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GODS & MORTALS [AoS]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue de Gods & Mortals, anthologie de nouvelles Age of Sigmar publiée par la Black Library en l’an de grâce 2019. Premier recueil de courts formats de l’ère « moderne » d’AoS1, ce copieux pavé de 512 pages regroupe pas moins de 18 nouvelles, ce qui en fait l’ouvrage le plus imposant de sa catégorie, à ce stade. Il fallait au moins cela pour tenter de livrer une synthèse un tant soit peu complète des nouvelles sorties entre 2016 et 2018 et prenant place dans les riants et primesautiers Royaumes Mortels.

Gods & Mortals

C’est qu’il s’en est passé des choses en l’espace de trois années, aussi bien dans qu’autour cette franchise de la GW-Fiction. Ainsi, si Josh Reynolds et David Guymer se taillent la part du lion parmi les contributeurs convoqués, avec quatre histoires chacun à leur crédit, il s’agissait pour le premier d’un chant du cygne2, alors que le second continue à l’heure actuelle sa collaboration avec la Black Library. Du côté des personnages mis en scène dans ce florilège de nouvelles, on découvre ou retrouve beaucoup de têtes de figure d’Age of Sigmar, tels que Hamilcar (présent dans 100% des soumissions de son créateur, David Guymer), Neferata, Neave Blacktalon, Callis & Toll et Esselt & Talorcan. Si certains d’entre eux ont réussi à inscrire leur nom au Panthéon des héros des Royaumes Mortels, d’autres n’ont pas eu cette chance et sont rapidement retombés dans l’oubli. La concurrence est rude…

A l’heure où d’autres auteurs (Richard Strachan, Dale Lucas, Anna Stephens…) et d’autres personnages (Drekki Flynt, Cado Ezechiar…) sont déjà venus remiser les travaux de Gods & Mortals dans le passé, certes récent, des Royaumes Mortels, l’heure est opportune pour donner à cette anthologie que l’on peut qualifier de classique le long and hard look que les anglo-saxons réservent aux choses qui méritent un jugement digne de ce nom.

1 : Qui peut se reconnaître grâce au modèle « binaire » utilisé pour les titres d’anthologies (‘Gods & Mortals’, ‘Myths & Revenants’, ‘Oaths & Conquests’, ‘Lords & Tyrants’…).
2 : Après un hiatus de quelques mois, Reynolds annoncera sa décision de cesser de travailler pour la BL en Mai 2020.

Gods & Mortals

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Force of Personality – D. Guymer:

INTRIGUE:

Force of PersonalityLa guerre opposant Sigmar aux Fab4 fait toujours rage dans les Royaumes Mortels, et les champs de bataille sur lesquels s’illustrer ne manquent pas pour les Stormcast Eternals. Certains sortent cependant franchement du lot, et c’est une remarque qui s’applique aux deux catégories précédemment citées. C’est ainsi qu’on retrouve le Lord Castellant Hamilcar Bear Eater en position de conseiller stratégique dans la ville flottante de Nemisuvik, assiégée par la flotte du redoutable Capitaine Blackjaw depuis de longs mois. Une affectation que notre grandiloquent héros n’apprécie guère à cause du choix de l’ennemi de bombarder la cité à distance respectable, ce qui rend impossible l’honnête confrontation d’homme à homme qu’Hamilcar considère comme la forme la plus civilisée du combat. De leur côté, les Nemisuvikois prennent les événements avec une décontraction et une résilience impressionnantes, heureux de passer le temps en regardant leur allié surhumain insulter les Khorneux depuis les remparts de la ville.

Les choses se décantent toutefois lorsque Hamilcar est témoin d’une émeute opposant une foule en colère à quelques gardes entourant ce qui ne semblait être à première vue qu’un bassin de plus dans cette cité portuaire maritime1. Les mécontents semblent réclamer la présence d’un certain Roi Gris, qui ne tarde pas à apparaître dans notre histoire après qu’une manifestante ait réussi à déjouer l’attention du service d’ordre et à plonger dans la cuvette. Elle a ainsi l’honneur de se faire ramasser par un immense tentacule, qui la jette dans une non moins immense gueule, celle du Roi Gris en question, ou Angujakkak pour les locaux, comme un notable de Nemisuvik l’explique ensuite à Hamilcar autour d’une soupe de poisson. A la fois protecteur et prisonnier de la cité flottante, le Roi Gris grandit lentement sous cette dernière jusqu’à atteindre la taille et la force nécessaires pour déchirer les filets qui l’emprisonnent, et finalement partir faire sa vie dans l’océan ghurite, non sans avoir laissé un œuf derrière lui pour que le cycle se perpétue. Les gilets jaunes de Nemisuvik essayaient donc d’accélérer le processus en sortant Angujakkak de sa léthargie grâce à un bon gueuleton, afin qu’il aille couler la flotte de Blackjaw avant que cette dernière n’ait rasé la cité. Un plan que ce bon Hamilcar trouve absolument génial, mais qui est fermement refusé par le conseil des anciens de Nemisuvik, car Jak n’a pas encore pondu de mini-lui2. S’il part maintenant, qui prendra sa place ?

Et la réponse sera au final : Sigmar. Pas littéralement, bien sûr (encore que, pour ce qu’il fait en ce moment pour aider l’effort de guerre dans les Royaumes Mortels, il pourrait barboter dans une piscine d’eau de mer sur le littoral de Ghur), mais philosophiquement. Suite à un strike chanceux d’une catapulte chaotique ayant envoyé Hamilcar et quelques défenseurs de Nemisuvik à la flotte, le Roi Gris décide enfin de se secouer les écailles et d’aller se servir dans les eaux très poissonneuses qui baignent la cité. Hamilcar se convainc tout seul que c’est son impayable personne qui est responsable de ce petit miracle, son combat acharné contre les multiples bestioles ayant tenté de le becqueter alors qu’il faisait de la brasse coulée ayant été sanglant, mais la vérité restera probablement un mystère. Toujours est-il qu’Angujakkak est de sortie, et que la flotte de Blackjaw n’était pas prête pour cette attaque de bête zodiacale. Les navires chaotiques sont réduits en allumettes les uns après les autres par les tentacules musclés du Roi Gris, en plus de servir de trompe de mûmak pour un Hamilcar qui passe en mode Legolas une fois sorti de sa trempette, et finit par arriver sur le pont du navire amiral de sa Némésis. Cette dernière étant visiblement plus à l’aise au tir qu’au corps à corps (shocking je sais, même Hamilcar n’en revient pas), le rideau tombe sur cette nouvelle avant même que ce duel déséquilibré ne soit conclu. Et c’est ainsi que Nemisuvik a banni à jamais le maintien en captivité de grands animaux marins, deux ans après Marineland. Une pratique barbare qui n’avait plus lieu d’être dans une époque aussi avancée que l’Âge de Sigmar, bien évidemment…

1 : Car les habitants de Nemisuvik ne maîtrisent pas l’art de la construction navale, ce qui explique aussi pourquoi ce siège prend aussi longtemps.
2 : Comment une bande d’Inuits hippies ne maîtrisant pas la technologie du kayak est capable d’asséner de grandes vérités sur la reproduction des poulpes géants me dépasse.

AVIS:

David Guymer nous donne une nouvelle de Hamilcar à son plus drôle avec ‘Force of Personality’, qui peut donc logiquement concourir pour le titre de meilleure entrée de cette saga haute en couleur, et mérite donc d’être lu par tous ceux qui souhaitent vivre l’Hamilcar experience dans des conditions idéales. En auteur vétéran et maître de l’exercice délicat de l’écriture comique, Guymer s’applique à faire de chaque élément de cette histoire autrement très classique une source d’amusement pour le lecteur, la palme revenant sans doute aux dialogues riches en one liners percutants et aux commentaires en aparté que Hamilcar distille à son auditoire alors qu’il narre ses invraisemblables exploits.

De plus, tout le monde agit stupidement dans cette histoire, depuis la flotte de Blackjaw qui n’arrive pas à toucher un éléphant dans un couloir avec ses catapultes mais s’obstine à bombarder Nemisuvik pendant des mois plutôt que de l’attaquer, jusqu’aux habitants de la cité qui préfèrent attendre que leur mascotte finisse de grandir plutôt que de hâter un peu les événements, et même jusqu’à Sigmar qui envoie le pire choix possible parmi ses Stormcast Eternals pour renforcer une ville soumise à un barrage d’artillerie. Comme il est clair que Guymer ne se prend pas du tout au sérieux, le résultat final n’est pas grotesque (ce qu’il aurait été si l’histoire avait été racontée au premier degré) mais ajoute à la folie ambiante de ce mélange entre un épisode d’American Dad et un rapport de bataille de ManoWar à la sauce Age of Sigmar. Très sympathique, si vous aussi vous aimez quand la BL sort de son paradigme grimdark de temps à autres.

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Pilgrim’s Trial – R. MacNiven:

INTRIGUE:

Vanik, aussi appelé le Pèlerin Noir (ça sonne mieux en anglais), est un seigneur de guerre chaotique poursuivant le rêve de toute une faction : rejoindre la Varanguard pour approcher le GOAT Archaon. Une telle position se mérite cependant (beaucoup d’Elus, mais peu d’appelés…), et ce n’est pas avec un CV aussi famélique que le sien que Vanik a la moindre chance de réussir son casting : notre héros doit en effet se contenter d’une modeste bande d’une vingtaine de chevaliers du chaos (la Fraternité de Fer) pour toute armée, ainsi que d’un écuyer froussard (Modred) et d’une épée qui coupe. Bien décidé à améliorer son inventaire afin de devenir un redouté Bling King, Vanik entraîne son monde jusqu’en Aqshy, et plus précisément à l’orée du Bois de Braises (Cinderwood), où il a le sentiment que, je cite, sa destinée l’attend. Sa destinée a du coup un point commun avec la Fraternité, qu’il laisse sur le parking de la forêt avec le cadavre de sa monture, sacrifiée pour des raisons aussi brumeuses que la visibilité locale (normal pour une forêt qui passe son temps à brûler, vous me direz). Il est en effet capital qu’il entreprenne la quête qui va suivre seul, et également en moins d’une journée (mais pourquoi, mystère) : s’il n’est pas revenu au premier champ du c(ha)oq, ses braves guerriers ont ordre d’aller porter la nouvelle de sa mort tragique, ou de son égarement gênant, à sa sœur Jevcha, Reine de Guerre de son état. Elle lui donnera un enterrement digne de ce nom, ou viendra le ramener à la maison, selon la situation.

Nous suivons donc Vanik alors qu’il explore le Bois des Braises à la recherche de quelque chose, ou de quelqu’un. Cette quête est entrecoupée par des passages narrés en italiques par un personnage qui semble flotter à quelques mètres de l’aspirant garde du corps sans que ce dernier s’en aperçoive, et qui se matérialise lentement grâce à la puissante émanation de… quête qui entoure Vanik. Ses vues sur ce dernier sont ambivalentes, pour dire le moins, mais c’est un problème que le Peignoir Nain devra gérer un peu plus tard, occupé qu’il est à défendre son intégrité physique contre la faune bigarrée qui hante la forêt. D’abord un Chien de Khorne à collerette verte (original), du nom de Korhel1, auquel il n’arrive pas à apprendre à donner la papatte en dépit de ses meilleurs efforts – qui consistent à lui balancer des grands coups d’épée dans la truffe, ceci dit. Ensuite à un duo de Chasseurs de Kurnoth équipés d’arcs, ayant mis en déroute le pauvre cabot avant de flécher la sortie à ce mortel égaré dans leur réserve naturelle. Ayant la vue très basse pour un champion du Chaos (ou ayant mis son heaume à l’envers ce matin-là), Vanik opte pour une fuite éperdue à travers les arbres, mais finit par se faire rattraper par les intraitables Sylvaneth, qui lui mettent une solide raclée au corps à corps et menacent d’interrompre brutalement sa quête de gloire. Ça commence à sentir le sapin…

Début spoiler…Heureusement, la cavalerie finit par arriver. Ou plutôt, la monture démoniaque finit par se matérialiser. Car c’était bien ça qui zieutait sans gêne le Pèlerin quelques pages plus tôt. Baptisée Tzatzo, la cavale infernale triomphe là où son (futur) maître avait échoué – un grand classique des wargames – et réduit les Kurnothi en granulés de biomasse en quelques secondes, un chouilla aidée par cet assisté de Vanik. C’est évidemment le début d’une grande amitié entre ces deux êtres que tout oppose, et la nouvelle se termine sur le retour triomphal de notre héros au camp de base de la Fraternité de Fer, et l’annonce de la nouvelle et dernière étape de sa classe quête préparatoire : aller chiner une épée démon aux puces de Saint Ouen. Ce sera risqué, mais il faut bien ça pour attirer l’œil des dieux…Fin spoiler

1 : On ne sait pas d’où vient cette connaissance poussée qu’a Vanik du nom des démons qu’il rencontre (sans doute un Pokédex chaotique ramassé dans un donjon mineur), mais en tout cas, cela ne lui rapporte aucun avantage au combat.

AVIS:

Introduction au roman qu’il a consacré à l’ascension carriériste (plutôt que démoniaque) de son héros Vanik le Pèlerin Noir, ‘Pilgrim’s Trial’ ne frappe pas par son originalité, tant au niveau de l’intrigue que du style ou des personnages mis en avant. J’irai même jusqu’à dire que sa lecture est hautement facultative, même si Robbie MacNiven ne livre pas une copie honteuse. Qui a dit que le cheval, c’était génial ?

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The Dance of the Skulls – D. Annandale:

INTRIGUE:

The Dance of the SkullsInvitée à honorer de sa présence un bal donné par la reine Ahalaset et le seigneur Nagen dans la cité de Mortannis, Nefarata se doute bien que cet évènement mondain n’est qu’un prétexte commode pour permettre à ces deux grandes lignées d’agir à ses dépends, ce qui ne l’empêche pas d’accepter gracieusement de se rendre sur place, n’ayant de toute façon rien d’autre de prévu ce soir là. Voyant d’un mauvais œil le rapprochement s’étant récemment opéré entre Ahalaset et Nagen, la Mortarque de Sang suppute avec raison qu’un piège va lui être tendu, et se réjouit d’avance de cette (més)aventure, le quotidien de Nulahmia devant apparemment être assez terne.

Après avoir été accueillie avec tout le faste et la pompe liés à son r/sang (et infligé râteau sur râteau à ce pauvre Nagen, auquel elle promet toutefois une danse plus tard dans la soirée1), Neffie se voit proposer par son hôte une dégustation privée de crus tirés de l’hématothèque personnelle d’Ahalaset, ce qui ne se refuse pas. Guidée jusqu’à un salon lounge où l’attendent une dizaine d’esclaves qui s’appellent tous Mathusalem ou Réhoboam, notre rusée vampire à tôt fait d’identifier l’aiguille d’argent se terrant sous la roche, en l’occurrence un assassin assermenté doté d’une fourchette à escargot à la place du bras (c’est la mode à Hammerhal). Ayant raté son test d’Initiative, le faquin est toutefois aisément neutralisé par sa victime supposée, qui l’attache à son service d’un langoureux battement de cils. Satisfaite de la tournure prise par les évènements, et comme toute quinqua-millénaire de la bonne société après une dure journée de labeur, Neferata s’accorde un petit verre (et fracasse au passage toutes les « bouteilles », qui espéraient peut-être qu’on les laisse tranquille le temps qu’elles refassent le plein) aux frais de ses hôtes avant de revenir se joindre à la fête.

Là, il est temps pour la Lahmiane de porter l’estocade aux traîtres débusqués, et en musique s’il vous plaît, la danse des crânes consentie à ce benêt de Nagen donnant amplement le temps à notre héroïne de cimenter sa victoire en enchantant légèrement son cavalier, qui ne trouvera rien de plus malin lorsque l’assassin d’Ahalaset viendra sonner les douze coups de minuit à son ancienne patronne à l’aide de son argenterie intégrée, de lancer sa devise dans le silence de mort (héhé) qui s’ensuit. Cette dernière tombera à plat comme la totalité de ses blagues, et, mal comprise par la garde de la reine défunte, aura des conséquences tragiques pour notre pauvre Nagen. Un verre ça va, trois verres…

1 : En même temps, cette coquetterie de laisser dépasser une canine par dessus sa lèvre inférieure ne doit pas aider à lui donner un air très intelligent.

AVIS:

C’est peu de chose de dire que la prose de Herr Annandale n’était pas tenue en haute estime de ce côté du clavier, depuis la chronique de ses débuts pour la BL (The Carrion AnthemHammer & Bolter #11) jusqu’à aujourd’hui. Les choses ont légèrement évolué avec cette Danse des Crânes, qui s’affirme facilement comme la meilleure soumission de notre homme que j’ai pu lire à ce jour. Certes, on parle ici en progrès relatif plutôt qu’en performance absolue, cette courte nouvelle ne se comparant guère aux travaux d’auteurs que je considère être plus méritants que David Annandale, Abnett, Dembski-Bowden, Farrer et Fehervari en tête, pour n’en citer que quelques uns (la liste serait assez longue sinon), mais j’aurais trop beau jeu de ne pointer que les trous dans la cuirasse ou les défauts dans la raquette des travaux de ce régulier de la BL, si je ne soulignais pas également les sources de satisfaction à la lecture de ces derniers. L’Empereur sait qu’ils sont encore rares à cette heure.

Alors, quels sont les éléments positifs de La Danse des Crânes ? Pour commencer, une absence de ce que l’on peut presque appeler une « annandalerie », terme forgé par votre serviteur et désignant une mauvaise, grossière ou grotesque exploitation d’une idée de départ pourtant assez sympathique, pour des résultats évidemment décevants. Le huis-clos victorien qui nous est proposé ici ne pêche ainsi pas par excès de zèle ou manque de structuration, les péripéties s’enchaînant de façon tout à fait convenable et crédible, ce qui pourrait sembler aller de soi mais n’était pas gagné d’avance au vu du pedigree de l’auteur. On sent que ce dernier a réfléchi à la manière dont il devait dérouler son récit pour que le plan alambiqué de Nefarata puisse se dérouler sans (trop) d’accroc, et même si l’usage d’un petit TGCM en fin de nouvelle pour parfaire le triomphe de Mama Lahmia peut être noté, c’est finalement peu de chose comparé aux problèmes structurels émaillant quelques unes des précédentes soumissions de David Annandale.

Autre source de contentement, la description intéressante qui nous est faite de la haute société mort-vivante, nid de vipères aux crocs acérés et n’hésitant pas un instant à comploter pour précipiter la chute de leurs prochains, alors même que les ennemis extérieurs se comptent par milliers, et qu’un brin de solidarité entre macchabées ne serait pas de trop pour défendre le pré carré de Nagash. Le fait que cette société, mêlant vampires et humains à tous les échelons, apparaisse comme fonctionnelle et pérenne (en même temps, c’est bien le minimum quand on est immortel) est une autre réussite d’Annandale, qui parvient à donner un volume fort bienvenu à une faction qui jusque là se réduisait à des légions de squelettes traînant leur mélancolie dans des déserts violacés. On peut s’amuser aussi en Shyish, telle est la morale de cette petite histoire.

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Tourney of Fate – J. Reynolds:

INTRIGUE:

Lorsque la plus totalement fraîche mais tout de même respectable Dame de Cankerwall, régente des Duchés Niellés, est enlevée par un Héraut de Tzeentch pendant un tournoi opposant la fine fleur (fanée) des chevaliers pesteux des environs, nombreux sont les braves qui jurent de libérer leur suzeraine et se mettent en quête de la tour ambulante où le faquin se terre avec sa victime. Parmi eux se trouve le jeune Carkus Gryme, qui doit encore gagner ses éperons et sa bedaine de Blightknight, mais qui compense son inexpérience et sa taille 36 par une dévotion et une noblesse indéniable. Ayant reçu l’autorisation de la Dame de participer au tournoi malgré son statut inférieur, il était bien décidé à l’impressionner de ses putrides prouesses1, et en veut donc mortellement au disciple du dieu poulet, Ompallious Zeyros. Accompagné d’un Pestigor cuisinier et fataliste (Blisterback), Carkus remonte la piste de la caravane de Zeyros, espérant la rattraper avant que les autres paladins enrhumés (qui ont des montures, eux) ne récoltent toute la gloire.

À toute chose lenteur est bonne cependant, car le peloton de tête a visiblement rencontré plus fort que lui. Carkus tombe en effet sur les cadavres épars de ses frères de pus, éparpillés façon puzzle par un adversaire mystérieux. Avant cela, il avait reçu la visite d’un vieux démon de Tzeentch asservi par Ompallious, et chargé par ce dernier de dissuader le blanc-bec de se frotter à lui. Ayant considéré cette offre comme la preuve que son adversaire avait peur de lui, notre héros avait refusé crânement. Pour sa peine, il se trouve donc confronté au plus Disney de tous les adversaires : un chevalier constitué entièrement d’une nuée de rossignols, grives et autres merles, contre lequel son épée est bien inutile. Heureusement, le sagace Blisterback parvient à identifier l’oiseau en chef, qu’il capture et gobe aussi sec, provoquant la désagrégation de la murmuration. Ce premier adversaire vaincu, Carkus et son sidekick sont libres d’accéder au logement de fonction d’Ompallious, dans lequel le pas encore chevalier pénètre seul, comme le panonceau interdisant l’entrée à nos amis les animaux situé à côté du paillasson le stipule.

La troisième épreuve de notre héros (la deuxième étant de ne pas s’arracher les yeux devant les choix de décoration intérieure très tzeentchy de son hôte) est d’affronter un autre serviteur de Lompallious, et en l’occurrence, une (quasi) célébrité : Mordrek le Maudit en personne. Bien que ce vénérable guerrier se plaigne que les petits jeunes chaoteux d’aujourd’hui ne le connaissent plus, il a gardé suffisamment de punch pour pousser Carkus dans ses derniers retranchements. Qui plus est, les Dieux du Chaos n’ont pas résilié son immortalité lors de son transfert de franchise, ce qui fait une fausse joie au pesteux après qu’un coup chanceux ait brisé la nuque de son adversaire, qui se relève sans broncher quelques secondes plus tard. Désespérément surclassé et n’ayant pas la caisse d’un véritable Blightknight, Carkus voit sa dernière heure son compostage arriver… mais réussit un deuxième coup critique d’affilée, ce qui convainc Mordrek de le laisser poursuivre sa quête et de se confronter enfin au maître des lieux.

Ce dernier l’attend en compagnie de la Dame de Cankerwall, qu’il a kidnappé pour qu’elle l’aide à guérir d’une maladie honteuse refilée par un champion de Nurgle avec lequel il a eu un duel non protégé il y a de cela bien longtemps. L’heure des révélations ayant sonné, Carkus apprend coup sur coup qu’Ompallious Zeyros faisait partie de l’ordre des chevaliers ayant juré allégeance à la Dame lors de son arrivée dans les Duchés, et que si le premier cherchait tant à éviter le combat, c’est parce qu’il est en fait son lointain ancêtre. Cette double annonce ne détourne cependant pas Carkus de son leitmotiv, mais son état de fatigue avancée ne lui permet pas d’inquiéter Ompallious, qui le flanque par terre sans ménagement. Il aurait incinéré son arrière petit fillot sans état d’âme n’eut été l’intervention conjointe de la Dame de Cankerwall et de Mordrek, la première acceptant de débarrasser Ooumpa Loompa de ses mycoses tenaces en échange de la vie de Carkus, et le second forçant son ex-patron (son contrat d’asservissement contenant une clause suspensive à la première défaite enregistrée) à tenir sa parole après sa guérison express.

Son problème sanitaire ayant été traité, Ompallious donne congé à ses invités (c’est fort civil de sa part) et met le cap sur un autre Royaume pour passer sa convalescence. De son côté, si Carkus n’a pas le bonheur d’être élevé au rang de Blightknight par sa Dame, il repart tout de même avec un lot de consolation fort sympathique, en l’occurrence un cor de chasse enchanté lui permettant d’invoquer le redoutable Mordrek (qui part faire du tourisme de l’Apocalypse dans cette franchise qu’il ne connaît pas) en soufflant dedans. Quant à la Dame, elle souhaitait en fait utiliser le Héraut de Tzeentch pour ressusciter un ancien champion après qu’il eut atteint un taux de moisissure satisfaisant (un peu comme un roquefort), et n’a donc pas vraiment apprécié l’intervention du morveux, mais se calme lorsque Carkus révèle qu’il a gardé un bout de la biopsie de son illustre aîné pendant qu’Ompallious passait le reste au lance-flamme, ce qui donne une réelle chance de revival à l’ancien. Quelqu’un aurait-il une boîte de Petri en rab ?

1 : Dessiner un blason en vomissant est le comble du chic chez les Maggotkin.

AVIS:

Josh Reynolds exerce son talent de conteur dans ce ‘Tourney of Fate’, qui parvient à donner leurs lettres de noblesse aux Maggotkin de Nurgle sans galvauder le moins du monde leur aspect foncièrement morbide et résigné, qui ne le destinait pas du tout à endosser le rôle de protagonistes (à mon humble avis). En faisant de son héros un parangon de chevalerie, certes putride mais animé des sentiments les plus honorables, Reynolds démontre sa capacité à questionner les stéréotypes de fantasy que nous avons tous intégrés – souvent sans nous en rendre compte –, ce qui contribue à en faire l’un des auteurs les plus intéressants et talentueux de la Black Library. Si l’aventure dans laquelle le jeune Carkus Gryme est, elle, relativement convenue (même si de bonne facture), ‘Tourney of Fate’ mérite donc la lecture rien que par son originalité par rapport aux autres nouvelles chaotiques d’Age of Sigmar.

Ceci dit, cette histoire a d’autres atouts à faire valoir, Josh Reynolds ayant été particulièrement motivé par son sujet. Ainsi, il prend soin de poser les jalons d’un arc narratif plus ambitieux que cette nouvelle, à laquelle répondent plusieurs autres de ses travaux. On peut retrouver Ompallious Zeyros dans ‘The Last Gift’, et Feculus dans ‘The Tainted Axe’, ce qui est suffisant pour parler d’un mini-Reyniverse des Royaumes Mortels. Dommage que son départ de la BL ne lui ait pas donné l’occasion de mener à bien son projet, par exemple en faisant intervenir Gryme et Zeyros dans la série des Huit Lamentations, aux côtés du champion de Khorne Ahazian Kel. Avec des antagonistes aussi charismatiques, et un auteur aussi doué que Reynolds à l’écriture, les épisodes suivants de la saga auraient été passionnants à suivre. Quoiqu’il en soit, ‘Tourney of Fate’ est une nouvelle qui sera d’autant plus intéressante que le lecteur est familier des histoires déclinées en parallèle de la quête de justice de Carkus Gryme.

Pour finir, il régale le fluffiste en réalisant un savoureux cross over entre Warhammer Fantasy Battle et Age of Sigmar, à travers la convocation du Comte Mordrek, personnage nommé de second ordre du Vieux Monde (et qui apparaissait déjà dans des productions écrites pour WFB par Reynolds). Il nous avait déjà fait le coup avec Aekold le Miraculeux dans ‘Hammerhal’, et cela ne fait que m’inciter à lire le reste de sa bibliographie AoSesque pour voir s’il n’y a pas d’autres easter eggs dissimulés au fil des pages. Bref, c’est du Josh Reynolds comme on adore le lire, et dont il serait dommage de se priver.

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The Hardest Word – D. Guymer:

INTRIGUE:

The Hardest WordEn poste dans la forteresse des Sept Mots (sans doute construite par les sept nains) en Ghur, l’incommensurable Hamilcar Bear Eater reçoit la visite de la Lord-Veritant Vikaeus, qui arrive porteuse, outre de son heaume et d’une moue dédaigneuse, de troublantes nouvelles. Prophétesse reconnue à travers les osts de Sigmar, Vicky a eu la vision d’une horde de Skavens attaquant le bastion tenu par les Astral Templars et capturant l’insurpassable Hamilcar pour en faire le sujet d’une expérimentation aussi obscure dans ses motifs que douloureuse dans son application (d’après la description qui en faite, Hamilcar passerait de battant à batterie, ce qui n’est pas une évolution de carrière très désirable). Pour notre inarrêtable héros, il est clair qu’il faut saisir le rat-taupe par les bornes, et tant pis si la prophétie de son invitée n’est guère précise à propos du moment où le danger se matérialisera, et la direction d’où il viendra. Prédiction, mobilisation, comme dit le proverbe.

Lors donc, Hamilcar s’emploie à rassembler le ban et l’arrière-ban de son petit domaine, sans tenir compte du regard courroucé ni des réflexions désobligeantes de Vikaeus, qui est la première à reconnaître que ses annonces sont encore trop vagues pour mettre les Sept Mots sur le pied de guerre. C’est mal connaître l’inqualifiable Hamilcar, qui a une idée bien précise de la manière d’écarter le risque d’une future invasion de ratons : ayant laissé à la Lord-Veritant toute latitude (ainsi que son fidèle gryph hound, Crow) pour faire son enquête de terrain, notre héros va se planter à l’entrée de sa forteresse, et hurle un défi à la cantonade : si les Skavens arrivent à la vaincre en combat – et même pas en combat singulier, c’est dire s’il est sûr de son fait – les Sept Mots leur seront remis sans coup férir. Voilà une offre qui ne se refuse pas, et à la grande surprise de l’assistance réunie pour voir le patron faire ses pitreries, un émissaire Skaven se présente quelques instants plus tard pour annoncer à la grande-gueule en armure violette que le Warlock Ikrit accepte la confrontation.

Comme on pouvait s’y attendre de la part d’une race totalement étrangère au concept d’honneur martial, Ikrit ne se déplace pas en personne, mais envoie une de ses créations, que l’on peut décrire comme le fruit des amours illicites entre un Cuirassier Némésis et un Rat Ogre, s’emparer de l’indémodable Hamilcar, qui l’intéresse beaucoup plus que la possession des Sept Mots. Bien que le cédant à son adversaire mécanique en carrure et en force, et devant composer avec le feu nourri des Jezzails que le prudent Ikrit a également mis sur le coup (on n’est jamais trop prudent), le Lord-Castellant préféré de ton Lord-Castellant préféré réussi à vaincre son adversaire déséquilibrant l’exo-ratmure et la mettant sur le ventre. Ce triomphe est toutefois assombri par le retour de cette pimbêche de Vikaeus, très courroucée d’être tombée sur une bande d’éclaireurs Skavens pendant ses investigations, et d’avoir dû s’en débarrasser par elle-même. Avant de s’en aller bouder dans ses quartiers, elle assure à l’indécrottable Hamilcar que son récent exploit n’a fait que repousser l’échéance, et que les Hommes Rats en ont toujours après lui. Ce qui est fort possible – après tout, qui ne rêverait de posséder une copie conforme de Sigmar ? – mais sera l’affaire d’une autre histoire…

AVIS:

David Guymer prépare dans ce ‘The Hardest Word’ (rien à voir avec la chanson d’Elton John, pour autant que je puisse le dire) l’intrigue du roman qu’il consacrera à son personnage fétiche (‘Hamilcar : Champion of the Gods’), et dans lequel le Stormcast prodigue et prodige devra défendre son intégrité physique contre les assauts répétés d’un Skaven illuminé. On y voit un Hamilcar en grande forme faire ce dans quoi il excelle : prendre des décisions radicales sur un coup de tête, se battre comme un chiffonnier (et gagner à la fin), et plus important, balancer des vannes dirigées autant vers ses camarades que vers le lecteur, ce qui est une raison suffisante pour lire les travaux consacrés à ce personnage haut en couleurs d’Age of Sigmar, si vous voulez mon avis. Une honnête réussite pour Guymer, qui arrive à trouver le juste équilibre entre les nombreux composants d’une bonne histoire d’Hamilcar Bear Eater (intrigue, contextualisation, développement des personnages, style…), ce qu’il ne parvient pas à faire à tous les coups.

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Auction of Blood – J. Reynolds:

INTRIGUE:

Auction of BloodLes plans pour une soirée de bouquinage tranquille de Palem Bo(o)k, libraire d’incunables à Eauxgrises et accessoirement espion à la solde de Nefarata, sont brutalement et définitivement balayés lorsque notre fin lettré reçoit l’ordre de représenter sa généreuse patronne à une session d’enchères privées, se tenant le soir même au Nid de Pie, une institution bien connue par les habitués de la vie secrète de la métropole Ghyranite. Bien forcé d’accéder à la gracieuse et impérieuse requête de sa bienfaitrice s’il tient à conserver sa jugulaire intacte, Bok se rend sur place, et réussit à négocier son entrée, malgré une absence d’invitation (les grandes de ce monde ne prennent pas en compte des détails aussi triviaux) et une vigile elfique vraiment patibulaire du tout. Même pas briefé sur l’objet qu’il devra acquérir pour le compte de sa maîtresse, il a peine le temps de jeter un regard sur le reste de l’assistance, où se pressent pêle-mêle un mage lumineux et son dragonnet de compagnie, un Nain du Chaos essayant de camoufler son appartenance à une franchise défunte sous une épaisse capuche, et la Femme en Rouge locale (il en faut une dans tous les univers med-fan dignes de ce nom apparemment), beauté ténébreuse et balafrée au sourire qui aurait pu être avenant s’il ne dévoilait pas des dents taillées en pointe.

Attendant patiemment que son heure vienne pendant que les premiers lots trouvent preneurs, Bok finit par comprendre que la babiole que Nefarata veut ajouter à sa collection est l’étrange fouet à huit lanières que le commissaire priseur révèle être Charu, le Fouette-Âme, rien de moins que l’une des huit Lamentations de Khorne ! Pressentant que cette acquisition va le mettre sur la paille, à condition qu’il arrive à remporter l’enchère avec ses moyens somme toute limités (l’industrie du livre est en crise partout), Bok est sauvé de la faillite par l’intervention inattendue de Melissandre, qui se trouve être une activiste de Khorne et ne goutte pas du tout à ce que cette sainte relique soit vendue comme un vulgaire bibelot lantique. Preuve que la malabar de l’entrée n’a pas fait son job de façon correcte, une demi-douzaine de comparses de la Lady in Red (Kesh de son prénom), se lèvent pour appuyer la revendication de leur meneuse, et la situation dégénère tranquillement lorsque le préposé à la vente tente de prévenir le service d’ordre et se prend une hache de jet entre les deux yeux pour sa peine.

Dans la mêlée générale qui s’en suit, Bok a l’occasion d’assister aux premières loges à une démonstration de fouet que n’auraient renié ni Corax ni Indiana Jones, Kesh ayant réussi à mettre la main sur l’arme du crime, dont le deuxième effet kiss cool est de voler l’âme des malheureux qu’elle lacère. D’abord contraint de régler leur compte à quelques cultistes mugissants tout prêts à l’enkhorner, Bok est rapidement convaincu par le talent meurtrier de Kesh de mettre le Charu avant les boeufs. Malheureusement pour notre héros, this girl is on fire et sa pétoire, bien que de fabrication Duardin, ne suffit pas à mettre fin au tohu-bohu. Animée de mauvaises intentions, malgré la perte d’un hémisphère cervical consécutif à un headshot proprement exécuté, Kesh l’est également par la magie impie de son arme, et il faudra que quelqu’un se dévoue à lui prendre littéralement la main pour que l’ambiance, finalement, retombe. La seule autre survivante de la soirée étant l’Aelf de garde, à présent chômeuse et à laquelle il s’empresse de proposer un job, Bok n’a aucun mal à faire main basse sur la vieille Charu, dont on se doute que Nefarata fera un usage raisonné…

AVIS:

Voilà une nouvelle de Josh Reynolds telle qu’on les aime. Loin du fracas des combats de première ligne entre Stormcasts et indigènes, Enchères de Sang s’attache à dépeindre la vie dans une cité libre de Sigmar, où, si l’ordre règne, tous les citoyens n’épousent pas forcément les vues progressistes et altruistes du Dieu céleste. Comme le Monde qui Fut avant lui, les Royaumes Mortels sont gangrenés par les agissements souterrains d’individus peu recommandables, ce qui est dans l’ordre naturel des choses à mon avis, mais méritait quand même d’être couvert par une nouvelle ou deux afin que le lecteur, surtout novice, ne s’y trompe pas1. Les amateurs de la série Malus Darkblade apprécieront sans doute le récit de la soirée très compliquée de Bok, contraint comme son lointain et illustre prédécesseur de prendre tous les risques pour récupérer une relique impie pour le compte d’un employeur pas vraiment compréhensif. Les nostalgiques du Vieux Monde et de l’archéo-fluff souriront à la rencontre des quelques easter eggs que l’auteur a glissé au fil des pages2. Tous reconnaîtront que Reynolds sait s’y prendre pour dépeindre les côtés peu reluisants d’une métropole med-fan, quadrillée par les sociétés secrètes en tout genre, les cultes chaotiques de quartier et les exécuteurs des basses œuvres d’éminences d’un gris souvent très foncé. Une chose est sûre, cela donne plutôt envie de découvrir quelles sont les sept autres lamentations que ce distrait de Khorne a égaré dans les Royaumes Mortels, dans ce qui pourrait bien être la série la plus intéressante des premières années d’Age of Sigmar. Les paris (et les enchères) sont ouverts…

1 : À quand la sortie du supplément ‘Quelque chose de pourri à Hammerhal’ ?
2 : On peut d’ailleurs s’étonner que la BL ait laissé passer la mention faite à Necoho, divinité chaotique désavouée par GW depuis des lustres. Ne boudons pas notre plaisir, ce n’est sans doute pas demain la veille que nous recroiserons ce Dieu renégat.

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Pantheon – G. Haley:

INTRIGUE:

PantheonÀ une époque lointaine et plus heureuse, Sigmar prit sur lui de faire construire l’équivalent de Strasbourg (une ville avec du cachet + un lieu de rassemblement pour les décideurs politiques) sur la plus haute montagne d’Azyr. Nommé Highheim, ce qui sonne convenablement alsacien vous le reconnaitrez, ce complexe accueillit pendant un temps, voire une ère, les Dieux (plus ou moins) civilisés qui formèrent le panthéon des Royaumes Mortels. Puis le Chaos arriva, et chacun repartit dans ses pénates, laissant le pauvre Ziggy errer comme une âme en peine dans les allées désertes de la Theopolis.

La guerre totale décrétée par le divin barbu contre les quatre affreux est toutefois l’occasion pour le premier de réactiver ses vieux réseaux, et par une belle mâtinée pas encore tout à fait ensoleillée, il invite Alarielle à faire un Teams (avec webcam) pour parler du bon vieux temps. Au début franchement sur la défensive – ne pas oublier que la blitzkrieg sigmarienne a failli très mal finir pour elle – la Déesse finit par se détendre un peu, et accepte d’accompagner son hôte jusqu’à la place centrale du Highheim, où se trouve comme de juste une pièce d’eau. Mais attention, ce n’est pas n’importe quoi : plutôt qu’un bête bassin avec une fontaine rococo et des fientes de pigeon sur la margelle, il s’agit d’un miroir argenté créé par le mage Sanasay Bayla, et offert au Panthéon comme cadeau, outil et avertissement. Bayla, qui n’était pas la moitié d’un abruti, a en effet réussi à réaliser une œuvre qui permet à qui la contemple de voyager dans l’espace et dans le temps. Si Sigmar a tenu à ce qu’Alarielle vienne avec lui devant le miroir, ce n’est pas pour tenter de conclure avec la seule Déesse un tant soit peu accorte de son entourage (on est d’accord que Morathi est un peu creepy sur les bords), mais pour mater ensemble la vie de Brian Bayla, qui en plus d’être distrayante – on parle tout de même d’un type qui a réussi à maîtriser cinq des huit formes de magie – pourrait se révéler instructive.

La caméra se braque donc sur le mage prodige, au moment où une crise existentielle le saisit. A force d’exceller en tout, notre homme ne sait plus quel but se donner dans la vie, et après mûre réflexion, il décide d’aller vérifier si les Royaumes Mortels ont bien une fin physique, just for the thrill of it. La première étape de cette odyssée est de fact checker le sujet auprès d’une sommité en la matière, et comme Bayla a le bras long et le cœur bien accroché, il monte tout en haut du minaret du temple de Teclis le plus proche, entre en transe et se téléporte directement auprès du Dieu, qui lui assure que l’on peut bien s’asseoir sur le rebord du monde1. Cependant, cela n’est pas donné au premier clampin venu, car il faut passer par une porte secrète qui ne peut s’ouvrir qu’avec une clé forgée exprès par Grugni, puis terrasser un monstre immortel. Ca fait cher le coup d’œil.

Ce topo ne fait cependant pas peur à Bayla, qui abandonne séance tenance femme et enfants pour se lancer dans ce trek de l’extrême, ce qui l’occupe pendant quelques années. S’il ne parvient pas à négocier une audience auprès du Dieu forgeron lorsqu’il se rend à son temple de Chamon, il réussit tout du moins à obtenir un double de la clé en partageant sa Rince-Cochon avec le Nain Blanc (qui passait dans le coin). Il trouve également une astuce pour venir à bout du loup géant (Afrener) qui garde l’accès au bord du monde en se suicidant à 99% pour pouvoir rencontre Nagash, qui accepte d’euthanasier l’encombrant clébard en échange de cinq siècles et cinq jours de servitude post-mortem. Faut ce qu’il faut.

Ces obstacles enfin négociés, Bayla peut enfin boucler son périple, et contempler l’immensité magique et chaotique où les Royaumes (ici Ghyran) commencent et s’achèvent. Il est cependant immédiatement alpagué par un Magister de Tzeentch, qui essaie de lui vendre un plan de carrière mirobolant en l’échange de son âme, mais qui commet l’erreur de révéler que l’équilibre perso-pro ne serait alors pas vraiment respecté. Car Bayla est, au fond de lui, un authentique pater familias, et toutes ses pérégrinations lui ont ouvert les yeux sur le fait qu’il n’a pas été très présent au cours de la dernière décennie. Raccrochant violemment au bec de son démarcheur (ou l’équivalent dans les Royaumes Mortels), il repart dare dare en direction de son foyer, non sans avoir eu la vision d’une époque lointaine où ce dernier serait frappé par la guerre. Sachant qu’il ne serait plus là pour le voir, et donc l’empêcher, il décide de créer son fameux miroir pour que les Dieux puissent s’en servir dans leur veille constante contre le Chaos. Ce qui nous ramène au point de départ et à Highheim.

La nouvelle se termine sur un petit speech de Sigmar à sa bonne amie, qu’il voudrait plus active auprès des mortels afin de contrecarrer les fake news répandues par le Chaos à propos de la vie éternelle qui attendrait les serviteurs des puissances de la ruine. Qui de plus qualifié que la Déesse de la Vie pour porter ce message optimiste et philosophique auprès des habitants des Royaumes Mortels, hein ? Alarielle lâche un gros « mouais, j’y penserais » et repart semer du gazon en Ghyran, laissant Sigmar passer la mop et fermer la lumière sur Higgheim. C’est pas tous les jours facile d’être un petit patron.

1 : C’est malin, je vois maintenant Teclis avec la moustache de Francis Cabrel.

AVIS:

On savait Guy Haley très à l’aise dans le registre « mythique », qu’il est l’un des seuls contributeurs de la Black Library à pratiquer de manière régulière1, et ‘Pantheon’ est sans doute sa soumission de référence en la matière. Il parvient en effet à mettre en scène une épopée légendaire comparable à celle Gilgamesh (un héros d’une puissance quasi-divine s’embarque dans une quête impossible), transposée dans l’univers d’Age of Sigmar, et même plus largement, de la GW-Fiction, comme les références au Monde qui Fut qui émaillent le récit le dénotent. On se laisse embarquer dans ce voyage très différent des nouvelles ordinaires de la BL, où le moindre personnage est un Dieu, une Bête Zodiacale ou un individu mythique, et qui se termine comme souvent dans ce type de littérature par un enseignement moral à méditer (ici un bon carpe diem des familles). C’est à la fois rafraichissant et bien réalisé, et mérite donc vraiment d’être lu par celles et ceux qui souhaitent explorer le catalogue de la Black Library à la sauce AoS. Un classique en devenir, à mon humble opinion.

1 : Voir sa série sur le Prince Maesa, par exemple.

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Vault of Souls – E. Dicken:

INTRIGUE:

Envoyés par Sigmar en personne explorer Shadespire à la recherche de toute information utile à l’amélioration du processus de Reforge des Stormcast Eternals, et en particulier l’effritement de leur personnalité au fil du temps (le fameux syndrome de délavage), le Knight Incantor Averon Stormsire et ses deux acolytes (Ammis et Rastus) sont sur une piste aussi prometteuse que dangereuse : celle du Katophrane Thalasar. Ce dernier est passé maître dans l’art nécromantique, ce qui pousse Stormsire à penser qu’il pourrait utiliser ses savoirs (un peu impies certes, mais on ne fait pas de surhommelettes sans casser des œufs) pour avancer dans sa propre thèse de recherche fondamentale. Problème, Thalasar est discret, et remonter sa piste n’est pas facile, même pour un arcaniste du talent de notre Knight Incantor. Problème bis, Thalasar était le gardien de la Briar Queen avant que le Nécroséisme ne vienne la libérer, et cette âme damnée n’a pas oublié les millénaires de tourments qu’elle a subi des mains de son geôlier. Son but dans la non-vie est donc de lui rendre la pareille, et elle hante (haha) elle aussi la Nightvault à la recherche de sa proie.

Les Cursebreakers disposent toutefois d’un coup d’avance grâce à leurs sacro-saints pouvoirs, qu’ils mettent à contribution pour localiser, immobiliser et fouiller une construction nécromantique de Thalasar, faisant office de raffinerie à âmes mobile. L’automate collecteur n’avait cependant pas été laissé sans surveillance par son propriétaire, et le trio de choc doit affronter un golem animé par une source d’énergie particulièrement détestable pour nos vertueux héros : l’âme d’un de leurs cousins de chambrée. Grâce au copieux grimoire de sort de Stormsire, la menace est neutralisée, et le chemin menant vers le laboratoire secret de Thalasar localisé grâce un rituel tellement limite-limite que l’acariâtre meneur de bande demande à ses sous-fifres de l’attendre dehors pendant qu’il fait sa petite affaire. Il me faut préciser ici que l’ambiance n’est pas au beau fixe chez les Cursebreakers, Stormsire étant l’archétype du vieux de la vieille aigri et cassant, tandis que Rastus est un newb plein d’enthousiasme affublé d’une fâcheuse tendance à foncer dans le tas sans réfléchir. Ammis quant à elle essaie de fluidifier les échanges entre ses collègues, mais souvent sans résultat.

Ces considérations psychologiques doivent cependant être remises à plus tard, car l’écho de la bataille et le rituel de Stormsire a attiré la Briar Queen et son épineuse cour de spectres, et une confrontation ne serait pas forcément en faveur des Stormcast Eternals (peut-être que c’est la méta qui veut ça). Guidé par sa vision, Stormsire peut toutefois entraîner sa troupe en direction du repaire de Thalasar, situé au plus profond de la Nightvault, et juste en dessous du trône où la Briar Queen a passé quelques siècles à se faire spiritboarder. Les Cursebreakers sont accueillis par une vision de mauvaise augure de Stormcast se faisant laminer et dépouiller de leur âme et de leur matos par les golems du Katophrane, ce qui explique pourquoi les pertes ont été si élevées lors de la première exploration de Shadespire par les larbins du divin barbu. Et bien évidemment, le piège que leur avait tendu Thalasar ne manque pas de se refermer sur eux…

Début spoiler…Le Katophrane reclus était en fait aussi intéressé par Stormsire que ce dernier, et cherchait à l’attirer dans son laboratoire afin de s’incarner dans son corps1. Terrassé par la douleur de cette tentative d’usurpation d’identité, Stormsire ne peut qu’assister du coin de l’œil à l’attaque brave mais futile de Rastus contre les sortes d’aimants à âmes que Thalasar a installé dans son sous-sol, et qu’il utilise pour animer ses golems. Les éclairs conjurés par l’Evocator sont en effet absorbés par la machinerie infernale au lieu de l’endommager, et les automates de Thalasar ne tardent pas à se mêler à la partie, pour ne rien arranger.

La solution viendra d’Ammis, qui sous ses airs de sainte nitouche, avait retenu les invocations pas très recommandables de son supérieur et les utilisera pour combattre l’influence néfaste de Thalasar. Ce léger sursis permet à Stormsire d’endommager le VPN arcanique déployé par le Katophrane sur son labo, attirant immédiatement l’attention de la Briar Queen, qui débarque avec pertes et fracas pour régler ses comptes avec son vieux copain, faisant s’écrouler le plafond sur les machines infernales de ce dernier et renversant par la même le cours de l’affrontement. Peu enclin à goûter sa propre médecine, Thalasar supplie Stormsire de le laisser crécher dans son cerveau pour échapper aux funestes intentions de la Briar Queen, et aurait sans doute obtenu un bail mental sans l’intervention d’Ammis, qui choisit de régler son compte au faquin d’un cri qui tue bien placé. Bien que Stormsire commence par lui reprocher sa prise d’initiative après que les Cursebreakers se soient tirés d’affaire dans la confusion de la bataille, il finit par réaliser que la prudence de l’Evocator était sans doute bien fondée. La journée n’a cependant pas été vaine, nos héros ayant recueilli l’âme de plusieurs Stormcast Eternals gardés comme batterie d’appoint par Thalasar dans leurs gourdes magiques, en plus d’avoir fait s’écrouler le laboratoire du Katophrane sur le suaire de la Briar Queen. Il faut parfois savoir remporter une partie grâce aux objectifs secondaires…Fin spoiler

1 : Petit rappel utile si vous n’êtes pas familier avec le fluff de Shadespire, les Katophrane ont été emprisonnés par Nagash dans des éclats de shadeglass (verre d’ombre ?). Pratique pour résister au passage du temps, mais plutôt restrictif en termes de mouvement.

AVIS:

Evan Dicken signe une masterclass dans le sous-genre particulièrement casse-gueule de la nouvelle d’Underwolds, sur lequel plus d’un contributeur de la Black Library s’est cassé les dents depuis que cette mini franchise dispose de son accompagnement littéraire, avec ce ‘Vaults of Souls’. Il y est parvenu en adoptant une approche pragmatique qui lui a permis d’éviter les écueils que les prémisses de cet univers (des bandes immortelles cherchant toutes à accomplir un objectif impossible) présentent à tout auteur cherchant à intéresser son lectorat à une aventure qui ne peut pas, par nature, s’achever. Voici comment il s’y est pris.

Premièrement, en créant un antagoniste original pour la bande à laquelle l’histoire est consacrée, ce qui a le grand intérêt de permettre aux héros de se débarrasser pour de bon de leur Némésis, au lieu de devoir souffrir l’infamie de la voir s’en tirer d’une manière ou d’une autre. Cela permet également d’éviter le classique, mais maladroit, « bande contre bande » que certains auteurs ont cherché à mettre en scène, avec des résultats généralement assez peu concluants (pour la raison ci-dessus, a.k.a. personne ne peut gagner). Notons tout de même qu’Evan Dicken a enrichi son histoire en intégrant les Epines de la Briar Queen à cette dernière, mais en prenant soin de ne jamais opposer directement les deux bandes sur le champ de bataille. À la place, leur rivalité pour embaucher Thalasar comme free lance permet de faire avancer l’intrigue de manière fluide, sans risquer de déboucher sur un bête statut quo.

Deuxièmement, en permettant à ses héros d’accomplir un objectif, même mineur, à la fin de leur aventure. Ici, il s’agit de la récupération des âmes de Stormcast : on est loin du secret de la Reforge sans déperdition d’énergie qui est le leitmotiv d’Averon et de ses gorilles, mais c’est tout de même une victoire notable pour ces derniers, et surtout, une progression nette par rapport au début de la nouvelle.

Troisièmement et pour terminer, en faisant évoluer ses protagonistes entre le début et la fin de la nouvelle, ce qui donne une bonne raison pour le lecteur de s’intéresser à leur sort. Le trio de Stormcast Eternals bénéficie de ces délicates attentions de character development : Averon Stormsire gagne en empathie envers ses camarades, Ammis sort de cette aventure légèrement corrompue par son utilisation de magie nécromantique, et Rastus a appris à réfréner sa nature impulsive. Bien qu’ils soient légers (et pour être honnête, il n’y avait pas grand-chose de plus que Dicken pouvait s’autoriser s’il ne voulait pas enfreindre son cahier des charges), ces changements donnent l’impression que les Cursebreakers ne sont pas un trio monolithique condamné à errer dans le sous monde jusqu’à la Fin des Temps (ou l’arrêt du jeu), mais une bande de héros affectés par leur quête.

Vous l’aurez compris, c’est une franche réussite en ce qui me concerne, et un, si ce n’est le, modèle à suivre pour les prochaines nouvelles de Warhammer Underworlds.

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The Road of Blades – J. Reynolds:

INTRIGUE:

The Road of BladesAhazian Kel est ce que l’on peut appeler un routard des Royaumes Mortels. Guerrier accompli et sans pitié, il a tout sacrifié (y compris sa famille et sa tribu) pour se vouer à Khorne et devenir le plus grand dresseur Pokémon la guerre incarnée, avec un certain succès il faut le dire. Au début de notre propos, nous cueillons cette grande baderne flegmatique (y a pas grand-chose qui touche sa hache qui fait bouger son marteau) au saut du cheval, sa monture ayant prise une flèche dans l’œil après qu’il ait été repéré par un groupe de maraudeurs de Caldera alors qu’il parcourait les Herbes Noires, une steppe d’Aqshy. Peu impressionné par cet accueil hostile, Ahazian découpe quelques-uns de ces faquins mongoloïdes, ce qui convainc les survivants d’aller voir ailleurs s’il y est. L’Elu de Khorne peut donc reprendre sa route, qui doit le mener… à une autre route, mais pas n’importe laquelle : il a en effet reçu des présages insistants l’enjoignant à rejoindre la légendaire cité de Soulmaw, située à la croisée des Royaumes et centre névralgique de la production d’armes et d’armures des hordes du Dieu du Sang. Pour cela, il est nécessaire d’emprunter une huit voies, connue sous le nom de Route des Lames.

L’appellation n’est pas mensongère, comme il ne tarde pas à s’en rendre compte, puisque cette route est littéralement constituée de lames fondues ensemble, comme si un conquérant Targaryen anonyme avait eu des envies de tapis plutôt que de fauteuil. A chacun ses goûts. Comme Khorne n’est pas du genre à ménager ses champions, Ahazian est confronté à quelques épreuves sur le chemin de Soulmaw : des Epées de Vive-Argent s’extirpent de la route et lui tombent sur le râble, des automates tueurs lui refusent la priorité, et d’autres aspirants attirés par les mêmes présages de carnage et de grandeur que lui cherchent querelle alors qu’il attend à la sortie de la bretelle de péage. Pas vraiment ce qu’on peut appeler de la mobilité douce. Le sanguin A-ha est bien décidé à resteeeeeer sur sa route, en recourant au meurtre si nécessaire, mais avant que l’irréparable ne se produise, il est téléporté à l’intérieur d’une forge spacieuse mais rustique, où le maître des lieux lui accorde audience.

L’hôte en question, le Skullgrinder Volundr, n’est pas n’importe qui. Il s’agit de l’un des huit Maîtres de Forge de Khorne, soit l’élite de la crème des forgerons chaotiques. Chacun d’entre eux a notamment créé l’une des huit Lamentations du Dieu du Sang, armes exceptionnelles que Khorne avait offert à ses frères1, et qui furent perdues pendant l’Âge du Sang. Vovo a ainsi confectionné l’épée Coupemoelle (Marrowcutter, c’est à peine moins ridicule), trempée dans le sang de cent démons. C’est lui qui a convoqué Ahazian, car il sait que les armées du Chaos auront bientôt besoin d’être menées par des héros maniant des armes légendaires, et il a pressenti que notre homme, s’il est le dernier des Kel, n’était pas le dernier des abrutis, et pourrait avoir l’étoffe nécessaire pour le job. Pour en être sûr, et comme c’est la tradition lors de recrutement à la Khorne Khorp., il défie Ahazian en duel, et se fait vaincre par une fourchette dans les yeux vicelarde mais réglementaire. Satisfait par le fighting spirit de sa recrue, il lui remet une hache bien stylée, et le prend à l’essai pour un premier contrat. La suite dans ‘The Spear of Shadows’.

1 : Ce qui est assez stupide de sa part car cela fait 2.666666666666667 armes par Dieu. Il en aurait fait 9, ça aurait été plus simple.

AVIS:

Nouvelle présentant les origines du principal antagoniste de ‘The Spear of Shadows’ et contextualisant la légende entourant les Lamentations de Khorne, ‘The Road of Blades’ n’a curieusement pas été nommément reliée au cycle éponyme par la Black Library, alors qu’elle y a toute sa place. Il n’en reste pas moins que cette histoire de champion chaotique embarqué dans une quête mortelle et affrontant des dangers aussi variés que surnaturels (Chaos oblige) se laisse lire sans problème, et permet à Reynolds de nous livrer un beau spécimen d’anti-héros aussi charismatique que détestable. Comme le dit l’adage, une bonne histoire repose en grande partie sur la qualité de son méchant, et Ahazian Kel est un (futur) antagoniste auquel on s’attache rapidement. Lecture essentielle si vous vous lancez dans la saga, malheureusement inachevée, de Reynolds pour Age of Sigmar, et sympathique sinon.

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Bear Eater – D. Guymer:

INTRIGUE:

Bear EaterToujours en maraude dans les Royaumes Mortels (ici en Ghur) avec ses Astral Templars pour le compte du patron, Hamilcar Bear Eater voit une occasion en or d’agrandir le protectorat sigmarite se présenter à lui lorsqu’il arrive en vue de la cité de Jercho. Miraculeusement épargnée des déprédations des hordes du Chaos, cette ville ferait un bastion idéal pour les croisés d’Azyr… si Hamilcar arrive à convaincre son monarque, le Roi Soleil Joraad el Ranoon, de rejoindre le camp de l’Ordre. Rien de plus facile pour notre héros, dont les prouesses martiales ne sont égalées que par ses talents de diplomate (du moins c’est comme ça qu’il voit les choses, en sa qualité de plus grand fan de lui-même).

Après une petite parade militaire réalisée dans des conditions éprouvantes (#SousLeSoleilExactement), même pour des immortels en sigmarite, Hamilcar et ses lieutenants (le vieux bougon Broudiccan et un random dude du nom de Thracius) sont pris à parti par une émissaire de Jojo et sommés de laisser leurs armes au vestiaire pour respecter le protocole officiel. Lorsque nos trois compères finissent par obtempérer, ils ont la désagréable de surprise de constater qu’ils sont tombés dans un piège, une petite armée de gardes se déversant dans le hall avec des velléités peu charitables envers les Stormcasts.

Punk à chien gryffhound dans l’âme, Hamilcar ne perd pas de temps à tenter de résoudre ce conflit par la parole, et commence à zlataner à tout va les malheureux mortels qui lui passent sous la main. Ayant manifestement sous-estimés la puissance de leurs adversaires, les miliciens de Jercho finissent par battre en retraite, laissant toute latitude à notre héros de monter une expédition punitive envers ce pendard de Joraad el Ranoon (officiellement) et d’annexer la cité pour la plus grande gloire de Sigmar (officieusement)1. Sur le chemin de la salle du trône, il rencontre une vieille connaissance, le général Sarmiel el Talame, avec qui il a fait le coup de feu contre les Sankrit quelques semaines auparavant, et qui l’avait mis sur la route de Jercho après la bataille de Heliopalis. Miraculeusement convaincu par Hamilcar en l’espace de deux répliques qu’il était dans le camp des méchants, Sarmiel fait défection de la Garde Solaire et accepte de guider ses gros copains jusqu’au Palais de la Lune, où le Roi Soleil tient sa cour.

En route vers son objectif, Hamilcar développe un point de côté persistant2 et se retrouve confronté, en plus des bidasses solaires qui défendent le Palais, à des vampires feulant, preuve irréfutable du passage de ce coquin de Mannfred von Castein (ennemi juré de notre héros depuis qu’il s’est fait tuer par le Mortarque3) par Jercho. Il en faut toutefois plus pour empêcher l’injouable Mimil – qui se paie le luxe d’infliger une Mike Tyson à un suceur de sang un peu trop sûr de lui – de se frayer un chemin jusqu’à l’affreux Jojo. Ce dernier ne peut compter que sur ses rayons, des serviteurs totalement assujettis à sa volonté, pour faire office de derniers défenseurs, et place Hamilcar devant un dilemme cornélien pour le héros du Bien (avec un grand B et un grand nez) qu’il est : massacrer des innocents pour atteindre son objectif, ou les épargner et laisser le Roi Soleil s’en tirer à peu de frais…

Début spoiler…Malheureusement pour Joraad el Ranoon, une troisième voie était possible, à savoir embrocher le lumineux monarque sur son trône d’un jet de hallebarde bien senti. La mort rapide et sanglante du roitelet permet au moins d’établir qu’il n’avait pas été changé en vampire par Mannfred von Carstein, ce qui est… une information. Et le savoir est le pouvoir, paraît-il. La nouvelle s’achève sur cette conquête nette et (presque) sans bavure d’une nouvelle Cité de Sigmar par les Astral Templars. Du travail bien fait.Fin spoiler

1 : On peut remercier Guymer d’adapter un grand classique de la culture britannique à la sauce d’Age of Sigmar. Appelons ça le Fardeau du Mangeur d’Ours Blanc.
2 : Qui ne sera pas expliqué dans la suite de la nouvelle et n’aura pas d’impact sur la conclusion de cette dernière, mais suggère fortement que Guymer avait quelque chose de particulier en tête au moment de l’écriture.
3 : Voir ‘Beasts of Cartha’.

AVIS:

Je ressors de ce ‘Bear Eater’ avec une persistante sensation de gâchis au fond de la gorge (ou peut-être du cerveau), ce qui me désole au plus haut point compte tenu de mon attachement pour le personnage de Hamilcar, une des premières têtes d’affiche moderne (comprendre, un brin complexe) des Royaumes Mortels, et qui faisait ici ses grands débuts dans la carrière. En cause, le choix de David Guymer de placer son intrigue dans un cadre exotique et singulier (donc intéressant) en diable, mais de confiner ce dernier à une toile de fond au profit d’une nième baston entre Stormcast Eternals et locaux impénitents. La deuxième moitié de la nouvelle vient ainsi ruiner le travail de world building de la première, en se focalisant uniquement sur les exploits martiaux du fortiche Hamilcar, qui parviendra une fois encore et sans aucune surprise à vaincre l’affreux vilain que la destinée lui a mis sur son chemin. Et comme les compétences martiales de sa Némésis du jour (ou de la nuit) culminent à « lever le bras d’un air vaguement menaçant », on n’a même pas le droit à un combat final digne de ce nom, comme cela avait été le cas lors d’épisodes précédents de la série.

De manière générale, il se perçoit bien trop clairement à la lecture que ‘Bear Eater’ n’est qu’un segment d’un arc narratif bien plus large, dans la droite ligne des événements relatés dans ‘The Realmgate Wars’, écrits à quatre mains par Guymer et Josh Reynolds lors des premières années d’Age of Sigmar. Les références à la traque de Mannfred von Carstein sont tellement nombreuses au fil des pages que je soupçonne que cette nouvelle devait initialement faire partie d’une nouvelle tétralogie (comme ‘The Hunt for Nagash’ et ‘Knights of Vengeance’), avant que le projet soit abandonné pour une raison non précisée. Cela expliquerait aussi cette fin des plus abruptes ainsi que le traitement bizarre réservé au personnage de Sarmiel el Talame, qui semble avoir un passif conséquent avec Hamilcar et ses Astral Templars : je suis prêt à mettre une pièce sur le fait que cette première rencontre aurait dû faire l’objet d’une nouvelle ou d’un audio drama. Bref, un véritable et regrettable accident de parcours pour la paire Guymer & Hamilcar, sans doute causé par les errements éditoriaux de la Black Library à l’époque.

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Gravesend Gold – C. L. Werner:

INTRIGUE:

Les affaires n’ont pas été bonnes ces derniers temps pour le capitaine Brokrin Ullisson et l’équipage de l’Iron Dragon. Après les tapisseries pleines de rats de la lamaserie de Kheitar (‘Shiprats’) et les manticores mal lunées de Silverreach (‘Overlords of the Iron Dragon’), les ports d’attache visités récemment par l’Ironclad n’ont pas permis aux Kharadrons de se refaire, et le spectre d’une campagne déficitaire plane désormais sur les Duardins. Aussi, lorsque la vigie repère l’épave d’un vieux modèle de cargo volant Kharadron encastré dans une falaise, Brokrin saute sur l’occasion et met le cap sur le lieux de l’accident afin de fouiller cette trouvaille miraculeuse à la recherche de quoi remplir sa cale.

La chance semble enfin sourire à l’Iron Dragon lorsque les explorateurs mettent la main sur une cargaison d’or profond, un minerai incroyablement rare dont la source s’est tarie depuis des siècles, pendant les soubresauts de l’Âge du Chaos. Bien que l’épave exsude une aura inquiétante, qui met mal à l’aise ceux qui s’en approchent trop, Brokrin et ses hommes repartent avec un lingot échantillon, et se promettent de transbahuter le reste du magot sur leur rafiot dès le lendemain, lorsque les conditions de luminosité permettront une opération sécurisée. Car si les Kharadrons sont avides, la sécurité sur le lieu de travail est strictement réglementée dans leur Code, et aucun capitaine digne de ce nom ne risquerait de se faire intenter un procès aux Prud’uardin pour mise en danger de ses employés.

Toutefois, la tombée de la nuit provoque un événement fâcheux : l’épave se transforme en vaisseau spectral, manœuvrée par un équipage d’esprits de Kharadrons des temps jadis, et part à la poursuite de l’Iron Dragon pour reprendre ce qui lui appartient. Malgré la diversité et la puissance de l’armement dont dispose l’Ironclad (canons, mine volante, harpon géant…), rien n’arrête la menace fantôme, et l’abordage tant redouté finit par se produire. Les pistolets et coutelas étant aussi inefficaces contre les ectoplasmes barbus qu’un déodorant sur un Grand Immonde, l’affaire semble bien mal engagée pour Brokrin et Cie

Début spoiler…Heureusement, le capitaine n’est pas le dernier des abrutis et comprend vite que ses visiteurs ne souhaitent que rentrer en possession de leur lingot. Bien qu’ils n’en ont guère l’usage dans l’état où il sont réduits, cela n’affaiblit pas le moins du monde la légitimité de leur requête, et Brokrin peut respecter cela. Cependant, il ne s’attendait pas à ce que son homologue mort-vivant demande en sus à être compensé pour le dommage moral subi. Mais le Code étant le Code, et lui-même guère en position de refuser quoi que ce soit à un adversaire éthéré au dernier degré, il n’a d’autre choix que de consentir à ce que les quelques marchandises que l’Iron Dragon ramenait à bon port soient accaparées par ses visiteurs nocturnes. Voilà qui lui apprendra à laisser les épaves abandonnées tranquilles…Fin spoiler

AVIS:

Ça sent très fort la panne d’inspiration du côté de C. L. Werner avec ce très quelconque ‘Gravesend Gold’, qui vient « conclure » le premier arc de l’équipage de l’Iron Dragon sans apporter le moindre développement digne de ce nom à ses personnages. Pour un scénariste aussi consommé que notre homme, se contenter d’une simple fouille d’épave qui se termine mal, sans aucune surprise dans le déroulé ni dans l’issue de l’histoire, est un aveu de je m’en foutisme assez patent. Sans doute une commande expédiée à la va-vite pour faire plaisir à la Black Library… Quoi qu’il en soit, on peut faire l’impasse sans problème sur cette micro-péripétie et se concentrer sur ‘Shiprats’ et/ou sur les nouvelles de Drekki Flynt de Guy Haley, si on est à la recherche de khourts formats digne de ce nom.

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The Tainted Axe – J. Reynolds:

INTRIGUE:

The Tainted AxePeu de temps après les événements relatés dans ‘Spear of Shadows’, nous retrouvons le chevalier – ou plutôt, demigryphier – Roggen de Ghyrwood March, de retour en Ghyran avec une main en moins et des souvenirs en plus. Ayant refusé l’offre de Grugni de remplacer son membre manquant par une réplique mécanique, au profit d’une solution plus naturelle, notre héros n’a toutefois pas trouvé chaussure à son pied ni prothèse à son moignon. Sa convalescence prend un tour particulier lorsqu’il se sent appelé une nuit dans le bosquet de ferbois consacré de son ordre, où l’attend une Branchwraith mutine, avec une nouvelle quête divine à lui confier.

Loin au Sud se trouve le Gaut Tors1, une forêt qui a cruellement souffert des déprédations de Nurgle et des ses séides au cours des dernières années. Un champion du Dieu des maladies y a jadis mené une expédition corruptrice, dont il n’est jamais revenu mais qui a résulté en l’abandon de sa hache maudite sous un tas de feuilles. Depuis lors, cette arme maléfique corrompt les bois aux alentours, comme une pile au mercure enterrée dans l’humus. La mission de Roggen consistera donc à localiser cette relique impie et à la ramener à sa commanditrice, qui en échange de ses bons et loyaux ordonnés services lui fera pousser une nouvelle menotte. Bien que notre héros ne soit pas né de la dernière pluie, et se méfie à juste titre des fantasques Sylvaneth, le serment d’allégeance à Alarielle qu’il a prêté en devenant chevalier, et l’attrait de retrouver la main, le convainquent rapidement d’accepter cette quête. Avant de retourner écouter pousser les fleurs, la Branchwraith a l’amabilité de lui adjoindre les services d’un sherpa forestier, en la personne compacte mais grincheuse d’un esprit de la forêt.

Nous suivons alors Roggen, son guide mal-luné (il passe son temps à appeler le chevalier « viande », ce qui n’est guère aimable) et sa farouche monture (Harrow) jusque dans les profondeurs mal famées du Gaut Tors. Bien que sa patronne lui a promis qu’il aurait un droit de passage auprès des Sylvaneth du cru, le fait que ces derniers soient perturbés par les émanations toxiques de la hache perdue d’une part, et leur allégeance à nulle autre que Drycha Hamadreth d’autre part (un petit détail que la Branchwraith avait omis de préciser à son prestataire pendant le briefing), n’incitent pas Roggen à la détente de son slip (en bois, comme le reste de sa garde-robe). Le trio finit toutefois par arriver dans une clairière, où un petit groupe de Rotbringers est à pied (gangréné) d’œuvre, et vient d’exhumer une sorte de cocon de racines calcifiées, qui ne peut être que le réceptacle de cette fameuse hache.

Confiant dans ses capacités de bretteur et l’effet de surprise, Roggen fonce dans le tas avec abandon, mais se retrouve rapidement en difficulté, notamment du fait que ses adversaires ont apporté avec eux des arbalètes, ce qui n’est pas très fluff tout de même. Avant que l’impétueux chevalier n’ait été transformé en hérisson manchot (ce qui vaut mieux qu’un échidné pingouin, qu’on se le dise), une voix tonitruante vient intimer aux Nurgoons de cesser le feu. Il s’agit du Blight Knight qui commande l’expédition des prouteux, et qui, en véritable chevalier de l’ordre de la mouche, propose à Roggen de régler l’affaire par un duel tout ce qu’il y a de plus honorable, et au gagnant le loot. N’ayant pas de meilleure option sous la main, notre héros accepte la proposition de son adversaire (Feculus), et les deux champions se mettent sans tarder à l’ouvrage.

Si sa monture parvient sans mal à vaincre le destrier démoniaque de sa Némésis, Roggen éprouve quant à lui les pires difficultés à tenir tête à cette dernière, qui est à la fois plus forte et plus résistante que lui. Au bout du compte, il faudra l’intervention, pas vraiment fair play mais très secourable, de son sidekick végétal (qui utilise l’attaque airbark) pour que Roggen parvienne à vaincre l’ignoble Feculus. La mort de leur patron libère toutefois les Rotbringers de leur serment de non-intervention, et le chevalier Dubois n’aurait pas fait long feu sans l’arrivée à point nommée des Sylvaneth du Gaut Tors, qui se font un plaisir d’offrir une démonstration de bio compostage express à leurs ennemis honnis. Cela laisse le temps à Roggen de repartir avec sa relique rouillée, et de se retrouver en bout du compte avec une greffe maniable. C’est tout le mal qu’on lui souhaite.

1 : Je ne sais pas si cette nouvelle a été traduite en français, mais je suis hyper fier de ma proposition (Writhing Weald en VO).

AVIS:

On ne le savait pas encore à l’époque de sa publication, mais ‘The Tainted Axe’ constituait la dernière apparition du chevalier Roggen de de Ghyrwood March, l’un des personnages attachants1 créés par Josh Reynolds dans le cadre de sa saga – laissée inachevée – des Lamentations de Khorne. Si cette péripétie mineure ne se place pas parmi les meilleures soumissions de notre homme, on y retrouve toutefois les points forts habituels de sa prose, à savoir des personnages intéressants (mention spéciale au jovial Feculus, que l’on retrouve cité dans les écrits consacrés par Reynolds à l’ordre de la mouche), une intrigue et un développement qui tiennent la route, et une généreuse dose de fluff pour napper le tout. Des nouvelles comme ça, je pourrais en lire 10 par jour sans me lasser. A mettre entre toutes les mains (haha).

1 : Notamment parce qu’il a pas mal de traits communs avec Erkhart Dubnitz, du très saint et très violent ordre de Manann, un des héros les plus hauts en couleurs de la Black Library.

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The Witch Takers – C. L. Werner:

INTRIGUE:

The Witch TakersMis sur une sale histoire de meurtre dans la ruralité profonde du Khanat d’Arkl, en Chamon, les chasseurs de sorcières Esselt et Talorcan, unis à la scène comme à la ville, remontent une piste, forcément chaude, à travers les dunes du désert de Droost. De villages martyrs en tombes profanées et cadavres possédés il ne faut pas longtemps à notre fine équipe pour subodorer que quelque chose de pas sigmarite se cache au fond de ce dossier. Il semblerait que quelqu’un hante Droost avec pour seule mission de massacrer tout ceux ayant le malheur de croiser sa route. Quelqu’un… ou quelque chose, qui asservirait ses hôtes les uns après les autres, passant de main en main et ne laissant que les dépouilles de ses victimes et de ses porteurs derrière lui. Alors que les deux Répurgateurs approchent l’oasis de Tora Grae, miraculeusement épargnée par la folie environnante, il leur faudra agir rapidement et intelligemment pour empêcher le Tournetueur (pun intended) de commettre un nouveau carnage…

AVIS:

C.L. Werner qui met en scène un duo de Répurgateurs embarqués dans une quête qui les conduira dans quelque sinistre recoin de leur « circonscription » : du tout cuit pour l’auteur de la (plutôt bonne) série des Mathias Thulmann me direz-vous. C’est aussi ce que je pensais avant de commencer la lecture de ces Tueurs de Sorcières, et me suis donc surpris à reconsidérer légèrement ce postulat une fois passé le point final. Comme quoi, rien n’est gravé dans le marbre dans ce bas monde. La première divergence notable qui m’est apparue est la relation amoureuse unissant Esselt et Talorcan, ce qui n’a rien de rédhibitoire en soi (et est même suffisamment rare dans une publication de la Black Library pour qu’on puisse au contraire saluer l’audace de l’auteur), mais m’a semblé tellement éloignée des conventions usuelles de ce genre de littérature que mon expérience de lecture s’en est trouvée, pas polluée, le terme serait un peu fort, mais au moins perturbée par les roucoulades échangées par nos héros1. Passées ces considérations romantiques, l’intrigue que nous propose Werner ne s’avère pas être très haletante, la course poursuite par hôte interposé à laquelle se livrent Buffy, Xander et le bracelet perdu de Valkia la Sanglante suivant son cours avec une linéarité décevante, alors que la méconnaissance par nos héros de la nature et de la forme du mal qu’ils ont à combattre ouvrait la porte au développement de fausses pistes. Quant au binôme de choc proposé par l’auteur, il se révèle être d’une décevante platitude, Esselt et Talcoran ne s’écartant pas d’un pouce de leur stéréotype respectif (la paladine zélée et le rôdeur débrouillard), ce qui ne donne pas vraiment envie d’embrayer sur le roman que Werner leur a consacré (Le Cœur Corrompu//The Tainted Heart). Pour terminer, les apports fluff de cette nouvelle se comptent sur les doigts d’une main d’un Zombie de la Peste, le fait qu’elle se déroule dans un bout de désert perdu au milieu de nulle part ne jouant évidemment pas en la faveur d’inclusions significatives (même si ce genre de théâtre d’opérations n’est en rien rédhibitoire pour peu qu’on veuille s’en donner la peine, comme Guy Haley l’a prouvé avec Les Sables du Chagrin//The Sands of Grief). En conclusion, il ne reste guère que le métier de C. L. Werner pour faire tenir ces Tueurs de Sorcières debout, ce qui est suffisant pour une lecture rapide de l’ouvrage, mais à peine.

1 : Quand bien même ces dernières sont restées d’une sobriété bienvenue. C’est ainsi, j’ai du mal à voir des « Mon amour » apparaître dans une nouvelle de la Black Library.

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The Old Ways – N. Horth:

INTRIGUE:

Callis and Toll_The Old WaysAffecté à la surveillance de la cité d’Excelsis, dans le royaume de Ghur, le répurgateur de l’Ordre d’Azyr Halliver Toll, escorté de son sidekick Armand Callis, est envoyé par ses supérieurs tirer au clair une sombre histoire de disparition à Marshpoint, une ville agricole située en périphérie de la Cité des Secrets. Le fils aîné de la puissante famille Junica n’a en effet plus donné signe de vie après avoir eu maille à partir avec quelques soldats de l’autre grande famille locale, les Dezraed, qui l’ont poursuivi jusque dans les profondeurs de la forêt d’Ulwhyr. L’entente entre Junica et Dezraed n’ayant jamais été cordiale, c’est une vendetta en bonne et due forme qui menace d’éclater entre les Capulet et les Montaigu de Ghur, gueguerre qui mettrait en péril l’approvisionnement des régiments d’Excelsis en précieuse soie d’acier, ressource collectée depuis les fermes arachnides de Marshpoint. Il va donc de l’interêt général que cette triste affaire soit réglée dans les meilleurs délais, et qui de plus qualifié qu’un répurgateur pour traiter ce problème ?

Nous suivons donc Thalys et Colle au cours de l’enquête à laquelle ils se livrent à leur arrivée dans le bourg miteux et boueux de Marshpoint. Après un interrogatoire croisé des patriciens des deux familles, l’énorme et suintant Fenrol var Dezraed, autoproclamé Gardien de Marshpoint du fait de sa capacité de bloquer à lui seul l’entrée de la ville s’il lui prenait l’envie de s’asseoir en travers du portail, et le sec et irritable Kiervaan Junica, nos experts se rendent sur les lieux de la disparition à proprement parler, escortés par l’homme de confiance du patricien Junica, un natif du nom de Ghedren, et par un trio de gardes Dezraed. Et s’il se pourrait bien que la rivalité larvée entre familles nobles ait bien fait couler le sang, les enquêteurs feraient bien de prendre au sérieux les rumeurs entourant la Sorcière Blanche d’Ulwyhr. Après tout, ils ont pénétré sur son domaine…

AVIS:

C’est avec enthousiasme que j’avais vu revenir la figure iconique du chasseur de sorcières/répurgateur dans le lore d’Age of Sigmar, que son inclinaison high fantasy aurait pu « immuniser » à l’introduction de ce type de personnage, très grimdark par nature. La lutte contre les cultes chaotiques gangrénant le nouvel ordre rutilant de Sigmar constitue en effet à mes yeux un axe de développement des plus intéressants, et une prise de recul bienvenue sur le manichéisme caractéristique des premières années d’AoS. Encore fallait-il que l’image d’Epinal Hammerhal de l’inquisiteur traquant le vice et la trahison parmi les sujets obéissants de l’autorité centrale (préférablement divine, c’est plus classe) soit convenablement adaptée dans cette nouvelle franchise, la profession en question exigeant une rigueur morale confinant à la psychose, ce qui n’est pas franchement la norme parmi la soldatesque sigmarite (ces martel-sans-rire de Celestial Vindicators mis à part), dépeinte à de nombreuses reprises comme adepte du compromis et de la tempérance. Qu’en est-il avec la paire Callis & Toll, promise à un bel avenir au sein de la BL à en juger de la façon dont leurs noms ressortent dans tous les ouvrages auxquels ils ont été inclus ? Eh bien, c’est plutôt pas mal, encore que pas spécialement pour les raisons détaillées ci-dessus. Je m’explique.

Si le fanatisme (dans le bon sens du terme, car, si si, dans la littérature med-fan, cela existe) de nos héros laisse à désirer, la retenue dont fait preuve Toll, sensé être le vrai bad guy du duo, dans le jugement qu’il délivre au coupable, le plaçant à un petit 2 sur l’échelle de Mathias Thulmann (le référentiel absolu de la maison à cet égard), Horth se rattrape néanmoins en glissant quelques remarques de bon aloi à propos d’un certain White Reaper (Cerrus Sentanus sur son état civil), Stormcast Eternal pas vraiment Charlie, à tel point que son nom est utilisé pour effrayer les enfants d’Excelsis. Voilà un type qui mérite que l’on suive, et j’espère bien que ça sera le cas dans un futur pas trop lointain. Celà étant dit, The Old Ways a d’autres qualités, la première étant de proposer une petite enquête policière pas trop mal troussée au vu du nombre de pages limité avec lequel elle doit composer1, l’atmosphère horrifique du passage « sylvestre » du récit étant une autre source de satisfaction. D’autre part, cette nouvelle présente également l’intérêt de creuser le background de la cité libre d’Excelsis, qui devrait normalement ne pas disparaître corps et bien dans les annales du fluff, au vu du nombre d’apparitions qu’elle a faite dans divers écrits depuis son introduction dans le background. En apprendre plus sur cette bourgade présente donc un intérêt pour le fluffiste, tellement bombardé d’informations géographiques par ailleurs qu’on ne peut lui reprocher de ne pas prendre note de tout ce qu’on lui soumet.

Enfin, de façon plus large, elle fait ressortir un concept intéressant : le fossé existant entre natifs d’Azyr et populations locales au sein des cités libres, les seconds étant généralement mal considérés, voire méprisés par les premiers, qui les qualifient « d’Amendés » (traduction personnelle de Reclaimed, qui peut aussi s’entendre comme « Récupéré ») ou de « Sang Maudit » (curseblood), ce qui n’est pas très sympathique, mais ajoute de la profondeur à la société sigmarite. Quand on lit que même un personnage « égalitariste » comme Toll n’aurait pas de problème à raser toutes les forêts de Ghur pour pouvoir accélérer la colonisation de ce Royaume, au grand désarroi des locaux qui ont appris à vivre dans les étendues sauvages et à les respecter, on se dit que la possibilité d’un soulèvement des indigènes contre la métropole et ses représentants est une possibilité réelle… et c’est tant mieux en termes de potentiel narratif ! Bref, une plongée satisfaisante dans l’arrière-pays d’Excelsis, et une nouvelle qui vaut le coup d’être lue pour qui s’intéresse au fluff des cités libres.

On saluera également le twist proprement « meta » de Horth, qui fait dire à Toll qu’il avait identifié le coupable depuis belle lurette et attendait juste de voir combien de temps il faudrait à Callis (et donc au lecteur) pour faire de même. On ne me l’avait jamais faite celle-là.

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The Library of Forgotten Moments – J. Reynolds:

INTRIGUE:

Peu après les événements de ‘Soul Wars’, le Lord-Arcanum Balthas Arum des Anvils of the Heldenhammer décide d’aller faire retraite dans une bibliothèque perdue dans les montagnes de Shyish, afin de creuser son sujet de mémoire professionnel : la Reforge des Stormcast Eternals, et comment l’améliorer (ils ont tous le même, ces escrocs). L’endroit n’est mentionné que dans quelques vieux grimoires poussiéreux, et son accès n’est pas facile, mais il en faut plus pour décourager Balthas, qui arrive comme un prince, monté sur son gryph-charger Quicksilver, et est froidement accueilli par les archivistes morts vivants qui s’occupent de ce temple du savoir. Ayant juré qu’il venait en paix et après avoir montré sa carte d’étudiant, le Stormcast peut pénétrer dans l’édifice, contenant des montagnes d’ouvrages plus exotiques les uns que les autres.

Cependant, Balthas n’est intéressé que par un type bien précis de littérature : les classiques préhistoriques. La rumeur court en effet que la bibliothèque des moments oubliés (son petit nom) contient des savoirs prédatant les Royaumes Mortels, et venant du Monde qui Fut. Persuadé que la clé de sa quête d’information se trouve dans le lointain passé, Balthas part donc à la recherche des livres les plus anciens qu’il puisse trouver, bien aidé par ses sens arcaniques aiguisés. Après quelques temps, il finit par localiser une zone prometteuse, mais remarque un détail curieux sur les codex qu’il feuillette : si leur contenu semble bien provenir d’un autre temps, comme en témoignent l’usage d’écritures inconnues et le sentiment persistant de déjà-lu qu’il éprouve en les consultant, leur reliure est récente. Qui aurait pu écrire l’histoire d’un monde détruit il y a des milliers d’années ?

Cette question académique devra cependant attendre un peu, car l’étude de Balthas est interrompue par l’arrivée d’un autre visiteur, qui s’il rit beaucoup, n’en est pas sympathique pour autant : Mannfred Von Carstein en personne. Le Mortarque de la Nuit ayant été déclaré ennemi d’Azyr par Sigmar, le Lord-Arcanum se sent dans l’obligation d’appréhender le maraud, mais ce dernier ne se laisse pas faire. L’affrontement magique qui s’en suit dévaste quelques sections de la bibliothèque, forçant ses gardiens à s’interposer et à proposer aux belligérants de faire une trêve, en échange de l’accès au secret le mieux gardé de ces archives (quasi) infinies. Balthas et Mannfred partageant le même amour pour les informations confidentielles, ils acceptent de mettre leur inimitié en veilleuse pour quelques minutes et sont escortés par leurs hôtes jusqu’à une caverne située sous la bibliothèque…

Début spoiler…Cette dernière a la particularité d’accueillir un authentique fragment de Mallus, a.k.a. le Monde qui Fut, dont les éclats sont utilisés par l’armée de scribes qui travaille dans la grotte pour retranscrire des connaissances datant de cette époque légendaire. Ceci explique comment des incunables comme ceux négligemment carbonisés et réduits en compost par les deux affreux quelques instants plus tôt ont pu être proposés à la lecture. Cette découverte enchante Mannfred, qui se doutait bien que l’endroit recelait un secret pouvant intéresser Nagash, et avait multiplié les visites depuis plusieurs années afin de mettre la griffe dessus, en pure perte jusqu’ici. Cependant, Balthas refuse de laisser le vampire repartir avec le caillou antédiluvien, redoutant l’usage que le Grand Nécromancien pourrait en faire, et le fragile cessez-le-feu vole en éclat. Dans la bataille qui s’en suit, le Stormcast et le Mortarque semblent revivre les (douloureux) souvenirs de vies antérieures, et le premier remporte le match en poignardant son adversaire avec une écharde tirée du rocher miraculeux. Le cringe est trop grand pour Mannfred, qui se téléporte hors de la bibliothèque, laissant Balthas seul avec les archivistes. Lorsqu’il les interroge sur les raisons qui les ont poussés à lui révéler leur secret, ils répondent que c’est Mallus qui leur a demandé de le faire, sans doute pour permettre à un être digne de lui de bénéficier de sa gnose. Quoi qu’il en soit, Balthas a maintenant accès au Verrah Rubicon, et si on n’a plus guère entendu parler de lui depuis lors, c’est qu’il doit être en train d’en dévorer le fluff…Fin spoiler

AVIS:

Josh Reynolds fait plaisir aux fluffistes et aux amoureux de Warhammer Fantasy Battle en proposant une nouvelle clin d’œil aux événements de la Fin de Temps (qu’il a écrit en grande partie). Comme vous l’aurez sans doute compris à ce stade, et c’est encore plus évident à la lecture de cette histoire, Balthas Arum n’est autre que la réincarnation de Balthasar Gelt, et si Mannfred Von Carstein semble persuadé qu’il a déjà rencontré le Lord-Arcanum masqué (bon je triche, ils le sont tous), c’est parce que c’est le cas : après avoir trahi l’Empire et s’être réfugié auprès de Vlad Von Carstein, Gelt se fit tuer par Mannfred lors de l’ultime bataille de cette campagne eschatologique. Inutile de dire que si vous êtes au courant de ce menu détail, ‘The Library of Forgotten Moments’ est une gourmandise délectable, Reynolds se faisant un plaisir de faire comprendre au lecteur qu’il sait qu’il sait (qu’il sait). Pour les autres, cette nouvelle sera sans doute moins intéressante – soyons honnête, il ne s’y passe pas grand-chose au final – mais elle reste suffisamment bien écrite pour pouvoir être lue avec plaisir par l’amateur de GW-Fiction.

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Gods’ Gift – D. Guymer:

INTRIGUE:

Gods' GiftPrenant place après les évènements narrés dans Great Red et The Beasts of Cartha, pour ne citer que deux des précédentes aventures de notre fougueux héros, Gods’ Gift voit Hamilcar et quelques uns de ses potes des Astral Templars accomplir une mission d’intérêt général, sans doute pour avoir commis quelque tour pendable à une chambre rivale lors d’une permission à Hammerhall. Il s’agit en l’état de punir et faire stopper les exactions d’une bête monstrueuse s’amusant à disposer des hardis bûcherons d’un camp de colons récemment implanté dans les terres farouches de Ghur, tâche récréative pour des Stormcast Eternals de la trempe de nos gais lurons. Guidés par un local – Fage – qui malgré son âge vénérable semble tout émoustillé par la seule présence des Elus de Sigmar, Hamilcar & Cie s’embarquent donc dans une épopée aussi directe et rapide qu’une quête de zone de didacticiel de World of Warcraft.

Depuis le relevé de empreintes jusqu’à la constatation de l’heure du décès, ou plutôt, de l’abattage, il ne se passera ainsi qu’une petite journée, soit une vingtaine de pages pour le lecteur, juste le temps pour Ham’ de piquer un roupillon qui lui apportera un rêve plus ou moins prophétique, dans lequel un chêne vient lui chanter Je suis malade (ce qui est ‘achement dur pour un végétal, et mérite le respect), ce qui lui permettra de prendre une décision des plus inspirées quelques heures plus tard. La nouvelle se terminant pour un petit cliffhanger pas vraiment haletant, mais sans doute important pour la suite de la saga d’Hamilcar (Mark de son prénom), le lecteur en est quitte pour embrayer sur directement sur la première, ou plutôt le premier roman dédié à Guymer à sa coqueluche hirsute (Champion of the Gods), dans lequel il est presque certain que des réponses seront apportées aux questions laissées en suspens à la fin de Gods’ Gift.

: L’Homme Arbre qui s’était chargé de la besogne de déshumanisation – c’est comme la désinsectisation, mais avec des primates – servant de pied à terre racine à humus à une sylvaneth passablement enrhumée.

AVIS:

Malgré les dizaines de titres que compte sa bibliographie BL à l’heure actuelle, ce n’était que la deuxième soumission de Mr Guymer m’étant tombée sous la main depuis l’inaugural The Tilean Talisman, initialement publié en 2011. Et je dois dire que mon appréciation de l’œuvre du bonhomme est resté scrupuleusement identique, huit ans plus tard : des aptitudes certaines en terme de narration, avec des personnages au minimum distrayants, à défaut d’être immédiatement attachants (mention spéciale à Brouddican, l’Hillarion Lefuneste personnel de cette grande gueule d’Hamilcar), relevé par quelques notes boisées – c’est le cas de le dire – de fluff, plombées par une vacuité de l’intrigue assez rédhibitoire. C’est bien simple, celle de Gods’ Gift (d’ailleurs, on ne comprend pas vraiment quel est le don auquel Guymer fait référence dans le titre de sa nouvelle1) s’articule en deux temps trois mouvements, sans qu’on ait l’impression d’une quelconque progression entre le début et la fin de la nouvelle. Hamilcar traque un monstre. Hamilcar rêve d’un chêne. Hamilcar tombe dans une embuscade d’Hommes Bêtes (il faut bien qu’il montre qu’il est un cador du corps à corps). Hamilcar débouche sur un bosquet de chênes sacrés, gardé par… le monstre qu’il traquait. Coup de bol. Baston. Victoire. Fin.

Bref, rien de bien challengeant pour l’intellect du lecteur, qui aurait pu s’attendre à quelques liens de causalité entre les différents éléments constitutifs du propos de Guymer. Rien de tel ici, ou de manière tellement évidente et peu fine que les relever n’a pas grand intérêt. Comme dit plus haut, cela peut sans doute se justifier par le fait que Gods’ Gift est un rehaut littéraire à un travail plus conséquent, avec lequel l’auteur prend bien soin de faire la liaison. Telle la rondelle de tomate venant décorer une entrecôte frites, cette nouvelle peut être consommée si on a vraiment faim, mais ne remplira pas l’estomac pour autant. Et comme dit plus tôt (Décembre 2014, pour être précis), c’est plutôt cher payé pour ce que c’est. On me souffle dans l’oreillette que c’est fois ci, c’est gratuit. Bon. Mais avant cela, cela ne valait certes pas les 2,99€ demandés. Rem-bour-sez nos in-vi-tat-tions !

1 : Soit ce sont les visions vagues envoyées par Sigmar, soit c’est le photophore magique remis par icelui, et qui permettra à notre fier héros de venir à bout de Marylise Lebranchu. Au lecteur de décider s’il prend le messie ou la lanterne.

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Obsidian – D. Annandale:

INTRIGUE:

ObsidianBien que la mort soit importante à Nulahmia, l’amour a également sa place dans la métropole vampire, et c’est lui qui réunit Karya Treveign et Evered Halorecht dans la Grande Chapelle de la Fringale (ok c’est Night’s Hunger en VO et je me suis un peu emballé dans ma traduction). Nourrissant l’un envers l’autre une passion dévorante et sincère, malgré les siècles d’inimitié opposant leurs dynasties, les deux tourtereaux sont décidés à utiliser la mort récente et tragique du conseiller du père de Karya (Vorst), afin d’obtenir la bénédiction de Neferata à leur union. Seule la souveraine est en effet en mesure d’imposer l’arrêt des hostilités entre les Capulet et Montaigu de Nulahmia, et comme elle ne peut manquer d’aller rendre hommage au cadavre du noble vampire qui repose dans la Grande Chapelle, Karya et Evered n’ont qu’à attendre qu’elle arrive pour lui soumettre leur projet nuptial. Dans un bon jour, ou une bonne nuit, Nefarata accepte de bénir cette union pourtant porteuse de danger pour elle, comme sa conseillère et maîtresse espionne Mereneth lui fait remarquer : Treveign et Halorecht s’affaiblissaient mutuellement à travers leur futile vendetta, mais réunis en une seule lignée, ils pourraient devenir une force redoutable. Cela ne semble pourtant pas inquiéter outre mesure la Mortarque du Sang, qui décide même d’assister à la noce en personne.

Le jour venu, la cérémonie se déroule sans anicroche jusqu’à l’échange des vœux sangs entre fiancés, puis sombre de manière assez prévisible dans le chaos et l’émeute après que non pas un, mais deux assassins se soient manifestés au cœur de l’assemblée. Le premier fait perdre la tête à la matriarche Halorecht, et le second fait mine d’attaquer Karya : lorsque le chevaleresque Evered s’interpose, c’est lui qui hérite d’une lame en argent plein cœur, et va donc rejoindre sa vieille maman au paradis des vampires. Bouleversée par la tournure tragique qu’a pris le plus beau jour de sa vie, Karya reste un temps hébétée sur le cadavre de son cher et tendre, oublieuse de l’affrontement rangé qui oppose Treveign et Halorecht autour d’elle. Lorsqu’elle revient à elle, elle surprend toutefois le regard mauvais d’un membre de l’assistance, et comprend en un éclair que cette personne est responsable de cette tragédie…

Début spoiler…Ce qui est fort, reconnaissons-le, mais surtout pratique pour accélérer la résolution de l’intrique. Le coupable s’avère donc être Vorst Treveign en personne, et lorsque que Karya parvient enfin à le rattraper au sommet du beffroi de la Grande Chapelle, pour obtenir des explications sur son geste insensé, elle manque de se faire défenestrer par son paternel. Seule l’intervention salutaire de Nefarata évite le pire à notre héroïne, qui ne tarde pas à devenir matriarche de sa dynastie après que la souveraine ait réglé son compte au mauvais noceur. Mais pourquoi a-t-il agi de la sorte ? me demanderez-vous. Eh bien, pour plaire à Neferata, bien sûr. Vorst avait en effet été convaincu par sa reine de prouver sa loyauté à la couronne en provoquant un bain de sang pendant le mariage de sa fille. Malheureusement pour lui, Neferata trouvait également plus sage de le remplacer par une dynaste lui étant totalement acquise, par exemple parce que convaincue que sa suzeraine lui a sauvé la vie. Au final, la Mortarque du Sang sort de cette journée maritale plus forte que jamais, de potentiels rivaux ayant été transformé en laquais affaiblis et dévoués. Et elle vécut heureuse et eut beaucoup de descendants…Fin spoiler

AVIS:

La Nefarata de David Annandale est décidément très occupée par la vie sociale et amoureuse des nobles de Nulahmia (voir ‘The Dance of the Skulls’), mais comme l’auteur parvient à utiliser ces cérémonies mondaines comme trame et excuse pour nous faire entrer dans la complexe géopolitique de Neferatia de manière originale et efficace, on ne lui en tiendra pas rigueur. Les quelques pages de cette nouvelle suffisent en effet à Annandale pour nous servir une petite conspiration assez réussie, en ce qu’elle démontre bien à quel point Neferata est retorse, et manipule son monde pour maintenir un statut quo qui consolide son pouvoir. Le fait que nous ne soyons pas en mesure de découvrir l’identité du commanditaire du double assassinat de la rue l’église Morgue par déduction logique n’est donc pas si rédhibitoire que ça, car notre propos n’est pas tant un Whodunit qu’une chronique de la realpolitik vampirique.

Finalement, le seul défaut que je trouve à ‘Obsidian’ est une petite incohérence logique1 oubliée par un David Annandale plus intéressé par le développement du background de sa faction de cœur que par des basses considérations terre à terre. Tels Neferata à la fin de cette histoire, faisons preuve de magnanimité et pardonnons-lui.

1 : Annandale explique que les familles de vampires nobles ne transforment que l’aîné de leurs enfants en immortels, afin de préserver la lignée (les vampires ne pouvant plus se reproduire après le Baiser de Sang). Or Karya et Evered sont tous les deux vampires, et tous les deux enfants uniques.

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Hunting Shadows – A. Clark:

INTRIGUE:

Hunting ShadowsNeave Blacktalon, Knight-Zephyros des Hammers of Sigmar et chasseuse de têtes personnelle du grand barbu, opère traditionnellement seule. La mission sur laquelle son divin boss l’a mise, et qui l’a conduite sur les terres désolées d’Ashy, s’avère cependant tellement délicate que les autorités compétentes ont jugé bon de lui adjoindre du renfort, sous la forme du Knight-Venator Tarion Arl (et son aigle étoilé Krien) et d’une unité de Vanguard-Palladors, menée par une vieille connaissance avec laquelle elle a déjà coopéré pour disperser une bande de hippies ayant monté une opération escargot1 dans les Royaumes Mortels, Kalparius Foerunner. Je sais, je sais, cela fait beaucoup de jargon sigmarite en peu de lignes, mais rassurez-vous, savoir qui fait quoi est moins important que de se souvenir de la hiérarchie héroïque à l’œuvre dans cette nouvelle, qui décidera qui devra mourir et à quel moment.

Blacktalon les traîne un peu à l’idée de devoir faire équipe avec des collègues, mais un ordre est un ordre, et si l’on en juge par les charniers calcinés que sa proie (qu’elle peut traquer avec l’espèce de GPS sensoriel peu précis dont Sigmar lui a fait don) a laissé derrière elle, un peu d’aide sera en effet utile. Passée les formalités d’usage, la petite bande part donc en courant/volant/transmutant dans la direction indiquée par la chasseresse, qui ressent de façon diffuse que sa cible possède un moyen de brouiller sa ΣG embarquée. En gros, si elle est toujours capable de savoir vers où se diriger, elle ne peut pas jauger de la distance qui la sépare de son gibier, ce qui aura son importance plus tard. Pour l’heure, la fine équipe, en retard sur l’abomination qu’elle pourchasse, doit faire un choix potentiellement lourd de conséquences à proximité de la ville de Sigenvale, qui a reçu la visite du monstre et a été réduite en miettes/cendres par ce dernier. Neave est plutôt partante pour se remettre en route sans tarder, mais Tarion parvient à la convaincre de faire un crochet rapide par les ruines, histoire de secourir d’éventuels survivants. Malheureusement pour l’altruiste voltigeur, la Marque ténébreuse n’en a laissé aucun, et bien que les chasseurs puissent se passer les nerfs sur un pauvre corpsejaw ne faisant que ce que la nature l’a équipé pour faire (c’est-à-dire bouffer les cadavres croisant sa route), il se fait vite jour que le mystérieux prédateur/incendiaire/décapiteur est déjà loin des lieux du crime. Il faut donc à nos héros repartir sans tarder, d’autant plus que le cogfort sensé participer à la traque semble être avoir fait une mauvaise rencontre quelques kilomètres plus loin, comme le bruit de ses canons l’atteste sans doute possible.

Bien évidemment, les traqueurs arrivent trop tard sur place pour secourir la machine de guerre (représentez vous le fruit des amours incestueux entre une Forteresse de la Rédemption et une Arachnarok), qui s’est faite éventrer et toute sa garnison massacrée par l’insaissable bestiole. Blacktalon est colère devant ce carnage dont elle impute en partie la responsabilité à ce gros sensible de Tarion, mais avant qu’elle puisse reprendre les choses en main et relancer la poursuite, une forme colossale émerge soudainement du lac de montagne à côté duquel reposait la carcasse du cogfort…

Début spoiler…Les pouvoirs de brouillage arcanique dont dispose la cible des chasseurs lui a en effet permis de tendre un piège à ces derniers, qui se retrouvent confronter à… pour faire simple, représentez vous Clifford le grand chien rouge, mais dont la maîtresse ne serait pas la gentille et aimante Emily, mais Valkhia la Sanglante. C’est donc à un pitbull mécanique de Khorne de fort belle taille (et crachant le feu) que les Stormcast Eternals doivent faire face, avec des résultats au début peu concluants, comme on peut s’en douter. Très étrangement, ce sont d’abord les Palladors qui sont envoyés pallader par le juggernaut, rapidement suivis par le brave Foerunner, ne laissant que Blacktalon et Tarion, tous les deux sévèrement blessés, pour tenter de renverser la situation. Ce n’est cependant pas chose facile car leur ennemi est très grand, très fort, très rapide, très costaud, et sans faiblesse apparente, mis à part l’écoutille chaînée qui lui sert de nombril.

Après quelques moments difficiles dans les décombres du cogfort où les deux héros ont trouvé un refuge précaire, le temps de décapsuler quelques potions de vie, le traditionnel plan de la dernière chance est conçu et immédiatement mis à exécution, permettant aux gardes chasses de Sigmar de remporter la victoire. Pour information, le haut fait en question nécessitera que Neave se déchaîne, et que son comparse loge un tir de l’aigle dans un cratère volcanique chatouilleux, ce qui aura pour effet final de noyer l’habitacle de la machine démon dans la lave. Statistiquement improbable je vous l’accorde, mais la high fantasy et les nouvelles d’action de la BL ne s’embarrassent pas de détails de ce genre. Ceci fait, les deux Knights-…, devenus bons copains dans l’adversité, peuvent reprendre le chemin d’Azyr, où ils pourront passer une convalescence bien méritée, ou se suicider pour être reforgés et ainsi redevenir opérationnels plus rapidement. Les politiques sociales sigmarites sont un peu particulières…Fin spoiler

1 : Organisée par l’incontournable Horticulous Slimux bien sûr.

AVIS:

Introduction au personnage de Neave Blacktalon (et à celui de son sidekick, Tarion Arl), ‘Hunting Shadows’ met particulièrement l’accent sur les caractéristiques de super héros des Stormcast Eternals (Blacktalon bénéficie en effet de sens ultra développés, et est capable de courir grotesquement vite – pensez Bip Bip et Vil Coyote), faisant de cette traque monstrueuse une sorte d’adaptation de comics Marvel dans les Royaumes Mortels. Je ne dis pas que c’est foncièrement désagréable, mais ça surprend tout de même un peu. Autre point saillant de cette nouvelle, son côté technique en matière de bestiaire et de hiérarchie Stormcast Eternals. C’est bien simple, on dirait qu’Andy Clark a fait exprès d’aller piocher dans les entrées les plus baroques du Battletome pour trouver ses protagonistes, ce qui peut aisément dérouter/saoûler le lecteur non averti. En cela, ‘Hunting Shadows’ n’est pas très newbie-friendly, même si l’intrigue reste relativement facile à suivre, du fait du schéma narratif très simple utilisé par l’auteur. En fait, le seul suspense de l’histoire repose dans l’identité de la proie traquée par Blacktalon et ses sous fifres, qui, manque de pot, se trouve être une création inédite de la part de Clark (à moins que la gamme chaotique d’Age of Sigmar comporte un modèle de chien de métal géant). Manque de pot car le lecteur ne peut même pas au final tenter de deviner qui est derrière ces exactions sanglantes et fumantes en se basant sur sa connaissance du fluff. Petite frustration, mais frustration quand même. Pour conclure, j’ai été très moyennement convaincue par cette démonstration de force de la Wonder Woman d’Azyrheim, héroïne certes très balaise mais assez peu attachante. Peut-être que cela est corrigé dans le roman qu’Andy Clark lui a consacré ?

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Et voilà qui conclut la revue de ‘Gods & Mortals, une anthologie de bonne facture dont le plus gros point faible est le manque de contextualisation des nouvelles qui la compose. C’est d’autant plus dommage qu’il y avait de quoi présenter Hamilcar Bear Eater et le « Lamentiverse » de Josh Reynolds d’une manière acceptable avec des efforts minimes, à commencer par un regroupement dans le sommaire et quelques paragraphes de présentation de l’intrigue de ces séries. Comme souvent, il revient au lecteur de faire ses propres recherches pour relier les points et faire sens de ce patchwork littéraire, ce qui me retient de conseiller ‘Gods & Mortals’ à tous les enthousiastes de GW-Fiction, en particulier ceux qui ne seraient pas familiers avec les personnages abordés ici. Les vétérans de cette franchise trouveront par contre dans ce recueil un contenu varié et solide, en grande partie grâce à la grande forme de Reynolds, bien épaulé par un Guy Haley très inspiré, un David Annandale irréprochable (soulignons le, ce n’est pas tout le temps) et un David Guymer souvent distrayant. Si C. L. Werner avait été égal à lui-même, on aurait tenu le mètre étalon des anthologies Age of Sigmar, c’est moi qui vous le dit!

BLACK LIBRARY 2017 ADVENT CALENDAR [40K – AoS – HH]

Bonjour à tous et bienvenue dans une chronique franchement opportuniste, mais qui n’est tout de même pas totalement gratuite. Il sera ici question des nouvelles intégrées par la Black Library à son calendrier de l’avent…2017. Soumission de première fraîcheur donc, mais j’avais plusieurs raisons de consacrer un post à ce cru particulier.

Black Library 2017 Advent Calendar

La première d’entre elle était, je l’avoue sans mal, franchement prosaïque. Je me suis aperçu en mettant à jour mes fichiers de suivi (#IAmAFunGuy) qu’il ne me manquait que la revue de ‘The Tainted Axe’ de Josh Reynolds pour avoir chroniqué toutes les nouvelles de cette sélection (les audio dramas étant naturellement sortis de l’équation, car je n’ai jamais pu me faire à ce format). Si vous avez suivi mes publications sur le Warfo, je vous conseille donc de vous concentrer sur cette section de l’article, et de passer à autre chose, car le reste n’est pas inédit. En revanche (et c’est la deuxième raison), si vous ne connaissez que ce blog, j’ai le bonheur et l’avantage de vous annoncer que les nouveautés sont un peu plus fournies, car les nouvelles de l’Hérésie d’Horus ‘Duty Waits‘ (Guy Haley), ‘Magisterium‘ (Chris Wraight), ‘Now Peals Midnight‘ (John French) et ‘Dreams of Unity‘ (Nick Kyme) n’avaient pas été couvertes dans de précédents posts. C’est votre jour de chance!

Ce sujet de nouveau contenu évacué, il est enfin intéressant de revenir cinq ans en arrière – une période de temps importante pour la Black Library, pensez donc: c’était avant Warhammer Crime, Warhammer Horror et la série L’Aube de Feu – afin de juger de la qualité de cette sélection hivernale. 2017, grand cru ou récolte famélique? On va bien voir.

Black Library Advent Calendar 2017

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Endurance – C. Wraight [40K] :

INTRIGUE :

EnduranceSur le monde ruche de Lystra, l’escouade du frère Sarrien des Imperial Talons livre un combat d’arrière-garde aussi noble que vain contre les hordes innombrables des Zombies de la Peste ayant plus ou moins remplacées la population locale. Envoyés au casse-pipe pour permettre à un fonctionnaire de l’Adeptus Administratum obèse et tire au flanc (du moins, c’est comme ça que Sarrien se le représente) de maintenir son quota de dîme mensuel, ou autre raison purement technocratique, les braves Space Marines tiennent la ligne du mieux qu’ils peuvent, mais même leur constitution suprahumaine commence à donner d’inquiétants signes de fatigue. Pour ne rien arranger, les lignes de ravitaillement avec le reste de l’Imperium sont totalement coupées, ne laissant à nos fiers héros que la bonne vieille énergie cinétique pour défendre le domaine de l’immortel Empereur contre la corruption galopante titubante représentée par les Stumblers. Isolé de ses frères pour maximiser l’efficacité du soutien martial et moral que les Astartes représentent pour leurs alliés de la Garde, Sarrien débute la soirée comme toutes les autres auparavant : il chante chante chante ce rythme qui lui plaît (Endure ! For the Emperor ! Stand Fast ! Chihuahua !) et il tape tape tape (c’est sa façon d’aimer). On comprend cependant assez clairement que notre héros en a gros, et qu’il n’y a que son exemplaire éthique qui le pousse à suivre des ordres qui lui semblent totalement débiles.

À quelques encablures de cette planète condamnée, nous faisons la connaissance de notre deuxième protagoniste, le réfléchi (il ne court jamais) et hédoniste Dragan, Death Guard appartenant à la faction des Lords of Silence. Bénéficiant d’un quartier libre entre deux opérations de grande ampleur, Dragan a embarqué sa coterie sur son vaisseau personnel, l’Incaligant, et vogue là où le Warp le mène, massacrant tous les Impériaux qui lui tombent sous le moignon au passage. Les petits plaisirs de la vie, il n’y a que ça de vrai. Ayant fondu (dans tous les sens du terme) sur un transporteur de troupes de la Garde Impériale dépêché sans escorte en renforts de Lystra, Dragan décide sur un coup de tête, une fois le carnage expédié, d’emmener ses ouailles sur le monde en question, où il suppute (en même temps qu’il supure) qu’une distraction peut être trouvée.

Nous retrouvons ensuite Sarrien, toujours plus amer et toujours plus crevé, qui décide d’aller rôder derrière les lignes ennemies pour… le fun ? (étant donné que les défenseurs sont au bout du rouleau et s’attendent tous à crever, et que l’adversaire n’a aucune chaîne de commandement à décapiter ni de cibles stratégiques à prendre, l’utilité de la manœuvre me semble obscure). Bien que durement éprouvé par des semaines de combat sans répit, notre surhomme se révèle malgré tout capable de faire mordre la poussière à son poids en Stumblers, voire plus, jusqu’à ce qu’il tombe sur un Fatty dont l’odeur corporelle, ou l’aura de zenitude, c’est selon, est telle qu’il a bien du mal à lever la main sur lui. Malgré l’attitude résolument peace man du gros lard, Sarrien parvient à le décoller proprement, non sans que sa victime n’ait eu le temps de le prévenir 1) des dangers physiques et mentaux du surmenage (il devait être élu au CHSCT dans sa première vie), 2) de l’arrivée prochaine du Potencier (Gallowsman). Bien en peine de faire quelque chose de cette information, et sappé comme jamais, l’Imperial Talon décide de se rentrer, avec l’espoir futile de trouver un McDo encore ouvert sur le chemin pour s’envoyer un bon Coca bien frais.

De son côté, Dragan a fini par arriver en orbite autour de Lystra, et emmène sa bande sur les lieux du dernier conflit agitant encore la planète, dans l’espoir de trouver un adversaire de valeur. Escortés par quelques cohortes de die hard fans, les Lords of Silence progressent pondéreusement vers la ligne de front, où les attendent…

Spoiler Des Iron Warriors. Eh oui. Car en fait, Sarrien et Dragan ont visité Lystra à deux moments distincts, petite surprise savamment préparée par Wraight. Il est d’ailleurs fortement suggéré que Sarrien est devenu Glask (le second de Dragan, qui passe son temps à l’appeler Potencier – au grand ennui de son boss – et dont la jambe torse pourrait être la conséquence de la blessure subie par Sarrien au même endroit à la fin de la campagne) peu de temps après sa rencontre avec le gros plein de pus, lorsque, finalement submergé par le nombre de ses ennemis et l’amertume envers l’Imperium, il a décidé que sa survie était plus importante que son devoir. Ceci dit, le récit se termine sur un flou artistique et un amoncellement de Zombies affamés sur Sarrien, dont le salut final n’est pas garanti, ralliement à papa Nurgle bien acté par ce dernier ou pas. Quelques dizaines/centaines/milliers d’années plus tard, Dragan est quant à lui saisi d’une impression de déjà vu alors qu’il corrode les armures chromées de ces frimeurs de la IVème, ce qui ne fait que renforcer l’hypothèse de la défection de Mr Talon. Fin du spoiler

AVIS :

Mis à part le manque de clarté de sa conclusion (voir la partie spoiler ci-dessus), Endurance est une soumission solide de la part de l’ami Wraight, sans doute rédigée en accompagnement de son roman The Lords of Silence pour un galop d’essai littéraire. En quelques pages, Chris arrive ainsi à donner une véritable profondeur à ses répugnants héros, dont l’attitude chill, thrill & kill les distingue clairement des autres factions d’Astartes chaotiques et renégats de notre sombre galaxie, en plus de s’accorder parfaitement avec la philosophie débonnaire de Papa Nurgle, ce qui ne gâche rien. Sans rien galvauder de leur nature éminemment mauvaise, Wraight réussit également à rendre attachant (sans mauvais jeu de mots) le personnage de Dragan, dont le caractère égal et l’approche désinvolte de sa pestilentielle vocation le font apparaître comme éminemment plus sympathique que le Seigneur du Chaos lambda de la BL. De l’autre côté du ring, Sarrien s’avère moins mémorable, mais le récit que fait l’auteur de la lutte désespérée du loyaliste pour retarder l’inévitable, de part son caractère assez original (il combat en solo, et pas avec le reste de son escouade) et la bonne prise en compte des effets débilitants de la fatigue et des blessures sur la constitution d’un Space Marine – qui reste une machine de guerre insurpassable, mais peut se mettre dans le rouge s’il tire trop sur la corde – s’avère prenant et plaisant, sur les quelques pages qu’il dure. Une nouvelle SM comme je les aime donc : courte dans son propos, précise dans son dessein, efficace dans sa réalisation et à twist dans sa conclusion. Prenez-en de la graine, les rookies.

Gardant une nouvelle en fois en tête le but premier d’un recueil tel que celui dans lequel elle a été incluse, j’ajouterai pour conclure qu’Endurance fait un beau boulot de présentation d’une faction amenée à jouer un rôle important dans l’univers 40K (la Death Guard), en plus de donner assez envie de lire le long format mettant en vedette les Lords of Silence. Que l’exploration d’un concept central du fluff, le ralliement d’un Space Marine loyaliste au Chaos, soit également présente pour l’instruction des lecteurs novices ajoute encore a l’intérêt du propos, qui mérite donc largement sa place dans le Black Library Celebration 2019.

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Duty Waits – G. Haley [HH] :

INTRIGUE :

Duty WaitsSur Terra, les loyaux défenseurs de l’Empereur ne savent plus quoi inventer pour tuer le temps. Nous suivons ainsi le quotidien à la fois morne et stressant de deux Astartes de la VIIème Légion, le Capitaine Maximus Thane de la 22ème Compagnie, et le poussin Kolo, fraîchement diplômé de la promotion Eltaune Jaune, alors qu’Horus n’en finit plus de faire traîner son quart d’heure d’impolitesse. Alors que Max’ a au moins le loisir de faire un peu d’exercice à la tête de ses hommes, qu’il emmène régulièrement faire des joggings sur le mur d’enceinte du Palais1, Kolo est assigné au support informatique de ce dernier, et, entre deux appels d’un certain M. Alcador, qui éprouve toutes les peines du monde à envoyer un mail ou à ouvrir une pièce jointe (et qui oublie une fois sur deux d’allumer son écran), doit gérer une bien pesante inactivité. Car, il faut bien le reconnaître : il ne se passe pas grand-chose d’intéressant sur Terra d’un point de vue strictement apocalyptique. Bref, les journées sont longues2.

À défaut de s’améliorer franchement, les choses évoluent un peu pour nos protagonistes après le départ de la flotte en destination de Beta-Garmon. Bien qu’ils n’aient pas eu la « chance » de faire partie des heureux élus envoyés au casse-pipe contre les renégats, Thane et Kolo ont en effet reçu de nouvelles affectations. Le Capitaine a ainsi la chance, la joie et l’avantage de faire le planton à 300 mètres au dessus d’un square fréquenté par les civils du Palais, afin de rassurer et d’inspirer ces derniers. Malheureusement, les cadences infernales de travail auxquelles sont soumises les masses laborieuses de Terra, les conditions météorologiques détestables de la région, et le manque d’intérêt du spectacle (les gars restent vraiment plantés comme des piquets pendant des heures, à tel point que son Lieutenant manque de déclencher une alerte jaune quand il voit Thane lever les yeux vers le ciel) viennent contrarier cette noble initiative de propagande. Ils auraient jonglé avec leurs bolters, ça aurait eu plus de gueule, moi je dis. Pour se distraire, Maximus imagine ce qu’il se passerait s’il se laissait tomber depuis le mur, et calcule les probabilités jusqu’à la 15ème décimale de sa survie en fonction de paramètres divers, comme l’écartement de ses bras pendant la chute, l’atterrissage sur un quidam, ou encore la vitesse de croisière d’un Stormbird (africain) non chargé. Il soupçonne que le développement d’un passe-temps tel que le suicide mental pourrait peut-être trahir un léger début de névrose, mais cela ne l’empêche évidemment pas de faire son devoir.

De son côté, Kolo participe à l’opération Sentinelle II (la première ayant pris place 28.000 ans plus tôt, même si personne ne s’en souvient), ce qui lui donne l’occasion d’interagir avec les civils que Thane ne voit que de loin. Entre deux contrôles d’identité et palpations aléatoires, le voilà sommé avec son escouade d’intervenir en support des forces de l’ordre, débordées par une foule hostile car affamée. La distribution du pain quotidien ayant en effet annulée sans prévenir, une poignée d’Arbites doivent calmer les velléités meurtrières de quelques milliers de mal-contents. L’arrivée des gilets plastrons jaunes n’a pas l’effet escompté, pas plus que les talents oratoires et diplomatiques, assez limités il faut bien le reconnaître, du Sergent Benedict ne permettent de désamorcer le conflit latent. Ce qui doit arriver arrive, et les manifestants commettent l’erreur de charger leurs protecteurs, qui répondent par une rafale de bolter dans le plus grand des calmes. 80 douilles très exactement plus tard, l’incident est clos, au prix d’un petit millier de morts seulement. Voilà qui mérite bien un honneur balistique, il me semble. Bref, sur Terra il n’y a pas que le temps qu’on tue.

1 : En revanche, pas question de traverser la route avant que le petit bonhomme ne passe au vert jaune. Sous peine de mort.
: Il est d’ailleurs murmuré dans les cercles autorisés que c’est la surutilisation de leur membrane cataleptique pour faire passer le temps plus vite pendant leur interminable garnison sur Terra qui a entraîné la dysfonction de cette dernière chez les Imperial Fists et leurs successeurs.

AVIS :

Dans la série des nouvelles de C.A.L.T.H.1 constituant une partie non négligeable du recueil Heralds of the Siege, Duty Waits se place en tête de peloton par ses importants apports en termes de fluff, ainsi que par la réussite de Haley à faire ressortir la torture mentale que représente cette attente interminable pour les défenseurs, fussent-ils des transhumains conditionnés et entraînés pour faire face à toute situation. Et les Space Marines ont beau ne pas connaître la peur, l’Empereur n’a rien dit ni prévu en ce qui concerne l’ennui, ce qui peut mener même les soldats les plus disciplinés à commettre quelques regrettables boulettes. Dans cette ambiance de Désert des Tartares, Thane et Kolo vivent chacun leur propre enfer, et se retrouvent, sans le savoir, complices d’une exaction qui ne manquera pas de venir les hanter après l’Hérésie. Sur le thème, déjà couvert de nombreuses fois mais tellement central pour la série qu’on pardonnera aisément cette nouvelle itération, du sacrifice des fins en faveur des moyens, Haley parvient à brosser un portrait singulier et sinistre du Monde Trône avant que l’apocalypse ne s’y déchaîne, et préfigurant sans le savoir la dictature brutale, liberticide et usine-à-gazesque que deviendra l’Imperium, autrefois « simple » despotisme éclairé et progressiste, une fois la guerre civile terminée. Et si la question du « mais comment en est-on arrivés là ? » est la plus importante à laquelle l’Hérésie d’Horus doit répondre, alors on peut considérer Duty Waits comme une vraie réussite.

1 : Calme Avant La Tempête Horusienne.

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Gods’ Gift – D. Guymer [AoS] :

INTRIGUE :

Gods' GiftPrenant place après les évènements narrés dans Great Red et The Beasts of Cartha, pour ne citer que deux des précédentes aventures de notre fougueux héros, Gods’ Gift voit Hamilcar et quelques uns de ses potes des Astral Templars accomplir une mission d’intérêt général, sans doute pour avoir commis quelque tour pendable à une chambre rivale lors d’une permission à Hammerhall. Il s’agit en l’état de punir et faire stopper les exactions d’une bête monstrueuse s’amusant à disposer des hardis bûcherons d’un camp de colons récemment implanté dans les terres farouches de Ghur, tâche récréative pour des Stormcast Eternals de la trempe de nos gais lurons. Guidés par un local – Fage – qui malgré son âge vénérable semble tout émoustillé par la seule présence des Elus de Sigmar, Hamilcar & Cie s’embarquent donc dans une épopée aussi directe et rapide qu’une quête de zone de didacticiel de World of Warcraft.

Depuis le relevé de empreintes jusqu’à la constatation de l’heure du décès, ou plutôt, de l’abattage, il ne se passera ainsi qu’une petite journée, soit une vingtaine de pages pour le lecteur, juste le temps pour Ham’ de piquer un roupillon qui lui apportera un rêve plus ou moins prophétique, dans lequel un chêne vient lui chanter Je suis malade (ce qui est ‘achement dur pour un végétal, et mérite le respect), ce qui lui permettra de prendre une décision des plus inspirées quelques heures plus tard. La nouvelle se terminant pour un petit cliffhanger pas vraiment haletant, mais sans doute important pour la suite de la saga d’Hamilcar (Mark de son prénom), le lecteur en est quitte pour embrayer sur directement sur la première, ou plutôt le premier roman dédié à Guymer à sa coqueluche hirsute (Champion of the Gods), dans lequel il est presque certain que des réponses seront apportées aux questions laissées en suspens à la fin de Gods’ Gift.

: L’Homme Arbre qui s’était chargé de la besogne de déshumanisation – c’est comme la désinsectisation, mais avec des primates – servant de pied à terre racine à humus à une sylvaneth passablement enrhumée.

AVIS :

Malgré les dizaines de titres que compte sa bibliographie BL à l’heure actuelle, ce n’était que la deuxième soumission de Mr Guymer m’étant tombée sous la main depuis l’inaugural The Tilean Talisman, initialement publié en 2011. Et je dois dire que mon appréciation de l’œuvre du bonhomme est resté scrupuleusement identique, huit ans plus tard : des aptitudes certaines en terme de narration, avec des personnages au minimum distrayants, à défaut d’être immédiatement attachants (mention spéciale à Brouddican, l’Hillarion Lefuneste personnel de cette grande gueule d’Hamilcar), relevé par quelques notes boisées – c’est le cas de le dire – de fluff, plombées par une vacuité de l’intrigue assez rédhibitoire. C’est bien simple, celle de Gods’ Gift (d’ailleurs, on ne comprend pas vraiment quel est le don auquel Guymer fait référence dans le titre de sa nouvelle1) s’articule en deux temps trois mouvements, sans qu’on ait l’impression d’une quelconque progression entre le début et la fin de la nouvelle. Hamilcar traque un monstre. Hamilcar rêve d’un chêne. Hamilcar tombe dans une embuscade d’Hommes Bêtes (il faut bien qu’il montre qu’il est un cador du corps à corps). Hamilcar débouche sur un bosquet de chênes sacrés, gardé par… le monstre qu’il traquait. Coup de bol. Baston. Victoire. Fin.

Bref, rien de bien challengeant pour l’intellect du lecteur, qui aurait pu s’attendre à quelques liens de causalité entre les différents éléments constitutifs du propos de Guymer. Rien de tel ici, ou de manière tellement évidente et peu fine que les relever n’a pas grand intérêt. Comme dit plus haut, cela peut sans doute se justifier par le fait que Gods’ Gift est un rehaut littéraire à un travail plus conséquent, avec lequel l’auteur prend bien soin de faire la liaison. Telle la rondelle de tomate venant décorer une entrecôte frites, cette nouvelle peut être consommée si on a vraiment faim, mais ne remplira pas l’estomac pour autant. Et comme dit plus tôt (Décembre 2014, pour être précis), c’est plutôt cher payé pour ce que c’est. On me souffle dans l’oreillette que c’est fois ci, c’est gratuit. Bon. Mais avant cela, cela ne valait certes pas les 2,99€ demandés. Rem-bour-sez nos in-vi-tat-tions !

1 : Soit ce sont les visions vagues envoyées par Sigmar, soit c’est le photophore magique remis par icelui, et qui permettra à notre fier héros de venir à bout de Marylise Lebranchu. Au lecteur de décider s’il prend le messie ou la lanterne.

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Magisterium – C. Wraight [HH] :

INTRIGUE :

MagisteriumSortis très éprouvés de la Guerre dans la Toile, la première défaite qu’ils aient connu depuis leur fondation, et qui a réduit drastiquement leur nombre, les Custodes doivent à présent panser1 leurs plaies et se préparer pour l’arrivée prochaine d’Horus et ses Légions renégates. Nous suivons donc le Vestarios (soit littéralement, le préposé au vestiaire de la boîte de nuit, en grec ancien) Samonas, fidèle bras droit de imperturbable Constantin Valdor alors qu’il supervise la réhabilitation des gardes suisses de l’Empereur, qui, en plus d’avoir été nonagimés (mais si, mais si, c’est du haut gothique) par les hordes démoniaques, ont cabossé et égaré leur matériel dans des proportions abominables, ce qui force les services généraux de la custoderie à enquiller les heures sup’ sans compter. Au moins, le temps d’attente à la cantine et à la photocopieuse s’en trouve fortement réduit, et il n’y a plus de problème de place au parking des trottinettes électriques. C’est déjà ça.

Ayant obtenu une audience auprès de (son demi-frère ?) Rogal Dorn, avec lequel il entretient des relations aussi fraîches que le bloc Harpic qui orne ses toilettes personnelles, Valdor se rend dans les appartements du Seigneur Commandeur de l’Imperium, toujours escorté de son fidèle Samonas. Comme on peut s’y attendre, l’entrevue se passe assez mal, les deux surhommes se balançant des amabilités au visage sans prendre de gants, énergétiques ou pas. Tandis que le maître des Imperial Fists reproche à son interlocuteur sa roideur confinant parfois à l’autisme, dès lors qu’une directive lui ait été donnée par l’Empereur, ce qui a conduit les Custodiens à contenir seuls les brèches dans les niveaux inférieurs du Palais, alors qu’un retrait stratégique aurait permis d’épargner de nombreuses vies, Valdoche nous joue son air favori du « Oh-mais-vous-les-Primarques-vous-n-êtes-que-des-sales-gosses-pourris-gâtés-et-on-était-bien-mieux-avec-Pépé-avant-votre-naissance2 ». Le sentiment de supériorité de Darth Valdor est toutefois tout ce qui lui reste, Dorn soulignant avec à propos que les pertes subies par les 10.000 ont de facto condamnés ces derniers à jouer les seconds rôles dans le futur siège de Terra, et que le sort de l’Hérésie repose maintenant entre les gantelets des Legiones Astartes, qu’ils soient traîtres ou loyalistes. Bref, la garde aurique n’est plus bonne qu’à assurer le service d’ordre autour de la chaise d’affaires impériale, et doit laisser aux Space Marines la gestion des vrais dossiers.

La virulence des échanges entre la main droite et le poing gauche de l’Empereur n’est pas sans rappeler à Samonas, qui s’ennuie ferme pendant ce crêpage de chignon3, une conversation du même ordre qui avait pris place quelques années plus tôt sur Prospero, lorsque que les Custodiens étaient venus donner un coup de main aux Space Wolves dans le châtiment, que d’aucuns jugent mérités, de Magnus et ses Thousand Sons à la suite du poke un peu trop accentué que ce dernier avait envoyé à son paternel pour lui signaler le comportement déviant d’Horus. Bien que Leman Russ se soit révélé un tout autre animal (autant comparer un malamut à un poisson pierre), le zèle sanguinaire avec lequel le Fenrissien mena l’assaut sur Tizca, et sa volonté sans équivoque de ne pas faire de prisonnier, au mépris des instructions remises par l’Empereur au Capitaine-Général, ne furent pas sans générer des frictions entre les deux envoyés impériaux. Dans ce cas, comme plus tard avec Dorn, Valdor, en tant que Magisterium, disposait d’une autorité théoriquement absolue sur son vis à vis Primarque, mais cela n’a pas empêché ce dernier de n’en faire qu’à sa tête, avec des résultats spectaculaires, à défaut d’être satisfaisants. Et Constantin d’y aller de son petit « Primarque… » méprisant en voyant Russ hurler à la lune sur la grand-place de Tizca après la volatilisation du Cyclope. Décidément, ils n’ont pas les mêmes valeurs.

La nouvelle se termine sur une scène de remparts (comme beaucoup des histoires de Heralds of the Siege d’ailleurs), Valdor enjoignant son sous-fifre porte-cravate de ne pas désespérer que l’Empereur reprenne enfin contact avec ses Custodiens, malgré tous les travaux d’isolation des fondations du palais à terminer avant l’arrivée d’Horus, et qui l’occupent à plein temps depuis maintenant des mois. D’une manière ou d’une autre, la fin approche à grands pas…

1 : Et penser, ils ont tous passé l’agreg’ de philosophie après tout.
2 : Funfact : Sur les 1932 mots titres et qualificatifs gravés à l’intérieur de la cuirasse de Valdor, 93% sont des critiques adressées aux fistons du Patron.
3 : Dorn s’étant laissé pousser les tifs pendant ses sept années de permanence au domicile paternel, il y a largement de quoi faire un manbun.

AVIS :

Pure nouvelle de fluffiste, en ce qu’elle s’avère être beaucoup plus riche en petites révélations et lourdes insinuations de background qu’en action pure et dure, Magisterium est une soumission de qualité de la part de Chris Wraight. Son principal intérêt, et non des moindres pour les amateurs de grandes figures de l’Hérésie (c’est à dire la plupart des lecteurs de la série, soyons honnêtes), est d’apporter quelques os à ronger sur le discret mais crucial Constantin Valdor, et de le faire interagir avec d’autres VIP impériaux. Les bisbilles qui s’ensuivent permettent à Wraight de soumettre quelques concepts intéressants, et de soulever des questions l’étant tout autant, comme celles de l’origine de Valdor et du rôle que lui a attribué l’Empereur, qui semble dépasser celui de simple garde du corps et porte parole officiel de Son Altesse Suprêmissime (bien que la fonction de Magisterium, et les prérogatives qui vont avec, soient déjà une belle source de discussion). La rivalité latente entre l’aîné des surhommes de Pépé et la fratrie primarquielle, qui est venue après, ne sera pas sans susciter quelques folles hypothèses de la part du lecteur, et j’espère bien que l’auteur continuera sur cette prometteuse lancée dans le roman dédié à l’énigmatique Capitaine-Général. En sus, l’état des lieux dressé par Wraight du piteux état dans lequel la Guerre dans la Toile a laissé les Custodiens permet de faire le lien entre cet épisode bien couvert dans les dernières publications de l’Hérésie d’Horus et le Siège de Terra, ce qui est toujours bon à prendre. Bref, une lecture tout ce qu’il y a de plus conseillée pour celles et ceux qui prennent l’Hérésie à coeur.

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Now Peals Midnight – J. French [HH] :

INTRIGUE :

Now Peals MidnightAlors que l’horloge de l’ApocalypseTM se rapproche furieusement de l’heure fatidique du début de la plus grande bataille de Warhammer 40K de l’histoire de la galaxie, le capitaine de l’équipe loyaliste décide de passer le temps avant le lancement de la clock en se dégourdissant les jambes sur le chemin de ronde qu’il a passé le dernier lustre à bâtir. Rogal Dorn, Prétorien de Terra, a beau se répéter que lui et ses gars (et filles) sont aussi prêts qu’ils puissent l’être, il est difficile d’être certain de rien alors que l’express d’Isstvan V est sur le point d’entrer en gare système, rempli jusqu’à la gueule de félons et de traîtres. Un calme de mauvais augure est d’ailleurs tombé sur Terra, comme si la planète tout entière retenait son souffle dans l’attente de l’arrivée d’Horus et de ses ruffians.

Alors que le Primarque des Imperial Fists boucle son parcours en écoutant le podcast des meilleures prédictions pessimistes et autres maximes déprimantes de l’Hérésie, depuis Malcador dans The Lightning Tower1 jusqu’à Solomon Voss dans The Last Remembrancer2, en passant par… lui-même (il le vaut bien) dans The Crimson Fist3, il fait plusieurs rencontres aussi vides de sens que lourdes d’intérêt, ou peut-être est-ce le contraire. Après avoir demandé à l’astropathe et secrétaire de direction Armina Fel d’organiser un dîner de travail avec ses frangins, il passe une tête au PC Sécurité jauger des conditions de circulation sur le périphérique solaire. Vison Buté voit noir foncé. Zut. Juste le temps de donner sa soirée à l’Amiral Su-Kassen (qui ferait bien d’en profiter pour bingewatcher la saison IV de Stranger Things, elle n’aura plus le temps après), et Jauni est déjà reparti.

Un petit aparté littéraire nous permet de faire la connaissance de Seplin Tu et de son paternel (Tur-Lu’tu), banlieusards impériaux enrôlés de force dans la milice terrane, et qui feront peut-être/sûrement une apparition dans une des prochaines soumissions de French dans cette franchise. Hello Yellow. Retour sur les remparts, où Archamus-3 et Andromeda-17 attendent l’arrivée du taulier en discutant anthropologie et philosophie. On s’occupe comme on peut. Dorn finissant par pointer ses guêtres, le Huscarl et la Devineresse lui emboîtent le pas jusqu’au lieu de rendez-vous avec Sanguinius et le Khan… qui savent déjà ce qu’il avait à leur annoncer, à savoir que la flotte du Maître de Guerre vient de se matérialiser aux confins du système solaire, prélude à la guerre du même nom. La prochaine fois, utilisez Whatsapp les gars, ça ira plus vite.

Enfin, en orbite, dans l’assiette de guerre sur laquelle il est posté, le Capitaine Katafalque reçoit un message privé signé d’un « RD » très peu protocolaire, mais qui n’en contient pas moins une information de (pierre de) taille : l’ennemi vient d’arriver. Corporate jusqu’au bout, Dorn insiste toutefois pour que l’ordre de mobilisation générale ne soit passé dans un premier temps qu’à la 7ème Légion, les White Scars et les Blood Angels bénéficiant d’un léger sursis avant d’être mis au parfum. Pourquoi ? Mystère. Mais comme on le disait chez les tribus Franc à la fin de M2 : « Avant l’heure, c’est pas l’heure… »

1 : ‘He saw this Heresy coming in his visions. That is the truth you fear. You wish you had listened…’
2 : ‘The future is dead, Rogal Dorn. It is ashes running through our hands…’ C’est moche l’auto-citation, John.
3 : ‘You’re no son, you’re no son of maïïïïïne !’ Bon c’est Genesis (We Can’t Dance), mais vous saisissez l’idée.

AVIS :

Je pense que l’apprécation de cette nouvellinette de French variera fortement selon le contexte dans lequel elle sera lue. Prise individuellement, il serait facile (et exact) de souligner qu’il ne se passe vraiment pas grand-chose dans Now Peals Midnight, Dorn se contentant de faire ce qu’il fait depuis les prémices de l’Hérésie d’Horus (The Lightning Tower, 2007) : regarder le ciel d’un air pénétré en fronçant très fort les sourcils. Cette fois-ci, c’est vréééééééééément la bonne, Rogal ! Bien sûr, il a gagné quelques souvenirs et connaissances dans l’intervalle, certains d’entre elles convoquées pour quelques lignes de dialogue, mais dans l’ensemble, rien de nouveau sous la plateforme de défense orbitale. D’un autre côté, si Now Peals Midnight est la culmination du corpus (entier ou partiel) de l’Hérésie, et que le lecteur sait que la prochaine fois qu’il recroisera la route des personnages de la nouvelle (qu’il a appris à connaître au cours de ses précédentes lectures), l’acte final de cette tragédie galactique aura débuté, il y a de bonnes chances qu’il éprouve quelques trépidations de bon aloi en parcourant ces quelques pages. Bref, comme souvent avec ce genre de production purement atmosphérique, time is the essence. J’appose donc la mention « à conserver dans un endroit frais et sec, à l’abri de la lumière, de la chaleur et de la précipitation » sur cette soumission. On connaissait la slow food, nous voilà avec du slow reading. Ce siècle est décidément étrange.

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The Witch Takers – C. L. Werner [AoS] :

INTRIGUE :

The Witch TakersMis sur une sale histoire de meurtre dans la ruralité profonde du Khanat d’Arkl, en Chamon, les chasseurs de sorcières Esselt et Talorcan, unis à la scène comme à la ville, remontent une piste, forcément chaude, à travers les dunes du désert de Droost. De villages martyrs en tombes profanées et cadavres possédés il ne faut pas longtemps à notre fine équipe pour subodorer que quelque chose de pas sigmarite se cache au fond de ce dossier. Il semblerait que quelqu’un hante Droost avec pour seule mission de massacrer tout ceux ayant le malheur de croiser sa route. Quelqu’un… ou quelque chose, qui asservirait ses hôtes les uns après les autres, passant de main en main et ne laissant que les dépouilles de ses victimes et de ses porteurs derrière lui. Alors que les deux Répurgateurs approchent l’oasis de Tora Grae, miraculeusement épargnée par la folie environnante, il leur faudra agir rapidement et intelligemment pour empêcher le Tournetueur (pun intended) de commettre un nouveau carnage…

AVIS :

C.L. Werner qui met en scène un duo de Répurgateurs embarqués dans une quête qui les conduira dans quelque sinistre recoin de leur « circonscription » : du tout cuit pour l’auteur de la (plutôt bonne) série des Mathias Thulmann me direz-vous. C’est aussi ce que je pensais avant de commencer la lecture de ces Tueurs de Sorcières, et me suis donc surpris à reconsidérer légèrement ce postulat une fois passé le point final. Comme quoi, rien n’est gravé dans le marbre dans ce bas monde. La première divergence notable qui m’est apparue est la relation amoureuse unissant Esselt et Talorcan, ce qui n’a rien de rédhibitoire en soi (et est même suffisamment rare dans une publication de la Black Library pour qu’on puisse au contraire saluer l’audace de l’auteur), mais m’a semblé tellement éloignée des conventions usuelles de ce genre de littérature que mon expérience de lecture s’en est trouvée, pas polluée, le terme serait un peu fort, mais au moins perturbée par les roucoulades échangées par nos héros1. Passées ces considérations romantiques, l’intrigue que nous propose Werner ne s’avère pas être très haletante, la course poursuite par hôte interposé à laquelle se livrent Buffy, Xander et le bracelet perdu de Valkia la Sanglante suivant son cours avec une linéarité décevante, alors que la méconnaissance par nos héros de la nature et de la forme du mal qu’ils ont à combattre ouvrait la porte au développement de fausses pistes. Quant au binôme de choc proposé par l’auteur, il se révèle être d’une décevante platitude, Esselt et Talcoran ne s’écartant pas d’un pouce de leur stéréotype respectif (la paladine zélée et le rôdeur débrouillard), ce qui ne donne pas vraiment envie d’embrayer sur le roman que Werner leur a consacré (Le Cœur Corrompu//The Tainted Heart). Pour terminer, les apports fluff de cette nouvelle se comptent sur les doigts d’une main d’un Zombie de la Peste, le fait qu’elle se déroule dans un bout de désert perdu au milieu de nulle part ne jouant évidemment pas en la faveur d’inclusions significatives (même si ce genre de théâtre d’opérations n’est en rien rédhibitoire pour peu qu’on veuille s’en donner la peine, comme Guy Haley l’a prouvé avec Les Sables du Chagrin//The Sands of Grief). En conclusion, il ne reste guère que le métier de C. L. Werner pour faire tenir ces Tueurs de Sorcières debout, ce qui est suffisant pour une lecture rapide de l’ouvrage, mais à peine.

1 : Quand bien même ces dernières sont restées d’une sobriété bienvenue. C’est ainsi, j’ai du mal à voir des « Mon amour » apparaître dans une nouvelle de la Black Library.

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Dreams of Unity – N. Kyme [HH] :

INTRIGUE :

Dreams of Unity« Démobilisé » comme ses camarades à la fin des Guerres d’Unification, l’ancien (dans tous les sens du terme) Légionnaire Tonnerre Dahren Heruk s’est reconverti dans le gladiatorat avec une poignée de comparses afin de joindre les deux bouts. L’Empereur n’ayant visiblement pas prévu de plan épargne retraite digne de ce nom en faveur de ses premiers prototypes de post-humains, la joyeuse bande vivote sur les maigres bénéfices des combats auxquels elle participe dans le Swathe, bidonville Terran s’étendant en périphérie du Palais de leur ancien patron. Pour ne rien arranger, les vétérans sont affligés de divers troubles physiques et psychologiques, dont une forme particulièrement vivace et handicapante de PTSD, poétiquement nommée les Rêves d’Unité, qui les mène à revivre leurs souvenirs de bataille comme s’ils y étaient, avec des conséquences généralement fâcheuses pour les quidams évoluant à proximité. Les Blood Angels n’ont vraiment rien inventés.

Ayant été témoin de la mort d’un de ses comparses (Kabe) sur le sable de l’arène, des mains d’un chrono-gladiateur au final desservi par son propre sadisme, Heruk commence sa journée par un peu de manutention, ramenant les restes mortels de son défunt collègue jusqu’au domicile de son dominus et imprésario (Tarrigata), afin de procéder au recyclage, puis à l’incinération de ces derniers. Il part ensuite à la recherche d’un autre gladiateur de l’écurie (Gairok) aux abonnés absents depuis quelques heures, ce qui n’augure rien de bon. Pris en chemin d’une crise de somnambulisme aiguë, il revient à lui dans un bar dévasté du Swathe, où Gairok1 semble avoir organisé une reconstitution hyper réaliste du siège d’Abyssna, avec les piliers de comptoir comme figurants (involontaires). Jugeant son camarade trop atteint pour qu’une autre issue soit possible, Heruk l’euthanasie la mort dans l’âme, et poursuit sa mission de porteur d’os en charriant le cadavre jusqu’au QG de la bande.

Ailleurs dans le Swathe, le SWAT impérial (see what I did there ?) se déploie à grand renfort de gadgets, sous les traits aquilins mais masqués du Custodien Tagiomalchian. Ce dernier a été chargé de trouver et de neutraliser des éléments séditieux opérant depuis les dédales mal famés du bidonville, et se montre très intéressé par le carnage commis par Gairok au café PMU du coin. Alors qu’il est occupé à faire quelques relevés en mode les Experts : Terra, il est violemment attaqué par un agresseur non identifié, ce qui coupe la transmission envers la Tour de l’Hegemon. Sus-pense.

Nous retrouvons Heruk et son poids mort alors qu’ils arrivent enfin en vue de la bicoque de Tarrigata, qui se trouve être en proie des flammes. Décidément, ce n’est pas la journée de notre heruk. Réussissant à extraire son patron des décombres au péril de sa vie, le Guerrier Tonnerre n’arrive pas à lui sous-tirer d’informations vraiment utiles quant à l’identité des petits gougnafiers responsables de cette destruction de propriété privée avant que Papy Tarri’ n’aille rejoindre la droite de l’Empereur. Supputant que l’incident ait pu être causé par une autre crise de delirium tremens du dernier de ses corelégionnaires vivants (Vezulah Vult), Heruk se met à nouveau en chasse, et parvient à débusquer Vivi dans les égouts du Swathe. Ce dernier, également à l’article de la mort, et aveuglé par un Bitch Betcher move réalisé par son assassin, refait le coup du « je meurs avant d’avoir donné la bonne info à mon pote pour préserver le suspens de l’histoire mouahaha- couic » à Heruk. Au moins, l’honneur des Guerriers Tonnerre est sauf, car ce n’est pas Vult qui a foutu le feu aux pénates de son patron. C’est déjà ça. Résolu à tirer ce mystère au clair, et désormais libre de toute obligation professionnelle du fait du décès de tous ses collègues, Heruk poursuit son avancée dans les niveaux inférieurs du Swathe…

Début spoiler…et arrive à temps pour filer un salutaire coup de main à Tagiomalchian, fort occupé à maîtriser un Alpha Légionnaire possédé et son culte de groupies, que l’on devine être responsables du saccage du Balto pendant que Gairok s’en jetait un petit, ce qui lui a fait péter les plombs, et de l’attaque des locaux de Tarrigata… parce qu’il leur devait de l’argent, peut-être ? Toujours est-il que ce sont les méchants de la nouvelle, les vrais, en plus d’avoir été impliqués dans la tentative d’infiltration du Palais Impérial quelque temps auparavant, bien sûr. Prudence étant mère de sûreté, Heruk commence par s’occuper des goons chaotiques pendant que Tag’ et Alpharius (car c’était lui… c’est toujours lui) se roulent par terre en bonne intelligence, écopant de quelques légères blessures mais se montrant si convaincant dans son approche qu’il arrive même à convaincre la meneuse adverse de se suicider plutôt que de l’affronter2. Ceci fait, il ne reste plus à notre increvable vétéran qu’à régler son compte au bossédé de fin, en partenariat avec l’Adeptus Custodes, et en écopant d’une déchirure mortelle au passage (si seulement il s’était souvenu qu’il avait piqué le pistolet à radiations de Tarrigata avant que d’engager le renégat au corps à corps… les ravages de la grande vieillesse). Herruïque jusqu’au bout, notre briscard peut ainsi tirer sa révérence la tête haute, ayant bien mérité un honorable coup de grâce de la part de son camarade de jeu. Dreams are my reality… (air connu).Fin spoiler

1 : Pour être honnête, on ne sait pas trop qui blâmer pour ces troubles de voisinage, Heruk ayant été tout aussi parti que son poto à son arrivée sur les lieux. Dans ces cas là, mieux vaut reporter le problème sur le type d’en face c’est vrai.
2 : Il faut dire que voir un colosse écumant perforer la cage thoracique de Roger de la compta’ à coup de pied ne donne pas en vie d’engager le dialogue.

AVIS :

Cette nouvelle de Kyme s’avère être assez satisfaisante, et plus qualitative que nombre de ses travaux précédents, ce qui est appréciable pour le lecteur et peut laisser à penser que notre homme s’améliore au fil du temps. Tant qu’il y a de la vie… En plus de la généreuse dose de fluff relative aux Guerriers Tonnerre dont nous bénéficions ici, le petit thriller mis en scène par Kyme quant à l’identité des proies traquées par Tagiomalchian tient plutôt bien la route, dès lors qu’on ne le regarde pas de trop près. À titre personnel, j’ai trouvé que l’auteur s’inspirait lourdement des travaux de certains collègues (le Custodes est un clone Kymesque du Tauromachian d’Abnett dans Blood Games, le crachat venimeux un emprunt au Talos d’ADB), ce qui peut peut-être expliquer pourquoi cette soumission est de meilleure facture que d’ordinaire. La tendance de Kyme à saboter l’exécution d’idées pourtant intéressantes par la non prise en compte de détails mineurs (affliction baptisée annandalisme par votre serviteur) vient toutefois fragiliser l’édifice1, ce qui est dommage mais pas surprenant. Mais on progresse, on progresse…

1 : Exemple gratuit, le chrono-gladiateur du début de la nouvelle est d’abord décrit d’une telle manière à ce que le lecteur croit qu’il s’agit d’un Custodien (ce qui ferait sens car ce sont eux qui ont massacrés les Guerriers Tonnerre sur l’ordre de l’Empereur). Ce quiproquo assez malin est affaibli par le choix de Kyme de faire de son antagoniste un tueur sadique, qui prend son temps pour tuer sa victime au lieu de l’achever efficacement. Pour un guerrier vivant littéralement sur du temps emprunté, une telle procrastination est en effet très improbable.

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The Old Ways – N. Horth [AoS] :

INTRIGUE :

Callis and Toll_The Old WaysAffecté à la surveillance de la cité d’Excelsis, dans le royaume de Ghur, le répurgateur de l’Ordre d’Azyr Halliver Toll, escorté de son sidekick Armand Callis, est envoyé par ses supérieurs tirer au clair une sombre histoire de disparition à Marshpoint, une ville agricole située en périphérie de la Cité des Secrets. Le fils aîné de la puissante famille Junica n’a en effet plus donné signe de vie après avoir eu maille à partir avec quelques soldats de l’autre grande famille locale, les Dezraed, qui l’ont poursuivi jusque dans les profondeurs de la forêt d’Ulwhyr. L’entente entre Junica et Dezraed n’ayant jamais été cordiale, c’est une vendetta en bonne et due forme qui menace d’éclater entre les Capulet et les Montaigu de Ghur, gueguerre qui mettrait en péril l’approvisionnement des régiments d’Excelsis en précieuse soie d’acier, ressource collectée depuis les fermes arachnides de Marshpoint. Il va donc de l’interêt général que cette triste affaire soit réglée dans les meilleurs délais, et qui de plus qualifié qu’un répurgateur pour traiter ce problème ?

Nous suivons donc Thalys et Colle au cours de l’enquête à laquelle ils se livrent à leur arrivée dans le bourg miteux et boueux de Marshpoint. Après un interrogatoire croisé des patriciens des deux familles, l’énorme et suintant Fenrol var Dezraed, autoproclamé Gardien de Marshpoint du fait de sa capacité de bloquer à lui seul l’entrée de la ville s’il lui prenait l’envie de s’asseoir en travers du portail, et le sec et irritable Kiervaan Junica, nos experts se rendent sur les lieux de la disparition à proprement parler, escortés par l’homme de confiance du patricien Junica, un natif du nom de Ghedren, et par un trio de gardes Dezraed. Et s’il se pourrait bien que la rivalité larvée entre familles nobles ait bien fait couler le sang, les enquêteurs feraient bien de prendre au sérieux les rumeurs entourant la Sorcière Blanche d’Ulwyhr. Après tout, ils ont pénétré sur son domaine…

AVIS :

C’est avec enthousiasme que j’avais vu revenir la figure iconique du chasseur de sorcières/répurgateur dans le lore d’Age of Sigmar, que son inclinaison high fantasy aurait pu « immuniser » à l’introduction de ce type de personnage, très grimdark par nature. La lutte contre les cultes chaotiques gangrénant le nouvel ordre rutilant de Sigmar constitue en effet à mes yeux un axe de développement des plus intéressants, et une prise de recul bienvenue sur le manichéisme caractéristique des premières années d’AoS. Encore fallait-il que l’image d’Epinal Hammerhal de l’inquisiteur traquant le vice et la trahison parmi les sujets obéissants de l’autorité centrale (préférablement divine, c’est plus classe) soit convenablement adaptée dans cette nouvelle franchise, la profession en question exigeant une rigueur morale confinant à la psychose, ce qui n’est pas franchement la norme parmi la soldatesque sigmarite (ces martel-sans-rire de Celestial Vindicators mis à part), dépeinte à de nombreuses reprises comme adepte du compromis et de la tempérance. Qu’en est-il avec la paire Callis & Toll, promise à un bel avenir au sein de la BL à en juger de la façon dont leurs noms ressortent dans tous les ouvrages auxquels ils ont été inclus ? Eh bien, c’est plutôt pas mal, encore que pas spécialement pour les raisons détaillées ci-dessus. Je m’explique.

Si le fanatisme (dans le bon sens du terme, car, si si, dans la littérature med-fan, cela existe) de nos héros laisse à désirer, la retenue dont fait preuve Toll, sensé être le vrai bad guy du duo, dans le jugement qu’il délivre au coupable, le plaçant à un petit 2 sur l’échelle de Mathias Thulmann (le référentiel absolu de la maison à cet égard), Horth se rattrape néanmoins en glissant quelques remarques de bon aloi à propos d’un certain White Reaper (Cerrus Sentanus sur son état civil), Stormcast Eternal pas vraiment Charlie, à tel point que son nom est utilisé pour effrayer les enfants d’Excelsis. Voilà un type qui mérite que l’on suive, et j’espère bien que ça sera le cas dans un futur pas trop lointain. Celà étant dit, The Old Ways a d’autres qualités, la première étant de proposer une petite enquête policière pas trop mal troussée au vu du nombre de pages limité avec lequel elle doit composer1, l’atmosphère horrifique du passage « sylvestre » du récit étant une autre source de satisfaction. D’autre part, cette nouvelle présente également l’intérêt de creuser le background de la cité libre d’Excelsis, qui devrait normalement ne pas disparaître corps et bien dans les annales du fluff, au vu du nombre d’apparitions qu’elle a faite dans divers écrits depuis son introduction dans le background. En apprendre plus sur cette bourgade présente donc un intérêt pour le fluffiste, tellement bombardé d’informations géographiques par ailleurs qu’on ne peut lui reprocher de ne pas prendre note de tout ce qu’on lui soumet.

Enfin, de façon plus large, elle fait ressortir un concept intéressant : le fossé existant entre natifs d’Azyr et populations locales au sein des cités libres, les seconds étant généralement mal considérés, voire méprisés par les premiers, qui les qualifient « d’Amendés » (traduction personnelle de Reclaimed, qui peut aussi s’entendre comme « Récupéré ») ou de « Sang Maudit » (curseblood), ce qui n’est pas très sympathique, mais ajoute de la profondeur à la société sigmarite. Quand on lit que même un personnage « égalitariste » comme Toll n’aurait pas de problème à raser toutes les forêts de Ghur pour pouvoir accélérer la colonisation de ce Royaume, au grand désarroi des locaux qui ont appris à vivre dans les étendues sauvages et à les respecter, on se dit que la possibilité d’un soulèvement des indigènes contre la métropole et ses représentants est une possibilité réelle… et c’est tant mieux en termes de potentiel narratif ! Bref, une plongée satisfaisante dans l’arrière-pays d’Excelsis, et une nouvelle qui vaut le coup d’être lue pour qui s’intéresse au fluff des cités libres.

: On saluera également le twist proprement « meta » de Horth, qui fait dire à Toll qu’il avait identifié le coupable depuis belle lurette et attendait juste de voir combien de temps il faudrait à Callis (et donc au lecteur) pour faire de même. On ne me l’avait jamais faite celle-là.

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The Battle for Markgraaf Hive – J. D. Hill [40K] :

INTRIGUE :

The Battle of Markgraaf HiveComme les plus sagaces des lecteurs de cette chronique l’auront certainement deviné, la nouvelle du sieur Hill traite donc de la bataille pour la ruche Markgraaf1, opération de reconquête et pacification à laquelle l’unité de Minka Lensk, héroïne récurrente de l’auteur, à le plaisir et l’avantage de participer, en compagnie du \[|{™#{ème Cadien (comprendre qu’entre les pertes au combat non remplacées et les fusions régimentaires qui s’en suivent, les numéros défilent plus rapidement que lors d’une soirée bingo à l’Ehpad de Bois-Robert-sur-Veule).

Au menu de ce qui peut sans doute être considéré comme un séminaire annuel pour les derniers des Targaryen – cette manie de coller des yeux violets aux protagonistes pour les distinguer de la masse… –, une activité de team building dans les ténèbres des niveaux inférieurs de la ruche en question, avec les habituels cultistes hargneux-mais-bon-ça-va-on-a-vu-pire en lieu et place des assiettes en céramique à décorer, qui étaient à la mode en ce genre d’occasions quelques millénaires plus tôt. Une fois la séance initiale de laser game terminée, on enchaîne avec une découverte de la faune locale, qui consiste en des rats de la taille d’un rat et des asticots de la taille d’un chien (appelons-les maxticots), suivie par une session d’aqua-relax dans un bassin naturel, sous les ordres d’un Commissaire-Nageur un brin autoritaire.

À peine le temps de réaliser que les maxticots ne font pas de bons candidats au fish pédicure, à moins d’être un Ogryn peu chatouilleux, qu’il faut enchaîner avec une initiation à l’escrime médiévale/escape game sous la houlette de Philippe Chaos-therine (il coupe sa hache… et il rallume sa hache…), Space Marine renégat reconverti en coach de vie. Cette journée intense se termine par quelques longueurs de brasse coulée, un temps calme de 10 minutes devant une œuvre d’art moderne convenablement moche, et un ultime passage au hammam (mais habillé, ce qui est concept). Ce n’est pas tout le monde qui a la chance de vivre des séminaires aussi riches. Merci qui ? Merci Abby !

À ne pas confondre avec la ruche Steffigraaf, qui malgré quelques revers, est toujours au service de l’Empereur.

AVIS :

Propulsé directement dans le feu de l’action dès les premières lignes de The Battle… (au moins, le titre n’est pas mensonger), le lecteur aura sans doute quelques difficultés à comprendre les tenants et les aboutissants de cette successions de péripéties aussi guerrières que brouillonnes, expédiées sans tact, ni finesse, ni connecteurs logiques (ce qui surprend au début, irrite au milieu, et fait marrer à la fin) par un Justin Hill aussi maître de son propos qu’un élève de CM1 couchant par écrit le récit de ses vacances de printemps.

Si le début de la nouvelle fait illusion, tout se corse à l’arrivée sur la mare aux maxticots, théâtre d’une empoignade confuse, suivi de l’arrivée d’un groupe de survivants – dont un Valhallan, qui passait dans le coin – mené par un Commissaire, suivi de l’exécution d’un Garde qui trouvait l’eau trop froide, suivi de l’arrivée du random Chaotic Space Marine de base, suivi d’une ré-empoignade confuse, suivie d’une fuite éperdue de l’héroïne jusqu’au fond du bassin, suivi d’un questionnement philosophique sur la destinée des Cadiens survivants, suivi d’un séchage express, inexpliqué et interprété comme miraculeux par une Minka à laquelle il ne faut pas grand chose, des vêtements de nos héros, suivi de la fin du récit, qui s’achève donc davantage comme un chapitre de roman qu’un court format digne de ce nom, faute d’un dénouement digne de ce nom (sauf si être coincé à deux sans matos dans une caverne inondée peuplée de vers carnivores géants et squattée par des hordes d’hérétiques peu aimables et un Space Marine du Chaos altéré de sang constitue un explicit satisfaisant, bien sûr1).

Pauvre en termes de fluff, d’informations sur le passif de Mina Lensk, et d’une assez grande banalité dans son propos, The Battle… lorgnait peut-être du côté de la saga Gaunt’s Ghosts, et notamment du siège de Vervunhive couvert dans Necropolis, pour son inspiration, mais le fruit (plein d’asticots, donc) est tombé trèèèès loin de l’arbre. Pour laisser le mot de la fin, en même temps que du début, car j’aime bien boucler des boucles sur mon temps libre, à Hill en personne : « What the hell is happening ? »

1 : Si c’est le cas, vous êtes bizarre.

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A Brother’s Confession – R. MacNiven [40K] :

INTRIGUE :

A Brother's ConfessionSur la barge de bataille Ultramarines Spear of Macragge, l’Apothicaire Primaris Polixis se rend à confesse pour expier le crime qui lui pèse sur la conscience depuis le dernier engagement auquel il a participé aux côtés de ses comparses de la Fulminata, contingent de Necmarines1 rattaché au Chapitre natal de ce bon Roboute. Et quel crime ! Rien de moins que le meurtre d’un de ses frères de bataille, l’infortuné Artimeus Tulio. Avant que le sévère Chapelain Kastor, qui se trouve être le véritable frère de Popol (d’où la subtile référence mythologique que le lecteur sagace n’aura pas manqué d’identifier) et auquel pleins pouvoirs sont laissés pour traiter cette affaire, ne délivre son jugement, un petit flashback explicatif des familles (et pour cause) s’impose…

Nous voilà donc sur Atari, planète renommée dans tout l’Ultima Segmentum pour la rectitude de ses arcades et la qualité de ses bornes, et plus précisément dans le manoir du gouverneur local, où les Fulminata sont engagés dans une furieuse partie de FPS contre des hordes de cultistes de Tzeentch. Le monde est en effet la proie à une rébellion caractérisée contre la sainte autorité de l’Empereur, et la situation est suffisamment mal engagée pour que les grands bleus se retrouvent engagés dans une course contre la montre pour mettre le gouverneur De La Sario en sécurité, ou a défaut, lui coller un bolt dans le caisson, afin d’empêcher les dissidents chaotiques d’activer les plateformes orbitales de la planète, verrouillées génétiquement sur le profil du dirigeant légitime d’Atari.

Accompagnant une escouade d’Intercessors sur place, Polixis se trouve confronté à un choix difficile : voler à la rescousse de ses frères, dont certains ont été grièvement blessés par un assaut de cultistes à la férocité imprévue, à l’autre bout du palais, ou battre en retraite en compagnie des hommes du Sergent Nerva, comme ce dernier, le bon sens, et jusqu’au Codex Astartes le préconisent. Confiant en l’épaisseur de son armure en scenarium renforcé, l’intrépide Apothicaire décide de taper un sprint jusqu’à la position des surhommes à terre, ce qu’il parvient à faire sans trop de difficultés. Il est cependant déjà trop tard pour le pauvre Scaevola, plus perforé qu’une copie double à la sortie de la presse, et dans un état trop désespéré pour que Polixis ne puisse lui accorder autre chose que la Paix de l’Emper- ah, non, visiblement il n’y a même pas le temps pour ça, et c’est donc à une ablation de ses glandes progénoïdes pre-mortem (en atteste le fait que Polixis ait besoin de clamper l’incision cervicale pour éviter que la plaie se referme trop vite) à laquelle le doublement malchanceux Scav’ a droit. Il y a des jours comme ça…

L’affaire réglée en moins d’une minute, qui a dû tout de même paraître très longue au patient opéré2, Polixis, décidément très joueur, opte pour une action d’arrière garde afin de s’enquérir de la santé du dernier membre de l’escouade, qui se trouve être le fameux Tulio. Pendant que ses petits copains, qui ne connaissent ni la peur, ni la témérité, se replient sagement vers le point d’extraction, notre héroïque Apothicaire se glisse jusqu’à la position de Tutu, qui git dans une mare de sang et un monceau de cultistes du mauvais côté d’un pas de tir chaotique. Pas de quoi arrêter Polixis, que son statut de personnage principal racontant un flashback rend confiant quant à sa capacité de braver la mort, n’eut été la présence im- ou o- pportune de la fille du gouverneur de l’autre côté de la pièce. Cette dernière pouvant tout autant que son pôpa donner aux Ultramarines l’accès à la plateforme orbitale, c’est à un nouveau dilemme que Polixis doit faire face. Il ne peut en effet secourir qu’un des deux individus susnommés, et c’est peu dire que ses cœurs balancent. Optant finalement pour la fille (chez les Ultras, c’est pas « bros before hoes » donc), il récupère le précieux colis et repart enfin vers la sécurité du Thunderhawk garé en double file à l’extérieur du palais, les quelques blessures qu’il récolte au passage n’étant pas assez graves pour l’empêcher de mener sa mission à bien.

Et nous voilà de retour sur le Spear of Macragge, où l’inflexible Kastor doit bien se demander ce qu’il a fait pour avoir un tel Mary Sue comme frangin. Car non, Polixis n’a pas tué Tulio. Son « crime » est d’avoir sciemment abandonné le patrimoine génétique d’un frère tombé au combat, pour accomplir une mission qui lui semblait plus importante sur le moment. Oh mon Empereur, mais c’est absolument terribleuh ! Et Kastor de broder une jolie parabole sur le sauvetage d’un chiot tombé dans la rivière quand lui et Polixis étaient gamins, afin de convaincre son fragile de frère qu’il n’a rien fait de rédhibitoire. À se demander comment il a réussi à gagner sa carapace noire avec cette sensibilité malvenue. Je te l’enverrais vers un stage d’endurcissement chez les Iron Hands ou les Marines Malevolent, moi. MauviBleuette, va.

1 : Car comme le dit l’expression : « Nec plus ultra ».
2 : D’autant plus que le Sergent décide une fois les glandes extraites de repartir avec le corps de Scaevola. Sauf perissabilité extrême des progénoïdes, ce qui serait étonnant vu la résilience généralisée d’un Space Marine, on peut donc plaider la cause de l’acharnement thérapeutique sur le pauvre bougre.

AVIS :

Malgré une introduction prometteuse, augurant d’un fratricide en bonne et due forme commis par le plus insoupçonnable des coupables (un Primaris Ultramarine : plus droit dans ses bottes que ça, c’est un chausse-pied), cette courte nouvelle de McNiven se révèle être au final composée à 50% de bolter porn, et à 50% de publicité pour les organes supplémentaires des Primaris. À croire que le déclenchement de la Fournaise Belisarienne du frère Posthumus constitue une information cruciale à transmettre lorsqu’on est sous le feu ennemi. L’occasion pour les fans de Bonnet Bleu et Bleu Bonnet, héros du roman Blood of Iax/Le Sang d’Iax de retrouver les frangins dans un contexte un peu différent, mais qui ne devrait, sauf erreur de ma part, pas fondamentalement changer la vision que le lecteur a de nos deux larrons. Pas désagréable, mais très loin d’être indispensable.

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The Tainted Axe – J. Reynolds [AoS] :

INTRIGUE :

The Tainted AxePeu de temps après les événements relatés dans ‘Spear of Shadows’, nous retrouvons le chevalier – ou plutôt, demigryphier – Roggen de Ghyrwood March, de retour en Ghyran avec une main en moins et des souvenirs en plus. Ayant refusé l’offre de Grugni de remplacer son membre manquant par une réplique mécanique, au profit d’une solution plus naturelle, notre héros n’a toutefois pas trouvé chaussure à son pied ni prothèse à son moignon. Sa convalescence prend un tour particulier lorsqu’il se sent appelé une nuit dans le bosquet de ferbois consacré de son ordre, où l’attend une Branchwraith mutine, avec une nouvelle quête divine à lui confier.

Loin au Sud se trouve le Gaut Tors1, une forêt qui a cruellement souffert des déprédations de Nurgle et des ses séides au cours des dernières années. Un champion du Dieu des maladies y a jadis mené une expédition corruptrice, dont il n’est jamais revenu mais qui a résulté en l’abandon de sa hache maudite sous un tas de feuilles. Depuis lors, cette arme maléfique corrompt les bois aux alentours, comme une pile au mercure enterrée dans l’humus. La mission de Roggen consistera donc à localiser cette relique impie et à la ramener à sa commanditrice, qui en échange de ses bons et loyaux ordonnés services lui fera pousser une nouvelle menotte. Bien que notre héros ne soit pas né de la dernière pluie, et se méfie à juste titre des fantasques Sylvaneth, le serment d’allégeance à Alarielle qu’il a prêté en devenant chevalier, et l’attrait de retrouver la main, le convainquent rapidement d’accepter cette quête. Avant de retourner écouter pousser les fleurs, la Branchwraith a l’amabilité de lui adjoindre les services d’un sherpa forestier, en la personne compacte mais grincheuse d’un esprit de la forêt.

Nous suivons alors Roggen, son guide mal-luné (il passe son temps à appeler le chevalier « viande », ce qui n’est guère aimable) et sa farouche monture (Harrow) jusque dans les profondeurs mal famées du Gaut Tors. Bien que sa patronne lui a promis qu’il aurait un droit de passage auprès des Sylvaneth du cru, le fait que ces derniers soient perturbés par les émanations toxiques de la hache perdue d’une part, et leur allégeance à nulle autre que Drycha Hamadreth d’autre part (un petit détail que la Branchwraith avait omis de préciser à son prestataire pendant le briefing), n’incitent pas Roggen à la détente de son slip (en bois, comme le reste de sa garde-robe). Le trio finit toutefois par arriver dans une clairière, où un petit groupe de Rotbringers est à pied (gangréné) d’œuvre, et vient d’exhumer une sorte de cocon de racines calcifiées, qui ne peut être que le réceptacle de cette fameuse hache.

Confiant dans ses capacités de bretteur et l’effet de surprise, Roggen fonce dans le tas avec abandon, mais se retrouve rapidement en difficulté, notamment du fait que ses adversaires ont apporté avec eux des arbalètes, ce qui n’est pas très fluff tout de même. Avant que l’impétueux chevalier n’ait été transformé en hérisson manchot (ce qui vaut mieux qu’un échidné pingouin, qu’on se le dise), une voix tonitruante vient intimer aux Nurgoons de cesser le feu. Il s’agit du Blight Knight qui commande l’expédition des prouteux, et qui, en véritable chevalier de l’ordre de la mouche, propose à Roggen de régler l’affaire par un duel tout ce qu’il y a de plus honorable, et au gagnant le loot. N’ayant pas de meilleure option sous la main, notre héros accepte la proposition de son adversaire (Feculus), et les deux champions se mettent sans tarder à l’ouvrage.

Si sa monture parvient sans mal à vaincre le destrier démoniaque de sa Némésis, Roggen éprouve quant à lui les pires difficultés à tenir tête à cette dernière, qui est à la fois plus forte et plus résistante que lui. Au bout du compte, il faudra l’intervention, pas vraiment fair play mais très secourable, de son sidekick végétal (qui utilise l’attaque airbark) pour que Roggen parvienne à vaincre l’ignoble Feculus. La mort de leur patron libère toutefois les Rotbringers de leur serment de non-intervention, et le chevalier Dubois n’aurait pas fait long feu sans l’arrivée à point nommée des Sylvaneth du Gaut Tors, qui se font un plaisir d’offrir une démonstration de bio compostage express à leurs ennemis honnis. Cela laisse le temps à Roggen de repartir avec sa relique rouillée, et de se retrouver en bout du compte avec une greffe maniable. C’est tout le mal qu’on lui souhaite.    

1 : Je ne sais pas si cette nouvelle a été traduite en français, mais je suis hyper fier de ma proposition (Writhing Weald en VO).

AVIS :

On ne le savait pas encore à l’époque de sa publication, mais ‘The Tainted Axe’ constituait la dernière apparition du chevalier Roggen de de Ghyrwood March, l’un des personnages attachants1 créés par Josh Reynolds dans le cadre de sa saga – laissée inachevée – des Lamentations de Khorne. Si cette péripétie mineure ne se place pas parmi les meilleures soumissions de notre homme, on y retrouve toutefois les points forts habituels de sa prose, à savoir des personnages intéressants (mention spéciale au jovial Feculus, que l’on retrouve cité dans les écrits consacrés par Reynolds à l’ordre de la mouche), une intrigue et un développement qui tiennent la route, et une généreuse dose de fluff pour napper le tout. Des nouvelles comme ça, je pourrais en lire 10 par jour sans me lasser. A mettre entre toutes les mains (haha).

1 : Notamment parce qu’il a pas mal de traits communs avec Erkhart Dubnitz, du très saint et très violent ordre de Manann, un des héros les plus hauts en couleurs de la Black Library.

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Fireheart – G. Thorpe [40K] :

INTRIGUE :

FireheartEnvoyée par Yvraine comme émissaire auprès des Eldars du Saim Hann afin d’obtenir de l’aide dans la quête des mondes de Morai-Heg, la Céraste Druthkala Shadowspite (Drudru pour les intimes) a bien du mal à convaincre ses hôtes de prêter une oreille pointue attentive à ses doléances. Car étonnamment, les Zoneilles sont égoïstes et mesquins. Qui l’eut pensé, vraiment ? Alors que les Clans réunis en assemblés dans le bois de Vincennes du Vaisseau Monde n’en finissent plus de se crêper le chignon, et que Druthkala tue le temps, faute de mieux, en imaginant les sévices qu’elle pourrait infliger à ses lointains cousins, Nuadhu du Clan Fireheart fait son apparition, en retard comme à son habitude. Bien que seulement héritier putatif du Clan, l’état végétatif de son père lui donne le pouvoir de décider à sa place, et un seul regard sur les courbes généreuses et l’armure minimaliste de la diplomate Ynnari convainquent notre dalleux de héros qu’il doit lui venir en aide pour s’en faire bien voir, et plus si affinités. Le choix d’Yvraine d’envoyer une bombasse plutôt qu’un érudit fait tout d’un coup plus de sens…

La mission de Shadowspite et de ses nouveaux amis est assez simple : mener une reconnaissance sur le monde vierge d’Agarimethea, où un vaisseau Exodite patiente en double file orbitale depuis quelques semaines, ce qui indique que quelque chose ne tourne pas rond à la surface. Après un petit go fast dans la Toile, dans la plus pure tradition des Wild Riders, les bikers au serpent arrive sur place, où ils ne mettent pas longtemps à repérer un complexe Necron défigurant le paysage champêtre, comme un magasin Bricodépôt construit au milieu d’un parc naturel. La présence de l’ennemi primordial des Eldars sur une planète qui devrait pourtant être exempte de toute souillure provoque des réactions mitigées dans la compagnie. Ceux qui réfléchissent avec le cerveau (Caelledhin, la demi-sœur du héros) sont pour une retraite prudente, ceux qui réfléchissent avec un autre organe (Nuadhu, qui n’en finit plus de baver sur les jambes de Shadowspite) insistent pour aller jeter un œil sur site, afin de peut-être trouver une arme qui pourrait aider les Eldars dans leur lutte contre les Necrontyr. Nuadhu étant techniquement aux commandes (même si cet incapable a laissé le pilotage de sa Vyper à son chauffeur de fonction), l’expédition fait fi de toute prudence et va se garer devant la pyramide principale. Bien évidemment, le calme qui baigne les lieux n’est qu’apparent, et lorsque Nuadhu pose la main sur la surface inerte du monument aux des morts, une alarme se déclenche et le ciel se remplit bientôt de tirs de désintégrateurs et d’aéronefs Necrons.

La fuite éperdue qui s’en suit voit la disparition tragique d’un certain nombre de cousins Fireheart, victimes des tirs ennemis, du relief ou du troupeau de dinosaures local (obligatoire sur un monde vierge). J’imagine qu’il en reste encore plein de là où ils viennent, et on ne pleurera donc pas trop sur leur sort. Les Eldars, bien diminués par la tournure qu’ont pris les événements, et la stupidité crasse de leur chef, jurent toutefois de revenir pour rendre aux Necrons la monnaie de leur pièce, ce qui sera fait dans ‘Wild Rider’/’Le Cavalier Rebelle’, le deuxième bouquin consacré aux suivants d’Ynnead par Gav Thorpe.

AVIS :

Je dois avouer tout de suite que je n’ai pour le moment pas réussi à m’intéresser aux Ynnari, ce qui est un handicap pour qui veut effectuer une chronique impartiale d’une nouvelle consacrée à cette nouvelle faction de 40K. Toutefois, même si les cultistes d’Ynnead avaient bénéficié de ma légendaire bienveillante neutralité, je pense que mon jugement de ce ‘Fireheart’ serait resté sévère. Il n’y en a en effet pas grand-chose à tirer de cette histoire, mis à part quelques fragments de fluff sur l’organisation et la culture de Saim Hann, et le nom du canasson de Khaine, ce qui n’est pas lourd. Pour le reste, on assiste à un festival de gaffes, puis de baffes, provoqué par l’incompétence notoire de Nuadhu, dont la concupiscence irréfléchie mettra Saim Hann en danger, et, surtout, donnera à peu de frais à Thorpe le pitch d’un de ses bouquins. C’est à une nouvelle purement et crânement utilitaire que nous avons affaire ici, qu’il convient de lire à l’extrême limite en prologue de ‘Wild Rider’ et c’est bien tout.

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The Dance of the Skulls – D. Annandale [AoS] :

INTRIGUE :

The Dance of the SkullsInvitée à honorer de sa présence un bal donné par la reine Ahalaset et le seigneur Nagen dans la cité de Mortannis, Nefarata se doute bien que cet évènement mondain n’est qu’un prétexte commode pour permettre à ces deux grandes lignées d’agir à ses dépends, ce qui ne l’empêche pas d’accepter gracieusement de se rendre sur place, n’ayant de toute façon rien d’autre de prévu ce soir là. Voyant d’un mauvais oeil le rapprochement s’étant récemment opéré entre Ahalaset et Nagen, la Mortarque de Sang suppute avec raison qu’un piège va lui être tendu, et se réjouit d’avance de cette (més)aventure, le quotidien de Nulahmia devant apparemment être assez terne.

Après avoir été accueillie avec tout le faste et la pompe liés à son r/sang (et infligé rateau sur rateau à ce pauvre Nagen, auquel elle promet toutefois une danse plus tard dans la soirée1), Neffie se voit proposer par son hôte une dégustation privée de crus tirés de l’hématothèque personnelle d’Ahalaset, ce qui ne se refuse pas. Guidée jusqu’à un salon lounge où l’attendent une dizaine d’esclaves qui s’appellent tous Mathusalem ou Réhoboam, notre rusée vampire à tôt fait d’identifier l’aiguille d’argent se terrant sous la roche, en l’occurrence un assassin assermenté doté d’une fourchette à escargot à la place du bras (c’est la mode à Hammerhal). Ayant raté son test d’Initiative, le faquin est toutefois aisément neutralisé par sa victime supposée, qui l’attache à son service d’un langoureux battement de cils. Satisfaite de la tournure prise par les évènements, et comme toute quinqua-millénaire de la bonne société après une dure journée de labeur, Neferata s’accorde un petit verre (et fracasse au passage toutes les « bouteilles », qui espéraient peut-être qu’on les laisse tranquille le temps qu’elles refassent le plein) aux frais de ses hôtes avant de revenir se joindre à la fête.

Là, il est temps pour la Lahmiane de porter l’estocade aux traîtres débusqués, et en musique s’il vous plaît, la danse des crânes consentie à ce benêt de Nagen donnant amplement le temps à notre héroïne de cimenter sa victoire en enchantant légèrement son cavalier, qui ne trouvera rien de plus malin lorsque l’assassin d’Ahalaset viendra sonner les douze coups de minuit à son ancienne patronne à l’aide de son argenterie intégrée, de lancer sa devise dans le silence de mort (héhé) qui s’ensuit. Cette dernière tombera à plat comme la totalité de ses blagues, et, mal comprise par la garde de la reine défunte, aura des conséquences tragiques pour notre pauvre Nagen. Un verre ça va, trois verres…

1 : En même temps, cette coquetterie de laisser dépasser une canine par dessus sa lèvre inférieure ne doit pas aider à lui donner un air très intelligent.

AVIS :

C’est peu de chose de dire que la prose de Herr Annandale n’était pas tenue en haute estime de ce côté du clavier, depuis la chronique de ses débuts pour la BL (The Carrion AnthemHammer & Bolter #11) jusqu’à aujourd’hui. Les choses ont légèrement évolué avec cette Danse des Crânes, qui s’affirme facilement comme la meilleure soumission de notre homme que j’ai pu lire à ce jour. Certes, on parle ici en progrès relatif plutôt qu’en performance absolue, cette courte nouvelle ne se comparant guère aux travaux d’auteurs que je considère être plus méritants que David Annandale, Abnett, Dembski-Bowden, Farrer et Fehervari en tête, pour n’en citer que quelques uns (la liste serait assez longue sinon), mais j’aurais trop beau jeu de ne pointer que les trous dans la cuirasse ou les défauts dans la raquette des travaux de ce régulier de la BL, si je ne soulignais pas également les sources de satisfaction à la lecture de ces derniers. L’Empereur sait qu’ils sont encore rares à cette heure.

Alors, quels sont les éléments positifs de La Danse des Crânes ? Pour commencer, une absence de ce que l’on peut presque appeler une « annandalerie », terme forgé par votre serviteur et désignant une mauvaise, grossière ou grotesque exploitation d’une idée de départ pourtant assez sympathique, pour des résultats évidemment décevants. Le huis-clos victorien qui nous est proposé ici ne pêche ainsi pas par excès de zèle ou manque de structuration, les péripéties s’enchaînant de façon tout à fait convenable et crédible, ce qui pourrait sembler aller de soi mais n’était pas gagné d’avance au vu du pedigree de l’auteur. On sent que ce dernier a réfléchi à la manière dont il devait dérouler son récit pour que le plan alambiqué de Nefarata puisse se dérouler sans (trop) d’accroc, et même si l’usage d’un petit TGCM en fin de nouvelle pour parfaire le triomphe de Mama Lahmia peut être noté, c’est finalement peu de chose comparé aux problèmes structurels émaillant quelques unes des précédentes soumissions de David Annandale.

Autre source de contentement, la description intéressante qui nous est faite de la haute société mort-vivante, nid de vipères aux crocs acérés et n’hésitant pas un instant à comploter pour précipiter la chute de leurs prochains, alors même que les ennemis extérieurs se comptent par milliers, et qu’un brin de solidarité entre macchabées ne serait pas de trop pour défendre le pré carré de Nagash. Le fait que cette société, mêlant vampires et humains à tous les échelons, apparaisse comme fonctionnelle et pérenne (en même temps, c’est bien le minimum quand on est immortel) est une autre réussite d’Annandale, qui parvient à donner un volume fort bienvenu à une faction qui jusque là se réduisait à des légions de squelettes traînant leur mélancolie dans des déserts violacés. On peut s’amuser aussi en Shyish, telle est la morale de cette petite histoire.

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The Board is Set – G. Thorpe [HH] :

INTRIGUE :

The Board is SetSur le sol de cette bonne vieille Terra, les armées loyalistes se préparent à recevoir comme il se doit le retour du fils indigne et de sa bande de potes, dont on entend déjà les « boum boum boum » crachés par les enceintes de leurs Clio tunées résonner depuis le parking de la copropriété, brisant le calme légendaire du quartier1. Comme le petit vieux acariâtre qu’il est, Macaldor, après avoir balancé une ou deux références que les moins de 20.000 ans ne peuvent ni connaître, ni comprendre, s’en va en grommelant dans sa barbe psychique que Dorn est définitivement une grande et jaune godiche, et que son obsession pour les briquettes et les portails électriques n’est qu’une lubie de jeune crétin. Ca tombe bien, notez, c’est l’heure de la coinche à l’EHPAD Bon Séjour, et le Mac’ ne raterait pour rien au monde ce moment de la journée.

À peine a-t-il fini d’installer la table que son acolyte de jeu révèle (you see what I did there…) sa présence et engage sans plus tarder les hostilités. Dans les ténèbres mi-obscures du 31ème millénaire, l’antique jeu de belote se joue en effet à deux plutôt qu’à quatre, et sur un plateau de jeu avec figurines en plus du traditionnel paquet de cartes. En fait, ça ressemble furieusement à une version Shadespirée des échecs, et ça a l’air donc vachement cool, d’autant plus que toutes les pièces se trouvent être des représentations des Primarques engagés dans l’Hérésie d’Horus2. Comme à chaque partie depuis leur internement respectif, Pépé et… Mémé ? rejouent la bataille finale de l’Hérésie, avec l’Empereur dans son propre rôle et Malcador dans celui de ce fripon d’Horus. Et comme à chaque fois depuis le début de ces amicales sessions, le Sigillite constate que son adversaire passe son temps à tricher. Manipulation de la pioche, duplication de cartes, ajout de pièces non WYSIWYG en cours de jeu… s’il y avait un arbitre, celà ferait longtemps que le Maître de l’Humanité aurait mangé son ban. Malheureusement pour lui, Malky ne peut compter que sur lui même pour se faire justice, ce à quoi il s’emploie avec toute la rouerie et la malice qu’on lui connaît.

En face de lui, l’Empereur semble peu intéressé par le déroulé de la partie, et joue franchement comme une savate, seulement sauvé par sa capacité à top decker comme un porcasse avec une régularité des plus suspectes. Ajoutant l’insulte à l’outrage, il se permet même de tancer son partenaire sur son faible niveau de jeu, alors que Horus, lui, était un opposant digne de ce nom. Sans doute très fatigué par l’enchaînement des nuits blanches à pousser sur son trône (la constipation psychique est un problème commun chez les démiurges millénaires, tous les auxiliaires de vie vous le diront), Big E va même jusqu’à utiliser des mots très durs à l’encontre de son vieux comparse, au point d’arracher à ce dernier des larmes de collyre. Qu’à cela ne tienne, Malcador en a vu d’autres, et met à profit sa rogne pour sortir un enchaînement digne de Magnus Carlsen le Rouge, le laissant en position de remporter la partie au coup suivant. « Ha ha, tu l’avais pas vu venir celui-ci, bouffi » exulte notre vieillard échevelé, pas peu fier de tenir sa première victoire en 1.834.427 confrontations. Sauf que, sauf que… Sauf que l’Empereur est décidément un mauvais joueur à la main leste, et trouve le moyen de substituer à son Roi Empereur lui-même une nouvelle pièce, le Fou, qui va héroïquement se sacrifier pour lui permettre de gagner la partie. Comble de la bassesse, le Fou a la tête de Malcador, à qui il prend l’envie folle de fracasser l’échiquier sur le crâne de son suzerain.

Sur ces entrefaites, une estafette se présente à la porte, et vient apporter la nouvelle tant redoutée au Premier Seigneur de l’Impérium : la flotte d’Horus vient de se matérialiser dans le système solaire, et la plus grande bataille de l’Humanité est sur le point de s’engager. Cherchant du regard son boss, Malcador a la surprise de s’apercevoir qu’il est seul dans la pièce, et l’a apparemment toujours été, d’après le retour un peu honteux du messager, qui n’a pas osé déranger tout de suite l’aïeul vociférant qui faisait une tournante autour du plateau de jeu à son arrivée. Conclusion de l’histoire : la grande vieillesse est un naufrage, mais au moins, on ne s’ennuie pas.

1 : Et je ne rigole même pas, la nouvelle commence par un constat par Macaldor et le chef de l’Adeptus Astra Telepathica du tapage nocturne diurne warpurne généré par l’approche de la flotte traîtresse.
2 : On comprend mieux du coup pourquoi l’Empereur tenait absolument à avoir un nombre pair de rejetons. C’est mieux pour équilibrer les parties.

AVIS :

The Board is Set est une nouvelle intéressante, mais dont l’inclusion dans un BLC ne tombait pas, de mon point de vue, sous le sens. Parmi les qualités notables de cette soumission, on peut mettre en avant l’art consommé avec lequel Thorpe distille à la foi clins d’oeil aux évènements passés et à venir de l’Hérésie, à coups de manœuvres lourdes de sens des pièces sur l’échiquier et de remarques sibyllines soufflées par un Empereur plus que jamais omniscient au bras droit/fusible qu’il s’apprête à griller, mais également allusions fluffiques subtiles, sur lesquelles les fans hardlore passeront des pages et des pages à s’étriper, par les mêmes biais que ceux donnés ci-dessus. Même sans être un amateur transi du style du Gav, on peut lui reconnaître un certain talent de mise en scène de ces passages prophétiques, ce qui n’était pas gagné d’avance au vu du casting de monstres sacrés qu’il convoque.

À titre personnel, j’ai également apprécié la tirade que MoM (Master of Mankind) balance à son larbin dans le but de le mettre en rogne et de le forcer à la jouer comme Lupercal, qui est un condensé de remarques blessantes mettant en évidence que Malcador n’a été qu’un outil utilisé par l’Empereur pour arriver à ses fins, et qu’il n’aura absolument aucun scrupule à s’en débarrasser une fois qu’il n’en n’aura plus l’usage. Ce discours des plus cash trouve une résonnance particulière depuis Dark Imperium, où il est clairement indiqué la dualité de l’Empereur dans ses « sentiments » envers ses congénères : incapable d’aimer l’homme, mais absolument dévoué à l’Humanité. On peut alors se demander si les piques envoyées par Pépé ne sont pas simplement le fond de sa pensée, qu’il livre à un Malcador qui reste persuadé qu’il ne s’agit que de la manoeuvre d’un monarque bienveillant et attentionné pour lui faire donner le meilleur de lui-même. Chacun se fera sa religion sur le sujet, mais cette dualité d’interprétation est assez intéressante.

D’un autre côté, The Board is Set s’avère être l’antithèse absolue de la nouvelle à mettre dans les pattes d’un novice de la BL ! Regorgeant de sous-entendus et d’Easter eggs qui feront les gorges chaudes des lecteurs vétérans, pour peu qu’ils soient des fluffistes un minimum intéressés, cette soumission possède en effet une valeur ajoutée littéraire qui passera à 31.014 pieds au dessus de la tête du newbie. Il est plutôt probable que ce dernier ressorte du propos de Thorpe ou perplexe ou soulé par l’accumulation de mentions et notions « members only » qui lambrissent les pages d’un bout à l’autre du récit. D’une manière plus large, on peut considérer l’Hérésie d’Horus comme étant, de manière générale, une franchise trop spécialisée pour être incluse dans des ouvrages de « propagande » de la Black Library. Sans mettre en question l’intelligence et les capacités de déduction du novice moyen, je doute en effet qu’il ait la patience ou l’intérêt pour percer à jour les tenants et aboutissants de cette absconse partie de Cards against Humanity. Bref, la définition même de l’acquired taste, et en tant que tel, aussi surprenant qu’une douzaine d’huitres au fond d’un Happy Meal.

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Au final, je dois reconnaître que la cuvée 2017 envoyait plutôt du bois, surtout du côté de l’Hérésie d’Horus, avec des soumissions assez mémorables (et kudos à la BL pour avoir placé ‘The Board is Set‘ en dernière position pour impact maximal). Age of Sigmar a également bien tenu son rang, et seul 40K s’est montré globalement décevant, avec uniquement ‘Endurance’ d’intéressant dans le lot (as far as I am concerned). Comme la plupart de ces nouvelles ont trouvé leur chemin dans des recueils et anthologies (certains gratuits) depuis leur première sortie, j’espère que cette revue tardive aura été tout de même utile, et je vous donne rendez-vous bientôt pour de nouvelles aventures.

INFERNO! AN AGE OF SIGMAR COLLECTION [AOS]

Bonjour et bienvenue dans cette revue critique de l’anthologie Inferno! An Age of Sigmar Collection, titre mosaïquement proche s’il en est, mais nécessaire à ne pas confondre le sujet de cet article avec son frère jumeau grimdark (Inferno! A Warhammer 40,000 Collection, chroniqué ici). La même formule s’applique ici: prendre toutes les nouvelles siglées AoS1 des numéros 1 à 6 d’Inferno! nouvelle version, et les republier dans un ouvrage thématique. Simple, basique et financièrement intéressant pour tout le monde (bien que l’omnibus sigmarite soit un tiers moins important que son homologue futuriste, avec « seulement » 21 courts formats contre 31 pour son grand et gros frère). Que demande le peuple2?

Inferno! AOS.

Comptant 19 auteurs et la grande majorité des factions des Royaumes Mortels (pour une fois que les Stormcast Eternals ne prennent pas toute la place, on ne va pas se plaindre), ce recueil présente une diversité intéressante, qui pourrait le placer avantageusement dans la lutte impitoyable opposant les milliards de publications de ce type de la Black Library. Et puisqu’il ne faut pas juger un bouc par ses performances au karaoké, allons au cœur des choses et examinons de plus près ce que cet IAAOSC a dans le ventre.

1 : Sauf celles écrites par Guy Haley dans le cadre du fil rouge des numéros 1 à 5, la nuit de beuverie et de récits passée par le Prince Maesa et Shattercap à l’auberge de la Griffe Braisée. Dommage pour le lecteur, car cette novella feuilleton faisait partie des meilleures soumissions infernales, mais j’imagine qu’elle bénéficiera d’une publication séparée dans les prochains mois.
2 : Un numéro #7 d’ferno! ce serait pas mal.

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inferno-aos.

Red Knight – M. A. Drake :

INTRIGUE :

C’est jour de match pour Saroglek l’Amarkhaian et son banderium de guerriers d’élite. Envoyée par le bon roi Vlagorescu à l’assaut du dernier bastion de leurs ennemis honnis, les barbares Atrogai, la fine fleur du Domaine Reconnaissant se prépare à mettre un terme aux déprédations de cette peuplade sauvage. Toutefois, le maréchal Saroglek a reçu des instructions précises de la part de son suzerain : offrir à tous ceux qui se rendront la vie sauve et le pardon de leurs crimes passés s’ils consentent à jurer fidélité à l’impuissant monarque1.

Si Vlagorescu a envoyé une bande de tirailleurs plutôt que de déployer son armée, c’est parce que les Atrogai, malgré leur manque de bonnes manières, disposent de machines de guerre d’une puissance inégalée, qui auraient prélevé un lourd tribut dans les rangs de ses guerriers. Le banderium est toutefois un adversaire trop rapide et mortel pour que cet avantage technologique puisse être mis à profit par les défenseurs de la forteresse, pris de court par l’assaut impromptu que lancent Charro le Grec et ses comparses. Et une fois le corps à corps engagé, les prouesses martiales des serviteurs du roi font rapidement la différence, avec une efficacité un peu trop sanglante au goût de notre héros, qui se chagrine de constater que personne n’accepte l’honnête proposition de reddition qu’il offre pourtant à ses adversaires terrifiés dès que la mêlée s’interrompt (généralement lorsque tous les Atrogai ont été démembrés par le bandonéon, soit un peu trop tard pour être utile). Après avoir pris les murs, puis vaincus les défenseurs du donjon où se terre Nashan, le seigneur adverse, Saroglek mène ses vétérans à la rencontre des ultimes guerriers ennemis, retranchés dans une chapelle pour un dernier carré…

Début spoiler…Là encore, il ne peut que constater que sa proposition d’amnistie tombe dans l’oreille d’un sourd. Cependant, il comprend mieux pourquoi ses tests de charisme se sont tous soldés par des échecs critiques en contemplant son reflet dans les miroirs qui recouvrent les murs de la chapelle. Au lieu des fiers et nobles guerriers en armure de son banderium, ce sont des goules recouvertes de viscères et maniant des fémurs à moitié rongés qui lui apparaissent. Il s’agit évidemment d’un maléfice jeté par un sorcier Atrogai, et en l’absence de terrain d’entente possible entre assaillants et défaillants, les premiers massacrent les seconds de manière remarquablement horrible2. Un peu traumatisé de se voir si moche en ce miroir, Saroglek finit par lever le malentendu en fracassant les glaces à coup de masse, lui permettant de se refaire une beauté et une noblesse. L’histoire se termine par l’arrivée de Vlagorescu à la tête de son armée, un peu triste que son fidèle lieutenant n’ait pas réussi à rallier quelques survivants à sa cause, mais tout prêt à lui pardonner car avec l’annexion des terres des Atrogai, c’est un nouveau chapitre du Domaine, que dis-je, de l’Empire Reconnaissant qui va s’ouvrir. Et qui serait plus qualifié que le nouvellement appointé Grand Duc Saroglek pour mener les armées de son seigneur et maître à la conquête de Chamon ? Comme on dit dans les cercles autorisés : quand on l’attaque, le vampire contre-attaque. Fin spoiler

1 : Je vous jure que c’est son titre officiel.
2 : On salue le talent de Saroglek, qui parvient à éviscérer un adversaire par la gorge. C’est ce qui s’appelle avoir le bras long.

AVIS :

Il est difficile de donner un avis sur ‘Red Knight’ sans gâcher le plaisir de la lecture de cette nouvelle, aussi resterai-je volontairement cryptique1 dans mon analyse. Je commencerai par attribuer un carton rouge indiscutable à la Black Library, qui se permet de spoiler la fin de l’histoire dans le paragraphe introductif à cette dernière dans Inferno ! #6 (ne dîtes pas que je vous n’aurais pas prévenu). Non mais what the fluff, guys ? Il y a tout de même une raison pour laquelle Psychose ne commence pas avec Hitchock alertant le public que Norman Bates est sans doute complètement fou, mais cette dernière a visiblement échappé aux éditeurs de la BL. Ce (gros) grief mis à part, on se retrouve en présence d’un facsimilé d’une autre nouvelle de Drake, publiée quelques mois avant ‘Red Knight’, ‘Claws of Famine’ (‘Direchasm’). Si l’exécution est très satisfaisante, et l’auteur s’est indéniablement donné du mal pour donner de la consistance au royaume dans lequel l’histoire prend place, cette déclinaison du même thème par Miles A. Drake m’apparaît tout de même comme un signe de paresse narrative : dans un univers aussi riche qu’Age of Sigmar, resasser ses vieilles rengaines est encore moins pardonnable que dans d’autres franchises, moins permissives en matière d’invention. J’espère sincèrement, pour Drake et sa nouvelle faction de cœur que ni l’un ni l’autre ne resteront cantonnés à broder sur le même thème ad vitam aeternam. Autrement, il n’y a pas que leurs héros qui risquent de sombrer dans la désillusion…

1 : Mon Dieu, déjà un indice…

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Mourning in Rainhollow – D. Gross :

INTRIGUE :

La chasseuse de primes Janneke Ritter s’est mise sur la piste d’une nouvelle proie, un déserteur parti de Glymmsforge vers l’arrière-pays de Shyish. Sur le chemin qui l’amène à Rainhollow, la petite bourgade où elle rattrape enfin le fugitif, on apprend à mieux connaître cette héroïne droite dans ses bottes et hautement pragmatique, comme les noms qu’elle donne à ses armes (Coupeur, Attrapeur et Souffleur) et monture (Bidet), le démontrent. Cette grande professionnelle n’est toutefois pas en-dessous d’une bonne et gratuite action de temps à autre, comme le sauvetage qu’elle effectue en chemin d’une famille de colons attaqués par deux cadavres de cougars animés (de mauvaises intentions) le démontre. Cette péripétie mineure lui permet également de prendre la mesure de son gibier, le mage fantasque Eldredge Duul, qui a généreusement donné son âne aux voyageurs pour aider leur poney à tirer leur chariot. On est loin du mercenaire sanguinaire ou tueur psychotique, donc.

Lorsqu’elle parvient à Rainhollow, Ritter est guidée par les locaux jusqu’à la place centrale de la ville, où elle trouve Duul en plein combat contre un Bladegheist Revenant ayant décidé de s’installer dans la fontaine municipale. Malgré sa maîtrise magique appréciable, le bon samaritain n’en mène pas large face au spectre, et ce n’est qu’en coopérant avec celle dont il ne sait pas encore qu’elle est venue pour l’arrêter qu’il parvient à bannir l’insistant ectoplasme. Une fois le danger écarté, Ritter se fait un devoir d’annoncer à sa cible qu’elle est en état d’arrestation, mais cette dernière ne s’en formalise pas plus que ça, et parvient grâce à son charme naturel à entraîner l’austère matamore jusqu’à la porte d’une maison toute proche. C’est ici que vit celle pour laquelle il a décidé de prendre un congé sabbatique et non validé par sa hiérarchie, son amour de jeunesse et ex-femme, Zora.

Malheureusement pour le jovial Duul, Zora a été victime de la micro-invasion de Nighthaunt que Rainhollow a connu depuis le passage fugace mais remarqué d’un touriste tellement mécontent de l’accueil qu’il a reçu des locaux (il a dû attendre des plombes à l’entrée de la ville avant qu’on lui ouvre) qu’il a réanimé les morts au lieu de se contenter de laisser des avis incendiaires sur Trip Advisor. Zora, qui n’avait pas la langue dans poche ni l’habitude de se laisser marcher sur les pieds, a eu la mauvaise idée d’engrainer ce visiteur peu commode, et est passée de vie à trépas dans l’opération. Double peine pour ses maris (Duul et Ritter sont accueillis et mis au courant par Gerren, le veuf de Zora – qui s’était remarié après son divorce d’avec son premier amour1), il est de notoriété publique que les victimes du springbreaker fou reviennent hanter leurs proches sous la forme d’entrées du Battletome Nighthaunts à la nuit tombée. En même temps, c’est comme le Port Salut, c’était écrit dessus.

Peu confiant dans sa capacité à faire le nécessaire pour bannir son grand amour, Duul convainc la finalement assez serviable Ritter de participer à une veillée d’armes, et au bout de la nuit, du suspense, du soleil violet de rigueur, et d’une engueulade de vieux couple (et personne ne veut s’engueuler avec une Banshee, croyez moi…), Zora la Blanche trouve enfin la paix de l’au-delà, non sans avoir estafilé à mort son second époux avec le couteau à pain qu’il lui avait offert pour leurs noces de kouisine. Il le méritait aussi un peu, tout de même. Désormais plus intéressée par la conquête que par la capture de Duul (if you see what I mean), Ritter décide d’aller apprendre les bonnes manières au touriste mal en groin responsable des malheurs de Rainhollow plutôt que de traîner le mage AWOL en justice, et ce dernier s’avère partant pour donner un coup de main à la vigilante Vigilante. Et à Bidet, évidemment.

1 : Comme quoi, on peut vivre dans un Royaume des morts sans repos gouvernés par Skeletor, Premier du Nom, et avoir des mœurs très modernes.

AVIS :

Il flotte sur ce ‘Mourning in Rainhollow’ un parfum de fantasy fantasque et espiègle, pas si éloigné dans l’esprit et le style de ce que le regretté Terry Pratchett était capable de mettre en scène avec sa série du Disque Monde. Eldredge Duul campe un Rincevent des Royaumes Mortels assez convaincant (mais beaucoup plus doué), tandis que Janneke Ritter semble être un mélange de Mémé Ciredutemps et Sam Vines. L’intrigue proposée par Gross n’est certes pas très complexe, mais la fraîcheur que ce nouvel contributeur apporte à la GW-Fiction, tout en prenant soin de ne pas galvauder le background établi (et donc de s’aliéner les fluffistes qui constituent une bonne partie de son lectorat potentiel), compense amplement cette simplicité assumée. Je ne sais pas si Dave Gross s’acclimatera aux contrées généralement sinistrement sérieuses de la Black Library, ou si son passage parmi nous n’est qu’éphémère, à l’image de celui d’un Andy Jones il y a plus de vingt ans de cela, mais cette petite nouvelle « exotique » vaut le détour à mon sens.

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Blood Drought – E. Fomley :

INTRIGUE :

Une sévère crise des liquidités guette la bande de Mylox l’Ecorcheur, champion de Khorne dans le désert de Callidium, en Aqshy. Depuis plusieurs semaines, les victimes sacrificielles se sont faites rares, et le moral des troupes s’en est trouvé atteint. Avant que son statut de chef de meute ne soit remis en question par ses bidasses, Mylox doit donc impérativement trouver du péon à charcuter. Dur dur d’être un be…rzerker. Aussi, lorsqu’il tombe sur une colonne de Flagellants emmenés par un Prêtre Guerrier purifier cette région des déprédations chaotiques, il ne perd qu’un tout petit peu de temps1 avant d’emmener sa bande à l’assaut des Sigmarites en vadrouille.

Plus doués en EPS qu’en statistiques, les Blood Warriors se retrouvent cependant assez rapidement dans le mal. À cinq contre cent en effet, le combat finit logiquement par tourner en faveur des défenseurs, qui malgré des pertes effroyables ne lâchent pas un pouce de terrain. Alors que les deux derniers Khorneux se préparent à vendre chèrement leur vie, un autre joueur rejoint cependant la partie : Skyrut le Slaughterpriest (et sa bande de benis oui oui). Mylox a un gros passif avec le nouvel arrivant, car ce dernier l’a plus d’une fois devancé dans le massacre des caravanes traversant le désert de Callidium au cours des dernières semaines, et comme le dit le proverbe : même la plus belle fille du monde ne peut être décapitée qu’une seule fois. Il est donc hors de question de laisser cet arriviste mettre l’épée sur le cou parcheminé du Prêtre Guerrier que Mylox se réserve, et cette jalousie puérile donne un tel coup de fouet (de Khorne) à notre héros qu’il parvient à enfoncer les lignes ennemies, taper son meilleur sprint, établir un nouveau record de saut en hauteur, enfourcher un cheval qui traînait dans le coin, et finalement engager le combat contre le meneur adverse2, en toute intimité.

Le duel ne se passe cependant pas comme prévu pour Mylox, fatigué par la première mi-temps qu’il a dû livrer contre les mobs enragés pour réussir à chopper le cureton entre quatre yeux (ou plutôt trois, puisqu’il en a perdu un dans la bataille). Mis à terre par son adversaire, il est sauvé par un assist déterminant de son rival, qui décapite le Prêtre Guerrier en loucedé, rien que pour faire bisquer notre brave petit psychopathe. Les Royaumes Mortels sont décidément bien injustes. Evidemment, un tel affront à son honneur martial ne peut se solder que par un nouveau duel à mort, mais Skyrut choisit de se la jouer petit bras en invoquant une hache de colère pour faire le boulot à sa place. Confronté à la manifestation de la haine de Khorne, Mimile n’en mène pas large, mais parvient tout de même à tenir jusqu’à la fin du timer et la dissipation du jugement divin. Sentant la faveur patronale changer de camp, Skyrut daigne enfin donner de sa personne, et le tête à tête qu’il engage avec Mylox se termine par la perte de cette dernière par le Slaughterpriest. Comme quoi, ce n’est pas la taille qui compte.

Après avoir assené à son adversaire vaincu une punchline digne d’une cour de récré et/ou de Vladimir Poutine (un autre champion de Khorne reconnu), Mylox ramasse ses trophées chèrement acquis et retourne sur les lieux de la bataille principale, non sans avoir débloqué une nouvelle récompense divine (des khornes rasoir) au passage. À la vue de ses nouveaux attributs, les survivants des deux bandes rivales s’accordent pour dire que notre héros est le fenec des hottes de ce boa, comme on leur a appris à l’école, et à enterrer pour un temps la hache de guerre pour se mettre à son service inconditionnel. A Skarr is born.

1 : À faire comprendre à ses sous-fifres que le crâne du meneur adverse lui revient (et à personne d’autre). Et vous savez ce que l’on dit : le Blood Warrior comprend vite, mais il faut lui expliquer longtemps.
2 : Soit la liste des épreuves du pentathlon fantastique.

AVIS :

Eric Fomley nous renvoie à l’époque de ‘Call of Chaos’, et ses récits de bandes de guerriers chaotiques luttant pour s’attirer la faveur de leur Dieu (ou le retrouver, dans le cas de Slaanesh), avec ‘Blood Drought’. Comme on pouvait s’y attendre avec un tel casting, c’est l’action sanglante qui prédomine au long de ces 13 pages, le brave Mylox se taillant la part du lion en s’offrant pas moins de trois duels de boss (la hache de Khorne compte comme un, je suis désolé), pour au final être khokhufié par sa divinité. Mais il le prend bien, merci pour lui. Si Fomley parvient à maintenir l’intérêt du lecteur malgré la nature répétitive « Kill Maim Burn » de sa prose, ‘Blood Drought’ est trop limité d’un point de vue narratif pour faire de sa lecture une expérience mémorable. À réserver aux Khorneux les plus zélés (à condition qu’ils sachent lire, bien sûr).

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The Nefarious Antipustulent of Clan Morbidus – D. Guymer :

INTRIGUE :

Nous avions laissé le Clan Morbidus empêtré dans les putrides subtilités de l’élection de son meneur spirituel, l’Archipustulent, à la fin de la nouvelle éponyme1 consacrée par le petit rat-porter David Guymer à cet événement d’importance. La situation s’est quelque peu décantée lorsque notre histoire débute, car c’est Makulitt Pus, acolyte du défunt Verminable Cruor, qui a endossé la chasuble souillée et la mitre mitée de Pape des Pestes. Son autorité est toutefois contestée par Moldrent Sour, qui a déclenché un schisme religieux à l’intérieur du Clan et s’est fait proclamer Antipustulent. Les deux factions sont à couteaux et gourdins tirés, et se sont lancées dans de grandes campagnes évangéliques pour rat-meuter de nouveaux fidèles à leur cause. L’un de leurs terrains d’affrontement est le district de Fleshstink, un quartier industriel de Vile-Ville contrôlé par le Clan Moulder, et le duel d’o-rat-eurs qui s’apprête à s’y dérouler va donner un tour nouveau à cette querelle épiscopale.

Du côté de…euh… l’ordre (?) établi, c’est le Poxmaster Gagrik, rat de confiance de l’Archipustulent, qui est chargé de défendre les couleurs (vert caca d’oie et marron vomi) de son éminence. Son challenger est Weep Dripclaw, simple prêtre du Corrupteur mais conseiller proche de l’Antipustulent (casaque vert vomi et marron caca d’oie). Dans la plus pure tradition skaven, les concurrents ont fait construire leurs estrades de prêche à une distance stratégique l’une de l’autre (assez loin pour ne pas risquer de se faire tabasser par la faction ennemie, assez proche pour entendre ce que l’autre camp raconte), et le match de gospel reste longtemps indécis… jusqu’à ce que la plateforme de Dripclaw s’effondre à cause du zèle de ses propres partisans. L’avantage passe alors à Gagrik, plus doué avec les clous qu’avec les mots, jusqu’à ce qu’une émeute religieuse vienne dévaster les rues, déjà dangereuses et sales, de Fleshstink. La situation dégénère totalement lorsque Makulitt Pus en personne décide de se joindre à la querelle, et qu’une catapulte de la peste amenée en douce dans le voisinage par un bedeau trop enthousiaste, commence à arroser le quartier de manière indiscriminée (un évènement qui restera gravé dans les mémoires comme le Bloody Squeekday).

Cette guerre ouverte entre zélotes pestilentiels sur son territoire ne faisant pas les affaires de Zhurn Aelf-Eater, maître Moulder du Clan Dregg et membre du Conseil des Treize, il convoque le Prophète Gris Ratskitten, diplomate skaven reconnu, pour négocier la fin des hostilités, ou en tout cas des affrontements, entre Archie et Andy Pustulent. P-rat-gmatique, Ratskitten décide d’inviter les deux chefs de faction à des négociations privées et sécurisées par les vermines de choc personnelles de Zhurn. Après avoir recueilli l’avis favorable de Pus, et un grognement presque apaisé de Sour (qui est tellement béni par le Rat Cornu que ses propres fidèles le gardent enfermé avec camisole et muselière hors du champ de bataille), le Prophète Gris invite tout ce beau monde à le rejoindre dans la Tour de Kavzar, où se tiendront les pourparlers.

Bien évidemment, les deux camps ne se tiennent pas aux clauses de non-agression édictées par Ratskitten, et trouvent le moyen de déjouer la surveillance du service d’ordre dans le but de se débarrasser du chef adverse. L’Archipustulent dissimule ainsi des assassins dans le châssis du char de la peste de son rival, tandis que l’Antipustulent coupe les coffres d’épices apportés comme cadeau de Pus à Zhurn avec de la poudre à canon. Sour n’attend cependant même pas que sa manigance fasse effet : sortant un encenseur à peste de sous ses robes (la palpation des Vermines de Choc laisse vraiment à désirer), il part rejoindre la mêlée générale qui s’est déclarée à peu près 13 secondes après que Ratskitten, Pus et lui-même se soient retirés dans la chambre de négociations. Ce choix intrigue (mais soulage aussi un peu, soyons honnêtes) le Prophète Gris, qui ne comprend pas pourquoi Sour n’a pas profité de la situation pour réduire l’Archipustulent en archiporridge, et réunifier ainsi le Clan Morbidus sous sa bannière. La réponse est, très prosaïquement, que Sour n’a pas envie de prendre la place de son rival, et préfère de loin répandre la corruption sur les champs de bataille, occupation peu compatible avec la fonction d’Archipustulent. Pus, de son côté, ne rêve que de retourner à l’anonymat qui était le sien avant que la mort de tous les autres prétendants à l’élection rat-pale ne le fasse devenir Archipustulent (et donc la cible d’innombrables complots), contre sa volonté. Voyant dans le chaos complet qui descend sur la Tour de Kavzar sa chance de filer à l’ulguaise, il enclenche sa skitterstone et se téléporte loin, très loin des intrigues néfastes et malodorantes de Vile-Ville…

Début spoiler…Mais pas assez loin pour empêcher ses fidèles, toujours plus nombreux depuis son audacieux assassinat de l’Antipustulent dans l’édifice le plus sacré de la race skaven, de le retrouver dans sa retraite d’Aqshy, et de le ramener aux affaires. Après tout, le Clan Morbidus n’a jamais été plus puissant depuis que le schisme s’est résorbé, et il est de notoriété publique que le très pieux et très rusé Makulitt Pus a les yeux tournés sur le siège de Zhurn Aelf-Eater au Conseil des Treize. ‘Twas ze plan all along, of course…Fin spoiler 

1 : ‘The Unlamented Archpustulent of Clan Morbidus’ (Inferno! #3).

AVIS :

David Guymer donne une suite de haute volée à sa fantastique nouvelle explorant les arcanes de la politique et de la religion skavens avec ‘The Nefarious Antipustulent of Clan Morbidus’. Les ingrédients qui ont fait le succès du premier opus (du fluff, du fun et du sale) sont à nouveau au rendez-vous, et si je place ‘The Nefarious…’ un peu en deçà de ‘The Unlamented…’ (comment surpasser le potentiel littéraire d’une élection papale chez les Skavens, ceci dit ?), il ne fait aucun doute que si vous avez apprécié l’original, la lecture de la copie vous est plus que recommandée.

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Roadwarden – L. Merciel :

INTRIGUE :

Recrutée par une bande d’aventuriers convenablement hétéroclite (un sorcier à masque mécanique, un Aelf à dagues cristallines, une Duardin chauve et cinq cultistes de Khorne repentis) pour leur servir de guide à travers les terres brûlées au vent des landes de pierre d’Aqshy, la patrouilleuse (roadwarden) Fereyne s’embarque sans le savoir dans la quête d’une vie. Le but de l’expédition montée par le mage Veskil est, sur le papier, très simple : il s’agit de localiser la légendaire Fontaine d’Eshael, dont le pouvoir regénérant pourrait permettre de redonner vie au désert désolé qui couvre une bonne partie du Royaume de Feu, et peut-être même de faire pousser des choux-fleurs sur place. On rigole, on rigole, mais ça coûte cher à l’import, ces petites choses là. Quoi qu’il en soit, les indices rassemblés par le sorcier indiquent que l’artefact se trouve au cœur du territoire d’une des nombreuses tribus qui essaient tant bien que mal de survivre dans cet environnement aride, les Smokescars. Coup de chance, ces derniers ont toujours farouchement repoussés l’influence corruptrice de Khorne, et sont restés des « bons » sauvages, avec lesquels il serait techniquement possible de palabrer. En revanche, le fait que la moitié de la troupe de Fereyne soit marquée (au fer rouge) comme de confession khorny, même si la situation est plus nuancée qu’il n’y parait, incite la patrouilleuse à la prudence et l’évitement de la confrontation. Après tout, il n’est pas dit que les Smokescars soient des adeptes de la pensée complexe, même si les experts débattent encore de la couleur de leurs gilets.

Cependant, le manque d’eau et de vivres finit par pousser les aventuriers à tenter d’aller dormir chez les autres, mais en vain : tous les sites où la tribu s’est établie sont déserts, ce qui apparaît à Fereyne, guère sereyne, comme un mauvais pressentiment. Même l’EHPAD de Beau Séjour, où les Smokescars font résider leurs vieux et leurs malades à l’année, semble déserté. Semble seulement, car les cadavres putréfiés des quelques locaux qui sont restés sur place portent la marque indéniable de Nurgle. Il semblerait que le Seigneur des Pestes ait jeté son dévolu et ses germes sur ce petit bout d’Aqshy, ce qui s’expliquerait par la proximité de la Fontaine d’Eshael, seule capable de faire subsister la forêt de cuivrécailles (copperscales) s’étendant à proximité du campement, et accessoirement, de donner de la biomasse à moudre à ce grand cultivateur qu’est Nurgle (qui aime moyen le sable et les cendres). Ayant purifié l’endroit grâce aux pouvoirs aseptisants et cautérisants de Veskil, qui découvre par la même occasion que Fereyne est une mage en puissance, les voyageurs peuvent remonter la trace des habitants du campement, qui se dirigent vers le cœur de ladite forêt.

Comme on pouvait s’y attendre, les Smokescars ont été corrompus jusqu’au trognon, et tendent rapidement une embuscade aux aventuriers, qui la repoussent sans trop de pertes. Un peu plus loin, ils tombent sur un crop circle d’un style particulier, puisque fait avec des Sylvaneth corrompus figés dans du mucus solidifié. Cette vision de nature morte vivante fait comprendre à Veskil, qui n’est pas le dernier des abrutis, que la Fontaine est en fait un Portail des Royaumes reliant Aqshy à Ghyran, ce qui ne va pas être très pratique à transporter. Le mage commet toutefois l’erreur de trop réchauffer la gangue emprisonnant les esprits de la forêt avec son fer à friser magique, ce qui contraint la petite bande à faire un peu de bucheronnage avant de pouvoir repartir.

Laissant la corruption derrière eux, les survivants se dirigent vers la partie la plus saine de la forêt, et tombent sur un combat titanesque entre un Homme Arbre et un Rotbringer. Se découvrant une fibre écolo, Fereyne vole au secours du végétal malmené, malgré son pauvre niveau 2 et sa spécialisation Ranger, entraînant le reste de sa team avec elle. Si la magie enflammée de Veskil semble faire effet sur le seigneur Maggotkin, l’absence de tank dans l’équipe pour prendre l’aggro et le gros permet au boss pansu d’engager le corps à corps avec le sorcier (horreur !) avec son gros tentacule (malheur !), et on sait tous comment ce genre de plan finit en général. Fort heureusement, une inspiration géniale de Fereyne, couplée à une indigestion sévère et un haut niveau de stress des remurants servant de bêtes de somme aux aventuriers, permettent à la patrouilleuse de terminer le boulot. Un gros rototo à tendance lance-flamme plus tard, il ne reste plus du jovial Nurgleux que la semelle de ses bottes et une odeur tenace de graillon.

La situation n’est cependant pas brillante du côté de l’alliance Ordre et Engrais : Veskil a choppé une maladie sporiquement transmissible et préfère s’immoler par le feu plutôt que de finir corrompu, les autres comparses de Fereyne sont dans un coma profond, et l’Homme Arbre que le prouteux avait couché d’un coup de masse est en train de finir de croquer sa feuille. Avant de demander à la patrouilleuse de l’allumer à son tour, il lui passe quelques lamentiri, remet sur pied ses camarades, et lui demande d’aller alerter Alarielle en personne que les gardiens de la clairière de Taelrhunil ont choppé le mildiou, et qu’il ne faudra pas compter sur eux pour la prochaine kermesse. Désormais investie d’une mission, la patrouilleuse/mage (matrouilleuse ?) emmène ses side kicks à travers le Portail pour mener à bien ses toutes premières quêtes comme véritable chef de groupe. On est tous passé par là.

AVIS :

Débuts appliqués dans la GW-Fiction pour Liane Merciel, qui démontre avec cette quête initiatique à forte teneur en high fantasy son savoir-faire en matière de sword & sorcery. En tant qu’auteur établie dans ce genre littéraire, cela tenait plus de sa part de la confirmation attendue que de la plaisante surprise. À ce compte là, ce sont les nombreux détails fluff qui parsèment son récit, et viennent donner une épaisseur bienvenue au coin d’Aqshy où se déroule l’histoire, qui me sont apparus comme de vrais bonus. Du côté des points d’amélioration, je mettrai principalement en avant le caractère assez terne des personnages convoqués par Merciel, qui ne dépassent pas leur fonction de quota de race/classe, et ont bien du mal à justifier leur « présence nommée » dans la nouvelle. Cette dernière se finissant comme le premier épisode d’une série au long cours (il faudra bien que quelqu’un apporte ces graines à Alarielle), il n’est pas interdit d’envisager une suite à ce ‘Roadwarden’, qui permettrait peut-être à Khensev, Whyrlin et Brokkar de justifier leur statut de personnages secondaires-mais-pas-marginaux, si vous voyez l’idée. On verra bien.

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Trail of Ash – G. Lyon :

INTRIGUE:

Dernière magister de la cité détruite de Tantalum, en Chamon, Jaqlyn Kouslo, accompagnée par un régiment de survivants de la ville, poursuit un monstre insaisissable depuis plusieurs mois à travers les étendues sauvages de Ghur. La bête en question, qui ne laisse sur son sillage que ruines et cadavres carbonisés (les derniers en date appartenant au petit village de Farhold, dont le défaut fut de ne pas connaître le secret de la potion magique), a été libérée pendant la défense de Tantalum contre les assauts des morts vivants réveillés par le nécro-séisme de Nagash et les Hommes-Bêtes opportunistes des Bois de Fer voisins, ayant décidé que c’était un bon moment pour aller régler leurs comptes avec leurs voisins civilisés, d’une façon qui ne l’était guère. Responsable, mais pas coupable (ou quelque chose comme ça), de ce fiasco1 arcanique, Jaqlyn a juré de mettre ce nouveau danger pour les habitants des Royaumes Mortels hors d’état de nuire, et mène donc sa petite bande de conscrits sur la trace de la mystérieuse calamité, malgré les reproches qui lui sont adressés à mi-voix par la soldatesque, et le poil dans la main de son second, le Sergent Archus2.

Entre deux séances d’orientation en forêt et cauchemars la ramenant dans les ruines de Tantalum, où, dans son zèle d’interrompre le lancement d’un sort par un chaman Homme-Bête, elle a concocté l’imbuvable cocktail magique (une base d’Azyr, un peu de Hysh, un zeste de Ghyran, une pincée de Chamon…) qui a donné naissance au monstre qu’elle poursuit depuis, Jaqlyn finit enfin par refaire son retard avec ce dernier, alors qu’il était sur le point de réduire en charpie un malheureux Duardin isolé…

Début spoiler…Ayant trouvé le moyen de se téléporter avec ses hommes dans la clairière où le drame était sur le point de se dérouler, ou de courir très très vite une fois sa vision terminée, Jaqlyn engage le combat avec la monstruosité, qui se révèle être un Wildfire Taurus de fort belle taille et de méchante humeur. Quand on vous disait que ces sorts étaient persistants, on ne vous a pas menti. Pensez à les dissiper à la fin de la bataille, ce serait sympa pour les voisins. Malgré leur courage et leur discipline, les soldats de Tantalum ne font pas le poids face à la mugissante manifestation, et finissent tous piétinés et encornés, 1D3 blessures mortelles à la fois. Dernier défenseur, Archus se rachète de sa fainéantise passée en mourant bravement au combat contre Mad-guerite, et gagnant le droit de devenir un Stormcast Eternal dans sa prochaine vie3. De son côté, Jaqlyn a bien du mal à mettre à profit le temps acheté par ses protecteurs de leur vie, sa méthode de « dé-tricotage » magique se révélant inefficace contre la Vache qui Cuit. Elle bénéficie toutefois de l’aide inattendue du Duardin précédemment sauvé par son intervention, qui balance pokéball sur pokéball sur l’entité magique, faisant à chaque fois tomber quelques HP, mais ne semblant que retarder l’inévitable.

Comprenant qu’il lui faut changer d’approche si elle veut avoir une chance de remporter ce combat bien mal engagé, notre sorcière se résout à refaire usage de la magie (elle était réticente à le faire depuis la catastrophe de Tantalum), et… invoque un nouveau sort persistant. What could go wrong, après tout? Et pas n’importe quel sort persistant, notez : Pacman. Oui, Pacman. Après tout, on est en Ghur. Au final, la combinaison des assauts du dentier géant, des gadgets astucieux de son allié de petite taille, et la découverte d’un fil de magie un peu décousu, finiront par sonner le glas de la vachette en furie, dans une spectaculaire déflagration. À son réveil, Jaqlyn, laissé désœuvrée par l’accomplissement de sa quête réparatrice, accepte l’offre du providentiel Duardin, l’ingénieur expérimental et doctorant en ectoplasmologie (les Nains ne sont plus ce qu’ils étaient), Thorri Steelfist, de devenir son associée et d’aller combattre les mages maléfiques et leurs créations à travers les Royaumes Mortels. Toss a coin…Fin spoiler  

1 : Ceci est un meta jeu de mots.
2 : Il commence en effet la nouvelle par proposer à sa cheffe de monter le camp dans les ruines de Farhold. On apprend deux lignes plus loin qu’il était à peine midi…
3 : Fun fact : À chaque fois qu’il récupère une âme valeureuse pour ses armées, on peut voir la tête de Sigmar apparaître dans le ciel, et entendre un gros « Yaaaasssss ».

AVIS:

Cela partait pas mal pour Graeme Lyon, son idée de sorts vraiment persistants1 étant bien trouvée, et capitalisant sur une des innovations les plus iconiques d’Age of Sigmar par rapport à son prédécesseur. Un sujet parfait pour une nouvelle AoS, donc. Si la première partie de Trail of Ash, jouant sur le mystère de l’identité du tueur poursuivi par l’inspectrice Klouso et ses séides, et les flashbacks ramenant cette dernière au moment de la création de Buffalo Bill2, se passe plutôt bien, la confrontation finale entre le monstre et la sorcière est en revanche bien moins convaincante. En cause, une combinaison de facilités narratives, permettant certes à Lyon de terminer son histoire (même si le partenariat entre Steelfist et Kouslo laisse à penser que l’auteur est parti sur une série de nouvelles), mais pas de manière très satisfaisante.

Ainsi, entre la convocation, celle-ci sans aucun problème de long terme, d’un nouveau sort persistant pour combattre le mana par le mana (si ça n’a pas marché la première fois, pourquoi cela fonctionnerait la seconde?), l’intervention d’un random Ghostbuster, introduit de façon purement opportuniste dans le récit, ou encore le mode opératoire try again-iste de Jaqlyn (comprendre que sa méthode de dé-tricotage commence par se monter parfaitement inefficace, avant de parvenir à décomposer Raging Bull sans trop de problèmes quelques minutes plus tard), le dénouement de cette traque de longue haleine tient plus de la queue de poisson que de l’apothéose. On ne répétera jamais assez qu’il est important pour un auteur de nouvelle de soigner sa sortie, que cette dernière se fasse à travers un twist final (si possible) bien trouvé, ou bien par l’intermédiaire d’un bon vieux combat entre protagonistes et antagonistes. Et même si la première solution est généralement plus complexe à mettre en scène, la seconde n’est pas beaucoup plus facile à orchestrer de façon satisfaisante, comme de nombreux dénouements de courts formats de la BL au cours des siècles3 l’ont démontré. Better luck next time !

1 : Le pitch a dû se passer comme ça :
“Dude, you know these endless spells stuff? What if… ‘hits joint’…they were really endless? Like they are running away from the battlefield. And you have to chase them.”
“Dude.”
“Bro.”
2 : Pas le chasseur de bisons, hein, le tueur en série.
3 : J’ai techniquement le droit d’utiliser cette formule, et je ne vais pas me gêner.

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No Matter the Cost – M. R. Fletcher :

INTRIGUE:

Réveil douloureux, comme tous les matins, pour le vieil ermite Fell. Son rituel de lever consiste en effet à constater l’étendue des dégâts infligés par une longue vie et des capacités de guérison très limitées. Et pour cause, notre héros accuse plus de cinq siècles au compteur, et ne peut tout simplement pas se remettre de la moindre blessure, fracture ou luxation. Pourquoi ? Nous n’allons pas tarder à le savoir. Pour l’heure, après avoir rappelé à ses pieds, mains, doigts, genoux et dos à quel point il les détestait (et c’est réciproque), Fell se traîne jusqu’à la cuisine de son petit deux-pièces, où il ne tarde pas à recevoir la visite de sa jeune voisine, Rita. Cette dernière est une bonne âme, qui, en plus de lui apporter quelques victuailles sous la forme de pain et pommes de terre (et, devinez quoi ? Fell déteste les patates), lui fait sa vaisselle, la conversation et l’invite à rejoindre le reste de la communauté à la taverne locale ce soir, où l’aubergiste lui paiera un coup à boire et où il pourra entendre chanter la divine Terese, qui semble avoir le béguin pour l’irascible vieillard, si ses dons réguliers de tubercule peuvent être considérés comme une tentative de flirt (après tout, on est dans un pauvre village de Shyish). Malgré les tombereaux d’insultes et de menaces qu’il déverse sur la fillette, Fell finit par se laisser convaincre d’aller s’en jeter un petit ce soir, histoire de briser sa solitude. Et seul, il l’est…

Un flash-back intercalé avec la trépidante vie sociale de Hollow’s Dell (le hameau en question) nous permet en effet d’en apprendre un plus sur le Grouch du Royaume de la Mort. Scribe employé par les magisters de Glymmsforge, Fell avait, en des temps très anciens, une femme (Ruhinn) et une fille (Leona). Lorsque cette dernière tomba malade et mourut, il mit à profit sa mémoire eidétique pour recopier de tête un grimoire de nécromancie qu’un riche commanditaire lui avait commandé (on ne pose visiblement pas de questions d’éthiques à Glymmsforge), ainsi qu’un dictionnaire bilingue lui permettant de décoder les pages qu’il avait auparavant copié sans comprendre. Ce choix de vie ayant reçu l’approbation de son épouse, tout aussi désespérée que lui par la mort de leur fille, Fell avait passé la décennie suivante à bûcher sa méthode Assimil nécromantique, plongeant le couple dans une misère noire mais lui permettant de se consacrer pleinement à sa nouvelle vocation. L’apprentissage du sort de résurrection ultime s’avérant trop compliqué pour notre autodidacte, il avait fini par accepter l’aide d’une professeur un peu particulière, ayant remarqué à ses prunelles enfiévrées (et sans doute à son teint blafard et ses cernes marquées) que Fell en était, tout comme elle. Appelée Misère, cachant son Âge1 derrière une plastique parfaite, et au service d’une mystérieuse Dame Oh, elle s’était engagée à apprendre à l’amateur les mystères des arcanes, en échange d’un service éternel. Au pied du mur et bientôt au bord de la tombe, Fell avait accepté, mais s’était carapaté discrètement avec sa petite famille une fois la connaissance acquise et le sort final jeté, espérant s’installer avec les femmes de sa vie dans un coin pas trop lugubre de Shyish pour rattraper le temps perdu.

Malheureusement, Misère avait vu clair dans son jeu, et confronté la petite famille sur le bateau les menant vers leur nouvelle vie. Mettant son élève au défi de la stopper, elle avait dissipé le sort lancé sur Leona, renvoyant cette dernière conter fleurette à Nagash, et desséché sur pied la pauvre Ruhinn, avant de jeter à Fell une malédiction d’un genre un peu particulier : l’immortalité doublée d’une incapacité de guérir. C’est ainsi que notre héros en arriva à traîner sa mélancolie et sa carcasse fragile de village en village pendant des siècles, refusant à échéances régulières les offres faites par Misère de reprendre ses études, et se coupant volontairement du monde avec son comportement grossier pour ne pas donner de nouveaux moyens de chantage émotionnel à la vampiresse. Tout un programme.

Alors qu’il se rend au bar du coin, ce soir là, Fell réalise que quelqu’un l’épie du haut de la colline voisine, et, comme de juste, c’est la Misère qui attend de se jeter sur le bas-peuple (lui, en l’occurrence). La tuile. Jugeant qu’il a au moins quelques heures devant lui avant de devoir évacuer les lieux, et souhaitant saluer une dernière fois ses gentils voisins, notre fringant vieillard va s’asseoir au bar, mais est bientôt abordé par un mercenaire patibulaire, envoyé par Misère lui faire la même offre que les décennies passées : rejoindre le service de Dame Oh, ou avoir le saccage de son village d’adoption et le massacre de tous ses habitants et particulièrement celui de Rita, qui s’inscruste sans gêne dans la discussion, sur la conscience. Bien que bluffant à mort que ses concitoyens ne représentent rien pour lui, Fell ne convainc ni le matamore, qui repart en jurant de revenir avec ses troupes dans deux heures, ni lui-même. Décidé à empêcher les ruffians de mettre leur forfait à exécution, notre héros décide donc de rompre le serment qu’il avait fait sur les cendres et ossements de sa famille de ne plus jamais recourir à la Nécromancie, et s’en va donc clopin-clopant rendre une petite visite au cimetière local…

La suite et fin de la nouvelle voit Fell et ses légions de morts sans repos embusquer les reîtres de Misère à leur entrée dans le village, pendant que le reste de la population de ce dernier reste sagement enfermée dans l’auberge, comme leur mascotte édentée leur avait demandée. Le poids du nombre ayant remporté les débats, Fell résout d’aller traiter le problème à la racine, et mettre un terme à la non-vie de sa stalkeuse immortelle. Avant de s’embarquer dans sa croisade personnelle à la tête de ses troupes, il profite de sa nouvelle résolution pour annuler la malédiction que Misère lui avait lancé, et siphonne allègrement l’énergie vitale du menaçant mercenaire, fait prisonnier au cours de la bagarre, pour se refaire une santé et une jeunesse. À nous deux maintenant Misère ! Tu vas bientôt t’en mordre les dents, bougresse.

1 : Oui, son Âge, pas son âge. Ça vous donne une idée du nombre de kilomètres au compteur

AVIS:

Bien qu’il ait déserté pour l’occasion ses bien aimés Ossiarch Bonereapers, Michael Fletcher continue son odyssée Shyishesque de belle manière avec ce No Matter the Cost, dont la plus grande réussite repose à mes yeux dans la variété d’atmosphères que l’auteur convoque. Depuis les débuts plutôt humoristiques de l’histoire, où le lecteur fait la connaissance du cacochyme et ronchon Fell, jusqu’à sa conclusion résolument grimdark, où le même Fell passe enfin full Nécromancien et décide d’aller résoudre l’épineux problème de la Misère dans le monde, en passant par la tragédie personnelle qui l’a poussé à se lancer dans des études occultes, et même la petite touche émotionnelle qui traverse le récit lorsque notre antihéros réalise que, finalement, il s’est attaché à ses concitoyens de Hollow’s Dell et décide de les défendre, Fletcher parvient à habilement changer l’éclairage de la nouvelle au fil des pages, ce qu’il n’avait encore fait que partiellement (Strong Bones) et ce que peu d’auteurs de la BL sont capables de réaliser dans leurs courts formats. Cela démontre donc une maîtrise narrative certaine de la part de ce contributeur, et m’incite d’autant plus à suivre ses prochaines soumissions avec intérêt. Après tout, si un auteur passable peut faire illusion en traitant un sujet foncièrement intéressant, un auteur accompli peut maintenir un niveau de qualité appréciable quelque soit le thème qu’il choisit d’aborder. Partant, il vaut mieux investir son temps et son argent sur les écrivains faisant preuve d’une « technique » suffisante, lorsque cette dernière est détectable. C’est en tout cas mon avis.

À côté de cela, une autre satisfaction que je retire de cette lecture est le choix de Fletcher d’avoir dépeint son héros de Nécromancien sous un jour positif, ce qui n’était pas arrivé depuis…Who Mourns A Necromancer (Brian Craig) ? Même si on se doute que les choix de Fell vont finir par lui monter à la tête, et que le chemin sur lequel il s’est finalement engagé après quelques siècles d’atermoiements, va le mener droit en enfer (ou l’équivalent des Royaumes Mortels), notre protagoniste finit la nouvelle comme un « gentil » avéré, et on se met à rêver de le suivre dans la suite de sa vendetta (ou vendett-Oh) personnelle contre la machiavélique Misère et sa mystérieuse – ou pas – protectrice. S’il est trop tôt pour dire si la BL autorisera Fletcher à poursuivre ses chroniques Fêllées, ce dernier a en tout cas réussi à piquer mon intérêt pour le Nécromancien Blanc de Shyish, qui retourne les armes de ses adversaires contre eux pour lutter contre la tyrannie des Mortarques et de leurs agents. À 40K, ça s’appelle être un radical, et c’est parfois toléré, alors pourquoi pas dans les Royaumes Mortels ?

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Mournclaw – B. Galley :

INTRIGUE:

Notre propos débute avec la course effrénée mais peu rapide d’un Duardin esseulé dans un marais putride aux abords de la ville de Kurchok, en Ghur. Se sachant épié et poursuivi, notre nabot embourbé interrompt un moment son mud day dusk pour envoyer sa hache dans le thorax de son stalker, un coureur de boue – plutôt que d’égoût – Skaven. Si le rôdeur n’a pas réussi à arrêter sa proie, c’est sans doute parce qu’il s’agit d’un vulgaire ersratz des ninjas du Clan Eshin, notre raton étant en effet un membre du Clan Skryre. Avant de rejoindre le Royaume de la Ruine, il a toutefois l’obligeance d’expliquer à son tueur qu’il était à la recherche de la Mournclaw, provoquant une réalisation subite chez ce dernier, qu repart en petites foulée en direction de Kurchok.

Dans la ville en question, nous faisons la rencontre de notre véritable héros, le voleur Mallon Tein, alors qu’il se trouve en repérage dans la taverne locale. Ayant choisi de tenter sa chance auprès de la bourse d’un marchand Aelf, il parvient à la faire sienne en un tour de main et un renversement de pinte sur le carnet de notes de sa cible, mais se fait griller comme un bleu en lançant à cette dernière une pièce pour sa peine avant de prendre le chemin de la sortie. Car la pièce venait de la bourse subtilisée, et portait donc la rune personnelle de son propriétaire légitime, qui ne manque pas de saisir l’entourloupe. Ah, Mallon… Ta générosité te perdra ! Ou plutôt, aurait pu te perdre, si un chevalier assis en compagnie d’un groupe de gens louches, dont le Duardin susnommé, arrivé en cours de soirée à l’auberge, n’était intervenu auprès de la foule en colère pour sauver les miches du voleur malchanceux, prétendant le connaître et donnant au marchand déconfit une authentique pépite d’or torope en guise de dédommagement.

La situation s’étant calmée, Mellon est entraîné par son sauveur, Ulriker, jusqu’à son groupe de parole. Les autres membres de la compagnie sont les mercenaires que le chevalier a recrutés pour l’accompagner dans la quête d’un artefact magique : la masse d’armes Mournclaw. Cette dernière serait enterrée dans un tombeau Duardin bâti par les ancêtres de l’avorton boueux et grincheux croisé un peu plus tôt (Durbrord Grimbelly), qui possède une clé capable d’ouvrir la crypte familiale. Seul petit problème se tenant entre Ulriker et ses Lames Rouillées (le nom, qu’il considère sans doute stylé, qu’il a donné à sa franche-compagnie personnelle) et la reconnaissance que le don désintéressé de cette inestimable relique au Stormhost le plus proche ne manquera pas de leur valoir : aucun de nos larrons ne sait où se trouve le tombeau en question. Ceci dit, l’ingénieux Ulriker a un plan aussi simple que rat-dical pour contourner cette difficulté : kidnapper l’individu possédant l’information qu’il recherche, et qui n’est autre que le Warlock Volz Flayfang, du Clan Skryre.

Peu emballé par la perspective d’aller prendre un otage directement chez les Skavens des Fiend Crags, Mellon est toutefois contraint d’accepter de marcher dans la combine, les Lames ayant besoin d’un voleur (même pas très bon) pour compléter les talents de l’équipe, et notre larron n’étant de toute façon pas en mesure de rembourser la dette contractée auprès d’Ulriker pour son sauvetage. Notre joyeuse bande de lurons (Ulriker et son gryph-hound Malefitz, Durbrord et sa bedaine renfrognée, le duo mère fils farouchement anti-Skavens Elfrun et Oddone, le mage de feu non-diplômé Adalbero, le guerrier endormi Lundrich Twice-Killed et notre pickpocket récalcitrant) s’embarque donc dans un périple à travers les paysages pittoresques du Royaume des Bêtes, en direction du terrier de leur proie…

Début spoiler 1…Si leur mission quasiment impossible se déroule d’abord sans trop d’anicroches, puisqu’ils parviennent à pénétrer le repaire de Flayfang, à se frayer un chemin jusqu’à ce dernier et à repartir avec le rat de laboratoire sur l’épaule pour la somme modique d’un mort (Lundrich, qui se prend une gomme-cogne goût malepierre en plein dans le pif) et d’un blessé (Adalbero, victime d’un coup de queue barbelée à l’estomac), la suite s’avère beaucoup plus compliquée pour nos bras cassés. Ayant convaincu leur otage de les mener jusqu’au tombeau Duardin que ses équipes ont commencé à excaver, les Lames Rouillées sont bientôt en proie à une dissension interne de plus en plus marquée, Mallon et Durbrord soupçonnant Ulriker de vouloir récupérer la Mournclaw pour son propre compte plutôt que de la remettre à qui de droit, et ce malgré les avertissements récurrents donnés par le Passe-Partout de la bande1 à son vieux pote à propos de la nature maléfique de l’arme qu’il convoite. En plus de cela, Mallon découvre que son généreux sauveur s’est en fait joué de lui, et du marchand Aelf du début, en utilisant des bouts de ferraille dorés à la place de ses prétendues pépites d’or torope, et Flayfang propose au cambrioleur démotivé de conclure un pacte de non-agression pour sauver sa vie lorsque son armée personnelle aura mis la griffe sur les rat-visseurs de leur boss, ce qui ne saurait tarder.  

Les Lames Rouillées parviennent cependant à atteindre leur objectif, situé dans les montagnes de Cornecroc, perdant ce blaireau d’Adalbero, victime d’un mal d’estomac persistant et en rade de Pantoprazole, sur le chemin, rapidement suivi par Oddone et Elfrun. Bien que l’ambiance ne soit pas au beau fixe entre les survivants, ils finissent toutefois par arriver devant la porte de la salle où Mournclaw est entreposée, mais, problème, cette dernière ne pourra s’ouvrir que si le sang d’un descendant de la lignée est répandu sur la serrure, ce que Dubrord se refuse obstinément de faire. Il en faut toutefois plus pour décourager Ulriker, désormais totalement sous la coupe de Mournclaw,  et qui tranche la main de son compagnon après un court duel et utilise le moignon pour ouvrir l’ultime porte de ce donjon un peu particulier. Le chevalier disgracié n’aura cependant pas le loisir de looter l’arme héritage sur laquelle il avait des vues, ce fourbe de Post Mallon profitant de ses attributs de classe pour lui trancher la gorge en traître (ce qui n’est pas cool), et faisant subir le même sort au loyal Malefitz lorsqu’il tente de secourir son maître (ce qui est impardonnable). Ceci fait, le renégat s’empresse de jeter la masse aux pattes de Flayfang, bientôt rejoint par ses guerriers, espérant que son coup de main lui vaudra la reconnaissance du Warlock…

Début spoiler 2…Malheureusement, un Skaven ne tient jamais sa parole, surtout lorsqu’il est en position de force et cherche à se venger des mauvais traitements subis au cours de sa garde à vue musclée. Si Flayfang accepte donc volontiers Mournclaw, que sa race avait bien corrompue après l’avoir dérobée aux Duardin, c’est uniquement pour jouer au polo avec la tête de son allié. Vous aurez plus de chance à la prochaine session de JDR, les gars !Fin spoiler

1 : Hé, il est petit et porte la clé de son équipe. Je ne pouvais pas laisser passer cette opportunité.

AVIS:

Pour ses débuts au sein de la Black Library, Ben Galley démontre sa maîtrise de la nouvelle de sword & sorcery en mettant en scène la quête d’une bande d’aventuriers pour une mystérieuse relique, qui se révélera, comme de juste, maléfique. Si le sujet en lui-même n’a rien de particulièrement original1, l’auteur réussit à nous embarquer dans les aventures de son groupe de mercenaires rouillés sans coup férir, et parvient à mettre en scène son imposante galerie de personnages (8 au total, si on compte le gryph-hound d’Ulriker) sans donner l’impression que certains d’entre eux ne sont là que pour décorer. Autre réalisation technique à mettre au crédit de Galley, l’introduction narrée du point de vue de Durbrord, qui vient « enrichir » l’expérience de lecture. Ça peut paraître un procédé facile de prime abord (et pour être honnête, ça l’est), mais rien de tel qu’un changement de perspective au cours du récit pour immerger le lecteur dans ce dernier, et si l’astuce est souvent mis à profit dans les romans, il est bien plus rare dans les nouvelles. À cela je dis donc : well done sir.

S’il apparaît rapidement que la conclusion de ce Mournclaw ne sera pas heureuse pour nos protagonistes, dont le nombre descend graduellement au fur et à mesure que les embûches se présentent, ce manque de suspens est compensé par le désir de savoir qui restera le dernier debout, et comment les autres rencontreront leur fin. Il n’y a que la révélation des manigances du cérébral Flayfang, qui se targue d’avoir tout orchestré mais que l’on n’aura finalement pas vu à l’œuvre autrement qu’en pistolero, punching-ball et gossip rat, qui aurait pu être mieux amorcée par Galley. Pour le reste, nous sommes en présence d’une soumission des plus solides, faisant de notre homme un nom à suivre dans le cas où cette collaboration avec la BL serait amenée à continuer.

1 : La comparaison qui me vient avec une nouvelle de la BL serait ‘A Good Thief’ de Simon Jowett, racontant l’histoire d’un voleur recruté contre son gré par un puissant commanditaire pour dérober un livre magique à un seigneur brigand. On peut également penser au tire-laine ayant subtilisé l’anneau des Von Carstein du doigt de Vladd pendant le siège d’Altdorf.

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River of Death – A. Stephens [AoS] :

INTRIGUE:

Alors que l’aurore pointe à peine sur les maisons endormies de la ville fluviale de Demesnus, en Ghyran, un trio de jeunes gens attend un dernier compagnon sur les quais. Nos héros sont Brida Devholm, pas encore engagée dans les armées de Sigmar (The Siege of Greenspire), et les jumeaux Sati et Cahn, tous trois issus des classes laborieuses de la cité, et chargés par leurs familles d’aller récolter les joncs dont l’industrie locale fait grand usage, pour la teinture et la vannerie. Leur camarade est le mieux né Eron Rush, fils d’une grande famille locale, et néanmoins énamouré de Brida, à laquelle il compte se fiancer prochainement. Cette dernière l’a donc invité à faire la connaissance de ses amis d’enfance prolos, en espérant que quelques heures passées ensemble à faucher du roseau et se pinter à la bière rapprocheront ces deux mondes que tout oppose (sauf elle, bien sûr).

Force est de constater que son plan de copinage se déroule initialement sans problèmes, la bonhomie naturelle et les clowneries outrées d’Eron parvenant à vaincre la suspicion et les préjugés que les jumeaux entretenaient à son égard. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur plus vivace des Royaumes, la petite barque du quator remontant la rivière Quamus jusqu’aux bancs de joncs, atteints ces derniers temps par une sorte de maladie mal identifiée, comme c’est bizarre, lorsque, soudain, c’est la chute. Jetée à la flotte par le choc inattendu de son esquif contre un corps solide, Brida sent un corps sinueux et squameux lui frôle le mollet, ce qui n’est pas pour la rassurer. Sitôt remontée dans la barque, la cause de la collision apparaît clairement aux travailleurs de la rivière : une énorme anguille atteinte de la fièvre aphteuse a des vues peu charitables sur leurs carcasses. Équipés seulement de leurs rames et serpettes de kolkhoziens, les teenagers ne font pas tellement les malins, d’autant plus que les coups de boutoirs de la tanche en rut ont tôt fait de provoquer une voix d’eau inécopable (mais si, ça existe, la preuve) et d’assommer Eron, qui se prend un morceau de pagaie en plein dans le pif. Contraints et forcés, ils abandonnent leur pédalo pour gagner à la nage une île toute proche, Brida restant bravement en arrière garde pour ralentir l’anguille le temps que ses compagnons amènent son cher et tendre en sécurité. Et même si elle ne pourrait pas faire longtemps illusion comme Garde Morrsarr, chevauchée peu concluante de l’inamicale bestiole à l’appui, notre héroïne réussit toutefois à distraire suffisamment longtemps la bête pour que le quatuor parvienne à regagner la sécurité de la terre ferme. Sécurité relative, car l’îlot sur lequel ils ont débarqué est réputé être la demeure de Guette-Rivière, l’esprit tutélaire de la Quamus…

Début spoiler 1…Et en effet, il ne leur faut pas longtemps avant de croiser le maître des lieux, un vieil ermite encapuchonné, qui se présente comme étant le mythique Guette-Rivière, et leur promet de régler son compter à l’ennuyeuse poiscaille après avoir entendu le récit de leur mésaventure. Leur hôte parti à la pêche, nos ados éprouvés sombrent rapidement dans un profond sommeil. À leur réveil, plusieurs heures plus tard, Brida et Eron découvrent que les jumeaux ont disparu, et commencent fort naturellement à s’inquiéter, lorsque Sati et Cahn font finalement leur retour. Ils étaient partis casser la croûte en compagnie de Guette-Rivière, qui a préparé à ses visiteurs un petit-déjeuner des plus délicieux, et qu’il serait impoli de décliner. Peu rassurés par la situation, et interloqués par l’enthousiasme démontré par leurs amis pour les talents culinaires de Jo le Clodo, les amoureux finissent toutefois par leur emboîter le pas, et arrivent devant le camp de base de Guette-Rivière, où bout un grand chaudron rempli de ragoût. Les signes bizarres d’ascendant flippants allant en s’accentuant (Sati et Cahn, s’empiffrant littéralement, allant jusqu’à saisir la marmite brûlante à mains nues pour se resservir, le brouet de l’ermite étant glacé en dépit des flammes), Brida et Eron décident sagement de sauter le petit-déjeuner, et de fausser au plus vite compagnie à leur hôte. La fausse bonne idée d’Eron de balancer son bol à la tête de ce dernier pour faire diversion se retourne cependant contre l’initiateur de la bataille de bouffe, Guette-Rivière jetant bas les masques et la capuche, pour se révéler être un Rotbringer, aussi jovial et enthousiaste qu’une Maïté nécrosée. Sa transformation entraîne également celle des jumeaux, que leur consommation non raisonnable de soupe d’anguille pestiférée a changé en séides de Nurgle.

Ce constat posé, il ne reste plus grand-chose d’autre à faire pour nos héros que de pratiquer un peu de distanciation sociale, et prendre leurs jambes à leurs cous pour échapper aux miasmes et à la fringale persistante de leurs anciens camarades. Après une course éprouvante, Brida et Eron arrivent à mettre suffisamment de distance entre eux et les gros tas pour confectionner un radeau de fortune et partir de l’île maudite en battant très fort des jambes. Malheureusement, si la brioche des Maggotkins ne les avantage pas lors des épreuves de course de fond, elle leur permet en revanche de nager comme des poissons dans l’eau, et nos deux tourtereaux se retrouvent donc contraints à repousser les assauts sous-marins de leurs anciens amis à grands coups de latte. Le salut arrivera sous la forme d’une flotte de pêcheurs locaux, qui, en venant à leur secours, fera diversion assez longtemps pour que le courant emporte le radeau de la méduse, maintenu en un seul morceau par l’étreinte ferme d’Eron, jusqu’à la sécurité d’un banc de sable…

Début spoiler 2…Le soulagement de Brida est toutefois de courte durée, puisqu’elle découvre que son chevalier servant s’est sacrifié pour permettre à leur coquille de noix de rester à flot, et s’est fait béqueter une bonne partie des bras par l’insatiable Cahn en chemin. Les pansements à base d’algues n’ayant pas eu l’effet purgatif escompté, Brida ne peut que constater la détérioration de l’état d’Eron, qu’elle décide d’achever par compassion avant que sa transformation en morfale cannibale sclérosé ne soit complète. Ceci fait, et jugeant Demesnus probablement perdue (il suffit qu’un seul pêcheur mordu revienne à bon port pour que l’état d’urgence sanitaire soit déclaré), elle décide d’embrasser la voie martiale et d’aller se faire fille de fer au régiment le plus proche. On sait maintenant pourquoi elle passe son temps à se laver les mains dans la suite des ses aventures1Fin spoiler

1 : C’est bien sûr absolument faux.

AVIS:

Il y a des origin stories qui valent la peine d’être racontées, et celle de Brida Devholm, passée de fille du coupeur de joints joncs à capitaine revêche d’une garnison de la Ligne Émeraude (The Siege of Greenspire) fait partie de celles-ci. Ce qui commence comme une petite virée en bateau un peu mièvre passe en effet rapidement au (script de) film d’horreur par l’intermédiaire d’un goujon méchamment grippé, permettant à Anna Stephens de démontrer sa science de la mise en scène et de l’angoisse au cours des quelques pages suivantes. Depuis l’ambiance « Les Dents de la Mer » lorsque le quator tente tant bien que mal d’échapper à l’anguille putréfiée, jusqu’au final à la « Walking Dead » (prévisible mais bien réalisé) où Brida se trouve contrainte et forcée de plaquer son fiancé pour raisons sanitaires, en passant par l’épisode îlien très influencé par « La Colline a des Yeux » (l’ermite fou qui « convertit » les jumeaux aux joies du Nurglisme) et « Massacre à la Tronçonneuse » (la fuite éperdue de Brida et Eron)1, cette expédition nautique emprunte avec bonheur – sauf celui des protagonistes, évidemment – aux différents classiques du genre, pour un résultat prenant et intense. Seule petite ombre au tableau d’une soumission autrement très maîtrisée, la révélation par la BL que Brida poursuit ses aventures anti-chaotiques dans The Siege of Greenspire enlève un peu de suspens au récit, en prévenant le lecteur que ce personnage, au moins, s’en sortira. Il aurait été plus malin de la part des éditeurs de faire le lien avec l’autre nouvelle d’Anna Stephens en fin de River of Death, mais ce type de mise en contexte étant encore trop rare de la part de Nottingham, on ne leur en tiendra pas trop rigueur. En définitive, une vraie bonne nouvelle (haha), qui surprendra – en bien – peut-être ceux qui se sont familiarisés avec la prose AoSesque de Stephens via son plus classique Siege…, a le bon goût de faire le lien avec les autres récits de la BL traitant de Demesnus (Les Fantômes de Demesnus de Josh Reynolds en particulier) et aurait tout à fait eu sa place dans le prochain recueil de Warhammer Horror

1 : Et un petit clin d’œil plus récent à « Action ou Vérité » avec le sourire figé de Cahn et Sati à l’heure du petit-déjeuner.

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Watchers of Battle – B. Counter :

INTRIGUE:

Dans un remake audacieux des Bronzés font du Ski, une coalition de gladiateurs des Spire Tyrants part en direction de la Bonebreak Pass (que l’on peut sans doute traduire par passe de la fracture), qui permet le passage depuis Carngrad à Varanspire à travers les montagnes des Crocs, afin d’y gagner une gloire éternelle. Car s’il ne tombe pas de neige dans ce coin du Bloodwind Spoil (il pleut du sang par contre), c’est là qu’Archaon envoie régulièrement quelques recruteurs scruter les combats et repérer les guerriers de valeur, dignes de rejoindre les armées de l’Everchosen. Voilà l’objectif professionnel que s’est fixé notre héroïne, l’imposante Voleska, qui compte bien taper dans l’œil la visière des taciturnes observateurs qu’elle a aperçus en effectuant une mission de reconnaissance du campement de la Cabale Corvus1, cible toute désignée de la furie martiale des Tyrants. Ayant fait son rapport au Preneur de Tête Ferenk Sunder-Spine, qui en profite pour lui propose de devenir son bras droit, voire de prendre sa place si jamais il devait lui arriver malheur au cours de la bataille du lendemain, Voleska, dont le comportement cabotin et la maîtrise du marteau de guerre lui ont valu le titre de « Donneuse de Cadeaux » (Gift-Giver) auprès des aficionados2, repart sans donner de réponses définitives à cette offre de promotion, persuadée qu’un destin bien plus glorieux qu’assistante de direction des Red Sand Raiders l’attend si elle brille au combat.

Et pour briller, Voleska brille. Fille illégitime de Hulk Hogan et Brienne de Torth, la gladiatrice rend une tête et trente kilos au plus costauds de ses camarades de lutte. Quant aux frêles cabalistes emplumés, ils ne font littéralement pas le poids. L’accrochage entre culturistes enragés et gothiques homicidaires finit donc par tourner en faveur des premiers, Vovo enchaînant les kills spectaculaires (dont sa spécialité, le nut-buster3), allant jusqu’à concasser un Shrike Talon (Achille de son prénom) pour asseoir son statut de best entertainer de la bataille. Cependant, les observateurs d’Archaon ne donnent pas signe d’être très impressionnés par sa performance avicide…

Début spoiler 1…Qu’à cela ne tienne, Voleska tourne son marteau vers ses alliés une fois les cabalistes vaincus. Commençant par refaire le portrait à son side-kick Kyryll, elle fracasse ensuite sans discrimination ses anciens frères et sœurs d’armes de droite et de gauche, finissant par un duel au sommet (ou presque) avec Ferenk, qui mordra lui aussi la poussière4 après un combat accroché. Last woman standing parmi ce carnage indiscriminé, Voleska a enfin la satisfaction de voir deux Elus s’approcher d’elle et lui faire signe de les suivre en direction de la Varanspire, où son destin l’attend…

Début spoiler 2…Mais pas forcément de la façon qu’elle l’imaginait. En effet, amenée dans les forges qui entourent la citadelle d’Archaon, notre survivante est sommairement décapitée au-dessus d’un abreuvoir par ses recruteurs, son sang étant utilisé, comme celui des autres guerriers valeureux draftés par les sbires de l’Everchosen, pour tremper les armes et armures confectionnés pour les osts des véritables Guerriers du Chaos, statut auquel Voleska a eu l’erreur de prétendre. Décidément, le plafond de verre (ou de fer) n’est pas un mythe, même dans les Royaumes Mortels.Fin spoiler

1 : Les Scions (du bois) étaient attendus à la Bonebreak Pass, mais n’ont finalement pas pu décaler leurs prières enflammées pour se libérer. Dommage.
2 : Les cadeaux en question étant les têtes de ses adversaires malheureux, qu’elle arrive à faire voler dans la foule d’un moulinet expert de marteau.
3 : Comme quoi, la Distributrice de Cadeaux était également Castratrice de Corbeaux.
4 : Façon de parler, le coup fatal asséné par Voleska faisant passer son crâne en deux dimensions, d’où quelques difficultés à mastiquer. 

AVIS:

Excellente nouvelle de la part de Ben Counter, qui s’affirme de plus en plus comme l’expert du Bloodwind Spoil, dont il maîtrise comme personne d’autre le côté brutal et nihiliste. Après avoir décrit l’ascension sanguinaire et illusoire d’un guerrier maigrichon des Untamed Beasts (The Devourer’s Demand), il remet ici le couvert avec la quête de reconnaissance professionnelle d’une gladiatrice de Carngrad, prête à tout pour être remarquée par son senpai1. Et, une fois encore, la nature même du Chaos viendra briser les rêves de gloire du héros, avec des conséquences cruellement définitives. Il n’est jamais inutile pour la BL de rappeler que l’adage « beaucoup d’appelés, peu d’Elus » est absolument correct quand il s’agit de décrire la méritocratie chaotique, et quel meilleur moyen pour cela que de mettre en scène des histoires se terminant mal au sein de cette faction ? Après tout, pour un guerrier parvenant à gagner son armure de plates complète, des centaines d’autres ont passé l’arme à gauche dans l’indifférence la plus totale. Ainsi va la vie (et ainsi s’arrête-t-elle) dans les Royaumes Mortels… Prenant dans son déroulé, percutant par sa conclusion, et recouvert d’un discret vernis de gore qui fait tout le charme des nouvelles Warcry, Watchers of Battle est une autre réussite à mettre au crédit du revenant Ben Counter, qui n’a – à mes yeux – jamais été meilleur que depuis qu’il a réduit le rythme de ses contributions. Comme quoi, on a toujours intérêt à choisir ses batailles, et ce n’est pas Voleska qui nous contredira…

1 : Au petit jeu des ressemblances avec les travaux précédents de Counter, il serait dommage de ne pas citer ‘Sacrifice’, nouvelle rattachée au cycle Alaric (Chevaliers Gris), et qui montre comment les armes et armures de ces preux paladins sont réalisées. Là encore, l’opération est plutôt consommatrice en main d’œuvre…

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The Manse of Mirrors – N. Horth :

INTRIGUE:

The Manse of MirrorsRecrutée par un influent marchand de la cité libre de Lethis pour « visiter » le manoir d’un des plus célèbres résidents de cette dernière, feu (ou plutôt, cendres) Phylebius Crade, Thaumaturge Suprême de Lethis que nul n’a revu depuis cinquante ans, l’archéologue militante Shevanya Arclis se retrouve à la tête d’une petite équipe de spécialistes pour mener à bien ce repérage d‘Un Trésor dans votre Château’. Son employeur a beau considérer comme acquis le décès du propriétaire, le home-jacking du (six) pied(s) à/sous terre d’un mage d’Améthyste de niveau 153 reste une expérience périlleuse pour l’aventurier moyen, comme Arclis et ses compagnons ne tardent pas à le découvrir.

Ayant bien négocié les premières salles de ce donjon un peu particulier, Arclis et Cie se retrouvent dans le mal dans la galerie des glaces du manoir, qui ont la particularité d’être des portails donnant sur Shadespire les Vignes, petite bourgade typique de Shyish au centre-ville décrépit mais aux chargés de tourisme très motivés, comme le maître-voleur Goolan ne tarde pas à en faire l’expérience. Tiré au sort pour passer une nuit/vie dans un Air B&B local, le monte en l’air se mue en passe à travers, et file de l’autre côté du miroir découvrir les merveilles architecturales de Shadespire. Quelques secondes plus tard, c’est au tour de la noble aventurière Nazira El-malia de se faire mettre la griffe dessus, ou plutôt à travers, par un Spectre très entreprenant. Il faut toute la science arcanique du dernier membre de la compagnie, le mage stagiaire Dhowner, pour permettre aux survivants de regagner leur intimité, à grands renforts de porte blindée et de poudre de perlimpinipin.

La pièce où Arclis et Dhowner ont trouvé refuge se révèle être le laboratoire et cabinet privé de Crade, et regorge de moultes reliques des plus dispendieuses, ainsi que d’un gigantesque miroir expérimental, dans lequel les intrus peuvent contempler tout ce qu’il reste de leur hôte. Ce dernier, peu rancunier, s’avère assez content d’avoir de la compagnie, et explique que cela fait cinquante ans qu’il est piégé dans la cité de Shadespire, sujet d’étude l’ayant littéralement absorbé, à son grand désespoir. Avertissant ses visiteurs que l’influence néfaste de la ville-miroir risque de s’étendre à Lethis à travers son prototype de catalyseur, et que seuls ses vaillants efforts ont préservé la cité corbeau d’un sort pire que la mort, Crade implore les gentlemen cambrioleurs de l’aider à clore une fois pour toute la ligne M du TER de Shyish. À Dhowner de refermer le passage malencontreusement ouvert par Crade – qui accepte noblement son sort de citoyen d’honneur et d’horreur de Shadespire – , et à Arclis de défendre son camarade le temps que le rituel soit accompli. Au grand énervement du maître des lieux, qui lui conseillait de se servir d’un espadon mythique dans sa collection personnelle pour tenir les morts sans repos en respect, notre aventurière choisit de s’équiper d’une dague de pierre sur la seule fois d’une inscription disant ‘feuklémor’ gravée sur la lame. Il n’y a plus de respect ma bonne dame.

Début spoilerLa suite de la nouvelle voit toutes les suppositions que le lecteur était en droit d’entretenir à propos de la conclusion de l’intrigue développée par Horth se réaliser. Comme de juste, Crade se révèle être un fieffé chenapan, dont l’altruisme cachait en fait des velléités de possession du malheureux Dhowner.  Comme de juste, l’arme sélectionnée plus ou moins au pif par Arclis se révèle être un athame pour personnes en situation de non-vie. Comme de juste, notre héroïne parvient in extremis à empêcher Crade de faire du crade, en bousillant son miroir juste avant que le thaumaturge ait pu prendre entièrement possession de son padawan. Une monumentale explosion plus tard, les deux malfrats, catapultés dans le jardin du manoir, se font cueillir par la Morréchaussée, sans doute pour tapage nocturne. Mais la saga d’Arclis est loin d’être terminée…Fin spoiler

AVIS:

Après une quinzaine de pages prometteuses, dans lesquelles Horth parvient à instiller une ambiance macabre tout à fait satisfaisante, son The Manse of Mirrors débouche sur une conclusion assez tristounette, n’exploitant pas vraiment le potentiel horrifique et mystérieux de Shadespire, et résolue de façon très peu imaginative. Comme d’autres courts-formats de la BL, je crains que nous ne nous trouvions en face d’un texte pensé dès le départ par son auteur comme une part intégrale d’une oeuvre plus conséquente, ici la novella Thieves’ Paradise mettant en vedette notre Indiana Jones à oreilles pointues1, ce qui se solde malheureusement par des lacunes en termes de « singularité » de l’histoire développée. Bref, The Manse of Mirrors pourrait bien être le chapitre 0 de Thieves’ Paradise, et ce de façon très (trop) visible pour que le lecteur puisse réellement apprécier cette nouvelle de façon indépendante. Tout le monde n’a pas le talent d’un Dan Abnett, d’un C. L. Werner ou d’un Nathan Long pour réussir à jouer la partition du e pluribus unum de façon satisfaisante, et c’est encore une fois bien dommage. On mettra tout de même au crédit de Nick Horth les quelques ajouts de fluff qui parsèment sa soumission, qui achèvent de placer cette dernière dans la tranche haute du convenable. Cela aurait pu et dû être mieux, pourtant…

1 : Je me suis d’ailleurs aperçu qu’Arclis semblait avoir en main la dague piquée à Crade sur l’illustration de couverture de la novella.

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The Fourfold Wound – E. Gregory :

INTRIGUE:

Shinua Gan, cartographe freelance des Royaumes Mortels, poursuit un dessein bien particulier. Hantée par la mort de toute sa famille lors d’une attaque de brigands alors qu’elle s’était absentée de sa ferme natale, elle poursuit d’une haine tenace et implacable le milicien qui était censé monter la garde dans la tour de guet voisine, et dont le penchant pour la dive bouteille a permis aux marauds maraudeurs de fondre sur la PME familiale dans l’impunité la plus totale. Elle traque depuis la sentinelle alcoolisée, du nom de Halas, à travers les Royaumes, bien décidée à lui planter sa dague entre les omoplates pour lui apprendre à développer une éthique professionnelle. Classique, vous allez me dire. Là où cela devient intéressant, c’est que le Halas en question est mort. Et là où ça devient passionnant, c’est qu’il s’est attiré les bonnes grâces de Ziggie en expirant en combattant un Champion du Chaos, ce qui lui a permis de bénéficier d’une reforge gratuite et de devenir un Stormcast Eternal. Pas que cela décourage le moins du monde Shinua, notez : au contraire, dégoûtée par le choix divin, elle s’est rangée du côté des mémés (le mécontents mécréants), une société secrète dont les membres ne tiennent ni le Grand Barbu, ni ses sbires métallisés, en haute estime. En plus de se retrouver à intervalles réguliers pour baver sur les rouleaux en sigmarite de Charles Martel, les Sentinelles (Watchers en VO) collectent également des informations sur le déploiement et la composition des osts Eternals, qu’ils sont prêts à mettre à disposition des ennemis d’Azyrheim.

Nous arrivons ainsi à Ark’non, un village de pêcheurs de baleines et d’éleveurs de marmuts (pas besoin que je vous décrive à quoi ressemble cette petite grosse bête je pense), en compagnie de Shinua, qui cherche à tirer au clair un rapport mystérieux faisant état du déploiement des Marteaux de Sigmar, ost auquel Halas a été reversé après son recrutement manu divinii sur place, mais dans un futur proche au moment où elle prend connaissance. Ayant contacté la cellule de Sentinelles locales, elle est emmenée par la jeune Nor jusqu’au phare de fonction qu’occupe son frère Sgon, surnommé le Lordbreaker depuis qu’il a mené une révolte contre les Seigneurs qui exploitaient la population locale. Pas de bol, Sgon, qui avait pu prédire l’arrivée des Stormcasts en utilisant les visions conférées par la magie de sang des anciennes familles d’Ark’non, est irrémédiablement exsangue à l’arrivée de sa visiteuse, qui constate bientôt que ses prédictions météorologiques sont tout ce qu’il y a de plus fiables, de gros hommes de métal tombant des cieux pour purger Ark’non au nom de Sigmar, qui comptait sans doute les anciens Seigneurs parmi ses amis. It’s raining men, halle shit shit shit.

Entraînant la pauvre Nor1, qui après avoir perdu ses parents quelques semaines plus tôt, doit composer avec le suicide de son frère et la combustion de sa grand-mère, avec elle jusqu’au port d’Ark’non, Shinua croise sur son chemin un Liberator qui semble la reconnaître. Et pour cause, il s’agit bien sûr de Halas, très désolé de sa bévue pre-mortem, et qui se confond en excuses, puis en éclair, après que Shinua, très rancunière, lui ai planté une défense de morse dans le cortex. Il ne s’agit toutefois qu’une mise en bouche pour notre héroïne et sa pupille – tout aussi remontée contre le service d’Ordre, à raison – bien décidées à se venger de toutes les morts dont elles tiennent responsables l’impardonnable, et donc impardonné, Halas (hélas pour lui)…

AVIS:

Je ne connaissais pas Eric Gregory avant de donner sa chance à son The Fourfold Wound, mais oh boy, je vais désormais suivre de très près sa production pour la Black Library. C’est bien simple, cette nouvelle est, de très loin, le meilleur texte de fiction estampillé Age of Sigmar qu’il m’ait été donné de lire. Et pourtant, il y a des Stormcast Eternals dedans (ce qui est d’habitude un facteur aggravant). Eh bien, Gregory a réussi à me réconcilier avec les Maschinenmensch de GW, et avec l’univers de cette franchise en général, ce qui était loin d’être évident. L’angle d’attaque choisi par l’auteur, faisant des Stormcast les antagonistes, s’il n’est pas absolument novateur (Josh Reynolds fit de même dans The Iron Promise), est encore assez peu usité à l’heure où ces lignes sont écrites pour piquer l’intérêt du lecteur. La description d’une société secrète de ressortissants des Cités Libres, et donc théoriquement loyaux à Sigmar, la divinité tutélaire et protectrice de la civilisation et de l’Ordre dans des Royaumes Mortels en proie au Chaos, nourrissant une défiance forte pouvant aller jusqu’à la haine pure et simple, pour le « bon » dieu et ses super soldats, est une superbe trouvaille de la part de Gregory, faisant naturellement passer son récit dans la Twilight Zone, cet espace narratif délicieusement non-manichéen, où le lecteur est libre de choisir qui est son protagoniste. Serez-vous plutôt team Shinua, dont la quête vengeresse, pour justifiée qu’elle soit, va l’entraîner sur une pente de plus en plus glissante, et vers des alliances de circonstances de moins en moins moralement justifiables ? Ou préférerez vous prendre le parti de ce brave Halas, qui malgré son erreur de jeunesse, n’en demeure pas moins un authentique héros et un être qu’il est difficile de haïr, tant son désir de repentance est sincère ? Shinua, qui prend le parti des petites gens opprimées par la dictature militariste – car il faut bien appeler un gryphound un gryphound – de Sigmar, un dieu tellement bienveillant qu’il n’hésite pas à envoyer ses immortels raser un village de pêcheurs dont le tort aura été de se révolter de façon un peu trop sanglante ? Ou Halas, qui a chaque reforge, perd toujours plus de son humanité2, et ne peut pourtant pas se résoudre à faire du mal à sa meurtrière à chaque fois que leurs chemins se croisent ? À vous de voir.

Autre réussite notable à mettre au crédit de Gregory, sa description des Royaumes Mortels, qui se détache véritablement de l’influence de Warhammer Fantasy Battle. Ainsi, s’il peut sembler aux premiers abords de voir Shinua aller proposer un marché à l’armée de Rotbringers contre laquelle les Marteaux de Sigmar sont engagés, il faut bien reconnaître que cette réaction immédiate n’est en fait qu’une réminiscence de WFB, univers dans lequel il était inconcevable qu’un ressortissant d’un royaume « civilisé » du Vieux Monde et non engagé sur la voie du Chaos puisse espérer sortir vivant d’une telle rencontre. Autres temps, autres lieux et autres mœurs : bien que les disciples de Nurgle ne soient pas au-delà d’un peu de prosélytisme de bon aloi, et que le marché que Shinua conclut avec ces derniers pèsera sans doute lourd dans la balance au moment de rendre l’âme, la transaction se passera de façon tout à fait honnête, et chacun poursuivra sa route sans anicroches (enfin, peut-être le nez qui coule pour Shinua). À titre personnel, je suis assez favorable à cette rupture avec l’héritage de WFB, qui sera nécessaire pour qu’Age of Sigmar puisse se sortir de l’ombre de son glorieux aîné et gagner en singularité. Quitte à jouer la carte de la high fantasy, autant « dépassionner » les relations entre les différentes factions quand cela est possible, et Gregory réussit à faire cela de façon assez convaincante et naturelle.

Bref, une vraie et franche réussite pour cette première nouvelle, qui se révèle être la soumission la plus intéressante de cet Inferno! #4 et fait d’Eric Gregory un nom à suivre dans les prochaines publications de la Black Library.

1 : C’est un usage bien établi, il ne faut jamais perdre la Nor.
: Il finit d’ailleurs sa carrière comme sauveteur en mer sur une plage au fin fond d’Aqshy, ses trop nombreux décès l’ayant transformé en Hodor en plates complètes, aux capacités intellectuelles très limitées.

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The Serpent’s Bargain – J. Crisalli :

INTRIGUE:

The Serpent's BargainVictime des déprédations classées S (pour salaces) d’une bande de Maraudeurs de Slaanesh, le village de Varna ne doit son salut qu’à l’exploitation raisonnée décrétée par l’économe Seigneur Zertalian. Les pillards partis, pour mieux revenir quelques temps plus tard, les survivants sortent de leur trou (littéralement dans le cas de notre héroïne, la précautionneuse mais pas téméraire Laila) et tiennent conseil sur la marche à suivre. Malgré la position stoïque prônée par les anciens du village, qui préfèrent rester chiller au coin du feu dans l’espoir que les Slaaneshii trouvent une autre cible plus juteuse d’ici à leur prochaine crise d’ennui homicidaire, Laila, qui a déjà perdu son mari sous la lame des psychopathes princiers, est, elle, partisane d’une approche un peu plus proactive. Et pourquoi pas aller demander de l’aide aux Blonds1, ces mystérieux reclus qui vivent dans la vallée d’en face et que les légendes locales décrivent comme des adversaires acharnés du Chaos, et en particulier de ces margoulins dépravés d’Hédonistes ? Il paraîtrait même que ces gais lurons volent à la rescousse de ceux qui luttent contre de tels ennemis, ce qui est précisément le cas de nos Varnites.

Devant la réaction mitigée que sa proposition suscite auprès du conseil gériatrique du village, Laila décide de faire profil bas, mais n’en résout pas moins d’aller tenter sa chance auprès des Blonds, entraînant avec elle un vieux pote chasseur de niveau 3 (Stefen) et un lancier mercenaire gras du bide mais au pied léger (Ano). Le trio trace la route vers la blonde vallée, bravant pour ce faire le décret de confinement édicté par les anciens, et finit par arriver à bon port, n’ayant perdu qu’un seul de leur membre (Ano le stalker) en chemin. Faisant face à un temple décoré de moultes statues de donzelles en string et en rogne, les deux survivants commencent à douter du caractère véridique de leurs légendes, mais il est trop tard pour faire demi-tour,  et l’entrée du temple étant gratuit pour les filles et interdite pour les mecs, c’est seule que Laila pénètre à l’intérieur. Laissant prudemment le chaudron rempli de serpents à bonne distance, elle marche jusqu’à un petit jardin intérieur, où elle fait la connaissance de Cesse, jardinière manifestement elfique qui consent à écouter la doléance de son invitée. S’en suit une petite négociation, à l’issue de laquelle Cesse accepte d’aller combattre les Slaaneshii, qu’elle et le reste de ses Blondes détestent véritablement, en échange d’un paiement en sang de la part des humains. C’est alors que Laila révéle sa propre blonditude, croyant bêtement que la petite coupure qu’elle hérite pour sceller le pacte consiste en sa part du paiement en totalité. Aha. La cruche. Elle aurait ouvert un Battle Tome Daughters of Khaine, ou même eu la moindre notion en elfenoirologie qu’elle aurait compris qu’elle venait de se faire carroter dans les grandes largeurs. Les dangers de l’ignorance. Bref.

Ressortant du temple, Laila découvre avec effroi une flèche brisée et une flaque de sang là où elle avait laissé son chasseur de compagnie, et en conclut que ce dernier n’a pas fait de vieux os. Parvenant malgré tout à revenir jusqu’à Varna, elle relate son périple à ses concitoyens, s’attirant un regard lourd de reproches de la part des vieux de la vieille, qui se doutent bien que le marché passé avec les Blondes a de grandes chances de ne pas se résoudre en faveur des péquenauds. Avec raison. En effet, lorsque les scions de Zertalian décident de refaire une virée pillarde et paillarde en ville, ils ont beau se faire promptement méduser par Cesse et ses groupies, cette dernière demande ensuite que le tribut de sang leur soit remis. Incompréhension, puis mauvaise foi de la part de Laila, qui ne trouve pas ça très charlie. Qu’importe, un marché est un marché, et les Varnites ne sont de toute façon pas en mesure d’empêcher les Fifilles de Kékhaine de prendre leur dû, soit les faibles du village. Comme l’explique doctement Cesse à une Laila qu’elle précipité du haut du mur d’enceinte pour lui apprendre à mal lui parler, il n’y a qu’en supprimant les faibles que les forts pourront survivre, et il s’agit d’une mission de service public, vraiment. Cela ne convainc pas vraiment Laila, qui finit la nouvelle en pleurant comme une madeleine sur sa propre stupidité. Moralité : si les hommes préfèrent les blondes, la réciproque n’est pas toujours vraie.

AVIS:

Retour mi-figue mi-raisin pour Jamie Crisalli, qui ne retrouve pas avec ce The Serpent’s Bargain la recette du succès de sa première soumission pour Inferno!. La faute à une intrigue cousue de fil blanc (le marché léonin conclu par un héros ignorant avec des « alliés » pas si sympathiques que cela), exploitée par d’innombrables auteurs dans autant d’ouvrages avant que Crisalli ne revisite à nouveau ce classique des classiques. Si son choix de ne pas faire de la révélation de la fourberie des Blondes le twist final de sa nouvelle est compréhensible, l’absence d’éléments venant enrichir l’intrigue et le déroulé du récit l’est moins. À titre personnel, j’aurais bien aimé que l’auteur passe plus de temps à justifier le positionnement des Filles de Khaine, et pourquoi leur mission d’épuration des faibles leur tient tellement à cœur (ce que Crisalli fait en quelques lignes en fin de nouvelle), ce qui aurait apporté un contrepoint bienvenu à la vision « gentillesque » autant qu’horrifiée de Laila. Je n’ai pas non plus compris ce que Crisalli voulait accomplir avec les personnages de Stefen et Ano, dont la relative importance dans le récit ne débouche sur pas grand-chose. Coup de moins bien, donc. Espérons qu’il ne soit que temporaire.

1 : Fair Ones en VO. Ce qui peut se traduire par les Beaux, également. Voyez-y un hommage à Gad Elmaleh, ou à son inspirateur.

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The Unlamented Archpustulent of Clan Morbidus – D. Guymer :

INTRIGUE:

The Unlamented Archpustulent of Clan MorbidusC’est un jour spécial qui se lève commence (le soleil brille-t-il ici ?) à Vile Ville pour Rattagan Borkris, l’honorable Malfaisant Supérieur de l’Eglise de la Ruine Rongeuse. À la suite du décès brutal, mais pas totalement imprévu de l’Archipustulent Heerak Gungespittle, la charge occupée par ce dernier est vacante, et notre héros compte bien la faire sienne. S’il parvient à ses fins, il occupera une position de choix au sein du clan Morbidus, et pourra rêver à siéger un jour au sein du Conseil des Treize, si le représentant actuel de sa faction devait lui aussi avoir un accident malheureux. Pour cela, il lui faut remporter l’élection du Lycée des Lecteurs, dont les vingt-et-un membres doivent se réunir sous peu pour désigner le nouveau chef spirituel du clan. Pouvant compter sur le soutien de huit des cardinaux, Borkris est pleinement confiant dans la suite des événements, n’ayant besoin que de convaincre deux autres votants de la qualité de sa candidature pour accéder à la fonction à laquelle il aspire.

Cependant, l’ambitieux Supérieur doit compter avec deux rivaux, tout aussi déterminés que lui à prendre en patte la destinée du clan. Hascrible, un simple moine de la Peste, compensant sa cécité et ses origines serviles par un zèle implacable et une dévotion exubérante envers le Grand Corrupteur, a l’oreille des masses laborieuses et du bas clergé Morbidus, et constitue donc une force avec laquelle il faut compter. Le Verminable Dengue Cruor, 500 ans bien tassés et de fait doyen de l’assemblée, est un autre prétendant valide à l’élévation, et le seul disposant d’une influence à même de rivaliser avec celle de Borkris. Coup de chance pour ce dernier cependant, Nicodemus a eu une panne de rat-veil ce matin, et avec l’absence simultanée d’un autre Lecteur, Drassik, il n’a besoin que d’un vote supplémentaire pour devenir rat-life à la place du rat-life.

À quelque distance du Temple Fendillé, où se tiennent les débats, nous retrouvons les deux absents, occupés à d’importants préparatifs. Cruor, en sa qualité de Sage Bilieux de la Voie Extirpée et maître des potions, s’active à une concoction un peu spéciale en vue de faciliter sa future élection. Drassik, de son côté, le seconde de son mieux, en lui fournissant une moustache, puis son dernier rât-le, deux ingrédients nécessaires à la réussite du gaspacho mitonné avec application, plutôt qu’avec amour, par l’ancien maître. N’ayant pas vu passer l’heure, il se hâte ensuite vers le concile, où les choses ont avancé plus vite qu’il ne l’avait prévu. Le premier tour de vote n’a en effet rien donné, Borkris ratant l’élection à une voix près, secondé de plus loin par Hascrible, qui demande de manière véhémente un recomptage des voix (ce n’est pas parce qu’il est aveugle qu’on peut la lui faire à l’envers), et, à la surprise générale, y compris la sienne, par un troisième larron, Salvik Rakititch, joueur du FC Rat-rcelone, plénipotentiaire du clan sur Aqshy. Les débats ayant été levés pour la journée, Borkris s’empresse d’aller à la rencontre de Rakititch afin de lui proposer une offre qu’il ne pourra pas refuser, et cimenter ainsi son prochain succès.

Alors que nos deux larrons étaient sur le point de conclure un accord, l’intrusion soudaine de Hascrible et de ses zélotes, animés de mauvaises intentions (ce qui est mal) et armés de fléau à malepierre (ce qui est pire), vient sonner la fin des pourparlers, et force les intrigants à chercher la protection de leurs escortes respectives. Il faudra l’intervention musclée autant que solidaire des septons du Temple Fendillé pour stopper l’alga-rat-de, au cours de laquelle Rakititch essaiera de zigouiller Borisk, sans succès (c’est résistant, un rat de Nurgle), qui lui rendra la pareille de façon plus efficace. Un de moins.

Le deuxième tour de vote débute donc sous des auspices très différents du premier, avec un Borisk un peu amoché et en situation de faiblesse, un Harscrible renforcé par son coup de force et l’attribution – certes imméritée, mais les voies du Rat Cornu sont tortueuses – de la mort de Rakititch, et un Cruor gardant sa botte secrète en réserve. Profitant de son droit d’adresse avant que le vote ne débute, le Verminable enjoint fortement ses collègues à le choisir, pour la bonne et simple raison qu’ils ont tous été contaminés à leur insu par le splintergut, une infection aussi mortelle qu’horriblement douloureuse, dont seul Cruor possède l’antidote. Consternation dans l’auguste assemblée, sauf de la part de Hascrible, tellement certain de la bénédiction dont il bénéficie de la part de sa divinité tutélaire qu’il n’hésite pas à envoyer grignoter le vieux croûton croûteux. Interprétant mal la défiance de son rival, et suspectant une entente secrète de ses adversaires, Borkris a alors la mauvaise idée de décapiter Cruor, certain que ce dernier se contente de bluffer. Sauf queue (de rat) non. La nouvelle se termine donc sur le renouvellement complet du haut clergé du clan Morbidus, l’ignoble Lycée des Lecteurs ayant pris un aller simple pour la bedaine du Rat Cornu suite à la gaffe de Borkris. Place aux jeunes !

AVIS:

Carton plein pour Guymer, depuis le titre savamment sophistiqué de sa nouvelle jusqu’à la conclusion, convenablement tragi-comique (ce terme a été inventé pour les Skavens) de cette dernière. Ayant pu lire beaucoup de bien à propos des ouvrages de notre homme pour la Black Library, sans avoir été personnellement emballé par rien de ce que j’avais pu lire de sa prose jusqu’à présent, que ce soit dans le Monde qui Fut (The Tilean Talisman) ou les Royaumes Mortels (God’s Gift), j’étais plus qu’un peu dubitatif sur la hype entourant le sieur Guymer. The Unlamented… est la soumission qui a mis tout le monde (c’est à dire votre serviteur et le reste de l’univers) d’accord sur le sujet, et plutôt à l’avantage de notre auteur, ce qui est le meilleur scénario possible (croyez-le ou pas, mais je préfère lire des textes qualitatifs, même si, je l’avoue, chroniquer des scories littéraires est généralement une entreprise assez rigolote).

Pour aller un peu plus loin dans l’exposition de mes louanges, je distinguerai trois sources principales de satisfaction : le fond, la forme, et le parti pris de narration. Par ce dernier terme, j’entends le choix fait par Guymer de plonger directement dans le lecteur dans le cœur du lore d’Age of Sigmar, sans prendre le temps de lui présenter/prémâcher le background de base des factions mises en scène (ici les nobles Skavens). Je n’ai aucun problème à reconnaître que les premières pages, et la première lecture en général, de The Unlamented… ont été un peu ardues pour moi, même si je me considère comme raisonnablement calé en matière antropomurine. Mon bagage de connaissances, hérité quasi-exclusivement de mes lectures WFB, s’est en effet avéré insuffisant pour couvrir l’organisation ecclésiastique du clan Morbidus1, autour de laquelle Guymer construit l’intrigue de la nouvelle. Entre les noms, les titres et les relations de pouvoirs des membres du Lycée des Lecteurs du Clan, il est assez facile de s’emmêler les moustaches au sujet de qui veut faire quoi et tuer qui. Personnellement, cette approche « rentre dedans » me plaît davantage que la tendance inverse, consistant à tout expliquer, souvent de façon très scolaire – et donc assez ennuyeuse – pour être sûr de ne pas perdre le lecteur, surtout si ce dernier a des chances d’être neuf dans le Zhobby. Inferno! étant un produit plutôt destiné aux vétérans de la BL, le choix de Guymer m’apparaît tout à fait valide, et assez valorisant pour le public, qui appréciera sans doute qu’on ne le prenne pas pour le dernier des noobs (même si nous sommes tous passés par là).

Deuxièmement, la forme est donc également une source de satisfaction. On se trouve en présence d’une vraie nouvelle, dont l’intrigue se développe et mature au fur et à mesure que les motivations et les projets des trois personnages principaux sont présentés. Les péripéties s’enchaînent de façon convaincante, alternant entre intrigues et confrontations, parfois violentes, de nos cardinaux scrofuleux. Enfin, la conclusion vient illustrer de façon adéquate pourquoi les Skavens, malgré tous les avantages à leur disposition par rapport aux autres factions d’Age of Sigmar, n’ont pas réussi à conquérir les Royaumes Mortels (et n’y arriveront sans doute jamais). Cette tendance à l’auto-destruction, de manière spectaculaire, douloureuse et distrayante (vue de l’extérieur) est en effet une marque de fabrique de cette noble race, et il aurait été déplacé de ne pas y faire référence.

Enfin, le fond est lui aussi à l’honneur dans The Unlamented…, Guymer parvenant à retranscrire de belle manière le fonctionnement et les luttes intestines du Clan Morbidus, tout en nourrissant généreusement son lectorat d’éléments fluff sur l’organisation de ce dernier, sa place dans la société skaven et son territoire au sein de Vile Ville. Même si la nouvelle ne contient pas de révélations majeures sur le background raton, elle est suffisamment bien écrite pour satisfaire l’amateur, qui en retirera des éléments intéressants, et une meilleure compréhension de l’organisation (ou de son manque) des suivants du Rat Cornu. Bref, un très bon cru que The Unlamented Archpustulent of Clan Morbidus, et un mètre étalon raton à garder en tête pour les prochaines soumissions de David Guymer.

: Et pourtant, j’ai une copie des Uniformes et Héraldiques Skavens, dans lequel le Clan a été introduit.

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In the Mists of Chaos – R. Hoskin :

INTRIGUE:

Le village d’Ironvale a la mauvaise fortune de se trouver sur la seule voie menant à un Portail des Royaumes reliant Aqshy à… ailleurs, ce qui a provoqué un afflux massif ruffians littéralement mal dégrossis au cours des dernières semaines. Outrés par le manque de savoir-vivre de ces visiteurs indésirés autant qu’indésirables, les locaux, menés par les intraitables frères Weisz (Uffo et Moryn), ont fini par les envoyer balader, à grands coups d’épée et de marteaux pour les plus insistants des punks à chiens disques. Si l’opération Main Propre (en hommage au membre sectionné du sorcier du Chaos qui menait les loubards chaotiques) engagée par les véhéments Ironvalois est un succès, elle a cependant coûté cher aux honnêtes citoyens, aux pertes subies pendant l’échauffourée ayant pris place sur le parking de la supérette locale s’ajoutant la grave blessure subie par Moryn à cette occasion. Laissé presque unijambiste par cette franche explication de texte, Mo’ peine à se remettre de ses émotions, et c’est le cœur lourd que son héros de frangin, le laisse sur son grabat pour mener sa petite bande de voisins vigilants à la rencontre des vandales qui menacent à nouveau la quiétude d’Ironvale.

Coup de chance pour nos honnêtes Aqshyssais, leur plus si paisible que ça bourgade est nichée au cœur d’une vallée escarpée, dont la topographie n’est pas sans rappeler les Thermopyles. Ils sont donc en capacité de bloquer complètement la route des maraudeurs, toujours menés par leur gorfou doré1 de leader, Ty’Gzar (un breton donc, ça explique des choses). Encore heureux, car les assaillants ont l’avantage du nombre2, ce qui pourrait jouer des tours à nos vigilantes. Les sommations préliminaires n’ayant rien donné, étonnamment, Uffo décide fort logiquement de tenir la ligne et de laisser l’ennemi se fracasser sur les boucliers de ses sold- ah non, finalement il ordonne une charge générale sur les rangs des cultistes de Tzeentch, où lui et ses collègues commencent par prélever un lourd tribut (car il faut une vignette crit air pour circuler dans la périphérie d’Ironvale, c’est connu). Malheureusement pour notre impétueux héros, son homologue chaotique exhale une latte monstrueuse, qui engloutit prestement le champ de bataille et fait perdre toute cohésion au bataillon sigmarite. Coupé de ses soldats, dont seuls les cris lointains lui parviennent, Uffo continue toutefois à corriger du cultiste, ses horions vengeurs venant à bout de toutes les horreurs et Horreurs que le nuage de fumée met sur sa route.

Après ce qui lui semble être une éternité de combat sauvage, Uffo tombe finalement à court d’adversaires… et se rend compte peu de temps après que le silence de mort qui est tombé sur le champ de bataille s’explique par le fait qu’il a massacré dans son enthousiasme guerrier, abusé qu’il était par l’insidieuse fumette de Ty’Gzar, une bonne partie de ses soldats, et la plupart des habitants d’Ironvale (dont, très probablement, son propre frère), le flux des combats l’ayant ramené jusqu’à son village. Voilà qui est ballot. Et notre héros de comprendre tout d’un coup pourquoi ses ennemis étaient si soudainement si bavards, bien qu’il n’ait pas compris sur le coup que leur salmigondis délirant était en fait un appel à ce qu’il retrouve ses sens. Annihilé par cette révélation, Uffo le louf voit s’approcher Mano Solo, qui se délecte bien évidemment du tour pendable qu’il a joué au vertueux champion des bonnes mœurs. Il a cependant le tort, impardonnable, de commencer à incanter sans respecter les distances de sécurité une fois son monologue satisfait achevé, et se fait fort logiquement châtier de son outrecuidance par un Uffo vengeur, qui ne se gêne pas pour lui reprendre la main. Voilà ce que c’est de la jouer petit bras, maraud !

AVIS:

Ce n’est pas passé loin pour Hoskin, mais ses débuts au sein de la Black Library ne peuvent être considérés comme au dessus de reproches. Malgré l’utilisation d’un ressort narratif guère original, mais toujours efficace, et le métier apparent de notre homme en matière de storytelling, son In the Mists of Chaos pêche légèrement, mais significativement, sur deux points. Le premier est l’assimilation incomplète, non pas du fluff, convenablement traité dans l’ensemble, d’Age of Sigmar, mais plutôt de son atmosphère. À lire cette nouvelle, on ne devinerait jamais que le Chaos est l’adversaire ultime des Gens Libres, et non pas une « simple » menace du même ordre qu’une bande d’Orruks en maraude, ou qu’un banc d’Idoneth Deepkin en quête de butin. Héritage important du Monde qui Fut, et de l’univers GWesque en général, le Chaos est en effet l’éternelle Némésis des peuples civilisés, au premier rang desquels on retrouve les communautés humaines adorant Sigmar, sans doute le Dieu du Panthéon de l’Ordre nourrissant la haine la plus farouche pour les adorateurs du Club des Cinq. Entendre cette bonne pâte d’Uffo interpeller le général adverse comme s’il agissait d’un bandit de grand chemin, et pas d’un champion des Dieux Sombres, imbu de pouvoirs mystiques et à la tête d’une horde de mutants et de démons, s’inscrit donc franchement en faux avec les conventions dont le lecteur vétéran de la BL a l’habitude. On va dire que je radote, et c’est sans doute vrai, mais la high fantasy d’Age of Sigmar, où plus rien n’est vraiment tout à fait glauque, nihiliste, absurde ou amoral, vient encore de gagner du terrain. Je le déplore. Ce n’est que mon avis cependant.

Deuxième point d’achoppement, la construction de la nouvelle autour de son twist final, que j’ai trouvé un peu faible. In the Mists of Chaos est typiquement le genre de publication que l’on se dépêche de relire une fois le fin mot de l’histoire connu3, afin de relever tous les indices et suggestions que l’auteur n’aura pas manqué d’intégrer discrètement à son propos, afin de laisser une chance au lecteur d’éventer sa surprise finale à l’avance. Je n’ai pas trouvé que Hoskin avait excellé dans l’exercice, aucun détail savamment dissimulé aux yeux du tout venant, mais absolument révélateur pour l’initié, ne m’étant apparu lorsque je suis revenu sur mes pa(ge)s. C’est d’autant plus dommage qu’un autre auteur de la BL avait exploité (quasiment) la même idée dans une nouvelle publiée il y a quelques années4, avec des résultats que j’avais trouvé bien plus probants. Bref, une entrée acceptable de Rick Hoskin dans la sombre bibliothèque, mais rien de très enthousiasmant.

1 : C’est une espèce de manchot. Qui a dit que le wargaming ne permettait pas d’accroître sa culture générale ?
: Ca ne se joue pas à grand chose, ceci dit.
: Ici, c’est « Jeu de mains, jeu de villains ». You know why.
: Son of the Empire de Robert Allan, publiée dans le recueil The Cold Hand of Betrayal.

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The Book of Transformations – M. Keefe :

INTRIGUE:

The Book of TransformationsMatt Keefe choisit de narrer la vie et l’oeuvre de l’apothicaire Mehrigus, établi dans une ville des Gens Libres du Royaume de Chamon. Ayant appris son art auprès d’un alchimiste au sens de l’humour et de la décoration un peu particuliers1, notre homme exerce sa noble et utile profession au service de la communauté, mais rêve et travaille en secret à d’autres projets, bien plus ambitieux que la confection de cataplasmes ou la réduction des fractures. Passionné par le concept de transformation de la matière, une lubie qu’il tient sans doute de son mentor, Mehrigus est persuade que la médecine pourrait progresser de façon notable si elle arrivait à mettre à profit la puissance du changement et de la mutation. Je sais à quoi vous pensez en ce moment même, amis lecteurs, et pour répondre à votre question, non, Mehrigus ne réalise pas que cette philosophie mène tout droit à l’ornithologie démoniaque. Tout le monde n’a pas la chance d’avoir une copie du Battletome Disciples of Tzeentch (neuf, de préférence, c’est plus fluff) sur son étagère, ou peut-être que c’est le libezard de compagnie de notre héros qui l’a bouffé avant qu’il ait eu le temps de le feuilleter. Qui peut dire.

Ayant eu le malheur d’exposer un peu trop directement ses idées lors d’un colloque scientifique il y a quelques années, avec des résultats pas franchement probants, Mehrigus a fait depuis profil bas, tout en continuant ses expérimentations dans son laboratoire personnel entre deux purges de nourrissons et séances de podologie à l’EHPAD du coin. La visite d’un confrère à la retraite, répondant au nom de Trimegast et apparemment lui aussi intéressé par le sujet d’étude de Mary Grüss, constitue donc une surprise de taille pour notre apothicaire, mais une surprise des plus heureuses, puisque son nouvel meilleur ami lui laisse en prêt une copie annotée du Livre des Transformations, lui demandant seulement de le tenir au courant des avancées qu’il pourrait réaliser au cours des prochains mois.

Bien aidé par ce grimoire providentiel, et profitant des malheurs de ses concitoyens, tracassés par les déprédations d’une bande de maraudeurs de Nurgle ayant décidé de squatter les égouts de la ville, Mehrigus a bientôt l’occasion de délaisser la recherche fondamentale pour quelques cas concrets, dont il fait bénéficier de sa nouvelle forme de médecine. Cette dernière commence par donner des résultats probants, les pommades hydratées à défaut d’être hydratantes et les poses de sangsues fluos s’avérant redoutablement efficaces pour combattre l’infection, en plus d’apporter une plus-value certaine en matière de chirurgie reconstructrice. Las, comme vous vous en doutez, l’état de grâce ne dure pas, et la survenue d’un cas désespéré, traité tout de même par un Mehrigus à mi-chemin entre Hippocrate et Mengele à ce stade, fait naître d’affreux soupçons chez notre héros quant à de potentiels effets secondaires indésirables de ses traitements. Un petit tour en ville le lendemain de l’accident le convainc rapidement que son protocole gagnerait à être revu, ses anciens patients se plaignant tous de s’être fait pigeonner (comprendre qu’ils se transforment littéralement en pigeons, ce qui n’est pas agréable).

C’est le moment que choisit Trimegast, ou plutôt Trimegastraxi’attar-i-qash (à vos souhaits), pour refaire son apparition, sous sa forme fringante et pédagogue, puisqu’il annonce posément à Mehrigus qu’il le prend comme apprenti avec effets immédiats, pour la plus grande gloire de Monsanto Tzeentch. Ne pouvant se rabattre sur aucun autre vœu sur Parcoursup – un classique – et pas vraiment emballé à l’idée de tenter de raisonner la foule en colère qu’il contemple de loin mettre à sac son domicile, notre héros accepte la proposition qui lui est faite, et fait ses premiers pas sur la voie mystique et tortueuse du… transformisme. Hé, il faut bien commencer quelque part.

AVIS:

Matt Keefe se donne les moyens de ses ambitions avec The Book of Transformations, nouvelle “deluxe” par rapport aux standards habituels de la BL, tant en termes de longueur (33 pages, ce qui la place dans les travaux les plus conséquents de la maison d’édition pour ce type de publication), que de découpage (un prologue et sept “chapitres”, chacun disposant de leur propre titre) et de narration. C’est en effet, si ce n’est toute, mais au moins une grande partie de la vie de Mehrigus qui défile au gré des pages, depuis son placement en apprentissage chez l’alchimiste pétrophile jusqu’à sa reprise d’études, bien des années plus tard, auprès d’un maître d’un autre genre. Mine de rien, les chroniques de ce type sont assez rares de la part de la BL, qui ne fait pas mystère de son amour pour la règle des trois unités. À titre personnel, j’ai tendance à tenir à l’œil les auteurs capables de sortir des sentiers battus – qui le sont parfois tellement qu’ils en deviennent creux, comme les travaux de ceux qui les empruntent – même si les résultats ne sont pas toujours à la hauteur. Cette audace littéraire est en effet souvent révélatrice d’un véritable potentiel, voué à se révéler à court ou moyen terme (c’est l’idée en tout cas). Quand le résultat est tout à fait correct, ce qui est ici le cas, cela ne gâche évidemment rien.

Autre source de satisfaction, l’approche à la fois respectueuse et old school qu’a Keefe du Chaos et de la façon dont il parvient à corrompre même les âmes les plus vertueuses. Laissez-moi enfiler ma toge de docteur en littérature GWesque pour préciser ma pensée, amis lecteurs. Au fil des publications de la BL (et avant elle, car il y a eu un avant!), différents courants se sont en effet faits jour, auxquels il est possible d’affilier les auteurs et les travaux des franchises de GW. Alors qu’Age of Sigmar semble, pour le moment en tout cas, favoriser une approche de high fantasy, tandis que les dernières années de Warhammer Fantasy Battle penchaient fortement vers le grimdark sans filtre, je rangerais davantage ce The Book of Transformations dans l’école “réaliste”, que l’on retrouve par exemple dans la prose d’un Brian Craig (nom de plume de Brian Stableford), un grand nom de la littérature de genre qui a enfanté un corpus assez conséquent de travaux estampillés WFB dans les années 90. Qu’est ce que le “réalisme” chaotique, me direz-vous? C’est une excellente question et je vous remercie de l’avoir posée. Eh bien, j’y vois le parti pris de l’auteur de faire interagir ses personnages de façon rationnelle et réfléchie avec la notion du Chaos, qui, bien qu’étant une force corruptrice, perverse et immensément dangereuse, n’est pas le repoussoir ultime qu’elle est devenue par la suite. Exemple gratuit : alors que le grimdark fait pousser des tentacules au quidam qui aurait la déveine de contempler un peu trop longtemps une étoile à huit branches, le réalisme admet que le petit grand-père qui vit de l’autre côté de la rue possède quelques curieux grimoires dans sa bibliothèque, qu’il a acquis sous le manteau en sachant que c’était mal, mais dont la possession n’a pas jeté son âme en pâture aux Quatre Fantastiques pour autant… ou en tout cas, pas en un claquement de doigts.

C’est cette approche que l’on voit à l’oeuvre dans The Book of Transformations, Mehrigus restant égal à lui même du début à la fin de la nouvelle, malgré la possession pendant une grande partie de cette dernière d’un ouvrage des plus “idéologiquement connotés” qui soit. Et si sa damnation finale et complète ne fait pas grand doute (d’ailleurs Keefe conclut intelligemment son propos en faisant remarquer que si les disciples de Tzeetch sont des maîtres de la transformation, la seule chose qu’ils ne pourront jamais changer est leur allégeance au Chaos), notre héros termine l’histoire comme le “type bien” qu’il était au départ. Merci donc à Matt Keefe pour cette résurgence, sans doute isolée mais pas inintéressante pour autant, de cette conception chaotique. Ah, c’est moche beau la vieillesse…

1 : Installer un petrulus dans son vestibule, ce n’est pas forcément du meilleur goût, même si ça fait un porte chapeau des plus pratiques.

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From the Deep –  J. Fenn :

INTRIGUE :

From the DeepUne chose que l’on ne peut pas retirer à l’univers d’Age of Sigmar par rapport à Warhammer Fantasy Battle, c’est l’étendue bien plus vaste qu’il couvre en termes strictement géographiques. Avec ses huit royaumes mortels, les portails et la dimension du Chaos en sus, et jusqu’aux Séraphons qui squattent le cosmos, il n’y a pas de risque d’empiéter sur les plates bandes du voisin, pour peu qu’on veuille s’en donner la peine. Si on ajoute la dimension temporelle à l’équation, les possibilités, déjà vastes, se trouvent encore démultipliées jusqu’au vertige, ce qui devrait permettre à chacun de trouver encrier à sa plume, même (ou surtout) aux petits nouveaux de la BL, dont la maîtrise de l’historique de la franchise n’est peut-être pas optimale (tout le monde ne s’appelle pas Josh Reynolds). C’est sans doute pourquoi que Jaine Fenn a décidé de nous entraîner dans le lagon de la Mer des Serpents du royaume de Ghyran pour son galop d’essai en terre sigmarite, à la rencontre du mystérieux peuple des algues que l’on nomme les Néréïdes.

Notre héroïne, Kelara, occupe la noble fonction de maraîchère des forêts de kelp et gardienne des bancs de nektons qui s’y ébattent joyeusement, et tout pourrait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes royaumes si les hordes du Chaos, encore elles, n’avaient pas décidé de poursuivre leur campagne d’extinction de masse dans un nouveau milieu, après avoir consciencieusement ravagé le littoral. Notre candide Néréïde a ainsi la désagréable surprise de découvrir un VRP vérolé à sa porte un beau matin, tenant mordicus à lui vendre une séance d’acupuncture à base de lance rouillée, ce à quoi Kelara est plutôt opposée. Déconfit par ce refus, le scion de Nurgle se répand en invectives, puis en nuage de corruption, après que Kelara, à qui il ne faut pas baver longtemps sur les branchies, lui ai fait goûter à sa propre médecine. À son grand ennui, ces épanchements ont pour effet immédiat de faire crever une partie non négligeable de ses plantes vertes, et elle s’empresse de prêter secours à ses ouailles, toutes également importunées par des Blightkins trop insistants pour leur propre bien. Cette première vague gérée, Kelara réalise qu’elle se retrouve en première ligne de la guerre de la Vie, et se mue alors en général aussi enthousiaste qu’inepte1.

Gardant un œil attentif sur les activités ennemies à la surface, Kel’ tente également de convaincre ses cousins des profondeurs, spécialistes de l’élevage de serpents marins d’un fort beau gabarit, de rejoindre le combat, avec de très maigres résultats. Surprise en pleins pourparlers avec les voisins du dessous par le cri de douleur déchirant d’Alarielle, qui s’était alors cognée le petit orteil dans une racine qui dépassait du sol (comprendre que ça a dû lui faire très mal sur le coup, mais qu’il ne s’est strictement rien passé de grave dans les minutes, heures et jours qui ont suivi pour la gent Sylvaneth), Kelara remonte en catastrophe dans les eaux du lagon et décrète la mobilisation générale… et pas grand chose d’autre. Ou comment perdre une journée. Un peu plus tard, elle doit gérer une crise d’un genre particulier, lorsque la surface de la Mer des Serpents se met soudainement à geler sur plusieurs mètres, emprisonnant et broyant les malheureuses Néréïdes ayant eu la mauvaise idée de traîner dans le coin à ce moment. Persuadée d’une manigance de l’ennemi2, Kelara envoie des patrouilles se renseigner sur les actions de ce dernier, et découvre que les Blightkins ont tiré parti de ce soudain âge polaire pour confectionner des Nurglaçons, qu’ils larguent dans les eaux internationales pour poursuivre leur travail de sape. Avec succès, car, comme Fenn le note, Kelara n’a aucun moyen de lutter contre ces cacatovs d’un genre particulier. Sale guerre que celle-ci.

Un peu plus tard, et bien décidée à reprendre l’offensive, Kelara dévoile une nouvelle facette de son caractère : une couardise pathologique. Cherchant désespérément à se rendre utile, notre héroïne voit en effet son heure de gloire poindre à l’horizon, sous la forme d’une petite bande d’Hommes-Bêtes occupée à faire une bataille de boules de neige sur la banquise. Confiante dans le fait que ses forces sont quatre fois plus nombreuses que l’adversaire, que celui-ci ne les a pas vu arriver, et qu’elles disposent d’armes de jet pour débuter les hostilités sur la bonne nageoire, Kelara se retrouve tout de même prise en flagrant délit de fuite éperdue, après que le Gor désarmé qu’elle attaquait par surprise ait réussi à lui arracher sa lance des mains. On ne peut pas gagner à tous les coups.

Cette escarmouche malgré tout remportée par les forces de l’Ordre, Kelara emmène ensuite ses sœurs à la rescousse d’une petite force de leurs cousins Sylvaneth branchus (à défaut d’être branchés), livrant bataille à une horde chaotique non loin de là. D’abord chaude comme la braise à l’idée de se joindre au combat, Kelara voit son trouillomètre monter dans les tours à la vue de l’ost ennemi, et ne réussit à sauver la face que grâce à la rencontre fortuite avec un des Stormcast Eternals combattant aux côtés des militants de CPNT, qui l’informe obligeamment que lui et ses camarades effectuent une action d’arrière garde pour permettre à la Lady of Vines (Dame des Rameaux ?) de porter le cuir dans l’en-but adverse Alarielle sous sa forme de cosse jusqu’au portail des royaumes le plus proche. Toujours une à fuir le combat dès qu’une occasion se présente, Kelara s’empresse de fausser compagnie aux braves Stormcasts, dans le but avoué d’aider la suite divine à parvenir à bon port.

La promenade de santé tourne toutefois au parcours du combattant lorsqu’un trio de serpents de mer corrompus par le Chaos décide de littéralement briser la glace avec les défenseurs d’Alarielle, confondant certainement cette dernière avec une cacahouète. L’occasion pour Kelara, capitaine Albacore, de prouver sa valeur ; ce qu’elle fait avec zèle, à défaut d’efficacité. En même temps, personne n’a jamais stoppé un cachalot berserk en lui lançant des cure-dents (ce qui est la stratégie choisie par notre général-nul-issime), tenez-le-vous pour dit. Malgré tout, notre héroïne parvient à triompher de l’adversité en transperçant le cerveau de la bête furieuse avec sa lance… qui se trouve être faite d’une dent de serpent de mer. Anatomiquement parlant, cela m’a semblé tiré par les écailles, à moins que le serpent de mer moyen tienne autant du smilodon (pour la longueur des dents) que du brontosaure (pour la taille du cerveau), mais passons.

Durement éprouvée par cette bataille des plus épiques, Kelara se réveille entourée de ses sœurs survivantes, qui lui demandent des nouvelles d’Alagraine, perdue de vue au cours de l’esclandre. Tirant parti de sa connexion 4G (comme Ghyran), Kelara arrive à localiser le précieux chargement, qui continue sa route vers la terre (haha) promise. Et c’est sur cette consultation de traqueur GP que From the Deep se termine. Non ? Si.

AVIS :

Vous l’aurez compris au ton adopté pour cette chronique, cette nouvelle ne m’a guère convaincu. N’ayant rien lu de Mme Fenn jusqu’à présent, que quelques recherches m’ont permis de considérer comme un écrivain SF établi, et donc normalement capable de raconter une histoire de façon satisfaisante, je n’ai pas trouvé mon compte dans From the Deep. Outre le fait que l’héroïne de l’histoire passe son temps à nager en rond en faisant soit des conneries, soit preuve d’une pleutrerie assez étrange au vu de la faction à laquelle elle appartient, on n’apprend finalement pas grand chose d’intéressant sur l’historique d’Age of Sigmar à la lecture de cet opus, ce qui est tout de même rédhibitoire pour un univers aussi jeune et en besoin de cadrage que celui-ci. La « création » d’une sous faction Sylvaneth (je n’ai pas trouvé trace de Néréïdes ailleurs dans le fluff), qui plus est assez proche dans l’esprit de la nouvelle race, cette fois-ci officielle, des Idoneth Deepkin ne m’a pas semblé des plus opportunes, car potentiellement porteuse de confusion à un moment où les mots d’ordre devraient plutôt être la clarification et concentration. Je vois d’ailleurs l’actuelle prédominance des Stormcast Eternals dans le corpus Age of Sigmar comme l’expression de cette logique, qui fait sens même si elle peut s’avérer pénible pour le lecteur. Bref, à ne briller ni par son approche, ni par son exécution, From the Deep ne peut logiquement revendiquer, et recevoir, qu’une appréciation des plus moyennes. Try again, Jaine.

: Reconversion ratée qui se devinait d’ores et déjà dans la décision pleine de bon sens qu’elle avait prise d’armer ses Néréïdes en prévision d’une attaque… mais de stocker toutes les armes dans une caverne éloignée des forêts de kelp, laissant ses soeurs totalement dépourvues quand les pesteux furent venus. Astounding move.
: Alors que pas du tout, il s’agissait d’une manoeuvre des suivants d’Alarielle pour faciliter et accélérer son extraction vers le Portail le plus proche. Après le feu ennemi, on est donc en présence du concept de « glace amie », la chute brutale du thermostat ayant coûté la vie à quelques ondines.

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Faith in Thunder – R. Charles :

INTRIGUE :

Prisonnière d’une bande de brutes nourrissant une passion dévorante pour les jeux du cirque, notre héroïne, le sergent Niara Sydona de la garde de Concordia (une des cités des gens libres du royaume de Ghur), commence la nouvelle en vis à vis d’un croc de sabre malingre et grincheux, et animé d’intentions peu amicales envers sa personne. Un lundi habituel en somme pour Niara, dont l’occupation des derniers jours à consister à divertir ses geôliers en combattant contre quelques specimens choisis de leur ménagerie. Une fois Gros Minet transformé en croquettes, Niara est autorisée à passer au self et à rejoindre ses quartiers, où l’attendent le reste du casting de Faith in Thunder : son comparse Lothran Horst, ultime survivant de la patrouille dirigée par la donzelle au moment de l’embuscade Ogor, une mercenaire Kharadron délestée de sa ferraille, et une armoire glasse à la zénitude consommée (maître yogi 13ème Bambou), ce qui ne l’empêche pas de tataner sans sourciller tout ce qui a le malheur de lui tomber sous la masse, comme le troll qui était décidé à en faire son dîner ne tarde pas à le découvrir à ses dépends1. Notre colosse, Valruss de son prénom, n’a qu’un défaut : son individualisme forcené, qui le conduit à refuser de coopérer avec le plan d’évasion fomenté par ses compagnons d’infortune, à la raison qu’il considère avoir mérité son sort de gladiateur, et doit expier le déshonneur d’avoir survécu alors que tous ses compagnons ont péri lors d’une précédente bataille contre les forces du Chaos.

À ce stade de l’histoire, il ne fait guère de doute que Valruss est, non pas l’Egg Man (pas plus que les Ogors ne sont les Egg Men), mais badum tss goo goo g’joob, un Stormcast Eternal disgracié, comme il le reconnaît à demi-mot à une Niara qui tentait malgré tout de convaincre le meilleur guerrier de leur petite bande de rejoindre leur projet de mutinerie, en vain. Cette fin de non recevoir polie mais ferme adressée, Valruss ouvre grand ses chakras et enchaîne sur un Parivrttaikapada Shirshasana boudeur, signifiant à sa groupie que l’entretien est terminé, et renvoyant Niara, non pas à ses chères études, mais au limage des barreaux de sa cage en vue de la mise en exécution prochaine de son plan. À nouveau désignée par les Ogors pour descendre dans l’arène le lendemain, notre héroïne trouve cette fois à qui parler en la personne d’un Yéti très tactile, et, si elle parvint finalement à s’en défaire au prix de quelques ecchymoses et fractures, doit composer avec la boulette de Horst, dont les efforts peu discrets pour se désincarcérer finissent par attirer l’attention du maton. Malgré l’intervention généreuse de la naine de garde, qui se fait feminicider à coup de trique pour sa peine, nos deux loustics voient leurs rêves de grands espaces se réduire à peau de chagrin, et sont convoqués par le Tyran en personne pour s’expliquer de ce comportement inadmissible.

Alors que Horst finit collé (au mur de l’arène par un revers de merlin Ogor ayant fait perdre une dimension à sa cage thoracique) pour sa peine et que Niara s’attend au même traitement dans les meilleurs délais, un éclair très vénère s’abat sur l’arène, que les Gnoblars de la tribu avaient semble-t-il construits à partir de cagettes et de futs d’essence, car il prend immédiatement, totalement et irrémédiablement feu. Sursis bienvenu pour M’zelle Sydona, mais véritable épiphanie pour Valruss, qui décide que c’est Sigmar en personne qui a zappé le campement Ogor, et interrompt sa méditation pour accélérer la réincarnation du Tyran en esquirgot (un progrès !), d’une estocade bien sentie. Notre propos se termine dans le campement sommaire que Valruss a installé à quelques distances des ruines du bivouac de feu les suppôts de la Gueule, où il promet à Niara de l’accompagner jusqu’à Concordia afin qu’elle puisse accomplir le grand destin qu’il lui pressent, tandis que lui retournera à Azyrheim pour reprendre du service après son congé sabbatique. Il faut bien cotiser pour sa retraite.

AVIS :

Petite nouvelle sans prétentions, Faith in Thunder aurait pu être franchement sympathique si Charles avait davantage exploité les pistes qu’il ne fait qu’esquisser dans son propos. Qu’il s’agisse du fluff des cités libres, de celui des Kharadron, ou de la culture Ogor dans l’univers d’Age of Sigmar, le lecteur pourra en retrouver quelques bribes parsemées au détour des lignes, mais guère plus que cela. Même le sujet qui semble être le centre de l’intrigue, à savoir la déchéance morale d’un Stormcast Eternal, ce qui constitue une forme de rébellion de sa part contre la volonté de Sigmar, même sous couvert d’une pénitence volontairement recherchée, est traité de manière superficielle par Robert Charles, qui fait de son Valrrus un exégète kéraunique au raisonnement des plus nébuleux. Ne reste donc que quelques scènes de baston peu mémorables à se mettre sous la dent, ce qui n’est pas lourd, ni vraiment gratifiant pour le lecteur. Tu peux mieux faire, Robert.

1 : Et ce n’est que justice, car comme le dit l’immortel adage : don’t feed the troll.

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Ties of Blood – J. Crisalli :

INTRIGUE :

Ties of BloodSavrian, Seigneur du Chaos inféodé à Slaanesh, emmène une petite bande de ses plus fidèles lieutenants dans une opération d’infiltration à haut risque, dont le but n’est autre que la libération de son fils Verigon, kidnappé alors qu’il n’était qu’un bambin joufflu, par un chef Maraudeur servant le Dieu du Sang (Chogorath). Localisé bien des années plus tard par le réseau d’espions de son père, qui entre autres choses règne sur le royaume de Sarn, nommé d’après un mythique ancêtre ayant très bien connu la déesse disparue, Verigon languit dans une cellule du Bastion de la Poussière Rouge, état de fait intolérable pour notre flamboyant héros, qui malgré des défauts certains, possède une véritable fibre familiale. Escorté de sa concubine plus qu’à moitié démoniaque (Cirine), son bras droit (Issaya) et sa moucharde en chef (Yeneya), Savrian pénètre donc dans les ténèbres de la forteresse de sa Nemesis, dont la petite entreprise de pillage à domicile a fructifié au fil des ans, et fait de Chagorath un propriétaire foncier au dessus de tout soupçon (en même temps, les soupçons de trois mètres, il n’y en a pas des masses).

Cette petite virée dans le quotidien de ses ennemis tutélaires donne à Savrian, esthète sûr de sa force mais laissé amoindri par une tentative d’empoisonnement fomentée par un rival, l’occasion de constater le fossé qui sépare l’homme de l’animal, tant il est vrai que les bipèdes bestiaux et malodorants qui servent de suivants au Chag’ ne peuvent être considérés comme des individus à part entière. Ce jugement fât est toutefois relativisé lorsqu’après la promenade de santé qu’a constitué la pénétration (hmmmmm) des niveaux inférieurs du bastion, Savrian and Cie finissent par libérer le fils prodigue, qui, au lieu de tomber dans les bras de son paternel avec reconnaissance, préfère lui tomber sur le râble avec un hachoir rouillé. L’ingrat. La crise d’adolescence, sans doute. Dérouté par cet accueil des plus froids, Savrian – qui a potassé son Dolto avant de venir – tente de raisonner son fiston et réussit presque à lui faire lâcher son coupe-chou, quand les retrouvailles familiales sont interrompues par l’arrivée importune de Chogorath et de ses sbires. Père beau et beau-père (moche) ne pouvant s’accorder sur un régime de garde partagée, le maître des lieux insiste pour que l’affaire soit tranchée de la seule manière qu’un disciple de Khorne puisse le concevoir : un combat à mort dans une arène gorgée de sang.

Guère impressionné par les hordes de berserkers que Chogorath lui sert en apéritif, qui d’écervelés passent à décervelés sous la caresse de Malicette, son sabre enchanté (pas du nom qui lui a été donné, si vous voulez mon avis), Savrian réalise rapidement que la plus sûre façon de pouvoir prendre congés du cloaque visqueux dans lequel il est en train de ruiner ses mocassins à pampilles en cuir de Cocatrix, son fiston sous le bras, et sans devoir percer la rate (ce qui est plus fun que de graisser la patte) de tous les Khorneux de la place pour ce faire, est de triompher du Choggoth en combat singulier. Quelques piques savamment envoyées suffisent heureusement à convaincre la brute que son honneur ne peut être lavé que par le sang, sans doute parfumé, du monarque de Sarn, et nos deux Elus débutent donc leur duel au milieu de la gigantesque mêlée ouverte qui s’est emparée de l’arène. Après quelques réglages de bon aloi, et malgré la « descente » subie à la dissipation des effets fortifiants de l’infusion verveine réglisse consommée au début de sa mission, Savrian finit par venir à bout de son butor d’ennemi, et entraîne femme et enfant à la plage, où l’attend le navire qui l’a amené sur place.

Satisfait de la tournure prise par les évènements, et planifiant déjà une prochaine offensive sur le Bastion du regrettable Chogorath, promettant une prochaine extension de son royaume, aux dépends de cette brutasse de Khorne qui plus est, ce qui ne gâche rien, Savrian est tiré de ses douces rêveries par une série d’évènements incommodants. Tout d’abord, sa chère Cirine lui sert une crise de jalousie fort déplacée, arguant que le ralliement de Verigon à sa cause ne serait qu’un calcul de la part du cher bambin. La mijaurée. Puis c’est au tour de Verigon de s’y mettre, en égarant sa hache dans le torse de sa belle mère alors que Savrian avait le dos tourné. Le garnement. Enfin, et pour ne rien arranger, notre père aimant finit la nouvelle avec un rein et trois litres de sang en moins, lui aussi victime des espiègleries d’un Verigon décidément très taquin, et peu enclin à attendre plus longtemps que nécessaire pour hériter du royaume familial (surtout que l’on a tendance à être immortel du côté paternel), pour lequel il a de grands et sanglants projets. Le rejeton était un faux jeton ! Tout d’un coup très fatigué, et blâmant les effets de ces saletés de perturbateurs endocriniens, nous disons adieu à Savrian alors qu’il s’apprête à tirer sa révérence avec l’élégance d’un Seigneur de Slaanesh, à peine attristé par l’absence persistante de sa chère divinité, qu’il aurait pourtant tant aimé revoir avant de redevenir glitter (car la poussière, c’est pour les ploucs, darling). Que voulez-vous, les divas savent se faire désirer, c’est ainsi.

AVIS :

Cette première soumission de Jamie Crisalli est une des nouvelles les plus abouties se déroulant dans l’univers d’Age of Sigmar qu’il m’ait été donné de lire, ce qui ne représente à l’heure actuelle qu’une douzaine de travaux, mais se doit malgré tout d’être souligné. Mieux que la majorité de ses condisciples, Jamie a en effet su tirer parti des caractéristiques les plus intéressantes de ce nouvel univers, pour proposer un récit fortement ancré dans ce dernier, sans avoir, pour une fois et c’est heureux, recours à la sempiternelle figure du Stormcast Eternal pour estampiller sa soumission AoS. Ici, c’est tout « simplement » l’utilisation d’un Seigneur du Chaos civilisé, opposé à d’autres suivants des Dieux Sombres bien moins éduqués et cultivés que lui-même, qui place d’emblée le lecteur dans un cadre bien différent de celui du Monde qui Fut. Tout à son opposition entre Chaos et civilisation, Warhammer Fantasy Battle n’avait ainsi que très rarement fait dévier son archétype du Seigneur chaotique du mono-maniaque de la destruction, ne rêvant à rien d’autre qu’à l’annihilation du Vieux Monde. Les motifs pouvaient à la limite légèrement différer d’un affreux Jojo à l’autre, mais tous les Elus des Fab Four, période Vieux Monde, étaient des adeptes convaincus de la tabula rasa. À l’inverse, le Savrian de Crisalli est lui un gouverneur et un gestionnaire, ce qui ne l’empêche pas d’être totalement dévoué à Madame S. Rien que ce changement, que l’on pourrait regarder comme mineur mais qui est pourtant fondamental, suffit à faire de Ties of Blood une lecture intéressante.

À côté de celà, Crisalli met en scène plutôt habilement quelques oppositions d’ordre philosophique, s’appuyant pour l’occasion sur les différences entre Slaanesh et Khorne. Civilisation contre sauvagerie, donc, mais également famille contre individualisme, ou aristocratie contre mérite personnel, sont autant de thèmes questionnés par l’auteur sur fond de nouvelle d’heroic fantasy, ce qui reflète un certain niveau de réflexion au moment de l’écriture. Ajoutons enfin que les personnages de Jamie Crisalli se révèlent beaucoup complexes, et donc intéressants que les suivants des Dieux Sombres lambdas, et vous aurez encore une raison de parcourir Ties of Blood1 avec un a priori positif. En sa qualité de protagoniste, c’est bien entendu Savrian qui retient le plus l’attention, l’investissement émotionnel envers ses proches dont il semble véritablement capable, jusqu’à la jalousie la plus puérile dans certains cas, contrastant fortement avec les trésors de sadisme et de cruauté gratuite que l’on est en droit d’attendre de la part d’un Elu de Slaanesh. On pourrait d’ailleurs se demander si le libre arbitre dont semblent disposer les disciples de cette dernière, par rapport aux autres Dieux du Chaos, Khorne en tête, ne pourrait pas être lié à sa disparition actuelle. À creuser, à débattre, à argumenter. En tout cas, c’est toujours intéressant de voir des personnages prendre un peu d’épaisseur par rapport au stéréotype leur servant de « moule », ce que Crisalli a plutôt réussi avec son flamboyant Sevrian.

Bref, un premier jet plus que digne d’intérêt, qui donne envie d’en lire plus dans les mois à venir, et peut-être de découvrir si le mioche Verigon a réussi à son entrée dans la haute société de Sarn.

1 : Ce titre est d’ailleurs à double sens. Parle-t-on des liens du sang d’un point de vue figuré ou littéral ?

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No Honour Among Vermin – C. L. Werner :

INTRIGUE :

No Honour AMong VerminMembre d’un commando d’élite missionné par le Prophète Gris Nezslik pour lui rapporter une cloche démoniaque1, dont les actuels propriétaires, une petite congrégation de cultistes de Khorne, n’étaient pas disposés à se séparer, même contre tout le cheddar de Vile Ville, le rat à tout faire Fylch Tattertail doit composer avec un certain nombre d’aléas venant compliquer une mission pourtant pensée dans ses moindres détails. Ayant pris soin de repérer les lieux en prévision de leur casse, les skavens ont beau connaître sur le bout des griffes les horaires et le déroulé des offices, au cours desquels un bien heureux fidèle a le privilège de servir de snack au démon clochard (formule adaptée, autant en profiter), et bénéficier de l’avantage de la surprise, de la préparation et de la puissance de feu, le proverbial grain de sable qui semble poursuivre la noble race des hommes rats dans toutes leurs entreprises ne manque pas de se matérialiser avec volupté dans l’engrenage bien huilé des manigances de Fylch & Cie. Crotte-zut.

Pour notre héros, cette poisse persistante s’exprimera par un corps à corps mal négocié avec les gardes du corps de Cloclo, permettant au prêtre suppléant (le titulaire ayant du s’excuser suite à une balle de jezzail prise en pleine poire un peu plus tôt) de mettre le précieux carillon en sécurité dans un sarcophage enchanté avant d’être victime d’une combustion spontanée, ce qui obligera Fylch a un crochetage express et en mode contre la montre dudit caisson, sous le regard sévère et sanguin du technomage en charge de l’opération (Skowl Scorchpaw). Il lui faudra ensuite transporter la future cloche à fromage de Nezslik jusqu’au point de collecte le plus proche, en évitant soigneusement de la faire vibrer, le pope Khorne officiant dans icelle étant un glouton patenté, ne sachant pas dire non à un petit gueuleton sur le pouce, dès lors qu’on le sonne.

Pour les camarades de Tattertail, tous des experts dans leurs disciplines respectives, les conséquences seront malheureusement bien plus graves et définitives : incident de tir explosif pour le tireur d’élite, masque à gaz défaillant pour le globadier, rat incendiaire trop collant pour le dresseur, trahison bête et méchante pour le gros bras de service et le géo trouve-tout de la bande, jusqu’à ce qu’il ne reste plus que Fylch et son patron pour se partager le butin promis par leur puissant commanditaire. Ayant trempé de près ou de loin dans tous les regrettables « accidents » ayant fauché ses braves camarades dans la fleur de l’âge (pour un skaven, c’est 5 mois et 20 jours), à la demande expresse d’un Scorchpaw guère partageur, Fylch ne nourrit guère de doute sur le destin qui l’attend s’il laisse le technomage aux commandes de l’opération. Fort heureusement, notre héros est un rat plein de ressources, et comme on dit au Conseil des Treize, « passe-moi la salade, je t’envoie la rhubarbe rira bien le rat qui rira le dernier ».

AVIS :

Werner et les skavens, c’est une affaire qui roule depuis maintenant des années, et ce sympathique No Honour Among Vermin ne vient pas déroger à la règle. Peu d’auteurs de la BL ont en effet pris la mesure des particularités de nos chers hommes rats comme C. L. l’a fait, ce qu’il démontre de manière magistrale dans cette nouvelle au rythme enlevé, et – c’est à signaler – absolument pas connotée Age of Sigmar (jugez un peu : ni Stormcast, ni Royaumes, ni portails… rien que des Khorneux bas du front contre des skavens astucieux), au point que j’en viens à soupçonner la récupération d’un travail écrit avant la disparition de WFB, et « habillé » aux couleurs de la nouvelle franchise med-fan de GW. Quoi qu’il en soit, le plaisir de lecture n’en est pas affecté, et c’est bien le principal.

La réussite première de Werner pour cette soumission aura ainsi de mettre en scène de manière probante, à travers l’exemple de l’ingénieux Fylch Tattertail et de ses comparses de l’agence Tooreesk, le quotidien mouvementé de nos ratons favoris, dont on ne sait jamais trop s’ils vivent la pire journée de leur vie (les premiers deux tiers de la nouvelle) ou s’ils sont en maîtrise totale des évènements (la conclusion). La réponse se situe sans doute entre ces deux extrêmes, les sujets médiocres ou malchanceux ne vivant pas assez longtemps pour apprendre de leurs erreurs, tandis que les individus suffisamment retors et intelligents arrivent (presque) toujours à se sortir de situations que le commun des mortels considèrerait comme inextricables. La société skaven, une impitoyable méritocratie ? Vous avez 10 minutes (le temps de lire la nouvelle).

1 : Les skavens et les cloches, c’est décidément une histoire d’amour, quelle que soit la franchise.

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The Path to Glory – E. Dicken :

INTRIGUE :

Il y a des nouvelles dont la lecture vous dépayse plus que d’autres, et The Path to Glory d’Evan Dicken fait définitivement partie de ce genre de soumissions qui tirent le lecteur de sa zone de confort narratif. Bienvenue dans l’empire Lantique, au moment où ce dernier livre la plus grande bataille de son histoire contre les hordes assoiffées de sang d’Azakul the Winnower (soit, très littéralement, Azakul le Vanneur, ça c’est un patronyme à potentiel). Comment, qu’entends-je ? Vous n’avez pas la moindre idée de ce qu’est l’empire Lantique, et le nom d’Azakul ne vous évoque qu’une vague sensation de déjà lu (spoiler alert, vous confondez avec Asavar Kul) ? Cuistres que vous êtes. Les gens de bonne société savent tous que Lantia ( ?) était un royaume humain du plan de Chamon, dont l’avance technologique et la maîtrise de la metallarcanie (you know what I mean) ne furent pas suffisants pour résister aux assauts chaotiques, bien aidés il faut le reconnaître par la défection des Fyreslayers alliés de l’Empire et la destruction par ces derniers de la Ceinture d’Orvapeur (Gilded Steamgrid), qui avait défendu le domaine des humains pendant des siècles. Allez donc, maroufles, tout le monde sait ça.

Nous suivons donc, au cours de cette longue nouvelle (52 pages tout de même, soit le format novella de la BL), les dernières heures du malheureux empire, tel que vécues par trois de ses sujets. Honneur aux dames, nous commencerons donc par présenter le capitaine Sulla, officier dans les Légions Lantiques, et propulsée commandante des dernières forces armées de l’Empire à la suite du tragique décès de tous ses supérieurs, impératrice Xerastia comprise1. Survivante éprouvée par les combats, mais déterminée à faire son devoir jusqu’au bout, Sulla mène les restes de l’armée Lantique jusqu’à Uliashtai, cité du stuff et de l’embrayage (City of Gear), bastion de l’ordre doré, dont les sortilèges millimétrés ont réussi à maintenir en respect les suivants du Vanneur (car c’est bien connu, les métalleux n’ont pas d’humour).

À Uliashtai, soumise à un siège interminable par Skayne Bloodtongue et sa cabale de sorciers, nous faisons la rencontre du mage Kaslon, courageux mais pas téméraire, et prompt de ce fait à déserter le champ de bataille lorsque la savante géométrie arcanique de l’ordre est prise en défaut par un nouveau maléfice de Bloodtongue, avec des résultats pour le moins corrosifs. Unique survivant du carnage, Kaslon passe en coup de vent à la Tour d’Argent, QG des mages dorés, et prend connaissance du dernier message reçu par les maîtres de l’ordre, les alertant de la chute de l’Empire et les enjoignant à fuir avec leurs concitoyens jusqu’au portail menant à Azyr, pour se mettre sous la protection de Sigmar. Abasourdi par la nouvelle, Kaslon se ressaisit cependant vite et pense à aller looter la réserve d’artefacts trotrokwioul des métalleux, dont il ressort avec un magnifaïk bâton de cristal, aussi mystérieux que badass. Lui aussi mis par le destin à la tête de son peuple, il réussit à organiser l’évacuation rapide de la cité condamnée en direction du palais de l’Autarque, siège du pouvoir temporel d’Uliashtai et unique accès au tunnel menant à ce fameux portail. Il peut en cela compter sur le précieux soutien de Sulla et de ses troupes, arrivées juste à temps pour claquer le beignet de l’avant-garde chaotique, et la porte de la ville au nez crochu de Skayne.

C’est enfin dans le palais de l’Autarque, ravagé par une peste à l’efficacité toute biactolique (comprendre qu’elle a éliminé 99,9% de la population) que s’éveille notre troisième protagoniste, répondant au nom de Livius. Fils indigne d’une famille noble disgraciée, Livius peut toutefois se targuer d’être l’Empereur légitime d’Uliashtai, le décès impromptu du monarque précédent et des 1298 prétendants mieux placés que lui à la succession au trône de fer/bronze/plomb/palladium brossé ayant laissé le chemin vers le pouvoir grand ouvert. Ayant également hérité d’un sabre enchanté, Fléau des Veuves2 (Widowbane) suite au décès de ses chers ascendants, dont une mère castratrice dont il ne pourra s’empêcher de mutiler le cadavre au passage (hmmmm… okay), Livius se montrera rapidement utile à la progression de l’intrigue en ouvrant les portes du palais de l’Autarque à son peuple, chose que seul l’Empereur régnant peut accomplir, pour des raisons mystico-logiques. Soit. Laissé durement éprouvé par ce fait (que je ne qualifierai pas de haut, car faut pas déconner non plus), Livius est ramené à la vie par Kaslon et Sulla, et tous trois finissent par conclure que la seule option qui s’offre aux ultimes survivants de l’empire est de fuir vers le portail d’Azyr, en refermant les portes du palais pour gagner un peu de temps, même si cela revient à condamner les derniers réfugiés à un tête à tête avec Skayne et Sbarbie. Comme on dit chez les Papous, Fosse quille faux.

La suite de l’histoire verra nos trois héros mener leur colonne de survivants jusqu’au (possible) salut représenté par ce fameux portail vers Azyr, alors même que les forces de Skayne et d’Azakul se rapprochent pour la curée. Pour ne pas spoiler la fin de cet épique The Path to Glory, je m’arrêterai ici, mais sachez tout de même que vous risquez de finir le récit avec une image un peu différent de ce cher Sigmar, qui n’apparaît pas ici sous son meilleur profil (qu’il a aquilin), ce qui est tant mieux, si vous voulez mon avis.

AVIS :

Pour un début, c’est un beau début. Le newbie Dicken fait plus que servir la soupe ou se compromettre avec une Space Marinade réchauffée au micro-ondes, tenez-le-vous pour dit. Le choix de s’embarquer dès son galop d’essai dans une saga mêlant batailles, magie, exploration du background des Royaumes Mortels au temps de l’Âge du Chaos, et réflexion, certes classique, mais pas mal menée, sur le thème « l’enfer (ou en Chamon, l’en fer) est pavé de bonnes intentions », aurait pu se solder par un pataquès littéraire, boursoufflé et incohérent, mais force est de constater que le gars Evan réussit à mener sa barque avec un talent consommé. On ne s’ennuie pas à la lecture de The Path to Glory, que ce soit en découvrant la civilisation Lantique à travers le prisme de sa chute sous les assauts chaotiques, ou en suivant le cheminement de nos héros vers leur destinée, qui pourrait être tout autre que celle qu’ils envisageaient. Rien de bien neuf sous le soleil de ce point de vue, mais du moment que l’exécution est bonne, et ne sombre ni dans la caricature, ni dans la vacuité, il n’y a pas à bouder son plaisir. On pourrait même prêter à Dicken une finesse supplémentaire dans sa construction du récit, en plaçant la trajectoire de chacun de nos protagonistes sous le patronage de l’un des trois Dieux du Chaos « survivants », les aptitudes, tempéraments et péripéties vécues par Sulla, Kaslon et Livius – personnages d’une richesse appréciable, tout comme leurs némésis Skayne (a.k.a. Bad Santa) et Azakul (« Jonah Hill, sort de cette armure du Chaos ») – permettant d’établir ce genre de passerelles sans trop de difficultés. Il serait intéressant que l’auteur donne une suite à cette novella pour constater si cette hypothèse se vérifie. Bref, un coup d’essai de fort belle facture pour Evan Dicken, et un nom qui mérite d’être suivi dans les mois à venir, si j’en suis juge.

1 : Cette dernière, vainqueur du concours d’hardcore limbo improvisé par Azakul en plein champ de bataille, gagna un billet pour le monde merveilleux d’Azyr et un beau masque doré pour sa peine.
2 : Ça tombe plutôt bien, l’alcoolisme mondain de Livius lui avait également gagné le surnom de Fléau des Veuves Clicquot, ce qui est presque pareil, reconnaissez-le.

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Comme d’habitude, on trouve donc du bon et du moins bon parmi la vingtaine de nouvelles proposées dans cette anthologie, mais je dois dire que cette dernière se situe dans la tranche supérieure des recueils Age of Sigmar, et je pense que la liberté dont ont bénéficié les auteurs (qui faisaient tous, ou peu s’en faut, leurs premiers pas comme contributeurs de la Black Library et ne travaillaient donc pas sur commande) y est pour beaucoup. Je conseille donc cette anthologie aux lecteurs curieux de découvrir ou approfondir leur connaissances des Royaumes Mortels, devant les recueils « initiatiques » tels que ‘Thunderstorm & Other Stories‘, surtout depuis que leur novella ne sert que de supplément narratif à la dernière boîte de base d’AoS. A bon entendeur…

INFERNO! [N°6]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette chronique du sixième numéro d’Inferno!, nouvelle version. Publié un an après la sortie de son prédécesseur, Numerosix se sera fait désirer. Le rythme éditorial choisi par la BL pour ce type de recueil n’est pas encore clairement défini, même s’il semble désormais acquis que les parutions trimestrielles des débuts n’étaient qu’un trompe l’œil. Et c’est bien dommage, car je ne connais pas d’anthologies plus enthousiasmantes à découvrir que les Inferno! au sein de la GW-Fiction.

Sommaire Inferno!#6

Cela tient beaucoup au casting varié, et composé en grande partie de nouvelles têtes/plumes, que l’on retrouve dans ces recueils. La proportion de newbies de ce numéro n’est pas la plus forte que nous ayons connue à ce jour, puisque Drake, Van Nguyen, Lyons, Guymer et les deux Smith (Matt et Gavin G.) sont déjà plus ou moins connus des habitués de la BL. En revanche, Fomley, Gross et Merciel sont d’authentiques nouveaux-venus, tout comme la vedette américaine (mais tout de même anglaise) de cet opus, Adrian Tchaikovski. Ce dernier semble répondre, de ce que j’ai pu lire sur Twitter, à la définition de « l’auteur préféré de ton auteur préféré ». En tout cas, il a à son palmarès un nombre conséquent de prix littéraire, et j’espère que ses débuts au sein de la Black Library seront à la hauteur de cette flatteuse réputation. Il n’y a qu’un moyen de le savoir ceci dit, et je vous invite donc sans plus tarder à passer aux choses sérieuses.

#6 - Cover

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Raised in Darkness – A. Tchaikovsky [40K] :

INTRIGUE :

L’agrimonde de Shargrin reçoit la visite, pas vraiment amicale, de deux membres des Saints Ordos, les Inquisiteurs Vulpern et Jerrin, après qu’un de leurs collègue (Harghesh), ait disparu sans laisser de trace au cours d’une inspection de routine. Le dernier message envoyé par la rosette manquante faisant état de « difformité physiologiques régulières et persistantes » parmi la population de la planète, les deux compères arrivent sur place avec une jauge de suspicion déjà bien élevée, ainsi qu’une forte escorte de Space Marines de la Deathwatch. En effet, le jargon d’Harghesh, s’il rendrait fier n’importe quel fonctionnaire de l’Education Nationale, semble surtout indiquer que Shargrin a été infectée par la menace Xenos. Cela expliquerait pourquoi le premier Inquisiteur a si brutalement cessé de donner des nouvelles…

Accueilli par le Gouverneur en personne, ainsi que son statut le prévoit, le vieux et passablement désabusé Vulpern donne le change du côté des petits fours pendant que sa jeune, énergique et ambitieuse collègue va faire quelques prélèvements sur un site de transformation de la principale ressource de la planète : les champignons. Shargrin est en effet connu pour la richesse de sa biodiversité fongique, ayant colonisé les cavernes s’étendant sous la surface désolée de la planète. Sous le leadership avisé du Gouverneur Linus Donaghl, ancien officier de la Garde Impériale jouissant du statut de héros du sous-sous-sous secteur pour avoir flanqué en raclée aux Zoneilles en son jeune temps, Shargrin a réussi à faire croître sa production de bolets, girolles, morilles et autres vesses de grox de manière significative d’année en année, attirant l’intérêt professionnel des adeptes de l’Administratum, toujours prêts à augmenter les seuils de la dîme impériale à la moindre opportunité. Mieux vaut éviter de faire du zèle dans l’Imperium, c’est bien connu. Par un coup de chance ou une intervention de l’Empereur, l’intuition de Jerrin se trouve confirmée par la détection dans l’échantillon de travailleurs sélectionnés par l’Inquisitrice de plusieurs spécimens d’hybrides Genestealers, dûment exécutés par son escorte de Space Marines après que leur crâne allongé, yeux rouges et troisième bras recouvert de chitine aient été exposés au grand jour.

Commence alors une campagne de purge dans laquelle Jerrin joue le rôle de la zélote incendiaire, Donaghl celui du défenseur de son peuple (mais surtout de sa capacité de production, car le bougre est corporate), et Vulpern tente tant bien que mal de ménager la fièvre et le mou. La résistance acharnée qu’oppose un nombre croissant de Shargrinois à l’avancée impériale, le caractère opportun des attaques qui s’abattent sur les imperturbables et inoxydables Space Marines, et les multiples tentatives d’assassinat ciblant les Inquisiteurs font cependant réaliser à ces derniers que la corruption Xenos est profondément ancrée dans la société locale. Identifier les agents doubles au service du culte devient donc la priorité de nos envoyés spéciaux, avant même de jouer du lance-flamme dans les champignonnières (ce qui est dangereux quand les spores sont en suspension dans l’air, d’ailleurs)…

Début spoiler…À ce petit jeu, c’est Vulpern qui finit par gagner, ou plutôt Donaghl qui finit par perdre. Le brave Gouverneur était en effet de mèche avec le culte, seul capable de lui permettre de remplir et même dépasser ses quotas de production, grâce à la main d’œuvre robuste et motivée qu’une colonie de Genestealers est capable d’engendrer. Avec quatre bras, on cueille deux fois plus pleurotes à l’heure, c’est logique. Derrière ses apparences farouches et son passif de soldat inflexible, Donnie cachait cependant un cœur d’artichaud et/ou des nerfs fragiles, puisqu’il avoue de but en blanc à l’Inquisiteur au bout d’à peine neuf jours de campagne sa pleine et entière duplicité. Ses motivations resteront cependant à jamais un mystère pour la postérité et pour le lecteur, puisqu’il intervient personnellement en défense de ce vieux croulant de Vulpern, à nouveau attaqué par un hybride pendant la confession de Donaghl, alors que ses gardes du corps de la Deathwatch faisaient un bière pong dans la salle d’à côté. Cette intervention salutaire n’épargnera toutefois pas au Gouverneur une exécution sommaire, précédée de la longue séance de torture prévue par la procédure inquisitoriale afférente. Voilà ce qu’il en coûte de prendre les légats de l’Empereur pour des truffes.Fin spoiler

AVIS :

Adrian Tchaikovsky livre une copie intéressante pour ses premiers pas au 41ème millénaire, avec une histoire inquisitoriale jouant habilement sur quelques uns des contrastes et paradoxes centraux de cet univers grimdark à l’envie. La méthode forte est-elle toujours la seule qui soit valable ? La foi en un Empereur distant et en un Imperium inhumain passe-t-elle systématiquement avant le bonheur de leurs sujets ? La fraternité offerte par un culte Genestealers ne compense-t-elle pas la corruption de ses membres ? Si ces questions ne sont pas nouvelles au sein de la GW-Fiction, Tchaikovsky prouve ici qu’il maîtrise ses fondamentaux en les posant dans ‘Raised in Darkness’, allégorie à la fois des fungus de Shargrin, des hybrides du culte mais également des bons et honnêtes sujets impériaux, dont ne demande rien d’autre que l’obéissance aveugle à un système brutal et obscurantiste. Ambiance ambiance. En plus de ce fond solide, la forme de cette nouvelle bénéficie du style affirmé et différent des canons habituels de la BL qu’Adrian Tchaikovsky a développé au cours de sa carrière d’auteur vétéran. Bref, je suis curieux de lire davantage des œuvres BLesques de cet invité de choix dans le futur, s’il juge bon de poursuivre sur cette voie.  

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Red Knight – M. A. Drake [AoS] :

INTRIGUE :

C’est jour de match pour Saroglek l’Amarkhaian et son banderium de guerriers d’élite. Envoyée par le bon roi Vlagorescu à l’assaut du dernier bastion de leurs ennemis honnis, les barbares Atrogai, la fine fleur du Domaine Reconnaissant se prépare à mettre un terme aux déprédations de cette peuplade sauvage. Toutefois, le maréchal Saroglek a reçu des instructions précises de la part de son suzerain : offrir à tous ceux qui se rendront la vie sauve et le pardon de leurs crimes passés s’ils consentent à jurer fidélité à l’impuissant monarque1.

Si Vlagorescu a envoyé une bande de tirailleurs plutôt que de déployer son armée, c’est parce que les Atrogai, malgré leur manque de bonnes manières, disposent de machines de guerre d’une puissance inégalée, qui auraient prélevé un lourd tribut dans les rangs de ses guerriers. Le banderium est toutefois un adversaire trop rapide et mortel pour que cet avantage technologique puisse être mis à profit par les défenseurs de la forteresse, pris de court par l’assaut impromptu que lancent Charro le Grec et ses comparses. Et une fois le corps à corps engagé, les prouesses martiales des serviteurs du roi font rapidement la différence, avec une efficacité un peu trop sanglante au goût de notre héros, qui se chagrine de constater que personne n’accepte l’honnête proposition de reddition qu’il offre pourtant à ses adversaires terrifiés dès que la mêlée s’interrompt (généralement lorsque tous les Atrogai ont été démembrés par le bandonéon, soit un peu trop tard pour être utile). Après avoir pris les murs, puis vaincus les défenseurs du donjon où se terre Nashan, le seigneur adverse, Saroglek mène ses vétérans à la rencontre des ultimes guerriers ennemis, retranchés dans une chapelle pour un dernier carré…

Début spoiler…Là encore, il ne peut que constater que sa proposition d’amnistie tombe dans l’oreille d’un sourd. Cependant, il comprend mieux pourquoi ses tests de charisme se sont tous soldés par des échecs critiques en contemplant son reflet dans les miroirs qui recouvrent les murs de la chapelle. Au lieu des fiers et nobles guerriers en armure de son banderium, ce sont des goules recouvertes de viscères et maniant des fémurs à moitié rongés qui lui apparaissent. Il s’agit évidemment d’un maléfice jeté par un sorcier Atrogai, et en l’absence de terrain d’entente possible entre assaillants et défaillants, les premiers massacrent les seconds de manière remarquablement horrible2. Un peu traumatisé de se voir si moche en ce miroir, Saroglek finit par lever le malentendu en fracassant les glaces à coup de masse, lui permettant de se refaire une beauté et une noblesse. L’histoire se termine par l’arrivée de Vlagorescu à la tête de son armée, un peu triste que son fidèle lieutenant n’ait pas réussi à rallier quelques survivants à sa cause, mais tout prêt à lui pardonner car avec l’annexion des terres des Atrogai, c’est un nouveau chapitre du Domaine, que dis-je, de l’Empire Reconnaissant qui va s’ouvrir. Et qui serait plus qualifié que le nouvellement appointé Grand Duc Saroglek pour mener les armées de son seigneur et maître à la conquête de Chamon ? Comme on dit dans les cercles autorisés : quand on l’attaque, le vampire contre-attaque. Fin spoiler

1 : Je vous jure que c’est son titre officiel.
2 : On salue le talent de Saroglek, qui parvient à éviscérer un adversaire par la gorge. C’est ce qui s’appelle avoir le bras long.

AVIS :

Il est difficile de donner un avis sur ‘Red Knight’ sans gâcher le plaisir de la lecture de cette nouvelle, aussi resterai-je volontairement cryptique1 dans mon analyse. Je commencerai par attribuer un carton rouge indiscutable à la Black Library, qui se permet de spoiler la fin de l’histoire dans le paragraphe introductif à cette dernière dans Inferno ! #6 (ne dîtes pas que je vous n’aurais pas prévenu). Non mais what the fluff, guys ? Il y a tout de même une raison pour laquelle Psychose ne commence pas avec Hitchock alertant le public que Norman Bates est sans doute complètement fou, mais cette dernière a visiblement échappé aux éditeurs de la BL. Ce (gros) grief mis à part, on se retrouve en présence d’un facsimilé d’une autre nouvelle de Drake, publiée quelques mois avant ‘Red Knight’, ‘Claws of Famine’ (‘Direchasm’). Si l’exécution est très satisfaisante, et l’auteur s’est indéniablement donné du mal pour donner de la consistance au royaume dans lequel l’histoire prend place, cette déclinaison du même thème par Miles A. Drake m’apparaît tout de même comme un signe de paresse narrative : dans un univers aussi riche qu’Age of Sigmar, resasser ses vieilles rengaines est encore moins pardonnable que dans d’autres franchises, moins permissives en matière d’invention. J’espère sincèrement, pour Drake et sa nouvelle faction de cœur que ni l’un ni l’autre ne resteront cantonnés à broder sur le même thème ad vitam aeternam. Autrement, il n’y a pas que leurs héros qui risquent de sombrer dans la désillusion…

1 : Mon Dieu, déjà un indice…

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The Exorcism of Karsa V – M. Smith [40K] :

INTRIGUE :

Sur la planète Karsa V, une insurrection surprise de cultistes du Chaos dans la capitale (Karsavaal) s’est soldée par la prise du palais du gouverneur, le Palacea Aeternum. La situation s’est depuis enlisée, les insurgés se contentant de faire des raids sur les quartiers environnants afin de capturer des otages pour des raisons aussi mystérieuses que certainement sinistres. De leur côté, les forces loyalistes du General Torres se montrent assez timides dans leurs assauts sur le bastion adverse, sans doute pour ne pas abimer ce joyau d’architecture qui fait la gloire et la fierté de Karsa V depuis plus de huit millénaires. Notre histoire s’ouvre sur une intervention presque concluante de la crème de la crème, les Karsan Cazadores du Major Nico Abatido. S’il faut leur reconnaître une pointe de vitesse impressionnante et une discipline de fer, on repassera en revanche pour la précision au tir. La course poursuite entre cultistes chargés de civils et loyalistes chargés de les rattraper finit par mener tout ce petit monde jusqu’aux abords du Palacea Aeternum, trop bien défendu pour que Nico et ses bidasses se risquent à continuer leur traque. L’épisode n’a toutefois pas été une totale perte de temps puisqu’en plus d’avoir sauvé une otage (qui s’est probablement fracassé le crâne sur le pavé lorsqu’Abatido a descendu son porteur en pleine course, mais c’est un détail), les Cazadores ont repéré dans le mur extérieur du complexe un pylône de défense en piteux état : s’il venait à être neutralisé, une offensive sur le palais deviendrait possible.

L’Empereur ayant de la suite dans les idées, c’est le moment que choisissent les Exorcists pour faire leur apparition sur ce théâtre d’opérations, sans avoir prévenu le QG de Kasra V avant évidemment, « une précaution nécessaire » d’après le meneur des Space Marines, le Sergent Vétéran Jago Sabarren. Comme on peut s’y attendre, le courant passe assez mal entre les Astartes laconiques mais très exigeants en matière d’autonomie (« vous nous laissez faire ce qu’on veut »), de soutien (« vous allez envoyer toutes vos Valkyries faire diversion pour péter ce pylône ») et d’aménagement urbain (« vous devrez raser le Palacea Aeternum quand on aura maté l’insurrection »), et le commandement des forces karsanes. Comme on peut s’y attendre également, le petit Général décide sagement d’obtempérer aux directives du grand, gros, moche et nauséeux Sergent Space Marine1, avant que ce dernier ne dégaine le moulin à baffes énergétiques. Plus surprenante est l’autorisation qu’il donne au dévoué et altruiste Major Abatido (toujours déterminer à sauver des otages) d’emmener quarante Cazadores à l’intérieur du Palacea une fois que la brèche a été ouverte, contre les recommandations explicites de Sabarren.

Une fois dans l’enceinte du palais, les choses vont rapidement de mal en pis pour les braves bidasses, que l’entraînement n’a pas préparé à faire face aux assauts insidieux du Warp. Malgré tout, les Cazadores arrivent à se rendre utiles entre deux crises de larmes (de sang) et affrontements internes, en sabotant une batterie d’Hydres d’abord, puis en prenant à revers un groupe de Serviteurs de combat qui faisaient la misère aux Exorcists, eux aussi à pied d’œuvre. C’est toutefois sur les larges épaules de Sabarren et de ses hommes que reposent les meilleures chances impériales, et après avoir enfoncé les défenses chaotiques, les Space Marines finissent par localiser leur cible principale, le Maître des Possessions et Sorcier de la Black Legion Belphegor. Comme le veut la tradition, ils arrivent une seconde trop tard pour empêcher ce professionnel de Bebel de terminer son rituel, qui se solde par l’arrivée dans le Materium du Prince des Cieux Brûlants, un Démon ayant déjà eu maille à partir avec les Exorcists au cours de sa longue son éternelle existence. Il reviendra à Sabarren, encore une fois aidé par Abatido (et son dernier point de vie) d’appréhender le malandrin, au terme d’un combat disputé qui verra l’Exorcist mettre à profit ses connaissances secrètes et ses talents de tatoueur-scarificateur pour emprisonner le Prince anciennement connu sous le nom de l’artiste Fi’ax’ra’fel dans le cadavre de son hôte (le Gouverneur local), et repartir avec le spécimen vers Banish, pour que ses camarades de la Basilica Malefex puissent l’étudier en détail. Ces informations seront sans doute utiles pour localiser le fuyant Belphegor, qui s’est téléporté hors du Palacea Aeternum une fois son forfait accompli. De son côté, le Général Torres a fini par accepter de donner l’ordre de détruire le précieux bâtiment, sous la menace à peine voilée d’une visite surprise de l’Inquisition s’il faisait signe de vouloir classer le complexe au patrimoine impérial de l’humanité pour le protéger d’une purge nécessaire. On ne dira rien à Stéphane Bern, promis.

1 : Dont les méthodes pour assurer le secret des réunions de crise sont aussi surprenantes qu’efficaces (comprendre que la manœuvre des loyalistes ne sera pas transmise aux insurgés par des traîtres).

AVIS :

Matt Smith livre une Space Marinade assez quelconque avec ‘The Exorcism of Kasra V’, ce qui est d’autant plus dommage que le pedigree des Astartes convoqués pour faire le coup de feu dans cette nouvelle était des plus prometteurs. S’il se rattrape quelque peu en livrant quelques éléments fluffiques intéressants sur le Chapitre des Exorcists, Smith ne parvient pas pour autant à les singulariser de la masse de leurs congénères énergétiques, et arrête son récit précisément au moment où je commençais à vouloir en apprendre plus (c’est vrai quoi, comment on « instille la peur » chez un Démon ?). Pour le reste, on a le droit à trente pages de combat sans interruptions ni subtilités, au service d’une intrigue ne recelant pas la moindre surprise. À ce jour, c’est donc à mes yeux Steve Parker qui reste l’auteur de référence pour quiconque s’intéresse aux demi-frères des Chevaliers Gris, alors même qu’il n’a intégré qu’un seul ressortissant de ce Chapitre borderline (Rauth//Watcher) dans ses travaux ‘Deathwatch’.

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Mourning in Rainhollow – D. Gross [AoS] :

INTRIGUE :

La chasseuse de primes Janneke Ritter s’est mise sur la piste d’une nouvelle proie, un déserteur parti de Glymmsforge vers l’arrière-pays de Shyish. Sur le chemin qui l’amène à Rainhollow, la petite bourgade où elle rattrape enfin le fugitif, on apprend à mieux connaître cette héroïne droite dans ses bottes et hautement pragmatique, comme les noms qu’elle donne à ses armes (Coupeur, Attrapeur et Souffleur) et monture (Bidet), le démontrent. Cette grande professionnelle n’est toutefois pas en-dessous d’une bonne et gratuite action de temps à autre, comme le sauvetage qu’elle effectue en chemin d’une famille de colons attaqués par deux cadavres de cougars animés (de mauvaises intentions) le démontre. Cette péripétie mineure lui permet également de prendre la mesure de son gibier, le mage fantasque Eldredge Duul, qui a généreusement donné son âne aux voyageurs pour aider leur poney à tirer leur chariot. On est loin du mercenaire sanguinaire ou tueur psychotique, donc.

Lorsqu’elle parvient à Rainhollow, Ritter est guidée par les locaux jusqu’à la place centrale de la ville, où elle trouve Duul en plein combat contre un Bladegheist Revenant ayant décidé de s’installer dans la fontaine municipale. Malgré sa maîtrise magique appréciable, le bon samaritain n’en mène pas large face au spectre, et ce n’est qu’en coopérant avec celle dont il ne sait pas encore qu’elle est venue pour l’arrêter qu’il parvient à bannir l’insistant ectoplasme. Une fois le danger écarté, Ritter se fait un devoir d’annoncer à sa cible qu’elle est en état d’arrestation, mais cette dernière ne s’en formalise pas plus que ça, et parvient grâce à son charme naturel à entraîner l’austère matamore jusqu’à la porte d’une maison toute proche. C’est ici que vit celle pour laquelle il a décidé de prendre un congé sabbatique et non validé par sa hiérarchie, son amour de jeunesse et ex-femme, Zora.

Malheureusement pour le jovial Duul, Zora a été victime de la micro-invasion de Nighthaunt que Rainhollow a connu depuis le passage fugace mais remarqué d’un touriste tellement mécontent de l’accueil qu’il a reçu des locaux (il a dû attendre des plombes à l’entrée de la ville avant qu’on lui ouvre) qu’il a réanimé les morts au lieu de se contenter de laisser des avis incendiaires sur Trip Advisor. Zora, qui n’avait pas la langue dans poche ni l’habitude de se laisser marcher sur les pieds, a eu la mauvaise idée d’engrainer ce visiteur peu commode, et est passée de vie à trépas dans l’opération. Double peine pour ses maris (Duul et Ritter sont accueillis et mis au courant par Gerren, le veuf de Zora – qui s’était remarié après son divorce d’avec son premier amour1), il est de notoriété publique que les victimes du springbreaker fou reviennent hanter leurs proches sous la forme d’entrées du Battletome Nighthaunts à la nuit tombée. En même temps, c’est comme le Port Salut, c’était écrit dessus.

Peu confiant dans sa capacité à faire le nécessaire pour bannir son grand amour, Duul convainc la finalement assez serviable Ritter de participer à une veillée d’armes, et au bout de la nuit, du suspense, du soleil violet de rigueur, et d’une engueulade de vieux couple (et personne ne veut s’engueuler avec une Banshee, croyez moi…), Zora la Blanche trouve enfin la paix de l’au-delà, non sans avoir estafilé à mort son second époux avec le couteau à pain qu’il lui avait offert pour leurs noces de kouisine. Il le méritait aussi un peu, tout de même. Désormais plus intéressée par la conquête que par la capture de Duul (if you see what I mean), Ritter décide d’aller apprendre les bonnes manières au touriste mal en groin responsable des malheurs de Rainhollow plutôt que de traîner le mage AWOL en justice, et ce dernier s’avère partant pour donner un coup de main à la vigilante Vigilante. Et à Bidet, évidemment.  

1 : Comme quoi, on peut vivre dans un Royaume des morts sans repos gouvernés par Skeletor, Premier du Nom, et avoir des mœurs très modernes.

AVIS :

Il flotte sur ce ‘Mourning in Rainhollow’ un parfum de fantasy fantasque et espiègle, pas si éloigné dans l’esprit et le style de ce que le regretté Terry Pratchett était capable de mettre en scène avec sa série du Disque Monde. Eldredge Duul campe un Rincevent des Royaumes Mortels assez convaincant (mais beaucoup plus doué), tandis que Janneke Ritter semble être un mélange de Mémé Ciredutemps et Sam Vines. L’intrigue proposée par Gross n’est certes pas très complexe, mais la fraîcheur que ce nouvel contributeur apporte à la GW-Fiction, tout en prenant soin de ne pas galvauder le background établi (et donc de s’aliéner les fluffistes qui constituent une bonne partie de son lectorat potentiel), compense amplement cette simplicité assumée. Je ne sais pas si Dave Gross s’acclimatera aux contrées généralement sinistrement sérieuses de la Black Library, ou si son passage parmi nous n’est qu’éphémère, à l’image de celui d’un Andy Jones il y a plus de vingt ans de cela, mais cette petite nouvelle « exotique » vaut le détour à mon sens.

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Vova’s Climb – N. Van Nguyen [40K] :

INTRIGUE :

L’Arbites Vovamir, Vova pour les intimes et pour le narrateur, s’est lancé un défi de taille au cours des douze prochaines heures : traîner en justice la Gouverneur Laiana, coupable à ses inflexibles yeux de trahison envers la Lex Imperialis. Si ses prérogatives professionnelles lui permettent en théorie de mener cette tâche à bien, Vova doit cependant opérer dans des circonstances particulières : son équipe embusquée et massacrée par la milice locale, il est seul, blessé et doit remonter jusqu’en haut de la proto-ruche Noth Secundus jusqu’au palais gouverneurial, évitant au passage les gangs et les forces de l’ordre, ainsi que les Scions de l’Inquisiteur Truan, qui protège Laiana contre la juste justice impériale. Qui a débloqué le niveau de difficulté légendaire ?

Son sacerdoce et son ascension en solo très expo’ sont toutefois aidés par une rencontre fortuite avec la chef de gang Harkeen, qu’il convainc de l’aider à mener à bien sa mission punitive. Comme Laiana a décrété une guerre au crime d’un niveau qui ferait pâlir le préfet Lallemant, ayant mené les innocents gangers de Noth au bord de l’extermination, le discours de Vova porte, et ce dernier peut bientôt compter sur l’appui d’une foule en colère, armée de briques laser et de brocs énergétiques, et suffisamment nombreuse pour mobber la défense croisée de la milice et de l’Inquisition. En chemin, les justiciers d’allégeance chaotique (tout un concept) se font attaquer par une escouade de Scions de ce truand de Truan, armés de carabines à plasma t’au : la preuve indiscutable de la culpabilité de Laiana et de ses alliés, dont le crime aura été d’écouter d’une oreille un peu trop attentive le baratin des VRP du Bien Suprême.

Par une heureuse ellipse, permettant à Van Nguyen de ne pas expliquer comment Vova et ses auxiliaires ont réussi à se frayer un chemin jusqu’à leur cible (ce qui avait l’air de tenir du miracle deux lignes plus haut), nous retrouvons notre héros quelques instants avant qu’il ne mette en examen, juge, condamne et exécute Laiana, le tout en moins de trois secondes. On rappellera tout de même que la défunte a le droit de faire appel si elle le souhaite, car la justice impériale n’est pas inhumaine à ce point. Ceci fait, il ne reste plus à Vova qu’à s’expliquer franchement avec Truan, venu en personne mais sans escorte (ce qui est très stupide de sa part) commettre une bavure sur une personne détentrice de l’autorité. On comprend que si l’Inquisiteur a fait obstacle à l’investigation de l’Arbites, c’est parce qu’il avait besoin du matériel t’au pour mener à bien sa propre croisade contre le Warp et les forces chaotiques, ce qui est une preuve flagrante d’un évident manque de foi pour Vova. Ce dernier apprend en retour à son interlocuteur qu’il a été défroqué par contumace quelques années plus tôt, et est donc coupable de faux et usage de faux, crime passible de mort (comme beaucoup d’autres) dans le Code Imperialis. La médiation entre les deux fonctionnaires impériaux ayant lamentablement échouée, chacun se considérant comme au dessus de la juridiction de l’autre, les deux compères se mettent logiquement à échanger des bourre-pifs, et à ce petit jeu, c’est Vova et ses ouailles qui finissent par l’emporter. Notre héros perd toutefois des points de style en recourant à une carabine à plasma pour exécuter sa sentence, ouvrant la porte à une possible investigation à son encontre pour utilisation de matériel prohibé. Dura lex sed lex.

Notre histoire se termine donc sur la victoire sans appel de la Lex Imperialis sur la chienlit radicale, hérétique et xenophile, ce qui est bel et bien. Avant de retourner au poste taper son rapport en trois exemplaires, il reste toutefois deux choses importantes à faire pour notre procédurier protagoniste : primo, abattre Hakeen, qui avait été condamnée pour couardise par son Commissaire lorsqu’elle servait dans la Garde, et était depuis en attente d’exécution ; et secundo, demander à ses auxiliaires survivants d’empiler les cadavres en deux lignes bien nettes, pour faciliter le travail de l’équipe de nettoyage. C’est à ce genre de petites attentions que l’on reconnaît les gens de bien, pas vrai ?  

AVIS :

Noah Van Nguyen poursuit son intégration dans la GW-Fiction avec une nouvelle plus originale que sa première publication (‘The Last Crucible’), mais explorant une nouvelle fois le thème de l’opposition entre la fin et les moyens. Le personnage de Vova, sorte de Judge Dredd grimdarkisé qui passe une bonne partie de l’histoire à peser le pour et le contre de ses actions, et semble plus préoccupé par la perspective de créer un précédent dans l’application de la Lex Imperialis que par le coût humain de sa croisade personnelle, incarne parfaitement cette dualité, mais on peut en dire autant de Laiana, qui est parvenue à pacifier et développer son monde grâce à une alliance avec les T’au, et de Truan, à la recherche du meilleur matos pour purger du démon et prêt à fermer les yeux sur des combines qu’il juge mineures par rapport à sa mission. L’utilisation par Van Nguyen de la figure de l’Arbites, qui connut sa fugitive heure de gloire avec la trilogie des Shira Calpurnia de Matthew Farrer au début des années 2000, permet d’illustrer de façon intéressante les complexes rapports qu’entretiennent entre elles les institutions « sécuritaires » de l’Impérium. Il ne manquait plus qu’un Space Marine laissé en garnison sur Noth pour que la confusion juridictionnelle soit totale, et le bain de sang qui fait suite au différent entre les factions impériales était sans doute la seule et unique sortie de crise possible. Que cet Impérium de l’Humanité est bien construit, alors ! Comme dit plus haut, je regrette toutefois le choix de l’auteur d’avoir coupé au montage une bonne partie de la fameuse ascension de Vova et de ses troupes, alors qu’il avait jusque là (et plus tard) donné tous les signes qu’il s’agissait d’une nouvelle d’action. Il aurait donc été logique de suivre la progression des justiciers d’un bout à l’autre de leur traque, au lieu de passer sous silence la partie la plus « complexe » des péripéties. Il s’agit toutefois d’un défaut assez mineur au final, et ‘Vova’s Climb’ prend donc sa place parmi les meilleures nouvelles d’escalade urbaine de la BL1.

1 : Qui est un sous-sous-sous-sous genre qui existe, puisqu’avec ‘Tower of Blood’ de Tony Ballantine, on arrive à deux nouvelles.

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Blood Drought – E. Fomley [AoS] :

INTRIGUE :

Une sévère crise des liquidités guette la bande de Mylox l’Ecorcheur, champion de Khorne dans le désert de Callidium, en Aqshy. Depuis plusieurs semaines, les victimes sacrificielles se sont faites rares, et le moral des troupes s’en est trouvé atteint. Avant que son statut de chef de meute ne soit remis en question par ses bidasses, Mylox doit donc impérativement trouver du péon à charcuter. Dur dur d’être un be…rzerker. Aussi, lorsqu’il tombe sur une colonne de Flagellants emmenés par un Prêtre Guerrier purifier cette région des déprédations chaotiques, il ne perd qu’un tout petit peu de temps1 avant d’emmener sa bande à l’assaut des Sigmarites en vadrouille.

Plus doués en EPS qu’en statistiques, les Blood Warriors se retrouvent cependant assez rapidement dans le mal. À cinq contre cent en effet, le combat finit logiquement par tourner en faveur des défenseurs, qui malgré des pertes effroyables ne lâchent pas un pouce de terrain. Alors que les deux derniers Khorneux se préparent à vendre chèrement leur vie, un autre joueur rejoint cependant la partie : Skyrut le Slaughterpriest (et sa bande de benis oui oui). Mylox a un gros passif avec le nouvel arrivant, car ce dernier l’a plus d’une fois devancé dans le massacre des caravanes traversant le désert de Callidium au cours des dernières semaines, et comme le dit le proverbe : même la plus belle fille du monde ne peut être décapitée qu’une seule fois. Il est donc hors de question de laisser cet arriviste mettre l’épée sur le cou parcheminé du Prêtre Guerrier que Mylox se réserve, et cette jalousie puérile donne un tel coup de fouet (de Khorne) à notre héros qu’il parvient à enfoncer les lignes ennemies, taper son meilleur sprint, établir un nouveau record de saut en hauteur, enfourcher un cheval qui traînait dans le coin, et finalement engager le combat contre le meneur adverse2, en toute intimité.

Le duel ne se passe cependant pas comme prévu pour Mylox, fatigué par la première mi-temps qu’il a dû livrer contre les mobs enragés pour réussir à chopper le cureton entre quatre yeux (ou plutôt trois, puisqu’il en a perdu un dans la bataille). Mis à terre par son adversaire, il est sauvé par un assist déterminant de son rival, qui décapite le Prêtre Guerrier en loucedé, rien que pour faire bisquer notre brave petit psychopathe. Les Royaumes Mortels sont décidément bien injustes. Evidemment, un tel affront à son honneur martial ne peut se solder que par un nouveau duel à mort, mais Skyrut choisit de se la jouer petit bras en invoquant une hache de colère pour faire le boulot à sa place. Confronté à la manifestation de la haine de Khorne, Mimile n’en mène pas large, mais parvient tout de même à tenir jusqu’à la fin du timer et la dissipation du jugement divin. Sentant la faveur patronale changer de camp, Skyrut daigne enfin donner de sa personne, et le tête à tête qu’il engage avec Mylox se termine par la perte de cette dernière par le Slaughterpriest. Comme quoi, ce n’est pas la taille qui compte.

Après avoir assené à son adversaire vaincu une punchline digne d’une cour de récré et/ou de Vladimir Poutine (un autre champion de Khorne reconnu), Mylox ramasse ses trophées chèrement acquis et retourne sur les lieux de la bataille principale, non sans avoir débloqué une nouvelle récompense divine (des khornes rasoir) au passage. À la vue de ses nouveaux attributs, les survivants des deux bandes rivales s’accordent pour dire que notre héros est le fenec des hottes de ce boa, comme on leur a appris à l’école, et à enterrer pour un temps la hache de guerre pour se mettre à son service inconditionnel. A Skarr is born.  

1 : À faire comprendre à ses sous-fifres que le crâne du meneur adverse lui revient (et à personne d’autre). Et vous savez ce que l’on dit : le Blood Warrior comprend vite, mais il faut lui expliquer longtemps.
2 : Soit la liste des épreuves du pentathlon fantastique.

AVIS :

Eric Fomley nous renvoie à l’époque de ‘Call of Chaos’, et ses récits de bandes de guerriers chaotiques luttant pour s’attirer la faveur de leur Dieu (ou le retrouver, dans le cas de Slaanesh), avec ‘Blood Drought’. Comme on pouvait s’y attendre avec un tel casting, c’est l’action sanglante qui prédomine au long de ces 13 pages, le brave Mylox se taillant la part du lion en s’offrant pas moins de trois duels de boss (la hache de Khorne compte comme un, je suis désolé), pour au final être khokhufié par sa divinité. Mais il le prend bien, merci pour lui. Si Fomley parvient à maintenir l’intérêt du lecteur malgré la nature répétitive « Kill Maim Burn » de sa prose, ‘Blood Drought’ est trop limité d’un point de vue narratif pour faire de sa lecture une expérience mémorable. À réserver aux Khorneux les plus zélés (à condition qu’ils sachent lire, bien sûr).

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The Stuff of Nightmares – S. Lyons [40K] :

INTRIGUE :

La jeune Nirri est sur le chemin de Terra pour réaliser le rêve de toutes les pieuses et dévouées adolescentes de son âge : rencontrer l’Empereur en personne. Cette chance inouïe lui est échue en raison de sa condition particulière : diagnostiquée Psyker par son médecin de famille, elle a été débusquée par les autorités de sa planète et remise au premier Vaisseau Noir qui croisait dans le coin. Dans ses moments de lucidité, notre héroïne se souvient de ses adieux déchirants (surtout pour elle il faut dire) avec le reste de sa famille, et se demande comment toute cette histoire va se terminer. Pour le moment, enchaînée à un mur en compagnie de centaines de ses camarades mutants et soumise à un cocktail explosif d’éclairage stroboscopique et de porridge au Xanax, elle passe le plus clair de son temps à halluciner, et ses visions sont de plus en plus sombres. Une bande de sémillants Démons a en effet décidé de flashback-bomber ses souvenirs de jeunesse, et par-dessus le marché, elle a eu le pressentiment de la destruction imminent du Vaisseau Noir au cours d’une tempête Warp. Bien que n’ayant pas réussi à convaincre les Serviteurs en charge de la popotte de l’importance vitale de sa révélation, ses pitoyables plaintes ont été enregistrées (probablement dans le cadre de l’amélioration de la qualité du service fourni, comme c’est l’usage depuis M3), et lorsque le vaisseau commence à traverser une zone de fortes turbulences, un petit détachement de gardes mené par une Sœur du Silence dévouée à Ste Mila plutôt que Mina (rapport à sa coloration violette du plus bel effet) se présente pour l’escorter là où son devoir semble l’appeler.

Bien évidemment, le transfert ne se passera pas comme prévu. Après avoir dû calmer quelques Psykers un peu trop forts en gueule dans les quartiers carcéraux du vaisseau, l’escouade se fait embusquer par des Démons branchés sur courant alternatif (un coup physique, un coup incorporel), preuve manifeste d’une fuite dans les champs de Geller du navire. Laissée sans chaperon dans la bagarre, Nirri erre dans les couloirs sans trop savoir que faire, et décide en désespoir de cause de revenir sur ses pas pour qu’on puisse au moins lui donner la direction de la cafeteria. Qui sait, ils auront peut-être des Pumpkin Latte. Pas de bol pour notre ado, la seule survivante du groupe chargé de son transfert est la Sœur du Silence, que sa mort prochaine ne convainc pas de briser son vœu de mutisme pour autant. Nirri devra donc se contenter de vagues directions pour reprendre sa route après le décès de sa garde chiourme, mais finira tout de même par tomber entre de bonnes et impériales mains quelques temps plus tard.

Amenée sur le pont de commandement du vaisseau, elle (ou plutôt, le lecteur) finit par comprendre qu’elle a été convoquée pour remplacer d’urgence le Navigateur du bord, très incapacité par la tempête et plus en état de guider le bâtiment hors de cette dernière. Comme plus d’un membre d’équipage le fait remarquer alors que Nirri est placée dans l’habitacle de son prédécesseur avec autant de soin qu’une pomme de terre utilisée en TP de SVT pour produire de l’électricité, ses chances de succès ne sont pas minces, elles sont photoshoppées. Qu’importe pour notre brave petite patate, qui s’est prise de passion pour la lumière bizarre pénétrant depuis la fissure du parebrise du vaisseau, et va donc tenter de retrouver le chemin du Materium1 en pure autodidacte… Et mourir sur le coup dans la tentative. The Stuff of Nightmares Legends.

Ce qui ne l’empêche pas de se réveiller quelques jours plus tard, preuve manifeste que tout ceci n’était qu’un rêve, pas vrai ? PAS VRAI ? En tout cas, son voisin de chambrée, ou plutôt de travée, décapité pour outrage à agent par Sœur Sourire lors de l’exfiltration de Nirri, est de nouveau à ses côtés, et en raisonnablement bonne santé. En tous cas, cette expérience transcendantale a raffermi la foi de notre héroïne en l’Empereur, qu’elle se jure à nouveau de servir du mieux qu’elle le pourra lorsqu’elle aura enfin la chance de faire un selfie duckface avec son idole. Cela passera sans doute par quelques heures à apprendre les rudiments de Warp Flight Simulator 18, car il y a indéniablement du boulot…

1 : Ou plus exactement, de dégager un vaisseau à moitié (?) sorti du Warp. Appelons ça « Opération Ever Given ».

AVIS :

Steve Lyons aurait-il tenter d’émuler Peter Fehervari (‘Requiem Infernal’) avec cette nouvelle horrifique et démoniaque ? Les points communs entre ce texte et le premier chapitre du roman de son collègue au sein de la BL sont en effet assez marqués, la jeune Nirri comme la Sœur Asenath Hyades se retrouvant prisonnières d’un vaisseau où la présence du Warp est manifeste, sans possibilité de savoir si elles vivent ou rêvent leur rencontre avec les joyeux et farceurs habitants de l’Immaterium. Au jeu des comparaisons, c’est toutefois Fehervari qui l’emporte, tant par sa capacité à convoquer des images malaisantes1 (tandis que Lyons se contente de va et vient dans les couloirs et de scènes de baston confuses et classiques) que par le soin qu’il apporte à clore les (possibles) hallucinations de sa protagonistes de façon à la fois équivoque mais compréhensible : si on ne peut pas dire si Hyades a tout inventé ou a vraiment été visitée par le Warp lors de sa traversée agitée, il n’y a rien qui vienne formellement invalider l’une ou l’autre de ces options. À l’inverse, le fait que Nirri se réveille au même endroit qu’avant le début de la tempête, et surtout discute avec un personnage qu’elle a vu mourir dans le « passé », rend caduque toute autre hypothèse que celle d’un cauchemar. Je pense qu’il aurait été bien plus réussi et efficace de laisser planer un vrai doute à ce niveau en clôture de nouvelle.

Par ailleurs, il m’a semblé que Steve Lyons prenait des largesses inhabituelles de sa part avec le fuff dans ‘The Stuff of Nightmares’. Cela passe notamment par le pouvoir incapacitant trèèèèèèès léger que la Sœur Violetta a sur les Psykers et les Démons, mais se perçoit aussi dans le dénouement de l’intrigue. Qu’est-ce que l’équipage du Vaisseau Noir espérait de l’utilisation sauvage d’une Psyker non formée en remplacement d’un Astropathe ? Nirri a-t-elle réussi à sauver le vaisseau (et donc à le faire sortir du Warp alors que les champs de Geller étaient désactivés, ce qui la positionnerait dans le top 10 des Psykers les plus puissants de son époque), ou bien est-elle seulement et bêtement morte sous la surcharge psychique, ce qui paraîtrait à la fois beaucoup plus logique et totalement anti-climatique ? Bref, on a connu mieux de la part de Steve Lyons2, qui rate quelque peu ses retours dans Inferno ! avec cette nouvelle en demi-teinte.

1 : Ici, c’est un compliment.
2 : Et notamment, dans un style « intimiste » similaire, ‘The Shadow in the Glass’.

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The Nefarious Antipustulent of Clan Morbidus – D. Guymer [AoS] :

INTRIGUE :

Nous avions laissé le Clan Morbidus empêtré dans les putrides subtilités de l’élection de son meneur spirituel, l’Archipustulent, à la fin de la nouvelle éponyme1 consacrée par le petit rat-porter David Guymer à cet événement d’importance. La situation s’est quelque peu décantée lorsque notre histoire débute, car c’est Makulitt Pus, acolyte du défunt Verminable Cruor, qui a endossé la chasuble souillée et la mitre mitée de Pape des Pestes. Son autorité est toutefois contestée par Moldrent Sour, qui a déclenché un schisme religieux à l’intérieur du Clan et s’est fait proclamer Antipustulent. Les deux factions sont à couteaux et gourdins tirés, et se sont lancées dans de grandes campagnes évangéliques pour rat-meuter de nouveaux fidèles à leur cause. L’un de leurs terrains d’affrontement est le district de Fleshstink, un quartier industriel de Vile-Ville contrôlé par le Clan Moulder, et le duel d’o-rat-eurs qui s’apprête à s’y dérouler va donner un tour nouveau à cette querelle épiscopale.

Du côté de…euh… l’ordre (?) établi, c’est le Poxmaster Gagrik, rat de confiance de l’Archipustulent, qui est chargé de défendre les couleurs (vert caca d’oie et marron vomi) de son éminence. Son challenger est Weep Dripclaw, simple prêtre du Corrupteur mais conseiller proche de l’Antipustulent (casaque vert vomi et marron caca d’oie). Dans la plus pure tradition skaven, les concurrents ont fait construire leurs estrades de prêche à une distance stratégique l’une de l’autre (assez loin pour ne pas risquer de se faire tabasser par la faction ennemie, assez proche pour entendre ce que l’autre camp raconte), et le match de gospel reste longtemps indécis… jusqu’à ce que la plateforme de Dripclaw s’effondre à cause du zèle de ses propres partisans. L’avantage passe alors à Gagrik, plus doué avec les clous qu’avec les mots, jusqu’à ce qu’une émeute religieuse vienne dévaster les rues, déjà dangereuses et sales, de Fleshstink. La situation dégénère totalement lorsque Makulitt Pus en personne décide de se joindre à la querelle, et qu’une catapulte de la peste amenée en douce dans le voisinage par un bedeau trop enthousiaste, commence à arroser le quartier de manière indiscriminée (un évènement qui restera gravé dans les mémoires comme le Bloody Squeekday).

Cette guerre ouverte entre zélotes pestilentiels sur son territoire ne faisant pas les affaires de Zhurn Aelf-Eater, maître Moulder du Clan Dregg et membre du Conseil des Treize, il convoque le Prophète Gris Ratskitten, diplomate skaven reconnu, pour négocier la fin des hostilités, ou en tout cas des affrontements, entre Archie et Andy Pustulent. P-rat-gmatique, Ratskitten décide d’inviter les deux chefs de faction à des négociations privées et sécurisées par les vermines de choc personnelles de Zhurn. Après avoir recueilli l’avis favorable de Pus, et un grognement presque apaisé de Sour (qui est tellement béni par le Rat Cornu que ses propres fidèles le gardent enfermé avec camisole et muselière hors du champ de bataille), le Prophète Gris invite tout ce beau monde à le rejoindre dans la Tour de Kavzar, où se tiendront les pourparlers.

Bien évidemment, les deux camps ne se tiennent pas aux clauses de non-agression édictées par Ratskitten, et trouvent le moyen de déjouer la surveillance du service d’ordre dans le but de se débarrasser du chef adverse. L’Archipustulent dissimule ainsi des assassins dans le châssis du char de la peste de son rival, tandis que l’Antipustulent coupe les coffres d’épices apportés comme cadeau de Pus à Zhurn avec de la poudre à canon. Sour n’attend cependant même pas que sa manigance fasse effet : sortant un encenseur à peste de sous ses robes (la palpation des Vermines de Choc laisse vraiment à désirer), il part rejoindre la mêlée générale qui s’est déclarée à peu près 13 secondes après que Ratskitten, Pus et lui-même se soient retirés dans la chambre de négociations. Ce choix intrigue (mais soulage aussi un peu, soyons honnêtes) le Prophète Gris, qui ne comprend pas pourquoi Sour n’a pas profité de la situation pour réduire l’Archipustulent en archiporridge, et réunifier ainsi le Clan Morbidus sous sa bannière. La réponse est, très prosaïquement, que Sour n’a pas envie de prendre la place de son rival, et préfère de loin répandre la corruption sur les champs de bataille, occupation peu compatible avec la fonction d’Archipustulent. Pus, de son côté, ne rêve que de retourner à l’anonymat qui était le sien avant que la mort de tous les autres prétendants à l’élection rat-pale ne le fasse devenir Archipustulent (et donc la cible d’innombrables complots), contre sa volonté. Voyant dans le chaos complet qui descend sur la Tour de Kavzar sa chance de filer à l’ulguaise, il enclenche sa skitterstone et se téléporte loin, très loin des intrigues néfastes et malodorantes de Vile-Ville…

Début spoiler…Mais pas assez loin pour empêcher ses fidèles, toujours plus nombreux depuis son audacieux assassinat de l’Antipustulent dans l’édifice le plus sacré de la race skaven, de le retrouver dans sa retraite d’Aqshy, et de le ramener aux affaires. Après tout, le Clan Morbidus n’a jamais été plus puissant depuis que le schisme s’est résorbé, et il est de notoriété publique que le très pieux et très rusé Makulitt Pus a les yeux tournés sur le siège de Zhurn Aelf-Eater au Conseil des Treize. ‘Twas ze plan all along, of course…Fin spoiler    

1 : ‘The Unlamented Archpustulent of Clan Morbidus’ (Inferno! #3).

AVIS :

David Guymer donne une suite de haute volée à sa fantastique nouvelle explorant les arcanes de la politique et de la religion skavens avec ‘The Nefarious Antipustulent of Clan Morbidus’. Les ingrédients qui ont fait le succès du premier opus (du fluff, du fun et du sale) sont à nouveau au rendez-vous, et si je place ‘The Nefarious…’ un peu en deçà de ‘The Unlamented…’ (comment surpasser le potentiel littéraire d’une élection papale chez les Skavens, ceci dit ?), il ne fait aucun doute que si vous avez apprécié l’original, la lecture de la copie vous est plus que recommandée.

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The Last Knight: Part 2 – G. G. Smith [40K] :

INTRIGUE :

Retour sur Leucosia après le premier acte de ‘The Last Knight’, où la situation est précaire pour les défenseurs de Landsfall Castle. Ayant tout donné pour repousser l’assaut des cultistes Genestealers de l’Ancien Fisher1, Lacutus Honaratus, maintenant Gouverneur de la planète, et ses fidèles péons se creusent la tête pour arracher leur qualification survie dans un match retour qui s’annonce très compliqué. Pas foutu de passer son permis Chevalier, comme son père et la troupe entière de ses aïeux avant lui, Lac’ décide après une nouvelle simulation non concluante, pendant laquelle il revit la purge de Landsfall City ayant pris place trois ans plus tôt (et lui a coûté un œil) sous le regard sévère et critique de ses ancêtres qui essaient désespérément de lui trouver des défauts, de passer au plan B. Ou plutôt V. Pas comme Vendetta, mais comme Vervius, le nom du vieil Astropathe de la cour de son père, ayant décidé de faire retraite dans la montagne il y a quelques temps, soi-disant pour éviter qu’une utilisation trop poussée de ses pouvoirs ne lui coûte sa vie et son âme (la planète Leucosia étant dangereusement proche de la Cicatrix Maledictum). Encore un auquel il faut expliquer que seule la mort met fin au devoir. C’est pourtant pas compliqué, hein.

Ayant mâlement repoussé les protestations de sa bonne amie et mecano et probable love interest mais bon on n’a pas le temps pour ça, Lydia, qui voudrait que son altesse reste sur place pour remonter le moral des troupes plutôt que d’aller risquer sa couenne dans une sortie aux chances de succès des plus minces, Lacutus part sur son fidèle destrier Augustus, armé de son épée énergétique sur courant alternatif Woundthirst et son bouclier boucliant Faith2. Par un heureux hasard, il arrive à proximité de la bicoque de Vervius au même moment qu’une bande d’hybrides et de néophytes qui passait dans le coin, et a ainsi l’occasion de prouver sa valeur au combat, à peine aidé par les pouvoirs télékinesiques de son hôte. Problème, Vervius n’est toujours pas décidé à faire un come back, jusqu’au moment où Lacutus abat sa carte maîtresse : plutôt que de prendre le risque de se faire exécuter par son suzerain pour défection, pourquoi le vieil Astropathe ne ferait pas deux jours de cheval à fond de train, traverserait les lignes de défense du culte Genestealers, puis tenterait d’envoyer un message de détresse au reste de l’Imperium à proximité de puissants Psykers Xenos, au risque de se faire posséder par le Warp ? Après tout, Lacutus lui a promis d’abréger ses souffrances le cas échéant. Devant un raisonnement aussi perché, Vervius ne peut que se ranger à la voix de la déraison, et se met en croupe d’Augustus (le cheval, pour ceux qui suivent pas), direction le château assiégé.

À Landsfall Castle, la situation n’a guère évolué au cours des quelques jours qui ont été nécessaires à Lacutus pour faire la navette. Ah, si : un unique bio-vaisseau tyranide s’est mis en orbite de Leucotis (coupe des budgets, réduction des effectifs, toussa toussa…). Comme il a apparemment fallu toute la concentration des Genestealers du culte pour maintenir la connexion avec l’Esprit de la Ruche, cette arrivée a au moins permis aux défenseurs de ne pas être confrontés à l’élite adverse, qui est maintenant libre de… faire un five au quartier, j’imagine ? En tous cas, les terrifiants Xenos n’apparaissent pas dans le récit que fait Smith de l’assaut des cultistes sur la forteresse. De leur côté, Lacutus, Vervius mais surtout Augustus parviennent à traverser le rideau défensif adverse à la manière d’un Antoine Dupont des grands jours, mais dans la bagarre confuse qui s’engage autour du porteur du cuir, l’Ogryn Kark (croisé au précédent épisode) se retrouve coincé du mauvais côté d’une herse impossible à remonter. La tuile. Courant sur les remparts à la recherche d’une solution, Lacutus ne peut que constater l’arrivée du Patriarche Genestealer, enfin réveillé après une murge de plusieurs semaines (il n’a pas participé à la première attaque de ses troupes sur le château). L’affrontement déséquilibré entre le vaillant abhumain et l’abomination extraterrestre, s’il vendait un peu de rêve sur le papier, se cantonne malheureusement à un duel de regard, vite perdu par Kark, qui titube en direction du monstre qui l’a hypnotisé pour recevoir un gros poutou. Tout n’est cependant pas perdu pour les défenseurs, qui disposent encore d’une baliste prête à tirer, et qui fait feu sur l’ordre de Lacutus… sur Kark. Et pas sur le Patriarche. Parce que ce dernier était apparemment insensible aux flèches, because of reasons. Avec un ami pareil, pas besoin d’avoir des ennemis.

Tout s’enchaîne alors très vite dans une dernière ligne droite digne d’un 200 mètres olympique. Lacutus va coacher Vervius dans sa tentative de remise de message d’alerte au reste de l’Imperium, mais l’Astropathe se fait apparemment tout de suite gauler et posséder par le Magos adverse (Fisher), convainquant le vaillant paladin de décapiter sur le champ son fidèle serviteur pour limiter la casse. Et l’Oscar du second rôle le plus inutile est attribué à… On apprendra au détour d’une ligne un peu plus tard que Vervius a peut-être malgré tout réussi à lancer son SOS. Appelons ça l’instinct, car de la part d’un personnage ne disposant pas de capacités psychiques comme Lacutus, on ne peut pas expliquer cette certitude autrement. Ceci fait, notre héros décide de retenter sa chance et de passer son épreuve pratique de Chevalerie en candidat libre. Très étonnamment, il parvient cette fois-ci à passer la seconde, après avoir annoncé à son examinateur spectral (son père) qu’il s’en balekait de ses jugements. Et c’était apparemment ça qui était attendu de lui, puisque le bon gros osef des familles de Lacutus empli son pôpa de fierté. Ca me fait furieusement penser à la réponse à la question « qu’est-ce que le courage » au bac de philo, d’après la légende urbaine. On est pas à ça près, ceci dit.

Enfin en selle, Lacutus Wargod Honaratus sort découper du Xenos, qui avaient pour des raisons non élucidées par la science moderne décidés de ne pas envahir le château et massacrer ses défenseurs dans l’intervalle. Comme c’est sportif. En guise de boss de fin, le Chevalier se coltine un (1) Trygon envoyé sur la surface de Leucosia par le SUV ruche stationné en orbite haute. Chez les Genestealers, tout le monde décide alors de partir à la plage et met les voiles, mais l’Ancien Fisher s’emmêle les pieds dans sa toge et finit grillé par le canon thermique de Wargod, alors même que ce dernier s’étale également de tout son long. Et l’Oscar de la mort la plus décevante est attribué à…  

Tout ça ne règle pas les affaires des défenseurs de Leucosia, vous allez me dire. Ils doivent en effet faire face à un culte Genestealers disposant encore de son Patriarche (non violent, certes), et soutenu (timidement, certes) par l’Esprit de la Ruche. Sauf que, sauf que : voilà qu’apparaissent à l’horizon les vaisseaux du monde ruche Metalica, tellement plus fort que toi qu’ils ont réussi à arriver sur place moins d’une journée après l’appel de Vervius (estimation large de votre serviteur). Je suppose que l’on peut en conclure que la planète est sauvée, mais le plus important est que cette histoire est finie. Bye Lacutus, ouvre l’œil et le bon.

1 : Qui ne vit pas dans une cabane, comme dit la chanson, mais dans un barnum.
2 : On pourrait penser que ce n’est pas important de tout nommer comme ça, mais Smith n’est pas de cet avis.

AVIS :

Gavin G. Smith rend une copie bâclée pour achever ‘The Last Knight’, rendant caduques tous les points forts du premier volet de cette novella. Les personnages présentés et esquissés précédemment sont les premiers à en pâtir, Lydia, Gult, One-Arrow Nokes et le regretté Kark apparaissant dans de petits cameos sans intérêt, pendant que les seconds rôles sont tenus par un Astropathe ne servant à rien/tout (selon que l’on se place du point de vue du spectateur ou du scénariste) et un cheval. Lacutus ne semble pas progresser d’un iota dans sa quête de réalisation personnelle, jusqu’au moment où les étoiles s’alignent et qu’il parvient miraculeusement à faire honneur à son rang. De l’autre côté du ring, il n’y a tout simplement personne pour endosser le peignoir d’antagoniste principal, Fisher et le Patriarche se contentant d’apparitions nonsensiques de temps à autres. Leurs troupes ne sont pas en reste de ce point de vue, notez, car on ne comprend pas ce qui retarde ou empêche les hordes si menaçantes du premier épisode de submerger les défenseurs à tout moment (ils ont même 50% de plus de tours de guet cette fois-ci !). Tout aussi grave et décevant, la maîtrise du fluff que je reconnaissais à Smith à l’issue de la première partie de la novella est ici sérieusement remise en question, comme l’apparition miraculeuse d’un littéral deus (ex) machina à la fin de l’histoire, et avant cela, la convocation étrange et anémique d’une flottille-ruche, l’illustrent. Au final, ‘The Last Knight’ se termine en queue de Mawloc, ce qui est bien dommage pour les débuts de Gavin G. Smith au sein de la BL, mais également pour nous autres lecteurs.

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Roadwarden – L. Merciel [AoS] :

INTRIGUE :

Recrutée par une bande d’aventuriers convenablement hétéroclite (un sorcier à masque mécanique, un Aelf à dagues cristallines, une Duardin chauve et cinq cultistes de Khorne repentis) pour leur servir de guide à travers les terres brûlées au vent des landes de pierre d’Aqshy, la patrouilleuse (roadwarden) Fereyne s’embarque sans le savoir dans la quête d’une vie. Le but de l’expédition montée par le mage Veskil est, sur le papier, très simple : il s’agit de localiser la légendaire Fontaine d’Eshael, dont le pouvoir regénérant pourrait permettre de redonner vie au désert désolé qui couvre une bonne partie du Royaume de Feu, et peut-être même de faire pousser des choux-fleurs sur place. On rigole, on rigole, mais ça coûte cher à l’import, ces petites choses là. Quoi qu’il en soit, les indices rassemblés par le sorcier indiquent que l’artefact se trouve au cœur du territoire d’une des nombreuses tribus qui essaient tant bien que mal de survivre dans cet environnement aride, les Smokescars. Coup de chance, ces derniers ont toujours farouchement repoussés l’influence corruptrice de Khorne, et sont restés des « bons » sauvages, avec lesquels il serait techniquement possible de palabrer. En revanche, le fait que la moitié de la troupe de Fereyne soit marquée (au fer rouge) comme de confession khorny, même si la situation est plus nuancée qu’il n’y parait, incite la patrouilleuse à la prudence et l’évitement de la confrontation. Après tout, il n’est pas dit que les Smokescars soient des adeptes de la pensée complexe, même si les experts débattent encore de la couleur de leurs gilets.

Cependant, le manque d’eau et de vivres finit par pousser les aventuriers à tenter d’aller dormir chez les autres, mais en vain : tous les sites où la tribu s’est établie sont déserts, ce qui apparaît à Fereyne, guère sereyne, comme un mauvais pressentiment. Même l’EHPAD de Beau Séjour, où les Smokescars font résider leurs vieux et leurs malades à l’année, semble déserté. Semble seulement, car les cadavres putréfiés des quelques locaux qui sont restés sur place portent la marque indéniable de Nurgle. Il semblerait que le Seigneur des Pestes ait jeté son dévolu et ses germes sur ce petit bout d’Aqshy, ce qui s’expliquerait par la proximité de la Fontaine d’Eshael, seule capable de faire subsister la forêt de cuivrécailles (copperscales) s’étendant à proximité du campement, et accessoirement, de donner de la biomasse à moudre à ce grand cultivateur qu’est Nurgle (qui aime moyen le sable et les cendres). Ayant purifié l’endroit grâce aux pouvoirs aseptisants et cautérisants de Veskil, qui découvre par la même occasion que Fereyne est une mage en puissance, les voyageurs peuvent remonter la trace des habitants du campement, qui se dirigent vers le cœur de ladite forêt.

Comme on pouvait s’y attendre, les Smokescars ont été corrompus jusqu’au trognon, et tendent rapidement une embuscade aux aventuriers, qui la repoussent sans trop de pertes. Un peu plus loin, ils tombent sur un crop circle d’un style particulier, puisque fait avec des Sylvaneth corrompus figés dans du mucus solidifié. Cette vision de nature morte vivante fait comprendre à Veskil, qui n’est pas le dernier des abrutis, que la Fontaine est en fait un Portail des Royaumes reliant Aqshy à Ghyran, ce qui ne va pas être très pratique à transporter. Le mage commet toutefois l’erreur de trop réchauffer la gangue emprisonnant les esprits de la forêt avec son fer à friser magique, ce qui contraint la petite bande à faire un peu de bucheronnage avant de pouvoir repartir.

Laissant la corruption derrière eux, les survivants se dirigent vers la partie la plus saine de la forêt, et tombent sur un combat titanesque entre un Homme Arbre et un Rotbringer. Se découvrant une fibre écolo, Fereyne vole au secours du végétal malmené, malgré son pauvre niveau 2 et sa spécialisation Ranger, entraînant le reste de sa team avec elle. Si la magie enflammée de Veskil semble faire effet sur le seigneur Maggotkin, l’absence de tank dans l’équipe pour prendre l’aggro et le gros permet au boss pansu d’engager le corps à corps avec le sorcier (horreur !) avec son gros tentacule (malheur !), et on sait tous comment ce genre de plan finit en général. Fort heureusement, une inspiration géniale de Fereyne, couplée à une indigestion sévère et un haut niveau de stress des remurants servant de bêtes de somme aux aventuriers, permettent à la patrouilleuse de terminer le boulot. Un gros rototo à tendance lance-flamme plus tard, il ne reste plus du jovial Nurgleux que la semelle de ses bottes et une odeur tenace de graillon.

La situation n’est cependant pas brillante du côté de l’alliance Ordre et Engrais : Veskil a choppé une maladie sporiquement transmissible et préfère s’immoler par le feu plutôt que de finir corrompu, les autres comparses de Fereyne sont dans un coma profond, et l’Homme Arbre que le prouteux avait couché d’un coup de masse est en train de finir de croquer sa feuille. Avant de demander à la patrouilleuse de l’allumer à son tour, il lui passe quelques lamentiri, remet sur pied ses camarades, et lui demande d’aller alerter Alarielle en personne que les gardiens de la clairière de Taelrhunil ont choppé le mildiou, et qu’il ne faudra pas compter sur eux pour la prochaine kermesse. Désormais investie d’une mission, la patrouilleuse/mage (matrouilleuse ?) emmène ses side kicks à travers le Portail pour mener à bien ses toutes premières quêtes comme véritable chef de groupe. On est tous passé par là.

AVIS :

Débuts appliqués dans la GW-Fiction pour Liane Merciel, qui démontre avec cette quête initiatique à forte teneur en high fantasy son savoir-faire en matière de sword & sorcery. En tant qu’auteur établie dans ce genre littéraire, cela tenait plus de sa part de la confirmation attendue que de la plaisante surprise. À ce compte là, ce sont les nombreux détails fluff qui parsèment son récit, et viennent donner une épaisseur bienvenue au coin d’Aqshy où se déroule l’histoire, qui me sont apparus comme de vrais bonus. Du côté des points d’amélioration, je mettrai principalement en avant le caractère assez terne des personnages convoqués par Merciel, qui ne dépassent pas leur fonction de quota de race/classe, et ont bien du mal à justifier leur « présence nommée » dans la nouvelle. Cette dernière se finissant comme le premier épisode d’une série au long cours (il faudra bien que quelqu’un apporte ces graines à Alarielle), il n’est pas interdit d’envisager une suite à ce ‘Roadwarden’, qui permettrait peut-être à Khensev, Whyrlin et Brokkar de justifier leur statut de personnages secondaires-mais-pas-marginaux, si vous voyez l’idée. On verra bien.

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Et voilà qui conclut cette revue du sixième numéro d’Inferno!, qui s’est avéré égal à ses prédécesseurs en matière de diversité et de qualité (avec un léger avantage pour Age of Sigmar sur ce point). Comme d’habitude pour une anthologie de ce type, toutes les soumissions ne sont pas du même niveau, mais à part la déception de la conclusion de ‘The Last Knight’, le reste des nouvelles proposées ici est au minimum assez correct. Le principal point positif à mes yeux reste une nouvelle fois la variété des styles et des approches des contributeurs convoqués au sommaire de ce numéro, offrant à Inferno! une ligne éditoriale très distincte des autres recueils de courts formats publiés par la Black Library, bien plus uniformes et consensuels dans leur approche de la GW-Fiction. Je recommande à ce titre la lecture des offrandes de Tchaikovsky, Gross et Merciel, trois auteurs apportant leur propre vision du lointain futur ou des Royaumes Mortels, avec suffisamment de respect pour le background de ces univers pour ne pas sombrer dans le pastiche de ces derniers.

La Black Library n’ayant jamais communiqué sur le rythme de sortie des anthologies infernales, il m’est impossible de vous donner avec une quelconque certitude rendez-vous pour une nouvelle revue d’un hypothétique septième numéro. Le suspens est d’autant plus grand que #6 a été le premier de la série à n’intégrer aucun feuilleton en cours (‘The Last Knight’ s’étant conclus avec son second épisode), et donc aucune « obligation » pour la BL de publier un nouveau numéro. Il ne reste donc plus qu’à prier votre divinité de choix avec moi dans l’espoir que l’histoire et les histoires ne s’arrêtent pas là pour Inferno! : en ce qui me concerne, je considèrerais qu’un abandon avant d’avoir atteint le neuvième numéro serait un acte manqué tout bonnement dantesque, mais je ne suis pas sûr que Nottingham soit sensible à ce genre de détail… Qui vivra lira.

HAMMERHAL & OTHER STORIES [AOS]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette revue critique de ‘Hammerhal & Other Stories‘, le premier recueil de nouvelles à visée pédagogique publié par la Black Library pour Age of Sigmar, en l’an de grâce 2017. À cette époque reculée, où l’on pouvait circuler sans masque ni attestation, le remplaçant de Warhammer Fantasy Battle allait sur ses deux ans, et son lore tenait encore beaucoup de la terra nullius (dans l’une ou l’autre des acceptations du terme, selon à qui vous demandiez). Car aux côtés des omnipotents, omniscients et surtout omniprésents Stormcast Eternals, il n’y avait que peu de factions suffisamment développées pour venir taper le carton dans une histoire de la BL, et le sommaire de cet opus reflète assez bien cette domination sans partage des montagnes de muscles en sigmarite.

Sommaire Hammerhal & Other Stories

Au niveau des contributeurs, c’est le regretté Josh Reynolds qui met tout le monde d’accord avec trois soumissions à son actif, dont la novella titre. Et encore, c’est sans compter les extraits de deux de ses romans, ‘Skavens Pestilens‘ et ‘Spear of Shadows‘, ajoutés par les éditeurs de la BL dans la marmite pour faire bonne mesure. David Guymer, pas encore papa d’Hamilcar Beareater, se positionne en bon second, avec deux nouvelles au compteur. Matt Westbrook, Robbie MacNiven et David Annandale complètent le line up, très représentatif de la première vague de fiction AoSesque. Quatre années se sont écoulées depuis la sortie de cette anthologie, qui a été complétée/concurrencée depuis par ‘Sacrosanct & Other Stories‘, V2 très correcte mise sur le marché l’année suivante : en attendant que de vraies nouveautés nous arrivent, il est temps de passer sur le grill ce « vénérable » (à l’échelle d’Age of Sigmar en tout cas) recueil, et de juger s’il a passé l’épreuve des années aussi bien que le panthéon des Royaumes Mortels.

Hammerhal & Autres Récits

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Hammerhal – J. Reynolds :

INTRIGUE :

Hammerhal & Autres RécitsNotre histoire commence par un caméo à la fois céleste et divin, puisque c’est Sigmar Gabriel en personne qui profite d’une accalmie dans les affaires courantes du SPD pour aller s’encanailler dans un autre Royaume que le sien. Le grand barbu se manifeste en effet en Ghyran, où sa vue perçante a décelé une manigance de l’ennemi1. Il y a bien là une tribu de Tzaangors qui fait une rave party en consommant du collagène de poulet et d’autres substances illicites, mais c’est plutôt le cairn cristallin qui trône au centre de la clairière du Hexwood où ce rassemblement a pris place qui attire l’attention de la divinité. À la base de cette construction, un tas de soul pods Sylvaneth a été pris dans la gangue magique, et appelle pitoyablement à l’aide, ce qui est tout de même fort pour des bulbes et des glands. Ziggie, qui a fait vœu de non-violence et de non-interférence dans les affaires mortelles depuis qu’il s’est fait plumer au bonneteau en Ulgu, aurait bien envie d’aider, mais il n’arrive pas à convaincre Alarielle, qui l’a rejoint sur place, alertée par son intrusion, d’accepter son offre d’assistance. Madame est en effet convaincue que ses propres enfants sont tout à fait capables de régler le problème. Enfin, elle en est convaincue jusqu’au moment où la petite force de Sylvaneth qu’elle a envoyé mettre fin aux ébats des Hommes Bêtes se fait piteusement repousser par les mutants (le Chamane en charge des opérations menaçant d’égorger un des marrons qu’il retient en otage si les esprits de la forêt ne quittent pas les lieux – une scène horrible). Après avoir lancé un regard de merlan frit à Sigmar, qui prend ça pour une autorisation d’accomplir sa BA de la journée, Riri repart tenter d’arracher son Royaume des grosses patounes graisseuses de Nurgle, et notre prologue se termine sur le rire grinçant de Tzeentch, qui regardait sûrement Demain Nous Appartient en arrière-plan et trouvait ça irrésistiblement drôle (il en a de la chance). Lire la suite

THE HARROWED PATHS [Recueil]

Bonjour et bienvenue dans cette chronique de ‘The Harrowed Paths, que l’on pourrait traduire en français par ‘Les Chemins Tourmentés’, quatrième recueil de courts formats publié par la Black Library sous sa nouvelle franchise Warhammer Horror. Après une première trilogie placée sous l’ordre de la continuité, comme la brièveté des titres, les choix esthétiques des couvertures et la présence exclusive de nouvelles au sommaire de ces bouquins le montrent, ‘The Harrowed Paths’ dévie significativement de la norme. Titre allongé (un article défini et un adjectif? quelle démesure, vraiment), couverture noire1 et intégration de novellas : une nouvelle étape a été franchie ici. Reste à savoir si cela est pour le meilleur ou pour le pire.

Avec un peu plus de 200 pages « utiles », le présent ouvrage n’est pas très conséquent au vu des standards habituels de la Black Library. Les œuvres de McNeill (‘The Colonel’s Monograph’ – déjà publié dans en stand alone dans la deuxième série des Novellas de la BL) et d’Ozga (‘Into Dark Water’) sont les pièces centrales de cette anthologie, qu’elles débutent et terminent dans un souci de symétrie appréciable. Voilà qui nous promet un beau match dans le match2 , entre 40K et AoS, et le grand ancien sur le retour et le petit nouveau prometteur. Ces deux moyens formats sont agrémentés de cinq nouvelles plus modestes, dont deux déjà éditées à l’occasion de la Warhammer Horror Halloween Week 2020 (‘Five Candles’ et ‘Pentimento’). Parmi les auteurs convoqués pour nous servir de guides sur ces chemins tortueux, on ne retrouve que des revenants – c’est approprié, vous me direz – ayant déjà soumis des histoires horrifiques à la BL par le passé. C’est d’ailleurs la spécialité d’une majorité (Gray, Strachan, Sheil et Ozga) des contributeurs de ‘The Harrowed Paths’, et nous verrons bien si cela se traduit par une qualité plus élevée que la moyenne. Ceci étant dit, il est temps nous mettre en route.

1 : Et recyclée, car ce crâne et ces bougies ont été utilisés pour illustrer ‘Five Candles’ de Lora Gray lors de la première sortie de cette histoire durant la Warhammer Horror Halloween Week 2020.
2 : Schattra vs le bouquin. Et à la fin, c’est toujours l’Allemagne qui gagne…

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The Colonel’s Monograph – G. McNeill [40K] :

The Colonel's MonographINTRIGUE :

Teresina Sullo, récemment retraitée après une longue et honorable carrière d’archiviste, accepte l’invitation de Garrett Grayloc d’aller inventorier le contenu de la bibliothèque de sa défunte mère, l’illustre Colonel Elena Grayloc. C’est l’occasion pour notre expérimentée mais pas encore grabataire héroïne de s’occuper l’esprit, la mort récente de son mari Teodoro lui ayant assez logiquement mis un coup au moral. Emmenée par un Serviteur (Kyrano) de son futur employeur jusqu’au manoir isolé où vivait la Colonel, Sullo se lance à corps perdu dans l’étude et le classement des ouvrages collectionnés par cette dernière au cours de sa glorieuse carrière. Garret Grayloc, qui a préféré faire des études commerciales qu’entrer dans la Garde, est particulièrement intéressé par un monographe que sa mère aurait écrit pendant le désastre de l’Aube des Soleils Sombres, durant lequel 36 millions de Gardes Impériaux ont péri dans des circonstances toujours mystérieuses à ce jour. La vente de ce livre d’une valeur inestimable aiderait grandement à assainir les finances familiales, grevées par les nombreuses dettes accumulées par Grayloc mère dans ses vieux jours.

 Comme on peut se l’imaginer, le séjour de Sullo ne se passe pas dans un calme olympien. Après les hallucinations morbides qu’elle a expérimentées sur la route du manoir, l’archiviste fait quelques rêves érotiques où lui apparait son défunt mari, se fait harceler par une présence fantomatique menaçante qui lui demande de la « laisser entrer », manque de basculer de la falaise lorsqu’elle part visiter la ruine d’un temple impérial, réduit en cendres par la foudre, et manque de se faire assassiner par Kyrano, qui l’a pris pour une intruse dormant dans le lit de son ancienne patronne. Sullo en apprend également plus sur les circonstances du décès d’Elena Grayloc, retrouvée disloquée aux pieds des falaises bordant son manoir le même jour que l’incendie du temple. La théorie de l’accident ne tient cependant pas tout à fait, car la défunte portait une plaie caractéristique à l’arrière de la tête, évoquant fortement une exécution sommaire…

Début spoiler 1…Malgré cet environnement de travail peu sein, Sullo continue son œuvre et découvre que la Colonel employait son propre archiviste, un homme du cru dénommé Montague Rhodes. Mis à la retraite par la mort de sa patronne, sa connaissance intime de la bibliothèque du manoir pourrait toutefois faire gagner un temps précieux à Sullo, et l’aider à localiser le fameux monographe, qui continue de lui échapper. Manque de chance, notre héroïne ne tarde pas à découvrir que Montague ne lui sera pas d’une grande aide, car le pauvre homme a sombré dans une folie mutilatrice, qui lui a fait s’arracher les yeux et la langue, se couper les doigts de la main gauche et fracasser ceux de la main droite. Pour sa femme (Odette), qui continue de le veiller, la cause de cette psychose est à chercher du côté des bouquins peu catholiques impériaux que la Colonel gardait dans ses collections, et que Montague avait eu le malheur de lire. Odette ne tient d’ailleurs pas la défunte dans son cœur, et questionne tout haut les raisons qui ont permis à Grayloc et aux derniers survivants de son régiment de revenir sur Yervaunt après l’Aube des Soleils Sombres, seuls rescapés parmi des millions de victimes. Enfin, elle remet à Sullo les pages manuscrites que son mari avait rapporté du manoir le soir où il s’est refait le portrait. Ces dernières contiennent un code que Sullo craque en 2-2, et qui lui permet d’accéder enfin au bureau secret d’Elena Grayloc, caché en dessous de sa bibliothèque.

 À ce stade, il ne fait plus guère de doute que l’héroïque officier avait quelques noirs secrets, et ce que Sullo trouve dans le repaire de la défunte vient confirmer ses doutes. Il s’avère que Grayloc a tourné hérétique, et plus précisément, Slaaneshi, après avoir participé à une campagne d’Heliogabalus, où le 83ème Voltigeur de Yervaunt contribué à écraser une insurrection de cultistes du Prince du Chaos. Les gestes barrières n’ayant pas été respectés avec soin, les impériaux tombèrent à leur tour dans le stuc et la formication (une pratique dégoûtante à base de kraft et de résine phénolique), et se livrèrent à des exactions de plus en plus atroces au cours de leurs campagnes, jusqu’à attirer l’attention de l’Inquisition. Elena Grayloc avait toutefois plus d’un fard dans son souk, et c’est elle qui déclencha l’Aube des Soleils Sombres pour échapper à la patrouille, ce qui lui permit de prendre sa retraite avec les honneurs à son retour sur Yervaunt. Là, elle poursuivit son œuvre déviante en organisant des orgies privées (d’où l’état peu reluisant de ses finances) et en disséminant des ouvrages hérétiques dans la société civile par le biais de généreuses donations… dont les archives planétaires, où Sullo travaillait.

Cette lecture malsaine est interrompue par l’arrivée de Kyrano, à qui Sullo prête à nouveau des intentions homicidaires envers sa personne. Course poursuite haletante entre un Serviteur lent et méthodique et une grand-mère de 130 ans. Cette dernière parvient à mettre la main sur un sabre énergétique pour se défendre… mais tue par inadvertance Garret Grayloc, qui venait s’enquérir de la source de tout ce bruit. Gag. Re-course poursuite haletante entre Kyrano, qui a saisi un fusil laser au passage (impressionnant pour un Serviteur) et Sullo, se terminant au pied d’une statue androgyne placée au cœur du labyrinthe de buis du manoir…

Début spoiler 2…Statue creuse, et qui se fend en deux pour laisser choir au sol Elena Grayloc en personne. Est alors révélé le plan de la démoniaque Colonel, toujours très esquintée par sa chute quasi mortelle d’il y a quelques semaines : posséder le corps de Sullo pour reprendre forme humaine. Elle faillit parvenir à ses fins en speed draguant la pauvre mémé et lui roulant un patin langoureux (en mode Genestealer), mais voilà qu’arrive Kyrano, qui 1) n’est finalement pas un Serviteur mais bien un être humain en pleine possession de ses facultés, 2) n’a rien contre Sullo et cherchait à la protéger contre Grayloc plutôt qu’à l’assassiner, et 3) met fin au malaise en abattant l’abomination gluante et perverse qui faisait du gringue à notre héroïne. Après avoir fait violence à la violeuse en puissance, et s’être désentuber à la mano comme le rugueux vétéran de la Garde Impériale qu’il était en vérité, dans le cas de Kyrano, nos protagonistes peuvent enfin s’expliquer posément. On apprend surtout que c’est le cyborg sous emprise qui est responsable de la première mort de sa patronne et tortionnaire, qu’il a plasmatisé et dropkické du haut de la falaise à la faveur d’une légère inattention de la Colonel retraitée. La vieillesse est un naufrage, que voulez-vous. Comme on l’a vu, cela n’a pas suffi pour régler son compte à cette dure à cuire de Grayloc, placée par une bonne âme, probablement son fiston, dans la statue régénératrice du jardin le temps de se refaire une santé, ou de trouver un hôte convenable pour se réincarner. Vous connaissez la suite.

Notre histoire se termine avec un double incendie, tous deux perpétrés par Sullo et Kyrano. Le premier réduit en cendres le manoir Grayloc et ses artefacts hérétiques, et le second fait de même des archives de Yervaunt, souillées à l’insu de ses conservateurs par les traîtres donations d’Elena Grayloc. Les deux pyromanes profitent de leur second forfait pour s’immoler à leur tour par les flammes, jugeant leur tâche accomplie et peu soucieux de découvrir si leur fréquentation poussée et/ou intime de la fourbe Colonel les a contaminés à leur tour. En travailleuse méthodique, Sullo laisse toutefois derrière elle un compte rendu circonstancié de sa dernière mission en free lance, qui sera découvert dans les décombres des archives à côté de son cadavre, et confié à l’Inquisition pour de plus amples investigations…Fin spoiler

AVIS :

Graham McNeill, qui avait à mes yeux raté son entrée dans Warhammer Horror avec le très quelconque ‘No Good Deed’, corrige ici le tir avec un moyen format bien plus inspiré, atmosphérique et réussi. ‘The Colonel’s Monograph’ se laisse en effet très bien lire, et donne à l’amateur de littérature horrifique de nombreux péripéties et détails à même de le satisfaire. Bonus appréciable, McNeill se montre assez généreux en termes d’apports fluff, d’abord et logiquement en matière d’ouvrages impériaux de référence, dont il fournit une palanquée de titres1, mais également en puisant dans le background Slaaneshi qu’il a contribué à établir au cours de l’écriture de l’Hérésie d’Horus. On retrouve ainsi des mentions de Laeran et des Maraviglias (Orgies, orgies, nous voulons des orgiiiiiiiiies !), que McNeill avait intégré dans l’intrigue de son ‘Fulgrim’. Ces petits clins d’œil destinés aux fans de ses précédents bouquins sont un plus appréciable à ‘The Colonel’s Monograph’, et je suis à peu près sûr d’être passé à côté de références un peu plus subtiles. Avis aux amateurs, donc.

Je dois tout de même mettre un léger bémol à cette revue majoritairement positive en soulignant que le personnage de Kyrano, sur lequel repose une grande partie du suspens et du dénouement de l’intrigue, n’est pas au dessus de tout reproche. Le dévoué serviteur a ainsi la fâcheuse tendance à agir de manière intrigante dès lors que l’on retire le sacro-saint « ça fait avancer l’histoire » de la liste des motifs recevables. Ainsi, si je peux admettre qu’il ait été sous la coupe d’Elena Grayloc durant le vivant de cette dernière2, pourquoi ne s’est-il pas émancipé de son influence (avec tout ce que cela induit comme trachéotomie sauvage) après sa chute presque mortelle de la falaise ? À supposer qu’il était encore, pour une raison indéterminée, sous son contrôle malgré tout, comment a-t-il pu venir au secours de Sullo lorsque l’oreiller s’est mis à la mordre (ce qui n’est qu’un juste retour des choses, compte tenu de ses rêves des nuits précédentes) à l’instigation de Grayloc ? Et comment expliquer qu’il soit soudainement devenu maître de ses moyens au moment où Sullo a découvert le bureau secret de la Colonel (et pourquoi n’a-t-il pas pris le temps d’expliquer qu’il était un allié à l’archiviste, au lieu de laisser cette dernière le transformer en torche semi-humaine ?) ? Je pense qu’avec un peu plus de réflexion, ces scories narratives auraient pu être purgées de la novella, et regrette que ni McNeill, ni son éditeur, ne se soient sérieusement penchés sur la question. Mais ‘The Colonel’s Monograph’ reste malgré ça une soumission solide pour Warhammer Horror, que je conseille sans hésiter à tous ceux qui voudraient découvrir cette gamme via un moyen format plutôt qu’une nouvelle ou un roman.

1 : Ce qui nous permet de constater que notre homme est toujours engagé dans une bromance avec Dan Abnett (bouquins de Ravenor et de Valentin Drusher), mais n’hésite pas à s’autociter (‘Imperial Infantryman’s Uplifting Primer’). Je suis d’habitude très critique de ce genre de pratique, mais il faut reconnaître que c’est approprié ici.
2 : Sauf quand il fallait trouver une explication à sa première mort, qui est présentée comme un « oopsie j’ai oublié de couper le gaz » psychique, pas très satisfaisant.

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Five Candles – L. Gray [AoS] :

Five CandlesINTRIGUE :

Vivant en ermite parmi les collines reculées d’Aqshy, la vieille Havisa a commis l’erreur de piquer un roupillon sans avoir éteint sa chandelle de chevet. Réveillée par le début d’incendie, elle ne peut que clopiner jusqu’à la mare la plus proche pour tenter d’éteindre les flammes, même si ses problèmes d’articulation diminuent drastiquement ses chances de succès. Dans son malheur, elle a toutefois la chance de rencontrer un étranger venu s’abreuver au point d’eau, prêt à lui venir en aide de façon désintéressée (ce qui n’est pas du tout la coutume en Aqshy apparemment). Las, malgré la jeunesse et la vigueur de son nouvel ami (Eudon), qui est trop poli pour lui arracher le seau des mains et doit donc jouer les pompiers de service avec un abreuvoir (balèze le type), Havisa ne parvient pas à sauver sa masure, et doit se contenter de sauver quelques économies ainsi que sa fidèle lance de guerre. Si seulement elle n’avait pas tenté de marchander le prix de cette alarme incendie lors du dernier passage du camelot itinérant…

La contemplation des ruines fumantes laisse au moins un peu de temps pour que de vraies présentations se fassent. On apprend ainsi qu’Eudon est une sorte de héraut campagnard, voyageant de Royaume en Royaume et de village en village pour alerter la populace des dangers du récent nécroséisme, beaucoup plus virulent que les précédents. Comme Havisa n’a d’autres choix que de se rendre jusqu’au hameau le plus proche, malgré les relations glaciales (un comble en Aqshy) qu’elle entretient avec la bande de jeunes – moyenne d’âge : 14 ans – qui y vit, elle accepte que le bon samaritain l’escorte. En route, il lui raconte la légende du chien noir de Mhurghast, une bête maudite dont le régime alimentaire consiste en voyageurs se trouvant à des carrefours à minuit, ce qui est tout de même très spécifique. Le pauvre toutou doit crever la dalle, c’est moi qui vous le dit. Bien entendu, Havisa refuse de gober ces sornettes, et bien entendu, Eudon lui assure le plus sérieusement du monde que le chien noir est tout ce qu’il y a de plus réel. Et ça tombe plutôt bien d’ailleurs, car la nuit commence à tomber. L’ombre furtive que Havisa croit voir rôder à la limite de son champ de vision serait-ce un simple campagnol obèse, ou une présence plus néfaste ?

Arrivés au village, les deux voyageurs obtiennent une audience de la part du conseil, qui accueille avec sarcasme la mise en garde d’Eudon et son conseil de migrer vers des zones plus clémentes. L’étranger a beau pincer la corde de la fierté des Aqshiens, ces derniers n’en démordent pas : ils resteront dans leurs collines. Eudon n’a plus qu’à reprendre la route, et demande à ce qu’on lui accorde un guide pour le mener jusqu’au prochain hameau. Comme c’est là que sa seule famille réside, et que personne ne lui adresse la parole sans lâcher des gros « OK Boomer », Havisa se porte volontaire. Son bon sens paysan lui fait toutefois acheter quelques vivres et cinq bougies pour la route, qui se fera, comme c’est étrange, de nuit…

Début spoiler…À ce stade, l’histoire passe en mode narratif automatique. Après quelques échanges sans intérêt, les voyageurs arrivent à un carrefour à minuit moins une, et, ô surprise, le chien noir de Mhurghast se manifeste. La petite surprise consiste en sa « fusion » avec Eudon, qui se transforme en une sorte de loup garou de la mort et attaque Havisa avec appétit. Initialement surclassée par le malotru, notre héroïne trouve la motivation et un second souffle malgré la perte de trois litres de sang, et finit par planter sa lance dans le gosier du hooligan. Ce qui le tue mortellement. Au matin, la mamie déter’ se découvre être toujours assez vivace pour reprendre la route, et l’histoire se termine ainsi.Fin spoiler

AVIS :

Lora Gray m’avait habitué à des histoires plus prenantes et abouties que ce ‘Five Candles’, qui ne se révèle guère surprenant (un défaut majeur pour une nouvelle d’horreur). Avec deux personnages principaux et une menace mystérieuse, le suspense aurait eu du mal à être insoutenable, mais l’ambiance aurait pu être plus travaillée, à l’image de ce que Gray avait réussi à faire dans ‘These Hands, These Wings’ par exemple. Une petite déception valant mieux qu’un gros ratage, je ne déconseillerai pas la lecture de ‘Five Candles’ dans l’absolu, mais recommanderai plutôt de se pencher sur les autres œuvres de Lora Gray avant de considérer celle-ci, à réserver aux inconditionnels de cet auteur.

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Tesserae – R. Strachan [AoS] :

INTRIGUE :

Par une nuit sombre et obscure, un mystérieux personnage entre dans une taverne minable de la ville d’Olhum, en Shyish, et commande deux pintes au comptoir. Une pour lui, et une pour un vieux Duardin maussade qui tise devant la cheminée. Par le houblon alléché, le nabot tend la main (parfaitement manucurée) vers le bock si généreusement offert par son nouveau meilleur ami, mais ce dernier pose une condition à cette tournée générale : le Duardin devra lui raconter son histoire. Et, bien que cela semble lui en coûter, ce dernier finit par accepter parce qu’au fond, il fait soif.

Nous apprenons donc que notre alcoolique jusque là anonyme se nomme Khelen Khar’nelian (sans doute un ressortissant arménien), et exerçait précédemment la profession de maître verrier, vitrier, mosaïste, scrapbooker, j’en passe et des meilleurs arts décoratifs. Considéré à juste titre que l’artisan le plus doué d’Olhum, Khelen n’avait cependant pas la tête faite pour la conduite des affaires, et sa petite entreprise familiale, gérée avec son fils Khadrick, s’était retrouvée menacée de faillite à cause de l’accumulation des dettes. Malgré ses tentatives désespérées d’améliorer son BFR et son EBITDA en acceptant tous les travaux, même les plus ingrats, pour faire rentre du cash, Khelen n’arrivait pas à se sortir de ce mauvais pas, et accepta donc sans trop faire d’histoire la mission de restauration que lui confia un nouveau client, le Prince Cosimo, dans son manoir d’Ohlum. Malgré la mauvaise impression dégagée par l’aristocrate et le manque de précisions fournies sur la nature des travaux, notre Duardin prit donc ses outils et se rendit dans la rue de Mhurghast (wink sépulcral) dès le lendemain, appâté par la forte récompense promise par son nouvel employeur.

Sur place, dans une bicoque grandiose mais fortement décatie, Khelen se fit conduire par Cosimo dans une pièce où se trouvait une grande mosaïque endommagée, représentant un jeune berger marchant dans la campagne avec un agneau dans les bras. La tâche de l’artisan serait de restaurer cette pastorale en utilisant les tesselles fournies par le propriétaire, en l’espace d’un jour et d’une nuit, et sans faire attention aux bruits étranges du manoir, qui accusait son âge d’après son propriétaire. Dernière spécification, Khelen ne devait travailler sur le visage du berger qu’à la toute fin de son ouvrage, et en utilisant uniquement les cubes spéciaux fournis par Cosimo, se trouvant être d’authentiques pierres de royaume d’Ulgu, et donc d’une valeur incommensurable. Ces conditions énoncées et acceptés par son ouvrier plus que qualifié, Cosimo prit son congé et laissa Khelen se mettre à l’ouvrage, ce que ce dernier fit avec entrain, malgré les nombreuses manifestations horrifiques (banshee en arrière plan, voix sépulcrales en fond sonore, main ensanglantée lui passant des tesselles à l’improviste…) venant perturber son travail.

Malheureusement pour notre héros, il ne put résister à un petit larcin avant d’achever son œuvre, et substitua une des pierres de royaume par un éclat banal au moment de la pose des derniers tessons. Grave erreur, et lourde de conséquence, car quand vint le moment de contempler la mosaïque complétée, Khelen se rendit compte que ce n’était pas du tout un pâtre faisant du lambnapping qui était représenté au final, mais lui-même en train de porter le cadavre de son fils dans les rues d’Ohlum. Vous parlez d’une myopie alors. Suspectant que ce changement radical avait quelque chose à voir avec son vol de caillou magique, et peu soucieux de faire un état des lieux avec Cosimo, qui s’était absenté pendant les travaux, Khelen s’enfuit du manoir et retourna à son atelier, où il trouva évidemment Kadrick raide mort sur son livre de comptes. Les parents volent, les enfants trinquent, c’est bien connu. Ce fut le début de la fin pour l’artisan maudit, qui sombra dans le désespoir et la boisson, jusqu’à ce soir fatidique où le généreux étranger du début l’aborda pour payer son coup. Généreux étranger qui se révèle être, je vous le donne en mille, le Prince Cosimo, pas rancunier pour deux sous, mais souhaitant tout de même recouvrer sa pierre de royaume (que Khelen avait gardé comme souvenir, car elle lui parle avec la voix de son fils), que le Duardin accepte de restituer sans faire d’histoire. Et c’est ainsi que se termine la nôtre, avec l’éternelle morale de « nain mal acquis ne profite jamais ».

AVIS :

J’ai critiqué plus qu’à mon tour les travaux horrifiques de Richard Strachan (‘The Widow Tide’, ‘The Growing Seasons’, ‘Voices in the Glass’), qui tombaient selon moi toujours à plat pour une raison ou une autre. Le genre de la nouvelle d’horreur est en effet doublement difficile à maîtriser, puisque soumis à une double injonction de retournement de situation final afin de respecter à la fois le fond et la forme de l’exercice. Je dois donc reconnaître que ce ‘Tesserae1’ constitue une nette amélioration par rapport à ces précédentes histoires, et dont la lecture est donc bien plus intéressante.

Sur la trame classique du pacte méphistophélique entre un puissant sinistre et un héros désespéré, décliné ici sur le thème de l’art (qui est particulièrement exploré en ce moment par les auteurs de Warhammer Horror, puisque ‘Pentimento’ de Nick Kyme s’inscrit également dans cette veine), Strachan livre une histoire sans grande originalité, mais solide dans son intrigue, déroulement et atmosphère, et exploitant habilement les codes développés par la BL depuis le lancement de cette gamme (et notamment le clin d’œil obligatoire à Mhurghast). Si on peut à la rigueur reprocher à ‘Tesserae’ de laisser en suspens des aspects importants de son histoire (qui est Cosimo, pourquoi veut-il restaurer la mosaïque, qui sont les esprits et manifestations qui hantent la maison…), la manière dont cette dernière est racontée font apparaître ces omissions comme un choix artistique, et le plaisir de lecture n’en est donc pas (sérieusement) atteint. C’est donc une réussite pour Richard Strachan, qui je l’espère poursuivra sur cette lancée macabre.

1 : Que l’on peut traduire en français par ‘Tesselles’ ou ‘Abacules’ si on veut vraiment être snob, soit les petits cubes d’émail utilisés pour réaliser des mosaïques.

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Ghost Planet – S. Sheil [40K] :

INTRIGUE :

Seuls survivants de l’équipage de l’Endless Wrath, vaisseau spatial malchanceux pris dans une tempête Warp scélérate, cinq individus aux histoires, tempéraments et parts d’ombre bien distincts cohabitent tant bien que mal dans des conditions spartiates et avec le mince espoir que quelqu’un entendra leur appel à l’aide avant que les systèmes de survie ne s’arrêtent ou que les vivres ne viennent à manquer. Comme on peut s’y attendre, les journées sont longues et les rescapés les occupent en échangeant des récits, qui ont la fâcheuse tendance à tourner au macabre et au funeste. Entre l’infestation terminale par les puces videuses du mécano Joddrig et le cri qui tue de la garde Oost, c’est finalement le récit de l’agent de télécommunication Kaden, en charge de l’émission permanent du S.O.S. de l’Endless Wrath, qui remporte la palme du cringe. Il faut dire que partager la légende de Valgaast, une invisible planète fantôme faite des âmes damnées de ceux qui sont morts à proximité, et qui cherche constamment à croître en poussant ceux qui croisent dans ses parages au suicide, ce n’est pas super bon pour le moral dans une situation telle que celle-là…

Le fragile statu quo qui règne à bord va toutefois définitivement être rompu par l’arrivée impromptue et inespérée d’une sixième survivante, Voll, repêchée à l’extérieur du vaisseau après qu’elle ait tenté le tout pour le tout et abandonné la section de l’Endless Wrath où elle avait trouvé refuge après l’accident pour essayer de gagner une partie du navire (grâce à une combinaison spatiale je précise, tout le monde n’est pas Guilliman). Déjà qu’une bonne partie de ses nouveaux camarades étaient contre l’idée de la faire rentrer dans le loft, car plus on est de fous, moins il y a de riz comme dit le proverbe, l’amplificateur d’émission qu’elle a apporté dans ses bagages achève de semer la zizanie dans notre casting. Car si l’utilisation de cet artefact permettrait de centupler la portée du message de détresse, elle ponctionnerait également drastiquement les réserves énergétiques de l’épave, condamnant l’équipage à mourir de froid en quelques jours au lieu de quelques semaines si leur S.O.S. ne devait pas être capté à temps. Confrontés à ce choix, les esprits s’échauffent…

Début spoiler 1…Avec des effets rapidement morbides, comme pour Joddrig, encore traumatisé par la fin horrible de son camarade de cordée spatiale Grejov (double exposition à l’espace frisquet et aux mutations chaotiques) lors de la tempête Warp, et qui se tranche la gorge avec un tesson de bouteille d’amasec après avoir vu le corps de ce dernier passer devant le hublot de sa cabine. Un peu plus tard, c’est le magasinier et ex-taulard (il a suriné à mort un type qui s’était moqué de lui) Padrine qui se retrouve malencontreusement enfermé dans un placard après avoir marché sur ses lacets, fait une crise aigue de claustrophobie et se fracasse le crâne sur les parois de sa prison métallique pour – littéralement – se changer les idées. Réduits à quatre, dont trois femmes, les survivants passent rapidement à deux après que les jusque là bonnes camarades et compagnonnes de chambrée Oost et Mandelhahn se soient entretuées au couteau pour cause de vue irréconciliables sur l’utilisation à faire (ou non) de l’amplificateur de Voll. Ne restent alors plus que cette dernière, un peu gênée d’avoir involontairement provoqué ce carnage, et le brave Kaden…

Début spoiler 2…Qui n’était pas si irréprochable que ça finalement, puisqu’il révèle à sa dernière confidente que l’amplificateur n’aurait servi à rien de toute manière, car le système de communications de l’Endless Wrath était hors service depuis la tempête. Afin d’entretenir l’espoir de ses camarades, Kaden prétendait donc qu’un message était émis aux alentours, alors que ce n’était pas le cas. Rongé par la culpabilité, le DJ imaginaire décide de rejoindre ses compagnons d’infortune dans l’au-delà et le vide glacé, et demande à Voll d’ouvrir le sas dans lequel il a pris place pour expier ses fautes.

Début spoiler 3…Au moment où la mort est sur le point de l’engloutir, alors qu’il barbote gentiment dans l’espace, Kaden aperçoit Valgaast, la planète fantôme autour de laquelle l’Endless Wrath orbitait sans le savoir depuis l’accident. La légende disait donc vrai, et dans le vaisseau désemparé, il n’y a désormais plus aucune âme qui vive…Fin spoiler

AVIS :

Steven Sheil signe dans le plus grand des calmes (dans l’espace, personne n’entend rien de toute façon) une masterclass de court format horrifique avec ‘Ghost Planet’, huis clos ingénieux et paranoïaque dans lequel la situation se dégrade progressivement sans que le lecteur ne sache vraiment vers quoi on se dirige. Ce qui est un compliment pour une œuvre de suspens, je précise. Faisant un usage expert et consommé de l’horreur psychologique, avec ses personnages éprouvés et livrés à leurs démons sans qu’il n’y ait beaucoup besoin d’encourager leurs tendances mortifères, Sheil multiplie les surprises avec une maîtrise consommée, et se paie même le luxe de révéler l’une des facettes les plus convaincantes qu’il m’ait été de lire jusqu’ici du mythe de Valgaast (l’easter egg mystique que l’on retrouve dans presque toutes les histoires 40K de Warhammer Horror). On tient ici une sacrée référence de la gamme, et j’espère que ‘Ghost Planet’ finira par être traduit en français pour que le plus grand nombre puisse en profiter1.

1 : Je fais ma part en donnant une idée de titre : ‘Planète Fantôme’. De rien.

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Pentimento – N. Kyme [40K] :

PentimentoINTRIGUE :

La cité de Durgov, comme le monde où elle se trouve, a connu des jours meilleurs. Isolé du reste de la galaxie par une tempête Warp, l’agitation et la paranoïa y progressent chaque jour un peu plus, ce qui ne fait pas les affaires de notre héroïne, la dessinatrice d’art Mabeth. Habituée au train de vie luxueux que sa renommée, gagnée auprès des grands de ce monde après la fin de son apprentissage chez son maître Hakasto (malheureusement victime d’un meurtre crapuleux), lui a permis d’atteindre, elle doit désormais accepter des jobs alimentaires pour payer ses factures. Et tout le monde a beau avoir un job en -or1 à Durgov, l’argent ne court pas les rues pour autant.

Engagée par la PJ locale pour réaliser une série de croquis d’une scène de crime, Mabeth comprend rapidement que cette dernière n’a rien d’ordinaire. Primo, le cadavre a été mis en scène comme s’il s’agissait d’un arbre, avec les bras pour figurer les branches. Deuxio, toutes les tentatives pour prendre des photos du macchabée ont échoué, comme si un démon du Chaos s’amusait à photobomber les vaillants efforts de la police scientifique. Tertio, et plus inquiétant encore, la victime prononce distinctement le mot « paradis » à l’oreille de la croqueuse d’homme alors qu’elle s’était rapprochée pour lui tirer le portrait. Ce n’est pas banal, avouez-le, tout comme le puissant effluve de lavande que Mabeth inhale à ce moment précis. Secouée par ce qu’elle pense n’être qu’une hallucination liée à la fatigue et une hygiène de vie que nous qualifierons poliment de bohème, la portraitiste rentre chez elle, escortée par la présence rassurante de son Serviteur Gethik.

Après s’être fait une bonne grosse chicha des familles pour se remettre de ses émotions, elle s’aperçoit à son réveil que son agent lui a dégoté une nouvelle commission : la restauration d’un triptyque de peintures religieuses qu’un certain « V » a remis à Gethik pendant que sa maîtresse était partie chasser le dragon du vide. Intéressée par cette commande, elle se met immédiatement à l’œuvre… et se fait interrompre par son contact chez les Arbites (Levio), qui a nouveau besoin de ses services pour immortaliser un nouveau cadavre artistement mis en scène. Cette fois-ci, c’est un ange dépecé qui a été installé dans un temple impérial, pour un résultat tout aussi hypnotisant que déroutant. D’autant plus que le seul mot que le témoin de la scène a été capable de prononcer pendant son interrogatoire est « paradis »…

Positivement ébranlée par cette confidence de Levio, mais concluant sagement que ce n’était pas de son ressort de mener l’enquête, Mabeth expédie le croquis et retourne chez elle continuer à bosser sur son triptyque. Elle finit par se rendre compte que les scènes religieuses dissimulent une autre peinture, plus ancienne et entièrement recouverte par l’artiste, procédé que l’on nomme, je vous le donne en mille, un pentimento (repentir en français). Ceux qui attendaient que Kyme intègre à son histoire une parka de taille réduite ou un blouson XXS sont priés d’aller s’acheter un dictionnaire et/ou une paire de lunettes de vue, ce qui est toujours pratique pour caler une table bancale. C’est le début d’une obsession irrépressible et suspicieusement perverse pour notre restauratrice, qui passe désormais son temps libre (il y aura encore deux autres meurtres « paradisiaques » à couvrir d’ici à la fin de la nouvelle) à révéler la peinture originale plutôt qu’à colmater les brèches…

Début spoiler 1…Tout finit par fatalement déraper lorsque Mabeth est visitée en rêve par celui qu’elle sait être le tueur à la lavande, et dont la description qu’elle en donne fait furieusement penser à Fulgrim en son jeune temps. Un Fulgrim en pagne dans un jardin charmant et charnel, mais un Fulgrim tout de même. La situation ne s’arrange guère à son réveil, puisqu’elle manque de se faire lyncher par la foule en délire venue exprimer son mal être sur la dernière scène de crime où Levio l’a convoquée, et ne doit son salut qu’au groupé pénétrant initié par le brave Gethik, qui sortira sur protocole commotion cérébrale suite à ce geste désintéressé.

Convaincue de filer un mauvais coton, Mabeth tente bien de se débarrasser des œuvres en les rapportant à l’expéditeur, mais Mister V se révèle être l’entrepôt de Valgaast Exports, et nettement en proie aux flammes, pour ne rien arranger. Sur le chemin du retour, elle échappe de peu à une agression, abandonne le triptyque dans sa course, mais le retrouve évidemment sur son établi à son retour. N’y tenant plus, elle finit de révéler l’original dissimulé (‘Fulgrim au jardin’2), qui, coup de théâtre, a été peint…

Début spoiler 2…de sa main, comme sa représentation dans le coin de l’image permet de l’attester de façon formelle. Tout comme la représentation du cadavre de son maître Hakasto, poignardé par son élève, permet de comprendre que Mabeth ne souhaitait pas partager la lumière avec autrui. Faut-il donc comprendre que notre héroïne avait scellé un pacte impie avec l’habitant du tableau en échange de son génie artistique ? Possible et probable, mais on n’en saura pas plus, car c’est au tour de Leguman de s’amuser, et il faudra pour cela que Mabeth donne véritablement de sa personne…Fin spoiler

Proctor, Arbitrator, Abettor…
2 : ‘Fulgrim and his dirty hoe’ en VO.

AVIS :

Nick Kyme signe une nouvelle assez honnête, même si elle relève plus du registre de la pétoche préfabriquée que de l’horreur ou de l’angoisse. Ce n’est pas qu’il pêche dans les idées, les références (je soupçonne fortement qu’il se soit maté l’intégrale de ‘Hannibal’ pendant l’écriture) ou la mise en scène de son récit, mais plutôt qu’il lui manque le métier (si on veut être gentil) ou le talent (si on veut être brutal) d’écrivain pour instiller une ambiance digne de ce nom à ce ‘Pentimento’. Ce constat posé et cette déception écartée, on peut se consoler en se disant qu’on a enrichi son vocabulaire1, glané un peu de fluff sur ce que fai(sai)t Fulgrim pendant le siège de Terra/de son temps libre, et surtout, évité de lire une kymerie comme notre homme en a malheureusement beaucoup commise. Un moindre mal donc. On notera pour finir que ce ‘Pentimento’ s’inscrit dans la mine de rien assez conséquente lignée de récits de la BL mettant en scène un tableau imprégné par le Chaos, un trope bien exploré dans la GW Fiction (‘The Blessed Ones’, ‘Vespertine’…) et ce bien avant que McNeill ne tire le portrait de Fulgrim dans le roman du même nom.

1 : En plus du titre de la nouvelle, Kyme emploie le terme « pulchritudinous », qui veut dire exactement l’opposé de ce que son orthographe et sa prononciation suggèrent. Un mot à replacer dans vos dissertations d’anglais pour impressionner le prof.

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Bone Cutter – D. Hinks [40K] :

INTRIGUE :

La planète de Jehudiel V est ravagée par une épidémie de type zombique, qui a transformé la moitié de sa population en bone cutters, soit des tas de chair mutée et putréfiée, avec une passion viscérale pour la collection des os de leurs victimes humaines (et l’incendie d’usines). Ayant perdu ses proches et (temporairement) ses nerfs dans la catastrophe, Anava a pris la route de la capitale, Port Strabo, avec son bébé Coryne pour tenter de mettre cette dernière à l’abri des bandes de goules qui zonent dans l’arrière-pays. Sa progression prudente la met sur la route d’une autre survivante, Medunna, poursuivant le même but. D’abord méfiante à l’idée d’un partenariat, Anava change rapidement d’avis après que sa comparse lui ait sauvé la vie au cours de l’exploration du donjon le plus cheap de la planète : une salle exiguë, un monstre flasque, un trésor moisi (une caisse d’os).

C’est également Medunna qui permet au trio de se rapprocher de l’Emperor’s Sword, le dernier vaisseau à partir de la planète avant que cette dernière ne soit laissée à son sort, grâce à sa connaissance des souterrains sur lesquels Port Strabo est construit, et son ancien travail de manutentionnaire dans le spatioport de la cité. Toutefois, c’est la détermination sans faille d’Anava, qui n’hésite pas à abattre de sang froid le Garde Impérial qui lui avait demandé une attestation dérogatoire un laisser passer pour embarquer sur le vaisseau, qui permet aux survivantes de partir dans les étoiles, avec l’espoir d’une vie meilleure pour Coryne…

Début spoiler…Même si c’est davantage une nouvelle vie qui s’imposerait, le bébé ayant été infecté le virus zombifiant, comme Medunna s’en aperçoit avec horreur à l’occasion d’un changement de couches. Anava, qui a sombré dans la folie à un moment incertain au cours des derniers mois, ne voit elle pas du tout le problème, et exécute sa camarade avant qu’elle n’ait pu donner l’alerte au reste de l’équipage. Amour maternel : 1 – 0 : Respect des gestes barrières. Quand on vous disait que les croisières sont des nids de germes…Fin spoiler

AVIS :

Histoire de survivalisme, dans un set up zombifié, assez classique et convenue que ce ‘Bone Cutter’, qui ne se donne pas la peine d’essayer grand-chose de neuf, et dont on voit arriver le twist final au moins trois pages avant la fin. Il est probable que cette nouvelle reste davantage dans ma mémoire pour son énorme faux raccord au sujet de qui d’Anava ou de Medunna est en possession du seul pistolet du duo au moment où la première fait une mauvaise rencontre (à moins que j’ai raté un truc, et pourtant j’ai relu trois fois le passage) que pour son intrigue, son atmosphère ou son utilisation de Valgaast (là aussi assez fainéante). Meh.

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Into Dark Water – J. Ozga [AoS] :

INTRIGUE :

Le Knight Questor Ra’Xephael des Hammers of Sigmar débauche le vieil historien et commémorateur médiocre1 Alessander Cellarius pour l’aider à traduire un journal codé où est donné la localisation de la légendaire citadelle flottante d’Amaranthe, qui a pris la mer avec 8.000 (7.778, pour être précis) âmes à son bord pendant l’Âge du Chaos pour échapper aux attentions putrides des flottes de la Peste. Ra pense y trouver le Szo-en-kur, soit le cœur/la force de la mer (en berrichon), ou simplement un œuf (en tagalog), mais définitivement une relique puissante qui pourra aider Sigmar dans sa reconquête des Royaumes Mortels. N’ayant rien d’autre à faire et puisqu’on le paye en litres de gros rouge, sa monnaie favorite, Cellarius accepte la mission et les deux comparses se trouvent un bateau pour voguer jusqu’à la position supposée de l’Amaranthe, telle qu’indiquée dans le journal décrypté par l’érudit.

À travers de réguliers extraits de ce dernier, que l’on comprend avoir été écrit par le souverain d’Amaranthe il y a de cela fort longtemps, on suit la progressive désillusion, puis désespérance, des passagers de l’arche perdue, au fur et à mesure que les mois, puis les années, puis les siècles passent sans que Sigmar ne vienne au secours de ses fidèles. Tout cela fait le jeu de Papy Nurgle, qui finit par devenir la divinité tutélaire d’Amaranthe, et transformer tout ce petit monde en Zombies de la Peste. La dernière entrée du journal intime du monarque abusé indique toutefois que ce dernier, transformé en sorte de portail démoniaque par la grâce du Chaos, a trouvé un moyen de submerger son domaine, et ainsi de se venger de ses ingrats de sujets, qui ont massacré sa reine (une changepeau de Ghur) et noyé sa fille adoptive en sacrifice à… Ursula2 ?

Dans le présent de notre histoire, le navire finit par arriver à destination, une zone inexplorée et couverte de brume des mers de Shyish. L’Amaranthe est bien là, mais en piteux et putréfié état, ce qui ne colle pas vraiment avec la chronologie établie, car l’Arche est sensée avoir appareillé il y a quelques décennies, et pas plusieurs millénaires, comme cela a l’air d’être pourtant le cas. Très étonnamment, Ra et Alex se font attaquer par les locaux, de vrais fondus (au sens premier du terme) ceux là, et après une héroïque mais futile résistance, le Stormcast finit enterré sous un tas de caillou sur une plage désertée, ce qui est apparemment le mode de sacrifice rituel des Amarathiens. Seulement, la constitution robuste du Stormcast et l’aura d’entropie qui baigne la citadelle empêchent le surhomme de passer l’arme à gauche, et il se fait même adopter par le Grand Immonde bien esquinté qui sert de GO aux plaisanciers depuis leur mutinerie. De son côté, l’historien a réussi à éviter les mobs, mais est trop faiblard pour aider son gros copain à se tirer de cette relation toxique, jusqu’à ce que…

Début spoiler…Il trouve un carreau d’arbalète made in Azyristan sur le cadavre de l’une des victimes du massacre commis par Ra il y a de cela XXX semaines/mois/années (le temps passe bizarrement ici), et l’apporte à ce dernier alors qu’il gisait comme une loque sur la plage (se faire briser les os à longueur de journées n’étant pas conseillé par 9 ergothérapeutes sur 10). Le plan est aussi simple qu’efficace : Ra se suicide avec son spare bolt pendant que le Grand Immonde lui fait faire son rot en lui tapotant le dos après lui avoir donné le saindoux, et profite de l’éclair de courtoisie envoyé par Sigmar pour rapatrier son Stormcast pour griller le démon comme un vieux marshmallow moisi. Dans ce qui reste du gros tas liquéfié, Alessius trouve, ô miracle, un œuf bleu (le fameux Szo-en-kur, qui était en fait la forme primaire d’un dieu mineur de la mer qui s’était fait grailler par le Grand Immonde), qu’il ingère prestemment et qui lui permet de retrouver la santé. Ragaillardi par ce snack divin, l’historien parvient à construire un radeau, qui le ramène on ne sait trop comment sur le continent de Shyish. Un peu plus tard, il est accosté par un Stormcast que l’on devine être Ra, ressuscité mais délesté de nombreux souvenirs au passage, dont celui de sa précédente vie et de sa rencontre avec Alessius. On avait aussi appris que Ra était la réincarnation du roi d’Amaranthe, et qu’il ne gardait de sa première existence que le souvenir d’un grand chat de Ghur (la forme féline de sa reine consort) se décomposant sous ses yeux. Sans surprise, le Stormcast annonce être à la recherche de la légendaire citadelle flottante de blablabla, et l’histoire se termine sur une fin de non recevoir ferme mais polie d’Alessius, qui projette de retourner le crâne de chat géant qu’il a ramené d’Amaranthe en Ghur, pour rendre hommage à qui de droit…Fin spoiler

1 : En même temps, les Anvils of the Heldenhammer sont un peu les Iron Warriors des chambres militantes de Ziggy : mauvaise pioche pour notre ami.
2 : En même temps (bis), cette dernière a sans doute joué un rôle dans la poisse qui s’est abattue sur les Amaranthois, car leur contrat de location précisait bien qu’ils ne pouvaient être qu’un nombre limité sur leur croisière. Et la fifille au patron leur a fait dépasser ce quota.

AVIS :

Fidèle à son approche artistiquement floue (c’est un compliment ici, I swear) d’Age of Sigmar, Jake Ozga livre une novella atmosphérique à souhait avec ce ‘Into Dark Water’. On suit avec plaisir la quête de nos deux héros (mention spéciale à Ra, dont la mentalité tempétueuse est bien mise en avant), aussi opposés que complémentaires, pour la citadelle perdue d’Amaranthe, et on n’a pas de difficulté à s’intéresser au secret du destin, forcément funeste (mais pas spécialement horrifique), de cette arche disparue dans les brumes des mers et du temps. Le style a toujours été le point fort d’Ozga depuis ses débuts pour la Black Library, et cela ne change pas ici, comme les petites introductions faites aux deux premières parties de l’histoire (The Unturning Wheel et The Disenchanted Flesh) l’illustrent parfaitement. On peut par contre trouver que l’intrigue s’embourbe un peu dans le dernier tiers du récit (lorsque Ra devient grand invalide de guerre), et regretter que le dénouement de l’intrigue ne soit pas amené de façon plus carrée par l’auteur1. Tout cela reste compréhensible, mais Jake Ozga reste sur ces points moins habile que d’autres contributeurs de la Black Library, et s’il parvient à progresser là-dessus, on tiendra certainement l’un des meilleurs représentants de la nouvelle vague (haha) de la GW Fiction.

1 : Qui gobe un œuf… gobe un œuf.

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Et voici que se profile à l’horizon la conclusion de ces chemins tourmentés, recueil très intéressant de la part de la Black Library, et très bon point d’entrée dans l’univers particulier de Warhammer Horror. En plus de se révéler assez qualitatif dans son contenu, la variété des formats (nouvelles et novellas) de ‘The Harrowed Paths’ est un autre point fort indéniable de cette anthologie, dont j’espère que la BL s’inspirera pour les prochains ouvrages collectifs thématiques (Necromunda, Warhammer Underworlds, Warhammer Crime…) qu’elle publiera. Bien que restant un amateur invétéré de courts formats, je dois en effet reconnaître que se plonger dans des histoires déroulées sur cinquante pages et plus est également agréable, dès lors que l’auteur sait ce qu’il fait. Ce qui a été le cas ici (à chaque fois). Bref, malgré le relatif anonymat dans lequel est sorti ‘The Harrowed Paths’, quelques jours seulement avant mais sans lien avec la Black Library Celebration 2021, je conseille à tous les amateurs de « GW-Frissons » de ne pas faire l’impasse sur ce court mais satisfaisant opus.

DIRECHASM [AOS]

Bonjour et bienvenue dans cette revue de Direchasm, recueil de 11 nouvelles consacré à l’exploration et l’enrichissement du background de la franchise GW la moins « réceptive » à ce genre d’attention : Warhammer Underworld. Qualifiez-moi de vieux reac si vous le souhaitez, mais j’ai en effet tendance à considérer que les adjectifs « compétitif » et « fluffique » comme étant antonymiques. De ce fait, voir la Black Library sortir une anthologie de courts formats centrés sur le jeu de figurines compétitif ultime (si on en croit la pub qui en est faite), m’a de prime abord semblé très contrintuitif, pour ne pas dire absolument bizarre. La suspicion ayant fini par tourner à la curiosité, renforcée par la présence au sommaire d’un certain nombre d’auteurs peu ou pas familiers d’Age of Sigmar (Danie Ware, Thomas Parrott, Nicholas Wolf, Gary Kloster et Denny Flowers), ainsi que le contenu totalement inédit de cet ouvrage, j’ai donc sauté le pas et pénétré à la suite d’innombrables bandes d’aventuriers dans les ténèbres du sous-sol des Royaumes Mortels. Attention à la marche.

Sommaire Direchasm (AoS)

Je préfère préciser ici que je me suis attelé à cette lecture avec une connaissance très rudimentaire de Warhammer Underworld et de ses extensions, aussi bien en termes de jeu (jamais pratiqué) que de place au sein du background d’Age of Sigmar. Mon seul point de référence récent étant Warcry (qui a également bénéficié d’une couverture narrative), je m’attendais à ce que chaque nouvelle soit centrée sur une bande en particulier, et que l’intrigue tourne en général autour d’un affrontement avec un ou plusieurs rivaux, afin d’illustrer le gameplay de Warhammer Underworld1. Rien de particulièrement novateur, ni de prime abord passionnant, mais ce cahier des charges strict permettrait au moins de juger tous les auteurs convoqués sur un pied d’égalité, afin de faire émerger le ou la champion.ne de Direchasm après cette joute littéraire sans merci. C’est donc en « touriste expérimenté » que j’ai ouvert ce bouquin, prêt à découvrir les us et coutumes d’un monde inconnu, mais également à souligner sans pitié les errements de construction, de style et de fluff, comme pour tout autre publication de la BL. Dans le doute, toujours revenir aux fondamentaux.

1 : J’espérais aussi que les références à des cartes d’action ne soient ni trop nombreuses, ni trop cryptiques, même si je suis le premier à apprécier les références cryptiques quand je lis de la fiction.

Direchasm

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The Mountain’s Call – G. Lyon :

INTRIGUE :

À la lueur des lunes de Ghur, une chasseresse humaine – qui n’a pas de nom et que nous appellerons donc Chantal – arrive dans les ruines d’une ancienne cité sigmarite, détruite depuis longtemps. Elle a à peine le temps de s’émerveiller devant les bas reliefs décorant la tour centrale de la ville abandonnée, et qui racontent le glorieux ragequit de Sigmar à la fin de l’Âge des Mythes, qu’un portail des Royaumes s’ouvre devant elle. N’écoutant que sa prudence, elle se cache derrière une pierre pour éviter de se faire repérer par les quatre (cinq si on compte le hibou) individus qui pénètrent en Ghur par cette ouverthur. Il s’agit des (presque) célèbres Purificateurs de Myari, venus dans le Royaume de la Bête pour tenter de calmer la Beastgrave. Les rêves du mage à catogan qui dirige la petite bande l’ont en effet averti que l’esprit de cette montagne risquait de s’éveiller, avec des conséquences aussi floues que terrible pour Hyish. Ces songes troublés ont apparemment convaincu Teclis de laisser partir son sous-fifre avec quelques copains (le Stoneguard Bahannar, la Sentinelle Senaela et la Je-N-Ai-Pas-D-Entrée-Dans-Le-Battletome-Mais-Je-Ressemble-Fortement-A-Un-Maître-D-Epee Ailenn), pour aller…heu, purifier le massif. On leur souhaite bonne chance.

Chantal, qui a révélé sa présence d’un sonore « c’est diablerie ! » lorsqu’elle a vu que Myari se déplaçait en flottant au dessus du sol1, croit sa dernière heure arrivée. Cette bête bête ne fait en effet pas la différence entre un Idoneth et un Lumineth, qui sont pourtant deux sous espeth différentes, comme le fait remarquer Bahannar2. Les nouveaux venus ne veulent aucun mal à la pauvrette, et acceptent même de lui filer un coup de main pour traquer la bête qui a massacré son village3, et dont elle a suivi la trace jusqu’ici, en échange d’une excursion guidée jusqu’à la Beastgrave. Tope là c’est entendu. En bon leader incompétent, Myari envoie ses guerriers chercher des empreintes de la bestiole dans les ruines, pendant qu’il reste à tailler le bout de gras avec Chantal. Bien évidemment, le monstre (une sorte d’araignée géante avec des aiguilles à tricoter à la place des pattes) profite de l’éloignement relatif – une heure à l’aller, cinq minutes au retour – des Aelves pour passer à l’attaque. Et bien évidemment, Myari se révèle trop coriace pour le nuisible, et tient la baraque assez longtemps pour permettre à ses gardes du corps de revenir terrasser le mob. Ceci fait, il est grand temps de partir pour Beastgrave.

Pendant que les cinq pèlerins cheminent jusqu’au piedmont, nous faisons la connaissance de leur contrepartie maléfique : l’Effroyable Parade (Dread Pageant) du Champion de Slaanesh Vasillac le Doué. Il y a là le Slangor Slakeslash, l’archer Hadzu et la vougière Glissete, qui s’amusent comme des petits fous dans les tunnels de la Beastgrave. Sur place depuis longtemps, ils ont vite réalisé que les énergies magiques de la montagne ramenaient à la vie tous ceux qui mourraient sur place, ce qui est une véritable aubaine pour des sadomasochistes comme nos amis. On apprend aussi (un peu plus loin mais je condense), que Vasillac a un grand plan pour réveiller pour de bon Beastgrave, en lui sacrifiant 216 (6x6x6) victimes d’un coup. Ca fait beaucoup de bandes d’Underworlds à neutraliser, même en prenant en compte la Garde Sépulcrale, mais les pervers ont de la ressource, c’est connu.

Retour sur Myari et Cie, qui finissent par arriver à bon port, entrent dans les galeries et… se perdent. Car notre bande de fiers Lumineth (+ Chantal) n’avait pas de plan précis pour mener à bien sa mission. Ca fait un peu tache, si je peux me permettre. Heureusement, l’endroit est animé et les Aelves ne tardent pas à faire leur première rencontre : la Grymwatch du Duc Crakmarrow. Entre les chauves souris par paquets de douze et les Goules véhémente, nos combattants d’élite se trouvent en mauvaise posture, jusqu’à ce que Vasillac et ses punks débarquent. Crakmarrow finit écrasé sous un rocher, et ses séides mis en déroute, mais l’aide des Slaaneshi a un prix élevé pour les Hyishiens : Chantal finit étripée par Slakeslash, et Bahannar se fait capturer après s’être fait assommer par Hadzu. Je répète : un Stoneguard aguerri en armure lourde s’est fait surprendre et assommer par un archer en tutu. Je ne sais pas s’il revient aussi à la vie ici, mais le respect est bel et bien mort.

Pendant que Bahannar se fait torturer pour expier sa nullité crasse, ce qui ne l’émeut pas plus que ça, Chantal revient « miraculeusement » à la vie quelques heures plus tard, ce qui surprend ses compagnons d’infortune4 mais leur fait comprendre que le terrain est vraiment spécial. Ils partent alors à la recherche du Stoneguard, qui se lance Force Tectonique sur lui-même, beacause why not, se libère de ses liens, fracasse Hadzu qui essayait de le faire réagir à ses tortures en lui jouant les sketches du spectacle d’Arthur, et s’en va en petite foulée vers… loin d’ici (toujours pas de plan, ça fait plaisir). En chemin, il croise un golem de roche, décide de faire demi-tour pour le guider vers le QG de Vasillac, sur lequel il tombe littéralement au détour d’un couloir. Pendant que les Slaaneshi sont occupés à concasser de la caillasse, Bahannar trouve le journal intime de Cadillac, le lit (eh oui), vomit, escalade une paroi, et décide de faire de la slackline sur une chaîne incrustée de squelettes. Si vous avez l’impression de suivre le compte rendu d’une partie de D&D dirigée par un MJ très peu concerné, c’est normal. Ces péripéties confusantes laissent au moins le temps à Miyari et ses copains d’arriver dans la salle en question, et l’Effroyable Parade leur tape dans la main comme au catch pour les laisser gérer le golem pendant qu’eux se cassent. Ou quelque chose comme ça. Le salut, ou en tout cas la diversion, viendra du mage au hibou, qui claquera tous ses points de mana pour invoquer un élémental de pierre, permettant aux Aelves et à Chantal de partir discrètement à leur tour pendant que Jean-Pierre et Jean-Roc s’expliquent.

Tout est prêt pour le grand final de la nouvelle, puisque sa malsaine lecture a permis à Bahannar de percer à jour le plan et la planque des chaoteux. Les Purificateurs tentent donc d’interrompre le rituel de Vasillac, en engagent enfin la bande adverse (Hadzu a ressuscité pour l’occasion). Bilan des courses : Bahannar tue (à nouveau) Hadzu, Ailenn tue Slakelash mais se fait tuer par Glissete. Chantal décoche un magnifique throatshot enflammé à Vasillac, mais se fait brûler au troisième degré par la flèche elfique qu’elle avait emprunté à Senaela (qui ne sert absolument à rien – qui a dit que les Sentinelles Lumineth étaient pétées ? –), puis étriper par Vasillac en représailles, avant que Myari ne décapite sa Némésis d’un revers de son bâton à anneaux. C’est dire s’il a tapé fort. Cette victoire indéniable calme un peu la montagne, mais les Aelves ont compris qu’ils ne peuvent pas quitter les lieux (Chantal semble définitivement morte, elle), et prennent le parti de rester sur place pour empêcher Vasillac (qui ressuscite lui aussi à la toute fin de la nouvelle) de recommencer à faire des sournoiseries. 

1 : Un pouvoir bien cool, qu’il n’utilisera plus du tout par la suite. Allez savoir pourquoi.
2 : Qui ferait mieux de ne pas la ramener car son pouvoir spécial de sentinelle endormie n’envoie pas du rêve.
3 : Les Lumineth croient que cette rencontre n’est pas le fruit du hasard, mais une conjuration de Teclis. Ce qui voudrait dire que le noble et lumineux mage suprême a planifié la destruction d’un village humain pour obtenir un sherpa pour ses acolytes. Pas très Charlyish ça.
4 : Qui en profitent pour lui demander son nom (ils n’avaient pas pensé à le faire avant sa mort…). Elle ne répond pas mais ça en dit long sur le degré de compassion et d’altruisme des Lumineth.

AVIS :

Mes attentes étaient modérées pour une nouvelle de commande mettant aux prises les deux bandes de la boîte Direchasm, mais Graeme Lyon n’a pas rempli sa (faible) part du contrat avec ce ‘The Mountain’s Call’. Il n’y a pas grand-chose d’intéressant, ni sur le fond, ni sur la forme, dans ces péripéties mal rythmées et erratiques, commises par des personnages auxquels on a bien du mal à s’attacher (particulièrement les Aelves, qui ne sortent jamais de leur stéréotype de nobles-mais-distants-êtres-de-lumière). Le dernier tiers du récit m’a paru particulièrement peu maîtrisé, l’intrigue se résolvant d’elle-même grâce à la toute puissante magie des coïncidences (en même temps, ça a l’air d’être la spécialité de Teclis, donc on peut considérer que c’est fluff), perdant petit à petit toute crédibilité et tout intérêt pour un lecteur de plus en plus blasé. Je dois ici reconnaître que je n’étais pas au courant des pouvoirs de régénération apportés par Beastgrave, qui sont certes pratiques pour justifier la présence récurrente de bandes nommées dans le jeu de figurine, mais un « tue l’intrigue » absolu pour la mise en scène d’œuvres de fiction. Quand personne ne peut vraiment mourir, à quoi bon s’intéresser au devenir des personnages, qui seront libres de « retenter leur chance » jusqu’à parvenir à leur fin ? Sans même un peu de fluff à se mettre sous la dent, la récolte est maigre pour cette nouvelle.  

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Last Rite of the Hag Queen – D. Lucas :

INTRIGUE :

La sortie entre filles/femelles (comment qualifier une Melusai ?) organisée par la Hag Queen Morgwaeth la Sanglante jusqu’à Beastgrave est en train de virer en jus de boudin. Et pas au sens propre, notez bien (normal que le sang coule à flot quand les fifilles de Khaine entrent dans la danse), mais au sens figuré. La raison de l’ambiance délétère qui menace de diviser un groupe jusque là uni est assez simple : l’incapacité notoire et démontrée de Mo’ d’emmener son équipe jusqu’au Fragment de Khaine que Morathi les a envoyés chercher dans la montagne de Ghur. Le dernier accrochage en date avec une bande d’Hédonites plus démonstratifs que dangereux a en effet ouvert la voie vers une tombe prometteuse… mais qui s’est révélée être totalement vide. Pour ne rien arranger, une trentaine de Slaaneshi en rut s’est manifestée pour menacer les arrières des Furies, ce qui est une perspective terrifiante (et interdite au moins de 18 ans) quand on y réfléchit deux secondes. Fort heureusement, les pouvoirs conférés à Morgwaeth par son statut de Mémère Mégère Vénère (la seule traduction française acceptable de Hag Queen, si on me demande mon avis) lui permettent de faire s’effondrer le tunnel par où arrivait les importuns, laissant le Clan de la Lame (Blade-Coven) vaquer à ses occupations.

Ce n’est qu’un pis aller pour Morgwaeth, qui sent et voit bien que son autorité naturelle est en train de s’effriter. Si le niveau de bitcherie de ses deux Witches, Lethyr et Kryssa, ainsi que celui de sa Sœur du Massacre Kamyss, sont encore à un niveau raisonnable, on ne peut pas en dire autant de celui de la Melusai Blood Stalker de la coterie, la (naturellement) fourbe Kyrae. Ainsi, lorsque leur chef leur donne l’ordre de se séparer pour explorer les différentes intersections d’un carrefour, Kyrae pousse un grand soupir sifflant en levant les yeux au ciel, en mode « nan mé halo kwa1 » assumé. Isolée de ses subalternes par la force des choses, Morgwaeth a tout le temps de débattre avec elle-même de sa situation peu enviable, des imprudences passées qui ont probablement conduit à son exil (elle a eu l’audace de critiquer publiquement Morathi, et pas qu’une fois), et des solutions qui s’offrent à elle pour regagner son statut écorné par l’échec. Mais cette voix froide et cassante qui résonne et raisonne dans son crâne, est-ce bien sa conscience (professionnelle), comme elle le pense, ou un tour pendable que lui joue Beastgrave ? Qui peut dire de quelles fourberies la Montagne qui Dort est capable…

Mo’ a toutefois de la chance dans son malheur car son boyau finit par l’amener jusqu’à une corniche surplombant une salle où quatre Orruks et trois Ogors s’affairent à déblayer un éboulis. Enfin, les Orruks travaillent pendant que les Ogors regardent, ce qui est dans l’ordre naturel des choses, et si les Peaux Vertes ne sont pas d’accord, c’est même tarif (avec une baffe en plus). Tout cela est rendu plus intéressant pour la Matriarche lorsqu’un coup de pelle enthousiaste libère l’accès de la salle suivante, qui exhale un subtil fumet de tripoux avarié. L’odeur caractéristique de l’aftershard de Khaine, pour sûr, et une nouvelle occasion inespérée pour Morgwaerth de remonter le moral des troupes.

Le retour au bercail, s’il se fait en courant de la part de notre héroïne, est toutefois accueilli froidement par ses plus si fidèles que ça harpies. Profitant de l’absence prolongée de sa suzeraine, Kirae s’est en effet mis à siffler dans les oreilles de ses camarades, et a réussi à convaincre Lethyr de rejoindre sa cause. Ces dissensions ne pouvant plus être ignorées, Morgwaerth accepte d’affronter la Melusai en duel rituel pour mettre une fois pour toutes les choses au clair et prouver à son monde que c’est elle qui porte la culotte le string clouté. Dans la plus grande tradition des affrontements décisifs, la protagoniste commence par avoir le dessous, et se retrouve en fâcheuse posture, à un doigt de se faire poinçonner la brioche par une dague chargée à bloc d’énergie mystique. Qu’à cela ne tienne, la Sanglante utilise un life hack littéral pour siphonner en douce la force vitale emmagasinée par Kirae dans son coupe chou de fonction, et qu’elle réservait plutôt à Morathi en honnête Stalker qu’elle est. L’overdose de sangria qui manque de lui liquéfier le cerveau permet cependant à la Hag Queen de remporter son combat en balançant la couleuvrine sur le mur de la caverne, ce qui met tout le monde d’accord… au moins pour le moment. Il est donc temps pour le Clan des Chipies de reprendre sa quête : je connais des Ogors qui vont se faire méchament crêper le chignon2.

1 : Une antique imprécation khainite, peu facilement traduisible dans notre langue grossière.

2 : Je n’inclus pas les Orruks, qui sont chauves comme chacun sait.

AVIS :

Nouvelle sympathique de Dale Lucas, qui présente de façon romancée et assez prenante le background du Clan de la Lame de Morgwaerth, en n’hésitant pas à prendre un peu de distance et en convoquant Morathi pour un petit cameo (deux bonnes idées) pour ce faire. On peut savoir gré à l’auteur d’être parvenu à instiller un peu de suspense dans son récit, en faisant sourdre la mutinerie des grognardes de Hagg Nar contre leur supérieure hiérarchique, et d’avoir utilisé de façon bien sentie les effets délétères de Beastgrave sur la psyché de ceux qui y pénètrent. La montagne est elle vraiment capable d’influencer l’esprit de ses hôtes, où est-ce seulement la paranoïa naturelle des Aelves qui parle ? Le mystère reste entier et c’est très bien comme ça. En conclusion, une belle entrée en matière pour Morgwaerth et ses filles, qu’on aurait presque envie de suivre plus amont dans leur quête du Khlou du spectacle.

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The Gnawblade – D. Flowers :

INTRIGUE :

Skritch Spiteclaw est un chef de meute Skaven avec un talent très spécial : la détection d’artefacts imprégnés de malepierre. Cette aptitude enviable l’a par exemple mené à acculer un Homme-Bête portant une amulette que notre pusillanime héros lui enviait, et qu’il finit par récupérer sur le cadavre de son adversaire après que ses trois derniers Guerriers des Clans valides soient vaillamment morts au combat pour leur boss. Fort heureusement, nous sommes à Beastgrave, où le turn over est rapidement compensé, comme Skritch le sait bien. Tout ce qu’il a à faire pour s’assurer de sa main mise sur ses hordes rongeuses fraîchement ressuscitées est de leur fournir un buffet d’accueil pour qu’ils évacuent leur fringale passagère, et de demander à son garde du corps attitré, Krrk le Presque-Confident de tailler des croupières aux plus belliqueux des revenants pour asseoir son emprise sur la meute. Une cérémonie d’accueil que notre héros maîtrise sur le bout des griffes.

On découvre bientôt que la babiole luisante récupérée par Skritch n’a pas une simple valeur esthétique, mais est également imbue de la présence d’un authentique Verminlord Warpseer, qui invite le chineur à moustaches à une petite visite onirique/cauchemardesque du champ de ruines qui lui sert de permanence. Le rencard est intéressé, comme toujours avec les Skavens, car le démon souhaite mettre Skritch sur la piste d’un authentique incunable : la Rongelame de Vile-Mort (Gnawblade of Fell-Death), forgée à l’origine pour occire Sigmar en personne, dans la plus grande tradition théocidaire des hommes rats1. Une arme tellement toxique qu’elle a fait un trou dans la réalité pour finir sa course dans une caverne de Beastgrave, et attend depuis qu’un porteur assez ignoble s’en saisisse. Et ce porteur, ce sera Skritch, bien évidemment.

Les jours passent, les tunnels se creusent, et la horde vermineuse finit enfin par toucher au but, guidée par l’instinct infaillible de son commandant et le renforcement progressif des radiations débilitantes de la Rongelame. Comme rien n’est jamais facile dans les Royaumes Mortels, les ratons devront négocier non pas une, mais deux autres bandes rivales (Orruks et Stormcast Eternals), fort heureusement déjà occupées à se claquer le beignet à leur arrivée, pour accéder au butin. Ou plutôt, Skritch laisse ses sbires ralentir l’adversaire le temps qu’il puisse se saisir de la relique… qui lui donne aussi sec un debuff de Force et d’Endurance. Une grosse arnaque ? Pas tout à fait, car le contact avec la magie fulgurante des armes de sigmarite des Stormcast « met en marche » la Rongelame, qui se met à siphonner les batterie arcaniques aux alentours au profit exclusif de son porteur. Résultat des courses, Skritch devient proprement invulnérable, inarrêtable, insécable et injouable pour l’adversaire, ce qui est tout aussi bien car toute sa clique a rencontré une mort violente à l’arrière plan (même KrrK a rendu son tablier). Cependant, dans la grande tradition Skaven, le triomphe final du héros est contrecarré au dernier moment par un détail trivial, ici un Aetherwing kamikaze qui distrait suffisamment longtemps le maniaque pour permettre aux envoyés de Sigmar de mettre au point une nouvelle stratégie. Ramassant les armes pourraves de leurs adversaires défunts pour éviter de recharger la Rongelame, les colosses en sigmarite parviennent à désarmer le champion du Rat Cornu, qui voit avec désespoir son couteau à fromage maudit tomber dans une faille de Royaume, en mode Athame automatique (automathame ? Athamatique ? le mystère demeure). Un tel événement n’est pas sans s’accompagner de répercussions géologiques notables, et l’effondrement de la caverne permet à Skritch de tirer sa révérence… mais pas d’échapper au courroux de son commanditaire. Car à Beastgrave, les morts ne le restent jamais longtemps, et sans buffet froid pour calmer la faim de ses séides revenus d’entre les morts, c’est notre héros qui va devoir donner de sa personne…

1 : Flashback pédagogique sur l’exemple de Nagash dans le Monde Qui Fut à l’appui. Pas sûr que Skritch ait compris la référence, mais sympa pour le lecteur.

AVIS :

Avec seulement deux personnages nommés à se mettre sous l’incisive (une caractéristique de la bande de Skritch), Denny Flowers rend une copie honnête mais pas transcendante avec cette histoire de quête d’artefact de pouvoir typiquement Skaven (l’artefact et la quête). Le petit clin d’œil au Monde Qui Fut est appréciable, comme l’ajout au background que représente la Rongelame ayant donné son nom à la nouvelle, mais l’ensemble s’avère correct plus qu’enthousiasmant. On est encore assez loin de la maestria murine développée par C. L. Werner ou Robert Earl, même si les bases sont là : à retenter un peu plus tard, et avec une soumission un peu plus ambitieuse, pour voir ce que ça donne.

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Claws of Famine – M. A. Drake :

INTRIGUE :

Assiégée pendant un hiver par une harde d’Hommes Bêtes en maraude, la garnison de Gryphon Watch a connu des heures sombres et affamées avant que le noble roi Ghorphang ne vienne mettre en déroute les viles créatures à la tête de son armée. Et pendant que le monarque donne la chasse aux mutants, il revient au Duc Crakmarrow et à ses chasseurs expérimentés de ramener la tête de l’instigateur de l’attaque, un Chamane bestial (despoiler alert : it’s Grashrak) s’étant enfui en direction de Beastgrave lorsque la siège a été levé. Nous suivons particulièrement la traqueuse Valreek, dont le sommeil reste perturbé par des cauchemars récurrents des terribles mois de lutte et de famine qu’elle a vécu avant le retour du roi™. Ces songes agités ne remettent cependant en rien en cause sa détermination à rendre justice aux nombreux compatriotes qu’elle a perdus dans cette épreuve, et elle guide donc ses compagnons (le Duc et son garde du corps Gristlewel, l’Emissaire de la Nuit, le Boucher Royal et Maître Serre et ses oiseaux de proie) sans trembler dans le dédale souterrain où leurs proies se sont réfugiées.

Si la chance commence par sourire à la Grymwatch (le nom trop kioul qu’ils se sont donnés), qui rattrape rapidement les traînards de la bande adverse, occupés à repêcher un cadavre pas trop abîmé d’une des nombreuses flaques d’ambre qui parsèment les cavernes de Beastgrave, les choses se compliquent méchamment par la suite. L’arrivée du Chamane et d’un Gor particulièrement costaud sur les lieux de l’affrontement contraint Valreek à battre prudemment en retraite lorsque l’Homme Bête la prend pour cible, ce qui l’isole du reste de ses compagnons. Bien qu’elle parvienne à se débarrasser de son agresseur en le faisant tomber dans un gouffre d’un jet de coutelas bien placé, la fatigue, la faim et le stress accumulés au cours des derniers jours la plongent bientôt dans un sommeil agité, où elle revit à nouveau la fin du siège de Gryphon Watch, juste avant que les renforts ne viennent renverser le cours de la bataille. Et, surprise, ce ne sont plus des Hommes Bêtes qui massacrent les prisonniers humains dans la grande salle de la citadelle, mais une horde de cannibales dégénérés…

Début spoiler…Sous l’emprise de Beastgrave, Valreek va passer une semaine à errer dans les tunnels de la montagne, cherchant à retrouver ses compagnons mais se sentant également traquée par une bande de Goules, qu’elle essaie déspéremment de distancer. Elle est sur le point de mourir de faim lorsque la Grymwatch la localise enfin, et que le noble Krakmarrow lui fait boire un peu de son sang pour la remettre sur pied. Requinquée par ce bon coup de rouge, Valreek peut prendre place sur la feuille de match du grand final de la nouvelle, qui voit les traqueurs se faire embusquer par les Hommes Bêtes dans une salle recouverte de miroirs d’ambre. Dans la confusion de la bataille, notre héroïne se mange le bâton du Chamane en pleine poire, ce qui lui fait voir 36 chandelles… et lève temporairement le voile de folie qui lui obscurcissait les sens. Elle voit alors ses compagnons pour ce qu’ils sont vraiment, c’est-à-dire un ramassis de Goules pas vraiment recommandables, se rend compte qu’elle ne vaut pas mieux qu’eux, et se souvient du véritable déroulé du siège de Gryphon Watch, qui s’est terminé en orgie sanguinaire lorsque les nécrophages de Ghorphang ont submergé les défenseurs. Tenaillée par la faim, Valreek a accepté l’offrande de viande que le Vampire a présenté aux prisonniers humains, scellant ainsi son sort et la transformant à son tour en monstre.

Cette triple révélation étant aussi dure à avaler qu’un bout de cadavre en putréfaction, Valreek accueille avec soulagement la flèche d’Ungor qui met fin à sa vie alors que la bataille est sur le point d’être remportée par la Grymwatch. Toutefois, comme rien ne meurt vraiment à Beastgrave (air connu), elle a la surprise de se réveiller un peu plus tard, ses camarades à son chevet. Heureusement pour elle, son trouble de la personnalité semble s’être totalement dissipé, et elle est à nouveau convaincue d’être une honorable (et pas du tout à poil) chasseresse, au service du grand et beau et noble (et chauve) Duc Krakmarrow. Ce dernier lui apprend d’ailleurs que son auguste majesté Ghorphang a donné, par pigeon interposé, de nouveaux ordres à ses loyaux serviteurs : s’assurer que le cadavre du monstre que le Chamane voulait réveiller dans les profondeurs de Beastgrave ne vienne pas menacer les paisibles sujets de son royaume. Une nouvelle mission pour la Grymwatch, qui saura se décarcasser pour l’amour de son suzerain…Fin spoiler

AVIS :

On commence à voir émerger un sous-type de nouvelles mettant en vedette les Flesh Eater Courts, et jouant sur les illusions dont se bercent les membres de cette faction, dans lequel on peut parfaitement ranger ce ‘Claws of Famine’ (je pense également à ‘He Feasts Forever’ de Lora Gray). Pour un lecteur un peu au fait de l’historique de cette faction, ou simplement du visuel de la Grymawtch, la révélation apportée par Drake au cours de l’histoire ne sera pas absolue, mais l’auteur parvient cependant à mettre en scène de façon prenante la réalisation, graduelle, délirante et douloureuse, de son héroïne qu’il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark, ce qui rend cette nouvelle assez intéressante à lire (plus que la moyenne des soumissions de ‘Direchasm’ en tout cas). Il s’agit d’une bonne illustration romancée de la lubie persistante qui frappe les cannibales naturistes d’Age of Sigmar (une des meilleures trouvailles de Games Workshop en termes de lore à mon humble avis), venant s’appuyer sur les éléments saillants du fluff de Beastgrave (les effets délétères de la montagne, l’ambre qui suinte de la moindre fissure, l’immortalité de fait des combattants), mais n’hésitant pas à avancer d’autres idées pour enrichir l’intrigue et le développement de cette dernière. Une offrande solide de la part de Miles A. Drake.

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The Chains of Fate – N. Wolf :

INTRIGUE :

Après des centaines d’années, et autant d’échecs patentés et de morts honteuses, à tenter de relier Shadespire aux Tours d’Argent de leurs patrons Gaunt Summoners, les Yeux des Neuf se retrouvent catapultés dans Beastgrave à l’insu de leur plein gré. Pendant que son maître, le Magister Vortemis, fait style qu’il avait prévu ce changement de décor pour maintenir son image de profond devin auprès des acolytes Narvia et Turosh, le Tzangor K’Charik, à travers les yeux duquel cette histoire nous est racontée, se met à rêver d’une liberté retrouvée. En effet, si l’immortalité apportée par Shadespire l’avait condamné à une éternité de servitude auprès de Vortemis, dont la mort seule peut libérer l’Homme Bête de sa condition de garde du corps récalcitrant, Beastgrave devrait permettre à notre héros à bec de reprendre son indépendance, une fois que le boss aura mordu la poussière, pas vrai ? PAS VRAI ? C’est en tout cas l’avenir radieux que K’Charik a entrevu dans les entrailles du Kurnothi capturé et sacrifié par les Yeux des Neuf peu après leur arrivée en Ghur.

Les semaines qui suivent voient les serviteurs de Tzeentch errer piteusement dans les boyaux de la montagne, sans évidemment pouvoir reconnaître publiquement qu’ils sont perdus (ce qui serait une faute lourde pour un arcanite). La situation devient tellement critique que Narvia, puis Turosh, font défection à leur patron, croyant pouvoir rejoindre leur ancien terrain de jeu de Shadespire par leurs propres moyens au lieu de poursuivre l’atelier spéléologie avec pépé Vortemis. Mais cela, le Magister l’avait évidemment prévu, comme il avait prévu l’attaque de la Chasse Sauvage de Skaeth1, qui est déclenchée alors que les deux rescapés se trouvent dos à, devinez-quoi, un gouffre sans fond. C’est décidemment le décor favori de ‘Direchasm’.

Ayant bêtement claqué son premier bolt sur le Malkyn de la bande, dans un remake high fantasy de la rivalité entre Titi et Grominet, Vortemis se retrouve rapidement dans de sales draps, et oblige son obligé à s’exposer dangereusement pour venir à son secours. Ne pouvant désobéir aux injonctions de son maître, ni au collier enrouleur magique qui lui enserre la gorge depuis qu’il est entré au service du Magister, K’Charik se débrouille pour venir à bout de ses adversaires, encaisser une volée de flèches, et se placer entre Vortemis et Skaeth, en bon garde du corps qu’il est. Mais en bon garde du corps qui hait (son patron), K’Charik voit surtout les planètes s’aligner et le temps se ralentir alors que sa vision de la mort de Vortemis est sur le point de se concrétiser. Il attaque alors son maître, dans l’exact enchaînement travaillé à l’entraînement… mais ce fieffé coquin de Magister décide de tourner à gauche plutôt qu’à droite, ce qui lui vaut d’être quasi décapité par le Tzangor plutôt que par le Maître de la Chasse. Cette petite improvisation à part, le résultat convient tout à fait à K’Charik, qui ne bénéficie cependant que de cinq secondes de liberté avant que Skaeth ne lui règle son compte à lui aussi. Au moins, cette mort mettra fin à son intreminable service, pas vrai ? PAS VRAI ?

Eh bien, non. Car, comme le chantent les poètes, RiEn Ne MeUrT vRaImEnT à BeAsTgRaVe, et K’Charik émerge bientôt de son coma profond pour découvrir que Vortemis n’a pas eu l’amabilité de décéder. Les deux loustics ont quelques mots durs en salle de réveil, mais peuvent repartir d’un bon pied/sabot une fois leur sac vidé et leur déception bue (pendant que Narvia et Turosh sont condamnés à respawner dans un bloc d’ambre et à étouffer dans leur prison gluante pour expier leur désertion un peu plus loin). Vortemis est en effet convaincu que Tzeentch l’a guidé jusqu’à cet endroit et à cet instant, et reste persuadé de sa capacité à faire basculer Ghur dans le Labyrinthe de Cristal pour la plus grande gloire du Chaos. Un projet comme un autre pour meubler une nouvelle éternité.

1 : Bien aidée dans sa traque des cultistes par les traces de sang laissées à dessein par K’Charik derrière lui, comme un petit poucet suicidaire et hémophile.

AVIS :

The Chains of Fate’ se distingue des nouvelles Warhammer Underworlds sur deux points essentiels : l’emploi d’une narration à la première personne (choix intéressant de Wolf de prendre un Tzangor comme protagoniste), et la bonne dose de second degré qui imprègne le récit. K’Charik voit en effet son boss comme un parfait incapable, et ses collègues de bureau (Narvia et Turosh) comme deux sycophantes aussi carriéristes qu’immatures, ce qui tranche agréablement avec la révérence aveugle habituellement réservée par les cultistes du Chaos à leurs supérieurs. On appréciera également la bonne exploitation que fait l’auteur de l’ancienneté supérieure des Yeux des Neufs par rapport à d’autres bandes de Warhammer Underworlds pour justifier le complot de K’Charik, qui croyait laisser l’immortalité subie de Shadespire derrière lui à son arrivée à Beastgrave. Tout cela donne un certain charme à ‘The Chains of Fate’, qui, s’il se finit comme la majorité des histoires de ‘Direchasm’ sur une résurrection attendue qui remet les compteurs d’intrigue à zéro, a fait preuve avant cela d’une originalité bienvenue.

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The Rage of the Mountain – D. Ware :

INTRIGUE :

Gitmob exilé, Rippa Narkbad est arrivé à Beastgrave avec ses deux compagnons d’infortune Stabbit (lancier) et Mean-Eye (archer), trois Snarlfangs très malins (ils comprennent vraiment tout ce qu’on leur dit), et des rêves de revanche plein la tête. Son objectif dans la vie est de trouver le plus loppest de tous loppas, ce qui passe dans son cas par de multiples, et souvent infructueuses, tentatives de racket à destination des autres bandes qui zonent dans le périmètre. Ce qui suit est son histoire.

La première partie de la nouvelle est consacrée à la préparation de l’embuscade que Rippa souhaite tendre à un trio de Fyreslayers transportant (peut-être1) un loppa digne de lui. Peu aidé par sa sale tendance à psychoter sur le moindre détail de son environnement dès qu’il y pose les yeux plus de cinq secondes consécutives, et par le caractère Looney tunesque de ses sous fifres, qui font foirer consécutivement deux pièges soigneusement préparés2, le grot en chef finit par se rabattre sur le plan C : une prise en tenaille sur un pont étroit surplombant un gouffre hanté (peut-être le même que celui traversé par Morgok dans ‘The Jabberslythe’s Grin’). Laissant la troupe prendre position, il prend la lourde responsabilité d’aller harceler les nabots.

S’approchant à pas de loup de ses cibles, qui chantent ‘Fyre Jacques’ avec une insistance proprement migraineuse, Rippa a la déception de constater que les avortons se sont déjà faits embusqués par une bande de fantômes aussi importuns qu’inefficaces, puisqu’ils se font bannir (ou en tout cas disparaissent) sans blesser le moindre Duardin. La voie étant libre, notre héros commence à arroser les rouquins de flèches, ce qui attire leur attention et attise leur colère de manière certaine. Il est à noter ici que Rippa est un tireur d’élite au talent rare, capable d’atteindre sa cible même juché sur un Snarlfang lancé au galop. Quel gâchis qu’il ne soit équipé que de flèches en mousse, qui se plantent dans la peau épaisse des Fyreslayers sans grand effet sur leur endurance et leur détermination.

La deuxième et dernière partie de l’histoire traite de l’interminable 3 vs 3 qui se déroule sur le pont d’Avignon, étiré sur des pages et des pages par Danie Ware. Je vous fais grâce des péripéties intermédiaires, à l’exception du double bull’s dwarf’s eye obtenu par un Rippa qui a appris à Legolas à bander (UN ARC, EVIDEMMENT), pour vous donner les résultats des courses : victoire 3 à 1 pour les peaux vertes, la chute malheureuse de Stabbit et du mirifique loppa dans l’abysse dans les derniers moments de l’accrochage venant ternir cette autrement belle performance des gobbos. Ceci dit, comme le fait remarquer Mean-Eye à son boss, nous sommes à Beastgrave et une autre chance de récupérer le grisbi ne tardera pas à se présenter, une fois que les PNJs auront eu l’amabilité de ressusciter. Qui sait, cela laissera peut-être le temps de préparer un piège cette fois-ci…

1 : Notre héros bave dessus pendant des pages, mais il n’apparaît pas une seule fois à l’écran (de la liseuse). Si ça se trouve, les nabots revenaient bêtement de la boulangerie avec des baguettes dans leur cabas.
2 : La première plantade est la responsabilité de Rippa, qui fait creuser une fosse de belle taille (trois mètres de profondeur tout de même) à Stabbit et Mean-Eye dans une cuvette qui se remplit d’ambre – on est en Ghur – à vitesse grand V. Le trou se transforme donc rapidement en bassin… et on passe à autre chose.

AVIS :

Je ne me cache pas d’être un sceptique irrepenti de la prose GWesque de Danie Ware, réservée jusqu’à ce ‘The Rage of the Mountain’ aux ténèbres du quarante-et-unième millénaires. Pour être tout à fait franc, je m’attendais à pire que cela (on ne ressort pas indemne des aventures de la Sœur Supérieure Augusta ‘Hold my Faith’ Santorus… surtout si on est un Boss Ork), et doit donc reconnaître que cette nouvelle est une des meilleures de cette auteure qu’il m’ait été donné de lire. Ce qui reste assez peu de chose, finalement. Le propos est en effet assez quelconque, les personnages peu attachants, le déroulé décousu ou « dilué » jusqu’à l’ennui, et le titre sans grand rapport avec l’intrigue. Ce qui fait soit beaucoup, soit peu, pour un texte de moins de vingt pages, selon la perspective que l’on adopte. Histoire de finir sur une note positive, soulignons tout de même que Danie Ware tente, contrairement à la plupart de ses condisciples, de créer une continuité dans l’univers Warhammer Underworlds en mentionnant le nom d’une bande rivale (les Morgok Krushas), ce qui est une attention louable. Mais cela reste tout de même très insuffisant.

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The Jabberslythe’s Grin – B. Counter :

INTRIGUE :

Morgok est un Boss Ironjawz et un Orruk avec des goûts simples, tels que prouver qu’il est le plus fort (pour le plus beau on repassera), tuer des trucs, et prouver qu’il est le plus fort en tuant des trucs. Cette saine philosophie le conduit assez logiquement jusqu’à Beastgrave, attraction incontournable et haut lieu de l’inculture Ghuresque, où il espère bien mettre le kikoup’ sur un trophée digne de lui. Comme sied à un nabab de sa trempe, il s’est fait accompagner dans sa quête meurtrière par toute sa bande de Boyz, dont le ruzé Thugg et le brutal Ardskull. Et la nouvelle commence bien pour Morgok, puisqu’il arrive à abattre un Jabberslythe particulièrement vicieux, dont la tête fera un très pittoresque presse papier. Il faut maintenant aux survivants se frayer un chemin jusqu’à l’air libre, ce qui est, on s’en doutait un peu, une autre paire de manches.

Car Beastgrave est une montagne possessive, qui accueille tout le monde mais dont peu arrivent à revenir. Galeries mouvantes, précipices à pic, monstres en maraude, illusions plus vraies que nature, mais également bandes rivales : tous les moyens sont bons pour assurer un taux de remplissage optimal, et les Krushas de Morgok sont rapidement mis à rude épreuve. Seul parmi les verts à garder la tête froide, le Boss a fort à faire pour garder ses guerriers dans le rang (façon de parler, bien sûr), et s’il parvient à calmer les visions fiévreuses de Thugg en lui aplatissant le pif d’un fraternel coup de boule, il n’aura d’autres choix que de tuer Ardskull en duel après que ce dernier ait défié son leadership.

Enfin, un doux mais musqué vent de liberté vient souffler sur les crânes chauves des derniers Ironjawz alors qu’ils arrivent à proximité d’une sortie. Cependant, Beastgrave n’a pas dit son dernier mot (ni son premier, si on y réfléchit : les montagnes ça ne parle pas) et a placé une grosse bande de Skavens sur la route des peaux vertes. Dans la bagarre qui s’en suit, Thugg se fait carboniser par une malefoudre peu réglementaire, car jouer un Prophète Gris à Warhammer Underworlds semble un chouilla déséquilibré. La charge chevalorkesque de Morgok pour régler son compte au rat bou gris qui vient de carboniser son second se heurte toutefois à un problème de taille, ou plutôt d’épaule. Démise lors du combat avec Ardskull, cette dernière constitue un point faible que le Skaven exploite brillamment, sa transformation temporaire en Rat Ogre (aucune idée que les Prophètes Gris maîtrisaient ce sort) lui permettant de sonner son adversaire, qui se fait achever par un Assassin sorti des ombres. Cette bande était véritablement cheatée, c’est moi qui vous le dit.

Fort heureusement, rien ne meurt jamais vraiment à Beastgrave, et Morgok, Thugg et Ardskull respawnent naturellement sur leur dernier point de sauvegarde, sans les trophées collectés jusqu’ici cependant. Philosork, le Boss conclut qu’il s’agissait d’un test de brutalité auquel il a échoué, mais qu’il est tout prêt à repasser encore et encore, jusqu’à ce qu’il batte la montagne à son petit jeu. Les Orruks sont bornés, tout le monde sait ça.

AVIS :

Ben Counter trousse en quelques pages une origin story convaincante pour les Morgok Krushas, dont la chasse au gros gibier n’est pas près de s’arrêter. On retrouve bien la philosophie Orruk, un équilibre subtil entre violence débridée, stoïcisme assumé et humour morbide, sous la plume de l’auteur vétéran, avec le Jabberslythe titulaire et grimaçant dans le rôle de la marque de la faaaataaaaaliiiitéééé, à laquelle nul ne peut se dérober. Sans être la nouvelle la plus inspirée ni plus dépaysante de Counter, cette soumission tient bien son rang parmi le corpus de Warhammer Underworlds, et est un bon exemple d’un travail de commande de bon standing.

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Heart of the Beast – G. Kloster :

INTRIGUE :

Le Chasseur Ogor Hrothgorn s’est aventuré dans le dédale de Beastgrave avec armes et bagages larbins (les Gnoblars Luggit & Thwak, Bushwakka et Quiv), sans oublier sa fidèle Frost Sabre Thrafnir, afin de ramener la pelisse d’une bête fantastique qu’il a surprise au sortir de son bain, et qui s’est enfuie dans les boyaux de la montagne pour échapper au traqueur. C’est le début des ennuis pour l’amateur de gros gibier, qui ne tarde pas à découvrir que Beastgrave n’est pas un terrain de chasse comme les autres, et qu’il est lui-même devenu la proie du massif bestial, ce qui ne lui fait pas du tout plaisir. En plus d’errer depuis des jours/semaines dans les traîtres tunnels de Ghur, Hroth crève la dalle de façon inquiétante (surtout pour ses Gnoblars d’ailleurs), car les seuls adversaires qui croisent sa route sont des squelettes animés qui jaillissent des mares d’ambre parsemant les cavernes et les galeries de Beastgrave, et donc assez peu nutritifs. Voilà qui est fort mesquin.

Fort heureusement, une rencontre fortuite avec les Pillards de Garrek, qui avaient certainement décidé de passer le week-end à la campagne, loin de l’agitation frénétique de Shadespire, donne l’occasion à notre Ogor de se requinquer un chouilla. La crevasse qui sépare les deux bandes joue en effet en faveur de celle qui possède la meilleure puissance de feu, et les carreaux à tête chercheuse et piégeuse de Hrothgorn ont tôt fait de ramener un Khorneux écumant du bon côté de l’abysse. Après avoir cassé la khroute, les belluaires se remettent en chasse, et finissent enfin par rattraper leur proie. S’en suit un combat en trois actes, assez répétitif je dois dire. À chaque fois, le monstre se jette sur la petite bande depuis un trou dans le plafond, Hrothgorn essaie de lui décocher un carreau mais rate (sauf une fois), la bête essaie de lui rouler une galoche avec la langue mais se la fait couper (elle repousse en x+1 exemplaires dix minutes après), et s’enfuit pour aller lécher – façon de parler – ses plaies pendant un quart d’heure.

Ce cycle vicieux finit par s’interrompre lorsque la bête parvient à entraîner Hrothgorn et Cie jusqu’au campement des survivants de Garrek, qui se font ignominieusement défoncer par la team Destruction, sans même réussir à coucher un Gnoblar. C’est Khorne qui doit être fier de ses petits gars1. Cette brève algarade est cependant assez longue pour permettre à la galinette cendrée de Ghur de semer ses poursuivants, ce qui enrage le Chasseur mais lui fait réaliser que son destin est désormais de chasser éternellement sa proie dans les ténèbres de Beastgrave, ou de devenir celle de la montagne. Tant qu’il trouve à grignoter de temps à autres, notre Ogor philosophe ne demande pas mieux.

1 : Mention spéciale à Thrafnir, qui fait un croche patte à Garrek alors qu’il tentait de charger Hrothgorn. Le chef maraudeur finit écrasé comme un cafard sous la semelle de l’Ogor.

AVIS :

Gary Kloster fait le strict minimum avec ce ‘Heart of the Beast’, qui met en scène les Piégeurs d’Hommes de Hrothgorn dans une traque sans surprise ni grand intérêt. Si l’action ne faiblit pas d’un bout à l’autre de la nouvelle, le peu de suspense ménagé par l’auteur dans le déroulé de l’intrigue rend rapidement la lecture rébarbative, tant il apparaît certain que Hrothgorn, en tant que leader incontournable et irremplaçable1 de la bande, est protégé par une armure en scenarium massif (qui s’étend d’ailleurs à ses larbins). Ce sont Garrek et ses pillards qui font les frais de l’invincibilité littéraire et littérale de leurs adversaires, et se transforment en bêtes faire valoir, ce qui est dommage en soi et particulièrement insultant pour des guerriers de Khorne confrontés à des Gnoblars. L’affrontement avec la bête traquée par le Chasseur est pareillement insatisfaisant : non pas parce que la nouvelle s’achève sans que l’Ogor ait pu lui tailler des croupières (ce qui était attendu), mais bien parce que rien de bien intéressant ne s’est passé entre les deux protagonistes, comme leurs trois rounds en mode Ctrl+C/Ctrl+V dans l’octogone le démontrent par l’absurde. Bref, une soumission absolument dispensable, à ranger avec ‘Mountain Eater’ (Andy Smillie) dans les déceptions ogresques de la BL.

1 : Et plutôt culturé, comme ses lignes de dialogue le laissent apercevoir. Ça ne « sonne » pas très Ogor, si je puis me permettre.

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Halls of Gold – T. Parrott :

INTRIGUE :

Bjorgen Thundrik et ses profiteurs (de guerre) n’ont pas tardé à se rendre compte qu’aller piller Shadespire n’était pas une idée brillante. Echoués dans la cité miroir comme une baleine immortelle sur un banc de sable fragmentaire, les Kharadron ont fait l’horrible expérience de la malédiction katophrane, et sont tous morts et ressuscités plusieurs fois (huit, enfin peut-être, pour Thundrik) depuis leur entrée dans les faubourgs de la ville nagashisée. Alors que la folie qui les guette s’apprête à leur sauter dessus une bonne fois pour toute, et surtout sur Thundrik qui éprouve de grandes difficultés à garder son calme devant les pop up constants des anciens habitants de Shadespire dans le moindre tesson de verre, et leurs demandes incessantes d’éclats de shadeglass. Il n’y a pas écrit La Poste Carglass, non plus, ho.

Aussi, quand un portail vers un ailleurs certes inconnu et potentiellement dangereux, mais qui présente l’immense avantage d’être potentiellement loin d’ici, se met sur leur chemin, nos cinq Duardin (Thundrik, Drakkskewer, Ironhail, Alensen et Lund) n’hésitent pas longtemps avant de tenter leur chance. Il ne surprendra personne que la destination des nabots se trouve être Beastgrave, dont l’ambiance tamisée et nerveuse les change agréablement de la mornitude consommée de Shadespire. Ne sachant pas où ils ont atterri, les profiteurs partent explorer les souterrains, et, ô miracle, trouvent un tunnel qui les conduit à l’extérieur de la montagne. UNBELIEVABLE. Ce qui aurait pu être une série parfaite pour les Kharadron est toutefois interrompue par la mauvaise idée de Thundrik de revenir en arrière pour tenter de dégotter un trésor digne d’être ramené à Barak Narr, un équipage digne de ce nom ne pouvant pas rentrer bredouille au port. Son infaillible sixième sens d’aether chimiste ayant détecté de l’aether or dans l’atmosphère de Beastgrave, et confiant dans la capacité des Duardin de retrouver leur chemin vers la sortie dès que nécessaire, le capitaine convainc son équipage de ne pas l’abandonner, pour l’amour de Gold l’or.

L’intuition de Thundrik commence par payer lorsque la bande découvre dans une caverne un véritable magot laissé à l’abandon. Louche autant que suspect me direz-vous, et vous avez raison. Les Gitz de Zarbag (de vieilles connaissances de Shadespire) zonaient dans le coin et sont tout aussi attirés par le loot repéré par les profiteurs que ces derniers. La négociation à l’amiable que lui impose son adhésion au code des cieux n’ayant rien donné, Thundrik se voit contraint d’employer la manière forte pour défendre ses vues sur le magot, et lorsque la poussière et l’ambre finissent par retomber, il est le seul humanoïde debout. Pire que cela, le trésor que lui avait fait miroiter Beastgrave a disparu à 99% (il reste un petit lingot d’aether or en guise de lot de consolation), tout comme le tunnel menant à la sortie qu’il avait emprunté pour venir. Cela sent l’arnaque à plein nez, mon petit, non ? La nouvelle se termine toutefois avec la réincarnation réglementaire de son équipage, confirmant aux Duardin que comme dans le bouquin de Lampedusa qu’aucun d’eux n’a lu, il fallait bien que quelque chose change pour que tout reste pareil. Ici, le décor. Bienvenue à Beastgrave, moussaillons !

AVIS :

Thomas Parrott traite son sujet avec sérieux et compétence dans ce ‘Halls of Gold’ qui se positionne parmi les meilleures soumissions siglées Warhammer Underworlds que j’ai pu lire à ce jour. Les raisons de cette réussite sont simples et peuvent être résumées par l’expression « contexte & continu ». Parrott prend en effet le temps d’expliquer d’où viennent les profiteurs avant d’arriver à Beastgrave, et comment ils s’y sont pris pour changer d’air, ce que tous les auteurs de la franchise n’ont pas pris le soin de faire, ou pas de façon très détaillée. On a également droit à une mise en scène plus inspirée que la moyenne du « piège » de Beastgrave, c’est-à-dire la réalisation par le héros qu’il est prisonnier de la montagne, sans espoir d’en sortir. Le fait que les profiteurs soient passés à un poil de barbe d’une rédemption miraculeuse, et aient été condamnés par leur avidité naturelle de Duardin, est tellement in character que l’on se doit d’attribuer quelques points de style à Parrott, qui réussit une fusion assez inspirée entre nouvelle d’action med-fan (mention honorable également à l’affrontement entre les deux bandes, qui est nerveux, sanglant, équilibré et plus prenant que beaucoup des échauffourées relatées dans le reste de ‘Direchasm’) et la fable philosophico-fluffique. 15 pages de bonne facture.

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The Root of Death – C. L. Werner :

INTRIGUE :

Les Wurmspat sont dans la place et prêts à encrasser des bouches. Vomis par le Wyrmaggot que Papy Nurgle a réquisitionné pour leur servir d’Uber Pool jusqu’à Beastgrave, Fecula Flyblown, Sepsimus Plaguesworn et Ghulgoch le Boucher (sans oublier le glaviche – mélange entre un glaviot et un caniche – de compagnie de Fecula) sont en mission sacrée pour le Grand Père, qui s’inquiète de l’immortalité de fait qui frappe les visiteurs de la montagne de Ghur. Si ce mal venait à s’étendre à travers le Royaume de la Bête, le merveilleux cycle de déchéance et renaissance du Dieu de la pestilence, de l’économie circulaire et du maroilles serait mis en péril, et ce n’est certes pas notre projet. Nurgle a donc envoyé sa Very Impotente Prêtresse et ses deux Rotguards d’élite remettre de l’ordre et/ou du Chaos, dans ce pierrier. Une quête d’intérêt général, en quelque sorte.

Comme chacun sait, Beastgrave est envahie par des dizaines de bandes rivales, ce qui rend la progression de nos héros difficile. Le baptême du feu s’opère lorsque les Wurmspat contre-embusquent une patrouille de miliciens des cités libres de Sigmar, menée par un Prêtre Guerrier d’icelui1. Malgré l’avantage du nombre, la tentative de prendre à revers les pestiférés, et les éclairs balancés par leur chef, la soldatesque citadine ne tarde pas à mordre la poussière, vaincue par la résistance écœurante (à plus d’un titre) de leurs adversaires, et l’arsenal de sorts de Fecula. Cette dernière demande toutefois à ce qu’on lui amène un prisonnier vivant, ce que Ghulgoch se fait une joie de lui fournir, en réalisant un cataplasme de morve sur le moignon d’un épéiste en état de choc. Le survivant ne fera toutefois pas long feu, étant « proprement » éventré par la sorcière pour servir de Mappy arcanique aux prouteux. Direction donc les niveaux inférieurs, où réside la source du malaise.

En chemin, les Wurmspat croisent quelques Skavens passifs, mais surtout la Chasse Sauvage de Skaeth, qui se voit obligée d’attaquer les suivants du Dieu qui a voulu refiler ses MST à leur précieuse Alarielle durant l’Âge des Mythes. Entre les cervidés et les Covidés, le combat fait rage et les coups pleuvent, jusqu’à ce que Ghulgoch cisaille Karthaen et son hélicon, et que Fecula vomisse un nuage de mouches qui permet aux agents à doubles mentons de Nurgle de filer à l’anglaise. Cette diversion insectile, doublée d’un effondrement de galerie pour faire bonne mesure, laisse une avance confortable à nos héros, qui finissent par déboucher dans une caverne traversée de part en part par une racine titanesque… et corrompue par la grande baie vitrée donnant ce qui semble être Shadespire, qui occupe le fond de la salle.

Les préparatifs de purification putride de Fecula, bien décider à (se) faire les carreaux, sont toutefois interrompus par le début du deuxième round contre Skaeth et ses échassiers, qui ont semble-t-il trouvé un raccourci bien pratique. Sans doute une intervention de Beastgrave, qui se sentait menacée. Ce nouvel affrontement est tout aussi serré que le précédent, jusqu’à ce que l’esprit de la racine (Jean ?) décide de s’en mêler, et vienne attaquer sans distinction les représentants du règne animal qui se chicanent sur ses rhizomes. Face à cet assaut de type hentai, Fecula riposte par l’entaille, et c’est super efficace !  Pendant que ses gardes du corps se font molester par les Kurnothi, Mlle Flyblown s’épanche de manière sanguine et bilieuse sur le végétal malfaisant, qui a l’amabilité de se décomposer à vue d’œil. C’est dire si elle a de mauvaises humeurs. Ce don de sa personne n’est toutefois pas gratuit en termes de points de vie, et Fecula sent que la vie la quitte en même temps qu’elle empoisonne la racine. C’est un prix qu’elle est prête à payer, mais le sol se dérobe sous ses pieds avant que la vidange ne soit complète, et lorsque notre héroïne revient à elle, quelques minutes plus tard… elle se rend compte que le problème n’est pas résolu. En effet, Ghulgoch est plus ou moins frais et dispos lui aussi, alors qu’il s’était fait tuer par Skaeth d’un jet de javeline rageur lors de la mêlée générale. C’est la preuve irréfutable que l’influence néfaste de Shyish pèse encore sur Beastgrave, et que les Wurmspat doivent poursuivre leur œuvre mortificatrice pour la plus grande gloire de Nurgle. Avec un tel comité de salut public, on peut s’attendre au triomphe des bonnes morts, à défaut de mœurs…

1 : On sait maintenant pourquoi il n’y a pas de Prêtres Guerriers dans le Battletome : ils sont tous partis en même temps purger Beastgrave, et ne reviendront jamais.

AVIS :

C. L. Werner revient à Beastgrave, qu’il avait défriché avec son roman du même nom avant la parution de ‘Direchasm’ où cette nouvelle a été publiée. Foin d’Hommes Bêtes en rut et de Dryades à montée de sève ici, mais c’est sans doute pour le mieux car les Wurmspat forment un groupe de protagonistes hauts en couleurs, le mélange de compassion dévoyée, humour gras et caustique, et morbidité répugnante propre aux fidèles de Papy Nurgle étant au rendez-vous. Autre réussite notable de l’auteur, on n’a pas l’impression de lire une histoire à l’intrigue aussi figée qu’un aventurier malchanceux dans un bloc d’ambre, comme c’est parfois le cas pour les nouvelles de Warhammer Underworlds. Certes, Fecula et ses boys ne parviennent pas à traiter à fond la racine maléfique qui donne son titre à ce court format, mais ils s’approchent concrètement de leur objectif (et le lecteur en est quitte pour un peu de lore sur les liens entre Shadespire et Beastgrave) au lieu de se contenter d’errer dans les boyaux de la montagne en faisant des mauvaises rencontres/se disputant, comme beaucoup d’autres bandes. On peut souvent compter sur Werner pour soumettre des nouvelles de bon niveau, et c’est ici à nouveau le cas, même si on sent nettement que le sujet ne l’a pas inspiré outre mesure. C’est ça aussi, être un auteur professionnel.

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Ghastlight – A. Stephens :

INTRIGUE :

Le Dread Pageant s’est semble-t-il lassé de torturer Beastgrave en laissant toutes ses victimes à 0.1 PV pour empêcher la montagne consciente de se nourrir de la mort, même temporaire, de ses squatteurs1. Désormais guidés par les visions géniales de leur leader suprême Vasillac et les lumières spectroscopiques (ghastlights) émises par Uhl-Gysh, où se trouve la légendaire cité de Shadespire, les quêquêtteurs de Slaanesh cherchent à accéder à la ville maudite en empruntant une fissure de Royaume, par manque de qualificatif plus probant. C’est en effet là que Vasillac pense trouver le légendaire Livre de Slaanesh, réputé contenir tous les sales secrets de la divinité AWOL, à commencer par sa géolocalisation exacte. Une motivation comme une autre.

Ayant rapidement expédiés ad patres une bande de Skavens de bas niveau, et fait un prisonnier (Ytash, et son stash) que Vasillac veut utiliser comme monnaie de passage au péage interdimensionnel, les DP passent beaucoup de temps à s’engueuler, un peu moins à se rabibocher (cruelle galoche entre Glissete et son harceleur de boss à l’appui), et des lustres à faire de la randonnée jusqu’à l’origine du monde Royaume, emplacement de la faille magique qui leur permettra de changer de niveau. Pendant qu’elle marche vers sa destinée, Glissete a le temps de réfléchir sur sa situation personnelle, professionnelle et spirituelle, qui ont toutes trois beaucoup progressé depuis son arrivée à Beastgrave, à son pas du tout humble avis. Certes, elle ne peut pas blairer le Slaangor Slakeslash, qu’elle trouve de plus en plus incontrôlable, ne s’est jamais entendu avec l’archer Hadzu, et a mal vécu sa rupture avec Vasillac, mais comme on dit chez les Hédonites : qu’importe l’émotion tant qu’il y a l’excès. Et à ce compte là, son expérience troglodyte s’est montrée particulièrement riche.

Ces puissantes ruminations finissent par être salutairement interrompues par la rencontre fortuite avec une vingtaine d’Ironjaws, poussant les Slaaneshi à une retraite prudente. Bien que poursuivis par une meute d’Orruks plus costauds et plus nombreux qu’eux, nos héros trouvent tout de même le temps de faire des pauses méditations au milieu des couloirs, et même de se battre à mort entre eux. En effet, Glissete a surpris Slakeslash à faire une danse de la victoire de Fortnite au dessus de la forme avachie de Vasillac, et a logiquement conclu à une nouvelle crise de la vache folle. L’euthanasie du cheptel n’a cependant pas été du goût du Seignuer de Slaanesh, qui était simplement en train de faire une projection astrale pour trouver son chemin, et a failli mourir lorsque son garde du corps s’est mis à lui meugler dans les oreilles après avoir pris un coup de glaive dans les faux filets. Une bête méprise.

Punie de sa prise d’initiative désatreuse, Glissete est envoyée récupérer Hadzu et Ytash en queue de peloton. Après quelques péripéties mineures, toute la bande finit enfin par arriver devant la faille tant recherchée, et qui se trouve gardée par des morts vivants peu conciliants. À Age of Sigmar comme dans le monde réel, les migrants ne sont jamais bien accueillis par les locaux. La situation précaire tourne au totalement bordelique lorsque les Ironjaws finissent par faire leur retard et se jeter dans la mêlée : en même temps, Warhammer Underworlds n’est pas pensé pour des affrontements à trois joueurs, what did you expect. Profitant de la confusion, Vasillac sacrifie en 2-2 Ytash, se lave les mains dans le sang du Skaven et passe de l’autre côté du miroir, rapidement suivi par le reste de sa bande. Il aura fallu attendre la dernière page de la dernière nouvelle de ‘Direchasm’, mais il s’est enfin produit quelque chose de non-scripté dans ce recueil ! Le champagne attendra ceci dit, car comme dit le proverbe, il en restait encore plein de là où il en venait, c’est-à-dire des morts vivants patibulaires et Shadespire. L’intégration des nouveaux venus ne va pas être une partie de plaisir…

1 : Se référer à ‘The Mountain’s Call’ (Graeme Lyon).

AVIS :

Je suis partagé sur ce ‘Ghastlight’, que j’ai trouvé être assez vide pour une nouvelle de 23 pages, les déambulations et ressentiments de Glissete, personnage principal de l’histoire, formant la majeure partie de cette dernière. Autre déception : l’absence manifeste de continu entre la nouvelle de Lyon et celle-ci, alors qu’il aurait été très sympa et relativement simple pour la BL de lier, même à la marge, ces deux histoires. D’un autre côté, Anna Stephens réussit bien à retranscrire la philosophie particulière des Hédonites, qui font feu de tout bois pour nourrir leur excessivité naturelle, et (d)ébauche des relations intéressantes entre les différents membres de la bande, en particulier Vasillac et sa sous-fifre/ex. Le portrait d’Ytash, le Skaven otage, est à mon sens bien moins réussi, car le raton fait vraiment trop humain dès qu’il ouvre la bouche (on notera qu’il respawn immédiatement dans Shadespire à la fin de la nouvelle, malgré avoir été sacrifié à Beastgrave : phénomène physique intéressant que des générations de fluffistes ne manqueront pas d’analyser). Deux point positifs additionnels pour terminer : un détail fluff qui mérite la mention à défaut du détour (le Livre de Slaanesh), et une fin à suspens qui donne envie de connaître la suite de la saga des Dread Pageant. J’ai peu d’espoir à ce sujet, mais qui vivra verra (et qui mourra renaîtra, ce qui revient au même finalement).

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***

Alors, que retenir de ce ‘Direchasm’ maintenant que la messe est, si ce n’est dite, au moins lue ? Eh bien, c’est une sensation de gâchis qui me vient immédiatement à l’esprit quand je considère ce recueil. Le mot est fort, mais il reflète bien ma déception devant un tout qui ne parvient pas exploiter le potentiel démontré par ses parties, et qui est donc loin de sublimer la somme de ces dernières. Car, et il faut le souligner d’office, il y a (à mes yeux) davantage de bonnes que de moyennes/mauvaises nouvelles dans cet opus, ce qui est déjà respectable pour un titre de la Black Library. Autre point positif: le nombre de bandes différentes abordées dans ces 11 nouvelles (15 en tout, soit la moitié du nombre total sorties jusqu’à ce jour).

Cependant, la répétition ad nauseam des mêmes intrigues (« on dirait bien que je ne peux pas mourir en fait ! »), mêmes décors (coucou les gouffres) et mises en avant d’éléments de (littéralement) background (ooooooh, de l’ambre mâââââléfique, what a surprise), finit par venir à bout de la plus farouche volonté, et des meilleures dispositions. Lire ‘Direchasm’ d’une traite et rapidement peut être décrit comme l’équivalent d’un footing d’une heure dans un stade : on a beau aimer l’activité – pour les plus chanceux d’entre nous – le temps passe beaucoup plus lentement et l’effort semble bien plus pénible que la même distance courue sur un parcours varié.

Et le premier responsable de cette lassitude, c’est bien sûr l’éditeur de la BL, qui aurait pu et dû coordonner davantage ses contributeurs, afin d’éviter qu’ils écrivent « en silo » et rendent quasiment tous la même copie. Il y avait pourtant de quoi faire, et assez facilement je gage, en pairant les auteurs autour d’un même événement vu par deux bandes différentes, ou en décrétant un fil rouge auquel faire des rappels de nouvelles en nouvelles (même la mention d’un simple mot clé, comme Mhurghast à Warhammer Horror, est bigrement efficace). La BL l’a déjà fait, en plus. Malheureusement, cela n’a pas été le cas ici, et, un peu comme ‘No Good Men’ pour Warhammer Crime, la routine s’installe vite à la lecture. Déjà que Warhammer Underwolds partait avec un désavantage de poids par rapport à d’autres franchises de GW Fiction en termes d’intérêt littéraire (cette fameuse étiquette de « compétitivité über alles » qui lui a été collée dans le dos), ce je m’en foutisme éditorial achève de faire de ‘Direchasm’ la lecture la plus dispensable du catalogue d’Age of Sigmar à mon avis. Les recueils généralistes récents sont bien plus complets et versatiles (en plus d’être pour certains moins chers), et si vous voulez un peu plus d’exotisme et/ou de cohérence, ‘Warcry’ est une réussite notable. Ne restent donc que les hard readers de la BL pour trouver un intérêt sensible à cette acquisition, ce qui est encore une fois dommage car prise individuellement, beaucoup des nouvelles critiquées plus haut tiennent la route. Mais que voulez-vous, ce n’est pas parce qu’on dispose de bons ingrédients que le plat sera forcément réussi…   

CALL OF CHAOS [AoS]

Vous souvenez de ce que vous faisiez il y a cinq ans ? C’est la dernière fois que j’utilise cette ouverture, promis juré. Vous l’aurez compris, cette chronique est une réponse du berger à la bergère, à la commémoration des cinq ans de la disparition de Warhammer Fantasy Battle du mois dernier venant s’adosser la célébration des cinq ans de son successeur, Age of Sigmar. Et comme j’aime bien faire les choses symétriquement, quoi de mieux que la critique de la première anthologie de nouvelles publiées (ou plutôt dans notre cas, rassemblées) par la BL pour cette franchise pour prendre la suite du dernier recueil de nouvelles consacré à WFB ? C’est donc logiquement que mon choix s’est porté sur ‘Call of Chaos’, regroupement de 12 nouvelles commercialisées à l’occasion du calendrier de l’Avent 2015 de la Black Library, et faisant la part belle, comme le titre et l’illustration de couverture le laissent deviner sans problème, à l’anarchie la plus totale.

Sommaire Call of Chaos (AoS) (2)

Au sommaire de ce premier ouvrage, une majorité de noms connus de l’habitué (Haley, Reynolds, Guymer, Sanders, Thorpe, Annandale, Kyme), et deux petits nouveaux (Clark & Lyon), ayant reçu la lourde tâche d’offrir une première vision de ce, ou plutôt ces, nouveaux Royaumes au lecteur/hobbyiste, à ce stade encore probablement nostalgique du Monde qui Fut. Bien du chemin a été parcouru, et beaucoup d’encre a coulé sous les ponts, depuis ces premiers pas littéraires et il nous faudra donc garder en tête que les auteurs en savaient à cette époque sans doute à peine plus que nous sur ce nouveau terrain de jeu. Ajoutons que les factions d’AoS se comptaient sur les doigts d’une main de Gargant au moment où ces histoires ont été écrites. Soyons donc tolérants si le contenu de ce ‘Call of Chaos’ apparaît répétitif et inimaginatif… Enfin, jusqu’à un certain point, il ne faut pas déc*nner non plus. Surtout qu’avec ses 25€ au compteur, l’ouvrage n’est franchement pas donné pour un recueil de nouvelles. Bref, mes bonnes dispositions envers cette anthologie seront inversement proportionnelles au sentiment d’être pris pour une truffe par les contributeurs de cette dernière. Les voilà prévenus1.

1 : Cinq ans trop tard c’est vrai, mais j’espère qu’ils avaient déjà une éthique professionnelle à ce moment.

Call of Chaos (AoS)

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The Unending Storm – N. Kyme :

INTRIGUE :

The Unending StormGhaar’eth (Gareth à partir de maintenant) le Fils de la Guerre, champion de la bande des Sang Forgés1, est un homme qui voit grand. Ayant imposé sa loi sur les Plaines Bestiales (probablement en Ghur) en massacrant tous ses rivaux les uns après les autres, il se dit qu’il serait Bête (c’est fluff) de s’arrêter en si bon chemin, et emmène ses hommes vers un orage tonitruant, considéré par son Prêtre du Massacre, Skarku, comme un bristol de Khorne pour la tenue d’une nouvelle boucherie. La tempête se déchaîne sur la vallée de Varnagorn, où sont plantés quatre totems cyclopéens, que l’on dit mener dans un autre monde, un peu comme le haricot magique de Jacques. Avant que de pouvoir se lancer dans cet ambitieux et exposé solo, Gareth doit toutefois composer avec la présence, assez saugrenue, d’un unique Liberator devant les grandes voies, prêté par Sigmar pour faire le vigile j’imagine. Baptisé Stormrider par Gareth, le Stormcast Eternal ne se dégonfle pas lorsque le champion de Khorne lui saute dessus pour lui racketer son masque (et son crâne avec), bien que l’affrontement tourne rapidement en faveur du chaoteux. Ce dernier, qui n’avait jamais affronté ce genre d’adversaire, est tout surpris lorsque sa victime part littéralement en un éclair, le privant d’un nouveau trophée fashion à mettre à sa ceinture. La vie est parfois cruelle.

Nous retrouvons Gareth quelques temps plus tard et quelques hectomètres plus haut, après qu’il ait négocié l’escalade des totems de Varnagorn et atterri probablement en Aqshy, où il s’est fait pirate du désert. Nous le voyons donc s’approcher dangereusement d’un ver des sables de fort beau gabarit, à la recherche d’épice d’un accès vers un autre Royaume, qu’il sait se trouver aux tréfonds du rectum de sa proie. Comment est-ce possible, et comment le sait-il ? Mystère. Age of Sigmar n’a pas de temps à consacrer à ce genre de détail trivial. Sa séance de pêche au gros, qu’il dirige depuis le rostre de sa galère personnelle, comme le psychopathe qu’il est, est interrompue par l’arrivée d’un ost de pioupious clinquants, ou Prosecutors en langage corporate, menés par nul autre que le Stormrider, reforgé de frais. Malheureusement pour le manieur de trident, son surclassement par rapport à sa dernière incarnation ne fait pas le poids face à la force démoniaque de sa Némésis, qui fait Feu (c’est fluff) et l’embroche nonchalamment d’un jet de sa lance, portant le score cumulé à 2-0 en faveur des visiteurs.

Vous vous doutez à présent que la scène suivante de la nouvelle est un autre affrontement entre Gareth et son stalker, qui prend place sur le dos d’un cadavre de mammouth animé (ou quelque chose comme ça), et probablement en Shyish. Stormrider est devenu Retributor, tandis que Gareth, la Mort dans l’âme (c’EsT fLuFf), a adopté un Juggernaut à la SPA locale. Leur affrontement, s’il est un peu plus serré que précédemment, se solde à nouveau par la victoire finale du champion de Khorne, qui commence à comprendre qu’il ne sera jamais débarrassé de son adversaire. Et en effet, un quatrième round a lieu dans un marais de Ghyran quelques temps plus tard, alors que les Sang Forgés ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes à la suite d’une campagne d’attrition mal négociée par leur chef, et les ravages du paludisme sans doute2. Stormrider, qui a retenu sa leçon des duels précédents et a obtenu un poste de Knight-Venator de sa hiérarchie, se la joue petit bras et abat Gareth d’une flèche bien placée, sans daigner affronter son ennemi favori au corps à corps. On va dire que ce sont les résultats qui comptent. C’est la Vie (…). C’en est donc fini de Gareth Fils de la Guerre et de sa horde… À moins que ? Car Stormrider pense reconnaître son vieux comparse dans la forme bestiale d’un Khorgorath en vadrouille avec sa bande dans les plaines d’Azyr. Et en effet, c’est bien Gareth, retapé par sa divinité, qui a fait le déplacement, et n’est pas contre la vengeance de la belle du match retour. La légende raconte que nous en sommes actuellement à 835 à 742…

1 : À ne pas confondre avec la bande des Sans Forget, une amicale de joueurs de tennis jamais sélectionnés dans l’équipe de France de Coupe Davis dans les années 2000.
2 : Les stocks d’hydroxychloroquine du Royaume ayant été dévalisés par la population d’Eaux Grises après une poussée de COVID soudaine.

AVIS :

Pour ses débuts dans Age of Sigmar, Nick Kyme choisit d’explorer une des caractéristiques les plus marquantes des Stormcast Eternals : leur immortalité. Cette petite nouvelle, répétition ad aeternam/nauseam du combat entre un champion de Khorne et un paladin de Sigmar, fait l’impasse sur l’originalité au profit d’une construction itérative, permettant à chaque round de présenter un petit bout des Royaumes Mortels (dont Kyme arrive bien à retranscrire l’étrangeté et la variété) et une nouvelle classe de Stormcast, depuis l’humble Liberator jusqu’au mortel Knight-Venator. En prime est esquissée l’usure progressive de la Reforge, Stormrider terminant la nouvelle à peu près vide de souvenirs et de personnalité, et se raccrochant seulement à un nom dont il ne se rappelle plus l’origine. L’ultime retour de Gareth, sous sa forme de gorille-poulpe crâneur, fait enfin office de twist final assez bien trouvé de la part de Kyme, qui démontre qu’il n’y a pas que Sigmar qui a investi dans l’économie circulaire. Bref, ça fait la job, comme on dit au Québec, et pour une nouvelle des tous premiers temps d’Age of Sigmar, on ne peut raisonnablement pas reprocher grand-chose à ce ‘The Unending Storm’.

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By The Horns – R. Sanders :

INTRIGUE :

By The HornsChrysaor le Dévergondé a mené sa horde d’Hédonistes slaaneshi (les Sybariss) à l’assaut d’une tribu de nomades d’Aqshy, qui n’avaient rien demandé à personne et sont logiquement déboussolés par les fumigènes et les brutalités, ni policières, ni policées, employés par les cultistes pour se donner du bon temps. Seul au milieu du carnage, Chrysaor s’en met plein les cornes (à défaut des yeux, qu’une mutation passée a rendu aveugles), ressentant à travers ces organes délicats le monde qui l’entoure. Rejoint par son trio de Démonettes attitrées, qui lui servent à la fois d’auxiliaires de vie (pas facile de s’habiller élégamment quand on ne distingue pas les couleurs), de gardes du corps et des cornes, et, au besoin, de traductrices1, Chrysaor se fait attaquer par la chamane de la tribu, qui ne parvient pas à faire grand-chose d’autre que d’annoncer à son bourreau qu’elle a passé un pacte avec tout le panthéon divin pour provoquer sa perte. Moyennement impressionné par cette malédiction démente, et encore moins par le glaviot qu’il prend en pleine face pour sa peine, Chrystine (& the Queens) prouve à la médisante que, malgré ses basses accusations, il a le cœur sur la main. Enfin, dans.

Alors que l’ambiance commence à retomber doucement, faute de bédouins à tourmenter, le sol, lui, part à la hausse. Rien d’anormal à cela car nous sommes dans/sur la Plinte, une région d’Aqshy à la géologie et tectonique indécises, où les montagnes poussent et les vallées se creusent à vitesse grand V, ce qui est pratique pour faire du parapente, mais moins pour faire manœuvrer une armée. En l’état, les Sybariss se retrouvent coincés tout en haut d’un plateau rocheux, et sans le moindre parachute pour rejoindre le plancher des yaks. Cela ne poserait pas de problème insoluble à nos fiers guerriers si l’endroit était désert. Par malchance ou par dessein, ce n’est pas le cas, un ost conséquent de Knights of Aurora faisant de la randonnée pédestre dans les environs. Grâce à ses antennes râteaux, Chrysaor s’aperçoit que la partie est perdue avant d’avoir commencée, ses pauvres 1.000 points de troupes faisant face à un bataillon complet. Comprenant qu’il est sur le point de se faire chambrer, le seigneur de Slaanesh… ne fait absolument rien. Mais vraiment rien. On assiste/écoute donc au massacre des Sybariss, puis des Démonettes, par les stoïques marteliers de Sigmar, avant que Chrys se décide enfin à mettre la main au glaive. Bien qu’il parvienne à renvoyer quelques brutes en sigmarite à la reforge, le Dévergondé finit démantibulé, expérience transcendante pour un jouisseur tel que lui, mais qui se double d’une amère réalisation : Slaanesh n’est pas avec lui, et ne l’a jamais été. Il y a de quoi déposer plinthe, vraiment.

1 : On peut penser ce qu’on veut de Slaanesh, mais au moins il donne une éducation complète à ses démons. Pas comme Khorne, qui mise tout sur l’EPS, ou Nurgle, qui ne jure que pas l’algèbre et les SVT. Je n’ai pas compris ce qu’on faisait dans les écoles de Tzeentch, sans doute parce qu’elles ont la fâcheuse tendance à brûler dès leur ouverture.

AVIS :

Je n’ai pas compris ce que Rob Sanders cherchait à faire avec ‘By The Horns’, ce qui me chagrine un peu. L’histoire qui nous est racontée ici est en effet à la fois très simple et très « étalée », puisqu’elle consiste seulement en l’attaque des Sybariss sur le campement nomade, la malédiction de la chamane, et l’annihilation de la bande d’hédonistes. Cela n’est pas rédhibitoire pour une nouvelle de 12 pages, mais j’ai eu l’impression que Sanders cherchait à faire passer un message ou à provoquer une réalisation de manière assez peu concluante. J’en veux comme illustration le long passage où Chrysaor « regarde » son armée se faire massacrer sans réagir, qui ne m’a pas semblé servir à grand-chose dans la construction ou la conclusion du récit (à vrai dire, je m’attendais à ce que la nouvelle se termine juste après que Chrysaor se soit rendu compte qu’il était piégé et ne pourrait pas s’en sortir). Il n’y a guère que la toute fin de l’histoire, où le héros réalise que sa quête et sa foi ont été vaines, qui apporte un peu de sens à une succession de péripétie martiales convenablement, mais inimaginativement, déroulées par Sanders. Pareillement, l’intervention de la chamane nomade sonne assez creux, sa promesse (tenue, au final) de vengeance tombant comme un cheveu sur la soupe par manque de « préparation » de cette confrontation. À ce stade du récit, Chrysaor est juste un méchant lambda d’Age of Sigmar, qui mérite autant de mourir que n’importe quel autre champion du Chaos des Royaumes Mortels (qui ont tous commis des exactions, j’imagine). D’un point de vue narratif, la malédiction qui lui est jetée est donc trop « banale » pour vraiment fonctionner. Je ne sais pas si j’arrive à bien exprimer mon ressenti face à cette nouvelle, mais je reste en tout cas perplexe devant cette soumission de Rob Sanders, qui m’avait habitué à des travaux plus aboutis.

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The Gift of Khorne – G. Haley :

INTRIGUE :

The Gift of KhorneGigante le géant (eh oui, il y a des Italiens dans les Royaumes Mortels) s’est donné un objectif précis pour rester dans les bonnes grâces de Khorne, sa divinité tutélaire : raser le petit royaume de Barruscuna, qui résiste encore et toujours aux armées du Chaos qui ravagent Ghyran, bien planqué derrière sa muraille enchantée. C’est un projet au long cours, et semé d’embûches et de défaites, que poursuit notre champion, qui s’est déjà cassé les crocs à plusieurs reprises sur la maçonnerie superlative des honnêtes Barrus. Qu’importe, Gigante a de la ressource, de la ténacité, et une réserve apparemment inépuisable de larbins sanguinaires, tout prêts à mourir pour sa cause. Mieux que ça, Gigi est dans les petits papiers de Khorne, qui l’a arrosé de dons avec une constance admirable et des résultats plutôt monstrueux. En plus d’une taille peu commune et une double queue cracheuse d’acide (son attribut physique favori), notre « homme » est un cyclope à défenses et à cornes. Seul petit problème, qui n’en est pas vraiment un, Gigante a, littéralement, deux mains gauches, ce qui est pratique pour donner des gros coups de hache tout en consultant son profil Tinder, mais tout de même handicapant quand on veut que les choses soient faites.

La nème fois est toutefois la bonne pour le pillard obstiné, et ses canons à crânes parviennent à faire une brèche dans les défenses de Barruscuna. Menant ses hommes par l’exemple, Gigante se rue à l’assaut et fait un grand carnage parmi les pauvres piquiers Barrus, dont l’entraînement n’a pas couvert le délicat art de mettre hors de combat un Élu de Khorne à deux doigts/griffes/tentacules (rayer les mentions inutiles) de l’élévation démoniaque. Alors que les carottes de Ghyran semblent cuites pour la principauté, les derniers bataillons de soldats étant repoussés sur les rives d’un lac (et ne savant probablement pas nager), un miracle se produit : les Stormcast Eternals arrivent ! Tout cela n’était en fait qu’une ruse pour forcer la horde chaotique à attaque franchement, et les braillards de Khorne sont bientôt coupés en deux par un fin mais solide cordon de sigmarite. Nullement impressionné par ce retournement de situation, ou ne disposant plus des capacités cognitives suffisantes pour s’en inquiéter (au choix), Gigante repère le meneur ennemi, un Lord Celestant totalement marteau1, qu’il souhaite offrir au Dieu du Sang pour enfin monter de niveau.

Le combat qui s’engage, bien que plus serré qu’à l’habitude pour Gigante, qui se mange quelques bonnes pralines pour sa peine, finit par tourner en faveur du mutant, qui broie à mains nues le Stormcast dans sa coquille. Ce triomphe est toutefois de courte durée, car la perte de leur commandant n’a pas empêché les meilleurs de Sigmar de repousser les cultistes, et d’encercler le meneur adverse, sans échappatoire pour ce dernier. À moins que…

Début spoilerÀ moins que Khorne ne se décide à troller tout le monde, et à accorder le don « ADN instable » à son champion, qui prend alors l’aspect d’un kit Play-Doh laissé à la disposition d’une classe de petite section de maternelle : coloré, mou et informe. Totalement incapacité par ce cadeau divin, Gigante est une proie facile pour le Lord Castellant de faction, qui se fait un devoir d’éclairer son ennemi sur ses choix de vie discutables et ses mauvaises fréquentations, avec des résultats incendiaires. La hiérarchie chaotique n’est définitivement pas une méritocratie.Fin spoiler

1 : J’en veux pour preuve qu’il en porte jusqu’au bout de sa cape.

AVIS :

Guy Haley met au goût d’Age of Sigmar un trope classique de la GW-Fiction, à savoir l’Élu du Chaos qui finit consumé (dans tous les sens du terme) par les attentions de son Dieu, au lieu d’accéder à la démonification à laquelle tous aspirent. Rien de nouveau sous les soleils d’un point de vue histoire, le fluff, romancé ou non, regorgeant de destinées semblables à celle de Gigante, depuis Kurt von Diehl dans ‘The Laughter of Dark Gods’ jusqu’à Scyla Anfingrimm dans les Livres d’Armée Guerriers du Chaos. Haley livre une copie correcte, généreusement dosée en action et saupoudrée de suspens, mais décidément bien courte pour une nouvelle vendue 3,49€ à l’unité, ce qui place la page à près de 50 cents. J’aurais été atterré de payer autant pour cette micro-fiction à sa sortie, et la pilule est toujours amère à avaler aujourd’hui (d’autant plus que ‘Call of Chaos’ n’est pas donné). Voilà pourquoi il faudrait que la BL indique le nombre de pages dans le descriptif des nouvelles, ou adapte plus finement ses tarifs en fonction de la taille des courts-formats proposés à la vente1. Malgré la sympathie que m’inspire Guy Haley et le caractère satisfaisant de ‘The Gift of Khorne’, je dois donc accoler l’étiquette « arnaque » à cette nouvelle. Parfois, la taille compte.

1 : C’est quand même dingue que pour 7€ je puisse acheter ‘The Gift of Khorne’ + ‘The Prodigal’, soit 15 pages au total, ou l’anthologie (format papier) ‘Sacrosaint & Autres Récits’, qui en fait 520.

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Daemon of the Deep – R. Sanders :

INTRIGUE :

Daemon of the DeepDans le paradis rutilant d’Ersatz, île de la Mer de Verre, en Chamon, un seul homme vient briser l’harmonie et la beauté qui caractérisent ce royaume gâté par la nature : Silas Sheldrac. Car le bougre est bossu, ce qui fout la honte à la famille royale dont il est membre. Isolé par sa disgrâce physique, il passe ses journées cloîtré au sommet de la plus haute tour du palais paternel, afin d’éviter les regards blessants et horrifiés de ses concitoyens mieux lotis, et de laisser le temps au concept de to-lé-ranc-e de faire le voyage depuis le continent. Ce qui prend du temps. Malheureusement pour notre héros, pas méchant pour un sou, un jour ses princes (et frères) sont venus, et pas pour lui claquer la bise ou la bosse, mais bien pour se débarrasser une bonne fois pour toutes du vilain petit canard de la lignée, sur le conseil avisé de Maître Norvik, un Prêtre de Sigmar venu du royaume voisin de Tesseraq en compagnie de Dame Teagan, promise au fils aîné du Roi Lundal (père de Silas), Rodric. Car en Tesseraq, le culte du grand barbu au marteau se teinte méchamment d’eugénisme, conséquence imprévue mais compréhensible de la tendance de Ziggie à choisir des bêtes de concours pour rejoindre ses Stormcast Eternals, destin dont tous les membres des peuples libres rêvent sans doute un peu. Bref, Silas est trop moche pour vivre, et, malgré l’héroïque intervention de sa presque future belle sœur en sa faveur, il est traîné manu militari jusqu’à la Grotte, qui sert de décharge publique (et de temps en temps, de point de collecte de bébés contrefaits) à Ersatz. Faisant fi des protestations et des supplications de leur frère, Rodric et Hearn font balancer Quasimodo dans la caverne, espérant sans doute que la chute le tue.

La présence et le positionnement stratégique d’une quantité phénoménale de poissons pourris sauvent toutefois Silas d’une mort précoce, bien que notre héros récolte quelques bleus et fractures pour sa peine. Se croyant abandonné dans les ténèbres nauséabondes, il a la surprise de voir un tas d’ordures prendre la forme d’un Grand Immonde et engager la conversation d’un air affable et compatissant. Pas besoin de s’appeler Eldrad pour deviner que le bossu va finir par se ranger aux arguments de son nouveau (et premier) meilleur ami, qui répond au doux nom de Hergustagrue, et propose à Silas de rejoindre Papy Nurgle, un dieu avec une vraie fibr(omyalgi)e sociale. Commence alors un apprentissage de quelques années, pendant lequel Silas va manger beaucoup de poissons pourris (c’est bon pour la mémoire), et passer son BTS de sorcellerie, sous le mentorat attentif du démon.

Son diplôme en poche (s’il en a, ce qui n’est pas sûr), Silas retourne à la surface, et fait une entrée remarquable, à défaut d’être remarquée – il se jette un sort d’invisibilité et d’inodorité – en provoquant un échouage massif de poissons sur le littoral d’Ersatz, ce qui consterne les pêcheurs. L’un d’eux envoie son fils Mungo porter la nouvelle au château des Sheldrac et quérir le Prince Rodric… qui a d’autres choses à faire (violer ses concubines, sans doute). D’ailleurs, l’ambiance est vraiment glaciale à la cour, Hearn manquant d’écorcher vif un de ses servants parce qu’il a eu le malheur de rater une maille sur son dernier pull-over, la marmaille de Rodric rivalisant de vice pour attirer l’attention de leur père indigne, et Maître Norvik étant tellement obnubilé par sa quête de perfection physique qu’il se rue sur Mungo un couteau à la main pour lui retirer le grain de beauté disgracieux qu’il arbore au menton. Fort heureusement, le brave Silas intervient à ce moment, et fait son affaire à l’esthète surineur. Cela ne sauvera pas Mungo longtemps, notez, mais c’est toujours mieux que rien.

Comme vous pouvez vous en douter, le culte de Slaanesh a depuis longtemps remplacé celui de Sigmar sur Ersatz, dévoiement logique compte tenu du maniérisme et du souci de l’apparence déjà bien ancrés chez les locaux. Tous les tutos maquillage et les cours de zumba du monde seront impuissants pour combattre l’épidémie de peste ichtyenne que le sorcier purulent et revanchard fait s’abattre sur son ancien foyer, et qui n’épargne que la Dame Teagan, enfermée par Rodric dans l’ancienne chambre de Silas après qu’il se soit aperçu que sa promise avait trop de principes moraux à son goût. Bien que Silas ne veuille aucun mal à la seule personne qui l’a défendu lors de son expulsion, son aspect peu ragoutant et ses méthodes de règlements de compte radicales (tout le monde se change – douloureusement – en Portepeste) plongent la captive dans la folie. Gentleman jusqu’au bout des ongles – s’il lui en reste – Silas promet cependant à sa bonne amie de la ramener chez elle, en compagnie de sa petite armée démoniaque et du réjoui Hergustagrue. La croisière va vraiment s’amuser…

AVIS :

C’est un grand oui de ma part pour ce ‘Daemon of the Deep’, qui coche toutes les cases de la nouvelle sympathique dans mon cahier des charges : une intrigue robuste (même si pas hyper surprenante), des personnages intéressants (avec des gentils méchants et des méchants gentils, et vice et versa), un minimum de suspens/surprise (Slaanesh qui se cachait sous Sigmar), un respect du lore établi (le caractère à la fois sympathique et impitoyable de Nurgle) et quelques ajouts notables au fluff. Il n’y a rien à dire, c’est du solide de la part de Rob Sanders, qui signe ici l’un des classiques du catalogue Nurglesque d’Age of Sigmar à n’en pas douter.

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The Last Gift – J. Reynolds :

INTRIGUE :

The Last GiftC’est l’heure du règlement des comptes, du vidage des querelles et l’effacement des ardoises à Rot-Horn, forteresse naturellement délabrée et insalubre du champion de Nurgle Ephraim Bollos, aussi connu sous le nom de Seigneur Rotskull. Sa Némésis, le flamboyant et acerbe Ompallious Zeyros, a emmené sa bande de Disciples de Tzeentch à l’assaut du bastion pestiféré, avec la ferme intention de faire d’une pierre deux coups. En plus de se faire bien voir du patron en massacrant du prouteux, Zeyros souhaite se venger de Bollos, qui dans un temps très lointain, était un de ses frères d’armes. Sa défec(a)tion soudaine et son ralliement à sa majesté des mouches, s’ils restent voilés de mystères pour le lecteur, ont en tout cas poussés par réaction l’ombrageux Ompallious à choisir le chemin opposé sur ce grand rond-point qu’est le Chaos. Après des siècles à se courir après et se faire de coups fourrés, il semble que cette fois-ci soit la bonne pour notre héros, dont les humanoïdes associés ont triomphé de leurs putrides ennemis. C’est donc l’heure du date final entre un Zéro et un Bolos. Quel casting.

Après avoir déambulé quelques temps dans les coursives moisies de Rot-Horn, Zeyros arrive dans la salle du trône où l’attend gentiment Bollos. La DLC de ce dernier est tellement dépassée qu’il a commencé à se répandre aux alentours, ne faisant plus qu’un avec la moquette à deux mètres à la ronde. Ce qui est certes exceptionnel d’un point de vue organique, mais guère pratique lorsque l’on veut/doit déguerpir pour éviter de se faire hacher menu. L’état proprement végétatif de Bollos n’affecte cependant pas sa bonne humeur, et il fait bon accueil à son vieil ami, qui, lui, n’a pas d’aussi bonnes dispositions envers son imposante personne. Le petit dialogue qui s’en suit permet toutefois à Bollos de faire comprendre à son futur meurtrier qu’il lui doit beaucoup, et en particulier sa raison de vivre, la poursuite du renégat ayant obnubilé les pensées de Zeyros pendant des décennies. La philosophie zen de son gros copain crasseux ne convainc cependant guère notre héros, qui finit par tailler le problème dans le vif, avant d’y mettre le feu pour faire bonne mesure. Sans se départir de son calme et de sa bonhomie, Bollos saisit le bras de son bourreau et lui annonce qu’il lui fait un dernier cadeau avant de rejoindre pour de bon le jardin de Papy Nurgle…

Fin spoiler…Et ce cadeau, c’est une jolie MST (Maladie Sporiquement Transmissible), Zeyros n’ayant pas eu d’autre choix que d’inhaler quelques particules corrompues par Bollos durant son œuvre de purification incendiaire. C’est ainsi que le vaincu parasite le vainqueur, et poursuit son existence sous une autre forme, dans une fusion intéressante des credos de Nurgle et Tzeentch. Le changement, c’est purulent ! Mais comme dit la chanson, ça vaut mieux que d’attraper la scarlatine.Début spoiler

AVIS :

Avec ses huit pages bien pesées, dont au moins la moitié est consacrée au récit, savamment obscur, de la rivalité entre ses deux protagonistes, ‘The Last Gift’ constitue une bien belle introduction à la saga de l’assez sympathique1 Ompallious Zeyros, aussi nommé le Chevalier Radieux (mais pas ici), plus largement couverte dans ‘Order of the Fly : Tourney of Fate’, autre nouvelle du prolixe Josh Reynolds. En revanche, pour qui juge ce très court texte sur ses propres mérites, et son prix prohibitif de 3.5€, le constat sera sans doute plus réservé. Pas que Reynolds démérite avec cette petite parabole sur la nature circulaire de la philosophie de Nurgle, mais le lecteur n’en a clairement pas pour son argent. Bref, si vous devez choisir, prenez plutôt le plat principal que l’amuse-gueule, vous ne serez pas (ou moins) déçu.

1 : Tout personnage de GW-Fiction qui commence sa carrière littéraire par un « Tu l’as dit bouffi » (ou l’équivalent) bénéficie de ma bienveillante neutralité. Ajoutons à cela que Zeyros peut compter sur un sidekick peu commun, une Horreur Bleue sarcastique et jemenfoutiste du nom de Tugop.

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The Prodigal – D. Annandale :

INTRIGUE :

The ProdigalIl était une fois une ville de lumière, qui n’était ni Paris, ni Beyrouth, mais Lykerna. Située dans le Royaume d’Hysh, elle se situait au cœur d’une montagne, ce qui est plutôt improductif en termes d’ensoleillement, mais n’empêchait pas la cité de faire péter les lux, grâce à un astucieux système de miroirs de marbre. L’avantage de cet emplacement troglodyte était d’ordre sécuritaire, la réclusion volontaire et la difficulté d’accès à Lykerna protégeant efficacement ses citoyens, tous de bons Tyrionites, des déprédations des bandes du Chaos rôdant à la surface.

Cette tranquillité se retrouva toutefois brisée par le retour triomphal et énervé de Graunos, un natif de Lykerna ayant eu la malchance de naître aveugle. Isolé par son handicap, et soûlé qu’on lui répète sans cesse que ce dernier constitue une bénédiction de Tyrion en personne1, Graunos avait choisi l’exil, et réussi on ne sait comment à devenir un champion de Khorne, à la vue rétablie grâce à un casque un peu spécial2. Après avoir bien bourlingué, Graunos revint au bercail avec sa bande d’affreux jojos, mettant à profit sa connaissance intime de Lykerna pour guider les pillards jusqu’à bon port (ce qui me paraît compliqué tout de même du fait de sa vision partielle, à moins qu’il n’ait dû détruire tous les rochers, stalactites et stalagmites sur le chemin). S’en suit un affrontement à sens unique, durant lequel le rougevoyant champion fracasse un Luminarque et exécute un Hiérophante, avant de mettre Lykerna à feu et à sang. That’s all folks !!!

1 : Que le fluff d’Age of Sigmar a transformé en Donald Trump aelfique, ce qui est triste tout de même.
2 : D’après ce qu’en dit Annandale, Khorne permet à son champion de voir les choses qu’il doit détruire, et uniquement celles là. Je serais à sa place, j’éviterais les miroirs (des fois que le Dieu du Sang soit d’humeur trollesque).

AVIS :

Reconnaissons à David Annadale qu’il faut un sens de l’ironie poussé pour appeler une nouvelle de cinq pages ‘The Prodigal’ (qui peut se traduire par « copieux » ou « conséquent » quand il est utilisé comme adjectif). Bien sûr, ce titre joue sur la parabole biblique du retour du fils prodigue, qui dans notre cas se contente de prodiguer des coups de hache, tandis que l’auteur peine, lui, à fournir des explications satisfaisantes à sa démarche littéraire. What’s the point of all this, David ? Des champions de Khorne qui étaient auparavant plus ou moins gentils, et qui rasent des villes parce qu’ils sont définitivement méchants, la GW-Fiction en compte des tripotées : l’intérêt de cette nouvelle d’une brièveté confondante ne saute donc pas aux yeux. À la rigueur, et si on est très gentil avec Annandale, on peut reconnaître qu’il lève un peu de mystère (qui n’existait pas à l’époque, tous les Royaumes étant des terra incognita) sur Hysh, et qu’il présente un personnage développé plus en détails plus tard1. Si on est très gentil, et pas très proche de ses sous s’entend, car à 70 cents la page, cela fait cher le teasing. Finalement, le plus prodigue dans cette histoire, c’est sans doute le lecteur…

1 : Graunos reprenant du service dans ‘Neferata : The Dominion of Bones’.

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The Crystal of Fate – G. Haley :

INTRIGUE :

The Crystal of FateLa guerre ne se passe pas très bien pour le Duc Phostrin des Bancs de Ciel, son pré carré et céleste de Chamon étant en plein sur la route des légions vengeresses de Sigmar. Pas la peine d’espérer une cohabitation avec les nouveaux arrivants, car Phostrin est un Seigneur de Tzeentch et aura donc du mal à convaincre les Stormcast Eternals de le laisser tranquille. Fort heureusement, à défaut de pétrole, ou d’éther-or, Phostrin a des idées, et a conclu un marché avec un sorcier excentrique vivant dans une tour de 1.600 mètres de haut1 pour aller piller un sanctuaire bien particulier à la recherche de quelque relique mystique qui lui donnera l’avantage dans les combats à venir. Après avoir capturé un mutant particulièrement difforme dans les environs, et s’être tapés l’ascension du donjon jusqu’au salon de leur hôte, Phostrin et sa garde rapprochée d’Elus (qui se doutent certainement que leur destin sera de mourir en cours de route) laissent l’arcaniste – Chalix le Gaulois – réaliser un beau mandala à la craie, avant de sacrifier le X-Man rapporté par ses visiteurs, et ouvrir une porte vers la banlieue du Labyrinthe de Cristal de Tzeentch. Il est temps pour la petite bande de passer de l’autre côté du miroir, et de commencer sa quête pour le légendaire Cristal du Destin.

Comme on peut s’en douter, le chemin est semé d’embûches, qui viennent à bout de trois des cinq gardes du corps du Duc, victimes des crocs des Hurleurs qui chassent en meute dans la région, ou de leur propre reflet animé. Et, lorsqu’enfin les survivants parviennent à bon port, c’est au tour de Chalix de révéler sa fourberie, en utilisant les pouvoirs du Cristal pour, le croyez-vous, cristalliser ses compagnons dans un éclat de rire mauvais. Scandalisé, mais pas stendhalisé, par cette trahison dont il se doutait tout de même un peu (on ne devient pas Champion de Tzeentch en faisant confiance à son prochain), Phostrin, qui a été sauvé par l’anneau enchanté hérité de son grand-père, met à mort le sorcier pour récupérer le fameux Cristal. Persuadé qu’ingérer ce dernier lui permettra d’accéder au statut de Prince Démon, et donc de pouvoir faire défendre son fief par des hordes d’Horreurs et d’Incendiaires, il ouvre grand son gosier et gobe le talisman, avec des conséquences évidemment spectaculaires…

Début spoiler…Mais peu satisfaisantes de son point de vue. Car s’il a bien été démonifié, le Duc réalise bientôt qu’il est devenu un minuscule homonculus enfermé à l’intérieur du Cristal du Destin, et à la merci du propriétaire de ce dernier, qui n’est autre que Kairos le Tisseur de Destins. Banni des Royaumes Mortels après une rencontre malheureuse avec les armées de Sigmar, l’Archiduc du Changement n’était pas aussi convalescent que Phostrin et Chalix l’avaient anticipé. Et, s’il a laissé les mortels faire irruption dans sa chambre, c’était surtout pour pouvoir récupérer un nouvel assistant personnel, le précédent étant parti à la retraite (ou quelque chose comme ça) il y a peu. La nouvelle se termine avec la signature d’un CDD2 entre les deux parties, et le début de la formation de Phostrin pour devenir le parfait auxiliaire de non-vie dont Kairos a besoin au quotidien, cécité présentielle oblige. Voilà qui apprendra à notre fouineur de héros à laisser tranquilles les affaires des autres.Fin spoiler

1 : Petite conversion de ma part sur la base des 9.000 marches dénombrées par Haley au début de sa nouvelle. La loi de Blondel considère que la hauteur optimale d’une marche est de 17 centimètres, mais j’ai arrondi à 18 pour des raisons fluffiques.
2 : Neuf éternités et un jour. On peut tout de même considérer que Phostrin bénéficie d’une certaine sécurité de l’emploi.

AVIS :

Petite nouvelle de quête d’une relique mystique, et au final « maudite », par une bande d’aventuriers endurcis (trame classique de la littérature med-fan s’il en est), ‘The Cristal of Fate’ se démarque – un peu – de la concurrence grâce à quelques trouvailles de Guy Haley, comme l’intéressante inversion de perspective qu’il donne au cadre de son récit (contrairement au Monde Qui Fut, c’est le personnage chaotique qui doit défendre son royaume, ou ici duché, contre la venue d’une armée d’envahisseurs apparemment invincibles), ou l’utilisation de deux têtes connues au casting de son histoire, luxe permis même en ces temps précoces d’Age of Sigmar par la fameuse ubiquité démoniaque. On glane également quelques éléments de fluff sur Chamon, les bêtes zodiacales et le Labyrinthe de Cristal, ce qui n’est pas à jeter. Une soumission très convenable, à défaut d’être follement originale, de la part de Guy Haley, en somme.

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Gorechosen – A. Clark :

INTRIGUE :

GorechosenLa tribu du Crâne de Fer, joyeux rassemblement de sympathisants de Khorne, dévaste Aqshy sur son passage sous le commandement de son Prêtre du Massacre, le visionnaire Akhagor. Meneur charismatique de la petite armée, Akhagor doit cependant composer avec l’ambition non dissimulée d’un autre champion, le Deathbringer Vorhak, qui ne se gène pas pour contester ses décisions, et en particulier le peu d’empressement du Prêtre d’aller rejoindre Korghos Khul, qui rassemble le ban et l’arrière-ban chaotique pour endiguer la marée métallique de Sigmar. De son côté, Akhagor préfère traîner dans l’arrière-Royaume d’Aqshy, et tient absolument à visiter le Scorchpit, un gigantesque cratère volcanique recouvert de forêts et sillonné par des bandes rivales. Sanguinaire mais pas téméraire, Vorhak prend cependant bien soin de ne pas franchir la ligne blanche rouge avec son boss, qui tolère son insubordination pour des raisons aussi mystiques que mystérieuses.

Le trek sauvage dans lequel les Crânes de Fer s’embarquent à la suite de leur champion ne manque pas de décimer la farouche tribu, dont la grande majorité des guerriers finira par connaître la mort violente à laquelle chaque Khorneux aspire, sous les lames des autres factions tournant en rond dans la pampa, ou bien au cours des amicales joutes gladiatoriales organisées chaque soir au moment du bivouac1. La relation entre les deux hommes forts ne s’améliore cependant pas des masses pendant le périple, chacun rivalisant d’exploits martiaux pour s’attirer la fidélité de ses suivants. Lorsque les derniers survivants, qui ont tous gagné une dizaine de niveaux au passage, finissent enfin par sortir du Scorchpit, Vorhak tente sa chance et déclenche une bagarre générale, pendant laquelle il se rue sur son rival…

Début spoiler…Bien qu’ayant d’abord la main haute dans le combat, le Deathbringer commet l’erreur de sous-estimer son adversaire, qui lui sert la feinte du Père Lafeinte et le décapite sans cérémonie, envoyant s’écraser son cadavre dans le cratère dont il venait à peine d’émerger. C’est là le signe indubitable de la volonté de Khorne, qui préfère que ses champions s’illustrent dans un conflit éternel et peu glorieux, plutôt que d’aller rejoindre la pose de ce causeur de Khul (ou l’inverse). Après tout, si l’herbe est toujours plus verte ailleurs, le sang, lui reste tout aussi rouge…Fin spoiler

1 : Akhagor profite d’ailleurs de ces moments de convivialité pour siroter son cocktail favori, un blood & sand un peu spécial composé du sang de sa dernière victime, de malepierre et d’ichor démoniaque, saupoudré de poudres alchimiques et relevé d’un trait de tabasco.

AVIS :

À travers sa nouvelle d’exposition des entrées du (à ce stade futur) Tome de Bataille des Lames de Khorne (Prêtre du Massacre, Deathbringer, Bloodreavers, Skullreapers, Chevaliers sur Juggernaut…), Andy Clark arrive à faire passer un message intéressant, central dans le credo de ce Dieu mais rarement mis en perspective de cette manière dans les œuvres de la GW-Fiction : qu’importe d’où coule le sang. Si en général, cet axiome est illustré par les nombreuses luttes intestines et fréquentes auto-décapitations qui font le charme des bandes guerrières de Khorne, Clark pose le problème d’une façon plus originale : le Dieu du Sang se contrefiche que ses guerriers participent à une grande croisade en son nom ou passent leurs journées à zoner dans le sous-sol du Super U de Brive la Gaillarde, du moment qu’ils font couler le gros rouge à foison et atteignent leurs quotas crâniens. Seul un vrai fidèle arrivera à mettre ses désirs de gloire personnelle au second plan pour servir son patron de la façon la plus « efficace » qui soit, réalisation capitale qui sépare Akhagor de Vorhak. Nous sommes donc en présence d’une sorte de conte philosophique à la sauce grimdark, que je ne placerais pas au même niveau que ‘L’Histoire d’un Bon Bramin’ de Voltaire, mais qui mérite certainement la lecture pour de l’Age of Sigmar.

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The Eighth Victory – G. Lyon :

INTRIGUE :

The Eighth VictoryLes derniers mois ont été intenses pour Krev Deathstalker et son armée de Lames de Khorne. Assaillis sans relâche par les forces de Sigmar, les chaoteux ont réussi à vaincre à sept reprises leurs adversaires, mais au prix de lourdes pertes. Et, bien que Deathstalker fasse preuve d’un optimisme à tout épreuve auprès de ses lieutenants, dont le vieux Prêtre du Massacre Drane fait partie, les grands desseins de leur chef, persuadé que l’élévation démoniaque sera sienne s’il parvient à atteindre le chiffre magique de huit victoires, suscitent quelques froncements de sourcils parmi les membres de son Comex. Finalement, il revient au Deathbringer Koroth de provoquer une petite explication de texte avec son boss, sous la forme consacrée d’un honnête combat à mort. L’impétueux impétrant voit toutefois ses espoirs douchés par la survenue d’une averse de sang corrosif, manifestement déclenchée par Khorne en personne à la demande de Krev, et qui transforme l’Élu en flaque de barbaque en l’espace de quelques secondes. Le don démoniaque « peau en sucre » n’a pas que des avantages, finalement.

Après avoir remis de l’ordre dans sa maison, il est temps pour Deathstalker de mener son armée, très diminuée, à la bataille contre une nouvelle vague de Stormcast Eternals. Étrangement, il insiste pour rester en retrait des combats et garder Drane à ses côtés, pendant que les autres champions prennent place au cœur de la ligne rouge. L’affrontement qui s’engage tourne rapidement en faveur des Sigmarines, dont la puissance, la discipline et l’équipement surclassent facilement les hordes braillardes et chichement vêtues de Deathstalker. Ce dernier reste cependant très calme au fur et à mesure que la situation dégénère et que Drane lui rapporte la mort successive de ses lieutenants, jusqu’à ce que seuls le Prêtre du Massacre et le Seigneur de Khorne demeurent pour guider les quelques dizaines des Bloodreavers survivants de la « horde » de Krev. Il serait peut-être temps d’agir maintenant, non ?

Début spoiler…Et en effet, Deathstalker passe finalement à l’action. Il explique posément à son dernier sous-fifre qu’il a fait exprès de mener son armée dans une bataille qu’il ne pouvait pas gagner, dans le but d’offrir à Khorne le sang et les morts glorieuses de héros renommés nécessaires à sa promotion prochaine. Comme les Stormcast Eternals ne sont guère partageurs en termes d’hémoglobine et de crânes, leurs restes mortels étant prestement récupérés pour la Reforge par leurs très efficaces moyens généraux, il est revenu aux Lames de Khorne de se taper le sale boulot. Drane devine alors qu’en tant que huitième et dernier membre survivant du cercle intérieur de Deathstalker, il peut commencer à numéroter ses abattis, et se fait sans surprise couper en deux après un court et inégal combat contre son fourbe de patron. Cela en valait toutefois la peine car Deathstalker débloque bien un nouveau skin, ainsi que la capacité d’ouvrir un portail vers les Royaumes du Chaos, ce qui lui permet de remporter finalement la victoire, grâce à l’afflux de troupes fraîches et motivées. Toujours garder son objectif final en vue, c’est la clé des grands Champions.Fin spoiler

AVIS :

Autre nouvelle surfant sur la vague sanguinaire du « je m’en fous d’où ça vient du moment qu’il y en a », ‘The Eighth Victory’ aborde une facette importante de la philosophie de Khorne, mais de manière plus passable qu’inspirée1. Les manigances de Deathstalker sont assez transparentes pour le lecteur au fait de son fluff, faisant tomber à plat l’incroyable révélation de ce petit malin de Seigneur du Chaos. À noter tout de même que les Stormcast Eternals en prennent pour leur grade dans cette histoire, à commencer par le piteux Meros Oathkeeper, qui fait ici preuve de l’intelligence, du courage et de l’adresse martiale d’un Nurgling. Les effets secondaires de la Reforge, sans doute…

1 : Dommage pour Lyon, mais le positionnement de sa nouvelle juste après le ‘Gorechosen’ d’Andy Clark, qui utilise le même concept comme twist final, dans l’anthologie ‘Call of Chaos’, ne joue pas en la faveur de ‘The Eighth Victory’.

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Godless – D. Guymer :

INTRIGUE :

Godless« Perdu Dieu. Aperçu pour la dernière fois entre Ulgu et Hysh. Câlin et joueur, mais ne répond pas à son nom. Forte récompense (en nature). » Alors qu’ils collaient des affiches dans tous les recoins des Royaumes Mortels pour tenter de découvrir où est passé ce fripon de Slaanesh, Shahleah et sa bande d’Hédonistes sont dirigés par leurs dernières victimes hôtes en date vers la cahute d’un oracle démoniaque, qui pourrait peut-être les aider à resserrer un peu le périmètre de recherche. Après tout, c’est à ça que servent les devins. Pas de bol pour nos quêteurs dépravés, l’individu en question semble être plus qu’à moitié fou, et passe autant de temps à discuter avec son ombre (qui s’appelle Jago) qu’à répondre, de manière peu concluante mais il fallait s’y attendre, aux questions de ses visiteurs. En plus de la Championne Shahleah, qui a hérité du fardeau du commandement parce que, justement, c’est un fardeau, trois autres individus hauts en couleurs ont fait le déplacement : le cosplayer de Shun des Chevaliers du Zodiaque et sado-masochiste Cruciax, la sculpturale et très tendance Prefuria, et la sublime drama queen Hel’ein. Si la discussion trouve rapidement à l’aigre, et finit, comme on pouvait s’y attendre, par le décès brutal de l’oracle (qui demandait rien de moins que de parler en premier à Slaanesh après sa redécouverte pour assister nos héros), notre quatuor de pisteurs est mis sur le chemin de l’Astrosanct, une relique des temps anciens où seraient archivés tous les événements des Royaumes Mortels. Voilà qui est intéressant.

La route vers l’Astrosanct est, comme on pouvait s’y attendre aussi, semée d’embûches, les ténèbres grisâtres d’Ulgu se révélant peuplées d’escadrilles de proto-Nighthaunts (nous sommes en 2015) fort peu amicaux. Rien de très sérieux pour les Hédonistes cependant, qui se font un plaisir de repousser les assauts sépulcraux des stalkers embrumés. Les choses prennent toutefois un tour un peu plus sérieux lorsque la bande arrive enfin à destination, devant un bâtiment en bronze recouvert de symboles mystérieux, dont beaucoup représentent des astres…

Début spoiler…Et annoncent un désastre pour les suppôts de Slaanesh, car la garnison de Seraphons qui constitue le service d’Ordre de l’Astrosanct ne tient pas vraiment à accueillir du public. Un régiment de Saurus se téléporte soudainement devant les cultistes, menés par un Sang Ancien affectueusement baptisé Eclipse par Shahleah, sans doute en hommage au fameux cheval de course du XVIIIème siècle, avec la ferme envie d’en découdre. La bataille qui s’ensuit, bien que plus serrée et exigeante pour nos héros que la précédente, est finalement remportée par les Hédonistes, qui peuvent accéder aux archives tant convoitées. Trouveront-ils à l’intérieur un indice qui les rapprochera de leur cher/chair disparu(e) ? Mystère et boule de gomme. Mais, comme le dit Shahleah à ses collègues (en substance) : « C’est le jeu ma pauvre Lucette ».Fin spoiler

AVIS :

David Guymer réussit un tour de force avec cette nouvelle, qui exploite parfaitement le statut AWOL de Slaanesh, une des grandes nouveautés du fluff chaotique d’Age of Sigmar par rapport à Warhammer Fantasy Battle, et présente donc l’intérêt de sortir le lecteur de sa zone de confort et de l’emmener loin des sentiers battus et des stéréotypes éculés trop souvent attachés aux Guerriers du Chaos. On bénéficie également d’une mise en perspective intéressante de la mentalité des Seekers, à la fois désespérés et physiquement éprouvés par l’absence de leur Dieu, mais incapables de refréner leur nature débauchée et jouisseuse même lorsque cela va à l’encontre de leur quête (comme tuer l’oracle alors qu’ils auraient peut-être eu besoin de lui plus tard pour Shahleah et Cie) Voilà pour le fond. La forme est également digne de louanges, car l’auteur parvient à convoquer des personnages d’une singularité et d’une définition (plutôt qu’une profondeur, car il faut tout de même raison garder pour une nouvelle de moins de 15 pages) rares pour un court-format de la Black Library. Qu’il s’agisse de Shahleah et de ses groupies, ou de l’oracle démoniaque, tous présentent des particularités intéressantes, et des personnalités plus fouillées que le clampin de base d’une nouvelle d’Age of Sigmar. Autre satisfaction, la narration de Guymer s’avère être plus ambitieuse que celles de ses petits camarades, avec des zones d’ombres volontairement maintenues par l’auteur (ce qui est fluff, on est en Ulgu après tout) et qui donnent en vie de relire l’histoire pour s’assurer de n’avoir rien raté la première fois. Enfin, merci à David Guymer d’avoir permis aux Seraphons de faire (enfin !) leur entrée dans la GW-Fiction, je commençais à désespérer de voir les lézards holographiques prendre la lumière. Seule petit bemol, ‘Godless’ se termine sur un énorme point d’interrogation, ce qui laisse envisager une suite. Du moins je l’espère, car j’aurais plaisir à recroiser – littérairement plutôt que littéralement – les païens pailletés de Shahleah…

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The Sacrifice – G. Lyon :

INTRIGUE :

The SacrificeLe Magister de Tzeentch Arioso, surnommé le Sage de Minuit, nourrit, comme c’est le cas de beaucoup de ses collègues, une ambition dévorante. Soucieux de s’assurer qu’il marche sur la bonne voie, il a sacrifié 9*9 victimes, dont la dernière est un vampire outré du traitement qu’on lui inflige, à son Dieu pour obtenir rendez-vous avec un démon, et percer le voile de sa destinée, qu’il espère grandiose. Et en effet, la vision que lui accorde son visiteur est prometteuse : à la tête d’une grande armée, il combattra les Orruks dans la Vallée des Dieux Déchus, et connaîtra une apothéose lui permettant d’atteindre la vie éternelle lorsqu’il mélangera les cendres du sacrifié avec le sang de l’éternel. Seule petite ombre à ce teasing très attrayant, la vision s’interrompt juste au moment où Arioso engage le combat avec le chef de guerre ennemi, une sombre brute sur Mawcrusha faisant deux fois sa taille et cinq fois son poids. Notre héros ne serait donc pas contre un partage du director cut de son avenir, histoire d’être sûr de triompher de cet adversaire balèze. Malheureusement, il se prend une fin de non-recevoir polie mais ferme de la part du démon, et raccroche donc avant que la situation tourne au vinaigre. Après avoir assassiné son acolyte, sans doute pour se passer les nerfs, il collecte les cendres du vampire, carbonisé par la session Skype chaotique, et se met en route vers sa destinée.

Neuf (quelle surprise) ans plus tard, et après avoir gagné des milliers de followers de toute allégeance et toute race (même des Skavens, c’est dire), et s’être dégoté une panoplie de Seigneur du Chaos digne de son nom, dont un disque d’or en guise de monture dérobé dans le mausolée de Jauni l’Allité, une liche enfermée dans un pénitencier pour avoir mis le feu à ses souvenirs, souvenirs, Arioso, qui se fait désormais appeler le Roi Doré, est enfin au bon endroit au bon moment. Face à son armée se présente une horde d’Orruks, et, bien qu’il n’ait pas réussi à voir la fin de son combat contre sa Némésis pendant son errance, il est raisonnablement confiant sur ses chances de l’emporter. La suite lui donne d’ailleurs raison, le Big Boss finissant avec une big bosse et raccourci d’une tête après un duel rapidement expédié par l’Élu de Tzeentch. Et en bonus, il n’a même pas perdu toute son armée, comme le démon le lui avait pourtant annoncé. La voyance n’est pas une science exacte, c’est vrai. Rendu dans le temple du fond de la fameuse vallée, et ayant trouvé dans ce dernier un calice rempli de sang, Arioso fait ce qu’on attend de lui et verse le contenu de son cendrier portatif dans le Saint Graal, avec des résultats détonants…

Début spoiler…Et pour cause, notre héros à la surprise de voir se réincarner devant lui le vampire qu’il avait sacrifié il y a toutes ces années, et qui l’a donc trollé en beauté (le démon, c’était lui – me demandez pas comment –). Le sang du calice appartenait au mort vivant, qui a mis son bourreau sur un plan foireux pour hâter sa propre résurrection. Qu’à cela ne tienne, vous me direz, Arioso reste un Seigneur de Tzeentch ayant prouvé sa valeur au cours de dizaines de batailles et équipé de puissantes reliques… sauf que, non. Le Roi Doré se fait victimiser en trois lignes par son adversaire, qui le transforme en mort vivant à sa solde, accomplissant ainsi la promesse d’une vie éternelle qui lui avait été faite. Une non-vie certes, mais techniquement, c’est correct.Fin spoiler

AVIS :

J’aurais bien aimé dire de ‘The Sacrifice’ qu’il s’agit d’une nouvelle très classique mais déroulée de façon convenable par Graeme Lyon, mais le résultat final n’est pas au dessus de tout reproche. Si la duperie dont est la victime Arioso était tellement évidente qu’il serait mesquin de ma part de le reprocher à l’auteur, ce dernier aurait pu faire un peu plus d’efforts pour justifier comment un vampire lambda est capable de se faire passer pour un démon et énoncer une prophétie qui se révèle juste à 95%. On peut aussi s’interroger sur les raisons qui ont poussé le buveur de sang à cacher une poche de plasma dans un squat abandonné gardé par des trillions d’Orruks (très pratique pour aller se refaire facilement une santé en cas de besoin), mais ce serait pinailler. Je pense qu’il y avait moyen de boucler la boucle de façon un peu plus aboutie et logique pour cette histoire, et en tiens donc grief à Graeme Lyon ici.

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Lord of the Cosmic Gate – G. Thorpe :

INTRIGUE :

Lord of the Cosmic GateAprès des décennies à en chercher l’emplacement, Rikjard l’Enumérateur (Rikjard of the Many Numbers en VO1), Champion de Tzeentch ayant bien réussi dans la vie, est tout proche d’accéder à la mystique Porte Cosmique, dont la particularité est de mener partout. Dans chacun des huit Royaumes Mortels, évidemment, mais aussi au-delà, et jusqu’au Labyrinthe de Cristal de Tzeentch en personne, où notre héros souhaite mettre à l’épreuve ses derniers calculs. Car Rikjard est un peu le Ian Malcom d’Age of Sigmar, soit un mathématicien génial et imbu de sa personne, spécialisé dans la théorie du Chaos, et dont le but ultime est de coucher sur le parchemin l’équation éternelle, qui permettrait de tout comprendre et donc de tout maîtriser. Vaste programme, pour lequel il faut de vastes pouvoirs et une non moins vaste armée, attributs que Rikjard possède bien entendu.

Rendu dans la contrée déjà bien chaotique, car éminemment changeante,  des Mille Portails (à ne pas confondre avec la contrée d’Emile et Image, ou, comme on l’appelle parfois, Toulouse), le Magister convoque ses troupes en un claquement de serres, se livre à quelques savants calculs pour déterminer l’angle et le moment exact de l’ouverture de la Porte Cosmique, qui tournicote dans le ciel comme un fond d’écran animé démoniaque, et donne le signal du départ vers une colline voisine où les astres s’aligneront littéralement pour lui. En chemin, et comme il l’avait prédit, sa colonne est embusquée par une grande armée de Seraphons (on reste dans l’esprit Jurassic Park), dont les frappes en profondeur millimétrées s’avèrent compliquées à contrecarrer. Rien toutefois qui ne fasse transpirer un stratège comme Rikjard, que son vieil oncle wargamer a initié à Domination2, et qui peut également compter sur les Dodécaèdres de Dérive Continentale laissés en libre service sur le champ de bataille pour envoyer ses troupes là où elles sont le plus utiles. Pendant que Disciples, Démons et Dinosaures s’étripent dans la joie et la bonne humeur, Rikjard guette l’arrivée du Slann qui commande les Seraphons, dont il a besoin des connaissances arcaniques pour mener à bien son propre rituel. Il croise bien un crapaud tacheté perdu, lâchement balancé à ses pieds par un chevaucheur de Ripperdactyl opportuniste (on ne change pas une technique qui gagne), mais pas de grenouille impotente en vue, jusqu’à ce que, finalement…

Début spoiler 1…Ce bon vieil Xalanxymanzik fasse son apparition, attirant à lui tout le contingent démoniaque de l’armée de Rikjard, ainsi que ce dernier et sa cavalerie lourde. Alors que l’assaut des séides de Tzeentch est sur le point d’aboutir, le Magister reçoit l’illumination et ressent l’alignement des Mille Portails, qui s’ouvrent sur la Porte Cosmique. Le grand « Eureka » qu’il s’apprête à pousser en découvrant les derniers éléments de l’équation éternelle meurt toutefois sur ses lèvres lorsqu’il s’aperçoit qu’il a fait une erreur de calcul, et pas des moindres. Eurekaka. S’en suit un plantage complet du cerveau de notre héros, avec des conséquences bien évidemment fatales pour ce dernier. Il était pourtant si près du but…

Début spoiler 2…Ou plutôt, Xalanxymanzik était près du but. Car c’est le rusé Slann qui avait guidé depuis ses premières parties de jeux de plateau Rikjard vers sa destinée, dans le but d’accéder au Labyrinthe de Tzeentch pour pouvoir remettre un peu d’ordre dans ce boxon innommable. Trop rationnel pour percer seul les mystères de la Porte Cosmique, Xala’ s’est en effet fait une spécialité de susciter des carrières mathémagiques chez des humains prometteurs, espérant que ces derniers parviennent, avec le petit grain de folie qui les caractérise, à craquer l’équation éternelle et permettre aux Seraphons de porter la guerre directement aux Dieux du Chaos. Ce ne sera pas pour cette fois, mais Xalanxymanzik a tout le temps du monde…Fin spoiler

1 : On peut aussi interpréter ce patronyme peu commun en considérant que notre héros possède un grand nombre de cartes SIM, qu’il utilise pour filtrer les appels des individus qui lui déplaisent.
2 : Un jeu qui existe vraiment , et auquel Thorpe a peut-être déjà joué dans sa jeunesse (sorti en 1982).

AVIS :

Nouvelle sympathique que ce ‘Lord of the Cosmic Gate’, qui voit Gav Thorpe surfer avec brio et inspiration sur les fantasmagories propres au Chaos (ici d’un point de vue plutôt géographique et topographique), et donner au lecteur un aperçu saisissant de l’étrangeté intrinsèque de cette dimension parallèle. Une fois n’est pas coutume, j’ai trouvé le style de Thorpe plus riche et littéraire qu’à son habitude, ce qui est bien sûr positif. En plus de cela, il parvient non seulement à mettre les Seraphons en vedette de son histoire (ce qui intéressera plus d’un amateur Homme Lézard, je gage), mais également à leur donner un véritable potentiel dans l’équilibre des forces d’Age of Sigmar. J’imagine que cela est couvert dans le Battle Tome qui leur est consacré, mais cela n’avait pas été le cas dans mes lectures d’œuvre de GW-Fiction jusqu’ici, et c’est donc un ajout que j’accueille avec plaisir. Cerise sur le linteau (on parle de portail après tout), le twist final de ‘The Lord of the Cosmic Gate’ est plutôt bien pensé et amené, alors que je craignais que les débuts prometteurs de cette nouvelle ne débouchent que sur une sorte de meta rapport de bataille entre Disciples de Tzeentch et Seraphons. Ce n’a pas été le cas, et c’est tant mieux !

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Voilà qui termine cette revue de ‘Call of Chaos’, première anthologie de courts formats pour Age of Sigmar, et malheureusement pas à la hauteur de ses glorieuses (même si un peu baroques et kitsch parfois) aînées. Si l’ouvrage n’est pas sans compter quelques nouvelles valant le détour, ces dernières ne sont pas en majorité, et la brièveté de certaines vient souligner douloureusement le prix excessif de ce recueil. On a donc mieux fait d’acheter les pièces de valeur à l’unité, ce qui est un comble pour ce type de publication. Ajoutons à cela un regrettable manque de coordination entre les différents contributeurs, qui vient faire flotter un air de déjà-lu sur les dernières histoires, un flagrant manque d’ambition de la part de la Black Library sur la ligne éditoriale de cette anthologie1, et des apports en fluff et lore au final plutôt limités (ce qui aurait pourtant dû être un point fort de ‘Call of Chaos’ au moment de sa sortie), et on se retrouve avec un recueil assez classique pour de la GW-Fiction, mais vendu à un prix trop élevé et sur lequel des attentes trop fortes ont été placées. Comme dit le proverbe, les choses se bonifient avec le temps, et c’est définitivement le cas avec la production de courts formats pour Age of Sigmar. Dommage pour ce premier jet, mais cela incite au moins à attendre les prochaines sorties avec impatience!

1 : D’autant plus dommage que la BL fit travailler ensemble ses auteurs sur des arcs narratifs communs quelques temps plus tard (‘Mortarch of Night’ par exemple).

INFERNO! [N°5]

Bonjour à tous et bienvenue dans cette critique du 5ème numéro des nouveaux Inferno ! Oh boy, que l’attente fut longue depuis le numéro précédent ! Et dire que cette sortie en Avril n’a pas été impactée par le Covid19… À croire que le rythme de publication a été sciemment ralenti par la Black Library, pour des raisons que nous ne saurons sans doute jamais. Au menu de ce premier numéro de l’année II, nous dirons au revoir et (peut-être) merci au Prince Maesa et ses compagnons de boisson, toujours coincés dans l’auberge de la griffe outrecuidante – ou quelque chose comme ça –, et saluerons les débuts de Gavin1 G. Smith dans ce qui s’annonce être le roman sérialisé de 2020, The Last Knight.

Sommaire Inferno! #5

Mais ce ne sera pas tout, loin de là. Comme l’aimable (I guess) Richard Garton l’indique dans son édito, rédigé au Paléothique profond d’Août 2019, ce ne sont pas moins de neuf auteurs qui ont fait leurs débuts infernaux avec ce numéro #5. Certains bien connus (Ben Counter, Michael R. Fletcher), d’autres un peu moins (Anna Stephens, Marc Collins) et quelques uns, pas le moins du monde. Il va falloir apprendre à écrire Hanrahan, Grigsby, Kloster, Galley2 et Hayes sans se tromper, mais tout semble facile quand on maîtrise son Aaron Dembski-Bowden, pas vrai ? Mais trêve de banalités et d’orthographe, et place à l’action. Quelque chose me dit qu’on risque d’être servi de ce point de vue…

1 : Eh oui, à partir de maintenant, il y aura 2 Gavin dans la Black Library. Shocking.
2 : Eh oui, à partir de maintenant, il y aura 3 Ben (remember Ben Chessell) dans la Black Library. So shocking.

#5 - Cover.

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Watchers of Battle – B. Counter [AoS] :

INTRIGUE:

Dans un remake audacieux des Bronzés font du Ski, une coalition de gladiateurs des Spire Tyrants part en direction de la Bonebreak Pass (que l’on peut sans doute traduire par passe de la fracture), qui permet le passage depuis Carngrad à Varanspire à travers les montagnes des Crocs, afin d’y gagner une gloire éternelle. Car s’il ne tombe pas de neige dans ce coin du Bloodwind Spoil (il pleut du sang par contre), c’est là qu’Archaon envoie régulièrement quelques recruteurs scruter les combats et repérer les guerriers de valeur, dignes de rejoindre les armées de l’Everchosen. Voilà l’objectif professionnel que s’est fixé notre héroïne, l’imposante Voleska, qui compte bien taper dans l’œil la visière des taciturnes observateurs qu’elle a aperçus en effectuant une mission de reconnaissance du campement de la Cabale Corvus1, cible toute désignée de la furie martiale des Tyrants. Ayant fait son rapport au Preneur de Tête Ferenk Sunder-Spine, qui en profite pour lui propose de devenir son bras droit, voire de prendre sa place si jamais il devait lui arriver malheur au cours de la bataille du lendemain, Voleska, dont le comportement cabotin et la maîtrise du marteau de guerre lui ont valu le titre de « Donneuse de Cadeaux » (Gift-Giver) auprès des aficionados2, repart sans donner de réponses définitives à cette offre de promotion, persuadée qu’un destin bien plus glorieux qu’assistante de direction des Red Sand Raiders l’attend si elle brille au combat.

Et pour briller, Voleska brille. Fille illégitime de Hulk Hogan et Brienne de Torth, la gladiatrice rend une tête et trente kilos au plus costauds de ses camarades de lutte. Quant aux frêles cabalistes emplumés, ils ne font littéralement pas le poids. L’accrochage entre culturistes enragés et gothiques homicidaires finit donc par tourner en faveur des premiers, Vovo enchaînant les kills spectaculaires (dont sa spécialité, le nut-buster3), allant jusqu’à concasser un Shrike Talon (Achille de son prénom) pour asseoir son statut de best entertainer de la bataille. Cependant, les observateurs d’Archaon ne donnent pas signe d’être très impressionnés par sa performance avicide…

Début spoiler 1…Qu’à cela ne tienne, Voleska tourne son marteau vers ses alliés une fois les cabalistes vaincus. Commençant par refaire le portrait à son side-kick Kyryll, elle fracasse ensuite sans discrimination ses anciens frères et sœurs d’armes de droite et de gauche, finissant par un duel au sommet (ou presque) avec Ferenk, qui mordra lui aussi la poussière4 après un combat accroché. Last woman standing parmi ce carnage indiscriminé, Voleska a enfin la satisfaction de voir deux Elus s’approcher d’elle et lui faire signe de les suivre en direction de la Varanspire, où son destin l’attend…

Début spoiler 2…Mais pas forcément de la façon qu’elle l’imaginait. En effet, amenée dans les forges qui entourent la citadelle d’Archaon, notre survivante est sommairement décapitée au-dessus d’un abreuvoir par ses recruteurs, son sang étant utilisé, comme celui des autres guerriers valeureux draftés par les sbires de l’Everchosen, pour tremper les armes et armures confectionnés pour les osts des véritables Guerriers du Chaos, statut auquel Voleska a eu l’erreur de prétendre. Décidément, le plafond de verre (ou de fer) n’est pas un mythe, même dans les Royaumes Mortels.Fin spoiler

1 : Les Scions (du bois) étaient attendus à la Bonebreak Pass, mais n’ont finalement pas pu décaler leurs prières enflammées pour se libérer. Dommage.
2 : Les cadeaux en question étant les têtes de ses adversaires malheureux, qu’elle arrive à faire voler dans la foule d’un moulinet expert de marteau.
3 : Comme quoi, la Distributrice de Cadeaux était également Castratrice de Corbeaux.
4 : Façon de parler, le coup fatal asséné par Voleska faisant passer son crâne en deux dimensions, d’où quelques difficultés à mastiquer. 

AVIS:

Excellente nouvelle de la part de Ben Counter, qui s’affirme de plus en plus comme l’expert du Bloodwind Spoil, dont il maîtrise comme personne d’autre le côté brutal et nihiliste. Après avoir décrit l’ascension sanguinaire et illusoire d’un guerrier maigrichon des Untamed Beasts (The Devourer’s Demand), il remet ici le couvert avec la quête de reconnaissance professionnelle d’une gladiatrice de Carngrad, prête à tout pour être remarquée par son senpai1. Et, une fois encore, la nature même du Chaos viendra briser les rêves de gloire du héros, avec des conséquences cruellement définitives. Il n’est jamais inutile pour la BL de rappeler que l’adage « beaucoup d’appelés, peu d’Elus » est absolument correct quand il s’agit de décrire la méritocratie chaotique, et quel meilleur moyen pour cela que de mettre en scène des histoires se terminant mal au sein de cette faction ? Après tout, pour un guerrier parvenant à gagner son armure de plates complète, des centaines d’autres ont passé l’arme à gauche dans l’indifférence la plus totale. Ainsi va la vie (et ainsi s’arrête-t-elle) dans les Royaumes Mortels… Prenant dans son déroulé, percutant par sa conclusion, et recouvert d’un discret vernis de gore qui fait tout le charme des nouvelles Warcry, Watchers of Battle est une autre réussite à mettre au crédit du revenant Ben Counter, qui n’a – à mes yeux – jamais été meilleur que depuis qu’il a réduit le rythme de ses contributions. Comme quoi, on a toujours intérêt à choisir ses batailles, et ce n’est pas Voleska qui nous contredira…

1 : Au petit jeu des ressemblances avec les travaux précédents de Counter, il serait dommage de ne pas citer ‘Sacrifice’, nouvelle rattachée au cycle Alaric (Chevaliers Gris), et qui montre comment les armes et armures de ces preux paladins sont réalisées. Là encore, l’opération est plutôt consommatrice en main d’œuvre…

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No Quarter – R. J. Hayes [40K] :

INTRIGUE:

Le Sergent Malvian Craw et son escouade font partie des forces déployées par l’Imperium pour lutter contre les Eldars sur un monde inconnu, dont on saura juste qu’il comporte au moins une forêt. Craw et ses hommes font partie de la Légion d’Acier d’Armaggedon et… ouaiteuh minüteuh. Armaggedon ? Comme Armaggedon ? La planète consumée par une guerre apocalyptique depuis que Ghazghkull y a décidé de planter sa tente pour les vacances? Celle-là même. Il faut croire que la situation n’est pas si grave que ça, puisque le Gouverneur peut se permettre d’envoyer des troupes prêter main-forte aux copains du Segmentum1. Nous n’en sommes qu’à la troisième ligne de l’histoire, et le lecteur circonspect fronce déjà les sourcils. Voyons ce que donne la suite.

Craw et Cie (le vétéran Kule, le presque Medic Maine, le cadavre Rorak, le futur cadavre Benson, et les soldats Bidule, Truc, Machin, Chose et Laraiponsedaix, dont on n’entendra bien sûr jamais parler) sont donc en vadrouille dans la seule forêt identifiée par l’auteur, et sont tombés dans une embuscade tendue par les perfides Zoneilles. La tuile. Jusqu’alors, les Eldars auxquels ils avaient eu affaire s’étaient laisser expulser sans problème à coup de crosse dans le dos, et… hmmm… my bullshit sense is tingling, comme dirait l’autre. Je me demande bien d’où cela peut venir. Ah, oui, ça y est. Le fait que la Garde Impériale se comporte comme une brigade de CRS mobilisée pour évacuer une ZAD tenue par des Xenos, et pas comme le marteau de l’Empereur. Le lecteur circonspect tombe de sa chaise, mais ne se fait pas trop mal. Poursuivons.

Pris à parti par des tireurs de shurikens habilement camouflés par la verdure environnante, les impériaux sont bloqués sur place, et la mauvaise qualité de leur matos les empêche de prévenir le QG de leurs déboires. Pour passer le temps, Craw va donc s’enquérir de la santé de ses hommes, et plus particulièrement de celle de Benson, qui s’est pris un peu de ferraille dans le bide et geint donc comme la petite pleureuse qu’il est. Demandant au fidèle Kule de le couvrir pendant qu’il sprinte jusqu’au blessé, couché en évidence contre un tronc d’arbre, et désarmé par la rafale qui l’a mis à terre, Craw arrive à bon port, ramasse l’engagé Mauviette, et repart en courant vers la sécurité relative des lignes amies, confiant son fusil à Benson pour qu’il puisse les couvrir. Malgré sa nature sensible, Benson fait mieux que ça, puisqu’il arrive à abattre l’un des assaillants de l’escouade, qui dégringole de son arbre et se cogne la tête sur une racine. Ouille. Ce spectacle insoutenable pousse alors les autres Eldars à balancer une grenade à plasma sur les mon-keigh. Pourquoi ne l’ont-ils pas fait avant ? Mystère. En tout cas, la déflagration carbonise le pauvre Benson. RIP.

Le deuil du malheureux attendra un peu, cependant, car un tout autre problème se matérialise littéralement sous le nez, ou en tout cas dans le ciel, de la planète inconnue. Un Rok vient en effet de se téléporter en orbite très proche, et s’écrase au sol dans les secondes qui suit. Qu’on ne vienne pas me dire que la technologie peau-verte est imprécise après cela. L’onde de choc secoue violemment les arbres sous lesquels le drame se noue, et, après être émergé de la torpeur dans laquelle la chute d’une pomme de pin extraterrestre l’avait plongée, notre brave Sergent se rend compte qu’il est le seul survivant de son escouade. Maine s’est fait enterrer vivant avant d’avoir pu mettre son respirateur, et Kule, qui avait jusqu’ici évité les blessures, à l’exception de cette fois où il s’était fait mordre le derche par un Ork sur Armaggedon (true story), a été écrasé par la chute d’un arbre. Un malheur n’arrivant jamais seul, le premier Ork de la nouvelle fait bientôt son apparition, car, c’est bien connu, certains Boyz sautent de leur Rok avant l’impact pour être les premiers à la castagne. Je veux bien que les Orks soient solides, mais là… Je doute un peu. Le lecteur circonspect est maintenant au troisième sous-sol, entraîné vers les abysses par une force mystérieuse. Où s’arrêtera sa chute ?

Surpris et privé de fusil laser, Craw se prépare à vendre chèrement sa vie, et fait face au Xenos le couteau à la main, lorsque le peau-verte se la fait percer (la peau) par une rafale de shurikens. L’Eldar tombée du nid n’était en fait qu’inconsciente, et a choisi son camp et sa couleur dans la lutte entre le règne animal et végétal (ou mycétique). Cette intervention salutaire permet à Craw de se débarrasser de son adversaire, et avisant que toute combativité semble avoir déserté l’Eldar, peut-être à cause de la blessure qu’elle a récolté à la jambe, il décide donc… de la prendre avec lui pour fuir l’arrivée des Orks. Un Garde Impérial. D’Armageddon (donc naturellement xénophobe, m’est avis). Dont la moitié de l’escouade a été butée par les Eldars même pas deux minutes plus tôt. On m’informe dans l’oreillette que le lecteur circonspect a percé le manteau terrestre, et que sa vitesse continue à croître. Il nous faut pourtant continuer notre chronique.

Bref, Craw et Feuran (c’est le nom de l’elfette cosmique) font contre mauvais karma bon cœur, et cheminent clopin-clopant vers le salut incertain représenté par l’orée de la forêt, s’arrêtant de temps à autre pour flinguer les Orks les plus rapides qui sont partis explorer leur nouveau terrain de jeu. Je vous passe les dialogues mirifiques à base de « Vous les humains, vous êtes tous des monstres/comme les Orks » « Mais non » « Mais si » « C’est celui qui dit qui y est », qui meublent un peu et permettent surtout à nos deux héros d’apprendre à mieux se connaître. C’est d’ailleurs au cours d’une agréable discussion de ce genre que Feuran fait l’erreur fatale d’expliquer à son camarade d’infortune à quoi sert la pierre esprit qu’elle porte sur son armure. Et ça, c’est l’équivalent du flic qui dit qu’il part à la retraite à la fin de la semaine dans un film des années 80. Il est absolument certain que le personnage va crever dans les vingt minutes qui vont suivre. Tant mieux, j’ai envie de vous dire.

Au bout de quelques minutes de course d’orientation, notre duo choqué arrive finalement à découvert, mais poursuivi de près par une foule d’Orks très en colère. La radio de Craw se remet miraculeusement en marche, et l’acariâtre Commissaire-Speaker-DJ de garde, Vanx, lui apprend que les renforts ne vont pas tarder à arriver. Et en effet, une barge de bataille se matérialise par miracle dans le ciel, et largue quelques drop pods pile sur la position de nos fuyards. J’ai envie d’écrire WIJH. Et je le mets en gras. Et en rouge. Et en énorme (et tant pis si ça salope le paragraphe, c’est mérité).

WIJH.

Ça fait du bien. Et le lecteur circonspect s’extirpe d’un cratère, quelque part en Nouvelle Zélande. Je ne pense pas qu’il pourra aller plus loin.

Finissons-en avec notre histoire. Craw est fou de joie devant la tournure prise par les événements. Feuran, elle, tire un peu la tête, sans doute parce qu’elle a lu le Codex Space Marines. En effet, le Sergent Ultramarines2 Shatopethrus qui mène l’assaut des Astartes flingue la Xenos sans sommation, malgré l’air chagrin de Craw, avant d’intimer à ce dernier d’aller rejoindre la bataille. Enfin une décision logique, mais elle arrive bien trop tard pour sauver notre récit. Dégoûté par la tournure prise par les événements (il espérait peut-être conclure, après tout il trouvait les Eldars très similaire aux Humains quelques minutes plus tôt), Craw ramasse la pierre esprit de son ex meilleure pote, et lui promet d’aller la rendre à ses semblables. Peut-être croisera-t-il dans l’espace le cadavre gelé et outré du lecteur circonspect, victime collatérale, comme Feuran, de la terrible littérature de Hayes…

1 : Pour ceux qui argueraient que l’intrigue se passe peut-être avant ou pendant les deux guerres susnommées, la réponse est un grand et massif NON. C’est le héros lui-même qui le dit : il est né peu après la fin de la première, et a participé à la seconde. Seule hypothèse valable restante, ‘No Quarter’ se déroule en M42, et Craw a plus de cent balais.  
2 : Toujours dans les coups foireux ceux-là… Remember ‘Salvation’.

AVIS:

Je me souviens très clairement, au moment de l’écriture de la critique de la nouvelle Salvation de Jonathan Green, m’être dit : « certes, c’est comiquement mauvais et cela entre en conflit frontal avec le fluff le plus basique sur un grand nombre de points, mais cela a été écrit il y a fort longtemps, à une époque où la Black Library venait à peine d’être créée, et où le contrôle éditorial était en conséquence bien plus faible que ce ce que nous connaissons maintenant ». En d’autres termes : cela ne se reproduira plus. Eh bien, j’avais tort. En 2020, la BL est toujours capable de publier des soumissions tellement WTF que l’on peut légitimement se demander si elles n’ont pas été relues et approuvées par un opossum alcoolique, analphabète et surtout aveugle. Comme disait Brassens, rien n’est jamais acquis à l’homme, ni sa faiblesse, ni sa force, ni la qualité des nouvelles de GW-Fiction qu’il lit pour se détendre1. Je nous croyais à l’abri de ce genre de déconvenues, tellement 2000’s, voire 2010’s pour les dernières d’entre elles. Naïf que j’étais. Et le malheureux Rius est donc mort pour rien.

Comme indiqué dans la description de l’intrigue, ce ne sont en effet pas les entorses sauvages au lore qui manquent dans No Quarter, titre pouvant aussi bien faire référence à l’action qui se déroule dans ses pages qu’à la volonté de Hayes de sabrer la guimauve comme rarement avant lui. Et, si je veux bien admettre que tout peut se défendre en termes de background dans une franchise SF couvrant la galaxie entière sur une période de plusieurs millénaires, il faudrait cependant que ces libertés soient argumentées et mises en contexte par l’auteur pour convaincre le lecteur de leur validité. Un peu comme une articulation raide qui gagnerait en souplesse à force d’échauffement et de mise en condition, l’historique peut être permissif, si l’auteur s’en donne les moyens2. Ce n’est pas le cas ici, le fluff se prenant clé de bras sur clé de bras, et finissant la nouvelle en PLS terminale. Ajoutez à cela une intrigue d’une fadeur consommée, une fois toutes les incongruités la parsemant évacuée, ainsi qu’une narration fainéante au possible (ne nommer que quatre soldats d’une escouade de Gardes Impériaux, parce que les autres « ne servent à rien », vraiment…) et vous obtenez ce qui a de grandes chances de définir le nadir absolu de la soumission à Inferno !, nouvelle génération. Rendez-vous en 2040 pour voir si les successeurs de Rob J. Hayes ont réussi à briser la malédiction.

1 : Ce vers n’a été chanté que sur une obscure version bootleg, lors d’un concert à Nottingham.
2 : C’est d’ailleurs ce que Nate Crowley a démontré dans ces mêmes pages avec ‘The Enemy of my Enemy’. On pouvait aimer ou pas le résultat final, mais son raisonnement tenait beaucoup mieux la route que celui de Hayes.

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Mournclaw – B. Galley [AoS] :

INTRIGUE:

Notre propos débute avec la course effrénée mais peu rapide d’un Duardin esseulé dans un marais putride aux abords de la ville de Kurchok, en Ghur. Se sachant épié et poursuivi, notre nabot embourbé interrompt un moment son mud day dusk pour envoyer sa hache dans le thorax de son stalker, un coureur de boue – plutôt que d’égoût – Skaven. Si le rôdeur n’a pas réussi à arrêter sa proie, c’est sans doute parce qu’il s’agit d’un vulgaire ersratz des ninjas du Clan Eshin, notre raton étant en effet un membre du Clan Skryre. Avant de rejoindre le Royaume de la Ruine, il a toutefois l’obligeance d’expliquer à son tueur qu’il était à la recherche de la Mournclaw, provoquant une réalisation subite chez ce dernier, qu repart en petites foulée en direction de Kurchok.

Dans la ville en question, nous faisons la rencontre de notre véritable héros, le voleur Mallon Tein, alors qu’il se trouve en repérage dans la taverne locale. Ayant choisi de tenter sa chance auprès de la bourse d’un marchand Aelf, il parvient à la faire sienne en un tour de main et un renversement de pinte sur le carnet de notes de sa cible, mais se fait griller comme un bleu en lançant à cette dernière une pièce pour sa peine avant de prendre le chemin de la sortie. Car la pièce venait de la bourse subtilisée, et portait donc la rune personnelle de son propriétaire légitime, qui ne manque pas de saisir l’entourloupe. Ah, Mallon… Ta générosité te perdra ! Ou plutôt, aurait pu te perdre, si un chevalier assis en compagnie d’un groupe de gens louches, dont le Duardin susnommé, arrivé en cours de soirée à l’auberge, n’était intervenu auprès de la foule en colère pour sauver les miches du voleur malchanceux, prétendant le connaître et donnant au marchand déconfit une authentique pépite d’or torope en guise de dédommagement.

La situation s’étant calmée, Mellon est entraîné par son sauveur, Ulriker, jusqu’à son groupe de parole. Les autres membres de la compagnie sont les mercenaires que le chevalier a recrutés pour l’accompagner dans la quête d’un artefact magique : la masse d’armes Mournclaw. Cette dernière serait enterrée dans un tombeau Duardin bâti par les ancêtres de l’avorton boueux et grincheux croisé un peu plus tôt (Durbrord Grimbelly), qui possède une clé capable d’ouvrir la crypte familiale. Seul petit problème se tenant entre Ulriker et ses Lames Rouillées (le nom, qu’il considère sans doute stylé, qu’il a donné à sa franche-compagnie personnelle) et la reconnaissance que le don désintéressé de cette inestimable relique au Stormhost le plus proche ne manquera pas de leur valoir : aucun de nos larrons ne sait où se trouve le tombeau en question. Ceci dit, l’ingénieux Ulriker a un plan aussi simple que rat-dical pour contourner cette difficulté : kidnapper l’individu possédant l’information qu’il recherche, et qui n’est autre que le Warlock Volz Flayfang, du Clan Skryre.

Peu emballé par la perspective d’aller prendre un otage directement chez les Skavens des Fiend Crags, Mellon est toutefois contraint d’accepter de marcher dans la combine, les Lames ayant besoin d’un voleur (même pas très bon) pour compléter les talents de l’équipe, et notre larron n’étant de toute façon pas en mesure de rembourser la dette contractée auprès d’Ulriker pour son sauvetage. Notre joyeuse bande de lurons (Ulriker et son gryph-hound Malefitz, Durbrord et sa bedaine renfrognée, le duo mère fils farouchement anti-Skavens Elfrun et Oddone, le mage de feu non-diplômé Adalbero, le guerrier endormi Lundrich Twice-Killed et notre pickpocket récalcitrant) s’embarque donc dans un périple à travers les paysages pittoresques du Royaume des Bêtes, en direction du terrier de leur proie…

Début spoiler 1…Si leur mission quasiment impossible se déroule d’abord sans trop d’anicroches, puisqu’ils parviennent à pénétrer le repaire de Flayfang, à se frayer un chemin jusqu’à ce dernier et à repartir avec le rat de laboratoire sur l’épaule pour la somme modique d’un mort (Lundrich, qui se prend une gomme-cogne goût malepierre en plein dans le pif) et d’un blessé (Adalbero, victime d’un coup de queue barbelée à l’estomac), la suite s’avère beaucoup plus compliquée pour nos bras cassés. Ayant convaincu leur otage de les mener jusqu’au tombeau Duardin que ses équipes ont commencé à excaver, les Lames Rouillées sont bientôt en proie à une dissension interne de plus en plus marquée, Mallon et Durbrord soupçonnant Ulriker de vouloir récupérer la Mournclaw pour son propre compte plutôt que de la remettre à qui de droit, et ce malgré les avertissements récurrents donnés par le Passe-Partout de la bande1 à son vieux pote à propos de la nature maléfique de l’arme qu’il convoite. En plus de cela, Mallon découvre que son généreux sauveur s’est en fait joué de lui, et du marchand Aelf du début, en utilisant des bouts de ferraille dorés à la place de ses prétendues pépites d’or torope, et Flayfang propose au cambrioleur démotivé de conclure un pacte de non-agression pour sauver sa vie lorsque son armée personnelle aura mis la griffe sur les rat-visseurs de leur boss, ce qui ne saurait tarder.  

Les Lames Rouillées parviennent cependant à atteindre leur objectif, situé dans les montagnes de Cornecroc, perdant ce blaireau d’Adalbero, victime d’un mal d’estomac persistant et en rade de Pantoprazole, sur le chemin, rapidement suivi par Oddone et Elfrun. Bien que l’ambiance ne soit pas au beau fixe entre les survivants, ils finissent toutefois par arriver devant la porte de la salle où Mournclaw est entreposée, mais, problème, cette dernière ne pourra s’ouvrir que si le sang d’un descendant de la lignée est répandu sur la serrure, ce que Dubrord se refuse obstinément de faire. Il en faut toutefois plus pour décourager Ulriker, désormais totalement sous la coupe de Mournclaw,  et qui tranche la main de son compagnon après un court duel et utilise le moignon pour ouvrir l’ultime porte de ce donjon un peu particulier. Le chevalier disgracié n’aura cependant pas le loisir de looter l’arme héritage sur laquelle il avait des vues, ce fourbe de Post Mallon profitant de ses attributs de classe pour lui trancher la gorge en traître (ce qui n’est pas cool), et faisant subir le même sort au loyal Malefitz lorsqu’il tente de secourir son maître (ce qui est impardonnable). Ceci fait, le renégat s’empresse de jeter la masse aux pattes de Flayfang, bientôt rejoint par ses guerriers, espérant que son coup de main lui vaudra la reconnaissance du Warlock…

Début spoiler 2…Malheureusement, un Skaven ne tient jamais sa parole, surtout lorsqu’il est en position de force et cherche à se venger des mauvais traitements subis au cours de sa garde à vue musclée. Si Flayfang accepte donc volontiers Mournclaw, que sa race avait bien corrompue après l’avoir dérobée aux Duardin, c’est uniquement pour jouer au polo avec la tête de son allié. Vous aurez plus de chance à la prochaine session de JDR, les gars !Fin spoiler

1 : Hé, il est petit et porte la clé de son équipe. Je ne pouvais pas laisser passer cette opportunité.

AVIS:

Pour ses débuts au sein de la Black Library, Ben Galley démontre sa maîtrise de la nouvelle de sword & sorcery en mettant en scène la quête d’une bande d’aventuriers pour une mystérieuse relique, qui se révélera, comme de juste, maléfique. Si le sujet en lui-même n’a rien de particulièrement original1, l’auteur réussit à nous embarquer dans les aventures de son groupe de mercenaires rouillés sans coup férir, et parvient à mettre en scène son imposante galerie de personnages (8 au total, si on compte le gryph-hound d’Ulriker) sans donner l’impression que certains d’entre eux ne sont là que pour décorer. Autre réalisation technique à mettre au crédit de Galley, l’introduction narrée du point de vue de Durbrord, qui vient « enrichir » l’expérience de lecture. Ça peut paraître un procédé facile de prime abord (et pour être honnête, ça l’est), mais rien de tel qu’un changement de perspective au cours du récit pour immerger le lecteur dans ce dernier, et si l’astuce est souvent mis à profit dans les romans, il est bien plus rare dans les nouvelles. À cela je dis donc : well done sir.

S’il apparaît rapidement que la conclusion de ce Mournclaw ne sera pas heureuse pour nos protagonistes, dont le nombre descend graduellement au fur et à mesure que les embûches se présentent, ce manque de suspens est compensé par le désir de savoir qui restera le dernier debout, et comment les autres rencontreront leur fin. Il n’y a que la révélation des manigances du cérébral Flayfang, qui se targue d’avoir tout orchestré mais que l’on n’aura finalement pas vu à l’œuvre autrement qu’en pistolero, punching-ball et gossip rat, qui aurait pu être mieux amorcée par Galley. Pour le reste, nous sommes en présence d’une soumission des plus solides, faisant de notre homme un nom à suivre dans le cas où cette collaboration avec la BL serait amenée à continuer.

1 : La comparaison qui me vient avec une nouvelle de la BL serait ‘A Good Thief’ de Simon Jowett, racontant l’histoire d’un voleur recruté contre son gré par un puissant commanditaire pour dérober un livre magique à un seigneur brigand. On peut également penser au tire-laine ayant subtilisé l’anneau des Von Carstein du doigt de Vladd pendant le siège d’Altdorf.

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The Last Knight : Part One – G. G. Smith [40K] :

INTRIGUE:

Notre histoire se déroule sur le monde chevalier de Leucosia, dont la proximité syllabique avec Leukemia n’est pas totalement anodine. En effet, la planète a particulièrement souffert de l’ouverture de la Cicatrix Maledictum, et des incursions démoniaques l’ayant frappé avec régularité en conséquence de la signature des accords de Schengen entre le Materium et l’Immaterium. Notre héros, le noble Lacutus de la maison Honaratus, porte d’ailleurs un souvenir cuisant de la dernière excursion organisée1 par les hordes démoniaques depuis la Tempête de la Sirène (l’anticyclone warpien local), une engeance chaotique mal embouchée lui ayant craché dans l’œil avec des résultats corrosifs. Envoyé par son père et Gouverneur planétaire en exercice, Forganus, reprendre contact avec les communautés placées sous la protection de sa lignée, Lacutus arrive dans le petit village côtier d’Innsport, où il remarque l’épave d’un vaisseau spatial s’étant écrasé dans la lagune. D’abord content de la découverte, qui lui permettra peut-être de retaper le chevalier familial, le brinquebalant Wargod, en maintenance depuis la dernière bataille contre les springWarpbreakers en goguette sur Leucosia, Lacutus va rapidement déchanter. Sa rencontre avec les autorités locales se passe en effet très mal, l’ancien Fisher étant resté au règne d’Ignatius Honaratus, grand-père de notre héros, refusant de lui donner du « Monseigneur » et de lui faire une petite courbette, et finissant même par lui ordonner de mettre le pied à terre, et le faisant obtempérer d’une pichenette psychique à laquelle Lacutus ne s’attendait pas le moins du monde.

Sauvé par la ruade de son fidèle destrier Augustus, qui fidèle à sa réputation de monture d’un univers de Games Workshop, se charge d’infliger les blessures à l’adversaire quand son cavalier rate toutes ses attaques, Lacutus se relève, dégaine son épée énergétique branchée sur courant alternatif (elle marche un jour sur deux), et fend le faquin à tête bulbeuse en presque deux d’un horion bien placé. Il n’a cependant pas le temps de finir le dernier PV de l’increvable Fisher, qu’un duo de Genestealers émerge d’un taudis tout proche et commence à se rapprocher de façon aussi preste que menaçante. Décidant qu’il est de son devoir de porter la mauvaise nouvelle à la cour de son père plutôt que de mourir bravement au combat, Lacutus enfourche sa monture, pique des deux et arrive à se tirer de ce bien mauvais pas, aidé par sa maîtrise de l’arbalète et les carreaux à tête explosive2 que lui a préparé l’adepte du Mechanicus (formée en MOOG, car les contacts avec le monde forge le plus proche, Metalica, ont été interrompus par les tempêtes récentes3) locale. Une longue chevauchée plus tard, il arrive à bon port, c’est-à-dire le château paternel et capitale planétaire de fait, Landfall Castle, où il fait un rapport sommaire de sa mésaventure à son pôpa avant de tomber dans les pommes.

À son réveil, il est chargé par le vieux Gouverneur, rendu grabataire par sa dernière virée dans Wargod, de prendre la tête de l’armée locale pour aller brûler le village infesté, solution drastique mais efficace au problème rencontré par Leucosia. Les options ne sont en effet pas nombreuses pour les défenseurs de Landfall Castle, dont l’unique Chevalier n’a pas fini d’être retapé par Lydia (l’adepte du Mechanicus en question), et que Lacutus ne peut de toutes façons pas encore conduire, n’ayant jamais passé son permis poids lourd. Quant à l’astropathe local, Vervus, il a simplement déclaré qu’il était trop vieux pour cette m*rde après la dernière incursion démoniaque, et s’est mis de lui-même en pré-retraite clandestine dans les collines avoisinantes, craignant que son prochain envoi de mail soit le dernier. Ayant appelé la milice paysanne aux armes (principalement des arcs longs), Forganus est cependant pris de court par l’arrivée d’une horde de mécontents horriblement mutés, le Culte Genestealer local ayant décidé que l’occasion était bonne pour lancer une petite révolution contre la noblesse leucosiane. Après tout, elle n’a pas été vraiment capable de les protéger ces derniers temps.

C’est donc un siège en bonne et due forme qui s’engage, donnant à Lacutus l’occasion de démontrer ses talents de général (on attendra un peu pour juger ses performances martiales), bien aidé par les trébuchets et balistes customisés par Lydia, l’œil sûr et la main ferme (à défaut des dents) des archers Gult et One-Arrow Nokes, et les gros biscotos du palefrenier Ogryn Kark et de sa petite famille. Face au courage et la technologie rudimentaire des défenseurs, les milliers de cultistes et de mutants déployés par l’ancien Fisher, qui s’est apparemment recousu tout seul comme un grand dans l’intervalle, peuvent compter sur une supériorité numérique écrasante ainsi que sur des tours de siège quasiment efficaces. Car lorsque la dernière d’entre elles arrive finalement au contact des murs, condamnant très probablement les Bretonniens impériaux, Wargod émerge finalement des stands, et se charge de repousser la vague à grands coups d’épée tronçonneuse et de rafales de canon thermique. Face à la fureur mécanique du Chevalier, les Genies décident de ne pas être hasty, et se replient en désordre, permettant aux défenseurs de remporter la première victoire du conflit. Cependant, le prix est lourd pour les Leucosians, particulièrement pour Lacutus, qui ne peut que constater que le baroud d’honneur de son père lui a coûté la vie, le cœur du vieux Gouverneur ayant lâché sous l’effort. Notre héros est maintenant en charge des opérations, et il serait grand temps qu’il apprenne à se servir d’un pédalier et d’un levier de vitesse…

1 : C’est le Chaos après tout. Il y avait bien un Portepeste qui essayait de faire l’appel, mais c’est tout.
2 : Comme un carreau d’arbalète se dit « bolt » en anglais, on peut donc dire que Lacutus utilise des bolts ressemblant furieusement à des bolts.
3 : Comme le dit la sagesse populaire : « Metalica, c’est trop loin pour toi ».

AVIS:

Débuts intéressants de la part de Smith, dont les prémices de The Last Knight rappelleront sans doute quelques souvenirs aux lecteurs familiers des tous premiers temps de la GW-Fiction, époque mythique pendant laquelle des auteurs de SF bien établis s’étaient amusés à mettre l’Imperium en face de ses contradictions, en particulier celles provoquées par la grande diversité des mondes le composant. Qu’il s’agisse de Charles Stross dans Monastery of Death, Bryan Ansell et Bill King dans Deathwing ou encore Barrington J. Bayley dans Children of the Emperor ou Battle of the Archeosaurs, les rencontres entre cultures obscurantistes et merveilles de technologie étaient fréquentes, et c’était ma foi assez sympathique. L’avenir nous dira si Smith se place dans la droite ligne de ces grands anciens, ou bien s’il choisir de tracer sa voie, mais l’initiative est en tout cas à saluer.

Ce premier épisode permet également de se rendre compte que, bien que nouveau dans les ténèbres du futur lointain, Smith maîtrise bien le fluff de la franchise, y compris ses derniers développements, comme l’ouverture de la Cicatrix Maledictum, ou, tout simplement, l’existence des mondes chevaliers de l’Imperium, qui n’ont été mis sur la carte galactique que relativement récemment par Games Workshop. Comme tous les auteurs recrutés par la BL ne se donnent pas forcément la peine de se documenter sur leur univers d’adoption avant de prendre la plume (et l’Empereur sait à quel point il est facile de partir en hors sujet dans les franchises de GW), il convient de le mettre en avant comme point positif. À cela on peut ajouter une bonne capacité à dérouler une histoire prenante, particulièrement grâce à des personnages naturellement attachants, depuis notre adolescent borgne ninja, l’adepte du Bricolicum, les archers patibulaires, ou encore la famille d’Ogryns qui murmuraient à l’oreille des chevaux1. Finalement, le seul reproche que je peux formuler à Smith pour le moment est sa description parfois assez confuse du siège, particulièrement quand les tours de siège se joignent à la fête. On peut également regretter, à la marge, qu’il ait arrêté son propos dans un temps faible de l’intrigue, les hordes chitineuses repoussées pour le moment et la victoire remportée par les héros. Un cliffhanger facile (mais efficace) aurait été de mettre l’histoire sur pause au moment où le pont-levis est abaissé, au grand désespoir de Lacutus. Cela aurait nous amené à attendre le deuxième épisode avec encore plus d’impatience, mais de ce point de vue, Gavin Smith n’a pas de grands soucis à ce faire. Bring it on boy…

1 : Je suis déjà certain que je serais triste s’il leur arrive quelque chose dans les prochains épisodes.

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River of Death – A. Stephens [AoS] :

INTRIGUE:

Alors que l’aurore pointe à peine sur les maisons endormies de la ville fluviale de Demesnus, en Ghyran, un trio de jeunes gens attend un dernier compagnon sur les quais. Nos héros sont Brida Devholm, pas encore engagée dans les armées de Sigmar (The Siege of Greenspire), et les jumeaux Sati et Cahn, tous trois issus des classes laborieuses de la cité, et chargés par leurs familles d’aller récolter les joncs dont l’industrie locale fait grand usage, pour la teinture et la vannerie. Leur camarade est le mieux né Eron Rush, fils d’une grande famille locale, et néanmoins énamouré de Brida, à laquelle il compte se fiancer prochainement. Cette dernière l’a donc invité à faire la connaissance de ses amis d’enfance prolos, en espérant que quelques heures passées ensemble à faucher du roseau et se pinter à la bière rapprocheront ces deux mondes que tout oppose (sauf elle, bien sûr).

Force est de constater que son plan de copinage se déroule initialement sans problèmes, la bonhomie naturelle et les clowneries outrées d’Eron parvenant à vaincre la suspicion et les préjugés que les jumeaux entretenaient à son égard. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur plus vivace des Royaumes, la petite barque du quator remontant la rivière Quamus jusqu’aux bancs de joncs, atteints ces derniers temps par une sorte de maladie mal identifiée, comme c’est bizarre, lorsque, soudain, c’est la chute. Jetée à la flotte par le choc inattendu de son esquif contre un corps solide, Brida sent un corps sinueux et squameux lui frôle le mollet, ce qui n’est pas pour la rassurer. Sitôt remontée dans la barque, la cause de la collision apparaît clairement aux travailleurs de la rivière : une énorme anguille atteinte de la fièvre aphteuse a des vues peu charitables sur leurs carcasses. Équipés seulement de leurs rames et serpettes de kolkhoziens, les teenagers ne font pas tellement les malins, d’autant plus que les coups de boutoirs de la tanche en rut ont tôt fait de provoquer une voix d’eau inécopable (mais si, ça existe, la preuve) et d’assommer Eron, qui se prend un morceau de pagaie en plein dans le pif. Contraints et forcés, ils abandonnent leur pédalo pour gagner à la nage une île toute proche, Brida restant bravement en arrière garde pour ralentir l’anguille le temps que ses compagnons amènent son cher et tendre en sécurité. Et même si elle ne pourrait pas faire longtemps illusion comme Garde Morrsarr, chevauchée peu concluante de l’inamicale bestiole à l’appui, notre héroïne réussit toutefois à distraire suffisamment longtemps la bête pour que le quatuor parvienne à regagner la sécurité de la terre ferme. Sécurité relative, car l’îlot sur lequel ils ont débarqué est réputé être la demeure de Guette-Rivière, l’esprit tutélaire de la Quamus…

Début spoiler 1…Et en effet, il ne leur faut pas longtemps avant de croiser le maître des lieux, un vieil ermite encapuchonné, qui se présente comme étant le mythique Guette-Rivière, et leur promet de régler son compter à l’ennuyeuse poiscaille après avoir entendu le récit de leur mésaventure. Leur hôte parti à la pêche, nos ados éprouvés sombrent rapidement dans un profond sommeil. À leur réveil, plusieurs heures plus tard, Brida et Eron découvrent que les jumeaux ont disparu, et commencent fort naturellement à s’inquiéter, lorsque Sati et Cahn font finalement leur retour. Ils étaient partis casser la croûte en compagnie de Guette-Rivière, qui a préparé à ses visiteurs un petit-déjeuner des plus délicieux, et qu’il serait impoli de décliner. Peu rassurés par la situation, et interloqués par l’enthousiasme démontré par leurs amis pour les talents culinaires de Jo le Clodo, les amoureux finissent toutefois par leur emboîter le pas, et arrivent devant le camp de base de Guette-Rivière, où bout un grand chaudron rempli de ragoût. Les signes bizarres d’ascendant flippants allant en s’accentuant (Sati et Cahn, s’empiffrant littéralement, allant jusqu’à saisir la marmite brûlante à mains nues pour se resservir, le brouet de l’ermite étant glacé en dépit des flammes), Brida et Eron décident sagement de sauter le petit-déjeuner, et de fausser au plus vite compagnie à leur hôte. La fausse bonne idée d’Eron de balancer son bol à la tête de ce dernier pour faire diversion se retourne cependant contre l’initiateur de la bataille de bouffe, Guette-Rivière jetant bas les masques et la capuche, pour se révéler être un Rotbringer, aussi jovial et enthousiaste qu’une Maïté nécrosée. Sa transformation entraîne également celle des jumeaux, que leur consommation non raisonnable de soupe d’anguille pestiférée a changé en séides de Nurgle.

Ce constat posé, il ne reste plus grand-chose d’autre à faire pour nos héros que de pratiquer un peu de distanciation sociale, et prendre leurs jambes à leurs cous pour échapper aux miasmes et à la fringale persistante de leurs anciens camarades. Après une course éprouvante, Brida et Eron arrivent à mettre suffisamment de distance entre eux et les gros tas pour confectionner un radeau de fortune et partir de l’île maudite en battant très fort des jambes. Malheureusement, si la brioche des Maggotkins ne les avantage pas lors des épreuves de course de fond, elle leur permet en revanche de nager comme des poissons dans l’eau, et nos deux tourtereaux se retrouvent donc contraints à repousser les assauts sous-marins de leurs anciens amis à grands coups de latte. Le salut arrivera sous la forme d’une flotte de pêcheurs locaux, qui, en venant à leur secours, fera diversion assez longtemps pour que le courant emporte le radeau de la méduse, maintenu en un seul morceau par l’étreinte ferme d’Eron, jusqu’à la sécurité d’un banc de sable…

Début spoiler 2…Le soulagement de Brida est toutefois de courte durée, puisqu’elle découvre que son chevalier servant s’est sacrifié pour permettre à leur coquille de noix de rester à flot, et s’est fait béqueter une bonne partie des bras par l’insatiable Cahn en chemin. Les pansements à base d’algues n’ayant pas eu l’effet purgatif escompté, Brida ne peut que constater la détérioration de l’état d’Eron, qu’elle décide d’achever par compassion avant que sa transformation en morfale cannibale sclérosé ne soit complète. Ceci fait, et jugeant Demesnus probablement perdue (il suffit qu’un seul pêcheur mordu revienne à bon port pour que l’état d’urgence sanitaire soit déclaré), elle décide d’embrasser la voie martiale et d’aller se faire fille de fer au régiment le plus proche. On sait maintenant pourquoi elle passe son temps à se laver les mains dans la suite des ses aventures1Fin spoiler

1 : C’est bien sûr absolument faux.

AVIS:

Il y a des origin stories qui valent la peine d’être racontées, et celle de Brida Devholm, passée de fille du coupeur de joints joncs à capitaine revêche d’une garnison de la Ligne Émeraude (The Siege of Greenspire) fait partie de celles-ci. Ce qui commence comme une petite virée en bateau un peu mièvre passe en effet rapidement au (script de) film d’horreur par l’intermédiaire d’un goujon méchamment grippé, permettant à Anna Stephens de démontrer sa science de la mise en scène et de l’angoisse au cours des quelques pages suivantes. Depuis l’ambiance « Les Dents de la Mer » lorsque le quator tente tant bien que mal d’échapper à l’anguille putréfiée, jusqu’au final à la « Walking Dead » (prévisible mais bien réalisé) où Brida se trouve contrainte et forcée de plaquer son fiancé pour raisons sanitaires, en passant par l’épisode îlien très influencé par « La Colline a des Yeux » (l’ermite fou qui « convertit » les jumeaux aux joies du Nurglisme) et « Massacre à la Tronçonneuse » (la fuite éperdue de Brida et Eron)1, cette expédition nautique emprunte avec bonheur – sauf celui des protagonistes, évidemment – aux différents classiques du genre, pour un résultat prenant et intense. Seule petite ombre au tableau d’une soumission autrement très maîtrisée, la révélation par la BL que Brida poursuit ses aventures anti-chaotiques dans The Siege of Greenspire enlève un peu de suspens au récit, en prévenant le lecteur que ce personnage, au moins, s’en sortira. Il aurait été plus malin de la part des éditeurs de faire le lien avec l’autre nouvelle d’Anna Stephens en fin de River of Death, mais ce type de mise en contexte étant encore trop rare de la part de Nottingham, on ne leur en tiendra pas trop rigueur. En définitive, une vraie bonne nouvelle (haha), qui surprendra – en bien – peut-être ceux qui se sont familiarisés avec la prose AoSesque de Stephens via son plus classique Siege…, a le bon goût de faire le lien avec les autres récits de la BL traitant de Demesnus (Les Fantômes de Demesnus de Josh Reynolds en particulier) et aurait tout à fait eu sa place dans le prochain recueil de Warhammer Horror

1 : Et un petit clin d’œil plus récent à « Action ou Vérité » avec le sourire figé de Cahn et Sati à l’heure du petit-déjeuner.

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Respite’s End – M. Collins [40K] :

INTRIGUE:

Sur la planète Respite, les affaires vont pour le mieux pour le Medicae Primus Arlen Cedano, responsable de la production des médicaments qui constitue la principale activité du monde en question. On connaissait les mondes forges, il faudra s’habituer aux mondes pharmacies. Après tout, la Garde Impériale consomme des quantités astronomiques de Mercurochrome, c’est bien connu. Cedano vaque tranquillement à ses occupations dans le complexe de Valderos, qui consistent principalement à développer de nouvelles molécules miraculeuses, telles que le Prime (le redbull du 41ème millénaire), à s’assurer de la santé de la main d’œuvre locale, et accessoirement de faire des rapports réguliers à sa bonne amie Vector Phi, Magos entubée (comprendre qu’elle vit dans un tube), et à l’envoyé plénipotentiaire de ses actionnaires, un progenitor Genestealer. Car derrière ses apparences proprettes de Sanofi véritablement mondialisé, Respite est tombé sous la coupe du culte de l’Hélice Altérée, et répond donc aux commandements de Vejovium III. À chacun ses petits secrets.

Cette tranquillité industrieuse va toutefois voler en éclats lorsque les premiers cas d’une maladie mystérieuse commencent à se manifester parmi les laborantins, et dont les victimes se transformant en Zombies certes décérébrés mais pétés de rire. En première ligne pour trouver un remède au COVID-40.148 (à peu près), Cedano se fait contacter par radio par un certain Jast alors qu’il planche sur son vaccin. Ce dernier lui apprend qu’il est responsable de cette nouvelle pandémie, et qu’il l’a déclenchée uniquement pour mettre à l’épreuve la compétence de celui qu’il voit comme un digne un adversaire. Profitant de la tendance à l’épanchement de ce fan inconnu, Cedano convoque discrètement son vieux copain Heinrich, Clamavus de son état et donc spécialiste en communication, pour qu’il l’aide à trouver l’origine de l’appel et donc l’adresse de ce petit plaisantin. Dans l’intervalle, notre héroïque docteur donne de sa personne pour endiguer la contagion, n’hésitant pas à manier le lance-flamme pour traiter les patients les plus atteints, ce qui le met assez logiquement sur les dents et le plonge temporairement dans les abîmes de la dépression… dont une idée géniale (la chloroquine, peut-être) le sort. Malgré les coups de fil incessants de son groupie pestilentiel, Cedano arrive finalement à mettre au point un protocole a priori efficace, laissant espérer une fin prochaine à la crise.

De leurs côtés, Heinrich et le reste du Comex n’ont pas chômé non plus, le premier localisant l’origine du signal pirate, et les autres mobilisant les forces du culte pour aller purger les importuns une fois pour toutes, dans la cité-usine de Queveron où ils semblent s’être installés. Pendant que l’armée, menée par Heinrich et Vector Phi, sortie de sa boîte pour l’occasion, encercle le complexe, Cedano prépare un plan de contingence et donne la permission de minuit à sa smala d’Aberrants, avant d’entreprendre la longue descente jusqu’aux niveaux inférieurs de Valderos, où son intuition lui indique que se terre sa Némésis.

Et effectivement, pendant que le gros des forces de l’ordre se coltine l’extermination des Zombies ayant remplacé la population de Queveron, Cedano débusque un trio de Death Guards squattant la cave de son propre immeuble. Le leader de l’infecte trinité est bien Jast, Hektor de son prénom, venu proposer un CDI au bon docteur, dont la compétence l’a impressionnée. Cependant, le refus de ce dernier de faire une croix sur ses recherches et de reconnaître le crime de xenophilie, qui reste même en travers de la gorge – ou équivalent – d’un Space Marine du Chaos, provoque l’ire du débonnaire infectiologue. Qu’à cela ne tienne, Cedano n’est pas venu seul, et sa famille élargie tombe sur le râble – ou équivalent – des importuns. Après une mêlée générale plus serrée que ce que le rapport de force initial ne le laissait penser, les Astartes pétomanes sont mis hors d’état de nuire, laissant le seul Cedano en piteux état parmi les cadavres des combattants. À son réveil, un Heinrich très mécontent l’informe que ses petites cachotteries sur la composition des vitamines administrées aux forces chargées de la pacification de Queveron ont eu des effets indésirables, comme la transformation des auxiliaires humains en berserkers ayant chargé dans le tas sans réfléchir, ce qui a conduit à des pertes colossales qui auront des lourdes répercussions sur les projections de croissance du culte. Inacceptable ! Cette dérogation à l’éthique de l’Hélice a tellement mécontenté le Conseil d’Administration que le Medicae Primus est convoqué sur Vejovium III pour un tête à tête avec le Prime Specimen. Et en plus de ça, il a choppé un virus. La médecine du travail n’est décidément pas une sinécure…

AVIS:

Si la deuxième contribution de Marc Collins à la Black Library1 s’avère être une lecture plus intéressant que ses travaux initiaux, j’avoue que la restitution d’un avis sur la qualité de ce ‘Respite’ End’ m’a posé davantage de problèmes que je ne me l’imaginais. En cause, un facteur que je n’ai pas souvent abordé ici, mais qui à mes yeux mérite qu’on le prenne en compte : la familiarité du lecteur avec le background spécifique que l’auteur utilise pour mettre en scène son histoire. En ce qui me concerne, ayant arrêté de longue date de suivre les avancées du fluff avec le zèle des mes jeunes années, où je me faisais un point d’honneur d’acheter les Codex de toutes les factions du jeu (même si je n’ai jamais joué à ce dernier), les Cultes Genestealers restent une race assez mystérieuse. Aussi, j’ai dû « découvrir » par moi-même que la planète Respite était sous leur contrôle au fur et à mesure du récit, à travers les indications, loin d’être transparentes pour le tout venant, de Collins. Ainsi, je n’ai réalisé que l’Hélice Altérée et le culte Verjovian étaient canon, et pas une simple création de Collins, qu’en faisant des recherches annexes pour tenter de confirmer le vieux soupçon qui me tenaillait sur la nature pas très orthodoxe du crédo du héros. Découvrir que la planète modèle est en fait sous la coupe d’un culte Xenos en cours de lecture a donc rendu l’expérience plus plaisante que si ma connaissance du fluff m’avait permis d’identifier le problème à sa première mention. Bref, il se peut très bien qu’un lecteur mieux au fait que votre serviteur des arcanes du background récent trouve ce ‘Respite’s End’ d’une platitude consommée, son principal intérêt ayant été ce qui me concerne cette épiphanie peut-être pas du tout recherchée par l’auteur2.

Car il faut bien reconnaître que l’enquête menée par Cedano et sa fine équipe de freaks pour retrouver les petits malins ayant jeté des boules puantes dans leur magnifique monde-pharmacie ne casse pas trois bras à un Aberrant, tout comme le règlement compte final entre le Professeur Raoult du 41ème millénaire et ce parasite de Jast. Certes, Collins arrive à relever son propos avec quelques trouvailles bien senties, comme les Zombies de la Peste hilares (clin d’œil au Smilex du Joker ?) ou le jugement sévère porté par un Space Marines du Chaos sur l’infestation Genestealers, qu’il considère être un crime terrible envers l’Humanité (alors que se révolter contre l’Empereur et vouer son âme à Nurgle, c’est chill), mais dans l’ensemble, l’intrigue en elle-même est vraiment très classique. À lire pour ceux qui seraient intéressés par une plongée dans ce que Collins présente comme une « utopie tyrani(di)que », soit une planète complètement sous la coupe des agents de la Grande Dévoreuse, mais dont les habitants ont l’air de mieux s’en sortir que ceux du monde-ruche moyen. Je serai intéressé de connaître votre retour sur cette nouvelle (qui a au moins le mérite de s’affranchir de la malédiction du titre jeu de mots3), pour voir si mon relatif noviciat en matière d’infestation extraterrestre à véritablement faussé mon jugement…

1 : La première étant ‘Champions, All’, publiée pendant le Black Library Advent Calendar 2019.
2 : Bien que sa non-utilisation du terme « Genestealer » d’un bout à l’autre de la nouvelle me laisse tout de même penser qu’il savait ce qu’il faisait.
3 : Qui veut que ce type de nouvelle paie les velléités humoristiques de son auteur par un contenu généralement médiocre. Allez lire ‘Virtue’s Reward’ pour vous en convaincre.

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No Matter the Cost – M. R. Fletcher [AoS] :

INTRIGUE:

Réveil douloureux, comme tous les matins, pour le vieil ermite Fell. Son rituel de lever consiste en effet à constater l’étendue des dégâts infligés par une longue vie et des capacités de guérison très limitées. Et pour cause, notre héros accuse plus de cinq siècles au compteur, et ne peut tout simplement pas se remettre de la moindre blessure, fracture ou luxation. Pourquoi ? Nous n’allons pas tarder à le savoir. Pour l’heure, après avoir rappelé à ses pieds, mains, doigts, genoux et dos à quel point il les détestait (et c’est réciproque), Fell se traîne jusqu’à la cuisine de son petit deux-pièces, où il ne tarde pas à recevoir la visite de sa jeune voisine, Rita. Cette dernière est une bonne âme, qui, en plus de lui apporter quelques victuailles sous la forme de pain et pommes de terre (et, devinez quoi ? Fell déteste les patates), lui fait sa vaisselle, la conversation et l’invite à rejoindre le reste de la communauté à la taverne locale ce soir, où l’aubergiste lui paiera un coup à boire et où il pourra entendre chanter la divine Terese, qui semble avoir le béguin pour l’irascible vieillard, si ses dons réguliers de tubercule peuvent être considérés comme une tentative de flirt (après tout, on est dans un pauvre village de Shyish). Malgré les tombereaux d’insultes et de menaces qu’il déverse sur la fillette, Fell finit par se laisser convaincre d’aller s’en jeter un petit ce soir, histoire de briser sa solitude. Et seul, il l’est…

Un flash-back intercalé avec la trépidante vie sociale de Hollow’s Dell (le hameau en question) nous permet en effet d’en apprendre un plus sur le Grouch du Royaume de la Mort. Scribe employé par les magisters de Glymmsforge, Fell avait, en des temps très anciens, une femme (Ruhinn) et une fille (Leona). Lorsque cette dernière tomba malade et mourut, il mit à profit sa mémoire eidétique pour recopier de tête un grimoire de nécromancie qu’un riche commanditaire lui avait commandé (on ne pose visiblement pas de questions d’éthiques à Glymmsforge), ainsi qu’un dictionnaire bilingue lui permettant de décoder les pages qu’il avait auparavant copié sans comprendre. Ce choix de vie ayant reçu l’approbation de son épouse, tout aussi désespérée que lui par la mort de leur fille, Fell avait passé la décennie suivante à bûcher sa méthode Assimil nécromantique, plongeant le couple dans une misère noire mais lui permettant de se consacrer pleinement à sa nouvelle vocation. L’apprentissage du sort de résurrection ultime s’avérant trop compliqué pour notre autodidacte, il avait fini par accepter l’aide d’une professeur un peu particulière, ayant remarqué à ses prunelles enfiévrées (et sans doute à son teint blafard et ses cernes marquées) que Fell en était, tout comme elle. Appelée Misère, cachant son Âge1 derrière une plastique parfaite, et au service d’une mystérieuse Dame Oh, elle s’était engagée à apprendre à l’amateur les mystères des arcanes, en échange d’un service éternel. Au pied du mur et bientôt au bord de la tombe, Fell avait accepté, mais s’était carapaté discrètement avec sa petite famille une fois la connaissance acquise et le sort final jeté, espérant s’installer avec les femmes de sa vie dans un coin pas trop lugubre de Shyish pour rattraper le temps perdu.

Malheureusement, Misère avait vu clair dans son jeu, et confronté la petite famille sur le bateau les menant vers leur nouvelle vie. Mettant son élève au défi de la stopper, elle avait dissipé le sort lancé sur Leona, renvoyant cette dernière conter fleurette à Nagash, et desséché sur pied la pauvre Ruhinn, avant de jeter à Fell une malédiction d’un genre un peu particulier : l’immortalité doublée d’une incapacité de guérir. C’est ainsi que notre héros en arriva à traîner sa mélancolie et sa carcasse fragile de village en village pendant des siècles, refusant à échéances régulières les offres faites par Misère de reprendre ses études, et se coupant volontairement du monde avec son comportement grossier pour ne pas donner de nouveaux moyens de chantage émotionnel à la vampiresse. Tout un programme.

Alors qu’il se rend au bar du coin, ce soir là, Fell réalise que quelqu’un l’épie du haut de la colline voisine, et, comme de juste, c’est la Misère qui attend de se jeter sur le bas-peuple (lui, en l’occurrence). La tuile. Jugeant qu’il a au moins quelques heures devant lui avant de devoir évacuer les lieux, et souhaitant saluer une dernière fois ses gentils voisins, notre fringant vieillard va s’asseoir au bar, mais est bientôt abordé par un mercenaire patibulaire, envoyé par Misère lui faire la même offre que les décennies passées : rejoindre le service de Dame Oh, ou avoir le saccage de son village d’adoption et le massacre de tous ses habitants et particulièrement celui de Rita, qui s’inscruste sans gêne dans la discussion, sur la conscience. Bien que bluffant à mort que ses concitoyens ne représentent rien pour lui, Fell ne convainc ni le matamore, qui repart en jurant de revenir avec ses troupes dans deux heures, ni lui-même. Décidé à empêcher les ruffians de mettre leur forfait à exécution, notre héros décide donc de rompre le serment qu’il avait fait sur les cendres et ossements de sa famille de ne plus jamais recourir à la Nécromancie, et s’en va donc clopin-clopant rendre une petite visite au cimetière local…

La suite et fin de la nouvelle voit Fell et ses légions de morts sans repos embusquer les reîtres de Misère à leur entrée dans le village, pendant que le reste de la population de ce dernier reste sagement enfermée dans l’auberge, comme leur mascotte édentée leur avait demandée. Le poids du nombre ayant remporté les débats, Fell résout d’aller traiter le problème à la racine, et mettre un terme à la non-vie de sa stalkeuse immortelle. Avant de s’embarquer dans sa croisade personnelle à la tête de ses troupes, il profite de sa nouvelle résolution pour annuler la malédiction que Misère lui avait lancé, et siphonne allègrement l’énergie vitale du menaçant mercenaire, fait prisonnier au cours de la bagarre, pour se refaire une santé et une jeunesse. À nous deux maintenant Misère ! Tu vas bientôt t’en mordre les dents, bougresse.

1 : Oui, son Âge, pas son âge. Ça vous donne une idée du nombre de kilomètres au compteur

AVIS:

Bien qu’il ait déserté pour l’occasion ses bien aimés Ossiarch Bonereapers, Michael Fletcher continue son odyssée Shyishesque de belle manière avec ce No Matter the Cost, dont la plus grande réussite repose à mes yeux dans la variété d’atmosphères que l’auteur convoque. Depuis les débuts plutôt humoristiques de l’histoire, où le lecteur fait la connaissance du cacochyme et ronchon Fell, jusqu’à sa conclusion résolument grimdark, où le même Fell passe enfin full Nécromancien et décide d’aller résoudre l’épineux problème de la Misère dans le monde, en passant par la tragédie personnelle qui l’a poussé à se lancer dans des études occultes, et même la petite touche émotionnelle qui traverse le récit lorsque notre antihéros réalise que, finalement, il s’est attaché à ses concitoyens de Hollow’s Dell et décide de les défendre, Fletcher parvient à habilement changer l’éclairage de la nouvelle au fil des pages, ce qu’il n’avait encore fait que partiellement (Strong Bones) et ce que peu d’auteurs de la BL sont capables de réaliser dans leurs courts formats. Cela démontre donc une maîtrise narrative certaine de la part de ce contributeur, et m’incite d’autant plus à suivre ses prochaines soumissions avec intérêt. Après tout, si un auteur passable peut faire illusion en traitant un sujet foncièrement intéressant, un auteur accompli peut maintenir un niveau de qualité appréciable quelque soit le thème qu’il choisit d’aborder. Partant, il vaut mieux investir son temps et son argent sur les écrivains faisant preuve d’une « technique » suffisante, lorsque cette dernière est détectable. C’est en tout cas mon avis.

À côté de cela, une autre satisfaction que je retire de cette lecture est le choix de Fletcher d’avoir dépeint son héros de Nécromancien sous un jour positif, ce qui n’était pas arrivé depuis…Who Mourns A Necromancer (Brian Craig) ? Même si on se doute que les choix de Fell vont finir par lui monter à la tête, et que le chemin sur lequel il s’est finalement engagé après quelques siècles d’atermoiements, va le mener droit en enfer (ou l’équivalent des Royaumes Mortels), notre protagoniste finit la nouvelle comme un « gentil » avéré, et on se met à rêver de le suivre dans la suite de sa vendetta (ou vendett-Oh) personnelle contre la machiavélique Misère et sa mystérieuse – ou pas – protectrice. S’il est trop tôt pour dire si la BL autorisera Fletcher à poursuivre ses chroniques Fêllées, ce dernier a en tout cas réussi à piquer mon intérêt pour le Nécromancien Blanc de Shyish, qui retourne les armes de ses adversaires contre eux pour lutter contre la tyrannie des Mortarques et de leurs agents. À 40K, ça s’appelle être un radical, et c’est parfois toléré, alors pourquoi pas dans les Royaumes Mortels ?

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Curse of the Lucky – G. Kloster [NDA] :

INTRIGUE:

Le jeune Cutty coulait des jours tranquilles, à défaut de pouvoir être qualifiés d’heureux, en compagnie de son mentor et maître de stage Kicker, infirmier libéral dispensant ses talents aux bandes locales passant leur temps à se castagner dans ce petit coin de Hive Primus, Necromunda, quand l’irruption dans l’officine d’un Goliath amoché, Rast, vint faire voler son petit monde en éclat. Rendu grincheux par le résultat de l’opération, qui le laissa manchot, et, surtout, ne permit pas de sauver son précieux pistolet bolter, Rast était sur le point d’incruster le doc dans la moquette à coups de rangers lorsque Cutty lui proposa de lui fournir un nouveau flingue pour remplacer la pétoire perdue. Et si notre jeune héros se trouva en mesure de proposer ce deal au malotru, c’est parce qu’il est vraiment très chanceux, et a perfectionné une méthode pour prédire l’avenir en jetant des dés. Avec un talent pareil, il aurait pu remporter l’ETC facilement s’il était né seulement 38 millénaires plus tôt, mais comme dit le poète, on ne choisit pas ses parents, on ne choisit pas sa famille…

L’ayant pris au mot, Rast rassembla une escouade de Goliaths et emboîta le pas de son nouveau porte-bonheur, qui finit, après quelques jets probants, par localiser une cache d’armes dans un conduit d’aération abandonné. Et, ô merveille, le stock ainsi mis à jour contenait un authentique bolter, gagnant à Cutty la reconnaissance éternelle temporaire de son mécène, et quelques regards dubitatifs de la part des autres membres du gang, pas vraiment convaincus qu’un manchot soit capable d’utiliser une arme aussi caractérielle d’une seule main. L’arrivée inattendue d’un groupe de Van Sarr, légitimes propriétaires de la quincaillerie, sur les lieux du loot vint toutefois mettre fin à ces savantes supputations, et donna à Cutty l’occasion rêvée de s’éclipser discrètement, en plongeant en contrebas et atterrissant sans trop de dommage (la chance !) dans une mare d’eau croupie.

Sorti de ce nid à microbes et à rats mutants, qui heureusement se montrèrent plus intéressés par la dégustation du cadavre de Goliaths ayant servi de bouée au jeunot pour rejoindre la rive, Cutty fit rapidement la connaissance des indigènes du cru, une tribu de mutants cannibales, mais sinon assez sympathiques, car tenus en rênes psychiques par une mystérieuse fillette, ravie d’avoir un peu de compagnie normale dans la situation bizarre dans laquelle elle s’est elle-même trouvée depuis que son professeur, du nom de Prof (spoiler : il ne s’agit pas d’un Nain) a cessé de venir lui donner des cours particuliers à domicile, comme il avait l’habitude de le faire. Certes, cela consistait surtout à regarder des cassettes éducatives, mais tout de même, c’était mieux que rien. Au bout de quelques semaines d’ennui profond, notre Psyker en culottes courtes décida donc de partir à la découverte du vaste monde, ce qui la conduisit à devenir la mascotte de la faune dégénérée de cette partie du sous-monde, qui n’a eu d’yeux (qu’ils ont très nombreux) pour elle depuis lors.

Sentant que Cutty avait lui aussi des pouvoirs mentaux, ce qu’il commença par dénier fortement, l’inconnue de la décharge somma son nouvel meilleur ami de lui trouver un nom, si possible aussi hilarant que le sien et celui de Kicker, tous deux inspirés d’un constat cruel (Cutty n’aime pas la vue du sang, et Kicker a perdu l’usage de ses jambes). Parce qu’on sait rire sur Necromunda, non mais. Avant que le baptême ait pu avoir lieu, la descente en rappel des Van Sarr et de Rast, fait prisonnier par ces derniers, vint mettre fin à cette discussion mondaine. Le leader du gang techos se montrait en effet très intéressé par le recrutement d’un porte-bonheur, la capacité de Cutty de localiser sa planque l’ayant favorablement impressionné. Cependant, le refus catégorique de ce dernier de passer de main en mains poussa Little Miss Sewer à lancer ses protecteurs sur les intrus, qui finirent réduits à une poignée de gangers, toujours escortés de l’increvable Rast, non sans avoir massacrés une grande partie des autochtones. Changeant de tactique, la bonne amie de Cutty opta ensuite pour une approche frontale, s’approchant assez près grâce à son innocent minois pour faire tomber le chef des Van Sarr sous sa coupe, et lui ordonner de flinguer ses hommes et son prisonnier, ce qu’il fit sans discuter.

Cependant, la résistance naturelle des Goliaths faillit jouer un mauvais tour à nos héros, lorsque le décidément insubmersible Rast refit surface de la mare où l’impact de laser l’avait projeté, et parvint à régler son compte au tireur envoûté, avant de se saisir de l’irritante Psyker à bras le corps. La situation, fortement compromise, fut toutefois à nouveau sauvée, cette fois-ci par la chance insolente de Cutty, qui convainquit sa Némésis de venir s’expliquer d’homme à homme avec lui, et trouva le moyen de le transformer en torche humaine, et de le poignarder pour la forme, par une suite hilarante (sauf pour Rast) de coups de chance, une fois qu’il eut laissé tomber sa prisonnière. Frappé par l’inspiration, Cutty baptisa cette dernière Shy, en référence à son approche directe des relations sociales, se terminant la plupart du temps très mal pour ses interlocuteurs, il faut le reconnaître.

De retour à la surface, ou en tout cas à des niveaux de la ruche mieux fréquentés, Cutty et Shy ne purent cependant pas s’attarder très longtemps auprès de Kicker, le vieil homme ayant fini par attirer l’attention des autorités à la suite des nombreux coups de chance de son protégé constatés par le voisinage. Placé sous la garde d’une paire d’Enforcers, dirigé par celui que Shy identifia comme étant le fameux Prof, Kicker n’eut que le temps de dire au revoir à son stagiaire, et ce dernier de rassembler quelques affaires – après que Shy eut gagné accès aux locaux en demandant gentiment aux sentinelles laissées sur place de s’entre-tuer – avant que le duo des teenagers extraordinaires ne tire sa révérence pour de bon, espérant sans doute trouver d’autres individus « doués » et/ou « chanceux » dans le reste de la ruche. C’est tout le mal qu’on leur souhaite…

AVIS:

Débuts intéressants de Gary Kloster dans la GW-Fiction en général, et dans le cadre bucolique de Necromunda en particulier. Notre homme démontre en effet une maîtrise appréciable des arcanes de la franchise dans laquelle il s’aventure au même titre que son héros, son utilisation des Maisons Goliath et Van Saar (sans compter une mention bien placée de l’humour glacé et sophistiqué des Delaque) apparaissant tout à fait à propos. Son choix de délaisser la guerre des gangs pour se concentrer sur la trajectoire peu commune – bien qu’il passe une partie de la nouvelle à plonger comme une pierre – de Cutty, que l’on peut sans mal qualifier de Brin Milo du sous-monde1, est cependant ce qui fait l’intérêt de Curse of the Lucky, qui pourrait sur cette base se dérouler sur n’importe quelle planète de l’Imperium, guère réputée pour leur tolérance envers les individus ayant trop de chance, même s’ils se contentent de compter les cartes au Black Jack ou de camoufler un ordinateur dans leur chaussure pour calculer le numéro qui sortira à la roulette. Il y a des choses qui ne changent pas. La rencontre de Cutty et Shy, enfant prodige sortie tout droit d’un cross-over entre Stranger Things et Akira, et la révélation de l’identité du mystérieux enseignant à domicile de cette dernière, fait ainsi basculer le récit de survivalisme en milieu urbain en quête initiatrice, où les jeunes et exceptionnels héros s’unissent pour transcender leur condition de parias. Ecrit comme ça, on dirait presque du Harry Potter2, destin que je ne leur souhaite pas, tant l’usage de « magie » non sanctionnée peut avoir des conséquences malheureuses pour les contemporains du 41ème millénaire. En tout cas, cela donne plutôt envie de connaître la suite, si suite il y a, mais Kloster laisse cette porte largement ouverte, alors pourquoi ne pas espérer ?

1 : Très doué avec les jeux de hasard, mais pas du tout un Psyker, non non…
2 : Ou une version grimdark des Royaumes du Nord, notamment à cause de l’utilisation des dés chanceux de Cutty comme s’il s’agissait d’un aléthiomètre.

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Best Death Wins – S. Grigsby [40K] :

INTRIGUE:

Alors que la planète Malum vit ses dernières heures de bio-intégrité, un trio de Gardes Impériaux réfugiés dans un bunker blindé doit parvenir à un consensus pour trancher l’épineuse question de leur fin de vie. En effet, les Tyranides ayant infesté ce théâtre d’opérations de manière totale et définitive, il ne reste plus qu’à nos héros, Regula Morrison (l’arrière petite-fille376 de Jim), Consus et Amulius qu’à décider de la manière dont ils rejoindront la droite de l’Empereur. Alors que Regula serait favorable à une charge héroïque, tous fusils laser dehors, Amulius souhaiterait lui mettre à profit les charges de démolition entreposées dans la casemate pour faire un gros trou dans la nuée chitineuse qui commence à faire ses griffes sur la porte. Quant à Consus, dont la jambe a servi de casse-croûte à un Hormagaunt affamé il y a peu, ce qui semble générer chez lui plus d’énervement que de souffrance, et dont l’espérance de vie se compte donc en minutes, il est prêt à partir en cloche-pied botter des derches de cafards de l’espace – très compliqué à faire sans une excellente coordination musculaire ceci dit – ou à participer à la sur-BOOM qu’Amulius appelle de ses vœux. Problème, comme Regula n’est pas du tout chaude pour set the night on fire, comme aurait dit son lointain ancêtre, ce qu’elle considère comme étant une solution de facilité, et qu’Amulius ne veut pas faire de l’entomologie militante, il faut trouver un moyen de résoudre cette opposition de façon civilisée. Mumu propose donc que chacun raconte le récit de la meilleure mort à laquelle il a assistée, et le gagnant du vote populaire décidera de la façon dont la Garde mourra (c’est ce qu’elle sait faire de mieux après tout).

C’est Regula qui commence le tour de table, en racontant la manière dont elle a envoyé son insupportable Sergent, le bien nommé Bernard Wellsmith, rejoindre ses ancêtres en rejouant la bataille du pont 2-4 sur Thracia, avec Bernie le Dingue dans le rôle d’Idaeus et elle-même dans celui du pistolet plasma utilisé par le Capitaine Ultramarines pour provoquer la destruction du pont en question. Il faut dire que Wellsmith s’était montré un bien mauvais officier jusqu’ici, sa recherche permanente de gloire l’ayant conduit à charger régulièrement dans le tas au mépris de ses ordres, entraînant à sa suite son escouade considérablement blasée, et menant cette dernière à subir de nombreuses pertes, dont certaines causées par la CT pitoyable de leur bien-aimé leader.

C’est ensuite à Consus, qui sent son heure approcher, de prendre le mic’ et de narrer la manière dont son pote de régiment et mascotte de peloton, un gringalet du nom de Veritus, a donné ses vies au service de l’Empereur. Oui, ses vies. Capturés par les Orks au cours d’une mission de scoutisme mal négociée, Consus, Veritus et quelques autres bidasses furent amenés dans le camp des peaux-vertes et remis aux bons soins du Painboy local, un nommé Kutrag. Veritus eut alors le bonheur d’être choisi par le dorkteur pour une expérimentation électrifiante aussi novatrice que douloureuse. Le principe était d’une élégante simplicité : tuer le sujet, puis essayer de le ramener à la vie par tous les moyens possibles. À ce petit jeu, Veritus se révéla être particulièrement doué, revenant d’un tir de fling’ en pleine tête, d’une noyade, d’une amputation et d’une bastonnade… et sans doute d’autres morts tout aussi inventives, dont on ne saura malheureusement jamais la teneur, le narrateur décédant en cours de récit. En tout cas, il tient la corde auprès des bookmakers, c’est certain.

Finalement, et bien que le décès de leur comparse ait rendu la perspective d’un vote décisif assez illusoire, c’est au tour d’Amulius de se mettre à table. Et là, surprise, le vétéran raconte simplement comment il a choisi de se réfugier dans ce bunker quelques heures plus tôt, laissant son escouade à la porte par égoïsme, jusqu’à ce que Regula et Consus soient arrivés. Amulius reconnait être un poltron, dont les nerfs l’ont lâché à l’idée de combattre les Tyranides, et qui souhaite simplement une mort rapide et indolore. Ne sachant pas comment déclencher les charges de démolition entreposées dans le bunker, il espérait bénéficier d’un coup de main de la part des nouveaux arrivants, ou, à défaut, d’une exécution sommaire de leur part, sa couardise allant jusqu’à l’empêcher de retourner son arme contre lui. Bref, son histoire ne répond pas du tout au cahier des charges, et est donc disqualifiée. Sur ces entrefaites, un Guerrier Tyranide au bras long parvient à empaler le pleutre sur le bout de sa griffe par un trou dans le plafond, laissant Regula toute latitude quant à la manière dont elle mènera sa vie. Pour les quelques secondes que durera cette dernière, s’entend…

AVIS:

Malgré un titre, un concept et une ouverture alléchants (notamment à cause des petites touches d’humour pince sans rire que Grigsby intègre dans sa narration), Best Death Wins se révèle un peu décevant sur le long-terme. Ceci est dû en bonne partie au déroulé et à la conclusion en demi-teinte de cette nouvelle, qui ne contient finalement qu’un seul récit de mort vraiment spectaculaire (celle de Veritus), que l’auteur laisse d’ailleurs inachevé, et se termine de façon tout à fait classique, ce qui pose la question de l’intérêt du format « porte-manteaux1 » choisi par Grigsby. Puisque rien de surprenant ne se passe dans les dernières pages qui justifie cette version sanglante et futuriste du Decameron, Best Death Wins apparaît davantage comme le moyen pour son auteur de signer une nouvelle d’une longueur suffisante en assemblant des histoires indépendantes les unes aux autres, plutôt qu’un ensemble de récits certes disparates, mais liés par un dénouement unificateur. Je pense qu’il y avait moyen de faire mieux dans l’exploitation de cette idée sympathique, particulièrement dans un univers comme Warhammer 40.000 où la mort est omniprésente.

1 : C’est ainsi que l’anglais désigne une histoire qui contient d’autres histoires.

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Trail of Ash – G. Lyon [AoS] :

INTRIGUE:

Dernière magister de la cité détruite de Tantalum, en Chamon, Jaqlyn Kouslo, accompagnée par un régiment de survivants de la ville, poursuit un monstre insaisissable depuis plusieurs mois à travers les étendues sauvages de Ghur. La bête en question, qui ne laisse sur son sillage que ruines et cadavres carbonisés (les derniers en date appartenant au petit village de Farhold, dont le défaut fut de ne pas connaître le secret de la potion magique), a été libérée pendant la défense de Tantalum contre les assauts des morts vivants réveillés par le nécro-séisme de Nagash et les Hommes-Bêtes opportunistes des Bois de Fer voisins, ayant décidé que c’était un bon moment pour aller régler leurs comptes avec leurs voisins civilisés, d’une façon qui ne l’était guère. Responsable, mais pas coupable (ou quelque chose comme ça), de ce fiasco1 arcanique, Jaqlyn a juré de mettre ce nouveau danger pour les habitants des Royaumes Mortels hors d’état de nuire, et mène donc sa petite bande de conscrits sur la trace de la mystérieuse calamité, malgré les reproches qui lui sont adressés à mi-voix par la soldatesque, et le poil dans la main de son second, le Sergent Archus2.

Entre deux séances d’orientation en forêt et cauchemars la ramenant dans les ruines de Tantalum, où, dans son zèle d’interrompre le lancement d’un sort par un chaman Homme-Bête, elle a concocté l’imbuvable cocktail magique (une base d’Azyr, un peu de Hysh, un zeste de Ghyran, une pincée de Chamon…) qui a donné naissance au monstre qu’elle poursuit depuis, Jaqlyn finit enfin par refaire son retard avec ce dernier, alors qu’il était sur le point de réduire en charpie un malheureux Duardin isolé…

Début spoiler…Ayant trouvé le moyen de se téléporter avec ses hommes dans la clairière où le drame était sur le point de se dérouler, ou de courir très très vite une fois sa vision terminée, Jaqlyn engage le combat avec la monstruosité, qui se révèle être un Wildfire Taurus de fort belle taille et de méchante humeur. Quand on vous disait que ces sorts étaient persistants, on ne vous a pas menti. Pensez à les dissiper à la fin de la bataille, ce serait sympa pour les voisins. Malgré leur courage et leur discipline, les soldats de Tantalum ne font pas le poids face à la mugissante manifestation, et finissent tous piétinés et encornés, 1D3 blessures mortelles à la fois. Dernier défenseur, Archus se rachète de sa fainéantise passée en mourant bravement au combat contre Mad-guerite, et gagnant le droit de devenir un Stormcast Eternal dans sa prochaine vie3. De son côté, Jaqlyn a bien du mal à mettre à profit le temps acheté par ses protecteurs de leur vie, sa méthode de « dé-tricotage » magique se révélant inefficace contre la Vache qui Cuit. Elle bénéficie toutefois de l’aide inattendue du Duardin précédemment sauvé par son intervention, qui balance pokéball sur pokéball sur l’entité magique, faisant à chaque fois tomber quelques HP, mais ne semblant que retarder l’inévitable.

Comprenant qu’il lui faut changer d’approche si elle veut avoir une chance de remporter ce combat bien mal engagé, notre sorcière se résout à refaire usage de la magie (elle était réticente à le faire depuis la catastrophe de Tantalum), et… invoque un nouveau sort persistant. What could go wrong, après tout? Et pas n’importe quel sort persistant, notez : Pacman. Oui, Pacman. Après tout, on est en Ghur. Au final, la combinaison des assauts du dentier géant, des gadgets astucieux de son allié de petite taille, et la découverte d’un fil de magie un peu décousu, finiront par sonner le glas de la vachette en furie, dans une spectaculaire déflagration. À son réveil, Jaqlyn, laissé désœuvrée par l’accomplissement de sa quête réparatrice, accepte l’offre du providentiel Duardin, l’ingénieur expérimental et doctorant en ectoplasmologie (les Nains ne sont plus ce qu’ils étaient), Thorri Steelfist, de devenir son associée et d’aller combattre les mages maléfiques et leurs créations à travers les Royaumes Mortels. Toss a coin…Fin spoiler  

1 : Ceci est un meta jeu de mots.
2 : Il commence en effet la nouvelle par proposer à sa cheffe de monter le camp dans les ruines de Farhold. On apprend deux lignes plus loin qu’il était à peine midi…
3 : Fun fact : À chaque fois qu’il récupère une âme valeureuse pour ses armées, on peut voir la tête de Sigmar apparaître dans le ciel, et entendre un gros « Yaaaasssss ».

AVIS:

Cela partait pas mal pour Graeme Lyon, son idée de sorts vraiment persistants1 étant bien trouvée, et capitalisant sur une des innovations les plus iconiques d’Age of Sigmar par rapport à son prédécesseur. Un sujet parfait pour une nouvelle AoS, donc. Si la première partie de Trail of Ash, jouant sur le mystère de l’identité du tueur poursuivi par l’inspectrice Klouso et ses séides, et les flashbacks ramenant cette dernière au moment de la création de Buffalo Bill2, se passe plutôt bien, la confrontation finale entre le monstre et la sorcière est en revanche bien moins convaincante. En cause, une combinaison de facilités narratives, permettant certes à Lyon de terminer son histoire (même si le partenariat entre Steelfist et Kouslo laisse à penser que l’auteur est parti sur une série de nouvelles), mais pas de manière très satisfaisante.

Ainsi, entre la convocation, celle-ci sans aucun problème de long terme, d’un nouveau sort persistant pour combattre le mana par le mana (si ça n’a pas marché la première fois, pourquoi cela fonctionnerait la seconde?), l’intervention d’un random Ghostbuster, introduit de façon purement opportuniste dans le récit, ou encore le mode opératoire try again-iste de Jaqlyn (comprendre que sa méthode de dé-tricotage commence par se monter parfaitement inefficace, avant de parvenir à décomposer Raging Bull sans trop de problèmes quelques minutes plus tard), le dénouement de cette traque de longue haleine tient plus de la queue de poisson que de l’apothéose. On ne répétera jamais assez qu’il est important pour un auteur de nouvelle de soigner sa sortie, que cette dernière se fasse à travers un twist final (si possible) bien trouvé, ou bien par l’intermédiaire d’un bon vieux combat entre protagonistes et antagonistes. Et même si la première solution est généralement plus complexe à mettre en scène, la seconde n’est pas beaucoup plus facile à orchestrer de façon satisfaisante, comme de nombreux dénouements de courts formats de la BL au cours des siècles3 l’ont démontré. Better luck next time !

1 : Le pitch a dû se passer comme ça :
“Dude, you know these endless spells stuff? What if… ‘hits joint’…they were really endless? Like they are running away from the battlefield. And you have to chase them.”
“Dude.”
“Bro.”
2 : Pas le chasseur de bisons, hein, le tueur en série.
3 : J’ai techniquement le droit d’utiliser cette formule, et je ne vais pas me gêner.

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Castle of the Exile – G. Hanrahan [40K] :

INTRIGUE:

Sur un monde féodal inconnu au bataillon, un trio de voyageurs progresse difficilement vers un lieu baigné de légendes dans la culture locale : le château de l’Exilé. Si on en croit les chroniques, un puissant guerrier est descendu du ciel sur un chariot de feu à cet endroit il y a plus de trois siècles, et a amené la paix sur la planète en jetant à bas le maléfique royaume de Calbech, puis en vainquant à lui seul les armées des trois autres royaumes s’étant alliés contre lui à la bataille du champ d’Esstesea1. Devant tant de puissance, les souverains défaits préfèrent capituler plutôt que de connaître le même sort que leur collègue de Calbech et finir eux aussi la tête dans le calbut, ouvrant ainsi une ère de paix centenaire en application de l’édit de l’Exilé, interdisant à l’homme de se battre comme l’homme. Seulement, n’est pas Leto II qui veut, et le sentier d’or imposé par Bob le Conquérant n’a pas résisté très longtemps à la disparition de ce dernier, qui s’est retiré dans le château qu’il a fait construire sur le site de son arrivée par les artisans locaux il y a bien longtemps. Alors que leur planète est sur le point de retomber dans ses vieilles habitudes belliqueuses, le noble Lanig emmène donc le vieil érudit Wrmonoc et le mercenaire Elorn sur les lieux du prodige afin de déterminer si les légendes disaient vrai.

Après avoir bravé la jungle hostile ayant colonisé le parc du château, les voyageurs arrivent enfin devant la bâtisse, qui se révèle être… particulièrement moche et fermée à clé. Flûte. Qu’à cela ne tienne, un léger détour le long des murailles leur permet d’identifier un passage escaladable pour accéder au chemin de ronde. Leurs problèmes ne s’arrêtent cependant pas là, car la cour du château se révèle être envahie par des singes-loups géants, dont certains ont profité du crapahutage de nos héros pour aller se servir dans leurs montures. Il ne reste donc plus aux explorateurs qu’à se glisser discrètement à l’intérieur du bâtiment pour éviter tout prob- en fait non, car cette andouille de Wrmonoc fait tomber une pierre sous le nez des primates carnassiers, ce qui suscite une réaction outrée de ces derniers. Bien que les prouesses martiales d’Elorn parviennent à tenir les brutes affamées en respect, c’est toutefois l’étrange gant lanceur de cristaux que Lanig sort de son sac, et utilise pour aveugler la meute sanguinaire, qui sauve véritablement nos héros d’un destin funeste. Ce petit impondérable ayant été géré, il est grand temps pour eux d’enfin faire leur entrée dans la demeure de l’Exilé…

Début spoiler…Et cette dernière se révèle fidèle en tous points aux légendes locales, en plus de receler d’or et de joyaux. Elorn, dont le père l’a élevé dans le respect du Culte de l’Homme fondé par l’Exilé, avant de se faire trucider pour ses croyances par la milice locale, est profondément marqué par cette découverte, et manque de tomber en pâmoison devant l’armure dorée du guerrier légendaire. Lanig se révèle quant à lui bien moins impressionné, et même plutôt énervé, par cette découverte, et entraîne Wrmonoc à sa suite pour explorer le reste du château, laissant le mercenaire garder leurs arrières. Finissant par retrouver ses esprits, Elorn entreprend de délester un autel richement orné de ses pierreries pour rentrer dans ses frais, ce qui déclenche l’ouverture d’une trappe secrète, contenant un caisson gravé du mot « Calbech » et dans lequel notre insatiable curieux découvre le squelette d’un Eldar Noir2 ainsi qu’un éclat de cristal très similaire à ceux utilisés par son employeur pour repousser la faune locale3. Comprenant qu’il y a Mawloc sous gravillon, Elorn sèche ses larmes – c’est un tueur sensible – et s’empresse de partir à la recherche de ses compagnons, pressentant l’arrivée d’un drame.

En chemin, il découvre le lieu où le chariot de feu de l’Exilé s’est posé sur la planète, ou plutôt s’est écrasé au sol, si on doit en juger par le piteux état de la carrosserie du vaisseau spatial. Ce dernier a cependant subi de légères réparations, dont la pose d’une antenne de fortune fabriquée par les artisans locaux, et dont le but semble d’être de relayer le message à l’aide d’un certain frère de bataille Cromadus de la 4ème Compagnie, seul survivant de l’équipage. Un peu plus loin, Elorn tombe sur le presque cadavre de Wrmonoc, blessé à mort par Lanig alors que les deux hommes étaient sur le point d’accéder au lieu de repos de l’Exilé. Se précipitant dans la crypte pour empêcher son employeur de commettre l’irréparable, le mercenaire se retrouve victime d’un autre gadget de Lanig, qui, en bon méchant de série B qu’il se révèle être, explique longuement qu’il descend en droite ligne de la dernière reine de Calbech, exécutée par l’Exilé à son arrivée sur la planète. Son crime aura été de tolérer les  « Gens Pâles » vivre à sa cour, et dont Lanig a hérité quelques accessoires bien pratiques, dont une télécommande synaptique qu’il compte utiliser pour mettre douloureusement fin au sommeil et à la vie du bourreau de son aïeule, après l’avoir calibré en utilisant son homme de main comme cobaye. Et en effet, l’Exilé, bien qu’endormi, est bien vivant, comme prouve le sang qui s’écoule de la blessure que Lanig lui a fait sur la joue.  

Bien évidemment, la tendance de Lanig à déblatérer d’un air satisfait finira par lui jouer des tours, puisqu’elle permettra à Elorn de prononcer le nom du Beau au Bois Dormant, provoquant un spasme de ce dernier. Profitant de la panique de son tortionnaire, Elorn lui subtilise son gant de pouvoir et lui décoche un cristal en pleine gorge, mettant fin pour de bon à sa traître lignée. Cromadus, lui, retombe dans les bras de Morphée Sus-an, et ne regagnera jamais pleine conscience avant que, cinquante ans après les faits relatés ici, une force de Space Marines arrive finalement sur la planète et vienne le récupérer, au grand désarroi du vieil Elorn, ayant embrassé la vocation de concierge de l’Exilé après avoir sauvé ce dernier. On notera également que notre rusé héros a utilisé la reproduction de l’armure de son idole pour maintenir la paix mondiale, faisant bon usage de l’aura de terreur entourant son personnage pour convaincre les belligérants de regagner leurs pénates avant de se faire claquer le beignet, comme au bon vieux temps. C’est ainsi que se termine la villégiature de Cromadus dans la ruralité galactique profonde, mais, un bonheur/malheur n’arrivant jamais seul, la planète d’Elorn sera désormais rattachée à l’Impérium de l’Humanité, et va pouvoir découvrir que la paix imposée par leur figure tutélaire, finalement, avait ses bons côtés…Fin spoiler

1 : Fun fact, le rapport de force a été estimé par les historiens à 40.000 contre 1.
2 : Pas qu’Elorn soit particulièrement calé en xenologie, mais c’est le squelette lui-même qui lui souffle son origine à l’oreille.
3 : Dont la description fait fortement penser aux Bêtes Griffues utilisées par les Drukhari comme bichons. Comme quoi, il n’y a pas que des mauvais côtés dans la culture Xenos.

AVIS:

Peut-on se lasser de nouvelles dont l’intrigue repose sur l’hétérogénéité des mondes de l’Impérium, dont beaucoup disposent d’un niveau technologique bien rudimentaire par rapport à ce que nous considérons comme étant « la norme » dans le jeu? Pour ma part, la réponse est non, en tout cas tant que des auteurs inspirés comme Gareth Hanrahan arriveront à mettre en scène leurs histoires de façon aussi satisfaisante que c’est le cas ici1. L’auteur prend en effet bien soin de ménager quelques mystères et révélations pour l’amusement de son lectorat, qui s’associe donc rapidement avec les héros archéologues-pillards de Castle of the Exile. Cet exilé mythique est-il bien celui que l’on pense être, ou bien les siècles s’étant écoulés depuis sa distribution de torgnoles généralisée ont-ils déformé la réalité2 ? Qu’est-il devenu après être revenu prendre sa retraite dans son château ? Et pourquoi notre trio tient-il tant à connaître la vérité ? Hanrahan apporte une réponse, au moins partielle, à toutes ces questions, et rehausse au passage le blason des meilleurs de l’Empereur, capables de pacifier une planète littéralement à la mano. Abnett avait posé ce postulat il y a fort longtemps dans Frères du Serpent, et nous assistons donc ici à une remise au goût du jour de la badasserie naturelle de l’Astartes. Nécessaire ou too much, à vous d’en juger, mais l’histoire qui est livrée ici tient en tout cas bien la route, et se termine de façon élégante sur un retournement de perspective sur l’identité de l’exilé : finalement, ce n’était pas le belliqueux surhomme de Cromagnon qui était perdu dans une galaxie hostile, mais bien sa planète d’adoption de transit, qui va désormais pouvoir bénéficier des « largesses » et de la « bonté » de l’Impérium. Elle est pas belle la vie ?

1 : Un autre exemple intéressant de l’exploitation de cette idée peut être trouvée dans le ‘Angels’ de Robert Earl.
2 : Je m’étais hypé pour une révélation de l’Exilé comme étant un Space Marines du Chaos (hypothèse renforcée par le symbole de ce dernier, un crâne ailé). Mais Hanrahan a préféré donne une conclusion « heureuse » à son histoire.

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At the Sign of the Brazen Claw : The Hounds of Nagash – G. Haley [AoS] :

INTRIGUE:

Dans l’auberge de la griffe bronzée, c’est le moment de passer à la caisse. Quelques instants après que l’inénarrable Pludu Quasque ait achevé son récit larmoyant, à plus d’un titre, un raffut de tous les diables se fait entendre à l’extérieur de la bâtisse. Ce sont les corgis molosses de Nagash, les redoutés Glaivewraiths, qui se manifestent pour escorter le mage voleur jusqu’à la case nécro-prison, en punition du vol qu’il a commis dans une des nombreuses maisons de vacances du Grand Nécromancien. Fort heureusement, les convives ne sont pas sans défense : Idenkor Stonbrak peut compter sur sa hache runique, Maesa sur son épée en bois (mais offerte par Alarielle, donc « hostile aux morts », dixit yours truly), et même nos gentils aubergistes se révèlent être plus équipés qu’une armurerie du Texas profond, Horrin dégainant un tromblon à balles d’argent et une paire de dagues enchantées de son comptoir. Il aurait cependant été plus malin de sa part d’investir dans des charmes répulsifs de qualité que dans un arsenal d’aventurier de D&D, car la protection accordée par les grigris qu’il a accrochés au mur ne tardent pas à rendre l’âme, permettant aux spectres de faire leur entrée dans la place. Pire, la descente en rappel dans la cheminée, Santa Claus style, éteint le feu dans l’âtre, ce qui ne manquera pas d’avoir des conséquences, hum, fumeuses.

Car comme les lecteurs les plus attentifs de ces chroniques s’en souviendront, ce couvre-feu brutal est une très mauvaise nouvelle (supplémentaire) pour nos héros, puisqu’il est voué à réveiller le géant endormi dont la main constitue les fondations de l’auberge. Alors, pendant que ses hôtes font le crâne au carré à la première vague des Nighthaunts, Horrin se démène pour ouallumer le feuheu, comme le chantait le fameux barde Marienburger naturalisé Bretonnien Jauni l’Edenté, en pure perte. À croire que le Glaivewraith coupable de cet acte haineux a uriné sur les braises pour marquer son territoire1. Lorsque les premiers soubresauts du dormeur du val secouent les fondations de la bicoque, il est temps pour notre petite troupe de plier les gaules, malgré les protestations de Horrin. Il faudra l’empalement, mortel, de Ninian (sa femme) par un spectre opportuniste, pour décider notre brave homme à abandonner sa position, Stonbrak emmenant les civils et Quasque en sécurité… ailleurs, pendant que Maesa et Shattercap livrent un dernier carré, ou dans leur cas, ligne droite, héroïque dans le lobby, interrompu avant son terme par le petit lever du fils de Behemat.

À force de saltos et de souplesses arrières purement aelfique, nos héros arrivent toutefois à éviter de se faire écraser par le mobilier, et, profitant de la confusion, parviennent à rattraper leurs comparses. Et là, c’est le drame. Pludu Quasque, qui n’avait pas servi à grand-chose jusqu’ici, a pété les plombs et pris en otage Barnabus (le fils adoptif de Horrin et feu Ninian). Le mage, plus illuminé que lumineux, a pour intention d’échanger son âme contre celle du palefrenier, se gagnant ainsi un peu de répit. Malgré l’offre de Maesa de protéger le sorcier des Nighthaunts s’il voulait bien n’en rien faire, celui-ci refuse tout net, et profite de la série de pompes que Gégé le géant fait pour se remettre en forme pour fausser compagnie au reste des héros, Barnie sous le bras.

La suite de notre histoire est assez confuse, le WOD du titan réduisant progressivement l’auberge en ruines et envoyant voler nos personnages de droite et de gauche. Premier éjecté du ring, Horrin est toutefois sauvé d’une chute mortelle par l’intervention salutaire du cerf de compagnie de Maesa, qui l’emporte en sûreté en contrebas de la montagne. Puis c’est Stonbrak qui voit sa glissade interrompue d’une flèche bien placée du Prince, agrafant ses braies à une planche porteuse. Pendant que le Duardin se démène pour se libérer, Maesa part à la poursuite de Quasque, qu’il finit par acculer dans un coin. Ses talents de négociateur laissant définitivement à désirer, il profite de la distraction que lui procure l’intervention sournoise de Shattercarp, envoyé en éclaireur, qui se fait les crocs sur le bras du kidnapper, pour récupérer Barnabus. Malheureusement, le Sprite passe par-dessus bord lorsque Quasque commence à dabber comme un dingue pour s’en débarrasser, provoquant l’ire bien compréhensible de l’Aelf. Il assiste donc d’un air détaché à la fin de Quasque, confronté et appréhendé par une patrouille de Glaivewraiths, qui repartent sans demander leur reste une fois le mage réduit en poussière.

Est-ce la fin de notre histoire ? Presque, mais pas tout à fait. À présent tout à fait réveillé, le géant de pierre a été témoin du dénouement du drame avec tout l’intérêt qu’un humain un peu benêt peut avoir pour un duel de fourmis prenant place dans sa main. Le spectacle étant terminé, il résout de se débarrasser des derniers restes de l’auberge en s’essuyant sur la montagne la plus proche, forçant Maesa à sauter de sa plateforme, Barnabus sur l’épaule, et atterrir sur une corniche surplombant une falaise à pic. Au matin, Shattercap, plus résistant qu’il n’y paraît, et Stonbrak (et sa fidèle corde) arrivent à la rescousse des naufragés, et une petite séance de rappel permet aux survivants de regagner le plancher des vaches Lumineth, et à Maeasa de faire preuve de sa bogossitude ultime. Par un heureux coup de bol, Barnabus trouve même la précieuse larme d’Adembi sur le chemin du retour, et la confie à Maesa pour qu’il aille la rapporter à qui de droit. Intéressé par la perspective de toucher une récompense de la part des Hyshois reconnaissants, Stonbrak prend le parti d’accompagner l’Aelf dans sa quête restitutrice, et c’est sur ces entrefaites que notre histoire se termine pour de bon, nos héros cravachant dur pour être sûrs de chopper le 15:37 des Kharadron Overlords pour le Portail des Royaumes le plus proche. Pas de répit pour les braves.

1 : Après tout, il a une tête de chien, alors…

AVIS:

Et voici que se referme ce qui resta sans doute, pour des siècles et des siècles, l’histoire signature de l’année I d’Inferno !. Que retenir de ce pastiche des Mille et Une Nuits transposée dans les Royaumes Mortels ? Si l’on commence par s’intéresser par l’épisode final de cette nuit de beuverie à l’auberge, je dois admettre qu’il ne s’agit pas à mes yeux de la partie la plus intéressante du récit déroulé par Haley. En effet, la préparation qu’il en avait fait en conclusion du conte de Horrin (There is a fire that MUST never goes out) et de la quête désespérée de Pludu Quasque (I Want Your Sex Soul) pavait la route des événements narrés dans ce Hounds of Nagash, et alors que les racontars échangés par les voyageurs s’étaient avérés riches en surprises, cette baston nocturne en terrain très dangereux ne l’a pas vraiment été. Autre grief, j’ai trouvé parfois les péripéties difficiles à suivre à partir du moment où le géant s’est réveillé pour de bon, l’orientation de l’auberge et sa dégradation progressive appelant à mes yeux une chute rapide et définitive des héros en contrebas. Ces déceptions évacuées, il faut reconnaître que Guy Haley accomplit son office avec sérieux et compétence, livrant une petite nouvelle d’action pure où le Prince Maesa peut enfin apparaître comme le Legolas des Royaumes Mortels qu’il est. Legolas nécrophile, mais Legolas tout de même. L’auteur fait également la liaison avec la suite des aventures du dandy au sprite, Hungerfiend, qui le voit faire équipe avec Stonbrak sur la route de Hysh.

Si on considère At the Sign of the Brazen Claw dans son ensemble, maintenant, on se retrouve face à une novella très différente de la soumission classique pour Age of Sigmar. Ceci est bien sûr dû à la structure de récit utilisée par Haley, qui faisait très bien l’affaire pour une histoire sérialisée, contrainte que les autres novellas de la GW-Fiction n’ont pas intégrer. Et, ne serait-ce que pour la bouffé d’air frais que ce format particulier apporte au lecteur, je pense que At the Sign… mérite le détour. À cela s’ajoute les nombreux sujets et cultures que le récit aborde, qui intéressera donc une plus large audience que la nouvelle « 1 vs 1 » classique, à commencer par les fluffistes. Notons aussi que les capacités de conteur de Haley sont généralement bien exploitées d’un récit à l’autre, dont le ton varie du très high fantasy (Horrin et sa cheminée géante) au plus grimdark (la conclusion de la novella), en passant par le conte et l’épique. Bref, l’expérience est à mes yeux des plus intéressantes, et scelle un peu plus le statut de Guy Haley comme l’homme à tout faire de la Black Library, capable de jongler entre les styles et les franchises sans faux pas. Reste maintenant à voir si Inferno ! se trouvera un digne successeur pour l’année II…

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Et voilà qui conclut la revue de ce 5ème numéro d’Inferno !, qui aura mis particulièrement l’accent sur la nouveauté, en permettant à une belle cohorte de nouveaux venus de donner leur vision de la GW-Fiction. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le résultat est plutôt convaincant, en plus de s’avérer rafraîchissant pour le lecteur régulier de la BL. Il n’est pas dit que ces collaborations se poursuivront de façon suivie (sauf pour Gavin Smith, qui nous doit au moins un autre épisode de ‘The Last Knight’), beaucoup des nouveaux-venus ayant une carrière déjà établie et leurs propres univers à développer, mais je lirais avec plaisir les hypothétiques prochaines soumissions de la plupart de ces faux rookies. Si le numéro 3 de la série en cours demeure mon préféré, ce #5, tel le flacon de parfum qu’il n’est absolument pas, se positionne juste derrière son glorieux aîné, notamment grâce à l’excellent travail de Counter et Stephens. Quel meilleur symbole pour une publication comme Inferno ! que ce partage de lauriers entre un grand ancien (qui a d’ailleurs commencé sa carrière dans les pages de ce même magazine) et une petite nouvelle de la Black Library ? Pour ma part, j’attendrai donc avec impatience l’annonce de la sortie de la prochaine anthologie infernale, en espérant faire aussi bonne pioche que celle-ci…

 

SACROSAINT & AUTRES RECITS [AoS]

 

Bonjour à tous et bienvenue dans cette chronique du recueil Sacrosaint & Autres Récits (Sacrosanct & Other Stories en VO), premier épisode d’une – courte – série de deux billets, dédiée à l’analyse des anthologies introductives développées par la Black Library à destination des nouveaux arrivants dans le Hobby. Bénéficiant d’un prix de vente des plus attractifs (7€) et d’une traduction française et allemande (on ne sait jamais, ça peut vous intéresser), ces ouvrages proposent, en plus de la novella qui leur donne leur titre, une dizaine de nouvelles et un extrait de roman, soit quelques centaines de pages à se mettre sous la dent pour le lecteur. Le rapport quantité/prix étant très favorable, il nous faut maintenant nous frotter à la qualité des soumissions amoureusement regroupées par les éditeurs de la BL, afin de déterminer si ces recueils sont bien les portes d’entrées dans le monde merveilleux des franchises GW qui nous ont été promises, ou un projet inabouti ne méritant ni le détour ni l’investissement.

Sommaire Sacrosanct & Other Stories (AoS)

Sacrosaint… propose des textes de huit auteurs plus ou moins établis de la BL, dont l’intrigue prend place dans les Royaumes Mortels. Parmi les têtes d’affiche du line-up proposé, on retrouve C. L. Werner, en charge de la novella Sacrosaint et de deux autres courts formats, Josh Reynolds (3 soumissions), Guy Haley (2) et l’éternel Gav Thorpe (1). Les deux David de la Black Library (Annandale et Guymer), et les petits nouveaux Nick Horth et Andy Clark complètent ce panel, assez représentatif du catalogue actuel d’Age of Sigmar je dois dire.

Les wordful eight parviendront-ils à convaincre le lecteur de partir explorer les mystères des Royaumes Mortels, franchise sans cesse comparée – et assez peu souvent à son avantage – à sa glorieuse aînée Warhammer Fantasy Battle ? Pourquoi ne pas demander à un vieux de la vieille (au moins d’un point de vue littéraire) ce qu’il en pense ? Ca tombe bien, je m’avais justement sous la main ces temps-ci…

Sacrosaint & Autres Récits

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Sacrosaint // Sacrosanct – C. L. Werner :

INTRIGUE:

Sacrosaint & Autres RécitsDans ce morceau de bravoure (107 pages tout de même), C. L. Werner prend les commandes d’une force de Stormcast Eternals appartenant à la Chambre Sacrosainte, spécialisée dans l’intervention contre les ennemis faisant joujou avec la magie1, et envoyée par le standard sigmarite régler le problème, non pas de connexion mais de possession, affligeant la ville de Wyrmsditt en Ghur. Mené par le Knight Invocator Arnhault, secondé par un duo de fidèles lieutenants opposés-mais-complémentaires (le psychorigide Penthius, qui attend avec une impatience non dissimulée que Sigmar finisse d’écrire le Codex Stormcastes, et l’instinctif Nerio, qui tire d’abord et se pose des questions après), nos armures ambulantes s’écrasent (littéralement) dans le bois de Gyr, rasant la forêt sur un rayon d’une centaine de mètres, mais arrivant au moins dans le bon Royaume, comme Arnhault le confirme après un bon sniff de la terre du point de chute2 et pas trop loin de leur théâtre d’opérations.

Notre héroïque compagnie n’est pas là depuis une minute qu’une première initiative malheureuse manque d’avoir des conséquences fâcheuses. Ayant sans doute repéré une souche particulièrement pittoresque, Nerio entraîne ses Castigators pour un squad selfie au delà du cordon de protection mis en place par les Sequitors de Penthius. Surgit alors un Mammochon sauvage corrompu par Khorne (c’est la version Rubis Oméga dirons-nous), pas vraiment content de l’arrivée fracassante et biocidaire des Stormcast, et qui décide de régler le problème à sa manière, c’est à dire en fonçant dans le tas. L’occasion pour les Sacrosaints de montrer qu’ils ne sont pas enfants de choeur, et que malgré les conneries de Nerio, ils sont largement capables de se sortir de cette cocasse situation sans problème. Comme notre irrascible pachyderme ne tarde pas à l’apprendre, à son corps défendant, le bien-être animal ne fait pas partie des centres d’intérêt d’Arnhault et consorts, qui, bien que sensibles au calvaire vécu par l’autrefois placide herbivore, ne font pas grand chose pour abréger ses souffrances. Brûlé au 8ème degré par les munitions ésotériques des Castigators, écorché vif par les sig-rafales et les sig-éclairs invoqués par le mage de guerre, la trompe arrachée par un sig-carreau bien placé, les pattes brisées à coup de sig-masse, les défenses fracassées… Babar passe un sale quart d’heure avant de livrer son dernier souffle et de voir son esprit capturé par Arnhault à l’aide de la Sigmar-Ball qu’il gardait en réserve pour une occasion de ce type.

Cette péripétie évacuée, la colonne prend le chemin de Wyrmsditt, rencontrant en chemin une fillette se livrant à de sombres mais innocents rituels dans un temple de Nagash en ruines, dans l’espoir d’empêcher son frère d’être emmené par le Roi-Voilé, précisément l’esprit frappeur que les Stormcast ont été chargés de bannir. Et puisque nous avons mentionné le vilain de l’histoire, passons quelques paragraphes en sa compagnie pour apprendre à le connaître. Notre ectoplasme alpha s’appelle en vérité Sabrodt, et est le dernier Prêtre-Roi du royaume de Kharza, qui occupait la région avant la venue du Chaos. Malgré le confort dont il jouit dans son tumulus et en particulier le magnifique Trône Dragon qu’il occupe, notre homme âme a des ambitions plus élevées. Il s’est donc mis à demander des tributs aux communuautés environnantes, qui, si elles sont pour le moment très modérées par rapport à son pouvoir de nuisance (une victime toutes les nouvelles lunes, c’est pas la mort non plus), ont suffi à générer suffisamment de prière à Sigmar pour que ce dernier consente à lancer une enquête. Et comme, justement, nous sommes au moment d’un changement de lune, nous voyons Sabrodt faire ses préparatifs pour sa tournée mensuelle à Wyrmsditt, sans savoir qu’un comité d’accueil un peu particulier l’attend sur place.

À quelque distance du squat du Roi-Voilé, Arnhault et ses ouailles ont atteint leur destination, et s’étonnent du manque d’entrain que suscite leur arrivée. C’est vrai quoi, d’habitude les péquenauds, ça aime les défilés militaires. Il faudra l’intervention extatique du prêtre de Sigmar local (Frère Mueller), un vieil aveugle pouvant repérer un Stormcast à son odeur3… de sainteté, et apparemment responsable à lui seul de la saturation du standard sigmarite, pour convaincre les Wyrmsdittois de faire bon accueil à leurs libérateurs. Celà donne l’occasion à Arnhault, Penthius et Nerio de remettre les pendules à l’heure auprès des autorités compétentes, et de faire preuve de l’intolérance religieuse que l’on est en droit d’attendre de la Muttawa de Sigmar en brutalisant l’honnête prêtre de Nagash (Mathias) qui avait eu l’idée d’apaiser les rêves de grandeur de Sabrodt en lui livrant une victime expiatoire à intervalles réguliers. Il aurait bien évidemment dû combattre le faquin les armes à la main au lieu de chercher à l’agréer, fulminent les Stormcast Eternals, un peu oublieux du fait que tout le monde n’est pas un guerrier immortel larger than life disposant d’arme et d’armure divines. Les villageois convenablement gourmandés, Arnhault décide de tendre un piège à son adversaire, en positionnant ses forces dans les maisons entourant le temple de Nagash et autorisant le Frère Mueller à endosser la chasuble de son collègue pour convaincre le Roi-Voilé que tout est en ordre. Ce savant stratagème est toutefois compromis par l’oubli regrettable d’Arnhault d’empêcher le fourbe Mathias de nuire, le prêtre défroqué ne trouvant rien de plus malin que d’aller prévenir Sabrodt du danger qu’il court alors qu’il approchait pépouze juché sur son destrier éthéré.

Fort heureusement pour les Sigmarines, leur ennemi est aussi caractériel qu’arrogant, et se contente donc d’exécuter son seul loyal serviteur pour sa peine et de continuer sa route vers le temple, où l’attend toujours le brave Mueller, inconscient du danger. Pas totalement stupide non plus, Sabrodt invoque quelques esprits pour aller reconnaître les lieux, déclenchant le feu et la fureur des Stormcast. L’arrivée d’Arnhault dans la bagarre semble toutefois avoir un effet particulier sur le Roi-Voilé, qui se met à gueuler « Volkhard ! » sur tous les toits, avec des effets dévastateurs sur l’équilibre mental de sa Némésis, frappée de plein fouet par un flashback aussi indistinct que massif. Il faudra le sacrifice de Mueller, dont le « Vous ne passerez pas ! » se termine à peu près bien pour lui que pour Gandalf le Gris et l’intervention musclée de ses troupes pour que le Knight Incantor se remette de ses émotions, et se mette lui aussi à braire un nom, celui de son adversaire.

Après un dialogue primé aux Oscars entre Nanar et RV, les nighthaunts finissent par déposer les armes, et le Roi-Voilé opte pour une prudente retraite, ayant lui aussi goûté aux sortilèges barbelés éructés par le capitaine de l’équipe adverse. La logique poursuite à laquelle Nerio voulait se lancer est toutefois réfrenée par son boss, qui trouve plus urgent de « trouver la source de la malédiction de la non-vie et s’assurer de sa purge ». Quand Arnhault réalise que cela passe bien par suivre à la trace Sabrodt jusqu’à sa planque, l’ectoplasme est déjà bien loin. Pas de bol. Heureusement, le Roi-Voilé a pris soin de laisser des traces manifestes de son passage pour permettre à ses poursuivants de le retrouver sans trop de difficulté, dans le but de pouvoir leur rendre la pareille et les attirer à son tour dans un traquenard. La marche d’approche des Stormcast les amène jusqu’au site d’une ancienne bataille, qu’Arnhault identifie comme le lieu du dernier carré des forces de Zharka contre les hordes du Chaos, du temps où il était aux affaires. Car, oui, les dernières heures ont permis à notre héros de recouvrer en partie la mémoire et de se souvenir qu’avant de balancer des éclairs pour le compte de Ziggy, il avait été le Prêtre Roi Volkhard de Zharka. Il se souvient également que la traîtrise de Sabrodt l’Usurpeur avait condamné ses loyaux sujets à la mort, ce qui lui donne une raison supplémentaire d’aller arracher la burka du Roi-Voilé. Avisant l’unique carré de verdure sur la plaine désolée où est situé le tumulus funéraire de Sabrodt, Arnhault/Volkhard ordonne à ses hommes de mettre le cap sur ce point de ralliement, sans savoir (encore) qu’il s’agit de l’endroit précis où son ancien lui est tombé il y a fort longtemps.

Parvenus à bon port grâce au recours à l’ingénieuse formation du Dragon et malgré quelques pertes consenties à la marée spectrale que Sabrodt n’a pas manqué d’invoquer pour défendre ses biens mal acquis, les Stormcast voient leur chef adoré virer berserk à peine arrivé sur son petit gazon (à moins qu’il ne s’agît d’un carré de chanvre, dur à dire d’aussi loin), et se ruer dans le tumulus de son ennemi en hurlant de façon incohérente. Confiant à Nerio le commandement, le brave Penthius emboîte prestement le pas à son commandant, jugeant avec sagesse que son intervention sera nécessaire d’ici à la fin de l’histoire. Laissé à la bonne gestion des affaires courantes, Nerio s’illustre par un duel de sidekicks l’opposant à un Dreadwarden mal luné, tandis que dans les ténèbres de l’antre du Roi-Voilé, Arnhault finit par remettre toutes les pièces à leur place. Sabrodt n’est pas seulement le traître qui a entraîné la chute du Royaume de Zharka, mais il est également son frère jumeau. Gasp. Cette révélation, finalement de peu d’impact sur l’histoire, encaissée, il faut bien terminer la confrontation, ce qu’Arnhault fait de façon professionnelle malgré la survenue d’un Lord-Executioner tranchant dans ses interventions (qui se prendra le Mammochon soigneusement stocké dans les tibias pour sa peine – de mort –). Secondé par Penthius, le Knight Incantor balance ensuite une punchline tellement vacharde à son frangin que ce dernier quitte l’invulnérabilité accordée par le Trône Dragon pour aller se faire justice lui-même. C’était bien entendu ce qu’attendait Arnhault, qui lui lance un come(t) at me, bro ainsi qu’un éclair arcanique fatal, trop lentement cela dit pour empêcher son frérot de le suriner à mort lui aussi.

Au final, les Stormcast Eternal sortent éprouvés mais vainqueurs de cette bataille, Penthius escortant son supérieur jusqu’au point de sauvegarde précedémment identifié afin qu’il puisse retourner en Azyrheim pour y être reforgé (et oublier à nouveau tous ses souvenirs si chèrement glanés). Les grouillots rentreront à pinces, eux.

1 : Les ghostbusters d’Azyrheim en quelque sorte. On peut même substituer les deux termes dans le générique des films et s’en sortir honorablement, c’est dire. Who you gonna call ?

: Apparemment, ce n’est pas toujours le cas, ce qui fait un peu peur tout de même.

: Malgré toutes les merveilleuses qualités de la sigmarite, on ne me fera pas croire qu’une armure de plates intégrale complétée par un masque de guerre, intégral lui aussi, sont des atours particulièrement respirants. Ca doit sentir le demi-gryff après une journée de marche.

AVIS:

Imaginez être un auteur régulier d’une franchise med-fan, pour laquelle vous écrivez depuis une bonne vingtaine d’années, avec quelques belles soumissions à votre actif. Imaginez être contacté pour écrire la novella introductive d’un recueil destiné aux nouveaux-venus, se déroulant dans l’univers de cette fameuse franchise. Imaginez recevoir un cahier des charges beaucoup plus restrictif qu’à l’habitude, et dont la principale exigence serait, en filigrane, de susciter l’envie du lecteur de se lancer dans la collection d’une armée de figurines. Imaginez que votre éditeur vous glisse de manière appuyée des références à la prochaine boîte de base qui sortira pour la franchise en question, et vous fasse comprendre sans équivoque qu’il serait de bon ton d’utiliser ce produit comme base de réflexion pour votre récit. Imaginez faire cela, et le faire de façon tellement scolaire, pataude et évidente que le lecteur/chroniqueur (hi Mom !) tombant sur votre soumission finisse par nourrir de sérieux doute sur votre démarche littéraire, et commence son retour critique sur votre novella par l’exposition d’une telle hypothèse. La question est : devez-vous être fier, ou honteux de ce résultat ? Vous avez quatre heures.

Au cas où cette introduction « picturesque » n’ait pas vendu la mèche, Sacrosaint n’est pas tenu en odeur de sainteté par l’auteur de ces lignes, qui en est le premier attristé. C. L. Werner est en effet à mes yeux l’un des contributeurs les plus robustes de la BL, et l’une des plumes derrière l’affirmation du style de la maison en termes d’approche et de narration, et plutôt dans ses aspects positifs que dans les gimmicks assomants qui caractérisent la prose des free lance de Nottingham dans certains cas. Au delà de l’histoire d’Arnhault et de ses sous-fifres, enchaînement de péripéties martiales d’un intérêt très moyen pour le consommateur acerbe et averti que je dois bien reconnaître être1, j’ai en effet décelé dans le style de Werner des lacunes et lourdeurs qui n’avaient pas lieu d’être dans un travail rédigé par ce bon vieux C. L. La maîtrise narrative dont il a fait la preuve dans les très nombreux romans et nouvelles publiés pour le compte de la Black Library, et en particulier lorsque ces derniers s’inscrivaient dans une série au long cours (appellant donc à un vrai travail de contextualisation à chaque nouvel « épisode » afin de permettre aux nouveaux lecteurs de ne pas être irrémédiablement perdus s’ils commençaient la saga par le mauvais bout2), ne transparaît nullement dans Sacrosaint, qui pêche plutôt par excès de « au-cas-où-vouv-l-auriez-oublié-isme ». On peut considérer ça comme une mise en abyme spirituelle de personnages maniant des armes contondantes de fort beau gabarit, mais se voir marteler toutes les 10 pages que la mission des Stormcast Eternals est de libérer Wyrmditt du mââââl, ça devient rapidement assez usant, et à la limite de l’insultant pour le lecteur. Il n’aura pas oublié, je vous l’assure, d’autant plus que les forces en présence sont suffisamment manichéennes (trop d’ailleurs, Werner sait d’habitude comment noircir convenablement ses gentils, encore une déception) pour que même le plus étourdi des newbies se rappelle qui est du bon côté de l’histoire.

De manière annexe – et j’y vois là encore la patte, ou au moins le souhait manifeste, de la BL de faire passer quelque message mercantile, à défaut d’être subliminal, à ses nouveaux fans – je vous invite à relever le nombre de fois où Werner énumère fastidieusement les noms des unités Stormcast Eternals, afin de ne laisser aucun flotter aucune espèce de doute sur qui manie les masses et qui décoche les carreaux3, histoire de pouvoir bien identifier les boîtes en boutique. Et on peut reconnaître que le respect de la nomenclature sigmarite, dans toute sa grandeur ampoulée et ses assonnances en -or, est pour le coup assuré. Il ne m’a ainsi fallu que trois minutes sur le site de GW pour retrouver le matériel sur lequel Werner s’est basé pour Sacrosaint, et le recul apporté par cette confirmation ne rend que plus évident le mal que l’auteur s’est donné pour que chaque type de troupe, chaque héros, ait ses quelques lignes de gloire dans la novella.

Le dessein de la BL percé à jour, on est en droit de se demander si cette approche low level était la plus pertinente, eut égard à l’objectif poursuivi (convertir le tout venant au Hobby). À vouloir prémacher tout le background et tenir en permanence la main du lecteur, Sacrosaint souffre d’une lourdeur qui risque de rebuter ce dernier, et lui donner une image peu flatteuse de l’univers d’Age of Sigmar, dépeint dans la novella comme tournant autour de l’affrontement entre surhommes4 aussi dévoués qu’amnésiques et esprits maléfiques à la solde d’éminences grises consumées par la rancoeur et la jalousie, avec d’innocents, et parfois malavisés, péons humains au milieu de tout ça. Je ne sais pas pour vous, mais ça ne me donnerait certainement pas envie d’aller plus loin si je découvrais AoS, en cette époque de surabondance d’univers med-fan. Et si Werner tente bien d’apporter un peu de complexité à son propos en évoquant les effets délétères de la reforge, il se contente de rappeler le Σ-Ω σω du concept dans ses écrits, bien qu’il emprunte à ce dernier le ressort narratif (assez mollasson d’ailleurs) de sa soumission. Dommage, j’aurais bien aimé qu’il partage plus de ses idées sur le sujet5.

Bref, une grosse centaine de pages qui vous donneront peut-être envie d’acheter Tempête d’Âmes, sous quelque forme que ce soit, en fonction de votre degré de fanboyisme. Pour ma part, une triste et décevante introduction à Age of Sigmar et au Hobby en général, indigne des standards habituels de son auteur. Thank you, next.

1 : Et sur lequel je ne m’étendrai pas, n’étant pas le public cible de ce « produit », qui, en tant qu’unique oeuvre originale du recueil, a vraiment été commissionné par la BL dans le but de faire découvrir Age of Sigmar de la façon la plus pédagogique aux nouveaux arrivants.

2 : Se référer à la série ‘Brunner, Bounty Hunter’, ou à défaut, à sa chronique par votre serviteur. Si vous n’avez vraiment pas le temps, allez faire un tour sur la chronique des nouvelles ‘Sickhouse’ et ‘Wolfshead’ pour voir l’homme au chapeau dans ses oeuvres.

3 : Jeu annexe pour les plus motivés : compter le nombre de fois où Werner précise que les têtes des carreaux des Sequitors contiennent le souffle d’un Dracoth (il doit y avoir de l’élevage industriel quelque part en Azyr pour répondre à la demande, c’est pas possible autrement), à même de dissoudre la matière aussi bien que la magie. Croyez-moi, le résultat est non nul. Enfin, si, mais on se comprend.

: Etonnant d’ailleurs pour un livre sorti en 2018 que les gentils ne comptent aucune femme parmi eux. D’autant plus que dans la boîte Tempête d’Âmes, le Knight Invocator est une donzelle. Werner serait-il meniniste ?

5 : Le plus intéressant reste le fait qu’Arnhault est persuadé que Sigmar voudrait que ses Stormcast gardent leurs souvenirs pendant leur reforge, et qu’il s’est fixé comme objectif de corriger le processus. Mais à bien y réfléchir, c’est tout bonus pour Sigmar que ses super-guerriers renaissent en n’ayant qu’une absolue loyauté envers lui à l’esprit. La vérité serait-elle ailleurs ?

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Un Hymne Funèbre de Poussière et d’Acier // A Dirge of Dust and Steel – J. Reynolds :

INTRIGUE:

A Dirge of Dust and SteelÀ la recherche de la légendaire cité corbeau de Caddow et de son Portail des Royaumes reliant à Shyish à Azyr, une petite force de Stormcast Eternals de la Chambre Vanguard des Hallowed Knights (soyons précis) a conclu un pacte avec les Duardin de Gazul-Zagaz, seuls à connaître l’emplacement de cette ville mystérieuse1. En échange de leur aide contre les hordes du Gardien des Secrets Amin’Hrith, connu sous le nom d’Ecorchâme, les nabots dépressifs (leur royaume est en ruines, leur Dieu s’est fait bouffer par Nagash et l’âme de leur dernier prince sert de skin au démon de Slaanesh) mèneront les guerriers du Lord Aquilor Sathphren Swiftblade jusqu’à bon port. Jamais le dernier à rendre service à son prochain, notre héros accepte bien entendu cette généreuse proposition, et se fait fort d’entraîner ce fât d’Amin’Hrith dans un piège ingénieux.

Ayant réussi à capter l’attention des Hédonistes, probablement en leur faisant remarquer que leurs soieries avaient fait fureur à Ghur il y a trois saisons de celà (ce qui, pour une fashionista des Royaumes Mortels, est une insulte mortelle), les prestes cavaliers de Sigmar emmènent leur nouveaux amis dans une course éperdue à travers les dunes, jusque dans les ruines de Gazul-Zagaz, où les attendent de pied ferme (et depuis un petit moment apparemment, à en juger par l’épaisse couche de poussière qui les recouvre) les guerriers Duardin. S’en suit une bataille des plus classiques, illustrant de fort belle manière l’intérêt de se rendre au combat avec une armure de plates et non une combinaison en viscose, dont le point culminant sera le duel entre Swiftblade et Amin’Hrith dans le temple de Zagaz, où le rusé Stormcast s’emploiera à faire un boucan à réveiller les morts…

1 : On peut donc dire qu’ils ont une carte Caddow. Mouahahaha.

AVIS:

À l’heure où cette chronique est écrite, Josh Reynolds est probablement le contributeur principal de la BL en matière de contenus siglés Age of Sigmar. Une telle prodigalité ne pouvant évidemment pas être synonyme de qualité exceptionnelle à chaque soumission, il est en somme tout à fait logique que certaines des nouvelles rédigées par notre homme ne s’avèrent pas être d’une lecture des plus passionnantes. C’est le cas de ce A Dirge of Dust and Steel (on me passera l’usage du titre original, à la fois plus poétique et plus élégant que le monstre qu’il est devenu en VF), qui se trouve être une nième variation du topos le plus employé de cette nouvelle franchise : la baston de Stormcast Eternals contre les forces du Chaos1. On pourra certes m’opposer que cet épisode particulier se distingue des dizaines qui l’ont précédé par l’emploi d’une Chambre relativement nouvelle (Vanguard), d’un héros inédit (Sathphren Swiftblade) et d’un environnement exotique en diable (l’Oasis de Gazul, en Shyish). Ce à quoi je répondrai que les Vanguard ne sont « que » des Stormcast sur demi-gryffs, et ne conservent de fait que très peu de temps l’attrait de la nouveauté. Swiftblade a quant à lui l’originalité d’une boîte Barbie et son Cheval, même son côté grande gueule n’étant plus vraiment novateur depuis l’arrivée d’Hamilcar Bear-Eater sur le créneau « humoristique » des SE. Pour terminer, Gazul a depuis lors sans doute rejoint l’interminable liste des lieux des Royaumes Mortels dans lesquels plus personne ne reviendra jamais, et ne mérite donc pas que l’on s’yn interesse plus que de mesure.

Non, pour ma part, la seule vraie valeur ajoutée de ce Dirge… tient en l’inclusion d’une faction Duardin sortant franchement du lot par sa vénération d’un Dieu de la Mort mort (combo !) et sa capacité à invoquer des esprits, ce qui constitue des variations intéressantes par rapport au stéréotype du guerrier nain que tout lecteur connaissant ses classiques se représente de façon plus ou moins inconsciente. Pour le reste, c’est de la qualité Reynolds (Josh), donc un récit bien structuré et rythmé, s’intégrant parfaitement dans les conventions définies pour Age of Sigmar en termes de fluff et d’atmosphère, et s’avérant dans l’ensemble plaisant à lire. Ne lui retirons pas ça.

1 : Comme les dernières années ont vu apparaître d’autres types d’adversaires, comme les morts-vivants de Nagash pendant la Tempête des Âmes ou les Orruks Ironjaws de manière collatérale à la traque de Mannfred von Carstein, j’attends avec impatience le moment où les vertueux Sigmarines commenceront à taper sur d’autres factions de l’Ordre, en attendant l’inévitable guerre civile que le passif de GW en la matière nous promet depuis que le premier Stormcast a dévoilé le bout de son masque de guerre. ‘La Vilainie de Vanus’, ça c’est un titre qui claque !

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Callis & Toll : Les Vieux Us // Callis & Toll : The Old Ways – N. Horth :

INTRIGUE:

Callis and Toll_The Old WaysAffecté à la surveillance de la cité d’Excelsis, dans le royaume de Ghur, le répurgateur de l’Ordre d’Azyr Halliver Toll, escorté de son sidekick Armand Callis, est envoyé par ses supérieurs tirer au clair une sombre histoire de disparition à Marshpoint, une ville agricole située en périphérie de la Cité des Secrets. Le fils aîné de la puissante famille Junica n’a en effet plus donné signe de vie après avoir eu maille à partir avec quelques soldats de l’autre grande famille locale, les Dezraed, qui l’ont poursuivi jusque dans les profondeurs de la forêt d’Ulwhyr. L’entente entre Junica et Dezraed n’ayant jamais été cordiale, c’est une vendetta en bonne et due forme qui menace d’éclater entre les Capulet et les Montaigu de Ghur, gueguerre qui mettrait en péril l’approvisionnement des régiments d’Excelsis en précieuse soie d’acier, ressource collectée depuis les fermes arachnides de Marshpoint. Il va donc de l’interêt général que cette triste affaire soit réglée dans les meilleurs délais, et qui de plus qualifié qu’un répurgateur pour traiter ce problème ?

Nous suivons donc Thalys et Colle au cours de l’enquête à laquelle ils se livrent à leur arrivée dans le bourg miteux et boueux de Marshpoint. Après un interrogatoire croisé des patriciens des deux familles, l’énorme et suintant Fenrol var Dezraed, autoproclamé Gardien de Marshpoint du fait de sa capacité de bloquer à lui seul l’entrée de la ville s’il lui prenait l’envie de s’asseoir en travers du portail, et le sec et irritable Kiervaan Junica, nos experts se rendent sur les lieux de la disparition à proprement parler, escortés par l’homme de confiance du patricien Junica, un natif du nom de Ghedren, et par un trio de gardes Dezraed. Et s’il se pourrait bien que la rivalité larvée entre familles nobles ait bien fait couler le sang, les enquêteurs feraient bien de prendre au sérieux les rumeurs entourant la Sorcière Blanche d’Ulwyhr. Après tout, ils ont pénétré sur son domaine…

AVIS:

C’est avec enthousiasme que j’avais vu revenir la figure iconique du chasseur de sorcières/répurgateur dans le lore d’Age of Sigmar, que son inclinaison high fantasy aurait pu « immuniser » à l’introduction de ce type de personnage, très grimdark par nature. La lutte contre les cultes chaotiques gangrénant le nouvel ordre rutilant de Sigmar constitue en effet à mes yeux un axe de développement des plus intéressants, et une prise de recul bienvenue sur le manichéisme caractéristique des premières années d’AoS. Encore fallait-il que l’image d’Epinal Hammerhal de l’inquisiteur traquant le vice et la trahison parmi les sujets obéissants de l’autorité centrale (préférablement divine, c’est plus classe) soit convenablement adaptée dans cette nouvelle franchise, la profession en question exigeant une rigueur morale confinant à la psychose, ce qui n’est pas franchement la norme parmi la soldatesque sigmarite (ces martel-sans-rire de Celestial Vindicators mis à part), dépeinte à de nombreuses reprises comme adepte du compromis et de la tempérance. Qu’en est-il avec la paire Callis & Toll, promise à un bel avenir au sein de la BL à en juger de la façon dont leurs noms ressortent dans tous les ouvrages auxquels ils ont été inclus ? Eh bien, c’est plutôt pas mal, encore que pas spécialement pour les raisons détaillées ci-dessus. Je m’explique.

Si le fanatisme (dans le bon sens du terme, car, si si, dans la littérature med-fan, cela existe) de nos héros laisse à désirer, la retenue dont fait preuve Toll, sensé être le vrai bad guy du duo, dans le jugement qu’il délivre au coupable, le plaçant à un petit 2 sur l’échelle de Mathias Thulmann (le référentiel absolu de la maison à cet égard), Horth se rattrape néanmoins en glissant quelques remarques de bon aloi à propos d’un certain White Reaper (Cerrus Sentanus sur son état civil), Stormcast Eternal pas vraiment Charlie, à tel point que son nom est utilisé pour effrayer les enfants d’Excelsis. Voilà un type qui mérite que l’on suive, et j’espère bien que ça sera le cas dans un futur pas trop lointain. Celà étant dit, The Old Ways a d’autres qualités, la première étant de proposer une petite enquête policière pas trop mal troussée au vu du nombre de pages limité avec lequel elle doit composer1, l’atmosphère horrifique du passage « sylvestre » du récit étant une autre source de satisfaction. D’autre part, cette nouvelle présente également l’intérêt de creuser le background de la cité libre d’Excelsis, qui devrait normalement ne pas disparaître corps et bien dans les annales du fluff, au vu du nombre d’apparitions qu’elle a faite dans divers écrits depuis son introduction dans le background. En apprendre plus sur cette bourgade présente donc un intérêt pour le fluffiste, tellement bombardé d’informations géographiques par ailleurs qu’on ne peut lui reprocher de ne pas prendre note de tout ce qu’on lui soumet.

Enfin, de façon plus large, elle fait ressortir un concept intéressant : le fossé existant entre natifs d’Azyr et populations locales au sein des cités libres, les seconds étant généralement mal considérés, voire méprisés par les premiers, qui les qualifient « d’Amendés » (traduction personnelle de Reclaimed, qui peut aussi s’entendre comme « Récupéré ») ou de « Sang Maudit » (curseblood), ce qui n’est pas très sympathique, mais ajoute de la profondeur à la société sigmarite. Quand on lit que même un personnage « égalitariste » comme Toll n’aurait pas de problème à raser toutes les forêts de Ghur pour pouvoir accélérer la colonisation de ce Royaume, au grand désarroi des locaux qui ont appris à vivre dans les étendues sauvages et à les respecter, on se dit que la possibilité d’un soulèvement des indigènes contre la métropole et ses représentants est une possibilité réelle… et c’est tant mieux en termes de potentiel narratif ! Bref, une plongée satisfaisante dans l’arrière-pays d’Excelsis, et une nouvelle qui vaut le coup d’être lue pour qui s’intéresse au fluff des cités libres.

: On saluera également le twist proprement « meta » de Horth, qui fait dire à Toll qu’il avait identifié le coupable depuis belle lurette et attendait juste de voir combien de temps il faudrait à Callis (et donc au lecteur) pour faire de même. On ne me l’avait jamais faite celle-là.

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La Danse des Crânes // The Dance of the Skulls – D. Annandale :

INTRIGUE:

The Dance of the SkullsInvitée à honorer de sa présence un bal donné par la reine Ahalaset et le seigneur Nagen dans la cité de Mortannis, Nefarata se doute bien que cet évènement mondain n’est qu’un prétexte commode pour permettre à ces deux grandes lignées d’agir à ses dépends, ce qui ne l’empêche pas d’accepter gracieusement de se rendre sur place, n’ayant de toute façon rien d’autre de prévu ce soir là. Voyant d’un mauvais oeil le rapprochement s’étant récemment opéré entre Ahalaset et Nagen, la Mortarque de Sang suppute avec raison qu’un piège va lui être tendu, et se réjouit d’avance de cette (més)aventure, le quotidien de Nulahmia devant apparemment être assez terne.

Après avoir été accueillie avec tout le faste et la pompe liés à son r/sang (et infligé rateau sur rateau à ce pauvre Nagen, auquel elle promet toutefois une danse plus tard dans la soirée1), Neffie se voit proposer par son hôte une dégustation privée de crus tirés de l’hématothèque personnelle d’Ahalaset, ce qui ne se refuse pas. Guidée jusqu’à un salon lounge où l’attendent une dizaine d’esclaves qui s’appellent tous Mathusalem ou Réhoboam, notre rusée vampire à tôt fait d’identifier l’aiguille d’argent se terrant sous la roche, en l’occurrence un assassin assermenté doté d’une fourchette à escargot à la place du bras (c’est la mode à Hammerhal). Ayant raté son test d’Initiative, le faquin est toutefois aisément neutralisé par sa victime supposée, qui l’attache à son service d’un langoureux battement de cils. Satisfaite de la tournure prise par les évènements, et comme toute quinqua-millénaire de la bonne société après une dure journée de labeur, Neferata s’accorde un petit verre (et fracasse au passage toutes les « bouteilles », qui espéraient peut-être qu’on les laisse tranquille le temps qu’elles refassent le plein) aux frais de ses hôtes avant de revenir se joindre à la fête.

Là, il est temps pour la Lahmiane de porter l’estocade aux traîtres débusqués, et en musique s’il vous plaît, la danse des crânes consentie à ce benêt de Nagen donnant amplement le temps à notre héroïne de cimenter sa victoire en enchantant légèrement son cavalier, qui ne trouvera rien de plus malin lorsque l’assassin d’Ahalaset viendra sonner les douze coups de minuit à son ancienne patronne à l’aide de son argenterie intégrée, de lancer sa devise dans le silence de mort (héhé) qui s’ensuit. Cette dernière tombera à plat comme la totalité de ses blagues, et, mal comprise par la garde de la reine défunte, aura des conséquences tragiques pour notre pauvre Nagen. Un verre ça va, trois verres…

1 : En même temps, cette coquetterie de laisser dépasser une canine par dessus sa lèvre inférieure ne doit pas aider à lui donner un air très intelligent.

AVIS:

C’est peu de chose de dire que la prose de Herr Annandale n’était pas tenue en haute estime de ce côté du clavier, depuis la chronique de ses débuts pour la BL (The Carrion Anthem, Hammer & Bolter #11) jusqu’à aujourd’hui. Les choses ont légèrement évolué avec cette Danse des Crânes, qui s’affirme facilement comme la meilleure soumission de notre homme que j’ai pu lire à ce jour. Certes, on parle ici en progrès relatif plutôt qu’en performance absolue, cette courte nouvelle ne se comparant guère aux travaux d’auteurs que je considère être plus méritants que David Annandale, Abnett, Dembski-Bowden, Farrer et Fehervari en tête, pour n’en citer que quelques uns (la liste serait assez longue sinon), mais j’aurais trop beau jeu de ne pointer que les trous dans la cuirasse ou les défauts dans la raquette des travaux de ce régulier de la BL, si je ne soulignais pas également les sources de satisfaction à la lecture de ces derniers. L’Empereur sait qu’ils sont encore rares à cette heure.

Alors, quels sont les éléments positifs de La Danse des Crânes ? Pour commencer, une absence de ce que l’on peut presque appeler une « annandalerie », terme forgé par votre serviteur et désignant une mauvaise, grossière ou grotesque exploitation d’une idée de départ pourtant assez sympathique, pour des résultats évidemment décevants. Le huis-clos victorien qui nous est proposé ici ne pêche ainsi pas par excès de zèle ou manque de structuration, les péripéties s’enchaînant de façon tout à fait convenable et crédible, ce qui pourrait sembler aller de soi mais n’était pas gagné d’avance au vu du pedigree de l’auteur. On sent que ce dernier a réfléchi à la manière dont il devait dérouler son récit pour que le plan alambiqué de Nefarata puisse se dérouler sans (trop) d’accroc, et même si l’usage d’un petit TGCM en fin de nouvelle pour parfaire le triomphe de Mama Lahmia peut être noté, c’est finalement peu de chose comparé aux problèmes structurels émaillant quelques unes des précédentes soumissions de David Annandale.

Autre source de contentement, la description intéressante qui nous est faite de la haute société mort-vivante, nid de vipères aux crocs acérés et n’hésitant pas un instant à comploter pour précipiter la chute de leurs prochains, alors même que les ennemis extérieurs se comptent par milliers, et qu’un brin de solidarité entre macchabées ne serait pas de trop pour défendre le pré carré de Nagash. Le fait que cette société, mêlant vampires et humains à tous les échelons, apparaisse comme fonctionnelle et pérenne (en même temps, c’est bien le minimum quand on est immortel) est une autre réussite d’Annandale, qui parvient à donner un volume fort bienvenu à une faction qui jusque là se réduisait à des légions de squelettes traînant leur mélancolie dans des déserts violacés. On peut s’amuser aussi en Shyish, telle est la morale de cette petite histoire.

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Rats de Cale // Shiprats – C. L. Werner :

INTRIGUE:

ShipratsLa malchance légendaire qui colle à la carène du Dragon de Fer et la peau de son capitaine, le Kharadron Brokrin Ullisson s’abat une nouvelle fois sur le fier navire et son équipage. N’ayant pas trouvé de filon d’aether-or au cours de sa dernière campagne, le navire Duardin s’est résigné à se faire cargo de grain pour au moins rentrer dans ses frais, et a chargé une cargaison de blé dans la ville de Greypeak, qu’il espère vendre à bon prix de retour à Barak-Zilfin. Ce beau projet est toutefois menacé par la présence de passagers clandestins dans la cale du Dragon, une colonie de rats bien décidée à faire bombance sur les stocks des Arkanautes. Entre les petits barbus et les encore plus petits moustachus, il ne saurait y avoir de terrain d’entente, mais que faire pour débarrasser le vaisseau de l’infestation de vermine sans endommager ce dernier ? Alors que Brokrin et ses hommes se trouvent réduits à chasser les importuns à coups de pelle, avec des résultats peu concluants, comme on peut se l’imaginer, une bonne et potentiellement riche idée est soumise : pourquoi ne pas faire un détour par la Lamaserie de Kheitar, dont les moines ont par le passé rendu un fier service aux Kharadrons en débarassant le Dragon de la nuée de crapauds célestes (car apparemment, c’est un aléa climatique assez courant dans les Royaumes Mortels) qui avait élu domicile sur le navire à l’aide d’une fumigation un peu spéciale ? Aussi dit, aussitôt acté, la possibilité de soutirer aux bonzes une de leurs fameuses tapisseries pouvant même permettre d’espérer un profit au trésorier de la petite bande, passablement dépité par le tour pris par les évènements. Après tout, quoi de mieux qu’un lama pour venir à bout d’un rat1 ?

Arrivé sur place, Brokrin emmène une poignée de ses gars à la rencontre des paisibles habitants de Kheitar, dont les ancêtres étaient tellement zens qu’ils ont réussi à apprendre à un démon les bienfaits de la méditation. Brokrin, qui connaît personnellement le grand Lama (Serge), est bien étonné de voir apparaître à la place de son vieux pote un nouveau père supérieur (Bernard), qui a la peine de lui apprendre que Serge n’est pas simplement malade (comme on pouvait s’y attendre), mais a carrément atteint l’illumination en commettant le suicide rituel du tulku, un lent empoisonnement débouchant sur une momification graduelle de l’ascète. Malgré cette triste nouvelle, Bernard se montre particulièrement conciliant avec ses hôtes, acceptant non seulement de procéder à la dératisation demandée (sous réserve que les Duardins permettent aux rats de quitter le navire, car telle est le niveau d’antispécisme des bonzes), mais offrant même à leurs hôtes non pas une, mais cinq de leurs précieuses tapisseries, pour une contribution laissée à la discrétion des bénéficiaires. En celà, Bernard fait une grave erreur car cette générosité excessive ne manque de déclencher l’alerte piège à khon que tous les Kharadrons possèdent dans un coin de leur esprit. Suspectant une entourloupe, Brokrin charge donc un de ses matelots d’escorter les moines tapissiers jusqu’à bon port, tandis que lui et le reste de son khrew acceptent l’offre de Bernard de rendre visite à Serge, qui serait, contre toute évidence, encore vivant. Bernard commet alors sa deuxième boulette (pas aussi grave que celle du Bordeaux – Paris de 93, mais pas loin) : soucieux de faire respecter les traditions non-violentes de Kheitar (où même les démons fument du chichon), il somme ses visiteurs de déposer leurs lames avant d’entrer dans le saint des saints. Toujours un à lire les petites lignes du contrat et à trouver les failles dans les termes et conditions qui lui sont proposés, Brokrin fait remarquer à ses hommes que l’injonction du grand Lama ne couvre pas les armes à feu, et emboîte donc le pas à Bernard toujours armé de sa pétoire.

Un peu plus loin, les mirrifiques carpettes de Kheitar sont entreposées sans heurts dans la cale du Dragon de Fer, sous l’oeil attentif et circonspect d’un rattophobe déclaré, le sergent arquebusier Drumark, dont le paternel a été fauché dans la fleur de l’âge lors d’une bataille contre les Skavens. Souhaitant s’assurer que la vermine qui grignote son grain ne s’attaque pas aux précieux tapis, il laisse remonter ses comparses et attend dans la pénombre de voir comment les choses vont évoluer. Quelle n’est pas sa surprise de voir s’extraire des rouleaux apportés par les bonzes une demi-douzaine d’hommes-rats, qui comptaient sans doute s’infiltrer discrètement dans le navire en attendant de jouer un tour pendable à ses occupants légitimes ! Les plaisanteries les plus courtes étant les moins longues, Drumark a tôt fait de sonner la fin de la rat-cré, l’arsenal Kharadron ayant rapidement raison des manigances skavens. Tout celà n’augure toutefois rien de bon pour Brokrin et ses suivants, qui ne tardent pas non plus à découvrir le pot au rat, à la suite d’une performance misérable du Jeff Panacluc Skaven, un dénommé Kilvolt ayant « jeanmarquisé » le cadavre de Serge. Sommé de révéler au véritable maître de Kheitar les secrets de l’ingénierie Kharadron, Brokrin refuse avec noblesse, et met à profit la bévue de Bernard pour arroser les hommes rats venus à la rescousse de Kilvolt avec du Kharaplomb. L’algarade ne dure cependant pas longtemps, l’arrivée de Drumark et de ses arquebusiers convainquant définitivement les Skavens de la futilité de leur approche. Profitant de l’accalmie, Brokrin et Cie repartent ventre à terre sur le Dragon, non sans avoir pris soin de looter quelques tapisseries supplémentaires en guise de dédommagement. De voleur à vendeur de tapis, il n’y a que peu de choses au fond.

1 : Si vous répondez : un chat, sachez que le félin apporté à bord par les Duardins a fait acte de mutinerie peu de temps après sa prise de fonction. C’est ce qu s’appelle avoir un poil dans la patte.

AVIS:

Accompagnement au roman qu’il a consacré aux plus blindés des Duardins (Corsaires du Dragon de Fer//Overlords of the Iron Dragon), ce Rats de Cale de Werner s’avère être d’une lecture globalement satisfaisante. Notre homme retrouve avec bonheur ses victimes favorites (les Skavens), qu’il gratifie comme à son habitude d’une inventivité et d’une ambition proportionnellement inverse à leur compétence, pour un résultat aussi spectaculaire que dérangeant1. S’il y a un contributeur de la BL qui sait s’y prendre pour donner aux hommes rats leurs lettres de bassesse, c’est bien l’homme au chapeau, et on ne peut que souhaiter que Nottingham lui confie davantage de commandes portant sur les funestes et fumistes machinations des rejetons du Rat Cornu. On appréciera également l’exotisme du propos, la visite guidée de la Lamaserie de Kheitar permettant au lecteur de se remémorer l’immensité des Royaumes Mortels, où la présence d’une communauté de bonzes vénérant un démon du Chaos ayant trouvé la paix intérieure en téléchargeant Petit Bambou sur son portable est tout à fait possible. On peut regretter que l’accent ne soit pas davantage mis sur la culture des protagonistes, abordée assez succinctement à travers la mention des différentes fonctions des membres de l’équipage de l’Ang Drak et du fameux Code des Kharadron (qui sanctuarise les partenaires de commerce équitable, ce qui doit indiquer que les bananes et le chocolat sont tenus en haute estime par le Geldraad), mais que voulez-vous, on ne peut pas tout avoir dans une nouvelle de 25 pages. Le casting très développé des Arkanautes, conséquence logique de leur inclusion dans le roman cité plus haut, est un autre facteur pouvant diminuer (légèrement) le plaisir de lecture, mais, rassurez-vous, savoir qui est qui n’a que peu d’intérêt au final. Le plus important restant bien sûr de souquer les artimuses.

1 : Sérieusement, imaginer la transformation d’un cadavre de bonze en marionnette animée, c’est un coup à faire des cauchemars.

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Enchères de Sang // Auction of Blood – J. Reynolds :

INTRIGUE:

Auction of BloodLes plans pour une soirée de bouquinage tranquille de Palem Bo(o)k, libraire d’incunables à Eauxgrises et accessoirement espion à la solde de Nefarata, sont brutalement et définitivement balayés lorsque notre fin lettré reçoit l’ordre de représenter sa généreuse patronne à une session d’enchères privées, se tenant le soir même au Nid de Pie, une institution bien connue par les habitués de la vie secrète de la métropole Ghyranite. Bien forcé d’accéder à la gracieuse et impérieuse requête de sa bienfaitrice s’il tient à conserver sa jugulaire intacte, Bok se rend sur place, et réussit à négocier son entrée, malgré une absence d’invitation (les grandes de ce monde ne prennent pas en compte des détails aussi triviaux) et une vigile elfique vraiment patibulaire du tout. Même pas briefé sur l’objet qu’il devra acquérir pour le compte de sa maîtresse, il a peine le temps de jeter un regard sur le reste de l’assistance, où se pressent pêle-mêle un mage lumineux et son dragonnet de compagnie, un Nain du Chaos essayant de camoufler son appartenance à une franchise défunte sous une épaisse capuche, et la Femme en Rouge locale (il en faut une dans tous les univers med-fan dignes de ce nom apparemment), beauté ténébreuse et balafrée au sourire qui aurait pu être avenant s’il ne dévoilait pas des dents taillées en pointe.

Attendant patiemment que son heure vienne pendant que les premiers lots trouvent preneurs, Bok finit par comprendre que la babiole que Nefarata veut ajouter à sa collection est l’étrange fouet à huit lannières que le commissaire priseur révèle être Charu, le Fouette-Âme, rien de moins que l’une des huit Lamentations de Khorne ! Pressentant que cette acquisition va le mettre sur la paille, à condition qu’il arrive à remporter l’enchère avec ses moyens somme toute limités (l’industrie du livre est en crise partout), Bok est sauvé de la faillite par l’intervention inattendue de Melissandre, qui se trouve être une activiste de Khorne et ne goutte pas du tout à ce que cette sainte relique soit vendue comme un vulgaire bibelot lantique. Preuve que la malabar de l’entrée n’a pas fait son job de façon correcte, une demi-douzaine de comparses de la Lady in Red (Kesh de son prénom), se lèvent pour appuyer la revendication de leur meneuse, et la situation dégénère tranquillement lorsque le préposé à la vente tente de prévenir le service d’ordre et se prend une hache de jet entre les deux yeux pour sa peine.

Dans la mêlée générale qui s’en suit, Bok a l’occasion d’assister aux premières loges à une démonstration de fouet que n’auraient renié ni Corax ni Indiana Jones, Kesh ayant réussi à mettre la main sur l’arme du crime, dont le deuxième effet kiss cool est de voler l’âme des malheureux qu’elle lacère. D’abord contraint de régler leur compte à quelques cultistes mugissants tout prêts à l’enkhorner, Bok est rapidement convaincu par le talent meurtrier de Kesh de mettre le Charu avant les boeufs. Malheureusement pour notre héros, this girl is on fire et sa pétoire, bien que de fabrication Duardin, ne suffit pas à mettre fin au tohu-bohu. Animée de mauvaises intentions, malgré la perte d’un hémisphère cervical consécutif à un headshot proprement exécuté, Kesh l’est également par la magie impie de son arme, et il faudra que quelqu’un se dévoue à lui prendre littéralement la main pour que l’ambiance, finalement, retombe. La seule autre survivante de la soirée étant l’Aelf de garde, à présent chômeuse et à laquelle il s’empresse de proposer un job, Bok n’a aucun mal à faire main basse sur la vieille Charu, dont on se doute que Nefarata fera un usage raisonné…

AVIS:

Voilà une nouvelle de Josh Reynolds telle qu’on les aime. Loin du fracas des combats de première ligne entre Stormcasts et indigènes, Enchères de Sang s’attache à dépeindre la vie dans une cité libre de Sigmar, où, si l’ordre règne, tous les citoyens n’épousent pas forcément les vues progressistes et altruistes du Dieu céleste. Comme le Monde qui Fut avant lui, les Royaumes Mortels sont gangrenés par les agissements souterrains d’individus peu recommandables, ce qui est dans l’ordre naturel des choses à mon avis, mais méritait quand même d’être couvert par une nouvelle ou deux afin que le lecteur, surtout novice, ne s’y trompe pas1. Les amateurs de la série Malus Darkblade apprécieront sans doute le récit de la soirée très compliquée de Bok, contraint comme son lointain et illustre prédécesseur de prendre tous les risques pour récupérer une relique impie pour le compte d’un employeur pas vraiment compréhensif. Les nostalgiques du Vieux Monde et de l’archéo-fluff souriront à la rencontre des quelques easter eggs que l’auteur a glissé au fil des pages2. Tous reconnaîtront que Reynolds sait s’y prendre pour dépeindre les côtés peu reluisants d’une métropole med-fan, quadrillée par les sociétés secrètes en tout genre, les cultes chaotiques de quartier et les exécuteurs des basses œuvres d’éminences d’un gris souvent très foncé. Une chose est sûre, cela donne plutôt envie de découvrir quelles sont les sept autres lamentations que ce distrait de Khorne a égaré dans les Royaumes Mortels, dans ce qui pourrait bien être la série la plus intéressante des premières années d’Age of Sigmar. Les paris (et les enchères) sont ouverts…

1 : À quand la sortie du supplément ‘Quelque chose de pourri à Hammerhal’ ?

2 : On peut d’ailleurs s’étonner que la BL ait laissé passer la mention faite à Necoho, divinité chaotique désavouée par GW depuis des lustres. Ne boudons pas notre plaisir, ce n’est sans doute pas demain la veille que nous recroiserons ce Dieu renégat.

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Les Sables du Chagrin // The Sands of Grief – G. Haley :

INTRIGUE:

The Sands of GriefNous retrouvons la trace du Prince Maesa, toujours accompagné de sa mascotte de poche Shattercap, dans la cité de Glymmsforge, métropole sigmarite sise dans le Royaume de Shyish, alors que Sa Hautesse Sublissime termine les emplettes nécessaires à la prochaine étape de son voyage orphique. Toujours fermement décidé à résusciter sa bien-aîmée Ellamar, qui est morte avant de lui dire où elle avait rangé les piles pour la télécommande, le noble Wanderer s’apprête à braver les étendues sauvages du Royaume de la Mort à la recherche d’un sable bien particulier. La sagesse populaire veut en effet que toute vie des Royaumes Mortels trouve un écho dans le désert de Zircona et se cristallise sous la forme de grains de sable colorés. Celui qui parvient à collecter tout le sable de vie d’un individu et à l’enfermer dans un sablier arcanique aura le pouvoir de rendre l’être en question immortel, tant que le sable ne se sera pas totalement écoulé (il faut juste penser à retourner l’engin souvent, encore une raison pour laquelle Maesa a kidnappé Shattercap à mon avis). Ainsi équipé d’un minuteur ésotérique et d’un compas à âme, Maesa quitte Glymmsforge juché sur son Grand Cerf et trace sa route en direction du filon de l’être aimé1.

Le chemin est toutefois long et semé d’embûches, à l’aridité naturelle du lieu se conjugant son caractère délétère, qui sappe la vitalité des explorateurs (et les contraint à des bains de bouche fréquents avec du Ghyxtril, solution brevetée made in Ghyran), la nécessité de laisser traverser les légions de mineurs de Nagash, les prospecteurs rivaux pas toujours aimables, sans compter les patrouilles de rangers Nightgaunts, à l’affaux de tout collecte non-autorisée de silice. Il en faudra cependant plus pour détourner Maesa de sa mission sacrée, sa détermination sans faille, son épée magique siphonneuse d’âmes, la diligence servile de Shattercap (dont le syndrome de Stockholm a tellement enflé qu’il atteint désormais Oslo), et la vitesse de pointe de son destrier cornu, lui permettant de triompher d’une épreuve qu’aucun mortel n’aurait pu réaliser. Mais alors qu’il retourne vers son point de départ, sifflotant sans doute du Deep Purple (Might Just Take You Life, probablement), notre Aelf nécrophile ne se doute pas que son familier a gardé à son insu un grain du sable de vie de sa dulcinée2. Les conséquences de ce vol seront sans doute terribles…

1 : Dont il trimballe le crâne partout avec lui : utile quand on justement besoin d’un échantillon organique pour amorcer la recherche GPS, mais un rien creepy tout de même. Je ne veux pas savoir ce qu’il a fait du reste du corps au décès de sa dulcinée, qui pourra, si elle revient à la vie, déclarer de façon définitive qu’elle a une dent contre son mari.

2 : Ce qui explique l’excentricité du farfadet : il a un grain.

AVIS:

Figure montante du panthéon de héros d’Age of Sigmar, le Prince Maesa gagne avec ces Sables du Chagrin une profondeur appréciable, surtout pour les lecteurs ne le connaissant qu’à travers la session d’Action ou Vérité relatée dans la nouvelle mouture d’Inferno ! Apprendre la nature de la quête du noble Wanderer permet de prendre la mesure du projet littéraire entrepris par Guy Haley, et justifie pleinement l’approche « contes et légendes » choisie par l’auteur pour narrer l’épopée de Maesa, veuf éploré cherchant un moyen de faire revenir à lui sa bien-aimée mortelle. Si la connotation grimdark de WFB aurait fatalement mené notre héros à sombrer dans les abysses de la nécromancie pour atteindre son objectif, la tonalité plus high fantasy d’Age of Sigmar ouvre la porte à une issue moins sinistre, même si nombreux seront les dangers qui guettent l’intrépide Aelf et son très trépide (et kleptomane) familier. Mine de rien, peu nombreux sont les contributeurs de la BL à proposer un style s’éloignant des canons habituels de la maison, et pour AoS, Haley est à ma connaissance le seul à le faire. Rien que pour cette raison, la lecture des Sables du Chagrin présente un intérêt, cette nouvelle positionnant son auteur en héritier putatif (et encore incertain à l’heure actuelle) de Brian Craig, chef de file historique de l’approche « contemplative » de la Black Library. Au-delà de ce parti pris narratif, que l’on peut aimer ou non, on peut apprécier l’exotisme de cette nouvelle, dont le théâtre n’a pas grand-chose à envier en termes d’étrangeté aussi onirique que léthale aux Désolations Nordiques du Monde qui Fut. Les visions convoquées par Haley au cours du périple de son héros, comme ces processions éternelles de squelettes rapportant grain à grain de la Pierre des Royaumes jusqu’au trône de Nagash, frappent l’imaginaire du lecteur et viennent enrichir la palette du fantastique de la BL, trop souvent confinée à sa portion congrue (sword & sorcery, pour faire court) afin, sans doute, de faire le lien avec le wargaming que cette dernière est sensée servir. On peut enfin mettre au crédit de Haley un souci d’apporter du grain à moudre au mordu de background, en livrant une description concise mais riche d’une cité libre de Shyish, d’instruments arcaniques au potentiel fluffique des plus évidents (Who wants… to live… foreveeeeeer ?) ou encore des bigarrés sables de vie, concept aussi sympathique que poétique. Bref, une lecture obligatoire pour qui s’intéresse la geste de Maesa (la Gaeste quoi), et pas loin de l’être pour ceux qui souhaitent découvrir Age of Sigmar à travers les publications de la Black Library (que je félicite au passage d’avoir intégré cette nouvelle dans le recueil Sacrosaint & Autres Récits, où il a tout à fait sa place).

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Les Tueurs de Sorcières // The Witch Takers – C. L. Werner :

INTRIGUE:

The Witch TakersMis sur une sale histoire de meurtre dans la ruralité profonde du Khanat d’Arkl, en Chamon, les chasseurs de sorcières Esselt et Talorcan, unis à la scène comme à la ville, remontent une piste, forcément chaude, à travers les dunes du désert de Droost. De villages martyrs en tombes profanées et cadavres possédés il ne faut pas longtemps à notre fine équipe pour subodorer que quelque chose de pas sigmarite se cache au fond de ce dossier. Il semblerait que quelqu’un hante Droost avec pour seule mission de massacrer tout ceux ayant le malheur de croiser sa route. Quelqu’un… ou quelque chose, qui asservirait ses hôtes les uns après les autres, passant de main en main et ne laissant que les dépouilles de ses victimes et de ses porteurs derrière lui. Alors que les deux Répurgateurs approchent l’oasis de Tora Grae, miraculeusement épargnée par la folie environnante, il leur faudra agir rapidement et intelligemment pour empêcher le Tournetueur (pun intended) de commettre un nouveau carnage…

AVIS:

C.L. Werner qui met en scène un duo de Répurgateurs embarqués dans une quête qui les conduira dans quelque sinistre recoin de leur « circonscription » : du tout cuit pour l’auteur de la (plutôt bonne) série des Mathias Thulmann me direz-vous. C’est aussi ce que je pensais avant de commencer la lecture de ces Tueurs de Sorcières, et me suis donc surpris à reconsidérer légèrement ce postulat une fois passé le point final. Comme quoi, rien n’est gravé dans le marbre dans ce bas monde. La première divergence notable qui m’est apparue est la relation amoureuse unissant Esselt et Talorcan, ce qui n’a rien de rédhibitoire en soi (et est même suffisamment rare dans une publication de la Black Library pour qu’on puisse au contraire saluer l’audace de l’auteur), mais m’a semblé tellement éloignée des conventions usuelles de ce genre de littérature que mon expérience de lecture s’en est trouvée, pas polluée, le terme serait un peu fort, mais au moins perturbée par les roucoulades échangées par nos héros1. Passées ces considérations romantiques, l’intrigue que nous propose Werner ne s’avère pas être très haletante, la course poursuite par hôte interposé à laquelle se livrent Buffy, Xander et le bracelet perdu de Valkia la Sanglante suivant son cours avec une linéarité décevante, alors que la méconnaissance par nos héros de la nature et de la forme du mal qu’ils ont à combattre ouvrait la porte au développement de fausses pistes. Quant au binôme de choc proposé par l’auteur, il se révèle être d’une décevante platitude, Esselt et Talcoran ne s’écartant pas d’un pouce de leur stéréotype respectif (la paladine zélée et le rôdeur débrouillard), ce qui ne donne pas vraiment envie d’embrayer sur le roman que Werner leur a consacré (Le Cœur Corrompu//The Tainted Heart). Pour terminer, les apports fluff de cette nouvelle se comptent sur les doigts d’une main d’un Zombie de la Peste, le fait qu’elle se déroule dans un bout de désert perdu au milieu de nulle part ne jouant évidemment pas en la faveur d’inclusions significatives (même si ce genre de théâtre d’opérations n’est en rien rédhibitoire pour peu qu’on veuille s’en donner la peine, comme Guy Haley l’a prouvé avec Les Sables du Chagrin//The Sands of Grief). En conclusion, il ne reste guère que le métier de C. L. Werner pour faire tenir ces Tueurs de Sorcières debout, ce qui est suffisant pour une lecture rapide de l’ouvrage, mais à peine.

1 : Quand bien même ces dernières sont restées d’une sobriété bienvenue. C’est ainsi, j’ai du mal à voir des « Mon amour » apparaître dans une nouvelle de la Black Library.

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Le Prisonnier du Soleil Noir // The Prisoner of the Black Sun – J. Reynolds :

INTRIGUE:

The Prisoner of the Black SunOn se bat méchamment dans le Val des Tourments, région montagneuse de Shyish où sont sensées être dissimulées les entrées vers le Stygxx, le sous-monde servant de repaire à Nagash d’après les sources de Sigmar. Le Dieu du Marteau souhaite organiser une réunion avec le Dieu de la Faucille afin de tenter de recoller les morceaux et de recréer l’Interdivine Communiste, qui a volé en éclats lorsque le camarade S. s’est mis à entretenir son culte de la personnalité de façon un peu trop visible. Logique pour une divinité, me direz-vous. Bref. Sigmar a chargé les Hallowed Knights sous le commandement du Lord-Celestant Tarsus de caler ce fameux meeting, et il ne sera pas dit que les Stormcast Eternals ont laissé tomber leur patron. L’exploration des contreforts du Val est toutefois ralentie par le grand nombre de cultistes de Khorne présents sur place à l’occasion d’une semaine sport divers1 dans le cadre du séminaire de team bruising annuel, et les Hallowed Knights doivent donner de la voix pour se faire respecter par les Khorneux en goguette. Ca tombe bien, c’est leur spécialité2.

Ayant arraché de haute lutte l’accès à une forteresse abandonnée après un nouvel accrochage avec les chaoteux, Tarsus, le Lord Relictor Remus de l’Âme Ombragée et leurs petits camarades de casse décrètent une pause syndicale. Profitant de l’accalmie, les deux officiers partent explorer le bastion qu’ils viennent d’investir, afin de s’assurer qu’il ne s’y dissimule pas un accès vers le Stygxx. On n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise. Tarsus est alors assailli par une forte sensation de déjà vu alors qu’il traverse les pièces désertes, ce qui pour un Stormcast n’a rien de surprenant, mais le plonge dans les affres d’une profonde réflexion, ce qui lui fait plutôt mal au crâne. Il n’a cependant pas le temps de s’apesantir sur cette remontée de souvenirs brumeux, car nos deux compaings débouchent dans une salle occupée par un planetarium géant, ce qui n’est déjà pas commun, mais qui l’est encore moins du fait de la présence d’un homme à l’intérieur de la sphère représentant le soleil, maintenu en place par des pieux de laiton fichés à travers ses poignets. How peculiar.

En se rapprochant un peu, Tarsus et Ramus doivent se rendre à l’évidence que l’homme est en fait un vampire, et assez affamé s’il faut en juger par sa tentative malheureuse de sauter au cou de ses visiteurs pour leur souhaiter la bienvenue. Peu impressionné par ces effusions, les Stormcast calment l’ardeur hémophile du suceur de sang à grands coups de marteaux, et commencent à l’interroger pour comprendre comment il a atterri ici. Il leur faut toutefois se rendre rapidement à l’évidence : le prisonnier du soleil noir est bien plus malin qu’eux, et ils n’arriveront pas à lui tirer les vers du nez sans lui tirer les pieux des poignets d’abord, ce qu’ils ne semblent pas pressés de faire. Ce badinage mondain permet au moins aux Stormcast d’apprendre qu’ils ont empiété sur le territoire d’un champion de Khorne nommé Tarka Porte-Malheur, qui ne devrait pas tarder à revenir de la supérette locale où il était parti acheter des croquettes pour ses nombreux animaux de compagnie. Et en effet, une sonnerie de cor retentit bientôt dans la vallée, annonciatrice du retour de Tarka et ses cathares.

Coincés comme des rats, mais des rats en armure de plate complète de sigmarite, les Hallowed Knights se préparent à faire ce qu’ils savent faire de mieux (à part brailler comme des putois en rut) : concasser du contestataire. Refusant de libérer leur nouvelle connaissance sur parole sous prétexte que les vampires sont rien que de menteurs, Tarsus et Ramus organisent la défense des bleus et blancs pendant que Tarka les harangue de loin sur l’illégalité du squattage des biens d’autrui, avant de lâcher sa meute de Khorgoraths, menée par son rottweiler Bloodswiller, sur les ZADistes. Dans la mêlée confuse qui s’ensuit, les Stormcast se retrouvent assez vite débordés, au point de reconsidérer la généreuse proposition du vampire, finalement dépunaisé en désespoir de cause par un Tarsus loin de prendre son pied (et pourtant, avec un nom pareil…), afin de sauver Ramus des papouilles frénétiques de Bloodswiller. Il faudra ensuite gérer les récriminations de Tarka et sa gueule de porte-bonheur en personne, venu avec le Dread Abyssal confisqué à son prisonnier en laisse, ce qui sera fait avec tact et courtoisie dans un premier temps (0,003 secondes pour être précis), puis avec une violence débridée, une horde de squelettes et un avaleur d’apathiques ne l’étant certes pas lui-même. Hallowed nan mais Hallowed quoi.

La nouvelle se termine sur la proposition de Mannfred von Carstein, car c’était bien lui, d’escorter ses nouveaux copains jusqu’au portail vers Stygxx le plus proche. Malgré le sombre pressentiment qui lui secoue les tripes, ou peut-être était-ce seulement la viande en sauce de la cantine du barraquement, Tarsus accepte le coup de main du Mortarque de la Nuit, et voilà les Stormcast partis vers d’autres aventures…

1 : Décapitation, démembrement, équarissage, duel à mort, lancer de hache, agility démoniaque, blood polo… Il y en a pour tous les goûts.

2 : On connait évidemment leur devise « Seuls les fidèles//Only the faithful », mais ce n’est pas le seul cri de ralliement de l’ost. Un autre très populaire est le classique « Liberators/Prosecutors/Judicators/Retributors/… on gueule, on gueule // … gueule le plus fort ».

AVIS:

Les histoires de Stormcast Eternals se suivent et se ressemblent, et malheureusement, pas en bien. Les bastons succèdent aux bastons, l’identité des malheureux tabassés et le lieu des exactions commises par les forces de l’Ordre (avec l’-O majuscule de rigueur) apportant seuls un peu de diversité dans ce corpus à l’intérêt de moins en moins évident pour le lecteur. En l’occurrence, le choix de Reynolds de mettre aux prises Hallowed Knights et Blades of Khorne pourrait même être considéré comme un retour aux sources de la fiction d’Age of Sigmar, au temps où la boîte de base opposant Sigmarines et Red Devils était l’alpha et l’omega de la nouvelle franchise de Games Workshop. Les esprits chagrins, dont je fais partie, ne manqueront pas de noter que ces prémices n’avaient rien de particulièrement mémorables, et ne méritaient pas spécialement qu’on leur rende hommage en recréant ce premier affrontement « mythique », mais on ne peut pas reprocher à Reynolds, qui s’embarquait avec ce Prisonnier du Soleil Noir dans une saga au long cours aux côtés des Hallowed Knights, de faire feu de tout bois (ou clou de toute ferraille, eut égard à la nature profonde de ses héros1).

Reste que cette nouvelle s’avère être aussi appétissante qu’un grand bol de protéines en poudre sans lait, ce qui constitue sans doute l’ordinaire des Stormcast Eternals et expliquerait pourquoi ils tirent généralement une tête de six pieds de long. On peut considérer cela comme l’incarnation « BLesque » des sempiternels et irritants au possible combats contre des mobs de bas niveau, que chaque RPG se fait un point d’honneur d’intégrer dans son gameplay, et qui, de vaguement intéressants en début d’aventure, finissent par devenir une véritable corvée après quelques temps. Reynolds a beau nous livrer en pâture quelques miettes de fluff sur les Hallowed Knights et bénéficier de la présence au casting d’une célébrité tout ce qu’il y a de plus legit, il faudra tout de même s’enquiller des pages de combats homériques entre Hallobots et Deceptikhornes, conclus en « beauté » par le duel (enfin, pas vraiment, les Stormcast Eternals n’étant pas vraiment grands joueurs sur le coup) entre capitaines des équipes bleu et rouge sur le mur des champions (le perdant repeignant le dit mur avec son sang). L’auteur a beau maîtriser son sujet et livrer une copie tout ce qu’il y a de plus propre, ce ne sera qu’une maigre consolation pour le lecteur n’étant que trop familier avec ce type de soumission. On pourra noter pour le fun que le seuil de résistance de Josh Reynolds envers les bibendums en sigmarite semble également s’amenuiser dangereusement, à en juger par la manière dont Mannfred arrive à faire passer Tarsus pour un abruti fini à chaque ligne de dialogue (ce même Mannfred qui gère en deux temps trois mouvement le Khorgorath de compagnie de Tarka la Crème, qui s’ébattait auparavant comme un chien dans un jeu de quilles). Maigre consolation pour nous, pauvres victimes collatérales de l’amour démesuré que GW porte à ses têtes d’affiche, mais tout est bon pour faire passer la sig-pilule.

1 : Après tout, quand on est con…tondant, on est c-

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Grand Rouge // Great Red – D. Guymer :

INTRIGUE:

Great RedDans la Mer des Os, les choses ne sont pas optimales pour Ramus de l’Âme Ombragée (c’est bien la seule chose qui l’est en ce moment), meneur de facto d’une coalition éprouvée d’Hallowed Knights et d’Astral Templars sous le commandement du bien nommé Vandalus, qui progresse péniblement en direction de la forteresse d’un chef de guerre Ironjaws connu sous le nom de Grand Rouge. Le but de la manoeuvre ? Convaincre cette grosse mais simple brute de s’allier avec les Stormcast Eternals et lancer un assaut décisif sur les positions de Mannfred von Carstein, qui s’est fait un ennemi (im)mortel en la personne de Ramus suite à sa trahison lors de la rencontre malheureuse des Hallowed Knights avec un Nagash imbuvable quelques mois plus tôt. Bilan des courses : une reforge supplémentaire pour tout le monde, sauf pour le malheureux Lord-Celestant Tarsus, dont l’âme s’est faite happée par le Dieu de la Mort avant d’avoir pu repasser par la case Sigmar. Depuis, Ramus poursuit le vampire félon à travers les Royaumes Mortels, bouclier magique en bandoulière et tête d’Ogor GPS1 au côté. Bref, it’s complicated.

Ce qui n’est pas compliqué, par contre, est le refus catégorique des Orruks locaux de se plier à l’exercice des pourparlers avec les Sigmarines, forçant ces derniers à massacrer tous les peaux vertes se plaçant en travers de leur route en gueulant (eh oui, ce sont les Hallowed Knights) « NOUS VENONS EN PAIX », ce qui est tout de même assez particulier. Ajoutez à cela les assauts réguliers de grindworms2 curieux, attirés par les coups sourds et réguliers des marteaux des Stormcasts sur les crânes épais des Ironjaws, et vous aurez tous les ingrédients d’un trek mémorable. Au four, au moulin et au reliquaire lance-éclairs, Ramus donne de sa personne pour accéler les négociations, jusque là peu fructueuses, avec les bandes de guerre nomades qui sillonnent le désert de Ghur, et finit par mener ses ouailles jusqu’au pied de la forteresse du Grand Rouge, où elles demandent à être reçues. Aux bataillons statutesques de Stormcast Eternals, les Orruks répondent par l’envoi d’un striker défoncé aux champignons et chantant l’intégrale de Crazy Frog en boucle, ce qui est perçu comme une offense délibérée de la part de locaux.

L’approche diplomatique ayant à nouveau échouée, Ramus, Vandalus et le reste de l’omnibus, dont ce bon vieux Cassos – que je tenais à citer car j’adore vraiment son patronyme – passent sur le corps de la garnison Ironjaws avec le professionnalisme qui les caractérise, et investissent les lieux dans l’attente du retour de leur propriétaire légitime. Sur place, Ramus a le temps de s’initier aux mystères insondables de l’écriture Orruk, où les mots veulent dire ce qu’ils disent (à sa grande perplexité), et Vandalus trouve même un Grot solitaire pour servir de guide du patrimoine à la troupaille pour passer le temps.

Fort heureusement pour tout le monde, à commencer par le lecteur, l’attente n’est pas longue, Grand Rouge et ses hordes qui… avaient oublié de couper le gaz avant de partir en migration vers le Portail du Royaume tenu par Mannfred, j’imagine, se présentant devant leur domicile de fonction en rangs serrés. Une nouvelle fois, Ramus invite courtoisement le chef adverse à venir discuter de leurs intérêts communs, et une nouvelle fois, il se retrouve à devoir défendre sa vie contre les assauts brutaux de son « partenaire3 ». Ca commence à être usant, même si Vandalus, en bon copain, prend rapidement la relève pour permettre à Delafon Dragée de souffler un peu. Les choses auraient pu suivre leur cours naturel n’eut été la manifestation soudaine et non sollicitée de ce vieux Skaggtuff, qui se révèle être une simple enceinte Bose depuis laquelle Mannfred en personne soufflait ses précieux conseils à Ramus. Consternation chez les Stormcast, hébétude chez Grand Rouge, hilarité chez le vampire, qui a la satisfaction de livrer un petit monologue de grand méchant victorieux à ses adversaires sidérés, avant de leur donner rendez-vous au Portail du Royaume pour une explication terminale. Comprenant enfin qu’il a été dupé, Grand Rouge repart en braillant à travers la Mer des Os à la tête de ses hordes, qui finalement se sont tapées un aller-retour pour rien. Honteux et contrit de s’être fait une nouvelle fois avoir, Ramus avale quant à lui le peu d’amour propre qui lui reste pour emboîter le pas du Megaboss et emmener ses troupes vers la bataille finale. Ca va zouker dans les chaumières.

1 : Ogor dont l’utilité est vraiment toute relative, puisque les indications qu’il donne sont de l’ordre du « Mannfred n’est pas loin. » La triangulation ne marche pas super bien on dirait.

2 : Population excessive de Shai-Hulud d’Arakis exportés vers une autre franchise fantastique pour dans le cadre d’un programme de préservation de l’espèce.

3 : En même temps, commencer les négociations en affirmant que le territoire de la partie adverse a été conquis au nom de Sigmar et balancer un éclair sur leur porte-parole ne doit pas aider à détendre l’ambiance autour de la table.

AVIS:

Commençons cette critique par le coup de clavier qui s’impose, portant envers la Black Library et ses éditeurs et non pas envers l’auteur de Grand Rouge (dont le tour viendra un peu plus tard, évidemment), dont je peine parfois à comprendre les fonctions et les missions. Il n’aura certes pas échappé au lecteur de Sacrosaint… que Le Prisonnier du Soleil Noir et Grand Rouge sont situés dans le même arc narratif, les similitudes en termes de personnages (Ramus et ses Hallowed Knights, Mannfred von Carstein) et d’intrigue (la traque du second par les premiers suite à quelque fourberie ourdie par le Mortarque de la Nuit) crevant littéralement les yeux. En outre, le positionnement de ces deux nouvelles l’une immédiatement après l’autre dans le recueil achève de lever le moindre doute qui pourrait exister quant aux liens qui les unissent. Les choses se gâtent toutefois après seulement quelques pages, lorsque les personnages se mettent à évoquer des évènements passés dont le lecteur n’est absolument pas familier. À ce stade, on se dit simplement qu’il s’agit d’une technique de narration de Guymer pour laisser planer un peu de mystère sur son propos, à la Abnett, mais que tout fera rapidement sens au fur et à mesure que l’auteur intègrera les éléments nécessaires à la bonne compréhension de son public au fil des pages. Sauf que. Non. Grand Rouge s’achève sur une espèce de révélation se voulant fracassante (Skraggtuff était Mannfred depuis le début – gasp ! –) mais qui finit plutôt fracassée sur l’ignorance relative, et bien légitime, du lecteur quant à l’importance de cette tête d’Ogor pour la quête de revanche des Hallowed Knights. Habité d’un sombre pressentiment devant l’accumulation de signes révélateurs d’une possible bourde de la BL, j’ai réalisé ma petite enquête… qui a conclu à l’existence de, non pas un, non pas deux, non pas trois, mais bien SIX épisodes entre Le Prisonnier… et Grand Rouge, laps de temps pendant lequel bien des choses se sont déroulées, dont la fameuse trahison de Mannfred envers ses libérateurs, qui eut pour conséquence le retour à la case reforge des Hallowed Knights mandatés par Sigmar pour arranger un déjeuner de travail avec Nagash, minus Tarsus, gardé en porte-clés souvenir par le Nag’. Il n’est donc guère étonnant que les pièces ne s’emboîtent pas bien pour le lecteur qui passerait innocemment d’une nouvelle à l’autre, de la même manière qu’un spectateur embrayant sur Le Réveil de la Force après La Menace Fantôme risquerait d’être un peu perdu. Passe encore que la BL ait choisi d’intégrer dans ce recueil une nouvelle « intermédiaire » (car il faudra attendre encore un épisode pour connaître le fin mot de l’histoire), avec tous les inconvénients que des soumissions de ce genre peuvent poser pour la compréhension et la satisfaction du lecteur, mais pourquoi, oui pourquoi, les insondables génies qui ont mis en forme Sacrosaint… n’ont-ils pas pris la peine de se fendre d’un petit paragraphe de re-contextualisation en ouverture de Grand Rouge (comme cela est fait au début de chaque film Star Wars, pour rester sur le même exemple) ? Cela aurait été tellement plus simple. Tellement. Trop peut-être. Vigilance permanente. Adesse reddat nullum tes sua, comme dit le poète. Cela étant dit, passons maintenant sur la nouvelle à proprement parler.

Grand Rouge est un travail difficile à évaluer de façon indépendante, son intégration dans un arc narratif s’étant considérablement complexifié depuis ses débuts (on parle du 7ème épisode d’une série en comptant 8) rendant l’entreprise assez peu aisée, surtout pour le lecteur non familier des épisodes précédents, ce qui est mon cas. On peut toutefois affirmer sans équivoque qu’il s’agit, encore une fois, d’une nouvelle où des Stormcast Eternals tapent sur des trucs, ici un échantillon représentatif du Battle Tome Ironjaws, avec des résultats toujours aussi con…cluants. Les puristes pourront mettre en avant le fait que les Orruks sont légèrement plus résistants, mais sensiblement moins vifs, que le guerrier du Chaos moyen, ce qui est perceptible dans la description du combat opposant Ramus à l’un des géants verts créchant dans la Mer des Os. Si on veut. Les amateurs de bataille rangée en auront également pour leur argent, la sortie effectuée par les Peaux Vertes après que les Stormcast Eternals aient frappé à la porte pour leur demander des friandises donnant lieu à un affrontement d’assez belle taille. Reste que si on enlève les parties belliqueuses de Grand Rouge, on se retrouve avec pas grand-chose de plus que des dialogues de meublage, qui paraitront assez abscons aux pauvres âmes n’ayant pas eu la chance et le privilège de lire les épisodes précédents de la geste des Hallowed Knights. Pareillement, le cliffhanger des familles venant terminer la nouvelle, et augurant d’une bataille finale proprement titanesque (j’en frétille d’avance…) risque fort de tomber à plat pour qui n’avait pas cotoyé Ramus de l’Âme Ombragée et de la Petite Tête pendant un laps de temps assez long pour être touché en plein cœur par la nouvelle fourberie de Mannfred. Cette connaissance des évènements précédents pourrait d’ailleurs peut-être expliquer de façon satisfaisante et logique pourquoi le grand méchant décide tout d’un coup de révéler sa présence, alors qu’il était bien parti pour obtenir que ses deux adversaires s’entretuent posément, ce qui aurait fait ses affaires, sans doute. Au lieu de ça, son désir d’être reconnu comme la personne la plus intelligente du Royaume a vraisemblablement conduit à l’établissement d’un cessez le feu entre Ramus et Grand Rouge, ce qui n’augure rien de bon pour notre taquin de Mortarque (je dirais même que ça lui Nuitget it ?). Bref, une nouvelle qui n’en est pas vraiment une au final, mais plutôt un chapitre de la saga compilée dans The Realmgate War : si vous n’avez pas lu le début de l’histoire, je vous dispense, dans mon infinie munificence, de vous infliger la lecture de la (presque) fin de cette dernière.

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La Source Courroucée // Wrathspring – G. Thorpe :

INTRIGUE:

WrathspringConfronté aux ravages de la pollution que les Skavens du Clan Pestilens déversent par bennes entières dans son domaine, le Vénérable Homme Arbre Diraceth, bien affaibli par des années de rejets de litière souillée directement dans les nappes phréatiques d’où sortent les eaux de la Source Courroucée, d’où la communauté Sylvaneth qu’il administre tire son nom, consent enfin à porter le combat aux infâmes hommes rats. Il est cependant sans doute déjà trop tard pour les militants de la Surf Rider Foundation, dont l’opération sous-bois propre se heurte rapidement à la mauvaise volonté des pollueurs-pilleurs, menés par un Verminarque grossier (il rote carrément à la face des défenseurs de la cause végétale, ce qui n’est pas très poli) et graisseux, bien décidé à hâter la biodégradation de Diraceth et de ses ouailles. Alors que notre létargique protagonniste est sur le point de se laisser abattre, un miracle se produit soudainement. Ce petit point dans le ciel, est-ce un oiseau, est-ce un avion Ironclad ? Mais non, c’est… le soleil. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour le bois ça veut dire beaucoup, cette légère éclaircie annonçant un retournement complet de la situation. Le Verminarque Pestilens étant sans doute un rat-taupe à la peau sensible à l’exposition, il décide de retourner se mettre à l’ombre à Vile-Ville, laissant ses ouailles fort dépourvues. Car ce soleil, ce n’est pas juste le soleil, c’est en fait Alarielle en mode super luciole, et la déesse n’est pas venue seule, les osts de guerre de sa cour royale ayant également fait le déplacement. Il ne faut pas longtemps avant que les ratons s’enfuient comme des dératés, laissant la Source Courroucée aux mains branches des Sylvaneth. Pas du genre à laisser traîner les détritus de façon indue, la déesse endosse ensuite son aspect ménager et se change en borne Rowenta géante afin de mieux purifier la forêt des déprédations de la vermine. C’est pas tout le monde qui sait faire ça.

La corvée terminée, un conseil de guerre est convoqué, où il doit être décidé du prochain objectif de l’arboretum ambulant qui sert de cour à Alarielle. Et là, c’est le drame. Tout le monde a une idée bien précise de l’endroit où l’intervention des huorns assarmentés est la plus nécessaire (c’est le problème quand 95% de votre Royaume est tenu par l’ennemi), on ne s’entend bientôt plus grincer. À ce petit jeu, c’est le Gardien de Dreadwood qui arrive à tirer sa brindille du fagot, rappelant à la déesse que son ost a combattu pour elle à la bataille des Landes d’Emeraude contre la promesse d’une assistance future. Soucieuse d’honorer sa parole, Alarielle ordonne à ses fidèles de se diriger vers le Val de Nuit d’Hiver, bastion d’un clan de Dreadwood investi par les fidèles de Nurgle. La bataille titanesque qui suit l’arrivée impromptue des Sylvaneth dans le terrain vague colonisé par les Rotbringers verra la Reine Eternelle monter au front en première ligne (enfin presque) pour jeter à bas l’oeuvre corruptrice des séides du Chaos. Gather round, children, et je vous raconterai l’histoire des Trois Petits Bubons et de la Grande Méchante Loupe des Bois1

1 : Confrontation inégale sur le papier qui faillit cependant se terminer comme dans le conte. Il se murmure dans les cernes autorisés murmurent qu’Alarielle avait, ce jour là, la gueule de bois.

AVIS:

Connu et craint à égales mesures pour son approche souvent grandiloquente du fluff de Warhammer Fantasy Battle et son amour immodéré pour les personnages nommés surpuissants, Gav Thorpe confirme avec cette Source Courroucée qu’il n’a rien appris ni rien oublié de cette glorieuse période. Après un petit échauffement de quelques pages consacré à la défense mollassonne de la Source Courroucée par cette vieille branche de Diraceth, plus vénérable que vénère dans sa lutte contre l’envahisseur skaven, l’arrivée dramatique d’Alarielle, plus efficace que Béatrice et Patricia de C’est du propre ! dans son genre, permet à notre homme de laisser court à ses coupables penchants pour la biographie romancée des grands de ce(s) monde(s). Exit le Yucca neurasthénique, qui fera tout de même acte de présence lors de l’assaut sur le Val de Nuit d’Hiver, et bonjour à la déesse de la Vie, que la plume élégiaque de Thorpe fait ressortir sous son meilleur j- ah non, pardon, qui apparaît comme une divinité passablement froussarde et – un comble – empotée, sauvée d’une fin honteuse des mains boudinées de trois petits sorciers de Nurgle par l’intervention altruiste d’un Homme Arbre de sa cour. Il n’y a pas à dire, il vaut mieux laisser les vrais bonhommesdieux, comme Sigmar et Grimnir, s’occuper de chasser les nuisibles et cantonner les déesses au ménage et aux compositions florales, activités bien plus adaptées à leurs capacités (#IronieInside). Blague à part, j’ai trouvé étonnant que Thorpe présente Alarielle si peu à son avantage, eut égard à son passif d’hagiographe superlatif. Peut-être a-t-il essayé d’illustrer la relative faiblesse de son héroïne à la sortie de sa cosse, au moment où Ghyran était encore largement aux mains des fidèles de Nurgle, et qu’Alarielle, bien que divine, n’était pas au top de sa forme et prenait donc des risques à mener le combat depuis sa quatre ailes1 ? Il est vrai que les Royaumes Mortels n’ont pas volé leur nom, et que même les divinités ne sont pas à l’abri d’une mauvaise surprise s’ils ne font pas attention où ils mettent les pieds/sabots/nageoires/tentacules, comme Kurnoth pourrait en témoigner s’il était encore parmi nous. La mise en œuvre de ce concept pêche cependant dans son exécution, Alarielle apparaissant comme une campeuse patentée préférant laisser monter ses fidèles en première ligne plutôt comme une incarnation de la nature vengeresse. C’est en tout cas mon ressenti à la lecture de cette nouvelle.

Autre constat regrettable, cette Source Courroucée ne s’avère être qu’un agrégat de rapports de bataille romancés, Thorpe consacrant le gros de son texte à narrer par le menu la levée du siège mis par les Skavens à la Source Courroucée, puis au retour des Berces du Caucase dans le Val de Nuit d’Hiver, tenu par les plus crades des locataires. Le mini conseil de guerre intercalé entre les deux épisodes de l’opération Mains Propres permet de grapiller quelques éléments de fluff sur la cour royale d’Alarielle, mais rien qui ne soit déjà disponible dans le Battle Tome correspondant, je gage. Nous nous retrouvons donc avec une « nouvelle de Stormcast Eternals » sans le moindre Sigmarine à l’intérieur, ce qui serait fort si ce n’était pas triste, au vu du peu d’intérêt de ce genre de publication. Thorpe oblige, la bataille prend des proportions épiques, avec l’intégralité du bois de Boulogne venant prêter branche forte à l’assaut final sur le Val (des dizaines d’Hommes Arbres, des centaines de Revenants, des milliers de Dryades…), mais en l’absence d’une véritable tension narrative, ces hordes végétales ne feront sans doute pas monter le cardio du fanboyeing transi qui sommeille en chacun de nous. Vivement qu’on permette au Gav de faire mumuse avec ses sujets de prédilection du Monde qui Fut (c’est-à-dire les personnages nommés elfiques de haut niveau), afin de voir si Mr Thorpe, à défaut ne pas l’avoir très verte, n’a pas perdu la main.

1 : Les coléoptères ayant, comme chacun sait, deux paires d’élytres.

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La Route de Volturung // The Volturung Road – G. Haley :

INTRIGUE:

The Volturung RoadAlors que l’anniversaire des cent-et-un ans du siège fait à la forteresse Fyreslayer de l’Ulmount par les hordes dépravées du Prince Démon Qualar Vo se rapproche, le Fils de Runes Ulgathern, descendant de l’auguste Père des Runes Karadrakk-Grimnir, est troublé par les similitudes perçues entre une ancienne prophétie déterrée par le Maître des Runes paria Drakki1 et la situation actuelle de l’entreprise familiale. Selon le poème en question, une place forte sera enlevée après un siège de 101 ans, mais pas avant que son seigneur ait été tué par ruse… ce qui ne manque pas de se produire au cours d’une sortie des plus anodines (après un siècle de combat, on ne s’alerte plus de grand-chose), précipitant du même coup l’élévation de notre héros au rang de Père des Runes de plein droit (mais sans attribution fixe, ce qui est tout de même moins bien). Attristé par la mort de son paternel, enchanté d’accéder au statut qui lui permettra d’obtenir la main2 de sa dulcinée, et tourmenté par les échos funestes de la prophétie que son fidèle sidekick lui rabache en boucle pour l’inciter à l’action, Ulgathern sait qu’il n’a pas le loisir d’attendre longtemps, et décide donc de tenter le tout pour le tout en entraînant sa poignée de fidèles sur la route du Volturung, forteresse mère, et même grand-mère des Loges de l’Ulmont.

Ayant informé ses oncles et frères de sa décision et échoué à convaincre quiconque de se joindre à son exode, Ulgathern prend le chemin des ruines de Gaenagrik, forteresse ancestrale de sa lignée ayant été abandonnée à la suite à une invasion encore une fois mal négociée par les petits rouquins il y a trois cents ans de celà. Si ce lieu intéresse particulièrement notre héros, malgré sa mauvaise réputation et les nombreux dangers qui y rôdent (on y aurait vu errer le fantôme de Valérie Damidot, sa raclette de marouflage à la main), c’est qu’il s’y cache un Portail des Royaumes reliant le bastion à Aqshy, où est situé le Volturung. Toujours fourré dans les bons coups, c’est encore une fois au zélé Drokki qu’il revient la tâche peu enviable de trouver un guide aux émigrés en partance, ce qu’il arrive à faire de justesse en recrutant les services d’un Grimwrath Berzerker plus cinglé que la moyenne, et traînant un lourd passif de duardicide, ce qui n’est guère rassurant. Ayant réussi à instaurer le dialogue avec cette perle rare de courtoisie et de savoir-vivre nommée Brokkengird avant que la perle en question ne le décapite et lui vole son ur-or, Drokki conclut un marché avec le crétin à crète, qui accepte de guider les partisans d’Ulgathern jusqu’au Portail en l’échange des décalcorunies apportées à dessein par le Maître des Runes.

Le voyage débute sans encombre mais prend rapidement un tour désagréable lorsque les Slaaneshi dépravés de Qualar Vo se lancent aux trousses des nabots, après avoir investi l’Ulmount à la suite de la trahison d’un des frères d’Ulgathern, n’ayant pas digéré d’être déshérité par son paternel dans son testament. La capacité de mouvement des Duardin étant ce qu’elle est, Ulga’ finit par opter pour une action d’arrière garde en compagnie d’une poignée de ses guerriers afin de laisser le temps aux civils de sa colonne d’atteindre le Portail, et à Drokki de l’ouvrir. Malgré l’avantage de la position et de la valeur, nos braves naturistes finissent par se retrouver en fâcheuse posture, surtout après l’arrivée de Qualar Vo en personne, qui ne trouve rien de plus malin que d’aller promener son pagne souillé sous le nez de notre héros. Respirant par la bouche, Ulgathern repart à l’assaut des Hédonistes, mais tombe rapidement en rade de runes, le pouvoir de ces dernières pouvant apparemment s’épuiser en cas de surconsommation (c’était mieux dans le Vieux Monde !). La saga du Père des Runes se serait sans doute arrêtée nette, sous le pagne de ce vicieux de Qualar Vo, sans l’intervention opportune de Brokkengird qui, s’il n’est pas capable d’aligner trois mots sans fumer du crâne, a suffisamment de piercings en ur-or pour transformer le Slaaneshi en sushi. Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, Ulgathern est également rejoint par les rescapés de l’Ulmount, menés par son frère punk à chien salamandre et un Maître des Runes au regard d’orve. Tout ce joli monde passe le Portail obigemment rebooté par Drokki et pénètre en Aqshy.

Ce n’est toutefois pas la fin des galères pour nos SFF : arrivé devant les portes de Volturung, ils se font sèchement éconduire par un Fils de Runes aussi ostentatoire que grossier (Trumpunnir Golgunnir), qui les informe en termes non incertains qu’ils ne sont pas les bienvenus chez leurs cousins (même si les femmes et les enfants peuvent être pris comme esclaves domestiques s’ils demandent poliment). Bon prince, l’agent aux frontières indique qu’une petite forteresse satellite, proprette mais sans lave courante installée, est disponible à l’emménagement à trois jours de marche d’ici, dans le mont Crètacier. Seul un léger problème de vermine viendrait compliquer l’installation de la loge d’Ulgathern, qui n’a cependant pas d’autre choix que d’accepter.

La dernière partie de la nouvelle est donc logiquement consacrée à l’opération de dératisation menée par notre bande de héros, qui se divise en trois groupes afin de mieux tromper la vigilance de l’ennemi. Pendant que Drokki et son vénérable maître emmènent une poignée de guerriers innonder les niveaux inférieurs de la forteresse (et pour les Fyreslayers, cela consiste à causer une éruption volcanique « contrôlée »), ce qui leur donne l’occasion de massacrer les mères porteuses des ratons au passage, Ulgathern et sa garde rapprochée se chargent d’occuper le gros de la garnison skaven, tandis que Brokkengird, Sala-man et le reste des Fyreslayers provoquent une sortie massive des hommes rats en montrant leurs fesses devant la porte (mais hors de portée des Jezzails tout de même, faut pas déconner). Malgré quelques pertes tragiques, et un gros coup de chaud pour Ulgathern, dont l’entraînement au sauna paye lorsqu’il se retrouve confronté à des lance-feu fonctionnels (tout arrive), la victoire sourit aux nabots, qui n’ont plus qu’à passer la mop et poser leurs affaires après toutes ces péripéties. Au menu du barbecue de la pendaison de cremaillère, auquel participe un Stormcast Eternal VRP qui volait dans le coin : grillade de Skaven !

1 : Représentez-vous Jamel Debbouze avec une barbe rousse et un casque à crète et vous aurez un portrait fidèle de notre Duardin, dont l’un des bras est atrophié et qui passe son temps à faire des remarques pseudo humoristiques qui tombent assez souvent à plat.

2 : Et encore mieux que ça, pouvoir lui voir les orteils. Car oui, ça a l’air d’être le summum de l’érotisme chez les Duardins, dont on devine que leurs femmes ne portent pas de tongs (une inégalité flagrante par rapport à leurs va nu pieds de maris).

AVIS:

Malgré le désir de considérer chaque nouvel ouvrage avec des yeux neufs, je dois avouer avoir parfois du mal à faire abstraction du passif que chaque auteur régulier de la BL accumule à mes yeux à force de lecture et d’analyse de sa prose. De là la conception, fausse et paresseuse, d’avoir pris définitivement l’aune de l’écrivain en question, et de cataloguer chacune de ses soumissions dans la case mentale qu’on lui a attribué, que cette dernière soit flatteuse ou non. Guy Haley faisait jusqu’à récemment les frais de cette politique que nous qualifierons poliment d’heuristique, ses travaux chroniqués au cours des mois et années précédents lui ayant valu une solide étiquette de contributeur moyen+ de la BL, n’ayant jamais été particulièrement impressionné, en bien comme en mal, par ses oeuvres. La Route du Volturung est venue sérieusement rebattre les cartes, et, j’ai plaisir à le dire, de façon très positive.

Pour faire simple, cette nouvelle est celle que j’attendais depuis maintenant un moment de la part de la Black Library, celle qui me convaincrait vraiment et totalement de l’intérêt et de la profondeur de ce nouvel univers, qui n’avait jusque là à mes yeux que l’honneur douteux d’avoir remplacé mon cher WFB sur le créneau med-fan de Games Workshop. Autrement dit : il faut bien faire avec1. Et avec l’hégémonie de fait des batailles de Stormcast Eternals vs léméshan dans la production littéraire de ces dernières années, généreusement complétée dans un second temps par les batailles des autres factions vs léméshanossi, force était de constater que l’amateur de récits n’étant pas du hammerporn n’avait pas grand-chose à retirer d’Age of Sigmar. Cerise sur le sig-gateau, ces productions annexes n’apportaient pas grand-chose de concret en termes de fluff, autre qu’une liste interminable de nouveaux lieux, villes et régions, n’étant pour la plupart jamais repris par la suite, et abolissant ainsi toute la tension narrative que nous avions connu lorsque le Vieux Monde (et surtout l’Empire) était le théâtre des aventures des héros et affreux de la BL. Pas d’approfondissement de l’historique, de la mentalité ou des objectifs des différentes factions d’Age of Sigmar à attendre dans ce premier corpus (ou alors j’ai mal cherché), rien que du concassage de crâne à tire larigot.

La Route du Volturung est je l’espère le révélateur qu’une nouvelle direction éditoriale a été actée à Nottingham, et que les lecteurs sont désormais en droit d’attendre autre chose des nouvelles qu’on leur propose. Des choses pas forcément simples (même si certaines le sont) mais essentielles au plaisir de lecture et au maintien de l’intérêt pour cette partie du catalogue de la Black Library : des histoires contextualisées, donnant à voir et à comprendre les tenants et les aboutissants des luttes qui secouent les Royaumes Mortels ; des intrigues originales2 tout en restant crédibles, auxquelles on donne le temps de se développer logiquement et d’aller jusqu’à leur terme (et tant pis – ou tant mieux – si cela nécessite plus de pages : la Fin de Temps ne s’est pas faite en un tweet) ; des apports réels sur le fluff des factions couvertes, afin de donner au lecteur une meilleure compréhension de ces dernières3 ; des personnages bien pensés, complexes et attachants/intéressants (le slash a été mis pour le Fils des Runes Golgunnir, une belle enflure mais qui mérite le détour) et, pour finir, moins de Stormcast Eternals, ou alors utilisé de manière adaptée, comme ce Knight-Azyros qui apparaît dans le dernier paragraphe pour proposer une alliance aux Fyreslayers. Croyez-le ou non, j’aurais aimé lire ce que ce rapprochement aurait donné, et n’aurais pas dit non à une petite bataille entre nouveaux potes. C’est suffisamment rare pour que je le précise.

En plus de ces nouveautés appréciables, Haley assure également sur les fondamentaux de la nouvelle med-fan, avec un rythme soutenu, des scènes de combats sympathiques et une bonne rasade d’héroïsme bien kioul (mention spéciale au berzerk allumé du bulbe et adepte du runing4 qui solote un Prince Démon et un régiment de Vermines de Choc dans la joie et la bonne humeur) en sus. Pourquoi s’arrêter en si bon chemin, après tout ? Bref, carton plein que cette La Route du Volturung, qui me servira désormais de mètre étalon pour toutes les nouvelles conséquentes d’Age of Sigmar, ainsi que pour les futures soumissions du sieur Haley, qui a prouvé de façon indéniable qu’il avait l’étoffe d’un cad(ur)or.

1 : Ou pour reprendre le titre de CS&N : If you can’t be with the one you love, love the one you’re with.

: C’est tout de même révélateur de la pauvreté actuelle des nouvelles Age of Sigmar qu’un classique des classiques comme la défense d’une forteresse naine assiégée par des hordes innombrables de bad guys apparaisse comme original !

3 : C’est d’autant plus crucial pour les Fyreslayers, qui sont encore largement vus dans l’imaginaire collectif du Hobby comme « les Tueurs de Troll d’Age of Sigmar », ce qu’ils ne sont pas du tout. Haley fait un super boulot à ce sujet, en décrivant une société riche et fonctionnelle, qui diffère en de nombreux points de ses illustres « ancêtres ».

4 : C’est comme le tuning, mais avec des runes.

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Blacktalon : First Mark (Extrait) – A. Clark :

INTRIGUE:

Black Talon_First MarkLe Code de Conduite de la Sigmar Corp. beau être très clair sur le refus absolu de toute discrimination, et la Direction Ressources Humaines d’Azyrheim mettre en avant la pratique très innovante de recrutement sans CV1 que le boss a mise en place pour constituer ses équipes, il ne reste pas moins que les rangs des Stormcast Eternals restent désespérément masculins à l’heure qu’il est (on ne parle même pas de l’intégration d’autres races dans les effectifs, c’est manifestement encore trop tôt). C’est donc avec un soulagement mêlé d’impatience que nous avons vu arriver les premières héroïnes reforgées dans les cohortes de colosses rutilants de Papy Ziggy. Jamais la dernière pour suivre les tendances insufflées par la maison-mère, la BL s’est même fendue d’un personnage à l’avenant, la Knight Zephyros Neave Blacktalon, qui a mené ses copains de chambrée contre les rednecks d’Horticulous Slimux à l’occasion de la Blightwar, lorsque Sigmar se lassa de faire du porte à porte.

C’est la même Blacktalon que nous retrouvons alors qu’elle tourne ses meurtrières attentions en direction du champion d’un autre Dieu du Chaos, en l’occurrence Xelkyn Xerkanos, champion de Scrabble, Elu de Tzeentch et renégat d’Azyrheim, qui organise un projet… X (c’était facile) avec une bande d’emplumés hauts en couleurs, comme tout maître de cabale qui se respecte. Ayant investi les ruines d’un village perdu dans la jungle d’Heironyme, bien au nord d’Hammerhal Aqsha, Xelkyn ne se doute pas un instant2 que sa fin est proche, en la personne de notre mystérieuse chasseresse, escortée pour l’occasion par un comparse Knight Venator (Tarion Arlor) et son piaf de fonction (Kerien).

À deux et quelques contre un culte entier, il faudra à nos traqueurs une stratégie des plus solides pour espérer l’emporter. Enfin, ça, c’est surtout vrai pour les péquenauds qui ne peuvent pas ressuciter, comme Neave le fait posément remarquer à son binôme circonspect. Prête à tout pour que justice soit rendue, Blacktalon tape donc un sprint digne Usaïn Bolt (of lightning), agrémenté d’un record de saut en hauteur (15 pieds de haut, soit environ 4,5 mètres, et ça de manière tout à fait posée s’il vous plaît), et commence à discuter féminisme avec les séides de Xelkyn, que sa venue laisse sans voix, sans bras, sans tête et sans vie (au choix). L’effet de surprise joue à plein, mais il faudra un peu plus pour que nos héros mènent à bien leur mission suicide…

AVIS:

Encore une histoire de Stormcast Eternals, encore un extrait centré sur épisode de baston pure, ou les caïds métallisés de la Hammer roulent copieusement sur tout ce qui a le malheur de se mettre en travers de leur route. C’était déjà moyennement intéressant en début de bouquin, alors en toute fin de recueil, on frôle le coma littéraire. Et le fait que le protagoniste n’ait pas de chromosomes Y n’apporte pas grand-chose à notre propos, j’en ai bien peur. Bref, cet extrait de First Mark fait office de biscuit chinois industriel à la fin d’une session débridée de buffet à volonté. On sait qu’on a la place nécessaire pour lui faire honneur, malgré l’impression de ne plus pouvoir ingérer quoi que ce soit, et on le consomme davantage par acquis de conscience que par intérêt ou appétit. Je serais bien en peine de vous dire ce que je pense de la prose du sieur Clark après avoir lu ces quelques pages, j’en ai peur.

1 : Dans ce cas de figure, ça veut dire Consentement Validé.

: Ou peut-être que si. C’est l’avantage avec l’Architecte du Changement, on peut toujours balancer un « comme je l’avais prédit… » dès qu’il se passe un truc louche, et compter sur la crédulité de son monde pour s’en sortir la tête haute.

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Alors, que retirer de cette anthologie introductive à la nouvelle franchise med-fan de GW ? Pour répondre à cette question, je commencerai par (essayer de) me placer dans la peau du public pour lequel cet ouvrage a été pensé en premier lieu : le nouveau-venu dans le Hobby, intéressé par une expérience complémentaire aux aspects de collection, modélisme et jeu de ce dernier. Faisons de plus l’hypothèse que notre honnête newbie ne soit pas encore très calé en termes de fluff, et ne connaisse que les très grandes lignes du background, glanées à la lecture des règles, suppléments de jeu et divers contenus numériques officiels. Une fois ce Sacrosaint… terminé, qu’aura-t-il vu et appris sur le background d’Age of Sigmar ?

Premièrement, il aura bénéficié d’un tour d’horizon assez complet des différentes factions qui se claquent le beignet dans les grands espaces des Royaumes Mortels. Bien que les Stormcast Eternals se taillent logiquement la part du Dracoth si l’on dénombre leurs apparitions au fil des pages (5 présences au casting, à chaque fois en tant que protagonistes), ils sont égalés par les Légions de Nagash, en grande partie grâce aux valeureux efforts des Mortarques de la Nuit et du Sang du Grand Nécromancien. Si on ajoute les Nighthaunts à l’addition (2), la grande alliance de la Mort peut se targuer de figurer dans plus de la moitié des nouvelles de Sacrosanct, devant les Playmobils de Sigmar. Ces derniers peuvent toutefois compter sur la contribution significative de l’Ordre d’Azyr (2 apparitions, à chaque fois avec une paire de Répurgateurs différente), qui sait se rendre indispensable à ses gros copains bronzés. Les Gens Libres, ramassis vague et hétéroclite de quidams majoritairement humains et d’allégeance « ordonnée », pèse enfin de son poids dans la balance des caméos (6 convocations), même s’il n’y a que Reynolds et ses Enchères de Sang qui fasse un autre usage de ces bons sigmaritains que celui de PNJ. Le reste de l’Ordre est moins bien servi, en particulier les Seraphons, les Filles de Khaine et les Idoneth Deepkin, tout bonnement absents de la grille de match. Surprenant pour les secondes, qui ont bénéficié de sorties spécifiques et d’un Battle Tome en bonne et due forme, preuve que GW ne les laissera pas tomber de sitôt. Pour les Deepkin, nous blamerons un timing trop serré pour une intégration à une anthologie ne contenant que du contenu « recyclé ». Quant aux Hommes Lézards de l’espace… Mystère et boule de Slann. Les Sylvaneth doivent se contenter de La Source Courroucée (consolation, Alarielle elle-même apparaît, encore que pas vraiment à son avantage), et les Duardin (Fyreslayers et Kharadron Overlords associés) de trois mises en avant. Notons tout de même qu’avec La Route de Volturung, les petits rouquins à crête bénéficient d’une superbe exposition, qui fait plus que compenser leur sous-utilisation préalable.

Finissons notre énumération avec les factions chaotiques et de la destruction. Ces dernières devront se contenter du Grand Rouge et de ses Ironjaws pour tenter de recruter notre Timmy. C’est peu, mais peu étonnant pour la plus petite des grandes alliances. Le Chaos est mieux servi, chacun des cinq dieux pouvant revendiquer au moins une apparition (même si dans le cas de Tzeentch, c’est via l’extrait de quelques pages du roman Blacktalon à la toute fin du livre). Khorne et le Rat Cornu se tirent la bourre en tête de peloton (3), suivis par Slaanesh (2). Bref, d’un point de vue diversité, le contrat est plutôt rempli.

Deuxièment, notre intrépide primo-lecteur aura eu la chance de côtoyer quelques grandes figures du fluff d’Age of Sigmar, certaines d’entre elles bénéficiant, comme c’est bizarre, de leur propre série de romans. Mannfred von Carstein, Neferata, Callis & Toll, Esselt & Talcoran, sans oublier le Prince Maesa : voilà des noms qui comptent dans les Royaumes Mortels. On notera tout de même qu’aucun Stormcast Eternal vraiment connu (Vandus Hammerhand, Gardus Steelsoul, Hamilcar Beareater…) n’a été placé en tête de gondole, ce qui est étonnant au vu du nombre incalculable d’ouvrages mettant en scène les osts de Sigmarines généré par la BL au cours des quatre premières années qui ont suivi le lancement de la nouvelle franchise. Certes, Naeve Blacktalon est, elle, présente, mais seulement dans un extrait de roman, alors qu’elle aurait pu bénéficier de l’inclusion d’une nouvelle (Hunting Shadows, When Cornered) pour briller davantage.

Troisièmement, Sacrosaint… convoque la plupart des plumes que la Black Library a chargé de donner corps et substance à Age of Sigmar de façon régulière. Reynolds, Werner, Annandale & Guymer, Haley, Clark, et dans une moindre mesure Horth et Thorpe : voilà les auteurs qui font vivre les Royaumes Mortels à ce jour, et si vous avez aimé ce que vous avez lu, il y a une floppée d’autres nouvelles, audio dramas et romans qui vous attendent pour tous ces larrons. On pourra jaser sur le choix des courts formats intégrés à ce recueil, qui ne font pas tous honneur au standing habituel de certains des contributeurs établis de la BL (Reynolds et Werner, en particulier), mais c’est une réflexion de vieux de la vieille qui n’a rien à faire dans cette partie du compte rendu. De plus, je laisse chacun juger de ce qu’il aime et aime moins dans le style des auteurs susnommés, et réserve mon avis bien tranché sur le sujet aux critiques des nouvelles en question. Encore une fois, force est de reconnaître que Sacrosaint… fait plutôt bien le taf.

Quatrièment, effleurons du doigt un sujet qui me tient particulièrement à coeur, sans doute parce que mon basculement (à ce jour) irrémédiable dans le Zhobby peut lui être en grande partie imputé : l’initiation au fluff. Je dirai que le constat est plus mitigé sur ce volet. Certaines nouvelles transportent le lecteur dans toute la richesse et la singularité des Royaumes Mortels, et permettent d’appréhender de façon satisfaisante les cultures, mentalités, technologies et objectif des factions qu’elles illustrent. Enchères de Sang et Les Vieux Us donnent ainsi vie à une cité de Sigmar, ce qui donne davantage de relief au combat des Stormcast Eternals dont on nous rabat les oreilles à longueur de fluff. La même chose peut être dite de La Danse des Crânes, qui dépeint de façon convaincante les délicats et mortels jeux de pouvoir auxquels s’adonnent les suivants de Nagash, à des lieux des champs de bataille dégorgeant de squelettes et de spectres. La Route de Volturung est une plongée très réussie dans une Loge de Fyreslayers, qui m’aura presque convaincu de me lancer dans cette armée (et c’est assez rare pour être souligné). Les Sables du Chagrin, dans un autre registre, démontre qu’Age of Sigmar n’a rien à envier à son illustre aîné en termes de lieux surnaturels et dérangeants. Et puis il y a le reste, et en particulier « les-histoires-de-Stormcast », qui ne sont que de la baston pure et simple dans la grande majorité des cas. Le sujet, pourtant tellement intéressant, de la reforge des Sigmalabars n’est que trop rapidement évoqué, ce qui est d’autant plus dommage que les auteurs sollicités avaient largement les épaules pour faire quelque chose de sympa sur le sujet. Grosse déception aussi pour La Source Courroucée, qui malgré un casting étincelant ne s’avère être qu’une resucée de la dernière marche des Ents, sans le conseil de Fangorn pour apporter un peu de contexte à la chose auparavant. Bref, il y a de chances non nulles pour que notre newbie ne soit pas accroché par le background des Royaumes Mortels à la lecture de Sacrosaint… (en particulier à cause du positionnement de la novella éponyme et d’Un Hymne Funèbre de Poussière et d’Acier en 1ère et 2nde position dans l’anthologie, soient près de 130 pages de Stormcasteries insipides avant d’accéder à quelque chose d’un peu plus intéressant), ce qui est un échec notable pour un ouvrage de ce type.

Cinquièmement, et pour conclure, Sacrosaint… permettra au tout venant de découvrir ce qu’est la Black Library. S’il lit en VF, il pourra s’initier aux standards de traduction de la maison (que je connais mal en toute honnêteté, lisant tout en VO), qui sont loin de faire l’unanimité. Autre baptême en perspective, les choix pas toujours compréhensibles des dévoués éditeurs de Nottingham au moment de mettre sur pied un recueil. Nous avons ici un magnifique exemple avec l’enchaînement entre Le Prisonnier du Soleil Noir et Grand Rouge, situés certes dans le même arc narratif, mais sans qu’il ne soit précisé à un quelconque moment que six nouvelles ont pris place entre les évènements relatés dans ces deux courts formats. Vous avez l’impression que certaines choses vous échappent ? C’est tout à fait normal car c’est le cas. Un travail de pro. Le bizut pourra également découvrir qu’il ne faut pas toujours grand-chose à la BL pour commissionner une nouvelle ou une novella, le contenu d’une boîte d’initiation faisant parfois l’affaire. Enfin, il aura la joie de découvrir l’inégale qualité des contenus de cette auguste maison, capable d’aligner le bon, le moyen, le médiocre et l’execrable avec un aplomb parfois déroutant. Quoi qu’on en pense, force est de constater que l’on s’ennuie rarement en lisant la BL, si l’on accepte de prendre un peu de recul sur cette activité. Entre le Goncourt et le Prix Nobel de Littérature, il faut bien se détendre. D’une certaine façon, je trouve salutaire et honnête que Sacrosaint… ne soit pas au delà de tout reproche sur cet aspect, car l’impétrant pourra ainsi décider sur pièce si cette ligne éditoriale le satisfait ou pas. Un ouvrage « trop » qualitatif aurait été trompeur, et aurait pu déboucher sur un achat malheureux dans un second temps…

Avant de terminer cette (interminable) chronique, j’aimerais faire un apparté en reprenant mon positionnement classique de lecteur vétéran de la BL, afin de faire un retour complémentaire à celui détaillé ci-dessus. Disons que vous êtes bien familier du Hobby, de GW et de l’univers d’Age of Sigmar : que peut vous apporter ce Sacrosaint… ? De mon point de vue, il s’agit d’un recueil des plus classiques, rendu intéressant par son vil prix et sa traduction en français. J’ai eu un coup de coeur pour les deux nouvelles de Guy Haley, un auteur que je connaissais sans particulièrement l’estimer, et que je suivrai désormais avec un peu plus d’intérêt. Même chose pour Annandale, qui se rachète un peu à mes yeux avec sa Danse des Crânes. Je suis cependant franchement déçu que les six contributions de Werner et Reynolds soient majoritairement à oublier, ces deux loustics m’ayant habitué à bien mieux que ça. Enfin, et de manière générale, j’ai appris tout de même beaucoup de chose sur l’univers d’Age of Sigmar, ce qui était une vraie lacune de mon côté, n’ayant acheté aucun Battle Tome ou supplément de jeu à ce jour. En un mot : je ne regrette pas cet achat, mais il ne rejoindra pas mon panthéon personnel de recueil de nouvelles GWesques, et trouve encore que les ouvrages 40K et WFB sont au dessus en termes d’intérêt pur.

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Et voilà qui termine cette revue de Sacrosaint & Autres Récits. J’espère pouvoir riposter dans pas trop longtemps avec le pendant grimdark du présent ouvrage, Croisade & Autres Récits, que je devine être plein de Primaris (brrrrrr…). Qui des deux est le meilleur, les paris sont ouverts !