 : Non sans avoir balancé la petite réplique qui va bien juste avant, ici librement empruntée à ‘Le Bon, La Brute et le Truand’ (déjà pastiché par Werner dans sa série ‘Brunner, Bounty Hunter’.

AVIS :

On savait Werner particulièrement à son aise pour la mise en scène de nouvelles d’actions sérialisées, qu’il s’agisse pour lui de suivre une traque du chasseur de primes Brunner, ou une purification expresse dispensée par le zélé Mathias Thulmann. Cette réputation n’est pas usurpée ici, car cette Charcuterie Ambulante tient beaucoup mieux la route, et c’est heureux, que la diligence empruntée par nos héros pour se rendre à Nuln. En plus de bénéficier d’une atmosphère tendue tout à fait appréciable, en grande partie grâce au rythme soutenu imposé par l’auteur, et les quelques descriptions gore à souhait qu’il glisse au fil des pages, cette nouvelle parvient également à faire « vivre » (et mourir, dans beaucoup de cas) sa belle brochette de personnages de façon naturelle et équilibrée, et emprunte avec bonheur au genre du western, dont Werner est un fan assumé. La fameuse scène de l’attaque de la diligence par les Indiens, ou, plus proche de nous, l’attente tendue des 8 Salopards, partagent ainsi des similarités fortes avec le siège de temple de Sigmar par un Stryge et ses goules, preuve que dans la pop culture, tout est dans tout et inversement. Au final, encore une nouvelle solide à mettre au crédit d’un des chasseurs de lignes les plus réputés du Vieux Monde plutôt que du Far West, et une très bonne introduction du personnage de Mathias Thulmann aux non-initiés, si nécessaire.

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Warp Spawn – M. Ralphs [40K] – #35 :

INTRIGUE :

Ayant accepté à son bord un couple de clandestins et leur petite fille qui cherchaient à quitter la planète Vrantis III, le capitaine Matteus du transporteur Sable Bess ne se doute pas qu’il est sur le point de vivre la traversée la plus éprouvante de sa carrière. La famille idéale se révèle être un couple d’adorateurs du Chaos, et leur enfant la BFF des jumelles Apex, volontairement droguée par ses parents aimants afin de l’empêcher de jouer avec son ami imaginaire (je ne sais pas pour vous, mais ça m’évoque Marie Frisson et Gros Chat), un peu soupe au lait il faut bien le reconnaître. Loi de Murphy oblige, la maléfique fillette est bien sûr réanimée par l’équipage, dont la majeure partie ne vivra pas assez longtemps pour regretter cette décision. Dans le Warp, personne ne vous entend crier…

AVIS :

L’univers de Warhammer 40.000 est tellement vaste qu’il peut – en théorie – servir de cadre n’importe quel type de récit, même ceux les plus éloignés du standard de la Black Library (SF d’action). Partant, la décision de Matt Ralphs de signer une pure nouvelle d’horreur avec son Warp Spawn est loin d’être incongrue, d’autant plus que le bonhomme sait s’y prendre pour narrer des scènes cinégéniques en diable (oups). Le calvaire vécu part Matteus et ses comparses a beau ne pas être bien original, Ralphs parvient à instiller une atmosphère de slasher mâtiné d’épouvante surnaturelle à son propos, qui retombe malheureusement bien avant la conclusion (assez bancale) de la nouvelle.

Au final, si les deux premiers tiers de Warp Spawn sont un régal, le dernier tiers est franchement décevant, et aurait gagné à être plus développé par un auteur à court de place, de patience et/ou d’inspiration pour donner à son récit un final digne de ce nom. Dommage.

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Redhand’s Daughter – W. King [WFB] – #36 :

INTRIGUE :

WFB_Redhand's DaughterAprès avoir fait les 400 coups (de hache runique) en Arabie, quelques temps après leur retour d’Albion (Tueur de Géants), Gotrek et Felix se retrouvent sur le cuirassé nain du Capitaine Ahabsson, croisant sur les eaux du golfe d’Arabie depuis la forteresse de Barak Varr. Toujours à la recherche d’une fin glorieuse, le célèbre Tueur doit ronger son frein pendant la croisière, ce qu’il fait en s’enfilant pinte sur pinte et en gueulant sur Ceniormeteo, le dieu elfique des dépressions, tandis que Felix préfère meubler ses journées en regardant les dauphins et entretenant des pensées sinistres, comme à son habitude. Nos plaisanciers ne tardent cependant pas à être mis à l’épreuve (autrement, cela aurait été la nouvelle de Gotrek & Felix la plus ch*ante du monde), d’abord par la survenue d’un grain sévère, qui endommage bellement le Storm Hammer, puis par la rencontre avec un navire de pirates Orcs, qu’Ahabsson décide, en corsaire assermenté, d’aller piller. L’enthousiasme fiévreux du capitaine se heurte toutefois à quelques dures réalités, à commencer par les projectiles enflammés projetés par la catapulte de proue du vaisseau adverse, qui cabossent suffisamment le steamer nain pour que ce dernier se retrouve à portée d’abordage par l’équipage peaux-vertes, beaucoup plus nombreux que ses vis-à-vis. La bataille qui s’en suit permet à Gotrek de se dégourdir les orteils (pas mieux à espérer contre de simples boyz), et à Felix de voler à la rescousse d’une prisonnière de l’infâme Capitaine Goldtusk, qu’il réussit à escorter jusqu’au Storm Hammer avant que ce dernier ne parvienne à se désengager.

Vainqueurs éprouvés de l’affrontement, les Nains décident d’aller mouiller l’ancre sur l’une des îles toutes proches, encouragés en cela par le récit fait par la rescapée (Katja Murillo) du légendaire trésor que le pirate Redhand, qui se trouve être son père, a dissimulé sur cette dernière. Elle-même capitaine au long cours, elle promet à ses sauveurs de partager les bénéfices de son héritage s’ils l’aident à mettre la main dessus. Capturée par Goldtusk alors qu’elle voguait vers le butin avec son propre équipage, Katja n’a dû son salut qu’à l’avidité de l’Orc, qui a épargné sa vie en échange d’un aller simple vers le magot familial. Jamais les derniers à se lancer dans la quête de richesses mal acquises, Ahabsson et ses gars acceptent la proposition qui leur est faite, et tout ce petit monde (plus deux humains) débarque sur une île volcanique couverte d’une épaisse forêt où est sensé se trouver la fortune de Redhand.

Bien que charmé par le ravissant minois de la donzelle (ce qui est la raison pour laquelle il s’est rué à son secours en premier lieu), Felix se montre assez suspect des motivations de cette dernière, et ne peut s’empêcher de penser que Katja dissimule quelque chose à ses partenaires. Gotrek de son côté s’avère plus intéressé par la perspective de se frotter au monstrueux gardien d’une gemme légendaire conservée dans l’un des temples en ruines de l’île (dixit Katja, toujours), ou a défaut, par la régulation de la population locale de peaux vertes. L’enthousiasme général est à peine entamé par la disparition mystérieuse de plusieurs membres d’équipage au fur et à mesure que l’expédition s’enfonce dans la jungle, énigme rapidement résolue par un Gotrek peu tolérant envers les facéties des Gobelins arboricoles du cru. Après un pittoresque trail tropical, les aventuriers parviennent jusque dans la cité abandonnée promise par leur guide, qui se trouve être un lieu de villégiature couru par la gent orcoïde (un club Mork, sans doute), forçant nos héros à la plus grande discrétion. Même Gotrek, dont le premier but était pourtant de tailler des croupières aux locaux, accepte de faire crête basse jusqu’à ce que ses camarades aient pu sécuriser le trésor, ce qui est fort urbain de sa part. En même temps, ils sont sortis de la forêt, donc…

Une fois rendu dans le temple où Redhand aurait déposé ses bagages, et après avoir négocié de façon soupçonneusement facile au goût de ce rabat-joie de Felix l’accès jusqu’au cœur de l’édifice, qui dispose d’une installation géothermique de pointe sous la forme de puits de lave intégrés à la structure du bâtiment (attention à ne pas se brûler en prenant sa douche, tout de même), l’expédition se retrouve confrontée à un défi de taille, en la présence d’un Elémental de lave qui surgit de son jaccuzzi pour empêcher les intrus de faire main basse sur le trésor du pirate ainsi que sur l’énorme gemme qui fait office de décoration d’intérieur. Au lieu de s’émerveiller de la culture du gardien des lieux, qui s’exprime en Reikspiel parfait alors que sa prise de fonction remonte à des millénaires (ce sont les Anciens qui ont signé son contrat de travail), l’esprit mesquin de Felix ne peut s’empêcher de se concentrer sur le fait que MagMan semble connaître Katja, qu’il qualifie de sorcière (ce qui n’est pas très sympathique). De son côté, Gotrek se contente de foncer dans le tas (de roches en fusion) avec son ardeur habituelle, distrayant la Chose assez longtemps pour que Katja réussisse à s’emparer de la gemme, avant de disparaître dans un éclat de rire sardonique. On comprend alors que la capitaine corsaire n’était pas la fille, mais la femme de Redhand, qu’elle a poussé à prendre d’assaut le temple pour récupérer le diam’s des années plus tôt, sans succès. On comprend aussi que le joyau en question n’avait pas qu’une utilité symbolique, mais servait surtout de régulateur de l’activité tellurique du volcan local, qui se réveille violemment une fois la gemme dérobée.

Ayant tout de même réussi à refroidir les ardeurs du gardien, puis à le(s lui) briser menu, Gotrek et Felix en sont quittes pour une session de hack’n’slash intense pour sortir du temple avant que ce dernier ne soit noyé par la lave. Laissant leurs camarades survivants se débrouiller tous seuls comme des grands petits, le duo se fraie un chemin sanglant à travers les hordes de Gobelins que Goldtusk, arrivé sur place après le naufrage de son navire, a recruté pour… visiter le temple également je suppose1. Cette louable idée de sortie culturelle prend donc un tour funeste lorsque le Tueur et son comparse décident de couper la file, résultant en des centaines de morts parmi les visiteurs, dont Goldtusk en personne, décapité par un Gotrek littéralement chauffé à blanc. Ceci fait, il ne reste plus à nos inséparables qu’à partir en petites foulées vers la plage où mouille le Storm Hammer, avant que l’éruption du Krakatorka ne mette un terme honteux et cendreux à la carrière du Tueur. Spoiler alert : Ils s’en sortent. Si si.

1 : King ne donnant aucun signe que les Nains aient été détectés par les peaux vertes à leur arrivée.

AVIS :

Cette aventure conséquente (28 pages) permet à William King de renouer avec les origines littéraires de Gotrek & Felix, héros de nouvelles conduits plus tard par le succès à évoluer dans de plus longs formats. Se déroulant après les événements relatés dans Tueur de Géants, dernier roman signé de la série signé par King (et le moins réussi du lot à mon humble avis, comme quoi il a bien fait d’arrêter), Redhand’s Daughter peut être considéré comme l’ultime tour de piste des deux troublions sous la plume de leur créateur, et un écho aux longues nouvelles originelles du duo (Wolf Riders, The Dark Beneath the World). Bénéficiant d’une localisation exotique (je ne pense pas que quiconque se soit aventuré dans la Chaîne Mégaleane – qui n’apparaît sur aucune carte à ma connaissance – depuis lors), de péripéties rythmées et, elles aussi, assez innovantes pour le lecteur, comme la bataille navale introductive entre corsaires Nains et pirates peaux vertes, Redhand’s Daughter a un petit goût de pastiche de The Queen of the Black Coast (a.k.a. Conan en croisière), avec Katja en Belit et Gotrek & Felix se partageant le rôle du ténébreux Cimmerien. Ces considérations évacuées, on se retrouve cependant avec une soumission assez classique du sous-genre créé par King, qui déroule son propos et coche les cases du cahier des charges avec aisance plus que maestria. On notera pour terminer que l’auteur n’a pas encore tenu sa promesse de faire remettre Katja Murillo sur le chemin de nos baroudeurs, et qu’avec la destruction du monde de Warhammer (et donc celle de Katja et Felix), il lui sera assez difficile de tenir sa parole…

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Et voilà qui conclut cette revue de l’année 6 d’Inferno! Que dire d’autre à part qu’il reste deux années à couvrir et que ce sera bientôt le cas ? Stay tuned (and hydrated) et à la prochaine !

INFERNO! – ANNEE 5

Bonjour à tous et bienvenue dans cette rétrospective de l’année 5 d’Inferno!, dont vous devez très certainement savoir à ce stade qu’il s’agissait d’un bimensuel publié par la Black Library au premier et au second millénaire de notre ère (peu de revues ont eu une telle longévité, vous le reconnaitrez). Les six numéros qui seront disséqués ci-dessous sont toutefois fermement ancrés dans les années 2000, puisqu’ils couvrent la période allant de juillet 2001 à mai 2002. Une époque riche en événements, comme vous vous en souvenez sûrement ou l’avez probablement appris à l’école (dur de suivre le contenu des programmes scolaires ces temps-ci).

Inferno!_Année 5

Si cette année se révèle moins riche que la précédente en termes de soumissions, avec seulement 21 nouvelles, elle présente quelques innovations intéressantes, comme le premier numéro « mono-franchise » (#25, avec seulement du Battle), et le premier numéro thématique d’Inferno! (#30), consacré exclusivement aux Fantômes de Gaunt. Elle s’avère également assez généreuse en matière d’aventures de personnages amenés à marquer de leur empreinte l’histoire de la GW-Fiction. Le pistolero de Necromunda, Nathan Creed, revient faire parler la poudre à deux reprises (‘Firestarter’ et ‘Bad Medicine’), tout comme le Sergent Priad des Iron Snakes (‘Crimson Storm’), Torben Badenov et sa bande de mercenaires débraillés (‘The Nagenhof Bell’), et l’incorrigible et impardonné Kage de la 13ème Légion Pénale (‘Liberty’). Cette année 5 voit aussi les premières armes en format réduit d’Uriel Ventris (‘Chains of Command’), Gregor Eisenhorn (‘Missing in Action’) et Angelika Fleischer (‘Meat and Bone’).

Une autre caractéristique notable de cette tranche infernale est son homogénéité au niveau des auteurs sollicités. Avec « seulement » dix plumes différentes sur l’année, on commence à percevoir que la Black Library a constitué un groupe de contributeurs principaux, auxquels viennent s’ajouter quelques nouveaux arrivants et free-lance occasionnels. L’exubérante diversité des débuts d’Inferno! se police quelque peu, et laisse place à une approche plus uniforme et conventionnelle : le « BL Style » venait de naître. Sans surprise, c’est à nouveau Dan Abnett qui remporte la coupe du premier contributeur de cette cinquième année (comme sur les années 1, 2 et 3) avec pas moins de quatre nouvelles à son nom. Il est suivi de près par Graham McNeill et Jonathan Green (3 soumissions), et Brian Craig, C. L. Werner et Gav Thorpe (2 soumissions).

On ne le savait pas encore à l’époque, mais cette auguste revue avait déjà passé son zénith et était plus proche de sa fin que de son début. C’est sur cette remarque funeste et totalement gratuite que je vous propose de clore cette introduction et de passer sans plus attendre à la revue à proprement parler. Ça nous changera les idées.

Inferno! Année 5

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The Ambassador – G. McNeill [WFB] – #25 :

INTRIGUE :

WFB_The AmbassadorFraîchement nommé ambassadeur impérial à la cour de la Tsarine de Kislev, le général à la retraite Kaspar von Velten enchaîne les déconvenues à peine arrivé sur le lieu de son affectation. Accompagné d’un vieux serviteur manchot un peu trop familier (Stefan) et d’une escorte de Chevaliers Panthères frileux (à croire que ces pelisses ne sont pas de bons isolants thermiques), l’apprenti diplomate commence par déloger son prédécesseur, l’incompétent et corrompu Andreas Teugenheim (ça veut littéralement dire « taverne » en reikspiel, faut pas s’étonner que le type soit un jouisseur) de l’ambassade saccagée que ce dernier occupait, s’attirant du même coup l’hostilité goguenarde du parrain de la Bratva locale, un colosse bedonnant répondant au nom de Vassily Chekatilo, très occupé à fumer des cigares avec son bon ami Teugenheim dans le boudoir de ce dernier à l’arrivée de la relève.

Réalisant qu’il est bon pour quelques jours de ménage et de chinage intensifs s’il souhaite redonner à son nouveau chez-lui le faste et le cachet qu’on est en droit d’attendre d’une ambassade impériale (sans compter la formation du service d’ordre local, qui aurait fort à faire à repousser les assauts de  Gnoblars hémiplégiques), von Velten est sauvé de la corvée de mob par l’arrivée impromptue d’une de ses anciennes connaissances, l’ex-Lancier Ailé Pavel Korovic, compagnon d’armes fidèle et alcoolique notoire, qui insiste bruyamment pour que les retrouvailles soient célébrée à grand renfort de kvas. Acceptant l’invitation, Kaspar se rend au domicile de son comparse et s’embarque dans une soirée arrosée suivie d’une nuit enfumée, son repos réparateur se trouvant interrompu par le début d’incendie allumé par un trio de brutes pyromanes, auxquelles von Velten règle leurs comptes sans penser qu’il aurait été pertinent de garder un séide en vie pour pouvoir lui soutirer des informations sur son commanditaire. Erreur de débutant.

C’est donc à une prise de fonction des plus mouvementées qu’a droit celui qui passera à la postérité sous le nom d’Ambassadeur, ses premières heures kislevites lui ayant en outre permis de se familiariser avec le sinistre parcours du tueur en série cannibale local, simplement nommé le Boucher (les Kislevites sont des gens pratiques et peu imaginatifs), et avec lequel on devine que Kaspar aura rapidement maille à partir. Ajoutez à cela une ambiance plutôt morose du fait de la tenue prochaine de la traditionnelle invasion chaotique, le froid, la neige et le mal du pays, et vous avez le début d’un séjour qui s’annonce mémorable pour notre pré-retraité. Everrrrytting fill bi olrrrraïtt, da ?

AVIS :

Mes souvenirs nébuleux de la duologie (L’Ambassadeur//The Ambassador et Les Dents d’Ursun//Ursun’s Teeth) consacrée par Graham McNeill aux jeux complexes de la realpolitik entre l’Empire et le Kislev1 me font écrire avec une certitude assez grande que cette nouvelle est en fait le chapitre introductif du premier de ces deux romans, avec lequel elle partage son nom. Nous sommes clairement en face d’une introduction à une intrigue destinée à être traitée sur des centaines de pages, et les douze que constituent ce The Ambassador sont toutes entières consacrées à l’exposition de la situation dans laquelle Kaspar von Velten trouve Kislev à son arrivée et la présentation des protagonistes et antagonistes principaux du roman. En cela, il serait petit bras de critiquer le caractère inachevé de ce texte, qui n’est pas, comme annoncé par Inferno ! une nouvelle en tant que tel, mais l’extrait d’un ouvrage que McNeill n’avait pas encore finalisé à l’époque. La vraie question est donc de savoir si ces quelques pages donnent envie d’en savoir plus sur le long format qu’elles introduisent, et la réponse est plutôt positive. Graham McNeill brasse suffisamment large pour que la grande majorité de ses lecteurs trouve au moins une raison de suivre les aventures de son héros grisonnant au pays de l’alcoolisme morbide et des moustaches en fer à cheval. Thriller gore, péripéties med-fan, intrigues politiciennes, pourvoyeur de fluff, The Ambassador coche toutes ces cases, et probablement d’autres (il faudrait que je relise les bouquins), et est une lecture conseillée2 pour tous les hobbyistes s’intéressant au traitement réservé au Monde qui Fut par la Black Library. Je sais qu’il en reste.

1 : Et à la pratique du jogging par les chevaliers impériaux. Les vieux s’en souviendront.
Ce n’est pas pour rien que l’ouvrage a été élevé au Black Library Hall of Fame en 2016. Une distinction d’assez peu de poids, je vous l’accorde, mais méritée quoi qu’il en soit.

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Tybalt’s Battle – G. Thorpe [WFB] – #25 :

INTRIGUE :

WFB_Tybalt's BattleLe brave (dans tous les sens du terme) Tybalt, Chevalier bretonnien de son état, a répondu à l’appel du fantôme du Duc Laroche, et mis le cap sur le distant archipel d’Albion avec une petite armée pour y combattre le Mââââl. Si vous trouvez que c’est un ordre de mission un peu succinct, je suis d’accord avec vous1, mais en Bretonnie, on n’est pas du genre à avoir besoin de beaucoup plus que trois lignes de texte débitées par le PNJ le moins précis du monde pour partir en croisade. A croire que les nobles n’ont littéralement que ça à faire de leurs journées.

Après une traversée des plus banales, le bataillon débarque à grand-peine sur l’île principal de cette terre aussi mystique qu’humide, perdant quelques hommes lorsqu’un de ses canots se renverse pendant le transbahutage. Rien de trop grave (enfin, pour les survivants évidemment), mais alors que le navire qui les amené jusqu’à bon port s’éloigne pour se mettre à l’abri, Tybalt réalise brutalement qu’il n’a absolument aucune idée de ce qui lui est demandé d’accomplir sur cette lande aussi lugubre que l’arrière-pays brestois en février. C’est la boulette.

Fort heureusement, un nouveau PNJ donneur de quêtes du nom royal de Charl se présente au nobliau désorienté une fois la nuit tombée et le camp des Bretonniens installé dans la partie la moins spongieuse du marais qu’ils ont passé la journée à traverser (dans le doute, autant marcher tout droit dans une direction générée au dé de déviation, c’est vrai). Charlie est un authentique Oracle d’Albion, comme sa coupe de cheveux improbable, sa musculature imposante, sa lance custom et surtout, sa déperlance absolue (les Oracles sont immergés dans un bain de Teflon pendant leur apprentissage, ce qui leur donne une longévité et une imperméabilité exceptionnelle) le démontrent sans appel. Il connaît aussi ce vieux brigand de Laroche, qu’il a convaincu de lui envoyer le premier pigeon aventurier venu pour l’aider dans son combat contre Bebe’lakor et ses Emissaires Noirs. Grâce à sa maîtrise approximative du bretonnien (un peu) et au caractère très influençable de Tybalt (surtout), Charl entraîne ses nouveaux copains dans une vendetta dirigée contre… un autre seigneur bretonnien, dont l’erreur aura été de se ranger du côté d’un Emissaire Noir. C’est limite du racisme présenté comme ça, mais je m’égare.

Dès le lendemain, l’Oracle utilise ses pouvoirs de druide météorologue guide local pour emmener ses alliés sur un raccourci leur permettant de couvrir des centaines de kilomètres en une seule journée2. Perdant à nouveaux quelques hommes (et un poney) aux pittoresques conditions locales – ici un selfie malavisé avec un troupeau de vaches Highland mal disposées – les croisés finissent par arriver en face de l’armée adverse alors que le jour est sur le point de tomber, ce qui est évidemment le meilleur moment pour mener une bataille. Pendant que ses troupes se préparent à défendre le bloc de tourbe le moins humide du périmètre (un grand avantage quand on se bat sur Albion), Tybalt va s’entretenir avec son vis-à-vis, le redoutable Morlant, accompagné par l’Emissaire Noir qui l’a recruté. Sa proposition de régler l’affaire par un duel d’honneur étant refusée, la bataille fratricide peut alors s’engager, au cours de laquelle, ô surprise, les gentils bretonniens collent une rouste aux méchants bretonniens, malgré le clair avantage numérique de ces derniers. Au plus fort de la mêlée, et en dépit de la malédiction de malaise cardiaque que l’Emissaire Noir lui jette en douce (le domaine de l’hypocondrie, cette petite pépite de la V6), Tybalt vainc honorablement Morlant et lui intime de se rendre. Malheureusement pour lui, le contrat signé par le mercenaire Bretonnien3 contenait une clause de non-défection passible de mort, et le pauvre Morlant se fait dessecher par la plus noire des magies avant d’avoir pu s’exécuter. Outragé par ce coup du sort, Tybalt part à la poursuite de l’Emissaire Noir qui s’était discrètement eclipsé lorsqu’il a réalisé que la bataille était perdue, et lui fait son affaire est à nouveau victime d’une crise de tachycardie ventriculaire, laissant la responsabilité du kill à son fidèle destrier. Exactement comme à Warhammer.

Tout est bien qui finit bien dans les marais du bout du monde, mais lorsque Tybalt fait mine de donner l’ordre de se diriger vers la plage où le navire de retour les attend, Charl prend un air tellement misérable que son nouvel associé décide de prolonger un peu son séjour sur la perfide et pluvieuse Albion, afin d’aider à mettre en échec les manigances de Be’lakor. Et en pro bono, encore une fois. Quelle noblesse, vraiment.

1 : Et encore, c’est pas le pire. Ce troll ectoplasmique de Laroche et son amour consommé des paraphrases ont fait perdre des mois à son obligé, le temps qu’il localise avec précision la fameuse « île des tempêtes » que son oublieux mentor lui a demandé d’explorer. Si la vieillesse est un naufrage, la non-vie est une épave…
2 : Enfin ça, c’est lui qui le dit. Comme Tybalt et compagnie n’ont jamais mis les pieds en Albion et que la route se fait dans un tunnel de brouillard à couper au couteau, on peut aussi considérer que l’armée ennemie se trouvait à trois kilomètres, mais que Charl a passé son temps à se perdre.
3 : On peut en rigoler, mais ça veut dire que lui au moins se battait contre rémunération. Alors que cet idéaliste de Tybalt a pris la mer avec ses hommes sans demander aucune contrepartie (c’est peut-être pour ça que Laroche a tendance à se dissiper si rapidement une fois qu’il a donné sa quête…).

AVIS :

Gav Thorpe remet en selle son personnage de Tybalt « Dieudonné » de Quenelles, déjà croisé dans l’abysmal ‘Tybalt’s Quest’, à l’occasion de la campagne Shadows over Albion, qui prit place pendant l’été 2001. Contrairement au premier épisode de cette geste bretonienne très peu inspirée, le véritable héros de ‘Tybalt’s Battle’ n’est pas le nobliau hanté et froussard qui a donné son nom au titre de cette histoire, mais les terres sauvages (et humides, trèèèèès humides) d’Albion, ce qui constitue une amélioration notable si vous voulez mon avis.

Si on passe sur le caractère très artificiel de l’intrigue, le manque de profondeur des personnages et le caractère très convenu des péripéties (ce qui fait beaucoup, je l’avoue), cette nouvelle nous offre une petite balade dans un coin iconique et mystérieux du Monde Qui Fut, et comme la concurrence est loin d’être féroce sur ce créneau1, on pourra – si on est d’humeur magnanime – apprécier l’effort fait par Thorpe pour dépayser son lectorat. Notons pour conclure qu’il s’agit de la seconde et dernière apparition du jeune Tybalt (pour autant que je le sache) sous la plume d’un auteur de la Black Library, à moins que l’omniscient Josh Reynolds ne l’ait mentionné (et fait mourir d’une manière appropriée) dans sa chronique de la Fin des Temps. Je me plais à croire qu’après avoir épuisé la patience de ses hommes en menant des campagnes sans fin dans l’arrière-pays albionais, Tybalt ouvrit un petit fish & chips en compagnie de Charl. Un vrai exemple d’assimilation réussie.

1 : À moins de se tourner vers le pas terrible du tout ‘Giantslayer’, commis par un Bill King moins motivé que jamais (ce fut d’ailleurs son dernier bouquin pour la série), ou de remonter aux origines de la GW-Fiction avec le très ancien ‘Storm Warriors’ de Brian Craig.

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A Fool’s Bargain – B. Maycock [WFB] – #25 :

INTRIGUE :

WFB_A Fool's BargainAlfredo Landi Naddeo est un marchand de curiosités prospère, son vaste achalandage de biens merveilleux autant qu’utiles (et parfois efficaces), sa science du négoce et le trio de gardes du corps mutants qui empêchent les clients potentiels de sortir de son échoppe avant d’avoir acheté un petit quelque chose lui ayant permis de vivre confortablement depuis la regrettable mise à sac de son précédent commerce. Lorsqu’un mercenaire ayant connu de meilleurs jours pousse la porte de sa boutique à la recherche d’une arme magique qui lui permettrait de se tailler un chemin sanglant dans la hiérarchie des condottiere tiléens, Alfredo se fait une joie de proposer à sa nouvelle victime connaissance d’acquérir la légendaire épée du Seigneur Mobach, une lame enchantée qu’il vient justement d’intégrer à sa collection…

AVIS :

À la question, des plus légitimes ici, de savoir combien de pages sont nécessaires à l’écriture d’une nouvelle à twist (la catégorie reine du genre) se déroulant dans l’une des franchises de la Black Library, Brian Maycock répond posément « 5 », et délivre une véritable masterclass de construction narrative avec A Fool’s Bargain. Ne négligeant aucun aspect de sa prose, qu’il s’agisse de l’instillation d’une atmosphère distinctive ou le développement du caractère de ses personnages, Maycock agence avec talent les multiples éléments nécessaires au récit d’une histoire digne de ce nom, pour un résultat simplement satisfaisant. Cela peut paraître peu, mais, je vous l’assure, c’est une des plus hautes distinctions que je puisse accorder à une nouvelle.

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The Deep – R. Davidson [WFB] – #25 :

INTRIGUE :

WFB_The DeepAlors qu’ils venaient de quitter le port de Luccini à bord d’un sous-marin de leur conception afin d’explorer les légendaires ruines de Thantis Tor, Hundri et ses compagnons de la Guilde des Ingénieurs sont envoyés par le fond à la suite de l’explosion de la chaudière du submersible. Échoué par grand fond à proximité d’une fosse océanique et à moitié enseveli par les rochers qui ont freiné sa chute, le vaisseau des Dawi est en piteux état, mais pourrait tout de même les ramener à la surface s’il est convenablement dégagé et réparé. Alors que les survivants s’activent pour se tirer de ce mauvais pas et qu’une ambiance délétère s’installe dans l’équipage1, les disparitions suspectes et les incidents malheureux s’enchaînent à un rythme inquiétant. Hundri en est convaincu, un saboteur est présent à bord, mais qui est-il, et quels objectifs poursuit-il ? Se pourrait-il vraiment que les mystérieux gardiens de Thantis Tor soient responsables des déboires de l’équipage du Beardy McBeardface ?

1 : Davidson propose une version grimdark des 7 Nains (on ne sait pas qui est Blanche-Neige par contre), avec un casting du tonnerre : Hundri, Cramé, Noyé, Suicidé, Tabassé, Fou à Lier et… Thon. Oui, Thon. Pour un sous-marinier, avouez qu’il a le nom de l’emploi. 

AVIS :

Un thriller mâtiné d’horreur se déroulant dans l’environnement claustrophobique à souhait d’un sous-marin nain échoué au fond de l’océan à proximité d’un temple englouti ? Relisez cette phrase lentement et essayez de trouver un seul élément qui ne soit pas super cool. Franchement, les contributeurs de la BL savaient pitcher des idées géniales à l’époque, et on ne peut que s’interroger sur le choix de cette dernière de ne pas inclure The Deep dans un des nombreux recueils ou anthologies de nouvelles publiés au fil des ans, où il aurait eu tout à fait sa place. En plus de proposer au lecteur une plongée (wink wink) des plus originales dans le background, voire carrément l’underground de WFB, Davidson tient le lecteur en haleine en mettant en scène avec brio la descente aux enfers des passagers du sous-marin, alors que la suspicion, la dépression et l’aliénation s’abattent sur eux au fur et à mesure que leur nombre décroît. Thantis Tor et ses mystérieux gardiens ajoutent une couche de surnaturel très bienvenue aux tribulations désespérées de l’équipage du sous-marin, dans une adaptation libre et réussie des 10 Petits Nègres (ou peut-être devrait-on parler des 7 Petits Nains ?) à la sauce Abyss. Seule la conclusion de l’histoire laisse un peu à désirer, les motivations du coupable n’étant jamais vraiment explicitées, ni suggérées. Il serait toutefois dommage de bouder son plaisir devant cette authentique pépite du corpus de la Black Library, une de celles qui vous motive à persévérer dans cette occupation, qui peut se révéler assez frustrante à la longue. Seven little dwarves playing hide-and-seek. One was never found and then there were…

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The Winter Wind – B. Craig [WFB] – #26 :

INTRIGUE :

WFB_The Winter WindLe petit village de Sezrach, blotti haut dans les hauteurs des Monts du Milieu, est la proie d’un prédateur aussi mystérieux que persistant, venant enlever les enfants de la communauté au plus fort de l’hiver et les emportant au cœur d’un glacier voisin, où ses traces s’arrêtent brutalement. Jeune maire dynamique de Szerach ayant pris la relève de son père, qui, comme ses aïeux avant lui, prenait ces rapts récurrents avec un fatalisme paysan, Heinz von Aist décide de mettre fin à ce fléau quoi qu’il en coûte, pour améliorer la qualité de vie de ses chers administrés. Voyageant jusqu’à la ville de Leiswitz pour rencontrer l’érudit controversé Eric Zemmour Dietmar Fichte, il se fait prescrire des verres correctifs (le gonze est opticien arcanique, c’est très pointu comme spécialité) d’un genre un peu particulier, qui lui permettront de pister le démon des glaces (car c’est bien de cela qu’il s’agit) jusqu’à son repaire souterrain, là où ses seuls yeux se révéleraient insuffisants pour la tâche. Fichte prévient toutefois son visiteur que ces lunettes lui révéleront bien plus que sa proie et ses empreintes, et qu’il pourra s’avérer difficile de les retirer une fois mises.

Il faut toutefois bien plus que la menace de marques de bronzage disgracieuses pour décourager notre héros de mener à bien sa mission, et von Aist réussit, après quelques tentatives peu concluantes, à façonner ces fameux culs de bouteilles selon les caractéristiques fournies par Fichte, en utilisant de la glace extraite du glacier voisin. Grand bien lui en fait, car, peu de temps après, c’est la jeune Gretchen qui disparaît de son lit douillet, forçant notre justicier appareillé à l’action. Emmenant les hommes du village jusqu’à l’entrée du fameux glacier démoniaque, il s’aventure seul dans la galerie des glaces, n’emportant avec lui que son épée et sa lanterne. Sur le chemin vers sa destination finale, ses lunettes 5D (il faut au moins ça pour voir le Warp) lui révèlent tout un paquet de scènes plus ou moins dérangeantes, depuis le classique reflet multiplié à l’infini *2 de lui-même (avec murmures plus défaitistes que maléfiques en option) jusqu’aux armées de thérianthropes courant de droite et de gauche, en passant par des bancs de Channichthyidae peu amènes, et même la 782ème rediffusion de Sur la Terre des Dinosaures (avec la voix off de Zavant Konniger à la place de notre André Dussolier national).

Concentré sur son objectif, Heinz trace cependant sa route et finit par parvenir dans le duplex du rôdeur des glaces, où il trouve Gretchen allongée sur la table du salon en état d’hypothermie sévère. Sommant son ennemi de venir voir de quel bois il se chauffe, notre traqueur a la surprise de voir émerger des ténèbres son jumeau de glace, qui ne se fait pas prier pour engager le combat. Problème pour von Aist, la ressemblance avec son assaillant n’est que superficielle, et ce dernier a apparemment suivi des cours du soir en escrime médiévale sur son temps libre. Résultat des courses, le brave édile de Szerach se trouve rapidement en mauvaise posture, et il a beau rappeler à son assaillant qu’on ne frappe pas les gens à lunettes, ce dernier n’en continue pas moins à molester son visiteur. Une idée bizarre mais efficace traverse cependant l’esprit du héros avant que le pseudo Marcheur Blanc ne l’embroche sur son épée stalactite (ou peut-être stalagmite) : acceptant de se faire désarmer suite à une parade mal négociée à dessein, von Aist met à profit les deux secondes d’incompréhension de son adversaire pour asperger ce dernier d’huile et lui mettre le feu à l’aide de sa lanterne, ce qui a raison du Roi de la Nuit (regrets éternels, Michou).

Le reste n’est qu’une formalité pour Heinz, qui repart au petit trot avec Gretchen sur l’épaule et parvient à retrouver le chemin de la sortie sans trop de difficulté, tout comme il n’a aucun mal à enlever ses lunettes de vue en chemin, malgré les avertissements de Fichte. Célébré comme le héros qu’il est par son village, Heinz von Aist vivra encore de longues années (au moins 5 ans, ce qui est vieux pour le Hochland), traînant avec lui la malédiction du démon qu’il a vaincu, aussi mineure que ce dernier au final : pour le reste de ses jours, il aura très froid aux mains l’hiver. Dur. Plus insidieuse est l’expérience d’une fatalité profonde quant au caractère éphémère de la civilisation que le maire de Szerach développe en sus de ce menu problème. C’était sans doute ça que Fichte voulait dire quand il parlait de lunettes difficiles à enlever… J’ai toujours été nul en prophétie.

AVIS :

Auteur accompli au style reconnaissable entre cent contributeurs de la Black Library, Craig est un incontournable pour qui s’intéresse à la fiction produite par Games Workshop, et, même si son approche détonne largement des canons de la maison d’édition de Nottingham (déjà à l’époque et encore plus aujourd’hui), tout lecteur devrait donner sa chance à la prose de Mr Stableford, et partir à la (re)découverte du monde de Warhammer avec lui comme guide. À la clé, une vision un peu différente du grimdark généralisé qui teinte, voire imbibe, la plupart des publications de la BL, et que j’aurais bien du mal à décrire, sans parler de lui rendre justice, en quelques mots. Pour vous donner malgré tout une idée, je dirais que c’est à la fois différent de, et littérairement supérieur à, l’écrasante majorité des soumissions BL.

Ce Wind of Winter ne fait pas exception, le récit de la quête quasi initiatique de Heinz von Aist dans les glaces éternelles des Monts du Milieu donnant l’occasion à Craig de peindre le Chaos et la menace qu’il représente d’une façon bien particulière, mais loin d’être déplacée. La métaphore des lunettes de glace, qui peut sembler étrange de prime abord, fait passer son message d’une façon visuelle et poétique, et on ne peut douter à la lecture des descriptions hallucinées qui hantent le héros sur le chemin de sa destinée que l’auteur a bien assimilé ce concept fondamental des univers de Games Workshop. Le combat du héros contre sa Némésis peut certes sembler un peu ampoulé dans sa mise en scène (et à raison, le hack & slash n’étant pas du goût de Craig en règle générale), et le rythme de narration, bien long et « mou » pour les habitués de l’action frénétique qui caractérise généralement les œuvres de la BL, mais on aurait à mon avis tort de rejeter d’un bloc le corpus proprement « exotique » rédigé par Brian Craig dans les âges reculés où il prenait les commissions de vendeurs de figurines en métal blanc. Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans…

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Firestarter – J. Green [NDA] – #26 :

INTRIGUE :

NDA_FirestarterNecromunda. Quelque part dans le sous-monde, le redouté Antrobus Vecht voit ses plans de promotion sociale1 contrariés par le capotage complet d’une opération qu’il préparait depuis des mois. Cherchant à se venger des responsables de ce fiasco, il charge son larbin (Gravalax Mune) de faire parler le chef du gang Delaque (Sisken) qui a tuyauté ses ennemis sur le lieu et la date de la livraison, condition sine qua non à toute représaille envers ces derniers. Anticipant le manque de coopération de Sisken, Mune engage deux « libéraux » pour le seconder sur ce coup : le chasseur de primes Nathan Creed est chargé de ramener le Delaque, de gré ou de force, et le docteur Haze de pratiquer une opération chirurgicale afin de soutirer au ganger l’identité de son client. Vous suivez? Très bien, nous allons pouvoir entrer dans le vif du sujet.

Haze, qui n’a pas trop le choix, accepte de collaborer avec Mune, sans savoir que son futur patient n’est autre que Sisken, qui l’a rencardé au sujet de la venue de l’ork de Vecht. C’est en effet le doc qui est responsable de l’échec des plans du parrain du crime et qui a prévenu les autorités de l’arrivée du colis spécial de Vecht2. Lorsque Creed arrive avec Sisken, Haze réalise qu’il est dans de très sales draps, et n’est sauvé que par l’attaque du reste du gang Delaque sur le QG de Mune, ce qui lui donne l’occasion de saboter les résultats de l’opération d’extraction de souvenirs de Sisken, sans que son employeur ne s’en rende compte. Simple, non ?

Manque de pot pour les associés du bon docteur, les Delaque ont également fait appel à un spécialiste pour les épauler dans la libération de leur leader, à présent plus qu’à moitié lobotomisé. Il s’agit d’un psyker mercenaire répondant au nom d’Ignus Mander, dont le pouvoir consiste à envoyer des boules de feu sur les gens dont la tête ne lui revient pas. Mander est un ancien patient de Haze, dont les infructueuses tentatives de lui retirer une balle du cerveau ont eu la conséquence inattendue de développer le potentiel psychique, jusque-là inactif, de Mander, au prix d’une souffrance permanente pour ce dernier. C’est donc animé des pires intentions que le psyker pyromane fait irruption dans la salle d’opération installée par Mune (qui se fait la malle par une issue secrète avec une fiole remplie de ce qu’il croit être le liquide cérébral de Sisken), bien décidé qu’il est à faire payer Haze pour sa condition actuelle. Toujours là ? Ok, on continue.

Mander ayant empêché Creed et Haze de s’échapper en même temps que Mune d’une boule de feu bien placée, les deux compères sont forcés de s’enfuir à travers les niveaux inférieurs de la ruche, poursuivis par le psyker incendiaire. Après quelques péripéties diverses, le prévisible face à face final entre les deux camps a lieu, et Creed règle son compte à Mander grâce à une feinte indigne même de la pire bisserie d’action. Merci Jonathan. De son côté, Mune va faire son rapport à Vecht, qui injecte le contenu de la fiole ramenée par son séide dans le cerveau de ce dernier. Au final, Mune avoue à son patron que c’est lui qui a mis les Arbites sur le coup3, et tout le monde est content (sauf Mune bien sûr). Fin.

1 : Vecht voulait offrir un Ork au zoo privé du gouverneur Helmawr afin de mettre un pied dans la haute société de Necromunda. C’est sûr que c’est plus original qu’une boîte de chocolats.
: Haze voulait étudier le spécimen importé par Vecht afin de mieux comprendre le fonctionnement des capacités régénératrices supérieures de cette race xenos, et pouvoir ainsi mieux se vendre auprès des gangs locaux.
: Je ne comprends toujours pas comment Green a pu arriver à une telle conclusion, qui va à l’encontre des éléments exposés plus tôt. Et c’est la troisième fois que je relis Firestarter.

AVIS :

Je ne m’attendais pas à ce que Green (dont le patronyme a été changé à Jonathon pour l’occasion), qui ne s’était jusqu’ici pas vraiment illustré par la complexité de ses scénarii, donne à Firestarter une intrigue aussi sinueuse. Dans un sens, il s’agit d’une plaisante surprise, démontrant que même un auteur que je croyais incapable de livrer autre chose que des nouvelles d’une morne et fade simplicité peut accoucher de projets plus ambitieux. Cependant, n’est pas Nathan Long qui veut, et le texte de Green présente au final trop d’incohérences pour susciter autre chose qu’un froncement de sourcils perplexe de la part du lecteur.

Outre le fait que la « confession » finale de Mune n’est étayée par aucun élément concret, j’ai par exemple du mal à comprendre pourquoi Sisken n’a pas balancé à Mune que le responsable du fiasco de l’opération de Vecht était Haze, au lieu de se laisser sagement ponctionner par ce dernier, ni pourquoi le même Haze a décidé de changer d’air immédiatement après avoir opéré Mander, alors qu’il ne savait pas que ce dernier avait développé des pouvoirs psychiques ainsi qu’une migraine persistante à la suite de ses bons soins. Bref, il y a de sacrés trous dans ta raquette, Jon.

D’autre part, je n’ai pas de grande affinité avec le personnage de Nathan Creed, qui de l’aveu même de son créateur, n’est rien d’autre qu’une transposition du « cool badass shooter » dans l’univers de Necromunda1. Stéréotype sans saveur ni épaisseur, Creed n’arrive pas à la cheville du Brunner de CL Werner, et se fait facilement voler la vedette par Mander, qui n’est pourtant pas vraiment original non plus.

Firestarter est donc au final une Greenerie des plus classiques, avec toutes les conséquences habituelles de cette appellation pas vraiment flatteuse pour la nouvelle qui en est affublée. À oublier, comme son héros.

1: Pour les anglophones, Green retrace la genèse et le parcours de Nathan Creed sur son site personnelOutre les jolis dessins illustrant l’article, et établissant de façon irréfutable le total manque de profondeur du personnage (Lee Van Cleef avec des sceaux de pureté et des crânes, my gosh), le principal intérêt de cette chronique fut d’apprendre que les éditeurs de la BL ont refusé plusieurs drafts soumis par Green pour de nouveaux épisodes, n’ont republié que deux des cinq nouvelles mettant Creed en vedette, et ont carrément refusé que le personnage apparaisse dans les textes d’ambiance du livre de règles de la seconde édition de Necromunda. De la part d’une maison d’éditions qui a publié sans sourciller des bouquins du calibre de Forged in Battle et Curse of the Necrarch, c’est une rebuffade qui en dit long sur la qualité du travail de Jonathan Green.

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The Small Ones – C. L. Werner [WFB] – #26 :

INTRIGUE :

WFB_The Small OnesLa vie paisible du village de Marburg, perdu au milieu du Stirland profond (aussi appelé Stirland), est bouleversée par l’arrivée impromptue d’un Sorcier du Chaos mal en point (Thyssen Krotzigk), en fuite après que sa congrégation ait été passée par l’épée par la Garde Noire de Morr du Capitaine Ernst Ditmarr. Prêtre de Morr à l’esprit mal tourné, Thyssen avait profité de sa nomination dans une paroisse reculée pour se vouer à l’étude et à la vénération des Dieux du Chaos avec une totale impunité, jusqu’à ce que le rectorat lui envoie un inspecteur (auquel il arriva un regrettable accident), puis un bataillon de Templiers. La bataille qui fit rage entre cultistes et gothiques se solda par la victoire de ces derniers, mais Thyssen parvint malgré tout à s’enfuir (en clopinant, du fait d’une jambe cassée), laissant Ditmarr avec une manche vide (le feu, ça brûle) et un désir de vengeance inextinguible.

Les Fab Four faisant bien les choses, Thyssen est découvert par une bande d’enfants du coin alors qu’ils jouaient dans la forêt. Ayant tiré le don « sosie d’Alf, mais en grimdark » sur le tableau de l’Œil des Dieux (comprendre qu’il ressemble au fruit des relations incestueuses entre un Gamorréen et un Ewok), le petit Sorcier se fait instantanément adopter par Keren, fille du meunier de Marburg, fan de furries et forme non évoluée de Karen, qui convainc tout aussi rapidement ses camarades (Paul, Therese et Kurt) de cacher celui qu’elle considère comme un prince victime d’une malédiction dans le moulin abandonné du rival de son père (auquel il arriva un regrettable accident, bis). C’est le jackpot pour Thyssen, qui peut se rétablir tranquillement et confortablement grâce aux victuailles que les enfants de Marburg prélèvent dans le garde-manger familial pour son bénéfice, tout en commençant à corrompre son jeune public grâce aux contes séditieux sur Sigmar et les Quatre Princes dont il les abreuve. Après tout, c’est vrai qu’il ressemble beaucoup à Père Castor.

La situation de Thyssen est toutefois précaire, les Marburgeois ne restant pas les bras croisés devant la disparition d’un nombre croissant de leurs rejetons, qui préfèrent squatter dans le moulin de leur copain porcin plutôt que de trimer sang et eau pour leurs vieux (on les comprend). Ils commencent par engager un pisteur pour remonter la trace des disparus… auquel il arrive un regrettable accident, ter. Un peu plus tard, Thyssen mène une vendetta contre le vieux prêtre de Sigmar Hackl, proche de convaincre le conseil municipal de mettre des Répurgateurs sur le coup. Bien que le combat reste longtemps indécis entre le vieillard chétif et l’avorton boiteux (un match d’une violence insoutenable, retransmis à travers les Royaumes du Chaos), Thyssen finit par avoir raison du sigmarite, et met en scène son cadavre pour que, vous l’avez deviné, cela ait l’air d’un regrettable accident. Je ne sais pas si le concept de l’assurance-vie existait dans l’Empire avant la Fin des Temps, mais si c’est le cas, l’activité devait être implantée dans le Stirland.

C’est le moment que choisissent Ditmarr et sa gueule de porte-bonheur pour arriver à Marburg. Toujours sur la piste de sa Némésis poilue, le Garde de Morr disgracié (il s’est fait virer par l’ordre pour abandon de poste) n’est pas contre donner un coup de la seule main qu’il lui reste aux bouseux du coin dans leur problème de fugues infantiles. De son côté, Thyssen considère la venue fortuite de son persécuteur comme un nouveau cadeau des Dieux Noirs, et envoie donc l’un de ses enfants perdus attirer le Templier jusqu’à son QG, pendant qu’il réfléchit à la mise en scène d’un nouvel accident regrettable. Cependant, le messager en culottes courtes sous-estime la méfiance du Garde Noir, qui comprend rapidement que quelque chose ne tourne pas rond dans l’histoire qu’on lui sert, et ne se rend pas seul sur les lieux, comme il aurait dû le faire. En effet, il ordonne aux placides Marburgeois de mettre le feu au moulin au moindre bruit suspect, et, bien qu’ils aient conscience que la plupart de leurs rejetons soient présents dans l’édifice, ils suivent à la lettre les consignes de Ditmarr après que ce dernier se soit fait submerger par ses petits adversaires. Encore une arnaque à l’assurance, ça.

Dans le chaos qui s’ensuit, le Templier ne parvient qu’à crever un œil à Thyssen avant que ce dernier ne prenne à nouveau la poudre d’escampette, laissant ses cultistes puérils faire le coup de feu. L’un d’eux se fait d’ailleurs brièvement posséder par un Buveur de Sang (c’est les hormones) alors qu’il était sur le point de sacrifier Ditmarr pour la plus grande gloire de Khorne, et bastonne le Garde Noir comme plâtre pendant les trente secondes que durent son feat. Bien que le coriace chevalier parvienne à se sortir du brasier après cette tannée surprise, il décède de ses blessures le lendemain, après que les villageois lui aient fait croire que le corps de Thyssen avait été retrouvé dans les décombres du moulin…

Début spoiler…Alors qu’en fait, le Sorcier de poche était déjà loin de Marburg, mais pas dans une situation idéale. La nouvelle se termine en effet sur sa rencontre avec une bande de Gors qui semblent plus emballés par une dégustation de saucisson que par l’accueil d’un nouveau mutant. On ne peut pas leur en vouloir cela dit : le Pumbagor ne faisait pas encore partie du bestiaire des Bêtes du Chaos au moment où cette nouvelle a été écrite…Fin spoiler

AVIS :

Si on ne compte plus les nouvelles de GW-Fiction où des guerriers surhumains s’affrontent pour faire triompher leurs idéaux, celles mettant en scène leurs exacts opposés sont en revanche beaucoup plus rares. On peut donc remercier C. L. Werner d’avoir livré sa version de ‘Sa Majesté des Mouches1 pour Warhammer Fantasy Battle avec ce ‘The Little Ones’, sorte de huis-clos psychologique où le potentiel malaisant d’une bande d’enfants manipulés par un être maléfique est exploité de bien belle façon. Je mets aussi au crédit de l’auteur un séquençage impeccable du récit, qui alterne entre Thyssen, ses petits protégés, et Ditmarr, ainsi que les contes de Sigmar et des Quatre Princes, sorte d’histoire dans l’histoire qui aurait mérité d’être racontée dans une nouvelle séparée. Seul petit bémol : une conclusion un peu bâclée, qui ne donne pas d’indication sur le sort des enfants de Marburg (si Ditmarr a réussi à s’échapper du moulin après avoir boxé deux rounds contre un Sanguinaire, la marmaille chaotique a de bonnes chances de s’en être tirée) et laisse le destin de Thyssen en suspens. On reste cependant en présence d’une très bonne soumission de la part de Werner, dont l’originalité se doit d’être reconnue.

1 : Une comparaison d’autant plus apte que le grand méchant de l’histoire a/est dans les deux cas une tête de cochon.

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Chains of Command – G. McNeill [40K] – #26 :

INTRIGUE :

Chains of CommandEngagé dans la campagne de pacification de Thracia avec un contingent d’Ultramarines placé sous le commandement du Capitaine Idaeus, le Sergent Uriel Ventris a été chargé de mener l’assaut sur le pont 2-4, tenu par les rebelles ayant eu l’audace de se soulever contre le bienveillant Empereur, et qu’il convient de faire sauter pour éviter que la contre-attaque de la Garde Impériale en direction de la capitale planétaire ne soit prise de flanc. Après quelques paragraphes de « mes sens sont vraiment trop développés lolilol » #ImTheBest #YouCantWriteAstartesWithoutStar, qui expliquent en grande partie pourquoi personne n’aime les Ultramarines, Ventris accomplit sa mission, déclenchant un assaut en règle de ses petits copains bleu pervenche et vert sapin sur la position adverse. Désespérément surclassés, les défenseurs se font hacher menu, et les meilleurs de l’Empereur s’organisent pour tenir le pont assez longtemps pour permettre au vénérable Techmarine Tomasin de placer les explosifs qui permettront de faire écrouler l’ouvrage d’art dans la gorge en contrebas.

Nous faisons la connaissance du Capitaine Idaeus, un officier vétéran et proche de ses hommes, connu pour son approche distanciée du saint Codex Astartes, ce qui n’en finit pas de sidérer le rigoriste Ventris. Ce même Idaeus a d’ailleurs fait montre de ses tendances libertaires en menant la charge contre un nid de bolters lourds, au lieu d’attendre le soutien du reste de ses hommes, comme ce planqué de Guilliman l’avait pourtant préconisé dans ses écrits. Depuis cinquante ans qu’ils combattent ensemble, Idaeus n’a pas réussi à convaincre son bras droit de l’avantage de s’écarter de temps en temps du manuel d’utilisation de la guerre écrit par le Primarque, et ce n’est pas aujourd’hui que ça va ch… Ah, on me dit dans l’oreillette que c’est précisément l’objet de cette nouvelle. Bigre.

Comme tous les vétérans dignes de leurs médailles, Idaeus fait confiance à son instinct, et ce dernier lui hurle (il est un peu sourd) que quelque chose en tourne pas rond, malgré le fait que la mission se déroule jusqu’ici parfaitement comme prévu. Ce malaise le conduit à mener une mission d’inspection de l’autre côté du pont, Ventris à ses côtés, pour juger du boulot effectué par les Scouts déployés par les Ultramarines en territoire ennemi. Et, évidemment, il s’avère qu’une importante colonne blindée progressait discrètement (c’est possible si on met des patins sur les chenilles) en direction du pont, ce qui va devoir forcer le vénérable Tomasin à se bouger les vénérables miches, ce qui n’est pas facile quand on est plus refait qu’un Iron Hands en fin de carrière (souvenir d’une rencontre torride avec un Carnifex entreprenant sur Ichar IV). Tout aussi évidemment, rien ne se passe comme prévu à partir de ce moment, les Scouts, le Thunderhawk qui devait évacuer les Ultramarines, et le vénérable Tomasin tombant tous sous le feu de l’ennemi, ce qui force Idaeus et ses compagnons à monter une défense désespérée du pont, le temps que 1) un autre transport arrive, et 2) quelqu’un trouve une idée brillante pour faire péter la passerelle, ce qui reste tout de même l’objet principal de la mission de nos marsouins énergétiques.

Je vous passe les longues scènes de baston dont nous gratifie McNeill, et qui permettent à Ventris de montrer qu’il en a dans le slibard, pour aller directement au moment où notre futur héros réalise qu’il suffit de déclencher une charge de démolition à proximité des explosifs posés par l’irrécupérable Tomasin pour déclencher une réaction en chaîne qui devrait provoquer les résultats escomptés. Petit problème, l’escouade de Space Marines d’Assaut envoyés réaliser cette mission se fait pincer en chemin par les Night Lords qui coordonnent la rébellion chaotique, et les incapables finissent crucifiés sur le pare chocs des Rhinos des fils de Curze pour leur apprendre la vie. Devant ce spectacle insoutenable, Idaeus et Ventris sont très colère, et cette rage leur permet de repousser l’assaut des renégats au prix de lourdes pertes. Alors que le deuxième Thunderhawk approche de la position intenable des Ultramarines, l’heure des choix arrive pour la bleusaille…

Début spoiler…Le noble Idaeus décide de partir faire exploser le pont à la mano, malgré ses chances de réussite quasi nulles, et ordonne à Ventris de mener les quatre rescapés de cette folle nuit, ainsi que son épée énergétique de maître, jusqu’au point d’extraction. Les cœurs gros, le Sergent s’exécute, et est témoin de l’héroïque sacrifice de son mentor dans les poutrelles et les travées du pont 2-4, la bande de Raptors laissée en garnison par les Night Lords ne parvenant pas à lui régler son compte avant que le Capitaine fasse feu avec un pistolet plasma dérobé à l’ennemi sur une charge de démolition laissée négligemment sur place1. C’est donc une victoire indéniable pour l’Imperium, et le début de la saga d’Uriel Ventris, qui héritera du commandement de la 4ème Compagnie à la suite de la campagne de Thracia.Fin spoiler

1 : On pourrait aussi se demander pourquoi les Night Lords n’ont pas détaché les explosifs laissés par le vénérable Tomasin sur les piliers du pont quand ils en avaient l’occasion. Encore une preuve que l’abus de Chaos est mauvais pour le cerveau.

AVIS :

Si l’idée de lire une nouvelle d’action dont le héros est un Ultramarines peut sembler intrinsèquement barbante à un lecteur de 2020, qui a sans doute pu pratiquer l’exercice à de nombreuses reprises grâce/à cause de l’obsession de la Black Library pour ce genre de productions, il faut être juste avec Graham McNeill et Uriel Ventris, et rappeler que ‘Chains of Command’ a été à sa sortie (2001) une des premières et plus abouties Space Marinades (saveur vanille) qui soient. Les innombrables ersatz et proxys publiés depuis ne l’ont pas aidé à bien vieillir, ni le style de l’auteur, ni les personnages mis en scènes, ni l’intrigue exposée n’étant particulièrement dignes d’éloges, mais le résultat n’est pas indigne pour autant. À l’époque où il est attendu d’un héros Space Marines un peu plus qu’un grade de Capitaine et une vague tendance à se poser des questions existentielles (ce qui était suffisant il y a 15-20 ans), je laisse le soin au lecteur de décider si une figure comme Uriel Ventris est toujours pertinente, ou bien s’il est temps d’accorder une retraite bien méritée à l’aïeul de tous les héros d’action énergétique de la Black Library.

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Missing in Action – D. Abnett [40K] – #27 :

INTRIGUE :

40K_Missing in ActionÀ peu près remis de son aventureuse traque du Necroteuch (‘Xenos’), au cours de laquelle il a débloqué le skin exclusif Buster Keaton, Gregor Eisenhorn a été remis en service actif par les Saints Ordos, qui lui ont donné une mission bidon sur Sameter pour lui remettre le pied à l’étrier en douceur. Comme quoi, on peut ordonner des Exterminatus sans sourciller et gérer ses subalternes avec une profonde humanité. L’affaire n’ayant rien donné, les enquêteurs s’apprêtent à plier bagage lorsqu’un ministre du gouverneur sollicite une audience pour avoir l’avis d’un expert reconnu sur une série de meurtres qui ont tout l’air d’être l’œuvre d’un culte chaotique. Les quatre victimes identifiées à ce jour ont en effet toutes eu les mains, les yeux et la langue enlevés (voire plus si affinités). Flairant un défi digne de ses talents, Greg’ accepte de reprendre le dossier, et commence sa petite enquête de voisinage en compagnie de ses associés (la Paria fashion victim Bequin, l’ex-Arbites Fischig, le pilote Betancore et le Savant Aemos).

Les interrogatoires des voisins, l’examen des cadavres des victimes et d’un suspect trop lent, les informations déterrées par Aemos et le flair éprouvé d’Eisenhorn ne mettent que quelques heures/pages à identifier une piste prometteuse, qui mène nos héros sur les traces d’un régiment de Sameter ayant combattu sur Surealis il y a une vingtaine d’années. Marqués autant par les horreurs du Chaos que par les rayons UV des soleils de ce système, les vétérans qui ont regagné leurs pénates lorsque le régiment a été débandé auraient basculé dans la psychose et se seraient mis à fliquer en douce leurs compatriotes, en faisant disparaître les individus suspectés d’hérésie. C’est l’hypothèse qui reçoit les faveurs grimaçantes d’Eisenhorn en tout cas, et qui le mène jusqu’au lieu de conscription du régiment en question, laissé depuis longtemps à l’abandon…

Début spoiler…Et où une trentaine de vétérans, se sachant traqués à titre préventif par les Arbites locaux après que l’Inquisiteur se soit ouvert de ses soupçons, se sont regroupés pour se rappeler le bon vieux temps. Le petit cœur sensible de Greg saigne devant le spectacle des délaissés de Sameter, abandonnés comme des vieilles chaussettes par l’Imperium à la fin de leur service, sans même une réserve de biaffine suffisante pour traiter leur peau carbonisée. Beau joueur, notre héros décide donc de raisonner ces brebis égarées et trop bronzées, mais fait un jet critique sur son jet de persuasion et l’affaire tourne rapidement au méchoui. Trop coriace pour être mis en difficulté par une bande de mobs de bas étage, Eisenhorn perd tout de même sa main gauche dans la bagarre, victime d’un tir de sniper à gros doigts malhabiles. L’affaire est toutefois résolue, et l’Inquisiteur peut retourner sur Gudrun avec la satisfaction du devoir accompli, et un sale goût de grimdark au fond du gosier.Fin spoiler

AVIS :

Petit interlude inquisitorial comme Abnett en a signé quelques uns au cours de l’écriture des trilogies ‘Eisenhorn’ et ‘Ravenor’, ‘Missing In Action’ voit Greg le missionnaire mener une enquête en deux temps trois mouvements en compagnie d’une bonne partie de sa clique (il manque Harlon Nayl et Kara Swolle, sans compter la barquette Ravenor), dans une ambiance empruntant plus au film noir qu’à la SF « spectaculaire » (pouvoirs psychiques et Xenos en folie). C’est simple, on pourrait assez facilement adapter cette histoire à notre époque, pour en faire un récit policier tel que Grange, Vargas ou Cohen pourraient en écrire. Tout cela est plus sympathique qu’essentiel, et permet de constater, si besoin était, que Dan Abnett est un auteur plus accompli que la plupart des auteurs de la BL, et est tout à fait capable de signer une nouvelle à la fois sans prétention et de très bon standing. À savourer sans modération pour les lecteurs familiers de la série, et à découvrir sans réserve par ceux qui ne le sont pas (encore).

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The Nagenhof Bell – J. Green [WFB] – #27 :

INTRIGUE :

WFB_The Nagenhof BellNotre histoire commence avec un paragraphe descriptif expliquant en quelques lignes aussi imagées qu’un mur de classe maternelle1 que, par une nuit sombre et sinistre, frappée par un temps sombre sinistre, et digne du sombre et sinistre dieu de la mort (qui est sombre et sinistre) Morr, un bâtiment sombre et sinistre – le temple de Morr de Nagenhof – est sur le point d’être témoins d’évènements… sinistres et sombres. Ha ! Vous ne l’avez pas vu venir, celui là ! Et, de fait, un trio de ruffians est surpris par le lecteur déjà un petit peu blasé par les effets stylistiques sombres et sinistres de Jonathan Green, très à l’aise dans son rôle de MJ pour CE2, en train de hisser une cloche en haut du beffroi du temple. Le groupe est mené par la figure contrefaite mais très musclée du bossu Otto, recueilli à sa naissance par le prêtre local, Ludwik, après que sa bohémienne de mère soit venue mourir en couches dans son presbytère. En même temps, what did you expect d’un temple de Morr ? Moi je dis que ce n’est pas du tout un fail, à l’inverse de la tentative de Green de pomper discrètement des idées dans des classiques de la littérature. Mais revenons-en à nos bourdons. Otto et ses comparses sont parvenus à installer la nouvelle cloche, qui luit d’un éclat verdâtre peu engageant, à la place de l’ancienne, et le bossu a tôt fait de se débarrasser de ses complices désormais inutiles, dont il empile les cadavres dans la crypte de son lieu de travail. Voilà qui termine le prélude de notre histoire, qui sera, comme vous l’avez compris, sombre et sinistre.

Trois jours plus tard, la bande de mercenaires du charismatique (c’est lui qui le pense en tout cas) Torben Badenov est à pied d’œuvre dans la taverne de la Main de Gloire de Nagenhof, tenue par un de leurs anciens frères d’armes, le manchot Dietrich Hassner. Rangé des voitures depuis dix ans, date à laquelle il a perdu la main, Dietrich se voit malgré tout proposer par Badenov de reprendre du service pour aller faire les quatre cents coups dans le Vieux Monde, comme à la bonne époque. Autour de lui, ses compagnons se pintent généreusement à la bière, et il me faut vous les présenter sans plus attendre, par ordre de participation active à la suite de la nouvelle. Commençons par le nobliau maussade mais futé Pieter Valburg, recruté dans la bande à la suite des événements relatés dans Heart of Darkness, qui l’ont vu venger la perte de sa fiancée. Nous avons ensuite le Kislévite à tête de fouine Oran Scarfen, le jeune et incertain Stanislav Hagar, et le colossal trappeur Yuri Gorsk (qui ne servira à rien, vous pouvez donc l’oublier). Ces plaisantes retrouvailles sont toutefois interrompues par un angélus d’un genre un peu particulier, à la fois lancé à l’heure indue de 9h53, et sonné par une cloche à la sonorité…euh…clivante. Sortis hors de la taverne pour s’enquérir de la source de ce raffut, les ivrognes décident, l’alcool aidant, d’aller jeter un œil dans le temple de Morr d’où provient ce vacarme.

Dans le temple en question, Otto vient d’avoir une petite discussion avec son père et Père, Ludwik, tout juste rentré d’une veille mortuaire dans l’arrière-pays. Le vieil homme était sur le point de filer une trempe de tous les diables à son fils adoptif pour avoir oublié ses corvées de taillage des cierges, balayage des feuilles et exterminage des rats, qui semblent avoir pullulé en son absence, lorsque le lancement du carillon funeste l’a averti d’un problème bien plus pressant. Un rapide coup d’œil à la crypte, grouillante de vermine et contenant deux cadavres bien mâchonnés par cette dernière, lui a en effet permis de constater que la cloche que les habitants de la ville avaient conservé comme souvenir de leur victoire contre les Skavens il y a dix ans, avait disparu. Pas plus bête que le lecteur de la BL moyen, Ludwik a compris que c’est elle qui sonne désormais, et que c’est son infernal bedeau qui tire sur la corde, dans tous les sens du terme. L’explication de texte entre les deux hommes ne s’est toutefois pas passée aussi bien que le prêtre l’avait espéré, le bossu ayant finalement compris que l’ecclésiastique était son vrai père (qui avait abusé de sa mère), et réglé son complexe d’Œdipe de façon littérale en balançant Ludwik du haut du beffroi, dans un remake essoufflé (le contraire d’inspiré) de Notre Dame de Paris. Car Otto a décidé qu’il était un furry, et compte bien se faire adopter par une nouvelle famille aimante de Skavens, qu’il convoque en faisant sonner la cloche hurlante municipale. Question : pourquoi ? Réponse : La Mer Noire. En tous cas, les ratons ont l’ouïe fine, et la marée murine qui a empli les rues de Nagenhof fait présager du pire pour les braves péquenauds.

Nous faisons alors un crochet dans les égouts de la ville, où une cohorte de Skavens menée par le chef de meute Nikkit Skar se dirige vers la crypte du temple, emportant avec elle le Rat Ogre Mâchecrâne. Vous pouvez oublier ces noms dès à présent, car ils ne reviendront plus de la nouvelle, Skar ayant bouclé son cameo et Mâchecrâne redevenant un Rat Ogre anonyme après cela. Contentons nous de nous préparer à un peu de baston sombre et sinistre.

Du côté des gentils, la bande de Badenov, suivie par Dietrich, est arrivée devant le temple, a constaté l’heure du décès de Ludwik, écrasé sur le pavé, ainsi que l’infestation ratière dont semble souffrir le lieu de culte. Prouvant à nouveau que son supérieur est une andouille, Pieter a la bonne réaction de monter dans le beffroi pour faire cesser le carillon, alors que Badenov souhaitait simplement poursuivre l’état des lieux. Toutefois, l’arrivée de l’avant-garde Skavens met un terme définitif à son projet, et il résout à la place de retenir les hommes rats à l’intérieur du temple en compagnie de Dietrich, pendant qu’Oran, Stanislas et Yuri y mettront le feu pour empêcher les mutants d’envahir la cité. Aussitôt dit… pas tout de suite fait. D’une part car les Nagenhofer ne se laissent pas immédiatement convaincre de la nécessité d’incendier leur patrimoine culturel, et qu’il faut un beau discours inspirant de la part de Stanislas pour les y pousser (l’approche injurieuse d’Oran ayant bizarrement donné des résultats contrastés). D’autre part car, après avoir contenu à grand-peine les premières vagues Skavens, Badenov et Dietrich se retrouvent confrontés à un Rat-Ogre très en colère, ce qui les pousse à une prudente retraite dans le beffroi. Heureusement pour eux, les assaillants sont aussi abrutis que notre héros, et ne profitent pas de l’occasion pour s’échapper du bâtiment en flammes, et préfèrent lancer leur monstre sur les talons des mercenaires. Un escalier qui s’effondre plus tard, Badenov est contraint de laisser Dietrich s’expliquer en tête à tête avec Mâchecrâne pendant que lui essaie de se rendre utile en s’enquérant du silence radio de Pieter. Ce dernier, d’abord surpris et presque garrotté à mort par Otto, a toutefois fini par prendre le dessus sur son assaillant, et l’a pendu par le cou jusqu’à ce que mort s’en suive, mettant fin à ses projets d’adoption. Aidé par son incapable de boss, il parvient à décrocher la cloche infernale de sa poutre porteuse, l’envoyant écraser le Rat Ogre en contrebas juste avant qu’il ne puisse donner le coup de grâce à Dietrich, qui mourra avec la satisfaction du devoir accompli. Ceci fait, il ne reste plus à nos deux loustics qu’à effectuer un petit saut de la foi dans une charrette de foin astucieusement positionnée par leurs comparses pour compléter leur mission, et la ruine totale du temple. Il serait cependant litigieux de revendiquer une victoire totale pour l’Empire, la cloche hurlante ayant cassé les oreilles (et pas que) de Nagenhof n’étant pas retrouvée dans les décombres fumantes le lendemain…

1 : Comprendre qu’il y a beaucoup d’images mais qu’elles sont vraiment pas terribles.

AVIS :

Tristement égal à lui-même, Jonathan Green livre avec La Cloche de Nagenhof une nouvelle aventure des plus insipides de sa bande de mercenaires fétiche. Pénalisée par le manque d’inspiration de l’auteur, qui recycle péniblement un classique de la littérature pour meubler son intrigue, ainsi que par le style lourd de Green (champion du monde des « comme (si) » et « eh bien »), l’histoire ne brille ni par le fond (mais pourquoi est-ce qu’Otto pensait qu’il serait accueilli à pattes ouvertes par les Skavens ?) ni par la forme (mais pourquoi est-ce que Green informe le lecteur que Dieter a perdu sa main en combattant Mâchecrâne dix ans plus tôt seulement deux lignes avant que les deux personnages ne se rencontrent à nouveau1 ?). Comme à son habitude, Badenov se révèle être un abruti fini, guidé par la sagacité de l’indispensable Pieter Valburg plutôt que par ses propres réflexions brumeuses, et quant au reste de sa bande, elle sert essentiellement de décor humain au drame qui se noue à Nagenhof, démontrant les lacunes qu’a l’auteur à faire évoluer un groupe de personnages de façon crédible et intéressante. Tout le monde n’est pas Dan Abnett ou C. L. Werner. En définitive, on retiendra simplement que Jonathan Green pourrait poursuivre Assassin’s Creed en justice pour plagiat du saut de la foi2, et que le titre de l’omnibus collectant les nouvelles de la bande de Badenov, « les damnés et les morts » tire son origine de la remarque que se fait son leader minimo à la fin de La Cloche de Nagenhof. Ce qui n’est pas lourd, certes.

1 : C’était pourtant un moyen facile et efficace de faire monter un peu la tension avant l’affrontement. Si Green avait écrit l’Hérésie d’Horus, on aurait appris que l’Empereur était le père de ce dernier au livre 59, pendant une discussion anodine entre Pépé et ses Primarques dans l’ascenseur les menant au téléporteur du Palais Impérial.
2 : La nouvelle ayant été publiée en 2001, 6 ans avant la première édition du jeu.

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Liberty – G. Thorpe [40K] – #27 :

INTRIGUE :

40K_LibertyÀ la suite des événements couverts dans le premier tome de la saga des Last Chancers (‘13th Legion’), le Colonel Schaeffer passe en coup de vent sur la planète prison de Ghovul pour y mettre au frais le seul survivant du concours de survie organisé par l’intraitable et intuable officier ces trois dernières années : Kage. Ce dernier, officiellement pardonné à la fin du roman mais ayant raté sa réinsertion en trucidant quelques officiers un soir de beuverie, s’est vu accordé une Lastest Chance par Schaeffer, bien conscient du potentiel de cette machine à tuer. Comme on peut s’en douter, cet épisode carcéral ne va pas se dérouler sans anicroche.

Outre le fait que la tour que partage Kage avec 200 autres gibiers de potence n’a rien à envier à la Talaudière, et que son compagnon de cellule, le velu et vorace Marn1, ronfle comme un Squig enrhumé, c’est surtout le manque d’activité physique et le sentiment d’abandon qu’il ressent au bout de quelques semaines qui fait péter les plombs à notre héros. Quand un de ses codétenus insiste lourdement pour avoir son tour avec le sac de frappe que l’ex-Légionnaire Pénal martyrise depuis trente minutes à grands coups de latte, Kage saute à la gorge du faquin et lui administre une correction terminale, fracassant quelques os chez les matons qui essaient de s’interposer au passage. L’administration pénitentiaire tenant à conserver le monopole de la violence (pas forcément légitime) dans son établissement, ce déchainement de violence vaut à Kage seulement quelques coups de knout, Schaeffer ayant explicitement ordonné au gouverneur Skandlegrist de trop endommager cet élément prometteur pendant son absence.

Cela ne décourage pourtant pas le K. de persévérer dans ses comportements séditieux. Dès que son dos en lambeaux a suffisamment cicatrisé pour lui permettre de regagner sa cellule, il commence à organiser une tentative d’évasion. Ayant récupéré une cuillère laissée sans surveillance à la cantine, il passe quelques nuits à l’aiguiser en secret sur les murs de sa cellule, avant de passer à l’action d’une façon aussi brutale que court-termiste (sa signature). Après avoir à moitié étouffé Marn avec son oreiller (bien fait) et perforé le poumon avec son scalpel de fortune pour faire croire aux matons que son compagnon de cellule faisait un œdème pulmonaire, Kage se fraie un chemin sanglant à travers les malheureux gardiens dépêchés dans sa cellule, puis grimpe jusqu’en haut de la tour en faisant monter son body count à un niveau stratosphérique. Seul point d’échappatoire du vincularum, le sommet est l’endroit idéal pour passer à l’étape suivant de cette grande évasion un peu improvisée, et fausser compagnie aux sbires de Schaeffer…

Début spoiler…Sauf que dans un Impérium d’un million de mondes, il est tout à fait possible de construire des prisons sur des planètes absolument vides. C’est ce dont Kage se rend compte lorsqu’il contemple le paysage lunaire et désolé de Ghovul qui s’étend jusqu’à l’horizon. N’ayant littéralement nulle part où aller, il se rend sans faire d’histoires lorsque la huitième vague de gardes chiourmes le met en joue, et se met à espérer du fond du cœur que Schaeffer vienne lui rendre visite sans tarder. Putain qu’il est blême, le HLM…Fin spoiler

1 : Qui s’appelle comme ça car il engloutit ses repas en trente secondes montre en main. D’où l’expression « Marn l’a avalé ».

AVIS :

Petite nouvelle de transition entre ‘13th Legion’ et ‘Annihilation Squad’, ‘Liberty’ nous offre une sorte de seul en scène de Kage, qui démontre de manière probante qu’il est vraiment un très sale type. La narration à la première personne et le ton décalé utilisés par Thorpe rendent toutefois son anti-héros assez sympathique, et le récit de ses mésaventures carcérales se lit sans problème. La conclusion de l’histoire ne surprendra pas les lecteurs familiers de la série, mais Thorpe garde son propos suffisamment court et rythmé pour que cette absence de suspens ne soit pas rédhibitoire. Ça passe.

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Totentanz – B. Craig [WFB] – #27 :

INTRIGUE :

WFB_TotentanzCapturé par le despote osseux mais éclairé Cimejez à l’issue d’une campagne en Arabie, l’émir Amaimon se retrouve entraîné dans un débat des plus étranges alors que son vainqueur lui fait l’honneur de sa collection personnelle d’antiquités (car Cimejez aime bien parler philosophie avec les vivants éduqués sur lesquels il peut poser la main) : qui des vivants ou des morts sont les meilleurs danseurs ? Chaque camp étant convaincu de la supériorité de sa race faction situation, un concours est organisé pour tirer les choses au clair une bonne fois pour toutes. Côté chair, Amaimon, qui s’y connaît un peu en magie, réanime la statue de la danseuse (Celome) dont la contemplation a mené à la dispute entre son hôte et lui. Côté os, Cimejez se fait représenter par un danseur macabre confirmé (mais anonyme).

Celome a l’honneur de commencer, et livre une interprétation flamboyante de la danse des sept voiles, représentation stylisée et burlesque de la lutte incessante de l’humanité contre les sept fléaux qui sont la faim, le froid, la maladie, la solitude, le deuil, la stérilité et Juul la mort. Bien que le public de Squelettes et de Zombies qui assiste à la représentation ne montre pas le moindre intérêt devant les contorsions dénudées de Celome, Amaimon reste confiant dans l’issue du duel. Après tout, c’est la danseuse elle-même qui fera office de jury, Cimejez lui ayant promis de prolonger sa vie (car le sort d’Amaimon ne marche qu’une seule heure) ou de la transformer en morte-vivante en fonction de son jugement final. Devant une telle alternative, il est évident que le choix est tout tracé, pas vrai ?

Début spoiler…Cependant, lorsque le champion du Roi des Tombes pénètre à son tour sur le dance floor, et malgré le caractère minimaliste de sa prestation (il fait le tour de la piste à tout petits pas pendant qu’un de ses potes joue une chamade au djembé), Amaimon réalise avec effroi que personne ne peut résister à ce tempo chaloupé. Tous les vivants assistant au concours, y compris Celome, se retrouvent bientôt engagés dans cette macarena macabre, et écopent d’un coup de faux fatal pour leur peine. Seul Amaimon, que Cimejez a maintenu de force sur son siège, survit à cette démonstration implacable de la supériorité chorégraphique des légions de Nagash, et sera donc condamné à servir ce nouveau maître dans cette vie et dans la suivante. Un pari est un pari.Fin spoiler

AVIS :

Pour son avant-dernière soumission à la GW-Fiction (à ce jour), Brian Craig marque définitivement sa sigularité par rapport au reste de ses co-auteurs en signant une courte nouvelle/fable/essai philosophique à la sauce med-fan, d’une violence stylistique absolue pour qui est habitué aux canons de la Black Library. Les premières pages en particulier, qui pourraient être tirées d’une dissertation dont le sujet serait « Existe-t-il une éthique de la mort ? », sont tellement différentes de ce à quoi on s’attend en lisant ce genre de prose qu’il est étonnant que les pontes de Nottingham n’aient pas tout bonnement refusé de publier cette nouvelle. Même si j’ai abordé ‘Totentanz’ en connaissance de cause, ce début sans concession m’a fait forte (si ce n’est bonne, car Craig a été plus « pédagogue » dans son approche par le passé, et je pense qu’il aurait pu faire plus d’efforts ici) impression.

La suite, si elle se révèle plus classique – encore que les concours de danse entre vivants et morts ne sont pas le sujet le plus fréquent de la GW-Fiction –, reste très marquée de la patte Craigesque, et permet à l’auteur d’illustrer avec son style si particulier l’opposition entre vivants ignorants et morts impassibles. Je ne suis pas sûr d’avoir compris la morale profonde de cette histoire (à part de ne jamais défier les Rois des Tombes à une battle), mais le déroulé du duel chorégraphique entre la pauvre Celome, qui aurait peut-être préférée rester statue, et Benjamin Milletarse est décrit avec suffisamment de détails par Craig pour que l’on sache de quoi il en retourne. À réserver aux fans les plus insatiables du vieux maître, et à (sans doute) laisser de côté pour les autres.

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Defixio – B. Counter [40K] – #28 :

INTRIGUE :

40K_DefixioNous embarquons à bord du Leman Russ Exterminator Defixio, rattaché à un contingent de Chem-Dogs de Savlar, au cours de la campagne menée par la Garde Impériale contre une Waaagh ! Ork sur le monde de Jaegersweld. Parmi les membres d’équipage, le jeune Samiel peine à se faire une place pour une raison aussi simple que stupide : ayant survécu par miracle à la destruction de son précédent véhicule de fonction, ses nouveaux camarades (Karra-Vrass, Graek, Damrid, Dniep et Kallin) considèrent qu’il a « consommé » toutes ses réserves de chance, et que cela va porter la poisse au Defixio. Un accrochage rugueux avec une bande de Bikers Orks, pendant lequel le tank hérite d’une belle balafre de coque et l’horrible Graek d’une balle perdue fatale, ne fait pas grand-chose pour les convaincre de réviser leur jugement.

Isolé en territoire ennemi, le Leman Russ déglingué doit maintenant se frayer un chemin jusqu’au camp impérial le plus proche, tenu par le 24ème régiment de Cadia. Cela représente près de trois jours de route dans un environnement hostile, mais, sans autre perspective, les Chem-Dogs se lancent à corps perdu et à tombeau ouvert dans ce raid de tous les dangers. Alors qu’ils avançaient à bon rythme, un champ de mines posées par des Orks farceurs les force à faire une halte dans la pampa, le temps que Samiel leur ouvre un passage en identifiant les explosifs, permettant au bricoleur Dniep de les désamorcer plus rapidement dans un second temps. Cet arrêt au stand prend une tournure funeste lorsqu’un autre Kult’ de la Vitess’ tombe sans crier gare sur le Defixio alors qu’il patientait en double file que Samiel ait fini sa petite affaire. Assistant de loin à l’attaque, ce dernier décide d’aider ses camarades par une action aussi brave que suicidaire : utiliser le pistolet lance-fusée qu’on lui avait remis pour attirer l’attention des peaux vertes. Et ça marche. Intrigué par la belle rouge tirée par notre héros, les Orks se ruent sur sa position, ne réalisant que trop tard qu’ils s’engagent littéralement en terrain miné. Le bouquet final qui s’en suit permet à la fois de se débarrasser des motards indésirables, et d’accélérer le processus de déminage débuté par Samiel (qui survit encore une fois miraculeusement à une situation improbable). C’est ce qu’on appelle un win-win.

Sans d’autres difficultés techniques ou autochtones grognons pour les empêcher de reprendre leur route, les hardis tankistes filent à toute berzingue vers la terre promise, et finissent par arriver à proximité du camp de leurs camarades de lutte. Encore une colline à passer, et ce sera la quille…

Début spoiler…Qui se transforme toutefois en tuile lorsque nos héros découvrent que le QG Cadien a été attaqué et squatté par une tribu d’Orks. Pour une culture qui s’enorgueillit tellement de tenir la ligne, c’est une faute professionnelle autant qu’éthique, si vous voulez mon avis. C’est surtout une cruelle désillusion pour les Chem-Dogs, qui se voyaient déjà engloutir leur pâtée bien méritée et se lover dans leur coucouche panier. Il faut toute la fortitude du chef de char Karra-Vrass pour remobiliser ses hommes et leur rappeler que leur devoir en tant que soldats impériaux est de mourir au combat en emportant le plus possible de Xenos avec eux dans la tombe. N’ayant c’est vrai rien de mieux à faire, les servants du Defixio reprennent du poil de la bête et livrent un combat homérique contre la patrouille d’Orks qui finit par les localiser. Submergé par les vagues vertes, le brave petit châssis finit par rompre sous les coups de boutoirs des Boyz, mais pas avant d’avoir clairsemé leurs rangs de manière drastique. Une fin honorable pour de telles crapules (et je ne parle pas des Orks)…

Début spoiler 2…Enfin, presque pour tout le monde. Fidèle à sa réputation de catalyseur de chatte, Samiel se débrouille une fois encore pour survivre à la baston, alors que tout le monde meurt autour de lui. Récupéré quelques heures plus tard sous l’épave carbonisée du Defixio par un bataillon de Cadiens qui passait dans le coin, le chien chimique le plus chanceux de l’univers en est quitte pour quelques semaines chez le véto, le temps que ses pattes brûlées cicatrisent. Il se fait la réflexion qu’il aura encore plus de mal à trouver une nouvelle unité de rattachement avec un casier aussi chargé que le sien, mais ce sera une préoccupation pour plus tard…Fin spoiler

AVIS :

Sans doute une des premières nouvelles « embarquées » (c’est-à-dire prenant place dans un char ou un aéronef) de la GW-Fiction, mais loin d’être la plus marquante ou intéressante de ce sous-genre, ‘Defixio’ permet au moins d’en apprendre un peu plus sur les Chem-Dogs de Savlar, l’un des régiments de Gardes Impériaux à l’histoire la plus particulière qui soit. Pour le reste, c’est de l’action très classique, avec un peu de camaraderie virile et quelques gros coups de chance pour napper le tout. Counter a fait mieux.

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Meat & Bone – R. D. Laws [WFB] – #28 :

INTRIGUE :

WFB_Meat &amp; BoneQuelles que soient les latitudes sous lesquelles on vit, une constante demeure : la nécessité de gagner sa croûte. Le Vieux Monde de Warhammer Fantasy Battle ne fait pas exception, et parmi les choix de carrière s’offrant à ses habitants, certains sont plus exotiques que d’autres. Prenez le cas d’Angelika Fleischer par exemple : eh bien, notre héroïne a embrassé la voie de la pilleuse de champ de bataille, profession que l’on ne peut pas qualifier de noble, mais qui est tout à la fois nécessaire (le recyclage, c’est l’avenir1) et suffisamment lucrative pour permettre à Angie de subvenir à ses besoins. Et dans un univers aussi violent que WFB, le travail ne manque pas, la proximité du Col du Feu Noir fournissant à notre récupératrice experte de nombreuses opportunités de valoriser les possessions mortelles des malheureux cadavres jonchant l’arrière-pays du Reikland.

Alors qu’elle vaque tranquillement à ses occupations, Angelika est distraite par des appels à l’aide émanant d’un tas de cadavres soigneusement empilé par les Orques qui en sont responsables (quoi de plus logique pour des peaux vertes que d’avoir une fibre de même couleur ?). Pas tellement encline à aider son prochain du fait de sa nature éminemment pessimiste et d’une première expérience malheureuse avec un survivant peu reconnaissant aux débuts de sa carrière, elle décide tout de même d’aller s’enquérir de la source de cette nuisance sonore, ne serait-ce que pour être en capacité de la faire cesser, dusse-t-elle menacer de faire rappliquer les Orques qui rôdent dans les parages. Nous faisons alors la connaissance du malheureux Franziskus, d’une car son patronyme est d’un ridicule consommé2, et de deux à cause de son enfouissement quasi complet sous une montagne de barbaque en voie de décomposition, mauvais pas dont il ne peut se tirer sans la main secourable d’Angelika. Problème, cette dernière refuse tout net d’accéder à sa requête, préférant jouer la sûreté qu’améliorer son karma. Leur discussion, qui finit par déboucher sur des hautes considérations éthiques, est toutefois interrompue par l’arrivée d’une bande de peaux-vertes, déterminés à trouver un survivant impérial pour des raisons obscures. Surprise à découvert, Angelika n’a que le temps de se cacher sous une charrette retournée et se préparer à vendre chèrement sa vie, sûre qu’elle est que Franziskus indiquera à ses futurs collecteurs l’emplacement de la garce qui lui a refusé son aide. Elle est donc (agréablement) surprise par la fortitude et la bravitude du soldat, qui se laisse empaqueter par les Orques sans piper mot, permettant à notre héroïne de rester incognito.

L’histoire aurait pu s’arrêter là si Angelika était aussi dure qu’elle voulait le faire croire, mais bien évidemment, Miss Fleischer, sans doute tenaillée par sa conscience, dirige ses pas sur la piste des ravisseurs de Franziskus et assiste alors à un spectacle peu banal. En contrebas de la vallée, un char de fort belle taille est tracté par une foule de peaux-vertes enthousiastes. Sur la plateforme de ce véhicule, une colossale statue représentant un chef de guerre Orque a été placée, et cette dernière dispose, preuve des capacités cognitives, souvent sous-estimées, des peaux-vertes, d’un bras articulé terminé par un tout aussi imposant marteau. Le tableau est complété par un Big Boss patibulaire, dont le pied repose nonchalamment sur le sac contenant Franziskus. Pas plus bête que le lecteur moyen de la BL, ce qui veut tout dire, Angelika comprend que le malheureux prisonnier va être purée-ifié au cours d’une cérémonie marquant la prise de pouvoir du nouveau chef sur la horde de son prédécesseur. Ce qui est déplaisant, je vous l’accorde.

À son corps défendant, Fleischer finit par se rapprocher suffisamment du transpalette orkoïde pour pouvoir se dissimuler sous l’essieu de ce dernier, position inconfortable mais qui lui permet d’assister aux premières loges aux rites funéraires, particulièrement méconnus je dois dire, des peaux vertes. L’occasion pour le nouveau PDG de faire un petit discours très émouvant en la mémoire du défunt, de lui rouler une pelle, et de balancer son cadavre dans la foule enthousiaste, pour une ultime session de crowd surfing très orque dans l’esprit, puisque la dépouille du Big Boss sera consciencieusement démembrée par ses fans éplorés, chacun souhaitant conserver une relique du Lider Maximork. Alors que la cérémonie de passation est sur le point d’atteindre son parorksisme, avec Franziskus dans le rôle de la bouteille de champagne que l’on fracasse sur la coque d’un bateau lors de son baptême, Angelika croise le regard du Big Boss et n’a d’autre choix que de monter à son tour sur scène pour un interlude impromptu mais hautement comique, pendant lequel elle utilisera à bon escient le décor et la suffisance de son adversaire pour lui remettre les idées, et le crâne par la même occasion, bien à plat.

Dans la cohue monstre qui suit cette péripétie non prévue au programme, les deux humains parviennent à s’échapper sans se faire remarquer par la foule en délire, peu motivés à l’idée de mourir sur scène, comme leur infortuné partenaire d’impro. C’est le début d’une relation fusionnelle entre la Lara Croft des charniers et celui qui se considère désormais comme son obligé, qui ne sera pas sans rappeler celle du Capitaine Haddock avec son morceau de sparadrap ou du Loup avec Droopy. Méfiez-vous des gens qui veulent vous rendre service…

1 : On remarquera le caractère précurseur de Robin D. Laws, qui dès le tournant du 21ème siècle, souligna l’importance cruciale de l’économie circulaire. Angelika Fleischer, c’est la Greta Thunberg de l’Empire, en fait.
2 : Etant le 4ème enfant de ses parents, on supposera que ces derniers n’avaient plus d’idée de prénom convenable à sa naissance.

AVIS :

Personnage historique, mais discret, de la Black Library, Angelika Fleischer (bientôt rejointe par son sidekick Franziskus) fait ses débuts dans la carrière avec une petite nouvelle ma foi fort respectable. Cela peut sembler peu novateur aujourd’hui, où la représentation féminine, et des minorités en général, s’est considérablement développée dans les franchises de Games Workshop, et donc dans les publications de la BL, mais au moment de la publication initiale de cette histoire, au début des années 2000, Miss Fleischer était une création doublement originale, voire triplement si on prend en compte la profession très particulière que son auteur lui a dégoté. Le simple intérêt de lire une nouvelle sortant de l’ordinaire peut convaincre le lecteur de donner sa chance à cette héroïne d’un nouveau genre, mais l’intrigue en elle-même est suffisamment distrayante (même si on pourrait arguer que les Orques de Laws sont un peu datés de par la dimension comique qui ne les quitte pas vraiment d’un bout à l’autre du récit), à défaut d’être spectaculairement complexe ou épique, pour ajouter une autre raison de s’enquiller ce ‘Meat & Bone’.

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Barathrum – J. Curran [40K] – #28 :

INTRIGUE :

40K_BarathrumLorsque l’Inquisiteur Anselm est appelé par un vieil ami sur la planète de Barathrum pour élucider la série de morts violentes ayant endeuillé l’expédition de l’Adeptus Mechanicus en charge de l’excavation de la cité souterraine découverte à la surface de ce monde mort, il ne s’attendait pas à recroiser la route de son ancien mentor, Grogan. Les deux hommes se sont séparés en mauvais terme après une enquête bâclée sur Tantalus il y a bien des années de cela, à la suite de laquelle le puritain Grogan a déclaré un Exterminatus que son élève trouvait bien précipité. Guère enchanté par la présence de son collègue et néanmoins rival sur cette affaire sordide (rapport aux cadavres horriblement mutilés laissés par le tueur) et poussiéreuse (rapport aux interminables tunnels que nos héros passent la moitié de la nouvelle à parcourir), Anselm fait contre mauvaise fortune bon cœur et collabore en bonne intelligence avec Grogan, que le passage du temps n’a pas du tout adouci.

Une analyse poussée des victimes permet à Anselm, dont l’une des spécialités semble être la médecine légale, d’établir que ces dernières ont toutes été amputées d’un membre ou d’un organe différent, avec une précision chirurgicale qui plus est. Cette conclusion des plus sinistres passe au second plan lorsque les deux fins limiers des Ordos sont alertés par le Magos Explorator en charge de l’expédition (Eremet) qu’un portail gigantesque a été découvert par ses équipes. Scellé et couvert d’inscriptions écrites dans une langue indéchiffrable (à court terme tout du moins), l’édifice est également protégé par un champ électrique qui carbonise le premier Technoprêtre ayant eu la mauvaise idée d’y poser la méchadendrite. Pour le bouillant Grogan, cet incident est la preuve irréfutable que le Chaos est à l’œuvre sur Barathrum, et il s’empresse de suspendre les fouilles, au grand désespoir d’Eremet. Connaissant les méthodes employées par son ancien boss, Anselm se doute que les malheureux archéologistes ne tarderont pas à être soumis à un interrogatoire serré dont pas un ne sortira indemne. Cherchant à éviter à son vieil ami Cantor ce sort peu enviable, il poursuit donc les recherches de son côté… en piquant un somme. Dans un rêve que l’on peut qualifier de prémonitoire, il est mis en présence de l’Empereur en personne, fièrement juché sur sa chaise percée plaquée or, mais les traits aquilins du Maître de l’Humanité se transforment en ceux d’une hyène, et très mauvaise actrice avec cela1.

Ce pénible cauchemar est heureusement interrompu par l’arrivée d’Eremet, qui apporte à son hôte le résultat de l’expertise (expresse) réalisée par les savants de l’Inquisition sur le texte mystérieux gravé sur le portail récemment mis à jour. Comme on peut s’en douter, ce n’est pas la recette de l’aligot que les précédents habitants de Barathrum ont tenu à transmettre aux générations futures, mais un avertissement sans frais sur l’indicible (et illisible) menace dormant dans la crypte ainsi condamnée. Car ce n’est rien de moins que le Prince Démon Szarach’il qui patiente dans la cité morte, enfermé dans ce tombeau par les efforts de l’Inquisiteur Amaril il y a des milliers d’années. Grogan avait donc raison ! Mais d’ailleurs, où est-il ?

Eh bien, sur les lieux du crime pardi. Ayant surpris Cantor bravant le couvre-feu qu’il avait déclaré, l’Inquisiteur a suivi discrètement le Technoprêtre réfractaire jusqu’au portail interdit, et l’a chopé en train de se livrer à un rituel passablement chaotique. Il s’avère que le servant du Dieu Machine s’est fait hacker par l’esprit néfaste de Szarach’il, qui compte bien profiter de l’arrivée de l’expédition pour se faire la malle. Mais notre démon est très exigeant : alors qu’il aurait pu se contenter de posséder le premier humain passant à sa portée, comme le pauvre Cantor, il cherche également à se venger d’Amaril en infiltrant les rangs de l’Inquisition, et a pour cela besoin qu’un représentant des saints Ordos tombe sous son influence. Et tant qu’à faire, Anselm, qui est plus jeune et plus swag (il ne porte pas de moustaches) que ce vieux tromblon de Grogan, serait le candidat idéal. Tout cela nous est longuement raconté par un Szarach’il dont la passion pour le monologue de grand méchant ne présage rien de bon pour le succès de son entreprise…

Pour l’heure, Grogan croise le fer avec la terrible créature que Cantor a mis sur pied avec les organes de ses collègues… et l’abat sans trop de difficulté. Ce n’était toutefois qu’une diversion, permettant à un Cantor lévitant de desceller le portail et de libérer le terrible Démon… ou en tout cas son essence, qui s’empresse de posséder Grogan (Cantor s’écrase sur le sol comme une bouse et meurt après avoir présenté ses plus plates excuses). Sur ces entrefaites, Anselm arrive in da club et un (court) duel s’engage entre les deux Inquisiteurs. Ayant réussi à reprendre le contrôle de son corps pour un instant, Grogan décharge son hellgun sur le plafond en lave mi-cuite de la crypte, provoquant son enfouissement en même temps qu’incinération sous quelques tonnes/mètres cube de magma coagulé. Son sacrifice altruiste autant que le coup de moins bien de Szarach’il, qui ne parvient plus à sauter d’hôte en hôte comme il l’avait fait précédemment, permet de mettre un terme à cette escapade démoniaque, et de préserver l’Imperium d’une (sans doute) terrible menace.

1 : N’ayant qu’une version papier de cette nouvelle à disposition, je ne peux pas faire de capture d’écran pour prouver mes dires, mais sachez que l’apparition démoniaque interpelle notre héros somnolent de la sorte : “Anselm ! Anselm my servant, you have come to me. Anselm ! Anselm, Anselm ! Open the door!”

AVIS :

La tentative de Jonathan Curran de dépeindre les activités inquisitoriales ne s’avère guère probantes dans ce ‘Barathrum’ très moyen, qui explore plusieurs ambiances (slasher, thriller, roman noir, horreur…) sans réussir à s’en approprier aucune. Cette base bancale est de plus handicapée par le manque de maîtrise du lore de 40K par Curran, qui semble considérer les Inquisiteurs comme des détectives privés de choc, envoyés par leur hiérarchie enquêter en solitaire sur des affaires étranges. Pour ne rien arranger, les machinations de l’antagoniste sont inutilement complexes, et l’auteur ne semble même pas avoir pris le soin de se relire1. Ça fait beaucoup de problèmes pour une nouvelle qui peut être mis en comparaison avec les travaux inquisitoriaux, autrement plus réussis, de Dan Abnett, publiés pour les premiers d’entre eux à la même époque que ‘Barathrum’. Comme la nécropole d’où elle tire son nom, cette histoire mérite l’oubli profond dans lequel elle a été plongée depuis des millénaires.

1 : “The Inquisition is a tool” (Grogan, p. 9). “The Inquisition is not a tool” (Grogan, p. 23).

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Crimson Storm – D. Abnett [40K] – #29 :

INTRIGUE :

40K_Crimson StormAprès des années de conflits l’ayant menée à travers le Segmentum, l’escouade Damocles est enfin de retour sur la fière Ithaka afin de faire le plein de recrues pour regonfler ses effectifs sévèrement diminués. La vue de son monde natal suffit à arracher des larmes de tendresse au Sergent Priad, qui sous son allure de gros dur cache des petits cœurs sensibles, et le vivifiant air iodé qui baigne cette planète marine amène avec lui des effluves familières et chéries, comme le parfum si délicat de la bave de moule. Si si. Nos héros ne peuvent pas s’attarder trop longtemps cependant, car ils sont attendus dans la forteresse monastère du Chapitre, qui se situe – et c’est important pour la suite de l’hisoire – à la surface de la lune Karybdis, et non sur Ithaka même. Après avoir rituellement vidés leurs gourdes de potion magique (les Iron Snakes ne voyagent jamais sans une flasque d’eau de mer ithakienne) et confiés les cendres de leurs chers disparus au vent du large, les Damocles repartent en direction de l’orbite.

En tant qu’officier, il revient à Priad de se charger de tout l’administratif et il confère donc avec le Lexicanium Phrastus, qui sert l’Empereur comme chargé de support staffing (un champ de bataille des plus traîtres), au sujet des potentiels candidats qui pourraient renforcer son escouade. Si le sergent n’a aucune objection à ce que les meilleurs aspirants du Chapitre lui soit présenté pour qu’il jauge lui-même de leur qualité, il a en revanche une idée très précise de qui il souhaite recruter pour remplacer l’Apothicaire Memnes, mort au combat sur Ceres. Ayant appris que l’escouade Ridates avait été exterminée lors d’une campagne récente contre les forces du Chaos, ne laissant que l’expérimenté Khiron en vie, Priad comptait bien drafter ce dernier pendant le merkhato. Phrastus lui fait cependant comprendre à mots couverts que Khiron est intransférable, et qu’il devra se rabattre sur d’autres candidats. Notre héros reçoit le même son de cloche de la part du Maître de Chapitre Seydon, qui semble passer ses journées à errer dans les couloirs de sa forteresse à la recherche d’un public auquel raconter ses anecdotes sur le moindre Iron Snake ayant servi sous ses ordres au cours du dernier millénaire1. Il lui faudra cependant papoter avec son vieux poto Strabo pour avoir le fin mot de l’histoire : Khiron a eu un coup de folie et a mis un bolt dans la tête d’un frère de bataille qui se remettait de ses blessures dans l’infirmerie de la forteresse, sans aucune raison valable. Il languit depuis en prison dans l’attente de son jugement.

Cet étrange coup de folie de la part d’un vétéran chevronné comme Khiron intrigue Priad, qui décide d’aller lui rendre visite dans sa cellule pour avoir sa version de l’histoire. L’Apothicaire lui révèle alors qu’il a agi de la sorte car il était convaincu que le frère Krates avait été, à son insu, possédé par le démon responsable de la mort de l’escouade Ridates après que son ost ait été vaincu par les Iron Snakes. Khiron indique à Priad que la créature en question a une odeur particulière, et que c’est ainsi qu’il a acquis la certitude de la corruption de Krates. Le seul regret de l’Apothicaire est de ne pas avoir utilisé le feu purificateur pour « purger » son frère, car cela a permis au démon de s’échapper après la mort de son hôte et d’infecter un autre Iron Snake. Résigné à son sort, Khiron a demandé à être jugé par oethanar, une tradition du Chapitre à laquelle il n’y a pas d’issue heureuse : soit le suspect est dévoré par les grands wyrms d’Ithaka, auquel cas il est innocenté à titre posthume, soit il survit pendant six heures et est exécuté par ses frères à la fin de l’épreuve. Priad ressort de cet entretien troublé, mais ses obligations lui laissent peu de temps pour réfléchir à cette épineuse situation. Notons juste qu’il manque de se faire noyer dans la piscine chapitrale par les membres de l’escouade Phocis, à laquelle appartenait le défunt Krates, pour avoir osé discuter avec Khiron. Il faut l’intervention du Capitaine Skander, à laquelle Phocis est rattachée, pour empêcher Priad de finir avec la tête au fond du maillot de bain. Le harcèlement au travail, ce fléau qui n’épargne aucune organisation.

Le lendemain, alors que l’escouade Damocles supervise l’entraînement de ses nouvelles recrues au gymnase chapitral, Priad se fait éclater le pif par le bizut Dyognes au cours d’un duel au bâton. Pas de quoi perturber un Space Marine bien sûr, même si l’orgueil et le profil de notre héros sortent affectés de cet incident. A toute chose malheur est bon cependant, car cette péripétie ouvre grand les chakras (et les narines) de Priad, qui sent une odeur particulière flotter dans le dojo. Pas de la sueur transhumaine (encore que), mais quelque chose d’autre, qui ne peut être que le parfum démoniaque auquel Khiron a fait référence ! N’écoutant que son instinct et son blaze ensanglanté, Priad se rue sur l’individu dont émane l’horrible fumet, et qui se révèle être le Capitaine Skander. Pas le temps d’expliquer ce qui ne serait de toute façon pas compris par le tout-venant, notre impulsif héros compte sur l’esprit de corps de son escouade pour ne pas se retrouver seul contre dix, et finit par tout bonnement immoler le pauvre Skander sans autre forme de procès (on s’entraîne au lance-flammes en indoor chez les Iron Snakes). Stupeur et terrassement chez les serpents de fer, estomaqués par le coup de folie de Priad. Fort heureusement pour ce dernier, le démon qui possédait bien Skander a l’obligeance de se matérialiser lors de la combustion de son hôte, ce qui permet de blanchir rapidement le Sergent homicidaire. L’un est cuit, l’autre cru, c’est beau tout de même.

Le happy end devra toutefois attendre, car la situation de Khiron reste des plus précaires. Le jugement de l’Apothicaire a en effet été avancé sur l’ordre de Skander, et le condamné est déjà en train de se morfondre sur son roc en pleine mer, tel un Andromède du 41ème millénaire. L’affaire est tellement urgente que l’escouade Damocles ne prend même pas le temps de se changer, et part donc pour Ithaka en yoga pants et marcel sauver les miches de Khiron. Pourquoi passer un coup de fil pour régler une question de vie ou de mort quand on peut faire la route soit même, hein ? Autre détail amusant, le vaisseau qui emmène notre bande de gais lurons sur Ithaka est apparemment infoutu de faire du vol stationnaire à proximité de l’îlot où Khiron poireaute. Trop de vent, pas assez de visibilité, la totale. Qu’à cela ne tienne, Priad saute dans son zodiac de fonction et fend la houle pour collecter son loot secourir son camarade. Vous vous en doutez, les grands serpents de mer d’Ithaka se joignent aux réjouissances pour offrir un final à suspens à cette aventure. Malgré des dimensions fort respectables (et parfois assez rigolotes…), les wyrms ont la politesse de ne boulotter que des personnages non nommés, et de perdre la moitié de leur HP à chaque fois qu’un harpon les touche, ce qui permet à Khiron d’échapper à son funeste destin. Cette andouille manque de mourir lors de son plongeon pour rejoindre l’embarcation de Priad, mais c’est une autre histoire.

Au final, l’escouade Damocles peut repartir pacifier la galaxie au nom de l’Empereur à pleine capacité, ce qui est bien, et des gourdes remplies à ras bord d’eau de mer made in Ithaka, ce qui est encore mieux.

1 : On apprend au cours du dialogue entre Priad et Seydon que c’est ce dernier qui a permis à Damocles de former l’escouade qui porte son nom. Dans ‘Red Rain’, Priad se rememore la lignée de sergents ayant porté la griffe éclair de Damocles depuis cette époque, une liste qui comprend au moins une dizaine de noms et remonte à plusieurs générations !

AVIS :

Si, en toute objectivité, Dan Abnett s’améliore sensiblement dans sa saga Iron Snakes avec cette quatrième nouvelle, je dois avouer qu’il était déjà trop tard pour moi à ce stade, et je n’arrive pas/plus à prendre les héroïques aventures du Sergent Priad et de l’escouade Damocles au sérieux, comme la teneur de résumé ci-dessus vous l’a peut-être fait remarquer. Entre les rites débiles, les informations fluffiques grotesques et les personnages hors sol, difficile de prendre ce ‘Crimson Storm’ au premier degré, et cela même avant de se pencher sur les défauts plus structurels de cette nouvelle, comme l’identification totalement WIJH du possédé1, ou les prises de liberté avec le background quand cela sert l’intrigue (il n’y avait pas de Land Speeders disponibles pour évacuer Khyron de son rocher, plutôt que de jouer un remake philippin de ‘Moby Dick’ ?). Dans l’absolu, Abnett arrive à condenser en une quinzaine de pages une mini-enquête policière avec un final à spectacle, relevés par une dose généreuse de character development et saupoudrés de fluff, ce qui n’est pas à la portée de n’importe quel contributeur de la Black Library. S’il s’était donné la peine de soigner son travail, cette ossature solide aurait pu déboucher sur une de ses toutes meilleures soumissions… mais ce n’a pas été le cas ici, pour les raisons évoquées plus haut. La preuve que même les meilleurs peuvent avoir des coups de moins bien, ou une motivation défaillante.

1 : Et pourtant Abnett sait comment construire des nouvelles de type polar beaucoup plus abouties, comme ses travaux inquisitoriaux le démontrent. Je reste persuadé qu’il n’avait juste pas envie de se donner à fond sur cette série, et l’a fait clairement sentir à ses commanditaires… qui n’ont rien vu, ou rien voulu voir.

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The Doom That Came to Wulfhafen – C. L. Werner [WFB] – #29 :

INTRIGUE :

WFB_The Doom that Came to WulfhafenC’est une nuit particulière qui commence pour le jeune Karel, pêcheur comme son père (et la chaîne entière de ses aïeux) avant lui. Ayant atteint l’âge de la majorité dans le coin paumé de l’Empire où il habite, il lui est demandé de participer pour la première fois à un rituel très important dans la vie du village de Wulfhafen : la chasse à la galinette cendrée le naufrageage de navires passant le long du cap où le hameau a été fondé, il y a de cela bien des siècles, par le pirate Wulfaert. Pour Karel, conscient des activités illicites des hommes de Wulfhafen depuis sa prime enfance, mais dont le quotidien consistait jusqu’ici à ramener des casiers de homards (l’autre spécialité locale) à la surface, le changement est brutal. Accompagné par son vieux papa (Gastoen), il vient donc donner un coup de main à l’entretien du feu de joie géant que les villageois ont allumé sur la plage, sous le regard sévère de Vetyman, chef naufrageur en fonction du fait de son ascendance (il est le petit-petit-petit-fillot de Wulfaert) et de la rapière de belle facture qui pend à sa ceinture. Le stuff, c’est important.

Pour cette première nuit de la saison, les attentes de nos hardis pêcheurs sont assez faibles, mais Manann leur sourit toutefois en leur envoyant un navire au capitaine un peu trop naïf pour espérer triompher des eaux et des mœurs traitresses du coin. Attirée sur les brisants par ce qu’il croyait être la lumière et la corne de brume d’un phare, l’embarcation finit promptement éventrée par les récifs affleurants, et le vrai boulot des naufrageurs peut commencer. Par petits groupes, ils parcourent la grève à la recherche d’objets de valeur rejetés par les vagues, et n’hésitent pas à mettre fin aux souffrances des quelques survivants trempés jusqu’aux os qui ont la malchance d’arriver jusqu’à la plage avec un pouls. C’est ainsi que Karel est témoin du meurtre de sang froid d’un jeune homme échoué sur les galets en compagnie de son livre de croquis, commis par Gastoen et son vieux pote Emil à grand coups de hache et de gourdin. Ne pleurez pas trop sur son sort, car le bougre arborait un médaillon à la gloire de Tzeentch autour du cou. Le carnet contient des dessins de la faune et de la flore de ce qui semble être la Lustrie, et comme des specimens de plantes inconnues finissent par trouver leur chemin jusqu’au rivage, il ne faut pas longtemps au sagace mais traumatisé Karel pour établir que le navire coulé ce soir ramenait des specimens locaux à fin d’études sur le Vieux Monde.

La bonne humeur générale qui règne autour du brasier est toutefois mise à mal lorsque le dénommé Bernard arrive en hurlant auprès de ses comparses, et leur annonce que son frère Claeis, avec lequel il inspectait la ligne de marée, a été happé par un monstre sorti des vagues. Paranoïaque comme tout bon chef de bande de criminels se respectant, Vetyman ne croit pas un mot de ce récit et se convainc au contraire d’une magouille entre frangins afin de dérober une trouvaille digne de ce nom au partage collectif. Les patrouilles envoyées sur place pour vérifier la version de Bernard ne donnant rien, il décide d’aller interroger le lanceur d’alerte de manière serrée dans la maison commune du village, afin de lui faire cracher la vérité. Peine perdue, car Bernie n’en démord pas, même sous la torture : un démon est apparu à Wulfhafen…

Début spoiler…Sa version est corroborée par un autre témoin, hélas pas plus crédible que lui aux yeux de Vetyman : la femme alcoolique et mythomane du pêcheur (et philosophe) Enghel, Una. La vieille débarque comme une furie en plein interrogatoire pour annoncer à la cantonade que son mari a été attaqué et estourbi par un monstre de la taille d’une maison. Ses déboires avec de mystérieux Gobelins invisibles, une fois qu’elle avait forcé sur le rhum, étant encore dans toutes les mémoires, les hommes de Wulfhafen ne la prenne pas vraiment au sérieux, et seul un naufrageur consent à aller inspecter les lieux de la disparition d’Enghel pour établir la réalité des faits. Lorsqu’il revient, l’assistance ne peut manquer de remarquer les profondes entailles qui lui déchirent le dos, ainsi que son décès soudain après qu’il ait fait trois pas dans la salle commune. Il semblerait bien que les versions de Bernard et d’Una aient un fond de vérité, après tout.

C’est le branle bas de combat dans le village, et la petite armurerie constituée au fil des saisons de naufrage de navires est vidée pour l’occasion. Menée par Vetyman, la foule en colère retourne sur les lieux de la disparition présumée d’Enghel, et se retrouve confrontée à un authentique Kroxigor, que la météo locale, bien plus frisquette que la chaleur lustrienne, a rendu très soupe au lait. Il semblerait que le navire envoyé par le fond n’avait pas que des échantillons de plantes dans sa cale… Bien que les humains disposent de l’avantage du nombre et de l’intelligence, la force brute et la vitesse de pointe du gros lézard sont suffisantes pour remporter ce match d’une manière éclatante et passablement sanglante. Les survivants se replient en panique dans la salle commune, où est conservée l’huile utilisée pour allumer les brasiers naufrageurs : il s’agit sans doute de la dernière chance de terrasser ce monstre, insensible aux attaques perçantes et contendantes des locaux.

Malheureusement pour les Wulfhafenois, Kroxy vient toquer à la porte avant que les préparations ne soient terminées, et le massacre reprend de plus belle. Karel voit mourir son père sous ses yeux, rapidement suivi par Vetyman, éventré d’un coup de griffe après avoir aspergé le lézard d’huile. Dans la confusion, le jeunot a le temps de balancer une torche sur la bestiole enragée avant de s’eclipser en barricadant la porte de la salle, condamnant le Kroxigor à une combustion fatale. Cet épisode traumatisant a toutefois eu raison du poids de la tradition chez Karel, qui décide de partir dès le lendemain pour Marienburg afin de rejoindre le temple de Manann et d’expier les crimes de son village. Ou peut-être ne tenait-il pas à tout nettoyer (presque tout seul) après cette nuit de folie ? L’histoire reste silencieuse sur ce point…Fin spoiler

AVIS :

C. L. Werner nous offre une petite déclinaison med-fan du thème classique du village de naufrageurs, punis de leurs mauvaises actions par l’arrivée d’un monstre sanguinaire (ici Bob le Kroxigor). Si l’intrigue suit un chemin assez convenu, j’ai particulièrement apprécié la complexité que Werner a donné à ses personnages principaux, à commencer par Vetyman qui se révèle être un véritable anti-héros, à la fois détestable par ses actions (perpétuer la tradition de ses naufrageurs d’ancêtres, torturer un de ses camarades parce qu’il ne croit pas à ses histoires) et meneur courageux, charismatique et plein de ressources de sa bande de ruffians. On appréciera également les références faites par l’auteur à la geek culture dans son récit, depuis le nom de la nouvelle (un clin d’œil à ‘The Doom That Came To Sarnath’ de H. P. Lovecraft1) jusqu’aux dialogues entre personnages. Une soumission très solide de la part de l’homme au chapeau2.

1 : On peut d’ailleurs noter que le choix de Werner de faire d’un Kroxigor échoué la Némésis des villageois de Wulfhafen est en cohérence avec le « grand lézard d’eau », le qualificatif du dieu Bokrug qui détruit Sarnath dans la nouvelle de Lovecraft.
2 : Ma seule remarque négative portera sur la mention, inexpliquée pour autant que je puisse le dire, du médaillon marqué du symbole de Tzeentch que le dessinateur massacré par Gastoen et Emil arborait autour du cou. Un petit Easter egg destiné à souligner que de grands changements n’allaient pas tarder à se produire à Wulfhafen ?

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Bad Medicine – J. Green [NDA] – #29 :

INTRIGUE :

NDA_Bad MedicineDans les ténèbres – forcément très sombre – du sous monde de Necromunda, un agent de Nurgle a conclu un marché avec un bonimenteur de grand chemin, le « docteur » Ludvan Marvo, afin de propager la redoutée peste neuronale parmi la population locale. Le moyen de diffusion est redoutablement efficace, puisque c’est dans l’elixir miracle que Marvo propose aux foules crédules de ce Far West urbain que des probiotiques assez carabinés ont été injectés. Trois communautés ont déjà été ravagées par le mal, et leurs habitants transformés en Zombies de la Peste, mais le Porteur de Mort a.k.a. le Faiseur de Cadavres a.k.a. le Seigneur des Os a.k.a. le Roi de la Peste a.k.a. le Marchemort a.k.a. le Preneur d’Âmes a.k.a. Joe le Pilier ne compte pas s’arrête en si bon chemin. Il donne donc un refill à son sbire, et lui donne carte blanche pour la suite des opérations.

Heureusement pour la lie necromundesque, les manigances du vilain prouteux vont se trouver contrecarrées par l’intervention du seul et unique Nathan Creed, qui débute la nouvelle en charmante compagnie à l’étage du saloon de Tunner Town, avec sa bonne amie Maisy-Lou. La torpeur post-coïtale du pistolero des bas fonds est alors brutalement interrompue par une fusillade nourrie au rez de chaussée. N’écoutant que son instinct de héros de bas étage, c’est donc très logiquement que Creed quitte son lit d’amour et se rue en contrebas, où sa maestria pistolière a tôt fait de refroidir définitivement les ardeurs homicidaires de l’ahuri au lance-plasma qui arrosait le voisinage. Après identification, il s’avère que le coupable était un marginal sans feu ni lieu, et l’examen de sa dernière planque permet à notre héros de mettre la main sur une bouteille à moitié vide portant la mention de Panacée Patentée du Dr Marvo. Une discussion avec ce bon vieux Doc Haze (‘Firestarter, ‘Boyz in the Hive’), opérant comme coroner local le temps de se faire oublier, révèle également que le forcené (Plaz Tyburn) était en train de se transformer en Zombie de la Peste, précisément à cause de son ingestion répétée du cordial miraculeux. Jamais le dernier à investiguer des affaires louches, Creed décide de remonter la piste en se rendant jusqu’à Ferro’s Gulch, ville dont Tyburn revenait après avoir travaillé dans une ferme de fungis locale.

Comme on peut l’imaginer, la visite de courtoisie tourne vite à la foire d’empoigne. La faute au succès retentissant du bon docteur Marvo lors de son dernier passage dans la bourgade, qui a eu pour conséquence de transformer la totalité de la population en figurants de Zombicide : Dead or Alive. Creed s’amuse comme un petit fou avec ses pétoires, ses grenades et sa moto (les chevaux sont rares à Necromunda), et après avoir « sécurisé » le périmètre dans la mesure du possible, il décide de rattraper Marvo avant que ce dernier n’ait pu écouler sa came(lote) dans une autre ville, en suivant pour cela les traces laissées par son chariot. Notre héros arrive à point nommé pour ruiner le groove de l’empoisonneur, qui venait de miraculeusement faire remarcher un paralytique devant une foule ébahie. Quelques tirs de sommation font fuir les badauds, laissant Creed faire face à Marvo et sa bande de sbires, qui ne tient évidemment pas longtemps face aux prouesses ballistiques de notre héros. Assez toutefois pour laisser le temps au Docteur Maboul de s’enfuir à bord de sa carriole, ce qui permet à notre nouvelle de se terminer par une course poursuite trépidante et pétaradante. Au final, et comme on peut s’y attendre, Creed parvient à stopper sa proie d’une acrobatie taumekrouzienne, et Marvo finit empalé sur l’aiguille de la seringue qu’il réservait à son poursuivant. Comme la seringue en question contenait un concentré du poison dilué dans sa pernicieuse panacée, Marvo se décompose littéralement sur pied avant que le gunslinger n’ait pu lui mettre la main au collet et le morigéner bellement sur la mauvaiseté de ses actions. He got a taste of his own medicine, comme on dit à Nottingham. Notre propos s’achève sur un plan fixe sur l’horrible Joe le Pilier, qui jure intérieurement vengeance contre cet empêcheur de polluer en rond de Creed. Nul doute que ces deux là finiront par se croiser pour mettre les poings sur les scies…

AVIS :

Je ne m’attendais pas à grand-chose avec ce ‘Bad Medicine’, nouvelle de Nathan Creed oblige, mais je dois reconnaître que cette pilule là a été assez facile à avaler (see what I did here ?). Le scénario tient plutôt la route et n’est pas défiguré par des plot holes de la taille d’un cratère d’obus, le rythme est soutenu sans virer dans le frénétique, Green arrive à positionner cette petite aventure dans la chronologie creedienne à travers un cameo du bon docteur Haze et un rappel des épisodes précédents, les personnages sont toujours aussi clichés mais font illusion pendant les dix pages que dure la nouvelle, et on a même le droit à un peu de fluff en bonus. Si tous les épisodes de la geste du deuxième pistolero (sur deux, derrière Kal Jerico) le plus célèbre de Necromunda était du même acabit, l’humanité en serait sortie grandie. Contentons-nous de faire de ‘Bad Medicine’ le prime du chasseur d’icelles (celle-là est plus dure, je l’avoue), et restons-en là.

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Three Knights – G. McNeill [WFB] – #29 :

INTRIGUE :

WFB_Three KnightsLes trois frères Massone, Luc, Fontaine (?) et Belmonde (!?!), ont entrepris une quête d’aucuns considèreraient comme ambitieuse, pour le dire poliment : purger à eux seuls les ruines du Fort du Sang, autrefois bastion des tristement célèbres Vampires Dragons de Sang, et soigneusement évité par tous les voyageurs sains d’esprit depuis sa destruction il y a des décennies. Cette idée chevaleresquement stupide est celle de l’aîné du trio, Luc, qui s’est taillé une réputation de bretteur sans égal d’un bout à l’autre du Vieux Monde. Ses cadets (et par vertu de leur noms débiles, side kicks) ont accepté de lui prêter main forte dans son entreprise hardie, bien que ne disposant pas d’un pedigree aussi ronflant que Lulu. D’ailleurs, Belmonde n’est même pas encore un véritable chevalier du Royaume, ce qui vous situe le niveau moyen de la fine équipe.

Après avoir fait leur arrêt réglementaire dans le village bretonnien puant et boueux (Gugarde) situé sur la route du Fort, et avoir tout aussi réglementairement refusé d’écouter les sages conseils du vétéran couturé qui picolait à la taverne locale, et avait pu en son jeune temps se rendre compte par lui-même qu’un Vampire n’était pas un adversaire à prendre à la légère1, les frangins repartent le lendemain avec un guide en direction de la forteresse maudite. Les choses sérieuses et mortelles commencent réellement à la tombée de la nuit, lorsque les quatre montagnards amateurs se font attaquer par une meute de loups funestes, qui croquent prestement le guide et la mule de bât de l’équipe. Une nuit passée à prélever de la biodiversité pourrissante, et une journée à peiner dans la neige et le froid plus tard, c’est enfin le Fort du Sang qui se présente devant nos héros, qui entrent prestement se mettre au sec et se remettre de leurs émotions.

Guidés par Luc jusqu’à la salle des festins de la bâtisse abandonnée, les frères Massone se font cueillir comme des bleus par une vague de squelettes s’étant animés à la nuit tombée, et qui voient d’une mauvaise orbite trois punks à cheval venir squatter chez leurs ex-patrons. La quantité venant toujours à bout de la qualité, les chevaliers se font acculer dans un coin de la salle, et Fontaine finit embroché comme un döner kebab, au grand désarroi de ses frérots. Luc prend alors sa grosse voix et exige à parler au(x) directeur(s)… ce qui fait battre en retraite les squelettes et arriver un trio de Dragons de Sang, plus intrigués par la déclaration du paladin qu’il a réussi à tuer l’un des leurs qu’animés de chrétiennes (et pour cause, c’est pas le bon univers) intentions envers leurs hôtes du soir…

Début spoiler 1…Ayant prouvé ses dires en solotant une des brutes qui lui avait mal parlé, Luc abat ensuite ses cartes en décapitant en traître Belmonde, afin de prouver aux Dragons de Sang qu’il possède à la fois le talent martial et la fibre morale, ou plutôt son absence, nécessaires pour rejoindre leur ordre. En effet, le chevalier désire bénéficier de la vie éternelle dont disposent les Vampires, et ses grands discours de purge du Fort du Sang n’étaient en fait qu’une ruse pour attirer ses idéalistes de frangins jusqu’au repaire des fils de Harkon. Interloqué par cette demande excentrique, le Kastellan finit par s’exécuter et s’approche de Luc pour lui donner le baiser de sang…

Début spoiler 2…Ou plutôt lui cracher dans la jugulaire, car on se rend compte lors de l’attaque punitive sur Gugarde qui termine la nouvelle que le fier et brave chevalier s’est reconverti, contre sa volonté sans doute, en nécrophage ahuri. Pas le plan de carrière auquel Luc aspirait, mais une salutaire, si définitive, leçon de modestie inculquée à ce dernier par les très select Dragons de Sang. Après tout, le Roy dit nous voulons…Fin spoiler

1 : En bonus, Fontaine et Belmonde participent à la soirée open mic’ en reprenant leurs rôles de plus mauvais duo d’acteurs du Monde qui Fut.

AVIS :

Nouvelle très solide de la part de Graham McNeill, ‘Three Knights’ offre un concentré de grimdark à la sauce WFB à son lecteur à travers les péripéties plus ou moins chevaleresques de ses héros. En plus de mettre en perspective la proverbiale droiture des paladins de Bretonnie, qui tient finalement assez souvent de la légende urbaine rurale, cette nouvelle dispose d’une intrigue bien pensée et mise en place (une deuxième lecture de ‘Three Knights’ permet de repérer les jalons laissés par McNeill au cours des premières pages pour préparer sa conclusion), ainsi que d’une chute impeccable en termes d’exécution. Peut-être le meilleur court format de cet auteur pour Warhammer Fantasy Battle.

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In Remembrance – D. Abnett [40K] – #30 :

INTRIGUE :

40K_In RemembranceCommissionné par la Maison Chass de Vervunhive pour réaliser une statue commémorant l’héroïsme des Gardes Impériaux du Premier & Unique de Tanith (et seulement eux, feth les Narmeniens), le sculpteur Jeshua Thoru débarque dans les ruines de la ruche de Vervunhive peu de temps après la défaite des cultistes de Ferrozoica et la levée du siège de la spire. Autorisé à cotoyer les farouches et odoriférants Fantômes afin de prendre la mesure de ses sujets, notre artiste en sera quitte pour une plongée des plus réalistes dans la dureté de la guerre urbaine.

Accueilli à son arrivée par nul autre que le Colonel Corbec et quelques troupiers, Thoru commence son immersion par une visite à l’hopital militaire où Gaunt se remet péniblement de son tête à tête intense avec l’Héritier Asphodel. Sur le chemin, il commence à percevoir la grandeur d’âme des Tanith sous leurs abords débraillés, lorsque Corbec se met à lui parler de « ses vieux » avec des trémolos dans la voix tandis que Varl distribue altruistement des barres de ration aux orphelins de guerre. Let this man give his cookies, ou quelque chose comme ça. Un peu plus tard, le sculpteur est placé sous la large et poilue aile de Bragg, le temps d’une patrouille de routine dans le no man’s land de Vervunhive, dont le but est de traquer les derniers survivants de l’ost chaotique. Une activité tout à fait appropriée pour un commémorateur (qui s’ignore), et parfaitement sans danger, bien évidemment1.

Bien évidemment, l’escouade tombe dans une embuscade fomentée par les perfides Ferrozoicans, et, bien que Thoru prouve son utilité à deux reprises, d’abord en identifiant la position initiale de l’ennemi (pas aussi doué que les Tanith pour camoufler leur présence), puis en réparant sur le pouce le lance-flammes de Brostin, il ressort durablement marqué par l’expérience, et notamment la mort tragique d’une des seules victimes possibles d’Abnett, qui ne tuait pas encore ses personnages nommés à l’époque où prend place cet épisode2. Cette découverte sans filtre de la brutalité de l’existence des Gardes Impériaux plonge notre innocent Pygmalion dans les affres des PTSD, dont il parvient cependant à s’extraire en deux deux devant le magnifique esprit de corps dont font preuve les Tanith, et la dévotion manifeste qu’inspire le Commissaire Gaunt, veillé par une foule de fans transis de Verhunhive venant tout juste de s’engager sous les drapeaux pour ses beaux yeux3… qu’il ouvre d’ailleurs au moment même où Rawne vient lui faire une déclaration d’amour toute chimènique4. Cette brève immersion sera suffisante pour lui permettre de créer ce qui deviendra son chef d’œuvre, une statue de Garde Impériale coulée dans le métal des armes des béligérants de la batailled de Vervunhive, empruntant à chacun des Fantômes rencontrés par l’artiste durant son stage ouvrier. Passant, va dire à Terra que nous gisons ici pour avoir obéi aux ordres…

1 : Sauf pour les pauvres troupiers participant à la patrouille n’ayant pas la chance d’être des personnages nommés. Voyons voir… Bragg (non), Larkin (non), Milo (non), Brostin (non), Domor (non), Feygor (non), Baffels (non), Doyl (non), Yael (possible) et Mktag (possible). Et, guess what ?
2 : Mais qui avait déjà commencé à le faire au moment de l’écriture de cette nouvelle, comme il le fait perfidement remarquer au détour d’une phrase.
: Du temps où il en avait encore, mais je m’égare…
4 : « Va, je ne te hais point » devenant « Guéris crevard, que je puisse te tuer moi-même ». C’est beau tout de même.

AVIS :

Dans la saga des ‘Fantômes de Gaunt’, la défense de Vervunhive (‘Necropolis’) constitue l’un des épisodes les plus marquants, notamment parce qu’elle se traduit par une injection de sang neuf dans le régiment : Kolea, Soric, Daur, Criid, Curth… Autant de personnages faisant leur entrée dans le 1er et Unique à l’occasion de cette épique bataille urbaine, et considérés par de nombreux lecteurs comme aussi importants que les natifs de Tanith. Par ailleurs, ce roman, ainsi que celui qui le suit (‘Garde d’Honneur’) constituent ce que je considère comme étant l’Âge d’Or des Fantômes, ou la période bénie où toute notre petite galerie de bidasses vécut heureuse et (relativement) tranquille, avant qu’Abnett ne se mette à assassiner ses créations, choix compréhensible mais traumatique pour les fans que nous sommes.

‘In Remembrance’, parce qu’il se situe dans la droite ligne de Necropolis, est donc à considérer à la fois comme un épilogue de cet affrontement mémorable, et une préparation du second arc narratif de la série, au casting enrichi de quelques solides Vervunhivers. Abnett semble faire le bilan de son œuvre fantômatique, et prend soin de présenter de manière quasi exhaustive (il ne doit manquer que Caffran à l’appel) les têtes d’affiche de la série, depuis le convalescent Gaunt (dont la seule action sera d’ouvrir les yeux) jusqu’aux nouvelles recrues de Vervunhive, en passant par les bien connus Major Rawne, Try Again Bragg, Mad Larkin et autre Brin Milo. Performance notable, ce passage en revue n’est ni rébarbatif pour le lecteur vétéran (petites private jokes et autres références cachées à l’appui), ni cryptique pour le nouveau-venu, ce qui démontre encore une fois les solides compétences de Dan Abnett en matière de narration. Bien qu’assez classique dans son « intrigue » de nouvelle de Gardes  Impériaux, qui, bien sûr, devront faire le coup de feu face à une opposition musclée, ‘In Remembrance’ se laisse lire sans problème, et, malgré son caractère sérieux, voire  tragique à certains moments, adopte un ton singulièrement léger de temps à autres, comme lors du numéro de stand up improvisé de just joking Feygor, ou la conjuration farfelue de l’arrivée de l’Empereur sur une chèvre par le narrateur.

Présentant les Fantômes (privés de Gaunt pour cette fois) sous leur meilleur jour, peu de temps avant que ne s’engage la sanglante mais palpitante fuite en avant de ‘The Saint’, ‘The Lost’ et ‘The Victory’, ‘In Remembrance’ continue encore aujourd’hui à faire honneur à son titre, et reste dans doute la nouvelle qui concluerait le mieux la saga de Tanith, si une anthologie de cette dernière est un jour réalisée. En attendant, elle rappelera aux aficionados du Premier et Unique le « bon vieux temps », où les Fantômes n’en voyaient pas encore… I’m not crying, you’re crying.

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Vermilion Level – D. Abnett [40K] – #30 :

INTRIGUE :

40K_Gaunt's GhostsGoûtant d’un repos bien mérité de quatre jours à Cracia, centre de club Med de la taille d’une cité-ruche sur la planète de Pyrites, Gaunt et ses Fantômes s’occupent comme ils le peuvent, chacun trouvant un moyen original et potentiellement dangereux d’enfreindre les consignes données par les autorités militaires à propos de ce bref interlude dans leur vie de bidasses galactiques. Pour Bragg, Larkin, Varl, Caffran et consorts, cela consiste simplement en une petite excursion buissonnière en dehors du périmètre alloué aux braves permissionnaires, les activités récréatives proposées par les G.O. de Cracia n’étant semble-t-il pas à la hauteur des attentes des Tanith1. Tout ce beau monde est donc parti s’enjailler en zone froide, ou, bizarrement, l’ambiance semble plus chaude qu’à la soirée karaoké de leur hôtel.

Pour Rawne et son âme damnée de Feygor, vite rejoints par l’omniprésent Corbec, l’objectif est de constituer un stock de produits de contrebande à écouler par la suite à leurs camarades contre crédits sonnants et trébuchants. N’ayant pas les moyens de leurs ambitions, nos deux crapules optent pour la manière forte et descendent de sang-froid le parrain local qui leur avait obligeamment mis à disposition les denrées demandées. Comme quoi, on a bien raison de se méfier des émigrants, surtout quand on est un honnête mafieux. Pris en chasse par les gros bras du caïd décédé, le trio parvient à attirer ses poursuivants dans un hangar désaffecté, où leurs talents meurtriers d’experts infiltrateurs jouent à plein et leur permettent de ressortir de cette session d’escape game matinée de laser quest avec un score parfait de 20/20 (gangsters tués/coups tirés).

Gaunt, quant à lui, est arraché de l’enfer mondain que constitue une soirée entre gradés de la Garde par un message urgent et mystérieux transmis par une ancienne connaissance2. Accompagné de son fidèle Milo, coursier et chauffeur à ses heures, et d’un vieux camarade de la Scholam, le Commissaire Blenner, Gaunt débarque dans les bas-fonds de Cracia, et n’a que le temps récupérer un cristal contenant une information ultra confidentielle et potentiellement incriminante pour les plus hauts échelons du commandement de la Croisade de Sabbat, qu’une bande de commandos intente lâchement à sa vie, en plus de réduire son informateur en carpaccio. Il en faut cependant plus pour arrêter Ibra(m), qui réussit sans trop de peine, et avec l’aide de ses complices, à refroidir les ardeurs homicidaires du GIGN local.

Sur le chemin de retour, les rescapés croisent la route de cette vieille baderne de Gilead, huilé comme jamais et bien décidé, à l’aide de quelques-uns de ses braves compaings, à bastonner tous les fantômes sur lesquels ils arriveront à poser le gourdin, en punition d’une offense faite à l’honneur des sourcilleux Blue Blood de Volpone au cours d’une campagne précédente. Déclinant poliment mais fermement cette invitation, Gaunt, Milo et Blenner démarrent sur les chapeaux de roue et atteignent le lieu de la contre soirée régimentaire, où Corbec soigne sa popularité en distribuant largement le butin de ses propres aventures, sous le regard abattu de Rawne et Feygor. Courageaires mais pas témereux, Gilbear et ses nervis décident de passer leur tour, permettant à la petite fête de battre son plein jusqu’au bout de la nuit. Une fois encore, les Fantômes s’en sont sortis, mais Gaunt possède désormais une information qui risque fort de lui attirer quelques puissants ennemis…

 1 : En même temps, quand on doit gérer 500.000 Gardes le temps d’un gros week-end, j’imagine qu’on a d’autres chats à fouetter.
2 : Avec laquelle il a fait les 400 coups sur le monde d’Estragon Prime. Ca ne devait pas manquer de piment.

AVIS :

Il est de notoriété publique que Gaunt et ses ectoplasmes ont commencé leur illustre carrière dans les pages d’Inferno! à la faveur de nouvelles soumises par un tout jeune Dan Abnett, et qui furent plus tard collectées dans le deuxième opus de la série éponyme, Ghostmaker. Ce Vermilion Level est, comme expliqué en introduction du texte, une « victime collatérale » du succès rencontré par les martiales péripéties de l’héroïque Commissaire et de ses sbires, ayant été rédigé par Abnett juste avant que la commande du premier roman en bonne et due forme de la saga par la Black Library1 ne tombe. Conséquence de ce succès d’estime, qui se transformera bientôt en succès d’édition (à l’échelle du Hobby, s’entend), les événements couverts dans les 12 pages de Vermilion Level furent largement recyclés dans l’intrigue de First and Only. On peut toutefois noter une différence majeure, et potentiellement riche en conséquences pour la suite de la saga, entre la version originale et son héritière « romancée », en la personne du grand méchant cherchant désespérément à mettre la main sur le message confisqué par les amis de Gaunt, et remis à ce dernier en désespoir de cause. Alors que c’est le Lord High Militant General Dravere qui endosse la défroque de l’intrigant dans la Vdef, c’est bien Macaroth lui-même qui est soupçonné de pensées séditieuses dans le premier draft, ce qui ouvrait la porte à rien de moins qu’une séquelle de l’Hérésie d’Horus dans le Segmentum Pacificus. A-t-on gagné, ou perdu, au change, le lecteur en sera seul juge.

Ce contexte établi, on trouve en Vermillion Level une petite nouvelle d’action assez bien fichue, et démontrant pleinement le talent d’Abnett dans le « petit périmètre ». En l’espace de 12 pages, notre homme arrive en effet à articuler trois sous-intrigues distinctes de façon complète et convaincante, en utilisant de façon inspirée et appropriée des éléments antérieurs au récit (notamment Gilpanda et ses Cordons Bleus) pour enrichir ce dernier sans perdre le nouveau lecteur, et terminant son propos de façon nette et satisfaisante, en plus de laisser envisager les palpitants lendemains (qui saignent plutôt qu’ils ne chantent, mais c’est comme ça qu’on les aime) attendant Gaunt et Cie. Et quand je dis 12 pages, vous pouvez en retrancher les 3 pages introductives retraçant les derniers instants des vaisseaux impériaux ayant reçu le MMS crypté, contrepoint appréciable à la suite de l’action. Bref, si Abnett n’avait pas déjà validé son ticket de hot new talent avant la sortie de Vermilion Level, nul doute que cette nouvelle lui aurait obtenu le précieux sésame, étant une soumission objectivement supérieure, car plus riche, à ses précédents courts formats. Et, connaissant la suite des événements, on aurait tort de s’en plaindre.

1 :  Premier roman à plus d’un titre car First and Only a constitué l’une des toutes premières publications de la récemment fondée maison d’édition, en Août 1999. Cela ne nous rajeunit pas.

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Et voilà qui termine cette revue de l’année cinquième d’Inferno!, qui a présenté une agréable diversité de contenu tout au long de sa vingtaine de nouvelles, et permis de découvrir ou redécouvrir bon nombre de figures marquantes de cette époque flamboyante et révolue de la GW-Fiction. Rendez-vous dans quelques temps pour la suite de cette escapade infernale, avec l’année 6 !

INFERNO! – ANNEE 3

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue des nouvelles publiées dans les numéros #13 à #18 d’Inferno!, troisième année de publication du bimensuel couvrant la période allant de juillet 1999 à mai 2000). Feeling old yet ?

Même si Abnett n’est pas aussi omniprésent que pendant la saison précédente, il reste un des contributeurs principaux de la série étudiée aussi avec pas moins de trois soumissions, tout comme Gav Thorpe, Robert Earl et Gordon Rennie. Cette troisième année est également marquée sous le sceau de Neil Rutledge, qui en profita pour signer ses deux seules nouvelles pour le compte de la Black Library avant de partir vers d’autres cieux, et du grand revenant Brian Craig, qui avait fait les riches heures de la GW-Fiction des années avant que la BL ne soit lancée. Really not feeling old yet ?

Inferno!_Année 3

Cette année 3 voit les débuts de deux séries mineures dans l’univers de Warhammer 40.000 : celle des Iron Snakes (Black Gold, White Heat), soit rien de moins que le Chapitre Space Marines personnel de Dan Abnett, et celle d’Execution Hour (Baptism of FireMatters of Honour), décrivant de manière assez originale le déroulé de la guerre gothique depuis le point de vue du capitaine du Lord Solar Macharius. Il faut dire qu’à l’époque, Games Workshop venait juste de sortir le jeu Battlefleet Gothic, et si cela ne vous fait pas sentir le poids des années, vous êtes probablement un être immortel… Ah, et tant qu’on y est, et puisque je suis d’une humeur charitable, le Tybalt’s Quest de Gav Thorpe peut aussi être considéré comme l’épisode fondateur d’un arc narratif, puisque le brave Tybalt nous reviendra quelques mois plus tard dans Tybalt’s Battle1.

Le cadre étant posé, il est temps de partir à la (re)découverte des 23 nouvelles qui forment le corpus de cette troisième année infernale, afin d’établir si le presque quart de siècle qui nous sépare de leur publication initiale se fait sentir à la lecture. Accrochez-vous à votre siège, on va changer de millénaire…

1 : Et bien des années plus tard, Dan Abnett rachètera l’honneur de tous les Tybalt en donnant ce nom à l’un de ses seconds couteaux de l’Hérésie d’Horus. Un acte miséricordieux.

Inferno! Année 3

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Gilead’s Test – D. Abnett [WFB] – #13 :

INTRIGUE :

WFB_Gilead's TestCette fois-ci, c’est la bonne. Après s’être vengé de la mort de son frère jumeau (‘Gilead’s Wake’), puis sombré dans la dépression et finalement choisi de consacrer sa vie à combattre le mââââl sous toutes ses formes (‘Gilead’s Fate’), notre héros a enfin opéré sa pleine mue et atteint sa forme finale, celle de VHS (Vigilante Hagard et Sociopathe). Nous retrouvons donc l’autre duo G&F légendaire de Warhammer Fantasy Battle à la sortie d’un accrochage disputé contre une bande d’Elfes mutants (eh oui, ça existe), alors que nos amis cherchaient le chemin de la Tour de Talthos Elios afin d’aller rendre visite à leurs lointains cousins…

Les aléas de la guerre ont séparé le couple fusionnel (c’est pas moi qui le dit, c’est Abnett), laissant Fithvael émerger difficilement d’un KO sans graves conséquences pour sa vieille personne, mais désespéremment seul parmi les cadavres de ses adversaires. Petite consolation, sa fidèle jument ne l’a pas déserté, et le dévoué serviteur peut se lancer sur les traces de son maître disparu sans tarder (même si sa méthode d’investigation est tellement scrupuleuse qu’il lui faut une journée entière avant de décider par où partir). Gilead, de son côté, s’est fait piteusement assommer par la dernière de ses victimes, et a été récupéré par un des quelques survivants de son épisode shadow fast, qui l’a amené à la fameuse Tour. Si les Elfes pervertis qui occupent les lieux n’ont pas occis le fier héros, c’est qu’ils souhaitent le rallier à leur cause, ce qu’ils font en lui jetant un sort pendant qu’il est inconscient : à son réveil, il perçoit ses hôtes et leur domaine comme parfaitement hauts elfiques, et se remet donc doucement de son trauma crânien en bonne compagnie, pendant que son brave Fithvael s’enquille des nuits humides à sa recherche. Il n’y a pas de justice, décidément.

Fifi peut toutefois compter sur l’apparition fortuite d’un Mutelfe (appelons les comme ça) pour le remettre sur une piste qui menaçait de se refroidir salement (à son image). Pour vous refaire le topo : Fithvael est réveillé en sursaut par l’arrivée du maraud, sans doute trahi par sa mauvaise odeur, et lui pourrave le gu*ule – sans grands effets il faut bien le reconnaîte – jusqu’à ce que son placide adversaire décide de repartir. Pas né de la dernière pluie, l’ancêtre décide de laisser à sa proie une longueur d’avance, pensant – à juste titre – qu’elle finira par le mener jusqu’au lieu où Gilead est retenu. Tout fonctionne plutôt bien jusqu’à ce que le lièvre de Fithvael, sérieusement esquinté, s’effondre au sol et se fasse rattraper par son poursuivant. S’en suit alors une scène grotesque (qui est la raison pour laquelle je suis descendu dans ce niveau de détail, je l’avoue), au cours de laquelle Fithvael fait du bruit de façon menaçante à proximité de son gibier, dans l’espoir de le faire sortir de son coma, et pouvoir ainsi continuer sa traque. C’est complètement con, je vous l’accorde… et ça ne marche pas. Il y a bien une justice, finalement (cf paragraphe précédent).

De son côté, Gilead, qui a bien récupéré, et est tombé à moitié sous le charme de la fille de son hôte, la ravissante Gudula (WTF Dan ?), se dit qu’il est temps de se remettre en forme après avoir passé tout ce temps (le sort qui lui a été jeté transforme les jours en semaines) allité comme une grosse feignasse. Quelques sessions de salle plus tard, Gigi se met à en faire (du sale), sa redécouverte du shadow fast envoyant trois de ses sparring partners à l’infirmerie, sans que notre psychopate aux oreilles pointues ne s’en émeuve. Quel héros, vraiment. Il est temps que cette sinistre histoire arrive à son terme, ce qui se passe lorsque Fithvael, qui, par miracle, a fini par trouver la Trump Tower de la Drakwald, se fait chopper comme un bleu par la patrouille, et assommer à son tour sans sommation. Trop cléments, les Eliossiens le ramènent à l’intérieur pour tenter de le recruter à son tour, mais c’est sans compter sur Gilead, qui reconnaît son vieux compaing, et, ne se posant absolument pas la question de savoir pourquoi il est amené à la Tour comme un sac à patates, le fait monter dans ses quartiers pour lui prodiguer des soins. Se réveillant sans avoir été enchanté à son tour, Fithvael se rend compte que quelque chose cloche devant le choquant manque de réaction de son maître devant l’intérieur décrépit et l’aspect dégoulinant de ses hôtes. Le vieil Elfe fait toutefois comme si de rien n’était, jusqu’à ce que, grâce au pouvoir de l’amour (ou quelque chose comme ça), il arrive à lever le sort qui touchait Gilead, juste avant que ce dernier ne bascule totalement du côté moisi de la Force.

Si la sortie de la Matrix est douloureuse pour notre héros (notamment parce qu’il se rend compte qu’il a littéralement bouffé de la m*rde pendant des semaines), elle l’est incomparablement plus pour les perfides Mutelfes, qui se font tronçonner sans délai par la paire infernale. Ce n’est toutefois que la première étape de la nouvelle vendetta entreprise par Gigi, qui se dirige à grande hâte vers le fameux Tertre ayant perverti Talthos Elios, pour exercer une saine et cathartique vengeance sur le mââââl qui y rôde…

AVIS :

Péripétie franchement bizarre de la geste Gileadesque (encore que, on est très loin des niveaux de ‘Gilead’s Curse’), ce ‘Gilead’s Test’ comporte plusieurs étrangetés scénaristiques assez déplacées pour une soumission de Dan Abnett. Alors que les deux épisodes précédents s’étaient révélés être de courtes nouvelles robustement construites à la lecture agréable, ce plus long format, qui se termine d’ailleurs sur la promesse d’un grand nettoyage de printemps du fameux Tertre de Talthos Elios (jamais couvert dans Inferno!, ce Gilead’s Test étant le dernier épisode de la sage publié dans le magasine), se révèle une succession d’événements abscons et/ou inintéressants, emmenant le lecteur jusqu’au bout de ses 13 pages avec la grâce et la cadence du pauvre Mutelfe trucidé par Fithvael en chemin. Serait-ce le début de la fin pour le héros de Dan Abnett et Nik Vincent ? Ce n’est pas en lisant Inferno! que nous le saurons, mais le dernier passage de Fifi et Gigi dans les pages infernales ne fait pas vraiment plaisir à lire…

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Nightmare – G. Thorpe [40K] – #13 :

INTRIGUE :

Nous suivons les péripéties oniriques du jeune Joshua, dont l’adolescence a pris un sale tour depuis que sa famille et ses amis l’ont rejeté pour crime de sorcellerie, forçant le jeune homme à vivre seul dans le désert inhospitalier de la planète de Sha’ul. Seul ? Pas tout à fait. Une mystérieuse voix, que l’on appellera donc Daniel, lui tient compagnie et lui prodigue des conseils dans son exil, sans que le peu curieux Joshua s’interroge beaucoup sur l’origine de ce phénomène. Pour la première fois depuis que son ami imaginaire lui rend visite, la Voix a retentit dans son esprit alors qu’il était endormi, et lui propose rien de moins que de participer à une grande aventure, comme quand il était enfant et jouait au Space Marine, ainsi que font les bambins de l’Imperium.

Sur les indications de The Voice, Joshua part donc en vadrouille et commence à farmer du mob démoniaque de bas étage, grâce aux pouvoirs merveilleux de son esprit, capable de matérialiser des armes et des armures à volonté pour affronter toutes les épreuves de ce qui ressemble fort à un RPG en réalité virtuelle (ça doit être commun au 41ème millénaire). Bien que Joshua ne soit pas plus violent que la moyenne, l’aspect répugnant des créatures qu’il rencontre et l’assurance maintes fois répétées par la Voix que tout ça n’est qu’un rêve, conduisent notre héros à commettre un véritable massacre grâce à ses pouvoirs psychiques fantasmés.

Guidé par son GPS intégré, Joshua finit par arriver devant un bâtiment dont l’entrée est gardée par une grille de fer, dont il tort aisément les barreaux avant de se glisser dans un étroit tunnel en prenant la forme d’un serpent. Au bout du compte, il parvient dans une salle obscure où l’attend le « boss de fin », un tas de saindoux à tentacules que la Voix l’incite à tuer pour terminer sa quête. Bien fatigué par ses aventures et lassé de ces tueries incessantes, Joshua fait mine de refuser mais son compagnon excite son amertume et sa rage d’avoir été abandonné par ses proches à cause de sa différence jusqu’à ce que le jeune homme pète les plombs et étrangle à mains nues sa victime dans un accès de colère. Ceci fait, la Voix lui annonce qu’il n’a qu’à imaginer qu’il est de retour à son point de départ pour sortir de ce rêve étrange et pénétrant, et lui promet de le laisser désormais tranquille…

Début spoiler…A son réveil, Joshua a la surprise de découvrir qu’il n’est pas dans sa cahutte du désert, mais dans un jardin luxuriant qui ne peut être que celui du Gouverneur Planétaire Ree en personne. Surprenant la conversation de passants alors qu’il se cache dans les fourrés, il comprend alors qu’un mystérieux assassin a réussi à s’infiltrer dans le palais, massacrant les gardes et les sentinelles au cours de sa progression, défonçant tous les obstacles et se glissant dans les moindres interstices, jusqu’à parvenir dans la chambre du Gouverneur, retrouvé étranglé dans son lit au petit matin. La nouvelle se termine avec l’horrible réalisation par Joshua qu’il s’est fait grandiosement balader par celui qu’il considérait comme son seul ami, pendant que dans le Warp, un démon mineur de Tzeentch ricane follement en se tenant la bedaine…Fin spoiler

AVIS :

Gav Thorpe tenait une idée de nouvelle assez intéressante avec ce ‘Nightmare’ (Adventure Times à la sauce 40K, rien que ça), mais il pêche un peu par son exécution, qui ne laisse pas assez planer de mystère sur les actions accomplies par Joshua lors de sa virée nocturne à mon goût. Dès lors que Thorpe nous révèle que son héros a été chassé de son village après avoir été accusé d’être un sorcier (donc un Psyker en puissance), n’importe quel lecteur au fait de son fluff prendra le ‘it’s just a dream bro’ que la Voix sert à Joshua à toutes les sauces avec les pincettes de rigueur. J’ajoute que ‘Nightmare’ exploite le même filon qu’une vieille nouvelle de 40K, autrement plus mémorable car joyeusement foutraque (normal pour une soumission d’Ian Watson, vous me direz) : ‘Warped Stars’. L’imitation est la forme la plus sincère de flatterie, et on peut pardonner à un auteur – à l’époque – aussi vert que Gav Thorpe de vouloir s’inspirer d’un auteur vétéran et célébré comme Watson, mais cela ne vient pas non plus jouer en faveur de son travail. Bref, une petite nouvelle fort convenable mais absolument pas mémorable.

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Angels – R. Earl [40K] – #13 :

INTRIGUE :

Alors que la fin approche pour lui, après une longue vie de près de 50 ans (ce qui est apparemment respectable sur la planète féodale sur laquelle il vit), Bobby1 se remémore l’événement le plus marquant de son existence, un souvenir tellement puissant qu’il l’a guidé dans les moments charnières de sa vie, depuis l’accouchement de sa femme jusqu’à l’extermination d’une meute de loups un peu trop familiers. Cela s’est passé il y a bien longtemps, lorsqu’il n’était qu’un petit nenfant…

Né dans le petit village de Pasternach, Bobby connut une enfance rude mais heureuse dans ce hameau fort éloigné du tumulte grimdark d’une galaxie hostile, jusqu’à ce que des signes inquiétants se multiplient dans les environs immédiats du bourg. Les méthodes traditionnelles (envoyer une patrouille faire mumuse dans la forêt voisine) n’ayant, pour une fois, pas donné les résultats escomptés, une douce psychose commence à s’abattre sur Pasternach au fur et à mesure que des événements sinistres se produisent dans le voisinage (meurtre sauvage d’un vieil ermite qui résidait un peu en retrait du village, disparition de l’expédition de volontaires envoyés quérir de l’aide dans la ville la plus proche, incendie probable de cette dernière en pleine nuit). Décidés à se défendre contre les forces maléfiques qui crapahutent dans les sous-bois, les villageois transforment leur communauté en fort retranché, mais cela ne décourage pas la bande de mutants assoiffés de sang et de chair fraîche qui constitue la cause de leurs tracas de passer à l’attaque, au cœur d’une sombre nuit d’automne.

Malgré leur vaillance et leurs outils de ferme soigneusement affutés, tout aurait pu et dû très mal se finir pour les Pasternachois, très démunis face à la férocité et au nombre de leurs assaillants. Au moment où tout semblait perdu, cependant, quatre « anges » (d’après les mots du narrateur) font leur apparition sur la palissade ceignant le village, et commencent à tailler des croupières à la horde impie, avec une terrible efficacité qui ne manque pas d’impressionner le jeune Bobby. Ce qu’il ne peut pas savoir, en pauvre inculte qu’il est, c’est que les nouveaux arrivants sont des Space Marines2, et que le massacre d’une bande d’Hommes Bêtes en maraude n’est probablement qu’un échauffement avant leur tournoi de bière pong énergétique. Toujours est il que la bogossitude absolue de l’Astartes fait une très forte impression sur Bobby, qui tirera de ce souvenir impérissable la fortitude nécessaire pour affronter tous les aléas de sa morne vie de péquenot. Merci Pépé.

1 : Comme il n’a pas de nom, je lui en donne un.
2 : Robert Earl ne donne pas d’indication quant à leur allégeance, et comme leur livrée est bleue et verte, il est permis de penser qu’il ne s’agit pas nécessairement de loyalistes

AVIS :

Avant le lancement des gammes Warhammer Horror et Crime, rares étaient les nouvelles de 40K s’intéressant au point de vue des humbles sujets de l’Imperium, et à ce titre, ‘Angels’ est une œuvre intéressante et résolument précurseuse (?), puisqu’écrite plus de vingt ans avant que la Black Library fasse le pari de la diversification. Bien sûr, il y a bien des Space Marines au casting de cette courte nouvelle, mais Robert Earl garde volontairement et astucieusement la caméra braquée au niveau de son jeune et impressionnable héros, qui est au fond assez proche de la grande majorité des habitants de l’Imperium dans sa méconnaissance absolue de qui sont les Elus de l’Empereur. Ajoutez à cette bonne idée de positionnement narratif le talent de conteur d’Earl, et vous obtenez une des nouvelles courtes (10 pages ou moins) les plus efficaces du catalogue de la BL à mon humble avis. Un vrai masterclass en GW-Fiction.

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The Bretonnian Connection – J. Wallis [WFB] – #13 :

INTRIGUE :

WFB_The Bretonnian ConnectionNous retrouvons l’homme qui tua Liberty Valance Frère Gilbertus (‘The Dead Among Us’), l’ex-marchand devenu Prêtre de Morr Dieter Brossmann, peu de temps après la conclusion de la première nouvelle dont il était le (sombre, taciturne et antisocial) héros. Alors que le temple dans lequel notre ecclésiastique sert est encore en réparation, et que le clergé survivant tente tant bien que mal de creuser des tombes dans la terre encore gelée du Morrspark, une nouvelle d’importance parvient à leurs oreilles rougies par le froid de ce début de printemps : la Comtesse Sophia d’Altdorf, représentante de Karl Franz auprès de la cour du Graf, et, accessoirement, femme séparée du Dauphin de Bretonnie, a été retrouvée morte dans ses appartements, et pas de causes naturelles. Sophia étant une figure populaire dans la Cité du Loup Blanc, les Prêtres se préparent à quelques jours d’intense activité, la populace de Middenheim se tournant en grand nombre vers les Croque-Morrs pour obtenir un réconfort spirituel dans cette période troublée.

Cette agitation ne concerne cependant que marginalement notre héros, que son nouveau supérieur, Père Ralf, envoie collecter un cadavre de mendiant dans un hospice de l’Altquartier au lieu de le mobiliser pour répondre aux atermoiements de la foule. Ceci est somme toute assez logique car Dieter déteste tout le monde, lui y compris, et manque donc de l’empathie nécessaire pour cette tâche. Nous suivons donc Didi alors qu’il se rend là où sa fonction l’appelle, en fredonnant sa chanson préférée. Sur place, il a la surprise de constater que le macchabée était connu de lui, du temps où il était un des marchands les plus en vue de Middenheim : c’est bien ce vieux Reinhold, homme à tout faire, et surtout les mauvais coups, qui gît raide comme une planche sur une des paillasses de l’hospice. Passée la vague nostalgie suscitée par cette découverte, Dieter se livre à un rapide examen du cadavre, et n’est pas long à découvrir que les causes de la mort sont loin d’être naturelles. Déterminé à démasquer le coupable du meurtre de son ancien sous-fifre, Brossmann repart de l’Altquartier à la recherche d’une certaine Louise, désignée par le propriétaire des lieux comme la bonne amie du défunt, et qui est la dernière personne avec laquelle Reinhold a été vu.

Une fois la donzelle localisée, Dieter apprend qu’un de ses vieux ennemis est de retour en ville, et certainement pas pour lui conter fleurette. Du temps où il était aux affaires, notre héros a en effet cru malin de piéger un concurrent potentiel, le marchand Claus Grubheimer, surnommé Grubworm, qui souhaitait ouvrir un comptoir d’herbes de Loren dans la cité. Sous ses abords bonnasses, Brossmann s’est arrangé pour faire trouver par la milice urbaine des substances illicites dans les quartiers du Middenheimer d’origine Bretonnienne (c’est important), provoquant sa disgrâce et sa fuite. On savait rire à l’époque. Reinhold ayant aidé Brossmann à réaliser ce tour pendable (littéralement, le recel de lotus noir étant puni de mort), il suppute fortement que le décès violent de son ex-associé implique Grubworm, et que ce dernier ne va pas tarder à lui rendre une visite de courtoisie. Une fois ces informations obtenues de Louise, qui, comme son nom l’indique, est également une Bretonnienne d’origine, le Prêtre repart vers le temple, où il compte bien réaliser une autopsie de la dépouille de Reinhold.

Ces nobles projets sont toutefois contrariés par le déplaisir manifeste du Père Ralf, qui trouve que l’empathie de son inférieur laisse singulièrement à désirer, et insiste donc pour le faire participer à la messe funèbre donnée en l’honneur de Sophia, en pénitence de sa froideur manifeste. Contraint par cet impondérable, et de plus en plus inquiet pour son intégrité physique, Dieter change de plan et s’en va se rencarder auprès d’une autre de ses vieilles et interlopes connaissance, le bien nommé Grizzly Bruno (Koala Bob était absent ce jour là), qui accepte d’envoyer un de ses hommes localiser Grubworm au bénéfice du Prêtre. Ceci fait, ce dernier retrouve Louise, qu’il a sèchement rabroué au cours de leur précédent échange, au moment même où elle s’apprêtait à lui donner une information importante. C’est ballot. Bien heureusement, Dieter est un crack, et parvient sans mal à connecter entre elles toutes les pièces du puzzle à la seconde tentative. Prenez note : c’est Reinhold, dont la connaissance des tunnels sous Middenheim et les compétences de crochetage rendaient très qualifié pour le job, qui a assassiné la Comtesse Sophia. Pourquoi ? Eh bien, il semblerait que ce mauvais garçon, ayant eu vent du retour de Grubworm et devinant que ses heures étaient comptées, ait agi pour tirer sa révérence de façon « glorieuse »1, tout en vengeant sa chère et tendre au passage, qui s’était faite lourdée sans ménagement par Sophia quelques années plus tôt. Des motifs très profonds, comme vous pouvez le voir. Ayant convaincu la « veuve » de Reinhold de lui remettre l’anneau de fiançailles de la Comtesse, dérobée par le coupe-gorge comme preuve de son crime et moyen pour lui de se faire une place dans l’histoire, Dieter repart dare dare vers le temple, où la messe doit commencer sous peu.

Les choses s’accélèrent à son arrivée sur place, trop tard pour prendre la sienne dans la cérémonie (au grand déplaisir de Père Ralf), mais pile au bon moment pour croiser Grubworm. Peu confiant en ses chances de sortir d’un vainqueur d’une confrontation avec sa Némésis (pour tabasser les Nécromanciens rachitiques, il y a du monde par contre), Dieter s’enfuit dans l’aile résidentielle du bâtiment, jusqu’à sa cellule où il trouve un sac de poudre de lotus noir placé bien en évidence. Comprenant que Grubworm cherche à lui refaire la bonne blague qu’il avait organisé à ses dépends quelques années plus tôt, notre héros se saisit de la bourse incriminante, et profite de l’arrivée impromptue d’un de ses collègues, Frère Jakob, pour lui refiler en douce le chichon. Bien lui en prend, car la paire se fait arrêter à la sortie du temple par une patrouille de miliciens, rencardés par Grubworm, comme Dieter s’y attendait. Notre héros va-t-il laisser son innocent coreligionnaire se faire alpaguer à sa place ? Que nenni. Tirant parti des tours de passe passe que Reinhold lui a enseigné, il fait mine de sortir l’anneau de la comtesse du pourpoint de son accusateur, en gueulant « OH MAIS REGARDEZ CE QU’IL A DANS LA POCHE-EUH » à la cantonnade. Cette preuve très incriminante, couplée aux origines Bretonniennes de Grubworm, placent ce dernier dans une situation des plus délicates, et entraînent une réaction malheureuse (surtout pour Jakob) de sa part : dégainant un couteau, il tente de se faire justice lui-même, mais c’est sans compter l’égoïsme patenté de Dieter, qui prend soin de placer son collègue dans la trajectoire. Bilan des courses : Grubworm se fait lui-même occire séance tenante par un quidam révolté (qui se trouve être le complice de Grizzly Bruno), Jakob passe du statut de Prêtre de Morr à celui de Prêtre mort (notez la subtile différence), mais Dieter a réussi à sauver sa tonsure, ce qui est bien tout ce qui lui importe. La guerre probable entre l’Empire et la Bretonnie causée par cet incident diplomatique n’est d’ailleurs que le cadet de ses soucis, tout comme le fait que, si on regarde bien, c’est lui le méchant de l’histoire. Que voulez-vous, le Vieux Monde est un endroit cruel…

1 : On a affaire au Mark David Chapman du Vieux Monde, ou en tout cas, à un sévère syndrome d’Erostrate.

AVIS :

James Wallis relève la barre (qui était déjà assez haute) de sa série consacrée à Dieter Brossmann, le Dexter de Middenheim, avec cet excellent ‘The Bretonnian Connection’. Le lecteur a droit à une transposition réussie du roman noir dans le monde de Warhammer, qui se révèle être naturellement assez glauque, injuste et immorale pour que cette adaptation fonctionne à plein régime. En plus de proposer un récit d’enquête tout à fait correct, cette nouvelle permet de placer le héros de Wallis sous un nouvel angle, dont il sort plus approfondi que grandi. Exit le Prêtre de Morr ayant adopté la chasuble pour pouvoir continuer ses investigations sur la disparition de sa femme et de son fils : Brossmann apparaît comme un authentique salopard, prêt à tout pour éliminer la concurrence et préserver sa précieuse personne. Malgré ces révélations peu ragoutantes, Wallis parvient à conserver un fond de sympathie dans son personnage, que le lecteur aura bien du mal à haïr en dépit du caractère trouble de son passé, son réseau et ses agissements. Intéressant à plus d’un titre, autant par la plongée dans le Middenheim profond et la géopolitique du Vieux Monde qu’il offre, que dans la mise en scène de personnages plus complexes que la moyenne (pour la Black Library), ‘The Bretonnian Connection’ est l’une des toutes meilleures soumissions de James Wallis, ainsi que l’une des tentatives les plus abouties de la BL en termes de récit policier (ce qui est un peu triste pour Warhammer Crime, mais bon).

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Know Thine Enemy – G. Thorpe [40K] – #14 :

INTRIGUE :

40K_Know Thine EnemyLorsque la planète Slato et ses deux cent mille colons se trouvent menacés par les perfides Eldars, il incombe à la 4ème Compagnie des Salamanders de voler à la rescousse de cet agri-monde guère capable de se défendre seul contre les insaisissables Xenos. Nous suivons donc le Chapelain Ramesis et les trois escouades qu’il chaperonne alors que ce beau monde se dirige en Thunderhawk vers le portail Warp où se concentre la majorité des combats. Après avoir conduit les rites appropriés, formellement accueilli un frère de bataille novice (Xavier1) au sein de la Compagnie, et surtout briefé ses hommes – et le lecteur avec eux – sur les tenants et les aboutissants de leur mission, Ramesis est sauvé de l’indignité de devoir se lancer dans le stand up pour meubler la nouvelle par l’attaque d’un vaisseau eldar, qui force le Thunderhawk à se poser en catastrophe dans la pampa. Rien de très grave pour nos fiers surhommes, qui partent en petites foulées en direction du champ de bataille, après s’être rapidement coordonnés avec le reste du contingent Salamanders, sous les ordres du Capitaine Nubean et de l’Archiviste Zambias.

La session de décrassage des verts les amène à traverser un bois, où les attendaient quelques Rangers pas très dégourdis, et qui se font vite laminer par les intraitables (mais pas beaucoup plus malins2) Astartes. Cette échauffourée donne l’occasion à Thorpe de nous resservir une nouvelle tournée de dialogues ciselés, avant que les détachements de Ramesis et de Nubean n’accomplissent leur jonction, ce qui mène évidemment à plus de palabres entre les trois officiers. Moment de grâce absolu où les lignes défilent sans que les mots prononcés n’aient le plus traître intérêt : c’est un peu comme si on avait demandé à ChatGPT d’écrire un rapport de bataille 40K depuis le point de vue d’un mauvais commentateur sportif. Après avoir débattu pendant à peu près trois mille ans, notre fine équipe repart, toujours en courant, vers le portail Warp tant attendu (par le lecteur en tout cas) afin d’aider la Garde Impériale à défendre cette mystérieuse relique contre les attaques incessantes des Eldars. On apprend aussi qu’un Techno-Prêtre de l’Adeptus Mechanicus (Simeniz) a été dépêché sur place pour étudier la machinerie Xenos, qui doit donc être impérativement défendue et non détruite de manière préventive (ce qui serait tout de même ’achement plus pratique). ‘Ach !’ fait Ramesis, que son dédain pour les disciples de l’Omnimessie transforme soudainement en germanophone. On est plus à un cliché près, à ce stade.

Après avoir complété leur marathon, les Salamanders se positionnent autour du portail, confiants dans la tactique du camping éhonté pour remporter la victoire à la clock. Après tout, c’est ce qu’à fait l’Empereur pendant le Siège de Terra, et ça lui a bien réussi. Nouvelle scène de baston, nocturne cette fois-ci (sans doute un hommage à la planète natale de nos héros), pendant laquelle Thorpe finit d’égrener laborieusement les entrées du Codex Eldars V3, et où rien de bien intéressant ne se passe. Hors champ, Nubean décide d’aller taquiner le goujon avec son escouade de commandement et revient après quelques temps accompagné d’un Prophète et de deux Archontes. Stupéfaction chez Ramesis, qui ne comprend pas comment le Capitaine a pu parlementer avec l’ennemi, et manque de commettre une boulette en décochant un coup de crozius aux invités de son supérieur. En même temps, la haine est son métier, on ne peut pas lui reprocher d’être un peu intolérant sur les bords.

Revenus devant le portail pour, je vous le donne en mille, tailler le bout de gras, Salamanders et Eldars parviennent presque à se mettre d’accord sur la marche à suivre pour coopérer et ainsi empêcher la cabale du redoutable Kha-rehk d’activer la porte afin de piller Slato. C’était d’ailleurs l’objectif initial des Zoneilles, dont la tranquillité du Vaisseau Monde se serait retrouvée menacée à plus ou moins long terme en cas d’incursion réussie de la part de leurs méchants cousins sur la colonie impériale. Je dis « presque » car au moment où le Prophète commence à incanter pour désactiver la wifi, le portail commence à s’ouvrir et Ramesis a une réaction malheureuse : coller un pain au Xenos le plus proche. Après tout, il y a une bonne chance que ce soit de sa faute, pas vrai ? La situation dégénère totalement et les trois Eldars finissent en salami, Xavier s’illustrant particulièrement en assénant le coup de grâce au Prophète avec le crozius de Ramesis…

Début spoiler…Toutefois, cela n’empêche pas la nouvelle de se terminer sur une défaite critique de l’Imperium, la décision hâtive et xénophobe du Chapelain ayant permis aux Eldars Noirs d’ouvrir le portail et de déferler en masse sur les positions impériales. Ramesis a le temps de réaliser qu’il a vraiment chier dans la colle, l’alliance des Space Marines, Gardes Impériaux et Eldars ayant pu permettre de repousser les Drukharis, avant de se faire ôter son dernier point de vie par une foultitude de cabalites surexcités. Dans la vie, il faut savoir choisir ses combats.Fin spoiler

1 : Oui, LE Xav’ en personne. Gav Thorpe n’a jamais pu résister à un caméo de personnage nommé, c’est son péché mignon.
2 : Ramesis décide en effet de couper à travers bois alors que 1) son second lui avait fait part d’un fort risque d’embuscade, et 2) l’auspex de ce dernier avait confirmé la présence d’humanoïdes embusqués dans le bosquet.

AVIS :

Un jeune Gav Thorpe se frotte à la nouvelle de taille intermédiaire (32 pages), pour un résultat comiquement laborieux. C’est bien simple, plus de la moitié du texte de ce ‘Know Thine Enemy’ est constituée de passages de remplissage, alternant entre passages fluff (ne respectant d’ailleurs pas du tout le background1), expositions sans honte et dialogues creux. Ah, et de remise de casque aussi. Parmi les rares éléments rédempteurs de cette bouillie littéraire, citons tout de même l’idée de terminer la nouvelle sur une défaite sans appel des protagonistes (pas si fréquent dans la GW-Fiction), et l’enrichissement de l’historique du (pas encore) Chapelain Xavier. Pour le reste, nous qualifierons poliment cette nouvelle de travail de jeunesse assez peu abouti, et passerons à autre chose. Ça vaut mieux pour tout le monde.

1 : Entre les Space Marines qui considèrent l’Empereur comme un dieu, les 10 Compagnies de Salamanders (au lieu de sept) dénombrées par Thorpe, et le mépris total dont ces derniers font preuve pour la vie de leurs alliés humains, le fluffiste souffle fort à la lecture. L’auteur a fini maître du background chez GW, donc il s’est rattrapé après cela.

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Rat in the Walls – A. Hammond [NDA] – #14 :

INTRIGUE :

NDA_Rat in the WallsNous retrouvons Knife-Edge Liz, l’héroïne vengeresse de ‘A World Above’ dans un état comparable à celui dans lequel elle a passé la majeure partie de cette précédente nouvelle : pissant le sang, trop faible pour tenir debout et sujette à des évanouissements fréquents. La constance, c’est la marque des plus grand.e.s. Ayant troqué ses frusques d’Escher pour une exo-armure Spyrienne aussi fatiguée qu’elle-même, et les profondeurs rassurantes du sous monde pour les tuyaux d’aération de la haute ruche, Liz sévit depuis plusieurs jours parmi les rupins de Primus, cherchant à faire payer l’élite necromundienne la mort tragique du reste de son gang. Une quête des plus nobles, mais dont on se demande bien comment elle est mise en œuvre par l’intéressée, qui ne dispose que d’informations très limitées sur l’identité du responsable de ses malheurs, le puissant et mystérieux Terrak Ran’Lo. On supposera que l’intermédiaire avec lequel ce dernier organisait des virées sanglantes dans le sous monde, et que Liz a proprement massacré hors champ à la fin de ‘A World Above’ (Aldus Harkon), lui a donné quelques tuyaux avant de passer l’arme à gauche. Mais la piste reste assez mince pour une sauvageonne comme notre Lison, que son existence de ganger n’a pas préparée à opérer chez les bourges.

Après quelques pénibles reptations, Liz finit par entrer par effraction dans une résidence de haut standing, et s’effondre dans la salle de bains avant d’avoir pu déboucher le flacon de mercurochrome. Elle a toutefois de la chance de sa torpeur : au lieu de se faire sommairement exécuter par le propriétaire des lieux en plein coma, ou simplement abandonner dehors sur un tas d’ordures (biologiques, car on fait le tri sélectif en haut de spire), son hôte entreprend de la remettre sur pied avec bienveillance et diligence, se permettant même de lui effacer la plupart de ses disgracieuses cicatrices au passage. Bien évidemment, notre bon samaritain, qui se présente comme Kassat Ran’Lo, n’est en rien désintéressé. Rival de son parent Terrak, qui occupe un siège au conseil familial sur lequel il lorgne avec insistance, Kassat souhaite faire assassiner son encombrant cousin par Liz, à la faveur d’un bal qu’il organisera prochainement. Après avoir d’abord refuser de marcher de la combine, notre Escher convalescente finit par comprendre qu’elle n’a guère le choix, et qu’accepter cette mission lui donnera l’occasion d’expliquer sa manière de penser à Terrak, ce qui serait joindre l’utile à l’agressable.

Au bout de nombreuses leçons d’élocution et de menuet, Liz est fin prête à l’action. Le plan de son commanditaire est simple : faire entrer son assassin sur les lieux des réjouissances grâce à ses relations éloignées pour brouiller les pistes, et cacher un pistolet dans la sculpture de glace trônant au milieu du buffet pour contourner la sécurité. Cela aurait été presque intelligent si Kassat et Liz n’avaient cru bon d’aller discuter pendant le bal (sans que rien de très important ne le justifie en plus de cela), ce qui aurait donné une magnifique piste à exploiter aux enquêteurs si la nouvelle avait été une novella ou un roman. Ayant laissé Kassat s’eclipser de la petite sauterie, Liz passe enfin à l’action, faisant diversion en libérant un duo de gladiateurs à la fois enchaînés et déchaînés afin de pouvoir briser la glace avec Terrak Ran’Lo, et pas nécessairement dans cet ordre. Petite complication au programme, un Chasseur de Sorcières importun s’est joint aux réjouissances sans prévenir, mais un test de sauvegarde d’armure réussi de la part de notre tueuse lui permettra de remporter le duel de tir avec le servant des Ordos. Dès lors, régler son compte à ce vieux croulant de Terrak n’est qu’une formalité, comme échapper à une horde de gardes armés jusqu’aux dents pour rejoindre la planque de Kassat. La magie des ellipses…

Début spoiler…Sa mission accomplie, Liz aurait dû se douter que son employeur se retournerait contre elle, mais c’était sans compter son bon cœur et/ou sa tête vide. Si la fourberie de Kassat ne s’avère guère surprenante, la révélation de son identité secrète l’est davantage. C’est bien Terrak Ran’Lo qui a commandité son propre meurtre, ou plutôt celui d’un rival de la maison Ulantis, qui militait ironiquement pour l’interdiction des safaris urbains de la jeunesse syprienne. Le pistolet en sa possession ne fonctionnant évidemment pas contre son commanditaire, Liz fait ce qu’elle sait faire de mieux dans ces cas là, à savoir l’improvisation explosive. Un tir dans le velux du bureau de Terrak, sans doute situé très haut dans la stratosphère, provoque en effet une aspiration telle que les deux larrons se retrouvent en mauvaise posture, Liz accrochée à la rembarde et Terrak cramponné aux basques de la première1. Malgré les jérémiades de Ran’Lo, moins faraud depuis qu’il fait la planche à 10.000 mètres au dessus du sol, Liz préfère tout envoyer balader, sacrifiant ainsi sa vie pour accomplir sa vengeance. La légende raconte qu’elle plâne encore autour de la spire de Hive Primus à ce jour…Fin spoiler

1 : Car les rembardes n’ont pas de basques, c’est connu.

AVIS :

Conclusion de l’arc narratif débuté avec ‘A World Above’, ce ‘Rat in the Walls’ (clin d’œil à Lovecraft ?) cumule comme son prédécesseur bonnes idées et mise en œuvre poussive. Les points forts de cette nouvelle (révélation bien amenée de l’identité de Kassat, conclusion tragico-poétique pas si courante pour une soumission de la Black Library) passent malheureusement au second plan, masqués derrière manquements d’une intrigue (trop) visiblement au service de l’idée générale que Hammond avait de son histoire : le choc des civilisations entre une ganger Escher mal dégrossie mais droite dans ses bottes, et un notable de la spire, aussi raffiné que retors. Outre les questions de pure logique que le récit passe avantageusement sous silence1, le simple fait que Liz puisse faire illusion comme courtisane spyrienne en l’espace de quelques jours/semaines me semble très peu vraisemblable. On peut aussi regretter que la longueur limitée de ce texte n’ait pas permis à Hammond de développer un peu plus certains passages, comme l’apprivoisement de Smeagol Liz ou l’assassinat de Terrak Ran’Lo, ce qui aurait pu fluidifier/épicer davantage son propos. En résumé, un potentiel certain mais une exécution mal maîtrisée.

1 : Ou le monstrueux coup de chance de Terrak que sa Némésis vienne roter du sang sur le lino de sa salle de bain et nulle part ailleurs dans une cité ruche de milliards d’habitants…

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The Lives of Ferag Lion Wolf – B. J. Bayley [40K] – #14 :

INTRIGUE :

WFB_The Lives of Ferag Lion-WolfC’est une belle journée qui commence dans le palais de Ferag Lion-Wolf, Champion de Tzeentch ayant bien réussi dans la vie. Après avoir servi comme Space Marine dans les rangs des Purple Stars, notre héros a décidé d’aller relever de nouveaux défis en passant de l’autre côté du périph’ et de l’Œil de la Terreur, où il s’est taillé un petit empire. Aujourd’hui, il accueille un visiteur de marque, en la personne du Seigneur Quillilil (eh oui), autre Elu du Dieu du Changement dont il convoite le domaine (et réciproquement, comme on peut s’y attendre la part de disciples de Tzeentch).

Après avoir galamment secouru son hôte alors qu’il se faisait attaquer par des terroristes1 disques-jockeys pendant la descente vers son palais, Ferag ne peut résister à la tentation de faire une démonstration de ses pouvoirs de… maître Lego, aussitôt imité – mais en moins bien, évidemment – par Quillilil. Passées ces aménités, il est temps pour Fefe d’emmener son invité jusqu’à la table du festin qu’il a organisé pour lui, mais surtout de lui narrer par le menu les épisodes les plus mémorables de sa longue et épique vie.

On apprend ainsi que notre héros a reçu son nom si particulier après avoir vengé son père, sauvagement tué par un gigantesque lion-loup alors qu’il n’avait que huit ans (Ferag, pas son père), en réglant son compte en solo à la pénible bestiole, d’un coup d’épieu bien placé. Bien des années plus tard, Ferag s’est distingué en menant ses frères de bataille Purple Stars dans l’abordage inspiré d’un vaisseau ruche tyranide, d’une manière si convaincante que le Codex Astartes fut revu et corrigé pour l’occasion (nous dit-il). Enfin, ce fut le triomphe tactique de la bataille pour la planète-bol (si si), brillamment remportée contre les hordes énervées de Khorne et pestilentes de Nurgle, pour la plus grande gloire de Tzeentch. La régalade aurait pu continuer longtemps si un bloc de maçonnerie ne s’était pas décroché alors que les deux Elus passaient en contrebas, frappant Ferag en pleine tête et le faisant sombrer dans l’inconscience…

Début spoiler…Et à son réveil, les choses ne sont plus les mêmes pour notre héros. Exit sa vie rêvée de Champion du Chaos, et bonjour à la triste réalité : Ferag n’est en fait qu’Ulf Rampe-Bouse, un avorton ayant intégré un culte de Tzeentch pour tenter de gagner de l’influence, mais ayant manqué du courage nécessaire pour assassiner un rival politique, malgré les ordres clairs donnés par son Magister. Condamné à être transformé en Enfant du Chaos en punition de son échec, Ulf a été victime d’une ultime cruauté de la part de sa déité, qui n’est pas connue comme étant le Maître du Mensonge pour rien : un aperçu de la vie qu’il aurait pu avoir, si les étoiles avaient été alignées différemment, ou quelque chose comme ça. Alors que son corps se transforme en amas informe et que son esprit sombre dans la folie, nous laissons Ferag/Ulf se débattre avec l’épineuse question de ce qui est réel et de ce qui ne l’est pas. Critique de la raison pure, Kant tu nous tiens…Fin spoiler

1 : Comme quoi, on peut être un Seigneur du Chaos et détester l’anarchie.

AVIS :

Les nouvelles dont le twist final consiste à révéler que le protagoniste a rêvé ou halluciné tout ce qui nous a été présenté au cours des pages précédentes sont assez rare au sein du corpus de la Black Library1, aussi ‘The Lives of Ferag Lion-Wolf’ n’est pas aussi inimaginatif dans son intrigue que ce que le lecteur non familier avec la GW-Fiction pourrait en penser2. Avec son style flamboyant/ampoulé (c’est selon) assez unique parmi les auteurs de la Black Library, et sa vision quelque peu surannée – justifiable au vu de l’ancienneté de la nouvelle – du fluff, Barrington J. Bayley trousse une petite histoire tenant plus de la fable fantasy cruelle que du bolter porn qui était, et est toujours, la norme pour les courts formats 40K. Un acquired taste, comme disent nos amis anglais, qui peut ne pas convenir à tout le monde mais qui mérite le détour à mon avis.

1 : Mais de manière assez drôle, deux d’entre elles se suivent dans le recueil ‘Dark Imperium’, le ‘Nightmares’ de Gav Thorpe exploitant la même idée.
2 : Je dois indiquer ici que même Lovecraft a cédé à cette tentation, dans ce qui peut être considéré comme la moins lovecraftienne de ses nouvelles : ‘The Dream-Quest of Unknown Kadath’.

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Red Moon Over Altdorf – G. Rennie [WFB] – #14 :

INTRIGUE :

WFB_Red Moon Over AltdorfMorrslieb est de sortie au dessus de l’Empire, et plus précisément d’Altdorf où se déroule notre histoire. Comme on peut s’y attendre de la part d’une lune faite de malepierre, l’influence qu’elle fait planer sur la ville n’est pas très propice au calme et à la détente, ce qui fait les affaires du loup-garou millénaire (il a vu Sigmar revenir de la chasse au sanglier il y a fort longtemps) aux côtés duquel nous commençons la nouvelle. Loulou est revenu, comme tous les siècles environ, chasser dans la capitale impériale et grâce à ses super pouvoirs de vision du destin (en mode ultra violet après une tape sur la truffe), il peut choisir ses prochaines cibles en toute connaissance de cause. Et il a une idée très précise de ce qu’il cherche pour son retour aux affaires…

Dans un autre quartier de la ville, Zavant Konniger se réveille en sursaut, habité par la prémonition d’une convocation imminente à la cour impériale, et pas du tout par le réveil qu’il a oublié de décaler après le changement d’heure. Et en effet, il est mandé séance tenante par la Garde Civile qui s’est retrouvée avec un cadavre encombrant sur les bras : un riche marchand à la gorge déchiquetée et la tête à moitié arrachée, mais dont la bourse et les protubérances comestibles ont été ignorées par son assassin, ce qui disqualifie les pistes du crime crapuleux et de l’attaque de chiens errants. Chose inhabituelle, Konniger n’est pas le seul « consultant » employé par la maréchaussée d’Altdorf, puisque le Chasseur de Sorcières Marius van Sandt est également sur les lieux du crime quand le Sage Détective et son valet dissipé (Vido) arrivent. Van Sandt a été autorisé par le Dir’ Cab’ de Karl Franz, Otto von Bitternach, à enquêter sur ce cas et sur les six autres très similaires s’étant produit au cours des nuits précédentes, car le traqueur est sur la piste d’un loup garou qu’il soupçonne être responsable des récentes tueries. Les deux hommes acceptent de collaborer sur l’affaire afin de tenter de la résoudre le plus rapidement et discrètement possible, et pendant que van Sandt reste sur le terrain, Konniger décide d’aller rendre une petite visite à l’un de ses informants particuliers, le poète bretonnien Valois de Simone.

Ce dernier, dont les écrits enfiévrés n’ont pas été compris par la critique et injustement taxés de subversion chaotique, a gagné une résidence permanente dans l’asile municipal d’Altdorf, et continue son œuvre d’avant-garde en gravant les murs de sa cellule avec cure-dent rouillé. Si la discussion entre le dément et celui qui fut son avocat lors de son procès en hérésie ne semble pas voler bien haut pour le brave Vido, Konniger sort de l’entrevue avec sa tête des bons jours, certain d’avoir acquis une information capitale pour la suite des événements. Et c’est heureux car le loup garou en maraude n’a pas relâché ses efforts carnassiers : les deux compères sont donc sommés de se rendre sur une nouvelle scène de crime, hautement symbolique, la Konigsplatz. Ils y retrouvent van Sandt, qui trépigne d’impatience à l’idée de mettre la main au collet de sa proie, et entraine rapidement Konniger vers une rue adjacente où d’autres cadavres, plus récents, ont également été trouvés par la milice. Avant de partir avec le Chasseur de Sorcières, le Sherlock Holmes du Vieux Monde glisse une note manuscrite à son halfling de compagnie, et lui intime de la délivrer sans tarder à qui de droit, sans quoi il pourrait fort bien lui en cuire (à Zavant, pas à Vido)…

Début spoiler…Et en effet, le Sage Détective se retrouve rapidement dans de beaux draps lorsqu’il s’avère que van Sandt était le loup garou en question (ou plutôt, qu’il avait pris l’identité du Chasseur de Sorcières après lui avoir fait la peau dans la Drakwald1, quelques mois plus tôt). Le plan du lycanthrope était de prendre la place du fameux Konniger afin de pouvoir rendre une visite de courtoisie à Karl Franz – Loulou en veut encore à l’Empire de cette journée où il a perdu un duel de regard avec Ziggie, vingt cinq siècles plus tôt – et plaider à sa manière pour la condition animale bestiale. Un bien sombre dessein, heureusement contrecarré par la prévoyance légendaire de notre héros, qui ne se balade jamais sans sa petite bourse de poudre d’argent, dont il souffle le contenu dans le groin de son assaillant, avant de lui envoyer un Naubya Ka d’école (il a appris le bama lethwei auprès d’un maître cathayen). Tout cela aurait pu cependant très mal finir sans l’intervention providentielle et ridiculement efficace de Vaul Steiner, l’assassin officiel de l’Empereur, au moment où le loup garou reprenait ses esprits. Un lancer de dague en argent dans le cœur, et pouf malette pour Albert Lupin. L’arrivée de Steiner ne devait cependant rien au hasard, car c’est vers lui que Konniger avait envoyé Vido quelques minutes auparavant. Reste que si Loulou avait fait preuve d’originalité et entraîné sa cible sur la piste de danse du Macumba ou dans une galerie d’art contemporain au lieu d’opter pour l’ultra cliché cimetière abandonné, Konniger l’aurait eu dans le baba. Comme quoi, le conformisme est une maladie mortelle, tenez-le vous pour dit ! Fin spoiler

: Les loups garous auraient selon Rennie le pouvoir de prendre l’apparence de leurs victimes, en plus de s’accaparer leurs souvenirs et connaissances.

AVIS :

Gordon Rennie trousse une petite aventure à haute teneur en suspens et en fluff pour sa longueur modeste (13 pages), ce qui témoigne à la fois d’une bonne maîtrise narrative et scénaristique (logique de la part d’un auteur de comics) et d’un intérêt fort pour le background de Warhammer Fantasy Battle. Le mystère planant sur l’identité du loup garou n’est certes pas à l’épreuve de la sagacité d’un lecteur attentif et habitué aux codes du genre, même à la première lecture, mais l’œuvre reste d’une facture tout à fait remarquable quand on la compare aux standards, passés et actuels, de la Black Library. A ranger dans la même catégorie que ‘The Case of the Scarlet Cell’ : si vous avez aimé l’une, vous apprécierez l’autre.

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Black Gold – D. Abnett [40K] – #15 :

INTRIGUE :

40K_Black GoldSur la planète Rosetta, qui n’est ni petite, ni verte, une congrégation de 10 Space Marines du Chapitre des Iron Snakes est sur le point de débuter une mission de la plus haute importance : reprendre le contrôle d’un champ pétrolifère1, approvisionnant en carburant les forces motorisées de la Garde Impériale sur une douzaine de théâtres aux alentours. Ça en fait des comédies musicales, je sais. Avant que les choses sérieuses ne commencent, il convient cependant de céder à la tradition ancestrale du Chapitre, qui consiste à… humecter un rocher. Mais attention, pas avec n’importe quelle eau, malheureux. Seulement avec celle issue des océans d’Ithaka, où les Iron Snakes coulent des jours heureux (et c’est bien normal, le fer ne flotte pas). Ceci fait, l’escouade du Sergent Raphon2 (font font font les petites marionnetteuuuuh), accompagnée de l’Apothicaire/porteur de gourde Memnes, part à pinces à travers le désert de sel qui recouvre Rosetta en direction de sa cible. Comme l’a expliqué l’illustre Petrok lui-même pendant le briefing, cette mission requiert un sens du timing impeccable, en raison d’une particularité que nous pourrions qualifier de systémique. Rosetta orbite en effet autour de trois soleils, et la triple aube produit pendant un court laps de temps un jeu d’ombres et de lumières idéal pour lancer un assaut sans attirer l’attention des défenseurs. Dont acte.

Le début de l’opération se passe aussi bien que possible, l’attaque sneaky des Snakes prenant les quelques cultistes de faction – car c’est le vilain Chaos qui responsable de ce détournement de ressources capitales à l’effort de guerre impérial – totalement au dépourvu. Ça flingue et ça démembre dans la joie et la bonne humeur, jusqu’à ce que le frère Chilles perde son chill, puis sa vie, d’un tir de bolt en plein torse. It’s all fun and games until someone loses an eye(ron snake), comme dit le proverbe. Le responsable n’est autre qu’un crasseux et dégoûtant Dark Tusk, un cadre de Space Marines du Chaos inféodé à Nurgle3. Bien que le faquin se fasse prestement corriger par les camarades du défunt serpent, l’ambiance retombe d’un coup, et les actes d’humeur se multiplient du côté impérial. Bien que cela débloque le stratagème de bataille STRIKE hard pour nos héros, Raphon a besoin de recadrer ses ouailles avant qu’elles oublient pourquoi elles sont là, ce qui est tout de même inquiétant de la part de Space Marines loyalistes. Au bout du compte, les Iron Snakes parviennent à s’emparer des lieux, mais perdent encore deux des leurs dans la mêlée, dont ce fragile Raphon, qui réussit l’exploit de mourir d’une hémorragie consécutive à un bête empalement (et l’organe de Larraman, c’est pour les grox ?). Avant de décédey, il a toutefois le temps de faire don de sa griffe éclair au frère Priad – a.k.a. the Big Lebowlski – le désignant comme le nouvel officier de l’escouade, et de sa glande progénoïde à Memnes, qui achève littéralement le vétéran pendant l’extraction de la précieuse vésicule. Et pas avec son narthecium, hein : le bougre fait un arrêt cardiaque pendant l’opération. C’est bien la peine d’avoir deux cœurs, franchement.

Devenu manager dans des circonstances difficiles, Priad se fait également trahir par le scénario. Une analyse rapide de la qualité du pétrole extrait du champ révèle en effet que l’hydrocarbure est pollué par le Chaos (???), ce qui le rend évidemment impropre à l’utilisation. Raison de plus pour passer aux énergies renouvelables, moi je dis. Il faut se rendre à l’évidence : cette mission ne sera pas le succès escompté, et la mort de Chilles, Maced et Raphon est encore plus dure à avaler. Philosophe, le vénérable Apothicaire Memnes réconforte toutefois son jeune collègue en lui rappelant que l’important, c’est de particiPépé. Il ne reste plus qu’aux survivants à saboter la station pour empêcher le Chaos de mettre le tentacule sur ce qu’il cherchait à récupérer en capturant le champ pétrolifère, avant de se faire extraire en Thunderhawk. L’ambiance est logiquement morose de retour en orbite, mais comme les traditions sont importantes, les Iron Snakes se réconfortent en faisant tourner une flasque d’amasec eau de mer (toujours d’Ithaka, évidemment). On comprend mieux pourquoi ils ont mauvaise humeur…

1 : La nouvelle est tellement vieille que le promotheum n’existait pas encore à l’époque.
2 : À ne pas confondre avec le Sergent Rafen bien sûr. Another hard to swallow pill, I know.
3 : Ce qui est bizarre car les cultistes humains ont les couleurs de Tzeentch…

AVIS :

Black Gold’ a été la première confrontation entre deux monstres sacrés de 40K : Dan Abnett d’un côté, et la figure du Space Marines de l’autre. Bien que le premier ait réussi à maîtriser un sujet qui, de son propre aveu, ne le passionnait pas à l’origine du fait de son absence de failles, on perçoit effectivement dans cette courte nouvelle des lourdeurs inhabituelles de la part d’un cador tel que lui. La caractérisation des personnages est ainsi très limitée, ce qui tranche avec l’aisance avec laquelle Abnett parvient en temps normal à donner vie à ses protagonistes ; l’intrigue ne présente aucune surprise, et je me suis même surpris à déceler quelques faux raccords/incohérences fluffiques au détour des lignes, signe révélateur du peu d’investissement de l’auteur dans ce qui a sûrement été une commande de la BL pour voir si le (à l’époque) jeune prodige était aussi capable avec l’Astartes qu’avec le Garde Impérial classique. Comme quatre autres nouvelles consacrées aux Ails-Rhône Shnecks ont suivi, et qu’un recueil plus conséquent leur a même été dédié, j’en déduis qu’il a réussi son coup, mais je sors tout de même déçu de cette lecture.

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A Gentleman’s War – N. Rutledge [WFB] – #15 :

INTRIGUE :

WFB_A Gentleman's WarLa première campagne militaire d’Otto von Eisenkopf, jeune noble impérial à la tête farcie de glorieuses batailles et d’affrontements chevaleresques, ne se passe pas comme il l’avait prévu. Assigné à un contingent de Pistoliers mercenaires, menés par un vétéran à la barbe douteuse et à l’accent suspect (Molders), Otto fait ses classes d’une manière un peu trop terre à terre (comprendre qu’il rampe beaucoup dans les broussailles) à son goût. Chargé par le Graf von Eisenkopf, père de notre héros, de repérer l’avance d’une colonne de Bretonniens en vadrouille au bord de la frontière entre les deux nations, les tireurs montés ont tendu une embuscade à leurs adversaires, mais Otto, faisant mentir son patronyme, n’arrive pas à garder la tête froide et se plante soudainement au milieu du chemin pour annoncer aux éclaireurs du Duc de Boncenne qu’ils sont en état d’arrestation. Plus honorable, certes, mais beaucoup moins efficace. Fort heureusement pour les impériaux, Molders et ses hommes ne sont pas nés de la dernière pluie et parviennent à refermer leur piège sans trop de mal, tandis qu’Otto a l’occasion de rayer une ligne de sa bucket list en vainquant le chevalier menant les troupes bretoniennes en duel honorable, après un affrontement épique d’au moins deux secondes. Faisant honneur au code de la guerre entre gens riches, von Eisenkopf traite son prisonnier, Guillaume de Montvert, avec tous les égards dus à son rang, allant même jusqu’à lui laisser sa tente et son écuyer lors de son retour au campement du Graf. Un vrai gentilhomme.

Cette prévenance lui joue toutefois des tours car elle l’empêche de faire son rapport à son père avant que le Pistolier lui servant de nounou, une brute dénommée Lutyens, le fasse, et bitche méchamment sur le comportement inadapté du nobliau. Otto n’a pas le temps de s’appesantir sur le sujet toutefois, ni de déguster quelques cuisses de grenouille avec de Montvert au dîner, comme il l’avait prévu, car le Graf renvoie aussi sec les Pistoliers reconnaître la voie probable de l’arrivée des troupes du Duc, dont les vues sur les mines de charbon impériales ne font de mystère pour personne. C’est une petite victoire pour Otto, qui soutenait contre l’avis de Molders que les nobles et honnêtes Bretonniens passeraient forcément par la grand-route, en jouant du luth et déclamant des quatrains à la gloire de la Dame, avec un béret et une baguette pas trop cuite sous le bras. Mais avant de crier victoire (pas trop fort pour ne pas se faire repérer, évidemment), il faut galoper pendant une nuit depuis le camp impérial, une expérience qui laisse Toto un peu déconfit.

La déconvenue ne s’arrête pas là toutefois, puisqu’il s’avère rapidement que les Bretonniens ne sont pas en dessous du recours à de basses manœuvres, comme le cosplay de chevaliers pour faire croire à leurs ennemis que leur force principale passe bien par la grand-route. Cette supercherie ne résiste cependant pas à la longue-vue de facture naine de Molders, qui repart aussi sec vers le camp pour prévenir le Graf de la combine, un Otto bien penaud et de plus en plus fatigué à la traîne. Pour ne rien arranger, ce dernier apprend à son retour que le fourbe de Montvert a abusé de son hospitalité en volant un cheval et (probablement) assassinant son écuyer au passage, contre toutes les règles de la chevalerie. Et il faut déjà se remettre en selle, car il reste une chance aux impériaux de contrecarrer les plans de de Boncenne en tendant une embuscade à ses troupes alors que ces dernières progressent vers l’Empire.

Quelques heures de canasson plus tard, l’avant-garde du Graf débusque un site parfait pour un guet apens, et en attendant que l’ennemi daigne pointer le bout de ses chausses, Otto peut enfin se reposer un peu et méditer sur la réalité de la guerre, qui diffère beaucoup de ce à quoi il s’attendait, et pas en bien. Notre héros est toutefois suffisamment lucide et intègre pour réaliser que cette remise en question lui a été salutaire, en lui permettant de réévaluer la piètre opinion qu’il avait de Molders, des Pistoliers, des mercenaires, des Pistoliers mercenaires, et des tactiques de son père (dans le désordre). Lorsque la bataille finit par éclater, le jeune premier a finalement l’occasion de s’illustrer, en sauvant la vie de son capitaine, puis en vainquant à nouveau le meneur ennemi (de Boncenne) en combat singulier, au terme d’un duel bien plus accroché (et plus mortel aussi, le Duc perdant la tête à la fin du troisième round) que celui contre ce poseur de Guillaume de Montvert. Tout est bien qui finit bien en Karlfrancie, et Otto von Eisenkopf aura appris une bonne leçon au cours de cette première campagne : mieux vaut éviter de s’allonger sur une fourmilière, quand on peut éviter.

AVIS :

Neil Rutledge nous sert une nouvelle de campagne militaire/initiation d’un blanc bec à la vie assez convaincante, dans la même veine que ce Dan Abnett avait fait dans ‘Les Cavaliers de la Mort’, en un peu plus léger toutefois. Je pense que j’aurais davantage aimé ce ‘A Gentleman’s War’ si l’auteur avait choisi d’être un peu plus grimdark dans son approche, les Bretonniens de Rutledge tenant plus du stéréotype de Français moyen-âgeux à la sauce Monty Python que d’authentiques fidèles de la Dame du Lac, même si l’ensemble est encore une fois très correct. Un autre petit regret porte sur le choix de Rutledge de laisser tomber le personnage de Guillaume de Montvert, traître en puissance dont la duplicité ne faisait pas de doute, après l’arrivée au camp impérial, c’est-à-dire avant qu’il ait pu exprimer son véritable potentiel dramatique. Quelques petits détails que Neil Rutledge, et/ou son éditeur au sein de la BL, auraient pu travailler davantage, mais rien de rédhibitoire non plus.

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Hellbreak – B. Counter [40K] – #15 :

INTRIGUE :

40K_HellbreakLe Commissaire von Klas a eu la mauvaise idée d’être capturé vivant par les Eldars Noirs lorsque ces derniers ont annihilé son régiment, et son séjour à Commoragh se passe aussi bien, ou mal (c’est selon), que l’on peut l’imaginer. Identifié par ses tortionnaires comme officier, il a la chance douteuse de participer aux jeux donnés par la cabale de l’Échine Rompue (Broken Spine) en l’honneur de son maître, le positivement ancien Archon Kypselon. Rustre jusqu’au bout des ongles, von Klas a l’outrecuidance de remporter son duel face à une Céraste au style trop chargé pour son propre bien, et d’une manière si peu élégante (il lui pète le pif avant de l’empaler sur sa propre hallebarde… honteux) qu’il est prestement condamné à être écorché vif par l’Haemonculus personnel de Kypselon.

Survivre aux Intervilles1 de Commoragh a toutefois boosté le moral, déjà naturellement élevé, de notre brave Commissaire. Lorsque son tortionnaire (Verredaek) fait l’erreur de se présenter à lui sans l’avoir attaché au préalable, confiant qu’il est dans son aura de terreur pour figer sur place son nouveau sujet d’expérimentation, von Klas ne tarde pas à lui faire goûter à sa propre médecine, et s’échappe après lui avoir fauché sa main rasoir et son pistolet à aiguille, recrutant dans des geôles adjacentes quatre autres Gardes Impériaux malchanceux gardés en réserve par Verredaek. L’Haemonculus agressé n’aura guère le temps de s’excuser de sa nullité crasse auprès de son impitoyable employeur, qui le fait exécuter par sa Succube de compagnie (Yae) pour faute lourde, avant d’ordonner à cette dernière d’aller mettre un terme à l’excursion des Mon-keigh dans son territoire. Après tout, il a un rival ambitieux (Uergax de la cabale du Fil de la Lame) à mater, et ne peut se permettre qu’une bande de primates mal dégrossis sèment la pagaille à domicile.

Malheureusement pour Kyky, Yae ne sera pas très efficace dans sa traque, à tel point que von Klas et sa petite escouade parviennent à s’emparer de l’usine du Sybarite Laeveq, et des deux mille esclaves humains utilisés par ce dernier comme main d’œuvre, multipliant leur potentiel de nuisance. Pire, les mutins choisissent de se réfugier dans le temple que l’Archonte a fait élever à sa gloire (c’est un gars simple), ce qui constitue un crime de lèse-majesté impardonnable. Tant pis pour la prudence, Kypselon réunit le ban et l’arrière-ban de sa cabale et envoie ses pillards reprendre possession de la basilique gothique (elle est construite uniquement en os) aux zadistes en furie. Il commet toutefois l’erreur de sous-estimer la résolution du meneur adverse, trop content de faire s’effondrer le plafond de l’édifice sur les combattants au plus fort de la bataille, même si cela précipite l’écrasement de son insurrection raciale. Écrasé pour écrasé, autant que les Eldars Noirs participent à cette soirée crêpes, pas vrai ?

Début spoiler…La nouvelle se termine dans une cellule de la cabale, où un von Klas en bien piteux état après son coup d’éclat languit des jours durant, jusqu’à ce que ses geôliers lui amènent un compagnon d’infortune, qui se révèle être Kypselon en personne. Comme l’Archonte l’apprend à son valeureux adversaire, sa rébellion a coûté très cher à l’Echine Rompue, aussi bien en ressources qu’en cabalites, et ses rivaux du Fil de la Lame ont profité de ce moment de faiblesse pour attaquer et annihiler ce qu’il lui restait de suivants. Bien que von Klas sache qu’il ne lui reste plus longtemps à vivre, il peut toutefois savourer l’indéniable victoire qu’il a remporté sur son adversaire, qui n’aura certainement pas la chance de bénéficier de la mort rapide dont le Commissaire agonisant héritera…Fin spoiler

1 : Je m’interroge sur la pertinence de mettre un -s, la cité drukhari n’ayant pas d’équivalent.

AVIS :

Ben Counter nous plonge dans l’enfer de Commoragh avec maestria dans cette variation sur le thème de Spartacus, qui illustre parfaitement la cruauté des Eldars Noirs et la défiance de la Garde Impériale face à l’adversité. Au final, ces deux factions sortent grandies de ce ‘Hellbreak’, et le lecteur bénéficie d’une histoire purement grimdark, comme sa conclusion aussi satisfaisante que nihiliste le démontre pleinement. De la nouvelle 40K comme on aime.

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The Judas Goat – R. Earl [WFB] – #15 :

INTRIGUE :

Le Capitaine Gustav Mollens, vétéran blanchi sous le harnais mais un peu trop appréciatif de la dive bouteille, a écopé de la peu glorieuse mais nécessaire mission de ramener de nouvelles recrues depuis l’arrière-pays de Nuln jusqu’à la cité. À en juger par son besoin de poignarder à mort les blancs becs pris par des envies de rebellions, et par le taux élevé de désertion qui frappe son contingent, il ne doit pas faire un super boulot. Dans son malheur, Mollens a toutefois la chance d’avoir trouvé dans l’un de ses sous-fifres, un dénommé Gevalt, un second secourable et digne de confiance, qui l’aide à maintenir un peu d’ordre dans les rangs et qui ne rechigne pas à partager les tours de garde pour éviter que les volontaires démotivés par leurs six heures de marche quotidienne, avec paquetage complet sur le dos et chaussures à taille et forme unique (pied groit, 42 ¾), ne prenne la poudre d’escampette. Ce partage des tâches permet à Mollens de faire des insomnies plus longues sur son lit de camp, encore traumatisé qu’il est par sa rencontre tragique avec les Skavens dans les égouts de Nuln, cinq ans plus tôt. Seul survivant de son unité, il a depuis fait des pieds et des mains pour éviter de croiser de nouveau un raton de près ou de loin, et l’alcoolisme thérapeutique aidant, a fini par être relégué à cette affectation de second ordre, mais au moins au grand air.

Alors qu’il était en train de remonter un peu la pente, en tirant joie et fierté de l’application avec laquelle ses hommes apprennent le maniement de la lance sous sa férule, un événement fortuit et traumatique vient remettre la tête enfarinée de notre héros au fond de son havresac. Ayant surpris Gevalt s’enfoncer seul dans la forêt bordant le bivouac alors qu’il était de garde, Mollens prit le parti de suivre discrètement son faux jeton de second pour lui apprendre à décevoir les attentes d’un ivrogne gradé. Cependant, la petite bastonnade pour l’exemple qu’il prévoyait d’infliger au tire au flanc doit être remise à plus tard : si Gevalt a éprouvé le besoin de s’absenter, c’est pour s’entretenir avec son patron, qui se trouve être un Skaven, accompagné d’un Rat Ogre de fort beau gabarit. Tétanisé par l’apparition impromptue de sa Némésis, Mollens assiste à la scène et comprend qu’en fait de déserteurs, c’était Gevalt qui s’arrangeait pour envoyer des camarades drogués se faire cueillir comme des champignons au milieu de la nuit. La duplicité de Gege étant établie, il lui faut maintenant trouver un motif suffisant et irréfutable pour passer à l’action et le mettre hors d’état de nuire.

L’occasion se présente le lendemain, lorsque Mollens surprend Gevalt en train de faire boire du GHB à un camarade autour du feu de camp. Ayant feint le sommeil pour forcer la main du traître, Mo’ se « réveille » juste à temps pour contrecarrer le plan de ce dernier, mais lorsqu’il le confronte devant le reste de ses hommes, qu’il a fait réveiller pour l’occasion, le Capitaine manque de se faire arracher la jugulaire par l’agent double, qui avait décidément les dents longues. Mis KO par son adversaire1, lui-même maitrisé et ligoté par le reste des recrues après qu’il eut mis au tapis l’officier, Mollens émerge péniblement de sa torpeur, et décide qu’il est grand temps pour lui d’affronter sa peur. Il part donc seul dans la forêt, jouant le rôle de l’innocente brebis jetée en pâture aux souris, et indique à ses hommes de le suivre cinq minutes plus tard pour prendre les ratons à leur propre piège. Comme il le dit lui-même, un plan aussi simple n’a aucune chance d’échouer. Béni soit l’esprit trop étroit pour le doute, tout de même.

Et en effet, Mollens a un long (4 minutes 58 secondes précisément, il a même le temps d’observer les manucures de l’adversaire avec un soin particulier) moment de solitude lorsque les hommes, les rats et les Hommes Rats finissent par lui tomber dessus. Car les désertés n’ont pas été expédiés dans les galeries du Sous Monde, ou transformés en croquettes pour Vermines de Choc, mais changés en sorte de Zombies commandés par le Maître de Meute/Prophète Gris/Assassin2, toujours accompagné de son garde du corps bodybuildé. Ce combat peut paraître inégal, mais ce n’est pas bien connaître Gustav Mollens, qui one-shot le Rat Ogre d’un coup de lance bien placé… puis rate toutes ses attaques contre son propriétaire, et se fait à nouveau sauver par l’intervention de ses camarades, dont l’arrivée contraint le raton à se téléporter en sécurité. Après avoir achevé les souffrances des Zombifiés, Momo et ses ouailles rentrent au camp où les attendent le cadavre désarticulé et défiguré de Gevalt, sans aucun doute victime de la vengeance de son rat-pia de boss. Qu’importe, le complot a été contrecarré, et Mollens se sent désormais d’attaque à repartir casser du mutant dans les égouts, en souvenir des camarades, anciens et nouveaux, qu’il a perdus sous les griffes des Skavens. Best redemption arc ever since il y a 13 14 minutes, tbh.

1 : La honte tout de même quand on est sensé avoir 4 d’Endurance et 2 PV, face à un mec à 1 Attaque de Force 3 !
2 : Mickey a un Rat Ogre de compagnie, un bâton magique rétroéclairé et manie une dague empoisonnée avec la queue. Ca fait beaucoup pour un seul rat.

AVIS :

Robert Earl a prouvé qu’il savait écrire pour les Skavens (‘The Barbed Wire Cat’), mais cette maîtrise n’était apparemment pas innée chez lui, comme ce mollasson et fluffiquement improbable ‘The Judas Goat1 l’atteste. Cela ne se perçoit pas dans la chronique ci-dessus, mais le plus clair de la nouvelle est consacrée aux sensations et sentiments éprouvés par Mollens, qui varient assez fortement en fonction de son alcoolémie, ses heures de sommeil, ses syndromes post-traumatiques, ou encore le nombre de pifs de recrues fracassés pour l’exemple. Et là où ça coince, c’est qu’Earl n’est pas l’auteur de la BL le plus doué pour rendre ses personnages, si ce n’est sympathiques, au moins intéressants : la vie et l’œuvre de Gus’ Mollens, poivrot ratophobe, deviennent donc rapidement soûlantes. Sans autres personnages un tant soit peu développés pour servir de contrepoint au pas si brave que ça Capitaine (Gevalt n’est guère qu’une présence en arrière plan, et le Sergent que Mollens nomme pour prendre sa place après que sa traîtrise ait été révélé est tellement inutile que je n’ai même pas jugé bon d’en parler), le soliloque narratif de notre héros tourne au bide, et on pousse un soupir de soulagement lorsque le rideau tombe finalement. La Black Library comporte suffisamment de variations sur le thème Empire vs Skavens pour se contenter de l’avorton de la litière, m’est avis.

1 : Au cas où vous vous demanderiez, il s’agit d’une expression consacrée, désignant les animaux d’élevage dressés pour emmener leurs semblables à l’abattoir.

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Apothecary’s Honour – S. Jowett [40K] – #16 :

INTRIGUE :

40K_Apothecary's HonnorDéployée sur le monde d’Antillis IV pour aider les autorités locales à se défaire d’une invasion chaotique plus grave qu’anticipée, la Seconde Compagnie du Chapitre des Avenging Sons, menée par le Capitaine Selleus, s’est battue vaillamment mais cela n’a pas suffi. Isolé au milieu des bourrasques de cendres humaines conjurées par un géo-ingénieur plus ravagé du bulbe que la moyenne pour combattre les effets du changement climatique (eh, c’est un aérosol comme un autre), l’Apothicaire Korpus se consacre toutefois sans faiblir à son sacerdoce : récupérer les glandes progénoïdes de ses camarades tombés au combat. Il sait en effet qu’il s’agit d’une partie vitale de l’effort de guerre de l’Adeptus Astartes, qui se retrouverait rapidement réduit à peau carapace noire de chagrin sans la récolte et la réimplantation dans de nouveaux hôtes de ces précieux kystes. On le suit ainsi jusqu’au quasi-cadavre du Sergent Pereus, blessé à mort1 lors d’une escarmouche contre une bande de Space Marines du Chaos, qu’il accompagne pieusement dans ses derniers instants et déleste de ses mirifiques glandes, stockées dans le petit frigo personnel qu’il trimballe sur son armure. À la guerre comme à la guerre.

Sur le chemin du retour vers le QG château (en français dans le texte) de sa Compagnie, Korpus reçoit un message alarmant de la part de Selleus, lui annonçant que la campagne est perdue et lui ordonnant de se diriger sans tarder vers le spatioport où sont garés les Thunderhawks des Avenging Sons, et de les utiliser pour rejoindre leur vaisseau amiral. Il est en effet capital de renvoyer les Avenging Glandes jusqu’à l’Apothicarium chapitral, on a bien compris. De son côté, le Capitaine et ses derniers hommes préfèrent se faire exploser dans leur bastion plutôt que de s’offrir un dernier carré digne de ce nom, ce qui surprend fortement Korpus. Cela dit, un ordre est un ordre, et le zélé Apothicaire part donc en petites foulées en direction du hangar à aéronefs mis à disposition par les autorités d’Antillis IV, en espérant que ce dernier n’ait pas déjà été conquis par l’ennemi.

En chemin, notre héros tombe par hasard sur une escouade de Scouts dont on était sans nouvelles depuis plus d’une journée et que tout le monde avait donc considéré comme perdue corps et biens (faut pas se retrouver en zone blanche au 41ème millénaire). Coincés dans une friche industrielle par une horde de World Eaters ricanant à défaut d’être très doués, les novices auraient rapidement perdus la tête sans l’intervention décisive de Korpus, dont le poing énergétique – un choix d’équipement un peu bizarre pour quelqu’un sensé effectuer des actions chirurgicales sur le champ de bataille, mais passons – et l’effroyable mauvaise humeur, appelée Cœur Vengeur par les initiés, règlent rapidement leur compte aux affreux.

Au bout d’un voyage sans trop d’encombres, les survivants finissent par arriver jusqu’au spatioport et commencent à retaper le Thunderhawk le moins amoché du lot afin de pouvoir s’éclipser de la planète condamnée au nez et à la barbe énergétique des Khorneux. Bien évidemment, ils n’auront pas loisir de mener à bien cette mission d’extraction furtive, une nouvelle vague de renégats leur tombant dessus sans crier gare (en même temps, il n’y avait pas de train sur place) avant que Korpus et les Scouts n’aient eu le temps de boucher tous les trous de la carlingue avec du chewing-gum. Comble de malchance, les World Eaters sont menés par un Dreadnought équipé d’un canon laser, dont la portée risque d’être fatale au coucou déglingué des Avenging Sons. L’Apothicaire décide alors de mener une charge suicide avec les novices afin de permettre au Thunderhawk piloté par le seul Scout ayant passé son permis ULM de s’échapper, après avoir déposé ses précieuses glandes dans le minibar de l’appareil, bien sûr.

Cette contre-attaque inspirée est couronnée de succès, Korpus faisant entrer son poing énergétique en surchauffe après l’avoir coincé sous un piston du Dreadnought adverse, vaporisant la machine impie ainsi qu’une bonne partie de ses suivants, au modique prix d’un évanouissement pour notre viril héros (tous les Scouts meurent dans la bagarre par contre, mais on s’en fout un peu). Il a toutefois accompli brillamment sa mission, pas vrai ?

Début spoiler…Eh bien, non. La mauvaise nouvelle lui est transmise par un Space Marine hérétique ayant autrefois servi comme Apothicaire et qui a fermement attaché Korpus sur un chevalet d’opération dans l’attente de son réveil. Une légende noire parmi l’Adeptus Astartes, responsable de la création de nombreux monstres génétiquement modifiés se battant dans les rangs des Légions renégates. Je veux bien sûr parler de Fab…rikus. Si, si. Toute ressemblance avec un personnage nommé serait évidemment totalement fortuite. Fab’ révèle à son collègue et néanmoins prisonnier qu’il a été chargé par ses patrons chaotiques de trouver un moyen de recruter en masse de nouveaux Space Marines, ce qui n’est pas facile du fait de l’influence corruptrice du Warp sur les glandes progénoïdes des Astartes vétérans. Une seule solution pour contourner ce problème : aller taper dans les stocks de ces saintes nitouches de loyalistes, et c’était bien le but de la campagne d’Antillis IV. Cependant, les dernières actions du Capitaine Selleus ont fait capoter ce plan machiavélique, et l’entière opération se serait terminée par un fiasco retentissant pour les traîtres sans l’étourderie de Korpus, qui a « oublié » de prélever ses propres glandes et de les déposer dans le frigo du Thunderhawk avant de foncer dans le tas comme un demeuré. La boulette. Notre histoire se termine sur la scène pénible de l’opération sans anesthésie pratiquée sur ce glandu – et c’est bien le problème – d’Apothicaire, qui se désole en son for intérieur de sa propre stupidité. Charité bien ordonnée...Fin spoiler

1 : Je tique un peu du fait que Pereus se soit auto-diagnostiqué perdu pour la cause, sans que Korpus juge bon de faire son boulot de medic et de vérifier par lui-même la gravité de l’état de son camarade. Après tout, qu’est-ce qu’une paraplégie quand on possède la technologie nécessaire pour créer des Dreadnoughts ?

AVIS :

Simon Jowett signe une nouvelle franchement vintage pour le lecteur contemporain (qui sera peut-être surpris que le nom de Roboute Guilliman n’apparaisse pas une seule fois dans une histoire qui parle des Avenging Sons), explorant une des particularités du background des Space Marines : le rôle crucial des glandes progénoïdes dans leur organisation et leur culture.

Si l’idée est bonne, la réalisation n’est toutefois pas au-dessus de tout reproche : on passe à mes yeux beaucoup trop de temps à voir voler les bolts dans cette nouvelle, sans que l’auteur se consacre à faire monter la pression autour de Korpus, ni ne le confronte à des décisions véritablement difficiles, où il aurait eu à choisir entre son fameux honneur d’Apothicaire, et la mission vitale confiée par son supérieur. A cela viennent s’ajouter des petits irritants sans conséquence pour la structure de l’histoire, mais pénible à lire quoi qu’il en soit, comme la nullité crasse des World Eaters qui servent d’opposition aux vertueux Avenging Sons, pas foutus de régler leur compte à cinq Scouts et un Apothicaire mouflé même avec l’avantage du nombre.

On peut toutefois mettre au crédit de Jowett un twist final pas trop mal fichu (même si Korpus et Fabrikus ont vraiment une haute idée d’eux-mêmes pour penser que ce micro-événement risque de faire basculer le rapport de forces entre Imperium et Chaos) et quelques infos fluff relevant plus de la curiosité académique que de la source canonique1, cependant.

1 : C’est le même Jowett qui a doté le Chapitre des Iron Hearts de casque de VR pour s’entraîner au combat, et baptisé d’autorité un des Primarques disparus (voir ‘Hell in a Bottle’) : ses contributions au fluff Space Marine doivent être pris avec 72 pas de recul.

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The Ultimate Ritual – N. Jones & W. King [WFB] – #16 :

INTRIGUE :

Sur le campus de l’université de Nuln, deux hommes s’apprêtent à tenter une expérience à haut risque pour faire progresser les connaissances arcaniques de l’Empire. L’enthousiasme n’est pas égal entre le jeune Lothar von Diehl, qui piaffe littéralement d’impatience, et son ancien professeur Gerhardt Kleinhoffer, dont le trouillomètre se rapproche dangereusement de zéro au fur et à mesure que les préparatifs s’achèvent. C’est pourtant lui qui a traduit ‘Le Livre des Changements’ d’où von Diehl a tiré la formule de l’ultime rituel, promettant rien de moins qu’un aller-retour jusqu’à la Mer des Âmes, cette dimension parallèle où se trouve le loft des Dieux du Chaos. Mais de la théorie à la pratique, il y a un monde, et il faut toute la force de persuasion (et la superbe éloquence) de son disciple pour que Kleinhoffer accepte de jouer son rôle dans la suite des événements.

Si von Diehl a autant insisté pour avoir un témoin, c’est que son billet pour le néant est un Pass Duo, et que le Disque de Tzeentch qu’il invoque pour partir en vadrouille ne consent à partir qu’à plein, c’est à dire avec deux personnes sur le dos. Je peux comprendre que lorsqu’on vient d’aussi loin que le Warp, on apprécie de ne pas faire le voyage à vide, ceci dit. Une fois les usagers installés et les ceintures bouclées, le sous-boc volant fend l’air et l’espace, et part en direction du pôle Nord pour passer sur le périphérique cosmique. Le go fast qui s’en suit n’est pas de tout repos, car le Démon se fait prendre en chasse par des congénères affamés et attirés par l’âme de ses passagers. Fort heureusement, le Disque s’avère être un as du volant, qui parvient à semer ses poursuivants en faisant des sauts de puce de l’Immaterium au Materium, visitant quelques planètes très 40K dans l’esprit au passage. Enfin, nos héros arrivent devant la chambre du Grand Architecte, qui, coup de chance, accepte de les recevoir sans tarder.

Tzeentch est toutefois une divinité surbookée, qui n’a pas le temps de donner dans les mondanités. Il demande donc à ses visiteurs ce qui les amène et ce qu’il peut faire pour eux, et le manque de préparation (et la terreur panique) de Kleinhoffer lui joue un vilain tour. Comptant sur son acolyte pour meubler le blanc malaisant qui s’installe après la demande divine, il se fait avoir dans les grandes largeurs lorsque von Diehl explique candidement que l’estimé professeur est à la recherche de savoir. « OK » répond Tzeentch, qui, un peu troll sur les bords, débute un transfert de 999 Eo en direction du cerveau du pauvre prof, dont le cerveau entre en surchauffe au 3,963,635,619ème meme de Pepe the Frog qu’il reçoit en l’espace d’une demi-seconde. Von Diehl, qui a lancé un sort de streaming en pirate de la base de données de son acolyte, peut quant à lui déguster cette dankness avec plus de confort, même s’il doit cependant jurer allégeance à Tzeentch pour pouvoir repartir jusque dans le Monde Qui Etait Encore. C’était son projet depuis le début toutefois, et il n’a aucune difficulté à se délester de son âme en échange d’un apport infini de contenu Reddit. Revenu dans sa piaule universitaire, avec un Kleinhoffer rempli jusqu’au lorgnon d’infos confidentielles, et à peu près aussi incontinent que Wikileaks, von Diehl peut désormais se consacrer à préparer la Fin des Temps… ou à devenir une légende de 9Gag. Au choix.

AVIS :

Petite nouvelle d’ambiance et de fluff écrite à quatre mains, ‘The Ultimate Ritual’ multiplie les clins d’œil (à l’œuvre de King1 mais également à Warhammer 40.000) et offre au lecteur une visite romancée inédite (à ma connaissance) de la Mer des Âmes, ainsi qu’un authentique dialogue entre de simples mortels et un Dieu du Chaos, ce qui n’est pas banal. Par contre en termes d’intrigue, c’est aussi terne et sans surprise qu’un tronçon d’autoroute hors heures de pointe et vacances scolaires : peu étonnant pour une nouvelle de seulement treize pages, mais certains contributeurs de la BL ont prouvé qu’ils étaient capables de faire plus rythmé que ça sur ce genre de format, donc on peut légitimement reprocher à messieurs Jones et King de ne pas s’être trop foulés sur ce coup là.

1 : Les von Diehl sont la lignée récurrente de l’auteur, puisqu’on croise Kurt dans ‘The Laughter of Dark Gods’ et Gottfried et Manfred dans ‘Wolf Riders’. Famille assez malchanceuse au final car tous ses membres ont connu une mort violente et souvent chaotique (pas nécessairement dans cet ordre).

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Baptism of Fire – G. Rennie [40K] – #16 :

INTRIGUE :

40K_Baptism of FireLa guerre gothique vient d’être lancée par Abaddon (période emo), et le secteur éponyme a été salement amoché par les préliminaires rugueux de l’élu du Chaos. La période n’a pas que des mauvais côtés, notez, car le vide laissé par les nombreux morts et blessés que la Flotte Impériale déplore permet à de « jeunes » méritants, comme notre héros Leoten Semper, d’arriver aux affaires et de faire leurs preuves. Issu d’une longue et illustre1 lignée de marins de l’espace (à ne pas confondre avec vous savez qui), Leo n’est pas un perdreau de l’année mais c’est la première fois qu’il assume le capitanat d’un vaisseau de la taille du Lord Solar Macharius (trois kilomètres tout de même, il faut maîtriser les créneaux). Il espère donc faire bonne impression à son équipage, dont Rennie nous présente un échantillon assez représentatif, depuis le second necromundien jusqu’au bagnard recruté d’office, en passant par les Commissaire, Techno-prêtre et Navigateur de bord. Tout ce petit monde ne servant à rien pas grand-chose lors de ce Baptism of Fire, je fais donc une croix sur le tour de table.

LS a reçu pour mission de rejoindre un trio de destroyers dans un système Dolorosa afin de monter une force de combat opérationnelle et tenter de rendre la monnaie de sa pièce à ce faquin d’Abbie. Ce qu’il ne sait pas, c’est que le destin cruel a mis sur son chemin un adversaire redoutable, en la présence de Hendrik Morrau, capitaine fusionnel (et fusionné) du Contagion, autrefois connu sous le nom de Princ- Vexis. Six siècles plus tôt en effet, Morrau était un loyal sujet de l’Empereur, mais une quarantaine Warp s’étant éternisée l’a poussé, ainsi que son équipage, dans les bras gluants mais aimants de Nurgle. Depuis, il roule pour le Big 4 et s’amuse à martyriser les arrières-arrières-arrières-arrières-arrières petits-enfants de ses collègues de Flotte, grâce à son génie naturel et son expérience incomparable. Il est tellement méchant qu’il a un sidekick dénommé Adolph(us), c’est dire ! Lorsque nous faisons sa connaissance, il vient d’éparpiller façon puzzle l’escorte du LS Maki, et décide de rester tapi dans un coin du système pour surprendre un potentiel arrivant. C’est ce qui s’appelle avoir le nez creux.

Inconscient du danger, Leo Sans Papa finit par déboucher de la bretelle d’autoroute warpesque dans le secteur Dolorosa, et manque de se faire coller un poisson d’avril dans le dos par ce coquin de Morrau (qui utilise des torpilles plasma au lieu de bêtes poissons en papier, c’est plus original). Fort heureusement, le capitaine est un rookie prudent, et un regard opportun dans le rétroviseur lui permet de contrecarrer la manœuvre grâce à un super dérapage frein à main (c’est encore plus classe dans l’espace). Impressionné par les skills de son adversaire, Momo s’approche pour se présenter en bonnes et dues formes, et informer le camp adverse que la partie de chat et souris est officiellement lancée. Et en effet, le cache cache inter-dimensionnel va durer plusieurs jours, pendant lesquels le Macharius se fait malmener par son puissant et insaisissable adversaire, du Materium à l’Immaterium en passant par le Transmaterium. C’est parfois agréable de s’acharner sur plus petit que soit.

Dépassé par la situation, Leoten finit par comprendre qu’il lui faut tenter un coup de bluff pour espérer triompher de cet adversaire chevronné mais pas infaillible. Sa technique consistera à effectuer un strip tease gellerien (baisser à dessein l’intensité du champ de Geller de son vaisseau – qui est dans le Warp évidemment – pour simuler une avarie grave) afin d’attirer le Contagion à se rapprocher pour contempler son agonie… pour au final lui envoyer une volée de torpilles à bout touchant, ou presque. C’est complètement stupide comme plan ? Oui mais ça marche ici. Tel un vieux pervers incapable de se contrôler à la vue d’une culotte de lycéenne (#TortueGéniale), Morrauvash fonce dans le pruneau et se mange un panneau. Ou l’inverse. Quoi qu’il en soit, c’est une victoire nette et sans bavure pour la Flotte Impériale, et une première mission menée à bien par Leoten Semper-Et-Sans-Reproche. D’autres suivront, bien sûr…

1 : Et illustrée, en témoigne la monumentale galerie de portraits que les S conservent dans le manoir familial de <PLANETE>.

AVIS :

Gordon Rennie se frotte à l’exercice périlleux du « chapitre 01 », ou comment concilier beaucoup d’exposition et d’introduction (dans le but de mettre en place une intrigue de roman) dans un format de stand-alone. Bien que les auteurs de la Black Library se soient souvent essayés à ce tour de force narratif, peu y sont parvenus de façon convaincante, et je ne placerai pas Rennie dans cette catégorie à la lecture de ‘Baptism of Fire’. Le travail est fait de façon sérieuse, avec un soin de caractérisation de la future galerie de personnages récurrents du roman à mettre au crédit de l’auteur, mais l’amateur de nouvelles sortira lésé de ces treize pages dont plus de la moitié ne sert au final à rien dans la résolution de la mini-intrigue de ce mini-format.

L’opposition entre l’inexpérimenté Leoten et sa Nemesis corrompue est réduite à peau de chagrin (comme l’épiderme du second), et se résume à un demi-tour express – pompeusement renommé manœuvre d’Immerman ici – et à une partie de cache cache honteusement conclue en une demi-page, ce qui ne rendre pas dans ma définition de passionnant. Pire, Rennie semble avoir une compréhension très limitée de ce qu’est le Warp, en considérant cette dimension incompréhensible comme un simple filtre fuschia, dans laquelle il serait tout à fait possible pour deux vaisseaux d’échanger des volées et de se tourner autour, comme dans le Materium. J’aurais pu accepter que le Contagion soit plus à l’aise que sa proie dans cet environnement proprement démoniaque, mais le fait que le vaisseau impérial se débrouille sans trop de problème non plus, au point de baisser volontairement son champ de Geller pour appâter l’ennemi (sans conséquences néfastes pour l’équipage autre qu’un coup de colère du Techno-prêtre de garde), est disqualifiante. J’ai lu beaucoup plus de commentaires positifs que négatifs sur le dyptique gothique de Rennie, et m’attendait donc à mieux de sa part pour ce premier jet. J’espère qu’il a corrigé le tir par la suite.

1 : Ou techniquement chapitre 1 ici, puisque ‘Baptism of Fire’ sera placée au début de ‘Execution Hour’.

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Snares and Delusions – M. Farrer [40K] – #16 :

INTRIGUE :

40K_Snares &amp; DelusionsC’est un jour très spécial pour l’Apôtre Noir De Haan (Dan de son prénom) : après des millénaires passés à traquer le Vaisseau Monde de Varantha à travers la galaxie, tous les signes prédisent que l’heure de la confrontation finale est arrivée entre Word Bearers rancuniers et Eldars élusifs. Débarqué à la surface d’un monde vierge peuplé d’Exodites (rapidement matés) avec l’avant-garde de son ost, De Haan supervise la consécration du bâtiment offert par la Légion hérétique à la seule ville de la planète : la Cathédrale de la 5ème Bénédiction. Les styles jurent un peu mais c’est une attention touchante, il faut le reconnaître. Notre zélé héros est persuadé que ce monde minable dissimule des portails Warp reliés à Varantha, qu’il hait du plus profond de ses cœurs depuis le moment où les Eldars de ce Vaisseau Monde ont fait échouer dans le sang l’opération tractage et prosélytisme montée par le mentor de De Haan sur Sahch-V, contraignant les fils de Lorgar à une honteuse retraite. Depuis, l’Apôtre Noir a consacré sa vie à la traque de cette faction eldar, parvenant progressivement à resserrer l’étau autour du Vaisseau Monde honni. Preuve de l’inimitié tenace l’opposant à Varantha, il a même reçu une prédiction personnalisée de la bouche de l’un de ses Prophètes, juste avant que le crozius protéiforme1 de De Haan ne le réduise en bouillie : « lorsque tu poseras les yeux sur le cœur de Varantha, la messe sera dite2 ».

Les travaux avancent bien, les Exodites sont en voie avancée d’extermination, et les renforts qui patientent dans la barge de bataille en orbite de la planète ne vont pas tarder à descendre renforcer l’avant-garde : tout va pour le mieux dans la plus grimdark des galaxies, mais un événement troublant vient perturber la bonne humeur de De Haan. Au moment de prononcer son sermon de Haine o’clock, il a eu une panne d’inspiration subite. Son second Meer a beau lui répéter que ça peut arriver à tout le monde, le fier Apôtre est aussi gêné que perplexe après cet incident, mais finit par décider que c’est encore un signe que sa quête arrive à son terme, avant d’imaginer toutes les choses horribles qu’il fera subir à Varantha et à ses habitants une fois qu’il aura craqué le digicode. Positive thinking here. Après tout, les choses se déroulent tellement bien que ce n’est pas un petit blanc passager qui va faire dérailler l’Omphalos Daemonium, pas vrai ?

Début spoiler…Eh bien (et vous vous en doutiez, sagaces lecteurs que vous êtes), si. Surgissant de l’ombre et/ou de la banlieue pourrie de la ville Exodite – ça dépend des versions – les forces de Varantha attaquent la Cathédrale sans crier gare, avec la redoutable efficacité et le haut potentiel disruptif3 qui sont la marque des Eldars des Vaisseaux Mondes. Coupé de ses renforts et bientôt laissé seul survivant de son ost, De Haan a un peu de temps pour songer à la prophétie qui lui a été révélée, et surtout à l’interprétation très optimiste qu’il en a eu jusque-là. Car toutes les fins ne sont pas heureuses, comme l’Apôtre Noir ne tarde pas à le découvrir lorsque le cœur de Varantha, alias son Avatar de Khaine, entre dans la Cathédrale pour demander un petit tête à tête au confessionnel… Ite, missa est.Fin spoiler

1 : Il a le superpouvoir de changer de tête à chaque fois que De Haan pose les yeux dessus, ce qui est… cool.
2 : Ok, c’est pas la traduction littérale mais bon, avouez que c’est approprié pour un Word Bearers.
3 : Tous leurs points de commandement ont été claqués dans le stratagème « pièges à c*n », qui colle des blessures mortelles à toute figure s’approchant à 6 pas ou moins des 10 pions « râteau » placés par le joueur Eldar.

AVIS :

Une nouvelle moins intéressante par son intrigue (dont on devine la fin pratiquement dès le début, la faute aussi à un titre qui vend un peu trop la mèche) et ses personnages (assez quelconques) que par l’aisance stylistique dont fait preuve Matthew Farrer et surtout la bonne rasade de fluff qu’il nous sert au fil des pages, et qu’il a la bonne idée de répartir entre Word Bearers et Eldars. Pas sa meilleure, pour sûr, mais tout de même d’un très solide niveau.

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Faith – R. Earl [WFB] – #17 :

INTRIGUE :

WFB_FaithLe chevalier Gilles de Moreaux et son vieil écuyer perclus de rhumatismes, Claude Blanquette1, campent à la dure dans le massif d’Orquemont alors que l’automne est déjà bien avancé. Si les deux hommes s’obstinent à barouder hors saison, c’est que Gillou est à la recherche d’un trophée digne de ce nom pour l’armoire familiale. Notre héros l’a en effet un peu mauvaise que son frérot Léon ait bouclé sa quête du Graal et emballé la Dame du Lac en deux semaines chrono (on a connu la déesse plus minaudière), et soit revenu au château paternel avec une tête de Troll de fort beau gabarit. De son côté, il n’a eu que des bêtes Orques à se mettre sous la lame, et désespère de trouver un adversaire digne de lui attirer la bénédiction de la Dame. Claude, plus prosaïquement, désespère de ne pas être rentré se mettre au chaud alors que l’hiver approche à grands pas, mais doit se contenter pour le moment de siroter son thé au coin du feu, enroulé dans sa fidèle courtepointe. Dans son malheur, le gueux doit reconnaître qu’il a de la chance, car Gilles est le premier de Moreaux qu’il sert à entretenir lui-même ses armes, et il a même poussé la sollicitude jusqu’à réaliser des cataplasmes pour les articulations douloureuses de son serviteur. C’est Martrud de Monfort qui serait fier.

Lorsque le duo rencontre par hasard un paysan envoyé par l’ancien de son village (Celliers) trouver de l’aide pour débarrasser la communauté d’un monstre responsable de la disparition d’une dizaine d’habitants, Gilles se dit qu’il tient sa chance de prouver sa bretonnitude autrement qu’en vidant des bouteilles de chouchen et en jouant du biniou, ce qui est appréciable. Ayant terminé les trois Witchers en mode hardcore lorsqu’il était ado, le chevalier n’a aucun mal à identifier le fléau de Celliers après une entrevue avec l’ancien du village, François. Il s’agit bien sûr d’un Vampire, because of reasons, et il n’aura qu’à attendre la bête à proximité de la crypte locale pour lui faire sa fête et enfin taper dans l’œil de cette mijaurée de Dame. Ayant laissé comme instructions à ses hôtes de rester groupés et de ne pas se séparer, même pour aller aux latrines, le temps qu’il règle leur problème, Gilles s’installe pour une veillée sépulcrale à côté du cimetière local, toujours accompagné par son fidèle Claude. Ce dernier, qui n’est plus tout jeune, finit par s’endormir avec la bénédiction de son maître, qui dispose quant à lui de la vertu de mise en veille de longue durée pour rester alerte toute la nuit durant.

Lorsque Claude se réveille, il se découvre seul à côté des cendres du feu de la veille, et craint d’abord qu’il soit arrivé malheur à son maître pendant qu’il sciait des bûches. Cependant, Gilles était seulement parti constater le décès d’une nouvelle victime de la bête, mordillée à mort par des mâchoires humaines. Comme les bouseux ont respecté les consignes du noble noble, et que le compagnon qui escortait le pauvre Jules au petit coin a disparu sans laisser de traces, Gilles en conclut que c’est ce fieffé coquin de Jacques qui est responsable des morts de Celliers, et jure sur son honneur de traquer le maraud. C’était surtout une ruse pour s’en aller au plus vite du village, maintenant que l’affaire semble être tirée au clair. Bien que satisfait d’avoir accompli son devoir, Gilles n’a toujours pas trouvé d’adversaires à sa valeur, et pense sérieusement à hiverner à Orquemont pour accélérer sa quête. Dans son infinie mansuétude, il renvoie Claude à Celliers pour lui éviter des engelures qui pourraient lui être fatales… et se fait rappeler sur place par son serviteur, car quelque chose d’inattendu se passe au village.

En effet, les paysans sont sur le départ, car la découverte du corps mutilé de Jacques peu après que Gilles et Claude se soient mis en chasse de ce dernier ne laisse que peu de doutes sur le fait que le monstre est toujours dans les parages. Touché dans son honneur et dans son amour propre par la réalisation de sa propre nullité, Gilles supplie François et ses gens de rester encore une nuit sur place, afin qu’il ait une ultime chance de se rattraper. Ne pouvant pas décemment dire non à un psychopathe en armure lourde, l’ancien accepte de surseoir son départ, et le chevalier décide d’aller prier à une mare toute proche pour trouver l’inspi’ qui lui manque tant…

Début spoiler…Lorsque Claude rejoint son maître après avoir ordonné aux péquenauds de se constituer en milice civile et de ne se déplacer que par packs de douze, une vision peu commune vient s’offrir à ses yeux fatigués : la Dame du Lac en personne vient crever la surface de l’étang devant lequel Gilles s’est agenouillé en prière, et s’approche langoureusement du chevalier pour lui rouler un bon gros patin. Déesse ou pas déesse, ce sont toutefois des manières de prédateur/rice sexuel.le, et Gilles décapite l’entreprenante couguar en hurlant « Mitou, hache dague balance ta gorre ! ». Claude, beaucoup plus vieux jeu que son maître, est d’abord horrifié de ce qu’il considère comme une horrible méprise, mais la transformation rapide qui frappe le cadavre de la « Dame », et révèle qu’elle tenait plus de la guenaude aquatique que de la pucelle romantique, le convainc bientôt que Gilles était dans son bon droit. Le mystère de Celliers est résolu pour de bon, et les deux compagnons peuvent prendre la route de Moreaux pour ajouter ce nouveau trophée au mur de la salle de billard du château. Lorsque Claude demande à son boss ce qui lui a fait comprendre qu’il y avait anguille sous roche, le chevalier répond que cette Dame n’avait pas les yeux marrons qu’une pure beauté bretonienne se doit d’avoir, comme toutes les légendes et chansons l’attestent. Ce qui est une raison valable, jusqu’à ce que l’écuyer rappelle à son maître que la Dame qui est apparue à son frère Léon avait les yeux verts, d’après les dires de ce dernier. Bref, c’est pas demain la veille qu’edgy Gilles va rencontrer son idole, moi je vous le dis…Fin spoiler

1 : En fait il n’a pas de nom de famille comme tous les paysans qui se respectent, mais comme son kif ultime c’est de se faire des capes de superhéros avec des couvertures, je crois qu’on peut l’appeler Blanket Man.

AVIS :

Robert Earl revisite le mythe du chevalier de la Quête avec une petite nouvelle qui montre que tout ce brille n’est pas forcément or. Si l’auteur nous gratifie d’un twist final digne de ce nom, il aurait à mon sens été bien inspiré de chercher à l’intégrer de manière convaincante dans le reste de son histoire. En l’état, la rencontre entre Gilles et la Dame de la Mare tient plus de la péripétie accidentelle que de la conclusion logique d’une intrigue bien construite, et tout ce qu’il s’est passé avant ce moment fatidique n’a, scénaristiquement parlant, servi à rien, ou à pas grand-chose. Je reconnais que les Bretonniens ne sont pas les protagonistes les plus faciles à mettre en scène de façon intéressante, leur noblesse et droiture intrinsèques ne laissant que peu d’opportunités à un auteur pour complexifier un peu le tableau de façon cohérente avec le fluff de la faction. On en a ici un bon exemple avec good guy Gilles, qui fait un protagoniste aussi mémorable que le Moxostoma anisurum moyen. Comme pour la quête du Graal, beaucoup d’appelés, mais peu d’élus.

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Who Mourns a Necromancer? – B. Craig [WFB] – #17 :

INTRIGUE :

WFB_Who Mourns a NecromancerC’est jour d’enterrement à Gisoreux, mais le défunt qui est emporté jusqu’à sa tombe, dans le cimetière de Colaincourt, ne peut se targuer de laisser une foule éplorée derrière lui. Et pour cause, seul un homme est venu rendre un dernier hommage à Lanfranc Chazal, Magister au sein de l’université locale : son vieil ami et collègue (et accessoirement Haut Prêtre de Verena), Alpheus Kalispera. Si ce dernier se retrouve seul à souffler comme un phoque – il a pas de cardio – sur la colline, devant une tombe anonyme et un prêtre de Morr pas franchement ravi d’officier, c’est à cause de la détestable réputation que se traînait le clerc Chazal sur ses vieux jours, celle d’un Nécromancien. Bien qu’il tienne à faire bonne figure dans cette situation à la fois tragique et humiliante, Kalispera est désolé de constater que ces petites biatches de l’université, qui n’avaient pourtant rien à reprocher à Chazal de son vivant, se soient faites toutes porter pâles plutôt que de l’accompagner. Aussi est il sincèrement ému lorsque surgit au milieu de l’office un jeune cavalier, certes en retard, mais décidé lui aussi à assister à la mise en terre du macchabée.

Le nouveau venu, du nom de Cesar Barbier, a été l’élève des deux Magisters il y a quelques années, avant de repartir sur le domaine de son père se préparer à prendre la succession du noble. Il avoue à Kalispera avoir gardé contact avec Chazal après sa diplomation, considérant le professeur comme un mentor ainsi que comme le père qu’il aurait bien aimé avoir, son géniteur étant l’archétype de l’homme de guerre totalement insensible aux sentiments et à la notion de respect de ses inférieurs. N’ayant pas d’autres choses à faire une fois la tombe rebouchée, Barbier et Kalispera se rendent chez le second pour poursuivre leur deuil autour d’un petit verre et d’un bon feu. L’ancien étudiant en profite pour faire une révélation lourde de sens à son hôte : contrairement à ce qu’il pensait, Lanfranc Chazal était bien un Nécromancien (comme son teint macabre et ses yeux enfoncés le laissaient pourtant à deviner). Mais, attention, un gentil Nécromancien. Ce qui change tout, ou en tout cas ouvre le débat.

Barbier se lance alors dans une chronique de sa vie tumultueuse depuis son retour dans sa famille, et de son mariage clandestin avec une charmante roturière du nom de Siri. Qui évidemment tomba enceinte1. Les deux tourtereaux avaient pour projet de tout plaquer et d’aller passer quelques années en exil dans l’Empire, le temps que la colère de papa Barbier (Christophe, sans doute) retombe, mais mirent trop longtemps à faire leurs bagages. Ramené au château paternel sous bonne garde, Cesar ne put qu’assister au meurtre de sang froid de sa bien aimée par son salopard de père, qui ne voyait vraiment pas le problème. Fort heureusement, le nobliau éploré parvint à convaincre Chazal, qui lui avait confié travailler de façon tout à fait théorique sur la Nécromancie afin de prouver que cette forme de magie n’était pas naturellement mauvaise, de passer à la pratique pour dépanner un pote dans le mal. Résultat des courses : le fantôme de Siri accepta de venir hanter la petite maison dans laquelle les jeunes mariés s’étaient installés, grâce un rituel certes interdit, et qui laissa des stigmates visibles sur la tronche et la santé du pauvre Chazal, mais parfaitement exécuté (et avec des extras sympas).

Troublé par la réalisation que son bon ami était finalement un pratiquant des arts sombres, et peut-être aussi surtout qu’il a été le dindon de la farce pendant toutes ces années, Kalispera ne sait trop quoi penser de la situation décrite pas son invité, qui se fait un devoir de lui sortir un discours sur l’injustice du monde digne d’un tracteur Solidaires Etudiant-e-s pour le persuader que, en vrai, la nécrophilie, c’est pas si pire (#ngl #tmtc). Le vieux maître n’en est pas si convaincu, mais il n’est pas d’humeur à débattre pendant des plombes avec Barbier, à qui il souhaite simplement de rester éternellement amoureux de son fantôme de femme, et de commencer dès à présent à réfléchir à l’organisation de la succession de son père (maintenant qu’il n’a plus de Nécropoto pour installer sa petite famille dans un autre bled). Pour le reste, les deux comparses tombent d’accord que Chazal était un vrai type bien, et on peut supposer qu’ils finissent la soirée ronds comme des queues de pelle, ainsi que de vrais Bretonniens le doivent en cette occasion particulière.

1 : Et dire que si j’avais chroniqué ‘Lords of Valour’ au moment de ma première lecture, je n’aurais pas pu sortir cette vanne. Je ne sais pas Dieu existe, mais Loec oui.

AVIS :

Nouvelle craigesque par excellence, ‘Who Mourns a Necromancer ?’ apporte au lecteur une perspective neuve sur un aspect notable et éminemment fantastique du monde de Warhammer, d’une manière que l’on peut qualifier de posée ou de planplan, selon ses goûts personnels1. Après avoir traité du Chaos dans ses précédents courts formats, Brian Craig s’attaque ici à la non-vie, mais c’est surtout l’occasion pour lui de poser la question du respect des normes, et du caractère artificiel, voire inique, de ces dernières dès lors que l’on y réfléchit un peu. Lanfranc Chazal doit il être condamné parce qu’il a pratiqué la Nécromancie, même s’il l’a fait de la manière la plus éthique qui soit ? Et que dire du père de Cesar Barbier, qui était dans son droit d’assassiner sa bru d’après les lois de Bretonnie, mais n’en demeure pas moins un meurtrier et un sale type en puissance ? On peut regretter que Craig n’ait pas choisi de mettre un peu plus en avant ce qui à mes yeux rendait cette incitation à la réflexion plus palpitante qu’une version romancée d’une conf’ sur Kelsen : la présence dans le monde de Warhammer Fantasy Battle de divinités et de magie (ce qui est la même chose au final). Alors que dans notre bête monde aseptisé, la réponse restera purement théorique, Craig aurait pu conclure que le mal existe réellement et dans l’absolu dans le Monde Qui Fut, comme en témoigne le spectaculaire glow down du plus gentil Nécromancien ever (ou le développement de maladies honteuses chez Barbier ?). Il ne l’a pas fait, tant pis : à chacun de se faire une opinion.

1 : Apparemment, l’artiste engagé par Inferno ! pour faire l’illustration de la nouvelle (John Wigley) ne savait pas à qui il avait affaire, et/ou n’a pas jugé bon de lire autre chose que le titre. 

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Small Cogs – N. Rutledge [40K] – #17 :

INTRIGUE :

40K_Small CogsSeule la mort met fin au devoir nous dit le proverbe, et ce n’est pas le Colonel Soth du 8ème Ulbaran qui viendra s’en plaindre. Ayant participé à la reprise de la planète de Luxoris Beta, confisquée par les Orks pendant des siècles, le régiment se retrouve mobilisé pour défendre la station d’épuration le Temple de l’Eau local contre une excursion eldar repérée au dernier moment par ces planqués du Haut Commandement. Malgré le fait que ses hommes doivent combattre en uniforme d’apparat, leur mission première étant de participer au défilé du 14 juillet local, Soth fait contre mauvaise fortune veste qui gratte bon cœur et organise un périmètre défensif autour du bâtiment visé par les Xenos. Le Temple de l’Eau contrôle en effet le système d’irrigation de la planète, en faisant une cible de choix pour les Eldars : inonder les basses terres de Luxoris Beta priverait en effet les défenseurs impérieux de la possibilité de déployer leurs véhicules blindés dans ce conflit.

Après avoir échangé quelques banalités avec le prêtre Jarendar, tout à fait confiant dans la protection qu’apportera l’Empereur à ses fidèles, Soth est appelé à son poste de commandement par son second (Hoddish) lorsque les Eldars lancent leur assaut. S’en suit une bataille urbaine tout à fait classique entre les deux factions, à la ténacité et la discipline des Gardes Impériaux s’opposant la vitesse et la technologie avancée des Xenos. En bon commandant, Soth met les mains dans le cambouis et mène une charge au fuseur contre un Falcon trop confiant, héritant d’une blessure à la cuisse mais permettant aux lignes impériales de tenir.

Un moment de répit entre deux attaques permet à notre héros d’inspecter le périmètre… et de manquer de tomber sous les tirs d’un Ranger isolé, finalement localisé et abattu sur un gros coup de chance par Soth. Il ne faut pas longtemps au sagace officier pour réaliser que le sniper n’a pas fait le déplacement seul, et que ses petits copains sont certainement en train de converger vers le Temple pendant que le reste des forces eldars fait diversion. Ne pouvant mobiliser un peloton entier sous peine de laisser ses lignes dangereusement dégarnies, Soth ordonne à Hoddish de lui envoyer trois Gardes pour tenter d’intercepter les infiltrateurs ennemis avant qu’il ne soit trop tard.

Je vous la fais courte : au prix d’une progression sanglante et de la perte de tous ses sidekicks, Soth parvient jusque dans la salle des machines du Temple, où il surprend le dernier Ranger en pleine lutte avec Jarendar. Le prêtre étant plus doué en parabole qu’en krav-maga, il ne tarde pas à rejoindre la droite de l’Empereur, tandis que Soth hérite pour sa part de quelques shurikens dans le thorax, lui faisant perdre la règle Objectif Sécurisé et lui donnant l’impression de voir les esprits de ses camarades défunts danser le harlem shuffle autour de lui. Ces hallucinations dissimulaient cependant l’arrivée d’un clutch player de chair et de sang : le novice de Jarendar – et son chandelier – qui règle son compte au pénible Xenos alors qu’il trifouillait les panneaux de commandes en fredonnant ‘Here comes the flood’. Bien fait. La nouvelle se termine sur la victoire des impériaux et l’évacuation de Soth vers l’hôpital le plus proche, mais pas avant qu’il n’ait bredouillé au Medic qui l’a stabilisé de faire passer à Hoddish la morale de cette histoire : prêter attention au moindre détail (small cogs). Que voilà une édifiante conclusion.

AVIS :

Pour sa seule incursion dans le 41ème millénaire (si on ne considère pas la nouvelle ‘Sisters’, écrite pour Necromunda), Neil Rutledge livre une bonne histoire de « Gardes Impériaux d’action », dans la droite lignée de ce que nous propose le légendaire Dan Abnett avec ses Fantômes de Gaunt. Chose appréciable, on a le droit en seulement 26 pages à une bataille rangée, suivie par une mission d’infiltration tournant au duel de snipers, ce qui est une variété tout à fait appréciable pour un court format. Les affrontements entre Garde Impériale et Eldars des Vaisseaux Mondes étant de plus assez rare dans la GW-Fiction, on appréciera d’autant plus ce ‘Small Cogs’ à sa juste valeur. Je valide.

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White Heat – D. Abnett [40K] – #18 :

INTRIGUE :

40K_White HeatNous retrouvons les Iron Snakes d’Ithaka sur une nouvelle mission colorée, quelques temps après les événements couverts dans ‘Black Gold’. Les serpents perçants sont cette fois chargés de reprendre la capitale planétaire d’Eidon, monde impérial squatté depuis quelques mois par les Eldars Noirs. Comme les 300.000 Gardes Impériaux budgétés par les autorités sectorielles ont failli à leur mission, il est plus que temps que les bidasses laissent place à de véritables professionnels de la guerre, j’ai nommé le Capitaine Héros (c’est vraiment son titre) Phobor et sa Compagnie de joyeux drilles, dont l’escouade Damocles, présentée dans ‘Black Gold’ fait partie. Nous rencontrons également l’illustre Petrok, Archiviste assisté de son état1 et légende vivante du Chapitre (et au-delà, puisque même les officiers de la Garde fangirl en sa présence). Pète-roc, qui a été retardé par un bombardement orbital, arrive sur le théâtre d’opération alors que Phobor a déjà lancé son attaque, et contrairement aux instructions laissées par le Capitaine, il décide d’aller dire bonjour à l’escouade laissée en réserve de l’autre côté d’Eidon City, dans le but d’intercepter les fuyards Drukharis. Comme vous le devinez, sagaces lecteurs, il s’agit évidemment de Priad et de ses bois, dont la mission ne relève finalement pas du tout de la sinécure.

Un curieux hasard a en effet voulu qu’un contingent significatif d’Eldars garde la section des murailles de la ville que l’escouade Damocles a été chargée d’attaquer. Le feu nourri subi par ses hommes force donc le Sergent Priad à réaliser un pro player move… faire tirer au lance plasma sur un mur afin de l’effondrer. Mais à se ruer dans la brèche avant de l’avoir ouverte, on se met à risque de se retrouver Sébastien gros-jean comme devant si (quand…) le jet pour blesser donne 1. Ce qui est le cas ici. Nos braves Iron Snakes se retrouvent donc en fâcheuse posture, à poil énergétique dans la pampa et sous un feu nourri, quand le salut arrive sous la forme baraquée de Petrok. Utilisant son awesomeness comme couvert lourd, l’Archiviste entame une bromance ultra lourde avec Priad, mais lui donne aussi un précieux conseil démontrant la profondeur insondable de sa sagesse : quand ça marche pas du premier coup, recommence. Et, ô miracle, le mur fâcheux finit par tomber en poussière, permettant aux Space Marines de pénétrer dans la cité martyr.

La suite n’est qu’un carnage sans nom ni intérêt, pendant lequel nos dix Astartes parviennent à massacrer des centaines (!!!) de Drukharis, sans subir aucune perte en retour. La partie la plus délicate de leur soirée sera finalement consacrée au déplacement des bombes laissées par les Xenos sur les conduits à phosphore d’Eidon City, sorte de course à la cuillère dont les Serpenfer se sortent encore une fois haut la main. Ceci fait, ils rentrent au bercail participer au traditionnel banquet de la victoire, où l’ombrageux Phobor les attend avec un air grognon (il voulait que Petrok le rejoigne pendant la bataille et lui dise à quel point il était génial). Le debrief sera peut-être un peu froid…

1 : Il se promène avec pas moins de 9 grouillots pour lui porter ses affaires, sans doute pour relancer l’emploi sur Ithaka, mais tout de même. Notons pour sa défense qu’il ne s’entoure pas des esprits les plus brillants, ce qui peut justifier de compenser la qualité par la quantité.

AVIS :

J’espérais qu’Abnett élève le niveau par rapport à ‘Black Gold’ dans ce deuxième épisode de sa série consacrée aux Iron Snakes, et j’ai été très déçu. Non seulement on se retrouve à nouveau avec une Space Marinade totalement insipide (voire caricaturale, quand on constate la facilité déconcertante avec laquelle l’escouade Damocles annihile 40.000 fois son coût en points en l’espace de vingt minutes), mais l’auteur des ‘Fantômes de Gaunt’ passe totalement à côté de son sujet en matière de caractérisation, ce qui est pourtant un de ses points forts reconnus. Entre Phobor le boudeur, Petrok le lover et Rodos l’abruti, le transparent Sergent Priad passerait presque pour un modèle. On a également droit à des petits irritants, sans conséquence pour l’histoire en tant que telle, mais révélateur d’un haut niveau de je m’en foutisme de la part d’Abnett et de son éditeur, comme la mention du Primarque (au lieu de Maître de Chapitre) Seydon, ou encore un échange d’arme involontaire en plein combat (Petrok hérite de la griffe énergétique de Priad le temps d’un paragraphe). Ce résultat est d’autant plus décevant que Dan Abnett avait rendu une copie autrement plus propre quelques mois auparavant avec ‘A Blooding’ (Inferno ! #6), autre nouvelle mettant en scène l’assaut d’une ville du point de vue de troupes impériales. La motivation a clairement péché ici, et les Iron Snakes ne marquent pas de points avec ce ‘White Heat’.

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Tybalt’s Quest – G. Thorpe [WFB] – #18 :

INTRIGUE :

WFB_Tybalt's QuestDans le brouillard brumeux d’une nuit nocturne, le noble chevalier Tybalt se rend en direction d’un cimetière de tombes, accomplissant ainsi le désir de volonté d’un fantôme spectral lui étant apparu dans ses rêves oniriques… Hum. Je pourrais continuer longtemps comme ça, mais les plaisanteries les plus courtes étant les moins longues, nous allons repasser sur une narration un peu moins lourdement pesante. Merci Gav. Ayant passé plusieurs longues minutes, et autant de pages, à attacher son cheval à un piquet, ouvrir la grille du cimetière, trébucher sur un rat, et occire un pauvre sanglier innocent qui passait seulement dans le coin1, Tyty finit enfin par arriver jusqu’à la crypte où repose le Duc de Laroche, qui lui a demandé d’accourir en toute hâte pour combattre un terrible danger s’étant manifesté dans le cimetière de Moreux. Mais évidemment, ce gros troll de Laroche n’a pas pensé à se présenter ni à donner les coordonnées GPS de son mausolée au pauvre Tybalt, vous pensez bien. Un coup d’œil sur son blason a fait l’affaire, évidemment. Ce qui a conduit notre héros à perdre quatre mois à éplucher tous les registres d’héraldique à sa disposition pour finalement identifier les armes du brave (c’était un Graaleux, tout de même) Pierrot et localiser sa dernière demeure. Moi je dis que le fantôme aurait dû apparaître à un gueux livreur Deliveroo, l’affaire était pliée en 25 minutes. Menfin.

Une fois sur place, Tybalt est à nouveau visité par Laroche, posay comme jamay dans son petit pied à terre. Mis à part des tournures de phrases un peu rigolotes, le vioque se révèle être un hôte affable et charmant, qui avait juste besoin de trouver un champion de ce nom pour contrecarrer les plans d’un Nécromancien de bas niveau (puisqu’il n’a pas été foutu de lever une armée depuis l’envoi du SOS (du) fantôme…). Toujours cette histoire de quatre mois de latence, ça ne devrait pas mais ça m’énerve. Le cimetière de Moreux est en effet très spécial. En plus de servir d’ossuaire depuis des temps immémoriaux, il s’agit de l’endroit très précis où Gilles le Breton a reçu sa première vision de la Dame. On pouvait se demander ce qu’il faisait à camper dans un tel endroit pour commencer, mais ce serait une autre histoire. Toujours est-il que l’honneur de la Bretonnie impose que Tybalt empêche un pratiquant des arts noirs de souiller de sa présence et de sa nullité crasse ce monument historique classé au patrimoine imputrescible de l’humanité. Le jouvenceau n’est franchement pas chaud à l’idée de partir à la chasse d’un sorcier capable de relever les morts, seul dans un cimetière, mais Laroche ne lui laisse pas le choix. Il lui prête cependant son heaume enchanté et sa mirifique Résistance à la Magie (3) pour lui faciliter un peu la tâche.

La suite, cela ne vous surprendra guère, est consacrée à la « traque » du Nécromancien par Tybalt. Après une première rencontre pendant laquelle on a tout loisir d’admirer que la camelote de Laroche works just fine, et de réaliser que Tybalt est vraiment pathétique (il se fait sonner par un coup de bâton sur son heaume, donné par un vieillard boiteux d’un mètre cinquante), le preux chevalier erre un peu entre les tombes, repasse en mode facile avec une petite prière à la Dame (qui lui permet soudainement d’entendre les incantations du Nécromancien à 300 mètres), rencontre quatre squelettes animés dont il a le plus grand mal à se défaire, et finit par confronter enfin son affreuse Némésis, protégée par une puissante escorte de… six squelettes. Qui tombent en morceaux dès que Tybalt s’approche. On peut se demander pourquoi ça n’a pas fait la même chose pour les morts vivants précédents, mais la réponse est « on s’en fout ». S’en suit un dialogue relativement interminable (quand on le compare à la longueur de la nouvelle et à son intérêt intrinsèque), pendant lequel on apprend que si le Nécromancien était si méchant, c’est parce qu’il avait lui-même peur de la mort. On s’en fout là aussi, merci. Au bout du suspense, Tybalt finit par décapiter le maraud, ramener l’équilibre dans la Force et la paix dans le voisinage, et la nouvelle se termine avec l’ajout d’une nouvelle corvée d’utilité publique sur la to do list des vilains de Moreux : entretenir un peu mieux leur cimetière, décidément très mal fréquenté. Voilà qui ne va pas arranger le déficit des collectivités locales, c’est moi qui vous le dit.

1 : Il a aussi essayé de voir des sons. Sans succès.

AVIS :

Gav Thorpe se cherche comme auteur de nouvelles fantastiques dans ce ‘Tybalt’s Quest’, et malheureusement pour tout le monde, il ne se trouve pas. Le style est aussi pâteux et cartonné qu’un mauvais pudding, l’intrigue tient en une demi-ligne (police 54), les péripéties sont sont plus dignes d’un nanar fauché que d’une production littéraire libérée de la prosaïque contrainte d’un budget à respecter : si on veut être aussi miséricordieux que l’aimable Duc de Laroche, on accordera quelque point à Thorpe pour les bouts de fluff (pas vraiment reluisants) qu’il a glissé dans sa copie. Pour le reste, le seul point fort de ‘Tybalt’s Quest’ est de faire moins de vingt pages, ce qui rend sa lecture, à défaut d’agréable, courte. Un mauvais moment de et à passé/er.

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Battle of the Archeosaurs – B. J. Bayley [40K] – #18 :

INTRIGUE :

40K_Battle of the ArcheosaursLa planète ABL 1034, colonisée par l’humanité en des temps forts lointains puis laissée à mariner dans son jus pendant la Longue Nuit, a été redécouverte par l’Imperium. Idéalement situé pour devenir une capitale sous-sectorielle, comme Mont de Marsan avant lui, ce monde primitif aurait dû être conquis ou reconquis par le régiment de Gardes Impériaux dépêché sur place sans le moindre effort, mais voilà : les bidasses ont été toutes massacrées par la population locale, malgré le très faible niveau technologique de cette dernière. Une deuxième expédition, mécanisée celle-là, n’a pas connu un sort plus favorable, faisant d’ABL 1034 une sorte de village gaulois galactique, résistant vaillamment contre l’envahisseur romain impérial. Foin de druide à la faucille en or ou de potion magique ici : la raison de cette défiance étonnante se trouve dans la présence d’une mégafaune domestiquée par les natifs, et baptisée archéosaures par les Magos Biologis en raison de la ressemblance des dites bestioles avec les lézards géants qui peuplaient Terra il y a des millions d’années.

Comme on le sait bien ici, ni la patience ni la bienveillance de Pépé ne sont sans limite, au contraire de ses armées, qui sont elles proprement inextinguibles. La troisième fois sera donc la bonne pour l’Imperium, qui décide de mettre le paquet pour s’assurer d’une victoire probante et envoie pas un, mais deux Titans Warlord mettre de l’ordre sur ABL 1034. Bien que les Princeps des machines envoyées sur place (Gaerius et Efferim) doutent fortement que l’ennemi soit en mesure de les inquiéter, la discipline légendaire de l’Adeptus Titanicus les empêche de livrer le fond de leur pensée aux gradés de la Flotte et de la Garde avec lesquels ils partagent la séance de briefing pré-déploiement. Et puisqu’ils sont sur place, autant faire le job, pas vrai ?

Cette belle confiance est rapidement, même si temporairement, ébranlée par la vision qui attend les Princeps lors de leur descente à la surface de la planète : pas moins de cinq épaves de Gargants ork jonchant la plaine choisie par le commandement impérial pour déployer ses forces. Bien que Gaerius choisisse de croire qu’il s’agit d’une conséquence de la nature belliqueuse des Xenos, tout prêts à se battre en eux en absence d’ennemis valables, plutôt que d’un fait d’armes des indigènes, son aveuglement béat ne va pas durer longtemps. L’arrivée de la troisième vague d’assaillants n’est en effet pas passée inaperçue chez les locaux (en même temps, on parle de marcheurs d’assaut de plus de trente mètres de haut, c’est voyant), et la tribu la plus proche n’est pas longue à envoyer ses guerriers et deux archéosaures livrer bataille aux nouveaux venus. On apprend à l’occasion d’un petit passage raconté depuis le point de vue de l’un des deux seuls survivants de la deuxième vague impériale, et reconverti en étendard vivant par les autochtones, que ces derniers arrivent à contrôler leurs montures grâce à des pieux métalliques fichés dans le crâne des archéosaures à des endroits précis, et dont les vibrations permettent d’activer certaines zones du cerveau de ces grosses bestioles. C’est tout simple, mais il fallait y penser (et surtout, trouver un moyen de mettre l’idée en pratique…).

Le combat s’engage donc entre les Titans et les Kaijus, et le petit rictus de suffisance qui flottait sur les lèvres du Princeps Gaerius est rapidement remplacé par une grimace d’incrédulité devant la résistance incroyable de ses adversaires, puis par de la panique pure et simple lorsque les archéosaures déclenchent leur combo spéciale « jet de flammes/cabrage/coup de queue », mettant au tapis le Warlord d’Efferim et laissant la machine rescapée composer seule avec les deux dinosaures énervés qui lui font face. L’entraînement et la discipline de l’équipage du Titan survivant (et les gros flingues dont il dispose) permettent toutefois à Gaerius d’arracher une victoire mineure en abattant les lézards géants à bout portant avant qu’ils n’aient pu lui faire des papouilles. C’était moins une pour la crème de la crème de l’Omnimessie…

Début spoiler…Et ce n’est surtout que partie remise pour la tribu vaincue, dont le nouveau chef décide que l’heure n’est plus aux combats honorables en 2 contre 2. Ayant bien compris que les armées impériales ne reculeraient devant rien pour s’emparer de la planète, il envoie dès le lendemain l’intégralité de son cheptel, soit une centaine d’archéosaures, piétiner les positions adverses. Le Titan mal en point de Gaerius ne peut pas s’opposer à une telle démonstration de force, et la troisième campagne se termine aussi ignominieusement que les précédentes.

Notre nouvelle quant à elle se conclut sur la décision prise par des gros bonnets de l’Imperium de régler une fois pour toutes cet ennuyeux, coûteux et humiliant problème en déchainant un petit Exterminatus sur la planète rebelle, quand bien même ça l’abimerait un peu, au moins à moyen terme. Un constat partagé à grand cri par notre ami Gaerius, qui a survécu à la débâcle et a été « adopté » par la tribu d’ABL 1034, où il sert maintenant de décoration frontale d’archéosaure. Voilà une reconversion réussie. Fin spoiler

AVIS :

Une nouvelle « et si ? » par excellence, ‘Battle of the Archeosaurs’ permet à une des plumes les plus libres de la première époque de la Black Library de mettre en scène une bataille assez improbable et donc totalement savoureuse entre Titans Warlord et dinosaures géants, le tout avec un respect du fluff que l’on ne peut qu’admirer. On ne verra probablement plus rien de tel dans le catalogue de la BL (tant pis ou tant mieux, je vous laisse seuls juges), ce qui est une autre raison pour les amateurs de GW-Fiction de prendre connaissance de cet OVNI de la littérature 40K.

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Matters of Honour – G. Rennie [40K] – #18 :

INTRIGUE :

40K_Matters of HonourQuelque temps après les événements relatés dans ‘Baptism of Fire’, nous retrouvons le Lord Solar Macharius, son capitaine Leo Semper et son équipage foultitudineux, dans une nouvelle mission à haut ris- en fait non. Les aléas de la guerre gothique, dans laquelle le Macharius sert avec distinction comme escorteur de vaisseaux civils (pas très funky mais il faut bien que quelqu’un le fasse), mènent les autorités compétentes à mettre nos héros sur une mission un peu plus intéressante : intercepter le Bellerophon, un croiseur dont l’équipage est récemment passé au Chaos et cherche désormais à rejoindre l’espace ennemi pour remettre à Abaddon des informations top moumoute (et Pépé sait qu’Abaddon aime les perruques). L’honneur de la Flotte Impériale (surtout) et l’équilibre des forces (un peu) sont en jeu, il faudra donc servir sans faillir une fois encore.

Grâce à des prévisions très précises de l’itinéraire poursuivi par le Bellerophon et un Warp assez calme en cette saison, le Macharius parvient à intercepter sa proie dans le système de Delphi. L’affrontement est assez déséquilibré, mais dans le « bon » sens pour changer : ce sont en effet les Impériaux qui ont l’avantage de la taille et de la puissance de feu sur les affreux renégats, menés par le Lieutenant Magell (ça se prononce comme ça en VO, je veux rien savoir). Ce dernier avait d’abord espéré pouvoir distancer ses poursuivants, mais un raid de Maraudeurs rondement mené désempare totalement Bebel, prouvant au passage que l’on a toujours besoin d’un plus petit que soi, surtout si le petit en question vole vite et peut larguer des missiles à tête chercheuse. L’ennemi étant à sa merci, le Capitaine Semper décide de laisser son second, le capable mais sanguin (il a occupé les premières pages de la nouvelle à tuer en duel un officier qui l’avait mal regardé) Hito Ulanti, choisir la manière dont le coup fatal doit être porté. Désireux de faire ses preuves, ce dernier choisit l’option la plus exposée : aborder le Bellerophon et le reprendre aux traîtres par les armes, afin d’épargner le vaisseau et de récupérer les précieuses informations dérobées par les Magell et compagnie. Dont acte.

L’assaut en question, s’il ne présente guère de suspens quant à son issue (même Rennie le dit), permet toutefois à un autre personnage rapidement croisé dans ‘Baptism of Fire’, le conscrit un brin psychotique Maxim Borusa, de se mettre en valeur à son tour. Envoyé en première ligne armé de sa fidèle clé à molette porte-bonheur, tel le Gérard Lambert du 41ème millénaire, Max réussit à nouveau à friendly firer son supérieur hiérarchique dans le feu de l’action, mais aussi et surtout, à sauver les miches d’Ulanti pendant son duel avec son homologue1, sécurisant par là-même un transfert dans des quartiers un peu plus sympathiques que le fond de cale du Macharius. Ça c’est un petit gars qui ira loin.

La nouvelle se termine avec un peu plus d’information sur la documentation qu’Abaddon tenait tant à récupérer. Il s’agit de plans des mystérieuses Forteresses Noires, clés de voûte de la flotte gothique et cibles principales de la 12ème Croisade Noire, comme nous le savons désormais. Pour l’heure, Leo et ses comparses ne savent pas trop quoi faire de cette révélation, et Aby se console de l’interception inopportune du Macharius en contemplant son futur véhicule de fonction sortir de l’usine : rien de moins que le Planet Killer, et avec les sièges chauffants et le radar de recul s’il vous plait…

1 : Il arrive à temps pour fermer le clapet de Magell, c’est approprié je pense.

AVIS :

Après des débuts poussifs, Rennie fait bien mieux dans cette seconde nouvelle consacrée à l’univers si particulier de la guerre dans l’espaaaaaace. Exit les introductions à rallonge qui au final ne servent à rien à l’intrigue, et bonjour les descriptions des aspects pratiques de cette forme de combat fascinante et injustement ignorée par la BL. Qu’il s’agisse de contextualiser le rôle des Astropathes, de décrire une mission de Maraudeurs, de dépeindre les complexes relations de pouvoir et traditions qui sous-tendent l’institution Flotte Impériale, ou encore de mettre en scène la brutalité d’un abordage, même « basique » (péquins contre péquins, pas de Space Marines ou de démons pour jouer les trouble-fêtes), Gordon Rennie répond présent. Son choix de poursuivre la caractérisation des personnages passés en revue dans ‘Baptism of Fire’ de manière plus sélective – seuls Ulanti et Borusa sont traités ici – est également payant, et permet à ces deux figures de gagner une profondeur assez intéressante. Seuls quelques erreurs d’étourderie sans gravité (explosions dans l’espace, confusion entre Adeptus Arbites et Astartes), et un suspens des plus limités (le doute est très rapidement levé sur le fait que la mission du Macharius sera un succès) sont à lui reprocher, mais rien qui ne viennent sérieusement entraver le plaisir de lecture. Dommage qu’il se soit arrêté d’écrire des nouvelles pour cette série après ce ‘Matters of Honour’, car il avait atteint un niveau intéressant… Restent évidemment les deux romans1 qu’il a signé avant de voguer vers d’autres cieux à se mettre sous la dent, pour les fans éperdus de Leo ‘the G.O.A.T.E.E.’ Semper.

1 : ‘Execution Hour’ et ‘Shadowpoint’.

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Et voilà qui termine cette revue de la troisième année d’Inferno!, où grandeur et décadence se sont une nouvelle fois mélangées. À l’heure où cette chronique est mise en ligne, il semble que la Black Library ait à nouveau mis le concept au frigo car aucune nouvelle publication siglée de l’iconique appellation n’est à prévoir dans les mois qui viennent. J’en suis le premier désolé, mais comme Inferno! a déjà prouvé qu’il pouvait rejaillir de ses cendres (ce qui est approprié, avec un tel nom), il faut espérer que nous aurons l’occasion de nous pencher sur autre chose que des rétrospectives à plus de vingt ans dans les prochaines années. D’ici là, il me reste encore quelques numéros à passer en revue…

WAY OF THE DEAD [WFB]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette chronique de ‘Way of the Dead’, recueil de nouvelles se déroulant dans le monde de la bataille de la fantaisie du marteau de guerre (voilà un concept qu’il est profond). Comme ses prédécesseurs directs (‘Realms of Chaos’ et ‘Lords of Valour’), ‘Way of the Dead’ est composé1 de courts formats publiés dans les pages d’Inferno!, plus précisément entre les numéros 24 et 34, ce qui correspond à la période 2001 à 2002. Il est à noter qu’il s’agit de la dernière anthologie proprement « infernale » pour WFB, les nouvelles de fantasy publiées par la suite dans le bimensuel de la BL ayant été compilées sans grande logique dans plusieurs ouvrages (‘Tales of the Old World’, ‘The Cold Hand of Betrayal’, ‘Swords of the Empire’…). On y retrouve un certain nombre de têtes connues du lecteur habitué de la maison, comme Brunner le chasseur de primes, Angelika Fleischer la pillarde récupératrice de champs de bataille, ou encore la tristement célèbre bande de mercenaires de Torben Badenov. À la différence de ses prédécesseurs directs cependant, ‘Way of the Dead’ est toujours (au moment où cette chronique est écrite) disponible à l’achat sur le site de la Black Library – mais seulement en format numérique, faut pas déconner non plus – ce qui en facilite grandement l’accès et la découverte par le public intéressé.

Way of the Dead

Si on se penche sur les contributeurs de cet insigne opus, il convient de reconnaître que Brian Craig (une novella) et C. L. Werner (deux nouvelles) occupent les premiers rôles dans la distribution concoctée par les compères Gascoigne et Dunn. Ils sont épaulés par les plumes capables de Matthew Farrer (première – et unique – soumission pour WFB), Graham McNeill, Jonathan Green, Robin D. Laws, et des deux Simon (Jowett et Spurrier). Un casting assez représentatif des débuts des années 2000 au sein de la BL, avec quelques noms qui parleront au lecteur d’aujourd’hui, j’en suis sûr. Notre propos étant ainsi introduit, il est plus que temps de nous hasarder sur le chemin des morts, en espérant qu’il ne soit pas aussi mal famé que celui emprunté par Aragorn et Cie dans leur quête d’un raccourci vers Minas Tirith…

1 : En majorité, pas exclusivement, car la novella ‘The Road to Damnation’ de Brian Craig constitue un inédit. Logique pour une histoire de plus de cinquante pages.

Way of the Dead

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Glow – S. Spurrier :

INTRIGUE :

GlowC’est la fin de l’automne à Talabheim, et le Temple de Sigmar local, dirigé par le capitaine Richt ‘Hmm’ Karver, enquête sur une addiction d’un nouvel ordre qui s’étend dans les bas-fonds de la cité. Le Glow, une poudre verte de composition inconnue, fait en effet des ravages parmi les déshérités de la métropole cratérisée. Très addictif, il a en outre comme fâcheux effet secondaire de provoquer des mutations spontanées chez ses utilisateurs réguliers, ce qui n’est pas du tout du goût de ce gentleman de Karver. Après avoir mené un raid dans un taudis dont l’adresse lui avait été donnée par un suspect, l’impeccable capitaine repart avec un cadavre frais de junkie agressif ainsi qu’une petite réserve de la substance en question, qu’il choisit d’ajouter à la diète du rat géant skaven qu’il a adopté comme animal de compagnie après une purge des souterrains de Talabheim l’année passée. Le savoir fait le pouvoir, c’est bien connu.

Les mois passent et l’hiver arrive sur l’Empire, sans que la filière locale de Glow soit démantelée malgré les meilleurs efforts de Karver et de ses hommes (Kubler, Holst et Spielmunn). L’épidémie ne fait au contraire que progresser, ce qui force les chasseurs de sorcières crackheads à muscler leurs méthodes, déjà assez viriles. Interrogatoires menés au tison, menaces d’envoyer leurs indics au bûcher s’ils ne s’activent pas et autres descentes dans la ville tous flingues dehors se multiplient. C’est au cours de l’une d’entre elles que Karver commet une bavure : surpris par la réaction de l’occupant d’un laboratoire clandestin où le Glow était produit, il déchargea sa pétoire sur ce qui se révéla être, après inspection post mortem, une fillette réduite en esclavage par le maître du cartel pour la confection des tablettes inondant la cité. Enchaînée dans son local et ayant été privée de langue par son tortionnaire, elle cherchait seulement à expliquer pourquoi elle n’était pas en capacité d’obtempérer aux ordres des Templiers lorsqu’un Karver sur les nerfs lui envoya un pruneau dans le caisson pour slow play. Ce sont des choses qui arrivent…

L’opération ne fut cependant pas un total échec, notre héros mettant le gant sur la poudre entrant dans la composition du Glow en fouillant le laboratoire. Ayant fait pression sur un sorcier de Jade pour obtenir une expertise express, il reçut la confirmation de ses soupçons : l’ingrédient actif du Glow était bien de la malepierre. Une erreur de manipulation de la part du thaumaturge lui permit de recevoir une autre information utile : la substance toxique se trouvait à la fois dans le gant utilisé pour recueillir la poudre dans le laboratoire, mais également à l’extérieur de ce dernier, indiquant sans équivoque que Karver avait manipulé de la malepierre peu de temps auparavant. Un résultat étrange, à moins que…

Début spoiler…À moins que la broche ornée d’une pierre verte que son meilleur disciple, Kubler, portait à la boutonnière ce jour-là n’ait pas été montée d’une émeraude, comme il le pensait, mais d’un minéral bien plus sinistre. La confrontation entre les deux hommes prend place dans la chambre froide creusée sous le Temple de Sigmar, dans lequel les répurgateurs stockent leurs cadavres contaminés dans l’attente du dégel. Ayant participé à la purge des terriers skavens en compagnie de son mentor, Kubler avait eu la mauvaise idée de s’intéresser à la malepierre utilisée comme monnaie d’échange par ces derniers, et qui le transforma rapidement en méchant de série B.

Ayant dupé la vigilance de son supérieur jusqu’à son fashion faux pas en matière d’accessorisation de sa tenue, Kubler est pris au dépourvu lorsque Karver le trouve en train de faire les poches des corps de Guerriers des Clans gardés en réserve par les Templiers à la recherche de cailloux verts. La surprise change toutefois de camp après qu’un Kubler gravement blessé par le tir de son patron passe en mode Technomage et avale d’un seul coup tous les éclats de malepierre qu’il trimballait sur lui, se transformant en mutant à la force et à la rapidité décuplés. C’est au tour de Karver de se retrouver dans les cordes, mais notre héros avait gardé un atout dans sa manche, ou plutôt au bout d’une chaîne : son rat de compagnie. Transformé en abomination (et pas Abomination, ça ne serait pas rentré dans son bureau) poilue par sa consommation régulière de Glow, Ratatouille est libéré par son maître et ne perd pas une seconde pour creuser un terrier dans la bedaine de Kubler afin d’accéder à la malepierre récemment consommée par le ruffian. Cet affrontement sans merci résulte en la mort simultanée des deux adversaires, laissant Karver le seul survivant de ce truel chaotique. Il faudra penser à passer un coup de mop, tout de même.Fin spoiler

AVIS :

Spurrier transpose avec succès une enquête des stups dans le monde de Warhammer Fantasy Battle avec ce ‘Glow’, qui illustre le sombre mais palpitant quotidien des Templiers de Sigmar lorsqu’ils n’ont pas de sorcières à se mettre sous la dent. Ambiance poisseuse, action rythmée, twist final bien amené… Simon Spurrier démontre l’étendue de ses talents de scénariste et sa valeur comme contributeur à la GW-Fiction avec cette nouvelle, qui sera malheureusement sa seule incursion dans le Monde qui Fut. Comme le hamster adoptif de Richt Karver, on aurait bien aimé avoir du rab’.

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Head Hunting – R. D. Laws :

INTRIGUE :

Head HuntingRetour au Col du Feu Noir (car c’est là que ça se Passe… mouéhéhé) en compagnie d’Angelika Fleischer et de son protecteur (ce qu’il pense) /stalker (ce qu’elle pense), Franziskus. C’est une journée normale pour Angie, qui exerce l’utile profession de récupératrice des champs de bataille, et a localisé le site d’une embuscade grâce aux croassements des corbeaux faisant bombance sur les cadavres abandonnés. Bien que Franziskus, en aristocrate principiel qu’il est, trouve la pratique dégradante, il faut bien que quelqu’un se charge de remettre sur le marché les biens et espèces qui resteraient sinon à prendre la pluie sur leurs défunts propriétaires, au lieu de créer du PIB, comme Baltazar Gelt le voudrait. La moisson du jour est plutôt bonne (un anneau nain pouvant servir de bracelet – les Dawi ont des doigts boudinés – et quelques pièces pour s’acheter un Sub’ en rentrant), mais se fait interrompre par un bruit caractéristique et de mauvais augure : celui d’une hache taillant de la barbaque. Prudents, les deux looters se cachent sur le bord de la route et surprennent peu de temps après un voyageur marchant avec une hache sur l’épaule et un sac suspect à la ceinture.

L’explication de texte entre les trois larrons permet au nouvel arrivant, qui se présente comme le professeur Victor Schreber, de dissiper tout malentendu quant à son accoutrement. Certes, il se balade avec un sac de têtes tranchées, et certes, c’est lui qui les a séparées de leurs précédents propriétaires, mais il l’a fait pour la science. Schreber est en effet un expert en phrénologie, et collectionne les crânes afin de percer le mystère des humeurs et des sentiments de ses semblables. Voyant que le bougre est seulement un gros nerd, et pas un psychopathe en puissance, Angelika et Franziskus ne le retiennent pas plus, mais à leur grande surprise, le prof a eu proposition à leur faire. Il revient en effet du petit village de Verldorf, situé en amont du Col, où il espérait pouvoir collecter un spécimen unique : le crâne du malandrin notoire appelé Potocki, récemment capturé et exécuté pour ses mauvaises actions par les Verldorfer. Ces derniers n’ont pas accepté l’offre, pourtant généreuse, de Schreber de leur prendre la tête (on les comprend), et l’ont chassé à coup de pierres lorsqu’il a insisté. Déterminé à agrandir sa collection, il propose donc deux cents shillings à nos héros en l’échange du crâne tant convoité, à collecter après livraison du paquet à son domicile. Il leur remet également une boîte rembourrée pour faciliter le transport et éviter toute casse pendant le voyage. La présence d’un cadenas pour fermer ladite boîte ne manque par contre pas d’interroger Franziskus…

Après un voyage sans encombre, Angie et Frankie arrivent à Verldorf, hameau misérable dont la principale attraction est le gibet où croupit un cadavre bien amoché, suspendu dans une cage en fer. Malgré son état décati, Potocki terrifie visiblement les locaux, qui refusent de parler de lui en dépit des perches que leur tend une Angelika preneuse d’informations pour faciliter son futur larcin. Ce n’est pas grave, elle fera sans, en bonne professionnelle qu’elle est. Ayant pris résidence dans l’auberge locale, les deux Bonereapers avant l’heure se glissent dehors au cœur de la nuit pour aller perpétrer leur forfait, neutralisant au passage l’alarme que l’aubergiste avait installé à sa fenêtre pour empêcher les mauvais payeurs de s’échapper sans régler l’addition. C’est du moins ce qu’Angelika et son side kick supputent, jusqu’à que l’horrible vérité leur saute littéralement à la figure…

Début spoiler…Potocki n’était en fait pas aussi mort qu’il n’y paraissait, et lorsqu’Angelika fait mine de le raser à l’œil, le cadavre s’anime et l’attaque furieusement. Bien qu’elle s’en sorte sans dommage, le raffut causé par l’affrontement réveille Verldorf, forçant notre héroïne à sortir une masterclass d’improvisation. Elle n’a pas été prise la main dans le sac en train d’attenter à l’intégrité d’un cadavre, non non : elle a été prise d’une crise de somnambulisme causée par l’influence maligne de la goule locale, dont personne, absolument personne ne l’a mis au courant. SKANDHAL !!! Totalement mystifiés par la prestation de leur hôte, les Verldorfer retournent se coucher sans faire d’esclandres, après avoir expliqué que la situation actuelle est le seul moyen qu’ils ont trouvé pour tenir à l’œil l’increvable et intenable Potocki, qui les tourmente depuis des générations et dont la vitalité maléfique défie l’imagination. Faute avouée étant à demi pardonnée, Angelika et Franziskus retournent également se pieuter…

…Et refont une sortie sans tarder, utilisant cette fois-ci la clé qu’Angelika a dérobé à l’aubergiste pendant qu’il lui présentait ses plus plates excuses, ce qui simplifie grandement l’opération « Louis XVI » planifiée par nos héros. Bien que Potocki ne se laisse pas faire, et que le bruit attire à nouveau les villageois hors de leurs masures, la tête finit par être collectée, et les deux gredins peuvent s’enfuir à toutes jambes en direction du manoir de Schreber.

Comme on pouvait s’y attendre de la part d’un employeur ayant omis de préciser ce « petit » détail au moment du briefing, Schreber se révèle être un mauvais payeur, qui sort un pistolet de son armoire au lieu des deux cents shillings promis. Angie avait toutefois prévu le coup, et se contente d’ouvrir la boîte contenant la tête de Potocki en direction de l’érudit félon. Pris au dépourvu par la manœuvre et par le crâne pourrissant qui lui saute à la jugulaire, Schreber est rapidement hors du coup (et hors de cou), ce qui laisse à Angelika et Franziskus toute latitude pour fouiller son domicile à la recherche d’un dédommagement, une fois qu’ils ont pris soin de réduire la tête enragée en bouillie, bien sûr. Au final, les deux comparses repartent avec un nouveau pistolet, ce qui n’est pas beaucoup mais déjà mieux que rien. Ils constatent d’un air détaché que la traînée informe qui était la tête de Potocki semble également être sur le départ, mais à la vitesse où elle progresse, le bougre ne devrait pas faire parler de lui avant cent vingt cinq ans. La Fin des Temps n’attend pour personne…Fin spoiler

AVIS :

Seconde (et à ma connaissance dernière) nouvelle consacrée par Laws à son personnage fétiche d’Angelika Fleischer, ‘Head Hunting’ semble tout droit sorti de l’imagination d’un DM facétieux, et peut se lire comme tel. Malgré l’horreur que représente un cadavre animé (de mauvais sentiments) et apparemment invulnérable, le ton léger avec lequel Robin D. Laws narre cette histoire la fait basculer dans le royaume de la comic fantasy, mais pas dans la parodie pure et simple de Warhammer Fantasy Battle, ce qui est appréciable. Un sympathique interlude entre deux lectures plus sombres.

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The Small Ones – C. L. Werner :

INTRIGUE :

The Small OnesLa vie paisible du village de Marburg, perdu au milieu du Stirland profond (aussi appelé Stirland), est bouleversée par l’arrivée impromptue d’un Sorcier du Chaos mal en point (Thyssen Krotzigk), en fuite après que sa congrégation ait été passée par l’épée par la Garde Noire de Morr du Capitaine Ernst Ditmarr. Prêtre de Morr à l’esprit mal tourné, Thyssen avait profité de sa nomination dans une paroisse reculée pour se vouer à l’étude et à la vénération des Dieux du Chaos avec une totale impunité, jusqu’à ce que le rectorat lui envoie un inspecteur (auquel il arriva un regrettable accident), puis un bataillon de Templiers. La bataille qui fit rage entre cultistes et gothiques se solda par la victoire de ces derniers, mais Thyssen parvint malgré tout à s’enfuir (en clopinant, du fait d’une jambe cassée), laissant Ditmarr avec une manche vide (le feu, ça brûle) et un désir de vengeance inextinguible.

Les Fab Four faisant bien les choses, Thyssen est découvert par une bande d’enfants du coin alors qu’ils jouaient dans la forêt. Ayant tiré le don « sosie d’Alf, mais en grimdark » sur le tableau de l’Œil des Dieux (comprendre qu’il ressemble au fruit des relations incestueuses entre un Gamorréen et un Ewok), le petit Sorcier se fait instantanément adopter par Keren, fille du meunier de Marburg, fan de furries et forme non évoluée de Karen, qui convainc tout aussi rapidement ses camarades (Paul, Therese et Kurt) de cacher celui qu’elle considère comme un prince victime d’une malédiction dans le moulin abandonné du rival de son père (auquel il arriva un regrettable accident, bis). C’est le jackpot pour Thyssen, qui peut se rétablir tranquillement et confortablement grâce aux victuailles que les enfants de Marburg prélèvent dans le garde-manger familial pour son bénéfice, tout en commençant à corrompre son jeune public grâce aux contes séditieux sur Sigmar et les Quatre Princes dont il les abreuve. Après tout, c’est vrai qu’il ressemble beaucoup à Père Castor.

La situation de Thyssen est toutefois précaire, les Marburgeois ne restant pas les bras croisés devant la disparition d’un nombre croissant de leurs rejetons, qui préfèrent squatter dans le moulin de leur copain porcin plutôt que de trimer sang et eau pour leurs vieux (on les comprend). Ils commencent par engager un pisteur pour remonter la trace des disparus… auquel il arrive un regrettable accident, ter. Un peu plus tard, Thyssen mène une vendetta contre le vieux prêtre de Sigmar Hackl, proche de convaincre le conseil municipal de mettre des Répurgateurs sur le coup. Bien que le combat reste longtemps indécis entre le vieillard chétif et l’avorton boiteux (un match d’une violence insoutenable, retransmis à travers les Royaumes du Chaos), Thyssen finit par avoir raison du sigmarite, et met en scène son cadavre pour que, vous l’avez deviné, cela ait l’air d’un regrettable accident. Je ne sais pas si le concept de l’assurance-vie existait dans l’Empire avant la Fin des Temps, mais si c’est le cas, l’activité devait être implantée dans le Stirland.

C’est le moment que choisissent Ditmarr et sa gueule de porte-bonheur pour arriver à Marburg. Toujours sur la piste de sa Némésis poilue, le Garde de Morr disgracié (il s’est fait virer par l’ordre pour abandon de poste) n’est pas contre donner un coup de la seule main qu’il lui reste aux bouseux du coin dans leur problème de fugues infantiles. De son côté, Thyssen considère la venue fortuite de son persécuteur comme un nouveau cadeau des Dieux Noirs, et envoie donc l’un de ses enfants perdus attirer le Templier jusqu’à son QG, pendant qu’il réfléchit à la mise en scène d’un nouvel accident regrettable. Cependant, le messager en culottes courtes sous-estime la méfiance du Garde Noir, qui comprend rapidement que quelque chose ne tourne pas rond dans l’histoire qu’on lui sert, et ne se rend pas seul sur les lieux, comme il aurait dû le faire. En effet, il ordonne aux placides Marburgeois de mettre le feu au moulin au moindre bruit suspect, et, bien qu’ils aient conscience que la plupart de leurs rejetons soient présents dans l’édifice, ils suivent à la lettre les consignes de Ditmarr après que ce dernier se soit fait submerger par ses petits adversaires. Encore une arnaque à l’assurance, ça.

Dans le chaos qui s’ensuit, le Templier ne parvient qu’à crever un œil à Thyssen avant que ce dernier ne prenne à nouveau la poudre d’escampette, laissant ses cultistes puérils faire le coup de feu. L’un d’eux se fait d’ailleurs brièvement posséder par un Buveur de Sang (c’est les hormones) alors qu’il était sur le point de sacrifier Ditmarr pour la plus grande gloire de Khorne, et bastonne le Garde Noir comme plâtre pendant les trente secondes que durent son feat. Bien que le coriace chevalier parvienne à se sortir du brasier après cette tannée surprise, il décède de ses blessures le lendemain, après que les villageois lui aient fait croire que le corps de Thyssen avait été retrouvé dans les décombres du moulin…

Début spoiler…Alors qu’en fait, le Sorcier de poche était déjà loin de Marburg, mais pas dans une situation idéale. La nouvelle se termine en effet sur sa rencontre avec une bande de Gors qui semblent plus emballés par une dégustation de saucisson que par l’accueil d’un nouveau mutant. On ne peut pas leur en vouloir cela dit : le Pumbagor ne faisait pas encore partie du bestiaire des Bêtes du Chaos au moment où cette nouvelle a été écrite…Fin spoiler

AVIS :

Si on ne compte plus les nouvelles de GW-Fiction où des guerriers surhumains s’affrontent pour faire triompher leurs idéaux, celles mettant en scène leurs exacts opposés sont en revanche beaucoup plus rares. On peut donc remercier C. L. Werner d’avoir livré sa version de ‘Sa Majesté des Mouches1 pour Warhammer Fantasy Battle avec ce ‘The Little Ones’, sorte de huis-clos psychologique où le potentiel malaisant d’une bande d’enfants manipulés par un être maléfique est exploité de bien belle façon. Je mets aussi au crédit de l’auteur un séquençage impeccable du récit, qui alterne entre Thyssen, ses petits protégés, et Ditmarr, ainsi que les contes de Sigmar et des Quatre Princes, sorte d’histoire dans l’histoire qui aurait mérité d’être racontée dans une nouvelle séparée. Seul petit bémol : une conclusion un peu bâclée, qui ne donne pas d’indication sur le sort des enfants de Marburg (si Ditmarr a réussi à s’échapper du moulin après avoir boxé deux rounds contre un Sanguinaire, la marmaille chaotique a de bonnes chances de s’en être tirée) et laisse le destin de Thyssen en suspens. On reste cependant en présence d’une très bonne soumission de la part de Werner, dont l’originalité se doit d’être reconnue.

1 : Une comparaison d’autant plus apte que le grand méchant de l’histoire a/est dans les deux cas une tête de cochon.

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Three Knights – G. McNeill :

INTRIGUE :

WFB_Three KnightsLes trois frères Massone, Luc, Fontaine (?) et Belmonde (!?!), ont entrepris une quête d’aucuns considèreraient comme ambitieuse, pour le dire poliment : purger à eux seuls les ruines du Fort du Sang, autrefois bastion des tristement célèbres Vampires Dragons de Sang, et soigneusement évité par tous les voyageurs sains d’esprit depuis sa destruction il y a des décennies. Cette idée chevaleresquement stupide est celle de l’aîné du trio, Luc, qui s’est taillé une réputation de bretteur sans égal d’un bout à l’autre du Vieux Monde. Ses cadets (et par vertu de leur noms débiles, side kicks) ont accepté de lui prêter main forte dans son entreprise hardie, bien que ne disposant pas d’un pedigree aussi ronflant que Lulu. D’ailleurs, Belmonde n’est même pas encore un véritable chevalier du Royaume, ce qui vous situe le niveau moyen de la fine équipe.

Après avoir fait leur arrêt réglementaire dans le village bretonnien puant et boueux (Gugarde) situé sur la route du Fort, et avoir tout aussi réglementairement refusé d’écouter les sages conseils du vétéran couturé qui picolait à la taverne locale, et avait pu en son jeune temps se rendre compte par lui-même qu’un Vampire n’était pas un adversaire à prendre à la légère1, les frangins repartent le lendemain avec un guide en direction de la forteresse maudite. Les choses sérieuses et mortelles commencent réellement à la tombée de la nuit, lorsque les quatre montagnards amateurs se font attaquer par une meute de loups funestes, qui croquent prestement le guide et la mule de bât de l’équipe. Une nuit passée à prélever de la biodiversité pourrissante, et une journée à peiner dans la neige et le froid plus tard, c’est enfin le Fort du Sang qui se présente devant nos héros, qui entrent prestement se mettre au sec et se remettre de leurs émotions.

Guidés par Luc jusqu’à la salle des festins de la bâtisse abandonnée, les frères Massone se font cueillir comme des bleus par une vague de squelettes s’étant animés à la nuit tombée, et qui voient d’une mauvaise orbite trois punks à cheval venir squatter chez leurs ex-patrons. La quantité venant toujours à bout de la qualité, les chevaliers se font acculer dans un coin de la salle, et Fontaine finit embroché comme un döner kebab, au grand désarroi de ses frérots. Luc prend alors sa grosse voix et exige à parler au(x) directeur(s)… ce qui fait battre en retraite les squelettes et arriver un trio de Dragons de Sang, plus intrigués par la déclaration du paladin qu’il a réussi à tuer l’un des leurs qu’animés de chrétiennes (et pour cause, c’est pas le bon univers) intentions envers leurs hôtes du soir…

Début spoiler 1…Ayant prouvé ses dires en solotant une des brutes qui lui avait mal parlé, Luc abat ensuite ses cartes en décapitant en traître Belmonde, afin de prouver aux Dragons de Sang qu’il possède à la fois le talent martial et la fibre morale, ou plutôt son absence, nécessaires pour rejoindre leur ordre. En effet, le chevalier désire bénéficier de la vie éternelle dont disposent les Vampires, et ses grands discours de purge du Fort du Sang n’étaient en fait qu’une ruse pour attirer ses idéalistes de frangins jusqu’au repaire des fils de Harkon. Interloqué par cette demande excentrique, le Kastellan finit par s’exécuter et s’approche de Luc pour lui donner le baiser de sang…

Début spoiler 2…Ou plutôt lui cracher dans la jugulaire, car on se rend compte lors de l’attaque punitive sur Gugarde qui termine la nouvelle que le fier et brave chevalier s’est reconverti, contre sa volonté sans doute, en nécrophage ahuri. Pas le plan de carrière auquel Luc aspirait, mais une salutaire, si définitive, leçon de modestie inculquée à ce dernier par les très select Dragons de Sang. Après tout, le Roy dit nous voulons…Fin spoiler

1 : En bonus, Fontaine et Belmonde participent à la soirée open mic’ en reprenant leurs rôles de plus mauvais duo d’acteurs du Monde qui Fut.

AVIS :

Nouvelle très solide de la part de Graham McNeill, ‘Three Knights’ offre un concentré de grimdark à la sauce WFB à son lecteur à travers les péripéties plus ou moins chevaleresques de ses héros. En plus de mettre en perspective la proverbiale droiture des paladins de Bretonnie, qui tient finalement assez souvent de la légende urbaine rurale, cette nouvelle dispose d’une intrigue bien pensée et mise en place (une deuxième lecture de ‘Three Knights’ permet de repérer les jalons laissés par McNeill au cours des premières pages pour préparer sa conclusion), ainsi que d’une chute impeccable en termes d’exécution. Peut-être le meilleur court format de cet auteur pour Warhammer Fantasy Battle.

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The Road to Damnation – B. Craig :

INTRIGUE :

The Road to DamnationQu’est-ce qui peut pousser un noble estalien (Luis Quintal) et un pirate arabien (Memet Ashraf) à collaborer au lieu de se tailler des croupières, dans la plus pure tradition de leurs nations respectives ? Dans le monde hostile et cruel de Warhammer, où les gens civilisés sont rares, la réponse est : bien des choses. Dans le cas présent, il s’avère que nos deux comparses se sont retrouvés échoués dans les Badlands après que leurs navires aient fait naufrage. Cette région du Vieux Monde étant largement plus connue pour ses innombrables dangers que pour ses petits ports de pêche bucoliques, Quintal et Ashraf ont eu tôt fait de mettre leur bisbille de côté pour maximiser leurs chances de survie. Un choix d’autant plus sensé lorsqu’on est poursuivi par une bande de maraudeurs Orques & Gobelins, comme c’est le cas pour nos deux héros.

Bien qu’étant capables de se défendre (Ashraf à l’arc et Quintal au sabre), leur désavantage numérique et l’épuisement de leurs montures ne les incite pas à l’optimisme. Les compadres se sont en effet enfoncés profondément dans les terres sauvages, à la recherche de la mystérieuse cité antique que le cousin de Quintal avait découvert lors d’une précédente expédition, et qui regorgeait selon lui de gemmes et de trésors. Ce périple les a amenés aux portes du désert nehekharien, dont la chaleur et le sable ont prélevé un lourd tribut sur leurs montures. Sans accès rapide à une source, le fataliste Ashraf considère que les chevaux ne passeront pas la journée (alors qu’un sanglier orque peut cavaler des jours sans boire, encore une preuve de la supériorité de la gent porcine), ce qui condamnera les humains à une mort lente des mains des peaux vertes. La chance des aventuriers semble toutefois tourner lorsqu’ils trouvent une ancienne route, puis repèrent un vol de vautours tournoyant au-dessus d’un sanglier en détresse. Cela n’inspire rien d’autre à Quintal qu’une envie de saucisson, mais son compagnon a tôt fait de comprendre que l’animal avait localisé une source d’eau grâce à son flair, mais n’a pas pu y accéder pour la bonne et simple raison qu’il s’agissait d’un puits couvert. Cette découverte fortuite requinque nos héros, qui feront cependant trajectoire à part pour la suite de la nouvelle, la corde utilisée pour descendre Quintal dans le puits afin de remplir leurs gourdes cédant brutalement, faisant choir l’Estalien dans une rivière souterraine qui l’emporte aussitôt en aval. Envoyer le gars qui s’appelle littéralement « 100 kilos » faire de la varappe n’était peut-être pas le meilleur plan qui soit…

Cette séance de de canyoning improvisée n’est toutefois pas fatale à Quintal, qui finit par arriver dans un bassin donnant sur les niveaux inférieurs d’une sorte de temple. Après quelques heures à errer dans les ténèbres à la recherche d’une sortie, il finit par arriver dans une grande salle où plusieurs arbres centenaires ont poussé, et dont les branches lui permettront de rejoindre les ouvertures ménagées en hauteur, et donnant sur l’extérieur. Il repère aussi un peu de loot à récupérer au passage, à savoir un sceptre rehaussé de pierres précieuses dans la main d’une grande statue dominant ce qui se trouve être un autel sacrificiel, et présentant la particularité d’être moitié homme et moitié femme (#NousSachons). Se croyant tiré d’affaire, il s’autorise donc un petit somme réparateur pour recharger ses batteries… et ne tarde pas à s’en mordre les doigts lorsqu’il est surpris à son réveil par l’arrivée des peaux-vertes dans le temple. Bien que disposant d’une longueur d’avance, ses poursuivants devant élargir les ouvertures à moitié effondrées pour accéder au bâtiment, son isolation et son absence d’arme (il avait confié son sabre à Ashraf avant de partir en spéléo) semblent le condamner à court terme. S’étant réfugié dans les niveaux inférieurs du temple pour tenter de mettre le plus de distance entre ses bullies et lui, il a la surprise d’entendre une voix résonner dans sa tête et lui proposer un marché : son âme contre un bundle de cadeaux fantastiques, dont une vision infrarouge et un service de protection assuré par une vingtaine d’Ushabtis. A court d’options, Quintal accepte (sans même savoir ce qu’est un Ushabti, il y aurait pu avoir entourloupe si la voix avait été celle d’un Démon de Zuvassin), et constate grâce à sa nouvelle acuité visuelle que ce qu’il avait considéré comme étant de simples statues de crocodiles se mettent effectivement à bouger, et à poursuivre les Gobelins envoyés en éclaireurs dans le temple par leurs gros copains verts.

De son côté, Ashraf s’est aventuré dans la cité déserte après avoir abreuvé les chevaux, jugeant probable que son compagnon ait été emporté dans cette direction par le courant. Il assiste aux travaux d’excavation sauvage menés par les peaux vertes pour accéder au temple, sans se douter d’abord des raisons de leur enthousiasme pour cette ruine, et se glisse à l’intérieur du bâtiment à leur suite pour tenter d’en éliminer le plus possible tant que la bande n’est pas au complet. Juché sur un des arbres du temple, il assiste aux premières loges à un match de catch par équipe des plus originaux, les Orques et Gobelins faisant face à des Ushabtis visiblement plus intéressés par faire de gros câlins à leurs adversaires qu’à les réduire en morceaux. Hésitant sur la conduite à suivre et en faveur de qui intervenir, Ashraf se retrouve lui aussi désarmé après que des serpents venimeux aient décidé de s’installer sur son arc et ses flèches, forçant l’Arabien à les laisser tomber pour éviter une morsure. Il assiste ensuite à l’arrivée d’un Quintal visiblement pas dans son état normal, et dont l’entrée en jeu permet à la team Crocos de remporter le match sans coup férir (#ImpactPlayer).

La cérémonie de sacrifice des peaux vertes à laquelle Quintal se livre ensuite (en même temps qu’à un monologue digne du méchant de série B qu’il est devenu) est interrompue par l’incendie déclenché par Ashraf dans les branches de l’arbre où il s’était réfugié, manière pour lui de détourner l’attention de son ex-collègue et de ses gardes du corps sauriens, le temps qu’il puisse se glisser dans les niveaux inférieurs du temple, où il pense avoir de meilleures chances de survie. Cette stratégie fonctionne, mais Quintal prend l’interruption de séance et la combustion de ses Ushabtis (très inflammables) avec un recul digne d’un paresseux sous tranquillisants, et se contente de ramasser le sceptre que tenait l’idole – définitivement Slaaneshi – du temple lorsque la chaleur du brasier la fait tomber en morceaux, avant de suivre Ashraf.

La réunion entre les deux partenaires, si elle s’engage de manière très courtoise, menace de dégénérer à tout moment, Ashraf étant à ce stade convaincu que son camarade est devenu le serviteur d’une puissance néfaste. Lorsque Quintal lui propose de renouveler leur collaboration, et de le suivre sur la route de la damnation, l’Arabien pèse soigneusement ses options…

Début spoiler…Et décide finalement d’accepter. Après tout, et comme il le reconnaît lui-même sans honte, il n’est pas un enfant de chœur, et ses chances de se sortir du guêpier dans lequel il s’est mis sans l’assistance de Quintal et de ses nouveaux pouvoirs sont infinitésimales, pour le dire poliment. C’est ainsi qu’une nouvelle grande puissance (régionale) fit son apparition sur la mappemonde géopolitique du Vieux Monde : les Rois des Tombes du Chaos. Que voilà un exemple d’assimilation réussie !Fin spoiler   

AVIS :

Brian Craig s’est toujours tenu à part des autres auteurs de la Black Library, même à l’époque où ce contingent était si réduit qu’il en formait une bonne partie à lui seul. Son approche personnelle de la fantasy était en effet bien trop classique et, osons le terme, intellectuelle, pour une GW-Fiction plutôt portée sur l’action et l’aventure (une inclinaison normale pour la division littéraire d’un jeu de batailles fantastiques, il faut le reconnaître). ‘The Road to Damnation’, une de ses dernières nouvelles publiées pour le compte de cette franchise, peut être considérée comme sa soumission la plus alignée avec le BL-style que les éditeurs vétérans Marc Gascoigne et Christian Dunn établirent dans les premières années d’existence de la Black Library1. Mais si son intrigue ne détonne pas avec celles des travaux de ses camarades d’écurie, ‘The Road to Damnation’ porte très clairement la patte de Craig, tant sur le fond que sur la forme.

Le récit des mésaventures de Quintal et Ashraf se fait en effet à un rythme relativement posé, loin de la frénésie d’action que l’on associe avec les courts formats de la BL (un sentiment renforcé par la tendance de Craig à intégrer à sa narration les réflexions de ses personnages), et reste particulièrement prosaïque et « à hauteur d’homme » pour une nouvelle se déroulant dans le monde Warhammer Fantasy Battle, un univers défini en grande partie par l’action de forces divines et surnaturelles, auxquelles les mortels ne peuvent en général pas se soustraire. Cela se percevait dans d’autres travaux de Brian Craig (‘Who Mourns a Necromancer ?’, ‘The Winter Wind’), mais l’auteur vétéran pousse ici le paradoxe encore plus loin, puisque cette novella met en scène une authentique corruption chaotique, immédiatement identifiée comme telle par Quintal et Ashraf (ce qui fait une grosse différence par rapport au sort des héros de ‘A Gardener in Parravon’ et ‘The Light of Transfiguration’, qui tombent – parfois littéralement – dans le Chaos sans s’en rendre compte), mais qui semble être sous sa plume devenir un processus presque banal, et non un événement traumatisant. Pour un contributeur moins talentueux que Craig, cette approche aurait fini en hors sujet total, mais la pilule passe ici très bien, dès lors que le lecteur s’acclimate aux particularités narratives et stylistiques de l’auteur. On en est quitte pour cinquante pages d’exploration d’un temple antique dédié à une divinité maléfique, à la manière d’une aventure de Conan le Cimmérien ou de Solomon Kane, et il serait dommage de bouder son plaisir.

Le seul bémol que je mettrai à ‘The Road to Damnation’ est relative au background. Alors que Craig avait toujours montré des bonnes dispositions à respecter le lore de Warhammer Fantasy Battle, il nous sert ici un crossover très (trop) ambitieux entre le fluff des Rois des Tombes et celui des serviteurs du Chaos, et dont on dira pudiquement qu’il n’a pas fait école. Ironiquement, lorsque la BL lèvera le voile sur les origines de Nagash, bien des années plus tard, l’hypothèse d’un culte de Slaanesh clandestin à Nehekhara se fera moins farfelue2. Cela ne gène pas le plaisir de lecture, mais invite à considérer les informations fluffiques relayées dans la nouvelle avec des pincettes. Un petit prix à payer pour profiter de la Craig’s touch

1 : ‘The Road to Damnation’ a été publiée dans le recueil ‘Way of the Dead’ (ça en fait des noms de rues sympathiques !), en 2003.
2 : Nagash apprenant la magie noire d’une cabale d’Elfes Noirs menée par une Sorcière, peut-être familière avec les croyances de Morathi…

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Mark of the Beast – J. Green :

INTRIGUE :

Mark of the BeastSoldat de carrière dans l’armée du Tzar de Kislev, Torben Badenov a gravi les échelons jusqu’à devenir le commandant d’une unité d’éclaireurs montés (15 exactement, et tous présentés par Green dès la première page de la nouvelle1). Pour son grand malheur, il sert sous le Capitaine Arman Yasharov, un noble kislevite aussi incompétent que méprisant, et bien décidé à faire tout ce qui est en son pouvoir pour revenir le plus tôt possible vidanger le samovar de la Reine des Glaces (en tout bien tout honneur, bien sûr). La bande d’Hommes Bêtes que son armée poursuit, et qui signe ses méfaits en apposant la titulaire « marque de la bête » dans les décombres des villages qu’elle a rasée2, bénéficie donc d’un avantage certain sur ses adversaires humains, et le pauvre Badenov en est réduit à limiter les dégâts causés par le leadership exécrable de son officier.

Envoyés par Yasharov pister la trace de la harde, qui semble avoir fait des prisonniers lors de sa dernière attaque, comme le faible nombre de cadavres trouvés dans les ruines du hameau où la nouvelle débute le laisse à penser, Badenov et ses scouts se font surprendre en rase taïga par une bande d’Ungors dépêchés par le Seigneur des Bêtes Gashrakk Blackhoof pour faire le service d’ordre à proximité de son campement. Gashrakk est en effet un visionnaire, dont le grand dessein est de réveiller le Seigneur du Dawa (Lord of Misrule en V.O.), une déité 100% chaotique que les légendes des Bêtes du Chaos font reposer en dessous de la pierre des hardes de la tribu de la Corne Noire. Pour permettre au Dawaster de sortir de son trou et de régner à nouveau sur son « royaume de confusion » (sicoù on n’écoute que du Genesis à fond les ballons, j’imagine), le big G. a un plan : sacrifier un nombre suffisant de prisonniers au Chaos, en mettant le feu à une effigie géante d’Homme Bête construit avec des cages en bois. Et moi qui pensait qu’ils ne savaient rien faire de leurs dix (?) doigts (?), me voilà corrigé. L’approche peu subtile de Yasharov ayant alerté le chamane Cathbad, Gashrakk sait que son projet X risque d’être interrompu par des Kislevites en maraude, et a donc envoyé quelques bandes désœuvrées contrecarrer la manœuvre. Il a aussi envoyé une doublette de chars à sangleboucs, malheureusement pour les cavaliers légers de Badenov, qui sont contraints à se replier en désordre après l’intervention des panzers adverses, abandonnant quelques morts et blessés sur le champ de bataille.

De retour au campement kislévite, Badenov réussit à obtenir de son Capitaine l’autorisation de lancer une mission d’infiltration de la base adverse (repérée par d’autres scouts, plus doués, eux) pour tenter de libérer ses camarades prisonniers, et peut-être secourir quelques civils au passage. Yasharov n’est absolument pas convaincu par la menace posée par un rituel sacrificiel qu’il s’agirait d’empêcher avant que l’attaque de son armée ne débute, mais il laisse tout de même à son sous-fifre jusqu’à la tombée de la nuit pour mettre à exécution son plan, après quoi il donnera l’assaut. Réduits à mi-effectifs à ce stade de la nouvelle, les Badenov’s Baddies profitent d’un coup de pouce de la part du script pour progresser vers leur objectif : le campement des Hommes Bêtes a été établi sur un ancien oppidum ungol, et compte bien entendu un souterrain secret reliant le centre de la place forte à l’extérieur. Haaa. Et nos héros trouvent bien sûr ce souterrain secret en l’espace de trois minutes. Hooo. Leur chance tourne cependant lorsqu’ils découvrent que les Gors ont décidé d’installer leurs latrines à l’endroit où le tunnel émerge dans leur campement. Un petit prix à payer pour speed runner cette quête, cependant.

De son côté, Gashrakk ne s’est pas tourné les sabots et a entamé le rite de réveil démoniaque/feu de joie païen avec Cathbad. L’arrivée imminente de l’armée kislevite, que sa bande d’Ungors n’a manifestement pas arrêtée (comme c’est bizarre) force toutefois le Seigneur des Hardes à accélérer le protocole, et à balancer une torche sur son bonhomme (bête) carnaval avant que le chamane n’ait pu terminer de réciter « je te tiens par la barbichette » 666 fois de suite. C’est le moment que choisissent Badenov et ses hommes pour lancer leur attaque sur les mutants, confiants dans le fait qu’il ne leur faudra tenir que quelques minutes avant que le reste de leurs forces n’arrivent en renfort, pas vrai ? PAS VRAI ? En cela, ils ont sous-estimé le jemenfoutisme de Yasharov, qui se contente d’envoyer quelques cavaliers barricader les portes du campement (?) pour empêcher les Hommes Bêtes de sortir. Car apparemment, ces derniers savent construire des statues en bois de 10 mètres de haut, mais le concept de distance de sécurité par rapport à un foyer de combustion leur est inconnu. La magie du scénario…

Toujours est-il que cette défection de dernière minute ne fait pas les affaires de nos héros. Si Cathbad se fait assez facilement soloter par Arnwolf le Norse, Badenov n’a pas la partie facile contre Gashrakk. Finalement, un anneau nasal trop solidement fixé, un crochet attaché à une chaîne elle-même fixée à la pierre des hardes, et surtout un positionnement malheureux du Seigneur des Blettes vis-à-vis de l’angle de chute de son effigie enflammée, auront raison du pauvre Blackhoof. C’est ce qu’on appelle un bûcher des vanités, vraiment. S’il ne réussit pas à réveiller le Dawaster et perd toute sa tribu en même temps que sa vie dans cette folle soirée (les Hommes Bêtes le sont vraiment, faut croire), il peut au moins se réconforter en songeant que tous les villageois capturés ont également fini en marshmallow (donc je ne comprends pas pourquoi son plan n’a pas marché… à moins que les invocations de Cathbad soient vraiment capitales), ainsi que la plupart des hommes de Badenov. En comptant l’évasion miraculeuse d’Oran et de Manfred, qui avaient été faits prisonniers par les Ungors, nos héros ne sont plus que six, et c’est assez naturellement qu’ils décident de déserter pour devenir des mercenaires, loin de l’incompétente brutalité des officiers placés là par leur famille. D’ailleurs, à ce propos…

Début spoiler…Il n’est jamais trop tard pour se venger de mauvais traitements, surtout quand on n’a plus rien à perdre. Badenov et Oran rendent donc visite à Yasharov au cœur de la nuit, et procèdent à un échange du meilleur goût : ils laissent la tête calcinée de Gashrakk dans le lit de l’aristocrate, Le Parrain-style, et vont planter la sienne sur une pique à l’extérieur du camp kislévite, avant de partir voir ailleurs s’ils y sont. On connaît la suite…Fin spoiler

1 : Et si vous pensez que je n’ai pas la patience ou la mesquinerie nécessaire pour relayer l’information, vous devez être nouveau ici : Torben Badenov, Oran Scarfen, Vladimir Grozny, Alexi, Arkady et Andrei Tolyev, Manfred, Oleg Chenkov, Arnwolf, Zabrov, Mikhail Polenko, Yuri Gorsk Kiryl, Evgenii, Cheslav, Stefan. Il n’en resteraque six  à la fin, ne vous attachez pas trop.
2 : Parfois en utilisant des matériaux… plus biodégradables que d’autres.

AVIS :

S’il ne s’agit pas de la première nouvelle écrite par Jonathan Green pour sa bande de mercenaires préférés, ‘Mark of the Beast’ peut au moins se prévaloir d’être le premier épisode de la série qui donnera au final le recueil ‘The Dead and the Damned’. Le résultat n’est pas aussi navrant qu’il a pu être dans d’autres péripéties badenoviennes, la haute teneur en action (bas du front) injectée par Green dans cette aventure l’empêchant de trop s’empêtrer dans son scénario, même si ce dernier apparaît tout de même très fragile dès lors qu’on a le malheur de s’intéresser un peu trop à lui. Si le héros s’appelle Badenov, l’auteur a pour sa part bien mérité le nom de Good Enough… De la cheap fantasy très peu intéressante, à moins que vous ne cherchiez à voir ce que le BL style a produit de plus suranné.

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Jahama’s Lesson – M. Farrer :

INTRIGUE :

Jahama's LessonLe Seigneur Khreos Maledict a quitté sa cité de Karond Kar avec armes et bagages pour mener un raid sur les côtes bretonniennes. Pillard invétéré, il a laissé la fougue de sa jeunesse derrière lui et cherche désormais à remporter ses campagnes en évitant de passer par la case « bataille rangée ». C’est à cette fin qu’il a recruté la Matriarche Miharan Diamo, et surtout son protégé, l’assassin Jahama, pour mener une opération de diversion au cœur du château du Duc d’Argent, dont l’armée pourrait s’opposer à celle des Elfes Noirs. Maledict a aussi embarqué son neveu (Khrait), officiellement pour le former au métier, mais d’abord et surtout pour pouvoir débiter d’interminables et pompeux monologues sur son génie stratégique. Nos quatre personnages débarquent en avance des troupes druchii pour accompagner Jahama jusqu’à l’endroit où sa mission d’infiltration doit commencer. Après avoir reçu la bénédiction de sa tutrice, le tueur prend la clé des champs et se dirige vers la forteresse ennemie.

Sur le chemin les ramenant vers l’Arche Noire que le Dynaste a affrétée pour sa virée shopping ultramarine, Khreos et Miharan échangent quelques piques au sujet des qualités de l’assassin. Le noble se fait un plaisir de révéler à la Matriarche que son élève va se retrouver confronté à une opposition exceptionnelle, le Duc d’Argent étant une force de la nature au tableau de chasse impressionnant, sans parler de son entourage de chevaliers endurcis et de fidèles hommes d’armes. Supprimer le commandant bretonnien ne sera donc pas une partie de plaisir pour Jahama, dont c’est pourtant la mission. Miharan ne se montre cependant pas très inquiète, et commence à raconter à l’oncle et au neveu la dernière épreuve à laquelle Jahama a dû se soumettre pour gagner ses galons d’assassin. Hellebron étant cette année-là d’une humeur particulièrement massacrante (on suppose qu’elle était en rade d’anti-rides), la mégère avait défié les impétrants de pénétrer dans son manoir bourré de pièges, et de prendre à son assassin personnel, le redouté (autant qu’inconnu, mais c’est plutôt flatteur dans ce métier) Hakoer, son collier d’argent serti d’un rubis. Comme ledit Hakoer avait hérité de l’Epée de Mort de son employeuse le temps de l’épreuve pour en relever encore un peu la difficulté, les bookmakers de Har Ganeth avaient mis une côte stratosphérique sur la promotion Kermit1. Le trio remonte à bord et se sépare pour se préparer à l’assaut contre les humains avant que la Matriarche ait pu finir son histoire, laissant Khreos et Khrait dubitatifs sur la véracité de son récit.

De son côté, Jahama ne traîne pas en besogne, et parvient à se glisser à l’intérieur du château d’Argent alors qu’un banquet célébrant une campagne victorieuse contre une harde d’Hommes Bêtes en maraude bat son plein. Mais eu lieu de se rendre dans la chambre du Duc pour se cacher dans un placard pour le surprendre en pyjama, l’assassin préfère foutre un bordel monstre dans les festivités bretonniennes, et de façon tout à fait visible qui plus est. Après avoir suriné/fléchetté/garrotté/savaté une dizaine de convives et de serviteurs, l’alerte générale est donnée et le Druchii meurtrier se retrouve confronté à une horde d’adversaires compensant leur manque d’armure et leur alcoolémie élevée par les vertus du juste courroux et de la motivation implacable. Malgré ses talents de combattant et d’acrobate, Jahama finit par se retrouver en mauvaise posture, et le Duc d’Argent en personne se fraie un chemin jusqu’à lui pour le défier en duel, dans la plus pure tradition locale. Peu intéressé par la proposition, l’Elfe Noir se contente d’envoyer sa dernière dague de jet dans la poitrine d’une Demoiselle qui avait commis l’erreur de traîner dans le coin, avant de littéralement tirer sa révérence et de s’enfuir du château, poursuivi par une meute d’humains vengeurs.

Retour du côté Druchii, où l’armée de Maledict progresse sans se presser vers la forteresse d’Argent. Khreos révèle en aparté à son neveu qu’il a mis Jahama sur une mission suicide, dont le but était de désorganiser les Bretonniens plutôt que de tuer leur Duc, et qu’il a pour projet d’arranger un regrettable accident pour Miharan avant que l’expédition ne se termine, afin qu’elle ne puisse pas lui tenir rigueur de la mort de son pupille. Ces confidences sont toutefois interrompues par une clameur qui retentit à l’horizon, alors que les Elfes Noirs sont encore en ordre dispersé…

Début spoiler…C’est l’armée du Duc d’Argent qui s’est portée à leur rencontre, et qui roule sur les pillards comme un 4×4 sur un crapaud (gothique). Dans la mêlée qui s’ensuit, Khreos est mortellement blessé par l’ennemi, et tente péniblement de ramper hors du champ de bataille pour rejoindre le littoral et l’Arche Noire qui y est amarrée. Sa lente progression est stoppée par Jahama, qui lui révèle qu’il a « malencontreusement » laissé tomber la carte sur laquelle l’itinéraire des Elfes Noirs était indiqué au moment où il quittait le château du Duc. C’est vraiment ballot, mes plus confuses dude ! Il s’agissait pour lui de donner une leçon à un noble arrogant, qui prétendait utiliser le culte de Khaine comme de vulgaires mercenaires, et d’inculquer le respect de cette ignoble institution au reste des puissants de Naggaroth. Avant qu’il ne soit abandonné par Jahama, qui après tout a un bateau à prendre, Khreos a le temps de remarquer que le responsable de sa chute porte un collier d’argent où brille un rubis…Fin spoiler

1 : Les classes d’Assassins Elfes Noirs sont baptisés en honneur des marionnettes du Muppets Show. Nul ne sait d’où vient cette tradition.

AVIS :

Pour sa seule incursion recensée dans le Vieux Monde, Matthew Farrer signe une petite fable grinçante illustrant parfaitement le caractère impitoyable et retors de la société elfe noire, un genre d’histoire dont on peut difficilement se lasser, dès lors que la qualité est au rendez-vous, ce qui est ici le cas. De plus, il prolonge le plaisir en mettant en scène avec un luxe de détails et une vraisemblance rarement atteints (à ma connaissance) dans la GW-Fiction deux pans incontournables du fluff des Druchii : piller les côtes du Vieux Monde d’une part, et assassiner leurs rivaux d’autre part. Si les Elfes Noirs sont votre faction de cœur, ‘Jahama’s Lesson’ est un must read absolu, et tant pis pour Khreos Maledict.

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A Good Thief – S. Jowett :

INTRIGUE :

A Good ThiefFrançois Villon est un poète (naaaaaan ???) à l’esprit vif et à la langue bien pendue, ce qui lui cause autant de problèmes que d’opportunités. Forcé à l’exil de sa Marienburg natale après que les vers qu’il a composés sur les activités extra-maritales de la femme de l’un des princes marchands de la cité soient parvenus aux oreilles du mari cocu, il a trouvé refuge dans la petite ville de Wallenholt, et est devenu le poète de cour du Graf local. Une occupation indigne de ses talents, qui sont de son avis de spécialiste, superlatifs, mais qui lui permet de vivoter tranquillement aux crochets de son mécène.

La situation de Villon se complique lorsque le Graf de Wallenholt reçoit la visite d’une délégation de notables impériaux, dans laquelle se trouve un parent de la Frau von Klacht, dont les frasques libertines ont été mises en vers (et contre tous) par notre poète. Reconnu par le visiteur, Villon est fissa envoyé à la case prison par son employeur, qui préfère logiquement se séparer de son flagorneur licencié plutôt que d’hériter d’une guerre commerciale avec l’un des marchands les plus influents du Vieux Monde. Par chance pour Villon, la petite soirée pendant laquelle son destin s’est joué s’est déroulée devant un autre témoin, d’opinion plus favorable envers le rimailleur de cour. Le Magister (puisqu’on ne le connaîtra pas sous d’autres noms) organise l’évasion de notre héros pendant son transfert vers Marienburg, et lui remet une mission très spéciale en échange de ce coup de pouce inespéré : il doit se rendre dans un village du Reikwald tombé sous la coupe du bandit Gerhard Kraus, et mettre la main sur un artefact magique que le même Kraus a acquis pour le compte du Magister, avant de décider de le garder pour lui. Tout cela est bien mystérieux.

A son arrivée à Krausberg, Villon ne perd pas de temps à s’encanailler avec les hommes du seigneur brigand, qui reste lui complètement reclus dans ses quartiers. Il lui faudra attendre une nuit de beuverie pendant laquelle son public lui demande de réciter pour la énième fois son ode épique sur Frau von Klacht pour que Kraus daigne faire son apparition, et défie Villon à un duel… de poésie. Original, n’est-ce pas ? Le brigand n’est cependant pas un adepte du free style, et se contente de réciter les strophes tirées d’un petit livre qu’il a amené avec lui, et dont la nature arcanique ne fait rapidement pas de doute à Villon, qui se fait happer par la déclamation de Kraus au même titre que le reste de l’assemblée. Il est évident que c’est l’objet que le Magister l’a envoyé reprendre au mercenaire indélicat, et Villon décide d’agir la nuit même, profitant du gros coup de mou subi par Kraus après la fin de sa prestation. L’art est épuisant, c’est vrai.

Voleur avant d’être poète, Villon n’a aucun mal à se glisser dans la chambre du bandit et à mettre la main sur le livre en question, dont l’influence néfaste n’est pas à sous-estimer. Ne pouvant corrompre directement notre héros (qui est analphabète, et c’est bien pour cela que le Magister l’a choisi en premier lieu) comme il l’a fait pour Kraus, le grimoire possède ce dernier et un combat féroce s’engage entre les deux chineurs d’antiquités pour la possession du grimoire. Villon finit par remporter le match et s’enfuit par la fenêtre avec son butin sous le bras, laissant Kraus éborgné et exposé comme fraude littéraire (une double sanction bien sévère, si vous voulez mon avis). Après un voyage vers Altdorf, où le Magister lui a donné rendez-vous, le poète remet le bouquin tant convoité à son commanditaire, qui le jette immédiatement dans le feu, OPA Gandalf-style. Contrairement à l’Anneau Unique, le parchemin est inflammable et l’ouvrage maudit (askip) finit en fumée. Voilà une nouvelle menace qui planait insidieusement sur l’Empire écartée pour de bon…

Début spoiler…Enfin presque. Villon a en effet jugé malin de donner au Magister un livre dérobé au hasard dans la bibliothèque municipale la plus proche, préférant trouver un riche gogo pour lui acheter le vrai grimoire un peu plus tard. A malin, malin et demi cependant : le Magister ne met pas longtemps à se rendre compte qu’il a été dupé, et se fait un plaisir de faire arrêter Villon pour lui apprendre à jouer des tours aux puissants de ce monde. Par chance pour notre poète-escroc, M a une nouvelle mission à lui confier, ce qui est toujours mieux que danser la gigue des pendus (en attendant d’en composer la ballade, bien sûr)…Fin spoiler

AVIS :

Simon Jowett prend son temps et déroule une histoire originale de poète-voleur missionné pour dérober un grimoire de sonnets à un seigneur bandit trop cultivé pour son propre bien (je vous défie de trouver une intrigue comparable dans tout le corpus de la GW-Fiction) dans ce ‘A Good Thief’, dont la moitié des pages est finalement consacrée à la présentation du héros. Jowett est suffisamment doué avec sa plume pour que le lecteur n’ait pas l’impression de se faire flouer dans la manœuvre, mais il ne reste pas moins que cette nouvelle ressemble plus à l’introduction d’un roman, qui n’aura au final pas été écrit1, qu’à une œuvre indépendante. Une sympathique curiosité.

1 : Un puissant et mystérieux commanditaire œuvrant en secret pour le bien de l’Empire recrute des agents doués de talents particuliers parmi le gibier de potence impérial ? Ça me dit vaguement quelque chose

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What Price Vengeance? – C. L. Werner :

INTRIGUE :

What Price VengeanceLa bande de mercenaires tiléens du Capitaine Ursio a connu de meilleurs jours : engagée par le rusé Vicomte Augustine de Chegney pour brigander en son nom sur les terres de ses voisins, elle a failli à sa mission et a en conséquence essuyé une attaque meurtrière de la part d’autres sbires de l’implacable Bretonien, peu enclin à laisser des témoins de sa vilénie ternir sa réputation. Il paraît que les chevaliers du Royaume sont h.o.n.o.r.a.b.l.e.s après tout. Malheureusement pour Gus, les reitres ont survécu, et sont maintenant assoiffés de vengeance. Profitant de la bonté de Claudan de Chegney (fils du premier), ils investissent donc la place forte que ce dernier occupe au nom de son père – et qu’il a dérobé à un autre voisin, impérial celui-ci – en prétextant chercher à s’abriter des terribles orages des Montagnes Grises… et passent tous les habitants du château par le fil de l’épée pour se passer les nerfs. Tous ? Pas tout à fait. À malin, malin à demi : Ursio repart donc se cacher dans la campagne avoisinante avec le jeune fils de feu Claudan et sa nourrice, et charge le gouverneur du noble trucidé d’aller porter sa demande de rançon à Augustine.

Bien que n’étant pas vraiment un enfant de chœur, comme on a pu le voir plus haut, le Vicomte est un family man, ne serait-ce que parce qu’il est trop bête d’agrandir le fief familial uniquement pour le voir disparaître à sa mort, faute d’héritiers. N’ayant plus que Claudan Junior (que nous appellerons Cloclo) de ce côté-là, il est prêt à dépenser sans compter pour retrouver l’usufruit de son petit-fils, mais est convaincu par son conseiller (Plaisant) de ne pas négocier avec des terroristes, et de recruter à la place un tueur professionnel pour aller récupérer le bébé à ses ravisseurs. Cela tombe bien, Plaisant a justement un nom à souffler à son patron : celui du redoutable Brunner, un impérial que l’on dit de noble ascendance (ça compte pour les Bretonniens), et n’ayant jamais failli à la tâche. Augustine envoie donc son sénéchal recruter le chasseur de primes… qui refuse de prendre la mission, malgré les 200 couronnes d’or sonnantes et trébuchantes que le bon Plaise lui fait miroiter. Enfin, il fait mine de refuser plutôt, le temps de laisser un Plaisant très colère repartir de la taverne dans laquelle le rendez-vous a pris place, et se faire embusquer quelques mètres plus loin par un groupe de truands de bas étage, qui n’ont pas pu résister à la grosse bourse (au singulier ça va) du sénéchal. Cette avidité leur sera fatale, Brunner sortant des ombres au moment fatidique pour leur régler leur compte avec une efficacité consumée, et empocher au passage les quelques pièces d’argent que la mort de ces soudards lui rapporteront. Y a pas de petits profits.

Un peu plus tard, nous retrouvons le taciturne mercenaire sur les terres du Vicomte, qu’il semble très bien connaître. Ayant joué le rôle de l’innocent (mais tout de même très bien armé) voyageur pour attirer trois des hommes d’Ursio à se montrer auprès de son feu de camp, il a tôt fait d’en envoyer deux chez Morio (le Morr tiléen), gardant le troisième en vie pour qu’il lui indique où se sont cachés ses petits camarades. Et si la tour de guet abandonnée que les kidnappeurs ont choisi comme repaire semblait être un endroit parfait pour surveiller les environs, on s’aperçoit bien vite que Brunner joue vraiment à domicile, puisqu’il pénètre dans le donjon au nez et à la barbe des sentinelles grâce à sa connaissance du passage secret reliant l’édifice à un tunnel à proximité. Cet avantage lui permet de neutraliser discrètement (au début) les hommes d’Ursio, laissant ce dernier seulement accompagné de ses deux derniers lieutenants, et de ce cher Cloclo (la nourrice ayant été étranglée par un mercenaire nerveux après que Brunner ait arrêté le mode silencieux, et commencé à castagner du sbire sans retenue), dans la salle principale de la tour.

Ce remake Battle de ‘Trois Hommes et un Couffin’ ne se termine pas aussi bien que l’œuvre originale pour le trio en question. Les compagnons d’Ursio tombent rapidement sous les balles et les lames du chasseur de primes, ce qui laisse leur Capitaine s’échapper en courant avec le bébé dans les bras… jusqu’à ce qu’il fasse la rencontre des chausse-trapes que Brunner a pris soin de semer en bas de l’escalier de la tour, ce qui ruine ses sneakers et l’envoie au tapis (et le pauvre Cloclo avec, encore un drame des bébés secoués). Lorsque le Tiléen voit sa Némésis apparaître sur le pallier, il tente de le convaincre de le ramener avec lui chez de Chegney, ce que Brunner accepte… partiellement. Comme il le révèle à sa victime, le Vicomte n’a en effet payé que pour sa tête, le reste de son anatomie peut donc rester sur place.

La nouvelle se termine avec un face à face entre Brunner et de Chegney, le premier annonçant à son employeur que, malheureusement, Cloclo n’a pas survécu à sa capture. Dévasté par la nouvelle, le noble accepte tout de même d’honorer sa part du contrat et remet à son chasseur de tête (qui n’est pas revenu les mains vides) la moitié restante de la somme convenue, avant de lui donner congé…

Début spoiler…Mais la scène « post-credit » (si je puis dire) révèle que Brunner a menti, et gardé le bébé avec lui. Ne pouvant l’élever seul, il le confie à un couple de marchands, auxquels il remet également la prime versée par de Chegney. On comprend quand il présente Cloclo comme étant également son petit-fils que le chasseur de primes était en fait le Graf Von Drakenburg dont de Chegney a usurpé le domaine, marié de force la fille à son fils, et vendu à des esclavagistes pour s’en débarrasser. Cela explique la connaissance approfondie des terres des Von Drakenburg dont Brunner dispose, et son peu d’empressement à rendre Cloclo à Gus. La garde partagée est un plat qui se mange froid.Fin spoiler

AVIS :

Après nous avoir fait don de Mathias Thulmann quelques infernaux numéros plus tôt, C. L. Werner remet le couvert avec ‘What Price Vengeance ?’, nouvelle introductive de l’un de ses personnages les plus marquants, le chasseur de primes Brunner. Le charme opère immédiatement dans cette histoire de prise d’otage (violente) et d’opération de libération (tout aussi violente), l’auteur parvenant à nous embarquer d’un tour de plume dans les bas-fonds du Vieux Monde en compagnie de brigands sanguinaires, de nobles cauteleux et de mercenaires impitoyables. L’intrigue est très solide, le déroulé plaisant à lire et idéalement dosé (Werner fait partie de ces bons écrivains qui savent prendre leur temps sans qu’on ait l’impression qu’ils meublent, qualité trop souvent absente des écrits de la Black Library à mon goût), la conclusion apporte sa petite révélation bien sentie et finement préparée par Werner au cours des pages précédentes, il y a du fluff et des one liners bien sentis… Que demande le peuple ?

Le seul petit défaut qu’on pourrait reprocher à cette masterclass med-fan est la tonne de descriptions vestimentaires dont Werner nous abreuve dès lors qu’un personnage important nous est introduit pour la première fois, une excentricité qu’on ne retrouve chez personne d’autre au sein de la BL à ma connaissance. A part ça, on a affaire à une nouvelle de très haute volée, tout comme l’anti-héros qu’elle nous présente.

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Et voilà qui termine cette revue de ‘Way of the Dead’, une anthologie qui a ma foi fort bien vieillie quand on la compare aux autres recueils de nouvelles de Warhammer Fantasy Battle, et même à ceux d’Age of Sigmar, à tel point que je le conseille comme point d’entrée dans cette franchise pour tous les lecteurs souhaitant découvrir le Monde qui Fut. La qualité est en effet largement au rendez-vous, et même l’histoire la plus faible du lot (désolé Jonathan Green) se révèle intéressante à lire d’un point de vue académique (le mot est lâché), puisqu’elle permet de déterminer le « plancher » qualitatif de la GW-Fiction moderne1. Par ailleurs, ‘Way of the Dead’ se paie également le luxe d’être assez diversifié pour un recueil de seulement neuf nouvelles, des soumissions assez classiques cohabitant avec le charme un peu suranné de Brian Craig ou le second degré presque assumé de Robin D. Laws. Enfin, il faut souligner que cet opus met en avant quelques un des héros majeurs de WFB, et qui plus est, au début de leurs aventures, ce qui achève de faire de ‘Way of the Dead’ le recueil introductif par excellence.

1 : Je garde les très vieux recueils de nouvelles, prédatant la Black Library (‘Ignorant Armies’, ‘Red Thirst’ et ‘Wolf Riders’, chroniqués , et si ça vous intéresse) à part. Si certaines de leurs histoires s’intègrent parfaitement dans le corpus classique de Warhammer Fantasy Battle, d’autres sont par contre tellement différentes de ce que nous considérons comme étant la norme de la GW-Fiction qu’il serait déloyal d’établir un comparatif.

LORDS OF VALOUR [WFB]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette critique d’un nouveau recueil de nouvelles vintage : ‘Lords of Valour’. Publié en 2001, cet ouvrage, comme la plupart des anthologies sorties à cette époque par la Black Library, regroupe des histoires d’abord présentées au lectorat de la BL via les bimensuels Inferno ! On retrouve ainsi ici des nouvelles provenant des numéros #15 à #25, soit la période courant de novembre 1999 à juillet 2001. Si le titre et le quatrième de couverture nous annoncent une ligne éditoriale claire, et un recueil faisant la part belle aux chevaleresques défenseurs de la veuve et de l’orphelin (comme le magnifique spécimen en couverture, qui va bientôt découvrir qu’il ne fait pas bon prendre la pose/pause en pleine bataille lorsqu’on tourne le dos à ses ennemis), je peux ici vous annoncer qu’il n’en est rien. Il y aura certes pas mal de Bretonnie au menu, mais nous resterons sur une teneur en grimdark convenable, n’ayez crainte.

Sommaire Lords of Valour (WFB)

Les douze nouvelles rassemblées dans ces pages nous proviennent d’un aéropage d’auteurs distingués, dont les noms seront sans doute familiers au plus anciens/fidèles d’entre vous. Robert Earl et Gav Thorpe mènent la danse avec deux soumissions à leur actif, suivis par des vieux briscards (qui ne l’étaient pas vraiment à l’époque) du calibre de C. L. Werner, Gordon Rennie, Jonathan Green et William King. L’ouvrage qui nous intéresse aujourd’hui bénéficie également du concours de noms s’étant faits plus rares par la suite, comme Brian Craig, Ian Winterton, Ben Chessell, Neil Jones et Neil Rutledge. Bref, comme souvent dans les recueils de la BL, il y en aura pour tous les goûts, et si la valour n’attend pas le nombre des années, on peut cependant espérer que les 20 ans qui nous séparent de la sortie de cet opuscule lui ont permis de vieillir avec distinction. On verra bien.

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RED THIRST [WFB]

Bonjour et bienvenue dans cette critique de Red Thirst, troisième et ultime recueil de nouvelles Warhammer Fantasy Battle sorti par GW Books, l’ancêtre lointain, disgracieux, mais coloré (sans blagues, jaugez-moi ces couvertures !) de notre Black Library. Si vous avez lu, parcouru ou survolé les deux épisodes précédents (ici et ), vous ne serez pas dépaysés par cette nouvelle descente dans le monde merveilleux, mais souvent daté, voire kitsch, des courts formats du tournant des années 901. Encore une fois – et c’est la dernière, alors profitez-en –, nous partirons à la découverte des pépites et pétoncles de cette époque fondatrice, ou en tout cas exploratoire, de la GW-Fiction, et tâcherons d’en apprendre un peu plus sur le (vraiment) Vieux Monde, tel qu’il apparaissait en ces temps antédiluviens.

Sommaire Red Thirst (WFB)

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Troisième round aidant, la majorité du casting de ce Red Thirst nous est déjà plus (Yeovil, King, Craig) ou moins (Baxter, Griffith) familière, seul l’énigmatique Neil Jones faisant ses débuts dans la carrière par l’intermédiaire de cette publication. Cette récurrence des auteurs se solde par le retour de personnages familiers : Gotrek et Felix, Genevieve et Vukotich, ou encore Sam Warble. On notera également que l’ouvrage regroupe des travaux plus conséquents que ses prédécesseurs, avec trois nouvelles (sur six, au lieu des huit « habituelles ») de plus de quarante pages au sommaire, ce qui se ressentira peut-être dans le rythme global du livre. Nous verrons bien. Ce qui ne change pas, en revanche, c’est l’usage délectable d’illustrateurs patentés qui ont égayé les pages de leurs esquisses2. Voilà qui me semble suffire en guide de propos liminaire : à table donc, pour s’en jeter un petit. C’est ma tournée.

1 : 1990, pour les petits malins. J’étais là (Gandalf…), déjà, à l’époque. Pas vieux, mais présent.
2 : Pour être honnête, j’ai même racheté un exemplaire du bouquin en version GW Books (mon premier achat était un Boxtree), pour pouvoir bénéficier de ces illustrations. La GW Fiction, cette passion ruineuse…

Red Thirt

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Red Thirst – J. Yeovil:

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INTRIGUE:

Réveil brutal pour Vukotich le mercenaire (dont nous avons croisé l’incarnation vénérable dans The Ignorant Armies), qui émerge d’un coma moins éthylique que concussé, conséquence regrettable mais prévisible de sa grande idée de vouloir s’encanailler dans une taverne clandestine de Zhufbar, alors que Claes Glinka et ses séides y avaient pris leurs quartiers d’hiver. Qui est Claes Glinka, me demanderez-vous ? Eh bien, pauvres incultes que vous êtes, Herr Glinka n’est rien de moins que le Frigide Barjot du Vieux Monde, soit un zélote obscurantiste horrifié par la décadence des mœurs contemporaines, mais possédant un talent marketing et événementiel certain, ce qui lui a permis de recruter assez de followers et d’influence auprès des autorités compétentes – ici l’Empereur Luitpold – pour organiser des manifs pour (et contre) tous d’un bout à l’autre du pays. Entre deux autodafés, fermeture de bordels et abattage de vignobles, Glinka trouve également le temps d’ouvrir des Starbucks à la place des estaminets dans les villes que sa caravane visite. Bref, un fléau.

Vuko, lui, est un jeune mercenaire en quête d’un nouvel employeur, à la suite du décès prématuré du précédent, et qui se disait que passer une tête – moustachue – dans la cité où se tenait le Festival d’Ulric (l’équivalent de l’Eurosatory de l’Empire) serait une riche idée pour se trouver une nouvelle affectation. Peu concerné, ou sensible, aux arguments du Gardien de la Moralité, notre héros s’est donc fait surprendre en plein stupre (la fornication était en projet) par quelques croisés à gourdins, et revient à lui à l’arrière d’une carriole l’emmenant, ainsi que quelques dizaines de malheureux, dans des camps de travail gobelins. C’est comme ça que la Glinka se finance. Seule consolation, il réalise que le compagnon de travée auquel il est enchaîné est une fort accorte escort, embarquée comme lui par la patrouille. En tête de wagon, nous faisons la connaissance de Dien Ch’ing, Cathayen d’origine, comme son nom l’indique, et fidèle suivant de Glinka… en apparence. En fait, Ch’ing est un disciple de Tsien-Tsin, où Tzeentch comme certains l’appellent également, expulsé de sa pagode par les moines guerriers du Roi Singe, l’ennemi mortel des Dieux du Chaos dans le grand Orient. Guidé par ses visions, Ch’ing a infiltré la croisade de Glinka afin de porter quelques plans retors du Grand Architecte à maturité, et n’attend que le bon moment pour retourner son kimono. En attendant, il s’amuse à convoyer les mauvais sujets de l’Empire au goulag, ce qui est une activité comme une autre.

Un arbre tombé en travers de la route donne toutefois l’occasion à Vukotich d’échapper à ce funeste destin, notre intrépide Kislévite saisissant sa chance ainsi que son infortunée voisine, et plongeant dans la forêt en contrebas de la route après l’immobilisation du wagon. Outré par ce manque de savoir-vivre, Ch’ing envoie un trio de grouillots régler leur compte aux déserteurs, qui n’ont cependant aucun mal à en venir à bout. Craignant initialement que sa camarade de chaîne ne se révèle être un boulet (ce qui aurait été logique, finalement), Vukotich est favorablement surpris, et même impressionné, par l’agilité et la dextérité de sa compagne, dont l’aide se révèle précieuse pour dézinguer les goons de Ch’ing. C’est donc avec regret qu’il se résout à lui trancher la main avec l’épée qu’il a récupérée sur un cadavre de PNG malchanceux, afin de regagner sa liberté… sans grand succès. Et pour cause, sa comparse n’est autre que la vampire Genevieve, dont les super pouvoirs incluent donc une peau en kevlar (pratique). Mi (plutôt que morte) vivante avec des principes, elle pardonne à Vukotich son coup de sang, et, ne pouvant pas non plus briser les menottes qui les lient – surtout que la sienne est plaquée argent –, le convainc de faire équipe jusqu’à la première forge qui se présentera à eux. Proposition acceptée par son (désormais) side-kick, qui réalise de toute façon qu’il a intérêt à filer droit s’il ne souhaite pas terminer en casse-dalle pour amphisbaenae1.

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Après quelques heures de marche, notre couple involontaire arrive dans un petit bled paumé, et réussit à squatter une cabane abandonnée pour permettre à Vukotich de reprendre des forces2. Par un hasard qui ne sera pas heureux pour tout le monde, comme nous allons le voir, cette même cabane a été choisie par deux individus de rang pour se rencontrer discrètement. Le premier est le Seigneur Maréchal de Zhufbar, Wladislaw Blasko, qui a laissé Glinka mettre la cité en coupe réglée sans faire trop de vagues… parce qu’il est lui aussi un agent du Chaos infiltré. Ça commence à faire beaucoup. Son interlocuteur est le Haut Prêtre de Tzeentch Yefimovich, ayant tiré le don « je suis une ampoule de feu rouge » dans la table des mutations, et habituellement stationné dans le Kislev, mais en goguette dans le Sud pour les vacances. Nos deux conspirateurs s’entretiennent de leur plan machiavélique, qui consiste en l’assassinat de Glinka lors d’une prochaine cérémonie, ce qui permettra à Blasko de prendre sa place à la tête de la croisade, et de laisser opportunément ouverts aux hordes orientales les cols des Montagnes Noires. Bien évidemment, Vukotich et Genevieve, camouflé sous un drap de scenarium, voient et entendent tout, et décident, à contre-cœur mais il le faut bien, d’aller sauver le Gardien de la Moralité pour éviter son remplacement.

Un peu plus loin, nous retrouvons Dien Ch’ing, perturbé par de sombres pressentiments et l’insatisfaction du devoir non-accompli. Ayant été chargé par Yefimovich d’occire Glinka, il ne veut rien laisser au hasard, et se lance dans une séance de divination à l’aide d’un bol tournant, ce qui lui permet d’assister par visio à la rencontre de son boss avec Blasko, mais également de s’apercevoir que ces derniers n’étaient pas seuls dans la piaule. Contrarié par ce coup du sort, il invoque le fantôme de l’un de ses vénérables ancêtres, l’honorable Xhou, aller négocier (ils sont urbains ces Cathayens) avec les contrevenants, afin qu’ils laissent les événements suivre leur cours. Malgré les trésors de courtoisie et de diplomatie dont fait preuve Xhou, qui se matérialise devant Vukotich et Genevieve alors qu’ils avaient repris la route de Zhufbar en charrette, il ne parvient pas à conclure un deal avec nos héros, qui finissent par le bannir comme l’ennuyeux pop-up spectral qu’il est. Au moins, Ch’ing aura essayé de résoudre le différent à l’amiable. Il passe à nouveau à l’action quelques heures plus tard en envoyant cinq élémentaux régler leur compte aux fâcheux à leur sortie de la ville de Chloesti, où les séides de Glinka avaient organisé un autodafé de la délation3 (c’est comme un pot de l’amitié, sauf que c’est différent), qui a fini dans une très chaude ambiance4. Dépassés par les événements, les aventuriers s’en sortent grâce à la culture G de Mme G, qui réussit à monter les démons les uns contre les autres en demandant innocemment qui avait la plus grosse… énergie mystique parmi le quintet, provoquant un affrontement fratricide aux résultats peu concluants.

Tout est prêt pour le grand final de cette longue nouvelle. Genevieve et ce gros dalleux de Vukotich arrivent sur les rivages de la Blackwater, trouvent un bateau de pêche et partent à la rame vers Zhufbar. Dans la cité, Ch’ing se prépare à commettre l’irréparable au cours d’une adresse publique de Glinka, organisée sur la plage municipale (pourquoi se priver ?). Le plan machiavélique et savamment planifié de nos affreux est toutefois contrarié par l’arrivée soudaine de Genny et Vuko, qui parviennent à créer une belle pagaille parmi l’auguste assemblée, peut-être en exhibant les parties charnues de leur anatomie à la cantonade. Hé, il faut ce qu’il faut. La dague magique de Ch’ing n’ayant pas eu le temps de charger totalement, le cultiste voit s’enfuir sa cible sans avoir pu tenter sa chance. Il a toutefois l’occasion de se venger des éléments perturbateurs et de leurs gros nez d’Occidentaux en leur faisant bénéficier d’un masterclass de MMA5.

Le combat qui s’engage voit le bonze démoniaque tenter de mettre des grands chassés dans la face de ses Némésis, avec des résultats peu concluants, la vampiritude de Genevieve lui permettant d’esquiver ou d’encaisser facilement les coups de pied retournés et manchettes cathayennes de Ch’ing. On suppose que Vukotich, toujours enchaîné à sa dulcinée, a dû avoir un bras disloqué à la fin de la journée. Frustré dans ses tentatives de muay-thaï, l’expat’ se rabat sur ses pouvoirs arcaniques pour finir le taf, mais se trouve là encore contrecarré, cette fois-ci par l’alliance, que dis-je, l’alliage, de circonstance entre le fer et l’argent des chaînes liant Genevieve et Vukotich, qui se révèle être l’anathème du choke-tilège jeté par Ch’ing sur le malheureux Glinka. L’homme sage connaissant ses limites, le moine Ch’(aol)ing décide enfin d’aller voir ailleurs si Tsien-Tsin y est, et prend son congé de Zhufbar, non sans promettre à Genevieve qu’il reprendra contact sous quinzaine (de jours, d’années ou de siècles, mystère). On se rend alors compte que Blasko, qui avait tenté d’aider son pote chaotique dans la mêlée en surinant Vukotich, est tombé dans la Blackwater en armure complète, et peut donc être rayé des cadres. Plus intéressant, l’inflexible puritain Glinka se révèle être un mutant, comme l’atteste la paire de bras surnuméraires qu’il dissimulait sous sa chasuble. C’en est fini de sa croisade, et probablement de son existence, si l’Empire se révèle fidèle à sa politique en matière de diversité.

Fatigué par les événements, Vukotich pique un gros roupillon de deux jours sitôt ses menottes ôtées par le forgeron de fonction, et apprend à son réveil que sa partner in crime-solving n’a pas fait de vieux os à Zhufbar, et est repartie vivre sa non-vie dans l’anonymat qui lui convient mieux. C’est l’affable Maximilian von Konigswald, père d’Oswald (le vainqueur de Drachenfels et compagnon d’armes de Genevieve), qui met le mercenaire au courant des dernières actualités, entre deux rasades d’eau de vie. Plaqué par son crush, Vukotich se sent tout d’un coup bien chose, mais, rassurez-vous, il s’en remettra.

1 : Vous ne savez pas ce que c’est ? Moins non plus. Seul Jack Yeovil est au courant, à mon avis.
2 : Et de rêver, prémonitoirement, d’une bataille au sommet du monde mettant aux prises une faune bigarrée. Il l’ignore encore, mais il s’agit de la conclusion d’Ignorant Armies.
3 : Et où Genevieve rencontre un tout jeune Dietlef Sierck (‘Drachenfels’) déjà sensible aux choses artistiques, et son acariâtre môman.
4 : Pour Vukotich aussi, notez, car une péripétie annexe mais distrayante voit nos héros passer la nuit dans un hôtel de passe reconverti en établissement honorable à la suite des puritains de Glinka, et profiter l’un de l’autre pour réaliser un échange de fluides. Surpris au réveil par une bande de clercs de notaires patibulaires, nos tourtereaux étaient sur le point de se marier sous la contrainte au moment où arriva le cinquième élément (et ses potes avec lui).
: Ce qui dans ce contexte veut dire Mystic Martial Arts.

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AVIS:

Red Thirst (baptisé ainsi en référence au penchant de Genevieve pour le gros rouge) est une des nouvelles qui justifient que l’on s’intéresse de plus près aux origines de la GW-Fiction. Jack Yeovil fait en effet très fort avec cet épisode de ce que l’on doit bien appeler son cycle Genevieve, en parvenant à cocher toutes les cases du cahier des charges de ce type de publication. On pourrait bien sûr parler de son choix de mettre en avant un pan mystérieux du fluff de Warhammer Fantasy, et ce faisant, de le développer, par l’inclusion du personnage de Ch’ing (à ma connaissance le seul Cathayen dépeint dans une œuvre de fiction). Il faudrait alors souligner qu’en quelques lignes, Yeovil parvient à donner une véritable impression d’exotisme et de profondeur à un concept sur lequel GW s’est assis pendant plus de trente ans. Les apports de background ne se cantonnent cependant pas à l’Extrême Orient : l’Empire en bénéficie également, tant au niveau culturel que géopolitique. Et que dire de la figure de Yefimovich, qui illumine (dans tous les sens du terme) de sa présence les quelques pages dans lesquelles il apparaît.

Une autre réussite à mettre au crédit de Jack Yeovil réside dans la construction et le déroulement de son propos, qui enchaîne les péripéties avec un rythme et une facilité déconcertants. La taille du résumé (qui porte bien son nom, car il en reste de là où ça vient) ci-dessus devrait vous donner une bonne idée de la richesse narrative de Red Thirst. C’est la marque des grands conteurs que d’arriver à agencer leur récit sans temps mort ni à coups, et Yeovil fait définitivement partie de cette catégorie. Soulignons en outre la belle variété d’ambiance dont bénéficie cette nouvelle, du grimdark as usual au vaudeville (la scène dans l’hôtel de passe est savoureuse) en passant par la fugace romance entre Vukotich et Genevieve et la légende orientale (l’attaque des élémentaux). Peu nombreux sont les textes de GW-Fiction disposant d’une telle amplitude, bien que l’on puisse également citer William King (un autre grand ancien) ici.

Terminons par la remarque que Jack Yeovil a sans doute été le premier auteur de GW à raisonner en termes d’univers narratif, bien des années avant qu’Abnett ne créé son Daniverse, imité par Graham McNeill et d’autres contributeurs de la Black Library au fil des années. Les liens d’intrigues tissés par Yeovil dans ce Red Thirst sont une autre très bonne raison de lire cette nouvelle… si vous êtes familiers avec la galerie de personnages créés par l’auteur. Genevieve, bien sûr, mais également Vukotich (Ignorant Armies, qui gagne ici son surnom d’Homme de Fer), la lignée des von Konigswald (Drachenfels), un Dietlef Sierck en culottes courtes (ibid)… et sans doute d’autres figures que Yeovil a repris dans d’autres nouvelles et romans lors de sa pige pour Games Workshop. Mine de rien, savoir que l’investissement dans le corpus d’un auteur sera récompensé par des caméos, clins d’œil et autres easter eggs constitue une motivation forte pour le lecteur, et je suis plus déterminé que jamais à combler mes lacunes en Yeovilerie1. Bref, une authentique pépite de la littérature GWesque, injustement condamnée à l’oubli par la politique éditoriale de Nottingham. Si cette critique ne vous donne ne serait-ce que l’envie de vous pencher sur le cas Jack Yeovil (toujours non-traduit à l’heure actuelle, et c’est tragique), elle aura atteint son objectif.

1 : Je suis sûr que cela fera de moi un nouvel homme. 😉

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The Dark Beneath the World – W. King:

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INTRIGUE:

Après avoir recouvré leur indépendance, à la suite de la tentative avortée de la dynastie des Von Diehl de bâtir leur petite baronnie dans la prairie des Principautés Frontalières (Wolf Riders), Gotrek et Felix prennent la route de Karak aux Huit Pics, toujours bien décidés (surtout pour le Tueur) à mettre la main sur le magot dont leur a parlé le tavernier Faragrim lors de leur dernier passage à Altdorf. Sur le chemin de la forteresse, le duo vole à la rescousse d’un petit groupe de voyageurs embusqués par une tribu de peaux vertes alors qu’ils traversaient une rivière. Alors que Gotrek parvient à rendre une copie propre, en débitant quelques Orques avec le professionnalisme qu’on lui connaît, cette mauviette de Felix trouve le moyen de tomber dans l’eau (normal pour une poule mouillée, me direz-vous) lors de son duel, et manque de basculer dans l’inévitable cascade qui s’écoule à proximité du gué. Il n’en rate décidément pas une. Les ruffians mis en fuite et/ou en morceaux, il est l’heure de procéder aux présentations, pendant que blondin se change1 : seuls survivants du groupe d’aventuriers partis faire la boucle de huit pics, le templier Aldred Keppler de l’ordre du Cœur Enflammé, le mage Johann Zauberlich et le pisteur bretonnien Jules Gascoigne sont fort aise de pouvoir compter sur la compagnie de Gotrek et de son commémorateur. Le désormais trio voyage en effet lui aussi en direction du chantier de réhabilitation du Roi Belegar, guidé par la vision que Keppler pense que Sigmar lui a envoyée, qui lui intime d’aller récupérer l’épée magique Karaghul, une relique de son ordre, perdue en même temps que son porteur – le propre frère de Keppler – lors de la tentative de reconquête de la forteresse. Bien que la proximité du trésor convoité par Gotrek rende ce dernier aussi méfiant qu’antisocial, il accepte toutefois de tracer la route avec ces compagnons d’infortune, sans rien révéler de ses propres motivations.

L’arrivée de la petite troupe dans la tête de pont sécurisée à grand peine par les survivants de l’expédition de Belegar, dépeint par King comme un mélange des pires aspects de Theoden et de Denethor (un vieillard cacochyme mais empli de morgue et de malice), se passe sans difficulté notable, tout comme l’obtention par l’un et l’autre groupe de l’autorisation de pénétrer dans les niveaux inférieurs du Karak, toujours aux mains des Gobelins et/ou des Skavens. Gotrek impressionne même la prêtresse de Vallaya locale – Magda Freyadotter – à tel point qu’elle lui remet une carte (en braille – ou son équivalent nain – ) des souterrains, en lui recommandant toutefois la prudence car des fantômes ont été aperçus par les colons. Et là, surprise, on découvre que le farouche Gotrek a une peur bleue des ectoplasmes. Attendons de voir comment il se débrouillera face aux Nighthaunts des Royaumes Mortels… Il en faut toutefois plus pour faire rebrousser chemin à un Tueur auquel on a promis un Troll et un trésor aussi gros l’un que l’autre. Prenant son courage comme sa hache, c’est-à-dire à deux mains, le petit rouquin teigneux quitte la zone des PNJ et part explorer la map, ses sidekicks sur les talons.

La descente dans les entrailles de la forteresse déchue réserve à nos aventuriers son lot de découvertes, recueillement et, inévitablement, emmerdes. En témoigne ce premier accrochage contre une bande de gobelinoïdes, menés par un Ogre ayant lui aussi fait le choix du mohawk (bicolore dans son cas), à moins que ça ne soit un gladiateur Goliath de Necromunda s’étant trompé de porte en allant bosser ce matin là; et qui permet à nos héros de faire montre de leur habileté dans le maniement des armes et des boules de feu2. Sauf Felix, qui rate son test de terrain dangereux en voulant corriger un Gobelin lui ayant tiré la langue, et s’étale de tout son long dans l’escalier qu’il était censé gardé en tant qu’avant dernier défenseur (heureusement que Jules Gascoigne veillait au grain) de la troupe. Ayant mis leurs ennemis en fuite, les aventuriers croisent un fantôme de Nain timide, ce qui n’est pas loin de provoquer une crise d’apoplexie chez Gotrek. Un peu plus tard, cette andouille de Felix, après avoir manqué de se suicider en buvant de l’eau contaminée avec de la malepierre, trouve le moyen de s’illustrer à nouveau, en accusant à demi-mot Zauberlich de fricoter avec le Chaos… avant de s’écraser comme une grosse bouse lorsque Keppler, et sa grande épée, viennent à la rescousse du mage. Décidément, il n’en rate pas une.

Après avoir négocié une infestation de mites géantes – true story, lisez la nouvelle – et s’être faits remettre une quête annexe – passer le balai dans la crypte locale – par une Fantômette courte sur patte, Gotrek et Cie finissent par toucher au but. La crypte en question est en fait celle décrite par Faragrim pendant la nuit de beuverie qui a déclenché le road trip du Tueur, et comme Keppler n’a pas de meilleure idée d’où peut se trouver l’épée qu’il recherche, il décide également de passer une tête… avant de la perdre de façon sanglante et définitive. Le mausolée est en effet le QG  d’un Troll du Chaos effectivement monstrueux, dont la consommation d’eau lourde n’a pas amélioré la photogénie. On comprend alors que Faragrim, dans son avidité, a cherché à faire main basse sur le trésor des rois défunts de Karak aux Huit Pics, en fracturant la porte scellée menant à leurs tombes. L’arrivée du Troll en question, peu de temps après, a mis un énorme, vorace et odoriférant bâton dans les roues du charognard, qui s’est enfui sans avoir pu récupérer son bien mal acquis. C’est la persistance de la présence de ce squatteur disgracieux qui a contraint nos braves Nains retraités à aller demander un coup de main à leurs descendants, sans succès jusqu’à l’arrivée salutaire de Gotrek (OSEF de Felix, vraiment).

Le combat qui s’engage voit rapidement périr les deux autres accompagnants du binôme héroïque, Gascoigne se prenant une torgnole fatale et Zauberlich finissant pincé à mort avant d’avoir pu balancer son Inferno. Pendant que Gotrek se tape tout le sale boulot, Felix réussit à grand mal à se défaire de la tête tranchée de nourrisson que le Troll arborait comme fleur à la boutonnière, et sombre dans son désespoir habituel de fin de nouvelle – comme à chaque fois que la Nemesis du Tueur pointe le bout de son anatomie – avant de se ressaisir et d’enfin servir à quelque chose. Bricolant un cocktail molotov avec le contenu de sa besace, il parvient en effet à enflammer le Troll, l’affaiblissant assez pour permettre à Gotrek de lui porter le coup de grâce. La situation de nos héros ne s’améliore cependant que marginalement après la mort du monstre, une armée de peaux vertes, attirée par le son et lumière organisé de façon impromptue par les aventuriers, décidant de venir se joindre aux mondanités. Résignés à mourir dignement, ces derniers sont toutefois sauvés par l’arrivée de l’armée des morts de petite taille, les esprits ancestraux de Karak aux Huit Pics venant finir le boulot commencé par leur factotum, jugeant sans doute le problème matériel (à défaut de l’être, eux). Ceci fait, il ne reste plus à notre vieux couple qu’à reprendre le chemin de la surface, Felix ayant gagné au passage l’épée Karaghul (qui se trouvait bien dans le trésor du Troll), tandis que Gotrek décide noblement de repartir sans le moindre petit loot, mais avec la promesse, faite par la Mimi (Mathy) Geignarde locale que sa fin serait grandiose. C’est déjà ça.

1 : On apprend ainsi que Felix voyage avec des capes de rechange. Ce qui explique pourquoi sa fameuse houppelande de laine rouge du Suddenland, que King nous ressort à toutes les sauces – c’est le troisième personnage principal de la saga, devant Ulrika et Snorri – résiste si bien aux aventures de son porteur.
2 : J’ai découvert en lisant la nouvelle que cette scène avait servi d’inspiration à une illustration vintage mais assez connue – puisqu’elle a été reprise en couverture de la première édition du JDR Warhammer – de WFB. Eh oui, le Tueur à barbe blanche, c’est bien Gotrek (qui a également regagné un œil au passage). On notera que le seul personnage absent du tableau est… Felix. Quelle surprise.

AVIS:

Avec The Dark Beneath the World, William King signe le dernier volet du corpus “fondateur” de la série Gotrek & Felix. Après avoir présenté les personnages dans Geheimnisnacht, puis avoir mis en scène une aventure où Felix, et le Vieux Monde, tenaient la vedette (Wolf Riders), l’auteur choisit cette fois de se concentrer sur la quête de mort de Gotrek, et à travers lui, la déchéance de l’empire nain, avec des résultats une nouvelle fois probants. Aventure empruntant fortement aux codes du RPG (ce qui semble n’avoir échappé à personne, même pas à GW – voir remarque ci-dessus –), The Dark… mise beaucoup sur ses scènes de combat, et sur l’ambiance particulière apportée par l’exploration des ruines mal fréquentées d’une ancienne forteresse naine. Très riche en fluff, même si ce dernier est parfois daté (notamment les fantômes nains, qui auraient pu gagner la guerre souterraine à eux tout seuls s’ils l’avaient voulu), cette nouvelle constitue également un tournant dans la saga de King, qui aurait pu choisir de tuer son héros de manière « satisfaisante » en conclusion de son propos. Après tout, quelle plus belle fin pour un Tueur nain que de mourir au combat contre un Troll, entouré des tombes et de l’or de ses ancêtres? Peut-être que King s’est réellement posé la question du devenir de son personnage en cette année 1990, ou bien peut-être qu’il avait toujours eu pour projet de faire vivre à ce dernier des aventures interminables (et interminées à ce jour). Qui peut dire ? En tout cas, The Dark… demeure pour moi un jalon essentiel dans le parcours, singulier et iconique, de Gotrek (que l’on découvre de plus capable d’émotion telles que la mélancolie, le désespoir et la peur, ce qui contribue à l’humaniser quelque peu), et à ce titre, sans doute l’un des textes les plus essentiels de la série.

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The Spells Below – N. Jones:

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INTRIGUE:

Katarina Kraeber, apprentie sorcière à l’IUT (Institut Universitaire de Thaumaturgie) de Waldenhof1 retournait tranquillement chez son tuteur, père adoptif et amant (ce qui fait beaucoup, même pour la Sylvannie), en s’amusant à faire tourner les girouettes contre le sens du vent malgré les froncements de narine des braves bourgeois du cru, lorsqu’elle se retrouve mêlée à une opération de gens d’armerie de grande ampleur. La maison où elle réside avec son cher et tendre Anton Freiwald, sorcier de grand renom, est en effet entourée par une véritable armée de gardes, envoyés par le Graf Jurgen von Stolzing mettre un terme aux recherches non sanctionnées du praticien des arts occultes. Un peu trop occultes donc. Révoltée autant qu’inquiète par ce revirement de situation, Katarina tente d’en apprendre plus sur le guêpier dans lequel Anton s’est fourré, non pas en lisant dans l’esprit des gardes aux alentours (trop simple), mais en leur lançant un sort de loquacité, qui les fait déblatérer de tout et de rien. Entre deux remarques sur la météo et le résultat du match de Blood Bowl de la veille, notre héroïne apprend que le Graf a donné pour ordre à ses nervis de capturer le sorcier vivant afin de lui soutirer ses secrets. Son petit tour de passe passe (ou plutôt de bla bla) a toutefois été remarqué par un autre mage, et non des moindres, puisque c’est le rival de Freiwald et maître de la guilde des mages locale, Gerhard Lehner, qui lui met la main au collet, et l’amène jusque devant la litière du Graf, pour un interrogatoire express. La séance de questions-réponses est rapidement interrompue par le début des opérations à proprement parler, et, plutôt que d’envoyer quelques hommes ouvrir la porte avec un bélier, les autorités compétentes décident de bombarder le domicile du sorcier avec une catapulte, OKLM. Fort heureusement pour les tuiles d’Anton Freiwald, un bouclier mystique arrête le projectile en pleine trajectoire, prodige magique estomaquant l’assistance assez longtemps pour que Katarina se libère et se rue vers la porte de son domicile.

Elle aussi sauvée par le champ de force magique qui ralentit les flèches que ne manque pas de lui décocher la maréchaussée, elle arrive à bon port et est accueillie par la figure sévère-mais-juste-et-tellement-beau-gosse de Freiwald, secondé par sa garde personnelle de mercenaires Kislevites et son homonculus contrefait. Jugeant la situation grave mais pas désespérée, le sorcier recherché annonce qu’il a besoin de renforcer ses capacités arcaniques dans son laboratoire souterrain, et qu’il a besoin d’y aller seul, malgré les protestations de Katarina. Ayant sécurisé la loyauté de ses gros bras en leur lançant un petit sort de loyauté sous le manteau – c’est contre le RGPD, mais on n’est pas à ça près –, il part donc en sous sol avec son familier, laissant Katarina à la porte. Bien évidemment, cette dernière décide finalement de rejoindre son sugar daddy, motivée en cela par l’arrivée impromptue dans les locaux d’un adepte de Khaine, dûment mandaté par le Graf pour mettre fin au bazar et lui économiser de devoir payer les heures supplémentaires de tous les fonctionnaires mobilisés en cas de siège interminable. Protégé par une amulette enchantée, le tueur assermenté n’a aucun mal à déjouer les différentes protections magiques que Freiwald a placé dans l’escalier menant à son étude… ce qui n’est pas le cas de la pauvre Katarina, que son amour pousse à poursuivre l’assassin.

Une alarme sonore et un serpent en 3D plus tard, la voilà en bas de l’escalier, où elle se fait mordiller la cheville par l’homonculus domestique du sorcier, décidément moins bien élevé que le regretté Dobby. Encore une porte à poignée brûlante-mais-pas-vraiment à ouvrir, et la voilà à l’intérieur… malheureusement un chouilla trop tard. Si l’assassin est décédé, victime d’une attaque imparable de filet à provision constrictor (Anton est décidémment le spécialiste des pièges à c*ns et autres farces et attrapes), il a eu le temps de planter une dague en plein cœur de sa cible, elle aussi tout à fait morte.  Désespoir de Katarina, qui ne peut qu’empêcher l’homonculus de son défunt protecteur de boulotter le cadavre de son créateur, en lui balançant une flasque à la tronche. C’est ça aussi que de ne pas nourrir ses animaux de compagnie…

Début spoiler…Kat’ ne met cependant pas longtemps à se rendre compte qu’elle éprouve beaucoup moins de chagrin qu’elle pensait en ressentir à la mort de son cher Anton, et pour cause… Les Kislevites laissé en arrière garde pour ralentir les troupes du Graf ne sont pas les seuls à avoir été victimes de l’emprise mentale du mage défunt : Katarina réalise brutalement qu’elle était sous la coupe de Freiwald, et que l’amour qu’elle éprouvait pour lui était aussi réel que celui des candidats de Love Island. Trahison (et du coup, détournement de mineur) ! Dégoûtée par cet abus de confiance2, elle décide de se faire la malle par le souterrain prolongeant le laboratoire du sorcier, après avoir mis la main sur son grimoire, afin de pouvoir continuer ses études en toute indépendance. Localiser le fameux bouquin n’est cependant pas chose facile, même si elle finit par déduire que le précieux livre est caché derrière l’imposant portrait qu’Anton avait fait faire de lui-même – en toute modestie – et gardé par un prototype de Tisse-Mort en fin de batterie, ce qui sauve Katarina du même destin que le cultiste de Khaine. Un tableau fracassé et un coffre-fort à moitié Mimic ouvert à coups de latte (véridique) plus tard, le manuel de sorcellerie est enfin récupéré.

Ces péripéties ont toutefois assez retardé Katarina pour qu’elle assiste à la réincarnation de son tourmenteur, qui prend possession de son homonculus, laissé à dessein en back-up par le mage. Ce n’est pas la première fois que Freiwald change de corps, comme son ancienne élève le découvre en voyant le crâne du cadavre du sorcier rejoindre les cinq autres artefacts similaires qui tournoient au milieu de la pièce, et dont le mage tirait une grande partie de ses pouvoirs. Un peu groggy par cette restauration de session après un arrêt non programmé, Freiwald a la surprise de constater que son esclave sexuelle ne le regarde plus avec les yeux de Chimène, et lui renvoie même le premier sort d’entrave qu’il tente de lui lancer dans les dents. Comprenant que rien ne sera plus comme avant, la chose qui était Anton Freiwald se résout au meurtre de son ancienne complice avant de prendre la fuite pour une nouvelle ville et nouvelle vie, avec ses crânes et son grimoire… sauf que Katarina ne l’entend pas de cette oreille, et parvient à se saisir de la dague toujours plantée dans le torse de l’ancien cadavre de Freiwald, avant de trucider le disque dur externe fait homme (unculus) qui lui fait des misères. Pris au dépourvu par ce revirement de ce situation, c’en est cette fois définitivement fini de notre grand méchant, qui n’avait pas penser à faire une sauvegarde de sa sauvegarde, comme le gros noob qu’il est. Sad! Enfin débarrassée de cette masculinité toxique, Katarina est libre de prendre la poudre d’escampette, et d’aller s’installer en praticienne libérale dans la banlieue de Bogenhafen, comme son vieux père l’aurait voulu.Fin spoiler

1 : La capitale de Sylvannie (tout comme Canberra est la capitale de l’Australie… c’est tout à fait vrai mais ce n’est pas à cette ville qu’on pense immédiatement), qui bénéficie donc d’une académie de magie d’après Neil Jones. Je prendrais cette info avec des pincettes.
2 : En même temps, Anton était un disciple de l’école de magie arc-en-ciel, et organisait la marche des fiertés de Waldenhof (l’une de ces affirmations est fausse, mais laquelle). Elle aurait dû le voir venir.

AVIS:

Si on met de côté les éléments ayant très mal vieilli de The Spells Below, qui sont suffisamment nombreux pour parasiter un chouilla la lecture pour ne rien vous cacher, on se retrouve avec une histoire de rape and revenge matinée de sword and sorcery, mélange à ma connaissance inédit dans la GW-Fiction. L’intrigue que déroule Neil Jones tient assez bien la route, et réserve quelques surprises bienvenues au lecteur ; quant au personnage de Katarina, il est loin d’être celui d’une simple potiche énamourée, comme le début – et l’illustration de Kev Walker – pouvaient le laisser craindre. On se trouve même en présence d’une nouvelle que l’on pourrait qualifier de féministe, ce qui se doit d’être souligné pour un texte aussi ancien (la lutte contre le patriarcat n’était pas un sujet aussi fort qu’il l’est devenu aujourd’hui). Bref, une nouvelle comme on en écrit plus depuis longtemps, signée par un auteur dont on est sans nouvelles depuis des lustres. Dépaysement, à défaut de satisfaction (c’est quand vraiment WTF sur les bords…), garanti.

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The Light of Transfiguration – B. Craig:

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INTRIGUE:

Fidèle à son approche résolument bretonnisante du background de Warhammer Fantasy, Brian Craig nous revient avec une nouvelle histoire se déroulant sur les terres du Roy, racontée par nul autre que le ménestrel itinérant Orfeo, protagoniste de la trilogie Zaragoz, Plague Daemon et Storm Warriors. Notre propos débute avec la croisade purificatrice ordonnée par un aïeul du bon souverain Charles contre les déprédations commises par le sorcier Khemis Kezula depuis la cité fortifiée de Selindre, à proximité des Voûtes. Chargeant son plus preux paladin Super Dupont Lanval de Valancourt d’aller apprendre les bonnes manières, le port du béret et la dégustation de cuisses de skinks à cet intégriste de Kezula, le noble Roy sort de notre conte, avec la satisfaction du devoir accompli. De son côté, LdV se met à la tâche sans tarder, et parvient à enlever la citadelle ennemie, mettant un point final au règne de terreur du mage noir, qui se révéla être un cultiste chaotique. Le bon sens franchouillard de Lanval lui fit également raser le donjon de Kezula, dont il soupçonnait – à raison – le caractère profondément néfaste, et pas seulement à cause de l’infestation de punaises de lit qu’il y constata une fois la victoire obtenue. Le temps suivit son cours, et les terres de Selindre passèrent aux descendants de Lanval après le décès de ce dernier, jusqu’à ce que son arrière-petit fils, Lanfranc, arrive aux affaires. Traumatisé par une méchante chute de cheval terminée tête la première sur un pavé mal placé alors qu’il faisait le kéké sur les lieux des exploits de son aïeul, le père de Lanfranc, Jehan, avait en effet couché sur son testament sa volonté que Selindre soit léguée au culte de Shallya, afin que les bonnes sœurs viennent purifier l’endroit de leurs saines prières.

Guère enthousiasmées par cette – pourtant généreuse – donation (il n’y a qu’à voir la tête qu’elles tirent sur l’illustration), les sistas acceptèrent toutefois de tenir un couvent sur le gazon maudit de Khemis Kezula, à condition que le nouveau comte mette à leur disposition quelques maçons pour construire le lieu de culte. Un peu chafouin d’avoir perdu un bout de fief des suites de la démence paternelle, Lanfranc se montra tout de même gentilhomme, et accéda à la requête des bonnes sœurs, avant de quitter à son tour l’intrigue pour de bon. Nous faisons alors la rencontre de la véritable héroïne de notre histoire, la jeune Adalia, envoyée avec quelques collègues s’occuper de la joint venture si habilement négociée par le culte. Fille d’un artisan vitrier réputé de Quenelles, Adalia avait démontré quelques aptitudes pour la magie durant son adolescence, provoquant son intégration dans les ordres (autre temps, autres mœurs…). Malheureusement pour elle, ces signes prometteurs ne débouchèrent sur rien de concret, condamnant la novice à végéter en bas de l’échelle régulière. Affectée aux tâches ménagères par sa supérieure, la Mère Thelinda, en support des manœuvres et artisans obligeamment prêtés par Lanfranc, Adalia occupe ses journées à faire du mortier et ses soirées à consacrer1 les murs de la cellule minable qu’elle a reçu en dotation, quotidien assez morne il faut bien le reconnaître.

Tout change lorsqu’elle reçoit une nouvelle mission de la part de Thelinda : inspecter les ruines de la forteresse de Kezula à la recherche d’objets récupérables. Lorsqu’elle trouve des éclats de verre colorés jonchant le sol, elle ne met pas longtemps à comprendre qu’il s’agit des restes d’un vitrail ayant orné l’ancienne bâtisse, et décide naturellement de… le reconstituer (sans que Thelinda s’émeuve beaucoup du projet un chouilla hérétique de sa charge). La suite de la nouvelle relate les longs mois de labeur qu’Adalia consacre à sa nouvelle marotte, entre la recherche de fragments dans les décombres et la mise en place de ces derniers dans sa chambre, deux processus longs et ingrats, mais pour lesquels elle se passionne néanmoins. Alors qu’elle est sur le point de toucher au but, et que les parties reconstituées de la rosace se mettent à briller d’eux-mêmes à la nuit tombée (ce qui n’est aaaabsolument pas inquiétant), permettant à Adalia de bosser sans éveiller les soupçons qu’une consommation disproportionnée de chandelles pourrait causer; notre héroïne réalise qu’il lui manque les pièces centrales du puzzle, ce qui la plonge dans l’embarras. Fort heureusement, un Nain, probablement du Chaos3, se présente à elle peu de temps après pour lui remettre le DLC dont elle a besoin pour terminer son ouvrage, contre la modique somme de son âme (probablement).

Dès lors, plus d’échappatoire possible pour la malheureuse Adalia, dont la ferveur et la considération pour Shallya avaient de toute façon baissées de façon drastique au cours des derniers mois. Par une nuit fatidique, elle termine la reconstitution du vitrail, au centre duquel se révèle être un homme oiseau à l’aspect peu amène. Cette complétion permet de débloquer complètement le mode photophore hallucinogène de la pièce, d’où Adalia voit apparaître Birdman en chair et en plumes. Extase mirifique pour notre nonne nerd, mais malheureusement de courte durée. Son cadavre est en effet retrouvé le lendemain par le reste de sa congrégation, carbonisé et incrusté des mêmes éclats qu’elle avait passé tant de soin à récupérer. L’autopsie conclura à une mal-fonction critique d’une cabine à UV dans laquelle se serait trouvée une boule à facettes, mais nous savons tous que la vérité est ailleurs…

1 : Ce qui n’est pas facile car ce diable de Kezula a visiblement traité les pierres (noires) de son donjon, récupérées pour servir de base au couvent des Sœurs, au PFAS, rendant leur blanchiment très compliqué. Et en plus, ça donne le cancer.
2 : La Mère Thelinda tient en effet plus de Thénardier que de Teresa. Le seul moment de la nouvelle où elle fait mine d’intervenir dans le hobby peu recommandable de sa subalterne est quand cette dernière explose son forfait bougie à force de travailler sur son 10.000 pièces toute la nuit.
3 : Une légende locale raconte en effet qu’un clan de Nains des Voûtes choisit d’abandonner Grugni pour se tourner vers une divinité capable de leur apprendre les mystères et merveilles de la confection du cristal. Les érudits supputent qu’il s’agit du dieu du Chaos mineur Bhakkara.

AVIS:

Une Craig-erie très classique et sérieuse que ce The Light of Transfiguration, qui est à ranger aux côtés de A Gardener in Parravon, dans la catégorie « Tentations Chaotiques » du corpus de cet auteur. Si les talent de conteur et le style particulier de ce dernier permettent au lecteur de suivre sans peine la tragique destinée d’Adalia, cette nouvelle ne s’avère toutefois pas aussi prenante, ni divertissante, que d’autres travaux de Craig, qui n’est jamais aussi pertinent que lorsqu’il s’attaque aux « bons côtés » du lore de WFB (Who Mourns a Necromancer ?, The Phantom of Yremi). La GW-Fiction regorgeant de récits dépeignant la déchéance vers le Chaos, et les conséquences, au mieux simplement fatales, de ce choix de carrière pour les malheureux qui se lancent/glissent sur cette voie, les contributions de Brian Craig à ce topos des plus classiques ne sont pas celles que je mettrais le plus en avant, même si la qualité reste présente. Vous voilà prévenus.

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The Song – S. Baxter:

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INTRIGUE:

Abordé à sa table fétiche du Tablier d’Esmeralda, son QG bistronomique du quartier halfling de Marienburg, par une poignée de congénères aussi bavards que dissipés, le détective privé Sam Warble tente tant bien que mal d’envoyer paître les nouveaux venus pour finir son repas en paix, sans grand succès. Refusant catégoriquement, et à la grande surprise de ses interlocuteurs, de participer à une partie de cartes pour célébrer ces retrouvailles moyennement appréciées, Warble se justifie en commençant le récit d’une mésaventure lui étant arrivé récemment, et qui lui a passé le goût du jeu.

Quelques jours plus tôt, en effet, notre limier de poche se trouvait engagé dans une partie de three cards pegasus, toujours au Tablier, contre un marchand Haut Elfe aussi insupportablement hautain que diablement chanceux. Voire un peu plus que chanceux. En fort mauvaise posture, mais refusant obstinément de s’avouer vaincu, Warble avait commis l’erreur de faire un tapis sur la foi d’une main quasiment imbattable… mais au final battue, ce qui avait eu pour conséquence de lui faire perdre littéralement l’esprit, confisqué par son adversaire (Eladriel) en guise de dette de jeu. Voilà pourquoi il ne faut jamais jouer avec des mages. S’étant réveillé une semaine plus tard avec la sensation désagréable d’avoir perdu la moitié de ses sens, Warble reçut une convocation pour se présenter dans une maison isolée du quartier elfique, où l’attendait son vainqueur, sa garde du corps contrefaite mais très costaude (à défaut d’avoir de la conversation), ainsi qu’une petite bouteille où Eladriel avait scellé une bonne partie de la sensibilité de notre héros, et qu’il n’accepterait de lui restituer que si ce dernier lui rendait un petit service. Le marchand kleptomane était en effet féru d’art, et, en plus d’être une sommité mondiale en matière de boucles de ceinture tiléennes, s’était piqué de chant lyrique et désirait ardemment entendre un récital – ou à défaut, une seule chanson – de la jeune Lora, chanteuse exceptionnelle dont l’un de ses congénères, le nabab Periel avait fait l’acquisition sur le marché au noir municipal. The Voice Marienburg, ça ne rigole vraiment pas. Charge à Warble de trouver un moyen de ramener à Eladriel l’objet de ses désirs, s’il voulait retrouver la pleine mesure de ses capacités.

Seulement équipé d’une fiole de verre enchantée semblable à celle dans laquelle Eladriel gardait son précieux, Warble prit le chemin de l’île privée où le puissant Periel avait fait bâtir sa demeure, persuadant un pêcheur cocu et complexé par sa calvitie (ce sont de vrais détails de la nouvelle) de le faire traverser contre quelques espèces sonnantes et trébuchantes. Une fois sur place, le halfling diminué avait eu la mauvaise surprise de croiser le chemin de l’Ogre domestique de Periel, qui semblait de prime abord bien décidé à le renvoyer sur l’autre rive à grands coups de massue. Pour diminué qu’il fut, sensitivement parlant, Warble demeurait toutefois assez vif d’esprit pour embrouiller le vigile, et le dépouiller de toutes ses possessions terrestres (y compris son inestimable – et inestimée – collection de fientes de chauve-souris géante) en quelques rounds de three cards pegasus. Profitant du désespoir de sa pauvre victime, l’impitoyable halfling l’avait alors assommé à l’aide de sa propre massue, confisquée en même temps que son pagne en recouvrement de dettes. Les ravages du jeu.

Cet obstacle écarté, Warble n’avait pas eu de mal à trouver le chemin des quartiers de Lora, dont le mécène s’occupait de façon attentive et loin d’être abusive. Profondément touché par la pureté du chant de la captive, Sam commença par échafauder des plans de libération audacieux, visant à ramener la belle auprès de ses parents, avant que cette dernière ne lui fasse comprendre qu’elle ne tenait pas spécialement à retourner dans la porcherie familiale, merci beaucoup. Comprenant que la partie était mal engagée, Warble eut toutefois la présence d’esprit de faire enregistrer à la cantatrice snob un single sur Snapchat, à l’aide de la bouteille remise (et heureusement d’ailleurs #CaTombeBien #FacilitéNarrative), dont l’enchantement protecteur lui permit de survivre aux vocalises ultrasoniques de Lora.

De retour chez Eladriel, Warble n’eut qu’à convaincre ce dernier de prêter une oreille attentive aux castafioreries de Lora, pour récupérer pleine possession de ses moyens lorsque la roucoulade de la prima donna vint fracasser la flasque dans laquelle le roué Elfe avait enfermé la mise perdue par son adversaire (c’était bien la peine de préciser un peu plus tôt que le carafon était indestructible…). Beau joueur, Eladriel accepta de laisser partir son prestataire sans le faire étriper par sa domestique, ayant eu comme convenu l’occasion d’écouter Lora se produire, ne fut-ce que pour une chanson (son tube en plus : Snowflake). Et voilà qui explique à la foi l’approche distanciée que Warble a développé envers les jeux de cartes, et le nouvel anneau d’or rehaussé d’éclats de cristal qu’il porte au doigt. À notre détective, et à Erik Satie, reviennent le mot de la fin : et tout cela m’est advenu par la faute de la musique.

AVIS:

Steve Baxter reprend impeccablement le flambeau de Sandy Mitchell, créateur du personnage de Sam Warble (The Tilean Rat), avec ce court récit d’enquête dans le dédale pittoresque de Marienburg, mettant en avant avec un second degré assumé la vie « normale » des habitants de la plus grande, riche et corrompue cité du Vieux Monde. Plus originale en termes d’intrigue que la soumission, totalement parodique, de Mitchell, The Song comporte cependant son lot de situations drôlatiques, à tel point que l’on se prend à rêver d’une adaptation du personnage de Warble sur le petit écran en format sitcom (il paraît que Games Workshop veut se positionner sur ce média, alors…). Sans prétention particulière au niveau de sa construction ou de ses apports de fluff, cette nouvelle constitue un petit entracte burlesque bienvenu entre deux œuvres plus caractéristiques, et donc plus sérieuses, de la GW-Fiction. Dommage que Baxter n’ait pas persévéré sur cette voie, il avait un talent certain pour l’exercice. Petit détail amusant (encore un), l’illustration réalisée par Martin McKenna pour cette nouvelle intègre une représentation de McKenna lui-même, en bas à droite du cadre.

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The Voyage South – N. Griffith:

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INTRIGUE:

Ariel et Isabel sont deux sœurs issues de la haute bourgeoisie de Quenelles, et profitant comme chaque année du domaine familial sur les hauteurs de la cité pour passer l’été en compagnie d’autres jeunes gens bien nés. Jusqu’ici, rien de bien méchant, jusqu’à ce que la partie fine slaaneshi à laquelle les frangines se sont rendues pour passer la soirée tourne au drame. Initiée par un autre convive au plaisir psychotrope du lait d’Olla, substance hallucinogène ramenée à grands frais d’Arabie par des marchands peu fréquentables (la meth du Vieux Monde, en quelque sorte), Isabel fait une overdose subite, et décède quelques jours plus tard après une agonie totalement biscor-« Nuh ». Saleté d’intolérance au lactose. Pour Ariel, qui culpabilise un petit peu de n’avoir pas su protéger sa sœur des ravages de la drooooooooogue, débute alors une quête de longue haleine afin de comprendre comment ce drame a pu avoir lieu1. Ayant fait analyser le reste du lait dont Isabel s’était enduit le visage, elle commence par découvrir que la substance a été coupée avec de la caronna, plante estalienne agissant comme un poison à haute dose. En cherchant à identifier le fournisseur du produit laitier avarié dont sa frangine à fait les frais, elle finit par s’engager sur la Rosamund, un navire marchand remontant la Brienne de Quenelles à Brionne, et profitant des étapes sur la route pour faire un peu de transport de fret, dont le fameux pâté de Cixous (ne rigolez pas, Griffith y revient souvent au cours de l’histoire). Cette décision, qui s’apparente plus à une crise d’adolescence un peu tardive qu’à un véritable choix réfléchi, lui permet de côtoyer quelques matelots forts en gueule, hauts en couleurs et avec un cœur gros comme ça, comme l’alcoolique mais secourable Marya (au physique de Capitaine Marlot, ou plutôt Merlot, du fait de son penchant prononcé pour la dîve bouteille), le bourru mais généreux Capitaine Holseher, ou encore son second Jean-Luc, qui ne sert pas à grand-chose dans l’histoire mais qui méritait qu’on le cite rien que pour son nom2.

La croisière fluviale n’est pas de tout repos, à la rudesse de la vie de matelot venant s’ajouter les signes inquiétants d’une traque dont Ariel est la cible de la part d’individus louches, dont un type très grand et très mince, qui trouve le moyen de s’introduire dans la cale où notre héroïne se retrouve confinée pour se dérober aux regards, et lui conseille fortement de stopper son enquête avant qu’il soit trop tard. Guère convaincue par l’argumentaire du slender man, Ariel lui saute dessus le couteau à la main… et se fait bolosser en deux secondes par son interlocuteur, qui se révèle porter d’étranges rembourrages sous ses vêtements. Spoiler, c’est un Elfe dont il s’agit, et qui cherche ainsi à estomper son manque de carrure par rapport à un être humain normalement constitué. Hit the gym, bro ! Résolument non violent, le visiteur se retire sans abuser de sa position de force, laissant Ariel nager en plein marasme sur les forces en présence dans ce trafic de yaourt. Un peu plus tard, la Rosamund tombe dans une embuscade alors que le navire venait de sortir d’une zone de rapides, forçant son équipage à se défendre bellement contre les ruffians qui montent à l’abordage, bien aidé il faut dire par le mystérieux skipper du pédalo qui suivait la barge de près depuis son départ de Cixous, et canarde les affreux avec un arc indubitablement elfique. Tiens tiens. En tout cas, sans son intervention salutaire, cela aurait senti le pâté pour Ariel et ses comparses, et pas seulement à cause de la cargaison embarquée.

Finalement arrivée à Brionne, où elle se rend compte que le dealer qu’elle poursuivait depuis Quenelles, et dont elle a appris qu’il travaillait pour l’amiral Escribano de Magritta, venait de quitter la ville pour l’Estalie, Ariel décide de lui emboîter le pas, et quitte la Rosamund pour s’engager sur un navire faisant la traversée jusqu’à Bilbali. Débarquant seule au terme de cette transat, elle est fort mal accueillie par la populace locale, qui prend ombrage de son teint pâle et de ses cheveux blonds et se met donc à la poursuivre dans les rues en la bombardant de salades. Les monstres. Tout cela aurait pu mal finir sans l’intervention opportune de Mr Corps de Lâche, qui entraîne la malheureuse dans sa maison en plein quartier elfique… Parce que oui, c’est un Elfe. En même temps, je vous avais prévenu. Par un mystérieux hasard, il s’avère que le sauveur d’Ariel, qui s’appelle Senduiuiel Cortengren, mais que ses amis tout le monde appelle Send (alors que Oui Oui aurait tout aussi bien fait l’affaire), a également une dent contre Escribano, qui rackette allègrement tous les navires croisant au large de Magritta, y compris les pacifiques voiliers elfiques. Après un entretien d’embauche rapidement expédié, Send accepte qu’Ariel lui file un coup de main dans son grand projet géo-politique. Cette confiance est rapidement récompensée lorsque la Bretonnienne en vadrouille sauve le Phil de fer de la capture des mains de la milice locale, alors qu’il faisait des signaux de lanterne au Uber naval qu’il avait commandé pour quitter Magritta incognito, après un repérage discret pendant lequel Ariel s’était surtout intéressée à la confection des pasteis de nata du Vieux Monde, et du dosage précis de farine de caronna que ces pâtisseries réputées nécessitent.

S’étant jetés à l’eau pour la bonne cause, nos deux espions sont repêchés par un sultan arabien qui chillait tranquillement sur son yacht de plaisance, en compagnie de sa famille et ses domestiques. Il s’avère rapidement que leur sauveur providentiel est de mèche avec Send pour calmer les velléités impérialistes d’Escribano, et que l’Elfe a conclu un accord avec le divin Hamqa – c’est son nom – pour que leurs flottes combinées aillent couler l’armada magrittane. Après un peu de stratégie et beaucoup de croquettes de poisson, nous passons enfin à la bataille finale, qui voit s’affronter la puissante alliance des Azur et des Arabiens et… la flotte mal réveillée d’Escribano, complètement prise au dépourvue, et qui n’a donc pas le temps de se mettre en position que déjà les assaillants ont envoyé leurs navires brûlots foutre le souk dans leur marina. Et bien que l’amiral estalien soit réputé avoir conclu un pacte avec le Dieu du Sang, ce partenariat impie ne donne rien de bien concluant pour les défenseurs, car Send, qui est un mage en plus d’un archer, invoque un Gardien des Secrets aquatique pour aller souffler dans les branchies du colérique Rhug’guari’ihlulan, démon majeur de Khorne de son état. Ce dernier ne trouve rien de plus malin à faire que de fracasser les navires de son propre camp, avant de chercher à faire boire la tasse – après tout, c’est un buveur –  à son rival parfumé, sans doute jaloux de son maillot deux pièces fuschia. Quoi qu’il en soit, la victoire est totale et sans appel pour nos héros, qui se séparent peu de temps après en léger froid (c’est souvent le cas lorsque votre collègue se révèle être un mage chaotique). Peu emballée par l’idée de revenir à Quenelles, Ariel résout de tenter sa chance dans le shipping longue distance, en partenariat avec l’une des filles du sultan Hamqa, elle aussi en quête d’indépendance. Le women empowerment, il n’y a que ça de vrai.

1 : On notera au passage que sa mère (et donc celle d’Isabel) se montre plus intéressée par la sauvegarde de la réputation familiale que par l’identification d’un éventuel coupable du décès de sa fille, qu’elle considère – à raison tout de même – comme une hédoniste délurée n’ayant pas volé ce qui lui est arrivé. Il faut croire qu’au début des années 90, on pouvait flirter avec le Chaos sans passer dans le camp des méchants.
2 : Avouez que c’est le premier Jean-Luc que vous croisez à Warhammer Battle. Le dernier aussi, sans doute.

AVIS:

Nicola Griffith s’offre un dernier tour de piste (à ce jour en tout cas) d’anthologie avec The Voyage South, OVNI de la GW-Fiction à bien des égards, et donc d’une lecture conseillée à tous les amateurs d’exotisme littéraire. Exit le grimdark pluvieux et désespéré caractéristique d’un Empire assailli/gangréné par des hordes d’ennemis, et bonjour au boat trip entre Quenelles et l’Arabie, en passant par les contrées ensoleillées d’Estalie. S’il est vrai que la région compte de nombreux périls, il flotte malgré tout un goût de soleil et de farniente sur cette longue nouvelle, dont l’héroïne bien née réalise un voyage initiatique dans des conditions un peu rudes mais loin d’être horribles, et qui pourraient être qualifiées de croisière touristique si on se réfère aux standards habituels de Warhammer Fantasy. Ajoutez à cela le manque de crédibilité induit (en tout cas pour un lectorat francophone) par l’intégration d’un personnage nommé Jean-Luc et la fixette que fait Griffith sur le pâté, et la prise au premier degré des tribulations d’Ariel se complique encore davantage. L’auteur a beau mettre en scène une intrigue finalement assez intéressante de trafic de drogue frelatée comme instrument de déstabilisation politique, mis en œuvre par des Estaliens qu’on ne savait pas si entreprenants, la petite histoire ne cesse de prendre le pas sur la grande, bien aidée en cela par le finalement tout petit rôle joué par le grand méchant Escribano et son âme damnée Jorge, qui n’apparaîtront jamais directement dans la nouvelle, même pas lors de la bataille finale, dont le déroulement à sens unique vient conclure ces cinquante pages de façon un peu terne. À titre personnel, j’aurais apprécié que Griffith développe un peu plus le personnage de Send, dont le positionnement ambigu (pour le dire poliment) renforce considérablement l’intérêt. Pour l’anecdote, on notera que Nicola Griffith avait indiqué dans il y a quelques temps considérer la possibilité de donner une suite aux aventures d’Ariel et Cie, en rebaptisant les personnages et enlevant toutes les références à l’univers de WFB de son propos afin de ne pas avoir de problème avec Games Workshop. Ce vœu pieux n’a pas encore réalisé à ce jour, mais tout vient à point à qui sait attendre…

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Et voilà qui termine (pour un temps en tout cas) cette plongée dans les profondeurs doublement vintage de la GW-Fiction à la sauce médiévale-fantastique. Si Red Thirst s’avère à bien des égards être la continuation de la ligne éditoriale déjà affirmée dans Ignorant Armies et Wolf Riders, le parti pris de David Pringle de se concentrer sur des nouvelles plus longues qu’à l’accoutumée se révèle avoir un vrai impact sur l’expérience de lecture. On a en effet l’impression d’une immersion plus poussée et profonde dans le Vieux Monde, sensation renforcée par le choix des auteurs d’intégrer des éléments assez exotiques dans leur récit : Cathay, Kislev, l’Estalie, l’Arabie, Karak aux Huits Pics, Marienburg… Il n’y a finalement que Neil Jones pour s’être cantonné à l’Empire. Si vous avez envie d’un peu plus de variété qu’à l’accoutumée dans vos lectures d’ouvrages GW, Red Thirst pourrait donc vous convenir, davantage en tout cas que les deux volumes précédents.

D’un point vue qualitatif, cet ouvrage s’avère également être assez solide, ne serait-ce que parce qu’il renferme une pépite de Jack Yeovil et probablement LA meilleure nouvelle de Gotrek et Felix jamais écrite par Bill King. The Voyage South, bien qu’un peu particulier dans son approche, mérite également le détour, tandis que les trois (plus) courts formats qui complètent le sommaire s’avèrent tout ce qu’il y a de plus lisibles, même si aucun d’entre eux ne peut prétendre à une distinction spéciale dans le corpus de la GW-Fiction. Finalement, on peut aussi remarquer que, bien des années avant que le sujet d’une meilleure représentation des genres ne soit vraiment considéré en haut lieu, Red Thirst était un recueil finalement assez féministe, puisque quatre de ses six nouvelles ont mises en avant une héroïne plutôt qu’un héros (même si cela ne s’est pas toujours bien fini pour cette dernière, comme Adalia peut en témoigner). Finalement, 1990 était une année très moderne…

 

WOLF RIDERS [WFB]

 

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue critique (longuement attendue1) de l’anthologie Wolf Riders, initialement publiée par GW Books, vénérable ancêtre de la Black Library, en l’an de grâce 1989. Pour quiconque est familier de l’époque et du premier recueil de GW-Fiction sorti quelques semaines plus tôt (Ignorant Armies), ce second volume de nouvelles prenant place dans le monde de Warhammer Fantasy Battle s’inscrit dans la droite ligne des travaux initiés par David Pringle sous la houlette du démiurge littéraire Bryan Ansell. Nous y retrouvons donc les textes d’une poignée d’auteurs recrutés par Pringle dans le vivier de la revue dont il était le co-fondateur et éditeur (Interzone), ayant pour trois d’entre eux (William – Bill – King, Brian Craig et Jack Yeovil) déjà participé à Ignorant Armies.

1 : Non pas que mes armées de fans me l’ait réclamée à corps et à cris, sacrifiant leurs premiers nés et toutes leurs économies dans l’espoir illusoire d’attirer mon attention sur le sujet, mais il faut bien reconnaître que 30 ans séparent la publication de ce recueil avec sa première (à ma connaissance) critique française.

Sommaire Wolf Riders

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Wolf Riders voit le retour de personnages déjà rencontrés par le lecteur, comme la pas encore tout à fait iconique paire Gotrek & Felix (Geheimnisnacht) et le reste de la famille Von Diehl (The Laughter of Dark Gods), et voit les débuts d’une autre « célébrité » de Warhammer Fantasy Battle: le détective Halfling Sam Warble, qui fera une distinguée carrière de PNG dans les ouvrages de WFB Roleplay. Pour le reste, et également comme ce fut le cas pour Ignorant Armies, une partie non-négligeable du corpus ici étudié est constituée des seules et uniques contributions d’auteurs n’ayant pas lié leur destin littéraire à la GW-Fiction. Fans de Ralph T. Castle, Pete Garratt et Simon Ounsley, voici le seul ouvrage contenant des contributions Warhammeresques de vos idoles. Raison de plus pour en profiter.

Publié sous l’exotique format B et disposant d’illustrations intérieures en noir et blanc (une bonne initiative qui sera abandonnée dès la réédition du livre par Boxtree), dont certaines du légendaire Paul Bonner (Loup SolitaireConfrontationDonjons & DragonsMagic the Gathering…), Wolf Riders occupe la place jamais facile du cadet, destiné à être comparé – en bien et en mal – à son aîné ad vitam aeternam. Et, devinez quoi, c’est exactement ce que nous allons faire ici, après avoir soigneusement décortiqué toutes les huit nouvelles que comporte cet antique ouvrage, bien sûr. En selle (Bryan?), donc.

Wolf Riders

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Wolf Riders – W. King:

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INTRIGUE:

Wolf Riders - 1

Art: Paul Bonner

Alors que nous avions laissé nos héros à crapahuter nuitamment aux alentours de Bogenhafen pendant la tristement célèbre Nuit des Secrets (Geheimnisnacht) dans la nouvelle initiale autant qu’initiatique du même nom, nous les retrouvons bien plus au Sud, dans les Principautés Frontalières, alors que Felix a trouvé le moyen de se mettre dans de beaux draps. Témoin de la drague lourdingue dont une frêle demoiselle faisait les frais dans le relais trappeur où notre héros venait d’entrer s’en jeter un petit, pendant que l’autre (petit) était parti couler un bronze dans la forêt, notre romantique héros a en effet trouvé malin d’intervenir, provoquant l’ire des trois (ruffians recouverts d’une bonne couche de graisse d’) ours faisant du pied – normal pour des plantigrades – à Boucles d’Or. Bien mal lui en a pris, les harceleurs n’appréciant guère être interrompus en plein malespreading, et le faisant savoir en termes non incertains1. D’excuses non acceptées en menaces explicites, la situation finit par tout à fait dégénérer, et le poète d’Altdorf (qui semble à ce moment avoir oublié qu’il disposait d’une épée) aurait bien mal fini sans l’arrivée à point nommé de son compagnon, dont la simple apparence et le sourire ravagé (plutôt que ravageur) convainquent les trois gros cochons de prendre congé séance tenante.

Ayant sauvé la face – et pas que… – Felix recueille les premiers dividendes de son intervention zéroïque, en raccompagnant la belle Kirsten jusqu’à la charrette de Frau Winter, la sorcière dont elle est l’apprentie. Et si l’humble hameau où le récit prend place a la chance de compter une mage parmi ses résidents, c’est que cette dernière fait partie des sujets du Baron exilé Gottfried Von Diehl, chassé de l’Empire quelques mois plus tôt, et parti dans les Principautés Frontalières avec ses gens se tailler un nouveau fief. Ayant déjà développé un honnête béguin pour la fraîche donzelle, qui lui dépose un chaste mais reconnaissant bécot sur la joue avant de prendre congé de son sauveur (même si « leurre » serait plus adapté, Gotrek ayant fait tout le boulot), Féfé persuade son comparse de proposer leurs services comme mercenaires au Baron, donnant ainsi à notre Don Juan en culottes rayées l’occasion de conclure, et à Gotrek celle de reposer ses pieds douloureux2. Nous apprenons par la même occasion pourquoi nos compères sont partis prendre le bon air du Sud : rencardé par un tavernier Nain du nom de Faragrim (Capitaine du Grondor), Gotrek s’est mis en quête de la horde3 perdue de Karaz aux Huits Pics, trésor mythique gardé par un Troll l’étant tout autant, soient deux excellentes raisons pour un Tueur de membres du forum 15-18 de JVC de partir en balade. Ne souhaitant pas partager ce très hypothétique butin avec quiconque, le Dawi fait jurer à son commémorateur de garder le silence sur ce point, ce que ce dernier accepte sans problème. Une visite rapidement expédiée dans le camping car des cousins Von Diehl (Mannfred, neveu et héritier de Gottfried, et Dieter, fils bâtard du Baron et de Frau Winter), et l’affaire est entendue, même si Felix découvre avec effroi que les trois trappeurs seront également du voyage, et serviront de guide à la caravane de migrants…

Fast forward à travers les riantes forêts des Principautés, et les tout autant riants Gobelins qui hantent ces dernières, et prennent un malin plaisir à harceler les vaillants pionniers, et nous voilà devant les murs du village fortifié d’Akendorf. Pas de chance pour les gueux du voyage, la forte escorte mobilisée par les Von Diehl n’inspire pas du tout confiance chez les locaux, qui refusent catégoriquement de laisser les rescapés passer la nuit à l’abri de leurs murailles. Beaux joueurs, ils préviennent tout de même les marcheurs de ne pas aller plus au Sud, où s’étendent les sinistres Collines de Geistenmund, notoirement hantés par des morts sans repos. Bien évidemment, ce sera dans cette direction que les Von Diehl, dont la réputation de lignée maudite tient peut-être à ce genre de décisions malheureuses, décideront d’aller, ce qui aura de funestes conséquences. À toute chose, malheur est bon cependant, puisque c’est dans ce cadre bucolique que Felix aura, mais oui, l’occasion de conclure avec Kirsten (sans doute le passage le plus osé publié par la BL à ce jour). Bravo champion. S’en suit une attaque confuse et brumeuse de squelettes assez patauds, narrée de manière fragmentaire par un Bill King assez peu inspiré sur le coup. Deuxième satisfaction de la nuit pour Felix : il se tape Lars le trappeur, celui-là même qui lui avait fait des avances déplacées quelques jours plus tôt, dans le tumulte de la mêlée générale. Le jour se lève sur la victoire sans appel des vivants, qui peuvent reprendre la route malgré de nombreuses pertes, et l’inquiétante certitude que l’un des leurs est probablement responsable de l’attaque des sacs d’os, dont la sépulture a été ouverte à dessein…

Wolf Riders - 2

Fast forward bis, à travers les plaines méridionales cette fois-ci, où la présence de Gobelins (encore) ne dissuade pas nos trekkeurs de l’extrême de prendre possession d’un fort abandonné pour installer leur colonie. Felix, résolument amoureux de Kirsten à présent, se retrouve face à un dilemme cornélien : s’il souhaite refaire sa vie avec sa go, il doit trouver le moyen de plaquer son Go (et survivre à leur rupture, ce qui est loin d’être certain). Pour gagner du temps, il parvient à convaincre le Tueur d’aider les colons à fortifier leur domaine, ce qu’il accepte de faire sans trop rechigner. Ces précautions se révèlent assez rapidement fondées, une tribu de Chevaucheurs de Loups Gobelins (avec un titre pareil, ça ne faisait pas un pli) se présentant rapidement devant les portes du fort de rondins pour en poutrer les occupants (ce qui est assez approprié, reconnaissons-le). Malgré la présence de l’Impératrice Palpatine (Frau Winter, qui balance des éclairs bleus à tour de doigts) parmi les défenseurs, la situation n’est pas brillante pour ces derniers, car les Peaux Vertes peuvent elles aussi compter sur un chamane compétent. Alors que l’assaut final sur les portes de Fort la Latte (de bois) se prépare, Gotrek envoie Felix chercher la sorcière, mandée quelques minutes plus tôt par son suzerain…

Début spoiler…Notre poète ne fait pas le voyage pour rien, puisqu’il trouve la quasi-totalité des Von Diehl, ainsi que Frau Winter et surtout Kirsten, qui meurt dans ses bras, assassinés par Manfred. L’héritier souhaitait ainsi réaliser pour de bon la malédiction familiale, qui lui est montée à la tête depuis qu’il a été témoin de la déchéance de son père, jeté au cachot par Gottfried lorsque des mutations ont commencé à le frapper. Persuadé qu’un destin similaire l’attendait, Manfred a activement cherché à éteindre sa lignée, et est notamment responsable du lâcher de squelettes précédemment narré. Bizarrement, il se montre moins emballé par la proposition de Felix de l’aider à terminer ce qu’il a commencé, et lorsque les deux hommes commencent à se fritter, l’aristocrate a initialement le dessus, avant que sa vulnérabilité métatarsienne ne vienne sceller son sort4. Ceci fait, Felix s’en va à la rescousse des défenseurs, et retrouve un Gotrek bien esquinté – c’est à cette occasion qu’il perd son œil – par son combat victorieux contre le chamane Gobelin et ses gardes du corps Orques. Il ne faut toutefois pas longtemps à notre coriace psychopathe pour reprendre du poil de la bête, et entraîner son aède cafardeux vers la bouche de métro l’entrée de l’Ungdrin Ankor la plus proche, et au delà, le fameux trés-horde de Karak aux Huits Pics…Fin spoiler

1 : Et assez osés pour le public et l’époque, puisque l’un des trappeurs annonce même qu’il est prêt à se taper Felix plutôt que la fille. C’est ce qui s’appelle avoir la dalle.
2 : Sa seule faiblesse apparente. On connaissait le talon d’Achille, Warhammer a les durillons de Gotrek.
3 : Détail amusant, King fait deux fois de suite la même faute d’orthographe et utilise « horde » à la place de « hoard » (magot en anglais).
4 : On pourra dire qu’une nouvelle fois, Felix a pris son pied. Quel tombeur.

AVIS:

Wolf Riders - 3

Art: Paul Bonner

Si Geheimnisnacht marque la première apparition de Gotrek et Felix, Wolf Riders occupe une place tout aussi importante dans la genèse du couple le plus iconique de la Black Library. Soumission plus conséquente que sa prédécesseur, cette nouvelle permet à King de développer à la fois ses personnages et sa vision du monde de Warhammer, qu’il parvient à rendre à la fois incroyablement sombre, dangereux et sinistre, mais également crédible et authentique. La trouvaille de l’auteur, qui s’incarne littéralement dans ses deux héros, consiste à incorporer des éléments de « normalité heureuse », telle que la romance (consommée, et c’est assez rare pour le souligner, la BL étant bizarrement assez prude sur ce sujet) entre Felix et Kirsten pour faire contrepoint à l’avalanche de grimdark que les protagonistes doivent endurer par ailleurs, et dont Gotrek est la personnification parfaite.

Un autre point positif de cet épisode de l’infinie (dans tous les sens du terme) saga de l’Omnitueur est la vulnérabilité dont King le dote, et qu’il perdra bientôt pour se transformer en invulnérable machine à occire, ce qui résultera en un désengagement émotionnel de la part du lecteur. Au moment où Bill King écrit cette nouvelle, Felix et Gotrek ne sont en effet pas des légendes de la GW-Fiction, mais deux nouveaux personnages récemment créés, et dont la disparition ne chagrinerait pas grand-monde. Du fait de sa profession, on sait que Gotrek est susceptible de rencontrer une fin violente et rapide, et lorsqu’il se jette dans la mêlée à la fin de l’histoire, le lecteur de 1989 pouvait tout à fait penser qu’il ne s’en sortirait pas cette fois-ci. S’il avait voulu jouer la carte du grimdark nihiliste jusqu’au bout, King aurait très bien pu opter pour donner à son héros une mort indigne (se faire tuer par un mage Gobelin n’étant pas très glorieux pour un Tueur Nain), soulignant ainsi la cruauté du monde de Warhammer. S’il ne l’a pas fait, on ressent tout de même un suspense plus important que lors de la majorité des aventures du duo, ce qui est très appréciable.

Seul léger bémol à cette partition autrement très satisfaisante, la mise en scène décousue des affrontements majeurs (la skelly night et le siège du fort) de la nouvelle, dont King ne livre que quelques fragments « felixiens », qui ne permettent pas vraiment au spectateur de se plonger dans ce qui auraient dû être des apex épiques de l’intrigue. Personne n’est parfait. En tout cas, Wolf Riders tient bien sa place de nouvelle centrale du recueil éponyme dans lequel elle figure, et se place parmi les tous meilleurs épisodes de la série. Un vrai classique.

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The Tilean Rat – S. Mitchell:

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INTRIGUE:

Par une nuit humide et froide, dans le dédale sans foi ni loi de Marienburg, un héros tourmenté se retrouve confronté à un dilemme cornélien. Le choix qui s’offre à lui a beau paraître simple, les conséquences en seront irréversibles, et le poursuivront sans relâche pendant… au moins quatre heures. Bon, il a fait son choix le petit Monsieur ? Ce sera un soufflé aux noisettes ou des cerises à la Bretonienne pour le dessert ? Alors que Sam (Buttermere pour sa vieille môman) Warble était en train de soupeser cette grave question avec tout l’attention qu’elle mérite, il est interrompu par l’arrivée à sa table réservée du Tablier d’Esmeralda, son QG officieux, d’une Elfe rousse. Ce qui n’est certes pas banal. L’arrivante, qui se prénomme Astra et dit venir de la lointaine cité de Feiss Mabdon, a eu vent des talents particuliers du Sieur Warble, et cherche à le recruter pour retrouver un précieux artefact lui ayant été volé dans sa chambre à l’auberge du Cygne Volant. Prête à tout pour remettre la main sur la statuette du Rat Tiléen1, héritage familial à la valeur sentimentale aussi forte que son aspect est kitchissime, Astra règle sans sourciller une coquette avance à notre détective privé aux pieds poilus, qui promet de se mettre en chasse dès le lendemain (le dîner, c’est sacré).

Fort de sa connaissance intime de la cité marchande, Warble passe en revue tous les lieux de recel potentiel où le voleur aurait pu chercher à écouler son rat mal acquis, faisant chou blanc mais glanant tout de même quelques informations de premier choix de la bouche du Vieil Harald, antiquaire vénal mais bavard une fois sa patte graissée. Il semblerait en effet que Sam ne soit pas le seul à chercher la pièce, Harald ayant été interrogé à ce sujet le même jour par un gros lard bien habillé accompagné d’un acolyte petit et fluet. La partie se compliquant, notre héros résout de jouer la sécurité en rapportant l’affaire à un de ses contacts dans la Milice Urbaine, l’affable Capitaine Gil Rolan, en profitant pour se rencarder sur la découverte possible de cadavres frais dans les canaux de la ville, destin probable de quiconque se hasarderait à cambrioler un établissement aussi huppé et « bien en guilde » que le Cygne Volant. Là encore, rien à signaler, ce qui plonge le Halfling dans un doute de plus en plus profond quant à la mission qu’on lui a confié. Lorsque la meurtrière Lisette, autre contact de ce dernier, lui confirme que la Guilde des Voleurs n’a pas autorisé ses membres à chasser au Cygne, il doit se rendre à l’évidence : il y a quelque chose de très louche sous cette affaire.

En route vers la taverne convenable la plus proche pour casser la croûte, Warble est soudainement abordé par… un gros lard bien habillé, qui se présente comme Erasmus Ferrara, et confesse volontiers être à la recherche du Rat Tiléen. Accompagné d’un complice nommé Leppo, dissimulé sous un grand manteau et un large chapeau, il cherche, entre deux éclats de rire tonitruant, à débaucher Warble, Astra étant une de ses concurrentes, et non pas la légitime propriétaire de la statuette, comme elle l’avait annoncé. Fidèle à son éthique professionnelle, Sam refuse de retourner sa veste, ce qui fait bien rire Ferrara (qu’un rien amuse). Laissant le détective réfléchir à son offre, l’antiquaire portugais repart en se gondolant comme une baleine, tandis que Warble va se remettre de ses émotions au Tablier. Là, il fait la rencontre d’un marin Norse bien renseigné, qui lui détenir le Rat, et être prêt à discuter d’un prix pour ce dernier avec sa cliente dans un endroit discret des docks, le soir même. Pas vraiment ravi de s’être fait manipuler de la sorte par l’Elfe rouquine, Warble, en vrai professionnel, va tout de même lui faire son rapport, et lui transmettre la proposition du loup de mer, qu’elle accepte de grand cœur.

The Tilean Rat

Art: Martin McKenna

Notre héros aurait pu en rester là, sa mission accomplie et ses gages payés, si l’arrivée d’un Harald outré au Tablier n’avait, de façon ironique, remis une pièce dans la machine. Car cette fourbe pingre d’Astra a cru malin de rémunérer Warble avec des pièces de plomb doré, ce dont Harald, qui en a hérité d’une un peu plus tôt, n’a pas tardé à se rendre compte. Déterminé à avoir le fin mot de l’histoire, Sam suit discrètement Astra à sa sortie du Cygne Volant, jusqu’au point de rendez-vous fixé par le Norse. Ce dernier, plus doué pour faire des frayeurs aux Halflings qu’à négocier pied à pied avec les Elfes, se fait prestement éviscérer et exproprier (pas nécessairement dans cet ordre), plaçant la précieuse statuette en possession d’Astra… mais pas pour très longtemps. L’Elfe croise en effet la route de Ferrara et de Leppo alors qu’elle se rendait au temple de Khaine (le roux était probablement du henné) clandestin de Marienburg avec sa prise. Double surprise pour un Warble très nauséeux (les penchants des Khainites en termes de décoration d’intérieure sont… particuliers), mais toujours en filature : le gros lard était un mage, probablement de Slaanesh, et Leppo, son Snotling domestique. Quelle décadence. La conversation entre les deux rivaux prend rapidement un tour venimeux, avant de franchement dégénérer. Astra fracasse le crâne de Leppo d’un coup de statue bien placé, et se prend un carreau d’arbalète de la part de Ferrara en représailles, avant que les acolytes des uns et des autres ne se mêlent au débat et que les sortilèges ne commencent à voler. Réalisant qu’il est temps pour lui de s’éclipser, Sam a le soulagement de croiser au cours de sa retraite stratégique une patrouille menée par Gil Rolan, toute prête à ramasser les survivants de l’affrontement entre cultistes. Quant à la statuette, elle n’avait finalement aucune valeur particulière, seule son socle, constitué d’une rare pierre de sang, suscitant la convoitise des praticiens des arts occultes. QUAND ON VOUS DISAIT QUE LE SOCLAGE, C’EST IMPORTANT, NOMDIDIOU !

1 : Qui pourrait très bien être une figure de Verminarque lourdement convertie et peinte par Darren Latham, si on en croit la description qui en est faite. Ce serait effectivement une précieuse relique.

AVIS:

Deux réactions possibles à la lecture de The Tilean Rat. Soit vous avez lu/vu le roman/film noir (Le Faucon Maltais ou The Maltese Falcon en VO) que Mitchell pastiche ici sans vergogne, et vous êtes donc en capacité d’apprécier toutes les références glissées par l’auteur dans son texte à sa source d’inspiration. Soit vous ne faîtes pas partie des happy few familiers de l’oeuvre de Dashiell Hammett et/ou John Huston (ce que l’auteur de ces lignes avoue sans honte avoir été, jusqu’à que quelques recherches complémentaires lui permettent de découvrir le pot aux roses, ou au rat), et vous vous demandez sûrement ce que Mitchell avait fumé au moment d’écrire cette nouvelle. Avec un peu de recul, et bien que je reste convaincu que la connaissance du « matériel original » soit la condition sine qua non pour tirer le plein potentiel de The Tilean Rat, on peut toutefois reconnaître à Sandy Mitchell une histoire assez rondement menée (même si pas aussi sombre que Le Faucon Maltais, qui est considéré par beaucoup comme l’un des archétypes du roman noir), mettant en scène un héros assez attachant (à l’inverse d’Astra et Ferrara, qui sont beaucoup trop ouvertement parodiques à mon goût) dans un décor pittoresque. On peut déjà sentir l’esprit impertinent, mais respectueux malgré tout, de Ciaphas Cain percer sous Sam Warble, personnage qui fit une honnête carrière au sein de la GW-Fiction, et bénéficie encore aujourd’hui d’une certaine considération de la part des plus érudits des nouveaux contributeurs de la BL (dont l’incollable Josh Reynolds). Bref, The Tilean Rat n’est peut-être pas la nouvelle la plus marquante du corpus de Games Workshop, mais elle demeure l’une des plus intéressantes, et un moyen assez sûr de briller en société, si le cœur vous en dit.

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The Phantom of Yremy – B. Craig:

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INTRIGUE:

The Phantom of Yremy

Art: Martin Perrott

La paisible bourgade d’Yremy, située dans la grande banlieue de Moussillon, en Bretonnie, frissonne et se passionne dans le même temps pour les exploits crapuleux d’un mystérieux cambrioleur visitant les hôtels et les manoirs de ses honnêtes bourgeois. L’événement est d’autant plus notable que la ville était jusqu’alors connue pour son application sévère mais juste des lois du Royaume, maintenant par l’exemple le taux de criminalité à des niveaux très raisonnables, au grand déplaisir du petit peuple1. Magistrat à la cour de justice locale, l’honorable Mr Voltigeur (en français dans le texte2) suit les déprédations de celui que l’on nomme bientôt le Fantôme d’Yremy avec un intérêt tout professionnel, jusqu’à ce qu’il devienne clair que le faquin cible précisément l’entourage du juge par ses larcins, faisant de ce dernier le récipiendaire probable d’une cabale aux motifs encore incertains. Lorsque le Fantôme s’introduit chez l’une des filles de Voltigeur pour lui dérober un cœur de bois qui lui avait été remis par sa défunte mère, qui, à défaut d’avoir une quelconque valeur marchande (la sotte fille ayant préféré se marier par amour plutôt que par raison, au grand désespoir de son père), avait une grande valeur sentimentale pour la victime, le Grand Juge – comme on le surnomme dans la ville, en reconnaissance de son inventivité dans les sentences décrétées – fait de ce cas une affaire personnelle, et défie le forban de venir lui rendre visite à son domicile, où il se fera fort de lui rendre la monnaie de sa pièce.

Résolu mais pas téméraire, Voltigeur prend aussitôt des mesures pour ne pas se retrouver bêtement embroché par l’épée de sa Nemesis, qu’une précédente rencontre avec un garde motivé mais pas tellement dégourdi, a permis d’identifier comme une fine lame. Secondé par son fidèle ami et subalterne Jean Malchance, avec lequel il a fait ses classes et qui est devenu son greffier attitré après ces dernières, le juge prend soin d’armer ses domestiques, et engage même un sorcier du nom d’Odo (juste Odo… pas très impressionnant comme nom de scène) pour protéger par des sceaux magiques les portes et coffres de sa demeure. La nuit tombe une fois ces préparatifs accomplis, et, bien que rassuré par les mesures prises pour sa protection, et la certitude que Malchance se tient prêt à intervenir depuis la pièce adjacente où il a choisi de se positionner, Voltigeur sombre difficilement dans un sommeil troublé…qui est interrompu par l’arrivée du fameux Fantôme au pied de son lit. Craignant, à juste titre, pour sa vie, Voltigeur a toutefois la surprise d’entendre l’intrus lui annoncer que cette première visite n’a que pour but prononcer la sentence que le Fantôme réserve au juge. Le mystérieux bandit, dont l’identité est dissimulée derrière un masque noir et un long manteau à capuche, promet toutefois de revenir le lendemain pour recueillir la confession du condamné, et le jour d’après pour exécuter la sentence. En attendant, il se contente de repartir avec le peigne en argent de Mme Voltigeur, malgré le fait que l’objet se trouvait dans un coffre enchanté.

Ayant, un peu tard, songé à appeler à l’aide, Voltigeur ne peut que constater la disparition inexplicable du Fantôme, dont le bruit des exploits retenti dès le lendemain dans Yremy. Inquiet mais pas découragé pour autant, notre héros passe la journée à renforcer encore ses protections, aussi bien ésotériques (grâce à ce bon vieil Odo et ses alarmes magiques pratiquement toujours efficaces, mais également au renfort d’un prêtre de Morr local, Hordubal) que matérielles, via l’acquisition d’un pistolet (pas très fluff pour un Bretonnien). Bien évidemment, cela n’empêche pas le Fantôme de revenir lui conter fleurette à la nuit tombée, et de repartir cette fois avec la robe de chambre préférée de Mme Voltigeur, qui semble donc être son love interest indéniable. Peu familier du fonctionnement des armes à feu, Mr Voltigeur s’est fait surprendre par la fumée et le bruit de sa pétoire, pour des résultats spectaculaires mais peu concluants. Alertée par ce boucan, sa garde rapprochée fait irruption dans la pièce, sans trouver le malotru tourmentant le pauvre magistrat, dont la puissance cognitive se trouve mise en échec par les apparitions et disparitions inexpliquées du Fantôme. Questionnés à ce sujet, tant Odo que Hordubal se perdent dans des conjonctures oiseuses. Quant à Malchance, il a le toupet d’envisager que Voltigeur lui-même soit le Fantôme, étant le seul à l’avoir vu, ainsi que le seul à avoir eu la possibilité de prendre les objets subtilisés des coffres sans en déclencher l’alarme. Outré par cette insinuation, pourtant basée sur une simple déduction logique, Voltigeur chasse à grands cris ses consultants de la place, et se résout à attendre seul la troisième et dernière venue de son tourmenteur…

Début spoiler…Lorsque la nuit tombe sur Yremy, et que le Fantôme revient visiter sa victime, il trouve cette dernière prête à l’accueillir. En plus d’avoir percé les arcanes de fonctionnement de sa pétoire, Voltigeur a fini par déduire que le malandrin ne pouvait être que Malchance, qui ne se fait pas prier pour se démasquer une fois s’être rendu compte qu’il l’était (il fait chaud sous une capuche en cuir). Reste le mobile du crime à identifier, ce qui laisse notre brave et bonhomme Voltigeur confus : lui qui avait toujours considéré son greffier comme un ami fidèle ne s’explique pas la perfidie de ce dernier. Malchance révèle alors qu’il n’a jamais pu pardonner à son camarade de lui avoir volé la femme qu’il aimait et dont il était aimé, qui a choisi de se marier au meilleur parti plutôt que par passion. Ajoutez à cela le fait que Voltigeur ait été un gros lourdaud, s’appropriant éhontément les idées de son subalterne, et se révélant au final un être assez nauséabond, et la coupe était plus que pleine pour Malchance, qui a patiemment attendu son heure pour pouvoir accomplir sa vengeance. Le vol des babioles sentimentales de la famille Voltigeur constituait ainsi pour lui un moyen de se réapproprier l’amour de la femme qui aurait dû être sienne, et la rumeur qu’il a contribué à lancer sur la duplicité de Voltigeur, corroborée par la trouvaille le lendemain par la milice urbaine de tous les objets précédemment dérobés au domicile du juge, achèvera de sceller sa revanche. Peu enclin à coopérer, Voltigeur dégaine une nouvelle fois l’artillerie lourde, mais fait les frais d’un méchant incident de tir, le fût de son arme ayant été obstrué par Malchance un peu plus tôt dans la journée. Victime d’un shrapnel fatal, le juge n’est plus en mesure de plaider son innocence auprès de l’opinion publique, qui se fait une joie de gober la version concoctée par le greffier rancunier. Ce ne sera que bien plus tard, sur son lit de mort, que Malchance avouera la vérité à un troubadour itinérant, qui répandra l’histoire aux quatre coins du royaume, et même au-delà…Fin spoiler

1 : Qui aimerait bien qu’on le laisse traficoter peinard, au lieu de le forcer à s’esquinter la santé à cultiver des navets et des betteraves. C’est bien connu, les pauvres, ce sont tous d’infâmes profiteurs feignasses.
2 : Une langue que Brian Craig maîtrise parfaitement. Il a d’ailleurs traduit un grand nombre d’ouvrage depuis le français vers l’anglais au cours de sa carrière.

AVIS:

Brian Craig est sans doute l’un des contributeurs de la GW-Fiction les plus clivants qui soient. Son style particulier, résolument éloigné des canons de la maison, peut dérouter le lecteur, tout autant que sa tendance à placer ses histoires « en dehors » du monde de Warhammer, afin de se concentrer sur le développement de ses personnages, qui peuvent apparaître comme peu représentatifs de l’univers dans lequel ils évoluent. Craig et le grimdark, cela fait deux (au minimum), c’est certain, et je peux donc tout à fait comprendre les réactions épidermiques que sa prose pourrait générer chez l’amateur de ce genre de littérature. D’un autre côté, cet auteur est un des conteurs les plus doués et les plus singuliers ayant travaillé pour Games Workshop, et lorsqu’il choisit d’insuffler un peu d’humour à son récit, comme c’est ici le cas, le résultat vaut vraiment le détour, mon humble avis. The Phantom of Yremy est donc à mes yeux le parfait échantillon littéraire permettant de déterminer la compatibilité du lecteur avec la production, finalement assez conséquente, de Brian Craig pour la GW-Fiction. Si la perspective de passer trente pages à lire un huis-clos mêlant mystère, humour (pince sans rire) et commentaires badins sur la vie dans une ville de Bretonnie créée pour l’occasion et dont personne n’a plus entendu parler depuis vous interroge plus qu’elle en vous rebute, voici une nouvelle qui risque fort de vous surprendre (en bien). À l’inverse, si vous ne voyez la Bretonnie que sous le prisme de la quête du Graal et des charges en fer de lance, je ne saurais trop vous conseiller de passer votre chemin. Il en faut pour tous les goûts !

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Cry of the Beast – R. T. Castle:

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INTRIGUE:

Tomas (sans -h) vit avec son beau-père adoptif Brodie dans une masure sur la côte tiléenne, non loin de la cité de Remas. Orphelin de père et de mère, il a été recueilli par ce généreux Halfling dans sa prime enfance, et a grandi jusqu’à atteindre l’adolescence, aidant son tuteur à la pêche en semaine et gagnant un peu d’argent de poche sur les marchés le week-end en faisant des acrobaties. Pêcheur jongleur vaut toujours mieux que casseur flowteur, comme on dit à Miragliano. Notre histoire commence, assez logiquement, par un cri strident qui vient tirer le héros de son sommeil alors que l’aube n’est pas encore venue planter ses doigts roses dans les bajoues flasques de la nuit, comme aurait pu l’écrire Homère en son temps. Intrigué plus qu’inquiet par cet événement incongru, Tomas se tient prêt à sortir de la bicoque familiale pour enquêter sur ce tapage techniquement encore nocturne, mais se fait subrepticement retenir par Brodie, qui lui prépare séance tenante un copieux petit déjeuner avant qu’il n’ait pu passer la porte, super pouvoir Halfling qui retarde notre héros jusqu’au lever du jour.

Ses œufs brouillés et son pain frit avalés, la table débarrassée et la vaisselle faite – on ne rigole pas avec ces choses là chez Brodie – Tomas est enfin libre de sortir sur la plage, où il trouve une jeune fille Elfe étendue de tout son long. Appelant Bro’ à la rescousse, et grâce aux solides notions de secourisme dont dispose ce dernier, qui a décidément tous les talents, le deux larrons parviennent à réanimer la donzelle, qui a échoué sur le pas de leur porte après que son bateau ait fait naufrage la nuit précédente. Ramenée au chaud et au sec, elle révèle s’appeler Linna, et s’inquiéter fortement pour son frère ivrogne et joueur, Corma, qui voyageait avec elle. Pendant que Brodie va inspecter l’épave des Elfes navigateurs, qui sont par la force des choses devenus sous-marins, Tomas a le temps de faire plus ample connaissance avec son invitée, qui se révèle être assez câline, sans que ce balourd de Toto ne saisisse la perche que cette dernière (à moins que ça ne soit l’auteur) lui tend. Au retour de Brodie, qui n’a malheureusement trouvé aucun autre survivant, le trio se réconforte autour d’un bon gueuleton, ce qui donne au Halfling l’occasion de se lancer dans ses histoires, et en particulier celle du brave Richard Crowell, dont la première qualité était sans doute d’avoir un nom normal dans un univers de Fantasy. Même Nagash est jaloux. Exterminateur de bestioles chaotiques et pacificateur de la région de Remas il y a de cela des années, Crowell finit par partir chasser la tarasque dans son habitat naturel, la Norsca, dont il ne revint jamais. The end. Sur ces belles paroles, il est déjà temps d’aller se coucher, et les deux garçons laissent galamment la chambre de Tomas à disposition de Linna, dont les tentatives désespérées de se taper le héros tombent dans l’oseille d’un four. L’interspécisme, ça ne donne jamais rien de bon (comme le prouve bien l’exemple d’Eluréd1).

Il en faut cependant plus que ça pour décourager la nymphette de sortir de la friendzone, et elle réveille Tomas peu de temps après… parce qu’elle a vu quelque chose à la fenêtre. À première vue, cette chose semble être le disparu Corma, que Linna s’empresse d’aller saluer. À deuxième vue cependant, c’est bel et bien un Bisounours de Slaanesh (un Baisounours, donc), adepte de transformisme, qui se tient sur le pas de la porte, accompagné de quelques Gobelins. Because why not. Désolation pour Linna, qui se fait charrier comme un sac à patates par la bête, dont le glapissement lubrique déchire à nouveau la nuit. Consternation pour Tomas, impuissant à empêcher le monstre de repartir avec la fille qu’il considère juste comme une amie. Renonciation pour Brodie, finalement réveillé et pas très chaud à l’idée d’aller faire un safari en pleine obscurité. Le prudent Halfling parvient toutefois à retenir son fils adoptif assez longtemps pour lui apprendre la vérité sur ses origines : il n’est autre que le fils du légendaire Crowell, laissé aux bons soins du cuisinier (Brodie) de son expédition punitive pendant que le héros et son armée s’aventuraient en Norsca. Le semi-homme remet à l’adolescent la pierre d’aube enchantée que portait sa mère, capable de dissiper la magie, et l’informe que son père portait exactement la même le jour de son départ (you see what’s coming ?). Ainsi briefé, Tomas, toujours sans hache mais désormais en possession d’une épée rouillée, se jette à la poursuite de Winnie the Foe, réglant leur compte à son entourage de Gobelins en chemin.

Cry of the Beast

Art: Tony Hough

Parvenu à une grotte, il croit apercevoir Linna enchaînée à un rocher, mais son nouveau talisman lui permet de percer à jour les faux-semblants de son ennemi avant de finir en sashimi. La bataille qui s’en suit contre le Champion de Slaanesh ayant atteint le grade exalté de Furry se passe assez mal pour notre héros (illustration à l’appui), qui ne doit son salut qu’à ses compétences d’acrobate, la stupidité de son adversaire, et quelques gros rocher bien placés, que Tomas arrive à déverser en avalanche sur la sale bête. Cette victoire par K.O. et K.You a toutefois un goût doublement amer pour Toto, qui n’est pas long à s’apercevoir que sa bonne amie s’est faite boulotter comme un vulgaire Twix par le monstre, et que ce dernier n’est, ô surprise, autre que son père, comme l’atteste la pierre d’aube qu’il portait autour du cou. Ces réalisations poussent assez logiquement Tomas dans les bras vengeurs de Solkan, le dieu des vrais rageux, et nous prenons congés de notre héros après qu’il ait pris le parti de marcher sur les traces de ses parents et d’aller à son tour botter les fesses des méchants chaoteux du grand Nord. Tu quoque, fili.

1 : La preuve, personne ne sait ce qu’il est devenu.

AVIS:

Si Cry of the Beast peut paraître étrange au lecteur contemporain de la GW-Fiction, incarnée depuis maintenant des décennies par la Black Library, et comporte certainement son lot de bizarreries plus ou moins justifiables, tant d’un point de vue fluffique (une Haut Elfe qui drague un paysan humain ? Des Gobelins qui accompagnent un champion chaotique ?) que de celui des « conventions canoniques » usitées dans la littérature Warhammeresque (comme le fait de ne pas appeler un Tiléen avec un nom de comptable anglais), la tentative de Castle est assez honnête pour l’époque. Sur le canevas classique de la quête initiatrice d’un héros destiné à la grandeur par un héritage qui lui était jusque là caché, l’auteur tisse une histoire convenable, et finalement assez sombre (ou tout du moins elfophobe), sous son air de high fantasy. En choisissant pour antagoniste un Élu du Chaos corrompu par les forces maléfiques qu’il s’était juré de combattre, Castle démontre sa compréhension d’une des idées sous-tendant le lore des franchises de Games Workshop, faisant du Crowell en porte-jarretelles le lointain ancêtre d’Archaon. Oui, cette comparaison me fait plaisir.

Finalement, les vrais défauts gênants de Cry of the Beast sont certainement à chercher du côté de son intrigue et de sa construction, qui sont loin d’être au-dessus de tous reproches, le principal étant l’apparition inexpliquée de la fameuse bête sur la côte tiléenne, qui aura attendu bien longtemps et fait un looooong chemin pour retrouver son descendant. Pourquoi à ce moment, et comment a-t-il trouvé la trace de Tomas ? Mystère. Concomitamment, le naufrage du navire de Linna juste au moment où le Bébête-Show arrive en ville plage, afin de donner une raison supplémentaire au héros de se confronter au monstre, est tellement intéressé d’un point de vue narratif que cela ne m’étonnerait pas que le fameux cri de la bête soit un long et plaintif WIIIIIIIIIIIIIIIIIJH… On ne saura jamais la suite de l’épopée que Ralph T. Castle voulait donner à son héros (tout le monde n’est pas Konrad), mais il y aurait eu des choses à rectifier pour en faire une lecture digne de ce nom.

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No Gold in the Grey Mountains – J. Yeovil:

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INTRIGUE:

No Gold in the Grey Mountains

Art: Dave Gallagher

Joh Lamprecht, patron d’une TPE de collecte de fonds dans l’arrière-pays du Reikland, emmène sa bande de hors la loi à l’assaut de la diligence transportant les taxes de la ville minière de Raukner jusqu’aux coffres du bon empereur Karl Franz, lorsque le destin lui joue un bien vilain tour. Le fiacre ciblé se révèle inexplicablement dénué du précieux chargement convoité par les bandits1, qui peuvent cependant se consoler, après s’être passé les nerfs sur le pauvre conducteur et le noble pompeux qui voyageait dans la carriole (et s’est rendu compte de la dangerosité insoupçonnée de l’essuyage de carreaux, si votre interlocuteur a une arbalète), à la vue de la dernière passagère. La dame Melissa d’Acques, 12 ans, autant de neurones et, surtout, son papa très riche, peuvent en effet faire le bonheur de Joh et consorts, pour un peu que l’ado attardée sur laquelle ils ont mis la main, et qui ne réalise pas du tout la gravité de sa situation, leur donne les moyens d’expédier une demande de rançon en bonne et due forme à l’un de ses nombreux domiciles.

Pour l’heure, les malfrats (l’affreux Johjoh, le nemrod anxieux Yann Groeteschele, le gladiateur psychopathe et lycantrope Rotwang, et Fat Fool Freder, comme ses collègues l’appellent) décident d’emmener leur invitée jusqu’à leur camp de base, installé dans les ruines lugubres mais désertes du château de Drachenfels (l’histoire se déroule après la purge organisée par Oswald et Genevieve). L’ambiance n’est pas folichonne et la déco franchement datée, mais les voisins ne viennent pas vous embêter, c’est certain. La nuit tombée et Melissa enfermée dans sa chambre, la bande se réunit pour établir un plan d’actions visant à enfin toucher le gros lot, après des mois de chiche brigandage. Cependant, à l’intérieur du château abandonné, une ancienne et maléfique présence s’est éveillée, et Melissa pourrait bien ne pas être la seule à devoir se faire un mauvais sang…

1 : Qui aurait dû se douter que les braves mineurs de Raukner, dont trois virements avaient déjà été interceptés par les ruffians dans des conditions similaires, avaient changé leurs préférences de paiement. Un petit Lydia, ça change tout.

AVIS:

Après avoir donné un petit masterclass en matière de nouvelle d’aventures à la sauce Warhammer dans son Ignorant Armies, publié dans le recueil du même nom, Yeovil se penche sur un genre qu’il maîtrise particulièrement : l’horreur. Et si on ne retrouve pas ici de personnage précédemment mis en scène par l’auteur, mis à part une discrète mention de Geneviève et d’Oswald, l’utilisation du château – abandonné – de Drachenfels comme décor de ce court format à la sauce survival/maison hantée ferait presque illusion, tant ce lieu maudit pèse sur l’ambiance et l’intrigue de No Gold… On parle souvent d’Abnett comme le mètre étalon de la GW-Fiction, et c’est indubitablement vrai pour la production moderne et contemporaine de cette dernière (depuis le lancement de la Black Library, pour simplifier), mais Yeovil aurait fait un concurrent sérieux s’il avait repris du service après la fin de l’aventure GW Books/Boxtree. Ici, l’auteur démontre en quelques paragraphes sa capacité à instiller une atmosphère et convoquer des personnages plus intrigants qu’attachants, faisant de cette nouvelle un authentique page-turner. À un autre niveau, l’intégration d’un rebondissement final à l’intrigue permet de voir « travailler » un scénariste doué, que l’on ait deviné qui était l’antagoniste1 avant le dénouement final – auquel cas, on remarque l’habileté avec laquelle Yeovil entraîne le lecteur sur une fausse piste, en évitant avec maestria le moindre « faux raccord narratif » – ou bien que la surprise joue à plein – chanceux que vous êtes ! Blooding on the cake, on a même droit à quelques éléments de fluff, qui, si on peut douter de leur caractère canonique2 aujourd’hui, apportent une valeur ajoutée supplémentaire à No Gold… Bref, nous tenons ici, près de 30 ans avant que GW ne se lance sur le créneau, la toute première nouvelle de Warhammer Horror, qui n’a pas pris une ride et ferait une pièce centrale de choix dans les anthologies modernes de la BL. Faîtes moi confiance, je les ai lues…

1 : Ce qui était mon cas à la seconde lecture (qui a pris place tellement longtemps après la première que j’avais tout oublié de l’histoire, donc il y avait tout de même un challenge !). Je ne sais pas pourquoi mais j’ai eu une sorte d’épiphanie à la « Entretien avec un Vampire » au moment de la première apparition de la vieille dans la nouvelle.
2 : Friendly reminder que Yeovil a tellement impressionné le patron de l’époque de GW, Bryan Ansell, que ce dernier a arbitré un conflit de background en faveur de l’écrivain. C’est ainsi que Genevieve est restée une Vampire au lieu de devenir une Elfe.

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The Hammer of the Stars – P. Garratt:

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INTRIGUE:

Wurtbad, par un petit matin frisquet d’hiver. La cité impériale se réveille dans un état d’effervescence peu commun, du fait de la survenue mystérieuse d’une bande d’exotiques migrants à l’intérieur de ses murs pendant la nuit. L’incrédulité du lecteur, jusque là fermement suspendue au mur avec son consentement formel, s’écrase cependant violemment au sol et éclate en mille morceaux qui partent chacun en moonwalk lorsque nous faisons la connaissance des héros de notre histoire : Peredur Mappavrauch et sa cousine Saskia Whiteflower. Qui ne sont pas les joyeux migrants s’étant matérialisés dans Wurtbad, mais bien d’authentiques et véritables citoyens impériaux, aux patronymes des plus typiques, comme on peut bien s’en rendre compte. Nous en sommes à la cinquième ligne de la nouvelle.

Peredur est le fils d’un chevalier défunt (son honneur l’ayant poussé à accepter un peu trop de duels judiciaires comme commis d’office), dont la mère souhaite, assez naturellement, qu’il épouse une carrière d’érudit plutôt que de guerrier. Cela ne l’empêche pas d’aller s’entraîner quand il le peut avec les écuyers locaux, en compagnie de Saskia, un vrai garçon manqué elle aussi orpheline, mais ayant la chance de compter le Graf de Wurtbad comme oncle, ce qui lui permet de ne rien foutre de ses journées à part explorer les souterrains de la ville. Utilisant cette connaissance à bon escient, elle convainc Pepe de l’accompagner jusque dans la basse ville pour assister à la confrontation entre les arrivants et les autorités municipales, assez chafouines de devoir gérer un problème que les murailles de la ville auraient dû traiter. La rencontre, d’abord franchement tendue, entre les deux parties, finit par déboucher sur un compromis fragile : les chefs de la bande de vagabonds, qui prétendent venir en paix, acceptent de prêter serment de bien se comporter au temple de Verena de Wurtbad, ce qui est une garantie suffisante pour le Graf. M’est avis que le gonze est un peu myope, et qu’il a cru avoir affaire à d’honorables Nains, alors que ses hôtes n’étaient pas petits, mais juste loin. Disons cependant un mot des hôtes en question. Au marteau volant et au sanglier d’apparat, nous trouvons N’drug le Fort. Au bâton et au pipeautage magique, please welcome K’nuth le Gros. N’drug a également deux sœurs jumelles assez plaisantes à l’œil, D’vorah et C’tlain, qui se déplacent sur traîneau tiré par des lévriers géants. Bref, c’est probablement la belle famille de Radagast qui a débarqué à Wurtbad, soi-disant pour rendre hommage à Ulric et Taal pendant le jour sacré commun aux deux frères divins : le solstice de printemps.

Quand le grand jour arrive, Peredur trouve le moyen de croiser la route de la belle D’vorah alors qu’il se rend dans l’arène où les festivités doivent prendre place. Amouraché par les quelques mots échangés avant qu’elle ne s’éclipse, notre héros à la frayeur de la voir participer au spectacle organisé par les baladins, d’abord en jouant à la funambule sur une corde tirée entre deux tours, puis en partant en saute-bison, Minos-style, jusqu’à ce qu’elle chute lamentablement, forçant le vigilant N’drug à faire usage de son marteau magique pour calmer les ardeurs du ruminant enragé. Le banquet qui s’en suit voit plusieurs choses intéressantes se dérouler. Premièrement, les étrangers insistent très lourdement pour que leurs hôtes leur chantent leurs propres couplets d’un air traditionnel s’appelant L’Enigmatique Chanson des Phoques1, et qui selon la légende permet de guider celui qui fait sens des paroles jusqu’aux sept sceaux enchantés, gardant eux-mêmes le légendaire Marteau des Etoiles. Et d’ailleurs en y repensant, Saskia se souvient d’avoir vu un mural représentant une reine elfique portant un sceau dans les niveaux inférieurs de la ville. Ce qui n’est absolument pas suspect, bien sûr. Deuxièmement, ces mêmes étrangers insistent tout aussi lourdement pour que du vin de Fallerion soit servi à tous les convives, et consomment en grande quantité du piment brun d’Achillesia pour en combattre les effets hypnotiques. Ce qui est absolument normal. Troisièmement, le tuteur de Peredur à l’académie, frère Martin, ne se rend compte du 1) et 2) qu’une fois le mal fait, c’est à dire la secret Wurtbad mixtape partagée et la bibine hypnotique consommée. C’est moche de vieillir. Quatrièmement, le destin de Wurtbad repose désormais entre les mains de Pepe, Saskia et Martin, les seuls locaux à être restés sobres, dans le cas de Peredur parce qu’il s’est engueulé avec N’drug qui l’avait surpris en train de reluquer sa sœur et s’est mis à bouder depuis. À quoi tient le destin d’un héros, parfois.

The Hammer of the Stars

Art: John Ridgeway

Comprenant que la cité court un grave péril, et que les bateleurs à apostrophes ne sont pas aussi sympathiques qu’ils en ont l’air, le trio infernal court s’équiper au domicile de Peredur – qui hérite pour l’occasion de la magnifique armure de plates manteau2 paternelle – et Saskia, et s’enfonce dans les souterrains de Wurtbad. Après quelques détours sans intérêt, c’est la confrontation finale avec les ruffians, qui viennent de mettre la main sur… un sceau magique ? Non. Le Marteau des Etoiles ? Non ! L’identité secrète des deux Primarques disparus. NON !!! Rien de moins que le bracelet d’infinité de Thanos3, qui, si j’ai bien suivi, était la relique laissée en héritage par Verena dans la cité de Wurtbad, et qui garantissait la protection de la ville contre la magie maléfique. Pourquoi cette relique précieuse n’est pas gardée dans le temple de la déesse, mystère. En tout cas, la protection accordée par cette dernière laisse à désirer, puisque la parole donnée par les baladins dans ce même temple a été enfreinte sans que cela ne leur cause de problème. Avant que N’drug, qui a mis le bracelet malgré les grands « noooooooooon » des Wurtbader et Peredur se mettent sur la tronche, le premier a toutefois la bonté d’expliquer la raison de sa traîtrise. Mais alors, soit que lui ou que Castle, ou les deux, aient été bourrés à ce moment, en tout cas la révélation reste brumeuse. Une fumeuse histoire de disciple d’Ulric qui veut récupérer une arme puissante pour aller combattre le Chaos comme un vrai bonhomme, et n’hésite donc pas à aller se servir chez les citadins mous et gras pour arriver à ses fins. Problème, son essai du bracelet fait sauter les fusibles des torches de la crypte et déclenche l’alarme incendie, ce qui n’est jamais un bon signe. Cependant, il reste convaincu qu’il peut réparer sa boulette en ramenant le sceau au temple d’Ulric de Middenheim et le laissant en chargement jusqu’à l’hiver. Ce à quoi Frère Martin répond que c’est un bracelet magique, par une chaufferette de poche. En tout cas, ça n’aurait pas détonné, au point où nous en sommes.

La baston attendue s’engage, et se déroule à peu près comme on pouvait s’y attendre, l’inexpérimenté héros ayant d’abord le dessous face à la force brute de son adversaire, jusqu’à ce que ce dernier fasse une couennerie monumentale (en l’occurrence, frapper tellement fort avec son marteau que le manche se brise, provoquant un retour brutal de la tête chercheuse de l’arme dans le torse de son propriétaire). Saskia profite de la confusion pour menacer à bout touchant N’drug de sa hallebarde. Il décide de jouer au con en tentant de se relever, et se coupe un peu sur le fil de la lame. D’vorah, que tout le monde avait oublié, mais qui était là, comme K’nuth et C’tlain, tombe dans les pommes. Du coup, N’drug s’avoue vaincu, et jette le bracelet en même temps que l’éponge. Le temps pour C’tlain de faire une prophétie à deux balles sur le destin qui attend Peredur, et les forains mal lunés se téléportent hors de la crypte. (En)Fin.

1 : OK, en vrai c’est la ‘Chanson des Sceaux’. Mais ça a moins de charme.
: Elle s’enfile comme une veste. C’est concept.
3 : Vous croyiez vraiment que le gantelet se portait sans accessoire ? Tellement casual.

AVIS:

La contribution de Peter Garratt à la GW-Fiction, pour limitée1 et obscure qu’elle soit, ne manque certes pas de panache. Manque de chance, cette superbe ne repose ni sur le respect du background de Warhammer, ni sur une intrigue robustement bâtie, comme la lecture des paragraphes précédents vous en auront probablement convaincus. Il n’aurait cependant pas fallu grand-chose à l’auteur, et surtout à ses éditeurs, pour que cette pitrerie assez calamiteuse ne sombre pas dans aussi profondément dans le nanard littéraire (ce qui en fait donc une lecture très distrayante, notez bien) : quelques rectifications sur les noms et histoires des personnages, une relecture critique digne de ce nom pour identifier les manquements béants de la deuxième moitié de la nouvelle en termes de continuité et de logique, et le tour était joué. Au lieu de cela, le lecteur se retrouve plongé dans un univers parallèle qui ressemble à Warhammer Fantasy Battle sans l’être réellement. Et à ce petit jeu là je préfère de loin Blood Bowl à la dimension alternative proposée par Garratt. Bref, faire lire The Hammer of the Stars à un habitué de la BL, c’est un peu comme donner un shot de génépi à un amateur de bière : il/elle reconnaîtra que les deux expériences sont vaguement liées, mais il y a de fortes chances que le choc des cultures soit trop fort pour que le test soit concluant. Je parle d’expérience dans les deux cas.

1 : Et pourtant, il ouvrait grand la porte au retour de Peredur! Comme quoi, il vaut mieux parfois s’appeler Konrad je pense…

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Pulg’s Grand Carnival – S. Ounsley:

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INTRIGUE:

Etant né albinos et doté d’une imposante tache de naissance sur la joue, le jeune Hans décide de quitter son Hazelhof natal, où, de toute évidence, il menait une dure et solitaire vie de paria (la triste réalité sociale de l’hyper-ruralité), pour aller tenter sa chance dans la ville du coin, Krugenheim. Il rencontre sur le chemin un vieil homme à l’agonie, blessé à mort par les bandits l’ayant pris en embuscade et délesté de toutes ses possessions de valeur… à l’exception d’une petite flûte en os, que le vagabond remet à son bon et blanc samaritain en récompense de sa sollicitude, non sans l’avoir charrié au préalable sur sa tronche de porte-bonheur (la triste réalité sociale de la grande marginalité). Cette flûte, apprend-t-il à Hans, possède le pouvoir de donner à qui en joue – même mal, et c’est heureux car notre héros, n’étant pas allé au collège, ignore tout de l’art ancestral de la flûte à bec – un contrôle total sur ses auditeurs, qui obéiront aux ordres que le joueur leur donnera par la pensée. Un tel pouvoir ne venant pas sans de grandes conséquences une batterie limitée, le vioque informe enfin Hans avant de clamser qu’il ne pourra utiliser cette capacité que trois fois par an, sans quoi la flûte perdra tout son pouvoir. Ce qui n’empêchera pas Blanco de cramer une utilisation pour humilier deux charretiers qui l’avaient vanné à son arrivée dans la cité (la triste réalité sociale de l’hyper-urbanité), sans doute pour évacuer la déception de constater que sa vie serait très certainement aussi misérable à Krugenheim qu’à Hazelhof.

Dans son malheur, qui va en s’accroissant car notre héros fait l’erreur de baguenauder dans le quartier chaud de la ville, où il se fait faire les poches par une bande de soûlards sans compassion pour le neo-citadin, Hans a toutefois la chance de croiser la route d’Hannibal Pulg et de sa Wyverne apprivoisée Folderol, alors qu’ils se rendaient à un rendez-vous professionnel dans une taverne de Krugenheim. Pulg exerce le beau et rare métier de directeur de cirque ambulant, et gagne sa vie en présentant son Grand Carnaval de ville en ville. Remarquant rapidement la complexion peu commune de Hans, il lui propose de rejoindre la troupe, ce que ce dernier finit par accepter, la prospective de devenir un freak de cirque lui paraissant plus attractive que toutes les autres alternatives attendant un albinos sans le sou dans une ville impériale. Accompagnant Pulg à son rendez-vous avec l’honorable négociant en crottin Herr Schickelzimmer, Hans ne met pas longtemps à découvrir que son nouveau boss, pour excentrique et beau parleur qu’il soit, n’a pas que des amis à Krugenheim. Son prospect lui tape ainsi un scandale quand il apprend que les excréments que Pulg souhaite lui vendre proviennent d’animaux fantastiques, et non pas d’honnêtes bêtes de trait1, et un notable local du nom de Grunwald essaie de monter la foule contre l’imprésario, lui reprochant entre autres crimes haineux de vouloir répandre du fumier chaotique sur les légumes Krugenheimer. Ce qui mettrait certainement en péril la certification bio de ces derniers.

Pulg's Grand Carnival

Art: John Sibbick

Ayant réussi à calmer le jeu en distribuant quelques tickets gratuits à la cantonade, Pulg ramène Folderol et Hans jusqu’à son QG, où notre héros fait la rencontre du reste de la ménagerie, ainsi que des autres employés de Pulg, la sarcastique Heidi et l’odoriférant Wolfgang. Dès lors, la situation évolue peu entre nos différents personnages, le Grand Carnaval s’efforçant de subsister malgré l’opposition croissante de Grunwald et ses sbires, qui inventent sans cesse de nouveaux stratagèmes pour exproprier Pulg de ses locaux. Bien qu’il apprécie plutôt sa nouvelle vie, Hans se doute bien que la situation va finir par dégénérer, son patron préférant passer ses soirées à se murger à la taverne plutôt que de prendre la mesure du problème. Quant à Heidi, elle révèle à son nouveau collègue d’autres informations peu flatteuses à propos de Pulg, qui a hérité de sa ménagerie de son père adoptif, un puissant sorcier ayant enchanté tous les animaux du cirque au bénéfice de son fils afin de lui permettre de vivre sa vie. Ce fragile équilibre est rompu lors d’une nuit fatidique, pendant laquelle Grunwald envoie la garnison locale de Chevaliers du Loup Blanc appréhender Pulg sur son lieu de détente. Ayant réussi à s’échapper avec Hans, qui lui servait de chaperon et de « chauffeur » sur le dos de Folderol, il revient au bercail à tire d’aile… mais se retrouve confronté aux mêmes templiers, ayant eu le bon sens de diviser leurs effectifs pour maximiser leurs chances de succès.

C’est le moment que choisit Hans pour partir en solo de pipeau, ce qui plonge les chevaliers dans la torpeur, mais brise également l’enchantement de docilité de Folderol, qui rate son test de réaction de monstre et provoque un grand carnage dans l’assistance. Il faudra quelques décharges de tromblon de Pulg, plus pratique que sentimental au final, pour rétablir le calme dans le quartier. Dès lors, tout s’enchaîne rapidement : très intéressé par le pouvoir de la flûte, Pulg parvient à se la faire remettre par Hans, et convainc ce dernier d’abandonner la ménagerie (dont les pensionnaires sont tous devenus sauvages de toute façon2) et Heidi – Wolfgang ayant fini en snack de Wyverne – pour fuir la ville. Le plan n’a cependant pas le temps d’être mis à exécution, les deux fugitifs, habilement déguisés en druides, se faisant cueillir par une patrouille à leur sortie du passage dérobé qu’ils ont emprunté. Heidi, plus attachée à ses pensionnaires qu’elle en donnait l’impression, a en effet passé un marché avec les autorités : permettre l’arrestation de Pulg en échange d’un délai supplémentaire pour quitter Krugenheim avec la ménagerie. La nouvelle se termine ainsi avec un Pulg placé en garde à vue par les Loups Blancs survivants, ce qui ne l’inquiète pas outre mesure grâce à la flûte qu’il a en sa possession, et Heidi et Hans disposant d’une journée pour faire quitter la ville à des bêtes sauvages enragées. Business as usual.

1 : Une des rares occasions où quelqu’un regrette vraiment le bullsh*t de son interlocuteur.
2 : Une preuve irréfutable du degré d’insuportabilité des sons émis par une flûte à bec.

AVIS:

Il flotte sur Pulg’s Grand Carnival une atmosphère joyeuse assez rare dans les œuvres de GW-Fiction, ce qui pourra soit attirer, soit repousser le lecteur, en fonction des ses appétences en la matière. Bien qu’accusant son âge de façon visible, notamment à travers les éléments de « background » qu’elle essaie de vendre au lecteur avec autant de flamboyance et de malhonnêteté intellectuelle que son personnage principal (le snotball ?), cette nouvelle n’est pas la plus désagréable des curiosités littéraires commises par GW Books qu’il nous soit donné de lire, et j’irai même jusqu’à dire qu’elle vaut le détour pour les amateurs de Vieux Monde et de second degré. En fait, nous tenons ici la mère de toutes les nouvelles de Blood Bowl, tant dans l’intrigue (Grunwald étant principalement opposé à Pulg car ce dernier veut investir le stade de snotball local pour y donner des représentations) que dans l’esprit, et si vous êtes fans de cette franchise, vous vous devez sans doute de jeter un œil sur Pulg’s Grand Carnival. De façon générale, cette pincée de légèreté (relative, Ounsley incorporant à son récit quelques éléments plus sombres) dans un monde autrement désespéré, et qui a d’ailleurs fini par en mourir, apporte un contrepoint intéressant et bienvenu à la tendance grimdark de la GW-Fiction. Ounsley n’a jamais plus collaboré avec GW par la suite, mais on peut le remercier pour la vision très personnelle, et distrayante, qu’il a eu du monde de Warhammer.

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The Way of the Witchfinder – B. Craig:

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INTRIGUE:

The Way of the Witchfinder

Art: Gerry Grace

La loi est dure, mais c’est la loi. Voici quelle pourrait être la devise des serviteurs de Solkan, le Dieu de la VENGEANCE !!! (mais de la vengeance légale, ce qui est déjà assez tortueux comme concept), dont le culte est, heureusement ou malheureusement, assez peu répandu dans le Vieux Monde, et donc en Bretonnie, où se déroule notre histoire (quelle surprise pour une nouvelle de Brian Craig !). Élève d’un prêtre vieillissant mais aussi inflexible que le manche à balai qui lui sert d’insigne – il appelle ça le Bâton de la Loi, mais c’est pour se donner un style, vraiment – le jeune Florian est envoyé par ce dernier (Yasus Fiemme) passer son grand oral dans la cité côtière d’Ora Lamae, considérée par Solkan lui-même1 comme le test rêvé (et ça tombe bien, car c’est en rêve qu’il instruit son serviteur) pour révéler du bois dont le novice est fait. Emportant avec lui le manche de rechange de son vieux maître ainsi qu’une amulette de pierre volcanique gravée de la maître-rune de Solkan2. Flo part donc pour son stage de fin d’études, prouver qu’il est lui aussi un vrai dur.

Arrivé sur place, il ne lui faut pas longtemps pour recueillir une masse de témoignages accablant sur les maîtres des lieux, le gouverneur Bayard Solon et sa fille Syrene, dépeinte par les bonnes gens du cru comme une sorcière hédoniste. Bouillant d’une juste fureur sur son matelas (c’est la coutume de Bretonnie pour les prêtres itinérants de recevoir les fidèles ainsi), Florian se prépare à agir, mais doit avant cela répondre à une convocation provenant de la haute cité. Mené par un page jusqu’au donjon d’Ora Lamae, il se présente devant la perfide Syrene, qui essaie de le dévergonder, mais en vain. La confrontation ne donnant rien, l’enchanteresse téléporte Flo jusqu’à sa paillasse, où il se fait cueillir par la milice locale peu de temps après, et jeter dans une oubliette pour sa peine.

Il en faut toutefois plus décourager notre héros, qui, disposant toujours de son fidèle balai en bois d’arbre et de son amulette en pierre de caillou, commence à entonner un chant sacré de Solkan, qui finit par venir à bout de son confinement au bout de trois jours d’efforts. S’en suit une cavalcade héroïque à travers la cité, la vengitude extrême de Florian lui permettant de venir à bout de la garde comme des maléfices tissés par Syrene. Parvenu en haut de la plus haute tour d’Ora Lamae, et alors que la victoire finale et l’ordination de Prêtre de Solkan lui tendent les bras, Florian a toutefois le malheur de se laisser émouvoir par la mine déconfite présentée par son adversaire, qui le supplie de l’épargner. Ce qu’il accepte. Galant, mais intolérable pour Solkan, qui ne tarde pas à faire sentir son déplaisir à sa chochotte de disciple : une vague apparaît à l’horizon3, et se rue sur la cité dépravée. Peut-être est-ce un tsunami divin, peut-être est-ce juste une grande marée (honnêtement, la nouvelle se termine de telle façon que les deux peuvent fonctionner). En tout cas, on peut en conclure que Florian a raté son examen, et je ne pense pas que Solkan fasse passer des repêchages…

1 : C’est l’avantage avec les cultes confidentiel : les contacts avec le big boss sont beaucoup plus fréquents.
2 : Sans nul doute « Ճ ». Après tout, ça se prononce « cheh ».
3 : Vous vous demandez sûrement comment Solkan peut commander à l’océan, qui est le domaine de Manann. Moi aussi.

AVIS:

Un héros envoyé purger une forteresse tombée aux mains de cultistes du Chaos, cela ne vous évoque rien ? Probablement que non. Pourtant, c’est une intrigue que Brian Craig connaît bien, puisqu’elle sous-tend son roman Zaragoz, en plus de cette courte nouvelle, qui a peut-être été pensée comme un premier jet de ce long format. Comme toujours avec cet auteur, le style reste l’intérêt principal d’une lecture de ce The Way of the Witchfinder, dont la progression simple, voire simpliste, et la conclusion servie comme une morale pas vraiment percutante, n’ont pas grand-chose d’intéressantes. On peut toutefois apprécier de voir le culte de Solkan mis au premier plan d’une nouvelle, même de second ordre, le Dieu du Bien Fait Pour Ta Gu*ule n’ayant jamais bénéficié de la couverture médiatique qu’il méritait pourtant pleinement. Une bonne raison pour lui de se venger en détruisant le monde de Warhammer. Vous croyiez vraiment que c’était Archaon ? Ha !

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Lorsque j’avais lu pour la première fois Wolf Riders, il y a de cela quelques années, j’avais été assez déçu de n’y trouver que quelques nouvelles semblables à la production classique de la Black Library, qui constituait alors ma seule référence en termes de GW-Fiction. J’avais toutefois noté que cette minorité (Wolf Riders – sans doute l’une des meilleures nouvelles de Gotrek & Felix publiées –  et No Gold in the Grey Mountains) était d’un très bon niveau, et pouvait se comparer avantageusement avec les meilleurs travaux récents de la BL. Mon avis sur les soumissions de King et Yeovil n’a pas changé, mais le temps écoulé depuis cette première lecture, et les nombreux ouvrages parcourus depuis, m’ont mené à adoucir mon jugement sur le reste de ce recueil.

S’il me parait évident que Wolf Riders surprendra, et parfois de façon négative, celui qui le considérerait comme une anthologie « classique » de nouvelles se déroulant dans le monde de Warhammer Fantasy Battle, le lecteur averti pourra cependant apprécier l’agréable diversité des histoires, atmosphères et partis pris que se partagent ces huit courts formats. En plus de contenir quelques incunables, et pour une bonne partie de son contenu les seules contributions à la GW-Fiction d’auteurs d’un – quoi qu’on puisse penser de leur compréhension et maîtrise du background de WFB – assez bon niveau, Wolf Riders se permet davantage de fantaisies que son prédécesseur (Ignorant Armies), le caractère humoristique, parodique ou satirique des nouvelles The Tilean Rat, The Phantom of Yremy et Pulg’s Grand Festival ne faisant guère de doute. Avec le recul, on peut s’émerveiller du culot de ces auteurs, qui n’ont pas hésité à donner dans le second degré alors que l’univers pour lequel il écrivait n’en était encore qu’à ses balbutiements d’un point de vue littéraire. On peut y voir le traditionnel esprit frondeur britannique, ou un début de rébellion face à l’intransigeance butée des huiles de GW (voir la chronique de Steve Baxter à propos de cette époque héroïque). En tout cas, Wolf Riders reste à mes yeux une lecture des plus valables, mais définitivement dédiée à un public averti. On n’en fait définitivement plus des comme ça.

 

INFERNABULUM! #2

Bonjour à tous et bienvenue dans ce 2ème numéro d’Infernabulum!, la revue critique de nouvelles publiées dans Inferno! en des temps très anciens, et n’ayant pas bénéficié d’une diffusion plus large dans d’autres ouvrages de la Black Library depuis. Cette fois-ci, je vous propose de partir à la découverte de la prose particulière de Brian Craig, d’un presque (vous allez comprendre) inédit de Dan Abnett, et d’une pépite horrifique de C. L. Werner…

Infernabulum!_#2

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The Winter Wind (Inferno! #26) – Craig [WFB] :

INTRIGUE:

WFB_The Winter Wind

Art: Simon Davis

Le petit village de Sezrach, blotti haut dans les hauteurs des Monts du Milieu, est la proie d’un prédateur aussi mystérieux que persistant, venant enlever les enfants de la communauté au plus fort de l’hiver et les emportant au cœur d’un glacier voisin, où ses traces s’arrêtent brutalement. Jeune maire dynamique de Szerach ayant pris la relève de son père, qui, comme ses aïeux avant lui, prenait ces rapts récurrents avec un fatalisme paysan, Heinz von Aist décide de mettre fin à ce fléau quoi qu’il en coûte, pour améliorer la qualité de vie de ses chers administrés. Voyageant jusqu’à la ville de Leiswitz pour rencontrer l’érudit controversé Eric Zemmour Dietmar Fichte, il se fait prescrire des verres correctifs (le gonze est opticien arcanique, c’est très pointu comme spécialité) d’un genre un peu particulier, qui lui permettront de pister le démon des glaces (car c’est bien de cela qu’il s’agit) jusqu’à son repaire souterrain, là où ses seuls yeux se révéleraient insuffisants pour la tâche. Fichte prévient toutefois son visiteur que ces lunettes lui révéleront bien plus que sa proie et ses empreintes, et qu’il pourra s’avérer difficile de les retirer une fois mises.

Il faut toutefois bien plus que la menace de marques de bronzage disgracieuses pour décourager notre héros de mener à bien sa mission, et von Aist réussit, après quelques tentatives peu concluantes, à façonner ces fameux culs de bouteilles selon les caractéristiques fournies par Fichte, en utilisant de la glace extraite du glacier voisin. Grand bien lui en fait, car, peu de temps après, c’est la jeune Gretchen qui disparaît de son lit douillet, forçant notre justicier appareillé à l’action. Emmenant les hommes du village jusqu’à l’entrée du fameux glacier démoniaque, il s’aventure seul dans la galerie des glaces, n’emportant avec lui que son épée et sa lanterne. Sur le chemin vers sa destination finale, ses lunettes 5D (il faut au moins ça pour voir le Warp) lui révèlent tout un paquet de scènes plus ou moins dérangeantes, depuis le classique reflet multiplié à l’infini *2 de lui-même (avec murmures plus défaitistes que maléfiques en option) jusqu’aux armées de thérianthropes courant de droite et de gauche, en passant par des bancs de Channichthyidae peu amènes, et même la 782ème rediffusion de Sur la Terre des Dinosaures (avec la voix off de Zavant Konniger à la place de notre André Dussolier national).

Concentré sur son objectif, Heinz trace cependant sa route et finit par parvenir dans le duplex du rôdeur des glaces, où il trouve Gretchen allongée sur la table du salon en état d’hypothermie sévère. Sommant son ennemi de venir voir de quel bois il se chauffe, notre traqueur a la surprise de voir émerger des ténèbres son jumeau de glace, qui ne se fait pas prier pour engager le combat. Problème pour von Aist, la ressemblance avec son assaillant n’est que superficielle, et ce dernier a apparemment suivi des cours du soir en escrime médiévale sur son temps libre. Résultat des courses, le brave édile de Szerach se trouve rapidement en mauvaise posture, et il a beau rappeler à son assaillant qu’on ne frappe pas les gens à lunettes, ce dernier n’en continue pas moins à molester son visiteur. Une idée bizarre mais efficace traverse cependant l’esprit du héros avant que le pseudo Marcheur Blanc ne l’embroche sur son épée stalactite (ou peut-être stalagmite) : acceptant de se faire désarmer suite à une parade mal négociée à dessein, von Aist met à profit les deux secondes d’incompréhension de son adversaire pour asperger ce dernier d’huile et lui mettre le feu à l’aide de sa lanterne, ce qui a raison du Roi de la Nuit (regrets éternels, Michou).

Le reste n’est qu’une formalité pour Heinz, qui repart au petit trot avec Gretchen sur l’épaule et parvient à retrouver le chemin de la sortie sans trop de difficulté, tout comme il n’a aucun mal à enlever ses lunettes de vue en chemin, malgré les avertissements de Fichte. Célébré comme le héros qu’il est par son village, Heinz von Aist vivra encore de longues années (au moins 5 ans, ce qui est vieux pour le Hochland), traînant avec lui la malédiction du démon qu’il a vaincu, aussi mineure que ce dernier au final : pour le reste de ses jours, il aura très froid aux mains l’hiver. Dur. Plus insidieuse est l’expérience d’une fatalité profonde quant au caractère éphémère de la civilisation que le maire de Szerach développe en sus de ce menu problème. C’était sans doute ça que Fichte voulait dire quand il parlait de lunettes difficiles à enlever… J’ai toujours été nul en prophétie.

AVIS:

Auteur accompli au style reconnaissable entre cent contributeurs de la Black Library, Craig est un incontournable pour qui s’intéresse à la fiction produite par Games Workshop, et, même si son approche détonne largement des canons de la maison d’édition de Nottingham (déjà à l’époque et encore plus aujourd’hui), tout lecteur devrait donner sa chance à la prose de Mr Stableford, et partir à la (re)découverte du monde de Warhammer avec lui comme guide. À la clé, une vision un peu différente du grimdark généralisé qui teinte, voire imbibe, la plupart des publications de la BL, et que j’aurais bien du mal à décrire, sans parler de lui rendre justice, en quelques mots. Pour vous donner malgré tout une idée, je dirais que c’est à la fois différent de, et littérairement supérieur à, l’écrasante majorité des soumissions BL.

Ce Wind of Winter ne fait pas exception, le récit de la quête quasi initiatique de Heinz von Aist dans les glaces éternelles des Monts du Milieu donnant l’occasion à Craig de peindre le Chaos et la menace qu’il représente d’une façon bien particulière, mais loin d’être déplacée. La métaphore des lunettes de glace, qui peut sembler étrange de prime abord, fait passer son message d’une façon visuelle et poétique, et on ne peut douter à la lecture des descriptions hallucinées qui hantent le héros sur le chemin de sa destinée que l’auteur a bien assimilé ce concept fondamental des univers de Games Workshop. Le combat du héros contre sa Némésis peut certes sembler un peu ampoulé dans sa mise en scène (et à raison, le hack & slash n’étant pas du goût de Craig en règle générale), et le rythme de narration, bien long et « mou » pour les habitués de l’action frénétique qui caractérise généralement les œuvres de la BL, mais on aurait à mon avis tort de rejeter d’un bloc le corpus proprement « exotique » rédigé par Brian Craig dans les âges reculés où il prenait les commissions de vendeurs de figurines en métal blanc. Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans…

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Vermilion Level (Inferno! #30) – Abnett [40K] :

INTRIGUE:

40K_Gaunt's Ghosts

Art: Logan Lubera

Goûtant d’un repos bien mérité de quatre jours à Cracia, centre de club Med de la taille d’une cité-ruche sur la planète de Pyrites, Gaunt et ses Fantômes s’occupent comme ils le peuvent, chacun trouvant un moyen original et potentiellement dangereux d’enfreindre les consignes données par les autorités militaires à propos de ce bref interlude dans leur vie de bidasses galactiques. Pour Bragg, Larkin, Varl, Caffran et consorts, cela consiste simplement en une petite excursion buissonnière en dehors du périmètre alloué aux braves permissionnaires, les activités récréatives proposées par les G.O. de Cracia n’étant semble-t-il pas à la hauteur des attentes des Tanith1. Tout ce beau monde est donc parti s’enjailler en zone froide, ou, bizarrement, l’ambiance semble plus chaude qu’à la soirée karaoké de leur hôtel.

Pour Rawne et son âme damnée de Feygor, vite rejoints par l’omniprésent Corbec, l’objectif est de constituer un stock de produits de contrebande à écouler par la suite à leurs camarades contre crédits sonnants et trébuchants. N’ayant pas les moyens de leurs ambitions, nos deux crapules optent pour la manière forte et descendent de sang-froid le parrain local qui leur avait obligeamment mis à disposition les denrées demandées. Comme quoi, on a bien raison de se méfier des émigrants, surtout quand on est un honnête mafieux. Pris en chasse par les gros bras du caïd décédé, le trio parvient à attirer ses poursuivants dans un hangar désaffecté, où leurs talents meurtriers d’experts infiltrateurs jouent à plein et leur permettent de ressortir de cette session d’escape game matinée de laser quest avec un score parfait de 20/20 (gangsters tués/coups tirés).

Gaunt, quant à lui, est arraché de l’enfer mondain que constitue une soirée entre gradés de la Garde par un message urgent et mystérieux transmis par une ancienne connaissance2. Accompagné de son fidèle Milo, coursier et chauffeur à ses heures, et d’un vieux camarade de la Scholam, le Commissaire Blenner, Gaunt débarque dans les bas-fonds de Cracia, et n’a que le temps récupérer un cristal contenant une information ultra confidentielle et potentiellement incriminante pour les plus hauts échelons du commandement de la Croisade de Sabbat, qu’une bande de commandos intente lâchement à sa vie, en plus de réduire son informateur en carpaccio. Il en faut cependant plus pour arrêter Ibra(m), qui réussit sans trop de peine, et avec l’aide de ses complices, à refroidir les ardeurs homicidaires du GIGN local.

Sur le chemin de retour, les rescapés croisent la route de cette vieille baderne de Gilead, huilé comme jamais et bien décidé, à l’aide de quelques-uns de ses braves compaings, à bastonner tous les fantômes sur lesquels ils arriveront à poser le gourdin, en punition d’une offense faite à l’honneur des sourcilleux Blue Blood de Volpone au cours d’une campagne précédente. Déclinant poliment mais fermement cette invitation, Gaunt, Milo et Blenner démarrent sur les chapeaux de roue et atteignent le lieu de la contre soirée régimentaire, où Corbec soigne sa popularité en distribuant largement le butin de ses propres aventures, sous le regard abattu de Rawne et Feygor. Courageaires mais pas témereux, Gilbear et ses nervis décident de passer leur tour, permettant à la petite fête de battre son plein jusqu’au bout de la nuit. Une fois encore, les Fantômes s’en sont sortis, mais Gaunt possède désormais une information qui risque fort de lui attirer quelques puissants ennemis…

 1 : En même temps, quand on doit gérer 500.000 Gardes le temps d’un gros week-end, j’imagine qu’on a d’autres chats à fouetter.

2 : Avec laquelle il a fait les 400 coups sur le monde d’Estragon Prime. Ca ne devait pas manquer de piment.

AVIS:

Il est de notoriété publique que Gaunt et ses ectoplasmes ont commencé leur illustre carrière dans les pages d’Inferno! à la faveur de nouvelles soumises par un tout jeune Dan Abnett, et qui furent plus tard collectées dans le deuxième opus de la série éponyme, Ghostmaker. Ce Vermilion Level est, comme expliqué en introduction du texte, une « victime collatérale » du succès rencontré par les martiales péripéties de l’héroïque Commissaire et de ses sbires, ayant été rédigé par Abnett juste avant que la commande du premier roman en bonne et due forme de la saga par la Black Library1 ne tombe. Conséquence de ce succès d’estime, qui se transformera bientôt en succès d’édition (à l’échelle du Hobby, s’entend), les événements couverts dans les 12 pages de Vermilion Level furent largement recyclés dans l’intrigue de First and Only. On peut toutefois noter une différence majeure, et potentiellement riche en conséquences pour la suite de la saga, entre la version originale et son héritière « romancée », en la personne du grand méchant cherchant désespérément à mettre la main sur le message confisqué par les amis de Gaunt, et remis à ce dernier en désespoir de cause. Alors que c’est le Lord High Militant General Dravere qui endosse la défroque de l’intrigant dans la Vdef, c’est bien Macaroth lui-même qui est soupçonné de pensées séditieuses dans le premier draft, ce qui ouvrait la porte à rien de moins qu’une séquelle de l’Hérésie d’Horus dans le Segmentum Pacificus. A-t-on gagné, ou perdu, au change, le lecteur en sera seul juge.

Ce contexte établi, on trouve en Vermillion Level une petite nouvelle d’action assez bien fichue, et démontrant pleinement le talent d’Abnett dans le « petit périmètre ». En l’espace de 12 pages, notre homme arrive en effet à articuler trois sous-intrigues distinctes de façon complète et convaincante, en utilisant de façon inspirée et appropriée des éléments antérieurs au récit (notamment Gilpanda et ses Cordons Bleus) pour enrichir ce dernier sans perdre le nouveau lecteur, et terminant son propos de façon nette et satisfaisante, en plus de laisser envisager les palpitants lendemains (qui saignent plutôt qu’ils ne chantent, mais c’est comme ça qu’on les aime) attendant Gaunt et Cie. Et quand je dis 12 pages, vous pouvez en retrancher les 3 pages introductives retraçant les derniers instants des vaisseaux impériaux ayant reçu le MMS crypté, contrepoint appréciable à la suite de l’action. Bref, si Abnett n’avait pas déjà validé son ticket de hot new talent avant la sortie de Vermilion Level, nul doute que cette nouvelle lui aurait obtenu le précieux sésame, étant une soumission objectivement supérieure, car plus riche, à ses précédents courts formats. Et, connaissant la suite des événements, on aurait tort de s’en plaindre.

 1 :  Premier roman à plus d’un titre car First and Only a constitué l’une des toutes premières publications de la récemment fondée maison d’édition, en Août 1999. Cela ne nous rajeunit pas.

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A Matter of Evidence (Inferno! #31) – Craig [WFB] :

INTRIGUE:

WFB_A Matter of Evidence

Art: Des Hanley

L’hiver est long et la vie est courte dans le grand Nord de Kislev, et de ces deux constats irréfutables vient peut-être l’attrait que Danila, cousine de la Reine des Glaces en personne et Electrice de la cité de Volkolamsk, éprouve pour les beaux jeunes hommes. Incarnation même de la noblesse guerrière de cette contrée inhospitalière, adulée de ses troupes pour sa bravoure au combat, qui lui a valu une cicatrices d’étoile sous l’œil gauche à la suite d’un accrochage avec une bande de chevaucheurs de loup Gobelins1, Danila a porté son dévolu sur Ivan Skavinsky, un modeste archer de la ville ayant pour particularité de posséder des yeux presque entièrement noirs. Et alors, me demandez-vous ? Et alors, ces yeux de chiot lui permettent de mentir avec aplomb, car ils rendent toute détection de ses bobards quasi-impossible, personne ne pouvant affirmer que la pupille de notre homme grossit ou diminue, signes indéniables de la véracité, ou non, d’un propos.

Les premiers temps de la passion entre nos deux tourtereaux se passent splendidement, mais Ivan commence bientôt à tourner autour d’une autre femme, plus de son âge que cette cougar de Danila. Cette dernière, informée de l’infidélité de son amant, lui laisse toutefois une chance de renoncer à sa folie, en lui faisant jurer sur ses yeux qu’il n’aime qu’elle, ce que le jeune freluquet, un peu trop confiant dans la noirceur de ses quinquets, accepte sans ciller. Arrive ce qui doit arriver, Danila surprend un peu plus tard un regard lourd de sens entre son rigolo de gigolo et une servante du nom de Natasha, et les bâtonnets de carotte sont cuits pour Ivan. Rancunière mais inventive dans sa jalousie, l’Electrice fait arracher les yeux du parjure, avant de les remplacer par des billes de bois qu’elle enchante pour que notre homme ne voit plus qu’elle, jour et nuit (en fait elle a inventé le FaceTime du Vieux Monde).

Ayant appris sa leçon sur les serments un peu trop hâtifs, et se disant sans doute qu’il n’a plus rien à perdre, Ivan décide de passer en mode mari honnête – même s’il n’est qu’un amant, bien sûr – et ne cherche plus à dissimuler la vérité à sa Dominatrice. Cette dernière peut ainsi jouir d’un sursis d’affection avant que l’archer aveugle (très utile à la défense de la ville donc) ne retombe amoureux des doux roucoulements de Natasha, et se permette même de lui balancer un « so what ? (bitch) » lorsqu’il est pris sur le fait. Déçue mais pas surprise, et au-dessus de ces petites mesquineries, Danila se contente de lui faire casser les doigts et arracher les ongles, et jeter en prison jusqu’à la fin de ses jours, où il pourra entendre jacasser les commères qu’elle envoie à dessein raconter les anecdotes croustillantes sur les coucheries de Volkolamsk, les siennes et celles de Natasha en priorité bien entendue. Moralité : mieux vaut garder ses yeux dans ses poches, pour ne pas finir comme tel.

 1 : Ils semblent toujours viser au même endroit, comme peut en témoigner Gotrek.

AVIS:

Brian Craig déroule une histoire d’amour, de jalousie et de vengeance, bâtie sur une caractéristique physique des plus spécifiques (la rétractation pupillaire, rien que ça) dans le monde impitoyable de Warhammer Fantasy Battle. Il aurait pu le faire n’importe où ailleurs que cela aurait marché, son talent de conteur entraînant sans mal le lecteur à sa suite, et pour ma part, j’ai plutôt apprécié ce petit texte à valeur de conte, avertissant des dangers de se faire de ses amis puissants des ennemis l’étant tout autant. On peut toutefois reprocher à ce A Matter of Evidence de ne pas vraiment remplir le cahier des charges d’une publication de la Black Library, l’utilisation du Vieux Monde comme trame d’une histoire d’amour dysfonctionnelle apparaissant comme un détournement, plutôt qualitatif il faut dire, de la mission première du contributeur de la maison d’édition de Nottingham : donner vie et enrichir le background des franchises de GW, sans trop s’éloigner des choses de la guerre qui constituent le cœur du sujet quand on donne dans le wargame. Peut-être ne faut-il donc pas trop s’étonner de constater que cette nouvelle fut la dernière de Brian Craig publiée dans Inferno! (à ce jour), tout comme sa non inclusion dans les recueils et anthologies de la Black Library tombe naturellement sous le sens. Les Liaisons Dangereuses ne s’accordent en effet pas facilement au hack’n’slash et au sword and sorcery, et la BL a choisi son camp depuis longtemps.

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Wind of Change (Inferno! #39) – Werner [WFB] :

INTRIGUE:

WFB_The Wind of CHange

Art: Andrew Hepworth

Partie avec armes (nombreuses) et bagages (portés par ses sous-fifres parce qu’il ne faut pas déconner non plus) dans le grand nord de Naggaroth afin de traquer quelques beaux spécimens de monstres pour la petite animalerie familiale qu’elle tient à Klar Karond, la maîtresse des bêtes Belithi ne se doute pas un instant du danger qui l’attend dans les steppes désolées du… Canada ? du Monde qui Fut. Escortée par ses deux apprentis en instance de diplomation, Tylath le noble méprisant et Malador le roturier méritant, une paire d’Ombres (le vieux Nithrind et l’ambitieux Uneldir) et la présence rassurante de sa Manticore de fonction, la belluaire arrive en vue du petit cabanon de chasse que son aïeul avait fait construire dans la taïga il y a de cela quelques décennies, et toujours habité par le concierge qu’il y avait laissé pour l’entretien des lieux (et qui a passé les derniers siècles à couper du bois au milieu d’une nature hostile sans avoir personne à qui parler : partant, on excusera sa folie manifeste).

Le concierge grabataire a beau prévenir notre héroïne du péril qui la guette si elle s’éternise dans ce bled paumé, ancienne terre de chasse des tribus humaines génocidées par les Druchii à leur arrivée à Naggaroth, il le fait dans des termes tellement grandiloquents, vagues et insolents qu’on ne s’étonnera guère qu’il rencontre rapidement une fin brutale – mais pas tellement prématurée, au vu de son âge – de la main de sa patronne, qui à défaut de parvenir à lui mettre du plomb dans la cervelle, se contente d’esquilles d’os nasaux. Simple et efficace. C’est toutefois le début des emmerdes pour notre bande de chasseurs, qui se retrouve rapidement confrontée à des phénomènes aussi paranormaux qu’inquiétants. Se pourrait-il que le vieux chnoque ait eu raison en les prévenant que la mort rôdait dans les environs ?

AVIS:

Connaissez-vous le mythe du Wendigo ? Cette créature surnaturelle et pas vraiment sympathique, du fait de ses tendances cannibales, peuple le folklore des tribus Amérindiennes, où il fait contrepoint à nos bons vieux loups-garous et vampires.  Souvent représenté comme un humanoïde cadavérique à tête de cerf, le Wendigo appartient également au monde des esprits, ce qui lui permet de jouer des tours pendables à ses victimes, en se matérialisant à leurs côtés sans crier gare, ou en les observant sous une forme éthérée depuis les profondeurs de sa forêt natale. Adaptation atmosphérique et fort réussie de cette légende algonquine dans l’univers de Warhammer Fantasy Battle, ce Wind of Change démontre avec brio que C. L. Werner maîtrise parfaitement les codes de l’horreur littéraire, en confrontant notre petite troupe de citadins blasés à un adversaire aussi insaisissable qu’imaginatif dans ses interventions. Tous les tropes horrifiques sont passés en revue, depuis la bête sauvage ne laissant que des cadavres déchiquetés derrière elle, l’étranger sinistre qui apparaît sans crier gare et disparaît tout aussi vite, les disparitions et apparitions inexplicables, les séparations involontaires, l’enfant maléfique, les psychoses qui finissent par faire oublier aux héros que des dangers bien réels les guettent… N’en jetez plus, il y en aura pour tout le monde ! Le fait que nos protagonistes soient tous d’immondes ordures au cœur noir (comme tous les Elfes Noirs) n’empêche pas le lecteur de les prendre d’empathie, mais ajoute une touche grimadark tout à fait savoureuse à la nouvelle, dont la conclusion fait élégamment le lien entre le mythe « réel » auquel elle se rattache et le lore de WFB. Il est bien dommage que The Wind of Change n’ait pas été republié dans un recueil ou une anthologie par la BL, la qualité de cette soumission la plaçant par les toutes meilleures contributions de C. L. Werner à mon avis. Vous voilà prévenus, en tout cas.

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Voilà qui clôt cette deuxième plongée dans le monde très ancien, mais très passionnant, des fonds de tiroirs grimoires de la Black Library. À la prochaine pour l’exploration d’un nouveau cercle infernal! 

IGNORANT ARMIES [WFB]

Au commencement était le Verbe (selon certains), et le Chaos (selon d’autres). Même si l’amateur de Warhammer Fantasy Battle aurait tendance à se rapprocher de la genèse grecque antique plutôt que  de celle de l’évangile, la bonne réponse dans le cas qui nous intéresse est tout autre. Au commencement du background romancé de WFB était le recueil de nouvelles Ignorant Armies, publié en Octobre 1989 par GW Books. Le début d’une aventure qui se poursuit encore aujourd’hui, bien que ni la maison d’édition, ni les auteurs, ni même la franchise dans laquelle se déroulent les récits de cette première anthologie, ne soient encore des nôtres à ce jour1. Trente ans plus tard, il était sans doute temps de procéder à un petit inventaire, en forme d’hommage, de cet ouvrage fondateur, histoire de ne pas finir aussi ignorants que les osts décrits par Jack Yeovil dans la nouvelle qui a donné son titre à l’opus.

Sommaire Ignorant Armies (WFB)

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Collection de huit nouvelles illustrées (on savait vivre à l’époque) rassemblées par David Pringle en sa qualité de primo-éditeur de Games Workshop, Ignorant Armies explore le Vieux Monde dans sa sombre, et, il faut bien le remarquer, floue, singularité, alternant entre les forêts profondes du cœur de l’Empire et les jardins proprets de Bretonnie, en passant par les classiques donjons en ruines et désolations chaotiques du grand Nord. En ces temps héroïques où le « fameux » (en tout cas, de mon point de vue) BL style était encore à inventer, Pringle dut composer avec un aréopage d’auteurs ayant chacun leur propre style, résultant en un ouvrage protéiforme et hétérogène, à mille lieues des recueils soigneusement formatés – d’un point de vue stylistique, s’entend – qui sont aujourd’hui la norme pour les publications de la Black Library. Telle la bouteille de gnôle du grand-père, oubliée pendant des lustres dans l’obscurité fraîche de la cave familiale, et qui se retrouverait, sans que l’on sache trop comment, parmi les bouteilles de Beaujolais Nouveau au hasard d’une réunion de famille, il y a des chances que la dégustation de ce cru vintage fasse tousser plus d’un lecteur. Comme disent nos amis anglais, spécialistes devant l’éternel des consommations clivantes2, « it’s an acquired taste ». Cela ne doit cependant pas nous détourner de notre devoir de mémoire, et sous réserve que vous ne vous éloigniez pas trop du guide, je vous garantis que l’expérience que vous vous apprêtez à vivre sera, à défaut de plaisante (la maison ne prends pas ce genre d’engagements), au moins sans danger. Au commencement, donc, était le Verbe, le Verbe coloré et fleuri d’un Tueur de Trolls encore glabre et pas encore borgne, et très remonté contre les conducteurs de diligences…

1 : Pour les auteurs, je précise que cela signifie que les sept contributeurs d’Ignorant Armies ne travaillent plus pour la Black Library à ce jour et à ma connaissance (dur à dire avec tous ces noms de plume), et non qu’ils sont tous passés ad patres.

2 : Comment qualifier sinon un peuple qui soutient que la jelly est un dessert ? La jelly quoi. Les monstres.

Ignorant Armies

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Geheimnisnacht – W. King :

Geheimnisnacht

Art: John Sibbick

INTRIGUE:

C’est sur la route, non pas de Memphis, mais de Bogenhafen, que nous faisons la connaissance de nos héros, alors qu’ils viennent de se faire lourder sans ménagement de la diligence qu’ils partageaient avec une dame de bonne société, sans doute du fait d’une remarque peu amène1 de la partie courtaude, rougeaude et édentée de la paire. Au grand désespoir de son longiligne, blond et geignard camarade, très peu emballé par l’idée de faire du stop en pleine forêt à la tombée de la Geheimnisnacht, ou nuit des secrets. Et on le comprend. Ces héros en question, puisqu’il faut bien les présenter, ne sont autres que, vous l’aurez deviné, Gotrek Gurnisson et Felix Jaeger, duo mythique de Warhammer Fantasy Battle s’il en est, qui vécut dans ce Geheimnisnacht sa toute première aventure, sous la plume de William King. C’est donc à la naissance d’une légende que nous assistons ici. Émotion et recueillement.

Très énervé par cette déconvenue, Gotrek pique sa crise et se met à montrer sa hache et brandir ses fesses, ou l’inverse, en direction des sous-bois tous proches, espérant sans doute qu’une harde d’Hommes Bêtes secourables lui envoie un petit champion pour se passer les nerfs. Las, et au grand soulagement de Felix, aucun antropovin ne surgit des fougères, mais le danger peut prendre bien des formes dans ces zones désolées de l’Empire, et c’est un carrosse noir qui déboule bientôt à toute berzingue, et manque de percuter l’irascible Dawi, peu enclin à se laisser doubler. Indemne, mais maculé de boue (ce qui est bon pour la peau mais moins pour l’odeur), Gogo ajoute une nouvelle rancune sur son carnet personnel, et se lance à la poursuite des chauffards invétérés, son commémorateur sur les talons.

Débouchant sur une auberge au détour du chemin, les deux compères résolvent d’y passer la nuit, mais trouvent (assez logiquement) porte close. Après quelques négociations menées de main et hache de maître, les tenanciers acceptent d’ouvrir pour éviter de devoir se payer une nouvelle porte, et laissent entrer nos héros. À l’intérieur, entre deux pintes de bière et commentaires désobligeants, Fotrek et Gelix apprennent de leurs hôtes et compagnons de veillée que la région est la proie d’une funeste malédiction, qui voit les enfants disparaître dans la forêt pendant la Geheimnisnacht et ne jamais reparaître. Et justement, le fils des aubergistes, un dénommé Gunter n’est pas rentré de sa corvée de bois ce soir là, ce qui désole sa vieille maman et chagrine son pingre papa. Au fil de la conversation, l’intérêt du Tueur se retrouve piqué par les rumeurs de cultistes et de démons que les locaux tiennent responsables de ces disparitions, et il décide promptement d’aller trekker jusqu’au Darkstone Ring pour s’enquérir de la véracité de ces racontars. Ayant juré de réaliser un compte-rendu digne de ce nom de la quête de mort de son acolyte, Felix n’a d’autre choix que d’emboîter le pas du berserk, acceptant au passage un talisman en forme de marteau que lui remet la Thénardière, et dont le petit Gunter est censé porter le jumeau.

L’excursion jusqu’au Stonehenge local se passe dans des conditions presque parfaites, seule une mauvaise rencontre sur le chemin avec un mutant un peu trop tactile venant retarder les compagnons. Malheureusement pour le collant quidam, Gotrek est plus full contact que peau à peau, et le faquin finit en deux morceaux dans un buisson quelconque (il aura tout de même l’honneur d’être la première victime homologuée de notre Tueur, ce qui n’est pas rien). Une fois arrivée sur place, la paire rampe dans les hautes herbes jusqu’au fameux cercle de pierres noires, où, effectivement, un rituel artistico-naturo-sado-masochiste2 est en train de se dérouler. Aussi captivés par cette création inédite de la SLAANESH3 que la foule bigarrée et biodiverse qui sert de public à cette représentation très caliente, nos héros voient surgir du fameux carrosse noir un individu portant les cape, masque, poignard et frêle enfançon drogué de rigueur pour le maître de cérémonie qu’il se révèle être.

Se rappelant qu’ils sont dans le camp du Bee-1, Gotrek et Felix se secouent enfin les puces et fondent sur les Slaaneshi comme la vérole sur… les Slaaneshi aussi (y a pas de raison), et font un sanglant massacre dans la partouze libertine. Ça vous apprendra, bande de sales petits frotteurs de pierre. Profitant que tous les yeux, mains, tentacules, et autres corps caverneux soient posés sur le robuste nabot, Felix profite du temps de lag du maître de culte pour lui balancer sa dague en travers du gosier, ce qui suffit pour faire retomber l’ambiance comme le membre d’un milliardaire chinois privé de poudre de corne de rhinocéros. Tandis que Gotrek se relève péniblement du gang-bang brutal dont il a été l’objet (ce qu’il prend à la rigolade, because boys Dwarves don’t cry), Felix s’en va récupérer le poupon droppé par le boss de niveau, qui, coup de chance, a survécu à la chute. Ce qui est moins heureux par contre, est la découverte d’un pendentif en forme de marteau autour du cou de l’un des derviches fouetteurs, ce qui permet de solutionner le mystère de la disparition de Gunter. Les ravages d’une éducation trop stricte, sans aucun doute. Cependant, nos héros n’ont guère le temps de s’attarder sur les lieux, la quête de mort de Gotrek entraînant ce dernier vers de nouvelles aventures, qui se poursuivent encore, trente ans plus tard…

AVIS:

La toute première apparition de Gotrek & Felix, on ne peut guère faire plus iconique que ça. Avec le recul que trois décennies nous apportent, on peut reconnaître que ce Geheimnisnacht, pour simple qu’il soit en matière de construction narrative, est véritablement une oeuvre séminale (et pas seulement parce qu’il met en scène une cérémonie en l’honneur de Slaanesh) pour le background de Warhammer Fantasy Battle, et a sans doute contribué à donner le ton, sombre, caustique et souvent cruel, qui a caractérisé la franchise d’un bout à l’autre de son existence. Si certains éléments de l’histoire peuvent sembler étranges, ou entrer en contradiction, avec les dernières versions du fluff canon de WFB, cette dernière, prise dans son ensemble, reste encore aujourd’hui un jalon littéraire pour l’univers en question, et est sans doute l’oeuvre d’Ignorant Armies qui a la « mieux vieilli ». En une vingtaine de pages, King parvient à planter le décor d’un monde med-fan dangereux et désespéré, où les actions de héros pas vraiment exemplaires (Gotrek est un maniaque suicidaire et ultra-violent, Felix un poète ivrogne piégé par le serment alcoolisé qu’il a prêté) parviennent parfois à contrer les manigances des forces des ténèbres, sans qu’aucune victoire ne soit vraiment éclatante (Gunter, la victime présumée, se révèle être un cultiste). Que se serait-il passé si Bill King n’avait pas eu l’idée en 1989 de donner vie à un Tueur de Troll accompagné de son commémorateur ? Comme la face de notre monde si le nez de Cléopâtre avait été plus court, celle de Warhammer aurait été changée. Si la genèse de cet univers vous intéresse (ce qui est sans doute un peu le cas si vous lisez ces lignes), je vous garantis que la lecture de Geheimnisnacht vaut le détour, a minima pour pouvoir dire « je l’ai fait ». Et en plus, cette nouvelle a été traduite en français4. Aucune excuse, donc

: Il est à noter que la toute première phrase de la toute première nouvelle du tout premier recueil de textes de background romancé publié par Games Workshop (en l’état, via GW Books, l’ancêtre de la Black Library), consiste en Gotrek jurant comme un charretier. Et contre les charretiers. Et les femmes humaines. C’est ce qu’on appelle réussir ses débuts.

: En bref, on a des danseurs presque à poil qui jouent des sagattes en se flagellant à coups de branches de bouleau. De l’art contemporain comme on l’aime.

3 : Société Libertine des Amateurs d’Abjections Nudistes Et Supplices Hédonistes.

4 : Incluse dans l’ouvrage Tueur de Troll, le premier « roman » – en fait un agrégat de nouvelles – de la saga de Gotrek.

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The Reavers & the Dead – C. Davidson :

The Reavers & the Dead

Art: Steven Tappin

INTRIGUE:

Adolescent solitaire et secret, Helmut Kerzer, qui s’amusait innocemment à réanimer des cadavres de campagnols dans une crique isolée de la côte de la mer des Griffes (chacun ses passe-temps), a l’effroi de voir approcher un navire pirate de son village natal. Bien que sachant qu’il est de son devoir de donner l’alerte afin de permettre à ses concitoyens d’évacuer les lieux avant l’arrivée des pillards, notre héros est retenu dans son élan par la peur d’être identifié comme un nécromant par la communauté. Parce qu’apparemment, l’endroit où il pratique son macabre hobby est connu comme « la crique de la nécromancie », ou quelque chose comme ça, et que le simple fait de s’y rendre fait de vous un suppôt (ce qui est toujours mieux qu’un suppo) de Nagash. Soit. Ne pouvant cependant pas décemment laisser le futur crime des flibustiers du terrible Ragnar One-Eye impuni, Helmut se hâte en direction du cimetière local, où il sait que l’attend une entrée vers une ancienne crypte…

À quelques encablures de là, nous faisons la connaissance du borgne et de son équipage, et apprenons que ces derniers sont des militants de Sea Shepherd. C’est en effet suite à la remontée de poissons pourris – sans doute victimes d’une marée noire – dans leurs filets que cette bande de Norses a pris la mer pour aller se venger sur les pêcheurs d’en face, reconnus coupables de ce coup en traître par les chamans chiromanciens de la tribu. On pourrait sérieusement arguer que les augures ont perdu la main (mouahaha), mais les voies divines sont impénétrables, et il n’est pas dit que les pêcheurs ne soient pas des pécheurs. Après tout, il suffit d’accentuer le trait. Bref, nos braves vandales écoutent religieusement la harangue de leur chef, et se mettent en rang pour boire la potion magique que leur a concocté leur druide prêtre en prévision du combat. Ici, pas question de force surhumaine (contre une bande de pisciculteurs, pas besoin), mais plutôt d’une exaltation guerrière exacerbée1.

Pendant que les villageois réalisent enfin que le danger les guette, et sonnent le tocsin – avec des effets mitigés il faut dire2 – Helmut se décide à passer une porte dont le heurtoir est fait d’os, flanquée de colonnes représentant des momies hurlantes, et surmontée de niches où sont recroquevillés des squelettes. Qui l’attend derrière cette macabre façade, me demanderez-vous ? Jarvis Johnson. En fait non, bien plus prosaïquement, c’est une Liche morte de vieillesse – ce qui est à la limite de la faute professionnelle pour un nécromant, tout de même –, ce que notre héros savait déjà car… c’est de notoriété publique dans la région ? Quoi qu’il en soit, sa Splendeur Anonyme (le nom que lui donne l’auteur) accueille chaleureusement celui qui sera son apprenti et héritier, et, après un entretien d’embauche rapidement expédié, commence à transférer ses données dans l’inconscient de Helmut, et lui donne les clés de son logement de fonction. Notre héros, après avoir choisi une robe convenablement ésotérique (+3 en Intelligence parce qu’il y a encore la griffe de composition qui indique bien qu’il faut laver à 30°C avec des couleurs identiques et repasser sur l’envers ; -5 en Endurance car elle est pleine de poussière et que Helmut est allergique) commence à binge mémoriser les incantations du premier grimoire qui lui tombe sous la main, et, la tête bien pleine à défaut d’être bien faite, sort de son antre à la nuit tombée pour se venger des loubards de Ragnar, qui ont entre temps convenablement massacrés la population locale, famille de Helmut comprise.

Arrivé sur les lieux de l’holocauste, notre apprenti liche (apprentiche ?) a tôt fait de réanimer ses anciens voisins et camarades3, et de les faire fondre sur le camp des pillards, qui, malgré la sentinelle et les feux allumés sur la plage, se font surprendre dans les grandes largeurs par les Zombies ninjas de Helmut. S’en suit un massacre à sens unique, duquel on se doute que Ragnar ne réchappe pas (en fait, on n’en a aucune idée, l’auteur n’ayant pas jugé bon de nous tenir au courant du destin de l’antagoniste principal), qui laisse notre héros retourner à ses chères et chair études avec le sentiment du devoir accompli. Encore quelques années, et il aura rétabli la splendeur et le faste de la cour nécromantique que son tuteur squelettique avait établi sur la côte de la Mer des Griffes. C’est tout le mal qu’on lui souhaite, en tout cas.

AVIS:

Le récit que nous livre Charles Davidson, s’il s’avère être factuellement exact (ou, en tout cas, ne pas entrer en conflit frontal avec le fluff établi par ailleurs), diffère fortement des canons habituels de la Black Library, tant par le style que par l’atmosphère instillée par l’auteur à son histoire. Si la singularité du premier n’est somme toute que la marque d’une maturité en termes d’écriture, la seconde aurait gagné à se conformer davantage à l’approche majoritairement grimdark qui caractérise le background romancé de Warhammer Fantasy Battle. Ici, les éléments plus légers, comme un nécromancien de treize ans qui pratique les arts sombres en autodidacte et comme d’autres peuvent se découvrir une passion pour le crochet ou le rempaillage, une Liche paternaliste, ou un chef Maraudeur qui se soulage sur une ruine fumante après un carnage rondement mené, alternent avec les passages plus sombres, comme la tuerie de femmes et d’enfants par nos fripons de pirates. Rien de vraiment rédhibitoire au final, mais une sensation d’étrangeté qui peut intéresser ou rebuter le lecteur, selon ses goûts et attentes.

On pourra cependant s’accorder sur le fait que l’intrigue de ce The Reavers & the Dead est loin d’être claire, Davidson insinuant que la Liche serait responsable de la pollution des eaux Norses, ce qui aurait déclenché la colère de ces derniers et le sac du village de Helmut… et précipité sa venue dans le F3 de sa Splendeur Anonyme ? Hmmmm, un peu capillotracté ce raisonnement, Mr Davidson. De même, la conclusion très anti-climatique du récit (les pirates se font massacrer par les zombies en trois lignes), si elle peut être mise sur le compte d’une approche du med fan moins hack & slash qu’il est de coutume pour WFB, peut laisser le lecteur sur sa faim. Bref, comme dirait le sage : ce n’est pas mauvais, c’est différent. Peut-être un peu trop, justement.

1 : On ne donne pas la recette exacte du breuvage, mais peut-être qu’un mélange un tiers harissa, un tiers tabasco, un tiers Red Bull ferait l’affaire.

2 : J’en veux pour preuve que les pirates réussissent à surprendre un pêcheur en train de repriser ses filets sur la jetée. Il devait être sourd et aveugle – ou alors très, mais très concentré – en plus d’être chauve, c’est pas possible autrement. Ah, ils arrivent aussi à massacrer les femmes et les enfants qui n’avaient pourtant rien d’autre à faire qu’à s’enfuir dans les bois le temps que l’orage passe.

3 : Dont un Julius Fleischer, qui est peut-être le père, le frère, l’oncle ou le cousin par alliance d’Angelika Fleischer ?

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The Other – N. Griffith :

INTRIGUE:

The Other

Art: Jim Burns

Accompagnant son père, le renommé et influent Doktor Franz Hochen jusqu’à Middenheim où il a affaire, Stefan Hochen, notre héros, fait la connaissance d’une mystérieuse baladine alors qu’il patiente1 sur l’un des viaducs d’accès de la cité du Loup Blanc, momentanément embouteillé par le renversement d’une carriole de vin (ce qui est un comble, si on y réfléchit). Cette dernière (la troubadour, pas la barrique de vinasse), ayant appris la médecine en autodidacte, se montre assez peu impressionnée par la manière cavalière dont l’honorable Doktor prend en charge l’accidenté, envoyé jusqu’à l’hospice de Shallya le plus proche par brouette pour cause de non-solvabilité manifeste2. Cette première rencontre, pour brève qu’elle fut, ayant un chouilla chamboulée notre Stefan, qui a embrassé la carrière paternelle par facilité et convénience plutôt que par réel intérêt, il est tout content de retomber sur l’inconnue du périf à l’occasion de sa soirée d’enterrement de vie d’interne en médecine, qu’il passe en compagnie de quelques amis dans la chaude ambiance de la taverne de la Lune Rouge.

La street medic, de son nom Katya Raine et de sa profession joueuse de tam tam (eh, il en faut), régale l’assistance d’une composition de son cru, narrant le destin tragique d’une jeune femme ayant eu le malheur de confondre une pierre de sang, aux propriétés curatives supposées, avec un éclat de malepierre. La caillasse, plongée dans les flammes en préparation d’une concoction miraculeuse, lui péta ainsi à la figure, fichant un fragment de roche chaotique dans le gras du bras de l’apprentie alchimiste. Le corps étranger n’ayant pu être retiré, la pauvresse, d’abord tourmentée par des cauchemars, puis des crises de somnambulisme extrêmes, finit par hériter d’un membre écailleux et griffu, avec lequel elle égorgea toute sa famille lors d’une nuit enfiévrée. Fin. C’est autre chose que Despacito, c’est sûr. Bien que la complainte du racaillou soit accueillie par des tonnerres d’applaudissements par l’assistance, Stefan se fait la réflexion, que, oh comme c’est bizarre, Katya a une écharpe nouée autour du bras, comme son héroïne lorsqu’elle cherchait à cacher son affliction à ses proches. Méfiance, méfiance. Mais béguin tout de même.

De plus en plus épris, Herr Hochen résout de jouer de ses relations (son père est l’autorité qui délivre les permis d’exercer aux médecins impériaux) pour gagner les faveurs de son crush, qu’il stalke avec insistance mais balourdise au cours des jours qui suivent. Furieux et jaloux de constater qu’elle s’est rendue dans la demeure de l’adjointe du Sorcier Suprême de Middenheim (Janna Eberhauer) – l’homophobie est toujours un fléau en 2425 –, il se fait carrément krav maga-er la face par sa chère et (pas si) tendre (que ça) lorsqu’elle se rend compte qu’il l’a prise en filature le lendemain. Cherchant à se faire bien voir, il accepte de l’accompagner alors qu’elle réalise sa tournée de bienfaisance parmi les déshérités de Middenheim, mais la simple vue d’Oliphant Man suffit à lui faire tourner les talons. Stefan Hochen, médecin mais surtout esthète.

Soupçonnant fortement que Katya se soit inspirée de son expérience personnelle pour écrire son tube inter-tavernial, Hochen insiste lourdement pour que la belle lui dévoile le bras qu’elle tient écharpe, en échange d’ingrédients médicinaux qu’elle ne pourra pas obtenir sans son aide, faute de licence. Le chantage à l’aspirine, c’est moche tout de même. Mais en tout cas ça marche. Déception ou soulagement pour le voyeur brachiophile, le biceps de Frau Raine est tout ce qu’il y a de plus banal. S’étant engagé à faire les courses pour sa comparse, notre héros réalise sur le chemin du retour, à la faveur d’un tour de passe passe commenté par une brave commère, qu’il s’est probablement fait rouler dans la farine par Katya. Si elle a placé l’écharpe autour de son bras, c’est pour attirer l’attention sur ce dernier et la détourner d’une autre partie de son anatomie… comme sa jambe, qui semble boiteuse depuis quelques temps. Mind blown.

Déterminé à faire quelque chose, et en tout cas, à vider son sac à une autorité compétente en matière de mutant, Stefan s’en va cafarder auprès de Janna Eberhauer, sans savoir que Katya est également présente (il y avait vraiment une romance à l’oeuvre entre les deux femmes), et qu’elle a demandé à la sorcière de l’aider à retirer l’éclat de malepierre qu’elle a reçu dans la cuisse avant que ce dernier ne lui fasse perdre pied (à tout point de vue). D’abord réticent à l’idée de donner un coup de main – c’est toujours dur d’apprendre qu’on est relégué à la friend zone – Stefan finit par se laisser convaincre, et, aidé par les incantions anesthésiques et purificatrices de Janna, parvient à extraire le grain fâcheux de sa patiente. Réalisant qu’il n’a aucune chance de conclure, mais tout de même beau joueur, il quitte son chevet en laissant la licence qu’il a fait signer par son père ainsi que ses sentiments les plus distingués et sa carte de visite, dans l’attente que Miss Raine, qui a prévu une petite virée au Kislev pour fêter sa rémission, revienne du côté du Middenheim. La persistance, c’est la clé.

AVIS:

On peut mettre au crédit de Nicola Griffith l’écriture de la première nouvelle intégrant une histoire d’amour homosexuelle de l’histoire de la fiction GW, et à celui des éditeurs et valideurs de l’époque (David Pringle et Bryan Ansell, probablement) l’inclusion d’un texte assez subversif à sa manière dans le premier ouvrage publié par GW Books. Ce qui peut sembler franchement banal aujourd’hui – et encore, on peine à voir les sujets de genre émerger dans les publications de la Black Library – l’était beaucoup moins en 1989, même s’il faut à mon avis voir dans cette nouvelle la tolérance d’une équipe éditoriale ne disposant pas d’un réservoir infini de contributeurs de bon niveau à solliciter, plutôt qu’un manifeste assumé pour la tolérance et l’inclusion. Parenthèse close.

Au delà de ces considérations méta-littéraires, The Other se révèle être une nouvelle assez sympathique à lire, présentant le double avantage de faire l’effort de s’intégrer dans l’univers de Warhammer de façon plausible (plus que d’autres soumissions de Ignorant Armies, flirtant parfois avec la parodie de façon un peu trop visible, ou présentant des signes évidents de « saupoudrage de background » afin de lier de façon artificielle le récit à la franchise à laquelle il est sensé appartenir), tout en conservant une originalité forte par rapport au courant hack & slash grimdark (si une telle juxtaposition est tolérée) aujourd’hui omniprésent dans les publications de la Black Library. En choisissant de mettre au même niveau d’importance le triangle amoureux reliant les protagonistes et le sombre secret de son héroïne, Griffith humanise fortement sa nouvelle, et donne la vision d’un Vieux Monde un soupçon moins cruel, méchant et violent qu’on en avait l’habitude. De la à soutenir que le pouvoir de l’amour peut faire obstacle à l’influence corruptrice et mutagène du Chaos, il y a un peu plus qu’un pas à franchir, mais à titre personnel, je dois dire que cette approche moins « tranchante » que d’accoutumée du sujet de la mutation n’a pas été pour me déplaire. En définitive, si vous appréciez l’approche « Craigesque » de Warhammer, je ne peux que vous conseiller de donner sa chance à The Other, qui présente une certaine similitude avec les travaux du grand Brian.

1 : Pour tuer le temps, il se représente les résultats d’infections cutanées particulièrement virulentes et purulentes chez tous les péquenauds qu’il croise. À chacun ses hobbies.

2 : À croire que dans l’Empire, le serment d’Hippocrate commence par « d’abord, ne pas faire crédit ».

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Apprentice Luck – S. Flynn :

Apprentice Luck

Art: Martin McKenna

INTRIGUE:

Assistant du peu commode, ni sobre d’ailleurs, libraire Otto von Stumpf à Middenheim, le jeune Karl Spielbrunner, laissé orphelin et sans ressources par la mort de son père, s’ennuie à mourir dans l’échoppe miteuse dans laquelle il passe ses journées. Rêvant d’une vie plus trépidante, il est exaucé sans le savoir lorsque qu’une commère vient lui vendre un livre de sorts qu’elle a récupéré sur un cadavre au pied de la Falaise des Soupirs (parce que le recyclage de macchabées est une activité tout à fait honorable à Middenheim). Songeant d’abord qu’il a moyen de tirer un petit bénéfice de la revente de l’opuscule à un des antiquaires de la cité, Karl a à peine le temps de parcourir quelques formules magiques de bas niveau1 de son acquisition – découvrant au passage une sorte de carte au trésor dissimulé dans la reliure de l’ouvrage –  que le sorcier qui a pris un Air B&B en face de la boutique débarque et déclare qu’il est à la recherche d’un livre que Von Stumpf & Son a récemment reçu, ou recevra bientôt (la magie, ce n’est pas toujours précis). Sentant qu’il a la possibilité de tirer une somme plus coquette que prévue de l’aventure s’il joue ses cartes dans l’ordre, Karl nie crânement avoir le bouquin en question, ce qui convainc le mage de quitter les lieux en jurant de revenir, mais non sans avoir jeté un regard lourd de sens à notre fripon de héros, en lui intimant de « se souvenir de ceci ». Vivement l’invention du post-it.

Un peu plus tard dans la soirée, ayant aidé son patron bien imbibé à retrouver le chemin de sa paillasse avant de continuer l’étude du mystérieux manuel convoité par Aldore Dumblebus, Karl surprend ce dernier en flagrant délit d’intrusion dans le local commercial en dehors des heures d’ouverture, et, ne donnant pas lourd de ses chances en face d’un authentique sorcier à grand nez (l’espèce la plus dangereuse), décide sagement de s’éclipser par derrière. Là, il tombe sur un mystérieux jeune homme habillé comme le valet de pique (c’est à dire de façon assez classe, mais totalement vieillotte), qui l’enjoint de le suivre pour éviter se prendre un Avada Kedavra dans le buffet. Acceptant la proposition sans trop réfléchir, Karl remarque quelques détails curieux chez son nouveau meilleur ami, comme le fait qu’il semble courir sans toucher le sol, qu’il ne respire pas vraiment, et qu’il utilise systématiquement le nous de majesté. Tout cela n’est définitivement pas très ulricain. Lui aussi très intéressé par l’incunable de Karl, et précisément par la carte qui s’y trouvait, il se fait convaincre par notre roublard de héros de se délester d’une bourse de pièces d’or, et de lui laisser 10% du trésor qui attend d’être collecté au bout du labyrinthe dessiné sur la fameuse carte, s’il accepte de le mener jusqu’à bon port. Ayant appris tous les détails du plan par cœur grâce à sa mémoire eidétique de Space Marine, Karl se fait fort de servir de guide urbain au généreux touriste, qui révèle s’appeller Argo.

Première étape pour nos larrons : accéder aux souterrains de Middenheim, là où se trouve le dédale en question. Ne souhaitant pas emprunter l’entrée officielle et se confronter à la Garde de la Cité, Karl emmène son pote jusque dans les bas-fonds de l’Ostwald, où il sait qu’une taverne possède une cave donnant sur les souterrains en question. Mettant à profit le chill absolu et le talent à l’épée d’Argo, et la brusque poussée de compétences magiques de Karl, qui se révèle tout à fait capable de lancer le sort de confusion survolé dans le grimoire lorsqu’un ruffian tente de lui mettre la main dessus (bien que l’effort se solde par une épistaxis carabinée), les compères descendent dans l’underground middenheimer, où, après avoir repoussé les assauts désorganisés d’une tribu de gobelins nains (des nobelins quoi), avec la même recette imparable que quelques niveaux plus haut (et les mêmes conséquences sanguines pour Coral), ils arrivent à l’entrée du labyrinthe.

Karl n’ayant pas sur-vendu ses capacités mnémoniques, et malgré une saute d’attention qui manque de lui retomber – littéralement – dessus, les aventuriers arrivent dans la salle du trésor, où, bien évidemment, Argo tombe le masque et se révèle être… une créature du chaos nécromantique. Un méchant en tout cas. Entendons-nous sur ceci et continuons. Ayant convoqué le trio de squelettes de fonction que tout boss de fin qui se respecte peut réclamer de la part des RH, le perfide antagoniste menace le pauvre Karl de mille maux s’il ne lui donne pas le mot de passe qui lui permettra d’accéder au butin. Fort heureusement pour Herr Spielbrunner, c’est le moment que choisit le sorcier du début de la nouvelle pour surgir – utilisant le trait de classe ‘un magicien n’est jamais en retard, et fuck la logique’ – et régler la situation d’un cantrip bien senti. S’en suit une nécessaire contextualisation, qui nous apprend que Big Nose est en fait le gentil, et que son apprenti a dérobé la carte à Argo et l’a dissimulé dans son livre de sorts pour empêcher le trésor de tomber entre de mauvaises mains. Malheureusement pour le brave stagiaire thaumaturge, il se fit coincer par le méchant et sa bande avant d’avoir pu regagner Poudlard, et préféra sauter de la Falaise des Soupirs plutôt que de remettre le plan. Voilà qui est corporate. La suite est facile à déduire, et il est révélé au passage que les pouvoirs inexpliqués et sanglants de Karl sont une sorte d’échantillon gratuit insufflé par Marlin le Chanteur à son jeune ami lors de leur première rencontre.

Les explications sont toutefois interrompues par le réveil d’Argo, qui ne pouvait pas décemment finir banni comme le premier goon venu. Le combat qui s’ensuit permet de percer le secret des origines de notre blanc méchant, qui s’avère être un cadavre animé par des milliers de scarabées, comme Karl en fait la découverte lorsqu’un coup d’épée bien placé déclenche une hémorragie de chitine chez sa majesté des élytres. Un sort de strip tease, et un autre de fumigation plus tard, et c’en est fait, cette fois pour de bon, de notre méchant bio-diversifié. La fin de la nouvelle n’est plus qu’une formalité pour la team Poulpesouffre : Karl prononce le mot de passe2, et le mage et son futur apprenti accèdent à la légendaire bibliothèque de Fistoria Spratz, un puissant mage… nain. Fail. Better (Apprentice) luck next time, Sean !

AVIS:

Difficile de déterminer s’il faut blâmer un background pas encore bien en place au moment de l’écriture de cette nouvelle ou un franc dédain de Sean Flynn pour ce dernier (les deux explications sont possibles d’après les témoignages de l’époque), mais force est de reconnaître que cet Apprentice Luck n’est guère fringant d’un point de vue fluffique, comme la lecture du résumé ci-dessus le fait apparaître de façon assez flagrante. Si le lecteur veut se donner la peine et la bonté de passer outre ce détail (qui ajoute au charme un peu suranné de la nouvelle de mon point de vue), il se retrouvera avec un récit d’aventures fantastique d’un classicisme consommé, soit très véridiquement, du sword & sorcery à la sauce Donjons & Dragons sans grande originalité ni valeur ajoutée. Si les critiques de forme peuvent être épargnées à Sean Flynn eut égard aux conditions dans lesquelles fut écrit Ignorant Armies, le fond n’est pas irréprochable non plus, ce qui est bien dommage. Résolvant tous les « points durs » de son intrigue par les tous premiers TGCM de l’histoire de la GW-Fiction, et livrant une intrigue d’une linéarité d’autoroute, Flynn/MacAuley donne l’impression d’un mercenaire littéraire plus intéressé par son chèque que par le respect du matériel original et le souci d’offrir à son lectorat une expérience satisfaisante. Ce qui a été sans doute le cas. Dommage.

1 : Dont un sort de confusion mineur, le fameux ‘Tooween zeyesnid zeuno tooween euguainst zeuno’.

2 : Que l’auteur ne nous révèle pas, ce qui est vraiment petit bras de sa part. Je soupçonne qu’il a simplement oublié d’insérer un set-up digne de ce nom dans son intrigue…

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A Gardener in Parravon – B. Craig :

A Gardener in Parravon

Art: IanMcCaig

INTRIGUE:

Dans la ville de Parravon, réputée dans le Vieux Monde pour ses jardins et ses oiseaux (eh oui), le jeune Armand Carriere, fils de marchands mais peu intéressé par en devenir un lui-même, se passionne pour le mystérieux jardin d’un voisin, qui semble attirer des nombreux oiseaux des environs. La propriété mitoyenne étant ceinturée d’un hallier aussi haut que fourni, notre héros ne peut qu’imaginer ce qui attire la faune ailée de Parravon dans le verger du sieur Gaspard Gruiller – le nom du voisin en question. Ayant remarqué que plus d’oiseaux semblaient s’approcher de l’endroit qu’en repartir, Armand suppute que le jardin abrite quelque espèce de plantes carnivores, comme celles qu’il a découvertes par le biais de ses lectures. Prêt à tout pour lever le mystère, il convainc un jour son ami Philippe Lebel de lui prête main forte afin de grimper sur le toit de la maison familiale, et ainsi bénéficier d’une meilleure vue sur les plates bandes de Monsieur Gruiller. Surpris par ce dernier, il a la surprise d’être convié par le voisin en question à visiter son jardin quelques jours plus tard, et de constater ainsi que ses suppositions étaient fondées. Gruiller entretient bien une espèce très particulière de fleurs, dont les tiges et les lianes capturent les oiseaux qui passent à portée pour s’en nourrir, et dont les fleurs, de fort belle taille, produisent un nectar particulièrement savoureux.

La nuit qui suit cette visite est agitée pour Armand, qui rêve qu’un démon mi-aigle, mi-poulet rôti, vient frapper à sa fenêtre pour l’emmener jusqu’au jardin voisin, afin qu’il puisse se nourrir, en compagnie de la volée chaotique qui butine gaiement dans les bosquets, du substantifique suc des orchidémoniques de ce bon Gruiller, le tout sous le regard attendri d’un démon majeur (mi-autruche mi-dinde rôtie) perché sur un champignon. Les légumes du dîner ne devaient pas être de première fraîcheur, c’est moi qui vous le dit. S’étant ouvert de son rêve à son pote Philippe Le Bel (pas encore Roy de France), Armand se fait convaincre par ce dernier que sa vision n’était justement qu’une vision, sans fondement sérieux. L’argumentation de Philou ne se montre toutefois pas aussi irréfutable que ce dernier le pensait, puisque l’on retrouve le lendemain le corps d’Armand suspendu dans la haie de Gruiller, comme s’il s’était jeté de sa fenêtre en contrebas. Le cadavre présente également de nombreuses lacérations, qui auraient pu être causées par des griffes ou par les épines du hallier, allez savoir. C’en est en tout cas fini de l’histoire d’Armand Carriere, le botaniste bohème, et de celle de Brian Craig, qui aura démontré une fois pour toute que le flower power n’est pas toujours aussi bénin qu’on le croit.

AVIS:

Les débuts de Brian Stableford, ici Brian Craig, dans la GW-Fiction présentent déjà les caractéristiques que l’on retrouvera dans ses contributions suivantes pour GW Books, Boxtree et même la Black Library. Un rythme posé, voire contemplatif (pour ne pas dire lent), une prose à la fois poétique et réfléchie, et la volonté de faire réfléchir ses lecteurs sur les grands principes et concepts sous-tendant l’univers dans lequel il fait évoluer ses personnages. C’est bien simple, le Vieux Monde n’apparaît jamais plus civilisé et raisonnable que sous la plume de Mr Craig, l’homme qui arriverait presque à banaliser les apparitions démoniaques (A Gardener in Parravon, The Winter Wind), et à respectabiliser la profession de Nécromancien (Who Mourns A Necromancer ?). Si cette nouvelle ne s’avère pas la plus réussie de ses soumissions à mes yeux – la faute à une absence de chute1 digne de ce nom – sa lecture s’avère tout aussi agréable que celle des travaux ultérieurs de notre homme. Une mise en bouche des plus satisfaisantes donc2.

1 : À moins que celle, littérale et fatale, d’Armand Carriere soit celle que nous attendions.

: Sache, fidèle lecteur, que je me suis retenu très fort de partir dans l’analyse psychanalytique de cette nouvelle, après m’être rendu compte que le rêve du héros peut être interprété de diverses façons lorsqu’on note que le pistil des fleurs de Gruiller arbore une forme phallique sans aucune équivoque (décrit dans le texte et repris dans l’illustration de la nouvelle). Je n’en dirai pas plus…

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The Star Boat – S. Baxter :

1

Art: Adrian Smith

INTRIGUE:

Alors qu’il buvait1 tranquillement dans une taverne de Norsca au retour d’une campagne victorieuse en Arabie, le farouche Erik the Were – à ne pas confondre avec le fantoche Eric the Woerth, un fameux alpiniste bretonnien – est abordé par un mystérieux étranger, qui souhaite s’attacher les services du lupin, à défaut d’être turlupin, mercenaire. Notre héros est en effet frappé d’une sorte de lycanthropie passive, se manifestant par une pilosité épaisse (ce qui lui a posé quelques problèmes dans son enfance) et la capacité, jamais utilisée à fond par le prudent Erik, de décupler ses forces en laissant libre cours à sa nature animale. Bien qu’ayant initialement refusé l’offre de cet intriguant et coassant mécène, Erik se rend le lendemain dans l’auberge où ce dernier réside, et apprend que Cotza – son nom – le Slann – son espèce – s’est lancé dans la quête d’un légendaire artefact remontant à la chute des portails polaires : un navire céleste (star boat) s’étant écrasé quelque part dans les Désolations du Chaos, à l’époque où elles étaient beaucoup moins désolées. Un peu réticent à l’idée de se mettre au service de Kermit, Erik finit toutefois par succomber aux trésors de persuasion de Cotza, qui l’envoie tout d’abord récupérer la carte indiquant l’emplacement exact de l’épave.

Le temps pour notre taciturne berserker de faire un aller-retour à Erengrad, où le parchemin en question est conservé dans le palais du gouverneur comme souvenir de la Grande Guerre contre le Chaos2, et les véritables préparatifs de l’expédition arctique peuvent commencer. Ayant recruté une petite armée de Nordiques pour l’emmener jusqu’aux côtes des Désolations, Cotza supervise la réalisation d’une sorte de roulotte isolée au mithril/gromril (métal magique réputé pour ses propriétés anti-chaotiques), et dotée de toutes les dernières options technologiques (GPS, climatisation, moteur 12 chevaux – de guerre – …), ce qui permettra à notre intrépide duo de se rendre sans trop de danger jusqu’au vaisseau en question. Le voyage aller se passe en effet sans trop de problème, les assauts d’une bande de Démonettes en maraude ricochant3 sur le blindage renforcé de la Kangoo de Cotza, et l’intrusion d’un Elémental d’air glacial et brutal dans l’habitacle du véhicule, permise par la trop grande porosité du système de ventilation, étant chaudement repoussée par les capacités de chauffagiste d’Erik.

Enfin, le mobil home s’arrête pile au dessus de l’épave, et le Slann et le Norse pénètrent dans le mythique vaisseau céleste. Leur exploration tourne toutefois rapidement court, lorsque Cotza décide de toucher au tableau de bord de ce qui semble être la salle des machines, et provoque des contre-mesures extrêmes de la part du Star Boat. Bilan : un bras arraché pour la grenouille impatiente, et un trou dans le toit de la roulotte tout terrain des aventuriers du pédalo perdu4. Heureusement qu’Erik est là pour ramasser et recoller les morceaux, son enchaînement garrottage + cautérisation du moignon cotzique sauvant la vie de l’amphibien, et son marouflage express de la toiture permettant à la paire d’échapper à une exposition prolongée à l’atmosphère délétère du Grand Nord. Il faut toutefois se résoudre à faire demi-tour sur ce constat d’échec, qui se retrouve agravé par la révélation que Cotza n’est finalement pas un vrai Slann (comme son incapacité à désactiver la protection du vaisseau céleste l’a fait supposer à Erik). La fourbe et veule grenouille s’avère être – tenez-vous bien – un paysan bretonnien, recruté contre son gré dans les armées du Roy Charles et ayant obtenu du mage de bataille servant dans l’ost royal une transmutation en Slann en échange de la remise d’un parchemin arcanique qu’il avait trouvé par hasard pendant un bivouac. Je ne parie que vous ne vous attendiez pas à cela. Moi non, en tout cas.

Le chemin vers la civilisation Norsca n’est pas une partie de plaisir pour Erik, malgré le retour des maraudeuses Slaaneshi, qui ont cette fois pensé à amener un minotaure avec elles, qui vient rapidement à bout du camping-car de Cotza, avant de s’en aller en rigolant bruyamment. L’homme triton ayant sombré dans l’apathie la plus profonde depuis sa mutilation – guère aidé dans sa convalescence par l’apparition d’une tête grotesque à l’extrémité de son moignon – Erik ne perd pas de temps à s’enquérir du bien-être de son commanditaire, et taille la route vers le Sud après s’être bibendum-mé de plaques de mithril. Hanté par des rêves et des visions interdits au moins de 18 ans, notre héros a également la malchance de se faire attaquer par une chimère constituée des chevaux utilisés pour tracter la Kangoo de fonction de Cotza, et de ce dernier (décidément toujours dans les bons coups). Poussé dans ses derniers retranchements par cette monstruosité mutante, Erik décide de laisser l’animal en lui prendre le dessus, ce qui lui permet de sortir victorieux de l’affrontement. Magie des latitudes nordiques, cet ultimate résulte de plus en la séparation de la partie humaine et de la partie lupine du mercenaire, qui revient donc au camp de base guéri de sa malédiction. Qui a dit qu’il ne se passait que des mauvaises choses dans les Désolations du Chaos ?

AVIS:

Récit d’aventures ambitieux par sa longueur (45 pages) et son approche du background de Warhammer Fantasy Battle, The Star Boat est une nouvelle qui mérite vraiment la lecture, même 30 ans après sa publication initiale. Bien que certains passages et détails n’aient pas résisté aux ravages du temps et des retcons du fluff, le choix de Baxter de traiter d’un artefact Slann perdu au milieu des Désolations Nordiques a contribué à « préserver » la pertinence de son propos. Si l’historique de WFB a beaucoup évolué au cours de ses décennies d’existence, la persistance des mythes entourant les Slanns/Anciens et la nature éminemment permissive des terres chaotiques, ou le hors-sujet est un concept inconnu, font de la lecture de The Star Boat une expérience moins étrange que celle d’autres antiques nouvelles, elles totalement et absolument démodées. Après tout, Bill King reprendra l’idée de l’aventure en rover dans le Grand Nord pollué du Vieux Monde dans sa série Gotrek & Felix : l’idée n’était donc pas si farfelue qu’elle peut paraître de prime abord.

Autre aspect de la nouvelle à mettre au crédit de l’auteur, son inventivité en termes d’intrigue. C’est bien simple, on ne sait jamais à quoi s’attendre dans ce périple nordique, ce qui est toujours appréciable pour le lecteur. Alors que d’autres soumissions du recueil Ignorant Armies sont bien plus linéaires et prévisibles dans leur déroulé, soit qu’il s’agisse de respecter un cahier des charges précis (Geheimnisnacht, la « mère » de toutes les nouvelles Gotrek & Felix), soit que l’auteur n’ait pas été très inspiré au moment de prendre la plume (Apprentice Luck, et dans une moindre mesure, The Reavers & the Dead et The Other), The Star Boat est très difficile à prédire, ce qui est une bonne chose !

On notera également que Baxter a bien pris la mesure du monde dans lequel il place son propos, convoquant aussi bien la Norsca que le Kislev, la Lustrie, l’Arabie, la Bretonnie et les Désolations du Chaos, ce qui sous-entend un sérieux effort de documentation de la part de notre homme, et est tout à son honneur.  De la même manière, et de façon plus métaphysique que géographique, le concept du Chaos est bien intégré et illustré dans la nouvelle, comme la fin peu ragoûtante de Cotza, premier (et probablement seul) personnage trans-racial de WFB, le démontre amplement. Cela peut sembler naturel de notre point de vue de lecteur de la Black Library, qui a la chance de pouvoir compter sur des cohortes d’auteurs expert ès-Chaos du fait de leur passif d’hobbyiste, mais en 1989, et comme il le révèle dans la chronique qu’il a consacré aux débuts de la GW-Fiction, Warhammer n’était qu’un univers de fantasy parmi d’autres, et tous les auteurs mis à contribution pour les premiers ouvrages de cette gamme n’ont pas pris le temps de potasser leur Realms of Chaos et Slaves of Darkness pour complaire à Pringle et Ansell. Bref, un texte intéressant à plusieurs chefs, que je conseille sans hésitation ni réserve aux lecteurs intéressés par une plongée dans les profondeurs mythiques de l’Oldhammer. Il y a bien pire, croyez-moi.

1 : Probablement le verre d’eau que tous les restaurateurs et taverniers sont obligés de servir gratuitement à quiconque en fait la demande, car notre homme n’est pas du genre à claquer sa paie en mojitos. 

2 : La nouvelle comporte, du fait de son grand âge, son lot de détails fluff incohérents avec le background canon. L’un d’entre eux est l’affirmation que ce serait le Gouverneur d’Erengrad qui aurait vaincu les armées chaotiques lors de la Grande Guerre contre le Chaos.

3 : Et pourtant, elles disposaient d’une épée tronçonneuse (dixit l’auteur en personne, je n’invente rien). Ah, la magie des cross-over…

4 : Les anciens Slanns n’étaient pas du genre à se contenter d’équiper leurs véhicules d’une simple alarme sonore.

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The Ignorant Armies – J. Yeovil :

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Art: Adrian Smith

INTRIGUE:

Depuis dix ans, date du sac du manoir familial, du massacre de ses occupants et de l’enlèvement de son jeune frère Wolf par le Champion du Chaos Cicatrice (qui s’appelle ainsi à cause de… son strabisme appuyé, évidemment), Johann von Mecklenberg piste la bande de sa Némésis, espérant toujours pouvoir tirer son cadet des griffes du pillard balafré. Accompagné par son taciturne et ironique (on le surnomme l’Homme de Fer) tuteur, Vukotich, le jeune noble a traîné ses guêtres chamarrées et sa crinière de feu – si l’on se fie à la vision de John Blanche de son sujet – d’un bout à l’autre du Vieux Monde, et vécut maintes pittoresques aventures au passage, sans pour autant parvenir à refaire son retard sur l’insaisissable Cicatrice. Jusqu’à maintenant tout du moins.

S’étant arrêtés pour la nuit dans une sombre forêt du nord de Kislev, les chasseurs, après avoir achevé l’un de leurs chevaux qui montrait quelques signes de faiblesse, tendent un piège à un quatuor de mutants peu discrets, envoyés par ‘Tris leur régler leur compte. Comme les 798.841 fois précédentes – en dix ans, on a le temps d’en fomenter des embuscades – Jojo et Vuko s’en sortent haut la main, bien que ce dernier ait perdu quelques points de vie au contact du sang contaminé (un scandale !) de l’homme crapaud qu’il vient de mettre en bouteille. Il en faut toutefois plus pour décourager notre paire de choc, Johann bricolant fissa un brancard de fortune pour permettre à son mentor de passer une convalescence relativement confortable au cul de leur dernier cheval. Que demande le peuple. Ayant appris de la bouche l’orifice facial du meneur des traînards, une ancienne connaissance (Andreas) du manoir des von Mecklenberg ayant abandonné ses études de taxidermie pour devenir Élu du Chaos à la suite de la descente de Cicatrice, que ce dernier se dirigeait vers le Nord et un mystérieux champ de bataille, Johann mène ses suivants (je compte le cheval qui aurait dû s’appeler Tsar – it’s complicated –  parmi ces derniers pour pouvoir user du pluriel) dans la direction indiquée, et finit par déboucher sur une plaine jonchée de cadavres en divers états de décomposition.

Un hameau se dresse, de façon incongrue, au milieu du charnier, qui ne peut être que le champ de bataille auquel le moribond a fait référence. Hêlant les habitants du lieu afin d’obtenir l’hospitalité pour la nuit, Johann fait bientôt la rencontre d’une troupe de lunatiques bigarrés mais très cordiaux, qui acceptent sans trop discuter d’accueillir les deux nouveaux-venus dans leurs cahutes. Le dîner qui s’en suit permet au baron déchu de faire la connaissance du Nain Kleinzack, autorité temporelle de la communauté, et dont le mandat de maire n’est en rien perturbé par l’épée qui le traverse de part en part (blessure de guerre). Ce dernier informe obligeamment ses hôtes qu’ils ont bien atteint le lieu où, chaque nuit, les armées du Chaos s’affrontent pour gagner la faveur des Dieux Sombres. L’endroit est un détour obligé pour les Champions avides de faire leur preuve, et il n’est donc pas étonnant que Cicatrice ait emmené sa bande y passer le weekend. Comme en témoigne le vacarme assourdissant qui s’abat bientôt sur le village, la légende est tout ce qu’il y a de plus fondée, et, si le sommeil ne vient pas facilement à nos héros cette nuit là (en même temps, difficile de faire venir la maréchaussée dans le Pays des Trolls pour faire constater du tapage nocturne), ils s’endorment avec la certitude que leur quête est sur le point de s’achever.

3

Art: Adrian Smith

Le lendemain, Johann et Vukotich accompagnent leurs bienfaiteurs à la surface, où ces derniers s’activent à piller les cadavres et à nettoyer le champ de bataille afin que les combattants du soir puissent s’entre-tuer dans des conditions décentes. Demandant à tout hasard à Kleinzack s’il aurait entendu parler de la bande de Cicatrice, dont les guerriers arborent un éclair rouge à travers le visage, les deux voyageurs ont la surprise d’entendre ce dernier leur proposer de les mener jusqu’au chef de guerre en personne. Et en effet, c’est bien cette vieille badingue de Cicatrice que Johann et Vukotich trouvent à l’agonie sur le pré, bien loin de sa prime et terrifiante jeunesse il faut bien le dire. Avant que la mort ne l’emporte (un suicide plein de classe démontrant que, malgré ses méfaits, notre homme avait le cœur sur, ou en tout cas dans, la main), le vieux Champion révèle à un Johann outré s’être fait cruellement navrer par le plus si innocent que ça Wolf. Ce dernier a en effet repris les rênes de la bande depuis deux ans, reléguant Cicatrice à une pré-retraite honorifique, qui s’est donc finie en eau de boudin.

Une mauvaise nouvelle n’arrivant jamais seule, J&V tombent dans l’embuscade tendue par Kleinzack et ses sbires, que Wolf a payé pour qu’ils leur remettent leurs indéfectibles poursuivants. Malheureusement pour le fourbe nain, son avidité le mènera à sa perte lorsque Johann parvient à se libérer de ses liens alors que le nabot était en train de lui faire les poches. Délesté de son épée au moment de sa capture, Johann se venge en faisant une « Roi Arthur » sur Kleinzack, lui empruntant l’épée qu’il avait en travers du thorax depuis toutes ces années, avec des conséquences fatales pour l’avorton. La nuit étant tombée entre temps, l’affrontement final entre les deux frères peut prendre place, et Johann fait bientôt face à son frangin, qui a acquis la plupart des caractéristiques de son animal totem depuis la dernière fois qu’il se sont vus, il y a dix ans.

Le combat entre les deux von Mecklenberg s’engage donc, tandis que Vukotich corrige les groupies de Wolf à grands coups de hache à l’arrière plan, et, alors que le nouveau chef de guerre semble insensible aux attaques fraternelles, Johann a soudain la bonne idée de viser l’épaule de son adversaire bestial. C’est là que la flèche qu’il avait tirée – comme une patate il faut bien le reconnaître – dix ans plus tôt au cours d’une chasse, avait atteint par erreur Wolf, et contraint ce dernier à retourner au manoir pour se faire soigner, juste au moment où Cicatrice frappait à la porte (pas de chance). Laissée sans traitement pendant une décennie, cette blessure, en tant que seul lien avec son passé « civilisé », constitue le point faible du Champion. Alors qu’il est sur le point de donner le coup de grâce à son frère, Johann est interrompu par le kill-bomb de Vukotich, qui se place sur la trajectoire de la lame et se retrouve prestement embroché. Pourquoi, me demanderez-vous ? Eh bien parce que l’altruiste mentor a un plan pour inverser la malédiction chaotique ayant transformé Wolf, mais doit pour cela donner de sa personne, et de son sang, plus précisément. S’étant littéralement saigné aux quatre veines tout en marmonnant les incantations consacrées, Vuko’ tombe raide mort, le devoir accompli. Décidément, il ne fait pas bon s’appeler Iron Man. Son sacrifice n’est toutefois pas vain, un Wolf frais comme un gardon émergeant de la sorte de chrysalide magique s’étant refermée sur lui suite à ce rituel impromptu, et que Johann a défendue jusqu’à la levée du jour en bon grand frère protecteur qu’il est. Bref, si vous aviez encore besoin d’être convaincu que le don de sang peut sauver des vies, j’espère que vous êtes maintenant convaincus !

Ignorant Armies - 1

Art: John Blanche

AVIS:

Depuis son titre, d’une classe folle1 et d’un warhammerisme consommé (la véritable nature du Chaos n’apparaît pas à ceux qui se battent en son nom jusqu’à ce qu’il soit trop tard), jusqu’à sa conclusion heureuse-même-si-on-pourrait-arguer-qu-elle-n-est-pas-valide-d-un-point-de-vue-fluffique, The Ignorant Armies est une démonstration de ce qu’une nouvelle WFB devrait être. La quête décennale de Johann et de Vukotich à travers le Vieux Monde, sur les traces de l’insaisissable Cicatrice et sa bande de maraudeurs chaotiques, permet à Yeovil d’aborder tous les grands thèmes de l’univers de Warhammer : l’opposition/complémentarité entre l’ordre et le Chaos (depuis les ravages infligés par Cicatrice à l’Empire, dont il était un des défenseurs autrefois2, jusqu’au village du champ de bataille, « symbiote civilisé » opérant de concert avec l’anarchie de la mêlée perpétuelle qui sévit à sa porte), le grimdark héroïque3 (le cheval qu’on présente en détail avant de l’achever, faisant écho avec le sacrifice ultime de Vukotich à la fin de la nouvelle), l’étrangeté inquiétante et démente de l’univers (à peu près tous les habitants du village, avec des mentions spéciales attribuées à Kleinzack l’embroché et Mischa le polythéiste), sans oublier la nature proprement inhumaine et traître du Chaos, qui finit toujours par se retourner contre ses serviteurs. La description du terrible Cicatrice en vieillard défiguré par les mutations et laissé à l’agonie sur le champ de bataille est très intéressante de ce point de vue, mais l’accrochage avec Andreas en début de nouvelle tombe tout aussi juste.

En plus de faire carton plein sur le fond, Yeovil régale sur la forme, démontrant avec style et brio sa maîtrise de la nouvelle d’aventures. Son usage intelligent de flashbacks en début de récit donne l’impression au lecteur d’évoluer dans un roman de trois cents pages plutôt que dans une nouvelle de cinquante, en plus de donner une profondeur certaine à la traque de Johann et de son mentor. Plutôt à l’aise dans la mise en scène de combats, une composante essentielle du genre, dont il faut savoir user sans en abuser, Jack Yeovil donne au lecteur ce qu’il est en droit d’attendre à ce niveau, mais ce sont bien dans les scènes plus « calmes », qu’il s’agisse de descriptions ou de dialogues, que les talents de conteur de notre homme se révèlent les plus prenants et efficaces.

Lire cette nouvelle, c’est toucher au cœur battant, à la fois pourri et grandiose, du fluff de Warhammer Fantasy Battle, et s’il n’y avait qu’un texte de GW-Fiction à recommander au nouveau-venu désireux de prendre la mesure de cet univers si particulier, The Ignorant Armies serait probablement mon choix.

: Comme l’indiquent les trois vers placés par l’auteur au début de la nouvelle, cette dernière a également été inspirée par le poème ‘Dover Beach’ de Matthew Arnold (1867).

2 : Décidément, Archaon n’a rien inventé.

3 : La notion que les « gentils » ne peuvent triompher sans consentir à de lourds sacrifices, alors que les « méchants » arrivent généralement facilement à leurs fins.

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The Laughter of the Dark Gods – W. King:

4

Art: Bob Naismith

INTRIGUE:

Chassé de ses terres par les manigances de sa famille, le noble Kurt von Diehl, accompagné d’un Kislevite chétif nommé Oleg Zaharoff, s’enfonce dans les Désolations du Chaos à la recherche de la puissance nécessaire pour reconquérir son fief. Ayant délesté un guerrier du Chaos malchanceux de ses armes et armures sur la route du trône de Khorne, Kurt progresse chaque jour plus au Nord, combattant les bandes rivales et attirant de nouveaux suivants1 à sa bannière, tandis que les dons du Dieu du Sang remodèlent sa chair selon le bon plaisir de ce dernier. Bien que sortant vainqueur de tous les défis et toutes les batailles croisant sa route, Kurt constate, entre deux crises de démence homicidaire, qu’il est lentement mais sûrement en train de perdre la boule, alors que les souvenirs de sa vie précédente s’effacent les uns après les autres.

La fin arrive lorsque, arrivé à hauteur d’un carrefour à sens giratoire (tout est possible dans les Désolations du Chaos), Kurt s’engueule avec le général de l’ost dans lequel lui et ses serviteurs ont été assimilés. Entre Khorneux, la discussion débouche rapidement sur un affrontement en bonne et due forme, pendant lequel, malgré la puissance apportée par son arbalète laser (lootée sur un Wookie de Khorne – tout est possible dans…) et les pouvoirs régénérants de la grande bannière sur laquelle il parvient à mettre la griffe, Kurt finit tout de même par passer l’arme à gauche. Petite consolation, ou ultime déchéance, le méritant Kurt reçoit une dédicace de Big K. avant de mourir de sa belle mort, son enveloppe charnelle explosant pour donner naissance à un démon. Et paf, ça fait des Chocapics un Buveur de Sang. Ou une Gargouille, ce qui serait moins la classe. Tout est possible… En tout cas, ça fait bien rire ce crâneur de Khorne, pépouze sur son trône. Thank you, next.

AVIS:

Si vous vous demandiez ce à quoi s’occupent les champions, aspirants, et autres stagiaires des Dieux Sombres lorsqu’ils prennent la route du pôle, The Laughter of Dark Gods est la nouvelle parfaite pour vous. Si l’histoire narrée par King n’est pas des plus originales, elle a le mérite de décrire de façon imagée, dérangeante et éminemment sanguinolente la déchéance/ascension (ça dépend du point de vue que l’on prend) d’un guerrier ayant vendu, mis en gage ou prêté pour deux minutes – ce qui revient au même – son âme aux Dieux Sombres. Arrivé dans les Désolations du Chaos avec un projet clair, un fidèle camarade et une apparence que l’on suppose être normale, Kurt von Diehl2 finit son parcours avec des idées très embrouillées, un Skaven de compagnie et la flexibilité plastique d’un Mr Patate démoniaque. Tel est le destin des fous qui succombent aux promesses impies des Fab Four, et si cela va sans doute sans dire pour les lecteurs aguerris de la BL et les hobbyistes vétérans, il faut bien réaliser qu’au moment où King a soumis sa nouvelle, le sujet n’avait simplement pas été couvert du tout dans des textes de fiction.

The Laughter of Dark Gods est donc la pierre fondatrice sur lequel s’est élevé le cairn du corpus chaotique, et, devrait être en conséquence une des premières lectures que le nouveau venu dans les mondes « merveilleux » de GW devrait s’enquiller. Même si ce ne sera pas souvent le cas – pas facile de mettre la main sur une nouvelle publiée en 1989 – ce texte mérite le détour, ne serait-ce que parce qu’il a véritablement réussi à passer à la postérité, et conserve, trente après son écriture, toute sa pertinence et son intérêt. Combien peuvent s’en targuer ? S’il y avait un GW-Fiction Wall of Fame, nul doute que The Laughter… y figurerait en bonne place. Et ça, ça se respecte.

: Parmi lesquels on compte le Prince Deiter le Stable (ou the Unchanging en VO), un aristocrate maniéré mais mortel à l’épée – comme Kurt en fera l’expérience – parlant en vieux françois et rejoignant les rangs des groupies de Kurt Khorben après un millénaire à tergiverser en périphérie des Désolations. Comme quoi, on peut être Deiter et pas déter’. Tout est possible dans les Désolations.

2 : Un descendant de la lignée maudite des von Diehl, dont on croisera d’autres représentants dans une aventure de Gotrek & Felix (du même Bill King), ‘Wolf Riders’.

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Alors, trente ans après, quel jugement porter, et que retirer de ce tout premier recueil de nouvelles made in Games Workshop ? Comme vous pouviez l’imaginer, plusieurs de ces soumissions présentent un caractère suranné, pour ne pas dire daté, qui, s’il peut parfois avoir un certain charme, peut également s’avérer d’une lecture difficile. Les canons narratifs de la BL étant très différents de ceux de son illustre aîné, l’expérience pourrait dérouter le novice. Bien évidemment, le fait que David Pringle ait eu le luxe de mettre à contribution des auteurs confirmés, ayant pour beaucoup développé un style et une approche de la Fantasy propres, et pas forcément en ligne avec les desiderata de la maison mère, explique ce dépaysement. Comme la – relative – rareté de cet opus viendra empêcher qu’il tombe entre les mains de tous les lecteurs, et que ces derniers l’auront très probablement choisi en connaissance de cause, je ne considère pas cette étrangeté comme rédhibitoire, en tout cas pas quand elle se double d’une réflexion et/ou d’un effort d’écriture manifeste. Il est cependant des nouvelles pour lesquelles on comprend en quelques pages que leur auteur s’était mis en stylo automatique, et pour lesquelles on n’aura donc aucune pitié dans l’appréciation. Déjà à l’époque, le cachetonnage pour raisons alimentaires existait, comme l’article de Steve Baxter (un des auteurs dont je pense qu’il a vraiment joué le jeu, à l’inverse) le souligne bien. Cela n’a pas empêché tous les contributeurs de cette anthologie d’avoir fait carrière en tant qu’écrivain – tant mieux pour eux – et il est assez drôle de constater que, si King est probablement l’auteur dont le nom aura le plus de chances d’être familier aux habitués de la BL, sa reconnaissance par le « grand public » de la littérature de genre est au contraire beaucoup plus faible que celle de ses petits camarades (à la niche, le Bill !).

La querelle des Anciens contre les Modernes évoquée et vidée, on peut reconnaître à Ignorant Armies des textes de qualité, si on les compare aux standards actuels de la Black Library. Bien sûr, Geheimnisnacht et The Laughter of the Dark Gods en font partie, ce qui n’est guère étonnant car on peut leur attribuer – en partie – la paternité du « BL-style ». The Star Boat  et Ignorant Armies, les deux nouvelles majeures (en termes de longueur) du recueil, méritent également une lecture, leurs auteurs ayant bien réussi à capter l’atmosphère de Warhammer dans leurs écrits, en plus de proposer des intrigues intéressantes. The Other et A Gardener in Parravon constituent des expériences assez agréables, même si pas transcendantes, et permettent d’appréhender une Fantasy très différente de celle qui finira par faire école chez Games Workshop. Il n’y a guère que The Reavers & the Dead et Apprentice Luck qui, à mon humble avis, ne s’avèrent pas très intéressantes à lire (facteur mon-dieu-ça-ne-ressemble-à-rien-de-ce-que-j-ai-pu-lire-avant évacué).

Autre point notable, et qui dénote du souci de GW de bien-faire, les illustrations pleine page dont le recueil bénéficie (au moins sous son édition GW Books) sont un plus très appréciables. Là aussi, on se retrouve parfois face à des visions d’artistes pas vraiment warhammeresque dans l’esprit et avec le recul (ma préférée restant celle de Geheimnisnacht, avec un Gotrek imberbe et baveur), mais pour certaines de remarquable qualité, et qui agrémentent agréablement la lecture.

Bref, le bilan est plutôt positif pour cette vieillerie (terme affectueusement utilisé ici, l’auteur de ces lignes étant quasiment aussi ancien que l’ouvrage qu’il chronique), que je place certainement dans le top 5 des meilleurs recueils de nouvelles WFB publiés par GW depuis l’origine. Il sera intéressant de comparer les qualités et lacunes d’Ignorant Armies avec celles de ses « frères et sœurs » de rayonnage (Wolf Riders, Red Thirst, et Deathwing), quand cela nous sera possible. D’ici là, bonnes lectures à tous, et à bientôt pour de nouvelles aventures !